RE Ces LA qu re : , UE - ON TR RUE. D'ÉR = te ant ere no 5 LE “LÉ » NPA TT , à . L À À | 4 oi “ Apt rat DNS LL CONSELPESS Na A | L PATRON: v # ° lis #, ‘0 AT EU à CENTRE STI ne Vans ne  ur PER HISTOIRE MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE DPEPSNS CNE N CES: INSCRIPTIONS ET BELLES LETTRES DES T OMUL'O ULS'E: LOMME WOQUrA/TIRITEMNE. ANMENONU IL: OUI SNE,, De l'Imprimerie de D. DescLassan , Maître-ès-Arts , près la Place Royale. A TouLouse , chez MANAVIT, Libraire de MONSIEUR , Et fe nd frere du Roi, rue Saint- Rome. À Paris chez CRaparT, Libraire, place Saint-Michel. € MA ÉDICIC XI. armes LT ER TA HIS À € = k SAT n RE < re CHAQUE Volume fe vend féparément. nana (ET P'OFU) R 1 EVEMIDSAT OVRUR'E. Creme furvenus dans la lifle des Académictens depuis l'impreffion du troifieme volume , page L°re. Nécrologie ou Eloges des Académiciens morts depuis 1788, 8. Eloge de M. de Marcorelle à par M. Caflilhon , Secrétatre- Perpétuel , ibid. Eloge de M. Foulquier, par M. de Lapeyroufe , 10. Eloge du Maréchal de Richelieu, par M. Caflilhon , 18. Eloge du Maréchal de Biron, par le même, 21, D AIR BP NEANNE POUR LES MÉMOIRES. Hhorrox d'un nivellement fair dans les Pyrenées pendant les mois de Juiliet & d'Aoïût 1787, par MM. Vipaz & REBOUL, page 1. MÉMOIRE HISTORIQUE fur l'Inquifition de Toutoufe ; au fujet de quelques regiftres originaux de ce Tribunal du treizieme fiecle , au moyen defquels on établir des faits n- connus aux Hifloriens , par M. l'Abbé MaAcr, 14e RECHERCHES HISTORIQUES fur l'Inguifition de Tou- loufe , parle P. SERMET , 44e DE LA CRISTALLISATION de l'acide muriatique oxigené, par M. H. ResoUz, $7- OBSERVATIONS fur une médaille grecque de Caius Vibius Sabinianus Gallus, par M. DE MONTÉGUT , 61. DESCRIPTION d'un météore fingulier, par M. D'ARBAS;,. Correfpondant , 7e DISsERTATION fur cette queftion : Démoflhene a-t-il recu en préfent d'Harpalus , vingt talens € une coupe d'or ? par M. GEZ, 80. LACTATION furvenue à une femme âgée de 75 ans, par M. MASsARS, 94 OBSERVATIONS [ur différens objets, par M. R1cAL, Cor- refpondant , 97: MÉMOIRE [ur un coup de tonnerre qui a éclaté dans l'Eglife de Saint Nicolas de Touloufe, au Faubouro Sarnt- Cyprien , par M. l'Abbe MARTIN , 100. RECHERCHES fur les organes du chant dans les Cygnes , par M. de LAPEYROUSE, 109. TA" B'INE RECHERCHES hifloriques fur cette gueflion : la Noëblefe chez les Grecs formoit-elle dans l'État ‘un Corps de ci- toyens , difliné & [éparé ? par M. FzoRET : 125: SUR Les Jignes de la fraëure du col du fémur, € fur lac- t'on des mufcles quadrijumeaux dans cette maladie, ainfi que dans la luxation de cet os en arriere & en haut , par M. MESPLET , Correfpondant , 146. DISSERTATION fur la Municipalité de Touloufe , & fur les effets qu’elle Produifit jufqu'à La Premiere race de nos Rois , par M. DE LABROQUERE, 12: NOTICE fur quelques criflaux de pierre de corne & de pétro- Jilex, par M. PIcoT-LApeyroUsE ; "CRE DESCRIPTION € hifloire du Traquet montagnard, par M. PrcoT-Laperrouse ; 186. DESCRIPTION d'un météore Jingulier, par de même, 18 9. OBSERV ATION Jur une Fille de JEx ans , pubere depuis l'age de trois , par M. Masars, TO T. MÉMOIRE fur certe gueflion : Ji Jage, eftil prudent d'inoculer la petite vérole dans lo Jet de guérir d'autres maladies ? par M. MaAsArs a 193: SUR un enfant noyé & rappelé à la vie, par M. Bacçquié : 210. MÉMOIRE contenant des recherches fur P époque del établrf= Jement , les foncions & l'origine du Miniflere Public èn France , par M. GEz, 212. RECHERCHES hifloriques Jur Goudouli , Pierre Hélie 6 Madame La Préfidente de Manfencal, Poètes T oùloufains par de P. SERMET, 224: SUR deux fontaines du Haut-Quercy » par M. Borprs DE B4ILLOT , Adjoint. 243. RECHERCHES hifloriques & philofophiques Jur des Libelles , Par li. FLORET , 251. DES MÉMOIRES. DÉTERMINATION de la différence en longitude de Green- wich, Paris, Montpellier , Touloufe , au moyen d'une montre marine de M. John Arnold, Horloger Anglaïs , par M. DARQUIER, 278. OBSERVATIONS aftronomiques pour 1787, 2788 ; 2789, 1790 partte de 1792, par M. DARQUIER, 289. OBSERVATIONS météorologiques pour les années 1788 , 1789 & 1790, par M. GOUNON. Fin de la Table. PTE VE MS ER KR. A7 À POUR LES MÉMOIRES me GE 15,note (3), ligne 2, d’un écuflon de fleur de lis, Ze? d’un écuflon femé de fleurs de lis. Page 22, ligne 13, accompagner , /ifez accompagnés. Ibid. note (3), ligne x ,le procès verbal , /ifez ce procès verbal. Tbid. note (4), ligne 4, volumas, Zfez volumus. Page 24, de la dame de Villeneuve, pour avoir donné , Zfez de la dame de Villeneuve : pour avoir donné. Ibid. note (2), ligne 2 , redimito , Zfez redemto.ft Page 25, note (1), ligne 2, de pain bénit, Zzfez de ce pain bénit. Page 27, note (2) , ligne 4, Johannes, Zfez Johannis. Page 28, à la premiere épitaphe , cANIC., /2fez CANONIcC. Page 29 , nore (4), ligne 3, part. 1, pag. 49, difez fæculum rt, pag. 49, n°. 17. Page 30, note (1) de La premiere colonne ; fol. v°., Lifez fol. v°. 152. Page 31, note (1), ligne 3 , ariebi, /fez aribü. Ibid. fuite de La note, ligne 3 , Grefius , Zfez Grifius. Page 39, ligne 6, que cet article fut fupprimé de l’état, Zfez que cet article fut fupprimé. Ibid. à Za marge * & fon frere, Zifez avec un Frere. Page 40, ligne 8 ; RVRA, /ifez JVRA. Ibid. Zigne 24, à l’entrados , Zifez à l'intrados. Page 41 , ligne 17 , qu'on n’a pu tirer, Zfez d'où l'on n’a pu les tirer. Page 43 , ligne 6, pour les les chofes , Ziféz pour ces chofes. Page 69, aux notes , ligne derniere , internit , /ifez interiit. Page 81, note (2), ligne 2 , Lifez l'Abbé le Cournand, au Lieu de PAbbé le Cournaud. Page 83, ligne 26 , Lifez qui ait trait , au lieu qui aïe ; € à la méme page, ligne 27, lifez qu'il en ait provoqué , au lieu qu'il en aie. Page 86 , ligne 218 , lifez qu'il ait reçu, au Lieu qu'il aie reçu. Page 88, ligne 17 , Lifex la fomme que chacun d'eux avoit reçue, & non reçu. Page 92 , note (21) , lifez Lucianus , au Lieu de Lucius. Page 99, ligne 22, d'un pli jufques, Zfez d'un pli; & ainfi jufques. Page 125, à la marge , après 1789 , ajoutez : & lues à l'Aflemblée publique du 23 Avril de la même année. Page 127) ligne So svralpidas y lifez eumalpid ess Méme page , derniere ligne , lifez sue Anal: Page 128 , ligne 24, nobie , /ifez ftable. Page 129, ligne 14, pour , Lifez tout. Page 131, ligne 22, xpnat | Lifez one. Page 135, à la note, ligne 2, ire, lifez ewar. Méme note, ligne 5 , en les excluant, Zfez & les excluant. Page 146, ligne 9 , lifez commandement. Page 191, ligne pénultieme , difpofition , 4fez difproportion. Page 212, au titre du Mémoire contenant recherches , /ifez conte- nant des recherches. Page 214, ligne premiere ; bien des armées , Zifez bien des années. Page 217, ligne 25, & non point tant, Lifez & tant. Page 220 , note (1) , pañliem, Lifez pañim. Méme page , QOTMEE) de hift., Zfez de his, US SR OUR UE. DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DPEVRENOTU" LIOPUNSME: Bret D te CHANGEMENS fürvenus à la Lifle de MM. les Académiciens | depuis l'impreffion du troifieme volume des Mémoires de l’Académie. ER ON, OPRXAURRIE,S: [E. DE CAMBON, Premier Préfident. ASSOCIESTORDENAIRES: M. DE PARAZA, Préfident à Mortier. M. FIORET, Avocat. Tome IF. À 2 HMS TIQUIRIESS CORRESPONDANS. M. GaussEN Médecin , de la Société Royale des Scien- ces de Montpellier, & de l'Académie Royales des Sciences de Stockolm. M. VipALOT, du Comté de Foix. M. Cusson, de l’Académie de Montpellier. M.BouponN DE SAINT-AMANS , ancien Officier au Régiment de Vermandois, de l'Académie des Scien- ces de Bordeaux, des Sociétés Royales, Elettorales & Patriotiques de Suede , de Manheim & de Hefle- Hombourg, &c. M. CaussaDE, Maïtre-ès-Arts & Chirurgien- Major du Régiment de Noailles, Dragons. M. MEsPzer, Chirurgien-Major des Vaiffleaux du Roi, au Département de Breft. M. LOMBARD, ayant fait leur démiflion de leur Le P. BoNNEFOUX, place d’Aflocié ordinaire. M. AMorEUx, Doëteur en Médecine de l'Univerfité de Montpellier. M. DurourcC, ayant fait fa démiflion de la place d’Adjoint. M. l'Abbé BELOT, ayant fait fa démiflion de fa place d'Aflocié ordinaire. M. l'Abbé DE LAMBRE, à Paris. M. DorTHës , de la Société Royale des Sciences de Montpellier. M. le Marquis de PUYLAROQUE, à la Baftide , près Montauban. M. Tourno, Doëteur en Médecine , à Bordeaux. MORT S. M. CAyRo!L. M. DE SAGET. DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 3 INÉCROLOGIE ou Eloges des Académiciens morts depuis l'impreffion du troifieme volume des Mémoires de l’Académie. D'axs la Séance publique du 25 d'Août 1788 , M. Caftilhon, Secrétaire-Perpétuel, lut Eloge de M. de Marcorelle, que l'Académie avoit perdu l’année pré- cédente : ce Savant infatigable, Correfpondant de l'A ca- démie des Sciences de Paris, de la Société Royale de Londres, &c. s’étoit retiré depuis plufieurs années dans fa terre de l'Efcale, près de Narbonne, féjour très- agréable, dans lequel il s’étoit entoure de livres , de mé- dailles , des produétions les plus rares de la nature, d’inftrumens aftronomiques, & de tout ce qui peut fervir a l’obfervation & à l'expérience. Ses parens l’avoient deftiné au Barreau : il y eut des fuccès ; le plus brillant fut la préfentation au Parle- ment de Touloufe, des provifions de la place de Com- mandant en chef du Languedoc, que le Duc de Riche- lieu avoit obtenue. M. de Marcorelle, dans le difcours qu'il prononça avoit fi bien faifi le caraëtere de cet hom- me extraordinaire, l’idole de la Nation & le confident de fon maitre, guerrier, courtifan & pol ou cueil- lant tour à tour, avec un bonheur égal, les palmes de Minerve , les lauriers de Mars & ee myrthes de Cy- there , qu'il obtint en même- temps l'eflime de fon client, Pope on des plus féveres Magiitrats , les applau diffemens du public, & que les Etats-Généraux de la Province nommerent l’Orateur, leur Avocat. 4 Er. Sr Jo rèRtE Cependant les fuccès du Barreau n’eurent pas aflez d’attraits pour fixer M. de Marcorelle : celui qu'il avoit pour les Sciences l’emporta ; 1l les cultivoit contre le ré & à linfu de fes parens. Sans fecours & fans mai- tre, dans les momens qu'il déroboit au fommeil, 1l parcourut les quinze prenuers livres d'Euclide. Il ne vouloit pourtant apprendre les Mathématiques qu’autant qu’elles pourroient l'aider à pénétrer plus promptement dans les Sciences phyfiques. Des qu'il lui fut permis de fe livrer à fa paflion dominante , il fe préfenta à la Société des Sciences, qui, dans ce moment , étoit d’au- tant plus difhcile fur l’admiflion des fujets , que , folli- citant auprès du Roi fon éreétion en Académie, elle avoit befoin d’une célébrité qu’il falloit acquérir par des travaux continuels & par des découvertes utiles. Il fut reçu en 1734 ; & comme il étoit initié dans toutes les fciences dont la Société s’occupoit , il en fut nommé Secrétaire, & chargé de rédiger les Mémoi- res des Aflociés qui étoient envoyés à l’Académie des Sciences de Paris pour en faire le rapport au Miniftre. Cette Compagnie témoigna fa fatisfa&tion à M. de Marcorelle , en le nommant fon Correfpondant. Après l’éreétion de la Société , il contribua de fes fonds, avec plufieurs de fes Confreres , à l’acquifition de lhôtel & des jardins de l’Académie , & de fon tra- vail, a rendre Îes premieres Affemblées publiques dignes des bienfaits qu’elle venoit de recevoir du Roi & de la Ville. Son zele pour le Corps s’étendit fur chacun de fes Membres. L’un d'eux, dit M. Caftilhon, emporté ar l’enthoufiafme de la vertu , ofa s'élever, dans une féance publi ique, contre un ne fiselel a l’hu- manité, qui étoit-autorifé par un homme puiffanr, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. $ mais obligé par le devoir de fa place à le réprimer. L'homme puiflant courut à la vengeance, obtint une lettre de cachet qui enleva l’Académicien à fa famille, à fes malades & à fes confreres. M. de Marcorelle , alors Direfeur, au rifque d’encourir la haine de l’opprefleur & la difgrace du Miniftre , crie à l'injuftice, écrit avec tant de chaleur , rend un fi bon témoignage de la pro- bité de fon Confrere, & fait agir tant de reflorts, que la révocation de la lettre d’exil lui eft accordée. M. de Marcorelle avoit entrepris pour l’Académie un oenre de travail plus fatiguant qu’agréable , plus eftima- ble qu'il n’eft eftimé ; depuis la renaiflance des Lettres, parmi les avantages que les Sciences procurent a l’hu- manité , l’obfervation fuivie des météores feroit un des plus confidérables, fi elle remontoit à des temps reculés , parce qu'il eft à préfumer que les révolutions de la nature, foumifes à un ordre conftant , ramenent, après un certain nombre de périodes & à des époques fixes , les mêmes phénomenes , comme nous voyons dans l’hiftoire les événemens fe fuccéder & fe repro- duire. L'Académie doit à M. Gounon une fuite journa- liere & non interrompue de ces obfervations depuis quelques années : il manquoïit à ce travail d’être appli- qué aux maladies. MM. Dubernard , Mafars & Viguerie viennent de fe joindre à M. Gounon pour remplir cet objet. M. de Marcorelle avoit fenti toute l'importance de cette application. Les Rédaëteurs du Recueil des Mémoires des Savans étrangers, ont inféré dans les fecond &troifieme volumes, les Obfervations météoro- logiques de cet Académicien, depuis l'année 1750, ap- pliquées à l’état de fanté : il les avoit commencées en 1747, & les a fuivies depuis cette époque jufqu'en 6 FT 1AS rh oM ER E 1771. S'il étoit poflible de remplir la lacune qui fe trouve entre la fin du travail de M. Marcorelle, & le commencement de celui de M. Gounon , l’Académie auroit une fuite précieufe d’hiftoire météorologique, & pourroit déjà la mettre à portée de calculer l'influence des météores fur le corps humain; & qui fait jufqu’où cette influence peut s'étendre ? L’Eloge de M. Marcorelle eft terminé par une in- dication des Ouvrages & Mémoires, ou qu'il a lus dans les Affemblées publiques & particulieres, ou qui fe trouvent imprimés dans le Recueil des Savans étran- . gers, dans les Tranfaëtions philofophiques & dans les Éloge de M. Foulquier, Journaux. L’ACADÉMIE venoit d'apprendre la mort de M. Foulquier ,Intendant de la Martinique, Correfpondant de l'Académie des Sciences de Paris, Aocté honoraire du Cercle des Philadelphes du Cap Français. M. Caftilhon, Secrétaire-Perpétuel , fe difpoloit à exprimer les regrets de la Compagnie, lorfque M, de Lapeyroufe, ami particulier de M. Foulquier, parut défirer de faire l'éloge de cet Académicien. Il s’acquitta de cette trifte fonétion dans l’Affemblée publique du 2$ d’Août de la même année. M. de Lapeyroufe , qui voudroit pouvoir ramener l'antique ufage des éloges funebres , a la pureté de leur inftitution primitive, commence par avouer que fon ami eut des foiblefles ; mais elles furent rachetées par tant de vertus & par de fi belles qualités , que fes con- citoyens ne fe fouviendront que des aétions qui lui avoient mérité leur eftime, feul objet dont il {oit per- mis à l'amitié de tracer le tableau. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 7 M. Foulquier naquit à T'ouloufe le 21 Février 1744, de Louis Foulquier , Négociant & Capitoul ; l'extrême foibleffe de fon enfance eût fans doute nui à fa pre- muiere éducation , fi elle n’eût été foutenue par une in- telligence au-deflus de fon âge, & par une mémoire rare. Il fut envoyé de bonne heure au College de Soreze, où fe ttouvoient réunis des Maitres pour les Langues & pour toute forte d'Arts & des Sciences. Curieux par inftinét , avide d'inftru@ion , Grammaire , Hif- toire, Poéfie, Langues anciennes & modernes, Mathé- matiques, Phyfique, Hiftoire naturelle, il voulut ap- prendre de tout. Peut-être , obferve M. de Lapeyroule, eft-ce à l’organifation de ce College que M. Foulquier dut cette forte d’inconftance qui l’empêcha toujours de {e fixer à un feul genre de fcience : aucune ne lui fut étrangere ; mais initié dans toutes, il n'eut jamais la patience d’en approfondir aucune. Il eut le même amour pour les Arts ; mais moins volage dans cette carriere, & né pour certains avec un goût décidé , il fit en peu de temps dans le Deffein, des progrès fi rapides , qu'il furpafla fes Maîtres. Libre de difpofer d’une fortune confidérable par la mort de fon pere, arrivée vers la fin de fon éducation, il fe hâta de partir pour Paris. Il y rechercha la fociété des Artiftes. Confondu avec eux, jouiflant de cette liberté qui lui fut toujours chere, il s’enrichifloit de leur génie, s’exerçoit en fecret ; & lorfqu'il ofa fe mon trer dans la lice, il changea ce dédain humiliant qu'ils n'affeétent que trop pour les Artiftes de la Province, en une efpece de refpeét. Rappelé à Touloufe par les follicitations de fa fa- 8 FT I. SÂFT'OYT RE mille; il y fuivit rapidement les études de Droit, & fut recu Confeiller au Parlement , place peu compatible avec fes goûts : aufli le ramenerent-ils bientôt dans la Capitale. Il s’y livra tout entier. La Mufique, le Def- fein, la Gravure, la Peinture l'occupoient tour à tour. Il jouoit de plufeurs inftrumens , mais parfaitement d'aucun. On trouve dans les pieces de Mufique de fa compofition, de l’efprit, quelques peniées heureules ; mais le connoifleur y cherche en vain le vrai génie. Il eût pu fe faire un grand nom parmi les Graveurs & les Peintres, s’il eût fait fon unique occupation de ces deux Arts. On a de lui des eftampes & des deffeins qui atteftent le plus grand talent. On y trouve cet elprit fin & piquant qui le caraétérifoit, & qui, appli- qué à la Peinture, lui fit donner la préférence à l'Ecole Flamande. Il eut pour maître le célebre Louterbourg , dont il a gravé plufieurs tableaux. Ïl devoit encore moins à fes talens qu’à fes études, à fes connoiflances & à fon goût, la réputation dont il jouifloit parmi les Amateurs. Perfonne n'eut, comme lui, ce taét infaillible, cet heureux coup d'œil, cette ex-- périence fure qui lui manifeftoient le faire des grands maitres, & l’époque de leur vie à laquelle il falloit rap- porter leurs diverles compofitions. C'étoit prefque tou- jours lui qu’on prenoit pour juge dans les ventes des cabinets les plus confidérables, de la valeur & du mé- rite des tableaux rares & précieux. Cet amour de la Peinture ne lui avoit pas permis de négliger aucune des connoïffances relatives à cet Art. Il fit une étude férieufe de FHiftoire & de la My- thologie ; & comme chez luile défir de favoir s’irritoit par la jouifance , il comptoit pour rien ce qu'il avoit appris, DE L’' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 9 appris, tant qu'il lui reftoit quelque chofe à apprendre. Il voulut s’aflurer de la vérité de l’hiftoire par le témoi- gnage des monumens antiques, & defliner le coftume des peuples d’après les originaux même : à cet efler, il fe lia avec les Antiquaires les plus favans , & ce nou- veau goût devint bientôt en lui une paflion nouvelle; il fit une collettion de médailles, d'idoles & de Lares, comme 1ilen avoit déjà fait une d'armes, d’habillemens de tous les peuples modernes, de tableaux , de defleins & d’eftampes ; comme il en fit encore une dans fes dernieres années, de camées, de pierres gravées & de pierres précieufes : ce n’étoit pas chez lui un luxe fté- rile. Le choix qu’il mettoit dans fes recueils, fon difcer- nement, fon goût & fon favoir l’élevoient trop au- deffus du fimple Amateur. Il en avoit donné des preu- ves multipliées : celle qui lui ouvrit les portes de l’Aca- démie n’eft pas une des moins éclatantes. C’eft un Mé- moire rempli d’érudition fur les emblêmes, fous lefquels les différens peuples de l'antiquité ont repréfenté Vénus, cette mere féconde de la nature, fur les formes & les noms divers qu'ils lui ont donnés, fur les attributs qui l'ont défignée, & fur le culte qu'ils lui ont rendu. Ïl avoit été reçu depuis peu dans l’Académie des Arts. Sa bienfaifance envers les Eleves, fon zele à leur four- nir tous les fecours, à leur donner tous les confeils qu'ils s'emprefloient de lui demander ; fa complaifance & fon affeétion envers les Maîtres, fes foins pour le perfettionnement des études , hâterent les progrès de cette Académie naïflante , lorfque des circonftances par- ticulieres , dont M. Lapeyroufe éprouva lui-même l’em- pire, les forcerent de l’abandonrier. Il fe confola dans l'étude de l’Hiftoire naturelle , dn Tome IF. B 10 FT Tr SUBORRLE défagrément de n'avoir pas pu faire dans cette Société tout le bien qu'il fe propofoit ; & fi nos concitoyens doivent à l’Académie des Sciences l’établiffement d’un jardin & d’un enfeignement public de Botanique, l’Aca- démie doit à M. Foulquier d’avoir enrichi l’un & d’avoir excité l’autre ; d’avoir été le premier de fes membres qui forma une colleétion de coquilles & de madrépores dans dans tous les genres. Pendant fon féjour, foit à Paris, foit à Londres, il s'emprefloit de procurer à ceux de fes confreres qui partageoient fes goûts, tout ce qui, dans ces deux Capitales, piquoit le plus leur curiofité. Il étoit à Paris, lorfque les nuages qui menaçoient de loin la Magiftrature , l'engagerent à venir remplir les devoirs de fa charge. Bientôt il eut à partager la gloire & les malheurs de fa Compagnie. Il préféra l'exil aux avantages qu’on lui offroit, s'il eût voulu s’en fepa- rer, mais il n’eft point d’exil pour le favant & l’homme de lettres ; Efchine fit de Rhodes une nouvelle Athe- nes ; & le tendre Ovide fe plut quelquefois à Thomes. M. Foulquier fut rafflembler autour de lui tous les plai- firs. Il compofa, pour l’amufement de fa fociété, quel- ques pieces de théâtre, qui, peut-être applaudies avec trop de complaifance par des fpeétateurs amis, eurent des cenfeurs trop féveres lorfqu’elles furent jouées en public. Rendu à fa liberté par le rappel du Parlement, il revint à Paris ; fes talens, fes connoiflances & la re- fiftance qu'il avoit oppofée à la féduétion , avoient attiré far lui l'attention des Grands. Ils le rechercherent & par- vinrent à lui donner de l'ambition ; préfent funefte qui bouleverfa fon exiftence & répandit l’amertume fur des jours marqués jufqu'alors, par les Jouiflances les plus DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 11 douces. Ses vues fe tournerent vers l'Amérique ; & fi dumoins il eut l’ambition des grandes places, c’eft parce qu'il les envifagea comme des moyens de faire d’utiles & grandes chofes. Aflocié d’abord, par ordre du Roi, aux Adminiftra- teurs des Colonies, chargé de réformer & de perfec- tionner leur Légiflation, 1l fut bientôt après nommé à l'Intendance de la Guadeloupe. Réfolu, avant de quitter la France, de fignaler fon ad- miniftration dans le nouveau Monde, par une politique éclairée ,1l voulut y porter les Arts & les Sciences. Dans ce deflein , il s’attacha un Aftronome, un Phyficien, un Médecin diftingue, Correfpondant de cette Acadé- mie, des Peintres, des Deffinateurs. Muni d’excellens inftrumens de Phyfique, de Météorologie, d’Aftrono- mie ,.1l partit avec le projet d'étudier & de perfe&tion- ner les établiflemens politiques des Ifles du Vent, d’a- méliorer & d'augmenter leurs cultures, & de faire, de la maniere la plus complete , leur hiftoire civile , poli- tique & naturelle. Mais il fut mal fecondé par les circonftances. La guerre qui embrafoit les quatre parties du monde, dé- ioloit les [fles du Vent. À peine eut-il pris les rênes de PAdminiftration, que la malheureufe journée qui ter- mina les fuccès de la Marine Françaife, répandit la conf- ternation dans nos Colonies. La Guadeloupe fe crut menacée d'un fiege. Il fallut calculer les moyens de défenfe, en prévenir les fui- tes, & tranfporter dans des lieux inaccefhbles , des ap- provifionnemens immenfes. Dépourvu d'argent, mais affuré de la confiance du Commerce, ardent, plein d'athvite, décidé dans le choix des moyens, il les exé- 1Z M —'S MOIRE cute avec une rapidité qui Ôte à l'ennemi l’efpoir d’une furpride , & raflure les Colons fur les horreurs qui en auroient été la fuite. Au milieu de ces terreurs, on vit, pour la premiere fois, s'élever dans cette Ile, un Obfervatoire muni des meilleurs inftrumens, un quart de cercle, une machine paralla&tique, une lunette méridienne , deux grandes® lunettes de Dollon, un quart de cercle mural, deux pen- dules , un compteur, des boufoles de variation, de déclinaifon , d'inclinaifon, des inftrumens deftinés à me- furer la force & la direétion des vents, & tout l’appa- reil néceflaire pour les obfervations météorologiques les plus détaillées , un paratonnerre, une grande machine éle&trique, une bibliotheque bien choifie. M. Tondu, favant Aftronome, fut chargé de cet établiflement. Heu- reux, fi un ciel nébuleux n’eût pas trompé fon zele, comme il arrive à la plupart des Européens fur le fol de ces climats, & sil eût pu rendre fes obfervations auffi utiles qu’il le défiroit ! M. Vergnes de la Bouifchere, chargé de la partie phy- fique, éprouva moins d’obftacles : 1l obferva réguliere- ment pendant trois mois, à chaque heure du jour & de la nuit, la marche de la marée, des barometres, ther- mometres, boufloles, &c. Ce que les Mémoires qui renferment ces détails offrent de plus remarquable, eft qu'aux Îfles du Vent, la déclinaifon de la bouflole eft orientale ; que le barometre y éprouve une variation diurnetres conftante , d'autant plus eflentielle à obferver, qu’elle a la plus grande influence dans les annonces des grands changemens de l’atmoiphere ; que dans l’efpace de huit ans, le mercure s’eft élevé une feule fois juf- qu'au trentieme degré du thermometre de Réaumur ; DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 13 que fon plus grand abaiflement a été de quatorze deorés & demi au-deflus de zéro , & que la hauteur moyenne de cet inftrument eft de vingt-deux degrés. Tandis que ce travail fe faifoit au-dedans, des Na- turaliftes infatigables, envoyés par le favant Adminif- trateur , parcouroient la Colonie & toutes les Ifles voi- fines, & ramañloient des plantes, des minéraux, des coquilles, des infeétes , des oïfeaux, &c. M. Foulauier & M. Verones décrivoient toutes ces richefles naturel- les; & les corps, dont les figures n’avoient pas été publiées , étoient peints aufli-tôt avec une fidélité digne des connoïflances de celui qui préfidoit à ce travail, Son nom & {es opérations annoncées par la renommée & par le commerce, rendirent tributaires de fes goûts les Colonies & les Nations voifines, l'Amérique méri- dionale & l’Afrique même , qui vinrent dépofer chez lui les produétions les plus curieufes de leurs climats. I! avoit concu le projet de déterminer d’une maniere précife la différence d’élévation qu'il peut y avoir entre la mer du fud & la mer du nord ; projet intéreffant pour la Phyfique, & dont la politique des Nations eût pu retirer quelqu'avantage. Cette grande queftion devoit être décidée fur les hauteurs de l'ifthme de Panama. Les embarras de la guerre , ceux de la paix qui, dans les commencemens, a aufh les fiens, & le départ de l'Aftronome charoé des travaux qu’exigeoit ce projet, en empêcherent l'exécution, & rendirent infruêtueux les préparatifs déjà faits pour rendre cette opération utile à plus d’une Science. M. Foulquier, que rien ne rebutoit , l’avoit encore en vue, lorfqu’il pafla à l’Inten- dance de la Martinique. Cette Ifle, devenue par fa pofition fa grande baie, 14 FO ST NONMARAENS fes fortifications, & fur-tout par l’immenfité de fon commerce, la plus importante des liles du Vent , quoi- qu'elle ne foit n1 la plus étendue , ni la plus fertile, parut à M. Foulquier la plus convenable pour y établir un jardin de plantes , qui eût été un entrepôt pour tou- tes celles qui, tranfportées de l’ancien Continent, & qui offrant quelque objet d'utilité , auroient été acclima- tées aux Antilles ou envoyées en Éuropes ; établiffement pour lequel il avoit demandé fa fan@ion au Miniftre, & que les Hollandais & les Danois ont déja perfec- tionné dans leurs Colonies. En attendant, il cultiva & & fut conferver dans les nôtres le giroflier ,le cannelier, la varangue , la canne de Batavia , le mangouftan , l’arbre-à-pain que le Miniftre de la Marine y avoit fait tranfporter. [Il avoit choifi & prefque approprié l’em- placement qu'il deftinoit à cet objet. MM. Richard, Botanifte du Roi à Cayenne , & Vergnes de la Bouif- chere , en avoient arrangé le plan, & le Miniftre avoit donné fon approbation & fon confentement à l’exécu- tion de cet utile projet. M. Foulquier jouiffoit d’ avance, lorfque la maladie qui le minoit lentement fit échouer cette entreprile. M. de Lapeyrou 1fe » Interprete des fentimens de l’Aca- démie, s'attache à Sable er les témoignages de reconnoif- fance de cette Compagnie envers un Confrere qui lui a donné tant de preuves de fon zele pour les progrès des Sciences. En effet, chaque année M. Foulquier en- voyoit à notre Jardin de Botanique, une provifion de femences d'Amérique : les plantes les plus précieufes ar- rivoient en nature dans des caïfles remplies de terre, où elles avoient pañié leurs premieres années. Le jardin du Roi s’enrichifloit en même-temps par les envois mul- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 1 tipliés que cet Adminiftrateur faifoit à Paris. Le jardin de l'Académie de Touloufe lui doit les plantes les plus rares qu'il conferve encore. Le nombre en feroit plus confidérable, fi les reffources de l’Académie lui euffent permis de conftruire des ferres néceflaires à leur confervation & à leur profpérité ; mais, faute de ce fe- cours , le même jour a fouvent vu naître & périr les végétaux les plus intéreflans. De quelque zele que M. Foulquier fût animé pour les progrès des Sciences, il n’en remplifloit pas avec moins d’ardeur & d’exaétitude les devoirs de fon ad- miniftration. Senfible , bon, généreux, fecondé par une mémoire extraordinaire, par un coup d'œil sûr & per- çant, 1l ne s’ofiroit point à lui une difficulté, qu'il ne vit en même-temps le moyen de lapplanir. Un travail aifé, une bienfaifance , non de {yflême , mais de carac- tere, uneextréme facilité de conception, le mettoient à couvert de l'erreur. Le plaifir d’obliger lui faifoit quel- quefois oublier fa maxime favorite, qu’il faut attendre le plus qu’on peut à fe décider ; mais fi, entrainé par trop de facilité à accorder, il étoit obligé de revenir fur fes pas, on Voyoit dans cette contrainte, que le fa- crifice de fon amour-propre coûtoit infiniment moins à fon cœur, qu'un refus quelque jufte qu'il fût. Prévenant & acceflible à tout le monde , jamais il ne renvoya le pauvre mécontent. Sa maifon étoit l’afile des Savans & des Artiftes : ; mais l'indigent eut toujours la pré- férence. s Sa bienfaifance fe fignala à l’époque mémorable de ce météore deftruéteur qui, en peu d'heures, arracha des moiflons abondantes, renverfa des forêts, abattit des maifons, & enfevelit fous leurs ruines les animaux , 16. HISTOIRE les efclaves & leurs maitres. La terreur précéda ce fléau, la défolation le fuivit ; accablé fous le poids de la maladie qui l’a conduit au tombeau , M. Foulquier femble oublier fa foiblefle ; il fait ouvrir le tréfor pu- blic , répand fes propres fonds avec abondance ; & mul- tipliant les reflources qui peuvent ranimer l'efpoir des Colons, il appelle à leurs fecours les richefles de l’étran- ger : tous les Pons leur furent ouverts ; & par les pré- cautions les plus fages, l'abondance, en adouciflant les malheurs paflés, en prévient de plus ‘grands. Simple & froid en apparence, mais d’un efprit vif, rempli de cette gaieté douce qui faifoit le charme de fes fociétés , foutenue d’une facilité finguliere à parler, d’une tournure d’expreflions qui lui étoit particuli ere, & qu'on eût pris pour celle de Swift, fon Auteur favori parmi les Anglais , ainfi que Cerv re & Calderon chez les Efpagnols ; il regardoit ce dernier comme le magafin où OR Er bee nos Comiques modernes. Le Tafle, l’Ariofte & Métaftafe ont peu de beautés qui lui este inconnues ; mais parmi les Poètes Français, 1l donnoit la préférence à Moliere & à Lafontaine, qu'il mettoit, dans leurs genres, au-deflus de tous les Poë- tes : fans en excepter les Grecs & les Romains. Son ftyle beau quand il le foignoit, étoit ordinaire- ent négligé , peu correét : il facrifioit tout à la pen- fée. &il préféroit une tournure énergique à une expref fon élégante. Il excelloit dans le genre épiftolaire ; fa maniere étoit toute à lui. M. Foulquier mourut au fort Saint-Pierre de la Mar- tini iuee le 13 Février 1789 : avec lui péritent de vaftes & uules projets, des mémoires intéreflans, des recher- ches avan nageufes aux Sciences & aux Arts, & des liaifons DE L'ACADÉMIE DE T'OULOUSE. 17 anecdotes curieufes fur les gens de Lettres, les Savans & les Artiftes qu'il avoit fréquentés à Paris ; il eut des liaifons particulieres avec les plus célebres : il en eut fur-tout d'intimes avec J. J. Roufleau. M. de Lapeyroufe conferve des lettres de fon ami, dans lefquelles il eft fouvent queftion de cet homme extraordinaire : fes fréquentes converfations avec M. Foulquier (1) avoient (1) C'eft Meffieurs Foulquier & Benoit que J. J. défigne par les Icrtres initiales F*** & B*#*, dans les Réveries du Promeneur , à la fuite de fes Confetlions , édit. de Geneve, 1782, in 8°, , tom. 11, pag. 115, à l’occafion d'un dîner qu’ils firent enfemble chez Madame de... dont la fille , mariée depuis peu, & grofie, lui demanda brufquement s’il avoit eu des enfans, & à laquelle il avoue qu’il répondit , comme malgré lui, par un menfonge. La tradu&tion de Ja Jérufalem délivrée, par M, Lebrun (*), venoitde paroître : Rouleau converfant un jour avec M. Foulquier, lui témoigna combien il étoit fâché qu’on l'en crût l'Auteur. « £ft-il poilible , difoit-il, qu’on fe foit ainfi mépris ? Perfonne , peut-être, n’a autant fenti que moi les beautés du T'afie. jai effayé de le traduire : voilà mon travail, je vous le donne... » Aufli-rôt il lui remit un grand cahier contenant pluficurs morceaux, & un livre entier de la Jérufalem, traduits. M. Foulquier lui ayant demandé quelle railon lavoit détourné de cette entreprife, « c’eft, lui répondit Roufleau, que je me fuis convaincu qu'il n’y a qu’une feule maniere de ne rien faire perdre au Taffe de fes beautés. » Et aufli-tôt il s'approche de fon clavecin , & d'une voixrauque, mais paflionnée, il chante différens morceaux de ce Poème, en s’accompagnant, M. Foulquier ajoutoit qu'il n’avoit jamais été auf frappé des beautés du Tafñe, que dans ce moment, dont le fouvenir le plongeoit encore dans l’en- thoufiafme. M. Foulquier a raconté à M. de Lapeyroufe, que lorfque J. J. fe fut retiré à Ermenonville , il dépofa entre fes mains le manufcrit entier de fes Confeflions. « Je connois, lui dit-il, les rufes & les moyens de mes ennemis : s’ils favoient » jamais que ce manufcrit , dont ils connoiffent l’exiftence, & dont ils redoutent » la publication, fût au pouvoir de ma femme, ils tâcheroient de la féduire, » ils la tromperoient; & pour dérober au publie la connoiffance de toute leur » méchanceté, dont je veux qu’il foit inftruit, ils parviendroient à lui arra- » cher cet ouvrage; ils le mutileroient fans pudeur & faus pitié. Gardez-le, » & je vous charge de le publier après ma mort au profit de ma femme. » Vous ne le lui remettrez jamais, à moins qu’elle ne fe trouvât dans le plus » preflant befoin. » Quelque temps après J. J. écrivit à M. Foulquier de lui apporter fes Con- fefions , ayant promis à deux ou trois perfonnes de leur en faire la leûture, à laquelle M. Foulquier aflifta. Peu de temps avant la mort de Roufleau, M. (*) Ii faut bien que cette traduétion ait du mérite , puifque le public l’attribua 10nB-temps à Roufleau. Tome IV. C loge de M. de Richelieu. 18 LA SATHOLMRUE mis celui-ci à portée de favoir fur fon compte & fur celui de ceux qu'il appeloïit fes ennemis, bien des chofes qui refteront dans un éternel oubli. M.le Maréchal de Richelieu, Académicien hono- raire, mourut le 8 Mars 1788; & dans l’Affemblée pu- blique d’après Pâques, M. Caftilhon lut {on éloge. II obferva que parmi les grands hommes dont l’hiftoire a confacré les a&tions , quelques-uns réuniflant dans toute fon énergie ce que le caraëtere de leur Nation avoit de plus élevé , ont fu tirer de fes défauts même, je ne fais quel charme qui, féduifant les cœurs, les rendoit capables des plus grandes chofes : tels furent Alcibiade , Lucullus & Richelieu. Sous l'apparence de cette légéreté que nos voïfins nous imputent, cet homme fingulier fut toujours fe rendre maître de la fortune : à la tête des armées, il réuflit dans les entreprifes les plus hardies. Dans les cours les plus fleomatiques , il termina les négociations les plus difficiles à l'avantage de celle de Verfailles ; dansle Confeil , c’étoit lui qui appuyoit ou qui propo- foit les avis les plus fages , qui dévoiloit & qui décon- Foulquier , en écrivant de Paris à M. de Lapeyroufe, lui envoya le début de cet ouvrage qu'il avoit retenu, & une analyfe de Ja totalité. Apres la mort de l’Aureur, continue M. Lapeyroufe, fa veuve demanda le mi à M. Foulquier, qui lui fit part des ordres précis que fon mari lui ayoit donnés. Elle revint à la charge, il refufaencore ; elle infifla: M Foulquier , touché de fa détrefle, lui remit enfin le miff, non fans la prévenir des pièges que lui tendroient les deux perfonnes les plus intéreffées à le fupprimer ou à le dénaturer ; il eut la probité, peut-être coupable, de le rendre, & de n'en pas en retenir unc copie, Le qui à paru de cet ouvrage, immédiatement après la mort de J.J., eft véritablement de lui; mais tout ce qu’on a publié depuis, eft fuppoté M. Fouiquier avoit afluré M. de Lapeyroufe que les premiers volumes avoient été publiés, pour s’indemnifer de ce qu’avoit coûté le miff entier. Il eft vrai que les derniers volumes qui ont paru depuis quelque temps, font fi infe- tieurs aux autres, qu'ils ne paroifflent pas être du même Auteur. DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 79 certoit les intrigues les mieux ourdies ; il excitoit tour- ä-tour, dans la Société , le refpett & l'envie , l'admira- tion d’un fexe & les défirs de l’autre. Il ne dut prefque rien à l’éducation, & il eut la paflion de toute efpece de gloire ; il naquit avec le germe de tous les talens. Il porta dans les Camps cette fermeté qui, tranquille au millieu du tumulte, laifle au génie toute la liberté de déployer fes reflources ; cet efprit d'ordre qui voit tout en grand, & qui ne néglige aucun détail ; ce coup-d’œil (la premiere qualité d’un Gént- ral) qui, fuppléant à la lenteur des combinaifons, fem- ble en avoir faifi les réfultats avant de les avoir cal- culées ; qui, voyant avant le combat la vi@oire ou la défaite , fait en rendre les fuites plus favorables ou moins défaftreufes, & qui, par des ordres donnés à propos, ré- pare ou prévient les fautes de l’imprudence ou les er- reurs du hafard. L’hiftoire des événemens auxquels eut part le Duc de Richelieu, eft trop connue pour les rappeler ici. Dénain, Landau, Fribourg, Dettingen, Fontenoy , Mahon, les bords qu’arrofe le Wefer, atteftent fa va- leur , fa prudence & fa gloire : il la dut à la connoiflance qu'il avoit du caraëtere français, à la confiance qu'il infpiroit au Soldat, à l’enthoufafme de l'honneur dont il favoit s’enflammer , à l’art de tempèrer par fon en- joûment & par fon affabilité, les Lois féveres de la difcipline. Le même bonheur le fuivit dans fes Ambafades. Celle de Vienne lui offrit de grands intérêts à concilier, les rufes de la Cour de Rome à éluder , la fierté de la Maïfon d'Autriche à fubjuguer, les menaces de fes allés à braver, les intrigues des plus habiles népocia- 20 FT-T S TUTO TRRVE teurs à déconcerter : il n'oppofa à tous ces obftacles que fa franchie , fa fermeté, fon éloquence naturelle , & il obtint tout ce qu'il demandoit ; il falloit en im- pofer à la hauteur des Puiflances rivales , 1l étala une ompe & une magnificence qui font époque dans les Faftes Germaniques. Envoyé en Saxe pour le mariage de la fille de l'Elec- teur avec le Dauphin, il n’eut befoin que d’être aimable & de plaire, & la Cour de Drefde témoigna qu'aucun Français n’eût jamais pu mieux réufhir. A Gênes, il eut à foutenir la réputation du Maréchal de Bouflers, à ranimer l’efpérance abattue de la Répu- blique menacée par la flotte Anglaife, par les Piémon- tais & par les Autrichiens ; Richelieu eut à déployer en même-temps fes talens militaires & toutes les ref- fources de fon génie pour les affaires. La liberté mal afermie repofe {ur des fondemens inébranlables , & le Sénat de Gênes eft le Temple où la République éleve la ftatue de fon Libérateur. C'eft ainfi qu'il plioit à tout fes facultés intelle£tuel- les & phyfiques. Oubliant dans les travaux pénibles des Camps les délices de Sybaris, il revenoit a Sybaris, couvert de la poufliere des Héros, folliciter aux genoux de la beauté le prix de fes complaifances , fe déro- bant enfuite aux plaifirs pour aller au Confeil propofer le plan d'une népociation , ou applanir les difficultés des affaires les plus férieufes , & dans le même jour, comme Gentilhomme de la Chambre, préparer des Fêtes , exciter les talens à feconder fes vues, allier & le goût & la magnificence., la galanterie & la di- gnité, le plaifir & la décence. Il recherchoit le com- merce des gens de Lettres & des Artiftes , & fe glori- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE 1 foit d’être l’'Ami de Voltaire, comme Alcibiade d'être le difciple de Socrate. M. Cafilhon fuit encore le Maréchal de Richelieu dans le commandement des Provinces qui lui furent confiées , s'accommodant aux mœurs de tous les pays & aux circonftances de tous les temps : à la tête du Tri- bunal des Maréchaux de France , il conferva précieu- fement le dépôt facré des Lois de l'honneur, puniflant avec févérité les infraftions les plus légeres, parce qu'il le regardoit comme ce feu facré de Vefta dont l’extinc- tion eût entrainé la perte de la République. Le Secrétaire de l’Académie pafle lépérement fur la vie privée du Maréchal. On voit bien qu'il voudroit parler de fon influence fur les mœurs publiques ; mais 1l finit brufquement , en obfervant que Richelieu fut l’objet des éloges du vertueux d'Harcourt , fon fuc- ceffeur à l’Académie Françaife. DANS cette même clafle des Honoraires, l’Acadé- Éloge de M. mie perdit Louis-Antoine Gontaut, Duc de Biron Pair & Maréchal de France ; M. Caftilhon prononca fon Eloge dans la Séance publique de Saint Louis 1709018 quoiqu'il fe foit toujours impoté la Loi de ne pas mêler aux Eloges des Académiciens celui de leurs familles, il remarqua que fi la nobleffe héréditaire ne confiftoit que dans fon ancienneté, la maifon de Gontaut feroit une des plus nobles du Royaume, puifqu’elle remonte au- delà du onzieme fiecle ; que fi au contraire on ne doit admettre , comme vrais titres de nobileffe, que les vertus & les aëtions héroïques, cette maifon, aux yeux même de la philofophie , fera encore une des plus illuftres. Telles éroient, ajoute-t-il, chez les peuples hbres de 22 ET AI S'INOM RUE l'antiquité, qui calculant leur eftime & leur mépris fur les vertus & les vices perfonnels, ne comnurent jamais ’abfurde préjugé d’une noblefle héréditaire ; telles étoient, dis-je, ces familles des Héros dont les noms avoient été confacrés par des vertus heureufement tran{- mifes d’une génération à l’autre : diftinétion qui, loin de donner aucun prérogative à leurs defcendans dégé- nérés, les forçoit d'aller cacher dans la foule des ci- toyensobfcurs, leur flétriffante célébrité. Louis- Antoine Gontaut n’eut pas à redouter un nom trop célebre. M. Caftilhon le fuit dans fa carriere mi- litaire ; il s’arrète au fameux fiege de Prague, où Biron, après avoir plufieurs fois contribué à repoufler les affauts de l'ennemi, marche à la tête d’une fortie gé- nérale ; les Autrichiens repouflés, fe rallient, fondent fur le vainqueur qui les repoufle encore : Biron , emporté par fa valeur, fe précipite au milieu des rangs , & les force à la retraite ; {es lauriers font arrofés de fon fang, & deux bleffures dangereufes l'obligent à peine à cefler de les pourfuivre. À Dettingen , il donne, avec Riche- lieu, l'exemple inutile de la plus intrépide valeur : à Fontenoy , il dirige le Régiment du Roi, dont 1l eft Colonel , fur l’un des fiancs de la colonne Anplaife, en ralentit la marche, oblige le Régiment de Piémont de ferefaifir d’Antouin abandonné , & contribue à fixer la viétoire incertaine. M. Caftilhon s'attache principalement à la répénéra- tion du Régiment des Gardes-Françaifes , qui, felon lui, place Biron au niveau des hommes les plus illuftres de {a race. En efler, dit-il, qu'étoit ce Régiment , ou plu- tôt cette horde , lorfque Biron eut le courage de s’en charger ? Un affemblage d'hommes livrés à tous les gen- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 23 res de corruption, levés au hafard dans toutes les rues de Paris , logés indiftinétement dans des maifons d’'hon- nêtes Bourgeois qu'ils infeftoient , & dans les lieux les plus fufpels ; recrues la plupart forcées , dans lef- quelles on ne cherchoit d’autres qualités que celles qu'un Peintre exige de fes modeles ; une taille élevée & de belles proportions, & qui fouvent devenoient un objet de commerce pour les Bas-Officiers. Tout fe bornoit au phyfique, & le moral étoit abfolument négligé. L’indif- cipline & le défordre régnoient dans ce corps ; la dé- bauche y commandoit le vol & le brigandage. Le titre de foldat aux Gardes étoit un droit à l'impunité ; de malfaiteurs s’y enrôloient fecrétement, & lorfqu'un artifan, un ouvrier étoit foupconné d’être infcrit dans cette troupe, il étoit profcrit de toute maifon honnête. C'étoit là que la vengeance, lavarice & l'ambition alloient mettre à prix la vie, la fortune & l'honneur des citoyens; & ce Régiment, établi pour la défenfe du Monarque & pour la fureté de la Capitale, étoit nuifible dans les armées par fon exemple, & redoutable aux Parifiens par fa licence efrénée. M. Caftilhon entre dans le détail des moyens que prit le Maréchal de Biron pour opérer la réforme de ce Réoiment. Il falloit commencer par celle des mœurs, fans lefquelles les inftitutions les plus fages ne font que de belles chimeres. Sa fermeté , fon courage , une répu- tation jufiement méritée firent fur les Soldats & fur les Officiers la plus vive imprefñon ; ilreçut leurs fermens, fit conftruire des cafernes dans divers quartiers de Paris, & les y réunit : chaque exercice eut fon heure fixe ; les punitions furent proportionnées à la gravité des fau- tes; ks ménagemens furent prodigués , & le Soldat incorrisibie fut rejeté avec ignominie. 24 MÉMOIRES Mais il s’atacha principalement à préparer les mœurs des générations à venir. [l inftitua dans le Régiment même, des écoles pour l'éducation des enfans du Corps, nee à leur deftination. La Religion & l'honneur tu- rent les bafes de la partie morale de cette éducation ; rien ne fut négligé pour la partie phyfique : le Colonel préfidoit fouvent Aleurs exercices, & fa préfence exci- toit l'émulation des jeunes éleves. La gaieté , qu'il vou- loit du ‘on eût foin d’entretenir dans ces écoles, en ban- nifioit le pédantifme & l’enniui, fléaux de la plupart de nos inftitutions, Les événemens, ajoute M. Caftilhon, qui fe font paflés depuis la mort de M. le Maréchal de SRE ont mis entre lui & nous un intervalle de plufieurs FE & tout ce que je pourrois dire de fa vie privée, de fon dut à la Cour, de fon obéiflance aveugle pour tout ce qui en émanoit , des facrifices que lui coûtoit la crainte de déplaire , des fonétions relatives a fon Gouvernement du Languedoc , des ordres que l’adulation arrachoit quelquefois à fa facilité trompée, tout paroïtroit étranger à nos mœurs nouvelles. Une partie des éloges que nous aurions pu lui donner au commencement de l’an- née derniere, peu de temps après fa mort, feroit peut- être , dans ce moment, un reproche à fa mémoire. Mais il eut des vertus indépendantes des circonftan- ces, l'amour de fes devoirs, celui de la juftice & le défir du bien. M. Caftilhon termina cet Eloge par une anec- dote qui fe trouve juftifiée par Catel, Hiftoire du Lan- guedoc, liv. 3 : M. de Biron s’honoroit de pouvoir compter parmi fes aïeux un Guillaume Le Gontaut, Jun des fept Troubadours qui, en 1323, fonderent l’Académie des Jeux Floraux. MÉMOIRES 7 ; fi l'A ire = MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE DEÉSNSCMTENCE,S, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES BE OU O USE PO a LE LLIOUN D'UN"NIV'ELLEMENT FAIT dans les Pyrénées pendant les mois de Juillet & d'Août 1787. Par MM. Vipaz & REBOUL. Les opérations que je vais mettre fous les yeux de l'Académie, ne font que partie d’un travail confidéra- ble que M. Vidal & moi avons commencé l'été dernier, Tome IF. A > MÉMOIRES dans les Pyrénées. Elles confiftent en un nivellement comparé de l’une des plus hautes montagnes de cette chaîne , & de ceile qui, à hauteurs égales, eft la plus acceflible & la plus fréquentée. Je ne m’étendrai point fur les avantages qui peuvent rélulter de notre mefure; ils font tels que nos travaux ne fauroient être perdus, fallüt-il en réduire le terme à n’avoir fait que préparer aux Obfervateurs une montagne toute graduée, & l'Obfervatoire le mieux difpofé, pour tenter des recher- ches exaftes fur les modifications de l’atmofphere. Nous avons néanmoins entrepris cette mefure dans le deffein d'en profiter nous-mêmes , & nous nous fommes pro- pofés fur-tout de l'appliquer à l'étude des lois que fuit l’atmofphere dans fes dilatations, & d’après lefquelles on a tenté de déterminer la hauteur des lieux par de fimples obfervations barométriques. Rien n’eft plus propre fans doute à nous inftruire du degré de bonté d’une méthode nouvelle & peu connue, que d'en comparer les réfultats avec ceux d’une méthode relative au même objet, éprouvée déjà comme füre & infaillible. Ainfi, toutes recherches fur la mefure des hau- teurs par le barometre, ont dù avoir pour fondement la connoïflance précife de la hauteur refpe@tive des lieux où ona fait les obfervations. La Géométrie offre : deux moyens de patvenir à ce but. L'un eft la mefure trigonométrique, qui n’exige qu’un petit nombre d’opé- rations , & devroit par cela même être prefere , fi l’eflet incertain & variable des réfra£tions n’altéroit la juftefle defes réfultats. L'autre, eft la mefure par le nivellement, qu'on a bien moins employée, parce qu’elle eft lente dans fa marche & pénible dans la pratique , quoiqu’elle n'offre d’ailleurs aucune difficulté qui ne puifle être levée DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE ÿ par les foins & la prévoyance des Obfervateurs ; elle n'a guere été portée Jufqu’à nos jours qu’à des hauteurs médiocres ; & fous ce rapport, l'opération dont je vais rendre compte, eft fans doute la plus confidérable qui ait été faite, puifqu'elle embrafle un efpace vertical de plus de 1370 toiles en fe développant fur une ligne horizontale de plus de 40,000. Des obfervations géodéfiques faites à Bonrepaux, au- près de Touloufe, nous avoient fait connoître que la montagne de Canigou en Rouflillon, étoit moins élevée d'environ Go toifes que le Pic de Midi de Bigorre, ce qui déterminoit à environ 1500 toifes la hauteur de ce Pic au-deflus de la mer : les notions que nous avions acquifes par nous-mêmes de fa pofition, de fon climat & de fes autres rapports phyfiques, nous déciderent à fixer le nivellement que nous avions projeté de faire dans les Pyrénées. Ce lieu nous fembloit défigné par l'exem- ple de plufieurs Savans qui y avoient déja établi le fiege de leurs obfervations , & parmi lefquels l’un des premiers . Aftronomes du Languedoc y étoit venu chercher fon tombeau (1). L'amour des montagnes nous fit envifa- ger fans crainte les fatigues & les dégoûts inféparables d'un travail aufhi long que pénible, & nous crümes que le voifinage de Bareges & l’hofpitalité des Bergers ap- planiroient toutes les difficultés. L’atmofphere fembloit feule nous oppofer un obftacle infurmontable. Jufqu’au moment de notre départ, les orages s’étoient fuccédés (1) Ce fut M. de Plantade qui, âgé de foixante-dix ans, y mourut fubitement & fans douleur, dans les bras de fes guides, & à côté de fon quart de cercle, La mémoire de cet événement s’eft confervée dans le pays : un Chañlèur d'hizars m'a montre l'endroit où il s’étoit pañlé. C’eft au petit plateau de la Hourque de cing Ours. Ce Chafleur étoit fils du Maître d’Ecole de Beaudéan qui avoit lui- mème fervi de guide à M. de Planrade, A MÉMOIRES fans interruption dans les Pyrénées , & la fonte des neï- ges y étoit infiniment retardée, foit par l'aétion du vent du nord, foit par la préfence continuelle des nuages. Avant de préfenter les réfultats de ce travail que nous avons eu le bonheur d'achever , il importe fur-tout de lui concilier toute la confiance qu'il peut mériter en donnant une idée exaête de la maniere dont nous avons opérée. Nos inftrumens étoient très-portatifs. La nature des lieux & nos befoins l’exigeoient. M. Vidal , qui joint à la précifion de l'Obfervateur toute l’habileté de l’Artifte, avoit pris foin de fabriquer lui-même deux niveaux à lunette achromatique, dont l’obje&tif, qui eft triple , a 8 pouces de foyer, & près d’un pouce d'ouverture. Les oculaires qui l'accompagnent portent le grofhfe- ment des objets à vingt fois. Un tube de verre rempli, à une bulle près, d’efprit de vin coloré , ef fixé inva- riablement au tuyau de la lunette, dans fon intérieur, & deux petites ouvertures longitudinales font ménagées pour laïffer voir la bulle d'air. Afin de pouvoir rectifier ce niveau, l’objeëtif de la lunette eft aflujetti un peu excentriquement au bout d’un tuyau d’un pouce & demi de longueur, qui recouvre, à frottement bien jufte, l’ex- trémité du tuyau principal de la lunette ; d'où 1l fuit, qu’en faifant tourner l’un de ces tuyaux fur l’autre, on fait varier l'axe de la lunette relativement au tube à bulle d'air. Il réfulte auffi de cetteconftruétion qu’on peut éloigner ou rapprocher l'objeëtif, des fils en croix qui font à fon foyer, ce qui eft indifpenfable pour voir avec netteté les objets qui font proche, & ceux qui font éloignés. On peut, à l’aide du genou par lequel l'inftrumenteft porté , le placer très-promptement à peu- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. S$ près comme il doit être ; mais pour l'emmener jufte à la fituation horizontale , il y a entre le genou & lui une lame aflujettie par une extrémité , & faifant refVort par l'autre ; une longue vis, accompagnée d’une large tête, produit l'effet défiré en pouffant ou ramenant gra- duellement l’un des bouts du niveau. Cette vis, dont les pas font très-réguliers, & dont la tête eft munie d’une di- vifion , rend l’inftrument propre à la mefure des angles d’e- lévation & d’abaiflement au-deflus & au-deflous de l’ho- rizon à moins d’un quart de minute d'incertitude; lefecond niveau , quoiqu’un peu différent , eft conftruit fur les mêmes principes ; la lunette eft fimple, & n’amplifie le diamêtre apparent des objets que fept fois. Dans un travail où il devoit être faitplus de mille opérations toutes dépendantes les unes des autres, & où une feule érreur auroit fait manquer le but, il étoit effentiel de prendre toutes les précautions pour n’en pas commettre. Celle qui nous a paru la plus importante a été de faire deux nivellemens, de les mener de front Pour ne pas perdre de temps, de nous communiquer ces réfultats à chaque opération, & de ne pas faire un pas de plus fans nous être conciliés : une autre précau- tion, non moins eflentielle, a été de rendre l’exaétitude du travail indépendante de l'intelligence des manœuvres que nous devions employer. Pour cet eflet, nous pré- parämes nous-mêmes deux voyans, chacun de douze pieds de longueur. C'étoient deux perches de bois blanc. Sur l’un des bords étoit une divifion de ligne en ligne ; à côté étoit une feconde divifion de trois en trois lignes ; enfin une troifieme de pouce en pouce. Toutes ces di- vifions étoient formées par des parallelogrames alternati- vement blancs & noirs. Les intervalles de trois, fix & 6 MÉMOIRES neuf pouces étoient marqués par de gros points diver- fement figurés, & de gros chifires diftinguoient les pieds les uns des autres; par ce moyen, chacun de nous pou- voit d’un coup d'œil reconnoiître l’inclinaifon du terrain à moins d’une ligne d'incertitude fur une diftance de so toifes avec l’un des niveaux. Tous ces inftrumens ont été mis à l’eflai avant notre départ ; & en partant d’un certain point, & y revenant par un circuit de 4 ou 500 toiles , il ne s’eft commis qu’une erreur de deux lignes par le premier des niveaux, & de 3 ou 4 par l’au- tre en fens contraires. Nous partimes de Touloufe le 20 Juillet, &nous nous rendimes dans la plaine de Tarbes au château de Sarni- guet, dont le Seigneur , qui honore les Sciences & cul- tive les Lettres avec fuccès, étoit lié d’amitié avec l’un de nous. Il nous avoit offert chez lui l'afile , indifpen- fable pour faire nos derniers préparatifs & difpofer notre marche, Après avoir pris au château plufieurs reperes bien déterminés , nous commencâmes notre nivellement le 23 Juillet, en le dirigeant vers Tarbes par Aurenfan &t Bazet. À Tarbes , un accident aflez bizarre en fufpendit les opérations , & faillit arrêter tout d’un coup nos travaux commencés. Il avoit éveillé la follicitude d’un Avocat de cette Ville, & alarmé la vigilance du Maire (1). I fallut rendre compte de nos projets à ce dernier ; nous eûmes bien de la peine à lui faire entendre qu’on pouvoit traverfer Tarbes avec des niveaux fans en lever le plan. Il nous oppofa fon devoir , fes fcrupules, & les Lois d'Etat. Nous n'avons pas eu depuis de plus (1) Le Leëteur voudra bien fe rappeler que ceci s’eft paflé en 1787. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 7 grand obftacle à combattre que la confcience de ce Maire. Enfin, vaincu par notre obftination, ou peut-être {éduit par les propos flatteurs que l’un de nous prit le parti de lui adrefer, 1l nous permit d'achever, fous pré- texte qu'en temps de paix, les gens de notre efpece n'étoient pas fort à craindre. Depuis Tarbes nous parcourûmes exaftement le grand chemin qui conduit à Bareges , fans nous en écarter qu'autant qu'il le falloit pour déterminer de temps en temps des reperes ftables & apparens. Le temps humide & couvert nous feconda à fouhait pen- dant les premiers jours; mais à la fuite d’un orage qui eut lieu le foir du 29, la férénité fe rétablit dans l’atmof- phere , & le foleil qui en peu de jours pénétra les val- lées d'une chaleur exceflive, nous livra aux piquures mordantes d’une efpece de mouches que les gens du pays appellent mouftiques, & par qui nos jambes fu- rent toutes enfanglantées, malgré le foin que nous pre- nions de les envelopper de papier. Les difficultés croifloient à mefure que nous nous approchions du terme; & pour prévenir les dégoûts qui pouvoient naître de l'effet des fatigues pañlées, & de l’idée des travaux à venir , nous réfolûmes de pañler tout d’un coup à l'exécution de ce que notre entreprife avoit de plus fcabreux & de plus incertain. Le nivellement fut fufpendu au hameau de Tranfaz riou , à quatre-vingts toiles au-deflus de Bareges. Ce fut là que nous primes nos mefures pour tranfporter nos opérations fur le fommet du Pic. L'un des Bergers dont les troupeaux broutent les pâturages qui en font les plus voifins, m’avoit autrefois fervi de guide ; il étoit prévenu de notre arrivée, & nous reçut avec tous 8 MÉMOIRES les fignes de joie & de cordialité que la politeffe des Villes exagere, mais n'imite point. La cabane qu'il nous offrit nous parut trop éloignée du Pic, &ilpritfoim de nous en approprier une autre plus voifine , qui étant à près de 1200 toifes au-deflus de la mer, eft commu- nément inhabitée. Nous primes pofleflion de ce gite le 4 Août à neuf heures du foir. Après avoir cherché en vain le fommeil pendant quelques heures, nousnous mimes en marche pour tâcher d'atteindre le fommet avant le lever du foleil. Un ami qui étoit venu jouir avec nous du vaîte fpeétacle qu'offre cette montagne, nous quitta à huit heures du matin, & nous demeu- râmes feuls dans ce défert élevé. Une partie du Jour fut employée à faire diverfes obfervations. Outre les inftrumens relatifs à la météorologie , nous obfervames l'aiguille aimantée (1), le dégré de pureté de l'air (2), & les angles de hauteur & de dépreffion apparentes des montagnes les plus remarquables (3). (1) La déclinaifon de l'aiguille aimantée étoit de dix-neuf degrés & quelques minutes, l'inclinaifon de foixante-fix degrés trente minutes, & la variation diurne a eu lieu comme à la plaine, fon maximum fut entre deux & trois heures, & l'axe de variation de douze à quinze minutes. Cette derniere obfervation a été faite avec un barreau aimanté de dix pouces de longueur , chargé d’une lunette très-lé- gere, & fufpendu par un cheveu, le tout enfermé dans une boëte à panneau de glace. (2) J'y obfervai pour la feconde fois, que l’atmofphere des fommets contenoit moins d’air vital que celle des vallées ; j'avois éprouvé la même chofe en Béarn l'année précédente. Le Pere Pini & M. de Sauflure , ont eu le même réfultat dans leurs expériences. Pour cette fois, l’eudiometre à phofphore décrit dans les Mémoires de l’Académie de Touloufe , qui avoit indiqué dans l'air de la vallée du Gave de 98 à 101 quatre centiemes d’air vital, n’en indiqua fur le Pic que 75. (3) Les angles de hauteur apparente ont été obfervés avec le niveau dont on a entendu la defcription. Les pofitions des montagnes quinous étoient inconnues, ont été déterminées par des obfervations graphometriques faites aufli fur ce fommet, & fur ceux de Bergons, & de la montagne appelée Neouvieille. I1 réfulte en général de toutes ces mefures, que le Pic de Midi eft furpañté en hauteur par d’autres montagnes, contre l'opinion des gens du pays ; que ce n’elt point à la vallée d’Aran qu’appartiennent les fommets les plus élevés, comme lavoient préfumé quelques Voyageurs ; enfin, que celui qui domine toute cette partie de la chaîne , le Mont-perdu, ne furpañle le Pic de Midi que de 253 toifes. Cependant, DE L'ACADÉMIE DE T'OULOUSE. 9 Cependant la fatigue dont nous étions excédes, & . les douleurs d’eftomac dont l’un de nous fe fentoit. affe@té , ne nous permettoient plus aucun travail. Cou- chés auprès d’un banc de neige, & la tête pofée à l'ombre d’un rocher, nous profitimes de quelques mo- mens d’un fommeil fouvent interrompu. Vers le coucher du foleil nous reprimes lentement le chemin de notre cabane , mefurant d’un œil inquiet les grands plateaux de neige, les rochers efcarpés, les penchans rapides & couverts d’une herbe gliflante. Chacun de nous non moins découragé par fes propres terreurs que par l’in- certitude de fon Collegue , renoncça dés-lors à tenter des difficultés qui lui fembloient infurmontables. Le repos de la nuit fuivante, qui rétablit nos organes, ne put difliper nos craintes. Nous reprimes du courage plutôt que de lefpérance, & ce fut prefque à repret que nous commençâmes à niveller au-deflus du lac d'Oncet. De nouveaux obftacles vinrent encore nous effrayer. Les troupeaux qui païfloient au-deflus de nous, met- toient en mouvement les pierres dont la montagne eft parfemée ; & ces pierres roulant avec vitefle, pafloient auprès de nous, & bondifloient quelquefois au-defius de nos têtes. Cependant nous ne tardâmes pas à fentir qu'avec du temps & de la conftance nos mefures pou- voient s'achever. Notre guide offrit de nous faire conf- truire auprès du fommet, une cabane, qui en rappro- chant notre habitation du lieu de nos travaux , en fa- cilitoit l'exécution, & en abrégeoit la durée. Cette propofition nous combla de joie. La cabane fut bâtie, meublée & habitée le même jour. Trois hommes ache- verent cet ouvrage, Ils l’aflirent fur le penchant meri- Tome IF. B 10 MÉMOIRES ” dional du Pic, à cinquante pas du fommet, auprès d’un tas de débris de fchifte micacé. Trois petites mu- railles formées de ces pierres fuperpofées, & qui à la bauteur de trois à quatre pieds fe rapprochoient en forme de ceintre , compofoient tout l'édifice ; le gazon entaflé fur le toit, & contre l’un des côtés, la préfer- voient de l'inondation des pluies. Tout le côté de l'eft, qui étoit demeuré ouvert , lui fervoit de porte, & une orande dalle de pierre le fermoit pendant la nuit. Le plaifir d’habiter ces hautes régions nous fit endurer fans regret , le travail aflidu de trois jours, & le froid de deux nuits. Nous jouimes pendant ce temps des plus beaux fpeëtacles que l’homme puifle rencontrer, & vimes à deux reprifes de grands orages fe former & éclater devant nous. A près le nivellement du fommet , ce qui nous reftoit à faire n’offroit plus les mêmes dédommagemens, & nous n’étions plus animés que par le défir & l'efpérance d'achever ce que nous avions commencé. Notre em- preffement nous caufa même une légere diforace. Etant partis un jour de Bareges pour aller chercher à travers le brouillard qui couvroit la vallée, le repere marque la veille, une méprife nous jeta dans la vallée d'Ef- coubous , où nous errimes en défordre pendant huit ou neuf heures, jufqu’à ce que, prenant pour guide le courant des eaux, nous fûmes ramenés à notre gite. Enfin, toutes nos opérations furent terminées le 14 Août au hameau du Tranfariou, où elles avoient été interrompues pendant toute la fuite de ce nivellement. Nos niveaux s’accordoient toujours jufqu’à la ligne, quand nous opérions à de petites diftances , comme cela avoit lieu fur le penchant de la montagne; & dans DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 7:11 Ja plaine , quand nos réfultats difiéroient de plus de trois lignes, l'opération étoit répétée, & les inftru- mens vérifiés , {1 cela étoit néceflaire pour leur entiere conciliation. Le tableau que je mets fous les yeux de l’Académie peut faire juger jufqu’à quel point les principaux réful- tats de nos opérations ont été conformes : la plus grande différence qu’on y remarque, eft d’un pied ÿ pouces 4 lignes trois quarts, fur 1371 toifes o pouces 11 lignes. Les travaux du nivellement ne nous permirent pas de donner aux obfervations barométriques tout le foin qu’elles exigeoient; nous avions préparé fept barome- tres de ftruêture à peu-près femblable, la plupart furent placés à diverfes ftations, & confiés à des perfonnes dont le foin & la complaifance n’ont pu nous être d’un grand fecours. Nous en avions confervé deux que nous obfervions fréquemment; mais ce ne fut qu’au moment de quitter le Pic de Midi, qu'il nous fut permis d'en faire l’ufage convenable. L’un de nous attendit fur le fommet, que l’autre fût defcendu jufqu'au lac d'Oncet; & pendant ce temps furent faites des obfervations par- faitement correfpondantes à tous les reperes marqués fur le penchant de la montagne. Celui qui étoit defcendu le premier , devint à fon tour Obfervateur ftable pen- dant que l’autre parcouroiït en defcendant les mêmes reperes. Le réfultat général de ces obfervations , eft que la fimple différence des logarithmes des hauteurs des barometres, fournit une mefure plus approchante de la vraie , que lorfqu’on y appliqueles correétions de M. de Luc; mais que la mefure eft encore moins inexa@te, lorfque l’on prend le douzieme degré du thermometre, pour celui auquel 1l ne faut point corriger la longueur 12 MÉMOIRES de la colonne d'air, & pour chaque deoré de plus ou de moins on ajoute, ou on retranche : de la hauteur in- diquée par les logarithmes. Nous ne nous étendrons pas davantage fur cette partie de notre travail, que nous avons projeté de reprendre quelque jour avec plus de foin & de loifir. Nos barometres ne s’accordoient pas autant que nous l’aurions défiré, & les différences , quoi- que reflerrées dans les limites d’une ligne, étoient fu- jettes à des variations que nous n'avons pu foumettre encore à aucune regle conftante (1) ; leur conftruëtion ne différoit de celle des divers barometres à fiphon, que par le moyen employé à y contenir le mercure, & à les rendre portatifs. Les nôtres étoient compofés de deux tubes de même calibre, longs, l’un de 30 pouces, & l’autre de 7 ou 8 ; ils étoient réunis par un tube, dont le diametre étoit moindre d'environ une ligne ; celui-ci formoit la courbure & s’élevoit d’un bon pouce au-deflus d'elle, dans la branche courte. Une tige d’acier armée de deux piftons de peau, fermoit à la fois l’ori- fice du tube de 7 pouces & du petit tube qui lui étoit foudé. L'inftrument ainfi fermé & maintenu dans une fituation renverfée, pouvoit être porté même fans mé- nagement en bandouliere, & nous avons éprouvé qu'il n’étoit pas moins commode dans la pratique que fimple dans l'exécution. (1) La conftance dans le rapport des hauteurs entre les colonnes de deux ou de pluficurs barometres, a été peut-être plutôt préfumée que conclue d'après l'expérience. Schakbury, qui vante l'excellence des inftrumens qu’il tenoit de la main de Ramfdem, y a pourtant obfervé cette finguliere variation. On trouve dans les Mémoires de l’Académie de Pétersbourg , qu’elle réfulte auffi de la com- paraifon qui a été faite des inftrumens de cette Académie & de ceux de la So- ciété Ele@torale de Manheim. Il feroit aifé d’ajoutcr de nouveaux témoignages à ceux-Cl, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 13 Réfümé des deux Nivellemens de MM. ViD4zr & REBOUL. Suiv. M, Reboul. [ Suiv. M. Vidal. pieds pou. |. | pieds pou, 1. Hauteur du Pic de Midi fur la cabane du Pic. . . « 47 5 9 A TS ES De la cabane du Pic au grand Ravin, + « +. . +. 253 O ro | 2 ZMIIMTO Du grand Ravin au repere du deffus du petit Lac. . 363 10 363 10 5 :. Dudir repere au niveau du petit Lac. « «+ «+. 103 $ 1| 103 5 2. Du niveau du Lac au repereF, furun rocher. .. 266 610! 266 7 1 Dudit repaire à la Hourque de cinq Ours. . ... 540 5 #| 540 3 10 +. De la Hourque au Lac d'Oncet. . + . «+. 344 2 6 344 2 8 5e Du Lac à la cabane d'Oncet, . ...+ + +. + 120 O 9] 120 O 9 x. De la cabane d’Oncet au Turon de Couret, . .. 480 7 5! 480 7 ë Du Turon de Couret à la cabane de Thou. . . .. 464 2-5! 464 1 7. De la cabane de Thou au repere M. . . . « . «+ 458 5 7j 48 4 9 3. Dudit repcre au pont de Montaqucou. . . . . + + 424 1 3| 414 © 9e Dudit pont à Tranfariou. « . . . .. +. «+ 694 6 O0! 694 5 «3 De Tranfariou à Bareges. . . ... .. «y «+++ 438 O 9! 438 1 73e Hauteur du Pic de Midi fur Bareges. . « « « «+ « 5029 1 45018 O 13. De Bareges au pont Saint-Auguitin. « , « «+ «+ 827 7 5| 827 8 11 Dudit pont à l'Auberge de Lus. . . « . + «+ «+ 817 11 7| Bi 1 3: De PAuberge de Lus à ia mine dé Plomb. . ... 390 7 Oo! 390 8 3 De la mine de Plomb à Neftalas. . . « . . «+ « + + 525 4 9! 525 O 3 DONS a ArselES Neal cleie cie AN OMS 410 9 D’Argelés au pont fur le Gave. « «ne. «+++ 215 7 9] 225 6 9: DaditpontidiMonrden ste el stetotet.tets elle SONT S 39 3 10 De Lourde à Notre-Dame d'Adé, ..,...9+ 11 2 2 12104 °x De Notre-Dame au pont près de Juillan, . ...+ 241 8 0 241 7 8 DU pontia Tarbes, Pete letene ele tete sale le SE NO NUO DANTNZ De Tarbes à l'entrée du chemin d’Aurenfan. . .. 1:7 4 6 ? 171 10 5 De ladite entrée au parc de Sarniguet. . + » « . + 44 8 11 4 Hauteur du Pic, fur le parc de Sarniguet, . 4. 8226 11 ©| 8115 5 7 à EX: (Q) D se Lu le 24 Avril 1788. * CHENU. 14 MÉMOIRES BE PP MÉMOIRE HISTORIQUE SÜR'LINOUISITION DE TOULOUSE, Au fujet de quelques reoiffres originaux de ce Tribunal du treiyieme frecle, au moyen defquels on établit des faits inconnus aux Hifloriens. Par M. l'Abbé Macr. P OUR mieux juger des faits contenus dans les regif- tres de l’Inquifition , que le hafard a fait tomber entre mes mains, & que je vais rapporter , il eft eflentiel de remonter aux événemens qui donnerent lieu à l’établif- fement de ee redoutable Tribunal à Touloufe (1). (1) Touloufe a porté deux titres qui femblent n'avoir pu fe réunir que dans cetie Ville, celui de Savante ou Palladienne (1), & celui de Sainte, Seroit-ce aux Poètes du temps des Empereurs qu’elle dut le premier ? eft-ce à l'Inquifition qui y fut établie dans le treizieme ficcle, qu'elle a dû le fecond? Alors il ne fe- toit pas difficile de concilier ces deux noms. Du temps de ces Poètes, Touloufe cultivoit par goût les Arts & les Sciences : elle devint dans leurs écrits la Ville Savante; les Inquifiteurs l'ayant purgée, pour me fervir de leurs expreflions, de toute forte d'héréfies, elle fut appelée la Ville Sainte. Les derniers lui procurerent fans doute cette quantité de reliques qui a fait dire à l’Auteur de la Chronologie des Evêques &t Archevêques de France *, qu’on chercheroït en vain un lieu plus faint dans l'Univers. Non ‘eff in toto fandior orbe locus. On lifoit autrefois ce Vers ou Epigraphe à Saint Sernin, dans la Sacriftie qui eft du côté du chevet de lEglife. Il y a plus de trente ans qu'il n'y eft plus ; mais on le voit encore en caraéteres gorhiques fur un pilier du dôme vis-à-vis de la porte. (1) Martial & Aufonne font les premiers où l’on trouve l’'épithete de Palladienne » appliquée à Touloufe. Martial étoit Efpagnol , & Aufonne étoit de Bordeaux. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. ts Vers le douzieme fiecle, il s'étoit renouvelé & ré- pandu dans les Provinces méridionales de Ja France, d'anciennes erreurs qui alarmoient la Cour de Rome. Les nouveaux Seftateurs qui les avoient adoptées, fu- rent défignés par les noms d'Albigeois ou de Vaudois. Les premiers ne tiroient pas leur nom d’Albia, ou Albi , comme on le croit vulgairement, mais d’A/ha Avoufla, Métropole du Vivarais où habiterent les H£- réfiarques *: leurs erreurs étoient fi varices & en fi grand nombre, qu'il feroit trop long de les rappor- a C’eft fans doute encore à ce grand nombre de Reliques qu’il faut attribuer le titre d'Urbrs & Orbis konos qu'on donnoit il ny a pas long-temps à cette Eglile. Voilà l'origine du nom de Sainte, donné à Touloufe, Les Efpagnols l'appel- lent toujours Tolofa La Santa. Les principales portes de la Ville font furmon- tées d'emblêmes facrés. On vient de defcendre de celle de Saint-Michel, qu’on a démolie, une pierre, où l’on voit fculptés en arabefque fur de petits pilafres, les Myfteres de la Paflion, & dans le milieu les monogrames les plus faints (1), le tout timbré d’une couronne d’épines. Un pareil monument fubfifte fur la porte de Matabiau, & fur la premiere porte de Saint-Etienne , du côté du Fau- bourg. Tel étoit le génie du feizieme fiecle. Auparavant les portes des Villes étoient furmontées de fleurs-de-lis (2). On y mer aujourd'hui des figures allé- goriques imitées de la Fable. Comme on fe propofe de démolir tous les bâti- mens qui tiennent à la porte Saint-Michel (3), je donnerai dans un autre Vé- moire la defcription topographique du Palais, conftruit par nos Rois vers la fin du treizieme fiecle où au commencement du quatorzieme , afin de conferver le plan de cet ancien monument élevé fur les ruines du Château Narbonnais, (x) Jesus, MARtA, Joserx. Les Moines abufant de tout, ont fait une feconde Trinité de ces trois perfonnes. On voit dans une des Chapelles de l’'Eglife des Corde- liers de Touloufe , en belle fculpture dorée » le Pere Eternel, au dellous duquel eft le Saint-Efprit, & puis les ftatues de la Sainte Vierge & de Saint Jofeph, tenant par la main le petit Jefus, le tout ée grandeur naturelle ; on litau-deflus de ce double groupe , ce Vers fingulier: Hic gemine triadi facri redduntur honores: Ce vers ne feroit-il pas de l’Auteur de la célebre infcription , Utrique Crucifixo ? C’eft ainfi que l'ignorance confondant tour » a tout bouleverfé dans la Religion, (2) Avant l’Inquifition des dernieres héréfies de Luther & de Calvin. (3) La clef de la porte qui eft fous les prifons du eôté de la petite place qu’on trouve entre les deux portes, chargée d’un écuflon de fleurs-de-lis dorées , femble prouver que cette porte & le bâtiment qui eft au- deflus, faifant partie du Château , ont été conftruits avant que l’écu de France eût été réduit à trois fleurs-de-lis. Cetre porte doit aufli être détruite pour conftruire für le même terrain des prifons & une nouvelle porte de Ville, * Tauan. lib. 6. H'AGT-55 20e 16 MÉMOIRES ter (1). On peut dire en général, que c’étoit un mélange de Manichéifme & d’Arianifme. Les Vaudois, ou Pauvres de Lyon, furent ainfi ap- pelés du nom de leur premier Prédicant, Pierre Valdo, natif de Lyon: c’étoit un homme riche, qui vendit tous fes biens pour mendier ; 1l forma une Seéte de Men- dians. C'étoient des ignorans opiniâtres , ennemis jurés du Pape. Ils furent les premiers qui mirent en avant cette maxime devenue fi dangereufe dans la bouche du fanatifme, oportet obedire Deo magis quam hominibus.* Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Vérité in- conteftable , quand on eft affuré que c’eft Dieu qui parle fans interprete (2) Les premiers Inquifiteurs qu'on leur oppofa furent Saint Dominique & Simon de Montfort. Mais le Pape Innocent III voyant que les prédications de ce Saint, & de quelques Abbés de Citeaux qu'il avoit mis à fa fuite , ne reuflifloient pas à fon gré, il quitta, dit un Hiftorien , le glaive de Dominique, pour tirer celui de (1) On trouve les principales erreurs des Albigeoïs dans l’Hiftoire de Béarn, de Pierre de Marca, Liv. 8, chap. 4 (2) Leur genre de folie étoit, 1°. de porter des fandales comme les Apôtres, 2°. ls difoient qu'il ne falloir jamais jurer pour quelle raifon que ce füt. 3°. Ne jamais tuer dans aucun cas. 4°. Ils fourenoient que chacun d'eux pouvoit , fans avoir été ordonné par lEvêque , mais pourvu qu'il portât des fandales, fuire le corps de Jefus-Chrift. Parmi les autres blafphêmes, comme dit le Pere Percin, on trouve ceux-ci: Le Pape eft le chef de toutes les erreurs. Les Prélats font les Scribes, & les Re- ligieux font les Pharifiens. Nul n’eft plus grand qu'un autre dans l'Eglife. On ne doit donner ni décimes ni prémices. Les Clercs ne doivent pas avoir des poffef- fions , ni les Evèques & Abbés jouir des droits régaliens; cet un mal de doter les Eglifes & les Couvens. L’Eglife ne doit pas difpofer des teftamens , & aucun homme ne doit devenir fon vañlal. On ne doit forcer perfonne à croire. Ils s’élevoient contre les privileges des Eglifes &: contre les immunités des Eccléfiaftiques. Ils condamnoient le Clergé à caufe de fon oifiveté, & anathéma- tifoient la rétribution des Mefles ; ils méprifoient l’excommunication & les in- dulgences , nioient le Purgatoire, &c. Voyez Perciu , partie premiere, de Her. c. 8. fer, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 17 , dont il arma Montfort (1). Ainfi, lorfqu'on vit Le “1e premier moyen de convertir les Hérétiques ne fuMifoit pas, on imagina de les exterminer : exemple qu'imiterent depuis les Efpagnols dans l'Amérique ; ils ne trouverent rien de mieux pour y établir la foi, que de détruire les naturels du Pays. Les Inquifiteurs ap- peloient cela expurpationem terræ ab hbee pravi- tate (2); & les Bulles les confirmoient dans ce pouvoir. Quoique d’autres aient voulu difputer à a Saint Do- minique la gloire d’avoir été le premier à faire l'Ingui- Jition contre les Hérétiques , on ne peut refufer à celui- ci d’avoir été établi le premier, en titre d'office , In- quifiteur Général du monde entier. C’eft ainfi que le rapportent les Hiftoriens de fon Ordre. Mais quoiqu'il ait exercé fes premieres fonétions contre les Albigeois, dans ce Pays-ci, & fixé fa demeure à Touloufe , le premier Tribunal n’y fut établiqu'en 1233 (3), par le Car- dinal Saint- Ange. Ce Légat , après avoir abattu les murs de la Ville, acheva de dépouiller Raymond de fes Etats, parce que ce Comte n’avoit pas fait l'impof- fible » qui étoit de chafler les Hérétiques; mais tout le Pays étant prefque infeêté de quelques- unes des erreurs qu'on pourfuivoit, il fe feroit trouvé fans fujets : ce Légat, dis-je, érigea alors, avec tous fes pouvoirs, ce Tribunal de fang à Touloufe : il devoit fervir pour toute la France, & la délivrer de tous fes Hérétiques. On voit, en eflet, par mes regiftres, que la marche de l'inquifition étoit de faire le procès à tous en ge- (1) Sed cum parum ea ratione proficere fib videretur Dominico gladio Pofito, ferreum ffrinxit & Simonem Montfortium bello præfuir. Percin, de Her. Pars. 1. c. 9. (2) Purger la terre d’héréfie. Percin. Inquif. Pars 3, p.101 , & Pars 2 , ©, 4# (3) Mezerai femble mettre cette époque en 1228, Tome IV. C 18 MÉMOIRES néral & en particulier (1) ; nous verrons qu'il ne lui en échappoit gueres. Les Inquifiteurs parvinrent à détruire les Albigeoïs, ou par le feu, au rapport du Pere Percin quiciteles regiftres antérieurs aux miens, Ou par la prifon perpétuelle, à laquel Ile nous allons voir condamner tous ceux qu'ils arrêtoient : les autres dépouillés de leurs biens étoient obligés de s’expatrier. Tout cela fe faifoit, dit le même Hiftorien, en l'honneur de Jefus-Chrift & de Saint Dominique : bee ad laudem Domini noftri Jef Chrifli & Sanéli Dominici (2). Afin de mieux réuflir dans cetteentreprife, on avoit fait nommer Evèque de Tou- loufe ,un Dominicain, Les autres Evêques ne s’étoient pas encore avilés de fe faire décorer du titre d'Inquifi- teurs nés. C'eft mal - à - propos que Lafaille a dit: « Raymond » étant mort, 6 Alfonfe lui ayant fuccédé, alors les In- » quifiteurs exercerent leur juflice en toute liberté: » puifque par les resciftres que j'ai fauvés du feu, il confte qu'ils jouifloient fous ce Raymond du plein droit d'exercer leur Juridi&tion. Nous verrons plus bas, que le Comte lui-même ( Raymond VII, }) foit qu'il y fût forcé ou autrement, joua avec eux ce rôle odieux. Un Capitoul condamna lui-même fa femme. D’après les procès verbaux on voit que les Inquifi- teurs tenoient leurs Séances régulierement & à jours fixes dans l’Eglife & dans le Cloitre de Saint Sernin, ou dans la maifon de l'Abbé. Saint Etienne fournifloit les prifons, celle de la Maifon de lInquifition ne fufi- (1) On comparoit l'Héréfie à l’'Hydre à laquelle il ne faut pas laifler une feule tête : & admouis ignibus mulriplicem portentuofi corporis prolem ferventi gla- dio defecaret ; ac fi ambuffis intrinfecüs medullis, cum rebelles venas improbæ fæcunditatis exureret tandem parturitio monfiruofa ceffarer, Hæc elegantiffimè Caffianus , dit Percin, de Heref. pars. 1, C. 2. (2) Percin , ad Martyr. Avenion. , p. 199. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 19 fant pas, de même que celle des Haut-Murats, ou Æmmurars, comme le dit Percin du mot /mmurari, qui leur fut accordée par St. Louis, en 1233. Le Sénéchal dans la fuite eut ordre de leur en fournir d’autres. Ils faifoient des courfes par temps, comme je le ferai voir dans ce Mémoire. On voit encore que, dans les Séances qu'ils tenoient à Touloufe , ils condamnoient un grand nombre d'Hérétiques à la fois, & que dans le même jour, ileft fait mention de plufieurs Séances, dans lef- quelles ils rendoient plufieurs Sentences. Dans les cahiers que j'ai en velin, du format #n- folio, depuis le 15 1°. feuillet, jufqu’au 163°. (x), on lit que Pierre de Roaix & Pons de Gameville, furent con- damnéslers Avril1245, pour fait d'Héréfie, avec con- fifcation de leurs biens(2) , & bona eorum decernimus occu- panda. La dame Aftorge , veuve (uxor quondam } de Pierre de Razengues, Raimonde Gausban, Arnaud Gruter ou Guetrer, de Touloufe , Auger de Verfeuil ,Ecuyer, Ber- nard Donat,* Arnaud de Saint-Jean, Raymond Calvet, de Verfeuil , Jacques d'Odars, Bernard Daidé ,de Saint- (1) Chaque feuillet a été coufu foigneufement avec un autre, à mefure qu’on le tournoir; c’étoit fans doute afin de tenir fecrets les Procès verbaux. (2) Pierre de Roaix & Pons de Gameville, parce qu’ils n’avoient pas voulu faire la pénitence qui leur avoit été ci-devant enjointe , qui étoit fans doute la Prifon perpétuelle , font ici condamnés comme Hérétiques , & leurs biens confif- qués.* Legirimè citatos & per contumaciam abfentes per definitivam fententiam tanguèm Hereticos condemnamus & bona cpforum decernimus occupanda...… I1 præfentia venerabilium Ar. Darago Prioris Sræ. Mariæ Deauratæ , Heliæ Prioris Sri. Petri de Coguinis, Magiftri Ar. de Gozeny Officialis Thol. ac Prio- ris Sti. Sarurnini. Athonis Durban & Petri de Drudas Canonicorum Sri. Satur- niné.Bertrandi Rainaldi & Villemi de Sto. Paulo, Monachorum Stæ. Mariæ Deauratæ. Bertrandi de Sareriis Capellani Ecclefiæ Deauratæ. Fortis Capel- lani Sri. Saturnini. Geraldi Ar. Bernardi de Quinbals. * Raïmundi Beren- gari & Reimundi de Sro. Seferro Capirulariorum Tholofæ & Gutel!mi Adam Bajuli pro Dono. Comire Tholofano. D'après l’appareil de cette Affemblée, por le nombre & les perfonnages qui la compofent , & fuivant le ftyle de ce Tri- bunal, dont j'aurai occafion de parler encore, ceci pourroit bien être une Sen- tence de mort contre deux relaps condamnés une autre fois, + *Fol,rr52 … * Capitout inconnuayang 1273e 20 MÉMOIRES Anian , Arnaud Dorbert de Lanta, Aftorge, veuve du Seigneur Varcia , Raymonde de Barravi & fa fœur Af- celine, Guillaume Mercadier de Touloufe , Hugon ou Hugues de Canela, Raymond de Canela de Lanta, B. Fabri, Specier ou Epicier | Piétavin ou Poitevin le vieux, Raymond de Suelh de Touloufe, Bernard de TE , Pétronne Efcudeira , Raymond de Villeneuve de Touloufe , Raymond Sun , Pons de Fa, Pons Paftre, Pierre de Cabanils, Guillaume de Cabanils, Bernard-Johan de Saint- Aulaire , Guillaume - Etienne de Gaure, la femme de Pons de Gameville de Toulou- fe, Vital de Salas, Fabrice époufe de Pierre Marques, ( Marchefiusÿde Touloufe, Bernard Dupuy (de Podio} nu Durand, Bernard de Ecca, de Hodars ; ;enun mot, trente-cinq perfonnes, dont plufieurs € étoient des pe ‘grandes maifons du Pays, furent jugées le même jour 8 du même mois de Mai (1) 1245, cinq ou fix furent condamnées à une longue prifon, & vingt-neuf a être enfermées dans un cachot pour le refte de leur vie : ër muro perpetuo : € ubi perpetuo commorari. I] eft vrai Que , pour qu ils ne mouruflent pas excommu- niés , & d’ apres l'aveu qu’ils avoient fait du crime d'Hé- réfie , on avoit foin de les relever de l’excommunica- tion , guo ( vinculo ratione prædiili criminis tenebantur 2e O mânes de nos anciens concitoyens ! fi vos noms reparoiflent ici, ne croyez pas que ce foit pour infulter à votre Faire C’eft pour inftruire notre fiecle , en déplorant l’aveuglement du vôtre! (1) H ya dans ce repiftre plufieurs renverfemens pour les dates & pour les mois , quoique la pagination en foit bien fuivie. On a mis le Procès verbal du 15 Avril 1245, avant celui du 8 du même mois. On trouve dans l’année 1247 le mois de Février, de Mars & d'Avril après celui de Novembre, &c. Sans m'arré- ter aux raifons de cette marche, je l'ai fuivie afin de montrer mon exaétitude à rendre fidellement le regiftre. DE L ACADÉMIE DE TOULOUSE. 21 On trouve enfuite que dans les féances de trente-fix Jours , 196 perfonnes furent condamnées à Touloufe. Si ce n’eft pas là exercer bien librement l’Inquifition , je ne vois rien qui aille plus vite que la St. Barthelemi. Le trait fuivant prouve combien ce Tribunal étoit implacable, & que limpofhbilité de ne pouvoir plus récidiver ne lui fufhifoit pas. Jeanne, veuve de Bernard de Latour de Touloufe, alors Religieufe de Lefpinafle, nunc Monialis de Lefpinaffa (1), fut condamnée le 18 Juillet 1246, a être enfermée dans le même Couvent entre quatre murailles (2), où elle ne recevroit que du dehors, fa fubfiftance. La Prieure eft chargée de l'exécu- tion. Elle eft condamnée à cette cruelle peine, pour avoir adoré ( terme de leurs cérémonies } plufeurs fois les Hérétiques , & en plufieurs endroits; pour avotr entendu leurs Prédications, les avoir reçus chez elle, &c. Ileft difficile de comprendre comment cette femme avoit pu faire tout cela depuis qu’elle étoit cloitrée, & il n’y avoit aucun aveu de fa part pour le temps pañlé, puifqu'on lui reproche d’avoir nié les faits. On l’ac- cufe encore d’avoir donné l’aumône à des Vaudois. La foudre n’eft pas plus prompte que l'étoitl’aétivité des Inquifiteurs. Ils fe tranfportoient par-tout. Peu efrayés (1) Robert d’Arbriffelles avoit travaillé, au commencement, pour l’Inquifi- tion, mais ce n’étoit que pour prêcher ; car on fait que ce Fondateur de l'Ordre de Fontevrault n’étoit pas inhumain ; il fonda en 11 14 le Couvent de Lefpinaffe, à la priere d’Amélius, Evêque de Touloufe... Percin de Herf, parf 1, p. 3. (2) Item anno & die prædiclis, quia Joanna uxor quondam B. de Turre de Tholofa, Montalis nunc de Lefpinaffa vidit € adoravir pluries Hereticos € in- pluribus locis: predicationes eorum audivir. Pluries recepit eos, dedit eis de Jüuo & credidit eos effe bonos komines. Dedit elemofinas valdenfibus & regavit verltatem contra proprium juramentum. Includatur infra fcepta Monafterii de Lefpinaffa in aliqua camerula feparata ne alii ad ipfam nec ipfa ad alios acce- dat. Sed ibidem exterius fibi neceffaria minifrent & mandamus Prioriffæ de Lejpinaffa quod fibi juxta prædilum modum faciat puniendi. Tefles præditi. Ces témoins fufdits font les Inquifiteurs eux-mêmes, *En1242, 22 MÉMOIRES du maflacre d'Avignonet*, où leurs Confreres avoient trouvé la mort qu'ils alloient peut-être donner (1), les nouveaux Officiers qu’on venoit de nommer, Frere Bernard de Cancio, & Frere Jean de Saint - Pierre, Dominicains , prirent la place de ceux qu’ils appeloient Martyrs(2). Ce de Cancio, au dire des Hiftoriens, étoit un terrible homme. Frere Guidonis & Léander Albert, ne trouvent rien de comparable à lui en fait d’Inquifi- tion. Le premier l'appelle le marteau des Hérétiques. Perfecutor .& malleus Hereticorum. Ces deux grands Hommes donc font les Auteurs de tout ce que je rap- porte ici. Ils allerent en 1244 (3), dans les Dioceles d'Agen & de Cahors, accompagner des Archidiacres de Villemur & de Ville-Longue, du Diocefe de Tou- Joufe , où , aprèsavoir abfous, le 7 Septembre, Aimeric de Brole de Cire Diocefe de Touloufe , ils le condamnerent en même-temps à la prifon perpé- tuelle : il eft dit que ce de Breflols avoua fon prétendu crime, metu probationis (4). Si ces mots , metu probatio- nis ,ne vouloient pas dire la queftion, ce devoit être quelque chofe d'approchant, puifque cette crainte arra- choit un aveu qui devoit coûter a celui qui le faifoit, la vie ou la liberté. Dans une féance qu'ils allerent (1) Ils en vouloient fur - tout au Comte, qui avoit un Château au lieu d’Avignonet. (2) Percin na pas héfité d’en faire de grands Saints, auxquels il donne le titre de Martyrs, avec tous les droits de Reliques , d'Office, de Miracles, &c. (3) Il eft à remarquer qu'on ne trouve ici que le Procès verbal de 1244, entre ceux du 6 Août 2246, & ceux du 3 des Ides du mois d'Août 1247, fans lacune, (4). Quæ omnia juratus & requifitus Sæpiùs negaverat coràm nobis, & poff modüm metu probationis prædiclä omnia recognovit efle vera, coram #obis in judicio conffirutus… Ipfum , ad peragendam condignam pænitentiam > in per- Petuum carcerem retrudi volumas 6 precipimus eumdem perpetud commoraré; € quia juravir flare mandatis noffris fuprà præmiffs , quèd ifflam pænitentiam compleat injungimus ei in virtute ipfius juramenti, fol, v°. 156. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 23 tenir à Ffcalquens, à deux lieues environ de Touloufe, pour confifquer les biens de Bertrand de Alamans de Sr. Germier, j'ai trouvé que de deux Capitouls afliftans, Oldric Carabordes, & Pierre-Guillaume de Saint-Roman, ce dernier n’eft pas fur les liftes qu’on a données jufqu'ici au public, pour l’année 1247. J'en reparlerai plus bas. L'Inquifition imitoit cette Loi des Romains qui, après avoir interdit l’eau & le feu à des criminels, pu- nifloit ceux qui les accordoient aux condamnés. Notre Tribunal alloit plus loin (1); 1l févifloit même contre les fentimens intérieurs d'humanité. On étoit puni pour avoir cru que les Hérétiques pouvoient être d’honnètes gens: quia credidit effe bonos viros. Ce prétendu crime revient ici à tout moment. Saluer fes connoiflances , fes voifins; manger avec fes plus proches parens; ne pas dire de mal de ceux qui étoient dans l'erreur ; donner l'hofpitalité, accorder fimplement l'entrée dans mais fon (2 ); ne pas dénoncer ceux qu' on croyoit Héréti- ques, les aimer , les croire bons, étoient d’autres crimes irrémiffbles. 1e 4 du mois d’ Avril 1247 , Efclarmonde de Sauzel, de la Paroifle de Ste. Malonie , eft condam- née à finir fes jours dans une prifon, pour avoir fait cuire du pain pour des gens qu'elle croyoit honnêtes : quia coxit eis panem & credidit eos effë bonos homines. Pons Garrigue, Izarn Bonhomme , Hugues de Mon- tanhol, de Saint-Anian, Armand Ermengaud, de Lanta, En veuve de Melo lequel avoit été brûlé, la Date de Villeneuve & tant d autres , fontauflhi con- damnés à la prifon perpétuelle, pour avoir falué des (1) Excommunicantes ipfos omnes qui deinceps eis feienter dederint confilium, auxilium vel favorem.…. C’eft la formule contre tous ceux dont on a confifqué les biens. C2) Recepit eos in domuim fuam, © negavit veritatem coram nobis 24 MÉMOIRES Hérétiques, ou pour en avoir été falués ou embraflés : pacem recepit ab eis : pour avoir reçu ou donné un baifer, quia recepic ofculum (x), eft-il dit, fol. v°. 158, de la dame de Villeneuve, pour avoir donné à manger à gens qui avoient faim, & qui le leur demandoient : pour avoir recu des préfens qui étoient peut-être des récompen- fes ou des paiemens: pour avoir mangé à lamémetable, füt-ce dans une auberge : pour avoir prêté le territoire à ceux qui fuyoient; pour en avoir tiré de prifon. La . nommée Willemme Dumas, de Touloufe , parce qu’elle avoit abfous fon mari, quia abfolvit maritum ; peut-être étoit- ce pour ne l'avoir pas voulu quitter. Etienne Garic de Lavaur , pour avoir coufu des peaux qui leur appartenoient , quia füebat pelles eorum (2), ( on voit que c’étoit fon métier, ) & pour avoir voulu donner l'aumône à celui qui quêtoit pour le rachat de lun de ces malheureux : on trouve encore ici très-fou- vent, pour avoir aimé de ces gens-là : quia dilexit eos : pour ne les avoir pas dénoncés, quia celavit eos: pour n'être pas venu foi-même, au temps préfix , s’ac- cufer devant les Inquifiteurs; en un mot, pour avoir fuivi les Lois de la nature & de l'humanité , qui veu- lent que nous faflions à autrui ce que nous voudrions qu'on nous fit: pour avoir fait des aftes de charité & de miféricorde, recommandés par l'Evangile dans le Sermon de la Montagne. (1) Voudroit-on dire par tout cela, que c’étoient des formules Hérétiques ? Alors, pourquoitous ces détails, qui infitent la nature ? N’étoit-il pas plus court de les condamner comme Hérétiques ? Autrement c’eft dire-que lon punit de bonnes œuvres, ou.qui font au moins indifférentes en foi. (2) Manfit cum hereticis & fuebat pelles eorum & voluit dare denarios guefori herericorum pro heretico capto redimito. Fol. w°. 152. S’avife-t-on au- jourd’hui d’un homme qui demeure chez des Proteftans, ou quitravaille pour eux? Par DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 2$ Par le même Procès verbal, Aldrige , fœur de Pierre Laurens , Bernard Deprat, Jeanne, époufe de Wil- laume ou Guillaume Solar, Efclarmonde, veuve de Pons Bret de Gauderville , Arnaud Naborgefa ou Na- borgefe, de Roqueferiere , Etienne Fabri, Pierre Fabri, Arnaud Fabri, Pierre Fols, Jordan Hugole, Pons Jordain, Arnaud Andréas, Willemme de Gozeny, de Saint-Martin de la Lande , Guillaume * de Sermenha, Pons de Piquel, Guillaume de Serignan, de Fanjaux , & tant d’autres dans différentes féances de ce même mois , font aufli condamnées à une prifon perpétuelle pour y finir leurs jours : in perpetuum carcerem retrudi vo- lumus , 6 precipimus ibidem perpetuo commorart. Il eft parlé, dans plufieurs endroits, du pain bénit des Hérétiques (1. Parmi ce qu'on impute à Pierre Paflämar, de Befcete, & Arnaud Boaïff de Mon- joyre(2), on reproche au premier, le 3°. des nones de Juin 1246, d'avoir mangé à leur table, & du pain qu'ils avoient béni; & au fecond , non-feulement d’avoir mangé de leur pain bénit, mais de leur avoir donné du fien : quia comedit cum Heæreticis 6 de pane benediëlo ab eis , dedit eis de fuo. Et parce que Antoine Horre de Hautpoul, & Pierre Barot de Saint-Anatholi, refufent de s’aller mettre entre quatre murailles : ad murum perpetuum (3), ils font dé- Ci (x) Le dernier Annalifte de Touloufe ni Auteur qu'il cite, n’ont pas parlé de pain bénit ; ils ignoroient, fans doute, cette cérémonie. (2) De Monte Jovis. 1 y avoit aufli aux Alpes un Monsjovis, appelé aujour- d'hui Mont-Jour , fur lequel les Romains avoient fait bâtir un ‘Temple à Jupiter à la place de celui du Dieu Pennin, qui avoit donné à ces Montagnes le nom des Alpes-Pennines. V. M. Bourit, tom. 3, pag. 271. (3) Ad murum perpetuum condemnati pro hærefi & diutius expeclati, non velint facere pœnitentiam fibi datam….. Abfentes tanqguèm hæreticos condem- namus € bona ipforum decernimus occupanda. Tome IV. D * Onlitpar- tout Willau- me pour Guil- laume , & Poncius pour Pons. 26 MÉMOIRES pouillés de leurs biens, eux & leur famille , par Sentence du 13 Novembre 1247. La plupart des Procès verbaux que j'aien mon pouvoir, contiennent à peu près, les mêmes chofes. Je me contenterai d’en rapporter ci-après un feul en entier, pour en faire connoitre la forme. Toutes les chofes que je viens de rapporter, & ce qu’on a fait depuis à l'égard des Proteftans , ne laiflent plus de doute que les Tribunaux de l’Inquifition comp- toient plus fur la deftruétion totale, des Hérétiques que fur l’efpoir de les convertir. En dernier lieu on difoit y avoir réufli en France , & l’on débitoit qu'il n’y avoit plus de Proteftans. Nos papiers publics de cette année ont même rapporté ce propos fi peu croyable, dans des temps où des Auteurs venoient de démontrer qu'il en reftoit encore trois milions (x) , ce qui prouve la néceflité & la fagefle de l’Edit que vient de donner Louis XVI (2), qui, en rendant tous fes fujets citoyens , les ramenera plus aifement au giron de l'Eglife. On difoit du temps de l’Inquifition du treizieme fiecle, que le confeil du Prince étoit corrompu, parce qu’il fouf- froit qu’on ne dénoncçât pas fes propres fujets : guia con- cilium Principis erat corruptum in fide notabiliter : au- jourd’hui on a dit qu’on alloit perdre la Religion, parce qu'on travaille efficacement à la conferver. O hommes! que detemps il vous faut pour fortir de l'enfance ! Vou- oo (1) L’Obfervateur Anglais, & autres Auteurs, qui fous le voile de l’anonyme ofent dire la verité, font monter à trois millions le nombre des Proteftans qui font encore en France. Ils font, dit le premier, /a Ge. partie des habirans du Royaume. Il rapporte à cette occafon que «quelques Auteurs, comme l Abbé Expilly, le fieur Martin, &c. ont fait monter de 22 à 23 millions le nombre des habitans de la France ; mais on le regarde comme de beaucoup exagéré. » Obferv. Angl. de l’édir. que j'ai, tom. 23 pag. 361. (2) Je refterai toujours étonné que la Ville Savante ( Touloufe ) ait fait des dificulrés pour enregiftrer cet Edit. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 27 driez-vous toujours ne croire & ne faire croire que par force ? Si Raymond VI, Comte de Touloufe , fut puni pour le foupçon d’avoir eu part au maflacre des Inquifiteurs fait à Avignoneten 1 242, fon fils Raymond VII dut être bien plus humilié lorfqu'il fe vit obligé de s’afleoir à côté des fuccefleurs de ces mêmes Inquifiteurs, & de condamner avec eux fes propres fujets, dont les erreurs , n’étant que dans l'efprit , faifoient des malheureux & non pas des coupables , qu'il falloit perfuader & non égorger. Le 19 Février (1) de l’année 1247, le Comte con- damne conjointement (2) avec l’Evêque de Toulou- fe (3) & le Prévôt de Saint-Etienne, un Alaman de Roaïix, de cette illuftre famille, par laquelle Raymond VI fon pere, avoit été reçu , lorfque le fanatifme chafla ce Comte infortuné de fon château Narbonnais. Le prin- cipal crime de ce de Roaix, étoit d’avoir donné dans l'erreur aufli ancienne que les hommes , des deux prin- cipes, l’un qu'on fait l’auteur du bien, & l’autre du mal. (4) Opinion dont il refte toujours de traces fous le nom de bon & de mauvais génie. Outre les erreurs de fon temps, on reprochoit à de Roaix d’avoir donné afile chez lui à fes freres, de les avoir admis à fa table, de les avoir afliftés dans leurs (1) I fe trouve encore ici un renverfement de date. (2)... Adum Tolofæ in Domo Communi, in prefentia Domini Epifcopt Tholofani, Domint Comiris Tolofæ , Prepofiti Sancti Stephani , Willemi Izarni, Bernardi Prioris Fratrum Prædicatorum , Fratris Raymundi( ou Bernardi} de Paonac, Johannes de Sanélo-Gaudencio , & Petri Aribeti. Fol. v°. 160. (3) Cet Evêque étoit d’une noble famille de Touloufe. Il devoit être bien dur pour lui de condamner un homme de qualité de la même Ville ; mais il avoit été le compagnon de St. Dominique ; il étoit le Provincial aëuel des Domini- cains, il avoit entrepris de leur bâtir une belle Eglife & un grand Couvent! Ajoutez à tout cela que de Roaix étoit fort riche. (4) Credidit quod funt duo Di, unus benignus, & alius malignus, Fol, r°, 160, 28 MÉMOIRES befoins ; d’avoir donné des préfens à d’autres, & d'en avoir reçu : dedit eis 6 recepit ab eis munera ; & il eft condamné à finir fes jours dans une prifon a St. Etienne, à nourrir & habiller le nommé Ponce ou Pons, qui avoit refté , dit le repiftre, chez Raymond Ecrivain, autant que ce Pons vivroit (1), en des dommages & (1) Injungimus ei qudd hodiè intret domum carceris apud Sanéum Stepha- num ibidem perpetuù moratururm.…… Injungimus etiam eidem qudd provideat Poncio qui fletir quondam cum Raymundo fcriptore, pro vidu & vefitu, guandrù ipfe Poncius vixerit in quinqguaginta folidos Thol. annuarim…. Ce Ponce ou Pons pou:roit bien être un ancien ferviteur, ou un autre Clerc du Chanoine de Saint Etienne appelé Raymond Ecrivain, qui avoit été tué, cinq ans auparavant, avec fon Clerc & les autres Inquifiteurs à Avignonet , & qui étoient enterrés au Cloitre Saint Etienne. Nos Auteurs ne font pas d'accord fur la tranf- lation de leurs Reliques du Cloître dans l’Eglife. Lafaille dit: « que M. de Mon- chal, Archevèque de Touloufe, qui avoit voulu en faire l'élévation, en fur dé- tourné, parce qu'on ne fut démêler leurs offémens d’avec d’autres qui fe trouverent tout joignant : dumoins , ajoute-t-il, c’étoit la raifon que j'en enten- dois donner en ce temps-là ». Cependant Lafaille auroit pu éclaicir ce fait, puif- que c’étoit de fon temps. Le Pere Percin, qui écrivit fix ans après l'Annalifte, nous aflure que cela fut fait ; & nous voyons encore aujourd’hui, dans la Cha- pelle de St. Alexis, aux bas-cûtés du Chœur du côté du Cloître, une infcription far un marbre noir qui fembleroit le confirmer. Mais ce n’eft pas la même rapportée par Percin & Catel. Celle-ci porte: D. RE RAYMVNDVS SCRIPTOR ECCL. THOL. CANIC. ET ARCHIDIACONVS ET BERNARDVS ILLIVS CLERIC. | PRO FIDE CHRISTI OCCISI VNA CVM INQVISITORIB. FIDEI LE Celle de Catel, IIII. KAL. IVNIT_OBHIT. R. SCRIPTOR SACERDOS ET CANICVS ISTIVS LOCI. ET ARCHIDIACONVS VILLÆ-LONGÆ QVI EVIT INTERFECTVS CVM INQVISITORIBVS HÆRETICORVM APVI AVIGNONET. ANNO DOMINI M. CC. XLII. ET CVM BERNARDO EIVS CLERICO QVI SEPELITVR CVM IPSO 11 y a ici une différence trop fenfible pour croire que la pierre d'aujourd'hui = DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 29 en une reftitution envers les Hofpitaliers de Saint Jean. Qu'on ne dife pas ici que les [nquifiteurs n’appeloient le Comte que comme bras féculier, puifqu'ils pronon- coient eux-mêmes les Sentences (1). Ce furent le Prieur & fes afliftans Religieux qui condamnerent au feu, à Cahors & à Moiflac, des morts & des vivans; & à Tou- loufe, Arnaud Sancerii qui fut brülé, malgré fa profef- fion de foi qu'il fit devant le Tribunal, & quoiqu'il criât dans les rues, lorfqu’on le menoit au fupplice, qu'il étoit Catholique Romain (2) ; ce qui prouve encore qu’on ne fe contentoit pas de l'extérieur (3), mais que l’on vouloit juger de l’intérieur & détruire. Car que pouvoit- on craindre d’un pauvre Artifan, tel qu’étoit Sancerii ? Je vois en outre dans ces regiftres la plupart des con- damnations faites fans l’afiftance d’aucun Juge féculier. Îlne s’en trouve que quelques-unes faites en préfence du Bailli ou Baile (Bajuli Comitis) de quelques Capi- touls , ou du Viguier , qui ne fut que leur exécuteur le jour de la Canonifation de St. Dominique , où ils quit- terent le diner de la Fête , pour aller condamner & brû- ler une femme détenue au lit malade ; après quoi ils revinrent a table (4). foit celle du Cloître ou fa copie : ne pourroit-on pas dire, pour concilier ces trois Hiftoriens, que les offemens n'ayant pas été tranfportés, on mit, à leur mémoire, l’infcription que nous voyons aujourd’hui, comme cela fe pratique pour un cénotaphe? (Gi) Pronunciabant enim foli Inguifirores. Percin, Inquif. part. 3, ch. 5. Lor(- qu’il furvenoit quelque oppofñition, le Parlement confirmoit la Sentence des In- quifiteurs, dit le même Auteur. (2) Condemnavit eum tanguäm hærericum . . . licét ipfe Arnaldus Clamaret per plateas cum ducebatur. V idete omnes quam injuriam faciunt mihi, quia ego bonus Chriflianus fum, & credo fidem Romanam. Percin, Martyres Avento. (3) Ut coram me de fide fuà refponderent , dit un Inquifiteur dans fa lettre citée par Percin, shid. (4) Ce trait de fanatifme paroîtroit incroyable, s'il n’étoit rapporté par fes propres Hiftoriens. Voyez Percin, monumenta convenius Tolofani Ord. FF, Præd, part. 1, pag. 49. 30 MÉMOIRES Par un autre Jugement du 16 Juin 1246, Etienne de Roaix (t), Pierre Efquat, la dame Aflaus, époufe de Raymond de Caftelnau , de Montaftruc, avoient été aufli condamnés à la prifon perpétuelle, dans une Affem- blée générale où étoient l'Abbé de Montauban, le Prieur & des Chanoines de Saint Sernin, avec d’autres Ecclé- fiaftiques , & fix Capitouls appelés Capitulaires (2). (1) Quia confia per confeffones in judiciis faclas Stephani de Roatio, Ferré Efquar, Dominæ Affaus, uroris Raymundi de Caffronovo , & Raymundæ, uroris Arnaldi Unda , de Tholofa, & Petri de Creëffac de Monteafrugo ; & guia prædiclus de Creiffac de Monteaffrugo vidit pluries hærericos € in plu- ribus locis, adoravit eos pluries, celavit veritatem contra proprium juramen- tum .... fecit facramentum de non revelanda hærefi : ipfos ... ad peragen- dam condignam pœnitentiam in perpetuum carcerem recrudi volumus, &c. Aëum Tholofeæ in Clauftro Sanéhi Saturnini , in præfentia Aldofoff, Abbaris Montis-Albani. Ar. Prioris Sani Saturnint, Willemi-Raymundi P. de Drudas. Ar. Begonis, Prioris de Gliffot. Simonis, Prioris de Blanhiaco , Canonicorum Sandi Saturnini. R. Caplli. Sancli Sarurnini , amlii Ca. Sandi Stephani ; R. Ca. Beatæ Mariæ Deauraræ ... Hugonis de Roario, Grifr de Roario, Willemi-Hugonis Pellicieri, Raymundi Berengarir, Raymundi Rainerii & R. de Sandlo Sezerto, Capitulariorum Tholofæ & mulrorum alio- rum de Clero & populo Tholofano in generali Synodo. (2) Comme la lifte des Capirouls de cette année ( 1246 ) n’a jamais paru, j'ai cru devoir rapporter ceux que j'ai trouvés dans le regiftre, ainfi que deux autres qui manquent dans celle de l’année fuivante 1247 , & trois pour 1245 , dont j'ai parlé plus haut. Capitouls qui fe trouvent dans le regiftre de l'Inquifiion, & qui manquent dans les liftes publiées. | Pour l'année 1245 , dont La life n'a jamais été publiée. Geraud Ar. Bernard Guinbals, Fol. r°.151.< Raymond Berenger ou Berenguier. Raymond ou Bertrand de Saint-Cefert. Pour 1246, dont la liffe n'a jamais auff été publiée. Fol, »°. Pons Aftré. Fol. r°. 153. Hugon ou Hugues de ibid. Raymond de Saint-Cefert. Roaix (1). ibid, Raymond ou Bertrand ibid. Grifius de Roaïix. Rainerii. Fol, r°. 154. Bertrand de Villeneuve. bid. Guillaume Hugon ou Hu- thid. Guillaume Hugon. gues Pellicier. Fol. r°. 155. Etienne le Maître ou ibid. Bon, Mancip, Maurand. Meftré. ibid, Jordan ou Jourdain de Vil- | ibid. Fol. v°. Pons le Maître. leneuve. ibid. Bertrand Defcalquens. tbid. Raymond Berenger. a ——_— (1) Quoique la plupart de ces noms fe trouvent fouvent dans les liftes publiées, DE L'ACADÉMIE DE L'OULOUSE. 31 C'étoit un nouveau crime contre ceux qui s’évadoient , ou qui étant fortis de prifon avec permiflion , N'y reve- noient pas pour achever leur pénitence (1) : peut-être fermoit-on les yeux fur la fortie des riches, comme cela arriva à Arnaud Boterii de Exilio (Dremil}, du Diocele de Touloufe, à Raymond de Syolls, Arnaud Guerrerii, &c. , dont onconfifca les biens le 15 de Mars & le 4 Avril de la même année ( 1247 }. Dans des féances antérieu- A celle de 1247, qui a été publiée , il mangue, Benede@i ou Bencdiéti (Benoît ), P. Guillaume de Saint-Romain (r). Ces deux Capitouls de 1246, Hugues & Grefus de Roaïx, étoient.ils parens d'Etienne Roaix , condamné cette même année ? Cela pouvoit être : l’Inquifition exigeoit le facrifice de tous les fentimens. Un fils devenoit le délateur de fa fa- mille. La plupart des Jugemens qu’on voit ici, font pour n'avoir pas dénoncé, pour avoir tenu cachés les Hérétiques , pour les avoir confolés, ou pour ne les avoir pas fait arrêter. On avoit obligé le Comte de vendre le fang de fes propres fujets, en donnant deux marcs d'argent à chacun de ceux qui prendroient un Hérétique , homme ou femme (2) ; & il paroît que le jour des Ides de Juillet, le Capitoul Bon-Mancip-Maurand fe vit obligé de condamner fa propre femme à une prifon perpétuelle (3). (1) I exifte encore des Lois qui prononcent des peines contre un homme ati, d'après la Loi la plus naturelle, s'échappe des prifons. Cette dureté feroit-elle prife de lInquifition ? ou l’Inquifition lauroit-elle prife de nos Lois ? On dit bien que notre procédure criminelle eft copiée de lInquifition, & que nous te- nons celle-ci des Druides. Mais nos Tribunaux ont mitigé cette rigueur, & ne puniffent que les attentats que peut commettre un criminel en forçant les prifons 0 les Capitouls n’en font pas les mêmes, puifque les prénoms de ceux que je rapporte ici font diflérens. On trouve bien ailleurs Jourdain Villeneuve & Pons Aftre, &c., mais c’eft dans des années trop éloignées pour pouvoir croire que ce foient les mé mes perfonnes. (1)... Aülum apud Efcalquenx in prefentia R. prepofñi Tholofe. W. de Panata Ca. d'Efcalquenx , Magiflri Benediéli , Aldrici Carabordas, P. Willemmi de Sando- Romano ; Capitulariorum Tholofæ & P. Ariebii ou Aribeti, fol, r®. 160. (2) Quod faëtum fuit mulioties. Perc. Mart. Avig. (3) Et quia prononciata Bernarda ,uxor Boni Mancipii-Marrandi , vidit & adoravir multocies hæreticos . .« . . credidit #ff> bonos homines , &c. in perpetuum carcerem retrudi volurnus, & precipimus ibidem perpetud commorari in prefentia Boni-Mancipii-Maurandi; Poncii Magiflri & Bertrandi d'Efcalquens, Capitulariorum . ... Sice n’eft pas fa femme, c’eft quelqu'un de Ja famille ; mais dans la longue lifte des Capitouls de ce nom, on ne trouve d'autre Bon-Mancip de Maurand qu’en 1306 & 1307, 32 MÉMOIRES res & poftérieures à celles-ci, on en fit autant à d’au- tres pour n'être pas venus prendre leur poîte, in muro perpetuo, ou pour être fortis de prifon fur leur parole, & n’y être pas revenus finir leurs jours. On déclare ici que les prifons perpétuelles étoient imaginées, afin de ne pas mettre les ames en danger de récidiver : quia carcerem exierunt in periculum anime. Tous les Jugemens par contumace furent de tout temps cruels:ici, outre la prifon perpétuelle, ils portoient la confifcation des biens. J'ai remarqué qu’elle avoit toujours lieu fur les gens riches , & que dans les années que je cite, ils préféroient de s'emparer des biens des coupables, perfuadés fans doute qu'ils leur échappe- roient moins quand ils feroient dépouillés de tout ; ou peut-être à la fin préféroient-ils leurs biens à leurs per- fonnes ? Je vais rapporter en fon entier un de ces procès ver- baux qui donnera une idée exaéte de la formule des Ju- gemens , & fera connoître une partie des ufages & des cérémonies des Albigeois. kIn nomine Domini Jefu Chrifti cruciñixi, Amen. Anno Domini M. CC. XLVIIL. $ menfis Junii, nos Fratres Ordinis Prædicatorum, Bernardus de Cancio & Johannes de Sanéto-Petro , Inquifitores hæreticæ pravitatis in Civitate & Diocefi Tholofæe , Auétoritate Apoftolicà deputati. Quia Villemus de Valettas de Sanfto-Felice, Tolofæe Diocefis, de hærefi condemna- tus, vidit multociens & in multis locis hæreticos, vifi- tavit eos, receptavit eos multociens in domum fuam, dedit eis ad comedendum & comedit cum eis in eadem menfa, aflociavit eos multociens, duxit eis ad hæreti- candum DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 3% candum (1) quafdam perfonas, & hæreticationibus 1lla- rum perfonarum interfuit, folvit lepata hæreticis, appa- reilhamentis te oupe AA accepit pacem ab eis, prædicationes eorum audivit , adoravit eos tociens flexis genibus, proftratis in terra manibus qui de nu- mero non poteft recordari. Credidit hæreticis & eorum erroribus, & credit falvari fi moreretur in feéta eorum, & pofiquäm abjuravit hærefim coräm alis Inquifitori- bus apud Sanétum-Felicem , & etiam apud Tholofam, in judicio conftitutus vidit & adoravit hæreticos in do- mum fuam apud Valettas , & dedit ad comedendum & prædiéta negavit fapius interrogatus & in judicio conf- titutus, un con{cientiam & proprium juramentum ;, ficut per confeffionem ejus fatam in jure , nobis Pme tat iplum nunc ufum faniore concilio ad unitatem Ec- clefiæ, prout aflerit, redire volentem in primis, omni hatéticA pravitate sb] uratà, abfolvimus fecundüm for- mam Ecclefiæ à ce rpe excommunicationis , QUO , ra- tione prædiéti criminis, tenebatur adftri@us ; fi tamen ad Ecclefafticam unitatem de corde bono redierit ac man- data fibi injunéta compleverit, & quia in Deum & fanc- tam D dta prædiétis modis temere deliquerit, ipfum coràm nobis comparentem ad recipiendam pœnitentiam fuper crimen hærefs, convocato multorum Prælatorum & aliorum bonorum virorum concilio , ad peragendam condignam pœnitentiam , in perpetuum carcerem retrudi volumus & precipimus 1bidem perpetud commorari & quod iftam pœnitentiam expleat injungimus ei in vir- tute præftiti juramenti : fi non prædiétam facere nolue- t, ipfum excommunicationis vinculo innodamus. Ac- (1) Cela veut dire être initié à leurs cérémonies, Tome IV. E 34 MÉMOWRE'S tum Tholofe in Clauftro Sani Stephani, in præfentia Arnaldi , Prioris San@i Saturnin: , Raymundi Capella- n1, Dee L Magri (ou Magiftri) , Petri, Archipref- sbiteris de neo Johannis de SPACE à Petri Aribeti & los aliorum (x). » J'ai remarqué que dans tous ces procès verbaux 1l eft dit qu'on faifoit faire le ferment à tous. Cependant c'é- toitun point inviolable chez ces Hérétiques de ne jamais jurer, pour quelque chofe que ce füt, jufques la qu'ils préféroient mourir à faire un ent Le 9 Juin de la même année 1 248, Villaume de Vale- riis de Saint-Felix, quoiqu'il eût nié qu 11 fût Héréti- que, après fon férinént, dit-on ,eft déclaré , fur la dépofi- tion des témoins (2), Hérétique, & Conde comme tel, par Sentence définitive en préfence de l’'Evêque d Agen : ipfam prefentem per definitivam Sententiam hæ- reticum condemnamus. N’étant parlé ici d'aucune peine 4 doit-on penfer que c’étoit cellle de mort ? Je vois dans Percin que cela étoit arrivé à des Hérétiques convaincus par témoins , & qui ne vouloient pas avouer. Dans la Sentence contre Arnaud Sanceri,1l n’y a que ces mots: condemnavit (Prior) eum canquam hæreticum , & il fut brûlé. Je crois qu'on pourroit foupconner ici la ! t (1) Voici la livrée des condamnés... Damus tamen licentiam Raymundo Sabbaterié qudd maneat cum patre fuo qui valetudinartus ef} & Carholicus € pauper ut dicitur , guandiu virerit pater fuus, € interim portet mantam nt- gram & Crucem in omni vefle cum duobus branchiis tranfverfalibus , & provi- deat ficut poterit patrt fuo. Fol. r°. 152. (2) ils condamnoient fouvent, d'après la feule dépofition d’un délateur : Percin rapporte qu'on en fit brûler plufeurs fur le fimple témoignage d'un nommé Groffi, qui ayant quitté la fuite des Albigeois, où il avoit refté 22 ans, deviat le délateur de fes premiers freres, & fervir feul de témoin dans les pro. cès, fans qu'aucun des accufés osût, dit-il, le contredire. Il appelle cela une marque de la prote@tion de Dieu dans leur miniftere, V. Jæcul, 1. DE L'ACADÉËMIE DE TOULOUSE. 35 même chofe de ceux qui, ayant évadé les prifons & étant repris, font fimplement condamnés comme Hére- tiques. Le moindre foupçon d’héréfie rendoitcoupable. Pierre Garfia de Bourseto-INovo , Citoyen de Touloule, pour n'avoir pas LE ,dit cu regiftre, fe mettre à M merci du Tribunal, & fe dede contre ce qu’on avoit trouvé d’écrit dans les notes de l’Inquifition (r), eft déclaré ex- communié. Un Médecin de Saintes-Puelles, (Pierre-G, Garnier )dontla profeffion eftde voirtoutle monde, parce qu'il a vu & falué des Hérétiques, & parce qu'il n’a pas voulu aufli fe défendre & fe mettre àdifcrétion , eft déclaré diffamatum de hæreft , fufpeët, contumax & excommunié, ce qui veut dire, furvant leur expreflion, être déja dans les filets de l’Inquifition : excommunicationis nodo innc- damus. Or, les excommunications, pour fufpicion d’héréfie, menoient bientôt, d'après le Code prétendu Catholique, à toutes les LS peines. Dans tous les proces verbaux que J'ai, l’on voit que pour fe faire abfoudre ou lever cet anathème qui fuivoit par-tout le coupable, il falloit aller faire la confefion & l’aveu des cas dont onétoit ac- cufé. Toutes les formules font conçues en ces termes : quia conflat nobis per confeffi 710 ones in Judicio faétas (2), Alors celui qui confefloit d’avoir vu , falué, fecouru ceux qui étoient entachés d’héréfie , d’avoir mangé avec eux, d'avoir eu pitié de ceux qui étoient emprifonnés, (1) Licèt dederimus ei in feriptis ea quæ in Inquifitione inventa funt contra eum. Oblara Jibi copie deffendendi non vult fe deffendere. Fol. v°, 160. (2) Cependant Percin a dit lui-même que ces gens-là aimoient mieux tout foufftir , que de rien avouer. 26 MÉMOIRES & autres cas de bienfaifance dont nous avons parlé, étoit délivré de l’excommunication : rzunc vero , dit le regiftre, ufos faniori concrlto , ad unitatem Ecclefiæ re- p Le ( car ils étoient ordinairement plufieurs ) abfolyimus Jecundam, formam Ecclefr æ à vinculo excommuni- cationis quÔ, ratione prœædicti criminis , tenebantur adffricti. Mais comme on ne vouloit plus que ces malheureux, ainfi que je l’ai obfervé , retombaflent dans l'erreur, & pour expier letort qu'ils avoient fait à Dieu & à l'Eglife 2 quia in Deum prædittis modis temere deliquerunt , on les condamnoit à une prifon perpétuelle, où l’on ordonnoit qu'ils fuffent enfermé: le refte de leurs jours (1). Quoiqu'il foit ditici le plus fouvent , qu’on les jugeoit d'après leur aveu ,aveu qui n'étoit pas libre , puifqu'ils préféroient de tout Aire au ferment qu'onexigeoit d'eux , je trouve cependant qu’on en condamnoit fans cet aveu. Le 11 Avril 1247, Guillaume de Latour, Pétronne la mere, la femme de Raymond Barot, de la Pomare- de, Raymond Othon, l’époufe de Druille, Bernard Cafto & fa femme, Pons & Pierre Vinada freres, Pierre de Solar & Raymonde fon époufe, abfens & défaillans, ont leurs biens confifqués fur des fimples témoignages rendus d’après la diffamation & le foupçon d'he- réfie (2). Si, d’après ce que j'ai remarqué, les Sentences où 1l (zx) Voilà fans doute ce qui a fait dire à Percin que la maniere de procéder de l’inquifition n’étoit point atroce, mais douce : ur adverrerem modum Îngut- Jitionis non atrocem , fed micem : abfolvebantur fi guidam qui ad Ecclefiam redire volebant. (2) Diffamatr de herefi & fufpedi… ficur per tefles fufficientes nobis conffat & citati non apparuerint ut deffenderent fe coram nobis, Fol, re, 161. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 37 y avoit fimplement hæreticum condemnamus, n’étoient pas des Jugemens de mort, je ne trouve pas dans le peu de temps que je parcours, qu’on ait allumé des bûchers pour brüler les vivans & les morts, comme il confte qu'on l’avoit fait par les regiftres des douze ou quinze précédentes années , rapportées par Percin, & comme on le fit dans la fuite. Mais certe façon d’enfermerdans des cachots pour les y faire mourir, tendoit plus efficace- ment à la deftruétion des Hérétiques : j'ai obfervé que dans moins de cinq mois, on en condamna près de deux cents à la Prifon perpétuelle, parmi lefquels 11 y en avoit dont les peres , les maris ou les parens avoient été brülés les années précédentes. Les bûchers, depuis qu’on avoit imaginé les confifcations, n’étoient dreflès que pour jeter par temps l’épouvante dans le public. Alors , quand on avoit exhumé les morts pour lesfaire brûler avec les vivans , le cri de joie ordinaire étoit faëlus eff timor mag- num in terra (x) :1l faut avouer qu’on pouvoit être effrayé à moins, Mais dans le fyftême de deftruétion , les prifons perpétuelles , fans faire tant d'éclat, étoient le meilleur, moyen d’enterrer l’héréfie, & les confifcations enrichif- foient fans paroître fi cruelles : jecroisqu’on pourroit dire, fans témérité, qu’iln’y a pas de brique dans cette belle Egli- fe & dans ce fuperbe Couvent des Dominicains, bâtis en ce temps défaftreux , qui n'ait été la dépouille de quelque Albigeois (2). Les resiftres où l’on écrivoit ces horribles Sentences, étoient appelés Ze livre de vie : féripta Junt in libro vitæ (ideft, inrepiftro Inquifitionis )(3). Les cahiers (1) Percin, pag. 200, ad Martyres. } .… (2) Les Religieux aëtuels n'en font pas refponfables, aufli ont-ils le plaifir de jouir fans remords. (3) Ce font les propres paroles du Pere Percin, ad Martyres, pag. 2071, col. 1, art, 24 À * Lafaille. * Antonius Mafloulié Tolofas, 38 MÉMOIRES dont j'ai parlé, ont donc fait partie du livre de vie. L’Anvalfte * de Touloufe n’eft pas mieux fondé à dire « que l’héréfie des Albigeois s'étant diflipée, ce Tri- bunal eut à peu- près la même décadence que cette Seéte, x» puifque après que l’héréfie eut difparu, ils fe retournerent vers les Magiciens & les Sorciers. Encore en 1510, les Inquifiteurs difputerent avec le Juge-Mage, pour favoir lequel d'eux feroit brûler le corps d’un He- rétique mort avant ou après la Sentence. Le Parlement décida en faveur des Inquifiteurs (1). On croit bien qu’ils n'épargnerent pas davantage les Hérétiques des fiecles fuivans, puifqu’au dire de cet Auteur , l’Inquifition avoit été déclarée Cour Royale par Arrêt du Parlement de Paris, du 7 Mai 1331. L'Inquifiteur devint par la un Confeiller du Roi (2). J'ai la Bulle du mois de Février 1645 , par laquelle le Pape nomme Inquifiteur de Touloufe , Frere Jofeph Dominique Rey , Dominicain, & lui A plein pou- voir contre toute forte d’ Hérétiques , de Sorciers, Magr- ciens , Devins, Enchanteurs ; contre tous ceux qui lifent ou gardent lue livres : Sortilegia Maleficia, Divina- riones 6 Incantationes ac Magicas , Jeu MNecromanticas artes exercentes (3) reprimendum radicitus extirpandum. L’Auteur de l'hiftoire de l’Inquifition de Touloufe nous a dit , qu'en 1693, on nomma encore un de leurs Peres pour grand Inquifiteur. * Il n’y a pas long-temps que cette charge étoit encore (1) Lafaille, Ann.t. 1 ,p. 313. (2) Percin, part. 3, ch. 7. (3) Ajoutez : eos Zibros vel fcripta legentes aut retinentes,,., Cujufcum- que flatus .... dignitatis & præeminentiæ fuerinr, DE L ACADÉMIE DE TOULOUSE. 39 fur l’état du Roi, & qu'il étoit payé des pages au grand Inquifiteur à A Fouloule ; en forte que nous douterions fi nous n'avons pas toujours l' Inquifition ; mais j'ai ap- pris que M. le Marquis d'Orbeffan, de cette Académie, Philofophe éclairé , avoit Poe que cet article füt fupprimé de l'Etat. C’eft apparemment à cette époque que les deux Reli- gieux qui y venoient coucher tous les foirs, * quitte- rent tout-a-fait cet hofpice, & le vendirent, 1l y a 14 ans environ , au fieur Combes , Marchand Epicier. Cette mailon , adoffée à la partie intérieure du mur antique de la Ville près du Château Narbonnais, fe trouve aujourd’ hui faire face dans la rue dite de l’Inqui- fition , qui va de la porte Saint-Michel à celle de Sainte- Claire & au Salin, elle eft du côté gauche en entrant dans la Ville. Elle appartenoit , avant St. Dominique, à Pierre Cellani ou Sellari,, qui la donna au St. Inquifi- teur, & entra en même-temps dans fon Ordre, qui ne venoit que de naître. Il devint lui-même un Inquifiteur des plus déterminés. Les nouveaux Freres habiterent enfemble cette mai- fon jufqu'en 1216, qu'ils allerent habiter celle de St. Rome qui leur fut donnée par l'Evêque Foulques & le Chapitre St. Etienne ; mais ils laiflerent dans la pre- miere , ou y ériserent dans la fuite , le fiege de l'Inqui- fition. Ils ne frent bâtir l’'Eglife que nous y avons vue que vers le feizieme fiecle , ou dumoins ne fut-elle dé- corée qu’alors , à en juger par les tableaux du plafond. Is font bien faits, & paroïflent d'un temps où les Arts avoient fait de grands progres. La porte qui donne fur la rue eft d’une architeéture qui, quoique peu réguliere , annonce qu’on avoit déjà une connoiffance de cet Art; * Le P, Daïdé & {on frere. 40 MÉMOIRES nous y avons tous vu cette infcription : Domus In- quifitionis. Voici l’état a@tuel de cette porte (x). Au-deflus de l'archivolte, il y a un écuflon en relief qui prend un peu fur les moulures, dans lequel eft une colombe vo- lante , portant dans fon bec une branche d’olivier. Aux côtés de cet écuflon, j'ai cru lire ces deux mots écrits en lettres gothiques TUA RURA. Vers le milieu dela frife font deux autres écuflons rapprochés, ayant ces mots du côté droit : SIMVL IN VNVM, & ceux-ci : DIVES ET PAVPER, du côté gau- che. Le premier écuffon, c’eft le chapé de l'Ordre , blanc & noir, chargé d’un lis & d’une palme adofiés & d’une étoile en chef, Au fecond , font les Armes de France timbrées de la couronne fermée. Dans le tympan du fronton eft gravée cette légende en deux lignes : VNYS, DEVS, VNA FIDES. Du derriere du fronton s’éleve un enfoncement pra- tiqué dans le mur, & terminé par un arceau au point rond. Le crépi de cet enfoncement eft peint à frefque; le fond en eft bleu. Dans le milieu il y a une Croix blanche, qui , n'ayant que fort peu de croifillon en haut, reflemble de loin à un T. A côté font peints auffi deux grands vafes d’où fortent des fleurs ; à l’entrados de l'arceau, il y a des étoiles. Visrà-vis de cette Croix peinte , & derriere le fronton, étoit pofé un Cruaifñx en pierre blanche, à peu-près de la même forme & grandeur , ayant à fa droite la ftatue en pied de St. Do- (1) Comme elle doit être emportée dans l'exécution du nouveau plan de ce quartier, l’Académie a défiré que je mille ici une defcription topographique & de certe porte & de la. maifon. minique , DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. A# minique , tenant de la main droite un lis, & de la gau- che un livre ouvert, où je n'ai pu lire que ces lettres Su. M: DIAM..2 T2 Oisselles ne font pas gravées, mais peintes. De l’autre côté étoit celle de St. Pierre Martyr, de leur Ordre ; celle-ci eft tout-à-fait mutilée , il n’en refte que le tronc (1)... Ces deux fta- tues avoient deux pieds trois pouces de proportion. De- puis qu’on a vendu la maifon, on a Ôté le Crucifx, les ftatues & l’infcription Domus Inquifitionis , qui étoit au- deflus du fronton. Après une petite cour , on trouve une Eglife dont les côtés étoient décorés par de grands tableaux qui repré- fentoient, ainfi que ceux du plafond, la vie & les mira- cles de leur Patriarche, entr'autres, celui où le livre de ce Saint eft chaîlé du feu par explofion, & celui de fes adverfaires brûlé; la bataille de Muret, &c. Il ne refte que ceux du plafond qu’on n’a pu tirer à caufe qu’ils font peints fur les panneaux des compartiments. [ls paroïflent , comme je lai obfervé, d’une bonne main. On voit en- core la chambre de St. Dominique qui donne fur le corridor de l'entrée de la maifon (2). A côté de l'Eglife, vers le nord, étoient les chambres des autres Religieux &iles prifons. Il y avoit aufli la chambre du Trône. Jai vu pendant plufieurs années le public du voifi- nage parler, avec refpeét, de cette maïfon & du figuier de St. Dominique (parce qu'il avoit planté} qu’on dit (x) Jai retrouvé ces deux ftatues au Cloître du grand Couvent ; celles de Sr, Dominique avec le Crucifix à la Chapelle du Chapitre ; & l’autre, tronquée, à la Chapelle qui mene au caveau. Celle de St. Dominique à un air cruel, quoique: afez bien faite. (2) En entrant dans cette chambre par une porte pratiquée dans l’épaiffleur de A muraille , il y a un bénitier de pierre engagé dans le mur ; ce bénitier eft re- vécu de fer en-dedans, Tome IV. F A2 MÉMOIRES miraculeux en ce qu’il renaît de fes racines quarid le tronc eft mort. Percin parle gravement d’un autre arbre que le même Saint avoit aufli planté de fa main à Saint- Rome, qui fleurit tout le temps qu'il habita certe mai- fon , mais qui fécha dès qu'il fe retira avec fes Religieux. Il n’a pas voulu nommer cet arbre ; mais j’ai appris que c’étoit un Agnus Caftus. ( le Vitex.) La Croix de l'Ordre, & que les Inquifiteurs portoient, étoit mi-partie de blanc & de noir & fleurdelifée, c’eft-à-dire , avec une fleur de lis à chaque bout , & une petite chaîne pour lattacher à l’habir. Lorfque les Nations fe font éclairées , elles ne peu- vent eroire qu'il y ait eu de pareils excès parmi les hom- mes ; & nos cœurs plus humains fe foulevent à la vue de ces horribles tableaux, où l’on voit ouvrir chaque jour les tombeaux, en arracher les cadavres ou leurs oflemens , les trainer dans les rues, les entafler enfuite fur les corps vivans d’un fils, d’un frere, d’une époule, d’un ami ; faire dévorer le tout par les flammes , & le public forcé d’applaudir à ces horreurs , ou de craindre quelqu'un de cestraitemens (1) ; mais Touloufe doit être bien plus étonnée de voir tant d'horreurs rapportées avec pompe & avec éloge par un Touloufain, qui paroît s'être délefté en faifant cette cruelle hiftoire. Lorfqu'il parle de fes Confreres , le plus grand homme , à fes yeux, eft celui qui a le plus emprifonné, le plus brûlé d'Héré- tiques. Pour moi, j'avoue que je ne comprends pas com- ment des Religieux qui ont profité avec tout le monde os ee RTS GUN EN IE he hr Lu er ets (1) Lorfqu’on menoit au bûcher les vivans, & qu’on trainoit par la Ville les corps infe@s des morts exhumés, pour les faire brûler enfemble , le crieur pu- blic précédoit l'horrible convoi, en criant, à fon de trompe , gui ayral fayra, aytal perira : id eff, dit Percin, qui fic facier, fic peribie, Sæcul. 1, page 1514 DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 43 des lumieres de la raifon, & qui jouiflent aujourd’hui , à jufte titre, de l’eftime publique, n’ont pas ramafle , SerreNe, tous les exemplaires du Pere Percin, afin d’en dérober la connoiflance , aïnfi que celle des repiftres que je viens de rapporter. Il faut fans doute attribuer le peu d’atten- tion qu'ils ont pour les chofes , au mépris qu’ils en font, où à une improbation de leur part. 44 MÉMOIRES RECHERCHES HISTORIQUES SUR L’'INQUISITION DE TOULOUSE. Par le P. SERMET. a x net pas étonnant que l’Inquifition ait eu des pané- gyriftes & des détraéteurs. Ce furun Thaumaturge, brü- lant de zele pour la gloire de fon Dieu , qui en jeta les fondemens. Il y avoit été autorifé & encouragé par le Souverain Pontife, & après fa mort il fut placé fur nos Autels & au rang des Saints. Quel eft le Catholique aux yeux duquel un tel établiflement ne dût paroitre di- vin (1)? Mais n’étoient-ils pas en droit de le décrier, de le maudire & de le dénoncer à la poftérité fous les plus noires couleurs, ceux qui, viétimes d’une erreur qu'ils avoient fucée avec le lait, étoient fans cefle expofes à la rage de efpions, des délateurs , des geoliers & des bourreaux entretenus par une légion de Prêtres qui fembloient avoir abjuré le Chriftianifme (2), pour con- (1) En 1676, le Pere Macedo, Religieux de l'Ordre de St. François, fit im- primer à Padoue un panégyrique fingulier de lInquifition. Selon lui, ce fut dans le ciel qu’elle fut fondée. Dieu lui-même y remplit le premier les fonétions d’In- guifireur, lorfqu'’il foudroya les Anges rebelles. Il continua de les exercer ici-bas à l'égard de notre premier pere , de Caïn & des infenfés qui avoient élevé la tour de Babel. Il les tranfmit à St. Pierre , fon Vicaire en terre, quien fitufage pour frapper de mort Ananie & Saphira. Et les Papes, fucceffeurs de ce Prince des Apôtres, les tranfporterent dans la fuite à Sr, Dominique & à fon Ordre. (2) 1! eff bien difficile de concilier les procédés & les maximes de l’Inquifition avec les leçons & les exemples que J. C. nous donne dans l’Évangile. Heureux , nous dit-il, ceux qui font doux! bear mites, Matth. 5,4. DE L'ACADÉMIE DE Tourousr. 4$ {erver intaëte la Religion Catholique ? Il eft certain que fi l’enthoufiafme des unsétoit excufable , le reflentiment des autres l’étoit encore davantage. Mais plus ils furent fondés de part & d'autre à tenir fur le même fujet un langage diamétralement oppolé , plus un Hiftorien , ami de la vérité, doit étre en garde contre eux, s’il ne veut s’'expofer à devenir l'écho d’une imagination exaltée ou d’un cœur ulcéré. Le Pere Percin (r) eft fufpet , lorfqu’il célebre les talens & les vertus de nos Inquifiteurs, quoiqu'ils aient mérité la plupart les éloges qu'il leur donne ; mais il cefle de l’être lorfque, pour leur en faire honneur, il raconte ingénûment les cruautés inouies qu’ils ont exer- cées. Par raifon contraire, on devroit fe méfier de l’hif- meet PRE LE Lys Vous ne favez quel eft l’efprit qui vous anime, difoit.il à deux de fes Difciples qui vouloient faire tomber le feu du ciel fur un bourg de Samaritains, où l'on avoit refufé de le recevoir. Le Fils de l'Homme n'eft pas venu pour perdre les hommes, mais pour les fauver. Neftitis cujus fpiritus eflis : Filius Hominis non venit animas perdere, féd falvare, Luc 59: 5 & 56. De peur qu’en arrachant l'ivraie que l’homme ennemi avoit femé dans le champ, des ferviteurs trop ardens ne déracinaflent aufñi le bon grain, le Pere de Famille s’oppofe à leur empreflement, Laiflez_les croître l'un & l’autre, leur dit-il, juf- qu'au jour de la moiflon : ne forte colligentes zézania, eradiceris fimul cum eis & triticum, finite utraque crejcere ufque ad meflém. Matth. 13, 29 & 30. Simon-Pierre, emporté par fon zele , frappe le ferviteur du Pontife , & lui coupe l'oreille. Jefus-Chrift ne fe contente Pas d’ordonner à fon Apôtre de remettre fon épée dans le fourreau , il fe hâte encore de guérir une bleflure qu’il défavoue. Tous ceux, lui dit-il, qui fe ferviront de l'épée, périront par l'épée : converre gladium tuum in locum fuum | omnes enim qui acceperint gladium, gladio pe- ribunt, Matth. 26, 52, Le cum tetigifét auriculam ejus, fanavir eum. Luc22, 51. Enfin cet Homme-Dieu ne prend le ton de Do@teur, & ne fe propofe pour modele, que pour nous apprendre à être doux comme lui : diféire à me guia eniiis fum, Matth. 11 » 29: donc, pouvons-nous conclure hardiment, & fans crainte de nous méprendre, donc point de douceur, point de chriftianifme. (1) Le Pere Percin, Religieux de l'Ordre de Sr. Dominique , naquit à Tour loufe, d’une famille diftinguée qui a donné plufieurs Membres au Parlement &x un Evêque de Saint-Papoul. I] fit imprimer en 1693 un ouvrage intitulé : Monu- menta Conventus Tolofani Fratrum Prœdicatorum. Cet ouvrage peut étre utile à un Hiftorien, pourvu qu'il foit guidé par une critique exaëte & févere, 46 MÉMOIRES toire que Philippe de Limborch (1) nous a donnée de lInquifition, s’il n'eût fait imprimer a la fuite les aëtes les plus propres à nous en faire conroître l’ef- prit & les maximes, c’eft-à-dire , les Sentences rendues par ce Tribunal depuis 1307 jufqu’en 1323. Il lui en avoit échappé plufieurs dont quelques-unes font tom- bées entre les mains de M. l'Abbé Mas: , toujours heu- reux en découvertes intéreflantes. Je viens à mon tour vous communiquer le fruit de mes recherches fur le même fujer. Je n'ai qu'un fait à rapporter , mais plus caraétériftique peut-être que l'hif- toire la plus complete & la plus détaillée. Catel, dans fon Hiftoire des Comtes de Tolofe, page 358, rapporte, d’après une ancienne chronique qu'ilavoit vue dans la Bibliotheque des Dominicains de cette Ville « qu'après que le Comte de Touloufe eut fouvent me- » nacé les Inquifiteurs, & fait menacer par les fiens, il » fit publier une Ordonnance , que perfonne de la Ville » n’eût aucun commerce avec les Freres Prêcheurs , & » qu’on ne leur donnät ni vendit rien, ayant fait met- » tre des gardes aux portes de leur maïfon, afin d’em- » pêcher que perfonne ne leur apportàt des vivres, » non pas même de l’eau de la riviere de Garonne. » Que depuis il fit chafler de la Ville Frere Guillaume » Arnaud , Inquifiteur, & apres lui, tous les Freres » Prècheurs , lefquels , ne craignant pas le martyre, for- » tirent en proceflion deux à deux, chantant le Credo » & le Salve Regina. » (Gr) HNRE de Limborch, Théologien remontr ue naquit à Amfterdam en 1633, & y mourut en 1712, après y avoir rempli les fonétions de Miniftre & de Profcfleur de Théologie. Il y fit imprimer en 1692 , fon Hiftoire de l’In- quifition, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 47 Lafaille , tom. 1, pag. 136, & Dom Vaiflete, tom. 3, pag. 405 , ont rapporté ce trait. Mais aucun n’a fait mention de l'événement déteftable qui décida Raymond VII à cet excès de févérité. N'’eft-1l pas étonnant qu'il aie été réfervé au Pere Percin de nous le rapporter dans le plus grand détail, & de juftifier par là , fans le vou- loir , la conduite de ce Comte en cette circonftance. C’eft dans la premiere partie de fon ouvrage, page 49 , n°. 17, qu'il faut chercher cette horrible anecdote, & non dans celle qu'il a intitulé: Æifforia Inquifitionis , qui n’eft qu'un aflemblage de differtations prolixes fur le nom, l’eflence, l'ancienneté, la Juridiétion , les fonc- tions, le crédit & les privileges de ce Tribunal. Chofe étrange que la prévention & le préjugé ! ce bon Pere paroît avoir eu une ame honnête, un cœur {enfible , & cependantil raconte quelquefois avec une ef- pece de complaifance, desatrocités quiauroient fait tom- ber la plume des mains d’un cannibale. Il s'efforce de faire l'apologie de l’Inquifition , & il l’a plus dénigrée que n’au- roient pu faire {es plus cruels ennemis: L'an 1234, nous dit-il, fut célébrée dans l’'Eglife des Dominicains de cette Ville la Fête de la Canonifation de leur Pere St. Dominique ; & c’eft dans ce jour mé- morable , ajoute-t-il, que furent expofés au grand jour les myfteres infames que l’héréfie, cette déteftable cour- tifane, enveloppoit fi bien des plumes & des écailles de Léviathan, qu'on ne pouvoit d'aucune part percer le mur qui réceloit fes monftrueufes abominations. Raymond de Falgar ou de Miremont, ancien Profès de cet Ordre & Evêque de Touloufe, y célébra la Mefle pontificalement ; après quoi il pafla au réfeétoire avec fa fuite pour y diner avec la Communauté. Au moment 48 MÉMOIRES où ils alloient fe mettre à table , le Pere Pons de Saint- Gilles, homme très-religieux , très-zélé , & Prieur de la maifon, fut averti par un guidam que certains Héréti- ques avoient entrée dans la maïfon d’un nommé Poite- vin, faifeur de bourfes, rue Lameth, au voifinage du ÉUR & qu'ils y catéchifoient fa belle-mere, qui étoit très- “dangereufement malade. L’ Evêque & le Pac , entrainés par leur zele, ne fongent plus à prendre leur réfe@ion. Ils s Re cbémnent vers la femme hérétique , en- trent furtivement chez elle , montent à petit bruit de fa chambre, s’approchent de fon lit en tapinoïs, fans fe faire annoncer ni fe faire connoître, nec potuit admo- neri infirma , & lui parlant de la fragilité de cette vie, & de tout ce qui peut intérefler le plus un moribond, emploient toute leur adrefle à lui dérober fon fecret (1). La pauvre malade, accablée La la violence du mal, opprelfa morbo , &t croyant parler à un Hérétique, lu répondit avec fimplicité, conformément aux erreurs qu’elle avoit fucé, & finit en lui difant tout bonnement, je vous parle comme je penfe. Vous êtes donc une Hé- rétique, lui dit alors l'Evêque, en élevant la voix; car vous venez d’en profeffer tous les dogmes. Renoncez- -y promptement, foumettez-vous à l'Églife Catholique , Apoftoli ique & Romaine. Je fuis chargé de défendre fa foi, puifque ; Je {uis votre Evêque, l'Evêque de Tou- loufe. Æoo enim fum Epifcopus vefler, Epifcopus Tolofa- nus. Etc Seft en cette qualité que je vous exhorte & vous (1) C’étoit dans des vues bien différentes, que J. C. auprès du puits de Jacob fe déguifoit aux yeux de la Samaritaine. Mais c’étoit un Dieu; & n’eût-il été qu'un pur homme, il eft certain qu’en voyant fa douceur, fa charité, fa bienfaifance, on eût été tenté de l’adorer. On éprouve un fentiment bien different, en voyant cet Evèque employer la rue la plus déteftable pour immoler une vitime de plus à fon barbare fanatifme, ordonne DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 49 ordonne de croire tout ce que croit cette Eglife. Moneo & volo ut credatis (1). C'eft le langage, continue le Pere Percin, que l'Evêque lui répéta plufieurs fois ; mais loin de l’ébranler, il ne réuflit qu’à l’aflermir dans {es erreurs, Alors , ayant fait appeler le Vicaire de la Ville, urbis Vicarium (2), & plufeurs autres perfonnes , il la (} (1) Belle maniere d’infpirer la Foi, & de ramener à la verité une infortunée livrée à l’efprit d’erreur ! moneo & volo ut credaris ! Comme s’il fufiloit de l’or- dre d’un Supérieur, pour changer dans un inftant, & à fon gré, d'idées & de fentimens ! La perfuafion n’eft.elle pas l'effet de la confiance, & un ton dur & impérieux fut-il jamais propre à l’infpirer? Moneo & volo ur credaris ! quel len- gage dans la bouche d’un kvêque ! Ignoroit-il donc que la Foi eft un don de Dieu, que lui feul, par l'efficacité de fa grâce , peut y ramener ceux qui l'ont abandon- née ; qu’un vrai Paiteur eftobligé de folliciter fans ceffe auprès de lui le retour de fes brebis égarées ; que le bon exemple, le défintéreffement , la modeftie, la douceur & la charité font les moyens les plus propres à la leur faciliter, & qu'il devient complice & coupable de leur obftination, lorfque plein de ménagement pour ces abus monftrueux, qui défigurent la Religion, & deviennent pour les mé- créans un prétexte plaufible, il ne déploie que contre ceux-ci un zele amer & ty- rannique , plus propre à éteindre le lumignon fumant qu’à le ranimer, & à cafler entierement le foible rofeau, qu’à le redrefler ? (2) Ce Vicaire ou Viguier de la Ville, wrbis Vicarius, devoit être néceffaire- ment un perfonnage diftinét du Vicaire ou Viguier du Comte, comniris Vicartus, puifque celui-ci , de concert avec les Confuls, fit publier, comme nous l'allons voir, l'Ordonnance févere rapportée ci-deflus, pour punir les Inquifiteurs de [a Sentence odieufe que le Vicaire de la Ville avoit fait exécuter. En lifant avec at- tention ce que Catel nous dit des Viguiers, pag. 33, 34, 35 & 36 de fon Hif- toire des Comtes de Tolofe, on reconnoît aifément la vériré de cette diftinétion , que lui-même n’avoit point apperçue, Il femble, dit-il vers la fin de la page 33, que « la Cour du Comte n’étoit autre chofe que les Capitouls de Touloufe. Il » femble, ajoute-t il encore au commencement de la page 34, que le Viguier » ou Vicarius , étoit comme chef de cette Cour; car nous trouvons fouvent ces » mots dans les anciens reglemens , Wicarius & Capirulum judicaverunt , & » jai noté dans les anciens titres, que quelquefois le Wicarius étoit Capitoul , » comme dans un aûte de l'an 1164, où il eft fait mention d’an Ponrius de Vil- » lanova , qui tunc erat Capitularius & Vicarius.» Voilà le Viguier ou Vicaire du Comte. Catel ajoute vers la fin de la même pag. 34:» Outre lefdits Capitouls » & Juges ordonnés , il y avoit le Confeil de la Ville pour délibérer des affaires » publiques. Car ces établiffémens ou reglemens étoient délibérés & arrêtés, » cum Confilio Capituli, & communis Confilii , & j'ai remarqué dans plufieurs » füubfcriptions des aêtes que quelques-uns font dits être de Capirulo, les autres » de Confilio, & crois-je que le Confeil de la Ville étoit un certain nombre d’ha- » bitans, lefquels prétoient tous le ferment de bien confeiller. » N’eft-il pas vrai- femblable que comme la Cour du Comte compofée de Capitouls, avoit à fa tête un Viguier, ou Vicaire, qu’on appeloit Vicarium comiris , le Confeil de Tome IV, 50 MÉMOIRES déclara Hérétique, & la condamna commetelle, au nom de J. C.: l'exécution de la Sentence ne fut pas dif- férée d’un inftant. Le Vicaire, fans autre formalité, la fit porter avec fon lit au pré du Comte, ( le même que nous appelons aujourd’hui le Pré de fept Deniers, ) & l'y fit brûler tout de fuite. Wicarius autern cum leélo in guo erat fic adi ionem ad pratum Comitis Tolofani portari, 6 flatim comburi fecit. L’Evêque, qui prévit fans doute les effets que de- voit néceflairement produire cette fcene abominable, fut diner chez lui, quoiqu'il eüt promis de prêcher l’après- midi. « Pour nos Peres, ajoute le bon Pere Percin, ils » revinrent au réfeétoire manger ce qu'on leur avoit » préparé, rendant graces à Dieu & au Bienheureux » Saint Dominique, de ce qui venoit de fe pañler pour » l’exaltation de la Foi. » Fratres vero venerunt ad re- feélorium € quæ erant parata comederunt ; gratias agentes 8 Deo Ë Beato Dominico, de his quæ ad ee Fi- dei faila fuerant. Le Peuple s'étant rendu en foule à l'Eglife après None, dans l’efpérance d'y entendre l'Evêque, le Pere Pons de Saint-Gilles , Prieur du Couvent, monta en chaire à fa place; & ayant pris pour fon texte ces pa- roles du Chapitre 48°. de l'Eccléfiaftique, furrexit Elias quaft ignis, € verbum ipftus quaft facula ardebat. Le Pro- phete Elie s’éleva comme un feu, & fes paroles brü- loient comme un flambeau ardent, ilen fit l'application à Saint Dominique, à la fête qu’on célébroit en fon honneur, & à l’aflaire lamentable du jour, & fe tour- Ville en avoit un auffi qu’on appeloit Wicarium urbis 1 Voilà mes conjeûures ; elles femblent juftifiées par le trait d'Hiftoire qui eft le fujet de certe diflerta- tion. Si je me trompe ,; peut-être mon erreur ouvrira-t-elle à quelqu'autre le chemin de la verité, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 61 nant fucceflivement à la fin de fon difcours , vers lorient , le midi , le couchant & le feptentrion, il donna un nouvel eflor à fa voix, & criant de toutes fes forces & à perte d’haleine, il répéta plufieurs fois, pirouetant toujours & tournant dans la chaire: « de la » part de Dieu & de St. Dominique, je donne en ce » Jour le défi à tous les Hérétiques & à leurs fauteurs.... » & après une paufe, J'ordonne de la part de Dieu à » tous les Catholiques, de dépofer toute crainte pour » rendre témoignage à la vérité.» Nouvelle paufe en- core , après laquelle 1l dit : « j'attefte l’Etre Suprème, » que dans fept jours ii viendra vers nous une infinité » de dénonciateurs , qui nous découvriront un chemin » afluré pour parvenir à la connoiflance de tout ce » qu'on s'efforce d’enfevelir dans les ténebres. Ce che- » min reftéra ouvert jufqu’à la fin du monde , & ne fe » fermera plus. » Le Pere Salama, du manufcrit duquel le Pere Percin dit avoir extrait cette anecdote fingu- liere , la conclut en ces termes. « Celui qui a écrit » ceci l’a entendu de fes propres oreilles. » Et le Pere Percin, attendri parle difcours de cet énerpgumene, a la bonhomie d’ajouter par réflexion, « c’eft bien dans » cette circonftance que St. Jean Chryfoftome fe feroit » écrié : voyez quelle douceur porte avec elle la liberté » de la Prédication!» Exclamaffer Chrifoflomus , videte guantam habet manfuetudinem fermonis libertas (1) ! Cet événement ayant répandu l’alarme dans toute la Ville, le Viguier, & les Confuls ( de concert fans doute avec le Comte) firent publier à fon de trompe la 2 (1) Il faut être rudement aveuglé par le préjugé , pour trouver de la douceur dans un langage aufli révoltant. Je ne crois pas qu'il y ait un Peuple fur la terre qui foit tenté de foupirer après des Prédicateurs doucereux de cette efpece, s2 MÉMOIRES défenfe dont parle Catel, d'entretenir, fous peine d’amen- de & de punition corporelle, aucune efpece de com- merce avec ces Religieux , & de leur rien vendre , de leur rien donner , pas même de l'eau de Garonne; & pour en aflurer l’exécution , ils pofterent à toutes les portes du Couvent des Sentinelles, qui pendant trois femaines entieres fe relevoient la nuit comme le jour. - Cela n’empêcha pas les vrais fidelles, dit le Pere Per- cin, de venir au fecours de nos Peres, & de leur jeter en cachette, par-deflus les murs du jardin, des pains, des fromages & des œufs durs. Que pouvoient faire les Confuls pour rétablir la paix dans une circonftance auffi critique ? Déjà ils s’étoient débarraflés de Guillaume d’Arnaud, Inquifiteur , fatigués qu’ils éroient de la guerre ouverte qu'il faifoit à tous les Citoyens, & des violences qu'il exerçcoit même fur les morts, en faifant exhumer les cadavres pour les livrer aux flammes. Celui-ci s'étant rendu à Carcaflonne, écrivit au Prieur de St. Etienne & à tous les Curés de Touloufe, pour qu’ils euflent à citer en fon nom, tous les Hérétiques qui avoient refufé de comparoître devant lui. Les Confuls de leur côté manderent venir à l'Hôtel de Ville, lefdits Prieur & Curés , les menacerent de mort, s'ils obéifloient à Frere Arnaud, étendirent à l’Evêque & à fes Chanoi- nes la défenfe qu'ils avoient faite pour les Dominicains, & par ce moyen les forcerent tous de quitter la Ville. Frere Arnaud ne fe rebuta pas. Il écrivit a Pons de Saint- Gilles, Prieur du Couvent de Touloufe, fon Confrere, ul eût à défigner deux de fes Religieux pour citer les Confuls eux-mêmes, & deux autres pour leur fer- vir de témoins & afliftans. Docile à fes ordres, le DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 53 Prieur fit fonner le Chapitre, & ayant aflemblé fa Com- munauté , voici l'inftant , mes Freres , leur dit-1l, de vo- ler au martyre; quatre d’entre vous doivent remplir les ordres du Pere Inquifiteur. Mais il eft certain que vous ne pourrez le faire fans être mis à mort. Les Confuls font trop intéreflés à vous perdre pour vous ménager. Que ceux qui font prêts à donner leur vie, faffent leur coulpe. Aufli-tôt les voila tous profternés. Il femble que leur manie étoit de maflacrer ou d’être maflacrés. Dieu foit loué, s’écrie le Prieur ! levez-vous, c’eft à moi de réfléchir fur le choix que je dois faire. Mais ceux qui refteront dans le quartier de réferve, ne feront pas moins récompenfés dans le Ciel, que ceux qui voleront au combat. Frere Raymond de Foix, Frere Jean de Saint- Michel Limoufin, Frere Gui Navarre de la même Pro- vince , & Frere Guillaume Pelifle, furent choifis pour cette commiflion. Après s’y être préparés par la récep- tion des Sacremens, ils fe hâterent de la remplir, ne fe contentant pas, dit le Pere Percin , de chercher les Hé- rétiques dans les rues & fur les places, mais pénétrant encore jufques dans l’intérieur des maifons. Sedufque ad enteriora cubicula quærebant illos. Une perfécution aufli violente ne pouvoit durer plus long-temps. Laflés de tous ces défordres , les Confuls fe déterminent à les chafler, plutôt qu’à les faire mourir. Ce parti révoltoit moins leur cœur ; ils fe rendent fous bonne efcorte au Couvent, & s’en font ouvrir les por- tes. Le Prieur , averti de leur deflein , avoit défendu à tous fes Religieux de ne fortir qu'après trois fomma- tions. On leur fignifie l’ordre de s'éloigner de la Ville fans aucun délai, & malgré les vains efforts de deux Religieux décidés à périr plutôt que de quitter leur 54 MÉMOIRES Couvent, ils font forcés de fuivre leurs Contreres, qui fe rendirent en chantantle Credo, le Salve Regina & le Te Deum, juiqu'a Braqueville , fans qu'aucun Fidelle , dit le Pere Percin, osät les accompagner , de peur d’en- courir la difgrace des Confuls. L’Inquifiteur ne tarda pas à faire retentir fes plaintes jufqu’à Rome. Amelius, Ar- chevèque de Narbonne, &-Vice-Légat du St. Siége, fe hâta de tenir un Concile dans fa Métropole, où il excommunia Raymond , & bientôt le Pape obligea ce malheureux Comte de rappeler Frere Guillaume d’Ar- naud & fes Confreres. Il fallut obéir & continuer d’être le témoin des horreurs que fon cœur eût dû toujours détefter. Trifte pofition que celle d’un Souverain qui fe trouve dans la cruelle alternative , ou de voir tour- menter & immoler fes Sujets, ou de perdre lui-même fa Couronne & fes Etats! Celle de Raymond VIF étoit doublement cruelle, puifqu'il avoit à fe reprocher d’avoir fervi de fuppôt & d’exécuteur à l’Inquifiton, & d’avoir autorifé fes noires maximes & fes barbares auto-da-fé, par celui qu'il avoit fait deux ans aupara- vant de plufieurs Miniftres Albigeois, qu'il avoit pour- fuivis lui-même dans les montagnes, & livré publi- quement aux flammes (1). Je fais que ce Tribunal affeétoit quelquefois d’ufer d’indulgence. Mais autant fes Miniftres déployoient-ils leur caraétere dur & féroce, lorfqu'ils lançoient des anathêmes contre les Hérétiques & leurs fauteurs, au- tant ils s’écartoient de la douceur de Jefus-Chrift , lors même qu'ils paroïfloient vouloir limiter. C’eft là ce qui réfulte d’un pafle-port que Frere Guillaume d’Arnaud (1) Voyez Lafaille , tome premier, pag. 136. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 85 Dominicain, & un autre Inquifiteur de l'Ordre des Freres Mineurs, dont le nom n’eft défigné que par la lettre P, donnerent le 11 des kalendes de Juin 124r, à Raymond Arnaud de Villeneuve, Chevalier , habi- tant de Touloufe, l’un des auteurs de M. le Baron de Beauville, qui me la communiqué. Voici la pénitence falutaire , pœænitentiam falutarem , qu’ils difent lui avoir impofée, après l’aveu volontaire & fpontanée de fes erreurs, & la dénonciation de fes complices, Il prendra , difent-ils, le bourdon pour aller à Notre-Dame de Solac, & de là à Saint-Jacques , fera ces pélerinages dans l'intervalle de la Fêre de Pâques, à la fin de l’année , & en outre donnera trois mille tui- les, dix muids de chaux, & cent faumées de fable, pour conftruire les Prifons des Hérétiques ; € dabit tria mil- lia lateres planos , 6 decem modios calcis , € centum fau- matas arenæ ad Heæreticorum carceres conftruendos. En forte qu'ils n'ufoient d’indulgence envers celui-ci, qu'autant qu'il devoit leur fournir les moyens de févir a l'égard d’une foule d’autres. Ce n’eft qu’à cette con- dition qu'ils exhortent les fidelles à refpe£ter fes biens & fa perfonne pendant l'aller & le retour. Quo circa charitatem veftram in Domino duximus deprecandam , guatenàs diélum R. Ar. € ejus bona flando &: redeundo fideliter cuflodiatis | & ab alüs cuflodiri fimiliter faciatis. C’eft un très-pgrand malheur, fans doute, pour un Royaume éclairé des lumieres de l'Evangile, que de perdre la foi. Mais quel affreux moyen pour la confer- ver, qu'un Tribunal dont les Miniftres font intéreflés par gloire ou par cupidité, à trouver des coupables ! Hélas! nous gémiflons fur nos prédécefleurs , & peut- 56 MÉMOIRES être nos fuccefleurs gémiront-ils fur nous à leur tour. Notre façon de voir & de penfer eft fans doute diamé- tralement oppolée à celle du treizieme fecle. Mais pre- nons garde , toutes les extrémités fe rapprochent : tel, dit Jean-Jacques Roufleau, fait aujourd’hui l’efprit fort & le Philofophe , qui, par la même raifon, n'eût été qu’un fanatique du temps de la ligue. DE DE L'ACADÉMIE DE|DOULOUSE. 7 DE LA CRISTALLISATION DE L’ACIDE MURIATIQUE OXIGENÉ. Par M. H. REsouzt. Aucun acide ne préfente dans fon union à l’eau, des phénomenes analogues à ceux de l'acide muriatique UN, oxigené. Il fe combine avec elle foiblement, & en petite quan- tité. Une légere chaleur fufit pour l'en dégager fous forme gazeule ; un léger refroidiffement É précipite fous forme concrete, & comme a l'état de glace. I fufit, pour A dans. cet état, d'envelopper de glace pilée, fuivant le procédé de M. Berthollet, le flacon où l’on impregne l'eau de cet acide, ou même de faire l'opération à une température de + 3 ou 4 de- grés du thermomettre Français, ainfi que je l'ai moi- même obfervé. Le raifonnement pouvoit naturellement conduire à trouver dans ce procédé, le moyen de connoître la forme criftalline de l’acide muriatique oxigené. Il devoit fufäre pour cet effet d'opérer la congélation de cet acide avec aflez de lenteur & de repos, pour que fes parties intéprantes euflent la faculté de s'unir réguliere- ment en fe joignant par celles de leurs faces quis’attirent le plus entre elles, Tome IV. H Lu le 10 Juin 1789. 53 MÉMOIRES Ce qu'il eût été fi facile d'obtenir par des recherches, le hafard me l’a offert l’hiver dernier. A la fuite d’une nuit très-froide , j'obfervai dans un flacon qui renfermoit un peu d’ Acide muriatique OXipené en liqueur , des glaçons fort lépers, & plus tranfparens que ne left ordinairement l’acide concret. Les uns adhé- roient au flacon, d’autres {urnageoient la liqueur. J'en diftinguai plufieurs de qui la forme étoit une pyramide hexaedre creufe , dont la hauteur égaloit à peu-prèes la bafe. La He du Jour fondit ces criftaux ; ils repa- rurent le lendemain , & je n'y pus jamais reconnoitre d'autre forme que LA que je viens de décrire. Je faturaïalors un flacon rempli d’eau , d'acide muria- tique oxigené, en le tenant plongé os la glace , & y laiffai s Hier une grande quantité d'acide concret; J'expofai enfuite ce flacon pendant tout un jour à une température de huit à dix degrés ; une partie de l'acide concret fe fondit dans la liqueur. Ce flacon ayant été enfuite expolé toute la nuit fur le dehors d’une fenêtre, je trouvai le lendemain l'acide concret qui en occupoit le fonds, recouvert de houppes de petits criftaux dont les plus longs avoient environ deux lignes. Quel ques- uns de ces criftaux reflembloient à des pyramides très- A , mais les mieux prononcées étoient de vrais prifmes quadranoulaires tronqués très-obliquement & terminés par un lozange. Je me propoia ai d’eflayer fi l’eau du vafe ne contri- buoit point à cette crifiallifation. Je remplis à à cet eflet plufieurs petits flacons de gaz muriatique oxigené, & après ÿ avoir enfermé quelques fragmens de Fubèe de verre, je les expofai, bien bouchés, à la gelée de la nuit ; un peu d'acide concret fe montra le lendemain DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 69 Fu l'intérieur des tubes, & les parois furent tapifées de quelques criftaux femblables à des rofes formées par des lames trapezoïdes fe joignant obliquement par leurs grands côtés, à peu-près comme les plis d’un éventail à dns entr'ouvert. De femblables criftaux fe formerent dans un flacon, au fond duquel un peu d’acide concret étoit refté. Il s’en produifit aufli dans un troifieme où il y avoit quelques lignes d’eau , & J’obfervai fur la fur- face de cette eau des pyramides creufes femblables à celles que j'ai décrites. Îl me fembla alors que ces crif- taux , appliqués aux parois des flacons , avoient pu être formés par le développement de pareilles pyramides creufes dont le fommet auroit été tronque. Telles font les formes que m'a offert l'acide muria- tique oxigené en fe criftallifant, foit dans l'air, foit dans l’eau. Cette obfervation nous préfente un exemple de crif- tallifation dans une clafle d’êtres qui avoient paru juf- qu'a ce jour fe refufer à cette loi de la nature , dont luniverfalité eft d’ailleurs fi bien démontrée à l’efprit. On peut dire en général que la criftallifation eft le réfultat du rapprochement lent & gr radué des parties d'un corps qui paile de l’état fluide a l’état folide ; elle n'eft qu’une vraie folidification opérée régulierement. Ainfi les Corps les plus propres à criftallifer font fans doute ceux qui ont la propriété de fe maintenir à l’état {olide au degré de preflion & de température que nous avons coutume d’éprouver. Ceux au contraire qui tendent le plus fortement à con- ferver une forme fluide par l'effet de leur aflinité avec le principe de la chaleur, doivent criftallifer plus difi- cilement. Go MÉMOIRES Suivant ce principe, les fubftances auxquelles on a donné le nom de gaz, & que le calorique en les péné- trant intimement tient habituellement dans l'état élafti- que , font les plus éloignées de criftallifer. Voilà pourtant un acide qu’on peut obtenir aifément fous forme gazeufe & fous forme criftalline. Si l'on par- vient à priver quelqu’autre gaz de fon élafticité par le feul refroidiflement , il fera fans doute facile de le faire auf criftallifer. M. Monge a réduit le gaz acide fulfureux en liqueur. On ne fauroit révoquer en doute un fait attefté par cet excellent Phyficien. Mais y auroit-il de l'injuftice à foupçonner qu'un peu d'humidité étoit mêlée au gaz qu'il a employé, & que ce gaz l’a dépofée en fe reflerrant par le froid ? Cette fluidité peut-elle autrement fe concevoir que comme une fluidité aqueufe ? J'ai expofe, l'hiver dernier, plufieurs bocaux pleins de gaz acide fulfureux très-fec , à un froid artificiel de 25 à 26 degrés. Le vo- lume du gaz s’eft réduit à prefque un dixieme, mais Je n'ai pu diftinguer aucun atome de fub{tance liquide. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. Gt Re ne vel | O'B'S'E RV AD IO'NS SUR une Médaille Greque de Caius Vibius Sabinianus Gallus. Par M. DE MONTÉGUT. Ex 1773, Je fis part à l’Académie d'une médaille de Sabinien, qu'un heureux hafard m'a procurée. Elle n'exifte dans aucun cabinet connu; elle eft unique, & de cela feul on peut la regarder comme précieufe & in- téreflante. Elle le paroitra bien davantage d’après les obfervations que Je vais mettre fous les yeux de mes Leéteurs. Cette médaille eft de moyen bronze, & a été frappée à Séleucie-Trachée , Ville de Cilicie , fituée près du fleuve Calycadnus au pied du promontoire de Sarpe- don (1). On y voit d’un côté le bufte d’un Empereur, orné d’une couronne radiée, les épaules couvertes d’une côte d'armes à la Romaine ; on lit autour de la tête les let- tres fuivantes : avr. ra. ovis, CariN, raaaoc ( /mperator Caius Vibius Sabinianus Gallus). On voit au revers la figure d’une femme vêtue d’une longue robe, & cafquée , por- tant au bras gauche un petit bouclier ovale, & de la main droite lançant un javelot contre une figure nue, (:) Elle eft prefque ruinée, & dans la Caramanie ; on la nomme Se/efchic. Lues le 27 Décembre 1787. G2 MÉMOIRES qui eft à genoux à fes pieds ; la légende porte les lettres fuivantes formant un double cercle : crarvxran. To. nvoc. xaav ( Seleucenfium ad Calycadnum). Vaillant rapporte une médaille de Gordien III frappée dans la même Ville, dont le module & le revers font parfaitement fembla- bles , ce qui peut faire préfumer que la mienne a été fa- briquée fous le regne de cet Empereur, ou dans un temps peu éloigné de cette époque. On lit dans Jule Capitolin , que fous le Confulat de Sabin & de Venufte (lan 240 de J. C. }, il s’'éleva en Afrique une révolte contre Gordien : Sabinien en fut le chef. L'Empereur fit marcher contre les rebelles le Gouverneur de la Mauritanie : il les prefla fi vivement qu'ils furent contraints de livrer cet Officier qu'ils avoient élevé à l'Empire : ils le conduifirent eux-mêmes à Car- thage, & à ce prix ils obtinrent le pardon de leur cri- me (1). Zozime rapporte le même fait avec les mêmes cir- conftances (2). D'après le témoignage de ces Hiftoriens, on ne peut douter qu’un Sabinien n'ait porté le titre d'Empereur ; par une conféquence naturelle, on a dû frapper des mé- dailles avec fon nom & fon effigie ; l'hiftoire & les monumens font foi de la pafion que les Romains avoient pour la ploire, & pour tranfmettre leurs noms à la pof (1) Venuflo & Sabino Confulibus , inita eff factio in Afiica conrrà Gordia- num III , duce Sabiniano, quem Gordianus per Præfidem Mauriraniæ ob- Jefum à conjuratis, irà oppreffit, ut ad eum rradendum Carthaginem omnes venirent, & crimen confirentes , & veniam fceleribus poflulanres. Jul. Capir. in Gordiano. 3°. (2) Non mulidpoft & Carthaginenfes à benevolentié Principis altenati , Sabi- nianum ad Imperium efferunt, fed cum Gordianus copias Africæ exiviffe , animis cum eo reconciliatis, ad feétarorem tyrannidis dedunt ; © imperratä delilorum veniä ; periculis imminentibus erepti funt. Zozimus in Gordiano 3°. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 63 térité. À l’inftant même où les Légions donnoient à leur Général le titre d’ Empereur , on gravoit des coins, & l’on frappoit des monnoies avec fon image dans les trois métaux. Nous avons des médailles de Marius, qui ne répna qu'un jour entier, de Diaduménien, qui ne fut Aupgufte qu ‘une femaine, de Celfus, qui périt É {eptieme Jour depuis fon élévation. : Quelquefois , pour donner plus promptement cours à la nouvelle monnoie, on fe conténtoit de graver la tête de l'Empereur , & l’on failoit fervir des revers apparte- nans à fon prédécefleur : on donnoit à une Impératrice des revers propres à fon mari, comme dans deux mé- dailles de Salonine , rapportées par M. Pélérin, fur l’une defquelles on voit ces mots: viéloria Augufti ; e l'autre, la date de l'Empire & des Confulats de Gallien. D’au- tres fois on aflocioit a la tête d’un Prince un revers dédié aux femmes, comme dans deux médailles de Trajan Dece & de Trébonien Galle, où l’on voit une femme aflile , fe couvrant le vifage de ra voile avec la légende bone On regarde , d'ordinaire, ces médailles comme uni- ques, parce qu *l eft rare que la même faute ait été com- mife deux fois par les Monétaires : les Savans en font peu de cas, à caufe de l'incertitude qu’elles répandroiïent dans lHfboire fi lon vouloit bâtir des fyftèmes fur un fondement aufli peu folide. Îl n’en eft pas de même de ces médailles qui paroiffent pour la premiere fois, & qui nous apprennent le nom de quelque Ville Greque , ou de quelque Colonie Ro- maine que l’on 1gnoroit, les années du Confulat ou de la puiffance Tribunitienne de quelque Empereur , pofte- rieures à celles que l'on connoïfloit déjà, fes expédi- GA MÉMOIRES : tions dans quelque Province ; telle eft une médaille d'Ha- drien, nouvellement découverte & rapportée par M. Pélérin, au revers de laquelle on lit : re/fitutori Lybie ; enfin Merle qui conftatent l’exiftence d’une famille illuf. tre de Rome, d’un Roi barbare, d'un Prince ou d'un Tyran dont on n’avoit jamais connu desmédailles ; elles fervent de preuve à ce qu’en ont écrit les anciens Au- teurs , dont la fidélité peut toujours paroitre fufpeëte, fi elle n’eft étayée par des monumens inconteftables : on {ent de quelle importance de pareilles médailles peuvent être. pour l’hiftoire. Il eft aifé de s’en convaincre en lifant les favantes diflertations de M. l'Abbé Barthe- lemy & de plufeurs autres Ecrivains célebres, répandues dans les diflérens volumes des Mémoires de l’Académie des Infcriptions & Belles-Lettres de Paris. Telle eft la médaille de Sabinien qui fait l'objet de ce Mémoire. Elle a été fcrupuleufement examinée par les plus habiles Antiquaires du Royaume ; ils en ont reconnu la fincérité ; mais ils n’ont point été d'accord fur l'explication qu’on doit lui donner. Les uns, fur le fondement du furnom Gallus, l'ont at- tribuée à PSS Gallus ,qui fe révolta dans pays de Langres, & qui prit la pourpre fous le regne de Vefpa- fien. Ayant été vaincu par les Généraux de ce Prince, il fe cacha dans un tombeau , où il vécut plufieurs an- nées avec fa femme Épponine & deux enfans qu’elle eut de lui dans cette trifte demeure. Îl fut enfin découvert & mené à l'Empereur, qui mal- gré les larmes, les touchantes follicitations de cette ver- tueufe époufe & les regrets de toute fa Cour, refufa de lui faire grace , au rapport de Dion dans fon abrégé de Xiphilin. Cette DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. Gs Cette premiere opinion ne peut être foutenue. Le furnom de Gallus ne prouve rien. Trébonien n’étoit point Gaulois ; tous les Hiftoriens s'accordent à dire qu'il étoit né dans l’Ifle de Méninge, fur les côtes d’Afri- que ; on lui donna cependant le furnom de Gallus. Sa- binus portoit le prénom Julius, & non ceux de Caius Vibius , qui fe trouvent fur ma médaille. Le regne de ce Tyran ne fut que de quelques mois, & fon pouvoir ne s’étendit pas au-delà de la Province qui fut le theéä- tre de fa rebellion : peut-on fuppofer avec quelque vrai- femblance qu'il a été frappé des monnoies à fon coin dans la Cilicie, à l'extrémité oppofée de l'Empire & dans un pays où ce Tyran n’eut jamais aucune autorité ? M. d'Ennery, féduit par la reflemblance des noms, Caïus, Vibius , Gallus, avoit cru que cette médaille appartenoïit à Trébonien Galle , & qu’elle avoit été mal lue ou retouchée dans la légende : mais, quand il fut à portée de l’examiner par lui-même, il en porta un jugement bien différent. Il convint qu’elle eft d’une vérité inconteftable, que les caraëteres font francs & bien formés, & qu'il eût été impofhble de fubftituer les lettres CABIN aux lettres TPEBON , qui n’auroient pu contenir dans le même efpace. Les deux têtes n’ont aucun rapport entrelles ; Trébonien Galle a la barbe épaifle, le nez long, l’air âgé de quarante-cinq à cin- quante ans; la figure de Sabinien eft celle d’un jeune homme fans barbe, & dont les traits different entiere- ment de celle de Trébonien. Ce dernier porte fur toutes fes médailles le titre d’Augufte ; on n’a donné à Sabi- nien que celui de Céfar ; enfin, on ne trouve dans les Recueils que nous connoïffons, aucune médaille de Tré- bonien frappée à Seleucie, près du fleuve Ca/ycadnus. Tome IV. Il 66 MÉMOIRES M. d'Ennery ayant abandonné fa premiere opinion, crut enfuite reconnoître dans ma médaille une reflem- blance avec la tête de Volufien; & d’après cette idée, il prétendit que le mot Sabinianus , étoit un nom de plus à ajouter à tous ceux que portoit cet Empereur (1). Cette opinion ne peut être adoptée. Volufianus eft un nom propre, ainfi que Sabinianus , les autres font, ou des Prénoms de famille , ou des furnoms relatifs aux peuples dont le Prince a triomphe. Il n’y a point d'exemple que l’on ait donné alternativement différens noms propres a la même perfonne fur fes médailles. Celle qui nous occupe a-t-elle été frappée pour Sa- binien, qui fe révolta contre Gordien III ? Je l’avois d'aboid penfé de même, & ; J ’ai rapporté les raifons fur lefquelles je fondois mon opinion. Mais nous ne con- noiflons cet ufurpateur que fous le feul nom de Sabinia- nus ; les Hiftoriens ne lui donnent point ceux de Caius, Vibius, Gallus, ce qui fuffroit pour affoiblir infiniment cette conjeéture : avec d’autant plus de raïfon, qu’on ne fauroit fe perfuader que dans une Ville fituée à l’ex- trèmité de l’Afie mineure , on ait frappé des monnoies pour Sabinien, dont la révolte éclata à Carthage en Afrique , & fut étouffée dans fa naïflance. Ne pourroit-on point penfer avec plus de fondement, que Sabinien, dont nous avons la médaille , étoit un {econd fils de Trébonien Galle ? Tandis que le premier fe diftinguoit du pere par le nom de Volufien , le fe- cond ne s’en diftinguoit- il point par celui de Sabinien ? Les noms du pere étoient communs aux enfans. Tré- bonien s'appeloit Caius Vibius Trebonianus Gallus ; (1) Vandalicus ; Finnicus , Caius, Vibius, Gallus, Afinius , Veldumnia- nus ; Gc. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 67 nous trouvons dans le Recueil des médailles de Volu- fien, par Banduri, que ce Prince portoit les noms de Caius , Vibius, Trebonianus, Volufianus , Gallus (x). Ce feroient donc les mêmes noms pour les trois Prin- ces, à la réferve de celui de Sabinianus ,, fubftitué à Volufianus, pour diftinguer les deux freres. Ainfi des deux fils de Trayan Dece, l’ainé fe furnommoit Heren- mien , & le cadet Hoftilien. Cette explication fe trouve appuyée par une médaille rapportée par Banduri (2), qui eft dans le cabinet du Roi, & qui a été jufqu’a préfent attribuée à Trébo- nien Galle ; elle porte pour légende avr. xar.r.or.e rer, raaaoc. ( /mperator Caius, Wibius, $.….. Trebonianus Gal- lus. ) La lettre C, ( fgma ) placée après le mot ormioe, a fort embarraflé les Savans. Banduri l'explique par le mot cacroe( Auouftus : ) le Pere Hardouin combat cette explication (3). Îl trouve ridicule de placer le titre d'Augeufte entre deux noms propres d’une part, & deux noms propres d’une autre, & que c’eft comme fi l'on difoit, Léopold, Empereur, Ignace: mais il n’eft pas plus heureux dans fon interprétation du C, que Ban- duri: Gallus, dit-il, étant un furnom de la famille Su/- picia , ne feroit-ce pas plutôt, cvamioc. ( Sulpicius. ) Cette introdu£tion de Trébonien Galle, dans la famille Sulpicia, dénuée d’ailleurs de tout fondement, paroit des plus hafardées ; & il faut bien que cela foit , puifque Hardouin lui-même, tout hardi qu'il eft, n’ofe la pro- pofer que comme une conje@ure. (1) €. VIB. GALLVS VOLVSIANVS —— IMP. GALLO, VOLOSSIANO — 1, OVIB. TPEB. OVOAOVC Banduri, Tom. 1, p. 82, 88, 89, 90. (2) Banduri, tom. 1, p. 8o. (3) Mém, de Trévoux, Avril 1720 , p. 689. 63 MÉMOIRES On peut facilement expliquer la médaille du cabinet du Roi, par la mienne. r.ouse. raaoe, n’eft-1l point Caius Vibius Sabinianus Gallus? Le nom 7rebonianus qu'on trouve de plus dans la premiere, ne fait aucune difficulté ; j'ai cité les médailles de Volufien, qui por- tent aufli le nom de Trébonien. Sabinien , ainfi que fon frere, avoit à ce nom le même droit qu'a ceux de Caius, Vibius , Gallus, que portoit leur pere, & qu'il tranfmit à l’un & à l’autre. La médaille du Roi feroit donc, ainfi que la mienne, un Sabinien , & on ne l'au- roit jamais bien connue fans le fecours de celle que je produis. Volufen étoit un fils naturel de Trébonien ; mais faut-il le feul? A la vérité, l'Hiftoire ne luien donne point d'autre ; mais ne pourroit-on point regarder Sabinien comme fon fils adoptif ? Il en avoitun, felon Zozime , fecond fils de Trajan Dece. Cette opinion a-t-elle la moindre vraifemblance ? Les deux Viétor s'accordent à dire qu'Hoftilien fut déclaré Augufte par le Sénat en même-temps que Trébonien Galle: auroit-il accepté de devenir le fils adoptif d’un fujet rebelle qui ne s’élevoit au même rang que lui que par le meurtre de fon pere & de fes freres ? Nousavons des médailles d'Hoftilien avec le titre d’Augufte; y en a-t-ilune feule où on lui donne quelqu'un des noms que portoit Trébonien ? S'il avoit eu la lâcheté de recevoir l'adoption, auroit-il pu fe difpenfer d’en fuivre les Lois, dont la premiere étoit de prendre le nom du pere adoptif ? Vaillant nous apprend (1), qu'Hoftilien étoit fils (1) Hoflilianus , Hofiliani Imperatoris contra Philippum à Senaru appellati filius , à Decio adoptatus, Cefar faëlus eff. Cùm autem Dectus ad bellum fcy- ticum cum Heremno properaret , Hoffiliano KRomæ reliéo, morte eorum com- perta, à Senatu Imperator renuncratus ef, ed paulù pofl, pelle atrocius fæ- viante int Ceriits, mms Vaillant, (OM, 13 Ps 172+ DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 69 d'Hoftilien , qui fut nommé Empereur par le Sénat, pour combattre Philippe, après le meurtre de Gor- dien IL. Severus Hoflilianus fut en effet nommé Em- pereur à cette époque , & mourut peu de jours après d’une faignée faite mal-à-propos, au rapport de Pom- ponius Lœtus € d’Egnatius (13 ? Ce fut fans doute en mémoire de fon pere, & pour fe concilier la bienveil- lance du Sénat, que Dece adopta le jeune Hoftilien, & lui conféra le titre de Céfar. Ce fait, attefté par les Auteurs anciens & modernes, fe trouve confirmé par une médaille frappée à Jérufalem , pendant la vie de Dece , & rapportée par Patin (2); on y voit les têtes accouplées d'Hérennius & d’Hoftilien, avec le titre de Céfar. Le fils adopté par Trébonien Galle, mourut de mort violente, & ce fut fon pere adoptif qui le fit périr ; nous en avons le témoignage formel dans Zozime (3). Vi&tor nous aflure qu'Hoftilien mourut de la pefte (4). Ce Prince étoit donc autre que le fils adopté par Trébonien. (1) Senatus de morte Gordiani falus certior, Marcum quemdam virum gravem C fapientem Imperatorem elegir, qui fubir4 morte in palatio ubi ha- bitabat deceffit. Statimque leëlus à patribus, Severus Hoflilianus , qui repente cüm incidiffet in morbum , Medicis male venam folventibus occubuir… Pomp. Lœtus. Duobus Principibus , audité Gordiani morte à Senatu creatis, Mavio pri- mnum , MmOx eo brevi abfumpto, fevero hoftiliano, qui & ipfe non fupervixit, Philippus , Imperium occupar. Egnatius. (2) Pain. numif. Imp. p. 316. (3) Ac inirio quidem ( Gallus ) Imperit Deciani memotiam cum honore € benevolentiä ufurpabat, & alterum ex filiis ejus fuperfiitem adoprabar. Sed progreflu temporis, veritus ne qui rerum novarum fludiis ad fueti, regiarum im Decio virtutum memoriam aliquando, fuis animés repetentes, ejus filio fum- mam rerum traderent , mortem homini per infidias parat , nec adoptionis ull&, nec honefi ratione habité, Zoyim. L. 1,p. 644. (4) Hæe ubi patres compérere , Gallo Hofilianoque Augufla Imperia, Vo- dufianum Gallo editum Cæfarem decernunt ; dein peflilentia oritur, quä atro- ciüs fæviente Hofilianus internit, == Air, Fidor, 70 MÉMOIRES Si Hoftilien , qui avoit déjà été revêtu par Dece du titre de Céfar, fut déclaré Augufte le même jour que Trébonien Galle, ce ne fut point , comme le prétend M. de Beauvais, en vertu de l'adoption que fit de lui l’ufurpateur , mais parce que ce Céfar étant le fils adop- tif & le feul refte de la famille de Trajan Dece, le Sénat voulut qu'il füt aflocié à l'Empire. Galle y con- fentit pour fe concilier la faveur des Romains, & faire oublier les crimes par lefquels il s’étoit élevé au pou- voir fuprême en faifant périr Dece & fes deux fils Hé- rennius & Trajan. Mon opinion fe trouve conforme à celle de l'Auteur de l'Hiftoire des Empereurs, ( Crevier ) qui préfume que « Trébonien commença par faire déclarer Hoftilien » Augufte, comme fils du dernier Empereur , & que » ce fut fous le prétexte de lui fervir de tuteur , à caufe » de fon bas âge, qu'il fe fit revêtir lui-même des ti- » tres de la Puiflance Souveraine. Philippe lui avoit » donné l'exemple de cette rufe (x). » Hoftilien étant mort de la pefte en 252, Galle adopta Sabinien, & le fit déclarer Céfar. Ce Prince n’eft connu que par les deux médailles que j'ai citées; & celle du cabinet du Roi ne portant que la premiere lettre de fon nom, fa mémoire, comme je lai déja dit, eût refté dans l'oubli, fi la médaille que je rapporte n’en eût donné l'explication. Mais quel étoit ce Sabinien? Seroit-1l , comme lavoit penfé un Savant que j'ai confulté(2},un troifieme fils de Trajan Dece, qui après la ruine de fa maifon & dans un âge encore tendre, n’avoit pu refufer cette adop- (1) Hift. des Empereurs, tom. 10, p. 198. : (2) M. L’Abbé du Ternay, Confeffeur de Madame Louife , tante du Roi. DE L ACADÉMIE DE TOULOUSE. 74 tion ? Rien n’autorife une pareille conje@ture. Le nom du Prince adopté étoit Sabinien : il dut le conferver, en y joignant, fuivant l’ufage, tous les noms de fon pere adoptif. Zozime dit, ileft vrai, que Trébonien adopta un des enfans de Dece; & d’après cette énon- ciative, M. L. du Ternay, a cru que ce fut notre Sa- binien, « d'autant que l'Hiftoire ne dit point que ce » Prince ait été déclaré Augufte, & que les deux mé- » dailles ne lui donnent que le titre de Céfar. Dece fe » prétendoit iflu de l'Empereur Trajan; il en avoit pris » le nom, il l’'avoit donné à un dé fes enfans. Sabine, » petite-niece de Trajan, & femme d'Hadrien , devoit » être fille d’un Sabinus , allié à Matidie , fille de Mar- » ciane, fœur de Trajan, ce qui auroit engagé Trajan » Dece à donner à fon dernier fils le furnom de Sa- » binien». Voilà des conjeëtures bien peu folides. J'en propoferai une qui paroït plus vraifemblable. Zozime écrivant ce qui s'étoit paflé cent cinquante ans avant lui, a pu être dans l'erreur fur le Prince adopté par Trébonien. Il regne une fi grande obfcurité dans l’'Hiftoire de ces temps malheureux ! Ne feroit-ce point un fils de Gordien III, au lieu d'un fils de Dece ? La mémoire des Gordiens étoit toujours chere aux Ro- mains. Trébonien ne pouvoit mieux leur faire fa cour qu’en adoptant le fils d’un Prince infortuné, dont ils avoient concu les plus grandes efpérances , & dont ils pleuroient encore la perte. L'Hiftoire ne nous apprend point qu'il eût laiflé des enfans, mais elle ne dit point le contraire. Nous trouvons dans Jule Capitolin, qu’a- près la fin tragique de Gordien III, le Sénat rendit un décret pour exempter fa famille & toute fa poftérité, des tutelles, légations & autres charges publiques , qui 72 MÉMOIRES ne pourroient leur être déférées fans leur confente- ment. Ce Décret put-1l être rendu en faveur de tout autre que des enfans de Gordien (1)? Vaillant rapporte une médaille grecque de ce Prince qui eft dans le cabinet du Grand Duc de Tofcane, & qui a été frappée dans la ville d’Aphrodife fur les con- fins de la Lydie. On voit au revers une Vénus, autour de laquelle voltigent deux Amours; a fes pieds font deux enfans aflis, qui ne peuvent défigner que deux enfans de l'Empereur. On trouve dans le Recueil de Patin (2) une médaille de Tranquilline , frappée à Nicomédie , où l’on voit une tête d’enfant pofée fur un groupe de ferpens entrelaf- fés. Cet emblème paroïit défigner un vœu fait à Efcu- lape pour la fanté d’un fils de l’Impératrice. Le Dieu de la Médecine; Hipia, Déefle de la Santé , font toujours repréfentés fur les médailles avec des ferpens. Nous connoiflons une médaille Egyptienne de Tran- quilline, du cabinet de Theupoli, avec la date 1.12. (année 14). Cette Princefle vivoit donc à cette époque, qui fe réfere à l’année 25 1 de l’ere chrétienne. Eneflet, à partir ,comme danstoutes lesautres médailles de l’an 237, premiere année du regne de Gordien fon mari, la quator- zieme année de Tranquilline tombe en 2$1, premiere année de Trébonien Galle, époque de l’adoption. A quel propos fix années après la mort de Gordien, & fous le fixieme de fes fuccefleurs , qui ne prenoient aucun intérêt à fa mémoire, auroit-on frappé des médailles à (1) F. amiliæ Gordiani hoc Senatus decrevit , ur à rurelis atque legarionibus & à publicis neceffiratibus, nifi fi vellent, pofteri ejus femper vacarent. Jui. Capit. pag. 140. (1) Page 302, fa DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 73 fa veuve, qui vivoit depuis fa mort dans l’obfcurité, fi ce n’eût été a l’occafion de l'adoption & de l'élévation de fon fils ? Tranquilline portoit le nom de Sabinia. Elle lavoit tranfmis à fon fils, fuivant la coutume des Romains. Herennius Etrufcus tenoit fon nom de fa mere Herennia Etrufcilla ; Gordien premier , d'Ulpia Gordiana ; Salo- nin de Salonine, &c.. Les Séleuciens avoient srappé en l'honneur de Gordien HT, une médaille parfaitement femblable, pour le revers , à ma médaille de Sabinien ; ils voulurent rendre le même honneur à fon fils, lor{- qu'il fut aflocié à l'Empire , & donner ce témoignage public de leur vénération pour la mémoire de leur ancien maitre. Si l'on ne connoît point d’autres médailles de Sabinien que les deux que j'ai rapportées, fi les Hiftoriens font muets fur fon compte, c’eft, fans doute, parce que leur attention ne s’eft point fée fur une adoption qui fe termina cinq a fix mois après par une mort obfcure, & dans un âge où il eft rare qu’on puiffe fe diftinguer. Il paruten 169$ une Diflertationi imprimée, qui a pour titre : Hifloire des quatre Gordiens , prouvée es llufrrée par les médailles. L’Auteur , qui n’eft point nommé (1), mais qui paroit être un Sarantide premier ordre, com- bat l'autorité des anciens Hiftoriens & des Antiquaires, qui n'admettent que trois Gordiens ; favoir, les deux Gordiens d'Afrique, pere & fils, & Gordien Pie, fils d’une {œur de Gordien Il. Il trouve dans les médailles & dans les paflages des Auteurs qu’il rapporte, des preu- (1) Banduri, Bibliorkeca Numaria , tom. 1, pag. Go, nous apprend que lPAuteur s’appeloit Jean Dubor ; que fon opinion fut combattue par Galland & par Cuper, & qu'il l'a détendit avec force dans un ouvrage imprimé en 1700. Tome IV, K 74 MÉMOIRES ou ves qu'il a exifté un quatrieme Gordien, fils du fecond Africain, auquel doivent être attribuées les médailles qui portent le nom de Gordien Céfar. Il fe fonde prin- cipalement fur un Décret du Sénat rapporté par Jules Capitolin (x), qui déclare les Maximins ennemis de la Patrie, & met leurs têtes à prix, qui contient des vœux pour la profpérité des deux Gordiens pere & fils, qui accorde Je titre de Céfar & la Prèture au petit-fils du vieux Gordien, en lui promettant le Confulat ; 1l cite encore la harangue que Maximin fit à fes troupes , en apprenant cette nouvelle , & qui fe trouve dans le même Hiftorien. Cet Empereur reproche au Sénat d’avoir dé- claré les Gordiens Auguftes, & d’avoir donné au petit- fils le titre de Céfar (2). Cette életion fut faite au mois de Mai de l'an 990 de Rome (237 de l’ere chrétienne) ; il eft conftant aue Gordien Pie ne fut nommé Céfar qu'au mois de Juillet 991 (238) à la demande du peuple (3), lorfque Balbin & Pupien eurent été élevés à l'Empire ; il y a donc eu deux Gordiens créés Céfar en différens temps; le premier , lors de l'élévation des Gordiens d'Afrique ; le fecond , aprèsla mort de ce Prince , & fous leregne de leurs fuccefleurs. A ces preuves fe joint celle qui réfulte de la différence efentielle qui fe trouve entre les mé- (1) ZtemCof.rerulir P. C. de Mariminis quid placer 1 Refponfumef, hoftes, hofles ; qui eos occiderit, premium merebitur.…. Gordiant Augujit, Divos fer- vent, ambo felicirer imperetis. Nepori Gordiani Præturam decernimus , Ne- poii Gordiani Confulatum fpondemus ; Nepos Gordiani Cefar appellerur ; rercius Gordianus Præruram accipiat. Jul, Capir. (2) Nec priüs permiffi funr Parres Confcripti ad Palatium flipati armatis ire , gum Neporem Gordiani Cæfaris nomine nuncuparent , & Gordianos patrem € filium Auguflos vocarent. Id. (2) Gordianum Cæœfarem omnes rogamus , hic Nepos erat Gordiani ex f£liä… Induclus in Curiam, Cefar eff appellatus, Jul, Capir, DE L'ACADÈMIE DE'TOULOUSE. 7 dailles de Gordien Empereur & Gordien Céfar. Celui-ci a le vifage d’un enfant de cinq à fix ans. Gordien Aupufte, fur {es premieres médailles, paroït en avoir quatorze ; il n’avoit vécu qu'un an avec Balbin & Pupien ; on ne peut préfumer qu unpareil changement ait pu s opérer dans la figure du même Empereur dans l’efpace de treize mois, & l'on connoit l’exa@titude des Romains pour donner la parfaite reflemblance des Princes repréfentés fur leurs monnoies. S'il paroït certain, d'après le témoignage de Jules Capitolin, qu'il a exifté un Gordien Céfar, coufin de Gordien IIT, dont aucun autre Hiftorien n’a fait men- tion ; pourquoi ne pourroit-on pas croire qu'il a exifté un fils de ce même Empereur qui lui furvécut, & qui fut adopté par Galle fous le nom de Sabinien ? On me demandera pourquoi le fils de Tranquilline ne porta point le nom de fon pere ? Je répondrai à cette queftion , quand on m’aura dit pourquoi Gordien pre- mier, fils de Merrius Marcellus , n'en prit pas le nom, & préfére celui de fa mere Dee Gordiana ; pourquoi Gordien Ill ne s’appela pas Mettius Balbus, comme fon pere , & prit le nom de fon aïeul maternel, &c. Le nom de Gordien fembloit avoir été fatal à tous ceux qui l’avoient porté. Les deux Africains avoient péri d'une mort funefte à Carthage ; deux Gordiens s’étoient noyés dans le trajet d'Afrique en Italie, ainfi que nous lapprend Zozime ; Gordien Céfar étoit mort en bas âge ; Gordien Pie avoit été maflacré par les ordres de Philippe : coit-on être furpris que fon fils eût renoncé a ce nom défaftreux , qui lui rappeloit tous les malheurs de fa famille, & qu ’ufant du privilege que la coutume lui donnoit, il préférat celui Ce fa mere, objet de l'amour & de la vénération des Romains ? 76 MÉMOIRES L’hiftoire ne nous dit point ce que Tranquilline, cette Princefle fi intéreflante, devint après la mort de fon mari. Les Infcriptions lui donnent les titres Sanéiffima, Illuftriffima. Les Dames Romaines, pénétrées d’admira- tion pour fes vertus , lui éleverent une ftatue. Elle vivoit & reçut de nouveau les honneurs d’Impératrice en 251 fous la premiere année de Trébonien Galle, à l'époque où 1l adopta un jeune Prince qu'il aflocia à l'Empire; ne peut-on point préfumer, avec quelque vraifemblance, que ce Prince étoit Sabinien, fils de Gordien & de Tranquilline, qui portoit le même nom que fa mere, & pour lequel fut frappée la médaille dont j'ai eflayé de donner l'explication? Du refte, je ne fais que la propofer, & je défire que quelque Savant puifle en donner une plus fatisfaifante. L'obfcurité qui regne dans l’hiftoire de ces regnes ora- geux fur lefquels 1l ne nous refte que des abrégés & des fragmens, ne permet d'offrir Le plus fouvent que des pro- babilités & des conje@ures. DE L'ACADÈMIE DË TOULOUSE. 7Y DESCRIPTION D'UN, MÉDÉOMREINSINGULILER. PAR M. l'Abbé D'ARBAS, Correfpondant. LE météore dont je vais parler, parut aux lieux de | ue le ro ‘ RE è uillet 1788. Marliac & de Juftiniac, le 13 Juin 1787 , entre deux & trois heures de l'après-midi. Ces deux Paroifles font fituées dans un Pays mon- tueux, coupé de vallons & de collines , à environ 4 lieues E. S. E. de la Ville de Rieux, & dans fon Dio- cefe. Le petit ruifleau de la Jade coule dans le vallon qui eft au-deffous de Marliac vers le NNE, & c’eft à fa fource & prefque à l’endroit où commence ce vallon que fe forma le météore. Vers les deux heures de l’après-midi, une partie de la Paroifle de Marliac & de celle de Juftiniac fut cou- verte d’une nuée bafle, qui tomba en une grande quantité d’eau, dans l’efpace de 7 à 8 minutes. L’atmofphere ayant enfuite reparu dans un état cal- me , on apperçut dans un bas fond (1) une fumée épaifle qui fortoit de la terre, & qui s’éleva infenfible- ment & perpendiculairement en forme de colonne, à la hauteur d'environ 20 toifes. Bientôt après un coup de vent d'O, enleva cette vapeur fumeule, & la dirigea vers l'E. (1) À 700 toifes à l'O, de Jufiniac, & à 900 toif., au S. de Marliac, 78 ; MÉMOIRES Elle parcourut dans cet état une centaine de toifes affez lentement & fans aucun figne fenfible de feu. Son élévation au-deflus de la furface du terrain , fut eftimée à 10 toifes, & l’on remarqua que l'inégalité du fol (1) lui donnoit un mouvement d’afcenfion. Parvenue à une petite hauteur (2), cette vapeur fu- meufe s’abaifla, & rapprochant fes extrémités du cen- tre , elle prit une forme ronde, & continua de planer lentement, mais à la diftance de deux toifes feulement de la furface de la terre. Là, ce météore parut ftationnaire, & changea de couleur. Le centre devint d’un bleu mêlé de pourpre, d’où l’on voyoittrès-diftinétement parur des étincelles : {es extrémités étoient d'un gris pommelé tirant fur le noir. On évalua fa furface apparente à Fo toiles, tant en hauteur qu’en laroeur. Environ deux minutes après, cette couleur bleue & pourprée du centre, fe méramorphofa , tout-a-coup, en un difque enflammé de cinq pieds de diametre (3). Alors il rétrograda en bondiffant ; & tournoyant fur lui-même, il lançoit des feux en forme de ferpenteaux, dont les uns étoient dirigés dans les airs, & les autres vers la terre. On entendoit en même-temps un bruit fourd , femblable à celui du tonnerre peu éloigné. Ce météore, ou efpece de trombe de terre , s'arrêta encore un moment fur le bord du ruifieau de la Jade (4), avec une diminution très-fenfible dans fon foyer : puis retournant de nouveau fur fes pas, l'efpace de 30 toi- TT URL (1) Coupé de vallons & de côteaux. (2) À Goo toiles E. N. E. du lieu de fon départ, & 400 toifes S. 3 SE. de Marliac. (3) On le comparoit à une roue de charrette. (4) À 500 toifes NNE, du lieu de fon départ, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 79 {es , il fe diflipa par un éclat de tonnerre & un coup de vent qui caffa les branches de quelques pruniers, & enleva un tas confidérable de fagots qu'il difperfa fort au loin. Ainfi fe termina ce phénomene, fans occafionner des dommages confidérables. Un efpace de terrain de 8 à 10 toifes fut plus ou moins defféché , en raifon de l'inégalité de fes mouvemens & de fa proximité de la terre , lors de fon pañlage. Mais il brüla quelques päturages , & particulierement un champ de feves. On y appercevoit, quinze Jours après encore, des traces fenfibles d'incendie. La frayeur & l'épouvante des Payfans furent géné- rales : quelques-uns croyoient voir des animaux mena- çans dans ce corps enflamimé. Au refte , cette efpece de trombe fut locale : l'efpace qu’elle parcourut , & celui où tomba la pluie qui le pré- céda, n’excéderent pas une demi - lieue de circonfé- rence, 80 MÉMOIRES RP DATES STE RTE A TEMEO"N SUR|CETTE)OUESTION: Démofthene a-t-il reçu en préfent d'Harpalus vingt talents 6 une coupe d’or ? Par M. GEZz. Lue Île 2 . ° Her JE ne viens pas, en aveugle & fuperftitieux adorateur du Dieu de l'Eloquence , baïfer en tremblant les pieds de fa ftatue. Un autre deffein m’amene ; c’eft celui d’éclair- cir un fait important, qui intérefle, & qui aicompromis aux yeux des peuples éclairés, la réputation d'un grand Orateur, & tout à la fois d’un grand Homme d'Etat, de Décilene Plutarque eft, je penfe, le premier Hiftorien qui a écrit , du ftyle le plus affirmatif, que Démofthene s’étoit laiflé corrompre par Harpalus, en recevant de lui une coupe d'or avec vingt talents, & qui a le plus accrédité cette accufation, non- eee par le ton de confiance & de naïveté dons il la raconte, mais encore par les particularités piquantes dont il l'accompagne. Après lui la foule des Hiftoriens, des Littérateurs & des Savans (1) l’a cru fur fa parole , & les Traduéteursde Démofthene, (1) Rollin entr'autres, dans fon Hiftoire ancienne, & les kncyclopédiftes d’Yverdon , fous le mot Démoffhene. fes DE L'ÂACADÉMIE DE TOULOUSE. S1t fes Panégyriftes mêmé (1) n’ont pas ofé le contredire ouvertement, tant l'autorité du fage Philofophe de Che- ronée a eu d’empire fur leur efprit & fur leur juge- ment ! Je conviendrai fans doute que Plutarque avoit de grands droits à leur croyance ; mais la vérité en avoit de plus grands encore : & quelque recommandable que foit ce Philofophe par les portraits qu’il nous a laiflés des Per- fonnages illuftres de la Grece & de Rome ; quelqu'im- pofante que foit fa maniere fimple de les peindre par les faits, & la grace enchantereffe avec lequelle il defcend dans les plus petits détails, fa crédulité a trouvé quel- quefois des cenfeurs (2) , & quelquefois la critique inexo- rable s’eft exercée à relever fes erreurs & fes bévues: Au furplus, en voyageant dans la Grece , quelques fiecles après la mort des Perfonnages dont il nous retra- çoit la vie, ila été réduit à recueillir les bruits popu- laires qui s’étoient altérés en paflant de bouche en bou- che ; & il ne s’eft pas aflez attaché à déméler le vrai du faux , & à ne nous tranfmettre enfin que ce qui por- toit l'empreinte & le caraëtere ineffaçables de la vérité. On en jugera par le trait fuivant qui m'occupe au- jourd’hui. Je vais me fervir, pour le foumettre à un examen réfléchi & le combattre, de la tradu&tion du bon Amyot, qui, dans fon ftyle vieilli, mais naïf, a bien des grâces, & a toujours des charmes pour les vrais Litté- rateurs. QG) Tourreil, dans une de fes belles Préfaces, 8 l'Abbé Auger, dans fon Sommaire de la Harangue de Dinarque. (2) Tableau des Révolutions de la Littérature ancienne & moderne , par M, l'Abbé le Cournaud, ch. 1 , de la Grece. « {1 n’a manqué, dit-il à cet Auteur, » que de mieux écrire & d’être un peu moins crédule, » Tome IF, Ë 82 MÉMOIRES » « Harpalus s’en étant fui du fervice d'Alexandre, s'étant donc venu jeter entre les bras du peuple Athe- nien avec {on or , fon argent & fes galeres , les autres Orateurs haletans après l'or & l’argent qu'il avoit apporté, commencerent incontinent à parler pour lui, & à confeailler au peuple de le recevoir, & de donner fureté à un pauvre fuppliant qui étoit recouru à eux avec franchife. Mais Démofthene confeilla pre- mierement de le chafler hors la Ville... » Mais quelques jours après, comme on faifoit in-- ventaire de fes biens, Harpalus voyant qu'il prenoit plaifir à regarder une coupe du Roi, & alloit confi- dérant fort curieufement le tout , la façon & l'ouvrage qu'il y avoit deflus , il lui fit fous-pefer à lui-même , pour lui faire eftimer à combien elle pefoit. Démof- thene l'ayant fous-pefée , s’émerveilla du poids qui étoit grand, & demanda combien de poids elle em- portoit ; & Harpalus, en fe riant, lui répondit , elle t'emportera vingt talents ; & fitôt que la nuit fut ve- nue, lui envoya la coupe avec les vingt talents ; car cet Harpalus étoit homme avifé , qui connut bien in- continent au vifage de Démofthene qu'il aimoit l’ar- gent... , auf ne réfifta-t-il point ; ainfi, étant abattu par ce préfent , ni plus ni moins que s’il avoit reçu garnifon en fon logis, fe rangea tout aufli-tôt du cÔtE d'Harpalus.....» Amyot, d’après Plutarque, raconte enfuite que le len- demain matin Démofthene parut, la tête enveloppée de linge, devant le peuple aflemblé pour délibérer fur l’af- faire d'Harpalus ; qu'il fut requis de parler , & qu'il re- {ufa , en prétextant une incommodité ; refus qui lui va- lut bien des brocards de l’Affemblée ; que le peuple DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 83 inftruit des préfens que plufieurs de fes Orateurs avoient reçus d'Harpalus, chafla ce transfuge , dans la crainte qu'Alexandre ne demandat compte a la République de l'or & de l'argent que des Orateurs s'étoient partagé. Après quoi il continue ainfi : «on alla chercher & » fouiller par toutes leurs maifons, excepté celle de » Caliclès, en la maifon duquel ils ne voulurent pas » qu’on allàt rien remuer, parce qu'il étoit nouvelle- » ment marié... ; & Démofthene voulant montrer » qu'il ne s’en fentoit pas coupable, mit en avant un » Décret que la Cour d’Aréopage prit la connoïflance » de ce fait, & qu’elle punit ceux qui s’étoient mépris » en cet endroit ; & de fait, fe préfenta en jugement, » mais il fut l’un des premiers que la Cour condamna » en l’amende de 50 talents ; & à faute de paiement fut » pris au corps & mis en prifon, d’où il s’évada (1). Voilà ce que dit Plutarque de ce trait d’hiftoire , qu'il circonftancie avec tant de foin dans ce pañlage. Si je lai rapporté au long, j'ai cru qu'il le falloit pour ne pas lafloiblir , & d’une autre part pour convaincre tout hom- me impartial de toute la faufleté des faits qui ont fervi de fondement à l’accufation dirigée contre Démofthene, & au récit de l’'Hiftorien Philofophe. Premierement, quant à la coupe d’or, nous ne trou- vons rien dans la harangue de Dinarque contre Démof- thene qui aie trait à ce meuble précieux , ni qui prouve qu'il en aie provoqué l'envoi. M. l'Abbé Auger nous a enrichis de la tradu£tion de fon difcours, & dans au- cun endroit Dinarque ne releve ce fait, ne le reproche à Démofthene ; il n’en parle même pas. Lorfqu'il prit . () Vie des Hommes Illuftres, &c. de Plutarque, traduction d’Amyot , édi- tion de Paris, in-folio, 1579, page 500, 84 MÉMOIRES la tribune aux harangues, Démofthene avoit déja lui- même follicité un Décret de l’Aréopage, pour qu’il in- formèt contre les Orateurs qui s’étoient laïflé corrompre par Harpalus ; & déja l’Aréopage avoit reftreint tous les chefs d’acufation contre Démofthene, à celui-ci, qu'il avoit reçu vinot talents de la main d'Harpalus. Auf Dinarque , en lui rétorquant ce Décret , en re- produifant dans cette caufe particuliere toutes les ca- lomnies qu'Echines avoit entaflées, mais en vain , pour lui arracher la fameufe couronne que lui avoit décerné le peuple fur le Décret de Ctéfiphon, en fe rejetant fans cefle {ur fa conduite pañlée, en fcrutant enfin de nou- veau toutes les parties de fes divers minifteres, ne lui objeëte , touchant fa conduite avec Harpalus , finon qu'il en a reçu vingt talents ; & par plufieurs fois il re- vient à ce fait unique, il l’articule formellement , & fe tait toujours fur la coupe d’or reçue en préfent de ce transfuge. Or, un tel adverfaire, qui fembloit tranfporte de l’efprit d'Echines & de toute fa rage, auroit-il paflé {ous filence ce trait aggravant de corruption ? N’auroit- il pas été au moins le fujet de fes plus ameres raille- ries ? Dans quelle fource Plutarque avoit-il donc puifé ce w'il nous raconte à cet égard de la vie de Démofthene ? Je Pai déjà dit ; il avoit recueilli fur ce point comme {ur tant d’autres, les bruits populaires répandus dans un coin de la Grece ; & ce qui le prouve fans réplique, c’eft que non-feulement il ne fait pas mention de la haran- ogue de Dinarque , qui nous eff toutefois parvenue , mais même il ne le nomme pas, quoiqu'il foit certain que ce fût lui qui par fon difcours véhément fouleva , 1rrita le peuple contre Démofthene, & l’enflamma au point qu'il DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 8s le fit punir d'une amende, fans que Démofthene eût pu fe faire entendre. On me dira peut-être, qu'importe que Démofthene n'ait point été accufé ni convaincu d’avoir reçu La coupe d'or ! n’a-t-il pas accepté les vingt talents ? L’Aréopage ne l’a-t-1l pas déféré au peuple pour ce fait particulier ? n'a-t-il pas enfin été condamné en une amende comme convaincu de corruption? IL eft vrai que fous ce rapport l’accufation eft cer- taine , & qu’elle a été intentée ; mais c’eft d'abord avoir fait un premier pas vers la vérité, compromife trop lé- gérement par Plutarque , que d'avoir prouvé qu’elle ne frappoit, cette accufation, que fur l'envoi de vinor talents ; c’eft en faire un fecond que de parvenir à favoir que fi Démofthene fut puni par un Jugement, il n’avoit pointété entendu. Or, indépendamment que Rollin , dans fon Hiftoire Ancienne, eft forcé de convenir dumoins que le peuple irrité voulut à peine entendre [a juffification, tout d’ailleurs concourt à nous convaincre qu'il ne fut nullement entendu. Plutarque , en effet, n’eût pas man- qué de nous parler de la défenfe de ce grand Homme : & fans doute que nous pofféderions ce chef-d'œuvre avec tous ceux qui font fortis de fa plume ; car le temps les a tous refpeétés, comme pour nous confoler, par ce vrai modele du beau dans le genre oratoire, de la perte de tant d’autres produétions du génie. Nous avons d’ailleurs plufieurs Lettres que ce grand Homme écrivit du lieu de fon exil au Sénat & au peu- ple d’Athenes, où, en leur demandant fon rappel, 1l ne craignoit pas de taxer de précipitation & d’injuflice le jugement rendu contre lui ; ce qui fans doute n’étoit pas bien propre à lui gagner les efprits, & ce qui prouve 86 MÉMOIRES néanmoins que l’afcendant de fon innocence l’empor- toit fur le danger d'irriter les Athéniens, & fur le défir de revoir fa Patrie. Dans la feconde de ces Lettres, j'emprunte ici le fecours de la traduétion Latine de Wolfius, comme écrite dans une langue qui eft devenue plus familiere que la langue grecque , & qui eft fa plus fidelle inter- prete ; 1l dit : neque enim ego vel Harpali amicus fui , vel Propter priora mea aûta in Republic& pœnas dare debeo , cum & ea quorum accufabar, probata non fint, 6 ex om- nibus de Harpali fais , Decretis, fola ea que e20 eo®, civitatem omni crimine liberarint. Dans la quatrieme , il revient à la même idée & au même déni, neque enim ab Harpalo aliquid accepiffe oflendetis ; nam neque conviclus fum , nec accepi ; & quoi- que, ni le témoignage que rend dans fa propre caufe le trop malheureux Démofthene , ni le reproche qu'il fait de la forte aux Athéniens , ne foient pas décififs & convainçans, ils ne laiflent pas d’être du plus grand poids dans une circonftance où il avoit tant d'intérêt à obtenir fon rappel. Mais on n’eft pas réduit ici à de fimples argumens. Pauzanias nous fournit une preuve écrite qui les rend décififs, Il nous apprend dans fes voyages de la Grece, dont l'Abbé Gedoyn nous a donné une excellente tra- duétion, que Démofthene avoit été reconnu innocent du crime de corruption. De forte qu'il n'eft pas plus vrai qu'il aie reçu les vingt talents , que la coupe d’or, & qu'il ait ainfi vendu fon filence à Harpalus. Ecoutons-le, ou fon Traduéteur, qu'on ne foup- çonnera pas de lavoir mal rendu. Il eft aufli eflentiel de rapporter ici fes propres expreflions , quil l'étoit plus DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 87 haut de tranfcrire Plutarque. Je les emprunte du livre fe- son qui comprend fon voyage de Corinthe (1). >» Juoi qu'il en foit, dit-1l, vous pourrez voir à Cal laurée un temple L Neptune, qui eft très-célebre, & dont la Prètrefle eft une vierge qui ne quitte ae miniftere que quand elle veut fe marier. Dansle Par- vis de ce temple on vous montrera le tombeau de Démofthene. Le fort a fait voir en la perfonne de ce grand Homme , & long-temps auparavant en celle d'Homere, combien il eft injufte envers le mérite & la vertu. Quant à Démofthene , le fort le perfécuta fur le penchant de fon âge à un tel point, qu'après lui avoir fait endurer la peine de l'exil, 1l le mit en- core dans la néceflité d'abréger fes jours. Son inno- cence a été fufffamment prouvée par lui-même €: par le témoionage des autres. On fait qu il ne fe laifla point corrompre par l'or & l'argent qu’ Harpalus avoit ap- porté d’Afie; mais il ne fera pourtant pas hors de pro- pos de dire ici quelle fuite eût cette affaire. Harpalus s'étant fauvé d’Athenes, paflaen Crete, où, peu de temps après fon arrivée , 1l fut tué par fes propres Domeftiques : d’autres difent que Paufanias, Macé- donien de nation , lui drefla des embuches où il périt. Ce qui eff certain, c’eft que Philoxene, autre Macé- donien, qui Gt obliger les none a lui li- vrer Harpalus, prit dumoins fon Intendant comme il s’'enfuyoit à Rhodes, Quand il leut en fa puif- fance, 1l le fit appliquer à la queftion , pour favoir de lui tous ceux qui avoient pris de l’arvent d'Harpa- le] lus. Après quoi il écrivit aux Athéniens une lettre (1) Pag. 231 & 232 de l’édition de Paris, 83 MÉMOIRES » qui contenoit le nom de tous ces traîtres , & la fomme » que chacun avoit touchée ; Dans cettelettre 1l n’étoit » fait aucune mention de Démofthene, quoiqu’'Alexan- » dre le hait mortellement, & que Philoxene füt /o7 » ennemi particulier. Ceft donc avec juftice que dans » plufieurs autres endroits de la Grece, & fur-tout à » Calaurée, on a depuis rendu de grands honneurs à » cet illuftre malheureux. » Cette aflertion, comme on le voit, tranche avec celle de Plutarque ; & elle a pour garant une lettre dont l'exiftence Pouvoit être aufh facilement rappelée des Grecs, qu'être conteftée , fi elle n’eût pas été certaine, lorfque Paufanias voyageoit dans les environs de Co- rinthe ; lettre d’un grand poids, puifque Philoxene y nommoit tous les traîtres que l'or d'Harpalus avoit fervi à corrompre, & qu'il y Jpécifroit la Jomme que chacun d'eux avoit reçu , fans faire mention ni de Démofthene , ni des vinot talents qu’on lui attribuoit d’avoir acceptés ; lettre d'autant plus décifive, que ce Philoxene étoit anime contre lui d’une inimitié particuliere , & que d’ailleurs, comme Macédonien & fujet d’ Aéradtre , il devoit, à l'exemple de fon Maitre , hair ce fier Républicain , qui en tant d’occafions l’avoit traverfé lui & Philippe fon pere, dans leurs projets d’abaiflement & de conquête de la Grece. J'avouerai ici, fi l’on veut , que Paufanias ne rap- porte pas la lettre de Philoxene, mais il la certifie en ces mots: ce qu'il y a de certain, dit-il, c’eft que Phc- loxene prit dumoins lIntendant d'Harpalus , & le fit ap- pliquer à la queftion ; après quoi 7 écrivit, &c. Un témoignage ainfi conçu l'emporte fur l'imputation faite À Démofthene par Plutarque , qui n’a d'autre garant que DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 89 que fa propre autorité. Et quelle autorité d’ailleurs ! Difons-le fans héfiter ; dans la circonftance préfente , elle ne peut pas même être balancée avec celle de Pau- fanias. Comme Voyageurs, ils peuvent fans doute tous les deux être comparés. L'un & l’autre ont vu ou en- tendu ce qu’ils nous racontent, ou ce qu'ils décrivent; l'un & l’autre ont parcouru la Grece dans le même fiecle, & à peu-près dans le même temps ; car celui-ci n’avoit devance celui-là dans fes voyages, que de quel- ques années , & Démofthene étoit mort quatre fiecles & demi auparavant. Comme Hiftoriens & Ecrivains, ils étoient tous les deux plus judicieux que crédules; mais ici Paufanias a tout l'avantage fur Plutarque, parce qu'il ne raconte rien qui foit contredit par l'Hiftoire, & qui foit in- compatible avec une accufation & une condamnation hafardées. Son récit n’eft entremêlé d'aucun fait qui ait été reconnu faux ; au lieu que Plutarque , fur plu- fieurs faits importans , en avance un, celui de la coupe d'or, qui a été rejeté par l’univerfalité des Auteurs, & qui eft contraire aux termes de l’accufation de l’Aréo- page & à la harangue de Dinarque. A l'égard d’un fe- cond, il fe contrarie lui-même ; il dit dans la vie de Démofthene, qu'il fut accufé d’avoir reçu vénet talents ; & dans celle 2. dix Orateurs illuftres , il parle de ete) Sur un troifieme, relatif au jugement, il varie tout de même & fe contredit ; car dans la vie particuliere de cet Orateur, il affirme qu'il fut condamné en une amen- de, pour laquelle il fut pris au corps & conduit en pri- eu d’où 1l s’'évada; dans l’autre, 1l eft incertain s’il ne en pas lui-même, avant d’être condamné, ou : après. Tome IF. M 90 MÉMOIRES Que refte-t-il donc de vrai dans ce que nous raconte Plutarque du crime de corruption dont il charge Dé- mofthene? Qu'il en fut accufé, & qu'il fut condamné en une amende. Mais une accufation ne conftitue pas le crime, & le jugement n’en eft pas toujours la preuve. Combien d’innocens accufés & condamnés à tort! Sans fortir d’Athenes , le Divin Socrate, & le vertueux Arif- tides ne fubirent-ils pas des condamnations horrible- ment injuftes ? Cependant qui eft-ce qui doute aujour- d'hui de la vertu & de l'innocence de ces deux perfon- nages les plus refpeëtables peut-être de l’Antiquité ? La Philofophie , d'accord avec les Grecs qui leur furvécu- rent, ne les a-t-elle pas complétement vengés de l’in- juftice de leurs Juges ? N’a-t-elle pas couvert d’infamie les Melitus, les Anitus ? Si Plutarque, dumoins, eût rapproché du jugement rendu contre Démofthene , les incidens qui le précé- derent , les a@tions de ce grand Homme , & les traits diftin@ifs de fon caraëtere , ce rapprochement & fes procédés l’euflent conduit à d’autres réfultats & à une autre conclufion. Il eût dit: Démofthene avoit requis lui-même quil fût informé contre les Orateurs qui s’étoient vendus à Harpalus; cette conduite n’annon- coit pas un homme coupable, & qui craignit les éclair- cifflemens. On avoit déterminé qu’il feroit fait des re- cherches dans les maifons des Orateurs foupçonnés du crime de corruption , & ces recherches furent faites dans la vue d'y découvrir l'argent & les effets d'Har- palus ; mais on ignore quelle en fut la fuite: la Tradi- tion eft muette fur ce point. Ainfi le corps du délit n’eft pas fuffifamment conftaté, fur-tout par raport à Deé- mofthene , chez qui l’on auroit dû trouver la coupe DE L’'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 91 d'or, sil eût été vrai qui il l’eût reçne.. Enfin ce grand Homme n’a pas été même entendu : ; comment do pourroit-on dire qu'il ait été juftement condamné ? A quel âge au furplus a-t-1l été accufé ? Il étoit par- venu à fa cinquantieme année. Jufqu’alors 1l avoit été incorruptible, au jugement de prefque tous les Hifto- riens & les Savans. Change- t-on de mœurs & d’habi- tudes dans un âge fi près de la vieillefle? Qu'Echine & Dinarque l’inculpent dans leurs harangues d’être avare, & d'avoir puifé cent cinquante talents d’or dans les tréfors du Roi de Perfe, ou d'Alexandre ; une telle 1n- culpation étoit digne de fes deux ennemis. Mais Plu- tarque qui affirme que Démofthene aimoit l'argent , & qu'il avoit montré une ame vénale à l’arrivée d'Har- palus, ne devoit pas être leur écho. Le temps étoit venu de remarquer, ce que Dinarque n’avoit pas prévu, que Démofthene riche, felon lui, de cent cinquante talents des feuls bienfaits de De ou d'Alexandre, feroit hors d’état fous peu de jours , d’en payer cin- quante pour l'amende à laquelle il venoit d’être con- damné. Il pouvoit Pen: à l'évard d'Echme, que lorfquil fut puni envers Démofthene de toutes fes calomnies atroces, par la peine de l'exil, & qu'il fortit d’Athe- nes pour aller à Rhodes, Démofthene le fuivit, la bourfe à la main, & l’obligea d'accepter une offre & une confolation inattendues. Sur quoi Echine s'écria : comment ne regretlerois- Je pas une Plifie de Je laiffè un ennemi fe généreux, que be défefpere de trouver ailleurs des amis qui lui reffémblenc ! Athenes avoit éprouvé la pénérofité de Démof- thene : fes murs avoient été réparés à fes dépens, & la 92 MÉMOIRES couronne que lui fit décerner Ctefiphon, en fut (r)le prix. D'une autre, part Philippe, arrêté dans fes con- quêtes par l’él oquence vigoureufe de ce Républi ICain in- domptable , avoit reconnu lui-même fon incorrupti- ble probité. Laiflons, difoit-1l à Parménion, qui lui paroïfloit indigné d’une des harangues de cet DRE &« laiffons-le parler librement contre nous , puifqu'il cf js » /eul des Gouverneurs de la Grece, qui ne Joët pas à nos » gages. J'aimerois pourtant mieux qu'il y fût qu'aucun » autre, car il arme, lui, fur terre & fur mer contre » moi, déconcerte mes projets, & détruit mes entre- » prifes, tandis que les autres épuifent mes tréfors & » mes richefles (2). » Durant fon exil , il n’a Pas perdu de vue fa Patrie, qe tee fa Patrie l'ait payé d’ingratitude. Il exerce fon éloquence contre le Vainqueur de l’Afie ; 1l lui fufcite Léofthene fon Difciple. Alexandre meurt; & aufh-tôt ce généreux Républicain fe joint aux Ambafladeurs d'Athenes, pour foulever contre Antipater les Eto- liens, les Iliriens , les Thraces & les autres Peuples réduits fous le joug du Vainqueur. Effrayé d’apprendre qu Athenes enfin , ’reconnaiflante & défaveuplée, l’a rappelé de fon exil , qu'elle l'a reçu dans fon fein comme fon libérateur , il demande qu'il lui foit Zvré avec dix autres Orateurs ; & c’eft alors que pour fe dé- rober à fes pourfuites, Démofthene fe retire à Calaurée- dans le Temple de Neptune; c’eft là qu'invefti par les Gardes qui le preflent de fe fier à la clémence de leur Maitre , 1l répond fierement: non, il ne fera pas dit que (1) Cicero de op. genere Orator ; Tourreil, dans fon Sommaire des Harangues d'Echine & de Démofthene fur la Couronne. (2) Lucius de vira Demoflhenis. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 93 Démofthene doive rien au Tyran de Ja Patrie. Laife - moi un inftant , ajoute-t-il, me retirer dans le fond du Temple, Les Gardes le Éiflenee il avale du poifon , & quand il eft afluré de l'effet , il avance mourant vers Archias, & lui dit : amene ce corps à ton Maitre, car pour Démofthene tu ne l'ameneras point (x). Tant de traits de générofité & d’aétions d’un véritable héroïfme, que Plutarque auroit pu recueillir & balancer avec les motifs qui l’ont déterminé dans fon fentiment, ne font pas, tant s’en faut, d’une ame vénale & cor- rompue. J'ofe dire au contraire , que réunis avec les autres faits que J'ai ramenés plus haut, ils forment un corps de preuves fi fort liées CARE: fi viétorieules , qu'il eft impoffible de ne pas en Eonelure que Démof- thene , irréprochable au milieu de la dépravation géné- rale des mœurs d’Athenes, eft mort innocent du crime de corruption dans lequel on veut qu'Harpalus l'ait engagé. Voilà ce que je penfe de bonne foi; ‘qu on daigne me redrefler fi je me trompe. Mais qu'on fe fouvienne auparavant qu ‘il en eft des hommes de gé- nie , qu'on accufe légérement d improbité, tout comme de ceux qu’on accufe légérement d'irréligion. La reli- ion & la vertu y perdent de leur crédit & de leur afcendant ; elles y perdent des foutiens, & elles ne paf fent plus que pour être l'apanage des efprits foibles & des ames fans énergie. (1) Préface Hiftorique de fecond volume des Œuvres de M. de Tourreil, Page 122 & 123. LAC. T'AS EUEIOEN SURVENUE A UNE FEMME AGÉE DE 75 ANS. Par M. Masars. ON trouve dans plufieurs Auteurs, des exemples de la@tations furannées , ou qui femblent fortir de l'or- dre de la nature. Héers parle de la la&tation d’une veuve âgée de $o ans; Hoftman, d’une nourrice de 60; les Tranfa@ions Philofophiques, d’une femme qui, à l'âge de 68 ans, nourrit deux jumeaux; Diemenbroëck, d’une veuve de 80 années, qui donnoit à téter à fon petit- fils. Il n’eft pas rare de voir filtrer le lait d’un fein vir- ginal, de celui de femmes qui n’ont jamais eu d’enfans, de mâles même parvenus à l’âge adulte. Les papiers publics du commencement de 178$ ont raconté comme un phénomene extraordinaire , qu’un chat nouvelle- ment févré , avoit, par fa fucion , provoqué une laéta- tion fi abondante dans les mamelles d’une chienne de 14 mois, qu'elle en laifloit des traces dans les appar- temens. Le fait que décrit M. Mafars, n’eft pas moins furpre- nant. La femme Cabanes, veuve d’un Laboureur du petit hameau du Mas - d’Azaïs, Paroifle de Briols, près du pont de Camarés (x), petite Ville du Rouergue, âgée (1) Cette petite Ville eft connue par fes eaux minérales acidules, & par la fu- périorité de fes grives, dont Céfar parle dans fes Commentaires, fous le nom d'aves Carmarefenfes. Camarés eft dans ie Diftrit de Saint-Affrique , Déparie ment de lAyciron, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 9$ de 75 ans, venoit de perdre fa belle-fille, dans une at- taque d’épilepfe. A la douleur de cette perte fe joignoit celle de ne pouvoir pas fubftanter un enfant de fix mots, fon petit-fils. Elle avoit fait avertir une nourrice, qui ne pouvoit fe rendre auprès d'elle que dans quelques jours. Dans cet intervalle, l'enfant foufroit ; fa grand- mere ne fufpendoit fes cris pour quelques inftans, qu'en lui faifant avaler quelques cuillerées de lait de vache. Les pleurs, les agitations de l'enfant, la laflitude, l'embarras de la grand-mere lui fuggérerent un moyen fingulier de tromper fa faim. Après avoir bien ferme les fenêtres de fa chambre , elle fe couche, met l'enfant dans fon lit, & lui donne fon fein flétri & defléche : lobfcurité favorife fa rufe, toute grofliere qu’elle lui pa- roit. Le befoin s'attache à tout ; l'enfant faifit le ma- melon, prefle ce fein ridé, le tiraille, le fuce, le tour- mente , & à force de tentatives, fouvent interrompues par le dépit d’une fucion inutile & pénible, parvient enfin à extraire quelques gouttes de lait. Satisfait du peu qu'ila obtenu, l'enfant s'endort. A fon réveil limpulfion de la faim renaiflante lui fait tenter de nouveaux effais ; le lait devient plus abondant; l’avidité de l'enfant s’accroit par le fuccès, & la perfévérance de la fucion finit par établir une telle fécrétion de lait, qu'au bout de quelques jours la vieille grand-mere fut en état d’allaiter fon nourriflon fans le fecours d’aucun lait étranger. Tous ces faits ont été atteftés avec des détails encore plus circonftanciés, à M. Mafars, par les parens, par les voifins de la veuve Cabanes, & par la nourrice même qui avoit été mandée, & quiarriva lorfque la laétation eut été établie. La veuve d’Antoine-Jean du Maz-Deja, fon 96 MÉMOIRES amie, attefta à M. Mafars qu’elle avoit vu le fein de la vieille grand-mere très-arrondi, & n'ayant d’autres flétriflures que les lignes blanches imprimées par le temps, qui avoient pris la place des rides. Cette femme ajoutoit que le lait jaillit par intervalles, à fil non interrompu, de la mamelle oppofée à celle que l'enfant fuçoit, & qu’elle éprouvoit lors de la fucion, dans tout le corps du mamelon, cette fenfation douce & ce cha- touillement agréable que la nature attache au bienfait de l’allaitement. * Le lait de la veuve Cabanes fut prefque le feul aliment que reçut fon petit-fils, jufques a l’âge de 28 mois, fe portant beaucoup mieux que lorfqu’il fuçoit le lait épi- leptique de fa mere. Sa nourrice, quitouchoit à la décré- pitude, avoit acquis de nouvelles forces ; à mefure que {fon nourriflon orandit, elle le forma aux travaux de la Campagne ; il devint robufte , & au bout de quelques années, 1l le difputoit en force & en légéreté aux La- boureurs les plus vigoureux : il étoit bien fait & bien conftituée. À l’âce de 18 ans, il quitta la charrue & s’enrola. On n’en a plus eu aucune nouvelle depuis cette époque. Quant à la veuve Cabanes , elle étoit morte plus qu'oétogénaire. OBSERVATIONS DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 97 OMPBESSECR EVE AP IPEONEN TS SUSR PDP EF ÉORS EANIS NOIR] PEUTSS. Par M. RIGAL, Correfpondant. D ANS le grand nombre d’obfervations également intéreflantes envoyées par M. Rigal, deux ont princi- palement fixé l'attention de l’Académie. L'une con cernant une fille de onze ans : fon eftomac fe gonfloit - par intervalles ; elle fe trouvoit mal tous les jours, tomboit fans connoiffance, fans mouvement, dans un affoupiflement femblable à la mort , Qui duroit une heure & demie ou deux heures. Dans l’intesvalle de ces atta- ques , elle éprouvoit une faim canine, mangeoit beau- coup, & rien ne lui profitoit. Lorfque M. Rigal fut appelé, il l’a trouva dans fon état de léthargie. Il ouvrit les paupieres de la malade, & elles refterent ouvertes ; 1l ouvrit fa bouche, & après avoir refté béante environ dix minutes , elle fe referma infenfiblement d’elle-même. Ses bras, BE tête & généralement tous fes membres prenoient toutes les pofñitions qu'il leur donnoit , & retomboient par leur propre poids, lorfqu’ils n’étoient pas foutenus, comme ceux d’un cadavre peu de temps après la mott. Le pouls étoit petit , dur & très-lent, & la refpiration laborieufe. Il employa vainement les odeurs les plus fortes , l’alkali volatil, les fubftances les plus fpiritueufes & les piqüres Tome IV. 98. MÉMOIRES même d’une épingle en différentes parties de fon corps. M. Rigal voyant qu’elle étoit infenfible à tout , l’aban- donna ; & après le terme ordinaire à fon fommeil , elle revint d'elle-même très-fatiguée, & ne fe fouvenant de rien. M. Rigal jugeant que cet afloupifflement étoit l'effet de l’affeétion des nerfs & du cerveau, & que le moyen d'obtenir une heureufe révolution , étoit d’ébranler la machine au moment où elle étoit prête à s’aflaiffer, 1l épia & connut ce moment à un mal-aife qu’elle éprouva & à un nuage qui lui couvrit les yeux : 1l ordonna lémétique à la dofe de fix grains fur une livre d’eau, dont il lui fit prendre moitié, & le refte quelques mo- mens après. Ce remede produifit dans la malade des efforts violens, dont la commotion fe fit fentir dans toutes les parties de fon corps. L'attaque manqua & n’a pas eu lieu depuis. Cette jeune fille acquit de l’embon- point & jouit encore d’une fanté parfaite. La feconde obfervation a pour objet un phénomene d’une autre efpece : un Huiflier de Gaillac en Albigeois, appellé Pelfort, âgé de $5 ans, étoit privé de la vue pendant le jour ; feulement, quand le temps étoit bien fombre, il jouifloit d’un peu de clarté ; mais pen- dant la nuit il avoit la faculté de voir fi parfaitement, qu'a dix ou douze pas il diftinguoit de très-petits ob- jets. M. Rigal, à qui cet homme futamené, lui trouva les yeux rouges & larmoyans , les trous des pupilles fi rétrécis, qu'ils n’auroient pu donner pañlage au ftylet le plus fin ; la fuite de cet examen fut remife après la chute du jour. À cette époque, le malade vint feul & fans guide. M. Rigal trouva le trou des pupilles fort dilaté. Quoique l'appartement ne fût point éclairé , Pelfort re- connut dans cette obfcurité tous les meubles & tou, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 99. ce qu’il renfermoit. On alluma une bougie , les pupil- les fe refferrerent , & le malade ne vit que ts Conte fément. On en alluma une feconde qu’on plaça vis-à-vis de Pelfort, le trou des pupilles fe referma , & 1l ne vit plus rien. M. Rigal crut qu'il fuffiroit pour rétablir l’ordre na- turel, d’adoucir la mafle générale des humeurs, d’ex- Re au-dehors celles qu'il fuppofoit être la caufe du mal. Les bouillons rafraichifflans, le petit lait, les fu- migations adouciflantes & réfolutives, & un feton à la nuque , furent employés, mais (nsaucunfucess. Il cou vrit d’un bandeau les yeux du malade, afin que la lu- miere ne portant pas fur ces organes, & que les pupil- les n'étant point agacées par fon éclat, repriflent, fans être dérangées , leurs fonétions ordinaires. Après un mois entier , le bandeau ayant été té , le malade voyoit aflez bien pendant le jour & prefque point pendant la nuit ; mais lorfqu'il avoit refté quelque temps au grand jour , fa vue s’obfcurcifloit. Alors M. Rigal, à ce pre- mier bandeau en fubftitua un autre d’une gaze en douze doubles, & tous les quatre ou cinq jours il dédoubloit le bandeau d'un pli jufques au dernier, accoutumant infenfiblement les yeux du malade à la lumiere. Ce moyen ingénieux lui réuflit fi parfaitement, que le fieur Pelfort lit, écrit & exerce les fonétions de fon état avec la même le qu'avant fa maladie. Lu le 19 Mai 1788. 100 MÉMOIRES M É M OIRE Sur un coup de Tonnerre qui a éclaté dans l'Egli e de Se. Nicolas de Touloufe , au Faubourg St.-Cyprien. Par M. l'Abbé MARTIN. O N ne peut plus s'attendre avec quelque fondement que les phénomenes de la Foudre fi fouvent renou- velés & toujours obfervés avec l'intérêt qu'infpirent aux hommes les mouvemens violents de la nature, pré- fentent encore quelque grand effet qui ait échappé juf- qu’à nos jours à l’œil attentif de l'Oblervateur. D'’ail- leurs, depuis qu'avec un fimple appareil éleétrique on eft parvenu à reproduire à volonté ce redoutable mé- téore, non-feulement la caufe en a été connue, mais même fes eflets les plus bifarres, dépouillés de la ter- reur qu'ils infpirent, ont été obfervés à loifir, murement approfondis & développés avec fuccèés. Cependant, parmi les finguliers eflets de ce phéno- mene , il en eft quelques-uns que les Phyficiens défirent encore de voir conftater par de nouvelles obfervations : il en eft d’autres qu’ils cherchent à ramener à la caufe générale par des explications plus naturelles & fondées fur des fairs authentiques. C’eft fous ces deux rapports que l’hiftoire du phénomene dont je vais parler, m'a paru mériter d’être confervée, & pouvoir ajouter quel- que lumiere à celles qu'on a déja {ur une des plus éron- nantes opérations de la nature. Ce fut le 17 Mars de l’année derniere, vers les cinq DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. ro heures du foir, qu’arriva le fait dont il eft queftion ici. L'orage fe forma du côté de l’oueft, & s’annonca d’abord par de foibles éclats de tonnerre ; mais bientôt après, & avant que la pluie commençàt à tomber, une vive explofion fe fit entendre , & les dépats de la foudre fe manifefterent {ur le clocher & dans l’intérieur de lEplife de Saint-Nicolas de cette Ville. Jen fus averti le foir même un peu tard, & le lendemain bon matin, je me tranfportai fur les lieux pour obferver & confta- ter les faits. J'appris d’abord que le nommé Büerre, Plâtrier, qui travailloit fur la voûte de la Chapelle du Purgatoire , voifine de la porte de l’'Eglife, avoit été mialtraité par la foudre. J’allai chez lui, & le trouvai dans fon lit fe reflentant encore des fit de fon accident. Il me ra- conta , que, forcé de quitter fon travail par l’obfcurité qu’amenoit l'orage, ilalloit defcendre de deflus la voûte de la Chapelle , lorfque fe préfentant à l'ouverture , il fur repouffé au loin & étendu fans connoiffance ; que bientôt des gens du dehors étant accourus, il reprit fes fens, & ne fentit d’autre mal qu'un engourdiflement à la main & au bras gauche ». fur lequel il lui reftoit encore une tache livide, qui s’étendoit depuis le coude jufqu’au haut de l'épaule : il ajouta qu’en recouvrant fes fens, 1l ne pouvoit imaginer quelle avoit été la caufe de fon accident , parce qu'il n’avoit ni vu l'éclair ni entendu le coup de tonnerre qui l’avoit frappé. Un homme & une femme à qui je parlai, m'aflurerent s'être trouvés dans le veftibule de l’Eglife au moment de l’explofion, & avoir vu l'éclair pafler à deux pas devant eux fans en être atteints. Du refte, ces deux perfonnes crurent l'avoir vu entrer par la porte de l'Eolife. 102 MÉMOIRES L'intérieur du bâtiment ne me préfenta d’abord aucun dégat notable. Ni le Sacriftain, ni les Prètres qui def- fervent cette Eglife, ne s’étoient apperçus qu'aucune dorure eût été enlevée, ni qu'aucun dommage eût été caufé , ou dans le Chœur, ou dans les Chapelles : tout l'effort de la foudre fe dirigea vers le mur de face qui termine le fond de l’Eglife. Une tringle en fer, placée à la hauteur de deux toifes, la conduifit fur ce mur: elle en enlevale mortier dans une aflez large traînée , qui du bout de la tringle s’élevoit jufqu’a un trou de boulin lacé dans le voifinage , & qu’elle mit à découvert. De la on ne voyoit plus de trace de la foudre jufqu’a la confole fur laquelle repofe l'orgue adoffée à ce mur. Cette confole préfentoit dans fa partie inférieure une fente de quatre ou cinq pouces de long, & d’une médio- cre largeur, de laquelle le plâtre avoit été enlevé. Dans l'intérieur de l’orgue , un grand nombre de fils de cui- vre étoient hors de ‘place, de petites planches mobi- les rejetées en dehors, quelques tuyaux bouchés, d’au- tres déplacés & des jeux entiers totalement dérangés. À dix pieds au-deflus du plancher de l’orgue, s’avance une grofle barre de fer par laquelle toute cette machine eft aflujettie au mur ; & c’eft fur cette barre que fe porta, fur-tout la matiere de la foudre. Du point de fon in- fertion jufqu’a la hauteur de trois pieds, le mortier éroit enlevé fur le mur, dans une trainée profonde d’envi- ron trois pouces de large ; une des premieres briques, voifines de la barre, étoit écornée ; le fragment de près d'un pouce cube fe voyoit encore en place ; & j'obfer- vai, comme une circonftance entielle, qu'il étoit adhérant au mur par fa partie fupérieure , quoique en- irouvert & féparé de deux lignes du refte de la brique DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 103 dans fa partie inférieure. De là on ne voyoit d’autrestraces de la foudre que celle qu’offroit du mortier enlevé fur la voûte dans une bande d'environ deux pieds & demi auprès d’un de fes foupiraux. Jallai vifiter le deflus de la voûte à cet endroit , & n’y apperçus aucun eflet de la matiere fulminante. Le Carrillonneur qui m’accompagnoit, me dit feulement qu'une brique mouvante qu’il me montra étoit auparavant placée fur le bord de ce foupiraii , & qu’elle en avoit été chaflée par l’explofion à la diftance d'environ d’eux toifes. De loroue, la foudre pañla à une petite cloche pla- cée au-deflus, fur le mur latéral de l'Églife, & faillante d'environ un pied ; elle fuivit un fil de cuivre qui, par- tant de ladite cloche, entroit dans le clocher adoflé à cette partie de l'Eglife. Ce fil de cuivre étoit foutenu par une grofle cheville de fer fichée dans une piece de bois qui traverfoit le clocher. La foudre abattit le fil en le fondant dans deux endroits , elle détacha la chevilie en enlevant un gros éclat de la piece de bois qui la fou- tenoit, & lui communiqua une vertu magnétique afez forte & qui fe conferve encore. Au-deflus de cet endroit, il ne paroïfloit dans le clo- cher aucune trace dela foudre jufqu’à l'étage où font pla- cées les cloches, & auquel elle parvint fans doute le long d’une corde qui defcend jufqu’au rez de chauflée ; même à cet étage il ne me parut ni aucun déoût, ni la plus lé- gere marque de fufon fur les cloches ; feulement une marche mobile d’un efcalier en bois qui s’y trouve, fut rejetée hors de fa place & un gros éclat en fut enlevé. Il faut obferver que cette marche n’étant appuyée que par fes extrémités & pofée à plat fur deux liteaux cloués aux deux montans de l'efcalier , ne put être déplacée que par une force dirigée de bas en haut. 104 MÉMOIRES C’eft fur-tout contre la fleche du clocher que s’exerça le plus grand eflort de la foudre : cette fleche eft une pyramide affez bafle, conftruite en bois & recouverte en-dehors de briques plates, fur lefquelles on a étendu une couche de ciment. La foudre, après avoir emporté ou fait éclater quelques-unes de ces briques, & les avoir rejetées au loin , avoit fait à la fleche une ouverture de trois pieds de long fur dix pouces dans fa plus grande largeur. Elle avoit ébranlé plufeurs autres faces de la pyramide, le ciment en avoit été enlevé & de longues lézardes paroïffoient fur fes arêtes depuis le fommet juf- qu'a la bafe. Une calotte en plomb qui termine la fle- che, & fur laquelle s’éleve une tringle de fer en forme d’équerre, avoit été feulement ébranlée , fans qu'il y parût aucune marque de fufion ; & même la longue ou- verture dont nous venons de parler ne commençoit qu’à deux pieds en-deflous de cette calotte. Tels font en abrégé les faits dont j’avois à rendre compte. [Il neme refte , pourremplir mon but, que d’en rapprocher quelques circonftances, & de préfenter les réflexions qu’elles doivent faire naïître dans l’efprit de ceux qui fe font occupés de l’étude des phénomens élec- triques. On a obfervé depuis long-temps qu’au moment de la décharge d’une batterie éleétrique , tous les corps légers placés dans fon voifinage , quoique hors du cercle de com- municationentre la furtace pofitive & la furface négative, éroient inftantanément agités : que quand plufieurs per- fonnes formant une chaine recevoient la commotion, d’autres perfonnes placées hors de la même chaîne, la recevoient aufh ; & ce phénomene , auquel on n’a donné une attention particuliere que dans les derniers temps, eft DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 108 eft connu aujourd’hui des Phyfciens fous le nom d’ex- plofion latérale. Il paroît que dans l’éleftricité naturelle, outre le courant principal , il fe forme plufieurs nr fecondaires qui produifent ou peuvent produire chacun, des explofions latérales ; & l'accident arrivé au Plütrier, caufé vraifemblablement par une explofion de cette efpece , confirme aflez cette conje&ture , & s'explique na- turellement de cette maniere. Le D. Franklin 1 imagina de faire pañler la décharge d'une forte batterie éleétrique de la tête aux pieds dedeux hommes qui fe tenoient debout auprès de fon appareil, & dans l’inftant les deux hommes furent renverlés, fans avoir ni entendu le bruit de l’explofion, ni vu l'éclat de lumiere qui l'accompagne. La dépoñition du Pltrier, dont nous avons parlé, qui fut renverfé & perdit con- noïflance , fans favoir d’où venoit fon accident, prouve que les mêmes eflets fe reproduifent dans 1 'explofion de l'éleétricité naturelle ; & en général les perfonnes vive- ment atteintes de la foudre, & qui ont eu le bonheur d'échapper au danger, atteftent qu’elles n'ont ni vu l'éclair ni entendu le coup de tonnerre qui les a frappées. Lorfqu’on charge une bouteille de leyde, on peut condenfer le fluide ou fur l’une ou fur l'autre de fes deux furfaces à volonté ; de maniere que dans l'explofion, le courant eft tantôt dirigé de la furface intérieure à l'extérieure , tantôt de celle-ci à la premiere. Aucune rai- fon pl jufblene permet de douter qu’il n’en foit de même entre la terre & les nuages, & que la foudre ne parte quelquefois de la terre pour arriver au nuage , d’autres fois du nuage pour fe rendre en terre, & qu’ainfi on ne foit fondé à di finguer des foudres en afcendantes & defcendantes ; quoiqu'il foit dificile de décider laquelle Tome IF, O 106 MÉMOIRES de ces deux efpeces de foudre a éclaté dans un cas par- ticulier , il paroït que plufieurs circonftances concourent à établir qu'ici elle a été afcendante, qu’elle eft partie de l’Églife ou de fon voifinage, & a fuivi le clocher comme étant le feul conduéteur qui s’offroit à fa marche pour fe rendre dans le nuage négatif auquel elle devoit néceffairement arriver. Ces circonftances font la dépo- fition des deux perfonnes placées dans le veftibule , qui ont vu pañler l'éclair par la porte de l’Eplife & qui ont cru le voir entrer. Le Platrier, frappe dans la Cha- pelle la plus voifine de ia porte, & repouflé loin de l'ouverture de la voûte par une force néceflairement dirigée de bas en haut ; ce fragment de brique trouvé à l'orgue encore adhérant au mur par fa partie fupérieure & détaché dudit mur par fa partie inférieure, cette mar- che enlevée de l’efcalier du clocher, qui n’avoit pu fe dé- lacer qu’en la pouflant de bas en haut; le plâtre em- orté fur la voûte de l’Eglife fans que la foudre eût pé- nétré en-deflus ; cette brique mouvante rejetée loin du foupirail de la voûte ; le ciment & les briques recou- vrant la fleche repouflés au loin par une force expen- five dirigée du dedans au-dehors de la pyramide; en un mot, toutes les circonftances qui ont accompagné cette explofion , concourent à prouver qu'elle a été l'efler d’une foudre afcendante. On fait que pour communiquer la vertu magnétique à une mince aiguille d'acier, il fuflit de lui faire recevoir plufieurs fortes décharges d'une batterie éleétrique , & l'on ne doutoit pas que le tonnerre ne produisit fouvent le même effet. S'ilreftoit quelque doute a cetégard , le ma- nétifme communiqué à la cheville en fer dont j'ai déjà parlé, le diffiperoit infailliblement, & prouveroit en- core que fa vertu magnétique ainfi communiquée peut fe conferver long-temps. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 107 M. de Sauflure confeille, quand on veut conftruire un paratonnerre, d’aflujettir la pointe métallique ou le verticille {ur une longue perche , non avec des clous que la foudre pourroit détacher en faifant éclater le bois, mais avec des anneaux qui embraffent ladite per-- che. La même cheville en fer qui a été détachée de la folive où elle étoit implantéeen enlevant un éclatde bois aflez confidérable, prouve combien ce confeil eft fage & cette précaution néceflaire pour conferver le para- tonnerre. On confeille encore de tenir le fil, conduéteur de ces fortes de machines, aufli ifolé & auffi diftant qu'il eft poflible , du bâtiment qu’on veut garantir de la foudre, - parce que fans cette précaution les objets placés dans le voifinage pourroient en être atteints. L'exemple du Plätrier , dont j'ai parle , & qui a été renver{e par l’ex- plofion latérale, quoiqu'il fût éloigné de plus de trois toifes du courant principal de la matiere fulminante, fait voir qu'on ne fauroit trop prendre de précautions à ce: fujet, & que c’en eft une des plus effentielles à obferver dans la conftruétion des paratonnerres. Tous ces faits me menent à une réflexion qui peut trouver ici fa place, fur les fervices qu’on doit attendre de ces fortes d’inftrumens deftinés à garantir nos édifices des ravages de la foudre. Quand même le clocher de l'Eglife de Saint-Nicolaseüt été armé d’un paratonnerre , il paroït vraifemblable que la foudre y eût fait le même dégât, & que cet exemple eût pu groflir la lifte déja bien nombreufe des bâtimens frappés, quoique munis. de bons paratonnerres. En eflet, le fil conduéteur de cette machine auroit été néceflairement placé en-dehors du bâtiment, & fe trouvant dans cette fituation féparé: 108 MÉMOIRES de la route qu'a fuivi la foudre, par de gros murs de brique qu'elle n’a pu franchir , rien n’eût pu dé- terminer la matiere fulminante à s’écouler le long du condufteur métallique, & fe rendre fans éclat dans le nuage orageux & négatif qui dominoit dans le moment fur le clocher. De pareilles circonftances peuvent fans doute fe rencontrer dans plufieurs cas, & nous devons en conclure que toutes les fois que la foudre fera af cendante , & que par défaut de matieres conduétrices , fa fphere d’aftivité ne pourra s'étendre jufqu’au fil con- duéteur de l’inftrument , le paratonnerre ne fera d'aucun fecours contre les effets défaftreux de ce météore. Mais fi la foudre eft defcendante, ou même fi étant afcen- dante , le fil conduéteur eft profondément enfoncé en terre, & que rien n'intercepte le libre cours de la ma- ticre fulminante , dans ces cas le paratonnerre préfen- tera un fecours afluré contre les effets de la foudre , en offrant au fluide éle8trique une voie facile, & qu'il pren- dra de préférence, pour fe rendre au fe de fa deftina- tion ; car il y arrivera toujours, ou parune vive explo- Fan ou par un courant paifible & continu. Ainfi ces fortes de machines , comme la plupart de nos inven- tions ingénieufes, font utiles dans plufieurs cas, inutiles dans quelques autres, mais jamais dangereufes ; & fous ce rapport 1l feroit aufli imprudent de les rejeter ab- {olument , ou de les condamner fans reftriétion aucune , que de je adopter avec une confiance & une fécurité parfaites. e É DE L’'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 109 CR Se RECHERCHES SUR les organes du chant dans les Cygnes. Par M. DE LA PEIROUSE. Les Poètes & les Hiftoriens de l'Antiquité ont rendu lu le 26 célebre le chant mélodieux du cygne ; leur témoignage à a long- temps pañlé pour une de ces fiétions ingénieules qu'ils emploient aflez ordinairement pour préfenter aux hommes quelque leconutile, ou quelque grande vérité. Les recherches des Savans plus modernes, nous ont fait con- noître l’appareil merveilleux , dont la nature a doué le cygne dans les organes de la voix; mais elles nous ont laïflé dans l'incertitude fur l'agrément de fon chant. Aldrovande eft le premier Naturalifte qui ait fait des recherches anatomiques fur le cygne fauvage ; il fut frappé de la finguliere conformation de fa trichée ar- tere , & d’après l'amplitude extraordinaire de cet organe, il ne manqua pas d’affurer que cet oifeau devoit avoir une voix forte & étendue. Mais il eft tombé dans une grande erreur, en attribuant à tous les cygnes la même conformation qu'il avoit vue dans l’efpece qu'il avoit difléquée. On devroit s'attendre à trouver des notions plus précifes & des faits plus certains dans l'ouvrage de Thomas Bartholin , puifqu’il traite uniquement de Tana- 10 MÉMOIRES tomie & du chant du cygne (1); c’eft une compila- tion faftidieufe de paflages de Poètes & de Philofophes ; il affirme avoir entendu chanter les cygnes ; mais 1l n'ajoute rien aux détails que nous a donné Aldrovan- de; il confond , comme lui , le cygne fauvage avec le do- meftique, & il attribue à un défaut de nature, ou à l'eflet de l’âge, la diflérence de conformation qui exifte conftamment entre l’un & l’autre. Raï, ce célebre Botanifte Anglais, qui a revu & augmenté l'Ornithologie de Willughbei fon ami, avoit difléqué des cygnes domeftiques & des cygnes fauva- ges; 1l a reconnu & décrit la différente ftru@ture de la trachée artere, & du fternum, dans les deux efpeces. L'hiver de 1776 me mit à portée de répéter les ob- fervations de ces deux grands Naturaliftes; 11 pafla dans. diverfes parties des Pyrénées, & aux environs de Tou- loufe , une grande quantité de cygnes. J’en eus neuf pour ma part. J’obfervai dès - lors la merveilleufe confor- mation des organes de la voix du cygne fauvage, & je n'héfitai pas de croire que l’opinion antique de la mé- lodie de fon chant, étoit fondée en vérité ; mais je re- connus en même-temps , que le cygne domeftique avoit été privé de cet avantage ; je vis auf qu'Aldrovande s'étoit trompé à cet égard, & que Rai avoit bien vu. eus occafion d'écrire à M. d’Aubenton en 1777, & je lui communiquai mes obfervations à ce fujet. Je ne dois pas omettre un fait fingulier dans l'Hiftoire des cygnes ; c’eft que celuique nous nommons domefti- que, fe mêle dans les troupes du fauvage , qual s’éleve (1) Thomæ Barrholini différtatio de cyzni anatome , cjufque cantu 1668] Awec une mauvaife figure. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 1:it aveclui, &entreprend de grands voyages. En 1776 ,une troupe de fept cygnes s'étoit abattue fur une de mes prairies; un Chafleat leur tira deux coups de fufil fuc- ceffifs, & tua deux males; l’un étoit fauvage, & l’au- tre domeftique : peu de temps apres je reçus aufli des cygnes des Pyrénées; ils avoient été tués fur les bords de la Garonne dans le haut Cominges ; il y en avoit un domeftique parmi plufieurs fauvages. Le chant agréable & étendu du cygne fauvage n’eft plus aujourd hui un probléme. Un heureux hafard a procuré aux Savans la facilité de s’en convaincre; M. l'Abbé A. Mongés, Garde du Cabinet d'Hiftoire Na- turelle de Sainte-Genevieve , a lu à l’Académie des Scien- ces, un Mémoire qui contient le détail des obfervations qu’il a le premier recueillies à ce fujet. Il a été inféré dans le Journal de Phyfique pour le mois d'O&tobre 1783 (1). Voilà donc le cygne rétabli dans fes droits, & fon chant fonore & mélodieux , mis hors de doute. Mais le cygne fauvage eft le feul qui ait reçu cette (1) M. Mongés a fair fes obfervations à Chantilly. Il eft ordinaire que des cygnes fauvages s’abattent dans le fort de l'hiver, fur une des grandes pieces d'eau du parc. On en prend quelquefois au piege; deux de ces cygnes qu’on a démontés, c’eft-à-dire, privés de la faculté de voler, vivent depuis quelque temps [ur cette même piece d’eau, & ce font ces cygnes qui ont fait connoître la faculté dont jouifient les oifeaux de certe efpecc. Non-feulement ceux-ci chantent en certains temps & de leur propre mouvement , comme les autres oifeaux, mais on peut les déterminer à volonté à faire entendre leur voix mélo- dieufe. 11 fuffit de préfenter fur cette piece d’eau quelqu’autre oifeau aquatique ; aufli-tôt les cygnes s ’avancent pour le mettre en pieces, ou le combattre, fuivant fa force; & après leur viétoire, qui eft toujours aflurée, car ce font Îes plus forts comme les plus grands des oifeaux d’eau , le mâle & la femelle fe pava- nent vis-à-vis l’un de autre , ne manquent pas ‘de fe mettre à chanter, & de célébrer, fi l’on veut, la viétoire qu'ils viennent de remporter. Depuis peu, M.Mauduyt, Doëteur en Médecine, & l’un de nos plus ha- biles Ornithologiftes, a confirmé la réalité du chant mélodieux & fonore du cygne fauvage ; fon neveu les a obfervés à loifir fur la riviere de Seine, à feize lieues de Paris, 112 MÉMOIRES agréable faculté ; pourquoi le domeftique en eft-il prive? C’eit ce qu'on n’a point encore recherché, & c’eft ce que je crois pouvoir déduire des obfervations que je vais rapporter. Jai difféqué tout récemment des cygnes fauvages , & j'ai ajouté des détails curieux aux notes que J'avois recueillies en 1776. Je commencerai par faire connoître ce qu’Aldrovande a dit de la trachée artere du cygne fauvage & de fes . (1). « La trachée artere (du cygne fauvage , dit- » 1l,) eft d’une ftruêture admirable ; elle defcend juf- » ie au bas du col, ayant l’œfophage au-deflous d'elle ; » mais elle ne va pas droit aux poumons , comme dans » les autres animaux; car, paflant au-deflus des clavi- » cules 5 elle s’infere dans l'apophyfe de los de la poi- » trine ou du fternum. Or, cette apophyfe (ou le bre- » chet,) n’eft pas formée on feul os, mais de trois, » dont un de chaque côté, & d'un troifieme par-deffus, » qui fert de couvercle aux deux autres , elle a la figure » & fert au même ufage d’un fourreau ou d'une » boîte, » (1) Arteria afpera admirandæ fanè ffru@uræ ; nam œfophagum fubjeélum comitata, ad jugulum defcendens cum pervenir ; non rec ur în cœæteris ani- mantibus ad pulmones tendit, fed fupra claviculas elevata , in coflam offis, « pedoris, feu flerni, inferitur. Ejt aurem hæc coffa minime fimplict offe » coinpo/rta ; [ed er duobus lareralibus, © rerrio fuperno his pro operculo tn- » cumbente fabricata ; vaginæque five thecæ, figurem, @& ufum præber. Ad » Æujus finem poffeà quàm pervenit arteria, tnfernè in fe trffar ferpentis inflec- » citur & S , litceram exprimir. Mox que fub priore jam dicfa portione ipfi fu- » per pofita hanc capfulam denud egredirur, &@ claviculis mediis confcenfis » harum jugo ranquam fulcro inniritur, arque ita fuflenrara , denud in morem » tubæ revolvitur thoracifque cavum fubiens anteguèm ad pulmones ferrur priüs quafi laryngem alteram efformat, cranfverffm feéta officuloque quantum ipla late ef longo. Et quod tenui membrana obrendirur , hiulcam fifulam ; feu fyréngam organorum muficorum quorum modulario divino euttui in tem- plis adkibecur (vulgus trombonem vocant ) quæ inferiore fui parte, fimrili ff furé parulæ funt figuré ac compofisione repræfentans. Sub hac larynge, arterta tn duos canales divaricatur , éc.…. Aldrovande , Ornit. 3e. part. pag. 12 » Lorfque DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 113 » Lorfque la trachée-artere eft parvenue au fond » de cette gaine, elle fe réplie fur elle-même à l'inftar » d'un ferpent, & repréfente une S ; elle remonte le » long d'elle-même, fous la partie qui lui eft fuperpo- » fée, & quitte cette gaine ; elle pafle au milieu des » clavicules, elle s'appuie fur leur fommet, & fe ré- » plie de nouveau en forme de trompe.. Elle pénetre » enfuite dans la cavité du thorax ; mais avant que de » fe porter vers les poumons, elle forme comme un » fecond larynx, fendu en travers, formé d’un offelet, » qui a en longueur toute la largeur du larynx. Il eft » recouvert d'une membrane délice , & 1l reflemble à » une flûte ouverte , ou à un tuyeau d’orgues , dont on » fe fert dans nos Temples pour le fervice Divin, & » qu'on nomme vulgairement Cromorne. La trachée ar- » tere fe divife fous le larynx en deux canaux, » Raï n'entre pas dans un aufli grand détail ; mais fes obfervations confirment celles d’Aldrovande (1). Il feroit fuperflu de rapporter tout ce que dit Aldro- vande fur les ufages de cette finguliere trachée-artere. Il fufit de favoir qu'il lui en attribue deux principaux. L'un de fournir au cyone le moyen de chercher fes alimens dans la vafe des marais, dans laquelle il tient fa tête en- foncée quelquefois pendant plus de demi-heure, ce qu'il ne fauroit faire , fans une ample provifion d’air qu'il conferve aifément dans la grande étendue de fa trachée- artere : l’autre ufage , felon cet Auteur, eft de donner (1) Afpera arteria mirabili prorsès modo flernum ingreditur inibique refkéti- tur ; @ poff digreflum ac divaricationem, in anguflum fpattum coarélatur ; non annulls , fed laté & offe4 cartilagine ; deiniè in duos ramos divifa , ad pul- mones rendit. Rami hi, antequam pulmones ingrediuntur , in ventres guofdam intummefcuns. Willugh, Ornith, /ib. 3 ; pag. 172. Tome IF. P 114 MÉMOIRES une grande force & une grande étendue à la voix de cet oifeau. Raï rapporte ces deux opinions d’Aldrovande ; mais il héfite fur l’ufage de cette longueur extraordinaire de la trachée-artere & de fes circonvolutions ; il avoue in- génüment qu'il feroit embarraflé pour le déterminer (1). Rapportons maintenant ce que j'ai reconnu fur des ca- davres récens du cygne fauvage. J'ai d’abord vérifié tout ce que dit Aldrovande des circonvolutions & de l’infertion de la trachée-artere, de la ftru@ture finguliere de la lunette & du brechet, à quoi je pourrois ajouter tout ce que les omoplates & leurs deux longues apophyfes ont de remarquable dans leur fioure ; mais je pafle rapidement à a des détails que les Mete ont omis, & qui me paroïffent très-eflen- els pour fixer l'opinion fur l’objet qui nous occupe. La glotte eft formée de trois cartilages ; un inférieur très-prand , qui reflemble à la tête d’un ferpent, & qui a une convexité en bas & en-dehors , & une concavité en haut & en-dedans ; Haller lui Heure le nom de Vomer (2). Ce grand cartilage eft attaché poftérieurement au pre- mier cerceau de la trachée-artere , au moyen de la mem- brane ligamenteufe, qui unit entr'eux tous les autres cerceaux. Son bord antérieur eft taillé en bec de flûte: le poftérieur a tout le diametre du cylindre ; mais il n’eft pas d’une feule piece. Il eft uni, dans la partie fapérieure, par deux membranes, à un autre très-petit cartilage (1) Sin verd à me guæratur quem én ufum flernum Jub intrat, & refleclitur hunc in modum afpera arteria 2% Me quidem penitüs affequi ingenuè fareor. Willugh. /oco cir. G) Haller , Elem. Phyfol. tom. 3, pag. 450, à la note. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 115 intermédiaire , à l’aide duquel il peut exécuter dans cette partie divers mouvemens de charniere. Le bord fupérieur de ce cartilage eft taillé en bec de flûte ; il n'eft pas égal dans toute fon étendue. On obferve qu’a la partie antérieure avant fà fin, il eit échancré , & forme deux petites concavités latérales. Dans la partie poftérieure la plus relevée, on appercoit deux apophyfes, qui par leur mouvement de charniere fe rapprochent & peuvent fe toucher, ou qui s’écartent l’une de l’autre d'environ deux lignes. La partie fupérieure de la glotte eft compofée de deux cartilages allongés. Leur partie antérieure eft aigue, la poftérieure eft arrondie : leur bord fupérieur forme l’ou- verture de la glotte. Les extrémités antérieures de ces deux cartilages font unies par une membrane affez lîche pour leur permettre de s’écarter l’une de l’autre d'environ deux lignes. Les extrémités poftérieures font unies enfemble par un très- petit cartilage intermédiane, qui leur donne la faculté d'exécuter divers mouvemens, dont le plus efentiel eft celui de charniere. Le bord inférieur de ces deux cartilages eft attaché au grand cartilage inférieur , par une membrane ligamen- teule qui les laifle s’écarter du grand cartilage d'environ deux lignes ; & les deux cartilages allongés font taillés de telle maniere , qu'ils gliffent & fe remboitenten partie {ous l’inférieur qui les recoit & les recouvre. Le lieu de ces diverfes attaches eft recouvert par une forte d’oreillette aplarie, cordiforme ou appendice bar- bu , portant dans fa longueur une entaille profonde. Elle eft parfemée d’afpérités en forme de dent de fcie, qui fe continuent le long des bords de l’ouverture de la 116 MÉMOIRES glotte & fur la racine de la langue. Cette fubftance paroi être de la même nature que la membrane du pa- lais de l’homme. Les deux cartilages fupérieurs font recouverts d’un mufcle plus allongé qu'eux, dont les extrémités poftérieu- res vont fe réunir & s'attacher au petit cartilage inter- médiaire. Ces deux petits cartilages & les deux extrémités du grand forment dans l’intérieur du cylindre une éminence arrondie fupérieure, d'environ trois lignes de faillie. Du refte, il en eft du cygne comme des autres oi- feaux , il n’a point d’épiglotte. La trachée-artere eft à peu-près d’un diametre unifor- me jufques à fon infertion dans la cavité du brechet. A ce point, elle fe renfle d’abord , puiselle fe rétrécit; elle fe renfle encore davantage, & toujours en croif- fant , jufques à un grand cartilage d’une feule piece qui la termine. Ce cartilage eft applati par les côtés. Les bords fu- périeurs & inférieurs font arrondis, & ont chacun une petite échancrure à leur terminaifon. L’extrèmité pofté- rieure porte aufli une grande échancrure demi-circulaire. Son bord paroît offeux ; Aldrovande l’a appelé offelet ; & Bartholin n’héfite pas de le nommer l'os hyoïde. J'avoue que par fes apparences, & fur-tout par fon peu de dureté , je n’ai pureconnoitre aucune différence dans fa nature, d'avec les cerceaux cartilagineux de la tra- chée-artere. Cette efpece de fecond larynx, car c’eft ainfi que le nomine Aldrovande, & ce n’eft pas fans raifon, ne touche pas immédiatement aux bronches : il en eft féparé par une membrane d'environ quatre lignes de DE L'AÂCADÉMIE DE TOULOUSE. 117 largeur ; il eft fort reffemblant au larynx de l’homme ; mais 1l n’a point de cordes vocales. On voit deux mufcles, un de chaque côté , qui s’at- tachent aux parties latérales antérieures fupérieures du fternum , au-devant de la premiere côte. Ces mufcles vont gagner les parties latérales & inférieures de la trachée-ar- tere ; & étant arrivés au pli de l’infertion de la trachée dans le brechet, ils abandonnent la trachée ; ils percent la membrane quitapifle les deux branches de la lunette ; ils fe joignent par une forte d’aponevrofe, vont fe coucher fur la face fupérieure & latérale de la trachée, & l’accompagnent très-loin. Ce font ces mufcles aux- quels M. Vic-d’Azir a donné le nom de fterno-thyroi- diens (1). Au-deffous de ce larynx font attachées les deux bron- ches fortement renflées dans leur millieu, comme la très-bien remarqué Rai , &très-refferrées dans l'extrémité qui fe joint aux poumons. La voix eft plus forte & plus haute dans les oifeaux, proportions gardées, que dans les autre animaux. Ils doi- vent cet avantage à la plus grande longueur de la trachée- artere, à fa texture toute cartilagineufe, à fa mobilité & à fa grande élafticité. On doit diftinguer dans les oifeaux le cri propre à cha- que efpece, d'avec le chant qui n’eft pas indiftinétement accordé à toutes. On prouve par des expériences que les cris font indépendans de la glotte ; mais 1l eft reconnu qu'elle eft chez eux le principal organe du chant (2). « Modifié fuivant qu’elle eft dilatée ou reflerrée, que » fes parois font tendues ou relàchées par l’aétion des (1) Mémoire pour fervir à l'anatomie des oifeaux. Académie, 1773. (2) Encyclop. méthodique. Ornith. pag. 333< 118 MÉMOIRES » mufcles qui les fontmouvoirs. Le célebre Haller penfe cependant, d’après Ferrein, que la contraétion ou la dilatation de la glotte, ne fert en aucune maniere à la modulation des fons, qu'il atrribue, avec ce célebre Anatomifte Français, aux vibrations des cordes voca- les, ou fonores, ou des ligamens de la glotte, plus ou moins tendus. Il croit aufli que ce fecond larynx qu'il a trouvé même dans de très-petits oifeaux, aide beau- coup chez eux à la vibration de ces cordes , parce qu'il n'eft nullement compofé de trous comme les flûtes, mais bien de lames membranacées, très-propres par leur nature au trémouflement & à la vibration. (1). La nature n'a donc pas doué le cygne par préférence, de ce fecond larynx, puifque nous le voyons également dans plufieurs oifeaux qui, bien loin d’avoir un chant mélodieux, n’ont au contraire qu’un cri rauque & défa- gréable ; tels font l’oie, le corbeau , le coq, &c. La longueur extraordinaire & les circonvolutions de la trachée-artere du cygne fauvage, peuvent bien avoir quelque influence fur fon chant, mais n’en peuvent pas être regardées comme une des caufes principales. Plu- fieurs efpeces d’oifeaux, dans lefquels l’obfervarion n’a pu reconnoître aucun chant, ont la trachée-artere enco- re plus longue & plus repliée ; telle eft la Grue. En quoi donc la nature a-t-elle privilégié le cygne fauvage , & quels font les moyens qu'elle lui a donnés pour moduler des {ons fi doux, & fi étendus ? Je penfe que trois chofes y concourent puiffamment ; 1°. la faillie fupérieure interne de la glotte & fon organifation ; 2°. . . . D . l'amplitude & la variation du diamettre de la trachée- (1) Haller, loc. cie, pag 439. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 119 artere vers fon extrémité inférieure ; 3°. la grandeur de la membrane qui unit le larynx aux Dnebes 1°. Le diametre intérieur de la trachée-artere à fon infertion avec la glotte, eft de huit lignes dans fonétat ordinaire ; l’'éminence fupérieure , non-feulement le di- minue de trois lignes par fa faillie, mais elle le divife encore comme en deux canaux. Lorfque les mufcles qui récouvrent les cartilages allon- ges de la glotte fe contraftent, alors ces deux cartilages fortent de deflous le vomer dans lequel ils étoient em- boités ; la faillie fe releve & s’oblitere en entier ; plus de divifion dans ce canal, qui , par cette contraëtion, acquiert un diametre plus que double de celui qu'il a or- dinairement ; & comme l'animal peut à volonté con- traéter ou relâcher ce mufcle , il peut par conféquent relever ou abaifler la faillie de la glotte, en augmenter ou diminuer le diamettre : on fent combien doit être modifié par ce mécanifme le fon qui va frapper les pa- rois de la glotte. 2°, L’amplitude, mais fur-tout les variations du dia- mettre de la trachée du cygne fauvage, ainfi que {es circonvolutions , ne contribuent pas peu à l'agrément de fon chant. En effet , puifqu’il eft prouvé (1) que les cris & les accens , dans un grand nombre d’efpeces d'oi- feaux, dépendent du paflage de l'air dans le renflement de la trachée-artere , le cygne , qui d’ailleurs eft pourvu de moyens fi puiffans pour modifier le fon, doit faire un grand ufage des provifions & du grand volume d’air qu’il peut retenir dans fa trachée-artere ; & comme elle varie infiniment plus dans fon detre) que dans les au- res De me né (1) Encyclop. par ordre de matieres , Zoc, cie , difcours prélim, 120 MÉMOIRES tres oifeaux en général, le fon doit néceffairement à fon paffage dans ce renflement, éprouver un plus grand nombre de modifications. 3°. Mais la principale caufe du chant dans le cygne, & qui doit être regardée comme le véritable fiege de fa voix, c’eft la membrane qui unit le larynx aux bron- ches. Ce larynx eft dépourvu, à la vérité, de cordes vo- cales; mais cette membrane peut faire l'office & fup- pléer parfaitement ces ligamens de la glotte. En eflet, lorfque les mufcles fterno-thyroidiens {e contraétent , ce larynx fe rapproche des bronches la membrane fe pliffe ; & dans cet état, elle forme deux cavités intérieures, femblables à celles du larynx humain nommées les fznus de Morgagni. Dans les oifeaux qui n’ont point la faculté de chanter, mais qui cependant font pourvus de ce fecond larynx, les bronches font attachées immédiatement à ce larynx, ou bien la coupe des cartilages eft telle , que lors de la contra@tion des mufcles, la membrane intermédiaire étant par elle-même fort étroite, eft bornée à faire l'office de ligament, & n’a pas aflez d'étendue pour fe pliffer & former les finus dont j'ai parlé ; & comme ces oifeaux n'ont aucune partie dans ce larynx qui puifle remplacer les cordes vocales , ils font privés de la fa- culté de chanter; & ce larynx, par fa très-grande élafti- cité , ne fert qu’à rendre leur refpiration moins fréquente & plus facile, & leurs cris plus perçans & plus étendus. Ainfi le cygne produit fon chant par la vibration de l'air poufé contre les plis de la membrane qui unit le larynx aux bronches ; il l’accentue & le développe lors de fon paflage dans les divers renflemens de {on ample trachée-artere , & ille modiñe & le prononce par le DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 12£ le jeu fingulier de fa glotte. Il peut fe faire, & 1l ef probable que d’autres parties y ont auffi quelque part ; mais comme elles n’en font que des inftrumens très-éloi- gnés , il feroit inutile de nous en occuper. Je ne dois pas omettre que le mâle & la femelle ont à peu-près cette faculté dans un même degré ; laraifon en eft bien fenfible , c’eft qu'ils font pourvus du même appareil dans ces organes. Le cygne domeftique fi connu aux environs de Paris, &c même dans nos Provinces méridionales, ne chante pas, Curieux de reconnoitre quelle pouvoit en être la caufe, attribuée mal-à-propos à l'effet de la domefticité , je difféquai en 1776 deux de ces cygnes. Il eft aifé de les reconnoître à leur taille moins fvelte que celle du cygne fauvage, à leur cou plus court & plus gros, à la peau noire dont la bafe de leur bec eft recouverte, & plus encore au tubercule charnu qu'ils portent fur le front (1). Je trouvai d’abord le brechet fimple ; c’eft-a-dire , formé d’une feule lame offeufe, en forme d’apophyfe; la lunette, comme dans les autres oifeaux , & n'ayant ni l'étendue, ni la ftruêture finguliere de celle du cygne fauvage. La trachée-artere étoit d’un dia- metre à peu-près égal dans toute fon étendue, & fans renflement fenfble ; elle s’enfonçoit direétement, dans le fternum, fans aucune plicature, ni aucune circonvolu- tion. Elle étoit terminée, à la vérité , par un fecond larynx, mais il étoit attaché prefque immédiatement aux bronches; il étoit dépourvu de cette grande mem- brane, qui dans le cygne fauvage fe plifle à fon gré, & remplace chez lui les cordes vocales. La mal-adrefle (1) Voyez Frifch. Tab, 152, Tome IV. Q 122 MÉMOIRES d'un Aide m'ayant privé de la glotte des cygnes domef tiques, je n'ai pu pouller plus loin la comparaifon de tous les organes de la voix , dans les deux efpeces. On m’avoit promis des cygnes domeftiques, J'en attendois auffi du hafard, qui nous en amene quelquefois; mes efpérances ont été trompées jufques 1c1; & comme je n'ai plus aucun motif qui n'autorife à croire que j'en verrai encore, je me fuis décidé à publier ce Mé- moire malgré cette imperfeftion. Mais la glotte füt- elle la même dans le cygne domeftique , ce que Je fuis très-éloigné de croire, la diverfité de conformation de leur trachée artere & du brechet; la ftruêture dif- férente du fecond larynx, fufhfent bien, ce me femble, pour expliquer pourquoi le cygne fauvage chante, tan- dis que le domeftique ne chante pas. On doit conclure encore de tous ces faits, que la na- ture ne paroît pas avoir doué le cygne fauvage d’une auffi grande amplitude dans la trachée-artere, dans la feule vue de lui faciliter, comme le dit Aldrovande (1), la recherche de fes alimens, dans la vafe des marais. Le cygne domeftique auroit eu certainement une égale part aux faveurs de la nature, puifqu’elle lui a donné les mêmes befoins, les mêmes appetits, les mêmes ha- bitudes qu’au cygne fauvage ; & que ce feroit une très- orande erreur de croire qu'il a été condamné dès fa naif- fance à vivre en fervitude ; 1l exerce , comme le cygne fauvage , la faculté de tenir long-temps fa tête fous l'eau; & elle lui eft commune avec plufieurs oifeaux aquatiques, comme les canards, l’oie, les plongeons, RE à D D SEE SRE SE PET (1) Loc, cir. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 123 &c. qui ont la trachée artere droite comme la majeure partie des oifeaux. Je n'ai parlé dans ce Mémoire que du cygne fauvage & du cygne domeftique; c’eft que Je n’en connois point d’autres ; M. l'Abbé Mongés inclineroit à regarder le cygne chantant comme une troifieme efpece ; mais les circonftances de la prife de ces cygnes, & une con- noiflance détaillée de l’organifation du cygne fauvage, fuffifent pour démontrer que c'eft cette efpece que là nature a doué du don précieux de la voix. La plupart des Naturaliftes ont même regardé le cygne domefti- que Coygrus manfuetus Lin , ) comme une fimple va- riété du cygne fauvage ( cyonus ferus ejufa. , ) qu'ils ont cru être le type de l” efpece. J'avoue que je ne fiirois adopter ce fentiment. L’abondance de la nourriture, & une vie fédentaire , auroient bien pu développer le her cule charnu que le cygne domeftique porte fur le front, & changer la couleur du bec ; ee Fa nn contre fon effet ordinaire , renforcé fa taille ? Auroit-elle fur- tout pu eflacer cette ftruêture sdsrrable & com- pliquée des organes de la voix & de la refpiration, qui diftingue fi éminemment une efpece de l'autre? C'eft ce que je ne faurois ni penfer ni admettre, &c. Je fuis perfuadé, que fi ces deux efpeces fe mélent, elles produifent tout au plus des métits inféconds , qui ne peuvent fervir à propager m l’une ni l’autre. Quoique je crote que le cygne fauvage & le domefti- que foient d’ efpece différente » je fuis très-éloigné de le penfer, fur le même motif qui a détermine quelques Naturaliftes à le penfer ainfi. La différence dans le plu- mage qu’ on a obfervé fur plufieurs individus , leur a fervi de prétexte ; mais cela n'eft pas fondé en vérité ; car, 124 MÉMOIRES « tous les jeunes cygnes, foit domeftiques, foit fauva- » ges, portent d’abord un plumage gris (1), & ce » n'eft qu’à la feconde mue qu'ils en prennent un to- » talement blanc ». Ainfi, le gris, plus ou moins ré- pandu fur le plumage des cygnes de toute efpece, eft un indice afluré de leur jeunefle, mais non pas de la diver- fité d'efpece. En combinant ces différentes obfervations , je crois qu’on peut en déduire, 1°. Que le cygne fauvage a recu de la nature divers organes pour modifier le fon de plufieurs manieres , & que c’eft au concours de leur jeu qu’on doit attribuer la force, la mélodie & l'étendue de fon chant. 2°, Que le cygne domeftique ne chante point, parce qu'il eft privé de cet appareil dans les organes de la voix dont la nature a favorifé le cygne fauvage. 3°. Que le cygne fauvage & le cygne chantant, {ont abfolument le même oifeau. 4°. Que le cygne fauvage & le cygne domeftique doivent être regardés comme d’efpece différente. (1) Encyclopédie , par ordre de Mat. Ornith, au mot Cygne. DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 125$ eee meme cena men =srer eme. PRISE ONE DATA ESS SET ER ER RRE LAS, ÉEA: BALE LE END NSP LP LE DNA PIED A CUBE PAS CRE A LUI om RECHERCHES HISTORIQUES, S'URICE LEE QUES TTON: La INobleffe chez les Grecs formoit-elle dans l'Etat un Corps de Cicoyens diflinél 6 féparé ? Par M. FLORET. ÎL eft rare que chez les anciens peuples , les Miniftres de la Religion aient formé dans l'Etat, un Corps parti- culier comme ils le forment dans la plupart des Gou- vernemens modernes ; perfonne ne l’ignore : mais bien des gens croient qu'il en étoit autrement de la Nobleffe. On fe perfuade volontiers qu’à cet égard la conftitution des anciens Empires refflemble à celle des nôtres ; un corps de Nobles paroït prefque une des bafes eflentiel- les & néceflaires de tout Etat. Égarés par leurs préjugés, entraînés par la force de l’habitude , nos Ecrivains Fran- çais lui font jouer dans l’Hiftoire de la Grece, un rôle pareil à celui qu’il joueroit dans l'Hiftoire de nos Mo- narchies. Par une inatention peu excufable, Dacier, dans fatraduétion des Hommesllluftres de Plutarque(r) , & Rollin, dans fon Hiftoire Ancienne (2) , rendent par INobles le mot grec qui répond à ce que nous appelons ÎNotables , & prennent trop fouvent des fa@tions d’ambi- tieux pour des faétions de corps. Erreur qu’a accréditée & propagée la jufte célébrité que fe font acquifes ces (1) Vic de Théfée. C2) Hiff, anc. Liv. 4, page 497» Lues le & Mars 1769. 126 MÉMOIRES deux Ecrivains par leur connoïffance de la langue & de l'antiquité greque. Mon but eft de difliper le nuage que ce défaut d’exac- titude a pu répandre fur l’hiftoire de la Grece, & de démontrer que fi dans quelques Cités on connoifioit l’efpece de luftre que jette fur une famille une fuite de perfonnaoes remarquables par leurs exploits, leurs ta- lens & leurs places, dans aucune , ces familles diftin- guées ne formerent une afociation Particuliere, & n’éle- verent une barriere entre elles & le refte de la Nation. Pour mettre plus d'ordre dans mes recherches, j'en fait deux diflertations, Je vai préfenrer la premie- re ; elle eft uniquement confacrée au Gouvernement d’'Athenes. mm $, Plutarque, dans la vie de Théfée, femble , au pre- mier afpeét, contredire mon opinion. Dacier & Rollin difent, d’après lui, que ce Prince ay ant attiré à Athe- nes une foule d'étrangers, & craignant que des gens ramañlés de toutes parts, & fans choix, ne miflent de la confufion dans l'Etat, en fit trois corps différens ; favoir , Vobles, Laboureurs, Artifans. Si Plutarque s'exprimoit d’une maniere aufi précife, je le combattrois par les raifons tirées du fond des cho- fes mêmes, & que J'expoferai tout-à-l’heure; cependant l'objettion feroit, j'en conviens , très- fpécieute. Mais elle s’évanouit en CAE dès que l’on reconnoit la mé- prife de fes Fraduéteurs. HAons employé une expreflion qui n’eft nullement correfpondante à l'idée de l'Ecri- vain Grec. Cet Hiftorien appelle la premiere clafle uranôas ; il entend par là tout Citoyen au-deflus du. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 127 commun, au-deflus du peuple : Dacier & Rollin y “ont fubflitué un mot qui défigne des gens confidérables par la naïflance. Ne diffimulons rien : ils avoient eux-mêmes été trom- pés par les Lexicographes. Selon Budé , rss fic dicti funt à Thefeo, Nobiles Athenienfum. Henri Etienne, Aa fon Tréfor de la Langue Greque : copie fon prédécelleur. Cequ'il y ade fingulier , c'eft qu'il traduit wraus qui en eft, en quelque forte, la racine , par qui bono patre eft natus ; qui bonæ famæ eff. Il étoit, comme l’on voit, dans la bonne route ; cependant er s’en écarte lorfqu’il s’agit d” expliquer suralndas 3 & il devient inconféquent pour € être copifte. Budé étoit tombé dans la même inconféquence ; il rend d’abord wreïnsas par generofüs , ingenuus , en ajoutant CU OPpORLLUr Svrynns ignobilis desener. Il étoit donc per- fuadé que l’acception véritable de « wrsusu n'étoit point Les INobles , mais ce que nous appelons les gens bien nés: par quelle bifarrerie fubftitue-t-1l enfuite, fans raifon ,un mot àun autre ? Un mot qui cara@érife la diftin&tion tres- circonfcrite de la naïflance, au mot qui peint une dif- tinétion plus étendue, cales qui fe trouve fondée tant {ur la naïflance que us les facultés, les fentimens & l'éducation? Au lieu de feuilletter les Ditionnaires, fi nous con- fultons Denis d'Halicarnafle, un des Ecrivains anciens les plus verfés dans l'antiquité greque, nous connoif- fons quelle efpece de Citoyens formoit la clafle des wranéa. On appeloit , dit-il, de ce nom ceux dont les maifons avoient de la bre ou de l'éclat, & ceux qui étoient puiffans par leurs richefles. swratpusas omaner Tes on Tan criratat one) we purs dures CUDALTIAAS VOCAVETE €OS UOTUM 128 MÉMOIRES domus aut familia füupra alios confpicua erat, € diviciis potentes. Plutarque lui-même, fans recourir à d'autre autorité , nous fixera fur le vrai ae de ce mot, 1l n’y a qu’à pefer avec attention le fait qu'il rapporte. On fait par Thucidide > que depuis Cécrops jufqu’à Théfée, PAttique fut partagée en douze Cantons ou Bouros (1) ). Chacun d’eux avoit fon Confeil & fa Juftice particuliere ridlara var ages, Quoique l'appel au Prince entrat dans fa forme de Gouvernement, on ne s’adref- foit prefque pas à lui, attendu qu’il n’avoit pas en main une force qui le rendit redoutable. Chaque Canton fe régloit à fa fantaihie , & fes Magiftrats jugeoient fou- verainement. De là des partialités, des vexations , fou- vent même des infurreétions & des émeutes ; car un peuple vigoureux, quand il ne peut obtenir juftice des Lois , il obtient de fon épée. De plus, ces différentes mafles de Citoyens fe touchant réciproquement en tous fens, &, pour ainfi dire, toujours en préfence les unes des autres, & excitées par toutes les efpeces de riva- lités, fe trouvoient par leur conftitution même dans un état de guerre, & très-fouvent en venoient aux mains. Thélée voulut remédier à tant d'abus, & donner à l’'Attiqueun Gouvernement noble & heureux. Le moyen qui lui parut le plus propre pour y parvenir, & qui lui reuflit en eflet , fut de former un grand tout de ces mor- (1) J’obferve que l’enfance de tous les Empires a préfenté prefque toujours ce morcellement d’un Pays en beaucoup de portions. Telle fut l'Italie avant d’être engloutie dans le fein de Kome ; telle étoit la Gaule ; telles font les Peuplades du Canada. J’oblerve encore que cette pofition a tcujours été la plus fâcheufe pour les Peuples. Jamais guerres n’ont été plus fréquentes ni plus atroces que les leurs. Dirigées par la haine & la rivalité, elles ont eu toute la férocité des guerres civiles, cellemens DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 129 cellemens divers, de fupprimer une grande partie des Tribunaux de Juice, trop rapprochés des Jufticiables ; & au lieu de ces morceilemens de Cantons &de Bourses, de former un enfemble rigoureufement uni, & un feul Corps divifé en trois clafles, Tel eft le fait que Plutarque préfente. Mais quels Citoyens entrerent dans chacune d'elles ; car c’eft là ce que nous cherchons ? Il va nous l'indiquer. Théfée, dit-il, clafla féparément les Eupatrides, les Artifans & les Laboureurs 7: erounves gans wrahes res veu puepus ee draw, Les deux dernieres claffes ne font pas ambi- gues ; l’une renferme les Laboureurs , l’autre les Arti- fans. N’eft:1l pas évident que la premiere renfermoit tout ce qui n'étoit ni Artifan ni Laboureur, pour ce qui fe trouvoit au-deflus d’eux ? Il a plu aux Lexico- graphes , aux Traduéteurs de les appeler Votes, c’eft- a-dire , gens diftingués par la naiflance. Mais Plutarque ne dit rien de pareil. Et d’après lui, cette premiere clafle, loin de n'être compolée que de ce que nous appelons Nobles, l'étoit au contraire de cette foule de Citoyens, que l'éducation , la fortune, les talens & plufieurs autres caufes élevent au-deflus de ceux dont la deftinée eft de demander à leurs bras, leur fub- fiftance. IT. Cette divifion de Thélte avoit fi peu la naïflance pour bafe, ou fous cet afpe&, elle fut fi peu durable à que l'Hiftoire n’en préfente aucune trace. Nous ne voyons point dans l’Attique des corps de Citoyens diftingués par leur profeffion ou leur état , mais des con- fédérations de Citoyens de tout ordre, confédérations déterminées par leur domicile; & dans tous les temps , jufqu’à celui où Solon, à des Lois atroces fubftitua des Tome IF. R 130 MÉMOIRES Lois précieufes par leur fagefle & leur humanité, les Hiftoriens ne préfentent d'autre divifion des Athéniens, que celle d’habitans des montagnes , d’habitans de la plaine, d’habitans des côtes maritimes (1): divifion dont l'influence fe fit fentir encore après Solon, & ne cefa même pas tout-à-fait par l'expulfion totale des enfans de Pififtrate, qui avoit profité de la rivalité de ces di- verfes affociations pour affervir fa Patrie: divifion qui répugne à toute diftinétion fondée fur la naïflance , à moins que dans chaque Canton l’on ne trouvât d’au- tres fous- divifions de Citoyens, & que l’une d'elles n’eût ja naïflance pour bafe. Mais dès que l’'Hiftoire n’en préfente aucune, & dès que dans les Affemblées générales , où l’on retrouveroit des traces de ces fous- divifions, fi elles avoient fubfifté , l’on voit les ha- bitans de la plaine , des montagnes & des côtes mari- times fe réunir fans diftinétion quelconque , on en peut conclure avec confiance, qu'il n’y a point eu de pareilles fous-divifions, & que chaque Citoyen fe rangeoit dans la cjafle que lui fixoit fon domicile, fans former , ni dans cette clafle, ni dans l’affociation générale, un corps particulier, à raïfon de l'illuftra- tion, du crédit où de l'autorité de fes aieux. I. Nous voici parvenus à l’époque ou les Lois de Dracon étant tombées en défuétude , précifément à (1) Ce qui eft très-remarquable, ceft la propenfon conftante de chacune de ces aflociations pour une forme différente de Gouvernement : les Montagnards étoient épris de l’état domocratique ; ceux de la plaine, de l'ariftocratie ; ceux des bords de la mer d’une Adminiftration mixte & mêlée des deux autres. Ce penchant refpe&if, prononcé fortement, & longtemps invariable, devient lumineux pour lefprit obfervateur, piquant aux yeux du Philofophe ; il fe con- cilie fingulierement avec l'Hiftoire de plufieurs Peuples : peut-être a-til été le germe du fyftême de l'influence des climats fur les Gouvernemens; fyftême qui a fait tant d'honneur à Montefquieu, & lui a attiré tant de reproches. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. t13x caufe de leur trop grande févérité, ou les diffentions étant extrêmes, & les maux domeftiques faifant foupirer après une régénération univer{elle, les Athéniens eu- rent recours a Solon. Arrêtons-nous à cette époque. Les aflociations qu'il trouva dans l'Etat dont 1l entreprenoit la réforme, étoient-elles fondées fur la naïflance? Non:il n'yavoit donc pas un corps de Nobles avant lui. Sous quel rap- port lui-même confidéra-t-il fes Concitoyens, pour en former diverfes clafles ? S’occupa-t-il de leur naïflance ? Non; ilne fit donc pas un corps de Nobles. Développons ces deux propofitions. Et d’abord, qui eft-ce qui engagea les Athéniens à s’en remettre en entier à la fageile de Solon ? Ce ne furent pas des dé- mêlés entre les non Nobles & la Noblefle ; ce fut l'in- juftice des riches & la réclamation des pauvres: & quoi- que Solon fût d’une maifon illuftre & ancienne , (il def- cendoit des derniers Rois d’Athenes ; ) l'Hiftoire , en cette occafion, n'infifte point fur fa naiflance : on le nomme Archonte , & fouverain arbitre de la Répu- blique, d’un concert unanime sum, dit Plutarque , FpSeos au, ac per sumaur, Tax mauciar a de gnsrar Tar memlar. C’eft-à- dire , accepté volontiers par les riches , comme riche ; par les pauvres, comme homme de bien. Siles Nobles, à cette époque, euflent, comme chez quelques Nations modernes, fait un corps diftin@ & paré , ce corps n’eût-il pas oppolé de la réfiftance à Ja révolution qui fe préparoit ? Si, maitrifé par les circonf- tances, 1l s’y füt prêté de bonne grâce, cette conde£ cendance, comme dans le cas contraire, fon oppoñition , n'euflent-elles pas été remarquées par les Hiftoriens ? Leur filence à cet égatd, leur attention à ne parler que 132 MÉMOIRES des obftacles oppofés par les riches, du confentement des riches , & de leur confiance en Solon, appuyée, non fur fa a Ences mais fur fa fortune ; tout ne prouve- t-il pas que c’étoit la richefle feule qui diftinguoit & nuançoit entr'eux les citoyens ? Cette propofition, très-vraifemblable relativement au temps qui précéda celui où Solon prit les rênes du Gou- vernement , devient inconteftable , lorfque ce Sage a promulgué fes nouvelles Lois. En claflant les Athcé- niens, 1l na nul égard à la naïflance ; il ne confidere que leurs facultés : il laïffa, dit Plutarque, les Charges, les Dignités & les Magiftratures entre les mains des riches: Suivons ce Légiflateur dans fa marche ; de tout le peuple d’Athenes il forme quatre claffes. Il range dans la premiere ceux qui jouifloient d’un revenu annuel de cinq cents mefures , tant en grains qu en chofes liquides ; dans la feconde, ceux qui en avoient trois cents, & pouvoient nourrir un cheval de guerre ; on les appe- loit chevaliers: les citoyens , dont le revenualloit à deux cents mefures forment la troifieme clafle. Quiconque n'eft compris dans aucune de ces trois, compofe la qua- trieme ; elle préfente les mercénaires , les Artifans,, tout homme qui travaille de fes mains pour fubfifter. D'après ce tableau , ileft clair que ce que nous enten- dons par la Noblefle, étoit inconnu à Athenes, & n’en- troit abfolument pas dans la conftitution que Side éta- blit. Non-feulement elle n’y formoit point un Corps, mais encore elle ne jouifloit d'aucune prérogative par- ticuliere : en difant d’un citoyen qu'il étoit Noble, on n’attachoit pas à ce mot la même idée que nous; on ne défignoit aucune clafle diftin@tive à laquelle 1l appar- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 133 tint : pour défigner fon rang dans l’ordre civil, il falloit s'occuper de fon revenu ; la naiflance ne le clafloit donc pas, mais la fortune (1). IV. Ce n’eft point cependant qu’il n’y eût à Athenes, outre la divifion civile établie par Solon, une autre di- vifion plus générale, indépendante des facultés , & re- lative à la naiflance. Je dois m'y arrêter ; elle entre dans mon fujet comme objeëtion à laquelle il faut répondre. Je dois m’y arrêter ; car nos Hiftoriens modernes de ! 2 m . . la Grece ne la développent pas, & dans l’'Eiprit de Lois, Montefquieu a pris le change à cet égard. Les veftiges de cette divifion fe trouvent dans la vie de Thémiftocle. Ce perfonage, fi fimeux dans les Annales des Grecs, vainqueur à Salamine, avec un petit nombre de trou- pes , de toutes les forces du grand Roi, fauveur de fa Patrie & de la Grece entiere, Thémiftocle n'avoit pas une naiflance illuftre ; il n’étoit même qu'a maitié ci- toyen d’Athenes. À cette occafion, Plutarque nous inf- truit de la divifion générale dont Je parle. Ceux, dit-il, qui n’étoient pas Athéniens de pere & de mere, avoient (1) Comment donc pourroit-on me dire, lifons. nous dans l'Hiftoire Ancienne de Rollin , que /a Nobleffe oppofa Theucidide à Periclès ; & dans Dacier qu’Al- cibiade , pour fe faire rappeler, cherchoit à fe concilier /es Nobles 1 Je répondrai que c’eft par inadvertance que ces deux Ecrivains fe font ex- primés ainfi. Pour m'en aflüurer , j'aurai recours à Plutarque leur garant. 11 n’appelle pas Nobles ceux qui oppoferent ‘1 heucidide à Periclès ; illes ap- pelle Zes partifans de l'ariflocratie , Les ariflocrates oi apiarexpælixer : & Theu- cidide , il ne le qualifie pas de Noble mais d'Homme Sage , avd pa ruppovæ. Lorfque ce même Ecrivain parle des démarches d’Alcibiade, pour fe faire rappe- ler à Athenes, il nedit point qu'il envoya un émiflaire aux Nobles ; mais ceux qui commandoient æyos Te d'uvælse ; Ce qu'il fit, non pour plaire à la multitude, à laquelle il fe fioit peu, mais par la grande confiance qu’il avoit aux Citoyens puiflans sTse monñte gapiËomevos, sde mierevar exervoic aa Toie aperoic. Plutarque ne parle point de Nobles dans ces deux paffages : & toutes les fois qu'il défigne les di- vers partis qui divifoient les Villes de la Grece » il oppofe les partifans de l’oligar- chic, aux courtifans du peuple. 134 MÉMOIRES pour leurs fêtes & leurs exercices un lieu particulier hors la porte de la Ville; on le nommoit Cynofarges ; on lavoit confacré à Hercule, parce que ce Héros n’étoit pas de race divine des deux côtés, ayant pour mere une mortelle. L'avantage d'être né d’un pere & d’une mere Athé- niens, procuroit donc une efpece de diftinétion fur les autres citoyens ; mais cette diftinétion n'alloit pas jui- qu'à en faire une clafle féparée ; nous en Jugerons par la fuite du récit de Plutarque. Thémiftocle, continue-t-il , dont la mere étoit de Thrace, felon les uns, & de Carie, felon les autres, n’a- voit pas le droit de fe mêler aux exercices des citoyens dans la Ville. Humilié de cette exclufion , & jaloux de la faire évanouir , il eut l’adrefle d'engager les jeunes gens des maifons les plus confidérables à venir s'exercer hors des murs à Cynofarges ; il rétablit ainfi l'égalité entr'eux & lui. Ce paflage indique clairement que la divifion géné- rale des habitans d’'Athenes, indépendamment des claf- fes, n'étoit pas, comme dans les Empires fondés par les Barbares du Nord , en nobles & en roturiers, mais en Athéniens de pere & de mere, & en Athéniens de pere feulement. Si l’obfcurité de la naïflance eût exclu Thémiftocle des lieux d’exercice ouverts dans la Ville aux autres citoyens, fon Hiftorien fe feroit exprimé comme s’exprimeroit de nos jours l'Hiftorien d'un Che- vert, qui rendroit compte du motif qui auroit exclu ce brave Officier, dans fa jeunefle, de l'Ecole Royale : Thémiftocle, auroit-il dit, ne put entrer dans ces lieux d’exercice, parce qu'il n’étoit pas noble. Mais en mo- tivant fon exclufon fur fa qualité d’étranger du côté de DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 135 fa mere, & en ajoutant qu'il engagea les jeunes gens des premieres maifons à venir s'exercer, hors des murs, avec lui , Plutarque nous inftruit de deux faits ; l'un, que les Lois ou lufage mettolent quelque He entre ceux qui n’étoient Athéniens que du côté de leur pere, & ceux qui l'étoient des deux côtés ; l’autre, que cette différence n’alloit pas au point de former entr'eux des clafles féparées. Il me paroît important d’infifter fur la divifion plutôt fociale que civile dont 1l s’agit ici : je l’ai déjà dit ; c’eft répondre d'avance à la feule obje&tion fpécieufe que l’on pourroit me faire : d’ailleurs cette divifion fut un inf- tant civile ; elle devint prefque conftitutive fous Peri- cles ; mais elle reprit bientôt fon état primitif : c’eft ce qu'il faut développer avec précifion pour éviter toute équivoque, & difliper l'erreur où , faute d’aflez d’atten- tion, font tombés des Savans & de grands Ecrivains. Plutarque, dans la vie de ce fameux Homme d'Etat, me fervira de ouide. Périclès, enflé de fa gloire, de fes fuccès, de la faveur du peuple, & environné d’une nombreufe & brillante famille, fit porter un Décret par lequel on ne recon- noitroit déformais pour citoyens d’Athenes que ceux qui ferefent nés de pere & de mere Athéniens (x). Il s’occupoit peu de la Patrie en propofant cette Loi ; il (1) Voici ce Décret tel que Plurarque le rapporte dans la vie de Périclès: move ASnvaine avai, Tue àx d'voin ASnvæimv yeyovoluc LL Jolr Athenienfes effent cives ex duobus Athenienfibus natr. I eft aflez étrange que Dacier, Rollin , & fur-tout Montefquieu dans le chap. 6e. du 23e. livre de l'Efprit des Lois , aient re- gardé ce Décret comme relatif aux bâtards, en les excluant du droit de Cité. Car ce Décret n’oppofe pas les enfans légitimes , provenus d’une union approuvée par les Lois, aux enfans, fruit du concubinage ; mais uniquement les enfans qui recevoient la naiflance d’un pere & d’une mere Athéniens, à ceux dont le pere feul étoit d’Athenes, & dont la mere étoit étrangers, 136 MÉMOIRES fervoit fon reflentiment contre Cimon , fon rival de gloire , de crédit, d'autorité , homme de bien & grand perfonnage, qui n’avoit des enfans que d’une femme étrangere : Périclès fe croyoit lui-même à l'abri des ri- gueurs de cette Loi. Son attente fut trompée ; la pefte qui , quelques années après, fit tant de ravages dans l'Attique, lui enleva fucceffivement tous fes enfans ; & l'on vit ce Général-Philofophe, familiarifé avec l’idée de la mort par habitude & par principes, foutenir fes premieres pertes avec fermeté , mais fuccomber de dou- leur à la derniere : il s'approche, fuivant l’ufage, pour couronner de fleurs le cadavre de fon dernier fils ; à ce fpeîtacle fon ame fe trouble ; il détourne fes regards ; la couronne tombe de fes mains, un torrent de larmes inonde fon vifage. La perte des enfans qu'il avoit eu d’une femme Athé- nienne , le rappelle avec attendriflement vers celui qui lui reftoit d’une femme étrangere; le Décret, dont il étoit l’auteur, lui devient odieux ; il fe hâte de propo- fer au peuple de le révoquer. Ce peuple, dit Plutarque , touché de compaflion des malheurs domeftiques de Périclès , les regardant com- me l'effet d'une fortune maligne & jaloute dont 1l ne méritoit pas un fi cruel traitement , &, pénétré de la juftice & de l'humanité de fa demande , révoqua la Loi. Nul doute que fi le Décret de Périclès eür été long- temps en vioueur, il ne fe fût formé dans l'Etat deux clafles féparées, & même ennemies, femblables à celles que préfenta Rome du temps de fes Rois, & dans les commencemens de la République, fous le nom de Pa- triciens & de Plébéiens. Mais comme ce Décret fut ki p'omptement DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 137 promptement abrogé , qu'il ne paroït avoir eu d'effet que dans une feule occafñon, lorfqu’il fut queftion du partage des blés reçus d'Egypte (1); que fa promulga- tion prouve qu antérieurement on ne connoifloit rien de pareil ; comme enfin nous voyons les enfans d’une étrangere, tels que Thémiftocle, dont j'ai déja parlé, & Cimon, dont la mere étoit a Thrace , & les fils de ce même Gn dont la mere étoit Andenne , & le fameux Démofthene, dont la mere étoit Scythe, jouir à peu-près, dans tous les temps, des privileges de Ci- toyen, fans autre différence que la fimple interdiétion de fe mêler avec eux dans les lieux d'exercice établis dans la Ville ; défenfe mitigée par la permiflion de s’exer- cer enfemble hors des murs ; défenfe même dont nous ne trouvons plus, depuis Thémiftocle , des traces dans l’'Hiftoire ; nous devons conclure que jamais la naïffance n’éleva une ligne de démarcation entre les habitans de l'Attique ; que jamais la Noblefle n’y forma une aflo- ciation particuliere , ni un corps diftinét & fépare. (1) Un Roi d'Egypte, que Plutarque ne nomme point, & que Rollin croit être Inarus, Roi de Lybie, en reconnoiflance des fecours qu’il avoit reçus des Athéniens, leur envoya quarante mille mefures de blé en préfent. La diftribution de ce blé réveilla larrention de tous les Citoyens, & leur fit porter un œil cu- rieux fur la naiffance les uns des autres. D’après le Décret, ceux-là feuls qui éroient Athéniens de pere & de mere, devant étre réputés Citoyens, & par con- féquent avoir part au bienfuit, cette recherche jeta le trouble dans la Ville. Plu- feurs, qui jufqu'alors avoient joui de leur état fans inquiétude , furent traduits en Juftice , fe virent rayés du nombre des Citoyens , & privés de leur portion au partage du blé; près de cinq mille furent vendus pour efclaves. Montefquieu , kfprit des Lois, liv. 23, chap. 6, faifant mention de cet évé- nement, a pris l’effet pour la caufe. Il dit que le défir d’avoir une plus grande portion de blé, fit retrancher nombre d’Athéniens du rang de Citoyens ; & c’eft au contraire , parce qu’ils en étoient retranchés par un précédent Décret, qu'on leur refufa du blé. Ce partage du blé fit veiller à l'exécution du Décret de Péri« clès, mais ne le fit pas rendre. J'ai, dans la note précédente, fait voir que c'eit mal-à-propos que Montefquieu qualifie de bârards ceux qui furent exclus du parrage du blé. Tome IF. ’ S 133 MÉMOIRES V. Julius Pollux, Grammairien célebre, me fournit une autre preuve de cette vérité. Dans le liv. 8, chap. ro de fon Diftionnaire (Onomafticon}, 1l nous rap- pelle que la divifion du peuple Athénien , depuis Solon, fut conftamment fondée, non fur la naïflance , mais fur les facultés ; que les principes de ce Lépiflateur fe fou- tinrent en vigueur fans interruption ; qu'ils fervirent même de bafe aux impoñitions , chacun, felon fa clafle, devant verfer telle ou telle fomme dans le tréfor public; ce qui, joint aux autres moyens ufités dans cette Répur- blique pour faire contribuer les riches, tels que léqui- quipement des galeres , les taxes extraordinaires , établit dans la répartition de l'impôt, cette égalité proportion- nelle qui en adoucit le fardeau & en diminue l’amer- tume. Les recherches de Pollux indiquent aufli que les Athé- niens changeoient de clafle à mefure que leurs revenus éprouvoient une révolution avantageufe ou défavora- ble. Il rapporte l’infcription d’un tableau placé dans un lieu apparent d’Athenes par un certain Déiphile. On l'avoit repréfenté tenant un cheval par la bride ; l'inf- cription portoit : Déiphile, fils d'Anthémion, confacre ce cheval aux Dieux , en mémoire de ce qu’étant autrefois dans la claffé des mercénaires , il vient de palfer au rang des Chevaliers. Veut-on des faits qui prouvent que l’on defcendoit de la claffe de fes peres, de la clafle dans laquelle on étoit né (1) ? Ouvrons la vie d’Ariftide ; une confpi- ration eft prête à fe former dans le camp Athénien ; plu- fieurs Citoyens, iflus de maifons puiflantes , y entrent (1) Dacier , Trad, de Plut. tom. 3, pag. 369. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 139 avec joie : quel eft leur motif ? Ecoutons-les : la guerre nous a ruinés, fe difent-ils ; avec nos biens nous avons perdu notre crédit ; de plus riches ont pris notre place ; ils Jouiflent de la confidération & de l'autorité qui nous appaïtenoient autrefois. Ouvrons la vie de Solon; il defcendoit de Codrus, dernier Roi d’Athenes ; & cependant un des défavantages que Plutarque lui donne fur Licurgue, c'eft d’être d’une famille moyenne, d’être du peuple, & de manquer du relief néceflaire pour exécuter un aufli grand deffein que celui d’une réforme générale. Cet Hiftorien femble fe contredire ; 1l fe contrediroit en effet, fi nous ne re- marquions avec Dacier (2) que l’extraétion de Solon étoit illuftre , mais que fa famille ayant perdu fes ri- chefles , avoit ceflé d'occuper fon ancienne place, étoit tombée dans un rang inférieur. Solon, en eflet, com- mença par fe livrer au commerce, pour fe tirer de la claffe du peuple ; & s’il ne parvint pas à la même fplen- deur que fes peres, il acquit une partie de leur aifance, puifqu'il fut Archonte. Nous devons donc tenir pour certain que l’augmen- tation des facultés faifoit, de droit, pañler à une claffe plus haute , & que la diminution de revenus en faifoit defcendre. Or, cette fluétuation perpétuelle d’une clafle à l’autre , répugne à toute idée d’afociation conftante & conftitutionnelle. Jamais dans nos Gouvernemens mo- dernes la Noblefle n’eût fait un corps féparé, fi ce ca- raëtere de diftin&tion une fois obtenu , n’eût été tranfmis à la famille fans retour, & s'il eût été auffi mobile & alternatif que le flux & le reflux de la fortune. (2) Dacier, Trad, de Plut, tom.r , pag. 444, aux notes. 140 MÉMOIRES Seroit:il hors de propos de remarquer combien Rome auroit été heureufe d’avoiradmis, comme Athenes, cette luêtuation entre les diverfes clafles de la Cité ? Son fein n’auroit pas été déchiré de tant de diflentions in- teftines , & les peuples foumis à fon empire n’aurotent pas été défolés. Mais une politique mal-adroite ayant irré- vocablement féparé les ordres de citoyens ; & le temps, ainfi que la viciffitude des chofes humaines, ayant al- téré les rapports primitifs de leur richefle refpeétive , la néceflité, pour lesuns, de refter Patriciens; dans les au- tres , le défefpoir de le devenir, troublerent l'Etat : on montroit ici des aïeux, mais point de fortune ; là, une fortune, & point d’aïeux : il en réfulta , chez les pre- miers, le goût de la rapine & ce penchant aux vexa- tions en tout senre qu'ils développerent dans le gou- vernement des Provinces ; & chez les feconds, une ja- loufie , tantôt intrigante, tantôt audacieufe , qui femoit la divifion, ou qui, par le bouleverfement de l'Etar, frayoit aux honneurs un chemin que les Lois leuravoient imprudemment fermé. Revenons aux Athéniens. VI. Il fe préfente ici à mon efptit un raifonnement , qui joint aux preuves déjà données , me paroït vic- torieux. Perfonne ne doute que l’eflence d’un corps de Nobles ne foit l'amour & l'ambition des préférences. Etre diftingué du commun, eft fa prétention favorite ; avoir feul le droit de parvenir à telle place, eft, à fes yeux, fon apanage naturel : obtenir n’eft rien pour lui , il veut obtenir exclufivement. Cela pofé , ne prou- verai-je pas que la Nobleffe ne faifoit point corps à Athenes, fi je démontre que dans cette Ville il n'y avoit ni Corps ni Ordre de citoyens, auxquels les DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 141 honneurs & les dignités fuflent exclufivement def- tinés ? Confidérons cette République après & avant la ba- taille de Platée, époque où fon Gouvernement intérieur éprouva des changement. Ariftide, ramenant dans fa patrie {es Troupes viéto- rieufes , & empreflé de récompenfer la valeur de fes Soldats ,ou peut-être de prévenir le mécontentement du Beuple & d’appaifer fes murmures, porte un Décret par lequel tout Athenien pourra ae être élu At- chonte, & parlà , pourra participer à l’Adminiftra- tion publique. Ce Décret ouvrit l'entrée aux honneurs a la quatrieme clafle de Citoyens , qui jufques alors en avoit été exclue. Ne diffimulons pas que malgré ce Décret elle n’y parvint point davantage , da moins quant aux places importantes. Xenophon (1) obferve que fi le peuple profita de cette prérogative pour obtenir quelques emplois lucratifs, & que s'il donna à ceux de fa claffe des Magiftratures inférieures , il ne leur confia jamais de ces poftes majeurs qui inte- refloient fon falut & fa gloire. Peu importe à la queftion dont je m'occupe, que la quatrieme clafle des Athéniens ait rempli ou non, les grandes Places de PEtat: peu importe qu’elle n'y ait point êté promue , {oit parce qu elle n’a pas ofé remet- tre {es intérêts les plus chers à quelqu'un des fiens , foit par refpeët pour les clafles fupérieures ; foit plutôt, comme Je le crois, parce que ceux dont la fortune augmentoit , fortant de fon fein , & paflant à une autre (1) De Repub. Athen. Obfervons que cet Ecrivain oppofe ici au Peuple , non pas les perfonnes recommandables par leur naiflance ; duv«7alatss potentes, 142 MÉMOIRES claffe, elle eut rarement chez elle des Citoyens d'une certaine prépondérance : 1l me fuft que l’ordre le plus inférieur de la République ait été apte à être élevé à toutes les dignités. Or le Décret d'Ariftide annonce qu'il l'étoit. Ainfi point de doute que dès cette époque tout Athénien ne pût prétendre à tout. Mais avant ce Décret , temps où le peuple étoit exclu des charges, la préférence dont jouifloient cer- taines claffes étoit-elle de nature à préfenter un corps de Nobles ? Non, fans doute. Les diverfes clafles , hors la derniere, étoient appelées aux dignités; tous les Ci- toyens , hors le peuple. Cette umverfalité de préten- dans ne contrarie-t-elle pas lexiftence d’une corpora- tion particuliere ? Aufli, nulle part ne lifons-nous que l'on ait jamais vu de mauvais œiltel & tel Athénien à la tête du Gouvernement , pour être récemment ano- bli; pour être homme nouveau, comme difoient les Romains, novus homo, c’eft-à-dire , agrégé depuis peu à la clafle privilégiée (1). Une obfervation eflentielle ne doit pas nous échap- per. Avant le Décret d'Aniftide , lors même que les —————_—__—_—_—_—_—_—_—_— (1) On m'a oppofé le mot d'Iphicrate, auquel un des defcendans d’Harmo- dius, fon accufateur, reprochoit la bañfefle de fa naïffance : /a nobleffe de ma famille commence à moi, & celle de la votre finit à vous; c'eft ainfi que Rollin rapporte ce trait, tom. V, pag. 575 de fon Hift. anc. Mais ce mot, /a nobleffe, eft de l'imagination de Rollin. Plutarque , dont il a tiré ce fait, fe contente de faire répondre à Iphicrate To pe epov am” sus yevos aprilas, To de œov en oo muvilas. Ma famille commence à moi, mais en toi finit la tienne. C'eft-à-dire , je fuis le premier de ma race qui fe foit fait connoître ; & tu ne réponds pas à la célébrité des tiens. On fent que l’iluftration n’eft pas la noblefie : elle ne donne que de Péclat : celle-ci donne un rang. Or les Athéniens connurent la premiere , non la feconde. Au relte, la mémoire d'Harmodius , d’un defcendant duquel nous venons de parler, ainfi que celle d’Ariftooiton, fut en grande vénération à Athenes ; on leur eleva des ftatues : ils avoient voulu fouftraire leur Patrice à la tyrranie des enfans de Pififtrate, & avoient été victimes de leur zele. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 143 trois premieres clafles étoient feules élevées aux hon- neurs, on ne pouvoit pas dire proprement, que les membres de la quatrieme en fuflent exclus. D'un côté , leur mifere & le befoin d’un travail journalier les en éloignoit quand on eüt pu les y admettre; & de lautre, ils y parvenoient en eflet, des que leurs facultés le leur permettoient, l'augmentation de leur fortune les fai- fant pafler dans une des clafles qui avoient droit d'y prétendre. Leur exclufon étoit, pour ainfi dire, idéale & métaphyfique ; elle portoit fur la clafle & non fur les individus ; de maniere qu’à proprement parler, nul ci- toyen n’étoit perfonnellement exclu , puifque d'un mo- ment à l’autre, il pouvoit, par une augmentation de fortune, fortir de la clafle à laquelle étoit attachée fon exclufion. Si le fyftême d’une prédile&tion particuliere pour un ordre de Citoyens, eût eu la moindre influence fur cette Nation & fes Légiflateurs , 1l fe füt manifefté dans le choix des Membres de l’Aréopage, de ce Tribunal fu- prême, le foutien des Lois, & le patron des mœurs : car chez tousles Peuples éclairés de Antiquité, de pareils Tribunaux furent toujours remplis par les premiers perfonnages de l'Etat , choifis avec le plus grand foin , & refpettés à légal des Dieux. Or, ce Sénat d’Athe- nes étoit-il exclufivement ouvert aux Nobles? Non. L’étoit-il exclufivement aux riches? Non. Mais aux citoyens qui avoient exercé certaines Magiftratures. Solon , l'Inftituteur ou le Reftaurateur de l’Aréopage, donne lexemple, & n’y prend place que comme an- cien Archonte ; Périclès , d’une illuftre maifon, à la tête de la République, prefque le maitre du Gouver- nement, veut en vain y être admis, il parvient, en quel- 144 MÉMOIRES que forte, à anéantir ce Tribunal, mais il ne parvient pas à franchir la barriere qui lui étoit oppofée. Ainfi Athenes, qui remettoit indiftinétement le ma- niment des affaires publiques, & le deftin de l'Etat à .tout citoyen , connoifloit néanmoins une fonétion a laquelle il n’étoit pas permis à tous d’afpirer , celle de rendre la juftice (1). N’en concluez pas qu'elle connut des clafles privilégiées. Vous venez de le voir; fon choix n’étoit pas circonfcrit dans un ordre d'hommes, mais dans des hommes doués de certaines qualités : il ne tenoit pas à leur état , mais à leurs vertus : 1 venoit, non de prédileétion ; mais de prudence : il portoit, non fur leur rang dans la Cité, mais fur l'expérience par eux acquife dans l'exercice de charges importantes, & fur les talens qu'ils y avoient développés : le Gou- vernement fembloit oublier fes principes quand il s’agif- {oit de nommer à l’Aréopage ; la jaloufie républicaine {e taifoit devant le mérite; & il en fortit un Tribunal célebre dans toute l'Antiquité, par la modeftie de fes Magiftrats & la fagefle de fes Oracles. Ce choix des plus gens de bien pour en former le Sénat national, loin d'indiquer une claffe privilégiée , en éloigne au contraire même l'apparence. Car les charges, pour ainfi dire, qui, en formoient le noviciat, étolent ouvertes à tous ; ainfi tous y étoient appelés, quoique l'on n’admit que ceux qui s’en trouvoient dignes. Quant au commandement des armées, qui ne fait que chaque Athénien pouvoit y prétendre ? Qui ne connoit Thémiftocle, fauveur dela Grece à Salamine ? Phocion, Pr pa a (1) Quoique dansplufieurs cas les Juges fuffent pris indiftin&tement parmi tous les Citoyens, & tirés au fort, l’Aréopage , fut néanmoins le vrai, le fu- prime Tribunal, L élu DE L’' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 145 élu 45 fois Général, quoiqu’abfent ; Ariftide , à la tête de leurs troupes à Platée ? Cependant le premier de ces Généraux étoit fils d’un des moindres Citoyens ; le fe- cond fut, finon de bafle extraétion , comme plufieurs l'ont prétendu, au moins d’une maifon obfcure ; & le dernier naquit & vécut fi pauvre, qu'après fa mort l'Etat fut obligé, & eut la générofité de payer fes ob- feques & de doter fes filles. VII. Il me refte à efquifler un dernier tableau, pour faire mieux reflortir le peu de probabilité d’un corps de Nobles à Athenes ; c’eft le tableau de fes diffentions domeftiques. À peine Solon a-t-1l donné des Lois à fa Patrie, qu'il s’en éloigne pour leur laifler prendre plus de confif- tance. Mais les faëtions , afloupies par fa fageñle, fe réveillent dès qu'il difparoit. Trois partis fe forment mêlés de tous les Ordres; Pififtrate , chef des montagnards, intimide ou fubjugue tous les autres ; il s'empare de la citadelle, & aflervit Athenes. Les enfans du Tyran furent enfin chaflés ; la liberté reparut , & le Citoyen refpira. Depuis lors jufqu’à Pifandre , qui , cent ans après, changea momentanément la forme du Gouvernement d'Athenes, nul grand bouleverfement dans fon Admi- niftration; mais beaucoup de démêlés entre fes Admi- niftrateurs : c'eft Ariftide , banni par les menées de Thé- miftocle, & rappelé par des vues politiques; c’eft Thé- miftocle, d’abord l’idole de la Nation, & bientôt con- damné à l'exil; c’eft Périclès, tour-a-tour maïître du pouvoir & difgracié ; tantôt flatteur du Peuple , tantôt fon tyran : c’eft Cimon, éloigné de la République par les intrigues de Périclès, & remis par fes foins à la Tome IV, T 146 MÉMOIRES tête des affaires , tant, dit Plutarque , les querelles & les animofités particulieres étoient prêtes à s’appaifer en préfence de l'intérêt public : c’eft Alcibiade , uni avec Nicias, grand Orateur & grand Capitaine , & dans peu jaloux du crédit qu'il lui voit prendre fur les ci- toyens, & de fa confidération chez l'Etranger; Alci- biade, idolâtré par le Peuple , puis condamné à mort, puis recu en triomphe, nommé Généraliffime , puis privé du commanement : en un mot, c’eft une fuite d’ambitieux , rivaux les uns des autres, travaillant mu- tuellement à fe fupplanter, à plaire à la multitude, toujours dupe de qui la flatte ; ce n’eft nulle part ni la confédération, ni la ligue d’un corps combattant fans cefle pour conferver & pour étendre fa prérogative. Les tempêtes qui s’éleverent à Rome, fortoient du vice de fa conftitution; deux mafles diftinétes & vigoureules {e heurtoient de toute leur puiflance : à Athenes, au contraire, c’étoient des citoyens de tout ordre qui lut- toient les uns contre les autres par des vues perfonnelles de jaloufie & d’ambition ; c’'étoient de vrais patriotes qui s’oppofoient avec force aux projets tyranniques des citoyens de la même clafle qu’eux. Tel eft le fpeétacle que nous offre le Gouvernement des Athéniens; tel fut l’efprit d'Adminiftration de ce peuple aimable, ingénieux & fenfible, & celui de toute l'Antiquité avec lequel notre Nation a le plus de rap- ports, dont peut-être un jour elle égalera la gloire ; de ce peuple qui, par une forte d'inftin& , appelé & porté au grand en tout genre, fentit de bonne heure qu’il man- queroit fon but, & trahiroit fa deftinée, s’il accordoit exclufivement fes faveurs à un ordre de citoyens, & qui ouvrant la carriere des honneurs à tous fans diftinc- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 147 tion, parvint en eflet à étonner fon fecle par la fagefle de fon Aréopage, les hauts faits de fes Généraux , les chefs-d'œuvres de fes Artiftes ; & dans fes Hiftoriens, fes Orateurs , fes Poètes & fes Philofophes , offrit de fon temps, offre encore de nos jours, une école & des modeles de fagefle , de bon goût & de faine politique. 148 MÈMOIRES eng SUR les fignes de la frailure du col du fémur, 6 fur l'aëtion des mufeles quadrijumeaux dans certe maladie, ainft que dans la luxation de cet os en arriere 6 en haut. Par M. MESPLET, Correfpondant. Paré & Petit ont enfeigné que dans le cas de frac- ture du col du fémur, la pointe du pied étoit tournée en-dedans ; cependant quelques Obfervateurs s'étant apperçus que dans cette fraëture le pied étoit tourné en- dehors , traiterent d'erreur la doétrine de ces Hommes célebres. Cette opinion s’eft tellement accréditée, que toutes les Ecoles l'ont adoptée, & qu’on la trouve dans toutes les Inftitutions, & même dans le Recueil des Mémoires de l’Académie de Chirurgie : opinion qui, fuivant M. Metplet, doit entraîner les plus grands in- convéniens, puifqu’il eft effentiel de connoître les fignes certains qui sn les fratures du col du fémur, des luxations, pour appliquer à l’une & à l’autre de ces maladies les moyens propres à leur guérifon. M. Mefplet entreprend la défenfe de Paré & de Petit ; il trouve la fource des obfervations qu’on leur oppofe, dans les méprifes des Obfervateurs, qui, faute d'attention , ont confondu des fraëêtures avec des luxa- tions en arriere & en haut. Il aflure avoir toujours re- connu dans les Hôpitaux, les fraëtures du col du fémur DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE 149 au figne indiqué par les Peres de la Chirurgie, & re- jette comme une injure faite à leur mémoire, l'inter- prétation que des Chirurgiens, d’ailleurs très-habiles, ont eflayé de donner de l’aflertion de Paré, qu'ils n'ofoient contredire formellement : ils ont dit, qu'a la vérité, Paré vit dans un cas le pied tourné en dedans ; mais que cela peut s'entendre de la pofition du pied, plus près de la jambe faine que le genou. Mais comme on pourroit objeëter à M. Mefplet, que la pointe du pied pouvant être tournée en dedans dans la fra@ure du col du fémur, ainfi que dans la luxation enarriere & en haut, ileft aifé de les confondre, M. Mefplet fait le parallele des fignes qu'on peut obferver dans les deux cas. 1°. La fraêture du col du fémur, dit-il, fe reconnoit prefque toujours par l'inclinaifon de l'extrémité en dehors ; mais lorfqu’il y a lieu en dedans, s’il y a luxa- tion, la tête de l'os allant fe placer au-deflus & der- riere la cavité cotyloide , entre le petit feflier & la fofle iiaque , la cuifle eft raccourcie, & dans une adduétion fi bien foutenue , qu’on ne peut eflayer de la changer fans caufer de vives douleurs. Cette difficulté eft moins remarquable dans la fraêture, parce que la tête ne de- viendra point un obftacle à l'exécution de ces mouve- mens, comme dans le cas précédent. 2°. Dans la luxation on doit trouver la hanche fort faillante par la préfence du grand trochanter , remonté & dirigé en devant, tandis que dans la fraéture , quoi- que le pied foit dirigé en dedans, on doit le trouver fort enfoncé, parce qu’il ne doit pas fuivre, comme dans le cas précédent, la tête, qui a paflé par-deflus la cavité cotyloïde. 150 MÉMOIRES AO 3°. Si dans les deux cas, on porte une main fur le grand trochanter, & qu’on faffe mouvoir la cuifle , en ménageant d’ailleurs les parties , le foulevement de cette apophyfe ne fe fera pas fi bien fentir dans le cas de fraéture , par les raifonsci-deflus. 4°. Enfin, on peut joindre à ces difiérens fignes ceux qu’on retire de la crépitation, foit en mouvant fimple- ment la cuifle, ou en y faifant des extenfons. Tels font les fignes diftin&tifs que M. Mefplet pro- pole dans les cas de la fraêture & de la luxation; lac- tion combinée des mufcles quadrijumeaux , eft le feul moyen dont les Praticiens fe foient fervis pour expliquer la néceflité abfolue de l’inclinaifon en dehors qu’afleéte l'extrémité dans la frature du col du fémur : M. Mef- plet prouve le contraire par la direétion même & la fituation de ces mêmes mufcles. Il rapporte un fait dans lequel un Chirurgien très -connu prit la fraéture du col du fémur d’une femme , pour une luxation, précifément à caufe de la direétion de l'extrémité en dedans, & qu'il découvrit au contraire en dehors , quelques jours après, la malade ayant, dans le délire, défait tout l'appareil. M. Mefplet penfe que ce Chirurgien auroit d’abord dû préfumer qu'il y avoit fraëture du col, par la facilité qu'il eut de ramener l'extrémité à fa longueur naturelle. Il attribue le délire & la mort de cette femme aux iné- galités des fraêtures qui n’ont pas été retenues par un bandage convenable. Il croit que l'erreur de ce Chirur- gien vint de ce qu'il penfoit que fi l’inclinaifon avoit été d’abord en dedans , c’étoit parce que les mufcles ne pouvoient agir que fur des parties fraéturées; mais qu'ils étoient parvenus à faire tourner la cuifle en dehors, lorfque les pieces furent aflez coaptées par l’engorge- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 151 ment inflammatoire pour réfifter à leur aétion; opinion qui ne fut adoptée que parce qu’elle étoit calquée fur l'ufage de ces mufcles dans l'état naturel, tandis qu'un examen plus approfondi eût donné lieu à d’autres con- féquences. Lue le 23 Juin 1785. 152 MÉMOIRES Dis SoE.R TA ENL:0 22N Sur l'origine de la Municipalité de Touloufe, € fur les effets qu'elle produifit jufqu'à la premiere race de nos Rois. pe] Par M. DE LABROQUERE. ———————————————— "+ AE que les Romains pénétraffent dans les Gau- les, Touloufe ne connoïfloit ni la nature , ni les eflets de la Municipalité: Capitale d’un peuple nombreux & cuerrier , elle n’étoit occupée qu'à faire des conquêtes & a ériger dans les contrées les plus reculées des monu- mens de fa puiflance. Elle éprouva une grande révo- lution lorfque les Romains étendirent leur empire fur la Province Narbonnaife , fi on ajoute foi au rapport des anciens Ecrivains ; maisils font des récits bien diffé- rens du fort qu'elle efluya à cette époque. En effet , parmi les Hiftoriens & les Géographes de la Grece & de Rome, qui ont parlé de la liberté dont Touloufe jouit après que les Romains eurent réduit les Gaules fous leur puiflance, les uns aflurent qu'elle fut alliée de Rome, & qu'elle conferva fes Lois, {es privileges & fes Maviftrats ; d'autres, qu'elle devint Colonie Romaine, gouvernée par des Magiftrats Romains, & régie par les Lois de Rome ; d’autres enfin, que, privée d’une partie de fes terres, elle fut aflujettie à Narbonne, à qui elle avoit DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. tr$x avoit donné auparavant des Lois, Ces diverfes afler- tions, vraies pour la plupart , ont partagé les Savans des 17° & 18* fiecles , qui ont cru y appercevoir une contradition manifefte. Cependant ce point d'Hiftoire ; intéreflant pour un Patriote, n’eft pas aufli difficile à éclaircir qu’on l’a penfé, & ces divers rapports des an- ciens ne s’entre détruifent pas. Pour le prouver, j'ai be- foin de jetter un coup-d’œil fur les différences que les Romains établifloient entre les peuples avec lefquels ils faifoient des traités d'alliance, & ceux qu’ils fubjuguoient par la voie des armes. à Lorfqu'un peuple libre & belliqueux recherchoit Pamitié de Rome & lui offroit de joindre fes forces a celles de la République, les Romains faifoient un traité d'alliance avec lui. Sans incorporer dans fes Légions les foldats de ce peuple, ils les recevoient en qualité de troupes auixhaires, & s'engagoient à partager avec lui le fruit de la conquête à proportion des troupes qu di: avoit fournies : c’étoit là le droit & le privilege des peuples dont ils faifoient le plus de cas : c’eft ainfi qu'ils traiterent les peuples du Latium, & ceux auxquels ils. en accordoient les privileges : he les défignerent par le nom de focit Ë nominis Latini (1). Au contraire, lorfqu'un peuple arrêtoit les progrès: des armes de la République , ou qu'il lui déclaroit ou- vertement la guerre ; après la viétoire , les Romains (1) Fædus cum Hernicis eodem anno , tifdemque condirionibus percuffum eff, ur focir populi Romani vocarentur, ut belli caus4 aurilia mitterent , u® tertiaom prædæ partem reférrenr. Tit. Liv. Senatufconfulro præfcriptum ut Decemviri creati à Confularibus nat: Marimis, terminato agro publico pronuntiarent quartim ejus locandum fie, guanrm populo dividendum. Cærerum f quis ager communi miliria partus erit ,is cum foctis dividi poflet ex fædere, Cic, in Rull, 1, Tome IF. 154 MÉMOIRES emmenoient à Rome une partie de fes habitans, qu'ils diftrikuoient dans les Tribus urbaines, ou dans celles qui éoient les plus voifines de Rome : ils les rempla- coient par des Romains d'une vertu éprouvée, aux- quels ils donnoient une partie des terres du peuple vaincü. C’étoit une efpece de garnifon qui veilloit fur la fdilité de ce peuple, qui fut nommé Fæderatus. Si le pays conquis étoit vafte & abondant , ou fitué avantageufement pour les projets ambitieux de la Re- publique, elle y établifloit une Colonie militaire, com- pofée ordinairement des Vétérans d’une Légion, en ré- compenfe de leurs fervices, & elle ne manquoit pas d'en placer de diftance en diftance. Toutes ces Co- lonies formoient les anneaux de la chaîne immenfe dont elle ambitionnoit de charger l'univers : ces places for- tes devenoient l'appui de fes alliés, la terreur de fes ennemis & le boulevard de l'Empire : elles en lioient toutes les parties , entretenoient une correfpondance prompte!& facile entre la Métropole & les Provinces les lus réculées, & préparoient de nouvelles conquêtes (1). On faifoit conftruire dans ces Colonies des Temples, des Cirques , des Marchés, des Palais, un Capitole , un Amphitéâtre , des Thermes: on leur donnoit des Augu- res, des Pontifes, des Flamines, en un mot, tout ce qui pouvoit retracer à leurs yeux l'image de Rome. Enfin on leur confervoit tous les droits de Citoyen Romain , les privileges & les exemptions dont ils jouif- foient à Rome : on y ajouta bien d’autres faveurs pour les dédommager de l'éloignement de leur Patrie ; mais RER RER ER EE — (1) Hoc in genere, ficur in cæteris Reipublicæ partibus , diligentiam ma- jorum elfe expeétandam ; qui Colonias fic idoneis in locis, contra fufpictonem periculi collocaffent ; ut non oppida ltaliæ, fed propugnacula imperit effe vis gerentur. Cic, in Rull DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 155 ces prâces exciterent la jaloufie des peuples du Latium: ceux-c1 prirent les armes pour les obtenir : la Républi- que leur céda tantôt une partie de ces privileces, tantôt une autre , & finit par les leur accorder tous. Tndépendamment de ces trois efpeces de peuples, les Romains en diftinguoient une quatrieme , qu'ils appe- loient Municipes. La Municipalité des Villes & des Peuples confiftoit à conferver fes Lois, fes Magiftrats, fon Culte, fes Privileges, fes Ufages, & fur-tout fx République féparée & diftin&e de celle de Rome, quoi- qu'on fût décoré du nom de Citoyen Romain, aflocié aux armes romaines , & quelquefois même incorporé dans fes lépions. Municipes Jervius filius aiebar initio faiffe qui e& conditione Cives Romani fuiffent ur Jemper Rem Publicam feparatim à populo Romano haberent, Cumanos videlicet Acerranos , Athillanos qui œquè Cives Romani erant € ên legione mererent , Jéd disnitates nondim capie- bant , dit Feftus. Les Romains faifoient moins de cas de la condition du peuple Municipe que de l’état des Alliés Latins , des Confédérés & des Colonies , parce que les Municipes ne Jouifloient point du droit de fufrage à Rome, qu’ils n'étoient infcrits dans aucune Tribu, & qu'ils ne pou- voient pas afpirer aux Charges & aux Dignités de la République. Ce Peuple-Roi, qui avoit l’oroueil de dif- pofer des fceptres & des couronnes, de citer à fon Tri- bunal les Peuples & les Rois, d'y prononcer fur leurs différends, & d'y décider de leur {ort, ne voyÿoit rien au-deflus d’un Citoyen Romain qui, revêtu de la Ma- giftrature , exercoit les droits de la République. Mais les Municipes, quoique Citoyens Romains , étant point régis par le Droit Romain ; ni gouvernés par des Ma- 156 MÉMOIRES giftrats de Rome, confervoient leur état primitif mo- narchique, ariftocratique ou démocratique , diftinét & féparé de la République Romaine ; ils ne pouvoient jamais exercer les Magiftratures Romaines, & ne fai- foient que partager les fatigues militaires ; au lieu que les Peuples alliés du Latium , les Confédérés & les ha- bitans des Colonies pouvoient être élevés aux Dignités de la République. Participes füuerunt Municipes omntum rerum ad munus fungendum un cum Romanis civibus præ- terquèm de fuffragio ferendo, aut Magiftratu capiendo , ficut faerunt Fundani , Cumani , Acerrani , &c. dit encore Feftus. Les Municipés faifoient de leur état un cas bien difié- rent des Romains : peu flattés des privileges du La- tium, du pays ltalique, des Confédérés & des Colo- nies , ils leur préféroient leur indépendance ; on voyoit même quelquefois les Colonies la briguer & la deman- der comme une faveur fignalée. Aulugelle nous apprend que les habitans de Prénefte avoient obtenu cette grâce de Tibere : Præneflinos refert maximo opere à Tiberio Imperatore petiiffe , oraffeque ut ex Colonia in Municipii flatum redigerentur , idque illis Tiberium pro reférenda gratiä tribuiffe. L'Empereur Hadrien témoigne fa furprife de ce qu'il s’eft trouvé des peuples Municipes qui, re- nonçant à leurs Lois & à leurs ufages antiques , ont ambitionné les privileges des Colonies : Mirari Je often- dit Divus Hadrianus quod quædam Municipia antique , in quibus uticenfes nominantur , cum fuis moribus , lestbuf- que uti poffent, in jus Coloniarum mutari geftiverint. Il y avoit encore des peuples que les Romains con- fidéroient fous un nouveau rapport, qui n’avoit rien de commun avec les précédens : ils donnoient à leurs DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 157 Villes le nom de Préfe@tures ; condition infiniment moins favorifée que les autres : c’étoit l’état auquel ils rédui- foient le peuple qui avoit fouvent trahi les intérêts de ja République : : il ne confervoit mi fes Lois, ni fes Juges ; il étoit entierement gouverné par des Magiftrats Romains choifis dans l'Ordre de la Noblefle, cha dire, parmi les Chevaliers Romains, par le peuple , le De ou le Préfet de Rome, Re qu’on vouloit traiter ce peuple infidelle avec indulgence ou avec rigueur. Touloufe n'ayant jamais été réduite à l’état de Pré- feëture, ce rapport n'entre point dans mon fujet; les au- tresau contraire en font partie, parce que Touloufe réunit fucceflivement les privileges des Alliés du Latium, des Confédérés, de Colonie & de Municipe. La Phaibée Narbonnaife ayant toujours été Impériale ou Procon- {ulaire , Touloufe ne fut jamais gouvernée , pour une partie de fes habitans , que par des Préfidens au nom de l'Empereur, ou par des Proconfuls, ou Propréteurs au nom du peuple , du Sénat, ou dela République, & jamais elle ne fut foumife à un Préfet envoyé par le peuple, le Préteur ou le Préfet de Rome. Lorfque les Romains firent la conquête de cette par- tie des Gaules que nous habitons, il eft d’abord incer- tain fi Touloufe & les Teétofages ; joignirent leurs for- ces à celles des peuples voifins des Arécomiques, ou s'ils les attendirent fur leur territoire : il eft vraifemblable qu'ils s’unirent avec ces peuples pour s’oppofer aux Ro- mains, & qu'ils furent fubjugués avec eux. Les Hifto- riens ne donnent pas le dénombrement des difiérens peuples que les Romains eurent à combattre ; ils fe con- tentent de nousapprendre que la République envoya , l'an 4 MÉMOIRES G29 de Rome, une armée dans la Gaule pour fecourir les Marfeillois, leurs anciens alliés, contre les Salyes, les | AR , les Allobroges & les peuples de l’Au- verone, & que les Généraux Romains nn dans lefpace de cinq à fix ans tous les pays dont ils forme- rent la Gaule Narbonnaile, qu'ils terminerent par la Garonne. Cette conje@ture acquiert une nouvelle force, lorf- qu’on confidere l’état de la Province à cette époque. Une ancienne rivalité divifoit d'intérêts Narbonne & Touloufe: celle-ci, dansles temps les plus reculés, avoit donné des Lois à Narbonne, & étendu fes conquêtes jufqu’aux Arécomiques, c’eft-a-dire, jufqu’à Nimes, à lextrêémite du Diocefe de Montpellier & aux Cevenes. Narbonne avoit fécoué ce joug & jeté les fondemens d'un Empire indépendantde Touloufe & des Teftofages fous le nom de Bébrices ou des Eléfices (1) ; ce Royau- me de Narbonne & d'Eléfices s’'étendoit vers le nord, & n'interrompoit pas celui de Touloufe du côté du midi & du levant. Fouloufe avoit donc à défendre les peuples qui lui étoient foumis de ces deux côtés : il eft vraifemblable qu’elle vint à leur fecours, & qu’elle ne put réfifter aux Romains; en forte que Fouloufe & les Te&tofages, Narbonne & les Eléfices éprouverent leur fupériorité vers le même temps, & peut-être le même jour. Narbonne fut érigée en fuperbe Colonie, com- pofée des Vétérans de la dixieme Légion , & Monloul fit un traité d'alliance avec Rome, par lequel elle fut (1) -.:.. Gens Eleficum prits Loca hæc renebat : atque Narbo civiras Erar férocis Maximum regni capur. Fcfus Avieous.. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE: 159 reconnue ville Municipale, & conferva fes Magiitrats, {es Lois, fon culte & fes ufages. La politique d de Rome l’engagea à traiter différemment ces deux Villes : la fituation de Narbonne facilitoit aux Romains, d'un côté, le pañlage del’ Efpagne par le Rouf fillon, & de l'autre, je donnoit l’entrée dans le Rouer- gue & dans l’ te gne, dont ils méditoientla conquête. Rome crut avoir a d'établir une Colonie à Nar- bonne pour s'aflurer de la fidélité des PRES qu'elle avoit fubjugués & pour intimider ceux qu’elle vouloit aflervir. Touloufe & les Teftofages étoient confidérés par les Romains fous un autre rapport : n'étant féparés des Aquitains que par la riviere de Garonne, ils travail- loient fans cefle à franchir ces limites ; les Aquitains, au contraire, fufoient leurs efforts pour les y reflerrer. Dans leurs excurfions, les Tetofages s'emparoient {ou- vent de diflérentes places de la Novempopulanie; & après une viciflitude continuelle de fucces & de pertes, de viétoires & de défaites , les Te&tofe fages av oient con- fervé l’ancien Diocefe de Touloufe , terminé de ce côté par tout ce qui forme celui de Lombez. Les Romains contrafterent donc alliance avec les Touloufains , les aflocierent à leurs armes, & les reçurent en qualité de Municipes. En eflet, un peuple belliqueux, comme les Teétofages, ne devoit point briguer l'avantage d’être admis dans les Tribus de Rome pour donner fon fuf frage dans les Comuices, & pour exercer les Magiftra- tures de l'Empire qui ne flattoient pas fon ambition. Ce- pendant , 1l n’y a point d'Auteur qui annonce que les Teétofages aient été accueillis par les Romains en qua- lité de Municipes ; mais fi les Hiftoriens n’ont pas pro- * Mémoire de l’Acad.des Infcriprions , tom. 15, Pe 505 160 MÉMOIRES noncé le terme de Municipalité , ils en ont fi bien dé- crit les effets qu’on ne peut les méconnoitre. Avant que d'en donner le détail, j'ai à prévenir quel- ques difficultés qui fe préfentent naturellement. M. Duclos*aflure que chez les Romains, réduire un Pays conquis en forme de Province, c’eft y envoyer des Gouverneurs pour y entretenir des Troupes, y lever des tributs, y établir des Magiftrats pour y rendre la Juftice felon les Lois Romaines, fans égard à celles des vaincus. Comment donc Touloufe , comprife dans la Province Narbonnaife , a-t-elle pu conferver fes Ma- giftrats, fes Lois & fon Culte? Cette aflertion de M. Duclos, vraie à bien des évards, doit être reftreinte à fes juftes bornes : elle n’avoit jamais lieu à l'égard des peuples du Latium, n1 de ceux aux- quels les Romains en accordoient les privileges, ap- pelés focii € nominis Latini. De même elle n’avoit point lieu à l'égard des Municipes , & ce fut le premier état des Touloufains , qui conferverent toujours leur Répu- blique telle qu’ils l'avoient avant la conquête ; en forte que , cette aflertion n’étoit exaËtement vraie qu’à l'égard des peuples qu'ils avoient vaincus , lorfqu'après plu- fieurs infidélités ils les dégradoient du rang des Confé- dérés pour les réduire à l'état de préfe@ture : c’eft alors qu'ils étoient privés de leurs Lois, de leurs Magiftrats, & de tous les privileges qu'ils avoient confervés après. une premiere & une feconde défe&tion. Mais, dit-on, lorfque Critogniac veut exciter dans: fes Troupes le défir de la gloire & de la liberté, & leur infpirer une plus forte haine contre les Romains ,, il leur retrace l’image de la fervitude dont Rome acca- bloit la partie des Gaules qu’ils avoient réduite en forme: de DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 161 de Province Romaine , après l'avoir privée de fes Lois, il ne met aucune différence entre Touloufe & Nar- bonne , qui étoient également comprifes dans cette Pro- vince. * Refpicite finitimam Galliam quæ in Provinciam + cf de redaëla, jure 6 leoibus commutatis , fécuribus fubjeëta , RE N perpetua premitur fervitute. La réponfe à cette objeétion n’eft pas difficile. Un Général qui harangue fes Troupes pour ranimer leur courage, ne fe pique pas d’une exaétitude rigoureufe : il ne voit les objets qu’en grand, & il lui fufit que fon difcours foit vrai à plufieurs égards. D'ailleurs, Tou- loufe s'étant affujettie à fournir des Troupes à la Ré- publique , cette néceflité fufifoit pour juftifier le dif- cours de Critogniac. On peut trouver fingulier que Touloufe ayant efluyé les mêmes revers que Narbonne, & reconnu vers le même temps la fupériorité des Romains, en aitreçu un traitement fi différent: il paroïtroit plus naturel , que Nar- bonne ayant été érigée par les Romains en Métropole de toute la Province, cette Province n'étant terminée que par la Garonne , & Céfar annonçant que Touloufe étoit comprife dans cette Province, elle dut fuivre le fort de fa Capitale, & reconnoitre fa fupériorité , du- moins à quelques égards. Cependant, il eft aifé de prouver qu'après la réduc- tion de la Province, Touloufe & Narbonne n’eurent rien de commun. L’Oraifon de Ciceron, pro Fonteyo, ne laifle aucun doute à cet égard. Les Teétofages Tou- loufains fe plaignent des concuflions que ce Gouver- neur exerçoit dans Fouloufe & dans d’autres Villes de « leur dépendance, telles que Cobiomagus, Crodunum € Vulchalone, dont il ne refte point de veftiges. Si Tou- Tome IF. X * Excepta Valeii, pag. 630, Acad. des Infcr. , tom. 193 Pe 228. 162 MÉMOIRES loufe eût dépendu de Narbonne, il étoit naturel que celle-ci fût venue au fecours de Touloufe , & eut Joint {es plaintes aux fiennes : c’étoit même fon intérêt fi elle en eût perçu quelques droits comme Métropole. Il s'en faut bien cependant qu’elle prenne ce parti : elle entre- prend au contraire, ainfi que Marfeille, la défenfe de Fonteyus contre Touloufe ; ce qui prouve manifefte- ment que Touloufe ne dépendoit pas plus de Narbonne que de Marfeille. D'ailleurs, tout le monde convient que Narbonne fut érigée en Colonie Romaine vers l'an 632 de Rome; Dion aflure que Touloufe fut mife alors au rang des Villes confédérées ; cum Tolofates focii ac fœderati populr Romani , dit Dion * ; & M. Menard , qui fixe avec pref- que tout le monde à l'an 632 l’établiffement de la Co- lonie de Narbonne, croit que Touloufe ne pafla au pou- voir des Romains, que pendant la guerre des Cimbres , fous le Confulat de Q. Cæpion; c’eft-a-dire, en 648 ou ÿ50. Quoique je n’adopte pas en entier l’opinion de M. Menard, je conclus de cette aflertion que Tou- loufe & Narbonne efluyerent des traitemens différens, & qu’elles n’eurent rien de commun. Aucun Auteur n’a prononcé à la vérité que Touloufe ait été mife au rang des Municipes ; mais nous trou- vons les effets & le caraëtere de la Municipalité dans la même Oraifon de Ciceron pro Fonteyo. Les Teéto- fages de Touloufe fe plaignoient des concuflions de Fonteyus : c’eft juftement pour les exaétions commifes dans les Villes Municipales qu’on révoquoit leur Pro- conful. Céfar deftitua C. Avienus par ce motif : guod rapinas per Municipia fecifti, dit-il, de hello Africano. C’eft par Ja même raifon que Touloufe demande que Fon- DE L'ÂACADÉMIE DE TOULOUSE. 163 teyus foit rappelé ; Touloufe étoit donc ville Muni- cipale. La Chronique de Profper en fournit une nouvelle preuve : Gorti Tolofates , dit-elle , pacis placita pertur- bant Ë pleraque Municipia vicina fedibus Juis occupant , INarbonenft oppido maxime infefti. Ce texte, qui eft un témoin & un monument de l’ancienne rivalité de Tou- loufe & de Narbonne, donnant le nom de ville Muni- cipale à Carcaflonne & à d’autres villes dépendantes de Touloufe leur Métropole, annonce manifeftement que Touloufe elle-même, qui étoit devenue alors la Capi- tale des Vifigots, avoit été regardée auparavant tout au moins comme ville Municipale par les Romains. Céfar nous apprend * que les Troupes qu'il envoya *Lib. $, de en 705 à Craflus, fon Lieutenant, avoient été levées P‘llo Gallico. par les Magiftrats de Touloufe, qu’elles avoient un chef de leur Nation, qu’elles étoient auxiliaires, & qu’elles n'étoient point incorporées dans les Légions Romaines ; ce qui étoit un des principaux privileges de la Muni- cipalité. Mais on ne peut méconnoitre le cara@tére de la Mu- nicipalité dans ce que Ciceron rapporte des Touloufains dans ce même plaidoyer pour Fonteyus, en nous ap- prenant qu'ils s’étoient maintenus dans l'ufage d’appai- fer leurs Dieux par des viétimes humaines. S: guando aliquo metu adduétli Deos placandos effè arbitrantur huma- nis hoftiis , eorum aras ac rempla funeflant, ut ne relioio- nem quidem colere poffint , nift eam ipfam prius f£elere vio- larint ? Quis enim ignorat eos ufque ad hanc diem retinere cllam immanem ac barbaram confuetudinum hominem immo- landorum. L'Orateur Romain parle manifeftement d’un ufage 164 MÉMOIRES qui n’a point été interrompu, d’un ufage public , connu de tout l'univers, d’un ufage qui ne fe pratique pas en fecret au mépris des Lois: ce font ces mêmes facrifices publics , dont parle Céfar, qu'ils avoient pratiqués fans interruption ; publiceque ejufdem generis inftituta habent facrificia , adminiftrifque ad ea utuntur Druidibus, dit Céfar. Les Teftofages n’avoient donc pas été pênés à cet égard par les Romains; or rien ne prouve mieux qu'ils avoient confervé leur culte, leurs Lois & leurs Magiftrats; puifque les Druides étoient les feuls Minif- tres de la Religion, qu'eux feuls compofoient le Tri- bunal fuprême de la Nation, que cultivant feuls les fciences, ils fe chargeoient de l'éducation de la jeu- nefle, de donner des lecons de Philofophie & de Mo- rale, & de pratiquer la Médecine, ne larffant au peuple que l'exercice des Arts mécaniques , & à la noblefle que la profeflion des armes , qu'ils génoient encore en fe rendant les maîtres de faire la paix, ou de déclarer la guerre ; Touloufe n’avoit donc reçu ni le Culte, ni les Lois, ni les Magiftrats des Romains; ce qui caraëétérife la Municipalité, qui ne s’aflocie qu'aux travaux mi- litaires. Les Teftofages , étouffant le cri de la nature, te- noient par des principes fanatiques à ces affreufes pra- tiques, & ils auroient tout facrifié pour leur conferva- tion. Deux maximes leur donnoïent un enthoufafme religieux pour ces expiations fanguinaires : la premiere, c'eft que pour rendre aux Dieux un culte digne d’eux, il falloit leur offrir le facrifice de l’être le plus précieux & le plus parfait de la nature; & comme elle n’a rien produit de plus excellent que l'homme, c’étoit en leur immolant des viétimes humaines qu’on les honoroit le DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 16$ plus, & qu’on leur rendoit l'hommage qui leur étoit le plus agréable. La feconde , étoit l'immortalité de l'ame : cette croyance leur infpiroit le courage de fe dévouer à la mort, non-feulement dans les combats pour la défenfe défla Pate , mais encore dans les calamités publiques pour appaifer le courroux des Dieux , & pour la con- fervation de leurs Concitoyens. Quod pro vita hominis nif£ vita hominis reddatur non poffe aliter deorum immor- calium numen placari arbitrantur.…. IN'eque adnuc hominum memorid repertus ef? quifquam qui eo interfélo cujus fe amicitiæ devoviffée mori recufaret. S'ils avoient des {célé- rats, c’étoient eux qu'ils immoloient par préférence ; S mais au défaut des criminels , ilsne manquoient pas de viétimes volontaires, qui laiffant leurs Concitoyens pé- nétrés d’eftime , d’admiration & de refpe&t pour leur grandeur del fe réfignoient par générofité a ce fa- crifice, dans l'efpérance. de recevoir dans l’autre vie une récompenfe proportionnée à ce bienfait. Il fe trou- voit même des Gaulois moins généreux , qui recevoient de l'argent pour confentir à être immolés dans l’efpoir d’une vie plus heureufe: perfuadés que les Dieux ac- ceptoient avec plaifir le facrifice de leur vie, comme le plus grand qu'ils puflent leur faire, ils attendoient de leur reconnoiflance des récompenfes qui leur fuflent proportionnées. Au défaut de criminels & de viétimes volontaires, on avoit recours au fort, fi les Dieux ne défignoient point la viétime par l'organe des Druides ; & ces facrifices , autorifés par les Lois, ne caufoient aucun trouble dans l’ordre de la fociété civile. Barbares par religion à l'égard de leurs Concitoyens, les Teéto- fages croyoient devoir l'être par juftice envers leurs ä * Céfar de bello Gail. liv, 6. * Idem, liv. 3. 166 MÉMOIRES ennemis, qu'ils immoloient fans fcrupule & fans re- mords. Ces abominables facrifices étoient donc fondés fur des principes de Religion , & la fuite naturelle d’un dogme qui s’étoit perpétué dans la Nation ; & ces hor- ribles fcenes fe renouveloient à des époques fixes ; du- moins peut-on le préfumer des paroles de Céfar : pu- bliceque ejufdem generis inflituta habent facrificia , dit Céfar. Les Druides employoient cette fuperitition & ce fanatifme pour infpirer aux Gaulois le mépris de la mort, & cette valeur qui brave tous les dangers, & qui les rendoit fi formidables. Céfar , & tousles Anciens, nous l’atteftent : ëmprimis perfuadere volunt non interire animas , fed ab aliis poff mortem tranfire ad alios ; atque hoc maxime ad virtutem excitari putant , metu mortis * Céfar, de egleélo * (x). bello gall. L. [fe préfente cependant une objeétion bien forte tirée 4x Acad, d'une diflertation de M. l'Abbé Fenel, ** qui aflure que Inferiptions ; les Romains mirent en ufage plufieurs moyens pour adou- 5” cir la férocité des Gaulois, & conféquemment des Tec- tofages ; que le premier moyen dont Rome fe fervit pour opérer ce changement, fut l’interdiétion des viéti- mes humaines ; qu'Augufte profcrivit l’exercice de la Religion Gauloife ; que Tibere alla plus loin, qu'il dé- fendit fans reftriétion les viétimes humaines ; qu’il abo- lit les Ecoles des Druides, & ne permit plus que la jeu- nefle s'initit dans leur doëtrine ; qu'il fit mourir un (1) Longæ vitæ mors media eff.... indè ruendi In ferrum mens ‘prona viris animæque capaces Morris & ignavum redituræ parcere vitæ. Luc. Pharfal.liv. 1, v. 460 & fuiv. Unum ex ris, quæ præcipiunt Druides, in vulgus influrit , videlicet ur forent ad bella meliores, æternas effe animas, vitamgue alteram ad manes, Pom- pon, Mela, L,3,c 2. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 167 grand nombre d’entr'eux , & par là obligea le refte à fe réfugier dans le fond de la Germanie & de la Grande- Bretagne, ou dumoins à fe tenir oififs dans le fond des bois les plus inacceffibles. M. Freret * rend cette difficulté plus confidérable , lorf. qu'il dit qu'après la conquête de la Gaule, la plus grande partie des peuples de ce pays fut aflujettie à la forme du gouvernement Romain, & qu'il n'y avoit plus de guerres ni des prifonniers qu'on püt immoler. Cet Aca- démicien fait naître une nouvelle difficulté en difant que les Magiftrats envoyés par la République, ou par l'Em- pereur, jugeoient fuivant les Lois Romaines ; que les Druides, dépouillés de leur ancienne autorité, ne pou- voient plus difpofer des criminels, & qu’ils fe trouvoient réduits aux vitimes volontaires. Il ne paroït pas, dit le même Auteur **, que dans les Cités libres & alliées de la République , les Druides euf- fent confervé leur ancienne autorité après la conquête des Gaules : ces Cités fe gouvernoient à la vérité füi- vant leurs propres Lois ; mais elles avoient un Confeil public, qui prenoit le titre de Sénat, & des Magiftrats choifis dans le fecond Ordre, ou dans celui des Nobles, que Céfar nomme Chevaliers, Eguites. Il eft probable, dit encore M. Freret***, qu'un des premiers foins des Magiftrats Romains & Gaulois, fut de détruire cette Reli- g10n Sacerdotale, & d’ôter aux Druides un pouvoir dont il étoit toujours à craindre qu’ils n’abufaffent. S'il étoit vrai qu'Augufte eût interdit les facrifices humains dans les Gaules ; qu'il eût fubftitué au culte des Gaulois, les Divinités de Rome ; qu'ileût donné à la Province Narbonnaife & à Touloufe un Sénat com- pofé de Chevaliers Romains ; que Tibere eût fait périr * Acad. des Infcr. tom. 24, P. 389. ** Ibid. X## Ibid. 168 MÉMOIRES les Druides, ou qu’il les eût forcés de fe retirer en Ger- manie ou en Angleterre, 1l ne feroit point douteux que les Te£tofages n’euflent dû être jugés par des Magiftrats Romains, puifque les Druides étoient les feuls Juges de la Nation, & toutes mes affertions s’écrouleroient. Mais dans la fuppofition même qu'il y a eu des Magif- trats Romains aflociés à des Magiftrats Gaulois , ceux- ci, loin de détruire cette Magiftrature Sacerdotale des Druides, étoient intéreflés à la conferver par religion, par politique, par un attachement invincible à leurs an- ciennes maximes, & par refpeét pour des perfonnes qu'ils croyoient infpirées des Dieux. M. Freret a détruit d'avance l’objeétion tirée de la Differtation de M. l'Abbé Fenel, en aflurant qu'il n’y a eu aucune perfécution religieufe exercée dans la Gaule contre la Religion du pays, & que les Druides n'ont pas ceflé d'être les Miniftres du culte des Gau- lois. I] prouve enfuite que l’émigration des Druides & leur retraite en Germanie ouen Angleterre, d’où on croit qu'ilstiroient leur origine, n’eft fondée fur rien, & n’eft qu'une fuppofñition : 1l aflure au contraire que le nom, les fon£tions & le pouvoir des Druides ont fubfifté dans la Gaule jufqu’au dernier temps du Paganiime. Aupgufte fit bien une premiere Loi pour interdire les facrifices humains dans la Gaule ; mais cette Loi ne regardoit que les Citoyens Romains qui l’habitoient ; il n’eft point prouvé que Tibere les ait profcrits ; & l'abolition en- tiere de ces facrifices dans ces contrées , femble avoir été l'ouvrage de l'Empereur Claude. Suétone la lui attribue , & ne fait aucune mention des préten- dus Edits de Tibere : Druidarum religionem diræ 1mma- nitatis penitàs faflulir. Sueton. in Claud. n°. 24. Leurs loufe DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 169 loufe conferva donc fon culte , fes Maciftrats & fes Lois. La feconde difficulté s'évanouira d'elle-même par la fuite de ce difcours. Les Romains* employerent un moyen plus efficace que l’autorité pour adoucir la férocité des Tettofages, ce fut celui de la fédu&tion, en introduifant dans les Gau- les leur langue & leurs mœurs. Ce peuple altier ne fe contentoit pas de foumettre à fa puiflance les Nations auxquelles 11 déclaroit la guerre ; il exigeoit encore d'elles, comme une des conditions de la paix qu'il leur accordoit après leur défaite, qu’elles parleroient la lan- gue latine ** : opera data eflut imperiofa civitas non folèm Jugum , verum etiam linguam fuam domitis gentibus per Pacem foctatis imponerer. La politique de Rome n’adnit d'exception qu’en faveur des Grecs auxquels elle laiffa le libre ufage de leur langue. Cependant, pour accrédi- ter la langue romaine, & inviter les Grecs même à parler latin, les Proconfuls, quoique verfés dans la con- noiffance de la langue greque, du temps même de la République, ne permettoient que par pure grâce aux peuples de la Grece, d'employer des Interpretes pour expofer en latin les demandes qu'ils avoient à faire. Les Grecs dürent cette diftin@tion aux chefs-d'œuvre com- pofés dans leur langue qui faifoient l'admiration & les dé- lices de Rome, aux Sciences & aux Arts qu'ils avoient cultivés avec tant de fuccès, & que les Romains alloient apprendre dans la Grece (1). Les Teétofages de la Gaule Narbonnaife avoient quelque connoiflance de la langue RE ER 1 NE ET TR MER RE NS TO (1) Tlud quoqgue magné perfeverentiä cuflodiebanr > fe Grœcis unguèrn nifi datine refponfa darent : quin etiam per interprerem Logui cogebant, non in urbe rantum noffra , fed etiam in Græcié & in Afiä , guo fcilices latine vocis honos per genres venerabilior diffundererur, Valer. Max, L, 11 5 Ces Tiens Tome 1. Y 4 ** Acad. des Infcriptions , tom. 15, P. SG 5t. "23, P.1$65t.14, p.582 K 657. FES Aug, e Civit. Dei, EN c,8. * Suetone. 170 MÉMOIRES greque, de la latine & des mœurs des Romains avant que Jules Céfar pénétrât dans les Gaules ; & c’eft par cette raifon que Strabon ne veut pas qu'on mette au nombre des barbares les habitans de cette partie des Gaules. Dès le temps de Ciceron, cette contrée éroit pleine de Marchands & de Citoyens Romains qui aflo- cioient les Gaulois à leur commerce : referta eft Gallia negoctatorum plena civium Romanorum ; nemo Gallorum Jine cive Romano quidquam gerit , dit Ciceron pro Fonteïo. Jules-Céfar joignit la faveur à la féduë&tion : il admit des Gaulois dans le Sénat, mais en petit nombre ; en- core fut-il obligé de fouffrir que les Romains , choqués d’une pareille nouveauté , en témoignaffent leur mécon- tentement par des épigrammes qui coururent publique- ment dans Rome quelque temps avant fa mort. Ga/los Cœæfar in triumphum ducit : iidem in curia braccas depofue- runt latum clavum Jumpférunt. * Cependant, cet état pur de Municipalité , fans aucun mélange de Masiftrature Romaine, de Lois & de Re- ligion étrangeres, ne dura pas long-temps. Les Cim- bres , les Teutons & d’autres peuples firent des incur- fions dans la Province Narbonnaife : ils attaquerent les armées des Confuls, & remporterent fur eux qua- tre vi@toires fignalées ; ils engagerent les Touloufains à fe joindre à eux. Ceux-ci, accoutumés à donner des Lois & à régner fur les Peuples, fupportoient avec im- patience la néceflité qu’ils s’étoient impofée de fournir des Troupes à leurs nouveaux Alliés : ils ne voyoient dans les Romains que de véritables ennemis, pour la gloire defquels 1ls travailloient fans en retirer aucun avantage ; ils crurent avoir trouvé une occafon favo- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 171 rable de recouvrer leur ancienne indépendance dans toute fon étendue : ils leverent des Troupes, & les joignirent aux armées des Cimbres. Cependant, la ville fe partagea en deux fa@tions : lune, fidelfe aux Romains, donna avis à Cæpion, nou- veau fenons de la Province, des mouvemens des Touloufains, & lui facilita le moyen d'introduire des Troupes dans Touloufe : Cæpion en abufa ; il ivra la Ville au pillage, profana fes Temples , & s'empara des tréfors qu’ils renfermoient, & qu'on croyoit avoir été dérobés par les Te&tolages au Temple de Delphes Qu). Cæpion fut attaqué l’année fuivante par les mêmes Cimbres, qui avoient à venger les violences exercées dans Touloufe, & leur haine particuliere à fatisfaire , indépendamment de leurs anciennes querelles avec les Romains. Ils fe jetterent fur fon camp & fur celui de fon colleoue Mallius: ils y paflerent au fil de l’épée tout ce qui s’ofirit à leur reffentiment : le carnage fut confidé- rable , & la viétoire complete; à peine fe trouva-t-il dix foldats en état d’en aller porter la nouvelle à Rome: quatre-vingts mille hommes couvrirent les deux champs de bataille : on crut les Dieux favorables à Touloufe ; on regarda pär-tout, même à Rome, la défaite de Cæ- pion comme la punition de fon impiété (2). (1) Cùm Tolofates, focit ac fderati populi Romani, fpe ac pollicirationi- bus Cimbrorum concirati , milires Romanos qui præfidio erant in vincula con- jeciffent, noëu repentè éntroduc?i ab amicis Romant , urbem occuparänr € Jana diripuerunt , aliaque innumerabilr pecunia funt poriti quippè ea civitas jam inde ab antiquis temporibus opulentiffima ac prætereà donartrs, quæ olim Galli, duce Brenno, in Græciam profeclr à Delpkico remplo abfiulerant, ornara erat. Ercerpta Valefii p.630. (2) Norum proverbio eft aurum Tolofanum, quod Quintus Cæpio , capra Tolofé , diripuir, ut narrat Gellius, L. 3, Juflinus L. 32, aliique plures ÆExcerpra Valef, p. 630, 172 MÉMOIRES La République envoya Marius pour réparer les per- tes de Cæpion : il regardoit les Touloufains comme fuf- pes , à caufe du reflentiment que devoit leur avoir inf- piré le traitement qu'ils avoient efluyé de fon prédécef- {eur, Pour découvrir les fentimens des Teëtofages & des autres Peuples de la Province , dont la fidélité lui étoit fufpeëte, 1l fit porter de fa part des lettres à cha- que Peuple en particulier , avec défenfes de les ouvrir avant un jour défigné : il prévint le jour indiqué , fit demandertoutes fes lettres, & vit que la plupart avoient été ouvertes , ce qui le confirma dans la défiance, & lui fit connoître les difpofitions de ces Peuples à la ré- volte. Les Te&ofages Touloufains la firent éclater les premiers fous la conduite de Copillus leur Roi : il fut vaincu par Marius, qui le fit prifonnier l'an 650 de Rome. C'eft à cette époque que le fort de Touloufe dut changer : elle devint Colonie Romaine , & fut privée d’une partie de fes terres : on envoya plufieurs de fes habitans à Rome, qu’on répandit dans les Tribus. Ils furent remplacés par des Romains ; & cependant Tou- loufe ne ceffa pas d'être ville Municipale, puifqu'elle conferva fon culte, fes Magiftrats & fes Lois. S1 les Romains avoient à punir la défeétion des Touloufains qui s’étoient révoltés , ils avoient aufli à récompenfer la fidelité de ceux qui étoient toujours reftés attachés aux intérêts de la République : ils furent tous aflujettis au paiement d’un tribut; mais il n'y avoit point de Co- lonie au-delà de l'Italie qui en fût exempte, fi l'on en excepte les maritimes : mais ils conferverent leur culte, auquel ils tenoient par religion & par politique, & pour la confervation duquel ils auroient fait bien d’au- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 173 tres facrifices. Au refte, on contefteroit vainement que Touloufe ait été une Colonie Romaine : le Capitole, les Temples, l'Amphitéâtre, les Bains & les autres édi- fices publics que les Romains avoient fait conftruire dans cette Ville, le prouvent invinciblement : il nous refte encore quelques veftiges de ces monumens, de la magnificence de ces Conquérans, malgré les ravages du temps, le zele inconfidéré des premiers Teétofages Chrétiens, la barbarie des Gots & la fuperftition des Sarrazins (1). D'ailleurs le grand nombre des Romains qui habitoient cette Ville, en eft une nouvelle preuve. Referta negotiatorum eft , &c. Cic. pro Fonteio. Le fort de Touloufe refta donc fixé à cette époque: la révolte de Copillus fut la derniere, & Touloufe de- vint ville Municipale pour les indigenes, & Colonie pour les Romains, qui étoient gouvernés par des Ma- giftrats Romains. Prefque tous les Auteurs conviennent qu’il fut établi une Colonie Romaine à Touloufe * ; mais ils ne font point d'accord fur l’époque de fon établiflement : il ny en a pas de plus vraifemblable que celle-ci. On me conteftera fans doute que Touloufe ait pu réunir les privileges des Colonies à ceux des villes Mu- nicipales , parce que rien n’étoit plus oppofe à l’état de Municipalité que le droit de Colonie : c’eft ce que nous apprennent Feftus & Aulugelle. Celui-ci raconte que l'Empereur Hadrien avoit prononcé devant le Sénat un (1) Charlemagne remporta une viétoire fignalée fur ‘Zalma, Général des Sar- rafins , en 721, fous les murs de Touloufe. Vaiñette, Hiftoire du Languedoc, tome premier. * Ptolémée, Irc 10: 174 MÉMOIRES difcours plein de patriotifme & de politique , dans le- quel 1l prouve combien leur condition étoit dents Ce font en effet ces textes qui ont égaré la plupart des Auteurs qui ont parlé de la Colonie de Touloufe , & leur ont dérobé la véritable fituation de cette Ville, voyant d’un côté toutes les preuves d’une Colonie, & de l’autre la confervation de fa liberté, de fon culte & de fes Lois , & ne trouvant pas le moyen de con- cilier ces deux états qui paroïflent fi oppofés. Mais quel- que contradiétion qu’il y eùt entre ces ceux conditions, les Romains les réunirent en faveur des Touloufains, parce qu'ils faifoient un très-grand cas de leurs vertus guerrieres, & qu'ils en avoient befoin pour conquérir l'Aquitaine, le Rouergue, l'Auvergne & l’'Efpagne, & que les TFeétofages- -Touloufans en particulier furent très-utiles à Céfar en 698 contre les Aquitains, en 702 contre les Allobroges , & en 705$ contre les Auver- gnats. À travers les 1 imputations odieufes dont Ciceron Charge les Te&tofages de Touloufe dans fon Oraïfon pour” Fonteius, on démêle facilement l’eftime qu'il avoit pour cette Nation. Ce font, dit-il, ces peuples qui ont bravé mille dangers, fupporté les plus grandes fatigues & traverfé un pays immenfe pour aller dépouil- ler le Fempl e de Delphes de fes tréfors ; qui ont autre- fois afliégé le Capitole, qui croient ne pouvoir appai- fer leurs Dieux que par des viétimes humaines, & dont l'audace extrême eft pour luiun fujet d’étonnement qu 7] auroit bien de la peine à fe perfuader s’il n’en étoit le témoin. Aujourd'hui même, dit-il, les députés des Teétofages de Touloufe, l'air arrogant , la tête altiere, menacent Rome d’une tie guerre fi on leur refufe la deftitution de Fonteius leur Proconful : rappel que DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 176 le Sénat accorda aux Teétofages par prudence ou par juftice, malgré l’'éloquence de l'Orateur Romain, les larmes d'une Veftale, & la puiflante follicitation de Narbonne & de Marfeille. M. l'Abbé Fenel étoit bien perfuadé de l’eflime que les Romains avoient conçue des Gaulois, dont les Teétofages faifoient partie, lorfqu’il fait cette réflexion : mais quelque chofe qu'on veuille dire des Romains, ils ont toujours craint les Gaulois, & n’ont rien négligé pour les afloiblir (1). J'ai avancé que les droits des Municipes étoient op- polés à ceux des Colonies. En effet, les Municipes con- {ervant leur République féparée & diftin@e de celle de Rome, confervant leurs Lois, leurs Magiftrats , leur culte & leurs ufages, n'étoient point infcrits dans les Tribus de Rome , n’avoient point droit de fuffrage dans les Comices, n'avoient aucune part aux charges de la République , ne s’obligeoient qu’à fournir des Troupes auxiliaires commandées par un Chef de leur Nation (1) Rome , qui chercha toujours à rendre odieux, méprifables & ridicules les peuples qui lui avoient le plus réfifté, ou qu’elle redoutoit le plus , avoit pris plus de précautions contre les Gaulois , après qu'ils fe furent rendus maîtres du Capitole, que contre les autres Nations ; elle fufpendoit les privileges accor- dés à l’âge ou à la condition, qui difpenfoit du fervise militaire, lorfque les Gaulois menaçcient Kome, & avoient deftiné des fonds pour fournir aux frais des Suerres qn'elle auroit à effuyer contr'eux, qu’elle appeloit Ærarium Galli- cum , dit Dion, ercerpta Valefir. Sed notandum Romanos Autores nullis gentibus in kiflorié immanitatis vi- 2um crebrius objicere folere quèm his, quarum vértute funt periclitari. Scythæ tgttur & Parthi, Galli quoque in Romanæ hifloriæ monumentis immanitatis accufantur quemadmodüm perfidiæ pæni, dit Mecla. Cæfar autem veritus ne ad Tolofam Helverii proficifcerentur, flatuit porits ils raies guäm fi cum Helveriis it confpiraffenr. Ex Dione Caflio, Lib, 3%, p. 88. Nemo fapienter de Republicé nofré cogitavit quin Galliam marimè rimen- dam hic imperio putarit ... Alpibus Italiam munierat anre natura , non fine aliguo divino numine ;nam ft ille aditus Gallorum immanitati mulrirudi- nique potuiffet, nunguèm hæc urbs fummo émperio domicilium ac fedem præ- buifer. Cic. in orat. de Province, Conful. * Academ, des Infcript, tom, 24. 176 -" M'É M0 TRES pour partager avec leurs Légions les travaux militai- res, & n’étoient pas gouvernés par des Magiftrats Ro- mains ; cependant , après bien des années d’une fidélité éprouvée, ils pouvoient afpirer à devenir Citoyens Romains. Les Colonies au contraire partoient de Rome , & ne cefloient pas d’être Romaines ; elles avoient un Sénat Romain, ne connoifloient d’autres Divinités , d'autres Lois, d’autres Coutumes , d’autres Magiftratures que celles de Rome. Ces deux états étoient évidemment contraires, & les TeGtofages ne pouvoient lés réunir ; mais la ville de Tou- loufe pouvoit renfermer dans fon fein, des Romains qui formoient une Colonie, & lesindigênes qui conftituoient la ville Municipale. Ainfi elle pouvoit être regardée en même-temps fous ces deux rapports de Colonie & de ville Municipale ; cet état même n'étoit pas aufli rare qu’on pourroit le penfer ; il devint le droit commun des pays conquis, & fur-tout des Gaules, où 1l a été confervé même après la deftruétion de l’Empire Romain. Les Romains l’avoient accordé dans les Gaules à tou- tes les Villes qu'ils n’avoient pas réduites à l’état de Pré- feQure, c’eft-à-dire , aux Villes confédérées , & fur-tout aux Municipes. Chaque peuple conferva fes Lois, fes Magiftrats, fon culte : les Bourguignons, les Gots & les Francs refpeéterent cet ufage ; la Loi Salique & celle des Ripuaires le confacrerent. Burgundionibus mitiores Lepges inflituit, ne Romanos opprimerent , dit Grégoire de Tours, liv. 11, chap. 33, parlant de Gondebaut. Clovis & fes premiers fuccefleurs adopterent cette politique de Rome ; ils conferverent aux Romains, {oumis à leur empire, le privilege d’être jugés confor- mément DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 177 mément aux Lois Romaines : inter Romanos neoocia cau- Jarum Romanis lepibus præcipimus terminari.* Thierry, fils de Clovis, ordonne que les habitans de la contrée des Ripuaires, foit Francs , Bourguionons, Allemands, foit de toute autre Nation, foient cités & jugés conformément à la Loi du pays dont ils font ori- ginaires. Âoc autem conflituimus ut infrà pagum , tam Franci, Burgundiones, Almanni , feu de quacumque Na- tione fuerit commoratus , in judicio interpellatus, ficur Lex loct continet, ubi natus fuerit, fic refpondear. Lois Ripuaires, tom. 32. Le même Thierry laïfle à chaque peuple qui eft fous fa domination la liberté de vivre felon fes coutumes : unicuique oenti quæ in ejus poteftate erat , fecundèm confue- tudinem fuam vivere. Dom Bouquet , tom. 4. La huitieme formule de Marculfe vient encore à l'appui de ces textes : elle nous apprend que les provi- fions accordées aux Comtes & aux autres Juges , enjoi- gnoient à ces Officiers de juger les Francs, les Ro- mains, les Bourguignons , ainfi que ceux des autres Nations, du reffort de leurs Juridiétions, felon la Loi & les Coutumes que chacun d’eux fuivoit : omnes po- puli tam Franct, Romani…. vel reliquæe Nationes fub to regimine..….. eos reclo tramite ,fecundüm Legem E confuetu- dinem eorum repas. Formule de Marculfe, liv. 1; c’eftle langage uniforme de tous nos Hiftoriens; Grégoire de Tours EE par-tout que toutes les Villes de France, qui avoient obtenu des Romains, les privileges de la Mu- nicipalité , conferverent, fous la premiere race de nos Rois, tous les avantages de ce régime, fans aucune al- tération. [l n’étoit donc point incompatible, mais au contraire trés-naturel & conforme à la politique ro- Tome IF. * Balufe, t. 11, formul, 8, liv. 1. 173 MÉMOIRES maine, que Touloufe füt regardée à Rome comme Ville confédérée, comme ville Municipale & comme Co- lonie. Touloufe, après la défaite de Copillus, aura donc été Colonie pour les Romains, & ville Municipale pour les indigènes. On doit encore la confidérer à cette époque comme ville Alliée, conféderata. J'ai déjà ob- fervé , que lorfqu'une ville Municipale devenoit infi- delle, & que Rome étoit obligée de la réduire, elle la privoit d’une partie de fes terres & de fes habitans, & lui donnoit le nom de ville Alliée : fœæderati funt qui à bello fiunt amici, dit Feftus. Mais c’eft à cette époque que Touloufe efluya ce revers ; elle dut donc recevoir alors cette qualification que Dion lui donne expreffe- ment, & qui n’étoit qu'une modification de la Muni- cipalité. Les Te£tofages de Touloufe, qui n’avoient confidéré dans les premiers temps la qualité de Citoyen Romain qu'avec la plus grande indifférence, dûrent en faire un cas bien difiérent, lorfqu’ils eurent perdu l’efpoir de {é- couer leur joug ,& qu’ils eurent mieux connu ces fiers Conquérans. Ils furent pénétrés d’admiration , d’eftime & de refpe& lorfqu'ils virent de plus pres 1 grand nombre de peuples qu'ils avoient affervis , les aétions vertueufes par lefquelles ils fe fignaloient, la fagefle de leurs Lois, l’ordre admirable qui régnoit dans leur po- lice & qui lioit tous les Ordres de l'Etat, les fommes immenfes qu’ils employoient pour la décorfion de Rome & de fes Colonies , celle des Temples, des Arcs de Triom- phe & des ice publics , ou pour l'utilité de toutes les Nations , en creufant des ports & en conftruifant des acqueducs & de grands chemins qui traverfoient tout DE L ACADÉMIE DE TOULOUSE. 179 leur Empire, Tous ces ouvrages magnifiques , dont les débris font encore l’objet de nos recherches, annon- coient la fupériorité de Rome fur tous les peuples de l'univers, & fur-tout fur les Gaulois, qui, n’ayant aucune connoiflance des Sciences ni des Arts, ne pouvoient regarder ces chefs-d’œuvre qu'avec la plus grande vé- 2 nération, Lorfque les Peuples Municipes ou Confédérésavoient adopte les mœurs & les ufages de Rome, ils pouvoient, fans déroger à leurs privileges, jouir de tous les avan- tages du Gouvernement Romain , & même parvenir à tous les honneurs de la République. Car dés qu'ils avoient donné des preuves fufhfantes de leur fidélité, les Romains étoient dans l’ufage de les en récompenfer en leur donnant fucceflivementtous les droits de Citoyen Romain , fans les obliger pour cela à changer la forme de leur Gouvernement. Ce fut là le fort de Touloufe : fa fidélité , fondée fur de nouveaux principes , alla en croiflant, & reçut de la République de nouveaux bien- faits à mefure qu’elle lui rendit des fervices. J'ai déja dit qu'en 698, Céfar avoit tiré de Touloufe des fecours contre les Aquitains ; en 702, contre les Gaulois, les Allobroges & les Arécomiques (1): une infcription de cette époque, porte textuellement le nom de ces trois Peuples, & en 703 , contre les Auvergnats: multis for- tibus viris Tolofa, Carcaffone , Narbone, evocatis dit Céfar , de Bello Gallico, liv. 3. (1) C. IVL. CAESAR. DE GALLEIS ET ALLOBROGIBUS ET ARECOMICIS TRIOMPHAVIT. Rulman, Infcriptions de Nîmes. 180 MÉMOIRES C’eft à cette époque que Touloufe dut recevoir de Céfar les privilèges des habitans'du Latium, c’eft-a- dire, la grace la plus diftinguée que les Romains accor- dafient aux Peuples étrangers : voilà pourquoi Pline met Touloufe au nombre des villes Latines (1). Mais en707, il lui accorda, ainfi qu’a la Province Narbon- naife , une faveur bien plus fignalée, c’eft d’en regarder les habitans comme de vrais Citoyens Romains, en admettant dans le Sénat des Gaulois de cette Province, en reconnoiflance des fervices rendus dans ces trois guerres. En 708, il accorda le privilege du Latium à Carcaflonne : il avoit déjà accordé ce même privilege aux villes de Tafconi & des Taraufconienfes, qui dé- pendoient de Touloufe , & que Pline appelle oppida La- tina ; & comme il n’eft pas vraifemblable que Ceéfar ait voulu plus décorer les Villes dépendantes de Tou- loufe, que leur Métropole, on doit en conclure que Touloufe avoit recu ce privilege en 705 ou en 706. Je crois avoir fixé l’origine de.la Municipalité de Touloufe , & l’époque de fon établiflement , ainfi que les temps auxquels elle reçut les privileges de Colon, de Ville alliée & de ville Latine. J’examinerai dans la fuite de cet ouvrage les effets que ces différens droits produifirent jufqu’à la premiere race de nos Rois. tés mhPV ORNE "NUS Na SA TEA NE eines hus ée me ven OR ARR (1) Narbonenfis Provincia pars Gallorum, braccata ante dicta, Italia ve- rius, quam Provincia……. Oppida illiberis, rufcino, Narbo Marius Decu- manorum Colonia, Oppide , Agatha quondam Maffilienfium & regio Volca- sum Teélofagum : in mediterraneo Coloniæ, Arelatæ Sertanorum , Bererræ Seprimanorum , Araufio Secundanorum... Oppida Latina Aquæ Sertiæ, Avenio Cavarum.… Cabellio…. Carcafum Volcarum Teclofagum , Nemaufum Are- comicorum, Pifcenæ, Rutheni, Sanagenfes, Tolofani Teclofagum Aguita- riæ contermini, Tafconi, @ Pline, L. 3, c. 4. DÉ L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 181 NOMME CNE SUR quelques Cryflaux de Pierre de corne € de Petrofilex. Par M. PICOT-LAPEYROUSE. £ Lu le 27 Mai Les Minéralogiftes Allemands connoiflent les cryf- ,,,. taux de roche de corne. Ceux d’entreux qui refufent une origine volcanique aux laves en colonnes régulie- es , fe fervent de l'exemple de ces cryftaux, pour prou- ver que le bafalte a pu être formé dans l’eau par un fimple dépôt. Les Auteurs modernes ont beaucoup écrit fur la pierre de corne ; elle joue un fi grand rôle dans la nature ! Néanmoins je n'ai encore vu dans aucune Minéralogie, dans aucun Lithologue ou Cryftallogra- phe, qu'il fût fait mention des _cryftaux de roche de corne & de pétrofilex. Et ce qui me paroit bien digne de remarque , la cryftallifation qui doit être l’état par- fait des minéraux, le complément de leur organifation, dont tous les corps du regne minéral doivent être fuf- ceptibles , & qui eft fi ordinaire au plus grand nombre, femble avoir été refufée aux fortes de pierre, que la nature a travaillé en grand , & qu’elle a choifi de 182 MÉMOIRES préférence pour les employer à la fabrication des gran- des chaînes de montagnes (1). Ne connoiffant donc aucune defcription des cryf taux de pierre de corne & de pétrofilex, je vais tächer de développer les formes qu'ils affle@tent. J'en poflede plufieurs morceaux , ils m'ont été envoyés de Saxe, & ont été trouvés dans la mine de Furflen- Vertrag, à Schnéeberg. Ces cryftaux , au premier coup-d’œil, femblent appar- tenir au {path calcaire prifmatique. Avant que d’exami- ner en détail les différences de leurs formes cryftallines, j'ai voulu m’aflurer de leur nature. Ils ne font point feu au briquet ; humeëtés avec le fouffle, ils répandent une forte odeur terreufe. Ils font aflez durs; les traits qu'on grave fur leur furface , avec une pointe d'acier, & la poufliere qu’on en détache, font d'un gris clair. ls font opaques, leur grain dans É caflure eft fin, uni & aflez ferré. Mouillés avec un acide, ils l LME promp- tement, fans aucune effervefcence. L’efprit de nitre , aidé d’un degré de chaleur modéré, en a diflout une partie. Au chalumeau, j'en ai réduit avec facilité un fragment, en une fcorie poreufe & noire. Tant de caraéteres réunis n’ont pu me laiffer de doute. J'ai reconnu la pierre de corne à laquelle ils appartien- nent, & qu'ils diflinguent de toutes celles qui s’en rap- prochent , & qui n’en different que par la dofe de leurs élémens. Paflons maintenant à la figure de ces cryf- taux. A. Cryftaux de roche de corne en prifmes hexaëdres, (1) Je poffede un petit morceau de jafpe rouge parfaitement cryftallifé en cubes, Voyez {a defcription dans nos Mémoires, tom. 1, pag. 305 DE L'ACADÉMIÉ DE TOULOUSE. 183 terminés par des pyramides triédres à plans penta- gones. Ces cryftaux font noirs. Les plus grands ont fix lignes de hauteur fur quatre de diametre. Ils font implantés fur une roche de corne très-ferrugineufe agglutinée à un fragment de roche grénatique. La figure de ces criftaux a de grands rapports avec celle que le fpath calcaire affeéte aflez communément, & que M. Romé Delile a décrite dans fa Cryftallogra- phie, vol. 1, pag. $og, var. 4. Mais lorfqu'on les rapproche , & qu’on fait leur comparaifon en détail , on ne tarde pas à s’appercevoir que les cryftaux de roche de corne different eflentiellement de ceux du fpath calcaire prifmatique. En eflet, les plans du prifme du fpath calcaire, font pentagones ; dans la roche de corne ils font quadran- gulaires. Dans le fpath, les angles folides des plans du prifme, alternent avec ceux des pyramides; dans la ro- che de corne, ils font tous terminés à une même hau- teur, & par une feule ligne fur laquelle coincide la bafe de la pyramide qui furmonte le prifme. On doit fubordonner à cette figure deux va- riétés. I. VAR. Pierre de corne en cryftaux lenticulaires pofés de champ. Ce font des hexagones produits, par la jonétion à leur bafe, de deux pyramides triédres obtufes , fans au- cune.trace de prifme. Ces cryftaux, dont plufieurs ont huit lignes de dia- metre , font d’un beau jaune. Leur bord eft mince, & prefque tranchant. Ils font logés dans la cavité d’un quart gras, mêlé de pierre de corne noire. 184 : MÉMOIRES Il. VAR. Cryftaux lenticulaires dodécaëdres , de pierre de corne. Les fix angles folides formés par la rencontre des deux pyramides triédres de la variété précédente , font tronqués net; ce qui ajoute à la bafe des pyramides fx petits plans triangulaires ifoceles , alternativement verticaux , & change en pentagones , les fix rhombes de la variété Le. Cryflallos. pl. IV, fig. 6. . Ces cryftaux font noirs, & ont pour gangue une pierre de poix jaunâtre. La figure de ces deux variétés eft abfolument la même que celle de deux variétés du fpath calcaire prif- matique ; fans doute que de même que le grèz cryital- lifé doit fa forme au {path calcaire qu'il contient, on doit attribuer aufi à la pierre calcaire qui eft une des parties conftituantes eflentielles de la pierre de corne, les formes de cryftallifation qui leur font communes. B. FÉTROSILEX en cryftaux oftaëdres rhomboï- daux. Cryffalloo. pl. V, fig. r. Ces oftaëdres ont neuf lignes dans leur plus grand diamètre. [ls font engagés en partie dans un pétrofilex blanc , mêlé de pierre de corne verdâtre. Malgré toute la vénération dont je fuis pénétré pour les décifions & l'avis des favans Profeffeurs Saxons, je ne faurois adopter leur opinion à l'égard des cryflaux dont il s’agit ici. Ils les regardent comme appartenant à la pierre de corne , & ileft vrai quecomme elle, ils exhalent une forte odeur d'argile lorfqu’ils font humec- tés par le fouffle. Voilà le. feul caraétere qui leur foit commun. Car, fans parler des formes cryftallines , trop différentes pour ne pas annoncer diverfité de nature dans les fubftances qui les afleétent, la caffure vitreufe & DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 185$ & un peu lamelleufe , de ces cryftaux , leur demi-tranf- parence fur les angles , la fcintillation au briquet, leur dureté plus grande , la difficulté que j'ai éprouvée à les fondre , toutes ces qualités font propres au pétrofilex , & éloignent évidemment ces cryftaux oftaëdres des pier- res de corne , auxquelles il eft impoffble de les aflocier. J'ai donc cédé à leur nature & à l’obfervation pour leur afligner le rang qu'ils doivent occuper ; & pour avoir changé de place , ils n'auront rien perdu de leur mérite, Tome IF. Âa 186 MÉMOIRES DE S CRISE AT IPOUN ES TRUE LS D PO LARDE Dir Traquet montagnard. Par M. PIcOT-LAPEIROUSE. PE Le Vorcr encore une efpece d'oifeau dont la connoif- | * fance a échappé aux Ornithologiftes, & dont les plus modernes d’entr'eux ne font point mention. Quoique j'aie beaucoup parcouru les Pyrenées, je ne l'ai encore ob- fervé que dans cette petite paitie du Rouflillon , ap- pelée le Conflent. Il n’eft pas rare fur les rochers de Villefranche , & des bains de Vernet au pied du Ca- nigou. Le Traquet montagnard eft plus petit , environ d’un dixieme , que le merle commun, mais il eft un peu plus fort que le merle folitaire , avec lequel 1l a quelques rapports phyfiques & moraux. Sa longueur du bout du bec à l'extrémité de la queue, neuf pouces. Ses ailes plus courtes que la queue, d’un pouce. Huit pouces fix lignes du bout du bec à celui des ongles. Le bec, dix lignes. La jambe depuis le genou, un pouce. Le doigt de derriere, avec celui de devant, dix-huit lignes. Le doigt du milieu, neuf lignes. La queue, deux pouces huit lignes. Huit pouces d'envergure. Ses ailes pliées vont aux deux tiers de la queue. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 187 Le bec noir cylindrique un peu arqué vers la pointe, fans échancrure à la mandibule fupérieure. L'iris brun foncé. Le plumage uniforme , d’un noir mal teint. La poitrine d’un brun plus clair, l’extrêmité des pennes des ailes encore moins foncées. Dix pennes blanches terminées de brun à la queue; arrondie. Les deux pen- nes du milieu brunes jufqu’à mi-queue. Les couvertures fupérieures & inférieures de la queue, blanches. Les pieds & les ongles noirs. La troifieme penne de l'aile la plus courte de toutes (1). J'ai étudié à loifir plufieurs individus des deux fexes, je n’ai fu trouver aucune dif- férence extérieure entre le mâle & la femelle. Ce Traquet le plus gros de fa famille, n’habite pas conftamment & fans intervalle les rochers du Conflent. Il les quitte au commencement de l'automne , & re- vient toujours y reprendre fa demeure vers la fin de l'hiver. Il n’eft pas cependant fans exemple qu'iln'y en refte quelques-uns. On en a tué à Vernet au cœur de l'hiver. Il eft probable que cet oifeau habite les déferts, les montagnes élevées , & qu’il fe rapproche des lieux habités , lorfqu’il reffent l'influence du printemps, afluré d'y trouver une nourriture plus abondante , pour la génération nouvelle à laquelle il va donner l'être. C’eft à peu-près vers le mois de Mars que ces oifeaux commencent de s’accoupler. Ils pofent leur nid dans (1) Pour rapprocher mes defcriptions du ftyle fyftématique introduit avec tant d'avantage, par LINNÉ, & adopté par tous les Naturaliftes modernes, j'ai ef- fayé de fupprimer les verbes. Jai cru devoir employer cette maniere, quoique infolite , dans les defcriptions que j'ai faites pour la FLORE DES PYRENÉES, Ouvrage d'une grande étendue , annoncé depuis long-temps au public, dont plu- fieurs parties effentielles font prêtes, & dont la publication n'eft arrêtée que paree que les avances très.confidérables qu'il exige nous forcent de calculer & de compoler avec des circonftances, qu'aucune intelligence humaine n’auroit pu prévoir. 188 M £ MIOURES le creux des rochers, des mafures, des murailles feches de clôture. Ce nid eft circulaire entierement , fait de graminées artiftement entrelacées, & matelaflé dans le fonds d’un peu de laine, & de quelques plumes par-deflus. Py ai trouvé cinq ee tout blancs , très-pointus d’un bout , & aflez gros relativement à la Gill de l’oifeau. Hors le temps de la pariade, ce Traquet vit feul far les rochers efcarpés ; il y fait la chafle aux infeétes, & vit dans un mouvement continuel, toujours fautant, & remuant fans cefle fa queue de bas en haut habitu- des cuis du genre auquel il appartient , & qui, s’ilétoit permis de juger fainement du moral par le phyfique, fembleroient indiquer l'inquiétude & la mo- rofité de ces petits êtres. Il fe nourrit principalement d'infeêtes, fur-tout de colopteres, dont j'ai trouvé fon géfier rempli. Ty ai vu encore beaucoup de bayes & ‘de graines ; j'ai re- connu celles du Noirprun des Alpes, Rhamnus Alpi- nus. Lin. Loriqu'il prend l'effor, ils’éleve perpendiculairement de quinze à vingt toifes, & chante en même-temps à peu-près comme le Moie Il étale alors ce large cœur blanc, dù à la difpofition des plumes de la queue , & à celle de leurs couleurs , & qui brille d'autant plus, qu’il contraîte davantage avec la couleur fombre du refte du plumage. Quelque médiocre que foit l'intérêt d’une pareille nouveauté, c'eft toujours un petit chainon de plus ajouté a la grande chaîne des êtres. DE L’'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 189 DESCRIPTION d'un Météore finoulier. LE Samedi 24 Juillet 1790, à neuf heures du foir, parut un météore , dont M. Lapeiroufe rendit compte à la féance de l'Académie, du 29. Il étoit à la prome- nade avectrois autres perfonnes. Le ciel étoit aflez ferein ; quelques nuages bas & légers paroïfloient feulement à l’oueft ; la Lune éclairoit : tout-à-coup, dit-il, nos yeux furent frappés d’un fpeétacle dont il eft plus ailé de faire la defcription, que de rendre l'intérêt qu'il nous infpira. Dans la direétion du fud-oueft au nord-eft, à la hau- teur des nuages , un feu , qui avoit un mouvement ho- rizontal, nous fit d’abord croire que c'étoit un refte de quelqu’énorme fufée. La lenteur de fa marche, fa forme, fa groffeur qui alloit toujours croiflant, nous détromperent bientôt. C’étoit d'abord un feu mât & tranquille qui s’anima par degrés, changea deux fois de nuance , & devint fcintillant comme les gerbes d’ar- ufice, Ce feu alla toujours en fe renflant, & finit par jeter de fon ein , fans aucune explofion , un globe clair, vif & argentin, tel que celui des feux de lance ; ce globe enfin alla fe perdre dans les nuages. Toute la Ville s’'apperçut de l'effet de ce météore : la grande clarté qu'il produifit, la fit attribuer aflez géné- ralement à un éclair. Ce phénomene appartient-il à l’éle&ricité ? eft-il pro- duit par quelque gaz inflammable ? Je laifle, ajoute M. de Lapeiroufe , à ceux qui font initiés dans ces myl- 190 MÉMOIRES EEE à réfoudre ce problème, & fur-tout à exp liquer la figure très-finguliere de ce météore. Fidelle à mes principes, il me fufit d’avoir fait connoître un fait plus curieux qu'utile, 1} eft vrai, mais qui doit intérefler tous ceux pour qui les ouvrages inimitables de la na- ture ont quelques charmes. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 191 OBSERV ATION fur une Fille de fix ans, pubere depuis l'age de trois. Par M. Masanrs. Dass le mois d'Avril 1779, M. Mafars fe trou- vant à Bordeaux , une fille qui, à l’âge de fix ans, étoit parvenue à la hauteur de quatre pieds deux pouces, lui fut prélentée par fon pere , qui l'aflura qu elle étoit reftée très-petite jufqu’à fa cinquieme année , & que depuis cinq jufqu’a fix, elle avoit grandi dans la progreflion de deux pouces par mois ; qu'a trois on s’étoit apperçu qu’elle étoit arrivée à l’état de puberté, & qu’ a compter de cette époque , l'écoulement périodique s’etoit régu- lierement foutenu tous les mois. Ce figne non équivoque étoit accompagné , lorf- qu’elle fut préfentée à M. Mafars, du gonflement du fein , autre figne non moins caraëteériftique d'une par- faite puberté ; à l'égard de quelques autres fignes qui annoncent , & du développement des dents, la na- ture avoit été plus tardive : elle avoit fes dents de lait, & à l'exception de fa tête, aucun duvet n’ombrageoit encore aucune partie de fon corps. Elle avoit de l’em- bonpoint, fes jambes & fes bras étoient formés , gros, fermes & charnus : elle étroit bien prife dans fé tail lle, d’une figure d'autant plus intéreffante, qu’elle paroifloit âgée de douze à treize ans, & que la difpofition qu’on trouvoit entre le peu de maturité de fa raifon & l’âge 192 M EM D: PES qu’on auroit pu lui fuppofer, faifoit éprouver un fenti- ment pénible. - ° Quant au moral , elle étoit douce, honnête & caref- fante. Mais ce qui la diftinguoit des autres enfans de fon âge , étoit fon attention à éviter les fautes qui leur font les plus ordinaires , & le plaifir qu’elle éprouvoit à ne pas être confondue avec eux. Au lieu que fes com- pagnes préféroient les jeux de l'enfance, aux ennuis d'une longue toilette , elle, fans trop rechercher la pa- rure , paroifloit l'aimer , fe prêtoit avec plaifir aux foins qu’on prenoit de fon ajuftement , & étoit attentive à ne pas fe déranger. M. Mafars finit par obferver que dans le phénomene qu'il décrit, la précocité de la nature paroïtra d'autant plus furprenante fous une des zônes les plus tempérées, qu’àpeine ofons-nous ajouter foi aux Auteurs (1), qui atteftent que dans les climats les plus chauds de PAmé- rique & de l'Afrique, les filles font nubiles à huit ans, & peuvent être meres à neuf. (1) Prideaux, vie de Mahomet; Logier de Tafñlis, Hiftoire du Royaume d'Alger ; Buffon, Montefquieu, Dictionnaire de l'Encyclopédie, article Puberté , &c, EC, MÉMOIRE DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 193 M É M OIRE SURNGETIMELOMLE ST LO N.: Eft-il fage, eft-il prudent d’'inoculer la pétiee vérole dans l’objet de guérir d'autres maladies ? Par M. MaASsARSs. M: Cuizex (1) obferve que: c’efl un objet qui mé- riteroit des recherches , de déterminer ft un état de mala- die quelconque doit nous empécher de prati quer l’énocu- lation, 6 quelles font les maladies qui doivent nous en détourner. Perfonne ne paroït s'être encore direétement occupé de la difcuflion propofée par M. Cullen. Le hafard m'a fourni des faits qui, joints à d’autres, pourront , avec le temps, y jeter le plus grand } jour. Je n'aurai dans le moment recours à Paurotire de ces faits, que pour éta- blir qu'il eft des états maladifs dont linoculation triom- phe, fans qu'il leur foit oppofé d'autres armes que la perturbation fébrile quilprécede, accompagne & fuit le développement du virus vario! ique dans le fans , la crife qui s’en fait fur la peau, & l'écoulement plus ou moins long que fournit le lieu de l’infertion, lorfque la maladie “a été communiquée par la hou de l’inci- (1) Elémens de Medécine-Pratique, vol. 2, pag. 15, quatrieme édition de l'original Anglais. Tome 1 Bb 194 MÉMOIRES fion , particulierement par celle de l’incifion aux jambes. Je n'aurai pasrecours , pour le prouver, aux effaisrap- portés dans différens Ecrits, où la vie du fujet a été repré- fentée dans un péril imminent avant qu'il füt imocule, & moins encore aux inoculations qui ont été pratiquées à Painfwich dans le Comté de. Glocefter, les unes fur des enfans tourmentés de la dentition, les autres fur des individus à peine rechappés de fievre malignes, les autres fur de phtifiques (1), parce que les fuccès de ces ino- culations , bien loin d’infpirer la fécurité , ne m’ont paru propres qu’à jeter dans la méfiance , & à n’avoir d'autre empire à obtenir fur la raifon, que celui que la crédu- lité fe laifleroit impofer par de témérités heureufes. Décidé à ne tirer mes argumens que de ce que J'ai vu & de ce que j'ai fait moi-même, Je bornerai à onze obfervations la bafe fur laquelle repofe le problème que j'agite dans ce Mémoire. Premiere Obfervation. Dans un temps d’épidémie varioleufe très-meurtriere, la crainte d’une mort prochaine engagea tant de perfon- nes de l’un & de l’autre fexes, a réclamer tant pour elles que pour leursenfans, les fecours de l’inoculation , que pour les arracher à l’épouvante dont elles étoient faifies, & prévenir les attaques de la maladie qui les menaçoit, je fus obligé de ne pas me rendre difficile {ur le choix des fujets. Une fille âgée de 14 ans, qui me parut jouir d’une aflez bonne fanté, fut comprife dans la lifte de ceux que j'avois à inoculer fans autre précaution qu’une potion Pr (1) Voyez le Journal de Médecine, traduit de l'Anglais , 1706 DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 195 cathartique, ou émetico-cathartique qu'il ne me fut pernus de leur faire adminiftrer , à caufe de la brig- veté du temps, que dans les fix à fept jours de calme qui précedent la fievre d’incubation. Cette fievre fut fi tumultueufe dans cette fille, elle donna lieu à tant d’impatiences , & par fois à tant de fecoufles nerveufes, principalement du côté de la tête, que fa coiffe en fut détachée , & m'en fit voir toute la partie chevelue couverte de croûtes épaiffes, noirâtres, qui fe touchoient, & dont l’enfemble fe préfentoit en maniere de grande calotte humide, d’où fuintoitune icho- rofité de l’odeur la plus fétide. Effrayé à la vue d’un mal qu'on m'avoit laifié 19nO- rer (fans doute à caufe de l'habitude qu’on s’étoit faite d'en obferver la perfévérance, fans qu'il eût nui à fa fanté depuis l’âge le plus rendre où il avoit commencé de fe montrer ), Je fus rafluré par tout ce qu’on n'en dit de confolant ; mais je ne le fus pas au point de ceffer de craindre que cette efpece d'impetiso , connue dans l’idio- me du Bas-Languedoc fous le nom de rafque, lorfqu’elle {e fixe à la tête, & en Français fous celui de rache, ne nous jerät dans quelqu'état ficheux ; que ce venin, cgaré par la violence de la fievre & le fpafme de tous les or- ganes , ne fût porté dans l’intérieur & ne s’y fixât après la ceflation de la fievre. En conféquence je redoublai de vigilance & de foins pour prévenir les accidens que je redoutois, & procu- rer à la malade les foulagemens que les circon{tances pourroient exiger. Quelle fut ma furprife de voir qu’à la fin de la durée de la fieve , le mal de la tête tournoit vers l’exication ; que l'éruption des boutons varioleux fe failoit fans orage ; 196 MÉMOIRES que linoculée alloit au mieux, & que peu de jours après que les incifions eurent commencé de couler, fon mal tomboit en grofles écailles, & laïfloit la peau fub- jacente fans rougeur, fans aucune de ces végétations qui font augurer le retour plus ou moins prochain de la maladie. Un an après, j’allai aux informations de cet événe- ment ; on me répondit que l'inoculée continuoit à fe porter à merveilles, & qu’elle fe félicitoit d'autant plus de ne m'avoir rien dit d’un mal dont il ne lui reftoit pas le plus petit veftige ; que fi elle m'en avoit inftruit j aur- Ois A rDlabeene refufé de l’inoculer (à en juger dumoins par les alarmes que jen avois d'abord conçu ) & que fa tête fe trouveroit dans le même état où elle étoit avant fon inoculation. Deuxieme Obfervation: M. de **, âgé de trois ans & demi, avoit des dar- tres diffeminées fur différentes parties du corps. Ces dar- tres étoient cachées à la vue. Elles étoient vives dans certains endroits, & farineufes dans d’autres. Je le dif- pofai à l’inoculation fans aucun égard pour ces dartres, dont on ne m'avoit pas prévenu. Elle eut un fuccès fi heureux , que quoique les dartres fe fuflent montrées beaucoup plus animées & beaucoup plus prurigineufes avec la fievre, qu’elles ne l'avoient jamais été, elles s'évanouirent vers la fin de l’écoule- ment des incifions , & qu’il n’en a plus paru depuis. Troifieme Obfervation. ! Appelé à un château à quelques lieues de Touloufe DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 197 pour inoculer deux Demoifelles dont on m'avoit exalté Ja bonne fanté , je m'y rends ; Je ne leur avois con- feillé, pour toute préparation qu'un réoime végétal , & une es lavant-veaille du jour où elles” feroient inoculées. La cadette, plus intrépide, fut la premiere qui s’ofirit à l’opération. Le tour de l’aînée étant venu, je fus fort étonné de trouver à fla jambe un cautere qui occupoit le lieu où j'ai coutume de faire l'infertion. Il y avoit été établi à raifon d'un gonflement des glandes du col, d'une efpece de fluxion éryfipélateufe qu’elle por- toit fur le nez, & d’un état ophtalmique des yeux, tous maux originaires de l’enfance. Ces maux s’étoient fi fort affoiblis depuis l’exutoire , qu'on n’y faifoit plus attention. Elle en entrainoit cependant encore de fi fortes impreflions à à mes yeux , que Je ne laurois inoculée qu après les préparations les plus méthodiques , fi j'avois été libre de l’éloigner du château ; ce qui parut, finon impoñlble , dumoins très- incommode, ou pour mieux dire, très-inutile aux parens, qui ne voyoient en moi qu’une follicitude dont ils n’étoient point émus. Réduit par ces entraves à la néceflité de lui donner la petite vérole, ou de la livrer au péril de la con- tratter fpontanément par fon commerce avec fa fœur, le premier parti me parut moins hafardeux que l'au- tre, & je m'y décidai, quoiqu'un peu contrarié par la poñtion du cautere qui me força à l’inoculer au bras. Rien de plus abondant que la matiere.qui s’échappa de ce fonticule tout le temps de la fievre ; il falloit le panfer jufque’à trois & quatre fois par jour. Les bou- tons qui fortirent lorfque la fievre eut diminué , furent 198 MÉMOIRES en trés-srand nombre ; ils vinrent tous à fuppuration, & l'écoulement des incifions, joint a celui du cautere , pa- rut opérer d'une maniere fi avantageufe , que les glan- des du col furent entierement fondues, & les yeux & le nez ramenés à leur état naturel avant que les incifions fuflent fermées. Je propofai de laiffer le cautere ouvert jufqu’au mo- ment où la jeune perfonne eût atteint l’âge de puberté, ce qui n'a pas peu contribué vraifemblablement à la bonne fante dont elle jouit depuis fon inoculation. Quatrieme Obfervation. Il me fut préfenté à Touloufe une Demoifelle âgée de 28 mois, de la figure la plus intéreflante. Sa peau étoit douce, blanche, moelleufe ; mais fa fanté, aflez bonne en apparence, étoit dans le fait fi douteufe ou elle traînoit depuis près d’une année , fur nombre de parties de fon ire des puftules larges ulcérées, de différente forme, fur lefquelles AÉCIDiE Le peu je comprefles & même la chemife, malgré tout ce que la vigilance des parens & des gens de F Art employoient de moyens pour l'empêcher. Cet inconvénient tourmentoit d'autant plus la petite malade, qu'on ne la penfoit Jamais, qu'on ne la chan- geoit jamais de linge, qu ’elle ne versät des torrens de larmes, & qu’elle ne criât qu’elle feroit age, qu’on la Pa Je balançai de l’inoculer ; encouragé cependant par les guérifons que l’inocul ioa avoit opérées fur les fu- Jets dont les maux étoient limités au département de la peau, & ne voyant au furplus dans l'état de la jeune DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 199 malade qu'un mal local qui ne paroifloit pas s'étendre au-dela de ce département , je me déterminai, après quelques préparatifs, à la foumettre à l’inoculation. L'événement en fut fi heureux, qu’elle fe trouva ouérie de fes éruptions ulcéreufes en même-temps qu’elle É fut de fa petite vérole. La feule précaution dont j'ufai pour obvier au re- tour de la fuppuration cutanée , & pour tarir la fource d'où elle émanoit, fi tant eft qu’elle n’eût pas été épur- fée entierement , re par le travail de la fievre vario- lique , que par l'écoulement des incifions , fut de lui ménager une iflue par où elle pût s’évacuer. Dans cette vue, je fis changer une incifion en cau- TÉTe Net E bia qu’on l’entretint pendant un an, ce qui remplit parfaitement mon objet. Cinquieme Obférvation. M de", agé de deux ans & demi, avoit tous les tégumens de la tête rongés par une teigne, tantôt fe- che, tantôt humide. Il fut inoculé avec le même fuccès que fe Demoifelle dont il vient d’être queftion, & de- barraflé de la teigne au moment où l'écoulement des incifions eut pris fin. Sa cure date de huit ans. Il n’y a pas quatre mois que j'eus occafion de pañler quelques Jours avec lui; il fe portoit trés-bien ; fes cheveux étoient auf beaux, auf nourris & aufli épais que fi fa tête n’eût jamais été frappée de la teigne, maladie qui les fape le plus fou- vent jufqu'au bulbe d'où ils tirent leur origine. 100 MÉMOIRES Sixieme Obfervation. Mademoifelle de *** fa fœur, âgée de trente mois, d'un tempérament très- -gras , très - humoral , fut ino- culée poftérieurement , quoique le menton & partie de la face fuflent encroûtés de très - gros boutons lai- teux. L'humeur qui s’en échappoit étoit fi âcre, qu’elle faifoit rougir les parties environnantes , & qu elle les attaquoit quelquefois au point de les excorier. Son inoculation ne réuflit pas moins bien que celle de fon frere , & l’on m'écrivit à la fin de l’écoule- ment des incifions , que la face & le menton étoient totalement dépouillés du mal qui les défiguroit. Septieme Objfervation. Le fils du fieur P..., Orfevre à Touloufe, âgé de uatre ans, étoit tombé dans le feu Jorfqu'il était au maillot. Le côté gauche du vifage étoit ce qui en avoit le plus fouflert. La paupiere inférieure de l'œil de ce côté, étoit renverfée en dehors, & préfentoit l’intérieur bériflé de très- petites éminences d’un rouge , tel, qu’on auroit dit qu'elles étoient toutes en fang ; elle étoit d’ail- leurs fi fort racornie par la brülure , qu'elle ne jouif- foit d'aucun mouvement, & laïfloit voir à nu, même pendant le fommeil, la portion de l'œil qu’e lle devoit couvrir. Ces vices Pau étoient accompagnés d’une eflufion de larmes prefque continuelle , quoiqu ’aucun obftacle du côté des points lacrymaux, ne s’opposät à ce qu’elles priflent la route du nez. IL DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 2ot Il étoit queftion de préferver l'enfant des dégats de la petite vérole, qui en faloit beaucoup dans la rue qu'il habitoit. Je l’inoculai. Indépendamment des préparations que j'avois fait précéder, j'ufai, tout le temps de la maladie, de colly- res , tantôt antiphlogiftiques, tantôt toniques & aditrin- gens, & tantôt réfolutifs , felon le cas. J'avois pour objet en me conduifant ainfi, de ga- rantir l'œil ; habituellement rouge & très -{enfble à | la plus petite impreffion de la pouf fliere, de la fumée, du vent & du grand jour , des irritations réfultantes de la matiere variolique qui pouvoit y afHluer, & de repoufler celle du larmoyement vers fes propres Al , foiten reflerrant les mailles des vaifleaux , à travers lefquelles elle s ’échappoit, foit en détruifant les embarras des par- ties environnantes qui en forcoient la marche dans l’écouloir des glandes, ou en augmentoient l'excrétion de toute autre maniere. L'inoculation produifit heureufement fon eflet ; l'œil n’en fouffrit aucune altération; je m pi dou. ; mais ce qui m'afleéta tres- agréablement, & à quoi je ne m'at- tendois que d’une maniere très-douteufe , ce fut de voir le larmoyement de cet œil confidérablement diminué par l’a@tion de la fievre, & s’épuifer fi bien enfuite par les incifions, qu’il ne refta prefque plus d’épiphore ; que la membrane interne de la paupiere fe dégonfla ; qu’elle perdit beaucoup de fa rougeur ; que la paupiere acquit de l’extenfion, qu’elle fe releva en partie, & que l'œil moins éraillé, é trouva dans un état, finon moins pé- nible pour le fentiment, dumoins plus fupportahle à la vue, Tome IV. Cc 202 MÉMOIRES Huitieme Obférvation. Il y a quelques mois, que des motifs qu'il eft inutile de rapporter , m’obligerent à inoculer un garçon de quatre ans & demi, dont la fanté m'infpiroit quelque follicitude ; fon pouls, cependant , étoit bon & régu- lier, fon appetit excellent , fes digeftions fe faifoient afez bien, mais ilavoit depuis quelque temps le bas- ventre dur, très-volumineux , avec maigreur générale & décoloration du vifage. Il y avoità craindre que cet appareil menaçant d’obf- truétions ne prit un caraëtere inflammatoire à raifon de la fievre qui devoit fuivre linoculation, à moins que les engorgemens des parties afle@tées ne fuflent lympha- tiques & indolens. Avant de procéder à cette opération, je m'aflurai, autant qu'il fut en moi, de la certitude que la congef- tion n’étoit pas de nature à dégénérer au point d'aggra- ver le mal, fi par mes procédés je ne pouvois le détruire. J'ai eu la fatisfaétion, en l’inoculant, de le guérir de cette maladie, & de conduire à bon port fa petite vérole. Je fuis à même de le voir fouvent ; il a pris de l’em- bonpoint, il a repris entierement fes couleurs, & fon bas-ventre n'a plus que la renitance & le volume ordi- naire. INeuvieme Obférvation. On me fit voir un enfant âgé de quatre ans, dont la fanté n’étoit pas abfolument mauvaife , quoiqu'il fût trifte, maigre, pale, & qu’il parüt chétif à d’autres égards. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 203 Ses parens défiroient qu'il fût inoculé. J’aurois voulu le trouver dans un meilleur état. Ce qui m'afle@a le plus des vices de fon extérieur, ce fut fa contenance. Soit qu’il fe tint debout , foit qu'il marchät, foit qu’il füt aflis, fon tronc étoit dans une attitude fi verticale, & préfentoit aux yeux une inflexibilité fi frappante par légalité des angles qu'il formoit de part & d'autre, le ? qu'on auroit dit qu'il n’étoit compofé que d’une piece cylindroïde. Indépendamment d’une auffi finguliere roideur, & de la difficulté que le fujet montroit à plier le bufte en de- vant, Je m'apperçus que le fternum proéminoit fi con- fidérablement vers fa pointe, qu’il formoit une éléva- tion très-marquée fur le devant de la poitrine, & qu'il y avoit un commencement de dépreflion de la colonne vertebrale à l’oppofite de cette efpece de gibbofité. Ces circonftances n’étoient pas une amorce bien {€- duifante pour me lier au vœu des parens ; elles ne m’of- firent cependant rien d'inconciliable avec l’inocula- tion, & Je la pratiquai. Ce fut avec un tel fuccès, qu’à peine la petite vérole eut été terminée, & les incifions eurent fini de couler, que la gibbofité difparut infenfiblement , que l’enfon- cement des vertebres s’eflaça peu à peu, & que le bufte acquit fa fouplefle naturelle. Dixieme Obfervation. Le fieur C..... , âgé de onze ans & demi, fut pris, à l'âge de fix ans, d'une affeftion herpétique prefque univerfelle, 204 MÉMOIRES Cette affeêtion changea bientôt de face ; les pointes dont elle étoit hériflée, fe renflerent, elles vinrent à parfaite fuppuration, & finirent par fe montrer croû- teufes. Le foyer ee de la maladie fembloit s'être établi fur les jambes, qu’elle avoit fait enfler , & qu’elle cou- vroit d’une immenfité de boutons, les uns enflammés, les autres féreux , & les autres tbe Sous ces rapports, ils différoient de leur premiere apparition , quoique produits vraifemblablement par la même caufe. Le mal éluda hs deux années tous les fecours de la Médecine, tant interne qu’externe , & ne céda, après tant de réffance, qu’à l’ufage d’une pommade ad- miniftrée par l'empirifme , & dont on ignore la com- pofition. Trois ans s'étant écoulés fans autres reliquats de cette efpece de gale anomale, ou pour mieux dire, de cette efpece d'éléphantiae , que quelques boutons prurigi- neux , épars çà & là , qui paroifioient & difparoifloient aflez rapidement , le fujet contrafta la rougeole. Elle parcourut fes temps fans inconvénient, mais loin de détruire, ou d’afloiblir ce qui reftoit de la ma- ladie antérieure , elle parut lui donner tant de fougue, qu'il s’éleva quelque temps après une éruption dt très- gros boutons fur les bras, fur la poitrine, fur les cuif- fes, & fi abondante fur les jambes, qu’on craignoit qu’elles n'allaflent éprouver de nouveau les fureurs du mal qui avoit précédé. La peau quiremplifloit les interftices de ces boutons, & fur-tout la peau des jambes, au lieu de conferver fa carnation naturelle, prit une forte teinte de violet DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 205 obfcur , tandis que les boutons dont elle étoit cou- verte, étinceloient du rouge le plus vif, à l’inftar de petits phlegmons. Ces boutons étoient cuifans, & de- mangeoient beaucoup à leur fortie, & pendant le temps de leur accroiflement. La cuifon & la démangeaifon fe ralentifloient à me- fure qu'ils s’'avançoient vers l’époque lente & pénible de leur entiere fuppuration. Cette période parvenue à fon maximum , ils {e convertifloient, par gradations fuccef- fives, en croûtes dures , brunes, larges, & plus ou moins épaifles, dont la chute ne fe faifoit qu'a la lon- que , & étroit fuivie d’autres boutons de la même efpece aux environs des premiers, &c quelquefois fur ic lieu d'où les croûtes s’étoient détachées. C'eft l’état où je trouvai le malade au commencement du mois de Mars de cette année 1790. L'inutilité des moyens qui avoient été mis en prati- que dans les premiers temps, l'ancienneté de la mala- die, l'indocilité du fujet & l'éloignement des parens à fe prêter à la longue fuite de remedes que J'avois à lui prefcrire, me firent naître l'idée & l’efpoir de le guérir en lui inoculant la petite vérole, qu'heureufement 1l n’avoit point eue. Ce projet fut accueilli & réalifé par incifion aux deux jambes, le 24 du fufdit mois, après avoir fait précéder quelques bains & deux purgations. Dès le début de la fievre d’invañon, les boutons naiffans s’évanouirent prefque tout de fuite, les uns par la réfolution , fans laifler des traces de leur exiftence _éphémere ; les autres en fe defléchant & formant une efpece de gros fon brun. Les croûtes de ceux dont la fuppuration venoit d'être tarie, furent moins étendues 206 MÉMOIRES qu'elles ne f’étoient avant l'inoculation , & tomberent beaucoup plutôt qu’elles ne le faifoient pour l'ordinaire. La chute des autres croûtes, dont la tenacité datoit d’un temps antérieur à la fievre , fut générale , & de même accélérée, peu de jours après que les incifions eurent commencé de couler. J'ajoute en finiflant, qu'avant que celles-ci fuflent entierement fermées, la peau des parties affle@tées fe trouva réintégrée dans fa premiere couleur; qu'il n’y fut obfervé aucune éruption nouvelle ; que les phafes de la petite vérole , fous la diverfité de fes apparences , n'eurent rien à foufirir de la maladie concomittante, & que Je vis avec moins de furprife que de plaifir, qu’en même-temps que l’afeftion herpétique galeufe, ou élé- phantique {échoit , ou fe réfolvoit, les boutons vario- leux la dominoient autant par leur accroiflement fuc- cefif, que par la fuppuration à laquelle ils parve- noient. On m'aflura, le 30 Mai 1790, que le fujet fe por- toit au mieux , & que depuis la cure de fa petite vérole il n’avoit efluyé aucune menace de retour du mal de la peau (1). oo (1) J'apprends dans ce moment, 27 Décembre 1790, où l'impreflion de cette Obfervation eft terminée, que bientôr après l’époque où l’on me confirma Ja gué- rifon de Paffeétion de la peau, il s’éleva fur le corps du fujet de gros boutons fuppurans, qui céderent à l'application d’une pommade dont le foufre étoit le principe dominant, Peut-on regarder cette nouvelle éruption comme une fuite de la premiere, quoiqu’elle en differe fous beaucoup de rapports ? En admettant cette fuppofition, il faudra néceffairement convenir que fi linoculation n’en avoit pas irrévocable- ment triomphé, & que le fujet ne l’eût pas contradtée accidentellement après la petite vérole, celle-ci avoit fi fort changé la nature de la maladie , qu’elle a été détruite par un remede dont elle avoit éludé pendant deux ans l'efficacité avant. l'inoculation. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 207 Onxieme Olfervation. M. Jacques J** éprouva à l’âge de cinq mois, une éruption générale de petits boutons rouges, 1folés, tan- tôt à la peau, tantôt entre cuir & chair. Parvenu à l’âge de dix-huit mois, il fut attaqué de ficvres d'accès , qui réfifterent long-tmpes aux remedes, & furent fuivies d’enflures univerfelles, qui firent crain- dre pour une anafarque. Ces deux dernieres affe@ious n'apporterent aucun changement à l’éruption, qui ne cefla de fe maintenir, même après qu'elles fe furent difiipées. On en conçut d'autant moins d'ombrage , que quoi- que l'enfant ne prit point de forces, qu'il eût peine à fe tenir fur fes jambes, qu’il refusât de marcher, & qu’il voulüt être toujours fur les bras ou fur les genoux de la garde qui le foignoit, fa débilité ne paroifloit point être le produit d'aucun vice rachitique. On ne voyoit, en eflet, ni courbure des os longs, ni nœuds aux articula- tions, ni gonflement des os fpongieux. Mais cet état pouvoit-il être celui de la fanté > quoi- que le fommeil fût tranquille , que l’appetit fût bon & que léruption ne causât aucun prurit ‘inquiétant ? On aura de la peine à fe le perfuader , lorfqu’on fera fur- tout inftruit que, depuis fept ou huit mois, il s’y étoit joint une altération qui obligeoit le malade à demander fouvent à boire, & une diarrhée , tantôt féreufe , tantôt plus confiftante qui le faifoit aflez fouvent aller jufques à fix, fept ou huit fois à la garde-robe dans les vinot- quatre heures. Ces indifpofitions , fi on peut les qualifier de ce nom, 208 MÉMOIRES n’avoient rien perdu de leur intenfité à l’âge d'environ trois ans, que le fujet fut confié a mes foins. Il étoit maigre , décoloté : il avoit les chairs molles & la peau ride & feche ; elle fembloïit, au taf, cou- verte de très-petites afpérités ; & par furcroit de fächeu- fes circonftances pour cet enfant, la petite vérole, dont on vouloit le préferver pour le foumettre à l’inocula- tion, lorfqu'il fe trouveroit dans des difpoñitions moins défavorables, avoit gagné tous les quartiers de la Ville & fe montroit déjà dans la maifon qu'il habitoit. Tout failoit craindre qu'il ne la contraëtär ; &, ce qui aggra- voit cette crainte , c’eft qu'il étoit au terme de la vie où lon croit que le corps a le plus de /Af{cepribilité à en re- cevoir les impreflions. Fofai.me flatter qu’en me hätant de l’inoculer, je par- viendrois, non-feulement à le mettre à couvert des périls qu 1 couroit, fi, en temporifant , ‘la petite vérole {pontanée venoit à É déslrcs chez lui, mais encore à triompher de l'affe@ion de la peau, &, peut-être, à trou- ver des fecours fuflifans pour terminer le flux diarrhéti- que dans la correfpondance qui regne entre le tube 1n- téftinal & l'organe cutané où iroit finir de s’opérer la crife varioleufe qui devoit réfulter de l’inoculation. Dans cette efpérance, je l'inoculai par incifion aux deux jambes. Cetteopération réuflit au mieux. Les felles fe ralenti- rent à l'époque de la fievre ; quelques-unes furent ac- compagnées de l hs Ifian de quantité de vers afcarides. Bientôt après, à la fortie des boutons varioleux, elles commencerent à fe mouler ; peu à peu la peau acquit de la foupleffe, elle fe dépouilla de fes afpérités ; les incifions coulerent abondamment ; l’éruption habituelle difparut ; DE L'ACADÉMIE DE TourovsEr. 209 difparut ; en un mot, tout a été fi fort changé par la petite vérole inoculée, que l'enfant n’a plus de diarrhée, qu'il n'eft abfolument plus preflé par l’aiguillon de la {oif ; qu'il a pris de forces , des couleurs & de l’'embon- point ; qu'il marche & court avec agité, & que fes chairs font très-fouples & très-douces. Cette cure date de trois mois, & paroît être arrivée au point de la confiftance la plus folide ; 1l eft peu de Jours, où mes liaifons, en ma qualité de Médecin , avec la famille du fujet , ne me fourniflent l’occafion de m'en aflurer. Voilà des faits que je ne crains pas de foumettre à la févérité de la difcuffion. Toute la faveur que je deman- derai à ceux qui pourroient n'y avoir pas confiance, fera qu’ils veuillent bien répéter mes épreuves, & ne flatuer définitivement fur ce Mémoire > qu'après avoir comparé les obfervations qui y font rapportées, & s'être bien pénétrés du tableau qu'elles préfentent dans leur enfemble. En attendant, je crois pouvoir conclure des vérités qu'elles offrent à mes regards , qu’il eft de cas où , fous la conduite d’un Médecin inftruit & judicieux , il peut être age € prudent d'inoculer La Petite vérole dans l'objet de guérir d’autres maladies. Tome IF. Dd 210 MÉMOIRES SUR un Enfant noyé & rappelé à la vie. Par M. BAqQUuIÉ. (@ qu'il y a de plus remarquable dans ce fait, eft la preuve qu’il offre de l'efficacité de l'infufllation dans le nez, pour introduire l'air dans le poumon, au lieu de FafHiton dans la bouche. M. Baquié fut appelé au fecours d’un enfant tombé dans le Canal Royal ; 1l le trouva fufpendu par les pieds, fous le prétexte ancien & barbare de lui faire rendre l’eau qu’on fuppofoit qu'il avoit bue. Ille fait détacher, & l’expofer nu fur la rive, aux rayons d’un foleil ar- dent. L’afphixié qui avoit paflé demi-heure fous l’eau, & cinq ou fix minutes fufpendu , étoit fans connoif- fance , fans pouls, fans mouvement, avoit le ventre météorife , les levres livides , la bouche écumante, & tous les fignes extérieurs de la mort. De fortes fri&tions fur le corps, & particulierement fur la poitrine & le ventre , l’efprit de fel ammoniac, l’eau-de-vie , le vinai- gre , les liqueurs les plus fpiritueufes font vainement employés pendant un quart-d’heure ; M. Berne l'ayant fait tranfporter dans une maïfon voifine, devant un feu doux , introduit l’air dans les narines de l'enfant, au moyen d’un fouffiet. Cette infulation eft bientôt fuivie de vents rendus par le fondement, & de l’affaiflement DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 211 du ventre ; le malade donne quelques fignes de vie; M. Baquié, pour accélérer fa réfurretion, lui fait ava- ler de force un peu d’eau-de-vie camphrée ; un quart d'heure après le pouls fe rétablit, l'enfant reconnoit fa mere & eft entierement guéri. : Lu le 12 Acûr 1790, 2 12, MÉMOIRES PSS CSSS NEAREL SE DPI NÉE TP ER ELICE CANEE LT ZE ZTUDES ME CCM ON MR UE Contenant recherches fur l’époque de l'établiffément , les fonctions €: l'origine du Miniflere public en France. Par M. GEz. Ir eft inconteftable que l'hiftoire du Gouvernement de Rome, fous lequel les Gaules furent enfin réduites , ne nous offre pas de Partie publique, chargée, par état, de la pouriuite des crimes, & réuniffant les fonétions qu’elle exerce aujourd’hui parmi nous. La raifon en eft fimple. Durant les beaux jours de la République Romaine , chaque citoyen étoitune efpece de Magiftrat prépofé à la garde du bien commun , au- quel 1l étoit permis de s’ériger en accufateur public contre tout citoyen qui l’avoit violé & compromis ; & c’étoit fervir fa Patrie, c’étoit fe montrer vertueux, que de pourfuivre en Juftice réglée celui qui fe conduifoit com- me l'ennemi de tous. De là, l’ufage des a@tions popu- laires. Au contraire, fous les Empereurs, le rôle de dé- nonciateur ou d’accufateur, quoique devenu commun & odieux, étoit un moyen fi propre à ouvrir au grand nombre, le chemin de la fortune ; qu’on n'imagina pas même de s’y décharger du poids des aëtions populaires fur un feul & unique citoyen, irréprochable dans fes mœurs & dans fes aétiors, DEL'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 213 On ne voit pas non plus que cet important Miniftere fût établi avec la réunion & la plénitude de tous fes attributs fous les premieres dynafties de nos Rois. Et comment cela auroit-il pu être ? Nos Chefs, & nous, n’étions que des barbares, toujours armés & refpirant la guerre , autant éloignés de l’efprit d’une bonne Léoif lation que d’un bon Gouvernement. Prefque tous les différends & toutes les accufations fe rerminoient ou par des combats, ou par des épreuves ridiculement fuperfti- tieufes, ou par des compofitions pécuniaires non moins TAN A que révoltantes. Le feul Charlemagne paroifloit capable de réformer entierement l’une comme l’autre ; aufli grand Conqué- rant que grand Homme dans l’art de gouverner, il re- donna à la Nation tous fes droits, & 11 la poliça au- tant que les lumieres de fon fiecle le comportoient : ce- pendant quoique fon regne foit, avec celui de Louis XIV , un des plus longs de nos Ro fon influence fur la Lépiflation s’afloiblit bientôt, & 1e traces de fon génie ne tarderent pas à DÉtiebre parce que fes fuccef- feurs, indignes de lui & du fang qui couloit dans leurs veines , meurent que peu de vertus, & point de ces rares talens qui doivent caratérifer les premiers Magif trats du peuple. Sous la troifieme Race, ce fut Saint Louis qui porta le premier coup à la bare des combats judiciaires. Il réforma en partie l’'adminiftration de la Juftice, & il auroit fans doute pouflé plus loin fa réforme ; & peut- être 1l auroit découvert le reflort puiflant du Miniftere public avec fes principaux attributs, fans la fureur des Croifades, qui, en le portant avec toutes fes forces militaires hors de fon Royaume, le jeta dans les fers 214 MÉMOIRES d'un Sultan d'Egypte , & lui ravit bien des armées qui aurojent fervi a l'amélioration du Gouvernement ainf qu'au bonheur des fujets pour lefquels il étoit né. Il étoit réfervé aux fucceffeurs de Philipe-le-Hardi, d'introduire dans les divers Tribunaux du Royaume un Accufateur public, dont le miniftere terrible & impo- fant, mais toutefois impartial & défintéreflé, fût capa- ble , quand il feroit purgé de toute l’infamie de la déla- tion, de réprimer les méchans, tout comme de tran- quilifer les bons citoyens : & vers la fin du regne de Philippe-le-Bel , l'idée profonde, l’idée fublime de cet établiffement fut concue d’abord, & développée enfuite. I! fut établi une Partie publique, qui, chargée de la pourfuite des caufes intéreffant nos Souverains & leur domaine, fuccéderent aux Baillis & Sénéchaux ; car ceux-ci, dans l’origine, étoient tenus de défendre les intérêts du Roi, & étoient appelés pour cette raifon Aülores Regis , Adlores publict , comme les olim, qui font les plus anciens regiftres du Parlement de Paris, en font foi. Indépendamment des regiftres poftérieursde cette Cour, qui nous apprennent qu’en l’année 1309, Jean de Vafloi- gne fut Avocat du Roi, & dans la même année, Jean du Bois, le feuillet 201 du premier reoiftre du dépôt, nous mon- tre que dés 1331, fous le regne de Philippe VI, nos Rois furent dans l’ufage de donner des provifions de cet emploi a titre de-commiflion. Nous voyons aufli qu’en les ac- cordant à Gérard de Montaigu, Philippe de Valois le nomme dans les Lettres, Advocatum noftrum pro nobis É noftris caufis civilibus in Parlamento noftro præfenti , cætertfque Parlamentis fituris : ce qui fuppofe néceflai- rement , Où quil y avoit un autre Avocat du Roi pour DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 215$ la pourfuite & réparation des crimes, ou que c’étoit le Procureur pour Sa Majefté qui étoit chargé de cette ho- norable & pénible fonétion. Il eft vrai qu'il ne nous refte pas de monument au- thentique & précis qu'il y eût en 1331 deux Avocats du Roi, l'un civil & l’autre criminel ; mais dumoins tout le fait préfumer, parce que celui qui vaquoit aux fonétions civiles du Miniftere public , étoit choïfi parmi les Cleres; & qu'il eft de la plus grande vraifemblance que l'autre étoit pris parmi les Laïcs, puifque dans cer- tains cas, la néceflité qui éroitimpofée à à ce dernier de con- clure à la peine de mort, ne pouvoit l'être à fon coopé- rateur , engagé dans le Sacerdoce ou la Cléricature. Aufli voyons-nous que dans les Lettres du Roi Jean, en date du 22 Juin 1351, 1l eft fait mention de fes Avocats & Procureur au Parlement , Procurator nofter , adque Advo- cati noftri diéti Parlamenti ; & que dans les regiftres de cette Cour , fous la date du 4 Juillet 1433, 1l eft queftion d'un Me. Jean Rabateau, Préfident Lai des Comptes, qui avoit été auparavant Avocat Criminel du Roi, & qui vint prêter ferment en quahté de Confeiller d'Etat. Ce qu'il y a de certain , eft que fous le regne de Philippe VI , il y avoit un Procureur pour le Roi au Parlement , à qui le droit de pourfuivre en Juftice les Criminels, étoit attribué , puifqu'en 1329 , lorfqu'il fallut agir contre le Comte de Beaumont pour raifon des titres faux, dont il appuyoit fa prétention fur le Comté d'Artois, ce fut à la requête du Procureur Gé- néral du Roi que les pourfuites Ê engagerent, & fur fes conclufions que fes biens furent confifqués , en même- temps qu'il fut condamne à un banniflement perpétuel. 216 MÉMOIRES Villaret , dans fon Hiftoire de France (1), a extrait du procès manufcrit qu'il avoit fous les yeux, les Lettres ajournatoires qui furent adreflées ou notifiées au Comte, & qui ne laifent point de doute à cet égard ; elles com- mencent ainfi : « Philippe, par la grâce de Dieu , Roi » de France: À notre amé & féal..... Pair de France; ». comme à la requête de notre Procureur, nous avons » fait ajourner notre féal Robert d'Artois, pour répon- » dre pardevant nous , à notre Cour , fuffifamment garnie » de Pairs, à certains articles criminels & civils, qui » touchent l’état de fon corps & de fa perfonne. » Quoi qu'il en foit du temps où les fonétions des Gens du Roi furent divifées entr'eux, toujours l’épo- que où leur miniftere paroïît avoir été établi, fe rap- porte à la fin du regne de Philippe-le-Bel, c’eft-à- dire, en 1309 ; & celle où ils étoient inveftis du droit de glaive, refte fixée au regne de Philippe de Va- lois ; car on ne peut faire remonter la premiere en l’année 1303, lors de laquelle Philippe-le-Bel rendit le Parle- ment fédentaire à Paris. En effet, dans le nombre des Mapgiftrats deftinés à compofer une premiere Chambre & une autre d'Enquêtes dans ce Tribunal, les Hiftoriens n'en comptent aucun pour remplir le Miniftere pu- blic (2). Il eft bien vrai que Lafaille (3), d’après la Chroni- que de Bardin , nous donne une lifte des Magiftrats du Parlement de Touloufe, que Philippe-le-Bel fe propo- : foit de créer en cette même année 1303 ; lifte où l’on (1) Hift. de France de Velly, continuée par Villaret, tom. 8, pag. 287. (2) Palquier, dans fes Recherches de la France, liy. 2, chap. 3 ; & Du- moulin, tom. 2, nr ordinar. reg. , part. 3; tit. 1, (1) Annales de Touloufe , tom, 1, année 1303. voit DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 217 voit infcrit comme Procureur Général un Antoine de Calmont. Mais la Chronique de Bardin eft générale- ment (1) réputée fufpeéte ; & on tient en point d’hif- toire que ce Parlement n’eut pas lieu. Au demeurant, les Clercs ayant été exclus du Miniftere public, Fe doute incompatible avec les occupations paifibles de leur état, il fut entierement confié aux Avocats & Pro- cureur du Roi avec toutes les fonétions qui y font atta- chées de nos jours, & qu'ils exercent cumulativement les uns pour les autres. - IL. Ces fonétions avoient ; comme elles ont encore, pour objet principal, l'intérêt du Roi & celui de la De ciété , qui font où doivent être inféparables, mais que je CRE ici pour en mieux faire fentir les conféquen- ces, & les rapprochemens qu'ils me fourniflent. L'intérêt du Roi étoit de conferver le domaine dé- pendant de fa Couronne ; & c’eft dans cette vue que les Gens du Parquet ont été chargés d'en furveiiler l’ad- miniftration, d'empêcher qu'il ne fût démembré , d’en pourfuivre les détenteurs, ou de repoufler leurs préten- tions , & d’être enfin les demandeurs ou les contradic- teurs da toutes les aflaires qui l’intéreflent ou qui in- téreflent le Fifc. L'intérêt de la focièté étoit que la tranquillité g oéné- rale , tant les propriétés que la vie du citoyen ne fuflent pas expolées à des dangers, ou compromifes par la force des armes ou la violence des pañlions : & c’eft pourquoi , en Ôtant à un chacun la pourfuite du crime qui ne l’intérefloit pas direftement, on l’a remile à des hommes qui , avoués par la Loi, &' par cela même (1) Voyez les Hiftoriens du Languedoc, Tome IF. Ee 218 MÉMOIRES fans haine & fans penchant comme elle, fe portent, tantôt de leur propre mouvement, pour accufateurs pu- blics, & tantôt reçoivent een la dénonce d’une ation criminelle. De cet intérêt vraiment majeur pour la fociété , 1l eft réfulté que pour d’autres intérêts accefloires à celui-ci, les Gens du Roï ont été comme aflociés à l'autorité lé- iflative du temps, & fe font trouvés peu à peu char- és de la furveillance de la haute police & de l’ordre public, du foin de faire enregiftrer & exécuter les Lois, de promouvoir en quelques cas le renverfement des Arrêts qui y font contraires, de maintenir l’ordre judi- ciaire & celui des Tribunaux entr'eux, de mettre fous leur proteétion & leur défenfe immédiates certains COrps, comme les Eglifes, les Hôpitaux, les Communautés tant Civiles que Religieufes, & certaines clafles de citoyens, comme les mineurs, les interdits & les abfens, & de provoquer enfin contre les Membres de leur Compa- nie la févérité de la cenfure publique, par des mer- curiales faites de mois en mois pour entretenir, fuivant l'Edit de 1629 , «la difcipline des Parlemens, É modé- » ration des épices, les mœurs , l'honneur, hs dignité » des Juges & l'expédition des caufes. » Telles ont été jufqui ici les fonétions de la Partie publique, & tel en a été, pour ainfi dire, le faifceau. II. Revenons maintenant fur nos pas : nous verrons que fi l’Hiftoire Romaine, & files premiers temps de la Monarchie Françaife ne nous offrent pas de modele du Miniftere public, tel qu'il a été réalifé en France fous les fuccefleurs de Philippe-le-Hardi , il en exifte quelques traits en certaines époques des Gouvernemens divers de Rome, & des deux premieres races de nos DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 219 Rois. En forte qu’on peut dire qu’il doit fon origine à des fonétions, qui, éparfes d’abord, & confiées à plu- fieurs mains, ont été réunies & remifes à une feule. Durant l’état républicain de Rome , les Cenfeurs exer- çoient fans doute une infpeétion fort étendue fur les mœurs des fimples citoyens , mais ils furveilloient aufli celles, foit des Sénateurs, foit des Chevaliers, pouvant exclure les uns du Sénat ,en omettant leur nom dans la leéture du catalogue où ils étoient infcrits, & dégrader les autres, lesrabaifler au rang des Plébéiens, en leur ôtant le cheval que leur fournifloit le public, & qui étoit la marque de leur dignité (1). Parmi nous, la fonétion cenforiale des Gens du Roi a été circonfcrite dans l’en- ceinte de leurs Tribunaux ; de maniere qu'elle n’a été confacrée qu’à exciter la jufte rigueur des Magiftrats les uns envers les autres, & à promouvoir quelquefois leur exclufion de la Compagnie ; mais cette fonétion parti- culiere n’eft pas moins une image de la cenfure ro- maine. Sous les Empereurs Romains, 1l y avoit un Avocat du Fifc, Patronus Fifi, dont les fonétions étoient dif- tinétes de celles du Procureur de Céfar, Procuratoris Cæfaris , établi dans chaque Ville principale. Le premier étoit Partie dans les caufes concernant les revenus du tréfor & le domaine de l'Empereur. On ne pouvoit les décider fans lui, & qu'en fa préfence, fuivant une Loi du Code (2). A l'égard du fecond, il en étoit le fimple furveillant, & il jugeoit quelquefois comme Vice-Pré- fident les affaires engagées à ce fujet entre l'Empereur (1) Gravina, de PEfprir des Lois Roinaines, rom. 3, pag. 24, (2) L. 2, Cod. fi adverfus Fijcum. 220 MÉMOIRES & les citoyens, ainfi que le’ témoignent les Lois du même Recueil & du Digefte (1). Après la conquête des Gaules par les Empereurs Ro- mains, ces charges ou emplois y furent maintenus, & durant la feconde race de nos Rois, les OfMciers qui les exerçoient furent connus fous le nom d’Aétores do- minici, Adlores fifèi , Aëlores publici. C’eft ainfi qu'ils font qualifiés dans les Capitulaires de Charlemagne, re- cueillis par Baluze aux livres 4 & 7 (2); de la, fans contredit, eft émanée cette partie des fonétions du Miniftere public dans les affaires, & caufes qui in- téreflent le fifc du Prince ou le Domaine de la Cou- ronne. Sous l'Empereur Juftinien, le Patron ou Avocat du fifc pouvoit & devoit fuivre en Juftice la délaion qui lui étoit faite, refpettivement dumoins à cette branche de revenus ; & lorfqu'il y étoit forcé, la néceflité de fon miniftere l’exemptoit de la peine, que fans cela il eût encourue, s’il eût fuccombé: il y en a un texte du Jurifconfulte Paul, dans la compilation de cet Empe- reur (3). De là eft infailliblement dérivée, & même a été étendue à toutes les a@tions criminelles , cette fonc- tion de la Partie publique, qui confifte à recevoir & faire tranfcrire dans un regiftre la dénonce du délateur; ce qui tend à l’exempter de la peine de la calomnie. Remarquons au furplus, pour le rapprochement de l’objet le plus important & le plus cara@tériftique du Mi- niftere public , que durant la premiere Race de nos (1) Paffiem, ff. de Offic. Procur. Cæf. & L.2, Cod. de pœnis. (2) Capitulaire 44, du liv. 43 3e. du même livre, &le 290 du livre 7, pag. 786, 775 & 1040. (3) L.s, ff. Advocatum , ff. de Hifi, quæ ut indig, auferuntur. DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE. 221 Rois, Egidius, Evêque de Rheims, ayant été foup- conné d'avoir trahi Childebert fon Prince, & d’avoir, en recevant des bienfaits de l'ennemi, forme des pro- jets contre l'Etat, Childebert, au rapport de Grégoire de Tours (1), convoqua un Concile pour juger le Prélat accufé, & nomma le Duc Emodius pour le pour- faivre & agir contre lui comme Partie publique. En quoi il fe montra bien différent de Chilpéric, qui, fui- vant le même Grégoire de Tours, ne rougit pas de jouer le rôle d’accufateur contre l'Evêque Prétextat , &t foutint jufqu'au bout ce perfonnage odieux. Avancons : cette fonétion n'auroit été jufques là que momentanée ; mais ce n’eft pas tout. Du tempsde Char- lemagne , 1l y avoit dans chaque Canton un Comte qui préfidoit à un Tribunal , & dans chaque Tribunal, ce qu’on appeloit un Saïon, qui étoit le confervateur & le proteéteur des opprimés , double attribut de notre Miniftere public. Les Capitulaires qui dénomment ainfi ce dernier Officier (2) , ne contiennent pas, il eft vrai, un détail de fes fonétions; mais Cafliodore nous le donne avec une certaine étendue dans fa formule 42°. , & dans une lettre de Théodoric, Roi des Vifi- gots , intitulée ÆEpiffola ÿa. Manilæ Saïoni Theodoricus Rex , ubi docet quid in munere Saionis (3). Or, perfonne n’ignore que Cafiodore avoit été Secrétaire de ce Prince, & il eft aifé de préfumer que du temps de Charlemagne, les Saïons avoient retenu les mêmes fonétions dans les (3) Lib. 10, Hifior. cap. 19. (2) Vide præceptüm pro Hifpanis, poff capit. 3, um anni 812,intom1, pag. 499 & appendir Aëtorum Verer. 16, rom. 2. (3) Caffodori opera , tom. 1 , Rochomagi apud Dezallier , pag, 80, & ejufd. tom. Variar, lib, 7, pag, 122 222 MÉMOIRES Gaules, qu'ils y exerçoient lorfque Théodoric en oc- cupoit une partie (1). C’eft aufli à l’aide des formules de Cafodore, & de la lettre ci-deffus que l’Auteur des Origines ou an- cien Gouvernement de la France , de l'Allemagne 6 de l'Icalie | eft parvenu à nous fixer fur le miniftere des Saïons, Suivant ces formules, je copie ce dernier Auteur, & le Saion devoit fe rendre partie contre le violateur des » Lois ; ilcontraignoit ceux qu'une fommation juridique » n’amenoit point devant le Juge ; il ufoit d’adreffé pour » Les y forcer ; mais de quelque maniere que ce fit , il obli- » geoit les Déféndeurs à comparoître en juftice ; il ne de- » voit pas craindre de fe rendre odieux , pourvu qu'il de- » vénr redoutable aux méchans ; il étoit l’exécuteur des » Sentences rendues par le Juge auprès duquel il occuport. » Dans leur exécution, il ne devoit point s’écarter de l'in- » cention du Juge; € pour leur faire fortir tout leur effet, » il étoit en droit d’ufer de contrainte, fans que perfonne » pér s’oppofer à lui. Ainfi il faifoit rentrer dans leurs » biens ceux qui en avoient été dépouillés injuftement ; » il contraignoit les débiteurs de rendre à ceux qui les » avoient cautionnés, l'argent que ceux-ci avoient » payé à leur décharge, &c. » Mais il devoit fur-tout fes foins à une perception » fidelle des deniers publics. Ses fonétions à cet égard, » confiftoient dans la contrainte, qu'il exerçoit contre » ceux qui refufoient de payer les tributs , & dans la » confiféation qu'il étoit autorifé à faire de leurs biens , » lorfqu’ils s’opiniätroient dans ce refus ; mais les Juges (1) Mémoire de Catel, pag. 483 & 484. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 223 »* étoient obligés de veiller à ce que les Saïons n’abufaf- » fent pas en ce point de l'autorité que leur donnoit » leur charge. Outre cela chaque Saion devoit faire » jouir le Roi des biens confifqués fur les profcrits, & » fe rendre partie contre ceux qui Îles revendiquoient ; » mais, en pareil cas, il devoit fe conduire de maniere » à ne pas faire gémir l'innocence, & à ne pas fe ren- » dre complice de délations calomnieufes. » Comme les Saïons étoient les hommes du Roi & de l'Etat, aufli-bien que ceux du Peuple, les intérêts » de lun & de l’autre leur étoient également confiés». Ici l’Auteur continue de détailler au long d’autres fonc- tions que ces Officiers exerçoient; & 1l finit par dire: « enfinils étoient les protetteurs des poffeffeurs contre » les brigands, qu’ils forçoient de comparoître en Juftice » pour s'y voir condamner à la reftitution & à une » amende convenable, & ils tenoient enfuite la main » à ce que la Partie publique & la Partie civile fuffent » pleinement fatisfaites (1) ». Si donc, ce qu’on ne peut contefter d’après cet Au- teur, qui a pour garant Cafliodore , les Saions étoient les hommes du Prince & de l'État, les gardiens des Lois & les exécuteurs des Sentences, les Patrons du fifc & {es Agens , pour faire rentrer les tributs & le pro- duit des confifcations , les Proteéteurs enfin des pro- priétaires contre les brigands , & les parties de ceux-ci pour les amener en Juftice , les faire punir par des amen- des , il faut avouer que leurs fonétions , qu’avoient fé- parément exercées aufli divers autres Officiers durant Va + (1) Origines, &c. tom, z , 'ig. 5, chap, 29 , $. 3 , pag. 64, Edition de Ja Haye 17574 214 MÉMOIRES Empire Romain & les deux premieres Races de nos Rois , ont été les élémens de la plupart de celles de notre Miniftere publi ic; que même certaines ont été le germe de la plus 1 importante de ce Miniftere, je veux dire le droit d'exercer la vindiéte publique. Car il n’a plus refté qu’ ai appli iquer à la pourfuite du crime proprement dit, qui eft l’extrème & la plus étendue violation des Lois. Dernier trait fans doute d’une bonne Léciflation , qui à cet égard nous eft inconteftablement propre, &c qui nous honore aflez pour n'avoir pas befoin de mé- connoître avec M. de Montefquieu (1), toutes les traces qui nous ont conduit à ce terme. Grande & falutaire idée d’ailleurs, qui ne fert pas moins à défarmer les haïi- nes particulieres, qu’à revêtir d’une forme plus religieufe & plus augufte l’accufation de toute forte de crimes, en élevant au rang de Miniftre de la Société entiere, celui qui en pourfuit, jufqu'aux pieds de la Juftice, la répa- ration & la vengeance. (1) Efprit des Lois, tom. 3, #n-12, liv. 28 , chap. 36. RECHERCHES DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 228 OP ER À RE © el RUROOTIEUE EH IS OMR OU ES SUR Goudouli, Pierre Helie & Madame la Préfidente de Manfencal, Poètes Touloufains. PAR le Pere SERMET. Dsrvrs lonp-temps je travaille à drefler les tables chronologiques de tous ceux de mes Concitoyens qui ont figuré dans Touloufe, par les poftes plus ou moins brillans qu'ils y ont occupé. Il en eft plufieurs fans doute dont le nom mérite d’être tranfmis à la poftérité : mais combien d’autres que j'eufle laiflé repofer tranquil- lement dans leur tombeau, fi l’ordre de la fucceflion n'eût exigé que Je les en fifle fortir pour nous faciliter la vérification des dates & des époques ! Ceux-ci furent trop connus de leur temps, & les trois Poëtes dont je viens vous entretenir ne le font pas aflez aujourd’hui , puifque la réputation du plus célebre ne s’eft guere foutenue que dans une partie de cette Province, & que les deux autres font inconnus même dans leur Patrie. Pierre Goudouli, ou plutôt Godelin, fut rendre intéreflante une langue qui ne fembloit faite que pour le vulgaire. La lyre gafconne rendit fous fes doigts des fons aufli gracieux que celle de Sapho ; & lorfqu’il em- Tome IF. FE 226 MÉMOIRS boucha la trompette pour chanter Henri IV (x), on crut entendre Hormere, le Chantre d'Achille. é M. Reynal, dans fon Hiftoire de Touloufe, nous a donné un abrégé de fa vie. Je vais y joindre quelques courtes anecdotes. Rien n’eft minutieux , tout eft inté- reflant quand il s’agit d'un Poëte célebre. J'ai appris par tradition qu’il étoit né dans une maifon de la rue Pargaminieres, contiguë au coin de la rue Notre- Dame-du-Sac. En fouillant dans les archives des Grands- Carmes, j'ai trouvé qu'il étoit Avocat, fils de Ray- mond Goudelin, Chirurgien, & d'Anne de Landes, & l'aîné de deux freres, dont l'un s’appeloit Jean-Jacques, & dont l’autre étoit Noble Antoine, Ecuyer, Capi- taine pour le Roi, en Boulonnois. M. Reynal nous apprend que les Capitouls, pour adoucir le poids de fa mifere, lui aflignerent dans fa vieilleffe une penfion viagere de trois cents livres fur les deniers publics. Je dois ajouter ici que le Chapitre de Saint Etienne imita leur générofité a fon égard. On voit, en eflet, dans leurs regiftres , que J'ai parcourus en entier , que le 26 Avril 1646 , c’eft-à-dire , trois ans avant fa mort , &/s accordent une aumône de 36 écus à M. Goudelin , homme de mérite , de condition (1), & fort vieux. Les années & les befoins ne porterent pas fur fon ca- ra@tere. Il conferva toujours fa gaieté , s’il faut en juger dumoins par l'épitaphe qu'il compofa pour lui-même, (1) On trouve dans les Opufcules du Pere Vanieres, Auteur du Prædium Rufticum, une tradu&tion en vers latins des ftances de Godelin fur la mort d'Henri IV. Quelqu'inférieure que foit la copie à l'original, elle fait connoître les rares talens de notre Poète Languedocien. (2) Godelin pouvoit être Noble d’extraétion , quoique fon pere füt Chirurgien ; cette profellion refpe“able & fi urile à l'humanité auroit elle dû jamais déroger ? A l'avenir, l’homme utile à fa Parrie par fes talens ou par fes vertus, n'aura plus à rougir de fa naiflance ; & l’homme nul , l'homme vicieux ne pourra plus fe pré- valoir de la fienne. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 227 qui auroit dû être imprimée dans fes ouvrages , & que je crois devoir tranfmettre à la poftérité. La voici (r) : Ayci lan trigouflat le pauré Goudouli , Perço qué le bougras bouillo pas y béni. Il mourut, âgé de 7o ans, le 16 Septembre 1649, & non le ro, comme dit M. Reynal. J'ai vérifié la date fur les repiitres mortuaires de Saint Etienne. Il futenterré dans le Cloitre des Carmes , auprès du pilier le plus voifin de la Chapelle de Notre-Dame d’Efpeérance. em 40 JE crois rendre un fervice important à ma Patrie & aux Lettres en faifant connoître un autre Poète Tou- loufain qui a vécu dans ce fiecle, qui fut applaudi dans fon temps, & qui eft aujourd’hui oublié & prefque in- connu : c’eft Pierre Helie, garçon Brodeur. Dans mon enfance j'ai entendu raconter par mes parens & quel- ques-uns de fes amis, plufieurs traits intéreffans de l’hif toire de fa vie. J’aurois été bien plus attentif, bien plus curieux, bien plus interrogeant , fi jeufle pu efpérer alors d’être un jour aflis parmi vous , & de vous parler de lui. Je n'ai pu découvrir encore ni la profefion de fes parens , ni le temps & le lieu de fa naiffance. J'ai (1) Ce fut le 25 Août 1757, jour auquel je prononçai le panégyrique de Saint Louis à la Maifon Profefle de L'oulouic , que le feu Pere Serane , Jéfuite, me communiqua “ette anecdote ; il la tenoit de {es anciens, & m'affura, d'après eux, que Goudouli lui-même avoit compolfe cette épitai aphe , dont je crois devoir donner la tradu@ion litrérale, ainfi que des deux pieces ci-après , pour en faci, liter l'intelligence à ceux qui n’entendent pas bien notre langue vulgaire, Jci on l’a traîné le pauvre Godelin Parce que le pendartr ne vouloit pas y venir. 228 MÉMOIRES lieu de croire cependant qu'il naquit à Touloufe, & Je fais qu'un de fes freres fut long-temps Hermite auprès de Muret. Il fut arrêté comme faux monnoyeur, & je crois que ce fut à Agen. Etoit-il coupable, ne létoit-il pas ? Je l'ignore. Mais plus l'accufauion étoit grave, plus fa détention devoit l'inquiéter. Voici le moyen qu'il employa pour s'évader. Il étoit grand Deflinateur ; & j'ai vu chez un de mes amis, un morceau de fa façon au crayon noir, repréfentant Neptune fur fon char, armé de fon trident, auquel les Connoifleurs donnoient de grands éloges. Pour s’échapper , il appliqua, dit on, fur la porte extérieure de fa prifon un Crucafñix qu'il avoit defliné avec foin ; après quoi s'étant procuré un vilebrequin , il fit à cette porte, & derriere fon def- fin, plufieurs trous difpofés en cercle, qu'il eut foin de boucher de fuite avec de la cire. Lorfque le cercle aflez grand pour lui donner paflage eut été forme , il fit tomber aifément la partie de la porte qui y étoit renfer- mée , & pañla en Efpagne. Quelques feuilles volantes qui m'ont été remifes par les héritiers de fa femme, & écrites en langue Efpagnole, prouvent qu'il sy appliqua pendant près de quatre ans à la chimie , car il avoit foin de dater toutes {es opéra- tions. La premiere, du 26 Novembre 1716 , eft inti- tulée ainfi : oi Juebes, à biflo operar el padre frai Juan de la Penna , aujourd’hui Jeudi, j'ai veu opérer le Frere Jean de la Penne. La derniere , du 14 Juin 1720, porte pour titre , Diaro de la operation, el biernes. Journal de l'opération, ce Vendredi. Jignore fi fa fureur chimique le fit prendre pour forcier , ou fi l'intempérance de fa langue le fit pafler pour incrédule. Quoi qu'il en foit, il fut enfermé dans DE L'ACADÉMIE DE TOULQUSE. 229 les prifons de l’Inquifition, cet affreux féjour , contre lequel, de retour dans fa Patrie, il ne cefla jamais de fe déchainer. Etoit-ce le moyen de ranimer fa foi? Hélas ! il ne fervit qu’à l'afoiblir, il faillit même l’éteindre en- tierement. Ce ne fut que par un bon mot que le Pere Ip, Prêtre de l'Oratoire, pür le décider à recevoir les derniers Sacremens de l’Églife. Le Poète confentoit à fe confel- fer, mais il ne vouloit le faire, difoit-il, qu'en Ef- pagnol, bien affuré que ce bon Pere n’entendoit pas cette langue. Eit-ce donc en Efpagnot, lui répondit celui-ci, que Dieu vous jugera ? Sachez qu'il le fera en Français, & en bon Français. La grâce fecondant le zele de ce digne Miniftre, agit eflicacement fur le cœur du malade. Il fe rendit, mourut avec les fentimens les plus chrétiens , le 8 Oftobre 1724, & fut enterré à la Dal- bade dans la Chapelle de Sainte Catherine. Il avoit épouté Catherine Cayla, qui pendant 17 ans qu'il foupira pour elle, avoit fait pour lui les plus grands facrifices, & expolé même fa vie pour Parracher de fa prifon. Tout fembloit annoncer que leur ménage feroit heureux & tranquille. Mais à beaucoup d’efprit naturel , & à une grande bonté de cœur, cette femme joignoit encore plus de pétulance ; on l'entendoit crier du matin au loir. C’eft là le fujet de la premiere piece de Vers dont je viens vous faire part. La feconde , intitulée, le temps, au Peuple Toulou- fain, eft une fatyre qu'il prononça lui-même dans toutes les places de cette Ville un jour de Carnaval. Pour la rendre plus énergique , il fe fit trainer dans une char- rette limoniere du Port-Garaud , qu'il décora des attri- buts du Temps. Ce char étoit attelé à fix chevaux bardés 230 MÉMOIRES & ailés. Aux quatre coins étoient quatre de fes amis, figurant les quatre Saifons ; le Printemps, orné de guir- landes de fleurs ; l'Eté, de gerbes; l’Automne , de pam- pres, & l’Hiver de feuilles de chêne. Au milieu s’éle- voit une eftrade à trois ou quatre gradins, fur laquelle étoit notre Poète , portant une grande barbe, une courte & fale jacquette, deux grandes ailes , une faulx fur le col, un fablier à fes pieds ; en un mot, avec tout le coftume fous lequel les Peintres & les Poètes repré- fentent le Temps. Le char rouloit gravement dans les rues, & s’arrêtoit aux places affez vaftes pour conte- nir un grand nombre d’auditeurs. Alors notre Poète, après s'être profondément recueilli, prenoit un ton de Prophete , & débitoit fon ouvrage. Ces deux pieces, les feules que j'ai pu déterrer, m'ont paru dignes d’être fauvées du naufrage. Je doute que notre illuftre Godelin les eût défavouées. J'aime à croire au contraire qu'il s’en feroit glorifié. Les voici: Contro las Fennos. Le brut agré d’uno carrelo, Le çant d’un poul enraumafñat, Las granouillos d’un grand fouffat , D'un biel aucat la gargamelo. Contre les Femmes. Le bruit aigre d’une poulie , Le chant d'un coq enrhumé , Les grenouilles d’un grand foffé , Le gofier d’un vieil oifon. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 231 Le fon d'un biulounas fendut , Uno carreto mal untado, Uno poulo quand a poundut, Uno troupo de gats deflus une teulado. Les courbafñles , les agaçats, Le grugnomen des teflous en coulero , Las campanos des trefpaflats , Las cadenos d’uno galero. Le bram d’un biaou dedins l’afachomen, Le poutounton d’un batan que trabaillo , D'uno bando de loups le furioux hurlomen, Anfin le terotrum d’uno grando bataillo. Le fon d’un mauvais violon fendu, Une charrette mal graiflée, Une poule lorfqu’elle a pondu, Une troupe de chats fur un toit. Les corbeaux , les pies , Le grognement des cochons en colere, ! ÿ, Les cloches des trépañlés , Les chaines d’une galere. Le mugiflement d’un bœuf dans la tuerie, Le maillet d’un fouloir qui travaille , D'une bande de loups le furieux hurlement, Enfin , le tintamarre d’une grande bataille. 232 MÉMOIRES Tout-à-co pellegur es milo cops plus dous , Et jou m'aimerioi mai, pel repaus de ma bido N’augi de touts ot que d’aquelos canfous , Que d’entendré à l’ouftal uno fenno qué crido. Le Témps al poplé Moundi. Beflou de l’unibers , de la metiflo couado, É nafcut defenpey qu’el monde efpelifquec, Jou me brembi de len , ey bift ment uno annado, Bezi ço que fe fa, bigui ço que fe fec. Mes ; jamay plus, à deftin defplourablé ! Nou me foun bift ta miferablé. De caps à ma caducitat, Trifé , caitiu , tout bourlos é tout peilhos, Tout cela certainement eft mille fois plus doux, Et j'aimerois mieux, pour le repos de ma vie, N'ouir de tous côtés que de telles chanfons, Que d'entendre à la maïfon une femme qui crie. Le Temps au peuple Touloufain. Jumeau de l'univers, de la même couvée, Et né depuis que le monde vint à éclore, Je me fouviens de loin ; j'ai vu plus d’une année, Je vois ce qui fe fait, je vis ce quife fit ; Mais jamais plus ! Ô ts déplorable ! Je ne me fuis vu fi miférable. Tendant à ma caducité , Trifte, chétif, tout lambeaux, tout haillons, Orré, DE L' ACADÉMIE DE TOULOUSE. Orré, pudent, & tout échalatat, Aprep ço que jou foun eftat, Amb’unis troffés d’efpardeillos, M'en cal tourna débes l’eternitat. Enloc nou trobi la pietat, Per-tout nou trobi qu’abarefho ; En loc nou trobi la juftefio , Trobi per-tout la cruautat. Pauré ! per-tout me bolen mal, É tout le moundé es mon GNtAE, O malhur des malhurs! cruautat inaugido ! Hélas ! quin és mon trifté fort ! A toutis à bel tal jou foul douni la bido, É toutis à bel tal me bouldrion befé mort. 233 Sale, puant, & tout déouénillé, \ EX: D ! 1 Après ce que J'ai été, Avec un vieux refte d’alpargates Il faut m'en retourner devers l'éternité. Nulle part je ne trouve la pitié, Par-tout je ne trouve qu'avarice; Nulle part, je ne trouve la juftice, Par-tout je trouve la cruauté. Pauvre! par-tout on me veut du mal, Et tout l'univers eft ma maifon. O malheur des malheurs ! cruauté inouie ! Hélas ! quel eft mon trifte fort! A tous fans reftriétion moi feul donne la vie » Et tous fans reftriétion me voudroient voir expiré. Tome IF, G g 234 MÉMOIRES Couro beiren finit aquefté maudit temps ! Sa fan les bieillis & les jouens. Fils trop ingrats d’un ta generoux pairé, Jou m'abermi les jours per bous creiflé les ans , Nou m'abets re laiflat que mous quatre pels blancs , Encaro me bouldriots poudé rabi l’efclairé , Que bous gardi per l’abeni ; Diuriots au mens bous foubeni , Que bous auts pelfegur nou durarets pas gairé , Lorfqué jou me caldra fini. Més le crimé per-tout a claufido la terro ; Jou n’entendi per-tout qu’el marmul de la guerro, Jou nou befi per-tout que tourmens à bel tal, Dins le fang innoucent les plus fortis fe labon, ————pe Quand verrons-nous finir ce maudit temps ? Difent les vieillards & les jeunes gens. Fils trop ingrat d’un pere fi généreux , J'abrege mes jours pour accroïtre vos années ; Vousne m'avez rien laiflé que mes quatre cheveux blancs, Encore voudriez-vous me ravir la lumiere, Que je vous conferve pour l'avenir, Vous devriez au moins vous fouvenir Que vous autres certainement ne durerez guere, Lorfqu’il me faudra finir. Mais le crime par-tout a comblé la terre, Je n’entends par-tout que des bruits de guerre, Je ne vois par-tout que tourmens à foifon, Les plus forts fe lavent dans le fang innocent , DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 235 Toujoun de may en may befi creiflé le mal, Co qu'Adam coumenfec, fous éfans au acabon. D'’aqui benen boftrés malhurs ; Bous aus me caufats ma mifero , Bous aus, cruels, ets mous boulurs, É bous fachats de ma pauriero. Obe, cadun un pauc m’abets deshabillat, Grans & pichous m'abets pillat, Tout s’en ba per rambul , tout s’en ba per allarmo, Befi Moungés & Capelas, Cadun abé cent milo mas, Quand cent milo n’en pas entre toutis un armo. Toujours de plus en plus je vois croître le mal, Ce qu'Adam commença , fes enfans l’achevent. De là viennent tous vos malheurs ; C’eft k ifer eft vous qui caufez ma mifere, C'eft vous qui êtes mes voleurs, Et vous vous plaignez de ma pauvreté, 8 Oui, chacun de vous m'avez un peu déshabillé ; Grands & petits vous m'avez pilké, Tout eft en défordre, tout eft en confufion. Je vois Moines & Prêtres, Chacun avoir cent mille mains , Lorfque cent mille n’ont pas entre tous une ame, 236 MÉMOIRES Nou y pas may de religieu, Nou y a pas may de counditieu , Sur l'intérés ouer'tout redolo , À tout bouton un partifan, Befi lé noble é l’artifan, Que pel memo cami courren à la piftolo. Obé certos , tout es plagné , L’aunou bal pas un miet digné, Nou y a pas fexé qu'el counefco; É pelfegur pouiriots millou , Bouta la mar dins uno defquo , Que trouba la bertut dejouts un e/coufrou. Nou y a pas may d’houneftetat , ou y a pas may de parentat, 2 1 Il n’y a plus de religion, Il n’y a plus de condition, Tout roule aujourd’hui fur l'intérêt, À tout on met un partifan, Je vois le noble & l’artifan Courir à la fortune par le même chemin. Oui, en vérité, tout eft indifférent , L'honneur ne vaut plus un demi-denier ; : I n’y a plus de fexe qui le connoïle, Et certainement vous pourriez plutôt Mettre la mer dans une corbeille, Que trouver la vertu fous la coiffe d’une femme. Ds Il n'y a plus d’honnéteté , Il n'y a plus de parenté, DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 237 D'amour ni de recouneiflenço. Qui pago deutés tourno gus. Un ferbifi rendut pañlo per un abus; La negro trahifou ten loc de recoumpenfo. Les Jutsés à bel tal foun aro de pinfous; Las Lés aro per tout nou foun que de canfous: Thémis en loc nés pas may efcoutado ; Les Grandis de per-tout à la fi l'an caflado. Poutencios , échafauts, cadenos ni prifous, Tout aco nou ferbis founquos per la canaillo ; Fotço imagés del Rey fourmadis en médaillo, Per les plus criminels foun de talos rafous, Que lour crimé és toutjoun un fougayrou de paillo. Anfin , aro degus nou couneys l’équitat, D'amour ni de reconnoiflance. Qui paie fes dettes redevient miférable. Un fervice rendu pañle pour un abus ; La noire trahifon tient lieu de récompenfe. Les Juges indiftin@tement font à préfent des voleurs ; Les Lois à préfent ne font par-tout que des chanfons. Thémis en aucun lieu n’eft plus écoutée. Les Grands l'ont enfin chaflée de par-tout. Potences, échafauds, chaînes & prifons, Tout cela ne fert que pour la canaille ; Beaucoup d’effigies du Roi frappées en médailles, Pour les plus criminels font de telles raifons, Que leur crime eft toujours un feu de paille. Enfin perfonne à préfent ne connoit l'équité , 238 MÉMOIRES Cadun, coumo l’y play, azengo la bertat, Cadun , à fon agrat, préftis uno counfcienco, Cadun fé forgeo uno rafou, É damb le fer é le poufou Cadun immolo l’innoucencço. Sé l’intérés au bol atal S’aco s’efcay le proufir de l’ouftal, Y a pas deous que nou s’y reglé: Qui dits ritché, dits tout dedins aquefté fieclé. Mes qué m'aboundario tout ouey dé prédica ? Aurioy bel fa, aurioy bel dire. La beufo € l’ourfelin an bel à gemica; Les partifans noun fan que riré : É le Rey... chut. Sé cal pas explica. Chacun , eomm'l lui plaît, accommode la vérité, Chacun, felon fon gré, fe pétrit une confcience, Chacun fe forge une raïfon, Et avec le fer ou le poifon Chacun immole l'innocence, Si l'intérêt le veut ainfi, Si cela tourne au profit de la maifon, Il n’y a perfonne qui ne s’y prête. Qui dit riche, dit tout dans ce fiecle. Mais à quoi me ferviroit de prêcher tout aujourd’hui ? J'aurois beau faire, j’aurois beau dire, La veuve & l’orphelin ont beau gémir, Les papiers bleus n’en font que rire. Etle Roi... filence. Il ne faut pas s'expliquer. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 239 Ey Pl prou dito la bertat. Anfin fé mé prufio, mé foun aro pratat. Cepandant 5 loups- -garous, raçO defefperado, Tygrés, entré bos aus , mangeats-bous bitomen, Per qué n’efperi pas befé de cambiomen, Bau contugna ma trifto deftinado. J'ai dit aflez la vérité. Enfin, fi j'avois des démangeaifons, je me fuis graté, Cependane, loups-parous , race défe {pèrée , Typres, DU GES promptement les uns les autres, Puilque ; je n’efpere pas voir de changement, Je vais continuer ma trifte deftinée. LES femmes n’ont pas été moins jaloufes que les hommes, de conferver à cette Ville le furnom de Palla- dienne , que lui a mérité depuis long-temps fon amour pour les Lettres, les Sciences & les Arts. Les noms de plufieurs d’entr'elles font gravés en caraéteres inefia- çables au Temple de Mémoire. Je viens aujourd'hui vous en faire connoître une , que fa naiflance , fa pièté, fes ouvrages même auroient dû préferver de l'oubli du tombeau. On a fu bon gré à Madame d’Efparbés d'avoir reflufcité André Bernard, Poète Lauréat. Je vais rendre le même fervice à fon fexe , en faifant revivre Dame Gabrielle Coignard , fille de Jean Coignard, Confeiller au Parlement, veuve de Pierre Manfencal, Seigneur de Miramont, d’ bord Confeiller au Grand Con eil, & puis Préfident à Mortier au Parlement de Touloufe. C’eft par hafard que fes poëfies chrétiennes, que je crois très- 240 MÉMOIRES rares, & dont je ne connois que l’exemplaire que Je pofiède, font tombées entre mes mains. Elles furent im- primées à Tolofe en 1594, chez Pierre Jagourt & Bernard Carles, à l’enfeigne du Nom de Jefus. Ses deux filles, Jeanne & Catherine de Manfencal, dont la pre- miere fut mariée à M. de Cheverry, Baron de la Réo- le, les donnerent au public , & les dédierent aux Ames dévotes. Dans la dédicace , elles nous donnent une gran- de & bien jufte idée de leur refpeëtable mere. Pour convaincre que l'amour filial ne les avoit point aveuplées , il fuffit de jeter un coup d'œil rapide fur fes poéfies ; tout y refpire la piété. On n’y trouve point, 1! eff vrai, ni la douce harmonie, ni la touche gracieufe des Ce & des Montéout ; mais deux fiecles d'in- tervalle entre les unes & l’autre, doivent lui faire par- donner desexpreflions furannées , des hiatus , & quel- ques défauts de mefure. Je ne rapporterai qu'une piece de ce Recueil, prife au hafard & fans choix , ou plutôt la premiere qui fe préfente, & qui fert d nacdutione a toutes les autres: l’on verra que fon ftyle ne difiere pas beaucoup de ce- lui de Racan, difciple de Malherbe, & l’on compren- dra ce que cette Dame eût pu faire un ou deux fiecles plus tard. Je n’ai jamais goûté de l’eau de la fontaine, Que le cheval ailé fit fortir du rocher: À ces paiennes eaux je ne veux point toucher, Je cherche autre liqueur pour foulager ma peine. Du célefte ruifleau de gräce fouveraine, Qui peut défaltérer, la grand foif étancher, Je défire ardemment me pouvoir approcher, Pour DE L'AC'ADÉMIE DE TOULOUSE. 241 Pour y laver mon cœur de fa tache mondaine. Je ne veux point porter le glorieux laurier , La couronne de mirthe, ou celle d’olivier, Honneurs que l'on robe aux têtes plus infégnes s Ayant l’ançoifle en l'ame , ayant la larme à l'œil, M'irai-je couronner de ces marques d’orgueil, Puifque mon Sauveur même eft couronné d’épines ? Le volume de fes Œuvres renferme 142 fonnets ou ftances fur divers fujets de piété, tels que les Fêtes des Saints , le Myftere de Jefus-Chrift & de la Vieroe, les Plècumes de David, &c. . Un Poème fur Hoube où elle s’éleve quelque- bi au-deflus d’elle-même. 3°. Un Difcours fur la Paffion de notre Sauveur. 4°. Une Complainte de la Vierge. 5°. La defcente de Jefus-Chrift aux Limbes. 6°. Un Hymne à la louange de la Charité. °, Enfin un Sommaire des fept Sermons faits par M. Raymond, contre les fept péchés mortels , pour les fept états de la ville de Touloufe, devant les fept Corps des Apôtres, à Saint Sernin. Le titre fingulier de ce dernier ouvrage , prouve que de fon temps régnoit encore la fureur (1) qu'avoient nos anciens, même certains Saints Peres, de jouer fur un mot, encore plus fur un nombre. G)M. Panard à ridiculifé cette manie dans fon ONE comique , intitulé Je Ma- gafin des Modernes. On y entend un Poëte impatient de paroître fur la fcene & de choifir dans le Magafn quelque centaine de Madrigaux , de sonnets & d° Epi- thalames pour la compofñrion de fa Tragédie, débuter ainfi en s’adreffant à Mercure : Mon pere a neuf enfans, qui tous neuf font illuftres. Je fuis l'ainé des neuf, mon âge eft de neuf luftres, Rimeur depuis neuf ans, connu depuis neuf mois, Je viens depuis neuf jours pour la neuvieme fois, Tome IF. H h 242 MÉMOIRES J'aurois défiré de vous parler aufli dans ce moment de Madame la Préfidente Druilhet; mais je n'ai pu en- core me procurer cette foule de pieces fugitives qui couloient fi aifement de fa plume, & qui, à Paris com- \ 2 [AT DH APN) me à Touloufe, la rendirent les délices de la fociété. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 243 SUR deux Fontaines du Haut- Quercy. Par M. BORDES DE BAILLOT, Adjoint. CF deux fontaines font fituées dans deux vallons correfpondans, féparés l’un de l’autre par une longue chaine de montagnes qui fe termine à Clejoux , petit hameau au N. O. de Souillac (1), & à demi-lieue de cette Ville. La les deux ruiffeaux qui coulent de ces fontai- nes, confondant leurs eaux, fe jettent à quelques pas dans un autre ruiffeau appelé la Borrefe (2), lequel apres avoir arrofé Ja plaine de Souillac, fe précipite dans la Dordogne, près du petit bourg des Cuifines , fur les confins du Quercy & du Périgord. La fontaine connue fous le nom de Goury, fituée dans le vallon de Blagour (3), qui en a emprunté le nom , a la figure d’un cône renverfé, dont le diametre de la bafe à 27 pieds ou environ, & la hauteur 35. L’eau de cette fontaine paroit fagnante, & cependant elle fournit , ainfi que plufieurs petites fontaines fituées a très- peu de diftance, à l'entretien du ruifleau du Gourg. Dans le fecond vallon au pied de la montagne, connu dans le pays fous le nom de Puy-Martin , on décou- (1) Souillac , ville du Quercy fur la Dordogne & fur le chemin royal de Paris à Touloufe. (2) Ainf appelé du petit bourg de Borrefe, près duquel eft fa fource. (3) Blagour , dans l'idiome du pays, fignifie Beau-Gourg. 244 MÉMOIRES vre un antre de la profondeur de 9 pieds ou environ; à de de l’enfoñcement, on appercçoit deux ou- ertures irrégulieres , & prefque triangulaires , conver- gentes au pied de la montagne. C'eft par ces deux adehe de l’eau prend fon iflue, & que la fontaine appelée du Pouley , lance deux jets divergens, qui font, avec l'horizon, un angle de 45 degres ou environ. Le lit de ce clan eit très-fouvent à fec pendant plus de 40 toifes, diftance à laquelle plufeurs petites four- ces fournifient l’eau néceflaire pour l'entretien de ce ruifleau. Ce n'eft jamais qu'après des pluies très-abondantes & continuées pendant plufeurs jours , que ces deux fontaines fortent avec impétuofité du fein de la terre. L'éruption du Bouley eft précédée ordinairement d'un bruit aflez fort pour être entendu Le Payfans qui habi- tent fur le haut de la montagne ; l’eau fort avec force & filement par les deux ouvertures pratiquées au fond de la caverne , forme deux jets divergens de la lon- gueur de $ à 6 pieds, fous un angle d'environ 45° inonde le vallon , dérâcine les arbres & caufe les plus grands ravages ns la campagne. Si les pluies continuent à tomber fur la furface de la terre; fi le Limoufin (1) a éprouvé quelque orage vio- lent , accompagné d’une chute d’eau confidérable, alors la fe du Pouley femble prefque tarie ; les re jets font fans force, ou pour mieux dire, ils n’exiftent plus ; ils ne Coene que quelques gouttes d’eau; mais auf - tôt ie Gourg fouleve fes eaux , & s’élance avec une impétuofité dont on n’a peut-être jamais vu d’exem- (1) Le Limoufin n’eft qu’à demi-lieue de diftance du vallon de B/agour. DE L'ACADÉMIE DÉ TOULOUSE. 9245 ple: rien de plus effrayant que ce fpeétacle ; dans très- peu de temps le vallon inondé ne préfente plus a [a vue qu'une vafte nappe d’eau. Ce torrent , en fe préci- pitant dans la Dordogne, femble dédaigner de confon- dre fes eaux avec celles de la riviere, & ne prend la cou- leur de cette derniere qu'a une Are confidérab de fon embouchure, L’éruption du Gourg eft Fe annoncée par une efpece de bouillonnement que lon voit fur la furface de cette fontaine, & peu d’inftans après, on voit s'élever du centre une colonne d'eau qui forme un jet vertical de la hauteur de 12 pieds, & de 3 pieds ou environ de diametre. A peine lécou- lement de cette fontaine a-t:1l ceflé, que le Bouley commence une feconde fois à vomir fes eaux avec la même impétuofité, jufqu’à ce qu’enfin les deux four- ces n’en fourniflent plus une aufh grande quantité, & alors les deux ruifleaux rentrent dans leur lit ordinaire. Le temps de l'écoulement & de l’intermiffion de ces deux fontaines, n’a rien de fixe ni de déterminé : le Bouley lance fes eaux pendant plufieurs heures , quel- quefois pendant trois, quatre & cinq jours. Le Gourg fort avec impétuofité pendant 3, 7, même 10 heuz res; en 1783, [on écoulement dura pendant 17 heures. Le Bouley fort avec impétuofité du fein de la terre plufieurs fois dans l’année. Dans certains temps fes érup- tions font alternatives avec celle du Gourg : d’autres fois l'écoulement du Gourpg n’éprouve aucun deoré d'augmentation , quoique le Bouley donne Done MEL de l’eau : mais ce qu'il ÿ a de certain ne riable, ce qui a été conftamment oblervé , c'eft l'écoulenentl Gours ef toujours précédé & la de l'éruption du Bouley, c'eft-a-dire, que celui-ci eff 246 MÉMOIRES conftamment le premier & le dernier à lancer fes eaux. M. Bordes attribue la caufe de ce phénomene au jeu combiné d’un fiphon & d’un conduit fouterrain, tel que ceux au pote defquels plufieurs (1) Phyficiens ont expliqué les phénomencs des fontaines intermit- tantes. L'infpe@ion feule, dit-il, de l'organifation des premieres couches de notre globe, fut pour établir Rose de ces fiphons. On voit en eflet que fa fur- ace eft recouverte de différentes couches de terre ou de ierre, qui, en vertu de leur parallémifme exa@, & des déroute courbures qu’elles prennent , font très- ae pres à donner aux couches qui contiennent les eaux plu- viales, la forme d’un fiphon. Par c2 mécanifme on peut expliquer Pa quoi les eaux des ans & des vallons peuvent franchir des collines & des montagnes aflez élevées: les eaux y Res par un tuyau de con- duite, dont la courbure eft dans le vallon, & qui eft aufñi propre à tranfporter l’eau qu'il contient , que les branches d'un fiphon cylindrique. M. Bordes fait PRE de ce principe au cas particulier qui fait l’objet de fon obfervation. Il fuppofe que dans l'intérieur ou fur la furface d’une montagne du Limoufin , la nature ait formé un réfervoir, dans lequel toutes les eaux pluviales de ces cantons font dé- chargées, foit par la filtration, foit par plufieurs ca- naux naturels. Il foppote encore que dans un des points ce Ja bafe Hi réfervoir, foit un orifice auquel la na- ture ait adapté un tuyau de conduite. Il eft clair que (2) Le P. Planque, dans un Mémoire lu à l’Académie , explique par le mé- canifrne d'u fi phon naturel, Îe phénomenc de la fontaine de Fonteftorbe, près de Béleftar. DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 247 l'eau fe déchargera peu à peu par ce canal Le réfer- voir continuant toujours à fe remplir, la preffion fur la bafe augmentant, doit donner un nouveau degré de vitefle à l’eau qui s'écoule par ce canal, & qui va fortir par les deux ouvertures qu’on trouve au fond de la ca- verne creufée au pied du Puy-Martin: fi la quantité d’eau que le réfervoir laifle échapper par l’orifice pratiqué à fa bafe , ne furpañle pas , ou fi elle égale celle qui y eft portée par les canaux d'entretien, le Bouléy ne ceile pas de couler : il lance fes eaux pendant plufieurs jours , jufqu’à ce que le réfervoir eft épuifé, & dans ce cas l'écoulement du Bouley n’eft pas fuivi de celui du Gouro. Si l'on fuppofe au contraire que la quantité d’eau portée de tous côtés dans le réfervoir, foit plus confi- dérable que celle qui s’en échappe par l'orifice, il eft évident que la capacité du réfervoir fe remplira peu à peu. M. Bordes fuppofe enfuite un tuyaurecourbé en forme de fiphon , formé par la nature, & dont la plus courte branche plonge dans le réfervoir, tandis que la plus longue fe propage hors du référvoir ; il eft, dit-il, impof- fible dans ce cas, que l’eau monte jufqu’à la courbure du fiphon naturel, fans qu’elle defcen. e par la plus lon- gue branche. Ce canal étant plus large & plus rapide que celui du Bouley, l’eau doit, au point d’interfeétion, entrainer avec elle, celle qui couloit par ce dernier, gagner enfuite le tuyau qui la conduit au point où elle fort avec la plus grande impétuofité. Si les pluies con- tinuelles augmentent la quantité d'eau du réfervoir, l'éruption du Gourg dure plus long-temps, & elle ne cefle que lorfque la plus petite branche du fiphon ne 248 MÉMOIRES plonge plus dans l’eau ; alors le plus large canal fe trou- vant à {ec, l’eau qui ue par lorifice de la bafe du ré- fervoir, ne trouvant plus de réfiftance au point d'inter- {eftion des deux canaux , doit Jaillir de nouveau des deux ouvertures du fond de la caverne du Puy-Martin, juf- qu à ce que le réfervoir foit vuide , ou que la quantité d’eau qu'il a recue faifant recommencer le jeu du fiphon , le Gours lance de nouveau fes eaux ; & fon écoulement eft toujours fuivi de celui du Bouley ; parce que la quantité d’eau néceflaire pour l'éruption He ice dernier, ne doit pas être à beaucoup près aufli confi- dérable. On ne peut attribuer le léger frémiflement & l’ébul- tion que lon ue fur la furface du Gourg, & qui précede de quelques inftans l’éruption de ce tor- rent, qu'aux bulles d'air renfermées dans le tuyau de conduite, chaflées par l’eau qui s’y précipite , & qui en fe dégageant produifent des olobules fur la furface de cette fontaine. Quant aux autres petites fontaines que M. Bordes a remarquées près de celle du Gourg, &c qui toutes tarif {ent dès que celle-ci commence à lancer fes eaux, 1l penfe que les canaux qui fourniflent à ces fources , com- muniquent avec le large canal qui entraîne toute l’eau qu'ils contenoient ; que € eft à ces fources que le Gourg doit la plus grande partie des eaux qui font renfermées dans fon baflin, & qui s’écoulent enfuite dans le ruif- feau auquel il a donné fon nom. La petite quantité d’eau qui s'écoule par les ouver- tures du Bouley pendant l’éruption du Gourg, n'eft autre que celle qui, en coulant dans le large tuyau, s'échappe dans le petit tuyau du Bouley, en vertu de DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 249 la preflion lattérale exercée par le fluide ; mais cette quantité n’eft pas fuffante pour fortir par jets , comme lorfque le canal eft à fec. Enfin, M. Bordes a obfervé que pendant la plus grande partie de l’année , il ne fortoit pas une goutte d’ eau par les ouvertures du fond de la caverne du Puy- Martin, & que le lit du Bouley étoit à fec dans un efpace de près d quarante toifes. Il femble, dit-il, que la quan- tite d’eau qui parvient jufqu’au pied del montagne , & qui y eft conduite du réfervoir par le petit canal, E précipitant dans un fecond réfervoir , n’acquiert pas aflez de force pour fortir par les deux bouches du Bouley ; mais qu'en filtrant le long du pied de la montagne , elle va à quelque diftance de là alimenter une petite fontaine , & former le petit ruifleau du Bouley. Telle eft l'explication que M. Bordes donne des phé- nomenes qu’ofirent ces deux fontaines. L’écoulement du Bouley , ajoute-t-1l, n’eft pas toujours fuivi de celui du Goure : lorfque ce dernier veut lancer fes eaux , fon éruption ef toujours annoncée par le jailliffement del’ eau des bouches du Bouley : ainfi ces deux fources ont fou- vent un écoulement fuivi & alternatif; de maniere que le Bouley eft conftamment le premier & le dernier à décharger la fureur de fes eaux. Enfin, l’éruption du Bouley eft beaucoup plus fréquente que ce Île du Gourg, parce qu'il faut une moindre quantité d’eau dans le ré- fervoir , tandis que l'écoulement du Gourg n’éprouve un degré d'augmentation , que lorfque le réfervoir eft prefque rempli, ce quin arrive pas chaque année ; mais ce qu il yade certain, c eft que ni l’une ni Pabtre de ces fontaines ne lance fes eaux qu'après que des pluies Tome IF. li 2$0 MÉMOIRES abondantes font tombées fur la furface de la terre; ob- fervation qui paroît donner le dernier degré de vrai- femblance & de probabilité au mécanifme fouterrain que M. Bordes n’avoit d’abord fait que fuppofer comme poflble. DE L'ACADÉMIE DE JOULOUSE. 2$1 PES T4 RebiC. EUR GUERRES HISTORIQUES ET PHILOSOPHIQUES, STARN DE SULIRPELEE.S: Par M. FLORET. Nota.(1) L'on n’a pas, en général , une idée claire du libelle, & d'ordinaire on croit que l’un de fes caraéteres effentiels , eft d’être ca- lomnieux , ou d’être diftribué en fecret , ou d'être anonyme. L'Académie Françaife l’a défini très-bien , écrit injurieux. Voilà ce qui le caraëté- rife ; qu'il renferme des vétités dures ou des calomnies, qu'il foit débité fous le manteau où vendu publiquement, qu'il paroïffe avec ou fans le nom de l’Auteur , ces circonftances font accefloires ; elles peu- vent s’y rencontrer ou non, fans que fon effence en foit changée. La définition de l'Académie eft conforme à celle que les Lois Romai- nes (2) , le Droit Canon (3) &t les Jurifconfultes (4) donnent de /ibelli famoft, qui répondoit chez les Romains à ce que nous appelons libelles. Ainfi toute fatyre en profe ou en-vers, en fimple difcours ou (1) Je fuis ennemi des libelles; ils répugnent à mes principes & à mon careétere : je n’en ai jamais fait, & je n'en lis prefque point. Mais, en cou- fervant pour ceux qui les écrivent la jufte horreur qu'ils infpirent à toute ame honnête, j'ai cru pouvoir les examiner fous leur rapport politique, & tracer leur hiftoire. Ainf , quoique le cœur fe fouleve à l’afpe&t de l'Exécuteur de la Haute Juftice, on fe permet de peindre les avantages & l’influence des lois pénales. (2) V. la Loi 5, 6. 9, ff. de Inj. & fam. Libell. S7 quis librum ad infamiam ali- cujus perrinentem feripferir…. etiamfi alrerius nomine ediderir vel fine nomine….. (2) V. le Décret de Gratien, 2e. partie, 5e. caufe , 1re. queft, Qui in alrerius famam publicè fcripturam confinrerir… (4) V. dans la grande Glofe, au Code, titre de fam. libell. Si quid fcripferis QUOR PERTINEAT AD INJURIAM ALTERIUS : & Cujas ( tom. 1, pag. 450, interprer. ) dit auffi: Aucores qui famofos libeëlos IN CONTUMELIAM ALTE- RIUS propofucrin£. Li Lu le 24 Mars 1790, & à l’Affem- blée publique du 1$ Avrilde la même an- née. 252 MÉMOIRES dialoguée, dramatique ou didaétique ; toute comédie (1) qui contient des perfonnalités ; enfin l’épigramme mordante & le malin vaudeville ; font autant d’efpeces d'écrits injurieux, dont le mot libelle eft le terme générique. ee Au nom de libelle, le Moralifte fronce le fourcil ; la malignité humaine fourit & prète l'oreille. Un li- belle dévoile des vices fecrets , des atrocités commifes dans les ténebres, & que l’on crut y enfevelir : il reçoit aufli de la calomnie des tableaux infidelles , de accufa- tions exagérées, des inadvertences converties en délit & des foiblefles préfentées comme des crimes. Un li- belle irrite la fenfibilité de l’homme innocent , empoi- fonne quelques inftans de la vie de l’homme vertueux, trouble même quelquefois la férénité du Sage ; mais il fait palir le méchant d’effroi , démafque fes complots, traverie fes projets, déconcerte fon audace ; mais 1l (1) On ne conteftera pas fans doute à Horace de favoirdiftinguer la Cemédie de la Satyre. Or il met Ariftophane, & les autres Auteurs de l’ancienne Comédie Greque, à la tête des Poètes fatyriques. C’eft au début de fa Sat. 4, live 1. Eupolis atque Cratinus Ariflophanes que Poetæ ...... Hinc omnis pendet Lucilius ; hofce fecutus Muratis tantüm pedibus numerique... « La forme dela Satyre, dit l’Auteur de l’art. Sazyre dans l'Encyclopédie, » eft affez indifférente par elle-même. Tantôt elle eft épique , tantôt dramaïi- » que, le plus fouvent elle eft didaëtique : quelquefois elle porte le nom de » Difours, quelquefois celui d'Epître. Toutes ces formes ne font rien au fond ; » c'eft toujours Satyre dès que c'eft l’efprit d’invecives qui l'a diétée. » Le même Auteur parlant un peu plus haut du caraétere des faryriques Romains, & notamment de Lucilius, & mettant en oppofñirion la Comédie & la Satyre, oublie que l’ancienne Comédie Greque étoit toute différente de la nôtre. Les traits dont il peint la Satyre conviennent à merveille à cette an- cienne Comédie ; comme la satyre ,elle alloir droit à tel outel homme, & lui difoit : c’elt toi que je démafque ; c’eff toi que je dénonce pour fcélérat & pour traître à la patrie. Au même Diétionnaire, article fuivant, M. Marmontel dit: « Dans la Satyre » perfonnelle, le premier des hommes eft fans contredit Ariftophane, farceur » impudent, groflier & bas, mais véhémient ;-fort, énergique... DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 263 porte l’alarme dans le cœur du defpote, malgré les fa- tellites qui veillent à fa garde , & pénetre jufqu’à fon ame à travers la voix flatteufe de fes courtifans & le morne filence de fon peuple ; mais il préfente aux tyrans de toute efpece , d’utiles vérités , des leçons néceflaires que lui feul peut leur donner, & leur offre le fpeétacle des maux qu'ils doivent réparer s'ils font fages , ou qui les attendent s'ils ne le font pas. Arme terrible & redou- tée ! l'honneur en défend l'ufage à la vengeance ; la morale l’interdit à la malignité : mais la Patrie & la vertu publi ique la confierent plus d’une fois à leurs défen- feurs. Inftrument de baflefle entre les mains de la ca- lomnie , & de prudence dans celles du patriotifme ! | Ar- mure de Jâcheté d’individu à individu, d’égal à éoal! mais armure fouvent unique du foible contre le puiflant, de lopprimé contre l’opprefleur , du citoyen contre la tyrannie | Tels font les libelles profcrits avec indignation d’un côté , repouflés avec tremblement de l’autre ; févére- ment punis par quelques-uns, encouragés par plufieurs, accueillis par le plus grand nombre, & dévorés avec d'autant plus d’empreflement & de joie, qu'il ya plus de danger à a les lire. Si je m'occupe aujourd’hui des libelles, ce n’eft pour en faire ni la cenfure, ni l'apologie. Je me borne à tracer leur hiftoire. Peut-être le tableau de leurs diver- fes fortunes chez difiérens peuples, & chez le même peuple en différentes circonftances , s’il ne défarme pas le Moralifle, éclairera l’'Adminiftrateur ; peut-être en faifant pardonner la jufte colere de four il engagera l’autre à aflurer leur fecours à la chofe publique. L'Hiftoire des libelles fera l’objet de deux differtations, 254 MÉMOIRS Dans la feconde; je préfenterai les Gouvernemens mo- dernes ; la premiere va s'occuper des anciens Empires. => < a IL ne paroit point qu'il y ait eu des Lois contre les libelles à Carthage & chez les Perfes. Les Carthaginois durent leur laifer une libre carriere, eux qui aimoient la liberté, jufqu'à ne vouloir pas même être efclaves de leur parole ; eux dont le Gouvernement fut pref- que toujours agité par deux fa@tions puiflantes (1), ja- loufes de donner à la République des Généraux & des Maoiftrats. Leur rivalité refpeétive, fans cefle occupée à s'épier & à fe combattre, n’avoit garde de profcrire la fatyre, arme que leur intérèt réciproque mettoit cha- que jour en leur main. Par une raifon contraire, les Perfes n’eurent point non plus de Lois contre les libelles. Leur région étoit le tombeau de la liberté ; pour mieux dire, l’efclavage étoit fon élément (2). On connoït le mot de Xerxès à fon Confeil avant fon expédition dans la Grece : Je vous ai aflemblés, leur dit-il, pour ne pas paroitre faire de moi-même cette grande entreprife ; mais J'at- tends de vous de l’obéiflance non des avis. Un tel dif- cours ne furprend pas dans un Gouvernement où , felon Ælien (3), quiconque contredifoit le Roi étoit frappé de verges. Les Perfes, façonnés au defpotifine , & par lui avilis, bien loin de juger la conduite de leur Mo- narque, ofoient à peine l'envifager : fe montroitil à leur vue ? Ils baïfloient leur front vers la terre , & ne PR PR (1) Hif£. anc. tom. 1 , p. 380 , la fattion Hannon & la-faction Barcine. (2) Valer. Max. lib. 9, cap. 5, ( 3)ÆL lip, 12, cap. 12. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 255 favoient qu ’adorer. Qu'’attendre d’une Nation où la fer- vitude avoit mis un bâillon à toutes les bouches, un voile fur tous les yeux & l’engourdiffement dans tou- tes les ames ? Eüût-1l écrit des libelles ce peuple qui n’o- foit pas murmurer? De la Perfe & de Carthage, paflons à la Grece. Lacédémone fe préfente : Lacédémone où les citoyens ne vivant jamais ifolés , ni dans leur domeltique, mais toujours en public s toujours en préfence les uns des autres, pafloient leur vie à s’obferver , & fe fen- toient entrainés à la critique par le ton de pla anterie auquel on les familiarifoit dès l'enfance , par leurs aga- ceries réciproques, par les queftions de leurs chefs, qui, au milieu d’une converfation ou du repas, ne demandoient leur avis fur tel & tel citoyen ; queftions auxquelles leur réponfe devoit être car e & prompte, s'ils ne vouloient être expofés à des chäti- mens féveres. Eft-1l à préfumer que l’on ait prohibé les écrits fatyriques dans une Ville où les habitans avoient fans cefle leur efprit & leurs entretiens tournés vers la fatyre ? Is ne le furent point ; & cependant on n’en vit pa- roître aucun : la raifon en eft fimple; cette critique ha- bituelle que les Spartiates exerçoient les uns envers les autres , leur en tint lieu. Les libelles n’auroient eu pour eux ni le piquant de la nouveauté , ni le plaifir malin de manifefter des vices fecrets , deux attraits qui les font tant rechercher ailleurs. Auffi l’hiftoire de Lacéde- mone n’en fournit , que je fache , aucun exemple. Il n’en étoit pas de même dans les autres Républi- ques de la Grece. La jaloufie & les rivalités inévita- bles entre des égaux, n’y avoient pas, comme à Sparte, *]'Ofracifme. 256 MÉMOIRES l’occafion journaliere d’épancher leur bile , & pour ainf dire, d’en faire évaporer le fiel toujours plus âcre lorfqu’il eft concentré ; elles ji répandirent à grands flots dans des harangues Lohet ere & des pamphlets brûlans. Plutar- que, dans la vie de Pélopida as, fait mention d’un cer- tain Ménéclide Rhéteur, qui joignoit quelques talens à beaucoup de Face ces A ue de décrier Epami- nondas, 1l parvint à luifaire ôter le commandement de l'armée ; injuftice dont celui-ci fe vengea bientôt en grand homme, en ramenant, fimple Soldat, par fa me & fon habileté, fUbdiles drapeaux Thébains, la viétoire de linconfidération & l'ignorance des Chefs qui le remplaçoient avoient éloignée. Ce Ménéclide fut püni dans la fuite ; peut-être les Thébains fe montre- rent-ils pl us féveres à fon égard par le fouvenir de lin- juftice à laquelle il les avoitengagés ; mais fes inve&ti- ves contre Epaminondas ne RÉ eue ni detitre, ni de prétexte à fa condamnation. Ses calomnies purent, par réflexion , indigner contre lui fes concitoyens; elles n'at- tirerent pas fur fa tête, l’animadverfion des Lois. En effet, il n’entroit pas dans les vues des Léoifla- teurs de la Ka de profcrire les libelles : occupés à rendre leurs peuples libres, ils devoient donner carriere aux Ecrivains fatyriques. Auffi voyons-nous qu’à Athe- nes, où l’amour de la liberté alla jufqu'a l'ivrefle , OÙ il eut peut-être plus d'énergie, dumoins plus d’explo- fion que dans aucune autre Républi ique, les libelles fu- rent accueillis, encouragés & applaudis à à l'excès. Com- bien devoit en être avide une Ville, qui feule de tou- tes les Villes libres, eut un genre + de punition pour quiconque par fes ne ou fes hauts faits, fe rendoittrop P' pue ou trop célebre , & où l’on vit Roue ee {ans DE L'ACADÉMIE D2 TOULOUSE, law fans autre motif que la laflitude de l'entendre louer ! une Ville dont le ton de plaifanterie fervit de modelle, & devint le terme de perfettion en ce genre , & dont les habitans oififs & d’un efprit fubtil, avoient fans cefle befoin d’être excités par la faillie , & pardonnoient tout pourvu qu'on les amusàt ! M'oppoferoit-on ici quelques Lois (1) qui puniffent les propos injurieux proférés au Speftacle , dans les Tem- ples, en préfence des Magiftrats ? Je répondrois : ces Lois profcrivent & vengent les propos infultans plu- tôt que les propos injurieux ; on étoit à l'abri de la peine, fi, tenus hors de la préfence de celui qu’ils offen- {oient, ils fe trouvoientexempts de calomnie. Ces Lois puniflent moins les propos en eux-mêmes, que la vio- lation du refpeét qui eft due aux lieux où on les tient; c’eft dans les Temples, au Speftacle, en préfence des Magiftrats qu'elles défendent de manquer à un citoyen, & cette reftriétion les abandonne par-tout ailleurs à la malignité de la fatyre. Ces Lois même femblent s'in- quiéter peu de fon honneur particulier ; & ne craindre que fon premier reflentiment auquel une infulte faite dans des lieux refpeétables, peut donner une explofion ue la raifon ne fauroit modérer, & qui feroit perdre à ces aflembiées la fureté dont elles doivent jouir. Ces Lois enfin ne furent peut-être jamais exécutées , ou ne le furent que par intervalle lorfque la liberté civile étoit anéantie. J'ai pour garant de cette aflertion l’opinion affez gé- néralementrépandue chez les Anciens , que Civitatis prin- cipibus probra dicere étoit un ufage des Grecs, & un RC EEE SR TENTE PT IUT (1) Samuel Petit, Leges Arricæ tir, de Conviciis, Tome IF. KK 253 MÉMOIRES ufage autorifé par les Lois. J'en ai pour garant encore la hardiefle connue des Poètes du théâtre d’Athenes. Ce feroit peut-être ici le lieu d’entrer dans le détail des pieces d’Ariftophane , qui portent réellementtous les ca- raéteres d’un libelle , perfonnalités âcres, mordantes , fans déouifement & fans mefure. Mais je me bornerai à pre- fenter une efquifle rapide de la deftinée du théâtre comique d’Athenes. Son extrême licence fera connoître à quel point on devoit ufer de la faculté de manifefter : fa penfée dans des écrits privés, à l'égard defquels on a chez tous les peuples montré plus d’indulgence , qu'en- vers les ouvrages faits pour paroïtre au grand jour en préfence d'une Nation entiere. Les modifications mêmes que recut fon théâtre, parfaitement correfpondantes aux altérations diverfes de fon Gouvernement, feront ref- fortir l'union intime que nous offre l’hiftoire entre la liberté d’écrire & la liberté civile. Pendant la guerre du Péloponnefe, époque où le génie de la liberté préfida plus que jamais aux deftins d’A- thenes , on vit briller l’ancienne Comédie greque. Elle traduifoit fur la fcene les ridicules , les travers & les vices de citoyens connus ; elle les défignoit par leurs noms , & peignoit fur le mafque de fes AËteurs les traits de leurs vifages. A fa fuite, marcha la Comédie moyen- ne , qui reçut des chaines, ainfi que la Patrie. Ses pein- tures vagues des mœurs eurent un coloris moins Vi- ooureux ; eflet du defpotifme des trente tyrans, aux caprices defquels Lifandre , après fa viétoire, aflervit les Athéniens. Cependant le retour de la liberté ramena fur la fcene, non la licence d’Ariftophane, mais des traits hardis & fortement prononcés, & des caraëteres deffinés avec trop de vigueur pour qu’on püt s’y mé- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 249 prendre. Son regne ne fut pas long. Le théâtre rentra dans l’efclavage à mefure qu’Athenes s’acheminoit vers la fervitude, & l’on vit paroïtre la comédie nouvelle ; vaincus par Philippe, fubjugués tout-à-fait par Alexan- dre & fes fuccefleurs, les Athéniens ne reçurent plus fur leur fcene que des tableaux d'imagination, des por- traits dont les linéamens pris fur une fouie de phyfiono- mies différentes, n’en défignoient précifément aucune ; & des peintures générales du cœur humain ,au lieu du caraétere énergiquement colorié d’un homme. Cette gène fut utile au bon goût ; on l’a dit, & peut-être avec rai- fon : mais cette gêne fut encore plus utile aux mauvais citoyens. Îls purent trahir la Patrie fans craindre la cen- fure, & bientôt il n'y eut plus d’Athenes, Après avoir jeté un coup d’œil fur le fort des écrits fatyriques chez les Grecs, confidérons quel il fut chez les Romains. Ciceron, dans fon quatrieme livre des Tufculanes, rappele, fur la foi des origines de Catorr, que leurs ancêtres étoient dans l’ufage, à la fin des re- pas, de célébrer les a&tions mémorables & les vertus des grands hommes. Ces chanfons , confacrées d’abord à la louange, fe préterent bientôt à la fatyre. Il n’eft pas étonnant que dans une Ville libre , Où chaque ci. toyen répondoit de fa conduite à tous les citoyens, où chacun étoit intéreflé à connoître les mœurs & les ta- lens de ceux qu'il devoit, par fon fuffrage , élever aux honneurs ; il n’eft pas étonnant que dans une telle Ville: ka fatyre ait eu beaucoup de partifans, & les libelles une grande vogue. Lorfque fous les Décemvirs l'efprit du Gouverne- ment changea, le cours des écrits fatyriques fat inter cepté. Les tyrans redoutoient la critique ; il falloit biery 260 MÉMOIRES qu’elle expirat avec la liberté. Les Décemvirs , qui for- moient une ariftocratie, dit Montefquieu , punirent de mort les écrits fatyriques tr Ciceron, qui penchoit plus pour ce Gouvernement que pour le régime républicain , ainfi que l’on peut en juger par le peu de juftice qu ‘il rendoit intérieurement aux Graques, ces fiers & généreux martyrs de la liberté, quoiqu'il les louât devant le peuple , Ciceron penfoit comme les Décemvirs ; un pañfage de fes livres de la République, que St. Auguftin nous a tranfmis dans la Cité de Dieu , applaudit à la peine de mort prononcée arla Loi des douze Tables contre les Auteurs des libelles. Præclare ! dit-il, udiciis enim Masgiftratuum , ac difceptationibus lepitimis propofitam vitam , non poeta- rum ingenits habere debemus : nec probrum audire nift e4 Lepe ut refpondere liceat € judicto deféndere (2). Îl ne paroit pourtant point que cette Loi des douze Tables ait été jamais en vigueur; je ne fache pas que tant qu'a duré, la République, on trouve un feul exemple d'un citoy en puni pour avoir fait des libelles. Le pat- fage même de Ciceron annonce qu’il redoutoit moins la “fatyre que l’anonyme du fatyrique. Il lui paroifloit peu dangereux de voir attaquer la réputation d'un ci- toyen, pourvu que, connoiflant fon agprefleur , ce citoyen eût la faculté de lui répondre & de fe défendre. Nous verrons bientôt fa conduite juftifier l'explication que je donne de fes principes. (1) Efprit des Loi, liv. 12, ch. 13. V. auf le Liv. 6, ch. 15, où Montef- quieu développe fon idée. Au refte, ceux qui ne jugeront cette Loi que d’après l'expreflion apparente, croironr qu’elle ne condamne les auteurs des libelles qu’à étre frappés de verges. Mais ceux qui connoiffent comment on la mettoit SAMPLE atique, favent qu’on les frappoit de verges jufqu’à la mort. V. fur cette Loi de la feptieme Table, les Obfervations de Pothier, tom. 2, p. Ixxx)} des Pandeët. Juflin. (2) Ce pañage fe trouve dans la Cité de Dieu, de S. Anguftin, liv. 11, ch, 9. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 267 Les libelles durent être très-rares danses beaux temps de la République. N’étoient-ils pas remplacés par la cenfure, cette Magiftrature admirable , appuyée fur les mœurs, & leur gardienne, plus puiflante que les Lois & plus terrible que la fatyre? Les jugemens de ce Tri- bunal prévenoient l'inveftigation de la malignité ; ils éloignoient les vices & les excès qu’elle aime à décou- vrir & à pourfuivre. De plus, lesations populaires étoient admifes à Ro- me; chaque citoyen avoit le droit de dénoncer aux Tribunaux les crimes privés & les crimes publics : quel befoin auroit-on eu de recourir à ces écrits ténébreux qu'enfantent d'ordinaire & le défir, & le danger, & l'impuiffance de la vengeance ? Les harangues mêmes de la plupart des Tribuns du peuple contre les Patriciens, ces tableaux vigoureux de leur orgueil, de leur dureté, de leur ambition & de leurs ufures, n’étoient-ils pas de vrais libelles? N’en étoient-ils pas aufli ces difcours où l'Orateur Romain peignoitde couleurs fi fombres & fi pit- torefques, les crimes & les vexations de Clodius & d’An- toine ? Eft-il beaucoup d'ouvrages de ce genre où l’on trouve autant d'énergie que dans ceux-là ; autant de fiel, & fur-toutautant de cette indignationde la vertu contre la fcélératefle ? Une Nation chez laquelle il étoit permis de parler avec tant de liberté dans le Sénat & les aflem- blées du peuple , n’avoit rien à dire dans des écritsprivés. La fatyre devoit refter muette, lorfque la Tribune faifoit ainfi juftice de l’inconduite des gens en place. Cependant elle ne le fut pas toujours, ou dumoins elle épancha fa colere dans des écrits injurieux, lorf que les circonftances ne lui permirent point de fe fa- tisfaire dans des harangues. Ciceron écrivit fes Livres 262 MÉMOIRES contre Verrès, ne pouvant plus le pourfuivre devant les Tribunaux. Il en ufa de même à l'égard d'Antoine; & quoique fa feconde Philippique ait la forme d'une harangue , quoiqu'il paroïfle parler en fa préfence dans le Sénat, le ferrer corps à corps, & l'accabler d'n- terpellations fréquentes (1), la vérité eft que ce dif- cours ne fe prononça point. Ciceron le compofa dans le filence du cabinet, le fit diftribuer à fes amis, & le jeta dans le public. Quel écrit ! C’eft une diatribe violente contre Antoine, une fatyre amere de fa perfonne & de fa conduite, un févere examen de toute fa vie : ce font des tableaux de fes débauches d’un coloris fi vi- goureux, qu'ils pourroient être regardés comme un chef- d'œuvre en ce genre, fi ces débauches, dégoütantes en elles-mêmes , ne venoient pas dégrader & fouiller pref- que les peintures trop naturelles que Ciceron en pré- fente. Quel fut le fort de ce libelle? Antoine , alors Cor- ful de Rome, le premier de l'Etat par fa place, & le plus confidérable des Citoyens par fa puiflance, fes richefles & fes amis , le dénonçat-il à un Tribunal quel- conque ? En invoqua-t-il la Juftice contre fon Auteur? Ii l'eût fait fans doute , fi la Loi que j'ai citée plus haut eût été en vigueur, même avec la modification de la Loi Porcia , comme le prétend Pothier dans fes frag- mens des douze Tables (2), c’eft-a-dire, avec la peine (1) Cette harangue paroît être prononcée le 13. des calendes d'Ottobre, en réponfe à celle d’Antoine : mais ce jour-là Ciceron ne fe rendit point au Sénat où il ne croyoit pas.qu'il y eût pour lui furété. Il l’ammonce lui-même dans fa troi- fieme Philippique, n°. 33 : Aunc ego diem erpeétans M. Antonii ftelerata arma vitavi… ll écrit en ces mêmes termes à Caflius, lettre z,liv. 12. Nec Pifonr… nec mihi… tuto in Senatum venire licer. Cædem enim gladiator qguærit ejufque initium. A. D. 13: Kkal. O. à me fe faélurum putavir, (2) Pandec. Juflin, tom, 12, pag. Ixxx}, DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 263 de l’exil fubftituée à celle de mort. Le filence d'Antoine, dont l'irritabilité & lefprit vindicatif font connus, & fon filence dans un temps où l'autorité confulaire & fon crédit perfonnel lui euflent donné tant d'influence dans le jugement, prouve aflez que la rigueur de la Loi des Décemvirs, favorable à la puiflance abfolue, avoit été annullée par l'efprit républicain, à qui la faculté de penfer librement & d'écrire de même a toujours paru l'apanage & la fauve-garde de fa liberté politique. Si les Profateurs ne s’abftinrent pas d'écrire des libel- les, quoique le Gouvernement leur permit d'attaquer, à vifage découvert , les gens en place, on fent bien que les Poètes ne furent pas plus modérés : les Poètes ! qui par leur extrême fenfbilité , & peut-être par une maladie particuliere , font tellement enclins à la fatyre, que ceux-là feuls s’en garantiflent qui, continuellement {ur leurs gardes , ont, par la févérité de leurs prin- cipes , réprimé leur irritabilité naturelle ! On ne fera donc pas furpris de voir la poéfie fuivre fon penchant ordinaire, & attaquer les vices des Romains avec l'arme du ridicule. Les prémiers quife préfentent dans cette carriere font Ennius & Lucilius ; on fait qu'ils inventerent un nou- veau genre de poème (1), où tout, en paroiïflant ne s’occuper que des principès de la morale & des leçons du portique , ils frappent avec âcreté quiconque tranf- orefle leurs Lois. Cenfeurs mordans & fans pitié, ils pourfuivent, ils nomment, ils flétriflent tout homme vicieux, le livrent aux fiflers de la multitude, & le a ———— — (1) Is nommerent ce poème Saryre ; poème bien différent de ceux que les Grecs appeloienr du méme nom, & qui n’étoient que des drames de gaieté & de bouffonnerie fans aucune efpece de fiel, 264 MÉMOIRES forcent à rougir & à fe cacher. Riches Plébéiens, Patri- ciens diftingués, Citoyens illuftres, perfonnages émi- nens de la République, Lucilius les (1) attaque tous, & n’épargne que la vertu. Sans doute les méchans fe fouleverent contre lui ; mais nous ne voyons pas que les Lois aient fecondé leur vengeance. Non, dans Rome libre, les Auteurs des fatyres, les Poètes les plus mordans ne furent jamais inquictés par elles ; & nous ne trouvons aucun Tribunal qui ait févi contr'eux, & qui ait arrêté le cours de leurs chanfons & de leurs épi- grammes (2). Céfar, au faîte de la puiflance, maître abfolu de la République, ofenfé par Catule, ne diffi- mule pas fon reflentiment, & fe borne à exiger des ex- cufes : plus indulvent encore envers Calvus, il lui écrit le premier , dès que des amis communs lui font connoiïtre les regrets du Poète. Cette modération eft grande , mais le récit de Suétone qui nous a tranf- mis ces faits, eft remarquable. En célébrant la clé- mence de Céfar, il en parle comme d’un Prince qui excufe une oflenfe pour rendre fes bonnes grâces , &c non comme d’un Souverain qui fait taire les Lois à l’é- gard des citoyens coupables. Céfar oublie un outrage, mais ne pardonne pas un délit. Eh l'quimontre davantage l’extrême indulgence des Romains pour les écrits injurieux , que la cérémonie du tromphe ? Ne voyons-nous pas (3) les foldats de Céfar (1) Horat. far. 1, liv. 2, en parlant de Lucilius, Primores populi arripuir, populumque trisutim Scilicer ni œquus virruri arque ejus amicis. (2) Suetonir, Jul, Cæfer. cap. 73. Obfervons que Suérone intitule ce cha- Fitre : De odiorum facili remiffone , ©eft à-dire, de la facilité de Céfar à par- * . . “ 2. P donner à ceux dont il avoit à fe plaindre. (3) Denis d’Alicarnaffe , liv. 7; Dion. Cafius, Liv. 43 n°. 30 ; Suétone, Jules-Céfar , eh, 49. fuivre DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 265 fuivre fon char en chantant.des chanfons où l’on rap- peloit fes débauches, & l’infamie dont il s’étoit cou- vert à la Cour de Nicomede ? Ne voyons-nous point au milieu des profcriptions de Marc- Antoine , lorfque la liberté paroifloit annéantie , & que tout citoyen trem- bloit devant le Triumvirat, ne VOyons-nous point les foldats qui marchoient à la fuite du char de Lépidus, un des Triumvirs , & de Plancus (x) fon colleoue , leurinful- ter par des railleries , & jouant fur le mot qui fignifoit & frere & habitant de la Germanie, leur reprocher de triompher, non d’un peuple vaincu par leurs exploits, mais de leurs freres qu'ils venoient de faire incrire dans la lifte des profcrits ? Peut-être à ce que j'ai dit de la liberté Au nie des Poètes, oppofera-t-on l'exemple de Nævius traduit pour fes fatyres devant les Juges criminels, appelés Pare capitales , & envoyé par eux en Prifon Mais ce trait d'hiftoire prouve , à mon avis, d'une maniere invincie ble, d’abord l'abrogation de Ja peine de mort pronor- cée contre les Éoau fatyriques par la Loi des douze Tables ; en fecond lieu, le peu de propenfion de l’ef- prit républicain à punir ces fortes d’écrits, & la grande indulgence que le Gouvernement de Rome avoit pour eux en ce temps-là. Le récit d’Aulugelle, qui nous a tranfmis ce fait, eft remarquable : Cm (/Vævius) ob affiduam maledicentiam 6 probra in préncipes Civitatis , de Græcorum more, dila , in vincula, Rome , à Triumwiris conjeëlus-effet ; 1 pofta Tribunisp lebei exemptus efè( 2). Ne ufant de la liberté que la Grece accordoit aux Poëtes , & s'étant permis d'inveêtiver contre les prin- = (1) Vellcius-Parerculus, liv. 2, chap. 67. (2) Eces nuits d'Aulugelle, liv, 3, chap. 3, Tome IF. EL 266 MÉMOIRES cipaux citoyens , fut mis en AL par ordre des Trium- virs, Juges criminels ; mais les Tribuns du peuple le fière fortir. Que conclure de la ? finon que les Tribuns du peu- ple, c’eft-a-dire, que les gardiens & les proteëte urs de la liberté, regardoient la faculté de divulguer fes penfées fans ménagement, fans gène, & même avec licence, comme inhérente en quelque forte à la liberté civile. Ils crurent qu'ufer de cette faculté , n’étoit point un délit ; que le Poète n’avoit encouru aucune peine , & que Maire pouvoit pas le détenir en prifon, puifqu’ on m'auroit pas dû l'y traduire. Ne diffimulons pas qu'Aulugelle ajoute que Nævius effaça de fes comédies , les traits qui bleffoient les Grands: cèm in Lis, quas Era dixi, fabulis (x), delicta fua €: petulantias diélorum , quibus multos lLeférat , diluiffer. Mais nous nous tromperions fort, fi nous regardions cette condefcendance de Nævius, ou , fi l’on veut , fon obéiffance aux ordres des Tribuns, comme une preuve de prohibition d'ouvrages fatyriques. St. Aupuftin, dans la Cité de Dieu (2) , nous fait connoiître , d’après FR le jugement que nous devons porter delcette démarche volontaire ou forcée de l’Auteur des comédies. Ce ne fu- rent pas comme inve@tives que les traits dont il s’agit du- rent être retranchés des pieces du théâtre de Nævius, mais comme fimples mentions de citoyens vivans : ee ils été à leurs louanges , on les auroit effacés de même. Les anciens Romains, difoit Ciceron, ne permettoient ni de blämer ni de Je fur la fcene qui que ce foit (1) Aulugelle appelle ces fatyres deliéla, un délit ; mais les Tribuns du peuple ne penfoient pas de même. (2) Cité de Dieu, liv. 11, ch. 9. DEL'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 167 pendant fa vie : veteribus di iplicuiffe Romanis , vel lau- dari quemquam in Jcenä vivum hominem, vel vituperari. Il eft donc vrai que dans les beaux Had de Rome, (Nævius vivoit du temps des premieres guerres puni- ques ) dans ces jours célebres par les élans de la liberté, les prodiges du courage & du patriotifme , on fut tres- indulgent pour les libelles ; on le fut encore dans ceux qui fuivirent Si Marc-Antoine fit attacher à la tribune aux haran- gues la tête de l’Orateur, dont les écrits fatyriques & les difcours véhémens lavoient couvert d’un opprobre ineffaçable , ce fut la vengeance qui diéta cette atrocité : les Lois n’y préfiderent point. Elles fe taifoient alors, effrayées à l’afpe&t du fer enfanglanté du Triumvir & de fon ame féroce. Mais dès que l’efprit républicain diminuoit d'énergie, & que l'égalité civile perdoit fon équilibre , les libelles étoient profcrits & leurs Auteurs inquiètes. Ainfi Me- tellus & Scipion chagrinerent le Poëte Nævius dont nous avons parlé : ainfi les Décemvirs, qui vifoient au defpotifme , s’occuperent des libelles dans la Loi des douze Tables : ainfi lorfque Sylla, guidé par la foif des richefles, le défir de fe venger, le dépit d’avoir effuyé de la ufilance de la part dé ar égaux qu'il vou- loir affervir , eut fait ruifleler dans Rome le fang de fes concitoyens, lorft qu l fe fentit un monftre aux veux de tous, il craignit les écrits fatyriques , & fa Loi Cor- nelia parut : ainfi Augufte, après fes horribles profcrip- tions , & teint, comme lui, du fang romain, clafla les A libelles au nombre des crimes de lefe-majefté (a): ainfi (1) Tacite , Annales, liv. 1, ch, 72, 268 MÉMOIRES Tibere , au commencement de fon reone, s'emprefla d adopter les mêmes principes ; & Caligula, qui, à fon. avénement à l'Empire, donna pleine carriere aux libel- les(r), & difoit qu'il étoit de fon intérèt que la vérité des faits de fon regne pafsat fans obftacle à la poftérité, revint fur lui-même dans fon fecond Confulat, & fe difpofant à donner l’effor à fa fcélératefle , il réprima la liberté d'écrire : telle eft donc en deux mots l’hiftoire abrégée des Lois contre les écrits fatyriques ; ; elles fu- rent prefque toujours l'ouvrage de la main qui venoit de commettre le crime , ou de la tête qui le méditoit. La Loi Cornelia prononçoit la privation du droit de porter témoignage. Sous les premiers Empereurs on fut plus loin ; l'Écrivain fatyrique , mis au rang des cri- minels de es majefté, fut puni de mort. Neron, qui le croiroit ? modifia cette peine, & ne condamna Fabricius-Vejento, Auteur de libelles , qu’à l'ex11(2). À l'exil ! l'Empereur, idolàtre de fa Capitale, croyoit fans doute le punir encore avec févérité. Mais, {ous ce regne, étoit-ce une punition que d’être éloigné d'une Ville, le théâtre de l’atrocité & de l’infamie, d'une Ville où chaque jour étoit marqué par l’aflaffinat d'un homme de bien & le triomphe de la fcélératefle, & où célébrer les vertus d’un citoyen, c’étoit en pro- noncer l’Arrêt de mort? L’exil de Vejento & de quelques autres n’arrêta pas le cours des écrits fatyriques ; ils fe multiplioient au contraire, tant le regne de cet Empereur leur fournmif- foit des matériaux. Neron le comprit, ceffa de les dé- (x) Crevier, Hiftoire des Empereurs, tom, 3, pag. 17. (2) Tacite, Annales, liv. 14, ch, 50. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 269 fendre , & ils tomberent. Ces libelles (x), dit Tacite, recherchés & lus avec empreflement tant qu'il y eut du danger à fe les procurer , refterent dans l’oubli dès qu'il fut facile de les avoir. Maxime profonde & vraie ! gage du bonheur de tout Gouvernement qui s’en pénetre, elle lui épargne des vexations & de l'inquiétude : car la liberté d'écrire en Ôte le ftimulant & le défir ; & le fiel de la fatyre n’eft jamais ie àâcre que quand elle trace fes portraits a la lueur du glaive flamboyant de la tyrannie. Les fucceffeurs de Neron, avec les mêmes vices à peu-près que lui, n’eurent pas fa prudence à l'égard des libelles ; ils leur firent la guerre ; &, au lieu de fe cor- riger eux-mêmes, ce qui eût été Le meilleure maniere d'impofer filence à leurs Auteurs, & le plus sûr moyen (2) de les pouvoir mcprifer , 1ls renouvellerent contr'eux la peine capitale. Quelques-uns prirent une autre voie pour s’en dé- fendre & pour les rendre moins dangereux ; & parmi les premiers Empereurs Romains connus fous le nom des douze Ceéfars , je diftingue Velpañen. Son ame, plus élevée que la dignité impériale , fe jouoit de cette étiquette des Cours (3), reflource puérile & réfuge Or- dinaire des Princes médiocres ; & fon génie fage, per 2 (1) Conguifitos lecfitatofque donec cum periculo parabantur , mox licentia habendi oblivionem artulir. Vacite, sbid. (2) « Que m'importent les écrits fatyriques , difoit l'Empereur Titus ? Je » remplis avec févérité mes devoirs, & je tâche de ne rien faire de blämable: » ilsne peuvent donc renfermer que des calomnies , & j'ai raifon de les mé- » prifer, Quand on infulteroit mes prédécefèurs , je ne m'en inquiéterois pas » davantage. S'ils en font bleffés, & qu'il leur refte, chez les morts, quelque » pouvoir, ils n’ont qu’à prendre eux-mêmes foin de leur vengeance, » Voyez Dion. Caflius liv. 66, n°. 19, dont je préfente l’idée fans traduire rigoureule. ment les cxpreflions. (3) Dion, Caïlius, liv. 66, n°. 11, Vefpañen II, #54, 270 MÉMOIRS fachant apprécier les libelles, les livroit à fon efprit pour en faire juftice (x) ; il oppofoit le perfiflage aux arcafmes ; à côté des placards injurieux, il fe plaifoit à faire afächer des réponfes plaifantes , & d'en émoufler les traits en les tournant en ridicule. Près de trois fiecles après lui , l’on vit paroître fur le même Trône un homme dont le caraëtere ,à peu-près pa- reil , eut néanmoins une trempe plus visoureufe : l’Em- pereur Julien , homme fingulier & grand perfonnage, doué d’un efprit rare & de qualités morales plus rares encore ; Prince étonnant, dont le feul travers fut d’ou- trer peut-être l’auftérité des Stoïciens, de vouloir faire revivre une religion qui n’avoit plus pour elle l'opinion publique , & de reflufciter les anciens Dieux de Rome & de la Grece, dont les zélateurs du Chriftianifme avoient détruit les Autels & ridiculifé le culte. Les habitans d’Antioche, Chrétiens pour la plupart, en cela feulement qu'ils n’adoroient pas les idoles (2), & d’autant plus empreflés à leur refufer leur encens, que c’étoit faire dépit au Prince qui leur offroit le fien; les habitans d’Antioche, adonnés au luxe & au plai- fir , voyoient de mauvais œilun Souverain peu faftueux & de mœurs aufteres. Ils manifefterent leur humeur ; & Julien fe vit aflaillir de brocards, d’épigrammes & de libelles de toute efpece. Quel parti prendre ? Faire revivre les anciennes Lois de lefe-majefté contre de tels Ecrivains ? Il avoit trop de bon fens. Employer fon au- torité ? Îl en auroit eu honte. Il eut recours à fon ef- prit, & fe vengea par un libelle. Rien de plus fingu- lier que de voir un Souverain écrire contre lui-même ; r (1) Dion. Caflius , lib. 66, n°. 11 , Vefpañen. s (2) Voyez le portrait des habirans de la ville d’Antioche , dans la vie de Julien, par l'Abbé de la Bleterie, pag. 333 & fuivantes. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 271 & tout en fe difant des vérités un peu dures, & plus facheufes même qu'il ne penfe , jeter à pleines mains fur fes fujets le fel de la plus fine raillerte. Le Mifo- pogon, ceft le titre de fon Ouvrage, préfente le contrafte le plus piquant & le plus philofophique (1). D'un côté , le paganifme foutenu par un Prince aufte- re, & rigoureux obfervateur des regles de la fageñle ; & de l’autre, des (2) Chrétiens prefque uniquement oc- cupés de fpe&tacles : l'homme chafte aux pieds de Vénus ; & des hommes de plaifir fous l'étendard de l'Eglife : un Philofophe adonné à toute efpece de {u- perluitions , & des Difciples du Chrift à toute forte de voluptés. Ici un Prince (3) aimant aflez le bien public pour permettre au peuple de nommer fes Magiftrats ; & là, ce peuple aflez peu digne d'un tel bienfait pour porter fes regards dans la fange , & s’y choifir des Sé- nateurs : d'un côté , un Empereur perdant de fa dignité par fon extérieur trop modefte , & perdant même l'effet de fes vertus par la fimplicité de fes manieres ; & de l'autre, une Ville défordonnée blâmant dans fon maitre des bonnes qualités qui la rendent heureufe, & lui défi- rant des vices (4) qui la rendroient miférable ; en deux mots, le contraire de ce qu'a coutume de préfenter le tableau des Nations, un peuple voluptueux & une Cour frugale ; des Citoyens parefleux & un Souverain appliqué ; un defpote populaire & des fujets d'un Prince abfolu l'infultant hautement & avec impunité ($). 1 (1) Voyez la traduétion du Mifopogon, par l'Abbé de la Blercrie, édition de Paris 1748 , pages 12, 24 &t 34- (2) Jbid. pag. 51, & pañlim. Voyez auffi la note de la précédente page. (3) Ibid. pag. 80, 81. (4) 1bid. pag. 14. (5) Ibid, pag. 71. 272 MÉMOIRES L'hifloire ne nous apprend pas quel fut l'effet de de lécrit fatyrique de Julien ; mais il eft vraifemblable qu'il arrêta le cours de ceux qui fe répandoient avec profufion dans Antioche. Un Souverain qui fe jugeoit avec févérité, & qui oppofoit raillerie à raillerie, dut réduire au filence, & ceux qui par leurs fatyres fe pro- pofoient de l’humilier , & ceux qui fe fentirent vaincus dans ce genre de combat, le plus facile de tous, & dans lequel ne s'engage jamais l'homme à grands talens, à moins que fa propre défenfe ou la perfpettive d’un grand danger ne l'y déterminent. Î ne fut pas donné à tous les Empereurs d’avoir aflez d'efprit pour ripofter aux libelles, aflez de bon fens pour les méprifer, ni d'aimer & de faire aflez le bien pour ne pas les craindre. La plupart ne pouvant fe dif- fimuler leurs vices, & ne fe rappelant que leur auto- rité, les profcrivirent. Alors on accumula à l’envi les Lois pénales contre leurs Auteurs : on fit revivre les an- ciennes, & l’on vitenvelopper dans le même châtiment, & celui qui les compoloit & celui qui s’occupoit à les répandre, & celui qui les trouvant par hafard ne les brüloit pas, & celui enfin qui les lifoit, ou dumoins qui divulguoit ce qu'il y avoit lu. Cependant nous ne voyons point que le petit nom- bre d'Empereurs, fur lefquels on fe repofe avec com- plaifance du fpeétacle hideux de cette foule de fcélé- rats Qui tour à tour occuperent ou envahirent le Trône des Céfars ; rous ne voyons pas que les Antonin, les Frajan, les Marc- Aurele aient pourfuivi les Ecrivains fatyriques , eux qui firent une guerre ouverte aux déla- teurs, ces ennemis naturels de l’homme de bien, ces faux du defpotifme, fléaux même du Prince qui les ; écoute , DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 273 écoute, puifqu'en le rendant odieux, ils ont fouvent préparé ou précipité fa chute. Mais les libelles furent profcrits par Domitien (1), l’émule de Neron dans fa férocité ; de Tibere, dans fa ténchreufe diflimulation ; de Caligula , dans me mépris pour les beaux Arts &r les grands Ecrivains : Domi- tien , dont les vices & les crimes paroïflent & devien- nent plus atroces, quand on fe rappelle qu'il étoit fils de Velfpañen & frere de Titus. Les libelles furent proferits (2) par Théodofe , qui, pour une faute grave, a la vérité, mais déja pardonnée, fit, en pleine paix ; au milieu re fête , pafler au fil de l'épée une partie des habitans de Theflalonique, vieillards, femmes, enfans, fans diftin@tion des inno- cens & des coupables : atrocité que fes regrets tardifs ne fauroient expier aux yeux des hommes(3),& dont, par aucune confidération , l’hiftoire ne devoit affoiblir l'horreur dans leur mémoire. (1) Voyez Suetonii Domitianus, cap. 8. (2) Code ‘Théodofien , titre de Fam. Libell. Liv. 9. (3) Je n'oublie point la pénitence de Théodofe , honorable pour ce Prince , plus honorable encore peur le faint Prélat qui ofa la lui impofer, pour la Religion qui l'exigcoit : & je vois avec attendriflement l'Empereur dépouillé de fes ornemens impériaux, le front contre terre, retenu à la porte de l’Eglife parmi les péni- tens publics, implorant miléricorde, & n’ofant fe mêler dans l’Aflemblée des Fidelles. Mais qu’eft-ce que cette pénitence comparée au crime ? Non, jamais lhiftoire, ce tribunal de l'humanité, n’auroit dû ceffer un inftant de faire juftice d’une a&ion fi atroce ; elle devoit l’attacher irrévocablement au nom de Théodofe en figne d’opprobre; elle devoit, fi je puis m'exprimer ainfi, frapper continuelle- ment de mort cet affaffinat de fept mille hommes ; de même que les ‘L'ribunaux des Lois envoient à l'échafaud laffaflin d’un feul, “malgré les vertus de fa vie en- ticre , quoique la Religion pardonne à fes remords, & que le peuple attendri honore fon fupplice de fes larmes. Aurefte , il eft une autre Loi de Théodofe, au Code S quis Imperatori maledirerie, dont on faiñroit mal l’eforit, fi on la croyoit contraire aux deux Lois citées fous le titre de Fam. lihel!. & en aboliffant les difpofitions. Dans la Loi Si quis, il ne s’agit pas des libelles. Théodofe y parle des propos inconfi- dérés & injurieux ER contre lui. Il ne les déclare même pas exempts de pue nition ; mais il fe réferve de les punir lui-même, & il en ôtc la connoiffance aux Gouverneurs des Pbéihces Reoribus Provinciarum. Tome IF. Mm 274 MÉMOIRES Mais les libelles furent profcrits par Arcade (1), qui, jeune, voulut faire aflafliner fon Précepteur , & qui, revêtu de la pourpre impériale , abandonna les rênes de l'Empire à des Eunuques aufh vils que lui. Ils le furent par Conftance (2), monftre de cruauté quand il parvint à l’Empire, & quand l’heureux fucces de fes armes l'y eut aflermi. Prince avare & méfiant, accoutumé à jeter des troupes de délateurs à la pour- fuite des citoyens riches, pour envahir leurs tréfors, & des citoyens honnêtes pour fe débarrafler du fpeétacle importun de la vertu. Enfin ils le furent par Conftantin (3), bourreau de fa famille entiere ; de fa femme , à laquelle il devoit la vie ; de fon neveu, à peine adolefcent & de la plus belle efpérance ; de fon fils aîné , fon noble émule dans la guerre contre les Francs, & fon aide brillant & viétorieux dans la guerre contre Licinius ; enfin de fon beau-frere, qui, plein de con- fiance en fa parole, s’étoit jeté fans armes dans fes bras, & avec lequel il avoit fait un traité de réconci- liation & de paix cimenté par la religion du ferment: Conftantin qui dut redouter la cenfure, comme 1l fré- mifloit (4) à la vue de Rome, théâtre de fes forfaits ; Guerrier vaillant & heureux , proteéteur des Lettres & Prince magnifique ; mais defpote abfolu, foupçonneux & cruel, & à qui l’on donna le nom de Grand, comme lon donnoit à Tibere celui de Pere de la Patrie (5). (1) Fils de Théodofe. Voyez la Loi derniere , au titre de Fam. libell. du Code Théodofien. {2) Fils de Conftantin. Voyez la Loi 5, au même titre du même Code. (3) Voyez la Loi 1, au titre de Fam libell. du Code Théodofien. (4) Voyez le Beau, hift. du bas Empire, tom. 1, p. 447 & fuivantes. (4) Conftanrin eut l’avantage de faire aficoir le premier, la Religion Chré- tienne fur le Trône des Céfars ; cet événement , qui fut moins l'effet de fa piété DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 217$ Le Code Théodofien nous a tranfmis les conftitu- tions de tous ces Empereurs ; celle de Valentinien & de Valens, eft fur-tout remarquabl e, foit parce qu’elle réu- nit les difpofitions les plus one de toutes les autres, foit par la conclufion qui la termine. « Celui (1), difent- » 1ls, qui voudra fuivre l’ limpulfion de fon zele, & con- » tribucraubicn public n’a qu’à fe préfenter, &s' avouant » Auteur du libelle, faire part de vive voix de ce qu'il a » cru devoir y configner: qu'il vienne fans crainte , on » l’accueillera avec bonté, même avec Cu » fi la vérité guide fa langue. » Ces belles promefles vraifemblablement ne tenterent perfonne. Valens fut trop cruel, & Valentinien trop efclave de tout ce qui féntourait, pour infpirer de la confiance ; &, felon toute apparence, celui qui au- roit profité de cette permiflion en auroit bientôt perdu le pouvoir ou l'envie. Les fujets de ces Empereurs au- roient pu leur répondre ce que l’on répondroit à toute autorité qui profcrit les libelles : donne-nous un hbre accès auprès de toi ; accorde à nos plaintes proteétion & fureté ; prélerve-nous de la vengeance de tes fuppôts que de fa politique , lui a concilié les Ecrivains Chrétiens. Ils ont cru mal-à-pro- pos la Religion intéreffée à jeter un voile fur fes crimes , & à exagérer quelques- unes de fes bonnes qualités. Mais à Dieu ne plaife que le Chriftianifme ait eu bsfoin de ce fecours ! Les principes de cette Religion fainte doivent au contraire nous donner de l'horreur pour un Prince que fon caraëtere foupçonneux rendit l'affaflin de tous les fiens, & que fon cara@tere foible rendit funefte à fes fujets par lafcendant que prirent fur luifes Miniftres, Quoique la mort de Faufta fa femme ne für que la jufte punition de fes ca- lomnies qui avoient fait périr Crifpus , cependant Conftantin ne devoit pas la punir lui-même ; il la devoit livrer aux Lois. Cerce punition trop précipitée prit la couleur de l'injuflice, ditle Beau, hift. du bas Emp. tom. 1 , p.635. (x) Si quis devorionis fuæ ac faluris publicæ cuflodiam gerit; nomen Juurn profitearur , &'ea, quæ per famofum profequenda putavit , ore proprio edicat : ità ut abfque AT trepidatione accedat , fciens qgudd fi afferrionibus vera fides füuerit opitulara, laudem maxrimam ac ani à nofira clementia confequetur, 276 MÉMOIRES & de tes Miniftres , & fur-tout rends-nous juftice. Loin de confer notre reflentiment à des écrits fecrets, nous nous emprefferons de porter à tes pieds nos malheurs & nos larmes. Mais tant que, fourd a nos cris, tu t'ifoleras dans ton fanétuaire , & que les avenues en feront gar- dées par nos ennemis, nous implorerons le fecours de tous les hommes ; nous dirons à l'univers ce qu'il nous eùt été plus doux de dépofer dans ton fein; & s'il nous faut périr fous le fer de l’oppreflion, nous appellerons , à notre dernier moment , nos contemporains & la pofté- rité pour leur demander vengeance. Nous réveillerons les remords dans le cœur de nos tyrans, ou dumoins nous y porterons la défiance & la crainte, en faifant pafler dans lame de nos leéteurs & notre indignation & notre défefpoir. Tel pourroit être à peu-près le langage des viétimes du defpotifme. Eh ! qui oferoit le blâmer, fi ce n’eft un defpote ou un efclave ?... Mais quoi ! lorfque j'ef- quifle l’hiftoire des libelles, aurois-je le deflein d’applau- dir à ces ames viles qui, dans la poufliere, infultent un grand homme ? Ah ! mon but n’eft autre que de tracer, d’une main ferme , la route de la liberté , route brillante & fublime , mais femée d’écueils comme tout ce qui tient à la nature humaine. Malheur à moi fi je venois enhardir la calomnie ! Homme de bien, j’abhorre l'audacieux dont la plume, abreuvée de fiel, tourmente ton ame. Je le dévoue aux remords vengeurs, à la licence & à la perverfité de fes pareils. Puifle-t-1l, frappé des mêmes traits qu'il lança contre toi, expier par des larmes de fang celles qu’il te fait verfer ! Viétime d’écrits calomnieux , puifle-t-1l vivre & mourir fous l'opprobre d'une inculpation téméraire ! Mais, homme de bien, DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 277 fi, au milieu de tes angoifles, tu jetois les yeux fur ta Patrie, tes amis & tes enfans, & que la Déefle au- gufte de la liberté te montrt, dans tes peines, le prix de leur indépendance & de Be bonheur ; fi les Lois, dont tu défirerois de pouvoir réclamer le fecours , tu les Voyois envelopper de leurs filets perfides , & le vrai ci- toyen qui démafque les méchans, & le patriote g oéné- reux qui déconcerte la tyrannie ; fi toi-même » garanti du calomniateur, par ces Lois proteëirices , te trouvois livré par elles aux foupçons du délateur, à l’inquifition d’une autorité inquiete & jaloufe ; enEA , fi les annales de l’hiftoire t’offroient le filence, qui ee fur les pas de ces Lois prohibitives, fuivi dans tous les temps & chez tous les peuples des chaines de l’efclavage & des horreurs du defpotifme , alors, alors moins afleî@é de tes maux particuliers, tu les offrirois en facrifice à la chofe publique ; tu pardonnerois une injure à laquelle font attachés tant d'avantages ; & faifant taire ta fen- fibilité, tu t'appuyerois fur ton innocence , & méprife- rois la re Ainfi Timoléon, libérateur & fou- tien de Syracufe , pourfuivi par des délateurs, loin de demander vengeance, modéra l’indignation du peuple « Syracufains, leur dit-il, gardez-vous de les punir. En » cet inftant mes vœux font remplis >. & rendons-en » grâces aux Dieux : enfin, je vous vois libres, puif- » que chacun de vous peut hautement manifelter fa » penfée (1). » (1) Voyez Plutarque dans la vie de Timoléon, l’expreflion greque eft remar- quable : ne ræppnoiæs xupiss yerouevse que les Syracufains devinffent poffefeurs de la faculté de tout dire. L’expreflion de Cornelius-Nepos eft à peu-près la même : Namgue, dit-il, Aæc à Dis rmmortalibus femper precavi, ut talem libertatem reflituerent Syracufanis, in qu& cuivis liceret , de quo veller im- punè dicere. Corn. Nep. Vie de Timoléon. 278 MÉMOIRES DÉTERMINATION DE la différence en longitude de Greenwich, Paris, Montpellier, Touloufe, au moyen d'une montre marine de M. John Arnold, Pope Anglais. Par M. DARQUIER. C’'EsT au génie & aux heureux eflorts de M. Har- riflon , Charpentier Anglais , que lon doit l'idée & l'exécution des premieres montres qui, quoique à ref- fort, confervant la régularité & l’uniformité de leur mouvement comme les horloges à pendule & à poids, peuvent être tranfportées fur les vaifleaux, fans que leur marche foit interrompue, & qu’on appelle par cette raifon montres marines. Depuis cette époque, plufieurs Artiftes célebres, Français & Anglais, ayant tourné leurs vues vers cet objet, font parvenus à leur donner toute la perfection dont elles pouvoient paroitre fufcepuibles ; parmi ces derniers, M. John Arnold, dont le Capitaine Cook & le Capitaine Phips , dans leurs voyages, avoient embar- qué des montres, s’eft attaché à en diminuer le volume & le prix fans leur faire rien perdre du côté de l’exac- titude. Celle qu'il m'a livrée à Londres, en Juillet 1788, n'eft pguere plus g orofle qu'une montre ordinaire, & ne coûte que vingt-cinq guinées ; elle a environ Eee pou- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 273 ces de diametre & huit ou neuf lignes de hauteur ; l'aiguille des fecondes placée au centre d'un cercle ex- centrique , fait 150 vibrations dans une minute ; de maniere qu’on peut aifément diftinguer le tiers d’une feconde & par la vue & par l’ouie. Il me la remit le 17 Juillet dans fon attelier fitue à Eltham, neuf milles à left de Londres, & à 16 fe- condes, longitude eft de l'Obfervatoire de Greenwich. Cet attelier, qu’on appelle Wellhal, eft muni d’un joli Obfervatoire qui renferme de très- bons inftrumens aftronomiques , & notamment d’une lunette de pañlage, dont M. Arnold fon fils, jeune homme plein de mé- rite & de talens , fait un ufage journalier pour régler & ajufter fes montres fur le temps moyen. Il a un regiftre fur lequel font infcrits par numéro, toutes celles qui font en épreuve, & qui font comparées tous les jours à la pendule de l'Obfervatoire ; il y note même leur pofition. La marche de la mienne étoit notée 2 fecon- des & demie en retard journalier fur le temps moyen. Le 17 Juillet 1789, à 8 heures du matin, la pen- dule de l'Obfervatoire de Wellhal avançoit de 44 fe- condes fur le temps vrai ; & comme il eft fitue à 16 fecondes à l’eft de celui de Greenwich , il s’enfuit qu’elle avançoit d’une minute fur le temps vrai de celui-ci ; ainfi, en mettant la montre en retard d’une miuute fur la pendule de Wellhal, on la mettoit fur le temps vrai de Greenwich, & c’eft ce que fit M. Arnold le fils, 280 MÉMOIRES RE SNID ET RANT. Temps moyen à la montre le 17 É Juillet au méridien de Gremwich ... 12° 4 43" 4 Accélération du temps moyen du rAHuilletau SOMME, JE UE TEA + 14 2 Donc temps moyen à la montre le soiGrémriche en M LAts les ee "24 7 6 Mais M. Arnold m’avoit annoncé que le retard de la montre étoit de 2 fecondes & demie par jour, ce qu, pour treize jours, devroit faire 32 fecondes 6 à ôter de 12 heures 4 minutes $7 fecondes 6 ; refte pour 12 heures 4 minutes 2$ fecondes qu’elle devoit indi- quer le 30 à Greenwich ; mais ce jour-là comparé à l'Obfervatoire de Paris, à la pendule de M. Mechain, elle marquoit 11 heures $4 minutes $2 fecondes 8; donc elle donnoit pour la différence des méridiens de ces deux Obfervatoires 9 minutes 32 fecondes 2, Certe diférence a été fixée par les Aftronomes des deux Nations à 9 minutes 16 fecondes. C'’eft donc 16 fecondes pour l'erreur de la montre due à un plus fort retardement de fon mouvement moyen journalier que M. Arnold avoit fixé à 2 fecondes & demie, & qui cit allé jufqu’à 3 fecondes 7, ce qui n’eft point éton- nant, après avoir fouflert le cahot d’une voiture en pofte pendant 80 lieues de Wellhal à Southampton, & du Havre à Paris, outre une traverfée de 36 heures dans un petit paquet-bot dont le roulis étoit très-irré- gulier. Un DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 281 Un accident arrivé à ma montre le 31 Juillet, m’em- pécha de pouvoir obferver direêtement fon mouvement journalier, en la comparant pendant quelques jours avec la pendule de M. Mechain. En voulant l'ouvrir Pour contenter la curiofité d’un amateur, j'accrochai par mégarde l’éguille des fecondes ; moyennant quoi, je fus obligé de la livrer à M. Berthoud, & je n’eus pas lieu de m’en repentir ; il trouva que le pivot de cette éguille étoit caflé : la montre ne s’étoit pas arrêtée, & les vibrations du régulateur étant toujours de 150 par minute , J'aurois ab{olument pu m'en fervir dans cet état ; la réparation que fit M. Berthoud en remplaçant ce pivot, rétablit parfaitement les chofes ; feulement, au lieu qu'avant cet accident elle retardoit de 3°7 dixièmes par jour , elle avança après fucceflivement de- puis 7 fecondes jufqu’à 20 fecondes, qui eft fon mou- vement aétuel , c’eft-ä-dire, de 1 3 fecondes dans l’efpace de fept mois ; accroiflement qui paroït avoir quelque rapport avec la différence de température , mais qui peut-être ne doit pas lui être attribué en entier. J'eus foin de la comparer aflez régulierement à la pendule de l’'Obfervatoire de M. Meflier, qui étoit plus à ma portée que le Royal ; & le 7 Janvier de cette année, dernier jour, où Je la comparai, elle avançoit de 9 minu- tes 13 fecondes fur le midi vrai; je partis de Paris le 10 pour Montpellier , où je la comparai à la pendule de l'Obfervatoire, réglée par les foins de MM. Poitevin & Brunet, Aftronomes de l’Académie ; elle fe trouva en avance fur le midi vrai de Montpellier, ce jour-là, de 12 minutes 26 fecondes ; c’eft d'après ces deux données que J'ai conclu la différence en longitude de Paris & de Montpellier de la maniere fuivante : Tome IF. Nn 282 MÉMOIRES Temps vrai à Paris à la montre le manmient : :\ 1008 SERIE 2/0 9 1155 Différence des temps moyens du 7 au 24 Janvier LE MT NS. S 139718 Accélération de la montre en 17 jours, à raifon de 13 fecondes par Jour. 3 41 Heure vraie à Paris le 24 . . . . . 12 18 33 Idem , à Montpellier ledit jour . . . 12 12 26 o Donc différence orientale des mé- LTLSHS Le SMS MANETTES MARERNNOES 67e Mais elle eft fixéeàa . . . . G 10 Donc différence SMS D RUE Dr On doit être étonné que ces deux réfultats ne diffe- cent que d’une aufli petite quantité, lun étant d’une part déduit des obfervations aftronomiques mulripliées, & l’autre ne l'étant que par la marche d'une fimple montre ; elle annonce cependant qu'il y a eu dans l’ef- pace de 17 jours un petit accroiflement fuccefflif dans fon accélération du mouvement moyen dont l’eflet fe fait fentir tous les jours davantage, puifque aétuelle- ment il eft de 20 fecondes, ainfi que je l’ai dit ci-deflus, & que me l'ont indiqué les comparaifons Journalieres que j'en fais aétuellement , & que j'en ai fait depuis le mois de Novembre, & dont les valeurs font comme il fuit : En Novembre. ... 8" En Décembre . . . . 10 Janviers she 1e 5 Février... "280502 Mass. eee ONSe I 4f Ce font les valeurs moyennes des mois. DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 283 DIFFÉRENCE des méridiens de Paris € Touloufe, conclue de l'heure du 7 Janvier € du premier Février. Temps vrai à Paris à la montre le 7 JAVISr se M RAR LS T0 9' 13" Différence en plus des temps moyens des 7 Janvier & premier Février . .., FRE. Somme des accélérations moyennes de la montre, à raifon de 13 fecondes par Jour, pour 25 jours, ainfi qu'il a réfulté de la comparaifon précédente... Donc midi vrai à Paris le premier Févrien ir. 100 ae NRA 2 45: G Tera Toulone TER NE Te 25413708 Donc différence des méridiens .. AS 2 NS Idem par la connoiflance des temps... 3 40 Donc différence en plus ... .. 122 AUTRE calcul par l'obfervation de Montpellier à Touloufe. Heure à Montpellier le 24 Janvier... 121 12° 26" Avance du temps moyen jufqu’au premier FéVien ja lies Latut aie 2449 Accélération pour huit jours À rai- fon de \r3 fecondes: 13410, 0.140, I 45 Donc heure à Montpellier le premier Février net: - : : LE 0 Idem , à Touloufe : ; Aie 2 DEA 284 MÉMOIRES Donc différence en longitude. . .. ro We Par la connoiflance des temps... 9 50 Différence en plus, de même que par l’obfervation de Paris & de Touloufe... WT V9 Mais par les comparaifons que j'ai faites de ma montre à ma pendule les 30, 31 Janvier & le premier Février, fon accélération journaliere, qui n'étoit le 24 Janvier à Montpellier que de 13" 13, étoit le premier Février à Touloufe de 16° 9, donc la moyenne , dans cet intervalle, a été de 15 fecondes, c’eft-a-dire , de 1" 87 de plus par jour ; ainfi cette équation qui , dans le calcul précédent , a été employée pour 1 minute 45 fecondes, devoit l'être pour 2 minutes ; & alors le midi vrai à Montpellier le pre- mier Février auroitété à lamontre... 12" 15° $0° 7 Or à Touloufe elle marquoit .... 12 25 37 ue Donc différence des méridiens .. . YA C'eft-à-dire, 3 fecondes feulement de moins que celle indiquée par la connoiflance des temps ; on aura le même accord dans le réfultat de l’obfervation de Paris à Touloufe, fi l’on fait la même correétion que les comparaifons des 30 , 31 Janvier & premier Février ont indiquées. Il eft très-fingulier qu’on ait pu obtenir , avec autant de précifion, la différence en longitude de Paris a Tou- loufe , par la marche de cette montre, après avoir fouf- fert les cahots d’une voiture pendant 130 poftes dans l'intervalle de 24 jours ; c’eft ce que j'avois déjà remar- qué de Londres à Paris. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 238$ On peut en conclure que des Aftronomes munis d’une montre pareille, d’un quart de cercle de 12 ou 1$ pouces pour prendre des hauteurs correfpondantes , & d’une lunette de deux pieds munie d’un réticule pour y obferver, étant fixée, les révolutions des étoiles à la montre, & en conclure fa marche moyenne, perfettion- neroient la Géographie terreftre avec beaucoup de fa- cilité & à peu de frais. Etant peu verfé dans l’art de l’'Horlogerie, & n'ayant voulu livrer ma montre à aucun Artifte pour l’exami- ner avec moi, depuis que M. Berthoud avoit remédié à l'accident du 31 Juillet, je ne parlerai pas de fa méca- nique intérieure, je dirai feulement que le répulateur ou balancier placé horizontalement à l'ordinaire, eft compofé de deux petites lames demi-circulaires mues par un fpiral de fil d’or applati; elles portent chacune à leur extrémité un petit poids viflé en écrou. Lorfque la montre a fini d'aller, ce qui arriveroit au bout de 36 heures, il faut , après l'avoir remontée, lui faire faireun petit mouvement occilatoire horizontal pour la faire partir. Addition du 1 s Novembre 1790. Etant dans le cas de faire des obfervations aftronomi- A . ! . ques au Château de Pellepoix , fitué dans ma ci-devant terre de Beaumont de Lezat (1), à quatre lieues au fud de Touloufe, où je vais pafler quelques momens dans la belle faifon , j’avois déterminé fa longitude en O&o- 2 J Ad LA 5 CN 2 fan bre 1786, au moyen de quelques fufées tirées récipro- (x) Ceci eft écrit depuis la fuppreflion des Seigneuries. 286 M ÉMOIRS quement de ce Château & de mon Obfervatoire de Touloufe, de la même maniere que j’avois déterminé en Juillet 1772, celle du Château de Bonrepos, & je l’avois fixée à 27 fecondes & demie à l'occident de mon Oblervatoire. J'ai voulu dans le courant de cette année 1790, la vérifier au moyen de ma montre, Je la réglois au temps vrai à Touloufe, où je con- noïffois fa marche journaliere par des pañlages d’étoiles à une lunette fixe ; je partois le mème jour pour Beau- mont, J'y prenois des hauteurs correfpondantes de fuite avec mon quart de cercle d’un pied. Je prenois de même le paflage de quelques étoiles à une lunette que j'y ai fixée dans le méridien depuis long-temps. Par cette ma- nœuvre répétée plufieurs fois à diflérentes époques de de cette année 17090, j'ai fixé cette longitude à 26 fe- coudes de différence occidentale de mon Obfervatoire, c'eft-à-dire, à 4 minutes de celui de Paris, détermi- nation que J'ai lieu de croire exafte. J'ai voulu de même déterminer la latitude de ce Château ; ne voulant pas y tranfporter mon grand quart de cercle , j'y ai employé celui de Bernier , d’un pied, divifé par tranfverfales de deux en deux minutes, où l'on peut diflinguer très-nettement les demies minutes, & dont le tranfport eft très-facile & commode fans en craindre le dérangement. Jai pris une grande quantité des hauteurs méridien- nes du foleil & d'étoiles à Touloufe, dont les réfultats {e font fingulierement accordés ; j'en ai fait de même au Château de Pellepoix. J'ai recommencé les mêmes obfervations alternativement dans les deux endroits juf- qu’à quatre fois, & enfin j'en ai conclu 11 minutes so fecondes pour la différence en latitude dont le Chà- DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 287 teau de Pellepoix eft plus au fud, & par conféquent fa latitude abfolue eft de 43 degrès 23 minutes $o fe- condes, détermination dont je crois pouvoir répondre de demi-minute près. REMARQUE. On peut conclure la différence en longitude des deux lieux quelconques direétement & fans autre calcul que la fimple & nue comparaifon des temps vrais des ob- fervations de deux manieres , ou par l’obfervation d’un phénomene inftantané pour tous les Obfervateurs , quelle que foit leur pofition , tels que les éclipfes de lune, des fatellites de Jupiter , des fignaux vifibles des deux ftations, &c. ou par la marche d'une montre marine, au moyen de laquelle on parviendra à connoitre le rap- port des temps vrais que l’on comptera dans les divers lieux où l’on la tranfportera , ou ce qui eft la même cho- {e , leur différence en longitude. Dar le premier cas, l'heure notée de l’obfervation doit être plus avancée dans le lieu plus oriental, puif- que le foleil y a pañlé au méridien plutôt que dans l'oc- cidental. Dans le fecond cas, favoir , dans celui de la montre marine, c’eft exatement le contraire ; car fi l’on fup- pofe que la montre indiquant midi au moment du paflage du foleil au méridien de l’oriental, elle & l'Obfervateur fuffent miraculeufement tranfportés dans cet inftant in- divifible fous un méridien plus occidental, le foleil n’y paffant au méridien qu'après avoir pañlé dans l’oriental , il faudroit que l'Obfervateur attendit pour l’y obler- ver un temps égal à la différence des méridiens ; ainfi la montre , dans cet inftant, indiqueroit une heure plus 288 MÉMOIRES avancée que fous l’autre méridien. Or, fi la montre va d’un mouvement uniforme, & que l’on connoifle fa mar- che , on obtiendra, en tenant compte de l'équation du temps, exaftement le même effet que fi la fuppofition du tranfport inftantané avoit eu lieu, puifqu'on fera toujours en état de calculer , par la connoiffance de cette marche, l'heure qu’elle aura dû marquer à midi dans le point du départ le lendemain & les jours fui- vans; ainfi on fera à même de pouvoir la comparer à l'heure qu’elle marquera à midi dans les autres lieux où on l’obfervera. Si cette heure étoit moins avancée que l'heure calculée du point de départ, ce feroit une preuve que l’'Obfervateur auroit marché à lorient, & récipro- quement. OBSERVATIONS DE L'ACADÉMIE DE Tourousr. 289 A OBYS.E R'V. AUTM'IOUN S AS TR ON OO MIQUrES, Pour 2707, 27881 1789 € 2790: Par M. DARQUIER. 17 Février 1787. h , , 11.53.51. Soleil. Pro sir 287.14. s. Gr. 6:12. Le V 21. 1.41. © Vénus. 17.32.10: À 9 M21.16. o. #1 16,28:283 1 4.50:58.B1 47 Le 18. 11.53.32. Soleil. Leo, P 20.47.54. 20424431 011 Oh ÿe LR V 20.57.13. S$ Vénus. 173153. À M 21.10.35. D 22:27:48 40 10 Dies Le 26. 11.50.39.+ Soleil. P 304715. ç 204:36-457 CT1413. LS V 10.56.58. > Vénus. 17.302 A M2r46:t1- N à 9 242747: V 3-5 819, Bari Tome IV. Oo 290 MÉMOIRES 1787 Le 28 Février. h LL “ 11.49.47.7 Soleil. MISE Pot e.; \S 296.24.31. 60.59.59. 4 ox V 20.56.40. $& Vénus. 17.25.49.A M21. 9.10. ê 922510. 10:156 448. Daieir Le 12 Mars. P20:42703.- 307:59-10-05 9:50 A0 Eee M20:58:32-S Menus 16.22.31.À Merieuse 10: NIG:15-57- 0220116 5 PS Echue: 11.43.22. Le Soleil: P'50%471653.. 308.59.46. 59.48.18. Lo V 20.58.59. $ Vénus. 16.14. 7.A 10. M 21. 8.26. 7.12.20. 02.30.05 Bass Le 14. 11.42.50.7 Le Soleil. Tes: P0:4728 SAME 212. 1450-30:22. 0 cs V 20.59.46. S Vénus. 15.56. 8.A M21. 8.37. 10. 19.10:44. 2.7 19. Du 035 Le xG: 1141.44. 1V0901eil. P'26.41:32.- 3122 3.500200 NE V21.t0.12.7) Vénus. 15.56.26.À 10. M 21. 8.47. 10:10:30. 121050: Brin Der: 11.41.10. le Soleil Terre: P 20410; 214 749 NS 8.5 048 AE V 21. 1273, SUVenus. 15.25.36.À M21. 8.53.; LO: T2 TT L0s MAS DD UE DEL'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 291 Le 19 Mars. 1787 = nus h / “1 11.40. ©. Le Soleil, >? [2 ser 315.10. 4. 58.48.44 ee, V 21. 1.46. > Vénus. HS 14.42. A M21. 9.26. " 9122080 MTAAUE. De 230 11.39.25. |, Le Soleil. Le 22 Avril COMETE découverte par M. Mechain, le 10, à Paris, dans la conftellation du Taureau, & que j'ai obfèrvée à Touloufe le 223 Ë le s3 feulement ; elle ne paroiffoic pas à la vue fimple. ; 51.20. 8. 24.36.33.B MT 4 À Comete. $ 11 25:22:25 ($:42:40.D Dee 50.39.74. 24.46. o.B M 8. 4. 4. Comete. ; 1. 24038220: (6410:r8-:B Le 23 Mar. 11.53.25.7 Le Soleil. ne P rs à 149.10.45. 39.53.54 S 15:59 C 57:37 149.26.44 7.59:44.B) 334 M 5.51.45 4. 28.45.58. 4.10.46.AT 959 Te 20; Puro. 15; 222. 7. 6. 64.35.41. S 144 Mro.22 1820 222.22.5$. 20.27.47. À 5416 M10.19. o 7110214230: à 3 10 ALT 10.33. © 8 -O., 226.24.41. F7 ra De 7e “ Aigle 292 MÉMOIRES Le 8 Juin. h 1 LL 23-55. 41. . Le Soleil: L AT. DIES TS. T6: Gÿ.41. 1. 22. 44e pet V 23:13. 6. à Jupiter. 20.58.33.B ' MES M2 No; 2 0072235125 POSOTIEA TETE Le 11.$5$.10.+ Le Soleil, P23227: 70-2153 0210 MORE Vi23.27.36: Tate 22.16.18.B M23.26.34. 2-0n1/f252. 000. 1.58. A7 Le 10. 11.55.19.: Soleil. Le rr. V2303:3% 21-141. M25 2% 28. 4.46. 0.35.34.A 7 051 Tete P/2259:712. 66.24.54. 22.29.36. Jupiter B 11.59.35. Soleil. Le 21 Juillet. 11.59. 6. Soleil. ! PASS 30 200.45. 7. 58.22.28.B 1538 Vis9R258 30 201: (0.45: AIG 17 Al M 5:25.30. G. 24:44:33. $. 2. IAE Le 24. P 52:23-27. 100.41.31. 20.41.34.B, Vénus 39.50.28. O.L2.22. Le 23 Soleil. Lt 1.58.55 - P”, 8.29:46: 25.241.28. 68.32.48.S : l'ARCECH EE UN 252.57.$2. 24.23.53.A sor4 8.36.58 8: 14.10.18: T5 2214 DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE, 293 Le 27 Juill, h 1 " = 11.58.45.2 Soleil. FO. N3 AE ? 7e P' r10:, 8.49: 27932510 V 10.10. 6. (é 279.49. 5. Mio.16.r1. 99. 2.47. 10.12.4597 >» Le premier Aoür. P22.2348 5 S IUT. 10: NE 22:35.08 Vénus. M 22.37:14. ê 2° 193463. Le 2. 11.57.56. Soleil. P 22.34.25: F 1229140: V 22.36.39. c Vénus. M 22.42.26. 320,47.59. Lez. 11.57.47: 0 Soleil. EE. Pam 116.26.41. V ie Vénus. 3 M 22.46.15. 0134 24:20, 2; Le 6. 11.57. 6 Soleil. Le 13. T1e5 5227 00 Soleil: 10.27.57 æ k. 10.30.49. Le Ils41.5 30 9 té 328.37.18. . 25.49.21 Pire V 12.20.40. Miz.25e se Saturne. 14.52 16.14 5423 6656.18. 5 22.47-45.À So. ; G21.465 Ba °° — 0. 4 24:24: 8: 22.11.10.B o. 9. 7.B + 0.36 + 0:17 21.33: ÿ- + 0.19 22. G.14.D O.12: 4:B© 043 22. 1.34 + 0.16 21.33.43.B ; 0.18.58.B" 57.56.17. — 6,16 1422.40 À 1:32.10:A047 1787 1787 294 Le 14 Août. h LA u nr. 12. : WISOleil: 10.23.58. « kb. 10.26.45.: %E. PM V 12.16.40. M 12.20.54. 329-3317 Le. x. 11.54.47. Soleil. 10.19.59. « À. 10.22.46. Be 10.33-52.3 8 9. 11.498.454 #4 P\rz- 7.16: $ 328.28.16. V12%:2.37% € Sue M 12.16.40. d 10. 25.40.59. Le 16. “1.430. 10Le Soleil. TO 5-58 lelbe 10.18.30.7 7 10.18.45. 8 Ci 11.44.43 PlH2N258: 328.24.21. V 12. 8.36. > Saturne. M12.12.15. 10. 25.36. O. Le 18. L1:52.5400, Soleil: Le 19. PÉIT:So. Me 328.11.51e V 11.56.33. M 11.59.46. c Saturne. MÉMOIRES Saturne. 10$ 25.45. 4. 10. 25.22.49. 57-58 10. — C,14 14.24. 1.À 1.427 m6 57:59:26. _6 0 1425.17 À 132.294 18 SS-1OHOME 14.36.41.À 1.32.10.AÀ— 044 7 582 ATOS 14:31:33 E 1332308000 DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 295 Erreur moyenne en longitude . . .. —— 61 241008 Jens eutlatitude "7221 18 0e + 0.34 7 Intervalle des obfervations des 16 & OC AS Une torse ele ls TI A7. GI Mouvement de Saturne dans l’inter- Vallet tire GT : 9,17 2: Idem deliterre Nes TU 2152.50. Mobvement EI 10 | AN ILE 30) 8: Diftance à l’oppofition le CR 1: 99, 50 Heure de l oppofition le 18 Août TM, AS Ne on Mt Ai ne à à 2.406. TI: ERurdéloppoition "2.10. 10, 25.20.32 Éatituderauftralé m6 Sant, , 1.922297. Le 10 Août. h P 22.53.52. 135-36.19. 25.46.47. 4 016 V 23: 0:34. $ Vénus. 17.42.26.B 4 M 23. 3.39. 125252502300 1e Bebzr 23.52.59. | Soleil. Le 22: 23.52.41. Soleil. 14.49 P 74107. 261. 0.54. 68.24.54. 10 Vur.r1z36 SUC ; 261.17-.10; 15.48. S 5837 M 7.20. 1 Mb; 3.320 1e 222AÀ ; Le ‘29; 8.58.17. « Aigle. 90.23.39. 2 b. 24 Au 21. 10:37. 582%. 1 B'uvee ee P 12.40.44. 350.52.46. 42.36.54.S 1537 V 12.50.39. € 3 350.37: 94 1:20.55.B 35 Mi2.57.2 TIs 02105 450: 4 97.48.BES ; 296 MÉMOIRES Le 31 Août. h L L Ha-40 45, SOlC. 9.18.56.4 8 b. 10.30. 4 Eee 10.44.56 #%k. ME Br 6. 2e 16.45 3° V74:26.28. + 1) 16.28.48. M 14.26.21. O. 19.52.32: P 18.40.31: 83. 3-18. Va8:s ru te Jupiter M18.50.$1. 2.0293:34-50. Le premier Septembre. 14:40:25 Soleil. Pir0:5437> Ç Nir 2 Saturne. Mir. 4.48. ne 24.24.46. FO YO4. 0" 327-1%-29> Le 9. 11:46:21: 0 S01eIl- P 23.10.46. è 159.48.13. V 23.24.49. à Vénus. M ot 07:30:23. Le 10. 11446.57< U Soleil. Le 11. P 23:12, 6> 162. 8.57. V 23.26.58. & Vénus. M>23:.23. 5. s- TONDe2r Lecx2. 11.45. 6.4 Soleil. ANT 15.53 31.34.42. S . 12.14.54.B 3024 449.5 4 B7 6: 20.50. 1. 22.45.17.B 0.33.16.A 77 D Li 58.26. 0. 1491.03 À 1992200 33-36.31.B_ Le 9.58.31.B 1.20.20.B7 °°? 7510 9. 3.42. 1.22.16.BT°5 — 0.15 Le DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 297 Le 18 Septembre. Occultation d’ dOphiucus immerfion. Le 21 1787 TV8. 2.36.; h ; LL 11.41.40.! Soleil. SUD ASE 1 K73:40:202 30-18-1242: P 23.18.35. V 23.37. 7.26 Vénus. $ M 23.30. 6.: 11.41.27.: Leb22. Soleil. Le 30 Oéfobre. . 22.304 Où 4.16.42.B 24. Duc OCCULETAMION DE JUPITER PAR EA EBUNE: V 9.10.57.: Immerfion du premier bord de Jupiter. V 09.11.33: Centre. Ng-rr.s8r. 2. Bord Le 9 Décembre. 8.53.37: « Belier. EIST4 T4 « Taureau. 11.21.43: Aldebaran. Pér2-22:40: 81.16.21. 20.50.40. _.., V 12.17.28.: > Jupiter. 22.44.28.B M 12.10.24. 2210073208 010-20849)/3 Ale Le 10. ©. 5.29.+ Soleil. 8.49.40. « Belier. 11.17.46. Aldebaran. 11:58.13.4 Rigel. 12-808. DE 7 A1 LOS ER es Vir2r336 "Jupiter à 22.44.13.B NEA 6.7 2: 2140.26 21:49:20 A °°,4 Le 13: Oo. 6.48.2 Soleil. au Pr .3Pierr:9 60.38.58. [ 144 V 2.58.20.: > Ç M7 Tome IF. 30.27.22. 30:42:47. 10 411.16. 5415 16. 2.$52.À 78 28.16.28.B, "7 Pp 298 MÉMOIRES Suite du 13 Décembre. TS tÈTe 55: Aldebaran. 11:46.19.: Rigel. Ta Ur. 0e. 28 Dievre. 22 4 o 0 “ P'x2..4:48. 80.50.55. 2Ouÿ218.4 I V 11.57.36. $& Jupiter. 22:43: 0:b M11.52.30. 215 1212724237 |O:28-.10- 18 VERRE EE o. 7.1.4 Soleil ne! P 3.48.594 317.25.48. 56.35.25.B 1454 V ne € 317.47. 02. 1 2.10.43-À a M5 3653 10 106:2027- 44-15-18. Pire: Not. ê S 8021-42. 2052-38 V 11.52.36. @ Jupiter. 22.42.40. B M 11.47.58. ê 2: 21:10 708 O27- SAT 0 12. 7.59. £ Orion. 12.15.37. % Orion. OPPOSITION DE? TUBITER, Conclue par les obfervations du 10 & du 23 Décembre. Erreur moyenne des tables en longi- tue NAT ER SR EEE RP ENSIE — 5° 47 Idem, en latitude . ........... — 117. 6. Intervalle des obfervations. . ..... 71:46. 26. Mouvement de Jupiter ......... DAMES Idem, de la terre. ...u....... 32020 Idem , relatif . ne 3270» Diftance a l'oppoñition let" TE Heure de l’oppofition le 12 Le a Paris PER CRE ete belles ele 23. 36.41. DEL'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 299 BieurdeFoppoñtionte 40.48 25 21h28" 44" 1787 Patimude auitrale es Een 0.28.13 === Même oppofition par les obfervations des 13 € 14. Mouvement de Jupiter. . ....... CHOGE Idem ide terre EI IÉNOS: TienmaelieRNe Ne. 2. : 1219506: Diflance All'oppoñtion le H3 1.51, ! 23:35:34. Heure de l’oppofition le 12, à TMa BANISE NE MAS SOU 2 aie a 000 23.36.41. 1875 OUE CE AP HP ENT ESS NES 2421, 29.40: Le 16 Décembre. nou, ©7238." Soleil: ES | AN a Pur 47e 32919. OS 8 4 Dis 4:24. 4 { C 229225 80 72.330, M 4.:19.38 10. 28.56.10. 443.15. T0 Le 24. OLD 1.07. Le Soleil. ". P nas à 99.34.59. 21.38.20.S 1647 ) 3 Vi n2% 24:20. 9916524 22.12, D 324: M 12.24.40. SSD, LOT SAIS 074 Le premier Janvier 1788. E RIe) OO; AT PPa2 51.98: 111.$1.54 17:39:33 VO r253 70e Mars. 2595-55. 3 M 12.42. 5. 9 3618. 3 CAC DUO Le a 0.14.37.+ Soleil HOT ON EN ETES 11434680 Ve h LL mn L ‘ “# = PHP 3427. 110.34-34: 17:29.27 6 V 12.19.38. S Mars. 26.10. 1.D M12.25.14. 3 TM 300 MÉMOIRES Suite du 4 Janvier. o 182041 44022 DE Le $. P 12.28.34: 110, 8.16. 17.20.4900, V 12.13.27. $ Mars. 26.14.45.B M 12.19.31. 3 MES NE 2 46 AP 1240.10. VS ER. Leÿy: Pir2 62e 109.15.$2. 17.12.21. Vr2aas2 Mars. 26.23.17.B 3 . A7 1408 NA. AA se. 3 O P;P:OS RTLIOUN LD 'E + MrASRSS: Conclue des obfervations des ÿ € 7 Janvier, Erreur des tables en RE IE VE Souftra&tion . . Ut NiRNS UN Îdem, en latitude addirivel. . + O. 45. Intervalle des obfervations . . . . . . 47:48.43. Mouvemens de Mars dans Pintérvalle.. 48. 4. Idem , de la terre . ; DURS. Idem , relatif . 7 ut M2 24025 0 Diftance à l'oppoñition É S 2. 34.45. Moment de l’oppofition le 7 a Paris, Lieu de l'oppofition RE RTE or Mr Lattmdetcéccenrantr NN NEA DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 301 Le 17 Janvier. h ! LU 0. 5.18. Soleil. TO 8 RSA Tee Saber af Pir2e 8076. 120.26.17. V 12. 2.46. 6 Herfchel. M 12.12.20. 3 3° 28.12.26. Le 18. o. $.41.+ Soleil. V 11.45.25. 22.29.13 + où 21010:v4:B 0.34. 0-:B1 °35 Emerfion du premier Satellite. Ehiat 40. 120.22:24: 22.28:38-)I1 2 V 12.58.25.: 6 Herfchel. 21. 6.39.B M 12. ri 3 DS 845 NO 3 1 Dre Le 20. P 9.53-31. 89.33. 3. 20.33.45. S 1652 MIMOAGST ENT 89.51. 9. 23. 6.16.B 6:52 M 09.59.14. 2. 29.1 1e Le NO:21.43. A0 9-57.26.7 » rs re 10.46.46. êe = V 11.48.20. Emerfion de » = de derriere la Lune. PET. 16-55: DO) 22270 02e lu V 11.49.19. Herfchel. 21. 8:25.B Mr210:57 3 3.128: #$ont d34-36.B7 T7 Les. Oo. 6.55.: Soleil. 939 1e 10.42.57. ge P-50.$7. 22 Vr0.49. 760€ M10.38. 3. 3. 15:36. 2. P: 11:52:53 120.15. 8. V 11.45. 6. $ Herfchel. M 11.57. o. 3: 29. 1:30: 106.25.21. 106.42.43. 22.64.15. S Es 20.48.10.B 23:50 1.4$44 À = 02 22426. 7e + oz 21. 0.108 0.34. Be 1788 W+ S.17.10. VIN 6: 4-02. LAS EUE V 10.7. 82 PI 10-10 NDS O7NREE M 5.36.10.; 1150233. P.:.3.17.40 Vin5726%0;: MY3%216 MÉMOoIRSs 302 1788 ÉLÉMENS du calcul de l’oppofition d'Herfchel. Intervalle des obfervations des 17 & METIERS PA 2 LPO AT 2356 58": Mouvemens d'Herfchel . . - 3.41. Idem, de la terre. : O. 54. Tdérarelatit,.. tre 1.042296 Diftance de op SORHonlle 17. 0:94:40. Lieu de l oppofition lea . 3528. 10.37. Heure le sx AM Pansi. Le 23.57 14 Latitude . à 053785: Le 24 Janvier. h V ÿ:30.50. Immerfion du troifieme Satellite. Emerfion , dem. Le 12 Février. Emerfion du premier Satellite. Emerfion du fecond. Le 8 Mars. Emerfon du troifieme Satellite. Le 14. o Nr DT Rd 16. G Te (O2 5 2eN 2. 1e MONSIOE sx € 77.18.23. 23.115350 . 21,6 DE. 134115. 40. IH. 10- BEC Le 9 Mai. Soleil. 16.22 98.39.24. 22.23.18. S 1754 € $ 08.56.58. 21.18.50.B 232 3.18.20:14. C1.55 206 DE L'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 303 Le 10 Mar. 1788 h ’ “ o , ” 5 1" 16.18 Pr 46e ( 114:39-22. 29.21.2$. 0 Ut V' 4243320" C … 114.30:220 08.23012. B:/253: M142037: è 2 2921.20 8 OFF ALE 253 V 8.19.35. Occultation d’une étoile de la 6 grandeur du Cancer par la Lune. 8.42.54. 7 Corbeau. 9. 8.49. 7 Vierge. Le 1x. V 9.53.26. Occultation du fecond + & par la Lune. Le 3 Juin. P 8.12.19. « Vierge. Suite du 3 Juin. Obférvation de l'Eclipfe du Soleil faite à l'Obfervatoire Royal de Greenwich en Angleterre, par M. Dargquier. V 19.24.47.- Commencement. Nalr28 eh Fine Idem, faite à Touloufe par M. Rivel dans l’'Obfervatoire de M. Darquier, avec une lunette acromatique de deux pieds 6 demi, pieds de Nairne. V 19.11.15.1 Commencement. V'2r.°7 490 Fin Le 28 Aoûr. 11.26. 8: Soleil. 10.22:24: » w Caper. 10:29:22 44ir. 10.48.54.7 « Verfeau. MÉMOIRES Suite du 28 Août. RMS FRE PAr:32- 4. è 340. 3.59. V 12. 8.13. » Saturne. ’ Mi2. 8.48. T6. 143730: Le 29. E1P25-33- 0e SOI: 10.18.11. 7 Capricorne. l'O25e 00-00 Per 1044.39. «+ Verfeau. P 11:29.34. 339-5943. Vie 14-18. Saturne. Mar 4 LE N7,32.50. Leo; 11.24.56. Le Soleil. 10.13.59. > b. 10.20.58. d. 10.40.29. «We. Pr26.t0: V'12%0-2. M 12. 0.22. Le premier Septembre. 11.23.51.; Le Soleil. 10-55-9071. NO 223 7e 00e PTT TO Tr 339.46.59. V: Te Suume 3 M:51.52.0. M: 1M7-1012 Le ©. 10.43.41. « We P'F1416:30; 339:42.29. V 11.48.47, Saure.} M11.47.45. ll 042O. 339-55-40-. Saturne. LEO 7 28291 ÿ4. 8.24. si 10.34. 2. 1,59.29.À 0.37 S 410-162 10.35.53.A 159394 m5 5:34 $4.11.58. 10.37.34. À 1.59.43.À — 532 c.30 5475.36. 10.41.13.À 1.59:ÿ4- A cp — 537. $4.17.26. 10.43. 3.À 1.59.57.AT 0.16 OPPOSITION Et DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 30$ OPPIOSTTTOMN EDE" SATURNE Du 29 Août. Erreur des tables en longitude fouf- ’ tracbive, MSC US LT UM Idem, en latitude foufrellive le ee | ES 0 29. Intervalle des obfervations 29 au 130. 23155.48. Mouvement de la terre . . . ITA Mérmeide Saturne see ARE 0 4:20. Idem, & relatif : 1. 12-17 Diftance à l'oppoñition le 29 TM, à Paris, à 12* 8° 9” 0. 20.32, Heure de loppoñcion le 29 Août TM, a Paris, . PMCCMRT.E Lieu del oppoñtion ne Te NS PAST 21 Latitude géométrique, A". . . 150.43: Le 14 Mars 1780. h LA "! 11.49.27. Soleil. $-13-35+ 8 Orion. RO PP CELA E RE à 1% Han Q 337.422. 5416.35. 4. NV62.48 2. Vénus. 10.42. G.A Ma3%7er DAS M2 1 TRE 0. ANT 212 Le, 15° 11.48.53.7 Soleil. Obfervation d'Herchel dans Ja quadrature avec la lunette de Dollond. Le 17 Avril. 9.16.12.+ Er 102.53.50. 20.ç9.41.B P 10.37. o. 123.4 0h27 ERA V 11. 0.14. S Herfchel. 20.35.19.B 4 Mi1o.39.55. M0:47.49 V'O30 12: nt Tome IV, Qq 1788 Cl NI C9 de] Le 20 Avril. 8.59.16. (= P 10.20.14: 123.11:94. V 10.44.30, (rte Mio43.57. 4 VO SOL. Le 21 SH e20- PE. Pro-16.26. è 123-1214. V 10.41. 1. > Herfchel. M 10.40.22. \ ju 0.5 0.38. Le, 22. Dep: DTe Eee Po r2.54. è 129 18210. V 10.37.27. Herfchel. M 10.36.44. S 3 AN O:5R-24. Le 23. 9:20.22.: 7°. grand. rx. 111.10.14. Pr0"8:30. Vr1635:42: C1} 4. M10.32.55. 0.52.25. Le $ Mai. 8.14.49. x. 9. 6266) Lx P 90.36.54 123.28.45. V'ro: #4: Un Herfchel. Miro: 2:58: 4.01 1024. Le 8. 8.16.$1. 7°. grand.zr. 113.10.57. S-27.2 4 Lite P He 123.33.20. V: "9.27. Herfchel. M RENE 4 UT, MVe 123.14.16. MÉMOIRES + 0.18 20.35. O.B 0-36.16, Bei? —0.1! 20.34.48.B 0:30. 8-Dapeut 20.34.27.B 035250 Bir re 1.B + o:1 20.34.16.B 1 C0 2 DT: 20.37 20.30.52.B ni 0.35.41.BT 05 20.48.27. B — 0.18 20.29.50.B 0.35.48.B+ °? DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. Le 9 Mai. ho, y» PAT AO MONET ee e TI Te 8214.48) L 7° grand. 10.14. 8.12.50.7 dem. FES FO: 7: 8:29:24 01e P 8.54.20. 12923901 2. V 9.13.19. > Herfchel. M 9:.21.41. AT 82.480 Lerro: 8102401 rE PP: 8.50:27. 123.36.56. V 9.19.38. Hat) M 9:18. o. A Ten are Lens. 11.29.19. Soleil. P 11.48.48. 61.28.35. ViK0:-19:26: Mo) M o.15.46. ANA 12. 1.59. 8 Hercule. Leÿno; P1.29 62-90 P 11.53.47; 63-45-35 V o.24.32.; © Mercure. M o.20.46. ds SMS O 11.53.46 8 Hercule. Le 28. 11.28.36.% Le Soleil. PO 32-1740 81.33. 4. V 1. 3.22.: S Mercure. M 10:17. 2 . 22.21.2 . 2222.40:B D . 20.37. 1B 20.48.17. B —) 0.12 20.29.21.B OMS AE I UE 20.28.47.B 1. OS OT à 2 DIODES. 2 0.56.25.B F 041 — ©, 9 TN 514 DATES 25.12.21.B, 1.572480 308 MÉMOIRES Le 9 Juin, Mercure à l'occident. h LA LA e. 1 [1 o 4 = PAS0:3 2. 103.54:20 2439.33: Locr Ve:8.30.35. eus 1 ? Fa M 8.29.29. 7) 3511237201 1:48 1B'a 8.36.36.; x re 112.56.39. Le 10. 11.28.59.! Soleil PAS 2207: 105:20.48. 24.25:231B0 07% V 8.33. 8. $ Mercure. M sn C ; ras G Se r-41.50- BE SSD 2 1 PE, 112.36.39. 24.53.30. B 9. 8.334 à © 121.59.54 24.40. 6. 10.34.11 é. 143.27-59+ 2444 7e TI, polos 11.14.10. 2427.30 Le 11. PT ATA SE 106.41.36. 24.10.43.B 4 V 745.53. + Mercure. M 3. 15.185008 523-B T°? dote 6°. grand. & 141.28.59. 9.41.36.7 ; 10.12.36 DÉS P OO ( 108 1.12. 23:54:30.B 8 V 7.51.20. Mercure. M 73.50.50 $ è 3: 16.26.16, 12755 B 7 10:12:40 0/00 Le 13. P 7.47.52.; 3 109.19.47. 23:33:17-B+ o.j0 V 8:13.46.: Mercure. M Do 3e 17.39:33-" 1:20. 3: Br, D.44$3 ? Qe 139.57.15. 23.53.28.B DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 3c9 Leta7Jurr. h ‘ LL o L “ o 4 À “ P74502) 113-4649. 22.23. 5.B_ V 8.15.43. © Mercure. M 8.16.16. Ÿ 35. 21453.27:0 04230.B T © : 8.40.51. 7 S. 127.40:13 22:12.5 4.B 9.11.16.7 7° grand. 135$:23.56. 22. 8. oO. Le 18. 31.29.21.4 Soleil. Pirr. 1:10: S 02.46.4ÿ+ 19:32. 4 Long V o.21.48. 6 Vénus. 24. 2.42.B M Cara ê 3. 232.20: 0.36. 0.B * 3 Le 19. Pi 7:27:29.: S 115.24.42. 21.43.31.B_., V 7.58. 4. SMercure. M 7.59. 3. ê 2338-44. 10120.10,B7 10:47:20 Le 20: Les Obfervations précédentes de Mercure ont été faites avec la lunette acromatique de Dollon de 42 pouces, armée d’un micrometre à fils après le coucher du Soleil. Quoique la plus grande digreflion ait eu lieu le 17, je l'ai bien vu encore le 26, mais les nua- ges m'ont empêché de le comparer à aucune Etoile. Le 2 Août. 11.27.) 42 MN Soleil PM 60.37.34: 150.34.29. 29.48.15. _ 6 1.10.20. & Vénus. 1337.25.B M 1.16. > € 4H ATINT.4Se ‘1:29 9. Br Le:3. 11.26.47. Soleil. | 15e Er $ 191:45:36. 30.23.59. ! V 1.12.12. & Vénus. 13471.41.B}'LH M Tino 41 29: 542. | 120:38-Bft 1789 310 MÉMOIRES 1789 —— L Le 7 Août. à 11.25.31. Soleil. ANAL Li: ILE P 20:40. 5; 156-2639 182410 18 LE V 21.14.36. © Vénus. 3 11.23.36.B MEr-T9.;24- S° 1.057. e2s en ete 9.53-15. « Aigle. Le :9. 11.24.48. Soleil. PAC:aribA LS BAS de DANSE De Vhnrére Vénus. 3 10.29.30.B . ÿ M 121.16. 6527-43. ML:20.59-Br 7 Le 24. PH %3 200.10.50. 55.56.52.S 164 LAMPE EN à 200.27.31. 11.19.35.ÂÀ 59:54 NES : 63.148 14 Mason Aer 8.42.38. = Aigle ; FPE 9. 2.30.7 O18-NO--MMTI< TE. 9. 8.24.7 ae db. J'avois examiné Saturne le 24 & le 2$ Août, fans ÿ appercevoir aucun veflise de fes bras ; parti pour la campagne ce jour-là, Je n’ai revu Saut que ce foir; j'ai diftingué ces Fe: décidés ; Poriental n'a paru plus apparent. Le 2 Septembre. 0.53. 8 fuiv. sw. de Mayer. 14.46 PO 740: 323.14.50.153:14. 600 1452 V 10.43.3955 € 323-29.58. O.11. O.À 4319 M 10.42.46. 10.22.4990. FN NOM AT DEL'AÂACADÉMIE DE TOULOUSE. 311 Le 3 Septembre. h L LU 102270 FL. 10.26.29. 0 wa. 10.31.21.- Y Re L ! a o 4 ü 14.4$ P nat À 334.50.23. 49. 6.53. S ee LOVE 7e 235% Sen2: 16-15-A! 40:49 Mi:1:25.22. IR SEUI22S Ga 42. AE 04: 10.495.453 4 Ye Le 4. 90.58.26. P 11.44.47. 325:27.39 49.33.1$ À 4 où Van S Saturne: 5.58.41.À M 12.30.30. F2 TT ZT. Te A TEE Le 6, lunette de Dollond. 9-27.43-7 Bu. DI-15.26.7 06 Ph 445- 3474 8. 9411 6210: É jar VM12.22.34. ? Saturne. SSSR OMR ONESO: M 12.20.32. ISA ESA 22110 À |. Le 7, lunette. 9.19.24.? PB we. Il. 7. 7er 96 PUr1225.54 351-50:33e : Ge 47 AN EE V 12.14.56. + Saturne. M 12.12.44. " 204 \ 6 8 22e AOMAUTE 00 Idem, au quart de cercle, 6 lunette des paffages. 90.20.51. Ê an. 11..8.34% 96 we, P''11%27.20: N'H3276:22. M12.14.10. Csuume 3 351.50:25. 49.40.24 Lo 6542: 2.21,40. — 0. 4 ET. 20. 6.10: 17 89 pe sue 312 MÉMOIRS Le 9 Septembre , lunette de Dollond. h 4 LA 11. 3.21.4 96%. MEN Porr-21.37: N 3$ 1.46:10. MERE V 12.11. 2.26 Saturne. ÉyATATES M 12. 7.28. ve 30! 1:30. 221-144 0 Le 9 au quart de cercle, & lunette des palfages. 11. 4.27. 96 se. P 11.22.56; 351.46.10. 49.42.19. + o16 V 12.12.27. € Saturne. 6. 7.46.À II ce SU M12. 8.53. 1201 1:28: 12:21:05: Le 12, lunette de Dollond. 10.50.34.+ 96 ve. P 11. 8.14. 3513327. DURE V 11.59.23. $ Saturne. 6.13.20.AÀ Mii.55. 8. TI. 19.47.38. DM 2 Te SA ATE ES Le 13, lunette de Dollond. 10.46.28.7 96 ee PT 2560 351.29.18. Se V 11.55.35.26 Saturne. GLS NT M11.50.55$.: fe 19.43. 8... 222. Idem, au quart de cercle, & lunette de Doflond. 10.47.55. 96 ve. P 11. 5.16+ 351.29.14 49-49-46. + o2: V 11.56.57. & Saturne. 6.15-14.À M 11.52.22. 11, 19:43. Oe 2.224 SAT 26 OPPOSITION DE L'ACADÉMIE DE Tourousr. 313 OPRIO'S FT OMN" D'Et: SAIMTRUR/NtE: Saturne fe trouvant dans les paralleles à peu-près de #8, & de la 96°. du Verfeau & de “ du Capricorne, j'en profitai , pour l’obferver, de la lunette de Dollond, armée d’un micrometre ; & placée dans le méridien le41le, G:les8 le 9,11 1258 le 13/,,je n'ai pu l’obferver dans les jours intermédiaires, le ciel s'étant couvert. Le 8 , le 9 &.le 13 M. Rivet l’a obfervé en même-temps à la lunette des paflages & au quart de cer- cle ; nos obfervations fe font fingulierement raccordées, ainfi qu'on pourra le voir dans les réfultats cI-après. M. de Lambre venoit depuis peu de publier des Tables de cette planete & de Jupiter : j'ai voulu pro- fiter de cette occafion pour les vérifier ; & pour cela, J'ai calculé le lieu de la planete par ces Tables, pour le moment de chacune de ces obfervations ; je les ai comparées à celui qu’elles m'avoient donné direétement, indépendamment des Tables, & j'ai trouvé pour erreur moyenne de la longitude 2$ fecondes en défaut : on {entira aifément à quel degré de perfe@tion M. de Lam- bre a porté ces Tables, lorfquw'on faura que l'erreur de celle de M. Halley alloit quelquefois jufqu'à 24 minu- tes, & corrigée enfuite par M. de Lalande, elle étoit encore dans certains points de plus de 10 minutes. Après avoir conclu leur erreur pour leur comparaifon direéte avec mes obfervations, je me fuis livré à un tra- vail un peu plus pénible pour lavoir d’une autre maniere. J'ai combiné de quinze manieres mes fix obferva- ons deux à deux, pour avoir, d’après chaque combi- naïfons, le moment & le lieu de loppoñrion. J'ai pris la moyenne entre les quinze , & j'ai trouvé que l’oppofi- Tome IF. Rr 1789 314 MÉMOIRES tion avoit eu lieu le 11 Septembre à 18 heures 20 minutes 1 feconde, temps moyen à Paris & le lieu LAON 14 2e J'ai caiculé direftement le lieu de Saturne par les Tables pour le moment déterminé ci-deflus, que j'ai trouvé de 115 19h $o' 35”, c’eft-a-dire , moindre de 27" erreur qui ne differe que de 2"de celle que j'avois trouvé par les obfervations ; il était difcile de parve- nir à un réfultat auf fingulierement exaët par des méthodes fi différentes; l’une ne fuppofant que les nues obfervations , & l’autre n’ayant pour fondement que les calculs des Tables, on trouvera ici de fuite les obfer- vations détaillées, & les réfultats , favoir l'heure & le lieu de l'oppofition par chacune des quinze combinai- fons des fix obfervations prifes deux à deux. Heure 6€: lieu de l'oppofition par chacune des quinxe combinaifons des fix obférvations prifés deux à deux. Heure, Lieu, 1e &r 2% Le 11 Sephre à 18h21°2$" 11°19 5116" LV EC A Aa 11126720: S1.17e LOL a Cr EUr Cheat 2212 S0.47e MORAL ter lle 19-37: Riu: 141606 Éfetat-st SR 21720 SI.I4 DAS CCI NE Les COS re Ne 21.10. SIT. CORP à CA DER ET TETE 19.56. 50.25. DCE MEET de ou NU OInO; STE 2. & 6 :12E9:40 STSe 3: MGM con -rec ra O2 2 Lér 50.50. Bo C0S ele rhutr then 120)72 Sie. 3e 3.10 Ode t Me 20.40. St. G. AR Rp heu EL SE AQU ENRE D VEUT AMOR Ones ei letet- aile 20.46. SI. 4 sg. RG. ..,... + 22424 Si, ©. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 315 Heute & lieu moyen déduits des quinze combi- 1789 natfonsdeft1 Septembre, 18/20 1 (111991 2 === Lieu calculé par les Tables à hate moyenne ce deltus 1.2.1 MN. DE: 19: SO 35e Erreurides tables MINT RENE ON 27" Idem, déduite des reine Ru LE Où 204 Patient ri. dll. 002 20450 À Efreursdes tables 44.174 + 16. Le 26 Septembre. h 1 “ à 11. 1.51.+ Soleil. BB P0:14.26— S soi. 40. ns 3e Sté V 1.12.57. SMercure.. Fe OAI M 1. 3.41. dc 23.H1:58. 1507. 284AmU% . Le 1$ Oütobre. Le temps qui étoit à la pluie depuis plufieurs j Jours, s'étant éclairci ce foir, J'ai examiné Saturne; j'ai vu fes deux bras, mais très- déliés ; 11 me parut que l’orien- tal paroïfloit mieux, mais ce n’eft qu'un doute. Le 17: I! a plu hier ; je lairevu ce foir , & n’ai pu y diftin- guer aucune apparence des bras. Le $ Novembre. Obfervations du palfage de Mercure fur Le Soleil. Jai obfervé les deux conta@ts de Mercure avec la lunette de Dollond, & un équipage qui grofhilioit 8 316 MÉMOIRES fois. J'ai enfuite placé la lunette parallaétiquement , ar- mée d’un micrometre à fils, dont les oculaires groflif fent 36 fois ; j'ai obfervé la différence des paffages du bord précédent du Soleil & de Mercure , ainfi que fa différence en déclinaifon , avec le bord aufttal ; par plu- plufieurs obfervations répétées, le diametre du Soleil a employé 2 minutes 14 fecondes trois quarts de temps à traverfer le fil horaire, ce qui m'a fervi à réduire au centre les pañages du bord précédent. Jai commmencé par calculer les lieux du Soleil par les Tables de Mayer; j'en ai déduit trigonométrique- ment fes afcenfions droites & fes déclinaifons, d’où J'ai conclu celles de Mercure par la différence des pañlages, fes longitudes & {es latitudes, & enfin tous les élémens réfultans de l’obfervation : les temps font en temps moyens à Paris. OBS EE RUPRAT AIO NSS: Je n'ai point tenu compte dans le caicul des lieux du Soleil des 20 fecondes pour l’aberration. 1, 124” Contaët extérieur. 1. 2.44. Contaét intérieur. TM. Long. ë. Latitude A. Long. ©. 1. 7002-1087. 013147. 26/0. 9: TO TS BORNE TON Se 7 So Dre GS DANSE 7 CNT 1.33. 1407 13. 460, %02 80) 47S 15-36. 1:24457e Te 13-144 05e ON 20-07: 13-0058 22 OT 47 NT le 44. 20-00 0142: 7e 13-187 AU 2. U6. 154: (V7 3- 44: 2021 /10-18:122-) 7° 13-87-4033 2. T0: 892. 7i013. 44. 20: ©. 8.018: 17e 13-438 053 2.. 19: 14.1 07. N13. 243-3004 008.18, 97: 13138224 2:35 550 (7: 13. 42543020 Os 1Na 7e T3 RS OI DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 317 TM. Long. à. Latitude A. Long. ©. 1789 2H ASS ANOTIE 13 ATARI OS MNT CRT. 39,129 ZA 7-13. AI SON OMNT TION A La1301 47e DROIT 7e, LCA SSL ON 7120-70 AOC: 3e FO PAS MU 7e Ti 2 SONT AN 2 A7 PS AO. ST. 35 4 SIN LR AT. A ASIE QU EAP 7 3 A4OS 4 32 JO TOITS DIN AO NAS NOT al ZUNE AAN 10. SNL RICA T UNS MA ONE D 7 TON 7 Le AIG L 7e 3 RE NEO 7 NT MIO PACS NO T7 ANT UT ANA TN 25e Pour conclure les différentes circonftances de ce pañlage des obfervations précédentes, foit S le centre du Soleil ; EE léchiptique ; LL un cercle de latitude ; OO l'orbite relatif de Mercure ; C fon centre lors du contaët extérieur ; DS fa diftance à la conjonétion ; DC fa latitude S D’; D' C' les mêmes quantités lors du contaét intérieur, Quoique dans le nombre de ces Obfervations il y en ait d’évi- demment erronnées , dumoins quant à la latitude , je les ai ce- = pendant toutes employées pour en conclure les valeurs moyen- nes en les combinant deux à deuxsfavoir la 1e & la r7re la ame & la 16m, & la 1° & Ja 2m, la rte & la 3°: d’où j'ai eu la longitude à la conjonétion ...... 7 T3 4O1AS Moment de la conjonétion ...... À MTS Ses Contail extérieur. Diftance à la conjonétion D S.... 13.20. 7. Laniude//D'G5: 00 UE hs ee 9.20. 4. 1789 — 318 MÉMOIRES Contail intérieur. Diftance à la conjonétion D S..; 13.07. Lastude D! GE 6 LA ME 9.19. Par la réfolution des RÉnbe reftan- se SD CG: SD ES SEPonaur CHE RENE AE RL LL IGRET. HA. SCT AP ER ED Che 4 il Différence ou diametre de 5..... TOUT, S P. plus courte diftance. . ...... 7h SG: Obfervations de la Comete découverte le 9 Janvier de cette année par M. Mechain. J'ai déjà annoncé à l’Académie, il y a quelques jours , que j'avois obfervé la Comete découverte dans le pied du Bélier le 9 Janvier dernier, par M. Mechain, & dont il m’annoncça l’apparition par fa lettre du 10, que je recus le 15. Je la cherchai le même foir, & je la de couvris, avec ma lunette de nuit, dans le cou de la Baleine ; Te or roma fimple ; mais avec une lunette de 42 pouces achromatique , elle étoit aflez lumineufe pour pouvoir être obfervée avec facilité; mais pour fi peu que j’éclairafle la lunette, on la perdoit abfolument de vue ; fa nubélofité n’étoit guere que de . à fix minutes : je ne pus la com- parer qu’à une étoile de la6e.grandeur qui la précédoit de quelques minutes, qui ne fe trouve dans aucun ca- talogue, mais dont je pris très-exaftement la configu- ration pour la retrouver avec facilité ; je l’ai effeétive- ment déterminée , depuis en la comparant à «8. de l’'Eridan , dans le parallele de laquelle elle étroit. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 319 Le 16H1ÿe.la comparai à O de l’Eridan , & j'eus occafion es lors de m'appercev oir que fon. mouve- ment, tant en afcenfion qu’en déclinaifon, diminuoit, & conjéurer que nous la perdrions bientôt. Le 17, le temps fut couvert ; le 18, je la comparai à f de la Baleine ; cette étoile ne fe trouve que dans le catalogue de Flannted ; il feroit très-poflible qu'elle eût befoin de correttion. Le 19 , elle fut comparée à 6 de la Balaine ; j'en fis une obfervation , & M. Rivet une autre 27 fecondes après, elle avoit beaucoup perdu de fon éclat. Lerson je me fervis de r de la Baleine pour la déterminer : je pris le lieu de cette étoile du catalogue de Bradley. Un léger brouillard & la clarté de la Lune en rendirent l’obfervation difficile. Le 21, elle étoit très-près de la variable de la Ba- leine ; mais comme elle ne pafla pas dans le même champ de la lunette » Je fus obligé de la comparer à une autre étoile que j'ai depuis déterminée par ; de la Baleine. ILE je ne pus la comparer qu'a une aflez Jolie étoile que j'ai déterminée depuis par Lion. Tome IV, Ss 1790 322 MÉMOIRES Le 16 Février. h 1 LL o 4 “ ° , m P'r2tr8r7.: ; 148-3997 20.35.47 V 11.51.47.5% Jupiter. 13.59.24.B Ma2°76:73: 4250 420157 BE 12.20.49. Régulus. 12315900; On. Lens: PAx2. 013: 148.24.47. 29.29.52. V 11:43. 1. > Jupiter. L4e 5:15B Mut-s70. 4 2SM353- RTS "7 12.12.45.- Régulus. OPP'O/SIMNONIDE TUPITER, Conclue des trois obfervations précédentes , comparées aux Tables de M. l'Abbé de Lambre. Erreur em longitude : 2. Limit 043 Idem, en latitude, . M, NO. Mouvement journalier du Soleil. 3 1210-22. Idem de Nu piter de et TERME 753. Mouvement relatif. . . : 18-15: Intervalle des obfervations du 15 & dur rGH - 28055 43. Diflance ä oppoñtion Je 15 . 1:20. 1 2. Heure de l’oppofition, temps moyen à Paris le 14 Février FUME ONUS SRE. Lieu . Ho Net KL 4007-47. Latitude céométrique, BD. T0MUuE.) Ares Le $s Mars. V 10.37.27. Immerfon du premier Satellite. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 323 Le 8 Mars. h 0.210.594 Soleil. Pr 3e V o.44.34:5 Vénus. Mro:sishians 0.120.36.1 Soleil. P.0.59:32.; V o.38.56. $ Vénus. M o.49.38. 0.18.42.2 Soleil. P o.29.19 V o.10.36:$ Vénus M o.19.56.: o.18.18.: Soleil. 60:23, > V oo. 4.47. S Vénus. M :0:13.50. Pi 0:/4:23: V 11:47. _. Vénus. M11.55.25 0.17. 8.2 Soleil. 0:17. 6. 356.34. Le 9. . ? e | Le 1x5. Le : i Le 18. à 359:47:24. 326.36. 3597-13-38. O.47.24e 356.43.51. O.I1I.II. 335-37-26. 15 28.57. 7. 355+ 4 7: ls 28.19.35. 34-24-46: + 153 9.10.54. B BTS 2 BTS 34.31.20 + 118$ 00225 2b 8.23.30.B* °* 35-23. 35° + 1.40 8.11.42. 8. 35. so. 35-38-28. 7.56.47.B 8,352: à —+ 1:24 36.11 rs 7-24 8.31 Pr 202295: GE Per 2e D 8.29.29,B+ ©55 1790 CT 1790 324 HÉMOIRES Le 19 Mars au matin. P'yr1e98017. 3543130. 36.46.12. +, V 11.41.27. © Vénus. 6.49. G.B 11 M 11.49.18. … 27-42 05000802 550 de 0.16.43.+ Soleil. Conjonélion inférieure de Vénus vifible , conclue des obfer vations précédentes. Teure de la conjonétion , temps moyen à Paris le 18 Mars, a ...... 3" 1T 30° Lente ne PRE RE ER he 11525. 14.28. Latitude géocentrique ........... 83.28.51. Le 13 Mai. V 11.29.48. Immerfion du premier Satellite. Le 15 Juin. ©. 7. 2.- « Soleil. er PH22950 109.46. $. 28.20.13. S 1615 VOB R7S TES IC 120, 2.20. 15.25.56.B 3641 M 2.22.57. 28/5 8.20. FN a 4 AT Objérvations d'une Comete. Cette Comete fut découverte par Mifs Herfchel dans Pégafe le 17 Avril de cette année : je ne fus inftruit de fon apparition que le 27 Mai, par une lettre de M. Mechain qui l'avoit trouvée le premier, fur une indi- cation bien vague, puifqu'on la lui avoit annoncée fans lui parler de fon mouvement ni de fa direétion ; Je ne pouvois pas être dans le même embarras , puifqu'il avoit eu la complaifance de me faire part de fes obfer- vations jufqu'au 19 : mais différentes circonftances ne DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 325 me permirent pas de la chercher avant la mi-Juin ; je 1789 la trouvai le 18 dans le Lion: je la comparai avec trois petites étoiles inconnues que je n’ai pu déterminer depuis. Le 19, je la comparai avecs du Lion; le 20 , avec m;le 21, avec P ; le 22, ayec O ; le 23, avec «7; le ciel s'étant couvert le 24 & les jours fuivans, je ne l'ai plus revue ; elle doit avoir été aflez belle pour pouvoir être apperçne à la vue fimple vers la fin de Mai ; mais lorfque j'ai commence à l’obferver, on ne la voyoit plus que par le fecours de la lunette ; fon noyau étoit brillant. sc E ER A h LA “ui 10. 8.42. 10. 1: 0: UN CEVOUS 10.727. 11-23-14 Le 18 Juin. Comete. *de 7e. g. plus orientale de Et moins boréale de . . . * 7e, g. plus orientale que Janprécédente . 2. Et plus boréale de . . .. 7°. g. plus orientale que la feconde -\ar-sai le ex Et moins boréale de . . . Le 19. Comete comparée avec à du Lion. 0.446.464 155.48.57. 21.39.97 Le 20. 9e le 7e 156.18. O. 19.58. 2° avec Es avec m: 326 MÉMOIRES Lee 10. 11.52 156.47.11. 18.11.53. avec Bet22;: 9837223. 1% 70:19: 1 VE AO:ITAI avec O. Te 0.041.397 1157340340 .15:.6.26... IEC eP: ÉLÉMENS de cette Comete déterminée par les obfer- vations de M. Mechain. Nœud afcendant. . .... He CCE DO 10 Inclinaifon de l’orbite . . . . .. ... 63.55.21 TES OuipEn he PE CERE LC ERET 93-3150 Diffance périhélies 1. Re 0.799058. Logarithme....... + 9-902578. Pañage au Eu ia 21 : Mai TM, à Parisg. Res RE ARNO 10.16.20. Rétrograde. Le 18 Juller. hu, TV 3.47.16. Immerfon d’. m. ÿ+ 3:39: Emerfion. 6 # UT ul xs 534.29 198.37.41. 53-33-21. S 1627 5.21.56.:% C 198.54. 6. 9.27.30.À 474 527.44. 6212 14 221 122050. Ar 90.17.45. Ophiucus. O.44.43 « Idem. 5 0 2 < 0 DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 327 1790 Le 1, Oëobre. Occulation de #8 du» par la Lune , obfervée au Château de Pellepoix. V $.44.12. Immerfon. V 7. 0.23. Emerfon. Mme obfervation à Touloufe par M. River. V $.44:22. Immerfion. 7. 0.43. Emerfon. PNG 27. Dr 00 2 E. nue PU 6.292. 302.12.46. 58.48.51. S 564r VEGAS. Ç 302.28.42. 14.41.43. ASE M 6.31. 0 10. 1.26.36. 55.17.26. B+ 6 Du 23 Oobre. Éclipfè de la Lune obfervée au Château de Pellepoix. Temps vrai. L LL 10.50. 0. Pénombre marquée. 11. 2.30. L’éclipfe commence. 11. 6.10. Galilée dans l'ombre, 11.20.30. Ariftarcus , idem. 11.45.15. Plato, idem. 12. 3.10. Marc crifium. 12.10.45. Commencement de l’obfcurité totale, 13.51.42. Fin de l’obfcutité totale. 13.55. ©. Grimaldus hors de l’ombre. 14. 1.30. Ariftarcus, zdem. 14.18. ©. Plato , idem. La Lune fe cache dans les nuages , & ne paroit plus. 13. 1,13. Milieu de l’éclipfe par le commencement & la fin de lobfcurité totale, 1790 328 {oi he Ge 0.46. 3.; IE PU'amen: 331:24-.30. V o.36.45. & Vénus. MY G©isa22. 105 28.43.49. P 4.40.47.: 2TNO- 0e V RAI € 2115-58. M 4. 9.29. 0: 023° 210: 10.44. 8.7 Procyon. Een: 10.40.19. Procyon. Perros: P 1.24 ER 333-49: 4 V 0.382265 Sr Vénus Miosines 1 TNT EE Se P Goma! AS:17:3 8 V te C 3 A5232.50: Ms.38.17: 1. 17.25.10. 7.32.36. Aldebaran. Le re 0.46.26. Soleil. Pons 3350020: V o.39.18. 6 Vénus. M o.53.57. 11602:20 48. MÉMOIRES Le ciel a été très peu favorable pour cette obfer- vation. Il régnoit un vent de fud très-fort ; des nua- ges aflez rares, à la vérité, mais continuels, ont fou- vent interrompu l’obfervation ; le ciel n’a été bien net que pendant l’obfcurité totale. Les limites de l’ombre ont toujours été mal terminées , foit dans l'immerfion, t dans l’émerfion. Le ciel, abfolument couvert à Touloufe, n'a pas permis d'y obferver cette écliple. Le 8 Février 1791. 56.5 2.46. 0,1 DEEE i 1.28.24.A À 253 3519.44. [ 55% 9. 1.48.B 544 o. 1.38.B—0.4 — 2.9 55.58.54. 12.24.34.À 1.274620 29.II. Seb | 14.49 15 0527 Bi: 2.022 72À — 1.19 26.34 55-31 A47-À + 0.47 11.57.26.À ‘ 1.27.32.À 107 Suite DEL'ACADÈMIE DE TOULOUSE. 329 Suite du 11 Février. LV PS 6.$6.14.- 6. 9.43.-0 C 6.24.22.: 1 7.28.45. Aldebaran. F8. 5-58: 29.37.56. æ<" Le v3: 0.46.3 3. Soleil. $7.50.25. 24. G. 7.1 D 2 17.18.48.B s437 CAT TCE WRI V 11. 2. 5. Immerfion du premier Satellite, | Le; 14. 0.46.36.4 Soleil. BW 28:23 338.33.48. 54 9.37. ira V o.41.46.:5 Vénus. 10.35.14.À M o.ÿ6.21. 11. CTAMAON 1127539: At 0 PU 2x. 97.23.10. 25 2127.9 rS1$ V 836.30. & € 07-49-23: È8-22:21. 04e Mure se. 3. 3e, 7:20.58, : 4253-10. À, #5 10. 8.37. À petit Chien. 10.21. 7. Procyon. Le ,x$: 0.46.37.: Soleil. Pt 129132: 339:44.32. 53.44.45. Lo V o.42.36. © Vénus. 10.10.20.ÂÀ M o.57. 8. 1100721930 112290 4 Ati Lenra Prr033 V 10.18.5815 € M 10.33.24. 4 12.41.50. Régulus. Tome IV, 12$.10.40. 126.26.48. 4:20. 9. 29:27:35: 9 1838 14.19.58.B cd ÿ. ©. 8.A. 28. 9 1791 h ; n 0.46.34.2 Soleil. Pr 7: *8. Va 110833. Mir24s 4. MÉMOIRES Le 17 Février. 0 YA 8 * 139. 3.56. 32.53.59. S € 139.20. 6. 10.56.43.B 4e 18.20.43. 4:37:20.À Le premier Mars. 0.45.43.- Soleil. 6.59.48. NV noyer V 10.35.27. 0.454132 V 48:25:12. O.44.21. DL 4. 2.36.44. 247.45. «4 P. 427 V 320808 M'35222 TON TA Ze 11.19.54. Rigel. Immerfion du premier Satellite, Immerfion du troifieme. | Le 4. Soleil. Immerfior du premier Satellite, Le 8. Soleil. APS 8810.49 93:26.355 0 \@ 388.2$.51. 10.53.19.B 10.16.2440 0.43: 1.À Le 9. 40.23.59. 30.24.20. T (€ 40:39:15013-53-:2-D 1. T3 20 7 MIO 322 F Hydre. Régulus. DE L'ACADÉMIE DE ToUrouseEe. Le 11 Mars. h 1 LU o LA [24 Pros P7.32.7 65.25.12. d'OS ALT € 65.40.47. M 5. 4:16.: 2. | 06.50.49: 11.10.54 .h Lion Le 13. 0.42.47.. Soleil. D'07. Mi C2 . 013419. NC 32.24: © C 9150: 2e M G.41.50. 3e 00.44% 12.46.46. & Vierge. P'r298:31e 177.54.18. Vi2u5.5r. à Jupiter. Mi2.25.34. Sa27e ie 2e Le 14. 0.42.33.1 Soleil. P' 6. 344.2) S 104.59.22. VA72TC { € TOP S-21- M730.3% é DRIA:3 5-30 12.42.52.7 8 Vierge. P:124:9: 77-47: 10. V 12.11.44. à Jupiter. Mir2.2100. SeU2OISALE 4 Leuç 11.42.17.1 Soleil. P 8.53.59. de EURE NTE VA Sinmar. 118.49.40. LE. M 8.20.40. 27.48.44. TA 14.50 15:35 S4.17 24. 7 29.10: 10: 9 15:23:27.B 4.53.43.À 40.46.58. 2137.53. B 123448. BTS — 0.21 26.13.38.S 17.3 7° 0.B ne ÿ:10.38.AÀ 2441 40.93.57 — 0. 6 2.40.54.B 1.34.48 Bo 0% 29128018 gd 1530 3.B Ê $-13.13.À 25:44 232 MÉMOIRES Suite du 15 Mars. h NV, 1256:58--018 Vierge. L'ile ETES 1% 1 AU 177.40.11. 40.50.26. Vr2%7:38 PUupiter: 2.44.23.B M 12.16.37. S ÿ: 20.46:275 1.354828 Le 16. O.42. 2.7 Soleil. Pir48.27) Vénus, TAN TN Ve 030 22.0. V 1. 6.25. moyenne 4.31.58.B M 31.15.14. \ diftance. 13-35-92. O:54.36.B P 944.421 132215:22031812:38.0 Vo ere (C 132231:27012236:40:B M 9.11.30. ( 4. 1927.22): 425 6320.À 10.16.18. Ë Lion. 12.35. 4. 5 Vierge. Parme 17733.17..4047-33: V 12. 3.30.=S Jupiter. 2.47.18.B M 12.12.11. s- 26.38.49. 1.35. 6.B — 0.1 + 037 + 0,40 + ©. 6 15.42 16. $ $7:2X 29:44 +o.d + 0:39 V 12.26, 2. Ocultation de x Cancer par € immerfion. - Letay. ©.41.44+ Soleil. P 10.35.52. 146. 3:53. 34.58.42.S is V_ :9.54516. SC 146.20. 4. 8.53.49.B nue Mi1o. 2.22. U4.22:13.105329 fe 2553319 12.31. 9.8 Vierge. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 333 Suite du 17 Mars. P'r2.04 "7: 177208 00 AA SL Nr Le Vis. 2 25.76 Jupiter. 3 2.50.20.B Mr2. 7.30: 5126.30: 8e00 8.390: RTC Lelx8. O.41.27.: Soleil. Pr 27.30t TOO 33022 SEE. V 10.46.19. (é 100:17:37-4 4:32-.48.B ee M 10.5 4.20. je 9.$O.31. 3.36.16.À 373 10.27.14 4 Vierge. P'12:36.37. 3 É77210:$01 40:42:23 es V 11.55.18. © Jupiter. 2.53.29.B Nr 0327 HN26 23 TON 23 MB sr Lets9; P o.41.10.7 Soleil. P 220:15: V'#139:03: M 11.46.59. 174.11.29. 174.27.50. 5- 24.59.36. 12.23.19. P' 12.32.14. 177 L1:30; V'RRALA UE M:1.58.56. Jupiter. 3 $. 26.15.26, 44:51.22.S O:Li-rr. A 2.22.21.ÂÀ 16,22 16.2 59-55 4147 40.38.38. 2.56.14. 1: 3441 Bree — 0,24 1791 Ben 334 MÉMOIRES OP PO:SIMPFONMDIBS JUPRITER,, Conclue des fept obférvations précédentes, comparées aux Tables de M. l Abbé de Lambre. Erreur moyenne des Tables en lonpi- tude. SA : 1 LUS. ITEM: Idem, en Dre : + 0.35. Mouvement journalier de Jüpiter FLE 7-44 Ten EP ON BOIRE UN : 59-23: MÉenbn rElatii NN. Rio 7e Intervalle des obfervations de 16 & du 17 Mars... TN 2B NET Diftance à l'oppoñition le 16: 15532 de le16, TMAPariss 17.47.58. Lieu : SIMON TS 26 SOIT Latitude boréale LATE ANNOEMAOE, TOTRISSNEE Le premier Avril. h 1 LL 0.37.38.- Soleil. PAREIL RER Pia O 7e 311923: 1130 NS V 1.21.38.:$ Vénus. 12:21.92-D NlÉTe25273 T: 1 220.4 On. AE Le 3. Eclipfe du Soleil. V o.32. 1., Commencement avec la lunette achro- matique de 42 pouces. WVi5.18532:% Fin: V 3. 8.28. La même par M. Rivet au télefcope cacu- dioptrique de 18 pouces. Grandeur de leclipfe , cinq doigts 19°. DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. 335 Pendant l’écliple, le corps de la Lune DIR far le Soleil a paru d’une teinte fenfiblèment plus claire que le refle , ce que nous avons cru n’être qu’une illufion optique ;’ cependant j'en fais mention, parce que nous avons eu conftamment la même appa- rence. Il y avoit deux taches fur la partie éclipfée du So l'une petite & l’autre beaucoup plus grofle & plus orientale ; la premiere a commencé à paroitre fur le bord de la partie lumineufe lors de l’émerfion à 2h 30, 44", & l’autre, toute entiere hors de l'ombre, à 35 o* 51" ; on ne les avoit pas obfervées à l’immerfion. Le premier cantaët s’eft fait plus boréalement qu'on ne l’avoit annonce, Le thermometre placé au Soleil n’a varié que mi- degré pendant léclipfe. Le s Avril. ho T.V. 10.54.39. Emerfion du fecond Satellite, LG TV. 9.25.10, Emerfion du troifieme. Le 15. T.V. 7:28.1$. Immerfion du quatrieme Satellite, T.V. 10.27.12, Emerfion du même, D'35-21e P.o.48.30. VAPO:2 5-10. M o.13.27. MÉMOIRES, 6 Le 17 Avril Soleil. 20.12.5043 [40-0046 Mercure. 11.55.10.B TUE 12218 00.. On 22 TANT Fin du quatrieme Volume. D rés uléate 0 HA LH ES - A TO THERMOMÈTRE. BAROMÈTRE. | HYGROMÈTRI Hauteur du Mercure. È Humidité. pl. grande. moindre, moyenne. F pl. gr. ]moind. pou.lig.100e. A d. 66 0. 40/26, 9.85 O. 20/27. 1.30 2. 30 8. ©. 30 + 20 + 10 + 70 . 50 . 50 "H A E À Ù 4} résultats de. Ceres cAétéorologiques je FAXTES A TOULOUSE EN L'ANNÉE 1788 LETETETEFETETES THERMOMÈTRE. BAROMÈTRE. À Ë À AIGUILLE ATMOSPHÈRE.) MÉTÉORES. RIVIÈRE. Hauteur du Mercure. A Humidité. f f Aimantée. moy. À pl. grande. moindre. moyenne. À pl. gr. |moind. y. DE : À Déclinaison |inclinaiso Soleil. Couv. Neige|Glace.|Grèle.| Ton- Ë M à l'Ouest. nerre, Couleur | Haute Basse. LT SN — F F l Jolurs. pou.lig.100e. 4 d. Dig. à urs. Jofurs. Jours. rate. [clair pouc. ligs Éjanvier.….||1r. .4728. 2.70|27. 3. 10|27. 10. 114 LÉ ss. É . + 40. 15| 16 9.92. Lrévrier. .s 1881 o.40/26. 9.85 . 28h . : . 73527. : 16 Rs lus . . 8 O.20|27. 1.30 - 79) : 4. b Ar. 21. . 35. 9 23 6. 6. .4 ; 8. co . 81} Ù 23. À h D far. 2: . 56. 29 SIT ). 5: 30 b a ; ' 26 122. 25 4. 10 8. 32 6. 20 . 86} x Î 36. * N. NO. Ale. -e HT © 7. : #23 7| NO. ONO. Octobre || 19. , : . 50 . S4i : Zur s| : NO. SE. Novell és . ! ! 5: 40 .72] 99! ot] 7. NO. SSE, fDécemb.||10. à , . 40/26. 9.00 Années -70/27: 5:46 C9) Es res ultats “dea PAIE S A4 TO THERMOMÈTRE. BAROMÈTRS. HYGROMÈTRE.N Hauteur du Mercure. Humidité, —_—_—_—_—_—_—_—_—_———————————— pl. gr. | moind. « pl. grande. moindre. + 40 , OO + 98 . 20 . 40 + 10 . 50 : - 67 . 26 35 - 70 . 10 a — 10. de 2. 65|26.1r. ARE Hs set y résultate., Dex Chernanc cAHétéorologiques en FAITES A TOULOUSE EN LANNÉE 1789 KeTeTETreTEeTeT 62" THERMOMÈTRE. BAROMÈTRS. Hycromèree. ÉATwvo-lomsrométRe. IGrROUETTE) AIGUILLE ATMOSPHÈRE. Hauteur du Mercure. Humidité. MÉTÉORES. RIVIÈRE. METRE Aimantée. moind. | moy . pluie.lquantir. Vent domin. Déclinaison [inclinaison INeige|Glace.|Grèle.| Ton-Ÿ Couleur | Haute. d’eau. à l'Ouest. ner, — L Ë Jojuvrs. Jolurs. clair | sale.\poucs lig» Je 1 nou 20|27. 7. L à SE. 35 Ê : 12 , OO ; ù ; NO. b Eh 75: à 4 . 40 ; . è . NO. . 31. 29 . 30. 37e . 36. . 43: . 49: 8.0 |10. 6428. 2. 65126.11.65 À De résultat. Dex. CAT BAS. ANT O! THERMOMÈTRE.N BAROMÈTRE. Hauteur du Mercure. À HYGROMÈTRE., À Humidité. moind. pl. gr. de { pl. grande. | moindre. | moyenne. M pl. gr. |moind.| moy. K dpou./ig.100e. 10. 27. 5. 60/27. 10. 74! 100 | 78 90+ ù 131 1.016. 3. 80 7. 90/28. o. 11} 14. 8 2.0 |. 2. 00 4 40 |[27. 9. 891 16. 2 1.9 |10. 6427. 10. 70 Oo. 55 6. 66) 20. 2 6.0 |13. 11. 80 4: 30 8. 06 25< 10. 2 |16. 8428. 1.00 6.40] ro. oi! 27.22 || 11.0 |17. 0) Oo. 20 6. 00 9- 40 27.8 | 12.8 |15.8$ 0. 20 8. 30 10. c9! D) . OO ANVIOT LT A BL En Des résultaté De Observatione CA étéorologiquer ,= FAITES A TOULOUSE EN LANNIES 1790 eee ere" Hauteur du Mercure, TULRMOMÈTRE, BaArnomMèÈTEAz. rar a MÉTRL IGIROUETTE Arcuiizzs ATMOSPHÈRE) Méréonxes, Rirrènes…. ol er moin 10, _ plhaure, le 14 Juin, 160 pouces pl. bal, le »4 Nov sn pouces NO. SSE, NO. NO. NO. NNO. ONO. SE, 4 ) 4 * f n : x 1, É # : À j 27