OEUVRES COMPLETES DE BUFFON. COMPLÉMENT. TOME III. IMPRIMERIE DE JULES DIDOT l'aiNÉ, iMPHiM! i n nn roi, rue du Pont-de-Lodi , n" 6. eu HISTOIRE DES PROGRÈS DES SCIENCES NATURELLES, DEPUIS 1789 jusqu'à ce JOUR, PAR M. LE BARON G. CUVIER, CONSEILLER d'ÉTAT , SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE l'aCADÉMIE ROYALE DF^ SCIENCES , MEMBRE DE l'aCADÉMIE FRANÇOISE , PROFESSEUR AU JARDIN DU ROI, etc. \- - \ '% A PARIS CflEZ HAUDOUIN FRÈRES, ÉDITEURS RUE DE VAUGIRARD, N° I7, ET CHEZ N. DELANGLE, ÉDITEUR, RUE DU BATTOIR, N° I9, M. DCCC XXVIII. t -%y-%. ^X "fc''*'^' "fc^*^* "*''*^'*' '^'^''^ "* HISTOIRE DES PROGRÈS DES SCIENCES NATURELLES. SECONDE PÉRIODE. 1809 ^ 1827. BOTANIQUE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. ANNÉE 1809. L'ordre et la méthode seront toujours en histoire naturelle, et particulièrement en hotanique, deux objets de la plus [grande importance : ils servent à -la -fois à établir les raj^orts que les êtres ont entre eux et à guider l'observateur au milieu des productions innombrables de la nature. Les natu- ralistes les plus profonds en ont fait le sujet spécial de leurs études , et les connoissances que la science des méthodes exige ne pourront même jamais être embrassées que par eux. M. de Jussieu qui peut , à si juste titre , être con- sidéré comme le législateur des méthodes en bota- Bf'FFON. COMPLÉM. T. III. 1 'A 1 9 C n 2 BOXAIS IQUE nique a formé un nouvel ordre de plantes sous le nom de monimiées; les pleures dont il le compose sont le rukia, le monimia, Yambora , et peut-être le citrosma, \e pavonia , et Vallierosperma. Cet ordre de- vra être placé immédiatement avant la famille des urticées ; mais à la suite des monimiées , M. de Jus- sieu place le calycantlius réuni jusqu alors aux rosa- cées; il le considère comme le type d'un nouvel ordre qui servira de passage entre les monimiées et les urticées. M. Palisot-Beauvois a porté ses recherches sur l'ordre des graminées ; il en a étudié les organes de la fructification plus exactement qu'on ne Favoit fait avant lui , a fondé sur forganisation de chacune de leurs parties les caractères qui doivent distinguer les graminées entre elles, et obtenu les moyens de diviser les espèces nombreuses de cet ordre en gen- res beaucoup plus naturels que ceux qui avoient été adoptés jusqu'à présent. M. Labillardière nous fait connoître une plante nouvelle de la famille des palmiers dont il a fait un génie, sous le nom de plycliosperma , voisin des élates et des arecas. Cette plante a été découverte par l'auteur à la Nouvelle-Irlande; elle s'élève sou- vent à plus de soixante pieds, et son tronc n'a ce- pendant que deux à trois pouces de diamètre. Ces proportions lui ont fait donner le nom de cjraciUs, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 3 Il est étonnant, comme l'observe M. Labillardière , qu'un arbre aussi frele puisse se soutenir hii-même ; mais on sait que dans tous les monocotylëdons la partie ligneuse la plus dure est à l'extérieur, et cette structure donne aux plantes de cette classe une force que ne peuvent avoir celles dont les fibres les plus solides sont au centre. M. Lamouroux a présenté à llnstitut un travail très étendu sur les piantes marines. On s'étoit à peine occupé de ces singuliers végétaux; ils étoient généralement réunis d'une manière peu naturelle, et M. Lamouroux, en formant un seul groupe de toutes les plantes qui babitent les mers, paroît avoir opéré un changement utile. Le peu de pro- grès qu'on avoit fait dans l'étude des algues étoit cause du peu d'accord qui régnoit entre les bota- nistes sur les organes qui servent à la reproduc- tion de ces cryptogames. M. Corréa, dans un tra- vail spécial sur cette matière , avoit reconnu des organes mâles et des organes femelles dans les tu- bercules placés aux extrémités des ramifications de ces plantes. C'est cette opinion que M. Lamouroux partage; mais il caractérise avec précision les dif- férentes parties de ces organes , et répand ainsi beaucoup de clarté sur l'étude de ces singuliers vé- gétaux. Cet auteur a de plus observé que les espèces d'algues qui croissent sur le granit ne sont jamais 4 BOTANIQUE les mêmes que celles qui se trouvent sur la pierre calcaire ou sur les sables, et réciproquement. Quant à leur organisation intérieure , M. Decandolle avoit reconnu qu elle étoit dépourvue de vaisseaux et en- tièrement formée de tissu cellulaire. M. T^amouroux distingue deux sortes de cellules, les unes hexagones très alongées , qui forment les tiges et les nervures des ramifications ; les autres de la même forme que les précédentes , mais à côtés presque égaux et qui constituent la substance membraneuse ou foliacée. M. Lamouroux pense que les premières pour- roient être analogues aux vaisseaux , et les secondes au tissu utriculaire des végétaux plus parfaits. Ces travaux généraux ont conduit Fauteur à former dans cette famille plusieurs genres nouveaux qu'il a également présentés à la sanction de Tlnstitut. M. de Mirbel a continué ses recherches sur la physiologie végétale. Jusqu'à présent on avoit bien reconnu qae Talbunien des graines servoit ordinai- rement à nourrir la jeune plante après la germina- tion ; mais cette opinion avoit peut-être besoin d'être encore appuyée sur des observations positives , et M. de Mirbe!, au moyen d'une expérience aussi sim- ple qu'ingénieuse, paroît avoir levé tous les doutes sur cette question. L'embryon contenu dans la graine de ValUum cœpa se recourbe , en se dévelop- pant, de manière à former un coude qui sort de ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 5 terre , tandis que la pluniule et la radicule y restent cachées. Si à ce point de la végétation l'on fait une marque quelconque et à égale hauteur sur les deux branches du germe, on verra la tache la plus voi- sine de la radicule s élever seule dans le cas où la plante ne recevroit d'aliments que par les sucs de la terre : si au contraire , elle n'est entretenue que par l'albumen de la graine, la tache de la plumule s'é- lèvera au-dessus de l'autre; enfin les taches s'élè- veront à-peu-près également, si la terre et la graine concourent au développement du germe. C'est ce dernier phénomène qui a Heu ; il cesse lorsque l'al- bumen est entièrement absorbé : alors la jeune plante a assez de force pour puiser dans la terre ou dans l'atmosphère la nourriture dont elle aura dés- ormais besoin. Ce mémoire est accompagné d'observations in- téressantes sur la germination de l'asperge, et sur la manière dont les feuilles de cette plante, d'abord engainantes comme toutes celles des monocotylé- dons, deviennent, par l'accroissement de la tige, latérales et opposées , et ensuite latérales et alternes. Dans un autre mémoire , M. de Mirbei a entre- pris de nouvelles recherches sur la germination du nélumbo. Les botanistes n'étoient point d'accord sur la classe à laquelle cette plante devoiî être rap- portée, et sur la nature des deux lobes charnus au 6 BOTANIQUE milieu desquels elle prend naissance. Les uns n'ob- servant point de radicules se développer dans la jyermi nation de cette plante, croyoient qu'elle en étoit entièrement dépourvue; d'autres regardoient les lobes dont nous venons de parier comme des racines , et d'autres comme des organes particuliers et analof{ues au vitellus. C'est au moven d'observa- lions anatomiques que M. de Mirbel cberclie à lever les doutes que font naître ces diverses opinions. Il reconnoît d'abord au nélumbo tous les caractères qui distinguent les plantes à plusieurs cotylédons, des plantes à un seul cotylédon. Il trouve ensuite dans les lobes de cette plante des vaisseaux analo- gues à ceux des cotylédons, et il observe, au point où ces lobes se joignent, d'autres vaisseaux qui se réunissent de la même manière que ceux qui carac- térisent les radicules dans les embryons pourvus de cet organe ; et il conclut que le nélumbo ne dif- fère point essentiellement des autres plantes de sa (liasse. M. Gorréa, en regardant avec M. de Mirbel le nélumbo comme une plante à deux cotylédons , ne partage point son opinion sur la nature des lobes; il croit, avec Gaertner, que ces organes ont beau- coup d'analogie avec le vitellus, et il les compare aux tubercules cliarnus des racines des orchis. Les plantes, comme l'observe ce savant botaniste, ont ET PHYSIOLOGIE VEGETALE. -y une organisation double et relative, d'une part, à la terre où elles doivent s'enraciner, et de l'autre, à l'air où leur feuillage se développe. T^es racines sont destinées à la végétation descendante, et c'est au point où ces deux systèmes d'organisation se réunis- sent que les cotylédons sont ordinairement placés : or les lobes du néîumbo sont à la partie la plus in- férieure de la plante, et conséquemment dans le sys- tème de la végétation descendante ou des racines. Cette manière d'envisager le nélumbo ôteroit, à la vérité, les moyens d'y reconnoître les cotylédons; mais l'exem pie de beaucoup d'au très plantes privées de ces organes montre qu'ils ne sont point du tout essentiels à la végétation, et que les caractères qu'on en a tirés pour partager le règne végétal en trois divisions sont insuffisants, et qu'ils doivent être remplacés par ceux que donnent la direction des vaisseaux et les rayons médullaires. C'est aussi dans la vue de détruire les doutes que font naître les différentes opinions de plusieurs sa- vants botanistes que M. Poiteau a entrepris un travail qu'il a soumis à Flnstitut, sur ia germina- tion des graminées. On n'étoit pas d'accord sur la partie de la graine de ces plantes , qui devoit être régardée comme le cotylédon : mais observant que Fécusson, que Gaertner prenoit pour un vitellus et M. Richard pour le corps de la radicule, étoit 8 BOTANIQUE placé dans le point où la plumule et la radicule se séparent, il considère cet organe comme un vé- ritable cotylédon. Ces recherches ont, en outre, conduit M. Poiteau à une oljservation qui, pour être accidentelle, n'en est pas moins intéressante, puisqu'elle se lie à un des phénomènes les plus gé- néraux de la végétation. Au moment où la radicule des graminées se développe, elle prend la figure d'un cône et représente la racine principale ou le pivot des autres plantes; mais bientôt, et dès que les racines latérales ont un certain accroissement, ce cône s'oblitère et se détruit , de sorte qu'au- cun plant de cette famille n'a de pivot. Et comme M. Poiteau a fait la même observation sur plusieurs autres plantes à un seul cotylédon, on peut sup- poser que cette substitution de racines nombreuses et secondaires à une principale a lieu , parceque chaque faisceau de fibres des monocotylédons a sa racine propre: ce qui rappelle naturellement la belle observation de M. du Petit-Thouars , sur l'ac- croissement en grosseur du dracaena, dont il a déjà été question dans les années précédentes. ANNÉE 1810. M. du Petit-Thouars , qui s'occupe avec une con- stance digne d'être citée en exemple de fanatomie et de la physiologie des végétaux , et qui a déjà pro- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 9 posé à riiistitut plusieurs aperçus nouveaux sur cette branche de science.^ l'a entretenu cette année de la moelle et du liber, ou de cette pellicule située sous lecorce, et que Ion a regardée long- temps comme la mère de l'aubier et du bois. Il pense en- tièrement le contraire sur ce dernier point, et s'ac- corde à cet égard avec M. Knight , botaniste anglois, qui vient aussi de publier de belles observations sur la physique des arbres. Quant à la moelle, M. du Petit-Thouars assure que l'on s'est également trom- pé quand on a cru qu'elle pou voit être comprimée, et disparoitreà la longue par Faccroissement du bois qui l'entoure ; il a montré de très vieux troncs de plusieurs sortes d'arbres où le canal médullaire est aussi gros que dans les branches de l'année. M. de Mirbel , qui a publié depuis long-temps de belles recherches générales sur la structure in- térieure des végétaux, et les fonctions de leurs di- verses parties, s'occupe maintenant de comparer entre elles sous ce rapport les diverses familles. Il a traité cette année des plantes à fleurs en gueule ou labiées; mais, cherchant toujours à revenir à ces principes généraux, qui seuls peuvent élever nos observations à la dignité d'une véritable science, il a fait précéder son travail par des considérations sur la manière d'étudier l'histoire naturelle des vé- gétaux, où il essaie de prouver que, pour établir une. lO BOTANIQUE bonne classification des plantes, le botaniste doit appeler à son secours les faits que fournissent fana- tomie et la physiolo(i^ie; qu'aucun caractère n'a une importance telle (juelle s'étende indistinctement sur toutes les familles ; et que par conséquent une méthode conçue d'après la considération d'un seul principe est nécessairement en opposition avec les rapports naturels, il n'excepte point dans ce juge- ment les caractères tirés du nombre des cotylédons, de la présence ou de l'absence du përisperme , et de l'insertion des étamines. L'analyse rigoureuse, dit- il, démontre que la valeur proportionnelle des traits caractéristiques varie dans chaque groupe, en sorte que le même caractère a plus ou moins d'importance, selon qu'il existe dans une espèce ou dans une autre; et cette importance n'est, en der- nière analyse, que le résultat derenchaînement né- cessaire des diverses modifications organiques ; il convient que, s'il est difficile en général d'aperce- voir le nœud qui unit les traits caractéristiques dans les êtres organisés , les obstacles sont sur-tout multipliés quand il s'agit des végétaux . à cause de l'extrême simplicité de l'organisation; mais il croit néanmoins qu'on a trop négligé jusqu'à ce jour cette partie rationnelle de la science, sans laquelle rhistoire naturelle des plantes est réduite à n'être qu'un assemblage de faits sans relation. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. II Il clistincrue dans les caractères ceux de la végéta- tion et ceux de la reproduction , et pense que les uns et les autres offrent des considérations également importantes pour le rapprochement des espèces en familles. Il distingue dans les familles celles qui sont for- mées en groupe, et celles qui sont formées par en- chaînement. Dans les premières Tensemble des traits est conforme pour toutes les espèces, et la défini- tion caractéristique n'admet presque point d'excep- tions : telles sont les labiées, les ombellifères, etc. Dans les secondes les traits se modifient par nuan- ces insensibles , de ma nière que les dernières espèces finissent par être assez différentes des premières pouf qu'il soit impossible d'exprimer leurs rapports par une définition courte, simple, et affirmative: telles sont les borraginées, les renonculacées. Le mémoire sur les labiées offre un essai de la méthode analytique que l'a-uteur propose pour 1 e- tude des familles naturelles. Il examine les labiées dans toutes leurs parties. Non seulement il fait en- trer en considération les caractères extérieurs , mais encore l'organisation interne, et même les phéno- mènes qui en dérivent. Après avoir parlé delà ger- mination , il passe à l'organisation de la tige; il dé- crit en détail les glandes et les poils: il pense que Ion s'est trompé en considérant comme des pores 12 BOTANIQUE les aires ovales mêlées aux cellules plus ou moins hexagones qui forment 1 epiderme. Ces aires ne sont à ses yeux que de petites élévations , ou si l'on veut que des poils extrèmements courts. Il trouve dans la structure interne de la tige la cause de sa forme et de la disposition des feuilles par paires. Une bride vasculaire s étend d'une feuille à l'autre, et les re- tient clans une situation opposée. Nous ne suivrons pas l'auteur dans ses recher- ches sur le calice, la corolle, et les étamines. Les observations que contient cette partie de son mé- moire se composent d'une multitude de faits par- ticuliers qui ne sont point susceptibles d'analyse. Le pistil a présenté à M. de Mirbel une organisa- tion très remarquable , et qui cependant n avoit encore été observée que superficiellement. Un corps glanduleux placé au fond du calice porte quatre ovaires , du milieu desquels s'élève un style. La base de ce style ne communique pas directement avec les ovaires : elle pénètre dans la partie qui les sou- tient, et donne naissance à quatre conducteurs, lesquels, réunis aux vaisseaux nourriciers qui se rendent du pédoncule dans le fruit , remontent vers les ovaires. Cette disposition du style et des conducteurs , par rapport aux ovaires, existe égale- ment dans les borraginées. Le corps glanduleux est semblable , par son or- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l3 ganisation interne, à la glande du cobea , dont M. de Mirbela public lanatomie il y a quelques années. Cet appareil organique est destiné à la sécrétion du suc mielleux qui se dépose au fond du calice. La forme du style et du stigmate lui a fourni aussi matière à plusieurs observations absolument neuves. La plupart des auteurs considèrent le fruit des labiées comme étant formé de quatre graines nues. Gaertner lui-même n a pas évité cette erreur. M. de Mirbel montre que ce fruit est composé de quatre drupes, dans lesquelles on reconnoît facilement l'existence d'une enveloppe pulpeuse et d'un noyau plus ou moins solide. Il fait voir en outre que l'em- bryon, ordinairement droit, mais quelquefois re- plié sur lui-même , est revêtu de deux téguments , que l'extérieur est mince , et porte toujours à sa partie inférieure la trace du cordon ombilical ; que l'intérieur, tantôt mince et flexible, tantôt cbarnu et cassant , est un véritable périsperme. Ce résultat inattendu n'est que la conséquence d'un fait général qui avoit échappé aux recherches des botanistes ; savoir, que tout tissu cellulaire, ho- mogène, distinct de sa membrane externe, et ap- pliqué immédiatement sur l'embryon , quelles que soientsonépaisseur et la nature delà substance in- organisée qui remplit ses cavités, est un périsperme; l4 BOTANIQUE d'où il suit qu'il est très peu de foraines dans les- quelles on ne puisse trouver, même après la matu- rité , des vestiges de cet organe. Pour rendre cette vérité plus sensible , M. de Mirbel donne l'histoire circonstanciée du dévelop- pement de Fembryon et de la formation du péri- sperme dans les labiées et dans d'autres plantes. Enfin il croit pouvoir conclure de l'ensemble de ses observations que , dans les familles des labiées, les principaux caractères de la végétation , aussi bien que ceux de îa reproduction , ont une liaison si étroite que l'on ne peut supposer le changement d'un de ces caractères sans admettre en même temps le changement des autres , c'est-à-dire que l'existence de chacun d'eux est visiblement liée à l'existence de tous ; ce qui fait que chacun acquiert pour la classi- fication une valeur égale à l'ensemble des traits ca- ractéristiques dont il est en quelque façon le repré- sentant. Tous les botanistes savent que la division pre- mière des végétaux, fondée sur Tu ni té et la pluralité des cotylédons, est, généralement parlant , d'accord avec les rapports naturels ; cependant cette régie n'est pas sans exception : d'une part la cuscute , le cyclamen, quelques renonculacées, n'ont qu'un co- tylédon, quoiqu'on ne puisse, sans déroger aux lois ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. i5 de la nature, les séparer des plantes à deux feuilles séminales ; d'autre part le zamia et le cycas ont deux cotylédons, quoique leur place seniJîle inva- riablement fixée entre les palmiers et les foup^ères, qui, comme l'on sait, n'offrent qu'une feuille sémi- nale. M. Richard, frappé de ces anomalies, a cru pou voir substituer à la division des monocotylédons et des dicotylédons celle des embryons endorrbizes et exorrhizes. Suivant lui , les endorrbizes cachent legerme de leur racine dans une poche particulière qui s'ouvre ou se déchire durant la germination , et les exorrhizes au contraire, n'ayant point de poche, présentent au-deh ors leur racine naissante. Il pense que cette division est à-la-fois plus générale et plus naturelle que la première. Ce n'est point le senti- ment de M. deMirbel; ce botaniste a annoncé dans un mémoire lu à l'Institut qu'il a fait germer un grand nombre de plantes à une et à deux feuilles séminales; il en a représenté la forme à différentes époques de leur développement, et il lui a semblé qu'en adoptant le sentiment de M. Richard on se verroit forcé de réunir souvent dans le même groupe les plantes les plus hétérogènes , telles par exemple que le gui et le blé , ou le cycas et le cèdre. L'auteur de ce nouveau système , dit -il , croit que toutes les vraies monocotylédones sont eii dorrhizes ; mais le fait est que les seules graminées dans cette l6 BOTANIQUE grande classe offrent ce caractère , et qu'on le re- trouve bien distinctement dans plusieurs dicotylé- dones. 11 cite le gui et le loranthus ; il montre en- , suite qu'il existe une analogie frappante entre les graines du nélumbo, du nympbaea, du saururus , et du piper, que l'embryon des deux derniers gen- res est renfermé dans une sorte de sac tout-à-fait semblable à celui du nymphgea, et il conclut que les quatre genres appartiennent à la classe des dicoty- lëdons. Enfin il pose en principe que les caractères tirés de la structure des tiges , combinés avec ceux que donnent le nombre et la forme des cotylédons, sont encore les meilleurs pour établir une pre- mière division naturelle dans le régne végétal. Quant aux subdivisions des rangs inférieurs , ou à ce qu'on appelle des familles , il y a à-la-fois moins de difficultés à découvrir des bases sur lesquelles on puisse les faire reposer, et plus de liberté sur l'étendue qu'on leur donne, et il arrive souvent que des botanistes jugent à propos de les mul- tiplier. Ainsi M. de Gandolle a donné un mémoire qui renferme la monographie de deux familles qu'il a établies , les oc/inacées et les simaroubées. Les arbres dont ces familles sont composées sont tous origi- naires des régions situées sous la zone torride , et paroissent même y être assez rares, en sorte que ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l-j leur histoire et leurs descriptions avoient été fort négligées : on les avoit confondues ou avec les an- nonacées, ou avec les niagnoliacées, ou avec les dilléniacées : M. Decandolle prouve quelles diffè- rent de ces trois familles par un grand nombre de caractères , et sur-tout par la structure de leur fruit, qu'il décrit avec détail, parcequdle offre une con- formation reniar(|uab]e. Dans les oclmacées et les 5/- maroubées la base du pistil se renfle en une espèce de disque charnu , sur lequel les loges des semences sont articulées: ce disque, que l'auteur nomme gynobase, avoit été pris pour une partie du réceptacle de la fleur; mais il appartient réellement au pistil, puis- qu'il est traversé par les vaisseaux qui vont du stig- mate aux ovaires. Il résulte donc de cette structure, mieux appréciée , que les oc/tnacécs et les simaroubées n*ontpasun fruitagrégé, mais un fruitsimple, et par conséquent se rapprochent davantage des ruiacées que de toute autre famille de plantes. Les deux groupes qui font l'objet du travail de M. Decan- dolle se rapprochent beaucoup entre eux par la structure de leur fruit; mais on est obligé de les considérer comme deux familles distinctes, quand on a égard à leurs autres différences. Ainsi les oc/i^ nacées ont des fleurs toujours hermaphrodites, des pétales étalés en même nombre que les divisions du calice, ou en nombre double, des étamines in- BUFFON. COMPLEM. T. III. l8 BOTANIQUE sérées sous le germe des fruits , dont les loges, un peu semblables à des noix , ne s'ouvrent pas d elles- mêmes, et renferment une graine droite sans péri- sperme , et deux cotylédons épais. Ce sont des ar- bres toujours lisses, à écorce peu ou point amère, à suc propre aqueux , à feuilles simples , à deux sti- pules axillaires , à fleurs en grappes dont les pédi- cules sont articulés au milieu de leur longueur: les simaroubées au contraire ont des fleurs souvent uni- sexuelles par avortement, à quatre ou cinq pétales droits , à cinq ou dix étamines munies d'écaillés à leur base, à loges du fruit en forme de capsules s'ouvrant d'elles-mêmes, et dont la graine attachée au sommet est pendante dans la loge : ce sont des arbres à écorce très amère , à suc propre laiteux, à feuilles composées , dépourvues de stipules et à pé- dicules non articulés. Les ochnacées , qui renfer- ment les genres ochna, gompliia^ et un nouveau genre nommé eivasia, se trouvent augmentées d'un grand nom: re d'espèces nouvelles, mais n'ont en- core aucune importance quant à leurs usages; les simaroubées, qui renferment les genres quassia, si- marouba, et simaba, sont d'un grand intérêt, puis- qu'elles offrent deux des remèdes les plus actifs de la médecine. D'après la description donnée par MM. de Hum- boldt et Willdenow de la plante qui forme l'écorce ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 19 connue en phariuacie sous le nom de cortex angus- turœ, on devait présumer qu'elle appartenoit à la famille des simaroii bées ; et M. Decandolie ly avoit en effet placée, mais en conservant quelque doute. M. Richard , qui a eu occasion d'analyser la fleur de cette plante très rare, assure au contraire qu'elle appartient à la famille des méliacées, dont elle se rapproche par sa corolle monopétale seulement en apparence, par ses étamines unies à leur base, par l'absence des écailles de la base des étamines, et même par le fruit, observé il est vrai dans sa jeu- nesse seulement : les poils rayonnants qui couvrent la surface de la feuille et de la fleur confirment l'opinion de M. Richard , laquelle ne peut être dé- montrée ou renversée que par l'inspection du fruit mûr de cet arbre qui est encore inconnu. Ce ojenre a été décrit par M. Willdenow sous le nom de bon- plandia; mais, comme il cxistoit déjà un (>enre dé- dié à M. Bonpland, nos botanistes pensent qu'il est plus convenable de désigner celui-ci ou sous le nom d'angustura, qui est le nom officinal, mais qui est un nom de pays, ou plutôt sous celui decuspa- ria, qui est le nom américain latinisé , et que M. de Humboldt a déjà employé dans son Tableau de la géographie des plantes. M. de Gubières a présenté la description d'un arbre intéressant de l'Amérique septentrionale, le 20 BOTANIQUE magnoiier auriculé , dont les grandes fleurs peuvent, par leur odeur et par leur éclat, faire rornement de nos parcs. ANNÉE 1811. Notre confrère M. Palisot de Beauvois a commu- niqué à rinstitut le résultat d'une expérience pro- pre à étendre les idées que Ton se fait de la marche de la sève. Au lieu d'enlever seulement une bande d ecorce au pourtour d'une branche , comme on le fait d'or- dinaire, il en a isolé entièrement une plaque, en faisant une entaille tout autour, et de manière que ses fibres n'avoient plus aucune communication avec le reste de l'écorce, ni par en haut, ni par en bas , ni par le côté. Il a aussi enlevé le liber, et bien essuyé le cambium, ne laissant intact que le bois dans le fond de l'entaille. Les bords de cette plaque d'écorce ainsi isolée n'ont pas laissé de reproduire des bourrelets, aussi bien que l'écorce du bord ex- terne de Fentaille; la plaque a même sur quelques arbres donné naissance à un bourgeon qui s'est bien développé. Rien ne prouve mieux la commu- nication générale de toutes les parties du végétal, et comment elles peuvent se suppléer mutuellement dans leurs fonctions ; car cette plaque d'écorce n'a pu tirer sa sève que du bois caché sous elle. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 21 Dans notre rapport de 1 806 nous avons exposé l'opinion particulière à M. de Beauvois sur la fé- condation des mousses, et nous avons rappelé en même temps les objections qui empêchent encore plusieurs botanistes d'adopter cette opinion , la- quelle consiste à reg^arder comme pollen , ou pou- dre fécondante , la poussière verte qui remplit l'urne des mousses, et comme semence une autre poussière (|ue M. de Beauvois place dans une cap- sule située dans Taxe de cette même urne, tandis que Hedwig prend la poussière verte pour la se- mence , et cherche le pollen dans d'autres organes, et que des botanistes plus récents ne veulent pas même admettre de sexe dans ces sortes de plantes, et ne prennent leur poussière que pour un amas de petits bulbes ou bourgeons. M. de Beauvois a fait cette année une observa- tion qui lui paroît confirmer son opinion. Ayant examiné avec soin l'urne du mnium ca/nllare, il a trouvé, i"* que la poussière verte de l'urne n'adhé- roit point à la capsule centrale, comme elle devroit le faire, si elle étoit la semence , et si cette capsule étoit une columelle, ainsi que le prétendent les sec- tateurs d'Hedwig; 2° qu'il y avoit dans la capsule des grains transparents et plus gros que ceux de la poussière verte ; 3"" que dans la poussière verte elle- même il y avoit des grains de deux sortes , les uns 2 2 BOTANIQUE verts, Opaques, anguleux, unis par des filets; les autres transparents et sphériques. M. de Beauvois examinant ensuite la poussière des lycopodes y a trouvé également deux sortes de grains ; les uns étoient opaques et jaunes , les autres ronds et transparents comme des bulles deau, et au plus dans la proportion d'un à trente, par rap- port aux premiers. M. de Beauvois , qui regarde les grains opaques comme le pollen , pense que ces corps transpa= rents qui s'y trouvent mêlés sont des espèces de bourgeons ou de bulbes, propres à donuer de nou- velles plantes , et que ce sont eux qui ont germé, quand Hedwig et les autres observateurs ont obtenu de jeunes plantes en semant la poussière des lyco- ]3odes et des mousses; ainsi Ton ne pourroit plus lui opposer c^s expériences. Quant aux véritables graines, elles sont placées, selon lui, dans les lycopodes autrement que dans les mousses ; les aisselles des feuilles de la partie infé- rieure de l'épi recèlent, dans quelques plantes de la première famille, de petites capsules contenant chacune quelques grains plus gros que la poussière des capsules supérieures, qui ont été considérés con^^me des semences par Dillenius, et par tous ceux qui regardoient avec lui la poussière comme un pollen. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2.3 M. Wildenow ies regarde comme des espèces de bulbes , et c'est Topinion commune de ceux qui ne veulent point admettre de sexes dans les mousses, les lycopodes, et les autres cryptogames. Mais M. de Beau vois trouve que ces grains ont tous les caractères d'organisation assignés aux se- mences par les botanistes les plus exacts , et que l'on ne j)eut en conséquence liésiter à les regarder comme tels , quoi([u'on ne les ait pas encore décou- verts dans tous les lycopodes ; il convient cependant qu'il n'a pas réussi à les faire lever, mais il croit que c'est faute de les avoir eus dans un état assez frais; d ailleurs , quand ds lèveroient, ceux qui prétendent que ce sont des bulbes ne se tiendroient pas pour battus. Nous avons indiqué brièvement dans nos rap- ports des deux années dernières les discussions éle- vées entre nos deux confrères , MM. de Mirbel et Richard , sur la composition intérieure des graines de certains végétaux. Comme ces discussions ne tendent à rien moins qu a ébranler des systèmes accrédités, elles ont pris une chaleur proportion- née à leur importance , et il nous a paru nécessaire de rendre compte du point où la question en est venue. Pour cet effet il faut la prendre d'un peu plus haut. Quand on met dans l'eau une graine de haricot 24 BOTANIQUE par exemple, elle ne tarde pas à se fendre, et au point de jonction des deux lobes , qui forment la plus grande partie de sa masse, on observe d'un côté un petit corps charnu, de figure conique, et delautredeux petites feuilles assez reconnoissables. Si on avoit fait germer cette graine, la partie co- nique se seroit enfoncée darts la terre, et auroit formé la racine ; les deux petites feuilles se seroient élevées dans Fair, et d'entre elles se seroit continué le reste de la plante; les deux grands lobes, adhé- rents au point de jonction des deux autres parties, après avoir joué pendant quelque temps le rôle de feuilles, se seroient bientôt desséchés et auroient disparu. Le petit tubercule conique porte en botanique le nom de radicule ; la partie opposée , qui en se dé- veloppant donne le tronc entier de la plante , se nomme plamule, et les deux lobes latéraux sont ap- pelés cotylédons. Des expériences nombreuses montrent que la fonction des cotylédons est de fournir la substance nécessaire au premier développement de la plu- mule et de la radicule, jusqu'à ce que la petite plante soit assez forte pour tirer de la terre et de Fatmosphère les sucs propres à son accroissement ultérieur. Des observations non moins répétées ont appris ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 26 que les plantes à deux cotylédons , qui sont les plus nombreuses dans la nature , ont entre elles un grand nombre de caractères communs, et quelles diffèrent par la plupart des détails de leur orj^ani- sation de celles qui n'ont qu'un seul cotylédon , et encore plus de celles où Ton n'en observe point du tout ; en conséquence les botanistes ont fait de cette composition du petit embryon végétal la base de leur première division des plantes. M. Desfontaines, dans un mémoire dont nous avons donné l'analyse en son temps , sembloit avoir mis le sceau à cette division , en prouvant que les troncs ligneux des plantes dicotylédones ont une autre texture interne et une autre manière de croître ([ue ceux des monocotylédones et des aco- tylédones. Mais , comme il arrive souvent en liistoire natu- relle, sur-tout quand les caractères fondamentaux ne reposent que sur des observations empiriques, et dont on n'a point apprécié les rapports rationnels avec le reste de l'organisation , l'on s est aperçu pe- tit à petit que ces régies n'étoient pas sans exception. On a découvert que les semences de certaines plantes qui par toute leur structure ressemblent aux dico- tylédones ou n'ont point du tout de cotylédons , ou en ont plus de deux ; on a cru remarquer aussi des exceptions en sens inverse, et ces idées ont en- 20 BOTANIQUE gagé à examiner avec plus de soin que jamais les semences de toutes les plantes. Or dans celte re- cherche il s'en est trouvé quelques unes dont la structure a paru prohléniatique , et où le même or- gane a reçu différents noms , selon la manière dont chacun la envisagé. Le nélumbo est une des plus remarquables de ces espèces douteuses. C'est une plante des Indes qui a beaucoup de rapport avec notre nénuphar; sa graine recèle un corps divisé en deux lobes aux deux tiers au moins de sa hauteur, et entre ces lobes est un petit sac membraneux d'où sortent les pre- mières feuilles , et ce n'est qu'après que la tige qui porte ces feuilles s'est un peu alongée qu elle pro- duit latéralement quelques petites racines. MM. de Mirbel et Poiteau , conformément à une ressemblance au moins apparente, ont avancé que les deux lobes sont les deux cotylédons ; que les pre- mières feuilles forment la plumule, et le sac qui les enveloppe une espèce de gaine; que la radicule reste in active et sans développement, et que les fibres qui naissent delà petite tige sont analogues à ces racines qui sortent de la tige des plantes rampantes. M. de Mirbel en particulier croit avoir trouvé dans l'intérieur de ces lobes un appareil de vais- seaux tout-à-fait semblables à ceux des cotylédons, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 27 dans les plantes qui ont les cotylédons doubles. Ces deux botanistes ont donc rangé le nélumbo parmi les dicotylédones. M, Ricbard au contraire a soutenu que c'est le petit sac qui doit être considéré comme le seul coty- lédon , et que les deux lobes appartiennent à Textré- mité de la radicule; il a comparé ces corps à ceux que l'on observe dans d'autres embryons, et aux- (|uels il a donné le nom àliypoblasles , les mêmes que Gaertner appeloit viiellus; et cette analogie lui a paru d'au! nt plus certaine que les lobes en ques- tion, ainsi [ue les autres bypoblastes , ne prennent poiîU (^'accroissement lors de la germination, au contraire de la plupart des cotylédons. La produc- tion latérale des racines est une consécjuence natu- relle et générale de la présence d'un bypoblaste, qui empêche la radicule de s'alonger directement. D'après ce raisonnement, M. Richard a classé le né- lumbo parmi les monocotyledones. Alors la discussion s'est portée sur la nature même de ces bypoblastes. M. de Mirbel a coiii^aré ce que M. Richard nomme ainsi dans les grami- nées , et qui est le sculelliim de Gaertner, avec le co- tylédon des asperges, des balisiers, et de quelques autres des plantes qui n'en ont qu'un , et il a con- clu de sa comparaison que l'hypoblaste des grami- nées est précisément leur cotylédon; ce qui met- 28 BOTANIQUE troit de son côté toutes les analogies citées par M. Richard. M. Poiteau a fait aussi sur cette question un mé- moire où il se montre du sentiment de M. deMirbel. M. Richard a répliqué qu'il y a plus de diffé- rence que M. de Mirbel ne croit ; que la plu mule de lasperge et des autres plantes citées est enve- loppée dans le cotylédon ; qu elle le perce pour se montrer au jour; que c'est un caractère essentiel à la plumule de toutes les plantes monocotylédones ; que dans les graminées au contraire la pluuiule est enveloppée dans une tunique en forme de cône, distincte de rhypoblaste, et que c'est une tunique qui, enveloppant la plumule , doit être le véritable cotylédon ; mais M. de Mirbel n'a voulu voir dans ce petit cône qu'une excroissance résultant de ce que la plumule prend dans la graine un accroisse- ment proportionnellement plus fort dans les gra-- minées que dans les autres monocotylédones. Ona cherchéalors des arguments auxihaires dans les plantes plus ou moins voisines du nélumbo. M. de Mirbel a fait voir qu'il existe une grande ressemblance entre les graines du poivre et de quel- ques autres plantes bien reconnoissables pour di- cotylédones par la structure de leurs souches et les graines du nélumbo. A la vérité on ne voit pas dans le nélumbo ni dans le nymphaea les couches ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 29 ligneuses annuelles qui distin(^uent les dicotylé- dones ; mais c'est à leur tissu lâche qu'on doit, selon M. de Mirbel , attribuer cette différence. M. Richard a produit en sa faveur les familles des hydrocharidées et des hydropeltidées, dont il croit que le nélumbo et le nymphœa se rapprochent le plus, et dont plusieurs genres ont des hypoblastes épais , dans un creux desquels est logée la plu mule enveloppée d'une bourse cotylédonaire, quoique ces hypoblastes ne soient pas divisés aussi profon- dément que dans le nélumbo. Mais parallèlement à cette discussion partielle, il s'en est élevé une autre , dont la première ne s'est plus trouvée faire qu'un épisode. Il y a déjà deux ou trois ans que M. Richard , re- connoissant que la division des plantes, d'après le nombre de leurs cotylédons, ou lobes séminaux, est en quelques cas obscure ou même insuffisante, en a proposé une nouvelle, prise d'une autre par- tie de Fembryon ; savoir, de la structure et de l'en- veloppe de la radicule. Dans les plantes communément appelées dico- tylédones , la radicule ou le petit tubercule conique dont nous avons parlé ci-dessus, devient elle-même, en s'alongeant , la racine du végétal ; dans les autres elle n'est qu'un petit sac renfermant des tubercules qui deviennent les racines. 3o BOTANIQUE M. Richard nomme les plantes de la première forme, exorrliizes , et celles de la seconde, endor- rliizes. M. de Mirbel a prétendu que cette nouvelle di- vision est encore moins applicable que lancienne; qu'à la vérité la radicule des graminées est con- forme à cette description des endorrliizes , mais que dans les autres monocotylédones il n'y a d'appa- rence de sac qu'un petit nœud à la base de la ra- cine naissante , et que ce nœud se retrouve dans des plantes analogues aux dicotylédones, telles que ce même poivre, auquel il avoit déjà eu recours dans la question particulière du nélumbo. Ici M. Richard affirme que le poivre est tout aussi monocotyiédone que le nélumbo; et il se pourroit bien que l'on vînt jusqu'à remettre en doute la structure des tiges de la famille des pi- péracées , ou que l'on fût obligé d'apporter à la ré- gie générale de la structure des tiges de nouvelles déterminations propres' à rendre son application plus précise, et à faire disparoître ces diverses ap- parences d'exception. Il ne nous conviendroit pas d'exprimer un juge- ment quand des botanistes si habiles sont encore partagés; mais leur discussion aura toujours pro- curé à la science cet avantage incontestable que, chacun d'eux cherchant à soutenir son opinion , ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 3l par des faits, ils ont découvert et fait représenter la structure intérieure de la semence et le mode de germination de beaucoup de plantes qui avoient été peu ou mal observées jusqu'à ce jour sous ce rapport; en tlièse générale, cependant, nous pen- sons que Ton ne pourra jamais être sûr de la con- stance d'un caractère, tant que la raison de son importance n'aura pas été démontrée par le genre d'influence qu'il exerce; car tout ce qui ne repose que sur de simples observations empiriques, quel- que nombreuses qu'elles soient, peut être renversé par une seule observation contraire; or linfluence du nombre et des diverses formes des parties dans les végétaux est encore trop peu connue pour cpie Ton puisse espérer de long-temps de donner aux caractères botaniques ce degré de certitude ration- nelle auqtiel ceux de la zoologie sont parvenus. Nous devons encore faire observer que la descrip- tion détaillée de la famille des bydrocbaridées, que M. Ricbard a donnée dans le cours de cette discus- sion, a un mérite indépendant de l'objet en litige , celui de déterminer plus exactement les genres dont cette famille se compose, et dont M. Eicbaid a porté le nombre à dix , parcequll en a ajouté cinq nouveaux à ceux qui étoient connus auparavant. M. Desvaux a présenté à l'Institut les prémices d'un travail sur la famille des fougères , où il a 32 BOTANIQUE ajouté quelques observations à toutes celles de MM. Swartz et Smith , où il propose de démembrer encore quatre genres de ceux que ces savants bo- tanistes ont établis, et où il décrit exactement plu- sieurs espèces peu ou point connues. M. Lescbenault de La Tour, l'un des naturalistes qui ont voyagé avec le capitaine Baudin, nous a donné des détails sur les arbres dont les naturels de Java, de Bornéo et de Macassar, emploient le suc pour empoisonner leurs flèches , et qui ont fait en- core dans ces derniers teixips, sous le nom à'iipas, le sujet de relations si exagérées. Il y a deux sortes de ces poisons: Yiipas antiare et Vupas iliieutc. Tous les deux tuent, en quelques minutes, par la plus lé- gère blessure ; mais le dernier est plus violent ; c'est l'extrait de la racine d'une espèce de strychnos ou noix vomique, plante ligneuse de la famille des apo- cins, qui selève en grimpant jusqu'aux branches des plus grands arbres. Les expériences faites par MM. Delile et Magendie prouvent qu'il agit sur la moelle épinière, et cause le tétanos et l'asphyxie. L'autre découle d'un grand arbre que M. Lescbe- nault nomme antiaris toxicaria , et qui appartient à la famille des orties. Ceux qui en reçoivent dans leurs blessures rendent d'abord des évacuations vertes et écumeuses, et meurent dans de violentes convulsions. On mange sans danger la chair des ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 33 animaux tués avec ces poisons , en retranchant seu- lement la partie blessée. M. Decandolle, correspondant et professeur à Montpellier, se propose de publier les plantes nou- velles ou peu connues du beau jardin confié à ses soins, en donnant, toutes les fois que l'occasion s'en présentera , des observations sur les genres auxquels ces plantes appartiennent, et il a présenté à Flnstitut des échantillons qui ne peuvent que faire bien augurer de son travail ; les cent planches, que cet ouvrage doit contenir, sont déjà dessinées. Notre confrère, M. de Beauvois, continue tou- jours les livraisons de sa Flore dOware et de Bénin, dont il a fait paroître cette année les douzième et treizième livraisons. Il annonce dans la douzième, une nouvelle division des graminées, fondée sur la réunion ou la séparation des sexes , et sur la composition de la fleur et du nombre de ses enve- loppes. ANNEE 1812. La plupart des physiologistes admettent depuis long-temps dans les plantes une sève ascendante, qui monte des racines aux branches, et contribue au développement des branches en longueur; et une sève descendante , qui descend des feuilles aux racines , et à laquelle quelques uns attribuent la «UFFON. COMPLEM, T. III. 34 BOTANIQUE principale part dans le développement du bois, et par conséquent dans le grossissement du tronc. M. Féburier, cultivateur à Versailles, a essayé de recueillir séparément ces deux sèves; pour cet effet il a pratiqué une entaille profonde à un tronc d'arbre, et adapté une vessie contre la paroi infé- rieure, de manière qu'il ne pût y entrer que le li- quide qui viendroit des parties de l'arbre situées au-dessous ; il a fait une autre entaille, et il a placé la vessie à la paroi supérieure, en sorte qu'elle ne pouvoit recevoir que des sucs venus d'au-dessus. M. Féburier considère la sève recueillie dans la vessie inférieure comme de la sève montante; et l'autre comme de la sève descendante, et donne des observations nombreuses sur les proportions de l'une etde l'autre en diverses circonstances. Voulant ensuite s'assurer du chemin que chaque sève par- court dans l'intérieur du végétal, il a plongé alter- nativement, par les deux bouts, des branches d'ar- bres dans des teintures colorées. Dans les deux cas , ces teintures lui ont paru suivre les libres ligneuses de l'étui médullaire, ce qui lui fait attribuer la même marche aux deux sèves , en quoi il se ren- contre avec le résultat d'autres expériences faites par Mustel. M. Féburier pense d'ailleurs que la sève ascen- dante contribue principalement au développement ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 35 des branches; la descendante, à celui des racines : mais il croit que le cambium, ou cette humeiu' qui transsude horizontalenient du tronc, et que Ton regarde comme la matière qui donne à l'arbre son accroissement en épaisseur, résulte , ainsi que les sucs propres, du mélan^jedes deux sèves. La présence des feuilles nécessaires pour pro- duire la sève descendante Test en conséquence aussi pour laccroissenicnt en épaisseur ; mais les bour- geons, à qui M. du Petit-Thouars fait jouer un grand rôle dans cette opération, n'y ont aucune part , selon M. Féburier, car elle a lieu , dit-il , tant que les feuilles existent, et elle cesse aussitôt qu'on les enlève , soit qu'on laisse les bourgeons ou non. Quant à ce qui regarde les fleurs et les fruits, M. Féburier assure avoir observé que la sève ascen- dante, lorsqu'elle prédomine, tend à déterminer la production des fleurs simples et le développement complet des germes; que la sève descendante au contraire, lorsqu'elle est surabondante, opère la multiplication des fleurs et des pétales, et le gros- sissement des péricarpes , et par conséquent de la partie charnue des fruits : principes d'où il seroit facile de déduire beaucoup de pratiques utiles à la culture, et qui expliqueroient aussi plusieurs des pratiques déjà indiquées j)ar l'expérience. Selon M. Féburier, l'aubier mis h nu, mais ga- 3. 36 BOTANIQUE ranîî du contact de Tair, est en état de reproduire, j)ar le moyen du canibiura, le liber et lecorce né- cessaires pour le recouvrir, comme Técorce produit habituellement, et même lorsqu'on la en partie écartée de son tronc , du liber et de Taubier. En ce point il a pour antagoniste notre collègue, M. Pa- iisot de Beauvois , qui s'est occupé de ces questions toujours difficiles, de la marche de la sève et de la formation du bois. Selon ce botaniste, ce suinte- ment d'une humeur glaireuse, que quelques phy- siologistes supposent émaner de l'aubier ancien, et qui contribueroit à la formation du liber, n'est pas fondé sur des expériences piobantes. Au contraire, quand on a enlevé une portion décorée à un arbre, et qu'on a bien frotté la plaie, de manière à n'y lais- ser ni liber ni cambium, ni l'aubier ni le bois ne reproduisent rien ; mais les bords de la solution de continuité faite à Técorce s'étendent, recouvrent le bois resté à nu , et produisent alors du liber et de faubier incontestablement émanés de cette écorce. M. de Beauvois annonce qu'il mettra bientôt dans toutsonjourcetteproposition, qu'il n'a énoncée que par occasion dans un mémoire sur la moelle des végétaux. Tj opinion des physiologistes a été jusqu'à présent très partagée sur l'utilité et les fonctions de la moelle des végétaux. Suivant les uns, cet organe est néces- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 87 saire à ia vie des plantes durant toute leur existence ; suivant d'autres , elle ne leur est utile que dans les premières années, et tout le temps seulement qu elle est verte, succulente , et lorsqu'elle peut encore être aisément confondue avec le tissu cellulaire. M. de Beauvois a fait, à ce sujet, des observations qui ten- dent à établir que la moelle exerce, pendant toute la vie des plantes, des fonctions sinon d'une néces- sité absolue pour leur existence, du moins très im- portantes pour leurs prop^rès, et les développements de leurs branches, de leurs feuilles, et sur-tout des organes nécessaires à leur reproduction. Il a remarqué que l'étui médullaire, c'est-à-dire la couche circulaire de fibres qui entourent immé- diatement la masse de la moelle, a toujours une forme correspondante à l'arrangement et à la dis- position des branches , des rameaux , et des feuilles ; que, dans les végétaux à rameaux et à feuilles ver- ticillées, par exemple, la coupe horizontale de l'é- tui médullaire montre autant d'angles qu'il y a de rameaux à chaque étage et à chaque verticille. Ainsi l'étui médullaire du laurier rose offre un triangle équilatéral si la branche au-dessous des verticilles est à trois rameaux et à trois feuilles; mais si on le coupe en dessous du verticille le plus inférieur, dont souvent un rameau et une feuille avortent, il n'aura que deux angles et le vestige d'un 38 BOTANIQUE troisième égaienient avorté. Cette loi s est trouvée constante, même dans les plantes herbacées. M. cle Beauvois a commencé des observations semblables sur les plantes à feuilles opposées, al- ternes, distiques, en spirales répétées, et compo- sées de quatre, cinq, et un plus grand nombre de feuilles et de rameaux. Il regarde comme probable qu'il y trouvera les mêmes rapports entre la forme de Fétui médullaire et la disposition des branches, des rameaux, et des feuilles. Par exemple les feuilles opposées semblent nécessiter un étui médullaire rond, et qui devient ovale , ayant les extrémités de plus en plus aiguës, plus il se rapproche du point de finsertion des rameaux et des feuilles. Ijorsque les feuilles sont alternes, le cercle est moins parfait, les extrémités s'amincissent égale- ment, mais alternativement, et chacune du côté où doit paroître le rameau. Lorsque les feuilles sont en spirale, le nombre des angles de letui médullaire est égal à celui des feuilles dont se composent les spirales. C'est ainsi que letui médullaire du tilleul n'a que quatre an- gles; celui du chêne, du châtaignier, de la ronce, du poirier, de presque tous les arbres fruitiers, etc. , est à cinq angles plus ou moins réguliers , parceque les spirales se multiplient et se succèdent constam- ment de cinq en cinq. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 89 Grew et Bonnet paroissent avoir été seuls sur la voie de ces observations. Le premier avoit observé des formes très variées dans Fétui médullaire, sur- tout dans celui des racines pivotantes des plantes potagères; mais il n'a point saisi les rapports de ces formes avec des dispositions des rameaux et des feuilles. Le second s'est attacbé à distinguer les vé- gétaux à feuilles opposées, verticillées, alternes, en spirales, mais n'a pas fait le rapprochement de ces dispositions avec la forme de l'étui médullaire. M. de Mirbel a continué ses recherches sur la structure des organes de la fructification dans les végétaux, où il a été secondé, avec un zèle et une intelligence qu'il se plaît à reconnoître, pa r M. Schu- bert, que le gouvernement du grand -duché de Varsovie a envoyé en France pour se perfectionner dans la botanique, qu'il doit bientôt enseigner en Pologne. Ces deux botanistes ont examiné tous les genres de la famille des arbres à aiguilles ou conifères, l'une des plus importantes à connoître à cause de la sin- gularité de son organisation, de la grandeur des espèces qu'elle renferme, et de l'utilité de ses pro- duits. Il n'est personne qui ne distingue très bien, au premier coup d œil , le cèdre , le mélèze , le pin , le sapin , le thuya , le cyprès , l'if, le genévrier; mais, quoique les botanistes aient étudié avec une atten- 4o BOTANIQUE tion particulière les or-o^anes de la reproduction de ces vëg^étaiix , ils ne sont point d'accord sur les ca- ractères de la fleur femelle, ou pour mieux dire la plupart conviennent que le stigmate du pin, du sapin , du cèdre, et du mélèze, est encore à trouver. On pourroit donc dire que ces arbres sont, à cet égard , des espèces de cryptogames. MM. de Mirbel et Schubert vont plus loin : ils assurent que la fleur femelle de l'if, du genévrier, du thuya, du cy- près, etc., n'est pas mieux connue, et que, sans exception, tous les genres de la famille des coni- fères ont un caractère commun, qui juscju'à pré- senta trom né les observateurs, et qui consiste dans l'existence d'une cupule, non pas telle que celle de la fleur du chêne , qui ne couvre que la base de Fo- vaire, mais beaucoup plus creuse, cachant entière- ment l'ovaire , et resserrée en manière de goulot à son orifice. I^a fleur femelle, renfermée dans cette enveloppe, a échappé à l'observation. Dans le thuya, l'if, le genévrier, le cyprès , etc. , la cupule est re- dressée; et, par une erreur qu'explique l'extrême petitesse des organes, on a pris de tout temps l'ori- fice de cette cupule pour le stigmate. Dans le cèdre, le mélèze, le pin, et le sapin, la cupule est renver- sée, et son orifice est très difficile à apercevoir. C'est seulement dans ces dernières années qu'elle a été observée, en Angleterre par M. Salisbury, en France ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. /[l par MM. Poiteaii, de Mubel, et Schubert. Ces bota- nistes n'ont pas hésité à la considérer comme le sti[][mate; et cela étoit naturel, puisqu'on saccor- doit à placer le stigmate de Tif, du thuya, du cy- près, etc. , à Torifice de la cnpule. Mais des recher- ches ultérieures ont détrompé MM. de Mirbel et Schubert. Par le m.oyen d'une anatomie délicate, ils ont reconnu que ce que l'on prend (généralement pour la fleur femelle dans les conifères n'est autre chose que la cupule, dont la forme imite assez bien celle d'un pistil, et qui recèle dans sa cavité la véri- table fleur, laquelle est pourvue d'un calice nriem- braneux adhérent à l'ovaire, et d'un sti(jmate ses- sile dans tous les genres, excepté dans Vep/iedra. On conçoit que cette structure, si différente de ce qu'on avoit iinaginé jusqu'ici, amène de grands changements dans l'exposition des caractères de la famille et des genres. Selon M. de Mirbel, la fleur femelle des plantes de la famille du cycas a une organisation analogue à celle des conifères; ce qui viendroit à l'appui du sentiment de M. Richard, qui place ces deux fa- milles l'une à côté de l'autre parmi les dicotylédons ; mais M. de Mirbel pense que, tant que les caractères de la végétation serviront de base aux deux grandes divisions des végétaux à fleurs visibles , les cycadées ne pourront être éloignées des palmiers. 4-2 BOTANIQUE L'organisation de la fleur mâle des mousses a été aussi le sujet des recherches de MM. de Mirhel et Schubert. Après Hedwig il eût été difficile de décou- vrir quelques faits neufs sur cette matière. Mais la rupture des anthères et l'émission du pollen étoient des phénomènes que plusieurs botanistes révo- quoient en doute. Nos deux botanistes assurent qu'ils se sont offerts de la manière la moins équi- voque à leurs regards. Les organes qu'Iiedwig ap- pelle mâles, dans le potj trie hum commune, placés sur l'eau , se sont fendus en bec à leur sommet, et ont lancé une liqueur oléagineuse , qui s'est étendue comme un léger nuage à la surface du liquide. MM. de Mirbel et Schubert ont alors soumis com- parativement à l'observation le pollen d'un grand nombre de plantes phanérogames, et ils ont vu qu'il se comportoit tout-à-fait de même que les parties mâles des mousses ; ce qui les porte à croire que ces parties, désignées sous le nom d'anthères par Hedwig, pourroient bien n'être que de simples grains de pollen nu, d'une forme particulière, M. de Mirbel en particulier a continué ses recher- ches sur la germination. Il remarque, contre l'opi- nion assez généralement répandue, que la radicule ne perce pas toujours la première. Par exemple dans beaucoup de cypéracées c'est constamment la plumule qui paroît d'abord. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. /\3 Le même botaniste a reproduit sous un nouveau jour, et avec des modifications et des additions im- portantes, ses opinions sur l'organisation des tiges, sur leur développement, et sur la structure, tant interne qu'externe, des organes de la fécondation des plantes. M. Henri deCassini, fils de Tun de nos confrères, et dont le nom est si célèbre en astronomie, a pré- senté à l'Institut un mémoire qui fait bien augurer de ses succès dans une autre science. Il a examiné avec un soin particulier le style et le stigmate dans toute une famille de plantes bien connues sous les noms décomposées, desjngénésies, ou desjnanthérées; et des organes si peu considérables lui ont offert une foule de différences curieuses , qui lui ont suffi pour proposer une division de ces plantes , unique- ment fondée sur les modifications de ces deux par- ties du pistil. Nous regrettons de ne pouvoir suivre cet habile observateur dans les détails où il est entré, et qu'il a décrits et dessinés avec une netteté singulière ; on ne doute point qu'ils ne servent beaucoup un jour à perfectionner la classification de cette famille si nombreuse et si naturelle, et dont la subdivision doit être en conséquence plus difficile qu'aucune autre. Il est peu de familles de végétaux aussi directe- 44 BOTANIQUE ment utiles à Thomme que celle des graminées, où l'on compte le blé, le seigle, le riz, le maïs, le sorgho, la canne à sucre, Torgc, l'avoine, le mil ou millet, le- roseau, le sparte, etc. Nommer ces plantes c'est assez faire sentir l'im- portance d'un ouvrage qui apprendroit à les con- noître avec certitude. Les caractères dont on s'est servi jusqu'à présent sont généralement regardés comme insuffisants. A chaque pas l'observateur se trouve arrêté; il lui est difficile, souvent même impossible, de trouver le véritable genre de la plante qu'il examine ; souvent aussi les caractères adoptés ne conviennent qu'à quelques espèces, et ne se retrouvent plus dans le reste du genre, M. Palisot de Beauvois a entrepris sur cette fa- mille un travail général, qu'il vient de publier sous le titre d'Essai dAgrostocjrapliie, Il s'est attaché à écarter toute espèce de confusion, et à donner à chaque genre des signes constants et faciles à sai- sir, de manière que l'observateur ne puisse plus être égaré. Pour cet effet il a été obligé d'adopter de nou- velles bases , qu'il a déjà annoncées dans sa Flore dOware et de Bénin, et qui tiennent principalement à la séparation ou à la réunion des sexes , à la com- position de la fleur, et au nombre de ses enveloppes. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. ^S Vingt-cinq planches, dans lesquelles tous ces ca- ractères sont représentés, facilitent l'étude de ces plantes, qui intéressent tous les ordres de la so- ciété, et les personnes même qui ne font pas leur occupation essentielle de la botanique. M. de Beau vois continue sa Flore cfOware et de Bénin, dont la treizième livraison est publiée, et son Histoire des insectes recueillis en Afrique et en Amé- rique, dont la huitième livraison a paru. M. de La Billardière a continué et termine le Re- cueil de ses plantes rares de Syrie et du Liban, par les quatrième et cintjuième livraisons. Le même naturaliste a communiqué à l'Institut plusieurs observations particulières et intéressantes d'iiistoii enatu relie, qu'ilavoit faites dans son voya(][e au Levant, dont la publication a été interrompue par le voya^^e plus long et plus dangereux qu'il a fait depuis avec d'Entrecasteaux, et dont le public a la relation depuis plusieurs années. M. Gouan, correspondant de Tïustitut à Mont- pellier, a publié une description des caractères gé- nériques du (jinko biloba, arbre singulier du Japon, que Ton possédoit depuis long -temps en Europe, mais qui n'y ayant point encore fleuri n'avoit pu être mis à sa place dans le système des végétaux. Il est une famille de plantes bien moins impor- tantes que les graminées par ses usages, mais beau- 46 BOTANIQUE coup plus singulière par ses caractères, et que l'on ne peut observer en vie qu aux bords de la mer; c'est celle des fucus et des plantes marines qui leur sont analogues. M. Lamouroux, professeur d'his- toire naturelle à Caen , placé favorablement dans une ville si peu éloignée de la côte, en a fait Fun de ses principaux objets d'étude. ïl leur. donne le nom commun de thalassiopliytes , et les divise en plu- sieurs tribus, dont il a été obligé de prendre les caractères dans toutes les parties du végétal, faute d en trouver assez dans les organes de la fructifica- tion, qui servent ordinairement de base à ces sortes de distributions, mais qui sont trop peu connus dans la plupart des fucus pour que l'on y ait uni- quement recours. C'est encore là un de ces travaux aussi pénibles qu'utiles que nous avons regret de ne pouvoir analyser dans un récit aussi sommaire que le nô- tre ; qu'il nous suffise de nous joindre aux commis- saires de l'Institut pour en demander la prompte publication. ANNÉE 1813. Le phénomène si connu de la chute des feuilles en automne est encore le sujet de quelques discus- sions par rapport à ses causes , et donne encore lieu à diverses observations sur ses variétés. Ainsi ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. /['] M. Garnot, membre de la section de mécanique, mais dont l'esprit observateur ne néj^lige rien de ce qui lui paroît pouvoir fournir des sujets de médi- tations, ayant remarqué que certains arbres com- mencent à se dépouiller par le liant de leur cime, et d'autres par le bas, M. Palisot de Beau vois , mem- bre de la section de botanique, a recbercbé la rai- son de cette différence. Il a trouvé qu'en général les espèces où la pousse automnale consiste en de simples prolongations des extrémités des rameaux se dépouillent d'abord par le bas , et que celles où cette pousse se fait par de petits rameaux latéraux commencent à se dépouiller par le haut, ou , en d'au très termes , que les feuilles venues les dernières sont aussi les dernières qui tombent. Duhamel , qui avoit fait une remarque analogue, s'étonnoit que ces feuilles, qui doivent être plus tendres, résis- tassent davantage à la gelée; c'est que ce n'est point essentiellement la gelée qui fait tomber les feuilles, mais que leur chute est un effet nécessaire et coor- donné à toute la marche de la végétation , et que , soit par le développement du bourgeon, soit par une altération intérieure et préparée parla nature, le pétiole se détache quand le progrès de sa nutri- tion a amené le moment où doit se dissoudre le tissu qui lui servoit de lien. Aussi quand un arbre, par une cause quelconque, vient à périr dans la 48 BOTANIQUE saison de la végétation , ses feuilles conservent leur adhérence. On sait que plusieurs fleurs s'ouvrent et se fer- ment à des heures déterminées , et que la chaleur et l'humidité ont une (jrande influence sur ce phé- nomène ; M. Desvaux , hotaniste à Paris , a fait à cet égard des ohservations sur les mésembrianthémums , plantes où ces mouvements alternatifs sont si re- marquables qu'on en a tiré leur nom générique, et il a trouvé que la cause en réside, non pas dans la corolle, comme on le croyoit, mais dans le calice, qui en se fermant force la corolle à obéir à ses con- tractions, au point que si on retranche le calice la corolle reste épanouie la nuit comme le jour. M. de Mirhel , notre confrère , nous a présenté cette année deux séries de recherches; la première sur la graine et sur les membranes qui la revêtent; la seconde sur le péricarpe, c'est-à-dire sur le récep- tacle où la graine est logée. Il a d'abord examiné jusqu'à quel point Ion peut regarder comme exacte l'analogie établie par Malpighi entre les tuniques qui revêtent dans la matrice le fœtus des animaux, et celles qui enveloppent la graine des plantes. L'embryon composé de la plumule et de la radicule étant considéré comme un fœtus, Malpighi crut reconnoître dans le lesla, ou tunique extérieure, le représentant du c/iorion, et dans le tegmen , ou tu- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 49 nique intérieure, celui de Vamnios; le périsperme lui parut représenter la liqueur qui remplit l'am- nios, et dans laquelle le fœtus nage. M. de Mirbel trouve au contraire que, dans les premiers temps, la p^raine n'est qu'un tissu cellulaire mucilagineux et continu, dont une partie devient d'abord l'em- bryon , et dont le reste forme ensuite le périsperme et les tuniques séminales, sans qua aucune époque on puisse dire que l'embryon nage dans une liqueur. L'état mucilagineux de ce tissu et sa transparence auront donné lieu , à ce qu'il croit , à la comparai- son peu juste de Malpighi. M. de Mirbel passant à l'examen du péricarpe est parvenu à en ramener les formes à une loi gé- nérale, qui, déterminant ce qu*il y a d'essentiel dans cette partie du végétal , réduit presque à rien les anomalies qu'elles sembloient offrir dans cer- taines familles. Le type général de toute capsule péricarpienne lui a paru pouvoir se représenter par une petite boîte aplatie par les côtés , et composée de deux valves dont l'union forme deux bords ou deux sutures , une plus courte et l'autre plus droite; à cette dernière suture adhèrent les petites graines, soit du corps de la plante , soit du style ou de l'ô^r- gane qui leur transmet l'action fécondante. Cette disposition est sensible dans les gousses des légumi- neuses, telles que les haricots, les pois, etc. On BUFFON. COMPLÉM. T. III. 4 5o BOTANIQUE laperçoit encore fort bien dans les noyaux des amandes , des pêches , des cerises , etc. , où l'un des côtés a toujours un sillon et quelquefois un canal qui indi(|ue le passage des vaisseaux. M. de Mirbel donne le nom de camare à une telle capsule simple. Les plantes que nous venons de citer n'en ont qu'une par fleur. Quand il y en a plusieurs leurs sutures séniinifères ou vasculaires sont toujours du coté de l'axe idéal du fruit, et si on se les repré- sente soudées ensemble elles forment une seule boîte péncarpienne divisée en plusieurs loges , et portant les graines le long de son axe central. C'est ainsi que dans une même famille les ca- mares sont tantôt distinctes , tantôt réunies selon les genres, comme on le voit dans les renoncula- cées, les rutacées; c'est encore ainsi que certaines camares , soudées d'abord , se séparent à l'époque de la maturité, comme dans la rose trémière, feu- pborbe, le liura crepitans, etc. Une fois ces idées admises l'on trouve que les pé- ricarpes, très différents au premier coup d'œil, ne sont cependant que des modifications assez légères d'un dessein commun ; mais , comme il arrive aussi de là que des familles très éloignées ont des péri- carpes très semblables, on ne peut tirer que rare- ment de cette partie des caractères propres à bien grouper les plantes. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 5l Il n'en est pas ainsi de la structure intérieure des (jraines, qui diffère beaucoupd'un (groupe à l'autre, et fort peu dans Fintérieur du même groupe; et c est en partie ce qui a décidé M. de Mirbel à divi- ser la famille des orangers de M.de Jussieuenquatre familles; savoir, les aurantiacées , déjà fort bien cir- conscrites par M. Corréa; les olacinéeSy qui com- prennent Volax , Xefissilia, le heisteria, et le ximenia; les théacées , où se placent le tbé et le camélia; et les ternstrœmiées , qui i enferment le ter nst?œmia, et le f restera . Dans la famille des olachiées n'est point compris le xiïïienia œijyptiaca , dont M. Delile a fait avec rai- son un nouveau genre sous le nom de balanites. Ce végétal , qu'on ne sait encore où classer, a présenté à M. de Mirbel un caractère qui est peut-être uni- que dans toute la végétation. On connoît ce corps glanduleux qui est placé sous le pistil de beaucoup de fleurs, et auquel les botanistes ont donné le nom de disque ou de nectaire; il existe dans le bala- nite sous la forme d'une bourse à jetons ; le pistil y est d'abord renfermé tout entier et ne paroît point; mais en grossissant il écarte les bords de la bourse, et se montre au jour. M. Henri de Gassini , dont nous avons annoncé l'année dernière une suite considérable d'observa- tions sur le style et le stigmate de la grande famille 4. 52 BOTANIQUE de plantes connues sous les noms de composées, de syncjénésées, et de synanthérées^ pénétré du principe développé par les naturalistes philosophes, qu'une classifîcaton, pour donner des idées justes des êtres, doit reposer sur Fensemble de leurs caractères , a porté cette année ses recherches sur les étamines de la même famille , où il a découvert plusieurs particularités ignorées des botanistes. Aucun d'eux par exemple n'a voit remarqué l'articulation qui parta^^e le filet dans le voisinage de l'anthère , ca- ractère que M. de Cassini a trouvé beaucoup plus constant que celui de Tunion des anthères entre elles. Il nous promet incessamment ses observa- tions sur la corolle, l'ovaire, le péricarpe, et la graine; et, comme on ne peut douter qu'il n'ait mis à ses recherches la même attention qu a celles qu'il a déjà communiquées, nulle famille de plantes ne sera aussi bien connue. La botanique aura tout à attendre d'un aussi habile observateur, lorsqu'a- près avoir ainsi étudié une famille si naturelle, que l'on peut presque la regarder comme un grand genre, il exercera sa sagacité sur ces familles équi- voques dont les caractères variés rendent les li- mites incertaines. La physiologie végétale, comme toutes les autres sciences , offre de ces questions difficiles dont la nature ne fournit pas de solution évidente, et qui ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 53 feront encore long- temps l'objet des discussions des savants. Telle est entre autres celle de l'existence des sexes dans les plantes connues sous le nom de crypto- games. Bien des botanistes , rebutés par la difficulté d'en découvrir les organes , en sont venus à penser que ces végétaux pourroient se passer de sexes , et se propager par des bulbes ou par de simples bour- geons, aussi bien que certains animaux, tels que les polypes, où la reproduction se fait incontesta- blement ainsi. D'autres au contraire , frappés de la complication de l'appareil de reproduction dans les fougères , dans les mousses , etc. , ne peuvent croire qu'un genre de propagation aussi simple que celui des bourgeons ait pu rendre nécessaires des organes si multipliés et si variés. Us chercbent donc à re- trouver les étamines , le pollen , le pistil , les graines , les embryons, et tous ces agents de fécondation si reconnoissables dans les plantes ordinaires; mais, comme l'analogie de forme les abandonne, quoi- qu'ils se réunissent sur le principe, ils divergent dans les applications : ce que les uns prennent pour le pollen, d'autres le regardent comme la semence, ou réciproquement; de sorte que ces sexualistes, comme ils se nomment, n'ont guère moins de con- testations entre eux qu'avec leurs adversaires com- muns ou les agamistes. 54 BOTANIQUE Nous avons déjà rendu compte dans nos rapports précédents de plusieurs de ces discussions. Cette année en a vu renaître une partie à propos d'un {çrand travail de M. Desvaux sur la famille des lyco- podes. On sait que ces pkntes , récemment séparées des autres mousses par les botanistes , portent dans de petites capsules une poussière jaunâtre fort com- bustible, qui est bien connue sous le nom de pou- dre de lycopode, et dont on fait plusieurs usages. Sa ressemblance avec les anthères la fait considérer par M. de Beauvois comme un véritable pollen. Cependant, selon quelques observateurs, elle ne crève pas dans leau comme le pollen ; et, de l'aveu de tous , quand on la répand sur la terre , elle lève, et donne des lycopodes. Mais la première propriété n'est pas d'une nature essentielle, et M. de Beau- vois attribue la seconde à de petits (^ lobules qu'il a distingués parmi cette poussière, et qu'il regarde comme de petits bulbes ou bourgeons ; en sorte que, selon lui , ce ne seroit pas la poussière jaune qui léveroit, mais quelques uns de ces bourgeons que l'on n auroit j)U en séparer. Quant aux véri- tables semences q ue le pollen seroit destiné à fécon- der, M. de Beauvois les trouve dans d'autres capsules placées tantôt entre, tantôt au-dessous des pre- mières , et ne contenan t que des petits grains ronds , transparents, et plus gros que ceux de la poudre ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 55 jaune. Mais ces capsules particulières ne se sont en- core trouvées que clans un tiers environ des espèces de lycopodes , et on les a vainement cherchées dans les autres. M. Desvaux, à-peu-près d'accord sur les faits avec Mr de Beauvois , en conteste les consécpiences : il ne voit dans la poussière jaune que des bulbes ou bourgeons , ou , comme il les appelle, des propag ides, lesquelles nont pas besoin de fécondation pour gerîuer. Les autres .orains observés par M. de Beau- vois ne sont probablement, dit-il, à en juger par leur petit nombre, leur transparence , et leur figure variée et irrégulière, que des propagules avortées. M. de Beauvois répond en faisant voir que toutes les définitions que les plus savants botanistes ont données de la graine sont applicables à ces globules ; et partant du principe que l'existence d'une graine suppose celle du sexe féminin , et que l'existence d'un sexe suppose celle dej'autre, il se maintient dans ses premières idées. Son adversaire réplique qu'une définition nomi- nale formée d'après les idées reçues ne peut déci- der un procès où ces idées mémos sont mises en contestation , et que les caractères visibles de struc- ture , reconnus dans toutes les graines , sont loin de pouvoir être vérifiés ici , à cause de la petitesse de l'objet. 5G BOTANIQUE. On voit que la discussion commence à devenir métaphysique. I^e seul moyen de la juger aux yeux des physiologistes difficiles seroit d'opérer la fécon- dation de ce qu'on regarde comme des pistils, par le moyen de ce qu'on regarde comme du pollen; mais qui pourroit se flatter de faire sur des organes si déliés l'expérience qui a si hien démontré l'exis- tence des sexes dans les plantes ordinaires? M. Desvaux a donné d'ailleurs une distribution méthodique de tous les lycopodes connus , en ajou- tant quelques subdivisions à celles qu'avoit établies M. de Beauvois dans un travail précédent sur la même famille , et en prenant pour bases princi- pales l'existence des deux sortes de capsules et la di- vision des capsules en loges plus ou moins nom- breuses. M. Decandolle , correspondant de l'Institut et professeur à Montpellier, a fait connoître des cham- pignons parasites d'un nouveau genre, qu'il nomme rhizoctones, ou mort des racines, parcequ'ils s'atta- chent aux racines des plantes, et les font périr assez rapidement. M. Persoon avoit réuni sous le nom de sclerotium les fongosités charnues à l'intérieur comme des truffes , mais dépourvues de ces veines qui donnent à la chair des truffes une apparence marbrée. Hedwig en avoit séparé les érysiphes, qui vivent à la surface des feuilles ; mais on pouvoit en- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 67 core observer dans ceux qui restoient des carac- tères suffisants pour en faire deux genres : les uns , qui ne sont pas essentiellement parasites, et nais- sent dans les fumiers et les plantes décomposées , n'ont à leur surface ni fibres ni racines ; les autres , et ce sont les rhizoctones , émettent des filaments simples ou branchus, vivent sur les racines des plantes vivantes , les attaquent par l'extérieur, et les épuisent en absorbant leur nourriture. Ils se mul- tiplient avec rapidité au moyen de ces filaments qui les propagent d'une plante à l'autre, et causent ainsi des maladies contagieuses dont plusieurs de nos cultures ont beaucoup à souffrir. On n'en con- noissoit bien qu'une espèce, qui produit la maladie trop fameuse en Gâtinois , sous le nom de mort du safran. Une autre, que M. DecandoUe décrit pour la première fois, exerce ses ravages sur la luzerne, dont ses filets, d'une belle couleur de laque, em- brassent étroitement les racines : les pieds attaqués se fanent, jaunissent, et meurent promptement; et, comme le cbampignon se propage en rayon- nant , l'on voit bientôt dans les cbamps de luzerne des espaces circulaires assez larges ainsi décolorés. L'auteur conseille de creuser tout autour des en- droits infectés des fossés assez profonds pour que les filaments cramoisis ne puissent aller plus loin, en observant de rejeter la terre du fossé en dedans 58 BOTANIQUE du cercle , afin de ne pas étendre le mal en voulant le guérir. L'une des plus g^randes difficultés de la bota- nique consiste à bien fixer les limites des espèces, et à ne point reg^arder comme telles les variétés pro- duites par le sol et le climat; et le principal moyen d'éviter ce genre d erreurs est de ne point admettre parmi les caractères des espèces les particularités d'organisation dont on a constaté par le fait la mu- tabilité. M. Desvaux ayant appliqué cette méthode aux rosiers, et s'étant aperçu que plusieurs de leurs prétendues espèces ne diffèrent entre elles que par des caractères qui varient souvent sur le même indi- vidu , est parvenu à réduire de beaucoup les espèces nominales de ce genre. Il a fait voir par exemple que la rose sauvage la plus commune (rosa canina) offre jusqu'à vingt-une variétés , dont les différences pourroient être exprimées par des descriptions, mais qui passent insensiblement les unes dans les autres, et que treize de ces variétés ont été indû- ment élevées au rang d'espèces par certains auteurs: six autres prétendues espèces sont également dé- chues de ce rang, et ramenées à la rose des Alpes; cinq à la rose des haies ^ etc. La même sévérité portée dans toute l'histoire naturelle la siniplifieroit et l'é- clairciroit beaucoup; mais il faudroit pour cela (|ue les naturalistes s'exerçassent aux recherches ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 69 critiques, et renonçassent au vain honneur d'aug- menter sans cesse la liste des espèces connues. Dans l état actuel de la science il y auroit certainement plus de peine, plus d'utilité, et plus de gloire, à diminuer cette liste. M. Delile, membre de l'Institut d'Egypte, a lu à l'Institut une histoire bien intéressante des plantes cultivées et sauvages de ce pays fameux. Il la destine à faire partie du grand ouvrage sur l'Egypte, auquel tant de talents ont concouru , et qui se publie avec une magnificenc proportionnée à la grandeur d'une entreprise dont il sera le monument le plus dura- ble. L'auteur distingue les plantes propres à l'E- gypte de celles qu'y apportent les inondations du Nil et les vents du désert, et de celles qui lui sont communes avec des ])ays voisins ou éloignés; il fixe les limites assignées à chaque espèce dans cette longue et étroite vallée, par les latitudes, par la qualité plus ou moins saline^ plus ou moins sablon- neuse du sol ; il fait connoître les variations pro- duites par chaque sol sur les plantes qui croissent dans plusieurs, et il expose avec soin les espèces cultivées et les attentions que chacune exige en rai- son de la constitution toute particulière à cette contrée peut-être unique dans son genre sur le globe, Nous regrettons beaucoup qu'un ouvrage essen- 6o BOTANIQUE tiellement composé de détails ne se prête point à une analyse aussi abrégée que l'exif^ent les bornes qui nous sont prescrites. M. Decandolle a publié une Théorie élémentaire de la botanique, où il explique toutes les variétés de forme et de combinaisons des organes , ainsi que les termes qui les expriment, où il établit les régies de toute nomenclature raisonnable , et où il donne une théorie générale des méthodes de distribution , et particulièrement de celle que l'on nomme natu- relle, parcequ'elle est fondée sur les rapports essen- tiels des végétaux entre eux. Il entre à ce sujet dans plusieurs considérations qui lui sont propres sur la valeur de ces rapports et sur les organes et les con- formations d'organes où ils doivent être puisés ; il propose des vues nouvelles sur les différences en apparence très considérables entre certains végé- taux , et qui ne tiennent cependant qu'à lavorte- ment ou à la soudure de quelques uns de leurs or- ganes. Partant des espèces où cet avortement et cette soudure sont manifestes pour les moins clair- voyants, il conduit habilement à d'autres espèces où Ton peut encore les apercevoir, quoique moins aisément, et il n a qu'un pas à faire pour arriver à des avortements ou à des soudures que l'analogie indique lorsque la vue ne peut plus les saisir, et dont l'admission ressemble à ces hypothèses auxquelles ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 6l les physiciens sont obligés de recourir , quand les faits les abandonnent, pour ne point laisser de lacunes dans lensemble de leurs développements. C'est un moyen qui pourroit être dangereux en des mains moins adroites que celles de M. DecandoUe, mais dont il a fait en général un emploi aussi mo- déré qu'ingénieux; son ouvrage ne peut que rendre de grands services en introduisant de plus en plus l'esprit philosophique dans une partie deHiistoire naturelle trop livrée à la routine , et qui , malgré tous les progrès que lui ont récemment fait faire les grands maîtres , compte encore parmi ceux qui la cultivent un trop grand nombre d'imitateurs ser- viles. M. de La Peyrouse , correspondant et professeur à Toulouse, a publié une Histoire abrégée des Plantes des Pyrénées, en un volume in-8°. Cet ouvrage, qui manquoit à la botanique , est principalement dû aux nombreux voyages faits, par l'auteur dans cette chaîne intéressante, et comprend les descriptions abrégées de toutes les espèces qui y ont été obser- vées soit par lui , soit par ses prédécessurs, rangées selon le système de Linnaeus , avec lindication des lieux où elles croissent , et les meilleures figures que Ton en possède. C'est un complément important à la Flore jrançoise , et un guide utile pour ceux qui voudront visiter ces montagnes. 62 BOTANIQUE ANNÉE 1814. M. de Humboldt, dans un mémoire sur la végé- tation des îles Canaries, s'est élevé à des considéra- tions générales sur la géographie des plantes ; et en combinant les résultats de l'observation avec la dou- ble influence que la latitude et la hauteur dans Fat- mosphère exercent sur la température, il a fixé, pour un certain nombre de points, les limites des neiges perpétuelles, la température moyenne de l'air à cette limite, prise pendant toute l'année, ainsi que la température particulière des mois d'hi- ver et des mois d'été ; et il a montré que l'on peut déduire de ces différentes données la distance ha- bituelle entre cette limite et celle des hauteurs où se portent les arbres et les céréales ; et même que les variétés en apparence bizarres, que les mêmes espèces d'arbres présentent en différents climats, peuvent s'expliquer quand on joint à ces données la considération des époques de l'année où chaque arbre prend son développement. On savoit depuis long-temps que le nombre des stigmates n'est pas constant dans la famille des cy- pacérées; et l'on ne croyoit pas même que ces varia- tions fussent assez importantes pour servir de base à des distinctions de genres. M. vSchkuhr, botaniste allemand , remarqua le ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 63 premier que, dans le genre des carex ou laiches , il existe des espèces à deux et à trois stigmates , et que le nombre de ces organes est toujours le même que celui des angles du fruit. Notre confrère, M. le baron de Beauvois, vient de généraliser cette observation à toutes les plantes de la famille; il en a sur- tout remarqué quelques unes qui ont quatre stigmates, et où le fruit est manifestement quadrangulaire , au moins dans quelqu'une de ses parties ; tels sont particulière- ment le schœniis mariscus, le gahnia psittacorum de M. de La Billardière, et un nouveau genre très remarquable, rapporté du Cap par M. du Petit- Thouars, et que M. de Beauvois nomme tetrorla, à cause de la répétition du nombre quartenaire dans les diverses parties de sa fleur. M. de Beauvois conclut de ses observations que le nombre des stigmates a une importance plus que suffisante pour fournir des caractères géné- riques, qui seront d'autant plus avantageux que quelques genres de cypéracées sont très nombreux en espèces, et fort difficiles à débrouiller. M. de Beauvois a fait aussi de nouvelles observa- tions qu'il juge devoir confirmer de plus en plus l'opinion qu'il a depuis long-temps conçue et sou- tenue, sur la fructification des mousses ; savoir, que la poussière verte qui remplit les urnes , et qu'Hed- 64 BOTANIQUE wi^ regarde comme la semence, n'est autre chose que le pollen , et que la véritable semence est con- tenue dans ce que les botanistes appellent la colu- melle de l'urne. M. de Beauvois a en effet remarqué que la pous- sière verte n'est d'abord, comme le pollen , qu'une masse compacte, informe, qui prend successive- ment de la consistance , et finit par se diviser en poussière, dont les grains sont liés par de petits filamenîs , et formés cbacun de deux ou trois petites loges pleines d'une humeur comparable à Vaurase- ininaiis du pollen ordinaire, et entremêlés d'autres grains plus petits, opaques, et ovoïdes. Cette divi- sion successive a lieu également pour la poussière contenue dans les corps réniformes des lycopodes^ et dans l'intérieur des champignons appelés lyco- perdons ou vesses de loup. Le petit corps central, regardé jusqu'à présent comme une columelle qui varie de forme d'un genre à l'autre, mais conserve à-peu-près la même forme dans le même genre , et auquel dans aucun cas la poussière verte n'est atta- chée, se termine par un appendice qui se prolonge dans Topercule de l'urne, et qui tombe avec cette opercule; en sorte qu'alors la prétendue columelle est ouverte, sans doute pour faciliter la sortie des petits grains que M. de Beauvois y a observés, et qu'il considère comme des semences. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 65 Ce savant botaniste a observé enfin que dans les polytrics et dans d'autres mousses les petits fila- ments que Hedwig regarde comme des antbères sont encore dans leur intégrité à une époque où la poussière de Turne a acquis son plein développe- ment. Or le contraire devroit avoir lieu si ces fila- ments étoient des organes mâles ; ils devroient avoir rempli leur rôle, et être vidés avant que la pous- sière verte , qui seroit la semence , eût atteint toute sa maturité ; d'où M. de Beau vois conclut que les filaments en question seroient plutôt des organes fe- melles. Les mousses seroient alors ce qu'on appelle polygames; car M. de Beauvois montre d'ailleurs que ces petits grains opaques, qu'il a vus dans la colu nielle, ont aussi été vus et même représentés par Hedwig , au moins dans le btjum strialum; ainsi les urnes des mousses sont incontestablement, selon M. de Beauvois, des fleurs hermapbrodites. M. du Petit-Thouars a fait connoître à llnstitut quelques observations intéressantes de j^bysique végétale. Il y en a une entre autres qui montre assez bien la liaison des feuilles avec la coucbe li- gneuse de la même année. Quand une feuille tombe on voit à la base de son pédicule un nombre de points variable selon la forme de la feuille et le nombre de folioles qui la composent. Ce sont les coupes d'autant de filets qui sont les vaisseaux, ou BUFFOiV. COMPLEM. T. III. 66 BOTANIQUE plutôt les faisceaux des fibres de la feuille : si on observe sur lecorce la cicatri'Ce d'où la feuille s'est détachée, les mêmes points s'y montrent, et l'on peut suivre les filets jusque dans l'intérieur du bois; mais si Ton fait la même observation au printemps sur une feuille nouvellement développée, les filets ne vont que jusqu'à la surface du bois. Ce n'est qu'après deux ou trois mois qu'une nouvelle couche de bois venant à se former les enchâsse dans son épaisseur. Le même botaniste a fait des remarques curieu- ses sur le rapport du nombre des étamines avec celui des autres parties de la fleur, et a trouvé que dans plusieurs o^enres, comme les polygonum , les rheum , etc., où ce rapport sembloit fort irrégulier et fort inconstant, le nombre des étamines est égal à la somme des divisions du calice et des pistils pris ensemble. C'est un fait singulier, dont la liaison avec la structure générale de la fleur n'est pas aisée à apercevoir. M. Desvaux a présenté un mémoire sur une. famille déplantes à fructification cachée, connue sous le nom d'algues, et qui comprend entre autres toutes les plantes marines, appelées fucus, varecs ou goémons. Il a proposé d'y établir plusieurs nouveaux genres; et a fait des expériences pour s'assurer si les filets par lesquels les fucus adhèrent aux roches et ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 67 au fond de la mer sont ou non de véritables raci- nes. Pour cet effet, après en avoir détaché quelques pieds de leurs adhérences naturelles, il les a fixés sur des pierres par des cordes ou d'autres moyens arti- ficiels, et les a replongés dans la mer; les ayant vi- sités quelque temps après, il y a constaté un accrois- sement très sensible. On savait d'ailleurs depuis long-temps que plusieurs espèces, telles que le fu- cus natans, vivent et croissent très bien sans être aucunement attachées. M.Lamouroux, professeur à Gaen, a adressé suc- cessivement à l'Institut plusieurs mémoires sur les mêmes plantes, que le voisinage où il est de la mer le met plus que personne à portée d'observer, et auxquelles il donne le nom commun de t/ialassio- phjtes. Après avoir indiqué toutes les divisions dont elles sont susceptibles, il les a considérées sous le rapport de leurs usages pour la nourriture de riiomme et des animaux , pour l'économie rurale et domestique, et pour les arts nécessaires ou d'a- grément. On est étonné d'apprendre combien de partis utiles ou agréables les diverses nations tirent de végétaux si peu remarqués : les uns se mangent immédiatement, ou donnent une gelée sapide et nourrissante; d'autres sont une ressource impor- tante pour les bestiaux dans les climats glacés du nord; tous peuvent donner de la soude ou des en- 0. 68 BOTANIQUE grais, et ce sont là leurs emplois d'une véritable importance. Quelques uns fournissent du sucre, d'autres des teintures. Il y en a dont on fait des nattes, des vases à boire, et jusqu'à des instruments de musique. Celui qu'on appelle mousse de Corse est un remède précieux, etc. M. Auguste de Saint-Hilaire, dont nous avons déjà cité plusieurs travaux considérables sur la botanique, en a fait un cette année sur plusieurs familles de plantes où le placenta, c'est-à-dire la partie du fruit à laquelle adhèrent les graines, est simple et placé au milieu de ce fruit comme une colonne ou comme un axe. Lorsque le sommet de cette colonne est liijre , la voie par où les influences du pollen sont transmises du pistil aux semences paroît devoir être assez com- pliquée, et se faire par des vaisseaux qui rampent le long des parois mêmes du fruit pour pénétrer dans le placenta par sa base, et se rendre aux se- mences côte à côte des vaisseaux nourriciers. Telle est en effet la marche de ces vaisseaux dans les ama- rantacées, selon M. de Saint-Hilaire; mais cet obser- vateur a remarqué que, dans la plupart des plantes de la catégorie qu'il étudie , et nommément dans les primidacées, les portulacées, les cary opiiy liées , la fécondation s'opère par une voie plus directe, et qu'il y existe pour cela, dans les premiers moments, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 69 des vaisseaux très tenus, allant de la base du style au sommet du placenta. Ces filets se détruisent après la fécondation , et c'est alors seulement que le som- met du placenta devient libre. M. de Saint- Hilaire adopte aussi, comme con- stante, l'existence d'un point ou d'un pore différent de l'ombilic, par lequel les vaisseaux fécondants arrivent à la graine , et auquel M. Turpin , comme nous l'avons dit dans un de nos précédents rapports, a donné le nom de micropile, La partie purement botanique du mémoire de M. de Saint-Hilaire offre beaucoup d'observations de détails, malheureusement peu susceptibles d'a- nalyse, sur les caractères particuliers de certaines plantes, des familles qu'il a examinées, dont les unes lui paroissent devoir servir de types à de nou- veaux genres, et les autres devoir passer dans des familles différentes de celles où des observations incomplètes les a voient f^it placer jusqu'à pré- sent. Le pisang bananier, ou figuier d'Adam , est une plante herbacée, de la hauteur d'un arbre , très re- marquable par l'énorme étendue de ses feuilles, et célèbre par futilité de ses fruits, qui fournissent aux habitants de la zone torride l'un des principaux articles de leur nourriture. La culture en a multi- plié les variétés , au point qu'il y en a peut-être au- 70 BOTANIQUE tant de sortes quefnous en possédons de poires ou de pommes, et qu'il est assez difficile de distinguer parmi elles les espèces primitives qui pourroient s y trouver; aussi les botanistes diffèrent -ils beaucoup dans leurs énumérations des espèces, et dans les caractères qu'ils leur assignent. M. Desvaux, qui a recueilli tout ce que les ob- servateurs disent des divers bananiers, des diffé- rences de leurs fruits et de leurs usages, a cru pouvoir compter quarante-quatre variétés dans l'es- pèce commune, ou musa pa? ad isiaca de hinnaeus, et trois es]3èces distinctes de celle-là : savoir, le musa sapientum dcLinnaeus, le musa coccinea, aujourd'hui assez répandu dans nos serres, et l'enseté, décrit par Bruce dans son Voyage aux sources du Nil. Un arbre dont le fruit a éprouvé encore plus de modifications de la part de la culture que celui du bananier, c'est le figuier. M. le marquis de Suffren, qui habite la Provence, cette contrée si ancienne- ment célèbre par l'excellence de ses figues, s'étant aperçu que les cultivateurs et les propriétaires sont fort éloignés de connoître exactement toutes les bonnes variétés qui peuvent convenir à chaque sol et à chaque exposition , et qu'ils ne tirent point de cet arbre précieux tout le parti qu'il offre à la pro- vince, a entrepris d'examiner et de décrire avec at- tention les diverses figues cultivées sur les côtes de ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 71 la Méditerranée, depuis Gênes jusqu'à Perpi(>nan. Il a déjà recueilli les figures coloriées, les descrip- tions exactes et la concordance de la nomenclature de cent soixante-douze variétés , et sa revue générale n'est pas encore terminée, car il n'a pas épuisé la Provence, et il n'a point encore visité le littoral du Languedoc. La partie de ce travail qui a été communiquée à l'Institut annonce un ouvrage qui deviendra fort utile à nos départements méridionaux, sur-tout si l'auteur y ajoute les détails convenables sur les feuilles et sur les bourgeons , et s'il perfectionne ses caractères par des rapprochements et des compa- raisons immédiates. M. Thiébaut de Berneaux, qui se propose de donner une traduction en françois des œuvres de Théophraste, et qui, pour reconnoître plus sûre- ment les végétaux dont ce célèbre successeur d'A- ristote a parlé, a entrepris et en partie exécuté des voyages dans le pays où ces végétaux croissent, a présenté à l'Institut quelques uns des résultats qu'il a déjà obtenus non seulement sur les espèces in- diquées par Théophraste, mais encore sur celles dont il est question dans les autres auteurs grecs et latins. Ainsi le chara, que les soldats de César découvri- rent si heureusement sous les murs de Dyrrachium , 72 BOTANIQUE et dont la racine les préserva de la famine , niéritoit bien d'être retrouvé. On donne aujourd'hui ce nom à une petite herbe aquatique, qui certainement ne peut nourrir personne ; et il y a surlec/ia/'adeCésar presque autant d'opinions qu'il y a de botanistes qui s'en sont occupés. M. de Berneaux, après avoir examiné et éliminé successivement toutes ces opinions , en élève une dont Clusius seulement avait eu quelque soupçon : il montre que le cliara devait se rapprocher des choux, et pense que c'était la plante connue au- jourd'hui sous le nom de crambe talaria. En effet cette plante croît abondamment dans les environs de Dyrrachium, et dans toute la Hongrie et la Tur- quie; elle a des racines très longues et très grosses, fermes, et de bon goût, que l'on mange crues ou cuites dans tous les pays dont nous venons de par- ler, et qui y rendent encore de grands services dans les temps de disette. Plusieurs Latins désignent sous le nom àhdva différentes plantes de marais ; mais ils en indiquent spécialement sous ce nom une qui donnoit, disent- ils, un fourrage excellent pour les moutons. Gomme il n'y a guère parmi les plantes aquatiques que l'herbe <à la manne i^feslucafluitans) qui soit recher- chée par les bêtes à laine, et comme ce gramen couvre une grande partie des marais d'Italie , M. de ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 7.! Berneaux croit y retrouver cette espèce particulière à\dva; il montre que tous les passages où il en est quesîion se rapportent très bien aufestiica, et il fait voir que c'est précisément aussi ce gramen que Théophraste et les Grecs ont désigné par le nom de t y plia. Les anciens vantent beaucoup les propriétés utiles du cytise, mais ils ne le décrivent que très impar- faitement, et les modernes ont beaucoup varié sur la plante qui doit porter ce nom. Quelques uns ont pensé que c'est la luzerne en arbre ( medicago arborea, L.) M. de Berneaux, qui a fait à ce sujet de très longues recberches, croit que c'est plutôt no- tre faux ébénier (^cjtisus laburnum ,Ij. ). Mais comme Pline parle clairement de ce dernier arbre sous le nom de laburnum, et qu'il le regarde comme diffé- rent du cytise; comme d'un autre côté quelques traits de la description que Dioscoride donne du cytise ne lui conviennent point entièrement, il a paru que lopinion de M. de Berneaux à ce sujet souffroit encore quelques difficultés. Ce qui en mettra toujours beaucoup dans les discussions de ce genre c'est que ni Pline ni la plupart des natu- ralistes anciens n'avoient assez de critique pour que, dans les compilations qu'ils nous ont laissées, ils ne parlassent pas quelquefois, sans s'en aper- cevoir, de la même plante sous des noms diffé » 74 BOTANIQUE rents, ou de plantes différentes sous le même nom. ANNÉE 1815. M. de r^a Billardière, qui a déjà publié un ouvrage si intéressant sur les plantes qu'il a recueillies à la INouvelle-Hollande, lorsqu'il faisoit partie de l'expé- dition de feu d'Entrecasteaux , a commencé à entre- tenir l'Académie de celles que lui a fournies dans ce même voyage la Nouvelle-Calédonie. Cette île es- carpée, inculte, habitée par de malheureux an- thropophages, produit un grand nombre de beaux végétaux. M. de La Billardière y a trouvé en peu de jours vingt-neuf espèces de fougères, dont douze sont entièrement nouvelles pour les botanistes, et n'ont point été trouvées ailleurs, le reste croît aussi dans d'autres îles de la mer du Sud, et M. de La Bil- lardière en donne la liste pour servir à la géogra- phie botanique. Il range ces fougères d'après la méthode de Smith , en y faisant quelques correc- tions. Les figures très exactes dont ses descriptions sont accompagnées donneront aux botanistes une idée complète de ces importants accroissements de leur science. Chacun connoît au moins de vue la lentille d'eau que les botanistes appellent lemna^ ce végétal mo- bile et nageant qui couvre de ses tapis verts les ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 76 eaux dormantes dans presque tous les pays ; mais ce que l'on n'a point examiné d'assez près ce sont les fleurs et les fruits de cette petite et singulière plante, M. le baron de Beauvois a été le premier bota- niste assez heureux pour en recueillir des graines mûres, et pour les faire germer. Il a suivi dans tous leurs développements les lemnas ainsi obte- nus , et en a complété l'histoire que Micheli et MM. Ehrhardt et Wolf n avoient fait qu'ébaucher. Il résulte des observations de M. de Beauvois que la Heur des lentilles d'eau est hermaphrodite à enveloppe d'une seule pièce, à deux étamines qui se développent successivement, à style unique, à ovaire supère devenant une capsule uniloculaire, se déchirant circulairement à sa base, et contenant d'une à quatre semences, lesquelles germent à la manière des monocotylédones, mais avec des cir- constances fort particulières, dont la plus remar- quable est que les parties, que Ton peut regarder comme la radicule et la plumule se détachent de la première feuille qu'elles ont produite, et la laissent pousser à elle seule des racines et d'autres feuilles. Une autre sorte d'êtres organisés, qui couvrent et remplissent souvent les eaux dormantes, ce sont les conferves ou ces amas de filaments verts sem- blables quelquefois à une sorte de feutre, et que certains naturalistes ont voulu revendiquer pour 76 BOTANIQUE le régne animal. Leur propagation est assez diverse, et il s'en trouve dans le nombre dont les filaments d'abord tout d'une venue se renflent d'espace en espace, et produisent ainsi des nœuds d'où parois- sent naître des filaments nouveaux ; ce qui a fait don- ner à ces espèces le nom de prolifères par M. Vaucher ; mais ce botaniste avertit qu'il ne faut pas confondre avec ces filets, naissant de la plante même, certai- nes conferves parasites qui viennent s'attacher sur d'autres conferves, et qui présentent le même as- pect. M. Leclerc de Laval , membre de la chambre des députés, et observateur très assidu, a présenté à l'Académie un mémoire d'après lequel ilparoîtroit qu'il n'y a point d'autres filets accessoires que de ces parasites, et que la propagation des conferves, mal-à-propos nommées prolifères, se fait, comme celle des conferves dites conjuguées, par la con- centration de la matière verte contenue dans cha- que intervalle de deux cloisons, en un globule isolé qui sort de la plante à une certaine époque, et va se fixer au premier corps qu'il rencontre en tom- bant, et, après avoir jeté autour de lui quelques filets comme pour s'attacher, se développe en une longue série de cloisons. L'auteur voudroit donner à ce genre le nom d'autarcite, au lieu de celui de prolifère, qui, d'à- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 77 près son observation, deviendroit impropre; mais comme M. Desvaux, d'après d'autres considéra- tions, l'avoit appelé cyrtinus dans un mémoire présenté il y a plus d'un an, l'on a jugé qu'il n'étoit pas nécessaire d'introduire encore un nouveau changement de dénomination. M. Henri de Gassini avoit présenté à l'Académie, en 1 8 1 2 , un mémoire sur le style et le stigmate des synanthéréesou de ce qu'on appelle communément plantes à fleurs composées, et un autre sur leurs étamines. Vers la fin de 181 4 il en a présenté un troisième dont nous n'avons pu rendre compte dans notre dernière analyse, parceque le rapport n'en avoit pas été fait, et qui a pour objet la corolle de cette même famille de plantes. Dans ce dernier mémoire Fauteur établit que toute corolle de synanthérée qui n'est point accom- pagnée des étamines est monstrueuse ou défigurée, au point de ne pouvoir offrir aucun caractère pour la définition de sa famille ni de ses tribus. 11 en ré- sulte que les demi-fleurons des semi-flosculeuses et ceux des radiées n'ont qu'une analogie apparente, et qui ne supporte pas un sévère examen. Il assigne à la corolle des synanthérées trois ca- ractères principaux, dont l'un est extrêmement re- marquable : c'est que chacun des cinq pétales dont il suppose la corolle composée est muni de deux 78 BOTANIQUE nervures très simples qui le bordent d'un bout à l'autre des deux côtés , et confluent par conséquent au sommet; et il attache à ce caractère une telle importance qu'il propose de désigner la famille par le nom de névramphipétales. M. Robert Brown a décrit cette structure dans un livre angflois publié à Londres en 1 8 1 4 : mais M. Gassini l'avoit indiquée avant lui en termes non équivoques dans le second des mémoires que nous venons de rappeler. Combinant ses observations sur la corolle avec celles qu'il a faites précédemment sur le style et le stigmate et sur les étamines, l'auteur divise la fa- mille des synanthérées en dix-sept tribus naturelles, qui sont les lactiicées^ les labialiflores , qu'il n'admet qu'avec àoule ^\es carduacées , les carlinées, les xéran- thémées, les écliinopsidées, les arctotidées, les calendu- lacëes, les héliantliées, les ambrosiacées, les anthémidées, les inulées, les astérées, les sénécionées, les tussilacjinées, les eupatorlées, les vernoniées; et il dispose ces dix- sept tribus non en ligne droite, mais en série cir- culaire qui rapproche les vernoniées des lactucées. Un résultat inattendu et très curieux de cet in- téressant mémoire c'est que sur finspection d'un seul fleuron on peut, dans presque tous les cas, dé- terminer à quelle tribu, à quel genre appartient l'espèce qui l'a produit. Il est à souhaiter que M. Henri de Gassini ne ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 79 tarde pas à publier ses recherches sur l'ovaire des synanthérées ; ce sera le complément du travail le plus profond et le plus original auquel cette grande famille ait jamais donné lieu. M. le baron de La Peyrouse, professeur de bota- nique fit correspondant de l'Institut à Toulouse, a donné un mémoire sur quatre plantes des Pyrénées qui appartiennent au genre orobiis, l'un de ceux de la famille des papilionacées. La première de ces es- pèces avoit été recueillie par Tournefort, et nom- mée par lui orobus pjrenàicus latifolius nervosus: elle n'a pu être retrouvée vivante, et on ne la connoit que par les herbiers de Tournefort et les botanistes de son temps. La seconde, gravée sous le même nom dans Plukenet, mais très différente, a toujours été confondue avec celle de Tournefort : elle est réellement assez commune dans les Pyrénées. Après avoir nettement distingué ces deux espèces par des descriptions comparatives ^ M. de La Peyrouse en décrit deux autres toutes nouvelles qu'il a trouvées dans les mêmes montagnes. M. Desvaux a cherché à subdiviser les genres de plantes connus sous les noms de cerastium et d'arenaria, qui commencent à devenir nombreux en espèces. C'est principalement dans le plus ou moins de profondeur des divisions de la capsule, dans le plus ou moins de dilatation des bases 8o BOTANIQUE des filets, et dans quelques autres circonstances analogues, qu'il croit avoir trouvé des caractères suffisants pour fonder les dispositions qu'il pro- pose. Un travail plus général du même botaniste a eu pour objet la grande classe des plantes à fleurs en croix^ ou crucifères, si remarquables par l'unifor- mité de leur structure et par les services que nous rendent un grand nombre de leurs espèces. Dans la seule division des crucifères à silique courte, ou siliculeuses , il a déjà établi jusqu'à douze genres nouveaux. M. Kuntb, botaniste prussien, a encore entre- pris une nouvelle classification des gramens, après les travaux récents de MM. de Beauvois et Robert Brown sur cette matière. lî en fait dix tribus, fon- dées cbacune sur beaucoup de caractères, tels que le nombre des styles, celui des étamines, la dispo- sition des épillets, le nombre des fleurs de chacun d'eux, la consistance et la structure des glumes et des paillettes. On sait aisément que ces sortes de travaux veu- lent être étudiés dans les ouvrages mêmes, et que l'analyse la plus étendue n'en donneroit qu'une idée imparfaite : nous nous contenterons donc de les avoir indiqués. Depuis assez long-temps les cultivateurs préten- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 8l dent avoir remarqué que le voisinaj^^e de Tépiiie- vinette nuit au blé, et lui donne, ou favorise du moins, cette espèce de maladie qu'on appelle la rouille; et depuis le même temps les savants se mo- quent de la prétention des cultivateurs. M. Yvard , notre confrère, qui est à-la-fois culti- vateur et savant, a mieux aimé s'assurer du fait par l'expérience que de prendre aveuglément l'un ou l'autre parti; et ses essais, sans être encore décisifs, lui ont paru plus conformes à l'opinion que l'on ctoit le plus porté à regarder comme un préjugé. Le blé planté autour d'un buisson d'épine -vinette a été rouillé, tandis que celui du reste du même enclos est demeuré intact; et il ne paroît pas à M. Yvard qu'il y ait eu d'autre cause de cet acci- dent que l'arbuste qu'on en accuse. Malheureusement on peut objecter qu'il existe des cantons entiers sans épine-vinette, et qui ne sont pas pour cela exempts de la rouille. Une autre fâcheuse maladie des céréales c'est Y ergot, ou cette production alongée et pointue qui remplace souvent les grains du seigle et d'autres graminées. M. Decandolle a présenté à l'Acadé- mie un mémoire où iJ cherche à prouver que l'er- got est un champignon parasite du genre des scle- rotium, qui prend à-peu-près la forme du grain, parceque dans sa jeunesse il s'est moulé dans l'en- BUFFON. COMPl.EM. T, III. 82 BOTANIQUE veloppe de ce grain : sa substance est analogue à celle des autres sclerotiums ; son développement, comme celui de tous les champignons, est favo- risé par riiumidité; sa nature chimique est plus semblable à celle des champignons qu'à celle des graines de graminées; enfin son odeur, sa saveur, et ses propriétés vénéneuses, sont d'accord avec sa nature fongueuse. On sait que le pain fait avec du seigle ergoté occasione des maladies graves, et on lui attribue entre autres la gangrène sèche si com- mune en Sologne. M. Decandolle, sentant l'impor- tance de détruire une production si dangereuse, ou de diminuer du moins sa propagation , croit que l'on y parviendroit si, dans les pays sujets à l'ergot, on obligeoit les propriétaires à en fournir chaque année une mesure convenue que l'on brû- leroit sur-le-champ. Ce savant botaniste, qui a déjà tiré un si grand parti de l'étude des aberrations des formes ordi- naires pour éclairer la théorie de la botanique, s'est occupé , sous ce point de vue , de ces brillantes mon- struosités que nous appelons des fleurs doubles. On attribue d'ordinaire leur production à la transfor- mation des étamines en pétales ; mais M. Decan- dolle montre que la transformation ou la multipli- cation de plusieurs autres parties de la fleur peuvent également y contribuer. Les pistils se changent par ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 83 exemple en pétales dans certaines variétés d anémo- nes; les étamines elles-mêmes peuvent se transfor- mer, ou par leur filet, ou par leur anthère seule- ment, et c'est ainsi que Fancolie donne aux fleuristes deux sortes de fleurs doubles toutes différentes; et comme ces deux manières de doubler n'ont lieu que dans les fleurs qui ont elles-mêmes dans l'état naturel deux sortes de pétales, Fauteur en tire une nouvelle preuve de son assertion (jue les pétales des plantes ne sont pas des orj^janes spéciaux , mais seu- lement un certain état des étamines. Il fait remar- quer une autre sorte de fleurs doubles qui vient de ce que les organes se transforment non pas en pé- tales planes, mais en faisceaux de pétales, ce qui arrive plus souvent dans les familles où les corolles présentent déjà dans l'état naturel des indices de duplicature, comme dans les œillets. Il porte en- suite l'attention sur les fleurs où Favortement des organes sexuels n'occasione })as de transformation, mais augmente outre mesure le volume de certai- nes parties colorées, comme il arrive dai^s l'horten- sia et la boule de neige; enfin, appliquant à ces diverses métamorphoses une méthode de désigna- tion analogue à celle dont se sert M. Haûy pour les variétés des cristaux, il parvient à les ramener, malgré leur irrégularité apparente, à des lois cer- taines et à une nomenclature précise. 84 BOTANIQUE M. de Beauvois, désirant prévenir les accidents funestes que cause si souvent Tignorance du peu- ple sur les qualités des divers champignons, a coni- Dosé un Manuel à t usage des amateurs de champignons , où il décrit, dans un langage à la portée de tout le monde, les espèces de ces végétaux dont on peut se nourrir sans danger, et où il indique les pré- cautions à prendre, même avec ces espèces inno- centes, pour ne pas s'exposera en souffrii. La plus sûre de toutes sera cependant toujours de ne man- ger que des champignons de couche, et de nen point trop manger. M. de Mirbcl a publié des Eléments de physiolo- gie végétale et de botanique, en deux volumes, avec un volume de planches. Tout ce qui peut se dire d'important sur Fanatomie des végétaux, sur la marche de leurs fonctions, sur leurs produits, et sur la variété de structure de leurs diverses parties, y est exposé avec clarté et rendu par un très grand nombre de belles figures dessinées par l'auteur lui-même avec le talent qu'on lui connoît. L'im- mense terminologie de la botanique y est expli- quée, et les applications appuyées sur des exem- ples; on y trouve aussi une histoire intéressante de la science et des hommes qui lui ont fait faire le plus de progrès. Enfin l'ouvrage est terminé par des tableaux des principaux systèmes, et sur -tout ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. ' 85 par une nouvelle exposition des caractères des fa- milles naturelles des plantes. ANNÉE 1816. Une des considérations les plus élevées de la bo- tanique, et qui lie plus qu'aucune autre cette partie de rhistoire naturelle au grand ensemble des scien- ces physiques, c'est la géographie végétale, ou la science des lois de la distribution des plantes selon la hauteur du pôle , l'élévation du sol , la tempéra- ture et le degré d'humidité ou de sécheresse du climat. M. de Humboldt, dont les voyages ont fait faire à cet ordre de connoissances comme à tant d'autres des progrès si remarquables, vient d'en donner en quelque sorte un traité complet sous le titre de Prolecjomena de distributione geographicâ plantarum secundum cœii temperiem et altitudinem 7nontium\ ouvrage où il offre en même temps des recherches profondes sur la distribution de la chaleur, soit re- lativement aux positions des lieux, soit relative- ment aux saisons de l'année ; car non seulement les lignes sous lesquelles régne la même chaleur annuelle moyenne sont loin d'être parallèles à l'é- quateur, mais les lieux qui ont au total une chaleur moyenne égale sont loin d'avoir des étés et des hi- ■ Paris, 1817; un volume in-8°. 86 BOTANIQUE vers semblables : cette cbaleur moyenne peut être plus ou moins inégalement répartie sur la totalité de Tannée , et Ton conçoit que toutes ces différences doivent influer fortement sur la propagation des plantes. L'auteur passe ensuite aux différences qui résultent des élévations . et qui elles-mêmes ne sont pas semblables ou ne suivent pas les mêmes lois dans tous les lieux. Enfin M. de Humboldt arrive à une considération toute nouvelle, sur laquelle il a aussi donné une dissertation en françois ; c'est celle des lois de la distribution des formes végétales. En comparant, dans chaque pays, le nombre des plantes de certaines familles bien déterminées avec le nombre total des végétaux on découvre des rap- ports numériques d'une régularité frappante. Cer- taines formes deviennent plus communes à mesure qu'on avance vers le pôle; d'autres au contraire augmentent vers Féquateur; d'autres enfin attei- gnent leur maxiuium dans la zone tempérée et di- min uent également par le trop de cbaleur et le trop de froid; et, ce qui est bien remarquable, cette distribution reste la même tout autour du globe en suivant, non pas les parallèles géographiques, mais ce que M. de Humboldt appelle les parallèles isothermes , c'est-à-dire les lignes de même chaleur moyenne. Ces lois sont si constantes que , si l'on connoît dans un pays le nombre des espèces d'une ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 87 de ces familles dont M. de Humboldt a donné la table , on peut presque en conclure le nombre total des végétaux et celui des espèces de chacune des autres familles. Les prolégomènes dont nous venons de parler sont placés en tête du grand ouvrage que M. de Humboldt publie en ce moment avec MM. Bon- pland.et Kuntb, sur les plantes nouvelles qu'il a découvertes dans TAmérique équinoxiale. Cette augmentation , la plus riche et la plus brillante peut-être que la botanique ait reçue en une seule fois, sera exposée en six volumes in-4° qui contien- dront six cents planches , et les descriptions de plus de quatre mille espèces. Le premier volume, ren- fermant toutes les monocotylédones, a paru cette année; on y trouve trente-trois nouveaux genres, et parmi les seuls palmiers vingt-trois espèces nou- velles. MM. de Humboldt et Bonpland ont fait pa- roître en même temps la fin de leur description des mélastomes, travail d'un extérieur plus magnifi- que, mais qui n'auroit pu êtie imité pour la totalité des végétaux sans entraîner à des dépenses et à des longueurs préjudiciables à la science autant qu'à ceux qui la cultivent. En recueillant ainsi sans interruption les produits immenses de la grande et pénible entreprise de cet illustre voyageur, les amis des sciences sont en doute 88 BOTAINIQUE s'ils doivent plus de reconnoissance au coura^^e qui la soutenu parmi tant de traverses et de fati^^ues, ou à la constance qu'il met à leur faire partager ses jouissances. Non seulement il a fait par ses seuls moyens plus que bien des hommes envoyés et spé- cialement entretenus par des souverains, mais il a eu sur-tout le mérite unique de ne pas imiter la plupart des gouvernements qui, après avoir con- sacré des sommes immenses à une expédition , négligent presque toujours d'en faire publier les résultats d'une manière un peu complète. En ce moment même ^1. de Humboldt fait pa- roître à Londres, avec M. Hooker, un volumein-4^ qui offrira trois cents espèces de mousses, de lichens, et d'autres cryptogames. Il en a présenté une plan- che à l'Académie. M. de Beauvois , dont on doit également louer la persévérance à publier les plantes et les insectes recueillis dans ses voyages , a donné cette année les quatorzième et quinzième livraisons de sa Flore dOware et de Bénin; et , non content de ses anciennes récoltes , il a profité de l'humidité extraordinaire et si fâcheuse de cette année pour suivre son étude des plantes de la classe des champignons. Les pluies continuelles en ont tant déveloj)pé qu'il s'en est montré plusieurs qui a voient échappé aux bota- nistes précédents , même les plus heureux dans ces ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 89 sortes de découvertes. Telles ont été une variété de sclerotium , qui a diminué de près des deux tiers la récolte des haricots non rames, sur lesquels elle s'est propagée ; une nouvelle espèce de sphéria , qui a détruit prodig^ieusement d'opuons; une nou- velle espèce d'urédo , qui leur a été encore plus pernicieuse; enfin, ce qui est très remarquable et offre peu d'exemples dans le règ^ne végétal , un nouveau genre de plantes parasites qui croît sur une autre parasite, et nuit considérablement au vé- gétal obligé de les nourrir toutes deux. C'est une espèce de tubercule qui se fixe au-dessus de la ra- cine de l'orobanche rameuse que l'on sait être la parasite du chanvre. Ce tubercule présente des ca- ractères qui le rapprochent des truffes et des scle- rotium, mais avec des différences qui le constituent genre nouveau et intermédiaire. Se proposant de répéter ses observations l'année prochaine sur cette plante très remarquable, M. de Beauvois a remis à cette époque à lui assigner un nom, après avoir mieux reconnu sa manière de croître et tous les détails de son organisation. On sait que les plantes de la famille des dipsa- cées, telles que les scabieuses, sont assez voisines des composées par plusieurs des caractères de leurs fruits : la marque la plus apparente qui les en dis- tingue est que les anthères sont entièrement libres. go BOTANIQUE Les botanistes ont découvert quelques plantes à fleurs également formées de plusieurs fleurs plus petites, dont les anthères sont réunies par leur partie inférieure seulement. On doutoit de la place qu'il falloit leur donner : M. Henri de Gassini, qui les a examinées à la suite de son grand travail sur la famille des synanthérées ou composées, dont nous avons eu plusieurs fois occasion de parler, a trouvé qu'elles diffèrent des synanthérées parceque leurs anthères n'ont point d'appendices au sommet ; par- ceque leur style et leur stigmate ont une autre con- formation ; parceque la graine est suspendue au sommet de la cavité de l'ovaire, et contient un al- bumen épais et charnu. Elles diffèrent des dispa- cées par les anthères réunies inférieurement, par leurs feuilles alternes ; mais la plupart de leurs au- tres caractères leur sont communs avec ces deux familles. En conséquence M. de Gassini croit ([u'on peut en faire une famille distincte qui servira de lien aux deux autres, et qu'il désigne par le nom de boopidées. Elle comprendra les genres calycera de Gavanilles, boopis, et acicarplia de M. de Jussleu. Nous avons annoncé l'année dernière l'opinion de M. Decandolle sur cette substance nuisible que l'on appelle ergot, et qui se montre dans les épis du seigle et de quehjues autres céréales, sur-tout dans les pays et par les temps humides. L'année 1 8 1 6 en ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. gi a malheureusement beaucoup produit, et M. Virey a fait sur ce sujet quelques recherches qui le por- tent à regarder lergot, ainsi qu'on le faisoit autre- fois, comme une dégénérescence du grain, et non pas comme un champignon du genre sclerotium, ainsi que le croyoit M. Decandolle. Il dit avoir oh- servé des grains ergotes qui non seulement avoient conservé leur forme naturelle, mais où Ton voyoit encore des débris de stigmates ; et il rappelle las- sertion de M. Tessier, que l'on observe sur beaucoup d'épis des grains qui ne sont ergotes qu'à moitié, et tantôt vers le sommet, tantôt vers la base. M. Vauquelin a fait à cette occasion une analyse comparative du seigle sain, de l'ergot du seigle, et d'un sclerotium bien reconnu pour tel. On ne trouve dans l'ergot ni l'amidon ni le glu- ten dans leur état naturel, quoiqu'il y ait une ma- tière muqueuse et une matière végéto-animale abon- dante et disposée à la putréfaction. Il contient une huile fixe toute développée.' Les principes du scle- rotium sont fort différents. Sans être décisives ces expériences ont porté quelques personnes à douter, comme M. Virey, que l'ergot soit un champignon. M.Gail, membre de l'Académie des Belles-Lettres, nous a communiqué quelques recherches critiques sur les pla ntes dont parle Théocrite. Elles ont moins pour objet de déterminer autrement l'espèce de ces 92 BOTANIQUE plantes que d'expliquer comment Théocrite a pu leui donner certaines épithétesou en tirer certaines comparaisons : elles rentrent donc autant dans la philologie que dans la botanique, et le public les connoîtra plus en détail par lanalyse des travaux de l'Académie à laquelle appartient ce célèbre hel- léniste. A]>IIVÉE 1817. Les botanistes suivent aujourd'hui, par rapport aux fougères , les idées de M. Smith , qui , en 1 79 1 , les a divisées en vingt -quatre genres répartis en deux sections, selon que les petites capsules qui contiennent leurs semences sont ou non munies d'un anneau élastique, et distingués entre eux d'a- près l'arrangement des capsules, l'absence ou la présence de la membrane qui les recouvre avant la maturité, d'après la manière dont un des bords de cette capsule se détache de la feuille, d'après le nombre de leurs loges, enfin d'après la manière dont elles s'ouvrent, soit en deux valves, soit par des fentes longitudinales ou par des pores. MM. Swartz, Willdenow, Robert Brown, et au- tres, ont encore ajouté de nouveaux genres à ceux de M. Smith, au point que leur nombre s élève à plus de cinquante. *M. Desvaux, directeur du jardin botani(|ue de ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. (j3 Poitiers, a poursuivi ces recherches; et dans un mémoire adressé à l'Académie, où il décrit beau- coup de nouvelles espèces , et où il ajoute huit genres à ceux qui avoient été établis avant lui, il divise les fougères en quatre sections; savoir: Les polypodiacées ^ dont les capsules, réunies en groupes ou disposées en lignes , sont entourées d'un anneau articulé, et s'ouvrent transversalement dans le plan de cet anneau ; Les osmondacées , dont les capsules, striées en étoile à leur sommet, sont dépouvues d'anneaux; Les gléicliéniacëes, dont les capsules, entourées d'un anneau strié non articulé, s'ouvrent longitu- dinalement dans le sens opposé à cet anneau ; Enfin celles dont les capsules solitaires, nues, non striées, à plusieurs loges, s'ouvrent par une fente ou par un pore. Ce mémoire présente aussi des considérations sur les lycopodes, sorte de cryptogames intermé- diaires, à certains égards, entre les mousses et les fougères. L'auteur les divise en trois sections: les stacfiidées à capsules d'une seule loge, disposées en épi ; les psyloiées à capsules de deux ou trois loges; enfin les op/iioglossées à capsules d'une seule loge s'ouvrant transversalement en deux valves : mais d'habiles botanistes pensent que cette dernière sec- y4 *** BOTANIQUE tion appartient aux vraies fouj^ères plutôt qu'aux lycopodes. M. Richard a publié un mémoire latin sur les orchidées, famille de plantes célèbres depuis long- temps par la structure particulière des diverses parties de leurs fleurs, dont les formes bizarres dé- corent abondamment nos prairies et nos bois. La singi^ularité de leur organisation ne pou voit être clairement rendue qu'en adoptant quelques termes nouveaux, et c'est ce que l'auteur engage les bota- nistes à faire. Les racines, par exemple, il les divise, suivant leurs formes, en bitubéreuses, fibreuses, rameuses, bulbeuses, et parasites. Aucun genre ne réunit deux de ces sortes de racines. Ce n'est qu'à certains genres parasites qu'appartiennent des feuil- les articulées à leurs pédicules. Quelques espèces offrent des individus dont les fleurs sont toutes sté- riles, par l'imperfection de l'ovaire ; d'autres où elles sont toutes fertiles; d'autres enfin où quelques fer- tiles sont mêlées irrégulièrement à un grand nom- bre de stériles. La présence ou l'absence de pédicelle sous l'ovaire fournit pour les genres des moyens fa- ciles de distinction. La structure du labelle, autrefois la base essen- tielle des caractères génériques , n'y joue plus qu'un rôle secondaire. Ti existence et le manque d'éperon ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 95 continuent d'indiquer une différence générique. C'est une chose di.one de remarque que parmi les nombreuses orchidées parasites découvertes en Amérique il ne s'en trouve pas une seule éperon- née, tandis que l'Asie et l'Afrique en produisent un assez grand nombre pourvues d'un éperon, qui quelquefois est d'une longueur inconnue dans les terrestres. C'est à tort qu'on a confondu avec Fépe- ron une sorte de petit sac, formé par la connexion et le prolongement des hases de deux divisions ex- térieures du calice. Ce petit sac, que M. Richard distingue par le nom de péru le, étahlii une diversité de genre. Le corps multiforme, résultant de la soudure des deux sexes, et désigné jusqu'ici par le nom insigni- fiant de colonne, prend maintenant celui de cjynos- tème mieux approprié à sa nature. Cette soudure s'opère par l'intermède des matières filamentaire et stylaire, dont l'une est terminée par l'anthère et l'autre par le stigmate : ces deux organes ne sont donc pas, comme on l'a avancé, unis immédiate- ment ou portés l'un par Fautre. Une cavité, pratiquée au sommet du gynostème pour recevoir l'anthère, tire de cette destination son nom de cUnandre. L'aréole visqueuse, regardée par les botanistes comme constituant seule le stigmate , et que M. Ri- 96 BOTANIQUE chard nomme gynise, est ordinairement surmontée par un processus appelé rosteile. Tantôt celui-ci est terminé par une biirsicide, tantôt il porte une pros- colle ou glande glutineuse, à laquelle s attache le pollen sortant de lanthère. L'anthère, considérée quant à son mode d'in- sertion, est dite 1° continue, 1° stipitée, 3'^ sessile. Le point d'origine de la première n'est pas distinct du reste de la matière filamentaire ; la seconde a un petit support propre ; la troisième est immédiate- tement fixée par un point plus étroit que sa hase. Chacune d'elles non seulement indique une diver- sité générique, mais elle prouve aussi l'affinité des genres dans lesquels elle se trouve. Toujours hilo- culaires. ses loges sont le plus souvent subdivisées en plusieurs locelles par des septules: ceux-ci, étant d'une substance rétractile dans la plupart des gen- res, s'ohlitèrent au moment même de ia déhiscence de l'anthère. Le pollen contenu dans chaque loge forme une masse pollinique rarement simple, et le plus souvent composée de deux ou quatre massetles. Sous le rap- port de leur tissu ces masses ou massettes sont i^ sectUes, 2° granuleuses, 3" solides. Les premières sont fendues par leur face externe en un grand nombre de corpuscules réunis par leurs bases sur un seul plan. La caudicule résultant du prolonge- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 97 ment filamentiforme qui les réunit est ordinaire- ment terminée par un rétinacle visqueux, qui est d'abord niché dans la bursicule sti?>matique ou fixé au bout du rostelle. Gomme pulvéracées au premier aspect , les secondes sont composées d'innombrables particules, amoncelées avec plus ou moins de co- hérence , quelquefois aussi elles sont baignées par une humeur qui les rend comme pultacées. Les troisièmes sont des corps d'un tissu uniformément continu. Deux appendices, ordinairement existants aux côtés de l'anthère ou du clinandre, et nommés sta- minodes, senilplcnt indiquer que la substance fila- mentaire est formée de trois filets monadelphes , dont l'intermédiaire est seul anthérifère. Le tégument propre des graines étant d'un tissu celluleux susceptible de subir, dans son accroisse- ment, une dilatation extraordinaire, a été mal-à- propos pris pour un arille. Sa surface et sa forme, jointes à celle de l'amande, donnent un moyen très facile de distinguer les graines en rëticidaires etfu- siformes: les premières indiquent les orchidées ter- restres , et les secondes celles qui croissent sur d'au- tres végétaux. L'embryon constitue toute l'amande, et n'est pas renfermé dans un endosperme, comme on l'a dit d'après Gaertner. BUFFON. COMPLÉM, T. IIÏ. 7 98 BOTANIQUE Après avoir exposé fort en détail tous ces prin- cipes fondamentaux de l'orcbidéolog^ie, M. Richard trace, coniine exemples de leur application , les ca- ractères génériques des orchidées d'Europe. Avec des espèces mal agrégées à certains genres, il en établit plusieurs nouveaux. Voici la distribution qu'il propose des genres d'Europe. 1. §. Pollen sectile: caudicule rétinaculifèi e. A. Rétinacles Ijursiculës. a. Un seul rétinacle, commun aux deux masses. Sarapias. Loronlossum. Anacamptis. h. Deux rétinacles. Orchis. Ophrjs. Nigritella. B. Piétinacles nus. Gymnadenia. Platanthera. Herminium. Chamorchis. 2. §. Pollen sectile : nul rëtinacle. Goodyera. Epipogum. 3. §. Pollen granuleux. A. Une anthère. Limodoruni . Spiranthes. Neottia. Cephalanthera.Epipactis. B. Deux anthères. Cypripedium. 4. §. Pollen solide. A. Masses composées de deux massettes. a. Lofjes de l'anthère simples. Calypso. Llparis. Malaxis, h. Loges de l'anthère bilocellées. Corallorhiza. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 99 Il donne ensuite au caractère de chaque section tout le développement dont il est susceptible. Il termine son travail par l'indication des espèces de chaque genre. Une planche, où les principales modifications de la structure des organes sexuels sont figurées avec exactitude, en rend l'intelligence plus facile et plus claire. Quoique le mémoire de M, Richard ait princi- palement pour but d'éclairer les orchidées d'Eu- rope, les botanistes y trouveront des principes gé- néraux applicables à celles de toutes les parties du monde. ' Il y a lieu d espérer que ce travail, résultat de nombreuses et difficiles recherches, les excitera à coopérer au perfectionnement de cette famille in- téressante par des descriptions plus complètes et plus exactes qu'elles ne l'ont été jusqu'à ce jour. Il n'est presque aucune des subdivisions de nos analyses que nous ne puissions enrichir des obser- vations que M. de Humboldt a recueillies dans son grand voyage, et qu'il a toujours l'attention de communiquera l'Académie à mesure qu'il les ré- dige. Ses observations astronomiques, son nivelle- ment barométrique des Cordillères, sa géographie des plantes, son tableau des régions équinoxiales, 7- lOO BOTANIQUE ses recherches sur les monuments des peuples in- digènes de TAniérique, et une partie de ses obser- vations de zoologie et de la relation historique de son voyage, ont été annoncés dans leur temps par nous ou par notre collègue, et sont maintenant livrés au public; mais parmi toutes ces belles ac- quisitions, celles qui se distinguent peut-être le plus par leur nombre et par leur magnificence sont celles qui se rapportent à la connoissance spécifique et systématique des plantes. Le choix de plantes écjuinoxiales, les monogra- phies des rhexias et des mélastomes, en nous faisant connoître tout 1 éclat dont la nature a embelli la vé- gétation des pays chauds, nous font admirer le zèle et la sagacité des deux voyageurs qui en ont re- cueilli les prod uctions , et le talent des artistes qu'ils ont chargés de les représenter. Mais l'un des naturalistes, M. Bonpland, est re- tourné dans le pays qui lui a procuré de si riches récoltes. Il veut y en faire de nouvelles, et enrichir encore une fois nos jardins et nos musées ; et pour accélérer la publication du nombre immense d'es[)éces qui restoient à ftiire connoître, M. de Humboldt a dû chercher un autre collaborateur. M. Kunth, professeur de botanique à funiversité de Berlin, s'est chargé de décrire les genres et les espèces nouvelles ou peu connues rapportées par ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. lOl MM. de Humboldt et Bonpland. Le nombre en sera de quatre mille , dont trois mille au moins sont en- tièrement nouvelles pour les botanistes. Elles occu- peront cinq ou six volumes in-folio, dont le premier, qui renferme les monocotylédones au nombre de huit cents, est déjà publié, et dont le deuxième sera bientôt terminé. On imprimera en même temps le quatrième qui sera entièrement consacré à la famille des composées. M. Kuntli, en décrivant un si grand nombre d'espèces, a été conduit à envisager les familles des plantes d'après des vues générales. Il les a soumises à une nouvelle révision, et a établi des sections nouvelles et des nouveaux genres en grand nombre, revu et rectifié les caractères des genres anciens. A la fin de chaque section M. de Humboldt fait connoître dans des notes spéciales la variété des formes qui abondent le plus sous chaque latitude, et l'influence de la lumière, de la chaleur, et de l'humidité, sur la multiplication de chaque tribu de végétaux. ANNÉE 1818. Le plus anciennement connu et le plus utile des palmiers est sans contredit le dattier, lune des principales richesses de la Barbarie et de l'Egypte, et qui se cultive aussi avec avantage dans plusieurs 102 BOrx\NIQUE contrées de l'Europe méridionale. M. Delile, qui en a observé la culture avec soin pendant qu'il étoit attaché à l'expédition d'Egypte, l'a décrite avec dé- tail dans un mémoire qu'il a présenté à l'Académie. Cet arbre vient de graines, de drageons, et même de bouture. L'opération de la bouture, qui consiste à replanter le sommet après l'avoir séparé de son tronc, avoit déjà été mentionnée par Théophraste et par Pline; et M. Delile a entendu des Arabes lui assurer qu'on la pratique encore. On sait que le dattier a les sexes séparés sur des individus diffé- rents; les drageons de cbaque arbre produisent des individus du même sexe. Les habitants, pour tirer le plus de parti possible de leur terrain, ont soin de ne replanter que le petit nombre de mâles néces- saires pour la fécondation artificielle des femelles; et lorsque des causes quelconques empêchent que l'on ne place en temps convenable les régimes de ces dattiers mâles à portée de répandre leur pous- sière fécondante sur les fleurs femelles, les fruits ne mûrissent point et la récolte est perdue. Une espèce de palmier beaucoup moins connue c|ue le dattier est celle du nipa, (jui croît spontané- ment dans l'Archipel des Indes le long des bords de la mer, et dont Rumphius et M. Thunberg ont donné des descriptions incomplètes; on en mange les jeunes amandes confites. Son régime, coupé ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. lo3 avant son développement, donne une liqueur douce qui, en fermentant, devient spiritueuse et agréable à boire. On fait avec ses feuilles des paniers, des nattes, et d'autres menus ouvrages. M. Houtou La Billardière en a observé et décrit avec soin la fructification, et rectifié sur plusieurs points les idées que Ion s'en faisoit. La fleur femelle a trois stigmates, et le jeune fruit trois ovules; l'em- bryon est placé à la base de la graine ; ses cbatons mâles à fleurs sessiles, ses anthères portées sur un seul filet, quoique non ramifié, ses fleurs femelles dépourvues de calice, et ses fruits agglomérés, lui donnent des rapports sensibles avec les pandanus. Mais ses spatbes, les calices à six divisions de ses fleurs mâles, ses feuilles pennées, le rapprochent encore davantage des vrais palmiers. Les anciens parlent beaucoup d'un arbre de l'E- gypte, auquel ils donnent le nom de persea, qui ressembloit à un poirier, mais dont les feuilles du- roient toute Tannée, dont -le fruit à noyau étoit très doux et très sain , et dont le bois dur et noir avoit une grande valeur. On trouve encore dans les auteurs arabes du moyen âge des descriptions d'un arbre qu'ils appellent ieback, et qui offre tous les caractères attribues par les anciens à leur persea ; mais aujourd'hui cet arbre est devenu si rare, au moins dans la Basse -Egypte, que les botanistes ne Io4 BOTANIQUE l'ont pas reconnu avec certitude : les uns, comme Lécluse, et Linnaeus d'après lui, ont donné le nom de persea à une espèce de laurier; opinion d autant moins admissible que ce laurier vient d'A- mérique. D'autres, comme Schréber, ont cru le re- trouver dans \e sébestier {corclia mixa)^ dont le fruit visqueux est tout différent. M. Delile a été plus heureux ; ayant observé dans un jardin du Caire un individu de l'arbre appelé par Linuddws ximenia œcjyptiaca, il lui trouva la plupart des caractères du persea: une hauteur de dix-huit à vingt pieds, des branches épineuses, des feuilles ovales persistantes, longues d'un ponce à dix-huit lignes , traits qui ont pu donner lieu à la comparaison avec le poirier; un fruit de la forme d'une datte, doux lorsqu'il est mûr, contenant un noyau un peu ligneux, etc. Parvenu dans la Haute-Egypte, M. Delile en ren- contra deux autres, et il apprit, par les habitants * des contrées supérieures, que l'espèce est commune en Nubie et en Abyssinie, et très estimée dans le Darfour ; cependant il n'a pu savoir si le cœur du bois est noir comme le disent les anciens de leur persea. Cet arbre se nomme aujourd'hui en Nubie ecjlicf. M. DeHle lui trouve des différences assez marquées pour le séparer des autres ximenia, et il en fait un genre sous le nom de balanites. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. Io5 Parmi les végétaux d'où découle un suc d'appa- rence laiteuse , Fun des plus remarquables est celui que les colons espagnols ont nommé Yarbre de la vache, parceque son lait, loin d'avoir, comme celui des euphorbes et de la plupart des autres plantes laiteuses , des qualités acres et malfaisantes , fournit au contraire une boisson saine et agréable. M. de Humboldt a lu à l'Académie une description de cet arbre, et des expériences sur le suc qu'il fournit. Ce célèbre voyageur n'ayant pu le voir en fleur n'en détermine pas le genre ; mais d'après son fruit il paroît appartenir à la famille des sapotilliers : son port est élevé, ses feuilles longues de huit à dix pouces, alternes, coriaces, oblongues, pointues, marquées de nervures latérales et parallèles. Quand on y fait des incisions il en découle un lait gluant, d'une odeur de baume très agréable, dont les Nè- gres mangent beaucoup en y trempant du pain de maïs ou de manioc , et qui les engraisse sensible- ment. A l'air il s'y forme à la surface des pellicules qui prennent, en se desséchant, quelque chose de l'élasticité du caoutchouc , et il se sépare un caillot qui s'aigrit avec le temps , et auquel le peuple donne le nom de fromage. M. de Humboldt s'est livré , à ce sujet , à des con- sidérations générales sur les différents laits végé- taux dont les qualités malfaisantes dépendent de 106 BOTâNlQUE certains principes vénéneux qui s'y trouvent assez abondants pour se manifester par leurs effets, tels que la morphine dans l'opium; mais dans les fa- milles même les plus délétères, il existe des espèces dont le suc n'est pas malfaisant, telles que Yeuplwr- bia balsamifera des Canaries , Yasclepias lactifera de Geylan. MM. de Humboldt et Bonpland ont continué la publication de leur grand ouvrage de botanique, intitulé Nova gênera et species planlarum œquinoctia- iuim\ T>e troisième volume, qui sera achevé en quelques mois, et le quatrième, qui est déjà im- primé, mais non encore publié, compléteront la série des plantes à corolle monopétale. Ces quatre volumes renferment plus de trois mille espèces nouvelles réparties en six cent vingt-trois genres , dont près de cent nouveaux. M. Kunth , correspon- dant de l'Académie, auquel la publication de cet ouvrage est confiée, a décrit, dans la famille des composées , près de six cent espèces rangées d'après une méthode qui lui est propre. Des notes ajoutées par M. de Humboldt offrent les hauteurs auxquelles croissent les plantes des Cordilières, et des consi- ^ « Nova geiieia et species plantarum quas in peregrinatione ad 124 BOTANIQUE ches ligneuses séparées par des couches d'un tissu cellulaire roussâtre, parfaitement semblable à celui de la moelle centrale, et les vaisseaux qu'on observe dans les couches de ce tissu sont analogues à ceux de letui médullaire. M. Dutrochet confirme encore les mêmes faits par des observations qui lui sont propres. Il a re- marqué que la moelle des bourgeons du sommet des branches et de ceux qui naissent dans les ais- selles des feuilles correspond toujours à la moelle centrale et à son étui , et que la moelle des bour- geons adventifs correspond à la couche médullaire placée au-dessous de la couche extérieure d'aubier, et il a vu de même que les vaisseaux de l'étui médullaire de ces bourgeons adventifs tirent leur origine de la même couche médullaire. Ces obser- vations prouvent évidemment que les couches li- gneuses sont séparées les unes des autres par des couches de moelle accompagnées chacune d'un étui médullaire. C'est par cette régénération de la moelle et de son étui que la végétation commence au printemps; la couche d'aubier vient ensuite , et recouvre en de- hors cette couche médullaire que l'on n'aperçoit pas dans un grand nombre de végétaux à cause de son peu d'épaisseur, mais que l'on distingue facilement sur la coupe transversale des tiges du rhus typhimim. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 126 Ainsi ce n'est point, suivant M. Dutrochet, une simple couche d'aubier qui se forme chaque année, il y a une reproduction complète de la moelle, de son étui, et des fibres ligneuses. C'est un système central tout entier qui enveloppe l'ancien. Le même phénomène a lieu dans le système cortical : ce ne sont point de simples couches intérieures d'écorce qui se forment annuellement; chacune de ces cou- ches est un système cortical complet, coxiiposé ex- térieurement d'une couche de parenchyme ou mé- dule corticale , et intérieurement d'une couche de fibres. T/auteur compare ensuite l'accroissement en épaisseur avec laccroissement en largeur, en rap- pelant que ce dernier s'opère par des productions médianes, que des faisceaux de fibres naissent dans le milieu du tissu cellulaire, et qu'il naît aussi du tissu cellulaire dans le milieu des faisceaux de fibres; il pense que les couches concentriques se forment suivant les mêmes lois. Il voit les deux couches nou- velles de fibres naître entre les deux couches de médule, l'une centrale, l'autre corticale, par la production desquelles commence la végétation au printemps; il voit réciproquement les deux nou- velles couches de fibres corticales et centrales juxta- posées donner naissance à de nouvelles couches médullaires; ce qui se rattache au phénomène gé- 120 BOTAINIQUE néral de la reproduction médiane, et la manière dont s'opère l'accroissement dans ces diverses cir- constances , où Fanalogie est évidente, a convaincu l'auteur que les couches ne sont point produites par le cambium, mais bien par un véritable développe- ment du tissu, comme M. de Mirbel Favoit déjà dit. L'auteur jette ensuite un coup d'œil {jénéral sur l'accroissement en diamètre des dicotylédons. L'accroissement en épaisseur a lieu tant que dure la vie du ve^^étal, mais l'accroissement en lar- geur sarrête dans les parties qui deviennent soli- des ; ainsi le bois ne prend plus d'accroissement, mais l'écorce, dont la texture a peu de densité, continue de s'élargir, et la partie fibreuse des végé- taux herbacés continue également de s étendre en largeur. A la suite de ces observations Fauteur dit un mot des rapports variables de volumes qui existent en- tre le système cortical et le système central. Le pre- mier en a presque toujours moins; quelquefois ce- pendant il l'emporte en volume: celui de la racine de Vechium vulgare a environ huit fois plus d'épais- seur que le système central; et dans la racine de Yeryngium campestre le premier est au second dans le rapport de 21 à 4- Enfin il explique la formation des bourrelets d'après les principes établis dans sa théorie. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 127 Dans la seconde partie de son travail M. Dutro- chet traite de l'accroissement des monocotyldéons. Leur accroissement en longueur s'opère delà même manière que chez les dicotylédons ; mais comme ils sont privés de rayons médullaires , et que l'accrois- sement par couches successives est essentiellement lié à l'existence de ces rayons, l'augmentation en diamètre des monocotylédons, lorsqu'elle a lieu, ne se fait pas suivant les mêmes lois. Ainsi l'existence des rayons médullaires dans les dicotylédons est le caractère essentiel qui les distingue des monocoty- lédons. Dans sa troisième partie l'auteur donne c[uelques vues sur la cause qui détermine la tige à se lever au-dessus de la terre, et la racine à y descendre. Il offre des observations sui- l'origine et l'accroisse- ment en longueur des racines du nympliœa lulea et du typha latifolia. La tige souterraine du nympliœa est composée d'un système cortical fort mince et demi- transpa- rent , et d'un système central dont le tissu cellulaire, d'une couleur blanche, renferme des fibres jaunes fléchies irrégulièrement. Lorsqu'une de ses fibres, en se ployant, forme un coude qui s'approche du système cortical, il se manifeste dans ce dernier une production hémisphérique, concave en dessus et convexe en dessous; c'est le système cortical de 128 BOTANIQUE la racine naissante dont la fibre coudée doit former le système central. Cette fibre , d'abord séparée de la pocbe corticale, s'en approche, applique le som- met de sa courbure contre la surface concave de cette poche , et s'en fait une enveloppe en forme de coiffe ; puis la racine naissante se produit au dehors, en déchirant l'écorce de la tige au-dessous de laquelle s'est formée celle qui l'enveloppe. 11 résulte de cettte observation, i^ que le sys- tème cortical et le système central de la racine sont primitivement isolés, mais que fun et l'autre exis- tent avant de former un tout organique par leur assemblage ; 2° que le système central pénétre dans le système cortical; 3° que le système cortical de la racine se forme au-dessous de fécorce de la tige d'où elle prend naissance , et qu'elle perce cette écorce pour se produire au dehors. Le sparganiumerectum, ainsi que plusieurs autres plantes , a deux sortes de tiges , les unes aériennes , les autres souterraines; les bourgeons qui produi- sent les dernières naissent dans les aisselles des feuilles qui enveloppent la base de la tige aérienne; ils se présentent d'abord à la surface de l'écorce sous la forme d'une petite calotte hémisphérique composée de couches superposées. C'est le système cortical du bourgeon naissant. Une saillie du sys- tème central de la tige s'approche peu à peu de ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. I 29 cette calotte corticale, s'introduit dans son inté- rieur, et s'en enveloppe ; la calotte s'alonge et ses couches deviennent de petits cônes creux emboî- tés les uns dans les autres. L auteur leur donne le nom de piléoles. Le bourgeon, en se développant en longueur, déchire la piléole terminale qui de- vient une feuille engainante; la seconde se déchire ensuite, puis la troisième; elles deviennent des feuilles comme la première , et leurs scissures sont alternes. Ces observations prouvent que le système central et le système cortical des tiges et des racines sont primitivement isolés, que ie système central pénétre dans le système cortical, que celui de la tige prend son écorce à la surface extérieure de la tige qui lui donne naissance, et que la racine au contraire la prend à la surface intérieure de Técorce; qu'ainsi les tiges et les racines opposées par leur di- rection , le sont aussi par le mode de leur origine. Celles du ijplia latifolia , observées de la même ma- nière et dans les mêuies circonstances, ont offert les mêmes résultats. L'auteur observe que la pointe des bourgeons est composée de couches qui sont les rudiments des feuilles. Il termine cette partie par un coup d'œil général sur lelongation des tiges et des racines. L'élongation des tiges et des racines se lait par BUFFON. COMPLÈM. T. 1!I. nies africaines ; il croit pouvoir certifier qu'il auroit été à même de distinguer les cent vingt espèces qu'il a dessinées par ce seul caractère, et il lui a suffi pour reconnoître comme identiques quelques 174 BOTANIQUE unes d'entre elles qui croissent aussi bien dans les environs de Paris que dans ces contrées éloi- gnées. Entre plusieurs remarques qu'il fait pour distin- guer ces grandes séries végétales il expose celles-ci , que dans les dicotylédones les feuilles croissent si- multanément en tous sens, en sorte qu elles forment toujours une figure semblable à celle qui existoit dans le bourgeon ; que dans les monocotylédones elles croissent du sommet à la base , en sorte qu elles sont souvent sèches au sommet et tendres à la base ; enfin que dans les fougères elles croissent de la base au sommet : quelques unes même se développent si lentement qu'il leur faut plus d'une année pour parvenir à leur maximum , et il y en a qui périssent avant d'y arriver. M. Lestiboudois , botaniste à Lille, a présenté un mémoire sur la nature de la tige des plantes monocotylédones. Il pense qu'elle ne grossit que par les fibres qui naissent dans son intérieur, en sorte qu'il la considère comme analogue seulement à lecorce de la tige des dicotylédones. Il cherche à établir sa proposition en soutenant que les feuilles et les rameaux sortent toujours du centre. On lui a opposé cette forte objection, que de grands arbres de cette classe, dont le tronc a son centre entière- t ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 1^5 ment détruit par la pouriture, ne laissent pas de produire encore des rameaux et des feuilles. C'est ce que M. du Petit-Tliouars et M. de La Billardière ont observé souvent sur les dracœna des forêts de rile-de-France. Ordinairement le style est placé sur Tovaire , et (uand il y a plusieurs ovaires chacun a son style. Mais il arrive aussi quelquefois que plusieurs ovai- res ou plusieurs loges distinctes adhèrent autour de la base d'un style commun, et reçoivent par cette voie leur fécondation. Cette partie de l'ovaire se nomme alors gynobase. M. Auguste de Saint-Hilaire, qui lui a donné une attention particulière, a constaté et décrit les mo- difications qu elle éprouve dans les divers genres où on lobserve. Il présente comme résultat général de ses observations que le gynobase n est autre chose qu'une columelle centrale déprimée. M. Adrien de Jussieu, fils de notre célèbre con- frère, entre sous des auspices favorables dans la carrière que sa famille a parcourue avec tant de gloire depuis un siècle et demi. Il a repris l'examen de la famille des euphorbiacées , dont son illustre père avoit fixé les caractères dans son Gênera plan- lanim, mais que les découvertes des voyageurs de- 1-76 BOTANIQUE puis trente ans ont troublée, et dans laquelle on connoît aujourd'hui plus de mille espèces. On sait qu'en général elles montrent des pro- priétés délétères qui se concentrent sur-tout dans leur embryon ; mais elles ne sont pas non plus sans utilité. I^es graines de plusieurs donnent de l'huile; le suc laiteux qu'elles répandent prend dans quel- ques unes, en se desséchant, la consistance de la gomme élastique : il en est qui possèdent un prin- cipe colorant. Certaines eupliorhiacées n'ont à leurs fleurs qu'une enveloppe qui est un calice. D'autres en ont deux, et il s'agit alors de savoir si la seconde est une corolle ou un calice intérieur. Ce dernier nom lui avoit été donné par une autorité particulièrement respectable pour l'auteur : mais comme cette enve- loppe intérieure est souvent colorée, et qu'elle se flétrit et tombe avant l'extérieure, M. Adrien de Jussieu se permet d'énoncer l'opinion qu'elle mé- rite alors le nom de corolle ; et toutefois, comme elle manque très souvent, il ne croit pas que l'on doive y attacher dans cette famille grande importance. Il examine avec un détail et une attention singulière toutes les formes et les dispositions que prennent les parties de la fleur et du fruit dans les différents genres qu'il décrit au nombre de quatre-vingt-trois , dont quinze sont nouveaux pour la botanique. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 177 Les sexes séparés; les loges du fruit distribuées autour d'un axe central ; les graines au nombre d'une ou deux suspendues au sommet de chaque loge ; le périsperme charnu , les cotylédons planes, la radicule supérieure, sont les caractères généraux de la famille. M. Adrien de Jussieu la divise d'abord en deux groupes , dont le premier comprend les genres qui ont deux graines dans chaque loge, et se subdivise en deux sections , selon que, dans les fleurs mâles , les étamines adhèrent immédiatement au centre de la fleur ou à la base d'un rudiment de pistil : le se- cond comprend ceux qui n'ont qu'une graine par loge; et pour subdiviser ce groupe, qui est de beaucoup le plus considérable, l'auteur est obligé de tirer ses caractères de l'inflorescence, qui tantôt est pourvue d'un involucre, tantôt est en épi avec ou sans feuilles florales , tantôt enfin est en panicule ou en bouquet. Ce sont là les caractères des quatre sections de ce second groupe. Ce travail très précis, plein de faits nouveaux et de vues ingénieuses, et accompagné de dessins soi- gnés de la main de l'auteur, vient d'être publié : il ne peut qu'annoncer bien avantageusement ce jeune botaniste dans le monde savant. M. Poiteau a présenté la description de cinq BUFFON. COMPLÉM. T. III. 12 17B BOTANIQUE genres d'arbres de la famille des myrtes, dont les botanistes n'avoient encore les caractères que d'une manière incomplète: le lécytis, le bertboUetia, le couroupita, le orustavia, et le couratari. Le plus remarquable est le lécytis, dont lespéce la plus connue, à cause de son grand fruit ligneux en forme de vase ouvert et rempli de graines que les singes aiment beaucoup, porte dans nos colo- nies le nom de marmite de singe. M. Poiteau en décrit trois espèces nouvelles dont une est un arbre de haute futaie, mais ne porte que d'assez petits fruits. Le bertboUetia est un des arbres les plus utiles du Nouveau-Monde. Haut de plus de cent pieds, il porte des fleurs jaunes et larges de deux pouces, disposées en grappes à l'extrémité des ra- meaux, suivies de fruits gros comme des têtes d'en- fants, contenant douze ou quinze amandes d'un goût exquis, et qui donnent une bonne huile. C'est un objet considérable de commerce, et on en ex- pédie du Brésil à la Guiane , en Portugal , et en An- gleterre. La partie botanique du grand ouvrage de MM. de Humboldt et Bonpland avance rapidement vers sa fin. M. Kunth a terminé cette année le cinquième, et la plus grande partie du sixième volume des Noua gênera et species plant arum Americœ œquinoctialis. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 1-79 Toutes les familles à corolle polypétale, à rexceptioii des légumineuses, des térébinthes et des rhamnées, se trouvent comprises dans ces deux volumes. Les trois^ dernières familles restent encore à publier. Mais M. Kuntli a fait connoître, dans la partie de l'ouvrage de M. de Humboldt qui est déjà entre les mains des botanistes , plus de quatre mille espèces dont les neuf dixièmes au moins sont nouvelles , et appartiennent à cent trente-sept familles et huit cent soixante-cinq genres. 11 n'existe aucun autre ouvrage qui présente à-la-fois un si grand nombre de plantes exotiques, rangées d'après la méthode naturelle, décrites et figurées jusque dans les moin- dres détails de leur fructification. Parmi les Flores de l'Amérique méridionale, celle de Swartz, par exemple , ne renferme que mille espèces. Il ne reste à publier qu'un cahier des mimoses. Cet ouvrage, exécuté avec le luxe et la beauté de gravure que Thabileté des artistes françois a pu seule atteindre jusqu'ici, sert de supplément au grand ouvrage. M. Kunth a publié en outre trois volumes in-8° d'un extrait raisonné des Nova gê- nera, sous le titre de Synopsis plantarum œquinoc- tialium or bis novi. Dans ces différents ouvrages il a établi plusieurs familles nouvelles, en a mieux cir- conscrit d'autres , institué cent vingt-huit genres nouveaux, et déposé un grand nombre d observa- is. j8o botanique tions sur des plantes étrangères à son premier tra- vail. Quelques unes de ses idées ont été développées dans des mémoires particuliers qu'il a présentés successivement à l'Académie, et dont nous citerons seulement une Notice sur le myrtus et Ceucjenia, deux genres qu'il propose de réunir en un seul, et la Révision desfamiUes des malvacées, des bïittneriacées, et des tiliacées. Ce dernier travail a été adopté en en- tier par M. Decandolle dans son Synopsis regni vege- tabilis. Dans une notice historique sur Pùcliard, M. Kuntli a donné une analyse raisonnée des tra- vaux carpologiques de cet illustre botaniste dé- cédé en 1821, et dont nous lirons bientôt l'éloge historique. La Monographie des mélastômes et des rhexias , ou- vrage rédigé en plus grande partie par M. Bon- pland ,aété terminée par M. Runth dans le courant de cette année. Visoetes lacustris est une plante que l'on range au- jourd'hui auprès des lycopodes, et qui croît dans le limon des eaux stagnantes. D'une base bulbeuse à trois lobes , elle pousse une touffe de feuilles étroites, pointues, tubuleuses, et plus ou moins longues, suivant le degré d'humidité dont elles jouissent, aux bases desquelles sont de petits boucliers mem- braneux qui couvrent chacun une petite cavité, et ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l8l servent de réceptacles, les uns, ceux des icui Iles les plus intérieures, à la poussière mâle; les autres, ceux des feuilles extérieures, aux semences. On n'avoit point encore suffisamment observé ces se- mences ni leur manière de geimer; et M. Raffe- neau Delile, professeur de botanique à Montpel- lier, profitant de Fabondance de l'isoète dans un petit lac des environs de cette ville , vient de les soumettre à un examen très attentif. Elles sont très petites, et contiennent sous un double tégument, marqué de trois arêtes, un petit corps vésiculaire, que M. Delile considère comme un embryon sans cotylédon. Les téguments s'ouvrent en trois valves dans le baut pour laisser passer la première feuille , en mcme temps que la première radicule les perce dans le bas -, les autres feuilles et les autres radicules poussent ainsi successivement ; et pendant ce temps le tubercule qui est entre elles grossit et devient le bulbe ou la soucbe qui les portera toutes. Les feuilles se dessécbent quand la plante est privée d'eau ; mais lebulbeconservelong-tempssa vitalité, et repousse même après deux ans c[uand on Thumecte. Les licbens sont une famille de plantes crypto- games dont le nombre est prodigieux , mais don t la classification et la distinction sont accompagnées de grandes difficultés , à cause du peu de parties l82 BOTANIQUE qu'ils présentent , et du peu de caractères auxquels ces parties donnent prise. Cependant les travaux de Hoffman et d'Acharius ont ouvert de nouvelles voies et excité une grande émulation pour ce travail. M. Delise, de Vire, département du Calvados, se propose d'en donner l'histoire générale, et en a déjà recueilli à cet effet plus de mille espèces. Il a présenté à l'Académie, comme échantillon de son travail, l'histoire particulière du genre sticteyVun des trente-cinq qu'il conserve ou qu'il établit dans la famille. Ce fragment est fait pour donner une idée très avantageuse de l'ensemble , dont il est fort à désirer que les amateurs de cette partie du régne végétal puissent bientôt jouir. Les écorces employées en médecine nous arri- vent des pays étrangers dans leur état brut, et sou- vent encore chargées des lichens et des autres cryptogames qui croissent naturellement sur elles. M. Fée s'est attaché à étudier ces espèces de para- sites, et en a découvert et décrit un grand nombre que les voyageurs, occupés dans leurs courses d'ob- jets plus sensibles, n'a voient pas remarquées. Les lichens sur-tout lui ont donné lieu d'établir dans cette famille une distribution nouvelle. Il la fonde premièrement sur les diversités de formes du corps ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l83 même du lichen , ou de ce que les botanistes nom- ment t/ia Uns, et ne prend que pour caractère secon- daire les organes variés qui naissent sur ce thallus, et que les botanistes , qui les nomment apothecium , ont supposé assez légèrement , à ce que pense M. Fée, appartenir à la génération. Comme il arrive dans les pays étrangers aussi bien que dans le nôtre que certains cryptogames se fixent de préférence sur certaines écorces, les descriptions de M. Fée , toutes très exactes et très détaillées et accompagnées de figures fort soignées faites par M. Poiteau , indépendamment de laccrois- sement qu'elles fournissent à la botanique, pour- ront encore aider en certains cas les pharmaciens à distinguer avec plus de précision les écorces que leur apporte le commerce. M. Moreau de .Tonnes , qui suppose que les ter- rains, soit calcaires , soit volcaniques des Antilles , ont été mis à découvert plus tard que les grands continents , a dû rechercher l'origine de leur popu- lation végétale, et par quels agents et de quels pays chacune de leurs plantes y a été transportée. Pour cet effet il a préparé pendant qu'il séjour- noit à la Martinique des mélanges de terre propres à la végétation, et dans lesquels il s'est bien assuré qu'il ne subsistoit point de germes de plantes. Il les l84 BOTANIQUE a exposés , avec les précautions convenables et sé- ])arément, à Faction des pluies orageuses, à celle des différents vents, à celle des oiseaux de passage, à celle des divers courants , et compté , autant qu'il lui a été possible , le nombre des espèces que cha- cune de ces causes a amenées. Il a aussi cherché à apprécier ce que les communications des hommes peuvent apporter de semences et de germes de plantes avec les eaux prises en d'autres pays pour l'approvisionnement des navires , avec les matières qui servent à emballer des marchandises étran- gères, avec les bois et les fourrages , et jusque dans le lest des vaisseaux et parmi les poils des bestiaux que l'on importe dans les îles. Le plus puissant et le plus constant des agents naturels lui a paru être le grand courant équato- rial de l'Atlantique. Il assure avoir reconnu qu'en deux mois il apporta des graines de cent cinquante espèces différentes; mais toutes les semences ne se laissent pas également transporter par tous les agents ; et pour pouvoir arriver dans une direction et à une distance données , encore en état de repro- duire leurs espèces, elles doivent réunir certaines conditions de légèreté, de mobilité, de résistance à la destruction, de difficulté ou de facilité de la germination, et autres semblables; ainsi parmi les cent cinquante espèces de semences apportées par ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l85 le courant, il ny en a que vingt -six qui ger- mèrent. Quant à Faction des hommes , M. de Jonnès la croit bien supérieure à celle des agents naturels, et pense qu elle peut en quelques siècles changer en- tièrement les rapports établis par ces derniers de- puis l'origine d'un pays. M. de La Billardière avoit présenté à TAcadémie en 1 802 un mémoire sur le lin de la Nouvelle-Zé- lande, plante nommée par les botanistes phormium tenaXfOùW annonçoit la possibilité de cultiver cette plante en France , et faisoit voir que ses fils surpas- sent demoitié ceux du chanvre pour l'expansibilité et pour la force, deux qualités également précieuses dans la fabrication des cordes. Ces fils sont en même temps de la plus grande finesse, en sorte que l'on pourra les employer aux ouvrages les plus délicats. M. Gachin, inspecteur -général des ponts et chaussées , est parvenu en effet à élever le phor- mium tenax à Cherbourg, et à lui faire porter des graines qui , semées par plusieurs cultivateurs, ont germé avec facilité; et M. Gillet de Laumont a rendu compte à l'Académie d'un succès qui pro- met à notre pays une nouvelle richesse végétale. L'un des Nestors de la botanique en France , l86 BOTANIQUE M. le docteur Paulet, de Fontainebleau, si connu par ses travaux sur les champignons, s'est occupé depuis long-temps de reconnoître les plantes et les animaux dont les anciens ont parlé, et a présenté cette année à l'Académie un grand commentaire sur l'histoire des plantes de Théophraste, et un autre ouvrage de moindre volume intitulé Flore et Faune de Virgile. C'est une des matières les plus dif- ficiles et les plus sujettes à controverse de toute la critique classique. 1j' hjacinthus, par exemple, est aux yeux de Lin- nseus le pied d'alouette (delphinium ajacis); Spren- gel soutient que c'est le glaïeul (^gladiolus communis^ ; Dodoens veut que ce soit le martagon (^lilium marta- gon), et Martin le lis orangé {lilium croceum). Il n'est guère de plantes , si l'on en excepte les plus communes, celles qui ont toujours été des ob- jets d'agriculture et d'économie domestique , qui ne puissent exciter de semblables contentions. M. Pau- let apporte donc aussi des conjectures plutôt que des résultats décisifs; mais plusieurs de ces conjectures sont heureuses , et réunissent de plus grandes pro- babilités en leur faveur que celles de ses adver- saires. M. de Humboldt a fait connoître il y a plusieurs années les propriétés de l'arbre dit de la vache, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 187 dont le suc ressemble au lait non seulement par sa couleur, mais parcequ il est nourrissant, et non pas vénéneux , comme le sont la plupart des laits végétaux. MM. Rivero et Boucingault en ont fait l'analyse. Il s'y forme des pellicules comme sur le lait de vache , et elles ressemblent à la frangipane. Dessous reste un liquide huileux , dans lequel nage une substance fibreuse qui se racornit par la cha- leur et répand alors une odeur caractérisée de viande frite. Ce lait donne de la cire , de la fibrine semblable à celle des animaux , et un peu de sucre et d'un sel magnésien. ANNÉE 1824. M. Romain Féburier, de Versailles , connu par plusieurs recherches de physiologie végétale, a sou- mis à l'Académie un petit traité sur cette matière, destiné à éclairer les cultivateurs, qui a été imprimé, et où il combine les résultats des auteurs qui l'ont précédé avec ses propres expériences. Il décrit la moelle comme un amas de cellules polyèdres séparées par des cloisons toujours com- munes à deux d'entre elles. Dans certaines espèces leur ensemble en se déchirant produit tantôt des espèces de cloisons transversales, tantôt un vide continu. Les filets vasculaires qu'on y voit quelque- fois lui paroissent des vaisseaux détachés de letui l88 BOTAINIQUE médullaire. Cet étui enveloppe la moelle. Il est composé de plusieurs vaisseaux , tels que trachées, fausses trachées, tuhes poreux et simples, entre- mêlés d'un peu de tissu cellulaire. Selon l'auteur, c'est la manière dont le fd élastique des trachées est enroulé qui dans les plantes g^rimpantes déter- mine la direction selon laquelle elles s'entortillent autour des appuis. Il regarde l'étui médullaire comme la base de l'orjjanisation de l'embryon , et croit que c'est lui qui détermine le gfcnre et l'espèce du végétal. Chaque année ses vaisseaux s'alongent, et des faisceaux s'en séparent pour traverser l'é- corce et produire des bourgeons , les feuilles, et les boutons. Ces faisceaux fixent la position des gemmes et le nombre des angles saillants qui donnent la forme à la moelle. Des suites de cellules alongées s'étendent horizontalement en rayonnant du centre à la circonférence : c'est ce qu'on nomme les rayons médullaires. A mesure qu'il se forme de nouvelles couches annuelles de bois qui grossissent le tronc, il se forme de nouveaux rayons qui se placent entre les autres sans atteindre jusqu'au centre. La der- nière des couches du bois et la plus extérieure est ïaubier; il est enveloppé par l'écorce, formée aussi par couches, mais dont la plus nouvelle et la plus intérieure se nomme liber. C'est à l'écorce qu'appar- tiennent les vaisseaux propres, ainsi nommés des ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 1 89 SUCS particuliers qu'ils contiennent et qui ont été primitivement élaborés par les feuilles. La partie superficielle du parenchyme prend à la lumière une couleur verte, qui Ta fait appeler tissu herbacé, et il est enveloppé d'un épidémie que M. Féburier ne croit pas simplement formé par la dernière et la plus extrême couche de ce parenchyme, comme le pensent la plupart des auteurs de physiologie végétale. Les racines ressemblent aux tiges et aux branches par leur organisation, mais leur position les empêche de devenir vertes; les dernières rami- fications de leurs faisceaux de fibres , au lieu de se réunir pour former des feuilles, s'isolent et ne don- nent que du chevelu. L'auteur n'adopte j)as l'opi- nion presque générale que les racines n'ont pas de moelle; seulement, dit-il, elle est plus mince. Certaines espèces produisent indépendamment des racines des filets garnis ou terminés par des tuber- cules remplis de substance amilacée ou mucilagi- neuse. Les feuilles ne sont que l'épanouissement des fi- lets médullaires à leur sortie du pétiole; ces filets en composent les nervures , dont le réseau est rempli d'un parenchyme semblable à celui du tissu her- bacé, et revêtu de même d'un épiderme. C'est de la distribution des nervures que dépend sur- tout la figure de la feuille. 190 BOTANIQUE Après deux ou trois mois d'existence on s'aper- çoit que la feuille a dans ses principales nervures un plus grand nombre de fibres, et Ton parvient à séparer les fibres nouvelles des anciennes qui étoient venues de Tétui médullaire ; elles forment une couche analogue à celle du bois ; on peut les suivre jusqu'à la tige, et elles s'y continuent jus- qu'aux racines ; c'est de la réunion de toutes ces nouvelles fibres que se forme l'aubier ou la couche ligneuse la plus nouvelle, celle qui bientôt se dur- cira et deviendra une couche de bcis. Le bourgeon est, comme le pétiole, une émana- tion de l'étui médullaire; il en reçoit une production qui se distribue aux nouvelles feuilles comme a voit fait le premier étui. Le bourgeon à fleur ne diffère pas essentielle- ment du bourgeon à feuilles ; car, ainsi qu'on le sait depuis long-temps, et sur-tout par les expériences de Linnaeus, toutes les parties de la fleur ne sont que des feuilles transformées par un développe- ment précoce; elles peuvent toutes se changer les unes dans les autres ou même devenir des feuilles, et un bourgeon à bois peut devenir un bouton à fleur ou réciproquement. Aussi M. Féburier fait-il remarquer que toutes ces parties, calice, corolle, étamines, pistils, ont leurs filets médullaires, leur couche fibreuse , leur épiderme ; et par-là il combat ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. igi cette autre opinion de Linnaeus que le calice vient de lecorce , la corolle du liber, les étamines du bois , et le pistil de la moelle. D'après ces considérations Fauteur re^^arde l'étui médullaire comme For^^ane principal des végétaux, et si par la pensée on dépouilloit un grand arbre de son écorce et de ses couches ligneuses , il ne resteroit que l'étui médullaire augmenté en diamètre et ra- mifié au point de représenter le squelette de cet arbre jusqu'à ses dernières extrémités , à ses feuilles et à ses fruits. M. Féburier assure avoir fait des expériences d'où il résulte que les anthères sont électrisées po- sitivement et que le pistil l'est négativement, et que c'est la raison pour laquelle le pollen des anthères est attiré par le stigmate. M. du Petit-Thouars a continué de son côté à entretenir l'Académie de ses recherclies sur la phy- siologie végétale, et a traité spécialement de la com- position des nervures principales des cotylédons, ainsi que de celle des racines de quelques plantes, sur-tout des cucurbitacées , composition qui lui pa- roît en relation directe avec sa théorie générale du développement des végétaux. D'après cette théorie, telle que l'auteur l'exprime aujourd'hui, toutes les fibres qui se manifestent 192 BOTANIQUE dans une feuille sont continues jusqu'à l'extrémité cVune racine, en sorte que partant d'un point pro- ductif, soit d'un bourpeon, soit d'une g^raine , elles ont été simultanément montantes et descendantes; que dans leur partie montante elles sont soumises à une loi d'association ou de fascicidation ; que c'est dans les différentes modifications numériques des faisceaux qu'il faut chercher la source de toutes les différences qui caractérisent les groupes comme classes, genres, et espèces. Un des arguments qui lui paroissoient les plus propres à justifier cette assertion c'étoit de voir que certains nombres sont beaucoup plus souvent em- ployés que d'autres dans la structure des plantes. C'est un auteur anglois, Thomas Brown, qui, dans un petit traité peu connu, cherchant à prou- ver que la nature semble avoir plus de propension à employer le nombre cinq que tout autre , tirant ses principales preuves du régne végétal , annonça en 1 655 que dans le plus grand nombre des fleurs on trouve ce nombre simple ou multiple dans la dis- tribution de leurs parties. Effectivement il appar- tient au moins aux Yio des plantes dicotylédones, tandis que le nombre trois ou ses multiples ap- partient peut-être au ^Y.oo des monocotylédones. D'un autre côté, Brown faisoit aussi remarquer que dans le plus grand nombre des plantes à ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. igS feuilles alternes, celles-ci se trouvent disposées de manière à former autour de la tige une spirale tel- lement régulière que la sixième revient constam- ment au-dessus de la première, et la onzième au- dessus de celle-là , en sorte qu'elles forment autour de la tige cinq séries régulières. La première de ces observations paroissoit être une des preuves les plus spécieuses de la proposition de M. du Petit-Thouars, que la fleur n'est qu'une transformation d'une feuille et du bourgeon qui en dépend. Effectivement le nombre cinq se trouve évidemmentdans les nervures palmaires d'un grand nombre de feuilles; de la vigne par exemple. Rap- prochez-en les deux bords et supposez- les soudés en cornet, vous avez une fleur à cinq divisions, par conséquent à cinq étamines, tandis que dans le marronier d'Inde, qui a sept folioles, vous avez sept étamines. Ainsi, suivant l'auteur, la fleur n'au- roit été composée que d'une seule feuille, tandis qu'il peut y en avoir plusieurs dans le fruit , ce qu'il faisoit dépendre de leur arrangement primordial. Cette théorie paroissoit séduisante ; mais M. du Petit-Thouars ne dissimule pas que dans plus d'une occasion l'observation lui a semblé contraire; et cependant il a été assez heureux pour démêler, dans beaucoup de cas, la cause d'anomalies apparentes. C'est ainsi qu'il trou voit difficile de découvrir la BUFFOW. COMPI.ÉU. T. IH. l3 194 BOTANIQUE source du nombre 2 et de ses puissances, comme 4,8, etc. , dans les fleurs , attendu que les nervures des feuilles doivent toujours être impaires. Pour lever cette difficulté il eut recours à Fexamen de trois plantes annuelles qu'il prit dès le moment de leur germination ; de la rave pour représenter les crucifères, du cjrateron pour les ruhiacées, et du la- mium pour les labiées. Il trouva entre autres que la nervure principale ou médiane est double dans ces plan tes, que par conséquent le nombre total devient pair: et ce qui le satisfit beaucoup pour le moment ce fut de trouver pareillement la nervure principale des cotylédons ou protophylles double; mais quel- que temps après, ayant observé avec le même soin thelianthus annuus ou soleil, il trouva que dans ses cotylédons la nervure médiane est pareillement double, quoi(|ue sa fleur soit à cinq divisions comme toutes celles des composées. Il a même constaté que dans le plus (jrand nom- bre des dicotylédones la nervure médiane des co- tylédons est évidemment double: mais elle paroît simple dans les ombellifères, et l'auteur croit que c'est sa ténuité seule qui lui donne cette apj)arence , car il est porté à croire que môme dans les plantes adultes elle est ori(>iî]airement double. Mais il re- met à une autre occasion d'appuyer cette opinion par des preuves matérielles. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 19^ ïl s'est contenté de donner comme résultat de lexamen de la germination des dicotylédones, que leur plantule est composée de deux plantes aussi complètes que possible, ayant un entre-feuille ou mérithalle et une feuille; que de leur réunion ré- sulte le bourgeon primordial ou la plu mule; que c'est elle qui détermine les parties montantes ou aériennes, et qu'en même temps elle forme les ra- cines qui partent de la base ; mais on ne les recon- noît pour telles que lorsqu'elles sont parvenues à labri de lecorce au point où commence la partie enfouie. La différence entre les deux parties aé- rienne et terrestre viendroit de ce que dans la pre- mière les fibres intégrantes seroient soumises à une sorte de fasciculatjon régulière, tandis que dans l'au- tre elles tendroient à s'éparpiller irrégulièrement. Ainsi les racines ne présenteroientd'agrégation/rt5- ciculaire que par une sorte de contrainte qu'elles éprouveroient dans le corps de l'arbre, et il scroit de leur essence de devenir simples dès que les cir- constances le leur permettroient. Du moins M. du Petit-Thouars étoit por(é à le croire, lorsqu'un exemple remarquable est venu lui apporter de nou- velles lumières sur ce sujet. Ce sont les cucurbitacées qui les lui ont procurées : il a reconnu que dans le grand nombre de ces plantes le corps intérieur ou ligneux delà racine est composé de quatre faisceaux r3. 196 BOTANIQUE intég^rants, formant un cylindre qui se divise sans effort en quatre quartiers. C'est de leur suture que partent les nouvelles racines ou les secondaires. On voit facilement que de chacun des deux qui se trouvent contigus il sort deux faisceaux pour for- mer ces racines. Il faut remarquer que, par suite du développement de la plumule, la tigelle des eu- curbitacées devient pentagonale , étant composée de cinq faisceaux ; que c'est par conséquent de ce nom- bre cinq que se compose celui de quatre qui appar- tient aux racines. Dans le momordica elaterium , la racine forme une sorte de navet plus renflé que la ti.tjelle. Par l'exa- men seul de son extérieur on voit qu'elle présente quatre lobes arrondis; si on la coupe en travers, on découvre au centre un novau ou une sorte de mèche quadrangulaire, entourée de quatre lobes distincts qui paroissent s'y être ajoutés. La bryone présente aussi quelque chose de particulier, mais l'auteur n'a pu encore remonter à la source de ces apparences par le moyen de leur fjermination ; il n'a pu satisfaire pleinement au désir qu'il avoit de s'assurer si dans les autres familles il ne se trouve pas quelque cbose d'analogue dans la structure de leurs racines ; il a seulement reconnu qu'elles ont au moins beaucoup de propension à se séparer lon- gitudinalement en deux portions égales. Gela se re- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 197 marque entre autres dans la bourrache , la rave , le haricot, et toujours c'est des sutures qui s'y trouvent que sortent les racines souvent en séries très rap- prochées, notamment dans le haricot. Il est porté à croire que cette séparation ou suture provient de la disposition binaire des cotylédons. Ces deux genres d'observations prennent un plus grand de- gré d'intérêt par la nouvelle relation qu'elles ten- dent à établir entre les deux parties qu elles concer- nent, les cotylédons et les racines. Les grands ouvrages de botanique, dont nous avons successivement annoncé les livraisons , se continuent avec la même assiduité et les mêmes soins. Toujours infatigables dans un travail d'une im- mense étendue, MM. de Humboldt et Kunth ont porté à trente-un fascicules leurs Nova gênera etspe- des plantariim œquinoctialium , et ils ont fait paraî- tre le tome troisième de leur Synopsis plantarum œquinoctialiwn orbis novi. M. Kunth , en particulier, a exposé dans un ouvrage spécial les caractères des genres de la famille des térébinthacées. M. DeleSbCrt a publié le second volume de ses Icônes selectœ. M. Auguste de Saint-Hilaire a donné quatre ca- hiers de ses Plantes usuelles des Brasiliens, et quatre ly8 BOTAINIQUE de son Histoire des plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay, La première parîie du Sertum austro-caledonicum , de M. de La Biilardière, a été imprimée. M. Paulet, ce respectable vieillard qui a consa- cré sa vie à la botanique utile, a donné la seizième et la dix-huitième livraison de ses Champignons. Il a aussi fait imprimer sa Flore de Virgile ^ dont nous avons parlé Tannée dernière. Le nombre des espèces nouvelles que ces ouvra- [^es font connoître, celui des genres que les auteurs établissent, sont tels que leur simple catalogue ex- cèderoit les bornes d'une analyse comme la nôtre; c'est à peine s'il nous sera possible d'indiquer les remarques générales que ces savants observateurs préseutent, relativement aux caractères et aux li- mites des familles, quelque intéressantes qu'elles soient pour la science de la botanique. En examinant cette modification d'organe qu'on a appelée gynohase , M. Auguste de Saint -Hilaire avoit discuté les rapports des oc/macées, des sima- roubées , et des rulacées. Pendant qu'il rédigeoit son mémoire quelques savants étrangers se sont aussi occupés de cette dernière famille, et ont cru pou- voir la diviser en différents groupes. M. de Saint- Hilaire examine leur travail; il établit quelques lois ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. l 99 carpologiques très importantes; il passe en revue les difFérents genres compris dans la famille des ru- tacées; et après avoir donné une analyse très détail- lée de leur ovaire et de leur semence, il prouve que ces genres se nuancent entre eux d'une manière trop insensible pour pouvoir être séparés. Il dé- montre (|u'on ne peut pas même éloigner des au- tres rulacées les espèces à fleurs irrégulières, qui étoient peu connues avantses voyages, et il conclut qu'il faut laisser subsister la famille des rutacées telle qu elle a été formée par M. de Jussieu. Dans un mémoire , que M. Auguste de Saint-Hi- laire avoit lu plus anciennement à l'Académie, il avoit discuté les rapports des plantes ([ui forment aujourd'hui les quatre familles des droséracées, des violacées, des cistées, et des frankeniées , et il avoit montré que ces familles composent un vaste groupe de plantes à jamais inséparables. Son tableau mo- nographique des plantes du Brésil qui appartien- nent à ce groupe présente l'application des prin- cipes qu'il avoit établis dans le mémoire qui vient d'être rappelé. Il passe chaque genre en revue; il examine l'organisation des plantes qui y appartien- nent; il discute leurs caractères et leurs affinités; il les considère sous le rapport géographique, et donne une description complète des espèces. 200 BOTANIQUE Dans un travail particulier sur les genres sauva- gesia et tavradia M. de Saint-Hilaire fait connoître des faits qui, s'ils viennent à être constatés, appor- teront quelques modifications à des régies que Fou croyoit générales. On ne pensoit pas qu'aucune plante dicotylé- donefût commune aux deux mondes. L'auteur n'a trouvé aucune différence entre des individus de sauvagesia erecta cueillis dans presque toutes les parties chaudes de l'Amérique, et ceux que l'on a reçus de Guinée et de Madagascar ; et cependant il ne croit pas qu'une plante peu remarquable , qui n'est d'aucun usage , et dont les graines ne sont ni ailées ni accrochantes , ait pu être transj3ortée par les hommes ni volontairement ni accidentel- lement. C'est sur-tout lorsqu'on s'attache à l'étude spé- ciale de quelque famille de corps organisés, et par- ticulièrement des plus petits , que l'on parvient à se faire une idée de l'inimaginable richesse de la na- ture , et du nombre incalculable des espèces qu'elle a produites. Les conferves, ces êtres aquatiques d'une nature ambiguë, qui semblent ne consister qu'en filets membraneux et articulés, remplis de grains ver- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 20I dâtres , lorsqu'elles ont été examinées en détail par les botanistes mode^ nés , ont offert tant de diffé- rences dans les formes de leurs articulations, dans la manière dont elles s'unissent, dans celle dont leurs filaments se groupent, et dans une multitude d autres circonstances , que d'un g^enre seul , où Linnaeus les avoit classées, on a été obligé de former une famille entière qui contient déjà plus de cin- quante genres, et qui en voit établir chaque jour de nouveaux. C'est ce qui arrive aussi pour les lichens, ainsi que nous l'avons dit l'année dernière en par- lant du travail de M. Delise , botaniste, demeurant à Vire , et de celui de M. Fée , pharmacien de Paris. Les conferves font aujourd'hui l'objet d'une étude assidue de la part de M. Bonnemaison, qui, de- meurant à Quimper, est placé de manière à obser- ver avec une égale facilité celles de mer et celles d'eau douce. Il a déjà présenté à l'Académie le com- mencement de son travail. Selon lui, les conferves forment une classe entière qu'il nomme liydropliytes lociilés. Dans ce premier chapitre il ne traite que d'une de leurs familles, celle qu'il nomme épider- mée, et qu'il diviseen genres nombreux dont quatre sont établis par lui , et fondés sur ses observations, ou démembrés de ceux de ses prédécesseurs. Chacun a entendu parler du manioc (Jatropha 202 BOTANIQUE * maiiiot. L.), de cet arbuste dont les racines, après qu'on en a extrait un suc vénéneux , donnent une fécule nourrissante et saiubre nommée cassave, qui est le principal aliment des peuples de la partie chaude de l'Amérique , et des néf^res qui y remplis- sent les colonies européennes. Raynal a cru qu'il étoit originaire d'Afrique, et qu'il avoit été trans- porté aux Antilles avec les nègres , auxquels il de- voit servir de nourriture. « Les sauvages, dit-il, qui offrirent à nos premiers navigateurs des bananes, des ignames, des patates, ne leur présentèrent point de manioc. » M. Moreau de .Tonnes a prouvé au contraire, par des témoignages contemporains, qu'ils ne présentèrent point de bananes , mais bien une racine qui, sous le nom de jucay ne différoit point du manioc ; et sa fécule, nommée cassabi ou eassave comme aujourd'hui : ce sont les Portugais qui ont porté le manioc en Afrique avec le maïs. M. de Jonnès a recherché avec beaucoup de soin l'origine primitive et l'histoire des irradiations de cet utile végétal. Colomb, Drake , Newport, l'ont trouvé dès les quinzième et seizième siècles chez les sauvages des diverses Antilles. Améric Vespuce Ta vu servir de nourriture ordinaire à la Guiane; Bar- tidas dans la province de Sainte-Marthe; Cabrai et Pigafetta au Brésil ; mais, par une singularité re- marquable, il étoit inconnu dans TAujérique sep- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2o3 tentrionale et dans toutes les provinces situées sur la mer du Sud ; c'est parcequ on a transporté le nom de jiica à Varum virginicum que l'on a cru le manioc cultivé par les habitants de la Floride. Gomme le manioc venu de foraines n'a pas de ra- cines tubéreuses , il n'est pas probable qu'il se soit répandu dans le vaste espace qu'il occupe par les agents naturels ; ce sont plutôt les peuples qui se le sont transmis les uns aux autres. Une ancienne tradition des Haïtiens, rapportée par Pierre Martyr, pourroit faire croire qu'il étoit primitivement naturel de Saint-Domingue; mais aujourd'hui on ne l'y trouve plus à l'état sauvage; et M. de .Tonnes ayant comparé les dénominations par lesquelles les différentes peuplades désignent le manioc et ses préparations les a trouvées plus nombreuses au Brésil qu'ailleurs , et a reconnu que celles dont on se sert phis au nord et en moindre noQîbre dérivent de celles du Brésil . d'où il con- clut que c'est ce dernier pays qui est la vraie patrie du manioc, et la contrée où il a d'abord été cul- tivé et employé par les hommes. Ce qui le confirme dans cette idée c'est que c'est aussi au Brésil que le manioc a produit le plus grand nombre de variétés , et qu'il y en avoit déjà vingt- trois du temps de Marcgrave, tandis que les Galiris de la Guiane n'en ont jamais eu que six ou sept, et les Garaïbes que 2o4 BOTANIQUE quatre; Saint-Domingue n'en possédoit que deux quand on le découvrit. Selon M. de Jonnès , c'est dans la chaîne des Andes et dans le peu de com- munication des habitants des Antilles avec le Mexi- que et la Floride qu'il faut chercher les causes qui ont limité la propaf^^ation du manioc à l'espace où il se trouvoit répandu lors de la découverte de l'Amé- rique, c'est-à-dire entre le fleuve de la Plataaumidi, les Cordilières à l'ouest, et le canal de Bahama au nord. Les auteurs latins parlent beaucoup d'un certain bois qu'ils appeloient citrus ou citrum, et dont ils faisoient des meubles, et sur-tout des tables d'un prix qui aujourd'hui paroîtroit extravagant, même aux hommes dont le luxe est porté le plus loin ; Pline en cite des tables vendues une valeur de plus de 200,000 francs de notre monnoie actuelle, et une qui le fut 287,000, quoique les plus grandes n'eussent pas en une seule pièce quatre de nos pieds de diamètre. Ce n'étoit pas à beaucoup près notre citronnier d'aujourd'hui , qui est le malus me- dica des anciens , et dont les caractères sont tout différents. M. Mongès, membre de TAcadémie des Belies-Iiettres, a cherché à déterminer la véritable espèce du diras desPiomains. A cet effet il a recueilli et comparé tous les passages des anciens où il en est ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2o5 question. Pline esta cet égard son auteur principal. On trou voit , dit-il , le citrus dans l'Atlas ; c'étoit avec les loupes ou excroissances de son tronc et de ses branches, mais sur-tout avec celles de ses racines, que Ton fabriquoitdes tables précieuses. La beauté en consistoit dans des veines ou des taches qui rap- peloient celles de la peau du tigre, ou celles de la panthère, ou les yeux de la queue du paon, ou d'autres figures variées ; le fond de la couleur ajou- toit à leur prix ; on estimoit de préférence celles qui imitoientla couleur du moût de vin : des taches d'une autre nature, des parties autrement colorées que la mode ne l'exigeoit, y étoient des défauts. Oa employoit différents procédés pour mettre ce bois à l'état qui plaisoitle plus aux acheteurs. On l'en- fouissoit dans la terre , on le mettoit dans le blé; on i'enduisoit de cire; quelque séjour dans l'eau de mer le durcissoit; il se polissoit par la main de l'homme. Ce citrum étoit l'arbre qui avoit les plus grosses racines; il surpassoità cet égard le platane et le chêne ; malgré sa beauté on lui auroit préféré lerable s'il avoit fourni des pièces aussi grandes. Où. en tiroit de l'huile, qui, ainsi que celle du cyprès , avoit les mêmes vertus que celle du myrte. A ces détails Pline ajoute que le citrus est le thuion d'Ho- mère et de Théophraste , et cela est en effet très vraisemblable , au moins pour ce dernier, selon le- 2o6 BOTANIQUE quel(liv. V, ch. 5) « le thuion, appelé aussi thuia, «croît auprès du temple de Jupiter Ammon , et '< dans le territoire de Gyrène; ressemble au cyprès, « et sur-tout au cyprès sauvag^e par les branches, « par les feuilles , par le tronc , et par le fruit; a le «bois incorruptible, et des racines très crépues, u dont on fait des meubles précieux. » M. Monj^ès croit aussi pouvoir rapporter au même arbre un passage de Pline, liv. V, chap. i, où il n'est pas fait mention de son nom, mais où il est dit : qu'au rapport de Suétonius Paulinus le pied de TAtlas est couvert d épaisses forêts d^un arbre inconnu , remarquable par l'élévation de son tronc luisant et sans nœuds, dont les feuilles ressemblent à celles du cyprès, d'une odeur forte, et couvert d'un duvet léger, dont avec l'art on pourroit faire des vêtements comme on en fait du bombyx. M. Mongès après avoir fait une revue des diffé- rents arbres qui ont été considérés par divers bota- nistes, comme le citrum ou le thuium des anciens, et n'en trouvant parmi ceux de l'Atlas aucun qui réponde à son gré à ce que Pline et Théophraste en ont dit, suppose que l'espèce en a été détruite sur cette chaîne de montagnes, comme celle du cèdre le sera probablement bientôt sur le Liban, et croit que si le citrum existe encore quelque part ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 207 on doit le chercher dans une espèce de genévrier, improprement appelé juniperus thurifera par Lin- natîus, et que Tournefort et Ohvier ont observé sur le mont Taurus. M. Desfontaines pense que c'est plutôt le tamarix orientaiis, ou Vallée des Ejjyptiens modernes; mais il n'est, selon M. Mongès, ni assez grand ni assez précieuxpourrépondre aux descriptions ducitrum: il n'arrive pas à la grosseur du corps d'un homme, et c'est le bois de chauffage et de menuiserie le plus commun en Egypte. M. Sprengel , dans ses notes sur Théophraste im- primées en 1822, voit le citrum dans le thuia arti- dilata de Vahl ; arbre fort semblable au cyprès , de vingt-quatre à trente pieds de haut, sur douze à quinze pouces de diamètre, que M. Desfontaines a observé près de Tripoli, et que M. Dellacella a sur- tout trouvé en grande abondance dans la Gyrènaï- que. M. Mongès le regarde aussi comme trop petit, mais peut-être n'est-il pas nécessaire de beaucoup s'arrêter aux difficultés prises de la grandeur. Il n'en est question que dans le passage tiré de Sué- tonius Paulinus, qui n'est pas très évidemment re- latif au citrum. D'ailleurs il seroit possible, et M. Mongès lui-même semble le penser, que ces grands morceaux si recherchés pour des meubles de luxe ne fussent pas les produits ordinaires de 208 BOTANIQUE larbre, mais des excroissances, des monstruosités, peu communes; et même cette circonstance expli- queroit mieux que toute autre leur énorme cherté. Il faudra donc retrouver parmi les arbres assez nombreux, auxquels conviennent plus ou moins les descriptions vagues données par les anciens de leur thuion ou de leur citrum , quel est non pas celui qui devient le plus grand, mais celui qui est le plus sujet à ces sortes d'excroissances dont les veines et les taches pourroient produire un effet agréable. C'est aux voyageurs qui visiteront de nouveau l'Atlas et la Gyrénaïque qu'il appartiendra de ré- soudre complètement ce problème. M. Bory Saint -Vincent à rendu un service réel aux botanistes, en imaginant un appareil au moyen duquel les plantes destinées à entrer dans leurs herbiers se dessèchent plus vite et sans être autant altérées dans leurs couleurs que par les procédés ordinaires. C'est une planchette percée de trous à laquelle s'attache d'un côté une toile garnie à son bord libre d'une petite tringle de fer, et (|ui, au n^oyen de deux courroies, serre contre la planchette les feuilles de papier et les plantes que l'on place entre elles après leur avoir fait subir une première compression. La ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 209 circulation de Tair accélère la dessiccation, et em- pêche la fermentation qui noircit les couleurs; on réussit par-là à conserver des orchis , des liliacées et d'autres plantes qui sont commuiiénient fort défigu- rées dans les herbiers. ANNÉE 1825.) Chacun a pu remarquer que les vieux arbres peuvent perdre leur moelle sans en périr, et il n'est personne qui n'ait vu des troncs dormes ou de saules creusés par la pouiiture de tout leur inté- rieur, et n'en produisant pas moins chaque année des feuilles et des branches. Mais M. du Petit- Thouars desiroit de savoir s'il en étoit de même dans les jeunes pousses dont la moelle est encore verte et enveloppée seulement d'une couche li- gneuse tendre, et il éprouvoit quelque embarras sur la manière la jdus concluante de faire cette expérience, lorsqu'un petit insecte, le callldiiim populeum, lui a donné une solution du problème. C'est un coléoptère dont la larve se loge dans l'é- paisseur des jeunes pousses du peuplier blanc , en dévore la moelle et en écarte les parois ligneuses et corticales, de manière à j>roduire dans la pousse un renflement dont les traces subsistent pendant ([uelques années. Ces pousses ne souffrent pas sen- siblement de l'altération que cet insecte leur fait BUFFON. COMPLÉM. T. III. l4 210 BOTANIQUE éprouver dans une partie que Ton pouvoit croire si essentielle. (3n sait depuis lon^- temps que plusieurs des parties des végétaux sont essentiellement de même nature et peuvent se changer les unes dans les au- tres; que les étamines se changent en pétales dans les fleurs douhles; que les pétales se changent en feuilles; que les pistils eux-mêmes prennent cette forme ; et Linnaens, dans une belle dissertation , a établi sur ces faits une théorie d'après laquelle la fleur tout entière n'est que le développement simul- tané de toutes les parties d'une branche, et le bour- geon à fleur ne diffère du bourgeon à bois que par une vie plus prom|)te et plus concentrée. M. Easpail, jeune botaniste, dans un grand tra- vail sur les graminées , a été conduit à étendre cette théorie jusqu'à la graine elle-même. Selon lui l'em- bryon ne seroit qu'une sommité de rameau que Faction du fluide du pollen a détachée du cône qui le supportoit, et laissé renfermé dans la cavité de la feuille, à l'aisselle de la(|uelle il appartenoit, feuille dont le tissu cellulaire en se gonflant lui sert de périsperme; le style et le stigmate ne sont qu'un développement incomplet du chaume de ce bour- geon. La fécondation dans les végétaux n'est qu'un isolement ; tout bourgeon contient l'équivalent ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 211 d'une graine ; et toute la plante se réduit primiti- vement à un cône ascendant, à un cône descen- dant, et à une articulation qui est le foyer et le centre de leur action et de leur existence. Cette théorie repose sur des observations nom- breuses et curieuses, relatives aux parties de la fleur dans les graminées, et sur des hypothèses ingénieuses par lesquelles l'auteur cherche à ex- pliquer leur origine et les particularités de leur structure. Ainsi la paillette supérieure de ces fleurs a tantôt les nervures en nombre pair, tantôt en nombre impair; et, dans le premier cas, lepillet auquel elle appartient a toujours plusieurs fleurs. Au con- traire, dans le second cas, il n'y a qu'une fleur : d'où M. Raspail conclut que cette nervure impaire est le , pédoncule d'une fleur avortée. Il a trouvé une con- firmiatiori sensible de cette conjectuie dans cette variété de Tivraie que Ton appelle loliiim composi- tum , et dont Fépi est changé en partie en panicules. Les axes des épillets ainsi surajoutés y sortent de la base des paillettes, et ne sont que des développe- ments de leurs nervures médianes. L auteur suit cette idée dans la graine qui germe. Le cotylédon lui paroît jouer à l'égard de la pre- mière feuille le même rôle que le chaume à l'égard de la première feuille du bourgeon, ou que le pé- 212 BOTANIQUE doncule de la seconde fleur à legard de la paillette à nervures paires de la première : il en est la ner- vure médiane détachée; il représente, au milieu du périsperme farineux, le chaume encore ren- fermé dans la feaille qui lui sert de spathe. Les filaments des élamines paroissent à M. Raspail les nervures des valves du calice, et les anthères des portions de ces valves remplies de pollen, lequel ne consisteroit lui-même qu'en cellules injectées et iso- lées. Les petites écailles placées entre les étamines, et que plusieurs ont nommées pétales, seroient les débris de ces mêmes valves du calice. M. Gaudichaud, l'un des naturalistes qui ont accompagné M. Freycinet dans son expédition au- tour du monde, et qui est chargé de rédiger dans la relation de ce beau voyage la partie botanique, a présenté à l'iVcadémie une flore des îles Malouines. Situées entre le 5i^ et le Si^ degré 3o minutes de latitude sud, ces îles sont sujettes à des hivers très longs et très rigoureux , pendant lesquels la terre est chargée d'une neige épaisse. Le climat en est extrêmement humide, lues côtes sont bordées de rochers et de dunes, et l'intérieur composé de montagnes peu élevées et de plaines couvertes de lacs et de marais. Le sol est une tourbe spongieuse qui s'étend sans interruption sur les plaines et les ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2 1^ niontag^nes, et qui se refuse à toute culture ; aussi les diverses colonies européennes qui ont tenté à di- verses reprises de s établir dans ces îles se sont-elles vues oblipées de les abandonner. Néanmoins ce sol produit beaucoup de plantes, mais qui appartien- nent à des espèces peu nombreuses. 11 n'y vient pas un arbre; et l'arbrisseau le plus élevé, la vero- nica deciissata de Willednow, ne s'y élève pas au- dessus de six pieds. L'une des espèces les plus re- marquables est une graminée (^festuca Jîabellata de Lamarck), dont les feuilles s'étalent en éventail comme celles des iris, et dont la tige vers sa base a le poût savoureux du cbou-palmiste. M. Gaudichaud annonce que, malgré la pauvreté de leur végétation, les Maîouines possèdent plus de quarante espèces qui n'ont pas encore été tiouvées ailleurs. Les familles dominantes sont les lichens, les fou- gères, les mousses, les cypéracées, les graminées, les synantbérées, et les renonculacées. Nous regrettons que les bornes prescrites à notre travail ne nous permettent pas d'entrer dans les détails des espèces décrites par l'auteur, et des par- ticularités qu'il en rapporte ; mais les botanistes trouveront bientôt ces résultats intéressants dans la suite du bel ouvrage où sont consignés to«s ceux de l'expédition de M. Freycinet. 2l4 BOTANIQUE Nous regrettons également de ne pouvoir don- ner assez d étendue à l'analyse du grand travail de M. Adrien de Jussieu sur la famille des riitacëes. Lexamen qu'il a fait du plus grand nombre des espèces connues, les dessins exacts qu'il a donnés de leurs fleurs et de leurs fruits, et les rapports nombreux qu'il a saisis entre leurs différents grou- pes , donnent une grande importance à cette disser- tation. L'auteur y divise les ru tacées en cinq groupes généraux. Celui des zygophyllées est composé d'arbres, d'arbrisseaux, et de plantes herbacées à feuilles composées et accompagnées de stipules. Les fleurs, toutes hermapbroclites, ont un calice à quatre ou cinq divisions, autant de pétales; des étamines hy- pogynes en nombre double des pétales ; un ovaire à deux ou cinq loges renfermant deux ou un plus grand nombre d'ovules; une capsule également à deux ou cinq loges; autant de valves; une ou plu- sieurs graines dans chaque loge; l'embryon vertj les cotylédons foliacés ; la radicule supérieure. Celui des rutées se distingue des zygophyllées par ses fruits divisés en lobes; par l'embryon en- touré d'un pérîsperme charnu; par les feuilles, alternes, sans stipules, et parsemées de glandes, si l'on excepte cependant le paganum dont le fruit est entier, et dont les feuilles non glanduleuses sont ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2l5 accompagnées de stipules. Ce genre intermédiaire entre les deux groupes établit le passage presque insensible de l'un à l'autre. Le groupe des diosmées le plus nombreux en genres et en espèces réunit des arbres et des ar- brisseaux. Leurs fleurs berinaphrodites régulières et irrégulières ont un calice à quatre ou cinq divisions, quatre ou cinq pétales libres ou soudés; les etami- nes bypogynes en nombre égal ou double de celui des pétales, quelquefois moindre; un ou cinq ovai- res , deux ovules dans chaque loge; la caf)su4e composée de coques réunies ou distinctes; l'endo- carpe cartilagineux , bivalve, se séparant du sar- cocarpe à In maturité; une ou deux graines dans chaque loge ; les feuilles parsemées de glandes. M. de Jussieu divise les diosmées en quatre sec- tions. Les zanthoxylées, qui forment le quatrième groupe, sont des arbres et arbrisseaux à feuilles alternes ou opposées, simples ou composées, sou- vent parsemées de points glanduleux. Leurs fleurs régulières et unisexuelles ont un calice à quatre ou cinq divisions, des pétales en pareil nombre, quel- quefois nuls; quatre ou cinq étamines dans chaque Beur mâle, avec un rudiment de pistil. Les fleurs femeiles ont souvent des étamines stériles. L'ovaire est simple^ à deux ou cinq loges, surmonté d'un 2i6 BOTANIQUE Style, ou bien multiple, avec autant de styles que d'ovaires; deux ovules dans chaque loge, dont un avorte souvent; le fruit capsulaire ou charnu, la graine entourée d'une enveloppe cassante, un pé- risperme, la radicule supérieure. Le cinquième groupe, celui des simaroubées, a pour caractères des fleurs hermaphrodites, rare- ment unisexu elles, des calices à quatre ou cinq di- visions, autant de pétales et d'étamines, dont la base de chaque filet s'élargit en forme d'écaillé; quatï e ou cinq ovaires contenant chacun un ovule, la graine recouverted'une enveloppe membraneuse, les cotylédons épais, la radicule supérieure, point de périsperme : les tiges ligneuses ; les feuilles le plus ordinairement composées et non ponctuées. L'auteur rappelle quelques genres dont Taffinité avec les rutacées lui paroît encore douteuse, et qui doivent être soumis à un nouvel examen. On voit, d'après ce qui vient d'être exposé, que la famille des rutacées, formée d'un grand nombre de divisions et sous-divisions liées les unes aux autres par des affinités réciproques, a peu de caractères communs à tous les genres dont elle se compose, et qu'on ne peut conséquemment la définir avec une grande précision. 11 n'est pas possible non plus de ranger ces genres à la suite les uns des autres dans une série linéaire, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 217 et c'est ce qui a déterminé l'auteur à tracer une sorte de réseau sur lequel, autour du principal genre de chaque division générale, il a placé ceux qui ont aveclui le plus d'affinité, mais de manière à indiquer aussi les rapports qu'ils ont avec d'autres genres. Ce qui est très remarquable c'est que ces divi- sions et subdivisions établies sur des caractères botaniques se trouvent en rapport avec la distri- bution géographique des plantes dont elles se coln- posent. Les subdivisions des diosmées par exemple ha- bitent l'une exclusivement dans l'Amérique équa- toriale, l'autre à la Nouvelle-Hollande, une troisième au cap de Bonne-Espérance, et une quatrième au midi de 1 Europe. Cette dernière est celle qui a le plus de rapport avec les rutacées, et les rutacées habitent également le midi de l'Europe. Les sima- roubées sont indigènes de l'Amérique équatoriale, et c'est de la division des diosmées américaines qu'elles se rapprochent le plus. Plusieurs plantes médicinales, mais dont les propriétés sont fort variables, appartiennent à cette famille. Tels sontle^mac, la rue, le zantoxylum , le cuspariafebrifiiga, dont l'écorce est connue dans les pharmacies sous le nom à' aucjusiura ; le simarouba, le quassia amara; et elle réunit aussi des plantes d'à- 2l8 BOTANIQUE grénient, comme la fraxinelle et plusieurs diosma du Gap, remarquables par l'élégance de leurs formes et de leurs fleurs. Le cycas est un arbre des Indes , très remarqua- ble par sa moelle qui donne une sorte de sagou très nourrissant, et par ses fruits qui, mangés sans pré- caution, sont un puissant vomitif, mais qui de- viennent un aliment salubre par la macération, et 'sofit la nourriture obligée des Malais pendant les funérailles de leurs proches. Ses feuilles ressem- blent à celles des fougères, mais ses organes de re- production sont tellement singuliers que Ion hésite depuis long-temps sur la place que Ion doit lui assi- gner dans le régne végétal. M. Robert BroAvn en fait une famille particulière qu'il range entre les monocotylédones et les dicoty- lédones. M. du Petit-Thouars , qui l'a beaucoup étu- dié à l'Ile-de-France , lui trouve beaucoup d'analogie avec les osmondes. Cet arbre a été le sujet des observations de M. Gaudichaud. 11 nous apprend qu'il repousse non seulement de boutures, mais par de simples rondelles ou des fragments coupés sur les têtes des jeunes plants, et qu'il n'est pas même nécessaire d'euterrer, mais qui disséminés à la surface du terrain poussent promp- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 219 tement des racines. Ce sont des espèces de bour- g^eons. Le tronc se ramifie comme celui du dracœna et du palmier-doum. Les naturels de certaines îles à qui le sa^ou de cycas sert de principal aliment, après l'avoir extrait de l'arbre, le macèrent dans l'eau , et ensuite le font sécber sur des feuilles de palmier. Les spadices des individus femelles sé- crètent une espèce de (^omme très semblable à celle que l'on nomme adragant, et qui sort d'un astra- gale ; et, selon M. Gaudicbaud, il est tel arbre dont on en retireroit cinq et six livres pesant. L'auteur croit en conséquence que le cycas pour- roit être cultivé avec avantage dans nos colonies. M. du Petit-Tbouars a annoncé à ce sujet que, dans son opinion, le sagou est une production commune à beaucoup de fougères et de palmiers, et peut-être à toutes les plantes monocotylédones. Il croit même qu'on pourroit trouver un sagou indigène dans le blanc de l'asperge. Cette moelle diffère de la fécule des dicotylédones, de celle des pommes de terre, par exemple, prin- cipalement à cause de la présence de ce gluten ani-, mal qui caractérise aussi la farine des céréales. M. Lamouroux, professeur à Caen, que les scien- ces ont perdu cette année, avoit présenté peu de jours avant sa mort à l'Académie , dont il étoit cor- 220 BOTANIQUE respondant, un (jrand travail sur la distribution géoj^raphique des plantes marines. Elles sont ré- parties d'après des régies fort semblables à celles qui régissent la distribution des plantes terrestres. Celles des côtes de l'Amérique méridionale , par exemple , diffèrent de celles de l'Europe et de l'A- frique tout autant que les plantes de la surface de ces deux continents. Il y a dans la mer comme sur la terre de grandes contrées qui ont chacune en propre son système de végétation. Ainsi l'Océan septentrional, depuis le pôle jusqu'au 40*" degré de latitude nord , la mer des Antilles , y compris le golfe du Mexique , les côtes orientales de l'Amérique du sud, celles de la Nou- velle-Hollande , celles de la mer des Indes , la Médi- terranée et ses divers golfes, la mer Rouge, etc. , offrent autant de grandes régions marines à végé- tation particulière. Les plantes marines sont ainsi confinées dans certaines régions par des causes analogues à celles qui limitent ou qui favorisent l'extension des plantes terrestres, la nature du sol et des roches, les pro- éminences des terres, la profondeur de l'eau, les courants , la quantité de l'eau douce que les fleuves jettent dans certaines plages. Les stations de ces végétaux aquatiques sont encore très dignes de re- marque. Il y en a, par exemple, qui s'établissent ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 22 1 constamment clans les lieux que la marée couvre et découvre chaque jour, d'autres dans ceux qu'elle ne découvre qu'aux syzygies ou même qu'aux équi- noxes; il en est enfin qui veulent toujours être ca- chés sous les eaux. Dans certaines espèces les individus vivent rap- prochés en société #t couvrent de (^^rands espaces ; dans d'autres les individus vivent épars et mêlés parmi des espèces différentes. Les plantes marines que la même saison voit naître et mourir se plaisent dans la zone polaire; les plus li<]neuses sont plus multipliées entre les tropiques. Au reste l'auteur ne donne pas encore ces règles comme immuables; et en effet l'on ne connoît pas à beaucoup près l'histoire des plantes marines au- tant que celle des plantes terrestres ; on n'a décrit jusqu'à ce jour que mille six cents espèces des pre- mières ,etil s'en faut beaucoup que l'on ait pu sui- vre chacune d'elles dans tous les lieux où elle peut exister. 9 M. Delise a continué l'histoire des lichens, dont nous avons annoncé les premières parties en i823. Il traite , dans un deuxième mémoire , du genre roc- cella, auquel appartient l'orseille des teinturiers. Ses espèces ne croissent que sur les rochers des 222 BOTANIQUE hords de la mei% et se rapjDrochent des fucus parla forme alongée de leurs rameaux et par Fempate- ment qui les lixe à la pierre. Elles sont bien moins nombreuses que celles du ^jCnre sticte , et l'auteur n'en connoît que sept qu'il décrit avec beaucoup de soin. M. Delile, professeur à Montpellier, et corres- pondant de l'Académie, lui a fait connoître un ac- cident arrivé dans la ville où il réside, et qui prouve de plus en plus combien il faut se défier des champi^onons sauvages. Deux personnes y sont mortes pour avoir mangé des champignons pris dans une quantité dont le reste fut mangé sans in- convénient par une autre famille. Ijagaricus bulbo- sus, espèce très dangereuse, se trouvoit dans les deux portions; et ceux qui l'avoient fourni en fai- soient usage depuis long-temps sans en souffrir. M. Delile attribue cette différence à celle de la pré- paration ; le sel , le vinaigre , l'cbuilition , la pres- sion, neutralisent quelquefois dans un champignon ses qualités vénéneuses , et font illusion sur le dan- ger qu'il peut faire courir si on le mange sans avoir au préalable employé les mêmes moyens. Les belles collections qui enricbissent la botani- que ont continué avec le même succès. Les Nova gênera et species de MM. de Humboldt et Kunth ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 22.'> sont terminés avec le septième volume. Les trois collections que publie M. Au^o^uste de Saint-Hilaire se continuent iieureusement. Sa Flore du Brésil, en est au quatrième fascicule; son Histoire des plantes les plus remarcpiables de ce pays au cinquième, et il y en a déjà huit de ses Plantes usuelles des Brasiliens. Le respectable M. Paulet, le doyen des botanistes, a donné encore deux cahiers de ses Champignons ; et M. le chevalier Smith, correspondant, a publié le troisième volume de sa Flore angloise. Je n'ai pas besoin de dire qu'il m'est impossible d'indiquer même en abré(]é toutes les observations neuves dont, par leur nature, de tels ouvra.ofcs sont rem- plis. Il me suffiradouc d'en avoir rappelé les titres. ANNÉE 1826. Les végétaux dont les racines doivent être plon- gées dans la terre dirigent vers le centre du globe la radicule de leur embryon ; et depuis long-temps les physiciens recherchent la' cause déterminante de ce môuvement,qui tient sans doute, à quelques égaids, à la gravitation, mais dans lequel il entre néfcessairement aussi quelque autre action de la part du végétai lui-même. La radicule du gui ne présente pas ce phénomène : elle se dirige vers les corps sur lesquels la graine de cette plante parasite est coiiée; en sorte qu'en fixant des graines de gui 224 BOTANIQUE sur la surface d une sphère on voit toutes les ra- dicules se diriger vers le centre de cette sphère. M. Dutrochet a établi, par des expériences dont nous avons rendu compte en 1821 , que cette di- rection spéciale est le résultat d'une action vitale ; et il pensait que l'attraction des corps sur lesquels la graine du gui se trouve fixée en était la cause déterminante. Mais plus récemment, en plaçant des graines de gui dans une obscurité complète, il s'est aperçu que leurs radicules n'observoient plus aucune direction fixe vers les corps sur lesquels elles étoient attachées; et il en a conclu que leur direction vers ces corps a pour seule cause déter- minante la tendance que manifeste la radicule du gui à fuir la lumière. Fixé sur un corps opaque, l'embryon du gui dirige sa radicule vers ce corps, parceque c'est de ce côté seulement que ne lui ar- rive point la lumière affluente de tous les autres côtés. Le môme naturaliste a fait des expériences d'un intérêt encore plus général et propres à éclaircir non seulement la physiologie végétale, mais celle de tous les corps organisés ; leur objet était sur- tout de trouver à l'ascension de la sève une cause qui ne fût point susceptible des mêmes objections que celles qui ont été imaginées jusqu'à ce jour, telles ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 225 que la capillarité des vaisseaux, la contractilité de leurs parois, l'évaporation à la surface, et autres semblables, dont le peu de fondement lui paroissoit démontré, parcequ'il n'en est aucune dont on ne puisse prouver l'insuffisance. Le hasard lui fît re- marquer que les capsules de certaines moisissures se remplissoient d'eau au travers de leurs parois , pendant qu'elles expulsoient par leur orifice une substance plus dense qu'elles contenoient aupara vaut. Ce fait éveilla aussitôt ses idées, et il chercha à le reprod uire plus en grand . Des cœcums d'oiseaux plonj^és dans l'eau , quoique liés au bout ouvert, se remplirent de ce fluide ; ouverts, l'eau y pénétroit par leurs parois en chassant devant elle les matières qu'ils pou voient contenir, telles que du chyme ou du lait; et ces phénomènes duroient tant €|ue ces matières n'étoient pas putréfiées : alors l'inverse avoit lieu , l'eau intérieure ctoit chassée au dehors, et le petit intestin devenoit flasque. M. Dutrochet eut alors l'idée de fermer, au moyen d'un des cœcums, l'extrémité inférieure d'un tube rempli d'eau gommée, etde le plonger à demi dans l'eau. Le liquide ambiant suivit la route accoutu- mée : il pénétra dans l'intestin, et avec assez de force pour soulever l'eau gommée , et la faire monter jusqu'à ce qu'elle s'écoulât par l'extrémité supérieure du tube. KUFFON. COMFLF.IvI. T. III 226 BOTANIQUE En variant ces expériences, M. Dutrochet est arrivé à cette conséquence générale, que toutes les fois que deux liquides de densité différente sont séparés par une membrane organique, le moins dense se porte avec force du côté où est le plus dense, et que ia cavité où étoit ce dernier se rem- plit et devient ce qu'en physiologie Ton nomme tunjide; à moins toutefois que la nature chimique des liquides ne s'y oppose, l'alcalinité en certains cas produisant le même effet que la moindre den- sité. M. Dutrochet nomme endosmose cette tendance d'un liquide à pénétrer dans Fintérieur d'une ca- vité organique, et exosmose la tendance contraire; et l'on comprend aisément que par le moyen des impulsions et des expulsions que ces tendances doivent produire il lui est aisé de donner des ex- plications plausibles des mouvements qui ont lieu dans les fluides des végétaux; il les applique même aux sécrétions des animaux. Mais l'endosmose et l'exosmose avoient elles- mêmes besoin d'une explication , et l'auteur la trouve dans l'observation faite il y a quelque temps par M. Porrett, que lorsque deux fluides sont sé- parés par une membrane organisée, si l'on élec- trise l'un des deux, il se porte avec force du côté de celui qui n'est pas clectrisé; et dans la loi générale de lélectricité galvanique, qu'aussitôt que deux ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 12^ corps de densité différente sont en contact, l'un des deux s'élcctrise positivement et l'autre néga- tivement. C'est ainsi qu'il est conduit à conclure que Té- lectricité est Vagent immédiat des mouvements vi- taux. Il fait des applications ingénieuses de sa théorie aux mouvements du sang dans les vaisseaux capil- laires, à ceux de ia lymphe, et aux sécrétions; Fin- flammation et la turgescence érectile sont pour lui des endosmoses portées à un plus haut degré, des hyperendosmoses : il voit, par exemple, la cause de l'inflammation que produit un corps étranger dans l'hyperendosmose amenée par la densité de ce corps supérieure à celle du sang environnant; et l'action antiphlogistique des cataplasmes et des autres substances humides lui paroît dépendre de Fatténuation qu'elles produisent dans les matières dont la densité excitoit une endosmose extraordi- naire. Nous ne suivrons pas Fauteur dans tous les dé- veloppements de sa doctrine; mais on en trouvera un exposé complet dans Fouvrage qu'il vient de publier, et qui est intitulé : [Agent immédiat du mouvement vital dévoilé dans sa nature et dans son mode d'action chez les végétaux et chez les animaux; I vol. in-S*', Paris, 1826. i5. 2 28 BOXAIS IQUE Depuis long-temps les botanistes ont remarqué dans la végétation des changements à-peu-près semblables quant au nombre des plantes, et quant aux genres et aux espèces auxquels elles appar- tiennent, lorsqu'ils se sont rapprochés du pôle, ou qu'ils se sont élevés vers les sommets des hautes montagnes. Le refroidissement progressif de la température dispose les végétaux à se ranger sur les divers étages des chaînes, comme aux diffé- rentes zones de la terre, et Tune de ces échelles re- présente l'autre en petit. On comprend néanmoins que cette conformité ne peut pas être complète. Ni la succession des jours et des nuits, ni l'état et le poids de lair, ni la nature des météores, ni les facilités ou les difficultés de la dissémination des plantes , ne sont les mêmes ; et par ces raisons il reste toujours intéressant d'étudier sous ce rapport la végétation des montagnes , sur-tout celle des pics isolés, dont par beaucoup de causes les caractères doivent être plus prononcés. C'est ce qui avoit engagé M. Ramond, que l'Aca- démie a eu le malheur de perdre il y a seulement quelques semaines, à s'occuper, avec une suite toute particulière , de la végétation du pic du Midi de Bagnères , soiiimité de la lisière septentrionale des Pyrénées, élevée de plus de 3,ooo mètres au- dessus de la mer, et qui se trouve séparée des ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 229 sommets semblables les plus voisins par des inter- valles rabaissés, et lonf>s de deux et trois lieues. M, Ramoiîd y est monté trente-cinq fois en quinze années différentes, et n'a rien négb^é pour con- stater tous les points de sa constitution physique aussi bien que pour en recueillir tous les végétaux, quelque microscopiques qu'ils soient. La chaleur de l'air s'y porte rarement en été au-dessus de 1 6 ou I 'y° ; mais son sol schisteux et noirâtre s'échauffe bien davantage, et il élève quelquefois le thermo- mètre à 35° lorsque l'air libre ne le fait monter qu'à 4 ou 5*". A cet échauffement du sol se joint la vivacité de la lumière , la transparence de l'air. L'é- vaporation que cette transparence provoque fait vivement contraster la froideur des nuits avec la chaleur des jours; les neiges n'y sont nulle part perpétuelles, et toutefois ce n'est guère qu'après le solstice quil commence à s'y montrer des fleurs : la floraison devient générale pendant le mois d'août, et se soutient pendant celui de septembre; passé le 1 5 octobre il n'y a plus rien ; l'automne y finit quand le nôtre commence. Tout le reste de l'année appar- tient à l'hiver; mais pendant un été si court la tem- pérature varie encore souvent et brusquement, par l'influence des plaines environnantes : souvent au miheu du plus beau jour on voit le sommet du pic s'entourer de nuages , et sa surface se couvrir d'une 23o BOTANIQUE gelée blanche; et c'est sur-tout par ces vicissitudes que le climat des montagnes doit se différencier de celui des régions arctiques, où tout concourt à donner aux phénomènes atmosphériques une con- tinuité qu'ils ne peuvent avoir dans nos montagnes. Tel est un résumé fort court du tableau animé que M. Ramond a tracé de ce site singulier. Il le fait suivre de Ténumération des plantes qu'il y a re- cueillies. Malgré le peu d'étendue de l'espace , elles sont au nombre de cent trente-trois espèces : soixante -onze plantes ordinaires et soixante cryp- togames ; encore l'auteur ne se flatte-t-il pas de n'en avoir pas laissé échapper quelqu'une de ces der- nières , d'autant que la facilité que la plupart ont de croître par-tout les rendoit moins importantes pour l'objet qu'il se propose. Parmi ces crypto- games il y a cinquante-un lichens; les hépatiques, les mousses, les fougères, n'ont fourni que onze espèces. Parmi les autres plantes que M. Ramond croit avoir à-peu-près toutes recueillies une seule a la consistance d'un arbrisseau ; c'est un très petit saule, salix retusa: des arbres ne pourroient résister aux ouragans de ces cimes; rien n'y subsiste, dit M. Ramond , que ce qui rampe, ce qui se cache ou ce qui plie. Parmi les herbacées il n'en est que cinq d'annuelles, toutes les autres sont vivaces. Les plantes annuelles n'ont qu'une existence pré- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 23 I Caire dans une région dont les intempéries com- promettent tour-à-tour la fécondation des germes, la maturation des fruits, la germination des grai- nes ; les plantes vivaces au contraire peuvent atten- dre les jours favorables. Ces plantes appartiennent à cinquante genres et à vingt-trois familles. Les composées seules forment un sixième du total ; ies cypéracées et les graminées un septième ; les cruci- fères, les caryopbyllées, chacune un douzième; les lysimachies, les joubarbes, les saxifrages, les rosa- cées , les légumineuses, autant de dix-huitièmes. A l'exception de quelques espèces communes , ces plantes sont généralement étrangères aux contrées limitrophes, mais il s'en retrouve une partie sur les Alpes; une autre partie est proj)re à la chaîne des Pyrénées , et il en est plusieurs que l'on ne re- voit que dans les régions polaires ; il y en a jusque dans l'île Melville, découverte récemment par le capitaine Parry ; la Flore de cette île n'offre que cent dix-sept espèces , mais qui y sont dans des rapports très différents : les cryptogames en font les deux cinquièmes ; les cypéracées et les graminées pren- nent plus du quart du restant. M. Turpin, qui joint à un grand talent poui dessiner les plantes une connoissance fort appro- fondie de leur organisation, a présenté des vues 232 BOTANIQUE générales sur leur composition élémentaire : il n'admet point ces alternatives de vie végétale et animale, ni sur-tout ces réunions d'êtres séparés pour en former un seul, que les observations de MM. Girod-Ghantrans, Bory Saint- Vincent, Gail- lon, et autres naturalistes , semblent indiquer dans certaines espèces d'une organisation inférieure; il ne pense pas qu'un être organisé qui a eu son centre particulier d'organisation puisse s'unir à d'autres pour former par juxtaposition un être plus com- pliqué ; et il considère les faits dans lesquels ces ap- parences de réunion ont eu lieu comme des cas particuliers d'une théorie générale qu'il établit sur la végétation. Tout végétal lui paroît composé de vésicules ; le végétal le plus simple , formé d'une vé- sicule unique, ou ce qu'il nomme g lobulme , lui pa- roît se trouver dans ces croûtes légères et vertes qui se montrent sur les murs humides , sur les verres de l'intérieur des serres chaudes , et que les bota- nistes ont nommées lepra. Elles ne se composent que d'une agrégation de vésicules qui , bien que rappro- chées, ont chacune leur existence indépendante, et qui se reproduisent par des vésicules plus petites formées dans leur intérieur, et qui en sortent lors- (ju'elies ont atteint le développement nécessaire. D'autres de ces /eyjra offrent des globulines attachées et comme enchaînées à des filaments : les monilies, ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 233 les conferves, ne sont que des globulines attachées les unes au bout des autres , et dont chaque vésicule devient une capsule, une prison , pour de la (>lo- buline plus petite qui naît dans son intérieur; c'est ce que l'auteur nomme de la cjlobuline captive. L'in- térieur du peridiuni des lycoperdons, les capsules des jungermannes et des marchantia, ne contien- nent que de ces globulines captives. Il en est de même du pollen et des anthères : ce (jue l'on a nommé aura seminalis consiste dans ces globulines captives qui s'échappent. Le tissu cellulaire tout entier des végétaux ne se compose que de globu- lines qui en contiennent d'autres , ou , comme M. Turpin s'exprime, que de vésicules-mères dont chacune est une sorte d'ovaire rempli d'ovules; ce sont ces petits ovules qui constituent la matière verte des feuilles, et qui produisent en général toutes les couleurs dont se parent les diverses par- ties des végétaux. C'est par le développement con- tinuel, par le sur-ajoutement de ces jeunes vési- cules, que le tissu végétal s'accroît sur tous les points et dans tous les sens. En soudant côte à côte par la pensée plusieurs conferves simples on aura une lame d'ulva : la feuille réduite à sa partie essen- tielle n'est qu'une lame , une écaille , qui en s'arti- culant, en se découpant, en se repliant, donne toutes les parties du végétal ; les papilles, les poils 234 BOTANIQUE simples et cloisonnés, ne sont que des extensions des vésicules placées à la surface. Ce sont des exten- sions pareilles du pollen , favorisées par l'humidité du stigfmate, que M. Adolphe Brongniart a consi- dérées comme des pénis végétaux, et dont il vient de donner une histoire si curieuse. Lorsque Ton a cru voir la matière verte de Tintérieur des articula- tions des conferves s'ag^réger pour former ces glo- bules qui en sortent et qui les reproduisent, c'est qu'une vésicule avoit grandi aux dépens des autres qui s'étoient oblitérées; et i'avortement de tant de corps reproducteurs n'a rien d'improbable, puis- que nous en voyons sans cesse des exemples en grand dans les fruits de tant d arbres et de plantes. On a désigné trop vaguement sous le nom de ma- tière verte ces substances qui se montrent dans les eaux croupissantes; ce sont tantôt des globulines, tantôt de véritables animaux microscopiques, et non une matière sans forme et sans limites. Enfin, dans Fidée de l'auteur, c'est parceque la globuline comme corps reproducteur existe dans l'intérieur de tous les tissus végétaux que ces tissus donnent nais- sance à ce que l'on nomme des embryons adventifs ; qu'il peut naître des bulbes, des bourgeons sur des feuilles; et que ces embryons, détachés des feuilles- mères, peuvent devenir des végétaux en tout sem- blables à ceux qui les ont produits. On comprend ^ ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 235 qu'il restera toujours à demander comment cha- cune de ces vésicules isolées emporte toujours avec elle le type de la plante dont elle est sortie, et par quelle force les vésicules qui naissent de celle-là, ou , comme dit Fauteur, qui s y sur-ajoutent, sont toujours contraintes de se ranger dans un ordre et de se renfermer dans un espace semblable à ceux de cette première plante ; mais c'est là le mystère de la génération , qu'aucune de nos théories n'est en- core parvenue à percer. Depuis vingt ans et plus M. du Petit -Thouars a publié presque chaque année les observations qu'il a faites sur la physiologie végétale; mais ses résul- tats contrariant quelques unes des opinions reçues, ils n'ont pas été répandus autant que Fauteur pou- voit Fespérer, et il s'en est présenté de semblables à d'autres observateurs qui les ont crus nouveaux et qui les ont publiés commue tels ; mais il est arrivé plus d'une fois que l'on n'en a rencontré qu'une partie, en sorte que , suivant M. du Petit-Thouars, on a mêlé des erreurs aux vérités qu'il avoit précé- demment reconnues. C'est pour détruire ces erreurs, plutôt que pour réclamer la priorité de ces découvertes , qu'il a en- trepris de faire un résumé de ses travaux. Il a rappelé que dès i8o5 il avoit annoncé que 236 BOTÂINIQUE • les pousses du tilleul se trouvent arrêtées par le dessèchement subit du sommet de la jeune branche et par sa séparation, qui arrive six semaines ou deux mois après le *^)remier développement du bourgeon qui lui avoit donné naissance; que pour- suivant cette idée il la étendue à toutes les plantes, et en a fait le sujet d'un mémoire , lu le -^ octobre i8i6, où, sous le titre de Terminaison des plantes, il a fait voir que le bourgeon est une série de feuilles qui paroît avoir la faculté de se développer indéfi- niment ; qu'une série pareille existe aussi bien dans une plante annuelle que dans l'arbre le plus vivace; qu'on peut l'observer dans le mouron par exemple, aussi bien que dans le chêne; mais que par des causes qui paroissent accidentelles , quoiqu'elles aient toujours lieu , elles se trouvent arrêtées dans leur carrière : dans les herbes annuelles en péris- sant en entier; dans les arbres, tantôt par une dé- curtation comme dans le tilleul et le lilas , tantôt par la formation d'un nouveau bourgeon terminal comme dans le chêne et le marronier d'Inde, tan- tôt enfin parceque leur extrémité est saisie par les premières gelées. Les palmiers et quelques autres monocotylé- dones donnent, selon l'auteur, l'exemple de ce que pourroit produire un seul bourgeon par la perpé- tuité de son développement. ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2.37 Mais pour établir cette proposition il lui a fallu étendre la signification du mot bourgeon en l'appli- quant à toutes les nouvelles pousses qui paroissent dans l'aisselle des feuilles, qu'elles soient envelop- pées d'écaillés à leur base ou qu'elles en soient privées. Un naturaliste distingué par de nombreux et d'excellents travaux , M. Vaucher, a observé de nou- veau cette décurtation du tilleul et d'autres arbres, et il en a fait le sujet d'un mémoire ; mais en même temps , s'en tenant à l'ancienne définition du bour- geon donnée par Ray et Linnaeus , non seulement il a refusé des bourgeons aux herbes , aux arbres des pays équatoriaux, il en a refusé même aux co- nifères , parcequ'il a pensé que les écailles qui cou- vrent leurs nouvelles pousses n'ont rien de com- mun avec celles des autres arbres. Sans s'arrêter à discuter ce point M. du Petit- Thouars s'est borné à faire connoître une particu- larité de la végétation des pins qui peut être utile pour leur culture : c'est que, contre l'opinion vul- gaire, lorsque le sommet du scion terminal ou de la flécbe est supprimé, du milieu des couples de feuilles les plus voisins de la plaie il sort«ime proé- minence ou un véritable bourgeon qui donne de nouveaux scions; mais au lieu d'écaillés il s'y mon- tre des feuilles vertes et acérées, de l'aisselle des- 238 BOTANIQUE quelles sortent de nouveaux couples de feuilles. On a donc eu raison de regarder ces couples de feuilles ou les pinceaux du pin du nord comme de vérita- bles bourgeons. M. du Petit-Thouars avoit suivi l'opinion la plus généralement répandue parmi ses prédécesseurs pour la sortie des racines en soutenant que les nou- velles racines sortent indifféremment de toutes les parties des anciennes, sans qu'il y ait de lieu déter- miné pour leur sortie ; mais divers naturalistes ont avancé depuis qu'il existe des parties prédestinées à la manifestation des racines , des espèces de bour- geons souterrains. Dans un mémoire plus récent on a annoncé qu'il se trouve des organes semblables non seulement dans les parties enfouies, mais sur les branches les plus élevées. On les voit dans ce qu'on nomme les pores corticaux, ou ce que Guettard nommoit des lenticelles. On a montré que lorsque Ton plonge dans l'eau une bouture de saule, ses pores se crèvent en lais- sant apercevoir fintérieur de l'écorce qui est d'un blanc éclatant et comme farineux. C'est de là que sortent invariablement les nouvelles racines. Mais M. du Petit-Thouars fait remarquer qu'il avoit déjà signalé ce phénomène en 1807 dans son sixième essai ; il avoit reconnu qu'il sort effective- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 289 ment des racines de ces points. Il en avoit vu sortir indifféremment d'autres parties , même sur les sau- les; mais dans le plus ^rand nombre les autres arbustes dont il avoit mis des boutons en expé- rience, tels que le sureau et la vigne, les racines sortoient de la partie inférieure ou de la plaie. Il avoit donc pensé que dans les saules ce n'est que pour obéir à la loi de moindre résistance que ces racines sortent par ces pores ou lenticelles. Cepen- dant il a trouvé récemment un arbuste qui appuie sinpjUlièrement l'assertion contraire. C'est le solarium dulcamara ou la douce-amère. Sa tige est parsemée de tubercules blancs qui parois- sent absolument semblables aux lenticelles, mais qui ne s'ouvrent pas. Si l'on enlève l'écorce, on trouve vis-à-vis de cbaque mamelon une radicelle détachée du corps ligneux, et qui semble prête à sortir, et cela lui arrive immanquablement au bout de vingt-quatre heures si on en forme une bouture en la plongeant dans l'eau. Il est certain que dans ce cas, qui paroît unique à l'auteur, cette radicelle est prédestinée à sortir par le mamelon : on ne voit aucune trace d'une partie semblable dans les saules, quelque promptitude qu'ils mettent à pousser des racines; mais M. du Petit-Thouars présume que c'est ce plus grand dé- veloppement qui caractérise le solarium radicans. 24o BOTxiNIQUE C'est encore en citant ses travaux précédents que M. du Petit-Thouars a entrepris de traiter de Tori- gine de la couleur verte des végétaux. Il se trouve principalement en opposition avec ceux qui ré- cemment ont agité cette question, parcequ'il sou- tient toujours que deux substances distinctes dès leur origine composent les végétaux : le ligneux et ]e porenclijîïiateux. Il avoit déjà placé l'individualité végétale dans les fibres ligneuses; il paroît qu'il voudroit aussi l'accorder à chaque molécule déta- chée qui doit, par suite de la végétation, former les utricules du parenchyme. Il place la vitalité végé- tale dans l'action réciproque de ces deux parties. Gela le conduit naturellement à traiter cette autre question : Que doit-on nommer organes dans les vé- gétaux? Il entre en matière en citant une tentative curieuse. Ayant détaché les embryons ou scutelles de plusieurs grains de maïs encore laiteux pour recon- noître quels étoient leur poids et leur volume en comparaison du reste, après avoir satisfait sa cu- riosité sur ce point l'idée lui est venue de les plan- ter dans cet état, c'est-à-dire privés de téguments et sur- tout de périsperrae, et à sa grande surprise il les a vus presque tous germer et pousser aussi vi- goureusement que les autres; et ce qui lui a paru singulier c'est que le scutelle a été soulevé au-dessus du sol. Il est donc devenu ce qu'on nomme épigée au ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2^t lieu d'être hypogée, ce qui est le mode générai de toutes les graines monocotylédones. Ce résultat a été d'abord pour M. du Petit-Thouars une nouvelle preuve que ce scutelle est un véritable cotylédon , ensuite que le périsperme n'est pas un aliment in- dispensable pour la plantule, du moins lors de la germination ; car il étoit déjà porté à le regarder comme le superflu de la substance déposé dans le test de la graine pour fournir la nourriture de cette plantule. Aussi prétend-il qu'il ne s'y trouve pas de libres ligneuses ni de parenchyme en état utri- culaire , ce qui est en opposition avec une nouvelle doctrine. M. du Petit-Thouars connoissoit cette opinion nouvelle; mais il n'a voulu, dit-il, l'attaquer que par des faits constants. 11 examina successivement des grains de maïs à mesure qu'ils avançoient vers la maturité. Les écrasant entre deux verres il a tou- jours vu des granules suspendus dans un liquide; mais leur volume s'augmentoit en même temps que le test grossissoit. Lorsque celui-ci fut parvenu à son maximum, l'intérieur étoit une émulsion vis- queuse; à mesure qu'elle se séchoit il voyoit paroî- tre des filaments; quelques uns sembloient se réu- nir en formant des hexagones. Mais lorsque la dessiccation a été complète, au lieu de ces figures régulières, il y a vu des ramifications ; elles ont pris BUFFON. COMPLÉM. T. III. l6 ^42 BOTANIQUE la forme ramifiée semblable à celle des agates arbo- risées on à une espèce d'arbre de Diane. Il s'est persuadé cjue c'étoit la partie (jlutineuse qui avoit pris cette forme ; il en a conservé des écbantillons qui ne lui laissent pas le moindre doute sur ce point. C'est donc par une opération artificielle que M. du Petit-Tbouars est conduit à regarder le péri- sperme comme un résidu étranger à la végétation; mais il n'abandonne pas l'observation du cours or- dinaire de la nature sur les plantes les plus répan- dues. C'est ainsi qu'il tire de la comparaison de la feuille de capucine avec sa fleur dans l'état ordi- naire une nouvelle preuve de Tune de ses proposi- tions , que la fleur n'est qu'une transformation de la feuille et du bourgeon qui en dépend. Il retrouve par la conformité des faisceaux ligneux dans les deux parties, soit dans leur nombre, soit dans leur confoimation, l'origine de toutes les anomalies que présentent leurs fleurs; la nature est venue lui of- frir une pleine confirmation de tout ce qu'il avoit aperçu à l'apparition d'une clilorant'ie de cette fleur, c'est-à-dire d'une altération par laquelle toutes ses parties sont changées en feuilles vertes, M. Dutro- chet l'avoit déjà découverte et annoncée, mais M. du Petit-Tbouars étaiit à même de la suivre pendant deux mois a pu saisir toutes ses phases. ET. PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 243 Ce qui lui a paru le plus remarquable c'est qu'une pointe ou miicro qui termine la nervure principale . ou médiane seule àe\\ent\ anthère dans Fétamine, et le style et le sti^pnate dans chacune des trois feuilles qui composent le pistil ou l'ovaire. Il a pu suivre encore plus long-temps les changements d'une autre clilorantie, celle de la fraxinelle; c'est une des plus anciennement connues, car elle a été décrite et figurée aussi bien que possible par Mar- chant dans les mémoires de l'Académie pour i yoô. La rencontre de ces déviations organiques a été pour M. d u Petit-Thouars l'événement le plus heu- reux qu'il pût éprouver. Il regardoit comme très important d'en observer au moins une dans chaque grande famille naturelle. Il en possède trois dans les ombellifères qui lui paroissent des plus instruc- tives, sur-tout pour la théorie des insertions. Il a continué ses recherches sur les germinations et il a trouvé une pleine confirmation de ce qu'il avoit annoncé précédemment , que dans tous les proto- phylles ou cotylédons développés des plantes dico- tylédones la nervure médiane est composée de deux faisceaux distincts et parallèles. Cela est manifeste dans plusieurs espèces, telle que la mercuriale, par la bifurcation constante qu'éprouve cette nervure à son sommet. Gela arrive aussi par accident. Ainsi il a trouvé sur le scandix pecten ou peigne de Fénus 244 BOTANIQUE qu'un de ses protophylles étoit profondément bi- furqué au sommet; ce qui lui a donné le moyen de confirmer ce qu'il ne faisoit que soupçonner, que dans les onibeliifères les nervures sont aussi doubles. M. du Petit-Thouars s'est encore trouvé dans le cas de réclamer la priorité d'une idée par laquelle il terminoit l'exposition de sa manière d'envisag;er Faction réciproque des deux substances composant suivant lui tous les végétaux phanérogames , le ligneux et le parenchymateux ; il demandoit aux physiciens si on ne pouvoit pas y reconnoître un appareil galvanique bien condjiné, capable d'exer- cer une action directe sur la marche de la sève. Laissant entrevoir toutes les conséquences théori- ques qu'on pourroit déduire de cette action pour expliquer une de ses assertions, la sève arrive ou elle est demandée, il se borne pour le moment à attirer l'attention sur cette portion du parenchy- mateux qui, se trouvant à l'extérieur, forme totale- ment l'enveloppe qu'on connoît sous le nom d'é- piderme. Ayant rempli toutes les phases de la végétation c'est un corps inerte ou impassible. On pourroit, à l'imitation des chimistes, le dire brûlé; il sert donc à préserver tout l'intérieur du contact des actions extérieures : de là il résulte que cet inté^ rieur est un monde à part, où toutes les lois physi- ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 2/\S ques qui le régissent sont dirigées dans le but de la conservation de l'individu . Dans toutes les parties de Fhistoire naturelle il s'est trouvé des genres qui sont demeurés pendant quelque temps isolés et ne se rattachoient que foi- blement aux familles les plus voisines, mais pres- que toujours ils ont été des indices de familles nou- velles que les découvertes graduelles des voyageurs ont complétées peu à peu. Tel a été le genre hrunia de Linnseus , que M. de Jussieu avoit placé d'abord à la suite des rbamnées. Les staavia, les linconia, Yérasma, le tamnea, sont venus successivement s'y rattaclier, et MM. Brown et Decandolle ont composé de ce groupe leur fa- mille des bruniacées. M. Adolphe Brongniart vient de soumettre cette famille à un nouvel examen; il y ajoute des genres nouveaux qu'il nomme berzelia, raspalia, berardia, et auduinia , et il en trace le caractère général. On y admettoit des pétales attachés sous le limbe d'un calice adhérent inférieurement à l'ovaire , et des étamines insérées au même point ; suivant M. Adol- phe Brongniart les pétales et les étamines sont in^ sérés non au calice, mais à la partie supérieure et latérale de l'ovaire, un peu au-dessus du point où il s'est séparé du calice. C'est ce qu'on nomme en bo- 246 BOTANIQUE tanique insertion épigyne; et il en résulte que, dans la distribution adoptée jusqu a ce jour, elles ne peu- vent plus rester près des rhamnées , auxquelles elles ressemblent cependant pour le port. Ce seroit près des ombellifères et des araliacées, qui leur ressem- blent fort peu, qu'elles devroient se ranger; mais il faut se souvenir que la distribution des familles et des classes , d'après les caractères tirés de Finser- tion et de la présence ou de la division de la corolle, n'est pas autarrt fondée en nature que les familles elles-mêmes. M. Duvau prépare un grand travail sur le genre des véroniques , l'un des plus nombreux et des plus répandus du régne végétal, remarquable d'ailleurs par les beautés délicates de ses fleurs et des bou- quets qu'elles composent. Il a présenté un mémoire où il passe en revue avec un grand détail toutes les modifications que présentent leur calice, leur co- rolle, leurs étamines, leur ovaire, leur stigmate, leur fruit , et leurs graines. La longueur relative des étamines , le nombre et la forme des graines , le nombre des panneaux dans lesquels se fendent les coques de leur péricarpe, donnent des caractères d'après lesquels leurs nombreuses espèces peuvent être réparties en certains groupes dont M. Duvau a donné le tableau, il n'est pas jusqu'aux nervures ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 247 de Ja coroile qui ne varient pour le nombre , et cela diversement dans chacun de ces lobes. Ces observa- tions délicates forment une introduction piquante à la description détaillée ou monographie de ce genre que Fauteur fait espérer, et qui, d'après cet exposé préliminaire, intéressera infailliblement les botanistes. Parmi ces productions marines d'une nature am- biguë , que Ton a rangées tantôt dans le régne ani- mal , tantôt dans le régne végétal , il s'en trouve une de substance presque crétacée, remarquable par des tiges grêles, surmontées de chapiteaux en forme de disques minces, rayonnes, et un peu concaves dans leur centre : c'est Vaceiabnlam de Tournefort, le coraUina androsace de Pallas, le tubiilarla acetabu- lum de G.melin , Vacétabulaire médilerranéen de La- mark, Vàcelabularia intégra de Lamouroux, Cette seule énumération de quelques uns de ses noms montre que les naturalistes les plus récents la re- gardent comme un polypier. M. Piafeneau-Delile , qui la suivie avec soin dans les étangs salés des en- virons de Montpellier, en a pris une autre opinion. On Fy observe souvent en touffes épaisses , soit sur des coquilles, soit sur des tiges à demi décompo- sées de zostera. A Fétat de vie sa couleur est verte, les cellules rayonnantes de son disque renferment 248 BOTANIQUE des séries de globules visibles sans microscope. Elle se montre d abord comme de petits tubercules ou des mamelons verts dont la racine n est qu'un cal un peu épaissi; elle devient tubuleuse et s'élève quelquefois à trois ou quatre pouces de bauteur sans développer encore son disque; mais le plus souvent, dès leur premier alongement, ses tubes présentent des nœuds séparés par de légers étran- glements , et Ton voit sur le contour des parties dilatées de petites saillies qui sont comme des ébaucbes de bourgeons disposés en anneaux; et ce3 bourgeons se développent quelquefois en rameaux, divisés en deux, trois ou quatre fois de suite; les parties ramifiées ne diffèrent point des conferves marines ordinaires : ce sont des tubes fermés à leurs points de jonction et qui renferment une matière verdâtre. A mesure que les tiges s'alongent elles produisent de nouveaux cercles de rameaux , et en même temps les cercles précédents et inférieurs se détruisent; leurs points dattacbe mêmes cessent de paroître. Il arrive enfin que les tubes d'un de ces cercles sont soudés, et forment ainsi un plateau celluleux à compartiments disposés en rayons , qui est d abord transparent et qui s'élargit jusqu'à la maturité. Souvent il s'élève du centre de ce plateau une bouppe de ramifications flottantes qui ne dif- fèrent point de celles qu'a voit produites la jeune ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 249 tige. Donati, qui avoit aussi observé cette produc- tion à letat de vie, avoit considéré ces filaments comme des étamines. La pulpe de Imtérieur des cellules du disque se distribue par deg^rés en p^Io- bules qui demeurent renfermés jusqu'à ce que ce disque se rompe par accident ou par vétusté; ils tombent alors au fond de l'eau, sans montrer aucun mou vement spontané. M. Delile soupçonne que ces globules sont les moyens de reproduction de l'acétabulaire, et il es- père s'en assurer par de nouvelles expériences. D'a- près ces faits il pense que l'acétabularia est un vé- gétal de la famille des conferves. L'analyse cliimique faite à sa prière par M. Ba- lard lui a paru confirmer cette classification. Après avoir dépouillé l'acétabularia de sa partie calcaire par l'acide hydrochlorique étendu d'eau, il en a retiré une matière verte analogue à celle qui colore les feuilles, une gomme et une matière ligneuse. A la distillation l'on en retire à peine une trace sensible d'ammoniaque. 8a cendre se compose pres- que en totalité de carbonate de chaux, mêlé seu- lement d'un peu de carbonate de magnésie, d'alu- mine , et d'oxyde de fer. Aux grands ouvrages de botanique que les mem- bres et correspondants de l'Académie continuent 25o BOTANIQUE de publier, tels que les Plantes usuelles des Brasiliens et la Flora Brasiliœ meridionalis de M. Auguste de Saiut-Hiiaire, parvenus, le premier à la dixième, le second à la cinquième livraison , sont venus se join- dre les Mémoires sur les légumineuses par M. Decan- dolie, dont il a paru sept cahiers, et la Partie botani- que du Voyage de M.Freycinet, par M. Gaudichaud , qui est déjà à sa quatrième livraison. La seconde partie du Serlum austro-caledonicum , de M. de La Billardière, a paru dès 1820; mais nous croyons devoir en faire mention ici , parceque nous avions involontairement négligé d'en parler Tannée précédente. La première partie du même ouvrage a été annoncée dans notre analyse de 1824. Dans tous ces écrits Fart du dessin et celui de la gravure prêtent à la science le secours qu'elle devoit attendre de la perfection à laquelle ils sont parve- nus, et sur-tout du grand nombre de personnes que renseignement prodigué par nos institutions a mises à même de les pratiquer. s M. Achille Richard, fils du célèbre botaniste que l'Académie a perdu en 1 82 i , a mis au jour les deux ouvrages laissés par son père , sur les familles des conifères et des cycadées , et les a complétés par ses propres observations. Ces deux ouvrages, qui forment un volume in-fo ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 25l îio accompagné de trente-deux planches dessinées par M. Richard père avec l'exactitude et la supé- riorité que tous les botanistes s'accordent à recon- noître dans ses dessins, contiennent non seulement les caractères de ces deux familles et des ojenres qui les composent, mais encore des développements et des discussions sur leurs différents organes et les modifications nombreuses qu'ils éprouvent dans ces genres. Voici La classification des genres que M. Richard a adoptée pour la famille des conifères : i'^ tribu. Taxinées. a. Fleurs renversées. Podocarpus. Dacrydium. b. Fleurs dressées. Phyllocladus. Taxus. Salishuria Ephedra. 2* tribu. GUPRESSINÉES. Juniperus. Thuya. Callitris. Cupressus. Taxodium. y tribu. Abiétinées. Pinus. Abies. Cannin^harnia. Aqathis. Araucaria. — ^- — ÂNATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ET ZOOLOGIE. ANNÉE 1809. Les recliercbes de M. Guvier sur les animaux fossiles ont ordinairement exij^é des discussions préliminaires, sur les espèces admises par les na- turalistes, qui ont presque toujours été la source de quelques observations utiles à l'avancement de la zoologie proprement dite. Cest ainsi que dans son mémoire sur lostéolo^jie du lamantin, en con- sidérant l'organisation des mammifères amphibies, il est conduit à séparer des phoques et des morses les durons, les lamantins, et l'espèce décrite par Steller, qui avoit été confondue avec ces derniers animaux. Ces trois genres forment une famille qui se distingue entr'aulres par l'absence totale des ex- trémités postérieures et par des dents d'herbivores : il réduit à deux les quatre espèces de lamantins établies par Buffon, et donne des caractères exacts à celles qu'il admet dans ces différents genres. Dans un autre mémoire sur les chats le même auteur donne les caractères ostéologiques de la tète ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE , etc. 253 des princijDales espèces de ce genre, et il en fait connoître une qui n avoit point été reconnue par les naturalistes modernes. Cette nouvelle espèce a reçu le nom de léopard , qui étoit devenu syno- nyme de panthère, faute de pouvoir en faire une application exacte. Elle diffère de cette dernière es- pèce par une taille moindre et des taches plus nom- breuses. M. Geoffroy avoit depuis long-temps formé sous le nom d atèles une division particulière des sin- ges dépourvus de pouces aux mains, que jusqu'a- lors on avoit confondus avec les sapajous par la considération de la queue prenante qui est com- mune à tous ces animaux. Il a ajouté deux espèces nouvelles à celles qu'il avoit déjà fait connoître, et en a donné des figures et des descriptions : l'une, à laquelle il donne le nom à'arac/moïdc et qui est fauve, avoit seulement été indiquée par Edwards et Brown; l'autre, nommée encadrée, est entière- ment nouvelle ; elle est noire avec des poils blancs autour de la face. Le même membre a donné la description de deux oiseaux, Fun mal connu, l'autre tout-à-fait nouveau : celui-ci a des rapports avec le corvus nu- duseX avec le corvus calvus; mais ils diffèrent assez pour former trois genres distincts que M. Geof- froy établit sous les noms de céplialoplère .. qu'il 254 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, donne à sa nouvelle espèce, de gymnodenis, qu'il applique au con;wsni/^i/s, et de gymnoceplialiis ^ par lequel il distingue le corvus caivus. Le céplialoptère est noir, avec une huppe très élevée qui retombe en avant sur le bec, et une sorte de fanon aussi couvert de plumes. Les unes et les autres de ces plumes sont dïm violet métallique. Le second oiseau , qui est du Mexique comme le précédent, a voit été décrit, mais imparfaitement, par Marcgrave, sous le nom de caiiama. M. Geof- froy l'avoit considéré, d'après cette description, comme voisin de l'agami; mais aujourd'hui qu'il se trouve dans la collection du Muséum d'histoire naturelle, ce naturaliste le regarde comme devant former un genre à part, auquel il donne le nom de microdactylus. Les tortues ont aussi fait pour M. Geoffroy le sujet d'un mémoire intéressant. Ayant observé en Egypte la tortue du Nil , indiquée par Forskal , il a été conduit à former un genre particulier de toutes les autres tortues qui, comme celle-ci, ont l'extré- mité des côtes libres et une carapace molle. Il les a nommées trionix, et a ajouté plusieurs espèces nou- velles à celles qui étoient déjà connues. M. Bron- gniart, dans son beau travail général surles reptiles, avoit joint celles-ci ksesémydes, en observant toute- fois les caractères qui les distinguoientdes autres es- ET ZOOLOGIE. 255 péces de ce genre, dont la carapace est complète et recouverte d'écaillés. M. Geoffroy réunit en outre au genre chelys de M. Duméril la tortue décrite par Bartrani sous le nom de tortue aux grandes écailles molles, et découverte par ce voyageur dans l'Amérique septentrionale. Ces animaux offrent un exemple frappant des progrès de la zoologie dans ces derniers temps. Le nombre des tortues connu il y a vingt ans étoit à peine de trente, et aujourd'hui il est au moins du double plus grand. C est ce que nous apprend, entre autre choses, le travail de M. Schweiger, dans lequel il a entrepris de donner une inonogra- phie générale de toutes les tortues. Ce bel ouvrage, accompagné de descriptions exactes d'une synony- mie très étendue , et de figures dessinées avec beau- coup de soin par M. Oppcl, a été soumis à l'exa- men de l'Institut, dont il a obtenu les suffrages. La classe des poissons s'est aussi enrichie de beaucoup d'espèces nouvelles. MISL Risso et Dela- roclie, qui se sont particulièrement occupés de cette branche de zoologie, nous ont communiqué leurs observations. Le premier les a faites sur les poissons du golfe de Nice, et Fautre sur les poissons de la mer qui environne les îles Baléares. M. Deiarocheafait des recherches intéressantes sur la profondeur à laquelle chaque espèce de pois- 266 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, son vit habituellement , sur la pêche de ces animaux et sur la vessie natatoire. Nous parlerons bientôt en détail de cette dernière partie de son travail. Les expériences physiologiques sont sans con- tredit celles qui exigent le plus de loisir , le plus de patience , et où il est le plus difficile d'apporter cette exactitude rigoureuse si importante et si né- cessaire dans les sciences. Cependant M. de Hum- boldt, au milieu d'un voyage où les obstacles et les dangers se renouveloient chaque jour, s'est occupé d'expériences délicates sur plusieurs des phéno- mènes de la vie. Il nous a communiqué les recher- ches qu'il a faites en Amérique sur la respiration du crocodile à museau aigu; elles font conduit à re- connoître « que cet animal, malgré le volume de «« ses bronches et la structure de ses cellules pul- i< monaires, souffre dans un air qui ne se renou- « velle pas; que sa respiration a beaucoup de len- « teur : dans Tespace d'une heure et quarante-trois « minutes un jeune individu de trois décimètres « de longueur n'a enlevé, dans l'air ambiant, qu'à- « peu-près vingt centièmes cubes d'oxygène. » Depuis son retour en France M. de Humboldt, conjointement avec M. Provençal, a fait d'autres recherches sur la respiration des poissons. Les ex- périences de ces savants, qui sont nombreuses, et ET ZOOLOGIE. 257 qui ont une exactitude que comportent rarement de tels sujets, les ont conduits à des résultats assez importants. Les expériences deSpallauzani et celles de notre confrère M. Sylvestre avoient démontré que ce n'est point en décomposant l'eau que les poissons respirent, comme quelquesphysiciens l'avoientcru, mais en enlevant l'oxygène mêlé ou dissous dans ce liquide, ou en venant à la surface de l'eau le re- cueillir immédiatement dans l'atmosphère. G'étoit à ces observations que se bornoient nos connois- sances sur cette matière : on n'avoit point encore établi la nature et la quantité des gaz qui étoient absorbés par ces animaux dans l'acte de la respira- tion , ni les résultats de ces phénomènes. Les ex- périences de IVJM. de Humboldt et Provençal ont pour but principal ces questions encore indécises. Pour cet effet ilsconsidèient les poissoiisdans leur état naturel respirant l'eau des rivières; puis ils examinent l'action des branchies sur l'eau am- biante imprégnée d'oxygène et d'azote, d'acide car- bonique, ou d'un mélange d'hydrogène et d'oxy- gène, et ils traitent ensuite des changements que produisent les poissons sur les différents fluides aériformes dans lesquels on les plonge. Sept tanches {cyprinus tinca) ont été placées sous une cloche remplie d'eau de rivière , et qui en con- BUFFON. COMPLÉM. T. III. 17 258 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, tenoit 4,000 centimètres cubes; après huit heures et demie de respiration les poissons ont été retirés de cette eau, et l'analyse qu'on a faite de l'air qui s'y trou voit encore a montré que dans cet espace de temps les poissons avoient absorbé i45,4 d'oxy- gène, 57,6 d'azote; et que i32 d'acide carbonique avoit été produit; d'où il résulte, comme l'obser- vent nos auteurs, «que dans la respiration des «< poissons soumis à cette expérience le volume de « l'oxygène absorbé excédoit seulement de deux « tiers le volume de l'azote disparu, et que plus « d'un huitième du premier n'avoit pas été con- ^« verti en acide carbonique. » Les poissons souffrent dans l'eau entièrement purgée d'air; et après une vingtaine de minutes ils tombent au fond du vase sans mouvement. Dans l'oxygène pur ces animaux paroissent respirer avi- dement et écarter davantage leurs branchies. Dans l'azote et Thydrogène ils tiennent leurs branchies fermées, semblent craindre le contact de ces gaz, et meurent bientôt après avoir été plongés dans l'eau qui les contient. L'acide carbonique enfin les tue en peu de minutes; mais les poissons n'absor- bent pas seulement par leurs branchies l'oxygène et l'azote; toute la sur ace de leur corps a la faculté d'agir sur ces gaz et de se les assimiler. Après avoir retiré les poissons de l'eau saturée des gaz délétères ET ZOOLOGIE. 269 et en avoir fait l'analyse, on a trouvé dans ce li- quide quelques portions d acide carbonique ; mais comme il n'y avoit point eu d oxygène absorbé, il est vraisemblable , comme l'observent MM. de Humboldt et Provençal, que cet acide n'étoit point le résultat de la respiration, mais qu'il avoit été ex- halé par la surface du corps. Tels sont les points principaux de ce travail, qui contient beaucoup d'autres observations utiles et d'aperçus intéres- sants sur la physiologie des poissons , que les bornes de cette notice ne nous permettent point de rap- porter. Nous ne pouvons cependant, en parlant de la respiration , passer sous silence un mémoire que M. Provençal a lu à l'Institut, sur la respiration des mammifères auxquels on a coupé les nerfs de la huitième paire. Nous avons déjà parlé des expé- riences qui ont été faites pour constater l'influence de ces nerfs surla respiration; elles démontrent cette influence : mais il restoit des doutes sur la manière dont elle s'exerce. M. Provençal a voulu recon- noître si lanimal auquel on a coupé les nerfs de la huitième paire absorbe autant d'oxygène, et produit la même quantité d'acide carbonique avant qu'après l'opération. De nombreuses expériences faites avec soin ont démontré que l'animal après la section des nerfs absorboit moins d'oxygène, et produisoit «7- 26o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, moins d'acicle carbonique qu'avant cette section; mais ces changements ne se produisent que par gradation. D'abord la respiration ne paroît point affoiblie ; bientôt elle s'exécute avec moins de force ; enfin ces phénomènes cessent tout-à-fait, mais vraisemblablement par la cessation des fonctions mécaniques de la poitrine. Il étoit intéressant de vérifier si la chaleur animale diniinueroit dans les mêmes proportions que la respiration ; aussi M. Provençal a-t-il fait toutes les expériences néces- saires pour résoudre cette question; et il paroît qu'en effet la température diminue bientôt après que les nerfs ont été coupés, et que la respiration est ralentie. Les fonctions des organes dont l'action vient de nous occuper sont bien connues; mais il existe chez les animaux un certain nombre d'autres organes dont les fonctions ne sont point évidentes, et sur l'usage desquels les opinions des physiologistes sont encore partagées. De ce nombre est la vessie nata- toire des poissons. Cet organe singulier, qui ne se trouve que dans cette classe d'animaux, ne se ren- contre cependant pas dans toutes les espèces ; et il montre tant de variétés dans son organisation qu'au premier aperçu on pourroit croire que sa destina- tion chez les unes n'est pas la môme que chez les autres. Généralement cette vessie est remplie d'air ET ZOOLOGIE. 261 et composée de deux membranes. Quelquefois elle communique avec l'estomac par un canal ; d'autres fois elle n'a aucune communication apparente, et dans ce cas elle contient un organe particulier d'une couleur rouge et d'une structure lamelleuse, sui- vant les observations de M. Duvernoy. Cependant il y a des vessies qui sont pourvues de ces corps rouges, et qui ont un canal; et quelques unes, mais en plus petit nombre, ont des muscles pro- pres. Les opinions des auteurs varient sur le but de cet organe et de ses différentes parties : en général on a pensé qu'il servoit à faire changer la pesanteur spécifique des poissons, et que pour cet effet l'animal au moyen de ses muscles comprimoit cet organe et en faisoit varier les dimensions , suivant qu'il avoit besoin de rester en équilibre, de monter ou de descendre dans le milieu où il se trouvoit. Quant à la manière dont l'air y arrive on a cru que c'étoit au moyen du canal dans les vessies qui en sont pourvues, et au moyen des glandes par sécrétion dans celles qui n'ont point de communication au- dehors. De plus on sait, par les expériences de M. Biot, que cet air est un mélange d'oxygène et d'azote, et que sa nature varie suivant (jue le pois- son vit à des profondeurs différentes ; de sorte que les espèces qu'on retire du fond de la mer contien- nent une fort grande proportion d'oxygène, tandis 262 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, que celles qui viennent de la surface donnent plus d'azote. M. Delaroche ayant recueilli un très grand nombre de poissons dans la Méditerranée a examiné leur vessie natatoire, et en a décrit plu- sieurs qui ne Tétoient point encore; il a vérifié les expériences de M. Biot, et a été conduit, sur les usaf^es de la vessie, à-peu-près aux mêmes résultats que les naturalistes qui s'en étoient occupés avant lui. Cette vessie a aussi fait le sujet de quelques re- cherches pour MM. de Humboldt et Provençal. Ils ont voulu voir quels étoient les rapports de cet or- gane avec la respiration. Les résultats principaux de leurs expériences sont que Tair contenu dans la vessie natatoire ne dépend point de l'air mis en con- tact avec les branchies ; que labsence de cet organe ne nuit point à la respiration, mais qu'elle paroît nuire à la production du gaz acide carbonique; en- fin ils ont vu des tanches auxquelles la vessie nata- toire avoit été enlevée nager, s'élever et s'enfoncer dans leau avec autant de facilité que celles qui en étoient pourvues. Ces travaux ont donné lieu à un rapport très détaillé de M. Guvier où il fait connoître toutes les recherches qui ont été entreprises sur la vessie na- tatoire des poissons, et où il traite de nouveau les diverses questions qu'a fait naître ce sujet. Après ET ZOOLOGIE. 263 une discussion approfondie il arrive aux résultats généraux dont nous avons parlé plus haut, et mon- tre tout ce qui reste encore de douteux sur cette matière. Il est encore d'autres expériences dont les phy- siologistes pourroient tirer le plus grand parti; ce sont celles qui auroient pour but l'action qu'exerce- roient les substances des divers régnes sur le corps des animaux , lorsqu'on les introduiroit dans la cir- culation. La médecine à la vérité offre beaucoup d'observations de ce genre; mais elles sont encore peu nombreuses en comparaison de celles qui pour- roient être tentées. MM. Magendie et Delile ont fait part à l'Institut d'expériences faites sur les animaux au moyen de la matière avec laquelle les naturels des îles de Java et de Bornéo empoisonnent leurs flèches. Cette sub- stance est extraite de Viipas tieute, plante voisine des apocins. Les expériences de ces jeunes médecins ont été nombreuses, et la plupart faites sur des chiens. Soit qu'on ait introduit ce poison dans le corps de l'aniuial par les vaisseaux absorbants , soit qu'on Tait versé dans les plaies ou dans les intestins, les mêmes phénomènes ont eu lieu : les animaux sont morts dans les convulsions générales. Cette substance paroît exciter particulièrement la moelle épinière, et ne pénétrer dans le corps que par la 204 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, circulation; elle ne semble agir que très indirecte- ment sur le cerveau, et elle donne ainsi la preuve qu'il existe entre ces deux parties essentielles du système nerveux une indépendance que l'anatomie ne démontroit point. M. Vauquelin a fait aussi quelques expériences de ce g^enre: à la suite de son analyse chimique du suc de la belladonne il parle de l'effet de cette sub- stance sur les animaux. Ceux auxquels il en avoit fait avaler tomboient dans une ivresse, dans un délire absolument semblable à celui que produit l'opium. M. Sage a rapporté, sur le même sujet, d'autres expériences que le hasard lui a procurées ou qu'il a recueillies dans les auteurs, et qui confirment l'ac- tion de ce suc sur le système nerveux , et particuliè- rement sur le cerveau. Un jeune médecin dont nous avons déjà eu oc- casion de parler dans nos rapports annuels, M. Nys- ten , a cherché à reconnoître l'effet de différents gaz injectés dans les vaisseaux sanguins des ani- maux; il a mis en usage la plupart de ceux qui sont connus : l'air atmosphérique, le gaz oxygène, les gaz oxydulé d'azote, acide carbonique, oxyde de carbone, phosphore, hydrogéné, etc., ne sont nul- lement délétères. Les gaz mu riatique, acide nitreux, et ammoniac, semblent agir en irritant très vio- ET ZOOLOGIE. 265 « lemment rorciliette droite et le ventricule pulmo- naire. Les (^az hyclrog^ène sulfuré, oxytle d'azote, azote, nuisent à la contractilité de ces parties; d'au- tres enfin cliano^ent tellement la nature du sang que la respiration ne peut plus le convertir de veineux en artériel, etc., etc. ANNÉE 1810. Le phénomène le plus important de la physio- logie des animaux, celui d'où dépendent en quel- que sorte toutes leurs fonctions, c'est la production plus ou moins forte de chaleur qui résulte de leur respiration. La chimie a prouvé dans ces derniers temps que cette chaleur tient à la combinaison de l'oxygène de latmosphère, avec une partie des élé- ments du sang, ce qui fait de la respiration une vé- ritable combustion; mais un médecin anglois, le docteur Fordyce, avoit découvert que l'homme et les autres animaux à sang chaud renfermés dans un air plus chaud qu'eux n'en prennent pas la température, et qu'ils font pendant long- temps baisser le thermomètre à leur température natu- relle. Il sembloit donc que dans ce cas la vie, au lieu de produire de la chaleur, produisoit du froid, et l'on ne savoit comment accorder ce phénomène avec la théorie générale de la chaleur animale. Franklin soupçonna qu'il tenoit à ce (jue la 266 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, transj)iration , augnicntantavec la chaleur, en com- pense Teffet; car il est reconnu en physique que toute évaporation produit du refroidissement. M. Delaroche le fils, docteur en médecine, avoit publié il y a quelques années des expériences faites en commun avec M. Berger, et où ces deux physiciens avoient déjà observé une augmentation très sensible de chaleur dans les animaux exposés à vme haute température, quand on trou voit moyen d'ariêter leur transpiration. I! vient de les repren- dre avec une exactitude nouvelle dans des atmo- sphères entretenues constamment à une humidité telle qu'il ne peut s'y faire de transpiration ni par la j)eau ni par le poumon; et il a constaté que les animaux non seulement s'y échauffent à un certain point, mais y prennent niême toujours une tem- pérature supérieure à celle du milieu, parceque la chaleur produite par leur respiration s'ajoute à celle qu'ils reçoivent de l'atmosphère qui les en- toure. Il a donc à-la-fois réfuté une propriété chi- mérique attribuée à la force vitale, et prouvé que Fillusion venoit uniquement de la cause soupçonnée par Franklin. Non s avons rendu compte il y a deux ans d'ex- périences faites par M. Dupuytren, inspecteur-gé- néral de l'Université, lesquelles tendoient à prouver (pi'il ne suffisoit pas à l'exercice de la respiration ET ZOOLOGIE. 267 que l'air pénétrât dans le poumon par le jeu méca- nique de la poitrine, ni que le sang y circulât libre- ment par l'impulsion du cœur, mais que le concours des nerfs propres de Forgane pulmonaire y étoit encore nécessaire. Ces expériences consistoient à couper des nerfs de la huitième paire qui vont, comme Ton sait, au larynx, aux poumons, au cœur, et à lestomac ; aussitôt la section faite Fanimal com- mençoit à dépérir, et le sang cessoit de prendre le caractère artériel à son passage par le poumon, quoique les fonctions accessoires dont nous venons de parler ne fussent pas dans un degré propor- tionné à un pareil effet. Quelques physiologistes ont repris le même su- jet, et ont attaqué les résultats de M. Dupuytren. D'une part M. Blainville a observé comme Haller et d'autres, à la suite de la section de la huitième paire, des dérangements dans les fonctions de l'es- tomac qui lui ont paru contribuer à la mort des animaux, au moins autant que ceux des fonctions pulmonaires. Il a même j ugé d'après ses expériences qu'il n'y a voit point d'interruption dans la conver- sion du sang veineux ou artériel. De l'autre côté M. Dumas, correspondant de l'Institut, et profes- seur à Montpellier, ayant fait pénétrer de l'air dans le poumon des animaux qui avoient subi cette opé- ration, a vu leur respiration reprendre son action 268 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, sur le sangf ; d'où i) a conclu que la section des nerfs altère d'abord les fonctions préliminaires ou occa- sionelies de la respiration , et seulement d'une ma- nière médiate la respiration même. Mais le fait même de l'sltération de la respiration étant mis en question par M. Blain ville, M. Provençal , nou- velkment nommé correspondant, s'est occupé de le constater, et ses expérienres lui ont paru prou- ver qu'il y a réellement asphyxie, et que le san^tj reste noir. Cependant la discussion élevée entre M. Dnpuytren et M. Dumas subsistoit toujours; et dans le cas où lopinion de M. Dumas se trouveroit juste, il rcsteroit encore à déterminer quelle est celle des fonctions préliminaires qui est altérée. M. Legallois, docteur en médecine, qui a fait des expériences très intéressantes sur les effets plus ou moins prompts de l'asphyxie dans les animaux de différents âges, et remarqué rjue les plus jeunes en périssent plus tard, a observé que la section de la huitième paire n'amène pas la mort, suivant cette loi ; qu'au contraire les très jeunes animaux sont saisis d'une suffocation qui les tue en peu de temps. L'examen de cadavres lui a bientôt prouvé que dans ce cas la mort résulte d'un rétrécissement subit du larynx; et que si , dans ces premiers mo- ments, l'on perce la trachée la respiration reprend son activité. Ce rétrécissement ne produit cet effet ET ZOOLOGIE. 269 que dans les jeunes animaux , parceque leur larynx est comme on sait proportionnellement plus étroit que dans les adultes. M. Legallois ayant ensuite examiné les poumons de beaucoup d'animaux d'â^e pius avancé, auxquels la huitième paire avoit été coupée, les a trouvés gorgés de sang au point que quelquefois ils senfon- çoient dans l'eau, et leurs vésicules remplies d'un épanchement séreux qui finit par obstruer les bron- ches : c'est, selon M. Legallois, cet épanchement qui arrête l'accès de lair et qui produit la mort. Il est donc vrai, d'après ce médecin , que les ani- maux meurent d'asphyxie, et 272 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, rendre à chaque bourse et se ramifier sur sa mem- brane. L'auteur les regarde l'un comme une artère, l'autre comme une veine , et suppose que ce sont les vaisseaux pulmonaires. D'autres vaisseaux par- tent du même tronc dorsal pour se rendre à toutes les parties. Le canal intestinal des scorpions est droit et grêle; leur foie se compose de quatre paires de grappes glanduleuses qui versent leur liqueur dans quatre points différents de l'intestin. Le mâle a deux verges, la femelles deux vulves; ces dernières donnent dans une matrice composée de plusieurs canaux qui communiquent les uns avec les autres, et que l'on trouve au temps du part remplis de petits vivants : les testicules sont aussi formés de quelques canaux anastomosés ensemble. M. Cuvier a trouvé dans les araignées des or- ganes de circulation et de respiration semblables ; seulement on n'y compte que deux paires de bour- ses pulmonaires ; mais dans les phalangitims ou fau- cheurs il y a de véritables trachées, comme M. La- treille l'avoit déjà fait connoître. Le même membre a donné un mémoire sur Ta- natomie de certains mollusques, appelés acères ou sans cornes, parcequ'ils n'ont point de filaments charnus qui servent aux genres voisins d'organes principaux du toucher. Leurs coquilles sont rangées par les naturalistes dans le genre bulla; quelques ET ZOOLOGIE. 2^3 espèces les ont si minces, et tellement cachées sons la peau, qu'on ne peut y découvrir ces coquilles qu'en les disséquant. Ce que leur anatomie offre de plus remarquable c'est que leur estomac est armé de ])laques pierreuses que Ton a prises quelquefoispour de véritables coquilles. M. Péron , correspondant, que les sciences vien- nent de perdre au moment où il alloil commencer la publication des immenses richesses qu'il avoit recueillies avec son ami M. Lesueur dans le dernier voyage aux terres Australes, a présenté cette année un mémoire sur d'autres mollusques qui appar- tiennent à la famille appelée Ptéropodes par M. Cu- vier, parceque les animaux qui la composent n'ont d'autres organes du mouvement que des espèces d'ailes ou de nageoires. M. Péron en fait connoitre entre autres un genre nouveau qu'il nomme cym- bulie, très remarquable par une espèce de nacelle cartilagineuse, dans laquelle il navigue, et qui res- semble presque à celle dii genre de sèche plus anciennement connue sous le nom d'argonaute. Il paroît toutefois que quelques uns des genres placés par M. Péron dans cet ordre des Ptéropodes n'appar- tiennent pas véritablement à cette famille. Tels sont sur-tout les car inaires , \es ptérotrac liées, et les glaucus, qui appartiennent tous à l'ordre des gasté- ropodes ou limaçons. BUFFON. COMPLEM. T. III. 274 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, M. Bosc a fait connoître un genre nouveau de vers intestinaux qu'il nomme tétragule, et dont il a découvert une espèce dans le poumon d'un coclion- d'inde. Un corps aplati, plus gros en avant, des anneaux nombreux garnis au-dessous de courtes épines, la bouche à l'extrémité antérieure accom- pagnée de chaque côté de deux gros crochets mo- biles , Tan us à lextrémité opposée , caractérisent ce genre. Le public a entendu parler d'un très grand pois- son, du genre des chiens-de-mer, qui a été apporté dans le courant du mois dernier. M.Blainvillevient de présenter à Tlnstitut diverses observations sur son anatomie. La petitesse de ses dents, son gosier étroit, les filaments charnus qui le garnissent, ne lui permettent guère, malgré son énorme taille, de vivre de grands animaux. La vésicule du fiel est fort éloignée de son foie, et rapprocliée de Fintestin comme celle de Téléphant, etc. M. Geoffroy-Saint-Hilaire , membre de llnstitut et professeur de zoologie au Muséum d'histoire na- turelle, continue le grand travail qu'il a entrepris sur les quadrupèdes, et a lu cette année des recher- ches fort curieuses sur plusieurs tribus de la famille des chauve-souris. Après avoir fait sentir de quelle importance doivent être dans l'économie de ces animaux ces expansions cutanées qui forment leurs ET ZOOLOGIE. 2^5 ailes, leurs oreilles, et les crêtes dont leur museau est orné, il tire jjarti des diverses formes de ces expansions pour diviser la famille des chauve-souris en plusieurs genres. M. Geoffroy avoit déjà il y a quekpies années, conjointement avec M. Guvier, établi sous le nom de pliyllostome un genre com- posé des espèces qui portent une feuille sur le nez. Il montre maintenant (|ue ce genre doit être sub- divisé en deux; les vrais phyllostomes, tous du nouveau continent, ont une langue et des lèvres disposées pour sucer; aussi est-ce à ce genre qu'ap- partiennent les chauve-souris nommées vampires, qui sucent le sang des animaux endormis, et aux- quelles lexagération ordinaire des voyageurs avoit attribué la faculté de faire périr ainsi les hommes et les grands quadrupèdes. L'autre genre , que M. Geoffroy nomme mégaderme, ne se trouve que dans l'ancien continent; sa langue n'est point or- ganisée pour la succion; ses oreilles sont si larges qu'elles s'unissent l'une à l'autre sur le sommet de la tête, et son os intermaxillaire demeure carti- lagineux. Il forme un chaînon marqué entre le genre des phyllostomes et celui des rhinolophes nommés communément chauve-souris fer-à-c/ievaly à cause de la figure des membranes placées sur leur nez. i8. 2-76 ANATOMÎE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ANNÉE 1811. Dans notre histoire de Tannée dernière, à Toc- casion des recherches sur Faction des nerfs de la huitième paire dans la respiration , nous avons dit un mot des expériences importantes par lesquelles M. Leg^allois, médecin de Paris, a prouvé que les très jeunes animaux peuvent vivre sans respirer pendant un temps d'autant plus long quils sont plus rapprochés du terme de leur naissance. M. Legallois ayant fait suhir d'autres lésions à ces animaux très jeunes est arrivé à des résultats en- core plus singuliers , qui ont fini par le conduire à résoudre une question débattue depuis près de deux siècles entre les anatomistes; celle de la part qu'ont les nerfs dans les mouvements du cœur. Ayant décapité Cj[uelques uns de ces animaux il observa que leur tète continue à donner des signes de vie, précisément pendant le même temps pour chaque âge où les animaux de cet âge peuvent se passer de respirer; d'où il conclut que ces têtes ne meurent que par défaut de respiration. On sait d'ailleurs , par les expériences de Fon- tana , qu'il est possible de prolonger la vie dans le tronc décollé, en insufflant de l'air dans les pou- mons. Le principe immédiat de la vie du tronc est donc dans le tronc même. ET ZOOLOGIE. 277 On sait d'autre part que la vie de chaque partie exige sa communication immédiate avec la moelle épinière par le moyen des nerfs, et une circulation libre du sang dans la portion de moelle qui fournit les nerfs à cette partie. Gela posé, on de voit croire que la simple destruc- tion d'une portion de moelle épinière ne devoit af- fecter que les parties auxquelles cette moelle donne des nerfs; mais il en arriva autrement dans les ex- périences de M. Legallois. La destruction d une portion de moelle tuoit promptement le corps en- tier, et faisoit par conséquent plus d'effet que la décollation même. M. liCgallois , en examinant attentivement toutes les circonstances de ce phénomène, s'aperçut que cette lésion affoiblissoit et arrêtoit bientôt la circu- lation , que les artères se vidoient , etc. Il en conclut qu'elle tuoit médiatement, et en affoiblissant les mouvements du cœur. Il vérifia sa conjecture par des expériences dont le succès peut paroître encore plus singulier que le premier phénomène. En diminuant par la ligature des artères , ou même par l'amputation , le nombre des parties auxquelles le cœur doit fournir du sang , on rend les forces qui lui restent suffisantes , parce- quon lui laisse moins d'efforts à faire, et la lésion de la moelle est moins promptement mortelle; 278 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ainsi un animal dont on a coupé la tête périra en- suite moins prompteinent par la lésion de la moelle que si on lui avoit laissé sa tête; et, comme une lé- sion partielle de la moelle diminue beaucoup, au bout de quelque temps, la circulation dans les par- ties auxquelles la portion de moelle détruite donne des nerfs, la destruction d'une portion de moelle donne la facilité d'en détruire après quelque temps une autre portion sans causer si promptement la mort. Ainsi, quand on a coupé la tête d'un animal, il est plus aisé de détruire sa moelle cervicale sans tuer le reste de son tronc ; et quand on a détruit sa moelle cervicale , il est plus aisé de faire cette opéra- tion sur sa moelle dorsale ; en sorte que l'on pour- roit faire vivre successivement chacune des tran- ches de son corps sans les autres si Ton pouvoit y transporter le cœur et les poumons, et que la poi- trine, qui contient ces organes, peut conserver long- temps sa vie sans le concours d'aucune des autres parties. Le résultat général et direct de cette belle suite d'expériences c'est que le mouvement du cœur dé- pend de toute la moelle épinière, qui exerce son in- fluence sur lui par l'intermédiaire du grand sym- pathique; et de cette manière on explique comment le cœur est affecté par les passions sans dépendre immédiatement du cerveau , et l'on achève de sou- ET ZOOLOGIE. 279 mettre à l'empire des nerfs le seul des or(>ai)es mus- culaires où l'action nerveuse fût restée sujette à quelques objections ; enfin , comme la suppression du cerveau n'affecte point les mouvements du cœur, tandis que celle de la moelle les détruit, lo- pinion avancée depuis quelques années par de grands physiolo^jistes , que le cerveau n'est pas la source unique de faction nerveuse, mais que cha- que partie du système nerveux exerce aussi une part dans cette action, se trouve pleinement con- firmée. L'Institut a témoig^né à M. Legallois une satis- faction toute particulière sur cet important travail. M. Tenon , qui s'occupe , malgré son âge avancé, avec une constance digne d'admiration , de son bel ouvrage sur les dents, nous a encore communiqué diverses observations sur la structure des organes qu'il appelle porte -embryon et porte -follicules; mais comme il se propose d'en faire bientôt jouir le pu- blic avec le reste de son travail, il a jugé inutile que nous en donnassions ici une analyse détaillée. M. le comte de Gessac , ministre de l'administra- tion de la guerre, et membre de la classe de la lan- gue et de la littérature françoises, ayant consulté la classe des sciences sur les moyens d'arrêter les ravages que font certains vers dans les magasins de draps et d'autres lainages, MM. de La Marck , 28o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Vauquelin, Richard, et Bosc, ont fait un rapport étendu sur cet objet important. Ces vers sont les chenilles de six ou sept espèces de petits papillons de nuit , qui non seulement dé- vorent les poils des animaux , mais qui s'en font en- core de petits tuyaux pour s en servir à-la-fois comme de demeure et comme de vêtement ; beaucoup d'a- gents chimiques détruisent ces petites chenilles ; mais la plupart, s'ils étoient employés imprudem- ment, feroient plus de mal qu'elles , en altérant les étoffes. Cependant on peut toujours recourir à la chaleur, et dans tous les cas il est avantageux de prévenir la multiplication des chenilles en détrui- sant les papillons et en prenant tous les moyens de leur interdire l'entrée des magasins. Les bornes de ce rapport ne nous permettent pas d'entrer dans le détail des pratiques conseillées parles commissaires pour remplir ces différents buts. Il y a long-temps que les physiciens s'occupent de la phosphorescence des eaux de la mer et de ses di- verses causes. Feu M. Péron, correspondant, avoit donné quelques mois avant sa mort un travail fort complet sur ce curieux phénomène , où il indiquoit un très grand nombre d'animaux qui y contribuent et qui diffèrent souvent entre eux , suivant les pla- ges où le phénomène se manifeste. M. Suriray, médecin au Havre , excité par M. Pé- ET ZOOLOGIE. 28 1 ron, a examiné les animaux lumineux du port qu'il habite, et en a décrit un , globuleux , grand comme la tête d'une épingle , et tellement abondant qu'il forme quelquefois une croûte épaisse à la surface de l'eau ; c'est probablement une espèce voisine des béroés. Outre sa phosphorescence spontanée, il luit encore quand on l'irrite, et même quand on l'écrase. M. Lamouroux, professeur à Gaen, a examiné avec soin de très petits poissons connus en Norman- die sous le nom de montée, parcequ'ils remontent en prodigieuse abondance dans les rivières d'Orne , de Touque, et de Dive. On les prend communé- ment pour le frai de l'anguille. M. Lamouroux a trou vé qu'ils ressemblent davantage au congre, sans en avoir cependant tous les caractères; il se pour- roit que ce fut le frai d'une espèce particulière, car d*autres renseignements paroissent annoncer qu'il existe à Fembouchure de nos fleuves plusieurs espèces d anguilles encore mal déterminées par les naturalistes. ANNEE 1812. M. le chevalier Geoffroy-Saint-Hilaire , qui s'est occupé à plusieurs reprises de la nombreuse famille des chauve-souris, et en a fait coonoître tant d'es- pèces intéressantes, se propose d'en donner un ta- bleau général. Il a préludé à ce travail par une 282 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, dissertation sur le ran^ c[ue ces animaux singuliers doivent occuper parmi les maiumifères. Long- temps on les a regardés comme intermédiaires en- tre les quadrupèdes et les oiseaux; ce qui est au moins aussi réel c'est qu'elles tiennent une sorte de milieu entre les quadrumanes et les carnassiers. En effet, dans cette multitude d'arrangements pro- posés par les naturalistes, il en est, comme celui de Linnaeus dans ses dernières éditions , et celui de Brisson , où les chauve-souris sont plus particu- lièrement rapprochées des quadrumanes ; d'au- tres , comme celui de Linnaeus dans ses premières éditions, et celui de Klein, où on les laisse avec les petits carnassiers ou carnassiers insectivores, comme la taupe et le hérisson. Quelques uns , comme MM. Storr et Cuvier, les mettent en tête des carnassiers, avant ces mêmes insectivores dont nous venons de parler , et immédiatement après les quadrumanes , avec cette différence cependant que M. Cuvier les distingue plus spécialement et comme une subdivision. D'autres encore, comme Rai et MM. Blumenbach, de Lacépéde et Illiger, en font un ordre à part; et cet ordre est placé par Rai et par M. de Lacépéde en quehjue sorte hors de rang; par M. Blumenbach, entre les quadrumanes et les autres onguiculés, à la tête desquels ce natu- raliste place les rongeurs; enfin par M. Illi{;er, ET ZOOLOGIE. 2(S3 après les édentés et avant les carnassiers en tète desqnels viennent, comme dans la disposition de M. Cuvier, les carnassiers insectivores. On conçoit aisément que toutes les combinaisons ont dû dépendre des organes auxquels chaque na- turaliste a donné le plus d'attention. Ceux qui ont eu plus d égard au squelette, aux intestins, à l'organisation des pieds , à la forme des ongles, aux dents mâchelières, ont rapproché les chauve-sou ris des carnassiers (et il paroît que c'est maintenant Fopinion la plus suivie); ceux qui s'en sont tenus aux dents incisives, à la position des mamelles, à la verge pendante, les ont rapprochées des qua- drumanes. M. Geoffroy, dans l'ouvrage dont nous parlons, insiste davantage sur ces derniers rapports, aux- quels il juge que l'on n'a pas eu assez d'égard ; mais il fait voir sur-tout que le singulier prolongement des extrémités antérieures, la tendance générale de la peau à prendre des développements excessifs , et les propriétés particulières qui en résultent pour les chauve-souris, soit par rapport à leurs sensa- tions, soit par rapport à leurs mouvements, exigent que Ton fasse de ces mammifères un ordre à part, en même temps que leurs diverses ressemblances avec les quadrumanes et avec les carnassiers veu- lent qu'on les place entre ces deux-là. 284 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Nous devons attendre avec intérêt la subdivision de cet ordre, ainsi que l'histoire détaillée des espè- ces que M. Geoffroy nous promet. M. de La Mark, chargé d'enseigner au Muséum d'histoire naturelle tout ce qui concerne les ani- maux sans vertèbres, a publié, il y a quelques an- nées, l'ouvrage qui sert de base à ses cours, où il expose selon la méthode qui lui est propre les classes, les ordres et les genres de ces innombra- bles animaux; mais comme les voyageurs ont dé- couvert depuis beaucoup d'espèces et de genres, comme les anatomistes en ont mieux développé la structure, comme enfin les méditations de M. de La Mark lui ont fait apercevoir entre eux plusieurs nouveaux rapports, il vient de publier un tableau abrégé de son cours, d'après sa méthode perfec- tionnée, où il se contente d'indiquer les caractères des divisions supérieures, et ne donne que la sim- ple énumération nominative des genres. Il suit dans leur arrangement l'ordre des degrés de complication, commençant par les animaux les plus simples. Supposant que ceux qui n'ont pas de nerfs apparents ne se meuvent qu'en vertu de leur irritabilité, il les nomme animaux apathiques, donne le nom d'animaux sensibles aux autres invertébrés , et réserve celui d'animaux intelligenls pour les ver- tébrés. A ses anciennes class(;s bien connues main- ET ZOOLOGIE. 285 tenant des naturalistes, il ajoute celle des cirrhi- pèdes ^ qui comprend les glands-de-meret leurs ana- logues, et qu'il place entre ses annélides et ses mollusques; celle des vers épizoaires ou intestinaux qu'il met parmi ses animaux apathiques , et les ùifii' soires ou animaux microscopiques sans bouche ni intestins apparents. Il laisse les échinodermes dans ses radiaires et parmi les apathiques , à un degré de simplicité plus grand que celui où il place les vers intestinaux. Nous regrettons que l'espace ne nous permette point de fliire connoître les autres changements introduits par M. de La Mark dans ses ordres, ni les nombreuses additions qu'il a faites à la liste des genres; mais les naturalistes ne manqueront pas de les chercher dans l'ouvrage même. Malgré le succès des recherches anatomiques faites sur les animaux sans vertèbres, depuis un certain nombre d'années, il restoit toujours une de leurs familles dont les organes fondamentaux n'é- toient pas encore bien connus ; c'est celle que Ion nomme échinodermes, qui comprend les ëtoiles- de-mer elles genres analogues. L'Institut ayant pro- posé un prix pour le perfectionnement de cette partie de l'anatomie comparée , il vient d'être rem- porté par M. Tiedeman , professeur à l'université de Landshut. Le mémoire de cet habile anatomiste 286 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, fait connoître pour la première fois, avec une exactitude rare, beaucoup de particularités d'or- ganisation propres à ces singuliers animaux. Une espèce de circulation se laisse aisément observer entre leurs organes de la digestion et ceux de la res- piration , sans offrir cependant un double cercle complet; d'ailleurs on n'a pu en suivre les branches dans les organes extérieurs , ni dans ceux du mou- vement ; ilparoît même, selon M. Tiedeman, qu'un système vasculaire tout différent se distribue aux nombreux pédoncules qui, dans ces animaux, ser- vent d'instruments à la locomotion. Les organes de la respiration diffèrent beaucoup selon les genres; dans les holothuries, ils repré- sentent des arbres creux dont les branches se rem- plissent ou se vident de l'eau extérieure, et s'en- trelacent avec un réseau vasculaire. Dans les étoiles et les oursins l'eau pénétre immédiatement dans la cavité du corps, et y baigne toutes les parties. Ce bel ouvrage , accompagné de dessins d'un fini précieux, exécuté par M. Mlinz, docteur en mé- decine, a paru à l'Institut mériter le prix par la quantité de faits nouveaux et bien observés qu'il présente, et par les progrès qu'il fait faire à la con< noissance intime deséchinodermes, quoiqu'il n'ait pas résolu d'une n:ianière entièrement complète le problème proposé sur leur circulation. ET ZOOLOGIE. 287 Une famille beaucoup plus simple dans son or- joanisation que les échinocleimes, mais beaucoup plus nombreuse en espèces, celle des coraux et des autres animaux composés à base solide, a été par- ticulièrement étudiée par M. Lamouroux, sous le rapport de ses espèces aussi bien que de sa distri- bution méthodique. Ce naturaliste a fait une grande collection de ceux dont la base n'est point pierreuse, et qui présentent des formes si agréables et souvent si régulières; et comparant avec beaucoup de soin la forme , la position mutuelle des cellules d'où sortent les polypes, et tontes les autres différences apparentes de ces polypiers, il propose d'ajouter vingt-huit nouveaux genres. C'est encore là un ouvrage important pour le perfectionnement du système des animaux, mais qui par sa nature ne se prête point à une analyse abrégée. On ne peut qu'en désirer la plus prompte publication. M. Guvier, se proposant de commencer bientôt l'impression de la grande anatomie comparée dont il s'occupe depuis tant d'années, a présenté à llri- stitut le tableau des divisions d'après lesquelles le règne animal doit être distribué dans cet ouvrage. Depuis long-temps les naturalistes étoient frappés des grandes différences qui séparent les animaux invertébrés les uns des autres, tandis que les ani- 288 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, maux vertébrés se ressemblent à tant d égards. Il résultoit de là une grande difficulté dans la rédac- tion des propositions de Fanatomie comparée, qui se laissoient aisément généraliser pour les animaux vertébrés , mais non pas pour les autres ; mais cette difficulté même a donné son remède. De la manière dont les propositions relatives à cliaque organe se groupoient toujours, M. Guvier a conclu qu'il existe parmi les animaux quatre formes principales, dont la première est celle que nous' connoissons sous le nom d'animaux vertébrés, et dont les trois au- tres sont à -peu -près comparables à celle-là par l'uniformité de leurs plans respectifs. L'auteur les nomme animaux mollusques ^ animaux articulés, et animaux rayonnes ou zoophytes , et subdivise cha- cune de ces formes, ou de ces embranchements, en quatre classes, d'après des motifs à-peu-près équivalents à ceux sur lesquels reposent les quatre classes généralement adoptées parmi les vertébrés. Il a tiré de cette disposition , en quelque sorte sy- métrique, une grande facilité à réduire sous des régies générales les diversités de l'organisation. La comparaison que le même membre a faite de l'ostéofogie dans les animaux vertébrés lui a donné, sur la structure osseuse des têtes dans cet embran- chement, des idées qu'il a également présentées à l'Institut. ET ZOOLOGIE. 289 On setoit aperçu depuis un certain temps que les vertébrés ovipares , c'est-à-dire les oiseaux , les reptiles et les poissons , avoi.ent entre eux plusieurs rapports communs d'organisation, qui les diffé- rencioient des vertébrés vivipares ou mammifères; M. Geoffroy-Saint-Hilaire avoit même présenté il y a quelques années un grand et beau travail dont nous avons rendu compte en son temps , où il avoit fait voir entre autres choses l'identité de struc- ture des têtes des ovipares entre elles , et les rap- ports des pièces nombreuses qui entrent dans leur composition, avec celles que Ion distingue dans les fœtus des mammifères, où, comme on sait, les os sont beaucoup plus subdivisés que dans les adultes. M. Cuvier, adoptant les vues de M. Geoffroy, a cbercbé à déterminer d'une manière constante à quel os de la tête des mammifères répond chaque p^roupe d'os de la tête des différents ovipares; et il croit y être parvenu enjoignant à l'analogie du fœ- tus des premiers la considération de la position et de la fonction des os; c'est-â-dhe en examinant quels organes ils garantissent; à quels nerfs et à quels vaisseaux ils donnent passage, et à quels mus- des ils fournissent des attaches. M. Jacobson, chirurgien-major dans les armées du roi de Danemarck, a fait conooître à l'Institut BUFFON. COMPLEM. T. III. 290 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, un or[^ane qu'il a découvert clans les narines des quadrupèdes, et dont aucun anatomiste ne paroît avoir eu connoissance. Il consiste en un sac étroit, couché le lon."^ de la cloison des narines, garanti par une production cartilagineuse , revêtu inté- rieurement d'une membrane muqueuse, doublée en partie par un tissu glanduleux, recevant des nerfs très remarquables qui sont des divisions fort distinctes de la première paire, et s'ouvrant le plus souvent dans le palais, derrière les dents incisives, par un canal qui traverse le trou nommé incisif par les anatomistes. Cet organe n'existe pas dans l'homme , et est plus développé dans la plupart des herbivores que dans les carnivores. On doit suppo- ser qu'il est relatif à quelqu'une des facultés que la nature a accordée aux quadrupèdes, et refusée à notre espèce, comme celle de rejeter les substances vénéneuses, ou de distinguer le sexe et l'état de chaleur, etc. L'histoire particulière des animaux s'est enri- chie d'ouvrages importants et d'observations inté- ressantes. M. de Humboldt a publié le premier vokime de ses Observations sur (es animaux de C Amérique , où il a fait entrer, non seulement ses différentes recherches sur le condor, sur l'anguille électrique, sur les crocodiles, et beaucoup d'autres objets dont ET ZOOLOGIE. 2(J I nous avons parlé dans nos précédentes analyses, mais où il a encore donné plusieurs nouveaux mé- moires, notamment un sur les singes du Nouveau- Monde , dont Buffon et Gmeîin n'a voient fait con- noître que onze ou douze espèces, et que M. de Humboldt, en réunissant ses observations à celles de MM. d'Azara et Geoffroy-Sain t-Hilairc , porte à quarante-six. Il a lu récemment à l'Institut un autre mémoire destiné pour son deuxième volume, et où il décrit deux nouvelles espèces de serpents à sonnettes, qu'il a découvertes à la Guiane. Les tempêtes qui ont agité l'Océan l'hiver der- nier ont fait échouer divers grands cétacés sui- plusieurs points de nos côtes: l'Institut a fait exa- miner les renseignements qui lui sont parvenus par une commission composée de ^ÎM. le comte de I.acépède, Geoffroy-Saint-Hilaire, et Cuvier. Ces naturalistes ont fait remarquer que plusieurs de ces animaux étoient peu ou point connus, et que ce sujet, qui peut intéresser nos pêcheries et notre commerce, mériteroit d'attirer l'attention du gouvernement. Ils ont donné une description de lespèce échouée en grand nombre près de Saint- Brieux; M. Lemaout, naturaliste et pharmacien de cette ville, en ayant recueilli avec beaucoup de soin toutes les parties essentielles, il a été aisé '9' 292 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, d'y reconnoître une espèce de dauphin, qui avoit échappé à tous les naturahstes méthodiques , et dont il n'existoit qu'une mauvaise fip^ure dans le Traité des pêches de Duhamel. Elle se distingue à sa tête, de forme [globuleuse, et presque semblable à un casque antique. Sa taille va à près de vin^^t pieds. Nous avons dit, Tannée précédente, quelques mots des recherches de M. Lamouroux sur ces in- nombrables et très petites anguilles connues à l'embouchure de quelques unes de nos rivières sous le nom de montée, et nous avons annoncé la probabilité quelles pou voient appartenir à quel- qu'une des espèces moins connues de ce genre. M. Lamouroux a vérifié en effet, par de nouvelles comparaisons , que la montée est le frai du pimper- nau^ sorte d'anguille indiquée par M. le comte de Lacépéde, dans son Histoire des poissons, et que Fou distingue des autres à ses nageoires pectorales échancrées comme des ailes de chauve-souris. M. Risso , naturaliste à Nice, qui a publié il y a deux ans un très bon ouvrage sur les poissons de cette côte , vient d'en adresser un autre à l'Institut sur les crustacés, c'est-à-dire sur les animaux de la famille des écrevisses. M. Risso adopte , pour sa distribution , la méthode de M. Latreille, à laquelle il ajoute seulement quatre genres nouveaux. Il dé- crit cent espèces, dont environ la moitié lui paroît ET ZOOLOGIE. 293 nouvelle; seize sont représentées sur des planches coloriées. L'Institut, en applaudissant au zélé avec lequel M. Risso , dans une position si peu propice, cherche à faire connoître les animaux encore si mal étudiés de la Méditerranée, auroit cependant désiré plus de précision dans les descriptions avant de reconnoître la nouveauté d'un si grand nombre d'espèces. Les anciens parlent beaucoup d'un insecte qu'ils appeloient bupreste ou crève- bœuf , parcequ'iî fai- soit, disent-ils, crever les bœufs qui le marigeoient avec l'herbe; mais, comme à leur ordinaire, ils n'en ont point donné de description détaillée. Les modernes ont fait de ce nom des applications très variées , et il paroît qu'aucun d'eux n'a reconnu Im- secte qui le portoit véritablement. M. Latieille , d'après une comparaison scrupuleuse des passages où il est question des propriétés qu'on lui attribue, avec ce que nous observons aujourd'hui, a pensé que ce devoit très probablement être le méloé pro- scarabœus de Linnaeus , où quelque espèce voisine. Il n'y a en effet que les méloés qui joignent à des propriétés acres et suspectes l'habitude de vivre dans l'herbe, et assez de lenteur pour y être aisé- ment saisis par le bétail. Notre confrère M. deLaBillardière qui s'occupe de l'éducation des abeilles, en ayant remarqué une 294 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, dont rabdoinen étoit plus ^ros qu'à l'ordinaire, trouva dans son intérieur un ver blanc, qu'il en- ^ajjea M. Bosc à examiner. Le corps de ce ver étoit blanc, divisé en douze anneaux , aplati en dessous, terminé à une extrémité par deux gros tubercules percés cbacun d'un trou ovale , et à l'autre par deux filets ou deux pointes molles. Sous les tubercules est une fente transverse. M. Bosc, considérant cette fente comme la bouche, regarde la partie terminée par deux pointes comme celle où doit être l'anus ; et, rangeant cet animal parmi les vers intestinaux, il en fait un genre sous le nom de dipodium. Il con- vient cependant qu'il seroit possible que les orga- nes fussent en sens inverse, et alors le ver ressem- bleroit beaucoup à plusieurs larves de mouches à deux ailes : on a même déjà lieu de croire, par des observations de M. Latreille, que la larve d'une de ces mouches (le conops ferrugineux) vit dans l'inté- rieur des bourdons. Il est toujours fort remarqua- ble qu'un si gros ver puisse babiter le corps d'un insecte aussi petit que l'abeille. Cette première digestion , qui se fait dans l'esto- mac, a dû être de bonne heure un grand objet de méditations pour les physiologistes; et l'on a eu successivement recours à toutes les forces de la na- ture pour l'expliquer. On a voulu long-temps l'at- tribuer à la trituration des parois musculeuses de ET ZOOLOGIE. 296 l'estomac ; mais Réaumur ayant remarqué que des aliments contenus dans des tubes incompressi- bles ouverts aux deux bouts se dig^éroient comme les autres , l'opinion f^cnérale de ces derniers temps a été, d'après ses expériences , c[ue cette fonction est due à une espèce de dissolution opérée par un suc qui découle des parois de l'estomac. Spallanzani, dans un ouvrage très célèbre, ayant appliqué le suc stomacal ou gastrique bors de l'es- tomac à des substances alimentaires de tout genre, assura lui avoir vu produire, (juand il étoit aidé d'une cbaleur suffisante, des effets à-peu-près sem- blables à ceux qu'il auroit produits dans l'estomac lui-mcme. Ce physicien alla jusqu'à attribuera ce suc gastrique, ainsi isolé , la pro|>riété d'arrêter la putréfaction. Il en tira cette conclusion , adoptée au moins ta- citement par la plupart des pbysiologistes^ que le suc gastrique exerce son action digcstive et anti- septique par sa propre nature, et en vertu de sa composition et de ses affinités. M. deMontègre, docteur en médecine, s'étant trouvé une disposition à rejeter sans incommodité ce qu'il a dans l'estomac , a imaginé d'en faire usage pour constater différents points de la doctrine re- çue touchant la digestion. Lorsqu'il exerce à jeun cette disposition , il obtient une quantité notable 296 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, d'un liquide qu'il considère comme un véritable suc gastrique, et qu'il a examiné sous le rapport de ses qualités chimiques, aussi bien que de son action sur les matières alimentaires. M. de Montégre a trouvé ce liquide fort sembla- ble à la salive; mais son action hû a paru très diffé- rente de ce qu'avoit observé Spallanzani. En l'expo- sant à une température semblable à celle du corps humain, dans des fioles placées sous l'aisselle, il l'a vu se putréfier exactement comme la salive : ce suc n'a arrêté la putréfaction dans les autres sub- stances que dans les cas où il se trouvoit naturelle- ment acide ; mais en ajoutant un peu d'acide acé- tique à la salive on lui a donné la même propriété. D'ailleurs cette acidité n'est pas essentielle, et quand M. de Montégre avaloit assez de magnésie pour l'absorber, la digestion ne se faisoit pas moins bien. Il se reproduisoit de l'acidité en peu de temps; lors même que M. de Montégre enveloppoit de magné- sie la viande qu'il mangeoit, elle redevenoit acide après un temps suffisant. Ces expériences répétées un grand nombre de fois, et avec toutes les précautions convenables, ont engagé l'auteur à conclure que le suc gastrique diffère peu ou point de la salive, qu'il ne peut ar- rêter la putréfaction, ni opérer la digestion indé- pendamment de l'action vitale de l'estomac ; enfin ET ZOOLOGIE. 297 que lacidité qui s'y manifeste, aussi bien que celle que subissent les aliments lors de la digestion, est un effet de l'action stomacale. Il est fort à désirer que M. de Montégre coritin ue ses intéressantes recherches, et les fasse aussi sur le suc gastrique des animaux qu'employoit Spallan- zani, afin que l'on sache exactement ce que Ton doit penser d'une doctrine qui a semblé , pendant long-temps , avoir obtenu l'assentiment général. Pour assurer aux auteurs la date de leurs obser- vations , nous donnerons ici une indication de quelques mémoires qui ont été présentés à l'In- stitut et dont la vérification n'a pu encoie être achevée, nous réservant d'y revenir l'année pro- chaine , et de faire connoître alors le jugement qui en aura été porté. M. de Blainville, professeur-adjoint à la faculté des sciences de Paris, a décrit avec détail les for- mes de l'articulation de l'avant-bras avec le bras dans les différents animaux,' et déterminé le mou- vement que chacune de ces formes nécessite , prin- cipalement sous le rapport du plus ou moins de facilité de la rotation. Ce travail, sur un point im- portant de la mécanique des animaux, n'est pas sans intérêt pour leur classification , attendu que ce plus ou moins de facilité dans la rotation de l'a- yant-bras influant nécessairement sur le plus ou "k 298 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, moins d adresse des animaux , doit entrer pour beaucoup dans leur de[;Té de peifection générale, et par conséquent dans leurs affinités natui elles. Le même anatomiste a encore présenté un mé- moire sur les formes du sternum dans les oiseaux. Gomme cet os, ou plutôt cette [grande surface os- seuse, résultant, ainsi que Ta fait voir M. Geoffroi, delà réunion de cinq os différents, donne attache aux principaux muscles du vol, plus il est solide et étendu , plus il fournit à ces muscles un point d'ap- pui solide, et plus il doit contriljuer à rendre le vol puissant. Il doit donc influer sur Féconomie entière de^ oiseaux , et donner des indications uti- les sur leurs rapports de classification. M. de Blainville tire ces indications des éclian- crures ou des espaces simplement membraneux, et plus ou moins étendus, qui remplacent la sub- stance osseuse dans une partie du sternum. Il y ajoute la considération de la fourchette et de quel- ques or{][anes attenants, et dans beaucoup de cas il trouve un grand accord entre les dispositions de ces parties et les familles naturelles. Gependant il existe aussi des exceptions tellement manifestes que Ton ne peut s'en rapporter entièrement à ce nouveau moyen de classification. M. Marcel de Serres, professeur à la faculté des sciences de Montpellier, a fait un très grand tra- ET ZOOLOGIE. 299 vail sur Fanatomie des insectes, et particulièrement sur leur canal intestinal, qu'il a décrit avec beau- coup de détail dans un grand nombre d'espèces. Son but étoit de déterminer les fonctions propres aux diverses parties de ce canal et à ses annexes; et, outre ses dissections , il a fait des expériences inj^énieuses sur des individus vivants. En injectant des liqueurs colorées dans la cavité du péritoine, elles ont été absorbées par les vaisseaux lon^crs et {>rêles qui adbèrent toujours à f[uelque partie du canal intestinal, ce qui a bien fait voir que Temploi de ces vaisseaux est de sécréter de la masse com- mune des humeurs , et de verser dans le canal des liqueurs digestives. Un examen attentif de certaines poches que Ton a considérées, dans quelques (gen- res , comme des estomacs, dans d'autres comme descœcums,etla certitude acquise que les aliments n'y entrent point, mais qu'on les trouve au con- traire pleines d'humeur biliaire, ont fait juger à M. Marcel de Serres que c'étofent des réservoirs de cette humeur. Il dépouille par-là aussi les sauterelles et les gen- res analogues de la qualité d'animaux ruminants, qu'on leur avoit attribuée , et il s'est assuré en effet que ces insectes ne font point revenir leurs aliments à la bouche, mais qu'ils rendent seule- ment , dans des circonstances déterminées, ce suc 3oo ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, biliaire dont ils ont une si grande abondance. Ce mémoire très étendu contient beaucoup d'autres observations curieuses sur les formes du canal in- testinal , les proportions de ses parties^ et leurs rap- ports avec le naturel des insectes. Nous en repar- lerons avec détail dans notre prochaine analyse. M. Dutrocliet, médecin à Château-Renaud, dé- partement de rindre, a fait une observation re- marquable sur la gestation de la vipère. Il assure que les petits vipéreaux ont leurs vaisseaux ombili- caux distribués non seulement sur le jaune de l'œuf où ils sont d'abord renfermés , mais qu'une partie de ces vaisseaux se distribue aussi sur la surface interne de loviductus , et y forme un réseau que l'on peut considérer comme un véritable placenta. Les vipères participeroient donc au mode de nu- trition du fœtus propre aux mammifères , et à celui que l'on croyoit jusqu'ici exclusif dans toutes les classes ovipares. ANNÉE 1813. Il n'est pas étonnant que l'histoire des animaux marins soit encore, proportion gardée, celle qui est susceptible de plus d'accroissements. Traversant à leur gré dans tous les sens les profondeurs de la- byme, ils échappent à l'homme de toutes les ma- nières, et même lorsqu'il s'en rend maître il a peu ETrZOOLOGIE. 3oi d'occasions de les comparer entre eux; ainsi tel poisson peut avoir été vu successivement par plu- sieurs observateurs, et avoir passé chaque fois pour nouveau , lorsque ses premières descriptions n e- toient pas assez complètes, ou lorsqu'on négligeoit de les rassembler et de les étudier. M. Guvier a présenté à l'Institut quelques re- clierclies sur des poissons ainsi oubliés ou multi- pliés dans les catalogues des naturalistes. L'un d'eux , remarquable par sa grande taille, très connu en Italie sous les noms cVimibra, ou àefegaro, en Provence et en Languedoc sous celui de poisson royal, l'étoit beaucoup autrefois à Paris sous celui de maigre; il y avoit même donné lieu cà quelques proveibes populaires; aujourd'hui, par des causes que Ton ignore , il est devenu rare dans la Manche, et on n'en apporte presque plus dans la capitale. Les naturalistes du seizième siècle Font très bien décrit, et Duhamel, dans le dix-huitième, en a en- core traité fort au long. Néanmoins nos auteurs systématiques, ou l'ont donné comme nouveau, ou l'ont confondu avec des espèces plus petites et plus communes. Outre sa description extérieure, M. Cuvier a donné son anatomie, et principale- ment celle de sa vessie natatoire fort curieuse par les productions branchues placées le long de ses deux côtés. 3o2 ANATOMIE ET PHYSIOiOGIE ANIMALES, Une autre espèce qui a été reproduite dans les ouvrages des naturalistes jusqu'à six fois, et comme autant d'espèces particulières, est un petit poisson de la Méditerranée, que sa couleur rouge et sa forme g^énérale ont fait nommer roi des rougets ou rouget imberbe {jiiuilus imberbis , L.; apogon rouge, Lacép.), mais qui a plus de rapport avec les per- ches qu'avec les rougets. M. Noël de La Morinière, qui s'occupe depuis plusieurs années d'un traité sur les poissons utiles, a présenté à llnstitut un mémoire à-peu-près de même nature (jue les deux précédents, où il fait l'histoire d'une espèce fort négligée par les natura- listes, quoique si nombreuse en certaines saisons dans le golfe de Gascogne, que les seuls pécheurs de rile-Dieu en prennent annuellement plus de quatorze mille individus pesant de trente à quatre- vingts livres chacun. C'est le germon ou grande- oreille des matelots françois, ou Vala-longa des pê- cheurs de Sardaigne (scomber ala-longa, Gmel.)', ainsi nommé, parceque le principal caractère qui le distingue du thon (^scomber tliynnus) consiste en des nageoires pectorales extrêmement longues et pointues. Gommerson ayant trouvé près de Mada- gascar un poisson qui porte le même caractère, lui ' Gmelin ayant imprimé par méprise ala-tnnga, ce mot corrompu s'est glissé dans la plupart des ouvrages postérieurs. ET ZOOLOGIE. 3o3 a appliqué le nom de germon, et a été suivi en cela par M. le comte de Lacépéde ; en sorte que le (germon d'Europe est maintenant désigné plus spécialement par le nom ements dans les proportions. Il a découvert à la base de la trompe des papillons deux organes d'une petitesse extrême, mais qui n'en représentent pas moins les mandibules des che- nilles; au dos du support de cette même trompe il a trouvé deux très petits filets, qui lui paroissent les analogues des palpes maxillaires; en sorte que les deux lames dont la trompe se compose sont , selon M. Savigny, les pointes extrêmement alon- gées des maxilles, c'est-à-dire de la paire infé- rieure des mâchoires. Enfin les grands palpes connus de tous les naturalistes sont les palpes de la lèvre inférieure. On avoit déjà aperçu, dans quelques genres de papillons de nuit, les deux petits palpes maxillaires; mais c'est à M. Savigny que l'on doit de savoir qu'ils existent dans toute la famille. Cet habile observateur a aussi établi une comparaison suivie et ime analogie marquée entre les soies et quelques autres petites parties qui ac- compagnentd'ordinaire le suçoir des insectes à deux ailes, et les mandibules et maxilles des insectes masti- cateurs ; en sortequela structure de cette nombreuse classe d'animaux offre, dans cette partie importante de son organisation, une uniformité plus satisfai- sante qu'on ne i'avoit cru jusqu'à présent. BUFFON. COMPLÉM, T. III. 21 )22 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, M. Savigny a également examiné la bouche des insectes qui joignent à des mâchoires évidemment reconnoissables pour telles une trompe formée par le prolongement de leur lèvre inférieure, insectes dont les plus remarquables sont les abeilles. On avoit cru voir que l'ouverture du pharynx étoit située en dessous de cette trompe ou de cette lèvre, tandis que dans les masticateurs ordinaires elle Test en dessus; mais c'étoit une erreur : le pharynx est toujours sur la base de la trompe, et il y est même garni de parties intéressantes à connoître, et dont M. Savigny donne une description détaillée. Son mémoire est destiné au grand ouvrage sur rÉgypte, dont nous allons bientôt devoir la termi- naison à la généreuse munificence du roi. M. Guvier a fait des recherches sur une autre classe, dont la bouche présente aussi, du moins en apparence, de nombreuses anomalies; c'est celle des poissons. On y retrouve au fond toutes les pièces qui appartiennent à celle des quadrupèdes; mais quelques unes y sont plus subdivisées, et une partie de leurs subdivisions y sont quelquefois réduites à une petitesse telle qu'elles n'y peuvent remplir leurs fonctions, et que l'on éprouve même de la difficulté à les apercevoir. Le très grand nom- bre des poissons a des intermaxillaires et des maxil- laires tiès visibles; mais ces os diffèrent beaucoup ET ZOOLOGIE. 323 entre eux par la proportion ; et les maxillaires sur- tout font tantôt partie du bord de la mâchoire, et portent des dents; tantôt ils sont placés plus en arrière, et ne portent point de dents, circonstance où les ichtyologistes ne les ayant pas reconnus pour ce qu'ils sont les ont nommés mistaces, ou os la- biaux. Ces différences donnent à l'auteur des carac- tères génériques très commodes pour opérer une distribution plus naturelle des espèces; mais ils ne peuvent servir à distinguer les ordres. Pour ce dernier objet M. Guvier a recours à des différen- ces plus fortes, telles que la coalition ou soudure des maxillaires ou intermaxillaires, qui a lieu, par exemple, dans les tretodons, les coffres , les batistes , ou telles que la disparition des uns et des autres , et l'obligation où s'est trouvée la nature d'employer les os palatins pour former la mâchoire supérieure, ce qu'on observe dans les j^aies, les squales, et les autres cliondr opter igiens. L'auteur n'a pu découvrir d'autres caractères que ceux-là pour établir une première distribution de la classe des poissons. En conséquence il renvoie aux poissons ordinaires les genres qui, ayant la même structure de bouche et de branchies , avoient cependant été placés parmi les poissons branchios- téges ou cartilagineux , à cause de quelques sin- gularités de forme extérieure, ou parceque leur 21. 324 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, squelette se durcit un peu plus tard que celui des autres, tels sont les centricjues , les bauclrojes, les cycloplères , les lepadogastères, etc. M. Guvier a fondé sur ces vues, et sur d'autres semblables, la méthode particulière d'après laquelle les poissons seront distribués dans Touvrage qu'il prépare sur l'anatoniie comparée. I,e même naturaliste a présenté à l'Institut des recherches sur un assez grand nombre d'espèces de poissons, qu'il a observées dans trois voyages faits à différentes époques sur les côtes de la Médi- terranée. Quelques unes sont nouvelles, d'autres a voient été mal placées ou mal nommées par les auteurs ; plusieurs ont offert des observations inté- ressantes relativement à leur structure, ou donné lieu à l'établissement de genres nouveaux , ou à la subdivision de genres anciens. Ce détail ne peut entrer dans un rapport tel que celui-ci; mais les naturalistes le trouveront dans le premier volume des mémoires du Muséum d'histoire naturelle, dont il vient déjà de paroître une livraison. M. Risso, auteur de V Ichtyologie de Nice, a fait parvenir à l'Institut un supplément à cet ouvrage, où il décrit plusieurs poissons qu'il ne connoissoit point lorsqu'il le publia , et dont quelques uns sont fort intéressants par les particularités de leurs ca- ractères. ET ZOOLOGIE. 325 M. Laniouroux a étendu et perfectionné son i;rand travail sur les polypiers non pierreux, dont nous avons déjà parlé il y a deux ans, et 1 on doit espérer qu'il en fera bientôt jouir les naturalistes. On se rappelle les belles expériences de M. Ma- ^endie sur le vomissement, et l'invitation que lui fit l'Institut d'examiner la part que l'œsophajOfepou- voit avoir dans ce mouvement désordonné de l'es- tomac. Quoique ses recherches ne lui aient point encore donné de résultats décisifs, elles lui ont paru assez intéressantes pour être communiquées. Les constrictions et relâchements alternatifs de l'œsophage ne lui ont paru avoir lieu que dans son tiers inférieur, où il est principalement animé par les nerfs de la huitième paire. I^a constriction aug- mente beaucoup et dure îong-temps quand l'esto- mac est rempli. Lorsque l'œsophage est coupé et détaché du diaphragme, l'injection de Témétique dans les veines ne produit plus de vomissement, et son introduction immédiate dans l'estomac de- vient nécessaire. ANNÉE 1815. Les sciences ne sont point étrangères à la vérita- ble érudition ; et s'il est arrivé plus d'une fois qu'une lecture attentive des anciens a excité les savants à des observations qui leur ont révélé des vérités,i«rf7r 320 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, portantes, plus d'une fois aussi il est arrivé que des observations heureuses des savants ont porté sur les passages obscurs des anciens une lumière inatten- due. Quelques notes de M. Guvier sur les livres de Pline, relatifs aux animaux, en ont offert des exem- ples. Ainsi M. Guvier pense que le lynx des an- ciens, qui est indiqué comme venant des pays chauds, netoit pas notre lynx actuel ou loup-cer- vier, mais le caracal ; et il montre en effet que le caracal porte tous les caractères attribués par les anciens à leur lynx. Le léon-cocrutte et le catoblepas, deux animaux auxquels les anciens attribuent une conformation monstrueuse et des qualités funestes , ne lui paroissent que des résultats de mauvaises descriptions faites par des voyag^eurs ignorants sur cet animal de l'intérieur de lAfrique, auquel on donne le nom de gnou (^antilope rand nombre d'alcyons , ne paroissent que des a^o^réf^ations de plusieurs polypes unis d'une ma- nière intime, dont la nutrition se fait en commun, de sorte que ce que Fun mange profite à tous, et qui paroissent même animés d'une volonté commune. Cette dernière circonstance est du moins très cer- taine dans les plumes-de-mer, qui se transportent d'un lieu à un autre par la rémigation combi- née et ré(^ulière des milliers de petits polypes qui sortent de toutes leurs barbes. La structure de ces polypes est assez simple pour que l'imaj^ination se prête à concevoir cette espèce d'association que l'on peut en quelque sorte comparer à celle des divers rameaux d'un même arbre. Mais M. Savigny a découvert des animaux com- posés d'un autre genre, et dont l'organisation in- dividuelle est beaucoup plus compliquée. Ils res- semblent singulièrement à ces mollusques appelés ascidies, qui eux-mêmes présentent quelque ana- logie avec les animaux des coquilles bivalves. On leur trouve également un sac branchial, que les aliments sont obligés de traverser pour arrivera la bouche; un estomac musculeux; un intestin dont le rectum remonte vers le côté de la bouche, et y forme un second orifice; un ganglion nerveux ET ZOOLOGIE. 33 I placé entre rorifîce branchial et celui de Fanus; un ovaire, et un oviductus. En un mot ce sont pour ainsi dire de vraies ascidies réunies en masses par une chair commune et participant en conséquence à une même vie. Ces sortes d aj^régations animales avoient été confondues jusqu'ici avec les alcyons; elles sont nombreuses , et M. Savif^ny , qui les a dé- crites et fait représenter avec un détail dij^^ne de leur singularité , y a observé assez de formes diffé- rentes pour en faire jusqu'à huit genres. Parmi ces animaux composés les uns forment des masses fixées et plus ou moins irrégulières, comme un grand nombre d'aicyons; d'autres sont rangés en étoiles autour d'un centre commun, et ce sont eux que les naturalistes , prenant chaque étoile pour un être simple , avoient nommés botryl- les; d'autres enfin sont combinés en quantités in- nombrables, pour former par leur assemblage un long cylindre creux, ouvert par un bout, qui se raeut en totalité comme les plumes-de-mer, et que Pérou, le premier qui Fait découvert, le croyant aussi un être simple, avoit appelé pyrosome. MM. Desmarets et Lesueur avoient fait de leur côté, sur ces deux derniers genres, des observa- tions tout-à-fait analogues à celles de M. Savigny, et qui les ont pleinement confirmées. Il existe parmi ces grands zoophytes, auxquels 332 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, les anciens don noient en commun le non d'orties de mer libres, un genre que le naturaliste danois Othon-Frédéric Mùller a lait connoître, et appelé lucernaire, parcequ il lui a trouvé je ne sais quel rapport de fi^jure avec une lanterne. Sa forme gé- nérale est un cône évasé ; au centre de la base est la bouche, et des bords de cette base partent des bras d'ordinaire au nombre de huit, chargés de petits tentacules, tantôt espacés également, tantôt rap- prochés deux à deux. M. Lamouroux , professeur d'histoire naturelle à Gaen, y a observé avec beaucoup de soin une es- pèce de ces animaux à huit bras également distants, de couleur rose pâle, pointillée de rouge, relevée de huit bandes rouges, pénétrant dans les bases des bras, et qui sont les cœcums ou les intestins. Ces huit organes aboutissent à un estomac central. Cha- cun d'eux est logé dans une cavité particulière où le retient une sorte de mésentère. Le genre de vie des lucernaires paroît ressembler assez à celui des actinies ou anémones de mer. Le même naturaliste a présenté à l'Institut une nouvelle rédaction de son travail général , dont nous avons déjà parlé, sur ces sortes dezoophytes composés dont les troncs ne sont pas pierreux, ou , comme il les appelle, sur les polypes coraUirjènes flexibles, tels que les serlulaires et \esjlustres; l'étude I ET ZOOLOGIE. 333 approfondie qu'il a faite des polypiers en général lui a donné lieu d'y remarquer des caractères dis- tinctifs assez notables pour y établir près de cin- quante genres qu'il a répartis en dix familles, et auxquels il a subordonné cinq cent soixante es- pèces, dont près de la moitié sont nouvelles. On ne peut que réitérer le vœu que ce grand travail soit promptement livré à la partie du public qu'il intéresse. M. Leclerc, de Laval, le même qui a travaillé sur les conferves, a présenté à l'Institut des obser- vations intéressantes sur quelques animaux micros- copiques. L'un d'eux, que M. Leclerc a décou- vert et nommé dijlugle , à peine du diamètre d'un dixième de ligne , est enveloppé d'un étui membra- neux qui s'enduit d'un sable très fin, et d'où il fait sortir des sortes de bras qui ne sont que des exten- sions de sa substance, et dont le nombre, la forme et les proportions, varient presque à sa volonté. Cet animal doit avoir de Tanalogie avec celui que Rœ- sel avoit nommé proteus, et qui prend aussi dans le cours de peu d'instants mille formes diverses. L'autre animal , observé par M. Leclerc, est un insecte hymenoptère, découvert par M. Jurine, correspondant de l'Institut, et nommé par lui psile de Bosc, mais qui appartient au genre diapria de M. Latreille. Il porte sur la base de son abdomen 334 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, une corne relevée, et se prolong^eant en avant jus- que sur la tête, où elle se termine par un renfle- ment. M. Leclerc a reconnu que cette corne est la f>aîne de la tarière , instrument dont bien d'autres hyménoptères sont pourvus, mais qui d'ordinaire est autrement placé. La base seule de la tarière de la diaprie est contenue dans sa corne, mais la pointe sort comme de coutume par l'anus. M. Latreille nous a donné une description très détaillée de certains crabes de la Méditerranée, bien remarquables par leurs yeux, portés , non pas comme ceux des crabes ordinaires , sur une seule articulation mobile, mais sur un long tube à deux articulations , en sorte que l'animal les meut comme les branches d'un télég^raphe. Leurs pieds de der- rière sont d'ailleurs placés sur le dos, comme ceux des dorippes. Quelques uns de ces crabes avoient déjà été remarqués par Rondelet et par Aldrovande ; mais ces anciens naturalistes n'avoient pas fait men- tion de la structure singulière de leurs yeux. M. La- treille en fait un genre sous le nom dliippocarci- nus. A-peu-près dans le même temps M. Leach , savant naturaliste anglais, qui travaille à un grand ouvrage sur les crustacés, décrivoit aussi ces es- pèces sous le nom générique d'homolus. M. Savigny a établi l'année dernière , par des ob- servations détaillées , une analogie de structure in- ET ZOOLOGIE. 335 finiment plus grande qu'on ne la supposoit entre les bouches des insectes ailés, soit suceurs, soit masticateurs, et il avoit fait voir que les gaines des su(^^oirs, des trompes, ou autres instruments de dé- glutition des premiers, et quelquefois ces instru- ments eux-mêmes, pou voient être regardés comme des prolongements de quelques uns des palpes ou des mâchoires des autres. Il a présenté cette année un grand travail, d'où il résulte des analogies d'un autre ordre entre les bouches des masticateurs ordinaires et celles de certains genres qui parois- soient anomaux , et dont les uns ont été rangés par- mi les crustacés, d'autres parmi les insectes sans ailes. Les naturalistes avoient remarqué depuis long- temps qu'une partie des mâchoires de ces genres à bouche extraordinaire ressembloit à des pieds , et M. Savigny cherche à prouver que ce sont effec- tivement de véritables pieds , qui, prenant plus ou moins la forme et les fonctions de mâchoires , vien- nent se joindre aux mâchoires proprement dites, ou même les expulser et les remplacer tout-à-fait. Ainsi , dans les scolopendres , il existe deux sortes de lèvres surnuméraires dont l'extérieure a des palpes robustes et crochus qui servent à l'animai pour saisir ses aliments. M. Savigny, remarquant qu'elles ne tiennent point à la tête, mais au premier 336 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, anneau du corps, les regarde comme les deux pre- mières paires de pieds métamorphosés. Dans les écrevisses et les crabes, où la tête et le corselet sont confondus, les mâchoires surnumé- laires sont manifestement les premiers pieds; sou- vent même, comme dans les squilies, leur forme n'est pas trop dissimulée; mais dans ces animaux, et dans plusieurs autres dont Fauteur a décrit la bouche avec une attention infinie, il subsiste tou- jours des mâchoires ordinaires; au contraire, dans les araignées, scorpions, et les autres genres sans antennes, il ne reste presque plus de trace de tète, et les vraies mâchoires ont disparu. Il ne subsiste que des mâchoires surnuméraires, c est-à-dire des pieds transformés en mâchoires. Telle est l'idée sommaire que nous pouvons don- ner d'un travail très original , mais dont les preuves ont pour base des observations si détaillées et si nombreuses que nous ne pouvons les faire entrer dans notre analyse. M. de La Biliardière, qui continue d'observer ses ruches, a fait encore quelques remarques nouvelles sur cette matière si admirable , et qui semble devoir être inépuisable pour les naturalistes. On sait qu'après la sortie des derniers essaims les abeilles ouvrières, semblables pour l'ingrati- tude à bien des êtres plus élevés, s'empressent de ET ZOOLOGIE. 3^ ^^7 se débarrasser des mâles, qui ne sont plus néces- saires à la propagation , et dont lentretien consom- meroit beaucoup de provisions. Elles en font un carnage épouvantable; mais , à en juger par les ex- pressions de quelques auteurs, on pourroit croire que cette expédition n'est l'affaire que de quelques jours, et quelle ne manque jamais d'arriver. Ce- pendant il faut quelquefois plusieurs semaines aux abeilles pour la terminer ;§qL^nd les rucbes sont foibles , c'est-à-dire quand elles ont peu d'ouvrières, l'opération dure encore bien plus long-temps; et même les mâles sont entièrement épargnés dans les ruches où il n'y a plus de reine, ou dont la reine, comme il arrive de temps en temps, ne produit que des mâles. M. deLaBillardière rapporte en dé- tail un exemple de cette règle déjà reconnue par M. Huber; les cultivateurs peuvent donc recon- noître, au grand nombre de ces mâles qui restent dans une ruche après l'époque où ils auroient dû en être chassés , qu'il n'y a point à attendre de nou- veaux essaims, et que la ruche peut être exploitée sans inconvénient. Chacun connoît ce petit bruit assez semblable à celui du balancier d'une pendule, qui a long-temps inspiré de la terreur aux gens superstitieux , et au- quel on a donné le nom lupubre d'horlo^je de la mort. Les naturalistes ont iupé de bonne heure BUFFON. COMPLEM. T. III. 22 338 AISATOMIE ET PHYSIOLOGIE AINIMALES, qu'il devoit provenir de quelque insecte; et les uns l'ont attribué à une araignée, d'autres à ce petit ani- mal qu'on appelle pou de bois, d'autres encore à ce petit coléoptère nommé vrillette, parcCqu'il perce le vieux bois comme avec une vrille; et parmi ceux qui ont adopté cette dernière opinion, les uns ont pensé que c'étoit l'insecte parfait, d'autres que c'é- toit son ver ou sa larve, et tous ont cru qu'il opé- roitce bruiten creusanîj; le bois, soit pour s'en nour- rir, soit pour en sortir. M. Latreille avoit observé que le bruit est dû à une vrillette, qui l'exécute non pas en creusant le bois, mais en le frappant. M. de La Billardière a constaté le même fait par des observations suivies; et comme c'est sur une femelle qu'il les a faites, il pense que l'objet de ce bruit est d'appeler le mâle,- comiDe le font beaucoup d'autres insectes femelles dans la saison de la propagation. Les observations sur les enveloppes du fœtus, faites par M. Dutrochet, médecin à Château -Re- naud , et dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, ont été répétées par les commissaires de l'Institut, qui, une fois engagés dans ce travail, ont fait eux- mêmes quelques observations propres à confirmer, comme celles de M. Dutrochet, la grande analogie que l'on a déjà remarcjuée, même à l'égard de l'œuf ou de ce qui en tient lieu, entre les animaux vivi- pares et les ovipares. ET ZOOLOGIE. 339 Les animaux ovipares qui après leur naissance respirent par des poumons ont tous des œufs à- peu-près de même structure. Sous une double membrane qui revêt intérieurement la coque sont enfermés le blanc et le jaune de l'œuf. Celui-ci est suspendu par ses deux pôles , au moyen de cordons nommés cbalazes, qui sont des productions de sa tunique propre, la plus extérieure, sous laquelle en est aussi une seconde. C'est sous celle-ci que se montrent les premiers linéaments du poulet, et ce joli cercle vasculaire, par lequel il tient au jaune, et dont les vaisseaux viennent des artères et des veines de son mésentère. Les vaisseaux ombilicaux ne se rendent point au jaune clu tout, mais ils se distribuent à une membrane qui communique avec le cloaque, et qui répond à l'allantoïde des quadru- pèdes. Invisible d'abord, ne se montrant que le quatrième jour, et comme une vésicule qui sorti- roit de l'abdomen, cet orjjane singulier croît avec une rapidité étonnante; il perce les épidémies du jaune, repousse le blanc jusque vers le petit bout de l'œuf, et enveloppe bientôt le fœtus et le jaune tout entier d'une double membrane; la tunique ex- térieure, produite ainsi par ce proclipfieux dévelop- pement derallantoïde, est ce que les anciens obser- vateurs ont appelé le cborion , mais elle ne répond pas au vrai cborion des quadrupèdes qui est repré- 34o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, sente par la membrane propre de la coque, comme la coque elle-même représente ce que l'on a appelé la membrane caduque dans les quadrupèdes. Il est extrêmement probable que ce réseau de Tallantoïde sert à la respiration et supplée au poumon, qui ne peut exercer ses fonctions tant que l'animal n'est pas dans l'air élastique. Ce qui doit sur-tout le faire croire c'est que les ovipares qui respirent pendant leur vie, ou seulement dans les premiers temps qui suivent leur naissance par le moyen des branchies , n'ont jamais dans l'œuf ni membrane allantoïde, ni vaisseaux ombilicaux, probablement parceque la liqueur dans laquelle ils vivent fournit assez d'oxygène à leurs branchies, et en reçoit elle-même suffisamment de l'élément ambiant. Dans les faux vivipares à poumons, tels que la vipère, la coque de l'œuf et la membrane propre, beaucoup plus minces, sont promptement déchi- rées et rejetées; la lame extérieure et vasculaire de l'allantoïde se trouve ainsi servir de tunique exté- rieure; elle est immédiatement embrassée par les parois de l'oviductus ; et comme elle contracte quel- quefois de l'adhérence avec ces parois, M. Dutro- chet a cru qu'il pouvoit s'établir entre elles une liai- son aussi intime que celle qui existe entre le pla- centa et l'utérus dans les mammifères; en sorte que les vipères auroient été encore plus complètement ET ZOOLOGIE. 34l vivipares qu'on ne le croyoit; mais cest ce que les observations des commissaires n'ont point con- firmé. Il n'en a pas été de même de ce que notre habile observateur a fait connoître sur la métamor- phose des têtards. Leur peau et leur queue ne s'en- lèvent point comme on le croyoit pour laisser pa- roître la grenouille; mais la peau, après avoir été percée par les pattes, forme, en se desséchant, une sorte depiderme, et la queue est entièrement ré- sorbée. M. Dutrochet avoit été précédé à certains égards dans ses observations relatives aux œufs par des anatomistes allemands, et sur-tout par M. Blumen- bach et par MM. Hochstetter et Emmert ; mais il n a pas laissé que d'ajouter beaucoup à ce que Ton savoit , et il a trouvé moyen de rendre les nom- breux degrés de développement d'une manière fort claire, par des coupes idéales dans lesquelles il fait suivre à l'œil tous les chang.ement8 de proportion des diverses parties. M. Guvier, l'un des commissaires chargés de vé- rifier les observations de M. Dutrochet, les a con- tinuées en quelque sorte sur les fœtus des vrais vivipares, c'est-à-dire des mammifères, en s'aidant du secours de M. Diard, jeune médecin , qui avoit aussi travaillé avec M. Dutrochet. Pour bien saisir l'analogie des enveloppes de ces 342 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, fœtus avec celles de Fœuf, il faut les observer dans les carnassiers, et sur-tout dans le chat. La raein- brane que l'on a appelée assez mal-à-propos ombili- cale, et qui reçoit seulement des vaisseaux dérivants de ceux du mésentère, y représente le jaune de l'œuf, et si bien que dans le cbat c'est aussi une liqueur qu'elle contient à une certaine époque de la gestation. Fixée par ses deux cbalazes aux deux extrémités du chorion, comme le jaune l'est à la membrane de la coque , elle est aussi enveloppée, ainsi que le fœtus et son amnios, par la double membrane de Fallantoïde; et entre celle-ci et le cho- rion est une tuniqueextrêmementvasculaire, toute fournie par les vaisseaux ombilicaux, et que la plu- part des auteurs ont confondue avec le chorion, qui au contraire n'a point de vaisseaux. La principale différence des mammifères et des ovipares seroit donc, outre l'existence du placenta dans les premiers, que l'allantoïde y doubleroit le chorion , et y envelopperoit le fœtus et le jaune dès les premiers moments, en sorte qu'il ne seroit pas possible iVen voir l'origine, ni d en suivre le déve- lopj)ement. Dans certains ordres de mammifères, et notam- ment dans les rongeurs, il y a une différence plus singulière encore, c'est que l'allantoïde y reste pins petite , et que c'est la membrane ombilicale qui l'en- ET ZOOLOGIE. 343 veloppe ainsi que le fœtus, et qui double le cho- riou. M. Guvier a retrouvé , comme M. Oken et MM. Hochstetter et Emmert, la membrane om- bilicale dans tous les mammifères, même dans l'homme; mais il n'a jamais pu apercevoir le pé- dicule par lequel le premier de ces observateurs prétend qu'elle communique avec l'intestin, et qui auroit achevé d'établir son analogie avec le jaune des oiseaux. Il pense aussi que fallantoïde existe toujours, et que si on l'a niée dans l'homme c'est qu'elle y adhère trop intimement à la face in- terne du chorion. Cette adhérence n'est pas moins intime dans le cheval ; mais comme l'ouraque y est creux, il a été aisé de s'apercevoir de l'existence de Fallantoide; elle a été méconnue dans l'homme, parceque d'ordinaire l'ouraque y est obUtéré. Il résulte de ces observations que la seule diffé- rence essentielle entre les oeufs des divers animaux à poumons c'est que dans les ovipares la mem- brane ombilicale contient une quantité de sub- stance nutritive suffisante pour alimenter le fœtus par le moyen de ses vaisseaux omphalo-mésenté- riques jusqu'à ce qu'il éclose, et même après sa naissance, et que les vaisseaux ombilicaux qui ta- pissent l'intérieur de fallantoïde n'ont d'autre of- fice à remplir que celui de la respiralion ; mais que 344 A.NATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, dans les vivipares cette membrane ombilicale ne pouvant subvenir seule à la nutrition les vaisseaux ombilicaux , après avoir enveloppé Fallantoïde , percent le cliorion pour s'enraciner en quelque sorte dans Tutérus, et y chercher à-la-fois dans le sang de la mère la nourriture du fœtus et l'oxygé- nation de cette nourriture. Quant aux animaux à branchies, soit les pois- sons , soit les larves de batraciens, l'organisation de leur œuf est beaucoup plus simple. Sans allantoïde et sans vaisseaux ombilicaux leur vitellus commu- nique avec leur intestin par un conduit si large qu'il peut en être regardé comme un appendice, comme une sorte d'estomac provisoire déjà rempli d'avance de matière nutritive. C'est ce que prou- vent également les observations de MM. Dutrochet et Cuvier^ et les observations plus anciennes de Ste- non, de Haller, et de plusieurs autres anatomistes. Dans ses belles expériences sur le vomissement M. Magendie avoit remarqué que cette opération étoit précédée d'efforts dans lesquels l'estomac se gonfloit après un mouvement de déglutition; il ju- gea que c'étoit là le mouvement qu'on appelle nau- sée , et présuma que la cause en étoit la déglutition de l'air; on savoit en effet, par les expériences de M. Gosse, qu'une déglutition d'air provoque à vo- mir ; un jeune conscrit avoit même , dans la vue de ET ZOOLOGIE. 345 se faire croire malade, porté l'art d'avaler de l'air au point de gonfler non seulement son estomac, mais encore ses intestins, et cet état produisoit en lui de violentes angoisses. M. Magendie a constaté par des expériences directes cette nature des nausées. Le vomissement provoqué sur des chiens, soit par des pressions immédiates sur l'estomac, soit par des injections d'émétique dans les veines, a tou- jours amené des mouvements propres à faire pé- nétrer l'air dans l'œsophage , et à le contraindre à descendre de là dans l'estomac ; et ces mouvements ont été entièrement semblables à ceux des nausées. Nous rapporterions volontiers aussi à la physio- logie un mémoire de M. de Montégre sur l'art du ventriloque. A faide des leçons de M. Comte, qui s'est rendu si célèbre par l'exercice de cet art singu- lier, M. de Montègreexplique non seulementlespro- cédés par lesquels on peut modifier diversement le son de sa voix, mais encore -tous les artifices par lesquels on peut faire prendre le change aux audi- teurs sur îa direction des sons, et sur la distance d'où ils partent. Malheureusement ces détails sont de nature à être saisis par des exemples, et imités par l'exercice, plutôt qu'à être exposés en paroles, du moins en paroles aussi abrégées que celles dont nous pourrions nous servir dans notre présente analyse. 346 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ANNÉE 1816. Les animaux ont aussi leur géographie , car la na- ture en retient aussi chaque esjDèce dans certaines limites par des Hensplus ou moins analogues à ceux qui arrêtent l'extension des végétaux. Zimmerman a donné autrefois sur la répartition des quadru- pèdes un ouviage qui n'a pas été sans célébrité. M. Latreille vient d'en publier un sur celle des insectes. On sent qu'elle doit avoir des rapports intimes avec celle des plantes ; et en effet Ton retrouve de même sur les montagnes d'un pays plus chaud les insectes qui habitent les plaines d'un pays plus froid. Les différences de dix à douze degrés en latitude amè- nent toujours , à hauteur égale , des insectes parti- culiers ; et quand la différence est de vingt à vingt- quatre , presque tous les insectes sont différents. On observe des changements analogues correspon- dants aux longitudes , mais à des distances beau- coup plus considérables. L'ancien et le nouveau monde ont des genres d'insectes qui leur sont propres; et les espèces, mêuie de ceux qui sont communs à l'un et à l'autre, présentent des différences a ppréciables. Les insectes des pays qui enclavent le Ijassin de la Méditerranée, et ceux de la mer Noire et de la mer Caspienne ; les insectes encore d'une grande partie de l'Afrique, ET ZOOLOGIE. 347 ont beaucoup d'analogie entre eux. Ces contrées forment sur-tout le domaine des coléoptères, qui ont cinq articles aux quatre tarses antérieurs et un de moins aux deux derniers. L'Amérique nous offre, outre les genres qui lui sont propres , un très grand nombre d'insectes herbivores, tels que c/zrjsomé/es, charansons, cassides, capricornes, papillons, etc. Ceux de l'Asie au-delà de l'Indus ont une grande affinité quant aux familles et aux genres dont ils font par- tie. Les espèces de la Nouvelle-Hollande, quoique voisines de celles des Moluques , s'en éloignent néanmoins par des caractères essentiels. Les îles de la mer du Sud et l'Amérique méridionale semblent laisser entrevoir à cet égard quelques rapports gé- néraux, tandis que lentomologie de l'Afrique con- traste essentiellement en plusieurs points avec celle de l'Amérique méridionale. Dans TFAirope occidentale le domaine des in- sectes méridionaux se manifeste très sensiblement dès e dans ce fluide beaucoup plus que dans l'eau, et il se développe de l'acide carbonique ; mais, soit dans l'eau , soit dans l'air, elle se prolonge aussi beaucoup plus que si l'on enlève le cœur; en sorte que la circulation de ce sang, qui ne respire plus que parla peau, est encore bien plus avantageuse pour entretenir la vitalité que la simple action directe de l'air sur un corps où la circulation ne subsisteroit plus. Mais ce qui dut paroître bien remarquable c'est ET ZOOLOGIE. 38l que ces animaux intacts, enfermés de toutes parts dans du plâtre, ou enterrés dans du sable, vivent beaucoup plus long-temps que ceux qu'on retient dans Teau, (pie ceux mêmes qu'on tient dans de Tair sec. Le premier point s'éciaircit assez vite. M. Ed- wards s'assura que le sable et le plâtre laissoient passer de Fair ; et quand il les couvroit de mercure, l'effet n'a voit plus lieu. Mais comment le plâtre et le sable prolongent- ils la vie plus que l'air sec? Des expériences exactes ont prouvé à M. Edwards que c'est en retardant la transpiration qui est très funeste aux salamandres et aux grenouilles. La même raison fait que ces animaux périssent dans le vide plus tôt que dans l'eau. Il ne fa u t pas croire cependant que leur existence dans les corps solides puisse se prolonger indéfini- ment; et M. EdAvards n'a rien obtenu qui justifie les récits de quelques auteurs toucbant des cra- pauds qui auroient été trouvés vivants dans des blocs de marbre ou d'autres pierres naturelles. Les physiologistes sont loin d'être d'accord sur toutes les circonstances du merveilleux phénomène de la circulation: l'irritabilité du cœur et les con- tractions qu'elle produit en sont bien, de l'aveu de 382 ANATOMIF ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, tout le monde, la cause principale; mais il reste à déterminer si les artères prennent une part active à ce mouvement, et quelle est cette part en suppo- sant qu'elle existe. Les anatomistes ont admis lon^-temps dans le tissu des artères une tunique musculaire et irritable dont les contractions successives dévoient porter plus loin le sang arrivé du cœur; mais on reconnoît aujourd'hui que cette tunique, au moins dans les grandes artères, n'est qu'un être de raison. Bichat a prouvé de plusieurs manières que leurs fibres n'ont rien de commun avec celles des muscles, et il ne les considère, par rapport à la circulation, que comme des tubes entièrement passifs et obéissants à l'impulsion du cœur ; mais il n'étend pas les effets de cette impulsion jusqu'au travers des derniers petits vaisseaux du système capillaire, et il pense même que le mouvement du sang s'arrêteroit à ce passage sans l'intervention de ce qu'il appelle la contractilité organique ou la tonicité des parties ; et c'est aussi dans cette contractilité que cet ingé- nieux physiologiste cherche les causes des varia- tions locales que les parties éprouvent de la plus ou moins grande abondance du sang qui y afflue. M. Magendie a présenté à l'Académie u n mémoire où il cherche à établir des idées différentes ; il n'ad- met d'irritabilité ni dans les grandes artères ni dans ET ZOOLOGIE. 38.> les petites; mais il recoiiiioît clans les unes et dans les autres une élasticité qui leur permet de se dilater quand le cœur y pousse le sang, et en vertu de la- quelle elles se contractent sur ce san^ qu elles ont reçu, et le poussent plus loin; il prouve cette élas- ticité par l'inspection et par cette expérience qu'en liant une artère en deux points et en l'ouvrant entre les ligatures le sang jaillit et l'artère se contracte. G est par cette élasticité qu'il explique comment le mouvement du sang dû à une cause intermittente, les contractions du cœur, devient cependant à-peu- près uniforme, parceque dans l'intervalle des con- tractions du cœur celles des artères y suppléent en reproduisant sur le sang l'action qu'elles ont elles- mêmes éprouvée de la part du cœur, comme il arrive dans les pompes de compression. M. Magen- die pense aussi que le mouvement du sang dans les veines dépend uniquement de l'action du cœur et des grandes artères, sans que le système capillaire y ajoute rien ; et il a fait à ce sujet une expérience qu'il regarde comme démonstrative. Si on sépare dans un endroit convenable l'artère et la veine cru- rale, et qu'on lie fortement le reste de la cuisse, on verra le sang jaillir avec plus ou moins de force de la veine , selon qu'on laissera Fartère libre ou qu'on la comprimera. On trouvera l'exposé de cette théo- rie et le résumé de ces expériences dans le deuxième 384 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, volume des Eléments de physiologie de Tauteur , qui a été publié cette année. Il est un fameux problème de médecine légale qui a souvent embarrassé les juges autant que les médecins, que les codes ont résolu parcequ'il falloit le résoudre, mais sur lequel la nature est loin de se conformer toujours à la loi humaine: c'est celui de la durée de la grossesse. Afin de prévenir beau- coup de fraudes le législateur sest exposé à com- mettre quelques injustices, et il a fixé les termes dans lesquels la loi reconnoîtroit la légitimité des naissances ; il a profité à cet égard des observations faites par les accoucheurs et par les médecins; mais des causes nombreuses, et qu'il est inutile d'expli- quer au long, rendent l'instant de la conception dans l'espèce humaine si difficile à constater, qu'il étoit bien difficile aussi d'arriver sur cette question à un résultat concluant. Depuis long -temps l'on avoit proposé de faire des expériences sur les ani- maux , car il n'y a point d'apparence que les limites de leur gestation soient à proportion ni plus ni moins fixes que celles de la femme. M. Tessier, qui avoit saisi cette idée depuis plus de quarante ans , a constamment tenu registre des faits qu'il a observés ou qui lui ont été communiqués par des observa-^ teurs exacts. ET ZOOLOGIE. 385 La latitude qui en résulte est bien grande. Les vaches, dont le terme est le plus communé- ment de neuFmois et quelques jours, ne vêlent quel- quefois qu'à dix mois et vingt-un jours ; mais quel- quefois aussi elles vêlent à huit mois. La différence entre la plus longue gestation et la plus courte peut aller à quatre-vingt-un jours. Le ternie ordinaire des juments est de onze mois et quelques jours, mais elles peuvent le retarder jusques à près de quatorze mois. La plus grande différence va à cent trente-deux jours. Les prolon- gations dans cette espèce sont plus nombreuses que dans les vaches. Les brebis portent cinq mois ; leurs limites sont plus restreintes ; les différences en plus et en moins ne s'éloignent que de onze jours. Les aberrations précoces y sont les plus communes. La latitude diminue, comme on devoit s'y at- tendre, dans les gestations courtes, mais pas exac- tement dans la proportion de leurs durées. Les chiennes portent deux mois, et leurs limites sont de quatre jours; et les lapines, qui ne portent qu'un mois, ont huit jours de différences extrêmes. Et ce n'est ni l'âge des mères, ni celui des pères, ni leur constitution, ni les races dont ils provien- nent, ni le régime qu'on leur fait suivre, ni le sexe des petits, qui occasionent ces différences; on est nUFFON. COMPLÉrvI. T 111. 25 386 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, réduit à en rechercher la cause dans des disposi- tions intérieures qui ont jusqu'à présent échappé à tous les yeux, M. Tessier publiera les tableaux des faits qui lui ont fourni ces résultats; ils portent sur cinq cent soixante dix-sept vaches , quatre cent quarante-sept juments, neuf cent douze brebis, cent soixante-une lapines, vin^^^t-cinq truies, huit bufflesses, quatre chiennes, et deux ânesses ; et l'auteur a soigneuse- ment écarté de ses séries toutes les observations suspectes. ANNÉE 1818. M. le comte de I.acépéde ayant eu en commun i- cation des peintures très soignées , rapportées du Japon par M. Titsing, représentant une multitude d'objets d'histoire naturelle, dont ceux qui nous étoient connus sont rendus avec une grande exac- titude, a cru pouvoir regarder ces peintures comme des documents suffisamment authentiques, même pour établir des espèces que l'on ne connoît point par d'autres voies. En consé(|uence il en a extrait la description de plusieurs espèces de cétacés qui n'ont point encore été observées par les naturalistes européens. Elles consistent en deux baleines pro- prement dites, c'est-à-dire sans nageoire dorsal^e; quatre balénoptères ou baleines pourvues d'une ET ZOOLOGIE. 887 nageoire sur le dos; un physélère ou cachalot muni de nageoire dorsale, et un dauphin. L'auteur donne avec détail les caractères distinc- tifs de ces huit animaux , qui forment une addition considérable à la liste des cétacés, laquelle, dans le dernier ouvrage de M. de Lacépéde sur cette classe, ne s elevoit encore qu a trente-quatre. M. Guvier a présenté une tête d'orang-outang d'âge moyen qui lui a été récemment envoyée de Calcutta par M. Wallich , directeur du jardin de la compagnie desIndes. Il a fait remarquer que les têtes d'orang-outangs décrites jusqu'à présent étoient toutes prises d'individus fortjeunes et qui n'avoient point encore changé leurs dents de lait ; celle qu'il a mise sous les yeux de l'Académie, étant plus avan- cée, a déjà le museau plus saillant et le front plus reculé; on y voit des commencements de crêtes temporales et occipitales qui la font ressembler beaucoup à celle du grand singe connu sous le nom de pongo de Wurmb. Cette dernière tête ayant d'ailleurs toutes les connexions d'os, les formes, les proportions, et les positions de fentes et de trous qui sont caractéristiques pour les orang-outangs, il ne seroit pas possible que le grand singe de Wurmb ne fiit qu'un orang-outang ordinaire adulte. Dans tous les cas c'est une véritable espèce d'orang , et c'est mal-à-propos que M. Cuvier lui même, déter- 2:>. 388 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, miné par la petitesse relative de son crâne, l'avoit laissé auprès des mandrilles et des autres singes à lon.o^ museau. Le même membre a fait voir la figure d'un tapir originaire de Sumatra , qui existe vivant dans la mé- nagerie du gouverneur-général des Indes angloises, le marquis de Hastings, et qui diffère du tapir d'A- mérique par la couleur blanchâtre d'une partie de son dos, tandis que le reste du corps est d'un brun noir. Il résulte d'un mémoire qui accompagnoit ce dessin , et qui avoit été envoyé à M. Guvier par M. Diard, jeune naturaliste occupé dans les Indes de recherches scientifiques , que cette espèce de quadrupède habite non seulement l'île de Sumatra, mais encore une partie de l'Inde au-delà du Gange. Jusqu'à présent on avoit cru le genre des tapirs pro- pre à l'Amérique. M. Moreau de Jonnès, correspondant de l'Acadé- mie, qui a le projet de décrire particulièrement les différents reptiles des Antilles, et qui avoit com- mencé ce travail l'année dernière par une histoire fort étendue de la fameuse vipère jaune ou fer-de- lance de la Martinique, a présenté cette année un mémoire sur l'espèce de gecko appelé dans cette île maboûia des murailles, et qui n'est autre chose que le gecko à queue épineuse de Daudin : cet animal , d'un aspect hideux et à qui ses ongles donnent la ET ZOOLOGIE. 389 faculté de se cramponner assez pour marcher sous des plafonds, habite l'intérieur des maisons où il poursuit principalement les blattes : il inspire de l'horreur aux habitants qui lui attribuent des dis- positions malfaisantes, et lui ont donné ce nom de mabouïa, parcequecetoit celui que le mauvais prin- cipe portoit chez les Caraïbes. C'est le même animal dont Arcélius avoit dit qu'il lance une salive noire et vénéneuse, et qui a été indiqué, mais très mal décrit, par plusieurs naturalistes, sous le nom de sputateur. On appelle dans les Antilles mabouia des bananes une autre espèce de gecko qui arrive à une plus grande taille , et qui est le gecko lisse de Daudin , dont la queue, quand elle a été arrachée, renaît souvent plus grosse qu'elle n'étoit auparavant '. Ces notions sont d'autant plus intéressantes que des naturalistes avoient transféré par erreur le nom de mabouïa à une espèce de scinque. Le même observateur a donné un autre mé- moire sur la couleuvre à laquelle son agilité a fait donner le nom de courresse (coluber cursor. Gmel.). C'est un animal timide et innocent qui détruit dans les jardins beaucoup de limaçons, et que les ha- ' Le gecko à queue épineuse, le gecko porphyre, et le sputateur, sont le même animal, selon M. Moreau de Jonnès ; ils appartiennent à la famille des geckos hémidactyles. Le gecko lisse et le gecko à queue renflée sont aussi le même, et appartiennent aux thécadactyles. 390 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, bitants protègent soigneusement , parcequ'ils le croient l'ennemi acharné de la vipère fer-de-lance; mais c'est une erreur occasionée, selon M. Jonnès, parcequ'on Va confondu avec une grande espèce de boa qui nexiste plus aujourd'hui à la Marti- nique. Les grands ouvrages de zoologie publiés par les académiciens ont été continués avec zèle; il a paru un volume des Jnimaux sans vertèbres de M. de La Marck, et des livraisons des Observations zoologiques de M. de Humboldt, et des Insectes d'Afrique de M. de Beauvois. Nous avons rendu compte avec beaucoup de dé- tail dans notre analyse de l'année dernière des im- portantes recherches par lesquelles M. le chevalier Geoffroy- Saint-Hilaire a cherché à ramener les pièces osseuses de l'appareil branchial des poissons à celles qui remplissent des fonctions analogues dans le squelette des trois autres classes d'animaux vertébrés. Ce savant naturaliste a présenté cette année à l'Académie plusieurs nouveaux mémoires sur le même sujet , et il a publié le tout en un vo- lume , sous le titre de Philosophie anatomique, ou des organes respiratoires, sous le rapport de la détermina- tion et de t identité de leurs pièces osseuses, avec dix phuiches en taille-douce. ET ZOOLOGIE. 3gi Le travail do M. Geoffroy peut être considéré sous trois aspects distincts; il embrasse: 1° Lenumération et la description de toutes les pièces osseuses composant chacun des organes qui contribuent à la respiration dans les poissons, et de celles de quelques unes des autres classes, lors- qu'il ctoit nécessaire au plan de l'auteur de les dé- crire de nouveau ; 2° Les rapports admis par l'auteur entre les pièces que jusqu'à présent l'on avoit crues exclusivement propres aux poissons , et celles qu'il reo^arde comme leur étant analogues dans les autres vertébrés ; 3° Les considérations auxquelles il s'élève d'a- près ces rapports nouvellement aperçus touchant la nature et la destination des organes dont les pièces font partie. Ainsi M. Geoffroy énumère et décrit avec soin toutes les petites pièces qui entrent dans la grande ceinture branchiostège ; celles qui forment les arcs osseux sur lesquels les branchies sont suspendues; celles qui supportent ces arcs ; celles qui leur sont annexées sous le nom d'os pharyngiens ; celles qui les recouvrent sous le noui d'opercules , etc. Il fait connoître de combien de pièces se compose le ster- num dans les diverses classes de vertébrés , et com- ment ces pièces y sont arrangées. Il donne aussi des détails neufs et curieux sur la composition des di- 392 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, vers os hyoïdes , et sur les points d'ossification qui se montrent dans les cartilages des divers larynx , ainsi que sur la ressemblance du larynx supérieur des oiseaux avec celui des mammifères. Cette partie de son travail , qui consiste en faits certains, en grande partie nouveaux , et tous.nette- ment exposés, demeurera toujours une acquisition précieuse pour la science. La seconde partie, qui établit les rapports des pièces dont nous venons de parler avec celles des classes supérieures, est déjà susceptible de plus de difficulté , ainsi qu'on a pu Fentrevoir dans notre dernière analyse. Selon M. Geoffroy, les pièces qui forment l'oper- cule branchial répondent au cadre du tympan et aux osselets de Touïe ; les pièces qui portent la mem- brane branchiostège résultent d'un entrelacement, d'une intercalation des parties du sternum entre celles de l'os hyoïde; d'un renversement du corps de cet os hyoïde, qui porte en avant et transforme en os lingual ses cornes thyroïdiennes , lesq uelles , dans les mammifères, se dirigeoient en arrière pour s'u- nir au cartilage thyroïde ; enfin d'un déplacement du sternum, qui, du lieu qu'il occupoit dans les trois premières classes derrière les clavicules ou les os coracoïdes , le transporte en avant de ces mêmes os, et sous la gorge. Les pièces latérales qui unis- ET ZOOLOGIE. 3g3 sent les arcs des branchies à la chaîne commune qui les porte répondent, toujours selon M. Geof- froy, aux points d'ossification du cartilage thy- roïde, et aux cartilages arythénoides ; les os pharyn- giens inférieurs à ceux du cartilage cricoïde ; les su- périeurs à une lame qui se seroit détachée de Tos sphénoïde, ou à la partie cartilagineuse de la trompe (T Eus tac lie ; les arcs branchiaux à ceux des bron- ches; les petites pièces qui les hérissent aux an- neaux de la trachée. Nous avons déjà annoncé ces rapports dans notre précédente analyse, et nous ne pouvons aujourd'hui que renvoyer à l'exposition détaillée que M. Geoffroy en donne; on y trou- vera tous les motifs qui peuvent faire assigner à chacun d'eux le degré de probabilité dont il est susceptible. Quant au troisième ordre des idées de M. Geof- froy, celles qui concernent les fonctions véritable- ment essentielles des organes, on peut dire que ces idées sont en partie nées des recherches dont nous venons de parler, et qu en partie elles ont été con- çues pour en appuyer les résultats. Ainsi M. Geoffroy, une fois convaincu que les pièces si développées qui composent l'opercule branchial des poissons, et qui dans cette classe ne paroissent pas servir à l'ouïe, ne sont que le mar- teau , l'enclume, et les autres osselets de l'oreille 394 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, des mammifères, sur une plus grande échelle, a dû être conduit à douter que ces osselets fussent des organes de fouie , même dans les animaux où on les a toujours regardés comme tels, et à les consi- dérer seulement comme une sorte de superflu resté rudimentaire (ce sont ses termes) dans les animaux à poumons, et indicateur d'une organisation rigoureu- sement nécessaire et amplement développée dans les poissons. De même, ayant cru retrouver dans l'appareil osseux des branchies qui ne produisent aucune voix toutes les pièces du larynx , il a dû être disposé à croire que ce n'est pas sur de solides et véritables considérations que l'on a présenté le larynx comme des- tiné à la voix, comme l'organe principal de la voix; et il aime mieux Y 'à\)^e\ev la première couronne du tuyau introductif de l'air dans le poumon , le lieu des vouloirs de l'organe respiratoire, et la réunion de ses plus zélés sei^iteurs. Cependant il est de notre devoir de faire remar- quer que, sur ce dernier sujet, M. Geoffroy n'est pas aussi opposé à l'opinion reçue que les efforts qu'il fait pour soutenir la sienne pourroient porter à le croire : car il ne conteste pas que , dans les ani- maux à poumons , le larynx ne serve à la voix ; et il établit même une théorie nouvelle pour expliquer comment cet organe remplit cette fonction. Il en ET ZOOLOGIE. 3g5 est de même de la partie de son travail où M. Geof- froy combat l'existence d'un larynx inférieur dans les oiseaux. Ce n'est pas qu'il nie que les oiseaux n'aient au bas de leur trachée des dispositions orga- niques qui produisent des sons ; il veut dire seule- ment que ces dispositions ne consistent pas en pièces semblables à celles du larynx supérieur; ce que per- sonne en effet n'a jamais prétendu. La théorie particulière à M. Geoffroy sur la voix et sur le son n'est pas dans une dépendance néces- saire de ces recherches anatomiques , et tient à des idées de physique générale qu'il s'est faites depuis long-temps, mais qu'il n'a point assez développées dans cette occasion pour que nous puissions en rendre compte. Nous dirons seulement qu'il re- garde le cartilage thyroïde comme un corps sonore servant de table d'harmonie à l'instrument vocal, et que c'est au rapprochement et à leloignement de ce cartilage et de l'hyoïdequ'il attribue les varia- tions de tons. Ce volume est terminé par un mémoire sur les os de l'épaule. L'auteur a voit depuis long-temps fait connoître les rapports de ces os dans les pois- sons avec les os analogues des oiseaux; ei même c'est par-là qu'il a été conduit à toutes les recher- ches d'ostéologie comparée dont nous avons entre- tenu plus d'une fois nos lecteurs. I! a repris cette 396 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, matière sous un point de vue plus général, et re- p^arde ces os comme arrivés dans les poissons à leur maximum de développement et d'importance, y servant de bouclier au cœur, de soutien au dia- phragme, et comme de chambranle à l'opercule branchial. Au reste nous répéterons ici l'invitation que nous avons déjà faite aux naturalistes de consulter un ouvrage rempli de faits intéressants et nou- veaux , et où l'on trouvera une grande instruction , même sur les points où l'on ne croira pas pouvoir adopter toutes les opinions de l'auteur. M. Edwards a continué les expériences curieuses qu'il avoit commencées l'année dernière sur la res- piration des grenouilles; déjà il s'étoit assuré que la présence de Fair est utile poiir prolonger la vie de ces animaux , lorsque la circulation et la respira- tion pulmonaires ont cessé ; que l'eau les fait périr plus promptement qu'une enveloppe solide , et d'autant plus promptement qu'elle est moins aérée ; et il s'est occupé plus particulièrement cette année de l'influence de l'air contenu dans Teau , et de celle de la température à laquelle on élève ce liquide. Il a constaté que l'action délétère de l'eau diminue avec la température. Les grenouilles ont vécu deux fois plus long-temps dans de l'eau à 10 degrés que dans de l'eau à i 5^, et trois fois plus dans de l'eau ET ZOOLOGIE. 3y7 à o : au contraire leur vie s'abrège de près de moitié à 22°, de plus des trois quarts à 32^'; et elles péris- sent instantanément quand on les plon^^e dans de Teau à 42°. Le froid de l'atmosphère avant l'opéra- tion est encore une circonstance favorable au pro- lonfjement de la vie dans l'eau froide. La quantité de l'air contenu dans l'eau , le volume de l'eau em- ployée, le renouvellement plus fréquent de cette eau , sont des circonstances qui y contribuent aussi, chacune dans des proportions et des limites que M. Edwards détermine par des expériences nom- breuses, et faites avec toutes les précautions d'une physique exacte. Entre o et 10 degrés les grenouilles peuvent vi- vre plusieurs mois dans une quantité de dix litres d'eau aérée que l'on renouvelle une fois par jour: l'action que l'air de cette eau exerce sur leur peau sutfit à leur existence, sans quelles aient besoin de mettre en jeu leurs poumons; mais à 10° et au- dessus elles ne peuvent continuer à vivre qu'en venant respirer Fair à la surface. Si on les retient sous l'eau, à 12 ou i4° par exemple, quelque soin que l'on prenne de la renouveler, elles périssent en un ou deux jours: de feau courante peut leur faire supporter quelquefois sous l'eau une tempéra- ture plus élevée; quelques unes la soutiennent jus- qu'à 22°. 398 ANATOMIE ET PHYSIOLOGiE ANIMALES, Indépendamment de leur intérêt pour la théorie générale de Faction de Fair sur le sang, ces expé- riences expliquent plusieurs traits singuliers de Fé- conomie de ces animaux, et sur-tout la différence extraordinaire de leur genre de vie en hiver et en été. ANNÉE 1819. M. Latreille, qui sait allier heureusement les recherches d'érudition avec celles de l'observation , et les féconder les unes par les autres, a cherché à déterminer positivement l'espèce des différents in- sectes qui servoient d'emblèmes dans l'écriture sa- crée des anciens Égyptiens, et dont on trouve fré- quemment les images dans les monuments de cette nation singulière. Les plus connus appartiennent à la famille des scarabées que Fon a nonnnés pilulaireSj parceque ces insectes enfouissent leursœufs dans depetites boules qu'ils pétrissent avec la matière des excréments. M. Latreille commente à leur sujet un passage d'Horus Apollo, et fait voir que les trente doigts que cet auteur leur attribue ne sont que des pha- langes qui se trouvent en effet au nombre de trente à leurs six doigts, cinq à chaque doigt. Une partie des autres attributs donnés à ces in- sectes a également quelque fond de vérité; mais il y en a aussi d'entièrement con trouvés, dans la vue ET ZOOLOGIE. 899 d'établir de prétendues allé^jories et de justifier le culte rendu aux scarabées, ou d'expliquer l'emploi que l'on fesoit de leur figure dans les hiéroglyphes. Il étoit difficile qu'il n'en fût pas ainsi lorsque l'on eut perdu en Egypte l'intelligence des hiérogly- phes et celle des mystères de l'ancienne religion; quoi qu'il en soit les trois espèces de scarabées in- diquées par Horus Apollo sont, selon M. Latreille, Vateuc/ius sacer; une espèce de copris voisine des copris midas; et le copris paniscus, ou telle autre es- pèce très voisine. On a représenté aussi très fréquemment sur les murs de quelques temples égyptiens un insecte de la famille des hyménoptères, posé sur un petit rameau à quatre branches ; M. Latreille y voit ou une guêpe, emblème de toute influence veni- meuse , avec la plante qui pourroit guérir les effets du venin , ou une abeille sur le rameau qui doit lui fournir son miel. Il termine son mémoire par une note sur quel- ques insectes que l'on trouve dans les momies, et sur les espèces qui ont servi de modèles aux artistes pour figurer sur les zodiaques les signes du cancer et du scorpion. M. Moreau de .Tonnes continue à communiquer à l'Académie V Histoire des reptiles des Antilles. 400 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Il l'a occupée cette année d'un grand lézard du ^enre des scinques qui habite dans les bois, et que Ton appelle aujourd'hui dans nos colonies lézard (le terre. Il s'y nomnioit autrefois broche ou brochet de terre; les variations que ses couleurs et sa taille éprouvent, selon l'âge ou d'autres circonstances , et les différentes proportions de sa queue, jointes à quelques confusions de synonymie , avoient fait multiplier cette espèce par les naturalistes au point de la placer cinq fois dans leurs catalogues sous cinq noms différents. L'anolis doré, le gros scinque(^a/- lej-wasp)f le scinque mabouïa, le scinque rem- bruni, et le scinque schneiderien de Daudin, ne sont, selon M. de Jonnès , qu'un seul et même animal. Le même voyageur a parlé de cette énorme gre- nouille dite par les Anglois bullfrog ou grenouille- taureau, et que nos colons nourrissent pour leur table, quoiqu'ils lui donnent la dénomination im- propre de crapaud, par la raison qu'elle habite les lieux ombragés et humides comme nos crapauds de France, et non pas les eaux stagnantes comme nos grenouilles. C'est la grenouille grognante de Dau- din. Elle ne sort de son repaire que la nuit. Sa force est telle qu'elle franchit en sautant un mur de cinq pieds de haut. La saison sèche lui donne bea ucoup de ET ZOOLOGIE. 4^1 torpeur; mais elle reprend sa vivacité avec la saison des pluies. En domesticité elle devient assez fami- lière. Les Antilles ne nourrissent qu'un seul batracien, avec la grenouille grognante; c'est une rainette qui seule porte dans les îles Françoises le nom impropre de grenouille, et que M. de Jonnès décrit pour la premièrefois avec exactitude, quoiqued'autres voya- geurs en aient fait quelque mention. Selon Fauteur, l'opinion que les Antilles sont des débris d'un grand continent est fort infirmée par le petit nombre des espèces de batraciens qui les babitent, et qui peut faire supposer plutôt que ces espèces y soot arrivées séparément à des époques et par des causes incon- nues. On sait qu'il arrive assez souvent dans la zone torride que la chair de certains poissons se trouve vénéneuse , et que ceux qui en ont mangé éprouvent des atteintes cruelles, et perdent môme la vie, sans que la vue, i'odorat, ni le goût aient rien annoncé qui pût faiie soupçonner le danger. M. de Jonnès décrit les symptômes de ce genre d'empoisonnement; il donne la liste des espèces de poissons et de crabes qui prennent le plus fré- quemment aux Antilles cette propriété funeste, et BTTFFON. COMPrÈ>T. T IM. 56 l\02 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, soumet au raisoiiiiement et à l'expérience les di- verses causes auxquelles on l'attribue. Il montre qu'elle ne peut tenir comme on l'a cru ni aux mol- lusques ou zoophytes ni aux fruits de niancenilliers dont ces poissons se seroient nourris, ni aux filons métalliques qui se trouveroient parmi les bancs sur lesquels ils habitent : et il soupçonne qu'elle est l'effet d'une sorte de maladie (jui développeroit dans ces poissons un principe délétère. La chair des tortues prend quelquefois aussi dans la zone torride une qualité malfaisante , et donne des pustules sur toute la surface du corps à ceux qui s'en sont nourris. Tout le monde sait que dans notre climat les moules deviennent quelquefois très malsaines. Ce n'est que dans l'eau de la mer que cette maladie peut naître : car les poissons d'eau douce ne sont jamais vénéneux, et l'eau de la mer, en quelques circonstances , produit des furoncles à ceux qui en ont été mouillés et n'ont pas eu soin de se laver dans l'eau douce. M. de Jonnès a éprouvé lui-même cet effet, ainsi qu'un de ses amis. Le grand jjoint seroit de pouvoir distinguer les poissons devenus malfaisants des autres individus de leur espèce. Quelques uns disent que dans cet état leur foie devient noir et d'un goût acerbe, et que leurs dents prennent une teinte jaune. Des ET ZOOLOGIE. /joS observations ultérieures peuvent seules confirmer ces assertions; elles sont importantes, et les habi- tants éclairés de nos colonies ne manqueront pas sans cloute de s en occuper. Il y a long-temps que les naturalistes ont observé des quadrupèdes dont les petits paroissent au jour bien avant d'avoir acquis le développement ordi- naire, avant mêuie qu'on puisse distinguer leurs membres et leurs yeux, et demeurent suspendus aux mamelles de leur mère pendant le reste du temps que les petits des quadrupèdes ordinaires pas- sent dans la matrice. On a nommé ces animaux didelphes ou marsu- piaux, parceque plusieurs d'entre eux ont sous le ventre une poche qui renferme les mamelles et où les petits demeurent cachés jusqu'à ce qu'ils attei- gnent leur développement, poche que l'on a con- sidérée comme une seconde matrice, mais qui n'existe pas à beaucoup près dans toutes les es- pèces. Ces animaux, à la tête desquels est le kangurou j)Our la grandeur, et dont plusieurs espèces sont bien connues en Amérique sous le nom de sarigues et d'opossums, ont à l'intérieur une matrice vérita- ble, mais autrement conformée que celle des qua- drupèdes ordinaires. Elle communique avec le va- gin par deux canaux latéraux en forme d'anses, et 26. 4o4 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, dans un certain nombre d'espèces le gland dn mâle est divisé en deux pointes qui paroissent pouvoir diriger le sperme vers les orifices de ces deux ca- naux. Une opinion très répandue en Amérique est que les petits des opossums naissent en traversant les mamelles, auxquelles ils demeurent ensuite suspen- dus; mais les anatomistes ont généralement rejeté cette opinion, attendu qu'ils n'ont découvert au- cune voie par où ce passage puisse se faire. Cependant M. Geoffroy, après avoir an nonce que l'on ne cite aucune observation de fœtus trouvés dans la matrice, tandis que, selon feu Roume de Saint-Laurent, on auroit vu au bout de chaque mamelon de petites bourses claires où étoient au- tant d'embryons ébauchés, est conduit à Fidée qu'il pourroit y avoir ici quel(|ue chose d analogue à une génération ovipare. «Ne peut-il pas arriver, se de- « manJe-t-il, qu'il se développe vers les points ma- « millaires un appareil de vaisseaux nourriciers « analogues à ceux qui composent le placenta, mais « adaptés à Torigine de la bouche?» M. Geoffroy pense donc que l'on s'est peut-être trop pressé de refuser aux didelphes un mode par- ticulier de génération , et qu'il est important de les observer de nouverai. M. Geoffroy croit de plus avoir remarqué que la El ZOOLOGIE. /jo5 foiblesse du développement des organes sexuels ordinaires tient à ce que l'aorte descendante se continue presque sans diminution de calibre avec l'artère épigastrique, et n'envoie qu'un rameau grêle et de petites branches aux extrémités postérieures et à la matrice. Enfin dans le cas où l'on voudroit rechercher la cause de cette éjection si prématurée des petits hors de la matrice, M. Geoffroy pense que Ton pourroit l'attribuer à ce que les espèces de canaux en forme d anses de panier qu'ils traversent ne sont point séparés du vagin par un col, et ne peuvent retenir le petit œuf quand une fois il est sorti de la trompe de Fallope. ISous pouvons mettre au rang des grands ouvra- ges de zoologie qui ont paru depuis quelques an- nées celui que publient MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier, sur les mammifères de la Mé- nagerie royale, avec des planches lithographiées et enluminées d'après nature vivante, dans les ateliers lithographiques de M. le comte de Lasteyrie. Il en a paru déjà douze livraisons in-folio, contenant cha- cune six planches , parmi lesquelles on voit des portraits corrects de plusieurs espèces qui n'avoient point encore été bien représentées, ou même qui étoient entièrement nouvelles pour les naturalistes. 4o6 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, M. de La Marck , malgré raffoiblissement total de sa vue, poursuit avec un courage inaltérable la continuation de son grand ouvrage sur les animaux sans vertèbres. Il nous a donné cette année la première partie de son sixième volume, où il remonte jusqu'aux premiers ordres des mollusques gastéropodes. L'ouvrage dont M. Daudebart de Férussac avoit présenté le plan en iSiy, sur les mollusques de terre et d'eau douce, a commencé à recevoir son exécution. lAïuteur en a présenté à l'Académie six livraisons, également remarquables parla beauté des figures enluminées, et par le soin avec lequel les espèces y sont recueillies et distinguées. Elles comprennent les limaces, et les bélices deLinnaeus, ainsi que plusieurs genres démembrés de ceux-là par les naturalistes modernes, et par MM. de Fé- russac père et fils, qui ont étudié plus long-temps et plus soigneusement que personne avant eux cette famille d'animaux. Les rainettes grimpent sur les arbres, sur les murs les plus lisses, et même sur les carreaux de vitres, au moyen de petites pelotes qui terminent leurs doigts, et qu'elles fixent fermement aux corps sur lesquels elles les appliquent. ET ZOOLOGIE. ^O'J La plupart des naturalistes se sont contentés Je supposer que ces pelotes sont pourvues de quelque viscosité; mais il fandroit que cette viscosité ftit bien puissante pour qu'une seule pelote pût tenir suspendu le corps entier de l'animal, comme il ar- rive quelquefois. M. de La Billardière, qui a étudié de près ce sujet, a reconnu que les rainettes forment je vide sous chacune de leurs pelotes, en tirant en dedans la surface inférieure de ces parties par le moyen de ([uelques fibres musculaires. Les pe- lotes sont donc alors pressées contre le corps qu'elles touchent par le poids entier de latmo- spbère. Depuis lon^- temps on a cherché à éviter aux commençants les premiers dégoûts inséparables des études anatomiques, en leur offrant des imita- tions en relief des organes avec leurs couleurs et leurs dimensions. Les figures en cire coloriées sont très propres à cet usage; et les magnifiques prépa- rations de ce genre, qui ont été fabriquées à Flo- rence sous les auspices du grand-duc Léopold, et sous les yeux de Fontana et de M. Fabbroni, ont rendu ce moyen célèbre. Mais la cire est cassante et peu maniable; et il est difficile de Femployer à des préparations composées de parties mobiles, et propres à faire connoître la juxta-position des or- 4o8 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ganes. Fontana avoit voulu y substituer le bois, et il avoit commencé une grande statue de cette ma- tière qui devoit se décomposer en plusieurs milliers de pièces ; mais le bois a un autre inconvénient, en ce qu'il se dilate et se contracte suivant l'bumidité ou la sécberesse, et que les parties déliées ne s'a- justent jamais bien et se cassent aisément. M. Ame- line, professeur d'anatomie à Caen, a imaginé une sorte de pâte de carton qui se moule comme l'on veut, prend beaucoup de fermeté sans être cassante, et se laisse fixei*, par divers moyens commodes, aux points où on veut la faire tenir; il a construit ainsi, sur un squelette véritable, une statue où tous les muscles et les principaux vaisseaux se laissent déta- cher et rattacher. Il n'est pas douteux que cette ma- tière , quand des artistes de profession lui imprime- ront le fini et Télégance nécessaires à une imitation complète , ne puisse remplacer avec avantage la cire et le bois. M. Serre, chirurgien en chef de l'hospice de la Pitié .^ a fait sur les premiers commencements de l'ossification dans les embryons d'hommes et d'ani- maux des observations nombreuses et importantes, d'où il a cru pouvoir déduire ce qu'il nomme les lois de l'ostéogénie, c est-à-dire les règles générales qui président à la disposition des points primitifs ET ZOOLOGIE. 4^9 crossification; règles que M. Serre énonce au nom- bre cîe cinq. La première, dite de symétrie, c'est qu'en consi- dérant le squelette dans son ensemble l'ossifica- tion y marche des parties latérales vers les parties moyennes. Dans le tronc par exemple les côtes s'os- sifient avant les vertèbres; les apophyses latérales des vertèbres avant leur corps. Il en est de même à la tète : le premier point osseux se montre aux apophyses zygomatiques des temporaux; les ailes du sphéiioide s'ossifient avant son corps, etc. Delà naît, selon M. Serre, cette symétrie si remarquable dans les animaux vertébrés; les deux moitiés du squelette marchant, en quelque sorte, l'une vers l'autre pour se rencontrer dans la partie médiane, il y a deux demi-crânes, deux demi-rachis, deux demi-bassins, etc. Cependant cette partie médiane présente des os que l'on avoit toujours crus originairement simples, tels que les pièces du sternum, le corps de l'os hyoïde, les corps mêmes des vertèbres. M. Serre donne à ce sujet des observations qui lui sont pro- pres. Il rappelle que dans l'œuf les premiers vestiges de l'épine du poulet se présentent sous l'apparence de deux demi-rachis encore membraneux; que cette double membrane s'unit en devenant cartila- gineuse, îl annonce que le onzième jour de Tincu- 4lO ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, bation il commeDce à se montrer sur les corps de ([iieiqucs vertèbres dorsales deux jDolnts osseux très petits ; qu'il s'en montre également le douzième jour sur les cervicales et les lombaires; que la réunion de ces points en un seul corps ne s'opère dans les dorsales et dans quelques cervicales que le treizième on le quatorzième jour, et que ce jour-là même les lombaires et les caudales montrent encore très sen- siblement leur division. Tv'auteur a observé une marcbe entièrement ana- lop^ue dans le racbis du têtard et dans celui du la- pin. Il l'a retrouvée, quant au cartilage, dans les embryons bu mains très peu développés , et il croit aussi avoir remarqué que l'ossification sy fait d'a- bord par deux points; mai> on pourroit presque dire, d'après sa description, que dans les fœtus pro- venant de femmes saines, il les a sentis avec la pointe de son scalpel , plutôt qu'il ne les a vus. C'est du qua- rantième au soixantième jour de la conception qu'il a fait sur les différentes vertèbres cette observation difficile, qui prend cependant beaucoup de vrai- semblance par l'arrangement que Ion aperçoit dans la suite entre les fibres osseuses , et sur-tout par ce que l'on remarque dans les embryons provenant de femmes scrofuleuses ou rachitiques. La sépara- tion des deux noyaux est aloi s beaucoup plus mar- quée et dure beaucoup plus long-temps. C'est ainsi ET ZOOLOGIE. 4' I que ^I. Serre explique des spina bifida , ou fentes contre nature de la partie antérieure de l'épine, qui ont lieu quelquefois, et dont l'auteur décrit plu- sieurs exemples remarquables. En choisissant les époques convenables , M. Serre a vu également de doubles noyaux osseux aux os médians de la base du crâne, non seulement au corps du sphénoïde antérieur où cette division dure assez long-temps, mais encore au corps du sphé- noïde postérieur à l'os basilaire , où la réunion s'o- père beaucoup plus vite. Il n'est pas jusqu'au vo- mer et à la lame verticale de Tethmoïde qu'il ne voie se former par des lames ou par des granulations latérales. Quant au sternum, M. Serre, après avoir an- noncé que dans de très jeunes embryons le carti- lage s'y manifeste aussi d'abord latéralement, cher- che à appliquer sa théorie à l'ossification des pièces de cette partie regardées généralement comme im- paires. A cet effet il rapporte plusieurs variétés de sternums humains où l'on voit des pièces divisées par le milieu , d'autres où les pièces sont disposées alternativement sur deux séries. Les oiseaux et la plupart des reptiles ayant à leur sternum , en avant des pièces bien certainement disposées par paire, un os impair qu'on a nommé ento-slernal, celui qui forme la quille du sternum des oiseaux, M. Serre 4l2 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, j| pour ramener cet os à sa régie cite divers animaux , . clans lesquels la pièce que l'on pourroit rejjarder I comme Fanalof^ue de celle-là offre des traces sensi- bles de division. 11 considère aussi comme indice de division les cavités creusées dans la quille du sternum de la grue et du cygne , pour loger les re- plis de leur trachée-artère. Nous avouerons que cette partie du travail de M. Serre est celle qui nous paroît encore exiger le plus de développement , et être susceptible de plus de contradictions. Cependant plusieurs exemples pathologiques rapportés par cet habile anatomiste semblent confirmer que l'état normal et primitif du sternum est d'être divisé longitudinalement. Enfin , relativement à l'os hyoïde , M. Serre an- nonce que les deux points osseux de son corps , comme ceux du corps des vertèbres, s'unissent dans les sujets sains presque aussitôt qu'ils se forment; mais que, dans les fœtus nés de parents viciés, leur séparation dure plus long-temps; il en a même ob- servé un , né d'un père qui bégayoit, et où Fun des points s etoit ossifié plus tard que l'autre. A cette occasion notre anatomiste rapporte des exemples d'os hyoïdes qui su nissoient presque sans interruption par des articulations osseuses avec l'a- pophyse styloïde , et par conséquent avec le crâne, ou, en d'autres termes, dans lesquels le ligament ET ZOOLOGIE. 4^3 Stylo -hyoïdien étoit presque entièrement ossifié. La deuxième des lois ou régies établies par M. Serre se nomme la loi de conjugaison. Chacun sait que les trous qui donnent passage aux nerfs de lepine sont formés par le rapprochement de deux échancrurespratiquéesaux parties correspondantes de deux vertèbres contiguës. Le contour de chaque trou résulte donc du rapprochement de deux os. Selon M. Serre, tous les autres trous des os sont éga- lement des trous de conjugaison , et 1 on peut, en remontant plus haut vers lepoque de la naissance ou de la conception , retrouver séparées les pièces osseuses dont le rapprochement les a formés. Ainsi les trous des apophyses transverses des ver- tèbres cervicales ne sont d'abord fermés en dehors que par une bande cartilagineuse qui a ses points d'ossification séparés ; points que M. Serre regarde comme des espèces de côtes cervicales. Chacun sait qu'en effet dans le crocodile et dans d autres rep- tiles il y a là de véritables côtes fort reconnoissables pour telles. L'application de la loi étoit encore plus facile pour beaucoup de trous de la hase du crâne, que tous les anatomistes savent se trouver dans le fœtus entre des os distincts , bien que ces os se soudent ensuite entre eux , tels que la fente sphéno-orbitaire, la fente sphéno-temporale, les trous déchirés, le con- 4l4 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, dyloïdien. On doit ëvideiiinicnt lappliquer aussi dans plusieurs animaux au trou ovale, qui n'est sou- vent qu'une échancrure du sphénoïde. Quant à ceux qui , du moins pour des fœtus un peu avancés , feroient quelque difficulté, tels que le trou rond dans beaucoup d'animaux , M. Serre ren- voie à des embryons plus jeunes. C'est ce qu'il fera sans doute aussi relativement aux trous orbitaires internes dans les espèces où Tethmoide ne se mon- tre pas dans l'orbite. Les anatomistes ne manque- ront pas de remonter à ces premiers moments de l'existence pour s'assurer de la généralité de cette régie; ils auront à vérifier entre autres choses si le pourtour du trou optique n'est pas un anneau qui s'ossifie successivement, plutôt que le résultat de la conjugaison des deux pièces. Pour les trous du rocher, M. Serre admet au moins dix points osseux primitifs dans la formation des parties qui composent cet os; en sorte qu'il n*cst point embarrassé à trouver des conjugaisons aux fenêtres ronde et ovale , au trou auditif, etc. ; mais il faudra aussi examiner s'il n'y a rien d'accidentel dans des subdivisions si nombreuses. Ce dont nous nous sommes assurés depuis long-temps c'est que dans tous les oiseaux et les reptiles la fenêtre ovale résulte de la conjugaison du rocher avec l'occipital latéral , mais que la fenêtre ronde, qui existe dans ET ZOOLOGIE. 4'^ les oiseaux seulement, et non clans les reptiles, est percée en entier clans l'occipital latéral ; en sorte que c'est clans ce dernier os cju'il faudroit admettre des subdivisions pour ne pas trouver la régie en défaut. Une observation curieuse de M. Serre c'est que dans le troisième mois de la conception l'ouver- ture de l'osselet appelé Tétrier offre deux et quel- cjuefois trois points d'ossification dans son pour- tour. La troisième des régies de M. Serre, ou sa loi de perforation y n'est qu'une extension de la seconde. Il pense que les canaux osseux comme les trous ne sont formés que par conjugaisons, et que leurs pa- rois ont consisté d'abord en pièces séparées. Il voit ces pièces longitudinalement placées autour des os longs de très jeunes fœtus; il les voit autour des canaux semi-circulaires de l'oreille, autour de Va- qiiéduc de Fallope; il les retrjouve en un mot par- tout où les os sont percés ou creusés de canaux prolongés. M. Serre comprenant, contre l'opinion de plu- sieurs anatomistes modernes , les dents dans la même classe cjue les os , veut aussi appliquer sa troisième règle aux canaux dentaires; mais il n'y parvient qu'en faisant remarquer que la couronne de chaque dent, et même celle des incisives, con- 4l6 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, sistent d'abord en un certain nombre de petits tu* bercules séparés. Ce fait très vrai est étranger à l'his- toire de l'ossification ordinaire, et n'empêche pas que le canal dentaire ne se forme par prolongation delà couronne vers la racine, et non par conjup^ai- son de pièces latérales. La quatrième et la cinquième régie de M. Serre sont relatives aux éminences des os et à leurs cavi- tés articulaires. Notre anatomiste fait observer que les premières sont toujours primitivement des noyaux osseux particuliers , et que les autres résul- tent du rapprochement de deux ou plusieurs émi- nences, et par conséquent d'autant de noyaux osseux. Il prouve sa proposition même par rap- port au marteau qui est épiphysé à un certain âge, et par rapport à Fenclume ; osselet qui, tout petit qu'il est , ayant une facette articulaire en forme d'angle rentrant, se divise dans l'origine en deux pièces. Parmi les observations intéressantes dontM. Serre a enrichi cette partie de son travail , on doit remar- quer celle qui concerne la composition de la cavité cotyloïde. Outre les trois os qui y concourent, de l'aveu de tous les anatomistes , M. Serre en a décou- vert un quatrième, fort petit, placé entre les au- tres, et qui ne se retrouve pas dans les animaux à bourse, où l'on sait qu'il existe un quatrième os du ET ZOOLOGIE. 4'7 bassin très développé, et articulé sur le pubis, os que l'on a nommé l'os marsupial. Ce seroit l'analo- ^]ue de cet os marsupial qui, selon M. Serre, se- roit venu se cacher pour ainsi dire dans le fond de la cavité cotyloïde, dans les mammifères ordi- naires. L'auteur a fait une observation analogue sur la cavité articulaire de l'omoplate. Dans les animaux qui ont une clavicule distincte , cette cavité est for- mée en partie par l'os de l'omoplate, et en partie par la base de l'apophyse coracoïde, qui dans les jeunes sujets est une épiphyse distincte. Mais dans les ani- maux sans clavicule il s'y trouve une troisième pe- tite épiphyse , qui seroit le dernier vestige de l'os claviculaire. Cette masse considérable de faits intéressants et variés qui composent le mémoire de M. Serre va probablement servir de point de départ à de nou- velles et importantes recherches sur les premiers développements du corps animal, et sur les varia- tions qu'il éprouve à cette époque rapprochée de la conception , où Ion ne s'en étoit j)as occupé au- tant que l'exigeoient les progrès de la science de la vie. ANNEE 1820. La zoologie a continué à s'enrichir de plusieurs BUFFON. COMPLÉM. T. îll. 27 ZJl8 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, livraisons de VHistoiredes mammifères, parMM. Geof- froy-Saint-Ililaire et Frédéric Guvier, ouvrage qui offre déjà, indépendamment des nombreuses ob- servations des auteurs , cent quarante figures toutes litbographiées d'après nature vivante, et (|ui surpassent incontestablement toutes celles qui ont été données jusqu'à ce jour d'animaux de cette classe. Un zoologiste anglois, le docteur vSbaw, avoit fait connoître un animal qu'il regardoit comme une espèce de paresseux, mais c[ue d'autres naturalistes, nommément M.Guvier,avoientsoupçonnéde n'être qu'un ours auquel les dents de devant auroient été arracbées. G'est ce qui vient de se confirmer ; et M. Tiédeman , qui a observé un individu non mu- tilé de cette espèce , vient d'en publier la description et la figure sous le nom d'ursus longirostris. Get ours vient des Indes orientales où il a aussi été observé par M. Bucbanan. M. Moreau de Jonnès continuant son Histoire des î^eptiles des Antilles a donné cette année ses obser- vations sur l'espèce de gecko que l'on nomme dans ces îles maboiiïa des bananiers. G'est le gecko lisse de Daudin ', beaucoup plus fort que le mabouïa des ' C'est aussi son gecko rapicauda , son gecko aurinamensù , son ET ZOOLOGIE. 4^9 murailles ou gecko à queue épineuse; il parvient à près d'un pied de lonjjueur; sa couleur est un cendré roussâtre, taché de noir sur le dos. Lorsque sa queue a été cassée par accident, ce qui lui arrive assez souvent, elle renaît difforme, renflée, et quelquefois assez semblable à une rave. Il habite de préférence les lieux solitaires, et se tient sur- tout dans ces cornets que forment à leur base les grandes feuilles des bananiers, d'où il sort le soir pour prendre des insectes ou pour dévorer les œufs des anolis, autre genre de lézards beaucoup plus agiles, mais généralement plus petits. Le même observateur a présentée FAcadémie, et déposé au Cabinet du roi, un individu de la ter- rible vipère de la Martinique (le trigonocép/iale fer- de-lance) ^ de cinq pieds de longueur. Parmi ces animaux que M. Guvier a réunis dans lembranchement et qu'il appelle articulés, il est une classe qu'il a le premier distinguée sous le nom de vers à sang rouge, et que M. de La Marck a nom- niés annélides. Elle comprend les vers communs ou lombrics, les sangsues, et une multitude de vers de mer ou d'eau douce que l'on a subdivisés d après leurs organes du mouvement, de la respiration et de lamanducation. M. Savigny a fait de cette classe gecko squalidus, et !a salamandre terrestre de Fermin. (Voyez Cuvier , Règne animal, II, p. !\^\ 27. 420 AINATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, l'objet d'études nouvelles, et aussi exactes que dé- taillées. Il a donné d'abord une attention particu- lière à CCS soies élastiques et souvent brillantes comme de l'or qui servent au plus grand nombre des genres d'organes du mouvement, et sur-tout à celles de forme crocbue, apanage plus spécial de Tune des familles qu'il a reconnues. Des descrip- tions non moins exactes des mâchoires, des an- tennes, des branchies, des appendices membra- neux de chaque articulation l'ont occupé ensuite; embrassant enfin les annélides dans leur ensemble, il les a divisées en cinq ordres : les néréldées pourvues de pieds rétractifs munis de soies, à tête distincte, à bouche en forme de trompe, souvent armée de mâchoires; Les serpulées pourviïes de pieds munis de soies, dont une partie en forme de crochets, sans tête distincte; Les lombricines sans pieds ni tête distincts, mais pourvues encore de petites soies; Les liiïudinées dépourvues de tête distincte, de pieds et soie , mais à bouche en forme de ventouse ; enfin celles qui n'ont pas même ce dernier carac- tère. L'auteur divise chaque ordre en familles, cha- cune famille en genres, d'après les détails de leurs branchies et de leurs organes. Il nous est impossi- ET ZOOLOGIE. ^21 h\e de le suivre dans toutes ces subdivisions; mais les naturalistes jouiront bientôt de son travail, et même ils peuvent déjà en trouver quelques don- nées que M. de LaMarck a bien voulu adopter dans son Histoire des animaux vertébrés. Rien ne prouve mieux la prodigieuse richesse de la nature que ces infinités de structures délicates, singulières, belles même à la vue, que l'attention d'un seul naturaliste a été capable de découvrir sur des êtres si méprisés, cachés dans les antres de la mer, et que la vue de l'homme sembloit ne devoir jamais atteindre. Les insectes sont peut-être de tous les animaux ceux où la nature a développé la mécanique la plus merveilleuse; tous les f>enres de mouvements qui distinguent entre elles les autres classes se rencon- trent dans celle-ci, et peuvent quelquefois être exercés par le même individu au degré le plus par- fait, comme avec la vigueur la plus marquée ; mais il s'en faut de beaucoup qu'ils aient été étiuliés sous ce rapport avec autant de soin que les animaux vertébrés; on ne connoissoit même que d'une ma- nière assez superficielle les organes de leur mou- vement. Les parties dures ou élastiques qui leur servent de leviers ou de point d'appui, se trouvant pour la plupart placées à l'extérieur, on en avoit 422 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, abandonné l'examen à la zoologie, qui n'avoit pas eu besoin de les décomposer ni d'en reconnoître les éléments. M. Audouin, jeune naturaliste de Paris, a voulu remplir cette lacune de l'anatomie comparée; il a examiné les pièces dont se compose la charpente solide des insectes ; et s'étant bientôt aperc^u que ces pièces ont entre elles, d'un insecte à l'autre, des rapports de position, de fonctions, et souvent de nombre et de forme, comparables aux rapports des pièces du squelette dans les animaux vertébrés , il a cherché à généraliser ses observations; il a poursuivi chaque pièce au travers des métamor- phoses variées qu'elle subit dans les divers ordres et les divers genres d'insectes ; il est parvenu aussi à les dénombrer , à les caractériser , et à déterminer jusqu'à un certain point les lois de leurs varia- tions. M. Audouin a présenté à l'Académie, dans un ouvrage fort étendu accompagné de beaux dessins et de nombreuses préparations, la portion de ses recherches qui concerne le thorax ou plutôt le tronc, cette partie intermédiaire du corps de l'in- secte qui porte les pieds et les ailes, et qui se trouve par conséquent le siège des principaux organes du |i mouvement. ET ZOOLOGIE. 4^3 M. Audouin considère d abord le tronc dans les insectes ordinaires, ceux qui ont six pieds ( les in- sectes hexapodes); l'exposé de ses parties, et une no- menclature fixe créée pour elles, dévoient naturel- lement se placer à la tête de louvra^o^e. Le tronc de Tinsecte se laisse toujours diviser en trois anneaux, dont chacun porte une paire de pattes, et que M. Audouin nomme, d'après leur position ^ pro thorax, mésothorax, et métathorax ; outre les pieds , le mésothorax porte la première paire d'ailes, et le métathorax la seconde; chacun de ces anneaux est composé de quatre parties, une infé- rieure, deux latérales, formant à elles trois la poi- trine; une supérieure qui forme le dos. L'inférieure prend le nom de sternum ; la partie latérale ou le Jlanc se divise en trois pièces principales; une qui tient au sternum et se nomme épistermim ; l'autre placée en arrière de celle-là et à laquelle la hanche s'articule est nommée épimère. On nomme trochan- tin une petite pièce mobile qui sert à l'union de l'épimère et de la hanche; la troisième pièce du flanc placée au-dessus de l'épisternum et dans le mésothorax et le métathorax sous l'aile est nommée hypoptère; quelquefois il y a encore autour du stygmate une petite pièce cornée qui se nomme périlrènie. La partie supérieure de chaque se(>ment, que fauteur nomme tergwn, se divise en quatre piè- 424 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ces, nommées d'après leur position dans chaque anne.m prœscutuirij scutum, scutellum, et posl sciitel- lum; la première est souvent, et la quatrième pres- que toujours cachée dans Tintérieur; les natura- listes n'ont guère distingué que le scutellum du mésothorax, qui en effet est souvent remarquahle par sa grandeur et sa configuration; mais on re- trouve son analogue dans les trois segments. Ainsi le tronc des insectes peut se subdiviser en trente- trois , et , si Ton compte les péritrèmes et les hypop- tères, le nombre de ses pièces peut aller à trente- neuf, plus ou moins visibles à l'extérieur ; une partie de ces pièces donne en outre en dedans diverses proéminences qui méritent aussi des noms à cause de 1 importance de leurs usages. Ainsi de la partie postérieure de chaque segment du sternum s élève en dedans une apophyse verticale, quelquefois fi- gurée en V, et que M. Audouin appelle Yentothorax; elle fournit des attaches aux muscles et protège le cordon médullaire. Son analogue se montre dans la tète et quelquefois dans les premiers anneaux de Tabdomen. D'autres proéminences intérieures ré- sultent de prolongements de pièces externes voi- sines soudées ensemble: M. Audouin les nomme apodèmes. Les unes donnent attache aux muscles, d'autres aux ailes; enfin il y a encore de petites pièces mobiles, soit à l'intérieur entre les muscles, ET ZOOLOGIE. 4^5 soit à la J3ase des ailes, que Fauteur nomme épi- dèmes. Nous avons dit que Ton retrouve toujours les pièces principales ou leurs vestiges, mais il s'en faut bien qu'elles se laissent toujours séparer; plusieurs d'entre elles sont même toujours unies dans certains genres ou dans certains ordres , et ne se distinguent que par des traces de sutures. M. Audouin a cru devoir également donner des noms aux trous ou aux vides circonscrits par l'en- semble de cbaque anneau ; le trou antérieur de la tête porte le nom de buccal, le postérieur celui à' occipital; il nomme pharyngien le vide du protho- rax, œsophagien celui du mésothorax, et stomacal celui du métathorax y distinguant leurs deux orifices selon qu'ils sont antérieurs ou postérieurs. Après ce résumé de l'analyse des pièces et cette fixation de leurs noms, M. Audouin passe à l'exa- men détaillé de leur développement respectif dans les différents ordres; il fait voir que dans aucun d'eux Ton ne rencontre d'autres éléments, et que les anomalies les plus bizarres en apparence ne tiennent qu'à des variétés de formes et de grandeurs de ces seules et mêmes pièces. Ainsi prenant d'abord le mésotborax pour objet de son étude, et examinant ses rapports de gran- deur avec le segment qui le précède et celui qui le 426 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, suit, illeinontre peu développé dans les coléoptères et les ortliODtères où il porte des élytres de peu d'u- sage dans le vol; plus étendu dans les névroptères, les hémiptères, où les deux paires d'ailes sont pres- que égales en importance; atteignant le maximum de son développement dans les hyménoptères, les lépidoptères, les diptères, où la première paire d'ailes est l'instrument principal du vol ; il fait voir que l'accroissement de ce mcsothorax entraîne la réduction des deux autres segments. Quelque chose d'analogue s'observe dans la proportion des pièces de chaque segment entre elles. S il y en a une fort diminuée, c'est que quelque autre est fort agrandie. Quelquefois l'accroissement d'une pièce déplace la pièce voisine, et c'est ainsi que l'épimère du raésotho- rax des cétoines par exemple, devenant fort grande, relève l'épisternum et lui fait offrir cette pièce écail- leuse en dehors de la base des élytres que les ento- mologistes ont bien remarquée sans en connoître la nature ; dans les libellules au contraire lepisternum du mésothorax prenant un grand volume s'élève à la partie supérieure, et s'unit à celui du côté opposé sur le milieu du dos et en avant, entre le prothorax et le tergum du mésothorax. Dans les cigales c'est l'épimère du métathoraxqui se prolongeant sous le premier anneau de labdomen y forme la valvule ({ui clôt la cavité où réside l'instrument sonore de • ET ZOOLOGIE. 427 ces insectes. Il n'est pas impossible d'assi^^jner aussi (juelques régies à cette proportion mutuelle des parties de chaque segment. En général le sternum se développe davantage dans les insectes qui font beaucoup d'usage de leurs pieds; la distinction des pièces de chaque partie se proportionne au déve- loppement de la partie elle-même. x\insi c'est égale- ment dans les lépidoptères, les hyménop lèves , et les diptères que les quatre pièces du dos du mésothorax sont le plus sensibles et le mieux divisées. Dans les autres ordres elles sont souvent presque rudimen- taires et confondues ensemble. La distinction des pièces du métat/iorax devoit être comme le développementgénéraldece segment dans son entier, inverse de celle du mésothorax. Ainsi c est dans les coléoptères , où la seconde paire d'ailes (les ailes membraneuses) est la plus impor- tante, que ce segment prend le plus de volume, et que les pièces qui le composent se séparent le plus aisément. Une observation curieuse de l'auteur c'est que dans les hyménoptères le premier anneau de l'abdomen s'unit toujours intimement au ter- gum du métathorax, et que lorsque l'abdomen est porté par une sorte de pédicule, comme il arrive si souvent dans cet ordre, c'est le second de ces anneaux qui subit un étranglement et non le pre- mier. 428 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, • Dans l'étude du pro thorax , dont le terguni est ce que Ton nomme vulgairement corselet dans les co- léoptères, et co/ZÏer dans d'autres insectes, Tauteur fait connoître une particularité remarquable. Le- pisternum et lepimère de certains orthoptères, comme le taupe-grillon , ne s'unissent pas comme à l'ordinaire aux bords dutergum, mais passent des- sous et se joignent l'un à l'autre, en sorte que le tergum les recouvre et les embrasse, premier in- dice, selon M. Audouin, de ce qui arrive dans les crustacés décapodes (les crabes et les écrevisses), où les flancs sont embrassés par une énorme cuirasse. Dans les lépidoptères les flancs du pro thorax s'u- nissent de même entre eux, mais le tergum de ce segment est réduit à une sorte de vestige ou d'ap- pendice à peine visible. L'auteur pense que l'extrême de cette disposition est ce qui fait le caractère particulier des arachnides, que leur tergum n'existe plus, et que leurs flancs unis l'un à l'autre forment le dessus de leur tronc. Dans plusieurs hyménoptères le tergum du pro- thorax s'unit à celui du mésothorax, et ne recou- vrant plus son épimère ni son épisternum, leur permet de s'articuler avec la tête. Les rapports de la puissance des ailes avec le développement et la distinction des pièces du tergum des deux segments qui les portent sont tellement constants , que ET ZOOLOGIE. 429 toutes les fois que les ailes manquent à certains in- sectes d'un ordre communément ailé, ainsi qu'il arrive par exemple dans les fourmis , les quatre pièces du tergum se confondent entre elles; c'est par une raison semblable, selon Fauteur, que le ter^^um du premier segment, lequel ne porte ja- mais d'ailes, est aussi plus rarement divisé que les autres, et forme dans les coléoptères un corselet d'une seule pièce (en prenant ce rapport dans un autre sens); ni ce premier segment, ni les segments quelcon(|ues des insectes où le tergum n'est pas di- visible, ne peuvent porter des ailes. C'est aussi dans le développement proportionnel plus considérable, et dans la divisibilité des seg- ments qui doivent porter des ailes, que M. Au- douin place la principale différence de l'insecte parfait à sa larve. Cette considération conduit M. Audouin à l'é- tude du tronc , dans les insectes sans ailes et à pieds nombreux, ainsi que dans les arachnides et les crustacés. Il pose en principe que les pièces que ces animaux possèdent se retrouvent toutes dans les insectes à six pattes, mais que ceux-ci ont de plus des pièces que les premiers n'ont pas. Ainsi, comme nous venons de le dire, tout le tergum manqueroit aux araignées; leur tronc ré- sulteroitde la réunion d'autant de segments qu'elles 43o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ont de paires de pattes; leurs flancs s'uniroient de part et d'autre sur la ligne moyenne. M. Audouin croit même apercevoir dans les sil- lons du tronc de certaines araignées des traces de leur union. Le plastron qui est entre les pattes des crustacés se composeroit de la suite des sternums de leurs segments; les parois osseuses qui remontent sous leur carapace représenteroient les flancs de ces mêmes segments couverts et embrassés par la réu- nion de leurs tergums, comme nous avons dit que cela arrive au prothorax dans les sauterelles. En dedans du tronc, des cloisons analogues aux apo- dèmes des insectes marquent, selon Fauteur, les sutures des segments. Quant aux insectes à pieds nombreux et sans ailes, leurs segments représenteroient, en quelque sorte, autant de prothorax. Ce travail fondé entièrement sur des faits et sur une grande multitude d'observations, dans les- quelles deux autres jeunes naturalistes, M. Odier et M. Adolphe Brongniart, fils de l'un de nos con- frères, ont assisté M. Audouin, n'est pas moins re- marquable par son exactitude que par son étendue. 11 a trou vé un garant respectable dans M. Latreille qui, étudiant de son côté d'une manière spéciale l'un de ces nombreux éléments du tronc des insec- ET ZOOLOGIE. 4^1 tes, se rencontroit jjarfaitement sur ce point avec notre jeune observateur. L'objet principal de M. Latreille étoit de déter- miner la nature de ces appendices singuliers placés près du cou et au-devant des ailes, dans les in- sectes dont M. Kirby a cru devoir faire un ordre nouveau, sous le nom de strésiotères. Ces pièces que l'on a prises, tantôt pour des rudiments d'ailes, tantôt pour des espèces delytres, répondent à celles que M. Audouin appelle épimères, mais ce sont des épimères un peu déplacées et devenues plus libres. On voit quelque cbose d'approchant au-devant des ailes de quelques phalènes où ces pièces ont été depuis long-temps nommées épaulettes par quel- ques naturalistes. M. Latreille présume que ces épaulettes des lé- pidoptères leur servent à écarter et à fendre leur peau de chrysalide , au moment où ils doivent prendre leur état. Ce célèbre entomologiste donne à cette occasion sur les appendices du tronc des insectes en général plusieurs observations curieuses qui se laissent ra- mener aux règles établies par M. Audouin, et en ajoute de non moins intéressantes sur d'autres par- ties de ces animaux. Il annonce , par exemple , avoir découvert le 432 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, tympan cle Foreille dans une espèce de criquet, acridium lineola, et le conduit auditif dans d'autres insectes. M. Audouin a fait dans un mémoire particulier une application de sa doctrine à ces animaux arti- culés fossiles, si extraordinaires que Linnaeus avoir cru pouvoir leur donner iepithéte de paradoxes , et sur lesquels M. Brongniart, qui les nomme trilobites, a fait un travail important. M. Audouin voit dans les trois lobes qui divisent chacun des segments de ces animaux, le terj^^um et la partie supérieure des flancs, et en conséquence il confirme l'opinion mise en avant par M. Bron- gniart que les trilobites doivent être associés à cer- tains genres delà famille des cloportes, dans lesquels on observe en effet une disposition semblable. M. Latreille au contraire se fondant sur ce que ion n'a pu encore voir ni les antennes, ni les pieds de ces animaux dont le test ne se présente guère que par le dos, estime que l'on doit plutôt les re- garder comme analogues à ce genre de testacés que l'on a nommés oscabrions ^ et qui portent sur le dos une suite de pièces transversales. Les trilobites, selon lui, seroient des oscabrions dont la première pièce coquillière seroit plus grande , et dont les suivantes seroient divisées chacune en trois. Dans un autre mémoire présenté avant celui ET ZOOLOGIE. 4^3 dont nous venons de rendre compte, M. Audouin, se livrant davantage à la recherche d'analogies éloignées, a voit considéré la tête des insectes comme formée de trois segments, dont le premier (le cha- peron) auroit pour appendices le labre et les man- dibules; le second, les antennes et la lèvre; le troi- sième, les yeux et les maxilles. La division de ce deuxième et de ce troisièine segment ne pouvoit tomber sous les yeux; car, selon M. Audouin lui- même, ils seroient toujours unis dans les insectes ordinaires. En partant toutefois de cette supposi- tion , qu'il cherchoit à ramener la structure des crustacés et des arachnides à celle des insectes or- dinaires, sa manière de voir étoit: dans les crus- tacés le premier segment de la tête auroit disparu tout-à-fait; il ne resteroit du second segment que les petites antennes qui répondroient à la lèvre in- férieure, et du troisième, que les yeux et les grandes antennes, lesquelles répondroient aux maxilles; les mandibules des crustacés répondroient ainsi à la première paire de pattes des insectes, et ainsi de suite. Il ne resteroit aux arachnides que le troisième segment de la tête qui comprend les yeux, et par conséquent ce que l'on appelle leurs mandibules représenteroit les maxilles , et leurs maxilles répon- droient aux premières pattes des insectes. BUFFON. COMPLEM. T. III. 38 434 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Partant delà, M. Audouin considéroitles insectes hexapodes, les arachnides et les crustacés, comme différant relativement au tronc, par ceux de leurs se(]^ments qui se sont le plus développés. Dans les insectes ce sont les trois premiers après les trois de la tête; dans les arachnides les quatre qui viennent après le quatrième, c'est-à-dire après le piothorax ; dans les écrevisses, les cinq à compter du dixième et y compris le quatorzième. En effet les petites antennes, les grandes antennes, les màn- dihules, et les six paires de mâchoires qui suivent les mandibules indiquent l'existence de neuf seg^- ments. Les serres sont donc attachées au dixième. Ainsi, en dernière analyse, toutes les différences de la charpente de ces trois classes d'animaux ar- ticulés dépendroient de l'absence, de la diminution ou de Taccroissenient de tels outils de leurs anneaux. Ici, comme l'on voit, l'auteur abandonnoit le champ de l'observation , pour entrer dans celui des hypothèses, et s'exposoit davantage à la contradic- tion. Effectivement il y a et il doit y avoir plusieurs manières de voir du moment que ce n'est plus qu'avec les yeux de l'esprit que Ton voit. Ainsi d'autres naturalistes qui se sont occupés de ce rap- prochement des arachnides et des crustacés avec les insectes ordinaires ont suivi des routes assez différentes. ET ZOOLOGIE. 4^5 Nous avons parlé, dans notre analyse de i8i 5 , d'un travail de M. Savigny sur ce sujet, où il laisse aux mandibules et aux deux paires d'organes man- ducatoires qui les suivent dans les crustacés, les noms de mandibules, maxilles , et lèvre inférieure, et où il regarde les trois paires d'organes mandu- catoires suivantes comme analogues aux trois paires de pattes des insectes ordinaires ; mais où il cherche à établir que dans les arachnides, ce sont les pre- mières paires d'organes manducatoires qui repré- sentent les premiers pieds , tandis que les vraies mâchoires ont disparu avec les antennes et presque toute la tête. M. l^atreille, dans un mémoire présenté cette année, regarde au contraire le corps des crustacés comme divisé en quinze segments, dont un pour la tête, sept pour le tronc, et sept pour la queue ou l'abdomen. Il rapporte au tronc et considère comme des pieds les deux paires les plus extérieures des organes manducatoires ; il retrouve ces quinze an- neaux dans les autres insectes, mais avec quelques soudures et des appendices de moins. Il voit des antennes, mais très modifiées quant à leurs formes et à leurs usages, dans ce que Ton appelle les pre- mières mâchoires des branchiopodes et des arach- nides , attendu que ces mâchoires sont toujours placées au-dessus de la lèvre supérieure. Les formes 28. 436 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, bizarres que prennent les derniers pieds des crus- tacés, ceux des calyo^es, par exemple, qui se par- tagent en deux Ion j^s filets barbelés, lui font naître l'idée que ces filets enveloppés d'une membrane re~ présenteroient assez bien une aile d'insecte. Les lames respiratoires des larves d'épbémères lui pa- roissent encore plus ressembler à des ailes. Accu- mulant ces sortes d'anaîo.^ies, il en vient à appeler les ailes des sortes de paties trachéales. Jusque-là on s'en tenoit cependant à comparer entre elles des classes d'animaux articulés seule- ment; M. Geoffroy-Saint-Hilaire est allé plus loin, et a cherché à établir un rapprochement entre rembranchement tout entier des animaux articu- lés, et celui des animaux vertébrés. Les insectes n'ayant point de système artériel, il admet que l'appareil nerveux répand immédiate- ment autour de son axe les matériaux de l'organisa- tion dont le développement se fait en dedans du canal vertébral; en sorte que ce seroient les an- neaux des insectes et des crustacés qui représente- loient leurs vraies vertèbres : prenant pour point de comparaison la tortue, dont les côtes sont déjà arrivées à la surface du corps, en faisant rentrer dans l'intérieur les articulations des membres pec- toraux et leurs muscles, il conçoit que si ces vertè- bres encore diminuées s'ouvroient, elles laisse- ET ZOOLOGIE. /[?tj roient en quelque sorte le cordon médullaire libre dans la grande cavité des viscères, et il exprime sa pensée en disant que tout animal habite en dedans ou en dehors de sa colonne vertébrale; il appuie son sentiment de cette considération que les an- neaux de la queue des crustacés se divisent en qua- tre parties comme les vertèbres. Venant ensuite au détail, il se représente le corps de rinsecte comme divisé en six parties ou segments principaux ; rappelant que la tête des vertébrés a été considérée par M. Oken et d'autres anatomistes comme une suite des trois vertèbres , il pense que le premier segment des insectes, leur tête, ne représente que la première des trois vertèbres des vertébrés , et comprend les os du cerveau , ceux de la face , et les os hyoïdes ; le deuxième segment des insectes, celui qui porte leur première paire de pattes (le prothorax de M. Audouin), est, selon M. Geoffroy, la seconde vertèbre de la tête des ver- tébrés , et répond aux os du cervelet, du palais et du larynx ; le troisième segment, qui porte les ailes supérieures, et que M. Geoffroy réduit à lecusson, comprend les pariétaux, les interpariétaux, et les os de Foreiile , c'est-à-dire , d'après la manière de voir de l'auteur, que nous avons exposée dans notre analyse de 1 8 1 7 , les os des opercules des poissons. Le quatrième segment, auquel M. Geoffroy attri- 438 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, bue les quatre pattes postérieures et la deuxième paire d'ailes, répond à la poitrine; le cinquième, qui est l'abdomen des insectes, à l'abdomen des ver- tébrés, et le sixième, qui est Tanneau de clôture, à leur coccyx. De cette relation, appliquée aux parties ou aux appendices de chaque segment , il résulte entre au- tres choses que les élytres ou les ailes supérieures répondent aux opercules et par conséquent aux os de Toreille, que le stygmate du corselet est une ou- verture auditive, et que ceux de Fabdomen sont analogues aux pores de la ligne latérale des pois- sons. Les ailes postérieures ont paru seules offrir quelques difficultés à Fauteur, mais il a fini par les croire les analogues des vessies natatoires des pois- sons , ou , ce qui dans son opinion revient au même, des sacs aériens des oiseaux, se rapprochant ainsi de M. de Latreille, qui attribue aux ailes en général une origine trachéale. M. Geoffroy, passant aux crustacés, considère leur thorax comme formé de deux sortes de vertè- bres, dont la série auroit sa partie antérieure re- ployée sur la partie suivante ; c'est dans l'appareil osseux de Testomac qu'il cherche les corps et les parties latérales des vertèbres de cette première série ou de la tête ; les mêmes qui dans les vertébrés .ordinaires forment les os de la base du crâne. La ET ZOOLOGIE. 4^9 grande carapace qui recouvre ce thorax se compose de la partie annulaire de ces mêmes vertèbres, de la tête, ou des os extérieurs du crâne; enfin les vertè- bres pectorales forment en dessous l'axe auquel s'at- tachent les pattes. M. Geoffroy considère ces pattes, ainsi que tous les appendices de la queue , auxquels on a donné le nom de fausses pattes , comme repré- sentant des côtes, et fait remarquer à ce sujet que les côtes sont déjà employées à la locomotion dans plusieurs vertébrés , et notamment dans les ser- pents. Que si les appendices de la queue ou fausses pattes des écrevisses sont plus petites que les vraies pattes, c'est par suite d'un système de compensa- tion, et parceque les vertèbres auxquelles elles adhè- rent sont plus .(grandes que les vertèbres pectorales auxquelles tiennent les pattes véritables. M. Geoffroy s'appuie aussi de l'analyse chimique des croûtes des écrevisses pour montrer leur ana- logie avec les os, et rappelle que dans plusieurs poissons les os delà tête sont aussi repoussés à l'ex- térieur et immédiatement sous répiderme. M. Latreille , que ses immenses travaux sur la partie positive de l'entomologie ont rendu si célè- bre, s'est cru obligé de se livrer aussi à quelques recherches théoriques sur les moyens de rappro- cher les insectes des vertébrés. Il pense que pour y parvenir il faut comparer d'abord les crustacés 44o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, avec les poissons de l'ordre des suceurs , tels que les lamproies, et c'est principalement par leurs or- ganes de la respiration qu'il les compare. Partant des têtards de grenouilles, passant par les poissons ordinaires aux cartilagineux, de là aux crustacés et jusqu'aux cloportes, il voit les bran- chies , d'abord concentrées près de la gorge, s'étaler le long du corps , et se porter de plus en plus vers la queue. Parmi les poissons suceurs il en voit , tels que les gastrobranches, qui semblent n'avoir que des mâchoires latérales ; ces poissons manquent de côtes, et leurs vertèbres semblent s'anéantir. En admettant que leur os hyoïde est prodigieusement agrandi, on auroit, selon M. Latreille, ce plastron pectoral (jui, dans les écrevisses , porte les bran- chies sur ses côtés, et les pieds de ces derniers ani- maux ne seroient que des appendices articulés des rayons branchiaux. Dans ce système le test rem- place les os tle la tête, les opercules et les côtes. Si l'on passe aux crustacés à longue queue , et sur-tout aux squilles, on trouve que le test diminue, que les étranglements se marquent davantage sur le dos; le cœur s'alonge comme en un vaisseau dor- sal ; bientôt, comme dans les chevrettes , 1 animal finit par n'être qu'une suite de segments presque semblables, avec une tête libre; les appendices de la queue représentent les nageoires ventrales et ET ZOOLOGIE. 44* anaies , et les ailes peut-être les nageoires pecto- rales ; les organes nianducatoires seroient les mâ- choires désarticulées à leurs symphyses; enfin les antennes seroient des narines en quelque sorte re- tournées, et, de concaves qu'elles étoient, devenues de longues productions saillantes. D'après un aperçu inséré dans un rapport du même auteur sur le travail de M. Savigny relatif aux annélides, les organes masticatoires des néréi- des ne seroieiit ni des mâchoires ni des pieds trans- formés en mâchoires , et ne pourroient être com- parés (ju'aux dents intérieures de l'estomac des écrevisses; et le reste du corps des annélides cor- respondroit à celui des mille-pieds, par le nomhre de ses segments des appendices qui leur sont an- nexés, et souvent même par l'ordre des organes de la respiration. Unousseroitfacilede rapporter encore un grand nombre de manières d'envisager les rapproche- ments des insectes et des animaux vertébrés, si, ne nous bornant point, comme nous le devons , à rendre compte des mémoires présentés à l'Acadé- mie, nous pouvions donner aussi des extraits des ouvrages publiés par les naturalistes françois ou étrangers qui se sont livrés aux spéculations de ce genre, sur-tout en Allemagne, où elles ont été fort en vogue pendant quelque temps; mais l'espace qui 44'-^ ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, nous est accordé ne nous permettant pas ces excur- sions , nous nous bornerons à faire remarquer que , dussent plusieurs de ces essais manquer encore leur but, ia science auroit toujours à se fébciter de ce ^rand mouvement imprimé aux esprits. Sur cette route, quelque hasardeuse (ju'elle soit, les observations les plus précieuses se recueillent, les rapports les plus délicats se saisissent, et quand, en définitive, on découvriroit que les vertébrés et les insectes ne se ressemblent pas autant qu'on Ta- voit cru , il n'en sera pas moins vrai que Ton sera arrivé à connoître beaucoup mieux les uns et les autres. C est ainsi que dès à présent on ne peut douter que le crâne des animaux vertébrés ne soit à-peu- près ramené à une structure uniforme ; et que les lois de ses variations ne soient à-peu-près détermi- nées. S'il reste encore quelque doute relativement à certaines parties de la face, le j)lus «rand nombre de ses parties est déjà soumis à des lois fixes. Des dissentiments subsistent encore touchant les jjar- ties intérieures et extérieures du thorax; mais les choses en sont au point que Ton ne peut tarder, au moyen de quelques concessions mutuelles, d'ar- river à des résultats satisfaisants pour toutes les opinions. ET ZOOLOGIE. 44-^ M. Geoffroy-Saint- Jïila ire, dont les travaux ont tant contribué aux progrès de ces études, en a fait sentir l'importance dans deux mémoires intitulés , l'un : De quelques règles fondamentales de la Physio- logie naturelle; l'autre, De la génération de quelques idées dans les études anatomiques ; et joignant l'exem- ple au précepte, il n exposé, dans trois autres mé- moires, les résultats de ses nouvelles recherches sur l'os qui sert de hase à tout le crâne , et que l'on a nommé sphénoïde ; sur celui qui forme l'arrière du crâne, et qu'on a appelé occipital; enfin sur celui que l'on appelle carré dans les oiseaux , et qui ré- pond à Vos de la caisse des fœtus des mammifères. On sait depuis plusieurs années que l'os sphé- noïde est d'abord divisé en deux os qui se suivent, et qui demeurent même très long-temps distincts dans certains ({uadrupédes : c'est d'après ce fait que M. Oken et d'autres anatomistes ont considéré cet os comme représentant- deux vertèbres ; on a appris aussi depuis la même époque que dans le plus grand nombre des quadrupèdes les apophyses ptérygoïdes in ternes du sphénoïde demeurent, pen- dant presque toute la vie, distinctes de ses autres parties; enfin il y a très long-temps que ceux qui ont décrit les progrès de l'ossification dans les fœtus hu- mains ontannoncéq ne vers la naissancele sphénoïde antérieursedivise en deux moitiés, etle postérieur en 444 xVNATOMlE ET PHYSIOLOGIE AJNIMALES, en trois; savoir, le corps et les grandes ailes; mais dans les fœtus moins avancés les ailes d'ingrassias sont distinctes. Le corps même du sphénoïde pos- térieur estaussidiviséen deux parties. EnfinM. Geof- froy a vu les apophyses ptérygoïdes ex ternes séparées des grandes ailes; et il pense aussi que les sinus sphénoidiens peuvent être regardés comme des os particuliers; en sorte qu'en réalité le sphénoïde se- roit composé de sept paires d'os, auxquels Fauteur donne les noms; savoir, Aux ailes d'ingrassias celui d^ingrassial; Aux cornets sphénoïdaux celui de bertinal, d'a- près Bertin, qui les a le premier hien décrits; Au corps du sphénoïde antérieur celui d'eiUo- sphénal; Aux grandes ailes temporales celui de ptéréal; Aux apophyses ptérygoïdes externes celui depté- rygdidal; Aux internes celui dliérisséal, d'après Hérissant, qui les a particulièrement étudiés dans les oi- seaux; Enfin au corps du sphénoïde celui dliippo-splié- nal, parcequ'il forme ce que Ion a nommé la selle turcique. M. Geoffroy pense que , si l'on considère les deux sphénoïdes comme deux vertèbres , on peut regar- der le palatin comme représentant la côte de la pre- ET ZOOLOGIE. 44^ mière, et l'apophyse ptéiygoïde interne comme formant la côte de la seconde de ces vertèbres. Quant à l'os carre , M. Geoffroy l'ayant vu dans un fœtus de crocodile divisé par des sutures en deux p^randes lames et en deux petites , il Ta suivi dans déjeunes oiseaux, et il a trouvé aussi chez eux deux lames principales, et deux petites pièces acces- soires , qui ne s'unissent à Fos carré que lorsque le squelette est entièrement consolidé. Cherchant dans l'homme les analogues de ces deux petites pièces , M. Geoffroy les trouve dans l'apophyse sty- loïde, et dans l'espèce de capsule dont cette apo- physe semble sortir, et qu'on a nommée l'apophyse vaginale; et il annonce que dans les fœtus de cer- tains animaux cette apophyse vaginale est un noyau osseux particulier. Il considère ensuite la caisse elle-même pour y retrouver les deux principales pièces de l'os carré. Dans les carnivores, tels que le chien , le chat, une lame en forme de coquille , naissant du rocher, s'ossifie par degrés , complète ainsi les parois de la caisse, et enchâsse le cadre du tympan, qui lui- même un peu en forme de coquille donne, par son bord interne, cette cloison circulaire qui divise comme on sait la caisse de ces carnivores en deux chambres. 446 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Dans le hérisson le cadre du tympan est très large; le rocher ne produit point de lame pour compléter avec lui les parois de la caisse; mais il y est suppléé par une lame que le sphénoïde posté- rieur donne de sa partie voisine de l'os basilaire, en sorte que dans cet animal le sphénoïde concourt avec l'os du tympan et avec le rocher à envelopper la cavité de la caisse. Il y a quelque chose d'analogue dans le sarigue ; M. Cuvier a même observé que dans cet animal le sphénoïde postérieur entre dans la composition de l'apophyse glénoïde; que dans le dasyiire la lame qu'il fournit à la caisse se renfle en une grande ves- sie à parois minces et solides, en sorte que presque toute la cavité d'une énorme caisse tire ses parois du sphénoïde ; que dans le plialanger le sphénoïde contribue à la composition de l'apophyse mastoïde en même temps que de la caisse; que dans le kan~ guroo il entre dans la composition delà première, mais non de la seconde; enfin que dans \e phasco- lome c'est le temporal qui contribue par une de ses productions à ceindre la caisse par-devant, tandis que les parois inférieures et postérieures de cette eavité, ne recevant d'os ni du sphénoïde ni du ro- cher, demeurent cartilagineuses , à moins toutefois qu'il n'y ait un os séparé, perdu dans les squelettes que nous possédons. ET ZOOLOGIE. 44? M. Geoffroy trouve que cette partie de la caisse qui ne s'ossifie qu'aj)rès le cadre du tympan, et qui s'attache avec lâge, tantôt au rocher, tantôt au sphé- noïde, tantôt au temporal, est dans h s jeunes sujets séparée par une suture de l'os auquel elle vient à adhérer par la suite; il en conclut que c'est primiti- vement une pièce à part , et il lui donne le nom d'os cotyléal. Elle se sépare aisément, selon Tauteur, dans le chat de dix jours ; on en voit même se séparer encore une autre pièce dans le fœtus du chat ou dans le chat naissant; il assure aussi que l'on peut détacher ce cotyléal dans lenfant naissant; et comme d'ailleurs, selon M. Serre, le cadre du tympan de riiomme se divise en deux parties dans les jeunes fœtus , M. Geoffroy retrouve dans la caisse de l'homme les mêmes trois pièces que dans les carni- vores, et cinq en comptant le vaginal elle slylhya!. Or nous venons de voir que dans les oiseaux il n en a découvert que quatre, aussi se propose-t-il hien de chercher à déterminer quelle est celle qui leur manque, ainsi que de les retrouver toutes dans les poissons. Dans la vue de s'assurer davantage de la (généra- lité et de la constance de ces lois sur la composition du crâne, M. Geoffroy a fait une étude particulière des crânes de fœtus monstrueux, sur-tout de ceux qu'on a nommés acéphales ou plutôt anencéphales, 448 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, parceque leur cerveau est détruit ou sorti du crâne par quelque ouverture. Les os du crâne n'étant plus soutenus par-dedans ne prennent point leur développement naturel; mais quelque étranges que paroissent les mon- struosités qui en résultent, on y retrouve les mêmes pièces que dans les crânes rég^uliers; seulement elles ont pris d'autres proportions relatives , ou bien elles sont plus ou moins déplacées, ou bien enfin elles conservent les unes plus long -temps que les autres la distinction de leurs noyaux pri- mitifs. M. Geoffroy a choisi trois de ces crânes défi.o^u- rés, et a montré la nature et les causes descbanj^^e- ments subis par chacun de leurs os. Dans l'un d'eux par exemple l'occipital supérieur est divisé en deux, comme dans beaucoup de reptiles; et un peu plus haut se trouvent deux autres pièces dis- posées comme les interpariétaux de quelques mam- mifères. M. Geoffroy fait remarquer à ce sujet que dans l'état ordinaire l'occipital supérieur du fœtus de rhomme est divisé d'abord en quatre parties, et soutient que les deux supérieures, qui sont les plus grandes, répondent aux deux interpariétaux des fœtus des ruminants et d'autres quadrupèdes. Elles se soudent de meilleure heure, par des raisons ET ZOOLOGIE. 449 analogues à celles qui produisent la même réu- nion précoce entre les deux parties du frontal de rhomme. Cette constance des éléments du crâne est telle que M. Geoffroy en a trouvé tous les os, mais ré- duits à une petitesse excessive, dans un fœtus qui n'avoit au-dehors aucun reste apparent de tête ni de cou. L'auteur termine ce travail par une classification des différentes monstruosités par défaut relatives à la tête , qui pourra servir de base et de principe de nomenclature pour les recherches ultérieures sur ce sujet fécond. L'on avoit remarqué de tout temps que les ser- pents n'ont pas de paupières; que leurs yeux sont protégés à l'extérieur par une membrane sèche et transparente : on avoit supposé que cette membrane étoit leur cornée , et l'on en avoit conclu qu'ils n'ont pas de larmes. Mais il n'en est pas ainsi : sous cette peau trans- parente est une solution de continuité qui la sépare de la véritable cornée ; et ce vide, cette cavité pos- sible qui répond à celle qui existe au-devant de tout autre œil quand les paupières sont fermées, et qui est tapissée par une conjonctive en forme de sac, a réellement dans l'angle interne, comme les BUFFON, COMPLÉM. T. III. 29 45o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, paupières des yeux de la plupart des mammifères et des oiseaux, une petite ouverture, un véritable point lacrymal, orifice d'un canal qui dans les ser- pents non venimeux aboutit à la bouche, et dans les venimeux aux fosses nasales. C'est ce que M. Jules Gloquet a fait connoître à l Académie, et accom- pagné de préparations ingénieuses et de figures exactes. Il y décrit en même temps les diverses con- figurations de l'os lacrymal et de la glande du même nom dans les serpents les plus connus. L'Académie avoit proposé pour sujet du prix à décerner cette année l'anatomie comparative du cerveau dans les quatre classes d'animaux verté- brés. Ce prix vient d'être remporté par M. Serre , chef des travaux anatomiques à Ihospice de la Pitié, et le travail important et volumineux qu'il a pré- senté au concours, accompagné d'une multitude de dessins, a tellement satisfait à ce que les anato- mistes pouvoient désirer que nous croyons devoir leur en présenter ici, pour bâter leur jouissance, une analyse étendue que nous empruntons en grande partie à l'auteur. Depuis trois siècles environ on s'est beaucoup occupé de l'anatomie du cerveau; on a senti toute l'utilité dont pou voit être pour ce sujet l'anato- mie comparative ; mais une partie de ces efforts ET ZOOLOGIE. 45 I ont été infructueux à cause peut-être du point de départ. Les anatomistes cherchèrent d'abord les ressem- blances dans l'encéphaie des animaux comparé à ce- lui de riîomme , qui leur étoit particulièrement connu; ces ressemblances furent saisies chez les mammifères, parcequ'aux proportions près cet or- ojane est la répétition de lui-même dans les diffé- rentes familles dont cette classe se compose. On y trouva tout, comme chez l'homme; on y dénomma tout, comme chez lui; on arriva ainsi à lanatomie des oiseaux avec des idées toutes for- mées; mais dès les premiers pas on se trouva arrêté dans la détermination des parties dont se compose leur encéphale. Les lobes cérébraux et le cervelet furent bien reconnus, mais on méconnut les tu- bercules quadrijumeaux à cause de leur change- ment de forme et de proportion ; on méconnut également la couche optique , et on crut à une composition différente de leur encéphale. La chaîne des ressemblances parut dès-lors rom- pue, et lorsqu'on en vint aux poissons il sembla impossible de la renouer par une circonstance que nous allons faire connoître. Les anatomistes s etoient habitués , on ne sait trop pourquoi, à disséquer le cerveau humain par sa partie supérieure , et celui des mammifères d'à- ^9- 452 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, vant en arrière : cette méthode eut peu cFincon- vénients chez eux, elle en eut également de foibles chez les oiseaux, parcequ'il ëtoit difficile de mé- connoître les lobes cérébraux et le cervelet. Il n'en fut pas de même chez les poissons; leur encéphale se compose d'une série de bulbes alignées d avant en arrière, tantôt au nombre de deux , de ([Liatre, et quelquefois de six : à quelle paire devoit- on assigner le nom de lobes cérébraux? étoit-ce aux antérieurs, aux moyens, ou aux postérieurs? Les anatoniistes n'ayant aucune base pour établir l'une ou l'autre de ces déterminations , elles furent tour- à-tour adoptées et rejetées. On conçoit qu'avant de chercher à rétablir les rapports des différents éléments de Fencéphale, il étoit indispensable de faire cesser cette confusion , de déterminer leur analogie, et d'établir cette dé- termination sur des bases qui fussent les mêmes pour toutes les classes. Cette recherche fait l'objet de la première partie du travail de M. Serre, dans lequel il décrit sépa- rément le cerveau pour chaque classe en particu- lier, en considérant cet organe depuis les embryons devenus accessibles à nos sens jusqu'à l'état par- fait, et à Fàge adulte des animaux. L'analogie de chaque portion de l'encéphale étant déterminée, il a consacré la dernière partie de son ouvrage à l'étude de leurs rapports compa- ET ZOOLOGIE. 4^3 ratifs dans les quatre classes des vertébrés : les pro- positions générales qui suivent sont l'expression de ces rapports. La moelle épinière se forme avant le cerveau dans toutes les classes. Elle consiste d*abord , chez les jeunes embryons , en deux cordons non réunis en arrièie, et qui for- ment une gouttière; bientôt ces deux cordons se touchent et se confondent à leur partie posté- rieure; l'intérieur de la moelle épinière est alors creux ; il y a un long canal qu'on peut désigner sous le nom de ventricule ou de canal de la moelle épi- nière : ce canal se remplit quelquefois d'un liquide, ce qui constitue thydropisie de la moelle épinière, maladie assez commune chez les embryons des mammifères. Ce canal s'oblitère au cinquième mois de l'em- bryon humain, au sixième de l'embryon du veau et du cheval , au vingt-cinquième jour de l'em- bryon du lapin, au trentième jour du chat et du chien ; on le retrouve sur le têtard de la grenouille et du crapaud accoucheur jusqu'à l'apparition des membres antérieurs et postérieurs. Cette oblitération a lieu dans tous ces embryons par la déposition de couches successives de matière grise, sécrétée par la pie-mère qui s'introduit dans ce canal. La moelle épinière est d'un calibre égal dans 454 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, toute son étendue chez les jeunes embryons de tou- tes les classes : elle est sans renflement antérieur ni postérieur, comme celle des reptiles privés des membres (vipères, couleuvres, anguisfragilis) et de la plupart des poissons. Avec cette absence des renflements de la moelle épinière coïncide , chez tous les embryons , l'ab- sence des extrémités antérieures et postérieures; les embryons de tous les mammifères, des oiseaux et de l'homme , ressemblent sous ce rapport au têtard de la grenouille, et des batraciens en général. Avec l'apparition des membres coïncide, chez tous les embryons, Tapparitiou des renflements antérieurs et postérieurs de la moelle épinière : cet etfet est sur- tout remarquable chez le têtard des batraciens à lepoque de sa métamorphose; les em- bryons de l'homme, des mammifères, des oiseaux et des reptiles, éprouvent une métamorphose en- tièrement analogue à celle du têtard. Les animaux qui n'ont qu'une paire de membres n'ont qu'un seul renflement de la moelle épinière; les cétacés sont particulièrement dans ce cas : le renflement varie par sa position selon la place qu'occupe sur le tronc la paire de membres. Le genre bipes a son renflement situé à la partie pos- térieure de la moelle épinière; le genre bimane l'a au contraire à la partie antérieure. ET ZOOLOGIE. 4^^^ Dans les monstruosités que présentent si fré- quemment les embryons des mimmifères , des oi- seaux et de rhomme, il se présente souvent des bipes et des bimanes, qui, comme les cétacés et les reptiles que nous venons de citer, n ont qu'un seul renflement situé toujours vis-à-vis de la paire de membres qui reste. La moelle épinière des poissons est légèrement renflée vis-à-vis du point qui correspond à leurs nageoires. Ainsi les jugulaires ont ce renflement derrière la tête, à la région cervicale de la moelle épinière; les pectoraux vers la région moyenne ou dorsale; et les abdominaux vers la partie abdomi- nale de la moelle épinière. Les trigles, remarquables parles rayons détachés de leurs pectorales , le sont aussi par une série de renflements proportionnés , pour le nombre et le volume, au volume et au nombre de ces mêmes rayons auxquels ils correspondent. Les poissons électriques ont un renflement con- sidérable correspondant au nerf qui se distribue dans l'appareil électrique (raie, silure électriques). La classe des oiseaux offre des différences très remarquables dans la proportion de ses deux ren- flements. Les oiseaux qui vivent sur la terre comme nos oiseaux domestiques, et ceux qui grimpent le long 456 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE AJNIMALES, des arbres, ont le renflement postérieur beaucoup plus volumineux que Faiitérieur. J /autruche est sur-tout remarquable sous ce rapport. Les oiseaux qui s élèvent dans les airs , et y pla- nent souvent des journées entières , offrent une disposition inverse; c'est le renflement antérieuv qui prédomine sur le postérieur. M. Gall a avancé que la moelle épinière étoit renflée à rori[>ine de chaque nerf; M. Serre ne croit pas que cette opinion soit confirmée par l'exa- men de la moelle épinière des vertébrés, à quelque â(]^e de la vie intra ou extra-utérine qu'on la con- sidère. M. Gall cherchoit dans ces renflements suppo- sés Fanalo^jue de la double série de ^^anglions qui remplacent la moelle épinière dans les animaux articulés. Cette analogie se trouve , comme d'autres au- teurs l'ont déjà avancé, non dans la moelle épi- nière, mais dans les ganglions inter-veitébraux. Ces ganglions, qui ont peu occupé les anato- mistes , sont proportionnés dans toutes les classes au volume des nerfs qui les traversent : ils sont beaucoup plus forts vis-à-vis des nerfs qui se ren- dent aux membres que dans aucune autre partie. La moelle é[jinière est étendue jusqu'à l'extré- mité du coccix , chez l'embryon humain , jusqu'au ET ZOOLOGIE. 4^7 quatrième mois de la vie utérine. A cette époque elle s'élève jusqu'au niveau du corps de la seconde vertèbre lombaire, où elle se fixe à la naissance. L'embrvon humain a un prolongement caudal signalé par tous les anatomistes, qui persiste jus- qu'au quatrième mois de la vie utérine ; à cette époque ce prolongement disparoît, et sa disparition coïncide avec l'ascension de la moelle épinière dans le canal vertébral, et labsorption d'une partie des vertèbres coccigiennes. Si l'ascension de la moelle épinière s'arrête, le fœtus humain vient au monde avec une queue, ainsi qu'on en rapporte un grand nombre de cas : le coccix se compose alors de sept vertèbres. Il y a donc un rapport entre l'ascension de la moelle épinière dans son canal , et le prolongement caudal du fœtus humain et des mammifères. Plus la moelle épinière s'élève dans le canal ver- tébral , plus le prolongement caudal diminue , comme dans le cochon, le sanglier, le lapin; au contraire plus la moelle épinière se prolonge et descend dans son étui , plus la queue augmente de dimension , comme dans le cheval , le bœuf, l'écu- reuil. L'embryon des chauve -souris sans queue res- semble sous ce rapport à celui de l'homme : il a d'abord une queue qu'il perd rapidement, parce- 458 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, que chez ces mammifères l'asceDsion de la moelle épinière est très rapide, et qu'elle s'élève très haut. C'est sur- tout chez le têtard des batraciens que ce changement est remarquable; aussi long-temps qne la moelle épinière se prolonge dans le canal coccigien , le têtard conserve sa queue. A l'époque où le têtard va se métamorphoser, la moelle épi- nière remonte dans son canal , la queue disparoît , et les membres se prononcent de plus en plus. Si la moelle épinière s'arrête dans cette ascen- sion, le batracien conserve sa queue comme le fœtus humain. Le fœtus humain, celui des chauve- souris et des autres mammifères, se métamorphosent donc comme le têtard des batraciens. Chez les reptiles qui n'ont pas de membres (les vipères, les couleuvres) la moelle épinière ressem- ble à celle du têtard avant sa métamorphose. Chez tous les poissons la moelle épinière présen te le même caractère ; elle offre souvent à sa terminai- son un très petit renflement. Parmi les mammifères les cétacés ressemblent sous ce rapport aux poissons. Les embryons humains monstrueux qui n'ont pas les membres inférieurs se rapprochent sous ce rapport des cétacés et des poissons. L'entre-croisement des faisceaux pyramidaux est ET ZOOLOGIE. 4^9 visible chez lembryon humain dès la huitième se- maine. Chez les mammifères Te ntre-croi sèment devient de moins en moins apparent en descendant des quadrumanes aux rongeurs. Chez les oiseaux on ne remarque qu'un ou deux faisceaux tout au plus dont lentre-croisement soit distinct. Chez les reptiles il n'y a point d'entre-croise- ment. Chez les poissons lentre-croisement n'existe pas. Le volume de la moelle épinière et celui de l'en- céphale sont en général en raison inverse l'un de l'autre chez les vertébrés. L'embryon humain ressemble sous ce rapport aux classes inférieures; plus il est jeune , plus la moelle épinière est forte, plus l'encéphale est petit. Dans certaines circonstances la moelle épinière et l'encéphale conservent un rapport direct de vo- lume; ainsi plus la moelle épinière est effilée, étroite , plus l'encéphale est étroit et effilé, ce qu'on voit par-tout dans les serpents. La moelle épinière diminuant de longueur et augmentant de volume, le cerveau s'accroît dans des proportions égales; c'est ce qui arrive dans les lézards, les tortues. Chez les oiseaux, plus le cou est alongé, plus la moelle épinière est étroite, plus le cerveau est effilé. 46o ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, Ce rapport direct de volume entre la moelle épi^ iiièreetle cerveau ne porte pas surtout rencéj^hale; il a lieu uniquement avec les tubercules quadri- jumeaux. La moelle ëpinière et les tubercules quadriju- meaux sont rigoureusement développés en raison directe Tun de l'autre ; de telle sorte que le volume ou \dL force de la moelle épinière étant donné dans une classe ou dans les familles de la même classe, on peut déterminer rigoureusement le volume et la force des tubercules quadrijumeaux. L'embryon humain est dans le même cas ; plus il est jeune, plus la moelle épinière est forte, plus les tubercules quadrijumeaux sont développés. Les tubercules quadrijumeaux sont les pre- mières parties formées dans l'encéphale; leur for- mation précède toujours celle du cervelet chez l'embryon des oiseaux, des reptiles, des mammi- fères , et de l'homme. Chez les oiseaux les tubercules quadrijumeaux ne sont qu'au nombre de deux, et ils occupent, comme on le sait, la base de l'encéphale ; ce qui les a long-temps fait méconnoître. Ils ne parviennent à cet état qu'après une méta- morphose très remarquable. Dans les premiers jours de l'incubation ils sont, comme dans les au- tres classes, situés sur la face supérieure de l'en- ET ZOOLOGIE. 4^ï céphale, formant d abord deux lobules, un de chaque côté ; au dixième jour de l'incubation un sillon transversal divise ce lobule; et à cette époque il y a véritablement quatre tubercules situés entre le cervelet et les lobes cérébraux. Au douzième jour commence le mouvement très singulier par lequel ils se portent de la face supé- rieure vers la face inférieure de l'encéphale. Pendant ce mouvement le cervelet et les lobes cérébraux, séparés d'abord par ces tubercules, se rapprochent successivement, et finissent par s'a- dosser l'un contre l'autre, comme on l'observe sur tous les oiseaux adultes. Chez les reptiles les tubercules quadrijumeaux ne sont qu'au nombre de deux dans l'état adulte; mais au quinzième jour du têtard de la grenouille ils sont divisés comme ceux de l'oiseau au dixième jour. Dans cette classe les tubercules ne changent pas de place, ils restent toujours situés à la face supé- rieure de l'encéphale , entre le cervelet et les lobes cérébraux , et leur forme est toujours ovalaire. Chez les poissons le volume considérable que prennent les tubercules quadrijumeaux les a fait considérer jusqu'à ce jour comme les hémisphères cérébraux de l'encéphale. Ce qui a contribué à accréditer cette erreur c'est /\62 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES,. qu'ils sont creusés d'un large ventricule, présen- tant un renflement considérable, analogue pour sa forme et sa structure au corps strié de l'encéphale des mammifères. Ces tubercules sont toujours binaires chez les poissons, et leur forme se rapproche de celle d'un sphéroïde légèrement aplati en dedans. Chez les mammifères et l'homme les tubercules quadrijumeaux ne sont qu'au nombre de deux pendant les deux tiers environ de la vie utérine; ils sont alors ovalaires et creux intérieurement comme chez les oiseaux, les reptiles, et les poissons. Au dernier tiers de la gestation un sillon trans- versal divise chaque tubercule, et alors seulement ils sont au nombre de quatre. La diversité que présentent ces tubercules dans les différentes familles des mammifères dépend de la position qu'occupe ce sillon transversal. Chez l'homme il occupe ordinairement la partie moyenne; les tubercules antérieurs sont égaux à- peu-près aux postérieurs. Chez les carnassiers le sillon se porte en avant; ce qui fait prédominer les tubercules postérieurs. Chez les ruminants et les rongeurs le sillon se porte en arrière , et alors ce sont les tubercules an- térieurs qui prédominent sur les postérieurs. Dans certains encéphales de l'embryon humain ET ZOOLOGIE. 4^3 et des mammifères les tubercules restent jumeaux ; ce qui rapproche ces encéphales de celui des pois- sons et des reptiles. Observons que primitivement les tubercules qua- drijunieaux de l'homme et des mammifères sont creux comme chez les oiseaux, les reptiles, et les poissons. Remarquons aussi que l'oblitération de leur cavité s opère comme l'oblitération du canal de la moelle épinière; c'est-à-dire par la déposition de couches de matière grise sécrétée par la pie-mère qui s'introduit dans leur intérieur. Les tubercules quadrijumeaux sont développés dans toutes les classes et les familles de la même classe en raison directe du volume des nerfs opti- ques et des yeux. Les poissons ont les tubercules quadrijumeaux les plus volumineux , les nerfs optiques et les yeux les plus prononcés. Après les poissons viennent en général les rep- tiles, pour le volume des yeux, des nerfs optiques, et des tubercules quadrijumeaux. Les oiseaux sont également remarquables par le développement de leurs yeux; ils le sont aussi par le volume de leurs nerfs optiques et des tubercules quadrijumeaux Gbez les mammifères les yeux, les nerfs opti-- ques, et les tubercules quadrijumeaux vont tou- 464 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, jours en décroissant des rongeurs aux ruminants, des ruminants aux carnassiers, aux quadrumanes î et à l'homme qui occupe sous ce rapport le bout de réchelle animale. Comme les tubercules quadrijumeaux servent de base à la détermination des autres parties de l'encé- phale, nous avons dû accumuler toutes les preuves qui s'y rapportent. Les poissons ayant les tubercules quadrijumeaux les plus volumineux ont aussi les interpariétaux les plus prononcés. Après les poissons viennent les reptiles, puis les oiseaux ; enfin, parmi les mammifères, les rongeurs ont les interpariétaux les plus grands ; viennent ensuite les ruminants, les carnassiers, les quadru- manes, et rhomme, sur lequel on ne les rencontre qu'accidentellement. Il pourra paroître singulier que le cervelet ne se forme qu après les tubercules quadrijumeaux; mais ce fait ne présente d'exception dans aucune classe. Pour avoir des notions exactes sur le cervelet des classes supérieures, il faut d'abord les emprunter aux poissons. Chez les poissons cet organe est formé de deux parties très distinctes : D'un lobule médian prenant ses racines dans le ventricule des tubercules quadrijumeaux ; ET ZOOLOGIE. 4^^ Des feuillets latéraux *pro venant du corps resti- forme. Ces deux parties sont isolées, disjointes dans toute la classe des poissons, ce qui les avoit fait méconnoître. ' La grande différence que présente le cervelet des classes supérieures dépend de la réunion de ces deux éléments, dont Tun conserve le nom de processus vermiculaire supérieur du cervelet, et pro- vient, comme chez les poissons, des tubercules quadrijumeaux [processus cerebeili ad testes); tan- dis que l'autre , provenant des corps restiformes , constitue les hémisphères du même organe. Quoique réunis ces deux éléments conservent une entière indépendance lun de l'autre. Le processus vermiculaire supérieur du cervelet (le lobe médian) et les hémisphères du même or- gane sont développés dans toutes les classes en rai- son inverse l'un de l'autre. - Dans les familles composant la classe des mam- mifères le même rapport se remarque rigoureu- sement : ainsi les rongeurs , les ruminants , les carnassiers, les quadrumanes, et l'homme, ont ce processus et les hémisphères du cervelet développés en raison inverse l'un de l'autre. Dans toutes les classes, les reptiles exceptés , le lobe médian du cervelet (processus vermiculaire BUFFON. COMPLÉM. T. III. 3o 466 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, supérieur) est développé en raison directe du vo- lume des tubercules quadrijumeaux. Dans toutes les classes les hémisphères du cerve- let sont développés en raison inverse de ces mêmes tubercules. Dans les familles composant la classe des mam- mifères ce double rapport est rigoureusement le même : ainsi les ronj^^eurs qui ont les tubercules quadrijumeaux les plus volumineux ont le lobe médian du cervelet le plus prononcé , et les hémi- sphères du même organe les plus foibles. L'homme au contraire, qui occupe le haut de lechelle pour le volume des hémisphères du cer- velet, a le plus petit lobe médian et les plus petits tubercules quadrijumeaux. Le cervelet se développe dans toutes les classes par deux feuillets latéraux non réunis sur la ligne médiane. I^a moelle épinière est développée dans toutes les classes en raison directe du volume du lohe mé- dian du cervelet. La moelle épinière est développée dans toutes les classes en raison inverse des hémisphères du même organe. Ces faits généraux sont sur-tout importants pour apprécier les rapports de la protubérance annu- laire. ET ZOOLOGIE. 467 La protubérance annulaire est développée en raison directe des hémisphères du cervelet. La protubérance annulaire est développée en raison inverse du lobe médian du même organe ( processus vermiculaire supérieur). La protubérance annulaire est développée en raison inverse des tubercules quadrijumeaux et de la moelle épinière. La couche optique n'existe pas chez les poissons ; ce qu'on avoit pris pour elle est un renflement pro- pre aux tubercules quadrijumeaux. Chez les reptiles, les oiseaux, les mammifères, et l'homme, le volume de la couche optique est en raison directe du volume des lobes cérébraux. Dans ces trois classes la couche optique est dé~ veloppée en raison inverse des tubercules quadri- jumeaux. Chez l'embryon humain ce rapport est le même ; les tubercules quadrijumeaux décroissent à mesure que la couche optique augmente. Chez les embryons des autres mammifères, chez le fœtus des oiseaux et le têtard de batraciens, ce mouvement inverse s'observe également. Ainsi la couche optique est développée dans les trois classes où elle existe en raison directe des lo- bes, et en raison inverse des tubercules quadriju- meaux. 3o. 468 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, La glande pinéale existe dans les quatre classes des vertébrés. Elle a deux ordres de pédoncules, les uns prove- nant de la couche optique, les autres des tubercules quadrijumeaux. Les corps striés n'existent pas chez les poissons, les reptiles , et les oiseaux. Chez les mammifères leur développement est proportionné à celui des hémisphères cérébraux. Les hémisphères cérébraux sont développés en raison directe du volume de la couche optique et des corps striés. Chez les poissons ils forment une simple bulbe arrondie, située au-devant des tubercules quadri- jumeaux, et dans laquelle s'épanouissent les pé- doncules cérébraux. Chez les poissons, les reptiles , et les oiseaux , les lobes cérébraux constituent une masse solide, sans ventricule intérieurement. La cavité ventriculaire des lobes cérébraux dis- tingue inclusivement les mammifères et Thomme. Un rapport inverse très curieux s'observe à cet égard entre les trois classes inférieures et les mam- mifères , relativement aux tubercules quadriju- meaux et aux lobes cérébraux. Dans les trois classes inférieures les tubercules quadrijumeaux sont creux et conservent un ven- ET ZOOLOGIE. 4^9 tiicule inférieur ; les lobes cérébraux sont solides et sans ventricule. Dans les mammifères et Tliomme au contraire les tubercules quadrijumeaux sont solides, forment une masse compacte, et les lobes cérébraux se creu- sent d'un large ventricule. Dans les trois classes inférieures les lobes céré- braux sont sans circonvolutions, ce qui se lie avec leur masse compacte intérieure. Dans les mammifères au contraire avec la ca- vite des lobes apparoissent les circonvolutions cé- rébrales. La corne dammon n'existe, ni chez les poissons, ni chez les reptiles, ni chez les oiseaux. Elle existe chez tous les mammifères; elle est plus développée chez les rongeurs que chez les ru- minants ; chez ces derniers que chez les carnassiers, les quadrumanes, et l'homme, où elle est, toutes choses égales d'ailleurs , moins prononcée. M. Serre n'a rencontré le petit pied d'hippocampe dans aucune famille des mammifères. Chez l'homme il manque quelquefois aussi. La voûte à trois piliers manque chez les poissons et les reptiles. Elle manque aussi chez la plupart des oiseaux ; mais on en rencontre les premiers vestiges sur quelques uns, tels que les perroquets et les aigles. 470 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, La voûte à trois piliers suit chez les niammiFères le rapport de développement de la corne d'animon. Elle est plus forte chez les rongeurs que chez les ruminants; chez ceux-ci que chez les carnassiers, les quadrumanes, et rhomme. Il n'y a aucun vestige du corps calleux dans les trois classes inférieures. Le corps calleux ainsi que le pont de varole sont des parties caractéristiques de l'encéphale des mam- mitères. * Le corps calleux est développé en raison directe du volume des corps striés et des hémisphères cé- rébraux ; il augmente progressivement de^rongeurs aux quadrumanes et à rhomme. Le corps calleux est développé en raison directe du développement de la protubérance annulaire. Les hémisphères cérébraux, considérés dans leur ensemble, sont développés en raison directe des hé- misphères du cervelet , et en raison inverse de son processus vermiculaire supérieur. Les hémisphères cérébraux sont développés en raison inverse de la moelle épinière et des tubercu- les quadrijumeaux. M. Gall a dit que la matière grise se form^oit avant la matière blanche; cette opinion n'est pas* d'accord avec les faits en ce qui concerne la moelle épinière. ET ZOOLOGIE. 4? î M. Guvier a le premier constaté (|ue dans ie genre astérie le système nerveux est composé de matière blanche sans matière grise. Pendant l'incubation du poulet on observe que les premiers rudiments de la moelle épinière sont également composés de matière blanche ; la matière grise n apparoît que plus tard. Chez l'embryon humain et celui des mammifères on observe constamment aussi que la matière blan- che précède la matière grise dans sa formation , toujours en ce qui concerne la moelle épinière. Mais, dans l'encéphale proprement dit, Tordre de l'apparition de ces deux substances est inverse. Ainsi la couche optique et le corps strié ne sont, chez les jeunes embryons, que des renflements composés de matière grise ; la matière blanche ne s'y forme que plus tard. Sur le foetus humain, avant la naissance, le corps strié ne mérite pas ce nom, parceque ces stries de matière blanche, qui lui ont valu ce nom, ne sont pas encore formées. Les stries de matière blanche qu'on aperçoit sur le quatrième ventricule de l'homme n'apparoissent également que du douzième au quinzième mois après la naissance. D'où il résulte que, sur la moelle épinière, la matière blanche se forme avant la matière avise ; 472 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, tandis qu'au contraire, dans lencéphale, c'est la matière g^rise qui précède la matière blanche. Tel est le grand ouvrage de M. Serre, en quelque sorte réduit en apborismes ; nous ne doutons pas que cette espèce de table de matières n'en donne déjà aux anatomistes une idée aussi avantageuse que celle qu'en a courue TAcadémie. Dans nos analyses de 181 7 et 181 8 nous avons donné le sommaire des expériences ingénieuses et délicates faites par M. Edwards concenant l'action de l'air et de la température sur la vie des gre- nouilles , et nous avons indiqué les principales vérités physiologiques qui résultent de ces expé- riences. Ce savant observateur a étendu ce genre impor- tant de recherches, et en a présenté le résumé gé- néral dans un mémoire intitulé : De l'influence des agents physiques sur les animaux vertébrés. Il a re- connu que la peau remplit dans les grenouilles des fonctions plus importantes pour îa vie que celles des poumons, car en l'enlevant on les fait périr bien plus tôt qu'en extirpant les poumons; et lors- que Ton fait respirer l'animal par les poumons seu- lement, en enveloppant sa peau d'huile ou d'un autre liquide, on a peine à soutenir son existence. L'auteur s'est occupé ensuite de la transpiration ; il ET ZOOLOGIE. 473 a remarqué que, toutes choses égales d'ailleurs, elle va en diminuant dans des intervalles succes- sifs. Le mouvement de l'air , sa sécheresse , sa cha- leur, l'augmentent beaucoup. M. Edwards a con- signé dans des tableaux fort précis ses résultats numériques à cet égard. Il a examiné aussi et repré- senté par des tableaux la faculté qu'ont ces animaux d'absorber leau dans laquelle on les plonge, faculté qui va en décroissant jusqu'à un certain degré que l'on peut considérer comme celui de la saturation. Entre o et 4^° l'abaissement du thermomètre fa- vorise cette absorption. On a vu dans nos extraits précédents que la gre- nouille adulte ne trouve dans l'eau une quantité d'air suffisante à sa respiration qu'autant que la température est au-dessous de lo", et qu'au-dessus de ce terme l'air atmosphérique lui devient indis- pensable. Le têtard de grenouille n'est pas dans le même cas, et l'auteur en a conservé un grand nombre jusqu'à 23° de température sans les laisser venir respirer à la surface; mais ce qu'il a observé de plus important sur les têtards c'est qu'en les em- pêchant de respirer par les poumons , en les rédui- sant à respirer par les branchies, on peut retarder et même empêcher leur métamorphose. La température exerce sur la respiration des 474 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, poissons une action analogue ; plus elle est froide , et plus long-temps le poisson peut se passer de ve- nir respirer à la surface. MM. Sylvestre et Bron- gniart, qui ont fait autrefois des expériences sur la nécessité de l'air élastique pour cette classe dani- inaux, avoient aussi remarqué les variations qui à cet égard dépendent de la température. Les poissons mis hors de Teau perdent avant de mourir du douzième au quinzième de leur poids par la transpiration. Les tortues, les serpents et les lézards, dont la peau est moins perméable que celle des grenouilles, ne peuvent vivre entièrement sous Feau , quelque aérée, quelque froide quelle soit. Ils perdent aussi beaucoup moins par la transpiration. Quant aux animaux à sang chaud , M. Edwards a remarqué que les jeunes mammifères et les jeu- nes oiseaux produisent beaucoup moins de chaleur que les adultes, et que quelques uns d'entre eux pendant les premiers jours de la vie ont de la peine , quand ils sont isolés de leur mère, à se sou- tenir par un temps froid à quelques degrés au-des- sus delà température ambiante; ce sont ceux qui naissent avec un canal artériel large et ouvert, et où par conséquent la communication entre les deux circulations demeure plus complète pendant les premiers j(^urs. L'auteur est porté à croire que ET ZOOLOGIE. 47 ^ les animaux dans ce cas sont aussi ceux qui naissent les yeux fermés. M. Edwards a constaté par de nouvelles expé- riences le fait que les oiseaux, toutes choses égales d'ailleurs , ont une respiration plus étendue et pro- duisent plus de chaleur; enfin il a observé que dans les animaux à sang chaud, privés de respira- tion , rabaissement de la température est favorable à la prolongation de la vie , comme dans les ani- maux à san«^ froid. M. Edwards sest aussi occupé de constater les variations que les saisons occasionent dans l'éten- due de la respiration des animaux, étendue qu'il mesure d'après la quantité d'oxygène qu'ils con- somment, ou , ce qui revient au même, d'après la quantité d air qu'il leur faut pour prolonger leur vie pendant un temps donné, ou bien enfin en pre- nant le rapport inverse d'après le temps qu'ils peu- vent vivre dans une quantité donnée d'air. Il a trouvé de cette manière et de plusieurs au-- très que retendue delà respiration, et la consom- mation de l'oxygène qui en résulte , sont plus fortes en hiver qu'en été; mais l'emploi de l'oxygène con- sommé n'est pas le même dans les deux saisons. A la vérité M. Edwards trouve qu'il y en a toujours plus ou moins d'absorbé ; mais cette absorption diminue beaucoup en automne et en hiver; elle 476 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, devient même alors très petite , tandis que la pro- duction de l'acide carbonique devient au contraire plus grande. L'auteur est arrivé à un résultat non moins singulier par rapport à l'azote : en hiver l'a- zote paroît être en partie absorbé par les animaux ; il en reste moins dans l'air où s'est faite la respira- tion; tandis qu'en été ils l'exhalent et en laissent plus qu'ils n'en avoient trouvé. C'est vers la fin d'octobre et le commencement de mai que s'opère, selon M. Edwards, cette singulière conversion de fonctions. En été la chaleur des animaux est un peu plus considérable qu'en hiver, et cependant la produc- tion est moindre à proportion , ce qui se déduit non seulement de ce que leur respiration a moins d'é- tendue , mais aussi de ce qu'un refroidissement artificiel abaisse davantage la température dans le même temps , toutes les circonstances étant d'ail- leurs les mêmes. Ces observations s'appliquent aux animaux à sang froid comme à ceux à sang chaud. L'absorption est cette faculté si essentielle à la vie , par laquelle les êtres organisés incorporent à leurs humeurs les substances étrangères en leur faisant traverser le tissu de leurs solides. Depuis la découverte des vaisseaux lymphatiques la plupart ET ZOOLOGIE. /{''j-j des anatomisîes ont pensé que ces vaisseaux étoient dans les animaux d'un ordre élevé les organes prin- cipaux de cette fonction ; quelques uns même ont cherché à prouver qu'ils en étoient les or^fjanes ex- clusifs, mais dans ces derniers temps on en est re- venu à des idées moins restreintes. M. Magendie en particulier a présenté, il y a quelque temps, à TAcadémie* divers mémoires im- portants dont nous avons rendu compte, où il cherche à prouver que les veines sanguines sont douées de la faculté absorbante; que les vaisseaux lactés n absorbent peut-être que le chyle , et qu'il n'est pas démontré que les autres vaisseaux lym- phatiques soient en aucune façon des vaisseaux ab- sorbants. M. Tiédeman , professeur à Heidelberg , et M. Gmelin , viennent de publier des expériences *desquelles il résulte clairement que les sels, diverses substances odorantes , etc., passent directement dans le sang par l'absorption des veines intesti- nales. Les voies de l'absorption une fois reconnues, il s'agissoit de savoir par quel mécanisme cette fonc- tion s'opère. M. Magendie s'est occupé de cette question. Il rejette les radicules, les orifices, les bouches absorbantes, supposées plutôt qu'obser- vées par divers anatomistes; à plus forte raison 478 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE AÎSIMALES, repousse-t-il cette sensibilité propre , ce tact émi- nemment délicat que leur attribue Timagination poétique de certains physiologistes. Ayant observé (ju'en gonflant outre mesure les vaisseaux sanguins par l'injection d'une certaine quantité d'eau , il re- tardoit ou affoiblissoit beaucoup l'absorption des substances appliquées à ces vaisseaux, et qu'en les remplissant autant qu'il. étoit possible il suppri- moit entièrement l'absorption , il j ugea que des cir- constances contraires produiroient des effets oppo- sés; en conséquence il réduisit par des saignées la quantité du liquide contenu dans les vaisseaux, et l'absorption devint aussitôt plus rapide et plus com- plète. Pour s'assurer que c'étoit au volume du li- quide et non à sa nature qu'il falloit attribuer ces différences , il remplaça dans une troisième série d'expériences la quantité de sang qu'il tira par une quantité égale d'eau , et l'absorption demeura telle qu'elle auroit été si aucun changement ne fût ar- rivé. D'après ces expériences M. Magendie regarde l'at- traction capillaire des parois des vaisseaux comme la cause la plus probable de l'absorption , et ce fait, que les substances solubles dans nos humeurs et capables de mouiller nos vaisseaux sont les seules qui puissent être absorbées , lui paroît un motif de plus d'adopter son opinion; mais l'attraction capil- ET ZOOLOGIE. $79 laire n'étant pas une propriété vitale ne doit pas cesser avec la vie; et en effet M. Magendie assure avoir encore vu l'absorption s opérer sur des artères et sur des veines détachées du corps, et dans les- quelles il faisoit circuler artificiellement un liquide. Cette action doit avoir lieu sur les ^ros vaisseaux comme sur les petits, sauf ce qui dépend de la multiplication des surfaces dans ces derniers; et encore ici rexpérience a confirmé cette conclusion : des substances vénéneuses appliquées immédiate- ment et avec les soins convenables soit à de f^rosses artères, soit à de grosses veines, ont pénétré dans le sang de ces vaisseaux. Chacun aperçoit toutes les conséquences qui peuvent dériver de ces expériences pour la pratique delà médecine, et les nombreuses et fécondes indi- cations curatives que lui fourniroit ce seul fait que plus les vaisseaux sanguins sont distendus , moins l'absorption est active. "* Une des grandes questions de la physiologie est celle de savoir si le cœur est la seule puissance ac- tive qui produise la circulation , ou si son action est aidée par celle des artères , et dans ce dernier cas si toutes les artères sont au nombre des puis- sances auxiliaires. M. vSarlandière a soumis à l'Académie un mé- 48o ANATOitllE ET PHYSIOLOGIE, etc. moire où il cherche à prouver que la circulation n'est sous Imfluence exclusive du cœur que dans les gros troncs ; qu'elle diminue avec le calibre des vaisseaux ; mais que dans leurs petits rameaux le san(]^, dans un état d'oscillation perpétuelle, cher- che ou attend en quelque sorte une issue, soit pour retourner au cœur, soit pour pénétrer dans les vaisseaux capillaires; en sorte qu'une fois arrivé à ces petits rameaux il n'appartient que foiblement au torrent général de la circulation , mais qu'il se trouve jusqu'à un certain point aux ordres du sys- tème capillaire, lequel seroit ainsi le véritable ré- gulateur de l'économie animale. L'auteur apporte en preuve d'abord les effets manifestes des piqûres , ensuite les effets plus obscurs des passions et des inflammations. FIN DU TROISIÈME VOLUME DE COMPLEMENT. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. BOTANIQUE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 1809 A 1827. Année 1809. — Établissement d'une nouvelle famille de plantes sous le nom de inonimiées, par M. de Jussieu, page I. — Recherches de M. Palisot de Beauvois sur les graminées, 2.''— Nouveau genre de palmier (ptyclwsper- ma)^ par M. de La Billardière, ibid. — Observations de M. Lamouroux sur les plantes marines, 3. — Usages du périsperme de la graine , par M. de Mirbel , ibid. — Nou- velles recherches sur la germination du nelumbo, par le même, 5. — Opinions de MM.,Corréa, Poiteau, et Pvichard , sur l'organisation de l'embryon du nelumbo , 5 et suiv. Année 1810. — Observations de M. du Petit-Thouars sur la moelle et le liber, pag. 8. — Sur la structure anatomique des labiées, par M. de Mirbel, 9. — Distinction des familles en celles par groupe et celles par enchaînement (idem), II. — Nouvelle division des végétaux en arhizes, endor- hizes, et exorhizes, proposée par M. Richard, et fondée sur la structure de la radicule, \l\. — Mémoire de M. De- candoUe sur les ochnacées et les simaroubées , 16. — Des- cription de l'arbre dont l'écorce est connue sous le nou> BUFFON. COMPIÉVI. T. 111. 3j 482 TABLE AINALYTIQUE. à'angusiure, par M. Richard, j8. — Description du may- nolia auriculata , par M. de Cubicres, 19. Année 181 i. — Expérience sur la marche de la sève, par M. Palisot de Beauvois, p. 20. — Sur la structure des organes sexuels des mousses, par le même, 21. — Opinions di- verses de MM. Richard et de Mirbel , sur l'organisation intérieure de certaines graines, 23. — Monographie de la famille des hydrocharidées , par M. Richard , 3 1 . — Travail de M. Des vaux sur la famille des fougères, ibid. — Des- cription des deux arbres qui, à Java, produisent les poi- sons connus sous les noms àhipas lleute et à'upas antiary par M. Leschenault de la Tour, 32. — Plantes rares du Jardin de Montpellier, par M. Decandolle, 33. — Flore d'Oware et Bénin, par M. Palisot de Beauvois, ibid. Année 1812. — Expériences sur la sève montante et la sève descendante par M. Féburier, page 33. — Opinion de M. Pa- lisot de Beauvois sur le même sujet, 36. — Formes variées de l'étui médullaire en rapport avec la position des feuilles , par le même, 37. — Observations de MM. de Mirbel et Schubert, sur la structure des conifères, 39. — Sur l'orga- nisation de la fleur màîe des mousses, par les mêmes, ^1. — Sur le style et le stigmate des synantliérées , par M. Henri Cassini, l\6. — Essai d'une agrostographie, par M. Palisot de Beauvois, /| 4' — Sur le gincko biloba, parM. Gouan, 45. — Sur les thalassiophytes ou plantes marines, par M. La- mouroux, l\Ç>. Année i8i3. — Causes de la chute des feuilles, par M. Pa- lisot de Beauvois, piage 46. — ^Sur le mouvement des fleurs dans le genre mesembrianthème, par M. Desvaux, 48- — Recherches sur le péricarpe et la graine, par M. de Mirbel, TABLE ANALYTIQUE. 4^^^ ibid. — Division de la famille des orangers en quatre groupe, les aurantiées, les olacinées , les théacées, et les ternstrœmlées , par le même , 5 1 . — Recherches de M. H. Cas- sini sur les étamines des synanthérëes , ibid. — Sur les organes sexuels des lycopodes, par M. Desvaux, 54- — Opinion contraire de M. de Beauvois sur le même sujet, 5S. — Nouveau genre de champignons parasites , nommé rhizoctone , par M. Decandolle, 56. — Distinction des es- pèces de rosiers, par M. Desvaux, 58. — Plantes cultivées en Egypte, par M. Delile, 69. — Théorie élémentaire de la botanique, par M. Decandolle, 60. — Histoire abrégée des plantes des Pyrénées, par M. de La Peyrouse, 6i. Année i8i4- — Mémoiresur la végétation des îles Canaries, par M. de Humboldt, page 62. — Sur le nombre des stig- mates dans les cypéracées , par M. de Beauvois , 63. — Nouvelles observations sur la fructification des mousses , parle méme,ib. — Delà liaison qui existe entre les feuilles et les couches ligneuses de l'année , par M. du Petit- Thouars, 65. — Mémoire sur les algues, par M. Desvaux , 66. — Mémoires sur les thalassiophytes, par M. Lamou- roux, 67. — Sur les plantes à pjacenta central, par M. Aug. de Saint-Hilaire, 68. — Sur les diverses espèces de bana- niers cultivées, par M. Desvaux, 69. — Variétés du figuier, par M. de Suffren, 70. ~ Détermination de quelques vé- gétaux mentionnés par Théophraste, par M. Tliiébaut de Berneaud, 71. Année 181 5. — Plantes recueillies à la Nouvelle Calédonie, par M. de La Billardière , page 74. — Description de la fleur des lemna ou lentilles d'eau, par M. de Beauvois, ibid, — Organisation des conferves, par M. Leclerc de Laval, 76. — Mémoire sur la corolle des synanthérées, par M. Henri 3u 484 TABLE ANALYTIQUE. Gassiai, 77. — Sur plusieurs espèces d'oro^u^, par M. de La Peyrouse, 79. — Sur les genres cerasûum et arenana^ par M. Desvaux, ibid. — Sur les crucifères, par le même, 80. — Nouvelle classification des graminées, par M. Kuntli, ibid. — Sur les causes de la rouille , maladie des céréales , •par M. Yvart, 81. — Sur Tergot des graminées, par M. De- candolle, ibid. — Observation sur les fleurs doubles, par le même, 82. — Manuel à l'usage des amateurs de champi- gnons, par M. de Beauvois, 84. — Éléments de physiologie végétale et de botanique, par M. de Mirbel, ibid. Année 18 16. — Distribution géographique des plantes, par M. de Humboldt, page 85, — Sur quelques champignons nouveaux, par M. de Beauvois, 89. — Etablissement de la famille des boopidées^ par M. Henri Cassini, qo. — Ana- lyse de l'ergot du seigle, par M. Vauquelin, 91. Année 1817. — Nouvelle division de la famille des fougères, par M. Desvaux, page 92. — Sur la structure de la fleur dans la famille des orchidées, et caractères des genres de celles d'Europe, par M. Richard, 94. — Sur la Flore de l'A- mérique équinoxiale, par MM. de Humboldt, Bonpla.nd , et Kunth, 100. Année 18 18. — Culture du dattier en Egypte, par M. De- lile, page 10 1. — Sur le palmier nipa, par M. Houtou-La Billardière, 102. — Sur le perseaàes anciens, par M. De- lile, io3. — Sur Varhre de la vache , par M. de Humboldt, io5. Année 1819. — Mémoire sur l'inflorescence des graminées et des cypéracées, par M. Turpin, page 108. —^Traité des plantes usuelles, par M. Loiseleur Deslonchamps, iio. TABLE ANALYTIQUE. 4^^ Année 1820. — Nouvelles observations sur la distribution géographique des végétaux, par M. de Humboldt, pag. 1 12. — - Sur une monstruosité des fleurs du pavot oriental, par M. du Petit-Thouars , 116, — Sur l'accroissement et la re- production des végétaux, par M. Dutrochet, 119. — Or- chidées des îles Australes d'Afrique, par M. du Petit- Thouars , i32. — Révision de la famille des boopidées , par M. Richard, ibid, — Monographie des variétés de fro- ment cultivées, par M. Jaunie Saint-Hilaire, i33. — Mo- nographie du genre hydrocotyle, par M. Achille Richard , 134. Année 1821. — Flore médicale des Antilles, par M. Descour- tils,page i35. — Planches choisies du système des végétaux de M. Decandolle , publiées par M. Delessert, i36. — Mi- meuses et autres légumineuses du nouveau continent, par M. Kunth, 13"].— Géographie des plantes, par M. Decan- dolle , 1 38. — Résumé de la doctrine de M. du Petit- Thouars sur les phénomènes de la végétation, i4o. — Re- cherches sur les causes de la tendance des racines vers le centre de la terre, par M. IJutrochet, i43. Année 1822. — Suite des recherches de M. Dutrochet sur la direction des racines, p. i45.— Observations de M. du Petit- Thouars sur la radicule des embryons, i48. — Suite des recherches du même sur les phénomènes de la végéta- tion , i5o. — Sur les mouvements des feuilles de la sensi- tive, par M. Fodera, iSg. — Culture du cannellier dans l'île de Ceylan, par M. Leschenault de la Tour, i6î. — Des- cription du benincaza cerifera, par M. Delile, i63. — Mé- moire sur la nouvelle faiTiille des balanophorées , par M. Ri- chard, i65. 486 TABLE ANALYTIQUE. Année 1823. — Sur les forces motrices qui agissent dans les corps organisés, par M. Dutrochet, p. i65. — ^"Observations d'anatomie végétale, par M. du Petit-Thouars , 170. — Structure intérieure des tiges des monocotylédons, par M. Lestiboudois, de Lille, 174. — Sur le gynobase, par M. Aug. de Saint-Hilaire, 175. — Mémoire sur la famille des euphorbiacées ^ par M. Adrien de Jussieu, ibid. — Des- cription des cinq genres qui forment le groupe des lecy- thidées, par M. Poiteau, 177. — Synopsis plantarum œqai- noctialium, par M. Kunth, 179. — Observation sur Visoetes lacustris^ par M. Delile, 180. — Monographie du genre slicta, par M. Delise, 181. — Histoire des cryptogames des écorces officinales, par M. Fée, 1 82. — Sur l'origine des vé- gétaux de la Martinique, par M. Moreau de Jonnès, i83. — Mémoire sur le lin de la Nouvelle-Zélande [phormiuni tenax), par M. de La Billardière, i85. — Analyse du suc de Varbre de vaclie^ par MM. Rivero et Boucingault, 187. Année 1824. — Traité de physiologie végétale, par M. Ro- main Féburier, page 1 87. —De la composition des nervures principales des cotylédons, par M. du Petit-Tliouars, 191. — Examen du gynobase dans les ochnacées, les simarou- bées et les rutacées , par M. Aug. Saint-Hilaire, 198. — Sur les familles des droséracées, des violacées, des cissées et des frankeniacées, par le même, 199. — Observations sur les conferves, par M. Bonnemaison, 200. — Sur l'ori- gine américaine du manioc, par M. Moreau de Jonnès, 202. — Sur le bois de citrus des anciens, par M. Mongez , 204. — Nouvel appareil propre à dessécher les plantes, par M. Rory-Saint-Vincent , 208. Année 1820. — Sur les usages de la moelle, par M. du Petit- Thouars, p. 209. — Mémoire de M. Raspail sur la structure TABLE ANALYTIQUE. 4^7 des graminées, 210. — Flore des îles Malouines, par M. Gaudichaud, 212. ^ — Mémoire sur la famille des ruta- Cëéô, par M. Adrien de Jussieu, 214. — Sur le mode de multiplication du cycas, et sur la gomme qu'il produit, par M. Gaudichaud, 218. — Distribution géographique des plantes marines, par M. Lamouroux, 220. — Mono- graphie du genre rocceUa^ par M. Delise , 221.— Sur cer- tains champignons vénéneux, par M. Delile, 222. Année 1826. — Sur la germination des graines du gui, par M. Dutrochet, page 2 2 3. — Causes des mouvements des fluides dans les corps organisés , rapportées aux phéno- mènes de Vendosinose et de Vexosmose , par M. Dutrochet, 224* — De la végétation du pic du Midi de Bagnères, par M. Ramond , 228. — ^ Sur la composition élémentaire des végétaux, par M. Turpin, 23 1 — Résumé des travaux phy- siologiques de M. du Petit-Thouars, 235. — Sur le groupe des bruniacées , par M. Adolphe Brongniart, 245. — Mo- nographie des véroniques, par M. Duvau, 246. — Sur la coralllna acetabidum , considérée comme une production végétale , par M. Delile, 247. — Sertiim austrocaledonicum, par M. de La Billardière, 25o. — Monographie des coni- fères et des cycadées, par M. Richard , ibid. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ET ZOOLOGIE. 1809 A 1827. Année 1809. — Sur l'ostéologie du lamantin, par M. G. Gu- vier, page 252. — Sur les chats, par le même, ibid. — Des- cription de deux nouvelles espèces du genre atèles, par 488 TABLE ANALYTIQUE. M. Geoffroy- Saint -Hilaire, 253. — Sur trois nouveaux genres d'oiseaux, céphaloptère, gymnodère, et gymnocé- phale , par le même , ibid. — Sur les tortues , par le même , 254- — Sur la respiration du crocodile à museau aigu, par M. de Humboldt, 256. — Sur la respiration des poissons, par MM. de Humboldt et Provençal , ibid. — Sur la respi- ration des mammifères, par M. Provençal, 259. — L'ac- tion de Vupas tieuté sur l'ëconomie animale, par MM. De- lile et Magendie, 263. — Effets des gaz injectés dans les vaisseaux sanguins, par M. Nysten, 264. Année 18 10. — Sur la production de la chaleur dans les animaux, par MM. Delaroclie, Dupuytren, et Blainville, page 265. — Expériences sur les effets plus ou moins prompts de l'asphyxie suivant l'âge, par M. Legallois, 268. — Suite des effets des gaz injectés dans les vaisseaux san- guins, par M. Nysten, 269. — Anatomie du scorpion, par M. Guvier, 271. — Anatomie des mollusques acères, par le même, 272. — Mémoire sur les mollusques ptéropodes, par M. Pérou, 273. — Nouveau genre de vers intestinaux nommés tétragulcs, parM. Bosc, 274- Année 181 1. — Suite des expériences de M. Legallois, p. 276. — Sur la structure des dents, par M. Tenon, 279. — Sur les vejs qui attaquent les étoffes de laine, par MM. Vau- quelin , Richard , et Bosc , 280. — Phosphorescence des eaux de la mer, par M. Pérou , ibid. — Sur le petit poisson nommé vulgairement montée, par M. Lamouroux, 281. Année 18 12. — Tableau général de la famille des chauve- soivris, par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, page 281. — Ani- maux sans vertèbres, par M. de La Marck, 284. — Mé- moire sur les étoiles de mer, par M. Tiédeman, 285. — TABLE ANALYTIQUE. 4^9 Polypiers flexibles, par M. Lamouroux , 287. — Nouvelle division du régne animal, par M. Cuvier, ibid. — Compa- raison des os de la tête des ovipares avec celle des mam- mifères, par M. Cuvier, 289. — Nouvel organe découvert par M. Jacobson , ibid. — Sur différents cétacés échoués sur nos côtes, 291. — Sur les crustacés des environs de Nice, par M. Risso, 292. — Sur le bupreste ou crève-boeuf des anciens, par M. Latreille, 293. — Genre nouveau de vers intestinaux , nommé dipodium par M. Bosc , 294. — Mémoire de M. de Montégfre sur la digestion , ibid.— Sur les formes de l'articulation du bras avec l'avant-bras dans les différents animaux , par M. de Blainville, 297. — Ana- tomie du canal intestinal des insectes , par M. Marcel de Serres, 298. — Sur la gestation de la vipère, par M. Du- trocliet, 3oo. Année 181 3. — Sur quelques poissons peu connus, par M. Cuvier, page 3oo. — Sur le germon, espèce de poisson mal connue, par M. Noël de La Morinière, 3o2.- — Sur les mœurs et les habitudes de la chenille à hamac, par M. Huber fils, 3o4. — Sur les insectes qui nuisent aux cé- réales, par M. Olivier, 3o5. — Sur les fonctions du vais- seau dorsal des insectes, par M. Marcel de Serres, 3o6. — Habitudes et accouplement des lombrics, par M. de Mon- tégre, 3o8. — Sur la faculté absorbante des veines, par M. Magendie, 309. — Action de l'émétique, mécanisme du vomissement, par le même, 3ii. — Usage de l'épiglotte, par le même, 3i5. Année 18 i4- — Sur les enveloppes du fœtus , par M. Dutro- chet, page 317. — Sur les organes respiratoires des clo- portes, par M. Latreille, 3 18. — Sur la structure des or- ganes buccaux dans les insectes, par M. Savigny^^^.^l^-t-Py^'^ 490 TABLE ANALYTIQUE. Recherches sur l'organisation de la bouche dans les pois- sons , par M. Cuvier, 322. — De la part de l'œsophage dans le phénomène du vomissement, par M. Magendie, 32 5. Année i 8 1 5. — Sur quelques animaux mentionnés par Pline, par M. Cuvier, page 325. — Sur plusieurs points d'orga- nisation de la musaraigne, par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, 32y. — Anatomie des anatifes et des balanes, par M. Cu- vier, 328. — Mémoire sur les ascidies, par le même, 329. — Sur les animaux composés, par M. Savigny, 33 1. — Sur la lucernaire, par M. Lamouroux, ibid. — Observa- tions sur quelques animaux microscopiques , par M. Le- clerc de Laval, 333. — Description d'un genre nouveau de crustacés nommé lilppocarcinus , par M. Latreille, 334- — Suite des observations de M. Savigny sur la structure de la bouche des insectes, ibid. — Suite du travail de M. Dutrochet sur les enveloppes du fœtus, 338. — Sur la nature et les causes des nausées, par M. Magendie, 344- — Mémoire sur la ventiiloquie , par M. de Montégre, 345. Année 1816. — De la géographie des animaux, par M. La- treille, page 346. — Sur la Vénus hottentote, par M. Cu- vier, 349. — Sur la vipère fer-de-lance, ou trigonocéphale, par M. Moreau de Jonnès , 35o. — Mémoire sur le poulpe , la seiche, et le calmar, par M. Cuvier, 35 1. — Sur l'ancyle épine de rose, par M. Marcel de Serres, 353. — Sur les animaux sans vertèbres, par M. de La Marck , ibid. — Règne animal distribué d'après son organisation, par M. Cuvier, 355. — Nouvelles subdivisions proposées dans les animaux, par M. Barbançois, 356. — Sur l'origine de l'azote dans les animaux, par M. Magendie, 357. Année 1817. — Sur la distribution et les mœurs des abeilles, TABLE ANALYTIQUE. 49 ^ par M. Walkenaer, page 36o. — Sur la mygale oviculaire, par M. Moreau de Jonnès, 362. — Histoire des œufs et des nids des oiseaux, par M. l'abJDé Manesse , 363. — Sur Foi- seau nommé guacharo a Gumana, par M. deHumboldt, 364- — Sur la composition de la tête osseuse dans les animaux , par MM. Guvier, Geoffroi-Saint-Hilaire , et de Blain ville, 365. — Expériences sur les phénomènes de la respiration dans les reptiles, par M. Edwards, 379. — Sur l'action des parois artérielles dans la circulation du sang, par M. Magendie, 382. — Sur la durée de la grossesse, éclai- rée par la durée de la gestation dans certains animaux, par M. Tessier, 384. Année 181 8. — Cétacés du Japon décrits par M. de Lacé- pède , page 386. — Sur une tête d'orang-outang , par M. Gu- vier, 387. — Sur le tapir de Sumatra, par le même, 388. — Sur le gecko à queue épineuse, par M. Moreau de Jon- nès, ibid. — Autre Mémoire de M. Moreau de Jonnès sur la couleuvre courresse , 389. — Animaux sans vertèbres , par M. de La Marck, 390. — Observations zoologiques, par M. de Humboldt, ibid. — Insectes d'Afrique, par M. de Beauvois, ibid. — Philosophie anatomique, ou Mémoire sur les organes respiratoires, sous le rapport de la déter- mination et de l'identité de leurs pièces osseuses , par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, ibid. — Nouvelles expériences de M. Edwards sur la respiration des grenouilles , 396. Année 18 19. — Recherches de M. Latreille sur les insectes qui servoient d'emblèmes dans l'écriture sacrée des Égyp- tiens, et dont on trouve les images sur les monuments de cette nation , page 398. — Histoire des reptiles des Antilles, par M. Moreau de Jonnès, 399. — Sur les poissons véné- neux des Antilles, par le même, /\(n. — Sur le développe- 492 TABLE xiiSALYTIQUE. ment des fœtus de didelphes ou marsupiaux, par M. Geof- froY-Saint-Hilaire , l\o'i. — Mammifères de la Ménagerie royale, publiés par MM. Geoffroy-Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier, 4^5. — Animaux sans vertèbres, par M. de La Marck, l^o6. — Ouvrage de M. d'Audebart de Férussac sur les mollusques de terre et d^eau douce , ibid. — Sur les moyens à l'aide desquels les rainettes grimpent sur les murs lisses, par M. de La Billardière, ibid. — Pièces ana- tomiques en pâte de carton , par M. Ameline de Caen , 407. — Lois de l'ostéogénie déduites d'observations sur les pre- miers commencements de l'ossification dans les embryons d'hommes et d'animaux, par M. Serre, 4o8- Année 1820. — Histoire des mammifères, par MM. Geoffroy- Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier, page ^ly. — Sur une nouvelle espèce d'ours des Indes orientales , décrite sous le nom d'ursus longirostris, par M. Tiédeman, 4 18. — Obser- vations sur le gecko lisse de Daudin, par M. Moreau de Jonnès , ibid. — Observations sur les amiélides , et nou- velle division de cette classe, par M. Savigny, 4ï9' — Recherches de M. Audouin sur le thorax ou tronc des insectes, 4^2. — Observations de M. Latreille sur les ap- pendices placés près du cou et au-devant des ailes dans cer- tains insectes, et sur les appendices d.u tronc des insectes en général , 43i' — Mémoire de M. Audouin sur les pièces qui composent les trilobites , et opinion de M. Latreille sur l'analogie de ces animaux avec les oscabrions , 4^2. — Sur la composition de la tète des insectes , et sur les ana- logies de structure entre ces animaux et les crustacés et arachnides, par M. Audouin, 433- — Considérations di- verses de MM. Savigny et Latreille sur la structure du corps des crustacés et sur sa comparaison avec la structure des insectes et des arachnides, 435. — Rapprochement éta- TABLE ANALYTIQUE. /\g3 bli par M, Geoffroy-Saint-Hilaire entre l'embranchement des animaux articulés et celui des animaux vertébrés, 436, — Considérations sur le même sujet, par M. Latreille, 4^9. — Recherches d'anatomie comparée sur la composition des os du crâne, par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, 443- — Sur la structure des voies lacrymales dans les serpents, par M. Jules Cloquet, 449' — Sur l'anatomie comparative du cerveau dans les quatre classes d'animaux vertébrés, par M. Serre, 45o. — Mémoire de M. Edwards sur l'influence des agents physiques sur les animaux vertébrés, 472. — Mémoires sur l'absorption par M. Magendie, 477- — Mé- moire de M. Sarlandière sur les limites de l'influence que le cœur exerce sur la circulation , et sur l'état de mouve- ment du sang dans les petits rameaux, 479* « FIN DE LA TABLE, r')^ ■^ * »V rVi,''» m «f- %i^ If <