^/ # fk ^ w. •' v^ ■ -Y tvîsr ^^ #*^' f -V. ■^' •î i3i>r^- • 5-:« ..-■fr^ l-^ ^^•1 \-t ..;v^ ^ h a a CD a uu iCO •o I^gI l >^ ^^^ o > N ^ ^ ""^- K ni d ^. ■\ OEUVRES COMPLETES DE BUFFON. COMPLEMENT. TOME I. IMPRIMERIE DE JULES DIDOT l'aINK, IMPhlMKtlR DU noi, rue du Ponl-clc-Lotli, n" (i. u HISTOIRE DES PROGRÉS DES SCIENCES NATURELLES, DEPUIS 1789 jusqu'à CE JOUR, PAR M. LE BARON G. GUVIER, CONSEILLER d'ÉTAT , SECRÉTAIRE PERPETUEL DE l'aCADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, MEMBRE DE l'aCADÉMIE FRANÇOISE, PROFESSEUR AU JARDIN DU ROI, CtC. / A PARIS CHEZ BAUDOUIN FRÈRES, ÉDITEURS, RDE DE VAUGIRARD, N" I 7 ; ET CHEZ N. DELANGLE, ÉDITEUR, RUE DD BATTOIR, N° I9. M. DCCC XXVI. AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS. Cette première partie de VHistoire des progrès des Sciences naturelles , qui comprend la période de 1 789 à 1 808 , a été composée vers cette dernière époque. C'est un point qu'il est important de ne pas perdre de vue; car plusieurs des faits ou des principes , annoncés alors comme nouveaux ou incontestables , ont depuis éprouvé de notables changements. Aussi ce tableau ne présente-t-il que l'état de la science à l'époque où il a été composé. Dans une seconde partie, chacune des branches des sciences physiques sera reprise à l'époque et dans l'état ou elle a été laissée dans ce volume, pour faire connoître tous les faits nouveaux qui les ont enrichies et portées à l'état de perfection où nous les voyons aujourd'hui. HISTOIRE DES PROGRÈS DES SCIENCES NATURELLES. PREMIÈRE PÉRIODE. 1789 à 1808. Placées entre les sciences mathématiques et les sciences morales , les sciences naturelles commen- cent où les phénomènes ne sont plus susceptibles d être mesurés avec précision , ni les résultats d être calculés avec exactitude ; elles finissent lorsqu'il n y a plus à considérer que les opérations de l'esprit et leur influence sur la volonté. L'espace entre ces deux limites est aussi vaste que fertile, et appelle de toute part les travailleurs par les riches et faciles moissons qu'il promet. Dans les sciences mathématiques, même lors- quelles quittent leurs abstractions pour s'occuper des phénomènes réels , un seul fait bien constaté et mesuré avec précision sert de principe et de point de départ; tout le reste est l'ouvrage du cal- cul : mais les bornes du calcul sont aussi celles de KUFFON. COMPLEM. T. 1. 2 SCIENCES PHYSIQUES. la science. La théorie des affections morales et de leurs ressorts s'arrête plus promptement encore devant cette continuelle et incompréhensible mo- bilité du cœur, qui met sans cesse toute régie et toute prévoyance en défaut, et que le g;énie seul , comme par une inspiration divine, sait diriger et fixer. Les sciences naturelles , qui n'ont que le se- cond rang pour la certitude de leurs résultats, mé- ritent donc, sans contredit, le premier par leur étendue; et môme, si les sciences mathématiques ont l'avantage d'une certitude presque indépen- dante de l'observation, les sciences naturelles ont celui de pouvoir étendre à tout le genre de certi- tude dont elles sont susceptibles. Une fois sortis des phénomènes du choc, nous n'avons plus d'idée nette des rapports de cause et d'effet. Tout se réduit à recueillir des faits particu- liers , et à chercher des propositions générales qui en embrassent le plus grand nombre possible. C'est en cela que consistent toutes les théories physiques ; et, à quelque généralité qu'on ait conduit chacune d'elles , il s'en faut encore beaucoup qu'elles aient été ramenées aux lois du choc , qui seules pour- roient les changer en véritables explications. Il existe cependant quelques uns de ces principes ou de ces phénomènes élevés , déduits de l'expé- rience généralisée, qui , sans être eux-mêmes encore INTRODUCTION. 3 expliqués rationnellement , semblent donner une explication assez générale et assez plausible des phénomènes inférieurs pour contenter Tesprit , tant qu'il ne cherche pas une précision rigoureuse dans les relations qu'il saisit. Telles sont sur -tout l'attraction et la chaleur combinées avec les figures primitives que l'on peut admettre dans les molé- cules des corps , et que Ion peut y considérer comme constantes et uniques pour chaque substance. L'attraction générale, si bien établie entre les grands corps de l'univers par les phénomènes as- tronomiques, paroit, en effet, régner aussi entre les particules rapprochées de matière qui compo- sent les différentes substances terrestres ; mais, aux distances énormes où les astres sont les uns des au- tres, chacun d'eux peut être considéré comme si toute sa matière étoit concentrée en un point, tan- dis que, dans l'état de rapprochement des molé- cules des corps terrestres , leur figure influe sur leur manière d'agir, et modifie puissamment le ré- sultat total de leur attraction. De là les particulari- tés de l'attraction moléculaire , et la possibilité d'at- tribuer d'une manière générale à son action , limitée par celle de la chaleur et par quelques autres causes analogues, les phénomènes de la cohésion et ceux des affinités chimiques. Ces derniers expliquent à leur tour la formation des minéraux et toutes W 4 SCIENCES PHYSIQUES. altérations de l'atmosphère, les mouvements des eaux et leur composition. Les corps vivants eux- mêmes laissent apercevoir clairement, dans une multitude de leurs phénomènes , l'influence de l'af- finité qu'ont entre eux , et avec les substances exté- rieures, les éléments qui les composent; et beau- coup de ces phénomènes n'écha])pent peut-être encore aux explications déduites de l'affinité que parcequ'il nous échappe aussi plusieurs des sub- stances qui prennent part aux mouvements multi- pliés delà vie. Toujours voit-on que , dans ces cas compliqués, les principes dont nous parlons sont plus propres à reposer l'imagination qu'à donner une raison précise des phénomènes, et que même, dans les cas plus simples où nul ne peut méconnoître leur influence , on est bien éloigné encore d'en avoir ré- duit l'appréciation à la rigueur des lois mathéma- tiques. Nous sommes dans lignorance la plus absolue de la figure des molécules élémentaires des corps ; et quand nous la connoîtrions, il seroit impossible à l'analyse d'en calculer les effets dans les attractions à petites distances qui déterminent les affinités di- verses de ces molécules. Par conséquent les seuls principes généraux qui paroissent dominer dans les sciences physiques INTRODUCTION. 5 sont aussi ce qui les rend rebelles au calcul , et ce qui les réduira long-temps à l'observation des faits et à leur classement. En d'autres mots , nos sciences naturelles ne sont que des faits rapprochés, nos théories que des formules qui en embrassent un grand nombre; et, par une suite nécessaire, le moindre fait bien observé doit être accueilU, s'il est nouveau, puisqu'il peut modifier nos théories les mieux accréditées , puisque l'observation la plus simple peut renverser le système le plus ingénieux , et ouvrir les yeux sur une immense série de dé- couvertes dont nous séparoit le voile des formules reçues. C'est là ce qui donne aux sciences naturelles leur caractère particulier, et ce qui, ôtant du champ qu'elles parcourent tout obstacle et toute limite, y promet des succès certains à tout observateur rai- sonnable qui , ne s'élevant point à des suppositions téméraires , se borne aux seules routes ouvertes à l'esprit humain dans son état actuel ; mais c'est aussi là ce qui multiplie, comme nous l'avons dit, au- delà de toute mesure, les travaux particuliers qui méritent d'entrer dans cette histoire. Le genre de certitude qui résulte de l'observation bien faite s'applique , en effet , à tout ce qui est ob- servable ; et comme les tables astronomiques , rédi- gées seulement d'après les remarques long- temps 6 SCIENCES PHYSIQUES. continuées des astronomes , constitueroient déjà une science très importante, quand même New- ton n'auroit pas créé l'astronomie physique, nous avons aussi, sur tous les objets naturels, depuis la simple agrégation des molécules d'un sel, jusqu'aux mouvements les plus compliqués des animaux , jus- qu'à leurs sensations les plus délicates, des espèces de tables moins précises à la vérité, et dont sur-tout les principes rationnels sont encore loin d'être dé- couverts, mais dont la partie empirique, ou pure- ment expérimentale, ne s'en perfectionne et ne s'en étend pas moins chaque jour. Au reste, si nous continuons à rapporter ainsi toutes nos sciences physiques à l'expérience géné- ralisée , ce n'est pas que nous ignorions les nou- veaux essais de quelques métaphysiciens étrangers pour lier les phénomènes naturels aux principes ra- tionnels, pour les démontrer à priori, ou, comme ces métaphysiciens s'expriment, pour les soustraire à la conditionnalité. Il n'entre pas dans notre plan de nous occuper de cette partie générale et purement métaphy- sique; nous n'avons à parler ici que des applica- tions particulières que Ton en a faites aux divers ordres de phénomènes, depuis le galvanisme et l'affinité chimique jusqu'à la production des êtres oiganisés et aux lois qui les régissent : nous ne pou- INTRODUCTION. -y vons lions empêcher de déclarer que nous n'y avons vu qu'un jeu trompeur de Fesprit, où Ton ne sem- ble faire quelques pas qu'à l'aide d'expressions figu- rées prises tantôt dai\s un sens et tantôt dans un autre, et où l'incertitude de la route se décèle bien vite, quand ceux qui s'y donnent pour guides ne connoissent pas d'avance le but où ils prétendent qu'elle conduit. En effet la plupart de ceux qui se sont livrés à ces recherches spéculatives, ignorant les faits positifs, et ne sachant pas bien ce qu'il fal- loit démontrer, sont arrivés à des résultats si éloi- gnés du vrai qu'ils suffiroient pour faire soupçon- ner leur méthode de démonstration d'être bien fautive. Nous n'ignorons pas non plus que la plupart de ces métaphysiciens , faisant abstraction de toute idée de matière, se bornent à considérer les forces qui agissent dans les phénomènes , et que les corps eux-mêmes ne sont à leurs yeux que les produits de ces forces : mais ce n'est au fond qu'une diffé- rence d'expression qui n'apporte aucun change- ment dans les théories spéciales ; et ceux même qui croient ces subtilités métaphysiques utiles pour ac- coutumer à l'abstraction l'esprit des jeunes gens, et pour l'exercer à tous les artifices de la dialectique , conviennent qu'elles n'ont point d'influence dans l'histoire et l'explication des phénomènes positifs, 8 SCIENCES PHYSIQUES. et que l'emploi du lang^age ordinaire y est sans in- convénient. Laissant donc de côté les vains efforts que Ton a faits, dans tous les siècles, pour procurer aux ob- jets qui nous entourent et aux apparences qu'ils manifestent un autre genre de certitude que celui qui peut résulter de l'expérience, et nous en tenant à celle-ci, autant qu'elle est gouvernée par les lois d'une saine logique , qui seules lui sont supérieures, nous allons parcourir son vaste domaine dans l'or- dre de simplicité et de généralité des faits qu elle nous présente. Prenant pour guide celui de tous les phénomènes que nous avons dit être le plus général et exercer sur les autres l'influence la plus universelle, nous considérerons d'abord l'attraction moléculaire dans ses effets les plus simples, dans les lois auxquelles elle est soumise, et dans les modifications qu'elle éprouve de la part des autres principes généraux. La théorie des cristaux et celle des affinités com- menceront donc cette histoire, et avec d'autant plus d'avantage que ce sont deux sciences entièrement nouvelles , et nées dans la période dont nous avons à rendre compte. Passant ensuite aux combinaisons et décompo- sitions que les affinités produisent entre les diverses substances simples, soit dans nos laboratoires, soit INTRODUCTION. 9 au-dehors, nous tracerons l'histoire de la chimie, dont la météorologie, l'hydrologie, et la minéralo- gie sont en quelque sorte des dépendances. Mais il faudra bientôt après considérer le jeu des affinités dans ces corps d'une forme plus ou moins compliquée , dont l'origine n'est point con- nue, et dont la composition est loin encore de l'être ; dans les corps organisés, en un mot, où l'action simultanée de tant de substances entretient, au milieu d'un mouvement continuel, une constance d'état, objet éternel de notre étonnement, et borne peut-être à jamais insurmontable pour toutes les forces de notre esprit. L'anatomie, la physiologie, la botanique, et la zoologie s'occupent de ces êtres merveilleux , et forment des sciences tellement unies par des rap- ports nombreux que leurs histoires seront presque inséparables. Les circonstances les plus favorables au dévelop- pement, à la propagation, et à la vie des espèces utiles, et les altérations de l'ordre de leurs fonc- tions , c'est-à-dire les maladies , qui elles-mêmes sont soumises à un certain ordre dont on peut sai- sir les lois, forment, à cause de leur importance pour la société, l'objet de deux sciences particu- lières, bases de l'agriculture et de l'art de guérir. C'est par leur histoire et par celle des arts qui en lO SCIENCES PHYSIQUES. dépendent que nous terminerons cet exposé des progrès des sciences naturelles.^ ajoutant seule- ment en quelques mots l'indication des principaux avantages qu'ont retirés de ces progrès les arts plus matériels. La plupart des gouvernements se croient le droit de ne voir et de n'encourager dans les sciences que leur emploi journalier aux besoins de la société ; et sans doute le vaste tableau que nous avons à tracer pourroit ne leur paroître, comme au vulgaire, qu'une suite de spéculations plus curieuses qu'u- tiles. Mais les bommes instruits, que n'aveuglent pas de vains préjugés, savent parfaitement que toutes ces opérations de pratique, sources des commodités de la vie, ne sont que des applications bien faciles des théories générales, et qu'il ne se découvre dans les sciences aucune proposition qui ne puisse être le fferme de mille inventions usuelles. CT On peut dire aussi que nulle vérité physique n'est indifférente aux agréments de la société, comme nulle vérité morale ne l'est à l'ordre qui doit la régir. Les premières ne sont pas même étran- gères aux bases sur lesquelles reposent Fétat des peuples et les rapports politiques des nations: l'a- narchie féodale subsisteroit peut-être encore, si la poudre à canon n'eût changé l'art de la guerre ; les IINTRODUCTION. I I deux mondes seroient encore séparés sans Tait^uille aimantée; et nul ne peut prévoir ce que devien- droient leurs rapports actuels, si l'on parvenoit à suppléer aux denrées coloniales par des plantes in- digènes. Mais , sans nous jeter dans ces hautes conjec- tures, en parcourant un moment les procédés des arts, nous verrons aisément qu'il n'en est aucun qui n'ait ressenti jusque dans ses moindres détails l'influence Jjienfaisante des découvertes scientifi- ques qui ont illustré notre période. Puissions-nous donc peindre dignement ce grand ensemble d'efforts et de succès ! puissions-nous pré- senter dans leur véritable jour à l'autorité suprême ces hommes respectables sans cesse occupés d'é- clairer leurs semblables et d'élever l'espèce humaine à ces vérités générales qui forment son noble apa- nage, et d'où découlent tant d'applications utiles! Cet espoir seul nous soutiendra dans la longue et pénible carrière où nous nous trouvons engagé. PREMIÈRE PARTIE. CHIMIE GÉNÉRALE. Théorie de la Cristallisation. De tous les phénomènes que rattraction molé- culaire produit, le plus immédiat, le plus sensible, et celui qui se rapproche le plus, à quelques égards, de cette simplicité qu'exigent les applications des mathématiques, c'est la cristallisation des substances homogènes, ou Tunion de leurs molécules selon cer- taines lois, pour constituer ces corps d'une figure polyèdre déterminée, que Ton nomme des cristaux. La partie de ce phénomène qui tient aux divers arrangements que ces molécules prennent entre elles est devenue, dans les mains de l'un de nos con- frères, M. Haiiy, l'objet d'une science tout entière. Depuis long-temps on savoit que plusieurs sels, plusieurs pierres, affectent, jusqu'à un certain point, des formes constantes dans chaque espèce. On avoit même observé qu'un cube de sel marin, par exemple, se compose de la réunion d'une infi- nité de cubes plus petits. Néanmoins un premier embarras naissoit de ce CHIMIE GÉNÉRALE. l3 que d'autres sels, d autres pierres, se présentent aussi sous des formes infiniment variées, et qui ne paroissoient pas faciles à ramener à une origine unique. Un minéralogiste françois, Rome de Tlsle % fit en I "7^2 un premier pas, mais bien foible encore, vers la vérité. Ayant rassemblé et décrit un grand nombre de cristaux différents de cliaque substance, il recon- nut dans presque tous une forme générale propre à chaque espèce, et dont il est aisé de déduire toutes les autres formes, en supposant que ses an- gles ou ses arêtes sont tronquées plus ou moins profondément. Mais les cristaux, comme tous les minéraux, croissent parceque de nouvelles couches les enve- loppent: on ne peut donc supposer que la nature, après leur avoir donné leur forme primitive, leur enlève ensuite leurs parties saillantes , pour les tailler en quelque sorte en cristaux secondaires. I^e célèbre chimiste suédois Bergman , de son côté, avoit fait un pas de plus, et l'avoit dû au ha- sard \ Un de ses élèves, M. Gahn, s'aperçut qu'un cristal secondaire, le spath à double pyramide par ' Essai de Cristallographie, etc.; i" édit. , Paris, 1772, i vol. m-8'' ; 2* édit., 1783, 4 vol. ^ De la forme des cristaux ; Mém. d'Upsal, 1773. l4 SCIENCES PHYSIQUES. exemple, se laisse aisément casser en lames régu- lièrement posées les unes sur les autres, et que, si Ton enlève successivement les lames extérieures, on finit par arriver à un noyau central, qui est préci- sément la forme générale et primitive conimune à tous les spaths calcaires. Cette remarque étoit applicable à tous les cris- taux : la pratique , nommée clivage par les joailliers , montroit qu en effet tous les cristaux pierreux sont composés de lames, et une expérience aisée en ap- prenoit autant pour les sels. Mais Bergman se trompa dès qu'il voulut éten- dre la découverte de Gahn. Au lieu d'observer im- médiatement la disposition des lames dans les cristaux des autres espèces, il voulut l'imaginer, et n'arriva à rien de précis. M. Haûy est donc le seul véritable auteur de la science mathématique des cristaux. Le hasard lui fit faire un jour la même remarque qu'à Gahn, sans qu'il eût été informé de celle du Suédois, et il sut en tirer un tout autre parti '. Un cristal secon- daire, dit-il , ne diffère donc de son noyau que par- ceque les lames qui enveloppent celui-ci diminuent de largeur, selon certaines proportions régulières; et les divers cristaux d'une même espèce, formés ' Essai d'une théorie de la structure des cristaux; Paris, 1784, 1 vol. in-8". CHIMIE GÉNÉRALE. l5 tous sur un noyau semblable, diffèrent les uns des autres, parceque le décroissement des lames s'est fait dans chacun d eux selon des proportions et des directions différentes. Mais chaque lame, supposée la plus mince pos- sible, peut être considérée comme une couche des molécules de la substance placée côte à côte et for- mant des compartiments réguliers. Chaque lame nouvelle sera donc moindre que la précédente, si elle a une ou plusieurs ranjjées de molécules de moins, soit sur ses bords, soit sur ses angles ; et en supposant que toutes les lames suc- cessives diminuent suivant la même loi, il doit ré- sulter des espèces d'escaliers représentant pour l'œil des surfaces nouvelles qui modifient la forme primitive, et qui sont précisément ce que Rome de risle appeloit des troncatures. Mais, toute lumineuse que cette théorie parois- soit, M. Hatiy ne s'est point contenté de ces généra- lités: suivant l'exemple de tous ceux qui ont vérita- blement servi les sciences, il a confirmé sa théorie en montrant qu'elle explique réellement d'une ma- nière rigoureuse les phénomènes connus, et quelle prévoit avec précision les phénomènes possibles. Pour cet effet il a déterminé , par l'analyse ou cassure mécanique, et par une mesure exacte des angles, les formes des noyaux et des molécules élé- r6 SCIENCES PHYSIQUES. jiientaires de tous les cristaux connus ; puis , au moyen d'un calcul trigonométrique, il a montré qu'en admettant un nombre assez borné de lois de décroissement, et en les combinant ensemble de diverses manières, on peut en faire dériver un nombre déterminé , mais très considérable , de formes secondaires possibles. Examinant enfin les formes secondaires découvertes jusqu'à présent dans la nature, il a fait voir qu'elles rentrent toutes dans celles que les éléments précédents démontrent possibles pour cbaque espèce. C'est ainsi que M. Hatiy ^ a créé lensemble et les détails d'une science nouvelle, qui appartient presque tout entière à l'époque dont nous devons tracer l'histoire, et qui est d'autant plus satisfai- sante , d'autant plus honorable pour l'esprit hu- main, qu'elle n'a rien d'hypothétique ni de vague, et que tout y est déterminé par une heureuse réu- nion du calcul et de l'observation immédiate. Deux cas seulement offrent quelque chose d'arbi- traire. Le premier est celui des cristaux à noyau prismatique : la division mécanique n'y donne point par elle-même la proportion de la hauteur du prisme à la largeur de sa base; mais on admet alors celle qui satisfait aux formes secondaires con- ' Traite de Minéralogie, par M. Haiiy; Paris, i8oi, 4 "vol. in-8" et atlas in-'4°- CHIMIE GÉNÉRALE. 17 nues, au moyen des lois de décroisseraent les plus simples. Le second est celui où les joints naturels des lames se multiplient assez pour intercepter des espaces de diverses figures : probablement alors les uns sont seuls occupés par des molécules solides; les autres sont des vides ou des pores : mais on ne sait auxquels attribuer cette qualité. Au reste c'est une cbose indifférente, pourvu qu'il y ait toujours un noyau constant. Quant à la cause qui détermine dans chaque variété telle loi de décroissement plutôt que telle autre, elle est encore couverte d'un voile épais. Feu Leblanc étoit bien parvenu à faire cristalli- ser à volonté l'alun sous la forme primitive d'oc- taèdre, ou sous la forme secondaire de cube, en saturant plus ou moins '. Mais il ne paroît point que les formes secondaires des autres sels dépendent ainsi des proportions de leurs composants, et les innombrables variétés de spath calcaire n'ont donné aucune différence sen- sible à l'analyse qu'en a faite M. Vauquelin. Indépendamment de cet intérêt général que la science des cristaux offre à l'esprit en sa qualité de doctrine précise et démontrée, son utilité directe ' Essai sur quelques phénomènes relatifs à la cristallisation des i,e\s;'Journ. de Phjs., t. XXVIII, p. 34i- BUFFON. COrvîPLÉM. T. I. 2 l8 SCIENCES PHYSIQUES. pour la connoissaiice des minéraux est très grande : elie leur fournit des caractères faciles à saisir ; elle a souvent aidé à en distinguer que Ton confondoit, et plusieurs fois elle a précédé à cet égard l'analyse chimique. Nous verrons, à Farticle de la minéra- logie , l'heureux emploi qu'en a fait M. Haûy pour éclairer cette science importante. On a élevé dans ces derniers temps la question si une même substance doit avoir constamment la même molécule primitive et le même noyau ; et l'on a cité l'exemple de l'arragonite, qui cristallise tout différemment du spath calcaire, quoique la chimie trouve les mêmes principes dans l'un et dans l'autre, malgré tous les soins que M. Vauque- lin et plus récemment encore MM. Biot etThenard ont donnés à leur comparaison analytique et à celle de leur force réfractive. Mais peut-être cette difficulté se résoudra-t-elle ou par la découverte de quelque nouveau principe chimique, ou parceque l'on s'apercevra que des circonstances passagères ont influé sur la cristalli- sation , comme il y en a qui influent sur les combi- naisons, ainsi que nous le dirons bientôt d'après M. BerthoUet, ou parcequ'enfin le parallélipipéde rhomboïde, regardé jusqu'à présent comme la mo- lécule primitive du spath, doit lui-même être sub- divisé en molécules d'une autre forme. On conçoit CHIMIE GÉNÉRALE. I9 en effet que, lorsqu'on trouve de nouveaux joints dans un cristal , on est obligé d'en conclure une autre forme pour ses molécules, et qu'alors celles-ci peuvent constituer des noyaux ou formes primitives qu'on n'avoit pas calculées d'abord. Ce sont là, comme on voit, des difficultés qui tiennent à l'imperfection momentanée de l'obser- vation , et qui n'affectent en rien les principes fon- damentaux de la science. Théorie des affinités. Les combinaisons des substances diverses et leurs séparations, ou ce que l'on nomme le jeu des affinités, sont un autre effet de l'attraction molé- culaire beaucoup plus varié et jusqu'à présent beaucoup plus obscur que la cristallisation, quoi- qu'on fait étudié beaucoup plus tôt. On s'en faisoit il y a très peu d'années encore des idées extrêmement simples. Deux substances différentes, dissoutes et mélangées, s'unissent en un composé binaire, mais homogène, qui mani- feste des qualités différentes de celles des substances composantes : voilà ce que l'on nommoit affinité. Une troisième substance mise dans cette dissolution s'empare de l'une des deux premières , et laisse pré- cipiter l'autre : c'est, disoit-on , qu'elle a avec la pre- 20 SCIENCES PHYSIQUES. mière plus d'affinité que n'en avoit la seconde. Essayant ainsi toutes les substances par rapport à une seule, on les avoit rangées d'après leur plus ou moins d'affinité pour celle-ci : c'étoit la table des affinités. Chaque substance choisiroit dans un grand nombre celle pour qui elle auroit le plus d'affinité, et l'attireroit de préférence : de là le nom d'affinités électives. On ne peut détruire une combi- naison binaire que par une substance qui ait avec l'un de ses deux éléments une affinité plus forte qu'ils n'en ont ensemble ; mais , si cette affinité pour le premier est trop foible, on peut l'aider en don- nant à la substance décomposante, pour auxiliaire, une quatrième substance qui agisse sur la seconde du premier composé. Alors les deux composés bi- naires , tirés en quelque sorte chacun en deux sens , se décomposent à-la-fois pour en reformer deux nouveaux, ou, en d'autres termes, ils font un échange de leurs bases; ce qui se reconnoît quand l'un de ces deux composés nouveaux se précipite ou se dégage en vapeur: voilà ce qu'on appeloit affi- nités doubles. Il pouvoit y en avoir de triples, etc. Ces idées, ainsi vaguement énoncées, n'avoient pu échapper long- temps aux anciens chimistes, puisqu'elles résultent plus ou moins immédiatement de tous les phénomènes de la chimie, et qu'elles en donnent à-peu-près la solution générale. CHIMIE GÉNÉRALE. 21 Le François Geoffroy ^ imagina le premier de réduire les affinités en tables; et celte heureuse idée, éclaircie et développée par Senac et par Mac- quer, devint le principe fondamental de tous les travaux des chimistes. Bergman sur-tout, par des recherches assidues que guidoit un génie élevé, avoit fait des affinités un corps de doctrine extrêmement séduisant, et qui sembloit démêler et représenter clairement la marche des phénomènes les plus compliqués. Cependant on négligeoit une foule de considé- rations importantes ; on admettoit au moins taci- tement plusieurs suppositions évidemment erro- nées, et Ton confondoit sous un même nom plu- sieurs effets très différents. Ainsi , quoique Ion connût l'influence de la chaleur et de quelques autres circonstances extérieures pour altérer l'ordre des affinités, on n'en avoit point fait d'application générale ni à cet ordre même ni à la proportion des éléments de chaque combinaison ; Ton regardoit à-peu-près celles-ci comme constantes; dans les décompositions par affinité simple on supposoit que la substance intervenante s'empare entière- ment de l'élément qu'elle attire, pour laisser l'autre entièrement libre; enfin, dans les décompositions par affinités doubles, on croyoit pouvoir toujours ' Mémoires Je l'Académie des Sciences pour 1718. 22 SCIENCES PHYSIQUES. déterminer la formation des deux nouveaux com- posés et leur séparation par un calcul rigoureuse- ment appréciable des affinités prises deux à deux. C'est contre cette doctrine trop absolue que s'est élevé M. Bertbollet dans plusieurs mémoires et dans son f^rand ouvrage de la Statique cliimique, où il a en quelque sorte imposé des lois toutes nouvelles aux affinités en leur créant une véritable théorie'. Il a commencé par faire voir que les précipita- tions ne fournissent que des indices très équivoques de la supériorité d'affinité, et ne tiennent, dans le cas des affinités simples comme dans celui des affinités doubles, qu'à la moindre dissolubilité de l'une des combinaisons définitives. Cette remarque a conduit M. Bertbollet à examiner la force par la- quelle les molécules des solides tiennent ensemble et résistent à leur dissolution. C'est ïajfinité de co- hésion qui unit les molécules de même nature et qui opère la cristallisation : loin d'être identique avec \ affinité de combinaison ^ qui tend à former un composé homogène des molécules de nature diffé- rente, elle s'oppose à son action et la contre-balance; elle paroîtagirau contact des molécules seulement et dépendre de leurs surfices et de leur figure, tan- dis que l'affinité de combinaison, s'exerçant à quel- ' Essai lie .Siatiquc rliiniiqne, par C 1j Bertholîet ; Paris, j8o3, 2 vol. in-8". CHIMIE GÉNÉRALE. 23 que distance, laisse moins d'influence à ces modifi- cations pour en donner davantage à la masse. G est ainsi, selon Tingénieuse comparaison de M. de Laplace, que dans les phénomènes astronomiques les corps très éloignés n'agissent les uns sur les autres que par leur masse, que l'on peut considérer comme réduite en un point, tandis qu'il faut avoir égard à la figure dans les attractions des corps plus rapprochés. Passant ensuite à l'examen de l'affinité de com- binaison elle-même, qui ne s'exerce, comme on sait, qu'entre des substances dissoutes ou au moins broyées ensemble, M. Berthollet a vu dans cette propriété d'agir à distance la source d'une foule de variations dans sa force. Ainsi la quantité relative d'une substance qui ne change point la cohésion influe sur les affinités. Les molécules semblent s'aider mutuellement; et telle matière qui n'agiroit point sur une autre, si elle ne lui étoit présentée que dans une certaine quantité, exerce de l'action quand elle devient plus abondante. La quantité influe sur le pouvoir de décomposer comme sur celui de dissoudre. Tout ce qui peut écarter ou rapprocher les mo- lécules peut changer les affinités de combinaison : de là l'influence de la chaleur, de la pression, du choc , de la tendance à l'élasticité ou à l'efflores- 24 SCIENCES PHYSIQUES. cence, pour opérer des unions ou des séparations. Il faudroit donc autant de tables d'affinité diffé- rentes qu'il pourroit y avoir de changements dans ces diverses circonstances; et il n'y a peut-être pas de variation imaginable dans les affinités que l'on ne parvînt à effectuer, si l'on étoit le maître de faire varier à son gré ces circonstances accessoires. Cha- que substance pourroit devenir susceptible de se combiner à toute autre dans une multitude de pro- ' portions différentes. M. Berthollet, par exemple, a réussi à saturer complètement les alcalis d'acide carbonique en s'aidant de la pression. Il n'y a non plus presque jamais de séparation absolue dans les décompositions quand elles ré- sultent du contact d'une troisième substance; mais il s'y fait ordinairement un partage de l'une des trois avec les deux autres, selon la force des affi- nités que donnent respectivement à celles-ci tant leur propre nature que l'ensemble des circonstances étrangères que nous venons d'énoncer. Ainsi les précipités sont des combinaisons variables qui exigent une analyse particulière: aussi verrons- nous que la plupart des analyses ont besoin d'être revues. Pour remplacer à quelques égards cet ancien ordre des affinités, M. Berthollet considère les rap- ports des substances entre elles sous un point de CHIMIE GÉNÉRALE. 25 vue nouveau qu'il nomme capacité de saUiratlon : il entend par ces mots la quantité qu'il faut de l'une à l'autre pour être complètement saturée, c'est-à- dire pour que ses propriétés soient entièrement masquées dans la combinaison. lia reconnu avec MM. Richter ' et Guyton'' que c'est une force con- stante, et que s'il faut, par exemple, à une base deux fois plus d'un certain acide qu'à une autre pour être saturée , il lui faudra aussi pour cela deux fois plus de tout autre acide, et réciproque- ment. Ainsi, selon M. Berthollet, il n'y a point d'affi- nité élective absolue ; l'affinité n'est qu'une ten- dance [générale d'un corps à s'unir à d'autres, dont la force, par rapport à chacun de ceux-ci, se me- sure par la quantité qu'il peut en saisir, et augmente avec sa propre quantité : cette force continueroit d'agir, lorsqu'on mêle trois ou plusieurs corps, si elle n'étoit contre-balancée par des forces opposées , comme l'indissolubilité de l'une des combinaisons résultantes, ou sa plus grande tendance à cristalli- ser ou à se vaporiser, ou enfin à effleurir; ce sont ces dernières causes qui produisent les séparations ou décompositions, et celles-ci ne sont point des ' Stéchiométrie de Richter, sect. i, p. 12^. ^ Mémoire sur les Tables de composition des sels, etc.; Mémoires de l'Institut, sciences mathématiques et physiques, t. II, p. 326. 26 ' SCIENCES PHYSIQUES. effets inimëcliats de iaffinité: enfin la chaleur et la pression sont à leur tour deux causes opposées entre elles, qui font varier dans différents sens Iaffinité elle-même , aussi bien que les tendances qui lui sont contraires, et qui influent par ce moyen sur les résultats définitifs. On ju(}e aisément que M. Berthollet n'a pu s'é- lever à des idées si générales et si neuves sans por- ter son attention sur une foule de phénomènes chimiques, et sans y faire une multitude de décou- vertes de détail. Nous en verrons une partie dans la suite de ce rapport. Indépendamment de leur vérité intrinsèque ces vues ont l'avantage d'expliquer beaucoup de phé- nomènes qui échappoient à la théorie reçue; elles ont sur-tout celui de rattacher plus étroitement la chimie au grand système des sciences physiques, tandis que la simple considération de l'affinité et l'exclusion donnée tacitement aux forces ordinaires de la nature sembloient laisser cette science dans l'état d'isolement où ses créateurs lavoient mise. Le chimiste, obligé désormais d'avoir égard à tant de circonstances accessoires et d'en mesurer la force pour en calculer les effets, ne pourra plus se dispenser detre physicien et géomètre. C'est une garantie de plus de la certitude des découvertes futures. CHIMIE GÉNÉRALE. -27 agents cliimiques impondérables. Parmi ces circonstances, dont les diverses inten- sités font varier les affinités chimiques, il en est qui paroissent tenir à des principes d'une nature tellement particulière que l'on n'a point encore décidé généralement s'ils sont vraiment matériels et s'ils ne consistent pas dans un mouvement intestin des corps. Toujours est-il sûr que nous n'avons au- cun moyen de les peser et d'en apprécier la masse ; nous ne pouvons pas même les contenir, les diri- (jer ou les transporter entièrement à notre gré : mais chacun d'eux est assujetti dans ses mouve- ments à des lois invariables, auxquelles il faut que nous nous soumettions nous-mêmes quand nous voulons en faire usage. Peut-être le nombre de ces agents chimiques im- pondérables est-il plus grand qu'on ne croit; peut- être même est-ce de ceux qui nous sont encore cachés que dépendra un jour l'exphcation d'une multitude de phénomènes de la nature, sur-tout de la nature vivante, aujourd'hui incompréhen- sibles pour nous: mais jusqu'à présent on n'est parvenu à en distinguer que trois; la lumière et la chaleur, qui sont connues de toute antiquité, et l'électricité, qu'on n'a bien caractérisée que dans le dix-huitième siècle. 28 SCIENCES PHYSIQUES. Le principe de l'aimant ressemble à beaucoup d'ég;ards aux trois autres; mais on ne lui a encore reconnu aucune action cbimique distincte. Que la lumière soit un simple mouvement de lether, ou un corps particulier, ou l'un des élé- ments de la matière de la cbaleur, ou enfin un certain état de cette matière, car toutes ces opi- nions ont été avancées, les lois de sa transmission sont depuis lon^r-temps déterminées par les mathé- maticiens, et il ne reste de découvertes à faire que dans leur application aux arts. Mais son action chimique est beaucoup moins connue, quoique l'on sache positivement qu'elle en exerce une assez forte non seulement sur les corps vivants, comme nous le dirons ailleurs, mais encore sur les substances mortes, et en particulier sur les couleurs et sur quelques acides ou oxydes métalliques qu'elle aide à dépouiller de leur oxy- gène. Elle dégage même l'acide muriatique du mu- riate d'argent. La nature du lien qui unit la lumière et la cha- leur dans les rayons solaires a été l'objet de grandes disputes et de longues recherches. M. Herschel a remarqué que les différents rayons ne donnent ni la même clarté ni la même chaleur, et que ces deux actions ne suivent pas le même ordre. Ceux du milieu du spectre éclairent davan- CHIMIE GÉNÉRALE. 29 tage; mais leur force échauffante va en augmentant du violet au rouge. Ce célèbre astronome assure même qu'il se produit encore une chaleur plus forte au-delà du rouge et en-dehors des limites du spectre. D'un autre côté MM. Piitter , Bœckmann , et Wollaston vont jusqu'à avancer qu'il y a encore une troisième sorte de rayons auxquels appartient la propriété de désoxygéner, et qu'ils suivent un ordre inverse, augmentant de force du côté du violet et s'étendant au-delà et hors du spectre comme les rayons échauffants du côté opposé. Mais ces expériences sont encore contestées par d'ha- biles physiciens. Enfin il est plusieurs hommes de mérite qui pensent que les rayons solaires ne produisent de la chaleur que par quelque influence chimique qu'ils exercent en traversant l'atmosphère, et qui croient avoir besoin de cette hypothèse pour expliquer le grand froid des hautes montagnes. Quant à la chaleur en elle-même , on conçoit qu'elle a dû être étudiée de bonne heure, puisque son pouvoir de changer les affinités des substances entre elles, ainsi que celui de dilater tous les corps et d'en écarter les molécules, sont les moyens les plus actifs de la nature pour entretenir à la surface de notre globe le mouvement et la vie. 3o SCIENCES PHYSIQUES. ïi est vrai que tous les travaux dont elle a été l'objet n'ont pas encore établi , d'une manière plus démonstrative que pour la lumière, sa qualité d'être matérielle ; mais ils n'en ont pas moins fait connoître dans ces derniers temps, relativement à ses diverses sources, aux lois de sa propagation, aux différentes modifications qu elle fait subir aux corps, et à celles qu'elle subit elle-même, une foule de faits de première importance qui constituent une science pour ainsi dire entièrement nouvelle, et dont les physiciens de la première moitié du dix- buitième siècle se faisoient à peine une idée. Nous venons de parler de sa source principale, les rayons du soleil; nous traiterons ailleurs de la combustion et des diverses décompositions chimi- ques qui en produisent aussi une grande quantité. Il ne nous reste donc à rappeler ici que sa naissance par le frottement. M. le comte de Rumford a montré que c'en est une source pour ainsi dire intarissable; et ses expé- riences à cet égard sont au nombre des plus fortes preuves que l'on puisse alléguer en faveur de l'opi- nion qui ne fait de la chaleur qu'un mouvement vibratile des molécules des corps '. La propriété la plus apparente de la chaleur une ' Essais politiques, économiques, et philosophiques ; Genève, 1 799, 2 vol. in-8". CHIMIE GÉNÉRALE. 3l lois manifestée consiste à se distribuer entre les corps jusqu'à ce qu'ils exercent tous une action éj^ale sur le thermomètre : c'est ce qu'on appelle propagation de la c/ialeur libre. Prise ainsi en géné- ral , elle est connue de tous les temps ; mais , en exa- minant de près sa direction et son plus ou moins de facilité de transmission , l'on a découvert des lois de détail extrêmement intéressantes. Mariotte avoit indiqué depuis îon[j-temps la dis- tinction de la chaleur rayonnante, qui se transmet en li.o^ne droite au travers de l'air ou du vide, et de la chaleur engagée, qui pénètre plus irrégulière- ment et plus lentement dans la substance des corps, à-peu-près comme l'eau pénètre dans une matière spongieuse. Il avoit fait voir que la chaleur rayon- nante, même obscure, se réfléchit comme la lu- mière, en frappant les corps polis, mais qu'elle ne traverse pas le verre. Scheele a développé plus nouvellement le même ordre de faits ' ; il a remarqué que si l'on noircit les surfaces qui repoussoient la chaleur, ou qu'on les rende sombres ou rudes, elles la reçoivent promp- tement et la changent en chaleur engagée. Les expériences de ces deux physiciens ont été confirmées par celles de M. Pictet '. ' Traité chimique de l'air et tlu feu, traduct. franc., i vol. in-i2. * Essai de Physique, par M. A. Pictet ; Genève, 1790, i vol. in-8". 32 SCIENCES PHYSIQUES. M. le comte de Rumforcî ' en a fait récemment qui prouvent que ces qualités de surface qui aident les corps à prendre de la chaleur les aident aussi à perdre celle qu'ils ont, et qu'en général la facilité de donner, comme celle de recevoir, est inverse du pouvoir de réfléchir. On devoit s'y attendre en ef- fet, puisque autrement l'équilibre de la chaleur ne pourroit s'établir entre les corps. M. de Rumford a imaginé pour ces expériences un instrument qu'il a nommé t/iermoscope , et qui est propre à faire apercevoir les moindres diffé- rences de chaleur. C'est un tube de verre horizon- tal , dont les deux extrémités sont redressées et terminées par des boules. Tout l'appareil est plein d'air, et le milieu du tube horizontal contient une bulle de liquide coloré. On ne peut échauffer Fair de l'une des boules sans que la bulle soit chassée vers l'autre, et elle est si sensible que l'approche de la main suffit pour la faire marcher. M. Leslie obtenoit de son côté les mêmes résul- tats en Angleterre avec un instrument à-peu-près semblable, qu'il nomme thermomètre différentiel. Ces expériences nous apprennent que beaucoup d'enveloppes et d'enduits accélèrent le refroidisse- ment, au lieu de le retarder. Un corps plus échauffé que l'air où il se trouve ' Mémoires sur la Chaleur; Paris, i8o4, ï vol. in-8". CHIMIE GKINÉRALE. 33 perd, par le rayonnement, une partie déterminée de chaleur dans chaque portion de temps. C'est une ancienne loi fixée par Newton , et con- firmée par Lambert, que dans des intervalles égaux le refroidissement se fait en progression géomé- trique. La chaleur engagée dans un corps s'y répand plus ou moins facilement, et en sort plus ou moins promptement, selon la nature intime du corps. Une barre de métal, échauffée par un bout, l'est bien vite à l'autre; on peut au contraire tenir impunément l'extrémité d'un bâton qui brûle par l'extrémité opposée. C'est ce que l'on nomme des corps bons et mauvais conducteurs de la chaleur; distinction fort ancienne , dont Richman s'étoit occupé, que Frankfin et Ingenhouz ont dévelop- pée, et d'après laquelle ils ont cherché les premiers à comparer les corps entre eux avec quelque pré- cision. En supposant une barre, bonne conductrice, plongée par un bout dans un foyer d'une chaleur constante, et suspendue dans de l'air plus froid, la chaleur se distribuera sur sa longueur suivant une certaine loi que M. Biot ' a calculée et vérifiée par l'expérience. Des thermomètres dont les dis- tances étoient en progression arithmétique sont ' Bulletin des Sciences, nriessidor an i2, n'' 88. BUFFOX. COMPLÉM. T. l. 3 34 SCIENCES PHYSIQUES. montés suivant une progression géométrique dé- croissante. Cette régie donne un moyen de cal- culer la chaleur du foyer, quelque violente qu'elle soit, d'après celle de quelque endroit de la barre où elle diminue assez pour être mesurable. Lam- bert s'étoit aussi occupé de cette question; mais il l'avoit envisagée sous d'autres rapports, et il na- voit pas mis la même exactitude dans ses expé- riences. La distribution de la cbaleur dans les liquides et les fluides n'a pas lieu de la même manière que dans les solides. M. de Rumfort a fait voir, par des expériences multipliées, que leurs molécules ne se transmettent entre elles que très difficilement la chaleur qu elles ont acquise, et qu'une masse liquide ou fluide ne prend une température uniforme qu'autant que chacune de ses molécules, après s'être échauffée par le contact immédiat du foyer, se déplace pour en laisser venir d'autres s'échauffer à leur tour; c'est ordinairement leur dilatation qui les déplace, en les rendant plus légères et en les élevant. Les conséquences de ce fait dans tous les arts qui emploient la chaleur, dans l'économie domestique, l'architecture, les vêtements, sont très grandes; et M. de Puimford les a poursuivies avec une patience et une sagacité qui ne le sont pas moins. CHIMIE GÉNÉRALE. 35 Notre projn^e corps prend part, comme les au- tres, à cette distribution gcQérale de la chaleur libre, en même temps qu'il dégage constamment de la chaleur nouvelle; mais les impressions qui résultent poiir nos sens des changements qui lui arrivent en ce genre sont très infidèles. En général la sensation que nous appelons le chaud n'indique pas toujours que nous recevons de la chaleur du dehors , mais seulement que nous en perdons moins dans un instant donné que dans l'instant immédia- tement précédent: la sensation du froid indique le contraire. De là les impressions différentes que nous donnent les corps de diverses capacités, ou plus ou moins conducteurs, ou enfin l'air libre comparé à l'air en mouvement, quoique échauffés tous au même degré ; de là aussi l'inlluence des diverses sortes de vêtements. M. Seguin a le premier bien développé cette idée '. L'effet le plus anciennement connu de la cha- leur libre sur les corps qu'elle pénètre est de les dilater par degrés en s'y accumulant jusqu'à ce qu'elle leur fasse changer d'état, et de les dilater indéfiniment lorsqu'ils sont une fois à l'état élas- tique, bien entendu tant qu'elle ne les décompose pas. En effet, quoique nous n'ayons pas les moyens de faire changer d'état à tous les corps, il est pro- ' Annales de Chimie, l. VIII, p. 183. 3. 36 SCIENCES PHYSIQUES. bable que c'est faute de pouvoir augmenter ou diminuer la chaleur à notre gré. Déjà Buffon a volatilisé par le miroir ardent For et l'argent, qui restent fixes aux feux ordinaires de nos fourneaux ; et M. Fourcroy assure avoir fait cristalliser par un froid de 4o° lammoniaque, Falcohol , et lether, que Ton navoit point vus geler jusque-là. En ne considérant que la simple dilatation, on trouve à établir encore des lois particulières d'au- tant plus importantes que la justesse des mesures thermométriques en dépend. On peut faire en effet des thermomètres solides, liquides ou élastiques. On a observé que les liquides ne se dilatent pas tous à proportion des quantités de chaleur qu'ils reçoivent. Plus ils approchent de l'instant de la vaporisation, plus leur dilatation croît rapidement. Ceux qui y arrivent le plus tard sont donc les meilleurs thermomètres pour les de- grés élevés. De là la qualité précieuse du mercure. M. Deluc l'a constatée le premier ' par des mélanges d'eau de chaleur différente. M. Gay-Lussac vient de la confirmer en comparant les dilatations du mercure à celles de l'air. Les liquides éprouvent aussi de l'irrégularité lorsqu'ils approchent de leur congélation. L'eau, ' Recherches sur les modifications de l'atmosphère; Paris, 1762, et seconde édition, lyS.j- 4 ^^^- in-S". CHIMIE GÉNÉRALE. 87 par exemple, que la gelée dilate, commence à éprouver cette dilatation un peu avant le moment où elle se gèle : ainsi ce n'est pas à o du thermo- mètre, mais à quelques degrés au-dessus, que l'eau est à son maximum de densité. L académie de Flo- rence lavoit remarqué il y a long-temps. M. Le- fèvre-Gineau a constaté, lorsqu'il s'est agi de fixer l'étalon des poids, que ce maximum est à quatre degrés quatre dixièmes (centigrades); et M. de Rumford l'a confirmé depuis par des expériences d'un autre genre. D'autres liquides, et sur-tout le mercure, éprou- vent un effet contraire; ils se contractent forte- ment à l'approche de la congélation, ainsi que l'a fait voir M. Gavendish. Ceux qui gèlent le plus tard, comme l'esprit- de-vin, sont donc à préférer pour la mesure du froid. Les thermomètres solides prennent le nom de pyromètres quand ils sont employés à mesurer de très hauts degrés de chaleur. La difficulté n'est que de les placer sur une échelle qui ne se dilate point; car autrement on ne pourroit savoir de combien ils ont varié. C'est ce qu'on cherche à faire en réunis- sant une harre de métal à une échelle d'argile cuite: MM. Guyton et Brongniart s'occupent de cet in- strument, qui seroit bien important pour les arts qui emploient le feu. En attendant le succès de 38 SCIENCES PHYSIQUES. leurs expériences, on y supplée imparfaitement en comparant, comme Ta imaginé Wedgwood, le re- trait que prennent des morceaux d'argile homogène exposés aux divers degrés de feu. Depuis long-temps on a voit essayé des thermo- mètres d'air: il avoitdonc fallu faire des recherches sur la dilatabilité de ce fluide; et Amontons l'avoit anciennement portée à un tiers de son volume, pour l'intervalle de la glace à l'eau bouillante. On avoit depuis fait des expériences semblables sur les autres gaz; mais les parcelles d'humidité qu'on avoit négligé d'enlever avoient occasion é de fortes erreurs. M. Dalton, en Angleterre', et M. Gay- Lussac, à Paris % viennent de les répéter sur tous les fluides élastiques, en empêchant l'humidité de s'introduire dans les vaisseaux; et ils sont arrivés l'un et l'autre à ce résultat inattendu, que, quelle (jue soit la nature du fluide, il se dilate d'une quan- tité totale, égale, pendant (ju'il monte de la tem- pérature de la glace à celle de l'eau bouillante, et (ju'il acquiert un peu plus du tiers, ou plus exac- tement 0,375 de son volume primitif. M. Gay-Lus- sac a prouvé de plus que les vapeurs sont soumises à la même loi. Coumic l'abondance de la chaleur, ou sa priva- ' Bulletin des Science», ventôse an 11, n" 72. "^ Ibifl., thermidor an 10, n" 65. CHIMIE GÉNÉRALE. 3g tion, dilate les corps ou les resserre, on peut réci- proquement, en les dilatant ou en les comprimant par des moyens mécaniques, leur faire absorber ou restituer une quantité de chaleur plus ou moins considérable. Tout récemment encore, M. Berthol- let a fait voir que, pour les solides, la chaleur pro- duite est, pour ainsi dire, proportionnelle à la compression. Beaucoup plus anciennement, Gul- len, Wilke, avoient montré qu'on refroidit en fai- sant le vide; Darwin, que la même chose a lien si on laisse dilater de Fair comprimé : il étoit à croire que le contraire arriveroit, si l'on comprimoit de l'air qui ne le fût point. En effet on produit même de la lumière quand la compression est subite. Un ouvrier de Saint-Étienne en a fait l'observation avec un fusil à vent. M. Mollet, de Lyon, s'est servi de ce moyen pour allumer de l'amadou ' ; et M. Biot, pour faire détonner un mélange d'hydrogène et d'oxygène ^ Cette dernière expérience a de l'intérêt pour la chimie, en ce qu'elle opère la formation de l'eau sans le concours de l'électricité. Mais, de tous les phénomènes relatifs à la cha- leur, que l'âge présent a fait connoître, il n'en est point de plus intéressants, ni qui aient plus influé sur tout l'ensemble des sciences physiques, que ces ' Hulletin des Sciences, prairial an i 2, n" 87. ^ Ibid., frimaire an r3, n" 93. 4o SCIENCES PHYSIQUES. apparitions et ces disparitions subites cle clialeur qui arrivent quand les corps se fondent ou se va- porisent, ou quand ils reviennent de ietat de fusion ou de celui de vapeur à leur solidité pri- mitive. On croyoit autrefois, avec Boerhaave et tous ceux qui s'étoient occupés de la mesure de la cha- leur, qu'à même volume et à même pesanteur tous les corps qui marquent le même degré au thermo- mètre en ont la même quantité. Piichman et Kraft, académiciens de Pétersbourg, commencèrent, vers le milieu du dix -huitième siècle, à proposer les motifs qu'ils avaient de dou- ter de cette opinion ; et c'est peut - être à cette époque qu'il faut placer la première origine du grand système des nouvelles découvertes sur la chaleur. Black, qui conçut des idées semblables à-peu- près vers le même temps , démontra , dans ses le- çons particulières, à Glascow, cette proposition capitale, que, chaque fois qu'un corps se fond ou se vaporise, il disparoît subitement une portion considérable de chaleur, qui devient ce qu'il nomma latente, comme si elle se cachoit, en s'unissant plus intimement avec les molécules du corps, au lieu de rester entre elles libre et active sur le thermo- mètre. CHIMIE GÉNÉRALE. ^l Quand le corps reprend son état primitif, cette chaleur se reproduit; et ces effets ont lieu lorsque la fusion, la vaporisation ou la fixation, s'opèrent en vertu d'affinités chimiques , tout comme lors- qu'elles sont immédiatement dues à l'accumulation ou à la déperdition de la chaleur. Par-là se trouvèrent expliqués non seulement la constance du degré de la glace fondante et de l'eau bouillante, mais encore les froids artificiels et quelquefois excessifs qui résultent de la disso- lution de certains sels. Fahrenheit avoit essayé il y avoit long-temps de ces mélanges frigorifiques. MM. Lowitz et Walker en ont fait nouvellement un grand nombre, et ont observé que le plus re- froidissé-mt de tous est celui de muriate de chaux avec de la neige. Black ne s'arrêta point à ces premières décou- vertes , toutes brillantes qu'elles étoient : mêlant ensemble deux liquides différents diversement échauffés, ou plongeant un solide dans un liquide, il vit que le superflu du plus chaud ne se partage ni selon le volume ni selon la masse, et que le degré définitif est tantôt plus haut tantôt plus bas qu'on n'auroit dû s'y attendre, d'après ce qui se passe dans des mélanges de même espèce; ou, en d'autres termes, qu'il faut, pour élever des corps 42 SCIENCES PHYSIQUES. diFléreiits lVuu mênie nombre de degrés, des quan- tités de chaleur plus ou moins fortes selon leurs espèces, propriété qu'il appela capacité plus ou moins grande pour la chaleur. Il résulte , en effet , de ces expériences , que chaque corps retient, selon son espèce, une cer- taine proportion de chaleur qui n'agit point sur le thermomètre; par conséquent que, dans tous les états, les corps d'espèce différente qui marquent le même degré peuvent différer beaucoup par leur chaleur totale. Mais, pendant que les découvertes de Black res- toient concentrées dans son école, le Suédois AVilke travailloit avec succès sur le même sujet, d'après une méthode un peu différente: il nommoit cha- leurs spécifiques les quantités respectivement néces- saires aux divers corps, pour les élever tous d'un même nombre de degrés '. Ces différences de capacité ou de chaleur spéci- fique expliquant un grand nomlire de productions de chaleur ou de froid qui ont lieu lors des com- binaisons chimiques, celles qui résultent des chan- gements d'état n'étant elles-mêmes que des cas particuliers de cette loi générale, on conçut promp- tement combien il devenoit important d'en avoir une mesure exacte pour tous les corps. ' Académie des Sciences de Stockholm, 1781, quatrième trimestre; et Journal de Physique, 1786, t. XXV^I, p. 2.56. CHIMIE GÉNÉRALE. 4^ Black et son disciple ïrwine y procédoient, comme nous venons de le dire, en mêlant des corps différents, et en calculant d'après la chaleur défini- tive. Leur méthode est embarrassante, et ne peut servir pour les corps qui ont une action chimique les uns sur les autres. Wilke employoit un moyen plus simple et plus (jénéral,qui consiste à mesurer la quantité de neige que chaque corps fond en se refroidissant d'un de- gré à un autre; mais son appareil étoit inexact et incommode. M. Delaplace ' en a imaginé un beaucoup plus parfait, où la glace dont la fusion doit servir de mesure est enveloppée par d'autre glace qui arrête la chaleur extérieure. Il est devenu, sous le nom de calorimètre, l'un des plus essentiels de la nou- velle chimie. On est arrivé ainsi à avoir des tables de plus en plus exactes de ces capacités : Kirwan, Grawford, Bergman, Lavoisier et M. Delaplace, y ont succes- sivement travaillé. On a même cherché à déterminer le zéro réel, c'est-à-dire à combien de degrés un thermomètre baisseroit s'il n'y avoit point de chaleur du tout: mais on a besoin , pour ce calcul , de supposer qu'un corps conserve la même capacité proportionnelle, '•Mémoires de rAcaclémie des Sciences de l'ari.s , annc'e 1780, p. ?55. 44 SCIENCES PHYSIQUES. tant qu'il ne change point d'état ; et cette proposi- tion, qui affecte plusieurs autres théories, et no- tamment toute celle des thermomètres, n'est point prouvée, et ne peut (^uère l'être. Ces recherches sur les capacités ont fait décou- vrir encore un nouveau mode de combinaison de la chaleur. Il arrive, dans quelques cas, qu'un gaz se combine et se fixe avec presque toute ia chaleur qui le maintenoit à letat élastique, et sans en laisser échapper à beaucoup près autant qu'on devoit lui en supposer. La théorie de la chaleur latente semble alors, au premier coup d'œil , se trouver en défaut, puisqu'il se fait un changement d'état sans manifes- tation proportionnelle de chaleur; mais aussi cette chaleur contrainte se reproduit avec violence, quand la combinaison se détruit. L'acide nitrique est un exemple de ce genre d'union de la chaleur, et l'explosion de la poudre est un de ses effets. Nous en verrons d'autres dans l'histoire de la chimie par- ticulière. C'est aux travaux communs de Lavoisier et de M. Delaplace que l'on doit la connoissance de ces faits importants. Enfin la dernière des propriétés de la chaleur, celle qui lie le plus son histoire à la chimie, et par où elle exerce le plus de pouvoir dans la nature, c'est la faculté de modifier les effets des affinités mutuelles des corps. C'est ainsi qu'elle combine des CHIMIE GÉNÉRALE. 45 substances qui, sans elle, seroient toujours restées étrangères l'une à l'autre , et qu'elle en sépare qui seroient demeurées unies; c'est par-là qu'elle s'en- gendre et se multiplie sans cesse elle-même, en se dégageant des combinaisons où elle étoit entrée. Il y a de l'apparence que ces cliangements tien- nent à ceux qu'elle occasione dans la densité; mais cette idée générale ne peut s'appliquer encore aux phénomènes d'une manière détaillée : ce qui est certain c'est que leur exposition fait peut-être la moitié de la chimie. Parmi les circonstances étrangères qui modi- fient les affinités, nous avons nommé ci-dessus la pression : comme son influence s'exerce principa- lement dans les effets auxquels la chaleur prend part, c'est ici le lieu d'en dire un mot. On sait depuis long-temps qu'elle arrête la vapo- risation; et personne n'ignore, par exemple, que de l'eau bout dans le vide, lorsqu'elle est à peine tiède, tandis qu'on peut la faire rougir en la tenant comprimée dans la marmite de Papin. On peut aussi ramener la vapeur à l'état liquide sans la refroidir, par la simple compression. Cha- que fois que l'on réduit un espace rempli de vapeur, il y en a une partie qui retombe en eau ; c'est une expérience de M. Watt : il s'en dégage alors une énorme quantité de chaleur. 46 SCIEINCES PHYSIQUES. Des liquides différents de i eau ])ouilieiit quel- (|uefois sans être écbauffés, pour peu que la pres- sion de Tair diminue. C'est ce que Lavoisier a fait voir pour lether. En pénéral, suivant M. Robison, le poids ordi- naire de Fatmosphère augmente de 62*^ centigrades la chaleur nécessaire pour faire bouillir un liquide quelconque; ils bouillent donc tous dans le vide à 62° au-dessous de leur point d ebuUition dans lair. Cette même pression, quand elle est absolue, arrête et modifie beaucoup d'autres effets de la chaleur. Le chevalier Jacques Hall, d'Edimbourg, a soumis un grand nombre de corps aux feux les plus violents dans des vaisseaux qui ne pouvoient se rompre. Leurs éléments n'ayant alors aucun moyen de se séparer, ces corps ont pris des formes et des consistances toutes différentes de celles sous lesquelles ils paroissent ordinairement : la craie, au lieu de se calciner en laissant échapper son acide carbonique , est entrée en fusion et a pris l'apparence cristalline du marbre blanc; le bois, la corne, au lieu de se brûler, se sont changés en une sorte de houille, etc. Nous verrons ailleurs quelle application M. Hall a cru pouvoir faire de ces expériences à la théorie de la terre : mais nous devons les citer ici comme une confirmation inté- ressante des vues de M. Berthollet. CHIMIE GÉNÉRALE. 47 r/eau ne se vaporise pas seulement à la tempé- rature qui la fait bouillir; chacun sait qu'elle se dissipe aussi, quoique plus lentement, à des degrés bien inférieurs : les physiciens ont reconnu que la glace même s'évapore. Quelques uns ont pensé, avec feu Leroy de Montpellier, qu'il se lait alors une dissolution de l'eau par l'air. D'autres, comme MM. Deluc et de Saussure , n'y ont vu q u'une action ordinaire de la chaleur, qui ne diffère de l'ébullition que par sa lenteur et la moindredensitéde la vapeur produite. M. Dalton vient en effet de prouver qu'un espace donné dans lequel on laisse des vapeurs se former en admet toujours la même quantité, tant que la chaleur reste la même, qu'il soit vide ou plein d'air, et quelle que soit l'espèce d'air qui le remplit. Saussure et M. Volta l'avoient déjà fait voir pour l'air atmosphérique en particulier, et MM. Deluc et Watt avoient montré de leur côté que cette éva- poration lente absorbe au moins autant de chaleur que l'ébullition. M. Dalton a aussi reconnu ce fait important, que la pression exercée par les vapeurs est la même, qu'il y ait de l'air ou qu'il n'y en ait point dans l'es- pace où elles sont. Dans le premier cas, cette pres- sion s'ajoute simplement à celle de l'air. A tension égale, cette vapeur d'eau est plus légère que l'air, dans le rapport de lo à i4°; par conséquent, à 48 SCIENCES PHYSIQUES. pression et à chaleur égales, l'air devient plus léger en devenant humide. Cetoit aussi une ancienne découverte de Saussure. Enfin M. Dalton a déter- miné la quantité de vapeur produite et la pression exercée par chaque degré de chaleur, et est arrivé à un rapport remarquable entre Je degré d ebulli- tion de chaque fluide et la force élastique de sa va- peur à une température donnée : c'est que, à par- tir du terme où les forces élastiques des vapeurs seroient égales (par exemple, de celui de Tébulli- tiôn sous une pression déterminée, comme celle de l'atmosphère), les accroissements ou les dimi- nutions de ces forces élastiques sont aussi les mê- mes pour chaque fluide, par des variations égales de température '. La régie de M. Robison pour le degré d'ébulli- tion dans le vide est un cas particulier de celle de M. Dalton. Toute cette théorie des vapeurs sera un jour, comme il est aisé de le voir, la base fondamentale de la météorologie : mais elle ne borne pas là son utilité; ainsi que tout le grand corps de doctrine que nous venons d'exposer, et qui appartient pres- que en entier à l'âge présent, elle est aussi profi- ' Bibliothèque Britannique, tome XX, page 338; et Bulletin des Sciences , ventôse an 1 1 . Voyez aussi les Essais d'Hygrométrie de Saussure. CHIMIE GÉNÉRALE. /\g tabîe poui^ ia société qu'honorable pour l'esprit humain. M. de Rumfort l'a appliquée à l'art de chauffer, soit les appartements, soit les liquides^, et il est arrivé à des économies qui , dans certains cas , sur- passent tout ce que l'on auroit osé espérer. On sait assez l'heureux emploi que l'on fait de la vapeur comme force mouvante. Les recherches délicates dont nous venons de parler ont prodi^^ieu- sement au^^menté le parti qu'on tire de cet a^^ent puissant; la multiplication des pompes à feu, les emplois infinis auxquels on les applique , la force incroyable que Ton est parvenu à leur donner, doivent être mis au nombre des preuves les plus frappantes de l'influence que le perfectionnement des sciences peut avoir sur la prospérité des na- tions'. L'électricité est encore un de ces principes im- pondérables qui jouissent du pouvoir de modifier les affinités. Sa production par le frottement, sa transmission au travers des différents corps , sa dis- tribution le long^ de leur surface, la répulsion mu- ' Nous regi^ettons que notre plan ne nous ait pas permis d'exposer les hypothèses théorétiques. Celle de l'équilibre mobile du calorique, par M. Prévost, eût tenu , dans l'article de notre rapport qui concerne la chaleur, une place distinguée. Voyez le Journal de Physique de 1791, et la Bibliothèque Britannique , tomes XXI et XXVI. BUFFON. COMPLÉM. T. I. 4 5o SCIEINGES PHYSIQUES. tuelle de ses molécules, les deux fluides que l'on croit y pouvoir admettre , sou analogie avec la fou- dre, sont déjà des découvertes un peu anciennes. Les lois mathématiques qui la gouvernent ne sont point de notre ressort; mais son action chimique, sa production par le contact de divers corps, c'est- à-dire le galvanisme et la nature différente de ses effets dans cette circonstance , rentrent complète- ment dans le cercle de notre rapport. Non seulement l'étincelle électrique brûle les corps combustibles ordinaires, tels que l'hydro- gène, parcequ'elle produit delà chaleur, peut-être en comprimant l'air; elle en brûle encore qui ré- sistent à toute autre flamme : tel est l'azote, qu elle combine avec l'oxygène pour former l'acide nitreux, selon la belle découverte de M. Cavendish ; et de- puis que l'on connoît l'action chimi(£ue de la pile galvanique pour décomposer l'eau et les sels, on est parvenu à opérer les mêmes effets par l'électri- cité ordinaire, en la faisant arriver en grande masse par des conducteurs très déliés. MM. Pfaff et Van-Marum ' ont fait cette expé- rience d'une manière , et M. Wollaston l'a faite d'une autre. L'électricité galvanique est peut-être de toutes ' Extrait d'une lettre de M. Van-Marum au citoyen BerthoIIet ; Annales de Chimie, t. XLI , p. jy. CHIMIE GÉNÉRALE. 5l les branches de la physique celle qui a excité le plus vivement la curiosité, qui a donné le plus d'espoir, et qui a occasioné le plus de travaux et d'efforts dans ces dernières années. L'intérêt que le ^gouvernement a pris à ces re- cherches, et rhonorable récompense qu'il a pro- mise à ceux qui s'y distin^u croient, ont réveillé le zèle ; et chaque jour semble faire entrevoir quelque influence nouvelle de ces phénomènes dans leurs liaisons étendues à presque toute la nature. On peut diviser l'histoire du galvanisme en trois époques principales, d'après les trois grandes pro- priétés qui le caractérisent et qui n'ont été décou- vertes que successivement. La première est son effet sur leconomie ani- male, aperçu par Gotugno et développé par son maître Galvani ' ; la seconde, sa nature et son ori- gine démontrées par M. Volta; la troisième, son action chimique si particulière , reconnue par MM. Ritter, Garlisle, Davy, et ISicholson. Si Ton réunit quelques nerfs du corps d'un ani- mal avec quelque partie de ses muscles par un con- ducteur formé de métaux différents, les muscles éprouveront des convulsions. Galvani en fît d'a- ' Journal encyclopédique de Bologne, 1786, n" 8; De viribus electncitatis in motu inusculari Commentarius. Me'moires de l'Institut de Bologne, t. VII. 4. 52 SCIENCES PHYSIQUES. bord l'essai sur des grenouilles, dont les muscles sont fort irritables. Divers physiciens, et princi- palement M. Aldini , neveu de Galvani ' , M. de Humboldt% M. Rossi^, M. Nysten^, etc., l'ont étendu dejiuis à tous les animaux et à toutes leurs parties, sur-tout par le moyen de l'énergfie de la pile. • . On a vu des grenouilles mortes sauter à plu- sieurs pieds; des membres séparés du corps se flé- chir et s'étendre avec violence; des têtes décollées grincer les dents, remuer les yeux d'une manière effrayante : les vivants ont éprouvé des sensations fortes, quelquefois même très douloureuses. Mais, en dernière analyse , tout se réduit à avoir trouvé un excitant d'un nouveau genre, plus subtil et plus actif à-la-fois que ceux qu'on avoit possédés jus- que-là : aussi dit-on en avoir tiré quelque parti dans certaines paralysies. M. de Humboldt l'a em- ployé pour distinguer dans les animaux quelques parties d'une nature douteuse ; et MM. Tourde et Gircaud croient avoir produit par son moyen, dans cette partie du sang qu'on nomme la fibrine, ' Essai sur le Galvanisme, par J. Aldini; Paris, i8o4, i vol. 111-4". * Essai sur l'irritation musculaire, en allemand; Berlin, 1797, i vol. in-8°. ^ Mémoires de l'Académie de Turin, t. VI, de 1792 à 1800. ^ Nouvelles Expériences galvaniques , par P. H. Nysten ; Paris , an II. CHIMIE GÉNÉRALE. 53 des mouvements assez analogues à rirritaLilité des fibres vivantes '. On soupçonna de bonne heure que l'électricité entroit pour quelque chose dans ces singuliers phénomènes; mais on ne voyoit point clairement la cause qui la produisoit : les uns la cherchoient dans les nerfs, d'autres dans les muscles; d'autres enfin supposoient quelque nouveau fluide. M.Volta le premier dit : L'électricité naît du seul contact des deux métaux; les convulsions ne sont que des ef- fets ordinaires de ce fluide; c'est dans sa manière de naître , ou plutôt d être mis en mouvement, que consiste tout ce que vos expériences ont de parti- culier. Pour mieux convaincre les physiciens de cette production d'électricité par le simple contact de substances diverses , il importoit de la rendre tellement intense qu'elle ne pût rester soumise à aucune de ces conjectures vagues qui servent tou- jours d'auxiliaires au doute. La découverte que M. Volta avoit faite quelque temps auparavant de l'influence des matières demi-conductrices, pour faire accumuler l'électricité dans l'instrument nom- mé condensateur, lui indiqua le moyen qu'il cher- choit. Multipliant un grand nombre de fois les plaques des deux métaux, et les séparant par des ' lîulletii) des Sciences, pluviôse an 1 1, n" 7 i. 54 SCIENCES PHYSIQUES. plaques de carton mouillé, il vit se manifester à l'instant, à l'une des extrémités de cette pile, lelec- tricité vitrée, à l'autre la résineuse; il obtint des attractions , des répulsions , et des commotions toutes semblables à celles de la bouteille de Leyde ; en un mot il eut un instrument qui s'électrise con- stamment lui-même, et qui, par cette action conti- nuée, exerce les effets les plus inattendus et les plus importants pour la chimie et pour la physio- logie \ et deviendra peut-être, pour l'une et pour l'autre, ce que le microscope a été pour l'histoire naturelle, et le télescope pOur l'astronomie. Aussi les sciences compteront-elles parmi leurs époques les plus brillantes celle où ce grand physicien fut couronné dans l'Institut. Divers physiciens , comme feu Gautherot et MM. Pfaff et Davy, ont varié les substances des piles , et reconnu que les métaux n'y sont pas né- cessaires. Il suffit de combiner des plaques de deux natures; observation qui peut devenir de la plus grande importance pour expliquer plusieurs phé- nomènes physiologiques. M. Aldini, dans ses expériences sur les animaux, a aussi remplacé l'arc métalUque par des parties animales ou par des corps vivants. MM. Biot et ' Transactions philosophi(|ues, i 790 ; et Bibliothèque Britannique, t. XV, p. 3. CHIMIE GÉr^ÉRALE. 55 Frédéric Guvier ' ont montré que loxydation des plaques métalliques n'est point la cause essentielle de l electrisation , quoiqu'elle la favorise ; mais c'est par cette oxydation que la pile altère l'air où on la renferme. MM. Fourcroy, Thénard, et Hachette^, ayant fort agrandi le diamètre des plaques , ont enflammé des conducteurs de fil de fer : c'est un effet de la (jrande masse d'électricité dans un conducteur mince. Mais les commotions qui tiennent à la vi- tesse de l'électricité dépendent du nombre des plaques, et sont en raison inverse de leur largeur, ainsi que M. Biot l'a fait sentir. M. Van-Maruna a bien comparé et constaté ces divers effets. On remplace aussi la pile par des tasses pleines d'eau que réunissent, en y plongeant, des lames recourbées de deux métaux. Cet appareil commode est également de M. Volta, qui l'a imaginé par imi- tation de l'appareil électrique de la torpille. C'est encore une belle expérience que celle de la pile secondaire imaginée par M. Ritter : formée d'un seul métal et de cartons mouillés, elle n'en- gendre point l'électricité par elle-même; mais si l'on fait communiquer ses deux bouts avec ceux de la pile ordinaire, ils prennent leurs électricités op- IJulIeliu des Sciences, par la Société philomatique, thermitl. an 9. " Journal do Pliysi(|ue , messidor an g. 56 SCIENCES PHYSIQUES. posées, et les conservent à cause de la difficulté qu'oppose le carton mouillé à la communication. M. Volta avoit reconnu une distribution sem- blable dans un simple ruban; Gautherot, dans des fils conducteurs qui venoient d'être séparés de la pile primitive; et il paroît qu'elle se fait de même dans beaucoup de conducteurs imparfaits. L'Institut vient d'admettre d'autres expériences de M. Erman , desquelles il résulte que quelques uns de ces conducteurs , quand on les fait commu- niquer à-la-fois avec les deux pôles de la pile, ne transmettent que l'une des deux électricités seule- ment, encore quand on lui donne une issue vers le sol'. Mais de toutes les propriétés de la pile, son ac- tion cbimique est certainement la plus importante. M. Ritter, en Allemajjfne, et MM. Garlisle et Nichol- son^, en Anjjleterre, ayant plongé dans Feau deux fils métalliques, qui communiquoient chacun avec l'un des pôles de la pile, remarquèrent qu'il se ma- nifestoit à l'un et à l'autre beaucoup de bulles d'air; et ayant examiné la nature des gaz qui les for- moient, ils trouvèrent que celles du pôle positif étoient de l'oxygène , et celles du fil opposé de Fby- drogène. ' Nouveau Bulletin des Sciences, n" 4 ^^ suiv. ■ ^ Bibliothèque Britannique, t. XV, p. i i. CHIMIE GÉNÉRALE. Sy MM. Davy et Ritter virent chacun de leur côté ces gaz naître dans deux vases séparés , pourvu qu'ils communiquassent ensemble par le corps hu- main, par une fibre animale, par de l'acide sulfu- rique ou tel autre conducteur. Nous exposerons ailleurs ce que l'on a cru pouvoir conclure de ce phénomène contre la théorie de la composition de l'eau. Quelques personnes vouloient également en déduire une différence de nature entre le fluide galvanique et Télectricité; mais cette opinion est réfutée depuis que MM. Pfaff, Van-Marum et Wollaston, ont aussi décomposé l'eau par Félectri- cité ordinaire. M. Cruikshank aperçut, dès les premières expé- riences, des traces d'acidité et d'alcalinité. M. Pac- chiani ' crut voir qu'il se formoit de l'acide muria- tique du côté positif, et en conclut que cet acide est de l'hydrogène moins oxygéné que l'eau. On trouvoit ordinairement aussi de la soude du côté opposé. Mais MM. Thénard, Biot, Simon, Pfaff, et plusieurs autres physiciens, constatèrent bien- tôt qu'il n'y a point d'acide ni d'alcali quand on ' Histoire du Galvanisme, t. IV, p. 282. Extrait d'une nouvelle Lettre du docteur Pacchiani à M. Fabroni, par M. Darcet ; Annales de Chimie y t. LVI, p. 1 1 r. Cette Histoire du Galvanisme, par M. Sue, Paris, 4 vol. in-S", peut en géne'ral être consultée avec beaucoup de fruit pour tout ce qui tient aux progrès de cette nouvelle branche de la physique. 58 SCIENCES PHYSIQUES. emploie de l'eau bien pure, et quand on éloigne soipneusement de l'appareil tout ce qui poiirroit fournir du sel marin; précaution très difficile à prendre complètement, car il n'est pas jusqu'à la peau des doigts qui n'exhale de ce sel. Enfin MM. Davy et Berzelius, ainsi que MM, Rif- fault et Chompré, de la société galvanique de Pa- ris, viennent de montrer que tous ces phénomènes tiennent à la propriété qu'a la pile de décomposer les sels de la même manière que l'eau; semblant entraîner aussi l'un de leurs principes d'un vase dans l'autre, au travers de la fibre ou du siphon qui unit ces vases , et cela de manière que l'oxygène ou les substances oxygénées sont attirées vers le pôle positif, et l'hydrogène et les alcalis vers le négatif. Dans la plupart des expériences qui avoient fait d'abord illusion, il se trouvoit un peu de sel marin , fourni par les fibres animales, ou par les autres moyens de communication que l'on établissoit entre les deux vases ; souvent c'étoit le verre qui avoit fourni la soude; le tube même de l'alambic où l'on distille l'eau peut lui communiquer quelque prin- cipe propre à induire en erreur. Cette action sur les sels étoit reconnue depuis quelque temps par M. Ritter : M. Vassali-Eandi en avoit trouvé une sur Falcohol et les acides ; M. Rla- proth , sur l'alcah volatil. On s'explique ces phéno- CHIMIE GÉNÉRALE. 69 mènes en supposant que , dans tous ces cas, l'un des éléments de la substance qui se décompose est repoussé par l'un des pôles de la pile, pendant que l'autre élément se dégage, et que le contraire ar- rive au pôle opposé ; enfin que la décomposition se continue de molécule à molécule, jusqu'à un point intermédiaire où ces éléments, repoussés de part et d'autre, se combinent entre eux de manière que le résidu reprend toujours sa composition pri- mitive. Mais il faut admettre aussi que ce transport d'un élément d'un vase dans l'autre a lieu avec tant de force qu'un acide traverse, par exemple, une dissolution alcaline sans y laisser la moindre trace de combinaison, et réciproquement. Il résulte toujours de cette grande découverte cette vérité aussi nouvelle qu'importante, que le simple contact des substances hétérogènes a le pou- voir d'altérer l'équilibre électrique, et que cette al- tération peut en occasioner dans les affinités chi- miques de tous les corps environnants. Il est aisé de concevoir à quel point cette action tranquille et continue peut influer sur ce qui se passe à la sur- face du globe et dans son intérieur, et contribue peut-être aux mouvements les plus compliqués de la vie, et quelle abondante source de lumière ce nouveau corps de doctrine doit ouvrir à toute la philosophie naturelle. 6o SCIENCES PHYSIQUES. Aussi l'Institut n a-t-il cru pouvoir mieux placer en 180-7 le prix annuel fondé par le gouvernement pour le galvanisme qu'en le décernant à M. Davy, qui a su apprécier avec le plus d'exactitude les lois de cette puissance singulière \ C'est ici que viendroit se placer l'action cachée que l'on attribue aux métaux , au charbon , et à l'eau , sur le corps humain, action par laquelle on cherche à expliquer et à remettre en crédit la ba- guette divinatoire : mais nous ne pouvons nous permettre de ranger parmi les progrès réels et con- statés des sciences des expériences équivoques, et que l'on avoue ne réussir que sur quelques per- sonnes privilégiées. Le pendule métallique de For- tis, auquel on a prétendu trouver de l'analogie avec la baguette, et dont on assure qu'il vibre en des sens différents , selon les substances sur les- quelles on le suspend, n'a point donné à nos phy- siciens les résultats que des étrangers, d'ailleurs gens de mérite, assurent en avoir obtenus \ ' Lorsque ce Rapport a été rédigé, les expériences qui paroissent annoncer la décomposition des alcalis par la pile n'étoient pas encore connues à Paris. ^ On ne peut en général trop recommander, sur toutes les ques- tions physiques mentionnées jusqu'à cet endroit, la lecture du Traité élémentaire de Physique de M. Haiiy ; Paris, 1806, 2 vol. in-8° ; et celle de la Physique mécanique de Fischer, traduite par madame Biot ; Paris, ï8o6, i vol. in-8". CHIMIE GÉNÉRALE.- 6l Théorie de la combustion. De tous les effets qui peuvent résulter, soit des affinités immédiates, soit de ces modifications in- stantanées qu'y apportent la chaleur, lelectricité, ou d'autres circonstances, la combustion est non seulement le plus important pour nous, en ce que nous en tirons toute la chaleur artificielle dont nous avons besoin dans la vie commune et dans les arts ; mais c'est encore celui dont l'influence est la plus générale dans tous les phénomènes de la nature comme dans ceux de nos laboratoires. Nous ne lui donnons guère le nom de combus- tion que quand c'est la chaleur qui l'occasione, et qu'elle est accompagnée de flamme; mais elle peut aussi être amenée par une foule d'autres causes, ou n aller point jusqu'à cet excès : et lorsqu'on la prend ainsi dans son acception la plus étendue, on peut dire qu'elle précède, qu'elle accompagne ou qu'elle constitue la plupart des opérations chimiques et des fonctions vitales; il n'en est presque aucune où quelque corps ne se trouve, soit brûlé, soit dé- brûlé, si l'on peut employer ce terme expressif: en un mot c'est presque de la manière de concevoir ce qui se passe dans la combustion que dépendent toutes les diversités des explications que l'on peut donner en chimie; et par les mots de théorie chi- 02 SCIENCES PHYSIQUES. inique, on n'entend guère autre chose que théorie de la comhustion. Aussi tout le monde sait-il que la nouvelle théo- rie de la combustion est la plus importante des ré- volutions que les sciences naturelles aient éprouvées dans le dix-huitième siècle. Elle coïncide à-peu-près avec le commencement de l'époque dont nous avons à rendre compte; mais ce n'est guère que pendant le cours de cette époque même qu'elle a obtenu l'assentiment uni- versel des savants. D'ailleurs elle a eu trop d'in- fluence sur les découvertes postérieures, elle est trop honorable à la nation Françoise, pour que nous n'en rappelions pas l'histoire en peu de mots ; histoire bien singulière, et qui remonteroit bien haut si la tradition des idées n'avoit pas été inter- rompue pendant un siècle et demi. Un médecin du Périgord, nommé Jean Rey ', avoit eu, dès i63o, sur la calcination de Tétain et du plomb, qui n'est qu'une sorte de combustion, des idées toutes semblables à celles de la nouvelle chimie ; mais son écrit étoit tombé dans l'oubli le plus profond. L'un des créateurs de la physique expérimentale, l'illustre Robert Royle, avoit aussi ' Essais de Jean Rcy, docteur en médecine, sur la recherche de la cause pour laquelle l'dtain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine; nouvelle édition; Paris, 1777, i vol. in-8°. CHIMIE GÉNÉRALE. 63 reconnu, dès le milieu du dix-septième siècle, une grande partie des faits qui servent aujourd'hui de hase à cette chimie nouvelle; il savoit que la com~ hustion et la respiration diminuent le volume de Tair et le rendent insalubre, et il n'ignoroit point l'augmentation de poids que les métaux acquièrent par la calcination. Son disciple Mayow avoit appli- qué ces faits à la respiration et à la production de la chaleur animale, presque comme nous le ferions aujourd'hui. L'appareil que nous appelons pneu- mato-cliimique étoit connu de l'un et de l'autre; ils avoient déjà distingué différentes sortes d'air. Mais, par une fatalité inconcevable, ces hommes célèbres n'avoient point saisi les conséquences immé- diates de leurs expériences. Boyle sur-tout n'a voit vu dans cette augmentation de poids que la fixation du feu , et depuis eux les chimistes proprement dits avoient presque perdu de vue les fluides élastiques. Beccher et Stahl, ne donnant d'attention qu'à la facilité de ramener toutes les chaux métalliques à l'état de régule par une matière grasse ou combus- tible quelconque, imaginèrent, l'un sa terre sul- fureuse, l'autre son phlogistique, principe com- mun, selon eux, à tous les corps combustibles, qu'ils perdent en se brûlant et reprennent en se réduisant : cette hypothèse, développée et appliquée à presque tous les phénomènes par les travaux suc- 64 SCIENCES PHYSIQUES. cessifs crun grand nombre d'habiles gens, sembloit avoir reçu ses derniers perfectionnements par les travaux brillants de Scheele et de Bergman ; elle avoit acquis un tel crédit qu'elle domina constam- ment ceux même des physiciens de la Grande-Bre- tagne dont les expériences ont le plus contribué à lebranler. En effet les recherches sur les fluides élastiques furent continuées dans cette île presque sans in- terruption depuis Boyle. Haies ' montra dans com- bien d'occasions de l'air fixé et retenu dans les corps recouvre son volume et son élasticité. Black ^ recon- nut l'identité de celui qui s'élève des liqueurs fer- mentées, avec la vapeur qui se manifeste lors de l'effervescence de la pierre calcaire et des alcalis, vapeur dont la privation les met dans l'état apoelé caustique. M. Gavendish^ détermina la pesanteur spécifique respective de l'air fixe et de l'air inflam- mable; il montra l'identité du premier avec la vapeur du charbon et sa nature acide. Priestley ^ sur-tout, ' La Statique des végétaux et l'Analyse de l'air, par M. Haies; tra- duites de l'anglois par M. de Buffon; Paris, 1735 , i vol. in-4°. * Transactions philosophiques, années 1766 et 1767. ^ Expériences sur l'Air, mémoires lus à la Société royale de Lon- dres les i5 janvier 1783 et 2 juin 1785, traduits par Pelletier, et insérés dans le Journal de Physique, t. XXV, p. 417 ; t. XXVI, p. 38, ett.XXVJI, p. 107. ^ Expériences et observations sur différentes espèces d'air, tra- duites de l'anglois; Berlin, 1775, i vol. in-8". — Expériences et ob- CHIMIE GÉINÉRALE. 65 par des expériences multipliées avec une patience admirable, étudia toutes les circonstances où ces deux airs se forment, fixa les caractères de celui qui reste après la combustion dans l'air commun, et qu'il nomma phlogistiqué, découvrit l'air nitreux et sa propriété de mesurer la salubrité de l'air commun en absorbant toute sa partie respirable, obtint enfin séparément cette partie respirable, cet air pur, le seul qui entretienne la combustion et la vie. Cependant nos François n'étoient j^as restés en- tièrement inactifs. Bayen % entre autres, avoit remarqué que plu- sieurs chaux de mercure se réduisent sans addition d'aucune matière combustible, et en dégageant beaucoup d'air. On peut même dire que c'étoit lui qui avoit donnéà Priestley l'idée d'examiner cet air, et par conséquent l'occasion de découvrir l'air pur. Mais ces expériences, tout en faisant sentir l'in- suffisance de la théorie du phlogistique, n'en don- noient pas immédiatement une meilleure. Celle-ci fut due tout entière au génie d'un Fran- çois. Lavoisier, après avoir Ion g- temps examiné les servations sur différentes branches de ia physique, avec une conti- nuation des observations sur l'air, ouvrage traduit de l'anglois par M. Gibelin; Paris, 1782, 3 vol. in-S". ' Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1774* HUFFON. COMPLÉM. T. 1. 5 66 SCIENCES PHYSIQUES. phénomènes relatifs aux airs dégagés et fixés, après avoir vu, comme beaucoup d'autres, que Faug- mentation de poids des métaux calcinés est due à la fixation d'une portion quelconque de l'air, eut enfin le bonheur particulier de reconnoître et de démontrer par une suite d'expériences aussi claires que rigoureuses que non seulement les métaux, mais encore le soufre, le phosphore, en un mot tous les corps combustibles, absorbent, en brû- lant, seulement de lair pur % c'est-à-dire cette por- tion uniquement respirable de Fair , et cela en quantité précisément égale à l'augmentation de poids des chaux ou des acides produits; qu'ils rendent cet air en se réduisant, et que Fair ainsi restitué se change en air fixe, quand c'est par le charbon qu'on les réduit \ Le phlogistique est donc un être de raison, se dit-il ; la combustion n'est qu'une combinaison de l'air pur avec les corps. La lumière et la flamme qui s'y développent étoient cette chaleur latente em- ployée auparavant à maintenir l'air pur à l'état élastique. Le fluide qui reste après que la portion ' C'est en ce point que consiste ce qu'il y a de propre à Lavoisier dans sa découverte: ainsi déterminée, elle fut soupçonnée seulement en 1774? et nettement énoncée en 1775. ^ Opuscules physiques et chimiques, par A. h. Lavoisier; Paris^ iyy3. — Mémoires de l'Académie des Sciences, années 1777, p. i86^ et 1781, p. 448- CHIMIE GÉNÉRALE. 67 pure de l'atmosphère est coDSommée est un fluide particulier dans son espèce. L'air noïnmé fixe est le produit spécial de la combustion du charbon. Il est évident que dès-lors la nouvelle théorie fut découverte. On devoit naturellement chercher aussi à savoir ce que donne la combustion de lair inflammable; il étoit d'ailleurs nécessaire qu'on le sût, pour ex- pliquer plusieurs phénomènes dans lesquels cet air se montre ou disparoît. M. Gavendish observa le premier qu'il se manifestoit de l'eau dans cette combustion '. M. Monge fit cette expérience de son côté, sans connoître celle de M. Gavendish. Lavoi- sier. Meunier, M. Delaplace, la répétèrent avec les précautions les plus rigoureuses ^ ; ils obtinrent de l'eau qui égaloit en poids l'air inflammable brûlé et l'air pur consommé. On fit passer à son tour de Feau sur des corps qui pouvoient lui enlever son air pur ; il resta de l'air inflammable. La composi- tion de l'eau fut donc connue. Les nombreuses cal- cina tions qu'elle opère sans le concours de l'air, les productions d'air inflammable par ces calcinations, ' L'expérience de M. Gavendish date de 1781 ; la lecture de son Mémoire est de janvier 1 783 ; l'expérience de Lavoisier de juillet 1 783 : mais M. Gavendish, dans son Mémoire, conserve l'hypothèse du phlo- gistique. '■ Développement des dernières expériences sur la décomposition et la recomposition de l'eau. Journal polytype du 76 juillet 1786. 5. 68 SCIENCES PHYSIQUES. furent expliquées , et les principes particuliers à la nouvelle théorie absolument complétés. Ils furent en quelque sorte démontrés, lorsque Lavoisier et M. Delaplace eurent imaginé le calori- mètre, et que la quantité de chaleur dégagée dans chaque combustion se trouva constamment ré- pondre à la quantité d'air pur employée, comme celle-ci répondoit à l'augmentation de poids du produit. On put alors se faire des idées de la composition des substances combustibles végétales, formées es- sentiellement de la réunion de Fair pur, du char- bon, et de l'air inflammable. Les quantités respec- tives d'air fixe et d'eau qu'elles fournissoient en brû- lant indiquèrent les proportions de leurs principes. Les fermentations de toute espèce , ces mouvements intestins des sucs et des substances végétales, jus- que-là rebelles à toute explication précise, ne furent plus que l'effet des changements d'affinités qu'a- mène l'accès de l'air et de la chaleur. Les éléments de ces substances une fois connus et mesurés, on put calculer les détails et les résultats de leurs nou- velles combinaisons; on put confirmer ce calcul par l'analyse de leurs produits, tels que l'alcohol et le vinaigre. Ce fut encore entièrement là l'ouvrage de Lavoisier. Pendant ce temps M. Berthollet faisoit une dé- CHIMIE GÉNÉRALE. 69 couverte particulière destinée à tenir une grande place dans l'explication de phénomènes plus com- pliqués encore ' ; il reconnoissoit que l'alcali volatil est formé de l'air inflammable, combiné avec cet air nommé jusque-là phlogistiqué , qui reste de l'air commun après la combustion, et que toutes les matières animales, toutes celles des végétales qui donnent cet alcali en se brûlant ou en pourrissant, contiennent de l'air phlogistiqué : c'étoit à ce nou- vel élément qu'étoient dues les fermentations pu- trides et les modifications si désagréables de leurs produits. Les expériences du même chimiste, jointes à celles de Priestley, pouvoient encore faire présumer un emploi important de cet air, celui de former l'acide du nitre en se combinant avec l'air pur plus intimement qu'ils ne le font dans latmosphère; et M. Cavendish ne tarda pas à changer ces soupçons en certitude, en composant cet acide immédiate- ment par l'étincelle électrique \ On peut dire qu'alors la théorie nouvelle s'é- tendit sur toutes les branches importantes de la science. Elle n'est, comme on voit, qu'un lien qui rap- ' Mémoire sur l'analyse de l'alcali volatil, lu à l'Académie des Sciences le 1 1 juin 1785. Journal de Physique, t. XXIX, p. 176. * Voyez les Mémoires cités plus haut. 70 SCIENCES PHYSIQUES. proche heureusement des faits particuliers recon- nus en des temps et par des hommes très différents. La découverte de la chaleur latente par Black; celle du dégagement de l'air des chaux de mercure . réduites sans addition par Bayen ; celle de la pro- duction de Fair fixe dans la combustion du char- bon, et de Feau dans celle de Fair inflammable, par Cavendish , sont des portions intégrantes de la nou- velle chimie, tout comme l'augmentation de poids des métaux calcinés, déjà annoncée parLibavius, et l'absorption de Fair dans les calcinations, re- connue dès le temps de Boyle. Mais c'est précisément la création de ce lien qui constitue la gloire incontestable de Lavoisier. Jus- qu'à lui, les phénomènes particuliers de la chimie pouvoient se comparer à une espèce de labyrinthe dont les allées profondes et tortueuses avoient pres- que toutes été parcourues par beaucoup d'hommes laborieux; mais leurs points de réunion, leurs rapports entre elles et avec l'ensemble, ne pou- voient être aperçus que par le génie qui sauroit s'élever au-dessus de Fédifice et en saisiroit le plan d'un œil d'aipfe. C'est ce qu'a fait Lavoisier dans cette science; c'est ce qu'ont fait, chacun. dans la leur, tous ceux dont les grandes théories ont éclairé la nature. Ici, comme dans toutes les autres branches , c'est à CHIMIE GÉNÉRALE. 7I l'expression la plus générale des faits que se recon- noît la force du génie. L'Europe fut témoin, à cette époque, d'un spec- tacle touchant, dont l'histoire des sciences offre bien peu d'exemples. Les chimistes françois les plus distingués, les contemporains de Lavoisier, ceux qui avoient le plus de droits à se regarder comme ses émules , et particulièrement MM. Four- croy, BerthoUet, et Guy ton , passèrent franchement sous ses drapeaux, proclamèrent sa doctrine dans leurs livres et dans leurs chaires, travaillèrent avec lui à l'étendre à tous les phénomènes et à l'incul- quer dans tous les esprits. C'est par cette conduite noble, autant que par l'importance de leurs propres découvertes, qu'ils méritèrent de partager la gloire de cet heureux génie, et qu'ils firent donner à la nouvelle théorie le nom de chimie françoise , sous lequel elle est adop- tée aujourd'hui de toute l'Europe. Ce n'est pas sans combats qu'elle y est parvenue. Les partisans de l'ancienne doctrine recoururent à mille ressources pour défendre le phlogistique : les uns lui attribuèrent une pesanteur négative; les autres le regardèrent comme identique avec l'air inflammable. M. Kirwan, le plus habile de ceux qui soutinrent cette dernière modification de la théorie de Stahl, fut cependant si complètement 72 SCIENCES PHYSIQUES. réfuté par les chimistes François, qu'il s'avoua vain- cu, et qu'il passa solennellement dans leur parti '. On peut dire, en effet, que les objections que la nouvelle théorie chimique excita dans son origine ont toutes été combattues avec succès : elles te- noient ou à l'imperfection des expériences que Ton alléguoit, ou à quelque élément que l'on négligeoit d'apprécier. C'est à l'une ou à l'autre de ces deux classes que l'on peut rapporter celles de Priestley % de Wiegleb, de Goettling. On en a fait nouvellement quelques autres, ti- rées de la météorologie ou des découvertes du gal- vanisme : c'est ici le lieu d'en dire un mot, et de faire voir qu'elles ne méritent pas véritablement le nom d'objections, mais qu'elles indiquent seule- ment des développements ultérieurs dont la théo- rie est peut-être susceptible, et auxquels on doit donner une grande attention. M. Deluc est celui qui a le plus insisté sur les pre- mières. Il arrive très souvent, quand on est sur des montagnes, qu'on voit naître des nuages à des hau- ' Essai sur le phlogistique et sur la constitution des acides, traduit de l'anglois de M. Kirwan, avec des notes de MM. de Morveau, La- voisier, Delaplace,'Monge, Berthollet, et de Fourcroy ; Paris, 1788, I vol. in-8". ' Réflexions sur la doctrine du phlogistique et la décomposition de l'eau, ouvrage traduit de l'anglois par P. A. Adet ; Paris, 1798, 1 vol ia-8'^; et plusieurs Mémoires particuliers. CHIMIE GENERALE. 7J teurs OÙ Fhygrométre n'annonce point d'eau dis- soute ni suspendue, et où d'ailleurs il ne peut y avoir dair inflammable. D'où vient donc l'eau qui forme ces nuages, à moins qu'elle n'ait fait partie intégrante des gaz qui composent l'atmosphère ' ? Les objections tirées du galvanisme tiennent à la décomposition de l'eau par la pile de Vol ta , décou- verte par MM. Ritter, Carlisle, et Nicholson. Deux fils métalliques communiquant avec les deux bouts de la pile, et plongés dans de l'eau, en tirent conti- nuellement, ainsi que nous l'avons dit plus haut, l'un de l'oxygène , l'autre de l'hydrogène , et cela même quand ils plongent dans deux vases séparés, pourvu que ceux-ci soient joints par une. fibre ani- male, le corps humain, ou tel autre conducteur. L'eau d'un vase semble devoir se changer tout en- tière en oxygène, celle de l'autre en hydrogène. Ces deux gaz ne seroient-ils donc pas chacun une com- binaison de l'eau avec l'un des principes électriques excités par la pile? On répond que, dans toutes les expériences , il y a de l'eau intermédiaire, et qu'elles s'expliquent par ce que nous avons dit ci-dessus, d'après M. Davy. Même lorsque M. Ritter a obtenu de l'oxygène sans hydrogène, en mettant, d'un côté, ' Introduction à la Physique terrestre par les fluides expansibles , précédée de deux Mémoires sur la nouvelle théorie chimique consi- dérée sous différents points de vue; Paris, i8o3, 2 vol. in-8°. 74 SCIENCES PHYSIQUES. de l'acide suliïnique, il s'est précipité du soufre; ce qui prouve que l'hydrogène de l'eau alloit enle- ver l'oxygène de l'acide. îi est d'ailleurs évident que, si ces conjectures venoient à se vérifier, la nouvelle théorie, loin d'être renversée, auroit fait un pas de plus, et que, quelle que soit la composition de l'oxygène, il n'en renipliroit pas moins, dans les comhustions de tout genre, le rôle que cette théorie lui assigne; mais il est évident aussi que l'on ne peut regarder ce nou- veau pas comme entièrement fait, qu'autant que les propositions qui en résulteroient seroient éta- blies sur des expériences aussi exactes et sur des conclusions aussi rigoureuses que celles des créa- teurs de la chimie françoise, et que des su ppositions tirées des phénomènes de la science jusqu'à présent les plus obscurs , non seulement à l'égard des points en question , mais encore par rapport à toutes les circonstances qui peuvent les précéder, les accom- pagner ou les suivre, ne peuvent être mises au même rang que des faits circonstanciés, faciles à reproduire à volonté, et dont on mesure avec pré- cision tous les détails. Nous devons en dire autant des développements d'un autre genre que des savants étrangers , et sur- tout des Allemands, ont cherché récemment à don- ner à la théorie chimique. CHIMIE GÉNÉRALE. 76 M. Winterî, professeur à Pesth, en est le princi- pal auteur Ml se fonde d'abord sur un point incon- testable; c'est que Toxygène n'est pas le principe général de l'acidité, puisqu'on ne Fa point encore extrait de plusieurs acides, et que des combinaisons où il n'entre certainement point agissent à la ma- nière des acides, ainsi que cela est reconnu de tout le monde pour l'hydrogène sulfuré, tandis que plusieurs de celles où il entre, comme les oxydes métalliques, se composent à la manière des alcalis. Rangeant alors, d'un côté, avec les acides, toutes les substances qui agissent comme eux, et parmi lesquelles il compte jusqu'au soufre et à la silice, et de l'autre, sous le nom de base, toutes celles sur lesquelles les acides réagissent, comme alcalis , ter- res, oxydes, etc. , il attribue les qualités respectives de ces deux ordres de corps à deux principes qu'il nomme d'acide et de basicité, et dont la tendance mutuelle à s'unir occasione, selon lui, toutes les combinaisons chimiques. Les corps sont tous ori- ginairement composés d'atomes semblables, et les caractères particuliers à chacun dépendent de son degré d'adhérence au principe de basicité ou d'aci- ' Prolusiones in chemiam seculi Jecimi noni , auclore Fr. Jos. Wm- terl ; 1800, i vol. in-8°. — Matériaux d'une chimie du dix-neuvième siècle, en allemand, par OErstedt; Ratisbonne, i8o5. — -Exposé des quatre éléments de la nature inorfjanique, en allemand, par Schuster; Berlin , 1806. 76 SCIENCES PHYSIQUES. dite; adhérence dont M. Winterl fait encore un troisième principe immatériel, qui peut se perdre, se reprendre, et se transmettre d'un corps à l'autre. Une matière douée du principe d'adhérence, et qui ne demande que l'un des deux autres pour de- venir active, s'appelle un substrattim. Pour ne rien dire des difficultés métaphysiques qui résulteroient de cette admission des principes immatériels, principalement de celle du dernier, qu'il est bien difficile de se représenter autrement que comme une relation, et pour nous en tenir au pur examen physique, il est clair qu'une simple ressemblance des quahtés des corps nautoriseroit pas à leur attribuer des principes communs. Aussi M. Winterl cherche-t-il à prouver, par des expé- riences, l'existence de ceux qu'il établit; il assure que si l'on fait sortir d'une combinaison par la sim- ple chaleur non rouge, soit lacide, soit la base, le premier n'en ressort pas aussi acide, ni la seconde aussi alcaline, ou, comme il s'exprime, aussi base qu'ils y sont entrés. C'est qu'une partie des deux principes s'étoit détachée au moment de la combi- naison, pour produire la chaleur, qui se manifeste presque toujours lorsqu'on iniit un acide à une base; et toute chaleur résulte, selon lui, de l'union du principe de Facidité et de celui de la basicité. Cet affoiblissement n'est pas sensible, quand on CHIMIE GENERALE. 77 décompose par un acide ou par une base , parceque la substance qui entre en combinaison cède le su- perflu de son principe à celle qui s'en va. L'oxygène est lui-même un acide, et 1 bydrogène une base, qui ont l'eau pour substratum commun : c'est-à-dire que i'eau acidifiée, ou saisie, et, comme M. Winterl s'exprime, animée par le principe d'a- cidité, est de l'oxygène; et l'eau basifiée, ou animée par le principe de basicité, de Fliydrogène. On ne s'étonne donc plus que ces deux gaz donnent de l'eau en brûlant, et l'on devine déjà que les deux électricités contiennent les deux principes, ou plu- tôt sont ces principes eux-mêmes , et que c'est ainsi que la pile a l'air de décomposer l'eau et les sels. Aussi faut-il avouer que M. Winterl avoit, en quel- que sorte, prévu ses effets chimiques, avant que MM. Ritter et Davy les eussent découverts. La diffé- rence du galvanisme à l'électricité vient de la faculté qu'a le premier de communiquer aux corps le prin- ciped'adhérence et deleur faire retenir par-là les deux principes actifs. Le maximum possible de chaleur naît delà combustion de l'hydrogène par l'oxygène tiré des oxydes au moyen de la chaleur, i'' parceque celui-ci est le plus acidifié possible, beaucoup plus que celui qu'on tire de l'air commun; 2° parceque les deux gaz sont entièrement désanimés dans l'o- pération ; 3° parceque la diminution de capacité du. -jS SCIENCES PHYSIQUES. produit vient se joindre aux deux autres causes. Mais, comme à la longue une réunion complète de toutes les portions des deux seuls principes actifs réduiroit toute la matière à son inertie naturelle, M. Winterl fait intervenir la lumière pour les sépa- rer en certaines occasions et les rendre aux divers siibstratum dont elle les dégage aussi quelquefois. On entrevoit sans doute, dans ce court exposé, qu en alliant ces vues avec les nouvelles lois de l'af- finité et avec celles des combinaisons de la chaleur, on doit arriver à une explication assez plausible de la plupart des phénomènes chimiques, et même que l'on pourroit en éclaircir quelques uns de ceux qui restent encore obscurs pour la théorie reçue : cet avantage, et le rapport qu'on a cru apercevoir entre les deux principes actifs de M. Winterl et le système métaphysique du dualisme aujourd'hui fort en vogue dans rAllemagnc, ont donné du crédit en ce pays-là aux idées du chimiste hongrois. Mais le système le plus séduisant, l'édifice le plus ingénieux, ne peut subsister s'il n'est fondé sur l'expérience. Tant que les pertes de force, que M. Winterl prétend causées aux acides et aux bases par leur simple passage à l'état de combinaison, n'auront pas été généralement démontrées, ses deux principes ne pourront être reconnus. Or M. Ber- thollet vient de répéter les principales expériences CHIMIE GÉNÉRALE. -79 sur lesquelles M. Winterl s'appuie pour établir ce point capital, et il les a trouvées fausses. Ce qui les rendoit suspectes d'avance c'est que quelques autres que M. Winterl a mises en avant sur des sujets plus particuliers n'ont également pu encore être vérifiées par ceux qui les ont tentées et spécialement par MM. Guyton de Morveau et Bucholz '. Nous voulons sur-tout parler de Vandronia et de la t/ieljka, deux substances auxquelles M. Winterl fait jouer un grand rôle dans les pbénoménes par- ticuliers, et qu'il ne paroît pas qu'on ait pu repro- duire en suivant des procédés qu'il indique. Nouvelle nomenclature chimique. Pour reprendre le fil de l'histoire de la chimie, nous dirons que l'un des moyens qui ont le plus puissamment contribué à faciliter l'enseignement de la science en général, et à préparer l'adoption universelle de la théorie nouvelle, c'est la nomen- clature créée par une société de chimistes françois dont nous avons parlé plus haut. Les termes de la chimie se ressentoient encore, à la fin du dix-huitième siècle, des temps déplo- rables où cette science a commencé à naître; plu- sieurs étoient entièrement barbares ; la plupart ' Annales de Chimie de 1807. 8o SCIENCES PHYSIQUES. coiiservoient cet air mystique ou merveilleux qui leur avoit été donné par des charlatans ; presque aucun n avoit le moindre rapport d'étymologie avec Fobjet qu'il dési^noit, ni avec les noms des objets analogues: si quelque chose en justifioit Fusage, c etoit Timpossibilité de faire mieux , tant qu'on n'avoit point d'idée nette de la composition de la plupart des substances. Donner aux éléments des noms simples ; en dé- river, pour les combinaisons , des noms qui expri- massent l'espèce et la proportion des éléments qui les constituent, c'étoit offrir d'avance à l'esprit le tableau abrégé des résultats de la science, c'étoit fournir à la mémoire le moyen de rappeler par les noms la nature même des objets. C'est ce que M. Guyton de Morveau proposa le premier dès 1-781, et ce qui fut complètement exécuté par lui et par ses collègues en i -y 8 7 ' . Il falloit s'attendre que la plupart des anciens chimistes ne se résoudroient qu'à regret à étudier un système entier de dénominations nouvelles ; mais il falloit espérer que les jeunes gens se trou- veroient heureux de recevoir une instruction sim- plifiée par la fusion des noms et des définitions. La ' Méthode de nomenclature chimique proposée par MM. de Mor- veau, Lavoisier, Berthollet, et de Fourcroy ; Paris, 1787, i volume in-8°. CHIMIE GÉNÉRALE. 8l nouvelle nomenclature n'est en effet que cela : il seroit ridicule de vouloir en faire un instrument de découvertes, puisqu'elle n'est que l'expression des découvertes faites; mais il est juste de voir en elle un excellent instrument d'enseignement. Sans doute elle ne peut , comme toute définition, rendre que ce que l'on savoit à l'époque où on l'a faite : ainsi les acides dont on ignore le radical, ceux dont on n'a point déterminé le degré d'oxygénation, n'y portent encore que des noms provisoires; peut-être aussi auroit-on dû donner à l'acide nitrique son véritable nom, puisqu'on savoit dès -lors de quoi il est formé; l'ammoniaque ne devoit pas non plus y porter un nom simple, dès que l'on connoissoit sa composition. Mais une partie de ces défauts tient à l'état de la science ; les autres peuvent aisément être corrigés , et ils notent rien à l'utilité de la nomenclature mé- thodique ni au mérite de ses inventeurs. On se tromperoit cependant si l'on attribuoit en- tièrement à la nouvelle nomenclature, ou même à la nouvelle théorie de la combustion, l'état brillant où la chimie est arrivée de nos jours. Il en est une cause encore plus essentielle, à la- quelle même on doit, à proprement parler, et cette théorie nouvelle , et les découvertes qui l'ont fait naître, aussi bien que celles qui l'ont suivie. Nous nOFFON. COMPLEM. T. I. 82 SCIENCES PHYSIQUES. l'avons déjà indiquée en général; mais il est bon d'en parler encore dans cette occasion où son im- portance est si frappante. C'est l'esprit mathéma- tique qui s'est introduit dans la science, et la ri- goureuse précision qu'on a portée dans l'examen de toutes ses opérations. Bergman en avoit donné l'exemple dans ses mé- thodes d'analyse minérale ; Priestley s'y étoit fort at- taché dans ses expériences sur les airs ; M. Gavendish sur-tout, que nous avons déjà nommé tant de fois, avoit procédé constamment en géomètre profond, autant qu'en chimiste ingénieux. Les nouveaux chimistes françois se sont plus rigoureusement encore astreints à cette marche sévère qui pouvoit seule donner à leur doctrine le caractère de la démonstration; et c'est sur -tout dans cette partie qu'ils ont eu à se louer du con- cours de quelques uns de nos géomètres les plus distingués, et que Ton a pu juger de l'heureux effet de cette association des divers genres d'études. Nous avons déjà parlé du calorimètre imaginé par Lavoisier et par M. Delaplace. Le gazomètre dû aux recherches de Lavoisier et de Meunier n'est pas moins important. Déjà auparavant l'appareil pneumato- chimique de Mayow, de Haies et dv. Priestley, et l'appareil de Woulf pour la sépara- tion des différents gaz, avoient rendu les plus CHIMIE GÉNÉRALE. 83 [i^rands services : ce dernier a été depuis extrême- ment perfectionné par M. Welther. C'est dans le Traité élémentaire de Lavoisier ' que l'Europe vit pour la première fois avec étonnement le système entier de la nouvelle ch imie, et cette belle réunion d'instrumentsingfénieux, d'expériences pré- cises, et d'explications heureuses, présentées avec une clarté et dans un enchaînement qui n'étoient guère moins admirables que leur découverte. Ce livre ayant paru précisément en 1789, on peut dire que tous les travaux de chimie particu- lière dont nous avons maintenant à rendre compte se sont exécutés sous son influence; et c'est le point de départ le plus convenable que nous puissions choisir, puisqu'il fait véritablement l'une des plus grandes époques de l'histoire des sciences. CHIMIE PARTICULIERE. Nouveaux éléments métalliques. Nous sommes loin aujourd'hui de la doctrine bizarre des anciens, qui prétendoient composer tous les corps avec quatre éléments ou modifica- ' Traité élémentaire de Chimie, présenté dans un ordre nouveau, et d'après les découvertes modernes, par M. Lavoisier; Paris, 1789, 2 vol. in-8°. C. 84 SCIENCES PHYSIQUES. lions primitives de la matière : celle des chimistes du moyen âge, avec leurs terres, leurs soufres, leurs sels, et leurs mercures, s'est écroulée aussi devant l'expérience et une saine logique. Tout ce que nous ne pouvons décomposer est un élément pour nous; et chaque fois que nous rencontrons une nouvelle matière rebelle à notre analvse, nous nous croyons en droit de l'inscrire sur la liste des substances simples, bien entendu que nous ne les considérons comme telles que relativement à l'état actuel de nos connoissanccs. Ces substances non encore décomposées vont aujourd'hui à près de cinquante , et les métaux de toute espèce y occu- pent un rang considérable. Les anciens, comme on sait, n'en possédoient que sept; et l'identité de ce nombre avec celui de leurs planètes et avec celui des notes de la gamme et des couleurs de l'iris , avoit donné lieu à une foule d'idées superstitieuses ou ridicules. On dé- couvrit, pendant le moyen âge, quelques demi- métaux, l'antimoine, le bismuth, le zinc, le cobalt, le nickel', dont les noms tudesques attestent en- core aujourd'hui l'origine. Les chimistes de l'école Je Stahl constatèrent la nature métallique et parti- culière des deux derniers, ainsi que celle de l'arse- ' Découvert depuis long- temps, mais reconnu pour un métal particulier, en 1762, par Cronstedt. CHIMIE PARTICULIÈRE. 8!) nie, du molybdène ', du tungstène % et du man- ganèse^. Leurs longues recherches parvinrent à purifier le platine, et à nous montrer en lui un nouveau métal noble, le plus pesant et le plus inaltérable de tous. On comptoit donc en 1789 dix-sept métaux, soit cassants, soit ductiles: dès cette année M. Kla- proth en découvrit un dix-huitième, Turane^. Il y en ajouta, en 1795, un dix -neuvième, le titane, que M. Gregor avoit soupçonné dans une substance du pays de Gornouailles. et qui s'est re- trouvé dans une foule de minéraux. Son oxyde com- j^ose seul ce que l'on nommoit sc/iorl rouge et scliorl octaèdre. Muller, Bergman, et Kirwan avoient aussi soup- çonné un métal dans quelques mines d'or de Hon- grie; M. Klaproth l'y a démontré en 1798, et Ta nommé tellure^. M. Vauquelin a fait en ce genre, en 1797, une ' Scheele en détermina l'acide en 1778; Hielm, disciple de Berg- man, le métal. ^ L'acide en fut reconnu par Scheele en 1781 ; Bergman saupçon- noit sa nature métallique; JVOI. d'Elhuyar l'ont réduit les premiers. ^ Gahn l'a réduit le premier ; Bergman et Scheele en soupçonnoicnt la nature. ^^ Annales de Chimie, t. IV, p. 162. ' Annales de Chimie, t, XXV, p. 278; mémoire lu à l'Académie de Berlin le 25 janvier 1798. 86 SCIENCES PHYSIQUES. découverte qui efface, pour ainsi dire, toutes les autres par le rôle brillant que son métal joue dans la nature, et par son utilité dans les arts: c'est le chrome. Son oxyde est d'un beau vert, et son acide d'un beau rouge; il sert de minéralisateur au plomb rouge de Sibérie, et de principe colorant à l'énie- raude et au rubis. Il y en a en abondance de com- biné avec du fer, et on le retrouve jusque dans les pierres météoriques. La porcelaine, pour laquelle on n avoit point jusqu'ici de vert qui pût soutenir le grand feu, en reçoit un de l'oxyde du chrome, aussi beau dans son genre que le bleu qu'elle tire du cobalt; on s'en sert pour imiter parfaitement la couleur des émeraudes; et l'acide du chrome, combiné avec le plomb, donne un rouge inalté- rable aussi beau que le minium '. Les travaux presque simultanés de MM. Four- croy, Vauquelin, Descotils, Wollaston, et Smith- son-Tennant, viennent de mettre au jour (en 1 8o5 et 1 806) quatre métaux distincts et très remarqua- bles, qui se trouvent mélangés avec le platine brut. L'un d'eux, le palladium, ressemble à l'argent par l'éclat, la couleur, et la ductilité; mais il est plus pesant et plus inaltérable : un autre, \osmium, a la propriété singulière de se dissoudre dans l'eau , de ' Annales de Chimie, t. XXV, p. 21; mémoire lu à l'Institut le 11 brumaire au 6. CHIMIE PARTICULIÈRE. 87 lui donner une saveur et une odeur fortes, et de s'élever avec elle en vapeurs; le troisième, Yiridium, est remarquable par les couleurs vives qu'il com- munique à ses dissolutions; le quatrième enfin, le rhodium, les colore toutes en rose '. Cette découverte presque subite de quatre sub- stances métalliques dans un minéral où on les soupçonnoit si peu, et où elles sont accompag^nées de sept autres déjà connues, peut faire croire qu'il en reste encore beaucoup à distinguer dans la na- ture: une foule de différences pbysiques des miné- raux exigent en quelque sorte, pour être expliquées, que l'on y découvre de nouveaux principes. Déjà M. Hatchett a retiré, en 1802, d'un mi- nerai des États-Unis, un métal particulier qu'il a nommé columbiiim. MM. Hisinger et Berzelius eu ont trouvé un autre, le cerium, dans un minerai de Suéde^; et M. Ekeberg un troisième en 1801, le tantale, dans deux minerais du même pays ^. Mais ces trois métaux ont des propriétés moins saillantes que les précédents; et l'on annonce que le tantale n'est qu'une combinaison de letain. La liste des substances métalliques iroit donc ' Bulletin des Sciences, florëal et fructidor an 11, germinal et fructidor an 12, et vende'miaire an i3. ^ Journal de Physique, t. LIV, pages 85, 1G8, 36i. ^ Journal de Physique, t. LV, [)ages 238 et 281. 88 SCIENCES PHYSIQUES. aujourd'hui à vingt-huit, ou vingt-sept en retran- chant le tantale. Nouveaux éléments terreux. Celle des éléments terreux n'est pas aussi consi- dérable. Les anciens et les chimistes du moyen âge n'en admettoient qu'une seule espèce, qu'ils dési- gnoient par les noms vagues de terre et de caput îïiortuum. C'est dans l'école de Stahl seulement qu'on a commencé à distinguer la terre calcaire, la sili- ceuse, et l'argileuse; encore beaucoup de minéra- logistes les regardoient-ils en ce temps-là comme des modifications d'une substance commune. Les travaux de Black et de Margraf y ajoutèrent la magnésie; et ceux de Scheele et de Gahn, la ba- ryte ou terre pesante. Ainsi l'on connoissoit cinq terres en 1^89. M. Klaproth se présente encore le premier parmi ceux qui ont augmenté cette liste. Il découvrit la zircone en i 7 89 dans la pierre dite jargon de Cejlan\ et la retrouva ensuite dans une variété d'hyacinthe. M. deMorveau prouva qu'elle entre essentiellement dans toutes les véritables gemmes de ce noni\ ' Mémoires de la Société des amis scrutateurs de !a nature, de Berlin. ' Annales de Chimie, t. XXI, p, 72. CHIMIE PARTICULIÈRE. 89 M. Klaproth distingua en 1793 la strontiane, que l'on avoit confondue jusqu'à lui avec la baryte. M. Fourcroy a fait voir que l'une et l'autre jouissent éminemment des propriétés alcalines'. M. Vauquelin se montra aussi bientôt un digne émule de M. Klaproth dans ce genre de recherches, en découvrant en 1798 la glucine, qui fait la base du beril et de l'émeraude : son nom vient de la sa- veur sucrée des sels qu'elle forme avec les acides^. Enfin M. Gadolin a reconnu encore en 1794 7 dans une pierre de Suéde, une terre particulière qu'il a nommée jifn'a. x\insi la chimie possède aujourd'hui neuf terres distinctes qu'il n'a pas été possible de convertir les unes dans les autres^ et dont aucune n'a pu être réduite à l'état métallique, quoi que l'on ait fait pour cela, et malgré la ressemblance frappante qu'a la baryte avec les oxydes ; il faut donc les con- server dans la liste des substances simples pour nos instruments. L'heureuse détermination des principes de l'al- cali volatil par M. Berthollet pouvoit faire espérer que l'on parviendroit à décomposer également les deux alcalis fixes; mais toutes les tentatives faites ' Journal de Physique, t. XLV, p. 56. ^ Analyse de l'aiguemarine, etc., lue à l'Institut le 26 pluviôse an 6 ; Annales de Chimie, t. XXVI, p. 1 55. go SCIENCES PHYSIQUES. jusqu'à présent pour cela ont été vaines, et Ton doit aussi les laisser dans la liste des éléments ^ Les chimistes dévoient de même être encoura- ntes, par la découverte du radical de l'acide nitri- que, à la recherche de ceux des trois autres acides minéraux non décomposés, savoir, du fluorique, du boracique, et du muriatique: mais ils n'y ont pas eu plus de succès que dans l'analyse des alcalis fixes; et si Ton ne place pas également ces acides dans la série des principes élémentaires, c'est que l'analogie n'a guère permis jusqu'à présent de dou- ter qu'ils ne soient, comme les autres, formés de la combinaison d'un radical quelconque avec l'oxy- gène. Nouveaux acides. On a été plus heureux à découvrir des acides nouveaux; l'école de Stabl en avoit déjà obtenu plusieurs \ On sait en effet que l'acide sulfurique, le ni- trique, et le muriatique, étoient seuls connus des ' Nous avons dëja remarqué que les expériences de M. Davy n'é- toient pas connues lors de la rédaction de ce rapport : au reste on est encore en doute si le produit d'apparence métallique qu'elles don- nent résulte de la décomposition des alcalis, ou de leur combinaison avec le charbon. * Voyez en général l'excellent article Acide, dans V Encyclopédie méthodique , par M. de Morveau; et les chapitres sur le même sujet, dans les Systèmes de Chimie de M. Fourcroy et de M. Thomson. CHIMIE PARTICULIÈRE. 9I chimistes du moyen âge : le sulfureux fut distin- j]ué par Stalil lui-même; le boracique, par Hom- Ler(}; le phosphorique, par Margraf ; le carbonique, par Black, Cavendish, et Bergman; le fluorique, par Scheele. Ce dernier fit connoître deux acides à base mé- tallique, ceux du molybdène et du tungstène, et éclaircit la nature de celui de Faisenic. Ce même Scheele, dont les découvertes en ont tant préparé à ses successeurs, ayant oxygéné, ou, comme on sexprimoitalors, déphlogistiqué Facide muriatique, produisit Facide muriatique oxygéné, dont les propriétés étonnantes ont été pour les chi- mistes une source si féconde de vérités nouvelles, qui tiennent presque toutes à la facilité avec laquelle cet acide abandonne son oxygène surabondant. La période dont nous avons à rendre compte n'a fourni que deux nouveaux acides à base métalli- que; le chromique, trouvé en même temps que le chrome par M. Vauquelin , et le columbique , par M. Hatchett: on n'y a reconnu aucun acide nou- veau qui soit indécomposable; mais les acides à bases compliquées, binaires, ou ternaires, se sont multipliés davantage, soit qu'on les ait découverts déjà tout formés dans les végétaux ou dans les ani- maux, soit qu'on les y ait produits par l'oxygénation. Les anciens possédoient au fond presque tous les 92 SCIENCES PHYSIQUES. acides animaux et végétaux naturels, tels que celui du vinaigre, celui du citron, et celui du sel d'o- seille; mais ils étoient loin de les distinguer nette- ment, et plus loin encore d'avoir des idées justes de leur composition. Bergman^ fit faire un grand pas à leur théorie, et même à toute la chimie des corps organisés , en montrant qu'il étoit possible d'en préparer artifi- ciellement. En traitant le sucre par l'acide nitri- que, il obtint un acide végétal, que Scheele re- connut pour le même que celui du sel d'oseille. Scheele en produisit à son tour un nouveau , en traitant de la même manière le sucre de lait; c'est l'acide saccolactique ou muqueux. Ce même chi- miste enseigna à obtenir purs les acides du ben- join et du tartre, que Ion connoissoit depuis long- temps^; il découvrit la nature acide du calcul de la vessie et celle du principe astringent de la noix de galle. Hermstaedt^ caractérisa l'acide des pom- mes, qui s'est retrouvé dans presque tous les fruits rouges, et que M. Vauquelin a montré à fabriquer, en traitant les gommes par facide nitrique. Kose- ' Voyez en général les Opuscules physiques et chimiques de Berg- man : il y en a une traduction par M. de Morveau; Dijon, 1780, 2 vol. in~8°. ^ Voyez le Journal de Physique, 1783, t. I, pages 67 et 170. ^ Journal de Physique, t. XXXII, p. 5"]. CHIMIE PAKTICULIÈRE. ()3 garten' fit connoître celui qu on retire de l'oxygé- nation du camphre. Georgii et Bergman déter- minèrent les propriétés distinctives de celui des citrons. On s'est assuré en général que presque toutes les matières végétales et même animales peuvent s'acidifier par divers procédés d'oxygéna- tion: ainsi les matières animales donnent, par l'a- cide nitrique, des acides en tout semblables à ceux des pommes et de l'oseille. L'acide du vinaigre sur-tout se forme dans toutes les matières vineuses exposées à l'air , et dans une multitude d'autres opérations naturelles ou artifi- cielles, dont M. Fourcroy a, îe premier, bien spé- cifié les effets. On le supposoit susceptible de divers degrés d'oxygénation, et on luidonnoit, d'après les régies de la nouvelle nomenclature, tantôt le nom d'acide acétique, tantôt celui d'acide acéteux: M. Adet a montré récemment qu'il n y a que divers degrés de concentration ^ Cet acide acétique, en se mêlant à diverses sub- stances, se montre sous des apparences qui l'ont quelquefois fait prendre pour des acides particu- liers. Par exemple ceux qu'on obtient eu distillant le bois et les gommes avoient requ les noms de ' Journal de Physique, t. XXXV, p. 291. * Annales de Chimie, t. XXVI, p. 291; lu à l'Institut le ii ther- midor an 6. 94 SCIENCES PHYSIQUES. pyroligneux et de pyromuqueux : MM. Fourcroy et Vauquelin ont fait voir qu'ils ne consistent qu'en acide acétique, altéré par une portion d'huile em- pyreumatique qui s'élève avec lui. L'acide que Scheele pensoit avoir trouvé dans le petit-lait n'est encore, suivant ces chimistes célèbres, que de l'a- cide acétique mêlé à la partie caséeuse du lait\ On croyoit également obtenir un acide particu- lier en distillant le suif. M. Thenard a montré que c'est de l'acétique mêlé de graisse ^ Il y a aussi des combinaisons de deux acides que l'on jugeoit former des espèces simples, et dont les éléments ont été démêlés par des recherches ré- centes. L'acide des fourm is , par exemple , ne s'est trouvé , selon MM. Fourcroy et Vauquelin, qu'un mélange d'acide phosphorique, de malique et d'acétique^. Ces chimistes soupçonnent qu'il en est de même de celui des vers-à-soie. Il ne reste donc des anciens acides animaux que celui du calcul de la vessie, auquel M. Fourcroy a donné le nom d'urique , et l'acide prussique, qui se prépare artificiellement, et qui estsiutileà la chimie pour reconnoîtredans ses analyses lesmoindres par- ' Bulletin des Sciences, vendémiaire an 9. ^ Ibid., prairial an 9. ^ Annales du Muse'um d'histoire naturelle, t. I, p. 333. CHIMIE PARTICULIÈRE. gS celles de fer, et aux arts, comme l'un des ing^rédients du bleu de Prusse. Scheele est encore celui qui en a reconnu le premier la nature acide. Il a été trouvé tout formé dans les amandes amères, et M. Ber- thollet a réussi à le suroxygéner. Dans ce dernier état il est plus volatil et colore le fer en vert. Mais la période actuelle a produit six nouveaux acides à base composée, dont quatre ont été retirés des corps organisés, et les deux autres fabriqués de toutes pièces. Les naturels sont celui que M. Klaproth a retiré de Vhonigstein ou pierre de miel * (il y étoit combiné avec de laluniineet du charbon), celui que le même chimiste a trouvé dans la sève du mûrier blanc, celui qui a été extrait du quinquina par M. Deschamps, enfin celui que MM. Vauquelin et Buniva ont dé- couvert dans les eaux de lamnios des vaches. Des deux artificiels, Tun (le subérique) a été pré- paré en traitant le liège par Tacide nitrique. C'est M. Brugnatelli qui en est l'auteur. M. Bouillon-La- grange en a étudié les combinaisons. L'autre se produit en distillant le suif. M. The- nard, qui avoit réfuté l'existence de l'ancien acide sébacique, en a transporté le nom à celui-ci, qu'il a découvert, et qui est plus réel. Il ne faut pas voir, dans toutes ces découvertes, ' Jonrnal de Physique, novembre 1791. 96 SCIENCES PHYSIQUES. seulement la possession de quelques principes de plus ou de moins : il n'est aucune de ces substances dont la chimie ne puisse tirer parti dans ses analyses en les employant comme réactifs. Ainsi l'acide gal- lique fait reconnoître les métaux ; lacide oxalique , la chaux; l'acide succinique sépare le fer du man- ganèse, etc. Gomme parties constituantes des corps, leur connoissance est indispensable à l'histoire na- turelle; enfin les arts utiles profitent de quelques unes. Mais l'utilité théorique la plus immédiate de cette liste des principes chimiques c'est de nous donner des idées plus étendues sur la multitude des combinaisons possibles. Il est aisé de sentir, en effet, que les cinq com- bustibles non métalliques, les vingt-huit métaux, leurs oxydes des divers degrés, les neuf terres, les trois alcalis et les acides de toute espèce, réunis deux à deux seulement, donneroient déjà plusieurs cen- taines et même plusieurs milliers de combinaisons, dont un grand nombre existe réellement dans la nature, et dont un nombre plus considérable en- core peut être réalisé par les moyens de l'art. Elles sont autant d'objets d'étude pour les chi- mistes : plusieurs étoient connues depuis long- temps; d'autres n'ont été bien observées que dans la période actuelle, et il en reste beaucoup encore à soumettre à l'examen. CHIMIE PARTICULIÈRE. 9*7 Un exposé complet de ce qui a été fait en ce genre depuis 1789 seroit infini; bornons-nous aux résul- tats les plus utiles, ou à ceux qui répandent une lumière plus générale. La seule détermination des quantités respectives de lacide et de la base dans les différents sels a été l'objet de recherches très longues, parcequelle se complique de la détermination de la portion d'eau , toujours plus ou moins forte dans les acides liqui- des, et de cette autre portion qui entre nécessaire- ment dans tous les cristaux salins. Kirwan s'en est fort occupé'; MM. Bucholz, Wensel et Vauquelin ont beaucoup ajouté à ses re- cherches : mais il s'en faut encore que les résultats de ces chimistes soient uniformes. L'une des plus utiles de leurs découvertes en ce genre a été celle de la composition de l'alun. MM. Vauquelin, Ghaptal et Descroisilles ont trouvé presque simultanémentquela potasse est nécessaire à la composition de ce sel^. M. Vauquelin, en particulier, a fait une autre dé- couverte qui n'est pas moins importante: c'est qu'il n'y a de différence entre l'alun de Rome et l'alun or- ' De ia force des acides et de la proportion des substances qui composent les sels neutres ; ouvrage traduit de l'anglois de M. Kirwan , par madame L. Voyez aussi, sur tous les sels, le Système des connois- sances chimiques de M. Fourcroy, et la Chimie de M. Thomson. " Annales de Chimie, t. XXII, p. 268; t. L, p. i54- 1!UI>'0N. COMPLÉM. T. l. 7 98 SCIENCES PHYSIQUES. dinaire qu'un peu plus de fer dans celui-ci. On a fait l'application de cette découverte en grand à la teinture, et la France a été délivrée par-là d'un im- pôt considérable qu'elle payoit à l'étranger. L'alun est donc un sel triple, puisque sa base est double. La chimie en possède encore quelques au- tres : on doit remarquer dans ce genre divers sels à base d'ammoniaque et de magnésie, sur lesquels M. Fourcroy a beaucoup travaillé'. La difficulté de ces sortes d'analyses augmente quand il s'agit des sels métalliques, et qu'il faut estimer à quel degré d'oxydation le métal s'est uni à l'acide. Parmi les recherches de ce genre on doit citer principalement l'histoire des sels de mercure, que M. Fourcroy a commencée en i -79 1 , et qu'il a ter- minée presque complètement en 1 804, avec M. The- nard^. M. Proust, chimiste françois, établi en Es- pagne, a fait des travaux analogues sur les sels de fer et de cuivre, principalement sur les sulfates à divers degrés d'oxydation^. M. Thenard s'est aussi occupé des sulfates de fer4. ' Annales de Chimie, t. IV, p. 210. " Ibid., t. X, p. 29^; t. XIV, p. 34; Bulletin des Sciences, bru- maire an 1 1 . ^ Annales de Chimie, t. XXXII, p. 26. * Bulletin des Sciences, thermidor an 12. CHIMIE PARTICULIÈRE. 99 M. Ghenevix a travaillé sur les arseniates de cuivre, de plomb, sur les muriates d'argent, et a découvert le muriate suroxygéné de ce dernier mé- tal '. Les muriates d'argent ont aussi été étudiés par MM. Proust et Klaproth. Mais, parmi les sels métalliques nouvellement connus, on doit éminemment distinguer le phos- phate de cobalt, dont M. Thenard a découvert la préparation, et qui, combiné avec de l'alumine, remplace, à peu de chose près, l'outremer en pein- ture \ Le plomb, combiné avec l'acide du chrome dé- couvert par M. Vauquelin, donne, ainsi que nous l'avons dit, un rouge éclatant qui ne noircit point comme le minium : on en prépare aujourd'hui une quantité immense. La décomposition des sels est aussi quelquefois d'une très grande utilité. Ainsi l'art de retirer la soude du sel marin est de première importance pour tous les arts qui em- ploient cet alcali, et spécialement pour les savon- neries et pour les verreries; mais il n'en a pas moins pour la chimie générale, parcequ'il a été la première exception reconnue aux lois anciennement établies pour les affinités, et qu'il a peut-être occasioné la ' Journal de Physique, t. LV, p. 85. Bulletin des Sciences, brumaire an 12. lOO SCIENCES PHYSIQUES. plupart des nouvelles idées de M. Berthollet sur ce .o^rand sujet. Scheele a encore ici fourni le premier germe et de l'art et de la doctrine, en remarquant que d'un mélange de sel marin et de chaux vive légèrement humecté et placé dans une cave, il effleurit conti- nuellement du carbonate de soude , quoique" la chaux n'ait pas par elle-même le pouvoir d'enlever l'acide muriatique à la soude. Mais la nature opère cette décomposition en grand dans les plantes du bord de la mer, dans beaucoup de vieux murs des pays chauds, et de la manière la plus marquée dans les fameux lacs de natron de FÉgypte, où elle n'a point de chaux vive, mais seulement du carbonate de chaux'. Là théorie de M. Berthollet explique seule ces ano- malies apparentes. M. de Morveau est celui qui a le plus contribué à tirer de ces expériences des procédés usuels ; ils ont un tel succès que, sans l'impôt sur le sel, on se passeroit de la soude d'Alicante pour nos manufac- tures. Les oxydes isolés présentent encore leurs diffi- cultés. MM. Berthollet père et fds ont fait voir qu'ils entraînent souvent quelques portions d'acide qui les modifient; tel est l'oxyde blanc de plomb; c'est ' Journal de Physique, t. L, p. 5. CHIMIE PARTICULIÈRE. lOI seulement par un peu d'acide carbonique qu'il dif- fère du jaune. D'autres changements de couleur sont attribués à l'eau par M. Proust'. Il y en a qui sont dus à diverses proportions d'oxygène, et l'on en a reconnu plusieurs de ce genre. M. Proust a décrit un oxyde puce de plomb, un jaune de cuivre; M. Thenard, un blanc de fer, un noir et un vert de cobalt^. L'oxyde puce de plomb contient tant d'oxygène , qu'il brûle les corps combustibles que Ton broie avec lui. Cette diversité de proportion ne change pas tou- jours la couleur. Il y a trois oxydes d'antimoine, se- lon M. Thenard^, et deux d'étain, selon Pelletier, tous également blancs. Les oxydes et les acides se combinent quelquefois à des substances combustibles non métalliques. Pelletier a montré que la préparation d'étain qu'on appelle or mussif est une combinaison de l'oxyde de ce métal avec le soufre^. M. Berthollet fils a travaillé sur une combinaison intéressante de ce genre, que M. Thomson avoit ' Journal de Physique, t. LXV, p. 80. /Vi^ - ' * C >^ * Nouveau Bulletin des Sciences, février 1808. /c^C^ C^^' ^^ ^ ■•\ ^ Annales de Chimie, t. XXXII, p. 257. A'>>r «^ •*«> <5'-i. * IbiiL, t. XIII, p. 280. !> » 1 ' L I T I02 SCIENCES PHYSIQUES. découverte; c'est le soufre uni à de l'acide muria- tique et à de Foxygène ' . Les oxydes métalliques n'offrent guère de com- binaisons plus curieuses que celles que l'on nomme vul(]fairement poudres fulminantes. On ne connoissoit autrefois que celle d'or: c'est de l'oxyde d'or mêlé d'ammoniaque. M. Berthollet en a donné la théorie; il a formé d'une manière sem- blable un argent fulminant. On a aujourd'hui trois sortes de mercure fulminant : l'un de Bayen , com- posé d'oxyde rouge de mercure et de soufre^; le second, de MM. Fourcroy et Thenard, formé du même oxyde et d'ammoniaque, c'est-à-dire sur les mêmes principes que For et l'argent fidminants ; le troisième, de M. Howard, qui joint à Foxyde de mer- cure de l'ammoniaque et une matière végétale^. La plus terrible des poudres fulminantes est celle qu'a découverte M. Chenevix, et qui résulte de Funion du soufre avec le muriate suroxygéné d'ar- gent^. MM. Fourcroy et Vauquelin ont remarqué que beaucoup de muriates suroxygénés, joints à quel- que matière combustible, fulminent parle choc^ ' Société d'Arcueil, t. I, p. 16 1. ^ Opuscules chimiques de Pierre Bayen; Paris, an 6, 2 vol. in-8'*. ^ Bulletin des Sciences, brumaire an 10. "• Journal de Physique, t. LV, p. 85. * Annales de Chimie, t. XXI, p. 236. CHIMIE PARTICULIÈRE. Io3 La poudre à canon , cette composition chimique qui a exercé une influence si notable sur la civili- sation, n'est au fond qu'une combinaison analof][ue aux précédentes. L'acide nitrique retient tant de calorique avec son oxygène qu'on peut le compa- rer, à beaucoup d'égards, à l'acide muriatique sur- oxygéné; mais celui-ci produit des effets beaucoup plus violents: l'essai d'une nouvelle poudre où l'on vouloit le faire entrer a occasioné une explosion funeste à plusieurs personnes. Les diverses substances combustibles peuvent aussi se réunir sans être oxydées et sans l'intermède d'aucun acide: quand il n yaque des métaux dans le mélange, on l'appelle alliage, et l'opération qui les isole se nomme dépari. Depuis long-temps lintérêt a perfectionné ce genre de travail pour les métaux précieux; la révolution en a occasioné une extension particulière, quand il a fallu séparer le cuivre et l'était! mêlés dans les cloches. M. Fourcroy en a le premier indiqué le véritable moyen ', qui consiste à oxyder une portion de l'alliage et à la mêler avec une autre portion non oxydée : l'oxyde de cuivre de la première portion donne tout son oxygène à l'étain de la seconde, et la fusion livre le cuivre pur. C'est ce procédé qu'on a employé en ajoutant un peu de sel pour faciliter l'oxydation. On perdoit les scories; ' Annales de Chimie, t. IX, p. 365; t. X, p. 1 55; t. XXII, p. i. Io4 SCIENCES PHYSIQUES. mais MM. Lecourt et Amfry ont trouvé moyen de les réduire et d'en retirer encore Fétain par des .grillages répétés. Des substances combustibles non métalliques peuvent aussi s'unir aux métaux. Un peu de cbar- bon, par exemple, combiné avec le fer, donne l'a- cier, cette substance si utile dans tous les arts; connue et fabriquée depuis long -temps, ce n'est que depuis peu que sa variable nature a été plei- nement éclaircie. Bergman Fa indiquée le premier; MM. BertboUet, Monge, et Vandermonde, Font dé- montrée en détail dans un travail digne de servir de modèle^; et M. Vauqueiin Fa confirmée par ses analyses. Feu Glouet avoit indiqué un moyen sim- ple de fabriquer immédiatement l'acier fondu avec du fer doux^: quelques difficultés de pratique en ont retardé l'adoption; mais ces entraves ne peu- vent manquer d'être détruites, et la France exercera bientôt ce genre d'industrie jusqu'à présent ré- servé à l'Angleterre. Nous en avons déjà conquis un autre dans cette classe de combinaisons; beaucoup de cbarbon et peu de fer donnent la plombagine, ou le crayon vulgairement appelé mute de plomb. L'Angleterre Avis aux ouvriers en fer, publie par ordre du comité de salut public au commencement de l'an 2 ; Annales de Chimie, t. XIX, p. 1. ^ Annales de Chimie, t. XXVIII, p. 19. CHIMIE PARTICULIÈRE. Io5 seule en possédoitde belle, qu'elle retiroit des en- trailles de la terre ; etlescrayons anglois se vend oient chèrement dans toute l'Europe. La chimie nous a appris à en préparer d'artificiels qui ne leur cèdent point. Les crayons de Conté fournissent aux arts du dessin un instrument commode et peu coûteux, et à notre patrie une branche intéressante de com- merce ^ . On n'a réussi encore à combiner aucun des autres métaux avec le charbon d'une manière utile, quoi- que l'on ait la preuve que l'étain en absorbe dans di- verses opérations , et devient par-là dur et cassant^. Quant au phosphore, Pelletier l'a uni à divers métaux , mais sans rien obtenir d'important ni d\i- tiie ; seulement on facilite ainsi la fusion , comme on le fait aussi par l'intermède du soufre^. L'union de ce dernier avec les métaux est connue depuis des siècles, et s'observe en abondance dans la nature et dans les arts ; il y a cependant aussi , à cet égard, des remarques nouvelles et importantes. L'éthiops et le cinabre sont des sulfures de mercure qui ne diffèrent Tun de l'autre, selon MM. Four- croy et Thenard , que par la proportion du soufre. ' Annales de Chimie, t. XX, p. Sjo. ^ M. Descotils vient de s'assurer que le carbone s'unit au platine, et produit avec lui un composé fusible qui peut avoir son utilité dans les arts. ^ Annales de Chimie, t. XIII, p. loi. Io6 SCIENCES PHYSIQUES. M. Tlienard a prouvé la même chose pour les sul- fures jaunes et rouges d'arsenic, nommés orpiment et réalcjar: on croyoit auparavant que le métal étoit oxydé, et que la proportion de loxygène influoit sur la couleur. Le soufre se combine également avec les alcalis, et donne ce que l'on nomme vulgairement /o/e de soufre, préparation très anciennement connue et sur laquelle on n'a point d'expérience nouvelle à citer. Quelques substances inflammables se dissolvent dans des gaz, ou les gaz inflammables s'unissent en- tre eux et avec plus ou moins d'oxygène: il en ré- sulte des airs nouveaux dont les effets offrent des singularités piquantes, mais dont l'analyse est très difficile , non seulement parceque les fluides élasti- ques sont moins aisés à nianier que les autres corps , mais encore parceque tous les caractères physiques qui résultent de la couleur, de la figure, et de la consistance, nous abandonnent dans leur étude. On s est beaucoup occupé, dans la période actuelle, de cette partie vraiment transcendante de la chimie. L'hydrogène a la propriété singulière de dissou- dre quelques parcelles de fer, d'arsenic, et de zinc, et de les maintenir à l'état gazeux : on le savoit de- puis assez long- temps pour les deux premiers j M. Vauquelin l'a découvert pour le troisième. CHIMIE PARTICULIÈRE. 107 Ce même hydrof]^ène dissout du soufre, et prend une odeur détestable d'excréments et d'œufs pour- ris: c'est en effet ce mélange que ces matières ex- halent. Scheele en a connu le premier la composi- tion; mais M. Berthollet a fait une découverte im- portante, en montrant qu'il possède la plupart des propriétés des acides, quoiqu'il ne contienne point d'oxygène : il s'unit en effet aux alcalis, aux terres, aux oxydes ; l'hydrosulfure de baryte cristallise comme un sel, etc. '. La combinaison dn phosphore avec l'hydrogène est encore plus désagréable ; elle a l'odeur du pois- son pourri : c'est M. Gengembre qui Fa formée le premier \ Il a montré en même temps que, lors- qu'on obtient ces deux gaz des sulfures ou des phos- phures alcalins, l'hydrogène est fourni par l'eau, dont l'oxygène aide à former, avec une autre partie du soufre et dn phosphore, des acides sulfuriques ou phosphoriques. Les sulfures bien secs ne don- nent point de gaz, selon les expériences de M. Four- croy; mais lorsqu'ils se dissolvent dans l'eau, c'est toujours à l'aide de l'hydrogène qui s'y forme et s'y unit aussitôt. Si le soufre est très abondant, il se produit un corps semblable à de l'huile, qui est un soufre bydrogéné. Lampadiusl'avoit observé le pre- ' Annales de Chimie, t. XXV, p. 233. ^ Journal de Physique, lyBfî, t. Il, ji. 276. Io8 SCIENCES PHYSIQUES. mier, en traitant du soufre par le charbon. M. Ber- thollet fils a montré qu'il est dû à l'iiydrog^ène que le charbon contient toujours'. L'hydrogène phosphore n'ayant point les pro- jiriétés acides ne reste point uni à l'eau et à l'alcali ; mais il s'élève à mesure qu'il nait. M. Fourcroy a fait voir que l'hydrogène sulfuré est le meilleur de tous Jes moyens pour reconnoître le plomb dont on altère le vin. En général il doit être placé , ainsi que les hydro- sulfures alcalins, au nombre des réactifs les plus dé- licats de la chimie pour la précipitation de certains métaux. L'azote dissout aussi le phosphore et le dispose à brûler; c'est pourquoi il brûle plus facilement dans Tair commun que dans Foxygène, circonstance que l'on avoit un moment voulu opposer à la nouvelle théorie. L'hydrogène mêlé de carbone dans une certaine proportion offre la base de l'huile, et en donne en effet, quand on le mêle au gaz acide muriatique oxy- géné. C'est le gaz oléfiant, découvert par MM. Bondt, Deyman, Van-Troostwyk, etLauwerenburg, chi- mistes d'Amsterdam, qui ont long-temps travaillé en société ^ . Ils l'obtinrent de la distillation de l'éther ' Société d'Arcueil, t. I, p. 3o4- * Annales de Chimie, t. XXI, p. 4^^; t- XXIII, p. 2o5. CHIMIE PARTICULIÈRE. 109 et de Tacide sulfurique par une foible tempéra- ture. Quand on réduit l'oxyde de zinc par le charbon , on ne devroit, à ce qu'il semble, recueillir que de Tacide carbonique : Priestley remarqua qu'il se forme au contraire un gaz combustible, et voulut faire de cette expérience une objection contre la nouvelle théorie de la combustion. Nos chimistes ont examiné ce gaz avec soin : ils l'ont trouvé com- bustible en effet ; mais , à force de recherches , ils sont parvenus à montrer que c'est une combinai- son d'oxygène avec un excès de carbone et une foible portion d'hydrogène. Le charbon de bois ordinaire contient toujours assez d'hydrogène pour en fournir à ce gaz , qui ne diffèreroit ainsi de l'o- léfiant que par les proportions. MM. Gruikshank, Guyton , et Berthollet , se sont principalement oc- cupés de cette question difficile. MM. Austin , Hig- gins, Henry, et d'autres chimistes anglois, y ont aussi travaillé. Il paroît que ce qui l'embrouille c'est qu'il peut se former de ces gaz dans plusieurs proportions différentes de leurs trois éléments \ Un peu plus d'un cinquième d'oxygène mélangé avec de l'azote constitue la portion gazeuse de l'at- mosphère. En augmentant l'oxygène par degrés, et en le combinant plus intimement, on produit suc- ' Rulletin des Sciences, brumaire , ventôse, et fructidor, an 10. IIO SCIENCES PHYSIQUES. cessivement le gaz iiitreux , l'acide nitreux , l'acide nitrique. Nous avons vu précédemment que ces faits sont au nombre des vérités fondamentales de la nouvelle chimie. Dans le gaz nitreux, l'oxygène fait déjà près de moitié. Si on le lui enlève par le moyen du fer ou autrement, au point de l'y ré- duire à-peu-près au tiers, on le change en un vé- ritable oxyde d'azote, qui montre des propriétés bien singulières : les corps y brûlent, tandis qu'ils s'éteignent dans le gaz nitreux , quoique celui-ci ait pi us d'oxygène; et il asphyxie ceux qui le respirent, quoiqu'il ait plus d'oxygène que l'air commun. Priestley l'avoit produit le premier. M. Berthol- let en avoit indiqué la nature. Elle a été confirmée par l'analyse de M. Davy, dont le travail à cet égard est extrêmement remarquable , et par celle de MM. Fourcroy, Vauquelin, et Thenard. M. Davy a vu quelques unes des asphyxies mo- mentanées produites par ce gaz, accompagnées de sensations voluptueuses, mais qui n'arrivent pas constamment ^ . Nous parlerons ailleurs des moyens de mesurer particulièrement la quantité de l'oxygène dissous ou mélangé dans un gaz, et de l'application qu'on en a faite pour déterminer la composition de l'at- mosphère. ' Bulletin des Sciences, frimaire an 1 1 . CHIMIE PARTICULIÈRE. III On voit, par tous ces détails, que cette estima- tion de la portion des éléments gazeux est ce qu'il y a de plus difficile en chimie. M. Biot a imaginé, pour y parvenir, une mé- thode entièrement nouvelle, qui s applique égale- ment à tous les corps transparents dont on connoît les principes quant à leur nature. Chacun de ces principes ayant une force de réfraction propre et toujours la même, tant que la densité ne change point, quand on connoît la réfraction totale d'un mélange de principes connus , on peut calculer leur proportion. On emploie pour cela des prismes remplis ou formés des substances qu'on veut ana- lyser; on mesure Tangle de réfraction avec le cercle répétiteur ; la pression et la température sont prises, en considération; et toutes ces circonstances étant susceptibles d'être appréciées avec une exactitude mathématique , cette analyse surpasseroit de beau- coup celles que la chimie peut donner par ses moyens ordinaires , si elle ne se compliquoit de la difficulté d'avoir les principes bien purs, et si, dans quelques cas , la condensation trop grande qu'éprouve leur combinaison n'altéroit les résul- tats. L'analyse du diamant tient de près à celle des substances gazeuses ; elle a été reprise plusieurs fois dans cette période M. de Morveau n'a pu ob- 112 SCIENCES PHYSIQUES. tenir en le brûlant que de l'acide carbonique ' ; et Clouet a en effet fabriqué de l'acier bien pur avec du diamant seul^ Mais pourquoi diffère-t-il donc tant du charbon ordinaire? M. de Morveau jug^e que celui-ci contient déjà un peu d'oxygène; M. Ber- thollet , que c'est de l'hydrogène qu'il a de plus : M. Biot, au contraire, appliquant au diamant son analyse dioptrique, et lui trouvant une force ré- fringente supérieure à celle qu'indique pour le charbon l'analyse des substances où il entre, croit que cest le diamant qui doit avoir au moins un quart d'hydrogène dans sa composition. Cepen- dant des expériences toutes récentes, faites en An- gleterre, n'ont encore donné, nous dit-on, que de l'acide carbonique. Ces difficultés dans l'analyse des substances ga- zeuses, et de celles qui le deviennent aisément, peuvent déjà donner une idée des difficultés beau- coup plus grandes que la chimie rencontre, quand elle étudie les produits des corps organisés. Les substances dont nous venons de parler les composent presque en entier : du carbone, de Ihy- drogène, de l'oxygène, plus ou moins d'azote, voilà leurs matériaux fondamentaux; un peu de terre, quelques atomes de soufre, du phosphore, divers ' Décade philosophique, 3o fructidor an 4; Bulletin des Sciences, messidor an 7. — ^ Bulletin des Sciences, brumaire an 8. CHIMIE PARTICULIÈRE. li3 sels entrés petite quantité, s'ajoutent à ce fonds principal. Tous ces éléments semblent se jouer dans leurs diverses réactions; ils s'unissent, se sé- parent, se retrouvent de mille manières; et tous ces mouvements nous échappent presque aussi souvent dans les laboratoires où nous croyons être maîtres de ces produits de la vie que dans les fonc- tions de la vie elle-même. On crut d'abord pouvoir séparer les principes des corps organisés par le moyen du feu ; mais ils ne faisoient que changer d'affinités , pour entrer dans des combinaisons nouvelles : de là ces phleg- mes , ces huiles , ces sels, dont les anciens chimistes prétendoient composer tous les mixtes. Bientôt on imagina d'employer des moyens plus tranquilles, et d'obtenir par le repos, par des la- vages simples ou par certains menstrues , non pas les principes élémentaires des corps vivants, mais les composés divers qui s'y trouvent tout formés, ou ce que l'on nomme leurs principes immédiats. Ils offrent une foule de caractères et de proprié- tés singulières ou utiles ; ils donnent une sorte d'a- nalyse ébauchée; chacun d'eux peut se décomposer à son tour, et fournit alors les principes généraux et élémentaires, cet hydrogène, ce carbone, ces autres substances simples dont nous avons parlé si souvent. BUFFON. COAIPLÉM. T. I. 8 Il4 SCIENCES PHYSIQUES. Ce sont probablement les diverses proportions de ces substances simples qui déterminent la na- ture et les propriétés des principes immédiats. Mais nous sommes loin encore de pouvoir démontrer ce que nous supposons ici : l'analyse de ces prin- cipes est trop imparfaite ; et nous avons beau réu- nir les éléments que nous en tirons, nous ne les reproduisons pas. Peut-être laissons-nous échap- per une foule d'éléments impondérables et incoer- cibles, nécessaires à leur composition. Il faut donc, en attendant une analyse plus par- faite, recueillir ces principes immédiats et les ca- ractériser; plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs de première importance dans l'explication des fonc- tions vitales et dans les arts utiles. Boerhaave a donné de beaux exemples de ce genre de recherches: sa méthode a été employée avec succès, et perfectionnée par Rouelle en France, etparScheeleenSuéde; et, dans ces derniers temps, la détermination des principes immédiats des végé- taux et des animaux n'a guère moins contribué à la gloire des chimistes françois que les découvertes plus générales dont nous avons parlé jusqu'ici. Déjà dans l'école de Stahl , et sur-tout dans celles de Boerhaave et de Rouelle, on avoit distingué dans les végétaux les gommes ou mucilages, les résines, les gommes résines, les extraits, les huiles CHIMIE PARTICULIÈRE. Il5 fixes et volatiles; ou possécloit et on caractérisoit, comme nous l'avons vu plus haut, divers acides vé- gétaux; le sucre, l'amidon, le camphre, le baume, la sève, les diverses matières colorantes, étoient connus et employés, quoiqu'on n eût pas des idées nettes sur leur nature intime. On étoit moins avancé sur les produits des animaux; et quoique les ana- tomistes en eussent décrit les liquides et les solides, quoique l'on sût déjà en partie comment les pre- miers se décomposent en des fluides plus simples par le repos; que le saug, par exemple, donne alors son sérum , son caillot, sa matière colorante; le lait, sa crème, son beurre, son fromage, son petit-lait, etc., on n'avoit encore rien de précis sur la classification et les caractères de la plus grande partie de ces principes immédiats. Produits nouvellement découverts. C'est sur-tout M. Fourcroy que nous aurons à nommer ici ' ; il a le premier nettement distingué les trois principaux principe^s des solides animaux, qui se retrouvent aussi diversement combinés dans la plupart des liquides du même régne : la gélatine, qui, dissoute dans Teau bouillante, donne le boûil- ' Voyez les tomes VII , VIII , IX et X du Système des contio{ssance<; chimiques de M. Fourcroy. Il6 SCIENCES PHYSIQUES. Ion et la colle-forte , et qui fait la base des os , des membranes , et en général de toutes les parties blanches; la fibrine, qui se dépose dans le caillot du sang et constitue le tissu essentiel de la chair; c'est en elle que s'opère, dans l'état de vie, la con- traction musculaire ; l'albumine , qui se coagule dans Teau bouillante et forme le blanc d œuf. Il a découvert dans l'urine un principe très particulier, qu'il a nommé turée\ matière excessivement ani- malisée, susceptible de se changer presque tout entière en carbonate d'ammoniaque, et dont l'ex- crétion est des plus indispensables au maintien de la composition animale. M. Fourcroy est aussi le premier qui ait reconnu que l'albumine se rencontre plus ou moins abon- damment dans beaucoup de végétaux^. Ce n'est pas le seul lien des deux régnes. Le glu- ten , découvert par Bechari dans la farine du fro- ment, ressemble beaucoup à l'albumine , et possède en général tous les caractères des principes parti- culiers aux animaux. Il y a sans doute encore beaucoup de ces prin- cipes immédiats à découvrir dans les corps organi- sés, et chaque jour en découvre en effet. M. Thenard a trouvé dans la bile une matière ' Système des connoissances chimiques, t. X, p. i53. ^ Annales de Chimie de 1807. CHIMIE PARTICULIÈRE. II7 sucrée qu'il nomme picromel\ et dans la chair un principe odorant qui donne au bouillon son goût agfrëable, et qu'il appelle osmazome. Cette même chair a donné à M. Welther une matière amère, dont l'analoj^ue a été retrouvé et, mieux déterminé, non seulement dans la chair, mais encore dans rindi{>o et dans d'autres substances végétales, par M. Fourcroy : elle *a le caractère de brûler en ful- minant^. L'adipocire, ou blanc de baleine, est encore un principe particulier bien déterminé par M. Four- croy : on en retrouve dans les calculs biliaires; le cerveau en dépose dans Talcohol; certains cadavres s'y convertissent presque en entier^. Les végétaux n'ont pas été moins féconds en principes nouveaux. MM. Vauquelin et Robiquet en ont trouvé un dans le suc d'asperge, qui, sans avoir rien de salin, se dissout dans Teau et cristallise comme les sels"^. M. Derone en a découvert un autre dans l'opium, qui est peut-être sa partie narcotique; il cristallise en lames blanches et brillantes. M. Thenard a montré les caractères qui séparent la manne du • Bulletin des Sciences, pluviôse an i3; Mémoires delà Société d'Arcueil. ^ Bulletin des Sciences, frimaire an i3. ^ Annales de Chimie, t. V, p. 164, et t. VIII, p. 17. '^ Ibid.,t.L\H, p. 88. Il8 SCIENCES PHYSIQUES. sucre, et ceux qui distinguent les diverses sortes de sucre entre elles. Mais parmi les principes propres aux végétaux , il n'en est guère de plus important que celui que l'on connoissoit vaguement sous le nom de matière astringente, et que M. Seguin a déterminé plus pré- cisément sous celui de tannin'. On le tire d'un grand nombre de plantes, mais 'sur-tout de Técorce du chêne, par l'infusion; le cacbou en est presque entièrement composé, selon M. Davy\ Son prin- cipal caractère est de se combiner avec la gélatine animale en un composé indissoluble. C'est à cette propriété qu'est dû le tannage des cuirs; car les peaux ne sont presque que de la gélatine. M. Hat- cliett est parvenu à produire artificiellement une sorte de tannin, en traitant le charbon par Facide nitrique^. Transformation des produits les uns dans les autres. En général la chimie en est venue à transfor- mer à son gré une foule de ces principes immédiats les uns dans les autres, et il n'en est presque au- cun qui ne puisse résulter d'une modification de quelque autre. ' Annales de Chimie, t. XX, p. 53. ^ Bulletin des Sciences , floréal an 1 1 . 3 Transact. philos., i8o5; Annal. deChim., t. LVIII, p. si i et 225. CHIMIE PARTICULIÈRE, II9 Nous avons déjà vu comment on forme à volonté une partie de ces mêmes acides animaux et végé- taux, qui résultent aussi du concours des forces vitales. La chimie offre beaucoup d'exemples plus ou moins semblables pour les autres principes. MM. Fourcroy et Vauquelin changent les muscles en graisse par l'acide nitrique ; l'indigo leur donne du benjoin et une résine par le même procédé. Le liège, qui ne contient point de résine, en fournit en abondance quand on le soumet à cet agent. Il se forme de l'huile à chaque instant, soit par la com- bustion, soit par les acides. La fonte du fer elle- même en donne , à cause de son charbon , quand on la traite par l'acide sulfurique, ainsi que l'a fait connoître M. Vauquelin. Le même chimiste vient de remarquer qu'il se forme une véritable manne dans la fermentation acétique du jus d'ognon'. Enfin il n'est pas jusqu'au camphre que l'on ne puisse fabriquer, suivant la découverte de M. Kind, en appliquant l'acide muriatique à l'essence de té- rébenthine : on vend même déjà beaucoup de ce camphre artificiel'. Il est aisé de concevoir combien ces métamor- phoses de matières communes en matières rares et précieuses peuvent favoriser les arts et changer ' Mémoires de l'Institut, 1807, deuxième semestie, p. 204. ' Annales de Chimie, t. LI, p. 270. 120 SCIENCES PHYSIQUES. la marche du commerce; mais il ressort de tous ces faits des résultats plus importants encore , qui nous élèvent à une théorie générale des êtres organisés, et qui nous montrent l'essence même de la vie dans une variation perpétuelle de proportions entre des substances peu nombreuses par elles-mêmes. Un peu d'oxygène ou d'azote de plus ou de moins; voilà, dans l'état actuel de la science, la seule cause apparente de ces innombrables produits des corps organises. Analyse des mixtes des corps organisés. Les mixtes qui résultent de ces variations, et que nous venons d'indiquer sous le titre de prin- cipes immédiats, constituent, par leurs diverses réunions, les liquides et les solides des corps orga- nisés; et c'est seulement dans la détermination du nombre et de la proportion de ces principes que consistent, jusqu'à présent, les analyses de ces li- quides et de ces solides. C'est de cette manière que MM. Parmentier et Deyeux ont examiné le sang ' et le lait"; MM. Fourcroy et Vauquelin, le lait, les larmes^, la salive, le sperme^, la laite des pois- ' Journal de Physique, t. XLIV, pages 872 et 435. ^ Ibid., t. XXXVII, p. 461 et3i5 ; Annal, de Chim., t. XXXII, p. 55. ^ Annales de Chimie, t. X, p. 11 3. — '* Ibid., t. IX, p. 64- CHIMIE PARTICULIÈRE. 12 1 sons\ lïirine; M. Thenard, le lait et la bile; M. Vauquelin, la sève ^; MM. Bunivaet Vauqueliii, les eaux de Fainnios^: il n'est pas jusqu'aux ma- tières fécales que M. Berzelius a eu le courage de soumettre à l'analyse la plus exacte. Tous ces examens ont donné des faits neufs et intéressants. La substance colorante du sang a été reconnue par MM. Fourcroy et Vauquelin pour un phosphate de ter avec excès d'oxyde. La laite des poissons leur a donné du phosphore à nu. La soude a été trouvée dans le sang par MM. Parmen- tier et Deyeux, dans le sperme, par M. Vauque- lin. Le pollen des végétaux a donné récemment à MM. Fourcroy et Vauquelin des principes singu- lièrement analogues à ceux du sperme^. On a fait même l'analyse comparée de ces li- quides dans divers ordres d'animaux et dans leurs altérations maladives. Ainsi l'urine des herbivores a offert à MM. Fourcroy et Vauquelin de Facide benzoïque, qui n'est dans celle de l'homme que pendant son enfance \ etc. La maladie nommée diabètes sucrée offre l'une des altérations les plus sin- gulières qu'un liquide animai puisse éprouver dans ' Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. X, p. 169. =" Annal. deChim., t. XXXI, p. 20. — ^ Ibid.,i. XXXIII, p. 269. '' Annales du Muse'um d'histoire naturelle, t. I, p. 4*7- * Mcni. de l'Institut; Mathématii^ues et Physique^ t. II, p. 43i- 122 SCIENCES PHYSIQUES. l'état de vie: ruiine, au lieu de ses principes ordi- naires, ne contient plus qu'une sorte de sucre et un peu de sel marin. Cauly en a fait la découverte; MM. Nicolas et Queudeville , de Gaen , l'ont consta- tée j)ar les moyens de la chimie moderne' .MM. The- nard et Dupuytren ont reconnu que ce sucre dif- fère, par plusieurs caractères, de celui delà canne. Quant aux solides , les os ont été soumis à une analyse nouvelle par MM. Fourcroy et Vauquelin. Outre le phosphate de chaux dont Scheele a voit re- connu que leur partie terreuse est formée, ils y ont découvert un phosphate ammoniaco- magnésien^. On y trouve aussi du fluate de chaux. M. Mori- chini Fa découvert le premier dans certaines dents ^: M. Berzelius a confirmé le fait, et Fa étendu à tout le système osseux. Les cheveux et les poils ont été examinés par M. Vauquelin , et lui ont fourni jusqu'à neuf suh- stances différentes; une matière animale semblable au mucilage, deux sortes d'huile, du fer, quelques atomes d'oxyde de manganèse, du phosphate de chaux, et très peu de carbonate, assez de silice et beaucoup desoufre^. ' Annales de Chimie, t. XLIV, p. 45; Recherches et expériences me'dicinales sur le diabètes sucré; Paris, l vol. in-8". Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. VI, p. 397. ^ Annales de Chimie, t. LV, p. 258. * Annales de Chimie, t. LVIII, p. 4' ; t^t Mém. de l'Instit. , 180G. CHIMIE PARTICULIÈRE. 123 Les cheveux noirs ont une huile de cette couleur ; les roux en ont une rougeâtre, et les blancs une in- colore. Les deux derniers ont toujours un excès de soufre; et les blancs en particulier du phosphate de nia-cjnésie. Les bois, les écorces , sur-tout les écorces aroma- tiques ou médicinales, se prêtent au même genre de décomposition. La belle analyse du quinquina de Saint-Domingue, par M. Fourcroy, a servi de modèle pour ce genre de recherches '. Les diverses excrétions des corps organisés, et principalement les sucs végétaux ou animaux qui s'emploient en médecine ou dans les arts, ont aussi été examinés de cette manière. Si les principes im- médiats que l'on y découvre n'expliquent pas en- tièrement l'action quelquefois si énergique de ces matières sur l'économie animale, ils servent du moins à établir entre elles des analogies qui peu- vent guider dans leur emploi. Il se dépose quelquefois dans les liquides des corps organisés des sédiments à diverses sortes, dont l'analyse étoit importante, parcequ'une partie d'entre eux occasione dans les animaux des mala- dies affreuses, et que, leur composition une fois connue, on pouvoit espérer d'en trouver les dis- solvants. Tel est sur-tout le calcul de la vessie : ' Annales de Cliimie, t. VIII, p. 1 13 ; t. IX , p. 7. 124 SCIENCES PHYSIQUES. nous avons vu que Scheele y a découvert un acide, . l'acide lithifjue, nommé depuis uriquepar M. Four- croy. C'est l'inp^rédientle plus ordinaire du calcul; mais on y trouve aussi de l'urate d'ammoniaque, de Foxalate de chaux, du phosphate ammoniaco- magnésien. Ces divers sels peuvent former chacun des calculs d'espèce particulière ; ceux d'oxalate de chaux , connus sous le nom de pierres murales, sont les plus affreux de tous , à cause de leur surface hé- rissée, qui déchire la vessie et cause des douleurs inexprimables. Toutes ces découvertes sont le résultat d'un ^jrand travail de MM. Fourcroy et Vauquelin*. Ils ont trouvé dans certains animaux herbivores d'autres calculs entièrement formés de carbonate de chaux; mais il n'y en a point de tels dans l'homme. En re- vanche les carnivores et les omnivores en offrent souvent de phosphate terreux et d'oxalate de chaux. Il se forme aussi des pierres dans la vésicule du fiel et dans les canaux biliaires. MM. Poulletier de La Salle et Fourcroy y ont reconnu de l'adipocire et une matière résineuse. Les bézoards sont des concrétions intestinales. On vantoit autrefois en médecine, sous le nom de bézoards dOri&sit, ceux de quelques animaux étran- ' Annales du Muséum d'histoire naturelle, lomes I et II. CHIMIE PARTICULIÈRE. « 125 gers, et spécialement de la chèvre sauvage de Perse. MM. Fourcroy et Vauqueliii les ont trouvés formés d'une sorte de résine qui paroît avoir été prise au dehors par Fanimal '. Les bézoards communs sont tantôt des phosphates de chaux ou de magnésie, tantôt des concrétions de la matière résineuse de la bile. Le dépôt qui se fait dans les articulations des goutteux a été reconnu , par M. Tennant, pour de l'urate de soude. Les végétaux ont aussi leurs concrétions. L'une des plus singulières est le tabasiieer ou tabacliir qui se forme dans le bambou : ce n'est que de la silice pure. M. Macie Ta dit le premier^ ; MM. Fourcroy et Vauquelin l'ont confirmé: mais comment de la silice est-elle transportée dans l'intérieur du roseau, elle qui est indissoluble, et que d'ailleurs rien ne nous autorise à regarder comme un composé? Les végétaux en contiennent beaucoup; et quand on brûle des matières de ce régne traitées plusieurs fois par l'eau, du papier, par exemple, la cendre est de la silice presque pure. Les chimistes que nous venons de citer attri- buent l'ascension de la silice à une ténuité extrême de ses molécules, et à une suspension qui équivaut presque à une dissolution. ' Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. II. ^ Annales de Chimie, t. XI. 120 SCIENCES PHYSIQUES. En général la chimie n'a encore rien découvert qui oblige absolument de croire, comme quelques savants le soutenoient autrefois, que les terres, les alcalis, les métaux qui se trouvent dans les animaux et les végétaux, s'y soient formés par l'action de la vie: au contraire les recherches récentes de M. de Saussure le fils ont montré, au moins pour plu- sieurs de ces éléments, que les végétaux n'en con- tiennent qu'autant qu'ils ont pu en recevoir du de- hors ' ; et les motifs de Fopinion contraire, que l'on prétendoit tirer de la géologie, sont tombés, au- jourd'hui que l'on a découvert toutes ces substances dans les montagnes les plus anciennes , qui ne re- cèlent pas la moindre trace d'organisation. Ainsi les granits contiennent non seulement de la chaux, de la magnésie, de la baryte; ils ont jusqu'aux alcalis fixes dans quelques unes des pierres dont l'agréga- tion forme leurs énormes masses : le feldspath , par exemple, contient toujours de la potasse. Fermentation, Tels sont les principaux résultats de l'analyse chimique des produits de la vie, pris immédiate- ment à leur sortie du corps: mais une partie de ' Recherches sur la végétation, par Théodore de Saussure; Paris, 1804, I vol. in-8°. CHIMIE PARTICULIÈRE. 127 ces produits est susceptible d'éprouver des mouve- ments intestins qui en modifient les proportions intérieures, et qui donnent encore des produits nouveaux; c'est ce qu'on a nommé fer mentalion. Il en arrive inévitablement une dans tous les liquides extraits des corps vivants, et dans tous ceux de leurs solides qui ne sont pas entièrement dessé- chés , ou qui l'étant reprennent de l'humidité du dehors. Sitôt qu'ils sont soustraits au tourbillon de la vie , et livrés en quelque sorte sans défense à l'ac- tion de lair et de la chaleur, leurs éléments chan- gent de rapports, et, après des mouvements inté- rieurs plus ou moins continués, se séparent et se dissipent pour rentrer dans le domaine de la na- ture brute: mais l'homme a appris à les saisir dans les divers degrés de ces changements successifs, et à les y arrêter, pour les employer à ses divers be- soins. De toutes les fermentations celle qu'on a nom- mée vineuse est la plus féconde en produits utiles. Lavoisier a le premier bien démêlé ce qui s'y passe. Elle ne s'établit que dans la matière sucrée étendue d'eau. Le sucre, en qualité d'oxyde végétal à deux bases, contient une certaine proportion d'oxygène, d'hydrogène, et de carbone. L'essence de la fer- mentation vineuse consiste à le séparer en deux portions, dont Tune enlève une grande partie du 128 SCIEINCES PHYSIQUES. carbone et presque tout loxy^^ène, sous forme de gaz acide carbonique, et dont l'autre, composée principalement du reste du carbone et de tout l'hy- drogène, est ce liquide combustible que l'on élève aisément par la distillation, et que l'on nomme al- cohol ou esprit-de-vin. Mais ce partage ne se feroit point dans la matière sucrée pure par le seul concours de l'air et d'une température douce; il faut encore un agent qui rompe l'équilibre et fasse commencer le mouve- ment : on l'a nommé le ferment ou la levure. MM. Fabroni% Thenard^, et Seguin, sont ceux qui ont fait le plus de recherches sur sa nature et sa manière d'agir. Le premier a reconnu que c'est un pîincipe végéto- animal, semblable au gluten du froment, qui fait l'essence de la levure; il est contenu dans la pellicule des grains de raisin , et se mêle à leur jus dans le pressoir. Le second est ar- rivé de son côté à un résultat peu différent, quoi- qu'il trouve encore une nuance très sensible entre la levure et le gluten , et qu'il ne regarde pas la première comme simplement mêlée, mais bien comme dissoute dans le moût; il lui a sur-tout re- connu ce caractère particulier, qu'elle perd sa pro- priété par l'eau bouillante. Le troisième convient ' Arte di far il vino ; Fiorenza, 1788. ^ Annales de Chimie, t. XLVIIl, p. 294. CHIMIE PARTICULIÈRE, I 29 bien que c'est un principe analogue à ceux des ani- maux ; mais il le croit plutôt de Falbumine dans un certain état de dissolubilité. Quant à l'action de la levure sur la liqueur sucrée pour y déterminer de si grands changements, elle estproduite,suivantM.Thenard, par la plus grande affinité de cette levure pour l'oxygène. Il n'y a donc que les liquides sucrés qui puissent donner des vins quelconques ; les graines céréales y deviennent propres par la germination qui change leur amidon en sucre; lorsqu'il n'y a point assez de sucre , comme dans les moûts des pays froids , on peut y en ajouter, ainsi que l'a proposé M. Ghaptal ; ceux de ces liquides qui contiennent naturellement un principe végéto-animal, comme lejus de raisin, qui fait le vin ordinaire , celui des pommes , qui fait le cidre , apportent leur levure avec eux et fermen- tent d'eux-mêmes. Il faut en fournir à ceux qui n'en ont point. Quelquefois aussi les opérations prélimi- naires font perdre la propriété de la levure, et il faut en rendre de nouvelle ; c'est le cas de la décoc- tion d'orge gerniée qui produit la bière ; c'est aussi celui des vins et des autres sucs végétaux qu'on a fait bouillir : on emploie même l'ébullition pour les conserver sans qu'ils fermentent. Au reste comme les divers sucs fermentescibles contiennent, indé- pendamment du sucre, une foule d'autres ingré- BUFFON. COVPLÉM. T. I. y l3o SCIENCES PHYSIQUES. clients , il n'est pas étonnant qu'il y ait tant de vins différents. On conçoit aisément que ces idées ont dû jeter beaucoup de lumière sur la théorie de la vinifica- tion et en diriger infiniment mieux la pratique. On en retrouve la preuve à chaque pag^e dans l'excel- lent ouvrage de M. Ghaptal sur l'art de faire le vin '. La fermentation acéteuse semble n'être qu'une continuation de la vineuse. Du vin exposé à l'air s'aigrit, non pas peut-être en reprenant de l'oxy- gène, mais en perdant, par le moyen de celui de l'atmosphère, à coup sûr du carbone, et très pro- bablement de l'hydrogène: ainsi se forment tous les vinaigres, selon M. Thenard; il s'en forme dès la première fermentation , et peu de vins en sont exempts. A ce jeu compliqué des éléments qui a déter- miné la formation de falcohol, ou du moins qui a préparé la liqueur fermentée à donner de l'alcohol par la distillation, succède un jeu nouveau et plus compliqué encore quand on traite l'alcohol par les acides. Il en résulte les différents éthers, qui prennent chacun le nom de l'acide qui le produit. L'éther sul- ' Traité thëoi'ique et pratique de la culture de la vi(>ne, avec l'art lie faire le vin ; Paris, deuxième édition, 1801 , 2 vol. in-8°. CHIMIE PARTICULIÈRE. l3l lurique est connu et employé depuis long-temps en pharmacie; mais ce n'est que depuis peu d'an- nées que MM. Fourcroy et Vauquelin ont expliqué ce qui se passe dans sa fabrication \ J.a présence de l'acide et sa tendance à absorber de 1 eau excitent les éléments de l'alcohol à réagir les uns sur les autres. Son hydrogène et son oxygène forment d'abord de l'eau que l'acide prend sans se décomposer lui- même : Féther ne diffèreroit donc, selon ces chi- mistes , de l'alcohol que par plus de carbone. Si l'on chauffe davantage, l'acide même donne son oxy- gène; il s'élève alors de l'acide sulfureux; et l'éther, sedésoxygénant de plus en plus, donne un liquide jaune qu'on appelle liuile douce de vin. M. Théodore de Saussure, dans un travail sur l'analyse de l'alcohol et de l'éther su Ifurique^, remar- quable par une extrême exactitude et par les moyens nouveaux dont il enrichit la chimie, vient de don- ner une grande précision à la comparaison des par- ties constituantes de ces deux substances. L'éther a moitié moins d'oxygène que l'alcohol : l'augmen- tation de proportion de l'hydrogène avoit déjà été annoncée par M. Berthollet. La théorie de l'éther nitrique étoit beaucoup moins parfaite; et ce qu'on prenoit pour tel dans les ' Annales de Chimie, t. XXIII, p. 2o3. ^ Journal Je Physique, t. LXIV, p. 'di6. l32 SCIENCES PHYSIQUES. pharmacies, d'après les procédés de Navier, n'en étoit même pas. M. Thenard s'en est occupe récem- ment avec le plus grand succès '. Les quatre sub- stances élémentaires qui se trouvent dans l'alcohol et dans i'acide en forment par leur rapprochement jusqu'à dix, qu'on peut séparer: l'éther presque tout entier passe sous forme gazeuse, et ne s'ob- tient séparément qu'en refroidissant beaucoup. Gomme il reforme de l'acide nitreux par le repos ^ même lorsqu'il en a été le mieux purgé, M. The- nard pense que les deux principes de cet acide y existent combinés avec l'alcohol déshydrogéné et légèrement carbonisé. Le même chimiste a préparé l'éther muriatique, qui devient encore gazeux plus aisément que le ni- trique ; il a constaté q ue tous les éléments de l'alcohol et tous ceux de l'acide y entrent: cependant, bien purifié, cet éther ne donne aucune trace d'acidité, et ne se laisse point décomposer par les alcalis dans les premières heures; mais, si on le brûle, l'acide muriatique se reproduit à l'instant. Yétoit-il décom- posé ou seulement masqué par la simple combinai- son avec l'alcohol? si c'étoit le premier cas, cette expérience nous mettroit sur la voie du radical de cet acide, l'une des choses les plus à désirer dans Ja chimie moderne, mais dont on approche de tant ' Société d' A rcueil, t. I; plusieurs Mémoires. CHIMIE PARTICULIÈRE. l33 de côtés qu'il est difficile qu elle échappe encore long-temps. M. Gehlen, chimiste de Halle, avoit observé de son côté les mêmes propriétés dans l'éther muriatique. M. Thenard , s'occupant ensuite de l'éther acé- tique, l'a aussi regardé comme formé de la réunion de tous les principes de l'alcohol et de l'acide, sans réaction ni séparation. ïl redonne néanmoins aussi cet acide par la combustion, comme Scheele l'avoit déjà observé. Cependant M. Boulay soutient encore une opi- nion contraire à celle de M. Thenard sur les éthers formés par des acides volatils; il les regarde comme des combinaisons neutres, où l'alcohol tient lieu de base : mais comment l'alcohol surmonte-t-il l'affinité des alcalis? Le même chimiste a réussi à faire de l'éther phos- phorique, dont la théorie revient à celle de l'éther ordinaire. La fermentation des matières qui contiennent de l'azote est bien plus compliquée, et donne des ré- sultats bien plus variés que les fermentations vineuse et acéteuse. On lui donne le nom de fer- mentation putride, et son dernier terme est aussi principalement la répartition des éléments en deux su])stances volatiles; de l'acide carbonique, d'une part, et de l'ammoniaque, de l'autre, qui, comme l34 SCIEINCES PHYSIQUES. nous l'avons dit, résulte de la combinaison de l'hy- dropène et de l'azote. Il s'exhale en même temps une foule d'autres vapeurs plus ou moins désagréa- bles, et qui sont toutes des combinaisons variées d'hydrogène, de carbone, d'azote, de phosphore, et des autres éléments de la substance qui pourrit. Mais, avant d'arriver à leur décomposition totale, les matières azotées parcourent une infinité de de- grés différents, auxquels on cherche à les arrêter selon les emplois qu'on peut en faire. L'attendrissement de la chair, qui la rend plus facile à digérer, n'est qu'un de ces degrés; au- delà elle seroit insupportable pour nous , quoi- qu'elle paroisse alors plus agréable à certains ani- maux. Le lait, qui contient à-la-fois des substances sucrées et des substances azotées, donne, par ses diverses parties, de l'acide, de l'eau-de-vie, ou du fromage; et les diverses altérations de celui-ci ne sont aussi que divers degrés de fermentation pu- tride que rhomme sait diriger et arrêter. Le garum des anciens, le c«i'/«r des Russes, et plusieurs autres comestibles, sont dans le même cas. On découvre de temps en temps de ces stations singulièresoù la putréfaction s'arrête , ou des modi- fications qu'elle prend dans certaines circonstances. Ainsi la chair des muscles, qui, à l'air libre, se dé- CHIMIE PARTICULIÈRE. l35 truiroit tout entière avec une infection insuppor- table, lorsqu'elle est entassée et recouverte d'une terre humide se change en une matière très sem- blable au blanc de baleine. C'est une observation intéressante de M. Fourcroy, faite lorsque l'on net- toya le cimetière des Innocents, pour le changer en marché. On dit que l'on a tiré parti en Angleterre de cette découverte, en transformant en substance combustible les chairs des chevaux et des autres animaux qui ne se mangent point. De tous les procédés capables d'arrêter la fermen- tation putride et d'en faire disparoître les effets dés- agréables le plus utile est l'emploi de la poussière de charbon, découvert par Lowitz * : elle rétablit le bon goût de la chair gâtée; les filtres qu'on en fait rendent à l'eau corrompue sa fraîcheur et sa pureté; le poisson, le gibier, se transportent très loin dans le charbon pilé, et des tonneaux charbonnés à l'intérieur conservent l'eau douce en mer plus long- temps quaucun autre moyen. • Annales de Chimie, t. XIV, p. 327; t. XVIII, p. 88. FIN DE LA PREMIERE PARTIE. SECONDE PARTIE. HISTOIRE NATURELLE. Nous venons de tracer une légère esquisse des vérités que les sciences expérimentales nous ont révélées dans cette période, touchant les propriétés des corps qu elles peuvent isoler et maîtriser dans nos laboratoires. Mais elles n'ont pas borné leurs efforts à ces recherches de cabinet ; elles se sont ré- pandues dans un champ plus vaste : armées de ces nombreuses découvertes, elles en ont fait l'appli- cation aux divers phénomènes qui nous entourent, et ont jeté sur l'histoire naturelle une lumière que l'on auroit à peine soup(^onnée possible il y a un demi-siècle. En effet Fhistoire naturelle, qui va faire l'objet de la seconde partie de cette histoire, et dont le public , et même quelques savants , se font encore des idées assez vagues, commence à être reconnue pour ce qu'elle est réellement, c'est-à-dire pour une science dont l'objet est d'employer les lois géné- rales de la mécanique, de la physi([ue, et de la chimie, à l'explication des phénomènes particu- l38 SCIENCES PHYSIQUES. liers que manifestent les divers corps de la na- ture. Dans ce sens étendu elle embrasseroit aussi Tas- tronomie; mais cette science, éclairée aujourd'hui d'une lumière suffisante par les seules lois de la mécanique, et soumise aux calculs les plus rigou- reux, rentre complètement dans les mathéma- tiques , dont elle est la plus belle comme la plus étonnante application. Le champ de l'histoire naturelle n'est encore que trop vaste, en le restreignant aux objets qui n'ad- mettent point de calcul ni de mesures précises dans toutes leurs parties. L'atmosphère et sa composition, les météores; les eaux, leurs mouvements, et ce qu'elles contien- nent ; les divers minéraux , leur position réci- proque, leur origine; les formes extérieures et intérieures des végétaux et des animaux, leurs pro- priétés, les mouvements qui constituent les fonc- tions de leur vie, leur action mutuelle pour main- tenir l'ordre et l'harmonie à la surface du globe : voilà ce que le naturaliste doit raconter et expli- quer. Quand il caractérise ou analyse les minéraux, on le nomme minéralogiste ; s'il expose leur position et leur formation, il devient géologiste; s'il décrit et classe les végétaux ou les animaux , il prend le titre de botaniste ou de zoologiste; s'il les dissèque, HISTOIRE NATURELLE. 1 89 celui d'anatomiste ; il devient physiologiste quand il cherche à déterminer les phénomènes de la vie et à en fixer les lois. Mais tous ces travaux, partagés d'ordinaire entre diverses personnes, à cause de leur immensité et des bornes de l'esprit humain , tendent au même but et suivent la même marche, qui consiste à four- nir à la physique et à la chimie des objets d'appli- cation bien déterminés, ou à circonscrire rigou- reusement les phénomènes qui échappent encore à ces deux sciences, et à les rapporter à quelques faits généraux qu'on adopte comme principes, et dont on part pour des explications particulières. D'ailleurs aucune des branches de l'histoire na- turelle ne peut plus se passer entièrement des autres, et moins encore des deux sciences plus gé- nérales que nous venons de nommer. En vain vou- droit-on maintenant classer les minéraux sans les analyser chimiquement et mécaniquement, ou les animaux sans connoître leur structure intime et les fonctions de leurs organes: le physiologiste qui n'embrasseroit pas dans ses méditations les phéno- mènes de la vie des plantes et de celle de tous les animaux se perdroit bien vite en conjectures illu- soires, tout comme il fermeroit volontairement les yeux à la lumière , s'il refusoit d'admettre l'influence des lois physiques dans les fonctions vitales. l4o SCIENCES PHYSIQUES. Il est donc visible que la différence essentielle en- tre les sciences générales et l'histoire naturelle c'est que dans les premières on n'examine, ainsi que nous venons de le faire entendre, que des phénomènes dont on détermine en maître toutes les circon- stances , et que dans l'autre les phénomènes se pas- sent sous des conditions qui ne dépendent pas de l'observateur. Dans la chimie ordinaire, par exem- ple , nous fabriquons nos vaisseaux de matières inaltérables; nous les formons, les courbons, les dirigeons comme il nous plaît; nous n'y plaçons que ce qu'il faut pour avoir des idées claires du ré- sultat. Dans la chimie vitale les matières sont innombrables; à peine le chimiste nous en a-t-il ca- ractérisé quelques unes : les vaisseaux sont d'une complication infinie ; à peine l'anatomiste nous a-t-il décrit une partie de leurs contours : leurs pa- rois agissent sur ce qu'ils contiennent; elles en su- bissent faction : il vient sans cesse des éléments du dehors en dedans ; il s'en échappe du dedans au de- hors : toutes les parties sont dans un tourbillon continuel , qui est une condition essentielle du phé- nomène, et que nous ne pouvons suspendre long- temps sans l'arrêter pour jamais, et sans que les éléments et leur mélange forment aussitôt des com- î)inaisoris nouvelles. Nous ne sommes pas même les maîtres de retrancher à notre gré quelque partie HISTOIRE NATURELLE. l4ï pour juger de son emploi spécial : le corps vivant tout entier périt quelquefois par cette suppression. Les branches les plus simples de l'histoire natu- relle participent déjà à cette complication et à ce mouvement perpétuel , qui rendent si difficile l'ap- plication des sciences générales. Histoire naturelle de [atmosphère. La météorologie, par exemple, n'a pour objet que les variations de l'atmosphère; et il semble que les éléments qui composent celle-ci ne sont pas bien nombreux. On sait même aujourd'hui, parles expériences de plusieurs physiciens, et sur-tout de MM. de Humboldt, Biot, et Gay-Lussac % que ceux de ses éléments gazeux que nous pouvons saisir sont à-peu-près en même proportion à toutes les hauteurs où Ton a pu s'élever; et par celles de MM. Berthollet , Beddoes , etc. , que les pays les plus éloignés ne diffèrent pas non plus à cet égard d'une manière sensible : mais sa masse est immense, sa mobilité infinie; la moindre variation de chaleur y cause des mouvements étendus ; ces mouvements divers se croisent et se contrarient d'une manière que les mathématiques ne peuvent apprécier. L'eau qui s'évapore rend plus légère la portion d'air qui » Annales du Muséum d histoire naturelle, t. II, p. 170 et 322. l/[2 SCIENCES PHYSIQUES. la contient : de là des mouvements nouveaux qui varient en raison composée des deux causes essen- tielles de la vaporisation , c'est-à-dire de la chaleur et de la surface aqueuse sur laquelle elle frappe. Enfin l électricité vient encore se joindre à toutes ces causes, pour multiplier les altérations du fluide qui nous environne. Il est aisé de voir qu'il y a déjà assez de ces divers ressorts pour rendre presque infini le nombre des combinaisons possibles : que sera-ce ci si Ton décou- vre un jour des agents nouveaux, comme de orands physiciens le soupçonnent déjà, et si le soleil lui- même varie par l'intensité de sa chaleur et de sa lu- mière, comme M. Herschel se croit en droit de le soutenir' ! On peut donc se faire des théories plus ou moins [générales , plus ou moins vafjues, sur les causes des divers météores; mais la preuve de l'im- perfection de toutes ces théories c'est qu'elles ne conduisent point encore à prévoir ces météores avec la moindre précision. L'air qui passe sur de l'eau se charj^e d'une vapeur d'autant plus abondante qu'il est plus chaud; il la laisse retomber, s'il se refroidit: de là le brouillard ou la pluie. Si le refroidissement est assez grand, l'eau tombera en neige; si elle ne gèle qu'en tom- bant, elle deviendra de ia grêle. Le baromètre ' Bibliothèque Britannique. MÉTÉOROLOGIE. I/p baisse quand quelque partie de l'air devient hu- mide; il a donc des rapports assez constants avec le temps futur: le vent qui vient de la mer apporte plus d'humidité; il est donc aussi pour chaque lieu un indice du temps. Le vent lui-même dépend en grande partie de la chaleur ; et il est d'autant plus réguher que les circonstances qui déterminent la chaleur sont plus constantes. L'air chaud quiseléve des plaines échauffées redissout les nuages qui s'y rendent , et y maintient la sérénité : la fraîcheur des montagnes produit un effet contraire, etsemhle attirer les nuages. On sait tout cela en gros ' ; mais c'est à-peu-près tout ce qu'on sait sur les météores simplement aqueux. Les autres sont bien plus irré- guliers encore, et nous n'apercevons pas même d'une manière générale leurs causes originaires. Ainsi l'on en est réduit à de simples descriptions historiques, ou tout au plus à des conjectures, sur les causes immédiates des trombes , des tourbillons , des ouragans, ainsi que de la plupart des météores lumineux: mais ce qui les amène précisément en tel temps et en tels lieux nous échappe presque entièrement. Nous devons cependant beaucoup de reconnois- sance aux hommes laborieux qui observent les va- riations de l'atmosphère , et cherchent à saisir quel- ' Voyez le Mémoire de M. Moiige, Annales de Chimie, t. V, p. i. l44 SCIENCES PHYSIQUES. que rapport entre elles et des phénomènes plus constants. Les mouvements des astres étoient ceux de ces phénomènes auxquels il étoit le plus naturel de penser; et la lune, comme plus voisine de nous, devoit la première attirer l'attention. Le peuple at- tribuedès long-temps à ses phases quelque influence sur le temps : Toaldo ' et M. Cotte ^ ont réfuté cette opinion. M. deLamarck cherche, depuis plusieurs années, si le lieu de la lune, sa distance et ses rap- ports de position avec le soleil , n en auroient pas davantage. La méthode qu'il emploie de former d'avance des espèces de calendriers ne peut man- quer d'exciter les observateurs à noter avec soin tout ce qui arrive; et c'est ainsi qu'on obtiendra tout ce qu'il sera possible d'obtenir de certain^. Nous devons une reconnoissance non moins grande à ceux qui imaginent et qui emploient avec constance les instruments propres à mesurer avec quelque précision tous ces genres de variations , et à en donner au moins une histoire exacte^. ' Journal de physique, t. XXXIX, p. 43 ; Essai météorologique, tra- duit de l'italien de Toaldo par Daquin ; Chambéry, 1784; in-4". ^ Ibid., depuis 1787 jusqu'à présent. Voyez aussi son Traité et ses Mémoires de Météorologie; Paris, 1774-1788; 3 vol. in-4°. ^ Voyez les Annuaires météorologiques de M. de Lamarck. ^ Voyez, sur tous ces genres d'observations, l'Atmosphérologic de Lampadius, en allemand; Freyberg, 180C; i vol. in-8°. MÉTÉOROLOGIE. l45 Le baromètre et le thermomètre sont déjà an- ciens. On sait aujourcriiui , par des observations répétées presque à l'infini , tout ce que leurs mou- vements peuvent avoir de relatif à la saison, aux heures du jour, à la latitude, à l'élévation verticale, au voisinage des eaux ou des montag^nes , à la posi- tion dans des lieux ouverts ou enfoncés, enfin aux météores des diverses sortes. On n'a pas observé l'électromètre atmosphérique avec moins de patience , pour déterminer les rap- ports de l'électricité naturelle avec toutes ces circon- stances ; mais ses accumulations subites dans les orages échappent à toutes les régies. L'état du magnétisme lui-même a été observé sous ce rapport: il y a des variations diurnes de l'ai- guille ; il y en a d'annuelles ; il y en a qui corres- pondent avec certains météores. Les remarques de M. Gassini sur ce sujet sont très précieuses ; mais on n'entrevoit encore rien de positif qui explique les liaisons de ces différents phénomènes. On connoît aussi maintenant par des instru- ments fort exacts la quantité d'eau qui tombe dans chaque pays et celle qui s'en évapore, ainsi que la direction ordinaire et la force des principaux vents. L'hygromètre, qui doit nous faire connoître Thu- midité de l'air, étoit le plus important de tous ces instruments, parcequ'il a les rapports les plus étroits BUFKON. COAIPLÉM. T. I. lO l46 SCIENCES PHYSIQUES. avec les météores aqueux, qui sont ceux qui nous intéressent le plus ; chacun sait à quel point il a occupé MM. cle Saussure et Deluc. On y emploie , en général, une fibre organique, cheveu, filet d'ivoire, de plume, tranche d'un fanon de baleine ou autre; l'humidité alonge ces corps, la sécheresse les raccourcit : on peut aussi employer des sels dé- liquescents , et peser l'humidité qu'ils ont attirée dans un temps donné; mais aucun de ces moyens ne donne la quantité absolue de l'eau , et, malgré tous les soins de ceux qui ont inventé ou perfec- tionné ces instruments , ils n'ont pu encore les rendre comparables. Le cyanoniétre doit mesurer la transparence de l'air : c'est une bande colorée de diverses nuances de bleu , que l'on compare de l'œil avec le bleu de ciel, M. de Saussure l'a imaginé ; mais son emploi n'est pas très fréquent. L'eudiométre, qui mesure la pureté de l'air ou la quantité de son oxygène, est au contraire d'un usage journalier, non seulement en météorologie, mais en- core dans toutes les opérations relatives à l'analyse des gaz. On peut y employer toutes les substances qui absorbent l'oxygène; mais il y a de grandes dif- férences dans la perfection de cette absorption. Le gaz nitreux fut d'abord proposé par Priestley ; il fait la base de l'eudiométre de Fontana. M. Volta MÉTÉOROLOGIE. l/j-y emploie dans le sien la combustion du gaz hydro- gène ; M. Achard et M. Seguin se servent du phos- phore , dont l'action est prompte , mais tumul- tueuse; M. Berthollet préfère les sulfures alcalins, qui paroissent absorber le plus complètement, mais qui agissent avec lenteur: il semble cependant que les physiciens s'arrêtent à Teud iomètre de Volta , qui a d'ailleurs par-dessus tous les autres l'avantage de faire reconnoître la présence et la quantité de l'hy- drogène. C'est par ces divers moyens , et par les tra- vaux successifs et pénibles de MM. Cavendish , Bed- does, Berthollet, Humboldt, Gay-Lussac, etc., que l'on est arrivé à ce résultat singulier, que la compo- sition gazeuse de l'atmosphère est la même sur tout le globe et à toutes les hauteurs. M. Cavendish a montré que les odeurs qui affec- tent si vivement nos sens, et les miasmes qui atta- quent si cruellement notre économie, ne peuvent être saisis par aucuns moyens chimiques, quoiqu'il soit bien certain que ces moyens les détruisent. C'est encore une preuve entre mille de cette multi- tude de substances qui agissent à notre insu dans les opérations de la nature. 11 est bien à regretter que l'on n'ait pas des ob- servations à-la-fois assez anciennes et assez sûres pour constater s'il n'y a point dans toutes ces vr»- riations des périodes plus longues que celles qu'on lO. l48 SCIENCES PHYSIQUES. a soupçonnées jusqua ce jour. Le magnétisme est peut-être de tous les phénomènes celui pour lequel cette recherche auroit le plus d'intérêt. Le plus remarquable des faits relatifs à l'atmo- sphère, sur lesquels l'époque actuelle a donné des lumières nouvelles, n'appartient peut-êtrepas même véritablement à la classe des météores aériens. Il est bien certain aujourd'hui qu'il tombe quelque- fois des pierres de Tatmosphère sur la terre ; que ces pierres , dans quelque lieu qu'elles tombent , sont semblables entre elles , et qu'elles ne ressem- blent à aucune de celles que la terre produit natu- rellement. L'antiquité et le moyen âge n'ont point ignoré ces chutes de pierres ; Plutarque et Albert -le -Grand cherchent même à les expHquer chacun à la ma- nière de son temps. M. Ghladny, physicien alle- mand , est parmi les modernes le premier qui ait osé en soutenir la réalité: M.Howard, chimiste anglois, a le premier montré l'identité de composition des pierres tombées en des lieux très différents, et a di- rigé ainsi l'attention générale sur un objet si cu- rieux. Cette attention a rendu les observations plus fréquentes. Il est tombé de ces pierres en divers lieux de France. M. Biot a fait à l'Institut un rap- port très circonstancié sur celles qui sont tombées à FAiglc, département de l'Orne, rapport qui ne MÉTÉOROLOGIE. l/jQ peut laisser de doute qu'aux ])ersonnes prévenues ' . On en a encore recueilli dans le département de Vaucluse et dans celui du Gard. Les analyses faites par MM. Fourcroy, Vauqueîin, Thenard, et Lau- rier, ont confirmé celles de M. Howard. M. Laugier en particulier a reconnu le premier dans ces pierres l'existence du chrome ^. Mais d'où viennent-elles? M. Cliladny les croit des corps flottants dans l'espace , des espèces de pe- tites planètes; M. Delaplace et M. Poisson ont mon- tré qu'il est mathématiquement possible qu elles soient lancées par les volcans de la lune. Des chi- mistes, et spécialement M. Vauqueîin, ont bien fait voir aussi qu'une partie des éléments de ces pierres peutêtresuspenduedansfatmosphère ; mais onneconçoit guère comment il pourroit s'en réunir assez pour former, avant la chute , des masses aussi considérables^. Histoire naturelle des Eaux. L'hydrolof^ie, ou l'histoire naturelle des eaux, a déjà quelque chose de plus facile à saisir que celle ' Mémoires de l'Institut, année 1806, p. 224. * Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. VII, p. 392. * On trouvera dans la Lithologie atmosphérique de M. Isarn l'ex- posé de la plupart des observations et l'indic^atioii des Mémoires où elles sont consignées j Paris, i8o3, 1 voL in-S". l5o SCIENCES PHYSIQUES. de ratmosphcre. On ne désire plus rien sur l'origine des fontaines et des rivières ; il est prouvé que la pluie et les autres météores aqueux en sont les seules causes. L'analyse des diverses matières qu'elles tien- nent en dissolution , ou qui s'en précipitent, est faite avec toute la rigueur de la chimie moderne. Celle des eaux minérales sur -tout possède aujourd'hui des méthodes aussi exactes qu'ingénieuses. Leur im- portance en médecine y avoit fait songer dès long- temps. Bergman s'en étoit occupé avec beaucoup de fruit. M. Fourcroy leur a donné une perfection nou- velle dans son livre sur l'analyse de l'eau d'En- ghien*. La composition de l'eau de la mer, la force de sa salure, qui augmente vers le midi et diminue vers le nord , ont également été examinées. On s'est occupé même de la température de l'eau à diffé- rentes profondeurs , et de la quantité ainsi que de la qualité de Fair qu'elle contient. Les expériences de M. Pérou dans les mers des pays chauds , com- parées avec celles de Forster vers le pôle sud, et d'Irwingvers le pôle nord, paroissent prouver que l'eau diminue de chaleur à mesure que Ton descend ; et M. Pérou pense que cette diminution pourroit bien aller par-tout jusqu'à la congélation. Sa surface est échauffée par le soleil ; elle varie moins que l'at- • Un vol. in-8°; Paris, 1788. liYDUOLOGIE. l5£ lîiosphère : elle s'échauffe davantage près des côtes dans les pays chauds ; elle doit s'y refroidir vers les pôles. Ces expériences intéressent sur-tout par rapport à la grande question des sources de la chaleur du globe ; question importante elle-même pour toutes les branches de l'histoire naturelle. On en attribuoit autrefois une partie à quelque feu central, ou à telle autre cause intérieure; mais la composition du de- gré de la chaleur des caves, aux diverses latitudes, semble se joindre à toutes les autres observations pour attester que le soleil seul échauffe la terre. Histoire naturelle des Minéraux. Aucune partie de l'histoire naturelle ne semble offrir plus de facilité que la minéralogie , puisque les corps qu'elle étudie, immobiles et à-peu-près in- altérables par le temps , se laissent aisément, recueil- lir, conserver, et soumettre à volonté à tous les genres d'expériences. Elle a cependant aussi des difficultés particu- lières, dont la plus grande est peut-être l'absence d'un principe rationnel , pour y établir cette pre- mière sorte de division que l'on appelle espèce dans les corps organisés. Dans ceux-ci c'est la génération qui est ce prin- l52 SCIEKGES PHYSIQUES. cipe : mais elle n'a pas lieu pour les minéraux ; à son défaut on s y contente d'une certaine ressemblance dans les propriétés. Jusque vers le milieu du dix- huitième siècle on n'eut guère d'égard qu'aux pro- priétés physiques et extérieu res , prises assezarbitrai- rement pour caractères distinctifs. Aussi tous les ef- forts de Wallerius, et même du grand Linnaeus , qui joignoit encore la figure cristalline aux propriétés employées jusqu'à lui, ne parvinrent-ils à rien de précis dans cette détermination des espèces miné- rales. Gronstedt ouvrit une route nouvelle, en em- ployant le premier la composition chimique comme caractère dominant. C'est d'après cette idée que Gronstedt, Bergman, Kirwan, Klaproth , Vauquelin, et d'autres chimis- tes , ont commencé à mettre dans la minéralogie une partie du bel ordre qui s'y introduit ; et en effet, si la composition étoit la seule cause efficiente de toutes les propriétés minérales , puisqu'elle les pro- duiroit, il faudroit bien la mettre à leur tête: mais il est bon de se rappeler ici l'influence que des cirr constances passagères peuvent avoir sur la forma- tion et sur les qualités physiques des composés, d'après la théorie de M. BerthoUet ; elle peut être telle, qu'à composition égale toutes les qualités sen- sibles soient changées. Par conséquent les caractères physiques , bien MIJNÉRALOGIE. l53 appréciés , ne peuvent ni ne doivent être bannis des déterminations minéralogiques; mais il n'est pas permis de les employer indistinctement. Il y en a , comme la couleur et la transparence, qui sont trop variables pour obtenir un rang élevé dans la mé- thode ; mais ceux qui tiennent de près à la com- position intime, comme la pesanteur spécifique, et sur-tout le clivage, ou cette disposition des lames qui détermine la forme du noyau et la molécule primitive , sont d'un autre intérêt. Ils restent en gé- néral les mêmes , tant que la composition ne change point : ainsi , considérés uniquement sous ce rap- port, ils seroient déjà d'excellents indices propres à suppléer à cette composition quand elle est in- connue. La forme cristalline, sur-tout, a précédé plu- sieurs fois l'analyse, et a fait prévoir une composi- tion différente dans plusieurs cas où l'on n'en soup- çonnoit point. C'est par elle seulement que M. Haùy a distingué les diverses pierres que Ton confondoit sous le titre de schorl\ et celles qu'embrassoit le nom commun de zéolithe '. Bien avant que la stron- tiane fût reconnue pour une terre particulière, * Journal de Physique, t. XXVIII, p. 63; Académie des Sciences, 1787, p. 92. * Observations sur les Zéolitlxes ; Journal des Mines , brumaire an 4, p. 86. l54 SCIENCES PHYSIQUES. M. Haiiy avoit remarqué que les cristaux de sa combinaison avec l'acide sulfurique diffèrent de ceux de la baryte unie au même acide \ Dans d'autres cas l'identité de forme a fait pré- voir l'identité de composition entre des minéraux qu'on croyoit différents. Il y en a un exemple no- table ; celui du beril et de l'émeraude. Ce n'est qu Câ- pres un examen réitéré que M. Yauquelin s'est convaincu de la ressemblance chimique de ces deux pierres , que la cristallographie annonçoit d'avance. Les réunions opérées par la cristallographie entre le jargon, l'hyacinthe, et la prétendue vésuvienne de Norw^ége, entre la chrysolithe, l'apatite, et le mo- roxite , entre le cori ndon et la télésie , ont également été confirmées par la chimie; et il est à croire qu'elle confirmera de même celles de la sibérite avec la tourmaline et d'autres semblables, que la cristallo- graphie prévoit dès aujourd hui. Il est arrivé aussi que l'analyse chimique a rap- proché ou écarté des minéraux, contre ce qu'une étude superficielle de leur forme indiquoit, mais un nouvel examen cristallographique a bientôt tout remis d'accord , en découvrant des différences ou des rapports de forme qui avoient échappé. Il y a cependant certains minéraux où il n'est pas possible encore de mettre les deux méthodes en ' Annales de Chimie, t. XII, p. i. MIINÉUALOGIE. 1 55 harmonie. Nous avons déjà diî qu'on en trouve dont la forme varie, quoique l'analyse en soit la même : l'arragonite et le spath calcaire en sont l'exemple le plus célèbre. Il y en a bien davantage où c'est l'in- verse qui a lieu. Une seule et même forme passe par nuances insensibles d'une composition à une autre presque opposée : tel est le fer spathique. Mais il faut considérer que certains minéraux peuvent être plus ou moins pénétrés par des substances étran- gères sans varier de forme. Quoique ces substances accessoires changent beaucoup le résultat de l'ana- lyse chimique, elles ne doivent point faire établir d'espèces nouvelles, car il est naturel de supposer que la substance principale les a entraînées dans son tissu en se cristallisant, et il arrive souvent que, dans un même morceau , la substance princi- pale pure à une extrémité se change par degrés en se pénétrant de la substance accessoire. Celle-ci peut même, en quelque cas, remplacer entièrement la première, en prenant exactement son tissu le plus intime, comme on le voit dans les bois changés en agate, qui montrent encore leurs fibres, leurs rayons médullaires, et leurs trachées. Il faut con- sidérer encore que, dans plusieurs circonstances, l'état actuel de l'art des analyses est insuffisant pour reconnoître tous les principes ; nous avons des exemples récents de découvertes tout-à-fait im- l56 SCIENCES PHYSIQUES. prévues sur la composition des minéraux qu'on croyoit les mieux analysés , et rien n empêche que ces exemples ne puissent se reproduire. Telles sont les causes probables de cette opposition apparente entre les caractères extérieurs et les caractères chi- miques. Ces remarques prouvent qu'il est nécessaire d'é- tudier avec le plus grand soin les minéraux sous toutes leurs faces , et de comparer sans cesse les ré- sultats de ces diverses sortes d'études. C'est ce qui se fait aujourd'hui de toute part avec d'autant plus de zèle qu'il existe une sorte de rivalité entre les méthodes , chaque minéralogiste attachant plus d'importance à la face qu'il envisage le plus; mais on ne doit voir dans leurs discussions à cet égard que des motifs d'émulation qui rendront la mi- néralogie plus parfaite. La vraie philosophie des sciences demande qu'aucun genre d'observation ne soit négligé. Ainsi M. Werner de Freyberg et toute son école examinent avec une attention extrême l'ensemble des caractères extérieurs; et leurs observations, saisissant les nuances délicates négligées par d'au- tres minéralogistes, leur ont souvent fait recon- noître des espèces nouvelles : mais quelquefois aussi des distinctions trop scrupuleuses de pro- priétés peu importantes leur ont fait regarder MINÉRALOGIE. iSj comme espèces de simples variétés. Nous avons en fran<^ois un bon ouvrage^ rédigé d'après les principes de M. Werner, par M. Brochant, ingé- nieur des mines'. M. Hauy, M. Tonnellier, M. Gillet,M. Leiièvre, M. de Bournon, et en général ceux qui appliquent la méthode cristallographique du minéralogiste fran(^ois, s attachant plus exclusivement à la pro- priété qui tient de plus près à la nature intime, ra- mènent d'ordinaire ces variétés à leurs espèces, et leurs résultats sont le plus souvent confirmés par l'analyse. C'est celle-ci qui couronne l'œuvre quand elle le peut; et elle y a très souvent réussi dans les combi- naisons métalliques et dans les substances acidi- fères, à quelques nuances près, qui se trouvent dans les proportions de certaines espèces. Aussi a- t-on pu disposer ces sortes de minéraux en ordres, en genres, et en espèces rigoureusement définies, et leur appliquer une nomenclature analogue à celle des chimistes et indicative de leur composi- tion. Mais les pierres dures, communément dites sili- ceuses, les magnésiennes, la plupart aussi de celles ' Paris, ans 9 et 11, 2 vol. in-S". — L'Allemagne a produit un très grand nombre d'ouvrages sur le même sujet, tels que ceux de MM. Karsten, Emmerling, Reuss, etc. l58 SCIENCES PHYSIQUES. qui sont réunies clans ies roches, sont encore loin d'être si bien connues. Leurs analyses, faites par différents auteurs, ne se ressemblent pas; et c'est sur-tout dans cette classe que le même chimiste trouve quelquefois, comme nous l'avons dit, dans une seconde analyse, un principe important qui lui avoit échappé dans la première. C'est ainsi que M. Klaproth vient de découvrir l'acide fluorique dans la topaze, où il ne Favoit pas trouvé d'abord, et que M. Vauquelin, répétant cette expérience, l'y a trouvé encore en beaucoup plus grande quan- tité'. En attendant donc qu'on en soit venu pour ces sortes d'analyses à des méthodes plus sûres, on laisse ces pierres ensemble sans en former des gen- res proprement dits, les isolant d'après leurs pro- priétés physiques les plus essentielles, et leur don- nant des noms arbitraires tirés de quelques unes de ces propriétés. Telle est la marche actuelle de la minéralogie , marche qui n'a été entièrement adoptée] que dans la période dont nous rendons compte, et d'après laquelle le catalogue des minéraux a été non seule- ment mieux ordonné, mais encore singulièrement enrichi''. ' Annales de Chimie de 1807. ^ Voyez lënumération de toutes ies découvertes, avec l'indication MINÉRALOGIE. l59 Il a fallu y insérer d'abord tous les nouveaux élé- ments métalliques et terreux reconnus par la chi- mie, ainsi que leurs diverses combinaisons. Comme nous en avons parlé précédemment, il est inutile que nous revenions sur ce sujet. On y a ajouté un grand nombre de combinai- sons dont les éléments étoient connus, mais dont on ne savoit pas auparavant qu'ils existassent réu- nis dans la nature. Ainsi le phosphate de chaux, que l'on savoit depuis long-temps être la matière terreuse des os, s'est trouvé formant des montagnes entières en Espagne et en Hongrie, et des cristaux isolés dans beaucoup d'endroits. MM. Proust, Rla- protli, et Vauquelin, Fy ont reconnu successive- ment. Cette même chaux a été découverte, par M. Seîb , unie à l'acide de l'arsenic et formant une pierre empoisonnée. Parmi les gypses ou sulfates de chaux on en a reconnu un quinianque d'eau de cristallisation et dont les qualités phvsiques diffèrent du gypse com- mun. Tj'abbé Poda l'avoit indiqué; M. Klaproth en a commencé l'analyse, et M. Vauquelin l'a ter- minée. de leurs auteurs et des Mémoires où ils les ont consignées, dans le Traité de Minéralogie de M. Haiiy, Paris, 1800; 4 ^'o^- in-8" et un atlas; et dans les suppléments joints par M. Lucas fds à l'abrégé (ju'il a donné de cet ouvrage : consultez aussi les différents volumes du Journal des Mines. l6o SCIENCES PHYSIQUES. La baryte unie à Tacide carbonique est une autre pierre qui empoisonne; le docteur Withering l'a découverte dans le Lancasbire en Angleterre. Certains cristaux presque cubiques, assez durs , des environs de Lunebourg , ont été reconnus, par MM. Westrurab et Vauquelin , pour un composé de magnésie et d'acide boracique. La combinaison de la cbaux et de la silice avec le même acide a été découverte en Norwége par M. Esmark , et analysée par M. Klaprotb. On a trouvé au Groenland l'alu- mine combinée à Tacide fluorique; M. Abildgaard Fa fait connoître. Parmi les combinaisons métalliques, le cuivre, uni à l'acide arsenique, forme des mines très ricbes en Angleterre. Il y en a, dans le pays de Nassau , d'uni à l'acide pbospborique. M. Leliévre a fait connoître un manganèse car- bonate , et a découvert à l'île d'Elbe un oxyde de fer combiné à celui du manganèse, à la silice, et à la chaux, et formant un minéral que ce savant a nommé yénite. Le fer et l'acide du chrome constituent un autre minéral récemment découvert en France par M. Pontier, et qui fournit en abondance le chrome devenu nécessaire à nos manufactures d'é- maux et de couleurs. On a encore trouvé des com- binaisons du fer avec le titane et avec les acides de MINÉRALOGIE. l6l larseriic et du phosphore. M. Fourcroy a fait l'a- nalyse de cette dernière. On a mis ensuite à leur véritable place dans le cata!o[fue plusieurs minéraux que Ton possédoit à la vérité depuis long-temps, mais sur la composi- tion desquels on n'avoit point d'idées justes. La chimie a même offert à cet égard les résultats les plus inattendus. iVinsi le corindon et la télésie, qui comprend les rubis , les saphirs, et les topazes d'O- rient, ne se sont trouvés que des cristalHsations d'alumine presque pure; à peine Témeril en diffère- t-il, selon M. Tennant. La diaspore, dont on doit la connoissance à M. Lelièvre et l'analyse à M. Vau- quelin, et la wavellite, découverte par le docteur Wavel en Devonshire, et analysée par M. Davy, sont des pierres très différentes des précédentes, et ne contiennent cependant que de l'alumine et de l'eau ; et, en général, l'eau a été reconnue dans cette période pour un principe souvent très influent de la composition minérale. Le spinelle, ou rubis oc- taèdre, est seulement de l'alumine unie à un peu de magnésie et colorée par l'acide chrômique. L'é- meraude, le béryl, se distinguent par la présence de la glucine; les topazes de Saxe et du Brésil, par celle de l'acide fluor ique. L'antimoine a été re- connu pour un des principes de l'argent rouge. Le nickel s'est trouvé être le principe colorant de la BUFFON. COMPLÉiM. T. I. II l62 SCIENCES PHYSIQUES. prase; le chrome, celui de l'é^neraude, de la dial- lage, et de la plupart des serpentines. MM. Kiaproth et Vauquelin sont les auteurs de la plupart de ces découvertes importantes '. Enfin l'on a déterminé les caractères de plusieurs minéraux dont les propriétés physiques ou la pré- sence de quelque élément particulier exi(^ent la sé- paration, quoiqu'ils soient de la classe de ceux dont l'analyse chimique n'est point encore entiè- rement satisfaisante. Nous n'en citerons qu'un pe- tit nombre: ieuclase, rapportée du Pérou par Dombey, est une gemme analogue à l'énieraude en couleur et en composition , mais qui se brise trop facilement pour pouvoir être taillée. La ga- dolinite se trouve dans certaines roches de Suéde; c'est elle qui a fourni la terre nouvelle appelée ytlria, etc. C'est par ces additions successives que le nombre des espèces minérales , dont Gronstedt et Bergman ne comptoient guère qu'une centaine, a été porté à près de cent soixante, sans parler des innombra- bles variétés, des mélanges, et des espèces encore incertaines : , et ici les variétés sont très souvent ' Les différents Me'moires ;inalytiques de M. Vauquelin remplissent le Journal des Mines et les Annales de Chimie. Ceux de M. Kiaproth ont été recueillis en allemand; Berlin, 1807; 4 vol. in-8°; et M. Tas- saert vient d'en commencer une traduction Françoise; Paris, 1807; in-8^ MIINÉRALOGIE. l63 (l'une grande importance, et l'on est obligé de les énumérer tontes dans le catalogue ; car c'est par elles que se détermine l'usage des substances pier- reuses. La craie, la pierre à bâtir, les marbres de toute sorte, l'albâtre, les spatbs calcaires, par exemple, ne sont que des variétés du carbonate calcaire : et à combien d'emplois différents cha- cune de ces variétés n'est -elle pas exclusivement propre! Il n'est pas moins nécessaire de connoître, de classer et de caractériser les divers mélanges. C'est d'après eux que telle argile n'est bonne qu'à mar- ner; telle autre qu'à faire des briques ou des po- teries communes, tandis qu'une sorte plus pure donne la plus belle porcelaine. Qui voudroit em- ployer indifféremment les variétés de schistes s'ex- poseroit à de terribles mécomptes. Il faut donc qu elles soient toutes bien déterminées dans les livres. Les variétés de forme, de leur côté, ont un grand intérêt scientifique : il y a quelque chose d'admirable dans cette prodigieuse multitude de combinaisons d'où résultent toutes ces facettes dis- posées avec tant de symétrie. M. Haûy a donc rendu un vrai service à la philosophie naturelle, en tenant compte de toutes ces différences , et en les analysant d'après les lois de sa théorie. Il a 1 1 . l6/\ SCIENCES PHYSIQUES. donné ainsi à la minéralogie nn caractère tout nou- veau qui la rapproche beaucoup cle l'exactitude des sciences mathématiques. C'est ce que Ton admire sur-tout dans son grand traité sur cette science, magnifique monument des progrès faits dans ces dernières années, et auxquels l'auteur a contribué plus que tout autre ' . L'ouvrage que M. Brongniart a rédigé par ordre du gouvernement pour l'usage des lycées a donné de son côté une attention plus suivie aux variétés non cristallines qui fixent les usages, et, sous ce rapport, il est aussi utile aux arts qu'à l'instruction publique \ Géologie. Mais la formation et l'ordonnance de ce grand catalogue des minéraux, et même l'exposé le plus complet des propriétés de chacun d'eux, ne sont en- core ([u'une partie de leur histoire : il faut y ajouter la connoissance de leur position respective, et de leur distribution dans celles des couches du globe que nous pouvons percer. C'est là l'objet de la géologie positive et de la géo- graphie physique. Celle-ci est une sorte de géolo- gie particulière, base de la géologie générale. On y ' Paris, 1800; 4 vol- i'^-8°, t:t un atlas. ^ Traité élémentaire de Minéralogie; Paris, 1807; 2 vol. in-S*. GÉOLOGIE. l65 examine à fond la structure minérale d'un pays dé- terminé, et la nature des pierres ou des autres mi- néraux qui composent ses montagnes, ses collines et ses plaines, ainsi que leur position relative; c'est une science pour ainsi dire toute moderne. Pallas en a donné de beaux exemples pour la Russie', Saussure pour les Alpes', M. Deluc pour certaines régions de la Hollande et de la Westphalie^. L'école de Werner a fait à cet égard les plus belles recherches en Saxe et dans plu- sieurs autres contrées de l'Allemagne et des pays voisins"^. Les cantons des mines ont été, comme on devoit s'y attendre, examinés avec encore plus de soin que les autres: Tintérôt immédiat le deman- doit; et ceux de Saxe et de Hongrie, où l'art des ' Dans ses observations sur la formation des montajijnes, Académie de Pétersbourn , 1777, et clans ses Voyages. ' Voyages dans les Alpes; Neufchâtel, 1779-96; 4^0!. in-4''. ^ Lettres à la reine d'Angleterre sur l'histoire de la terre et de l'homme ; La Haye, 1768 ; 6 vol. in-8". ^ Les ouvrages géologiques particuliers sortis de l'ëcole de M. Wer- ner sont aussi nombreux qu'importants : leur énumëiation, et l'exposé le plus complet qu'il y ait encore de leurs résultats, se trouvent dans la Géognosie de lleuss; Leipsick, i8o5; 2 vol. in-8", en allemand. On distingue dans le nombre ceux de MM. de Buch, Sturl, Leonhard, Lazius, Noze, Voigt, Freisleben, Wrede, etc. Nous n'avons pas be- soin de citer le plus célèbre des élèves de Werner, l'illustre et coura- geux M. de Humboldt. Il est bon de consulter aussi les ouvrages j»his anciens de Charpentier, de Born, etc. l66 SCIENCES PHYSIQUES. mines est exercé depuis un temps injmémorial, ont eu les plus excellents bisto riens. I^a géographie physique delà Fiance n'a pas été cultivée dans ces derniers temps avec moins d'ar- deur que celle des pays étrangers; les cours de Rouelle, ceux de Valmont de Bomare, de Dau- benton, et de M. Sage, ainsi que leurs ouvrages élémentaires, ont commencé à répandre dans notre nation le goût de la minéralogie, long-temps con- centré en Allemagne et en Suéde. Des cabinets ont été formés dans nos principales villes, et des voyages minéralogiques entrepris dans presque toutes nos provinces. Dès avant l'époque dontnous rendons compte, de GensanneetSoula vie avoient décrit le Languedoc, Besson les Vosges: nos mines de fer, principale richesse de la France en ce genre, avoient été examinées par Dietrich ' ; et Picot-la-Peyrouse avoit décrit celles du comté de Foix^ ; Polassou , et plus récemment M. Ramond, ont fait connoître en détail les Pyrénées^. Le conseil des mines, établi en lygS, lorsque l'interruption de tout rapport avec l'étranger fit ' Description des gîtes de minerai des forges et des salines des Pyrcne'es, par le B. de Dietrich; Paris, 1786; 4 vol. in-8°. ^ Traité sur les mines de fer et les forges du comté de Foix par de La Peyrouse; Toulouse, 1786; i vol. in-8°. •^ Essai sur la Minéralogie des Pyrénées ; Paris , 1781. Observations faites dans les Pyrénées, par Ramond; Paris, 1789; i vol. in-8". GÉOLOGIE. 167 sentir le besoin de tirer parti de notre territoire, a donné à ces sortes de recherches une iînpulsion toute nouvelle. Des ing^énieurs, envoyés par ses ordres dans les divers départements , en ont étudié la minéralogie; et les descriptions exactes d'un as- sez grand nombre, faites sur-tout par MM. Dolo- mieu, de Gensanne, Lefiebvre , Duhamel fils, Baillet du Belioy, Héron de Villetosse, Cordier, Rosière, Héricartde Thury, ont déjà été recueillies dans le Journal des Mines'. Nos mines de houiiîe ont excité une vive attention, e^t MM. Duhamel père, Lefebvre, Gillet-Laumont, de Gensanne, se sont occupés avec succès de leur gisement, de leurs inflexions, des failles ou filons pierreux qui les interrompent, et de tous les détails de leur ex- ploitation et de leur emploi. Les riches mines ([ue le sort des armes a fait tomber au pouvoir de la France dans les départements conquis ont été examinées et décrites avec soin, et ont enrichi la science en même temps que lempire. Dans les an- ciennes provinces on a découvert ou décrit diverses mines de métaux utiles aux arts, depuis lemercuie et le cuivre jusqu'au chrome et au manganèse, et de nombreuses carrières de pierres propres à tous ' Cette collection a commencé en vendémiaire an 3, et elle con- tinue avec succès. L'Allema^rne en a plusieurs d'analo{i;ues, telles que celles de M. de Moll, de M. de Hof, etc. l68 SCIENCES PHYSIQUES. les genres de constructions, depuis les marbres et les porphyres qui enrichissent nos palais , jusqu'aux briques insubmersibles dont en fabrique les fours des vaisseaux; et parmi toutes ces recherches il s est rencontré une foule de minéraux qui, sans avoir encore d'utilité immédiate, appartiennent cependant au grand système de notre géographie physique, et fournissent des matériaux précieux aux recherches de la chimie. Ainsi fémeraude a été trouvée près de Limoges par M. Leliévre; la pinite, au Puy-de-Dôme, par M. Cocq; l'antimoine natif et oxydé, à Allemont, par M. Schreiber; furane oxydé, à Sémur, par M. Ghampeaux.) et à Ghanteloup près Limoges. L'une des plus intéressantes de ces découvertes est celle d'une mine de fer chromaté faite dans le dé- partement du Var par M. Pontier, et dont nous avons parlé il n'y a qu'un moment ^ Ces descriptions minéralogiquesdes diverses con- trées, rapprochées et comparées, offrent plusieurs points de conformité, qui doivent, par leur confor- mité même, tenir essentiellement à la structure de la croûte du globe. La série de ces résultats communs, qui se retrouvent à-peu-près les mêmes par toute la terre, est ce qui constitue proprement ' On trouvera ces Mémoires et,'plusieurs autres dans le Journal des Mines. GÉOLOGIE. 169 la science de la géologie positive ou générale , la- quelle , assignant les lois de la position respective des divers minéraux, est de la plus haute impor- tance pour guider dans leur recherche. Gomme à l'ordinaire c'est lintérct qui a fourni les premiers traits du tableau ; on a d'abord étudié les montagnes riches en filons métalliques, et on les a distinguées de celles dont les couches horizontales sont le plus souvent pauvres en métaux ; c'est là qu'on en étoit venu vers le milieu du dix-huitième siècle : bientôt on s'aperçut que les roches à filons tiennent toujours de près aux roches plus compactes encore qui composent les chaînes de montagnes les plus élevées ; que les unes et les autres sont dépour- vues de ces débris de corps organisés qui remplis- sent les couches ordinaires ; enfin que celles-ci, posées sur les flancs des premières, doivent avoir été formées après elles. De là cette distinction fondamentale , en géolo- gie, des terrains primitifs que l'on suppose anté- rieurs à l'onoanisation , et des terrains secondaires déposés sur les autres par les eaux, et fourmillant des débris de leurs productions organi(|ues. Il paroît que Lehman et Rouelle sont les premiers qui aient classé nettement les terrains d'après ces idées '. ' On peut consulter sur l'histoire tle la géologie, principalement I-yo SCIENCES PHYSIQUES. Mais il restoit encore beaucoup de développe- ments à leur donner : les terrains j)rimitifs sont, eux- mêmes de plusieurs sortes, et probalDlement de plu- sieurs âges ; et ion peut encore moins méconnoître une longue succession parmi les secondaires. Le granit et les roches analogues forment le massif qui porte tous les autres terrains, et qui les perce pour s élever en aiguilles , en crêtes ou en plateaux, dans la ligne moyenne des chaînes les plus hautes : sur leurs flancs sont coucbés les gneiss , les schistes, et autres roches feuilletées , réceptacles ordinaires des filons métalliques , que recouvrent à leur tour ou parmi lesquels se mêlent les divers marbres sa- lins. Les couches de toutes ces substances sont bri- sées, relevées, désordonnées de mille manières. Voilà ce que M. Pallas a annoncé pour les mon- tagnes de Russie ; ce que MM. de Saussure et Dolo- mieu ont confirmé pour celles d'Europe ; ce ([ue M. Deluc a développé. ÏjCS Pyrénées paroissoient faire une exception à la régie ; mais M. Ramond a montré que cette ex- ception n'est qu'apparente , et tient seulement à ce que les schistes et les calcaires, du côté de l'Espagne, sont plus élevés que la crête granitique mitoyenne' . dans le dix-huitième siècle, différents articles du Dictionnaire de Géo- j^raphie physique de l'Encyclope'die méthodique, de M. Desmarets. ' Voyage au Mont-Perdu; Paris, 1801; i vol. in-8". GÉOLOGIE. 171 M. Weriier et ses élèves ont donné de bien plus fjrands détails touchant la superposition de ces ter- rains primitifs; mais peut-être ont-ils trop multiplié les classes, pour que leurs observations soient ap- plicables dans leur entier à d'autres pays qu'à ceux qu'ils ont observés. M. Werner a donné aussi dans sa Théorie des fdons un recueil intéressant d'obser- vations sur la marche de ces fissures sinoulières, et a cherché à déterminer d'une manière précise l'âge des métaux , par la manière dont les filons se coupent; car si, comme il le paroît, les filous ne sont que des fentes remplies après coup , ceux qui traversent les autres doivent leur être posté- rieurs '. Les terrains secondaires sont moins faciles à ob- server que les primitifs : plus généralement hori- zontaux , il est plus rare d'en trouver des coupes verticales un peu considérables , et leurs divers ar- rangements n ont pas , à beaucoup près , autant d'uniformité. On remarque cependant aussi dans ce qu'on en connoit un certain ordre de superpo- sition. Les calcaires durs, remplis de cornes dam- mon , les schistes , et les charbons de terre marqués d empreintes de fougères ou de palmiers ; les craies pleines de silex moulés en oursins ou de bélemnites ' Nouvelle Théorie de la forniation des filons, etc., traduite de l'allemand, par M. Dauhuisson; Paris, 1802. 1-72 SCIENCES PHYSIQUES. spathiques, les calcaires grossiers, composés de co- quilles plus semblables à celles de nos mers, se suc- cèdent suivant de certaines lois. Des marnes, des sables , des gypses , les recouvrent çà et là, et recè- lent pêle-mêle des coquilles roulées et des os de quadrupèdes, ou des empreintes de poissons. Ces immenses dépôts , sillonnés par les fleuves et par les rivières, interrompus par des traînées de laves ou d autres produits volcaniques , complétés ou bordés par des terrains d alluvion , couverts en beaucoup d'endroits d'une abondance de cailloux roulés, portant çà et là des débris évidents de ter- rains plus anciens , marques infaillibles de .grandes révolutions, constituent la partie la plus considé- rable de nos continents. Une foule de détails attirent dans ce grand en- semble les regards et les réflexions de l'observa- teur. D'énormes blocs de pierres primitives, telles que des granits, sont éparssur les terrains secondaires, comme s'ils y eussent été lancés, et semblent indi- quer de grandes éruptions. M. Deluc a beaucoup appuyé sur ce fait: M. de Bucb a observé récem- ment que les blocs du nord de l'Allemagne ressem- blent aux roches de la Suède et de la Laponie, et paroissent venir de cette région. Des amas de cailloux roulés occupent l'issue des GEOLOGIE. 17J grandes vallées , et pai oissent annoncer de grandes débâcles. M. de Saussure a pris soin d'en citer plu- sieurs exemples. Quelquefois des couches de ces cailloux liés en poudingues sont relevées ; preuve de bouleverse- ments postérieurs à quelques unes de ces débâcles. On en voit des exemples jusqu'en Sibérie : M. Pa- trin en a décrit; M. de Humboldt en a trouvé en abondance dans la vaste plaine qu arrose le fleuve des Amazones. En général les terrains secondaires que l'on est obligé de supposer formés tranquillement et par voie de dépôt ou de précipitation n'ont pas tous conservé leur position originaire : on en voit d'in- clinés, de redressés, de déchirés, de bouleversés. M. Deluc a aussi le mérite d'avoir bien montré tous ces désordres ' . Les volcans sont une cause encore active de chan- gements en certains points de la surface du globe; il étoit intéressant d'étudier leur manière d'agir, la nature et les caractères de leurs produits, le degré de chaleur avec lequel ces produits sortent du cra- tère, de chercher même à conjecturer la profon- ' Les lettres de M. Deluc à M. de La Metherie, recueillies dans le Journal de Physique, anne'es 1789, 1790, 1791 , et les Lettres géolo- giques du même auteur à M. Blumenbach; Paris, 1798; i vol. in-S", contiennent l'exposé de ses idées particulières sur la théorie de la terre. I';4 SCIENCES PHYSIQUES. cleur du foyer d'où ils émanent , les causes qui peu- vent y occasioner et y nourrir l'inflanimation , et celles qui entretiennent la fusion des laves. Dolomieu ^ et Spallanzani sont ceux qui ont mis dans ces derniers temps le plus de suite à ce genre de recherches; ils ont recueiîU l'un et l'autre, et dé- crit avec beaucoup de soin , les produits du Vésuve et de l'Etna. M. de Humboîdt, en revenant de gra- vir les pics les plus élevés et les volcans plus terribles encore qui hérissent la Gordillière des Andes , a eu l'avantage de voir de près la dernière éruption du Vésuve. Le volcan de l'île de Bourbon a fourni des observations précieuses à MM. Huber et Bory-Saint- Vincent. L'un des faits les plus remarquables qui parois- sent avoir été constatés c'est que le feu des volcans n'a pas , à beaucoup près , le haut degré de chaleur qu'on lui attribuoit. Dolomieu s'en est assuré , en examinant l'action de la lave sur les divers objets qu'elle enveloppa en i ygS , dans un village au pied, du Vésuve; il a expliqué par-là comment elle a pu entraîner sans les fondre divers cristaux très fusi- bles don telle est souvent remplie. Cependant la lave ' Voyage aux îles de Lipari , 1783 ; Voyages aux îles Ponces, et Catalogue raisonné des produits de l'Etna, 1788; et sur-tout ses der- niers Mémoires dans les Journaux de Physique et des Mines. Ajoutez à ces ouvrages les Mémoires de M. Fleuriau de Bellevue, ceux de M. Daubuisson, et l'Essai de M. de Montlosier sur les volcans de l'Auvergne. GÉOLOGIE. 175 est très fluide; elle s'insinue jusque dans les plus petits interstices des corps : on a de l'île de Bourbon des troncs de palmiers dont toutes les fentes en sont remplies (c*est une des remarques de M. Huber). Lorsqu'elle coule elle bouillonne et répand au loin des vapeurs épaisses: ne s'enflammeroit-elle C|u'au contact de l'atmosphère, et y laisseroit-clle échap- per quelque substance qui entretenoit la fusion à ce degré modéré de chaleur, comme Font soupçonné Rirwan et Dolomieu? La quantité de ces laves est énorme, MM. Deluc ont cherché à faire voir que toute la masse des mon- tagnes volcaniques est formée des produits mêmes de leurs éruptions ; et le nombre des volcans a été autrefois bien plus considérable qu'aujourd'hui. G'estcequ'ona reconnu, dèsquonaeu surles laves modernes des notions suffisantes pour pouvoir les comparer avec les anciennes. M. Desmarets est un des premiers qui se soient occupés dece genre de recherches; il a fait connoître sur-tout les volcans éteints cle l'Auvergne; il est re- monté à leurs cratères ; il a suivi les traînées de leurs laves; il les a vues se fendre en piliers basal- tiques; et c'est d'après ses observations que l'on a attribué long-temps à tous les basaltes, pierres assez semblables à certaines laves, une origine volca- nique. M. Faujas a fait des travaux semblables sur les 176 SCIENCES PHYSIQUES. volcans éteints du Vivarais ' ; Fortis , sur ceux du Vicentin% etc. 11 paroît cependant que les terrains qui ont de la ressemblance avec les laves n'ont pas tous la mêraeorigine.Telles senties roches iioniméesii'aAes; elles occupent de grandes étendues dans certaines contrées de rAllemagnc; elles y sont bien horizon- tales, n'y tiennentà aucune élévation que l'on paisse regarder comme un cratère, reposent souvent sur des houilles très combustibles, qu'elles n'ont point altérées : elles ne sont donc point volcaniques. M. Werner a bien démontré ces faits; et une mul- titude de terrains ont été dépouillés, par suite de ses observations, de l'origine qu'on leur attribuoit. Tout au plus resteroit-il l'opinion de Hutton et de M. James Hall , qu'ils ont été fondus en place, lors d'un échauffement général et violent éprouvé par le globe. La ressemblance de la pierre ne suffît donc plus pour faire croire à un volcan éteint ; il faut encore des traces d'éruption : mais lorsque ces traces sont évidentes on ne peut refuser de s'y rendre. Aussi des élèves distingués de M. Werner, MM. de Buch ' Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay ; Paris , 1778; 1 vol. in-folio. Mine'ralogie des volcans; Paris, 1 vol. in-8''. ^ Mémoires pour servir à l'histoire naturelle, et principalement à l'oryctographie de l'Italie; Paris, 1802, 1 vol. in-8°. GÉOLOGIE. I-y-y et Daubiiisson , ont-ils reconnu la nature volca- nique des pics de l'Auvergne. C'est en examinant ainsi [es diverses contrées du globe que Ton trouve que les volcans ont été autre- fois infiniment plus nombreux qu'aujourd'hui : il y en a sur toute la longueur de l'Italie; et les sept montagnes de Rome sont les débris d'un cratère, selon M. Breislak \ Les bords du Rhin en sont hé- rissés; on en voit en Hongrie, en Transylvanie > et jusque dans le fond de l'Ecosse. L'observation des volcans éteints a même donné des lumières sur la nature des volcans en général. Ainsi Dolomieu, en étudiant ceux de l'Auvergne, a cru s'apercevoir que leur foyer de voit être sous un immense plateau de granit, que les produits de leurs éruptions couvrent maintenant. C'est ainsi qu'on expliqueroit ces pierres inconnues ailleurs, que tant de laves contiennent. Il n'est cependant pas entiè- rement prouvé qu'il n'ait pas pu en cristalliser quel- ques unes pendant que la lave étoit encore liquide. Au reste , quel qu'ait pu être le nombre des an- ciens volcans, ce ne sont pas eux qui ont bouleversé les autres couches. Il paroît bien prouvé, d'après les remarques de MM. Deluc , qu'ils n'ont pu exercer qu'une influence locale , en perçant ces couches , et en les recouvrant de leurs produits. ' Voyages clans la Campanie ; Paris, 1801 ; 9. vol. in-8°. BUFFON. COMPLÉM. T. I. 12 lyS SCIENCES PHYSIQUES. La haute antiquité de quelques uns est démon- trée par les couches marines qui se sont formées dessus ou qui alternent avec leurs laves. Mais comment le feu des volcans peut-Il être en- tretenu à ces profondeurs inaccessibles? Pourquoi presque tous les volcans brûlants sont-ils à peu de distance de la mer? L'eau salée est-elle nécessaire à ces fermentations intérieures? Est-ce d'elle que viennent les produits salins qui s'accumulent sur les bords des cratères , et dont on trouve encore quelques uns dans les volcans éteints , comme M. Vauquelin Ta remarqué en Auvergne? Voilà des questions qui pourront long-temps en- core occuper les physiciens. Les eaux courantes sont une autre cause de chan- gement moins violente, mais aujourd'hui plus gé- nérale que les volcans. Elles entraînent les pierres , les sables , et les terres des lieux élevés , et vont les déposer dans les lieux bas , quand elles perdent leur rapidité. De là les alluvions des bords des rivières , et sur-tout de leur embouchure; c'est ainsi que le Delta de l'Egypte s'est formé et s'accroît encore. I^a basse Lombardie, une partie de la Hollande, delà Zélande, n'ont point d'autre origine. Les terres ainsi formées sont les plus fertiles du monde : mais les inondations qui les créent les dévastent aussi de temps en temps ; et si on les enceint trop tôt par GEOLOGIE. 1-79 des digues , on les expose à rester trop au-dessous du niveau du fleuve : c'est le cas de la Hollande qui, en beaucoup d'endroits, ne se desséche qu'à force demachines. L'intérêtîepîus pressant exi^jeoit donc qu'on étudiât cette branche de la géologie, pour trouver à-la-fois les moyens de profiter de ces terres nouvelles et ceux d'en éviter les inconvénients. Les philosophes Font étudiée par une autre rai- son : ils ont cru y trouver le plus siir indice de l'époque où nos continents ont subi leur dernière révolution. En effet ces alluvions augmentent assez rapidement; et comme dans l'origine ils dévoient aller pins vite encore, leur étendue ac- tuelle semble s'accorder avec, tous les monuments de l'histoire, pour faire regarder cette révolution comme assez récente. MM. Deluc et Dolomieu sont encore ceux qui nous paroissent avoir le mieux développé cet ordre de faits. Mais ce que les études géologiques ont offert de plus piquant c'est, sans contredit, ce qui con- cerne ces innombrables restes de corps organisés dont fourmillent les terrains secondaires, et dont ils semblent même entièrement composés en quel- ques endroits. Depuis long-temps on avoit remarqué que les productions de la mer couvrent ainsi la terre ferme de leurs amas jusqu'à des hauteurs infini- II. l8o SCIENCES PHYSIQUES. nient supérieures à celles qu'atteindroient aujour- d'hui les plus terribles inondations. Un examen plus attentif avoit fait connoître qne les productions qui couvrent chaque contrée ne sont presque jamais celles des mers voisines, et même qu'un grand nombre d'entre elles n'ont pu encore être retrouvées dans aucune mer. La même observation s'appliquoit aux débris de végétaux et aux ossements d'animaux terrestres. Un si grand aiguillon pour la curiosité a pro- duit son effet. Les fossiles, les pétrifications, ont été recueillis de toute part; et leurs descriptions commencent à former une grande série toute par- ticulière, qui ajoute, beaucoup d'espèces à celles des êtres connus pour vivants. M. de Lamarck est, dans l'époque actuelle, celui qui s'est occupé des coquilles fossiles avec le plus de suite et de fruit : il en a fait connoître plusieurs centaines d'es- pèces nouvelles, seulement dans les environs de Paris ' . Les poissons fossiles des environs de Vérone ont été décrits et gravés avec magnificence par les soins de M. de Gazola \ ' Dans les différents volumes des Annales du Muséum d'histoire naturelle. ^ Ittiologia Veronese, in-fol. Il n'en a encore paru qu'une foible partie, quoique toutes les planches soient prêtes. GÉOLOGIE. 18 r Les végétaux fossiles ont été moins étudiés. Il y en a dans des couches récentes d'assez semblables à ceux d'aujourd'hui. M. Faujas en a décrit plu- sieurs; mais les houilles et les schistes en recèlent d'inconnus. M. le comte de Sternberg a donné récemment un essai à leur sujet*; on commence aussi à les lecueillir et à les graver en Angleterre et en Allemagne. On peut citer dans ce dernier pays l'ouvrage de M. Schlotheim. Parmi ces étonnants monuments des révolu- tions du globe, il n'y en avoit point qui dussent faire espérer des renseignements plus lumineux que les débris des quadrupèdes, parcequ'il étoit plus aisé de s'assurer de leurs espèces, et des res- semblances ou des différences qu'elles peuvent avoir avec celles qui subsistent aujourd'hui; mais comme on trouve leurs os presque toujours épars, et le plus souvent mutilés, il falloit imaginer une méthode de reconnoître chaque os, chaque por- tion d'os, et de les rapporter à leurs espèces. Nous verrons ailleurs comment M. Guvier y est parvenu. Il a examiné les os en question d'après cette mé- thode, et il a recréé ainsi plusieurs grandes es- pèces de quadrupèdes dont il ne reste plus aucun individu vivant à la surface du globe. Les plâ- ' C'est aussi dans les Annales du Muséum que MM. Faujas et de Sternbeig ont publié leurs Mémoires. l82 SCIENCES PHYSIQUES. trières des environs de Paris lui en ont seules fourni plus de dix qui forment même des genres nouveaux. Des terrains plus récents ont des os de (genres connus, mais d espèces qui ne le sont point. Ce n'est (jue dans les alluvions et autres terrains qui se forment encore journellement que Ton trouve les os de. nos espèces actuelles'. Presque toujours les os inconnus sont recou- verts par des couches pleines de coquilles de mer. C'est donc quelque inondation marine qui en a anéanti les espèces ; mais l'influence de cette révo- lution, à cause de sa nature même, ne s'est peut- être pas exercée sur tous les animaux marins. Il est cependant indubitable que les couches les plus profondes, et par conséquent les plus an- ciennes parmi les secondaires, fourmillent de co- quilles et d'autres productions qu'il a été jusqu'à présent impossible de retrouver dans aucun des parages de l'Océan ; et comme les espèces sembla- ]>les à celles qu'on pêche aujourd'hui n'existent que dans les couches superficielles, on est autorisé à croire quil y en a eu une certaine succession dans les formes des êtres vivants. Les houilles ou charbons de terre paroissent Les Mémoires de M. Cuvier sur la réinte'gration des espèces per- dues de quadrupèdes ne sont encore que dans les Annales du Mu-^ séum d'histoire naturelle. GÉOLOGIE. l83 aussi être d'anciens produits de la vie : ce sont pro- bablement des restes de forets de ces temps reculés que la nature semble avoir mis en réserve pour les âfjes présents. Plus utiles qu'aucun autre fossile, elles dévoient naturellement attirer de bonne heure Fattention. Leur profondeur et la nature des cou- ches pierreuses qui les renferment annoncent leur antiquité; et les espèces toutes étrangères de plantes qu'elles recèlent s'accordent avec les fossiles ani- maux, pour prouver les variations que l'organisa- tion a subies sur la terre. Il n'est pas jusqu'à l'ambre jaune qui ne recèle des insectes inconnus, et qui ne se trouve quel- quefois dans des fentes de bois fossiles qui ne le sont pas moins. A la vue d'un spectacle si imposant, si terrible même, que celui de ces débris de la vie formant presque tout le sol sur lequel portent nos pas, il est bien difficile de retenir son iniagination, et de ne point hasarder quelques conjectures sur les causes qui ont pu amener de si grands effets. Aussi, depuis plus d'un siècle, la géologie a-t-elle été si fertile en systèmes de ce genre que bien des gens croient qu'ils la constituent essentiellement, et la regardent comme une science purement hy- pothétique. Ce que nous en avons dit jusqu'à pré- sent montre qu'elle a une partie tout aussi |)Osi- l84 SCIENCES PHYSIQUES. tive qu'aucune autre science cFûbservatio]! ; mais nous croyons avoir montré en même temps que cette partie positive n'est point encore assez com- plète, qu'elle n'a point encore assez recueilli de faits pour fournir une base suffisante aux explica- tions. La géologie explicative, dans Fétat actuel des sciences , est encore un problème indéterminé dont aucune solution ne l'emportera sur les autres, tant qu'il n'y aura pas un plus grand nombre de condi- tions fixées. Les systèmes ont eu cependant le mé- rite d'exciterà la recherche des faits, et nous devons, à cet égard, de la reconnoissance à leurs auteurs. On connoît depuis long-temps ceux de Wood- vvards, de Whiston , de Burnet, de Leibnitz, de Scheuchzer : conçus avant qu'on etit aucune notion détaillée delà structure du globe, ils ne pouvoient soutenir un examen sérieux. Le premier système de Buffon les éclipsa tous parla manière éloquente dont il fut présenté : il excita un enthousiasme gé- néral, et produisit en quelque sorte des observa- teurs dans chaque coin de la terre. On lui fut donc réellement redevable des observations mêmes qui le détruisirent. Ledeuxièmedu mèmeauteur, présenté avec plus d'art encore dans ses Epoques de la nature, vint trop tard pour avoir même un succès momen- tané. Le véritable esprit d'observation, la recherche des fait positifs, animoient tous les naturalistes; et GÉOLOGIE. l85 Ton peut dire que dès-lors ceux qui ont proposé leurs idées sur ces grands sujets sont plutôt des génies spéculatifs, de hardis contemplateurs, que des ob- servateurs philosophes. Les conséquences les plus incontestables des faits auroient déjà de quoi effrayer les esprits habitués à la marche rigoureuse, ou si Ton veut timide, que les sciences suivent aujourd'hui. La diminution primitive des eaux , leurs retours répétés, les varia- tions des produits qu'elles ont déposés, et qui for- ment maintenant nos couches ; celles des êtres organisés, dont les dépouilles remplissent une par- tie de ces couches ; la première origine de ces mêmes êtres : comment résoudre de pareils problèmes avec les forces que nous connoissons maintenant à la nature? Nos éruptions volcaniques, nos atterrisse- ments, nos courants, sont des agents bien foibles pour de si grands effets : aussi n'est-il rien de si vio- lent qu'on n'ait imaginé. Selon les uns, des comètes ont choqué la terre, ou Font consumée, ou Font couverte des vapeurs de leur queue; d'autres ont supposé que la terre est sortie du soleil, ou en verre liquide, ou en vapeur; on a placé dans son inté- rieur des abymes qui se seroient affaissés successi- vement, ou l'on en a fait sortir des émanations qui s'en échappoient avec violence : on est allé jusqu'à croire que sa masse a pu se former de la réunion l86 SCIENCES PHYSIQUES. cies iVagmenls d'autres planètes. Quelque talent, quelque force d'esprit qu'il ait fallu pour imaginer ces systèmes, et pour les faire cadrer avec les faits, nous ne pouvons les placer dans ce tableau des pro- grès des sciences : ils tendent plutôt à en contrarier la véritable marcbe, en laissant croire que l'on peut se dispenser de continuer les observations dans une matière si importante, et cependant à peine effleurée ^ Histoire naturelle des corps vivants. L'histoire naturelle des corps vivants offre en- core des problèmes bien autrement compliqués que celle des minéraux, quoique les objets en soient continuellement sous nos yeux , et que l'esprit n'ait aucune conjecture à former sur leur état précé- dent. Dans les minéraux il n'existe qu'une donnée de forme; celle de la molécule primitive, d'où tout le reste se laisse déduire. Dans les corps vivants il ' L'exposé historique le plus complet qui ait paru en françois, des systèmes divers imaginés par les géologistes, se trouve dans la Théorie de la terre, de M. de La Métherie ; Paris , 1 797 , 5 vol. in-8° ; ouvrage qui contient aussi le recueil le plus méthodique des faits dont la Géologie se composoit à l'époque où il a été publié. Il faut y joindre ceux de MM. de Marschall, Bertrand, Lamarck, André de Gy, Faujas, de Saint-Fonds, et autres qui ont paru depuis cette époque. CORPS VIVAî^TS. 187 faut recevoir comme des données indispensables la forme générale de l'ensemble et les moindres dé- tails des formes des parties : rien n'en explique l'o- rigine, et la génération est encore un mystère sur lequel tous les efforts humains n'ont rien obtenu de plausible. Les minéraux n'offrent qu'une composition con- stante et homogène dans chaque espèce, et des masses qui restent en repos tant qu'elles ne sont point altérées dans Tordre de leurs éléments. Dans les corps vivants, chaque partie a sa composition propre et distincte; aucune de leurs molécules ne reste en place; toutes entrent et sortent successi- vement : la vie est un tourbillon continuel, dont la direction, toute compliquée qu'elle est, demeure constante, ainsi que l'espèce des molécules qui y sont entraînées, mais non les molécules individuel- les elles-mêmes; au contraire la matière actuelle du corps vivant n'y sera bientôt plus, et cependant elle est dépositaire de la force qui contraindra la matière future à marcher dans le même sens qu'elle. Ainsi la forme de ces corps leur est plus essentielle que leur matière, puisque celle-ci change sans cesse, tandis que fautre se conserve, et que d'ailleurs ce sont les formes qui constituent les différences des espèces, et non les combinaisons de matières, qui sont presque les mêmes dans toutes. IbO SCIENCES PHYSIQUES. En un mot la forme, dont l'influence ctoit nulle dans Fhistoire de l'atmosphère et des eaux, qui n'a voit qu'une importance accessoire en minéra- logie, devient, dans l'étude des corps vivants, la considération dominante, et y donne à l'anatomie un rôle tout aussi important que celui de la chimie ; et ces deux sciences deviennent les instruments né- cessaires et simultanés de toutes les recherches dont il nous reste à parler. Histoire générale des fonctions et de la structure des corps vivants. Le premier point qui nous frappe dans l'étude de la vie c'est cette force des corps or.o^anisés pour attirer dans leur tourhillon des substances étran- gères, pour les y retenir pendant quelque temps après se les être assimilées, pour distribuer enfin ces substances devenues les leurs dans toutes leurs parties, selon les fonctions qui doivent s'y exercer. Ce pouvoir présente trois objets d'étude. Il faut voir quelles matières ces êtres attirent , et ce qu'ils en rejettent. Le résidu formera leur matière propre : c'est la partie chimique du problème. Il faut décrire ensuite les voies que ces matières traversent depuis leur entrée jusqu'à leur sortie : c'est la partie anatomique. ( PHYSIOLOGIE. I(Sc) Il faut examiner enfin par quelles forces ces ma- tières sont attirées , retenues , dirigées , et expulsées : on peut nommer cette reclierclie la partie dynami- jue, ou pYo\)rement pliysiologiciue. La partie chimique na été résolue que clans cette période; mais elle la été à-peu-près complète- ment. TjCs végétaux, essentiellement composés de car- bone, d'hydropène, et d'oxygène, ainsi que nous avons vu que la découvert Lavoisier, n'ont besoin que d'eau et d'acide carbonique pour se nourrir : les terreaux et fumiers leur sont plus ou moins utiles, mais non pas nécessaires. Les expériences de MM. Sennebier ', Théodore de Saussure % et GreiP, le mettent hors de doute. Ils ont élevé des plantes dans du sable, avec de leau pure et l'air atmo- sphérique; et M. Crell a fait porter graine aux siennes. Les plantes décomposent donc l'eau et l'acide carbonique, pour mettre le carbone et l'hydrogène plus ou moins à nu, et former par leurs diverses proportions tous leurs principes immédiats. C'est ce qui arrive en effet par l'intermède de la lumière , qui leur enlève leur oxygène surabondant, d'après ' Physiologie végétale, par M. Sennebier; Genève, an 8, 5 volum. in-8«. "' Ouvrage déjà cité sur la végétation. — ^ Mémoire manuscrit. 190 SCIENCES PHYSIQUES. les expériences de Priestley et cFlngenbouz '. Sans la lumière elles restent aqueuses et blanches. Voilà pourquoi elles exhalent de l'oxygène pendant le jour; mais pendant la nuit elles en absorbent, ainsi que M. Théodore de Saussure la fait voir : il paroît que c'est pour réduire en acide carbonique le carbone qu'elles ont pompé en nature, et qui ne peut contribuer à leur nutrition qu'après avoir subi cette métamorphose. M. de Grell% et en France M. Braconnot ', vont plus loin encore dans le pouvoir qu'ils attribuent aux plantes; ils assurent qu'ils en ont fait croître sans leur fournir la moindre parcelle d'acide car- bonique. Elles composeroient donc le carbone de toutes pièces; ce qui seroit une des découvertes les plus importantes que l'on ptit ajouter à la théorie chimique : mais on est loin de trouver encore les expériences de ces chimistes concluantes. Le reste des matériaux des plantes, les terres, les alcalis, etc., leur est apporté avec la sève. M, Théo- dore de Saussure l'a montré en détail pour chacun d'eux. Il a fait voir aussi, par beaucoup de belles expériences, qu'elles absorbent les substances qui ne leur conviennent pas , lorsque celles-ci sont dis- ' Expériences sur les végétaux; Paris, 1787 et 1789, 3 vol. in-8". ' Mémoire manuscrit. * Annales de Chimie. PHYSIOLOGIE. 191 soutes dans leau qui les nourrit, mais qu'elles les rejettent avec les parties qui tombent. r.a marche générale de la végétation consiste donc à reproduire des sulDstances combustibles; et elle en accumule en effet par-tout où ni les animaux ni le feu ne viennent les consommer. De là ces couches immenses de terreau qui se forment dans les îles désertes et dans les forêts non exploitées. L'animalisation suit une marche opposée; elle brû!e les substances susceptibles d être brûlées. Le caractère commun des principes immédiats des animaux est une surabondance d'azote. Ils se nour- rissent tous de végétaux, ou d'animaux qui s'en étoient nourris. Le composé végétal ^st donc la base du leur ; mais l'hydrogène et le carbone leur sont en partie enlevés par la respiration, au moyen de l'oxygène qui agit sur leur sang : leur azote, de quelque part qu'ils l'aient reçu, leur reste; il doit donc prédominer à la longue. Cette marche a été bien développée par M. Halle'. Ainsi la végétation et fanimalisation sont des opérations inverses : dans l'une il se défait de leau et de l'acide carbonique; dans l'autre il s'en refait. C'est ainsi que la proportion de ces deux composés est maintenue dans l'atmosphère et à la surface du globe. ' Annales de Chimie, t. XI, p. i58. 192 SCIENCES PHYSIQUES. La respiration animale est donc une combustion : aussi produit-elle de la chaleur, quand elle est assez abondante et assez vive. Sa théorie, prise ainsi en général, est le résultat des vues successives de MayoAv, de Willis, de Craw- fort, et de Lavoisier '. Sa nécessité, même dans les dernières classes des animaux , se démontre par les expériences multi- pliées de Spallanzani % de M. Vauquelin^, et de plusieurs autres physiciens. Elle ne s'exeice pas dans le poumon seulement : dans tous les points du corps où des vaisseaux san- guins sont en contact avec l'air, le sang respire plus ou moins, c'est-à-dire qu'il produit de Feau et de l'acide carbonique. Les dernières expériences de Spallanzani et de M. Sennebier le prouvent, et nous verrons ailleurs qu'elles donnent ainsi la clef d'une foule de phénomènes. Il n'est pas jusqu'au canal intestinal où M. Erman ^ vient de montrer que cer- ' Voyez les ouvrages cités à l'article des Gaz , le Traité de la respi- ration de Mayow, le Traité de aniina hrutorum de Willis, celui de la Chaleur de Crawford; et le Mémoire de Lavoisier sur la respiration , Académie des Sciences, année 1777, p. i85, réimpr. dans sa collec- tion posthume. ^ Mémoires sur la respiration, et rapports de l'air avec les êtres organisés, par Spallanzani, traduit par Sennebier; Genève, i8o3-i8o7, 4 vol. in-8°. ^ Annales de Chimie, t. XII, p. 273. '^ Mémoire manuscrit adressé à l'Institut. PHYSIOLOGIE. 193 tains poissons exercent aussi une sorte de respira- tion. Le reste des matériaux élémentaires des animaux vient de leurs aliments. Quant à cette répartition des matériaux élémen- taires des corps vivants dans leurs diverses parties, selon certaines proportions, pour former leurs prin- cipes immédiats tels qu'ils doivent se trouver dans chaque organe pour que ceux-ci puissent remplir leurs fonctions, c'est ce que Ton nomme sécrétions. On ne s'est fait encore de leur mécanisme que des idées très obscures : les uns supposent pour chaque sécrétion une sorte de crible; les autres, quelque tissu qui attire par voie d'affinité : il en est qui , avec plus de raison, y font coopérer tout l'appareil des forces vitales. Ce que l'on peut dire de général c'est que la sécrétion tient à la forme primitive de chaque organe, et par conséquent à celle du corps. Chaque organe a pour sa part, comme le corps entier, le pouvoir d'attirer et de rejeter les substances qui sont à sa portée, comme il convient à sa nature. On peut donc faire, pour chaque organe, ce que l'on fait pour le corps entier. On peut examiner , par exemple, ce qui entre dans le foie, ce qui en sort, et ce qui y reste: mais il est sensible qn'il faudroit ici connoître avec rigueur, non seulement la com- position générale des principes animaux , mais ia BUFFON. CO.\IPLE>f. T. 1. 194 SCIENCES PHYSIQUES. proportion particulière de chaque princij)e séparé; et nous avonsvu plus haut que, dans ces différences minutieuses, la chimie nous abandonne. Voilà pourcj uoi la théorie des sécrétions partieHes se réduit encore à des généralités un peu vagues, même dans sa partie purement chimique. Au reste il s'en fait dans les deux régnes : les sucs propres ([ui occupent des cellules particulières le long des bran- ches et des tiges des végétaux, ceux qui abreuvent le tissu des fruits, peuvent être comj)arés aux di- verses humeurs locales des animaux; mais on n'en connoît pas si bien l'usage. La partie anatomique du problème général de la vie est résolue depuis long-temps pour les animaux , au moins pour ceux d'entre eux qui nous intéres- sent le plus. Les voies que les substances y parcou- rent sont connues; les premières, ou celles de la digestion, depuis bien des siècles; les secondes, ou celles de l'absorption, depuis Pecquet, Rudbeck, et Ruysch; les troisièmes, ou celles de la circulation, depuis Harvey. Les travaux des anatomistes anglois et italiens sur le système lymphatique, portés à la plus grande perfection dans le bel ouvrage de M. Mascagni ' , qui appartient encore à notre période actuelle, ont achevé tout ce qui restoit à dire à cet ' l^dsorum lymphaticoriuii corj)oris snnnani Uhtoria et Icoiiogm- T)/ide Botanique placés en tête de la nouvelle édition de la Flore fran- jçoise par M. de Decandolle. PHYSIOLOGIE. 20- Les tubes qu'on observe dans presque toutes les plantes, formés d'un fil spiral et ressemblant eu cela aux tracbëes qui servent à la respiration des insectes, avoient aussi reçu ce nom de trachées, et on leur a long-temps attribué l'emploi de porter l'air dans l'intérieur du végétal. 11 est prouvé au- jourd'hui, par les expériences de Reicbel et par les observations de Link, de Rudolpbi, et de plusieurs autres botanistes, qu'ils conduisent la sève, en la prenant et la rendant au tissu cellulaire qui les en- toure, et qui la transmet comme eux, mais plus lentement. M. Mirbel a distingué des trachées parfaitement en spirale, les fausses trachées qui n'ont que des fentes transversales non continues et les tubes sim- plement poreux : mais en même temps il a fait voir que ces différents vaisseaux ont les mêmes fonc- tions, et que souvent un seul et même tube a ces diverses structures en différentes parties de sa lon- gueur; il paroît môme qu'ils se changent les uns dans les autres. Beaucoup de plantes produisent des sucs colorés ou autrement caractérisés appelés sucs propres , que quelques botanistes ont regardés comme des ana- logues du sang, et par conséquent comme les véri- lables fluides nourriciers, considérant seulement, la sève comme l'analogue du chyle non encore pré- 2o8 SCIENCES PHYSIQUES. paré : on supposoit que les vaisseaux qui les con- tiennent s'étendent régulièrement d'une extrémité du vé[>étal à l'autre, et on leur attribucit dans ces vaisseaux une marche descendante. MM. Treviranus et Link ont trouvé que ces sucs résident dans de simples cellules; et ils ont con- firmé par-là l'opinion contraire à la précédente, qui en fait des liqueurs particulières produites par sécrétion, et par conséquent extraites du suc nour- ricier, mais ne les constituant pas. Ces cellules ne sont môme pas toujours remplies ni visibles à tous les âges de certaines plantes. La moelle, ou cette cellulosité lâche qu'on ob- serve dans Taxe de beaucoup de plantes, avoit été comparée à la moelle des os ou à celle de 1 épine. Linnaeus lui faisoit jouer un grand rôle dans le dé- veloppement du végétal. On sait aujourd'hui, par les recherches de Medicus, et plus récemment par celles de M. Mirbel, que c'est un shnple tissu cel- lulaire dilaté et formant ce que ce dernier botaniste nomme des lacunes, ordinairement remplies d'air. M. du Petit-Thouars l'a considérée comme le ré- servoir de la nourriture des bourgeons'; mais il ' Dans une suite de Mémoires qui vont bientôt paroître, et où l'au- teur établit un nouveau système sur la véffétation. Son iJe'e principale consiste à regarder les fibres ligneuses de chaque couche comme les racines des bourgeons : selon lui, à mesure que le bourgeon se déve- PHYSIOLOGIE. 209 pense aussi qu'après leruptioa des feuilles elle n'a plus de fonction à remplir. La structure de la fleur a encore été l'objet des recherches de M. Mirbel : il a montré comment les vaisseaux passent du pédoncule dans les diffé- rentes enveloppes et jusqu'au placenta, c'est-à-dire aux attaches des graines. M. Turpin ' a cru reconnoître la voie par la- quelle la fécondation des graines s'exécute. C'est un petit canal qui descend du pistil et pénétre jus- qu'à la graine; il le nomme micropyle, Nissole avoit anciennement avancé cette opinion ; mais on l'a- voit entièrement oubliée. L'anatomie particulière de la graine a été faite avec beaucoup de soin , et presque en même temps, par feu Gaertner ^ et par M. de Jussieu-^; ils ont sur-tout appelé l'attention sur un corps que le pre- mier nomme albumen , et le second périsperme, et qui se trouve dans beaucoup de graines indépen- loppe, ses racines descendent et enveloppent le tronc d'une nouvelle couche de bois. ' Annales du Muséum d'histoire naturelle. ^ Voyez la Carpologie de Gaerlner, ouvra{ife éminemment classique, 2 vol. in-4°, que le fils de ce grand observateur continue avec zèle. ' Dans son Gênera plantarum; Paris, 1789, i vol. in-8°. — Depuis la rédaction de ce travail, M. Richard a publié, sur la structure du fruit, un ouvrage où il y a des vues intéressantes; Analyse du Fi-uit , Paris, 1808, I voJ. in-12. Nous en rendrons compte dans la seconde partie de cette histoire. l;UFI-0\. COMPI.KM. T. I. l4 2IO SCIENCES PHYSIQUES. damment des enveloppes ordinaires et des parties connues du germe. Sa nature varie beaucoup; c'est lui, par exemple, qui est farineux dans les céréales, corné dans les rubiacées, et sur-tout dans le café, charnu dans les ombeliifères , etc. : mais on n'a sur son usage que des idées incertaines. Gaertner distinguoit encore une petite partie qu'il nomnioit vltellus, mais qui n'est, selon M. Gorrea, qu'un appendice dilaté de la radicule. Il nous reste à traiter de la partie dynamique du grand problème de la vie, ou des forces qui pro- duisent les mouvements nombreux dont nous avons dit qu'elle se compose. G'est, en effet, s'en faire une idée fausse que de la considérer comme un simple lien qui retiendroit ensemble les élé- ments du corps vivant, tandis qu'elle est, au con- traire, un ressort qui les meut et les transporte sans cesse : ces éléments ne conservent pas un in- stant les mêmes rapports et les mêmes connexions, ou, en d'autres termes, le corps vivant ne garde pas un instant le même état ni la même composi- tion; plus sa vie est active, plus ses échanges et ses métamorphoses sont continuels; et le moment in- divisible de repos absolu, que l'on appelle la mort complète, n'est que le précurseur des mouvements nouveaux de la putréfaction. G'est ici que commence Temploi raisonnable du PHYSIOLOGIE. 211 terme de forces vitales : pour peu que Ion étudie en effet les corps vivants, on ne tarde point à s'aper- cevoir que leurs mouvements ne sont pas tous pro- duits par des chocs ou des tiraillements mécani- ques, et qu'il faut qu'il y ait en eux une source constante productrice de force et de mouvement. L'exemple le plus évident est celui des mouve- ments volontaires des animaux : chaque ordre, chaque caprice de leur volonté, produit à l'instant dans leurs muscles une contraction que le calcul prouve être infiniment supérieure à tous les agents mécaniques imaginables. Lachimiemodernenousmontre, à la vérité, beau- coup d'exemples de mouvements spontanés très vio- lents dans les dégagements de chaleur ou de fluides élastiques qui résultent du jeu des affinités; mais tous les efforts des physiologistes n'ont point encore réussi à faire de cetordre de phénomènes une appli- cation positive aux contractions de la fibre. Si , comme on est presque obligé de le penser, l'entrée ou le départ de quelque agent loccasione, il faut que cet agent soit non seulement impondérable, mais encore entièrement insaisissable pour nos in- struments et imperceptible pour nos sens. L'espoir que pouvoient donner à cet égard les expériences galvaniques s'est évanoui , depuis qu'on n'a vu dans l'électricité qu'un agent d'irritation extérieur. • 4 2 12 SCIErs^CES PHYSIQUES. On peut donc légitimement considérer Firrita- bilité musculaire comme un fait jusqu'à présent inexplicable, ou qui ne se laisse réduire encore ni à l'impulsion ordinaire ni même à Faitraction moléculaire, si ce n'est d'une manière vague et gé- nérale. On peut donc aussi adopter ce fait comme prin- cipe, et remployer en cette qualité pour l'explica- tion des effets de détail qui en dérivent. C'est ce que l'on a fait; et Ton n'a point tardé à reconnoître que cette irritabilité de la fibre produit non seulement les mouvements extérieurs et volon- taires , mais qu'elle est encore le principe de tous les mouvements intérieurs qui appartiennent à la vie végétative et sur lesquels la volonté n'a point d'empire , des contractions des intestins , de celles du cœur et des artères , véritables agents de tout le tourbillon vital; elle s'étend même visiblement à une foule de vaisseaux et d'organes , où l'on ne peut apercevoir de fibres cliarnues proprement dites : la matrice en est un exemple très frappant; et les artères, les vaisseaux lymphatiques ., les vaisseaux sécrétoires , des exemples très probables. Il est cependant resté long-temps des doutes et des dissentiments sur la nature de ces contractions intérieures. Une école célèbre vouloit y faire inter- venir cette autre faculté animale que l'on appelle PHYSIOLOGIE. 2l3 la sensibilité, et persistoit à défendre ce que Stahl nommoit le pouvoir de Came sur les mouvements communément pris pour involontaires. On ose croire que ces oppositions peuvent être conciliées par Tunion inîime de la substance ner- veuse avec la fibre et les autres éléments organi- ques contractiles, et par leur action réciproque, présentées avec tant de vraisemblance par les phy- siologistes de lecole écossaise, mais qui ne sont guère sorties de la classe des hypothèses que par les observations de la période actuelle. Ce n'est point par elle seule que la fibre se con- tracte, mais par Tinfluence des filets nerveux qui s'y unissent toujours. Le changement qui produit la contraction ne peut avoir lieu sans le concours des deux substances; et il faut encore qu'il soit oc- casioné chaque fois par une cause extérieure,^ par un stimulant. La volonté est un de ces stimulants qui a ce ca- ractère particulier que son conducteur est le nerf, et que c'est du cerveau qu'elle vient, du moins dans les animaux d'ordre supérieur : mais elle ex- cite l'irritabilité à la manière des agents extérieurs, et sans la constituer; car, dans les paralytiques par apoplexie, l'irritabilité se conserve, quoique la vo- lonté n'ait plus d'empire'. ' M. INysteti l'a montré encore rcceinni^nt par des expériences. 2l4 SCIENCES PHYSIQUES. Ainsi lit ritabilité dépend bien en partie du nerf, sans dépendre pour ceia de la sensibilité : cette dernière propriété, plus admirable et plus occulte encore, s'il est possible, que l'irritabilité, ne fait ' qu'une petite partie des fonctions du système ner- veux; et c'est par un abus de mots qu'on en étend la dénomination aux fonctions de ce système qui ne sont point accompagnées de perception. L'uniformité de structure et la nature sécrétoire de toutes les parties médullaires ou nerveuses , pré- sumées en quelque sorte par M. Platner', qui en faisoit un emploi ingénieux pour défendre le sys- tème de Stabl, et maintenant, à ce qu'il semble, directement prouvées par les observations anatomi- ques de MM. Prochaska et Reil^, acbévent de faire concevoir le jeu des forces du corps vivant, sans obliger d'attribuer, comme Stabl, à lame raison- nable les mouvements involontaires. Il n'y a qu'à se représenter que toutes ces parties produisent l'agent nerveux, qu'elles en sont les seuls conduc- teurs; c'est-à-dire qu'il ne peut être transmis que par elles seules, et qu'il est altéré ou consommé dans ses divers emplois. Alors tout paroît simple : une portion de muscle conserve quelque temps son ' Nouvelle Anthropologie à l'usage des médecins et des philoso- phes, en allemand; Leipsick, 1790, in-S". ■ Voyez les ouvrages anatomiques cite's plus haut. PHYSIOLOGIE 21 5 iiritabilité, à cause de la portion tie nerf qu'on arrache toujours avec elle. La sensibilité et l'irrita- bilité s'épuisent réciproquement par trop d'exer- cice, parcequ'elles consomment ou altèrent le même ajjent. Tous les mouvements intérieurs de diges- tion, de sécrétion, d'excrétion, participent à cet épuisement, ou peuvent l'amener. Toute excitation locale sur les nerfs amène plus de sang, en augmen- tant l'irritabilité des artères, et l'afflux du sang augmente la sensibilité locale, en augmentant la production de l'agent nerveux. De là les plaisirs des titillations , les douleurs des inflammations. I^es sé- crétions particulières augmentent de même et par les mêmes causes; etlmiagination exerce (toujours par le moyen des nerfs) sur les fibres intérieures artérielles ou autres , et par elles sur les sécrétions, une action analogue à celle de la volonté sur les muscles du mouvement volontaire. L'excitation locale, portée quelquefois à son comble dans les blessures ou dans certaines maladies, et semblant attirer violemment à son foyer toutes les forces de la vie, épuise le corps entier : de là ces prétendus efforts de l'ame pour repousser une attaque funeste. Gomme chaque sens extérieur est exclusivement disposé pour se laisser pénétrer seulement par les substances qu'il doit percevoir, de môme chaque organe intérieur, sécrétoire ou autre , est aussi plus 2l6 SCIENCES PHYSIQUES. excitable par tel agent que par tel autre : de là ce qu'on a voulu appeler sensibilité ou vie propre des organes y et Tinfluence des spécifiques qui, intro- duits dans la circulation générale, n'affectent ce- pendant que certaines parties. Enfin si l'agent nerveux ne peut devenir sensible pour nous c'est ^ue toute sensation exige qu'il soit altéré d'une ma- nière ou d'une autre, et qu'il ne peut pas s'altérer lui-même. Telle est l'idée sommaire que Ton peut , à ce qu'il nous semble, se faire aujourd'hui du jeu mu- tuel et général des forces vitales dans les animaux ; mais il seroit difficile d'assigner avec précision ce que l'on doit à chaque physiologiste en particu- lier dans ces éclaircissements de la plus difficile de toutes les sciences. Reconnoissant le vide des hypothèses tirées d'une mécanique et d'unechimie imparfaites, qui avoient régné pendant le dix-septième siècle, Stahl se jeta dans une extrémité opposée , en exagérant les idées de Van-Helmont, et en attribuant, non plus à un principe spécial nommé arcliée ou ame végétative ^ mais à l'âme raisonnable, toutes les actions vitales, même celles dont elle s'aperçoit le moins. Son ingénieux rival, Frédéric Hofman , com- nfiença , à-peu-près vers le même temps, à donner la première indication de la route intermédiaire que PHYSIOLOGIE. 217 Ton suit aujourd'hui, en cherchant à distinguer les facultés propres de chaque élément organique. L'immortel Haller procéda plus rigoureusement à l'analyse de ces facultés; mais, trop occupé de cette irritabilité de la fibre, dont il détermina le premier les vrais caractères, il n'accorda point assez à l'influence nerveuse, sur laquelle ses sentiments approchèrent peut-être moins du vrai que ceux d'Hofman. Il eut beaucoup d'antagonistes, dont les uns se bornoient à combattre ses expériences , et les autres prétendirent établir des systèmes nouveaux. En France sur-tout , les idées de Stahl , adoptées par Sauvages, modifiées par Bordeu , par La Case, furent reproduites par Barthez ' sous une forme et avec des termes nouveaux qui les rapprochoient davantage de celles de Van-Helmont : mais, outre l'espèce de contradiction et l'obscurité métaphy- sique où devoit nécessairement entraîner une pré- tendue sensibilité locale sans perception, admise dans les organes particuliers par tous ces méde- ' cins, et défendue jusqu'à nos jours par quelques uns, on peut reprocher à plusieurs d'entre eux d'avoir abusé de ce qu'ils appeloient principe vital, en employant cet être occulte d'une manière vague, ' Nouveaux Eléments de la Science de Vhomme, deuxième édition de 1806, 2 vol. in-8". 2 1 (S SCIENCES PHYSIQUES. pour lui attribuer, sans autre développement, tous les phénomènes difficiles à expliquer. Cullen, Macbride, Gregory, en Ecosse, Gri- maud, en France, prirent une route plus heu- reuse, et rendirent aux nerfs leur véritable rôle, en le limitant avec précision. La théorie de l'excitation , si renommée dans ces derniers temps par son influence sur la pathologie et sur la thérapeutique , n'est au fond qu'une modi- fication du système écossois, dans laquelle, com- prenant sous un nom commun la sensibilité et l'ir- ritabilité, on se retranche dans une abstraction telle que, si l'on simplifie la médecine, on semble anéantir toute physiologie positive. Il a fallu que les découvertes de la chimie sur les agents impondérables et sur leur action physique, souvent si prodigieuse, vinssent se joindre à celles de l'anatomie sur la structure uniforme du système nerveux , et sur ses dégradations dans lechelle des animaux, pour faire concevoir la possibilité de re- venir à un classement plus particulier des phéno- mènes vitaux, et pour rendre à l'analyse des forces propres à chaque élément organique , si bien com- mencée par Haller, le crédit et l'activité d'où dé- pend, selon nous, le sort de la physiologie. Il nous paroît donc que les véritables progrès que cette science a faits dans ces derniers tem])s PHYSIOLOGIE. 219 sont dus à ceux qui ont combiné , avec la théorie de l'action nerveuse, les découvertes modernes de Tanatomie et de la chimie. C'est ainsi que Pro- chaska, Sœmmering,Reil, Rielmeyer, Autenrieth, en Allemagne; Bichat, en France (pour ne point parler des physiologistes vivants de ce pays, et n'être point obligé d'assigner les rangs entre nos maîtres, nos confrères, et nos amis); Fontana, Moscati, Spallanzani, en Italie; Hunter, Home, Garlisle, Gruikshank, en Angleterre, ont, de notre temps, développé des idées ou publié des expé- riences qui resteront toujours comme éléments essentiels de la physiologie générale des animaux , et qu'une foule d'autres hommes de mérite ont en- richi la physiologie particulière des organes ou des diverses espèces. Plusieurs ouvrages élémentaires et généraux ex- posent, avec plus ou moins d'étendue, l'état actuel de la science ; nous distinguerons, parmi ceux qu'a vus naître la période dont nous traçons l'histoire, en France, ceux de MM. Dumas ' et Richerand ^ ; et en iVUeraagne, celui de M. Autenrieth ^, et celui de ' Principes de Physiologie, première édition; Paris, 4 vol. iii-S"; deuxième édition, ibid., 1806. * Nouveaux Éléments de Physiologie, 2 vol. in-8°; la quatrième édition est de 1807. ^ Manuel de Physiologie humaine expérimentale , en allemand , 3 vol. in-S", lab. 1801-1802. 220 SCIENCES PHYSIQUES. M. Walther de Landsliuth, qui se distingue par un emploi fréquent de Fanatomie comparée, mais qui se livre un peu trop à la marche vague et con- jecturale aujourd'hui si en vogue dans son pays. G est en effet ici que Ton nous demandera compte des nouveaux systèmes de physiologie qu'a pro- duits en Allemagne cette métaphysique appelée piiilosophie de la nature^ dont nous avons déjà dit «juelques mots en général ; mais nous avouerons que, malgré l'étude que nous avons faite de cette manière de philosopher, nous avons encore peine à croire que nous l'ayons hien saisie et que nous soyons en état d'en donner une idée juste , tant elle nous paroît contradictoire avec le mérite et l'esprit de plusieurs de ceux qui l'emploient. Partant de ces anciennes spéculations métaphy- siques, où tantôt les phénomènes sont considérés comme de simples modifications du moi , tantôt les êtres existants sont regardés comme des émana- tions de la substance suprême, tantôt enfin l'uni- vers entier est censé l'être unique dont tous les autres êtres ne sont que des manifestations; por- tant ces spéculations à un degré d'abstraction tel (juela grande et simple unité, seule existante par elle-même, ne produit (comme ils disent) les au- tres existences qu'en se différenciant en qualités opposées, qui s'anéantissent réciproquement, d'où PHYSIOLOGIE. 221 il résulte que l'existence suprême ne seroit rien au fond; les partisans de cette méthode ont cherché à redescendre de leurs conceptions ahstraites aux faits positifs pour les en déduire rationnellement; et , comme on le devine aisément , c'est sur les par- ties les plus obscures des sciences naturelles qu'ils ont dû le plus s'exercer. Aussi est-ce principalement en physiologie et eu médecine que cette sorte de philosophie s'est intro- duite , cherchant sur- tout à faire considérer les or- ganisations partielles comme des membres du grand tout, de la grande organisation, et à les soumettre aux lois imaginées pour celle-ci : mais ce projet im- posant ne s'est exécuté jus(|u'à présent qu'en pas- sant continuellement et brusquement, sans règle ûxe^ de la métaphysique à la physique; qu'en ap- pliquant sans cesse un terme moral à un phéno- mène physique, et réciproquement; qu'en em- ployant des métaphores au lieu d'arguments : en un mot cette méthode, qui d'ailleurs n'a fait dé- couvrir jusqu'à présent aucun fait nouveau auquel on n'ait pu arriver aussi par la marche ordinaire, est telle que l'on a peine à concevoir la fortune qu'elle a faite dans un pays renommé par sa raison et par sa logique, et comment elle y a trouvé des partisans parmi des hommes d'un talent réel, et dont les expériences ont d'ailleurs enrichi les 222 SCIENCES PHYSIQUES. sciences de faits précieux que nous avons cher- ché à recueilHr dans cette histoire, aux endroits où il convenoit de les placer '. Pour la physiolo^orie comme pour lanatomie , les véfifétaux sont enveloppés de plus d'obscurité que les animaux. Les nerfs et la sensibilité leur man- quent ; mais n ont-ils point quelque force contrac- tile plus ou moins analogue à l'irritabilité? ' Les Archives physiologiques de MM. Reil et Autenrieth {^Halle en Saxe, en allemand), dont il a paru sept volumes in-^8° depuis lyg^^), sont le recueil le plus intéressant des mémoires, dissertations, et autres ouvrages , relatifs à la physiologie , sans acception de système. Mais pour connoître la marche ou plutôt les marches divergentes et souvent très opposées de la physiologie, dans l'école appelée de la Physiologie de la nature, il faut lire d'abord l'écrit sur l'Orne du monde, 179^; le premier Essai d'tui système de Physiologie de la nature, par M. Schelling ; Yéna et Leipsick , 1799, in-S"; et suivre ensuite les applications de cette doctrine, faites soit par l'auteur lui- même dans divers autres écrits , dans son Journal pour la Physique spéculative, et dans celui qu'il donne avec M. Marcus , sous le titre ^ Aiinales de la Médecine ; soit par ceux qui ont plus ou moins adopte ses principes, quoiqu'il soit loin de les avouer tous comme ses élèves. Les Physiologies de MM. Domling et Treviranus , les idées sur la Pa- thogénie et sur la Théorie de l'excitation, par M. Roschlaub, appar- tiennent plus ou moins à ce système. On peut compter parmi les plus récents de ses sectateurs , et parmi ceux qui ont mis la hardiesse la plus extraordinaire dans leurs conceptions , M. Steffens, dans son Histoire naturelle intérieure de la terre , et dans son Esquisse d'une Physique philosophique ; M. Oken , dans sa Biologie , dans ses Maté- riaux pour la Zoologie, l'Anatomie, et la Physiologie comparées, et dans quelques autres petits écrits , tels que celui qui porte pour litre l'Univers continuation du système sensitif ; Yéna, 1808. PHYSIOLOGIE. 22.3 Long -temps on a cru le mouvement de leurs fluides suffisamment expliqué par la succion ca- pillaire de leurs racines et de leur tissu , par l'hu- midité du sol où s'enfonce leur partie inférieure, et par Fcvaporation plus ou moins forte qui se fait à la grande surface de leur cime, au moins pendant le jour ; et il est certain que leurs vaisseaux peuvent transmettre dans tous les sens les liquides qu'ils contiennent, qu'on peut retourner un arbre, et faire donner des bourgeons h ses racines et du che- velu à ses branches, etc. Cependant on a objecté que la sève monte avec plus de force au printemps lorsque les feuilles n'ont pas encore épanoui leur surface; qu'elle monte et jaillit encore en abon- dance d'une tige dont on a coupé la cime, ainsi que Fa fait remarquer M. Brugmans ' ; que les pleurs de la vigne sont un phénomène du même genre où ni la succion ni l'évaporation ne peuvent avoir part. M. Van-Marum a même fait voir que l'électricité arrête les ascensions de sève, comme elle détruit l'irritabilité animale. Tout rend donc vraisemblable qu'il existe aussi dans le tissu végétal une force particulière em- ployée à en faire mouvoir les sucs, et que l'on peut croire produite par le développement de quelque ' Brugmans et Vitringa-Coulomb, De niutata humorum indole in regno organico, à vi vitali vaaonim derivanda ; Leyde, 1789, in-8". 224 SCIEiNGES PHYSIQUES. agent imporjdérable : mais elle doit être foible ; les exemples évidents en paroissent rares, et sa nature et son siège sont également inconnus; peut-être même na-t-elle point de tendance fixe vers un point plutôt que vers un autre, et la position du végétal rompt-elle seule lequilibre. Cette détermination des forces générales propres aux corps vivants, de leurs rapports mutuels, de ce qui les entretient ou les affoiblit, constitue la phy- siologie générale, leur application à chaque fonc- tion, au moyen de la structure découverte par lanatomie dans chaque organe, est l'objet de la physiologie particulière. Ici encore Fépoque actuelle a été assez féconde. La respiration se présente à nous la première comme la plus importante des fonctions : le chan- gement chimique qui en fait l'essence a été exposé ci-dessus; le sang s'y décarbonise et y prend de la chaleur et une couleur vermeille. La quantité de l'air inspiré, celle de l'oxygène consommé, celle de l'acide carbonique et de l'eau produits, ont été l'objet des recherches longues et pénibles de MM. Menziez% Seguin % et autres mé- decins et chimistes : faction de l'oxygène sur du sang , même au travers du tissu membraneux ' Annales de Chimie, t. VUI, p. 211. - Ibùl.y t. XX, p. 225. PHYSIOLOGIE. 225 d'une vessie, a été vérifiée par M. Hassenfratz'. On doutoit du lieu précis où ce chanpfement s'opère. Des expériences très ingénieuses de Bichat ont prouvé que c'est au passage même des artères dans les veines pulmonaires et d'une manière su- bite que le sang devient rouge ^. On disputoit sur les effets immédiats de ce chan- gement et sur la cause de la mort par asphyxie : les expériences de Godwin ^ ont eu pour objet de mon- trer que le sang a besoin d avoir respiré pour exci- ter les contractions du cœur. Des expériences ana- logues de M. Nysten ont fait voir que des différents gaz que l'on peut injecter dans le cœur, loxygène est celui qui en stimule le plus puissamment les contractions: l'hydrogène sulfuré, après les avoir excitées d'abord mécaniquement, les anéantit bien- tôt. Mais cet effet de la respiration sur le cœur n'est qu'un cas particulier d'une loi générale. Des expériences nombreuses, dont la plupart sont en- core de Bichat, ont appris que c'est la respiration qui donne essentiellement au sang le pouvoir d'en- tretenir par-tout la force musculaire, et par consé- ' Annales de Chimie, t. IX, p. 261. ^ Voyez l'Anatomie générale de Bichat; Paris, an 10-1801, 4 vol. in-8"; et son ingénieux Traité de la vie et de la mort; Paris, an 8, 1 vol. in-8°. ^ La Connexion de la vie avec la respiration, en anglois, traduit par M. Halle; Londres, 1789. BOFFON. COMPLÉM. T. I. , I J 226 SCIENCES PHYSIQUES. (juent l énergie des mouvements volontaires, et de tout le jeu intérieur de la circulation et des sécré- tions : mais Bichat pense que c est par Tinterméde du cerveau et du système nerveux que le sang exerce ce pouvoir sur la fibre. La qualité délétère des gaz différents de l'oxy- gène ou de l'air commun a été en quelque sorte me- su rée et comparée par des expériences faites à TÉcole de médecine de Paris, et auxquelles MM, Ghaussier, Thénard, et Dupuytren ont principalement con- tribué. Le gaz bydrogène sulfuré est le plus perni- cieux de tous, soit quant à 1 étendue du mal, soit quant à sa promptitude, soit quant à la difficulté d'y remédier ; l'hydrogène carboné vient après , en- suite l'acide carbonique : ils agissent tous les trois comme vrais poisons, et non pas seulement oarce- qu'ilsne contiennent point d'oxygène libre. L'azote et Ihydrogène pur au contraire n'ont qu'un effet négatif, ils se bornent à ne point fournir au sang le principe que l'oxygène seul peut lui donner. Ces premiers gaz ont aussi un effet funeste quand on les introduit dans le corps par l'absorption cuta- née, les plaies ou les premières voies ; M. Ghaussier s'en est assuré par des expériences très bien faites. Les expériences de M. Nysten sur le cœur, dont nous venons de j)arîcr, rentrent dans la règle géné- rale établie par celles-ci. PHYSIOLOGIE. 227 Le concours des nerfs qui se distribuent dans le poumon et qui animent son tissu, et particulière- ment ses artères , est nécessaire pour que l'air exerce toute son action sur le sang au travers des tuniques de ces vaisseaux. M. Dupuytren Ta prouvé en cou- pant les nerfs de la huitième paire dans des chevaux et dans des chiens : le diaphragme et les côtes a voient beau continuer leur jeu, le sang restoit noir. La chaleur animale, l'un des plus importants résultats de la respiration , est à-peu-près constante pour chaque espèce et même pour chaque classe , et se maintient malgré le froid extérieur, comme il étoit naturel de l'attendre, puisque sa source est constamment active ; mais un phénomène plus sin- gulier c'est qu'elle se maintient pendant quelque temps même dans un milieu beaucoup plus chaud , comme si la respiration devenoit alors subitement capable de produire du froid. Cette conclusion, qui sembloit résulter des expériences de Fordice, de Grawford , etc., a été soumise à un nouvel examen par deux jeunes médecins, MM. Delaroche et Ber- ger ^ Ils ont rendu très vraisemblable que l'aug- mentation de transpiration et d'évaporation , jointe à la qualité peu conductrice du corps vivant pour la chaleur, est ce qui le met en état de résister ainsi ' Expériences sur les effets qu'une forte chaleur produit dans l'e'- conomie animale; Paris, 1806, in-4". I ;>. 228 SCIENCES PHYSIQUES. pendant quelque temps aux causes extérieures de- chauffement. Au reste il ne faut pas voir seulement dans la transpiration une évaporation d humidité; eiie est aussi, à d'autres égards, une fonction analo.^jue à la respiration, et qui enlève le carbone du corps en !e combinant à l'oxygène de l'atmosphère. Ainsi la peau tout entière respire jusqu'à un certain point et rentre par conséquent sous la loi générale de toutes les parties vivantes où l'air peut parvenir; loi que nous avons exposée ci-dessus d'après Spal- lanzani. M. Gruikshank ' Favoit annoncé dès 1779- MM. Lavoisier et Seguin l'ont montré plus rigou- reusement par des expériences pénibles et ingé- nieuses : chacun sait comment un crime à jamais déplorable les a interrompues. La digestion , ou cette première préparation des aliments pour les rendre propres à fournir du chyle, n'avoit guère commencé à être bien étudiée que par Réaumur. Spallanzani a développé les ex- périences de cet ingénieux physicien, et a donné au suc gastrique beaucoup de célébrités Toutes les ' Expériences sur la transpiration insensible, pour montrer son af- Hnitë avec la respiration; en anglois ; Londres, 1779-1795. ' Expériences sur la digestion, traduit par Seunebier ; Genève, 1783. PHYSIOLOGIE. 229 substances alimentaires se dissolvent clans ce sin- gulier liquide ; et les divers appareils de trituration que Ton remarque dans les estomacs de plusieurs animaux ne lui servent que d auxiliaire, en sup- pléant à une mastication im])arfaite. Les aliments, ainsi réduits en une bouillie bomogène, passent dans Tintestin où la bile paroît opérer une préci- pitation de la matière excrémentielle et en séparer le cbyle propre à être absorbé. Outre cet emploi de la bile, M. Fourcroy a montré qu'étant formée d'une grande partie des principes combustibles du sang, elle donne lieu de considérer, sous ce rap- port, le foie comme un véritable auxiliaire du pou- mon. La rate est de tous les viscères abdominaux celui dont \vs fonctions paroissent les plus obscures, et donnent encore lieu à plus de rechercbes et de sup- positions. On ne lui a vu long-temps d'autre emploi que de fournir au foie le sang qu'elle reçoit, et (qu'elle prépare pour augmenter la matière d'où doit sortir la bile. M. Morescbi , de Pavie ', dans un ouvrage plein d'observations exactes d'anatomie comparée, a cberché à montrer que la rate a des rapports plus immédiats avec les fonctions de l'es- tomac ; que son volume est proportionné à la force digestive de plusieurs animaux ; et que c'est proba- ' Del vero e primario uso délia rnilza ; jMilau, i8()3. 23o SCIENCES PHYSIQUES. blement parceqiie la compression de la rate, quand l'estomac est plein, fait refluer vers ce dernier vis- cère une partie du sang destiné au premier, et aug- mente ainsi la sécrétion du fluide gastrique. L'estimation mathématique des forces qui pro- duisent la circulation a beaucoup occupé autrefois les physiologistes. On a reconnu que c'est un pro- blème insoluble dans l'état actuel des sciences : ce- pendant on peut rechercher quels agents y ont part. Les fibres musculaires du cœur sont sans contredit le principal ; mais sont-elles aidées par celles des artères? On l'a contesté: mais une foule de phénomènes le rendent vraisemblable, dans les animaux voisins de l'homme; et cependant on en voit aussi où des artères entièrement inflexibles exigent que faction du cœur s'étende immédiate- ment jusqu'aux plus petits rameaux du système circulatoire. La nutrition proprement dite , ou le dépôt que le sang fait des molécules nouvelles pour accroître les solides ou pour les entretenir, a aussi été l'objet de grandes recherches. M. Scarpa ' s'est occupé de celle des os, sur la- quelle on avoit diverses opinions depuis Malpighi, Gagliardi, et Duhamel. Il a montré qu'on se faisoit des idées fausses de leur tissu , en se le représentant ' De peu itioriossium structura Comtnentariusi Leips., ï799i in-4'. PHYSIOLOGIE. 23 I oomiiie composé de lames et de fibres rég^iilières ; ïiiais qu'il est toujours cellulaire, et que ses parties les plus évidemment fibreuses sont toujours for- mées de fibres ramifiées et réticulaires : c'est en se déposant dans les cellules des cartilao^es que le pbos- pliate de chaux donne ces apparences au tissu os- seux . L'accroissement des dents ne se fait pas de la même manière que celui des os. John Hunter ' a fait voir que leur substance extérieure est excrétée par couches de la surface de leur noyau pulpeux , sans conserver de connexion orfj^anique avec lui , et qu'en même temps leur émail est déposé sur elles en fibres perpendiculaires par la capsule membra- neuse qui les revêt. Une troisième substance qui enveloppe l'émail dans certains animaux est éfjale- ment déposée après l'émail et par la même mem- brane. Ce dernier point a été bien développé par M.BIake\ M. Cuvier^ paroît avoir mis hors de doute tous ces phénomènes, en les vérifiant sur les énormes dents de l'éléphant, où il est très aisé de les suivre. Aussi les dents peuvent-elles être entamées, usées. Histoire naturelle des Denis, en anglois; i vol. in-4''. ' Essai sur la structure et la formation des Dents dans l'homme et divers animaux, en anjrlois , par Robert Blacke ; Dublin, 1801, i vol. in-8°. * Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. VIII, p. pS. 232 SCIENCES PHYSIQUES. sans éprouver les mêmes accidents que les os; il faut même que celles des animaux herbivores le soient. M. Tenon', dans un grand et beau travail sur ce sujet, a montré jusqu'à quel point va cette détri- tion , et comment , à mesure qu elle emporte la cou- ronne de la dent, celle-ci salonge de nouveau du côté de sa racine; jusqu'à ce que, ce supplément venant à finir, elle s'use et tombe définitivement. Il a fixé avec une précision toute nouvelle les époques de l'éruption, de la chute, et du remplacement de chaque dent dans plusieurs animaux, et fait con- rioître une multitude de changements singuliers que Tétat variable des dents amène successivement dans l'organisation des mâchoires. Les dents se trouvent reportées par-là dans la grande classe des substances qui recouvrent les parties extérieures, et qui croissent toutes par addi- tion de couches nouvelles sous les précédentes; les poils, les cheveux, les ongles, les cornes, les becs, les écailles, les têts, les coquilles, les corps durs qui arment l'intérieur de certains estomacs, sont dans ce cas, et sont tous insensibles, et susceptibles d'être mutilés sans douleur et sans danger : c'est le noyau intérieur qui s'enflamme et devient doulou- reux dans la dent, et non la dent elle-même. Les substances pierreuses des coraux croissent aussi par ' Mémoires de l'Institut, Sciences mathématiques et physiques, t. I. PHYSIOLOGIE. 233 couches , mais dont les dernières enveloppent les précédentes, comme dans les arbres. Les organes extérieurs des sensations sont de tout le corps vivant ceux qui se prêtent à un plus grandnombred'applicationsdes sciences physiques. Tout ce qui se passe dans Fœil , par exemple, jusqu'au moment où l'image visuelle se peint sur la rétine, se réduit à des opérations d'optique, que l'on a comparées avec raison à celles de la chambre obscure : mais Tœil a deux propriétés essentielles qui manquent à cet instrument; celle de rétrécir ou d'élargir son entrée, qui est la pupille , selon l'abon- dance ou la rareté de la lumière, et celle de rappro- cher ou d'éloigner son foyer suivant la distance de l'objet qu'il faut voir. Cette dernière faculté sur-tout est très étendue dans certaines espèces, et particu- lièrement dans les oiseaux , obligés de voir égale- ment bien leur proie du haut des nues , pour diri- ger leur vol sur elle , et tout près de terre , pour la saisir. Les moyens que la nature emploie pour arriver à ce double but dans les diverses classes ont fait l'objet de longues recherches pour MM. Olbers, Porterfield , Hunter, Home, et Young '. On peut imaginer pour cela , ou que la cornée ' Voyez sur-tout le Mémoire sur l'œil par M. Young, clans les Transactions philosophiques de 1801. 234 SCIENCES PHYSIQUES. chaDge de convexité , ou que c'est le cristallin , ou que Taxe de Fœil change sa longueur, et par consé- ([uent la distance de sa rétine , ou enfin que le cris- tallin change sa position. Lequel de ces moyens est le vrai? Le premier et le troisième seuls peuvent être les objets d'une mesure immédiate. M. Young a montré d'une manière ingénieuse qu'ils ne con- trihuent point sensihlement à l'effet qu'on désire expliquer ; il a donc recours au deuxième , c'est-à- dire à la variation du cristallin : mais Fanatomie nous paroît y répugner; le cristallin est souvent dur comme de la pierre. Peut-être le quatrième moyen est-il le principal; et il nest pas nécessaire de sup- poser de vrais muscles qui agissent sur le cristallin : on peut penser aussi qu'il est mû par un change- ment analogue à l'érection qui auroit lieu , soit dans les procès ciliaires , soit dans une membrane parti- culière aux oiseaux qui se nomme le peigne; elle part du fond de l'œil , et s'attache dans le tissu vitré, non loin du cristallin. Les oiseaux auroient donc le moyen le plus puissant de changer leur foyer, ainsi que leur genre de vie l'exige. Gomme plusieurs paires de nerfs se distribuent à la langue, on n'étoit pas entièrement certain de celle qui reçoit la sensation du goût , quoique la facilité de suivre les filets de la cinquièmejusqu'aux papilles de cet organe semblât prouver beaucoup PHYSIOLOGIE. 235 Cil sa faveur. ï^e galvanisme a démontré à M. Du- puytren ce que Fanatomie annoncoit. La lan^fjue n'est entrée en convulsion que par l'excitation de la neuvième paire ; la cinquième, ne la mouvant point, doit donc être l'organe de la sensibilité. En effet quand cette paire se paralyse la langue ne savoure plus rien. Nous avons déjà annoncé que les recherches de Scarpa et de Gomparetti ont placé dans la pulpe du labyrinthe membraneux le véritable siège de l'ouïe. On explique parl-à l'effet de l'ébranlement du crâne par les corps sonores , (jui fliit entendre les per- sonnes dont la surdité ne vient que de l'obstruction du canal extérieur de l'oreille. C'est seulement de cette manière qu'entendent les poissons, attendu qu'ils n'ont point de canal externe. Tout le monde sait (jue la production d'une jjer- ception , ou cette action des corps extérieurs sur le moi , d'où résulte une sensation , une image , est un problème à jamais incompréhensible, et qu'il existe en ce point, entre les sciences physiques et les sciences morales, un intervalle que tous les efforts de notre esprit ne pourront jamais combler. IjCS sciences morales commencent au-delà de cette limite : elles montrent comment de ces sensa- tions répétées naissent les idées particulières ; de la comparaison de celles-ci , les idées générales ; des 236 SCIENCES PHYSIQUES. combinaisons d'idées, les jupements \ et de ceux-ci , les rciisonnements et la volonté. Mais les sciences physiques , de leur côté , ne s'ar- rêtent pas à beaucoup près à l'impression reçue par le sens extérieur; ce n'est pas celle-là que perçoit le moi ; il faut qu'elle se transmette plus loin, qu'elle arrive jusqu'au cerveau ; et comme les ju.fi^ements ne s'opèrent que sur les idées reproduites par la mémoire, il faut que cette action , une fois reçue dans le cerveau , y laisse des traces plus ou moins durables. Le cerveau est donc à-la-fois le dernier t^rme de l'impression sensible et le réceptacle des imagées que la mémoire et l'imagination soumettent à l'esprit. Il est, sous ce rapport, l'instrument ma- tériel de l'ame; et le plus ou moins de facilité qu'il a de recevoir les impressions , de les reproduire promptement, vivement, régulièrement, et abon- damment, et d'obéir en cela aux ordres de la vo- lonté , influe de la manière la plus puissante sur l'état moral de chaque être. On conçoit donc d'abord que l'état du cerveau, en sa qualité d'organe lié à toute l'économie, dé- pend, jusqu'à un certain point, de l'état de tous les autres organes : c'est là l'origine de Tinfluence du physique sur le moral , dont M. Cabanis a tracé un tableau brillant et animé ^ ' Rapport du physique et du moral de l'homme, par M. Cabanis ; Paris, 2 vol. in-8". La deuxième tklition est de i8o5. PHYSIOLOGIE. 237 On conçoit encore qu'un déranji^enient partiel ou total de l'organisation du cerveau peut altérer ou suspendre en tout ou en partie l'ordre des images, et par conséquent celui des idées et des opérations intellectuelles ; ce qui explique tous les genres d'aliénation mentale. 11 n'est pas moins clair que des cerveaux sains d'ailleurs peuvent différer entre eux par une orrr^- nisation plus ou moins heureuse, et, présentante! l'esprit des images plus ou moins vives, plus ou moins abondantes, et plus ou moins bien ordon- nées, occasioner des différences infinies dans la portée de l'intelligence et dans les ressorts de la vo- lonté, et les faire descendre jusqu'à un degré voisin de rimbécillité absolue. L'expérience et la compa- raison des différents individus et des différentes espèces d'animaux montrent qu'à cet égard le vo- lume , et spécialement celui de la partie supérieure nommée hémisphères^ est la circonstance favorable la plus apparente. Enfin comme l'expérience fait voir aussi qu'en beaucoup d'occasions Ton peut avoir une percep- tion j)ar un mouvement immédiat du cerveau, et sans que le sens extérieur ait été frappé, on peut se représenter qu'il existe constamment dans certains êtres de ces perceptions internes c{ui les détermi- nent à cet ordre d'actions que l'on appelle instincts, telles que sont les diverses industries , souvent très 238 SCIENCES PHYSIQUES. compliquées, qu'exercent dès leur naissance, sans les avoir apprises de leurs parents ni de l'expérience, et d'une manière toujours constante , des espèces d'animaux d'ailleurs très stupides et placées fort bas dans réchelle. Quant à ce que l'on a voulu appeler instincts «î/- tomai/(/Hes, ce sont certains mouvements volontaires qui dérivent de jugements devenus tellement prompts par l'habitude et par l'association plus constante des idées qui en résulte que nous ne nous apercevons pas de les a voir faits. Qui peut nier que l'homme qui lit, celui qui touche de l'orgue, c^lui qui fait des armes, ne se souviennent, ne voient, ne jugent, et ne raisonnent, à chaque con- traction de muscle? Sans doute c'est là sur-tout que se montre la rapidité de la pensée. Il n'y a donc point de comparaison à faire de ces actes prétendus automatiques avec les mouvements intérieurs invo- lontaires, et ceux-ci restent exphqués par les forces vitales ordinaires et irrationnelles , comme nous l'avons vu à l'article Physiologie générale. Les pertes et les suspensions partielles ou totales de mémoire , les folies fixes qui ne portent que sur un seul objet, et les visions ou folies fixes momen- tanées, les songes et le somnambulisme, n'offrent aucune difficulté importante d'après ces idées sur l'influence du cerveau , idées que les découvertes de PHYSIOLOGIE. 2J9 ces derniers temps ont seules pu rendre claires , quoique leurs principaux (termes se soient déjà pré- sentés à plusieurs bons esprits, et se trouvent sur- tout assez nettement indiqués dans les ouvra(];es de Bonnet et de Hartley. M. Gall ' a soutenu récemment que les trafces des diverses impressions se répartissent en différents lieux du cerveau , selon leurs espèces, et que le vo- lume particulier de chacun de ces lieux annonce le degré des dispositions particulières , de la mênie façon que le volume général des hémisphères an- nonce la portée générale de Tintelligence ; on sait niêuie qu'il croit ces différences assez sensibles pour être aperçues dansThomme vivant parle moyen des formes du crâne. Mais quoique cette doctrine, réduite aux termes dans lesquels nous venons de l'exprimer, n'ait rien de contraire aux notions géné- rales de la physiologie, on sent aisément qu'il fau- droit encore bien des milliers d'observations, avant ([ue Ton pût la ranger dans la série des vérités gé- néralement reconnues. La théorie générale de la formation des êtres or- ganisés reste toujours, comme nous l'avons dit, le plus profond mystère des sciences naturelles : jus- qu'à présent pour nous la vie ne naît que de la vie; ' Pliysioiogie intellectuelle, par J. B. Demanfjeon ; Paris, i8o(), I vr>). in-8". 24o SCIENCES PHYSIQUES. îioos la voyons se transmettre, et jamais se pro- cUiirc ; et quoique Timpossibilité d'une génération spontanée ne puisse pas se démontrer absolument, tous les efforts des physiologistes qui croient cette sorte de génération possible ne sont point encore parvenus à en faire voir une seule. L'esprit, réduit à choisir entre les diverses hypothèses du dévelop- pement des germes , ou les qualités occultes mises en avant sous les titres de moule intérieur, d'instinct formatif, de vertu plastique , de polarité ou de diffé- renciation, ne trouve donc par-tout que nuages et qu'obscurité. Le seul point qui soit certain c'est que nous ne voyons autre chose qu'un développement, et que ce n'est pas à l'instant où elles deviennent visibles pour nous que les parties se forment ; mais qu'on nous fait remonter à leur germe toutes les fois qu'on peut aider nos sens par quelque instrument plus parfait: aussi, dans presque tous les systèmes de physio- logie , commence-t-on par supposer Fétre vivant tout formé au moins en germe; et bien peu de phy- siologistes ont-ils été assez hardis pour vouloir dé- duire d'un même principe et sa formation primi- tive , et les phénomènes qu'il manifeste une fois qu'il jouit de l'existence : l'admission tacite de cette exis- tence est même si nécessaire que c'est sur la liaison réciproque des diverses parties que repose jusqu'à PHYSIOLOGIE. 2^1 présent pour nous lu nitc de l'être vivant, du moins dans le régne végétal, ori l'on ne peut admettre de principe sensitif. Mais si la génération en elle-même est inaccessi- ble à toutes nos recherches , les circonstances qui l'accompagnent la favorisent ou l'arrêtent, et les divers organes qui entretiennent dans les j)remiers temps la vie de l'embryon et du fœtus sont suscep- tibles d être observés avec plus ou moins d'exacti- tude, et ont donné lieu à des découvertes intéres- santes dans la période dont nous faisons l'histoire. Il y a, parmi ces organes propres au fœtus, une vésicule qui communique avec le bas-ventre au tra- vers de l'ombilic par un petit canal, et qui ne se voit dans l'homme que pendant les premières se- maines de la gestation : elle porte , dans les ani- maux, le nom de tunique ëjytliroïde; dans Ihomme on Ta appelée vésicule ombilicale. M. Blumenbach ' avoit reconnu son analogie avec la membrane qui contient le jaune dans les oiseaux. M. Oken d'Iéna^ vient d'annoncer qu'elle n'est qu'un appendice du canal intestinal, placé de manière que, quand elle s'en sépare, il reste une ' Dans ses Institutions physiologiques et son Manuel d'Anatonjie compare'e. ' Dans ses Matériaux pour la Zoologie, la Zootomie, et la Physio- logie comparée. BUFFON. COMPLÉM T. I. l6 ^4'^ SCIENCES PHYSIQUES. portion de son tube qui forme l'intestin cœcuni: la liqueur qu'elle contient passeroit donc immédiate- ment dans les intestins pour nourrir Fenibryon. Divers anatoniistes ont fait une observation assez semblable sur la manière dont le jaune de l'œuf entre dans Fintestîn par le pédicule qui l'y unit; cependant M. Léveillé ' nie que ce pédicule soit creux: la nutrition se feroitdonc seulemeutpar les vaisseaux qui vont du mésentère à la membrane du jaune, et dont les analogues se trouvent également sur la vésicule ombilicale. M. Gbaussier les a bien injectés dans l'bomme^. La respiration de l'oiseau dans l'œuf se fait par une membrane très ricbe en vaisseaux , qui pren- nent leur origine, comme ceux du placenta, dans les mammifères. Aussi regarde-t-on aujourd'hui l'oxygénation du sang du fœtus comme une des fonctions principales du placenta, laquelle s'exerce par la communica- tion que cet organe établit entre le fœtus et la mère: des observations de conception extra-utérines ont montré que cette communication peut s'établir ailleurs que dans la matrice; et des fœtus dont le placenta n'avoit pu s'attacher qu'aux intestins ou au mésentère n'ont pas laissé de grossir. ' Dissertation sur la nutrition du fœtus; Paris, an 7, in-8". ^ Bulletin (les Sriences , vendëm. an i i . PHYSIOLOGIE. 243 Les végétaux n'offroient pas tant d'objets de re- cherches. Leurs fonctions particuUères se réduisent aux sécrétions et à la génération, qui sont soumises aux mêmes difficultés générales que dans les ani- maux. La fécondation de leurs graines et leur germina- tion pouvoient principalement prêter à des décou- vertes. Dans les végétaux ordinaires, le mode de la fécondation est depuis long -temps démontré. Tout le monde reconnoît que le pollen des éta- mines en est l'organe, ainsi que Ta prouvé autre- fois Vaillant, et comme Ta confirmé Kœlhreuter en produisant des mulets végétaux. Mais les plantes appelées cryptogames ont leurs fleurs et leurs graines si petites et si cachées que Ton n'est point encore du même avis sur leur compte. L'opinion domi- nante aujourd'hui pour les mousses est celle de Hedwig', qui prend pour les organes mâles cer- tains filets creux presque imperceptibles , placés tantôt autour du pédicule de l'urne, tantôt dans des rosettes de feuilles séparées, et qui regarde l'urne elle-même comme la capsule des graines. M. de Beauvois^ au contraire croit que la poussière ' Fundamenlutn historiée naturalis musconim frondosonim ; Lipsice, 1782, in-4'^ ; et Theoria generationis et fructijicationis plaiitnrnm cryptogamicarum ; Pétersbourg, 1784, in-4*', et Leipsick, 1798. ^ Proilrome d'iEthéogamie ; Paris, i8o5, 3 cah. in-12. 16. 244 SCIENCES PHYSIQUES. verte qui remplit l'urne est le pollen mâle, et que la graine est dans une capsule plus intérieure, que les botanistes nomment columelle. Il y a des discus- sions analogues sur la fécondation des algues et des champignons : cependant on croit assez générale- ment que la poussière qui tombe de ces derniers est leur graine. M. DecandoUe ' a remarqué que ce qu'on appeloit graine dans les fucus n'est que leur capsule , et contient la véritable graine, beaucoup plus petite. M. Stackbouse l'a fait germer. TjCs conditions et les phénomènes généraux de la germination ont été étudiés par MM. de Humboldt, Huber^, et Sennebier. Il faut aux graines, à peu d'exceptions près, de Toxygène, pour qu'elles ger- ment; et sa fonction paroît être, d'après M. Théo- dore de Saussure, de leur enlever leur carbone surabondant. M. de Humboldt, en particulier, a remarqué que le gaz acide muriatique oxygéné ac- célère singulièrement la germination , et que tous les oxydes où l'oxygène adhère peu lui sont plus ou moins favorables. Un des points particuliers les plus embarrassants de l'économie des végétaux consiste dans certains ' Mémoire présenté à l'Institut. ^ Mémoires sur l'influence de l'air et de diverses substances gazeuses dan? la germination des différentes graines ; Genève, 1801, i volume in-8". PHYSIOLOGIE. 245 mouvements, en apparence spontanés, qu'ils mani- festent dans diverses circonstances, et qui ressem- blent quelquefois si fort à ceux des animaux , qu'ils pourroient faire attribuer aux plantes une sorte de sentiment et de volonté, sur-tout par ceux qui veulent encore voir quelque chose de semblable dans les mouvements intérieurs des viscères ani- maux. Ainsi les cimes des arbres cberchent toujours la direction verticale , à moins qu elles ne se courbent vers la lumière; leurs racines tendent vers la bonne terre etriiumidité, et se détournent pour les trou- ver, sans qu'aucune influence des causes extérieu- res puisse expliquer ces directions, si l'on n'admet pas une disposition interne propre à en être affec- tée , et différente de ia simple inertie des cor[)s bruts. On sait depuis lon(^~temps comment les feuilles de la sensitive se replient sur elles-mêmes quand on les touche. On sait aussi qu'une infinité de plantes fléchissent diversement leurs feuilles ou leurs pé- tales , selon l'intensité de la lumière : c'est ce (|ue Linnœus , dans son langap,e figuré, a nommé le sommeil des plantes. M. DecandoUe a fait sur ce sujet des expériences fort curieuses , qui lui ont montré dans les plantes une sorte d'habitude que la lumière artificielle ne parvient à surmonter qu'au bout d'un 246 SCIEr^CES PHYSIQUES. certain temps. Ainsi, pendant les premiers jours , des plantes enfermées dans une cave, et éclairées continuellement par des lampes , ne laissoient pas de se fermer quand la nuit venoit , et de s'ouvrir le matin'. îl y a d'autres sortes d'habitudes que les plantes peuvent prendre ou perdre. Les fleurs qui se fer- mentàThumidité finissent par rester ou vertes quand l'humidité dure trop lon(j-temps. M. Desfontaines ayant mené une sensitive dans une voiture , les ca- hots la firent d'abord se replier ; elle finit par s'é- tendre comme en plein repos : c'est qu'encore ici la lumière, l'humidité, etc., n'agissent qu'en vertu d'une disposition intérieure particulière qui peut se perdre , s'altérer, par l'exercice même de cette action , et que la force vitale des plantes est sujette à des fatigues , à des épuisements, comme celle des animaux. Vhedysarum gyrans est une plante bien singu- lière par les mouvements qu'elle donne jour et nuit à ses feuilles , sans avoir besoin d'aucune provoca- tion. S'il y a dans le régne végétal quelque phéno- mène propre à faire illusion et à rappeler l'idée des mouvements volontaires des animaux , c'est bien celui-là. MM. Broussonet , Silvestre, Gels, et Halle, ' Mémoires des savants étran^rers présentés à l'Institut, tome J, page 329. PHYSIOLOGIE. 2/17 Tout décrit en détail , et ont montré que son activité ne dépend que du bon état de la plante. C'est en général dans les organes de la fructifica- tion que les plantes montrent le plus de ces mouve- ments extérieurs. MM. Desfontaines et Descemets y ont donné beaucoup d'attention. Les étamines de plusieurs fleurs, entre autres celles des épine- vinettes, paroissent avoir des inflexions spontanées , ou en prendre (juand on les touche, même légère- ment; mais il faut bien distinguer ces mouvements de ceux qui ne dépendent que d'un ressort mis en liberté, comme sont ceux des capsules de la balsa- mine et des étamines des orties et des pariétaires. Nous ne parlerons pas ici des oscillatoires, parce- que leur nature est encore douteuse. Adanson en a bien fait des plantes ; mais M. Vaucher les considère comme des animaux. Cependant ce seroit aller trop loin que de regar- der même les mouvements de la sensitive comme tout-à-fait comparables à ceux que l'irritabilité ])ro- dnit dans les animaux; non seulement il n'est point démontré qu'ils tiennent à une cause parfaitement identique, mais il Test même qu'ils ne s'exercent pas dans des organes semblables. En effet tout mouve- ment musculaire est une contraction ; et M. Link a fait voir ([ue les flexions diverses que prennent les parties des plantes dépendent autant des fibres qui 248 SCIENCES PHYSIQUES. s'alonp^enl que de celles qui se raccourcissent lors de la flexion, et qu'en coupant celles-ci le mouve- ment ne laisse pas d avoir lieu. Ces contractions végétales n'en sont pas moins encore un des faits généraux et non expliqués que Ion peut admettre parmi ce qu'on appelle les forces vitales; et comme la contraction musculaire entre pour beaucoup dans les mou vements intérieu rs qui entretiennent la vie des animaux , il est très pro- bable, ainsi que nous lavons dit, que cette autre sorte de contraction observée dans quelques parties extérieures des plantes s'exerce aussi à l'intérieur, et contribue au mouvement de la sève et à l'entre- tien de la vie végétale. Comme enfin , dans les ani- maux, le bon état des fonctions influe à son tour sur la force qui les entretient, de même, dans les végétaux, la chaleur, la nourriture, augmentent ou diminuent ces contractions apparentes aussi bien que celles qui le sont moins. En un mot la vie végétale, comme la vie animale, est un cercle continuel d'action et de réaction; tout y est à- la- fois actif et passif, et la moindre partie jouit d'une portion d'influence sur la marche générale de l'en- semble. HISTOIRE NATURELLE PARTICULIÈRE. 249 Histoire naturelle par tien Hère des corps vivants. Une fois que l'on s'est fait ainsi des idées nettes sur les forces attachées à chaque ordre d'éléments organiques, et sur les fonctions propres à chaque organe, on peut en quelque façon calculer la na- ture de chaque espèce d'être organisé, d'après le nombre des organes qui entrent dans sa composi- tion , d'après Fétendue, la figure , la connexion , et la direction de chacun d'eux et de ses diverses par- ties. Cette étude de l'organisation d'un être vivant , et des conséquences particulières qui en résultent dans son genre de vie, dans les phénomènes ([u'il mani- feste, et dans ses rapports avec le reste de la nature, est ce que l'on nomme l'histoire naturelle de cet être. Toute recherche de ce genre suppose que l'on a les moyens de distinguer nettement de tout autre l'être dont on s'occupe. Cette distinction est la pre- mière hase de toute l'histoire naturelle : les vues les plus nouvelles, les phénomènes tes plus curieux, perdent tout intérêt quand ils sont destitués de cet appui; et c'est pour avoir négligé ce genre de pré- caution ([ue les ouvrages des anciens naturalistes conservent aujourd'hui si peu d'utilité. Ainsi les 25o SCIENCES PHYSIQUES. savants qui s'occupent cle cette partie de rhistoire naturelle à laquelle on a donné le nom de nomen- clature niéviient toute sorte de reconnoisance. Leur travail exige non seulement une patience et une sa- gacité peu communes, quand il s'agit de décrire les objets et den saisir les caractères distinctifs; il leur faut encore une érudition vaste et une critique profonde, pour démêler dans les écrits qui les ont précédés ce qui appartient aux espèces diverses , pour ne point confondre celles-ci, ou ne point les séparer mai-à-propos; et, s'ils ne faisoient un em- ploi ingénieiix de mille moyens délicats, ils aug- menteroient l'obscurité que leur art a pour but de dissiper. Linnseus a porté dans cette branche de la science un véritable génie, et lui a donné une impulsion extraordinaire; il est le premier qui ait étendu la nomenclature méthodique à tout l'ensemble des êtres naturels; tous ceux qu'il connoissoit bien ont été nommés, caractérisés, et classés par lui de la manière la plus précise et la plus claire ; il a déduit de la nature de la chose les régies qui doivent diri- ger dans ce genre de travail ; et chacun de ceux qui s'en occupent se considère comme l'un des conti- nuateurs de l'immense édifice dont Linnaeus avoit posé les bases. Nous voulons parler de ce grand catalogue des HISTOIRE NATURELLE PARTICULIÈRE. 25 I êtres existants, auquel on a donné le nom deSjstema nalurœ. Tous les naturalistes s'empressent de le compléter ; tous les gouvernements éclairés se sont fait un devoir de leur en procurer les moyens. Des jardins, des ménageries, ont été établis; des collections ont été rassemblées dans toutes les gran- des capitales ; de grands voyages ont été ordonnés , et c'est un des caractères de notre âge que ces ex- péditions lointaines et périlleuses, entreprises uni- quement pour éclairer les liommes et enricbir les sciences. Pour ne parler que des entreprises et des établis- sements des François, nous rappellerons que le Muséum d'histoire naturelle a plus que doublé dans toutes ses parties, depuis Tépoque où commence cet aperçu historique sur les sciences, et qu'il surpasse aujourd'hui tous les établissements du même genre par l'ensemble des objets qu'il réunit, autant que par les facilités qu'il offre pour l'étude. La belle réunion des plantes rares formée à la Malmaison par rimj)ératrice Joséphine a déjà pro- curé à notre pays d'importantes richesses en ce genre, que la munificence de cette auguste prin- cesse s'est empressée de répandre dans les établisse- ments publics et particuliers. Les jardins et les cabinets des écoles centrales commençoient à être fort utiles pour faire connoître 252 SCIEÎNCES PHYSIQUES. les productions naturelles des différents départe- ments de la France. Il faut espérer que les ordres du Gouvernement pour les réunir et les soigner dans les lycées auront été exécutés. Quatre «grandes expéditions lointaines ont été entreprises par des François dans cette même épo- que. Chacun connoîtle malheureux sort de celle de LaPérouse ' . Les discordes qui ont mis fin à celle de d'Entrecasteaux n ont pas empêché MM. de ï.a Bil- lardière% Laliaye , Riche, d'en rapporter beaucoup de plantes et d'animaux nouveaux. La première de Baudin, quoique bornée aux Antilles, n'a pas laissé de procurer aussi des plantes nouvelles : 'mais la se- conde, ordonnée par le gouvernement consulaire, et qui s'est portée vers la Nouvelle-Hollande et TAr- cliipel indien, a été la plus fructueuse qu'aucune nation ait jamais exécutée^ ; grâces au zélé infati- gable de MM. Pérou, Leschenault de La Tour, et Lesueur, les animaux et les végétaux inconnus en ont été rapportés par milliers ; et nous pouvons assurer que nous sommes en état de faire connoître les productions de ces parages beaucoup plus com- ' Voyage de La Pérouse autour du monde, rédige' par Milet-Mu- reau; Paris, 1797, 2 vol. in-4°, avec un atlas in-folio. ' Relation du Voyage à la recherche de La Pérouse ; Paris, an 8 , ■2 vol. in-4°, et un atlas grand in-folio. ^ Voyage de découvertes aux terres australes ; Paris, 1807, in-4'', premier vol. avec un atlas. • HISTOIRE NATURELLE PARTICULIÈRE. 253 plétement que les nations européennes qui les ha- bitent depuis tant d'années. Les naturalistes qui ont suivi rarmée frant^oise en Egypte ne laisseront rien à désirer sur Tliistoire naturelle de cette contrée fameuse: M. Geoffroy en décrit les poissons et les quadrupèdes; M. Savi^^ny, les oiseaux et les insectes; M. Delile, les plantes. Quelques uns de ces objets, présentés au public dans des mémoires isolés, tels que le poisson polyp- tère, décrit par M. Geoffroy ', le palmier doum , par M. Delile % donnent la plus vive impatience de jouir de la totalité, et de voir bientôt les planches magnifiques dessinées sur les lieux par les phis ha- biles artistes. M. Olivier a rapporté beaucoup de choses nou- velles de son voyage au Levant^ ; M. Bosc , de celui d'Amérique; M. de Beauvois, des deux qu'il a en- trepris en Guinée et à Saint-Domingue. M. Desfon- taines avoit fait antérieurement un voyage très fructueux en Barbarie et sur l'Atlas ; M. Poiret avoit aussi été en Barbarie; M. de La Billardière, en Sy- rie et sur le Liban 4; M. Bichard, à Cayenne;M. du Petit-Thouars, à l'île de Bourbon; MM. Poiteau • Bulletin des Sciences, germinal an lo. ^ Ibid.^ pluviôse an lo. ^ Voyage dans l'empire Ottoman, l'Egypte, et la Perse; Paris, 1801-1807, 3 vol. in~4° avec un atlas. ^ Syriœ Plantœ rariores, dee. i et 2 ; Paris, 1790, in-4°. 254 SCIENCES PHYSIQUES. et Turpin, à Saint-Domiiif>ue. Les correspondants du Muséum, à Gharles-Town, à Cayenne, à i Ile-de- France, lui ont fait de riches envois : on doit citer avec éloge dans le nombre MM. Michaux, Macé, et Martin. Tous ces voyages, ajoutés à ceux de Sonnerat, de Gommerson, de Dombey, et d autres, mettent certainement les François au premier ranp de ceux * 1 CJ qui ont enrichi les collections européennes. Cependant, quoique nous ne connoissions pas tous les voyages des étrangers, nous en savons assez pour dire qu'ils ont rivalisé de zélé avec nous. Seu- lement, dans la période dont nous rendons compte, la Gochinchine a été visitée par Loureiro \ le Brésil par Vellozo, tous deux Portugais; le Pérou et le Chili par Ruiz et Pavon% la Terre-Ferme par Mu- tis, le Mexique par de Sessé et Mocino, tous cinq Espagnols ; l'Inde par Roxburgh \ le Cap par Mas- son, la Nouvelle-Hollande par un grand nombre cVautres Anglois. M. Smith devoit en décrire les plantes ^, et M. Shaw les animaux \ ' Flora Cochinchinensis ; Lisbonne, 1790, 2 vol. in-4° ; Berlin, 1798, 2 vol. in-8". Flora Peruviana et Chilensis; Madrid, 1799, 2 vol. in-fol. ^ Plants of the coast of Coromandcl ; Londres, 1795, in-fol. ^ A Spécimen of botanj of Neiv-Holland ; Londres, 1793, i vol. in-4". * Zoology of New-IIolland ; Lonôvea^ 1794, in-4". HISTOIRE NATURELLE PARTICULIÈRE. 255 Le voyage de MM. de Huniboklt et Bonpland dans les diverses parties de l'Amérique espa^^iiole, en même temps qu'il est le seul de cette importance dû au généreux dévouement d'un particulier, s'an- ' nonce comme Fun des plus instructifs que l'on ait jamais faits pour toutes les branches des sciences physiques. Botanique. Il y a cependant parmi ces voyageurs plus de botanistes que de zoologistes. Le plus grand nom- bre ont publié ou publient en ce moment les Flores des pays qu'ils ont parcourus. Celles du mont Atlas par M. Desfontaines % de la Nouvelle-Hollande par M. de La Billardière% d'Oware et de Bénin par M. deBeauvois\ des îles de France et de Bourbon par M. duPetit-Thouars^, font honneur à la France et enrichissent la bota- nique. M. Pallas a continué celle du vaste empire de Russie, sous les auspices de son gouvernement '; l'Espagne a publié avec magnificence celle du Pé- ' Flora Atlantica ; Paris, an 6, 2 voL in-4°' ' Novœ HoUandlœ plant, specim. ; Paris, i8o4-i8o8, 2 vol. in-4°. ^ Flore cl'Oware et de Bénin eu Afrique; Paris, i8o4, in-fol. non terminé. ^ Histoire des végétaux recueillis dans les îles australes d'Afrique ; Paris, i8o6, in-4° non terminé. * Flora Roxsica ; Pétersbonrg, 1784 et seq., in-fol. 236 SCIENCES PHYSIQUES. rou et clu Chili; Michaux a laissé celle des États- Unis, et LUI ouvrage particulier sur les nombreuses espèces de chênes de ce pays-là ' . Parmi les Flores européennes on doit remar- quer.^ pour la beauté des figures, celle du Dane- marck, commencée par OEder% et que le gouver- nement danois prend soin de faire continuer, ainsi que la zoologie du même pays; celle d'Autriche, entreprise et terminée par M. Jacquin ^, et celle que MM. Kitaibel et Waldstein ont commencée pour la Hongrie^. Bulliard en avoit aussi entrepris une en figures pour la France^. Nous en avons du moins une excellente quoique dépourvue de cet ornement : c'est celle de M. de Lamarck dont M. Decandolle vient de soigner une nouvelle édi- tion, et pour le perfectionnement de laquelle le Rouvernement a envoyé ce savant botaniste dans les diverses parties de Fempire ^. Parmi les Flores de nos provinces celle du Dauphiné, par M. Villars, ' Flora Boreali-Americana ; Paris, i8o3, 2 vol. in-S". Histoire des chênes de l'Amérique; Paris, 1801 , i vol. in-fol. ^ Flora Danica ; Hafn., 1764 et seq., in-fol. non terminée ^ Flora Austriaca ; Vienne, 1 773-1778, et Miscellanea Austriaca. ^ Plantœ rariores Hungariœ. ' Herbier de la France; Paris, 1784 et seq., 4 vol. in-folio non terminés. '' Flore Françoise, première édition en trois vol. 1778; deuxième édition en 5 vol., i8o5. BOTANIQUE. 267 tient un des premiers ran^js '. Il y a une très bonne Flore d'An(;[leterre , par M. Smith % et la plupart des états de l'Europe ont aussi les leurs. M. Swartz en a donné une des Indes occidentales^. Pendant que l'on parcourt ainsi avec beaucoup de peine des pays voisins ou éloignés, les botanistes sédentaires travaillent à faire connoître les plantes des jardins et celles des herbiers. Les uns s'attachent à certaines collections particulières ; et dans ce genre la France peut citer avec orgueil la descrip- tion dujardin delà Malmaison^, où les talents du bo- taniste, M. Ventenat, etceux de l'artiste, M. Redouté, ont rivalisé pour ériger un digne monument de la munificence de l'impératrice Joséphine, et de la protection éclairée qu'elle accorde aux sciences utiles. Le jardin de Gels, par M. Ventenat", est aussi un produit très honorable d'une entreprise privée. En Autriche M. Jacquin continue depuis long- 'Histoire des plantes du Dauphiné ; Grenoble, 1780, 4 volumes in.8°. ^ Flora Britannica f par Smith; Londres, 180G, 3 vol. in-S"; et Ar- rangement of British plants, par Whitering, 4 vol. in-8". ^ Flora Indice occid. ; Erlang, 1787, 3 vol. in-8''. ^ Jardin de la Malraaison ; i8o3 et seq. , in-fol. ^ Description des plantes nouvelles et peu connues cultivées dans le jardin de M. Gels; Paris, an 8 ( 1802 ), in-folio ; et Ghoix de plantes dont la plupart sont tirées du jardin de Gels, i8o3. BUFFON. COMl'LÉM. T. 1. I7 258 SCIENCES PHYSIQUES. temps de décrire les plantes du jardin de Tempe- reur ' ; M. Willdenow a commencé la description de celui de Berlin^; celui du roi d'Angleterre à Kew' a été publié par M. Alton, et celui d'Hanovre par M. Schrader^. Parmi ceux qui se sont bornés à donner des es- pèces de suppléments au système en décrivant des plantes nouvelles, de quelque part qu'elles leur vinssent, nous citerons M. Vahl, dans ses Eclocjœ americanœ^ et dans ses Sjmbolœ^;M. Gavanilles, dans SCS plantes rares d'Espagne^; M. Smith, dans ses Icônes^. Les Stirpes et le Serlum Ancjlicnm de l'Hé- ritier^ méritent aussi detre cités honorablement dans ce nombre. D'autres botanistes prennent pour sujets d'étude certaines familles de végétaux. Les Liliacées de ' Hortus Vindohonensis ; Vienne, 1770-1776, in-fol. ; et Hortiis Schœnln-u7inensiSf ibid. 1797 et seq. ^ Hortus Berolinensis ; Berlin. ^ Hortus Kewensis ; Londres, 1789, 3 vol. in-S". '* Sertuni Hanoveranum ; Gott., 1795-1796, in-fol. ^ Hafn., 1796, in-fol. '' Symholce botanicœ ; Hahi.^ 1790, in-fol. 7 Icônes et Descriptiones plantarum quœ aut sponte in Hispania cres- cunt, aut in hortis hospitantur; Madrid, 1791-1801 , 6 vol. in-fol. ^ Icônes, pictœ plant, rar.; 1 790-1 798; et Plant, icônes hactenus ineditœ ; Londres, 17 89-1 791 , in-fol. 9 Stirpes novœ ; Paris, 1780-1785; et Sertutn Anglicum , 1788, in-fol. BOTANIQUE. 2^9 M. Decandolle, avec des planches de M. Redouté, doivent être mises , pour la magnificence, à la tête de tous les ouvrages de ce genre'. M. Decandolle a aussi donné un Traité sur les astragales et les genres voisins^, et une Histoire des plantes grasses avec de belles figures^. La Monographie des pins , de M. Lambert, est un ouvrage superbe; celle des saules par Hofman^, celle des carex par M. 8chkuhr\ celle des oxalis par M. Jacquin*", celle des gen- tianes par M. Frœlich7^ méritent des éloges pour leur exactitude : nous devons aussi remarquer celle des graminées d'Allemagne et de France, par M. Kœhler, de Mayence ^. ïl y a une foule d'autres travaux sur des familles particulières publiés dans les Mémoires des sociétés savantes, ou séparément, et qu'il nous est impossible d'énumérer complète- ment. ' Les Liliacées ; Paris, 1802 et seq., (ïrand in-fol. Il y a déjà trois volumes terminés. ^ Astragalocjia ; Paris, 1802, i vol. in-fol. ' Plantarurn Historia succulentanim ; Paris, an y et suiv. , in-fol. ^ Hiatoria salicum; Leips., lySS-iyQi, 2 vol. in-fol. dont le second n'est pas fini. ^ Histoire des carex ou laîches, traduite de l'allemand par Dela- vigne ; Leipsick , 1 802 , in-8". ^ Oxalis Monographia; Vienne, 1794? ^ vol. in-4''. 7 Libellas de gentiana ;Y,r\an^j. ^ l786,in-8°. ^ Descriptio graminum in Gallia et Germania sponte cresceniium ; Francfort, 1802, in-8''. '7- 26o SCIENCES PHYSIQUES. Les plantes cryptogames ont été étudiées avec une attention toute particulière : des figures et des descriptions des mousses ont été données par Hed- wig% des lichens par Hofman" et par Acharius ', des champignons par BuUiard^. MM. Tode^ et Per- soon^ ont porté très loin Tétude des petits champi- gnons; M. Decandoile y a beaucoup ajouté^. Les algues et conferves ont été observés avec beau- coup de soin par MM. Chantrans et Vaucher'^ : le premier croit que plusieurs de ces êtres appar- tiennent au régne animal. La Nereis bniannïca de M. Stackhouse^ est une belle monographie des fu- cus. Il y en a une autre faite avec plus de luxe, par M. Welley : celle de M. Esper est moins soi- gnée'^ ' Descriptio et adumhratio muscoruni fi'ondosorum ; Leipsick, 1^87-1797, 4 ^'^1- in-fol.; et Species muscoruni frondosorum ^ Lelps. , 1801, in-4°- Voyez aussi Muscologia recentioiixm , par M. Britîel ; Got]i. , 1797-Ï799, 3 vol. in-4°. ' Descriptio et adumhratio lichenum. ; Leipsick, 1790, in-fol. ■^ Lichenographiœ Suecicœ Prodro7VUS;luinli.ïo\)inQ^ ^798- ''► Dans l'Herbisr de la France, et à part sous le titre de Cliampi- qnons de la France. ^ Fungi Mecklenburgenses selecti ; Lunebourg, 1 790-1 791, in-4°. ^ Synopsis methodica fungorum , Gott. 1801 , in-8°; et icônes pictce spec. rar. fungorum ; Paris, i8o3 et suiv. 7 Dans son e'ditinn de la Flore Françoise. ** Histoire des conferves d'eau douce ; Genève, i8o3, in-4°. 9 Bath, 1795, in-fol. '" /r;o«e5 /«con«n ; Nuremberj^, 1797, et 1798, in-4". BOTANIQUE. 261 M. de Beau vois a travaillé sur toute cette classe ' : MM. Swartz^ et Smith ' se sont occupés plus parti- culièrement des fougères. Avec des secours si abondants il a été aisé de rendre les ouvra^^es généraux de }3otanique infi- niment plus complets que Linnœus ne les avoit laissés. Le Dictionnaire de botanique de TEncyclopédie, par M. de La Marck, continué par M. Poiret^ ; le Species plantarum de M. Willdenow^ 1 enumération que M. Vahl^ avoit commencée, porteront à près de trente mille le nombre des espèces de plantes connues et enregistrées dans ce grand catalogue de la nature, et chaque jour en ajoute de nouvelles. M. de Jussieu comptoit dix-neuf cents genres en I "789 ; ce nombre seroit presque doublé par ceux qu'ont établis MM. Ca vanilles, T^oureiro, Smith, de La Marck, Ruiz et Pavon, Michaux, IjaBillardière, Thunberg, Gaertner, du Petit -Thouars , Decan- dolle, Ventenat, et M. de Jussieu lui-même: mais ' Prodrome d'iEthéogamie , déjà cité. ' Synopsis Jilicum ; Kie\ ^ i8o6,ia-8°. ^ Mémoires de l'Académie de Turin. * Commencé en iy83. On en est au huitième et dernier volume; in-8°. ^ Commencé en 1797 à Berlin. On en est au huitième et dernier volume : il y en aura deux de supplément; in-8°. ^' Enumerat. plantar. ; Hafn. , i8o5. Il n'y en a cjue deux volumes. 202 SCIENCES PHYSIQUES. une partie de ces genres rentreront les uns dans les autres, ou dans les genres anciens; il en restera toujours huit à neuf cents de nouveaux ', Il n'est pas possible que dans un si grand nombre de plantes il n'y en ait beaucoup dont la société pourra tirer parti. Sans vouloir, à l'exemple des anciens, attribuer à toutes les plantes des vertus médicinales imagi- naires, il est certain que la botanique a fourni, même dans ces derniers temps, plusieurs médi- caments utiles. Le telragonia expansa, rapporté des îles des Amis par le capitaine Gook, se cultive aujourd'hui en Europe comme plante alimentaire et comme excel- lent antiscorbutique; le chenopodium antlieiminilii- cum, si utile contre les vers des enfants, s'est ré- pandu des Etats-Unis dans beaucoup de jardins de FEurope ; la mousse de Corse (fucus lieiminthocor- ton ) est suppléée maintenant par plusieurs de nos varecs, suivant les indications de M. Gérard. Plusieurs plantes médicinales , anciennement connues, mais apportées autrefois de l'étranger, sont actuellement communes dans nos jardins; le ' Consultez aussi sur les plantes nouvelles qui paroissent journelle- ment les divers recueils périodiques de Botanique, tels que le Journal de Botanique d'Usteri, celui de Schrader, le Botanist Repository d' An- drews , les Annales du Muséum d'histoire naturelle de Paris, etc. BOTANIQUE. .763 lobelia sypiliiuica de Virginie, le jalap du Mexique (convolvulus jalappa) ^ la rhubarbe de Sibérie (rfieinn paimatum)^ celle des Arabes {rlieum ribes)^ sont de ce nombre. L'histoire , jusqu'à présent si obscure , de nos plus importants médicaments végétaux a été singulière- ment éclaircie par les botanistes. MM^Vahl, Ruiz,etPavon,ontles premiers bien distingué les diverses sortes de quinquina , dont plusieurs égalent en vertu le quinquina rouge du Pérou. M. Decandolle a montré que Ton confondoit en pharmacie des plantes de genres et même de classes différentes , sous le nom commun â'ipéca- cuanha\ Sans toutes ces distinctions, sans la fixation pré- cise du degré de vertu de chaque espèce, il est im- possible à la médecine de rien prescrire de certain sur les doses et refficacité des médicaments. Les botanistes n'ont pas mis moins de zélé à pro- pager les plantes aromatiques ou alimentaires qu'ils ont découvertes. Tout le monde est instruit de leurs succès dans la transplantation à. la Guiane des épiceries des Moluques. Ce monopole a été arraché à l'Orient par des Fran(;ois, et la culture de ces plantes pré- • Bulletin des Sciences, messidor an lo. 204 SCIENCES PHYSIQUES. cieuses portée dans des contrées d'où le retour en Europe sera beaucoup moins pénible et moins coûteux. Nos îles de France et de Bourbon , qui ont servi d'entrepôt pour cette grande entreprise, en par-^ tarent le bénéfice : elles reçoivent elles-mêmes des espèces nouvelles; le ravendsara de Madagascar, arbre aromatique , y est maintenant naturalisé ; rinde et la Chine lui ont fourni le litchi , le ram- boutan , et le mangoustan , dont les fruits sont très agréables. Les professeurs du Muséum d'histoire naturelle sont parvenus à faire donner à nos colonies d'A- mérique l'arbre à pain des îles des Amis. On en fait à présent usage à Cayenne. La canne à sucre violette de Batavia remplacera bientôt la canne or- dinaire ; elle donne plus de sucre et en moins de temps. La France, déjà si riche en excellents fruits , a reçu le mûrier rouge du Canada , le néflier du Ja- pon , et le noyer pacanier de l'Amérique septentrio- nale. Ces fruits agréables peuvent encore se perfec- tionner par la culture. Une variété de la patate du Mexique, envoyée récemment de Philadelphie, se répand en France: son goût approche de la châtaigne. Ces plantes ali- mentaires souterraines, qui craignent peu les intem- BOTANIQUE. 265 péries, sont une richesse plus certaine encore que les autres. Les Etats-Unis nous ont donné une foule de nouveaux bois de charpente et de menuiserie, principalement des espèces de chênes, de frênes, d'érables, de bouleaux , de pins, et de noyers , dont quelques unes ont encore des usages accessoires très importants. Le tan du chêne rouge est préféré à tous les autres; le quercitron, ou chêne tinctorial, aide à teindre les cuirs en un jaune très solide ; deux sortes d'érables donnent du sucre; le tupelo aquatique remplaceroit le liège; le baumier donne un suc utile en médecine; divers sapins et genévriers aro- matisent la bière. Quelques uns de ces arbres ont l'avantage de bien venir dans des terrains qui n'en nourrissoient pas d'autres de même genre. Le cy- près chauve veut des marais , etc. La terre de Diémen nous enverroit de même des eucalyptus et des casuarina excellents pour la ma- rine , et dont les diverses qualités s'approprie- roient aisément à une foule d'autres usages parti- culiers. Lep/iormmm tenax de la Nouvelle-Zélande peut servir la marine plus promptement encore par sa fdasse, beaucoup plus robuste que celle du chanvre; il viendra aisément dans nos provinces méridionales. 266 SCIENCES PHYSIQUES. Nous ne parlerons pas de ce .(jrand nombre de plantes d'aprément qui ornent aujourd'hui nos parterres et nos bosquets, quoique ce soit aussi uue utilité que de multiplier ces sortes de jouis- sances, et que larchitecture et les fabriques en tiient journellement des moyens et des modèles. C'est en ^«^rande partie par cette attention qu'ont toujours eue les naturalistes de réunir dans leur patrie les productions étrangères qui peuvent y réussir, que les peuples civilisés sont arrivés à leur prospérité actuelle. Le même moyen peut l'aug- menter encore : les pays étrangers nous offrent bien d'autres plantes utiles; nos colonies sur-tout peuvent en recevoir en foule des Indes et des autres pays chauds. Il seroit digne d'un gouvernement paternel de les leur donner, et de faire encore pendant la paix ces conquêtes si douces et si peu dispendieuses. Zoologie. Le nombre des animaux existants est infiniment supérieur à celui des végétaux, mais on a commencé plus tard et l'on a long-temps mis moins d'atten- tion à en dresser l'état. Linnaeus encore, en portant dans cette branche de la science cette méthode pré- cise qui lui a donné tant de succès en botanique, a eu l'avantage d'y trouver un champ plus neuf et ZOOLOGIE. 2G7 plus fécond, qu'il a effleuré rapidement tout entier, pendant que Buffon et Pallas en cultivoient quel- ques parties avec plus de profondeur et d'éclat. Les efforts réunis de ces hommes célèbres ont inspiré plus d'intérêt pour l'histoire des animaux, et l'effet commence à devenir sensible; car la pé- riode actuelle est plus riche que toutes les autres en travaux sur ce régne. Les quadrupèdes ont éprouvé peu d'augmenta- tion depuis Pallas et Buffon , si ce n'est par la Zoo- logie de la Nouvelle-Hollande de M. Shaw, et par les espèces que M. Schreber ajoute de temps en temps à la grande histoire de cette classe, qu'il publie de- puis plusieurs années '. Cependant l'ouvrage d'Au- debert sur les singes peut être cité comme livre de luxc\ La description de la ménagerie du Muséum, commencée par MM. de Lacépède , Guvier, et Geof- froy, offre aussi de belles figures de quadrupèdes dessinées par Maréchal et M. de Wailly ^, On attend avec intérêt l'ouvrage que M. Geoffroy prépare sur les animaux à bourse, et dont il a donné séparé- ment de beaux échantillons. M. Pérou a rapporté beaucoup de quadrupèdes nouveaux delà Nouvelle- ' l^ubliée en François et en allemand, à Erlang, depuis 1776; le quatrième volume est fort avancé. * Histoire naturelle des Singes, in-fol. ^ Conimence'e en l'an 10, in-fol. Il en a paru dix cahiers de quatre planches chacun. 268 SCIENCES PHYSIQUES. Hollande, et M. Lescbenault, de l'île de Java. Buf- fon, qui se proposoit de terminer ses travaux par l'histoire des cétacés, fut arrêté par la mort; M. de Lacépéde a glorieusement rempli ce besoin de la science ' et ce désir de son illustre maître. M. Latham est celui qui a le plus ajouté au cata- logue des oiseaux^. La France a produit sur cette classe des ouvrages de luxe remarquables par la beauté de leurs plancbes. Les oiseaux d'Afrique^, par M. Le Vaillant, présentent beaucoup d'espèces nouvelles et un grand nombre d'observations inté- ressantes. Les perroquets'^, les oiseaux de paradis, les toucans, etc.\ par le même auteur, avec des figures de M. Barraband ; les coUbris et autres oiseaux dorés par Audebert et M. Vieillot^; les tangaras de M. Desmarets fils, avec des figures de mademoiselle Decourcelles^, sont à-la-fois de véri- tables objets de commerce et des recueils dont la science peut tirer parti. On en a. aussi commencé de semblables en Allemagne; les figures des oiseaux ' Histoire des Cétacés; Paris, an 12, in-4*. '■^ Index ornithologicus ; Londres, 1790, 2 vol. in-4°- ^ Paris, in-fol. et in-4°. Commencé en 1799; il en a paru ciuq volumes. ^ Ibid, Commencé en 1 801; il en a paru deux volumes. ' Paris, 1806, 2 vol. grand in-fol. ^ Paris, 1802, 2 vol. grand in-fol. 7 I^aris , 1 8o5 , grand in-fol. ZOOLOGIE. 269 de ce pays, publiées par MM. Wolf et Meyer ', et plus encore celles de MM. Borkhausen, Licli- ihanimer, et Becker% méritent des élo(];es; mais peut-être vaudroit-il mieux représenter plus sim- plement des espèces nouvelles que de reproduire ainsi des espèces connues, uniquement pour appro- cher davanta(}e d'une perfection d'images que l'on n'atteindra jamais complètement, et qui n'est pas nécessaire au naturaliste. M. d'Azzara, dont on a en françois une excellente Histoire des quadrupèdes du Paraguay, traduite par M. Moreau de Saint- Merry\ vient de donner, en espagnol, celle des oiseaux, qui ne sera pas moins précieuse. Le luxe des figures a aussi été porté sur une classe qui n'en paroissoit guère susceptible. Uau- din, en France, a fait représenter les grenouilles, rainettes, et crapauds^, et Russel, en Angleterre, les serpents de la côte de Goromandel, avec beau- coup de magnificence '. L'Histoire générale des reptiles, par M. de La- cépède, qui remonte aux premières années de notre période, a commencé à porter un grand jour dans cette classe auparavant peu étudiée^. ' Nurember^T, grand in-fol. — "* Darmstadt, in-fol. ^ Paris , 1801 , 2 vol. in-8". — ^ Paris, an 1 1 , in-4''. ^ Londres, 2 vol. grand in-fol. ** Histoire naturelle des quadrupèdes oupares et des serpents; Pa- ris, 1788 cl 1789, 2 vol. in-4''. 2^0 SGIEINCES PHYSIQUES. Les travaux de ce célèbre naturaliste , continués depuis cette époque, et ceux que Daudin a faits en partie sous ses yeux , ont mis ce dernier en état d'en publier récemment une autre ' où le nombre des espèces est plus que doublé. M. Schneider, dans deux ouvrages sur la même classe, a publié aussi des remarques très intéressantes^. M. de Lacépède est encore celui qui a jîublié l'histoire des poissons la plus récente et la plus riche. C'est, par ses vues, par le nombre des faits qui y sont rassemblés, par Tordre qui y règne, par l'éclat de son style, un digne complément du ma- gnifique édifice commencé par Buffon^. L'ouvrage de Bloch^, qui l'avoit précédé de peu d'années, est remarquable par la beauté de ses fi- gures enluminées et par le grand nombre de ses nouvelles espèces. L'abrégé latin ^ que M. Schnei- der vient d'en publier, avec des additions, contri- bue à le compléter et à faire connoître avec plus ' Histoire naturelle des reptiles; Paris, ans lo et ii, 8 volumes in-8^ =» Amphihiorum physiologiœ spec. 2 et II ; Zullichow, 1797, in-4° ; et Historiœ amphibiomm naturalis et litterariœ fascic. I et II; léna, 1799 et 1801 , in-S". ^ Histoire naturelle des Poissons; Paris, an 9 et 1 1, 5 vol, in^"- ^ Histoire naturelle des Poissons , en François et en allemand ; 12 vol. in-fol. et in-4°. Commencée en 1782. ^ Systema ichthyologiœ iconibus CX illustratum ; Berlin, 1801, 2 vol. in-S". ZOOLOGIE. 271 d'exactitude un certain nombre d'espèces ; mais la méthode bizarre que cet éditeur a suivie, d'après le nombre des nageoires, en rend Tusage embarras- sant. La classe immense des insectes est celle qui a donné lieu à plus de recherches et à plus d'ou- vrages. 11 y en a de ces derniers presque autant (|ue sur les plantes, et l'espace nous nianqueroit pour en rapporter seulement les titres. Nous citerons néanmoins, parmi les descrip- tions d'insectes de certains pays, la Faune étrusque, de M. Rossi ' ; celle de Suéde , de M. Paykull ' ; la gra ude Faune des insectes d'Allemagne , avec de jolies figures, par M. Panzer^; l'Entomologie hel- vétique, de M. Glairville^; celle de la Grande- Bretagne , par M. Marsham ; la Faune des insectes des environs de Paris, par M. Vaickenaer ', qui ajoute beaucoup à celle de MM. Geoffroy et Four- croy; les Insectes de Guinée et d'Améri(|ue, par M. dcBeauvois^. ' Livourne et Pise, 1790-1794, 4 volumes in-4°, dont deux de sup- plément. ^ Gusta\iiPaykn\\ Fauna Suecica, /?îsecfa ;Upsal, 1798, 4vol.in-8". ^ Commencée en 1793, par feuilles détachées, et se continuant encore. ^ Zurich, 1798, I vol. in-8°, en François et en allemand. ^ Paris, 1802, 2 vol. in-8". ^ Insectes recueillis en Afrique et eu Amérique ; Paris, in-fol. Çjju'a .^ mencé en i8o5. y*^0\0^^''^/\ ay^ SCIENCES PHYSIQUES. Parmi les descriptions d'insectes de certaines familles se distinguent éminemment , par leur magnificence, les descriptions et les figures des papillons, de Cramer', d'AngramelIe% d'Esper^, et sur-tout celles d'Hûbner^. On doit y ajouter riconograpbie des hémiptères , de Stoll ^ ; celle des crustacés, de M. Herbst^ ; les punaises, de Wolf; les diptères , de Schellenberg"; les abeilles d'Angle- terre, de Kirby^; enfin l'Histoire des coléoptères, de M. Olivier"^, qui joint au luxe des figures l'en- semble le plus complet sur les mœurs , et un grand nombre d'espèces étrangères observées par l'auteur dans les cabinets de l'Angleterre et de la Hollande. D'autres ouvrages sur cette classe, quoique dé- pourvus de nombreuses planches enluminées, sont remarquables par l'exactitude des observa- ' Papillons exotiques. Commencé en 1779, continué par Holl jus- qu'en 1790. "^ Papillons d'Europe; in-4''. Commencé en 1779, continué jus- qu'en 1 790. ^ Commencé à Erlang en 1777, in-4°. ^ Huit volumes iu-4°- ^ Commencée en 1788 ; Amsterdam, in-4°. ^ Commencée en 1790 ; Berlin et Stralsund, in-4°. 7 Genres des mouches diptères , en françois et en allemand ; Zu- rich, i8o3, in-8°. ^ Monographia apum Angliœ^ en anglois ; Ipsvvich, 1802, 2 vol. in-8^ 9 Commencée en 1789, et se continuant encore. L'auteur vient de terminer le cinquième volume in-^". ZOOLOGIE. 273 tions qu'ils renferment. Telles sont les Monogra- phies des carabes, des staphylins, et des charan- çons , par M. PaykuU ' ; celles des fourmis et des abeilles, par M. Latreille'' ; celle des coléoptères à petits élytres, par M. Gravenhorst^. Pour les descriptions d'insectes nouveaux en gé- néral on a plusieurs recueils périodiques, sur-tout en Allemagne, où ce genre de publication est plus en usage. Fuessly 4, Scriba % M. Illiger, ont suc- cessivement mis leurs noms à la tête de semblables recueils. Quantaucntaloguegénéral des insectes, M. Fabri- cius^ est, depuis long-temps, en quelque sorte en possession de le rédiger. Ses éditions successives, de< puis celle de i 77^, l'ont porté au nombre effrayant de près de vingt mille espèces recueillies, soit dans les ouvrages que nous venons de citer, soit dans les cabinets que M. Fabricius a soin de visiter chaque ' Monographia staphylinorum Sueciœ ; TTpsal, 1789, in-8". Mono- graphia caraborum ; ibicl., 1790, in-8°. ' Paris, 1802, in-8''. ^ Brunswick, 1802, etGott., 1806, 2 vol. in-8°. ^ Le Journal de Fuessly a commencé en 1778. Il a paru sous diffc- rents titres jusqu'en i 794 , à Zurich et à Winterthur, in-8". •' Celui de Scriba, imprimé à Francfort, a paru depuis 1790- 1798, in-8° etin-4°. ^ Ce savant naturaliste n'est mort que depuis la présentation de ce Rapport. BUFFON. COMPLKM. T. I. 1^ 274 SCIENCES PHYSIQUES. a nnée dans une partie de TEurope. La France est l'un des pays qui lui ont fourni le plus de matériaux ^ Nous avons en François un excellent ouvrage sur les insectes, c'est celui que M. La treille a joint à l'é- dition de Euffon imprimée chez Duffart^ ; et il y en a en Allemagne un beaucoup plus considérable, commencé par Jablonsky et continué par Herbst ^. Les coquilles et les divers lithophytes n'ont pas manqué de descripteurs ni de dessinateurs. Schroe- ter"^, Draparnaud ', MM. Poiret*", et Férussac^, ont traité des coquilles d'eau douce j le grand ouvrage de Martini a été continué par Chemnitz^, etc. ' Systema entomologiœ ; Flensbourg et Lelpsick, l'/'jS ^ in-8". Spe~ des insectorum ; Hambourg et Kiel , 1781, 2 vol. in-S". Mantissa iri- se ctorum ; Hafn., 1787, 2 vol. in-8°. Entomolocjia systeniatica ; Hafn., 1792-17941 4 "^*^'' if^'S"- Systema eleuteratorum ; Kiel, 1801, 2 vol. in-8°. Systema ulonat. ; et ainsi de suite pour les autres classes. ' Paris, ans 10 et i3, i4 vol. in-8°. Le même auteur a publié de- puis, en latin, les trois premiers volumes de ses Gênera insectorum; Paris et Strasbourg, 1806 et 1807, in-8°. ^ Système de tous les insectes connus, commencé à Berlin en 1785, in-4°. ^ Sur les coquilles d'eau douce , piincipalement de Thuringe ; Halle, 1779, in-4°5 ^n allemand. ^ Histoire naturelle des mollusques terrestres et fluviatiles de la France; Paris, i8o5, in-4". ^ Coquilles fluviatiles et terrestres observées dans le département de l'Aisne; Paris, an 9, in-8°. "^ Essai d'une méthode conchyliologique; Paris, 1807. * Nouveau Cabinet systématique de coquilles; Nuremberg, 1769- 1788 , 10 vol. in-4". ZOOLOGIE. 275 Les coquilles fossiles des environs de Paris ont trouvé dans M. de La Marck un descripteur infati- gable, qui en a déjà ajouté plusieurs centaines à la liste de celles qu'on observe vivantes dans la mer et dans les eaux douces '. Mais les mollusques nus, ceux qui habitent l'in- térieur des coquillages, les vers, et les zoopbytes, ont été trop négligés ; l'intérêt et la variété de leur structure n'ont prévalu qu'auprès d'un petit nom- bre de naturalistes sur la difficulté de les recueillir et de les conserver. M. Poli cependant a publié, sur les animaux des coquilles du royaume de Naples , un magnifique ouvrage où il expose et représente leur anatomie avec beaucoup d'exactitude % et répand un jour tout nouveau sur leur physiologie. M. Guvier s'occupe de tous ces animaux nus; il en a déjà fait connoître plusieurs nouveaux, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, et a rectifié par le moyen de l'anatomie la plupart des notions que l'on avoit sur les autres ^ Gœtze ^, Werner, Fischer'', Bloch, liudolphi, ' Dans les différents volumes des Annales du Muséum d'hisî. natur. ^ Testacea utriusquc Siciliœ ; 2 vol. ffrand in-fol. ^ Dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle. * Essai d'une histoire naturelle des vers intestins des animaux ; Blankenbour{;, 1782, 1 vol. in-4'', «n allemand. ^ Vermium intestinalium brevis Expos'tio, auct. Werner; Leips. , 18. 2^6 SCIENCES PHYSIQUES. ont donné beaucoup d'étendue à la connoissance des vers intestinaux, famille si singulière par la nécessité qui la retient dans l'intérieur des ani- maux. Bru^juière avoit commencé, dans l'Encyclopé- die, une histoire générale de tous ces animaux sans vertèbres, qui ne sont pas des insectes, et que l'on confondoit sous le nom commun de vers. Son voyage et sa mort l'ont interrompue ; et maintenant que la distribution méthodique de cette partie du règne est changée on ne pourra pas continuer cet ouvrage sur le même plan. Il y a beaucoup moins d'ouvrages généraux sur le règne animal que sur la botanique, parcequ'il est très difficile qu'un seul homme étudie les espèces innombrables et les formes à-la-fois si compliquées et si diversifiées des animaux. M. Shaw est jusqu'à présent le seul qui ait entrepris d'en écrire un dé- taillé ' ; mais il est encore loin de l'avoir terminé , et la plus grande partie de ses figures est empruntée d'autres ouvrages. Il y en a au moins plusieurs ta- bleaux abrégés. Les Allemands, accoutumés depuis long -temps à enseigner l'histoire naturelle dans leurs universités, ont sur-tout le Manuel de M. Blu- 1782, I vol. in-8° ; ejiiadem Contin. I; ibid. , 1782; Contin. II h Leonh. Fischer, 1786; Contin. III, aucfore Fischer, 1788. ' General Zoology, commencée en 1800; à Londres, in-8°. ZOOLOGIE. 277 menbach \ Le premier écrit méthodique de ce [jenre qui ait paru en France est le Tableau élémen- taire de M. Cuvier^, qu'a suivi la Zoologie analy- tique de M Duméril , ouvra(^e qui présente tous les genres distribués d'après une analyse rigoureuse, et où l'auteur propose beaucoup de divisions nou- velles^. Les animaux nous offrent moins souvent des ob- jets nouveaux d'utilité que les végétaux, parceque nous avons moins de moyens de nous en rendre maîtres et de nous consacrer leur existence. Cependant cette période a fait connoître de nou- velles espèces de gibier que l'on pourroit répandre dans nos bois, comme le phascolome de la Nouvelle- Hollande, etc. ; de nouvelles pelleteries propres à alimenter le commerce ou à donner du poil pour la chapellerie, comme le couy du Paraguay, etc. En revanche les animaux offrent au philosophe, ' La huitième édition est de 1807. Il y en a une traduction Fran- çoise , par M. Artaud, faite sur la sixième e'dition ; Metz, 1 8o3 , 2 vol. in-8°. " Paris, an 6, in-8". ^ Paris, 1806, in-8°. — Au reste, pour se mettre au courant de toutes les découvertes de détail dont se sont enrichies les diverses branches de l'histoire naturelle , il faut encore parcourir les ouvrages périodiques généraux, tels que le Naturforscher, le Journal de Voigt, les Annales du Muséum d'histoire naturelle, les écrits de la Société des naturalistes de Berlin, le JVaturalist's Misccllany de Shaw, etc. Ce dernier a le défaut de reproduire beaucoup 3o6 SCIENCES PHYSIQUES. thymus et les glandes surrénales des divers ani- maux'. L'Italie, cette terre si éminemment classique pour Fanatomie, a produit encore dans cette période de grands travaux en ce genre. Les excellents ouvrages de M. Scarpa et de Gom- paretti sur les organes de l'ouïe , de l'odorat, et de la vue, ont presque complètement fait connoître les modifications variées de ces organes dans les di- verses classes. M. Mangili a démontré les nerfs dans quelques animaux où on ne les connoissoit pas. Nous avons déjà parlé de la superbe Histoire anato- mique des cétacés des mers de Naples , par M. Poli , et du grand travail de M. Moreschi sur la rate. En France M. Cuvier a fait connoître d'une ma- nière générale la structure des organes de la voix des oiseaux, et en a expliqué le mécanisme. MM. Bloch et Latham ont traité de quelques parties du même sujet en Allemagne et en Angleterre. M. Cuvier a encore développé le mécanisme des jets d'eau des cétacés, et les causes qui rendent ces animaux muets : il a donné une comparaison des cerveaux de diverses classes, et montré les rapports de leurs formes avec rintelligence et même avec quelques unes des habitudes particulières des ani- ' Mémoires cVanatomie et de physiologie humaine et comparées , en allemand; Halle, 1806, in-S". ANATOMIE COxMPARÉE. 3o^ maux. Il a décrit en détail les orjpnes de la circu- lation des mollusques et des vers à san^ rou.tje: il a cherché à prouver que les insectes n'ont aucune circulation; et, pour y parvenir, il a décrit la struc- ture de leurs viscères et celle de leurs organes sé- crétoires. Ceux-ci sont toujours de lonj^s tubes flot- tant dans le fluide nourricierdontils extraient leurs sucs propres \ M. Geoffroy a entrepris un grand travail, pour montrer l'analogie de toutes les parties du squelette dans toutes les classes d'animaux vertébrés, quelles que soient les modifications de leurs formes et de leurs connexions. On connoissoit avant lui les organes électriques de la torpille et du gymnote; mais il a décrit le pre- mier ceux du silure, poisson bien supérieur à la torpille pour la force de cette propriété. Ces or- ganes, toujours disposés par couches, paroissent avoir du rapport avec la pile galvanique. Il est pi- quant de savoir que les Arabes désignent ces ani- maux par le même mot que le tonnerre^. M. Duméril a fait connoitre le mécanisme de l'articulation du genou et du jarret des oiseaux qui ' Les Mémoires anatomiques de M. Cuvier sont épars dans le Jour nal de Physique et dans le Bulletin des Sciences; mais on en trouve le résumé dans ses Leçons d'anatomie comparée. * Les Mémoires de M. Geoffroy sont dans les Annales du Mus«'um 30. 3o8 SCIENCES PHYSIQUES. leur permet de se tenir si long-temps sur un pied ; et il a rempli de ses propres observations la partie de FAnatomie comparée de M. Cuvier dont il a été le rédacteur. M. Duvernoy en a fait autant pour la sienne, et il a publié séparément des observations sur l'existence de l'hymen dans tous les quadru- pèdes, et d'autres sur les organes de la déglutition, considérés dans toutes les classes vertébrées. Il n'existoit point avant la période actuelle d'ou- vrage général sur l'anatoniie comparée. Tous les écrits qui portoient ce titre, comme ceux de Seve- rinus , deBlasius , de Valentin , deCollins , deMon ro , et celui que Vicq-d'Azyr a voit commencé pour TEn- cyclopédie méthodique, n'étoient que des recueils de descriptions particulières. Les Leçons de M. Cu- vier, publiées par MM. Duméril et Duvernoy ', en font aujourd'hui un où chaque organe est considéré successivement dans toute la série des animaux. Il a fallu pour cela entreprendre un nombre consi- dérable d'observations et de dissections nouvelles ; mais la richesse des résultats, soit pour la connois- sance des animaux, soit pour la théorie générale de leurs fonctions, dédommage amplement de ce travail. M. Blumenbach pubîioit en même temps en Al- ' Paris, ans 8 et i^^ 5 vol. ïu-S". AINATOMIE COMPAKlilt:. ^09 îemagne un traité moins étendu \ mais qui aura le même genre d'utilité, c'est-à-dire qu'il servira de base à l'enseig^nement , et de point de départ pour des recherches ultérieures , en même temps qu'il fournira d'abondants matériaux à la physiolojj;ie , qui jusqu'à ces derniers temps faisoit de l'anatomie comparée un usage un peu arbitraire , en n'em- ployant presque jamais que des faits isolés. Peut-être en abuse-t-on un peu aujourd'hui dans un autre sens, en rapprochant d'une manière té- méraire et sur des rapports examinés superficielle- ment les classes et les organes les plus éloignés. C'est un reproche que l'on peut faire à quelques physiologistes allemands : mais cette manière de voir les engage toujours à faire des observations ; et les faits qu'ils auront découverts resteront, quand leurs idées systématiques seront passées. M. Girard, professeur à AUort", a publié pour les écoles vétérinaires un Traité particuher d'anatomie des animaux domestiques, très utile pour ceux qui se livrent à ce genre de médecine. Outre son emploi physiologique, l'anatomie com- parée en prend un très grand pour la sinqjle dis- tinction des êtres. En effet cette comparaison des ' Manuel d'anatomie comparée^ en allemand; Goltingen, ioo5, in-8°. ' Anatomie des animaux domestiques; Paris, 1807, 2 vol. in-8°. 3lO SCIENCES PHYSIQUES. orofanes a donné pour cbaciin d eux et pour toutes leurs parties des caractères tels qu'une seule de ces parties peut faire reconnoître la classe, le ^enre, et souvent l'espèce de l'animal dont elle vient. Cela devoit nécessairement être ainsi : car tous les orga- nes d'un même animal forment un système unique dont toutes les parties se tiennent, agissent, et ré- agissent les unes sur les autres ; et il ne peut y avoir deniodifications dans l'une d'elles qui n'en amènent d'analogues dans toutes. C'est sur ce principe qu est fondée la méthode imaginée par M. Cuvier, pour reconnoître un ani- mal par un seul os, par une seule facette d'os ; mé- thode qui lui a donné de si curieux résultats sur les animaux fossiles. Ainsi l'anatomie éclaire jusqu'à la théorie de la terre; ainsi toutes les sciences naturelles n'en for- ment qu'une seule , dont les différentes branches ont des connexions plus ou moins directes, et se- ciaircissent mutuellement. FIN DE LA SECONDE PARTIE. TROISIÈME PARTIE. SCIENCES D'APPLICATION. Elles se réunissent toutes dans les deux arts ou sciences pratiques de l'agriculture et de la méde- cine, qui ne sont que des applications générales des connoissances physiques aux plus pressants be- soins deFliomme, et dont l'une nous apprend à propager et à entretenir les êtres dont nous nous servons , tandis que l'autre nous fait connoître les maladies auxquelles ils sont sujets, ainsi que nous, et les moyens de les prévenir et de les guérir. Les êtres organisés sont donc le principal objet de la médecine et de l'agriculture ; mais toutes les substances naturelles peuvent devenir leurs agents : la physiologie animale et végétale est leur princi- pale doctrine auxiliaire; mais il ne leur est permis de négliger aucune des doctrines qui fournissent à celle-là les données dont elle part. Médecine. La médecine sur-tout s'est fait dans tous les temps honneur de l'appui que lui prêtent les 3l2 SCIENCES PHYSIQUES. sciences naturelles ; et les hommes précieux qui l'exercent se sont toujours livrés avec ardeur à l'é- tude de ces sciences : il faut même reconnoître que c'est à eux qu'elles doivent sans comparaison le plus ^rand nombre de leurs accroissements. Peut- être n'aurions-nous encore ni chimie, ni botanique, ni anatomie, si les médecins ne les avoient culti- vées, s'ils ne les avoient enseignées dans leurs écoles, et si les souverains ne les avoient encouragées, à cause de leurs rapports avec l'art de guérir. Aujour- d'hui même que ces sciences, sorties du cercle de la Faculté , et introduites dans la philosophie géné- rale et dans l'éducation commune, exigent, à cause de leur immensité, des hommes qui s'y livrent presque entièrement, leur influence sur la méde- cine reste encore plus sensible que sur toutes les autres professions; et tout ce que nous avons dit de leurs progrès pourroit presque être compté au nombre des siens. Cependant, pour éviter les répétitions, nous ne considérerons plus les parties de l'étude médicale que nous avons déjà envisagées dans des rapports plus généraux , et nous nous bornerons ici à tracer les progrès particuliers de la connoissance des ma- ladies et de l'art de les prévenir ou d'y remédier. L'économie organique est tellement réglée, toutes les fonctions <|ui concourent à la maintenir ont MÉDECINE. 3l3 entre elles des rapports si étroits que les maladies mêmes sont assujetties à une marche fixe, et que chacune d'elles a ses symptômes, ses périodes , et sa durée, sur lesquels l'homme habile se méprend rarement. Mais si la physiologie , qui considère l'être vivant dans son état réf^ulier et ordinaire , est encore si loin d'être devenue une science entièrement ration- nelle , combien la pathologie , ou l'étude de ces irré- gularités qui, toutes constantes qu'elles sont dans leur marche , n'en troublent pas moins l'ordre com- mun des fonctions, sera-t-elle plus éloignée encore de cet idéal de perfection ! Nous voilà donc revenus à cette obligation d'ob- server, de réduire nos observations en histoires comparables, et d'en tirer quelques régies d'analo- gie qui puissent nous faire prévoir les phénomènes d'après ceux qui ont eu lieu dans des cas sem- blables. S'il étoit possible d'élever ces analogies à un de- gré de généralité tel qu'il en résultât un principe applicable à tous les cas , on auroit ce que l'on en- tend par les mots de lliéorie médicale; mais, quel- ques efforts qu'aient faits depuis tant de siècles les hommes de génie qui ont exercé la médecine, au- cune des doctrines qu'ils ont proposées sous ce titre napu encore obtenir un assentiment durable. Les 3l4 SCIENCES PHYSIQUES. jeunes gens les adoptent chaque fois avec enthou- siasme, parcequ'elles semblent abréger l'étude, et donner le fil d'un labyrinthe presque inextricable; mais la plus courte expérience ne tarde point à les désabuser. Les conceptions des Stahl , des Hoffman , des Boerhaave , des Cullen , des Brown , seront toujours considérées comme des tentatives d'esprits supé- rieurs; elles feront honneur à la mémoire de leurs auteurs , en donnant une haute idée de l'étendue des matières que leur génie pouvoit embrasser; mais ce seroit en vain que l'on croiroit y trouver des guides assurés dans Texercice de l'art, La théorie médicale de Brown avoit des titres marqués au genre de succès dont nous avons parlé, par son extrême sim[)licité et par quelques chan- gements heureux qu'elle a introduits dans la pra- tique. La vie représentée comme une sorte de com- bat entre le corps vivant et les agents extérieurs; la force vitale considérée comme une quantité dé- terminée dont la consommation, lente ou rapide, retarde ou accélère le terme de la vie , mais qui peut l'anéantir par sa surabondance aussi bien que par son épuisement ; l'attention restreinte à l'intensité de l'action vitale, et détournée des modifications qu'on est tenté de lui supposer; la distribution des maladies et des médicaments en deux classes oppo- MÉDECINE. 3l5 sées selon que lactioii vitale se trouve excitée ou ra- lentie ; toutes ces idées sembloient réduire l'art mé- dical à un petit nombre de formules : aussi cette doctrine a-t-elle joui pendant quelque temps en Allemagne et en Italie d'une faveur qui alloit jus- qu'à la passion ; mais il paroît qu'aujourd'hui ce qu'elle a d'ingénieux ne fait plus méconnoître l'in- justice de l'exclusion qu elle donne pour ainsi dire à l'état des organes et à la grande variété des causes extérieures qui peuvent influer sur les altérations des fonctions. Il en a étéà-peu-près de même des modifications que quelques médecins, tels que MM. Roschlaub, Joseph Franck, etc. , ont essayé de lui faire subir, et qui ont donné lieu à autant de systèmes divers , que l'on a compris sous le titre général de théorie de t incitation ' . Quant aux essais plus nouveaux tentés en Alle- magne par les sectateurs de ce qu'on appelle en ce pays-là pliUosophie de la nature, on peut déjà en prendre une idée par ce que nous avons dit de leur physiologie. Ils se placenta un point de vue si élevé que les détails leur échappent nécessairement ; et ■ Voyez le Magasin de l'art de guérir, par Roschlaub; le Dix-hui- tième Siècle, ou Histoire des de'couvertes, the'ories, et systèmes, par M. Heoker, avec un extrait de son Journal, ainsi qu'un ouvrage plus moderne du même auteur sur l'histoire des théories et des systèmes depuis ilippocrale. 3l6 SCIEINCES PHYSIQUES. la pratique de la médecine n'offre que des détails et des exceptions : aussi ne paroissent-ils avoir ob- tenu qu'une influence momentanée sur l'exercice de Fart'. Au reste on peut remarquer ici qu'il y a dans ' l'histoire des théories médicales , comme dans celle de la physiologie, une sorte d'oscillation remar- quable et tout-à-fait correspondante à celle de la philosophie générale à chaque époque. Les idées chimiques, les idées mécaniques, s'étoient succé- dé et combattues dans le dix-septième siècle ; on en étoit revenu pendant le dix-huitième au pouvoir de l'anie raisonnable sur les mouvements involon- taires, au principe vital, à l'excitabilité, ou à telle autre qualité plus ou moins occulte; et à mesure que la métaphysique se reporte vers les abstractions et la mysticité, l'on voit la médecine chercher à la sui- vre dans ces régions élevées. C'est ainsi que les progrès rapides de la chimie moderne avoient encouragé il y a quelques années plusieurs médecins à envisager ou expliquer les maladies d'après le genre d'altération dans la com- position des organes qu'ils supposoient produire ' Voyez, sur la médecine des sectateurs de la philosophie de la nature, la Philosophie de la me'decine , par Wagner; l'Essai d'un système de médecine, par Kilian; Idées pour servir de base à la no- sologie et à la thérapie, par Troxler; et les ouvrages déjà cités à l'ar- ticle de la Physlolofjie : ils sont tous en allemand. MÉDECINE. 817 chacune d'elles, et d'où il leur scmbloit facile de conclure les moyens propres à les guérir. M. Beddoes, M. Darwin, en Angleterre ; M. Reil, M. Girtanner, et plus rcceniment quehjues autres médecins en Allemagne; et M. Baume en France, ont présenté les plus remarquables de ces essais : mais, quelque vraisemblance que puisse avoir le principe en général , et quelque esprit que ces au- teurs aient mis dans son emploi , nous avons trop vu ci-devant combien la chimie des corps organisés est encore peu avancée pour que nous puissions en espérer une application détaillée. Ainsi , de quelque côté qu'on ait envisagé les ana- logies qui résultent de l'observation médicale sur les altérations de l'économie organique , on ne leur a pu adapter ce lien commun ; les observations sont restées fragmentaires ; et la distribution régulière des altérations , d'après certains caractères appa- rents, est le seul but que nous puissions jusqu'à présent espérer d'atteindre dans cette partie de la science médicale comme dans toutes les sciences naturelles dont les objets sont un peu compliqués. Il en résulte ce qu'on appelle nosologie, c'est-à- dire un catalogue méthodique des maladies, tout- à-fait comparable aux systèmes des naturalistes, quoique d'une application infiniment plus diffi- cile , parceque les caractères des naturalistes res- 3l8 SCIENCES PHYSIQUES. tent toujours les mêmes , tandis que chaque mala- die est en quelque sorte un tableau mouvant, et se compose d'une suite souvent fort disparate de métamorphoses. Cependant l'ordonnance de ce ca- talogue, sa nomenclature, ses caractères distinc- tifs, ses descriptions, sont susceptibles d'amélio- rations journalières ; et Ton a malheureusement occasion d y ajouter quelquefois des maladies nou- velles. L'exemple des naturalistes et les perfectionne- ments introduits dans leurs méthodes distributives ont beaucoup influé sur cette partie de la science médicale. Sauva(]es et Linnœus essayèrent il y a environ cinquante ans d'y porter une partie de la précision et de la netteté qui venoient d'être intro- duites en botanique ; mais on sent que les mala- dies n'étoient pas si aisées à diviser ni à caractériser que les plantes. Le défaut le plus important , et ce- pendant le plus difficile à éviter, c'étoit la variation du principe de distribution. On fa pris tantôt dans les symptômes , tantôt dans les causes , tantôt dans les sièges des désordres. Mais les sièges ne sont pas toujours faciles à découvrir : les causes se compli- quent d ailleurs à l'infini et ne sont pas dans nn rapport direct avec les symptômes ; on perd sou- vent de vue la première de toutes, et plus souvent encore on les conclut d'après une pathologie hy- MÉDECINE. 319 pothétique : aussi ne voit-on que trop les distribu- tions nosologiques varier avec chaque système mé- dical. Les symptômes eux-mêmes sont exposés aux variations les plus bizarres; et Ton ne peut en un mot suppléer à ce défaut de principes rigoureux de distribution que par des descriptions bien com- plètes. C'est la voie qu'ont tentée les plus grands méde- cins de tous les siècles, ceux que Ton regarde en- core comme les guides les plus sûrs dans l'exercice de l'art ; et tout récemment M. Pinei a cherché à la suivre fidèlement dans sa Nosographie philoso- phique \ ouvrage dont les divers articles sont re- gardés comme autant de tableaux , affligeants sans doute, mais parfaitement ressemblants, des maux qui nous assiègent. Cependant Fauteur n'a point négligé la partie distributive; mais il en a cherché les bases dans ce que l'on a de plus certain. Ses classes sont fondées sur les modes de lésion , ses ordres sur les sièges ; et les considérations qui ont servi de fondement à cette dernière distribution ont précédé et préparé celles qui ont guidé Bicliat dans ses recherches anatomiques sur les mem- branes. Indépendamment des ouvrages généraux de pa- ' Noso^jraplîie philosophique, ou Méthode de l'analyse applique'e à la médecine : la troisième édition, en 3 vol. in-8", est de 1807. 320 SCIENCES PHYSIQUES. tholop,ie et de nosologie les médecins ont fait des travaux particuliers sur certaines classes ou, comme on pourroit s'exprimer, à Fexempie des natura- listes, sur certaines familles de maladies, soit qu'ils aient choisi pour cela les maux les plus communs, soit que des circonstances malheureuses leur aient donné sujet d'en observer de plus rares ^ Ainsi l'expédition d'Egypte a fourni quelques occasions de mieux connoître la nature de la peste et d'observer plus fréquemment la lèpre, et quel- ques autres de ces maladies endémiques dans l'O- rient, dont la police bien entendue de nos lazarets a depuis si long-temps préservé la chrétienté^. Jamais on n'a mieux senti l'importance de cette police que lorsqu'une maladie désastreuse, concen- trée dans quelques parties de la zone torride, après avoir dévasté les États-Unis , est venue désoler divers cantons de lEspagne et, pendant quelque temps, menacer toute l'Europe. Le gouvernement a envoyé en Espagne des mé- ' On trouvera l'enumération Jes innombrables observations de maladies particulières dans la Bihliotheca medicinœ praticœ realis de M. Ploucquet, et dans les journaux. Il nous ëioit impossible d'entrer dans ce détail. ' Voyez la Relation chirurgicale de l'expédition d'Egypte et de Syrie, par M. Larrey; Paris, i8o3, i vol. in-8°; et l'Histoire médicale de l'armée d'Orient, par M. Desgenettes; ibid. , an lo. Consultez aussi les ouvrages de MM. Pugnel et Pouqueville. MÉDECINE. 32 1 decins chargés de recueillir sur ia fièvre jaune tous les renseignements propres à en faire connoître la nature et le traitement, ainsi qu'à indiquer les pré- cautions nécessaires pour s'en préserver. Les méde- cins espagnols et ceux de Gibraltar leur ont com- muniqué, avec le zélé le plus louable, toutes leurs observations qui, rapprochées de celles des méde- cins de Livourne, des Etats-Unis, et de Saint-Do- mingue, donneront un corps de doctrine aussi complet qu il est possible de l'attendre. On ne peut fju'en désirer la prompte publication \ En général les Anglois et les Américains ont par- ticulièrement travaillé sur les maladies des pays chauds. John Hunter, Gilbert, Blane, Ghalmer, et sur-tout Jackson Rush, doivent être cités avec éloge. Le radsygin des Norvégiens , le pokolwar de Hongrie, le pelagra des Milanois, ont donné lieu à de nouvelles recherches; le crétinisme, le pem- phigus , ont été examinés avec plus d'attention ^ La fameuse plique polonoise a été étudiée, pen- dant les campagnes de l'armée francoise, par des .' Voyez, sur la fièvre jaune, les ouvrages de M. Devèze; Paris, an 12; de M. Valentin; ibid., i8o3; de M. Berthe; Montpellier, i8o4; et l'Histoire médicale de l'armée de Saint-Domiugue en l'an 10, par M. Gilbert; Paris, an 11. - M. Finke a cherché à réunir dans sa Géographie médicale , pu- bliée en 1792, ce qui se trouve épars dans les ^ivers voyageurs sm les maladies endémiques. DUFFOS. COMPI.F.M. T. I. 2» 322 SCIENCES PHYSIQUES. médecins exempts des préjugés accrédités depuis lon^i^-temps dans le pays. Ilparoît constant aujour- d'hui que Ton peut, sans dan^^er, couper les che- veux mêlés; qu'il n'en découle ni sanj^ ni autre humeur : quelques uns même vont jusqu'à soute- nir que la plique n'est pas une maladie réelle, et que la malpropreté seule feutre ou colle les che- veux ' . Quelques maladies communes parmi nous ont aussi donné heu à des ouvrajjes particuliers qui en ont plus ou moins perfectionné la connoissance. Tels sont ceux de M. Portai sur le rachitis et la phthisie, qui ont été répandus par ordre du gou- vernement et traduits dans plusieurs langues ; le Tableau des névralgies, par M. Chaussier, qui a remis de l'ordre dans une famille de maux mal distinguée. Une grande partie des thèses soutenues dans l'Ecole de médecine sont d'excellentes mono- graphies de certaines maladies, et donnent une haute idée des études qui préparent les jeunes gens à débuter d'une manière aussi brillante; quelques unes, développées par leurs auteurs, sont devenues des ouvrages importants \ ' Mémoires présentés à l'Institut par MM. Roussille-Chaniserii et Larrey. Voyez aussi ceux de M. de Lafontaine, pour l'opinion con- traire. ^ Tel est sur-tout le Traité des fièvres ataxiques, par M. iiliberî. MÉDECIINE. 323 M. Alibert a essayé avec succès, à l'exemple de TAnglois Wiilaii et de quelques Allemands, d'ap- pliquer aux maladies de la peau ce même luxe d'images que l'on a introduit dans la botanique et dans la zoologie'. M. Halle avoit proposé depuis long- temps cet emploi des arts, et les écoles de médecine s'en étoient servies en particulier pour la vaccine. Cette sorte de description, qui parle aux yeux , surpasse en effet en vivacité les paroles les plus expressives pour tout ce qui a rapport aux couleurs et aux figures; mais comme aucune per- sonne n'est précisément malade comme une autre, on ne peut donner de nos infirmités que des por- traits individuels, tandis que dans les êtres régu- liers Findividu représente l'espèce. C'est malheureusement, comme nous l'avons déjà dit, une difficulté générale de toute la noso- logie; mais c'est aussi ce qui rend si nécessaires et si glorieux les travaux des hommes qui s'attachent On a encore remarqué, parmi les thèses médicales, celles de M. Pal- lois, sur l'hygiène navale; de M. Rayle, sur les pustules malignes; de M. Blattin, sur le catarrhe utérin ; de M. Sclmilgué, sur le croup; de M. Royer-Gollard, sur l'aménorrhée; de M. Duvernoy, sur l'hystérie ; de M. Tartra , sur les empoisonnements par l'acide nitrique ; de M. Rouard, sur ceux du vert-de-gris, etc. Plus de détails nous mène- roient trop loin; et il nous a été impossible seulement de connoître les bonnes thèses étrangères. ' Description des maladies de la peau; Paris, in-fol. Cet ouvrage a été comniencé en 1806. 5 I. 3^4 SCIEÎSCES PHYSIQUES. ainsi, à l'exemple du père de la médecine, à dé- crire scrupuleusement les maladies, à les caracté- riser avec exactitude, et à donner plus d'étendue et de solidité à cette science, premier fondement de l'art de guérir, comme les systèmes de nomen- clature sont les premières bases de Thistoire natu- relle. Néanmoins comme l'histoire naturelle a encore sa partie rationnelle où elle calcule l'influence des formes et de l'organisation des êtres sur les phéno- mènes qu'ils présentent, on doit chercher aussi à ajouter à la simple description de chaque maladie des recherches sur son siège , sur les altérations primitives qui l'ont occasionée, et sur la nature intime des désordres qui l'accompagnent et qui la suivent. Cette partie rationnelle de la pathologie , ou cette physique des maladies, communément appelée étiologie, beaucoup moins avancée que leur descrip- tion, est aussi beaucoup plus diflicile, parceque l'examen anatomique des cadavres et la comparaison chimique de leurs liquides et de leurs solides, qui forment ses deux principaux éléments, ne peuvent avoir lieu qu'à une époque où tout est consommé, et qu'elle participe d'ailleurs de toutes les difticultés de la physiologie ordinaire. Nous avons déjà parlé, dans l'histoire de la chi- MÉDECINE. 325 mie, des connoissances acquises dans ces derniers temps sur les altérations chimiques de l'urine, du sang, de la substance des os, et sur la nature des concrétions calculeuses, biliaires, goutteuses. Ce sont là autant de vrais progrès pour cette partie de la médecine. L'examen des cadavres, ou ce qu'on appelle ana- tomie pathologique , n'a pas été moins fécond. Déjà , avant l'époque dont nous parlons, cette partie de la science médicale possédoit beaucoup de maté- riaux recueillis par Baillie, par Voigtel. Les cabi- nets de Hunter à Londres, de MM. Sandifort et Brugmans à Leyde, Bonn à Amsterdam, Walther à Berlin, Meckel à Halle, ceux de Vienne, dePavie, de Florence , avoient offert d'importants objets d'étude : mais nos François semblent s'y être parti- culièrement livrés dans ces derniers temps. M. Portai , qui enseigne publiquement cette partie de la médecine au Collège de France depuis plusieurs années, a donné, dans un grand traité sur ce sujet , les résultats de sa longue expérience ' . L'École de médecine a fortement excité l'ardeur des jeunes gens à cet égard; et plusieurs centaines d'ou- vertures qui ont été faites dans ses laboratoires promettent un grand ensemble d observations sur la fréquence de chaque genre de lésions organiques, ' Cours d'Anatomie médicale; Paris, iSo/f, 5 vol. in-8*. 320 SCIENCES PHYSIQUES. sur leur nature, leurs nuances, et leurs rapports avec les symptômes observés pendant les maladies auxquelles elles correspondoient '. Parmi tous ces travaux d anatomie pathologique, se distinguent éminemment ceux de M. Gorvisart sur les maladies organiques du cœur, dont le pré- cieux recueil vient d'être rendu public par M. Ho- reau^. Il en résulte qu'elles sont beaucoup plus communes qu'on ne le croyoit jusqu'ici, et que c'est à elles qu'une foule de maladies que l'on regardoit comme primitives , telles que beaucoup d'hydro- pisies de poitrine et autres, doivent leur origine. Cette connoissance intime de la nature de nos maux seroit l'indication la plus sûre de la possibilité et des moyens d'y remédier : aussi a-t-elle fourni , dans ces derniers temps, plusieurs vues que le succès a justifiées. Ainsi laltération presque végé- tale de l'urine dans le diabètes a indiqué son traite- ment par l'usage exclusif des matières animales joint à l'emploi des alcalis et de l'opium ; l'analyse ' MM. Dupuytren, Bayle, Laennec, etc. , se sont sur-tout occupés de ce genre de recherches, auquel Birhat avoit aussi donné une {Grande impulsion. Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur; Paris. 1806, I vol. in-8°. Depuis M. Corvisart a encore puhlié un ouvrage vraiment classique; sa traduction et son commentaire de la Méthode d'Avenbrugger pour connoître les maladies internes de la poitrine parla percussion; Paris, 1808, i vol. in-S". MÉDECINE. 327 des divers calculs a donné l'espoir de parvenir à en dissoudre quelques uns par des injections appro- priées : les notions acquises sur la fréquence des maladies organiques et sur leurs symptômes exté- rieurs ont au moins l'avantage de montrer dans quels cas il est inutile de tourmenter le malade par des remèdes impuissants. Cette connoissance physique des maladies est cependant encore tellement imparfaite que nous serions bien malheureux si la partie de la médecine qui s'occupe de guérir n'avoit pas d'autre base : heu- reusement il existe une suite d'observations régu- lières, une tradition transmise par les siècles, qui prescrit les méthodes et fournit les remèdes, et qui, en sa qualité de corps de doctrine expérimentale, est susceptible de perfectionnements journaliers, indépendants d'une étiologie encore absolument nulle dans un si grand nombre de cas. Parmi ces perfectionnements dictés par la simple expérience, et fondés sur des essais répétés à finfini, nous devons placer sur-tout ces méthodes plus générale- ment excitantes, plus actives, qui se sont intro- duites dans la pratique, et fabandon de ces traite- ments affoiblissants, de ces purgations continuelles, qui seml)loient si bien faire l'essence de la médecine (|u'c]les s'en étoient approprié le nom ; nous devons y placer aussi l'emploi plus fréquent de (luelques 328 SCIENCES PHYSIQUES. remèdes actifs que la mollesse des mœurs a voit trop ionj^^-temps fait négliger. Les améliorations du traitement des aliénés tien- nent à des études d'un ordre plus élevé, à Tobser- vation suivie de leur état moral et des aberrations de leurs idées , dont on a d'abord été redevable aux Anglois et aux Allemands, mais qui s'est introduite en France avec beaucoup de succès, et dont M. Fi- ne!' et d autres médecins ont obtenu d'admirables résultats, en faisant venir la psycliologie la plus délicate au secours de Fart de guérir. On a imaginé et ion commence à employer fréquemment un beureux moyen de constater les résultats généraux des divers essais, et d'assigner la véritable valeur des probabilités sur lesquelles reposent presque uniquement la plupart de nos métbodes, en soumettant en ([uelque sorte au calcul FexjDérience médicale: ce sont les tables comparées qui présentent d'un seul coup d'œil le tableau de toute une épidémie, ou des longs résultats de la pratique d'un bôpital. M. Pinel en a donné un exemple intéressant sur les aliénations mentales, et le plus ou moins de probabilité qu'il y a d'en guérir cbaque espèce^. ' Traité médico-philosophique sur raUénation mentale ou la ma- nie; Paris, an 9,in-8°. ' Mémoires de l'Institut, 1807, premier semestre, p. 169. MÉDECINE. 329 Mais de toutes les applications que Ton a pu faire de ces tables , il n'y en aura peut-être jamais d'aussi satisfaisantes, d'aussi admirables même, que celles qui concernent la vertu prcservative de la vaccine, et leur comparaison avec celles qui retracent les rava{]^es delà petite-vérole '. Aussi, quand la décou- verte de la vaccine seroit la seule que la médecine eût obtenue dans la période actuelle, elle suffiroit pour illustrer à jamais notre temps dans f histoire des sciences , comme pour immortaliser le nom de .Tenner, en lui assignant une place éminènte parmi les principaux bienfaiteurs de Ihumanité. Il n'est pas nécessaire que nous rapportions en détail les expériences qui ont été faites pour con- stater l'efficacité de la vaccine. Depuis 1798 que M. Jenner publia les siennes, il en a été fait dans tous les états éclairés; tous les gouvernements les ont ordonnées et surveillées; tous les hommes bien- x faisants y ont pris part. En France, sur-tout, une souscription volontaire, proposée par M. de Lian- court, ayant contribué aux premiers frais, un comité d'hommes instruits; nommés par les sou- scripteurs a soumis ce merveilleux préservatif aux épreuves les mieux raisonnées; il a entretenu con- stamment un foyer de matière vaccine, d'où il en a ' Voyez Analyse et Tableaux de l'influence de la petite-vérole sur la rnoitalite-, etc., par M. Duvillard; Paris, tHof), 111-4"- 33o SCIENCES PHYSIQUES, répandu clans toute l'Europe. En un mot il n'y a point, clans la nature, de phénomène à-la-fois aussi surprenant et aussi certain que celui-là; et Ion ne sait plus de quoi Ton pourroit désespérer mainte- nant, quand on son^e cjue cjuelques atomes de ma- tière purulente , recueillis sur des vaches du Devon- shire, sont devenus un véritable talisman cjui fera J)ientôt disparoître Tun des plus cruels fléaux qui aient jamais accablé Fhumanité '. L'action des acides minéraux, et principalement de Facicle muriatique oxygéné, pour détruire les miasmes contagieux, est encore une des décou- vertes modernes les plus utiles et les mieux certifiées pir des expériences nombreuses et rigoureuses. Les Etats-Unis, FEspagne, nos hôpitaux, nos pri- sons, on eu mille occasions, de s'en féliciter; et la voix publir^ue a applaudi à Fhonorable récompense décernée par le gouvernement à M. Guy ton de Morveau, principal auteur de ce nouveau bienfoit de la science ^. Les trois régnes de la nature ont encore fourni ''" Consultez le Rapport du comité central de vaccine; Paris, i8o3, « vol. in-8°; le Rapport fait à l'Institut par M. Halle, et les Recher- ches historiques médicales sur la vaccine, par M. Husson ; Paris, i8o3, in-8", troisième édition. ' Traité des moyens de désinfecter l'air, etc. La troisième édition est de i8o5, i vol. in-8° ; mais la dérouverte date n( nient sont nécessairement les mêmes, y ont été réunies; la clinique sur-tout, cette instruction si importante qui se donne au lit des malades, et qui n'existoit point auparavant en France par auto- rité publique , y a été établie et organisée sur le meilleur pied ; les élèves qui montrent le plus de dispositions sont exercés sous les yeux des maîtres , et les secondent dans leurs recbercbes pour les progrès de Fart; en un mot on peut dire, sans hé- siter, que de toutes les parties de Tinstruction pu- blique, c'est peut-être à celle-ci qu'il y a le moins à désirer: elle deviendra parfaite, si l'on arrive à rendre les réceptions des médecins, et sur-tout celles des chirurgiens, un peu moins faciles; et le moyen en est bien simple , car il suffit pour cela de ne pas faire dépendre la fortune des examinateurs de leur indulgence. Les ouvrages élémentaires publiés par quelques uns des professeurs ne sont pas au moindre rang des moyens d'instruction : la nature de ce rapport ne nous permet que de rappeler en peu de mots ceux où MM. Sabatier et Lassus ont consigné les résul- tats de leur longue et heureuse expérience dans la médecine opératoire; celui que M. Richerand a in- titulé Nosographie chirurgicale' ^ où il se montre un digne élève de Tun des plus grands maîtres que son ' Paris, i8()5, 2 vol. in-8". MÉDECINE. 341 art ait possédés, Desault, qui a été enlevé encore dans sa force au commencement de notre période, mais dont la nombreuse école perpétue la j^loire; le jpand Traité de M. Baudelocque sur les accouche- ments, qui a été traduit dans toutes les langues, etc. Nous regrettons beaucoup de n'avoir pas de notions suffisantes des ouvrages du même genre publiés par les étrangers, afin de leur rendre la même justice. En Allemagne sur -tout , où l'usage des livres élé- mentaires est plus commun que chez nous, il n'est presque aucune université dont les professeurs n'en aient publié d'excellents. S'il étoit de notre sujet de montrer à quel j)oint les lumières des sciences, en se répandant, peuvent éclairer et diriger utilement l'administration , c'est ici sur-tout que nous aurions un beau champ. La précision donnée aux jugements de la médecine légale \ les précautions indiquées par la médecine à la police pour prévenir les épidémies et pour ar- rêter les contagions , les secours préparés pour les ' Les Allemands se sont occupés avec beaucoup de zèle de la mé- decine légale ; plusieurs ouvrages de MM Ludwig , Metzger, Pyl , Scherf, et autres, en font foi. Mais la police médicale est sur-tout devenue un objet d'étude particulière , depuis que M. Frank l'a traitée dans un grand ouvrage. MM. Fodéré et Maîion ont ajouté aux con- noissances sur cette matière en France. Le Manuel de M. Sclimidi- uiuljer, cjui est le plus moderne, indique les livres auxquels on peut avoir recours pour chaque objet en particulier. J'""^ 342 SCIENCES PHYSIQUES. noyés et pour les asphyxiés, la surveillance exer- cée sur la nourriture du peuple, le perfectionne- ment des hôpitaux de tous les genres , présente- roient un tableau consolant pour l'humanité. Il seroit beau de montrer les gouvernements euro- péens s occupant à l'envi d'appliquer au bien-être de leurs peuples les découvertes des savants ; mais ce n'est point à nous à tracer ce tableau , et les découvertes elles-mêmes ou leur développement scientifique doivent seuls nous occuper. Nous ne nous étendrons pas même sur l'hygiène privée, et sur Tinfluence heureuse que les lumières générales de la physique et de la médecine ont exercée pour rendre plus salubres le genre de vie, le vêtement, le logement , les aliments des citoyens de toutes les classes et de tous les âges ; quiconque comparera avec un peu de soin et d'impartialité notre vie pri- vée à celle que nous menions il y a trente ans n'en ])Ourra méconnoître les avantages : mais ces effets lieureux des sciences, dont l'action lente n'est pas toujours sentie par ceux mêmes qui en profitent le plus, ne sont pas de nature à être exposés en détail dans un ouvrage tel que celui-ci. Qu'il nous soit seulement permis de rappeler Fimmense et impor- tant travail de M. Tenon sur les hôpitaux, et les améliorations que les vues de ce chirurgien philan- thropeont produites dans ces retraites du malheur; MÉDECUNK. 343 FHygièiie de M. Halle, rin^énieuse Macrobiotkiue de M. Hufeland , et le grand Code de la santé et de ia longévité du chevalier John Sinclair ', ouvrages où toutes les connoissances de la médecine sont employées [)our enseigner aux hommes les moyens de se passer des médecins. La science nous prend en quelque sorte au berceau pour nous prémunir contre tous les dangers qui nous attendent ; et les leçons données aux mères par M. Desessarts% par M. Alphonse Leroy ^, épargneront à beaucoup d'hommes une vie débile qu'une éducation impru- dente auroit pu leur préparer. La médecine v^étérinaire est encore une branche de Fart de guérir dont lobjet est moins noble sans doute que celui delà médecine humaine, mais dont les principes sont les mêmes , et qui ne diffère dans son apphcation qu'à cause des différences de struc- ture et de régime des animaux et de ia plus grande simplicité de leur genre de vie. Elle vient de tirer un grand parti de cette analo- gie en imaginant d'inoculer le claveau aux mou- tons. Cette idée, fondée sur la ressemblance du claveau et de la petite-vérole, paroît avoir parfai- ' Édiuiboury, iboj, 4 vol. in-8", en anglois. ' Traité de réducation corporelle des enfants, première édition , 1759; deuxième édition , 1798. * Médecine maternelle; Paris, tBo3, 1 vol. in-S". 344 SCIENCES PHYSIQUES. tenient réussi ; et les nombreuses expériences de M. Huzard ont constaté que c'est un préservatif sûr et à-peu-près sans danger. On a essayé la vaccine dans la même vue, mais sans avoir encore rien ob- tenu de décisif. Il n'est pas jusqu'aux végétaux qui n'aient leurs maladies, et leur médecine susceptible d'études et de vues tout-à-fait analogues à celles qui dirigent la médecine des êtres animés. Les recherches de M. Tessier sur les maladies des blés , celles des botanistes qui ont constaté que la plupart de ces maladies sont dues à des champi- gnons parasites, la certitude obtenue par des ex- périences répétées à l'infini, que la plus funeste , la carie du froment, a son remède infaillible dans l'o- pération du chaulage, sont autant de résultats dus aux savants qui honorent notre période. Agricuilure, La deuxième de ces sciences pratiques qui se rat- tachent plus particulièrement aux sciences natu- relles c'est l'agriculture. Gomme la médecine, elle s'occupe des êtres vivants : mais elle les considère principalement dans l'état de santé; et son objet est sur-tout de multiplier autant qu'il est possible ceux d'entre eux qui nous sont utiles, ou, en d'au- AGRICULTURE. 345 très termes, d'employer la force de la vie pour ras- sembler et, retenir le plus possible d éléments dans ces combinaisons que la vie seule peut produire, et (jui sont nécessaires à notre nourriture, à nos vê- tements ou aux autres besoins de notre société. En sa qualité de la plus indispensable et de la plus vaste de toutes les fabriques , elle peut être considé- rée sous un double point de vue, celui de la poli- tique et celui de la doctrine; et cette dernière elle- même est susceptible d'un double aspect : celui de l'étendue qu'elle a acquise , ou de l'ensemble des vérités qui en général ont été reconnues , et celui du plus ou moins d'extension que ces vérités ont obtenue parmi les cidtivateurs. Sous le rapport de la politique, l'bistoire de l'agriculture devroit ex- poser quel étoit son état avant la révolution , quelle influence ont eue sur elle l'abolition des droits féo- daux, la division des grandes propriétés , la guerre continentale et maritime, et les variations dans le système des contributions et dans celui des douanes; dans quelles provinces il s'est introduit des procé- dés plus avantageux , quelles causes y ont contri- bué; s'il se produit aujourd'bui plus ou moins de cbaque denrée qu'autrefois, et si on l'emploie avec plus d'avantage aux besoins du peuple et de l'éfat. Mais tous ces objets, qui ne dépendent (|ue des cir- constances politi({ues ou morales, regardent lad- 346 SCIENCES PHYSIQUES. iiiinistratiori,et non pas l'Institut; et quoique notie compagnie ne soit point étrangère à la propagation des découvertes agricoles.^ ses Fonctions consistent sur-tout à les constater ou à les rendre plus nom- breuses, et son devoir, en ce moment, se borne à exposer l'histoire de celles qui appartiennent à le- poque actuelle. En général ces découvertes se rapportent à deux sortes ; introduction de nouvelles espèces et de nouvelles variétés, ou procédés nouveaux dans leur gouvernement. On peut, si l'on veut, en faire une troisième sorte des nouvelles combinaisons de cultures diverses propres à tirer un meilleur parti d un espace donné , et des procédés convenables pour mettre en culture des terrains auparavant stériles. Cependant nous ne devons pas nous en tenir trop étroitement, en ce genre, à ce qui peut être appelé nouveau dans toute la rigueur du terme. Si quelques pratiques, auparavant concentrées dans certains cantons particuliers, ou connues seulement dans des pays éloignés , sont devenues plus géné- rales, il appartient à cette histoire des sciences de montrer comment les notions tirées de la chimie et de l'histoire naturelle ont fait sentir à nos compa- triotes lavantage de ces pratiques, et les ont enga- gés à les étudier et à les introduire parmi nous. AGRICULTURE. 347 Nous avons lîéjn cité, à l'article du rè[jne vc(;é- tal , plusieurs plantes ctranf^èrcs dont l'utilité s'est fait connoîtie dans ces dernières années : nous en pourrions citer beaucoup d'autres qui, connues depuis lon^-temps, n'ont été admises que depuis peu dans l'agriculture françoise. La pistache de terre (avachis hypocjœd) commence à se répandre dans le midi , où elle a été introduite par Gilbert; sa semence, si singulière par sa posi- tion souterraine, donne une huile agréable. lia pa- tate douce de Malaga a été introdïute, en 1789, à Montpellier et à Toulouse par M. Parmentier; celle d'Amérique, qui est plus agréable, a été cul- tivée depuis à Bordeaux par M. Yillers, et a réussi dans nos départements plus septentrionaux par les soins de M. Leiieur. Le topinambour (helianthus tuberosus)^ dont la racine a l'avantage de se conser- ver sous terre sans geler, s'emploie de plus en plus pour les bestiaux. Le navet de Suéde, dit rula-baga, plante qui réunit beaucoup d'utilités différentes, se répand généralement. Tout le monde se souvient des grandes expériences de M. Parmentier sur les pommes de terre, et des services rendus par ces racines dans les disettes dont nous fûmes menacés deux fois pendant la révolution; le goût s'en est répandu dès-lors, et les meilhaires variétés se sont introduites par-tout. On s'est assuré delà possibi- 348 SCIENCES PHYSIQUES. lité de cultiver le coton herbacé clans quelques par- ties méridionales de la France, et de rendre ainsi nos fabriques un peu moins dépendantes de nos relations politiques, he phormium fen^x commence à être cultivé dans les mêmes départements, et four- nira bientôt les plus puissants de tous les cordages. La multiplication du faux acacia ou robinier a été très considérable par-tout, et très avantageuse à cause de la promptitude de son développement et de sa facilité à venir dans les plus mauvaises situa- tions. Nous avons déjà parlé des arbres de FAmé- rique septentrionale que ion peut naturaliser parmi nous. Les essais en ce genre, dus aux soins de MM. Michaux et exécutés sous les auspices de l'administration des forêts, sont déjà nombreux et promettent beaucoup; avec de Tordre et de la pa- tience on enrichira la France d'une foule de bois de qualités diverses, et dont le plus ou moins de rapidité à croître et de facilité à vivre dans des ter- rains variés offre les plus grands avantages. De toutes les opérations de plantation , la plus intéressante et la plus immédiatement utile est bien celle des pins maritimes pour la fixation des dunes : non seulement elle met en valear des terrains im- menses, mais elle assure l'existence de villages , de cantous entiers, ([ue les dunes menaçoient d'une destruction totale. On ne peut trop célébrer le zèle AGRICULTURE. 349 (le M. Bremontier, ([ui a le premier constaté les vrais moyens de rendre ce travail efficace, et qui a mis toute son activité à en presser l'exécution '. La plus importante des races d'animaux que l'on peut considérer comme nouvelles en France, celle dont ia multiplication a été la plus générale, c'est sans contredit celle des moutons d'Espa^^ne à laine fine, appelés mermos; ils sont aujourd'hui répan- dus dans presque toutes nos provinces. Deîja la laine qu'ils fournissent diminue sensiblement pour nos fabriques de draps le besoin des laines étran- fijcres ; et les cultivateurs qui tirent un revenu dou- ble d'un troupeau qui n'exi^je pas une nourriture plus abondante ni plus chère, bénissent les Dau- benton , les Tessier, les Gilbert, lesHuzard, les Silvestre, dont les lon[js travaux , encouragés par le gouvernement, leur ont procuré cette nouvelle source de prospérité. » Les bœufs d'Italie, plus propres que les autres au tirage, les buffles, si utiles pour tirer parti des terrains marécageux, nous ont été procurés par les conquêtes de la première armée d'Italie. On com- mence à multiplier les vaches sans cornes, qui joignent à l'avantage de se blesser moins souvent entre elles celui de fournir un lait aussi bon que copieux. ' Mémoires sur les dunes, an 5. 35o SCIENCES PHYSIQUES. Les soins donnés aux haras par ie gouverne- ment, les instructions qui ont été publiées sous ses auspices par M. Huzard, ont déjà un effet très sen- sible sur les races de nos chevaux. Grâce aux observations des naturaUstes, l'art, presque nouveau en France , de recueillir le miel sans détruire les abeilles commence à se répandre, et aura de linfluence sur cette branche importante d'économie. En tout genre, les connoissances plus exactes sur la manière de conduire chaque espèce, et sur la quantité et la qualité des produits de chaque va- riété , sont au moins aussi précieuses à acquérir que des espèces ou des races entièrement nouvelles. La comparaison des différentes céréales par M. Tes- sier, celle des diverses variétés de vignes, de leurs rapports avec les terrains et l'exposition, et de leur influence sur la qualité du vin, par M. Bosc ', mé- ritent donc un rang distingué parmi les travaux utiles de cette période. Mais la partie la plus transcendante de l'agri- culture consiste à trouver la combinaison et la suc- cession d'espèces la plus avantageuse; à déterminer avec précision, dans chaque circonstance, quelle partie de terrain doit être consacrée à chaque cul- ' rian pour ia détermination et la classification des diverses va- riétés de la vigne cultivée en France, i vol in-8", 1808 AGRICULTURE. 35 I ture, et la proportion relative des animaux et des pfiains que Ton doit chercher à ohtenir. C'est dans cette proportion ([ue consiste le problème des assole- ments et des prairies artificielles; problème dont la solution, pour être parfaite, exi^j^e, pour ainsi dire, la réunion de toutes les sciences naturelles : aussi est-ce sur ce point que l'ajpiculture a fait, dans cette période, les progrès les plus marqués, [/ou- vrage de Gilbert ' avoit déjà montré , avant le com- mencement de notre époque, l'avantage d'étendre la culture des prairies artificielles; et dès-lors \es expériences ont été multipliées; des hommes ha- biles ont réussi à faire entrer ces prairies dans Tordre de leurs récoltes successives, et l'art des assolements a fait un grand pas vers sa perfection. Les bons exemples de ce genre ont été particulière- ment donnés par MM. Yvart, Mallet, Pictet, Bar- bançois, Fremin , Jumilhac, Rosnay, Devilliers, Fera-Rouville, Sageret, etc. Les principes de cet art ont été établis dans un ouvrage que M. Yvart "* a publié sur ce sujet, après avoir obtenu l'approba- tion de la classe; et les résultats heureux de ces dé- couvertes se sont principalement répandus par le zèle des sociétés d'agriculture. Les jachères ont diminué par-tout, les bestiaux ' Traites des prairies artiiicielles, i vol. in-8°, 17B9. ^ Essai sur les assolements. 352 SCIENCES PHYSIQUES. se sont multipliés; l'art des entrais s'est perfec- tionné, la pouclrette en a fourni un nouveau; le plâtre a été mieux employé aux amendements; et l'usage si utile d'enfouir des végétaux vivants , se- més à cet effet, commence à être adopté dans plu- sieurs cantons. Nous devons mettre au premier ran^y des travaux utiles qui ont contribué à répandre le goût et les connoissances positives de l'agriculture, les cours publics d'économie rurale qui ont été faits dans cette période, et pour la première fois en France, par MM, Silvestre et Coquebert-Montbret, et celui que M. Yvart professe depuis deux années à l'école vétérinaire d'Alfort. Ce seroit en vain que nous essaierions de nom- mer tous les hommes zélés qui ont contribué par leurs écrits et par leurs exemples à disséminer l'in- struction agricole dans notre pays; encore moins ceux qui ont rendu des services semblables aux pays étrangers. Qu'il nous suffise de citer ici les Mémoires de îa société d'agriculture de Paris', composés d'observations intéressantes sur toutes les parties de l'agronomie, et dans lesquels M. Sil- vestre , secrétaire de cette société , en exposant chaque année l'état des progrès de l'agriculture françoise, leur a donné encore une nouvelle im- ' II vol. in-8". AGRICULTURE. 353 pulsion; la partie d'agriculture de la Bibliothèque britannique, rédigée par M. C. Pictet, de Genève, et les Annales de l'agriculture Françoise de M. Tes- sier, comme les recueils qui ont le plus contribué à cette œuvre si utile dans la partie de lagricul- ture. Les instructions populaires sur divers sujets spéciaux, publiées par ordre du gouvernement, et rédigées par MM. Parmentier , Gels , Gilbert , Huzard, Tessier, Vilmorin, Yvart, Chaberl, Nys- ten ; l'Instruction pour les bergers de feu Dauben- tori ', celle de M. Huzard sur les haras ^ ; l'ouvrage de M. Sylvestre sur les moyens de perfectionner les arts économiques; les écrits de M. Lasteyrie sur les moutons^, les constructions rurales^, le cotonnier^; ceux de M. Dumont-Gourset , sur le jardinage^; de M. Maurice sur les engrais; les Voyages agronomiques de M. François de Neuf- château^; ceux de M. Depère^; l'ouvrage sur les dessèchements, de M. Ghassiron'^; les Traités des ' Troisième édition, i vol. in-8°, an lo. * Un volume in-8°, an lo. ^ Histoire de l'introduction des moutons h laine fine d'Espagne, i vol. in-8°, an 1 1. ^ Traduction du Traité de construction rurale puMié par le bureau d'agriculture de Londres, i vol. in-B", an lo. ' Du cotonnier et de sa culture, i vol. in-8", i8o8. ^ Le Bot.iniste cultivateur, 4 vol. in-8", 1802. ' Un vol. in-4'', 1806. — ^ Manuel d'agriculture pratique , 1680. 9 Lettre aux cultivateurs François sur les dessèchements, an 9. BUFFON. COMPLÉ.VI. T. I. 23 354 SCIENCES PHYSIQUES. bois et des irrigations, par M. de Pertbiiis ' ; la par- lie d acjriculture de rEncycIopédie méthodique ; la nouvelle édition du Dictionnaire de Rozier, et celle du Théâtre d'a.griculture d'Olivier de Serres : voilà les ouvrages qui se présentent le plus avantageuse- ment à notre mémoire. Mais de dire positivement, comme nous l'avons fait pour les sciences théoriques, ce que chacun de ces auteurs a fourni de nouveau à l'ap^riculture, c'est ce qui nous seroit impossible. Ici , comme en médecine , comme en chirurgie , les procédés se propagent lentement; leur utilité se constate plus lentement encore : ce n'est point par sa nouveauté qu'une découverte se recommande : faire passer une pratique d'un canton dans un autre est sou- vent une chose plus utile que ne pourroient l'être les conceptions les plus profondes, les efforts les plus soutenus de l'esprit; et dans ces transmigra- tions de races, d'instruments, d'opérations, dans cette communication qui s'en fait entre des r^ens peu instruits, plus désireux de profits que de gloire, le nom du véritable inventeur se perd et disparoît le plus souvent. La même observation s'applique à la technologie , la troisième de nos ' Traité de l'aménagement et de la restauration des bois et forêts de la France, an ii. Mémoire sur l'amélioration des prairies artifi- cielles et sur leur irrigation , 1806. AGRICULTURE. 355 sciences pratiques, et celle par laquelle nous ter^ minerons cette histoire des sciences. Technologie , ou connoissance des arts et métiers, La technologfie embrasse tous les arts, c'est-à- dire toutes les modifications que nous savons don- ner aux productions naturelles, pour les accommo- der à nos besoins, depuis les altérations les plus simples, que leur facilité et leur nécessité journa- lière font ranger dans l'économie domestique ou rurale, jusqu'aux fabrications les plus étendues et les plus délicates, f ^'histoire détaillée de leurs pro- grès exigeroit des recherches que notre genre de vie et les moyens qui sont à notre disposition ne nous permettent pas de rendre complètes. Ce n'est ni dans les livres, quelque nombreux quils soient, ni dans le cabinet que l'on peut s'en instruire. Il faudroit parcourir les ateliers, suivre les manipulations dès ouvriers, s'entretenir avec les chefs, souvent leur arracher des secrets d'où dépend leur fortune ; et môme, après plusieurs années, combien nignore- roit-on pas encore de pratiques, cachées ou con- centrées dans quelques atehers particuliers, ou qui, des pays étrangers, n au roient point pénétré jusque chez nous ! Il faut donc, en technologie, comme en méde- 2:1 35G SCIENCES PFIYSIQUES. cine, comme en ajjnculture, nous borner à une revue rapide des principaux objets qui sont par- venus à notre connoissance, et ies considérer non seulement en tant qu'ils seroient nouveaux en eux- mêmes , mais avoir encore égard à ceux qui sont au moins nouveaux pour la France, et qui n'y ont été propagés que dans ces derniers temps. Aussi bien c'est au gotitdes sciences devenu plus général, c'est aux lumières devenues plus communes parmi les manufacturiers , que l'on doit cet intérêt qu*ils ont mis à s'instruire, à se procurer la connoissance de ces pratiques étrangères ou peu connues, et cette justesse avec laquelle ils ont pu les apprécier. Cette énumérationnousprésente d'ailleurs encore dans sa rapidité un tableau assez remarquable et assez digne de l'attention de ceux qu'intéressent la gloire et la prospérité de la France. Ainsi la physique a fourni des améliorations . tout-à-fait inattendues dans l'art de conduire le feu et d'épargner le combustible. Le chauffage des ap- partements a reçu des poêles et des cheminées de toutes les sortes qui ont peut-être réduit d'un tiers la consommation du bois, ou multiplié d'autant les jouissances des individus. La dépense que la cui- sine exige est réduite à moins de moitié par les nou- veaux procédés de M. le comte de Rumford, doîU l'utilité s'étend à tontes les fabriques qui emploient TECHINOLOGIE. 35^ d( S liquides chauds, depuis les bains et îes lessives jusqu'aux teintures et aux savonneries ' : les distil- leries sont arrivées par-là à des économies presque incroyables. Les thermolampes de M. Lebon, qui tirent parti du même feu pour cbauFfer et poui* éclairer, ont reçu d'importantes applications en A n- g^lcterre et en Allemagne, et s'emploient déjà avec grand profit dans diverses manuflictures considéra- bles. C'est aux découvertes physiques sur l'influence de la pression dans les combinaisons, que Ton doit le nouvel art mis en pratique par M. Paul pour composer les eaux minérales artificielles. Toutes les parties de l'économie rurale et domes- tique ont reçu des perfectionnements par l'exten- sion des connoissances chimiques relatives aux substances qu'elles emploient. La meunerie, la boulangerie, ont été améliorées par M, Parmentier^. La mouture économicjucetles bons procédés de panification se sont généralisés. On a appris à faire de l'amidon avec une infinité de substances végétales plus communes (pie le blé, ou même auparavant tout-à-fait inutiles. X ' Essais politiques et économiques, etc., par M. le comte de Kum- foitl, ">. vol. in-8 ', 1799; et différents Mémoires imprimés parmi ceux de l'Institut. ^ Le parfait Boulano;er, i vol, ii»-8", '77^; «'< J>lusieurs ;ujrres Mémoires. 358 SCIENCES PHYSIQUES. L'ouvrage de M. GhajDtal sur le vin ', dont nous avons parlé à l'article de la chimie, a produit Ja plus heureuse révolution dans cette branche si impor- tante de l'industrie Françoise; et plusieurs cantons dont les vins étoient de mauvaise qualité ont déjà réussi à les perfectionner d'après les préceptes de ce savant chimiste. i/analyse du lait, par MM. Parmentier et Deyeux, a donné des procédés sûrs pour imiter par- tout toutes les sortes de fromages, et pour rendre le beurre plus agréable et plus facile à conserver. Les fdtres de charbon , suite des découvertes de Lowitz, de Morozzo, de Rouppe, ont fourni les moyens de rendre salubres et agréables les eaux les plus corrompues \ La théorie du tannage, découverte par M. Se- guin, a produit cet effet, que l'on termine mainte- nant en trois ou quatre mois, dans la plupart des ateliers, ce qui en exigeoit auparavant douze ou quinze. D'ailleurs les procédés spéciaux nécessaires pour chaque sorte de tannage, chamoisage, et cor- royage, sont devenus des connoissances générales. 11 en est de même des fabriques de produits sa- lins, dont la France manquoit autrefois, et que ' Art de faire le vin, i vol. in-S", 1807. ^ Voyez la Manière de bonifier parfaitement les eaux, par Barry, 1 vol. in-8", an I 2. TECHJNOLOGIE. Jt)9 la chimie a multipliées au niveau de nos besoins. La céruse, le vert-de-j^ris , la couperose, l'alun, le sel ammoniac, la soude, se font maintenant chez nous aussi parfaitement qu'en aucun autre pays : comme on les fabrique pour la plupart de toutes pièces, on leur donne un degré de pureté qu'il étoit impossible d'obtenir auparavant; et si Ton trouve moyen d'adoucir, pour les deux derniers objets, l'impôt sur le sel, nous soutiendrons toute espèce de concurrence'. Nous serons éo^alement, dans tous les marchés , les rivaux des Anglois pour l'acide sulfurique , si le gouvernement permet à ces fabriques de s'approvi- sionner de salpêtre de l'Inde^. L'emploi de cet acide pour clarifier les huiles les plus troubles, sur-tout celle de colza , et les rendre limpides comme de l'eau, est encore un des bien- faits récents de la chimie. Tout le monde se souvient du service important qu'elle rendit à l'état dans des moments périlleux , en simplifiant et en rendant populaire l'extraction du salpêtre et la fabrication de la poudre ^ ' Depuis la présentation de ce Rapport , l'exemption a été accor- dée; et il s'est formé une vingtaine de fabriques de soude artificielle par la décomposition du sel marin. ^ Cette permission a été accordée. * Instruction sur la fabrication du salpêtre, an 2. 36o SCIENCES PHYSIQUES. Aucun art no clevoit attendre de cette science et n'en a reçu en effet plus d'amélioration que la tein- ture. M. Berthollet lui adonné le blanchiment par l'acide niuriatique oxygéné, qui épargne le temps et les frais, et qui a l'avantage inappréciable d'enlever les couleurs mal appliquées '. L'emploi de Pacide oxalique, pour enlèvera vo- lonté l'oxyde de fer; celui de l'acide muriatique, pour nuancer les couleurs, et des muriates d étain, de fer, et de bismuth , comme mordants, sont aussi des sources de grandes commodités en teinture; comme la substitution de l'acide pyroligneux au vinaigre, dans presque tous les cas où Ton em- ployoit celui-ci , a été celle d'une très grande éco- nomie. La teinture du coton en rouge a été réduite aux principes les plus sûrs par les travaux successifs de MM. Haussman etChaptaP : M. Tingry en a fait autant pour l'art des vernis. L'art d'enlever dans la juste proportion le suint des laines qu'on veut teindre est une découverte encore toute nouvelle due à MM. Vauquelin , Go- dine, et Roard. M. Ghaptal a imaginé de remplacer les huiles, dans la fabrication du savon, par de vieux débris ' xlunales de Chimie de 1789. ^ Art de la teinture du coton en rouge; 1807, i vol. in-8°. Voyez aussi les Éléments de teinture de M. HerthoUet. TECHNOLOGIE. 36 1 de laine; et Ton y emploie maintenant, en An.«^le- terre, jusqu'aux vieux cadavres de [)oissGns. Le blanchiment à la vapeur est encore une dé- couverte importante , (généralisée par M. Ghaptal '. Nous avons déjà parlé des nouvelles couleurs fournies par la chimie à la peinture à Thuile et ta la peinture en émail, comme le bleu de cobalt, de M. Thenard; le rouge de chrome; le vert du même métal, appliqué à la porcelaine, parM. Brongniart. \ jNous aurions pu y ajouter l'introduction en France de la fabrication du bleu de Prusse et du bleu an- glois, qui n'est cpiVin bleu de Prusse mêlé cFalu- mine. L'analyse plus exacte des terres n'a pas été moins utile à la poterie; et il suffit, pour s'en convaincre, de comparer nos poteries communes d'aujourd'hui à celles que nous avions il y a vingt ans. Le caillou- tagedeSargueminesetleshygiocéramcsdeM. Four- my méritent d être distingués dans ce nombre \ Le rouissage du chanvre |)ar des moyens chimi- ques est infiniment plus sûr, plus court, et plus salnbre qu'autrefois. Nous n'avons pas besoin de traiter des progrès de la docimasie et de la métallurgie , qui marchent ' Essai sur le blanchiment, par Oreilly; i8oi. i vol. in-8" ^ Mémoire sur les ouvra(jes en terre cuite , par Fourmy; brochure in-8", 1802. 362 SCIENCES PHYSIQUES. nécessairement du même pas que la chimie, ni de rappeler la précision admirable à laquelle est ar- rivé le monnoyap^e ; mais nous pouvons dire que la purification du platine et l'art de le travailler ont donné à tous les autres arts les vases les plus utiles par leur inaltérabilité. Nous avons déjà exposé ailleurs le nouvel art de fabriquer Facier fondu, inventé par Glouet; celui des crayons de mine de plomb, par Conté; et celui de décomposer le métal des cloches, par M. Four- croy. Ce dernier a pu tenir momentanément lieu de mines d'étain et de cuivre. Ij'établissement de fabriques de fer-blanc, qui ne laissent plus rien à désirer, est encore une conquête récente sur Fétranger. La fabrication des cristaux et de tous les genres de verres n a j^as fait de moindres progrès que les autres arts chijidques , pour la netteté , la blan- cheur, le volume, et l'économie; on peut s'en con- vaincre dans les moindres demeures des particu- liers, aussi bien que dans l'excellent ouvrage de M. Loysel sur la verrerie '. M. Pajot-Descharmes en est venu jusqu'à souder les glaces. Le rouge à polir, autrefois très cher, se fait maintenant d'une ma- nière infiniment plus simple, d'après les procédés de MM. Guyton et Frédéric Cuvier. ' Essai sur l'art de la verrerie; an 8, i vol. in-8". TECHNOLOGIE. 363 Les ciments de toute espèce, les pouzzolanes ar- tlHcielles, fabriquées selon les méthodes imaginées par MM. Chaptal, Père, etc., ainsi que celles de nos volcans éteints, ont donné à nos constructeurs les moyens de se passer des produits étrangers. M. Fabroni en Italie, et d après lui M. Faujas en France, ont trouvé des terres proj)res à Faire des briques si lég^ères qu'elles flottent sur l'eau, inven- tion précieuse pour construire les fours des vais- seaux. La carbonisation de la tourbe, la purification du coak ou charbon de terre dessoufré , ont été intro- duites en France dans cette période. L'opération des assi(^nats, quels qu'aient été ses résultats politiques, a laissé à l'art du pa^ietier des perfectionnements durables, et sur-tout l'emploi de l'acide muriatique oxy^^éné pour le blanchiment de la pâte. C'est même à elle que Ton doit en grande partie le nouvel emploi des caractères stéréotypes , qui augmenteront les bienfaits de l'imprimerie , en faisant pénétrer les conceptions du génie jusque dans les pauvres chaumières. La technologie n'a point d'école en France où l'on en démontre les principes; et quoique les arts et métiers aient été souvent décrits en détail dans de grands ouvrages , il n'y a encore d'élémentaire et propre à l'instruction générale que la Chimie appli- 364 SCIENCES PHYSIQUES. quée aux arts, de M. ('baptal; livre excellent, mais qui n'embrasse que les arts exclusivement cbimi-, ques '.Du moins dans cette partie, l'on peut être assuré que la lumière des sciences pénétrera dans les atfiliers; et ses effets sont déjà très sensibles chez les manufacturiers éclairés. Résumé. C'est ici que nous terminerons cet aperçu som- maire des cbangements les plus avantageux que les progrès de la chimie et de la physique ont intro- duits dans la pratique des arts pendant la première période dont nous avons à rendre compte. Nous aurions pu l'étendre beaucoup, si le temps et la nature de nos connoissances nous l'avoient permis , et sur-tout s'il nous avoit été possible d'entrer dans tous les perfectionnements de détail qui ont été adaptés aux divers procédés particuliers; nous au- rions pu y ajouter enfin l'énumération de cette quantité de substances que la botanique, la miné- ralogie, et la zoologie, ont découvertes et fournies aux différents arts, si nous n'en avions déjà indi- qué les principales en parlant de ces sciences elles- rnêmes , et si nous n'avions encore ajouté à cette ' Chimie appliquée aux arts; 1807, 4 vol. in-S". RÉSUMÉ. 36f) liste lorsque nous avons traité de la médecine et de Ta^yriculture. Tel qu'il est, ce tableau suffira sans doute pour donner une idée de ce que les sciences ont fait et de ce qu elles peuvent faire encore pour l'utilité immé- diate de la société. Conduire Tesprit humain à sa noble destination , la connoissance de la vérité; répandre des idées saines jusque dans les classes les moins élevées du peuple; soustraire les hommes à l'empire des pré- jugés et des passions; faire de la raison l'arbitre et le guide suprême de l'opinion publique, voilà l'objet essentiel des sciences; voilà comment elles concou- rent à avancer la civilisation , et ce qui doit leur mé- riter la protection des gouvernements qui veulent rendre leur puissance inébranlable, en la fondant sur le bien-être commun. Si l'on veut donc reporter les yeux sur ce qui précède, et considérer, sous l'aspect que nous ve- nons d'indiquer, les efforts des hommes dont nous avons parlé, nous espérons qu'on y trouvera la preuve dé ce que nous avons annoncé dès l'abord , qu'il n'est aucune des branches des sciences natu- relles qui ne doive les augmentations les plus sensi- bles à ceux qui les ont cultivées de notre tem|)S; qu'il n'en est aucune qui n'ait acquis une multitude de faits précieux, de vues nouvelles, et que la plu- 366 SCIENCES PHYSIQUES. part ont éprouvé, dans leurs théories, des révolu- tions importantes qui les ont simplifiées, éclair- cies, et leur ont fait faire des pas évidents vers la vérité. La marche des affinités chimiques, ressort géné- ral de tous les phénomènes naturels , a été expli- quée; la chaleur, principal de leurs agents, a reçu des lois rigoureuses ; l'électricité galvanique est venue ouvrir des régions toutes nouvelles, dont nul ne peut encore mesurer l'étendue; la nouvelle théorie de la combustion, en jetant sur toute la chimie la plus vive lumière , et la nouvelle nomen- clature, en facilitant son étude, en ont inspiré le goût, et ont occasioné une foule de travaux aussi utiles que pénibles; la physiologie des corps vivants, l'effet et la marche des fonctions dont leur vie se compose, ont reçu de la chimie les éclaircissements les plus inattendus : Tanatomie comparée s'est jointe à la chimiepour faire pénétrer tous les secrets comme toutes les variations des forces vitales; elle a réglé l'histoire naturelle d'après des méthodes raisonnées, qui réduisent les propriétés de tous les êtres à leur expression la plus simple; elle a déterré et recréé des espèces inconnues, enfouies dans les couches du globe : les minéraux ont été analysés et soumis aux lois de la géométrie : des végétaux et des animaux auparavant inconnus ont été rassem- RÉSUMÉ. 367 blés et distingués ; leur catalogue général a été aug- menté de plus du double; leurs propriétés ont en- richi les arts d'une foule d'instruments nouveaux : la vaccine enfui a donné les moyens de soustraire riiunianité à l'un des plus funestes fléaux qui la tourmentoient. Telles sont les principales découvertes physiques qui ont illustré cette époque. Quelles espérances ne donnent-elles pas elles-mêmes! Combien n'en donne pas sur- tout l'esprit général qui les a occa- sionées, et qui en promettant d'autres pour l'ave- nir! Toutes ces hypothèses, toutes ces suppositions plus ou moins ingénieuses, qui avoient encore tant de vogue dans la première moitié du dernier siècle , sont aujourd'hui repoussées par les vrais savants : elles ne procurent plus, même à leurs auteurs, une gloire passagère. L'expérience seule, l'expérience précise, faite avec poids, mesure, calcul et compa- raison de toutes les substances employées et de toutes les substances obtenues, voilà aujourd'hui la seule voie légitime de raisonnement et de démons- tration. Ainsi , quoique les sciences naturelles échappent aux applications du calcul, elles se font gloire d'être soumises à l'esprit mathématique; et par la marche sage (qu'elles ont invariablement adoptée, elles ne s'exposent plus a faire de pas en arrière : toutes leurs propositions sont établies avec 368 SCIENCES PHYSIQUES. certitude , et deviennent autant de fondements so- lides pour ce qui reste à construire. Les physiciens et les naturalistes de notre époque se sont donc honorablement placés à la suite et dans les rangs des hommes qui ont accéléré la marche de l'esprit humain, et parmi eux les phy- siciens et les naturalistes ftançois. Nous pouvons, nous devons le déclarer en ce moment solennel où nous sommes leurs organes, et nous ne craignons pas d'être désavoués par ceux des autres nations, les physiciens et les naturalistes François ont noble- ment soutenu l'honneur de leur patrie, et pendant ces vingt années, où, dans une autre carrière , des prodiges inouïs de dévouement, de valeur, et de génie, portoient avec tant d'éclat dans toutes les contrées de l'univers les noms des héros de la France, ceux qui cultivent les sciences dans cet heureux pays ne sont point restés indignes d'avoir aussi quelque part dans la gloire de leur nation. Nous le répétons ici, ce n'est point par un effet de notre partialité que les savants françois se trou- vent, dans cette histoire, cités au premier rang dans presque toutes les branches des sciences naturelles ; la voix des étrangers le leur décerne comme la nôtre; et même dans les parties où le hasard n'a pas voidu qu'ils fissent les découvertes principales, la manière dont ils les ont accueillies, examinées, RÉSUMÉ. 369 développées , dont ils en ont suivi toutes les consé- quences , place nos compatriotes bien près des premiers inventeurs, et leur donne, à bien des égards , le droit d'en partager l'honneur. FIN DU PREMIER VOLUME DE COMPLEMEINT. BUFFON. COMPl-F-M. ï. I. T 4 TABLE ANALYTIQUE / DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. Avertissement Pap,e v Introduction, pa(je i. — Idée générale de l'objet et de la marche des sciences, ibid. — Nature et limites des sciences naturelles, ibid. — Leurs principes généraux, 2. — Vains efforts pour augmenter leur certitude, S. — Plan de cet aperçu , 6. PREMIÈRE PARTIE. CHIMIE GÉNÉRALE Page i > Théorie de la Cristallisation, page 12. — Histoire de cette théorie, ibid. — Rome de Tlsle, i3. — Rergman et Gahn, ibid. — ^ Idées de M. Haûy, et leur application à tous les cristaux, 14. — Objections, et leur réfutation, 18. Théorie des Affinités, page 19. — Anciennes idées sur ce sujet, ibid. — Idées nouvelles de M. Rerthollet, 22. Agents chimiques impondérables, p. 27. — Lumière, 28. — Action chimique de la lumière, ibid. — Son union avec la chaleur dans les rayons solaires, ibid. — C/in- leui\) 29. — Sources de la chaleur, 3o. — Sa propagation , ibid. — Chaleur rayonnante et chaleur engagée, 3i. — 3^2 TABLE ANALYTIQUE. Effet des surfaces sur le rayonnement, p. 32. — Lois du rayonnement par rapport au temps, 33. — Faculté conductrice de la chaleur engagée , ibid. — ^ Dans les so- lides, ibid. — Dans les liquides et dans les fluides, 34- — Effets de la chaleur, 35. — Sensation du chaud et du froid, ibid. — Dilatabilité des corps par la chaleur, ibid. — Dilatabilité des liquides. (Thermomètres.), 36. — Maximum de densité de l'eau, 37. — Dilatabilité des solides. (Pyromètres.), ibid. — Dilatabilité des fluides élastiques , 38. — Restitution de la chaleur par les corps comprimés; son absorption par ceux qu'on dilate, 39. — Combinaisons de la chaleur. ( Chaleur latente et li- bre. ), ibid. — Capacité pour la chaleur, ^i. — Table des capacités, 4^. — Calorimètre, ibid. — Action chi- mique de la chaleur, 44* — Pression^ 4^- — Théorie des vapeurs , ib. — Électricité , 49- — Son action chimique, 5o. — Sa production par le contact des corps hétérogènes. ( Galvanisme. ) , ibid. — Arc métallique ou excitateur de Galvani, 5i. — Pile de Volta, 53. — Action chimique de la pile, 56. Théorie de la Combustion, page 61. Son histoire, 62. — Jean Rey, ibid. — Boyle, ibid. — Mayow, 63. — Beccher et Stahl , ibid. — Découvertes sur les airs , pendant la première moitié du dix-huitième siècle, 64. — Priestley, ibid. — Bayen, 65. — Lavoisier, ibid. — Cavendish et Monge, 67. — Berthollet, 68. — Réunion des chimistes françois, 71. — Objections anciennes et nouvelles con- tre cette théorie, ibid. — Théorie de Winterl, 75. — Nouvelle nomenclature , 79. — Précision mathématique introduite dans les expériences, 81. TABLE ANALYTIQUE. 3'j3 CHIMIE PARTICULIÈRE Page 8?» Nouveaux Éléments métalliques 84 Nouveaux Éléments terreux 88 Nouveaux Acides go Nouvelle étude des combinaisons salines, pa(ye 96. — Dé- composition du sel marin; extraction de la soude, 99. — Étude des oxydes métalliques, 100. — Combinaison des acides etdes oxydes aveedes substances combustibles, 101. — Poudres fulminantes, 102. — Recherches sur les al- liages, io3. — Recherches sur les carbures. ( Crayons, Acier.), 104. — Recherches sur les phosphures, les sul- fures, io5. — Étude des coinbinaisons gazeuses, 107. — Application de la dioptrique à l'analyse des substances transparentes, no. — Recherches sur le diamant, 1 1 1. — Étude des produits des corps organises, 1 12. Produits nouvellement découverts Page 1 1 S Transformation des produits les uns dans les autres, p. 1 1 (S. — Analyse des mixtes des corps organisés, 120. Théorie des fermentations, page 126. — Fermentation vineuse, i2y. — Fermentation acéteuse, i3o. — Éthers et élhérification, ibid. — Fermentation putride, i33. SECONDE PARTIE. HISTOIRE NATURELLE Page 187 Histoire naturelle de l'Atmosphère. (Météorologie.) Page i4i- — Ses difficultés, ibid. — Essais pour déter- miner quelques rapports entre les météores et les mou- vements des astres, f44- — Instruments propres à me- 374 TABLE ANALYTIQUE. surer les variations atmosphériques, page i44' — Déter- mination de la composition gazeuse de Fatmosphère,! 45. — Pierres atmosphériques, i48. Histoire naturelle des Eaux. (Hydrologie.). . Page 149 Histoire naturelle des Minéraux, page i5i. — Minéra- logie proprement dite, ibid. — Méthodes minéralogi- ques, 162. — Perfectionnements du catalogue des mi- néraux, 169. — Combinaisons minérales nouvellement découvertes , ibid. — Nouvelles analyses des minéraux connus, 161. — Nouveaux minéraux déterminés physi- quement, 162. Géologie, page 164. — Géologies particulières des divers pays, ibid. — Géologie générale positive, 168. — Ter- rains primitifs, 169. — Terrains secondaires, 171. — Volcans, lyS. — Alluvions, 178. — Fossiles et pétrifica- tions, 180. — Géologie hypothétique ou explicative, i83. Histoire naturelle des Corps vivants Page 186 Histoire générale des fonctions et de la structure des Corps vivants, page 188. — Partie chimique, 189. — Chimie générale du corps vivant considéré dans son ensemble, ibid. — Dans les végétaux, ibid. — Dans les animaux, 191. — Chimie particulière des sécrétions, 19.'^, — Partie anatomique, 194. — Anatomie générale, ibid. — Dans les animaux, ibid. — Dans les végétaux, 196. — Anatomie particulière des divers organes, 200. — Dans les animaux, ibid. — Dans les végétaux, 206. — Partie dynamique ou physiologie, 210. — Physiologie géné- rale, ou théorie des forces vitales, ibid. — Dans les ani- maux, 211. — Dans les végétaux, 222. — Physiologie particulière des diverses fonctions , 224. — Dans les ani- TABLE ANALYTIQUE. 3-^5 maux, page 224. — Respiration, ibid. — Digestion, 228. Circulation, 23o. — Nutrition, ibid. — Sensations, 233. — Vision, ib. — Audition, 235.— Fonctions du cerveau, ibid. — Ge'nération , 239. — Dans les végétaux, 243. — Fécondation, ibid. — Germination, 244- — Mouvement , ibid. Histoire naturelle particulière des Corps vivants , page 249. — Nomenclature et catalogue des êtres, ibid. — Voyages entrepris; collections établies ou augmen- tées, 25 1. — Augmentation du nombre des plantes con- nues, ibid. Botanique, page 255. — Nouvelles plantes utiles, 262. Zoologie, page 266. — Augmentation du nombre des ani- maux connus, ibid. — Nouveaux animaux utiles, 277. — Observations remarquables sur les mœurs et l'indus* trie de quelques animaux, ibid. — Propriétés singulières de certains animaux, 278. — Tact des chauve-souris, ibid. — Reproduction des parties coupées, ibid. — Fé- condation continuée , 279. — Sommeil hivernal, ibid. — Venin. Emanations nuisibles, 281. — Animaux singu- liers par leurs formes, 282. — Nécessité d'un nouveau Systemanaturœ^ 283. Perfectionnements dans les Méthodes Page 284 Méthode naturelle des Plantes 286 Méthode naturelle des Animaux 292 Progrès de l'Anatomie comparée 3oo 376 TABLE ANALYTIQUE. TROISIÈME PARTIE. SCIENCES D'APPLICATION Page 3 1 1 MÉDECINE, page 3ii. — Pathologie, ou connaissance des maladies^ 3i3. — Théories médicales, ibid. — Nosologies, 317. — Travaux sur des maladies particulières, 319. — Chimie pathologique, 324- — Anatomie pathologique, 326. — Thérapeutique ^ ou art de guérir^ 326. — Perfec- tionnements dans les méthodes de traitement, ibid. — Tables médicales comparées, 328. — Nouveaux moyens de guérison ou de préservation, ibid. — Vaccine, 329. — Action des acides minéraux contre les contagions, 33o. — Autres remèdes de vertus diverses, ibid. — Chirurgie^ 336. — Enseignement médical^ 339. — Art vétérinaire ^ 343. Médecine des végétaux^ 344- Agriculture , page 344* — Nouvelles espèces ou variétés introduites en agriculture, 346. — En végétaux, ibid. — En animaux , 349- — Nouveaux soins imaginés pour des espèces ou races connues , 35o. — Perfectionnement des assolements, ibid. Technologie , ou connoissance des Arts et Métiers , page 355. — Tableau des principaux perfectionnements qu'ils ont reçus de la chimie et de l'histoire naturelle , ib. Conclusion f,t récapitulation rapide Page 364 fin de la ta RLE. îd^W"" ' -.'V i