lih A I, * -^ t .35», >^lt^li û-i^ % m^r- •^4:2^^ y?^ ^^ •:i -J^ .^ 1e' <«> àw y t^^ f./1 P^ ■-^>^' .' OEUVRES COMPLETES DE BUFFOIN COMPLEMENT. TOME II. IMPRIMERIE DE JULES DIDOT l'ainÉ, IMPRIMEUR DU ROI, rue du Poni-de-Lodi, n° 6. r ^ HISTOIRE DES PROGRÈS DES SCIENCES NATURELLES, DEPUIS 1789 jusqu'à ce JOUR, PAR M. LE BARON G. CUVIER, CONSEILLER d'ÉTAT , SECRÉTAIRE PERPETUEL DE l'aCADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, MEMBRE DE l'aCADÉMIE FRANÇOISE , PROFESSEUR AU JARDIN DU ROI, CtC, A PARIS CHEZ BAUDOUIN FRERES, ÉDITEURS, BUE DE VAUGIRARD, N** I7, ET CHEZ N. DELANGLE, ÉDITEUR, RUE DU BATTOIR, N" J9. M. DCCC XXVIII. L- "fc/X'X 'V*/-^ 1 AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS. Le premier volume de cette Histoire des progrès des sciences naturelles, que nous avons mis au jour depuis lon^-temps, comprend la période de 1789 à 1808. La seconde période, qui embrasse les an- nées 1809 à 1827, étant beaucoup plus riche de faits et de découvertes nouvelles, formera trois vo- lumes qui compléteront l'histoire des sciences na- turelles jusqu'à nos jours. Ce sont les rapports que M. le baron Cuvier est charj^é de faire chaque an- née à l'Académie royale des Sciences, rapports qui offrent le tableau de toutes les découvertes nou- velles dont les sciences s'enrichissent, l'analyse de tous les mémoires et de tous les ouvra^^es présentés à cette illustre compagnie , qui formeront l'histoire de cette seconde période. Ces rapports n'avoient point encore été publiés ni réunis en un corps d'ouvrage. Ils font suite au tableau historique des progrès des sciences naturelles fait par ordre du Gouvernement par l'illustre secrétaire de l'Acadé- mie des Sciences, et qui compose le premier volume I;UFFON. COMPLEM. T. II. VI AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS. de cet ouvrage. Le seul changement que nous nous sommes permis cFy faire consiste à présenter chaque branche des sciences naturelles séparément et de suite , pendant les dix-huit années qui forment cette seconde période, mais en conservant néan- moins la division par année, de manière que Ton puisse suivre graduellement les progrès de chacune d'elles, et assister en quelque sorte aux révolutions successives qui en ont changé la face. Ce second volume contient V Histoire des progrès de la Chimie y de la Physique, de la Météorologie , de la Minéralogie, et de la Géologie, depuis l'année 1 809 jusqu'à 182 y. HISTOIRE V -li[jée jus(|ua ces derniers temns, et la plupart des observations et des découvertes dont elle s'est enrichie sont incontestablement dues aux travaux de M. Fourcroy, de cet illustre confrère dont nous déplorons tons la perte aujourdhui, et à ceux de son célèbre ami M. Vau(juelin. Ce dernier s'est occupé de l'analyse du tabac, dans ha vue de reconnoître les principes qui carac- térisent cette plante, et qui Tont fait choisir pour les usaf>es auxquels elle est employée, et afin d'ap- précier les modifications quelle éprouve par les différentes préparations qu'on lui fait subir ])our en faire un objet de commerce. Il résulte de ce tra- vail que la plante du tabac à larp^es feuilles (nico- tiana latifolia) contient une matière animale de na- ture albnmineuse, du malate de chaux avec excès d'acide, de l'acide acétique, du nitrate et du mu- riate de potasse, une matière rou^e dont la nature est inconnue, du muriate^ d'ammoniaque, et enfin un principe acre et volatil qui paroît être différent de tous ceux qu'on a déterminés dans le règne vé- gétal. C'est ce principe qui donne au tabac les qua- lités qu'on lui connoît; on peut le séparer de la plante par la distillation , et i employer séparément. l6 PHYSIQUE, CHIMIE, Le tabac préparé a présenté de plus que la plante sans préparation du carbonate danimoniaque et du niuriate de chaux. M. Vauquelin, pensant que le suc de la bella- done, dont les effets sur l'économie animale sont si analogues à ceux du tabac , contenoit le principe acre qu'il a découvert dans cette dernière plante , en a fait l'analyse ; mais il n'y a trouvé qu'une sub- • stance animale, des sels à base de potasse, et une substance amère de laquelle le suc de la belladone reçoit ses propriétés narcotiques. A larticle Physiologie nous parlerons des expé- riences que M. Vauquelin a faites avec ce suc sur les animaux. M. Ghevreul a présenté à l'Institut des expé- riences fort étendues sur les matières végétales. Les unes ont pour objet le principe amer produit par Faction de l'acide nitrique sur les matières organi- sées qui contiennent de l'azote , et dont MM. Haus- mann, Welther, Proust, Fourcroy, et Vauquelin, s'étoient déjà occupés. M. Ghevreul pense que cet amer est composé d'a- cide nitrique et d'une matière végétale huileuse ou résineuse; et il attribue la propriété qu'a cette sub- stance de détoner à la décomposition de l'acide ni- trique, à la formation du gaz ammoniacal, de iacide prussique et du gaz hydrogène huileux , etc. , etc. ; . ET MÉTÉOROLOGIE. 17 ce qui est conforme à une partie des observations de MM. Fourcroy et Vauquelin. Mais avec l'amer il se produit une matière rési- neuse et un acide volatil, sur lequel M. Chevreul a fait plusieurs expériences, et qu'il re(T^arde comme ne différant de l'amer que par une petite portion d'acide nitrique. Un second travail de M. Chevreul a pour objet les subtances formées par Faction de l'acide nitrique sur les corps charbonneux ou résineux qui ont la propriété de précipiter la gélatine. Les premières observations de ce genre avoient été faites en An- j^leterre par M. Ilatchctt, et elles avoient conduit à regarder ces substances comme analogues au tan- nin. M. Chevreul pense que c'est une erreur, et qu'elles diffèrent entre elles non seulement sui- vant l'espèce d'acide et de matière avec lesquelles elles ont été préparées, mais encore suivant la quantité d'acide qui est entrée dans leur compo- sition. Enfin , poursuivant toujours le même genre d'ex- périences, M. Chevreul a porté ses recherches sur différents composés formés par la réaction de l'a- cide sulphuri(jue sur le camphre. Ces travaux ont tous obtenu l'approbation de J'Institut, qui en a or- donné l'insertion dans les mémoires des savants étrangers. BUFFON. COMPLÉVI. T. II. l8 PHYSIQUE, CTIIMÏE,. • Chaque année nous avons pu présenter d'heu- reuses applications de la chimie aux arts , et don- ner ainsi de nouvelles preuves des secours que nos besoins et l'industrie peuvent tirer des sciences. M. Ghaptal, à qui les fabriques doivent déjà tant de procédés utiles, nous a fait connoître d'intéres- santes observations sur la distillation des vins. On voit par l'histoire qu'il donne de cet art, par la des- cription des appareils qui y étoient employés autre- fois et de ceux qui y sont employés aujourd'hui, que les procédés de la fabrication des eaux-de-vie se sont améliorés à mesure que les appareils de la chi- mie se perfectionnoient. Un des plus importants de ceux qui existent dans le Midi n'est pour ainsi dire que l'appareil de Voulf en grand. Les lois de l'évaporation, et les procédés au moyen desquels on chauffe les liquides par la vapeur, ont ing^énieuse- ment été combinés pour opérer la distillation des vins d'une manière économique; mais les observa- tions de M. Ghaptal conduiront sans doute encore à de nouveaux jDcrfectionnements dans la fabrica- tion des eaux-de-vie, et contribueront à conserver à cette branche importante de notre commerce la supériorité qu'elle a acquise. Le même membre a fait l'analyse de sept échan- tillons de couleurs trouvés à Pompéia. Trois de ces couleurs n'étoient que des terres colorées naturel- ET MÉTÉOROLOGIE. I9 lement; Tune verdâtre, l'autre jaune, et la troisième brun rouge; la quatrième étoit une pierre ponce très légère et fort blanche. Une cinquième, qui avoit une belle teinte rose, a montré tous les ca^ ractères d'une lacque, et M. Chaptal lui a trouvé beaucoup d'analogie avec la lacque de garance qu'il a fait connoîtrc dans son traité sur la teinture du coton. T^es deux dernièresétoient bleues; l'une avoit une teinte pâle, mais l'autre étoit intense et nourrie. Ti'analyse de ces deux couleurs a montré qu'elles étoient dues à une combinaison d'oxide de cuivre, de chaux, et d'alumine, résultant d'un commen- cement de vitrification. M. Chaptal observe que cette couleur est fort supérieure, en éclat et en so- lidité, à notre cendre bleue, et que son prix étant bien inférieur à celui du bleu de cobalt et au prix de loutre-mer, il seroit important de rechercher les procédés que les anciens employoient à sa fabri- cation. M. Sage s'est occupé des procédés les plus pro- pres à préparer la chaux vive pour obtenir des mortiers solides , de la nature des différentes espèces de stucs, des moyens de donner le poli du marbre aux pierres artificielles, et enfin d'un procédé pro- pre à réduire la cire blanche en une sorte de savon. Le même auteur, dans un mémoire, et MM. Guy- 2. 20 PHYSIQUE, CHIMIE, ton et Vauquelin, clans un rapport, ont communi- qué des observations sur les avantages et les incon- vénients qu'il y auroit à employer le zinc dans la couverture des édifices; et, sur ia demande du mi- nistre de l'intérieur, la section de chimie a fait con- noître quelles sont les fabriques qui peuvent être nuisibles à ceux qui habitent dans leur voisinage, et quelles seroient les mesures à prendre pour accor- der l'intérêt des fabricants avec celui du public. IlaétéfaitunrapportsurunmémoiredeM.Tarry, relatif à la composition des encres à écrire et à leur perfectionnement. L'auteur est parvenu à compo- ser une encre qui ne peut être détruite par les acides ni par les alcalis, et qui n a que le léger inconvénient de laisser trop facilement déposer sa matière colo- rante. "La découverte de M. Tarry promet à la société, dit le rapporteur, un grand avantage, celui d'introduire l'usage d'une encre qui, n'étant pas sus- ceptible d'être enlevée par les agents chimiques actuellement connus, n'offrira plus aux fripons l'oc- casion d'altérer des titres, comme cela n'arrive que trop souvent aujourd'hui. » Un autre rapport sur les turquoises artificielles de M. de Sauviac fait espérer de voir bientôt en ce genre les produits de l'art imiter exactement ceux de la nature. Enfin une commission, composée de plusieurs KT MÉTÉOROLOGIE. 2 1 membres de la première classe et de plusieurs mem- bres de la quatrième, s'est occupée de retrouver un procédé de feu Bachelier pour la composition d'un badigeon conservateur des bâtiments. On sait qu'à Paris les édifices se couvrent très vite d'une teinte d'un gris sale, et que ce premier changement est cause de la détérioration qu'on les voit bientôt éprouver après. Une petite araignée établit sa toile dans les creux qui se trouvent à la surface des pier- res ; ces toiles s'accumulent, se recouvrent les unes les autres, et avec la poussière qu'elles retiennent elles forment cette croûte terreuse dont nous ve- nons de parler, où les lichens prennent racine, et qui retient l'humidité à la surface des pierres; alors les gelées occasionent des dégradations considéra blés, et obligent à ce grattage qui finiroit par être lui-même une véritable dégradation. H s'agissoit donc de trouver un badigeon qui remplit les inégalités de la pierre sans faire épais- seur dans les angles, sans amortir les ressauts, et qui résistât aux pluies et à toutes les intempéries de nos saisons. Feu Bachelier avoit fait des essais heu- reux sur ce sujet. La commission, aidée des rensei- gnements de M. Bachelier fils, est parvenue à re- retrouver la recette d'un badigeon qui a résisté peu dant quarante ans aux épreuves qu'on lui a fait subir, et qui donne l'espérance de pouvoir garantir 22 PHYSIQUE, CHIMIE, nos édifices des dégradations auxquelles ils ont été exposés jusqu'à ce jour. ANNÉE 1810. Peu d'années ont été aussi fécondes que celle-ci eu travaux variés et importants sur les diverses branches des sciences naturelles, et depuis les par- ties les plus générales de la physique jusqu'à Tliis- toire particulière des espèces des trois régnes les découvertes de nos confrères, ou celles qui ont été soumises à Tlnstitut par des savants étrangers à rinstitut, ont fourni de nouvelles richesses au sys- tème de nos connoissances. L'Institut avoit proposé un prix pour l'examen des circonstances et des causes des diverses phos- phorescences, c'est-à-dire de ces apparences lumi- neuses que certains corps manifestent, soit spon- tanément, soit lorsqu'ils sont frottés, légèrement chauffés, ou enfin dans toute autre circonstance différente de la combustion. Ce prix a été remporté par M. Dessaignes, prin- cipal du collège de Vendôme; et son travail, cou- ronné à la séance publique de l'année dernière, a été suivi par des expériences du même genre qui en ont beaucoup étendu les résultats. Ce physicien dé-finit la phosphorescence « une apparition de lumière durable ou fugitive, qui n'est ET MÉTÉOROLOGIE. 2 0 pas pourvue sensiblement de chaleur, et qui n'est suivie d'aucune altération dans les corps inorga- niques,» et il classe tous les phénomènes de la phosphorescence sous quatre genres, déterminés par leurs causes occasionelles : i" phosphorescence ])ar élévation de température ; 2"" phosphorescence par insolation; 3*" phosphorescence par collision; 4*^ pliosphorescence spontanée. Tous les corps phosphorescents par élévation de température,jetés en poudre sur un support chaud, s'illuminent, quelle que soit la faculté conductrice de ce support pour le calori([ue, et 1 intensité de la lumière qui s'échappe est en raison directe du degré de température; mais la durée de la phosphores- cence est toujours en raison inverse de cette tem- pérature. Les dernières portions de lumière sem- blent être retenues par les corps avec plus de force que les premières, et il y a une très grande diffé- rence sous ce rapport entre les diverses substances; les corps vitreux perdent très difficilement leur propriété pliosphorique, tandis que les métaux, leurs oxides phosphorescents, et les sels métalliques, la perdent très facilement. Aucun degré de chaleur ne peut enlever la phosphorescence à la chaux, à la baryte, à la strontiane, caustiques, faiblement éteintes, à la magnésie, à l alumine, et à la silice. Dans certaines circonstances, dans un air humide ^4 PHYSIQUE, CHIMIE, par exemple, quelques uns de ees corps peuvent reprendre leur phosphorescence après l'avoir per- due, mais d'autres ne la reprennent jamais. Cette phosphorescence se présente sous des for- mes différentes; et, comme la lumière solaire, elle se décompose par le prisme : elle s'échappe de cer- tains corps par émanation paisible, et de quelques autres par scintillation; sa couleur est bleue; mais elle est ordinairement souillée par ceux qui con- tiennent du fer, et Ton peut l'épurer, dans ce der- nier cas, en enlevant à ces corps le métal qui change sa couleur. En général il a paru à M. Dessaignes que les corps les plus phosphorescents sont ceux qui, dans leur composition, contiennent des principes qui ont dû passer de l'état gazeux ou liquide à l'état solide. Il étoit important de vérifier si cette phospho- rescence par élévation de température étoit due à la combustion : pour cet effet M. Dessaignes a fait ses expériences dans l'air atmosphérique, dans l'oxi- gène, et dans le vide barométrique, et il n'a vu au- cune différence dans l'intensité de la lumière pour les corps inorganiques; mais la lumière des corps organisés s'est accrue dans l'oxigène : ce qui con- duit l'auteur à penser qu'au moins une partie de la phosphorescence de ces derniers corps est due à une véritable combustion. ET MÉTÉOROLOGIE. 2 5 Mais l'élévation de la température ne rend pas tous les corps lumineux, et ceux qui deviennent phosphorescents par cette cause perdent cette fa- culté dans certaines circonstances. Quelle est donc la cause de Tinpliosphorescence? Telle est la ques- tion que se propose M. Dessai^nes, et pour la so- lution de laquelle il a renouvelé ses expériences en y faisant entrer des circonstances qu'il varioit selon les vues qu'il vouloit remplir. Ses recherches l'on conduit aux résultats suivants : i'' Les produits ob- tenus par la voie du feu ne sont point lumineux , à moins i|ue de l'état terreux ils n'aient passé à l'état vitreux; 2"^ les corps pourvus d'une trop grande (juantité d'eau de cristallisation ne donnent aucune lumière; 3° les corps capables d'être ramollis par la chaleur ne donnent é(];alenient j)oint de lumière, et dans ce cas sont les sels avec excès d'acide; excepté les sels boraciques, qui ne se fondoient point au degré de chaleur des expériences; 4° les corps et particulièrement les sels qui se volatilisent ou se décomposent à ce degré de chaleur sont inphos- phorescents ; S"" eniin les corps mélangés d'une grande quantité d'oxide métallique sont aussi com- plètement ténébreux. Cependant la plupart de ces corps peuvent je- devenir lumineux lorsqu'on les humecte, quand ils ont la faculté de se combiner avec l'eau et de la 7.6 PHYSIQUE, CHIMIE, solidifier à un certain point. Enfin cette faculté peut reparoître dans les corps qui l'ont perdue si on les fait changer d état. M. Dessaignes conclut de ses expériences, dont nous n'avons pu qu'indiquer les résultats, que la phosphorescence produite par l'élévation de tem- pérature est due à un fluide particulier qui est chassé par le calorique des corps, entre les molé- cules desquels il se trouve, et ce fluide lui paroît être de nature électrique; il est conduit à cette idée parceque toutes les circonstances qui favorisent ou qui détruisent l'accumulation du fluide électrique favorisent ou détruisent absolument de la mêuie manière relativement aux mêmes corps laccumu- lation du fluide phosphorique, et que l'électricité peut être directement accumulée dans ces corps et les rendre lumineux. On sa voit depuis long-temps que l'exposition de certains corps à la lumière les rendoit phosphores- cents. Dufay et Beccaria avoient déjà fait quelques recherches sur les phénomènes de ce genre, et il etoit résulté de celles du dernier l'opinion que la phosphorescence des corps exposés à la lumière ve- noit d'un dégagement de cette lumière qui s'y étoit introduite par une sorte d'imbibition. L'expérience sur laquelle cette opinion étoit fondée a été recon- nue de tout point inexacte par M. Dessaignes : les ET MÉTÉOROLOGIE. li-y phosphores qu'il a soumis aux différents rayons du prisme ont toujours donné la même lumière. Il y a plus, cest que la phosphorescence produite par insolation, hien loin d être une émanation rayon- nante, n'est réellement qu'une oscillation; car quel- que fréquentes que soient les insolations, la phos- phorescence n'est point aug^mentée, et il suffit de couvrir de fumée un corps phosphorescent pour le rendre obscur. L'action de la lumière, comme celle de la chaleur, ne rend pas tous les corps phospho- rescents, et ceux qui le deviennent ne le sont pas tous au même de^ré. Le phosphore de Canton de- vient phosphorescent par la seule lumière de la lune, tandis que le quartz hyalin ne donne de lueur que par la lumière directe du soleil. En général les corps liquides sont insensibles ])ar ce mode d'exci- tation ; et il en est de même du charbon , du carbure de fer et des métaux , de la plupart des sulfures , des oxides métalliques faits par la voie sèche, et en gé- néral de tous les corps qui sont, comme les précé- dents, des conducteurs de l'électricité: mais les corps idio- électriques peuvent devenir phospho- rescents à faide d'une vive lumière. 11 est à remar- quer que, sous le rapport de la phosphorescence, tous les corps se sont exactement conduits avec l'é- lectricité comme avec la lumière. La lueur produite par insolation a la même cou- 28 PHYSIQUE, CHIMIE, leur que celle que la chaleur fait naître, et elle peut être niodiliée de même par les oxides métalliques. Les corps les plus lumineux par insolation ne le sont plus par cette cause quand ils sont chauds: ils redeviennent phosphorescents à mesure qu'ils se refroidissent; et quelques corps qui ont perdu la faculté de luire par l'élévation de la température peuvent encore donner de la lumière au moyen de l'insolation, ce que M. Dessaignes attribue à la quantité d'eau que ces corps retiennent; car l'eau joue incontestablement un très grand rôle dans tous les phénomènes de ce genre, comme le re- marque fort bien M. Dessaignes en plusieurs en- droits. L'on attribuoit presque généralement à une combustion toute la lumière que répandent cer- tains de ces corps connus sous le nom de phosphores. M. Dessaignes, voulant approfondir cette opinion, a soumis ces corps à des expériences particulières qui prouvent évidemment, selon lui, qu'ils doivent leur lumière à la même cause qui produit celle des autres, c'est -à-dire à une espèce de fluide élec- trique; car M. Dessaignes regarde la lumière pro- duite par irradiation et par électrisation comme étant la môme que celle que donne l'élévation de la température : seulement dans les deux premiers cas cette lumière n'éprouve que des vibrations , ET MÉTÉOROLOGIE. 29 tandis que dans la dernière elle est véritablement expulsée. La phosphorescence par collision a fait pour M. Dessaignes le sujet de plusieurs mémoires. Il résulte de l'ensemble de ces expériences cette loi générale et bien remarquable que tous les corps, dans quelque état qu'ils soient, solides, liquides, ou gazeux , dégagent de la lumière par la compression. Mais cette lumière est moins abondante lorsque les corps ont déjà été rendus phosphorescents par la chaieu r ; et quelque nombreuses et fortes que soient les compressions auxquelles on soumet un corps, jamais on ne peut le ])river entièrement par-là de sa faculté phosphorique. Cette lumière semble à M. Dessaignes avoir Jine cause différente de celle qui est produite par la chaleur. «Elle paroît dé- pendre, dit-il, d'un fluide éminemment élastique, étroitement uni à tous les éléments de la matière gravitante. Ce fluide, source première de toute force expansive, se refoule d'autant plus dans les molécules que leurs éléments constitutifs s'appro- chent de plus près, de sorte qu'il est plus éloigné de sa limite de compression dans les gaz que dans les corps vitreux; aussi faut-il un moindre effort dans ceux-ci pour les faire osciller, etc. , etc. » Relativement à la phosphorescence spontanée, M. Dessaignes en distingue de deux sortes; les unes Jo PHYSIQUE, CHIMIE, sont jiassagères, les autres permanentes. Parmi les premières on peut citer celle qui a eu lieu par Funion d'une certaine portion d'eau avec la chanx caustique; et parmi les secondes celle du bois pouri et d'autres substances org^aniques en putré- faction. Ce sont ces dernières qui occupent plus particulièrement M. Dessaignes dans ce quatrième genre de phénomènes. Ses observations ont été faites sur des substances animales, de la chair des pois- sons d'eau douce, des poissons de mer, et sur des substances végétales, des bois de différentes sortes. Ces substances ont offert séparément des caractères particuliers; mais il résulte de l'ensemble de leurs phénomènes que la phosphorescence des unes et des autres est une espèce de combustion dans la- quelle il se produit de l'eau et de l'acide carbonique; toutes les parties constituantes des muscles et du bois ne pgrticipent pas à la lumière que ces corps produisent : la partie ligneuse et la fibre musculaire n'éprouvent dans ces changements aucune altéra- tion essentielle, et la phosphorescence de ces corps est due, dans le bois, à un principe glutineux qui servoit à réunir les fibres ligneuses , et dans la chair à un principe gélatineux qui unissait les fibres charnues. M. Dessaignes , s'appuyant sur les faits nombreux de phosphorescence spontanée qu'il a recueillis , ET MÉTÉOROLOGIE. 3l cherche à exphquer la phosphorescence de la mer, (ju'il croit être due à deux causes différentes : i ° à la présence d'animalcules phosphoriques par lema- nation d'une matière lumineuse produite par ces animalcules mêmes; 2^ par la simple présence de cette matière dissoute ou mélangée dans l'eau, et résultante non seulement de ces êtres, mais encore des mollusques, des poissons, etc.^ etc. Depuis la publication de son premier travail, M. Dessaignes a fait d'autres recherches du même genre; il a tenté, par de nombreuses expériences, de déterminer l'inlluence des pointes sur la phos- phorescence, soit par élévation de température, soit par insolation; et non seulement il a reconnu que les pointes ont sur le fluide phosphorique la même influence que sur le fluide électrique, mais, de plus, que des corps naturels qui ne diffèrent entre eux que par leurs caractères résultant de l'a- grégation peuvent différera l'infini sous le rapport de leurs facultés phosphorescentes, etc. , etc. l^es productions subites de chaleur qui se ma- nifestent dans une infinité de phénomènes chi- miques , quoique plus connues que ne l'étoient celles de lumière, ont eucore besoin d'être déter- minées avec quelque précision. M. Sage a donné le résultat de ses recherches sur les degrés de chaleur que produisent les acides mi- 32 PHYSIQUE, CHIMIE, néraux concentrés, en se combinant avec divers oxides métalliques, des terres, de l'eau, etc. : de Vacide sulfurique à 67° de laréométre de Beaumé, ■ mêlé à un tiers d'eau, donnoit une température de 80°; de Facide nitrique, marquant 45" à l'aréo- mètre, a donné, mêlé à Y3 d'eau, /[S° ; et l'acide muriatique à 20"^ a donné, avec la même quantité d'eau que dans les expériences précédentes, 22°; le plus grand degré de chaleur obtenu avec l'acide sulfurique est celui qui est résulté du mélange de cet acide avec les os incinérés : cette chaleur a été de 160° au-dessus de zéro. En général ces expé- riences servent à faire présumer que la chaleur produite dans les combinaisons des corps est d'au- tant plus forte que ces corps éprouvent plus de contraction. Il est fâcheux que M. Sage n'ait point cherché à déterminer la pesanteur spécifique des corps qu'il combinoit avant et après l'expérience. La mesure absolue de la chaleur, dans les degrés élevés, pour lesquels on ne peut employer des sub- stances liquides, est toujours l'objet des recherches des savants. M. deMorveau, qui s'en occupe depuis tant d'an- nées , et dont nous avons fait connoître les premiers travaux dans le premier volume de cette histoire, a communiqué à l'Institut une suite de tableaux qui peuvent être considérés comme le résumé de / ET MÉTÉOROLOGIE. 33 ses nombreuses expériences. Le premier de ces ta- bleaux présente les degrés de chaleur de fusion et de vaporisation des différents corps corrigés et mis en concordance avec les échelles pyrométriques et thermométriques les plus généralement admises. Un second tableau donne les dilatations des mé- taux déterminées en concordance de ces mêmes échelles pyrométriques et thermométriques, et ex- primées en millionièmes pour loo*" centigrades. Dans un troisième tableau il indique les rapports de la dilatabilité et de la fusibilité des métaux ; et enfin dans un quatrième il donne les degrés de chaleur indiqués par son pyromètre de platine, et leur correspondance avec le thermomètre centi- grade, le pyrométrc de Wedgwood, et les observa- tions de fusion jusque dans les plus hautes tempé- ratures. Ces tableaux ont été accompagnés d'un mémoire explicatif contenant les détails des pro- cédés employés par fauteur pour rectifier ses éva- luations , lesquelles diffèrent essentiellement de celles qui avoient été données par Wedgw^ood; et cette différence vient principalement d'une erreur que ce célèbre physicien avoit commise en mesu° rant la fusibilité de l'argent, qui faisoit une des bases de ses calculs. Pour faciliter les expériences que les idées nou- BUFFON. COMPLÉM. T. II. 3 34 PHYSIQUE, CHIMIE, veiles de la chimie rendoient nécessaires, ie gouver- nemeiit a ordonné (ju'il fût construit à l'École poly- technique des j3iles galvaniques de diverses gran- deurs, et une entre autres qui surpassât de beaucoup toutes celles que l'on avoit employées jusqu'ici , afin que l'on pût apprécier l'influence que le volume de ces appareils exerce sur leurs effets. MM. Gay-Lussac et Thénard nous ont donné une description de cette grande pile composée de six cents paires de disques carrés, de 3 décimètres de côté chacun , et des expériences qu'ils ont faites avec elle et avec une autre dont les plaques étoient de 48 centimètres carrés de surface. Leurs premières recherches se sont portées sur les causes qui font varier l'énergie de la pile. On at- tribuoit cette énergie ou à la conductibilité des ma- tières constituantes de la pile, ou à l'action chimique de ces matières, ou à ces deux causes réunies: pour éclaircir cette question les auteurs ont cherché une espèce de galvanomètre, et ils se sont arrêtés pour cela à la décomposition de l'eau dans un tube pen- dant un temps donné. Ils ont vu que, toutes choses égaies d'ailleurs, la pile décomposoit d'autant plus d'eau, dans un même espace de temps, que toutes les substances qui entrent dans le cercle de la pile sont plus conductrices. Une pile de quatre-vingts paires, montée avec un acide, décompose la po- ET MÉTÉOROLOGIE. 35 tasse, ce que ne peut faire la pile de six cents paires montée avec de l'eau. D'un autre côté le tube du gal- vanomètre, rempli d'eau seulement, donne quatre . à cinq fois moins de gaz que lorsqu'il est rempli d'acides affoiblis. En général les acides sont d'au- tant plus forts conducteurs qu'ils sont moins éten- dus, mais un mélange d'acide et de sel produit en- core plus d'effet que l'acide seul. Les acides sont meilleurs conducteurs que les alcalis , et les alcalis sont jneilleurs conducteurs que les sels qui proviennent de ces mêmes acides et de ces mêmes alcalis employés comparative- ment. L'eau du galvanomètre chargée de sel est d'au- tant moins bonne conductrice qu'elle s'éloigne da- vantage de la saturation. Il falloit savoir quelle étoit l'influence de la lon- gueur des fils plongés dans le galvanomètre ' ; 8 cen- timètres ont décomposé moins d'eau que 4, mais 2 centimètres en ont décomposé moins que 8. Les effets de la pile n'augmentent pas dans le même rapport que le nombre des plaques; l'effet n'est double que lorsque le nombre est huit fois plus grand. En général les effets de la pile, mesurés par la quantité de gaz qu'elle produit, s'éloignent ' Je me sers de ce mot par commodité, les auteurs ne s'en servent pas. 3. 36 PHYSIQUE, CHIMIE, peu d'être proportionnels à la racine cubique du nombre des plaques. Les effets de deux piles, différentes par 1 étendue des surfaces de leurs plaques, sont proportionnels à ces surfaces. La tension électrique de la pile dure plus que son action chimique. Cette différence vient de l'in- fluence inévitable de la durée du contact du con- densateur avec lequel on recueille l'électricité pour la mesurer à la balance de Coulomb. Après avoir étudié les piles en elles-mêmes , pour en apprécier les effets, MM. Gay-Lussac et Thénard ont porté leurs recherches sur l'action de la grande pile sur divers corps. La commotion qu'on reçoit de cette grande batterie est excessivement forte et dangereuse; mais elle n'est point sensible au mi- lieu d'une chaîne composée de quatre ou cinq per- sonnes , elle ne l'est qu'aux extrémités de cette chaîne; ce qui prouve, contre l'opinion reçue, que, dans cette expérience faite avec des bouteilles de Leyde, ou de toute autre manière, la chaîne ne fait pas l'effet de conducteur, et que chaque per- sonne n'est chargée que par influence, c'est-à-dire que le fluide électrique qui lui est naturel n'est que décomposé, et que la commotion ne vient que du rétablissement des deux fluides qui le com- posent. ET MÉTÉOROLOGIE. 87 Parmi les découvertes auxquelles cet admirable instrument de la pile a donné lieu , il en est peu d'aussi intéressante pour la chimie générale que la transformation des alcalis en substances combusti- bles et d'un éclat métallique. On a vu précédemment que ces substances étoient regardées par M. Davy, qui les a décou- vertes, comme des corps simples métalliques, et qu'au contraire MM. Gay-Lussac et Thénard, se fondant sur des expériences particulières dont nous avons fait mention, ne les considéroient que comme des combinaisons des alcalis avec l'hydro- gène, ou ce qu'on appelle des hydrures. Depuis lors MM. Gay-TiUssac et Thénard ont fait des re- cherches pour déterminer la quantité d'oxigène que ces substances absorbent dans diverses cir- constances; et ils ont observé, 1° qu'en brûlant le potassium dans du gaz oxigène, à Taide de la cha- leur, ce métal en absorbe près de trois fois autant qu'il lui en faut pour passer à letat de potasse ; 2" que le sodium, traité de la même manière, ab- sorbe seulement une fois et demie autant d'oxigène que pour passer à letat de soude ; 3° que dans ces expériences on peut substituer l'air atmosphérique à l'oxigène sans changer le résultat; 4° qu'on fait varier ces résultats en faisant varier la température , du moins pour le sodium, qui, à froid, n'absorbe que 38 PHYSIQUE, CHIMIE, peu l'oxigèiie, tandis que le potassium au contraire soxicle presque au même degré, quelle que soit la température; 5° enfin que dans ces combinaisons il ne se dégage rien. Le potassium et le sodium chargés d oxigène ont des propriétés particulières, et entre autres celle d'absorber l'eau avec avidité; mais par cette absorp- tion ils sont décomposés, et il en résulte de la po- tasse ou de la soude et beaucoup d'oxigène. Au reste ces corps oxigénés sont ramenés à l'état alcalin par tous les corps combustibles et par les acides, et plu- sieurs de ces phénomènes ont lieu avec dégagement de lumière; de sorte que tout concourt à prouver que la combinaison du potassium et du sodium, avec la quantité d'oxigène supérieure à celle dont ces corps ont besoin pour passer à l'état d'alcalis, n'est point très intime, et que cette quantité y est presque à l'état gazeux. s En supposant que le potassium et le sodium fus- sent des hydrures, il résulteroit de ces expériences que les sels formés avec ces corps, après qu'ils ont été combinés avec l'oxigène, contiendroient toute l'eau qui auroit dû se former par la combinaison de cet oxigène avec l'hydrogène qui avoit fait passer les alcalis à l'état de potassium ou de sodium : or ce résultat n'est point conforme à d'autres expériences dans lesquelles MM. Gay-Lussac et Thénard ont ET MÉTÉOROLOGIE. 39 cherché à déterminer la quantité deaii contenue dans les alcahs et celle qui est dé^^^a^^ée dans leur combinaison avec les acides. Ils ont trouvé que la potasse, sur 100 parties, contient 2^ parties d'eau; et la soude, 20 sur la même quantité ; et ils ont vu que l'acide carbonique sec dégage une très grande quantité d'eau en se combinant avec les alcalis. « On peut même, disent-ils , par ce moyen ou par le gaz acide sulfureux, rendre l'eau sensible dans 2 milligrammes de soude ou de potasse. » Ce qui a conduit MM. Gay-Lussac et Thénard « à pencher en faveur de l'hypothèse qui consiste à regarder le potassium et le sodium comme des corps sim- ples. )) Depuis que l'on sait à quel point les proportions des principes constituants peuvent varier dans les composés. Ton est obligé d'examiner les sels sous ce nouveau point de vue. M. Bérard , chimiste à Montpellier, a fait part à l'Institut de ses recherches sur la combinaison de l'acide oxalique avec diverses bases, sujet qui avoit déjà été traité en partie par MM. Wollaston et Thomson. M. Bérard a commencé par déterminer exacte- ment les proportions de Toxalate de chaux, qu'il a trouvées être de 62 d'acide et de 38 de chaux. Il a 1-^ * i / V ^ -v.w - O .< 4o PHYSIQUE, CHIMIE, reconnu ensuite que loo parties de cet acide cris- tallisé contenoient 2-7,3 d'eau. Ayant ces premiers éléments, il a combiné cet acide avec la potasse, et il a formé trois sels diffé- rents, un oxalate, composé de 100 parties de po- tasse et de 97,6 d'acide, un suroxalate contenant, sur 100 de potasse, 192 d'acide, et un quadroxalate composé de 38 1 d'acide sur 100 d'alcali, lesquelles parties sont entre elles comme i, 2, et 4- Ce résul- tat curieux avoit déjà été trouvé par M. Woliaston. La soude, l'ammoniaque, la baryte, ont donné des oxalates et des suroxalates, mais la strontiane, la magnésie n'ont pu former que des oxalates, et il est à observej' que le suroxalate de baryte a peu de fixité, et qu'il suffît de le faire bouillir dans l'eau pour faire passer ce sel à l état d'oxalate. Ce ne sont que les oxalates solubles qui peuvent se combiner avec un excès d'acide, et devenir des suroxalates, et c'est à l'extrême solubilité du suroxalate de potasse que l'on doit de pouvoir former avec ce sel un qua- droxalate. M. Berthollet nous a communiqué un procédé pour Former le muriate de mercure appelé mer- cure doux. Il fait voir qu'en faisant passer le gaz muria tique oxigéné sur le mercure il se combine promptement avec le métal, et forme avec lui du muriate mercuriel ; et comme ce sel métallique a ET MÉTÉOP.OLOGIE. /^l une parfaite analogie avec les sels mercuriels pro- duits par les autres acides et le mercure au minimum doxidation, il en conclut que le mercure, en for- mant cette combinaison, a été réduit en oxide par l'oxigène de Facide, et non point par celui de l'eau qu'on pourroit y supposer. Il a tiré cette consé- quence de l'action de la chaux sur le gaz niuriatique oxigéné : cette terre donne avec le gaz niuriatique un composé dont la chaleur dégage une grande quantitéd'oxigène, en laissant du muriate de chaux. En effet dans ce cas on ne peut attribuer i'oxigène qui se dégage qu'à la décomposition de l'acide, et non à celle de l'eau. Jusqu'à présent on n'avoit pas porté dans l'ana- lyse des substances organisées la précision et l'exac- titude que l'on est parvenu à mettre dans l'analyse des corps inorganiques. L'action du feu, à un cer- tain degré sur ces substances, produit des combi- naisons dont il n'est point facile de déterminer les éléments par les moyens ordinaires et par les procé- dés le plus généralement mis en usage ; une partie des produits gazeux n'étoit point recueiUie et se perdoit. M, Berthollet a cherché à porter dans la détermi- nation des principes qui entrent dans la composi- tion des substances végétales toute la précision que les procédés de la chimie permettent. Pour cet effet /\1 PHYSIQUE, CHIMIE, il a soumis chaque substance, autant privée d'eau que possible, à l'action de la chaleur, en faisant pas- ser les produits qui s'en dégagent à travers un tube de porcelaine maintenu roupie, de sorte que tous les produits soient réduits en gaz; puis, après avoir mesuré et pesé ces gaz et les matières charbonneuses restées abandonnées parles substances volatiles, il a fait l'analyse des unes et des autres. D'après ces procédés on peut déduire les quantités de carbone, d'oxigène, d'hydrogène, et d'azote, qui entrent dans la composition des végétaux, ainsi que celle des substances solides qui demeurent confondues avec le charbon. Il ne reste qu'une incertitude, c'est celle de la proportion d'oxigène et d'hydrogène qui se trouvent encore dans les plantes après leur dessic- cation combinés à l'état d'eau. Dans son premier mémoire M. Berthollet n'a encore donné que l'a- nalyse du sucre et de lacide oxalique; il se propose de poursuivre ses expériences. MM. Gay-Lus'^acetThénard ont aussi porté leurs recherches sur l'analyse des substances organisées; mais en admcttantle principe (le M. Berthollet, qui, comme nous venons de le voir, conduit à réduire en gaz- toutes les substances qui peuvent passer à cet état, ils ont suivi un autre procédé qui consiste à mélanger les substances qu'on veut analyser avec une quantité connue de muriate suroxigéné de po- ET MÉTÉOROLOGIE. 4^ tasse, et à faire brûler ce mélange clans un appareil propre à recueillir les gaz qui se dégagent. Cet ap- pareil est formé d'un tube de verre fermé par un bout, et portant à l'autre un robinet qui empêcbe toute communication entre l'intérieur du tube et l'air extérieur; la douille de ce robinet est pourvue d'un petit creux propre à contenir les matières qu'on veut analyser. A ce premier tube en est soudé un second, d'une dimension plus petite, destiné à re- cueillir les gaz qui doivent se dégager par la com- bustion des substances. L'appareil ainsi disposé, et le mélange de la sub- stance à analyser étant fait avec le niuriate suroxi- géné de potasse, on cbauffe, et lorsque l'instrument commence à prendre une température rouge, il y a une vive inflammation , et en même temps il se produit de Feau, de l'acide carbonique, du gaz oxi- gène, et du gaz azote, si la substance analysée con- tient de ce dernier. En faisant usage de ce moyen MM. Gay-Lussac et Thénard ont trouvé que le sucre, Famidon, la gomme arabique, le sucre de lait, con- tenoient du carbone, de foxigène, et de l'hydro- gène, et que ces deux derniers principes étoient justement dans des proportions convenables pour former de l'eau ; que les substances inflammables, telles que la résine de pin , la résine copale, la cire, l'huile d'olive, contiennent plus d'hydrogène qu'il 44 PHYSIQUE, CHIMIE, n'en faut pour saturer leur oxi^ène, et enfin que les acides végétaux contiennent plus d oxigène qu'il n'en faut pour saturer leur hydrogène. D'après ces résultats MM. Gay-Lussac et Thé- nard proposent de diviser en trois classes toutes les substances végétales, i" celles dans lesquelles l'oxi- gène et l'hydrogène sont dans des proportions con- venables pour former de l'eau; 2° celles qui con- tiennent de Fhydrogèneen excès, comparativement aux précédents ; 3° celles qui contiennent un excès d'oxigène. Les essais qu'ils ont faits avec leur appareil sur les substances animales les ont conduits aux résul- tats suivants : la fibrine, l'albumine, la gélatine, et la matière caséeuse, contiennent du carbone et de l'oxigène, de l'hydrogène et de l'azote, dans les proportions exactement nécessaires pour former de Feau et de l'ammoniaque. Ces substances pourroient donc être comparées au sucre, à l'amidon, et à la gomme, tandis que les graisses chargées d'un excès d'hydrogène seroient analogues aux résines, et les acides animaux analogues aux acides végétaux. M. Vauquelin a fait des travaux plus particuliers d'analyse végétale pour déterminer les différences qui se trouvent entre les principes constituants du sucre de canne, de la gomme, et du sucre de lait. et ses expériences qu'il poursuit font déjà conduit ET MÉTÉOROLOGIE. 4^ à ce résultat intéressaDt que la (^omine et le sucre de lait diffèrent du sucre de canne, en ce que la première contient de Tazote , et le second une ma- tière animale. «Au reste, dit M. Vauquelin, les différences entre le sucre ordinaire, le sucre de lait, et la gomme, ne consistent pas seulement dans la pré- sence ou dans l'absence de l'azote, elles tiennent encore aux rapports variés des autres cléments de ces matières ; et c'est ce qui nous reste à déterminer par des expériences maintenant commencées. » M. Guyton a présenté à llnstitut quelques obser- vations relatives à l'art de la verrerie. La première a pour objet la séparation des verres de densité dif- férente par la liquation ; du verre dont le fondant étoit du plomb, se trouvant au fond d'un creuset, ne se mêla point à du verre ordinaire dont le creu- set avoit été rempli malgré la fusion complète des matières. La seconde est relative à des essais de creuset-moule pour le recuit des grandes masses de verre. On essaya sans succès de former ces creu- sets avec de la pierre calcaire ; la matière ne présenta qu'une masse criblée de grosses bulles : formés avec de l'argile à pots, ces creusets donnèrent un verre parfaitement affiné; mais comme leur retrait né- toit point semblable à celui du verre., et que celui-ci 46 PHYSIQUE, CHIMIE, adhéroit à leurs parois, le refroidissement occa- siona dans la niasse vitreuse des fissures qui se dirigeoient du centre à la circonférence. La troi- sième observation consiste dans la coloration du verre en rouge parle cuivre. On ignoroit le moyen de donner aux matières vitreuses une couleur rouge fixe avec le cuivre. Un hasard a fait voir à M. Guy- ton que cette coloration pouvoit avoir lieu et être de la [)lus grande fixité, et des expériences qu'il a tentées l'ont convaincu de la réalité de sa conjecture. A cette occasion M. Sage a fait part de ses expé- riences pour colorer en rouge, au moyen du cuivre, le verre de phosphate de chaux ou des os , et a mon- tré des cristaux de verre, provenant du fond des creusets de la manufacture de bouteilles de Sèvres, qui avoient quelque ressemblance avec des prismes hexaèdres. J^a quatrième observation de M. Guyton a pour objet l'altération que le verre éprouve par l'action d'une grande chaleur long-temps continuée. Dans cette altération le verre se dévitrifie, prend une cou- leur blanche, laiteuse, et la demi-transparence des agates. C'est proprement la matière connue sous le nom de porcelaine de Réaumur; mais ce savant attribuoit l'opacité et la blancheur du verre aux ma- tières dont il l'entouroit. On a reconnu depuis que la présence de ces matières n'est point nécessaire, ET MÉTÉOROLOGIE. 47 et q Lie la chaleur seule est suffisante ; mais quelques physiciens attrihuoient ces effets à une espèce de précipitation d'une portion des matières consti- tuantes du verre. M. Guyton , par des raisons qu'il seroit trop long de rapporter ici , et qui paroissent fondées, attribue cette dévitrification à la vapori- sation de quelques unes de (;es portions de ma- tières. On croyoit pouvoir conclure de quelques obser- vations particulières que les feux des volcans n'a- gissoient pas comme ceux de nos fourneaux. Mais M. Guyton a fait voir, par des expériences directes, que cette opinion n'étoit point fondée; et il a eu l'a- vantage de convaincre le célèbre minéralogiste Do- lomieu, qui en a voit été fauteur. On sait que l'on est parvenu par des moyens simples à extraire du muriate de soude la soude dont les arts ont besoin , et qui se tiroit autrefois de l'étranger. Cette fabrication présentoit cependant un inconvénient; c'étoit la quantité de gaz acides quisevolatilisoient, et qui communiquoient à l'air des propriétés très malfaisantes. Les manufacturiers ont donc été obligés de chercher les moyens d'em- pêcher que ces gaz ne se répandissent dans l'atmo- sphère; et entre plusieurs moyens offerts pour arri- ver à ce but on doit distinguer cel ui qui a été imaginé par M. Pelletan fils. 11 consiste à faire circuler le gaz 48 PHYSIQUE, CHIMIE, acide muriatique dans de longes tuyaux horizontaux garnis de pierres calcaires qui l'absorbent. Dufay avoit a^moncé que le bismuth pouvoit ser- vir comme le plomb à la coupellation. M. Sage a montré par des expériences que ce premier métal ne peut point remplacer le plomb avec avantage, pârcequ'il emporte, .en passant à Tétat de verre, une portion d'argent avec lui. ANNÉE 18U. On sait, depuis Blak et Wilke, que les corps ne se vaporisent qu'en absorbant une grande quantité de chaleur, et que toute évaporation refroidit d'au- tant plus le corps d'où elle émane qu elle est plus accélérée ; d'autre part Ton sait que la pression de l'atmosphère ralentit l'évaporation, et que ce chan- gement d'état s'opère dans le vide d'autant plus promptement que ce vide est plus parfait. M. Leslie, membre de la Société royale de Londres, a imaginé d augmenter encore l'effet de la suppres- sion de l'air, en plaçant sous le récipient de la ma- chine pneumatique des corps très avides d'humi- dité, qui , s'emparant de la vapeur à mesure qu'elle se forme, en multiplient indéfiniment la produc- tion; et il est parvenu, par cette méthode, à un refroidissement si rapide et si violent que leau se gèle en quel(jues minutes, quelque temps qu'il fasse. ET MÉTÉOROLOGIE. 49 C'est un moyen d'avoir à volonté de la .cjlace presque sans autre frais que le feu nécessaire pour dessécher de nouveau le corps avide dliumidité que Ton a em- ployé. L'acide vitrioliquc très concentré, et le muriate de chaux, sont les absorbants les plus commodes pour cet usape. Deux jeunes chimistes, MM. Clément et Désor- mes , se sont occupés de déterminer les limites de ce procédé, et le degré d'économie où Ton j)eut le por- ter; et, par le calcul de la quantité de calorique contenue dans la vapeur de l'eau et de la quantité de charbon nécessaire pour produire une quantité de vapeur donnée , ils ont reconnu qu'il ne faut qu'un peu plus d'une partie de charbon pour réta- blir dans son premier état l'absorbant qui a servi à geler 5oo parties d'eau. Ainsi loo livres de glace ne coûteroient qu une livre et quelques onces de charbon. On peut augmenter l'effet en empêchant qu'il ne pénétre du calorique du dehors, et il suffit pour cela de rendre le récipient peu conducteur de la chaleur, en le faisant par exemple de deux lames de métal poli, séparées par une couche d'air. On tire encore de cette accélération de l'évapora- tion par le vide, augmentée par la présence des ab- sorbants, un avantage plus évident quand il s'agit BITFFON. COMPLEM. T. II. So PHYSIQUE, CHIMIE, seulement de dessécher des substances humides, parcequ on évite alors de leur faire subir Faction du feu qui les altère toujours plus ou moins. Notre confrère, feu M. de Montgolfier, avoit déjà imaginé de dessécher complètement des sucs de plantes, etnotamment le jus de raisin, par la pompe pneumatique ; et s etoit assuré qu'en délayant ce dernier jus dans l'eau , après qu'il avoit été dessé- ché, Ton pou voit encore le faire fermenter et en ob- tenir de très bon vin. Mais il en coûtoit trop de tra- vail, au lieu que l'addition d'un absorbant supplée à l'action continuée de la pompe. Cependant il faut empêcher que ces sucs ne gè- lent, inconvénient qui ne seroit pas moins fâcheux que ceux qui peuvent résulter du feu. MM. Clément et Désormes ont trouvé un moyen fort simple d'y parer. Ils enveloppent le vase qui contient le suc à évaporer avec la matière absorbante ; ainsi le calo- rique, qui se dégage de la vapeur au moment où elle est absorbée, retourne au suc qu'on évapore, et cette circulation fournit à ce qu'exige la nouvelle vapeur. On peut employer ce procédé avec beaucoup d'économie, si l'on commence par réduire le suc à l'état de sirop, au moyen d'un ventilateur qui est aussi de l'invention de M. de Montgolfier, et que MM. Clément et Désormes ont décrit dans les An- ET MÉTÉOROLOGIE. 5l iiales de Chimie (octobre iSio). La pompe pneu- matique nes'appiique qu'au moment où ce venti- lateur ne produit plus d'effet. Chacun comprend de quelle utilité peut être, pour les usages domestiques, et sur-tout pour la marine et pour les armées, ce nouvel art de conser- ver dans leur intégrité les substances alimentaires en diminuant beaucoup leur poids, et de transpor- ter sous un petit volume, dans des régions éloignées, la matière fermentescible qui doit donner le vin et l'alcohol. liCS mêmes physiciens proposent d'appliquer Tévaporation dans le vide à la dessication de la pou- dre qui, se faisant sans feu, se feroit sans danger. Ils se sont aussi occupés de Févaporation ordi- naire par le moyen du feu , et ont trouvé un moyen de doubler les effets d'une quantité donnée de com- bustible sur un liquide aqueux, tel qu'une dissolu- tion saline. Il ne s'agit que de recueillir la vapeur d'une première portion du liquide, et de la con- traindre à passer au travers d'une seconde portion. Cette vapeur très échauffée donne une grande partie de son calorique au nouveau liquide qu'elle tra* verse, et fait déjà la moitié de la besogne. Mais de tous les arts celui qui a retiré des décou- vertes modernes sur la chaleur et sur la vaporisa- tion les avantages les plus étonnants, c'est celui du 52 PHYSIQUE, CHIMIE, distillateur d'eaii-cîe-vie ; le procédé que nous ve- nons d'indiquer n'est même qu'une imitation de ceux qui ont donné une partie de ces avantages. Cette révolution, qui exerce déjà l'influence la plus salutaire sur la prospérité de nos départements méridionaux, est due à feu Edouard Adam, distil- lateur de Montpellier. Le fonds de son procédé consiste à faire chauffer une g^rande partie du vin mis en distillation par la vapeur d'eau-de-vie qui s'élève de la chaudière, et à faire passer cette vapeur par une série de vais- seaux baionés en partie par de Feau froide, qui lui fait déposer ses parlies aqueuses, en sorte que le seul esprit-de-vin bien pur se condense dans le der- nier réfrigérant. De cette manière, au lieu de chauffer d'abord pour obtenir de Teau-de-vie à 19 degrés, d'où l'on tiroit ensuite par des chauffes successives les es- prits-de-vin de différentes forces, Ton a tout d'un coup fesprit-de-vin au degré que l'on veut. De plus l'ancien alambic ne recevoit que deux chauffes par jour, et celui d'Adam en reçoit huit; ce dernier extrait un sixième de plus d'esprit de la même quan- tité de vin ; il économise deux cinquièmes de com- bustible et trois quarts de main-d'œuvre ; enfin l'es- prit"de-vin qu'il fournit n'a jamais de goût d'em- pyréume. ET MÉTÉOROLOGIE. 53 Il n'est pas étonnant qu'avec de tels avanta-ojes ce procédé ait été si promptement adopté par les distillateurs : une ruine infaillible eut été le partage de ceux qui se seroient opiniâtres à suivre rancienne méthode. M. Duportal, chimiste de Montpellier, en a pré- senté à l'Institut une description fort exacte qui a été imprimée, et où il indique aussi les perfection- nements qu'y a portés M. Isaac Bérard. Il est essentiel de remarquer ici que l'idée pri- mitive de chauffer par la vapeur appartient à M. le comte de Rumfort, associé étranger de l'Institut , qui la publiée à Londres, en 1798. C'est ainsi qu'une simple proposition générale, qui ne paroît d'abord qu'une vérité abstraite et sans usages , peut enrichir des provinces entières. M. le comte de Rumfort, qui a fait en physique un si grand nombre de ces découvertes utiles, et qui a sur-tout fait son étude des avantages de tout genre que nous retirons du feu, a présenté cette année à l'Institut plusieurs recherches sur la lu- mière. Après avoir décrit diverses nouvelles formes de lampes propres à décorer les appartements, et à servir de bougeoirs, de lanternes, et de veilleuses, ^ans aucun des inconvénients que les lampes usi- tées conservent encore dans ces circonstances, il a 54 PHYSIQUE, CHIMIE, cherché à résoudre ce grand problème, sur lequel les physiciens sont divisés depuis plus d'un siècle, celui de savoir si la lumière est une substance qui émane des corps lumineux , on un mouvement im- primé par ces corps à un fluide d'ailleurs impercep- tible et répandu dans l'espace. Gomme une quantité donnée d'une espèce don- née de condDUstible déo^age toujours en se brûlant une même quantité de chaleur, elle devroit aussi, s'est dit M. le comte deRumfort, dégager une même quantité de lumière, si la lumière y étoit contenue de la même façon que la chaleur; car ceux même qui ne considèrent pas la chaleur comme une sub- stance conviennent que c'est une force , une quan- tité de mouvement qui peut être concentrée dans un corps, et qui s'en dégage en même quantité qu'elle y a été mise, comme un ressort se débande. Au contraire, si la lumière n'est qu'un mouve- ment imprimé à l'éther par les vibrations des corps qui brûlent, sa quantité pourra être proportion- nelle , non pas à la quantité de ce corps qui aura été brûlé , mais à la vivacité avec laquelle la com- bustion s'en sera faite, et sur-tout au temps que chacune de ses particules sera restée échauffée au degré convenable pour ébranler celles de l'éther. Ayant fait ses expériences d'après ces idées, soij avec des lampes, soit avec des bougies , il a trouvé ET MÉTÉOROLOGIE. 55 que la chaleur, dégagée dans un temps donné, étoit toujours proportionnelle à la quantité d'huile ou de cire brûlée , tandis que la quantité de lumière fournie dans le même temps varioit à un degré étonnant, et dcpendoit sur-tout de la grandeur de la flamme, grandeur qui retarde son refroidisse- ment: une petite mèchede veilleuse, par exemple, donne seize fois moins de lumière qu'une bougie commune , en brûlant autant de cire , et en échauf- fant la même quantité d'eau au même degré. Ainsi tout ce qui peut maintenir la chaleur de la flamme contribue à augmenter la lumière, et Ton peut arriver à des résultats vraiment surpre- nants. M. le comte de Rumfort, qui avoit reconnu par des expériences plus anciennes que toute flamme est transparente pour une autre flamme, a combiné ses deux découvertes ; et , ayant construit des lam- pes où plusieurs mèches plates, placées parallèle- ment les unes aux autres, se garantissent mutuelle- ment contre le froid , il leur a fait produire une lumière égale à quarante bougies; et il pense que l'intensité où l'on pourroit arriver n'a pas de terme, ce qui peut devenir de la plus grande importance pour les fanaux; car jusqu'ici il n'avoitpas été pos- sible d'en porter la lumière au-delà de certaines limites , parcequ'en agrandissant trop les mè( hos à 56 PHYSIQUE, CHIMIE, double courant d'air, leur lumière diminuoit en vertu de causes que les expériences dont nous ve- nons de rendre compte expliquent facilement. Ce que nous avons dit ci-dessus du refroidisse- ment des corps par Févaporation est un cas parti- culier de cette loi , que tout corps qui se dilate absorbe de la chaleur, tandis qu'il en déf^age en se condensant. Cette loi souffre cependant quelques exceptions , et il en est qui sont connues et expli- (juées depuis long-temps : telles que celle du nitre, qui garde en beaucoup de circonstances , en se condensant , une grande proportion de chaleur dont les effets sont assez sensibles lors de la com- bustion de la poudre ; mais il y a aussi de ces excep- tions qui tiennent à des causes plus obscures ; telle est celle que M. Thillaye , professeur au Lycée impé- rial, a fait connoître. Le mélange de fesprit-de-vin avec l'eau est tou- jours accompagné d'une élévation dans la tempéra- ture, et il s'y fait généralement une condeusation plus forte qu'elle ne devroit être d'après la densité proportionnelle des deux fluides , condensation d'après laquelle on explique cette chaleur. Mais M. Thillaye a trouvé que , lorsque l'alcohol est foible, loin que le mélange se condense, il se raréfie, et que cependant la chaleur se manifeste conuue à l'ordinaire. Il a construit des tables de ses ET MÉTÉOROLOGIE. Sy expériences, d'après lesquelles on voit que Talco- lîol, à 0,9544 t'^ densité, commence à donner de la raréfaction. Le maximum de l'effet se montre quand l'alcohoi est à o,gG88 , et qu'on le mêle avec une fois et demie son poids d'eau ; et l'élévation de température est encore de deux de^jrés. Le cas contraire, celui des condensations sans dégagement de chaleur, produit les matières déto- nantes, dont la plus connue, comme nous venons de le dire, est la poudre à canon. L'une des plus terribles est cette espèce de poudre où Ton substitue au nitre le rauriate oxygéné de potasse ; mais elle est aussi l'une des plus dangereuses , car elle dé- tone par la simple percussion, et même par le frottement. Cependant on a imaginé d'en faire usage pour amorcer les fusils , parceque n'ayant pas besoin d'étincelle , elle ne manque jamais son effet, et même un anpiebusier, M. Page, a inventé des platines appropriées à cet usage; mais comme le plus léger frottement l'enflamme, il est dangereux même de l'employer ainsi. MM. Bottée et Gengembre ont cherché une poudre qui conservât la faculté de détoner par le choc, sans exposer au danger d'une explosion spon- tanée; et, après avoir fait de nombreux essais, ils en ont trouvé une qui remplit toutes les conditions désirables. Elle se compose de cinquante-quatre 58 PHYSIQUE, CHIMIE, parties sur cent de muriate suroxy^jéné, de vingt et une de nitre ordinaire, ou nitrate de potasse; de dix-huit de soufre, et de sept de poudre delyco- pode. Elle exige le choc des corps les plus durs ; et, ce qui est le plus particulier, la partie seule qui re- çoit le choc détonne; les parties voisines ne font que s'enflammer par communication, mais elles ne produisent aucune explosion , en sorte que cette poudre est absolument sans danger : elle a donc de l'importance, puisqu'elle rend facile l'usage d'un procédé qui en a lui-même. Les recherches des chimistes sur les moyens de suppléer aux denrées exotiques continuent avec tout le zèle que les invitations du gouvernement sont faites pour inspirer. Notre confrère M. Deyeux a publié une instruc- tion sur les précautions à prendre dans la culture de la betterave, pour la rendre plus abondante en matière sucrée. M. Zanetti a présenté des expé- riences sur la qualité sucrante du suc de maïs. M. Deslonchamps , médecin à Paris , en a fait sur les effets du suc de pavot des jardins, comparés à ceux de l'opium d'orient ; il les a trouvés sembla- bles pour le suc obtenu par l'incision des capsules, deux fois plus foibles pour celui qui résulte de leur expression , et quatre fois pour l'extrait des feuilles et des tiges; le premier seul a l'odeur vireuse dont ET MÉTÉOROLOGIE. Sg on croit que dépendent les mauvais effets de l'opium. M. Chevreul , aide-naturaliste au Muséum d'his- toire naturelle, a travaillé sur le pastel, pour éclai- rer ceux qui essaieront de lui faire reprendre dans la teinture la place que l'indigo lui avoit enlevée; ou plutôt il a fait de cette plante intéressante l'objet de recherches encore plus générales, et propres à perfectionner toutes les méthodes d'analyse végé- tale. Il a fait voir que la fécule du pastel est compo- sée de cire, et d'une combinaison d'une résine verte , d'une matière végétn-animale , et d'un indigo à letat de désoxidation, mais qui peut aisément reprendre de Toxigène. T^e suc filtré lui a encore donné des substances dont le nombre et la variété sont faits pour étonner, et d'où l'on peut conclure que quelques unes de celles qu'on a regardées jus- qu'ici comme des principes immédiats des végétaux se laissent encore diviser, sans décomposition, en principes plus simples. Le même chimiste a présenté un travail analogue sur le bois de campêche; il y trouve quinze prin- cipes différents , dont le plus remarquable est celui qu'il a nommé campec/iium , et auquel ce bois doit sa propriété tinctoriale. Ce principe est brun-rouge , sans saveur et sans odeur; il cristallise, donne à la distillation les mêmes éléments que les substances 6o PHYSIQUE, CHIMIE, animales, se combine avec tous les acides et toutes les bases salifiables , et forme avec les premières de ces substances des combinaisons rouf^^es ou jaunes, selon la quantité d'acide employée ; et avec les autres des combinaisons bleues-violettes, et cela avec tant de facilité qu'on peut l'employer avec plus de sûreté que le sirop de violette pour reconnoître les alcalis ; mais Foxide d'étain au maximum fait ex- ception à cette règle; il agit sur le campecbium comme un acide, et le rougit, tandis que l'bydro- gène sulfuré qui , dans tant d'autres circonstances, se comporte comme les acides, décolore le campe- cbium. On n'avoit encore appliqué la tbéorie des affini- tés qu'à la décomposition réciproque des sels solu- bles : il restoit à savoir si les sels insolubles ne sont pas susceptibles aussi d'écbanger leurs principes avec certains sels solubles. M. Dulong a examiné cette question d'une manière générale dans un mé- moire présenté à l'Institut, et qui est la première production de ce jeune cbimiste. Il y traite d abord en particulier de l'action des carbonates et des sous- carbonates de potasse et de soude sur tous les sels insolubles ; et il parvient à ce résultat remarquable, que tous les sels insolubles sont décomposés par les deux carbonates précédents, mais que l'écliange mutuel de leurs principes ne peut se faire complé- ET MÉTÉOROLOGIE. 6l tement dans aucun cas ; et réciproquement , que tous les seis solubles, dont Tacide peut former un sel insoluble avec la base des carbonates insolubles, sont décomposés par ceux-ci, jusqu'à ce que la dé- composition ait atteint une certaine limite qui ne peut plus être dépassée : en sorte que dans des circon- stances identiques il se produit des combinaisons absolument opposées. M. Dulong observe qu'il n'existe peut-être aucun fait qui soit plus évidem- ment en contradiction avec la tbéorie des affinités de Berfjman. Tl fonde l'explication qu'il donne de ces phénomènes , en apparence contradictoires , sur les changements qui surviennent pendant le cours de la décomposition dans le degré de saturation de l'alcali, qui est toujours en excès, et fait une nouvelle application du principe si bien établi par M. Berthollet sur l'influence de la masse dans les phénomènes chimiques. Enfin il déduit de cette théorie un moyen de prévoir quels sont les sels solubles susceptibles de décomposer un sel inso- luble donné. Le célèbre Scheele découvrit en l'ySo que le bleu de Prusse n'est qu'une combinaison du fer avec un acide particulier que les chimistes ont nommé depuis acide prussicjue. On ne l'avoit encore obtenu que mêlé de beaucoup d'eau. M. Gay-Lus- sac, en décomposant le prussiate de mercure par 62 PHYSIQUE, CHIMIE, lacide muiiatique à l'aide de la chaleur, en rece- vant le produit dans des flacons entourés de f^^lace, et en le rectifiant sur du carbonate et du muriate de chaux, est parvenu à donner à Facide prussique la plus grande concentration. Dans cet état cet acide jouit de propriétés remarquables. Son odeur est presque impossible à supporter; et, ce qui est plus curieux, il entre en ébullition à 26 degrés, et se congèle à i 5 ; intervalle si peu considérable que, quand on en met une goutte sur une feuille de pa- pier, levaporation d'une partie produit assez de froid pour congeler le reste. M. Boullay, pharmacien de Paris , à qui l'on doit la découverte d'un éther phosphorique, en a aussi formé un avec de l'alcohol et de l'acide arsenique; mais il faut employer pour cela beaucoup de ces deux substances. Les propriétés de cet éther sont semblables à celles de l'éther sulphurique ou ordi- naire , et la théorie de sa formation est la même. M. Chrétien , médecin de Montpellier, ayant fait connoître dans les préparations d'or des propriétés très remarquables contre les maladies syphilitiques et lymphatiques , l'attention des chimistes s'est por- tée sur ce métal, et MM. Vauquelin, Duportal, et Pelletier, ont examiné de nouveau ses dissolutions, pour acquérir des connoissances plus précises de l'état où il se trouve dans les préparations pharma- ET MÉTÉOROLOGIE, 6S ceutiques. Néanmoins il restoit encore beaucoup d'incertitude sur ce sujet, parceque les propriétés chimiques de plusieurs des combinaisons de Tor sont très fu^^itives. M. Oberkampf le fils a présenté cette année à l'Institut un premier essai de ses travaux en chi- mie , dans lequel il fait disparoître plusieurs de ces incertitudes. Il a produit des sulfures et des phos- phures d'or, et montré que les différences éton- nantes, observées dans faction des alcalis sur les dissolutions d'or, tiennent k la proportion de Fal- cali : s'il y en a assez , le précipité est noir, et c'est un véritable oxide d'or; s'il n'y en a pas suffisam- ment, le précipité est jaune, et c'est un niuriate avec excès d'oxide ; la différence de proportion de l'acide ne produit pas des effets moins variés; en- fin, dans la précipitation par l'oxide d'étain, les résultats diffèrent encore beaucoup , selon la pro- portion de l'oxide. M. Oberkampf a déterminé la quantité d'oxigène que contient l'oxide d'or, et qui est telle que sur loo parties il y en a 90,9 d'or, et 9, i d'oxigène. Nos confrères MM. Thenard et Gay-Lussac ont fait imprimer cette année leurs Recherches physico- chimiques , où ils ont recuedli tous les mémoires qu'ils ont lus à l'Institut jusqu'à cette époque, et un assez grand nombre d'autres, tous plus ou moins 64 PHYSIQUE, CHIMIE, importants pour les sciences que ces jeunes chi- mistes cultivent avec tant d'éclat. MM. Bouillon-La-Grange et Vogel ont publié une traduction françoise du Dictionnaire de Chimie de M. Klaproth , associé étranger de Flnstitut; ouvrage qui offre en peu de volumes toutes les notions essen- tielles de la chimie, exposées avec autant de clarté que de solidité, et d'après les découvertes les plus nouvelles. Depuis que les chutes des pierres de l'atmo- sphère sont un phénomène reconnu, on l'observe souvent. Le général comte Dorsenne a adressé d'Espagne à l'Institut une de ces pierres tombée en Catalogne. M. Pictet, correspondant, nous a donné des détails sur deux autres, dont l'une est tombée sur un vaisseau, cas jusqu'à présent unique dans l'histoire de ces chutes. M. Sage, à loccasion des trombes qui ont exercé cette année leurs ravages, l'une près de Montmé- dy, le 2 3 avril, l'autre à Moyaux , près de Lisieux, le 2 mai, a rappelé, dans un mémoire historique, les circonstances de plusieurs phénomènes de ce genre observés en différents temps. ET MÉTÉOROLOGIE. 65 ANNEE 1812. Chacun sait que la chaleu r est Fun des principaux instruments de la chimie et l'une des plus grandes forces qui agissent dans ses phénomènes; on peut la considérer en elle-même, dans ses effets, ou dans ses sources. M. le comte de Rumfort, constamment occupé des sciences dans leurs rapports avec les besoins de la société, a traité cette année de la chaleur sous ce dernier point de vue, et a cherché avec beaucoup de soin à déterminer quelle quantité il s en développe dans la combustion de chaque substance. Pour arriver à ce but il falloit d'abord avoir un moyen général de mesurer exactement ces quantités de chaleur ; et quand on réfléchit à la complication du phénomène de la combustion , Ton sent aisément combien de difficultés dévoient arrêter M. de Rum- fort dans ses tentatives. Ce n est qu'après vingt ans de travaux qu'il est parvenu à les vaincre. Son idée principale étoit de mesurer la quantité d'eau qui passe d'un degré fixe à un autre également fixe par la combustion d'une quantité bien déter- minée de chaque substance. L'appareil qu'il a imaginé pour cela consiste en un récipient prismatique et horizontal de cuivre, où l'on a pratiqué deux goulots: fun près d'une BFFFON. COMPLEW. T. II. 66 PHYSIQUE, CHIMIL, extrémité, pour recevoir un thermomètre; l'autre au milieu de la partie supérieure, par lequel on verse l'eau , et que l'on ferme par un bouchon. Dans l'intérieur du récipient est une espèce de serpentin de forme aplatie qui en couvre tout le fond sans le toucher, et qui doit recevoir les produits aériformes de la combustion par le moyen d'un tuyau vertical soudé à son orifice. Ce serpentin revient trois fois sur lui-rnéme, et son autre extrémité traverse hori- zontalement la paroi verticale du récipient qui lui est contigu. La bonté de tout l'appareil dépend essentiellement de la forme plate du serpentin, qui doit exactement transmettre au liquide contenu dans le récipient toutes les portions de la chaleur qu'il reçoit lui-même du corps qui brûle. Cependant le récipient, une fois devenu plus chaud que l'air environnant, devoit perdre du ca- lorique qu'il auroit reçu ; et l'azote de l'air qui auroit servi à la combustion, se trouvant avec les autres produits dans le serpentin , devoit aussi en garder une portion. Pour remédier à ces deux causes d'erreur M. de Rumfort a eu l'idée aussi simple qu'efficace de com- mencer toutes ses expériences à un degré déterminé au-dessous de l'air environnant, et de les faire cesser quand Teau du réci|)ient étoit arrivée à autant de degrés au-dessus; de sorte que dans le commen- ET MÉTÉOROLOGIE, 67 cernent lair environnant et Fazote fournissent à l'eau précisément autant de calorique qu'ils lui en reprennent ensuite. Le réservoir cylindrique du thermomètre a pré- cisément la même hauteur que le récipient, en sorte qu'il indique exactement la chaleur moyenne de toute la masse de l'eau. M. de Rumfort, muni de cet appareil, a donc brûlé successivement différents combustibles, mais en prenant des précautions telles que leur com- bustion fût complète , c'est-à-dire qu'ils ne laissassent aucun résidu , et ne donnassent ni fumée ni odeur; car il considéroit avec raison la plus légère odeur comme la preuve qu'une partie de combustible s'étoit vaporisée sans brûler. Il a trouvé ainsi qu'une livre de chaque substance faisoit passer de la tem- pérature de la glace fondante à celle de Feau bouil- lante, savoir: La cire blanche 94632 livres d'eau. L'huile d'olive 904^9 id. L'huile de colza. 9^07^ id. L'alcoliol 67470 id. L'e'tlier sulfurique ..... 8o3o4 id. Le naphte 73376 id. Le suif. 83687 id. Ce qui est très remarquable c'est qu'en admet- tant les analyses de ces substances faites par Lavoi- 5. 68 PHYSIQUE, CHIMIE, sier, Gruickshansk, MM. de Saussure, Gay-Lussac, et Thënard, et en calculant la chaleur qui auroit été produite par Thydrogène et le carbone qui entrent dans leur compc*5ition si on les eût brûlés séparément, on arrive à très peu près aux mêmes résultats. Nous ne pourrions faire sentir tout le mérite de ces recherches qu'en rapportant les nombreux cal- culs de lauteur; et c'est ce que la nature de notre travail ne comporte pas. Muni de ces connoissances préalables, M. de Rnmfort est passé à la détermination de la quantité de chaleur développée par la combustion des dif- férents bois; mais ici le problème devenoit plus compliqué. Une haute température produit de nombreux changements sur le bois; une partie de ses éléments est expulsée , une autre contracte des combinaisons nouvelles: il falloit donc examiner d'abord la structure des bois, la gravité spécifique de leurs parties solides, la quantité de liquides et de fluides élastiques qu'ils contiennent dans leurs divers états, enfin ce qu'ils fournissent de charbon. Après les avoir exactement desséchés dans une étuve, M. de Rumfort est arrivé à ce résultat sin- gulier que la pesanteur spécifique de la matière solide qui fait la charpente du ])ois est à-peu-près la même dans tous les arbres ; ii a reconnu par le ET MÉTÉOROLOGIE. 69 même moyen que la partie lip,rîense clans le chêne en pleine végétation ne fait pas quatre dixièmes du total : Fair en fait un quart, et le reste est de la sève. Les bois légers ont encore beaucoup moins de par- ties solides; mais il y a des variations selon les sai- sons et lage des arbres. Le bois sec ordinaire con- tient encore près d'un quart de son poids d'eau, et il n'y en a jamais moins d'un dixième dans les plus vieilles poutres placées depuis des siècles dans des charpentes. Par des expériences exactes de carbonisation M. de Rumfort a trouvé que tous les bois absolu- ment secs donnent de ^2 à ^3 centièmes de char- bon ; d'où il a conclu c|ue la matière j)ropre du bois est identique dans tous les arbres. Cette perte que le bois le plus sec éprouve encore quand on le car- bonise, la quantité absolue de carbone déterminée par MM. Thénard et Gay-Lussac à 62 ou 53 cen- tièmes, les matières qui se déposent sur les vases, enfin ce fait que le bois trop desséché, trop rap- proché de l'état de charbon, développe moins de chaleur , lui font juger qu'il existe autour de la fibre charbonneuse proprement dite, ou du squelette d\i bois (comme Fauteur l'appelle), une autre sub- stance qu'il compare à quelques égards aux muscles, et qu'il nomme chair végétale. C'est sur cette en- veloppe que se porte la première atteinte du feu, -yo PHYSIQUE, CHIMIE, parcequ'elle contient de Thydrogène qui la rend plus inflammable, et qui contribue beaucoup à la chaleur donnée par chaque bois. Des nombreuses expériences et des calculs com- pliqués de M. de Rumfort est résulté enfin une table de la quantité d'eau que les divers bois, selon leur plus ou moins de dessèchement, peuvent faire pas- ser respectivement de la température de la glace fondante à celle de l'eau bouillante, table où Ton voit que le tilleul est le bois qui donne le plus de chaleur, et le chêne celui qui en donne le moins. Il résulte encore de ses analyses que la perte de chaleur inévitable dans la carbonisation du bois est de plus de 4^ pour cent, mais qu'elle est de plus de 64 par les procédés ordinaires des charbonniers, parcequ'ils forment beaucoup d'acide pyroligneux qui consomme cette grande proportion de carbone; enfin que tout le charbon fourni par une quantité d'un bois quelconque ne donne pas plus de chaleur que le tiers de la même quantité brûlé à l'état de bois. M. de Rumfort croit encore avoir reconnu dans le cours de ses expériences ce fait important pour la chimie , que le carbone peut s'unir à l'oxygène et former avec lui de l'acide carbonique à une tem- pérature beaucoup plus basse que celle où il brûle visiblement. ET MÉTÉOROLOGIE. 7 r La difficulté de suivre ici le savant physicien dans ses calculs compliqués sur la plus grande in- tensité de chaleur qu'il est possible de produire, et sur la quantité de chaleur produite par la conden- sation de la vapeur de l'eau et de l'alcohoî, nous oblige à n'en citer que les principaux résultats. Il établit par exemple que la température de l'eau à l'instant où elle se forme par la combinaison de l'oxygène et de l'hydrogène est huit fois plus élevée que celle du fer chauffé au point de paroître rouge en plein jour, et que l'eau bouillante, en passant à l'état de vapeur, rend latents io4o degrés de chaleur, ou, ce qui revient au même, que cette quantité se développe quand la vapeur d'eau se condense. Selon les mêmes expériences la capacité de la vapeur d'eau pour la chaleur diminue avec sa tem- pérature ; et des phénomènes relatifs à la vapeur d'alcohol on peut conclure que l'hydrogèneet l'oxy- gène qui entrent dans la composition de ce liquide n y sont point à l'état d'eau. L"Institut avoit proposé pour sujet de l'un de ses prix de physique la détermination de la capacité des gaz oxygène, acide carbonique, et hydrogène, pour la chaleur. Ce prix vient d'être décerné à un mémoire de MM. François Delaroche et Bérard. (^es deux phy- "72 PHYSIQUE, CHIMIE, siciens ne se sont pas bornés à résoudre la question proposée : embrassant la matière sous un point de vue général , ils ont examiné encore d'autres gaz , et ont aussi cherché à déterminer la capacité de la vapeur aqueuse et celle de l'air sous des pressions différentes; ils ont trouvé, entre autres résultats intéressants, que la capacité d'une masse donnée dair augmente avec son volume. Ramenant enfin toutes les capacités à celle de l'eau , les auteurs ont dressé la table suivante, comme résultat définitif de leur travail : Capacité de l'eau i,oooo Air atmosphérique 0,2669 Gaz hydrogène 3,2986 Gaz acide carbonique. . . . o 0,2210 Gaz oxygène o,236i Gaz azote 0,2^754 Gaz oxyde d'azote 0,2869 Gaz oléfiant 0,420^^ - Gaz oxyde de carbone 0,2884 Vapeur aqueuse 0,8470 La chaleur pénétre tous les corps ; elle contribue essentiellement à leur dilatation, et on l'en exprime en quelque sorte chaque fois qu*on les réduit, par une opération quelconque, à des dimensions plus petites. Ainsi Ton sait, par les expériences faites à Lyon il y a dix ans par M. Mollet, que l'air comprimé ET MÉTÉOROLO(;iE. -yS subitement développe de la chaleur, et que cette chaleur est accompagnée de lumière. Ce phéno- mène a donné lieu d'ima(]iner l'instrument com- mode que l'on appelle briquet à piston. M. Dessai(^nes, habile physicien de Vendôme, dans un mémoire dont nous avons rendu compte, ayant soumis différents gaz à la même opération, obtint des effets semblables, et l'on en conclut avec une apparence de raison qu'ils dévoient se repro- duire dans tous les fluides aériformes ; mais M. de Saissy, médecin de Lyon, ayant répété les expé- riences de M. Dessaignes, n'est parvenu à rendre lumineux que le gaz oxygène, le gaz acide muria- tique, et l'air commun: le premier des trois est celui qui lui a donné le plus de lumière; après lui vient l'acide muriatique: l'air commun en a donné le moins. Les autres gaz ne sont devenus lumi- neux qu'autant que l'on y a ajouté deux centièmes d'oxygène. M. de Saissy conclut de là que les fluides aéri- formes n'ont la propriété de dégager de la lumière par la compression que lorsqu'ils contiennent du gaz oxygène libre ou foiblement combiné ; il pense que ce fait, une fois bien constaté, pourra donner une nouvelle probabilité à l'opinion que la chaleur et la lumière sont des substances différentes. La doctrine de M. le comte Berthollet sur les «74 PHYSIQUE, CHIMIE, actions diverses qui influent dans les résultats dé- finitifs des phénomènes chimiques repose entre autres sur ce fait, à-peu-près j^énéral, qu'un alcali qui décompose une combinaison saline ne fait que lui enlever la portion d'acide qui lui donnoit sa solubilité, et qu'aussitôt que cette combinaison est devenue insoluble elle se précipite en conservant le reste de son acide et même en prenant sou- vent une portion de l'alcali qui a[;it sur elle; en sorte que le précipité est presque toujours plus ou moins composé. Cependant M. Toboalda avoit an- noncé que les alcalis purs précipitent du rauriate suroxy^^éné de mercure, vul[;airement appelé su- blimé corrosif, un oxyde de mercure dépouillé de tout acide. M. BertboUet, voulant vérifier cette expérience, a trouvé que ce précipité n'est pur qu autant que l'on met dans la dissolution de su- blimé corrosif plus d'alcali qu'il n'en faut pour en enlever tout l'acide muriatique. Dans le cas con- traire le précipité conserve toujours une portion d'acide qui varie selon les circonstances. L'espèce de l'alcali est indifférente; mais quand la potasse, par exemple, est complètement saturée d'acide carbonique, elle ne décompose point le muriate mercuriel. Au contraire, si l'on emploie un sous- carbonate de potasse, c'est-à-diie une potasse im- parfaitement saturée, ce sous-carbonatea^it jusqu'à ET METEOKOLOGIE. 70 ce qu'il ait perdu la potasse qu'il avoit en excès; mais, dans ce cas, le précipité retient à-la-ibis de l'acide niuriatique et de la potasse. Les alcalis produisent les mêmes effets sur le ni- trate de peroxyde de mercure, et des expériences faites sur du sulfate d'alumine ont encore donné des résultats analof^^ues , c'est-à-dire qu'elles ont con- couru à confirmer la loi établie par M. Berthollet. liC même savant avoit fait il y a lon.o^-temps des expériences pour reconnoître les proportions d'oxy- gène et d'acide muriatique qui constituent l'acide rauriatique oxygéné; mais M. Ghenevix ayant ob- tenu depuis d'autres résultats, M. Bertboîlet est revenu sur ce sujet. Il a reconnu que la lumière qu'il avoit d'abord employée comme agent princi- pal n'enlève qu'une certaine proportion d'oxygène à l'acide, quoiqu'elle le ramène par-là à un état où son action sur les réactifs diffère peu de celle de l'acide muriatique simple. Il en conclut que cet état est un premier degré d'oxygénation de la base mu- riatique; et, décomposant l'acide oxygéné parfait par le moyen de Fammoniaque, il y a trouvé 2 3,64 d'oxygène sur loo, au lieu de 9,41 qu'a voit donné sa première analyse. Dans un de ses précédents mémoires M. Ber- thollet avoit fait connoitre des faits d'où Ton pou- voit aisément conclure qu'il existoit des gaz hydro- ■yô PHYSIQUE, CHIMIE, pênes carbures, mais il avoit néf^lifîé de tirer cette conclusion. L'analyse que M. de Saussure a faite du gaz olé- fiant a mis cette vérité dans tout son jour en dé- montrant qu'en erlx3t ce gaz ne contient point d'oxy- gène, et qu'il est un véritable gaz hydrogène carburé composé, sur loo parties, de %6 de carbone et de 1 4 d'hydrogène. M. Dalton, en traitant le même sujet dans sa Chimie philosopliicjue , a cherché à établir que la combinaison de l'hydrogène avec le carbone se fait seulement dans deux proportions fixes. Par 1 une on a le gazoléfîant, et par l'autre le gaz inflammable des marais ; il considère les gaz nommés par M.Ber- thollet bycirogènes oxycarburés comme des mé- langes de gaz hydrogène carboné, de gaz oxyde de carbone, et d'hydrogène. Selon M. Dalton le gaz oléfiant qu'on soumet à la chaleur ou à l'action de l'étincelle électrique passe à l'état de gaz des marais en déposant la moitié de son charbon, et le gaz des marais soumis aux mêmes actions se décompose entièrement; et si avant d'être arrivé à cette entière décomposition on obtient un gaz particulier, ce gaz est un mélange d'hydrogène avec le gaz carburé des marais. M. Berthoilet a répété ces expériences îivec l'élec- tricité, mais elles ne l'ont point conduit aux résul- ET METEOROLOGIE. -yy tats annoncés par M. Dalton : une partie seulement du (J^az a été décomposée, et celle qui est restée in- décomposée a résisté à la plus forte action de l'élec- tricité. M. Berthollet conclut aussi, contre l'opinion de M. Dalton, que la petite quantité d'azote qui se trouve dans le gaz des marais lait une partie consti- tuante de cette combinaison; car ce g^az, recueilli dans des marais à des époques très éloignées, a tou- jours donné la même quantité d'azote. Enfin M. Berthollet, ayant soumis à Faction de la chaleur le gaz oléfiant, n'a pas obtenu davantage les résultats annoncés par M. Dalton ; et, bien loin de n'avoir trouvé que deux combinaisons entre le gaz hydrogène et le carbone, il a vu au contraire que ces substances peuvent s'unir dans des propor- tions indéfiniment variables , selon le j)l us ou uioins de chaleur cju'on leur a fait éprouver. M. Berthollet a aussi exposé au feu le gaz oxycar- buré, et a obtenu des résultats analogues à ceux dont il vient d'être question. Ce gaz a déposé du charbon, et sa légèreté spécifique a augmenté. Du gaz oxyde de carbone a été exposé dans un tube in- candescent à Faction de l'hydrogène sans épjrouver de décomposition; ce qui est opposé à Fidée de M. Dalton, qui regarde le gaz oxycarburé comme un mélange de gaz oxyde de carbone et de gaz hy- drogène carburé: car, pour expliquer cette ex pé- yS PHYSIQUE, CHIMIE, rieiice par Thypothèse de M. Dahon, il faiidroit attribuer tous les cliangeiiierits que la chaleur opère dans le gaz oxycarburé au gaz hydrogène carburé qu'il con tien droit ; ce qui est fort difficile, M. Ber- tlioUet ayant prouvé par une expérience directe que rhydrogène n'a aucune action sur ie charbon. M. Thénard a fait sur le gaz ammoniac des expé- riences bien singulières et à-peu-près inexplicables dans Fétat actuel de la chimie. Si Ton expose ce fluide bien pur à une haute chaleur dans un tube de porcelaine bien imper- méable, il s'en décompose à peine quelques par- celles; au contraire la décomposition va très vite si Ton met dans ce même tube du fer, du cuivre, de l'argent, de l'or, ou du platine: ces métaux éprou- vent un changement dans leurs qualités physiques; mais ils n'augmentent ni ne diminuent de poids, n'enlèvent ni ne cèdent au gaz rien de pondérable. Le fer possède cette propriété au plus haut degré; les métaux différents des cinq que nous avons cités n'en jouissent point du tout. Le gaz décomposé par ce singulier moyen donne toujours trois parties d'hydrogène contre une d'azote. Le soufre et le charbon le décomposent aussi, mais en formant avec ses éléments de nouvelles combinaisons; ce qui rentre dans les phénomènes ordinaires. Un métal ne peut se dissoudre dans un acide sans ET MÉTÉOROLOGIE. 79 être oxydé, et c'est tantôt à Tacide même, tantôt à l'eau, qu'il prend l'oxygène nécessaire: mais il arrive aussi quelquefois qu'une dissolution saturée d'un métal dans un acide, si elle est aidée par la chaleur, peut encore dissoudre une nouvelle portion de métal ; et c'est ce que M. Proust a découvert pour le nitrate de plomb. Dans ce cas est-ce Tacide ou l'oxyde métallique de la dissolution qui fournit l'oxygène à cette nouvelle portion de métal? M. Proust, et M. Thomson, qui a répété ses expériences, ont pensé que l'oxygène vient de foxyde ; d'où il résul- teroit que la totalité du plondj ainsi dissous auroit proportionnellement moins d'oxygène . ou , en d'au- tres termes, qu'il seroit moins oxidé que celui qui entre dans une dissolution faite à froid, et qui est connu sous le nom d'oxyde jaune. Mais M. Ghevreul, aide naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, ayant examiné de nouveau cette (juestion, a trouvé qu'il se dégage du gaz nitreux quand on dissout ainsi de nouveau plomb; ce qui ne peut se faire sans que l'acide nitrique perde de son oxygène : d'où ce chimiste conclut que c'est l'acide qui fournit Toxygène au nouveau plomb, et que la dissolution définitive n'est plus un nitrate, mais bien un nitrite, c'est-à-dire que l'acide est à un moindre degré d'oxydation. Une propriété remarquable qui sert à distinguer 8o PHYSIQUE, CFIIMIE, les nitrites de plomb des nitrates, c'est de former dans les nitrates de cuivre un précipité composé d'une certaine quantité d'hydrate de cuivre et de plomb. D'après ces expériences M. Chevreul rend à l'oxyde jaune de plomb son ran(j de protoxyde, c'est-à-dire de celui où il entre le moins d^oxvaène. Le travail de ce chimiste l'a conduit à examiner d'une manière générale les sels que forme le plomb avec l'acide nitrique ; et il a prouvé qu'il peut exister deux nitrates et deux nitrites, doi^t l'un, dans chaque espèce, contient deux fois plus d'oxyde que Vautre. 11 soupçonne même qu'il existe un troisième ni- trite contenant quatre fois moins d'oxyde que le premier. Les corps poreux absorbent des (pzdans divei ses proportions, et le charbon est un de ceux qui en absorbent le plus. La connoissance précise des li- mites de cette absorption étant fort importante dans les opérations de la chimie, M. de Saussure s'en est occupé récemment avec beaucoup de soin et de succès. Tous les charbons n'ont pas cette propriété au même degré, et tous les gaz ne se laissent point ab- sorber en même quantité. Le même charbon absor- bera quatre-vingt-dix fois son volume de gaz ammo- niac et à peine 1,^5 de gaz hydrogène. ET MÉTÉOROLOGIE. 8l M. Tlîénard a répété ces expériences avec quel- ques variations, eten a obtenu à-peu-près les mêmes résultats, dont il a dressé une table. 11 a observé, ainsi que M. de Saussure, et comme M. de Rumfort Fa aussi remarqué dans d'autres expériences, que le gaz oxygène se change en acide carbonique, quoique la température soit peu élevée. Le gaz ni- treux se décompose en partie, et dégage dn gaz acide carbonique et de l'azote. Mais l'hydrogène sulfuré est le gaz dont l'absorption offre les phénomènes les plus intéressants : il se détruit en peu de temps, et donne de l'eau, du soufre, et assez de calorique pour que le charbon s'échauffe beaucoup. M. Lampadius, chimiste et physicien allemand, en distillant des pyrites martiales avec du charbon , avoit obtenu une substance liquide et volatile dont la nature étoit encore douteuse. M. Lampadius lui-même et feu M. Aniédée Ber- thollet la considéroient comme un composé de soufre et d'hydrogène, MM. Clément et Desormes comme une combinaison de soufre et de char- bon. M. Clusel, préparateur de chimie à l'Ecole poly- technique, ayant voulu fixer les opinions sur la nature de cette substance, a d'abord essayé de la décomposer en la faisant passer sur des lames de cuivre dans des tubes chauffés : mais ce moyen ne liUFFON. COMPLÉM. T. II. 6 8:2 PHYSIQUE, CFIIMIE, lui ayant pas entièrement réussi, il a cherché à en opérer 1 analyse par la pile de Volta ; et après de nombreuses tentatives, des précautions délicates et multipliées, et un emploi savant de Faction chi- mique des différents corps, il a cru y reconnoître, sur I oo parties, près de Sg de soufre, 29 de charbon, 6 d'hydro(>ène, et 7 d'azote: mais il trou voit dans ses produits plus de soufre et de charbon qu'il n'en avoit mis en expérience. M. Thénard a repris le premier moyen de M. Clu- sel, qui, étant beaucoup moins complicjué, pro- mettoit des résultats plus décisifs; et en faisant passer avec plus de lenteur le liquide de Lanipadius sur le cuivre dans des tubes chauffés, il lui en a fait éprouver plus profondément l'action , et il l'a com- plètement décomposé en 85 ou 86 centièmes de soufre et 1 4 ou i 5 centièmes de charbon, sans azote ni hydrogène. On a vu dans les rapports précédents que M. De- laroche s'étoit occupé de résoudre par de nouvelles expériences les phénomènes c|ue les animaux pré- sentent lorsqu'on les expose à une haute tempé- rature. [1 fit voir quel'évaporationcutanéeet pulmonaire éioit une des causes qui cjnpêchoient les animaux de prendre complètement la température qui les ei '«lonnoit, mais qu'ils ne conservoient pas abso- ET MÉTÉOROLOGIE. 83 lumen t la leur, comme on l'a voit dit, et qu'ils s'é- chauffoient aussi par degrés. Cependant on observa que si la température du corps animal s'élevoit comme celle des milieux en- vironnants, et que leur respiration continuât da[][ir comme auparavant, ils dévoient arriver à une cha- leur bien plus élevée encore, parcequ'à celle du milieu ils dévoient joindre celle qui est produite parla respiration. M. Delaroche a donc voulu examiner la diffé- rence que le résultat de la respiration ou , en d'au- très termes, l'absorption de l'oxygène peut éprouver dans un air plus ou moins échauffé, et il l'a trouvée si foible qu'il est difficile d'en rien conclure ; elle est dans le rapport de 5 à 6. M. Delaroche a pensé qu'il n'y avoit aucune con- nexion nécessaire entre la fréquence des mouve- ments respiratoires et l'activité des phénomènes chimiques de la respiration; car dans l'air chaud les mouvements de la poitrine étoient très accé- lérés. Une remarque intéressante est celle que les ani- maux à sang froid montrent une différence beau- coup plus marquée que les autres, et que la chaleur augmente sensiblement l'activité de leur respira- tion; fait qui peut aider à expliquer plusieurs des phénomènes de leur économie. G. 84 PHYSIQUE, CHIMIE, Les ca]culs qui se forment quelquefois dans la vésicule du fiel, et qui ont été jusqu'à présent si rebelles aux secours de Fart, sont composés d'ordi- naire de cette substance nommée adipocire par les chimistes, parcec[u'elle tient par ses caractères à la cire et au suif: mais il paroît qu'ils sont aussi sujets à varier dans leur nature; car M. Orfila, docteur en médecine, en a analysé de tout différents, où il n'existoit point d'adipocire, mais du principe jaune, une résine verte, et une petite quantité de cette matière découverte par M. Thénard et nom- mée par lui picwîuel, parcequ'elle donne une saveur doux-amer. M. Vauquelin, continuant ses recherches sur les principes des végétaux, a soumis à de nom- breuses expériences le daphnealpina, arbuste connu par l'excessive âcreté de son écorce, que l'on em- ploie en médecine comme rubéfiant, et dont l'ex- trait, combiné à des corps gras, forme une pom- made qui remplace en beaucoup de cas celle de cantliarides. En traitant cette écorce parTalcohol et par l'eau, il y a reconnu deux principes nouveaux et très re- marquables par leurs caractères. Le premier, que M. Vauquelin nomme principe acre, est de nature huileuse ou résineuse; ne deve- nant volatile qu'à une chaleur supérieure à celle de ET MÉTÉOROLOGIE. 85 Falcohol bouillant, il ne s élève point avec ce li- quide, mais on peut le distiller avec l'eau. Le second principe, nommé amer, se dissout dans Feau bouillante, et donne par le refroidisse- ment des cristaux blancs et en forme d'aiguilles. L'écor(;e du dapline a fourni en outre, comme celle de beaucoup d'autres plantes, une résine verte, un principe colorant jaune, une matière brune qui contenoit de Tazote, puisqu'elle donnoit de l'ammoniaque, enfin des sels à base de potasse de fer et de cbaux. M. Vauquelin termine son mémoire par cette observation importante, que les substances végé- tales acres et caustiques sont buileuses ou rési- neuses, et ne contiennent point d'acide développé, en quoi elles ressemblent aux plantes vénéneuses; d'où il conclut qu'il faut se défier des plantes qui ne sont point acides. Réaumur a annoncé il y a plus d'un siècle que certaines dents fossiles prennent une teinte bleuâtre plus ou moins semblable à celle de la turquoise, quand on les expose avec précaution à une cbaleur graduée. M. Sage, ayant reconnu qu'on obtient de l'acide prussique en torréfiant un mélange de po- tasse et de la substance gélatineuse des dents, et que le barreau aimanté tire du fer de la poudre des dents calcinées, pense que cette couleo^u bleue des 86 PHYSIQUE, CHIMIE, turquoises occidentales est due à un véritable bleu de Prusse. ANNÉE 1813. On a vu , dans notre analyse de 1 8 1 1 , comnien t , en accélérant 1 evaporation par le vide et par la pré- sence d'un corps très absorbant , M. Leslie, d'Edim- bourg, étoit parvenu à faire congeler leau en toute saison. Ce physicien a imaginé depuis un appareil qui a été montré à l'Institut ])ar M. Pictet, son cor- respondant, et où l'on peut à volonté, et instanta- nément, faire congeler l'eau ou lui rendre sa liqui- dité. Pour cet effet on place de l'eau sous la clocbe ])neumatique, dans un vase dont le couvercle se lève ou s'abaisse au moyen d'une tige qui traverse le haut de la cloche; lorsqu'on découvre cette eau , cédant à l'action des causes qui la vaporisent, elle se gèle; et quand on la recouvre , la chaleur envi- ronnante la rend en peu d'instants à son premier état. Notre confrère M. Gay-Lussac, qui a répété de- vant l'Institut l'expérience de M. Leslie, a rappelé un fait bien connu , qui rentre dans le même ordre , c'est le froid qui se produit dans certaines machines d'où on laisseéchapperderaircondensé;ilaprouvé qu'en tonte saison il suffit (jue l'air ait été condensé du double pour donner de la glace; et il croit qu'on ET MÉTÉOROLOGIE. 87 pourroit s'en procurer aisément, ainsi clans les pays chauds, en condensant lair au moyen d'une chute d'eau. On peut, en employant des corps plus évapora- hles ((ue l'eau , arriver à des degrés de froid vérita- blement étonnants, et à faire fjeler non seulement le vif argent, mais Fesprit-de-vin le plus pur; c'est à quoi est parvenu M. Hutton, d'Edimbourg, qui a remarqué à cette occasion que , dans lalcohol le plus rectifié , la congélation séparoit encore des matières assez différentes. M. Configliacchi , pro- fesseur à Pavie, a congelé le mercure par la seule évaporation de l'eau. Nous devons également Ja première communication de ces expériences à M. Pictet. On croyoit que cette pression de l'air, dont l'in- fluence est si puissante pour retarder l'évaporation des liquides, retardoit aussi la dissolution des sels, ou , ce qui revient au même, accéléroit leur cris- tallisation quand ils étoient dissous ; et en effet une dissolution saturée de sel de Glauber, ou sulfate de soude, qui conserve sa liquidité quand elle re- froidit dans le vide, cristallise aussitôt qu'on lui donne de l'air; mais M. Gay-Lussac s'est assuré qu'il s'en faut beaucoup qu'il en arrive autant à tous les sels, et que même, pour le sulfate de soude , le phénomène ne tient point à la cause qu'on allé- 88 PHYSIQUE, CHIISIIE, (;uoit. Quand on intercepte le contact de Fair par une couche d'huile, par exemple, la cristallisation se retarde comme lorsqu'on supprime sa pression en faisant le vide; tandis qu'au contraire la pression d'une colonne de mercure n'accélère en rien cette cristallisation. Une dissolution qui traverse du mer- cure dont l'air a été chassé par l'ébullition ne cristallise poiut ; et si elle traverse du mercure ordinaire, elle se prend aussitôt. Des secousses, l'introduction d'un petit cristal, et beaucoup d'au- tres causes , déterminent la cristallisation , quelle que soit la pression. Ainsi M. Gay-Lussac conclut que ce n'est point par sa pression que Tair diminue le pouvoir dissolvant de l'eau. 11 s'est assuré aussi que ce n'est point en absorbant de l'air que l'eau perd de ce pouvoir; mais il pense que c'est un phé- nomène plus ou moins analogue à celui de l'eau pure , qui , comme on sait , reste liquide à quelques de[^rés au-dessous de son vrai point de congéiation toutes les fois que l'on peut empêcher qu'elle ne soit agitée, et qui se prend aussitôt qu'on lui im- prime le plus léger choc. La source la plus évidente de chaleur sur le globe consiste dans les rayons du soleil; mais on a remar- ([ué depuis long-temps que ces rayons divisés par le prisme ne donnent pas tous une chaleur égale, et M. Ilcischel, le célèbre astronome, reconnut, il ET MÉTÉOROLOGIE. 89 y a quelques années, que leur pouvoir d'échauffer va en au(3rmenlant du violet au rouge ; il assure même qu'en dehors du spectre il se trouve encore des rayons qui , sans être lumineux , jouissent d'un pouvoir échauffant plus fort que celui des rayons rouges. MM. Ritter, Bœckman et WoUaston, an- noncèrent, peu de temps après, que le pouvoir des rayons lumineux, pour opérer certains chan^ gements chimiques , est distribué dans un ordre inverse, et s'exerce sur-tout dans le rayon violet et en dehors de ce rayon. M. Berard , jeune chimiste de Montpellier, qui a répété avec beaucoup de délicatesse et de précision ces deux genres d'expériences, en a reconnu l'exac- titude à plusieurs égards; il a même trouvé que le pouvoir chimique de la lumière va en diminuant à mesure qu'on se rapproche du milieu du spectre, et qu'il s'évanouit au-delà. Mais, selon lui, c'est à l'extrémité du rayon rouge que réside le maximum du pouvoir échauffant, et en dehors du spectre il diminue. M. Berard a constaté encore que ces pro- priétés appartiennent à la lumière réfléchie par les glaces , et à celle qui a été divisée par le spath d'Is- lande, comme à la lumière directe. On n'a pas obtenu des résultats aussi décisifs sur le pouvoir d'aimanter le fer , attribué au rayon violet par M. Morichini, savant chimiste romain. Quoi- yo PHYSIQUE, CHIMIE, que les aiguilles exposées à ce rayon aient paru s'ai- manter dans certaines expériences , elles n'ont point éprouvé cet effet dans une infinité d'autres, sans que l'on puisse jusqu'à présent se rendre compte des raisons de cette différence, car, dans les deux cas , on a voit soip^neusement éloigné toutes les au très causes connues pour pouvoir produire laimanta- tion. 11 est vrai que l'été de 1 8 i 3 n'a pas favorisé ce genre de recherches à cause de son peu de sérénité. De tous les phénomènes que la chaleur présente, la dilatation qu'elle produit dans les corps est celui dont les lois se laissent le plus naturellement ex- primer par des formules mathématiques; et la con- naissance de ces lois, qui fait une partie essentielle de la physique , est encore très importante dans une foule d'expériences chimiques. M. Biot s'en estheau- coup occupé, et, prenant pour terme de compa- raison la dilatation du mercure, il trouve que la dilatation vraie des autres liquides peut toujours se rendre par la somme de cette dilatation, de son carré, et de son cuhe, en multipliant chacun de ces trois termes par un coefficient particulier, qu'il faut déterminer pour chaque liquide, mais qui, une fois déterminé , reste le même à tous les degrés. Comme la substance du thermomètre (}ui contient le li([nide qu'on observe se dilate aussi, la dilata- tion apparente est différente de la vraie; néanmoins ET MÉTÉOROLOGIE. 91 M. Biot montre quelle se fait selon une loi sem- blable. 11 calcule ensuite, après les expériences de M. Deluc, les coefficients convenables pour buit des liquides dont il est le plus nécessaire de bien connoître les lois, et fait voir que, ces coefficients une fois obtenus, sa formule donne la dilatation de cbaque de^fjré aussi bien que l'expérience. Enfin il en a fait l'application aux dilatations combinées du vase et du liquide, et a fait voir que Ton peut démêler les effets qui appartiennent au liquide et à son enveloppe, et apprécier leur influence avec assez d'exactitude pour retrouver, par le seul calcul, tous les résultats observés ; en sorte que le calcul pourra désormais dispenser, dans une infinité de cas, de l'observation immédiate, et que l'on pourra faire entrer avec confiance ses données dans les éléments des phénomènes. C'est un avantage d'autant plus grand que ces sortes de recbercbes sont d'une déli- catesse excessive , et que , si l'on n'y met la plus grande attention, une foule de causes aisées à rc- connoître, et presque impossibles à écarter, y trou- blent continuellement Tobservateur. C'est ce qu'a fait observer M. Cbarles dans une belle suite d'expériences qu'il a faites avec un instru- ment de son invention , pour rendre sensible et mesurable le maximum de dilatation de l'eau, et «jui , se trouvant répondre exactement aux formules 92 PHYSIQUE, CHIMIE, de M. Biot, ajoutent à la confiance qu'on leur doit , et achèvent de faire voir qu'elles pourront être em- ployées avec sûreté. 11 existe depuis long-temps une discussion entre les chimistes sur le moment où Talcohol se forme dans le vin : le plus grand nombre peasoit autrefois que Falcohol ou esprit-de-vin étoit un produit es- sentiel de la fermentation ; mais M. Fabbroni , cor- respondant de rinstitut, a soutenu une opinion contraire. Selon lui ce n'est qu accidentellement et lorsqu'elle excite trop de chaleur que la fermen- tation engendre de Falcohol , mais dans les vins or- dinaires on ne produit falcohol que par la chaleur qu'on leur imprime pour les distiller; et la princi- pale preuve qu'il en donne c'est qu'on ne peut pas le retirer de ces vins par la potasse, quoiqu'elle y fasse reconnoître la moindre parcelle d'alcohol qu'on y auroit introduite exprès. M. Gay-Lussac a cherché à faire revenir à l'opi- nion ancienne, en faisant voir que la potasse dé- montre aussi falcohol naturel au vin, quand on le débarrasse auparavant par la litharge des prin- cipes qui l'y enveloppoient et s'opposoient à sa séparation , et que l'on peut obtenir ce liquide spi- ritueux en distillant le vin à une température de quinze degrés, laquelle est inférieure de beaucoup à celle de la fermentation ordinaire. f:t météorologie. 93 Cependant on pou voit craindre que M. Gay-Lus- sac n'eût opéré sur des vins où la fermentation aii- roit primitivement développé de l'alcohol, comme il convient lui-même qu'elle le fait quelquefois ; ou sur des vins dans lesquels des marchands infidèles auroient mis de Feau-de-vie. Pour prévenir cette objection il a fait lui-même du vin avec des raisins, et en a conduit la fermentation. 11 y a trouvé de l'alcohol comme dans tout autre. M. Gay-Lussac a aussi fait voir que l'on peut ob- tenir l'alcohol absolu de Richter en employant la chaux vive, ou mieux encore la baryte au lieu de muriate de chaux. Le savon est, comme chacun sait, la combinai- son d'un alcali avec un corps (p'as ; mais on n'avoit point assez examiné quelle altération le corps (^ras éprouve dans cette union. M. Ghevreul , aide naturaliste au Muséum d'his- toire naturelle, s'est occupé de cette recherche et a été conduit à plusieurs observations nouvelles et curieuses. Ainsi le savon de potasse et de j>raisse de porc dissous dans l'eau laisse un dépôt nacré qui , séparé des substances salines qu'il contient encore, donne une matière douée de propriétés fort parti- culières et que M. Ghevreul a nommée margarine^ à cause de sa couleur de perle. Insoluble dans l'eau , cette matière se dissout abondamment dans l'ai- 94 PHYSIQUE, CHIMIE, coliol chaud ; elle fond à 56*^ et cristallise par le re- froidissement en aiguilles du blanc le plus pur: elle se combine à îa potasse , et reprend alors le ca- ractère du dépôt nacré; son affinité avec cet al- cali est plus {grande que celle de lacide carbonique quelle chasse de son carbonate de potasse, quand on l'aide de lebullition : elle enlève aussi la potasse au tournesol, qu elle fait passer à la couleur rouge. On conçoit que les combinaisons qui se trouvent ordinairement dans la nature sont celles à qui la grande affinité de leurs principes donne une cer- taine stabilité, et que des circonstances peu com- munes ont seules le pouvoir de disjoindre; tandis que celles qui n ont pas cette propriété ne peuvent être que des productions momentanées du hasard, ou des tentatives des chimistes; et plus les combi- naisons que ceux-ci découvrent se multiplient, plus celles qui leur restent à trouver doivent être fugi- tives et sujettes à être détruites par la moindre cause étrangère : c'est ce qui a occasioné les accidents dont l'histoire de la chimie offre tant d'exemples, et contre lesquels on doit prendre d'autant plus de précautions que les recherches dont on s'occupe sont plus élevées et plus difficiles. M. Dulong, professeur de chimie à Alfort , a pensé devenir l'année dernière une de ces victimes du zèle pour la science; mais son danger a été ré~ ET MÉTÉOROLOGIE. gS compensé par une belle découverte, celle d'une combinaison de lazote avec Facide oxymuriatique, qui présente les propriétés les plus singulières. Pour l'obtenir il faut présenter à l'acide oxymuriatique, ou au cidorine, comme l'appellent aujourd'hui les chimistes an^^lois, de l'azote, non point à Fétat de gaz, mais à une combinaison quelconque , dans un sel ammoniacal par exemple, pourvu que Facide de ce sel ne soit pas assez volatil pour être déplacé par Fôxymuriatique. M. Dulong fait passer un cou- rant de gaz oxymuriatique dans une dissolution d'un tel sel, et il obtient une sorte d'buile d'un jaune fauve, plus pesante (jue l'eau , même salée, qui s'é- vapore promptement à l'air, et qui détone par la chaleur, à Fair libre, avec un bruit ])lus fort que celui d'un mousquet. [jC cuivre la décompose en s'emparant de Facide et en dégage Fazo.le, d'où l'on voit assez quels en sont les priticipes. Mais ce qui en rend Fétude effrayante, c'est que la moindre par- celle que l'on en met en contact avec une substance combustible , avec le phosphore par exemple , pro- duit une explosion violente , et brise tous les appa- reils. C'est un nouvel exemple, et, à ce qu'il paroît, le plus énergique de tous, de ces combinaisons où le calorique, qui tenoit les éléments à Fétat de gaz, reste avec eux lorsqu'ils se réduisent à l'état liquide ou solide, circonstance que Facide oxymuriatique CjG PHYSIQUE, CHIMIE, offre plus souvent qu'aucun autre. M. Duion^ se proposoit de déterminer la proportion des deux principes de cette nouvelle matière, et sa manière d'agir sur d'autres corps, et notamment sur les mé- taux ; mais les accidents que ce jeune chimiste a éprouvés à deux reprises , et dont le second l'a privé d'un œil , ont dû retenir son ardeur de savoir; et par Tintérêt même des sciences qu'il peut encore si bien servir, l'Institut Fa engagé à porter sur d'autres ob- jets la sagacité dont il a fait preuve. Cette même substance a pensé priver la cbimie de l'un de ses plus illustres soutiens, M. le cheva- lier Flumphry Davy, secrétaire de la Société royale, c[ui, jeune encore, a déjà fait des découvertes nom- breuses et brillantes, et particulièrement celle de la métallisation des alcalis et des terres, qui ouvre un nouveau champ à tant de branches de sciences naturelles. Une matière également bien remarquable est celle qui s'est offerte récemment à M. Courtois, salpétrier à Paris. MM. Clément et Desormes l'ont montrée à l'Institut, et M. Gav-Lussac a fait sur elle des expériences instructives. On la retire des eaux-mères de la soude du varech par l'acide sul- furique et la distillation. Refroidie et condensée, elle a le grenu, le brillant et la couleur grisâtre, de la plombagine. Tant .qu'elle n'a pas été purifiée, ET MÉTÉOROLOGIE. gy elle se fond à soixante-dix degrés de chaleur; mais quand on l'a purifiée en la dissolvant en excès par la potasse et en la distillant, elle ne fond qua une chaleur beaucoup pkis forte. Sa propriété la plus frappante est de s élever en une vapeur ou plutôt en un gaz du plus beau violet, parfaitement homo- gène et transparent. La chaleur rouge , l'oxygène , ni le charbon , n'agissent sur elle ; elle s'unit aux métaux et à leurs oxydes, et ces combinaisons se dissolvent dans Feau: avec l'ammoniaque elle pro- duit une poudre fulminante; Fhydrogène sulfuré la décolore, et en forme un acide puissant, d'où on la précipite de nouveau par l'acide oxymuria- tique, le sulfurique, ou le nitrique. En un mot, sa manière de se comporter avec les réactifs est tellement comparable à celle de l'acide oxymuria- tique, ou chlorine, que l'on peut lui adapter de inêine une double théorie, c'est-à-dire que l'on peut considérer la nouvelle substance comme une combinaison d'un acide particulier et indécompo- sable avec une quantité surabondante d'oxygène ; ou , d'après la nouvelle manière de voir de M. Davy, la regarder, ainsi que le chlorine, comme une sub- stance simple, qui donneroit un acide en se com- binant avac l'hydrogène. Dans le premier système il faut supposer, comme on le fait aussi par rapport à l'acide oxy m uriatique, que l'hydrogène s'unit à BUFFON. COMPT.ÉM. T. H. 7 98 PHYSIQUE, CHIMIE, loxygèiie surabondant, et forme avec lui de l'eau qu'aucun moyen ne peut enlever à l'acide ainsi désoxvfyéné. En effet ce qui a engagé M. Davy à changer la théorie reçue de l'acide oxymuriatique c'est que l'hydrogène le réduit en acide muriatique ordinaire, sans que l'on puisse saisir l'eau que cet hydrogène auroit dû former, si, comme on le croyoit, il n'a voit fait qu'enlever l'oxygène à l'acide oxymuriatique. M. Davy applique une théorie ana- logue et fondée sur les mêmes raisons aux composés fluoriques. Ce savant chimiste, nommé tout récemment correspondant de llnstitut, lui a présenté unmé- moire sur cette même substance, où il insiste sur ses rapports avec l'acide oxymuriatique, et sur les motifs qui l'engagent à les regarder l'un et l'autre comme des corps simples, capables aussi bien que l'oxygène de brûler et d'acidifier les substances com- bustibles. Ainsi lorsque la nouvelle matière (que l'on paroît être convenu de nommer iode d'après la couleur de son gaz) se combine avec le potas- sium ou métal de la potasse, il se montre une belle flamme bleue, mais il ne se développe aucun gaz ; si au contraire on dissout le potassium dans l'acide d'iode, il se développe de l'hydrogène; et il en est de même des autres métaux. M. Davy attribue la formation de cet acide par le phosphore à l'humi- ET MÉTÉOROLOGIE. 99 dite qui adhère toujours à Fiode, et qui se décom- pose ; il n'est d'ailleurs parvenu par aucun procédé à retirer de l'oxygène de l'iode, ni de son acide, ni à faire agir l'oxygène sur l'un ou sur l'autre, ni à les faire agir eux-mêmes sur le carbone, ni à dé- composer Fiode par la pile : mais l'iode, comme le chlorine, forme avec les alcalis des composés ter- naires; savoir, d'iode, du métal de l'alcali, et d'oxy- gène, lesquels détonent avec le carbone, et pour- ront être employés aux mêmes usages que le nitre. La poudre détonante que MM. Clément et Des- ormes ont obtenue de l'iode par l'ammoniaque est, selon M. Davy, un composé d'iode et d'azote, en sorte que ce seroit l'analogue de cette matière ter- rible produite par M. Dulongen combinant l'azote au chlorine. Un autre fabricant, éclairé par les lumières de la chimie, M. Tassaert, a fait une remarque qui peut devenir importante pour les arts : ayant con- struit depuis quelque temp le sol de ses fours à soude avec du grès, il a observé en le démolissant une matière bleue que l'on n'y voyoit point quand ils étoient faits en brique, et dans laquelle M.Vau- quelin a trouvé presque tous les principes et toutes les propriétés de Foutremer; en sorte que notre savant confrère ne désespère point qu'en suivant cette indication l'on ne puisse parvenir quelque 7- lOO PHYSIQUE, CHIMIE, jour à imiter la nature dans la formation de cette couleur précieuse. M.Pelletan fils a fait remarquer à ce sujet qu'il se manifeste, en beaucoup de cir- constances, dans la fabrication de la soude, un bleu plus ou moins intense que la calcination ne détruit point, et que cette couleur apparoît prin- cipalement lorsque du fer se trouve en contact avec de la soude non encore entièrement débarrassée d'acide sulfurique. Le platine brut, tel qu'on l'apporte du Pérou, est un corps très composé ; outre le platine pur, métal noble, plus pesant, et aussi inaltérable que l'or, il contient du fer, du cuivre, du mercure; et les recherches successives de MM. Wollaston, Ten- nant, Descostils, Fourcroy, etYauquelin, y ont démontré, depuis dix ans, la présence de quatre jnétaux distincts de tous ceux que Ton connoissoit auparavant: on les a noiiiuiés palladium, rhodium, osmium, et iridium. M. Vauquelin a repris cette année l'étude de ces substances, et a lu un mémoire sur les méthodes les plus convenables pour obtenir le palladium et le rhodium dans leur état de pureté. Après avoir précipité la plus (jurande partie du platine de sa dissolution nitro-muriatique par l'am- moniaque, il met dans le résidu des lames de fer qui en précipitent les autres métaux ; employant ET MÉTÉOROLOGIE. lOI successivement à froid l'acide nitrique et le muria- tique; et sublimant ensuite, il enlève au précipité la plus grande partie du cuivre, du mercure, et dé ï osmium, qui le forment, ainsi que du fer qui s'y trouve mêlé.Un peu du platine restant, du y;a/WiWî/ï, et même du rhodium, est aussi enlevé par ces acides, parcequ'il s'en est précipité à l'état d'oxyde, car à l'état métallique ils n'auroient pu être dissous; d'un autre côté il reste encore du cuivre et du fer dans le précipité, parcequ'ils y sont unis intimement aux autres métaux, et protégés par eux. Pour enlever tous les restes de platine, M. Vauquelin dissout de nouveau par l'acide nitro-muriatique, et précipite par l'ammoniaque; il obtient alors un sel de platine d'un jaune assez pur. Evaporant le résidu jusqu'à siccité, et le traitant par Teau , il reste un sel rouge encore en grande partie formé de platine, et la li- queur se trouve ainsi à -peu -près débarrassée de ce métal. On étend alors la solution ar|ueusc, on y ajoute un peu d'acide, on y verse assez d'ammo- niaque pour ne pas saturer entièrement, on agite, et l'on voit paroitre à l'instant une grande quantité d'aiguilles brillantes et d'un beau rose. C'est un muriate d'ammoniaque et de palladium, qui\ suffit de chauffer au rouge pour avoir le palladium. S'il s'y est joint un peu de fer et de rhodium, on l'en débarrasse par la digestion dans l'eau légèrement I02 PHYSIQUE, CHIMIE, aiguisée d'acide muriatique. Le résidu de la liqueur contient le rhodium et quelques restes àe palladium, de cuivre, et de fer : pour avoir le premier on fait cristalliser, on broie les cristaux, on les débarrasse , par des lotions répétées d'alcobol, des sels de cuivre, de fer, et même de palladium. Celui de platine , s'il en reste encore quelque parcelle, se sépare en dis- solvant dans l'eau légèrement aiguisée d'acide mu~ riatique. Enfin , par une dernière évaporation , il reste le sel de rhodium d'un rouge magnifique, qu'il suffit de chauffer au rouge pour avoir ce métal. On ne pouvoit arriver par une méthode plus ingénieuse ni plus simple à séparer tant de sub- stances diverses et retenues ensemble par des liens si puissants. On voit quelle se fonde principale- ment sur ce que le muriate d'ammoniaque et de palladium est insoluble dans l'eau , même acidulée, et qu'il se précipite aussitôt qu'il se forme , et sur ce que l'alcohol , qui dissout le muriate de cuivre et ce- lui de fer, nedissoutpoint le muriate d'ammoniaque et de rhodium. Pendant que M. Vauquelin étudioit ainsi deux des métaux unis au platine, M. Laugier, son col- lègue au Muséum d'histoire naturelle, s'occupoit d'un troisième et peut-être du plus curieux de tous, Xosmium, dont l'oxyde se volatilise à la chaleur de Feau bouillante, ne donne aucune couleur à l'eau ET MÉTÉOROLOGIE. lo3 distillée, n'en diffère même point à Toeil, mais ré- pand une odeur piquante, et agit sur le nerf olfactif de manière à altérer pour plusieurs jours le sens de l'odorat. Ces propriétés et d autres non moins singulières faisoient regretter aux chimistes qu'il fût si difficile d'obtenir ce métal en quantité un peu considérable, et M. Laugier a satisfait à leur vœu jusqu'à un certain point. Quand on a dissous le platine dans l'acide nitro-muria tique, il reste une poudre noire composée à' iridium et d'osmium^ et jusqu'à présent c'étoit cette poudre seulement qui fournissoit de Xosmium aux chimistes : mais M. Lau- gier s'étant aperçu que l'acide qui a servi à dissou- dre le platine, et que l'on en sépare de nouveau par la distillation, répand une forte odeur à'osmium, a supposé qu'il contenoit de ce métal, et il a trouvé en effet qu'en saturant l'acide par des alcalis causti- ques, mais sur-tout par la chaux, et en distillant le mélange on obtient à peu de frais une dissolution chargée d'une quantité notable à'osmium, qui au- paravant étoit entièrement perdue. Nous avons parlé en 1808 des essais heureux que Ton a faits dans les mines des environs de Liège pour en obtenir en grand le zinc à l'état malléable, et de Favanlage que l'on pourroit en tirer pour remplacer le plomb dans les couvertures, et dans quelques autres de ses emplois. On auroit voulu Io4 PHYSIQUE, CHIMIE, aussi pouvoir le substituer au cuivre étamé dans lequel on prépare les aliments, et à l'étain qui sert pour les mesures des liquides; mais MM. les mi- nistres de l'intérieur et de Fadministralion de la guerre ayant consulté l'Institut à ce sujet, les sec- tions de chimie et de médecine ont trouvé que le zinc est trop dissoluble par les acides les plus légers, par les graisses, et même par l'eau pure, et que les sels qu'il forme sont trop acres, et dans certains cas excitent trop les intestins, pour qu'on puisse em- ployer ce métal sans inconvénients à ces divers genres de service. M. Sage a fait en son particulier des expériences qui lui ont donné à connoître que l'eau distillée tenue dans des vases de zinc y prend une saveur styptique très marquée, et que des sucs de fruits cuits dans ces mêmes vases en dissolvent une partie et forment des sels assez abondants qui en rendent le goût désagréable; ce qui est d'autant plus fâcheux que les mines dont il est question ne contiennent point d'arsenic comme il y en a dans quelques autres, et que sous ce rapport il n'y avoit rien à en redouter. On en a eu une nouvelle preuve dans l'analyse que M. Sage a faite de cette mine et qu'il a lue à Tlstitut. MM. Vauquelin et Thénard ont donné une ana- lyse de l'eau minérale de Provins, d'où il résulte qu'elle contient par litre: ET METEOROLOGIE. lOti Carbonate de chaux o,554 Fer oxydé 0,076 Magne'sie o,o35 Manganèse 0,017 Silice 0,026 Sel marin • 0,042 Acide carbonique, 27 pouces ^/lo, et une quantité inappréciable de muriate de chaux et de matière grasse, mais que Tacide sulfurique, que Ton y avoit soupçonné, n'y existe point du tout. M. Thénard a fait paroître le premier volume d'un Traité élémentaire de Chimie où cette science qui fait journellement tant de progrès, et à qui M. Thénard lui-même en a fait faire de si grands, se trouve exposée dans son état du moment. lAïu- tenr y range les faits d'après le degré de simplicité des corps auxquels ils appartiennent: après y avoir parlé des agents impondérables, il traite de l'oxy- gène et de la théorie de la combustion, et passe ensuite aux corps combustibles, à leurs combinai- sons entre eux, et à celles qu'ils contractent un à un avec l'oxygène. Ces dernières se divisent, selon leurs propriétés, en oxydes et en acides; et les aci- des fluorique et muriatique y sont rangés d'après les idées ordinaires qui en font des corps oxygénés. C'est à eux que s'arrête cette première partie d'un Io6 PHYSIQUE, CHIMIE, ouvrage que la marche rapide de la science a rendu nécessaire sitôt après d'autres bons ouvrages sur le même sujet, et dont on ne peut que désirer vive- ment la prompte terminaison. ANNÉE 1814. Les événements mémorables dont cette capitale a été le théâtre, loin dy troubler les recherches scientifiques, ont donné de nouvelles preuves du respect que les sciences inspirent, et de Theureuse influence qu'elles ont acquise sur tous les peuples et sur les hommes de toutes les classes. D'innom- brables armées, venues des extrémités de l'Europe , ont visité nos monuments, ont parcouru nos col- lections, et ont examiné chaque objet avec curio- sité, sans qu'aucun dommage soit résulté, même d'une imprudence. Des amis des sciences, enrôlés dans cette grande croisade entreprise en partie pour le rétablissement de la liberté de penser et décrire, eurent à peine déposé leurs armes, qu'ils vinrent s'informer de nos travaux, y prendre part, nous instruire de ce qui s'étoit fait chez eux. Les souverains étrangers se sont en quelque sorte dis- puté à qui donneroit les marques les plus éclatantes de son intérêt pour les progrès des connoissances, et à qui prouveroit le mieux que leur cause étoit celle des lumières et de l'humanité. Nos princes ET MÉTÉOROLOGIE. 107 ont témoigné hautement leur satisfaction sur Fétat de prospérité et de vie où ils ont trouvé nos établis- sements ; et le roi leur a non seulement accordé son auguste protection , mais il a déjà prouvé par le fait avec quelle noble libéralité il se propose d'en ac- croître l'activité et d'en étendre l'importance. Il est impossible que sous de si heureux auspices les tra- vaux de l'esprit ne prennent un nouvel essor, et que le rétablissement des communications entre les peuples, et l'émulation qui en sera la suite, ne fas- sent bientôt produire aux sciences de nouvelles merveilles. Les recherches de cette année font déjà connoître cette reprise d'énergie; elles font mieux encore : il y régne manifestement , en plusieurs points, cette hésitation, ce besoin de solutions plus claires où les hommes qui ont étudié la marche des sciences voient toujours les précurseurs nécessaires des grandes découvertes. Ainsi l'une des plus curieuses substances dévoi- lées dans ces derniers temps estViode, cette matière si long-temps cachée dans le varec, qui s'élève, par la chaleur, en une vapeur d'un beau violet, et qui, se comportant avec les autres corps d'une manière analogue à celle du chlore, ou de ce qu'on appeloit ci-devant gaz muriatique oxygéné, a donné une nouvelle force aux idées que l'hydrogène sulfuré lo8 PHYSIQUE, CHIMIE, avoit fait naître, et sur la voie desquelles ont avoit été remis par le chlore; idées qui tendent à intro- duire dans la théorie chimique cette modification importante, que l'oxygène n'est pas à beaucoup près le seul principe capable d'opérer l'acidifica- tion. En effet M. Berthollet avoit montré, il y a près de trente ans, que fhydrogène sulfuré, où il n'en- tre point d'oxygène, a toutes les propriétés des aci- des, et les chimistes allemands avoient fort insisté sur ce fait pour combattre une partie de la théorie françoise. MM. Thénard et Gay-Lussac firent, au commencement de 1809, des expériences d'où il ré- sultoit qu'il est impossible d'extraire Toxygène de ce que l'on appelle communément acide muriatique oxygéné, et que, pour continuer à croire qu'il y existe, il faut supposer que dans tous les cas où cet acide se convertit en acide muriatique ordinaire il se forme de l'eau qui s'unit indissolublement à l'a- cide produit, ou du moins que les éléments de l'eau y entrent comme parties intégrantes ; tandis qu'en regardant le soi-disant acide muriatique oxygéné conime une substance simple dont la combinaison avec l'hydrogène donneroit l'acide muriatique or- dinaire, on est dispensé de cette supposition. Mais, tout en énonçant ces deux manières de voir, nos deux chimistes s'en tinrent à la première, qui étoit ET MÉTÉOROLOGIE. IO9 plus aiialo(}ue à ce qui se passe dans le grand nom- bre des acidifications. M. Davy, qui a voit été conduit aux mêmes con- clusions, mit plus de hardiesse dans son choix; il adopta décidément la deuxième théorie, et donna en conséquence à Facide muriatique oxygéné un nom particulier, celui de chlore, duquel il dériva ceux des deux autres acides dans lesquels il entre. L'un {le muriatique)^ où il est en combinaison avec rhydrogcne, fut appelé lijdrocl dorique; l'autre (/e suroxygéné) ^ qui résulte de sa combinaison avec l'oxygène, reçut le nona diacide chlorique. Bientôt les expériences sur Facide nommé jus- qu'ici y/«onV/we donnèrent lieu de penser, et ce fut M. Ampère, nouvellement nommé membre de la section de géométrie, qui eut le premier cette idée, que sa composition est analogue à celle de Fhy- drochlorique, c'est-à-dire qu'il est composé àliy- drocjène et d'un corps simple d'une nature particu- lière, que l'on dut alors désigner par le nom de Jluore. Ainsi la propriété d'acidifier l'hydrogène ou de devenir acide par son moyen fut reconnue ad- missible dans trois substances : le soufre, le chlore, et le fluoré. li'iode en est venu offrir une qua- trième. Nous avons dit, dans notre analyse des travaux IIO PHYSIQUE, CHIMIE, de Tannée dernière, que l'iode avoit été découvert par M. Courtois. Cet habile fabricant paroît l'avoir obtenu dès la fin de 1 8 1 1 , mais il ne Tavoit com- muniqué qu'à M. Clément, son ami, qui lui-même ne le fit connoître au public que vers la fin de 1 8 1 3 . Cependant ce retard fut bientôt réparé; et en peu de jours M. Gay-Lussac et M. Davy eurent constaté les principales propriétés de cette substance, et spécialement l'analogie suivie qu'elle présente avec le chlore, et les deux acides qu'elle forme comme îe chlore avec roxy{>ène et avec l'hydrogène. M. Davy présenta cette analogie comme un nouvel appui pour la théorie qu'il avoit adoptée. Depuis lors on s'est occupé de l'iode avec l'intérêt dont il est digne. M. Colin a examiné ses combi- naisons avec le mercure et l'ammoniaque, et re- connu qu'il se forme de l'acide iodique ou une combinaison d'iode et d'oxygène toutes les fois qu'on traite l'iode avec des oxydes où l'oxygène est fbiblement condensé. Il a bien expliqué la généra- tion de la poudre fulminante d'iode, découverte, ainsi que l'iode lui-même, par M. Courtois. Le gaz ammoniacal est absorbé par l'iode, et forme avec lui un liquide visqueux, lequel mis dans l'eau change de nature : l'hydrogène d'une partie de l'ammoniaque forme, avec une partie de l'iode, de l'acide hydriodique, qui se combine avec le reste ET MÉTÉOROLOGIE. III de l'alcali , et lazof e de cette première portion d*am- moniaque forme avec l'autre partie de Tiode la poudre fulminante. Le même M. Colin a travaillé avec M. Gauthier Glaubry à déterminer la manière dont l'iode se comporte avec les substances organiques. Ces deux jeunes chimistes ont constaté que les substances où l'oxygène et l'hydrogène sont dans les mêmes pro- proportions que dans l'eau se mêlent simplement à l'iode ; que celles où il y a plus d'oxigène s'y com- binent intimement; mais que ni les uns ni les au- tres ne l'altèrent tant qu'on n'emploie pas une chaleur capable de les décomposer; au contraire celles où Fhydrogène abonde convertissent l'iode en acide hydriodique, et il en arrive autant aux premières quand on les échauffe assez pour dégager leur hydrogène. Ces expériences leur ont présenté plusieurs phénomènes curieux : un mélange d'iode et d'amidon trituré prend une couleur rouge , bleue, ou noire, selon que l'iode y est plus abon- dant, etc. Mais celui qui a travaillé sur l'iode avec le plus de soin et d'étendue c'est notre confrère M. Gay- Lussac, dont l'ouvrage a été imprimé dans les An- naies de Chimie. Il y considère l'iode lui-même , ainsi que ses combinaisons et celles de ses deux acides avec les divers corps, ou ce que, d'après les 112 PHYSIQUE, CHIMIE, régies reçues de la nommenclature chimique, on devra nommer les iodures, les iodales, et les liydrio- dales. A l'occasion de l'iode, il revient sur le chlore, et donne plusieurs remarques nouvelles sur ses combinaisons, qui n'a voient pas toutes été appré- ciées avec justesse; puis, considérant l'acide prus- sique comme essentiellement formé d'azote, d'hy- drogène, et de carbone, il conclut que l'azote doit aussi être ajouté à la liste des substances qui peu- vent produire des acides sans oxygène, ce qui l'a- mène à regarder l'acidité et l'alcalinité comme des propriétés intrinsèques de certains corps et de certaines combinaisons , sans rapport nécessaire avec leur composition, tels que nous pouvons les découvrir, et ce qui le rapproche par conséquent des idées de Winterl et de quelques chimistes alle- mands. Ce mémoire est rempli d'ailleurs de recher- ches délicates et d'indications ingénieuses dont il ne nous est pas possible de rendre compte, mais qui ne manqueront pas de donner un nouvel essor à la partie de la chimie la plus profonde et la plus importante. Notre respectable confrère M. Sage, qui, malgré son âge et ses infirmités, prend toujours un vif in- térêt aux nouveaux faits chimiques, s'est aussi oc- cupé de fiode et du varec, d'où on le tire. Il a remarqué l'altération que l'iode fait éprouver aux ET MÉTÉOROLOGIE. II.] vases d'argent OÙ on le chauffe. Le varec lui a donné, par la distillation à l'eu nu, des produits analogues à ceux des animaux, et en le macérant dans l'acide nitrique affoibli il a obtenu un réseau cartilagi- neux semblable à celui que laissent les os et les madrépores quand ils ont été privés de leurs par- ties terreuses. M. Sage voudroit conclure de ces deux faits que les fucus sont des polypiers. Le même chimiste a présenté aussi une notice sur les avantages de la réduction de la galène par le feu , où il assure que Ton obtient ainsi beaucoup plus de plomb que par les méthodes ordinaires. M. 1 héodore de Saussure, correspondant, qui avoit lu en iSo'y à l'Institut, sur la comj)Osition de l'alcohol et de l'acide sulfurique, un mémoire dont nous avons rendu compte dans le temps, et d'où il résultait que l'éther est plus chargé de carbone et d'hydrogène que l'alcohol, a repris l'année der- nière cet objet important de recherches, et, y ap- pliquant des procédés à-la-fois plus simples et plus rigoureux, il est arrivé à un résultat plus précis. En faisant passer ces deux liquides par un tube de porcelaine incandescent, il a obtenu de l'eau et un gaz dont l'analyse n'offroit aucune difficulté; et il a reconnu ainsi que l'alcohol et l'éther sont formés chacun d'une proportion de carbone et d'hydro- gène identique, et dans le même rapport où ils BUFFON. GOMVLÉM. T. II. ^ ï l4 PHYSIQUE, CHIMIE, sont dans le gaz oléfiant, mais combinés avec des proportions différentes deau réduite à ses élé- ments. Dans l'alcohol les éléments de l'eau forment le tiers du total , et dans lether ils en forment le cin- quième; en sorte que l'action de l'acide siilfurique sur l'alcohol , pour produire i'éther, ne consisteroit qu'à enlever une portion de son eau, et que ce même acide, en plus grande quantité, produiroit ie gaz oléfiant, en enlevant la totalité de cette même eau. Les résultats analytiques de M. de Saussure s'ac- cordent avec ceux qu'a obtenus feu M. le comte de Ru m fort sur la quantité de chaleur produite par la combustion de l'alcohol et de I'éther. Une des grandes difficultés de l'analyse des sub- stances organiques consiste en ce que la chimie ne dispose que d'un petit nombre de réactifs pro- pres à en séparer les principes immédiats sans les détruire. M. Chevreul, aide-chimiste au Muséum d'histoire naturelle, a cherché à multiplier les par- tis que l'on peut en tirer, en les employant à des degrés de chaleur très divers, et en lésant varier ainsi leurs forces dissolvantes. Pour cet effet il a imaginé une machine, qu'il appelle dicjesteur-dislilialoire , et qui consiste en une marmite de papin, fermée par une soupape que ET MÉTÉOKOLOGIE. Il5 maintient un ressort : la force du ressort, que Ton clianf^e à volonté, détermine le degré de chaleur que le liquide doit recevoir pour s'échapper. On recueille successivement le produit de chaque âe-* gré au moyen d'un tuyau qui conduit dans -uii récipient. La matière solide que l'on examine est retenue dans le digesteur par un diaphragme mo- hile, qui peut aussi la comprimer et en entraîner tout le liquide restant. M. Ghevreul a opéré sur le liège par sa méthode ; il la soumis vingt fois à l'action de l'eau et cinquante à celle de l'alcohoi, et après avoir détaché ainsi des matières très diverses, il lui est resté un tissu cel- lulaire qu'il nomme sabérine , et qui, traité par l'acide nitrique, se convertit en acide subérique. Parmi ces matières retirées du liège il en est une qu'il croit nouvelle et qu'il nouime cérine , parcequ'elle a plusieurs des propriétés de la cire. Le même chimiste a appliqué sa méthode au suecin ou ambre jaune, et reconnu que l'acide succinique y existe tout formé. Il a aussi continué ses recherches sur la saponi- fication dont nous avons donué l'analyse l'année dernière, et en comparant la graisse naturelle à celle qui a été saponifiée, il a conclu que les pro- priétés de cette dernière ne viennent point de l'éli- mina tioa ni de l'acquisition de quelques substances^ 8. Il6 PHYSIQUE, CHIMIE, mais d'un nouveau mode de combinaison occa- sioné par Faction de l'alcali, et qui donne à la graisse une analogie avec les acides, indépendante de toute oxygénation. M. Pelletier, Fds de notre défunt confrère, a fait l'examen des matières colorantes que Ton retire du bois de santal et de lorcanette , et que l'on rej^^ardoit jusqu'ici comme de simples résines. La première joint à la plupart des propriétés des résines celles d'être dissoluble dans l'acide acétique, même très foible, de se comporter alors avec la gélatine comme les substances dites astringentes, de donner de Ta- cideoxaliqueparracidenitriqueiellemontreencore quelques autres caractères qui paroissent devoir en faire un nouveau principe végétal. T^a matière reti- rée de l'orcanette se dissout dans Féther, Falcohol, et tous les corps gras. Par l'acide nitrique elle donne de Facide oxalique et une matière. amère; les alcalis et Feau lui font cbanger diversement de couleurs ; en un mot l'ensemble de ces phéno- mènes lui donne aussi un titre, selon M. Pelletier, à prendre un rang particulier parmi les principes immédiats des végétaux. Nous avons vu dans le temps que le platine brut, tel qu'on le retire de sa mine, contient plusieurs substances étrangères, et entre autres quatre mé- taux particuliers , qu'on a nouvellement distingués \ ET MÉTÉOROLOGIE. ll'j et nous avons exposé l'année dernière par quels moyens M. Vauquelin est parvenu à séparer de la dissolution du platine, dans l'acide nitro-muriati- que, et à obtenir dans leur état de pureté deux de ces nouveaux métaux appelés palladium et rhodium, qui se dissolvent en même temps que le j)latine. Nous avons dit aussi comment M. Lauj^^ier, s'étant aperçu que cette dissolution contient une quan- tité nol'abîe d'un troisième métal remarquable par sa volatilité, qui lui a fait donner le nom d'osmà/m, avoit indiqué une manière facile de le recueillir. Il restoit à examiner une poudre noire qui ne se dissout point dans l'acide nitro-muriatique, et qui par conséquent forme le résidu de la dissolution du platine. Elle se compose principalement de ce même osmium, et d'un quatrième nouveau métal, que les couleurs vives et variées de ses combinaisons ont fait nommer iridium. Ces deux métaux y sont unis à du clîrôme,à du fer, à du titane, à de la silice, et même à un peu d'alumine; et la difficulté étoit de les séparer nettement de ce mélange, et de les obtenir complètement isolés. C'est à quoi M. Vauquelin a réussi, mais par des opérations pénibles et compliquées. De simples lavages divisent cette poudre noire en deux parties; l'une plus déliée, plus brillante, contient plus d'iiidium et d'osmium, et presque Il8 PHYSIQUE, CHIMIE, pas de chrome; lautre, plus brune et plus gros- sière, contient moins des deux premiers métaux et plus des autres. Comme celle-ci est la plus diffi- cile à analyser, nous nous bornerons à ce qui la regarde. M. Vauquelin la triture d'abord avec le double de son poids de nitrate de potasse, l'oxygène de l'a- cide oxyde l'iridium et l'osmium , qui se combinent avec la potasse devenue libre. La chaleur fait sortir ensuite une grande partie de l'acide et de l'osmium , qu'on reçoit dans de Teau de chaux; le résidu dé- layé et saturé par l'acide nitrique donne un préci- pité d'iridium , de titane, de fer, d'alumine, et d'un peu d'oxyde de chrome; et il-reste une liqueur com- posée de potasse unie à de l'acide de chrome et à de l'osmium. On en sépare ce dernier, en ajoutant de l'acide nitrique, en distillant et en recevant l'os'- inium dans un flacon entouré de glace; on verse , dans l'eau qui l'a reçu un peu d'acide muriatique, et on y place une lame de zinc, qui précipite l'os- mium. Pour Favoir bien pur on le lave avec de l'eau un peu aiguisée d'acide sulfurique. Il fiant ensuite retirer le chrome; pour cet effet on fait évaporer, on redissout dans l'eau, on filtre pour avoir la silice qui peut rester, on verse du ni- trate de mercure au minimum, qui produit un précipité de chrômate de mercure au minimum. ET MÉTÉOROLOGIE. II9 lequel séché et calciné donne de l'oxyde vert de chrome. Reste le premier précipité d'iridium , de titane, de fer, de chrome et d'alumine. H y a en- core un peu d'osmium qu'on enlève en traitant par l'acide muria tique , distillant et précipitant par le zinc, comme la première Ibis. S'il reste des par- ties non dissoutes on les triturera avec le nitre, comme dans le commencement ; et on ohserve que plus on répète cette opération , plus les dissolutions inuriatiques deviennent hleues, parcequ'elles con- tiennent de moins en moins de fer et de titane, qui, comme plus faciles à dissoudre, sont d'abord saisis par l'acide, et laissent une plus grande pro- portion d'iridium. Or riridium a cette propriété qu'à cet état d'oxydation où ses dissolutions dans les acides sont rouges il ne précipite que par le muriate d'ammo- niaque, et sous forme de sel triple. On laméne donc h cet état en faisant bouillir sa dissolution mu- riatique avec de l'acide nitrique; on neutralise la liqueur par de l'ammoniaque; l'ébullition en préci- pite le fer et le titane; on précipite ensuite l'iridium par le muriate d'ammoniaque ; et le sel triple qu'on obtient donne, par une chaleur rouge, l'iridium métallique très pur. Ce métal , si difficile à retirer du singulier alliage ({ui le ca choit à tous les yeux , a des propriétés re- 120 PHYSIQUE, CHIMIE, inarquables. Sa couleur et son éclat ressemblent assez à ceux du platine; il est plus difficile à fondre, insoluble dans les acides simples, difficilement so- luble dans le nitro-muriatique ; mais la potasse et le nitre loxvdent, et se combinent avec lui en une poussière noire qui donne des dissolutions bleues ; avec l'acide nitro-muriatique bouillant il donne une dissolution rouge ; ses dissolutions bleues elles- mêmes deviennent rou^ojes par Tébullition ; mais les bleues et les rouges sont décolorées par le sulfate de fer, riiydrogène sulfuré, le fer, le zinc, et Tétain ; elles reprennent leur couleur par l'acide muriati- que oxygéné ; c'est l'iridium qui colore en rouge les derniers précipités de sel triple de platine , tandis que les premiers, où il n'entre point, sont jaunes. Les propriétés de l'osmium ne sont pas si aisées à constater, à cause de sa facilité à s'oxyder et à se volatiliser aussitôt. Son oxyde est blanc et très caus- tique ; il répand une odeur insupportable : flexible et fusible comme la cire , dès qu'il touche une ma- tière animale il la noircit. Sa dissolution dans l'eau devient bleue par la noix de galle, etc. M. Mongez, membre de la classe de littérature ancienne, nous a lu un mémoire sur le bronze des anciens, où il prouve, d'après les expériences de M. Darcet, que ce n'est point par la trempe ou l'immersion dans l'eau froide que le bronze se dur- ET MÉTÉOROLOGIE. . 121 cit, comme il arrive à l'acier; mais qu'il obtient au contraire sa dureté lorsqu'après avoir été rougi on le laisse refroidir lentement à Fair. M. Darcet a tiré parti de cette propriété pour faiie des cymbales, instrument qui ne se fabriquoit jusqu'à présent qu'en Turquie, et, k ce qu'on prétend , par lin seul ouvrier de Gonstantinople, qui en a le secret. ANNÉE 1815. Nous avons parlé depuis deux ans de ces acides sans oxygène, ou, comme on les appelle mainte- nant, de ces hydracides qui sont venus faire une brèche si considérable à l'imposant édifice de la théorie chimique de Lavoisier. Les travaux de M. Gay-Lussac ont constaté cette année qu'il y en a un de plus à ranger dans cette classe, celui que M. de Moi'veau avoit appelé acide prussique, par- cequ'il entre dans la composition du bleu de Prusse, et que son radical n'étant pas connu il n'étoit pas possible alors d'en dériver sa dénomination. Les expériences de Marcgrave, de Bergman, et de Scheele, ne permettoient pas de douter que dans le bleu de Prusse le fer ne fût uni avec une sub- stance qui jouoit le rôle d'un acide : cependant M. Bertbollet avoit soupçonné depuis Ion g- temps qu'il n'entroit point d'oxygène, mais seulement du carbone, de l'azote, et de l'hydrogène, dans sa 122 , PHYSIQUE, CHIMIE, composition ; et c'est ce soupçon que M. Gay-Lussac vient de changer en certitude. En décomposant avec des précautions qu'il in- dique le prussiate de mercure par lacide hydro- cblorique (autrement muriatique), il obtient Facide prussique pur; et nous avons déjà parlé dans un de nos rapports précédents des propriétés sin^^u- lières qu'il lui a reconnues dans cet état, et princi- palement de son extrême volatilité. Brillant ensuite la vapeur de cet acide par l'oxygène et l'étincelle électrique, il obtient des quantités déterminées d'eau, d'acide carbonique, et d'azote; il défalque l'oxygène consommé dans la production des deux premières de ces substances , et il arrive à cette con- clusion qu'un volume de vapeur d'acide prussique résulte de la combinaison et de la concentration d'un volume de vapeur de carbone, d'un demi-vo- lume d'azote, et d'un demi-volume d'hydrogène, ou, en exprimant ces volumes en poids d'après la densité de chacune de ces vapeurs, que cent parties d'acide contiennent 4,4^9 de carbone, 5 1,71 d'azote, 3,90 d'hydrogène. Ainsi l'acide prussique renferme plus d'azote et moins d'hydrogène que les autres substances ani- ET MÉTÉOROLOGIE. 12,^ maies, dont il se distingue sur-tont par 1 absence totale d'oxygène. C'est le premier hydracide connu dont le radical soit décomposable; et ce radical M. Gay-Lussnc est aussi parvenu à l'obtenir débarrassé de son liydro- gène. Ne pouvant conserver cette épithète de pras- sique, qui ne tient qu'à un accident, il lui a donné le nom de cyanogène (c'est-à-dire produisant du bleu). L'acide prussique prendra donc désormais la déno- mination àliydrocyanique , ses combinaisons avec les bases celle à' hydrocy anales, et les combinaisons de son radical celle de cyanures. •y Nous voudrions pouvoir rendre compte des ex- périences aussi nombreuses que délicates par les- quelles M. Gay-Lussac a rapporté à Tune ou à l'autre de ces classes les divers produits de l'action de Facide prussique sur les corps , et toutes les propriétés qu'il y a fait connoître ; mais l'espace ne nous le permet pas. Qu'il nous suffise de dire que le bleu de Prusse en particulier lui paroît plu- tôt un cyanure de fer qui auroit retenu de l'eau qu'un hydrocyanate , ou, comme on le disoit autre- fois , un prussiate. Ce cyanogène , considéré isolément, a offert lui- même des propriétés fort remarquables; c'est ui; fluide élastique permanent dont la densité est à celle de l'air comme i ,8o64 à i , d'une odeur parti- 124 PHYSIQUE, CHIMIE, culière et très vive, qui donne à Feau une saveur pi- quante, et brûle avec une flamme purpurine. L'eau en absorbe quatre fois son volume, et l'alcohol vingt- trois fois. Son analyse directe a donné le même ré- sultatque celle de Tacide bydrocyanicjue, c'est-à-dire un volume de vapeur de carbone pour un demi- volume d'azote. M. Gay-Lussac a aussi présenté à l'Académie des mémoires sur le froid qui résulte de l'évaporation , €t sur l'évaporation dans l'air à différents degrés de température et de pression , où il exprime par une fbrmide les résultats de l'expérience. Il a fait suivre le dernier d'un mémoire sur l'hyorrométrie, qui en offre les conséquences immédiates; mais ces ou- vrages n'ayant point encore acquis à son gré cette précision et cet ordre qu'il est accoutumé de don- ner à tout ce qu'il publie, l'auteur a cru devoir en différer l'impression. M. Dulong, professeur d'Alfort, a présenté sur l'acide oxalique quelques expériences qui , sans for- mer encore un ensemble complet, ouvrent cepen- dant des vues intéressantes pour la science. En sa- turant cet acide de baryte, de strontiane, ou de chaux, l'on obtient des sels qui représentent tou- jours l'acide employé, même après qu'on les a ex- posés à une chaleur supérieure à celle de l'eau bouillante; mais avec de l'oxyde de plomb ou de zinc ET METEOROLOGIE. I2t) on perd toujours vîn[jt pour cent de Tacide par la dessiccation. En poussant ensuite an feu ces oxa- lates métalliques desséchés, ii ne se montre point d'eau; mais on obtient de Tacide carbonique, du gaz oxyde de carbone, et il reste des oxydes des mé- taux employés, dont celui de plomb offre des pro- priétés particulières. Les oxalates de cuivre, d'ar- gent, et de mercure, donnent au contraire toujours de l'eau dans leur décomposition, quelque dessé- chés qu'ils aient été, en même temps que de l'acide carbonique, et le résidii est à l'état métallique. Il y a détonation pour Voxalate d'argent, et l'on sait d'ailleurs qu'il détone par le choc aussi bien que les oxalates de mercure. Quant aux oxalates de baryte, de strontiane, et de chaux, ils donnent, en se décomposant parla chaleur, de l'huile empyreumatique, de Feau, de l'oxyde de carbone, de l'hydrogène carboné, de l'a- cide carbonique, et ii reste un mélange de sous- carbonate et de charbon. On pourroit expliquer ces phénomènes de deux manières. Ou l'acide oxalique seroit composé seulement de carbone et d'oxygène dans des proportions inter- médiaiies entre celles de l'acide carbonique et de l'oxyde de carbone, mais il contiendroit de leau que certains oxalates, comme ceux de plomb et de (26 PHYSIQUE, CHIMIE, zinc, abandonnei oient par le dessèchement, tandis que les autres la retiendroient ; ou bien il seroit composé d'acide carbonique et d'bydrC'gène. Ce dernier avec Toxy^ène de Toxyde formeroit de l'eau que ces premiers oxalates laisseroient encore échap- per, et il ne resteroit alors que l'acide carbonique et le métal, combinaison nouvelle en chimie; car on y regardoit comme un principe général que les métaux ne peuvent s'unir avec les acides qu'après avoir été oxydés. M. Dulong, qui penche pour cette dernière explication, pense donc que ces oxalates de plomb et de zinc desséchés ne sont pas de vrais oxalates ; et il propose de leur donner, ainsi qu'aux combinaisons du même (^enre qu'on pourroit dé- couvrir, le nom de carbonides. Quant aux oxalates qui ne donnent point d'eau par le dessèchement, ils contiendroient l'acide oxalique dans son inté- f^rité ; et, comme d'après sa composition on le nommeroit désormais hydrocarbonique, les sels mêmes s'appell croient hydrocarbonates. M. Dulong' est conduit par l'analogie à des con- clusions très générales, par lesquelles il fait rentrer sous les mêmes lois non seulement les acides ordi- naires, mais encore les hydracides; mais nous en rendrons un compte plus détaillé lorsque lui- même aura remis les mémoires plus étendus qu'il promet. ET MÉTÉOROLOGIE. 127 L'action chimique de la lumière solaire sur les corps est digne de toute Tattention des savants par son influence sur la plupart des phénomènes de la nature vivante, et cependant elle a été peu examinée jusqu'ici. M. Vogel vient d'ajouter quelques expé- riences à celles que Ton possédoit à cet éj^ard. L'ammoniaque et le phosphore, qui n'ap^issent point l'un sur l'autre dans Tohscurité, déofagent à la lu- mière solaire du gaz hydrogène phosphore, et dé- posent une poudre noire composée de phosphore et d'ammonianue intimement combinés. Il en est à-peu-près de même du phosphore avec la potasse. L'action des divers rayons n'est pas toujours sem- blable ; les rouges ne produisent j)as d'effet sur une dissolution de sublimé corrosif dans l'éther, tandis que les bleus et la lumière complète y opèrent une décomposition mutuelle. Les muriates métalliques très oxydés sont ramenés par la mênie voie au mini- mum d'oxydation. Nous avons dit quelques mots les deux années précédentes des recherches de M. Chevreul, sur le savon et sur ce qui se passe lors de la saponification. Cet habile expérimentateur a reconnu que l'action de la potasse produit entre les éléments de la graisse de nouveaux modes de combinaisons d'où résultent des substances qui n'y existoient pas toutes formées auparavant, et dont deux, la margarine et une sorte l'uS PHYSIQUE, GHIMJE, d'huile ou de jjraisse fluide, acquièrent toutes les propriétés des acides. L'auteur, poursuivant son travail, s'est assuré que les mêmes effets sont pro- duits par la soude, les terres alcalines, et divers o.xydes métalliques, et que les substances résultantes sont en même proportion, de quelque agent qu'où se soit servi: la maç^nésie et 1 alumine se bornent au contraire à contracter avec la graisse une cer- taine union, mais sans en répartir ainsi les éléments en divers composés. La quantité d'alcaii nécessaire pour convertir en savon une quantité donnée de graisse est précisément celle qui peut saturer la margarine et l'huile que cette graisse produit. Notre laborieux chimiste a terminé ses mémoires sur cette matière en assignant la capacité de saturation de la margarine et de la graisse fluide, et en faisant con- noître les propriétés de plusieurs nouvelles com- binaisons savonneuses qu'il a produites par le jeu des affinités doubles, en mêlant une dissolution chaude de graisse fluide et de potasse avec différents sels terreux ou métalliques. Il est parvenu ainsi à rendre les savons, dont l'étude avoit été négligée jusqu'à présent, presque aussi connus que les sels dont les chimistes se sont le plus occupés. Fourcroy avoit fait connoître sous le nom d'adi- pocire une substance que l'on sépare, par le moyen des acides, de la matière grasse dans laquelle se ET MÉTÉOROLOGIE. 129 convertissent les corps des animaux enfouis dans la terre, et il l'avoit re^jardëe comme identique avec celle que l'on retire à l'état cristallin des calculs bi- liaires de l'homme, et avec le spermacéti ou blanc de baleine qui se trouve en jurande abondance dans certaines cavités de la tête du cachalot. M. Ghevreul, conduit par ses recherches sur les corps gras à examiner ces matières, a trouvé que celle des calculs biliaires ne donne point cle savon, tandis que le spermacéti en fournit aussi aisément que la (graisse, mais en s'altérant unpeu autrement, dans d'autres proportions, et avec des propriétés particulières, he gras des cadavres est bien plus composé que ne le croyoit Fourcroy, et l'on y trouve différents corps gras combinés avec l'ammoniaque, la potasse, et la chaux. C'est une graisse qui a déjà subi l'action des alcalis. Chacun a pu observer une excrétion résineuse d'un jaune orangé qui sort des crevasses de l'écorce des bûches de hêtre exposées à l'humidité, sous formes de lames ou de fdets contournés comme du vermicel. M. Bidault de Villiers a fait sur cette matière quelques expériences chimiques. Il s'en dissout une partie dans i'eau, une autre dans l'ai- cohol, et le résidu a plusieurs des propriétés du gluten. L'acide nitrique la convertit en acide oxa- lique, en matière jaune amère très abondante, et nUFFON. COMl'LÉM. T. Il g l3o PHYSIQUE, CHIMIE, en un corps gras, mais ny produit aucun acide muqueux. Elle donne au feu beaucoup de carbo- nate d ammoniaque et une huile fétide; en sorte que les commissaires de TAcadémie ont dû la reg^ar- der comme tenant de près à la nature des substances animales. Il sera intéressant de faire des recherches sur les causes de sa production. Une des époques où la chimie se soit montrée plus brillante et plus utile a été sans contredit celle où la France, séparée pendant vin^o^t ans des con- trées dont les productions étoient devenues depuis si lonp^-tenips pour nous de véritables besoins, a été oblio^ée d'y suppléer par des produits de son sol. Les arts connus ont été perfectionnés; des arts nouveaux ont été créés. INous avons vu successive- ment extraire la soude du sel marin, former de toutes pièces i alun et la couperose, rendre fixes des couleurs que l'on regardoit comme faux teint, l'in- dip^o du pastel remplacer celui de l'anil, la garance suppléer à la cochenille, et le sucre de betterave tenir lieu de celui de canne. Ce dernier article, le plus important de tous, n'a pas perdu a beaucoup près son intérêt dans les cir- constances actuelles. lUest vrai que beaucoup de fabriques sont tombées: mais celles qui ont été di- rigées avec intelligence subsistent et prospèrent en- core; et, selon M. le comte Cliaptal, leur produit ET MÉTÉOROLOGIE. l3t ijoiirra toujours rivaliser avec le sucre des colonies. Ce savant chimiste donne une preuve sans réplique de son assertion, puisqu'il continue de fabriquer avec profit: il est vrai que dans tous les détails de la culture, de la récoite, et de la préparation, ainsi que dans l'emploi des divers déchets, il s'est éclairé des lumières de la science et de celles de l'expé- rience , au point de ne rien rejeter qui puisse servir, et d'employer à d'autres usages tout ce qu'il est obligé de rejeter. 11 a décrit ses procédés d'une manière assez claire pour qu'ils puissent être saisis partons les fabricants, et nous devons espérer que son ou- vrage aidera à conserver à la France une industrie précieuse, et dont mille événements pourroient faire de nouveau une industrie nécessaire. Le troisième volume de la Chimie élémentaire de M. Théuard a paru. Ce savant professeur y traite avec le plus grand détail et d'après les découvertes les plus modernes, parmi lesquelles il en est un si grand nombre que la science lui doit , des prin- cipes immédiats des corps organisés, des divers produits de leurs décompositions , et de leurs em- plois dans les arts. Le quatrième, qui est sous presse, terminera l'ouvrage. ANNÉE 18l(i. On sait que les divers corps, et spécialement les ,32 PHYSIQUE, CHIMIE, . divers liquides, se dilatent par la chaleur selon des proportions très différentes. M. Gay-l^ussac a cherché à découvrir quelque loi qui indiquât la règle de ces rapports; pour cet effet, au lieu de comparer les dilatations des divers liquides au-dessus et au-dessous d'une température uniforme pour tous , il est parti d'un point varia- ble quant à la température, mais uniforme quant à la cohésion des molécules ; du point où chaque liquide entre en ébulîition sous une pression don- née , et parmi ceux qu'il a essayés il en a trouvé deux qui , à partir de ce point , se dilatent égale- ment ; ce sont lalcohol et le sulfure de carbone qui bouillent, le premier à 78° ^i^\e second à 4^° 60, tandis que d'autres liquides ne présentent pas à cet égard la même ressemblance. Cherchant alors les autres analogies des deux liquides en question , M. Gay-Lussac a reconnu qu'ils se ressemblent en- core en ce point qu'un même volume de chacun d'eux, à la température qui le fait bouillir, donne, sous la même pression, un même volume de va- peur, ou , en d'autres termes , que les densités de leurs vapeurs sont entre elles comme celles des liquides à leurs températures respectives d'ébulli- tion. M. Gay-Lussac promet de donner suite à ses ex- périences , et de présenter bientôt des recherches ET MÉTÉOROLOGIE. l33 plus complètes sur la dilatation des liquides et sur leur capacité pour le calorique, comparées à celles de leurs vapeurs. Parmi les questions délicates dont s'occupe au- jourd'hui la chimie, on doit ranger principalement celle des proportions selon lesquelles les éléments peuvent s'unir pour former les combinaisons des divers déférés. On a cru remarquer dans ces der- niers temps qu'il y avoit certaines limites affectées de préférence par la nature, et exprimées par des termes généralement simples; et, d'après les recher- ches de M. Gay-Lussac, cela est sur-tout vrai pour les combinaisons des «az, quand on a égard non pas à leur poids absolu, mais à leur volume sous une pression égale. Ces sortes de recherches sont sujettes à de gran- des difficultés, parccqu'il n'est pas toujours possible d'obtenir les combinaisons isolées , et que, lorsqu'on veut les extraire des sels dont elles font partie, elles se décomposent ou s'altèrent par le mélange des autres principes de ces sels , ou de l'eau qui y entre presque toujours. C'est ainsi que l'on peut expliquer les différences notables des résultats de MM. Davy, Dalton , et Gay- Lussac , touchant les combinaisons de l'azote et de l'oxygène. Des expériences présentées cette année à l'Aca- l34 PHYSIQUE, CHIMIE, demie par M. Gay-Lussac il résulteroit que le gaz iiitreiix contient un volume d'azote et un volume é.cral (l'oxyjjène sans condensation; que dans cer- taines circonstances il se forme une combinaison d'un volume d'azote contre un volume et demi d'oxygène, à laquelle M. Gay-Lussac donne le nom A' acide pernilreux ; que l'acide nitreux ordinaire se compose d'un volume d'azote contre deux volumes d'oxygène; enfin qu'il y a dans l'acide nitrique un volume d'azote et deux volumes et demi d'oxy- gène. Parmi ces différentes variétés , si Ton peut s'ex- primer ainsi , des oxydes ou acides qui ont l'azote pour radical , il s'en trouve une que l'on obtient de la distillation du nitrate neutre de plomb préala- blement desséché. C'est un liquide très volatil , de couleur orangée. M. Gay-Lussac le regardoit comme l'acide nitreux dont les éléments seroient mainte- nus par Faction de Feau qui en feroit partie; mais M. Dulong s'est assuré, par des procédés d'ana- lyse fort exacts, qu'il ne contient point deau , et le nomme par cette raison acide nitreux anhydre. Son résultat a été confirmé par la synthèse. Un volume de gaz nitreux , et un peu plus de deux volumes de gaz oxygène, soumis à un froid artificiel de vingt degrés, donnent cet acide qui entre antres ^îroprié- tes ( liange de couleur non seulement par son nié- ET MÉTÉOBOLOGIE. l35 lange avec l'eau , mais par la chaleur ; incolore à 20° au-dessous de zéro, il devient orangé à 1 5° au-des- sus, et presque rouge à 2S''. Quatre parties de gaz nitreux et une partie de gaz oxygène, condensés de même par le froid , ont donné un liquide d'un vert foncé beaucoup plus volatil que le précédent 5 que M. Dulong regarde comme un simple mélange d'acide nitreux et d'un autre acide où la proportion du gaz nitreux seroit beaucoup plus forte. M. Dulong a examiné aussi les proportions selon lesquelles l'oxygène se combine avec le phosphore ])Our former des acides. A vaut lui on n'en admettoit que deux; ses recherches lui font penser qu'il en existe quatre. Celle où il entre le moins d'oxygène s'obtient en jetant dans l'eau un phosphore alcalin ; il se dégage de l'hydrogène phosphuré, et l'oxy- gène de l'eau forme avec le phosphore restant un acide qui reste combiné avec l'alcaii , et qu'on en expulse par l'acide sulfuriqae. M. Dulong le nomme hjpopliosphoreiix , mais il croit que son radical se compose en partie d'hydrogène. Un second acide, auquel M. Dulong transfère le nom de phosphoreux, s'obtient au moyen de la dé- composition de l'eau par la combinaison de chlore et de phosphore au minimum , décomposition d'où il résulte deux acides, savoir l'hydrochloriquc ou muriatique, et celui dont nous parlons. M. Dulong l36 PHYSIQUE, CHIMIE, le juge composé de loo parties de phosphore et de près de 75 d'oxyg^ène. Le troisième acide est ceUii qui se produit par la combustion lente du phosphore dans l'air. 11 se décompose lorsqu'on le sature en acide phospho- rique et en acide phosphoreux, et donne à-la-fois des phosphites plus solubles et des phosphates qui le sont moins. Toutefois M. Dulon^ ne le re^ijarde pas comme un simple mélange, mais plutôt comme une combinaison de ces deux acides, qui auroit quelque ressemblance avec les combinaisons sa- lines, et où l'acide phosphoreux feroit fonction de base. D'après cette opinion il propose de le nommer phosjjliatlque pour rappeler l'analogie qu'il auroit avec les phosphates. Le dernier terme de 1 oxygénation est l'acide phosphorique : la proportion du phosphore à l'oxy- gène y est de 100 à 124. On l'obtient de la com- bustion vive du phosphore, ou de la décomposition de l'eau par le chlorure de phosphore au maximum , et encore de plusieurs autres manières. Il est iden- tique avec celui qu'on retire des os des animaux. Trois chimistes hollandois, MM. Van-Marum, Deyma n, et Paëts-Van-Troostwick, firent connoître en i-ygGun gaz composé d'hydrogène et de carbone, qu ils nommèrent gaz oléfianl, par la raison que sa propriété la plus singulière étoit de former un li- ET MÉTÉOROLOGIE. l37 quide huileux par son mélange avec le gaz muria- tique oxygéné. D'après la théorie que l'on avoit alors sur le gaz acide muriatique oxygéné, on devoit croire que son oxygène s'unissoit à l'hydrogène carboné, et donnoit ainsi une sorte d'huile; mais aujourd'hui que l'on est venu à regarder ce gaz comme un corps simple, auquel M. Davy a donné le nom de chlore, on est obligé de chercher une autre explication. MM. Robiquet et Colin s'en sont occupés. Ils ont reconnu qu'en faisant arriver len- tement dans un ballon un volume de gaz oléfiant et deux volumes de chlore, ils se convertissent en- tièrement et sans résidu en liquide huileux , lequel , décomposé par le feu, donne de l'hydrogène non saturé de carbone, un dépôt de carbone, et beau- coup de gaz muriatique, c'est-à-dire, d'après la théorie nouvelle, degazhydrochlorique: le chlore entre donc en substance dans le liquide huileux. Mais y est-il comme chlore et uni directement à l'hydrogène surcarboné, ou biens'y trouve- t-il uni a l'hydrogène et comme acide hydrochlorique, ou, autrement, muriatique? C'est à la première de ces conclusions que les auteurs sont conduits par des inductions tirées de la pesanteur spécifique des composants et du composé, tandis que l'éther mu- riatique, qui a de nombreux rapports avec ce liquide huileux, leur paroît au contraire formé de l'union l38 PHYSIQUE, CHIMIE, du ^8z hydrochlolique avec l'hydrogène carboné. M. Ghevreul continue toujours de travailler avec le niênie zélé à son Histoire chimique des corps gras. Nousavons dit d'après lui, dans le temps, comment la graisse de porc se compose de deux principes, l'un plus consistant, l'autre plus liquide; comment l'action des alcalis en altère la combinaison, en sépare un principe nouveau analogue au corps doux de Scheeie, et y occasione la formation de deux autres principes de nature acide , avec lesquels l'alcali se combine pour former le savon ; nous avons exposé l'affinité diverse des alcalis et des terres avec ces deux acides, et les capacités de saturation de ces derniers; enfin nous avons rendu compte de l'examen comparatif fait par M. Ghevreul de divers corps plus ou moins analogues à la graisse, tels que le calcul biliaire, le spermacéti, l'adipocire des ca- davres et des différences essentielles qui les carac- térisent. Dans un mémoire présenté à l'Académie cette année ce laborieux chimiste a commencé à rechercher les causes auxquelles sont dues les con- sistanci^s, les odeurs, et les couleurs particulières à quelques huiles et à quelques graisses; et il s'est occupé des graisses d'homme, de bœuf, de mouton, de jaguar, et d'oie. Les variétés de consistance tiennent à la proportion des deux principes géné- raux des corps gras ; mais les autres différences ET MÉTÉOROLOGIE. I Sg d'^pendeiît de principes particuliers et étranp^ers. M. Ghevreul propose un système de nomenclature analo[;ue au reste de la nomenclature chimique, tant pour 1rs principes qu'il a découverts que pour leurs combinaisons salines. Les deux principes de la (J^raisse devront se nommer stéatine et élaine, d'a- près les mots grecs qui si^o^nifient suif et huile. Son principe acide le plus consistant, ou samar[>arine, sera l'acide margarique; l'autre l'acide élaïque. Le spermacéti aura le nom de cétine, etc. Sans doute ces noms chargeront la mémoire; mais c'est un inconvénient inséparable des progrès de la science, et des périphrases qui alongeroicnt le discours sans le rendre plus clair auroientdes inconvénients non moms graves. ANNÉE 1817. Les physiciens savent aujourd'hui, par les tra- vaux d'un grand nombre de leurs plus ingénieux prédécesseurs, que les effets de la distribution de îa chaleur dans l'intérieur des corps solide s se rap- portent à trois qualités variables selon les corps, mais déterminables et fixes pour chacun d'eux : leur capacité pour le calorique, c'est-à-dire la quan- tité qu'il en faut à chacun pour passer d'un degré de chaleur à un autre; leur conductibilité inté- rieure, c'est-à-dire le j>lus ou moins de facilité l4o PHYSIQUE, CHIMIE. avec laquelle la chaleur parvient à s'y distribuer également; et leur conductibilité extérieure, c'est- à-dire le plus ou le moins de facilité avec laquelle ils se mettent à l'unisson de chaleur avec l'air ou les corps environnants. La première de ces qualités est appréciée depuis long-temps pour chaque corps; la troisième dé- pend beaucoup de l'état de la surface; et il est né- cessaire, dans une théorie exacte, de la distinguer soigneusement de la seconde, qui tient sans doute à la disposition mutuelle des molécules des corps. Feu M. de Rumfort avait fait de nombreuses ex- périences sur la conducibilité extérieure d'un même corps, selon qu'il est plus ou moins poli, ou revêtu de diverses enveloppes. M. Desprets vient d'en faire pour comparer celle des corps différents dans des états de surface sem- blables ponr tous. Il emploie des sphères assez pe- tites pour que leur conducibilité intérieure n'influe point trop sur Fextérieure; ses thermomètres ont leur réservoir au milieu de chaque sphère, et les surfaces sont ou simplement polies, ou enduites d'un vernis et d'un nombre de couches de ce ver- nis, reconnu par l'expérience le plus favorable au refroidissement. M. Desprets a rédigé ainsi une table des temps que mettent à se refroidir, au même degré, les prin- ET MÉTÉOROLOGIE. l4l cipaux métaux employés dans les arts; et en com- binant convenablement cette table avec celle des capacités, il obtient celle de la conducibilité exté- rieure; cest le plomb qui la possède au plus haut déferré, ensuite la fonte, puis le fer, Tétain, le zinc, et enfin le laiton. T.es bains du Mont-Dor, près Clermont, four- nissent une eau à 42 ou 4 3° centigrades de tempé- rature, contenant quelques matières salines, mais exhalant sur-tout une grande quantité d'acide car- bonique. On observe de très grandes différences dans leur action sur ceux qui les prennent et dans le malaise qu'occasione leur vapeur; et lorsque ces effets sont beaucoup phis marqués qu a l'ordinaire, que les bains sont ce qu'on appelle soufrés, on peut être assuré qu'un orage est prochain, et qu'il sera d'autant plus violent que ces signes précurseurs ont été plus manifestes. M. Bertrand, médecin de ces eaux, attribue ces phénomènes à l'électricité qui, dans ses communi- cations de la terre à l'atmosphère, ou réciproque- ment, doit, selon lui, suivre de préférence les ra- mifications tortueuses des eaux minérales; mais les signes d'électricité qu'il a obtenus n'ont pas paru assez constants ni assez évidents pour servir de preuve à son hypothèse, et Ton n'a peut-être besoixt -^.^ l42 PHYSIQUE, CHIMIE, de recourir qu'au plus ou moins de différence de chaleur au dedans et au dehors du bain, et à la plus ou moins grande abondance d'acide carbo- nique résultant de la plus ou moins grande diffi- culté que letat de l'atmosphère extérieure oppose à sa dissipation. • Chacun sait que les alcalis fixes s'unissent au soufre, et forment avec lui cette combinaison à la- quelle sa couleur a fait donner très anciennement le nom de foie de soufre, et que la nouvelle chimie place dans la classe générale des sulfures; mais de- puis que Ion a appris, par les brillantes expériences de M. Davy, que les alcalis fixes ne sont autre chose que des oxydes métalliques, il devenoit intéressant de savoir s'ils entrent dans le sulfure comme oxyde ou comme métal, c'est-à-dire s'ils conservent ou s'ils perdent , en y entrant , l'oxygène auquel ils sont unis. M. Vauquelin avoit présenté des motifs plau- sibles d'adopter la première de ces opinions pour le sulfure fait à une haute température; et M. Gay- Lussac vient en quelque sorte de la démontrer. En effet M. Vauquelin avoit fait observer que le sulfure fait à une haute température, lorsqu'on le dissout dans l'eau, donne du sulfate, dont l'acide sulfurique contient précisément autant d'oxygène ET MÉTÉOROLOGIE. ] ^S que la potasse employée ; et si cet acide existoit dans le sulfure avant la dissolution , il ne peut avoir pris son oxygène qu'à la potasse; mais on pourroit ob- jecter qu'il ne se forme qu'au moment de la disso- lution et en décomposant l'eau. C'est à quoi répond maintenant M. Gay-Lussac. En formant le sulfure à une température douce on n'ohtient point de sulfate lors de la dissolution, mais seulement de l'hyposulfite. La simple disso- lution dans l'eau ne produit donc pas de l'acide sulfuri(|ue, et, s'il y en a, il a di^ se ioruier en même temps que le sulfure, et dans un moment ou la po- tasse seule avoit de l'oxygène à lui fournir. Ti'oxyde noir de manganèse, traité à chaud avec de la potasse caustique, se fond en une matière verte, dont la dissolution, d'abord de la même cou- leur, passe ensuite an bleu, au violet, et au rouge. Scbeele, qui a le premier observé ces variations, avoit donné à la combinaison qui les présente le nom de caméléon minéral. M. Ghevreul a remarqué qu'elle peut passer par toutes les teintes des anneaux colorés, et que Ion y produit alternativement les diverses nuances, soit en ajoutant petit à petit de l'eau, de l'acide car- bonique, de la potasse, etc., soit en mêlant, dans di- verses proportion^, les deux couleurs extrêmes; on l44 PHYSIQUE, CHIMIE, peut enlever toute couleur par certains acides, etc. MM. Ghevillot et Edwards, s étant occupés de cette singulière substance , ont constaté d'abord qu'il ne peut se former de caméléon sans le con- cours de l'air; qu'il s'en forme dans Foxygène plus aisément que dans l'air, et qu'il absorbe de l'oxy- gène en se formant plus que ne ferait la potasse seule. Variant ensuite les proportions des compo- sants, ils ont vu que le caméléon est d'un vert d'au- tant plus clair et plus pur qu'on y a employé moins de manganèse et plus de potasse, et qu'en augmen- tant le premier composant et diminuant l'autre jusqu'à ce qu'ils soient en parties égales, on arrive à faire immédiatement du caméléon rouge, qui, dissout et évaporé, donne de beaux cristaux com- parables au carmin , inaltérables à l'air, et capables de colorer une grande quantité d'eau. L'alcali y est parfaitement neutralisé. Ces chimistes se proposent de suivre ces expériences, et espèrent en déduire les causes des phénomènes remarquables qu offre le caméléon minéral. La médecine emploie tous les jours des racines, des graines, ou d'autres parties de plantes et d'ani- maux auxquelles on a reconnu une action bien marquée sur l'économie animale, et des vertus pré- cieuses contre diverses maladie*: mais ces vertus ET MÉTÉOROLOGIE. 1^3 n'appartient pas à la totalité des principes immé- diats qui composent les substances, elles sont au contraire ordinairement l'apanage exclusif de Tun d'entre eux; et lorsque la chimie parvient à discer- ner ce principe privilégié et à découvrir les moyens de l'extraire, elle rend à la médecine un service dautant plus grand que souvent les autres prin- cipes auxquels il est uni affaiblissent son action, et produisent même des inconvénients qui res- treignent l'usage de la substance dans laquelle il entre. Ainsi l'on connoît depuis long-temps le pouvoir de ripécacuanha pour exciter le vomissement, et les heureux effets de ce remède sur les suites de la dyssenterie; Ton sait aussi, par les travaux récents de M. de Gandolle, que les racines employées en pharmacie, sous le nom d'ipécacuan/ia, provien- nent de plantes assez diverses et dont la force n'est pas toujours égale; savoir, d'un psycliolria, d'un calicocca , et d'une violette; mais il s'agissait de dé- terminer auquel des principes immédiats de ces racines appartient la vertu qui les a rendues si pré- cieuses, ce qui seul pouvoit donner les moyens d'assigner avec précision leurs degrés respectifs de puissance, et de fixer les meilleures méthodes de les préparer jiour leur emploi en médecine. C'est ce que MM. Magendie et Pelletier ont essayé de RUrtON. COMPLÉM. T. 11. lO l46 PHYSIQUE, CHIMIE, faire par une analyse chimique très soignée, et par d(\s expériences sur les animaux et sur les hommes. Après avoir enlevé, par l ether, une matière hui- leuse, d'une odeur désagréable, ils traitent l'ipéca- cuanha par Talcohol, et en obtiennent de la cire et uue substance particulière qu'ils séparent de cette cire au moyen de leau. T^e résidu ne contient plus que de la gomme, de l'amidon , et du ligneux. C'est à la substance dissoluble dans l'alcohol et dans l'eau qu'appartient le pouvoir de faire vomir; ce qui Ta fait nommer émétine. Elle se présente sous forme decailles transparentes, brun rou- geâtre, presque sans odeur, légèrement acres et amères; elle est déliquescente à l'air, et offre plu- sieurs autres caractères qui paroissent lui être par- ticuliers. A dose convenable de 2 à 4 grains elle a les effets de l'ipécacuanha, mais non pas son odeur nauséabonde, qui réside dans la matière huileuse. Le vomissement qu'elle occasione est suivi de fortes envies de dormir. A dose plus élevée, de 6 à I -.1 grains par exemple, elle a fait périr les chiens , après des vomissements violents et plusieurs heures d'un assoupissement profond. I^a racine d'ipécacuanha brun (psjchotria enielica) contient 16 centièmes d'émétine; mais la [)artie li- gneuse intérieure de la même racine n'en possède qu'un peu plus dun centième. Il y en a i4 cen- ET MÉTÉOROLOGIE. l47 tièmes dans 1 ecorce d'ipécacuanha gris (callicocca ifjecacuanlia) et 5 dans ia totalité de la racine d'ipé- cacuanha blanc (viola emetica). L'opium, ou le suc de tête de pavots, dont Tu- sage est devenu si général dans Ja médecine mo- derne, est aussi un composé de plusieurs principes; et, malgré les nombreux travaux dont il a été l'ob- jet, M. Sertiirner, pharmacien d'Eimbeck, en Ha- novre, y a découvert lécemmentun acide, et, ce qui est plus extraordinaire, un alcali nouveau, ou du moins une substance qui a toutes les proprié- tés générales des bases salifiables. C'est à elle qu'il attribue le pouvoir somnifère et vénéneux de l'o- pium, et il lui a donné, j)ar cette raison, le nom demorpliine. Amère, cristallisalile, fusible à la cha- leur, peu soluble dans l'eau même bouillante, mais beaucoup dans l'alcohol et dans l'éther, elle forme, avec la plupart des acides, des sels neutres remar- quables, dont elle est précipitée par l'ammoiiiaque; elle se résout au feu en oxygène, en carbone, en hydrogène , et peut-être en un peu d'azote. L'a- cide auquel elle est unie dans l'opium a reçu de M. Sertûrner le nom de mëconique; mais ce chi- miste n'a pas eu le loisir d'en faire un examen assez approfondi. M. Robiquet a repris et vérifié les découvertes de 10. l48 PHYSIQUE, CHIMIE, M. Serltirner par rapport à ces deux substances; il a reconnu que Tacide méconique est très soluble dans lalcohol et dans leau ; qu'il forme des sels di- versement solubles avec les alcalis; qu'il donne au su Ifate de cuivre une belle couleur d emeraude, etc. ; mais M. Robiquet s'est assuré, contre l'opinion de M. Serturner, que le sel essentiel extrait de l'o- pium par M. Derône en ï8i3 n'est pas la mor- phine, ni une combinaison de la morphine avec l'acide méconique; c'est, selon lui, une troisième substance qui existe dans l'opium en même temps que ces deux-là. M. Sei tlirner avoit éprouvé de la morphine dis- soute dans l'alcohol des effets délétères assez vio- lents; mais quand on la donne seule elle agit peu. M. Orfila en a fait prendre sans effet à des chiens, à une dose où l'extrait aqueux d'opium auroit pro- duit un empoisonnement violent. Tous les sels so- lubles de morphine agissent au contraire avec la même intensité que l'opium , et en déterminant les mêmes symptômes, tandis que l'opium dont on a séparé la morphine perd son efficacité. C'est donc la morphine qu'il faut tâcher de re- trouver dans les végétaux indigènes, si l'on veut y découvrir quelque succédané de l'opium. M. Sage a publié, dans le courant de l'année, quatre njémoires sur l'eau de mer; il y admet un ET MÉTÉOROLOGIE. 1 J^g gaz particulier, auquel il donne le nom de yaz nej> iunien, oléagineux , alcalin, et inodore, qui, selon lui , doit empêcher que la distillation ne puisse extraire de l'eau de mer une boisson salubre. On saura bien- tôt à quoi s'en tenir, d'après les expériences que le capitaine Freycinet a été char^^fé de faire dans le grand voyage qu'il a entrepris. ANNÉE 1818. f^a chimie s'est enrichie cette année de deux nouvelles substances doublement intéressantes, en ce que l'une est à-la-fois métallique et alcaline, c'est- à-dire que son oxyde est un nouvel alcali fixe, et en ce que l'autre est métallique et acidifiable, et en même temps plus analogue au soufre qu'à aucune autre matière. On doit la première à M. Arfvedson, jeune chi- miste suédois , élève de M. Berzélius. Il Ta découverte dans une pierre non\raéepétaliie,o\\ il n'en a trouvé ({ue de 3 à 5 centièmes ; mais il en a reconnu ensuite jusqu'à 8 centièmes dans une autre pierre appelée Iripliane. Cette substance donne, avec la plupart des aci- des, des sels très fusibles; son carbonate en fusion attaque le platine presque aussi fortement que les nitratesdes autres alcalis, etsedissoutdifficilement; son muriate est très déliquescent; son sulfate cris- j 5o PHYSIQUE, CHIMIE, tallise sans eau de saturation. La capacité de cet alcali pour saturer les acides est plus grande que celle d'aucun autre, et il entre en plus grande quan- tité dans les sels qu'il forme avec eux. r/auteur de la découverte a donné à sa nouvelle substance le nom de lithion, pour rappeler qu'elle a été découverte dans une pierre, tandis que les deux autres alcalis fixes ont été d'abord tirés des végétaux. La seconde substancea été découverte par M. Ber- zélius lui-même dans une fabrique d'acide sulfuri- (pie de Fnlun en Suéde. Il se dépose au fond de la chambre où Ton brûle du soufre retiré des pyrites une masse rougeâtre,qui n'est elle-même en grande partie que du soufre, mais (|ui donne en brûlant une odeur acre de raifort. Cette odeur étant l'un des caractères d'un métal découvert depuis ({uel- ques années par M. Klaproth, et nommé tellure, ou pouvoit croire (ju'elle étoit due au mélange de ce métal avec le soufre. Cependant M. Berzélius et M. Galin, qui examinèrent d'abord cette matière rouge, ncpurenien rctirerdc tellure. Lepremieren emporta à Stockholm pour l'examiner de plus près, et il y trouva une substance très volatile, très aisé- ment réductible, et ne se laissant point précipiter |)ar les alcalis. Sa couleur est grise, avec un grand rclat ; r Ile est dure, friable, et sa cassure ressemble ET MÉTÉOROLOGIE. l5l à celle du souFre. Sa pesanteur spécifique est de 3.6. Elle donne une poudre rouge par la trituration , se ramollit à la température de Teau bouillante, se fond un peu au-dessus, et reste quelque temps, à mesure qu'elle se refroidit, molle, pétrissable, et filante comme de la cire d'Espagne. A un peu plus de chaleur encore elle bout et se sublime en un gaz jaunâtre, et se fixe en forme de fleurs d'un beau rouge, (jui cependant ne sont point oxydées. Dans l'air elle s'évapore en fumée rouge, ou brûle avec une flamme bleue , et en donnant une si forte odeur de raifort qu'un 5o^ de grain suffi roit pour empes- ter le plus vaste appartement. M. Berzélius a donné à cette substance le nom (le sélénium, d'après le nom grec de la lune, et pour rappeler le rapport qu'elle a avec le tellure ; rapport qui pourroit au reste ne tenir qu'à la présence même du sélénium dans les tellures examinés jus- (ju'à présent. Les nouvelles de ces découvertes ayant été an- noncées à l'Académie par M. Gillet-Laumont, et jjientôt apiès par une lettre de M. Berzélius lui- même adressée à M. BertboUet, M. Vauquelin s'oc- cupa aussitôt de vérifier ce qui concernoit l'alcali ; et ses observations ajoutèrent quelques détails à celles qu'a voit données M. Arfvedson. Quoique M. Vauquelin n'ait eu qu'une petite quantité de i:)2 PHYSIQUE, CHIMIE, pétalite à sa disposition, il y a trouvé jusqu'à 7 pour cent de lithion. M. Beizélius a suivi avec tout le soin qu elle mé- ritoit sa belle découverte du sélénium. Il a soumis sa substance à la plupart des agents de la cbimie, et reconnu comment ils se comportent avec elle; et, étant venu à Paris cette année , il a donné lui-même son travail avec le plus g^rand détail dans les An- nales de Chimie. Sous tous les rapports il montre dans le sélénium une sorte d'intermédiaire entre les substances combustibles et les substances mé- talliques. Il en fait sur-tout une comparaison, d'une part, avec le soufre et le tellurium, de l'autre, avec le cblore, le fluor, et l'iode; substances que beaucoup de cbimistes ont voulu placer, dans ces derniers temps, dans la même classe que le soufre, parce- qu'ellcs donneroient, comme le soufre, des acides en se combinant avec Ihydrogène. On peut se rap- peler ce que nous avons dit à ce sujet dans nos ana- lyses de 1 8 1 3 et de 1 8 1 4 , ^n rendant compte de la nouvelle théorie de M. le chevalier Davy, sur les acides qu'il croit formés sans oxygène. M. Berzélius trouvant que les combinaisons, soit du soufre, soit du tellurium, soit du sélénium , avec les métaux et les substances combustibles, ont en- tre elles une grande analogie; et trouvant d'un au- ET MÉTÉOROLOGIE. l53 tre côté que les combinaisons de l'iode et du chlore avec les mêmes matières sont aussi très analoj^ues entre elles et avec celles des acides oxygénés, mais ne ressemblent point du tout aux précédentes; ce savant chimiste en conclut que ce sont deux ordres bien distincts de substances, et il laisse entrevoir par-là qu'il ne regarde pas encore comme démon- trée la théorie de M. Davy. Ce sélénium est singulièrement peu abondant; 5oo livres de soufre brûlé à la fabrique de Falun n'en donnent qu'un tiers de gramme. Combien doit- il être en proportion moins considérable encore dans la pyrite d'où ce soufre est extrait! M. Berzé- lius la trouvé depuis formant environ le quart d'un minerai d'argent et de cuivre extrêmement rare, (jue l'on a voit regardé, à cause de son odeur, comme un minerai de tellure, et que l'on tiroit autrefois d'une mine maintenant abandonnée de la pro- vince de Smolande en Suéde. Il en a trouvé aussi (juelques parcelles combinées avec du cuivre sans argent. Plus on réfléchit sur ces éléments chimiques, qui seroient ainsi jetés comme au hasard par la nature en petites parcelles de si peu d'effet dans l'univers que l'art le plus délicat, la science la plus profonde suffisent à peine pour les mettre au jour, plus on est porté à croire qu'une science plus pro- l54 PHYSIQUE, CHIMIE, fonde encore leur airacliera bientôt leur qualité d'clénients. M. Gay-Lussac a fait en 1 8 1 1 sur le principe co- lorant du bleu de Prusse, ou ce que Ion nomme depuis quelque temps Vacide prussique, des recher- ches qui ont fait reconnoître à cette substance, dans son état de pureté, des propriétés fort remarqua- bles, et jusqu'alors entièrement i[>norées; telles, entre autres, que la petitesse de Tintervalle qui sépare pour elle le point de la congélation et celui de Tévaporation ,etson épouvantable influence sur féconomie animale. Ce savant chimiste , continuant ses recherches sur cet important sujet, a découvert, en 1 8 1 4, qiïe ce principe est un hydracide, c'est-à- dire un de ces corps semblables aux acides quant à leur action extérieure, mais où l'on ne peut dé- montrer la présence de Toxy^ène , et qui paroissent résulter de la combinaison de l'hydrogène avec nn radical. L'acide prussirjuc est même le premier hydracide dont on connoisse le radical quant à ses élémenîs, et M. Gay-Lussac a trouvé qu'il se coujpose de carbone et d'azote en proportions peu différentes. Il a nommé ce radical cyanogène, et l'acide qu'il fournit liydrocyanique, à cause de sa pro[)riété de teindre l'oxyde de fer en bleu. Nous avons annoncé toutes ces découvertes dans nos analyses de i8 1 i et de 1 8i4. ET MÉTÉOROLOGIE. l55 M. VaiKjuelin a travaillé de nouveau sur cette malièi e en suivant , comme il le dit avec sa modes- tie ordinaire, la route que M. Gay-Lussac lui avoit frayée; mais cette route avoit des embranchements qui ne pou voient échapper à un homme tel que M. Vau({uelin. Le cyanofrène (^azeux se dissout dans environ quatre Fois et demie son volume d'eau , et hii donne une odeur et une saveur très piquante, mais sans la colorer. Après quelques jours cette dissolution se teint en jaune, puis en hrun. dépose une ma- tière brune, prend l'odeur d'acide hydrocyanique, et développe de Tammoniaque quand on y met de la potasse. Cependant elle ne peut encore donner de bleu de Prusse. Des expériences ultérieures montrent qu'elle contient de Thydrocyanate , du carbonatedammoniacpie, et de l'ammoniaque com- binée avec uu troisième acide que M. Vau(|uelin nomme cyanique^ sans avoir absolument déierminé la couqiosilion de son radical. Il y a donc décomposition de l'eau : son liydro- (;ène s'unit à une j)artiedu cyanop,ène pour former de l'acide hydrocyanicjue; une autre ])artie s'unit à de l'azote du cyanogène pour former l'ammonia- que; l'oxygène de cette même eau avec une partie du carborie du cyanogène forme de l'acide carbo- nique. Le troisième acide résulte de quelque coni- ,56 PHYSIQUE, CHIMIE, biiiaison du même genre; et il reste cependant encore du carbone et de l'azote que cet oxygène ne suffit pas pour convertir en acide, et qui donnent la matière brune du dépôt. Les oxydes alcalins produisent des effets sembla- bles, mais bien plus rapidement. Une multitude d'autres applications du cyano- gène aux oxydes , aux métaux , aux substances com- bustibles, ont donné à M. Vauquelin des résultats non moins curieux. La question la plus intéressante qu elles pouvoient résoudre étoit de savoir si le bleu de Prusse est un cyanure ou un hydrocyanate, c'est- à-dire une combinaison de l'oxyde de fer avec le cy- anogène , ou bien avec son hydracide. M. Vauquelin ayant constaté que l'eau imprégnée de cyanogène peut dissoudre le fer sans le changer en bleu de Prusse , et sans qu'il y ait dégagement d'hydrogène, mais en laissant du bleu de Prusse dans la portion non dissoute, et que Facide hydrocyanique conver- tit le fer ou son oxyde en bleu sans le secours ni des alcalis ni des acides j il en conclut, contre l'opinion de M. Gay-Lussac, que le bleu de Prusse est un hydrocyanate, et que, lorsqu'on expose du fer à l'eau imprégnée de cyanogène, il s'y forme à-la-fois de l'acide cyanique qui dissout une partie du fer, et de facide hydrocyanique qui en convertit une autre en bleu. ET MÉTÉOROLOGIE. 167 Il établit même une régie générale, laquelle seroit que les métaux qui , comme le fer, peuvent décom- poser l'eau à la température ordinaire forment des hydrocyanates; et que ceux qui n ont pas cette fa- culté, comme l'argent et le mercure, ne forment que des cyanures. Tout le monde sait que la plupart des acides ré- sultent des combinaisons del'oxygène avec certaines substances auxquelles on a donné le nom de radi- caux, et que, suivant qu'il entre dans la combinai- son une quantité plus ou moins grande d'oxygène, l'acide formé est différent en propriétés, et prend des noms auxquels les chimistes modernes ont donné une certaine régularité, en indiquant le degré d'oxygénation par le moyen de la terminai- son. C'est ainsi que l'azote produit, par des additions successives d'oxygène, le gaz nitreux, l'acide ni- treux, l'acide nitrique; et nous avons parlé, dans notre analyse de 1816, de combinaisons encore différentes dans leurs proportions découvertes par MM. Gay-Lussac et Dulong. M. Thénard vient de faire des expériences d'où il résulte que plusieurs acides peuvent admettre des proportions d'oxygène bien supérieures à celle que l'on regardoit jusqu'à présent comme constituant leur état le pins oxygéné. En dissolvant avec pré- l 58 PHYSIQUE: CHIMIE, caution de la baryte suroxydëe par de i acide nitri- que, et en la précipitant par l'acide sulfurique, son excès d'oxygène reste uni au premier acide qui de- vient ainsi de l'acide nitrique oxyjqféné. Par des moyens que M. Thénard indique on peut le con- centrer assez pour qu'il donne par la chaleur onze fois son volume d'oxy^^ène; et, d'après les calculs de ce savant chimiste, il seroit une combinaison d'un volume d'azote contre troi^ volumes d oxy>o^ène. L'acide bydrochlorique s'oxygène par le même pro- cédé , et prend alors des propriétés sin(;ulières. Ap- pliqué à l'oxyde d'argent, il forme de l'eau et un chlorure, et son oxygène devenant libre produit une effervescence aussi vive que si Ton versoit un acide sur un carbonate alcalin. L'acide sulfurique, le fluorifjue, peuvent être oxygénés de même, et on peut suroxygéner encore tous ces acides une ou pkisieurs fois. Il en est aux- quels M. Thénard a ajouté de cette manière jusfprà sept et même jusqu'à (]uinze doses successives d'oxy- gène, lia contraint ainsi de l'acide bydrochlorique à en absorber jusqu'à trente fois son volume. Rien n'égale alors l'effervescence <[u'y occasione le con- tact de l'oxyde d argent. Par le moyen de ces acides ainsi surchargés d'oxygène, et par des procédés analogues, on j^eut aussi suroxygéner des terres et des oxydes métalliques. M. Thénard a même sur- ET MÉTÉOROLOGIE. I Sg oxypéné leau en versant peu à peu de l'eau de baryte dans de l'acide sulfurique oxygéné; l'acide sulfurique s'unit à la baryte, se précipite avec elle, et laisse à l'eau son excès d'oxygène. Ainsi oxygénée l'eau dans le vide se congèle ou s'évapore sans per- dre son oxygène; il s'y concentre au contraire au point qu'elle en a absorbé jusqu'à quarante ou cin- quante fois son volume : mais l'ébuUition le lui en- lève ; le charbon , l'argent , l'oxyde d'argent , et ceux de plusieurs autres métaux, le font jaillir avec une vive effervescence; et, ce qui est singulier, un pas- sage si rapide à l'état de gaz d'une quantité consi- dérable de matière, loin de produire du froid, échauffe la li(jueur à un degré très sen8il)lc. M.Thé- nard soupçonne qu'il y a quelque chose d'électrique dans ce phénomène. Onsaitaujourd'hui, par les célèbres expériences galvaniques de M. le chevalier Davy, tjue les alcalis fixes ne sont autre chose que des oxydes de mé- taux excessivement combustibles; et par celles de MM. Thtnard et Oay-T.ussac (jue l'on peut les ramener à l'état métallique au moyen du carbone et d'une très haute température. Nous avons parlé de ces grandes découvertes dans notre analyse de 1808. M. Vauquelin , ayant réduit dernièrement de ^ l'antimoine par des flux alcalins, s'est aperçu que l6o PHYSIQUE, CHIMIE, ce métal, mis dans leau, donnoit une grande quan- tité de gaz hydrogène, et que l'eau devenoit alca- line. D'autres métaux, réduits de la même manière, lui ont offert le même phénomène. Il en a conclu qu'une partie de l'alcali qu'il avoit employé s'étoit pendant l'opération combinée à Fantimoine sous forme métallique, et décomposoit l'eau pour reve- nir à l'état d'oxyde ; mais il a été obligé d'en conclu re aussi que la présence d'un métal est favorable à la réduction de l'alcali: car, autrement, l'alcali n'au- roit pu prendre la forme métallique par une cha- leur si foible. Nous avons parlé l'année dernière des expé- riences de MM. Chevillot et Edouard sur cette singulière combinaison d'oxyde de manganèse et de potasse , que l'on a nommée caméléon minéral à cause de sa facilité à prendre successivement des couleurs diverses. Ces jeunes chimistes ont donné suite à leur tra- vail; ils ont reconnu que la soude, la baryte, et la strontiane, peuvent donner, comme la potasse, différentes sortes de caméléons en s'unissant à l'oxyde de manganèse et en absorbant de l'oxygène. Mais, s'attachant principalement à l'espèce de ca- méléon de potasse dans lequel l'alcali est parfaite- ment neutralisé, celle qui est d'une belle couleur rouge, ils ont observé que les corps très combus- ET MÉTÉOROLOGIE. ï6l tiblcs ag^issent sur elle avec beaucoup d'énerj^ie; qu'ils la décomposent, et s'enflamment souvent avec une forte détonation : le phosphore en produit même une par le simple choc. D'un autre côté ce caméléon rou^e, exposé au feu, se décompose, et donne de l'oxy^jène, de Toxi^de noir de manganèse, et du caméléon vert dans lequel la potasse domine. Ils conchient de ces faits que l'intervention de l'oxygène dans la formation du caméléon a pour résultat d'oxyder davantage le manganèse et de le convertir en un véritable acide: en sorte que le caméléon seroit un manganésiate de potasse; le caméléon rouge, en particulier, en seroit un man- ganésiate parfaitement neutre, et le vert un man- ganésiate avec excès d'alcali. Cependant ils n'ont pu parvenir à isoler cet acide, dont ils admettent l'existence; mais ils ont fait des expériences nom- breuses qui leur paroissent confirmer leur opinion énoncée dès l'année dernière que le caméléon vert ne diffère du rouge que par plus d'alcali. Soit que Ton verse des acides sur du caméléon vert, ou de l'alcali sur du rouge, on le fait passer également d'une couleur à l'autre; mais l'ébullition et l'agitation peuvent aussi dégager l'excès de po- tasse du caméléon vert et le changer en rouge. Plu- sieurs acides versés en excès décomposent tout le caméléon en s'emparant de la potasse, en dégageant BUFFON. COMPI.ÉM. T. 11. I 1 \62 PHYSIQUE, CHIMIE, de roxygèiie, et en précipitant le manganèse à 1 état tl oxyde noir. Le sucre, les gommes, et d'autres substances capables d'enlever l'oxygène, décom- posent également le caméléon , et l'exposition à Tan- produit un effet semblable; ce que les auteurs attri- buent aux corpuscules étrangers qui flottent dans l'atmospbère, et qui, en tombant dans la dissolu- tion, lui enlèvent aussi une partie de l'oxygène qui lui est essentiel. Le cobalt et le nickel sont deux demi-métaux (}u'il est très difficile d'obtenir purs, et sur-tout de séparer entièrement l'un de l'autre; cependant cette préparation est nécessaire pour une détermi- nation exacte de leurs propriétés. M.Laugier, ayant suivi les méthodes le plus récemment publiées pour parvenir à cet objet, a trouvé encore dans le nickel des traces non équivoques de cobalt. Pour s'en dé- barrasser il dissout le mélange dans l'ammoniaque, et précipite par l'acide oxalique; il redissout l'oxa- late de nickel et de cobalt obtenu par cette opéra- tion dans l'ammoniaque concentrée, et expose la dissolution à l'air. A mesure que l'ammoniaque s exhale, il se dépose de l'oxalate de nickel mêlé d'ammoniaque. Par des cristallisations répétées on dépouille le li(juide de tout son nickel; il n'y reste (pi'une combinaison d'oxalate de cobalt et d'am- moniaque, que l'on réduit aisément. Le peu de ET MÉTÉOROLOGIE. 1 63 ooljalt qui est demeuré dans le précipité de nickel s'en sépare par quelques dissolutions successives dans l'ammoniaque: ainsi la même opération donne les deux métaux à l'état de pureté. Le sucre de lait traité par l'acide nitrique donne un acide dont Sclieele fit la découverte, et qui de- puis a été nommé acide mucique, parcequ'il se pro- duit également par l'action de l'acide nitrique sur les gommes et mucilages. Quand on expose cet acide à la chaleur, il se sublime une matière saline brune très odorante, brûlant avec flamme sur les charbons , et dissoluble dans l'eau et l'alcohol. Tromsdorf, qui a fait un examen particulier de cette matière sublimée, crut y trouver de l'acide succinique, du pyrotartarique, de l'acétique, et diverses autres substances ; mais M. Houtou-Labil- lardière, s'étant aperçu, à la lecture du travail de Tromsdorf, qu'il attribuoit à son acide succinique des caractères fort différents de ceux que cet acide offre réellement, a cru devoir reprendre ces re- cherches. lia lu à l'Académie un mémoire où il prouve que ce prétendu acide succinique est un acide nouveau, auquel il donne le nom de pjromuckjue. Quand on l'a débarrassé de l'huile et de l'acide acétique qui s'y mêlent, il cristallise aisément, est blanc, inodore, d'une saveur acide assez forte, fond à i Ho degrés 1 1. l(\\ PHYSIQUE, CHIMIE, centiprades, se volatilise au-delà de cette tempéra- ture, n'attire point Ihumidité, se dissout dans l'eau bouillanteen plus ^orande abondance que dans l'eau iVoide; et en le résolvant en ses parties consti- tuantes on en obtient environ neuf volumes de vapeur de carbone, trois d'hydrogène, et deux d'oxygène. M. Houtou-Labillardière décrit avec soin les combinaisons de cet acide avec diverses bases salifiables, et tous les phénomènes qu'il rapporte viennent à l'appui de l'assertion de ce jeune et habile chimiste. M. Ghevreul a fait de nouvelles et importantes additions à ses recherches sur les corps gras, dont nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos lec- teurs. Après avoir reconnu que la matière du calcul biliaire, qu'il liomme cholesterine , ne forme point de savon avec les alcalis, ce qui la distingue essen- tiellement des graisses , il avoit cru s'apercevoir que le spermacéti, auquel il a donné le nom de cétine, se réduisoit, par l'action des alcalis, en un acide analogue à l'un des deux que ces mêmes alcalis produisent dans les graisses, savoir à celui qu'il a à\)\wAv margarujiie , mais (|ue cet acide du sperma- céti avoit une capacité de saturation beaucoup moindre. Il avoit donc jugé nécessaire de donner a cet acide un nom particulier, et l'a voit appelé cétiquc. Des expériences plus suivies l'ont convaincu ET MÉTÉOROLOGIE. l65 que ce n'est autre chose que deFacicîe inaigarique, dont les propriétés sont masquées par un reste de substance grasse non acide. Mais de 1 huile de dau- phin traitée par la méthode de M. Ghevreul, c'est- à-dire convertie en savon par les alcalis, lui a réel- lement donné, outre les deux acides que four- nissent toutes les graisses , un acide d'une troisième sorte, qu'il nomme delpl unique ; ce que ne fait pas rhuile de poisson ordinaire du commerce. Il est à remarquer que l'oxygène ne peut se dé- montrer dans ces nouveaux acides ternaires tirés des graisses, et qu'ils sont à l'égard des acides végé- taux ordinaires, tels que l'acétique, l'oxalique, etc. , ce que sont, dans le régne minéral, les hydracides de M. Davy à l'égard des acides minéraux ancien- nement connus, le nitrique, le sulfurique, etc. La cochenille, cet insecte singulier qui par la matière colorante qu'il fournit est devenu un ar- ticle si important de commerce, n'avoit point été encore étudiée par les chimistes avec l'attention dont elle est digne. MM. Pelletier et Gaventou en ont fait l'objet de leurs expériences : ils ont reconnu que la matière colorante si remarquable qui en fait la partie principale v est mêlée à une matière ani- male particulière, à une graisse semblable à la graisse ordinaire et à différents sels. Après avoir enlevé la graisse par l'étlier et traité le résidu jîar 1(56 PHYSIQUE, CHIMIE. lalcohol bouillant, ils laissent refroidir ou lente- ment évaporer l'aîcohol , et obtiennent ainsi la ma- tière colorante, mêlée seulement encore d'un peu de graisse et de substance animale, qu'on en sépare en dissolvant encore par lalcohol à froid qui laisse la matière animale, et en mêlant à la dissolution de fétherqui en précipite la matière colorante dans un {^rand état de pureté. Chacun sait qu elle est du plus beau rouj^^e, et les chimistes dont nous parlons lui donnent le nom de carminé. Elle se fond à So*', se boursoufle ensuite, et se décompose sans donner d'ammoniaque ; elle est très soluble dans l'eau , peu dans l'aîcohol, et point dans Téther sans l'inter- méde de la graisse. Les acides la font passer succes- sivement du cramoisi au rouge vif et au jaune ; les alcalis au contraire, et en général tous les protoxydes, la font tourner au violet; l'alumine l'enlève à leau. Ces expériences expliquent plusieurs des procé- dés de l'art du teinturier et de celui du fabricant de couleurs, et particulièrement ce qui se passe dans la teinture en écarlatc et dans la fabrication du carmin et de la laque. La laque n'est formée que de carminé et d'alu- mine; elle a la couleur naturelle de la carminé, qui est le cramoisi. Le carmin est un composé triple de matière animale, de carminé, et d'acide qui en rehausse la teinte ; c'est l'action de l'acide muriatique ET MÉTÉOROLOGIE. 167 qui convertit le cramoisi de la cochenille en belle couleur d'écarlate. Les causes les plus apparentes des phénomènes atmosphériques, la densité de Tair, son humidité, sa chaleur, et son électricité, sembleroient devoir principalement dépendre de Faction du soleil : mais l'irrép^ularité de leurs effets dans nos climats prouve assez qu'elles éprouvent encore d'autres influences, et qu'elles se compliquent avec des causes encore inconnues ; et c'est ce qui fait que jusqu'à nos jours la météorologie semble être de toutes les branches de la physique celle qui s'est le moins rapprochée de ce degré de certitude qui pourroitla faire con- sidérer comme une science positive. M. de Humboldt fait remarquer que, si l'on peut espérer d'en jamais déterminer les lois, c'est en l'étudiant dans les climats où ces phénomènes of- frent le plus de simplicité et de régularité ; et c'est incontestablement la zone torride qui doit à ce titre fixer le choix de l'observateur. Déjà c'est entre les tropiques qu'il a été possible de reconnoître les lois des petites variations ho raires du baromètre ; c'est dans la zone torride que la sécheresse et les pluies , que la direction des vents dans chaque saison, sont soumis à des régies inva- riables. l68 PHYSIQUE, CHIMIE, M. de Huiiiboldt a porté son attention sur le rapport Je la déclinaison du soleil avec le commen- cement des pluies dans la partie nord de la zone. A mesure que le soleil s'approche du parallèle d'un lieu, les brises du nord y sont remplacées par des calmes ou des vents du sud-est. La transparence de l'air diminue ; l'inégale réfringence de ses couches fait scintiller les étoiles à 20*" au-dessus de l'horizon. Bientôt les vapeurs s'amassent en nuages; l'électri- cité positive ne se manifeste plus constamment dans le bas de l'atmosphère; le tonnerre se fait entendre; des ondées se succèdent pendant le jour; le calme de la nuit n'est interrompu que par des vents im- pétueux du sud-est. M. de Humboldt explique ces faits par le plus ou moins d'inégalité qui se trouve entre cette partie de la zone torride et la zone tempérée voisine. Lorsque le soleil est au midi de l'équateur, c'est l'hiver de l'hémisphère boréal. L'air de la zone tempérée est le plus différent qu'il soit possible de celui de la zone torride. Il s'y écoule sans cesse en brise fraîche et uniforme qui reporte l'air chaud et humide dans le haut de l'atmosphère, d'où il re- tourne vers cette même zone tempérée, y rétablit létjuilibre, y dépose l'humidité: aussi la chaleur moyenne est-elle toujours moindre de 5 à 6" dans le temps de sécheresse que dans le temps des pluies; ET MÉTÉOROLOGIE. 169 mais les vents de sud-est n'agissent point comme ceux du nord, parcequ'ils viennentd un hémisphère beaucoup pkis aquatique, et sur lequel le courant d'air supérieur ne se disperse pas de la même ma- nière que dans l'hémisphère boréal. M. Moreau de Jonnès a communiqué quelques détails extraits de sa correspondance sur le coup de vent qui a causé tant de dégâts aux Antilles le 2 i septembre dernier; il a été précédé d'un calme plat : le vent est passé par le nord au nord-ouest, et c'est de ce point qu'il a soufflé avec violence. M. de Jonnès remarque à ce sujet que Tannée précédente le coup de vent du 20 octobre venoit du sud-est, et qu'il existe entre ces deux points un espace de 90'^ au sud et au nord d'où il ne souffle jamais de cou- rant d'air. L'agitation de l'air a été suivie d'un ras de marée violent qui a entraîné des navires; mais on n'a observé aucun mouvement extraordinaire dans le baromètre. Une remarque assez triste c'est (jue l'effet communément attribué à ces ouragans d'assainir l'air des pays qu'ils dévastent ne s'est pas vérifié dans cette occasion, et que la fièvre jaune n'a pas cessé d'exercer ses ravages. Le même observateur a donné aussi une notice des tremblements de terre éprouvés aux Antilles cette année, et qui ont eu cela de remarquable (ju'ils ont affecté une sorte de périodicité. Il y en a l-jO PHYSIQUE, CHIMIE, eu huit depuis le mois de décembre jusqu'au mois de mai, uu chaque mois, excepté en avril, où il y en a eu deux, et tous entre neuf et onze heures du soir. ANNÉE 1819. Le séjour que M. Berzélius, savant chimiste sué- dois, correspondant de notre Académie, et nou- vellement nommé secrétaire-perpétuel de celle de Stockholm, a fait à Paris pendant une partie de cette année nous a valu une traduction Françoise de son intéressant ouvrage sur la Théorie des propor- tions c/iimicpies et sur l'influence chimique de ['électri- cité, ouvrage où il cherche à fixer les idées sur les deux points fondamentaux de la doctrine chimi- r(ue; savoir, la disposition relative des particules élémentaires des corps, lorsqu'elles sont arrivées à une combinaison fixe, et la force impulsive qui les conduit à cet état, ou qui les contraint à en chan- ger et à se réunir en combinaisons nouvelles, soit entre elles, soit avec des particules d'autres espèces. L'auteur part des lois récemment reconnues par les chimistes sur les proportions d'après lesquelles se font les combinaisons diverses des mêmes sub- stances. Il étoit si naturel de croire que l'identité dans les ([ualités chimiques de chaque substance composée ET METEOROLOGIE. l'y! tient à l'identité crespéce et de proportion des élé- ments qui la eomposent que cette opinion avoit été adoptée bien avant que l'on pût en donner des preuves rigoureuses. On fut même long-temps sans chercher ses preuves, parceque Ton se contenloit de cet aperçu vague et général. Cependant les expériences de Bergman sur la précipitation des métaux les uns par les autres, celles de Wenzel, et sur-tout celles de Richter sur la décomposition mutuelle de différents sels par double affinité, commencèrent à donner de la pré- cision à cette manière de concevoir la composition des corps ; elles prouvèrent que certains oxydes que certains sels neutres, n'arrivent à un état fixe et caractérisé que par des proportions fixes de leurs parties constituantes; mais un peu plus tard la plupart des chimistes, exclusivement occupés des discussions que la nouvelle théorie de la combus- tion avoit occasionées , négligèrent ce genre de re- cherches. M. Berthollet fut le premier parmi nous qui s'en occupa sérieusement dans son célèbre ouvrage de la Stalifjue chimique. Il reconnut bien le principe qui résultoit des expériences de Wenzel et de Rich- ter, que les acides et les bases salifiables possèdent, chacun dans son espèce, des capacités constantes tie saturation , et que si une base, par exemple, sa- ip PHYSIQUE, CHIMIE, tLire deux fois plus d'un certain acide que ne Fait une autre base, elle saturera aussi deux fois plus de tout autre acide, et réciproquement. Mais M. Ber- tboilet ne pensa point que deux substances dussent toujours s'unir d'après des proportions fixes : « Si ces proportions sont fixes dans certains cas, disoit-il, c'est ([u'il survient des circonstances qui interrom- pent Faction chiniif^ue, telles que la tendance à se solidifier ou à prendre la forme fjazeuse ; bors de là cette action continue à combiner les corps, et rien n'empêcbe qu'elle ne les tienne unis dans toutes les proportions imaginables. » Il s'éleva, à ce sujet, une discussion animée entre ce savant cbimiste et un autre de nos confrères, M. Proust. Ce dernier soutint qu'il n'en est ainsi (jue pour les simples solutions, telles que celles d'un sel neutre dans l'eau , mais que les vraies com- binaisons entre deux mêmes substances n'ont lieu ({ue dans des proportions fixes; cjue si le contraire semble ciuelquefois résulter des analyses, l'illusion vient d'un mélange qui se fîiit de l'excédant de l'un des éléments avec la masse véritablement combinée; mélange très différent d'une combinaison propre- ment dite, et qui s'en laisse aisément distinguer. 11 alla même jusqu'à soutenir que clia([ue métal ne pouvoit se combiner qu'en deux propoitions avec '^^'^Yî^ène; proposition trop exclusive, et qui fut ET MÉTÉOROLOGIE. l']^ combattue, en même temps que celle de M. Ber- thollet, par M. Thénard. Les idées de M. Dalton sur la manière dont les molécules peuvent se combiner ayant excité en Angleterre à des recherches encore plus précises, les belles expériences deM.Wollaston établirent en quelque sorte d'une manière définitive, non seule- ment que les diverses combinaisons caractérisées entre des substances données ont lieu dans des proportions fixes, mais que les quantités de l'une, qui peuvent s'unir successivement à l'autre pour former ces combinaisons, se laissent exprimer par des nombres entiers et par des nombrs assez petits. Peu de temps après, M. Gay-Lussac prouva que tous les gaz se combinent en volume dans des rap- ports simples, et de telle manière, que leur con- traction apparente est aussi en rapport simple avec leur volume primitif. Si les volumes sont en rap- ports simples, il en est de même des poids. D'une autre part, comme on peut gazéifier plusieurs li- quides et plusieurs solides , et qu'on les gazéifieroit tous en les exposant à une chaleur assez forte , il est tout naturel de penser que les lois de composition s'appliquent aussi à ces sortes de corps. Ainsi de la découverte de M. Gay-Lussac Ion pourroit conclure toute cette doctrine des proportions multiples. M. Berzélius , qui a beaucoup contribué par j-y/^ PHYSIQUE, CHIMIE, ses propres expériences , à augmenter le nombre des faits sur lesquels repose maintenant cette doc- trine, a cherché, dans rouvra(3fe dont nous rendons compte, à en conclure une théorie, ou , ce qui re- vient au même, à les représenter par une théorie; car dans ces matières les théories ne peuvent être que la représentation des faits recueillis. Adoptant à cet effet le lan(>a{^e de la philosophie corpusculaire.^ il suppose les substances homogènes formées d'atomes ou de particules de matières , non pas, sans doute, absolument ou métaphysique- ment indivisibles, mais sur lesquelles aucune force mécanique ne pourroit produire de division ulté- rieure. Lorsque les forces chimiques sont également impuissantes, l'atome est ce que M. Berzélius ap- pelle simple; ce qui veut dire que c'est non seule- ment une particule de matière insécable, intritu- rable, mais encore indécomposable pour nous dans toute l'étendue du mot. Des atomes chimique- ment simples, mais d'espèces diverses, en se com- binant ensemble forment des atomes composés. Dans le régne inorganique, le premier ordre de composition ne résulte que de l'union d'atomes de deux espèces; dans le régne organique au contraire il y en a toujours au moins trois. Les atomes com- posés du premier ordre s'unissent a leur tour en ET MÉTÉOROLOGIE. 17.5 atomes composés du second, et ceux-ci en atonies du troisième et même du quatrième; mais la ten- dance des atomes à s'unir diminue à mesure que leur composition augmente. Il lui faut même pour continuer d'agir, passé un certain degré de compo- sition, des circonstances dont l'homme n'est pas le maître; et bien que la nature ait formé autrefois et forme peut-être encore dans les entrailles du globe des minéraux d'une composition extrême- ment compliquée, et cependant chimiquement ho- mogènes , nous ne sommes en état de rien pro- duire deseml)lable dans les opérations rapides de nos laboratoires. On comprend que cette manière de se repré- senter les éléments des corps, ces atomes divers, supposés d'ailleurs, chacun dans leur espèce, de figures et de grandeurs semblables, se groupant deux à deux, trois à trois, en un mot, formant des réunions dans lesquelles ils entrent en nombre dé- terminé par l'espace qu'ils peuvent occuper d'après leur figure, s'accorde assez bien avec la règle des proportions multiples, et en donne même une sorte d'explication générale ; mais on comprend aussi que la règle des proportions multiples elle-même, et par conséquent la théorie qui s'y rapporte, dépend de la détermination de Ta tome simple, laquelle ne peut avoir lieu sans quelque mélange d'hypothèse. l-iG PHYSIQUE, CHIMIE, Eu effet on prend pour base de cette détermination celle de toutes les combinaisons connues ou le- lément dont on veut déterminei' l'atome simple existe dans la moindre qualité relative ; et l'on trouve f>énéralement alors que les quantités addi- tionnelles de cette substance qui produisent des composés fixes ont lieu d'après la régie des multi- ples par nombres entiers. Dans quelques cas rares, où l'on rencontre des nombres fractionnaires, on est obli[]é, pour ne pas faire d'exception à la règle, d'admettre qu'il existe des combinaisons incon- nues, où la substance fractionnaire se trouve en quantité encore j)lus petite que dans aucune de celles qu'on connoît. On établit ainsi un atome hypothétique dont les diverses combinaisons rixes rentrent en effet alors dans les multiples par nom- bres entiers. Parmi les combinaisons que le gaz azote forme avec l'oxygène, par exemple, il y en a , telles que l'acide nitreux et l'acide nitrique, où il entre pour i '/^ et 2 'Z^; mais si l'azote étoit un corps composé, qui contînt déjà moitié de son volume d'oxigène, ces nombres fractionnaires se changeroient dans les nombres entiers ^ et 6. Or pour ce cas particulier on est bien autorisé, à beau- coup d'égards, à admettre cette composition : car plusieurs autres expériences, et nommément celles par lesquelles on décompose l'ammoniaque au ET MÉTÉOROLOGIE. I77 moyen de la pile galvanique, semblent annoncer que l'azote est, comme les alcalis fixes, un oxyde métallique. Du moment où Ton est convenu de la combinai- son dans laquelle on doit trouver l'atome simple de chaque substance, et en admettant tfu'ils sont tous de même volume, il est aisé de déterminer la pesanteur relative des atomes de chaque espèce, et même celle des atomes composés. M. Berzélius en a dressé une table, où il prend pour unité l'atome d'oxy^^ène, et dans le lan^^age de laquelle il ne lui est pas difficile de traduire toutes les analyses connues. Pres(|uc par -tout il trouve alors des confirmations de la iè^\e des pro- portions multiples. Dans le reste de son livre M. Berzélius cherche à se rendre compte des causes qui rapprochent les atomes ou qui les séparent, c est-à-dire qu'il essaie de remonter au principe même de l'action chi- mique. Il n'est oersonne aujourd'hui qui ne sache que toute la chimie se laisse ramener aux affinités, dont la plus puissante, la j)lus importante, est celle qui produit la combustion. Chacun sait également que la théorie de Lavoisier, qui domine depuis trente ans, attribue toute combustion à une combinaison de l'oxygène avec les corps; et la chaleur qui s'y BtTFFON. COMPLÉM. T. II. 12 I-yS PHYSIQUE, CHIMIE, produit au (lép^a^yement du calorique latent qui maintenoit cet oxygène à l'état de gaz avant sa com- binaison : explication qui, pour être parfaitement juste, exigeroit que le produit de la combinaison eût perdu précisément autant de calorique latent qu'il s'en seroit manifesté sous forme libre. Or il s'en faut beaucoup (jue l'expérience soit conforme à ce calcul. Dans plusieurs combustions la cbaleur qui se manifeste, et celle qui reste latente dans le produit de la combustion , forment ensemble une quantité très supérieure à celle que contenoient et l'oxy- gène et le corps brijlé. Il arrive même quelquefois, comme dans la combustion du gaz hydrogène, que le produit de la combustion , c'est-à-dire l'eau , con- tient à lui seul presque le double du calorique la- tent que posséd oient à la -fois les deux gaz dont l'union la compose. Cette combustion , d'après l'ex- plication reçue, auroit donc dû produire du froid; et cependant chacun sait qu'elle dévelojq^e une immense (juantité de chaleur. M. Beizélius rapproche ces phénomènes d'une multitude d'autres dans lesquels une combinaison chimique quelconque produit une chaleur consi- dérable, sans qu'il y ait fixation d'aucun gaz, ni aucun changement d'état, ou aucune autre des causes que l'on reconnoît aujourd'hui comme pro- ET Mli i ÉOROLOGIE. l-Ji) près à mettre en liberté quelques parties de calo- rique latent. La magnésie, par exemple, en s'u- nissant à l'acide sulfurique concentré, s'échauffe souvent au rouge; l'union du soufre avec les métaux produit du feu, aussi bien que celle des métaux et que celle du soufre lui-même avec l'oxygène. I^a théorie de Lavoisicr admettoit aussi l'oxygé- nation comme la cause générale de la production des acides; et à ce sujet M. Berzélius rappelle, ce que beaucoup d'expériences prouvent maintenant, que l'oxygénation non seulement n'est pas nécessaire pour produire des acides, mais qu'avec un grand nombre de corps elle donne au lieu d'acides des bases salifiables; qu'avec un seul et môme corps elle peut donner, soit un acide, soit une base, selon la quantité d'oxygène qui se fixe. On ne peut donc se dispenser, selon lui, de re- chercher, soit pour la production de la chaleu* dans les expériences de chimie, soit pour Vacidite, des causes plus générales et d'un ordre plus élevé que celles qui ne tiendrorent qu'à la fixation de Toxygène; causes dans la dépendance des(juelles les combustions et les acidifications par l'oxygène retomberoient elles-mêmes comme des cas particu- liers. C'est par la découverte de l'action chimique de l'électricité, découverte à laquelle M. Berzélius a 12. l8o PHYSIQUE, GHIiMIE, eu hii-niênie tant de part, qu'il croit avoir été con- duit à reconnoître ces causes. La pile galvanique résout, comme on sait, toute combinaison chi- nii(jue en ses éléments, en repoussant Tun d'eux vers le pôle positif, et lautre vers le pôle opposé. T/oxygène, les acides, les corps qui agissent comme eux, vont se dégager vers le pôle positif; c'est le pôle négatif (|ui les repousse : ils se comportent donc, au moment où ils se dégagent, comme s'ils étoient élcctrisés négativement. M. Berzélius ap- pelle ces substances électro-négatives. C'est l'inverse pour riiydrogène, pour les alcalis, pour les bases salifi;d)les, que M. Berzélius nomme électro-positives. Assez généralement ces effets se marquent d'autant mieux dans chaque substance que ses affinités sont plus énergiques dans le sens de la classe à laquelle elle appartient; et comme un même oxyde peut jouer alternativement le rôle d'acide ou d'alcali, selon les corps à l'action desquels on l'expose, de même une substance peut être électro-positive par rapport à une autre, et électro-négative par rapport a une troisième. L'oxygène, dont les affinités sont si générales et si fortes, est aussi le corps dont la qualité électro-chimique est le plus marquée; et il se montre électro -négatif par rapport à tous les autres corps. Pour expliquer cette disposition constante à ET MÉTÉOROLOGIE. l8l prendre un caractère électrique déterminé, M. Ber- zélius a recours à un phénomène observé il y a quelque temps par M. Erman, et que l'on peut appeler une partialité électrique. Il arrive quelque- fois que la polarisation de l'électricité se fait d'une manière inégale, et que l'un des pôles Temporte sur l'autre. C'est de cette supériorité d'un pôle sur l'autre dans les molécules de cette unipolarité, comme la nomme M. Berzélius, que dépendroient et leurma- nièie de se comporter par rapport à la pile et leur tendance à s'unir entre elles , c'est-à-dire leur action chimique. Ainsi la combinaison, ou en d'autres termes la neutralisation mutuelle des agents chimiques, ne seroit pas seulement analogue, ressemblante à celle des deux électricités : selon M. Berzélius , elle en se- roit un effet direct; la chaleur, l'ignition que la combinaison produit, seroient de même nature que celles que produisent leclair ou la commotion élec- trique,, et ce qu'on appelle affinité chimique plus forte ne seroit qu'une intensité plus grande de po- larisation. Dans les corps oxygénés le caractère électro- chimique dépend d'ordinaire du radical, et non pas de l'oxygène; et voilà pourquoi l'oxygénation ne produit pas nécessairement des acides ; voilà 1(Sj physique, chimie, pourquoi même avec certains radicaux, tels que ceux de la potasse et de la soude, le plus haut de- ^ré d'oxy(}cnation narriveroit pas jusqu'à Fiicidité; enfin voilà pourquoi il existe des combinaisons très intimes de substances qui se comportent récipro- quement comme feroieut des acides et des bases, bien que ni Furie ni Tautre ne montre séparément les qualités ordinaires d'un acide. Il y a dans cette manière de voir quelque ressem- blance avec les idées que feu Wintcrl, chimiste hongrois, avoit mises en avant vers le commen- cement de ce siècle, dans ses Prolusiones c/iimiœ seculi XIX; mais Wintcrl ne s'appuyoit que d'exoé- riences fiusses ou de spéculations métaphysiques vagues, et qui n'étoient pas de nature à lui concilier les suffrages des hommes accoutumés aune marche rigoureuse dans les sciences. M. Bfi'zëlîws a «tabîi sur des principes dont nous ^«mons de rendre compte une classification des corps chimiques, à laquelle il a adapté en même tem|)S une nomenclature [perfectionnée. Ce travail ssez difficile pour les corps simples ne ietoit pas autant pour les corps composés. On sait que la nomenclature chimique Françoise, devenue aujourd'hui à-peu-près universelle, repré- sentoit la composition des corps telle qu'on la sup- posoit a Féj)oque où l'on en créa les dénominations. ET MÉTÉOROLOGIE. l83 Depuis lors les découvertes chimi(|ues ont apjDortë cie grands chanf^ements aux idées reçues. Des corps (|ue Ion croyoit simples se sont trouvés composés ; d'autres, dans lesquels on ne distinguoit entre les éléments qu'une ou deux variations de proportions, que l'on désignoit parla terminaison, ont offert des proportions nombreuses, toutes très caractérisées, très fixes, dignes de porter des noms particuliers: ainsi les substantifs et les terminaisons adjectives ont dïi être multipliés. 11 a fallu trouver pour les sels des dénominations qui indiquassent non seu- lement lespéce de leur acide et de leur base, le degré d'oxygénation de l'un et de lautre, mais en- core leur proportion mutuelle. Des moyens sem- blables ont dû être imaginés pour les combinaisons (les corps combustibles. M. Thomson avoit déjà entrepris un semblable travail; M. Berzélius en piésente un nouvel essai (jui lui paroît plus méthodique: il fait remarquer cependant (jue, lorsque le nombre respectif des atomes de chaque élément sera connu, on y trou- vera pour les composés un principe de nomencla- ture encore [)lus simple et plus rigoureux. M. Berzélius a fait une application plus impor- tante encore de ses principes à la classification des minéraux. r^a silice et différents oxydes une fois considérés l84 PHYSIQUE, CHIMIE, comme participant au rôle des acides , toutes les combinaisons terreuses viennent comme d'elles- mêmes se ranger dans la classe des sels; et, d'un autre côté, les lois des proportions multiples vien- nent donner une sorte de régfulateur et de pierre de touche aux analyses minéralogiques, en aidant à distin(>uer les parties essentielles d'un minéral des mélanges accidentels qui troublent sa pureté. M. Berzélius divise les substances qui composent la masse du globe en celles qui sont formées, sui- vant la loi de la nature inorganique, de l'union de plusieurs composés binaires, et en celles qui se for- ment de composés ternaires , suivant la loi de la nature organique. Toutes les circonstances acces- soires semblent en effet prouver que les substances de cette dernière classe doivent leur origine à la vie. , La liste des substances chimiquement simples comprend trois ordres: l'oxygène, les corps com- bustibles non métalliques, au nombre de huit, et les métaux actuellement au nombre de qua- rante-deux, y compris ceux des alcalis et ceux des terres. M. Berzélius range toutes ces substances d'après leur degré d'intensité électro-négative, en sorte que chacune d'elles est électro-négative par rapport à celles qui sont au-dessous, et électro-positive par ET MÉTÉOROLOGIE. l85 rapport à celles qui sont au-dessus dans la liste. Elles deviennent les chefs d'autant de fëniilles mi- néralogiques que Ton peut former, soit en prenant toutes les combinaisons dans lesquelles celle que l'on fait chef de famille joue le rôle de base, c'est-à- dire où elle est électro-positive, ou celles dans les- quelles elle joue le rôle d'acide ou électro-néo^atif. L'auteur a fait connoître sa méthode dans un se- cond ouvrage, qu'il a également fait traduire en françois pendant son séjour à Paris sous le titre de Nouveau système de Minéralogie; et il y donne, outre ses vues générales et son tableau méthodique, quel- ques échantillons de la manière dont il se propose de traiter chacune des familles. De pareils écrits , quelque peu étendus qu'ils soient, prennent une grande importance lorsqu'ils ouvrent une carrière aussi nouvelle , et qui peut de- venir aussi féconde. C'est pourquoi nous avons cru de notre devoir d'en donner l'analyse avec quelque détail, MM. Gay-lAissac et Welther viennent d'ajouter à la liste des substances dues aux diverses com- binaisons que les éléments peuvent produire, en suivant la règle des proportions multiples. Ils ont découvert un acide formé par l'union du soufre et de roxy(;ène , et cependant différent et de 186 PHYSIQUE, CHIMIE, lacicle sulfiiikjuc et de lacide sulfureux entre les- quels il est intermédiaire. Aussi ces chimistes le nomment-ils acide hypo-sulfiirique, et ses sels hjpo- sulf cites. Il se forme quand on fait passer du gaz acide sulfureux dans de l'eau qui tient en suspension du peroxyde de manganèse. On obtient ainsi du sul- fate et de l'hypo-sulfate de manganèse; on décom- ])0se ces sels par la baryte, et l'on a de l'hypo-sul- fate de baryte, qui est un sel soluble, enfin on fait passer dans la solution de l'acide carbonique qui s'unit à la baryte et se précipite avec elle. Cet acide est inodore; le vide, la chaleur, le dé- composent en acide sulfureux et en sulfurique ; ses sels, avec la baryte, la chaux, etc., sont solubles. La chaleur en dégage de l'acide sulfureux, et les convertit en sulfates neutres. Son analyse donne deux proportions de soufre, cinq d'oxygène, et une certaine portion d'eau qui paroît essentielle à son existence. Ainsi le soufre, avec une proportion d'oxygène, donne l'acide hypo-sulfureux; avec deux le sulfu- reux ; avec deux et demi l'hypo-sulfurique ; avec trois le sulfurique. Nous avons annoncé , dans notre analyse de Tan- née dernière, les ingénieux procédés par lesquels M. Thénard est parvenu à augmenter considéra- ET MÉTÉOROLOGIE. IcSy blement la quantité d'oxyjjène que les acides et leau peuvent absorber. Les résultats de cet habile chi- miste sont principalement intéressants en ce qui concerne 1 oxygénation de Teau. En multipliant les précautions et les opérations délicates, il a fait ab- sorber à ce liquide six cent seize fois son volume de gaz oxygène, et à Fen saturer ainsi entièrement. Ij'eau , dans cet état, contient une quantité d'oxy- gène double de celle qui entre essentiellement dans sa composition. Elle est de près de moitié plus dense que l'eau ordinaire; et quand on en verse dans celle- ci , bien rju'elle s'y dissolve aisément , on la voit d'a- bord couler au travers comme une sorte de sirop; elle attaque Tépidernie, le blanchit, el cause des pi- cotements; la peau même seroit détruite par un .;ontact p^olon^é^ au goût elle pj'ôdiiix. une sensa- tion qui se rapproche de celle de l'émétique; cha(jue goutte jetée sur l'oxyde d'argent sec éprouve une violente explosion, avec dégagement de chaleur et de lumière; beaucoup d'autres oxydes, divers mé- taux , lorsqu'ils sont très divisés, produisent des effets analogues: il y a toujours alors dégagement dcfoxygène ajoutéàleau; et quelquefois une partie de cet oxygène se combine avec le métal , lorsque celui-ci est aisément oxvdable. Plusieurs matières animales, entre autres la fibrine et le parenchyme ie (juciques viscères, possèdent, couime les métaux t88 physique, chimie, nobles, la faculté de dégager l'oxygène de l'eau sans éprouver d'altération , sur-tout quand l'eau oxigé- née est étendue d'eau ordinaire. Cette dernière observation n'appartient pas seu- lement à la chimie ordinaire ; elle est d'une grande importance pour la physiologie, puisqu'on y voit des solides, tels qu'il en existe beaucoup dans les corps animés, agir sur un liquide par leur seul contact, et le transformer en des produits nou- veaux , sans en rien absorber, sans lui rien céder, sans éprouver, en un mot, aucun changement dans leur propre nature. Un esprit exercé aperçoit sur- le-champ toute l'analogie de ce phénomène avec ceux des sécrétions, lesquels embrassent pour ainsi dire leconomie vivante tout entière. _ Nous avons parlé, dans notre analyse de iSiy, de la nouvelle base salifiable ou alcaline décou- verte dans l'opium par M. Sertiirner, et à laquelle ce chimiste a donné le nom de morphine, parceque c'est par elle que l'opium exerce sa vertu sopori- fique. MM. Pelletier et Gaventou , jeunes chimistes qui se livrent avec un zèle soutenu à reconnoître ceux des principes immédiats des substances phar- maceutiques dans lesquels résident leurs proprié- tés médicales , ont découvert cette année deux ET MÉTÉOROLOGIE. 189 autres matières du même genre, et qui doivent éga- lement être placées dans la liste des alcalis. La première, qu'ils ont appelée strychnine , a été trouvée d'abord dans la fève de saint Ignace, fruit d'une espèce du genre stryclinbs ; et nos chimistes l'ont reconnue ensuite clans la noix vomique, qui est une autre espèce de ce genre, ainsi que dans le bois d'une troisième espèce, nommée communé- ment bois de couleuvre. On l'obtient en traitant ces matières par l'alcohoî bouillant, et en précipitant parla potasse caustique, ou même en laissant re- froidir l'alcobol après l'avoir étendu d'eau , et l'a- bandonnant à lui-même. Elle se montre sous forme de crislal en petites écailles. Elle est presf[ue inso- luble dans Teau froide, très soluhle dans l'alcobol ; sa saveur est d'une amertume excessive ; elle ramène au bleu les sucs végétaux rougis par les acides, et jouit de toutes les propriétés générales des alcalis. Sa découîDosition donne de l'oxygène, de l'hydro- gène, et du carbone; on n'a pu y découvrir d'azote. Dans les végétaux dont nous parlons elle se trouve unie à un acide particulier, comme la morphine Test dans l'opium. MM. Pelletier et Gaventou ont décrit avec soin les sels neutres que la strychnine forme avec divers acides; mais ils se sont attachés sur-tout à observer son action sur l'économie animale. Cette action est igo PHYSIQUE, CHIMIE, de même nnture que'ceîledela noix vomique, mais portée à une intensité épouvantable: les plus petites quantités avalées ou insérées sous la peau tuent en peu de minutes , avec tétanos et convulsions. Ce sont les mêmes effets que ceux du suc d'upas, autre strychnos célèbre par Tiisage quen font les babi- tants de Java pour empoisonner leurs armes, et surle<{uel MM. L.escbenaud, Magendie^ etDelile, ont fait, en i8i i, des expériences que nous avons rapportées dans le temps. La seconde de ces substances, de nature alcaline, découverte par MM. Pelletier et Caventou , s'extrait de lanfiusture (briicea antidyssenlerica). L'action de ce végétal ressemblant beaucoup à celle de la noix vomique, nos jeunes chimistes y recbercboient la strychnine; mais la substance qu'ils en retirèrent se trouva un peu différente. Elle se dissout beau- coup plus aisément dans l'eau ; sa saveur amère est mêlée d'âcreté; son énergie est moindre. Nos chi- mistes ont nommé ce nouvel alcali brucine; et les expériences qu'ils ont faites sur les sels neutres dans la composition des(|uels il entre ne sont pas moins exactes ni moins remarquables que celles qu'ils ont faites sur la strychnine. Nous regrettons de ne pouvoir les mettre en dé- tail sous les veux de nos lecteurs ; mais nous ferons du moins remarquer combien ce nouveau genre ET METEOROLOGIE. I91 d'alcalis produits par la végétation, et composés doxYgène, d'hydrogène, et de carbone, est une acquisition importante pour la chimie, même sous le rapport de sa théorie générale. On voit par-là que la nature peut arriver à des effets semblables par les moyrns' les plus opposés. La potasse, la soude, la baryte, peut-être toutes les bases sali fiables minérales, sont des oxydes métalliques; Tammo- niaqueest une combinaison d'hydrogène et d'azote; et voici maintenant des basessalifiablesoùil n'entre ni azote ni métal, mais seulement de l'hydrogène, du carbone, et de l'oxygène, les mêmes éléments qui entrent, sans doute en d'autres proportions, dans vingt autres genres de principes végétaux qui n'ont nulle ressemblance avec les alcalis. Aux trois espèces bien constatées, la morphine, la strychnine, et la brucine, il faudra ajouter en- core le ^)rincij(;e extrait de la coc^ue eu Levant par M. BowUai, et eeîui qui M. TatirfuefîA avait a|>erçit dans le bois-joli (^dap/ine mezereum) ; car on doit dire ici que M. Vauquelin est le premier qui ait eu quelque soupçon d'une substance de cette nature, et que, s'il avoit un peu plus insisté sur la pensée qu'il conçut alors, ce seroit encore à son nom que se rattacheroit cette nouvelle classe de compo.sés. M. Ghevreul continue avec une constance inal- 192 PHYSIQUE, CHIMIE, térable ses longues recherches sur les corps gras. Cette année il a examiné le beurre de vache. En le tenant fondu à une température de 60 de- grés, on en sé[)are encore des portions analogues au petit-lait ; la partie supérieure, qui est d'une trans- parence parfaite, est le vrai beuri'e à Fétat de pu- reté; il se coagule à 32 degrés. L'alcohol en dissout un peu, et prend quelquefois alors un caractère acide. La saponification le change, comme la graisse de porc, mais dans des proportions un peu diffé- rentes, en acide margarique, en acide oléique, et en principe doux. Ce savon a de plus une odeur désagréable et tenace qui lui est particulière, et dont on peut enlever le principe par des lavages. M. Gbevreul y a reconnu deux acides spéciaux. De la nombreuse suite d'expérijences qu'il a re- cueillies M. Chevieul arrive déjà à une sorte de classification des divers corps gras.; h^s uns, comme la cholesterine, n éprouvent point de changement par l'action des alcalis; d'autres, comme la cétine, n'en sont acidifiés qu'en partie; d'autres, tels que la stéatine et l'élaïne, sont transformés en principe doux, en acide margarique, et en acide oléique. Enfin il en est comme le beurre et fbuile de dau- phin, qui donnent en outre des acides volatils. On a observé plusieurs fois dans les Alpes de la ET MÉTÉOROLOGIE. ig3 iiei^e teinte criin ronge plus ou moins vif, et l'on a beaucoup varié sur les causes qui lui donnent cette couleur. Ce phénomène s'étant reproduit sur les côtes septentrionales de la Baie-de-Baffin, visitée Tannée dernière par les Anglois sous les ordres du capitaine Ross, on a rapporté en Europe une certaine quan- tité d eau provenant de cette neige. Elle étoit teinte d'un rouge foncé: on y voyoit au microscope de petits globules de cette couleur ; et M. Decandolle , qui en a présenté un flaconàrAcadémie, l'a soumise à des expériences d'où il croit j)ouvoir conclure que sa couleur est due à une matière animale. ANNÉE 1820 M. Moreau de .Tonnes, qui considère les Antilles sous tous les rapports, a occupé cette année l'Aca- démie de plusieurs objets relatifs à la météorologie de ces îles. En prenant un terme moyen de six ans, on trouve qu'à la Martmique et à la Guadeloupe le nombre des jours de pluie est de 280, dont 35 ou 4^ ^^ pluies excessives. Ce nombre est à celui des jours de pluie qui ont lieu à Paris comme 5 à 3. Si Ton faisoit entrer toutes les Antilles dans la com- paraison, leur nombre de jours de pluie seroit à celui de Paris comme 7 à 4- T^a quantité moyenne BUFFON. COMPLÉM. T. II. l3 jq4 physique, chimie, (Feau à la Guadeloupe et à la Martinique est de 216 centimètres (80 pouces), distribuée assez irré- gulièrenieut entre les diverses ré(;ions et entre les divers mois de Tannée. Il pleut davantage dans les parties élevées, ce que M. de Jonnès attribue moins à l'élévation en elle-même qu'au voisinage des forêts. C'est sous le vent de leurs montagnes qu'il tombe le plus de pluie, parceque ces monta- gnes ne sont point assez élevées pour intercepter les nuages. La Martinique a éprouvé le 16 octobre un trem- blement de terre plus remarquable par sa durée que par sa force, et qui est arrivé au milieu d'un coup de vent violent. Il na point causé d'accident; mais l'on a pu s'assurer à cette occasion que la fièvre jaune ne vient point, comme on l'a dit assez souvent, de vapeurs qui s'exhalent lors des tremblements de terre. Sainte-Lucie, qui est séparée de la Martinique par un canal très profond et de sept lieues de lar- geur, a participée ce tremblement. En même temps des pluies abondantes, qui avoient duré pendant les trois jours précédents, ont produit de grands éboulements , fait glisser le long des pentes des terrains entiers avec les cannes dont ils étoient plantés, et détaché d'énormes blocs de basalte dont la chute a fait périr plusieurs individus. ET MÉTÉOROLOGIE. I95 Quoique le nombre des pierres tombées de lat- niosphère soit assez (^rpand, et que l'on ait constaté ce pbénoméne avec assez de soin pour en mettre hors de doute la réalité, les observations de détail que ces pierres ont offertes ne suffisent point encore pour qu'on puisse assigner exactement toutes les circonstances qui accompagnent leur chute. M. Fleurieu de Rellevue , ayant eu occasion d'exa- miner celles qui tombèrent au mois de juin 18 19 dans les environs de Jonzac, département de la Charente-Inférieure, a présenté à l'Académie un mémoire où , après les avoir décrites avec beaucoup de détails et rapporté tout ce que Ion a observé au moment où elles ont paru , il cherche à expliquer les faits intéressants qu'il rapporte; ce qui le con- duit à combattre quelques unes des idées théoriques des physiciens qui se sont le plus occupés de cette matière. Le ciel étoit serein et le soleil levé depuis deux heures lorsqu'on entendit plusieurs détonations c[ui partoient d'un météore lumineux de forme irrégulière, mais alongée, qui parcouroit rapide- ment une ligne droite du N. N. O. au S. S. E. , et qui paroissoit élevé de 5o à 60'' au-dessus de l'ho- rizon. Au même instant une chute de pierres eut lieu dans un espace de plusieurs milliers de toises. L'une de ces pierres pesoit six livres, et toutes i3. jy6 PHYSIQUE, CHIMIE, avoieiit des formes plus ou moins angulaires. Leur pesanteur spécifique étoit un peu moindre que celle des autres pierres météoriques, et elles en diffé- roient encore par l'absence de nikel, comme M. Lau- rier, qui en a fait l'analyse, l'a constaté. Elles se composent d'une agrégation cristalline de deux substances, l'une généralement d'un blanc mat et fort tendre, l'autre d'un gris verdâtre, opaque, plus dure , et en moindre quantité que la première, dans laquelle elle est assez uniformément disséminée. On n'y aperçoit aucune parcelle de fer, et elles ne sont que très peu attirables à l'aimant. Leurs carac- tères sont donc les mêmes que ceux de l'aérolithe tombée à Stannern en Moravie, et elles lui ressem- blent encore par la couche vitreuse et brillante dont elles sont revêtues. Cette espèce de vernis présente même des particularités importantes qni font naître quelques idées sur le mouvement dont ces pierres étoient animées dans leur chute; ce sont des stries qui paroissent naître d'un point commun, s'étendre en divergeant, et s'arrêter sur les bords d'une des plus larges faces, nommée par M. Fleurieii grande face ou face inférieure, où elles se réunissent pour former une arête uniforme et saillante. On croiroit voir un liquide épais qui s'est desséché après avoir coulé le long des pentes que les faces obliques de la pierre lui présentoient, et après s'être arrêté où ces ET MÉTÉOROLOGIE. 197 faces s'arrêtoient elles-mêmes. C'est principalement sur ce fait que M. Fleurieu s'appuie pour établir la direction du mouvement de ces pierres. 11 pense, i" que la croûte qui les enveloppe n'a pu prendre sa disposition ([ue lorsqu'elles étoient en mouve- ment; 2" que ce mouvement étoit simple; 3*^ qu'il étoit perpendiculaire à la f;rande face. Examinant ensuite l'origine de ces pierres, il est conduit à combattre l'idée de M. Chadni, qui sup- pose que les aérolithes éprouvent en parcourant notre atmosphère un degré plus ou moins grand de fusion ; celle de M. Léman , qui attribue les effets du feu que leur croûte vitreuse démontre à la com- bustion des substances combustibles qu'ils con- tiennent; et celle de M. Isarn , qui suppose les aérolithes produites par la condensation subite de certains gaz. Il pense que ces corps arrivent sur la terre dans toute leur intégrité; que le feu qui les accompagne résulte de rinflammation de l'atmo- sphère dont ils sont environnés ; qu'ils éclatent par l'action inégale de ce feu ; que le nombre des dé- tonations qui accompagnent ordinairement leur chute prouve qu'ils ne se divisent que successive- ment par l'effet de causes extérieures, et non point par une cause unique et centrale, et que chaque portion de l'aérolithe, éprouvant à son tour l'effet du feu, se vitrifie à sa surlace; d'où résultent ces ,q8 physique, chimie, stries dont nous avons rapporté l'explication plus haut. Nous avons entretenu plusieurs fois nos lecteurs des belles découvertes de M. Gay-Lussac sur Facide du bleu de Prusse et sur ses combinaisons. Ce sujet intéressant est loin d'être épuisé, et chaque jour il enrichit la chimie de vérités nouvelles. Un chimiste an-oflois, M. Porrett, adécouvertque le sel connu sous le nom de prussiate triple de potasse, (|ue l'on repfardoit comme composé d'acide prus- sique, d'oxyde de fer, et de potasse, est réellement une combinaison binaire formée de potasse et d'un acide particulier qui renferme les éléments de l'a- cide prussique et de loxyde de fer; acide dont les affinités éner(j,iques enlèvent le peroxyde de fer aux acides les plus puissants pour donner immédiate- ment le bleu de Prusse. M. Robiquet est parvenu par un procédé nou- veau à obtenir pur et à l'état solide cet acide, que M. Porrett n'a voit eu que dissous dans beaucoup d'eau : en effet l'acide hydrochlorique concentré décompose le bleu de Prusse en retenant le fer, et laisse précipiter l'acide de M. Porrett sous forme de poussière blanche, que Ion purifie encore par de nouveaux lavapes avec l'acide hydrochlorique. liCs expériences multipliées et ingénieuses aux^ ET MÉTÉOROLOGIE. IQO quelles M. Robiquet a soumis cet acide de M. Por- rett ont prouvé qu'il ne contient pas d'oxygène, et que le fer y est par conséquent à l'état métallique ; l'auteur le considère comme formé d'acide hydro- cyanique et de cyanure de fer, et c'est son union avec le peroxyde de fer qui est le bleu de Prusse. MM. Pelletier et Gaventou , continuant leurs re- cherches surfanalyse végétale, ont fait une décou- verte de la plus grande importance : c'est celle du principe fébrifuge du quin({uina, qui appartient à cette nouvelle classe d'alcalis végétaux composés d'oxygène, d'hydrogène, et de carbone, dont nous avons déjà annoncé cinq espèces dans notre analyse de l'année dernière. Ce principe avoit été aperçu par M. Gomès, chimiste portugais, qui cependant n'en avoit pas reconnu la nature alcaline; il se trouve dans la matière colorante du quinquina uni à un acide qui le rend soluble. En lavant cette matière avec de l'eau légèrement alcalisée qui s'em- pare de Tacide, on fait précipiter le principe fébri- fuge, qui ne conserve plus qu'un peu de matière grasse, dont on le délivre en le dissolvant dans l'a- cide hydrochlorique foible et en précipitant par un alcali. On peut aussi traiter immédiatement la ma- tière colorante par l'acide hydrochlorique et préci- piter par la magnésie. T^es auteurs nomment ce 200 PHYSIQUE, CHIMIE, principe cinchonine. Il est blanc, cristallin, amer comme le quinquina sans en avoir la qualité astrin- pente, indissoluble dans Falcohol et dans leau, mais foiblcment dissoluble dans l'étber ; il forme des sels solubles avec la plupart des acides, si ce n'est avec legallique, l'oxalique, etle carbonique. La cincbonine existe dans le quinquina gris; le quinquina jaune contient un principe très sem- blable, bien qu'avec de petites différences, et que les auteurs ont nommé quinine; enfin le quinquina rouge les contient tous deux dans une proportion considérable. On conçoit aisément toute l'importance d'une semblable découverte, sur-tout pour la recberche d'un succédané de quinquina dans les végétaux indigènes; le mémoire de MM. Pelletier et Caventou offre d'ailleurs plusieurs autres résultats intéres- sants, sur-tout relativement à deux matières colo- rantes rouges qui se trouvent dans le quinquina , et dont l'une estsoluble dans l'eau et l'autre insoluble. Les mêmes chimistes ont examiné divers végé- taux de la famille des colcliiques très employés en médecine, tels que le veratrwn album, le veratrum sabaditla, etle colchique vulgaire lui-même.; et ils y ont trouvé une septième substance alcaline com- posée, qu'ils ont appelée vératrine. ET METEOROLOGIE. 20f Elle est blanche, acre, et à petite dose produit des éterniimerits et des vomissements violents. Elle fond à la chaleur, et prend par le refroidisse- ment l'apparence de la cire. Sa décomposition ne donne point d'azote ; elle a peu de faculté satu- rante, et elle donne avec les acides des sels non cristallisables. Les plantes d'où on Ta tirée fournissent d'ailleurs d'autres substances intéressantes à connoître, mais pour le détail desquelles nous sommes obligés de renvoyer à l'ouvrage même, qui est imprimé dans les Annales de Cliimie. M. Gay-Tjussac a donné communication d'un procédé qui empêche les toiles sinon de brûler, du moins de jeter une grande flamme en brûlant, ce qui peut avoir de grands avantages pour les déco- rations des théâtres et arrêter une infinité d'incen- dies. Il consiste à les enduire de sels neutres très fusibles, tels que le phosphate d'ammoniaque et le borate de soude. M. Goldsmith a fait connoître un procédé par lequel on applique sur le verre des espèces de den- drites métalliques qui ne sont pas sans agrément. On place sur le verre quelques grains de limaille de fer et de cuivre, sur chacun desquels on verse 'lO'2 PHYSIQUE, CHIMIE, une (goutte de nitrate d'argent. L'argent se précipite à 1 état métallique ; en même temps le fer et le cuivre s'oxydent, et on arran^je selon l'effet qu'on veut produire les ramifications de ces différentes ma- tières au moyen d'une petite tig^e de bois. Enfin on expose le verre au-dessus d'une bougie, qui en éva- porant la liqueur noircit le dessous de la plaque, et relève ainsi l'éclat des dendrites appliquées à la face opposée. ANNEE 1821. M. Moreau de Jonnès, toujours occupé de YHis- loire physique des Antilles, a présenté de grandes suites d'observations sur leur climat, et paticuliè- rement sur leur température. Les variations jour- nalières en sont renfermées d'ordinaire dans une échelle de dix degrés, et leur terme moyen est de cinq. Les variations annuelles ne donnest pas plus de vingt degrés de différence; et à la Martinique elles n'en donnent pas quinze. La plus grande cha- leur n'y surpasse point celle du milieu delà Russie; du reste les causes des variations, soit régulières, soit irrégulières, les époques de leur maximum et de leur minimum^ sont à-peu-près les mêmes qu'ail- leurs; mais comme les causes irrégulières, telles que les vents, les mouvements des flots, les nuages, les pluies subites, ont une grande activité, les mu- ET MÉTÉOROLOGIE. 2o3 tations, quoique peu étendues, y sont fréquentes et rapides; en sorte que leur action sur le corps vivant ne laisse pas que d'être violente. L'auteur décrit une partie de ses effets, et entre aussi dans de grands détails sur les relations relatives aux dif- férentes hauteurs, ainsi que sur la température des caves, des puits, et des sources. Une bouteille vide jetée à la mer par les 5"" 1 2' de latitude sud, et parles 26° 6o'de longitude, à l'ouest de Paris, a été portée en dix mois par les courants entre la Martinique et Sainte-Lucie; ce qui fait con- clure à M. Moreau de Jonnès qu'il existe un grand courant qui vient du sud de la ligne, et qui pénétre jusque dans la mer des Antilles, au travers de ces nombreux détroits qui séparent les îles du vent; et c'est ainsi qu'il conçoit que des plantes propres à l'Afrique se trouvent aussi dans les îles, où leurs graines auront été portées par la mer. Les tremblements de terre ont aussi été étudiés dans ces îles par M. de Jonnès. Us tiennent en géné- ral à des causes d'une nature volcanique ; bien que souvent la terre tremble sans qu'il y ait d'éruption , chaque éruption est accompagnée d'un tremble- ment. IjCur propagation a lieu quelquefois à des distances immenses et de la manière la plus rapide. Celui qui renversa Lisbonne, en 1765, se fit sentir moins de huit heures après à la Martinique et à la 204 PHYSIQUE, CHIMIE, Barbade, qui en sont à plus de onze cents lieues, par des mouvements subits des eaux de la mer; c'est une vitesse six fois plus (grande que celle du vent le plus violent. Mais d autres fois cette propa- gation se trouve restreinte par des circonstances inconnues , et le mouvement n'affecte qu'une île ou un petit nombre d'entre elles. Le désastre de Ve- nezuela, en 1812, dans lequel cinq villes considé- rables furent détruites, ne fut pas ressenti dans les îles. Ces tremblements de terre des Antilles sont aussi désastreux que ceux d'aucune autre contrée, et plusieurs de ceux qu'elles ont éprouvés ne l'ont cédé qu'aux horribles catastrophes de Lisbonne et de Messine. Ils sont moitié moins communs à la Martinique, dont les volcans sont depuis long- temps éteints, qua la Guadeloupe, où les foyers souterrains conservent encore quelque activité. Ni les saisons, ni l'heure du jour, ni les phases de la lune, n'ont de rapports appréciables avec ces ter- ribles phénomènes, et le baromètre n'en est pas non plus affecté. C'est le plus souvent dun oura- gan que le tremblement de terre est accompagné, et avec qui il s'unit pour le malheur des habitants ; mais une augmentation d'électricité s'y manifeste aussi presque toujours, et ils sont généralement annoncés par le mugissement des bestiaux, par l'inquiétude des animaux domestiques, et dans les ET MÉTÉOROLOGIE. '20^ honimes par cette sorte de malaise qui, en Eu- rope, précède les orages dans les personnes ner- veuses. Parmi les pierres tombées de l'atmosphère, de- puis le petit nombre d'années que les physiciens s'occupent sérieusement de ce phénomène, il n'en est point qui approche de celle qui est tombée dans le département de l'Ardéche, le i5 juin 1821. Le temps étoit serein. Cette chute fut annoncée par une détonation qui dura vingt minutes, et qui fut entendue à huit et dix lieues de distance, au point d'y faire croire qu'elle provenoit de quelque trem- blement de terre. T^a pierre s'étoit enfoncée à cinq pieds dans le sol, et pesoit 92 kilogrammes (i841iv.);à côté d'elle en étoit une de même nature, mais beaucoup plus petite , d un kilogramme et demi. Malheureusement les paysans qui recueilli- rent les morceaux brisèrent le premier en plusieurs pièces. Ils sont du reste semblables pour l'essentiel à toutes les autres aérolitbes. M. le préfet de l'Ar- déche et quelques amis des sciences ont envoyé à l'Académie des échantillons de ces pierres, qui ont été analysés et déposés au Cabinet du roi. Nous avons parlé plusieurs fois , depuis sept ou huit ans, des études de M. Chevreul sur les corps 2o6 PHYSIQUE, CHIMIE, gras, et particulièrement du beau résultat de ses recherches sur la saponification ou sur la formation du savon; opération qui ne consiste pas seulement dans l'union de l'alcali avec la graisse ou avec deux de ses principes immédiats, la stéatine ou l'élaïne, mais où les éléments primitifs de ces principes, pour pouvoir contracter cette union , se combinent entre eux d'une manière nouvelle, et forment des com- posés (jui n'existoient pas auparavant, savoir, un principe doux, et les acides que M. Ghevreul a nommés margarique et oléique. L'auteur a fait, cette année, un grand travail pour déterminer avec précision les détails de cette métamorphose, et savoir dans quelle proportion les éléments primitifs, l'oxygène, le carbone , l'hy- drogène, se trouvent avant et après l'opération, soit dans la graisse entière, soit dans ses principes im- médiats. Il a employé pour cet effet les beaux pro- cédés imaginés par M. Gay-Lussac pour analyser radicalement les substances organiques, en les brû- lant par le peroxyde de cuivre. Le soin avec lequel il indique toutes les précau- tions que ces procédés exigent donne l'idée la plus avantageuse de l'emploi qu'il en a fait. La graisse d'homme et celle de porc, prises en masse, donnent à-peu-près les mêmes proportions d'oxygène , de carbone, et d'hydrogène ; mais celle ET MÉTÉOROLOGIE. 207 de mouton a moins d'oxygène. Dans toutes les trois Je carbone est à lliydrogène à-peu-près coninie dix à dix-lîuit en volume; ce qui approche de leur rap- port dans l'hydrogène jiercarburé. L'analyse particulière des deux principes immé- diats , la stéatine et l'élaïne, donne encore à-peu-près le même rapport pour la première, mais il est plus foible dans la seconde. La somme des poids de la graisse saponifiée et du principe doux, qui sont le résultat de la saponi- fication, est plus forte que le poids de la graisse em- ployée; ce qui prouve que dans l'opération il s'est fixé de l'eau. Il y a moitié plus d'oxygène dans l'acide marga- rique de l'homme et du porc que dans celui du mouton; en sorte que M. Ghevreul propose d'ap- peler ce dernier acide margareux. Les acides oléi- ques de ces espèces ont plus d'oxygène que leurs acides margariques respectifs; et leur composition pourroit être représentée par l'hydrogène percar- buré , plus l'oxyde de carbone. De ces analyses comparatives il résulte que , dans l'action des alcalis sur les graisses, la plus grande partie du carbone et de l'hydrogène, en proportion très rapprochée de celle où ils sont dans l'hydrogène percarburé, retient une portion d'oxygène pour constituer les acides margarique et oléique, tandis '2o8 PHYSIQUE, CHIMIE, ène, et de l'azote. Mais il restoit à savoir comment ces éléments y sont combinés entre eux ; si 1 ammoniaque et l'eau y sont toutes formées; si le métal y est à l'état d'oxyde , et de quel oxyde , etc. De nouvelles expériences faites cette année par fauteur et par M. Gay-Lussac nous ont appris que cet acide , qu'on avoit d'abord nommé fulmi- nique, lorsqu'on le débarrasse du reste de métal qu'il contient, est de l'acide cyanique, c'est-à-dire une combinaison de l'oxygène avec cette combi- naison d'azote et de carbone qui a été nommée cya- nogène. M. Dœbereimer, professeur à Jéna, est Fauteur d'une observation bien curieuse sur la propriété dont jouit le platine précipité de sa solution nitro- muriatique (ce qui lui donne une forme et une consistance spongieuse), sur la propriété qu'il a, disons-nous, lorsqu'on fait passer sur lui un mé- lange d'oxygène et d'iiydrogène , d'opérer la com- binaison de ces deux gaz et de produire une cha- leur qui le porte lui-même au rouge. MM. Thénard et Dulong ont répété et vérifié ces expériences, îls ont reconnu de plus que le palladium et le rhodium jouissent de cette propriété comme le platine à la température ordinaire ; que l'iridium s'échauffe for- ET MÉTÉOROLOGIE. 225 tement à cette même température ; que losmium rougit, mais seulement quand on Ta un peu échauffe d'avance; enfin que pour donner au nickel et au cobalt la propriété de produire la combinaison iî faut les chauffer à 3oo degrés; ils ont de même re- connu que, dans cet état, le platine, à la tempé- rature ordinaire, décompose le protoxyde d'azote. M. Chevreul, qui par sa découverte des acides qui se produisent lors de la saponification a fait faire de si grands pas à la théorie de cette opération et ouvert un nouveau champ à Ictiule des substan- ces organiques , a continué ses recherches et déter- miné les caractères de plusieurs de ces acides, qui varient selon les diverses graisses avec lesquelles la saponification se fait, et qui sont les principes des odeurs des savons formés avec ces graisses et d'une partie de ces graisses elles-mêmes, l^e beurre en fournit deux, le butirique et le capriciue ; la graisse de dauphin un, le phocéniqiie ; et la graisse de mou- ton un autre , le /aîcique. Us sont tous incolores , plus légers que Feau , mais de moins d'un dixième , diversement odorants , et donnent une saveur brû- lante. Le caprique se solidifie à i 5 degrés au-dessus de o ; les autres sont encore liquides à 9. Us varient davantage par leurs capacités de saturation et les propriétés de leurs sels. BUFFON. COMPLÉM. T. II. l5 220 PHYSIQUE, CHlMlE, TiC nombre des alcalis ou bases salifiables orga- niques et composées de plusieurs principes com- bustibles ou gazeux augmente rapidement, sur-tout depuis les rechercbes de MM. Pelletier etCaventou ; et les propriétés remarquables dont ces substances sont douées rendoient intéressant de connoître les compositions distinctives de cbacune d'elles. MM. Pelletier et Dumas leur ont appliqué la mé- thode d'analyse imaginée par M. Gay-Lussac , qui consiste à en brûler une quantité déterminée avec une quantité, également déterminée, d'oxyde de cuivre, et à recueillir les produits. Par les propor- tions de leurs éléments ces substances ressemblent beaucoup aux résines; elles ont un peu d'azote de plus; on doute même qu'il y en ait dans la morphine; la caféine seule en contient jusqu'à un cinquième, et plus, de son poids. La plupart ont une capacité de saturation (une alcalinité) à- peu-près propor- tionnelle à leur quantité d'azote ; mais la mor- phine en a plus que n'indiqueroit l'excessivement petite quantité de ce principe qu'elle paroît con- tenir. Ces expériences, faites avec toutes les précautions qui pouvoient en rendre les résultats rigoureux et précis, conduisent à des vues importantes , et qui intéressent toute la chimie organique non moins que la matière médicale. ET MÉTÉOROLOGIE. 227 Une espèce particulière et très rare de calcul de la vessie , découverte par M. Wollaston , et nommée par lui oxyde uriqiie, s'est retrouvée pour la première fois en France, dans le calcul d'un chien. M. Las- saij^ne , préparateur de chimie à lÉcole vétérinaire, en a donné la description et les propriétés caracté- ristiques. Il l'a trouvée composée de 36 parties dç carbone, 34 d'azote, 17 d'oxygène, et 12 d'hydro- (j^ene. Le dahlia, grande et belle plante dont nos par- terres ont été récemment enrichis, a des racines tubéreuses comme le topinambour, qui est de la même famille qu'elle. M. Payen a cherché si ces bulbes ne contiendroient pas aussi un principe ali- mentaire de bonne qualité, et pour cet effet il en a fait l'analyse. Il en a retiré un sucre incristallisable ; un arôme ressemblant à celui de la vanille; une huile volatile; une huile Hxe; plusieurs sels à base de chaux; et une substance nouvelle qu'il a nommée dahline, et dont les bulbes de dahlia contiennent un dixième de leur poids : elle a de l'analo^o^ie avec l'amidon et la gélatine, mais elle en diffère sur-tout par la propriété de se précipiter en niasse grenue, lorsque l'eau qui la tient en dissolution est évaporée jusqu'à former une pellicule. Sa pesanteur spéci- fique est de 1 3 56 ; l'acide sulfurique la convertit en i5. 3:^.8 PHYSIQUE, CHIMIE, sucre incristallisable, plus sapide que celui qui pro- vient de l'amidon. ANNEE 1824. A la suite de la gelée qui fit périr tant d oliviers dans rhiver de 1 82 i à 1 822 , le ministère de l'inté- rieur, désirant connoitre si le climat de la France ou de quelques unes de ses parties avoit subi des changements, et les causes auxquelles ils pou voient être dus, demanda aux préfets des mémoires sur l'étendue des défrichements qui ont eu lieu dans les forêts depuis 18 19, et sur l'influence que l'opi- nion de leurs départements attribue au déboise- ment des montagnes relativement à la température, à la diminution des eaux, à la force et à la fréquence des vents. On a obtenu successivement des réponses de cinquante-six de ces magistrats; et, comme on pou- voit s'v attendre, les questions y sont traitées sous des points de vue fort divers, et les résultats n'en sont pas toujours bien concluants. Cependant il paroît certain, par des documents écrits, par le souvenir des vieillards, que dans des lieux où l'on cultivoit autrefois l'olivier, la vigne, le châtaignier, et d'autres végétaux sensibles à la gelée, cette cul- ture ne s'est pas maintenue ou est même devenue impossible. ET MÉTÉOROLOGIE. 229 Des défrichements n'ont pas été aussi généraux cju'on s'est plu à le répandre. Dans trente-quatre départements qui possédoient ensemble 3,439,943 hectares de bois , il n'en a été arraché que 204,092 ; mais ce n'est pas d'après l'étendue seule, mais par la nature des bois supprimés que les effets de ces défrichements doivent être jugés: les forêts d'arbres résineux, les plus importantes comme abris, ont diminué plus généralement; les futaies de chênes, de hêtres, de nos montagnes de second ordre, ont presque toutes été transformées en tailHs , et il fau- droit des lois sévères et exécutées pendant un siéch? pour que les grands arbres propres aux construc- tions civileset navales redevinssent aussi abondants qu'ils l'étoient en 1789. Ce n'est au reste que dans quatorze départements que l'on a pensé que le déboisement des montagnes a causé le refroidissement de l'air ou du sol; l'opi- nion contraire a été exprimée dans trente-neuf. On a reconnu dans trente -deux que les hivers sont moins froids et plus longs, et les étés plus courts et moins chauds qu'il y a soixante ans ; dans vingt-un autres on ne regarde pas ce fait comme constant. Dans vingt-sept départements on est persuadé que les vents sont devenus plus violents, et dans vingt- six on soutient h; contraire. La dénudation des montagnes a'estmiseen doute 23o PHYSIQUE, CHIMIE, dans aucune des réponses, et il y a aussi beaucoup d'accord sur ses conséquences actuelles et futures. L une des plus généralement reconnues est la dimi- nution des sources, parceque l'eau des pluies, au lieu de s'infiltrer dans le sol avec lenteur, s'écoule rapidement, et entraîne les terres que les bois et les herbes ne retiennent plus ; toutefois , sur ce point même, il s'en faut beaucoup que les rapports soient unanimes. Il n'y a que vingt-huit départe- ments où l'on affirme la diminution des eaux per- manentes, et que vingt-cinq où louait reconnu que les inondations sont plus fréquentes qu'en 1789. Nous ne parlerons pas des autres articles de mé- téorologie, tels que la neige, la grêle, etc., sur les- quels les réponses ont été encore plus vagues et plus contradictoires. Les données fournies par ce pre- mier travail ne peuvent être considérées que comme un essai encore assez imparfait; et pour arriver à quelque chose de plus positif, il seroit nécessaire de poser des questions plus précises et de tracer avec plus de rigueur la méthode à suivre pour les résoudre. Néanmoins les mémoires fournis à l'Académie contiennent des renseignements précieux sur la statistique de plusieurs parties de la France, et sous ce rapport au moins leur utilité ne peut être méconnue. ET MÉTÉOROLOGIE. 23 I M. Moreau de Jonnès , qui a soin d'entretenir l'Académie de tous les phénomènes remarquables qui se manifestent aux Antilles, lui a fait part de deux tremblements de terre arrivés dans ces îles, et qui ont été assez forts pour exciter lelfroi parmi la population. Le premier a eu lieu le 1 1 novembre , à cinq heures quarante-cinq minutes du matin. Le deuxième s'est fait sentir à la Martinique le i3 décembre suivant, à une heure du matin. Chacun de ces tremblements a consisté en deux secousses ; celles du premier ont été les plus fortes et les plus prolonorées. Il n'est personiie un peu au fait des travaux des chimistes qui ne connoisse les grandes discussions auxquelles ils se sont livrés dans ces derniers temps sur les causes et le mode précis des combinaisons, et particulièrement sur la question de savoir si elles se font en toutes proportions et pour ainsi dire en toutes nuances, ou si elles n'ont lieu que dans cer- taines proportions fixes qui puissent s'exprimer par des nombres entiers et assez petits. Cette dernière opinion semble prévaloir aujour- d'hui, malgré la longue opposition que lui a mon- trée ce grand chimiste feu M. Berthollet; cependant lopinion contraire a encore des défenseurs, et 332 PHYSIQUE, CHIMIE, M. Longchamp a essayé de lappuyer par de nou- veaux arguments. Il les cherche dans l'analyse de l'acide phospho- riqueetdesessels, genres de substances qui offrent de grandes difficultés, puisque deux chimistes aussi célèbres que MM. Davy et Berzélius sont arrivés à leur sujet à des résultats très différents. Il a d'abord acidifié le phosphore par l'acide ni- trique, et saturé l'acide phosphorique parla chaux caustique. L'augmentation de poids de cette der- nière substance lui faitconnoître la quantité d'acide phosphorique correspondante au phosphore em- ployé, et par conséquent la quantité d'oxygène qui entre dans l'acide phosphorique; mais ce procédé donne des résultats iovt discordants. Les écarts sont moins considérables quand on emploie l'oxyde de cuivre au lieu de la chaux. Quant aux phosphates, l'auteur commence par déterminer la quantité d'acidequecontient le phos- phate d'ammoniaque cristallisé en le calcinant avec un excès de carbonate de chaux; calculant ensuite les proportions des phosphates qui se forment quand on calcine avec celui d'ammoniaque les dif- férents selsàbase de baryte, de soude, ou de chaux, il en déduit la quantité d'acide phosphorique que prennent les divers alcalis, et il arrive pour chaque base a des propoitions très variables et peu d'accord KT MÉTÉOROLOGIE. 233 avec la théorie des combinaisons fixes et à propor- tions simples. La même conclusion se déduit selon lui des opérations dans lesquelles on décompose les sels solubles de chaux et de baryte par le phos- phate de soude cristallisé; mais les commissaires de l'Académie ont fait observer que dans ces sels liquéfiés par la chaleur il manque la circonstance la plus essentielle pour produire des proportions fixes, la cristallisation: le terme où s'arrête la dé- composition varieroit probablement encore avec la température. Nous avons parlé dans le temps des belles décou- vertes de l'iode et du cyanogène, deux substances dont l'une est jusqu'à présent indécomposable- et se distingue éminemment par la couleur violette de sa vapeur, et dont l'autre, formée d'une combi- naison de carbone et d'azote, donne, en s'unissant à l'hydrogène , le principe colorant du bleu de Prusse. Ces substances peuvent s'unir quand on les présente Tune à l'autre à l'état de gaz naissant, ce qui arrive quand on chauffe un mélange de deux parties de cyanure de mercure et d'une partie d'iode; il se produit alors du prot-iodure de mer- cure et du cyanure d'iode. Cette dernière combi- naison, qui est très volatile, s'élève sous la forme d'une fumée épaisse, et se condense en aiguiileî? 234 PHYSIQUE, CHIMIE, extrêmement lég^ères. Elle a une odeur très pi- quante, une saveur des plus caustiques, mais ne participe en rien des caractères des acides ni des alcalis. Elle se dissout dans l'eau et dans l'alcohol , , mais n'éprouve aucune action du chlore ni de l'a- cide sulfureux quand ils sont à l'état sec : au con- traire Facide sulfureux liquide et les alcalis latta- quent, et il en résulte divers composés. M. SeruUas, qui a le premier produit et étudié cette combinaison remarquable, n'a pu encore en déterminer les proportions que d'une manière ap- proximative; il y trouve 82,8 sur 102 d'iode, et 17,2 de cyanogène. Les accusations d'empoisonnement dont les tri- bunaux ont retenti l'année dernière ont tourné les efforts de plusieurs chimistes vers la recherche des marques auxquelles on peut reconnoître dans les intestins la présence de quelques uns des poisons nouvellement découverts. Si malheureusement les progrès des sciences fournissent quelquefois au crime des instruments nouveaux, ils donnent en général aussi les moyens d'en prévenir les effets, ou du moins ceux d'en apprécier les causes et d'assurer la punition des auteurs. C'est avec l'intention de remplir cette espèce de devoir imposé en quelque sorte aux chimistes par ET MÉTÉOROLOGIE. 235 leurs propres découvertes que M. Lassaignea cher- ché à saisir clans une masse alimentaire les moindres traces de morphine ou d'acide hydrocyanique. Pour la morphine, il traite les matières qui la contiennent par lalcohol : après que Talcohol a dissous ce qu'il peut dissoudre, il Tévapore, et traite le résidu par l'eau pure; il laisse évaporer cette eau spontanément, et si elle recèle de l'acétate de morphine cette substance délétère se cristallise en prismes diverfi^ents, que l'on reconnoîtàleur saveur amère, à leur décomposition par l'ammoniaque, au dégagement d'acide acétique qu'y produit l'acide sulfurique, enfin à la couleur rouge orangée qu'y fait naître le contact de l'acide nitrique. Quand c'est dans un corps solideque Ton soup- «;onne la présence du poison , il faut le Faire bouillir dans l'eau et opérer sur la décoction comme il vient d'être dit. Si la matière étoit alcaline, il faudroit ajouter à leau et à lalcohol une petite quantité d'acide acé- tique pour rétablir l'acétate de morphine qui auroit pu être décomposée. ' M. Lassaigne a retrouvé par ce procédé cette substance vénéneuse dans les vomissements, dans l'estomac, et dans les intestins d'animaux morts après en avoir pris seulement i 2 et 18 grains. Les matières vomies en contiennent même des quan- 236 PHYSIQUE, CHIMIE, tités considérables, mais il ne i^aroit point qu'il en passe dans lesanf> , et même on n'en a plus retrouvé de traces dans celui des chiens et des chevaux , dans les veines desquels on en a voit injecté , et qui avoient survécu à l'opération ; en sorte que dans les cas où l'animal résiste à l'action du poison la morphine se décompose ou est expulsée de quelque manière. Pour mettre encore plus de précision dans ses procédés, et craignant que quelque matière animale dont on nauroit pu entièrement débarrasser la morphine ne contribuât à la couleur orangée qu'y produit Facide nitrique, il est parvenu à supprimer cette cause d'incertitude en versant dans la solution aqueuse de l'extrait aîcoholique de sous-acétate de plomb, qui précipite les matières animales, mais non l'acétate de morphine. M. Dublanc, pharmacien à Paris, a trouve un procédé très utile pour reconnoître les plus foibles traces de morphine quand c'est dans de l'eau pure que cet alcali ou quelqu'un de ses sels est en disso- lution, mais qui n'a pas le même avantage lorsqu'elle est mêlée à des matières animales comme elle l'est toujours dans les intestins. Ce moyen est fondé sur l'indiss'olubilité de la combinaison que la morphine forme avec le tannin. Une dissolution d'acétate de niorphme, ([ui en contient seulement un quinze- ET MÉTÉOROLOGIE. 2?>^ millième, est sensiblement troublée par l'infusion alcoholique de noix de galle saturée à froid. L'au- teur croyoit pouvoir distinguer les tannâtes de morphine de ceux des matières animales, parceque les premiers seroient plus solubles dans Talcohol; mais à l'expérience cette propriété ne s'est pas trou- vée leur être aussi exclusivement propre qu'il le croyoit, en sorte que son moyen pourroit conduire à des erreurs funestes pour des accusés innocents. L'acide hydro-cyauique ou prussique, délétère à si petite dose, et que des scélérats savoient em- ployer bien long^temps avant (jue les chimistes en eussent constaté la nature, étoit plus difficile à re- connoître que la morphine. Cependant M. Las- saigne est parvenu aussi à en saisir de bien foibles traces. Cet acide a la propriété, lorsqu'on verse du per- sulfate de fer dans sa dissolution saturée de potasse, de produire une belle couleur bleue, qui, lorsque la proportion de l'acide hydrocyanique est très foible, ne se montre qu'après quelques heures ; ce qui donneroit déjà la possibilité de le découvrir dans un liquide où il n'y en auroit qu'un dix-mil- lième : mais une autre de ses propriétés permet d'arriver encore à une précision double, et d'en saisir jusqu'à un vingt-millième. C'est celle que lui a découverte M. Vauquelin de former avec le deu- i 2^8 PHYSIQUE, CHIMIE, toxyde de cuivre hydraté un composé jaunâtre qui devient blanc par l'addition de l'eau chaude, et qui est parfaitement insoluble dans ce liquide. Pour appliquer cette propriété à la solution du problème, on alcahse légèrement par la potasse le liquide qu'on éprouve; on y verse quelques (^fouttes de sulfate de cuivre, et ensuite assez d acide hydro- chlorique ( muriatique ) pour redissoudre l'excès d'oxyde de cuivre précipité par lalcah. Si le liquide contient de l'acide hydrocyanique, il prend un as- pect laiteux qui disparoît souvent au bout de quel- ques heures. - 'Ainsi les signes de poison que donne le sulfate de fer disparoissent avec le temps, et le temps dé- veloppe ceux que fournit le sulfate de cuivre; en conséquence il sera toujours avantageux d'employer comparativement les deux méthodes. M. Lassaigne , par leur moyen , a retrouvé l'acide dans les intestins d'animaux qui en étoient morts depuis dix-huit et même quarante-huit heures; mais les autres organes, le cerveau, la moelle épi- nière, le cœur, malgré l'odeur qu'ils répandoient , n'en offroient aucune trace. On sait en effet que les corps empoisonnés par l'acide hydrocyanique, sur-tout leur cerveau et leur moelle épinière, répandent une odeur d'amandes amères, et que cette odeur peut mettre sur la voie ET MÉTÉOROLOGIE. 239 de ce genre d'empoisonnement. Mais ce premier indice ne suffit point, car M. Itard a observé que dans certaines maladies inflammatoires il se déve- loppe une odeur semblable. ïi s'agira d'examiner si. dans ces circonstances, c'est de l'acide hydrocyanique qui se produit par l'eFfet même de la maladie; alors les moyens d'en reconnoître la présence, loin de servir la justice, nepourroientque l'égarer en lui signalant le crime lorsque la nature seule auroit agi. Quand on traite par l'acide nitrique ou par l'ai- cobol les substances organiques où il entre de l'a- zote, ou même quand on les laisse dans la terre humide ou sous leau, on en obtient une matière grasse, et c'est une question assez importante de savoir si cette matière y préexistoit, ou si elle est produite par les opérations auxquelles on les sou- met. M. Chevreul, que son grand travail sur les ma- tières grasses, en général, conduisoit naturellement à désirer une solution de cette question, a fait de nombreuses expériences dans l'espoir de se la pro- curer. En soumettant des parties égales détendons d'un animal à l'action de l'alcohol, à celle de l'acide nitrique, ou à celle de l'acide hydrochlorique, il en a obtenu des quantités égales d'une graisse semblable 24o PHYSIQUE, CHIMIE, à celle de laiiimal auquel les tendons avoient ap- partenu ; en les exposant sous Feau pendant un an on en retire del'adipocire formée d'acide margarique etoléique, en quantité correspondante à la propor- tion de graisse que fournissent lalcohol et les acides ; enfin en les dissolvant par la potasse , la liqueur dé- pose des submarga rates de potasse, comme si l'on y avoit dissous de la f]^raisse. Le tissu jaune élastique qui forme certains li- gaments a offert les mêmes phénomènes , si ce n'est que la proportion de la graisse y est plus abondante. La fibrine du sang donne aussi une matière grasse, mais d'une autre nature, formant avec de leau une sorte d'émulsion, et, ce qui est très re- marquable, présentant les mêmes caractères, les mêmes propriétés que celle qu'on extrait du cer- veau et des nerfs. De ces expériences M. Ghevreul conclut que les matières grasses font partie constituante des sub- stances d'où on les extrait. Les enfants nouveau-nés sont sujets à une mala- die presque toujours fatale à ceux qu'elle atteint, et qui consiste en une induration et une coloration en jaune de la peau. Lorsqu'on incise la peau des enfants morts de cette maladie, il s'en écoule un ET MÉTÉOROLOGIE. 2 j I liquide que M. Chevreul a trouvé formé d'albu- mine, d'un principe colorant orangé, et d'un autre principe colorant vert; et examinant le sérum de leur sang, il y a reconnu une composition chimi- que semblable. L'un et l'autre de ces liquides , aban- donné à lui-même, se prend en partie en une gelée membraneuse, et les principes colorants demeu- rent dans les portions qui restent liquides. C'est à cette disposition du sérum du sang à se coaguler que M. Gbevreul attribue la cause directe de la ma- ladie. M. Payen , qui avoit présenté Tannée dernière à l'Académie une analyse des racines de dahlia, s'est occupé plus récemment de celle du topinambour. Il y a trouvé une huile analogue à celle de l'arti- chaut, et qui contribue à la ressemblance de la sa- veur de ces deux végétaux ; elle ressemble encore plus à celle de l'orge, et se compose de deux prin- cipes gras, dont l'un forme un savon soluble avec la ])0tasse, et l'autre un savon presque insoluble. Ces tubercules contiennent de plus une huile vola- tile ; le principe nommé dahline , qui se dissout dans l'eau bouillante et se précipite par le refroidissement eu une matière grenue qui forme avec les acides sulfurique et phosphorique un sirop très sucré ; la fangine\f sorte de substance ligneuse signalée dans BUFFON. COMPLÉM. T. II. l6 2/12 PHYSIQUE, CHIMIE, les champignons par M. Biaconnot; une matière j^élatineuse; un sucre cristallisnble, mais qui fer- mente aisément et founit de Teau-de-vie analogue à celle de grain ; enfin l'acide gallique, auquel pro- bablement le topinambour doit, comme l'artichaut, la propriété de bleuir à Tair qu»and il est cuit. Selon M. Payen, la quantité de matière sucrée feroit le cinquième du tubercule , bien que la saveur en soit moins douce que celle de la betterave ou de la canne. Si cette assertion se vérifie , le topinambour seroit le végétal qui donneroit le plus d eau-de-vie, propriété de nature à attirer l'attention des cultiva- teurs, d'autant que sa tige a aussi l'avantage de don- ner beaucoup de potasse, et que sa feuille nourrit bien les moutons. On emploie avec avantage le charbon pour dé- colorer les sirops et autres solutions que l'on veut rendre plus limpides; et les substances charbon- neuses minérales, telles que les empelites, les schis- tes bitumineux , jouissent de ce pouvoir dans la proportion du charbon qu'elles contiennent: mais M. Payen, ayant essayé à cet égard certains char- bons fossiles mêlés de pyrites, trouvés dans la plaine de Grenelle, s'a perçut que les sirops en étoient bru- nis au lieu d'en être décolorés; ce ne fut qu'après avoir été traités par un grand excès d acide hydro- ET MÉTÉOROLOGIE. 243 chlorique et par leau bouillante que le résidu cal- ciné reprit ses propriétés naturelles. M. Payen cherche la cause de cette différence dans le proto- sulfure formé par la calcination de la pyrite, et que Ton enlève par l'acide hydrochlorique. On a beaucoup parlé pendant quelque temps de certains grès trouvés dans la forêt de Fon tainebleau, et qui offroicnl une ressemblance extérieure, mais assez grossière, avec un corps humain et une tête de cheval encore revêtus de leur chair et non ré- duits en squelette, comme le sont toujours les restes fossiles ou pétrifiés d'animaux; et Ion avoit an- noncé que l'analyse chimique confîrmoit la sup- position que c'étoient en effet des corps qui avoient eu vie. MM. Vauquelin et Thénard se sont donné la peine de répéter cette analyse sur des fragments pris de divers points de ces pierres figurées; ils n'ont trouvé de phosphate de chaux que dans le fragment pris à la partie que l'on considéroit comme une main , et sa proportion n'étoit que d'un ou deux centièmes; le reste de la masse n'étoit formé que de grès, mais donnoit à la distillation quel- que peu de produits acides et ammoniacaux, qui ne paroissent venir que des matières dont la sur- face étoit enduite. Les parties du rocher qui en- i6. 244 PHYSIQUE, CHIMIE, touroient ces concrétions donnoient les mêmes produits. Quelques personnes ont conjecturé que cette portion minime de phosphate de chaux trou- vée dans un seul point pouvoit venir de ce que des abeilics maçonnes avoient fait leur nid dans cette partie. Une des applications les plus utiles que Ton ait faites dans ces derniers temps des connoissances chimiques à leconornie publique et domestique est bien celle de l éclairage par le gaz hydrogène, retiré de la distillation de la houille ou de Fhuile; mais quelques explosions arrivées dans des endroits fermés où il s'étoit introduit de ce gaz, et ou il s*é- toit mêlé à l'air atmosphérique dans la proportion nécessaire à la détonation, avoient inspiré des craintes contre lesquelles il convenoit de rassurer le public , et qu'il importoit sur-tout d'empêcber de se réaliser. L'Académie a été chargée de s'occuper d'un objet aussi intéressant, et c'est d'après le rap- port qu elle a soumis au gouvernement qu'a été rendue l'ordonnance royale qui fixe les précau- tions à suivre dans la disposition des ateliers où l'on produit le gaz et où on le débarrasse des Drin- cipes qui nuiroient à son emploi, des réservoirs où on l'emmagasine, et des tuyaux par lesquels on le conduit aux différents points où il doit être consommé. ET MÉTÉOROLOGIE. 2.45 On est parti clans ce travail du fait que le gaz hydrogène seuJ peut bien brûler comme toute autre substance combustible, mais non pas détoner; et que, pour qu'il puisse s'y faire une explosion, il est nécessaire qu'il soit mêlé d'air atmosphérique dans une proportion au moins quadruple de la sienne, mais qui ne soit pas plus que dodécuple. Il est physiquement impossible, à moins que tous les employés d'une usine ne conspirent pour un pareil forfait, que cette proportion se réalise dans le réservoir, et ce n'est que dans le lieu où aboutissent les conduits et où s'ouvrent les robinets qu'elle pourroit avoir lieu ; mais dans ces endroits même il faudroit qu'il n'y eût aucune ouverture, aucun courant d'air pour qu'il pût s'y accumuler une quantité de ce mélange détonant , suffisante pour produire des effets considérables. Nous n'entrerons pas dans le détail des précau- tions prescrites relativement aux autres parties de l'opération, attendu qu'elles sont suffisamment connues du public par l'ordonnance qui les con- cerne. Il se forme sur l'eau minérale de Vichy une ma- tière verte dont M. Vauquelin a cherché à recon- noîtrela nature. Étendue sur le papier, elle devient bleue à l'air: l'alcali caustique fait disparoître sa 246 PHYSIQUE, CHIMIE, couleur ; mais Tacide nitrique affoibli la restitue , et après quelque temps la change en rose. Il précipite de sa dissolution alcaline des flocons verts , qu'un léger excès d'acide rend bleus , et qui se comportent à peu -près comme Talumine. Le chlore et l'acide nitrique concentré changent le vert en jaune. Il se produit dans cette matière de l'acide acétique et des acétates de soude et de potasse. Tous ses éléments sont si compliqués et leur nature est tellement fu- gace que ce seroit une vaine tentative que de vou- loir en imiter la combinaison ; aussi M. Vauquelin est-il bien éloigné d accorder ce que quelques chi- mistes prétendent, que Fart de fabriquer les eaux minérales est devenu un émule parfait de la na- ture. ANNEE 1825. M. Moreau de Jonnès a lu une notice sur les derniers tremblements de terre qui ont eu lieu aux Antilles. Le 3 octobre 1824 il y en a eu un à la Martinique, à une heure du matin, de deux secousses assez fortes pour éveiller les habitants des villes de Saint-Pierre et du Fort-Roy ah Le 3o novembre 1824, à trois heures trente minutes après midi, après plusieurs jours d'une chaleur extraordinaire qui cessa subitement, il y ET MÉTÉOROLOGIE. ll\n eut une secousse très violente accompagnée d'un bruit très (jrand. Des pluies diluviales commen- cèrent immédiatement, quoiqu'on fut dans la saison sèche; et il y eut un raz de marée très fort. Le 1 3 janvier 1 82 5 , à une heure trente minutes du matin, deux secousses se firent sentir à Saint- Pierre; la température étoit demeurée très élevée jusqu'au moment de ce phénomène. Le 26 août Fouragan qui a dévasté la Guadeloupe, et dont on ne connoît que trop les affreux détails, se fit sentir à la Martinique, mais sans y causer de grands ravages. Le vent souffla fortement dès six heures du matin; une pluie prodigieuse qui tomba jus(ju'à deux heures après midi sembla diminuer sa violence. Il y eut de grands débordements de toutes les rivières. Les beaux résultats obtenus par M. Ghevreul de ses recherches sur les corps gras ont excité les chi- mistes à examiner ces corps sous d'autres rapports et par d'autres moyens. M. Dupuy et MM. de Bussy et Le Canu y ont appliqué l'action de la chaleur. On avoit cru jusqu'à présent que la distillation les transfornioi t en eau , en acide carbonique, en acide acétique ou séba- cique, en charbon, et en huile altérée et très odo- rante; mais M. Dupuy a obtenu par la distillation I.j8 PHYSIQUE, CHIMIE, lente des huiles de pavot et de lin un produit solide (jui ne rcnti oit dans aucun de ceux que nous venons de nommer; et MM. de Bussy et Le Canu, ayant poussé l'examen plus loin, ont constaté qu'outre ces produits ou en obtient plusieurs autres, et sur- tout ces acides que M. Ghev reul a nommés marcja- riqiieet oléique. En opérant sur le suif on retire plus des trois dixièmes de son poids d'acide margarique, et les auteurs ont cru cette observation suscep'tible d'applications assez utiles pour se l'approprier par un brevet d'invention. Ils pensent c[u'il se passe fjuelque chose de semblable dans la distillation du succin , et que l'acide succiuique est produit par l'opération même. On savoit, par les expériences de Priestley et de (juelques autres physiciens, que les charbons faits avec le même bois, mais à divers degrés de tempé- rature, n'ont pas les mêmes propriétés physiques; que celui qui a été chauffé très fortement, par exemple, devient un bien meillei:ir conducteur de l'électricité que celui qui a été fait à un feu doux. M. Cheuvreusse, professeur de chimie à l'École royale d'artillerie de Metz, a repris ce sujet, et l'a traité d'une manière beaucoup plus étendue. Non seulement il a refait avec beaucoup de précision les <'\j>ériences relatives à la ([ualité ciniductrice de ET MÉTÉOROLOGIE. 246 Félcctricité, mais il a reconnu et constaté des pro- priétés toutes semblables relativement au calo- rique : le charbon fortement chauffé en est un bon conducteur; ce n est que le charbon fait à une basse température qui le conduit mal ; et i on se trompoit beaucoup lorsque, pour empêcher le refroidisse- ment dïm appareil, on se contentoit de l'envelop- per de charbon sans distinguer de quelle manière ce charbon a voit été fait. Il sera aisé à l'avenir d'éviter cette faute en es- sayant auparavant le charbon relativement à l'élec- tricité, puisque la faculté delà conduire est conco- mitante à celle de conduire le calorique. La propriété hygrométrique du charbon est en raison inverse. Moins il a été chauffé, pkis il absorbe d'eau ; et s'il a été préparé avec un bois tendre, s'il est en morceaux et non en poudre, sa faculté ab- sorbante se renforce encore. La combustibilité du charbon , qui est sa qualité la plus importante pour les arts, ne peut manquer de dépendre aussi beau- coup du mode de carbonisation; mais Fauteur ré- serve ce sujet pour un autre mémoire, dans lequel il examinera également l'influence de la tempéra- ture sur les propriétés chimiques du cliarbon. il sera intéressant de rechercher de quelle façon la chaleur produit ces diversités, et si c'est par le plus ou moins de dissipation de l'hydrogène, par 25o PHYSIQUE, CHIMIE, une réaction des seis contenus dans le charbon, ou seulement par une autre disposition des molécules charbonneuses. La production de l'alcohol, ou ce que Ton nomme fermentation vineuse, s'établit dans un mélanf^^e de matière sucrée€t d'eau par le moyen d'agents d'une nature particulière, connus sous le nom de levures; mais on savoit aussi que le gluten pouvoit y exciter ce genre de mouvement, et M. Seguin a découvert la même propriété dans l'albumine. M. Gollin vient d'établir par des expériences sui- vies que toutes les matières animales peuvent produire le même effet; mais elles n'agissent que foibiement, au bout d'un temps assez long, et à une température de 26 degrés et plus, tandis que la levure de bière produit son effet presque instanta- nément et à la température de 10 degrés. Cepen- dant, lorsque cette première fermentation est ame- née par une matière animale quelconque, il se forme un dépôt beaucoup plus actif, et qui a quel- quefois tous les caractères de la levure ordinaire. On soupçonîie même que l'action des matières animales pourroit bien n'être pas immédiate, mais provenir de ce qu'en se décomposant elles auroient produit de la levure. M. Collin, ayant observé que la pile galvanique ET MÉTÉOROLOGIE. ^5 l accélère beaucoup la fermentation, croit que c'est à l'aide de ielectricité que les matières animales exercent leur action. ANNÉE 1826. M. Moreau de Jonnès a communiqué à l'Acadé- mie la notice des tremblements de terre qui ont eu lieu aux Antilles en 1826. Le premier s'est fait sentir à la Martinique le ■y janvier, à sept heures du matin; il s'est formé de deux secousses consécutives ; la dernière a été très violente. Le second a eu lieu le 2 mai, à minuit trente-cinq minutes; le mouvement d'oscillation du sol a été long et assez fort. Le dernier tremblement de terre est arrivé le 12 août, à cinq heures du matin. On n'a ressenti au Fort -Royal qu'une seule secousse très pro- longée. Des vents de nord de la plus grande force ont commencé à souffler en janvier 1826 dans la mer des Antilles, et leur domination a duré plus de deux mois et demi. Ils ont tellement abaissé la tem- pérature que l'Archipel a éprouvé un hiver singu- lièrement froid. Nous avons parlé l'année dernière des expé- i52 PHYSIQUE, CHIMIE, riences de MM. de Bussy et Le Ganu sur la distilla- tion des corps gras, qui leur ont fait connoître que Ion obtient par ce moyen, comme par la saponifi- cation, les acides margarique et oléique. Cette an- née ils ont généralisé leurs observations, et sont arrivés à ce résultat remarquable que les corps gras susceptibles d être changés en savon par les alcalis sont aussi ceux qui donnent des acides par la dis- tillation, et que ceux qui ne peuvent être saponifiés ne donnent point d'acides par cette voie. Dans un travail particulier sur l'huile de ricin ils ont reconnu qu'elle donne des acides, et même qu'elle en donne de trois sortes , et en la saponifiant ils les ont retrouvés; mais les acides leur ont paru différer de ceux de tous les autres corps gras. Le premier, qu'ils nomment ricinique, est fusible à 22° au-dessus de la congélation de l'eau ; un autre, qu'ils appellents£earo-ncm/(y«e, se cristallise en belles paillettes, et ne se fond qu'à 1 3o° ; le troisième, qu'ils appellent oléo-ricinkjue , demeure au contraire li- quide à plusieurs degrés au-dessous du point de la congélation de Feau. Les acides sont volatils, plus ou moins solubles dans l'alcohol, et complètement insolubles dans l'eau. Ils forment avec diverses bases, sur-tout avec la magnésie et l'oxyde de plomb, des sels dont les caractères sont très distincts. L'huile de ricin, qui ne donne ni acide oléicjue ni acide ET MÉTÉOROLOGIE. 253 margarique , ne contient donc ni oléine ni stéarine , et elle est d'une nature particulière. En effet, soit qu'on la distille ou qu'on la conver- tisse en savon, elle donne des résultats qui lui sont propres. Lorsqu'on l'a distillée par exemple après que les huiles volatiles et les acides ont passé dans le récipient, il reste dans la cornue un acide solide équivalant aux deux tiers de son poids, blanc jau- nâtre, boursouflé, semblable à de la mie de pain, qui brûle aisément sans se fondre , qui n'est soluble que dans les alcalis , et qui forme avec eux une sorte de savon. Les auteurs croient qu'on pourroit en tirer un vernis propre à être employé sur les tôles qui doivent subir une assez forte chaleur. On se souvient de la découverte de l'iode faite en ï 8 1 3 dans le varec par M. Courtois, et des propriétés remarquables que MM. Gay-Lussac et Humphry- Davy ont reconnues à cette substance. M. Balard, préparateur de la faculté des sciences de MontpelUer, en traitant par le chlore la lessive des cendres de fucus et l'eau -mère des salines, et en y ajoutant de la solution d'amidon, comme on le fait pour y reconnoître l'iode, s'aperçut qu'outre la matière bleue produite par l'union de l'iode et de la solution d'amidon il se montroit une matière d'une odeur vive et d'un jaune orangé d'autant plus 254 PHYSIQUE, CHIMIE, intense que le liquide qu'il observoit étoit plus con- centré. En versant sur le mélange de l'acide sulfu- rique étendu d'eau, enfin en recueillant encore les vapeurs qui se dégagent, ses propriétés semblent annoncer un principe particulier. On peut obtenir séparément celte matière, soit en distillant l'eau- mère après l'actton du chlore et en condensant par le froid les vapeurs rutilantes qu'elle fournit, soit par un procédé plus compliqué mais plus productif, en l'enlevant à l'eau par lether, à l'éther par la po- tasse, en mêlant cette potasse avec du peroxyde de manganèse. En masse elle paroît d'un rouge foncé; sa liquidité se conserve jusqu'à i8° au-dessous du point de congélation ; elle est très volatile, et bout à 47°? son odeur ressemble beaucoup à celle du chlore; sa densité est triple de celle de l'eau; dis- soluble dans l'eau, dans Talcohol, dans l'éther, elle détruit les couleurs comme le chlore , et se comporte de même avec l'hydrogène et avec l'oxygène, avec les oxydes alcalins. Combinée avec le gaz hydrogène percarburé , elle produit un liquide oléagineux d'une odeur éthérée très suave. L'auteur lui a donné le nom de brome y tiré de ppw(xo;, mauvaise odeur. Il l'a soumise à des essais analogues^ à ceux que M. Gay-Lussac a faits sur l'iode. M. Dumas a obtenu des composés dans lesquels ET MÉTÉOROLOGIE. 255 entre cette substance, et de nature assez semblable à ceux que l'on obtient de Tiode, entre autres des brômites métalliques et des hydrobrômates alcalins. M. Sérulias, continuant à suiv re la même marche, a obtenu de Thydrocarbure de brome et de 1 ether hydrobrômique. M. Liebi(T a retiré cette même substance de Peau- mère de quelques salines d'Allema^o^ne, et en a aussi fait Tobjet de quelques expériences. En i8i3, à l'époque où M. Gros entreprit de décorer la coupole de Sainte- Geneviève de la ma- gnifique composition dans laquelle il a déployé un talent si admirable, MM. Thénard et Darcet furent consultés sur la méthode à suivre pour fixer la peinture à l'huile sur la pierre et préserver des chefs-d'œuvre d'une prompte destruction: ils ju- gèrent que le moyen le plus sûr étoit de faire péné- trer dans la pierre un corps (>ras liquéfié par la chaleur, qui en se refroidissant rempliroit tous les pores et offriroit au pinceau de l'artiste un fond de la même nature que les couleurs qu'il avoit à y ap- pliquer. 11 composèrent cet enduit d'une partie de cire jaune et de trois parties d'huile cuite avec un dixième de son poids de htharge. On chauffa suc- cessivement et fortement toutes les parties de la coupole au moyen d'un [j^rand réchaud de doreur. 256 PHYSIQUE, CHIMIE, et l'on y appliqua le mélangée chauffé lui-même à la température de l'eau bouillante. A mesure que la première couche s'imbiboit, elle étoit remplacée par une autre, jusqu'à ce que la pierre refusât d'en absorber: les murs une fois bien impré(^nés, bien unis, et bien secs, furent recouverts de blanc de plomb délayé dans l'huile, et c'est sur cette couche blanche que le grand peintre a exercé ses pinceaux. Onze années d'épreuve ont prouvé que les vues de ces chimistes avoient été heureuses : leur enduit ne met pas seulement la peinture à l'abri de l'humidité, il prévient encore l'embu, ou cette inégalité d'éclat qui est occasionée par le plus ou moins d'absor- ption de l'huile, et il dispense ainsi le peintre de vernir son tableau. On a préparé de même les quatre pendentifs delà coupole inférieure qui doivent être peints par M. Gérard. L'enduit les a pénétrés à trois et quatre millimètres et demi. Ce procédé peu t être employé sur le plâtre comme sur la pierre, et il le préserve même, lorsqu'il est exposé au-dehors, de l'action de l'air et de l'humi- dité. Un bas-relief en plâtre enduit à moitié de la composition de MM. Thénard et Darcet a été ex- posé pendant très long-temps sous des gouttières; tout ce qui étoit enduit s'est conservé, tandis que le reste a été rongé, dissous, et que les figures y sont devenues méconnoissables. ET MÉTÉOUOLOGIE. 257 On a parfaitement assaini par des enduits sem- I)lables des appartements au rez-de-cliaussëe que le salpêtre avoit rendus inhabitables même en été ; on y a employé de la résine au lieu de cire, ce qui rend le mélangée beaucoup moins cher. En mêlant à lenduit des savons métalliques on peut donner au plâtre telle couleur que Ion veut. Il n'est pas douteux que l'on pourra s'en servir pour des statues de plâtre, et les rendre presque aussi inaltérables par les éléments que si elles étoient de rnarbre ou de bronze. Une des industries les plus profitables qui aient été données à la France par les chimistes est celle d'extraire la soude du sel marin: toutes nos fobri- ques de savon, nos verreries, obligées autrefois d'importer pour beaucoup de millions de soude tirée de plantes marines qui croissent sur les côtes d'Espagne, l'obtiennent maintenant de fabriques placées à côté d'elles et qui exploitent le produit inépuisable de nos mers. A la vérité l'impôt dont est chargé le sel qui se consomme dans l'intérieur auroit anéanti cette in- dustrie dès sa naissance, puisque le sel lui-même avant toute préparation auroit été plus cher que la soude étrangère; aussi le gouvernement livre-t-il depuis long-temps en franchise aux flibricants de HUFFON. COMPLEM. T. Il ■2:)S PHYSIQUE, CHIMIE, soude les sels qui leur sont nécessaires: on com- prend que des hommes peu délicats ont dû être tentés d'abuser de cet avantage ; Ténormité de l'im- pôt fait qu'il y a plus de profit à revendre en fraude ce sel qu'à l'employer à sa destination ; et l'adminis- tration auroit voulu obtenir un moyen qui, sans empêcher que le sel qu'elle livre ne fournît de la soude, le rendît cependant impossible à détourner pour la consommation ordinaire, et la dispensât ainsi de la surveillance qu'elle est obligée d'exercer sur ceux auxquels elle l'a livré. Il y avoit une autre question fort intéressante pour l'art de la verrerie. On peut employer pour faire le verre le sulfate de soude résultant de la première opération que l'on fait sur le sel marin au moyen de facide sulfu- rique, et sans avoir besoin de décomposer ce sul- fate et d'en extraire la soude, extraction qui exige des travaux compliqués et beaucoup de combustible et de main-d'œuvre. L'économie s'élèveroic à -yo pour cent de la dépense que le fabricant de verre fait maintenant pour se procurer la soude pure, et la diminution de prix qui en résulteroit pour le verre de vitre iroit à 3o pour cent; mais le sulfate de soude peut aisément être converti en sel marin au moyen de muriate de chaux, et il s'agissoit encore ET MÉTÉOROLOGIE. 25q de savoir si Fimpôî; sur le sel ne rendroit pas cette conversion plus lucrative que l'emploi du sulfate dans la verrerie. Les calculs de MM. Thénard et Darcet ont prouvé que le profit seroit trop peu considérable pour ten- ter les fabricants, tandis que la permission accor- dée depuis long -temps aux fabricants de soude d'exporter le sulfate donnoit aux verriers étrangers un grand avantage sur les nôtres. Le seul moyen avantageux de fraude auroit été que les fabricants de soude eussent livré au commerce du sulfate de soude qui auroit contenu encore une quantité no- table de sel marin en nature. Mais il est aisé de constater ce fait en décomposant jusqu'à une cer- taine proportion le sulfate de soude par le muriate de chaux, et en essayant le résidu par le sulfate de baryte. Les commissaires de l'Académie ont indi- qué des moyens précis de s assurer qu'il n'y reste pas un dixième de sel, proportion dans laquelle la fraude ne seroit plus profitable. Sur ce rapport le gouvernement a accordé aux fabricants de verre des facilités que l'on réclamoit pour eux. Une troisième question de chimie, qui intéressoit beaucoup le commerce dans ses rapports avec le fisc, étoit de déterminer par des moyens sûrs les 17. a()0 PHYSIQUE, CHIMIE, pio}3ortions respectives de laine et de fil, de coton ou de sole, qui entrent dans les étoffes mêlées de ces substances ; le motif de cet intérêt est pris de la loi des douanes (jui accorde des primes très diffé- rentes à l'exportation des tissus de laine pure ou uiéianp^és des autres substances. SU ne s a(jissoit que d étoffes blanches et compo- sées d'une part de laine, et de l'autre de fil ou de coton , Tébullition prolongée dans la soude caus- tique en dissolvant toute la laine donneroit un moyen simple de résoudre le problème; mais la soie, matière animale, se dissout comme la laine dans les alcalis caustiques, et le coton ou le fil de- viennent solubles lorsqu'ils ont été teints par cer- tains procédés. On n'a donc point encore découvert de procédé qui réponde à tous les cas. Lors de la reconstruction du théâtre del'Odéon après son dernier incendie, l'administration exigea, pour retarder ou amoindrir les effets d'un nouvel accident, que le théâtre fût séparé de la salle par un gros mur qui n'auroit d'ouverture que celle de la scène; et Ton avoit proposé de compléter cette mesure au moyen d'un rideau de tôle que l'on pourroit baisser au moment où soit le théâtre, soit la salle, prendroit feu. L'on espéroit de pouvoir ET MÉTÉOROLOGIE. 26 I préserver ainsi Fune des deux moitiés du bâtiment ; mais M. Darcet fit observer que ce rideau prendroit bientôt une chaleur rouge, qu'il deviendroit ainsi lui-même un moyen de propager l'incendie, qu'en même temps il empêclieroit de jeter de l'eau de la partie intacte de l'édifice dans la partie enflammée ; enfin, et sur- tout, qu'il empêcheroit un courant d'air qui se manifeste d'ordinaire quand c'est le théâtre qui prend feu de la salle vers le théâtre, et qui en refoulant les flammes du côté où elles ont commencé est très favorable soit à la sortie des spectateurs, soit même à la préservation de la salle. 11 proposa d'y substituer un rideau de toile métalli- que qui, sans avoir aucun de ces inconvénients, suffiront pour empêcher les flammèches et les débris enflammés de tomber d une partie de l'édifice dans l'autre. Cette mesure, adoptée en partie dans le temps à rOdéon, vient de l'être complètement au théâtre de la Nouveauté, et il est à désirer qu'elle le soit bien- tôt dans toutes les salles de spectacle. Dans le cas où un incendie éclateroit de manière à ce que Ton désespérât de sauver la partie incendiée, M. Darcet recommande d'y ouvrir à lair autant d'issues qu'il sera possible, afin de déterminer plus puissamment le courant dont il attend un effet si favorable pour la partie opposée. MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE. ANNÉE 1809. M. Guy ton nous a fait connoître une nouvelle forme cristalline du diamant. On sait que celles que présente le plus souvent cette pierre précieuse sont loctaédre rég^ulier et le dodécaèdre à faces rhom- boïdales. La variété que notre confrère a découverte est formée de deux demi-sphéroïdes dont la position retournée, imparfaitement terminée à l'une de ses extrémités, présente de fautre des angles rentrants très prononcés qui caractérisent la forme nommée hémitrope par M. Hatiy. Le même membre, ayant porté ses recherches sur la ténacité des métaux, a été conduit à de nou- velles expériences sur la diminution de pesanteur spécifique du plomb par lecrouissement constatée par Muschembroeck , et dont la cause étoit restée inconnue. Des flans de ce métal ont été frappés en viroles; et lorsque les coins et les viroles étoient assez justes pour qu'il ne pût s'échapper aucune bavure, et pour que le plomb ne pût pas obéir à la facilité qu'il a de se ramollir, on l'a vu, comme tous les autres métaux, augmenter de pesanteur spéci- fique par cette opération. MIINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE. 263 M. Saj^e a fait part à rinstîtiU de ses recherches sur lemeri et sur les substances qui pourroient le suppléer dans le polissage. Il résulte de ses observa- tions que la chrysolithe de volcans pulvérisée peut remplacer lemeri; tous les artistes qui l'ont em- ployée ont été satisfaits des effets qu'ils en ont obtenus. Les observations d'où la géolo^jie peut tirer les plus grands résultats sont sans contredit celles qui ont pour objet les animaux fossiles, mais particu- lièrement les animaux terrestres. M. Guvier a con- tinué les travaux qu'il a entrepris sur cette impor- tante matière. Il a terminé conjointement avec M. Brongniart la géographie minéralogique des environs de Paris, dont il a déjà été donné un aperçu dans le rapport des travaux de l'Institut fait l'année dernière. Il a ensuite porté ses recherches sur les brèches osseuses des côtes de la Méditerra- née. Ces roches singulières, qui se trouvent à Gi- braltar, près de Terruel en Aragon, à Cette, à An- tibes, à Nice, près de Pise, en Corse, sur les côtes de la Dalmatie, et dans l'île de Cérigo, ont été for- mées dans des fissures du calcaire compacte qui constitue le sol principal de ces divers lieux, et el'ies sont toutes composées des mêmes éléments: c'est un ciment de couleur rouge de brique qui lie con- 264 MIINÉRALOGIE tusément de nombreux fragments d'os et de débris du calcaire où ces brèches sont renfermées. Les os contenus dans ces rochers appartiennent tous à des animaux herbivores la plupart connus, et même encore existants sur les lieux; ils sont mélangés à des coquilles de terre ou d'eau douce: ce qui por- leroit à penser que ces brèches sont postérieures au dernier séjour de la mer sur nos continents, mais fort anciennes cependant relativement à nous, puisque rien n'annonce qu'il se forme encore au- jourd'hui de ces brèches, et que même quelques unes, comme celles de Corse, renferment des ani- maux inconnus. Les terrains d'alluvion contiennent aussi des os de rongeurs; on en a découvert dans les tourbières de la vallée de la Somme avec des bois de cerf et des têtes de bœuf, et dans les environs d'Azof, près de la mer Noire. Ces os ont appartenu à des espèces de castors: les premiers ressemblent assez à ceux du castor commun; les autres, qui forment une tête complète, proviennent d'une espèce beaucoup plus grande que celle que nous connoissons ; et M. Fi- scher, qui a découvert cet animal, lui donne le nom de Irogontheriiim, que M. Cuvier adopte comme nom spécifique. Des débris de rongeurs ont aussi été trouvés dans les schistes. On en a décrit de trois espèces. M. Cu- KT GÉOLOGIE. 265 vier en a vu la fî[>ure d'une que quelques auteurs regardoient comme ayant appartenu à un cochon- d'Inde, et d'autres à un putois, M. Guvier a bien reconnu sur ce dessin les caractères d'un rong^eur ; mais il n'a pu en déterminer le genre, et consé- quemment Fespéce. Parmi les os fossiles de ruminants trouvés dans les terrains meubles M. Guvier a reconnu une es- pèce d élan différente de celle que nous connoissons aujourd'hui. Les débris de cet animal ont été re- cueillis en Irlande, en Angleterre, près du Rhin, et aux environs de Paris, dans des lits de marne peu profonds, et qui paroissent avoir été déposés dans l'eau douce. D'autres bois, découverts abondam- ment aux environs dÉtampes dans du sable sur- monté par du calcaire d'eau douce, ont montré l'existence d'une petite espèce de renne qui paroît ne plus se trouver actuellement. M. Guvier a de plus observé des restes de bois de chevreuil, de daim , et de cerf, qui ne lui ont point paru différer essentiellement des bois de nos espèces connues. « Kien, dit l'auteur, n'est plus abondant: les allu- vions récentes en ont toutes fourni; et, si l'on ne trouve pas sur ces bois fossiles beaucoup de témoi- gnages, c'est que nese montrant qu'à de très petites profondeurs ils n'ont rien présenté d'assez remar- quable pour être notés. " 266 MINÉRALOGIE Dans les fossiles de ruminants à cornes creuses il a reconnu des crânes d'aurochs découverts sur les bords du Rhin, sur les bords de laVistule, dans les environs de Cracovie, en Hollande, et dans l'Amérique septentrionale : seulement ces crânes surpassent en grandeur ceux de Taurochs ; mais, comme Fobserve M. Guvier, cette différence pour- roit bien être due à labondance de nourriture qu'avoient autrefois ces animaux lorsqu'ils dispo- soient à leur gré des vastes forêts et des gras pâtu- rages de la France et de l'Allemagne. Il existe une autre sorte de crâne fossile qui ne diffère du crâne de nos bœufs domestiques que par une taille plus grande et par des cornes autrement dirigées. Ces crânes ont été trouvés dans la vallée de la Somme, en Souabe, en Prusse, en Angleterre, en Italie. « Si Ion se rappelle, dit M. Cuvier, que les anciens distinguoient en Gaule et en Germanie deux sortes de bœufs sauvages, lurus et le bison, ne sera-t-on pas tenté de croire que Tune des deux étoit celle de cet article, qui, après avoir fourni nos bœufs domestiques, aura été extirpée dans son état sauvage, tandis que l'autre, qui n'a pu être domptée, subsiste encore en très petitnombredans les seules forêts de la Lithuanie? » On rencontre aussi dans les terrains meubles des os de chevaux et de sangliei s : les premiers accom- ET GÉOLOGIE. 267 pa(^nent presque toujours les éléphants fossiles, et se sont trouvés avec les mastodontes, les ligures, les hyènes, et les autres os fossiles découverts dans les terrains d'alluvions ; mais il n'a point été possible de reconnoître si ces os appartenoientà une espèce de cheval différente de notre espèce domestique. Les os de sangliers ont été tirés pour la plupart des tourbières, et n'offrent aucun caractère qui les distin[|ue des os du sanglier commun. On a encore trouvé d'autres os que M. Guvier a reconnus avoir appartenu à une espèce inconnue de lamantin : ils ont été découverts dans les couches de calcaire marin grossier qui bordent les rives du Layon dans les environs d'Angers, et ils étoient mêlés à d'autres os , dont les uns paroissent provenir d'une grande espèce de phoque et les autres d'un dauphin. Les squelettes de trois espèces de quadrupèdes ovipares fossiles, conservés dans des schistes cal- caires , ont aussi fait l'objet des recherches de M. Guvier. Le premier a été trouvé dans les schistes d'Oe- ningen , situés sur la rive droite du Rhin , à sa sortie du lac de Constance. Il avoit été décrit et figuré comme le squelette d'un homme antédiluvien; mais cette erreur avoit été réfutée. M. Guvier a recherché le genre auquel il appartenoit, et il a prouvé par 908 MINÉRALOGIE une suite d'observations ostéologiques que ce rep- tile avoit de l'analogie avec les salamandres, et qu'il devoit entrer dans le g^enre protée. Le second, trouvé également dans les schistes d'Oeningen, paroît avoir appartenu au genre cra- paud et se rapprocher du bufo calamita. Le troisième et le plus singulier, qui a été décou- vert dans les carrières deTAltHiuld, près d'Aichstedt et de Pappenheini en Franconie, et qui avoit été décrit et figuré par Golini dans les Mémoires de l'Académie de Manheim,est regardé par M. Guvier connue ayant appartenu à une espèce de saurien. La longueur de son cou, celle de sa tête, son long bec armé de dents aiguës , ses longs bras , indiquent que cet animal se nourrissoit d'insectes, et qu'il les attrapoit au vol; enfin la grandeur de ses orbites doit faire supposer qu'il avoit de très grands yeUx, et qu'il étoit un animal nocturne. Il n'existe actuel- lement sur le globe aucun reptile connu des natu- ralistes qui ait le moindre rapport avec cet habitant de l'ancien monde. M. Guvier a publié en outre un supplément à ses mémoires sur les fossiles de Montmartre, dans le- (|uel il donne la figure et la description d'un orni- tholithe beaucoup plus complet que ceux qui ont été publiés juscju'à présent. 11 est probable qu'il appartenoit à la classe des };allinacés, et respèce ET GÉOLOGIE. 269 de ce pays-ci avec laquelle il a le plus de ressem- blance par la grandeur est la caille commune. M. Sa^^e nous a donné la description de quelques carpolithes ou fruits pétri fiés. L'un étoit une amande de noix devenue calcaire, et trouvée à Lons-le- Saulnier; un autre paroît avoir été le fruit d'un muscadier sauvage qui croît à Madagascar et dans quelques unes des Moluques, sa substance étoit aussi devenue calcaire; le troisième paroît avoir appartenu à un genre voisin du durion, il s'est transformé en jaspe. A ces faits nouveaux M. Sage joint quelques unes des observations qui avoient déjà été faites sur les carpolithes, et il conclut que les fruits pétrifiés qu'on trouve dans nos climats sont exotiques. Il entre de plus dans des détails chimi- ques au moyen desquels il explique comment ces pétrifications se sont opérées. ANNÉE 1810. ^ MM. Brongniart et Guvier, dans leur travail gé- néral sur les terrains qui environnent Paris, dont nous avons rendu compte il y a deux ans, avoient découvert autour de cette ville des couches très étendues de pierres, qui ne recèlent que des co- ([uilles d'eau douce , et qui paroissent avoir été dé- posées dans des lacs et des étangs , tandis que l'on croyoit jusqu'à présent que tous les terrains secon- ll-jO MINERALOGIE daires avoient été formés dans le sein des mers; une partie de ces couches est même séparée de l'autre par des bancs marins intermédiaires, ce qui sem- bleroit prouver que la mer a fait une irruption sur les continents qu'elle avoit précédemment aban- donnés, et confirmeroit les traditions de déluge si universellement répandues parmi les peuples. M. Brongniart étendan t ses recherches a reconnu ce terrain formé dans l'eau douce en beaucoup de lieux de France très éloignés de Paris ; il a présenté les caractères minéralogiques qui le distinguent, et les caractères zoologiques des coquilles qu'il re- cèle; il a fait voir qu'un grand nombre de ces co- quilles, quoique appartenant à des genres connus et certainement d'eau douce, sont cependant d'es- pèces inconnues; et comme il se trouvoit dans le nombre quelques coquilles dont les analogues ont été rapportées jusqu'à présent à des genres marins, il a fait voir que cétoit faute d'attention qu'on les avoit laissées dans ces genres, et que les coquilles connues qui portent les mêmes caractères vivent au moins aux embouchures des fleuves. Enfin comme dans un très petit nombre de lieux quel- ques coquilles véritablement marines sont mêlées à des coquilles d'eau douce, M. Brongniart a mon- tré que c'est toujours au plan de réunion des deux terrains que ce phénomène arrive, et il n'y a rien ET GÉOLOGIE. 9/7 1 (1 étonnant qu'immédiatement après les révolutions qui changèrent la nature des eaux les derniers restes de la mer aient pu être mélangés avec les premiers produits de Teau douce, ou réciproque- ment. Ce mémoire établit d'une manière invincible un fait entièrement nouveau pour l'histoire du globe. M. Guvier l'a appuyé par un autre mémoire sur * les os fossiles de reptiles et de poissons des carrières à plâtre des environs de Paris. Ses recherches, qui terminent le travail qu'il continue depuis dix ou douze ans sur les ossements dont nos plâtrières sont remplies, lui ont appris que, parmi les nombreux quadrupèdes de genres inconnus qui ont fourni ces os, il y avoit aussi une espèce de ces tortues molles, appelées depuis peu trionyx, par M. Geof- froy, et qui vivent toutes dans les rivières; deux autres espèces de tortues d'eau douce ordinaire; une sorte de petit crocodile, et quatre espèces de poissons, dont trois sont certainement de genres qui vivent dans l'eau douce, et dont le quatrième pourroit aussi très bien y avoir vécu. On n'a jamais trouvé' aucun débris de reptile ni de poisson dis- tinctement marins. Or sur les bancs de gypse et de marne qui recè- lent ces ossements, et où l'on trouve aussi des co- quilles d'eau douce et des troncs pétrifiés de pal- 272 MINÉRALOGIE miers, reposent des bancs considérables remplis d'une quantité innombrable de produits de la mer; et sur ceux-ci l'on trouve d'autres bancs d'eau douce, mais dont les os et les coquilles ne sont pas les mêmes que dans les bancs inférieurs. îl est im- possible d'avoir des indices plus manifestes et plus clairs d'une révolution. De toutes les pierres formées dans l'eau douce la plus remarquable est celle que Ton appelle mar- bre de Châleau-Landon , et dont on construit l'arc de triompbe de l'Etoile. M. Bron^niart y a reconnu les caractères minéralogiques de cette formation, et, en y regardant de près, il a fini par y en trou- ver les coquilles. En Auvergne , M. Brongniart a observé le ter- rain d'eau douce recouvert par les produits des vol- cans éteints , si nombreux dans ce pays-là. En Alsace et auprès d'Orléans, MM. Hammer et Bigot de Morogues ont trouvé dans ce terrain les ossements des mêmes genres de quadrupèdes que M. Guvier a déterminés aux environs de Paris. MM. Sage et de Cubières ont rappelé l'attention de l'Institut sur un fait particulier de géologie , dont beaucoup de savants se sont déjà occupés, et qui a donné lieu à des conjectures sans nombre. Il s'agit d'un petit temple auprès de Pouzzoles, dont il reste trois colonnes, percées toutes les trois à ET GÉOLOGIE. 2n3 la même hauteur, et à trente pieds au-dessus du ni- veau actuel de la mer, par des dails ou pholades, sorte de coquillag^es qui savent pénétrer dans l'é- paisseur des pierres plongées sous l'eau. Ces colonnes ont-elles été tirées d une carrière placée pendant quelque temps sous les eaux? Mais pourquoi auroit-on choisi des pierres cariées,, €t comment les trous seroient-ils tellement de niveau? Le temple a-t-il été successivement ahaissé et relevé, dans ce terrain volcanique sujet à tant de mouve- ments irréguliers , de manière à rester quelque temps haigné par la mer? Mais comment après de semblables secousses ces colonnes seroient-elles res- tées debout ? Enfin les éruptions volcaniques n'ont-elles point produit quelque digue qui, retenant les eaux, aura enfermé pendant un temps ce temple dans un petit lac , et qui , s'étant rompue , aura rendu le terrain à sa sécheresse naturelle? Il y a des difficultés à toutes ces explications. La plus grande, relativement aux deux dernières, est de savoir comment de telles révol u lions ont pu avoir lieu depuis la construction du temple sans laisser de traces dans la mémoire des hommes; car l'on parle bien d'une éruption arrivée en 1628 , où se forma la colline appelée encore aujourd'hui Monte- Nuovo, et où la mer envahit une partie du rivage; BUFFON. COMPLÈM. T. II. l8 274 MINÉRALOGIE mais on ne fait pas mention de deux révolutions successives. M. de Gubières a trouvé près de ce temple des fragments d'une variété particulière de marbre, dont il a lu à l'Institut la description et l'analyse; il est blanc, demi-transparent, reçoit un beau poli, se dissout difficilement par l'acide nitrique, laisse jaillir des étincelles par le choc, et contient 22 cen- tièmes de magnésie. M. de Gubières, qui le nomme marbre grec magné- sien, penseque c'est celui dont les anciens se servoient pour construire les temples sans fenêtres , où l'on ne recevoit le jour que par la transparence des murs. M. Sage a donné des expériences propres à faire connoître la composition de la plombagine, ou de ce minéral avec lequel on fabrique les crayons an- glois. Selon ce chimiste , elle ne contiendroit point de fer, mais seulement une matière charbonneuse, mêlée d'un dixième d'alumine, et le cinder ou char- bon fossile de Saint-Symphorien , près de T^yon , se- roit, de tous les minéraux connus, celui qui s'en approcheroit le plus. M. Daubuisson, ingénieur des mines, ayant pré- senté à l'Institut un mémoire sur certaines com- binaisons naturelles de l'oxyde de fer avec l'eau , M. Sage a rappelé diverses analyses , où il avoit prouvé que l'hématite brune et l'ocre ou bol jaune ET GÉOLOGIE. 275 contiennent, lune 1 2 centièmes, Tautre un dixième de leur poids d'eau. Le même M. Daubuisson a fait connoîtie un fji- sement singulier d'une mine de plomb. C'est une couche très étendue de galène ou plomb sulfuré, contenue dans un terrain coquillier de formation que cet ingénieur regarde comme récente, tandis que les matières métalliques sont plus ordinaire- mentdanslesterrainsd'ancienneformation. M. Dau- buisson a observé cette mine près de Tarnowitz, en Silésie. Pour connoître réellement l'âge des couches calcaires qui la renferment, il faudroit déterminer les espèces de coquilles qui les remplissent. ANNÉE 1811. Feu M. Abildgaard , professeur à Copenhague , a découvert, il y a quelques années, une combinai- son d*alumine et d'acide fluorique, inconnue jus- qu'alors des minéralogistes. M. Bruun-Neergardt , gentilhomme de la chambre du roi de Danemarck, a présenté une note historique sur cette substance très rare, originaire de Groenland: il décrit des morceaux où elle est entourée d'autres minéraux qui font présumer le genre de terrain qui la recèle. M. Leliévre, membre de l'Institut, a donné une autre note sur la découverte d'un corindon gris , qu'il a faite dans quelcjues morceaux de roches gra- 18. 276 MINÉRALOGIE nitiques qui lui ont été envoyés de Piémont par M. Muthuon, ingénieur des mines. M. Brongniart, correspondant, a complété la description minéralogique des environs de Paris, qu'il avoit entreprise avec M. Cuvier, par un nivel- lement des principales hauteurs du canton qu'il a décrit. On en trouvera les résultats dans l'ouvrage que ces deux naturalistes viennent de publier en commun sur ce sujet, et qui entrera aussi dans la collection des recherches sur les ossements fos- siles que M. Cuvier doit mettre au jour d'ici à quel- ques mois. M. Dauxion-Lavaysse, ancien colon de Sainte- Lucie, a présenté une description géologique de la Trinidad et des autres îles voisines de l'embouchure de rOrénoque. Ces dernières sont basses, et sou- vent inondées par le fleuve dont elles paroissent des alluvions. La Trinidad a un lac qui produit beaucoup de bitume, et vers la côte méridionale la mer vomit aussi de cette substance en deux en- droits. Deux monticules voisins ont de petits cra- tères , et répandent des vapeurs sulfureuses. On y trouve du soufre, de l'alun, et du vitriol cristalli- sés. Dans une autre partie de l'île est une mine de plombagine et de charbon de terre. Du reste la Tri- nidad ressemble tellement à la partie voisine du continent, par la nature de ses roches, qu'il y a ET GÉOLOGIE. 277 tout lieu de croire, suivant M. Lavaysse, qu'elle y a tenu autrefois. Tout y est schiste gris ou argile ; le calcaire et le gypse , si abondants aux Antilles , y sont fort rares. ANNÉE 1812. Les dépouilles fossiles des corps organisés occu- pent toujours les naturalistes. M. Traullé, d'Abbeville, a présenté à l'Institut la tête pétrifiée d'un petit cétacé qui paroît avoir appartenu au genre de la baleine , et que Ton a dé- terrée dans les fouilles du bassin d'Anvers ; M. le comteDejean,sénateur,en a adressé unesemblable, et du même lieu, à l'administration du Muséum d'histoire naturelle. On y a trouvé aussi une grande quantité de vertèbres d'animaux de la même classe, et beaucoup de coquilles. M. Traullé a encore présenté urie portion de mâ- choire inférieure de rhinocéros, trouvée dans les sablonnières de la vallée de la Somme, dans les en- virons d'Abbeville. M. Daudebart de Férussac, jeune militaire, trans- porté successivement par les devoirs de son état dans les parties les plus opposées de l'Europe, a pro- fité de ses moments de loisir pour en observer les fossiles ; et comme il a fait une étude particulière des coquilles de terre et d'eau douce, il s'est atta- 278 MINÉRALOGIE ché de préférence à cette sorte de terrain décou- verte aux environs de Paris par MM. Bron^niart et Guvier, laquelle ne contenant que des coquilles d'eau douce a paru à ces naturalistes ne point de- voir son origine à la mer , comme la plupart des autres terrains secondaires. M. de Férussac a trouvé des terrains semblables, renfermant les mêmes coquilles et composés des mêmes substances , dans le midi de la France, dans plusieurs provinces d'Espagne, en Allemagne ,* et jusqu'au fond delà Silésie; en sorte qu'il n'est guère douteux qu'il ne s'en soit formé par-tout. M. de Férussac, pour donner plus de précision à ses observations, s'est occupé des coquilles elles- mêmes , en a déterminé les espèces avec beaucoup de rigueur, et a donné de bonnes observations sur les variations qu'elles peuvent subir, et plusieurs idées heureuses sur les caractères qui peuvent en distinguer les genres. M. Guvier vient de mettre au jour, en quatre volumes in-4", avec beaucoup de planches , le Re- cueil de tous ses mémoires sur les Ossements Fos- siles de quadrupèdes. Il en décrit soixante-dix-huit espèces , dont quarante* neuf sont bien certaine- ment aujourd'hui inconnues des naturalistes , et dont seize ou dix-huit sont encore douteuses. Les autres os trouvés dans des terrains récents parois- ET GÉOLOGIE. 279 sent appartenir à des animaux connus. Dans un discours préliminaire l'auteur expose la méthode qu'il a suivie , et les résultats qu'il a obtenus. Il lui paroît suivre des faits qu'il a constatés que la terre a éprouvé plusieurs grandes et subites révolutions, dont la dernière, qui ne remonte pas au-delà de cinq ou six mille ans , a détruit les pays habités alors par les espèces actuellement vivantes , et offert pour habitation aux foibles restes de ces espèces des con- tinents qui avoient déjà été habités par d'autres êtres qu'une révolution précédente avoit abymés, et qui reparurent dans leur état actuel lors de cette dernière révolution. ANNÉE 1813. La méthode de l'observation positive devient de plus en plus dominante en géologie, et l'on acquiert chaque jour des notions plus précises sur les ter- rains qui composent les divers pays, sur les lois générales de leur superposition, et sur les corps organisés dont ils renferment des restes. Les couches pierreuses qui ne recèlent que des coquilles d'eau douce, dont MM. Cuvier et Bron- gniart ont découvert une si grande étendue aux environs de Paris, et que MM. Brongniart, Omalius de Halloy, Marcel de Serres, Daudebart de Férus- sac , etc. , ont retrouvées dans une infinité d'autres j8o iMINKRALOGlK coTifrôrs, ont particnliomiiont oxcitérattontion, vt ont onj;aj;r 1rs iiaf ur;îlistos à faire des rochcrches pou!' (lis(iii};iier K\s ('(Xjnillos ilraii tloiico de colles (les (\Hi\ SMuiiiàtres et des eaii\ salées. INIM. de Fé- riissae et Ma réel de Serres ont donné eliaenn ini ménu^iresnr eefte ipiestion. Les espèces senles,dit le premier, j>envent être alK^'^nccs imi prenve, et non les j;enres, car la plnpart des (;enres ont des esptVes marines c\ llnvi itiK^s ; les variétés même ne sont pas induit rent(^s à etndiei', ciw la ménieespécc, d après lt\s observadcMis de lantenr, chanj;e qnel- ipielois de forme an point de tlcNcnir niéc(Minois- saMt^ pcnir tpviici>ni]ne n'anrc^it pas observe sesdil- fVM'(Mits j)assa«;es, ci la diliicnltc^ anj;ment(^ (piand il s'aj;it de déterminer les coipiilles à l état fossile, où r(^pidernu\ les jH^ils, vi tons les antres caractères de pen île soliilitcMMit disparn. Il est des espèces, snr-tont parmi les opercnlées, qni vÎn ent dans K\s deux canx , c{ (pie l'on f ronve en eonsi^puMiceplnsaboiuLunmcnt vers l\Mnboncluire des llenves; et \ou o\i>cv\c parmi les fossiles des traces de cette babitndc, car nos bancs d ean douce conticnniMit en certains (MuliiMts nnc csjhh'C de /)e/(?////(/c, j;cnr(^ (]ni a conlnnic de se tenir ainsi vers les end)oncbnres. M. MarccKle Serres a visite exprès les etan[;s d'eau 5anmàtrc des bistc, (|ui avoit coidondn ces paludines avec un des bulinies de nos terrains deau douce, en avoit conclu ([ue ces derniers son! aussi marins (jue les auties; mais M. de Sojres relève cette méprise, et montre qu'il s'aj;it non senlement d'espèces, mais de (jenres dillerents. Cet observateur a jccbercbé les limites de ces voya{{es des animauv et des plantes de Teau salée vers l'eau douce, et réciprotpicment: il a reconnu qn'aiicnn animal ni même ancune plante ne ré- siste à nn(î salure de buit de{;rés; il a distin(;né, soit parmi les animaux, soit paiini les |)lantes, les espé(*(îs ([ui ne se plaisent aux bords de la mer (ju'à cause du sable (jui s'y tronve, et (pii peuvent vivre aussi dans d'autres endroits sablonneux; celles qui n'y sont attirées et retenues que par le sel, et qui vivent très bien près ou dans les lacs on étan^js salés de l'intérieur des terres; et enfin celles qui ont besoin de la mer telle tjuelle est, et s'en écartent pen . Ces observations prou vent (pi'il n'est pas toujours facile de décider si une coquille est marine ou d'eau douce: juais elles n'infirment en rien le fait des 282 MINÉRALOGIE couches immenses où il n'existe que des coquilles bien reconnues pour être d eau douce ; elles expli- quent même comment l'on trouve aussi de ces co- quilles éparses dans des bancs marins. M. de Serres range les lignites ou bois bitumi- nisés parmi les fossiles qui sont le plus souvent mêlés de ccquilles de terre et d'eau douce; ce qui achève de rendre vraisemblable que ces bois ont crû dans les lieux mêmes où ils sont aujourd'hui en- fouis, et s'accorde avec tous les autres faits qui montrent que la surface actuelle du globe étoit à sec et peuplée d'animaux et de végétaux terrestres avant la dernière irruption des mers. Deux jeunes et habiles naturalistes, MM. Des- marets et Léman, ont retrouvé dans les terrains d'eau douce de nos environs jusqu'à des coquilles de ces petits entomostracés qu'on a nommés cy pris , et jusqu'à des graines du genre de plante connu sous le nom de cliara. Avant eux on prenoit ces graines pour des coquilles, et on leur avoit imposé le nom de gyrocjonites. Le système géologique des environs de Paris, qui a fait l'objet principal des observations et des dé- couvertes de MM. Brongniartet Guvier, est aujour- d'hui étudié avec une grande attention par beau- coup de savants naturalistes. MM. de Tristan et Bigot deMorogues en ont décrit avec soin les parties ET GÉOLOGIE. 283 qui avoisinent la Loire; et M. Omalius de Halloy, ingénieur des mines , en s'aidant de leurs recher- ches et de celles qu'avoit faites plus anciennement notre confrère M. Desmarets , s'est occupé d'en tracer exactement toutes les limites et d en dresser une carte. Les couches de ce système, déposées sur la craie, représentent un trapèze irrégulier et cur- viligne dont le côté méridional , parallèle à la.Loire, longe -cette rivière au sud depuis Gosne jusqu'au- dessous de Blois; le côté oriental passe près des villes de Montargis , de Nemours , de Montereau , de Villenoxe , de Sézanne , d'Épernay, de Laon , de Grépy, de La Fère; le côté septentrional près de celles de Chauny, de Noyon, de Gompiégne, de Glermont, deBeaumont, deGhaumont, et de Gi- sors; enfin le côté occidental descend par Mantes, Houdan, Épernon, Anneau, et longe le Loir jus- qu'auprès de Vendôme, d'où il va rejoindre la Loire à Blois. Tout cet espace est entouré de craie; et la craie, dans laquelle M. de Halloy a reconnu trois modifications hien distinctes , est entourée elle- même, excepté vers la mer, d'un calcaire compacte plus ancien qu'elle qui forme une grande partie du Berri , de la Bourgogne, et de la Lorraine jusqu'aux Vosges, et qui reparoît au-delà de la Forêt-Noire , jusqu'en Franconie et en Hesse. Les formations du système de Paris étendent sur cette craie diverses 284 MINÉRALOGIE ramifications; et la^riculture, l'industrie, toutes les ressources de chaque lieu, sont souvent déter- minées par l'ordre géologique de son sol. M. de Halloy n'a pas mis moins de courage que de sagacité à recueillir les matériaux de son travail, car il a parcouru tout ce pays à pied, visitant les lieux les plus inaccessibles quand il pouvoit en espérer quelque instruction, et ne se laissant effrayer ni par le mauvais temps ni par les mauvais gîtes. • M. Brongniart, correspondant de Tlnstitut, a visité une partie de la France également fort intéres- sante pour la géologie, celle qui forme aujourd'hui le département de la Manche; et M. de Halloy, qui s'y est rendu après lui, a confirmé et complété une partie de ses observations. De la description que M. Brongniart donne des roches de ce pays et de leur position mutuelle, il résulte que ce que l'on y regardoit comme des granités proprement dits appartient à cet autre genre de roche nommé syénitepar M. Werner, et caractérisé par lamphi- hole qui entre dans sa composition aussi bien que par sa formation beaucoup plus récente que celle du vrai granité. Ces syénites de la Manche reposent sur des schistes et sur d'autres roches bien posté- rieures au granité; il paroît même qu'en certains endroits elles ont sous elles du calcaire contenant des débris de corps organisés, fait qui seroit ana- ET GÉOLOGIE. 285 logue à ceux que M. de Buch a observés en Norwége, et d'où Ton poui roit conclure qu'il y a encore eu des précipitations de roches cristallisées après la manifestation de la vie dans les eaux qui envelop- poient anciennement le globe. M. Brongniart, qui s'occupe d'un traité général de géologie, a présenté le plan d après lequel il se propose d'y distribuer les roc/tes, c'est-à-dire ces agrégations de minéraux qui composent la croûte actuelle du globe telle que nous la connoissons. Y appliquant les principes reconnus aujourd'hui par tous les naturalistes, il veut que les bases et les dé- tails de toute sa méthode reposent sur des carac- tères pris dans les roches mêmes et qu'elles portent avec elles, et il rejette tous ceux que l'on pourroit prendre de leur j)osition mutuelle sur le globe, laquelle appartient à leur histoire mais non pas à leur division systématique; il sépare des roches et laisse avec les minéraux simples les matières miné- rales qui paroissent simples à l'œil nu , et dont l'hétérogénéité ne se manifeste que par des lavages et d'autres opérations qui , sans pouvoir être appe- lées des analyses chimiques, altèrent cependant l'apparence et le tissu de ces matières : tels sont les schistes, l'argile, etc. Les roches ainsi réduites, ou, comme s'exprime M. Brongniart, les roches mélangées, se subdivisent en cristallisées et en agré- 286 MINÉRALOGIE (jëes; les premières ont leurs parties en proportions à-peu-près égales , ou bien l'une de ces parties y domine sur les autres : dans le premier cas on établit les genres selon les substances essentielles, c'est-à- dire qui s'y trouvent constamment ; dans le second selon la base, c'est-à-dire la substance dominante: et dans l'un et l'autre cas le nombre des substances composantes et la structure résultante de leur mode d'union servent à distinguer les espèces. Les roches agrégées se divisent selon que le ciment qui les unit est plus ou moins apparent, et selon la nature de ce ciment et celle des grains qu'il empâte. Dans ce travail si important pour servir de base à l'histoire proprement dite des roches l'auteur a conservé presque par-tout les noms que leur a don- nés M. Haùy dans l'arrangement qu'il en a fait au Muséum d'histoire naturelle. M. Brongniart a aussi donné connoissance à l'In- stitut de la division qu'il croit devoir établir entre les roches considérées par rapport aux époques de leurs formations et aux restes de corps organisés qu'elles renferment, et qui sont les indices les mieux marqués de ces époques. Au-dessous de tous les autres se trouvent les terrains granitiques sans corps organisés, les plus anciens que nous connois- sions ; les terrains qui les recouvrent ne contiennent encore des débris d'êtres organisés qu'en petit nom- ET GÉOLOGIE. 287 bre et presque tous de la classe des zoophytes; une troisième série, celle des terrains syénitiques, n'en présente plus, comme si leur production avoit été momentanément interrompue ; dans la quatrième commencent à paroître les coquilles, et principa- lement celles que Ton a appelées cornes dammon, et qui appartiennent à la famille des sèches; les cinquième et sixième classes de terrains se carac- térisent par les gryphites et les cérites, qui domi- nent parmi leurs coquilles. Enfin il est des terrains dont la distribution est tellement irrégulière qu'on ne peut les classer dans l'ordre des temps; ce sont les roches trappéennes d'une part, et de l'autre celles qui résultent des éjections des volcans. Dans tous ces groupes sont mêlés des terrains de transport, produits des mouvements violents qu'occasionoient les révolutions successives , et indicateurs assez justes du moment où chacune a commencé. ANNÉE 1814. Les chutes de pierres de l'atmosphère , depuis qu'on est averti de leur réalité, s'observent si sou- vent que ce qu'elles auront bientôt de plus éton- nant sera la longue incrédulité où l'on a été à leur égard. Encore cette année il y en a eu une très re- marquable dans le département de Lot-et-Garonne , le 5 de septembre , comme à l'ordinaire par un 288 MINÉRALOGIE beau temps, avec une forte explosion et un nuage blanchâtre. Le nombre des pierres a été considé- rable ; on dit qu'il y en avoit une du poids de dix- huit livres. Elles se sont dispersées sur à-peu-près une lieue de rayon. Leurs caractères extérieurs et leur composition sont absolument comme dans les autres pierres de même origine; seulement leur cas- sure a des teintes un peu moins marbrées. Des rap- ports fort bien faits , par deux habiles observateurs d'Agen, MM. de Saint-Amans etLamouroux, adres- sés par le préfet du département, n'ont rien laissé à désirer sur les détails du phénomène. M. le comte BerthoUet a présenté à l'Institut , de la part de M. Tennant, une des pierres tombées en Irlande l'année dernière, et qui ressemblent à toutes les autres, excepté qu'elles contiennent un peu plus de fer. On sait, et nous avons eu plusieurs fois nous- mêmes l'occasion de dire dans nos rapports , que la pierre nommée arragonile fournissoit la plus forte objection que l'on pût faire contre l'emploi de la cristallisation dans la classification des minéraux, parceque les chimistes n'avoient pu trouver aucune différence de composition entre cette arragonite et le spath calcaire ordinaire ou carbonate de chaux, quoique leurs formes cristallines fussent essentiel- lement distinctes. Cette objection paroît levée au- ET GÉOLOGIE. 289 jourd'hui. M. Stromeyer, professeur de chimie à Gottingen, a découvert la présence constante de trois centièmes de strontiane dans larragonite , et il n'y en a point dans le spath calcaire. M. Laugier , professeur au Muséum d'histoire naturelle, a ré- pété cette analyse, et en a obtenu le même résultat. Il reste à savoir comment l'addition d'une si petite quantité de matière composante peut changer aussi complètement la forme de la molécule primitive d'un minéral. On avoit retiré , il y a plus de cent ans , des car- rières d'OEningen, près du lac de Constance, un squelette pétrifié, que Scheuchzer, naturaliste de Zurich, avoit pris pour celui d'un homme, et qu'il avoit fait graver sous le nom (ï/iomnie témoin du dé- luge. Des naturalistes plus récents avoient cru y voir un poisson. M. Guvier, d'après la simple inspection de l'estampe publiée par Scheuchzer, l'avoit jugé d'une espèce inconnue et gigantesque de salaman- dre. Ayant fait un voyage à Harlem , où ce fossile célèbre est déposé dans le muséum de Teiler, et ayant obtenu de M. Vanmarum , correspondant de l'Institut et directeur de ce muséum , la permission de creuser la pierre pour mettre à nu les parties du squelette qui s y trou voient encore enveloppées , M. Cuvier a découvert des pattes avec leurs os , leurs doigts , de petites côtes , des dents le long des BUFFON. COIVIPLÉM, T. II. ly •ji^O MIINÉRALOGIE deux larçes mâchoires , en un mot toutes les par- ties caractéristiques qui ne peuvent plus permettre à personne de douter que ce squelette n'ait en effet appartenu à une salamandre. Il a fait voir à l'Insti- tut le dessin de ce fossile ainsi complètement mis à découvert, qu'il doit adresser avec sa description à l'Académie de Harlem. Le même membre a fait voir une tête récemment déj^agée du gypse de Montmartre de l'espèce d'ani- mal perdu qu'il a nommée palœot/ierium médium. Cette tête étoit complète, et confirmoit tout ce que l'on avoit pu conclure jusqu'ici d'après des frag- ments isolés. M. de Humboldt, associé étranger, a communi- qué l'histoire vraiment étonnante du volcan de Jo- ruUo, qui s'ouvrit en 1759, au Mexique, sur un plateau uni, bien cultivé, où couloient deux ri- vières d'eau froide, et où, de mémoire d'homme, il ne s'étoit pas même fait entendre un bruit sou- terrain. La catastrophe fut annoncée ({uelques mois d'avance par des secousses et des mugissements qui durèrent quinze ou vingt jours. Il y eut ensuite une pluie de cendres et des mugissements plus violents qui déterminèrent les habitants à la fuite. Des flammes s'élevèrent sur une étendue de plus d'une demi-lieue carrée ; des fragments de roche furent lancés à de grandes hauteurs ; la croûte du terrain ET GÉOLOGIE. 291 seîevoit et s'abaissoit comme les ondes; il en sortit une multitude innombrable de petits cônes de six à neuf pieds qui bérissèrent la surface du plateau comme des ampoules , et qui subsistent encore; il s'éleva enfin dans la direction du S. S. E. au N. N. E. une suite de six collines, dont la principale, qui conserve encore aujourd'hui un cratère enflammé, n'a pas moins de 1600 pieds de hauteur. Ces ef- frayantes opérations de la nature durèrent depuis le mois de septembre i -y 5c) jusqu'au mois de février suivant. Des témoins oculaires attestent que le bruit égaloit celui qu'auroient pu produire des mil- liers de pièces de canon, et qu'il fut accompagné d'une chaleur brûlante, dont une partie se con- serve encore à présent ; car M. de Rumboldt a trouvé la chaleur du sol de 20 degrés supérieure à celle de l'atmosphère. Tous les matins des milliers de filets de fumée s'élèvent des cônes et des crevasses de ce grand plateau ; les deux rivières ne roulent plus que de l'eau chaude imprégnée d'hydrogène sulfuré, et la végétation ne fait que de renaître sur ce terrain bouleversé. Ce volcan est à 46 lieues de la mer, et à une dis- tance à-peu-près pareille du volcan actif le plus voi- sin ; et à cette occasion , M. de Humboldt remarque que plusieurs volcans du Nouveau -Monde sont aussi éloignés de la mer que celui-là; tandis que 292 MINERALOGIE dans Fancien on n'en connoît aucun qui s'en éloi- gne à jjlus de douze lieues , et que la plupart sont sur ses bords. Ce savant voyap^eur nous apprend aussi que tous les grands volcans du Mexique se trouvent non seulement à-peu-près sur une même lip^ne transversale à la direction des Gordilières , mais encore, à quelques minutes près, sous le même parallèle, comme s'ils avoient tous été sou- levés sur une crevasse souterraine c[ui aboutiroit d'une mer à l'autre. Il s'est assuré de tous ces faits par des mesures et des déterminations de position aussi exactes que pénibles. Le public en verra tout le détail dans la continuation du célèbre ouvrage où M. de Humboldt a consigné les résultats de son grand voyage en Amérique. ANNÉE 1815. Entre les questions que les savants occupés de la théorie de la terre agitent ordinairement il en est peu de plus difficile ni qui ait occasioné des dis- putes plus longues et plus opiniâtres que celle de l'origine des basaltes et des vakes, sortes de ro- ches que les uns considèrent comme des produits d'anciens volcans , tandis que d'autres les regardent comme déposés dans le liquide général où se sont formées les roches ordinaires, et comme analogues aux trapps des terrains primitifs. ET GÉOLOGIE. 2g3 M. Gordier, inspecteur- divisionnaire des mines et correspondant de l'Acadéinie , ayant porté aussi son attention sur ce grand problème, a imaginé, pour le résoudre, des moyens entièrement nou- veaux. Ses premières réflexions lui firent apercevoir que lapins grande difficulté pour comparer les matières d'une nature contestée, avec celles dont l'origine, soit volcanique ou non volcanique, est incontesta- ble, tient à ce que les unes et les autres se compo- sent souvent de particules tellement mélangées, réduites en pâte d'apparence tellement homogène, qu'il est impossible à l'œil de les discerner. La chimie ne peut venir ici au secours des sens, parcequ'elle confond toutes ces particules dans ses analyses, et ne donne en résultat que la liste totale de leurs élé- ments primitifs, au lieu de distinguer ceux qui appartiennent à chacune de leurs espèces. M. Gordier imagina donc un nouveau mode d'analyse mécanique, qui consiste à réduire d'a- bord en parcelles les espèces minérales dont on peut soupçonner l'existence dans les roches que l'on veut exaininer; à bien déterminer les carac- tères physiques de ces parcelles et ieur manière de se comporter au chalumeau; à pulvériser ensuite les roches dont on fait l'objet de son étude ; à tirer, au moyen du vannage ou du lavage, les diverses 294 MINÉRALOGIE sortes de particules que cette pulvérisation a déta- chées les unes des autres, et à les soumettre aux mêmes épreuves que Ton a fait subir aux parcelles de substances bien connues. Cest, comme on voit, une sorte de minéralogie miscroscopique dont M. Cordier a tiré un excellent parti. Les pâtes pierreuses, reconnues pour des la- ves, et historiquement constatées pour telles, se sont fort bien prêtées à cette nouvelle analyse : leurs particules se sont assez aisément séparées; elles ne lui ont offert qu'un petit nombre de combinaisons, dans lesquelles dominoient tantôt le feldspath , tantôt le pyroxène, et où ils s'allioient en diverses proportions au fer titane; à ces trois éléments con- stants se mêloient, mais d'une manière moins gé- nérale, l'amphibole, l'amphigène, le mica, le pé- ridot, et ie fer oligiste. Les pâtesbasaltiquesd^une origine plus ou moins contestée n'ont pas été plus difficiles à diviser dans leurs parties constituantes, et ces parties ne se sont pas trouvées différentes. Toutes ces pâtes anciennes ou modernes, reconnues ou non pour des laves, sont donc, selon fauteur, des granités microscopi- ques dans lesquels l'uniformité du tissu entrelacé n'est interrompue que par de très petits vides, un peu moins rai'es dans certaines laves que dans d'autres, et qui paroissent, à l'œil nu, des masses ET GÉOLOGIE. içS homogènes où dominent, soit les caractères du pyroxène, soit ceux du feldspath, et qui ne peu- vent plus alors être distinguées qu'en deux sortes. Une partie des scories qui accompagnent les laves pierreuses, et qui sont les premiers produits de la coagulation des matières en fusion, se com- pose aussi de grains^divers, mais plus fins, moins régulièrement entrelacés, et cependant des mêmes espèces que les masses qu'elles recouvrent ; une autre partie plus altérée par l'action du feu se rap- proche davantage de l'état vitrifié: d'autres enfin sont complètement à cet état, mais il leur reste toujours assez de traces de leur origine pour qu'on ne puisse les inéconnoître. Elles se rapportent tou- jours à l'un des deux ordres principaux de combi- naisons, reconnus parmi les laves pierreuses. M. Gordier cherche à expliquer, par la différence d'état des scories, ce phénomène quia frappé plu- sieurs voyageurs, que certains courants de laves restent éternellement stériles, tandis que d'autres se parent promptcment de la plus belle végétation. C'est que les premiers, plus vitrifiés que les autres, se décomposent moins aisément. L'auteur examine aussi les obsidiennes ou verres volcaniques; et, en comparant toutes les nuances de leur plus ou moins de vitrification, il y trouve toujours quelques traces de ce pyroxène ou de ce igS MINÉRALOGIE fieldspatli, principes dominants des deux ordres de lave, et les obsidiennes qui fondent en verre noir lui ont montré des transitions parfaites jus- qu'au basalte le plus dense; en un mot, les obsi- diennes, les scories, les laves, les basaltes, ne dif- fèrent point en composition, mais seulement par les accidents de leur tissu. Il n'est pas jusqu'aux sables et cendres volcaniques où Ton ne retrouve , par le lavage, les mêmes matériaux dont l'agréga- tion forme les laves voisines. M. Cordier a suivi ces matériaux dans les diverses substances après «{u'elles ont été altérées par le temps , et les y a déga- gés des substances nouvelles qui les ont enveloppés ou qui se sont infiltrées dans leurs intervalles; en un mot il n a négligé l'examen d'aucune des modi- fications des produits volcaniques vrais ou contes- tés, et il n'a trouvé nulle part ses régies générales en défaut ; mais lorsqu'il est passé enfin à ces trapps, à ces cornéennes, à ces pétrosilex, en un mot, à ces anciennes rocbes auxquelles on avoit voulu rapporter les basaltes, il n'y a plus reconnu au- cun de ces caractères si marqués qui établissent entre les laves et les basaltes des rapports incontes- tables. La masse de ces anciennes roches n'a point de vides apparents ; à peine y a perçoit -on des grains , et ils ne diffèrent point entre eux pour la couleur; ET GÉOLOGIE. 297 011 ne peut pas les isoler ni en faire l'analyse méca- nique. Par conséquent, si une partie de ces roches se compose de matériaux hétérogènes, il n'est pas possible de déterminer les espèces minéralogiques auxquelles ces matériaux appartiennent. Leur analyse chimique donne aussi d'autres ré- sultats, sur -tout parcequ'elle n'y montre aucune trace de fer titane. Ainsi l'analogie prétendue entre les trapps et les basaltes ne supporteroit pas un examen rigoureux. Quant à l'origine des laves , et aux causes de leur fusion , M. Gordier ne se permet aucune conjecture ; mais, considérant leur masse comme coagulée par une cristallisation instantanée, il résout aisément le problème particuher long -temps débattu : si les cristaux renfermes dans les laves ont été enlevés tout formés aux entrailles de la terre, et enveloppés par elle, ou s'ils se sont formés après coup dans leurs vides, ou enfin s'ils ont cristallisé au même instant que le reste de leur niasse s'est durci ; et l'on comprend aisément que c'est ce dernier parti qu'il adopte. Il termine ce grand et beau travail par une énu- mération méthodique des basaltes et des produits des volcans, rangés d'après leurs matériaux d'agré- gation, et sous les bannières des deux substances «jiii y prédominent, le feldspath et le pyroxène. 298 MINÉRALOGIE Cette nature si mystérieuse des volcans, ces foyers immenses de chaleur, loin de toutes les conditions qui entretiennent la chaleur à la surface de la terre, seront lon^-temps encore un des grands objets de la curiosité des physiciens, et exciteront leurs efforts tant qu'il leur restera quelque espoir de succès. Un jeune minéralogiste, aussi zélé qu'instruit, M. Mes- nard de La Groye, d'Angers, ayant eu occasion en 1 8 1 2 et 1 8 1 3 d'observer de près plusieurs des phé- nomènes du Vésuve, en a dressé un journal d'une exactitude singulière, qu'il a entremêlé de beaucoup d'idées et de suppositions originales. Depuis l'énorme diminution que le cône du vol- can a éprouvée en 1 794 7 où il s'affaissa de plus de 4oo pieds, toutes les éruptions se sont faites par son sommet, ce qui paroît les avoir empêchées d'être aussi abondantes et aussi destructives que celles qui perçoient ses flancs. Le fond du cratère s'est relevé, et il ne seroit pas impossible qu'il vînt à se remplir : d'où M. de La Groye tire cette con- clusion, qu'il ne faudroit pas toujours refuser à une montagne la qualification de volcanique, par- eequ elle n'auroit pas de cratère. Les coulées de laves sont d'autant moins abon- dantes qu'il y a un plus grand nombre de scories et de lapillis lancés par l'éruption. Tout le cône est couvert de ces petites pierres qui y sont bientôt alté- ET GÉOLOGIE. 299 rées par les vapeurs acides, et prennent ces cou- leurs vives et variées qui les font prendre de loin pour des gazons en fleur, et qui ont du moins donné à croire, même à des naturalistes, que le cratère est rempli de soufre; ce qui est si peu vrai qu'il est même rare d'y sentir des vapeurs sulfu- reuses : il s'y élève au contraire de fortes et conti- nuelles exhalaisons d'acide muriatique, et le sel marin y est par-tout en concrétion. M. Mesnard de La Groye prend de là occasion de diviser les volcans en deux classes ; ceux où le sou- fre joue un rôle essentiel, et ceux où domine l'a- cide muriatique. C'est parmi ces derniers qu'il range le Vésuve. Il fait aussi remarquer les fumées continuelles qui s'élèvent des coulées de laves, et qui y annon- cent une grande humidité : elles sont en effet pure- ment aqueuses. On ne voit point de flammes, mais les sables et les pierres embrasés, et la réverbéra- tion du foyer intérieur sur les vapeurs qui en sortent, produisent cette illusion. La lave marche lentement; ses bords refroidis lui forment un ca- nal, et la tiennent élevée au-dessus du terrain toute couverte de scories ; i'I est d'une difficulté extrême de voir sa partie fluide. On sait d'ailleurs que sa chaleur n'a rien qui approche de celle du verre fondu; oar lorsqu'elle enveloppe des troncs d'ar- 3oo MINÉRALOGIE bres, elle ne les cai bonne pas jusqu'au centre. Aussi M. de LaGroye croit-il que la lave doit sa flui- dité à quelque principe qui se consume par le fait même de la fusion, et que c'est à cela que tient la difficulté de refondre celle qui est refroidie. La pleine masse, la partie non boursouflée en scories, a l'aspect tout pierreux ; c'est ce que les Allemands appellent graustein. L'auteur compare les périodes de la fusion des laves à ceux par où passent les sels qui fondent après s'être boursouflés ; il rapporte des faits curieux sur la prodigieuse durée de leur cbaleur, et en conclut qu'elles portent en elles- mêmes le principe de leur échauffement , et qu'elles n'ont pas simplement une cbaleur communiquée. A toutes ces remarques, M. de La Groye joint une relation fort détaillée de la (grande éruption de i8i3, qui produisit une infinité de lapillis et de cendre, mais dont les laves n'arrivèrent pas jus- qu'aux terrains cultivés. Après avoir étudié avec tant de soin les volcans brûlants, M. de La Groye a voulu aussi se rendre compte des motifs que Ion peut avoir pour ranger diverses montagnes parmi les volcans éteints, et il en a visité une que de Saussure et d'autres grands géologistes a voient déjà placée dans cette classe, mais où les neptunistes obstinés trouveioient en- core bien des pn'textes pour appuyer leurs doutes. ET GÉOLOGIE. 3oi C'est la montag^ne de Beaulieu , à trois lieues en- viron d'Aix en Provence. Les inégalités du sol qui l'environne représentent des traînées comparables aux courants de laves ; son étendue est de 1 200 toises de longueur sur 6 à y 00 de largeur, son élévation moyenne au-dessus de la mer de 200; ce qui l'en- toure est calcaire à une distance indéfinie : vers l'est sont les battes basaltiques, qui semblent former le noyau de tout le système ; mais dans la partie ba- saltique même il y a aussi des coquilles marines et beaucoup de calcaire. Les amygdaloïdes et les ba- saltes en sont recouverts en plusieurs endroits ; en d'autres, leurs fragments en sont empâtés, et com- posent avec ce calcaire une sorte de brécbe; il a souvent pénétré dans les cellules des amygdaloïdes. Cependant la roche principale est le grûnstein secondaire des Allemands, composé de feldspath et de pyroxène, quelquefois en si gros grains qu'il ressemble à du granit. Il forme une longue traînée, et l'on passe de cette roche par des intermédiaires comparables à des trapps proprement dits jusqu'au basalte ordinaire contenant du péridot, et dont de Saussure a vu quelques parties divisées en prismes. Il y a aussi de la vake qui sert de base à l'amyg- daloïde , et qui , lorsque ces cellules sont vides , ressemble tout-à-fait à une lave poreuse, mais où elles sont le plus souvent remplies de calcaire, 3o2 MUNÉRALOGIE comme dans le mandelstein des Allemands. On trouve enfin un tuf basaltique rempli de petits ga- lets calcaires et contenant des pyroxènes, des péri- dots, des micas, et ces autres espèces minérales si communes dans les laves. M. Mesnard voit à Beau- lieu jusqu'à un enfoncement qui lui paroîtun reste de cratère. Enfin fauteur, après avoir donné quel- ques raisonnements généraux contre les objections des neptunistes, conclut que cette montagne est le produit d'une éruption sous-marine, et que la mer où elle s'est faite a continué long-temps après à dé- poser du calcaire. De Saussure avoit déjà paru favo- rable à cette opinion ; M. Faujas l'a regardée comme incontestable, et M. Mesnard croit y voir un moyen de concilier toutes les opinions sur les prétendus trapps secondaires, objets de si longs débats. Parmi ces nombreux débris d'organisations in- connues qui remplissent les couches de la terre, il se trouve des empreintes d'animaux d'une singu- lière forme, composés d'une sorte de corcelet et d'un abdomen formé de plusieurs segments, dont chacun est divisé en trois lobes. Les naturalistes leur ont donné les noms d'entomolit/ies et de trilobites; mais ils ne les avoient pas assez distingués entre eux, et ne s'étoient pas occupés de déterminer à quel ordre de couche chaque espèce appartient. M. Brongniart, correspondant et directeur de la ET GÉOLOGIE. 3o3 maniilacture de Sèvres, que l'Institut vient d'ac- quérir au nombre de ses membres pour sa section de minéralogie, à la place de feu M. Desmarets, a présenté un travail sur ce sujet, où, d'après une comparaison exacte des échantillons qu'il s'est pro- curés, ainsi que les auteurs précédents, il montra qu'il existe au moins sept espèces de ces trilobites; que leurs formes principales sont assez différentes pour les répartir dans quatre (genres, lesquels doi- vent tous être rangés dans la classe des crustacés, et dans l'ordre de ceux dont les branchies sont à dé- couvert. La plupart de ces trilobites appartiennent aux plus anciens, c'est-à-dire aux plus profonds, des terrains qui recèlent des dépouilles animales; ils doivent doncavoirétédu nombre des premiers êtres vivants; et en effet à mesure ([u'on aj)proche de la surface on trouve des crustacés plus semblables à ceux que la mer nourrit aujourd'hui ; mais les tri- lobites disparoissent entièrement. M. Giliet-Laumont, membre du conseil des mines et correspondant de l'Institut, a fait voir des a^jates où de petits cercles blanchâtres, disposés en quinconce, simuloient quelque pétrification de la classe des polypiers ; mais ils étoient le produit de l'artifice. M.Laumont, qui avoit remarqué pré- cédemment que des coups, ménagés d'une certaine manière, détachoient d'un bloc de grès des cônes 3o4 MINÉRALOGIE très ré^çuliers, a appliqué des coups pareils à des ap^ates, et y a produit de iiiênie des fissures coniques dont la coupe a offert des cercles entièrement sem- blablesà ceux qui avoient d'abord fait illusion. M. Gordier a publié un mémoire sur les mines de houille de France, et sur les prop^rès que leur exploitation a faits depuis vingt-cinq ans. Il prouve que dans cet intervalle les produits ont plus que quadruplé. Cet ouvrage, très important pour l'ad- ministration, est accompagné d'une carte qui dé- signe l'étendue de nos terrains houillers, les fosses principales qui s'y exploitent, et la direction de leurs divers débouchés : il a été inséré dans le Journal des Mines. Il est encore tombé cette année des pierres de l'atmosphère aux environs de Langres, avec toutes les circonstances accoutumées. M. Pistollet, mé- decin de cette ville, en a recueilli; elles ressem- blent en tout aux autres pierres de même origine, excepté que leur cassure est peut-être un peu plus blanche. M. Vauquelin^ qui avoit été chargé l'année der- nière d'examiner les aérolithes d'Agen, a présenté quelques réflexions sur l'état où se trouvent les principaux éléments de ces sortes de pierres. Une partie de la silice lui paroît y être en combinaison avec la magnésie ; il y a du soufre uni au fer, car il ET GÉOLOGIE. 3o5 donne du gaz hydrogène sulfuré en se dissolvant dans les acides; quant au chrome, il paroît être isolé, et se montre quelquefois en molécules assez grosses pour éloigner toute idée de combinaison. ANNÉE 1816. Le Groenland a fourni, depuis quelques années, une pierre en petits cristaux dodécaèdres d'un vert céladon , que Ton a nommée sodalithe, parcequ elle contient près d\in quart de son poids de soude unie avec de la silice et de ralumine. M. le comte Dunin-Borkowsky , gentilhomme gallicien et minéralogiste aussi zélé qu'instruit , a découvert une variété incolore et en gros prismes de cette même pierre , dans cette partie de la pente du Vésuve appelée Fosso-Grande , si célèbre par le nombre et la variété des minéraux qu'elle a offerts aux collecteurs. La composition de ceux-ci , fort analogue à celle du verre , auroit pu frapper dans des cristaux rejetés par un volcan, s'ils n'étoient accompagnés d'une multitude d'autres espèces qui n'ont rien de commun avec le verre , et si les soda- lithes du Groenland ne se trouvoient pas dans des terrains où Fou n'aperçoit nulle trace de feux sou- terrains. La géologie, dans la forme scientifique à laquelle elle s'est élevée dans ces derniers temps, a moins BUFFON. COMPLÉM. T. II. 20 ~ 3o6 MINÉRALOGIE pour objet d'imaginer, comme autrefois, des sys- tèmes sur les états par où le globe a passé , que de décrire exactement son état actuel , et la position relative des masses qui composent son écorce. On sait que, sous ce dernier rapport, on a distingué ces masses en primitives, c'est-à-dire dans les- quelles on ne voit point de traces de corps o^^gani- sés , et que l'on croit antérieures à la vie ; et en se- condaires, qui toutes sont plus ou moins remplies des débris de ces corps , et qui doivent en consé- quence avoir été formées depuis qu'ils existent. Ces masses sont en outre généralement différentes par leur nature et par les matières qui les composent; l'on a cru même Ion g- temps que ces matières s'é- toient succédé et remplacées d'une manière éga- lement tranchée ; en sorte qu'aucune de celles qui se déposoient avant l'existence des corps or- ganisés ne se seroit déposée depuis , et récipro- quement. G'étoitlà une assertion prématurée que des obser- vations plus exactes ont démentie. On s'est aperçu qu'entre ces deux genres de terrains il en existe de mélangés, en quelque sorte, où d'anciennes ma- tières se reproduisent après que des matières nou- velles se sont montrées ; où quelques corps organisés sont recouverts par des masses de la même nature que celles qu'on croyoit avoir cessé de se déposer ET GEOLOGIE. J07 depuis que la vie s etoit montrée sur le g^lobe. Ces monuments du passage d'un état de chose à un au- tre ont été appelés terrains de transition. Il nVst pas toujours facile de les reconnoître pour tels; et M. Brochant, dans un mémoire publié il y a quelque temps, avoit eu besoin de toute sa saga- cité pour rappeler à cette classe intermédiaire les plus grandes portions de la vallée de Tarentaise , d'autant que l'on n'avoit point découvert alors quel- ques coquilles dont l'existence dans ces roches a confirmé, de la manière la plus flatteuse, les con- jectures et les raisonnements de ce savant géolo- giste. Il a étendu depuis ce genre de recherches , et les a portées principalement, cette année, sur les gypses anciens qui se trouvent en abondance dans certaines parties des Alpes, et dont tous les voya- geurs qui traversent le Mont-Génis ne peuvent man- quer de remarquer d'énormes masses. Après avoir décrit, avec une scrupuleuse exactitude, toutes les circonstances de leur gisement, et avoir souvent contourné les montagnes, sur les flancs desquelles ils se présentent, Fauteur montre leurs rapports de situation et dé nature avec les terrains de transition , et prouve que l'on doit les ranger dans cette classe. Les terrains primitifs eux-niêmes ne sont pas toujours faciles à caractériser : l'irrégularité de leur an. [\oS MINÉRALOGIE position, lenormité des espaces oli il faut (pielque- fois poursuivre leurs rapports , et les variations nuancées de leur composition, offrent de jurandes difficultés. Ainsi M. Brochant a reconnu, par de lonf^s voyaf]^es et de pénibles examens , que les hau- tes cimes des Alpes, depuis le Mont-Cénis jusqu'au Saint-Gothard, et notamment le Mont-Blanc, ne sont point, comme on lavoit cru , de g^ranit propre- ment dit, mais d'une variété plus cristalline et plus abondante en feldspath , d'une roche talqueuse et feldspathique qui domine dans une assez g^rande partie des Alpes , et qui contient souvent des mine- rais métalliques en couches; il s'est assuré, en même temps, qu'un véritable terrain de g^ranit régne sur la bordure méridionale de la chaîne; et, d'après l'analog^ie , il regarde comme très vraisemblable que ce terrain granitique supporte le terrain tal- queux ; d'où il conclut que les hautes cimes des Alpes ne sont point la partie relativement la plus ancienne de ces montagnes. Nous avons rendu compte, dans le temps, d'une disposition fort analogue, découverte dans les Py- rénées par M. Bamond. fi'on doit toutefois remarquer que la primordia- lité du granit, parmi les roches connues, souffre des exceptions. M. de Buch a constaté en Norwége que des granits, évidemment reconnoissables pour ET GÉOLOGIE. 3o9 tels, sont superposés à des terrains que Ton croyoit plus modernes, et même à des terrains à pétrifica- tions. Ce fait a été observé également en Saxe et jusque dans le Caucase. M. de Bonnard , ingénieur des mines de France , qui, par une singularité honorable pour nous, a donné à la géologie la première description com- plète de l'Ertzgeburg , de cette province de Saxe (jui est en quelque sorte la patrie de la géologie; M. de Bonnard s'est attaché, dans cet ouvrage, à déterminer les lieux où le granit est inférieur aux autres terrains, et ceux où il est supérieur à quel- ques uns. On ne peut douter, d'après ses rechei'ches, que le granit de Dohna ne soit dans ce dernier cas , ainsi que Tavoient annoncé des observateurs saxons ; mais , en d'autres endroits , et sur-tout près de Frey- berg, on s'est trop empressé de conclure la supé- riorité du granit, de quelques irrégularités dans la forme de ses masses, dont les parties saillantes se font quelquefois jour au travers des roches qui le recouvrent, il paroît, au reste, que la chaîne qui sépare la Saxe de la Bohême a aussi les granits d'un côté de sa crête, du côté méridional. Cet écrit de M. de Bonnard contient beaucoup d'autres détails précieux sur la nature et la position des terrains de la province célèbre qu'il a étudiée, ainsi que sur les riches filons métalliques qui la par 3lO MINÉRALOGIE courent clans tous les sens, et sur lesquels Findustrie des mineurs s'exerce depuis si long-temps. Sous ces rapports, il est d'un égal intérêt pour la géologie et pour l'art de l'exploitation des mines. M. Héron de Villefosse , aujourd'hui associé libre de l'Académie , a rendu à ce même art un bien grand service , par son ouvrage intitulé de la Richesse Minérale. Le premier volume, qui avoit pour objet l'administration des mines , imprimé dès 1 8 lo , est connu et apprécié depuis long-temps. Le second , où il est traité de leur exploitation , a été présenté en manuscrit à rAcadémie. L'auteur y réunit, à toutes les directions que donnent les sciences nombreuses d'où dérive la théorie, une immense quantité de faits pratiques qu'il a recueillis dans ses voyages et dans l'exercice de ses fonctions, en sorte que les préceptes y sont appuyés d'exemples qui n'ont rien d'imaginaire, mais qui sont tous réalisésen quelques lieux. Un magnifique atlas offre à l'œil tout ce que ces exemples ont de sensible : on y voit des cartes géologiques de Hartzwald et de la Saxe, les pays les plus célèbres par l'ancienneté de leurs mines; des plans et des coupes de toutes les manières d'être du minerai dans le sein de la terre, ainsi que des voies que l'art a su ouvrir pour len retirer, et des méca- niques de tous genres que l'on emploie à cet effet; et presque tous ces matériaux sont inédits et ras- ET GÉOLOGIE. 3l l semblés sur les lieux par Fauteur. On ne peut met- tre en doute la grande utilité d'un tel ouvrage pour un pays où lart dont il traite est encore si peu flo- rissant. La découverte si importante en géologie, faite par MM. Brongniart et Guvier, de certaines couches pierreuses qui ne contiennent que des coquillages de terre et d'eau douce , et qui ne ne peuvent pai' conséquent avoir été formées dans la mer comme les autres couches coquillières , a excité de nom- breuses recherches dans toute FEurope. Nous avons rendu compte dans le temps de celles de MM. Mar- cel de Serres et Daudebart de Férussac sur les terrains d'eau douce de diverses contrées de France, d'Espagne et d'Allemagne; on en a fait d'analogues et fort étendues en Angleterre. Cette année, M. Beu- dant , professeur à Marseille , a considéré cette ma- tière sous un nouveau rapport. Gomme on trouve en quelques endroits des coquilles d'eau douce mê- lées à des coquilles marines, il a cherché à décou- VFir par l'expérience jusqu'à quel point les mollus- ques d'eau douce peuvent s'habituer à vivre dans l'eau salée, et réciproquement jusqu'à quel point les mollusques marins peuvent supporter Feau douce. Il a trouvé que tous ces animaux meurent promptement quand on change subitement leur séjour, mais qu'en augmentant par degrés la salure 3l2 MIINÉRALOGiE de l'eau pour les uns, et eu la diminuant par de- grés pour les autres, on les habitue, pour la plu- part, à vivre dans une eau qui ne leur est pas na- turelle. Quelques espèces résistent cependant à ces tentatives, et ne supportent point de variations dans l'eau qu'elles habitent. La nature indiquoit d'avance ces résultats; cer- taines huîtres, certaines écrites, la moule commune, remontent assez liant dans les fleuves, et Ton voit quelques limnées dans des endroits où l'eau parti- cipe beaucoup de la salure de la mer. M. Marcel de Serres a donné la suite de ses pre- mières recherches sur ces terrains d'eau douce , dont nous avons rendu compte dans notre analyse de i8i3. îl a fait connoître principalement, cette année, une formation de ce genre, qu'il regarde comme plus nouvelle que toutes les autres, et qu'il a découverte dans sept lieux différents des environs de Mont])ellier. Ses observations se rattachent en partie à celles de M. Beudant: il distingue les es- pèces des environs de Montpellier en celles qui ne paroissent pouvoir vivre que dans les eaux douces ; celles qui peuvent subsister dans des eaux saumâ- tres, dont le maximum est de 2° y 5 ; enfin celles à qui les eaux marines paroissent nécessaires. Il ex- plique par-là quelques mélanges fort rares des dé- bris de ces êtres. ET GÉOLOGIE. 3l3 Le terrain qu'il décrit se compose d'abord en quelque sorte de deux étag^es renfermant des co- quilles différentes. Le supérieur en contient de terrestres en même temps que d'aquatiques. La for- mation nouvelle est appliquée à la surface de terrains divers, et principalement sur le haut des collines ou des plateaux. On y voit beaucoup de coquilles terrestres et d'empreintes de végétaux parfaitement semblables aux espèces qui vivent actuellement sur le même sol. A mesure que l'on approfondit en Europe les mé- thodes d'observation j^éolorjique , il se trouve des naturalistes zélés qui les appliquent aux pays plus éloif^nés, et qui y retrouvent la nature fidèle aux mêmes lois. Nous avons parlé plusieurs fois des immenses travaux de M. de Humboldt sur la structure et lelé- vation respective des montagnes des deux Amé- riques. Ce savant voyageur a semblé préluder à des travaux non moins importants par un tableau des résultats obtenus dans l'Inde, sur la hauteur de di- vers pics de cette immense chaîne connue des an- ciens sous le nom d'Imaiis, et où les Indous ont placé les principaux faits de leur mythologie. D'après les mesures trigonométriquesdeM.Webb, ingénieur anglois, quatre de ces pics seroient plus élevés que le Ghimboraço, et l'un d'eux, la plus 3l4 MINÉRALOGIE baute montagne connuejusqu a cejour sur leglobe, auroit4oi3 toises, ou -7821 mètres; et même, selon d'autres calculs, 4^01 toises, ou 818^ mètres. M. de Humboldt fait dans ce mémoire un usage beureux des lois de la géograpbie végétale, pour suppléer aux mesures de b auteur de certains pla- teaux que Ton n'a point encore pu prendre immé- diatement ; et , lorsque telle ou telle plante se cultive dans un lieu, il détermine, d'après la latitude ^ quelle bauteur le plateau sur lequel ce lieu se trouve ne peut avoir dépassée. Ce sera un sujet curieux de vérification pour les voyageurs, qui, d'après les nom- breux rapports qui s'établissent, vont sans doute de plus en plus visiter ces vallées et ces montagnes de rimaus, ce Tbibet , ce Boutan , ce Népaul , les contrées les plus intéressantes peut-être du monde pour l'bistoire du genre bumain, si comme tout l'annonce c'est de là que notre race est descendue. Dans un espace plus borné , M. Moreau de .Ton- nes, nommé depuis peu correspondant, n'a pas laissé que de faire des observations utiles. Il a pré- senté à l'Académie une carte géologique d'une par- tie de la Martinique où sont marquées avec un grand soin les bauteurs des montagnes et des col- lines qui la bérissent., et principalement du volcan éteint qui paroît avoir donné naissance à ces inéga- lités qu'il domine. ET GÉOLOGIE. 3l5 L'auteur a étendu ses recherclies à la ^oéologie d'une grande partie des Antilles. Des pics volcani- ques occupent les centres élevés de ces îles, et se nomment mornes ; les crêtes de laves qui en sont découlées s'appellent barres, et l'on désigne par la dénomination de plainiers les plateaux qu'elles ont formés en s'étalant à leur partie inférieure. Les îles où il ne se trouve qu'un pic et un seul système de déjections, telles que Saba , Nièves , Saint-Vincent , sont plus petites , moins importantes pour l'agriculture. Elles n'ont point de bons ports, parceque ces ports ne sont que l'extrémité des val- lées laissées entre deux ou plusieurs systèmes, tels qu'il s'en voit à la Guadeloupe , à la Martinique, à la Dominique, à Sainte-Lucie, à la Grenade, etc.; la Martinique, en particulier, paroît devoir son ori- gine à six foyers volcaniques , et montre encore six pics auxquels tout son terrain se rapporte. C'est la topographie et la minéralogie exactes de l'un des six, celui de la montagne Pelée, que nous donne M. de Jonnès. Il croit cette nature volcanique si générale qu'il suppose qu'elle sert de base même à celles des Antilles , qui n'offrent à l'extérieur que des calcaires manifestement coquilliers, telles que la Barbade et la grande terre de la Guadeloupe. La Guadeloupe proprement dite est formée de quatre systèmes d'éruption, un desquels, la Soufrière, a 3l6 MINÉRALOGIE conservé encore quelque activité. M. de Jonnès en donne aussi une description soignée dans une sta- tistique générale de cette île. ANNÉE 1817. Les minéraux, considérés sous un point de vue général, n'occupent essentieilenjcnt que les natu- ralistes ; mais les rapports particuliers d'un grand nombre de leurs espèces avec les besoins et les agré- ments de la société sont pour ainsi dire iniinis. Les moins importants de leurs usages, ceux qui n'inté- ressent que la vanité, produisent encore dans le commerce et dans les relations mutuelles des peu- ples des mouvements que la politique étudie, et que la philosophie ne doit pas dédaigner, car elle en tire toujours quelque profit. Le plus puéril de tous les luxes est bien certainement celui des pierres précieuses, et cependant nous lui devons la pre- mière connoissance de contrées éloignées, et plu- sieurs faits de phvsique dignes de toute notre atten- tion. M. Hatiy, dont les travaux ont donné h la grande minéralogie une face si nouvelle en la sou- mettant aux procédés d'une physique délicate et aux calculs d'une géométrie rigoureuse, a voulu que ces minéralogistes pratiques, qui ne s'occupent que des minéraux de luxe, participassent aussi aux ])rogrès delà science. Il vient de publier un traité ET GÉOLOGIE. Siy des caractères physiques des pierres précieuses, où il donne les moyens les plus sûrs d'en distin- guer les espèces, malgré les altérations que Fart leur a fait subir en les taillant, en les chauffant, ou de toute autre manière; et ce qui étoit plus diffi- cile, malgré toutes les diversités de couleur et de transparencequela nature leur imprime. Genesont là que des accidents ; lessen ce de chaque espèce con- siste dans la forme de sa molécule intégrante, dan s la disposition de ses lames, et dans la nature de ses éléments ; mais on ne pourroit constater ces carac- tères dans une gemme sans la détruire ; on est donc réduit à ceux qui dérivent des premiers et en sont en quelque sorte les indicateurs; savoir, à la du- reté, à la pesanteur spécifique, à la double réfrac- tion, et à lelectrisation, soit par le frottement, soit par la chaleur. C'est sur ceux-là que M. Hauy in- siste dans un ouvrage qui sera également avanta- p^eux et à ceux qui travaillent les pierres précieuses et à ceux qui aiment à s'en parer. Nous avons parlé plusieu^ fois de la grande question élevée entre les cristallographes et les chi- mistes, sur la préférence que méritent les carac- tères offerts par leurs sciences respectives pour la distinction de minéraux, et nous avons cité quel- ques exemples de substances dont la composition 3l8 MINÉRALOGIE chimique varie à un déféré étonnant , quoique leur forme cristalline et plusieurs de leurs propriétés physiques restent les mêmes. On en est réduit à croire que dans ces sortes de cas il se fait un mé- lange purement mécanique, une interposition de substances étranj^ères «entre les molécules du véri- table cristal, lesquelles conservent leurs rapports comme si ces matières hétérogènes netoient pas survenues ; mais dans cette hypothèse on est obligé de reconnoître un fait bien extraordinaire : c'est la puissance prédominante dont certaines substances jouissent, et en vertu de laquelle elles en contrai- gnent d'autres à se plier à leurs formes, à se sou- mettre à leurs lois, quoique ces autres substances aient aussi des formes et des lois cristallines qui leur sont propres, et qu'elles entrent dans le mélange (si Ion veut l'appeler ainsi) en quantité incompa- rablement plus grande que celle à laquelle elles sont ainsi obligées d'obéir. C'est ce que M. Beudant vient de constater par des expériences très exactes qu'il a soumises à l'A- cadémie, n Après avoir reconnu que deux sels s'unissent ra- rement dans les mêmes cristaux, à moins d'avoir un principe commun , il a mêlé différents sulfates pour déterminer lequel l'emporteroit sur les autres. Le sulfate de fer exerce un pouvoir, on oseroit ET GÉOLOGIE. 3l9 dire un despotisme, tout-à-fait étonnant. Il suffit, par exemple, que dans une dissolution de sulfate de fer et de sulfate de cuivre il y ait un dixième du premier pour que la totalité cristallise sous la forme qui lui est propre, et pour que celle du sulfate de cuivre ne s'y montre nullement. Avec du sulfate de zinc il faut un dixième et demi de sulfate de fer pour dominer; enfin, si Ton mélange un quart de sulfate de zinc et trois quarts de sulfate de cuivre, il suffira d'y ajouter deux à trois centièmes de sul- fate de fer pour que le tout cristallise comme si c'étoit du sulfate de fer pur. Pour montrer à quel point ce résultat est fait pour étonner il suffit de se rappeler que la molé- cule intégrante du sulfate de cuivre est un parallé- lipipédeobliquangle irrégulier; que celle du sulfate de fer est un rhomboïde aigu; que M. Haliy soup- (^onne celle du sulfate de zinc d'être un octaèdre ré- gulier, et que les formes secondaires ordinaires de ces trois substances ne se ressemblent pas plus que leurs éléments mécaniques. Gomment ce petit nom- bre de molécules rhomboïdales se rangent-elles fa- cette à facette pour former le cristal général sans être troublées dans leur tactique ordinaire par ce nombre prodigieusement supérieur de molécules tout autrement figurées? comment celles-ci peu- vent-elles être contraintes de se presser, de s'empi- 320 MINÉRALOGIE 1er dans les vastes intervalles des premières, sans aucun ordre relatif à l'attraction de leurs propres facettes? Il v a certainement là des mystères dip^nes de toutes les recherches des physiciens, et d'un ordre bien au-dessus de la question de savoir si l'on doit classer les minéraux par leur analyse ou par leur forme. M. Leliévre, qui avoit trouvé en 1-786 dans une mine de plomb des Pyrénées une substance d'un aspect particulier, qui lui parut d'abord une sorte de calcédoine , en a donné l'analyse faite par M. Ber- thier, ingénieur des mines , qui y a reconnu 44?^ d alumine, î5 de silice, et 4o,5 d'eau. En consé- quence, M. Lehévre la nomme alumine hydratée silicifère. Sa cassure est un peu résineuse; elle happe à la lanfjue; roussie au feu , elle devient friable, et perd 4o pour 1 00 de son poids ; elle ne fond pas au chalumeau ; les acides nitrique et sulfurique la con- vertissent en magma salin. On avoit déjà remarqué plusieurs ressemblances entre les aérolithes et cette célèbre masse de fer natif, observée à la surface de la terre en Sibérie par feu Pallas ; M. Laugier vient d'en compléter l'ensemble dans l'analyse qu'il a donnée d'un frag- ment de cette masse. Non seulement il y a retrouvé ET GÉOLOGIE. 321 le nickel; mais le chrome, dont il a le premier dé- couvert l'existence dans les aérolithes, s'est aussi offert à lui , ainsi que le soufre. Il se fait en quelques endroits de l'Italie et de la Sicile des éruptions d'une vase argileuse et froide, qui sort de terre , s'élève et coule à-peu-près comme la lave ; et l'on a donné à cette espèce de volcans les noms desalsa, de gorgogli, et de boUilori. C'est de l'un d'eux, situé à Sassuolo dans le Modenois, que paroissent être sorties de violentes déjections, ac- compagnées de flammes et de tremblements de terre, dont Pline fait mention. Des auteurs beau- coup plus modernes parlent aussi de flammes, de boue , et de pierres lancées à de grandes hauteurs. Mais Spallanzani , qui en a donné dans ses voyages une description fort étendue , Ta trouvé beaucoup plus tranquille; et M. Mesnard LaGroye, qui l'a visité encore plus récemment, l'auroit presque mé- * prisé, si des phénomènes singuliers de la nature pou voient jamais paroître méprisables à un physi- cien. Un petit tertre de terre argileuse est percé d'une ouverture assez étroite, remplie d'une vase molle , sur laquelle on voit quelques filets de pé- trole. Il s'en exhale continuellement des bulles d'un gaz inflammable, qui est un hydrogène carboné mêlé d'acide carbonique, et il s'en dégage des on- BUFFON. COMPLÉM. T. II, 2 1 322 MINÉRALOGIE des d'une eau salée. Tout autour de cette petite bouche, un grand cercle stérile et salé est le vestige des anciennes éruptions, et montre qu'elles ont dû être considérables. Mais elles n'arrivent que de temps en temps , comme celles des volcans ordi- naires: L'auteur compare cette salze avec deux ou trois autres qu'il a vues dans les environs; avec celle de Macaluba en Sicile, qu'a décrite Dolomieu ; avec une autre plus grande de Grimée, dont a parlé Pallas; et en général avec toutes celles dont il a trouvé des traces dans les différents auteurs. Sans prétendre assigner la cause de ces phénomènes re- marquables, M. Mesnard La Groye se borne à faire remarquer qu'ils sont toujours placés dans le voi- sinage des sources de pétrole, des fontaines ar- dentes, des feux naturels, et près de la limite du dernier calcaire marin. Au reste il dit, ce que l'on voit assez, que les salzes ne supportent aucunie comparaison réelle avec les véritables volcans. Les cavernes dont un si grand nombre de mon- tagnes sont creusées appartiennent aussi aux phéno- mènes remarquables qui occupent le géologiste. M. de Humboldt , qui a voit observé depuis long- temps celles des chaînes calcaires d'une partie de l'Allemagne, n'a pu manquer de porter son atten- ET GÉOLOGIE. 323 tion sur celles de la grande chaîne porphyritique et volcanique des Andes. Ce qui, dans les premières, appartient à l'aciion des eaux semble avoir été quelquefois dans les autres l'effet d émanations ga- zeuses. On voit de ces cavernes auprès de Quito, assez étendues pour servir de refuge et comme de caravanserais aux voyageurs. Elles sont générale- ment peu profondes , et tapissées de soufre. L'é- norme grandeur de leurs ouvertures les fait dis- tinguer aisément de celles qu'offrent les tuffa volcaniques en Italie , aux Canaries , et même dans les Andes. ANNÉE 1818. M. Beudant continue à enrichir la cristallogra- phie de recherches aussi neuves qu'intéressantes. Nous avons vu, l'année dernière, comment, dans ses expériences, un principe salin d'une certaine espèce imprime quelquefois sa forme cristalline k un mélange dont il ne fait pas à beaucoup près la plus grande partie. Il s'est occupé cette année d'une question qui n'importe pas moins à la science des cristaux ; c'est celle des causes qui déterminent un sel dont les molécules primitives et le noyau ont une forme constante à revêtir, par l'accumulation de ces mo- lécules selon des lois diverses, des formes secon- 2 r. 324 MINÉRALOGIE daires si variées que leur nombre étonne quelque- fois l'imagination. Ayant remarqué que les formes secondaires d\ine même substance sont le plus souvent les mêmes dans les mêmes gisements, et dans les lieux où elles se trouvent associées de la même manière à d'autres minéraux, il a jugé que ces formes se- condaires doivent être déterminées par les circon- stances au milieu desquelles se fait la cristallisa- tion. On savoit depuis long-temps, par les expériences de Rome de Lille , et par celles de Fourcroy et de M. Vauquelin, que la présence de l'urée détermine le sel marin à prendre la forme secondaire octaèdre, tandis que dans l'eau pure il cristallise en cubes semblables à ses molécules constituantes. Elle pro- duit un effet inverse sur le muriate d'ammoniac, qui cristallise en octaèdre dans l'eau pure ; elle le fait cristalliser en cube. Un peu plus ou un peu moins de base dans l'a- lun lui imprime des formes secondaires cubiques ou octaédriques ; et ce sont si bien des formes se- condaires qu'un cristal octaèdre d'alun , plongé dans une solution plus riclie en base, s'y enveloppe de couches qui lui donneront en définitive la forme d'un cube. Partant de ces premiers faits, M. Beudant a traité ET GÉOLOGIE. 325 la question en grand, et a soumis la cristallisation des sels à Vépreuve de toutes les circonstances qu'il a crues capables d'influer sur elle ; savoir, i ° les cir- constances extérieures et générales, telles que la chaleur, le poids de l'atmosphère, le plus ou moins de rapidité de l'évaporation , le volume de la solu- tion, la forme du vase , etc. ; 2° Les mélanges mécaniques qui troublent la so- lution en s'y trouvant, soit en simple suspension, soit en précipité sans cohérence, soit sous forme de dépôt gélatineux ; 3*^ Ce qu'il appelle ies mélanges chimiques exis- tants dans les mêmes solutions ; 4° Enfin les variations entre les proportions des principes constituants de la substance cristallisée. Les circonstances du premier genre n'exercent point d'action, si ce n'est sur la grandeur et la netteté des cristaux. Il en est de même des petites quantités de matière qui peuvent rester en suspen- sion permanente dans un liquide. Mais on ne peut pas en dire autant des précipités et des mélanges chimiques. Les cristaux qui se forment au milieu d'un pré- cipité sans cohérence, d'une bouillie déposée au fond du liquide, entraînent toujours une partie plus ou moins considérable des molécules de ce dépôt, et perdent alors ordinairement toutes les 326 MINÉRALOGIE petites facettes additionnelles qui auroient pu mo- difier leur forme dominante. Cette forme arrive à plus de simplicité lorsqu'elle auroit dû être com- pliquée; mais les substances qui auroient sans cela donné des cristaux simples continuent de les don- ner, et ne reçoivent point de modification. Dans un dépôt (gélatineux les cristaux sont rare- ment groupés, mais presque toujours isolés , d'une netteté et d'une régularité remarquables; et ils n'é- prouvent d'autres variations que celle qui résulte de l'intervention chimique de la substance du dépôt. Les variations sont assez nombreuses dans les cristaux qui se forment dans un mélange chimique, c'est-à-dire dans une solution d'une autre substance, même lorsque cette substance ne peut s'unir avec eux. Les phénomènes rapportés plus haut s'y ré- pètent de diverses façons : du sel marin qui cristal- lise dans une solution de borax prend des tronca- tures aux angles solides de ses cubes ; l'alun dans l'acide muriatique prend une forme que M. Beudant n'a jamais obtenue autrement. Si la dissolution peut s'unir en une portion quel- conque au cristal d'une autre substance qui s'y forme, et que néanmoins ce cristal détermine, par sa plus grande énergie, la forme de la molécule constituante, ainsi que nous l'avons vu l'année dernière pour le cas du sulfate de fer, la matière de ET GÉOLOGIE. 827 la solution exerce aussi à son tour quelque influence sur la forme secondaire , et cette influence consiste le plus souvent à la simplifier en faisant disparoître les surfaces additionnelles. Ainsi 3o ou 4o centièmes de sulfate de cuivre se soumettent encore à la cristallisation rhomboédri- que du sulfate de fer, mais en réduisant au pur rhomboïde, sans aucune troncature ni sur les an- gles ni sur les arêtes. Un peu d'acétate de cuivre ramène à cette forme un sulfate de fer, quelque disposé qu'il soit à se com- pliquer de surfaces additionnelles. D'autres mélanges simplifient un peu moins: ainsi le sulfate d'alumine ramène celui de fer à un rhomboèdre tronqué aux angles latéraux , ou à ce que M. Hatiy nomme variété unitaire; et même quand on trouve dans le commerce de la couperose de cette variété, ce qui est assez commun , on peut être sûr, selon M. Beudant, qu'elle contient de l'a- lumine. Enfin les proportions de la base à l'acide, ou dans les sels doubles des deux bases entre elles, produisent a ussi des effets très sensibles sur la forme secondaire sans altérer le moins du monde la forme primitive. C'est ce que nous avons vu plus haut pour l'alun, et ce que M. Beudant a constaté sur pusieurs autres sels. 328 MINÉRALOGIE L auteur de ces recherches en fait des apphca- tions ingénieuses aux phénomènes de diverses sub- stances minérales cristalHsées, sur lesquelles nous ne pouvons pas faire d'expériences directes dans Fétat actuel de la science; et il y fait remarquer de grandes analogies : les cristaux mélangés de sub- stances étrangères sont en général plus simples ; on en voit même dans Tespéce de Vaxinite, ou schorl violet du Dauphiné, dont une extrémité mélangée de chlorite est réduite à la forme primitive, tandis que l'autre, plus pure, est variée de plusieurs fa- cettes produites par divers décroissements. On trouve assez abondamment dans un ravin du Mont-Dor en Auvergne des fragments d'une brèche que sa dureté et ses autres qualités exté- rieures faisoient regarder comme siliceuse , et à la- quelle les minéralogistes n'avoient donné d'atten- tion qu'à cause de quelques parcelles de soufre qui se voient quelquefois dans ses petites cavités. M. Cordier l'ayant soumise à des épreuves va- riées s'aperçut qu'elle donnoit par la chaleur une qua ntité notable d'acide sul furique ; et, d'après cette indication importante, il procéda à une analyse complète, d'où il résulte que cette pierre contient environ 28 centièmes de silice, 27 d'acide suîfuri- que, 3i d'alumine, 6 de potasse, et un peu d'eau et de fer. C'est à peu de chose près la composition ET GÉOLOGIE. 829 de la pierre célèbre de la Tolfa qui donne l'alun de Rome. Et en effet en traitant la brèche du Mont- Dor suivant les procédés en usage à la Tolfa, c est- à-dire en la concassant, la torréfiant, et l'exposant à l'air humide, on a obtenu de 10 à 20 pour cent d'un alun très pur; elle en donne même sans la torréfier, et par la simple exposition dans un lieu humide. D'après des recherches faites sur les lieux par M. Ramond, il est probable qu'avec un peu de soin l'on découvriroit, dans la partie moyenne du Mont-Dor, les couches dont les fra juments épars dans ce ravin se sont détachés, et que l'on pourroit y ouvrir des carrières dont l'exploitation ne seroit pas sans avantage. M. Cordier regarde ces sortes de pierres comme une espèce minéralogique dont l'essence consiste- roit dans la présence de l'acide, de l'alumine, et de la potasse. La siUce y est moins essentielle, car il existe à Montrone en Toscane des carrières d'une pierre qui n'en contient point, mais qui a tous les autres principes constituants, et donne les mêmes protluits que celle de la Tolfa. Les variétés de cette espèce, où il entre de la silice, se distinguent aisé- ment par la gelée qu'elles forment quand on les traite successivement par la potasse caustique et l'acide hydrochlorique étendu dans l'eau. 33o MINÉRALOGIE M. Cordier y rapporte plusieurs pierres volcani- ques désignées vaguement jusqu'ici, par les géo- logistes, sous la dénomination générale de laves altérées. Des paysans du département du Lot, conduits par l'appât de prétendus trésors que l'on disoit avoir été enfouis autrefois par les Anglois dans certaines cavernes des environs de Breugue, ont pénétré dans ces cavités, et, ayant creusé et élargi quelques crevasses qui se trouvoient dans leur profondeur, ont découvert un dépôt d'ossements, dont les uns appartenoient à des chevaux , les au- tres à des rhinocéros de la même espèce dont il y ia en si grande quantité des ossements fossiles en Sibérie, en Allemagne, et en Angleterre; les troi- sièmes à une espèce de cerf inconnue aujourd'hui sur le globe, et dont les bois ont quelque rapport éloigné avec ceux d'un jeune renne. Guettard avoit trouvé un grand nombre de ces mêmes bois aux environs d'Etampes. Ces témoins importants des révolutions de notre continent ont été recueillis par M. Delpont, pro- cureur du roi à Figeac, et présentés à l'Acadétnie par M. Guvier. Ils sont déposés au Cabinet du roi. M. Palisot de Beauvois a entretenu l'Académie d'un phénomène géologique assez singulier qu'il a observé dans le comté de Rowan, province de la ET GÉOLOGIE. 33 I Caroline dîi nord. Au milieu d'une colline d*un sable très fin , entremêlé de petites pierres de quartz et de nombreuses parcelles de n;iica argenté, se trouve une veine de pierres disposées si régulière- ment que les habitants, qui l'ont remarquée depuis long-temps , lui donnent le nom de mur naturel, et que des naturalistes ont même prétendu depuis quelque temps que c'étoit un véritable mur qui pouvoit avoir été construit à des époques reculées par quelque peuple aujourd'hui inconnu. Les pierres ont généralement quatre arêtes, sont amin- cies à l'une de leurs extrémités, et ont une petite entaille au-dessous du sommet: elles sont rangées horizontalement. L'espèce de mur qu'elles forment a environ 1 8 pouces d épaisseur ; sa hauteur à len- droit où il est à découvert est de 6 à 9 pieds : mais on Ta suivi en creusant jusqu'à 12 et 18 pieds dans le sol, et on a déjà reconnu qu'il s'étend à plus de 3oo pieds en longueur. Une sorte de ciment argi- leux remplit les intervalles des pierres, et les enduit à l'extérieur, et chacune d'elles est revêtue d'une couche de terre ocracée et sablonneuse. M. de Beau vois en a rapporté quelques unes, qui, examinées par les minéralogistes de l'Acadé- mie, ont offert la plupart des caractères des ba- saltes; mais comme il n'a encore été observé dans les Etats-Unis aucune trace ni de basaltes ni de vol- 332 MINÉRALOGIE cans, et comme le terrain environnant est généra- lement primitif, il seroit possible que ce prétendu mur ne fût qu'une couche de trapp, roche aniphi- bolique très semblable à certains basaltes. Nous avons parlé en 1816 du travail entrepris par M. Moreau de Jonnès pour déterminer la na- ture géologique des Antilles, des idées générales qu'il s'en fait, et des descriptions particulières re- latives à la Martinique et à la Guadeloupe, qu'il a présentées à l'Académie. Il a continué la rédaction de ce travail, et a lu un mémoire sur le Vauclain, l'un des monts les plus remarquables de la Marti- nique, non qu'il soit le plus élevé, mais parceque c'est celui qui sert de point de reconnoissance et qui annonce cette île aux navigateurs. Il n'a point la forme d'un cône creusé à son sommet , mais celle d'un prisme couché ou dîme immense arête ba- saltique, et M. de Jonnès le regarde comme une partie de l'orle et du bord d'un très grand cratère dont il croit avoir reconnu tout le pourtour. Le fond de ce cratère est aujourd'hui une vallée aussi fertile que bien cultivée. Le même auteur a donné une description géolo- gique de la Guadeloupe. Il a reconnu que l'île occi- dentale, où il y a une solfatare en activité, et dont la surface est d environ soixante-sept lieues carrées , doit son origine à des éruptions parties de quatre ET GÉOLOGIE. 333 grands foyers volcaniques sous-marins, et que l'île orientale, connue sous le nom de Grande-Terre, est formée d'une base volcanique recouverte par une grande stratification de calcaire coquillier. A la Martinique les quartiers situés à l'orient sont éga- lement recouverts par des lits de calcaire marin soit coquillier, soit coralin. La seconde partie de la Richesse minérale de M. Héron de Yillefosse, qui avoit été présentée en manuscrit à l'Académie en 1816, a paru imprimée cette année avec l'atlas. Cet ouvrage a justifié le jugement qu'en avoit porté la compagnie, et est devenu le guide indispensable de tous ceux qui s'occupent de l'administration des mines et de leur exploitation. ANNÉE 1819. La branche la plus intéressante, mais peut-être la plus difficile de la connoissance des minéraux , celle qui depuis Pallas , de Saussure et Werner oc- cupe le plus généralement l'attention des natura- listes, c'est la position respective des substances minérales dans les masses qui forment Fécorce du globe. En effet c'est dans leur superposition seule- ment que l'on peut retrouver les traces de leur histoire et les monuments de leur chronologie. Déjà elle nous offre des faits généraux bien consta- 334 MINÉRALOGIE tés, d'où se laisse déduire une première classifica- tion des terrains d'après leur plus ou moins d'an- cienneté; mais lorsque l'on veut fixer les limites de chacune de ces classes principales, et sur-tout lors- qu'il s'agit de distribuer d'après l'ordre de super- position les espèces particulières de terrains qui appartiennent à chaque classe , il s'en faut de beau- coup que les faits recueillis soient assez précis et assez nombreux. Souvent toute apparence d'ordre échappe à l'observateur, et ce n'est qu'après des recherches pénibles et des combinaisons délicates qu'il parvient à renouer le fil qui s'étoit brisé dans ses mains. On peut très bien juger de cet état de la science dans un ouvrage que M. de Bonnard, ingénieur en chef des mines, a présenté à l'Académie, et qu'il a intitulé Aperçu géocjnostique des terrains. C'est un exposé des diverses roches connues, des positions où chacune d'elles se rencontre, du plus ou moins d'étendue qu'elles occupent, et des fossiles que contiennent leurs lits. L'auteur a mis à profit les observations les plus récentes des autres géolo- gistes, et celles qu'il a faites lui-même dans de nombreux voyages. Il seroit bien difficile d'analyser ici un ouvrage qui n'est lui-même qu'une analyse fort concentrée. Nous en présenteronsseulement les résultats principaux. On y voit qu'à l'époque reculée ET GÉOLOGIE. 335 OÙ se formoient les terrains primordiaux le liquide déposoit quelquefois encore, à deux et trois re- prises, les mêmes substances qu'il avoit déposées d'abord . Les irré(}ularités, les répétitions des roches, deviennent plus fréquentes à la seconde époque, lorsqu'il se dépose aussi des bancs composés des débris des roches primitives , et lorsque les roches qui domineront à l'époque troisième commencent à se montrer. A mesure qu'on avance vers les temps récents les roches deviennent moins caractérisées, ou plutôt les minéralogistes, donnant moins d'at- tention à leurs différences, ne les distinguent plus d'une manière aussi claire. Il arrive enfin une quatrième époque où il ne se forme plus de ces couches générales qui embrassent presque tout le globe, mais seulement des dépôts partiels qui sem- blent s'être précipités dans des bassins séparés les uns des autres. M. de Bonnard fait connoître les roches qui ap- partiennent à chacune de ces grandes classes, non plus par ordre de formation, parcequeles retours, les répétitions, lui auroient donné trop de diffi- cultés, mais d'après leur nature minéralogique , ce qui s'écarte peut-être un peu de son plan pri- mitif : mais la géognosie en est là; le temps seul et les efforts d'observateurs doués de génie peu- vent découvrir des lois qui permettront à la mé- 336 MINÉRALOGIE thode de descendre jusqu'aux lits les plus particu- liers. M. Brongniart a montré par un exemple curieux qu'en effet les mêmes lits , contenant des fossiles de même nature, se trouvent quelquefois sur les points de la terre les plus éloignés avec des circon- stances dont la similitude va jusqu'à la minutie. M. Hozack, médecin et naturaliste américain, avoit adressé à l'Académie une empreinte de cette espèce singulière de crustacé inconnue aujour- d'hui dans les mers, et qui se rencontre assez fré- quemment pétrifiée, à laquelle on a donné le nom de trilobite. M. Brongniart, qui avoit fait depuis long-temps une étude particulière de ce genre de fossiles , avoit montré que tous les terrains où il existe appar- tiennent à la classe dite des terrains de sédiments anciens , et que les différences spécifiques qu'il pré- sente sont en rapport avec le plus ou moins d'an- cienneté des dépôts qui composent ces terrains. Ce que Ton a observé sur les triiobites d'Amérique est en accord parfait avec le résultat des observations faites dans l'ancien monde. M. Rigollot, membre de l'académie d'Amiens, a adressé des observations sur un genre de fossile ET GÉOLOGIE. 337 plus commun , sur des dents d'éléphants et de rhi- nocéros déterrées à la porte d'Amiens dans des couches de (^ravier. La vallée de la Somme, comme beaucoup d'autres, est remplie de ces "sortes de débris organiques ; et déjà plusieurs fois nous avons eu occasion d'en parler d'après les recherches de M. Traullé, correspondant de l'Institut à Abbeville. Nous devons à M. Brochant un traité élémentaire sur la cristallisation, que l'auteur a inséré dans le Dictionnaire des Sciences naturelles. Tous les faits que cette partie importante de 1 histoire des minéraux doit aux longues et savantes recherches de M. Haûy sur les formes des cristaux et sur la manière dont celles de chaque espèce peuvent être ramenées à une forme primitive constante sont exposés dans cet ouvrage avec méthode et clarté. L'auteur y a joint les résultats des nouvelles expériences de M. Beudant sur les causes extérieures et intérieures qui peuvent déterminer dans chaque espèce la pro- duction d'une forme secondaire plutôt que d'une autre. M. Sage, accablé par des infirmités cruelles et nombreuses, ne cesse cependant de donner au pu- blic quelques produits de sa plume. L'Académie a reçu de lui cette année une bro- liUFFON. COMPLÉM. T. H. Ji o o 3 38 MIINÉRALOGl.K chine sur ses découvertes minéralogiques, et un ouvrage qu'il a intitulé : Mélanges historiques et phy- siques. ANNÉE 1820. M. Cordier, dans un mémoire dont nous avons rendu compte Tannée dernière, nous a appris que la pierre d'alun compacte ne se trouve pas seule- ment à la Tolfd et dans quelques endroits de lltalie et de la Hongrie , mais qu'on la rencontre dans plu- sieurs volcans brûlants, et dans les volcans éteints de l'Auvergne ; il a de plus établi cette pierre comme une espèce minéralogique caractérisée. Cette année le même minéralogiste en a décrit les cristaux d'après de beaux échantillons de la Tolfa qui lui ont été communiqués par M. le chevalier de Parga, conseiller detat du roi d'Espagne. Ces cristaux n'excèdent pas trois millimètres. Leur forme primitive est un rhomboèdre de 89° et de 91° d'angles, en sorte qu'à l'œil on la confon- droit avec un cube. Il est sous-divisible dans le sens d'un plan perpendiculaire à l'axe. Outre la forme primitive on en connoît une variété tron- quée par les sommets, et dont la troncature peut aller jusqu'à convertir le cristal en une lame hexa- gone. Leur pesanteur spécifique est de 2,751 -y; leur analyse a donné : ET GÉOLOGIE. 33iJ Acide sulfurique 35,263 Alumine 39,533 Potasse 10,377 Eau ^ . . . 1 4,827 M. Beudant, qui a examiné sur place en Hongrie des roches de la même nature, les a vues au milieu d'autres roches auxquelles elles passent insensible- ment, et qui lui ont paru résulter de la décomposi- tion des pierres ponces, et d'une nouvelle combi- naison de leurs éléments. Elles renferment souvent des débris organiques. Les roches appelées serpentines ou gabbro des Italiens, et dans les derniers temps ophiolithes, et ces autres roches que les Italiens nomment cjrani- tone et auxquelles on vient de donner le nom d'eu- photides, forment, soit chacune à part, soit asso- ciées l'une à l'autre, des étendues considérables de terrain , et les géologistes les plus habiles avoient pensé jusqu'à présent qu'elles s'enfonçoient tou- jours sous les roches calcaires qui les avoisinent, et appartenoient en conséquence à des formations plus anciennes; on les rapportoit sinon aux ter- rains primordiaux, du moins aux premiers terrains de transition. M. Brongniart , qui a beaucoup étudié la position de ces roches dans son dernier voyage d'Itahe, croil il. 34o MINÉRALOGIE en avoir reconnu des couches bien postérieures à tous les terrains de transition. Il les a vues distinctement en trois lieux diffé- rents de la crête des Apennins; savoir, au-dessus de la Spezzia , au-dessus de Prato , et entre Florence et Bologne, reposant sur des jaspes et sur des bancs de différents calcaires de sédiment et d'agrégation, tels que le calcaire compacte, à grain fin gris brun, traversé de veines spathiques, qui forme en cer- tains endroits une grande partie de la masse des Apennins; le calcaire solide , d'apparence grenue et micacée d'un gris bleuâtre, ap^^elé pietra serena parles Florentins; et cet autre calcaire grenu et mi- cacé, de texture schisteuse, nommé macigno ou bar- de llone. On voit quelquefois entre les lits de ces pierres des noyaux de silex , toujours étrangers aux anciens terrains de transition ; mais ils ne renferment point comme ces derniers des métaux ni des antracites; si on les compare au contraire avec ceux qu'on ap- pelle alpins, et qui sont certainement plus modernes que les terrains de transition , on trouve qu'ils ont avec eux la plus grande ressemblance; ainsi les cou- ches d'ophiolithes placées sur les pierres de nature alpine sont elles-mêmes nécessairement plus mo- dernes que les terrains de transition. A la vérité M. Brongniart a remarqué en quel- ET GÉOLOGIE. ?)/\l ques endroits, notamment au Mon te-Ramazzo, au- dessus de Gênes, que l'ophiolithe y repose immé- diatement sur des terrains talqueux et schisteux anciens, mais il pense qu'en ces endroits les cal- caires qui devroient s'interposer sont venus à man- quer. Il a observé en ce même lieu que le marbre cé- lèbre dans les arts sous le nom de vert de mer^ et qui se compose de calcaire et de serpentine , appartient aux terrains ophiolitbiques. L'auteur nous fait aussi connoître dans le cours de son mémoire que les émanations du gaz hydro- fjène qui entretient les feux si célèbres de Pietra- Mala, entre Florence et Boloj^ne , et ceux de Bari- gazzo, entre Pistoia et Modène , sortent du calcaire arénacé; mais les autres vapeurs, non moins re- marquables, d'une chaleur excessive, et qui portent l'acide boracique dans les petits lacs des environs de Volterre, traversent le calcaire compacte. Quant à l'opinion qui fait le principal objet de son travail, elle est tellement différente de celle de tous les géologistes qui ont jusqu'à présent visité l'Italie que M. Brongniart se demande s'il n'y au- roit pas en ce pays deux formations opliiolithiques. Il est sur-tout porté à le penser d'après une descrip- tion très explicite donnée par M. Brocchi du pro- montoire d'Argentaro près d'Orbiteilo, où il paroi- ^^2 MlINÉRALOGIE troit que la serpentine est bien certainement sous le calcaire. Les géologistes a voient d'abord porté leur atten- tion sur les grandes niasses pierreuses qui forment en quelque sorte l'ossature ou la charpente du globe : les grandes chaînes granitiques ou schis- teuses, les couches de marbres salins, les monta- gnes calcaires d'une grande étendue, avoientétéles o];jets de leurs études ; mais pendant long-temps ils avoient négligé les terrains plus modernes qui forment nos plaines et nos collines inférieures; on peut même avancer qu'il y a vingt ans les détails de ces terrains, les lois de leur composition, étoient à-peu-près inconnus; on les considéroit comme des dépôts de transports locaux et très limités, qui mé- ritoient à peine que l'on s'en occupât, tandis qu'en réalité ils offrent à l'esprit autant et plus de sujets d'observations, de méditations, et même de décou- vertes, queJes terrains primordiaux et ceux qui les accompagnent immédiatement. Les recherches fai- tes aux environs de Paris par MM. Cuvier et Bron- gniai't, celles que d'autres savants ont faites en di- verses parties de l'Angleterre , ont commencé à ouvrir cette nouvelle mine; on a vu que de cer- taines successions d'êtres organisés, des bancs cor- respondants de pierres diverses, remplissent dans 1 ET GÉOLOGIE. 343 un ordre déterminé des espaces infiniment plus considérables qu'on ne Tavoit pensé ; on s'est con- vaincu que i'histoire des hommes elle-même étoit intéressée à ces traces des révolutions qui ont pré- cédé immédiatement l'établissement des peuples; et on s'est livré avec ardeur à une branche entière- ment nouvelle de faits. M. Prévost, élève de M. Brongniart, a étudié dans cette vue les environs de Vienne en Autriche, et il y a retrouvé plusieurs des circonstances les plus importantes reconnues dans nos environs. Le bassin de Paris, renfermé dans une grande excavation de la craie, se compose de trois forma- tions principales: une calcaire d'origine marine, placée inférieurement, et (|ui donne nos pierres à bâtir; une intermédiaire, principalement gypseuse, et qui ne renferme que des produits de la terre et de l'eau douce; enfin une supérieure de nature sa- bleuse de nouveau produite par la mer, et recou- verte encore par une dernière couche de terrain d'eau douce. Le fond du bassin de Vienne, appuyé sur la base septentrionale des Alpes , n'est pas de craie, mais de ce calcaire compacte que Ton a nommé alpin, et fort inférieur à la craie , recouvert de cette espèce de poudingue nommée en Suisse nagelflue ; les ter- rains tertiaires marins qui remplissent ce bassin 344 MINÉRALOGIE sont comme les nôtres recouverts de terrains d'eau douce, mais notre formation gypseuse y manque, et ils ressemblent par leurs coquilles non pas à notre calcaire marin inférieur, mais au supérieur; et à cette occasion M. Prévost, ayant comparé des coquilles de nos deux terrains d'ori^jine marine, y a remarqué des différences plus considérables que ne les avoient aperçues MM. Brongniart et Cuvier dans leur premier travail. Mais des coquilles auxquelles celles des environs de Vienne ressemblent encore plus qu'à celles de Paris , ce sont celles qui remplissent les couclies des collines du pied de rApennin, et que M. Broccbi a si bien fart connoître dans son bel ouvrage inti- tulé : Concinolocjia subapennina. M. Prévost a retrouvé aussi les mêmes coquilles dans beaucoup de terrains superficiels du midi de la France. ANNÉE 1821. M. Cuvier donne une édition nouvelle et entiè-? rementrefond ue de son Histoire des Ossements Fossiles. Le premier volume a paru il y a six mois ; le second et le troisième paroîtront sous peu de jours. Quel- (jues unes des découvertes nouvelles qui entrent dans ces trois volumes ont été communiquées par l'auteur à l'Académie. Telles sont sur-tout une nou- ET GÉOLOGIE. 345 velle et très pelite espèce d'hippopotame fossile , et trois espèces nouvelles de rhinocéros fossiles. Une de ces espèces a des dents incisives , comme tous les rhinocéros d'Asie, une autre réunit à ce caractère celui d'être tout au plus égale au sanglier pour la taille. M. Cuvier a recueilli aussi plusieurs espèces fos- siles de tapirs d'une très grande taille, et jusqu'à six ou huit espèces d'un genre inconnu , voisin des tapirs, et qu'il nomme lopliiodon. Dans son troisième volume, qui traite des ani- maux enfouis dans les gypses des environs de Paris, M. Cuvier ajoutant tous les morceaux qui lui ont été apportés depuis sa première édition , et les présentant dans un ordre plus méthodique qu'il n'avoit pu le faire d'ahord , restitue quinze espèces des genres perdus, qu'il a désignés depuis long- temps sous les noms iïanoplot/ieriiim et de palœot/ie- rium; il fait connoître deux autres genres de pachy- dermes différents des premiers, et qu'il nomme cliœropotame et adapis. Ces mêmes carrières de gypse lui ont fourni plusieurs espèces de carnassiers, deux rongeurs, et jusqu'à huit ou dix espèces d'oiseaux. On sait comhien les oiseaux sont rares parmi les fossiles, et même que ce n'est qu'à Montmartre qu'il en avoit été trouvé d'incontestables. M. Cuvier en a recueilli en effet qui ne laissent aucun doute, 346 MiNÉRALOGlL: et un entre autres qui présente toutes ses parties, le bec , les ailes , le sternum , le bassin , et les pieds parfaitement reconnoissables. On vient aussi d'en découvrir en x\uverp^ne; et M. le comte de Cliabrol, préfet de la Seine, en a donné au Muséum d'histoire naturelle des échan- tillons dont les caractères sont parfaitement as- surés. Le même troisième volume contiendra la des- cription d'un genre de pachydermes entièrement inconnu et fort remarquable, qui vient d'être trouvé dans les lignites de la Ligurie. Ainsi le catalopfue de ces animaux qui habitoient autrefois la surface de la terre, et que les révolu- tions du globe ont détruits , s'étend et s'enrichit chaque jour, et il devient de plus en plus vraisem- blable que cette ancienne population du monde n'étoit ni moins belle ni moins variée que celle qui l'occupe aujourd'hui. On ne peut espérer de retrouver les traces des catastrophes qui ont frappé tant d'êtres considéra- bles que par une étude approfondie des couches et des bancs qui recèlent les débris de ces êtres. C'est à quoi MM. Brongniart et Cuvier ont donné, comme on sait , une grande attention dans le rayon qui se trouvoit à portée de leurs observations. Leur Description Géologique des environs de Pa- ET GÉOLOGIE. 347 ris reparoît augmentée de beaucoup de faits nou- veaux, et M. Brongniart y a sur -tout ajouté un travail d'un grand intérêt. C'est une comparaison des couches de nos envi- rons avec les couches analogues des autres pays ; comparaison d'où il résulte que la plupart de nos couches s'étendent infiniment plus loin qu'on ne l'avoit cru , et en conservant toujours leurs carac- tères, et, qui plus est, les débris des mêmes espèces, soit d'animaux vertébrés, soit de coquilles^ C'est ainsi que dans ia partie de ce travail qui concerne la craie , et que M. Brongniart a lue à TA- cadémie, il retrouve les mêmes coquilles, et dans le même ordre de superposition , en France, en Suisse, en Angleterre, en Allemagne, en Pologne, et jusqu'en Amérique. Dans une autre j)artie de son travail, il fait con- noître les rapports des terrains calcaires et trappéens qui occupent le pied méridional des Alpes de Lom- bardie, avec notre calcaire grossier inférieur. La position relative de ces terrains , que M. Bron- gniart a étudiés en cinq endroits différents, est la même ; on y trouve les mêmes débris organiques ; et il n'est pasjusqu'aux couches de nature trappéenne, auxquelles M. Brongniart ne trouve de l'analogie avec les grains de terre verte si abondamment ré- pandus dans cette partie de nos bancs calcaires. 348 MINÉRALOGIE Les recherches de ce savant minéralogiste sur l'argile plastique qui recouvre la craie , et sur les lignites ou bois fossiles qu'elle contient, ne sont pas moins clignes cle remarque. Ces lignites qui con- tiennent Tambre jaune ont été déposés dans l'eau douce; et par-tout où ils se montrent, c'est avec des coquilles d'eau douce; en sorte que ce grand phé- nomène de renvahissement de la mer sur des pays auparavant peuplés d'animaux et de végétaux ter- restres n'est plus sujet à contestation pour aucune contrée. Dans la nôtre il est certain qu'il a eu lieu au moins à trois époques distinctes. C'est à la se- conde de ces époques que furent submergés les pa- lœotheriuni et les autres quadrupèdes enfouis au- jourd'hui dans nos gypses , ainsi que les palmiers et les autres végétaux qui les ombrageoient ou les nourrissoient. L'histoire de ces végétaux elle-même étoit inté- ressante à faire. M. Adolphe Brongniart, digne fils d'un homme dont les travaux ont si fort avancé la géologie, s'en est occupé. Il a été obligé de chercher aux végétaux des caractères distinctifs, tirés des par- ties qu'ils conservent dans l'état fossile, et qui sont souvent fort différentes de celles que les botanistes étudient le plus; et il est ainsi paivenu non seule- ment à étendre ce que MM. de Schlotheim et de Sternberg avoient déjà donné sur les végétaux fos- ET GÉOLOGIE. 349 siles en général, mais à déterminer particulièrement plusieurs des espèces de nos couches. Ces espèces ne diffèrent pas moins que les animaux des végé- taux qui couvrent aujourd'hui la surface du pays. M. de Férussac , qui s'est tant occu pé de l'histoire des coquilles de terre et d'eau douce, a cherché de nouveau à l'appliquer à l'histoire des révolutions du globe. Il a lu à l'Académie une suite de mémoires géologiques sur les terrains qu'il appelle tertiaires, particulièrement sur les dépôts de cette espèce de charbon de terre qu'on a nommée lignite, et sur les coquilles lluviatiles (jui les accompagnent. Il y décrit ces terrains tels qu'on tes observe dans les divers bassins des rivières de France, en Angleterre, en Italie, dans les Alpes, et croit pouvoir tirer les résultats suivants des faits observés par lui ou par les autres géologues. Selon lui , toutes ces sortes de formations sont lo- cales. T^a succession des divers dépôts marins ou d'eau douce est le plus souvent différente dans des bassins contigus. Les débris de lancienne végéta- tion du globe couvrent des parties considérables de sa surface; on en trouve à toutes les hauteurs et à toutes les latitudes. Cette dernière observation prouve qu'à des élévations ou à un degré de tempé- rature qui ne permettent plus aujourd'hui à la vé- gétation de se développer, elle étoit autrefois très 35o MiKÉRALOGIE forte. Ses débris montrent qu elle étoit analogue à celle qui couvre aujourd'hui la zone où nous vivons ; tandis que les débris des végétaux renfermés dans les parties basses de notre sol sont au contraire analogues à la végétation actuelle de la zone torride. M. de Férussac en conclut que la température de la surface de la terre a notablement changé; qu'il y a eu un refoulement de la végétation des parties éle- vées vers les parties moyennes, et de celles-ci vers les parties basses. Comme la plupart des géologistes du dernier siècle, il rapporte l'anéantissement des races d'animaux perdues aux mêmes causes qui ont fait changer la végétation, c'est-à-dire à l'abaisse- ment de la température et à celui des eaux, bien que l'on sache aujourd'hui que les animaux, tels que les mammouths que l'on croyoit naturels de la zone torride, ont au contraire très bien pu sup- porter le froid , à cause de la laine et des longs poils dont ils étoient revêtus. On avoit trouvé, il y a quelques années, à la Guadeloupe, dans un endroit que recouvre la haute marée, des squelettes humains incrustés dans une roche calcaire; et l'on avoit prétendu en faire an argument contre la proposition assez généralement reçue en géologie, qu'il n'existe point, sur nos con- tinents actuels, d'os humains à l'état fossile. M. Mo- reau de .Tonnes , qui a examiné les lieux , a fait voir ET GÉOLOGIE. 35l que la roche qui contient ces squelettes est d'ori- jOfinetrès moderne, et formée à cet endroit, comme en beaucoup d'autres points du rivage, par Tag- glutination des fragments de madrépores, et d'au- tres parcelles calcaires que la mer y rejette. Ces squeleîtes n'appartiennent donc point à cet ordre d'ossements fossiles qui remplit en si grande abondance les couches régulières et étendues du globe, et ils rentrent dans les phénomènes locaux et accidentels que les causes actuellement agissantes continuent de produire. ANNÉE 1822. L'Académie a eu le malheur de perdre l'un de ses plus illustres membres, M. Hatiy, au moment où il étoit occupé de publier une nouvelle édition de son célèbre ouvrage sur les minéraux : mais le public n'en sera pas privé; tout le manuscrit étoit préparé, et l'impression s'achève sous les yeux de M. Delafosse, l'un des élèves les plus distingués de M. Haily, et celui qu'il avoit choisi depuis long- temps pour le seconder dans les détails de cette grande entreprise. On a déjà deux volumes qui embrassent toute la théorie mathématique de la cristallisation, et trois autres sur la minéralogie proprement dite; le qua- trième et dernier reste seul à paroître. 352 MINÉRALOGIE C'est en portant à ce de^^^ré de perfection un ou- vrage depuis long-temps admiré du monde savant ([ue cet homme de génie a terminé une carrière si féconde pour le développement de l'une des bran- ches les plus importantes et les plus difficiles des sciences naturelles. Les matériaux les plus utiles à la géologie sont les descriptions spéciales et topographiques des divers pays, où Ton note avec soin l'ordre dans le- quel les bancs qui composent leur sol se succèdent, soit dans une superposition horizontale, soit en s'appuyant obliquement les uns sur les autres. Ce dernier genre de succession, propre aux bancs plus anciens, se voit plus facilement qu'ailleurs le long des bords escarpés de la mer, où l'on en suit hori- zontalement un beaucoup plus grand nombre que l'on ne pouvoit faire par des percements verticaux, puisque l'on y voit successivement sortir en quelque sorte de dessous terre des couches qui dans d'autres lieux sont enfoncées à une grande profondeur. Pé- nétré de cette vue, M. ConstantPrevost, naturaliste habile, élève de M. Brongniart, a suivi les falaises de la Picardie et de la Normandie, depuis Calais j usqu'à Cherbourg. Aux deux extrémités de cette ligne, de près de quatre-vingts lieues, on reconnoît les mêmes roches ET GEOLOGIE. 353 et des roches qui appartiennent aux terrains pri- mordiaux, et forment comme les bords de l'im- mense bassin dans lequel se sont déposés les bancs des terrains postérieurs. C'est vers Dieppe c{ue paroît être le milieu de ce bassin, et que l'on ne voit à jour que les bancs les plus superficiels, qui sont presque horizontaux. Des deux côtés se relèvent obliquement les bancs intermédiaires. M. Prévost a présenté un tableau de cette coupe, où une enluminure ingénieuse montre les grandes divisions de terrain avec leurs caractères généraux et leurs dernières subdivisions, et par conséquent tous les faits de détail qui en composent l'histoire. Dans cette série le calcaire coquillier le plus an- cien est celui que caractérisent les huîtres dites grj- p/iées, et que l'on retrouve identique au pied du Jura. Après lui vient le calcaire nommé lias par les Anglois, et ensuite le calcaire oolitldcjne. C'est entre les bancs de ce dernier qu'est interposée cette marne argileuse qui contient une espèce remarquable et inconnue de fossile appelée ichthjosaurus, l'un des reptiles qui aient vécu le plus anciennement sur le globe. La pierre de Portland et les pierres de Caen, si connues par leur facilité à se tailler et leur emploi en architecture , appcfrtiennent à ce calcaire ooli- thique. Sur lui repose la craie avec ses bancs de RUFFON. COMPLRM. T. II aS 354 MlINÉRALOGIE silex ; mais un fait très i emanjuable, et que M. Pré- vost paroi t avoir constaté, c'est qu'on observe en abondance dans certains oolithes des coquilles nommées cérites, et d'autres très communes aussi dans le calcaire grossier, terrain supérieur à la craie, et qui est séparé par toute l'immense épais- seur de celle-ci du terrain oolithique, tandis que la craie elle-même n'en offre aucune trace. On trouve aussi dans l'oolithe des ossements de pois- sons et de reptiles, et nommément d'un crocodile inconnu. Il y a encore une et même deux autres espèces de crocodiles dans les marnes bleuâtres, placées entre le calcaire oolithique et la craie, qu'il ne faut pas confondre avec celles que l'on voit entre l'oolithe et le calcaire à gryphées. Sur la craie se voient quelques lambeaux de nos terrains des en- virons de Paris, et sur-tout de notre terrain d'eau douce inférieur et des lignites qui en forment sou- vent une grande partie. C'est ainsi que M. Prévost arrive à lier par une succession non interrompue les anciens terrains dits primitifs, ou antérieurs à la vie, avec nos ter- rains récents des environs de Paris, décrits avec tant de détails par MM. Brongniartet Cuvier; mais sur ces derniers terrains eux-mêmes M. Prévost a fait encore des observations intéressantes. Ceux de transport, situés à l'est de la rivière de ET GÉOLOGIE. 355 Dive, ne lui ont montré que des débris des silex de la craie et de ses couches les plus profondes , tandis qu'à louest ils ne lui ont offert que des fragments roulés de quartz et de grès appartenant aux couches de transition du Gotentin , qui sont encore de beau- coup inférieures à la craie. Ces divers débris ne viennent pas cependant de la profondeur, mais ils s'expliquent par la première observation de l'au- teur, celle qu'à mesure qu'on se porte vers les extré- mités du bassin on y rencontre les terrains plus anciens et plus profonds qui se relèvent et qui em- brassent les terrains plus récents et plus superfi- ciels. C'est des crêtes redressées de ces terrains anciens que leurs débris ont pu être roulés sur les terrains modernes qui forment des plaines moins élevées. Ce résultat général des observations de M. Pré- vost est accompagné de plusieurs faits de détail dont les conséquences intéressent toute la géologie. Ainsi il a vu dans la craie des silex en couches continues et fort étendues, dont quelques parties paroissent avoir été rompues et déplacées , et d'autres fléchies et diversement courbées ; ce qui annonce qu'à une certaine époque elles ont été dans un état de mol- lesse. Il a constaté que les belles carrières de Gaen , depuis si long-temps célèbres, appartiennent aux 23. 356 MINÉRALOGIE couches supérieures du calcaire oolithique. Il a vérifié à Valognes des dépôts que M. de Gerville avoit déjà fait connoître, et qui contiennent pêle- mêle des coquilles d âges très différents ; mais il a vu aussi que ces dépôts sont dans des vallées étroites ou de longues cavités placées entre des bancs pres- que verticaux de roches primitives, et que les co- quilles y sont dans un ordre inverse de leur an- cienneté et avec toutes les marques d'un transport violent et lointain, sans y être recouvertes par aucune roche. M. Beudant, savant minéralogiste, dont nous avons eu plusieurs fois occasion de citer les travaux, et qui vient d'être nommé professeur à la faculté des sciences de Paris, a fait par ordre du roi, en 1818, un voyage en Hongrie, l'un des pays de l'Europe les plus intéressants par rapport aux nom- breux produits du régne minéral qu'il recèle, aussi bien que par leur disposition géologique, dont on n'avoit point encore de connoissance suffisante. Il a présenté à l'Académie le résultat de ses observa- tions, qu il a fait imprimer depuis en trois volumes in-4^. Il importoit sur-tout de tracer dans ce pays la limite encore incertaine entre les terrains à mine d'or et les terrains dits de tracliyte, et présumés de la plus ancienne origine volcanique. A cet effet ET GÉOLOGIE. 357 M. Beudant a fait de Schemnitz le centre d'excur- sions qu'il a dirigées en divers sens, et qu'il a même portées jusqu'aux mines de sel de Wieliczka en Ga- licie. Des frontières de la Transylvanie il est revenu par Pestli et le sud-ouest du lac Balaton , où il a observé de vastes terrains basaltiques. Une grande carte de tout ce royaume, deux cartes particulières des environs de Schemnitz et de ceux du lac Bala- ton, et dix-sept planches de coupes, représentent ce qu'il a pu déterminer sur la disposition géolo- gique des terrains. Quant à la Transylvanie et au Bannat, l'auteur n'a pu en parler que d'après d'au- tres minéralogistes. Il fait voir que le terrain à mine d'or, formé d'une syénite ou cjrùnslein porphjritique , appartient à la série des terrains de transition , ou tout au plus aux derniers terrains primitifs; et il le juge d'après les couches subordonnées qu'il renferme d'une nature étrangère aux volcans, bien qu'il soit souvent re- couvert par des terrains volcaniques, et qu'il con- tienne des pyioxènes et des feldspath vitreux fort semblables ta ceux des trachytes. Quant à ces der- niers terrains l'auteur en donne une description très détaillée, et distingue avec le plus grand soin leurs différentes variétés, ainsi que toutes les sub- stances qu'ils enveloppent et les couches formées des amas de leuis débris. 358 MINÉRALOGIE Les variétés se succèdent ou plutôt se circon- scrivent dans un ordre assez déterminé, et sont circonscrites à ieur tour par les couches de leurs débris de manière à former des groupes de mon- tagnes qui ont chacune un centre et des irra- diations: c'est dans les couches de débris ou les conglomérats que sont situées les roches d'où se tire Talun, et que sont enchâssées en quelques en- droits ces belles opales si célèbres en bijouterie. Dans ceux de ces conglomérats qui sont formés des débris des roches les plus poreuses, les plus sem- blables à la pierre ponce, se trouvent des bois changés en opale, des impressions végétales, et des coquilles, dont plusieurs ressemblent à celles de nos pierres calcaires. Ce qui est plus extraordinaire c'est que les roches trachytiques contiennent quelquefois en amas irré- guliers de l'argent sulfuré contenant de for. Ces terrains de trachytes ne sont jamais recou- verts que par des terrains tertiaires analogues à ceux de nos environs : ainsi leur formation est rela- tivement assez récente. M. Beudant partage l'opinion de ceux qui attri- buent à ces terrains trachytiques une origine ignée ; mais il regarde comme assez probable qu'ils sont dus à des éruptions sous-marines. En Hongrie ils sont constamment séparés des basaltes. ET GÉOLOGIE. 359 Plusieurs autres observations et discussions dans le détail desquelles il nous est impossible d'entrer ajoutent un p^rand prix à cet ouvrajje, qui a paru aux commissaires de FAcadëniie sedistin^ofuer d'une manière éminente de la plupart de ceux du même genre. L'importance des débris fossiles de corps or^i^a- nisés, considérés comme des monuments des ca- tastrophes du globe, s étend aujourd'hui à toutes les classes. M. Dcsmarets s'est occupé de celle des crustacés, et a présenté à l'Académie un ouvrage, imprimé depuis , où il traite des écrevisses et des crabes trouvés àletatde pétrification. Gomme tous les naturalistes qui s'occupent des fossiles , M. Desmarets a été obligé de découvrir des caractères distinctifs qui pussent se retrouver dans des individus mutilés, et remplacer ceux que les naturalistes ont coutume de tirer et tirent aisément des individus entiers, mais qui par leur nature ont dû presque toujours dispa- roître dans les fossiles. lia donc étudié le test de ces animaux, et a cherché à y distinguer par des déno- minations précises les divers compartiments qui en occupent la surface, et les sillons qui les séparent, aussi bien quà déterminer les rapports du nombre et de la courbure de ces compartiments et de ces 36o MIINÉKALOGIE sillons avec les genres et les sous-^ijenres, ou divi- sions et subdivisions naturelles de ces animaux; idée d'autant plus heureuse que ces compartiments correspondent avec assez de constance à des viscères différents dont les volumes relatifs influent sur l'étendue de ces compartiments, en sorte que le plus ou moins de grandeur de ces derniers est dans un rapport intime avec la nature de chaque animal. Un sillon en forme d'H majuscule placé sur le milieu du test des crabes et des écrevisses , et dont les branches se subdivisent dans diverses directions, partage ce test en trois régions médianes placées à la suite l'une de l'autre, et en trois divisions latérales de chaque côté, auxquelles M. Desmarets donne des noms d'après les organes qu'elles recouvrent; et c'est d'après leurs proportions et leurs positions relatives, jointes à la forme générale, qu'il reconnoît ses genres et ses sous-genres. Il a décrit ainsi jusqu'à trente-quatre espèces de crustacés fossiles, appartenant à des subdivisions zoologiques différentes et enfouis dans des terrains de différentes formations. Les plus anciens se trou- vent dans les schistes de calcaire argileux de la vallée de l'Abninhi, et nommément dans les carrières de Pappenheim. 11 y en a même une espèce à longue queue que l'on ne peut rapporter à aucun des sous- ET GÉOLOGIE. 36l genres connus aujourd'hui , et l'on y en voit une de lunule ou crabe des Molucjues , genre maintenant étranger à l'Europe : mais on n'y a encore découvert aucun crabe proprement dit, ou à queue courte et repliée; ces Crabes deviennent au contraire fort communs dans les couches supérieures. La série de ces animaux commence en quelque sorte où finit celle des trilobites, dont nous avons parlé d'après M. Brongniart dans notre analyse de 1 8 1 9. Elle se continue ensuite dans les terrains plus récents; car il existe des crustacés fossiles dans les couches argileuses inférieures à la craie, dans le calcairegrossier, et jusque dans les derniers terrains d'eau douce. A cet ouvrage, qui est imprimé avec celui de M. Brongniart sur les trilobites, sont jointes de belles planches lithographiées, où fauteur a eu l'at- tention de compléter chaque figure par le rappro- chement d'individus mutilés différemment, mais dont l'identité d'espèce ne restoit pas douteuse. Le travail de M. Adolphe Brongniart sur les vé- gétaux fossiles, dont nous avons parlé l'année der- nière, a aussi été publié avec des lithographies très délicates. Cet art, en se perfectionnant, devient chaque jour plus utile aux sciences naturelles, qui ont tant besoin de moyens peu dispendieux de re- présenter les formes, objet principal de leur étude. 3^2 MINÉRALOGIE M. Latreille a communiqué un mémoire de M. Germar sur un de ces crustacés fossiles. Gest une espèce de cymotlioa, genre voisin des cloportes , qui devoit vivre dans des cavités de roches à la ma- nière de quelques espèces vivantes découvertes de- puis peu sur les côtes d'An(jleterre. On Ta trouvé dans un schiste bitumineux de Saxe. M. Brongniart a découvert auprès de Goulom- miers une pierre analog^ue à celle que l'on nomme vulgairement ecifme de mer, et composée de 24 par- ties de magnésie, 54 de silice, 20 d'eau, et de i ou 2 d'alumine. Un examen attentif des couches entre lesquelles elle étoit placée et des coquilles qui s'y rencontroient lui a fait reconnoître que son gi- sement est dans ce terrain d'eau douce, mélangé de calcaire et de silice, qui dans nos environs est inter- posé entre deux formations marines. D'après cette indication il l'a retrouvée en plusieurs autres points du bassin de Paris; et il s'est assuré que dans plu- sieurs pays éloignés, près de Madrid , en Piémont, et ailleurs, des pierres de même nature se trouvent dans des gisements très analogues. Gest ainsi que les lois géologiques prennent chaque jour plus de généralité. On le voit plus que jamais dans l'immense travail dont M. Brongniart vient d'enrichir la description ET GÉOLOGIE. 363 géolog^iqiie des environs de Paris, qui hii est com- mune avec M. Guvier. Dans ce travail additionnel, entièrement propre à M. Brongniart, ce savant géologiste snit les terrains analog^ues à ceux de Paris dans tous les pays où il a été possible de les observer, et fait voir qu'ils s'étendent sans modification bien importante à de très (^^randes distances. Il a communiqué à FAcadémie l'article qui re- garde les terrains d'eau douce, et principalement ceux de la Suisse et de l'Italie. L'auteur y rapporte ces schistes d'OEningen, près du lac de Constance, si célèbres par les innombrables poissons dont ils recèlent les restes, et qui appartiennent en effet tous à des genres de lacs ou de rivières. Ce gîte de pétrifications se rapporte d'ailleurs à cet immense dépôt de psammites ou de cailloux et sables roulés connu en Suisse sous le nom de nagelflue, et M. Brongniart le regarde comme d'une époque à- peu-près contemporaine, peut-être même posté- rieure à celle des gypses de nos environs. Les carrières de travertin, pierre si utile en Italie pour les constructions, appartiennent également aux terrains d'eau douce ; et il n est en général , dans ce pays, presque aucune petite vallée où l'on n'en découvre quelque dépôt : en sorte que cet ordre de formation, quiétoit à peine soupçonné il y a vingt ans, bien que son influence sur les hypothèses 364 MINÉBALOGIE .«géologiques dût être si puissante , se trouvera , grâce aux travaux de M. Brongniart, l'un des plus répan- dus à la surlàce actuelle du globe. Les découvertes d animaux terrestres détruits par les révolutions du globe , et qui ne peuvent être connus que par leurs débris, se multiplient chaque jour. M. Guvier, qui vient de publier le quatrième volume de son grand ouvrage sur ce sujet, en a communiqué quelques articles à l'Académie avant leur impression. Il lui a fait voir par exemple des os et des dents d'un quadrupède de genre inconnu , découvert par M. Lafin de Turin dans les lif^nites de Gadibona , près de Savone, et qui étoit voisin des sangliers et des hippopotames. On en trouve de deux espèces différentes par la grandeur, et l'on vient aussi d'en découvrir dans quelques endroits de la France des espèces analogues. M. Cuvier a nommé ce genre anthracotherium. Le même naturaliste, ayant constaté que des os fossiles d'une espèce voisine du renne se déterrent en divers endroits de la France, a dû s'occuper de savoir sur quoi repose l'opinion assez répandue qu'il existoil des rennes dans les Pyrénées au dou- zième siècle. Il a reconnu que cette opinion, mise ET GÉOLOGIE. 365 en avant par Buffon , ne venoit que d'une citation tronquée d'un passage du Traité sur la chasse du comte de Foix Gaston III, surnommé Pliébus; et, ayant vérifié dans les manuscrits du temps ce pas- sage que les imprimés rendent d'une manière inin- telligible, il s'est assuré que Gaston n'y parle que des rennes qu'il avoit vus dans ses voyages en Nor- wége et en Suéde. Depuis long -temps on connoissoit différentes espèces fossiles de crocodiles. On en a découvert encore une nouvelle l'année dernière dans ce cal- caire oolithique des environs de Caen, dont nous venons de parler d'après M. Prévost. Un savant na- turaliste de cette ville, M. Lamouroux, en a adressé une notice et plusieurs fragments intéressants; et par les soins de l'Académie des sciences et belles- lettres de Caen il en a été envoyé des modèles en plâtre au Muséum d'histoire naturelle, d'après lesquels M. Cuvier sera en état d'en donner une histoire complète dans le cinquième volume de son ouvrage. Des missionnaires ont rapporté d'Afrique à Lon- dres une tête de rhinocéros à deux cornes, d'une très grande taille, et remarquable par la forme grêle et excessivement alongée de sa défense antérieure : d'après un examen superficiel on l'a voit crue sem- blable à ces têtes de rhinocéros fossiles communes 366 MINÉRALOGIE en Sibérie, en Allemagne, et en Angleterre; ce qui, en prouvant que ces dernières n'étoient pas d'une espèce éteinte, auroit donné des motifs de douter de Textinction de plusieurs autres animaux fos- siles. M. Guvier, par une comparaison plus soignée, a montré au contraire que cette tête africaine res- semble, à la grandeur près, qui venoit sans doute de l'âge, à toutes celles de l'espèce bicorne d'Afri- que, et qu'elle diffère des rhinocéros fossiles autant qu'aucune autre tête de rhinocéros vivants. ANNÉE 1823. M. Guvier, qui a publié cette année le quatrième et la première partie du cinquième volume de la deuxième édition de ses Recherches sur les animaux fossiles, a communiqué à l'Académie plusieurs des articles nouveaux qui entrent dans cet ouvrage. Il a fait voir entre autres les débris d'une espèce in- connue de crocodile , dont quelques squelettes ont été retirés des carrières de pierre calcaire oolithi- que des environs de Gaen ; et des têtes de cétacés d'un genre différent de ceux qui existent aujour- d'hui, déterrées sur la plage de Provence et lors de l'excavation du bassin d'Anvers. Une seule phalange, trouvée dans une sablon- nière du pays d^jDarmstadt, lui adonné la preuve ET GÉOLOGIE. 367 de lancienne existence d'un quadrupède du genre des pangolins, mais d'une taille gigantesque. On parjoit depuis long-temps de squelettes hu- mains incrustés dans un rocher de la côte de la • Guadeloupe, et dont un avoit été déposé au Mu- séum britannique. Le ministre de la marine ayant bien voulu donner des ordres pour en faire appor- ter un autre au Cabinet du roi , M. Guvier la pré- senté à l'Académie, et a fait voir, par les coquilles terrestres et marines toutes semblables à celles de la côte environnante , ainsi que par la situation dans laquelle sont ces squelettes, que la pierre qui les enveloppe est d'origine moderne, et le produit de quelques sources incrustantes qui coulent vers cet endroit. 11 a aussi lu un mémoire sur des têtes humaines d'une épaisseur monstrueuse et d'une dureté exces- sive, qui ont passé aux yeux de quelques auteurs pour des pétrifications, et même pour des restes d'une ancienne race de géants : l'une d'elles , trou- vée en Champagne, est célèbre depuis long-temps, et a été gravée plusieurs fois; l'autre a été tirée d'un ossuaire. M. Cuvier a établi que toutes deux sont des têtes défigurées par une maladie des os que Ton nomme la maladie éburnée, et qu'elles vien- nent même assez probablement d'en^nts à l'âge où ils changeoient de dents. Aucun de ces faits ne peut 368 MINÉRALOGIE donc être cité comme preuve qu'il existeroit des ossements humains dans les couches anciennes et réguUères. Deux jeunes naturahstes partis depuis peu pour l'Amérique méridionale, M. Boussingault, Fran- çois , et M. Rivero , Péruvien , ont déjà communiqué plusieurs ohservations des plus intéressantes. Ils ont reconnu , à 20 lieues nord-est de Santa- Fé, une aérolithe pesant i 5oo livres, qui avoit été trouvée en 1810 sur une colline de grès par une jeune fille, sans que Ton ait rien su de sa chute ; mais on voit encore l'excavation qu'elle a formée, et plusieurs fragments se trouvoient aux environs. Le grain de cette masse est fin ; elle n'a point la croûte vitrifiée ordinaire aux aérolithes. Son ana- lyse a donné 91,41 de fer, et 8,59 de nickel. Ces mêmes naturalistes ont adressé au Muséum d'histoire naturelle des ossements de mastodonte à dents étroites , trouvés près de Bogota , et qui ajou- tent à nos connoissances sur cet animal perdu. Le principal hesoin de la géologie consiste dans la détermhiation positive de l'ordre dans lequel lés divers terrains se superposent les uns aux autres, et l'on ne peutlirriver à la connoissance des lois gé- nérales de cette superposition que par des descrip- ET GÉOLOGIE. 369 tions exactes des contrées clans lesquelles il est j)0ssible d'en apercevoir un certain nombre dans leur ordre naturel. M. BertrandRoux, négociant et naturalisteéclairé, delà ville du Puy-en-Velay^ a entrepris de faire con- noître, sous ces rapports, les environs de sa de- meure, et il en a fait l'objet d'un ouvrage considé- rable , où toutes les coucbes sont décrites , leurs rapports de position indiqués, et leurs bauteurs, ainsi que les différentes inégalités du terrain, me- surées au baromètre. La ville même du Puy est au centre d'un bassin entouré de montagnes assez liantes , et dont la Loire ne s'écbaj)pe que par une gorge étroite. Les noyaux de ces montagnes sont granitiques, et de trois va- riétés caractérisées en partie par leur plus ou moins de consistance , et que l'on distingue de loin au plus ou moins d'escarpement de leurs cimes et de leurs talus; mais une grande partie de leurs crêtes sont hérissées de volcans, très reconnoissables , bien qu'éteints long-temps avantles époques historiques. Dans cette enceinte , comme dans le fond d'un vase, sont déposés les terrains postérieurs : d'abord quel- ques dépôts épars de psammites formés des débris du granité, dans Tun desquels il y a déjà des restes de végétaux; ensuite, et tout d'un coup, des ter- rains tertiaires, des couches puissantes d'argile, des BUt'FOM. COMPLÉM. T. H. a4 3^0 MINÉRALOGIE marnes en lits nombreux, sans corps organisés, que Fauteur croit analogues à nos argiles plastiques des environs de Paris; et, sous elles, des terrains de plus de cent mètres d'épaisseur, qui ne contien- nent que les coquillages de Feau douce, des restes de tortues, ou des ossements d'animaux terrestres aujourd'hui inconnus, et nommément des palaeo- therium , si communs dans nos plâtrières de Paris , et d'un genre voisin nommé anthracotherium par M. Cuvier. C'est sur ce fond de bassin ainsi constitué que se sont répandues les déjections des volcans, et qu'elles ont formé des pics, des collines, et des plateaux. M. Roux les divise en deux sortes : les plus anciennes ont le feldspath pour base , et com- posent des terrains que M. Roux nomme trachy- tiques lorsque le feldspath est lamelleux, et pho- nolithiques quand il est compacte; les autres, où abonde le pyroxène , comprennent des laves ba- saltiques de diverses époques , des scories, et des cendres. Ceux-ci sont incontestablement plus récents que les terrains tertiaires, qu'ils recouvrent en plusieurs endroits d'une manière évidente. On les voit quel- quefois s'étendre aussi sur les trachytes ; ce qui prouve Fantériorité de ces derniers. M. Roux croit que les trachytes eux-mêmes sont, aussi bien que ET GÉOLOGIE. 371 les laves et les basaltes, plus récents que les terrains tertiaires. Il ne les a pas vus cependant superposés à ces terrains; mais il tire sa conclusion principale- ment de ce fait que les terrains tertiaires ne con- tiennent point de débris de tracbytes, mais seule- ment ceux des granités. Ces tracbytes se sont principalement déposés le lonrf de la cbaîne orientale, de celle qui sépare le Velay du Vivarais , et dont la cime principale est connue sous le nom de Mézin; leurs contextures sont uniformes, et ils doivent s'être déposés dans un temps assez court, tandis que les laves et les basaltes diffèrent entre eux par la structure et par les époques des éruptions qui les ont produits. Les dernières de ces éruptions sont au reste déjà très anciennes ; car les élévations qu'elles ont formées avoient déjà eu le temps d'être déf^^radées et escar- pées, comme elles le sont aujourd'hui , dès le temps où les Romains firent dans ces environs leurs pre- mières routes et leurs premières constructions. La cbaîne de l'ouest est celle où ont brûlé les volcans, principalement les plus modernes: elle en offre au moins cent; mais, à l'exception de deux ou trois , leurs cratères sont presque effacés au- jourd'bui. Une des élévations volcaniques les plus remar- quables du Velay est la Eoclie Rouge , pic basaltique 24. 3^2 MINÉRALOGIE isolé, fort noir, entièrement entouré de granité, et que M. Roux regarde comme ayant été soulevé de bas en haut, et offrant des traces d'une ancienne bouche volcanique. A ces descriptions, dont nous abrégeons à regret l'extrait, M. Roux joint des conjectures jdIus ou moins ingénieuses sur les causes qui ont amené tant de modifications diverses : elles ajoutent à l'intérêt d'un ouvrage dont la publication fera connoître une des contrées de Tintérieur de la France les plus intéressantes sous le rapport de l'histoire na- turelle , aussi bien que de la singularité des sites et de la beauté des paysages. Parmi les bancs nombreux qui forment les ter- rains des environs de Paris, il en est un composé principalement d'argile que l'on exploite en divers endroits pour en fabriquer des poteries plus ou moins belles. On Fa nommé par cette raison argile plastique. Son origine est déjà ancienne, car il est surmonté parles immenses massifs de pierre à bâtir, de plâtre, de sable, et de grès, qui forment toutes nos collines; et la craie seule, dans nos environs, est au-dessous de lui. On y trouve divers corps étran- gers, et entre autres des bois réduits en charbon, qui , dans plusieurs lieux , sont encore utiles comme combustibles, et que Ton a nommés lignites. Des ET GÉOLOGIE. Sy.l g^rains de succin et d'ambre jaune sont fréquem- ment au milieu de ces ligniles ; et même tout rend vraisemblable que l'ambre jaune des bords de ia Baltique, si célèbre dès les temps les plus reculés, appartient à cette formation, dont l'étendue est considérable, et que l'on a déjà suivie très loin de Paris et jusqu'en Angleterre. Un jeune physicien, M. Bequerel, a particuliè- rement étudié des couches de cet argile que quel- ques fouilles venoient de mettre à découvert près d'Auteuil. ïl y a recueilli des minéraux peu com- muns dans une semblable position, du phosphate de chaux en noyaux oblongs, du sulfate de stron- tiane en cristallisations particulières. Il a trouvé aussi des lignites avec du bel ambre jaune, et de très petits cristaux de sulfure de zinc sur ces li- gnites. Tous les corps organisés y sont de terre ou d'eau douce, et dans le nombre sont sur-tout quel- ques fragments d os de crocodiles. Les observations faites sur cette argile en d'autres lieux n'ont donné aussi que des restes d'animaux de l'eau douce , et cependant elle est recouverte de deux formations marines très considérables. Aussi les range-t-on au nombre des monuments et des preuves des inva- sions répétées de la mer sur les continents. Ces terrains placés sur ia craie, et qui remphs- 374 MIINERALOGIK sent presque seuls le bassin où est situé Paris, ap- partiennent aux dernières époques des révolutions du globe, et cependant ils se sont déposés sur des étendues très vastes, et recouvrent, dans une infi- nité de lieux souvent très éloignés, les terrains plus anciens : s'ils sont masqués et peu reconnoissables dans quelques cantons par l'interposition de quel- que formation locale , ou par des déplacements occasionés par des catastrophes particulières, c'est à la sagacité du géologiste à les démêler dans ces circonstances accidentelles , et à rechercher les causes qui ont pu les modifier ainsi. M. Brongniart , qui a tant contribué à en éclaircir l'histoire, a trouvé moyen de les reconnoître dans le Vicentin , pays où tout ce qui les accompagne étoit fait pour dérouter un observateur moins exercé. Il a observé dans les collines qui bordent le val de Néra un calcaire contenant les mêmes coquilles que le nôtre , alternant quatre fois avec une brèche en petits fragments de cornéenne, et surmonté par des basaltes. Mais ces collines ne forment pas , à beaucoup près, la masse de la montagne. Celle-ci appartient à l'ordre bien plus ancien de couches (|ue l'on a nommées terrains du Jura , et les collines sont seulement appuyées contre ses flancs. Des dispositions analogues se sont montrées dans ET GÉOLOGIE. 375 le val de Ronça. A Montechio-Maggiore , lieu cé- lèbre par les nombreuses espèces minéralogiques que renferment ses amyr/claloïdes , les basaltes et les brécbes de cornéenne dominent; le calcaire n'y est qu'en indice; ses coquilles sont aussi envelop- pées dans la pâte des brèches , mais non pas dans les frajjnients de basalte et d'amygdaloïde que cette pâte enveloppe. On y trouve cà et là des lignites ; à Monte- Viale ces lignites offrent même quelques poissons fossiles. Cette indication a conduit M. Brongniartàfixer la position [géologique des célèbres carrières de Monte-Bolca , où sont déposées des quantités si étonnantes de ces poissons. Sous divers lits de ba- salte, de brèche, et de calcaire, sont deux bancs de cesichtyolilhes séparés par un calcaire coquillier contenant des nummulithes et d'autres coquilles. Tous les poissons appartieniicnt à des genres ma- rins; le second de ces bancs contient, outre les poissons, des lignites et des plantes la plupart ter- restres ou d'eau douce. A Montechio-Maggiore ce sont les couches trap- péennes qui dominent ; à Bolca , au contraire, c'est le calcaire, et de beaucoup; mais, sauf la propor- tion , la ressemblance de ces lieux et de nombre d'autres du voisinage est très grande; et leur cal- caire, par sa nature, par les coquilles ^ les silex , et 376 MINÉRALOGIE les autres objets qu'il renferme, ressemble aussi beaucoup au calcaire (^^rossier de nos environs , à celui qui repose sur la craie et qui supporte le gypse. Les roches trappéennes forment la différence es- sentielle; encore retrou veroit-on plusieurs de leurs éléments dans notre chlorique et notre argile plas- tique. Les collines du pied de FAppennin ressemblent au contraire bien davantage à celles de notre cal- caire et de notre grès supérieurs aux gypses. M. Prévost l'avait remarqué dans un mémoire sur les environs de Vienne, dont nous avons donné l'extrait il y a quelques années, et M. Brongniart l'a confirmé par l'examen scrupuleux qu'il a fait de la colline de la Superga près Turin. Ce qui est plus extraordinaire, c'est qu'un terrain et des coquilles très semblables se retrouvent au sommet de la montagne des Diablerets, au-dessus de Bex, non seulement à plus de trois mille métrés de hauteur, mais surmontés par des bancs de na- ture alpine, et d'origine très ancienne. M. Bron- gniart produit une coupe de cette partie de la montagne, qui semble prouver que c'est un dépôt formé dans un creux ou dans un repli ancien de ces bancs. ^1 a retrouvé jusque dans les montagnes d'auprès ET GÉOLOGIE. 3'JJ de Glaris des couches qui, d'après les coquilles et les subtances qui les composent, lui ont paru devoir se rapporter à nos terrains de sédiment supérieurs. M. de Bucli a examiné, sous le rapport gëolo(i;i- que, une contrée voisine du Vicentin, le Tyrol méridional ; il y a trouve en grande masse ces ter- rains porphyriques ou plutôt pyroxéniques qu'il croit soulevés par l'action du feu, ou, comme il s'exprime, apposés aux calcaires voisins, mais non déposés de la même manière qu'eux : ces terrains en se soulevant ont tantôt percé, tantôt soulevé avec eux, les porphyres rouges, les grès rouges, et les dolomies ou calcaires magnésiens qui les sur- montoient, et les ont rompus et désordonnés de manière qu'il est impossible aujourd'hui de les ramener au même niveau. M. de Buch, qui avoit déjà appliqué cette manière de voir aux monta- gnes de l'Auvergne , croit pouvoir l'étendre à la plus grande partie des Alpes, au moins des Alpes calcaires; et il a découvert dans plusieurs endroits le porphyre pyroxénique demeuré caché ailleurs , mais qui a été par-tout la cause des soulèvements. N'observant dans ces cantons les masses de dolomie que fendillées en sens divers, ou creusées de ca- vernes, et placées sur le porphyre pyroxénique et au niveau du calcaire ordinaire des Alpes, M. de '^nS MINÉRALOGIE Buch croit que cette pierre est une transformation du calcaire pénétré parla magnésie que le porphyre V a introduite. En un mot elle n'en est qu'un ac- cident. Vouloir distinguer une formation de cal- caire magnésien ou de doiomie, ce seroit, suivant M. de Buch, comme si l'on proposoit de faire une espèce d'un chêne qui auroit des galles et une autre de celui qui n'en auroit pas. Les naturalistes viennent d'obtenir un puissant secours pour apprendre à bien connoître l'Auver- gne , ce pays classique pour l'étude des anciens vol- cans, et de toutes ces masses soulevées et travaillées par les feux souterrains. M. Desmarets , le fils , a publié la carte à laquelle feu son père avoit travaillé presque pendant toute sa vie, et où il a marqué la nature de chaque pic, les cratères des différentes époques, les courants de laves descendus de chacun d'eux, les basaltes qu'elles ont déposés, enfin toutes les modifications imprimées à ce pays par Faction successive de ces mystérieux foyers, et celles que leurs produits eux- mêmes ont éprouvées avec le temps de la part des agents actuels. C'est un service important que ce jeune naturaliste a rendu à la science, non moins qu'un tribut naturel de respect dont il s'est acquité envers la mémoire de son père. ET GÉOLOGIE. 3 79 M. Bory de Saint- Vincent a posé une base essen- tielle pour la géologie de l'Espagne, en décrivant avec netteté la géographie physique de ce pays, en fixant la direction et la hauteur des différents étages de ses montagnes, la pente de ses plaines, et le cours de ses fleuves. Ce travail exécuté avec soin, et ac- compagné d'une carte, a paru dans le Guide du voyageur en Espagne, publié par l'auteur en un volume in-8°. i On voit que la géologie positive, celle qui s'oc- cupe de constater l'état des couches, lait chaque jours de nouveaux pas. Nous aurions pu en donner bien d'auties preuves s'il nous eût été permis d'ex- poser tous ceux (|ue lui ont fait faire les savants étrangers à l'Académie; mais on en trouvera le ré- sultat, et en même temps le tableau le plus brdlant et le plus exact de l'état actuel de la science, d&ns l'ouvrage que vient de publier l'un de nos confrères, qui a lui-même contribué plus qu'aucun autre à ses progrès. M. de Huniboldt, dans son Essai géo- gnostique sur le gisement des roches dans les deux hémisphères , a embrassé d'un coup d'œil leur or- dre et leur succession dans toutes les parties du monde connu, et personne n'a voit encore mieux montré, par l'uniformité des produits, la généra- lité des causes qui ont agi autrefois sur le globe avec y^ .. t .'~> y^V , 38o MINÉRALOGIE tant de puissance, et dont la nature est aujourd'hui pour ses habitants une énigme si attrayante et si obscure. ANNÉE 1824. M. Leschenault de La Tour a voit recueilli aux Indes quelques minéraux dont les caractères exté- rieurs n'étoient pas assez évidents pour que Ton pût assigner leurs genres et leurs espèces. M. Laugier en a fait Tanalyse. Le premier, venu de Bombay, nommé bombite par M. de Bournon, composé de silice avec protoxyde de 1er, alumine, magnésie, chaux en petite quantité , charbon , et trace de soufre, a été reconnu pour une vraie pierre de touche. Le second, originaire de Geylan, qui ne s'est fondu qu'avec 1200 parties de potasse et en quatre traitements, se compose de 65 parties d'a- lumine, 1 6 Y2 d'oxyde de fer, 1 3 de magnésie, 2 de silice, 3 de chaux, et une trace de manganèse. Cest à-peu-près l'analyse de la ceylanite, telle que l'avoit faite feu Collet Descoltils; et par conséquent cette pierre, comme la ceylanite, est un spinelie. Le troisième, venu aussi de Ceylan, est le plus remarquable par sa composition compliquée et la réunion de deux métaux rares. Il est d'un brun noirâtre à cassure vitreuse, se boursoufle au feu, est attaqué par les acides et les alcalis, et a donné ET GÉOLOGIE. 38l à l'analyse 36 parties d'oxyde de cerium, i g d oxyde de fer, 8 d'oxyde de titane, 8 de chaux, 6 d'alumine, 1,2 d'oxyde de manganèse, et 1 1 d'eau. INéanmoins il a semblé n'avoir perdu qu'un lo^ de son poids; mais c'est que le cerium, qui n'étoit qu'à l'état de protoxyde, en s'oxydant plus complètement a com- pensé par son augmentation de poids l'eau qui s'é- toit perdue. On peut le regarder comme une variété de cërite titanifère. C'est principalement par l'étude scrupuleuse de la superposition et des rapports des terrains dans les cantons particuliers que la géologie s'est perfec- tionnée dans ces derniers temps, et qu'elle peut espérer de procurer un caractère de démonstration à ses lois générales. L'exemple heureux donné par quelques recherches de ce genre est aujourd'hui apprécié et suivi dans toute l'Europe. M. de Bonnard, ingénieur au corps royal des mines , a présenté à l'Académie un ouvrage qui con- tient l'examen le plus approfondi d'une contrée de la France très remarquable parle contact presque immédiat où des calcaires d'une formation très se- condaire , les oolithes du Jura , s'y trouvent avec le granité , le plus ancien des terrains primitifs con- 382 MINÉRALOGIE nus: ce sont les enviions d'Avalon en Bourgogne. A la surface des j^arties élevées se montre un cal- caire compacte qui paroît être le même que celui qui sert à la lithographie; au-dessous est Toolithe avec les coquilles qu'il contient d'ordinaire, et les marnes blanches qui l'accompagnent toujours ; puis un calcaire entièrement composé d'entroques ou tiges d'encrinites, que suivent des lits de calcaire marneux remplis d ammonites et de Fespéce de gry- plîite nommée gryphœa cymbium, A celui-là succède le vrai calcaire à gryphées, caractérisé par Fabon- dance du gryphœa cymbium. 11 se trouve dans la même position en Angleterre, en Normandie, dans le midi de la France, en Allemagne, et sur-tout dans la longue chaîne du Jura. Ici, comme par- tout, il repose sur un autre calcaire plus fin , plus gris , moins marneux , qui comprend le terrain nommé aux environs de Gottingen inuscliel - kalk , et le calcaire alpin dit en Allemagne zechstein. Jus- qu'à cette profondeur l'analogie se soutient , et les bancs sont dans l'ordre généralement reconnu; mais , en pénétrant plus bas , on ne découvre point le grès à pierre de taille, ou quaader-sand-stein des Allemands , ni un autre calcaire coquillier qui est ordinairement sous ce grès, ou du moins l'un et l'autre ne sont représentés que très imparfaitement. Une plus grande différence encore cest qu'entre ET GÉOLOGIE. 38.^ des roches calcaires et le granité on ne trouve, en bancs distincts, qu'une roche arénacce composée de f>rains de quartz et de feldspath , mêlés de cal- caire, de baryte, de f>aléne, roche que M. de Bon- nard rapporte aux psammites. 11 manque donc dans cette partie de la Bour- j^o^ne beaucoup de formations, et toutefois il en reste des vesti(]fes, que M. de Bonnard est parvenu , à force d'observations et de sa[|acité, à saisir et à faire connoître. TiCurs parties constituantes y exis- tent, mais daus un mélan. opposés ; et ce caractère les fait reconnoître aisément sur les cartes où les rivières sont bien indiquées. Ces dépressions sont limitées dans lespace par une courbe concave dont le point le plus bas est en même temps le point le plus élevé d'une courbe con- vexe perpendiculaire à la première, et le point où ces deux courbes se rencontrent est le point de par- tage des canaux navigables. Tel est le Valdieu , entre les Vosges et le Jura, où le passage du canal du Rhône au Rhin pou voit se faire par la ligne la plus courte et avec le plus petit nombre d'écluses. Of- frant en même temps la communication la plus di- recte entre le débouché du Rhin à Bâle, et Fintéricur delà France, cette dépression devoit fixer l'atten- tion des ingénieurs ; et c'est avec une grande pré- voyance que Vauban y avoit placé la forteresse de Belfort, et que l'on s'occupe aujourd'hui d'en agran- dir et d'en renforcer la citadelle. Le fond de la mer a ses dépressions comme la surface des continents, et tel est le fond du détroit du Pas-de-Calais. Le point qui correspond à la pro- fondeur de seize brasses en fait le seuil ; à partir de là dans les deux directions la mer devient à-la-fois plus profonde et plus large; et si les eaux sabais- soient de soixante-deux brasses , on auroit à décou- vert entre la France et l'Angleterre une dépression semblable à celle qui sépare les Vosges et le Jura. 4o4 MINÉRALOGIE Les rivières qui maintenant se jettent de part et d'autre dans cette nier se réuniroient deux à deux en suivant les lignes de la plus grande pente dans un canal commun : les unes, telles que la Stoure et TAa, coulant vers le nord; et les deux autres, le Rother et le Vimereu , vers le sud. Si au contraire les eaux s'ëlevoient de deux cents métrés, et de manière à recouvrir la dépression que l'on observe entre la montagne Noire, qui est une branche des Cévennes , et le revers de la chaîne secondaire des Pyrénées , dépression où est le point de partage du canal de Languedoc, elle devien- droit un détroit maritime plus ou moins semblable à celui de Calais. L'auteur, après ces considérations purement to- pographiques, traite des dépressions sous le point de vue minéralogique. Ayant examiné avec M. Dau- buisson celle où est le point de partage du canal de Languedoc , et qui est formée par des branches des Cévennes et des Pyrénées , il a trouvé du côté des Cévennes des granits , des gneiss , des marbres salins, des schistes, etc.; du côté des Pyrénées, des grès à pâte calcaire, des marnes arénacées, des poudingues à pâte marneuse; et dans l'intervalle déprimé , des terrains de sédiment ou mollasses contenant du calcaire commun. La dépression d'entre les Vosges et le Jura lui a ET GÉOLOGIE. 4^^ offert des phénomènes analogues : du côté des Vosges sont des porphyres , des grauvakes , des grès rouges; du côté du Jura , des calcaires de dif- férentes sortes ; et le calcaire oolithique du Jura forme encore le seuil de la dépression , et y est su- perposé aux terrains des Vosges. M. Andréossy conclut de ces circonstances que ces dépressions de la surface du glohe ont été pro- duites par des courants qui ont agi dans deux sens différents ; et il considère l'ensemble des cours d eau du globe comme l'image du ruissellement des eaux à l'époque où les continents ayant été mis à dé- couvert, elles se précipitèrent vers leur récipient commun. Il se propose au reste de reproduire et d'étendre ses considérations dans un ouvrage gé- néral sur les inégalités de la surface de la terre, ouvrage que des occupations obligées Font souvent forcé d'interrompre, mais auquel il compte bientôt mettre la dernière main. Les géologistes ne l'atten- dront pas avec une moindre impatience que les géographes et les ingénieurs. FIN DU SECOND VOLUME DE COMPLÉMENT. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. Avertissement des éditeurs Pa^e v SECONDE PÉRIODE DE 1809 A 1827. Introduction i PHYSIQUE , CHIMIE , ET MÉTÉOROLOGIE. Année 1809. — Décomposition de lacide fluorique par MM. Gay-Lussac et Thénard, page 5. — Tentatives de MM. Gay- Lussac, Thénard, et Davy, pour décomposer Pacide mu- riatique, 6.— Expériences de MM. Gay-Lussac et Thénard sur l'acide muriatique oxy^jéné , 7. — Action du potassium sur les oxydes et sels métalliques, 8. — Combinaison des gaz en composés dont les rapports sont simples ( M. Gay- Lussac), 12. — Vapeur nitreuse et gaz nitreux considérés comme moyens eudiométriques, i3. — Expériences sur le diamant et les substances qui contiennent du carbone (M. Guyton de Morveau),*i4. — Analyse du tabac (M. Vau- quelin), i5. — Idem de la belladone, 16. — Principe amer produit par l'action de l'acide nitrique sur les matières or- ganiques azotées (M. Chevreul), ib. — Substances formées par l'action de l'acide nitrique sur les corps charbonneux ou résineux (idem), 17. — Réaction de l'acide sulfuriquc sur le camphre (idem ), ibid. — Distillation des vins 4o8 TABLE ANALYTIQUE. (M. Chaptal), i8. — Analyse de sept échantillons de cou- leurs trouvés à Pompéia (idem), ibid. — Préparation des mortiers solides (M. Sage), 19. — Zinc employé pour cou- vrir les édifices (MM. Sage, Guyton, et Vauquelin), 20. — Composition des encres à écrire , et leur perfectionne- ment (M. Tarry), ibid. — Badigeon conservateur des bâ- timents, 21. Année 1810. — Circonstances et causes des diverses phos- phorescences, page 22. — Prix remporté sur ce sujet par M. Dessaignes, ibid. — Production subite de chaleur dans les différents phénomènes chimiques (M. Sage),3i; et M. Guyton de Morveau, 32. — Très grande pile galvanique construite à l'Ecole Polytechnique, 34- — Expériences avec cette pile (MM. Gay-Lussac et Thénard), ibid. — Potas- sium et sodium , Sy. — Combinaisons de l'acide oxalique ( M. Bérard) , Sg. — Procédés pour former le mercure doux (M. Berthollet), 4o- — Analyse des substances végétales (idem), 41; et MM. Gay-Lussac et Thénard, l\i. — Divi- sion des substances végétales en trois classes (idem), /i4. — Substances animales (idem), ibid. — Principes consti- tuants du sucre, de la gomme , et du sucre de lait (M. Vau-- quelin) , ib. — Observations sur l'art de la verrerie (M. Guy- ton), 45. — Extraction delà soude du sel marin, 47. Année 18 11. — Evaporation des liquides favorisée par les corps très avides d'humidité, tels que l'acide sulfurique con- centré et le muriate de chaux (M. Leslie), page 48; et MM. Clément et Desormes, 49- — Application de ce procédé au dessèchement et à la conservation des substances végé- tales, 5o; à la dessiccation de la poudre à canon, 5i. — Evaporation au moyen du feu, ibid.- — Application à la distillation des eaux-de-vie (M. Duportal), 52. — Nou- TABLE ANALYTIQUE. 4^9 velles formes de lampes (M. le comte deRumfort), 53. — Poudre détonnante avec le muriate oxygéné de potasse, 5y. — Emploi de cette même poudre modifiée pour amorcer les fusils (MM. Bottée et Gengembre), ibid. — Substances indigènes substituées aux denrées exotiques, 58. — Bette- raves, ibid. — Suc de mais, ibid. — Suc de pavot, ibid. — Pastel , 59. — Analyse du bois de campéche (M. Chevreul), ibid. — Recherches de M. Dulong sur la décomposition réciproque des sels insolubles , 60. — Acide prussique (M. Gay-Lussac), 61. — Ether arsénique (M. Boullay), ibid. — Préparations d'or (MM. Vauquelin, Duportal, Ober- kampf fils), 62. — Recherches physico - chimiques de MM. Gay-Lussac et Thénard, 63. — Aérolithe tombée en Catalogne, 64. Année 18 12. — Recherches sur les sources de la chaleur (M. deRumfort), page 65. — Capacité des gaz oxygène, acide carbonique , et hydrogène , pour la chaleur ; prix remporté sur cette question par MM. Delaroche et Bérard , 71. — Briquet à piston , 72. — Décomposition des sels par les alcalis (M. Berthollet), 73. — Sur Tacide muriatique oxygéné, par le même, ^5. — Combinaison de l'hydro- gène avec le carbone ( M. Dalton ) , 76 ; et M. Berthollet , ibid. — Expériences de M. Thénard sur le gaz ammoniac , 78. — Dissolution du plomb par la chaleur dans une dis- solution acide déjà saturée (MM. Proust, Thomson, Che- vreul), ibid. — Absorption des gaz par le charbon (M. de Saussure), 80; et M. Thénard, 81. — Substance obtenue par la distillation des pyrites martiales avec le charbon (MM. Lampadius, Amédée, Berthollet, Clément et Des- ormes, Clusel et Thénard), ibid. — Action de l'air échauffé sur l'absorption de l'oxygène pendant l'acte dç la respira- tion (M. Delaroche), 83. — Analyse des calculs biliaires 4lO TABLE ANALYTIQUE. par M. Orfila , 84- — Analyse du daphne alpina par M. Vau- quelin , ibid. Année i8i3. — Moyens propres à favoriser Tévaporation (MM. Leslie, Gay-Lussac, Hutton, Gonfigliacclii), page 86. — Pouvoir chimique des rayons du prisme solaire ( M. Bé- rard), 89. — Dilatation des corps par la chaleur (M. Biot), go. — Instrument inventé à cet effet (M. Charles), 91. — Formation de Talcohol dans le vin (MM. Fabbroni , Gay- Lussac), 92. — Altération des corps gras dans l'acte de la saponification (M. Chevreul), 98. — Combinaison de l'a- zote avec l'acide oxymuriatique ( M. Dulong ) , 94 ; et M. Davy, 96. — De'cou verte de l'iode (M. Courtois), ibid. ; et MM. Clément, Desormes et Gay-Lussac, Davy, 98. — Matière bleue trouvée dans les fours à soude , et ayant les propriétés de l'outremer ( MM. Tassaert et Vauquelin ), 99. — Méthode d'obtenir le palladium et le rhodium à l'état de pureté (M. Vauquelin), 100. — Sur Vosmium, par M. Laugier; sur le zinc, par M. Sage, io3. — Analyse de l'eau minérale de Provins , par MM. Vauquelin et Thé- nard, io4. Année i8i4- — Acides sans oxygène, page 107. — Chlore, acide hydrochlorique, acide chlorique(M. Davy), 109. — Fluoré (M. Ampère), ibid. — Nouvelles recherches sur Tiode (MM. Colin, Gauthier- Cl aubry, Gay-Lussac, et Sage), 109 et suiv. — Sur l'éther sulfurique , par M. Th. de Saus- sure, ii3. — Digesteur distillatoire de M. Chevreul, 114. — Analyse du liège, par le même, 11 5. — Suite des re- cherches sur la saponification, par le même, ibid. — Prin- cipes colorants du santal et de l'orcanette (M. Pelletier), 116.^ — Iridium, 117. — Sur le bronze des anciens, par M. Mongez , 1 20. TABLE ANALYTIQUE. 4^* Année i8i5. — Recherches de M. Gay-Lussac sur l'acide du bleu de Prusse, qu'il nomme acide hydrocyanique, et sur son radical le cyanogène, page 121. — Froid qui résulte de l'ëvaporation (M. Gay-Lussac), 124. — Expériences sur l'acide oxalique (M. Dulong), ibid. — Action chimique de la lumière solaire (M. Vogel), 126. — Suite des recherches sur la saponification, par M. Chevreul, 127. — Excrétion résineuse du hêtre (M. Bidault de Villiers), 12g. — Sucre de betterave (M. Chaptal), i3o. Année 1816. — Loi de la dilatation des liquides (M. Gay- Lussac), page i3o. — Sur les proportions fixes (MM. Gay- Lussac, Dulong), i33. — Acide hypophosphoreux, i35. — Acide phosphatique, i36 et suiv. — Histoire chimique des corps gras, par M. Chevreul , i38. Année 18 17. — Recherches sur la conducibilité des corps différents dans des états de surface semblables pour le ca- lorique, par M. Despretz, page i4o. — Sur les causes de la variation dans les eaux du Mont-Dor, par M. Bertrand, i4i. — De l'état des métaux dans les sulfures (MM. Vau- quelin et Gay-Lussac) , i^o.. — Caméléon minéral (M. Che- vreul), 143. — Analyse de la racine d'ipécacuanha , et dé- couverte de l'émétique ( MM. Pelletier et Magendie), if\S, — Analyse de l'opium , morphine , et acide méconique (M. Sertuerner), 147; et MM. Robiquet et Orfda, i48. Année 18 18. — Découverte dulithion (M. Arfvedson), p. 149. — Sélénium (M. Berzélius), i5o. — Recherches sur le cyanogène, par M. Vauquelin , i55. — Oxygénation des acides, par M. Thénard, 167. — Sur le caméléon minéral (MM. Chevillot et Edouard), 160. — Sur le cobalt et le nickel, par M. Laugier, 1 62. — Acide pyromucique (M. Hou- 4 12 TABLE ANALYTIQUE. tou La Billardière), i63. — Suite des recherches sur les corps gras (M. Chevreul), 164. — Analyse de la cochenille (MM. Pelletier et Caventou), i65. — Considérations sur les causes des variations atmosphériques , par M. de Huni- boldt, 167. — Coup de vent et tremblement de terre aux Antilles (M. Moreau de Jonnès), 169. Année 1819. — Théorie des proportions chimiques, et influence chimique de l'électricité, par M. Berzelius, page i-jo. — Acide hyposulfurique de MM. Gay-Lussac et Welther, i85. — Eau oxygénée (M. Thenard), 186. — Strychnine découverte dans la fève Saint-Ignace et la noix vomique, par MM. Pelletier et Caventou, 188. — Brucine trouvée par les mêmes dans la fausse angusture, 190. — Suite des recherches de M. Chevreul sur les corps gras, 191. — Neige rouge, 192. Année 1820. — Observations météorologiques sur les An- tilles, par M. Moreau de Jonnès, page 193. — Aérolithe de Jonzac (M. Fleurieu de Bellevue) , 195 — Sur le prus- siate triple de potasse, par MM. Porret et Robiquet, 198. — Analyse chimique des quinquina , par MM. Pelletier et Caventou, 199. — Découverte de la vératrine dans les plantes de la famille des colchicacées, 200. — Moyen pour rendre les toiles incombustibles, par M. Gay-Lussac, 201. — Procédé pour appliquer sur le verre des espèces de dentrites, par M. Goldsmith, ibid. Année 1821. — Suite des observations météorologiques sur les Antilles, par M. Moreau de Jonnès, page 202. — Aéro- lithe du département de l'Ardèche, 2o5. — Suite des recherches sur les corps gras, par M. Chevreul, ibid. — Influence mutuelle de l'eau et de plusieurs substances azotées, par M. Chevreul, 211. TABLE ANALYTIQUE. 4l-^ Année 1822. — Aérolithe des enviions d'Épinal, page 212. — Expérience de M. Despretz sur le produit de l'action mutuelle du chlore et de l'alcoliol, 2i5. — Sur les causes de la chaleur animale, par M. Dulong, 21 y. Année 1823. — Observations sur le vert-de-gris,parM. Vau- quelin, page 220. — Sel gemme découvert dans le dépar- tement de la Meurthe, 221. — Sur la nature des éléments constituants du mercure et de l'argent fulminants, par M. Liebig, 222. — Sur les propriétés du platine précipité de sa solution nitro-muriatique, 224. — Suite des recher- ches de M. Chevreul sur les corps gras, 22.5. — Proportion des éléments constituans des alcalis organiques, par MM. Pelletier et Dumas, 226. — Calcul d'oxyde iirique, par M. Lassaigne, 227. — Analyse des racines de Dahlia, par M. Payen , ibid. Année 182/1. — Observations sur les changements qu'a éprouvés le climat de la France, page 228. — Arguments contre la théorie des proportions fixes, par M. Long- champ, 23i. — Observations sur le cyanure d'iode, par M. Serullas, 233. — Moyen de découvrir les moindres traces de morphine ou d'acide hydrocyanique, par M. Lassaigne, 234.— Idem, par M. Dublanc, 236. — Suite des travaux de M. Chevreul, sur les corps gras, 23g. — Analyse du liquide qui s'écoule de la peau des enfants attaqués d'induration du tissu cellulaire, par M. Che- vreul, 240. — Analyse de la racine de topinambour, par M. Payen, 241. — Sur l'emploi du charbon minéral pour décolorer les liquides, par le même, 242. — Analyse du grès anthropomorphe trouvé à Moret, 243. — Éclairage par le gaz hydrogène, 244» — Analyse de la matière verte qui se forme sur l'eau de Vichy, par M. Vauquelin , 245. 4i4 TABLE ANALYTIQUE. Année iSsS. — Suite des observations météorologiques de M. Moreau de Jonnès sur les Antilles, page 246. — Em- ploi de la chaleur pour reconnoître la nature des corps gras , par MM. Debussy et Le Canu , 247- — Sur les pro- priétés conductrices et hygrométriques du charbon , par M. Cheuvreusse, 248. — Propriété de former de Falcohol reconnu dans l'albumine, par M. Seguin, et dans toutes les matières animales, par M. CoUin, 25o. Année 1826. — Suite des travaux de MM. Debussy et Le Canu, sur les corps gras, page 25 1. — Découverte du brome ^ nouveau principe, par M. Balard, 253. — Moyen de préserver les murs de l'humidité, par MM. Darcet et Thénard , 260. — Sur l'extraction de la soude du sel marin , 267. — Emploi du sulfate de soude dans la fabrication du verre, 258. MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE. Année 1809. — Nouvelle forme cristalline du diamant, par M. Guyton deMorveau, page 262. — Géographie miné- ralogique des environs de Paris, par MM. Cuvier et Brongniart, 263. — Description des animaux fossiles de ces terrains, 264. — Carpolithes ou fruits pétrifiés, par M. Sage, 269. Année 18 10. — Recherches sur les terrains d'eau douce, par M. Brongniart, page 270. — Os fossiles de reptiles et de poissons des carrières à plâtre des environs de Paris, par M. Cuvier, 271. — Marbre de Château-Landon, 272. — Sur les pliolades des colonnes du temple de Pouzzoles, par MM. Sage et de Cubières, ibid. — Sur la composition TABLE ANALYTIQUE. 4^^ de la plombajjine, par M. Sage, 274» — Gisement singu- lier d'une mine de plomb, par M. Daubuisson, 275. Année 181 i. — Combinaison d'alumine et d'acide fluo- rique découverte par M. Abildgaard, page 275. — Corin- don gris, par M. Leliévre, ibid. — Description géologique de la Trinidad et des autres îles voisines de l'embouchure de l'Orénoque, par M. Dauxion-Lavaysse, 276. Année 1812. — Tête de cétacé fossile, tirée du bassin d'An- vers par INLTraullé, page 277. — Sur le terrain d'eau douce, parM. de Férussac, ibid. — Histoire des ossements fossiles de quadrupèdes , par M. Cuvier, 278, Année i8i3. — Recherches sur les coquilles des terrains d'eau douce , par MM. Daudebard de Férussac et Marcel de Serres, page 280. — Coquilles de Cypris et gvrogonites trouvées dans le terrain d'eau douce des environs de Paris, par MM. Léman et Desmarets, 282. — Système géologique des environs de Paris, observé dans d'autres parties de la France; et carte, représentant ses limites, ibid. — Description géologique du département de la Manche, par M. Brongniart, 284. — Distribution métho- dique des roches, par le même, 280. Année 18 i4- — Pierres tombées de l'atmosphère, page 287. — Analyse de l'arragonite, par MM. Stromeyer et Lau- gier, 288. — Squelette fossile de Salamandre gigantesque, considéré comme appartenant à l'espèce humaine (M. Cu- vier), 289. — Sur le volcan de Jorullo, par M. de Ilum- boldt, 290. Année 181 5. — • Sur l'origine des basaltes et des Vakes, par /[l6 TABLE ANALYTIQUE. M. Coidier, page 292. — Sur le Vésuve, par M. Ménard de La Groye,298. — Sur la nature des rochers delà montagne de Beaulieu, près Aix en Provence, par le même, 3oo. — Sur les entomolithes et les trilobites, par M. Brongniart, 3o2. — Sur les prétendues empreintes de polypiers, obser- vées dans certaines agates , par M. Gilet de Laumont, 3o3. Sur les mines de houilles de France, par M. Cordier, 3o4. Aérolithes des environs de Langres, ibid. — Leur ana- lyse, par M. Vauquelin, ibid. Année 1816. — Variété incolore de la sodalithe observée par M. le comte Dunin-Borkowsky, page 3o5. — Sur les terrains de transition, par M. Brochant, 3o6. — Descrip- tion géologique de TErtzgeburg, par M. deBonnard, Sog. — De la richesse minérale par M. Héron de Villefosse, 3 10. — Expériences propres à constater jusqu'à quel point des mollusques d'eau douce peuvent vivre dans les eaux salées et vice versa, par M. Beudant, 3i 1. — Sur les mol- lusques des terrains d'eau douce, par M. Marcel de Serres, 3i2. ^ — Sur la hauteur de quelques montagnes de l'Inde, par M. de Humboldt, Si 3. Année 18 17. — Sur les caractères des pierres précieuses, par M. Haiiy , page 3 16. — Sur l'altération que subissent les formes cristallines des minéraux par le mélange de certaines substances, par M. Beudant, 317. — Sur l'alu- mine hydratée silicifère, par M. Leliêvre, 320. — Analo- gie entre les aérolithes et la masse de fer natif observée en Sibérie, constatée par l'analyse chimique, par M. Lau- gier, 320. — Sur les éruptions de vase argileuse froide qui ont lieu en Italie, 32 1. — Sur les cavernes des chaînes calcaires, par M. de Humboldt, 322. Année 1818. — Sur les causes des formes secondaires des TABLE AiNALYTiQUE. /jiy cristaux, par M. Beudant, page 323. — Analyse d'une brèche contenant de l'acide sulfurique, de la silice, de l'alumine, et analogue à la pierre d'alun delà Tolfa, par M. Cordier, 328. — Dépôt d'ossements fossiles découvert dans le département du Lot, ibid. — Sur un mur naturel observé dans le comté de Rowan, dans la Caroline du nord, par M. Palisot de Beauvois, 33o. — Mémoire géolo- gique sur le Vauclain , Tune des montagnes de la Marti- nique, par M. Moreau de Jonnès, 332. — Description géologique de la Guadelouj^e, par le même, ibid. Année 1819. — Aperçu géognostique des terrains, par M. de Bonnard, page 334^ — Sur la nature des terrains où existent les trilobites, par M. Brongniart, 336. — Dents d'éléphants et de rhinocéros déterrées près Amiens, par M. RigoUot , ibid. — Traité de la cristallisation , par M. Brochant, 337. Année 1820. — Description des cristaux de la pierre d'alun de la Tolfa , par M. Cordier, page 338. — Sur lesophiolithes et les euphotides, par M. Brongniart, 339. — Sur les émanations de gaz enflammé à Pietra-Mala, 34i. — Étude gféologique des environs de Vienne en Autriche, par M. Constant Prévost, 343. Année 1821. — Histoire générale des ossements fossiles, par M. Cuvier, page 344- — Description géologique des envi- rons de Paris, par M. Brongniart, 346. — Végétaux fossiles, par M. Adolphe Brongniart, 348. — Sur les terrains tertiaires, par M. de Ferussac, 349. — Squelettes humains incrustés dans une roche calcaire, trouvés à la Guadeloupe, par M. Moreau de Jonnès, 35o. Année 1822. — Observations géologiques sur les falaises de BUFFON. GOMPT.ÉM. T. II. 27 4l8 TABLE ANALYTIQUE. la Normandie et de la Picardie, par M. Constant Prévost, page 352. — Description géologique de la Hongrie, par M. Beudant, 356. — Histoire des crustace's fossiles, par M. Desmarets, 369. — Sur une espèce de crustacé fossile du genre Crmothoa^ j^ar M. Germar, 362. — Pierre ana- logue à Vécume de mer, découverte près de Coulo miniers, par M. Brongniart, ibid. — Sur les terrains analogues à ceux de Paris, par le même, ibid. — Nouveaux genres d'animaux fossiles, par M. Guvier, 364- Année 1823. — Nouvelles recherches sur les ossements fos- siles, par M. Guvier, page 366. — Aérolithe observé près de Santa-Fé de Bogota, par MM. Rivero et Boussingault, 368. — Description géologique du Puy-en-Vélay , par M. Bertrand-Pioux , 369. — Sur les substances contenues dans les couches d'argile plastique d'Auteuil , par M. Bec- querel, 373. — Observations sur les terrains supérieurs à la craie du Vicentin, par M. Brongniart, ?>y^. — Examen géologique du Tyrol méridional, par M. deBuch, 3^^. — Carte géologique de l'Auvergne, par M. Desmarets, 378. — Essai géognostique sur le gisement des roches dans les deux hémisphères, par M. de Humboldt, 379. Année 1824. — Analyse de quelques minéraux de l'Inde, par M. Laugier, page 38o. — Description géologique d'A- valon en Bourgogne, par M. deBonnard, 38 1. — Histoire géologique des Pyrénées, par M. Palasson, 383. — Suite de l'histoire des ossements fossiles, par M. Guvier, 384» — Géographie des mollusques, par M. de Ferussac, 386. Année 1825. — Iode trouvée dans l'eau minérale d'Asti, par M. Cantu, et dans l'argent vierge de Serpentine, par M. Vauquelin, page 390. ~ Analyse du fer résinite, par TABLE ANALYTIQUE. 4^9 M. Laugier, 3gi. — Examen minéralogique de l'aérolithe de Juvénas, par M. Rose de Berlin, 392. — Analyse des masses salines retirées de la lagune del urao dans les Andes de Merida, par MM. Rivero et Boussingault, SgS. — Description géologique du sud-ouest de la France, par M. Basterot, 394. — Des changements que la surface de la terre a éprouvés depuis les temps historiques, par M. le comte Fossombroni, 396. — Sur les chaînes de montagnes de l'Amérique méridionale, par M. de Humboldt, 397. Année 1826. — Sur les combustibles minéraux, par M. de Karsten, page 4oo. — Sur les dépressions de la surface du globe dans les chaînes de montagnes, par M. le comte Andréossy, 4^2. FIN DE LA TABLE.