,*■ ®i?^ s. 11 ÎHiii 608 D85 rth (Tarnltna ^t,ttp | 2350;;'l This book must not be taken from the Library building. Digitized by the Internet Archive in 2009 witii funding from NCSU Libraries littp://www.arcliive.org/details/liistoireduninsecOOdulia HISTOIRE D'U N Insecte QUI DÉVORE LES GRAINS DE L'AnGOUMOIS; Avec les moyens que l'on peut employer pour le détruire. Par MM. Duhamel du Monceau & Tille T, de F Académie Royale des Sciences. A PARIS, Chez H.L. GuERiN 8c L. F. Delatour, rue S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin, M. Dec. LXII. Ay:&C ? RIYILRQE VU R 0 U TABLE JD£^ CHAPITRES; Paragraphes et Articles Contenus dans ce Volume. Introduction, page i Détail des lieux infejlés far VinfeCie. UJ CHAPITRE PREMIER. Hiftoire de l'Infeéle qui détruit les Grains de l'Angoumois. i8 s. I. Papillons de la Faujfe-Teigne, 21 §. II. Papillons de la Chenille des Grains, 25 9. III. Accouplement des Papillons. i6 §. IV. De la Ponte des Femelles, 28 §. V. Ohfervationftir les Œufs de Vlnfe6ie, 30 §. VI. De la jeune Chenille t 34 §. VII. Que les Chenilles de V Angoumois fe nourrijfent indîjlindemem des grains de différentes Provinces» 4 a §. VIII. Difcujjion d'un fait qui a paru inté^ rejfant à M. de Réaumur. 4^ §. IX. De la vie de la Chenille dans le grain y jufqu'à ce quelle foit convertie en chryfa* lide, 50 §. X. Digreffîon fur la Fauffe-Teigne des Gr.ins, 54 §. XI. jgMe la Chenille de l'Angoumois attaque Table. les grains d'une manière différente que l/f Faulje-Teigne. 56 §. XII. Transformation des Chenilles en Chry- falides, 57 §. XIII. Obfervation Jinguliere de Ma-- de JRéûurnur, 60 §. Xiy. Comment le Papillon fort du Graine* §. XV. Durée de la vie de l'Infede de VAn- goîtmois ; fes différents états. 64 §. XVI. De la Refrodu6îion de l'înfe6ie dan» le cours d'une année, 74 §. XVII. Obfervations qui -prouvent que les Papillons fartent des greniers pour aller pondre fur les épis. 84 §. XVill. La Chenille des gr'ins peut pajjer l'hiver en terre pour en fortir au Printemps fous la forme de Papillons. 10^ §. XIX. Suite de l'HiJluire de VlnfeCie de l'Angoumois, ii6^ CHAPITRE II. Des Caufes phyfiques auxquelles orï attribue l'origine & la multiplica- tion de la Chenille des Blés. 147 ^. I. opinions des Habitants du Pays fur Vo^ rigine de cet Infeôîe , & fur fa multiplica- tion, ibid, §. II. Difcufjîon de quelques Caufes auxquelles on a attribué la multiplication de VlnfeCiem 155 g. IIÎ. Quels font les efpeçes de grains que la Chenille attaque^ J74 T A B L î:. CHAPITRE IIL Tentatives faites par différents Parti- culiers , foit pour détruire les Che- nilles des Grains, foit pour confer- ver les Grains qu'ils aVoient récol- tés. 184 § I. ^ Suite du détail des précautions frifes -par divers Particuliers de l^Angoumois , pour garantir leurs Grains, 18^ §♦ II. I>étatl des moyens propres à conferver dans V Angoumoîs les Grazns , & à les pré- ferver de la Chenille qui les dévore, zio Article I. Moyen de conferver les Crains pour les Semailles. mi A^T. II. Moyens de conferver les Grains qu'on dejline à vendre ou a faire du Pain» §. IIL Expérience de M. de Taponnat , éjui ja^ Jîifie ce qui a été avancé dans l'Article pré" cèdent, 240 §. IV. DifcuJJïon fur Vufage des Fours pour étuver les Grains qui font attaqués par la Chenille, 244 Art. I. Expériences de M. de Taponnat, 24^ Art. II. Expériences de M. de Boisbedeuil ^ Subdélégué de M. l Intendant à Angoulême]^ fb" Secrétaire de la Société dH Agriculture de la même Ville, 270 Art. IîI. Expériences de M, de Montalemben de Cers , Major de la Citadelle d' Angoulê- me ^ & de la Société d'Agriculture de la piéme Ville, 277 TABLE Art, IV. Des moyens qu'on peut mettre €H y pti ^ 'Infti ufage pour diminuer , pt ut- être même pour anéantir la race de l'InfaÙe des Blés, 154 ADDITION, Explication de^ Figures^ 303 3^Z Fin de la Table# HISTOIRE HISTOIRE D'UN INSECTE QUI DÉVORE LES GRAINS DE L'ANGOUMOIS; Avec les moyens que U on peut employer pour le détruire. Introduction. i OUR peu qu'on ait de con- noiflance de FAgriculture ^ on fait que la culture des terres exi- ge de grands frais , que les tra- vaux de la campagne font pé- nibles , & qu'il n'y a que Tefpé- rançe d'une abondante récolte qui puiffe les faire fupporter. Si A 2 HisT. d'un Insecte quelquefois la grêle, les gelées, en un mot , les intempéries des faifons privent le Laboureur de l'intérêt de i^^ avances ôc de la récompenfe qu'il doit attendre de fon travail^ fa fortune ordinai- rement trop médiocre en fouf- fre; mais Tefpérance que cç.^ dé- sordres ne feront qu'accidentels foutient fon émulation ; ôc com- me il compte trouver dans les récoltes fuivantes & prochaines un ample dédommagement des pertes qu'il vient de fupporter, il retourne à la charrue , & il re- prend fes travaux avec confian- ce. Quelle différence pour ce- lui qui fait par une longue expé- rience , qu'il fera tous les ans accablé par les mêmes fléaux ! fon courage d'abord affoibli , s'é- teint entièrement ; & les pertes qu'il fait tous les ans, entraînent au bout d'un certain temps fa ruine entière : en effet , il eil del'Angoumoîs. } hors d'état de fe procurer les beftiaux qui lui font néceflaires pour la culture de fes terres ; mal nourri ^ mal vêtu ^ fon cou- rage l'abandonne ; rebuté de courir fans cefTe après un fantô- me qui lui échappe toujours , 6c fe voyant dans Timpuiflance de faire de nouvelles entreprifes pour fe tirer de la mifere qui l'accable , il fe borne à employer toutes fortes de moyens, quel- quefois même peu légitimes y pour ne pas mourir de faim. Tel eft l'état où fe trouvent une partie des Habitants de l'An- goumois , qui depuis près de 30 ans éprouvent le fléau le plus cruel. Le laboureur cultive foii champ ; il y porte des engrais ; il y répand de la femence qui profpere ; les plantes belles & vigoureufes lui promettent une abondante récolte : mais un in- feâe qui commence à dévorer Aij 4^ HisT. d'un Insecte les grains dans les épis avant qu'ils foient moiflbnnés , con^ tinuefes défordres dans les gran^ ges^ ôc achevé de tout détruire dans les greniers. On peut ai- lement snnaginer en quel état cette Province fe trouveroit ré- duite fi elle éprouvoit une mau- vaife récolte^ puifque dans les années où les moifTons font les plus abondantes , la difficulté de conferver les grains fait qu'on Xi^ trouve aucun magafin : on y vit au jour le jour; & quoique les Habitants cultivent d'affez bonnes terres , ils font obligés de tirer chaque année une partie de leur fubfiftance des provinces voifines : la plupart font ré- duits à fe nourrir de pain fait avec le maïs & l'avoine. M. Pajot de Marcheval qui étoit en lydo ^ Intendant de la Généralité de Limoges y dont l'Angoumois fait partie ^ étant DE l'AnGÔUMÔIS* f témoin de ces malheurs , les ex- pofa à la Cour avec le zèle d'un bon Citoyen ^ ôc l'énergie que la vue de fi grands maux infpire à unMagiftrat vraiment afFeàé des malheurs dont eft accablée une Province confiée à fes foins. » Ce n'eft point (écri voit-il à » M. le Contrôleur Général) un » mal imaginaire dont les pro^ » grès foient incertains ; c'eftuii » fléau qui dévore tous les ans » les moiflbns après avoir laififé » appercevoir les plus belles ef-- » pérances. Il s'eft d'abord ma- y> nifefté dans quelques Paroiffes » de l'Eleftion d'Angoulême ; il » y a pris des accroifl'enients très* » rapides ^ ôc aujourd'hui il fe » répand avec fureur dans le§ » EleQions voifines* C'efl: un fait 5> qui fera attefté par M. l'Inten- » dant de Poitiers ; ôc la caufe du » progrès de cette contagion , D dépend certainement du verfe-: A iij ^ HisT. d'un Insecte » ment qui fe fait des grains de ^l'Angoumois dans le Poitou. » Ainfi y fans m'appefantir à vous » tracer le tableau des maux qui » font prêts à fondre fur la Gé- » néralité de Limoges , & fur » rimpofTibilité manifefte où font » des gens privés de leur récol- » te , de payer les impofitions , » je ne puis me difpenfer de vous » repréfenter que la famine ôc des j> maladies épidémiques meur- » trières n'ont quelquefois pas » eu des principes aufli frappants. » Enfin le danger de voir cette » contagion fe répandre dans » tout le Royaume , eft manifef- » te. Toutes ces raifons me per- » fuadent que vous ne pouvez » me refufer la fatisfaûion de » m'envoyer des Comniiffaires » de l'Académie affez prompte- » ment pour qu'ils puiffent exa- » miner l'origine de l'infecte qui » caufe nos allarmes , pendant DE l'Angoumois. 7 s> que les bleds font encore fur )i pied , en fuivre l'hiftoire ^ ôc » nous indiquer^ foit par eux-mê- » mes , foit d'après les rapports » qu'ils feront à l'Académie , les » moyens de les détruire » . A ces vives repréfentations fe joignirent celles de M. de BlolTac, Intendant de la Géné- ralité de Poitiers , qui marquoit que les Elections de Niort ôc de Confolans, qui confinent immé- diatement l'Angoumois^ étoient dans les plus grandes allarmes de voir pénétrer chez elles le plus redoutable de tous les in- fectes qui aient jufqu'ici attaqué les grains. Ces repréfentations firent une telle imprefiion fur le cœur de M. le Contrôleur Général, que les grandes ôc importantes affai- res dont on fait qu'il eft furchar- gé , ne l'empêchèrent pas de s'occuper férieufement d'un ob- A iv 8 HisT. d'un Insecte jet qu'il jugeoit mériter toute fon attention. Il écrivit à TAca- démie Royale des Sciences , une lettre dans laquelle le mal étoit expofé dans toute fon éten- due ; il recommanda à la Com- pagnie de faire les recherches néceflaires pour fe mettre en état de fuggérerles moyens d'y remédier ; ôc afin d'être plus à portée d'examiner la fource ôc les progrès de ce fléau^ il jugea à propos que FAcadémie char- geât deux de les Membres de fe tranfporter dans l'Angoumois, & d'y arriver avant que la moif- fon des grains fut commencée. Le choix tomba fur M. Tillet ôc fur moi ; & comme on commen- çoit alors à couper les feigles aux environs de Paris , nous nous hâtâmes de nous rendre à Limoges pour nous aboucher avec M. l'Intendant: mais les infedes deftrufteurs des moif- DE l'Angoumois. p fons ne faifant aucun ravage dans le Limoufin ^ nous n'y reftânics qu'un jour poiir nous porter plus promptementdans TAngoumois^ où M. de Marcheval voulut nous accompagner pour nous facili- ter les moyens de faire nos ob- fervations ; d'ailleurs , le vif in- térêt qu'il prenoit à nos recher- ches ^ lui faifoit defirer d'en être témxoin. Les Subdélégués , plufieurs Gentilshommes ôc quelques Curés de cette Province , qui s'étoient particulièrement oc- cupés de la defirudion de ces infefles ^ furent informés de notre arrivée ôc de la marche que nous devions tenir, de forte que par-tout où nous faifions quelque féjour, la préfence de M. l'Intendant , ôc le defir de s'entretenir avec nous fur un ob- jet qui intéreffoit fi effentielle- ment le pays ; y attiroit plufieurs 10 HisT. d'un Insecte perfonnes inftruites qui nous apportoient des échantillons de leurs grains attaqués , & qui nous faifoient part de ce qu'ils croyoient avoir obfervé. De notre côté , nous difféquions quelques-uns de ces grains en^ dommages; nous les examinions au microfcope, ôcnous effayions par-là d'acquérir des lumières fur i'hiftoire de l'infeûe : lorfque nous découvrions quelque cho* fe d'intéreflant , nous en faifions part à ceux qui nous environ- noient. On juge combien cette communication de connoiflan* ces devoit être utile : elle ex- citoit une grande émulation ; chacun fe propofoit de faire des expériences plus exaâes & plus décifives que les obfervations trop vagues qu'on avoit faites juf qu'alors. Nous nous attendions bien que cette ardeur fe rallen- tiroit quand nous aurions quitté DE l'AnGOUMOIS. 11 la Province , & nous ne nous fommes pas trompés; cependant nous annonçons avec plaifir qu'elle a fubfifté dans quelques Citoyens zélés & éclairés , qui fe font fait un plaifir de corref- pondre à nos bonnes intentions. Je vais maintenant ^ & avant que de donner Thiftoire de Tinfette dont il efl: queftion , tracer la route que nous avons fuivie dans la Province infeûée par ce redoutable infeâe. DÉTAIL des Lieux que nous avons trouvé infejléspar V Infecte. Nous commençâmes à apper- cevoir quelques défordres en ap- prochant de Niele qui eft à quatre lieues de la Rochefoucault: mais dès Chaffeneuil, le mal étoit dans fa force ; & nous fumes engagés à y féjourner pour profiter des 12 HiST. d'un iNSECtE obfervations de la Dame du lieii qui fait préparer & fuivre des expériences avec toute Tintelli- gence d'un Phyficien confom* nié. Elle avoit déjà fait plufieurs tentatives pour fe débarraffer de ce terrible infecte. A la Roche- foucault nous vérifiâmes les ob- fervations que nous avions faites à Chaffeneuil , ôc nous eûmes de fréquentes ôc très-utiles con-^ verfations avec M. Marantin , Commiffaire desGuerres^ôc Sub- délégué de M. rintendant. Com- me il eft en quelque façon placé au centre du niai y il en avoit af* fez approfondi les circonflances, pour les faire appercevoir à M. de Marcheval ^ ôc Tengager à venir au fecours de fa fubdéléga- tion. La maifon de M. Maran- tin qui eft très-voifme de laRo- chefoucault^ où nous avons fait notre principale demeure , a été le théâtre de nos expériences. DE l'AnGOUMOïS. IÎ M. de Taponnat^ dont la terre eft fituée à une lieue de la Ro- chefoucault , nous a aufll été d'un grand fecours , s'étant por- té^avec un zèle digne d'éloges^à faire exécuter dans fes domaines toutes les opérations que nous jugions pouvoir être utiles. A Angoulême , M. Labattud nous remit un Mémoire où il avoit raf- femblé toutes les idées qu'on s'étoit formées fur cet infefte, M. de Boifbedeuil nous fit part de plufieurs expériences qu'il avoit déjà exécutées; & plufieurs Gentilshommes du voifinage y ôc en particulier M. de Montalem- bert de Cers ^ vinrent dans cette Ville j pour s'entretenir avec nous des caufes de cette cala- mité publique. Nous nous ren^ dîmes enfuite à Barbefieux, lieu fitué en bon fonds ^ abondant en froment , ôc où les infeâes fai- foient de furieux ravages. Nous 14 HisT. d'un Insecte pénétrâmes jufqu'à Chalais, ou le mal étoit moins confidérable: néanmoins M. le Comte de Pé- rigord nous fît voir des grains de fes greniers qui étoient un peu endommagés. Delà nous revîn- mes à Angoulême par une autre route , & en traverfant des can- tons de mauvaifes terres où il y a peu d'habitations , les Moif- fonneurs nous afluroient que Ton y voyoit beaucoup moins d'infeûes que du côté de Bar- befieux : ils en attribuoient la caufe à la maigreur de ce terrein; mais on verra dans la fuite qu elle dépend plutôt de ce qu'il y a moins de maifons & prefque point de greniers. Nous retour- nâmes par Angoulême à la Ro- chefoucault. Après y avoir fait quelque féjour ^ nous allâmes chez M. Rémond de Saint-Ger- main^qui fait une guerre fans re- lâche aux infectes ^ contre lef- DE l'AnGOUMOIS. ly quels il emploie Teau bouillante ou la chaleur du four. Nous nous rendîmes à Verteuil ; ôc nous féjournâmes à Oyé près RufFec, chez M. le Comte de Rémond , Commandant pour le Roi dans la Province^ où nous trouvâmes grand nombre defesvoifins qui avoient apporté des échantillons de leurs grains. C'eft ainfi que nous nous affurâmes que ce re- doutable infefte , qui , fuivant une tradition générale ^ a pris naiiïance dans quelques paroif- fes de l'Angoumois , il 7^25* ou 30 ans^ s'eft tellement étendu dans toute cette Province , que plus de 200 ParoilTes en font infeftées ; qu'il gagne les Géné- ralités de la Rochelle ôc de Poi- tiers , Ôc qu'it y auroit à crain- dre que ce fléau ne s'étendît dans tout le Royaume y fi on ne pre- noit pas les plus grandes pré- cautions pour arrêter fonfunefte progrès. j6 Hist. d'un Insecte En parcourant ainfi TAngou- mois jufqu'aux confins des Gé- néralités de la Rochelle & du Poitou j nous nous fonimes mis en état de conftater que le mal s'étend dans les Provinces où fe fait l'exportation des grains de i'Angoumois. S'il n'a pas gagné le Limoufin ^ ce n'efi: pas , com- me quelques-uns l'ont cru^ parce que la {eye de ces grains répu^ gne à rinfe£te ; mais c'eft parce qu'on n'y porte pas de grains des pays infeftés de cet infeâe ; ôc au contraire il étend fes ravages du côté du Poitou 6c de laSain- tonge ; parce que les Alarchands trouvant à acheter à vil prix des grains dans les marchés des pays infeftés ^ ils y vont faire des le- vées pour les revendre enfuite dans les Généralités voifmes où le débit en eft affuré. Nous trouvions dans notre route l'infecte en beaucoup d'é-. tats 'de l'Angoumois. 17 tats différents y ôc nous acqué- rions infenfiblement des coii- noiffances fur fon hiftoire. Ce- toit un préliminaire nécefTaire pour découvrir le moment où on pourroit l'attaquer avec plus d'à- vantage:nous effayions auffi d'ap- profondir ce qu'on nous difoic fur la caufe de fa propagation ; enfin nous ne perdions pas de vue l'objet le plus intéreffant ^ qui confifte à trouver les moyens de préferver de ces infeûes les grains récoltés , ôc même d'en détruire entièrement la race y (i la chofe étoit pofTible : voilà trois objets que nous allons dif- cuter dans autant de Chapitres particuliers. B i8 HisT. d'un Insecte CHAPITRE I. HiJIolre de rinfecîe qui dé- truit les Grains de V An- goumois. i_j'ÉTAT OÙ cet înfeâe dévafta- teur des grains fe manifefte le plus fenfiblement ^ l'état où il a attiré l'attention de ceux même qui n'ont aucun goût pour Tob- fervation, eft quand il fe montre fous la forme de papillon ; auilî ne le connoiifoit-on dans l'An- goumois que fous ce nom : on difoit : Il ny a point encore de fa* -pillons ; les papillons par oijfent ; ces grains ont été mangés par les pa- pillons ^ &c. Nous les avons vu fortirdes gerbes qu'on moiffon- noit ou qu'on avoit renfermées dans les granges j nous les avons DE L*AnGOUMOIS. ip VU couvrir des tas de grain qu'on a voit montés dans les greniers , ôc où ils s'étoient quelquefois raffemblés en fi grande quanti- té qu'on s'imaginoit apperce- voir un trémouffement dans les grains mêmes. Cen'eftpas que les Habitants de l'Angoumois n'eufTent apper- çu des infeâes dans l'intérieur des grains ; mais les papillons qui voltigeoient en grand nom- bre , étoient l'objet qui les frap- poit principalement ; & quoi- qu'ils attribuaffent tout le rava- ge à ces infeâes volants , ils n'i- gnoroient cependant pas qu'il fe trouvoit d'autres infeâes dans l'intérieur des grains^qui endé- voroient la farine. Ces papillons (^. 50) confi- dérés en gros ^ reÏÏemblent aiTez à ceux des teignes qui m.angent les meubles de laine , ou à ceux des faulTes- teignes qui fe B ij 20 HisT. d'un Insecte trouvent Ci abondamment dans les greniers de tous les pays ^ ôc qui fe nourriffent des grains. Leewenhoeck a confondu ces différentes efpeces de papillons; m lis M. de Réaumur étoit trop bon Obfervateur pour ne pas les diftinguer ; il a donné une hif- toire abrégée de ces deux efpe- ces d'infecTes dans les fécond ôc troifieme volumes de fes Mé- moires pour fervir à THiftoire des Infeâes , ôc nous avons con- tinuellement été dans le cas d'admirer la fagacité ôc l'exaâi- tude de ce célèbre Naturalifte : il n'a pas à beaucoup près tout vu ; mais il a bien vu le peu qu'il en a rapporté. Pour voir plus que AI. de Réaumur , il falloit , comme nous^ fe tranfporter , pour ainfi dire , dans les cantons où ces infeâes exercent leurs ravages *. * M. de Réaumur a été aidé par M. Baron ^ DE l'AnGOUMOIS. 2Î Comme nous avons à parler dedeuxinfeûes différents^ mais qui fe reflemblent à beaucoup d'égards , il eft à propos de leur donner des noms pour pouvoir diftinguer^ fans périphrafe , les papillons qui font très-communs danstoutes les provinces deFran- ce^de ceux qui infeftent l'Angou- mois : nous nommerons donc ceux-ci Papillons de la chenille des grains',) ôc les autres^ Papillons des faujfes-teignes^ §. I. Papillons de la Fauffc-* Teigne. Les papillons (^.44) de la fauffe-teigne, qui paroiffent dans le courant du mois de Juin ^ font du genre des PhalènesJh ont qua- Médecin de Luçon, qui eft cité dans les Mé- moires fur THiftoire des Infedes, avec les éloges qui font dûs à un Ph) ficien diftingué , dont les obfervations font remplies de Saga- cité & d'exiiéiitude. 22 HisT, d'un Insecte tre ailes plus larges du côté de la queue que du côté de la tête ; la couleur des ailes fupérieures efl: gris-blanc ; la fuperficie eu efl affez brillante ^ ôc elle paroît au foleil comme argentée. Ou apperçoit fur leurs ailes , avec la loupe ^ des taches de figure ir- réguliere, & un peu plus bru- nes que le fond : ces papillons portent leurs ailes en forme de toit, &les bords intérieurs font frangés ; leur tête eft garnie de deux antennes affcz longues _, formées de grains articulés les uns aux autres ; entre ces an- tennes & les yeux qu' font fort gros , eftun toupet de poils ren- verfés en arrière : au-deffous de la tête , on apperçoit quatre bar- bes ou filets dont deux font di- rigés vers le ventre : enfin le corfelet efl: garni de trois paires de jambes , celles de devant font les plus petites, ôc celles de der- rière les plus grandes. DE L AnGOUMOIS. 23 §. IL Papillons de la Chenille des Grains. Les papillons de la chenille du froment font affez fouvent plus petits que ceux dont nous venons de parler. On en trouve néanmoins de fort gros ; ils ont une forme plus alongëe que les précédents '■> à cela près ils leur reffemblent aiTez : ils font auilî delà claffe des phalènes à quatre ailes ; leurs ailes font longues relativement à leur largeur qui eft prefque égale du côté de la tètt Ôc à fon autre extrémité {fi^. 30 ). La couleur des ailes fupé- rieures varie : elles font en gé- néral prefque de couleur de caf fé au lait ; les unes font plus claires ôc d'autres plus brunes ^ toujours brillantes au foleilrleurs bords font très-garnis de longs poils : ces ailes font placées pref- 14 HrsT. d'un Insecte que horizontalement quand Tîn- fecle vient de fe pofer en quel- qu'endroit ; mais peu de temps après, leurs bords s'inclinent un peu en forme de toit. La tête (^^.32,33^54) eft garnie de deuxantennes {fi^. 39 ) formées de grains articulés les uns avec les autres ; les yeux font prefque auflî gros que ceux du papillon de la fauffe -teigne. On apper- çoit entre les antennes deux ef- peces de barbes ( fig, 40 ) qui partent dudeifous de la tête , ôc qui fe prolongent jufqu'au def- fus ; entre les antennes eft un toupet de poils qui font relevés en arrière. Nous rapporterons dans la fuite les obfervations qui nous ont fait connoître que ces deux efpeces de papillons ou plutôt de phalènes , font noclurnes ^ ôc qu'ils ne prennent aucun aliment tant qu'ils font en papillons ; au moins DE l'AnGOUMOIS 2f moins nous les avons vus paffer tout le temps de leur vie dans des poudriers , fans prendre au- cune nourriture. Quoique plu- fleurs Habitants deTAngoumois regardent ces papillons comme les deftrudeurs des grains , il efl très-certain qu'ils ne les atta- quent pas , ôc qu'ils n'ont pas même d'organes capables de leur faire le moindre dommage : Tunique fonâion de ces papil- lons ) de même que de ceux des vers à foie ^ eft de travailler à la multiplication de leur efpece. Nous avons remarqué qu'il y a des papillons de la chenille des grains de groff^ur affez différen- te ^ & nous avions d'abord foup- çonné , fans ofer néanmoins l'af- furer ^ que les plus petits étoient les mâles , 6c les autres les fe- melles. Mais toutes les fois que nous avons vu les deux fexes ac- couplés^ils nousont paru être de C 2.6 HisT. d'un Insecte mêmegroffeur^ôc àpeuprès fem- blables en tout. Néanmoins M. de Taponnat croit que les mâles font plus gros que les femelles. Onne peutjuger de cette diffé- rence que quand on les voit ac- couplés ; car comme il y a dans les greniers de TAngoumois , ainfi qu'ailleurs, des papillons de fauffes-teignes , il faut prendre garde de les confondre avec le$ papillons de la chenille. §. m. Accouplement des Papillons. L'analogie nous perfuadoît de refte que ces papillons dé- voient s'accoupler ; néanmoins dans l'Angoumois où ils font (î abondants , on ne les avoit ja- mais vus en cet état , quoique plufieurs perfonnes y euffent prê- té une finguliere attention. Nous penfons qu'il faut en attribuer la DE l'AnGOUMOIS. 27 raifon à ce que l'union fe fait pendant la nuit. En effet la pre- mière fois que nous les avons vus accouplés , c'étoit dans une chambre baffe du château de la Rochefoucault que des volets très-épais rendoient obfcure. Mais il n'y a plus de doute main- tenant ; nous les avons vus fort fouvent, ôc nous les avons fait remarquer àquiTavoulu^ réunis précifément comme les papil- lons des vers à foie. Le corps du mâle & celui de la femelle font fur une même ligne ; leurs têtes font tournées vers des cô- tés oppofés : les ailes fe recou- vrent les unes les autres par leurs bouts. Quand une fois une obfervation a été bien faite , elle fe préfente volontiers à celui qui defire en être témoin. Ayant furpris deux de ces pa- pillons ainfi accouplés ; nous les renfermâmes dans un vafe de Cij 28 HisT. d'un Insecte cryftal. ils fe féparerent; mais le lendemain vers le foir ^ nous les trouvâmes réunis. Leur accouplement dura plufieurs heures. Nous en avons vus un grand nombre accouplés fur des tas de grains , & dans les champs fur les épis : tant de perfonnes ont été témoins de cet accouple- ment^ qu'il n*efi: pas poflîble de le révoquer en doute. §. I V, De la Ponte des Femelles, AufTi-tôt que les œufs font fécondés, les femelles cherchent à s'en déhvrer , & elles font des pontes très-abondantes. Ayant renfermé dans un gobelet de cryftalles deux fexes accouplés, nous vmies la femelle pondre ^ peu de temps après qu'ils fe fu- rent féparés; & M. Tillet qui ^de bons yeux, fuivit cette pou- DE l'AnGOUMOIS. Ip te avec afTez de foin ^ pour voir la femelle jetter ça ôc là des paquets d'œufs , au nombre de (5o , 80 & po. Ces œufs fortent comme un jet^ ordinairement 5, 4 ou <5 à la fois ; d'autres fois par trentaine : à chaque jet la fe- melle change de place. Celles qui étoient renfermées dans des gobelets^ en jetterent fur quel- ques grains qui étoient au fond ; 6c comme elles fe trouvoient gê- nées 5 elles en dépoferent auiîî furies parois du vafe. Ces œufs font accompao-nés d'une humeur i o vifqueufe qui les colle à l'en- droit où ils font dépofés^ de forte que bientôt ils y devien- nent très-adhérents. MM. Marantin &ide Taponnat ont été témoins de ces obferva- tions^dont une partie a même été faite à Pérufé. M. de Boîjbedeuil voulant fe convaincre par lui- même de ce que nous lui avions C iij 30 HisT. d'un Insecte dit à ce fujet ^ mit deux papil- lons accouplés dans un poudrier de cryftal ^ dont il avoit garni le fond de papier blanc, avec plufieurs grains de froment. La femelle fit une ponte des plus abondantes , partie fur les grains 6c partie fur le papier. La pon- te de ces papillons ayant été vue par tant de perfonnes , doit être regardée comme un fait bien confiaté. $. V. Obfervation fur les œufs de rinfecle. Quand on a Tidée de la grof- feur d'une m^ere ^ ôc de l'abon- dance de fa ponte , on juge bien que ces œufs {fig, y ) doivent être d'un très-petit volume : nous ne pouvons repréfenter leur groffeur qu'en difant qu'un de ces œufs pourroit paffer par le trou fait dans une feuille de pa- pier avec la pointe de laiguille Ï3Ë l'Angôumoîs. 3t la plus fine. Ces œufs vus au microfcope paroifTent {fig, 6 ) à peu près de la figure de ces nym- phes qu'on nomme œufs de four^ mi ; ils font ftriés dans leur lon- gueur ^ ôc comme chagrinés : au fortir de l'animal , ils font blancs ; enfuite ils deviennent de couleur rouge , & comme lavés de carmin ; ce qui vient de la couleur de la chenille qui eft renfermée dans l'oeuf^ dont Tenveloppe eft très -mince ôc tranfparente^ enforte que quand la chenille en eft fortie, il ne refte plus qu'une coque blanche ôc fort tranfparente. La finefie ôc la tranfparence de cette enveloppe nous a mis à portée de voir la chenille dans l'œuf même b {fig."!) : d'abord elle eft pliée comme le repré- fente la figure 8 ; quelque temps après , nous l'avons vue s'agiter ôc prendre la pofition repréfen- Civ 32 HiST. d'un Insecte tée parla figure p. Quand elle a pris cette fituation , elle déchire le bout de l'œuf par où nous l'a- vons vu fortir ^ comme lerepré- fente la figure lo. Alors les cb- ques des œufs font ouvertes par un bout^ comme en c [fig, 7. ). La chenille a bien de la peine à dégager de l'œuf fes deux pre- mières jambes; mais quand elle en a forti quatre ou fes fix, elle en tire affez vite le refte de fon corps. Cette chenille au fortir de l'œuf reffemble à un bout de cheveu de la longueur d'un quart ou d'un cinquième de ligne. Pour fixer ces dimenfions , que nous ne donnons au furplus que comme des à-peu-près, nous avons placé au foyer d'un mi- crofcope un papier fin ^ auquel nous avions fait un trou avec la pointe d'une fine aiguille , & fur lequel il y avoit un œuf, & un bout de cheveu d'une ligne DE l'AnGCUMOIS. 53 de longueur : de la comparai- fon de ces trois objets mis en parallèle^ ôc expofés à la fois au foyer d'une même lentille :, nous en avons conclu les dimenfions, foit des œufs 5 foitdes chenilles nouvellement éclofes. Nous avons vufortirles che- nilles de plufieurs œufs ^ fix ou fept jours après avoir été pon- dus. Quelques-uns de nos Cor- refpondants prétendent en avoir vu éclore au bout de 4 jours. Au refte ce terme varie fuivant la température de Tair : nous avons dit que ces chenilles ^ avant d'éclore ^ étoient rou- ges ; mais cette couleur s'éteint peu à peu ^ ôc en très-peu de temps elles deviennent à peu- près blanches. Les papillons femelles qui font fur les épis dans les champs, efTaient de placer leur partie poftérieure entre les grains & 54 HisT. d'un Insecte le filet qui les fupportent, p-ôvir dépofer leurs oeufs tout près de l'endroit où le grain eft attaché à la paille. La figure première repréfente des papillons femel- les a en attitude de pondre ; dans ce cas le paquet d'œufs fe trouve dépofé tout près du fupport du grain. Il arrive fou- vent que les femelles prefTées de pondre ^ jettent leurs œufs en différents endroits , comme on le voit furies balles repréfen- tées dans les figures 3 & 4. \^ §- VI. De la jeune Chenille. AufTi-tôt que les chenilles font éclofes , elles s'efforcent de pénétrer dans le grain pour s'y nourrir de la farine. Si la ponte a été faite dans les gre- niers après la moiffon & fur les grains mêmes , elles fe fourent ordinairement dans la rainure a DE l'AnGOUMOIS. 5J du froment [fig. 1 3 dr 1 4 ) : elles y filent quelques brins de foie b h^ fans doute pour fe former un point d'appui , ou pour fe mettre à couvert : elles déchirent le fon qu elles rangent de côté & d'au- tre; & elles parviennent à s'in- finuerdans lafubftance farineufe qui doit leur fournir l'aliment. Alors on ne peut reconnoître l'ouverture par où la chenille eft entrée , qu'à un petit tas de fon qui recouvre le trou que la che- nille a fait aux enveloppes du grain (/^. ly ). Ce petit tas de fon qui n'elî remarquable qu'à ceux qui l'ont déjà apperçu^ étoit pour nous une marque certaine qu'il y avoit une petite chenille dans le grain. Tout le monde, chez M. Marantïn & chez M, de Tapon- nat ^ s'étoit tellement familiarifé avec cette obfervation , que les valets de baffe-cour , guidés par ^6 HisT. d'un Insecte cette marque , venoient à bout de trouver cette petite chenille dans les grains^ ôc ils fe faifoient un plaifir de la faire voir à leurs camarades pour qui c'étoit un fpeclacle nouveau. Quand les œufs éclofoient fur les épis ^ à la campagne , les petites chenilles parvenoient af- fez promptement à fe fourer fous les balles , ôc à gagner le grain qu elles entamoient tan- tôt par la rainure ^ comme nous venons de l'expliquer ^ & quel- quefois par le bout pointu qui efl: garni de quelques poils : ren- dons ceci encore plus clair. Dans la plupart des efpeces de froment ^ il y a trois grains attachés fur l'arrête du milieu à un même point b b ( fig, i ) , c'eft-à-dire , fur un même fup- port^&cqui forment par leur dif- pofition une efpece de fleur-de- lis. Chaque grain eft recouvert DE l'Angoumois. 37 de trois balles ou enveloppes creufées en cuilleron.Les figures 5 &4 repréfentent une de ces bal- les la plus petite & la plus épaif- fe ; à lextérieur ^ elle eft recou- verte par une autre qui eft plus grande & plus mince ; & celle- ci en recouvre une qui eft enco- re plus grande^ elle porte la bar- be quand il y en a une. De plus il y a fouvent une quatrième balle ou membrane très-mince, quia tantôt plus ôc tantôt moins d'é- tendue : toutes ces balles fe re- couvrent les unes les autres com- me les écailles d'un poiiTon , & elles enveloppent le grain : le bout e{Jïg. 15) eft en haut^ôc le bout/ repofe fur le fupport ; le germe eft au bout/, & l'extrê^ mité e eft garnie de poils. La petite chenille fait s'intro- duire entre toutes ces balles dif- pofées en écaille , & arriver au grain : quelquefois , dè$ qu'elle 38 HisT. d'un Insecte eft parvenue aubout é" (/^. 1 3) qui dans les grains verds eft fort ten- dre, elle commence à l'entamer en brifant le fon, après avoir filé quelques brins de foie ; d'autres fois 5 après s'être introduite par le bout qui eft près du fupport , elle s'établit dans la gouttière qui eft du côté du filet du milieu de l'épi, pour y ouvrir fa galerie , comme nous l'avons expliqué. Comme les balles de l'orge font plus dures ôc plus rappro- chées du grain auquel même elles font collées , les chenilles s'introduifent prefque toujours dans ce grain par la pointe d {fig. 16) ^ profitant d'une petite ouverture qui eft ordinairement à cet endroit. Pour comprendre comment ces petites chenilles qui ont bien de la peine à percer le fon du froment, parviennent à s'intro- duire dans l'orge parTouvertiure DE l'Angoumois. 5^ dont nous venons de parler , il faut avoir l'idée de l'organifation de ce grain : il eft formé par deux lobes ce { fig. 1(5)^ qui font en partie féparés par un fdlon qu'on apperçoit au milieu , & en par- tie recouverts par une envelop- pe aa qui eft exaftement collée fur les lobes c c ^ &c qui fe ter- mine par un long filet l? , dont on n'a repréfenté ici qu'une par- tie : c'eftla barbe de forge. Les deux lobes c yC ^ font encore re- couverts d'une enveloppe pro- pre qui fe termine en d par deux petits appendices : or entre la barbe b ôc les appendices ^ , il y a ordinairement un vuide par le- Guel nous avons vu la chenille s'introduire pour pénétrer juf- qu'à la fubftance farineufe. Comme nous perdions de vue cette chenille ^ dès qu'elle avoit fait un peu de chemin par fouveiture que nous venons 40 HisT. d'un Insecte d'indiquer^ nous fumes obligés, pour pouvoir la fuivre dans fon travail^ de déchirer les appen- dices d (figure 17); ôc par ce moyen nous l'avons trouvée qui, après avoir filé un petit réfeau, commençoit à attaquer les lobes du grain d'orge , & à former du fon. Quand elle fut tout-à-fait entrée dans le grain , nous ne vîmes plus que le petit tas de fon qu'elle avoit rejette, ôc qui fermoit l'ouverture par laquelle elle s'étoit introduite. Alalgré l'induftrie que cet in- fecte emploie , l'opération de s'infinuer dans les grains, eft ap- paremment très-pénible pour les jeunes chenilles ; car il en périt un grand nombre avant qu'elles foient parvenues à s'établir dans la fubftance farineufe du grain. Nonoblîant ces petites difficul- tés , on ne fera pas furpris de h quantité de grains qui fe trou- ve DE l'AnGOUMOIS. 41 ve dévorée par l'infede ^ quand on fera attention àlaprodigieufe fécondité des papillons femel- les. Nous aurons occafion de faire voir dans la fuite que ^ s'il n'en périffoit pas beaucoup y on ne pourroit fauver un feul grain d'aucune efpece. Quand on a enlevé le réfeau de foie ôc le petit tas de fon qui fe trouvoit fur le grain , le mi- crofcope fait découvrir le trou par où la chenille y efl: entrée. Cette obfervation efl: intéreffan- te ; car , comme tout ce que nous venons de dire étoit incon- nu dans l'Angoumois ^ ceux qui prétendoient que cet infeâe ve- noit de la corruption du grain , s'autorifoient dans leur façon de penfer fur ce qu'il étoit impofTi- ble, difoient-ils^ de leur faire voir l'endroit par où le ver étoit entré. On ne pouvoit rien op- pofer de plus fort à leur préju- D '42 HisT. û'uN Insecte gé que de démontrer fenfible- inent^ comme nous l'avons fait, à ceux qui s'intéreffoient à nos obfervations , toutes les manœu- vres dont nous venons de ren- dre compte. MM. Marantin & de Taponnat , entr'autres , ne refuferont pas de joindre leur témoignage au nôtre. §. VII. Que les Chenilles de r Angoumois fe nourri ffent indifiinclement des grains de différentes Provinces. On prétendoit qu'il n'y avoit que les grains de TAngoumois qui fuffent expofés à être atta- qués par cet infefte; on nous fou- tenoit que les grains duLimou- fîn ne devenoient jamais leur proie 5 & qu'on pouvoit fans rif- que les laiffer expofés aux papil- lons 5 lors même qu'ils étoient tranfportés dans l'Angoumois. DE l'Angoumoîs, 45 Pour nous affurer du fait^ nous avons mis dans un grand gobe- let de cryftal , au mois de Sep- tembre ly^o, quelques grains de froment du Limoufm^ôc nous y avons enfermé en même temps des papillons accouplés. Peu de temps après nous avons vu une femelle jetter fes œufs fur ces grains : nous avons vu ces œufs éclore, & les chenilles naiffantes entrer dans les grains. Nous avons laiffé chez M. Marantin un autre gobelet éga- lement préparé ; & vers le mois de Juin 17^1 , étant revenus chez lui y il nous repréfenta ce même gobelet dans lequel il y avoit des grains mangés par ces chenilles , & d'où il étoit en- fuite forti des papillons qui fe trouvoient encore vivants. Nous avons fait la même épreuve fur des grains du Gatî- nois ^ & fur d'autres pris fur Dij 44 HisT. d'un Insecte le port de Paris : les chenilles ont attaqué ces grains comme tous les autres. On eft donc obli- gé de reconnoître que ce fléau n'eft pas particulier aux grains de TAngoumois ; ce qui eft bien fâ- cheux; car c'eft pour cette rai- fon que cet infecte fe multiplie avec tant d'abondance dans les Provinces où l'on tranfporte des grains qui en renferment. Voici ce qui avoit donné lieu de croi- re que les grains du Limoulni répugnoient à cet infefte. On ne tranfporte ordinairement les grains du Limoufin dans TAn- goumois 5 que quand les fraî- cheurs de l'automne ont fait dif- paroître les papillons : ces infec- tes par conféquent ne peuvent pas pondre fur ces grains ; par cette raifon ils ne renferment point de chenilles , & on n'en voit point fortir de papillons au printemps : d'ailleurs , ces DE l^Angoumois. 4y grains font ordinairement con- fommés avant que les chenilles du printemps aient pu les en- dommager. §. VIII. D'ifcLijJion d'un fait qui a paru intérejfanc à Ai. de RÉAUMUR. Il s'eft préfenté à M. de Réau- mur une queftion qui paroît l'a- voir beaucoup intérefle. Les fe* melles dépofent , comme nous l'avons dit ^ un nombre d'œufs fur un même grain; ôc néanmoins on ne trouve jamais qu'une feule chenille dans une même femen- ce. Nos obfervations nous ont mis en état d'affurer qu'ayant ouvert avec toutes les précau- tions poffibles un grand nombre de grains endommagés ^ nous n'avons cependant jamais trou- vé deux chenilles dans un même ■grain, quoiqu'il eût été cou- ^6 HisT. d'un Insecte. vert d'une infinité d'œufs. AI. de Taponnat nous a affuré avoir trouvé une feule fois dans un même grain , une chryfalide & une chenille qui fe nourrilToit de la farine que cette chryfalide n'avoit pas confommée ; mais une exception fi rare ne peut détruire la règle générale. M. de Réaumur foupçonnoit que les chenilles qui éclofent quelquefois en grand nombre fur un même grain , s'en dïfputent la pojfejfwn , (& qtAÏl s' excite en- trée lie s une guerre civile jfî cruelle^ quelle ne ceffe que kr^qu'iln en rejie qu'une feule en vie ; que rV/? alors elle qui jouit du domiine quelle a fi €OUY ageufement conquis. Il eft aflfez commun de voir d'autres genres d'infedes fe dévorer les uns les autres : les premiers aliments des araignées, par exemple, font leurs propres fœurs ; mais com- me on voit les chenilles des DE l'Angoumois. 47 grains fe mouvoir d'un lieu à un autre , cherchant à s'intro- duire entre les balles , on peut foupçonner qu elles fe diftri- buent les difFérents grains , ôc que chacune prend poffeflion du fien : il femble même que ce moyen de partager ainfi àFamia- ble les grains d'un épi , eft plus naturel , que celui de la violen- ce qui les porte à fe maffacrer les unes les autres ; néanmoins comme il arrive que deux ou un plus grand nombre de chenilles voudroient s'établir dans un mê- me grain , nous nous abftien- drons de révoquer en doute ces petites guerres que M. de Réau-^ mur ne fuppofe que comme une chofe probable ; & nous prenons d'autant plus volontiers ce parti, que nous avons fouvent vu trois ou quatre chenilles mortes fur un grain , dont une feule a voit pris poffeflion. Mais le hafaxd a 48 HisT. d'un Insecte préfenté à M. Tillet une obfer- vation qui donne de la vraifem- blance à la conjecture de M. de Réaumur. M. Tillet apperçut une fois au foyer de fon micro- fcope^deux petites chenilles éta- blies fur un grain^ qui fe préfen- toient tête contre tête^ & il lui a paru qu'elles fembloient fe livrer un combat. Une affaire l'obligea alors d'abandonner cette obfer- vation pendant quelques mo- ments ; quand il y revint ^ il en trouva une des deux morte , ôc vit l'autre occupée à travailler pour fe loger dans le grain. Il faut convenir que cette ob- fervation eft bien favorable à la conjedure de AI. de Réaumur: au refte y nous ignorons fi ces guerres domeftiques font fré- quentes , ôc fi elles font périr un grand nombre de chenilles ; mais cela fuppofé^ fitot qu'on con- noîtrhnmenfe fécondité des pa- pillons y DE l'AnGOUMOIS. 49 pillons^on conçoit aifément qu'il refteroit encore affez de chenilles pour faire des ravages confidé- râbles dans les moilTons , quoi^ qu'il foit très -certain que pref-* que toujours chaque chenille ne dévore qu'un feul grain ; je dis y prefque toujours ^ parce que M. Tillet croit qu'une chenille paffe quelquefois d'un grain dans un autre qui le touche immédiate- ment : je n'ai pas été témoin de ce fait ; ainfi je ne peux le certi- fier ; mais je crois qu'il eft bien aifé de confondre une fauffe- teigne avec une chenille : re- prenons l'hiftoire de notre in- fecte. ^^ E 50 HisT. d'un Insecte §. I X. De la vie de la Che- nille dans le grain ^ jiif- quà ce quellejoit conver- tie en chryfalide. Chaque chenille renfermée très - exadement dans un grain de bled ^ fe nourrit de la fub- fiance farineufe ; ainfi à mefure qu'elle confomme fes vivres , elle augmente en groffeur , ôc elle aggrandit fon logement. Toutes les fois que nous ou- vrions un grain [fig. 24 ) où la chenille n'étoit pas encore par- venue à fa groffeur ^ nous y trouvions beaucoup de farine ; mais quand la chenille avoit pris fon entier accroiffement , il ne reftoit plus que le fon fi dé- nué de farine ^ qu'en le brifant dans l'eau elle n'en étoit point blanchie : les porcs qu'on nour- rit avec du fon ; & qu'on fait être DE l'AnGOUMOIS. 51 très-voraces ^ refufoient cette nourriture lorfqu'on la leur pré- fentoit fans autre mélange. C'efl: pour cette raifon^ que l'on jettoit les criblures des grains infeflés des papillons ; mais depuis qu'on s'eft avifé de mêler ces criblu- res avec d'autres nourritures , on a reconnu que ces animaux s'en nourriflbient très-bien. M. de Réaumur foupçonne que , quand ces chenilles ont confommé toute la farine ^ elles mangent pour une féconde fois les excréments qu'elles avoient faits lorfqu'elles étoient petites. Ce qu'il y a de certain , c'efl: qu'en ouvrant des grains où les chenilles étoient encore jeunes, nous avons trouvé à côté d'el- les de petites pelottes fort blan- ches {fig. 25* ) qui reffembloier.t à des œufs. Ayant tiré d'un grain une chenille parvenue à la moi- tié de fa grofleur ; & l'ayant mife 5*2 HisT. d'un Insecte l'ur un morceau de glace au foyer du microfcope y nous l'a- vons vue jetter quantité d'excré- ments moulés y comme nous venons de le dire ; ôc quand les chenilles du printemps étoient prêtes à fe métamorphofer_, nous ne trouvions plus qu'une très-pe- tite quantité d'excréments fort bruns ôc très- différents des pe- Jottes blanches que nous avions obfervées en premier lieu. Quand la chenille des grains a pris toute fa croifiance^ elle n'a gueres que deux lignes & demie de longueur ( fig. 1 1 ) ; fa grof- feur eft au plus égale à celle de la moitié du grain qui la renfer- me : fon corps eft ras ôc entiè- rement blanc : fa tête eft placée au plus gros bout; on y apper- çoit Ja bouche , deux gros yeux, ôc deux efpeces de cornes ; la tête eft tant foit peu plus brune que le refte du corps. DE l'AnGOUMOIS. 5-3 Cette chenille a feize jambes, dont les huit intermédiaires ôc membraneufes ne font que de petits boutons , qu'on ne peut même appercevoir , quoiqu à l'aide du microfcope ^ que quand la chenille eft pofée fur le côte'. J'interromps ici Thiftoire de cette chenille, pour dire quel^ que chofe de la fauffe-teigne du froment ; ne fut-ce que pour empêcher qu'on ne la confon- de avec l'infecte qui nous oc- cupe principalement. Comme la chenille de l'An- goumois & la fauffe-teigne fe reffemblent à beaucoup d'é- gards , & que ces deux infeftes fe trouvent fouvent mêlés en- femble dans les mêmes greniers, il^ efl: important de favoir les diftinguer l'un de l'autre. E iij 54 HisT. d'un Insecte §. X. DîgreJ/ion fur la Faujjc'teigne des Grains. La faufle-teigne eft une pe- tite chenille dont le corps eft ras & blanchâtre (/^.■34) : elle efl pourvue de \6 jambes : elle ne feloge point dans les grains ; mais elle a l'adrefle d'en lier plu- sieurs enfemble avec de la foie qu'elle file, & dont elle fe forme un tuyau comme celui des tei- gnes ordinaires ; ce tuyau efl or- dinairement recouvert du fon & de la farine que cet infecte a broyés ; c'eftdans ce tuyau que la fauffe-teigne fe loge au milieu du tas de grain qu elle a choifî pour fa provifion [jig, 4.2). Mais elle a la liberté de fortir de fon fourreau pour manger , les uns après les autres , les grains qui l'entourent ; cette manœuvre la diflingue de la vraie-teigne:ordi- DE l'AnGOUMOIS. 5"^ naîrement même elle en attaque plufieurs à la fois , & toujours fans ordre ; car elle ronge tan- tôt de l'un ^ tantôt de l'autre , de forte que Ton en voit plu- fieurs endommagés^ fans qu'au- cun foit entièrement mangé : quand il fe trouve une grande quantité de ces fauffes -teignes dans un grenier ^ on voit tous les grains de la fuperficie du tas liés les uns aux autres par des fils de foie ; ce qui forme une croûte qui efl: quelquefois de 5 pouces d'épaiffeur. Cette teigne fe transforme en chryfa- lidedans un grain qu'elle a creu- fé^ ou dans le tuyau qu elle s'elt formé ; ôc vers le mois de Juin onl'en voit fortir en papillon. Quand on remue un tas de grain où il y a beaucoup de fauffes- teignes en chenille, elles mon- tent aux murailles ; mais elles ne tardent pas à rentrer dans le E iv 5^ HisT. d'un Insecte tas , qui fe trouve dès le lende- main couvert d'une nouvelle nappe foyeufe. §. X I. Q^ue la Chenille de r Angoumois attaque les grains d'une manière dif- jerente que la FauJJe- Teigne. La chenille de TAngoumoIs efl: plus économe de la fubftan- ce farineufe que la fauffe - tei- gne : la confommation de fa fub- fiftance efl: ordinairement bor- née à la farine contenue dans lAn feul grain. Rien n'efl: plus rare que de la voir paffer d'un grain dans un autre qui le tou- cheroit immédiatement : elle mange la farine de façon ^ qu'à l'extérieur le grain qui fe trou- ve entièrement vuide , femble être fain & entier 5 mais pour DE L AnGOUMOIS. J7 peu qu'on le prefTe entre les doigts , la pellicule du fon qui eft très-mince , ôc que Tinfede a r efpedée ^ cède à la preflîon ; & fi Ton met ces grains dans Teau , ils fe portent à la fuper- ficie plus ou moins prompte- ment , fuivant que l'infede a plus ou moins confommé de la partie farineufe. §. XII. Transformation des Chenilles en Chryfalides. Comme la chaleur précipice la métamorphofe de Tinfecle, on voit ^ lorfque Tair eft fort chaud, quelques-unes de ces chenilles qui fe transforment ea chryfalides , avant que d'avoir confommé tous les gros excré- ments dont nous avons parlé , & même avant d'avoir mangé toute la fubftance farineufe du grain. Dans cette circonftance 58 HisT. d'un Insecte les chryfalides font fort petites," & il n'en fort que de petits pa- pillons. Cela eft conforme à ce qui arrive aux autres infectes de même genre : on voit des vers à foie qui ^ lorfqu ils font affectés de quelque maladie , mangent peu y ôc fe meta- morphofent avant les autres ; mais auifi ces vers ne font que de petits cocons. Si Ton renfer- me dans une boîte une chenille .des champs qui nefoitpas enco- re parvenue à fa groffeur , lorf- qu'elle a jeûné quelques jours > elle fe métamorphofe en une petite chryfalide ^ dont il fort un papillon moins gros que les autres de fon efpece. Ainfi^lorf- qu'entre les papillons des grains, on en voit quelques-uns plus gros que les autres, il eft pro- bable que cela vient de ce qu'il s'eft trouvé des grains qui con- tenoient beaucoup plus de fari- DE l'ÀNGOUMOIS. 59 ne que d'autres ^ ou de ce que la chenille étoit d'un plus fort tempérament. Il paroît encore qu'il y a des chenilles gourman- des , pour qui la farine conte- nue dans un grain ^ n'efl: pas fuf- fifante pour leur confommation. J'ai mis quelques chenilles dans de la farine : elles s'en font très- bien accommodées ; ôc il nous a paru qu'elles y étoient deve- nues plus grofîes qu'elles ne font ordinairement dans les grains. En général , les métamorpho- fes fe font bien plutôt en été ôc quand l'air efl: chaud , que dans le temps d'hiver & lorfqu'il fait froid : nous avons encore cru re- connoître que la farine d'un grain étoit bien plus complettement confommée dans le cas d'une métamorphofe lente ^ que quand le contraire arrivoit. tfo HisT. d'un Insecte §. XIII. Obfervation jingu^ Itère de M. de Rèaumur. Il falloit la fagâcité de M. de Réaumur pour découvrir une manoeuvre de l'infe£le dont nous parlons : nous en avons fouvent été témoins. La chenille exadle- ment renfermée dans fon grain ^ prévoit , ou agit comme fi elle fa voit que^ quand elle fera chan- gée en papillon ^ elle fera pri- vée des organes néceffaires pour percer le fon qui forme l'encein- te de fa prifon : quoi qu'il en foit de cette prévoyance , la chenille , avant de fe métamor- phofer en chryfalide , forme fur cette enveloppe de fon une pe- tite trappe [jig, 28) qui refte fer- mée : nous avions d'abord pei- ne à la découvrir ; mais enfui- te une petite tache plus blan- châtre que le refte , & un peu DE l'Angoumois. 6i faillante , large comme la tête d'une affez fine épingle , nous la faifoit appercevoir. Alors , fi avec la pointe d'une épingle fine , nous foulevions cette tra- pe {fig, 2p ) , nous découvrions ia chryfalide dans l'intérieur du grain ^ ôc quelquefois même nous pouvions refermer cette trappe allez exaâement pour qu on ne pût appercevoir le trou. La chenille étant parvenue à fa grolTeur , ôc ayant formé fa trappe, s'occupe à filer une co- que ; ôc elle fe métamorphofe enfuite dans le grain même en chryfalide {fig, 27) qui paroît d'abord divifée par anneaux (fig. 15) ) ; mais quand le papillon eft formé dans l'intérieur de la chry- falide 5 on en peut voir les ailes à travers les membranes qui le couvrent {fig, 20, 21 , 22, 23). Ayant ouvert de ces chryfalides fort avancées , nous en avons 62 HisT. d'un Insecte tiré un papillon tout chifonné & engourdi. Quand une de ces chenilles fort d'un œuf ^ ôc lorf- qu'on tire d'un grain une che- nille parvenue à fa grolTeur^ il paroît que dans Tun & Pautre cas , le corps de ces chenilles fe trouvant à Taife y fe dilate ; 6c Ton a peine à concevoir qu'el- les aient pu être renfermées dans un auffi petit efpace que celui qui les contenoit. Il n'en eft pas ainfi , lorfqu'on ouvre un grain où il y a une chryfali- de ; car on voit qu elle n'occupe gueres plus de la moitié de la capacité intérieure du grain qui la renferme^ ôc que la chenille, en fe formant une coque ^ a di- vifé le grain en deux chambres; la chryfalide fe loge dans la plus grande qui occupe un peu plus de la moitié de l'efpace ; 6c dans l'autre qui eft plus petite ^ on n'y voit que fes excréments. Les DE l'AnGOUMOIS. 6^ cliryfalides font donc petites en comparaifon des chenilles qui fe font métamorphofées ? On ne peut pas concevoir encore comment un papillon nouvelle- ment forti de la chryfalide a pu être contenu dans les envelop- pes dont il vient de fe débar- ralTer. §. XIV. Comment le PaplL-^ Ion fort du Grain. Le papillon étant entièrement formé dans la chryfalide , en rompt la membrane par le bout; il ouvre avec fa tête la petite trappe que la chenille avoit eu la précaution d^ préparer à Fex- térieur du grain ; ôc il fort enfin par le petit trou qui étoit recou- vert & fermé par cette trappe. Alors la farine a été tellement confommée ^ ôc le fon qui refte efl: fi léger ^ que quelquefois le (5'4 HisT. d'un Insecte papillon , après avoir dégagé fes ailes , prend fon vol & em- porte avec lui le grain vuide de farine. Les papillons ^ au fortir des grains qui les contenoient , s'accouplent ; ôc les femelles pondent, comme nous Tavons déjà dit : voilà ce qui forme le cercle de leur vie. §. XV. Durée de la vie de rinfecie de l Angoumois ; Je s différents états. Cet infefle , comme nous l'a- vons déjà dit , refte , ainfi que tous les autres de même genre , plus ou moins de temps dans fes différents états , fuivant que l'air eft plus ou moins favorable à fon développement. On fait qu'une chryfalide de chenille dont il doit , dans l'efpace de huit jours, fortir un papillon , peut relier , fi on la renferme dans une glacière, plus DE l'Angoumois. 6<; plus de trois mois dans le même état de chryfalide ; & que le pa- pillon n'en fort que quand on Ta tranfportée de ce lieu frais dans un air beaucoup plus chaud. C'efl pour cette raiîbn^ que nous ne pouvons pas fixer combien les chenilles font de temps à fe mé- tamorphofer en chryfalide , ni combien elles reftent dans cet état ; nous nous contenterons pour le préfent^de dire que^pour peu que Tair foit chaud , les œufséclofent très-promptement; que l'infeâe refte quelquefois long-temps , fur-tout en hiver , dans fétat de chenille^ ainfi que dans celui de chryfalide ; & que quand Tair eft chaud y il pafTe très-promptement par ces deux états pour paroître enfuite ea papillon. De plus , dans la mê- me faifon, on trouve dans les grains des chenilles & des chry- falides de différente grofleur ; F 66 HisT. d'un Insecte ôc on en voit fortirdes papillons depuis la moiflbn jufqu'à la fin de Septembre: enfin ^ pendant tout l'hiver^ on trouve dans les grains des chenilles de différente grof- feur. A la mi-Mai \^6i ^ quand nous arrivâmes à la Rochefou- cauit , on trouvoit beaucoup de chenilles dans les grains ^ fort peu de chryfalides y & l'on ne voyoit point de papillons : il faifoit alors fort kc , & les nuits étoient très - fraîches. Le 21 , le vent fe porta du côté de rOueft; & peu de jours après ^ il vint de la pluie , ce qui con- tinua jufqu à la fin du mois: pen- dant ce temps , le thermomètre niarquoit 15 à 14 degrés au- deffus de zéro. Dans les premiers jours de Juin j nous trouvâmes dans les grains beaucoup plus de chryfa- lides que de chenilles $ & l'air DE l'AnGOUMOIS. 6j étant devenu aflez chaud , o\\ vit dès le 5 paroître nombre de papillons : le 1 j , il y en avoit une fi prodigieufe quantité dans les cabinets d'expérience que nous avions établis dans la mai- fon de M. Marantin , que le jour en étoit obfcurci : il étoit im- poflîble d'y refpirer fans qu'il en entrât quelqu'un dans la tra- chée- artère , ce qui caufoit des toux très'importunes. Dans ce temps-là^ nous ne pouvions pres- que trouver de chenilles que dans les grains qui avoient été dépofés dans des lieux frais. Nous croyons que la durée de la vie des papillons eft le plus ordinairement de quinze jours ou trois femaines ; quelques-uns ont même vécu un mois dans nos vafes de verre. On verra dans la fuite^ que quand l'air efl: chaud^ le cercle entier de la vie de cet Hife£le fe peut accomplir en Fij 6S HisT. d'un Insecte Jîioins de cinquante jours. La fortie des papillons eft or- dinairement annoncée par une chaleur vive qui s'excite dans les tas ôc dans les gerbes : elle a fait monter la liqueur de nos thermomètres à 25* & 30 degrés, lorfque Tair extérieur étoit à 1 5* : fans doute que fon aâion accé- lère le développement des in- fectes ; car en peu de jours on voit fortir une multitude prodi- gieufe de papillons de ces tas échaiifrés. Les fraîcheurs de l'automne interrompent leur propagation ; & on ne voit plus paroitre de papillons ^ que quand les cha- leurs du printemps fe font fait fentir. Mais cette chaleur proba- blement fi favorable à la multi- plication des infefles , eft- elle produite par la chaleur mê- me de ces infedes qui fe trou- vent raffemblés en grand nom- DE l'AnGOUMOIS. 6g bre ? cela pourroit être ; car ou fait qu'il règne un degré confi- dérable de chaleur dans les ru- ches bien fournies d'abeilles , & que les grains fort chargés de charanfons ou de fauffes-teignes font auifi très-chauds. Nous fe- rons remarquer dans la fuite qu'on n'apperçoit point de cha- leur fenfible dans les tas où il y a peu de chenilles , ôc que la chaleur fe diflîpe quand la plu- part des chenilles ont été con- verties en papillons. Il arrive quelquefois, par quelque caufe que ce puiffe être , que la cha- leur paffe promptement^ & que d'autres fois elle dure trois fe- maines ou même un mois. Peut- être auffi ctttQ grande chaleur des grains remplis de chenilles^ vient - elle de l'humidité que produifent ces infeûes , & qu'il en réfulte une fermentation ca- pable de faire éclore les œufs y 70 H;sT. d'un Insect^ de faire croître les chenilles , d'avancer leurs métamorphofes 6c de faire fortir les papillons, en même temps qu'elle endomma- ge les grains , qui en contractent une mauvaife odeur ? Ce qu'il y a de certain y c'eft que quand les moiffons font humides , ôc qu'il fur vient des pluies chau- des y les tas s'échauffent en très- peu de temps , ôc alors ces in- îeâ:es font un progrès très -rapi- de. Sans doute que la chaleur que les grains contractent y efl très-favorable à ce progrès , ôc que cts infeâes peuvent alors attaquer plus facilement les grains attendris par l'humidité y que ceux qui font endurcis par la féchereffe. En effet , en i y6oy année où les chaleurs furent vi- ves y ôc l'air fort fec , les grains fe conferverent long - temps tellement frais que la plupart des habitans de i'Angoumois DE l'Angoumois. 7Î croyoient qu'il y auroit peu d'hv feâes ^ ôc que la grande ardeur du foleil avoir fait périr la plu- part des chenilles. Ils font dans cette confiance , pour peu que les infeftes tardent à fe mon- trer en grand nombre ; ils fe per- fuadent alors qu'il n'en paroîtra point ou peu dans la fuite ; néanmoins cette année-là même qu'ils croyoient fi contraire aux infedes ^ nous vîmes fortir des papillons des épis qu'on moiffonnoit ; nous en vîmes un plus grand nombre voltiger au- tour des gerbes qu'on avoit ren- fermées dans les granges ^ & une multitude inexprimable fur la fuperficie des tas de grains dépofés dans les greniers ^ quoi- que ces grains ne fe fufTent échauffés d'une manière très- fenfible que vers la mi-Septem- bre. En 1751 5 les grains s'é- chauffèrent tellement le 8 Sep- 7^ HisT. d'un Insecte tembre^queTair étant à la tempé- rature des caves de l'Obferva- toire y le thermomètre mis dans un de ces tas , monta à 5*3 dé- grés. Les grandes chaleurs de Tété n'avoient donc fait que re- tarder le mal ^ & peut-être le diminuer un peu. Mais ce terri- ble fléau fe renouvelle chaque année. Ces chenilles renfermées dans leur grain & à couvert dans des granges ou des greniers^ font garanties des intempéries de l'air qui font périr les autres in- fe£tes qui y font expofés. Je crois devoir ajouter ici une réflexion fur la grande cha- leur que nous avons dit qui s'ex- citoit quelquefois dans les tas de grains : tous les ans ^ même quand les moiflbns font feches, on fent^ indépendamment des infeâes qui peuvent la caufer, une chaleu'* fendble dans les gerbes emailées; de même que dans DE L AnGOUMOIS. 75 dans les grains nouvellement battus : les payfans difent alors que les blés jettent leur feu ; mais quand les moiflbns ont été humides ^ cette chaleur eft à un tel degré que les germes en font quelquefois étouffés. Ce fait fc remarque dans TAngoumois , comme par-tout ailleurs : ce qui nous fait penfer que fi en lyô'o , la chaleur des tas de grain fut médiocre , c'eft parce que Vété avoit été fort chaud & fee ; mais quelque temps après lamoiffon, les grains s'échauffèrent plus dans cette province ^ que dans celles où on ne connoît point la chenille dont il s'agit. On peut donc dire que la chaleur vient en partie de l'humidité & en partie des infefles mêmes : on verra dans la fuite que quand l'humidi- té caufe une augmentation de chaleur , tout devient plus favo- rable à la multiplication des infe-» Q 74 HisT. d'un Insecte âes ; &que quand par cette mul- tiplication elles fe trouvent en grande quantité _, elles doi- vent néceffairement produire une plus grande chaleur. §. XVI. De la Réproducilon de V Infecte dans le cours d'une année. Récapitulons ce que nous ve- nons de dire ^ & fuivons Thiftoi- re de notre infeâe dans toutes les faifons de Tannée , pour ef- fayer de découvrir les circonf- tances dans lefquelles nous pour- rons l'attaquer avec plus d'avan- tage. On fe rappellera que, dans le temps de la moiffon , nous avons vu des papillons fortir de quelques grains,qui étoient déjà vuides & entièrement confom- mes , avant d'avoir été moiffon- nés. Sans doute que ces pre- miers papillons s'accouplent ôc DE l*Angoumois. 7J pondent fur les autres épis qui reftent encore fur pied , ôc pro- bablement une partie de ces œufs eft détruite par Taûion du fléau ^ quand on bat 6c qu'on net- toie promptement les grains ; mais comme dans le temps des chaleurs les chenilles éclofent fort vite , plufieurs pouvant en- trer , comme en effet nous l'a- vons vu y dans les grains qu'oa moiffonne^ & y trouver une re-- traite, elles feront tout leur dé' fordre, fi on ne fe preffe pas de les étouffer, comme nous le di- rons dans la fuite. Les grains qui ont été moîf- fonnés, font renfermés en gerbe dans les granges où ils reftent plus ou moins de temps , fuivant que les autres travaux permet- tent aux Laboureurs de les bat- tre plutôtou plus tard. Les grains ainfi entaffés , s'échauffent ; ôc les métamorphofes des infecles Gij 75" HisT. d'un Insecte qu'ils renferment , fe font plus promptement. Lorfque nous faifions remuer quelques-unes de ces gerbes entaffées y nous en voyions fortir des papillons: c'étoit autant de grains vuides de farine 6c abfolument perdus. A peine ces papillons font-ils for- tis de leur prifon^qu'ils s'accou- plent , ôc qu'ils pondent fur les épis qu'ils trouvent dans les granges. Il eft certain qu'une partie de ces œufs ôcdes jeunes chenilles pourroit être détruite , comme nous l'avons dit, par le fléau 6c par le van , fi on ne dif- féroit pas ces opérations. Plufieurs payfans fe preffent débattre leur petite récolte dans une aire très -mal-propre qu'ils font à la hâte au-devant de leurs bâtiments ; ils vannent ôc net- toient leurs grains dès qu'ils ont été battus ; les grains qui fe trou- vent vwides, font en partie fépa-». t>E l'Angoumôis. 77 tés de ceux qui font encore pleins 5 par le vent qui enlevé les plus légers avec les balles. Comme la mal-propreté de Taire où Ton bat les gerbes, falit les grains, les habitants font dans i'ufage de les laver;ôc par cette o- pération^ils achèvent d'emporter les grains vuides qui flottent fur Teau. Ils féparentauffi les grains dont les chenilles ont mangé une telle quantité de la fubflan- ce farineufe , qu'ils en devien- nent plus légers que Teau ; mais les grains dont les chenilles n'ont pas beaucoup mangé de farine , fe précipitent au fond de Teau , ainfî que les bons ; ôc ces grains entamés fe trouvant attendris par Teau, les chenilles les dé- vorent plus promptement que ceux qui font bien fecs. La plupart des payfans pré- venus du mauvais fort qu éprou- veront leurs grains , fe hâtent G iij jS HisT. d'un Insecte de les vendre à des Marchands ^ qui en les tranfportant dans les {)rovinces voifines , y portent a contagion ; c'eft-là la vraie fource de Pextenfion du mal. D'autres les font moudre auflî- tôt après la récolte : ce parti eft un des meilleurs qu ils puiflent prendre i mais il n'eft pas cepen- dant fans inconvénient : car ^ en premier lieu , les moulins ne peuvent fuffire à moudre toute la quantité de grains qui a été récoltée; en fécond lieu, quand les moiiTons font humides , les fa- rines fe gâtent aifément ; enfin^ quoique Taûion des meules dé- trulfe fans doute prefque tous les infeftes , il n'eft pas certain qu'il ne s'en échappe quelques- uns ; car , comme nous l'avons déjà dit , - nous avons nourri dans de la farine quelques che- nilles que nous avions tirées des grains 3 elles y ont très -bien fub" DE l'AnGOUMOIS. 7P RM ; elles nous ont même pa- ru plus groffes que celles qui étoient reliées enfermées dans les grains , ôc elles fe font con- verties en chryfalides , puis en papillons. Nous remettons à par- ier ailleurs des autres moyens qui ont été tentés pour conferver les grains , afin de reprendre la fuite de l'hiftoire de notre in- feae. Une grande partie des habi- tants mettent leurs grains dans leurs greniers ^ où ils les tien- nent en réferve pour fervir à acquitter les redevances fei- gneuriales qui la plupart ne font payables qu'au commence- ment d'OÊlobre. Cefl: de ces tas de grains réfervés , que Ton voit fortir une multitude de pa- pillons quî^ comme nous TàVOr^s obfervé ^ s'accouplent & pon- dent^ furies mêmes grains, une immenfe quantité d'œufs , dont G iv 8o HisT. d'un Insecte il fort des chenilles qui fe logent dans les grains , & en dévorent ia farine pendant tout l'hiver. Nous ferons voir dans la fuite que dans les automnes douces & humides,quelques-unes des che- nilles qui font éclofes les pre-^ mieres peuvent fe transformer affez tôt en papillons pour four- nir une féconde génération a- vant l'hiver : on n'en fera pas furpris , quand on faura que la chaleur de l'air fait promptement paffer les chenilles par toutes leurs métamorphofes. En effet , iorfque les papillons qui fe font montrés dans le temps de la moiffon ^ fortent des grains , il s'en faut fouvent beaucoup que toute la fubftance farineufe foit auffi complettement mangée , qu'elle i'eft quand les papillons du mois de Juin commencent à paroître ; ceux-ci ne laifTent au- cun veftige de farine ^ ni même DE l'AngoumoïsJ Si les gros excréments blancs dont nous avons parlé plus haut. Laiffant à part cette prompte régénération , il eft certain que pendant tout le cours de Tété^ jus- qu'aux fraîcheurs de l'automne, on voit continuellement fortir des papillons de tous les tas de froment^ d'orge & de feigle ; que pendant l'hiver 5 on trouve beau- coup de chenilles vivantes dans l'intérieur des grains ; qu'on y trouve à la fin de Mai quantité de chryfalides ; ôc que quand les chaleurs commencent à fe faire fentir, c'eft-à-dire , vers la mi- Juin ^ on voit fortir de ces tas de grains une multitude pro- digieufe de papillons. Voilà donc ^ pour ainfi dire , deux volées de papillons : l'une qui paroît depuis la moiffon , ôc qui fe perpétue jufqu'aux fraî- cheurs de Septembre , & l'autre qui fe montre en Juin : celle-là Sri HisT. d'un Insecte vient des chenilles qui ont relié pendant le cours de l'hiver dans l'intérieur des grains. Cette vo- lée fe continue jufqu'à la moif- fon ; de forte que nous penfons qu'entre les papillons qui vol- tigent fur les grains que l'on moiffonne , les uns viennent des greniers , & font fortis des grains de Tannée précédente , étant produits par les chenilles qui étoient encore fort petites à rentrée de Thiver ; & les au- tres papillons viennent des oeufs qui ont été pondus les premiers fur les épis , vers la fin de Mai, ou fur les grains nouvellement récoltés, de forte que la fin delà première volée fe joint immédia- tement avec le commencement de la féconde. Une circonftance bien digne d'être remarquée , 6c dont nous ferons ufage dans la fuite , eft que les papillons de la volée d'été relient pour la plu- del'Angoumois. 8j part dans les greniers , attachés aux grains , fur lelquels nous les avons vu s'accoupler & pondre. Il femble que ces papillons fâ- chent que dans cette faifon il n*y a plus de grain dans les champs qui puiffent nourrir leur poftérité : au contraire , ceux de la volée du printemps s'effor- cent de fortir des greniers ; ôc ils en fortent effedivement en très - grand nombre par les fe- nêtres , fans doute pour aller fe répandre dans les campagnes^ & faire leur ponte fur les épis encore verds. Cette circonf- tance de la vie de notre infeâe eft des plus intéreffantes y ôc elle nous engage à rapporter des ob- fervations qui lèveront tous les doutes que l'on pourroit former fur ce point. §4 HisT. d'un Insecte §. XVII. Ohfervanons qui prouvent que les Papil- lons ne fortent des gre- niers que pour aller pon- dre fur les épis. Dans le mois de Juin 1751 ^ nous allions ^ à différentes heu- res du jour y vifiter les gre- niers où il y avoit des grains înfeftés d'infectes. Pendant le jour nous appercevions une mul- titude de papillons qui faifoient de petits mouvements fur les tas fans les quitter , ôc précifé- ment comme nous les avions obfervés après la moiffon de i7(5o.Lorfque nous retournions dans ces mêmes greniers , un peu après le foleil couché , nous voyions ces papillons quitter les grains , & s'attacher aux murailles : ils prenoient enfuite DE L Angoumois, 8; leur vol ; ils fortoient en grand nombre par les croifées , & s'é- loignant avec rapidité , nous les perdions bien-tôt de vue : fi y vers les dix ou onze heures du foir^ nous retournions encore dans ces greniers ^ nous n'y appercevions plus une auffi gran- de quantité de papillonç; & ceux qui y étoient reftés , paroif- foient moins agités. Voici une autre obfervation qui prouve en-' eore mieux la difperfion de ces papillons/ Pour parvenir à acquérir des GonnoifTances fur quelques çir- conftances de la vie de notre infe£te, nous avions renfermé dans le mois de Septembre i y^o, différentes efpeces de grain chez M. Marantin dans de petits ca- binets/ur les murs & le plafond defquels nous avions fait coller en plein du papier blanc. Au commencement de Juin ij6i^ il S6 HisT. D*u N Insecte fe répanditdans ces cabinets une prodigieufequantité de papillons. Lorlquenous y entrionspendant le jour^ces papillons paroilToient affez tranquilles; ôc au contraire, vers le coucher du foleil , on les voyoit très-agités : mais ils ne pouvoient fortir de ces cabinets, parce que les croifées étoient exaâement fermées. Le p Juin, fur les huit heures du foir, ayant ouvert la porte d'un de ces cabi- nets , nous vîmes les papillons fortir en grand nombre ; ils tra-, verfoient, fans s'arrêter ôc avec une rapidité furprenante , un grenier où répondoit cette porte» Quoiqu'il y eût dans ce grenier plufieurs tas de froment , ils ne s'y arrêtoient pas ; mais ils s'em^ prefToient de fortir par une fe- nêtre de ce grenier , qui étoit fort éloignée de la porte des cabi- nets. M. Tillet, & plufieurs au-* très perfonnes , qui avoient h DE l'AnGOUMOIS. 87 vue perçante, les fuivirent de l'œil jufqu'au toit d'une grange éloignée de cinq à fix toifes ; mais la nuit qui approchoit , ne leur permit pas de les apperce- voir au-delà de ce ternie. Nous retournâmes fur les dix heures du foir dans le même cabinet pour y répéter nos premières obfervations ; nous y trouvâmes alors les papillons très-tranqui- les , & à peine en vîmes-nous fortir quelques-uns. Ces obfervations prouvent très- bien que nous avions eu rai- fon de foupçonner dès 1760 ^ que ces papillons étoient noc- turnes ; ôc que ceux de la volée du mois de Juin ont un autre înftinâ: que ceux qui ne paroiC- fent qu'après la moiflbn: ceux- ci reftent fur les tas de grains où ils s'accouplent, & où ils font leur ponte ; il fort de leurs œufs des chenilles qui entrent 88 HisT. d'un Insecte dans les grains de ces tas , auflî- tôt qu'elles font éclofes. Les papillons du mois de Juin agif- fent au contraire ^ comme s'ils favoient qu'il y a à la campagne des épis qui ont palTé la fleur , & que les grains font en état de fournir à leur poftérité les ali- ments qui leur font néceflaires. Ils ne fortent des greniers que vers le foir ; & les hirondel- les qui volent autour des fenê- tres^ attrapent beaucoup de ceux qui fe preflent de fortir avant le foleil couché ; ce qui arrive or- dinairement quand le ciel eft chargé de nuages. Comme le vol de ces petits papillons eft très- rapide , àc qu'ils s'élèvent à une trop grande hauteur pour que l'œil puiffeles fuivre long-temps dans leur trajet, fur-tout à une heure où le jour commence à s'éteindre , nous avons été obli- gés d'employer des moyens par- ticuliers DE l'AnGOUMOIS. 8^ ticuliers pour favoir ce qu'ils de- viennent. Dès Tannée i'j6q , lorfque la faifon ne nous permettoit pas de faire des obfervations direftes , nous foupçonnions que les pa- pillons échappés des greniers , alloient pondre dans la campa- gne furies grains épiés ; car fans cela d'où auroient pu venir les chenilles que nous trouvions dans les grains encore fur pied. Quelque queftion que nous fif- fions aux habitants ^ aucun d'eux ne pouvoit nous dire les avoir vu voltiger fur les blés verds ; nous jugions que comme ces papillons font fort petits , il étoit difficile de les appercevoir dans les campagnes ^ fur de vaf- tes champs dans lefquels on ne peut entrer fans faire de dom- mage ; mais au défaut d'éclaîr- ciffement de la part de ces ha- bitants ^ nous avions beaucoup H ^0 HisT. d'un Insecte de raifons de préfumer que les papillons ne cherchoient à fortir des greniers que pour aller dé- poser leurs œufs fur les épis en- core verds : une de cts raifons eft cette inclination que les papil- lons du mois de Juin montrent à fortir des greniers ^ & le vol rapide qu'ils prennent pour fe répandre de toutes parts. De plus y Madame de ChaJfeneuH nous fit prêter attention à une circonftance que nous avons cherché à vérifier autant qu'elle pouvoit l'être : voici le fait. Nous pouvons avancer d'après le témoignage de cette Dame éclai- rée ) & certifier auffi d'après nos propres obfervations , que les grains qui ont été recueillis dans le voifinage des villages ^ & au- près des métairies , & des maifons où l'on renferme les grains ^ fe trouvent plus en- dommagées par les infedes ; que DE l'AnGOUMOIS. pi ceux dont on fait la récolte dans des pièces éloignées de toute habitation. Nous avons vu chez M. de Taponnat^ dont la terre eft fituée auprès de la Rochefou- cault , des grains extrêmement endommagés ; il avoit recueil- li ces grains vis-à-vis la porte de fon château qui eft peu éloi- gné du bourg de Taponnat : au contraire un Garde-de-chafle qui occupe une maifon dans un lieu défert de la forêt de Bel - air , nous a afTuré qu'il n'avoit pres- que jamais vu fortir de papil- lons du peu defeigle quilrécol- toit d'un petit terrein qu'il cul- tivoit depuis plufieurs années , dans le jardin même du vieux château de Bel-air où il fait fa réfidence. Il eft très-probabla que fi ce payfan n'a eu que peu de chenilles dans les grains de fa petite récolte , c'eft parce qu'étant éloigné de toute habi- H ij <92 HisT. d'un Insecte tation 5 les effaims de papillons qui fortent des lieux infeftés , n'ont pu arriver qu'en petit nom- bre jufqu'à fon champ enfemen- cé. Tout le monde convient que les petits champs femés en grain qui font placés au milieu des grands vignobles ^ font peu en- dommagés par les chenilles, ôc qu'il y a moins de ces infedes dans les terreins maigres qu'on •nomme Grouas ^ que dans les terres grafles ; ôc moins dans les terres éloignées des gros bourgs, que dans celles qui les environ- nent. Les habitants témoins de ces faits, en attribuoient la caufe, les uns à la différente qualité des grains recueillis dans ces diffé- rents terreins ; les autres à la quantité de fumier qu'on répand dans les terres : mais il eft très- probable qu'elle dépend de ce que dans les terres éloignées DE l'Angoumois. P3 des bourgs , ainfi que dans les cantons de Grouas qui font peu habités , il y a moins de maifons & de greniers remplis de grains qui puifTent fournir de retraites aux infectes. Le Receveur de M. le Duc de la Rochefoucault à Barbe- fieux y a remarqué , en faifant fa recette , que les grains qu'on récolte dans les excellentes ter- res qui entourent cette ville , font plus endommagés que ceux" qu'on apporte des fermes éloi- gnées. Il en attribuoit d'abord la caufe aux fumiers ; r ais de- puis qu'il a été inftruit de nos obfervations , il penfe , comme nous , que fi les grains qu'on recueille près de la ville font plus endommagés que les au- tres , c'efl: parce que tous les greniers de Barbefieux étant remplis de grains fourniffent une multitude de papillons y qui 5)4 HisT. d'un Insecte vont au printemps fe répandre fur les grains du voifinage. En admettant la difperlion des papillons fur les grains y on peut expliquer tout naturellement pourquoi les grains de certains champs font fort endommagés par les chenilles ^ pendant que quelques-uns des champs voifms donnent des grains qui en font prefque exempts;ôc encore pour- quoi dans q uelques années, c'efl le froment, dans d'autres l'orge, ôc d'autres le feigle , qui font les plus endommagés. N'eft-il pas naturel d'attribuer la caufe de ces faits à ce que les effaims de papillons fe feront portés préfé- rablement fur un champ q ue fur un autre , félon qu'ils auront trouvé les épis plus difpofés à les recevoir, ou que le vent régnant les aura déterminés à s'abattre en un endroit plutôt que dans un autre l DE l'AnGOUMOIS. (>j Enfin plufieurs perfonnes at- tentives prétendent, i^, que les chenilles font un plus grand dé- fordre , quand les matinées font humides ôc le haut du jour chaud: il eft fenfible que dans ce cas le brouillard & l'humidité du matin attendriffentles grains, ôcquela chaleur du haut du jour donne de Tadivité à l'infette : 2^ , que les moifTons font plus endomma- gées par les infeâes , lorfque la faifon où les papillons fortent des greniers , a été douce & bel- le j que quand elle a été froide, pluvieufe & venteufe. Si cette obfervation que nous n'avons pu vérifier, étoit bien confla- tée , elle confirmeroit la difper- fion des papillons par eflaims , qui étant dérangés dans leur ponte par les pluies , les ora- ges 6c les coups de vent, périf- fent en grande partie. Ajoutons à ce que nous venons $S HisT. d'un Insecte de dire , que nous fommes bien certains d'avoir trouvé à la cam- pagne y dans le mois de Juillet de 176*0 ôc de 176"!^ des che- nilles & des chryfalides renfer- mées dans des grains , ôc que nous avons même vu fortir des papillons des grains que Ton moilTonnoit ; ce qui ne peut avoir été produit que par les papillons qui fortent des gre- niers , & qui vont dépofer leurs œufs fur les épis , lorfqu'ils font encore verds. Mais ^ je le répète ^ aucun habitant ne nous a dit avoir vu ces papillons vol* tiger fur les pièces de blé en- core verd; ôc ceux qui avoient inutilement cherché des papil- lons fur les épis 5 inclinoient à penfer que la femence vermineu' îe pouvoit être portée dans les champs avec le grain même qu'on femoît; qu'elle pouvoit fe conferver en terre pendant le cours DE l'Angoumois. 97 cours de l'hiver ; que les chenil- les fortoient de la terre au prin- temps , ôc qu'en parcourant la longueur de la paille , elles s'in-^ finuoient dans les épis 6c dans les grains. Quoique cette opi- nion n'offre rien de vraifembla- ble 5 cependant nous la difcu- terons dans la fuite^parce qu'elle nous a en quelque manière im- pofé la néceffité de prouver d'u- ne façon direâe la dirperfion des papillons fur les épis. Le defir que nous avions de retrouver à la campagne les pa- pillons que nous voyions foriir en grand nombre des greniers dans le mois de Juin i j6i , nous engageoit àvifiter, à différentes heures du jour, les froments^ les orges ôc les feigles qui étoient fur pied. Nous traverfions les prés ôc les pièces de blé d'Ef- pagne ; nous battions même les haies fans pouvoir découvrir un 5)8 HisT. d'un Insecte feul de nos papillons , fi ce n eft aux environs des pièces de Lié ou nous en trouvions quelques-uns morts & defTéchés qui avoient été arrêtés par les toiles des araignées , ce qui prouvoit in- conteflablenient qu'ils fréquen- toient ces endroits. En réflé- chifiant fur l'inutilité de nos courfes , nous fentîmes bien qu'il y avoit lieu de craindre que des infeâes aufli petits ne puffent pas être ap perçus dans la campagne, au milieu de gran- des pièces de blé ; nous foup- çonnâmes donc que l'heure que nous prenions pour faire nos recherches , étoit indue re- lativement à cette efpece de pa- pillons que nous devions , pour de foHdes raifons , regarder com- me nofturnes ; & que fi les pay- fans n'avoitnt pu les apperce- voir, c'efi: parce que leur travail ne les attire aux champs que DE l'AnGOUMOIS. 99 pendant le jour. Nous jugeâ- mes donc qu'il falloir les aller chercher pendant la nuit ^ & la lanterne à la main. Quelque ridicule que pût pa- roître notre projet à ceux à qui nous communiquions ces réfle- xions , nous réfolûmes de l'e- xécuter^ ôc M. Tillet^ qui a de meilleurs yeux que moi^ partit pour cette efpece de chalTe la nuit du 5* au (5 Juin : il apper- eut un grand nombre de nos pa- pillons fur les barbes des épis de froment. Le lendemain nous re- tournâmes dès le matin vifiter le même champ où il avoit remar- qué tant de papillons , & nous n'en pûmes découvrir aucun. Depuis ce jour nous avons vu & fait voir à qui l'a voulu un grand nombre de papillons fur le froment ôc l'orge : les uns étoient pofés fur les barbes , & les autres engagés entre les barbes jufqu'à 100 HisT. d'un Insecte la pointe des grains. Il ne s*efl même gueres pafTé de foiré es qu'on n'en ait vu quelques-uns accouplés. Nous n'avions aucu- ne raifon de douter que ces pa- pillons ne fuffentles mêmes que ceux des greniers^ quand nous faifions attention que nous les trouvions dans les champs ^ dans la même faifon ôc à la même heure où nous les voyions fortir des greniers ; néanmoins ^ pour en être encore plus certains , nous en prîmes à la campagne fur les épis ; & le microfcope nous fît connoître qu'ils étoient de la même efpece que ceux qui fortoient des greniers. Voici une autre obfervation qui, elle feule^ difliperoit tous les doutes s'il en fubfiftoit encore. M. de Taponnat confervoit dans un petit grenier des tas de blé dif- féremment préparés ; ôc comme dans les grains de deux de ces DE l'A ngoumois. xoî tas y nous avions apperçu beau- coup de chenilles , nous exhor- tions fouvenc M. de Taponnat à les faire paffer au four pour prévenir la difperfion des pa- pillons que nous favions devoir en fortir immanquablement. Le 2\ Juin nous allâmes fur les fept heures du foir ^ vifiter ce petit grenier : nous trouvâmes fur les tas une multitude de papillons qui étoient dans une grande agita- tion , & bien-tôt nous en apper- çûmes beaucoup qui fortoient par la fenêtre. Nous quittâmes M. de Taponnat en Taflurant que fes blés fe fentiroient de cette difperfion. Après notre départ , M. de Taponnat eut la curiofité d'aller par dehors pour voir fi ces papillons for- toient en grande quantité de fon grenier ; ce qui lui étoit facile de remarquer, parce que la fe- nêtre de ce grenier étoit fort liij 102 HisT. d'un Insecte bafle. Il en apperçut efFeclîve- ment fortir une telle quantité quii l'évalua à peu- près à cin- quante par minute. Comme il remarquoit que ces papillons fe portoient vers une pièce de fro- ment peu éloignée , il s'y ache- mina accompagné de cinq ou lîx perfonnes y qui toutes les voyoient arriver en grand nom- bre venant principalement du cô- té dugrenier;ils cnappercevoient qui fe pofoient fur les épis : ôc en pafTant une canne fur les bar- bes^ on voyoit ces papillons s'é- lever par douzaines. M. de Ta- ponnat fut tellement frappé de ce fpedacle , que dès le lende- main il fit fermer la fenêtre de fon grenier 5 & il ufa de la plus grande diligence pour faire paf- fer fes grains au four. Un Chanoine de laRochefou- cault avoît quelques boiffeaux de haillarge dans un grenier dont U i3E l'Angoumois. 105 fenêtre donnoit fur le clos des Da- mesHofpitalieres. Nous ne pû- mes le déterminer à faire paiTer cette orge au four. Vers le foir nous voyions une multitude de papillons qui fortoient de ce gre- nier , ôc qui fe répandoient fur Un champ de baillarge qui étoit dans le clos de ces Religieufes ^ de forte qu'il n'y avoit point d'é- pi fur lequel on n'apperçût quel- ques papillons. Ces obfervations confirment toutes celles que nous avions faites ; & il parcît qu'elles nelailTent rien à délirer. Nous devons feulement avertir ceux qui fe propoferontde trou- ver les papillons fur les épis , que le temps le plus convenable pour les y rencontrer ^ efl: une demi-heure après le coucher du foleil. Le 10 Juin étant allés, fur les huit heures du foir, vifiter les champs des environs de la Ro- liv 104 HisT. d'un Insecte chefoucault , nous n'apperçû- mes que quelques papillons po- fés fur les épis : ils étoient agi- tés, & nous les voyions arriver dans le champ de toutes parts , mais principalement du coté des moulins qui bordent la ri- vière. Ceux qui étoient fur les épis s'envoloient auffi-tôt que nous en approchions la lumiè- re ;c'étoit apparemment l'heure de leur arrivée. Sur les neuf heures nous retournâmes les chercher , & nous en vîmes un bon nombre attachés aux é'pis , 6c quelques-uns qui étoient ac- couplés ou qui cherchoient à s'accoupler : alors la lumière ne les effarouchoit pas , ôc nous avions tout le loifir de les exa- miner à la loupe : vers minuit nous en trouvâmes moins ; & le lendemain de bon matin nous n'en vîmes aucun. Il ne faut pas croire que la difperfion des DE l'AnGOUMOIS; IOJ papillons fuive conftamment les heures que nous venons d'indi- quer : nous avons remarqué beaucoup de variétés qui dépen- dent de la chaleur de Tair ; & or- dinairement ils s'établiffent plu- tôt fur les grains quand le foleil eft couvert de nuages avant fon coucher. Comme nous n'avons jamais trouvé de papillons pendant le jour y on pourra demander où ils fe retirent alors : il eft jufte de répondre à cette queftion. Nous les avons cherchés inutilement dans les haies ôc dans Therbe des grains : sûrement la lumière les importune \ car quand nous expofions au foleil les vafes où nous les tenions renfermés , ces papillons fe cachoi ent à l'ombre dans des plis du papier ^ de forte que quelquefois nous avions pei- ne à les retrouver. Un jour qu'il faifoit un beau foleil^ nous pri- lo6 HisT. d'un Insecte mes deux gobelets de cryftalî dans Tun nous mîmes un peu de froment avec des papillons ^ ôc l'ayant recouvert d'un papier, nous le posâmes fur fon fond dans un jardin, à rexpofition du foleil. Nous ne mîmes point de grains dans l'autre gobelet , où nous avions également logé des papillons : nous le pofâmes le fond en haut , à côté du pre- mier, afin que les papillons puf- fent recevoir toute l'ardeur du foleil ; enfin nous pofâmes à terre à côté de ces gobelets, un thermomètre de M. de Réau- mur. Quand la liqueur fe fut éle- vée à 45* ou jo degrés , nous vîmes que tous les papillons du gobelet où il n'y avoit point de grains, étoient morts *; dans l'au- tre, il n'en mourut que quelques- uns, parce que la plupart avoient trouvé de l'ombre, (bit en fe lo- * Les Dermejîes & quantité d'infedes meurent quand on les expofe au Soleil. DE l'AnGOUMOIS. 107 géant dans les grains ^ foit en le cachant fous le couvercle de papier. Nous favions bien d'a- vance que les papillons s'agi- toient quand on les expofoit au foleil ; maïs nous ignorions fi ces mouvements exprimoient le bien être ou la peine. La quef- tion eft maintenant réfolue par l'expérience que nous venons de rapporter^ ôc nous penfons que pendant le jour les papil- lons vont chercher l'ombre ou la fraîcheur ; ôc comme ils oc- cupent très-peu d'efpace^ il n'eft pas furprenantque nous n'ayons pas pu découvrir leurs retraites qui font peut-être dans les bois , & dans les petites rimes de l'é- corce des arbres ^ ou dans la terre. Ce n'efl: donc plus une con- jeSure , mais une vérité bien éta- blie,que les papillons qui fortent des greniers^vont fe diiperfer fur 'io8 HisT. d'un Insecte les épis verds ; mais eft-ce la feule fource qui fournifTe cet infefte redoutable ? N'en fort-il point de la terre où Ton en a ré^ pandu une il prodigieufe quan- tité avec la femence ? C'eil un point de Thiftoire de cet infede que nous avons promis de dif- cuter ^ parce qu'il eft fort inté- reffant ; ôc voici le temps de fatisfaire à notre engagement. §. XVIII. La Chenille des grains peut paffer l'hiver en terre pour en Jonir au Prin-- temps fous la forme de Pa- pillons. On fe rappellera que quelques habitants de l'Angoumois a- voient foupçonné qu'on portoit dans les champs avec la femen- ce le germe des infeftes ; que les œufs fe confervoient en terre; qu'ils y éclofoient en che- nilles ; que ces chenilles , après DE l'AnGOUMOIS. lop la fleur des grains , changeant de demeure , parvenoient aux épis ôc aux grains dont ils dévoient fe nourrir. Voilà à peu près de quelle maniera plufieurs expliquoient fyfléma- tiquement Torigine des che- nilles qu'on trouve dans les grains au mois de Juillet ^ ainfî que celle des papillons qui fe montrent dans le temps de la moifTon. Je à\sfyfiématiquement^ parce que ce raifonnement n'é- toit fondé fur aucune obferva- tion. Mais maintenant que nous avons vu les papillons accouplés fur les épis ^ on ne fera point furpris de nous voir d'un autre fentiment. D'ailleurs , ce raifon* nement peut être démontré faux par la feule circonflance que , s'il étoit vrai , les chenilles dé- jà prefque à leur grofTeur de- vroient entrer dans les grains yerdsj au lieu qu'on les y obferve iio HisT. D*UN Insecte fort petites ^ & qu'on les y voit prendre peu-à-peu leur accroif- îement. Néanmoins^ cefyftême, tout faux qu'il eft , nous a con- duit à la découverte d'une véri- té très-intéreffante. Nous avouerons volontiers qu'il nous paroiffoit peu vrai- femblable que des chenilles puf- fent fe conférver en vie ^ ren- fermées pendant l'hiver dans des grains mis en terre qui fe péné- trent d'humidité , ôc qui font ex- pofés pendant toute cette faifon aux gelées ôc aux autres intem- péries qui paroiflent devoir cor- rompre tous les grains qui ne germent pas. Quelque peu pro- bable que cette idée paroilTe , nous ferons voir dans un inftant qu'elle eft vraie ; il convient de rapporter auparavant quelques expériences quifemblent établir qu'il eft inutile de prêter atten- tion au choix; de la femence. DE l'AnGOUMOIS. I I I Le champ que nous obfervions le plus ordinairement dans le mois de Juin lydi ^ avoit été femé partie avec du froment re* cueilli en Angoumois , ôc infefté de papillons , & partie avec du froment du Limoufin qui en étoit exempt ; néanmoins dans Tune & dans l'autre portion qui appartenoient à M. Marantin ^ nous trouvions beaucoup de pa- pillons fur les épis ; il y en avoit même un peu moins dans la partie femée avec le froment d'Angoumois que dans l'autre. On s'efl: prefTé de conclure de cette obfervation, qu'il étoit in- différent de femer des grains fains ou infeftés de chenilles ; mais nous ferons voir bientôt que cette conféquence eftfauiïe, & qu'elle peut avoir des fuites dangereufes. Des Cultivateurs attentifs de cette province;avoient fait défri- 112 HisT. d'un Insecte cher d'anciens prés^ ôc des arra- chis de bois : comme de temps immémorial^ces terres n'avoient point produit de grain ^ on les jugeoit avec raifon faines & exemptes du germe de l'in- feâe dont il eft ici queftion. On répandit dans ces terres des fe- menées qu'on avoit tirées du Li- moufin ou d'un canton du Poi- tou y dans lequel on ne connoît point les papillons. Cette pré- caution étoit bonne ; mais c'eft à tort que les Propriétaires efpé- roient que les grains qu'ils ré- colteroient feroit à Tabri de l'in- fe£le deflrufteur ; en effet ces grains en devinrent la proie à peu -près comme les autres. Maintenant qu'on fait que les papillons fortent des greniers^ôc qu'ils vont prendre poffeflîon des blés verds , il efl: évident qu'ils doivent pondre indiftinâement & fur les épis qui viennent des femences DE l^Angoumois. il 5 (emences faines , & fur les épis qui font venus de la femence du j'ays ; la terre neuve ne les em- pêche point non plus de dépofer leurs œufs fur les grains qui font à leur portée : ces papillons trouvant dans leur chemin de beaux épis , quelle raifon au- roient-ils de les refpe£ler ? Il n'en feroit pas de même fî on répandoit de la femence fai- ne dans un champ affez éloigné des maifons ôc des moulins pour n'avoir rien à craindre de la dif- perfion des papillons du prin- temps. Cette réflexion nous a engagés à faire les expériences que je vais rapporter. Nous choisîmes une clariere dans la forêt de Bracone; nous la finies effarter^ labourer & femer avec du grain du Limoufin que nous favions être exemtd'infeûe; nous finies femer en même temps du pareil grain auprès des ruines K '1T4 HisT. d'un Insecte du château de Bel-air; car nous jugions que comme ces endroits étoienc éloignes des greniers , il n'y auroit point ou au moins très - peu d'mfeâes dans les grains qu'on y récolteroit; néan- moins nous étant tranfportés à la chute du jour fur ces deux champs d'épreuve , un peu avant la maturité des grains ^ nous trouvâmes quelques papillons fur les épis ; & fix femaines ou deux mois après la récolte, M. Marantin nous écrivit qu'il y avoit des chenilles dans les grains de la forêt de Bracone , mais beaucoup moins que dans les grains recueillis aux envi- ions de la Rochefoucauit ; ôc qu'il y en avoit encore moins dans les grains recueillis à Bel- air, que dans ceux de la forêt de Bracone. M. de Taponnat s'étant don- né la peine de compter un cer- DE l'AnGOUMOIS. II J laiil nombre de grains^ & de mettre à part ceux qui étoisnt endommagés par les chenilles , nous fî.t favoir que dans les grains recueillis à Bracone , on trouvoit un grain endommagé fur quatre-vingt ; qu il y en avoit beaucoup moins parmi ceux de Bel-air ; au lieu que dans les grains récoltés auprès du bourg de Taponnat^il y avoit au moins un feizieme de grains attaqués par les chenilles ; ôc dans les terres qui en étoient plus éloi- gnées 5 on en trouvoit tantôt un vingt-cinquième ^ & tantôt un quarantième. Tous ces faits s'ac- cordent très-bien avec ce que nous avons dit de la difperllon des papillons qui fortent des greniers; mais il en réfulte^ cette conféquence très-fâcheufe, que lorfque les papillons font favo- rifés par le vent^ ils pevivent fe porter très-loin^ à la vérité en Kij 1 1 6 HisT. d'un Insecte fort petit nombre^ mais en nom- bre luiiifant pour produire ta peu de temps une très-nombreu- fe poftérité. Les expériences que nous ve- nons de rapporter , prouvent bien que pour fe garantir des dé- fordres que caufent les papillons, il ne fuffit pas de répandre une fcmence exempte de tout germe d'infeâe , ni de choifir une ter- re faine , puifque les épis font infcftés par les papillons qui viennent des greniers ou des champs vo^fins : mais elles ne détruifent point les foupçons qu'on pourroit avoir fur la confervation des germes des papillons dans la terre ; car de ce que nous avons prouvé inconteftablement qu'il fort des greniers des colonies de papil- lons qui vont fe répandre fur les épis , on n'en peut pas con- clure qu'il ne forte point d'in- DE l'AnGOUMOIS. I 17 fe£les des terres qui ont été en- femencées avec des grains in-- feftés. C'eft cette partie de l'hi- iloire de notre infede , qui nous reftoit à connoître. Au mois d'Oclobre lyd'o ^ Madame de Chaffeneuil fema dans une caiffe de fon jardin ^ à deux pouces de profondeur en terre , des grains remplis de chenilles. Nous femâmes aufli de pareils grains dans une plan- che du jardin de M. Marantin. Notre intention étoit d'étudier ce que deviendroient les che- nilles que nous déposons ainfl en terre. Le terrein du jardin de M. Marantin fe durcit tellement, que dans le mois de Mai ij6i) nous n'y pûmes trouver aucune chenille ; mais Madame de Chaffeneuil en trouva de vivantes dans fa caiffe d'expérience qui avoitreftépendanttoutl'hiverex' pofée aux injures de la faifon ; ïi8 HisT. d'un Insecte elles y étoient renfermées dans les grains de froment auffi à leur aife que dans les greniers. Cette feule expérience fuffit pour prou- ver que les chenilles peuvent fubfifter tout un hiver fous terre, renfermées dans les grains dont elles ont pris pofrefTion. Ilreftoit à favoir Ci elles en peuvent for- tir , ôc fi elles doivent fe mon- trer fous la forme de chenilles ou fous celle de papillons : c'efl ce qui eltéclairci parles expérien- ces que nous allons rapporter. D'abord ^ pour fuivre les mé- tamorphofes de cet infecte , nous femâmes , à notre arrivée en Angoumois au mois de Mai lydi, des grains qui conte- noient des chenilles , ôc nous les mîmes à un pouce de pro- fondeur en terre dans un pot de jardin : comme nous les cher- chions de temps en temps , nous vîmes que ^ malgré les pluies DE lAnGOUMOIS. îI^ abondantes qui étoient furve- nues 5 ces chenilles fe transfor- moient en chryfalides précifé- ment comme fi elles avoient été dans un grenier ; ce qui prouve que les chenilles ne cherchent pas à fortir de terre y comme quelques-uns Tavoient foupçon- né ; ôc déjà nous étions allures Qu'elles dévoient fe convertir en papillons dans la terre même. Il relioit à favoir fi des infectes auiîi foibles pourroient parve- nir à fe mettre en liberté. Nous favions bien que ces papillons peuvent fe dégager d'une épaif- feur affez confidérable de grain , ôc que quand on renferme dans des facs ordinaires des grains chargés de papillons ^ plufieurs parviennent à en fortir quand le tilTu de la toile n'eft pas fort ferré. Mais pour nous afïurer du fait qui nous intéreffoit, nous fî- mes les expérieaces fuivantes. 120 H/sT. d'un Insecte Nous mîmes au fond d'un go- belet de la terre fort feche ôc réduite en pouflîere ^ fur laquelle nous plaçâmes une couche de grains qui contenoient des chry- falides j nous recouvrîmes ces grains avec de la même terre en pouflîere , à l'épaifleur d'un bon demi-pouce : le gobelet fut cou- vert de papier pour retenir les papillons au cas qu'ils pulTent traverfer le demi-pouce de pouf- fiere ; cet obftacle ne les arrêta pas^ ôc on les trouva en grande quantité fous le papier; ils s'y ac- couplèrent, ils pondirent, ôc la terre fe trouva couverte d'oeufs. Nous voulûmes voir s'ils tra- vèrferoient auflî aifément une couche de terre : pour cet effet nous prîmes un pot de jardin; nous mîmes au fond de ce pot de la terre telle qu elle fe trou- va dans le milieu d'un auarré de potager j nous répandîmes deffus une DE l'AnGOUMOIS. ï2i une couche de grains remplis de chenilles , & nous la recouvrî- mes de la même terre à l'épaif- feur d'un pouce : nous répandî- mes fur cette féconde couche de terre ^ une autre couche de froment infefté , que nous re- couvrîmes d'un pouce de terre. Nous laiffâmes ce pot expofé à une pluie confidérable qui dura près de deux jours. Nous mîmes enfuite fur la terre de ce pot à trois ou quatre pouces de hau- teur ^ un cercle de carton percé de petits trous ^ pour ménager une communication entre l'air du dehors ôc celui qui étoit ren- fermé dans le pot ; enfin nous pofâmes un carreau de verre par-defTus le cercle de carton , pour retenir les papillons , fi réellement , il venoit à s'en dégager quelques - uns de la terre : & il en fortit en effet plufieurs , puifque dix à douze L HiST. d'un Insecte jours après , nous vîmes fortir trois papillons , & le lendemain environ une douzaine. Par la difpofition de l'expé- rience que nous venons de rap- porter 5 nous n'étions point af- îurés files papillons qui feroient recouverts de plus d'un pouce de terre poiUToient en fortir ; c'efî: pour cela que nous fîmes fai- re une caifTe de menuiferie ( fg. 3 ) partagée en 3 compartiments: dans l'un les prains infeftés fu- o rent mis à un pouce en terre , dans l'autre à deux pouces , &c dans l'autre à trois : tous furent recouverts avec des carreaux de verre. Il parut des papillons dans tous les compartiments y mais en bien plus grande quan- tité dans celui où les grains n'é- toient recouverts que d'un pouce de terre, que dans les autres. En- fin il en fortit quelques-uns du compartiment ou ils étaient à DE l'AnGOUMOIS. 125 trois pouces fous terre : il eft vrai que nous avions recouvert nos grains avec une bonne terre de potager qui n'étoit point pétrie; ôc comme la terre de la pleine campagne eft prefque toujours plus difficile à traverfer que celle dont nous avions rempli notre caiffe , nous recouvîmes encore des grains infeftés avec de la terre plus forte ^ affez hu- mide , ôc que nous avions com- primée davantage : alors nous ne vîmes plus paroître aucun pa- pillon. Ayant examiné avec foin la fortie des papillons, nous vîmes qu'à force de fe donner des mouvements , ils parvenoient à fortirleur tête, ôc peu à peu , en s'aidant de leurs pattes , ils dégageoient leur corps ; on voyoit fur la terre le petit trou qu'ils avoient fait pour en fortir. Ils font d'abord chifonnéscon> Lij 124 HisT. D*uN Insecte me ceux que nous avions tirés des chryfalides ; mais après s'ê- tre repofés un moment, ils agi- tent leurs ailes , ôc bientôt ils font en état de prendre leur vol. On dira peut-être qu'il y au- roit à craindre que les chenilles ne fe métamorphofafTent en chryfalides , ou les chryfalides en papillons , que quand la cha- rue les auroit portées à lafuper- fîcie de la terre où elles fe fe- roient confervé long- temps vi- vantes 5 comme cela arrive aux chryfalides qu'on a confervées dans un lieu frais où l'on fait qu'elles ne meurent pas , ôc qu'elles ne fe montrent fous la forme d'un papillon que l'an- née d'après celle où elles au- roientdù paroître. Quoique cet- te obje£tion foit une purefuppo^ fition 5 dénuée de toutes preu- ves , néanmoins elle nous a en- gagés à chercher dans Ja terre de DE l'An^OUMÔIS. 12J nos caifles , fi nous ne trouve- rions pas quelques chryfalides vivantes^ qui ne fe feroient pas tranformées en papillons ; mais quelques foins que nous y ayons apportéS;,nous n'en avons pu dé- couvrir aucune* Quoique nous foyons per- fuadés qu'il peut fortir ôc qu'il fort efFeclivement quelques pa- pillons de la terre où on a répan- du de la femence infeftée ^ nous penfons que la plus grande par- tie périt avant de pouvoir gagner la fuperficie du terrein ; ôc nous perfiftons à regarder les papil- lons qui fortent des greniers , comme la véritable fource de l'infede. En effet, tous les grains qui contiendront une petite che- nille qui n'aura pas endommagé le germe , lèveront, & la fub- fiance farineufe étant confom- mée par la plante, la chenille privée d'aliments doit mourir. Liij 126 HisT. d'un Insecte De plus j il eft prouvé par nos expériences que les papillons ne peuvent traverfer une terre battue & endurcie ; & c'eft affez fouvent l'état où fe trouvent les terres un peu fortes qui ont été expofées aux pluies d'hiver. Il n'y a que les terres femées en or- ge ôc en efcourgeon^ qui n'ayant pas été battues par les pluies d'hiver ^ pourroient permettre aux papillons de fe dégager, fur- tout fi ces terres font légères. §. XIX. Suite de rHiJloire de r Infecte de r Angou mois . Pour reprendre l'hiftoire de cet înfeâe où nous l'avons laiffée^on fe rappellera que ce n'eft plus une conjedure ^ mais une vérité bien démontrée , que les papillons qui fortent des greniers ou de la terre fe difperfentles foirs fur les épis verds ^ & qu ils s'y ac- DE l'AnGOUMOIS. i2J couplent. Plufieurs habitants de la Rochefoucault qui nous fui- voient dans nos courfes , ont été témoins ^ comme nous ^ de cette obfervation. Un jour , nous apperçûmesdeux papillons bien accouplés : nous fîmes entrer l'épi ôc les papillons dans une bouteille dont le col étoit lar- ge; nous coupâmes la paille au raz du goulot que nous fermâ- mes avec du papier : en rappor- tant ces deux papillons à la mai- fon ^ ils fe féparerent ^ & ils paf- ferent le lendemain toute la jour- née Tun appliqué vers une par- tie de la bouteille , l'autre vers une autre partie ; mais fur les dix heures du foir^ ils étoient rejoints ; le lendemain à huit heures du matin, ils étoient fé-- parés , & le furlendemain , la fe-> melle étoit pofée fur l'épi en at- titude de pondre. Ces deux papillons étant morts , naus L iv 128 HisT. d'un Insecte avons trouvé beaucoup d'œufs fur l'épi , ôc nous en avons vu fortir des chenilles. Quoique dans l'occafion que nous venons de rapporter Fac- couplement fe foit fait pendant la nuit 5 il arrive quelquefois que ces papillons s'unifient pen- dant le jour y foit quand on les renferme dans un vafe ^ foit lorf- qu'ils ont une grande difpofi- tion à fe joindre. Il faut donc ajouter à ce que nous avons dit de l'hiftoire de cet infeâe ^ que les femelles , après s'être féparées des mâles , peuvent fe rejoindre , ôc qu'el- les pondent fur les épis une gran- de quantité d'œufs : car indé- pendamment du fait que nous venons de rapporter , ayant renfermé dans les cabinets de M. Marantin ^ où il y avoit une multitude de papillons^des pieds de froment élevés dans une caif- DE l'AnGOUMOIS. I2p fe , & qui ëtoient bien épiés ; nous avons toujours vu un grand nombre de papillons s'accoupler ôc s'attacher fur ces épis , qui fe font enfuite trouvés chargés de quantité d'oeufs raffemblés par paquets de quatre , de fix ou d'un plus grand nombre. Nous avons fait la même ob- fervation fur des épis que nous avions renfermés dans un grand gobelet de cryftal avec des pa- pillons {fig, 2 ) , fans tirer de terre les pieds de froment ; la tranfpiration de la plante formoit une humidité qui faifoit que beaucoup de papillons reftoient collés au gobelet par leurs ailes ; mais comme ces papillons ont la vie très - dure ^ ils fe déta- choient auffi-tôt que l'humidité fe diilipoit , ôc les épis fe trou- voient extrêmement chargés d'œufs. Enfin nous avons ren- fermé dans une caiffe vitrée {fig* 150 Ht ST. d'un Insecte 1 ) des pieds de froment plantés en terre ; nous y avons mis avant de la fermer beaucoup de papil- lons qui fe font accoupiés^ôc qui ontponduune prodigieufe quan- tité d'œufs. Ces dijfférents moyens que nous avons employés en 176"! , nous ont mis en état de bien ob- ferver toutes les manœuvres de cet infecte^ telles que nous les avons décrites au commence- ment de ce Mémoire : les ob- fervations que nous avons faites en ij6i y ont confirmé celles de l'automne de 17(^0, à cette différence près que les métamor- phofes fe font exécutées plus promptemient dans la belle fai- fon 5 parce que les petites che- nilles trouvoient plus de facilité à entamer des grains nouveaux, ces grains étant plus tendres que ceux qui avoient eu le temps de fe deffécher ; d'ailleurs , la DE L AnÇOUMOIS. 131 chaleur de la faifon les rendoit plus vigoureufes. Rapellons-nous que les che- nilles qui font parvenues à en- trer dans les grains , croiffent très-promptement lorfque l'air efl: chaud : bien-tôt elles fe me'- tamorphofent en chryfalides , ôc enfuit e en papillons qui for- tent des grains fur pied ^ quel- ques-uns avant qu'ils foient cou- pés ^ d'autres dans les granges , & d'autres quand les grains ont été montés dans les greniers. Cette fortie fucccfCive des pa- pillons n'a rien qui doive fur- prendre ; car , comme depuis la fin de Mai jufqu'à la mi- Juillet ^ nous avons continuellement vu fortir des papillons des greniers; ôc comme ces infedes fe font accouplés , ôc ont pondu auffi- tôt qu'ils fe font trouvés fur les épis verds , il s'en fuit que dans le temps de la moiflbn ^ il doit 132 HisT. d'un Insecte y avoir fur les épis des infec- tes dans tous les états , depuis l'œuf jufqu'au papillon bien for- mé. Il faut donc concevoir que les œufs des papillons qui font fortis des greniers vers la fin de Mai ou dans les premiers jours de Juin , ont produit les papil- lons qui fortent des grains qu'on moiiTonne ^ ainfi que les chryfa- lides qui fe métamorphofent en papillons dans les granges ^ au lieu que les papillons qui fe répandent fur les grains à la mi- Juin ^ fourniffent les chenilles qu'on trouve dans les grains au temps de la moiffon ^ ou lorf- qu'on bat les grains; ôc que les derniers œufs pondus fourniffent les papillons des chenilles qui ne paroiffent que dans les greniers: enfin la poftérité des papillons qui ne pondent fur les épis qu'à la fin de Mai ou au commence- ment de Juin , eft dans le temps DE l'AnGOUMOIS. 155 de la moiffon ^ ou en l'état de petites chenilles ^ ou même en œufs. La ponte de ces papillons que nous pouvons appeller tardifs ^ peut bien , dans les années fort froides ^ refter dans Tétatde che- nille pendant tout l'hiver , au lieu que les papillons qui fe font montrés les premiers , fai- fant leur ponte de bonne heu- re ^ peuvent^ quand Tair eft chaud , êc avec le fecours de la chaleur qui s'excite dans les grains , fournir une féconde génération de papillons avant l'hiver : ces chenilles qui feront très-petites à l'entrée de l'hiver^ paroîtront plus tard que les au- tres au printemps fuivant. On, voit maintenant pourquoi il pa- roît continuellement de nou- veaux papillons depuis la fin de Mai jufqu'au mois d'Oclobre , & l'on conçoit qu'il doit y avoir 134 HisT. d'un Insecte plus ou moins de pontes dans certaines années que dans d'au- très y fuivant que les faifons au- ront été plus ou moins chaudes & humides. Cette fucceiïion dô pontes n'empêche pas qu'il n'y ait des temps où les papillons fe montrent en bien plus grande abondance que dans d'autres 3 ôc ce font ces temps que nous a- vons appelles des volées de papil- lons : je m'explique. Quand il doit fortir peu de papillons à la fois d'un tas de grain , on ne re- marque pas que ce tas contrafte aucune chaleur fenfible ; mais, comme nous l'avons dit plus haut^ toutes les fois qu'il for- tira fans interruption un gran4 nombre de papillons d'un de ces tas> on apperçoit qu'il devient très-chaud : voilà ce qu'on peut appeller une volée de papillons. De forte que quand les grains fe font échauffés deux ou trois fois DE l'AnGOUMOIS. I 35- dans une année 5 on peut dire qu'il y a eu deux ou trois vo- lées de papillons. Comme nous Tentions que cet objet étoit très-important pour prendre une idée jufte de la mul- tiplication des papillons ; avant de quitter l'Angoumois ^ nous engageâmes M. de Taponnat , qui avoit fuivi toutes nos opéra- tions avec beaucoup de foin , à exécuter avec attention les ex- périences qui paroiiToient devoir jetter quelque lumière fur un point fi intéreflant. Voici les ex- périences que ce zélé citoyen a exécutées^ ôcles conféquen- ces qu'on en peut tirer. M. de Taponnat prétend que quand il ne paroît pas un aflez grand nombre de papillons dans le mois d'Août, pour que les grains s'échauffent , s'il arrive que le mois de Septembre foit chaud ^ la chaleur fe fait fentir 1^6 HisT. d'un Insecte dans les grains ; ôc quelques jours après , on voit les grains couverts de papillons ^ dans le temps que Ton comptoit être dé- livré de ctt infe£le pour le refte de Tannée : il dit même avoir remarqué que dans une année , où le mois de Novembre étoit fort chaud , les grains s'échauf- fèrent de nouveau ; ôc que cette même année, il y eut des papil- lons jufqu'à Noël. Le 21 Juillet ij6i ^ il mit dans un gobelet de cryftal fept grains de froment^ dans chacun defquels ilfavoit parle petit tas de fon dont nous avons parlé, qu'il y avoit de petites chenil- les vivantes : le 17 Août fuivant les papillons étoient fortis de ces grains, &: même ils étoient morts. M. de Taponnat ayant examiné les grains du gobelet , il compta quinze œufs dans la rainure d'un de ces grains , & il vit plufieurs chenilles DE l'Angoumois; 157 chenilles qui étoient éclofes. Si les chenilles qui étoient dans les grains le 21 Juillet, y étoient tout récemment entrées, comme cela eft probable , on au- roit une fuite complette de mé- tamorphofes qui n'auroit duré que vingt-fept jours ; mais pour ne rien hazarder , nous fuppo- fons que cette métamorphofe a été faite dans Fefpace d'environ quarante jours. Si Ton fuppofe que dans le nombre des fept papillons qui font fortls , il y avoit trois fe- melles y ôc que ces femelles aient pondu chacune 60 œufs , il en devoit naître 180 chenilles qui auroient dévoré un pareil nom- bre de grains. Il arrive quelque- fois que le temps fe maintenant chaud jufqu'à la fin de Septem- bre^ ô: la chaleur des tas accé- lérant beaucoup les métamor- phofes^ les chenilles quiferoient M 138 Hjst. d'un Insecte entrées dans lesgrains le 1 7 Août, reparoîtroient en papillons avant la fin de Septembre ; en ce cas , fi dans les 180 papillons qui fe montreront ^ il y a jpo femelles^ 6c que ces femelles pondent chacune 60 œufs , ce fera 5400 grains qui feront perdus par la poftérité des trois premières fe- melles ^ ôc cela dans Tefpace de cinquante-quatre ou au plus quatre - vingt jours. Ce calcul qui réfulte de l'expérience de M. de Taponnat^ faite en pe- tit/ians le temps que nous étions en Angoumois^ fuffit pour faire connoître Fimmenfe multiplica- tion de Tinfecle dont nous par- lons , comment M. de Tapon- nat avoit^ à l'entrée de l'hiver de 1750 , du grain dont les cinq fixiemes étoient déjà mangés , ôc pourquoi des grains qu'on avoit mis à part pour f^^mer , ont été quelquefois entièrement DE l'AnGOUMOIS. 159 mangés par les chenilles avant les femailles. Il n eft pas poflîble qu'on ait rapporté des champs des grains aufli remplis de chenilks ^ puif- que y fuivant les obfervations de M. de Taponnat^ il n'y en avoit pour lors quun feizieme d'at- taqué par les chenilles dans les champs les plus endommagés ; d'où il fuit que (i les grains de M. de Taponnat avoient à l'entrée de l'hiver, cinq grains attaqués fur fix y cela ne peut venir que du produit de la féconde ponte. Comme il eft bien important à ceux qui voudront conferver leurs moiffons , de prendre une jufte idée des effets de cquq énorme multiplication^ nous al« Ions la rendre encore plus fen- fible. M. de Taponnat ayant vifité , les uns après les autres , une cer- taine quantité de grains, de fei- M ij 140 HisT. d'un Insecte ze il en avoit^ comme nous l'a- vons déjà dit ^ trouvé un d'atta- qué dans les champs les plus en- dommagés qui étoient fitués près du bolirg qui porte fon nom. Il fuit de cet examen , que fur un boilleau , il pouvoit y avoir un litron attaqué par les chenilles : le boifleau fe divife en feize me- fures : or le feiziéme de boif- feau contient , fuivant une ob- fervation de M. de Taponnat^ 3 36'oo grains; d'où il faut con- clure quelcboiffeau en contient 537500 : il doit donc fortir de ce boiffeau 3 3 600 papillons ^ & le nombre des grains fains du boiffeau fe trouvera réduit à 504000. Comme plufieurs de ces papillons périifent^ainfi que les chenilles , avant qu'elles ay ent pu pénétrer dans les grains, nous réduirons ce nombre ^ fi l'on veut, à i2(5ooo couples , ce qui eft une fouftradion bien con- DE l'AnGOUMOIS. I4i fidérable ^ puifque je fuppofe qu'il y a tant en œufs qu'en che- nilles y un déchet de la moitié ; & en fuppofant que chaque fe- melle ne dépofc que 60 œufs ^ il y aura '■j<^ 60000 grains attaqués par les chenilles dans un boif- feau : or , comme il n'y a dans un boiffeau que 504000 grains, il y auroit à cette féconde volée 705'6'ooo chenilles qui manque- roient de grains pour fe loger. Nous n'avons probablement pas eftimé aiTez le nombre des chenilles qui périffent; mais on apperçoit fenfiblement comment les grains qui avoient été mis à part pour les femailles , ont pu fe trouver entièrement détruits quand on a voulu les mettre en terre. Le 7 Septembre i'j6i ^ un Particulier de Taponnat y bat- toit du grain qu'il avoit récoké le 20 Juillet précédent j comme Î42 HisT. D^UN Insecte ce grain étoit très - chaud ^ M. de Taponnat jugea qu'il devoit renfermer beaucoup de chenil- les : en conféquence il en prie une petite quantité pour le vi- fiter grain à grain ; plufieurs fe trouvèrent percés , ôc c'étoit ceux de la première volée qui avoient été attaqués dans les champs par les papillons fortis des greniers au commencement de Juin ; mais il y avoit un bien plus grand nombre de grains qui contenoient des chenilles enco- re petites. Ces chenilles étoient fûrement de la féconde volée. M. de Taponnat ayant mis à part tous les grains infeftés, il ne lui refta pas la cinquième par- tie de ces grains fains Ôc entiers. Le 12 Septembre, ces che- nilles étoient déjà en chryfali- des;le ip , il en étoit forti beau- coup de papillons qui s'accou- ploient^ ôc qui alloient pondre DE l'AnGOUMOIS. 143 leurs œufs ; ces œufs ont du produire une immenfe quantité de chenilles qui auront refté dans les grains pendant tout Fhiver. Le 26 Juillet 5 pendant que nous étions en Angoumois, M, de Taponnat remplit une barri- quede petits épis avec leur grain; en cet état ^ ils s'échauffèrent , ôc bientôt après il en fortit des papillons qu'on voyoit le foir accouplés fur les épis. Ces grains perdirent peu à peu leur chaleur ; mais le 8 Septembre , ils s'échauffèrent de nouveau; ôc alors on trouvoit dans les grains de groffes chenilles prêtes à fe niétamorphofer en chryfalides, M. de Taponnat y après avoir égrainé quelques - uns de ces épis^ ne trouva fur 61 grains que 23 fains ôc entiers ; neuf de ces grains étoient percés^ par- ce que les papillons de la pre- mière volée en étoientdéja for- 144 HîST. D*UN Insecte tis : dans vingt-cinq autres , il y avoir des chenilles de toute grofleur ; & il n'en trouva que quatre dans lefquels il y avoit des chryfalldes. Pendant la moiflbn , il renfer- ma dans un tonneau bien foncé, dix-huit boiffeaux de froment , ôc il conferva un échantillon de ce même froment, qu'il mit à part dans un fac à moitié plein ; enfin il tira de ce fac trois mil- le grains qu'il eut foin de vifiter fréquemment y pour en retirer tous ceux qui fe trouvoient at- taqués ; le nombre de ceux-ci fut de 330, qui avoient été at- taqués dans le champ même : les 26^0 grains qui reftoient fe font toujours montrés très-fains. L'échantillon qui étoit dans le fac à moitié vuide , où les papillons avoient pu s'accou- pler ôc pondre leurs œufs, s'é- chauffa confidérablement , & fut DE l'AnGOUMOîS. 14; fut prefque entièrement perdu. Enfin, d'autres grains qu'on avoit mis dans un tonneau exac- tement fermé , ôc dans lequel les papillons de la première pon- te n'avoient pu s'accoupler , é- toientfrais^ôci'on y trouvoit peu de grains percés, parce que les chenilles s'étoient converties en chryfalides avant d'avoir con- fommé toute la farine , ôc la plupart des chryfalides étoienp mortes ôc defféchées dans les grains. On voit par toutes les expé- riences que nous venons de rapporter que les défordres que caufent les infe£tes de la premiè- re volée, ôc qui font produits par les papillons qui fortent des gre- niers , ne font pas à beaucoup près aufficonfidérables que ceux qui font occafionnés par la ponte de ces premiers papil- lonsimais que quand une autoni- N 1^6 HisT. d'un Insecte ne chaude ôc humide favorife affez les métamorphofes de cet infecle , pour qu'il y en ait une troifieme volée , alors tout eft perdu. Maintenant que nous connoif- fons parfaitement l'hiftoire de la chenille des grains . il nous fera aifé de détruire toutes les idées qu'on s'étoit formées dans TAn- goumois fur les caufes prochai- nes & éloignées de ce terrible fléau. DE l'AnGOUMOIS. 147 CHAPITRE IL Des Caufes phyfîques aux- quelles on attribuoit Tori- gine & la multiplication de la Chenille des Blés. §. I. Opinions des Habitants du Pays fur l'origine de cet Injecte y & fur fa mul- tiplication. vJn juge bien que des Culti- vateurs qui fe voyoient privés des moiftbns qui leur avoient coûté dans le courant de l'année tant de peines & de dépenfes , mettoient toute leur application à trouver la caufe de la multipli- cation d'un infeâe qui leur eau- foit d'auiïl grands dommages. Ni; 148 HisT. d'un Insecte Les uns privés des premières notions de phyfique , lorfqu'ils voyoient des vers renfermés dans les grains même , ne pou- vant découvrir par où lis avoient pu s'y introduire , s'imaginoient qu'ils avoient été produits par la corruption de la lubftance fa- rineufe: ils prétendoient autori- fer leur façon de penfer de plu- fieurs faits que nous croyons de- voir rapporter. Cet infecte ^ difoient-ils ^ étoît autrefois inconnu dans la Pro- vince : il n'a donc pas été pro- duit par fon femblable ? La plus grande partie du Limoufm & du Poitou n'éprouve jamais ce fléau ; en certaines années , il eft univerfel en Angoumois ; en d'autres ^ il fe fait fentir plus médiocrement. Les blés tirés du Poitou ou du Limoufin ^ ôc élevés dans l'An^ goumpis , ne font point exempts de cette contagion. DE l'AnGOUMOIS. 14P D'après ces faits ^ ils attri- buoient l'origine de cet infeûe à la corruption de la fubftance farineufe ^ ôc à la difpofition que les grains avoient à fe corrom- pre par Tintempérie de l'air & des faifons , fur-tout par les pluies chaudes & les brouillards ; car ils conviennent que les pluies froides & abondantes, font plus contraires que favorables à la multiplication de CQt infecte. Si les grains d'une partie du Poitou & du Limoufin font exempts de ce fléau ^ c'efl: ^ di- foient-ils , parce que la fève plus fubftantieufe en fournit une aux plantes qui ne convient pas à la conftitution de l'infefle ^ & qui ne peut fournir l'aliment qui lui eft néceflaire : ils termi- noient leur raifonnement pré- tendu phyfique , par dire qu'il falloit bien qu'il y eût quelque mauvaife qualité dans la fève Niij ijo HisT. d'un Insecte que la terre de l'Angoumois four- niffoit aux plantes ^ puifque d'au- tres cantons ne fouffroient point les dommages caufés par ces in- feâes. Toutes ces fpéculations tombent d'elles-mêmes y puif- que nous avons vu des chenil- les qui fe nourriflbient fort bien des grains du Limoufin. Nous convenons bien que les grains fe trouvent plus endom- magés dans certaines années que dans d'autres ^ ôc que les in- feûes font plus de ravage dans les années chaudes ôc humides que dans celles qui font feches & froides : mais ce fait ne prou- ve point que Tinfedle vienne de corruption ; il établit feulement que différentes circonftances ôc Tétat des faifons eft plus oumoins favorable à fa multiplication. II eft fenfible que la chaleur qui s'excite dans les tas de grains hu- mides^ doit précipiter leur meta- DE l'AnGOUMOIS. Iji morphofe ; & c'eft pour CQttç: rai- fou qu'elles fe font toujours opé- rées plus promptement dans les tas qui s'échaujffbient , que dans les vafes de verre où nous en renfermions pour étudier leur hiftoire. D'ailleurs y comme nous l'avons déjà dit plufieurs fois , les grains attendris par Thumi- dité y font plus aifés à être per- cés par les petites chenilles ; il en meurt moins en entrant dans les grains ; & celles qui s'y font introduites y prenant plus de nourriture, y profperent mieux^ fur-tout quand la chaleur de Tair donne de la force 6c de Taftivité à l'infede. En effet, pourquoi voit-on que dans cer- taines années les feuilles des arbres font dévorées par les che- nilles , & que dans d'autres an- nées ces infeûes n'en endom- magent aucune ? On ne s'avife pas alors de dire que les che- N iv I p HisT. d'un Insecte nilles viennent de corruption ; mais on convient que la tempé- rature des faifons n'efi: pas tous les ans également favorable à leur multiplication. Ce feroit chercher à s'abufer foi-même , que de raifonner différemment fur le compte des chenilles des blés y fur-tout depuis que nous connoiffons fi bien leur hiftoi- xe. Quelques perfonnes plus înf- truites que celles dont nous venons de parler^ ne pouvant s'imaginer qu'un être vivant pût venir de corruption , fou- tenoient qu'il étoit néceffaire qu'un œuf fût le principe pri- mitif de ces chenilles j ôc faute d avoir pu découvrir ces œufs , ils difoient que ce fentiment étoit conforme aux principes de la végétation ôc de la réproduc- tion de tous les autres êtres kn- fibles. Une graine donne naif- DE l'AnGOUMOIS. IJ3 fance à une plante femblable à celle qui Ta produite ; les ani- maux connus ne produtfent que leurs femblables : par quelle con- tradiûion voudroit-on donc fup- pofer que le ver nourri dans les grains^ ôc le papillon qui en fort, l'un & l'autre d'une configura- tion 6c d'une couleur toujours uniforme, ne fuffent pas perpé- tués parla même voie ? C'eft, ajoutoient-ils y contredire fans raifon , tout ce que la nature préfente à nos yeux, que d'attri- buer l'origine d'animaux bien organifés , au hazard ou à un jeu de la nature qu'on ne connoît pas : la corruption n'efl qu'une modification de parties incapa- ble de rien produire par elle- même y quoique par la chaleur qui l'accompagne , elle puiffe favorifer le développement des germes ? D'autres raifonnements à peu - près de cette efpece ï;4 HisT. d'un Insecte étoient très-jufles ; mais comme les obfervations manquoient^ on ne tardoit pas à s'égarer. Le rai- fonnement & l'analogie perfua- doient avec raifon, que la che- nille devoit venir d'un œuf; mais on imaginoit que le papillon de- voit avoir un aiguillon ou une tarriere pour percer le grain dans lequel il dépofoit fon œuf. Ce- toit une pure imagination ; car nous fommes certains que les papillons font dépourvus d'un pa- reil organe ; aulTi a-t-on vu qu ils ne logent point leurs œufs dans les grains mêmes, mais qu'ils les dépofentfurleurfuperfîcieoufur les balles qui les enveloppent. Quelques-uns ont ofé avancer que les œufs de cet infecte exi- iîoient dans la terre ^ & qu'à la faveur de la fève , ils étoient en- traînés dans la tige jufqu'à l'épi. Nous avons prouvé que ces œufs font fort petits , mais d'après ce DE l'AnGOUMOIS. I J J que nous avons dit de leur volu- me , on les jugera encore beau - coup trop gros , pour pouvoir monter , avec le fuc nourricier, jufqu'au plus haut des plantes. §. IL Dlfcujfion de quelques Caufes auxquelles on a at^ trlbué la multiplication de rinjecie. Plufieurs perfonnes intelli- gentes qui conviennent de l'e- xaditude de nos obfervations , croient néanmoins que la grande multiplication de Tin- fedle vient de ce que la plu- part des habitants de PAngou- mois font couper leurs grains , avant qu'ils foient parvenus à leur parfaite maturité. Ces blés verds entalTés , difent-ils , dans les greniers , s'échauffent; & cette chaleur favorife la mul- tiplication de Tinfecle. Nous in- fifterons un peu fur cette idée ^ 1^6 HisT. D*UN Insecte parce qu'elle eft allez généra- lement adoptée. Le blé qu on coupe dans l'An- goumois ^ eft ordinairement mis en gerbe dans la même journée, & on le fert le foir fans lui don- ner le temps de fe javeler y c'eft- à-dire, de fe fécher en javelle : par conféquent il eft porté en- core humide dans les granges où il s'échauffe. Ce n'eft pas tout: lorfaue le prain a été battu hors la grange & dans l'aire , on ne le porte au grenier que le foir, dans le tems que le ferein tombe; voilà encore de l'humidité , 6c une nouvelle caufe de fermen- tation. Nous convenons que ces grains ferrés dans ces circonf- tances , doivent s'échauffer , ôc que la chaleur qui en réfulte , eft propre à faire éclore les œufs , a faire croître les che- nilles , & à aider leur métamor- phofe, d'abord en chryfalide, ôc enfuite en papillon. DE L AnGOUMOIS; IJ7 Ce raifonnement feroit donc conféquent , fi l'on fe bornoit à attribuer à lachaleur delà fermen- tation le prompt accroiffement 6c les progrès de l'infeâe dans fes différents états. Mais il eft n^cef- faire que le principe de Tinfede exifte indépendamment de cette chaleur ; car dans la Beauffe , dans la France^ dans la Picardie^ où les Fermiers font fouvent la dépouille de cent arpents de fro- ment^ ils font toujours obligés de fcier leurs premiers grains un peu verds ; & lorfque le temps eft dlfpoféàlapluie^ ilsfont for- cés de les ferrer avant qu'ils aient eu le temps d'être javelés : bien plus y quand les moiffons font pluvieufes ^ ils font obligés d'en- taffer une partie de leurs grains fort humides ; ôc dans tous ces cas y la maffe des gerbes s'é- chauffe quelquefois au point de détruire le germe du grain. ïjS Hist.d'un Insecte Néanmoins les grains de ces provinces ne font point atta- qués par les chenilles qui défo- lent TAngoumois. Il efl: vrai que dans les circonftances que nous venons de détailler, il eft diffi- cile de conferver les grains , à moins qu'on ne les deffeche en les remuant fréquemment , ou qu'on ne les faffe paffer dans des étuves; car fans ces précautions ils s'échauffent , ils fe moififfent ou ils deviennent la proie des charançons ôc des fauffes-tei- gnes y qui s'accommodent de cette chaleur , ôc de ce que les grains font tendres. Ajoutons à cela que Tannée 1750 qui a été chaude ôc fort feche y fur-tout pendant la moif- fon, puifqu'à trois heures après- midi, un thermomètre pofé â terre le long d'un mur expofé à la grande ardeur du foleil, s'efl: élevé à près de 60 degrés : cette DE l'Angoumois. i;^ année , dis -je, où les grains écoient parfaitement mûrs & bien javelés , il s'efl: trouvé beaucoup de chenilles dans les grains : tout ce que nous avons pu remarquer , c'eft que le mal a été retardé. Concluons de tout ceci qu'il eft bien vrai que l'humidité qui excite la fermentation & la cha- leur , eft favorable au dévelop- pement de l'infede redoutable de TAngoumois ; mais que ces circonftances ne font point capa- bles de le produire. Il y a lieu d'efpérer qu'après ce que nous avons dit jufqu'à préfent de Thiftoire de la che- nille des grains , on n'infiftera plus fu%les produâions fponta- nées qui avoient tant de parti- fans dans TAngoumois y & qu'on prendra une idée plus jufte de leur multiplication. Nous avons déjà dit que plu'» i6o HisT. d'un Insecte fleurs perfoimes croyoient qu*il falloit chercher l'origine des che- nilles qui détruifent les grains , foit dans la terre où Ton dépofe la femence , foit dans la femen- ce elle-même. Mais après nos obfervations fur cet infe£le , ôc les expériences que nous avons rapportées^ nous penfons qu'on peut être en état d'apprécier ces idées 5 & de les réduire à leur jufte valeur : ainfi ^ fans infifter plus long-temps fur ce point, nous allons expofer une autre opinion que nous avons trouvée plus accréditée que les autres. On ne s'imagineroit pas qu'on eût pu regarder comme la four- ce des chenilles & des papil- lons^ le maïs ou blé d'Efpagne, que ces infeâes refpectent , ôc dans lequel on n'en a jamais trouvé un feul , ni duquel on n'a jamais vu fortir un papillon. Qn croyoit néanmoins dans le pays DE l'AnGOUMOIS. 16"! pays que le maïs étoit fi incon- teftablement la caufe de la che- nille des grains , que des per- fonnes très-zélées pour le bien public^ n'héfitoient pas à dire que le Miniftere devoit en inter- dire la culture. Voici les raifons fur lefquelles ils fe fondoient, pour defirer une Ordonnance qui^ dans le vrai , auroit été la perte abfolue de FAngoumois. Cette efpece de grain , noa plus que l'infeâe, n'ont pas tou- jours été dans TAngoumois. Des anciens habitants fe fouviennent d'avoir vu établir la culture du maïs, & d'avoir vu les premiers défordres de l'infede qui é- toit autrefois inconnu dans la province. Ces chenilles ont pa- ru y dit - on y fept ou huit ans après qu'on a commencé à cul- tiver le maïs : cette culture très- utile & néceffaire aux pauvres habitants^ s'eft étendue peu- à O i62 HisT. d'un Insecte peu; & peu à-peu aulfi Tinfeûe a fait du progrès. L'extenfion con- temporaine de la culture du maïs ôc de Tinfecle deitrucleur des grains , a fait penfer qu il y avoit un rapport intime entre l'un & Tautre y quelqu'eloigné qu'il fe montrât. Mais il faut faire at- tention que ces deux chofes peuvent avoir pris naiffance dans le même temps , & avoir fait des progrès à peu-près pareils , fans que pour cela il y ait aucun rap- port entre Tune & l'autre. Néan- moins cette obfervation a déter- miné à admettre une dépendan- ce entre l'infede ôc le blé d'Ef- pagne , & a engagé à chercher les raifons d'un fait qu'on croyoit déjà n'avoir pas befoin d'être prouvé. Les Habitants , dît-on , après avoir coupé les tiges du blé d'Efpagne qu'ils récoltent y le jettent dans une mare pour en DE l'Angoumois. l6i faire le fumier qui doit fertili- fer leurs terres. Il eft certain qu'il fe forme une grande quan- tité de vers dans ce fumier. Ce n'eft pas tout: le pied & les ra* cines qui reftent en terre , y pourrifTent ; ôc dans ces groffes plantes pourries , on trouve en- core beaucoup de vers. Ces deux caufes ^ ajoute-t-on , rempliifent la terre de vers qui fe métamor- phofent enfuite en papillons, C'efl: comme fi l'on difoit que les vers qui fe nourrilTent de vian- des pourries , ou ceux qu'on trouve dans les cerifes , produi- fent les papillons qui dévorent les grains. Nous avons vu ôc ob- fervé plufieurs fois ces vers qui abondent dans les fumiers ; & nous pouvons affurer qu'ils ne reffemblent en rien aux chenil- les qui fe métamorphofent en chryfalides ^ & dont il fort des papillons, O ij 1(^4 HisT. d'un Insecte On ajoure : Les Laboureurs de l'Angoumois fement leurs grains aufli épais que ceux duLi- iiioufin ; néanmoins leurs grains lèvent clairs ; nous en conve- nons .Mais on croit que les grains lèvent clairs^ parce que les vers dont nous venons de parler, dé- vorent en terre une partie de la femence. Et quand cela feroit , on n'en pourroit pas conclu- re que les papillons font pro- duits par les vers qui s'attachent aux racines pourries du maïs ; & nous penfons que fi les grains lèvent fort clairs , c'eft parce qu'une partie de la femence avoit été déjà attaquée par les chenilles qui en avoient détruit le germe avant qu'on les femât. Nous nous fommes affurés de ce fait , en femant dans des vafes des grains qui contenoient des chenilles : la plupart de ces grains n'ont point germé. DE l'Angoumois. l6j D'autres Obfervateurs trou- vant une différence trop frap- pante entre les vers qui fe nour- riffent des tiges pourries du blé d'Efpagne ^ ôc les chenilles qui fe trouvent dans les autres blés^ difent que le blé d'Efpagne étant une plante très- vigoureufe, qui fatigue & épuife beaucoup les terres , les grains qu'on feme enfuite ^ y doivent venir chétifs & tendres ; & que c'eft ce qui fait que les chenilles les atta- quent; au lieu quelles refpec- teroient des grains mieux nour- ris ôc plus durs. Mais on ne fait pas attention que les plantes que Ton élevé dans un fol très- fertile y font toujours plus ten- dres que celles qui ont crû dans un mauvais fonds ^ ou dans une terre maigre. Au refte ^ une ob- fervation généralement reçue ^ détruira ce raifonnement : on convient que dans les terres 1 66 HisT. d'un Insecte maigres y 6c les grouais où les grains font chétifs , le peu qu'on recueille eft moins endommagé parles chenilles , que les beaux grains qu'on recueille dans les bonnes terres. Nous avons déjà dit que nous penfions que cette différence venoit de ce que , comme les pays de mauvaifes terres font peu habités , les colonies de papillons y font plus rares. Quoi qu'il en foit de ce fait qui a été bien vérifié , on peut dire que fi les grains mal nourris étoient plus fujets que les autres aux infeûes , ceux des grouais devroient être plus endommagés que ceux des bon- nes terres , ce qui eft contraire à l'obfervation. Nous ne difconviendrons pas que le blé d'Efpagne épuife la terre ; mais quoique nous ayons vu en Angoumois de beaux grains de toute efpece y il ell DE l'Angoumois. idy probable que fi on laifToit re- pofer les terres une année , au lieu de leur faire porter du maïs dans Tannée de jachère ^ les fro- ments ôc les feigles , quoique plus beaux ^ n'en feroient pas moins dévorés par les chenilles; & ce qui prouve très-bien qu'il n'y a aucun rapport entre la cul- ture du blé d'Efpagne ôc la mul- tiplication de l'infeûe qui fixe notre attention^ c'eft que dans plufieurs grandes provinces où l'on cultive plus de maïs que dans l'Angoumois y on n'éprou- ve pas ce fléau ; la même caufe devroit cependant produire les mêmes effets. D'ailleurs, com- me nous l'avons déjà dit, on a plufieurs fois prouvé que des blés femés dans des défrichis de bois où il n'y avoit jamais eu de blé d'Efpagne , les grains ont été dévorés par les chenilles comme les autres. Nous ne di- 1 6S HisT. d'un Insecte fons pas que la chenille des blés n'exifte que dans TAngoumois. M. Barron y Médecin de Luçon, a envoyé plufieurs de ces infec- tes à M. de Réaumur ; ôc fui- vant ce que nous ont marqué quelques-uns de nos Correfpon- dants ^ nous foupçonnons que ce même infecte exifte dans TAlface ^ où la culture du maïs n'eft point encore connue. Ajoutons à toutes c^s raifons que par la connoiffance exa£le que nous avons prife de l'hiftoi- re de notre infeûe , nous favons que les papillons femelles dé- pofent leurs œufs furie froment, l'orge , le feigle ^ mais jamais fur le maïs , ni fur l'avoine , les pois y les fèves , ôcc. Nous fa- vons encore que ces chenilles fe nourrirent de la farine des grains fur lefquels les papillons ont dépofé leurs œufs , mais qu'on ïicn trouve iamaisiû dans la DE L*AnGOUMOIS. i6^ paille ni dans les grains du blé d'Efpagne : jamais nous n'avons trouvé de chryfalides dans ces grains. Il y a donc des raifons qui éloignent la chenille de cet- te efpece de grain : nous les rap- porterons dans la fuite. On a foupçonné que les papillons al- loient fuccer la fève fucrée du blé d'Efpagne; ôc en partant de cette idée vague, on a conclu que , quoique les chenilles ne s'accommodafTent point de la fa- rine de ce grain ^ la plante ne laiffoit pas de favorifer la mul- tiplication de Tinfede y en four- niffant un aliment aux papillons. Mais d'abord nous n'avons point vu les papillons s'attacher plus particulièrement au blé d'Efpa- gne qu'aux autres plantes : nous y avons prêté une fmguliere at- tention ; car nous les y avons cherché le jour & la nuit. Mais, nous le répétons ^ il y a lieu de P 170 HisT. d'un Insecte croire que ces papillons font du genre de ceux qui ne prennent aucune forte de nourriture dès qu'ils ont perdu la forme de che- nille : nous les avons vus s'ac- coupler 6c pondre ^ renfermés dans des gobelets où ils n'avoient aucune nourriture; quelques uns même y ont vécu près d'un mois. Il eft donc affez bien dé- montré que les blés d'Efpagne ne font ni la caufe prochaine, ni même la caufe éloignée de la multiplication de ces infedes ; ôc il elt heureux qu'on ne fe foit pas décidé trop promptement fur ce point : car , comme nous l'avons déjà dit , le blé d'Efpa- gne eft abfolument néceflaire pour la nourriture de la plus grande partie des habitants de i'Angoumols. Ces pauvres gens voyant leur froment , leur feigle & leur orge dévorés par les in- fectes p n'ont trouvé d'autre DE l'AnGOUMOIS; Ijt reflburce pour fubfifter , que dans la culture du blé d'Efpagiie, de l'avoine ^ des pois de brebis ou vefce blanche ^ ôc des fève rô- les. Ils forment de tout cela une mouture dont ils font le pain pour fe nourrir. Quelques-uns ont cru que la chenille des grains veiioit d'une efpece de mouche qui pique la paille; d'autres fe font imaginé que cette mouche devenoit pa- pillon ^ & que ce papillon fe changeoit en un charanfon qui donnoit naiffance aux chenilles. Mais ces idées , ainfi que plu- fieurs autres que nous fuppri^ mons comme dénuées de preu- ves , fe trouvent d'ailleurs entièrement démenties par les connoifTances que nous avons acquifes , foit fur l'hiftoire de cet infeâe ^ foit fur celle des autres infe£les qu'on jugeoit pouvoir produire ces chenilles» pij i-ji HisT. d'un Insecte Par exemple , la fortie des papillons elt ordinairement an- noncée par une multitude de petits moucherons qui ont une groffe tête , des ailes fort cour- tes y & qui reffemblent affez à des fourmis volantes : nous ne nous fommes pas attachés à fui- vre l'hiftoire de ces moucherons avec exaûitude; mais nous avons trouvé dans quelques grains trois ou quatre petits vers que nous jugeons devoir fe méta- niorphofer en moucherons de cette efpece , d'autant plus que dans d*autres grains nous ayons trouvé plufieurs de ces mêmes moucherons : nous avons eflayé inutilement de nourrir ces vers avec de la farine ; mais nous croyons , comme l'a foupçonné M. de Réaumur , qu'ils fe nour- riffent des chenilles mêmes des grains , d'autant que nous avons trouvé dans les grains où ces DE L*AnGOUMOIS. *175 petits vers étoient renfermés , des dépouilles de chryfalides de l'infecle de rAngouîiiois. Il ne faut donc point cher- cher d'autre origine delà chenil- le des grains , que l'introdudioa de rinfe£ledans FAngoumoispar les grains infeûés qui ont pu y ê- tre apportés dans des années de difette.Les papillons auront forti de ces grains ; ils auront pondu un nombre infini d'œufs ^ d'où il fera forti des chenilles qui fe fe- ront introduites dans les grains , s'y feront converties en chryfali- des ^ ôc en feront forties en pa- pillons qui auront faitenfuite de nouvelles pontes. Tous ces faits font inconteftablement prouvés par nos obfervations & par nos expériences , qui ayant été fai-- tes en préfence de plufieurs té- moins dignes de foi, ne peuvent fouffrir aucune contradiction. Piij ij^ HisT. d'un Insecte §. m. Quels /ont les efpe- ces de grains que la Che-- nille attaque. Nous avons trouvé les che- nilles en prodigieufe quantité dans toutes les efpeces de fro- ments barbus ou fans barbe. Je fuis perfuadé qu'ils attaquent pareillement les blés de Mars; mais communément on cultive fi peu de blé de Mars dans TAn- goumois que nous n'avons pas pu en faire le fujet de nos obferva- tions. Nous pouvons néanmoins aflurer que les papillons s'atta- chent aux épis de cette efpece de blé , ainfi qu'aux autres. C'eft une obfervation que nous avons faite chez M, Marantin , à qui nous avions envoyé du blé de Mars en lydi. Les orges qu'on nomme Baillarge dans l'Angou- mois; font également dévorées DE l^Angoumcîs. î 7 J par les infetles , ainfi que Tef- courgeon ou orge quarrée qu'on appelle orge dans ce pays» Nous avons pareillement vu des feigles beaucoup endomma- gés par les chenilles. On croit dans l'Angoumois que l'infeéte n'attaque que ces trois efpeces de grains. On n'eft cependant point entièrement d'accord quel- le eft l'efpece de ces grains qu'ils choifuTent par préféren- ce : les uns prétendent que c'efl: l'orge ; d'autres veulent que ce foit le froment : il nous a paru que c'étoit tantôt l'un ôc tantôt l'autre , fuivant des cir- conftances particulières ^ dont nous avons ci-devant parlé ^ ôc que le feigle fe trouvoit com- munément un peu moins en- dommagé que les autres grains que nous venons de nommer. On afTure encore que dans quel- ques paroifles où il n'y a qu'une Piv 17^ HisT. d'un Insecte petite quantité de ces infe£tes J ils fe jettent tous fur le fro- ment^ ôc qu'alors on n'en trou- ve point dans le feigle ; mais pour peu que Tannée foit chau- de ôc humide , toutes ces efpe- ces de grains font également dévorées. On affure dans FAngoumois que Finfede n'attaque point l'a- voine : en effet , je me rappelle qu'en 17^0 je n'ai vu qu'un feul grain d'avoine dans lequel il y avoit une chenille. Les pay- îans font dans l'ufage de femer pêle-mêle dans un même champ de l'orge ôc de l'avoine. Ces deux efpeces de grains font mê- lés enfemble dans les granges ôc dans les greniers ; ôc com- n-kunément l'orge eft prefqu'en- tiérement mangée , fans que le même dommage foit aulTi fen- fible fur l'avoine. Plufieurs vou- loient même nous perfuader que DE L^AnGOUMOIS. 177 Vavoine étoit un préfervatif coii- trelesinfe£tes,& qu iln'attaquoit point Forge quand elle étoit mêlée avec une certaine quan- tité d'avoine. Mais ce fait bien examinéjs'efl: trouvé faux : voici des expériences qui prouvent que les chenilles s'accommo- deroient bien de Tavoine ^ fi elles manquoient d'autres grains fur lefquels elles puffent fe jet- ter. M. Tillet avoit^ dans la maifon qu'il occupoit à la Rochefou- cault , un jardin où l'on avoit femé de l'avoine : il en renferma plufieurs épis dans un grand go- belet de cryftal ( PL ULfig, 1 ) , & après avoir fait entrer quel- ques papillons dans ce gobelet ^ il en ferma l'ouverture avec une toile fine. Les papillons s'y ac- couplèrent; ils dépoferent leurs œufs fur les grains ; plufieurs chenilles parvinrent même à s'in* 178 HisT. d'un Insecte troduire dans les grains. Il efl vraî que la pofition pendante des grains n'eft pas commode pour les femelles , & que fi les épis avoient été agités par le vent , beaucoup d'œufs feroient proba- blementtombés avant que d'être attachés par la fubftance vifqueu- fe qui les cole aux balles ; mais cette expérience prouve très- bien que la chenille peut vivre fur Favoine. Il efl: plus fmgulier qu'ayant ren- fermé dans un même gobelet dif- férentes efpeces de grains ^ fro- ment, orge , feigle^ avoine ^ avec des papillons 5 l'avoine fe foit trouvée autant endommagée par les chenilles que les autres grains. Néanmoins il eft certain que les infectes ne font pas un tort fenfible aux avoines qui font renfermées dans les greniers ; & que ce grain eft une grande rcfTource pour la nourriture du DE l'AnGOUMOIS. lyp peuple, qui en fait du pain. Quelques payfans nous ont afluré avoir vu fortir des papil- lons des tas de foin qu'ils re- inuoient pour affourer leurs bef- tiaux ; comme nous n'avons point vu fortir les papillons des foins qu'on remuoit devant nous^ on pourroit foupçonner que ces payfans auroient pu prendre une efpecede papillon pour une au- tre ^ ce qui leur arrive fréquem- ment. Mais fuppofons ce fait bien obfervé, ce peut être auffi des papillons qui, après être for- tis des greniers , feroient venus fe pofer fur le foin , qui ordinai- rement eft alTez chaud. Ce qui nous engageroit à le croire , c'eft que nous foupçonnons que, quand il arrive que Tair efl froid dans le temps de la difperfion des papillons , alors ils cher- chent à fe retirer dans des en- droits où ils trouvent de la cha- i8o HisT. d'un Insecte leur. Croiroit-on au contraire que ces papillons fortiroient de quelques femences graminées où les chenilles auroient pris leur accroiffement ? On pourroit le penfer , puifqu'il paroît que nos chenilles peuvent fe nourrir de toutes les femences farineufes ; néanmoins , en parcourant les prés dans le tems de la difperfion des papillons , nous n'en avons jamais apperçus qui fuffentpofés fur les chiendents; d'ailleurs, la plupart de ces femences font il fines qu'il n'eft pas vraifeni- blable qu'elles puffentfufiire à la nourriture d'une de ces chenilles. C'eft tout ce que nous pouvons dire fur un fait que nous n'avons pu foumettre à nos obferva- tions. Nous fommes perfuadés que fi on renfermoit des épis de chiendent dans des gobelets, comme nous avons fait les épis d'avoine , les chenilles s'intro- DE l'AnGOUMOIS. i8i duiroient dans les grains ; mais pour que cette expérience fût complette , il faudroit confer- ver ces mêmes grains ^ pour voir Cl par la fuite il en fortiroit des papillons. On n'apperçoit pas que les che- nilles failent aucun tort au maïs. Les payfans de TAngoumois font dans Thabitude démêler ce grain dans leurs greniers avec tous les grains qu'ils ont pu re- cueillir ; favoir ^ froment ^ orge , baillarge ôc avoine ; ce dernier grain excepté , tous les autres font ordinairement mangés par les chenilles , fans qu'aucune at- taque le maïs. Quelques foins que nous nous foyons donnés , nous n'avons jamais vu les pa- pillons pofés fur ks pieds de ce grain j au refte , quand ils y auroient dépofé leurs œufs , qu'en auroit-il pu réfulter f Les épis font renfermés dans ua i82 H/sT. d'un Insecte nombre de robes qui ne per- mettroient pas aux chenilles de les atteindre ; ôc dans la fuppo- fition qu elles puffent pénétrer Jufqu'aux grains ^ il ne leur fe- roit pas poffible de s'en nour- rir 5 puifque dans le temps qu oa coupe les froments , les grains du maïs font à peine en lait. Toutes ces raifons nous font penfer que Tinfede n'attaque point le maïs à la campagne. Nous avons dit ci-devant qu'on n'en trouve point d'endomma- gés dans les greniers ; ce que nous croyons pouvoir attribuer à la dureté de l'écorce du maïs. Néanmoins , après avoir renfer- mé dans un gobelet des grains de maïs encore verds & fecs , avec un bon nombre de che- nilles , aucune d'elles ne s'eft attachée aux épis verds $ mais plufieurs ont attaqué les grains iecs par la partie qui les atta- DE l'AnGOUMOIS. i8^ choit à l'épi ; 6c M. Tillet qui les a fuivies jufquesdans la fub- ftance farineufe , affure qu'elles s'en nourriffent fort bien. On voit par là qu'elles attaquent le maïs comme l'avoine , quand elles y font forcées par la di- fette. Mais il eft certain que dans les greniers l'avoine & le maïs reftent fains dans un tas ou les autres grains font dévorés. Nous n'avons point remar- qué que rinfefle dont il s'agit, fît aucun tort ni aux pois , ni aux fèves ^ ni aux haricots ^ &c. 184 HisT. d'un Insecte CHAPITRE ni. Tentatives faites par diffé- rents Particuliers , /bit pour détruire les Chenil- les des Grains 5 foit pour conferver les Grains quils avoient récoltés^ \J^ imagine bien que les Ha- bitants de TAngoumois n'ont pas fupporté fans chagrin le plus terrible des fléaux, & que chacun à Tenvi a fait des ef- fais, & a tenté différents moyens pour arrêter _, ou du moins pour prévenir les fuites d'un défaf- tre qui entraînoit fouvent la perte prefque entière des ré- coltes. Tout le monde s'eft ef- forcé de conferver les efpeces de grains qui font les plus im- portantes DE l'AnGOUMOIS. i8^ portantes pour la nourriture : telles que le froment, le feigle, Torge ^ Tefcourgeon. Quoique la plupart de ces tentatives aient eu jufqu'à préfent un médiocre fuccès ^ nous croyons devoir les rapporter fuccinâement ; ne fût-ce que pour faire juger du degré de confiance qu'on y doit avoir. On fe rappellera que dans le temps que les chenilles rem- pliffent tous les grains ^ ôc lorf- qu'elles font fur le point de fe métamorphofer en chryfalides , les tas des gerbes & de grains de- viennent extrêmement chauds : la plupart , pour rafraîchir leurs grains , & l'empêcher de fe cor- rompre^ont eu recours au moyen qu'on emploie pour diffiper la chaleur des grains qui s'échauf- fent 5 à caufe de l'humidité qu'ils contiennent ; ils ont remué leur grains à la pelle , ôc ils les ont Q iS6 HisT. d'un Insecte étendu dans les greniers à une petite épaifleur. Cette pratique eft excellente dans les pays où Ton ne connoît pas la chenille des grains ; parce qu'il ne s'a- git que de diflîper Thumidité qui occafionne la fermentation 6c la chaleur : cette humidité fe diiîîpe en remuant les grains , & auflî en leur donnant beau- coup de fuperficie. Mais dans TAngoumois , la chaleur des grains dépend d'une autre caufe; efle eft au moins en partie pro- duite par leschenilles:cependant on n'apaslaiffé de diminuer un peu la chaleur de ces grains en les remuant à la pelle; ôc lorfque l'air s'eft trouvé frais , on a par ce moyen retardé les progrès de Tinfeâe. On a divifé en deux portions un même tas de grains: au commencement de Septem- bre une de ces portions a été mife à une petite épaiffeur dans DE l'AnGOUMOIS. 187 un lieu frais , où le thermomètre étoit à 12 ou 13 degrés au-deffus de zéro : alors il n'a pas paru de papillons ; les chenilles font reftées toutl'hiver dans les grains, ôc les papillons ne fe font montrés qu'au printemps. L'autre por- tion de grains ayant été mife en tas dans un grenier y la chaleur du tas fe trouvant être de 2^ degrés y les papillons ont paru , ôc ils ont fait leur ponte avant l'hiver ; cette fraîcheur qui a retardé la métamorphofe n'a pas fait périr les chenilles. Comme elles étoient exadtement ren- fermées dans le grain , elles ont été peu endommagées par la pelle, & peut-être même qu'en croyant retarder le dom- mage, on l'a pu augmenter ; car en remuant les grains, on met en liberté beaucoup de papillons qui auroient pu périr au fond du tas , par rimpoflibiiité de i88 HisT. d'un Insecte pouvoir traverfer une grande épaiffeur de grains. Je dis une grande épaiffeur; car il eft éton- nant qu'un auffi foible animal puiffe parvenir à traverfer une couche de grain de deux ou trois pouces d'épaiffeur. Je dois remarquer ^ avant de paffer à d'autres objets , qu'il n'eft pas poffîble de retarder long-temps la fortie des papil- lons pendant l'été ^ parce qu'or- dinairement l'air fe trouve affez chaud , pour faire éclore les pa- pillons indépendamment de la chaleur du tas. Auffi- tôt que les papillons font en liberté , ils pondent une multitude d'œufs fur les grains qui leur préfentent d'au- tant plus de fuperficie , qu'on lésa étendus dans les greniers à une petite épaiffeur. On peut donc dire que la façon de ra- fraîchir les grains ; en les éten- DE l'AnGOUMOIS. l8p dant beaucoup ^ & qui eft fi avan- tageufe dans les pays où il n'y a point de papillons, eft fujette à de grands inconvénients dans TAngoumois , puifqu'elle peut faciliter la multiplication d'ua infeâe aufli dangereux. §.I. S une du détail des précau- tions prif es par div ers Par- ticuliers de r Angoumois ^ pour garantir leurs Grains. Quelques particuliers ont cru appercevoir ce mauvais effet du remuement des grains : en conféquence, au lieu de répan- dre leurs grains fur toute l'éten- due de leur grenier : ils les ont ramaffés par tas le plus é- pais qu'il leur a été poffible. Il y a apparence que ces tas ont formé quelque obftacle à la multiplication de l'infeâe ; mais les chenilles de la première ipo HisT. d'un Insecte ponte qui s'étoient déjà renfer- mées dans les grains y ont con- tinué de manger la farine , pen- dant que le deffus des tas s'eft trouvé chargé d'une multitude d'œufs pondus par les papil- lons qui ont pu fe dégager de ces tas ; par conféquent le dé- fordre a encore été très-confî- dérable. En ly^o, les Dames Hofpi- talieres de la Rochefoucault , après avoir fait faire un très- gros tas de leur orge ^ ôc l'a- voir fait recouvrir avec des cou- vertures y il s'amafTa un affez bon nombre de papillons entre l'or- ge & les couvertures ; mais la plupart de ces papillons n'ayant pu s'accoupler y ni pondre leurs œufs^ le tas ne s'échauffa pas-, ôc ily eut peu de dommage jufqu'au mois de Décembre^que le grain fut confommé dans leurmaifon. Ce fut par une femblable pré- DE l'AnGOUMOIS. Ipl caution prife peu de temps a- près la moiffon, dans le temps que nous étions à la Rochefou- cault y que la perte fut prefque réduite aux grains qui avoient été attaqués dans le champ. Il eft vrai qu'il y en avoit beaucoup, parce que le champ de ces Da- mes eft au milieu de la ville , & à portée de plufieurs greniers d'où il fortoit une prodigieufe quantité de papillons. Au mois d'Odobre , on mit quelques boiffeaux de cette orge dans un des cabinets d'ex- périence que nous avions chez M. Marantin : cette orge pa- roiffoit alors très - faine , on trouvoit peu de chenilles en vie dans les grains ; elle s'eft con- fervée jufqu'au mois de Juin ^ fans s'échauffer; alors il en eft forti des papillons , mais en beaucoup moindre quantité que de l'orge des autres particu- ipa HisT. d'un Insecte liers. Il paroît donc que. les couvertures que Ton avoit em- ployées^avoient diminué le mal; mais elles ne l'ont pas anéanti. M. de Taponnat préfumoit que la grande chaleur qui fe fait fentir dans les grains qui renferment des chenilles, pour- roit être affez forte , fi ces grains étoient exa£lement ren* fermés , pour étouffer les che- nilles & même les chryfalides. Conduit par cette idée dont il nous fît part , il prit le parti de remplir une barrique avec du froment qui venoit d'être battu : il la fit enfoncer comme une futaille que l'on auroit rem- plie devin ; & comptant n'avoir rien à craindre de l'humidité de l'air , parce que cette barrique étoit exadement fermée , il la fit defcendre dans fa cave , afin qu'elle fût dans un lieu frais. Cette opération fe faifoit au mois d'Août DE L AîNÎGOUMOIS. 1^5 d'Août lyô'o y ôc nous étions alors en Angoumois : j'avouerai que nous foupconnions que ce grain fe moifiroit , parce que nous avions plufieurs fois éprou- vé que les grains nouveaux , quelque fecs qu ils paroiflent ^ contiennent allez d'humidité pour opérer une fermentation, quand on les tient dans un vaif» feau exa£lement fermé. Cefl: ef- fedivement ce qui eft arrivé à M. de Boifbedeuil : en ly^o ^ il avoit renfermé du grain dans des bouteilles bien bouchées , mais il trouva ce grain moifi. Nous ignorons à quel degré les grains de M. de Taponnat fe font échauffés^ parce qu'on a laiffé la barrique jufqu'à Noël fans la défoncer ; mais nous avons fu qu'après avoir fait ouvrir cette barrique ^ on avoit trouvé le erain en très-bon état ôc très- frais ; prefque toutçs les chenil- ip4 HrsT. d'un Insecte les qui avoient attaqué le graîii avant qu'on Feût renfermé , s'étoient converties en chry- falides qui depuis étoient mor- tes ôc defféchées ; à peine pût- on appercevoir quelques verti- ges de papillons. M. de Ta- ponnat fit remplir de ce même grain un boucault qu'il fit en- foncer , pour nous mettre en état de le comparer avec du grain de la même récolte qu'il avoit laifTé dans un de £es gre- niers y fans lui donner aucune préparation. Ce qui reftoit de la première barrique fut lavé ^ pour réparer les grains vuides ; on envoya ce grain au moulin , & on en fit de très-bon pain. Le 1 8 Juin^ nous vifitâmes les grains que M. de Taponnat avoit réfervés: celui qui étoit refté dans le grenier fans aucune prépara- tion 5 fe trouva couvert de pa- pillons j & plus des deux tiers DE l'AnGOUMOIS. ipj étoient mangés : celui du bou- cault, ôc qui avoit été tiré de la barrique , étoit très-frais ÔC fain , abfolument exempt de pa- pillons. Nous ouvrîmes beau- coup de grains ; il y en avoit en- viron la feizieme partie qui avoit été attaquée par les chenilles avant qu'on eût renfermé ce grain : nous trouvâmes bien quel- ques chenilles mortes ôc deffé- chées ; mais nous vîmes beau- coup plus de chryfalides deffé- chées dans des grains^ ôc quanti- té de ces gros excréments que les chenilles mangent ordinaire- ment avant que de fe métamor- phofer en chryfalides ; il y avoit même encore de la farine dans plufieurs j ce qui nous fait pré- fumer que les chenilles s'étoient trouvées mal à leur aife ainfi renfermées , ôc que peut-être la chaleur qui s'étoit excitée par la fermentation , ayant Rij ip5 HisT. d'un Insecte précipité leur métamorphofe avant le temps naturel , les chryfalides avoient péri avant d'avoir pu fe convertir en pa- pillons. Dans un grand nombre de grains que nous ouvrîmes , nous ne trouvâmes que deux ou trois chenilles en vie : M. de Taponnat ayant laiffé ce bou- cault ouvert y il n'en vit par la fuite fortir aucun papillon. Nous avons femé quelques- uns de ces grains qui ont très- bien germé ^ d'où l'on peut con- clure que la chaleur qui avoit pu être produite dans cette barri- que parla fermentation^ n'avoit pas été affez forte pour étouf- fer les germes , comme cela ar- rive quelquefois quand les moif- fons font fort humides ^ 6c que les tas s'échauffent beaucoup. Le dommage que les infectes ont produit dans les grains de cette barrique ^ a été rédiiit à la* DE l'AnGOUMÔTS. l]5f fomme des grains qui avoient été attaqués dans les champs ; mais nous penfons que le fuccès de cette épreuve eft dû aux gran- des chaleurs de la moiffon de lydo _, & à la parfaite féchereffe du grain que M. de Taponnat avoit renfermé dans fa barrique; ôc il eft très-probable que du grain ainfi renfermé fe feroit pourri pour peu que l'année eût été humide : c'eft ce que j'ai éprouvé plufieurs fois dans les expériences que j'ai faites fur la confervation des crains. Il eft rare d'avoir des moifTons auffi feches que celles de 17(30 ôc 1751 : ôc ces années-là mê- me , M. de Boifbedeuil ayant renfermé du grain dans des ca- rafes ^ ce grain s'eft moifi. D'ail- leurs les infectes ne font morts qu'après avoir confommé pref- que toute la farine des grains où ils s'étoient logés ; il feroit bien Riij îp8 HisT. d'un Insecte avantageux de pouvoir éviter cette perte ^ au moins en par- tie. Pour parvenir à rafraîchir les grains ^ les uns les ont mis dans des failes baffes ôc fraîches ; par cette précaution , ils ont un peu retardé le mal ^ comme nous l'avons déjà dit plus haut : d'au- tres ont imaginé de plonger leurs grains dans de l'eau fraî- che y & même dans de Peau où on avoit mis un peu de chaux : mais la chaleur n'a été diminuée que pour peu de temps ; il fem-. ble même que les grains atten- dris par ctttQ immerfion en de- venoient plus propres à la nour- riture de Tinfeâe ; car les che- nilles ont dévoré ces grains ; ôc les papillons ont paru, dans leur faifon en grande abondance. Une année que les grains de M. Marantin s'étoient très- échauffés , il les mit dans de DE l'Angoumoïs; îpp Teau fraîche , ôcles y laiffa plus de trois jours: quand il apper- çut que quelques - uns de ces grains commençoient à crever , il les en retira^ & les fit fécher au foleil ; mais ce grain s'échauffa de nouveau peu de temps après , & fut dévoré par les chenilles comme les autres. M. de Boifbedeuil voyant peu de temps après la récolte^ que les grains attaqués par les chenilles s'échauffoient ^ ôc que déjà il en fortoit des papillons, penfa que le fel ôc le vinaigre que Ton emploie avec fuccès pour la confervation des vian- des j pourroient être contraires à ces infeftes. En conféquence de cette idée, il fit bien cribler ôc vanner fon grain ; il en for- ma enfuite des tas de la valeur de trente-fix boifl^eaux , mefure d'Angoulême : ce grain étoit le plus ramaffé qu'il étoit poffible, Riv 200 HisT. d'un Insecte dans chaque tas qui formoit urï cône ; quand on avoit mis une couche de froment d'environ cinq pouces d'épaiffeur , on ré- pandoit par deffus un lit de fel affez épais pour couvrir entiè- rement les grains ; on mettoit enfui te par deflus le fel un au- tre lit de froment ^ puis un lit de fel j ôc ainfi alternativement du fel & du froment jufqu à ce que le tas de ^6 boiffeaux fut entièrement formé ; & on iînif- foit enfin par afperger le deffus avec de fort vinaigre. Quelques jours après 5 M. de Boifbedeuil fit remuer à la pelle tout le tas y pour que le fel ôc le vinaigre fe mêlaffent exaûe- ment avec le grain ; ôc enfuite le tas fut rétabli en cône ^ le plus èlevè qu'il fut pofiible. Au bout de deux fois vingt-quatre heures ^ le même tas fut encore remué à la pelle , ôc enfuite DE l'AnGOUMOIS. rzOI rétabli comme la première fois. Huit jours après ^ la même opé- ration fut répétée, & on Tau- roit recommencée fi ce grain fe fût échauffé; mais il ne s'échauf- fa pas. On ne vit plus de papil- lons deffus ; ôc toutes les fois que M. de Boiitedeuil a fuivi ce procédé;fon froment s'eft con- fervé fain pendant tout l'hiver ; quelquefois même il n'a pas paru de papillons au mois de Juin fuiv^ant. Mais comme dans d'au- tres années il s'en eft montré , ce qui prouve que le fel 6c le vinaigre n'avoient pas fait mou- rir toutes les chenilles , M. de Boifbedeuil croit qu'il eft pru- dent de répéter ce même pro- cédé vers les mois d'Avril ou de Mai. Nous n'avons trouvé aucun mauvais goût au pain fait avec ce grain. Voilà quelques fuccès ; ils ont engagé plufieurs perfonnes à 202 HisT. d'un Insecte fuivre la même méthode ^ quel- que pénible ôc difpendieufe qu'elle foit ; il eft vrai que dans cette province la livre de fel ne fe vend que le même prix de la livre de grain ; mais tous n'ont pas eu le même fuccès. Nous avons vu chez quelques particuliers des tas qui étoient remplis de chenilles ^ quoiqu'ils euffent été mêlés avec du fel , & afpergés de vinaigre : peur- être aufli n'avoit-on pas affez em- ployé de fel ; car M. de Boiite- deuil a encore aflez bien réuflî pour la récolte de ij6o^ quoi- que dans le mois de Juillet il fe foit montré quelques papillons dans fon tas préparé. Il eft vrai que fi Ton augmente la dofe du fel , la dépenfe devient confidé- rable, ainfi que la main-d'œuvre,; c'eft par cette confidération que nous ne pouvons regarder ce procédé comme praticable poux tous les habitants. DE l'AnGOUMOIS. 205 Il n'y a rien à gagner à cou- vrir les grains d'herbes odoran- tes , non plus qu'à les afper- ger avec des décodions de plantes ameres ou aromatiques : les chenilles font aiTez exa£te- ment renfermées dans leurs grains pour n'en point fouffrir ; l'épreuve en a été faite plufieurs fois 5 ôc par quantité de perfon- nes , entr^autres par M. Maran- tin. On ne cefTe de propofer comme un remède certain pour détruire les charanfons ^ de frotter avec de l'huile d'afpic ou de Teffence de térébenthine , la pelle dont on fe fert pour remuer les grains: pour juger par nous-mêmes de l'efficacité de ce moyen ^ nous fîmes faire ^ il y a quelques an- nées^ deux grandes caiffes de même dimenfion ; Tune fut frot- tée intérieurement avec de l'ef- fence de térébenthine 5 & Ton 204 HisT. d'un Insecte mit dans chacune de ces deux caiffes du grain chargé de cha- ranfons ^ qui fubfifterent égale- ment-dans Tune comme dans l'autre. Néanmoins M. de Boifbedeuil voulant s'afTurer de ce que cette elTence pourroit produire fur la chenille des grains , mit du grain attaqué par les chenilles dans un vafe de verre ^ il laf- pergea d'effence ; au mois de Juin ij6i , il y trouva des che- nilles & des chryfalides vivan- tes 5 quoique Todeur fut encore très-forte dans ce vafe. M. Rémond de Saint-Germain ^ & quelques autres perfonnes , ont eu plus de fuccès en plon- c;eant leur erain dans de l'eau bouillante feulement un inftant, pour ne le pas faire cuire , & en le faifant enfuite fécher au foleil. Ce moyen qui a été pro- pofé pour conferverles légumes DE l'AnGOUMOIS. 20; qu'on embarque fur lesvaiffeaux, eft bon ; car la chaleur de l'eau fait périr les infeftes , ôc durcit confidérablement les grains ; mais malheureufemeut cette opération exige de grands frais , beaucoup de main-d'œuvre , & elle feroit impraticable dans les années pluvieufes où l'on ne pourroit pas jouir du foleil pour deffécherle grain. On a propofé la fumigation du foufre : CQttQ vapeur qui efl: très-pénétrante^ arrête la fer- mentation ^ ôc efl: mortelle pour tous les infeâes ; mais comme elle efl: très-légère^ elle fe por- te vers le haut des greniers , ôc il efl: impofTible de l'introduire dans les grains qui font nécef- fairement placés à une petite épaiflTeur fur le plancher. Pour imprégner les grains de ctttQ vapeur aflTez intimement pour faire périr les infedes , il fau- 2o6 HisT. d'un Insecte droit placer les grains qu'oiî veut parfumer , dans une tonne garnie par en bas d'un grillage recouvert d'une toile claire &: affez forte pour retenir le grain, & permettre l'entrée aux va- peurs : le haut de la tonne doit refter tout-à-fait ouvert ; on éta- bliroit le bout d'en bas fur un fourneau , dans lequel on brûle- roit le foufre : c'eft avec ces précautions que l'on peut dé- truire tous les infecles ; mais le froment perd fa couleur dorée, ôc devient blanchâtre , ce qui diminue de fon prix : de plus ^ cette vapeur communique au grain une odeur défagréable ôc permanente^ qui fait que les Mar- chands refufent de s'en charger, quoiqu'elle ne fe faffe pas fentir dans le pain y qui feulement levé plus difficilement dans la mai. D'ailleurs cette opération efl: pé- nible; ôcferoit impraticable pour DE l'AnGOUMOIS. 207 beaucoup d'habitants. Il faut , pour faire périr les infeûes, que la vapeur du foufre foit forte ; car A'Iadame de ChafTeneuil ayant fait brûler du foufre dans une boîte , y mit fur le champ des grains qui contenoient des chenilles : loin d'y périr^ elles fe convertirent dans cette boîte en chryfalides ^ puis en papillons. Ce que nous venons de dire de la vapeur du foufre, a une ap- plication très - direcle aux au- tres fumigations , qu'on doit re- garder comme infuffifantes dans le cas dont il s'agit. C'eft encore inutilement qu'on a voulu blanchir avec de la chaux vive les murs ôc les plan- chers des greniers , ou qu'on les a frottés d'ail , ou avec de l'hui- le de noix , de l'urine pourrie de vache, ou avec des préparations mercurielles : tous ces moyens n'ont eu aucun fuccès : on n'en 2o8 HisT. d'un Insecte doit pas être furpris ; car alors on appliquoit le remède où le mal n'exifloit pas : les chenilles dont il eft ici queftion , ne fe retirent point dans les murs , mais dans les grains mêmes. Il ne faut pas non plus efpé- rer que la gelée puifle faire pé- rir les chenilles. Nous avions placé fur une fenêtre au Nord, chez M. de Taponnat , des grains dans lefquels il y avoit des chenilles : ils ont refté fur cette fenêtre en dehors pendant tout un hiver ; ôc au printemps de ij62 , toutes les chenilles fe font trouvées vivantes. On fait en effet que les chenilles réfif- tent aux plus grandes gelées : j'en ai vu fortir très-vivantes au printemps , du centre d'un gla- çon où elles avoient été renfer- mées pendant l'hiver ^ & M. de Réaumur , après en avoir fait geler au point qu'elles fe rom- poicnt DE l'AnGOUMOÎS. 20p poient quand on vouloit les plier 5 ôc qu'en les jettant fur une aflîette , elles y faifoient le même bruit qu'un morceau de verre ^ ces chenilles fi bien ge- lées ayant été dégelées à une chaleur modérée ôc graduée , font revenues à la vie. Une année que les chenilles rempliflbient tous les grains y M. jyiarantin s'avifa de jetter fes blés dans fon four après que le pain en fut retiré. Madame de Chaffeneuil ôc bien d'autres ont fait ufage de ce même moyen ^ qu'on peut regarder comme le plus efficace ôc le plus fîmple de tous ceux qu'on a éprouvés. Cette pratique qui eft excellen- te ôc peut-être la feule qu'on puiffe employer, n'efl pas uni- forme chez tous ceux qui en font ufage : on lui reproche des défauts effentiels , ôc il faut a- vouer qu'elle a befoin d'être rec- S 210 HisT. d'un Insecte tifîée ^ comme nous le feront connoître dans le Chapitre fui- vant, où nous propoferons les moyens qui nous paroiffent les plus efficaces pour arrêter les défordres que caufe cet infe£te, §. IL Détail des moyens propres a conferver dans lAngoumois les Grains y & à les préserver de la Che- nille qui les dévore. On peut fe propofer de con- ferver y depuis la récolte juf- qu'aux femailles , le grain qu'on deftine à mettre en terre : ou bien on peut avoir l'intention de conferver tous les grains de fa récolte pour s'en nourrir ou pour les vendre ; enfin fi l'on étend fes vues jufqu'à pouvoir parvenir à la deftruction totale de l'infede , ces trois objets in- téreffants vont être traités dans autant d'articles. DE l'AnGOUMOIS. 511 Article I. Moyen de confzrvzr Us Grains pour les Semailles, On fait que Tufage eft par- tout de choifir les plus beaux grains pour faire les femailles ; on les engrange ordinairement à part pour les battre avant le temps de répandre les femen- ces. Dans TAngoumois , il faut fe preffer de les battre pour évi- ter que les chenilles qu'on rap- porte des champs ^ neparoilTent en papillons qui ^ venant à pon- dre y augmenteroient prodigieu- fementlemal. C'eft faute d'a- voir pris les précautions nécef- faires pour prévenir cette fécon- de ponte ^ que nous avons dit que ceux qui mettoientles grains deftinés pour les femences dans un coin de grenier, fans autre précaution , les ont trouvés aux deux tiers mangés , quand Sij 2 12 HisT. d'un Insecte ils ont voulu faire leurs femail- les. Quelques-uns ^ pour préfer- ver leurs grains de l'infeàe ^ fe preflent ^ quand ils les ont net- toyés , de les paffer au four , afin d'étouffer les chenilles qui pourroient produire des papil- lons. Ce moyen eft affez bon ^ mais il efl: dangereux : fi Ton emploie une chaleur trop foible, on ne parvient pas à faire périr tous les infeftes ; & fi l'on em- ploie une chaleur trop forte _, on étouffe le germe des grains qui ne peuvent déformais lever. Quoique j'aie vu germer des grains qui avoient éprouvé dans un four une chaleur de plus de 6q degrés du thermomètre de M. de Réaumur ; néanmoins , comme paffé ce terme , ils cou- rent grand rifque de ne point le- ver^fur-tout fi la quantité degrain DE L^AnGOUMOIS; 21 j qu'on met au four eft petite , je n ofe confeiller d'avoir re- cours à ce moyen , qui cepen-- dant eft pratiqué par plufieurs habitants de FAngoumois. Ceux qui ont pu trouver le degré con- venable de chaleur^ ont eu une belle levée de leurs grains , & ont fait une abondante récolte : d'autres fe font plaint que leurs grains levoient fort clairs , quoi- qu'ils eufTent fait répandre beau- coup de femence : ceux-ci a- voient fans doute trop chauffé leur grain , ou ils les avoient paffé au four trop tard , 6c lorf- que beaucoup de grains étoient déjà mangés. Si^avantde répan- dre leur grain , ils Tavoient lavé dans une eau de chaux, & s'ils en avoient ôté tous les grains qui furnageoient ^ ils auroient eu une femence plus faine. D'autres enfin dont les grains chaufourés levoient bien , fe 2l 14 HisT. d'un Insecte font plaint qu'ils ne taloient pas; & même que la plupart des pieds mouroient. Je crois que ceux-là font dans Terreur^ ôc qu'ils ont attribué au four un mal qu'il n'avoit point occa- fionné. On fait que dans certai- nes années , quantité de pieds de froment font détruits par des înfeâes qui fe trouvent dans la terre , dans le temps que les grains font levés , & qu'ils ont produit des racines & des feuil- les : la fubftance du grain fe trou- vant confommée , il ne refte plus alors que les enveloppes qui font inutiles à la jeune plante qui n'en tire aucun fecours , & qui doit fe nourrir des racines qu'elle a jettées en terre : dès- lors tous les accidents qui lui arriveront 5 ne peuvent être im- putés ni à la femence ni aux dif- férentes préparations qu'on au- loit pu lui donner» DE l'AnGOUMOIS. 2 1 / ' Si la conftruâion des étuves n'entraînoit pas dans des dépen- fes confidérables : je rapporte- rois quantité d'expériences que j'ai faites avec mon étuve ^ & par lefquelles j'ai reconnu qu'un degré de chaleur qui fait périr les charanfons, ne détruit point dans le grain la faculté de ger- mer. Mais comme il n'y a pas d'apparence que l'on fe détermi- ne à faire conflruire des étuves dans rAngoumois;&comme rien n'eil plus fimple que de faire pafTer au four le grain deftiné pour les femences , plufieurs fans doute préféreront cette pra- tique; en ce cas^ il eftbon qu'ils foient informés que fuivant les expériences de M. de Tapon- nat y cinquante-cinq degrés du thermomètre de M. de Réaumur fuffifent pour détruire les che- nilles j quand on ne met dans le four que 150 livres pefant de ^i6 HisT. d'un Insecte froment étendu à une petite épailTeur , ôc qu'on Ty laiiïe fé- journer pendant trois jours. Si dans le même four , on veut chaufourer 5oo livres de froment dans le même efpace de temps ^ il faudra que la cha- leur du four foit de 60 degrés ^ & avoir l'attention de le remuer de temps en temps. En fuppofant qu'on veuille chaufourer poo livres de fro- ment y il faudroit que la chaleur du four fiit de 70 degrés , l'y iaiffer pendant quatre jours , & le remuer fouvent. Il eft bon de remarquer qu'u- ne mafle de grains un peu con- fidérable^ rafraîchit beaucoup le four^ ôc que fi ce n'étoit cela, il ne le faudroit pas plus chaud pour faire périr les chenilles dans neuf cents livres de grains , que dans cent cinquante ; car c'eft ce refroidilfement ^ qui fait DE l'AnGOUMOIS. 217 Fait que la grande mafle de grains n'efi: point altérée par une chaleur de 70 ou 7; degrés;pen- dant que ijo livres expofées à cette même chaleur pourroient perdre la propriété de germer. D'ailleurs^ il faut plus de temps pour que la chaleur pénètre au centre d'une grofle mafle que dans une plus petite. Quoique M. de Taponnat fe foit donné bien de la-peine pour faire ces expériences avec exac- titude^ nous ne nous écarterons point de fa façon de penfer en ne propofant ces degrés que comme des à-peu-près ; car on verra dans la fuite qu'il n'eft point du tout aifé de connoître avec précifion la chaleur d'un four. Cependant il faut prendre garde de mettre des grains dans un four trop échauffé- une partie des germes y périroit. C'efî donc avec grande raifon que MM. de T 2i8 HisT. d'un Insecte Taponnat , de Montalembert , de Cers , de Boifbedeuil , &c. ont fait beaucoup d'expériences pour déterminer la meilleure méthode de paffer les grains au four: nous en parlerons dans la fuite. Mais comme les payfans n'ont point de thermomètre , nous croyons qu'il fera mieux de ne point paffer au four le grain qu'on deftine pour faire les fe- niailles, & de préférer la mé- thode fuivante par laquelle on court moins de rifque , ôc qui a encore l'avantage de préve- nir la carie des grains qu'on nomme en Angoumois le pourri^ d'autant que cette maladie fait des ravages énormes dans cette province où nous avons vu des champs tellement endommagés^ que la fomme des épis pourris paffoit le tiers de ceux qui é- toient fains : voici le détail de cette méthode. DE l'AnGOUMOIS. 2î^ Il faut battre ôc nettoyer les grains le jour même qu'ils ont été coupés ; car par cette pré- caution feule j on évite tous les défordres que feroient quantité de petites chenilles éclofes qui n'ont pas encore pu pénétrer dans le grain ^ ôc Ton détruit les œufs attachés fur les balles ^ & qui auroient en peu de jours fourni des chenilles. Auffi-tôt qu'on abattu la quan- tité de grain qu'on juge fufÉfan- te pour fournir aux femailles , on fera avec de la cendre de foyer une forte leffive^ comme pour blanchir le linge : il faut que cette leffive ait un œil jau- ne comme de la bierre , ôc qu'el- le paroiffe graffe en la prenant avec les doigts. On jettera dans cette leflive de la chaux vive , ce qu'il en faut pour qu'elle de- vienne d'un blanc fale ; ôc lorf- qu'elle fera à un depré de cha- Xij 520 HisT. d'un Insecte leur qui permette à peine d'y tenir le doigt , on laiffera précis piter au fond le plus gros de la chaux , afin que la liqueur foit plus claire , Ôc qu'elle puiffe mieux pénétrer dans les grains. On mettra le grain qu'on deftinepour les femailles , dans un panier qu'on plongera dans cette leflive ; on le remuera bien avec une fpatule ; on empor- tera avec une écumoire tous les grains qui furnageront ; ce feront les grains vuides ^ d'où il fera forti des papillons ^ ainfi que ceux qui contiennent de grofles chenilles qui auront affez con- fommé de farine pour rendre les grains légers. Cette leflive fera en outre périr une partie des pe- tites chenilles ^ ôc tous les œufs qui pourroient être attachés fur les grains. Au bout de deux minu^ tes ou environ, on foulevera le panier ^ ôc on paffera par-defTou? DE l'AnGOUMOIS. 22 ï deux bâtons pour laiffer égout- ter la leffive : quand elle ne fera plus que dégoutter , on répandra le grain à une petite épaiffeur fur le plancher du gre- nier^ ôc on le lailTerafécher pen- dant qu'on en préparera d'autre dans un fécond panier. Le grain ainfi leffivé , étant bien fec ^ peut fe conferver une année entière ^ fans qu'il perde la propriété de germer: nous en avons femé en Juillet lydi ^ que nous avions préparé chez M. de Taponnat au mois d'Août ij6o ^ ôc il a très-bien germé. Ce grain aura l'avantage de ne point donner de pourri ; ainfi^ par cette opération qui n'eft ni pénible ni coûteufe ^ on peut dans certaines années^ fau- ver un tiers ou près de la moitié d'une récolte qui eft communé- ment attaquée par la carie. Outre les expériences répétées Tiij S.22 HisT. d'un Insecte que M. Tillet en a faites , com- me nous avions préparé de la même manière de la femence chez M. de Taponnaten i7(5o, nous avons eu le plaifir , à la ré- colte de \^6\ 5 de voir que les champs femés avec du froment leflivé y étoient exempts de pourri^ pendant que les champs yoifins en étoient remplis. Il eft certain que la leflîve dont nous venons de parler, fait périr beaucoup de chenilles , puifque de 20 grains attaqués de petites chenilles que nous avions mis dans un nouer de toile clai- re y au milieu du grain que nous préparions chez M. de Tapon- nat en i']6o j il y en avoit 17 ou 18 où les chenilles étoient mortes ; ôc dans deux ou trois feulement elles étoient vivan- tes. Il ne faut donc pas compter que la leflive fera périr toutes les chenilles j mais on doit être î)E l'Angoumois. 125 bien content que cette lelTive procure au grain la propriété de ne point donner de pourri en même temps qu'elle fait pé- rir une grande partie des chenil- les. La leffive de chaux ôc de cendres durcit le grain qui ^ par cette raifon^ devient moins ac- ceiïible aux chenilles ; outre que l'enduit de chaux qui refte fur les grains fait encore un obfta- cle à l'introduftion des chenilles dans les grains. Cependant 11 on laifToit ces grains expofés à l'air , les papillons des tas voi- fins pourroient venir pondre deffus , de même que le petit nombre de papillons qui naî- troient des chenilles que la leffi- ve n'auroit pu faire périr. Le moyen de prévenir cet inconvénient eft de rafTembler ce grain préparé ^ lorfqu'il fera bien fec , en un tas au milieu Tiv 224- HîST. d'un Insecte du grenier ^ ôc de le couvrir avec des draps de toile ferrée. Un Armurier des environs de la Rochefoucault a imaginé un moyen qui eft encore plus Am- ple & meilleur; c'eft de couvrir le tas avec une couche de cen- •dres de l'épaifleur d'un pouce^ ou d*une couche de chaux en poudre de même épaifleur. Ces fubftan- ces feront plus de bien que de mal à la femence : elles permettront au petit nombre de papillons qui fortiront des grains de s'é- chapper ^ ôc elles empêcheront qu'aucun autre papillon ne dé- pofe fes œufs fur les grains qui auront été ainfi couverts. En couvrant le tas de grain préparé avec une toile , les papillons qui fortiroient de ce tas , mour- ront fous la toile ; mais pour peu qu'elle laiffât d'efpace vui- de, ils pourroient s'accoupler & pondre : au lieu que la cendre DE l'AnGOUMOîS. 22^ permettant aux papillons de for- tir , on fera certain y lorfqu'on voudra femer^ d'avoir une fe- mence très-faine^ ôc abfolument exempte de chenilles ^ pourvu qu'on ait bien foin d'empêcher que les rats & les fouris ne dé- rangent rien. Il eft vrai qu'on trouvera dans la femence quel- ques grains creux dont le nom- bre fera égal à celui des papil- Ions qui feront fortis au travers de la cendre : mais ce fera peu de chofe ; car fans avoir pris la précaution de couvrir la femen- ce lefTivée avec de la cendre, M. de Taponnat n^en a perdu qu'un grain fur foixante-quatre; au lieu que dans du grain de pa- reille nature qui n'avoit pas été leffivé, il y en a eu au moins un tiers de perdu. Voilà y je crois , tout ce qu'on peut defirer pour la confervation des femences ; on ne fera point 226 HisT. d'un Insecte expofé à avoir des champs în- feclés de pourri; le défordre des chenilles fera réduit tout au plus à un grain fur ^o ovi 60 ^ ôc on fera certain de ne point mettre enterre des chenilles qui^ après avoir paiTé tout Fhiver, paroi- troient au printemps fous la forme de papillons. Nous terminerons ctt article^* en avertiffant qu'il faut prépa^ rer dans le temps de la moiffon , non-feulement les froments ôc les feigles qu'on doit femer en Octobre y mais encore les or- ges ôc les baillarges qu'on ne doit femer qu'au printemps fui- vant : en obfervant cette prati- que 5 on les mettra à' couvert de la ponte des papillons ^ ôc on évitera de femer aucun des grains qui renferment des che- nilles. J'avertirai encore qu'il eft bon que les grains leflîvés qu'on DE l'AnGOUMOIS. 227 tient fous la cendre^ foientdans un lieu un peu chaud , pour que les métamorphofes puiffent fe faire promptement , & que les papillons fortent des grains a- vant la faifon de les femer: cet- te obfervation ne regarde que les grains qu'on leffive peu de temps avant celui des femailles. Moyennant ces précautions ^ on aura de bon grain pour femer, fans être obligé de le pafTer au four ; ôc on fera difpenfé d'en tirer du Limoufin ou de la par- tie du Poitou où l'infede ne s'eft pas encore étendu. ^ '228 HisT. d'un Insecte Art. II. Moyens de conferver Ui Grains quon deflïne à vendre ou à faire du Pain, Inutilement fe feroit-on don- né bien des foins ôc de la pei- ne à labourer les terres ^ à les enfemencer & à foigner les grains , pendant qu'ils font en terre y fi l'on ne redouble pas d'attention ôc de vigilance au temps de la moiffon. L'aire doit être préparée d'avance ; & il ne faut fonger alors ni à ramaffer la litière ^ ni à curer les étables , ni à labourer les bleds d Efpa- gne : on doit enfin négliger tou- te efpece d'autre travail ^ pour ne s'occuper uniquement que de recueillir les grains^ & de fai- re la guerre aux infeûes. C'eft le moment de les attaquer : je dis le moment ; car ce temps eft fort court. Celui qui parvien- DE l'AnGOUMOîS. 22p dra à étouffer les infe£les avant la ponte que doivent faire ceux qu'on rapporte des champs , ne perdra pas un quarantième de fes grains ^ pendant que le voi- fîn négligent qui remettra à fai^ ïe les opérations que nous al- lons rapporter à la mi-Septem- bre 5 perdra au moins la moitié de fa récolte ; ôc s'il diffère juf- qu'au mois d'OÊtobre ^ il n'en fauvera pas un fixieme. Je parle, il efl vrai , des cantons où les infectes font le plus communs ; mais dans les autres où le mal efl moins confidérable , ilfuivra la même proportion. Comme il a été prouvé que les infeâes qu'on renferme dans les granges avec les gerbes , étant fecourus par la chaleur du tas ^ fe convertiffent bientôt €n papillons qui pondent fur le .champ une immenfe quantité 2 jo HisT. D*uN Insecte d'œufs , on conçoit qu il faut battre les grains fans différer , & auflî-tôt qu'ils font moiffon- nés : ainfi pour bien faire ^ il faudroit, pendant que l'on cou- pe les grains dans les champs , avoir des Batteurs à lamaifon^ afin que tout ce qui auroit été coupé la veille^ pût être battu ôc nettoyé dans la journée fuivante. Pendant que nous étions à la Rochefoucault^ M. de Tapon- nat faifoit couper fes grains juf qu'à midi ; on voituroit prom- ptement les gerbes à la maifon^ 6c les Soyeurs les battoiem^ ôc nettoyoient le grain Faprès-mi- di. Parce moyen il reftoit dans les balles une multitude d'œufs ^ ôc une quantité de chenilles , qui fans cela ^ feroient entrées en peu de jours dans les grains. S'il n'efl: pas poffible à tout le mon- de d'ufer d'une pareille diligen- DE l'AnGOUMOIS. 231 ce , on doit au moins être per- fuadé qu'il faut abandonner tout autre ouvrage^ipour battre ôc net- toyer les grains le plus promp* tement qu'il fera poilible. Encore une attention impor- tante ^ c'efl: de placer fes grains de manière qu'on puifTe com- niencer par battre le froment , enfuite Forge ôc la baillarge , enfin le feigle & les moutures : à l'égard de l'avoine ^ des pois , des vefces ^ 6cc ^ on pourra prendre fon temps & fa commo- dité pour les battre. Ceux qui auront un crible à vent ^ feront très-bien d'y paiTer leurs grains pour féparer tous ceux qui font légers , ôc dans la plupart defquels il y aura ou de groffes chenilles ou des chry- falides prêtes à fe métamor- phofer. Ceux qui ne feront point pourvus d'un pareil crible^ peu- vent y fuppléer en partie ^ eu 232 HisT. d'un Insecte faifant jetter leurs grains à la roue ^ ou en les faifant vanner. Audî-tôt que la moifTon fera finie 5 il faudra fe preffer d'étu- ver les grains ^ avant que la fé- conde volée des papillons pa- roiffe ; ôc plutôt on fera cette opération ^ plus on confervera de grain ; car fi l'on étouffe des chenilles qui ne font pas plus groffes qu'un cheveu^ & longues feulement d'un quart ou d'une demi-ligne , le grain fera tout auffi bon que s'il n'avoit point été piqué ; au lieu qu'il fera perdu fi Ton donne le temps à cet infede de groiïîr ôc de con- fommer la farine. Ceftdans cette circonftance-cî qu'il feroit bien commode d'a- voir des étuves pareilles à cel- les qui font décrites dans le Traité de la Confervation des grains , & dans le Livre des Eléments DE L AnGOUMOIS. 253 Eléments d'Agriculture, parce qu'alors on eft maître de gra- duer la chaleur avec précifion ; & le grain qui eft renfermé dans des tuyaux ou étendu fur des ta- blettes, fort de l'éiuve auffi pro- pre qu il y eft entré. Mais^com- me ces étuves exigent des frais; & comme il n'y a point en An- goumois de grolfes exploita^ tions y les Habitants pouront fe contenter de faire palfer leurs grains dans leurs fours affez échauffes pour tuer les chenil- Iqs , les chryfalides , 6c même les œufs. Je fais qu'on a formé bien des objeffions contre cet- te pratique , parce qu'elle a été mal exécutée ; mais pour ne point interrompre le détail des opérations qui font néceffaires pour bien conferver les grains , nous remettons à traiter à part de la façon de paffer les grains au four fans altérer leur qualité. V 554 HisT. d'un Insecte On a vu qu'il a bien réulTi à M. de Taponnat en ij6o ôc ij6i , où les moifibns étoient fort chaudes ôc feches , de ren- fermer des grains qui venoient d'être moiffonnés ôc nettoyés , dans des barriques qu'on avoit fur le champ enfoncés : fi ces barri- ques font bien remplies, les che- nilles qu'on auroit rapportées des champs y ôc qui font en petit nombre fe convertiffent promp- tement en petites chryfalides qui meurent ôc fe deffechent pour la plupart , au lieu de fe convertir en papillons ; ôc les papillons qui fortent de leurs grains , meurent auffi fans pou- voir s'accoupler ni pondre. Alaîs fi les bariques n'étoient pas entiè- rement remplies , on trouveroit dans la partie vuide beaucoup de papillons qui s'y feroient raflemblés y qui s'y feroient ac- couplés y ÔC qui auroient pondu DE l'AnGOUMOIS. S3 j une grande quantité d'œufs fur la fuperfîcie du grain ; cependant le mal feroit encore peu confidé' rable , parce qu'en perdant ctttQ couche de grain, le refte fe trou- veroit fain. Nous croyons qu'on ne pour- ra pas faire ufage de ce moyen dans les années humides ; mais fi ^ quelques Particuliers vou- loient l'employer dans les moif- fons chaudes ôc feches , nous leur confeilions , quand leurs grains feront bien nettoyés, de hs étendre , à une petite épaif- feur fur des chariers au grand foleil , le long d'un mur/ôc de remuer ces grains de temps en temps : nous avons obfervé qu'en Angoumois , par les beaux jours de Juillet & d'Août , le thermomètre expofé au grand fo- leil le long d'un mur , monte à 60 degrés, ce qui efl: fuffifant pour faire périr beaucoup dln- iedes, V ^ ^j^* HisT. d'un Insecte Si-tôt que les gelées du mois de Septembre feront venues ^ ôc qu'on ne verra plus voler de papillons ^ on pourra vuider les barriques pour les employer à mettre du vin ; car il n'y aura plus à craindre les pontes des papillons jufqu'à la un de Mai, Mais 5 je le répète ^ le plus sûr efl: de paffer les grains au four : on les vannera , ou on les paffe- ra au crible à vent au fortir du four, pour ôter les grains légers; après quoi , il ne s'agira plus que de les tenir à couvert des papil- lons qui pourroient venir par la fuite pondre deffus. Quoique le four durciffe les grains , il fe pourroit faire néanmoins que plufieurs chenil- les qui feroient refîmes des oeufs quiauroient été dépofés deffus, pourroient parvenir à s'intro- duire dans quantité de grains^ & dans ce cas ; ces mêmes grains DE l'AnGOUMOIS* 237 paroîtroient fains pendant Ihi- ver ; mais au commencement du mois de Juin , on en verroit fortir des papillons ^ ce qu'on attribueroit mal-à-propos à ce que la chaleur du four n'auroit pas été fufîîfante pour étouffer tous les infectes. Le moyen de prévenir cet inconvénient qui eft confidérable , confifte à ra- maffer les grains étuvés en un monceau le plus élevé qu'il fera poffible ^ ôc à le couvrir très- exactement^ foit avec des draps^ foit avec des couvertures , pour empêcher qu'aucun papillon ne puilfe atteindre les grains. On pourroit auffi les couvrir de cendres ; ôc il en réfulteroit feu- lement qu'après avoir criblé le grain ^ on feroit obligé de le la- ver avant de fenvoyer au mou- lin. Auffi-tôt qu'on ne verra plus de papillons , on pourra enle- ver les couvertures ^ parce que 258 HisT. d'un Insecte l'on n'aura plus rien à craindre jufqu'à la fin de Mai. Alors fi le grain n'a pas été confommé , il faudra remettre les couvertu- res ôc redoubler d'attention tant que la volée des papillons fub- fiflera. On pourroit auflî conferver ces grains étuvés dans des facs de toile forte ôc ferrée ; Ôc pour prévenir que les rats ôc les fou- ris ne les percent , on fera bien de les établir fur des tréteaux dont les pieds feront garnis de fer blanc: ce moyen qui cû bien fimple 5 eft préférable à celui des couvertures. S'ilarrivoit que les grains fuf- fent à très-bas prix , ôc qu'on voulût les conferver long-temps; alors le plus court fera de les mettre dans des cuves telles que celles que Ton nomme tonneaux dans TAngoumois ; de fermer bien exaâement le delTus de ces DE l'AnGOUMOïs; 2S9 cuves ; de les établir dans un lieu frais & fec : enfin^ pour plus grande fureté 5 on pourra ajufter à ces tonneaux les foufflets ou ventilateurs que nous avons dé- crits dans le Traité de la Con - fervation des grains. Moyen- nant ces précautions , il efl: cer- tain que dans les lieux les plus infeftés de Tinfeéte ^ on parvien- dra à conferver parfaitement les grains^ fans éprouver une perte confidérable. Il faut traiter de même les orges ^ les baillarges ^ les fei- gles, ôc même les criblures , fans quoi on conferveroit une fource d'infeâes qu'il efl: tou* jours avantageux de tarir. 240 HiST. d'un iNSECTiT §. II. Expérience de M. de Taponnat , qui jujîljie ce qui a été avancé dans r Article précédent. Je fufpends encore ce que j'ai à dire fur la façon de ma* nœuvrer les fours , pour rappor- ter une expérience qui a été commencée cette année chez M. de Taponnat , pendant que nous étions à la Rochefoucaulr^ & qui a été continuée depuis notre retour à Paris: cette expé- rience eft une preuve bien len- fible des avantages qu'on peut retirer de la pratique que nous venons de prefcrire. Pour connoître bien précifé- ment toute l'étendue de Tavan- tage qui réfulte des précautions que Ton doit prendre pour met- tre les grains à couvert des dé- fordres que produit la féconde ponte DE l'AnGOUMOIS; 24f ponte des papillons , il fuffit de confidérer robfervation de M. de Taponnat qui , voulant con- ferver fes grains ^ a pris pour ob-- jet de comparaifon ^ la dîme que fon Curé avoit levée fur fes pro- près terres, parce que le grain de cette dîme avoit été infedé comme toutes les récoltes du pays. Comme ilétoit certain qu'il y avoit fur les épis du grain que M. de Taponnat récoltoit, des œufs qui n'étoient pas encore éclos , & des chenilles qui ne s'étoient pas encore introduites dans les^ grains , M. de Tapon- nat eut l'attention , comme nous l'avons déjà dit , de faire battre & ^nettoyer fes grains à mefure qu'on les coupoit ; & par cette feule attention , il a détruit tant d'infeûes , que fes grains ne fe font point échauffés après avoir été mis en tas, X 2^2 HisT. d'un Insecte Le ip Septembre ^ il fetranf- porta chez fon Curé dans le temps que l'on alloit commen- cer à battre le froment qu'il lui avoit fourni pour la dîme : il trouva le tas tellement échauf- fé 5 qu'un homme ne pouvoit refter couché deffus feulement pendant un quart-d'heure. M. de Taponnat fit tirer mie gerbe de ce froment ; il en égre- na quelques épis, ôc en retira cent fix grains qu'il examina les uns après les autres avec une fcrupuleufe attention : il s'en trouva douze bons ; quinze percés , dont les papillons de la première volée étoient for- tis ; f jixante & dix-huit grains renfermoient des chenilles qui ne pouvoient venir que de la féconde volée ; ôc feulement une chryfalide. Les Dîmeurs fe trompoient de beaucoup , en eftlmant que la moitié de ce grain étoit perdu. DE l'AnGOUMOIS. 24^ Ce qui fait que les grains de M. de Taponnat étoientfi fort endommagés^ c'efl: qu'ils avoient été récoltés auprès du bourg , ôc par conféquent à portée de recevoir les papillons qui for- toient de toutes les maifons. Le tas s'étant échauffé , les métamorphofes s'étoient faites promptement ; les papillons s'étoient accouplés dans les intervalles qui fe trouvoient en- tre les gerbes ; les femelles y avoient pondu : voilà la fource de cette multitude de chenilles que M. de Taponnat a trouvée dans les grains de fon Curé. En- fin il en a réfulté que ce même Curé n'avoit prefque qu'un neu- vième de ce grain en bon état; au lieu que lui qui avoit battu fon grain auflî-tôt après la récolte, 6c qui l'avoit fait paffer au four avant la féconde ponte, a eu par ce moyen tout fon grain pré- X ii 544 HisT. d'un Insecte fervé à un cinquantième près; Il me femble que cet exem- ple doit emporter tous les luflFrages , & engager les Habi- tants de TAngoumois à fortir d'une léthargie qui n'eft pas ex- cufable. Il refte à indiquer aux Cultivateurs les précautions qu'ils pourront prendre pour paffer leurs grains au four fans altérer leur qualité. §. IIL DifcuJJionfur Vufagc des Fours pour étuver les Grains qui font atta-- que s par la Cheîùlle, La plupart des fours de l'An- goumois ne font point carrelés; comme le plancher en eft mal uni 5 il refte de la cendre dans beaucoup d'endroits , & cette cendre falit le grain. Les pains de ménage font fort gros : on les fait beaucoup cuire ; DE l'AnGOUMÔIS. 24; ainfi les fours font ordinairement très-chauffés. Il n'eft pas aifé de juger du degré de chaleur de ces fours , même avec de bons thermomè- tre y à plus forte raifon quand on n'en a point. Lorfque le four eft débouché^ on trouve des de- grés de chaleur bien différents ^ foit auprès de la bouche , foie au milieu , foit au fond ; lorf- qu'on le bouche^ fa chaleur aug- mente confidérablement. Lorfqu'on met beaucoup de grain dans un fournie grain qui porte fur le plancher ^ ou con- tre les briques du pourtour y efl: fouvent trop chauffé & même grillé , pendant que celui qui eft au centre du tas ^ ne fe trouve pas affez chauffé pour faire périr les inleâes. D'ailleurs ^ une groffe maffe d'un grain qui eft frais , re- froidit beaucoup le four , & la chaleur eft long-temps à péné- X iij 24<^ HisT. d'un Insecte trer jufqu'au centre de la mafle. Si Ton met dans un four très- chaud , beaucoup de grain, ôc qu'on l'y laifle féjourner peu de temps, les infeâes qui font au centre de la maffe en fortent vivants. Le four banal de la Rochefoucault ayant été aflez échauffé pour faire monter nos thermomètres à près de loo de- grés, onym.it 3 y facs d'orge qui étoient infedés de charan- fons & de chenilles. On retira ces facs au bout d'une heure : nous y trouvâmes plufieurs charanfons ôc chenil- les mortes ; mais il y en avoit encore de vivantes > parce que fans doute ces infeâes s'étoient trouvés au milieu des facs , ôc qu'ils n'avoient pas éprouvé une chaleur affez vive pour pé- rir 5 quoique nous ayons obfer- vé dans notre étuve que 80 de- grés de chaleur étoient plus DE l'AnGOUMOIS. 247 que fufiifants pour faire périr les charanfons. Quelques-uns, pour empêcher que leur grain ne fe falît , le te- noient renfermé dans des facs ; mais par ce moyen ils raffem- bloient leur grain en maffe , ôc le milieu n'étoit pas affez chauf- fé y pendant que les facs fe trou- voie nt brûlés. Au lieu de chercher à remé-- dieràces inconvénients ^ on s'efl: hâté de dire que le four gâtoit le grain ^ ôc que lorfqu'il avoit éprouvé ce degré de chaleur j il ne faifoit que de mauvais pain. C'efI: ce préjugé que nous avons eu le plus de peine à détruire : je fais depuis long-temps ^ ôc par ma propre expérience, que les grains étuvés font de très-bon pain. Nous avons fait faire du pain avec du grain bien chauf- fouré 5 pour en comparer la qualité avec d'autre grain pareil X iv 548 HisT. d'un Insecte qui n'avoit point été paffé au four ) mais qui avoit été lavé , pour en ôter tous les infectes : perfonne n'a pu diftinguer au goût , celui qui avoit été paffé au four d'avec l'autre. Malgré cela bien des payfans conferve- ront leur prévention contre le four y par la raifon qu'ils favent que leur grain diminue de volu- me , & qu'il y a un déchet d'un trentième ou d'un quarantième fur la mefure : pour éviter cette perte , ils préfèrent de laiffer tranquillement les chenilles man- ger la moitié ou les trois quarts de leur récolte. Ainfi une éco- nomie mal entendue les ruine entièrement. Nous v'étaillerons dans la fui- te les précautions qu'on peut prendre pour bien étuver les grains dans les fours ; mais pour faire mieux comprendre les dif- ficultés qui k préfentent, nous allons rapporter des expérien- DE l'Angoumois. 24P ces qui ont été exécutées chez MM. de Taponnat , de Boifoe- deuil 5 ôc particulièrement par M. de Montalembert de Cers. Art. I. Expériences de M. de Taponnat. Le 3 Août 1 76*1 ^ deux heu- res après que le pain fut tiré du four , le thermomètre mon- ta affez rapidement à iio de- grés : ayant débouché le four y pour qu'il fe refroidît plus prom- ptement , une heure après , le thermomètre étoit encore à 1 10 degrés. On y mitfix facs rem- plis de froment ; le thermomè- tre couché fur les facs monta encore à 110 degrés ; il étoit pour lors cinq heures du foir : on laifTa le four débouché , ain- fî que la porte du fournil qui eft vis-à-vis & peu éloignée, A cinq heures trois quarts, on remit le thermomètre fur les facs ^ & à fix heures il marquoit 2.^0 HisT. d'un Insecte 80 degrés. Alors on ferma le four ôc la porte du fournil , ce qui fit monter le thermomètre à loj degrés en une demi- heure de temps. On ouvrit la bouche du four , & on laifTa la porte du fournil fermée ; à fept heures la liqueur étoit defcen- due à 7y degrés : le four ayant été refermé , il monta à 5)5 ; enfin à huit heures , le four ôc la porte du fournil étant reflés fermés , le thermomètre mar- quoit 60 degrés. On boucha à demi le four ; ôc à neuf heures ôc demie ^ le thermomètre def- cendit à 55* degrés. Pour lors on mit dans une boîte de carton du froment dans lequel il y avoit des chenilles ; dans une autre boîte pareille y on mit du grain bien fain ; ôc on reboucha le four : au bout de quelques minutes le thermomètre étoit lemonté à 60 degrés. On ou* î)E l'Angoumois. syi vrit un peu la bouche du four ; & le thermomètre defcendit à 55*. On referma le four pour le laiffer en cet état jufqu au lendemam ; & à huit heures du matin ^ le thermomètre marquoit encore 47 degrés. Alors on re- tira les boîtes de carton : toutes les chenilles étoient defféchées^ au point de fe réduire en pou- dre entre les doigts : néanmoins le bon froment n'avoit point perdu la propriété de germer : on enfema vingt- quatre grains le 4 Août; & le isfuivant , il y en ^avoit dix-fept de levés. Le même jour 4 Août , on fema douze grains de ce même fro- ment, mais qui n'avoit point palTé au four : le i r ^ il y en avoit p de levés. On voit par cette expérien- ce fuivie avec beaucoup de foin , combien il eft difficile de légler la chaleur du four. On 25*2 Hist. d'un Insecte voit encore qu'en tenant la cha- leur entre j j ôc (^o degrés pen- dant toute une nuit , on peut faire périr les chenilles fans al- térer les germes ; ôc cela doit être ^ puifque la plus grande ar- deur du foleil de Juillet qui fait monter le thermomètre à 60 degrés , fait périr quantité de chenilles^ fans altérer en aucu- ne façon les germes. Comme ces expériences qui n'ont été faites qu'en petite ne prouveroient rien pour une opé- ration que l'on fe propoferoit d'exécuter en grand ; M. de Taponnat mit dans fon four le 20 Août 1400 livres pefant de froment; il laifTa la bouche du four bien fermée jufqu'au lende- main 2 1 > huit heures du matin : alors ayant mis un thermomè- tre furie grain ^ la liqueur monta à 60 degrés: à 3 heures après-mi- di, on tira une poignée de grain DE l'AnGOUMOIS. 2^^J du fond du four ^ & l'on trouva une chenille en vie qui étoit for- tie d'un grain où elle étoit ren- fermée ^ ce qui prouve que la chaleur incommodoit beaucoup cet infeâe ^ mais qu'elle ne Tavoit pas fait périr: peut-être auflî que c'étoit une fauffe-tei- gne; car les chenilles ne fortent pas de leur grain : quoi qu'il en foit , les fauifes-teignes périfTent à- peu- près au même degré de chaleur que les chenilles. Le 22 Août ^ à fix heures du matin^ le thermomètre marquoit 25* degrés. L'après-midi^ on tira le grain du four. En examinant beaucoup de grains ^ on trou- voit les chenilles & les chryfa- lides mortes 6c defféchées : néan- moins on apperçut quelques pa- pillons qui étoient encore en vie. Il auroit été à propos de laiffer plus long-temps ce grain dans le four j néanmoins cinq jours 2J4 HisT. d'un Insecte après ^ ce grain étoit très- frais, ôc il nen fortoit aucun papillon, pendant que du pareil grain qui n'avoit pas paffé au four , étoit très-chaud , parce qu il renfer- moit beaucoup de chenilles. On a mis en terre 60 grains qui avaient paffé au four , & cinq jours après il y en avoit 5 i de levés ; par conféquent leur ger- me n'avoit point été détruit. Le 28 Août à midi^ on chauffa le four de M. de Taponnat pour cuire du pain : fur les quatre heures du foir , fans examiner à quel degré étoit la chaleur du four, M. de Taponnat y fît mettre 1400 pefant de froment; on pofa deffus un thermomètre qui en une demi-heure de temps monta à 71 degrés ; à onze heu- res du foir , il étoit defcendu à 62 degrés : alors on mit dans le four onze livres du même blé fur un crible foncé de papier ; DE l'AnGOUMOIS. 2^^ ce grain étoit à deux pouces ôc demi d'épaiffeur. Le lendemain 29 y le four n'ayant pas été exa£lement fermé ^ on trouva que le thermomètre étoit def- cendu à 42 degrés ; le 30 , lorf- qu'on eut tiré ce crible ^ on vit que les infectes étoient morts ôc defféchés ^ & que le grain avoit perdu un vingt-deuxième de fon poids. On mit enterre 21 de ces grains ; il en a levé 18. Le refte du grain ayant féjour- né un jour de plus dans ce four, s'eft trouvé parfaitement étuvé. Le 3 1 , le four de M. de Ta- ponnat qui eftede grandeur à cuire au plus un feptier de Pa- ris y n'étant point encore refroi- di j on y fit brûler trois bourées: on le balaya 5 & on le nettoya avec récouette qui eft un linge mouillé attaché au bout d'une perche : cette opération rafraî- chit un peu les carreaux du four. 2; 5" HisT. d'un Insecte Environ fix minutes après, on mit dans le four 600 livres de grain ; ôc le thermomètre ayant été pofé fur le grain y s'éleva en une demi-heure à 60 degrés. On ferma enfuite la bouche du four, 6c on y laifla le grain pendant trois jours ; on avoit feulement l'attention de le remuer avec un rouableune fois chaque jour : les infectes périrent tous ; ôc de (5o grains qu'on fema, il en leva, en cinq jours de temps, y 8. Cette expérience a été répé- tée le 12 Septembre avec 6"oo livres de feigle : tous les infec- tes fe trouveremt defléchés ; & de 60 grains femés , il en a levé 54- Il eft important de remarquer que , quand on ôte le grain du four , il faut le tirer avec un rouable ou chanteau de poinçon ajuflé au bout d'une perche ; ôc que quand on a tiré tout ce que cet DÉ l'Angoumois. 2;7 cet înftrument peut amener ^ il faut balayer le four pour retirer le refte du grain qui ordinairement efl: fali de cendre ôc beaucoup plus chauffé que le refte ^ puif- qu'il n'en peut lever qu une par- tie quand on le feme. Mais fi on lave ces mêmes balayures, elles font très - bonnes à faire du pain. Cette méthode efl: excel- lente à pratiquer pour le grain qu'on veut garder pour vendre ou pour conlommer dans le mé- nage ; celui qui a touché aux car- reaux n'eft plus propre à être fe- mé y comme nous l'avons dit ; mais fa qualité ne fera pas altérée quand on lui fera éprouver une chaleur de po degrés y en mettant dans le four trois à quatre cents livres de froment à la fois. Néanmoins pour éviter ces petits inconvénients^nous avons imaginé de faire élargir la bou- Y 2jS HiST. d'un Insecte che du four, feulement par en bas 5 comme on le peut voir ( PL ni y fig^^)\ 6c de faire faire une claie femblable à celle des figures j Ôc5^ fur laquelle on étend une groffe toile : on charge cette claie de grain 5 on la pouffe dans le four ; on fer- me avec deux parpins de pierre, les échancrures a^ a {fig. ^) qu'on a faites à la bouche du four ; on ferme cette bouche , & on remue de temps en temps avec un rouable le grain qui eft fur la claie. Nous avons ajufté de cette façon le four de M. de Taponnat ; ôc voici les épreu- ves qui ont été faites en confé- quence. On fit chauffer ce four avec trois bourrées. M. de Tapon- nat mit enfuite 200 livres pe- fant de froment fur la claie : le thermomètre ayant été couché fur le grain ;marquoit 6Z degrés. DE l'AnGOUMOIS. 25'5> Ce grain ayant efliiyé pendant plus de deux heures 70 degrés de chaleur ^ & étant refté dans le four pendant près de trois jours> étoit parfaitement fec; les infecles étoient tous morts : on mit en terre foixante de ces grains ; il en a levé cinquante. Le four ayant été chauffé de nouveau avec trois autres bour- rées y on a mis fur la claie 300 livres de feigle , fans avoir net- toyé ni raffraîchi le carreau du four : le thermomètre a monté à 7y degrés : alors on a ouvert le four pour en diminuer la cha- leur ; au bout de ^6 heures on a tiré le grain i il y avoit en- core quelques chenilles qui n'é- toient pas defféchées : de 60 grains qu'on a mis en terre , 51 ont levé. Le 7 Septembre , on a brûlé dans le four deux bourrées ; on a mis fur la claie 300 livres de Yij 2<5o Hist.d'un Insecte feigle : le thermomètre a mar- qué 70 degrés ; le grain ayant refté dans ce four fermé pendant 82 heures , les infectes ont tous été étouffés & defféchés : de 60 grains qu'on a mis en terre , il en a levé $^. Cette façon de paffer le grain au four, eftfans contredit la meil- leure de toutes les méthodes : le grain fe conferve fain ; aucua n'eft rôti ; il eft chauffé égale- ment 5 parce qu'on le remue de temps en temps fur la claie ; en- fin on voit qu'on peut lui faire éprouver une chaleur de 72 de- grés fans qu'il perde la propriété de germer. Ainfi, fuppofé qu'on voulût paffer au four le grain def tiné pour les femailles , il fau- droit employer une pareille claie : tout ce qu'on peut repro- cher, c'eft qu'en employant cet- te claie, on ne peut pas faire d'auffi grandes étuvees que DE l'AnGOUMOIS. 261 quand on jette le grain à même le four ; mais il faut faire atten- tion que le four de M. de Tapon* nat pour lequel nous avions fait faire la claie , n'eft point grand , puifqu'il n'a que fept à huit pieds de profondeur : il y en a dans le pays qui ont dix-huit à vingt pieds depuis la bou- che jufqu au fond. Comme les récoltes que font la plupart des payfans font petites ^ leurs fours pourront leur fuffire ^ en fe con- formant à la manière d'étuver que nous venons de décrire. Mais les Seigneurs qui ont de grandes redevances en grains , les Chapitres , les Maifons Re- ligieufeSj pourront faire conftrui- re des fours uniquement defti- nés à étuver les grains. Voici une forme de four qui , à ce que nous croyons , feroit très-com- mode : nous aurions fort defî- ré pouvoir l'éprouver 5 mais la 262 HisT. d'un Insecte chofe n'a pas été pofTible. Il faudroit faire ce four ( PL IIL fig, 6) très-profond , par exem- ple^ de 20 à 2j pieds ; fi on fe conformoit à Tufage ordinaire , on lui donneroit 14 pieds de lar- geur ; mais il fuffit de le tenir feulement de 8 pieds : on feroit la bouche^ comme nous avons difpofé celle du four de M. de Taponnat {fig, 4 ) , afin qu'on pût y faire entrer une claie de 6 pieds de largeur : or , une claie qui contiendroit 120 pieds de fuperficie^ le grain mis à 6 pou- ces d'épaifl'eur , contiendroit I j feptiers^ mefure de Paris. Il fe préfente ici deux difficultés : Tune de favoir fi on pourroit re- muer ctttQ claie , lorfqu'elle fe- ra chargée d'un aufiî gros far- deau qui fe trouveroit être de 5^00 livres pefant. A cette dif- ficult é , je réponds qu'il n'ell point néceffaire de tirer beau- DE l'AnGOUMOîS. 2^3 coup la claie hors du four ; pour- vu qu'elle en forte feulement d'un quart ou d'un tiers de fa longueur ^ on pourra l'emplir en jettant le grain à la pelle, & enfuite la vuider avec le roua^ ble : d'ailleurs ^ il feroit pofîible d'établir huit ou dix rouleaux fous cette claie , & alors il n'y auroit plus de difficulté^foitpour l'entrer dans le four ^ foit pour la fortir ; enfin on pourra ne pas mettre le grain à répaifleur de (^pouces. La féconde difficulté confifte à favoir , fi on pourroit chauffer un four de cette profon- deur ôc qui auroit auffi peu de lar- geur , c'eft ce que j'aurois voulu éprouver ; car on feroit peut-être obligé de ménager au bout du four oppofé à la bouche vers A ( fe« ^ ) ^ ^^^ ouverture de fix ou huit pouces pour donner une iffue à la fumée : on fer- meroit cette ouverture que les a6'4 HisT. d'un Insecte Boulangers nomment ouras ; après que le fond du four feroit fuffifammeht échauffé ; pour lors on attireroit le feu fur le devant du four, afin que la fumée ôc la flamme en fortant par la bou- che y échauffafl'ent cette partie. Au moyen des précautions que M. deTaponnataapportées pour paffer fes grains au four, il en a fait faire de très-bon pain. Il eft vrai qu'au fortirdu four le grain femble être un peu ridé ; mais au bout de trois ou quatre mois, il fe trouve plein comme s'il n'a- voit jamais paifé au four. Néanmoins quelques-uns fe font plaints avec raifon , que les grains qu'ils avoient mis au four, avoient fait de mauvais pain ; mais cela vient de ce qu'ils y ont mis des grains , dont plus de la moitié contenoientdes chenilles; ôc qu'enfuite ils les ont envoyés pêle-mêle au moulin ; il n'eft pas étonnant DE l'AnGOUMOIS. 26 f étonnant qu'une auflî grande quantité d'infeâes moulus aient communiqué une mauvaife o- deur ôc un goût défagréable à la farine. Pour éviter un défaut auffi confidérable ^ il faut, en premier lieu, étuver les grains, & le plus promptement qu'il eft poiTible y après la récolte : oP , paffer au crible à vent; ou vanner foigneu- fement les grains , avant de les mettre au four pour ôter le plus d'infeftes qu'il fera poflible ; les vanner de nouveau au fortir du four y parce que tous les grains où l'infeâe fe trouvera defleché feront devenus très-légers; en-*. fin laver les grains avant de les envoyer au moulin , & retirer tous ceux qui flotteront fur l'eau: le peu d'eau que les grains pren* dront , les rendra femblables à des grains nouveaux. Par-là on évitera en partie un. inconvénient qui^ fans altérer la^ Z 2(S6 HisT. d'un Insecte qualité du pain , diminue un peu de fon agrément. Comme le fon fe trouve prodigieufement defféché par la chaleur du four, il s'en broie une partie qui brunit le pain ; mais^ en lavant le grain, on donne un peu de foupleJGTe au fon^ qui a par ce moyen moins de difpofition à fe broyer. Nous pouvons afTurer qu'en prenant ces précautions ^ on fera avec les grains d'Angoumois d'aufli bon pain qu'avec ceux du Li-^ moufm. J'en ai mangé d'excel- lent chez M. le Duc de la Ro- chefoucault, chez M. de Tapon- nat , chez M. Marantin^ chez; M. de Boifbedeuil^ &c. Mais, dira-t-on, il fautcon- noître le degré convenable de la chaleur des fours ; & on n'a point communément dans l'An- goumois de thermometres^com- me en avoit M. de Taponnat. Nous convenons de la folidité de cette objeftion i néanmoins DE l'Angoumois. 2^7 il eft certain que quand il ne s'a- git pas d'étuver des grains pour les femaiiles , la précifion n'efl: pas néceffaire , puifque nous avons étuvé des grains depuis 72 degrés jufqu'à 100 , fans al- térer leur qualité pour en faire du pain : or nous avons donné ci-devant une méthode p"our conferver la femence , fans la faire paffer au four. Si néan- moins on vouloit abfolument la paffer au four y il fuffiroit de s'aO îurer 5 avant delà mettre en ter- re , fi elle a confervé fa proprié- té de germer; & dans le cas où les germes fe trouveroient étouf- fés , le mal ne feroit pas grand, puifqu'on pourroit réferver ce grain pour en faire du pain; 6c l'on en feroit quitte pour en étu- ver d'autre avec plus de précau- tion pour la femence. Nous avons fait des expérien- ces pour mettre chaque Habi- Zï] 2.6S HisT. d'un Insecte tant de l'Angoumois en état dé régler la chaleur de fon four ; mais comme ces expériences ont été faites dans notre four , nous n'oferions affurer qu'elles feroient affez exa£les pour les fours de l'Angoumois ; car le degré de chaleur des fours dé- pend de la façon dont ils ont été chauffés ^ de leur forme 6c de leur grandeur. Après cet avertifTement, nous dirons qu'il faut prendre de la cire jaune brute 6c telle qu'on la tire des ruches , la bien pétrir entre les doigts , 6c en faire des boules de la groffeur d'une noix. On pofera une de ces boules fur un morceau de faïance qu'on met- tra fur le fond d'un boiffeau, afin qu elle ne reçoive pas immédia- tement la chaleur du carreau. Si en moins d'un quart-d'heure de temps cette boule eft entière- ment fondue , nous eftimons que la chaleur du four paflera 8o DE l'AnGOUMOTS. ^^^ degrés ; fi au contraire au bout d'une demi-heure la boule n'eft fondue qu'en partie , nous eiti- nions que la chaleur du four fera à peu-près de 70 ou 80 degrés. Au refte l'habitude tiendra lieu d'une mefure exaâe. Il faut un certain degré de chaleur pour cuire le pain ; cependant y fans le fecours d'aucun thermomètre, & par la feule habitude^ les fer- vantes de campagne parviennent à chauffer leurs fours au degré convenable pour que le pain foit bien cuit ^ & qu'il ne foit point brûlé. Je fuis perfuadé ^ d'après les expériences qui ont été fai- tes chezM.deTaponnat^ que les domefîiques n'ont pas plus be- foin de thermomètre pour con- noître le degré de chaleur qui convient pour étuver les grains. Nous répéterons feulement , quoique nous l'ayons déjà dit , qu'il vaut mieux tenir long-temps Z iij ^70 HisT. dVn Tnsecte les grains dans le four ^ que de leur faire éprouver une chaleur trop vive : nous avons vu des filles refter plus d'un quart-d'heu- Te dans un four échauffé à 130 degrés du thermomètre de M. de Réaumur ; elles y auroient péri fi elles avoient été obligé d'y refter pendant une nuit : il en eft de même des infedes. Art. II. Expériences de M. de Bois' hedeuil , Subdélégué de M. Vlnten- àant à AngouUme , (^ Secrétaire de la Société d'^ Agriculture de la même Fille. On avoit chauffé le four de M. de Boifbedeuil, quieftdef- tiné à cuire de gros pain ; 6c comme il avoit entendu dire à ceux qui font dans l'ufage de paffer leurs grains au four , qu'ils l'y mettoient environ deux heu- res après que le pain en étoit tiré p il laifla écouler ce temps, DE l'AkGCUMOÎS. 27 1 Après qu'on eut défourné ; ÔC pendant tout cet intervalle , la bouche du four refta ouverte. Après ce temps 5 il préfenta fon thermomètre à l'entrée du four , & bien-tôt après il s'éleva au- defTus de 60 degrés : il jugea par la promptitude avec laquelle la liqueur s'élevoit, que le four étoit beaucoup trop chaud : au bout d'une heure , il préfenta encore fon thermomètre qui monta prefqu'auflî promptement quoique le four fût refté ouvert ; enfin ^ ce ne fut que cinq heu- res après que le pain avoit été tiré du four^ que le thermomè- tre placé fur un tamis , & intro- duit à la profondeur où le bras pouvoit atteindre y la liqueur ne s'éleva pas au-deffus de dj degrés. M. de Boifbedeuilpenfa bien que s'il avoit enfoncé davantage le thermomètre dans le four ^ il Z iv 272 HisT. d'un Insecte auroit monté plus haut ; maïs comme il commencoit à être tard , il fît ranger dans le four , fix grands facs^ après quoi le four fut fermé y & le grain n'en fut retiré qu'au bout de douze heures. Alors^pour connoître en ce moment quelle étoit la cha- leur du four ^ il fit mettre fon thermomètre fur le tamis , ôc le fit enfoncer prefque jufqu'au fond du four qu'il fit refermer : au bout d'une heure? M. de Boifbedeuil futtrès-furpris de le trouver à ^y degrés^ c'eft-à-dire, à deux degrés plus haut qu il n'étoit à l'entrée du four treize heures auparavant. M. de Boifbedeuil fit remet- tre dans le même four ^ fans le chauffer^ fix autres facs de grain; on les retira au bout de neuf heures : le thermomètre ayant refté au fond du four pendant une heure ^ la Hqueur étoit montée DE l'AnGOUMOIS. 273 à J3 degrés ; mais alors la cha- leur étoit peu confidérable à ren- trée. D'après cette expérience ^ M. de Boifbedeuil fait les réfle- xions fuivantes. 1°^ Il y a à craindre que ceux qui mettent leurs grains dans le four ^ deux heures après que le pain en a été tiré , ne le faflent griller au point de ne pouvoir faire de bon pain. Nous en avons mis a ço degrés^ & nous ïi avons vu des marques de grillé y qu aux endroits où le grain touchoh les carreaux ou les briques du pourtour, 2,^ y La chaleur du four fe trou- vant fi différente à l'entrée & au fond, il fenible néceffaire de déterminer à quelle profondeur on doit placer le thermomètre pour connoître le degré de cha- leur d'un four. V expérience de M* de Boipe- deuil prouve quil n^eji point né* :274 HisT. d'un Insecte cejfaire d'établir y avec tant de pré* cifeon y cette chaleur y puifque fort grain qui en a fouffert une fi iné- gale y ne S ejl point trouvé gâté. JVéanmoins quand nous avons voulu éprouver la chaleur des fours y nous avons placé le thermomètre au cem tre y & élevé fur un boi£eaUy<& nous avons eu encore foin d'enfer* mer f entrée y parce que par cette précaution la chaleur devient plus uniforme dans toute {étendue du four. 3°, Il faudroît exprimer le temps que le thermomètre doit refter dans le four ^ pour con- noître le degré de chaleur Cela nefl pas douteux ; car pouf bien connottre la température de l'air dans un lieu donné , je crois qu il faut que le thermomètre y fe-^ journe au moins une demi-heure. 4^5 II feroit bon de mefurer & de pefer le grain avant de le mettre au four y & après l'en DE l'AnGOUMOIS. 27J avoir tiré ^ pour connoître de combien il diminue , foit en poids ^ foit en mefure ; ce qui doit être intéreffant tant pour le Vendeur que pour l'Acqué- reur. Cette diminution nejl qu imagi- naire y put/que ce nejî que de l^eau qui s échappe : la Jubftance fari- neufe fubjljîant toujours ^ elle boit d'autant plus d'eau dans le pétrin quelle en a plus perdu à l'étuve. On a vu ci-devant que cette atten- tion a été obfervée dans une des ex- périences de AI, de Taponnat : nous l'avons Joigne u/ement pri/e dans les expériences que nous avons faites avec notre étuve ; <& les Boulan^ gers de Petiviers y après avoir re- connu que les grains buvoient beaU" coup d'eau 3 n ont pas héftté de nous les acheter y à proportion plus chers. Il e[î vrai que les Seigneurs qui ont des redevances en grains ^devr oient ^ en bonne jujlice ^ tenir compte de ce 'b.'jG HisT. d'un Insecte déchet à leurs Tenanciers ; m m s après tout ne confidérant que le payfan , il eji fenjible quil doit préférer de perdre y far exemple , un vingt- cinquième quil donne de trop àjon Seigneur, que de fuppor- ter le quart y le tiers , la moitié ei^ même plus de déchet que lui font éprouver les infeâfes. 5°, Enfin M. de Boiitedeuil demande qu'on s'affure fi Ton peut faire de bon pain avec du grain qui a éprouvé dans le four une chaleur de 60 degrés. Outre que j'ai éprouvé nom- bre de fois ce fait avec mon étu- ve y on l'a éprouvé ^ comme je l'ai dit^ en Angoumois, non-feu- lement avec du grain étuvé à 60 degrés , mais encore avec du grain étuvé à 80 ^ à po de- grés ^ &L même plus. Le pain qu'on en fera fera bon ^ fi l'on a foin de bien vanner le grain pour ôter tous les grains qui DE l'AnGOUMOIS. 277 contiennent des infedes ; de laver le grain avant de l'envoyer au moulin ^ ôc de faire le levain un peu ample ^ parce que cette pâte levé un peu moins que celle faite avec du grain qui n'a pas été étuvé : il en eft de cela comme des grains fort vieux avec lefquels on fait néanmoins de bon pain, Art. III. Expérience de M. de Mon^ talemhert de Cers , Major de la Ci- tadelle d^ AngouUme ^ ^ de la Société a Agriculture de la même Ville, Pour reconnoître fi l'on pou- voit pafler au four du grain qu'on deftinoit pour les femences , M. de Cers fit mettre 1200 pefant de froment dans un de ks fours; ôc 800 pefant dans un autre : le premier de ces fours eft de gran- deur à pouvoir tenir le pain que fournilTent 200 livres de farine , ^^ l'autre feulement 150 dans le 2'jS HisT. d'un Insecte grand ; le thermomètre marquoît 72 degrés, ôc dans l'autre S^. C'efl: à ce point que Ton mit les grains dans le four : ils y reliè- rent 48 heures : au bout de ce temps le thermomètre marquoit dans le grand four 2 j degrés , ÔC dans le petit 26. M. de Gers fe- ma y G grains fortis de chacun de ces fours ; il en leva 43 dans une rangée, & 44 dans l'autre. Il fît tremper dans l'eau pendant 24 heures , 5*0 grains qui étoient fortis de chacun de ces fours : les ayant enfuite femés , ils le- vèrent tous à l'exception d'un feul. M. de Gers remarque que, comme il ne faut pas un auffi grand degré de chaleur pour tuer les chenilles , on peut compter que du grain qui auroit été mis dans un four une heure après qu'on en aura tiré le pain , ou dans lequel on aura brûlé trois fagots ^ fera en état de germer^^ DE l'AnGOUMOîS. 27P même en ne le mettant pas au- paravant tremper dans Teau. Il n'en feroit pas de même ^ ajoute M. de Gers ^ fi Ton expofoit à une aufïî grande chaleur une pe* tite quantité de grains ; car une groffe maffe tempère confidéra^ blement la chaleur du four. M, de Gers croit qu'on remédie au tort qu'une trop grande chaleur fait aux germes , en mettant les grains tremper dans Teau. Je dirai à cette occafion qu'ayant fortement fait chauffer du grain dans mon étuve, pour détruire les germes , ce grain fut trois femaines en terre fans fe montrer; mais dans le temps que je le croyois perdu ^ je le vis le- ver prefque tout^ quelques-uns plutôt ôc d'autres plus tard : il eft probable que fi je les avois mis tremper dans l'eau ^ ils fe feroient montrés plus promp* tement. 28o HisT. d'un Insecte Cette expérience m'a fait connoître que les grains peuvent fupporter un grand degré de cha- leur fans que les germes foient endommagés : ce fait eft bien établi par l'expérience que je vais rapporter. Un Métayer de M. de Cers mit dans fon four ^ auffîtôt que le pain en fut tiré y du blé barbu; & comme fon intention n'étoit que de le préferver des infeâes, il ne s'embarrafTa pas à quel de- gré la chaleur de fon four étoit portée. Un de fes voifms défi- lant femer de ce grain ^ il lui en demanda à acheter ^ le Mé- tayer le prévint que ce grain avoit été paffé au four ; cette circonftance n'arrêta pas l'Ac- quéreur ; il fema ce grain qui leva, & qui dans la fuite fe mon- tra aufli beau que les autres qui n'avoient pas paffé par le four, M. de Gers defiroit CQnnoître a DE l'AnGOÙMOIS. 281 à quel degré de chaleur les pa- pillons périroient ; mais comme il étoit difficile de connoître ce quife paffoit au centre d'un gros tas de grain ^ il imagina de faire faire un tuyau de tôle de cinq pieds de longueur & de trois pouces de diamètre , dans la vue de le placer dans le tas de grain pour former un vuide dans lequel il pût introduire un thermomètre & auffi les infedes qu il vouloit faire périr. Le four ayant été chauffé & bien balayé , il y fit met- tre 25*00 pefant de froment. Quand la moitié de ce grain fut jettée dans le four , il fit unir le tas avec un râteau ; il plaça au-- deffus le tuyau de tôle /& fit mettre le relie du grain dans le four, dont la chaleur étoit alors de Sy degrés. Il introduifit dans le tuyau un gobelet de verre , dans lequel il y avoit une cen- Aa 2.22 HisT. d'un Insecte taine de grains de froment, ôc dix papillons. Ce gobelet étoit recouvert d'un papier percé de plufieurs trous d'épingles, ôc at- taché au bout d une baguette pour avoir la commodité de le retirer commodément toutes les fois qu'on voudroit obferver en quel état étoient ces papillons. Il introduifit encore dans ce même tuyau un thermomètre attaché pareillement à une ba- guette. Tout étant amfi arrangé, ôc le four fermé à neuf heures du matin ; à dix heures , le ther- momètre fe trouva à 1 8 degrés ; à onze heures, à 187; à midi, à ip 7; à une heure ^ à 20 de- grés ; à deux heures dix minu- tes , à 21 7 ; à trois heures, 21 I ; à quatre heures , 23 de- grés ; à cinq heures , 24 ; à fix heures , 2 y ; à fept heures , 2 y | ; à huit heures , 2^ ; à 5) heures , 27 y à cinq heures du matin ^ DE l'AnGOUMOîS. 283 2p ^y^ fept heures ôc demi ^50; à dix heures cinquante minutes y 30 1 ; à midi trois quarts, 31 ; à quatre heures ôc demie , ? i f ? à fept heures dix minutes , 3 i 7 > à neuf heures cinquante minu- tes , 3 3 ; à cinq heures du ma- tin ^ 3 3 f. A onze heures , voyant que la chaleur avoit commencé à baiffer , on tira le thermomè- tre du tuyau , & on le pofa fur le grain où la chaleur fe trouva la même que dans le tuyau. En- fin on tira le grain du four. On voit par cette expérience qu'il a fallu 49 heures pour que la chaleur du four pût pé- nétrer jufqu'au centre de la maffe de ce grain : à l'égard des papillons qui étoient dans le gobelet, ils fe trouvèrent tous morts. Ayant jette dans l'eau une trentaine des grains du gobelet , un fcul grain furnagea , parce A a ij 284 HisT. d'un Insecte qu'il contenoit une chryfaliae morte : ainfi une chaleur de 33 degrés a été fuffifante pour tuer les papillons & les chry- falides. Nous avons donc eu raifon de dire qu'il étoit plus avantageux de continuer long- temps une chaleur médiocre , que de faire éprouver au grain une chaleur vive ôc de peu de durée. M. de Gers fit femer trente grains de froment tirés du go- belet 5 mais qu'on n'avoit point mis tremper dans l'eau ; 30 du même grain qui y avoient trempé vingt- quatre heures , ôc 30 grains de ceux qui avoient touché immédiatement aux pa^ rois extérieurs du tuyau. Tous ces grains levèrent très-bien; ôc il n'obferva que cette diffé- rence , favoir ^ que ceux qui avoient trempé dans l'eau, a- voient levé les premiers. DE l'AnGOUxMOîS. 285- Il n'a voit pu coiinoître pré- cifément à quel degré de cha- leur les papillons avoient péri : car comme le gobelet s'étoit détaché de la baguette qui de- voit fervir à le retirer , il n'a- voit pu le vifiter avant la fin de fon expérience ^ où il trouva tous les papillons morts. Ceft ce qui le détermina à recom- mencer la même expérience avec ayoo livres de baillarge ou orge qu'il fit mettre dans un. four échauffé à 80 degrés. A quatre heures du foir ^ la tem- pérature de l'air du tuyau étant de 22 degrés ^ il y mit le gobe- let , dans lequel il avoit renfer- mé des papillons & des charan- fons. A cinq heures jo minu- tes^ le thermomètre marquoit 24 degrés : les infeâes fe por- toient bien. A fix heures 5*0 minutes , le thermomètre étoit à 20 degrés f : tous les papii- 28(^ HisT. d'un Insecte Ions étoient vivants. A p heures trois quarts , 2j 7 degrés : tous les papillons encore vivants. A quatre heures & demie du ma- tin , 52 degrés : tous les papil- lons encore vivants. A cinq heu- res & demie ,35 degrés : deux papillons morts ; tous les cha- ranfons en vie. A huit heures ^ 54 degrés : il n'y avoit de morts que les deux papillons ci-deffus, A dix heures, 3 (5 degrés : qua- tre papillons morts. A dix heu- res 5 3(5 degrés : les infeâes dans le même état. A quatre heures ôc demie du matin : tout dans le même état. A fix heures trois quarts , 40 degrés : pref- que tous les papillons morts. A neuf heures & demie , 41 de- grés : les feuls papillons morts. À cinq heures du matin , 42 ^ degrés : les charanfons morts. Ainfi 5 il n'a fallu que trente- fept heures pour tuer les infec- DE l'AnGOUMOIS. 287 tes. Comme la baillarge eft plus groffe que le froment^ les grains laiffent plus d'erpace entr'eux , ôc la chaleur avoit probable- ment pénétré plus promptement jufqu'au tuyau : ces grains ont bien germé. M. de Gers a voulu faire une troifieme expérience. Pourcela, il fit mettre à cinq heures du foir , 1400 livres de froment dans un four^ dont la chaleur étoit à 9 6" degrés; il attendit à placer le thermomètre dans le tuyau ^ que cette chaleur fut ré- duite à 7*5 degrés , ce qui ne fut qu'une heure après. Alors il fit mettre dans le même tuyau deux gobelets , l'un defquels renfermoit des charanfons , & l'autre des papillons : il les fé- para ainfi, parce qu'il avoit re- marqué que les charanfons qui s'agitoient beaucoup^ fatiguoient les papillons. A neuf heures ôc 588 HîST. d'un Insecte demie du foir ^ le thermomètre marquoit 24 degrés : à cinq heu- res ôc demie du matin ^ 32 : à huit heures ^ 34 j- : les infettes étoient alors tous vivants ; les charanfons paroiffoient étour- dis ; mais après les avoir laiffé quelque temps expofés à Tair , ils fe rétablirent. On les remit dans le tuyau : à une heure ^ à 35 T degrés , les infeâes étoient tous en vie : à neuf heures trois quarts , à 40 degrés , tous les infeâes étoient morts. La cha- leur avoit pénétré plus prompte- ment dans le tuyau qu'aux autres expériences , parce que la maffe du grain étoit moins confidéra- ble: M. de Gers ^ après s'être aflii- ré parles expériences précéden- tes du degré de chaleur qui pou- voit faire périr les papillons ôc les charanfons ^ jugea à pro- pos d'étendre fes recherches fur ies DE L AnGOUMOIS. 289 les chenilles & les chryfalides qui font renfermées dans les grains. Pour y parvenir, le 17 Janvier 17(52 , une heure & de- mie après que le pain fut tiré d'un four , il fit mettre environ 1200 pefant de grains à même le four qui avoit été bien net- toyé. La chaleur de ce four étoit alors à 100 degrés. M. de Gers ne voulut pas laiffer refroi- dir ce four , parce qu'il s'étoit apperçu que le grain le refroi- dit beaucoup , fur-tout quand on y en met une quantité confi- dérable , de forte que quand on vient à placer le thermomètre dans le tuyau qu'on a placé dans le grain , il marque la même tem- pérature que l'air de la boulan* gerie. Il mit dans un gobelet de l'orge ôc du froment qui conte- noientdes chryfandes : tout fut difpofé comme dans les expé- Bb 2po HisT. d'un Insecte riences précédentes , excepté qu'on mit , au centre du tas ôc près le tuyau, un facdans lequel il y avoit 200 livres de froment, & dans le milieu de ce fac , un cornet de papier qui contenoit des grains dans lefquels il y avoit des chryfalides. Tout étant ainfi difpofé , on ferma le four à cinq heures ôc demie du foir : à huit heures le thermomètre étoit à 16 degrés. Le lendemain à fept heures du matin , il étoit à 52 : à cinq heures du foir, à 38; à neuf heures ôc demie , à 42 ; le lendemain à huit heures du matin , à 43 ; à fix heures du foir , il étoit defcendu à 42 ; une demi-heure après à 41. La chaleur diminuant ainfi fenfible- ment , on différa jufqu'au len- demain à tirer le grain : à huit heures du matin le thermomè- tre étant à 3 2 degrés ^ les chiyfa- DE lAnGOUMOIS. 2pl lldes étoient mortes ; en ayant mis quelques-unes dans un pe- tit microfcope , avec quelques autres qui n'avoient point paffé au four , celles-ci s'agitoient , au lieu que les autres reftoient immobiles. Pour être encore plus certain que ces chryfalides étoient mortes ^ M. de Gers les conferva pendant un mois ; au bout de ce temps , elles étoient raccornies & feches; au lieu que celles qui n'avoient point paffé par répreuve du four ^ étoient pleines d'humeur ôc feulement engourdies à caufe du froid qu'il faifoit alors : il eft donc bien cer* tain que les chryfalides , foit celles du gobelet 5 foit celles du cornet de papier^étoient mortes. Les grains que M. de Gers avoit fait mettre dans le fac, ont très-bien levé. Ainfi en paf^ fant au four du grain immédia- Bbij 2P2 HisT. d'un Insecte tement après qu'il a été battu ^ une heure ôc demie ou environ •après que le pain en a été tiré , & à peu-près à la quantité qui vient d'être dite ^ fi celui qu'on defline à être femé fe trouve pla- cé dans un fac au milieu de la mafle , on aura du grain exempt d'infefles, & propre à être femé, pourvu qu'on le lailTe au moins ^8 heures dans le four. Quand on chauffera le four exprès pour étuver des grains , il fuffira d'y brûler la moitié moins de fagots qu'on en em- ploie ordinairement pour faire une cuite de pain. On fe rappellera que dans une de nos expériences , la cha- leur du foie il a 4 j degrés ^ a fait périr des papillons qui n'avoient pu fe mettre à l'ombre , 6l que ceux qui avoient pu fe fourer dans les intervalles du grain , DE l'AnCOUMOIS: 3513' en étoient fortis le foir très- vivants. Ici une chaleur un peu moindre^ mais long-temps fou- tenue à un même degré^ les fait périr. Ainfi , comme nous l'a- vons déjà dit plufieurs fois , il ne s'agit pas tant d'expofer le grain à une chaleur très-vive y que de le tenir long-temps dans un degré de chaleur affez forte pour fatiguer les infeâes : c'eft une conféquence que M. de Gers a auffi tirée de fes expé- riences. Il en conclut encore que ^ pour préferver les grains d'être mangés parles infectes ;> il faut les mettre, lorfque la maffe en eft un peu confidérable, dans un four dont la chaleur foit de 80 5 5?o^& même 100 degrés , qui eft celle qu'ont la plupart des fours , deux heu- res après que le pain en a été tiré p & après que le four a été Bbiij ^P4 HisT. d'un Insecte fermé ; & qu'il faut y laiffer le grain au moins deux fois 2^ heures. J'ajouterai à cela que quand, dans le Gâtinois , nous voyons nos grains dévorés par les fauf- fes - teignes ^ nous les faifons toutes périr en les paflant dans notre étuve échauffée à ^y ou 50 degrés : comme le grain ne s'y trouve pas ramaffé en maffe, & qu'il préfente beaucoup de furface à Pair chaud ; il nous fufEt de le lailTer dans Fétuve 24 ou 5 d heures. Art. III. Des Moyens qu'on peut mettre en ufage pour diminuer , ù" peut-être même pour anéantir la race de rinfeBe des Blés» Jufqu'à préfent nous n'avons eu en vue que l'intérêt des par- ticuliers : nous avons fourni aux Cultivateurs des moyens de conferver leurs femences j t)Ë l'AnGOUMOîS. 2pJ & de les mettre à Tabri des infe£les ; de leur donner une préparation qui puiffe les ga- rantir de la maladie qu on nom- me en Angoumois le Pourri y & qui y caufe des ravages très- confidérables. Nous avons four- ni à ceux qui ont fait leurs ré- coltes 5 des moyens de les fouf- traire à la rapine des infe6les* L'indolent qui refufera d'em- ployer ces moyens^ quoiqu'ils n'aient rien de fort embarraffant à pratiquer , fera puni de fa parefTe par la perte prefque to- tale de fes grains , pendant que tout homme aftif ôc vigilant pourra conferver prefque toute fa récolte. En ceci les intérêts font partagés : un payfan peut être ruiné par Tinfeâe , pen- dant que fonvoifin n'en fouf- frira qu'un léger dommage. Ceft là le cas ou il fuffit d'inftruire Bbiv 2Çi6 HisT. d'un Insecte 1 Habitant de ce qu'il doit faire; la récompenfe eft certaine pour celui qui agira ^ & la punition eft inévitable pour celui qui reliera dans Tinadion : l'homme aûif ôc laborieux foufFrira peu de la pareffe ou de rimbéciliité de fes voifms. Mais quand il s'agit de la deftru£tion totale de l'infeâe , c'eft toute autre chofe. Il eft vrai que celui qui parvient à détruire Tinfede dans fes grains , travaille pour la caufe commune ; mais la fé- condité des papillons , eft fi confidérable qu'on ne doit rien efpérer , fi non d'un concours général & unanime. Quand dans un bourg tel que ceux de ChafTe- neuil & de Taponnat , tous les habitants voudroient s'occuper •férieufement de la deftru£lion de l'infefte^ & de la conferva- tion de leurs grains , on enre-, DE l'AnGOUMOIS. 29J tireroit peu d'avantages pour la moiflbn fuivante ^ s'il arri- voit que deux ou trois malheu- reux habitants pouffaffent la né- gligence jufqu'au point d'a- bandonner aux infedtes quel- ques boiffeaux de froment & de baillarge ; il en fortira de leurs greniers des nuées de papillons qui fe répandront dans les champs , ôc iront infe£ter de leurs œufs tous les épis des environs. Comme on ne peut pas efpérer que nos incitations puifTent engager tous les Ha- bitants à concourir fans réfer- ve au bien général , ctû ici le cas où il eft néceffaire que la Police s'en occupe , pour punir tout parefTcux ou tout entêté qui ) en négligeant les opéra- tions néceffaires pour préferver fon propre bien, occafionneroit par-iàla ruine defes voifins. 2^8 HisT. d'un Insecte Nous ne prérendons pas en-» trer dans les détails de la Po- lice qu'il conviendroit d'éta-* blir pour exciter ce concours. M.Turgot 5 Intendant de la Pro- vince ^ qui joint à des connoif- fances fupérieures un amour pour le bien public ^ qui n'a point de bornes , eft bien plus en état que nous de prendre fur ce point le meilleur parti poffi- blernous nous contenterons de faire remarquer que la deftruc- tion totale de Tinfeûe n'exige pas autant de précipitation que la confervation des grains récol- tés ; ôc comme il eft bien prou- vé que les papillons ne forter.t des greniers que vers la fin de Mai , on a fept ou huit mois de temps pour faire pafTer les grains par le four , & empêcher par ce moyen la difperfion des papillons. Il feroit à defirer^tant DE l'Angoumois. ^pp pour la confervation des grains récoltés ^ que pour empêcher qu'on ne portât des papillons ihors la Province ^ que tous les grains fuffent chauftburés , & renfermés dans un lieu clos , avant la fin de Septembre ; on ne peut trop exhorter les Ha- bitants à le faire ; mais fi-tôt que le mois d'Avril fera venu ^ il faudra ufer de rigueur^ faire des vifites exactes dans tous les greniers , obliger les Parti- culiers de faire chauffourer les plus petits tas de froment ^ de îeigle y d'orge y de baillarge ôc de Méture ; car c'eft le feul moyen de prévenir la difperfion des papillons. Comme il efl prouvé qu'il peut fortir des papillons de terre ^ il feroit à defirer que les mêmes grains qu'on fe propofe de fe- mer au printemps eulTent pafTé 300 HisT. d'un Insecte par une leflîve dès l'automne , & qu'ils euflent été confervés fous la cendre. Pour ôter toute excufe aux pauvres & aux parefleux ^ il fe- roit à defirer qu'on pût établir de grands fours dans les prin- cipaux lieux 5 pour y étuver les grains au meilleur marché poffi- ble , ôc même gratis. En fuppofantque le concours que nous defirons fût établi , il ne faudroit cependant pas fe flatter que la race des papillons pût être détruite dès la premiè- re année : il feroit téméraire de croire qu'aucun papillon eût pu échapper aux précautions que Ton au^oit prifes pour les anéan- tir ; mais on devroit du moins être bien content fi on s'apper- cevoltdéja d^une diminution fen- fible ; car en ce cas , on auroit lieu d'efpérer qu'en y apportant DE l'AnGOUMOIS. 501 la même attention pendant plu- fieurs années , on n'en verroit prefque plus paroître. Un article qu'il ne faudroit pas négliger , feroit de défendre de femer les mélanges de grains qu'on nomme des Métures ; par- ce que j comme dans ces fortes de grains mélangés^ il y en a quelques-uns qui ne font point attaqués par les infe£tes ^ les Payfans refufent de les paffer au four y fous prétexte que la chaleur pourroit endommager quelques-unes des efpeces de grains qui entrent dans ce mé- lange. Si m.algré ladéfenfe, on femoit des mélanges de diffé- rents grains , il les faudroit faire paffer au four ^ quand même le blé d'Efpagne en devroit fouf- frir quelque déchet. Il y a encore un article bien important ^ ôc qui intéreffe éga- 302 HisT. d'un Insecte lement MM. les Intendants de Limoge 5 de Potiers ôc de la Rochelle ; c'eft de prendre les plus fages & les plus efficaces précautions pour empêcher le tranfport des grains infeftés dans les Provinces qui n'éprouvent point ce fléau , à moins qu'on ne fût certain qu'ils auroient été bien étuvés. DE l'AnGOUMOîS. 305 ffraiWBiiirni ADDITION, V'UOiQUE nous ayons affez rafTuré par des expériences exac- tes ceux qui craignent de paf- fer au four leurs grains de femence ; comme il y a dans l'Angoumois une prévention fur ce point qui pourroit être dan- gereufe, il eft bon qu'on fâche que M. de Taponnat nous a écrit le 21 Mai 1752 ^ que les feigles auxquels il a fait éprouver 75* degrés de chaleur dans fon four, étoient au temps qu'il m'é- crivoit, très-bien épiés; & que les froments étuvés au même de- gré font aâuellement très-beaux, M. de Montalembert de Gers m'a écrit d'Angoulême le i^ Mai, que voulant mettre fin aux objedions qu'on ne ceffe de faire 304 HisT. d'un Insecte fur la réuffite des grains qu'on feme après les avoir paffé au four^ il fit femer au mois de Mars dernier du haillargeat qui eft un mélange moitié de froment ôc moitié baillarge , qui avoit été mis au four pendant quaran- te-huit heures ^une heure après que le pain en avoit été tiré ; ôc qu'il avoit fait femer^ dans un champ contigu ^ pareille quan - tité des mêmes grains qui n'a- yoientpas paffé au four: que ces deux champs étoient très-beaux, ôc tellement femblables que per- fonne ne pouvoir diftinguer ce- lui qui avoit été chaufouré ^ de l'autre. Le même M. de Cer$ ajoute que tous fes payfans en font étonnés. Quant à moi ^ je n'en fuis nullement furpris ^ puif- que j'ai vu lever du froment qui avoit éprouvé dans mon étuve 5PO degrés de chaleur ^ & qui y étoit refté 24 heures. M. DE L AnGOUMOIS. ^ 30; M. de Montalembert ajoute qu'un homme lui a dit qu'en abat- tant cet hiver un frêne creux , il y avoit trouvé environ deux poignées de ces papillons qui pondent furies grains. Cette ob- fervation meparoît d'autant plus fmguliere que ni M. Tillet ni moi n'avons vu les papillons de cette efpece que nous renfer- mions dans des boîtes y vivre plus d'un mois : je ne ferois pas îurpris qu'au printemps , lorf- qu'il furvient du froid^après que les papillons font fortis , il ne s'en renfermât une quantité dans des lieux chauds pour n'en for- tir que lorfque la chah^ur fe fe- roit fentir ; mais qu'ils y paflent tout un hiver ^ c'eft ce oui ne paroît gueres vraifemblab!e : quoi qu'il en foit ^ nous n'avons pas cru devoir cacher ce fa't , afin que de bons Cbfervateurs cifayent de le vérifier. C c '^o6 HisT. d'un Insecte Je fuis bien aife d'avertir que l'Armurier de TAngoumois donc j'ai parlé , & qui a imaginé de couvrir de cendre fes grains ^ s'appelle Grelier , ôc qu'il demeu- re au village du Puits- de-Lanau, Paroiffe de Rivière. Le moyen fimple qu'il a imaginé ^ nous pa- roiffant bon , il nous a femblé jufte de faire connoître à qui ou en a l'obligation^ DE l'AnGOUMOIS* 307 ftMBMM EXPLICATION DES FIGURES. PLAiVCHE I. J^ I Gu R E I. Epi de blë barbu fur lequel font pofés des papillons. Fïg, 2. Chenille nouvellement éclo- fe & qui pend à un fil de foie très-fin» Cela arrive rarement. Fïg, 3. Balle de froment dans fa grandeur naturelle: on apperçoit def« fus quelques œufs de papillons. Vïg, 4.. La même balle très-groflie au microfcope ', a ,\d. balle ; h , quatre oeufs. Fig. y. Traînée d'œufs , dans la po- fition où les papillons femelles les jet- tent quelquefois. Fig. 6, Les mêmes œufs grofîis au îTiicrofcope : les œufs marqués a font pleins ; les chenilles font forties des œufs marqués b. Ce ij 3o8 HisT. d'un Imsecte Fig. 7. Gros tas d'œufs : en b , on apperçoit la chenille au travers des membranes de l'œuf ; en c , les chenil- les font forties , & on voit les œufs qui font ouverts. Fig, 8. Chenille repliée dans l'œuf: fa tête répond environ à la moitié de la longueur de l'œuf. Fig. 5?. Quand la chenille efl fur le point de fortir de l'œuf ^ elle change de pofîtion ; fa tête s'approche de l'ex- trémité de l'œuf , & fa queue fe re- tire ! alors elle déchire avec fes dents la membrane de l'œuf. Fig. 10. Chenille qui a déchire l'extrémité de l'œuf, & qui en fort.. Fig. II. Chenille nouvellement fortie de l'œuf : elle efl ici repréfen- tée plus groile que le naturel , & pref- que de la groifeur qu'elle a lorfqu'elk eft fur le point de fe métaraorphofer en chryfalider Fig. 12. La même chenille groflie au microfcope. Fig. 13. Un gros grain de froment dans la rainure duquel on voit une chenille qui brife le fon pour s'intro- duire au-dedans de ce grain^ DE L AnGOUMOIS. 305? Fig. 1 ^. Le même gram grofîi au microlcope: a a , h rainure : on voit entre b h une jeune chenille qui après avoir brife le fon , & filé une gaze de foie bien fine , va entrer dans le grain. Fig, ij. La chenille étant entrée dans le grain , on n'apperçoit plus à l'extérieur qu'un très-petit tas de fon dans la rainure. Fig, 16. On voit dans cette figure comment les chenilles entrent ordinai- rement dans les grains d'orge : h , par- tie de la barbe de ce grain : e , chenille qui s'introduit par une ouverture qui fe trouve entre la barbe & les appen- dices d d, Fig. 17. dd , appendices déchirés, qui font vOir comment la chenille enta- me la partie farineufe du grain. PLANCHE IL Fi^. 1 8. Chenille convertie en chry- falide , à peu près dans fa grofléur na- turelle. Fig, iç, 20,21, 22, 23. La même chryfalide vue au microfcope à différents âges & en différentes pofi.» tîons. 310 HisT. d'un Insecte Fig. 24. Chenille parvenue à la moi •• lié de fa groiîeur , & reprélentée dans un grain de froment coupé par la moi- tié : a b y le grain de froment; c , la chenille; d, une portion de la fubflan- ce farineufe qui n'a point encore été mangée par la chenille ; e , les gros excréments moulés que la chenille inange après avoir confommé toute la fubflance farineufe. Fig, 25". Les gros excréments vus à part : ils reffemblent à des œufs. Fig, 26. Une chryfalide renfermée dans un grain. Fig. 27. Chryfalide dans un grain defroment grofli au micorfcope : on voit que ce grain eft divifé fuivant fa longueur û b , par une cloifon que la chenille a filée avant de fe méramor- phofer. Cette cloifon partage l'intérieur du grain en deux loges d'inégale gran- deur : la chryfalide fe place dans la plus grande & l'autre ne paroît conte- îîir que des excréments bruns , & non moulés comme ceux de la figure 2|. Fig. 28. Un grain de froment où l'on apperçoit une petite tache vers ^: c'eft une trappe que la chenille forme DE l'AnGOUMOÏS. 511 à l'enveloppe ou fon du grain , avant de fe métamorphofer en chryfalide j pour faciliter la fortie du papillon ; parce qu'en état de papillon , elle eft dépourvue d'organes propres à former une pareille ouverture. Fig, 2^, Grain où l'on voit la petite trappe ouverte. Fig. 30. Le papillon repréfenté un peu plus en grand que le naturel. Fig. 3 I . Le même papillon confi- dérablement grolîî. F/g. 32. La têre du papillon vue par derrière & coniidérablement grof- lie. Fig, ^^. 'L2i même tête vue par- devant. Fig, 34. La même vue par le côté Fig, 35". Ce papillon eil pourvu de quatre ailes : la figure 35* repréfenté une des ailes de deifus qui eft form^ée d'une membrane ( Jig 3 6 ) fur laquelle font attachées des plumes de différen- tes formes, (/g. 38 ). Fig, 35. Membrane de l'aile d'un papillon à laquelle font attachées les plumes. Fig, 37, Une des ailes de deffous 512 HisT. d'un Insecte formées par quelques tuyaux chargés d'une grande quantité de longs poils, Fig. 38. Plumes & filets qui cou- vrent les ailes des papillons. Fig. 3^. Une des Antennes du pa- pillon fort groflie , pour faire voir fes articulations. Fig. 40. Une barbe pareillement grolîie : elle cil également formée de grains articules les uns avec les autres. Fig, 41. Pattes du papillon. Fig. 4-2. Un tas de grains de Froment liés enfemble par la foie, filée par une faufl'e-teigne : on voit dans le milieu cette fauiTe - teigne qui fort de fon tuyau. Fig. 43. Fa uffe -teigne. Fig. 44. Papillon de la fauffe-tei- gne. PLANCHE I 1 L Fig. I. CaiiTe vitrée dans laquelle font renfermés des pieds de froment fubfifiants en terre , & ou l'on a intro- duit quantité de papillons pour pou- voir obferver commodément leurs manœuvres. Fig. 2. "DE l'AnGOUMOïS. 515' Fig, 2. Vafe de cryftal fermé d'une tnoufleline par en bas, dans lequel on a fait entrer des épis foit de froment, foit d'avoine , avec des papillons, pour le même objet que deffus* Fig, 5. Boîte enfoncée en partie dans le terrein & recouverte d'un carreau de verre , employée pour reconnoître fi les papillons pouvoient fortir de ia terre» La Figure 4. qui repréfente la gueu- ïe d^un four , fait voir comment oa peut rélargir au moyen des parpins de pierre a, a , qu'on peut ôter & remettre pour faire entrer dans ie four la claie (j%. y ). Fig. 5*. Bâti d'une claie repréfen- tée en petit: les côtés a^a font des planches qui forment en deflbus le bateau pour qu'elles n'arrachent point les carreaux du four :h yh ^ font des %raverfes ou paumelles entre lefquelles on enlace l'ofier ; on étend par-def^ las une grofife toile avant de chargei; cette claie de grain. Fig, 6. Plan d'un grand four : aaaaç,- jsturs du four > ^ ^ , Tintérieur du four y 314 HisT. d'un Insecte^ &c* dont l'aire efl: carrelée j c c , claie. Au-* defllis de l'endroit marqué A , on pra- tique à la voûte du four un Oiiras , c'efl-à-dire, une ouverture pour ani- mer le feu 5 & que l'on ferme ^uandl le four efl affez chaud. FIN. Extrait des Regijlres de PAcadéi mie Royale des Sciences* Du 10 Juillet T75z, JVl ESSTEURS de Juiïieu & Brîïïbn qaî avoient été nommés pour examiner un Ou- vrage de M. Duhamel , qui a pour titre s Hîjhire d'un InfeCie qui dévore les Gramf de V Angoumots , avec les moyens qti'oji -petu employer -pour le détruire , en ayant fait leut rapport, rAcadémie a jugé cet Ouvrage di- gne de rimpreffion ; en foi de quoi j'ai ligné le préfent Certificat. A Paris Je lo Juillet GRAND JEAN DE FOUCHY,, Secrétaire ;perp, de l'Acad, R* desScîencçs^ L PRIVILEGE DU R 0 î. ouïs, par la grâce de Dieu , Roi de France & cîâr Navarre : à nos amés & féaux Conleillers , les Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel , Grand - Conleil , Prévôt de Paris , Baillifs y Sénéchaux , leurs Lieutenans Civils , & autres nos Julti- ciers qu'il appartiendra , Salut. Nos bien amés le3 Mlmbres de l'Académie Royale des Sciences de notre bonne Ville de Paris , nous ont fait expofer qu'ils auroient befoin de nos Lettres de Privilège pour Pim- prefîîon de leurs Ouvrages : A ces causes , voulant favo- rablement traiter les Expofans , Nous leur avons permis & permettons par ces Préfentes de faire imprimer par tel Im- primeur qu'ils voudront choiiir , toutes les Recherches ouf Obfervations journalières , ou Relations annuelles de tout ce qui aura été fait dans les Aïïemblées de ladite Académie Royale des Sciences , les Ouvrages , Mémoires ou Traités de chacun des Particuliers qui la compolent , & généra- Jement tout ce que ladite Académie voudra faire paroître y après avoir fait examiner lefdits Ouvrages , & jugé qu'ils font dignes de l'imprcflion , en tels volumes , forme, marge^^ caractères , conjointement ou féparément , & autant de fois que bon leur femblera , & de les faire vendre & débiter par tout notre Royaume , pentîant le tems de vingt années GOnfécutives à com ter du jour de la date des Préfentes j fans toutefois qu'à roccafion des Ouvrages ci-defTus Ipéci-» fiés il en puifle être imprimé d'autres qui ne foicnt pas de ladite Académie : Failbns défenfes à toutes fortes de per- fonnes, de quelque qualité & condition qu'elles foienr y d'en introduire d'impreflîon étrangère dans aucun lieu de notre obéilTance ; comme aufli à tous Libraires & Impri- meurs d'imprimer ou faire imprimer , vendre , fliire vendre & débiter lefdits Ouvrages , en tout ou en partie , & d'en faire aucunes tradudions ou extraits , fous quelque prétexte que ce puifle être , fans la permifîîon exprefie & par écrir dcfdits Expoians , ou de ceux qui auront droit d'eux , à peine de confifcation des Exemplaires contrefaits , de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevcnans ; dont un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel -Dieu de Pariî , & l'autre tiers auxdits ExpofanSjOu à celui qui aura droit d'eux j. & de tous dépens , dommages & intérêt» ; à la charge que ces Prélentes feront enregiftrées tout au long fur le Registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris-, iiAnt trois mois de la date d'icelle« ; que rimprefllon defdîfS Ouvrages fera faite dans notre Royaume , & no fî ailleurs , en bon papier & beaux caraderes , conformément ais ^eglëmens de la Librairie ; qifavantdeles expofer en vente, les Manufcrits ou Imprimés qui auront fervi de copie à Timprcffion defdits Ouvrages feront remis es mains de notre très-cher & féal Chevalier le fîeur Daguessxau , Chan* celier de France , Commandeur de nos Ordres ; & qu^il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique ,"■ un en celle de notre Château du Louvre , & un en celle de notredit très -cher & féal Chevalier le fieut Daguesseau , Chancelier de France, le tout à peine de nullité defdites Préfentes : du contenu defquelles voui mandons & enjoignons de faire jouir lefdits Expofans & leurs ayans caufe pleinement & paiflblement fans fouffrif qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des Prefentes , qui fera imprimée tout au long^, au commencement ou à la fin defdits Ouvrages , foit tenu', pour duemcnt fignifiée , & qu'eaux copies collationnées pai l'un de nosamés , féaux Confeillers& Secrétaires , foi foi ajoutée comme àPOriginal. Commandons au premier notre Pluiffier ou Sergent fur ce requis , de faire pour Texécutior d'icelles , tous aftes requis & nécefîaircs , fans demande autre permilHon , nonob fiant Clameur de Haro, Chartt Normande , & Lettres à ce contraires : Car tel eft notre plaifir. Donne' à Paris le dix-neuvieme jour du mois d( Février , Pan de grâce T)îil lept cens cinquante ^ & de notr Règne le trente-cinquième. Par le Roi en fon Confeil MOL. "Regijïrê par le Regîjlre XI L de la Chambre Royale iy S^yndicale des Libraires ^ Imprimeurs de Farts , N. 430» Fol. ^09. conformément au Règlement de ij2^ qtti fait dé' fenfes , article 4, à tontes perfonnes , de quelque qualité ^ condition qu'elles foient , a'Xtres que les Libraires Gj* Im» frimeurs de vendre , débiter (?* faire afficher aucuns Li- "vres pojir les vendre , foit qu'ils s^en difent les yiuicun en autrement \ à la charge defour^Jr à la fufdttc Chambra huit Exemplaires de chacun , prefcrits par Part. io8. dv mimt Ré^Umçttt, ji Paris , le ^ /«i» 1750. Signé , LE GRAS , Syndic» INSERT FOLDOUT HERE ■ ■^-> YV'- '^-''' '>^■«■'^*'''.v■