Eh sea Ty 2 = oo Pr met y eh © Co mr a 7 ee rca À 26 de Pen fe AUDE UE ER N S Rs letocoocsthopenonnacopsbS onto conso ondneccaccnc sn ac S # S re 2 acanEe nov au | 1e TOULOUSE, . IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE, ,. “DES SCIENCES, DE TOULOUSE. ANNÉES 1823, 1824,1825, 1826, 1827. TOME SECOND. PARTIE RUE SAINT-ROME, N.° 41 1850 HISTOIRE ET MÉMOIRE 0000009000000690008909900009099990000000000000000600 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES ñ | © © n © e © x | © ) | © "le 11 © © © © © A © 1 | © © © © \ | © 1© © R|© | © 212 © © F/|© © 1e ee | © \RE2 e © © © © , | © © © A I© ] AE © ‘184 © e A |© © © © © © AN | 00000000000000000 7 1 TE 0 a} F ré As de Sr T7 he Fr AT HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. PS 7Ég A6 HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ANNÉES 1823, 1824, 1825, 1826, 1827. TOME SECOND. 1. PARTIE. nÉLES TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE,, RUE SAINT-ROME, N.° 41, 1830. 1 : | HE re » | Fe ok et. WA É F ) #7 L 4 =" Fa ; . be et | L : 1, | } .- 24 EU "+ ” 1 ; ar] , *c à LM ; < pe RAT L Là) Le … CA ‘ i n'es pes 4 \ LE TC ai { Fa ; , h nd ce 1. agé sar saga rh den. rs . Ü 4 ‘ ] TN 4 rs « d . ; Je . j Die de L ' | k En È f > , à . . _ , * à L | . Pont D: 2 Ci: : à ® JET 14 PA Lars gr = ere à Ci J À A EN 7 ati | j: 2 \ 2 : ‘ [A Ve, L vs 4 Ü À he CR r+ \ ù - \ n _ : SN ERP \ MS fs 2 A Ou f , 2 . "4 a re s Lg FE a Te ” Pa Le nl n L L 6 42 sat “OA kits 4 Aa anse ” ARRET SUN ANTOINE CTER to | APE Cure 4 A Ki ET t MAT: PASRE. ’ Ê ; , : & Ï »” à Les! L } ; 183 { . A'ell Dan à , : à US it 1 ; M. à ds € i “ à L 2 ! À F, ' ns | ] CAR OP W : ; 7” PA . D à 1 Ÿ VA A \ LE [? INTRODUCTION. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. M. 1e sanon pe Mararer, que les suffrages de l’Académie maintiennent au fauteuil de prési- dent depuis plus de dix ans, et aussi long-temps que nos réglemens le permettent (1), a eu encore ; dans les discours d'ouverture ou de clôture des sessions académiques dont l’histoire est l’objet de ce volume (2), à entretenir le public de considé- rations générales relatives aux matières dont VAcadémie s’occupe, Déjà sept fois il avait rempli une telle tâche, et la matière semblait épuisée pour lui, car lesprit de l’homme est comme con- damné à se mouvoir dans un cercle d'idées auquel la nature a mis des bornes; et cependant trois fois encore , la fertilité de son esprit et la facilité PE ÉENRn R dp te Air € à IR AS. ÉEPEORAMITE ES SPF S MIRE (1) Le Président est nommé tous les ans; il ne peut pas être continué au delà de trois ans consécutifs. (2) Le tome 1 est destiné à l’histoire des travaux de l’Aca- démie pour les années 1823, 1824, 1825, 1826, 1827. : le discours pour 1823 a été déjà analysé dans le tome 1 ; en 1826, M. Carney était président, et, en cette qualité, c'est Jui qui a ouvert la séance publique de cette année. v} INTRODUCTION. de sa plume lui ont fourni de nouveaux sujets ; où il a toujours eu le rare talent de se concilier la faveur générale de son auditoire par l’intérèt et la sagesse de ses compositions , comme par le mérite et la grâce de son style. L Est-il utile En 1824, il se proposa cette question : « Est-il de faire par- l ] lebonr 22 f h tcper toutes plus utile pour le bonheur des peuples, pour la es classes de SriLe EI 171 Fi Ia société aux * PT OSPÉTIE ee empires , de faire participer aux bienfaits de » bienfaits de l'instruction toutes les classes de La l'instruction ? Er à . Gt , 1 » societé , ou Cconvient-il de réserver extclusive- » ment pour quelques-uns, les moyens de pénétrer » dans lanoble carrière des sciences et des lettres?» La solution d’une telle question, traitée par un homme aussi éclairé et par le président d’une Académie des Sciences et Belles-iettres, ne pou- vait être douteuse, et elle ne Le fut pas. Au milieu des incontestables avantages que la culture des sciences et des lettres a répandus parmiles hommes, avantages peut-être plus.grands à cette époque qu’à toute autre, M. de Malaret trouve extraordinaire que des hommes, aux bonnes intentions desquels il rend justice, craignent de voir linstruction se propager dans les classes in- férieures, y porter le dégoût des occupations qui sont leur partage, ÿ inspirer des sentimens d’or- gueil, y produire des sujets inutiles et souvent dangereux. Les exemples qu’on pourrait citer à cet égard, montreraient seulement que partout al INTRODUCTION. vij y a des abus; mais pour les prévenir «n’y a-t-il » d’autres moyens que de rendre à peu près inactive » cette noble faculté qui nous place à une si » grande distance des autres ouvrages du Créa- » teur? Avons-nous le droit de restreindre l'usage » de la raison, et de la retenir captive sur les » objets qui sont livrés à nos recherches ? » Loin de nous une telle pensée ! » Les connaissances humaines étant le résultat » de la plus belle attribution que Dieu ait accordée » à homme, celle d'exercer son intelligence; le » priver volontairement du glorieux héritage » transmis par les savans de tous les siècles, dé- » rober à ses regards les magnifiques monumens » de sa grandeur et de sa dignité, dont la vue » seule peut éveiller dans son âme des sentimens » nouveaux , le porter à imiter les grands modeles, » et peut-être à les surpasser, c’est s'opposer aux » desseins de la Providence , retenir dans les ténè- » bres celui qu’elle avait destiné à jouir des clartés » du jour, et écarter d’une main téméraire les » dons que sa munificence avait versés sur Jui. » «Les dangers qui naissent de l’orgueil sont à » redouter, il est vrai, lorsque la masse est plongée » dans l’ignorance, et que quelques individus ont » reçu les premières notions des connaissances » élémentaires. Ces supériorités, quelque légères » qu’elles puissent être, suffisent pour donner un » ascendant quelquefois nuisible à ceux qui les » ont obtenues, et peuvent exciter en eux des » sentimens répréhensibles. Mais elles doivent vu} INTRODUCTION. » » » » ») » » » » ) » » La ) La » 2 » » Lea » » » » » ) - » » » s’effacer à mesure que l'instruction s'étend et se perfectionne, pour faire place à des supériorités plus réelles qui deviennent nécessaires pour en- tretenir l’'émulation et hâter les progrès. » C’est aux bienfaits de l'instruction que les hommes (même ceux chez lesquels l'étude ne peut être qu’une occupation secondaire), doi- vent une situation plus heureuse : en dévelop- pant leur industrie, elle augmente leur aisance, elle adoucit leurs mœurs. ............. » Si ces faits étaient révoqués en doute, si on voulait les attribuer à d’autres causes, qu’on ouvre les annales de l’histoire, et chaque page offrira les différences qui ont existé entre les nations dont la raison a été cultivée, et celles qui ont vécu sous le joug de Pignorance. » D’un côté se présentent ces peuples antiques dont tant de siècles écoulés n’ont pu effacer le souvenir; de l’autre ces barbares dont l'existence n’a été signalée que par de sanglantes révolu- tons. » Quelle différence dans la destinée de ces peu- ples! Les uns devaient servir de modeles à toutes les nations, faire connaître le véritable héroïsme, inspirer l'amour des vertus civiles, donner l'éveil aux sentimens généreux, aux nobles inspirations : les autres étaient appelés à renverser les monumens des arts, à fouler aux pieds les mœurs, les institutions et les lois, à semer sur leur passage l’épouvante et la mort, » Ces destinées si opposées s’accomplissent. » » D » » 2 ) LA » » » » » » INTRODUCTION. ix » Malgré leurs divisions intestines, les Grecs donnent l’exemple des prodiges que peut en- fanter amour de la patrie. Pendant plusieurs siècles, ils brillent de tout l'éclat des sciences, des lettreset des arts; et lorsque, parvenus à la vieillesse, abandonnés par la fortune, ils sont obligés de passer enfin sous le joug , ils règnent encore sur leurs vainqueurs par Pascendant du génie. Rome victorieuse continue de puiser dans les écoles de la Grèce humiliée les élémens d’une gloire plus durable que celle des conquêtes. » Mais aussi, dès l’enfance de ces peuples, Homère avait parcouru ces régions fortunées, en faisant retentir dans tous les lieux les divins accords de sa lyre; les philosophes avaient ap- pris aux hommes à respecter les dieux, à chérir la patrie. De toutes les parties de cette terre classique, on était accouru à ces jeux solennels, où les citoyens de toutes les classes étaient in- distinctement admis à disputer les palmes de la poésie, et les couronnes destinées aux plus vi- goureux athlètes. » Les poètes, les philosophes navaient point ainsi visité les sauvages retraites des habitans du nord. Ils n’avaient pas dissipé les sombres vapeurs qui dérobaient à leurs yeux les avan- tages de la civilisation. Dans les forêts qui leur servaient d'asile, ces peuples n’avaient entendu que les cris de leurs guerriers et les rugissemens des animaux furieux. Leurs dépouilles étaient les seules couronnes qu'ils eussent obtenues, Le: INTRODUCTION. » Doit-on s'étonner alors , sils ne connurent d’au- » tre droit que celui de la force, d'autre héroïsme » que la férocité, d'autre patrie que le sol qu'ils » purent dévaster ? Doit-on être surpris, qu’ils se » soient disputé avec tant de fureur les lambeaux » épars du plus florissant empire de l'univers, et » que leurs noms, ignorés avant cette terrible » lutte, soient pour la plupart rentrés dans l’ou- » bli, lorsque la Providence eut fait cesser ces » grandes calamités ? » Après cette éloquente peinture de la barbarie, après avoir rappelé combien il a fallu de siècles et de soins pour en réparer les maux, il termine en disant : « Pour en prévenir à jamais le retour, appe- » lons tous les hommes à recevoir les bienfaits » d’une instruction proportionnée à leur position » sociale, et à leurs facultés intellectuelles. Mais » qu’elle soit toujours fondée, comme elle l’est au- » jourd’hui , sur le respect dü à la religion, aux » bonnes mœurs, sur le dévouement au Roi et à » son auguste famille. Que ces sentimens soient » gravés dans tous les cœurs par une conviction » éclairée, Alors toutes les craintes sévanouiront, » les espérances seront réalisées, et la France, » désormais à l’abri des tempêtes, verra tous ses » enfans concourir à lenvi à assurer, sur des bases » immuables, son bonheur, sa gloire et sa pros- » périté. » INTRODUCTION. x} IL. Dans son discours de 1825, M. le baron de Malaret donne en quelque sorte une suite de celui de l’année précédente, en traitant cette question : « Les sciences physiques ne peuvent- » elles prospérer sans porter atteinte au dévelop- » pement des. sciences morales ? » « Depuis que l’expérience des siècles a démontré » l’heureuse influence de la culture des sciences »et des lettres sur la puissance et la prospérité » des nations, on a toujours considéré comme des » paradoxes les opinions qui tendaient à révoquer » en doute leur utilité, et à regarder leurs pro- » grès comme des présages de décadence et de ca- » lamité. Un concert presqu’unanime de louanges » s’est élevé depuis lorigine des sociétés , pour » célébrer la gloire de ceux qui consacrèrent leur » vie à reculer les limites de nos connaissances, et la postérité, qui a consacré leurs noms de- » venus immortels, offre encore à leurs imitateurs » la noble perspective des mêmes récompenses. » On avait reconnu depuis long-temps que les » abus qui pouvaient naître de la culture des » sciences, par les fausses applications qu’on peut » en faire, par les erreurs qu’elles peuvent mo- » mentanément accréditer, étaient pas un motif » suffisant pour redouter Péclat qu’elles répandent, » et les supériorités de tout genre qu’elles assurent » aux sociétés qui encouragent leurs progrès. Ne C2 - Les sciences physiques ne peuvent-elles prospérer sans porter attein- te à la morale. Xi) INTRODUCTION. - » Il était réservé à l’époque actuelle de voir des » écrivains, d’ailleurs recommandables par leurs » talens et par leurs principes, renouveler des in- » sinuations défavorables aux sciences. » On serait tenté de penser qu’ils craignent » qu’une lumière trop vive n’éclaire les hommes, »et qu’accoutumés peu à peu à ne regarder » comme constantes que les vérités physiques, » leur conviction ne s’aflaiblisse par degrés pour » les vérités morales. » L'auteur montre combien ces appréhensions sont peu fondées : « La science est une, dit-il, » et les philosophes de Pantiquité ne séparaient » pas dans leurs systèmes d’enseignement l'étude » de la morale de celle de la nature... On ne peut » concevoir l'existence de l’homme que par la » réunion des connaissances morales et physiques, » qui Pinstruisent à la fois de ses devoirs et de sa » puissance , lui dévoilent en même temps les » secrets de son cœur et ceux de la nature, exci- » tent son génie et répriment son orgueil , lui » laissent entrevoir sa grandeur en lui faisant » sentir toute sa faiblesse : admirable accord... » qui peut servir à donner une faible idée de » Porganisation humaine , incomparable alliance » d’une matière périssable et d’une substance im- » mortelle. » ‘ Après avoir lavé les sciences du reproche de conduire au matérialisme, il dit : « Le vrai savant » n'ignore pas que la religion est plus puissante » que les lois pour civiliser les hommes; que sans INTRODUCTION « xl] » confondre les rangs, elle les unit par un lien » commun ; qu’elle fait respecter sur la terre ces » one indispensables, pour les eflacer plus » tard devant la majesté de l'Éternel... Il de- » vient, dans l’ordre physique, le ministre de ses » volontés, le dispensateur de ses trésors, pour » enrichir les sociétés humaines, accroître leur » bonheur par de nouvelles découvertes, et leur » dévoiler des secrets ignorés depuis l’origine du » monde. » M. de Malaret entre ensuite dans quelques dé- tails sur les sciences morales, sur leurs fonde- mens ; il les regarde comme « suffisamment » éclaircies pour tous ceux qui cherchent avec » sincérité la règle de leurs devoirs et les principes » de leur conduite; et on peut regarder tout au » moins comme superflu, de continuer sur ces » objets des discussions auxquelles ne préside pas » toujours amour de la paix et de la vérité. » L'étude de la nature ne présente ni les mêmes » caractères, ni les mêmes dangers. On connaît » les limites que les sciences morales ne doivent » pas franchir; mais on ignore celles qui ont été » assignées aux sciences physiques. » La société n’a rien à redouter de leurs pro- grès. « Lorsque pour faire servir à nos besoins les » substances qui nous entourent, la chimie pénètre » chaque jour plus avant dans leur organisation, » découvre des agrégations qui étaient inconnues ; » lorsqu’elle offre à la médecine et aux arts de » nouveaux moyens de prolonger et d’embellir XIV INTRODUCTION. » la vie, pourrait-on éprouver d’autres sentimens » que ceux de l’admiration et de la reconnais- » sance ? Refuserait-on les mêmes hommages à la » physique, à l'astronomie, à la science des nom- » bres, sous le prétexte que nos adversaires cher- » chent à les représenter foujours baissées vers » la terre, prêtes à succomber sous le poids » des livres et des instrumens ? Reproche aussi » étrange qu'il est peu mérité. Comme si ce » n’était pas à l’aide des livres, des instrumens, »et de cette algèbre si mésestimée par eux, » que ces sciences s'élèvent vers la voûte céleste, » pour observer la marche des corps qui roulent » dans l’espace, déterminer les lois qui régissent » leurs mouvemens, et calculer des distances qui » paraissent incommensurables. Ce n’est qu'après » ces glorieux triomphes qu’elles abaïssent leurs » regards vers la terre, pour apporter aux » hommes ces connaissances sublimes, et leur » apprendre à en retirer les applications les plus » utiles. La division du temps, la navigation, le » commerce, l'industrie, la civilisation, sont les » magnifiques corollaires de ces sciences si dédai- » gneusement traitées ; et lorsque les savans s’ap- » pliquent à déduire de nouvelles conséquences » des faits connus, et à continuer ainsi le grand » ouvrage entrepris par ceux qui les ont précédés, » est-il raisonnable de ne pas encourager leurs » eflorts, et de redouter leurs succès ? » INTRODUCTION. XV II. En 1826, M. Alphonse de Carney , qui était cette année président de l'Académie, y prononça un discours sur les secours que les sciences se prétent les unes aux autres. Il venait de le reprendre pour y mettre la dernière main, lorsqu'il nous fut enlevé à jamais , et cet ouvrage n’a pas été retrouvé parmi ses papiers. IV. M. le baron de Malaret, rentré à la présidence l'année d’après, prit pour sujet des considérations | qu'il avait à présenter, l’importance et les progrès de Parchéologie. « Les recherches scientifiques se » multiplient, les arts se perfectionnent, l’indus- » trie fait de rapides progrès. Aux brillantes dé- » ceptions de la gloire, ont succédé des loisirs » utilement employés à augmenter la prospérité » intérieure. Le bruit tumultueux des armes s’est » évanoui pour faire place à la fermentation inof- » fensive de l'intelligence, qui sagite pour amé- » liorer l’existence de la société et l’embellir des » découvertes du génie. Relevée sur des bases » nouvelles, après tant de commotions qui la- » vaient bouleversée, elle éprouve des besoins » nouveaux; éclairée par les leçons du passé, » prémunie contre les dangers de l'avenir , elle a » pris une attitude plus grave, résultat nécessaire » des souvenirs récens et des conseils de lexpé- » rience. » ? Q . ° L'auteur, signalant les circonstances qui ont Importance des progrès de ’archéologie, XV] INTRODUCTION. amené cette disposition des esprits, cite cette fa- meuse expédition où une réunion de savans, «$ as- » sociant à la gloire de nos armes, sélançait » avec nos bataillons vers les plages africaines, » pour explorer cette terre si riche de souvenirs, » couverte encore des débris imposans d’une gran- » deur évanouie depuis tant de siècles. Cette mé- » morable époque , ajoute-t-il, a été pour lar- » chéologie le signal des progrès les plus rapides. » Dès ce moment l'amour de l'antiquité se réveille. » de toutes parts on reprend des travaux négligés » où abandonnés. La Grèce avait été visitée par » des savans de toutes les nations; on la parcourt » de nouveau pour découvrir des richesses ignorées. » L'Italie, bouleversée tant de fois par les révolu- » tions et par les volcans, recelait encore dans sou » sein des chefs-d’œuvre qu’on croyait perdus pour » toujours, Ils sont rendus à l'admiration publi- » que; des villes entières descendues vivantes dans » Vabime, du faîte de la prospérité, gisaient sous » la cendre qui les avait précipitées dans l'oubli: » on suivait avec lenteur les traces de ces grandes » catastrophes dont le résultat devait être pour » nous d’atténuer les ravages du temps, et de » reproduire à nos yeux l'antiquité. Depuis la » nouvelle impulsion donnée à la science, les » travaux ont pris une plus grande activité. Déjà » on a retrouvé une partie de l’enceinte de ces » cités, quelques-uns de leurs principaux édifices , » et si le zèle des savans continue à être secondé » par la générosité des souverains, le soleil éclai- + INTRODUCTION. XVI] » rera bientôt ces vastes catacombes. A leur aspect » imposant , le voyageur pourra reconnaître ce qui » reste, après vingt siècles, du luxe des cités, de » la magnificence des palais. Pénétré d’un respect » religieux, il visitera ces débris rendus à la lu- » mière, mais réservés pour foujours au silence » des tombeaux. » La France, réputée barbare à l’époque de » linvasion de César, était loin d’exciter le zèle » des archéologues, comme les terres classiques » de la civilisation et des arts... » Mais , de nos jours, « des savang laborieux , » réunis sous le nom de Société des Antiquaires » de France, retrouvent tous les jours des ves- » tiges qui annoncent que nos ancêtres n’étaient » étrangers ni aux arts ni à l’industrie; qu’ils » connaissaient d’autres vertus que le courage, » d'autres droits que celui de la force, et qu'ils » surent profiter des connaissances que les Pho- ».céens apporterent sur leurs rivages. Encore quel- » ques années, et la nuit des temps sera éclaircie. » La vérité, dégagée de la fable, portera son » flambeau au milieu des forêts qui couvraient » alors le sol de la France , et nous aurons des » notions précises sur ces Gaulois nos aïeux, qui .» ne devaient pas être aussi barbares qu’on le » suppose , puisqu'ils porterent la gloire de leurs » armes jusqu’au pied du Capitole, à une époque » où Rome, déjà sortie de l'enfance, avait pour » la défendre de vaillans capitaines, des mœurs » sévères, et de fortes institutions, TOME Ie PART. I. 1 XvVi} INTRODUCTION. » Qu'il me soit permis, Messieurs, d’invoquer à » Pappui de cette espérance, les travaux entrepris » dans plusieurs parties du royaume, sous la pro- » tection spéciale du gouvernement, les succès » remarquables récemment obtenus par M. Du » Mège, notre confrère, dans une contrée très- » rapprochée de nous, et la savante dissertation » de M. de Golbery, auquel vous avez décerné la » plus belle de vos couronnes. » Cest par un concours général de talens et » d’eflorts que nous pouvons espérer de voir lhis- » toire ancienne des peuples du centre et du nord » de l'Europe, sortir du chaos où elle se trouve » encore. Cette gloire est réservée à Parchéologie, » et cette réflexion suflirait pour faire apprécier » son importance.» M. de Malaret entre ensuite dans quelques dé- tails sur les services rendus par larchéologie et sur ceux qu’elle peut rendre à l’histoire, la chro- nologie, la géologie, la minéralogie et même à la morale; puis, reportant ses regards sur l'Egypte, il plaint le misérable état de ses habitans actuels, il indigne contre leurs oppresseurs, il éprouve un mouvement d'horreur à la vue des préparatifs qu’ils font pour aller détruire les derniers vestiges des arts en Grèce : « Que diraient les Egyptiens de Sésos- » tris, Sécrie-til, si, rappelés un instant à la vie, » ils voyaient préparer sur leurs rivages ces expé- » ditions qui livrent à toutes les horreurs d’une » guerre impie, les mêmes contrées où ils portè- » rent autrefois la connaissance des arts et l'amour INTRODUCTION. XIX » des lettres ? Ils frémiraient de voir les nouveaux » habitans de Thèbes et de Memphis se précipiter » sur les ruines de la ville de Socrate et de Périelès » pour en effacer les dernières traces, Ils seraient » indignés d'entendre les accens d’une joie féroce, » éclater à la vue des restes du Parthénon qui » s’écroulent. Le temps, la barbarie elle-même, » avaient respecté le frontispice du temple; quel- » ques colonnes étaient encore debout pour attes- » ter La vérité de Phistoire, et ce sont des Egyp- »tiens qui les renversent !.. et ces hommes » Non, Messieurs, il est impossible de croire à » une semblable dégénération. Le sang de Maho- » met coule sans mélange dans les veines de ces » barbares. Depuis le Delta jusqu'aux confins de » PEthiopie, une population célèbre a été presque » entièrement exterminée ; ils la poursuivent en- » core jusque dans les colonies qu’elle avait fondées » aux Jours de sa prospérité. Le funeste triomphe » qu'ils obtinrent sur la malheureuse Egypte, » sera-t-il complété par la ruine entière de la » Grèce ? Les nations éclairées de l’Europe vou- » dront-elles assister en silence aux dernières fu- » nérailles de Pantique civilisation ? Ah ! gardons- » nous de le penser. Elles ne supporteront pas plus » long-temps ce spectacle odieux. Elles se réuni- » ront enfin pour conserver ce qui reste des des- » cendans d’un grand peuple. » 1j. XX INTRODUCTION. NOTICES BIOGRAPHIQUES. Nous allons, dans les Notices suivantes, con- sacrer quelques pages à la mémoire des Académi- ciens morts dans les années auxquelles ce volume est destiné. Ces Notices sont un extrait des éloges lus en séance publique par le Secrétaire perpétuel, M. d’Aubuisson. F Jean-Tacques Caz Aux , Contrôleur principal des contributions directes, naquit à Pointis , dans l'arrondissement de Saint-Gaudens, le 22 avril 1768. Son père, cultivateur aisé, le mit de bonne heure au collége de cette petite ville; il y fit ses premières classes avec un succès qui rem- plissait de joie et presque d'orgueil ce bon père : Mon fils, disait-il dans sa simplicité, sera un sa- vant, et il faut en faire un prêtre. Il Penvoya finir ses études au collége royal de Toulouse. Le jeune Cazaux sy fit remarquer par une grande application ; elle lui valut le privilége d’avoir une chambre en seul, et d'être äispensé de suivre certains exercices : il n’en profita que pour étudier davantage , et il occupa toujours un des premiers rangs dans ses classes. Il entra en- suite en philosophie; mais cette science, telle qu’on l’enseignait , tissu d’obscures arguties sur les points les plus clairs de la morale, d'inter- minables discussions sur de vains objets de méta- INTRODUCTION. XX} physique, d’argumens alambiqués à la place des raisonnemens les plus simples et les plus directs, était bien peu du goût d’un esprit droit et solide, tel que celui de M. Cazaux. Heureusement on y mélait un peu de physique; cétaient quelques lueurs au milieu de lobscurité, et notre jeune étudiant s’y attacha presque exclusivement. Plus heureusement encore pour lui, son oncle, M. Ro- ger Martin , faisait des cours de physique expé- rimentale au même colléce : dès qu'il le put, il se rendit à ses leçons; elles eurent pour lui un grand attrait; il les suivit avec zèle et succès, et l'année d'après, il devint laide du professeur. Celui-ci, dont les connaissances en mathématiques comme en physique étaient aussi profondes qu’é- tendues , trouvant un jeune homme si bien dis- posé à en recevoir les principes, et auquel il tenait de si près, lui donna des soins tout particuliers : dun élève, il fit bientôt un savant et même un prosélyte. M. Cazaux, cédant alors à ses propres goûts, se destina à l’enseignement des sciences. En 1797, il obtint au collége d’Auch la place de professeur de philosophie et de physique. Mais peu après, une révolution donnée comme une suite du progrès des lumières, en devint l’ennemie atroce : les écoles furent fermées, et les maîtres furent dispersés. M. Cazaux , tout jeune encore , se trouva sans état. Il se retira auprès de Cadours, et il s’y livra entièrement à l'étude : étranger aux dissentions politiques , il chercha à se rendre utile à tous : il XxIj INTRODUCTION. y acquit une considération générale; à tel point, que lorsqu'on revint à des sentimens plus modé- rés, désigné par Popinion publique, il fut nommé Commissaire du directoire exécutif près le canton communal de Cadours. L'homme dun caractère paisible qui ne s'était occupé que de la nature, ne se trouva plus à sa place au milieu des débats et des conflits des pas- sions humaines : il ne sut pas être un instrument de déception ou de tyrannie, et il demanda un autre emploi. Il en obtint un où il pouvait être utile, et où il ne faisait du mal à personne; il fut appelé à Paris, et attaché à la comptabilité du trésor public. Au bout de trois ans d'exercice , et lorsqu'on entreprit le cadastre général des propriétés , M. Cazaux parut, sous tous les rapports , très- propre à assurer le succes de cette entreprise , et il fut envoyé dans notre ville en qualité de Con- troleur des contributions directes , place qu'il a occupée le reste de ses jours, pendant 24 ans. Si dans les opérations cadastrales la partie géo- métrique satisfaisait pleinement son goût pour tout ce qui était exact et posilif, il y en avait une autre, précisément celle dont il était spécia- lement chargé , estimation relative des propriétés, qui ne reposait plus sur des bases aussi fixes, et qui était en quelque sorte reraise à son libre ar- bitre ; mais ici, le sentiment de ses devoirs, comme la plus impartiale justice, lui servaient de guides, et l’excellence de son jugement assurait ses pas. INTRODUCTION. XXL Puisque dans Pétablissement des contributions, il y aura toujours un peu d’arbitraire, souhaitons qu'il soit remis à la décision d’un esprit aussi éclairé et d’une conscience aussi droite que celle de M. Cazaux. IL continua à s’occuper des sciences; mais ce ne fut-ouère plus que dans les applications qu’elles pouvaient avoir à ses fonctions. Les soins qu'il donnait à un petit domaine acquis du fruit de ses économies, et qui l'avaient rendu excellent agriculteur, s’y rapportaient encore : ils avaient presque toujours pour objet l'intérêt publie. Cest dans un tel but qu'ont été faites ses Observations sur la formation et l’emploi du fu- mier, ainsi que ses Expériences sur le marnag des terres, qui ont été publiées dans le Journal de la Société d'agriculture de notre ville, Société dont il était un des membres les plus distingués. Il en est de même de ses Mémoires sur l'Histoire naturelle du coq d'Inde, sur les poteries du vil- lage de Cox, sur le commerce de l'Inde, et sur la gréle, travaux dont il a été rendu compte dans le premier volume des Mémoires de PAcadémie, et auquel nous renvoyons. Nous nous bornerons à dire que le terrible météore que nous venons de nommer, et qui ne Vavait que trop souvent occupé, soit comme pro- priétaire, soit comme contrôleur des contributions, avait été pour lui l’objet d’une étude très-suivie. Ses phénomènes lui étaient devenus familiers à tel point, qu'il les annonçait souvent d'avance, et KxIV INTRODUCTION. rarement ses pronostics se trouvaient-ils en dé- faut. Nous en citons un exemple. «Un jour d'été, » D à l’époque où une division de Parmée anglaise était dans ce pays, il se trouvait à la campagne » avec quelques-uns de ses officiers , et ils obser- vaient un ciel où tout se disposait à l’orage. La chaleur avait été suffocante ; le vent d’autan venait de cesser, et les nuages arrivaient de l’ouest : ils s’'épaississaient de plus en plus; le temps s’obscurcissait , et le tonnerre commençait à gronder. Au-dessous de cette sombre voûte, M. Cazaux voit un nuage blanchâtre qui s’a- vance avec rapidité et grossit avec promptitude ; il le montre à ses compagnons, et leur dit : Voyez-vous ce nuage blanc qui se dirige sur cette colline, où est Le village de Brignemont ; » dans un instant il la couvrira de grêle, il y 2 ) anéantira toute végétation. Ces étrangers, éton- nés du ton presque prophétique avec lequel ces paroles étaient dites, $examinèrent , ayant Pair de douter du bon sens de celui qui les proférait ; mais à peine avait-il cessé de parler, qu’un bruissement très-fort se fait entendre pendant quelques minutes du côté de Brignemont : le nuage passe; un quart d'heure après, Le ciel sé- claircit : alors les rayons du soleil qui tombent sur cette malheureuse contrée, en sy réfléchis- sant comme sur une mer de glace, apprennent à nos observateurs, et avec trop de certitude, qu’une énorme couche de grêlons couvre une contrée qui, un instant auparavant, leur avait INTRODUCTION. XXV » présenté les plus riches moissons et la plus belle » verdure. Les Anglais, étonnés de nouveau, » mais dans un sens tout opposé, comblèrent » d’égards l’homme qui connaissait si bien la » nature. » Tant qu'il se trouvait à Toulouse, il assistait régulièrement aux séances de l’Académie; et la considération dont il y jouissait , le porta et le tint, pendant quelques années, à la place de Directeur. D'ailleurs , il vivait retiré; nulle part il ne se trouvait mieux qu’au milieu de sa famille, en- touré de ses enfans : avec cette simplicité de ma- nières qu'il avait apportée de la montagne, il y semblait un vrai patriarche; il y était aimé et vénéré comme tel. Une constitution très-forte et un tempérament robuste paraissaient devoir lui assurer une longue durée de ce bonheur. Mais, à la suite d’un excès de fatigue dans l’exercice de ses fonctions , ïl éprouva une maladie à laquelle il succomba le 24 mai 1824, n'ayant encore que 56 ans. Sa mort excita tous les regrets que laisse après lui un excellent père de famille, un homme bon, affec- tueux, et qui à saisi avec empressement toutes les occasions de rendre service aux personnes qui ont eu recours à lui. IL. Parmi ceux qui, livrés à la culture des sciences, contribuent à leurs progrès, les uns, doués de moyens supérieurs, s'ouvrent de nouvelles voies, découvrent des phénomènes d’un ordre nouveau, XXV] INTRODUCTION. trouvent des rapports généraux encore inaper- çus; les autres, moins brillans quoique tout aussi utiles, suivent assidument la marche de la pature, cherchant à en découvrir les lois; et, à cet effet, ils multiplient et varient leurs observa- tions et leurs expériences de manière à lui arracher ses secrets : tel fut habile observateur que nous allons faire connaître dans les principales cir- constances de sa vie. Jean-Pierre M4RrQUÉ, désigné ordinairement sous le nom de Marqué-V'ictor, directeur de l'observatoire de Toulouse, professeur de physique et d'histoire naturelle au collége royal de cette ville, secrétaire perpétuel de la société d’Agricul- ture, etc., naquit à Mauvielle, dans l’arrondisse- ment de Lombez, en 1767. Son père, tonnelier peu fortuné, ayant sept enfans, ne pouvait faire que bien peu pour son éducation : les heureuses et précoces dispositions de son fils y suppléèrent; elles lui attirèrent la bienveillance et les soins du curé du village : ce pasteur le prit pour lassister dans son ministère, et lui donna les premières leçons. C’est ainsi que commença le célèbre Rollin, fils d’un simple coutelier. Le jeune Marqué profita si bien de cette pre- mière éducation, qu’au bout de quelques années il obtint, au concours, une place dans un des nombreux colléges de boursiers qu'il y avait au- trefois à Toulouse : il y fit toutes ses classes. INTRODUCTION. XXVIj Elevé au pied des autels, il se destina à leur service, et il entra au séminaire. En 1791, l’ar- chevêque d'Auch, dont il était le diocésain, lui donna une dispense d’âge et ordonna prêtre. Mais bientôt la tempête révolutionnaire s’éleva ; elle se porta avec fureur contre les ministres de lévangile. Le plus doux, je dirai même le plus craintif des hommes, ne put se résoudre à trahir sa conscience et les engagemens qu'il venait de contracter. Îl fut saisi et jeté avec plusieurs de ses confrères dans une barque, qui le descendit à Bordeaux, d’où il devait être transporté au delà des mers, sur des plages inhospitalières. Heureusement pour lui, le navire n’était pas encore prêt. Un homme puissant , qui eut occa- sion de le voir dans la prison , fut frappé de sa douceur et de Pétendue de ses connaissances : il pensa qu'un tel homme pouvait lui être utile ; il demanda et obtint qu'il lui fût remis, et le proscrit devint l’instituteur de ses enfans. Lancé dans une nouvelle carrière , celle de l’en- seignement, il S'y livra en entier, et il l’a suivie pendant toute sa vie. Devenu comme un autre homme, il changea non-seulement d’habit et d'état, mais encore de nom, et il prit alors celui de Victor, qu'il a toujours conservé depuis. Au bout de quelques années, où il avait Jui- même beaucoup étudié, notamment dans les sciences naturelles , il alla à Paris, et y suivit les cours des Fourcroi, Lefebvre, Cuvier, etc. Il revint ensuite à Toulouse, où il sentoura XXVII] INTRODUCTION d’un petit nombre d'élèves, auxquels il donnait ses soins. 1 se mit en rapport et se lia avec les personnes de cette ville qui cultivaient les sciences, soit par état, soit par goût, et il obtint leur es- time comme leur amitié. On lagrégea à la faculté des sciences , et on l’adjoignit au savant M. Roger Martin , professeur de physique expérimentale. En 1807, lors du rétablissement de l’Académie des sciences, il fut un de ses premiers membres. Quatre ans après, M. Roger Martin étant mort, il le remplaça définitivement au collége royal, et provisoirement à la faculté, où il a fait, pen- dant six ans, les cours publics de physique expé- rimentale. Considérons-le un instant sous le rapport scien- üfique. D’un caractère très-timide et peu expansif, éprouvant quelque gène à parler, son élocution n'était ni rapide ni même facile. Mais ce qu'il perdait d’un côté pour ses cours, il le gagnait de l'autre ; il excellait dans l'art des expériences ; ses instrumens étaient toujours tenus en très-bon état; et, artiste lui-même, 1l les faisait au besoin. Ce talent, comme son goût pour la retraite et une patience extrême, en ont fait un grand obser- yateur. Il a montré, dans ses observations, une cons- tance et une assiduité dont le hollandais Van- Swinden , et quelques autres étrangers, demeurant plusieurs années entières près de leurs instrumens, sans cesse occupés à les observer, avaient seuls donné jusqu'ici des exemples. INTRODUCTION. XxiX On Pa vu, pendant les sept dernières années de sa vie, comme fixé aux baromètres qu’il avait faits lui-même , occupé à suivre tous leurs mou- vemens, et à en prendre note. En 1817 et 1818 sur-tout , il les a observés tous les jours, d’heure en heure, depuis six heures du matin jusqu’à minuit. Ce n’est que tres-rarement qu'il se faisait remplacer par ses élèves. Ces remplacemens ont été plus fréquens dans les années subséquentes : ils peuvent avoir affaibli l'exactitude de quelques-unes des observations; mais elles sont en si grand nombre, que les erreurs doivent se compenser en grande partie, et que les résultats qu’on peut déduire de leur ensemble seront toujours pris en grande considération. De tels travaux ne pouvaient être que très- utiles à la science; ils fournissent des données nombreuses et positives à la solution de plusienrs des questions qui occupent les physiciens. L’Aca- démie le sentit , et sur la proposition d’un de ses membres (M. d’Aubuisson }, elle a fait lithogra- phierle tracé graphique de ses observations , et elle en a fait publier le résultat. Ce travail a été ac- cueilli, comme un objet précieux, par tous les savans; il a été présenté avec éloge à l'institut de France ; et il n’est plus aujourd’hui un traité de physique, où, à l’article des mouvemens du baromètre , les observations de M. Marqué-Victor ne soient mises à profit et citées avec distinction. M. Arago, passant à Toulouse , a voulu voir l'ins- trument qui avait servi à les faire, et il Va com- paré avec le sien. XXX INTRODUCTION: Ce n’est pas le baromètre seul qui a été l’objet des nombreusés observations de M. Victor : elles se sont étendues à tous les instrumens météorolo- giques, notamment au thermomètre et à lhygro- mètre. M. Carney en a présenté les intéressans résultats dans divers tableaux qui mettent à même d’en saisir l’ensemble (+ ). Dans les dernières années de sa vie, M. Victor avait pris à cœur une suite d'observations sur les variations de l'aiguille aimantée, tant en direc- tion qu’en inclinaison; et il.est bien à regretter qu’un travail de cette importance n’ait pu être achevé. Plusieurs autres branches de la physiqueavaient en outre attiré l'attention de notre professeur, et avaient été le sujet de divers écrits qu'il a lus dans les séances de Académie, tels entre autres qu'un Mémoire sur l’aimant, un autre sur Les volcans , des Observations sur les paratonnerres, un Mémoire sur le froid du mois de janvier 1820, une Notice sur létat de lPatmosphère le 24 dé- cembre 1821. Tous ces travaux, ainsi que ceux dont nous avons déjà fait mention, sont analysés dans le premier volume des Mémoires de PAca- démie, Nous y renvoyons. En 1822, la place de directeur de l’observa- toire de notre ville étant devenue vacante par le décès de M. le chevalier d’Aubuisson , elle fut (1) Mémoires de V Académie royale des Sciences de Tou- louse , tom. 1, pag. 123 et suiv. INTRODUCTION. XXXj donnée, et elle devait l'être, au premier de nos observateurs. Ainsi qu’on le verra plus loin dans ce volume, Pobservatoire de Toulouse ne peut plus être que du second ordre en astronomie; dans l'état de perfection auquel cette science est par- venue, des observations faites avec des soins et des instrumens qui exigent une dépense supé- rieure à celle qu’on est dans le cas de faire à Tou- louse, peuvent seules lui être profitables : mais cet observatoire peut devenir un des premiers de l'Europe sous le rapport de la météorologie, et tout porte à croire qu’il le serait devenu par les soins de M. Marqué-Victor, si cet infatigable observateur n’eût été enlevé presque au milieu de sa carrière. Le temps qu’exigeaient ses observations, ne l’'empêchait pas de remplir exactement ses devoirs de professeur de physique au collége royal, collége dans lequelil était logé à époque où ses travaux sur le baromètre nécessitaient une assiduité presque continue; de donner des soins à des établissemens particuliers d'instruction , où, par ses leçons, il propageait aussi les notions scientifiques. Il a même pu quelquefois, à l’époque des vacances, faire des incursions dans les Pyré- nées, accompagner et aider son ami M. Maguës, dans des nivellemens barométriques. Enfin , dans ses dernières années, il a encore eu à vaquer à des occupations d’une toute autre espèce. Nous avons vu que, dès sa première jeunesse, il avait embrassé l’état ecclésiastique, et qu'il XXx1j INTRODUCTION: était entré dans le sacerdoce. Contraint ensuite de suivre une autre carrière, 1l cessa l’exercice du saint ministère ; mais sa religion n’en demeura pas moins entiere, elle fut seulement comme un secret entre son Dieu et lui, et il resta d’ailleurs en tout fidèle aux obligations qu’il avait contrac- tées. Dans les derniers temps, cependant, il jugea convenable de reprendre les fonctions ecclésiasti- ques : mais il fut toujours le même; relisieux pour lui, tolérant et bon pour les autres. Une haute et forte stature, une vie très-ré- gulière, semblaient lui garantir encore de lon- gues années. Cependant depuis quelque temps, son caractère, naturellement sérieux, le devenait plus encore : il était triste et mélancolique; sa physionomie portait l'indice du malaise, sinon de la douleur. En 1823, il fut sérieusement malade; il rechuta l’année d’après, et il nous fut enlevé le 4 avril 1825, à l’âge de 58 ans. En le perdant, les sciences ont fait une grande perte; ce que nous avons dit ne laisse pas le moindre doute à cet égard : elle est d'autant plus sensible parmi nous, que le vide qu’elle ÿ a laissé n’est pas encore rempli. | TTL. Julien River, architecte, membre de l’Aca- démie des Sciences et de la Société d'agriculture de Toulouse, naquit à Montpellier en 1757. Son père, qui faisait le commerce des soieries , et qui le destinait à cet état, mourut lorsqu'il INTRODUCTION. XXXII) #avait encore que treize ans. Il fut alors contraint de venir dans notre ville défendre, devant le par- lement, un patrimoine qu’on lui disputait. Mais un éloignement pour toute discussion, comme son âge, le porta à transiger avec ses antagonistes; et, cédant à sa vocation, il entra à l’école des in- génieurs qui venait d’être établie à Toulouse, grâces au patriotisme et à la munificence de quel- ques-uns de ses citoyens. Il y apprit les élémens des mathématiques et des autres connaissances nécessaires à l’état auquel il se destinait. Mais l'instruction qu’on donnait à cette école ne suffisait pas à l’activité de son esprit : il dési- rait plus, et il alla le chercher dans la Capitale. Il eut occasion d'y connaitre l’illustre astronome Lalande : il suivit ses leçons avec le plus grand zèle ; il s’attira son amitié et des soins particuliers ; il l’assista dans ses calculs et ses observations, et il devint bon astronome et excellent observateur. À cette époque se préparait la célébre et mal- heureuse expédition de Laperouse. Il fut désigné par Lalande pour en faire partie : il devait assister les astronomes et les géographes. Mais une mala- die, qui le retint au moment du départ des vais- seaux, le préserva d’une fin tragique et le con- serva à son pays. Il revint à Toulouse. Sa science de prédilec- tion , l’astronomie, y était alors cultivée avec suc- ces par deux savans distingués, MM. de Garipuy et d'Arquier. Ce dernier, qui en faisait sa princi- pale occupation, sempressa de s'attacher le jeune TOME NH, PART, I, 11} XXXIV INTRODUCTION. homme qui venait de se former sous un si grand maître , et pendant six ans il fut son collabora- teur. Si les observations majeures étaient dirigées par M. d’Arquier, plusieurs étaient entièrement abandonnées à M. Rivet; c’est M. d’Arquier lui- même qui le dit dans le Recueil de ses observa- tions, Recueil qui est un des plus beaux titres que notre ville ait à la reconnaissance du monde savant, et M. Rivet a contribué à le lui procurer. Quoique lPastronomie prit beaucoup sur son temps, sur-tout dans les premières années de son retour à Toulouse, elle n’était pour lui qu’une occupation secondaire : la principale, celle qui lui donnait un état, était architecture. Il se livra sur-tout aux constructions hydrauliques, et ce fut généralement avec succès : sa réputation , sous ce rapport, fut grande; et il est peu d'ouvrages considérables, exécutés dans nos environs, sur la Garonne, le Tarn et l’'Ariége, auxquels il n’ait travaillé, ou au sujet desquels il n’ait été consulté. Toulouse lui est redevable des deux beaux mou- lins qu’elle renferme , celui du Bazacle et celui du Château-Narbonnais : ils ont été entièrement rebâtis sur ses plans et sous sa direction. Long- temps il a passé pour le premier des ingénieurs du pays, en fait de travaux hydrauliques. Les autres parties de Parchitecture civile n’é- taient pas négligées, et il avait une pratique fort étendue. Il s’occupait encore beaucoup de géodésie , de la levée des plans. L'expérience et les connais- INTRODUCTION. XXXV Sances qu'il avait dans cette partie, le firent charger de la direction du cadastre dans notre département , à l’époque de son établissement, et il fut nommé directeur et professeur à une école établie à Toulouse, pendant quelque temps, pour former des élèves propres à cette grande en- treprise. Il exécuta la triangulation du terrain de plusieurs communes ; mais il abandonna ce travail pour se livrer à la levée du plan de notre ville. L'administration municipale venait d’être réor- ganisée. Dès ses premiers pas, elle sentit le besoin d’un plan très-exact et fait sur une grande échelle, tant pour asseoir ses projets d’alignement , que pour d’autres dispositions de voirie. Son chef, M. de Lapeyrouse, qui connaissait particulière- ment la capacité et l'aptitude de M. Rivet, le pressa de s’en charger; et, en 180x, celui-ci passa un traité dans lequel il consulta beaucoup plus son zèle pour Le bien de la ville qui l'avait adopté, et le désir d'exécuter un beau travail, que ses intérêts pécuniaires : Le prix qu’il demanda n’était nullement en proportion avec le temps qu 1l allait y employer, et les frais qu'il y avait à faire. IL mit la main à l’œuvre. Après s'être occupé de l’ensemble , il parcourut successivement les divers quartiers, et leva les plans de chaque rue avec des soins jusqu'alors inusités. Lorsqu'on assembla ces plans de détail pour.en : faire un plan général, il se commit une méprise qui détruisit lharmonie de l’ensemble : ce fait est assez remarquable pour être rapporté. M. Rivet, li]. XXXV) INTRODUCTION. en transcrivant sur une esquisse du pont les me- sures qui en déterminaient la longueur, plaça, à côté d’une d’elles, le nombre 10; c'était un ren- voi à une note particulière : le dessinateur prend ce nombre pour une mesure de longueur, et par suite il donne 10 mètres de plus au pont. Alors toute la partie de la ville située au delà de la rivière, le faubourg Saint-Cyprien, fut jeté en- tiérement hors de sa position. L'administration , suivant l'usage, avant de recevoir le plan, en ordonna la vérification. Le vérificateur signala le vice : on en appela au juge le plus compétent, M. Bellot, ingénieur en chef du cadastre; il trouve de son côté le même défaut : M. Rivet examine sa propre triangulation , et il le reconnait; il revoit ses minutes, et aper- coit la cause de l’erreur. Elle est bientôt réparée, et le plan est rétabli. En résultat, la ville doit à M. Rivet un grand plan d'ensemble, le plus grand qu’elle ait encore, et aussi exact que le comporte léchelle sur laquelle il est tracé; elle Lui doit sur-tout des plans de détail, qui servent journellement de base à tou- tes les opérations d’alignement, et dont plus de vingt ans d'expérience ont montré lexactitude et l'utilité. Au milieu de tant d’occupations et d’une vie si bien remplie, M. Rivet trouva encore le temps et les moyens de rendre des services. Jen cite un exemple. Il était lié avec un seigneur étranger, le prince Potoski, établi dans notre pays depuis INTRODUCTION. XXXVI) plusieurs années , lorsque les troubles de 1789 le portèrent à quitter la France : il pria son ami de veiller à la conservation d’un domaine qu’il pos- sédait près de notre ville; M. Rivet s’en chargea, et, négligeant ses propres affaires, il s’occupa beau- coup de celles de l’homme qui avait mis en lui sa confiance. Peu après, révolté du spectacle que lui offraient, dans la ville, les excès d’une révolution qu'il improuvait, il se retira, pendant quelque temps, sur laterre qu'il devait conserver ; et avec un rare désintéressement , il se voua aux soins qu’elle exigeait. Au milieu des champs, adonné à leur culture, il devint agriculteur, à tel point, que la Société d'agriculture , lorsqu’elle se forma à Toulouse, l’appela dans son sein, et le nomma même son secrétaire. Antérieurement, en 1807, lors du rétablisse- ment de l’Académie des Sciences, il fut un de ses premiers membres : astronome, excellent cons- tructeur , babile ingénieur , il y avait bien des droits. Il en avait aussi, comme homme privé, à les- time et à l'amitié de tous ceux qui le connais- saient. Sa physionomie était douce et affectueuse, et ses formes étaient très-polies : c’est sous un extérieur aussi prévenant que se trouvait l’homme essentiel, l’homme à caractère ; car M. Rivet avait des opinions à lui, et il y tenait avec une force et une persévérance peu communes. D'ailleurs , il vivait retiré, et presque tout le temps qu'il n’était pas sur ses chantiers, il le pas- XXXVI] INTRODUCTION. sait dans son intérieur. Trois fils, formés par fui dans son art, l'y assistaient en ses travaux ; une épouse chérie, et quatre filles, vrais anges de charité , lui prodiguaient les soins les plus affec- tueux. Tout semblait assurer à cette famille une lon- gue conservation de ce chef bien-aimé, lorsqu'une chute qu'il fit en 1824, et qui fut suivie datta- ques de nature apoplectique, affaiblit cet espoir. Depuis, 1l ne fit plus que languir, ses membres se paralysèrent, et le 13 septembre 1826, plein de cet esprit de religion que tout respirait autour de lui, il cessa de vivre. Il a été remplacé à l’Académie par l’habile in- génieur-séomètre, M. Bellot, qui s'était trouvé en rapport avec lui lors de la vérification du plan de la ville, et qui avait fait à ce sujet une opération de son art aussi recommandable par le bel établis- sement du plan, que par l'exactitude de lexé- cution. ÉTAT DES MEMBRES DE L’'ACADÉMIE EN 4850. ASSOCIÉS HONORAIRES. Moxserexeur l’Archevêque de Toulouse. M. le premier Président de la Cour royale de Toulouse. M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. M. le Baron Cuvrer, C. #, Conseiller d'état , l’un des Secrétaires perpétuels de l’Académie royale des Sciences , à Paris. M. le Baron Leris , C. #, %, Maréchal de camp d’artil- lerie, en retraite, à Salns. ACADÉMICIEN-NÉ. M. le Marre de Toulouse. ASSOCIÉS LIBRES. M. le Baron Marcassus DE Puymaurin (Jean-Pierre- Casimir), C. #. M. le Baron Desazars (Guillaume - Joseph-Jean-Fran- çois), O.#, premier Président honoraire. M. Crausape (Jean-Pierre), Ingénieur en chef des ponts et chaussées , en retraite. M. Léon (Joseph), Professeur à la Faculté des Sciences. xl ÉTAT DES MEMBRES ASSOCIÉS ORDINAIRES. CLASSE DES SCIENCES. 1. SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Vaururer (Jean-Charles-Auguste), Professeur de ma- thématiques au College royal. M. Larrouy (Simon-Amand), #. Mathématiques appliquées. M. Viregenr (Jacques-Pascal), Professeur d'architecture à l'Ecole spéciale des arts. M. Macués (Jean-Polycarpe) , Ingénieur en chef des Ponts et chaussées et du canal du midi. M. Ganrier (Louis-François), Professeur à l'Ecole royale d'artillerie. M. Agapre (Jean), Ingénieur-mécanicien. M. Berzor (Joseph-René), Géomètre en chef du Cadastre. Physique et Astronomie. M. pe Sacer (Charles), Propriétaire. M. Dessoze (Jean-Gabriel), O. #, ancien Préfet. M. BorscrrauD , Professeur de physique à la Faculté des Sciences. 2.m SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Dispax (Pierre), Professeur de chimie à la Faculté des Sciences. DE L’ACADÉMIE. xl) M. Lussax (Guillaume). M. Parzués (Jean-Baptiste), Pharmacien. M. Macxes-Lanens (Jean-Pierre), Pharmacien , de l’an- cien Collége de pharmacie de Paris. Histoire naturelle. M. le Baron Prcor pr Larrvrouse (Isidore), Professeur à la Faculté des Sciences , Directeur du jardin de botanique. M. Frizac (François), Conseiller de Préfecture. M. Drazer (Etienne-François), #, Conservateur des forêts. Médecine et Chirurgie. M. Cagrrax (Nicolas), Docteur en médecine. M. Vicuerie (Charles-Guillaume), Docteur en chirurgie ; Professeur à l'Ecole de médecine. M. Dusernanrp (Pierre-François-Marie) , Docteur en me- decine, Professeur à l'Ecole de médecine. M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin), Docteur en chirurgie, Professeur à l'Ecole de médecine. M. Larrey (Auguste), Docteur en chirurgie. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES. M. Rurrar ( Jean-Dominique-François-Marie) , # , Pro- fesseur à la Faculté de Droit. M. Hocquarr (Matthieu-Louis ), O. #, premier Président de la Cour royale. M. le Marquis de Vizzeneuve (François), #, ancien Préfet. M. Du Mèce ( Alexandre-Louis-Charles-André), ex-In- génicur militaire , Membre de la Société des Antiquaires de France , l’un des Directeurs du Musée de Toulouse. M. Taran (Bernard-Antoime), Avocat à la Cour royale, Conseiller de préfecture. xl) ÉTAT DES MEMBRES . M. FAbbé Jamme (Jean-Gabriel-Xavier-Auguste ), Pro- fesseur à la Faculté de Théologie. M. pe Basroura (Jean-Raymond-Marc), #, Professeur à la Faculté de Droit. M. le Baron ne Mazarer (Joseph-François-Magdelaine), #, Propriétaire. M. le Baron nE Lamorn£-Laxcon (Etienne-Léon), ancien Sous-préfet. M. Bécurrcer (Gabriel-Délie), Directeur des contributions directes. M. Freury pe Lécvuse (Jean-Marie), #, Professeur de littérature grecque et de langue hébraïque à la Faculté des Lettres. M. Durrourc (Guillaume), Docteur en médecine. M. Gresser (Felix), Inspecteur de l'Académie de Gre- noble, M. le Marquis »'Acurcar (Melchior-Louis) , # , Chef d’es- cadron , en retraite. M. Baron DE Moxrgez (Guillaume-Isidore), *#. M. Pacés, ancien Magistrat. M. Poxs , Inspecteur de l'Académie. ASSOCIÉS ÉTRANGERS. M. le Baron Larrey , C. #, Chevalier de la Couronne de Fer, à Paris. SECRÉTAIRE PERPÉTUEL. M. p’Auguisson pe Vorsixs (Jean-François), %, %#, Ingénieur en chef au corps royal des Mines. TRÉSORIER PERPÉTUEL. M. Rowreu (Jean-François), Professeur Doyen de la Fa- culté des Sciences. DE L’ACADÉMIE. xliij CORRESPONDANS. CLASSE DES SCIENCES. 1.7. SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES . Mathématiques pures. M. PauzIN, ancien Recteur de l'Académie de Cahors ra Paris * (1). M. Trssié , ancien Professeur de mathématiques , à Mont- pellier *, M. Ravywazr, Professeur de mathématiques , à Estagel (Pyrénées-Orientales y. M. Fraxcoeur , Professeur à la Faculté des Sciences ra Paris. M. BoucrarLar , Secrétaire général de l’Athénée des Arts ; à Paris. Mathématiques appliquées. M. DE Sériexy , Officier supérieur du génie maritime , à Nantes *. M. Lermier , Commissaire des poudres et salpêtres, à Bor- deaux. M. Dussaussoy, #, x, Chef de bataillon d'artillerie , à Douai. Physique et Astronomie. M. CHaumonr, % ; Officier supérieur du génie maritime , à Cherbourg *. DER (:) Les Associés correspondans dont les noms sont suivis d’un asté- risque *, sont ceux qui ont été Associés ordinaires. xliv ÉTAT DES MEMBRES M. Basey, Professeur au Collège royal de Besançon. M. Soruix , Professeur au Collège royal de Tournon. M. DE Puymauris fils, Directeur de la monnaie des mé- dalles, à Paris. 2,m, SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Rrvour , Correspondant de l’Institut, à Pezenas *. M. le Comte Cnarraz , G.%#, Pair de France , Membre de l'Institut, à Partis. M. le Baron TréxarD # , Professeur au Collége de France, Membre de l’Institut, à Paris. M. Save, Pharmacien, à Saint-Plancard ( Haute-Ga- ronne ). M. Asrrer #, ancien Pharmacien major, à Cintegabelle (Haute-Garonne). M. Séruzzas # , Professeur de chimie , à Paris. M. LaABarRAQUE , Pharmacien , à Paris. Histoire naturelle. M. Jonax pe CrarpenriErR, Ingénieur des Mines de S. M. le Roi de Saxe, Directeur des Mines de Bex en Suisse. M. Lorseceur pes Loncoramps , Docteur en médecine , à Paris. M. Du Trocaer, Naturaliste , à Paris. Médecine et Chirurgie. M. Proues , Médecin , à Pamiers. M. Larour , Docteur en medecine , Membre de l’Académie des Sciences et Arts d'Orléans. M. Leroux #, Professeur honoraire de la Faculté de Mé- decine de Paris. DE L'ACADÉMIE. xlv M. Hernanpès #, premier Médecin retraité de la marine, à Toulon. M. Derreou # , Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. M. Tarrv, Docteur en Médecine, à Agen. M. Scourerrex , Docteur en Medecine , à Merz. M. Prerquix , Médecin de la Charité , à Montpellier. M. Haris (Jules), Docteur en Médecine, agrégé à la Fa- culté de Paris. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES. M. Borpss , Administrateur de l'enregistrement , à Paris *. M. Mazez , Avocat, à Pezenas. M. Boupon DE SAINT-AMANS , à Agen. M. Jonaxxeau (Eloi), Membre de la Société royale des Antiquaires , à Paris. M. le Baron Carza , Conseiller à à la Cour royale de Bor- deaux. M. pe Roquerorr (3. B. B.), Membre de la Société royale des Antiquaires , à Paris. M. le Comte pe Forrra-n'Ur8ax , Membre de la Societe royale des Antiquaires , à Paris. M. Lexorr ( Alexandre), # , Administrateur des monu- mens de l'Abbaye royale de Saint-Denis , à Paris. M. Dani , à Paris. M. Renou, Conseiller au Conseil royal de l'instruction publique, à Paris. M. Camrozrion-Fiseac , Officier de l'Université royale , à Paris. M. Weiss, Bibliothecaire de la ville de Besançon. M. Azoxso pe Vrano, à Madrid. M. Axorreux , Professeur de rhétorique au College royal de Limoges. M. l'Abbe Carrorr , Chanoine , à Narbonne. xlv) ÉTAT DES MEMBRES, €tC. M. Purceant , Professeur de rhétorique au College de Car- cassonne. M. le Baron Craupruc DE CRAZANNES , #, Maître des re- quêtes , Officier de l'Université royale. M. le Baron Mosnerox , ancien Député, à Saint-Gaudens. M. Davezac pe MacayA, à Bagnères-de-Bigorre. M. pe Vizzy, Secrétaire général de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Metz. M. pe GozsËry # , Conseiller à la Cour royale de Co/mar. M. Derrox pr Livernox , Membre du Conseil général du Lot, à l'igeac. M. Foresr, Avocat, à Oloron. M. CrarpenTiER DE SAInT-Presr (Jean-Pierre), Pro- fesseur au Collége de Louis-le-Grand , à Paris. M. Bercer ne XivrAY (Jules), à Paris. M. pe Pasrorer # , Pair de France. M.Rarx , Professeur royal Danois, Secrétaire de la So- ciété des Antiquaires du Nord , à Copenhague. M. CuamporrioN LE JEUNE , à Paris. M. ne Caumoxr , Secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie , à Caen. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES. Prenuère Partie. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES DE L'ACADÉMIE DE TOULOUSE. Section Première, HiSTOLRE. ANNÉE 1895. ANALYSE Des Travaux de la Classe des Sciences pendant l’année 1823 ; Par M. CHAUMONT. Msssieurs : Vous m'avez chargé de vous présenter le tableau des travaux scientifiques dont vous vous êtes oc- cupés dans vos réunions particulières, depuis la dernière époque où il a été fait au public une semblable communication. TOME II. PART. 1. I 2 CLASSE DES SCIENCES. Le peu de temps dont je puis disposer va me forcer, sans doute, à passer sous silence des détails qui vous ont intéressés, lors de la lecture des Mé- moires soumis à vos discussions. Je vais chercher cependant à ne rien omettre de ce qui peut vous rappeler l'objet principal de chacun de ces Mé- moires ; le but que l’auteur a eu en vue; les ré- sultats auxquels il est parvenu ; les conséquences qu’on peut en tirer pour les progrès de la science ou l'étendue de ses applications. Si je devais être entendu par quelqu'un qui füt uniquement sensible au charme des beaux vers ou à celui des sons harmonieux; par quelqu'un dont l’oreille fût péniblement affectée par le lan- gage technique des sciences; si je devais Pêtre par celui qui, livré tout entier à l'étude des for- mes, ne recherche, dans les objets qui s'offrent à sa vue, que la beauté des contours et des pro- portions, le brillant et la variété des couleurs dont certains sont revêtus; par celui qui, peu attentif aux phénomènes du mouvement, peu disposé à scruter par la pensée la composition intime des corps, est toujours tenté de regarder comme imaginaires leurs propriétés physiques et chimiques, laction qu’ils exercent les uns sur les autres, les moyens que fournit Panalyse mathé- matique pour en mesurer les eflets; st, dis-je, je devais avoir de tels auditeurs, je leur demanderais, pour moi seulement, la mesure d’indulgence que leurs goûts exclusifs leur permettraient de m’ac- corder; mais je n’en réclamerais pas pour la HISTOIRE. ANNÉE 10239. 3 science dont je me trouve aujourd'hui le faible interprète, car elle n’en a aucun besoin. Les services qu’elle rend à l’agriculture, à la navi- gation , à la salubrité publique et aux arts indus- triels; les lumières qu’elle répand sur leurs pra- tiques, sont des recommandations suffisantes aux yeux des hommes qui connaissent, comme vous, les sources de la prospérité des états. Dans tous les temps et dans tous les lieux où a pénétré la civilisation , Putilité fut le passe-port des sciences. C’est sous la sauvegarde de cette utilité qu’elles ont traversé les siècles. C’est en augmentant sans cesse le domaine des décou- vertes, qu'elles étendent indéfiniment leur heu- reuse influence sur linstruction et la conservation des peuples. Et, pour ne remonter qu’à des époques qui ne sont pas enveloppées dans les ténèbres d’une an- tiquité trop reculée, pour ne citer que quelques noms enregistrés avec honneur sur les pages de l’histoire, quelle masse de lumières et de bien- faits les savans n’ont-ils pas répandue dans la so- ciété, depuis Archimède et Euclide, Hippocrate et Galien , Aristote et Pline, jusques à Newton et la Grange, Buffon et Linnée, Lavoisier et Ca- vendish, Harvey et Sydenham, Bichat et Barthez! En considérant les sciences dans l’ordre de leur utilité immédiate, peut-on s'empêcher d’assigner l’un des premiers rangs à celle qui nous ouvre, pour ainsi dire, les portes de la vie, et que l’on a accusée, tant de fois et avec si peu de raison, f. MÉDECINE. Impuissance des muscles, M. Ducasse. A CLASSE DES SCIENCES. de nous les fermer trop tôt; comme sil était au pouvoir de l’homme de changer l’ordre des géné- rations, et de prolonger indéfiniment son exis- tence ? Mais combien de fois la médecine n’a-t- elle pas arrêté les effets, ou du moins diminué l'intensité de ces fléaux dévastateurs qui, sans son secours, n'auraient pas eu d'autre terme que la dépopulation complète de tout un pays? Com- bien de fois n’a-t-elle pas réparé les torts de lim- prudence et de l’inconduite? Et tel est l’état actuel de l’art de guérir, qu’on a rangé au nombre de ses axiomes, lobligation de ne jamais désespérer ‘du rétablissement d’un malade chez lequel les forces vitales ne sont pas entièrement épuisées. Aux faits innombrables, déja connus, qui servent d'appui à ces vérités, je vais en ajouter plusieurs nouveaux qui vous ont été communiqués par notre confrère, M. Ducasse, dans trois Mé- moires qu'il a lus à la Compagnie. Le premier est relatif à une impuissance géné- rale des muscles, et à une éruption vénérienne. Un homme âgé de 63 ans reçut, en 1810, le fu- neste présent dont le nouveau-monde dota l’ancien à la fin du quinzième siècle. Bientôt les symptô- mes du mal se mamifestérent et furent aussitôt repoussés par l'influence d’un traitement purement local; mais la guérison n’était qu'apparente. A la suite d’une chute sur le côté gauche que fit le sexagénaire, ses muscles furent frappés d’une sorte de paralysie. Il était permis à des médecins, HISTOIRE. ANNÉE 1823. 5 trompés par lâge et le silence du malade, de croire qu'ils avaient à traiter des douleurs rhuma- tuismales , et qu’ils devaient attribuer à l’âcreté du sang une éruption générale de boutons dans toute l'étendue de la peau. Ces boutons, très-blancs et pointus, étaient bornés à leur base par une aréole d'un rouge livide et violacé. Enfin, une grosse tumeur au cou, des douleurs violentes, et une chaleur considérable aux extrémités infé- rieures, sur-tout pendant la nuit, étaient les autres caractères de la maladie. M. Ducasse, alors appelé, fut frappé de voir des symptômes si généraux et si extraordinaires. Il commença à supposer l'existence du virus vé- nérien; il parvint enfin à sen assurer. Dès-lors, la détermination du médecin n’est plus entravée par le doute. Il prépare le malade, le met à usage de la liqueur de Van-Swieten et des ti- sanes sudorifiques. Il lui administre huit grains de sublimé et deux onces de salsepareille. Aussitôt la marche de la maladie devint rétrograde. Les boutons se desséchèrent à vue d’œil ; des écailles croûteuses succédèrent à leur aplatissement. Les glandes cervicales diminuërent insensiblement de volume. Les douleurs et la chaleur nocturne dis- parurent , le malade commença à reprendre son embonpoint, et un mois suffit pour le rétablir entièrement, L'examen et la cure de cette maladie, accom- pagnée de circonstances aussi fâcheuses, fournit à notre confrère l’occasion de blâmer ceux qui, Hydropisie compliquée d’anasarque. M. Ducasse. 6 CLASSE DES SCIENCES. fermement persuadés que la siphilis est d’abord essentiellement locale, se bornent , dans les pre- miers jours de son apparition, à un traitement purement partiel, et négligent ensuite emploi de la méthode curative générale. M. Ducasse s'élève aussi avec succes contre l'opinion de ceux qui, s'appuyant sur une fausse analogie, tirée de la dégénération des végétaux transplantés d’un climat sous un autre, disent que la maladie vénérienne s’affaiblit à mesure que l’on s'éloigne des premiers temps de son ap- parition en Europe. Il pense au contraire «qu’elle n’a rien perdu de sa virulence en traversant les siècles, et que si nous n’observons pas aujourd’hui ses effets dans un degré d’exaspération aussi marqué, on doit moins rapporter cette diminution apparente à l’adoucissement de son virus, qu'à l'administration sage et prompte d’un moyen que l’art peut regarder presque comme infaillible. » La cure dont je viens de vous narrer les cir- constances fait sans doute beaucoup d'honneur au médecin qui l’a opérée; elle ne vous a pas néan- moins paru aussi remarquable que celle dont il vous a entretenus dans son second Mémoire, Ici, à la vérité, il s'agit d’un homme dans la force de l’âge, puisqu'il n'avait que 45 ans en- viron : mais que de maux ont fondu successive- ment sur lui ! Après avoir été long-temps sujet à des attaques de nerfs si violentes, qu’on les con- sidéra, pendant quelques années, comme épilep- tiques, il éprouva une oppression considérable de HISTOIRE. ANNÉE 1823. 7 la poitrine, qui changea entièrement ses goûts, ses habitudes, on peut dire même sa constitution ; car 1] devint indolent et en quelque sorte hébété, de vif et irascible qu'il avait été. La quantité et la variété des remèdes qu’il avait pris pouvaient avoir opéré en lui ce changement extraordi- naire. Il était dans cet état, en 1821, lorsqu'au mois d'octobre une affection catarrhale violente se dé- clara sur la muqueuse pulmonaire. Cette cruelle maladie se montra , avec tous les caractères les plus alarmans, compliqués par les suites d’une fausse direction donnée au traitement. Cest alors que M. Ducasse donna ses soins au malade, et au bout de 21 jours, il entra en con- valescence. Elle marchait néanmoins avec une lenteur qu’on attribuait à l'influence de la saison qui était froide et humide. Un sentiment de tension très-forte se faisait sur-tout éprouver dans la région abdominale, où lexamen le plus sévère ne fit découvrir aucune altération organique. Cependant les jambes et les cuisses s’infiltrèrent , au point que, dans moins de huit jours , ces membres avaient triplé de volume. Le ventre, sensiblement distendu , donnait par la percussion, la sensation d’une fluctuation mani- feste. La soif était violente ; l'appétit avait dis- paru ; le pouls était petit et lent; la situation horizontale. impossible ; tout semblait indiquer une fin prochaine. Un seul motif d'espérance restait au médecin ; 8 CLASSE DES SCIENCES. c'était l'absence d’une maladie organique de l'abdomen. Il Lui était permis de penser que cette infiltra- tion générale, cette accumulation de liquide n’é- tait que le résultat de ces crises malheureuses que la nature opère quelquefois au détriment de cer- tains organes. C’est au reste ce qui avait été observé avant lui par le célèbre Morgagni, dans un cas analogue. Quoi qu’il en soit, M. Ducasse tenta de réveiller laction des absorbans, et de les re- mettre en rapport avec celle des exhalans. Il porta sur-tout vers le système urinaire le but de sa médication. La bière étendue d’eau devint la bois- son ordinaire du malade. Les pillules de scille et de digitale furent administrées à doses graduées , et tel fut l'effet de ce traitement, que bientôt les urines devinrent abondantes, au point que le malade en rendait douze livres par jour. Sous l'influence d’une évacuation si copieuse , le bas-ventre s’assouplit, la fluctuation disparut, les extrémités inférieures revinrent à leur état naturel, et le malade, aujourd’hui bien dispos, n’a jamais joui d’une santé aussi bonne. Les réflexions que l'observation de cette ma- ladie sugoère à notre collègue sont nombreuses, et elles confirment ce que nous avons déjà dit, qu'on ne doit jamais abandonner un malade, tant qu’il reste un rayon d'espérance. Rétrécise- Les organes de léconomie animale exercent, ment du canal es uns sur les autres, une influence qui peut être de l’urètre. M. Ducasse. diversement expliquée; mais quelle qu’en soit la HISTOIRE. ANNÉE 1023. 9 cause, le fait de cette influence est mis hors de doute par les observations des médecins de nos jours, et les écrits d'Hippocrate prouvent qu’il en avait su apprécier importance. Aux preuves qui établissent la doctrine des sympathies, entre des organes quelquefois éloignés les uns des autres, nous allons en ajouter de nou- velles, fournies par les observations du docteur Ducasse , sur le rétrécissement du canal de VPurètre. IL nous paraît d'autant plus convenable de vous en rapporter les principales circonstances , consi- gnées dans le 3.° Mémoire de notre confrère, que vous y trouverez deux exemples des avantages qu'offrent , dans bien des cas, l’introduction pendant quelques heures d’une bougie, qui est un cylindre plein, destiné à refouler les paroïs du canal pour en empècher le rapproche- ment. Monsieur T., âgé de 5o ans, portait, depuis long-temps, un rétrécissement du canal de l’urè- tre; c’est en vain qu’on avait cherché à vaincre Pobstacle ; le mal n'avait fait que s’accroître, et il parvint à un point tel, que tout écoulement na-. turel fut intercepté. Le malade était dans cet état depuis trois jours, quand il réclama les conseils de M. Ducasse. Celui-ci jugea qu'il était nécessaire d'opérer l'évacuation dun liquide qui se corrompait de plus en plus par le séjour prolongé dans lorgane destiné à Le recevoir. 10 CLASSE DES SCIENCES. Une sonde d'argent introduite avec peine fut remplacée par une autre de gomme élastique. Le malade supporta d’abord assez bien sa présence ; mais quelques accidens survinrent, et on y ap- porta le remède convenable; cependant le chan- gement de cette sonde devenait nécessaire ; une plus grosse lui fut substituée. Presque aussitôt la muqueuse intestinale, qui jusqu'alors avait été impassible, devint le siége d’une douleur violente. Le médecin soupçonna que le séjour de la sonde dans la vessie n’était pas étranger à tous ces désor- dres. IL désira néanmoins s’éclairer des lumières de deux autres médecins, qui, comme lui, déci- dérent qu'il fallait extraire la sonde. Trois jours après qu’on l’eut ôtée , la trace de tant de souffrances était effacée ; mais en même temps le canal sembla se resserrer. M. Ducasse se détermina à en rétablir le diamètre, et l’introduc- tion de la sonde ne tarda pas à produire la même série de symptômes formidables. Il fallut donc l’ôter de nouveau, et une troisième tentative pour la remettre n’eut pas plus de succès. Le médecin ne doutant plus, cette fois, que tous ces phénomènes ne fussent provoqués par l'irritation sympathique de la sonde, en cessa tout- à-fait l'usage, pour la remplacer par lintroduction des bougies, seulement pendant quelques heures, et elles eurent un plein succes. Affaibli par des évacuations excessives, le ma- lade eut une convalescence longue et pénible : ses forces furent long-temps à revenir. Il se rétablit HISTOIRE. ANNÉE 1623. D cependant à laide d’un bon régime; et, depuis trois ans, sa santé générale n’a éprouvé aucune atteinte. M. Ducasse observe que cette pratique de l'in- troduction des bougies n’a pas toujours des résul- tats aussi heureux. Le canal de Purètre peut sêtre fermé entièrement. On est obligé alors d'ouvrir aux urines une route artificielle. La ponction de la vessie, dit l’auteur, est alors la dernière res- source. Le célèbre chirurgien Desault, à l’époque où sa main habile et exercée lui procurait les plus grands succès, avait proscrit cette opération du domaine de la chirurgie; mais, malgré une aussi grande autorité, les praticiens modernes la re- commandent encore ; et notre confrère trouve , dans les dangers que fait courir l’introduction de la sonde, des motifs assez puissans pour bannir entièrement ce procédé. M. Ducasse cite dans son Mémoire un second exemple du rétrécissement du canal de lurètre, qui avait fini par s’obstruer entièrement. Des ten- tatives faites pour le rouvrir, et réitérées par lui- même et par M. Viguerie, furent infructueuses. Une réunion des plus habiles praticiens de la ville eut lieu, et il fut décidé unanimement qu’il fallait recourir à la ponction de la vessie. Elle fut faite par le docteur Viguerie avec le plus grand succès : toutefois la maladie restait dans toute sa force. Les accidens seuls avaient été vaincus; et dès-lors on chercha à remédier à sa cause matérielle. À celte époque, on essaya 12 CLASSE DES SCIENCES. infructueusement l'introduction d’une sonde, et Von ne vit de réellement utile que lintroduction des bougies, maintenues en place pendant quel- ques heures. Elle fut donc pratiquée, et après quelques accidens , dus en partie à l’imprudence du malade, ses forces revinrent par une alimenta- tion saine, et il jouit aujourd’hui d’une santé parfaite. Messieurs, les observations importantes dont nous venons de vous entretenir, et celles qu’il serait facile d’y ajouter, nous fourniraient , sans doute, assez de moyens pour réfuter les para- doxes que le célèbre citoyen de Genève a lancés contre l’art de guérir, et pour opposer les succès des médecins de nos jours aux ridicules que notre premier auteur comique a relevés dans ceux de son temps; mais, en parlant de Molière, nous sommes forcés d’avouer que, Il nous a désarmés , puisqu'il nous a fait rire. Si, pour mieux prouver l'utilité d’une science qui a pour objet la conservation et le rétablisse- ment de la santé de l’homme, il a été nécessaire de considérer celui-ci dans l’état le plus propre à rappeler la fragilité de son existence; d’un autre côté, je craindrais d’attrister votre imagination , en Jaissant plus long-temps sous vos yeux des tableaux dont j'ai cherché à affaiblir un peu les couleurs, dans les intérêts de votre sensibilité. Peut-être, Messieurs, que plusieurs d’entre vous se trouvent , en ce moment, dans la disposi- HISTOIRE. ANNÉE 1823. 13 tion d'esprit de celui qu'une maladie prolongée a tenu long-temps éloigné des objets de ses goûts favoris. Combien il éprouve de plaisir à revenir à ses occupations les plus habituelles ! Vous serez sans doute bien aises aussi que je vous parle des observations dont vous vous êtes beaucoup occu- pés, celles de l'aiguille aimantée et celles du baromètre. L'invention du baromètre ne remonte pas à une époque bien reculée, puisqu'elle ne date que du milieu du 17.° siècle. Torricelli, à qui nous la devons, releva une grande erreur de lesprit hu- man, en démontrant, par une expérience bien simple, la fausseté de cet axiome de l’ancienne école , Non datur vacuum in rerum naturä. La nature a horreur du vide. Quand on sait combien de temps la physique est restée sous le joug de cette erreur, il est permis de dire avec bien plus de raison que la nature n’a même pas horreur du vague qui se glisse par- fois dans l'interprétation de ses œuvres. Quoi qu’il en soit, l'élève du célèbre Galilée ne pouvait deviner, en 1643, tous les services que sa découverte devait rendre plus tard à la météo- rologie et à la géographie. Il n’est guère de jours maintenant que l’agriculteur, le marin et le voya- geur ne recueillent les oracles du baromètre, pour y subordonner l’exécution de leurs projets et les précautions de leur prudence. Paysique ET CHIMIE. Observations barométri- ques. M. ManQuÉ- Vicron. 14 CLASSE DES SCIENCES. Mais l'application de cet instrument à la mesure des hauteurs est, sans contredit, lune des plus belles que lon puisse faire, puisqu'elle donne les moyens de figurer les reliefs d’un pays, de me- surer ses pentes, et de distribuer ses cours d’eau, qui ont une si grande influence sur sa prospérité. Ce résultat toutefois ne peut être obtenu, si lon n'apporte dans les observations une exactitude et une patience dont M. le professeur MArqQuÉ- Vicror vous a déjà donné tant d'exemples. En 1817 et 1818, il a observé régulièrement, d'heure en heure, depuis 6 heures du matin jus- qu'à minuit, la hauteur du mercure dans le ba- romètre; et en comparant la moyenne générale déduite de ses 13,870 observations à la moyenne de celles faites de 3 heures en 3 heures, il a trouvé que ces deux moyennes différaient extrêmement peu. Il en a conclu, avec raison, qu’il suffit d’ob- server, le matin, à 6", o"et midi; et le soir, à 3°, 6*, 9" et minuit, comme on le fait à l'observatoire de Paris. Cette réduction dans le nombre des observations peut encore être portée beaucoup plus loin. Il est facile de sen convaincre, en comparant les obser- vations de M. Victor, pendant six années consécu- tives ( depuis 1817 jusqu’à 1822 compris). On y remarque que la moyenne des observations de midi ne différe que d’un 10.° de millimètre de la moyenne des hauteurs observées de 3" en 3° (x). (1) Voyez le tableau, pag, 29. HISTOIRE. ANNÉE 1923. 15 On peut donc obtenir une moyenne annuelle exacte, en observant avec un bon instrument, une seule fois par jour, pourvu que ce soit à midi : et qu’on le fasse pendant plusieurs années consé- cutives. Ce résultat, que mettent en évidence les 24,000 observations de M. Marqué, a cela d’avan- tageux, qu'il prouve qu'on peut multiplier le nombre des observations beaucoup plus qu’il ne serait possible de le faire, si on avait besoin d’une assiduité qui ne pourrait se concilier avec des ha- bitudes ou des devoirs plus impérieux. Ces nombreux observateurs, placés à distance, offrent le moyen le plus sûr d'obtenir les données nécessaires pour calculer la hauteur des lieux au- dessus du niveau de la mer, et perfectionner ainsi la géographie physique d’un pays. On en tirera sans doute un grand parti, dans la compo- sition de la nouvelle carte de France, dont on s’occupe maintenant. S'il suffit, pour se procurer la hauteur moyenne à laquelle s'élève le mercure du baromètre, d’ob- server avec soin, une seule fois par jour, il n’en est pas ainsi lorsqu'on se propose, comme M, Vic- tor, de connaître le mouvement diurne de la co- lonne barométrique. On doit faire alors autant d'observations qu'il y a de changemens bien marqués dans la direction de ce mouvement. or: le mercure commence son ascension vers 6 heures du matin, un peu avant où un peu après, suivant qu’on l’observe dans le voisinage des solstices ou des équinoxes. Il se trouve à son maximum de 16 CLASSE DES SCIENCES. hauteur vers Oo à 10 heures, il descend ensuite jusqu’à 3 à 4 heures du soir, puis il remonte jusqu’à 10 ou 11 heures. L'amplitude de ce mou- vement, observé depuis 1817 jusqu’au 1. janvier 1823, est de 1,2 (1). On a remarqué que cette variation diurne, cette marée atmosphérique , observée sous diverses latitudes, paraît croître, depuis le pôle jusqu'a Péquateur. Vous avez pensé, Messieurs, que les observa- tions de M. Victor méritent de fixer l'attention des physiciens. C’est pour les leur communiquer que vous avez jugé convenable d'en publier un extrait. par la voie de l'impression. Vous avez accueilli aussi la proposition que vous a faite M. d’Aubuisson, de représenter gra- phiquement, sur un seul tableau, les oscillations du baromètre pendant cinq années consécutives. Ce moyen si simple de peindre la marche des phénomènes, et de s'adresser aux yeux, pour faciliter à l'esprit les rapprochemens qu’offrent leurs principales circonstances, a été justement apprécié dans la note que vous a lue, à ce sujet, M. le secrétaire perpétuel. Les tableaux que vous a presentés M. le direc- teur de l'observatoire ne contiennent pas seule- ment des mesures barométriques; on yÿ trouve aussi des observations simultanées du thermo- mètre, et l'indication, pour 1822, des extrèmes de température qui ne coincident pas habituelle- (1) Voyez le tableau, pag. 29. HISTOIRE. ANNÉE 1929. 17 ment avec les heures auxquelles se font les ob- servations barométriques. ù Enfin, M. le directeur Victor vous a fait part d'un plan d'observations qu’il a entreprises pour connaître la marche diurne de l’aiguille aimantée. Vous y avez remarqué les précautions qu'il a prises pour se garantir des erreurs qu'il est si facile de commettre, en relevant les angles de déclinaison et d’inclinaison : erreurs qui provien- nent, très-souvent, de ce que l’axe magnétique de laiguille ne coïncide pas toujours avec son diamètré longitudinal; c’est ce dont il est facile de s'assurer , en retournant ses faces horizontales. Le défaut de coïncidence se manifeste alors par le changement de direction des côtés de l'aiguille. 1 arrive aussi que Pinclinaison n'est plus la même. Une autre remarque de M. Victor, qu'il est bon de recueillir pour la vérifier, lorsqu'il aura multiplié davantage ses observations, c'est que Vinclinaison de l'aiguille paraît varier, à Toulouse, autant au moins que sa déclinaison, tandis que le contraire résulte de la plupart des observations faites, jusqu’à ce jour, dans différens lieux. de mouvemens de laiguille magnétique sont soumis à des elfets dont il est, sans doute, difficile d’assigner toutes les causes; toutefois la régularité des uns parait dépendre de l'action du soleil, de la lune et des autres corps célestes ; les autres semblent porter l'empreinte des influences brus- ques produites par des circonstances atmosphéri- TOME II, PART, I, L 5) La Aiguille aimantée. M. MARQUÉ= Vicror, Fermentation vineuse. M. CHaë- MONT. 15 CLASSE DES SCIENCES. ques, telles que les aurores boréales, la foudre et la chute des aérolites. Mais un nouveau champ d'explications est ou- vert à la théorie du magnétisme, par les décou- vertes récentes du professeur danois Oersted et du savant français Ampère. L'un et autre viennent de faire faire un grand pas à la science : le pre- mier, en démontrant l'action d’un conducteur voltaique sur laiguille aimantée; le second, en prouvant l’existence des courans électriques à la surface du globe, dans la direction de Pest à l’ouest, et celle de courans semblables, äutour de l'aiguille magnétique, dans des plans perpendi- culaires à son axe. Les expériences de ces deux physiciens commencent, dès aujourd’hui, à jeter des lumières sur les variations diurnes de Paiguille; mais il est bon que de nouveaux faits, bien ob- servés, viennent prèter leur appui aux explica- tions fournies par Les expériences; et lapprobation que vous avez donnée au travail de M. Victor, prouve que vous en jugez ainsi. Quelques services que le baromètre et la bous- sole aient pu rendre à la topographie et à la na- vigation, ces deux instrumens n’ont jamais fixé l'attention publique aussi vivement qu'a pu le faire, dans ces derniers temps, un appareil qui devait augmenter dun dixième la fortune des propriétaires vignicoles de la France. Cet appareil, qui annonçait une aussi grande influence sur la prospérité de l’agriculture, dans 40 de nos dépar- temens, consiste en un chapiteau que Pon adapte HISTOIRE. ANNÉE 1923. 19 au couvercle dune cuve , dans laquelle s'opère la fermentation de la vendange. Une partie des va- peurs aqueuses et alcoholiques qui s'élèvent de la cuve est condensée dans le chapiteau , et le pro- duit de cette condensation retombe dans la masse vinaire; mais quelle est l'importance de ce pro- duit, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la qualité? Voilà une question qui s’est présentée d'abord, et dont on a dù chercher la solution dans des expériences comparatives faites en divers lieux. Toutes ces expériences n’ont pas été disposées de la même manière ; elles ont été faites avec des espèces de raisin et sous des influences atmosphé- riques fort variées. D'ailleurs, on n’y a pas ap- porté partout le même soin ; aussi offrent-elles de très-grandes différences dans les résultats, et telles sont ces différences, que lon a trouvé, dans quelques endroits, qu'il valait mieux laisser les cuves ouvertes, selon l’usage le plus généralement adopté, que de les couvrir, comme on le pratique depuis long-temps dans quelques contrées; cepen- dant le plus grand nombre des expériences, celles sur-tout faites avec le plus de soin , ont démontré qu’il était avantageux de fermer les cuves vinaires, en y pratiquant une petite ouverture pour la sortie du gaz acide carbonique. Des résultats si contradictoirés ont fixé l’atten- tion de M. Caaumoxr; et, dans l’impossibilité où l’on est d’assigner toutes les causes qui ont pro- duit les différences observées, il a essayé de dé- D ’ 20. CLASSE DES SCIENCES. terminer, par le calcul, les limites, en dehors desquelles un résultat annoncé cesse d’être pro- bable, et par conséquent le degré de confiance que l’on peut accorder à l’expérience d’où il a été tiré. M. Chaumont considère la fermentation vineuse dans ses élémens, ses produits et les circonstances qui accompagnent sa marche. De ces considéra- tions, il déduit les données du problème à résou- dre ; elles lui fournissent aussi les moyens d'ap- précier les avantages comparatifs de la vinification à vase ouvert et à vaisseau clos. Votre confrère ne vous a communiqué, jusqu’à présent, que la première partie de son Mémoire. Nous allons transcrire ici les conclusions qui la terminent, parce qu’elles donnent une idée des objets qui y sont traités. «Il convient maintenant, dit M. Chaumont, de rapprocher les résultats auxquels nous a con- duits l'examen détaillé que nous avons fait des circonstances physiques et chimiques qui accom- pagnent la fermentation vineuse. » 1.9 Nous avons vu qu’elle n’est pas circons- crite dans des limites de température aussi res- serrées que celles que lui assignent des ouvrages d’œnologie, qui d’ailleurs méritent sous d’autres rapports la réputation dont ils jouissent. » Les expériences les plus authentiques prou- vent qu’une masse fermentante peut ne dévelop- per que 10° à 119 de chaleur du thermomètre centigrade , tandis que la chaleur sélève, dans HISTOIRE. ANNÉE 1823. 21 d’autres circonstances, jusqu'à 33° et 34° du même thermomètre. » 2.° Nous avons prouvé que les vins de France contiennent depuis 1/,; jusqu’à 7 dalcohol, à 39 ou 4o degrés de l’aréomètre de Baumé. Le chimiste anglais Brande, qui a distillé un grand nombre de vins de différens pays et de différentes espèces, a trouvé que les vins de France sont plus spiritueux que nous ne l’avons annoncé. On n’est point étonné de cela, lorsqu'on sait que les vins que nous expédions pour lAnpgleterre sont tous plus ou moins additionnés d’eau-de-vie. » 3.° Lorsqu'on se propose d'apprécier les effets de la fermentation vineuse, on a besoin de con- naître les quanitités d’acide carbonique et d’alcohol qui résultent de la décomposition de la matière sucrée contenue dans le moût. Gay-Lussac re- présente ces quantités par des nombres dont le rapport est fort différent de celui que fournissent les résultats des expériences faites, avec le plus grand soin, par Lavoisier et Thenard ; j'ai déve- loppé les motifs qui me déterminent à accorder la préférence à ce dernier rapport, qui est, comme nous l'avons vu, 61/,% , c’est-à-dire que, si une certaine quantité de matière sucrée a fourni 100 parties d’alcohol, en se décomposant par la fer- mentation , 1l se sera dégagé, en même temps, 61 parties d'acide carbonique. » 4.° L'une des forces qui influent le plus sur lévaporation que nous voulons calculer, est la pression atmosphérique. Elle varie assez peu en 22 CLASSE DES SCIENCES. France pendant les mois où l’on est occupé de fa vinification , puisque l’amplitude de cette varia- tion n’est que 10 à 12 millimètres, en dessus et en dessous de la hauteur moyenne du mercure dans le baromètre, observé pendant 6 années con- séceutives. Avec cette donnée, il est facile de se procurer le maximum et le minimum de pression dans le lieu où l’on opère. » 5.° T/état de sécheresse ou d'humidité de Pair, autour d’une cuve ouverte, a la plus grande in- fluence sur l’'évaporation du liquide en fermen- tation ; on doit donc avoir égard aux indications de Phygromètre, pour connaître la quantité de vapeur que contient l’atmosphère. Or, nous avons remarqué que le minimum moyen est à Toulouse de 63 à 64 degrés, et que le maximum s'approche beaucoup du terme de la saturation, puisqu'il est de 95 à 96 degrés. » 6.° De toutes les données nécessaires pour apprécier la quantité de vapeurs aqueuse et alco- holique qui s'élèvent d’une masse en fermentation, aucune n’est plus difficile à se procurer que la den- sité du mélange de ces vapeurs : Gay-Lussac à essayé de la conclure d’une expérience particu- lière. Il n’est pas étonnant que la conclusion à laquelle il est paryenu ne soit paint d'accord avec l'observation , puisque la densité cherchée varie à chaque instant, en raison de l’alcohol développé dans la cuve. Ce n’est qu’en suivant les progrès de la décomposition de la matière sucrée qu’on peut parvenir à un résultat satisfaisant. C’est ce que HISTOIRE. ANNÉE 1823. 15 j'ai essayé de faire dans la suite de mon Mémoire, à laide du calcul différentiel et intégral; mais, pour atteindre le but désiré, j'ai eu besoin de déterminer les volatilités respectives de l’eau et de Palcohol, et je les ai déduites, comme vous l'avez vu, des expériences auxquelles Dalton doit la célébrité qu'il mérite. » Telle est la maniere dont M. Chaumont s’ex- prime à la fin de la première partie de son Mé- moire. La discussion des données du problème dont il s’est occupé est précédée de détails histo- riques sur la clôture des cuves où s'opère la fer- mentation vineuse, et sur les moyens employés, à différentes époques, pour condenser les vapeurs qui s'élèvent du moût. Nous observerons à ce sujet que M."° Gervais, en rappelant naguère l’atten- tion publique sur ces divers objets, a rendu un grand service aux propriétaires de vignobles. Tandis que nous nous occupons d’œnologie, il convient, Messieurs, de vous entretenir d’un nouvel œnomètre que vous a présenté M. AsTier , l’un de vos associés correspondans. La construction de cet instrument, qui pourra servir à déterminer la spirituosité relative des vins sans avoir recours à la distillation, est fondée sur cette propriété bien remarquable des tuyaux ca- pillaires ; c’est que des mélanges d’eau et d’alcohol les parcourent d'autant plus lentement, que le dernier de ces liquides s’y trouve en plus grande quantité. Ce principe, rigoureusement vrai dans les li- OEnomttre capillaire, M, AsTiee. 34 CLASSE DES SCIENCES. inites de la spirituosité des vis, est connu depuis long-temps : M. Girard Va mis hors de doute par plusieurs expériences consignées dans trois Mé- moires imprimés parmi ceux de lInstitut; mais nous sommes bien convaincus que M. Astier n’a- vait pas In les ouvrages de M. Girard, lorsqu’il se livrait aux récherches dont la construction de son œnomètre a été le résultat. D'ailleurs ils n’ont point eu lan et l'autre le même but. En étudiant les lois du mouvement dans les tubes capillaires, M. Girard a espéré jeter quelques lumières sur une classe de phéno- mènes dont les corps organisés sont le siége, tandis que votre correspondant a voulu donner aux sciences physiques et au commerce , un ins- trument utile dont ils ont été privés jusqu'à ce jour. Le nouvel œnomètre a à peu près la forme d'un chalumeau d’émailleur ; c’est un tube en verre de cinq millimètres de diamètre, soufllé en boule à l’une de ses extrémités. Au dessous du plus grand renflement, qui à 4,6 de diamètre, et dans la direction du tube principal , est ajusté un tuyau capillaire en verre, ayant trois centimètres de longueur et 9/,, de millimètre de diamètre environ. Lorsque l'instrument est rempli, on laisse écou- ler le liquide qu’il contient dans un récipient qui lui sert en même temps de support. La commission que vous avez nommée pour examiner lonomètre de M. Astier, s’est con- HISTOIRE. ANNÉE 182 34 29 vaincue que l’auteur doit s'occuper maintenant à déterminer quelles sont les dimensions et la forme qui conviennent le mieux à chacune des parties de son instrument. Elle s’est assurée aussi, par des expériences multipliées, que la chaleur influe considérablement sur les résultats : ainsi on ne devra opérer l'écoulement des liquides qu'à la température à peu près constante de l’eau des puits. Lorsque le nouvel œnomètre aura reçu les per- fectionnemens dont il est susceptible, il sera alors comparable et rendra les plus grands services au commerce des vins. Il pourra servir aussi. à dé- couvrir les fraudes que la mauvaise foi introduit trop souvent dans la vente en détail. Enfin, au- cun laboratoire de chimie ou de physique ne devra être privé d’un instrument propre à déter- miner promptement, sans frais et sans embarras, la spirituosité des vins et des eaux-de-vie. Jusqu’à présent, Messieurs, je vous ai montré les sciences répandant leurs lumières sur les arts immédiatement applicables aux besoins de la so- ciété; et vos travaux n'ont fourni de nouveaux exemples à l'appui des vérités énoncées. Si le temps me le permettait, je les considérerais maintenant sous le rapport du noble exercice qu’elles offrent à la pensée; sous celui des habitudes d'ordre et de tranquillité qu’elles font contracter à l’homme qui les cultive ; des sentimens religieux qu’elles lui inspirent. | Toutefois, je ne puis me dispenser de vous rap 26 CLASSE DES SCIENCES. peler ici un reproche que l’on ‘adresse souvent aux sciences physiques, et qui, au premier as- pect, peut paraître en quelque $orte mérité. C’est celui de vouloir tout expliquer, et de franchir ainsi les bornes de lintelligence humaine. Je pourrais multiplier les exemples pour vous prouver que cette accusation n’est pas généralement fon- dée ; mais un seul suffit, je pense , et c’est à des- sein que je le choisis dans le sujet traité par lun de vos membres, M. Dispan , qui vous a lu un Mémoire sur les tremblemens de terre. remblemens Lorsqu'on demande au géologiste la cause de de terre. , Dispax. ce phénomène si terrible, qui, dans l’espace de quelques instans , peut bouleverser toute une contrée et terminer l’existence de sa population, le géologiste répond que ce phénomène s'explique par les eflets du calorique, du feu qui fond et “vaporise des matières dont la composition primi- tive est inconnue sans doute, mais dont on peut néanmoins se former une idée par la nature des produits que vomissent les soupiraux volcaniques dont la croûte de notre globe est percée. Mais, qui à allumé ce feu? Ici le physicien le plus sage reste muet; et quand vous admettriez la production du calorique, comme effet des combi- naisons chimiques et cause mystérieuse de cet incendie souterrain , il ne vous expliquerait pas ensuite, d’après cette donnée, tous les effets qui se manifestent à l’extérieur; car les récits qu’il a recueillis sont si contradictoires , les faits consi- gnés dans les ouvrages sont si extraordinaires , HISTOIRE. ANNÉE 1823, 27] ceux dont il a été témoin lui-même semblent l’'éloigner tellement des lois du mouvement les mieux connues, qu'il est forcé de mettre toujours beaucoup de réserve dans ses jugemens. Il se borne le plus souvent à recueillir les faits, à en discuter l'exactitude et l’importance, à les classer dans leur ordre de probabilité et d’analogie, et il attend que le développement des lumières lui fournisse des explications plausibles. Jusque-là, il est ré- duit à rapporter à la première de toutes les causes, à la volonté du Tout-puissant , les effets imprévus que sa faible intelligence ne peut attribuer à au- cune autre. Telle est, Messieurs, la marche philosophique qui a été suivie par M. Dispax, dans les recher- ches auxquelles il s’est livré, à l’occasion de la secousse de tremblement de terre que beaucoup de personnes ont ressentie à Toulouse, le 9 avril 1009. M. le professeur de chimie pense qu’il faut re- noncer à l’idée que les tremblemens de terre sont tous causés par des dégagemens subits de vapeurs élastiques; car sil en était ainsi, les effets pro- duits seraient ceux que nous offrent des corps solides qui obéissent à l’action d’une cause quel- conque, tandis qu’on a remarqué maintes fois des phénomènes qui semblent caractériser la désagrégation , et même une sorte de fluidité des masses mises en mouvement. Après avoir repoussé un reproche généralement adressé à la science, il nous reste, Messieurs, à 25 CLASSE DES SCIENCES. jeter un coup d'œil sur ensemble de vos travaux. Nous y voyons que vous avez indiqué, à la mé- decine et à la chirurgie, des moyens euratifs dans des cas de maladie fort compliqués. La météorologie , cette science qui n’attend rien de l’expérience et tout de lobservation, à été enrichie d’une masse de faits qui seront con- sultés avec fruit par les physiciens qui s’occupent de la recherche des lois auxquelles sont soumis les mouvemens de l'atmosphère. En démontrant que l’on peut réduire consi- dérablement, et sans inconvéniens, le nombre des observations barométriques qui servent à déter- miner l’élévation des lieux, vous avez assuré les progrès de la géographie physique. La fabrication des vins, cette branche d’indus- trie agricole qui fournit annuellement plus de 800 millions à la richesse de la France, a reçu de la science des mathématiques les moyens d’ap- précier avec exactitude les avantages des divers procédés qu’elle peut employer. L’onométrie doit à l’un de vos associés cor- respondans , un nouvel instrument qui pourra être rendu propre à donner au commerce des vins, des garanties qui devront concourir à sa prospérité. Enfin, vous avez recueilli des matériaux pré- cieux pour l’histoire du phénomène le plus im- posant de la nature, celui qui a parfois des eflets si désastreux , qu’on ne peut en être témoin sans se croire arrivé au terme fatal de toutes les exis- tences terrestres, HISTOIRE. ANNÉE 1823. 29 Tel est, Messieurs, le tribut annuel que vous avez payé aux sciences, tribut qui doit, à notre avis, contribuer à accroître la sphère de leur utilité. OBSERV ATIONS barométriques faites à T\ oulouse(: ). EEE MoyENNeESs MoyENNEs y ANNÉES. de 3 heures en de ABTATION 3 heures. midi. diurne. 1817......| o", 74930 0%, 74942 |ow, 00114 101802. 74919 74900 00132 1O1 geste. 74850 74851 00108 120 res 74870 74865 00108 TODTe-ro0e 74935 75016 00129 1029-50 75135 79126 00131 Somme. ...| 449639 449700 00722 Le /62. 0", 74939 5% | 0%, 74950 | 0%, 00120 !/, S ï Il c le Le some os 7696 do, 7695 | ea) 7901 lo, 74n6|. ous (1). Voyez, tom. {, 1. partie, le résumé et les résultats des observations barométriques , faites par M. Marqué-Victor , depuis 1817 jusqu’en 1824 inclusiyement. 30 CLASSE DFS SCIENCES. PRIX DE L'ANNÉE. L’ACADÈMIE avait proposé pour sujet de prix à décerner, en 1823, « une théorie physico-mathé- » matique des pompes aspirantes et foulantes , » faisant connaitre le rapport entre la force motrice » employée et la quantité d’eau réellement élevée » (la hauteur de l'élévation étant donnée), en » ayant égard à tous les obstacles que la force » peut avoir à vaincre; tels que le poids et l’inertie » de la colonne d’eau élevée, son frottement contre » les parois des tuyaux, son étranglement en » passant par les ouvertures des soupapes, le poids » et le frottement des pistons, le poids des sou- » papes ou clapets, linégalité entre la surface » supérieure de ces clapets et la partie de leur » surface inférieure en contact avec l’eau au mo- » ment où la pression va les ouvrir, etc. — Cette » théorie devait être basée sur des expériences » positives, et les formules qui en seraient dé- ._» duites devaient être faciles à employer dans la » pratique. » Quelques Mémoires, faits par des hommes d’un mérite distingué, avaient été annoncés : un seul fut envoyé, et c’était l’ouvrage d’une personne dont les connaissances en cette matière étaient purement élémentaires. Son travail ne présentait que les notions les plus communes sur les pom- pes; aucune observation nouvelle, aucune expé- rience ne venait ajouter à ce que l’on savait déjà. HISTOIRE. ANNÉE 1823. 31 En conséquence, l’Académie n’eut point de prix à donner. Cependant la question proposée était du plus grand intérêt : les pompes sont les machines les plus généralement employées pour élever les eaux, et malgré leurs défauts ( quelle est la machine qui n’en a pas), leur simplicité et le peu despace qu’elles occupent les feront encore beaucoup employer à l'avenir. Il est done bien important de connaître l'effet qu’elles peuvent produire, proportionnellement à la force employée pour les mouvoir. Les notions que l’on à à ce sujet sont en petit nombre, et elles sont même contradictoires. Dans un traité dû à un savant recommandable, il est dit que les pompes pro- duisent, en effet utile, à peine la dixième partie de la force motrice ; ailleurs, on trouve que la force, mesurée par un dynamomètre immédiate ment adapté à la tige d’un piston, n’a été que d'un douzième plus considérable que leffet ; que la quantité d'action d’un courant d’eau transmise à des pompes ordinaires, par lPintermédiaire d’une roue à augets, a été, comparativement à l’effet utile obtenu, comme 100 est à 57 (1). Il était temps d'éclairer des lumières de la science, comme de celles d’une expérience raisonnée, un point si essentiel de la mécanique industrielle : il fallait a ———_— aa aaELZELUt (1) Expériences faites sur les machines hydrauliques des mines de Poullaouen , etc., per MM, Blavon-Duchesne et d’Aubuisson. Journal des Mines, tom, xxr, pag. 22 et 161. 32 . CLASSE DES SCIENCES. faire, pour le mouvement de leau dans les pons- pes, ce quia été fait, avec tant de succès, par Dubuat, et puis par MM. Girard, de Prony et Eytelwein, pour le mouvement de Veau dans les canaux et dans les tuyaux de conduite. Cest dans Pespoir d'ouvrir la voie qui doit mener à un tel résultat, que l’Académie a encore proposé la même question pour année 1826; mais en dou- blant la valeur du prix à décerner, en la portant à une médaille d'or de mille francs. HISTOIRE. ANNÉE 1924. 33 ANNÉE 1824. L'anassse des travaux de la classe des Sciences, pour l’année académique de 1824 , avait été faite par M. Carney, que la mort vient d'enlever aux sciences et à notre compagnie (le 4 mars 1830). Peu de temps avant cette malheureuse époque, il avait repris son travail pour le revoir afin de le livrer à l'impression ; il n’a pas été retrouvé parmi ses papiers. On va ÿ suppléer par un court extrait de chacun des Mémoires présentés à PAca- démie dans cette année, c'est-à-dire , depuis Les fêtes de pâques 1823, jusqu’à celles de 1824. On suivra l’ordre des sciences, et l’on commen- cera par un objet relatif à la première d’entr'elles, l'astronomie. Sa culture avait fait la gloire scientifique de Asrroxomr, notre ville vers le milieu du dernier siècle (1745- RÉSUMER 1786). Les travaux de MM. de Garipuy et d’Ar- l'observatoire. quier avaient contribué aux progrès de cette M. Manauk- science ; ils ont été classés avec honneur dans ses pévrier 1824. archives; ils y sont encore aujourd’hui consultés avec fruit et cités avec éloge. Le premier des astronomes qui viennent d’être nommés avait bâti un bel observatoire, qui était un des plus beaux ornemens de notre cité sous tous Les rapports. Après sa mort, arrivée en 1753, cet établissement fut acquis par la province, et TOME II. PART. I. 3 34 CLASSE DES SCIENCES. en 1808 le gouvernement en céda la propriété à la ville. : Environ dix ans après, il eut besoin de fortes réparations, et on saisit cette occasion pour en changer la forme : on voulut rendre tournante la partie supérieure de la coupole ou grande salle des observations, afin que sans déplacement la lunette parallactique püt suivre le cours d’un même astre, dans toute la durée de sa révolution au-dessus de horizon. Ce changement ne fut héureux en aucune ma- nière : il fit perdre à notre observatoire tout son mérite sous le rapport de Parchitecture ; il rendit les observations et bien plus difficiles et plus in- commodes; et les nouveaux travaux furent si mal exécutés, que les maux auxquels on avait voulu remédier furent plus grands encore. Tel était l’état des choses , lorsqu’en 1822 M. Maroué-Vicror fut nommé directeur de cet observatoire. Les dégradations augmentaient , la pluie pénétrait de toutes parts dans les salles : il fallut en retirer les instrumens et cesser tout travail. M. le directeur s’adressa à l'Académie, dont il était un membre si utile, et lui demanda d’em- ployer son intercession auprès des autorités locales, afin d'obtenir des réparations dont l’urgence était manifeste , et dont l’ajournement, outre qu'il compromettait l'existence de lédifice, ajournait tout usage à faire de cet établissement scientifique , et allait nous priver, peut-être à jamais, d’une HISTOIRE. ANNÉE 1824. 35 sorte de travaux qui avaient été un des plus beaux titres de l’Académie et de la ville à la reconnais- sance du monde savant. L'Académie, frappée de cette considération, et saisissant avec empressement toute occasion de se rendre utile, chargea son bureau (ses président, directeur et secrétaire perpétuel), de se retirer par-devers le Maire, chef de l’administration de la ville à qui appartenait l'observatoire, pour lui représenter l’état de délabrement dans lequel il était, et pour en solliciter la prompte réparation. Le bureau eut encore la mission de se rendre chez le Préfet, pour le prier de faire usage de tous ses moyens à l’eflet d'accélérer la restauration de- mandée. Ces deux magistrats donnèrent au bureau las- surance du vif intérêt qu’ils prenaient à l’obser- vatoire, et ils demandèrent que l'Académie leur fit connaître ses vues, afin que les travaux à exé- cuter fassent disposés de la manière la plus avan- tageuse à la science. Sux le rapport qui fut fait des intentions de MM. le Préfet et le Maire, l'Académie invita M. Marqué-Victor de lui faire connaître, dans sa prochaine séance, l’état de l'observatoire , et les réparations dont il avait besoin. Le 5 février 1824 , cet académicien donna con- naissance de cet état et de ces réparations, et il demanda qu’une commission lui fût adjointe, l'effet de déterminer définitivement les travaux à proposer. + @- Je 36 CLASSE DES SCIENCES. Conduite par M. Marqué-Victor, la commission se rendit sur les lieux; elle trouva qu’il était abso- lument impossible de conserver la nouvelle dispo- sition des choses , laquelle rendait les observations très-difficiles, et qui avait substitué des formes si bizarres et de si mauvais goût à celles qui étaient si heureuses. Elle se convainquit que le projet de rendre tour- nante la coupole était absolument inexécutable à Toulouse ; il aurait fallu un mécanisme qui, par sa grandeur, sa perfection et les soins qu’il eût continuellement exigés, était hors de la portée de nos artistes et des revenus de l'établissement ; que l'utilité d’une telle disposition n’était nullement en rapport avec la dépense, les soins et les chances d’accidens. On conclut que ce qu'il y avait de mieux à faire, était de remettre l’observatoire exactement tel qu'il avait été construit par M. de Garipuy , aussi habile ingénieur que savant astronome. Dans cet état, il présentait un édifice et particu- lièrement un dôme remarquable par son élégance, au-dessous duquel était une salle d'observations tout aussi remarquable. La maison entière avait été bâtie et disposée de manière à supporter ces belles sommités , et le tout était en parfaite har- monie. Comme précédemment, il pouvait très-bien servir à toutes les observations ordinaires de Pas- tronomie, MM. de Garipuy et Vidal y en avaient fait de très-importantes. Il avait, il est vrai, les HISTOIRE. ANNÉE 1024, 37 inconvéniens des observatoires élevés, dont les murs, sujets à quelques petits mouvèemens, no- tamment à une dilatation assez sensible dans les parties fortement exposées aux rayons du soleil, nuisent parfois à l’exactitude des observations, ou plutôt obligent l’observateur à de plus fréquentes vérifications dans la position des instrufnens, et particulièrement des lunettes méridiennes. Mais ici le mal était sans remède : la question était de restaurer l’ancien observatoire , et non d’en bâtir un nouveau. On remarquait d’ailleurs que ce mal tirait bien peu à conséquence dans un observatoire du second ordre , tel qu'était et serait toujours le nôtre. Pour en faire un du premier ordre (et il n’en existe de tels que trois ou quatre en Europe), il faudrait y appeler des astronomes consommés et d’un mé- rite supérieur, leur donner des aides, leur fournir des instrumens dun grand prix, disposer plusieurs locaux à leur usage , et tout cela était évidemment et de beaucoup au-dessus des moyens de la caisse municipale. On remarquait qu’à Toulouse un tel observatoire n’était pas, comme dans les grandes villes maritimes, d’une utilité majeure. Mais on remarquait en même temps que s'il ne pouvait jamais être que secondaire en astronomie, il pouvait et devait être mis en première ligne sous le rapport météorologique. Son exhaussement, ses terrasses découvertes l’y rendent très-propre : sa position au milieu de contrées agricoles l’y ren- drait tres-utile , et les moyens de l'excellent ob- Lunette paral- lactique. M. Marqué- Vicron. 22 mai 1923 38 CLASSE DES SCIÉNCES. servateur et météorologiste qui le dirigeait, ga- rantissaient qu'il prendrait bientôt ce premier rang et montrerait cette utilité. Sur l'exposé de ces faits, l’Académie décida qu'on demanderait que lobservatoire fût rétabli dans l’état où il était primitivement, et elle nomma une commission, à l’effet de motiver sa demande et de présenter en même temps le devis des tra- vaux à faire pour ce rétablissement : cette com- mission était composée de MM. Marqué-Victor, Rivet, Magués, Virebent et d’Aubuisson. N’anticipons pas sur l’ordre des temps au sujet des travaux de la commission, et bornons-nous à dire que la demande a eu son plein ellet , que le rétablissement est effectué, et que l'Académie peut se flatter d’avoir contribué à rendre à la ville le plus beau monument scientifique qui y soit élevé. Le directeur de cet établissement, M. Marqué- Vicror, frappé des longs tâtonnemens à faire pour diriger üne lunette vers un point du ciel donné de position , remarquant combien la courte durée du temps qu’un astre reste dans le champ de son objectif est défavorable à certaines observations, a proposé de monter une lunette pa- rallactique sur un mécanisme présentant plusieurs cercles, à laide duquel il serait facile de la diriger avec précision vers un point dont l’ascension droite et la déclinaison seraient connues, et de lui faire suivre d’un mouvement uniforme les différens points d’un parallèle quelconque , et même de tout autre cercle. Il montre, par divers exemples, HISTOIRE. ANNÉE 1024. 39 la manière dont on orienterait cet instrument, et dont on en ferait u sage pour les &ivers cas auxquels il peut servir. M. Sons, un des correspondans de lAcadé- Lignestrigo- . . . . , . _ nomeétriques, mie, lui adresse un premier cahier d'astronomie D 'HÉSNE sphérique et nautique, contenant 1.0 une manière ,1 août 182%. de représenter les arcs et les lignes trigonométri- ques en fonction du quart de circon férence ou qua- drans , quelle que soit d’ailleurs sa division ulté- ‘rieure; 2.0 364 expressions des relations entre les lignes trigonométriques d’un ou de plusieurs arcs. Un autre correspondant , M. Boucrarrar, Giomérus. adresse à l'Académie deux expressions très-appro- Devenu chées du rapport de la circonférence du cercle au 8 janv. 1824. diamètre ; lune en fonctions fort simples des côtés de l’hexagone, du carré, du triangle équilatéral et de loctogone inscrit; l’autre en fonctions éga- lement simples de diverses lignes menées dans le cercle. M. Romieu , chargé de rendre un compte du travail de M. Boucharlat, l’a trouvé ingénieux. M. Vaurnier, dans ses Considérations sur le Micavious. levier pesant du second genre, après avoir rap- Levier. pelé que le levier est une verge inflexible , mobile ja autour d’un point fixe, dit: « La position du point 7 mai 1823. » appui, par rapport à la puissance et à la résis- » tance , a fait distinguer trois sortes de levier …. » Dans celui du second genre, la résistance est » entre Le point d'appui et la puissance : le poids » y agit en sens contraire de la puissance , et on » ne peut alonger le bras de celle-ci, sans que cet 40 CLASSE DES SCIENCES. » avantage ne soit aussitôt contrebalancé par l'aug- » mentation du poids du levier. » Ÿ a-t-il un rzinimum pour la puissance, dans » un levier de ce genre , où la résistance et sa » distance à l'appui seraient constantes ? telle est » la question que je me suis proposée, et dont » j'offre ici la solution. » L'auteur suppose un levier pesant, d’égale gros- seur dans toute sa longueur, supportant un poids comme représentant la résistance, les distances au point d'appui de cette résistance et de la puissance sont données. Il détermine d’abord , à l’aide de léquation des momens, la valeur de la puissance dans ce cas. Puis il la suppose appliquée à un autre point; il examine la condition néces- saire pour que sa valeur soit plus petite que celle qu'il avait déjà trouvée, et il en conclut qu’elle est susceptible de minimum. I] recherche et trouve pour ce cas quelles doivent être et la longueur du levier et la valeur de la pute. Jusque-là, il avait admis qu’on connaissait déja une me de levier où l'équilibre avait lieu ; il généralise la question , et il la pose ainsi : dans un levier du second genre, dont on connait le poids sous l’unité de longueur, la résistance et sa distance au point d'appui étant données, trou- ver le bras de levier qui exige la plus petite puis- sance possible. La méthode des maximis et mi- nimis le conduit à une expression extrêmement simple de la valeur de ce bras et de cette puissance, ainsi que nous allons le voir. HISTOIRE. ANNÉE 1024. 41 Dans la solution du problème, on a admis que les trois forces agissant sur le levier ont des di- rections parallèles. Prenant maintenant la ques- tion dans toute sa généralité, et admettant qu’elles font des angles quelconques avec ie levier, M. Vau- thier donne encore pour ce cas la plus petite va- leur de la puissance : on y voit qu’elle sera d’au- tant plus petite que langle que sa direction fait avec le levier approchera plus de l'angle droit, et que l’angle de la résistance avec le levier sera plus petit. Soit : Pet R la puissance et la résistance, r la distance de cette dernière au point d'appui, K le poids du levier par mètre courant (le mètre étant l’unité de mesure), et x le bras de levier cherché. On aura pour le cas du minimum de puis- sance Dar 4 == = — ei K PV 2R7rK M. p’Avsuisson a présenté une Théorie d’un ventilateur à trompe. Cet académicien avait à établir, aux mines de fer de Rancié ( Ariége), un ventilateur, à l'effet de porter de l’air frais à extrémité d’une galerie de 372 mètres de long : cet air était fourni par une trompe placée à lentrée de la galerie, et pa- reille à celles qui donnent le vent aux grosses forges dans les Pyrénées. L'auteur était intéressé à savoir la quantité d'air qui pourrait lui être fournie par cette trompe, en connaissant d’ailleurs la quantité d’eau qu’on pouvait donner à la ma- MÉCcANIQUE APPLIQUÉE, Ventilateur à trompe. M. p'Auguis- SON. 29 Janv. 1824. 42 CLASSE DES SCIENCES. chine, la hauteur de sa chute, ainsi que la Jon- gueur et le diamètre des tuyaux qui porteraient l'air au fond de la galerie. Il essaya de résoudre le problème ; il n’en était question ni directement ni indirectement,.dans aucun des ouvrages publiés à cette époque. M. d’Aubuisson, mettant à profit les expériences que MM. Tardy et Thiebaud ve- naient de faire sur les trompes, ainsi que celles de M. Girard sur lécoulement des gaz dans les tuyaux de conduite, les liant par des considéra- tions à lui propres, en déduisit une théorie, qu'il ne donna d’ailleurs que comme un essai, et sans se rendre garant de son exactitude. Note. Cet essai, comme la circonstance qui y avait donné lieu , est le commencement ou Forigine de la suite de tra- vaux sur le mouvement de l'air dans les tuyaux de conduite et sur les machines soufflantes, dont l’auteur a fréquemment entretenu l’Académie depuis cette première époque. Les nom- breuses expériences qu'il a faites à ce sujet, et les consé- quences qu'il en a déduites , l'ont conduit à la théorie qu'il cherchait , et l'ont mis à même de résoudre le problème qu'il s'était propose ; il la énonce dans toute sa généralité ainsi qu'il suit : Etant donnée, l'espèce de machine soufflante à employer, la force qui lui sera appliquée et les dimensions de la conduite qui portera l’air à un point déterminé , assigner la quantité d'air qui y sera fournie dans l'unité de temps. Sa solution analytique sera donnée , dans ce volume , à la snite de l'analyse des trayaux pour 1827. fletston. Encore, en 1824, M. »’Ausuisson a communi- neaux. qué à l’Académie la Description et examen théo- D'AUBUIS- , » 2 2 «ox. rique d’une machine soufflante à tonneaux , éta- févr. 1824. blie en dernier lieu à la forge de Ratis près de Fumel (Lot-et-Garonne ). Cette sorte de soufllet, HISTOIRE. ANNÉE 1924. 43 construit d’abord en Angleterre il y a une tren- taine d'années, y est aujourd’hui très-répandu dans les petites forges qui se trouvent sur les cours d’eau. Elle consiste en deux ou trois tonneaux grosses barriques) à moitié pleins d’eau , et soute- nus horizontalement par des axes ou tourillons. Chacun est divisé en deux compartimens, à l’aide d’une cloison longitudinale qui n’atteint pas jus- qu'à la partie inférieure : sur le haut de chacun des deux fonds, il y a deux ouvertures garnies de soupapes, une pour chacun des deux compar- timens , lequel a ainsi sa soupape d'aspiration et sa soupape d'expiration; à celle-ci est adapté un tuyau ou porte-vent en partie mobile. Une roue hydraulique, par Pintermédiaire de bielles, com- munique aux tonneaux un mouvement d’oscilla- tion autour de leur axe : durant une moitié de cette oscillation , l’eau s'élève dans un comparti- ment et en chasse lair qui s’y trouve; durant l'autre moitié eau baisse, et Pair extérieur , en- trant par la soupape d’aspiration, vient remplir le vide qui se fait après elle. La machine observée, composée de deux ton- peaux de 1" 20 de long sur 1" 60 de diametre dans œuvre et faisant chacun 6 1/, oscillations en une minute, fournissait, pendant ce temps, 0,0442 kilogrammes d’air sortant avec une vitesse de 77" par seconde. Cet effet utile n’était guère que la septième partie de la force employée à le produire, et c’est peu : une bonne machine souf- flante à piston, de la forme usitée dans le pays, )ERSPEC- TIVE. LERMIER. juin 1823; GANTIER. mars 1824. 44 CLASSE DES SCIENCES. rendant le quart ou le cinquième de la force. Mais il faut observer qu’à Ratis on avait comme accumulé, sur la roue hydraulique qui recevait l’action du courant d’eau et la transmettait aux tonneaux , à peu près toutes les fautes qu’on peut commettre dans une construction de ce genre ; car d’ailleurs , avec une roue bien disposée , leffet eût été le tiers de la force motrice , et cette considéra- tion met à même de conclure que la machine à tonneaux est une bonne machine soufflante. Toutefois, comme elle est incapable de com- primer fortement l'air, et par suite de produire un vent très-fort, à moins de lui donner de grandes dimensions et de lui ôter ainsi son prin- cipal mérite, la simplicité et la facilité dune bonne construction, elle ne saurait convenir pour activer le feu dans les hauts fourneaux et dans les grosses forges; mais dans les forges ordinaires et pour les feux de martinet, elle peut être em- ployée avec beaucoup d'avantage, et il est à désirer que son usage se propage dansles petites usines (1). M. Lermier, correspondant de l’Académie, lui adresse un Mémoire sur la perspective appliquée au paysage, ayant pour objet de prévenir les erreurs dans lesquelles tombent souvent les pein- tres qui négligent de réunir la théorie à la prati- que de leur art. Au nom d'une commission, M. GANTIER pré- (1) La machine de Ratis a été plus tard décrite en détail dans les Annales des Mines, tom. 1x. HISTOIRE. ANNÉE 1024. 45 senta un rapport, où, tout en faisant connaître les vues de l’auteur, il donnait ses propres obser- vations sur une matière dont il avait lui-même une pleine connaissance. Ainsi, M. Lermier «dé- » sirerait, pour qu'un tableau pût produire une » illusion complète, 1.° qu'il fût exposé à une » lumière aussi vive que celle qui éclairait, dans » la nature, les objets qu’on a voulu représenter ; » 2,0 qu'on écartt tout objet de comparaison en » le regardant au moyen d’un tube noirci inté- » rieurement, et dont le champ n’embrasserait » que le tableau; 3.° que l’observateur se plaçât » en face du point de vue, et à la distance qui a » servi à déterminer la perspective linéaire du » tableau. Nous sommes persuadés, continue M. » Gantier, que le concours de toutes ces circons- » tances favoriserait singulièrement les ouvrages » des peintres; mais il sera très-difhcile de satis- » faire à la fois toutes ces conditions : il faut être » déjà artiste pour savoir trouver le point de vue » d’un tableau. Comme il est naturel à toute per- » sonne qui veut examiner un tableau de se pla- » cer vis-à-vis du milieu et à une distance à peu » près égale à trois fois sa largeur, parce qu’à cette » distance on saisit tout à la fois l'étendue de la » composition, sans être obligé de tourner la tête » à droite ou à gauche, on devrait, il nous sem- » ble , exiger que tous les peintres fixassent leur » point de vue au milieu de la composition. » M. Lermier s’occupe de diverses questions re- latives à la perspective théâtrale ; il remarque à 46 CLASSE DES SCIENCES. ce sujet que la perspective d’une sphère sur un plan incliné par rapport au rayon visuel étant une ellipse plus ou moins alongée, elle devrait être représentée sous cette forme. Mais M. Gan- tier observe de son côté, que dans les salles de spectacle , où il y a autant de points de vue qu'il y a de spectateurs, il est impossible de satisfaire à la rigueur géométrique ; que la perspective théà- trale étant habituellement faite pour être vue du fond du parterre, plus on s’éloignera, à droite ou à gauche, de ce point, plus la perspective se dé- formera ; cette considération, et quelques autres encore, portent M. Gantier à penser qu'il vaut mieux continuer à représenter la perspective d’une sphère sous la forme d’un cercle, puisque c’est ainsi que nous la voyons dans la nature, « L'auteur reproche aux peintres de placer dans » leurs compositions des morceaux d’études faits , » il est vrai, d’après nature, sans les rapporter à » un point de vue unique, d’où il résulte que des » objets qui devraient être inclinés dans un sens » pour être dans leur véritable position, inclinent » en sens contraire, et ont par conséquent l'air » de tomber. » Il traite ensuite de la réflexion des objets dans Veau , et il donne diverses règles à cet égard. «Quoique nous connaissions toute la justesse des » observations de M. Lermier, dit le rapporteur, » nous croyons cependant qu’un peintre doit évi- » ter avec soin dans ses compositions, tant sous » le rapport de la perspective que sous celui de la 2 = = HISTOIRE. ANNÉE 1924. 47 » réflexion des objets, tout ce qui pourrait pa- » raître bizarre et non motivé, quelque persuadés » que nous soyons d’ailleurs que les objets qu’ils » nous présentent soient conformes à l’observa- » tion. » En terminant son rapport, M. Gantier observe que quoique Îa théorie de M. Lermier ne soit point nouvelle quant au fond , elle n’en présente pas moins plusieurs observations neuves et déli- cates, et qu’en définitive son ouvrage ne peut être que fort utile aux peintres. M. Drarer comniunique à l'Académie les dé- tails d’un terrible coup de vent qui a eu lieu le 25 janvier 1824, dans la commune de Saint-Ur- cisse, sur les bords du Tescou ( à 38 kilomètres au N. N. E. de Toulouse}, phénomène que cet académicien , d’après des considérations qu’il dé- veloppe, pense devoir ranger dans la classe des trombes. Voici les circonstances du phénomène, telles qu'on a pu les connaître par les traces qu'il a laissées, car il était nuit lorsqu'il arriva. IL parait avoir commencé à une demi-lieue d'un moulin sur le Tescou, avoir suivi cette petite rivière, arrachant les arbres sur son passage. Ses plus grands effets ont été auprès du moulin; il y a arraché plus de quarante gros arbres, parmi lesquels 1l y avait des noyers de plus de cent ans: les toits ont été enlevés en partie, ainsi que les meules de paille. Le meunier rapporte qu'au mo- ment où le tourbillon arriva, il voulut fermer la porte, mais qu’elle fut enlevée de ses conds et PHysiQuE. Trombe. M. DraLerT. 29 Janv. 1824. 48 CLASSE DES SCIENCES. emportée à Pautre extrémité du moulin : l'eau sortant des coursiers fut refoulée avec une telle violence, que les meules en furent arrêtées et le moulin inondé. L’ouragan était accompagné de tonnerres et d’éclairs; sa durée ne fut que d’une minule. espirationet ME. Dispax, dans un Mémoire sur la respira- HR tion et la chaleur animale , établit que le sang I. Disrax, reçoit du chyle une matière huileuse, laquelle mars 1824. paraît être principalement un produit de la diges- tion de la fécule amilacée; que cette matière est décomposée durant la circulation du sang, lequel lui sert simplement de véhicule : lhydrogène brûle aux extrémités des ramifications artérielles ; là, entre peau et chair, il absorbe loxigène de atmosphère et forme de l’eau. Le carbone mis à nu noircit le sang, et forme le sang veineux ; mais à son passage dans les poumons, il est brûlé à son tour; il produit du gaz acide carbonique, qui est expulsé dans Pacte de la respiration. Ces deux combustions seraient les deux sources de la chaleur animale : la première n’a pas encore été signalée ; elle produirait un eflet à peu près égal à la seconde, et rendrait raison de cette égalité de chaleur qu'on remarque dans les extrémités comme dans le tronc du même individu. L'auteur ne donne d’ailleurs ces assertions que comme des conjectures ; mais elles lui paraissent fondées sur plusieurs considérations chimiques et physiologiques dont il fait un examen circons- tancié. HISTOIRE. ANNÉE 1824. 49 M. Macxes, dans un premier Mémoire sur le vinaigre considéré comme assaisonnement et comme médicament , traite de cette substance sous le rap- port de ses usages dans l’économie domestique. Il examine successivement la manière dont elle se trouve ou se forme dans la nature, les procédés que l’art emploie pour la produire, et les circons- tances qui en favorisent la production ; il indique les moyens de la conserver et de la clarifier, et 1 termine par un exposé de ses principales falsifica- tions, et du mode d’en prévenir les mauvais effets. A ce que l’on savait déjà sur ces matières, lau- teur ajoute des faits qui lui sont propres : on va faire connaître les principaux d’entr’eux. Après avoir remarqué qu'il y a des substances végétales qui, par leur décomposition spontanée, produisent très-peu d'acide acétique, et qu’elles en donnent considérablement par une addition d’alcohol , il dit : J’ai vu une certaine qualité de roses en digestion, plongées dans Palcoho!, se convertir en vinaigre. Il est généralement reconnu que la chaleur favorise la fermentation acide, et cependant M. Magnes cite une observation remarquable où Paugmentation de chaleur , au lieu d'accroître le résultat de cette fermentation , l’a fait disparaître. Six bouteilles d'un vin (de Villaudric}) de trois ans , et qui avait une saveur piquante très-pro- noncée, ont été débouchées et exposées, dans le mois d'août, à l’action des rayons du soleil pen- dant vingt-quatre heures : au bout de ce temps TOME II. PART, I. 4 Caimix APFLIQUÉE, Sur le vinaigre. M. Macnes. 8 avril 1824. 50 CLASSE DES SCIENCES. Paigreur avait entièrement disparu , et elle ne s'était pas reproduite encore deux ans après. L’au- teur n’entrevoit que deux causes de ce fait extraor- dinaire : ou lacide s'était évaporé, ou il s'était combiné avec la potasse provenant de la décompo- sition d’une portion de tartre. Le vin nouveau est moins propre à la conver- sion en vinaigre que celui d’un ou deux ans, la fermentation alcoholique n’y étant pas assez com- plète. D’un autre côté, le vin vieux, qui a perdu avec sa matière colorante les principes de la fer- mentation acéteuse, y convient moins encore. Le soutirage et le collage, en précipitant la matière véséto-animale, nuisent encore à l’acidification : elle est suspendue par l'action du gaz acide sul- fureux qui se dégage du soufre qu’on brûle dans les tonneaux. Mais « j'ai expérimenté, dit M. Ma- » gnes, que, contre ce qui est écrit sur cette ma- » tière , l'acide sulfureux liquide, employé même » à haute dose, ne jouit pas comme la vapeur du » soufre de la propriété de mâter le moût, non » plus que les vins déjà faits. » Plus les vins sont spiritueux et plus ils don- nent de bon vinaigre. On peut suppléer cette qualité par une addition d’alcohol; ainsi, en en ajoutant un trentième aux vins faibles des envi- rons de Toulouse, lorsqu'ils ont subi un commen- cement dacétification, on en obtient un fort bon vinaigre, doué en outre d’un parfum tres-agréa- ble, dû à l'éther acétique qui s’est formé durant la fermentation. HISTOIRE. ANNÉE 1924. 5r On supplée encore au principe fermentescible, qui manque à certains vins et qui rend difficile leur conversion en vinaigre, par de la levure de bière, mais bien lavée : quant au ferment de pâte de froment, comme le gluten se dissout dans le vinaigre , il rend le vinaigre trouble. On pense généralement que la fermentation acéteuse n’a lieu que lorsque la fermentation al- coholique est terminée, ou, en d’autres termes, lorsqu'il n’y a plus de matière sucrée ou mucoso- sucrée à décomposer; et cependant M. Magnes s’est assuré de la présence de l'acide acétique dans des vins doux, et cela par des expériences di- rectes, où il a eu bien soin de distinguer l’acide du principe acerbe avec lequel on le confond quelquefois. Quant aux moyens indiqués pour clarifier le vinaigre, un seul a bien réussi à l’auteur; c’est Pemploi du charbon végétal, et mieux encore du charbon animal : ils précipitent Pun et Pautre lextractif ainsi que le mucilage; et le liquide, en perdant sa viscosité , reste très-transparent. « D’a- » près les essais que je viens de faire, dit M. Ma- » gnes, j'estime qu'un kilogramme et demi de » charbon animal en poudre fine suffit pour cla- » rifier cent kilogrammes de vinaigre rouge, et » deux cents de vinaigre blanc. Les conditions du » succés se réduisent à prendre du charbon bien » préparé , à le laver avec de l’eau acidulée par » l'acide muriatique, ou par trois fois son poids » d'acide acétique, afin de saturer la chaux qu'il r Ze MÉDECINE. Sur le phos- phore. M. CaBIRAN. a4août 1823, et 1er avril 1824. 52 CLASSE DES SCIENCES. » contient, puis à le dessécher pour être mélé » avec le vinaigre qu’on veut clarifier. Après avoir » laissé le mélange en repos pendant huit ou dix » jours, le vinaigre se trouve non-seulement dé- » pouillé des matières qui troublaient sa transpa- » rence; mais il est décoloré au point de ressem- » bler à du vin rosé. Si on double la dose du » charbon , il acquiert la diaphanéité de l’eau. » Parmi les fraudes que signale et que déplore l'auteur, fraudes qui portent souvent dans nos corps des germes de maladies redoutables, et que l'administration devrait chercher à prévenir de tous ses moyens, il en est une qui a tous les caractères dun véritable empoisonnement : c’est celle dont se rendent coupables les confiseurs ou marchands, qui, pour donner une belle couleur verte aux cornichons, cäpres, prunes, etc., qu’ils tiennent dans du vinaigre, y font dissoudre du cuivre , et qui couvrent ainsi ces alimens d’une véritable couche de vert de gris. Une lame de couteau , mise dans de telles préparations, par la légère teinte rougeàtre dont elle se recouvre, et qui est due à la précipitation du cuivre, fait re- connaître le mal, et donne le moyen den prévenir les effets. Dans la séance publique du 24 août 1823, M. Casrran lut un Mémoire sur le phosphore con- sidéré comme un des constituans du règne ani- mal, et comme médicament doué d’une grande énergie. Sous le premier rapport, il Pexamine dans l’état de santé et dans celui de maladie. Dans HISTOIRE. ANNÉE 1024. 55 l'état de santé, le phosphore est un des composans du phosphate calcaire, qui sert de base à la char- pente osseuse normale du corps humain. Il y subit, par une opération continue de la vitalité, d’un côté une sécrétion continue de composition , de l'autre une élimination excrétoire, formant ainsi un cercle continuel d’assimilation et d’excré- tion. — Dans l’état de maladie, il est envisagé entre autres, soit comme ne fournissant pas une proportion suffisante de phosphate calcaire au parenchyme fibro-celluleux des os, soit comme y existant en excès ou envahissant les parties molles, et particulièrement les capsules articu- laires. A ces considérations succèdent des obser- vations spéciales de maladies remarquables par ce double caractère. D’un côté, des individus chez lesquels le phosphate calcaire existait en propor- tion si exiguëé, que leurs os, devenus flexibles et comme cartilagineux, cédant aux actions diverses des muscles, s'étaient déformés en tout sens. Telle était la femme Supiot, tombée dans un état d’osteo-malaxie si étendu, que ses muscles se con- tournaient comme une cire molle, à tel point que son pied gauche était devenu une espèce de cous- sin sur lequel elle appuyait sa tête, et que tout son corps était comme pelotonné. D’un autre côté, des personnes chez lesquelles le phosphate calcaire était tellement en excès, qu’il avait soudé même la totalité des articulations. Tel fut le ca- pitaine Simorre, un de nos compatriotes du Midi, chez lequel toutes les articulations étaient 54 CLASSE DES SCIENCES. tellement ankylosées, qu’il ne présentait qu’une ossature solidifiée, ne formant dans son ensemble qu’une seule pièce inflexible. Dans cet état, l’ar- ticulation maxillaire étant soudée , et les deux mâchoires en contact Pune avec l’autre , il fallut arracher deux dents incisives pour introduire les alimens nécessaires au soutien d’une vie con- damnée à des douleurs atroces, dont la mort seule pouvait amener le terme. Elle n’eut lieu que deux ans aprés cette ankylose générale, qui ne per- mettait de le soulever hors de son lit qu’une fois chaque mois, avec les plus grandes précautions, non-seulement pour le remuer, maïs pour con- server dans sa couche le creux nécessaire pour que les différentes parties de son corps fussent également portées. Poursuivant l'examen des formes variées du vice d’agrégation du phosphore dans le corps hu- main et ses proportions anormales, M. Cabiran en fait l'application théorique aux combustions humaines dites spontanées. Dans ce phénomène constaté par des observations très-nombreuses, mais encore si obscur , il croit trouver sinon le moyen, du moins une disposition à ces incinérations com- plètes, qu’on a tâché vainement d'expliquer par le seul abus des boissons alcoholiques. Il prouve que la quantité d’alcohol que l’homme pourrait supporter sans lui causer la mort, est très-insuf- fisante pour produire cette incinération complète du corps humain , tant dans ses parties molles que dans les os, incinération qui exigerait une HISTOIRE. ANNÉE 1824. 55 quantité de combustible beaucoup plus considé- rable , ainsi que l’expérience l’a toujours démon- tré. D'ailleurs, 1l prouve que dans les nombreux faits de ce genre que la science a recueillis, plu- sieurs de ceux qui ont terminé leur vie d’une manière si affreuse n'étaient pas adonnés aux bois- sons spiritueuses. Dans la seconde partie de son Mémoire, M. Ca- biran examine le phosphore comme médicament doué d’une grande énergie; il y trouve un exci- tant puissant de plusieurs des facultés vitales, et le considère en thérapeutique comme activant spécialement les systèmes nerveux et vasculaire. En énumérant ses puissantes propriétés, il expose les grands dangers de son application erronée et de son abus. Il repousse les préparations pharma- ceutiques dans lesquelles le phosphore n’est que mêlé ou suspendu, malsré les autorités médicales qui les ont conseillées. Il croit que cette substance doit être administrée préférablement en solution. IL l’administre récemment dissoute dans l’éther, tenue à l'abri de la lumière, et sans addition d'aucun ingrédient qui püt faire passer le phos- phore de l’état de dissolution à celui de précipi- tation ou de suspension. Passant aux faits de sa pratique, il rapporte quatre observations toutes relatives à des maladies cérébrales, nommant ceux qui en ont été le sujet, et ceux de ses confrères qui en ont été les colla- borateurs où les témoins. La premiere est relative à un enfant âgé de 56 CLASSE DES SCIENCES. 18 mois, avec prédominance du système lympha- tique. Il présentait le cortége des symptômes de Phydrocéphale sans inflammation existante, par- ticulièrement le pouls très-lent et débile, la pu- pille fort dilatée, l’état comateux, une grande difficulté pour l’exciter momentanément, tor- peur considérable pour la déglutition, etc. Les évacuans avaient été employés avec un usage soutenu du calomel, les sangsues appliquées à la tête , les épispatiques multipliés sous diverses formes, etc. La maladie empirait et présentait un grand danger. Dans cet état, la solution éthérée fut ingérée toutes les quatre heures. Le lendemain on put apercevoir un premier degré d’amende- ment; ses progrès continuèrent les jours suivans, et bientôt le caractère de la convalescence san- nonça. Toutefois, la solution phosphorée ne dut pas être employée au delà du cinquième jour, à cause de lirritation qui commençait à se déve- lopper dans Pintestin. Le sujet de la seconde observation était un en- fant âgé de quatre ans et demi, qui, après avoir fait plusieurs chutes, tomba dans un état d’en- gourdissement cérébral croissant par degrés. A la place de sa vivacité habituelle, désir du repos ; pesanteur de la tête qu'il voulait avoir toujours soutenue ; les yeux constamment fermés sans sommeil , sinquiétant si lon voulait les lui faire ouvrir. Vomissemens par intervalles, sans appareil putride ou bilieux, et tels que les affections céré- brales les causent sympathiquement; face pâle, HISTOIRE. ANNÉE 1924. 57 pouls lent , pupille dilatée, et poussant par inter- valles des cris aigus, etc. Le traitement ordi- nairement recommandé, avait été employé avec beaucoup de soins, sollicités par des parens acca- blés de douleur. Malgré l’activité de ces moyens, l'état comateux devint profond , la pupille dilatée presque jusqu’au cercle extrème de iris; la lé- thargie profonde. Solution phosphorée toutes les quatre heures. La nuit passe sans amendement ; mais le lendemain quelques symptômes l’annon- cent, et successivement la guérison arrive. Chez cetenfant , comme chez le précédent , il fallut mo- dérer lemploi de la préparation phosphorée après le 5.e jour, à cause de la sensibilité abdominale. Le sujet de la troisième observation était une demoiselle âgée de 15 ans. Avec une fièvre vive, un érysipèle s'était développé sur le cou , et avait envahi la face. Deux septénaires s’étaient écoulés; lérysipèle avait parcouru toute la tête; la rougeur avait cessé, mais sans desquamation, et la ma- ladie s'était fort aggravée. Le pouls devint petit, vermiculaire ; les extrémités froides, les fonctions intellectuelles nulles, la déglutition sonore comme dans la chute des liquides : menace de mort très- prochaine. La mère avait fait ses derniers adieux à sa fille. Les remèdes n'ayant procuré aucun succès, prescription de l’éther phosphoré à prendre toutes les deux heures. Le lendemain la chaleur se développe dans les membres refroidis, les yeux s'ouvrent, et graduellement la santé se rétablit chez cette jeune personne. Herniesétran- glées. M. Ducasse. 25 fév. 1824. 58 CLASSE DES SCIENCES. La quatrième observation est relative à un jeune homme âgé de 12 ans, chez qui une ma- ladie catarrhale avait pris successivement un ca- ractère d’ataxie adynamique : elle était au 22.° jour. Etat comateux, langue sèche et recourbée, dents fuligineuses, selles involontaires, tympa- nite, paralysie des muscles du côté droit de la tête et du col, chute de la paupière droite, ré- traction de l’angle gauche de la bouche, dégluti- tion très-diMicile. Les médicamens intérieurs , les épispastiques et les linimens excitans avaient été multipliés sans aucun avantage. Dans cet état, Pusage d’une solution phosphorée procura un amendement graduel, qui fut suivi d’une gué- rison complète. En terminant ce Mémoire, M. Cabiran con- vient que s’il a obtenu des succès marqués par l’usage de ce médicament, il Va employé plusieurs fois sans avantage. Comme il en a toujours réglé les doses avec une grande réserve, il n’a jamais eu à en déplorer les mauvais effets; mais il pense que cette réserve, peut-être trop grande, a pu le porter à se restreindre dans des doses trop modi- ques , ou à attendre pour son emploi un état trop avancé dans les maladies; mais il insiste fortement sur le danger de l'application inopportune du phos- phore, et sur celui des doses trop élevées et de la défectuosité dans la préparation pharmaceutique. M. Ducasse entretient l’Académie de quelques réflexions sur les hernies étranglées avec inflam- mation. Après avoir fait sentir les avantages que HISTOIRE. ANNÉE 1824. 59 présente lopération pratiquée contre cette compli- cation funeste, et rapporté plusieurs observations qui lui sont particulières, et qui viennent à appui de ce précepte, l’auteur expose ses idées relativement à l’emploi du tabac donné par lave- mens en fumée ou en décoction, et que certains praticiens ont recommandé comme le moyen le plus favorable d'empêcher lopération , et de faci- liter la réduction de la hernie. Il croit avec Lawrence que le tabac n’agit pas alors en qualité d’évacuant, comme quand il est dirigé contre les hernies étranglées par engoûment de matières : qu’alors même il serait nuisible, car il augmen- terait lirritation de la muqueuse intestinale, et par conséquent accroitrait encore les symptômes phlogistiques. Cest donc comme déprimant que cette substance peut avoir quelques propriétés. Elle diminue la sensibilité et la contractilité mus- culaires; plonge les organes dans un état de relà- chement, dans un véritable narcotisme, et en faisant cesser la constriction de l’anneau qui pro- duit l’étranglement, elle permet au taxis de ré- düire plus facilement la hernie. Mais dans ce cas, dit M. Ducasse, pourquoi recourir au tabac, qui est ung substance essentiellement irritante, sus- ceptible de produire une inflammation nouvelle ? Sans pouvoir appuyer son opinion par aucune observation qui lui soit propre, il la fonde néan- moins sur des probabilités évidentes, et il con- seille , dans le cas où l'opération ne serait pas praticable , et où le malade ne voudrait pas sy Go CLASSE DES SCIÉNCES. soumettre, de remplacerle tabac par lopium. Celui- ci, ditil, agit également en déprimant les forces, et paralyse la contractilité des muscles; il déter- mine aussi le narcotisme, et, sous ce rapport , il n’est pas moins rapide dans ses effets que la nico- tiane. Mais il n’a pas comme elle des propriétés irri- tantes aussi marquées, une huile caustique qui en rend le contact dangereux , et il n’hésite pas à lui donner la préférence, en appelant sur lui toute l'attention des praticiens. M. Ducasse, dans le pansement qui succède à l'opération de la hernie étranglée, emploie et re- commande presque toujours la réunion des bords de la plaie par première intention. Il trouve dans ce précepte trois avantages marqués : 1.° celui d'éviter une longue suppuration; 2.° celui de pro- duire une guérison plus rapide; 3.° celui d'obtenir une cicatrice linéaire plus propre à supporter la pression de la pelotte du bandage, et la formation des hernies consécutives plus volumineuses. PRIX DE L'ANNÉE. Rapport sur le Concours , Par M. DUCASSE. L'iée de remplacer le quinquina dans le trai- tement des maladies, n’appartient pas à notre époque. On a souvent essayé de lui substituer une foule d’ingrédiens empruntés aux productions HISTOIRE. ANNÉE 1824. 6: exotiques ou aux productions indigènes. La chi- mie, la pharmacie , ont été mises à contribution ; et dans leurs combinaisons diverses, le médecin est allé demander de tout temps un succédané à l'écorce précieuse du Pérou. Mais qu’est-il ré- sulté de tant d'opérations, de tentatives si multi- pliées ? Le quinquina est toujours sorti vainqueur de la lutte qu’on avait engagée, et les moyens destinés à le bannir de la scène médicale, sont tombés aussi rapidement que l'enthousiasme qui les y avait introduits. Rien n’avait donc paru capable de présenter avec autant d'assurance les propriétés anti-inter- mittentes de ce remède héroïque. Sans posséder, comme on l'avait prétendu, une spécificité incon- testable, le temps en avait consacré l’usage dans cette foule d’affections qui semblent revêtir une forme périodique, et rapporté les dangers qui en signalent quelquefois les effets, à l'inopportunité PR a de son administration. | Tel était l’état de la science , lorsqu’en 1820 MM. Pelletier et Caventou publièrent la décou- verte qu’ils venaient de faire de la quinine : ils la regardèrent comme le principe fébrifuge du quin- quina jaune. Des observations consignées dans les journaux par des praticiens recommandables, ne laissèrent plus aucun doute sur ses vertus, et le sulfate de quinine, entre les mains de MM. Dou- ble; Bally, François, etc., balanca toujours et surpassa même quelquefois les effets de l’écorce péruvienne. 62 CLASSE DES SCIENCES. Cependant ces observations étaient encore en petit nombre. Eparses dans divers recueils, n’em- pruntant leur force que de l’autorité des écrivains qui avaient enrichi la science de leur histoire, elles ne pouvaient point tenir lieu d’un corps de doctrine, et détruire en un jour la répugnance naturelle qu'un esprit droit et réfléchi éprouve à l'apparition d’un remède nouveau. L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Tou- louse sentit la première l’importance de fixer sur cet alkali l'attention des médecins. Dès l’année 1821, elle en fit l’objet de ses méditations, et proposa pour sujet du prix qu’elle devait décerner en 1524, la question suivante : 1.° Déterminer, par des observations compara- lives, les cas où l'emploi des sels à base de qui- nine est aussi avantageux que celui du quin- quina ? 2.9 Désigner les cas où il mérite la préférence ? Pa Son appel a été entendu. Quatre Mémoires sont parvenus à l’Académie ; mais deux seulement ayant paru dignes de concourir, c’est le résultat des discussions auxquelles ils ont donné lieu, qu’elle va vous faire connaître. Le Mémoire coté n° 1.%*, a pour épigraphe cette pensée : La valeur thérapeutique d'un mé- dicament ne peut étre appréciée que par les résul- tats de l'expérience clinique. Si Von devait juger de l'importance d’un ouvrage par le nombre des faits qui y sont consignés , nul doute que celui- HISTOIRE. ANNÉE 1024. 63 ci ne méritât d'occuper la première place. Cest l’histoire complète de ce qui a rapport au sulfate de quinine. L'auteur y a rassemblé tout ce que les journaux ont publié. Soit qu’on administre dans les fièvres intermittentes simples à différens types, dans les fièvres intermittentes pernicieuses, dans les fièvres rémittentes, dans les névralgies périodiques ; soit qu’on emploie ce moyen comme tonique et propre à relever les forces d'un seul organe ou de Porganisation entière, les exemples viennent sy présenter en foule pour constater ses vertus, et empruntent encore une nouvelle autorité du récit de ceux que lécrivain a eu oc- casion de recueillir dans sa pratique particulière. Mais ces richesses, si utiles pour celui qui ne veut rien ionorer de ce qui intéresse la science et Vhumanité, n'étaient pas le seul avantage que devait présenter ce Mémoire. I/Académie ne de- mandait point à connaître dans de si grands dé- tails les faits qui sont rapportés dans tous les écrits; elle ne voulait pas qu’on lui retraçât ces histoires particulières où les plus petits incidens trouvent une place; ces récits quotidiens qui sont à la vé- rité bien précieux au lit des malades, en formant les vrais élémens de la pathologie clinique, mais qui perdent une grande partie de leur intérêt, en s'éloignant de l’époque où ils ont été recueillis, et n’ofrent plus le même degré d'utilité aux yeux qui n’en ont pas été les témoins. Sans doute, il fallait s’aider de toutes ces connaissances acquises; s'éclairer à la. lueur d’une expérience étrangère ; 64 CLASSE DES SCIENCES. mentionner honorablement les résultats qu’a- vaient obtenus ceux dont on embrassait la doc- trine, et s'appuyer des faits renfermés dans leurs journaux pour en fortilier sa pratique; mais ces matériaux n'avaient pas besoin d’être aussi mul- üipliés, ces faits aussi surchargés de minutieuses observations. [ls demandaient à être réunis, res- serrés, groupés ensemble, pour former un ta- bleau plus frappant de vérité. L'ouvrage aurait été moins long, plus substantiel, sa lecture moins fatigante, et les réflexions amenées par le sujet auraient encore jeté un jour plus favorable sur Phistoire du médicament. L'auteur n’élève aucun doute sur ses éminentes propriétés. Il le considère comme capable de rem- placer le quinquina dans toutes les circonstances où ce dernier est indiqué; dans les fièvres inter- mittentes pernicieuses même, quoique la science ne soit pas encore très-riche sur ses résultats dans ces maladies funestes, et dans quelques cas indi- viduels, il lui accorde mème la préférence. C’est ainsi qu'il apprécie le sulfate de quinine employé comme anti-périodique. Envisagé sous le rapport de ses propriétés toni- ques, l’auteur regarde ce médicament comme doué des mèmes avantages que le quinquina. Mais cette seconde partie de son travail est loin d’offrir les mêmes sujets de reproche que la première, car à peine quelques faits y servent-ils d'appui à cette opinion : encore même on pourrait jusqu'à un certain point en contester l'évidence , et penser HISTOIRE. ANNÉE 1824. 65 que les heureux résultats obtenus chez les ma- lades, ne dépendent pas exclusivement de l’usage de lalkali. Peut-être l'auteur n’a-t-il pas établi une distinction assez tranchée entre les idées qu'on attache à l’expression des remèdes toniques, et mesuré la différence pratique qu'il y a entre ceux qui méritent réellement ce nom, comme le quinquina, et ceux qu’on doit désigner plus exactement par celui d’excitans, comme le sul- fate de quinine. On voit au premier coup-d’œil l'opposition qui doit bientôt s'offrir dans la ma- nière d'obtenir le même résultat, c’est-à-dire, de remonter les forces de la vie, suivant les circons- tances où l’un et l’autre moyen seront employés. L'effet subit et presque instantané de l’un, et l'action lente et insensible de Pautre , ne peuvent pas être envisagés sous le même point de vue pathologique. Quant à la manière d’administrer le sulfate de quinine, l’auteur entre dans de nombreux détails, fournis par sa propre expérience et par une ex- périence étrangère. Il établit avec sagesse les conditions les plus favorables à son emploi, et n'hésite pas à accuser l’impéritie du médecin , Où linopportunité des circonstances , de tous les ac- cidens qu’on a signalés à la suite de son admi- nistration. Aïnsi que l’auteur du Mémoire n.° r1., celui du Mémoire n.° 2 divise les propriétés du sulfate de quinine comme les vertus principales du quin- quina, et le considère sous le rapport de sa pro- TOME II. PART.I. 66 CLASSE DES SCIENCES. priété anti-périodiqué et de sa propriété tonique. Il a pris pour épigraphe cette phrase, tirée du livre de la Sagesse, Quoniam sine fictione didici , et sine inwidid communico. Après quelques généralités trop étendues peut- être sur l’origine de la découverte du sulfate de quinine, et le mode de son administration , l’au- teur entre en matière, et aborde franchement la question proposée. Îl examine l'emploi de ce nou- veau remède, agissant principalement comme tonique dans les fièvres continues, celles sur- tout qui sont marquées par une grande faiblesse, une prostration absolue des forces, et dans les- quelles Fœil le plus exercé ne peut découvrir aucune récrudescence périodique évidemment établie. Les fièvres adynamiques, la fièvre lente nerveuse, les convalescences trop longues qui leur succèdent, démontrent par les bons effets qu’elles en retirent, les avantages de lalkali du quin- quina, et les ressources utiles qu’il présente à la thérapeutique. L/auteur n’a pas oublié cependant de noter, avec beaucoup de soin, la différence essentielle que ces maladies offrent quelquefois dès leur début, et les dangers qui en seraient la conséquence, si le médecin confondait dans un examen trop superficiel et trop rapide, l’opprés- sion avec la véritable prostration des forces. Il fait sentir que, dans le premier cas, l’usage du sulfate de quinine doit être séverement interdit , et qu’on doit tout attendre alors du traitement antiphlogistique. Mais ces réflexions ne sont point HISTOIRE. ANNÉE 1824. 67 parüculières à la quinine; elles s'appliquent, avec la même vérité, à tous les médicamens dont l’ac- tion sur le système est d'en augmenter l'énergie, et d'imprimer un mouvement plus rapide au jeu de notre organisation. Ce n’est également qu'après que les premiers accidens phlegmasiques ont été combattus, lors- que, pour employer le langage de l'école, la période d’irritation est calmée, que l’auteur re- commande l’usage du fébrifuge français, dans le traitement des fièvres rémittentes. Alors ses vertus sont réellement étonnantes. Les symptômes les plus graves, les céphalaloies intenses, la langue rugueuse et fendillée, le délire, les borborygmes, la peau sèche et brûlante, etc., ne réclament point une médication spéciale, et se dissipent comme par enchantement sous l’influence de cette heureuse préparation. M. Double est le premier qui ait osé l’administrer dans ces exacerbations irréculières, qui sont pour ainsi dire l’essence des pyrexies rémittentes, où le quinquina en subs- tance moffrait qu’une ressource mal assurée ; et c’est en marchant sur les traces de ce praticien distingué, que l'auteur du Mémoire en a retiré les plus grands effets, quel que fût d’ailleurs le type sous lequel ces maladies se présentaient à son observation. Mais si lon peut élever quelques doutes sur les propriétés anti-périodiques du quinquina, et du sulfate de quinine , dans les maladies dont nous venons de parler; si du moins l’on pouvait penser Ge 68 CLASSE DES SCIENCES. que ces propriétés partagent, avec les vertus to- niques, le privilége d’enrayer la marche des accidens, et que c’est de leur réunion que dé- pendent les succès qu’on en obtient tous les jours, il n’en est pas de mème pour les fièvres intermit- tentes simples ou compliquées de phénomenes qui en rendent la présence plus dangereuse : ici la ligne de démarcation est bien tranchée. L’appa- rition des symptômes morbifiques est séparée par des intervalles lucides; le malade reprend alors l'usage de ses facultés, la puissance de ses moyens; et l'harmonie se rétablit dans toutes ses fonctions, jusqu’à ce que la fièvre ait repris son empire, et ramené avec elle le cortége de laltération géné- rale qui caractérise les accès. Nous ignorerons sans doute long-temps encore le secret de ces importans phénomènes. Leur cause a du moins jusqu’à ce jour échappé aux recherches des mé- decins, et malgré cette ignorance, il est peu de cas cependant où la certitude d’un remède soit mieux établie. Les siècles ont consacré à cet égard lutilité du quinquina; toutes les pratiques mé- dicales préconisent ses succès, et telle est en effet sa puissance, qu’elle lui a mérité le surnom de spécifique. Les notions les plus positives semblent se réunir aujourd'hui pour accorder au sulfate de quinine les mêmes avantages. Les observations se sont multipliées à tel point, que les esprits les plus difficiles sont forcés de lui rendre hommage, et ne peuvent méconnaitre ses salutaires eflets et les nombreux services qu'il est susceptible de HISTOIRE. ANNÉE 1824. 69 rendre, dans une foule de circonstances où le quinquina en poudre ne saurait être administré. L'auteur entre à cet égard dans beaucoup de dé- tails et d'observations qui servent à en développer la supériorité; et jetant en passant un coup d'œil sur la médecine physiologique, il fait sentir les vices essentiels de la doctrine du Val-de-Grâce, et le ridicule qui s'attache nécessairement à l’idée de lexistence d’une phlegmasie intermittente. Cependant si le praticien, guidé par.une longue expérience, peut choisir indifléremment, pour le traitement des fièvres intermittentes simples, le quinquina ou le sulfate de quinine, en est-il de même lorsque ces fièvres sont compliquées de quelque symptôme funeste, et prennent alors le nom d’intermittentes pernicieuses ? Des faits iso- lés, quelques observations éparses ou incomplètes, seront-elles à nos yeux une autorité suflisante pour résoudre cette question ? Et dans des cir- constances aussi graves, lorsque le danger des accidens compromet à ce point la vie du malade, qu’un second ou un troisième accès peuvent de- venir mortels, oserons-nous remplacer par le sulfate de quinine, que l’analogie seule recom- mande encore, l'usage du quinquina, qui a pour lui la sanction de lexpérience ? Cest ici qu’on peut faire de la pensée de M. Alibert une juste application : « Nous estimons qu'il faut plus de » temps, et sur-tout plus de calme, pour juger ce » procès scientifique, et qu'il est plus sage d’en » appeler aux expériences futures des médecins 4 70 , CLASSE DES SCIENCES. » impartiaux , qui sont les vrais et uniques juges » dans une matière de cette importance (1). » Après avoir ainsi parcouru le vaste champ des maladies fébriles, et justifié, par de nombreux essais, les effets salutaires que le sulfate de qui- nine produit dans leur traitement, l’auteur en examine l'emploi dans la curation de ces maladies qui, sans appartenir directement aux pyrexies, sans être accompagnées de cette réaction du sys- tème artériel qui les caractérise, ont cependant, comme elles, quelques momens de calme, et sont généralement placées au rang des affections pé- riodiques. Les phleomasies rhumatismales, quel- ques névroses , les douleurs néphrétiques , lhémi- cranie, etc., sont tour à tour traitées par la nouvellé préparation saline, et, dans toutes ces circonstances, les succès les plus prompts, les résultats les plus heureux ont suivi son emploi. Connaït-on au quinquina en substance, dit l’au- teur, une vertu qui puisse se comparer à celle-là ? Sans doute on ne s’en était point encore servi dans les douleurs néphrétiques. Il reste même à prouver si la prudence peut dans ce cas autoriser SE NP NO NE NEA TP MR à (1) Six années se sont écoulées depuis que ce rapport a été lu à PAcadémie ; pendant ce long intervalle, le sulfate de quinine n'a pas cessé de justifier les espérances qu’on avait conçues de son usage , et une expérience répétée est venue confirmer la prévision de ceux qui n’ont pas hésité à le re- commander et à l’employer contre les fièvres intermittentes permicieuses. L'auteur de ce rapport y a eu plusieurs fois recours avec le plus grand succès. HISTOIRE. ANNÉE 1824. 7I l'usage du sulfate. Mais dans les autres affections, le quinquina, comme anti-périodique, jouit depuis long-temps d’une grande renommée, et Fordice, en Anpoleterre, en préconise l'administration dans les intervalles des exacerbations rhumatismales. Enfin , l’auteur arrive au second point de la question , et analyse les cas où le sulfate de qui- nine mérite d'être préféré au quinquina. Les effets pernicieux de ce dernier lui paraissent provoqués par deux causes. La première, c’est la répugnance invincible qu'éprouvent les malades, et qui, sir- radiant dans tout le système, va plus particulié- rement frapper la surface déjà atteinte d’irritation; la seconde, c’est l’amalgame des substances hété- rogènes qui constituent l'écorce du Pérou, et dont les actions contraires éloignent toujours du but proposé. La supériorité qu’il accorde à sa nou- velle préparation lui paraît démontrée par l’expé- rience; elle a, selon lui, les propriétés du quin- quina sans en avoir les inconvéniens : comme tonique et comme anti-périodique , elle peut tou- Jours en remplacer l’usage. Cest à elle seule qu’il faut recourir toutes les fois que le quinquina a échoué, que l'estomac se soulève à son approche, que les intestins le rejettent avec rapidité; dans les enfans où les difficultés de son administration sont insurmontables, et lorsque état dirritation locale et générale pourrait en faire craindre les suites funestes. Pour tout dire en un mot, le sulfate de quinine est, d’après l’auteur, plus actif et plus sûr, plus facile à manier, d’une ingestion 2 CLASSE DES SCIENCES. - moins pénible que toute autre préparation du quinquina, et mérite par conséquent d’être pré- féré, dans toutes les circonstances , au quinquina lui-même. Quelques taches déparent sans doute cette com- position remarquable. On peut lui reprocher de ne pas avoir rempli les conditions de la première partie de la question proposée, en négligeant volontairement les expériences comparatives; des assertions hasardées dont le temps n’a point con- firmé Ja justesse, et un trop grand enthousiasme pour une substance nouvelle dont la pratique n’a pas encore constaté les succès dans toutes les cir- constances; mais on doit y reconnaitre la preuve d’un beau talent et d’une critique saine et rai- sonnée. L'auteur s'empare habilement de son sujet; il en mesure l'étendue, la circonscrit ou la déve- loppe au gré de ses besoins, et s'élevant quelque- fois à de hautes considérations médicales, 1l sait, sans se jeter dans des hors-d’œuvres inutiles, y râttacher une foule de faits en apparence étran- gers, et les faire entrer dans le cadre qu'il s’est tracé. Son style est constamment naturel, abon- dant sans prolixité, facile sans négligences , élé- gant sans recherche; cet ouvrage enfin annonce à la fois un médecin habile, un observateur judi- cieux et an bon écrivain. L'Académie lui a en conséquence accordé une médaille dor de la valeur de 300 francs. Cest M. Alphonse Ménard, docteur en médecine de la faculté de Montpellier, membre de la Société de HISTOIRE. ANNÉE 1824. 73 médecine pratique de Paris, des Sociétés royales de médecine de Bordeaux, de Toulouse, habitant à Lunel, département de l'Hérault. Une réflexion bien naturelle se présente cepen- dant après avoir achevé la lecture de ces ouvrages. Si l’on ajoute une entière confiance à leurs au-- teurs, les essais qu'ils ont faits ont toujours réussi, leuxs tentatives ont été constamment heureuses. Le sulfate de quinine n’a jamais manqué de rem- plir dans leurs mains le but qu'ils s'étaient pro- posé ; et même dans les cas où le quinquina avait été prodigué inutilement, ses premières applica - tions en ont bientôt démontré les avantages. Il en coûterait beaucoup trop d’accuser ici l’erreur ou la mauvaise foi. Les vertus de ce nouveau sel sont appuyées de tant de témoignages authentiques, ses propriétés reposent sur une masse si imposante de faits, qu'il faudrait fermer les yeux à Pévi- dence pour les contester aujourd’hui ; mais 1l n’est pas si facile de croire à son infaillibilité. Dans les sciences positives, dans les sciences expérimen-- tales, rien n'est plus dangereux qu’un aveugle enthousiasme ou une prévention irréfléchie : on voit mal à travers leur prisme. Avec des guides aussi infideles, on s'éloigne à chaque pas de la vérité, et 1l convient de la dire avant tout. Il faut exposer avec sincérité ce qu’on a vu sans exagé- ration , et raconter fidèlement et les succès et les revers, Car les uns et les autres ont de tous les temps fourni de précieuses et importantes lecons. # 4 CLASSE DES SCIENCES. I EE — ANNÉE 1825. er retient ANALYSE Des Travaux de la Classe des Sciences en 1825 ; Par M. VAUTHIER. Mssrurs, Géomérue. [L'histoire des sciences présente plusieurs épo- ro ques remarquables par les progrès qu’elles ont M. Vau- faits sous des hommes de génie; telles sont, pour : se n’en citer que deux, celle que Newton à illustrée ‘ par ses découvertes, et celle non moins fertile peut-être en travaux utiles, qui date d'environ un demi-siècle. Un fait digne de remarque, cest que chacune de ces deux époques'a été précédée ou accompagnée d’un grand développement dans les sciences exactes. On peut dire que Descartes pré- para la première ; il ouvrit la route à Newton, et celui-ci commenca cette ère nouvelle des sciences par l’invention du calcul différentiel. La grande impulsion donnée à l'étude des sciences mathé- matiques a été l’une des principales causés des progrès de toutes les autres à la seconde époque. Cette conséquence est naturelle : outre que la HISTOIRE. ANNÉE 1925. 75 plupart des sciences ont des rapports plus où moins marqués avec celles que l’on nomme exactes, celles-ci peuvent seules donner à lesprit cette méthode si nécessaire à la découverte de la vérité. Vainement leur a-t-on reproché d'être plutôt spé- culatives qu’utiles; considérées comme logique, elles sont encore indispensables, et sous ce point de vue chacune de leurs parties mérite une atten- tion particulière. De toutes les branches des ma- thématiques pures, aucune n’a été plus constam- ment lPobjet des recherches des savans que les courbes du 2.° degré. Des le temps de Platon, on voit ces courbes sous le nom de sections coniques, occuper les géomètres, qui, étant privés du se- cours de lalsèbre , étaient obligés de les consi- dérer dans le cône même où elles prenaient nais- sance , et n’ont pu parvenir qu'avec beaucoup d'efforts à en découvrir quelques propriétés. Descartes, en appliquant lalgebre à la géomé- trie, a donné le moyen de discuter ces courbes par leur équation , méthode aussi simple que féconde. Voici en quels termes M. de La Place parle de cette découverte, lune des plus belles de lesprit humain : « Le rapprochement de la géométrie et de l'algèbre, dit ce savant illustre, répand un nouveau jour sur ces deux sciences : les opérations intellectuelles de analyse, rendues sensibles par les images de la géométrie, sont plus faciles à saisir, plus intéressantes à suivre. Cette correspondance fait lun des plus grands charmes attachés aux spéculations mathématiques ; et 76 CLASSE DES SCIENCES. quand Pobservation réalise ces images et trans- forme les résultats mathématiques en lois de la nature, quand ces lois en embrassant l’univers, dévoilent ses états passés et à venir, alors la vue de ce sublime spectacle nous fait éprouver le plus noble des plaisirs réservés à la nature humaine. » Depuis Descartes, les travaux de Pascal, du marquis de l'Hôpital et des géomètres de l’époque actuelle , ont porté cette partie des mathématiques à un haut degré de perfection ; néanmoins quel- ques théories sont encore susceptibles d’être géné- ralisées et d'offrir des vues nouvelles. C’est sur ‘cette branche des mathématiques, dont je viens de parcourir si rapidement histoire, que roule le premier Mémoire dont j'ai à vous entretenir, dans le résumé des travaux de la section des Sciences que vous m'avez chargé de mettre sous vos yeux; il a pour objet la recherche des foyers des courbes du 2.° degré, rapportées à des axes obliques. Les foyers sont des points qui, dans plusieurs courbes, jouissent d’un grand nombre de pro- priétés non moins utiles que curieuses; jusqu'ici lon n'avait déterminé ces points que dans le cas seulement où les axes étaient rectangulaires, parce qu’alors les résultats sont plus simples et d'une discussion plus facile. Si lon a parfois considéré Pangle des axes comme indéterminé , lon partait d'une équation particulière qui conduisait à la conséquence que l'angle devait être droit pour qu'il y eût foyers. Pour donner à cette théorie HISTOIRE. ANNÉE 1825. 17 tous les développemens dont elle était susceptible, l’auteur du Mémoire a pris l'équation des courbes du 2.° degré dans toute sa généralité; il a supposé Pangle des axes quelconque, et a procédé à la re- cherche des foyers en partant de leur principale propriété, qui est celle-ci : que leur distance à un point de la courbe est une fonction rationelle finie de l’une des coordonnées de ce point. Je ne le suivrai pas dans tous les calculs longs et com- pliqués où l’a conduit la question qu’il traitait ; il me suflira de dire que les résultats obtenus lui ont donné le cosinus de l’angle que doivent faire les axes pour qu'il y ait foyers: ces points sont tou- jours au nombre de deux ; il détermine les rela- tions qui doivent exister entre les coefliciens de Péquation de la courbe pour que les coordonnées de ces points soient réelles. Après avoir parcouru les trois classes de courbes données par l'équation générale , il modifie ces résultats pour les appli- quer successivement aux différentes variétés de ces courbes, ce qui complète le travail qu’il avait entrepris. Note. Voici les résultats donnés par le calcul pour les trois courbes dont l'équation esta y?+bxy+cx"+d Y + ex+f—=o (1). Les coordonnées des foyers, désignées par +, y', sont : Hhitbdé-sae Gac—%a?) ((bd—aue)—(d—4af(o—4ac)) LA TES SR A NÉ RU VONT TE b—hac— b2—k4 a? { (b2—4ac)? y —_be—scd db (4ac—ka?) ((bd—2ae)?—(d—#4af)(b?—4ac) Ÿ. b?—kac 24 | b—hatÀ (b?—/4ac)? j PHxsIQUE. Observations barométri- ques. M. Marqué- Vicror. 10 fév. 1825, 78 CLASSE DES SCIENCES. | Les foyers sont sur le diamètre de la courbe , car l'on a bo d 1 RES k. » 2 trouvé y = — Menu Le cosinus de l'angle que doivent : ; éd b fare les axes entr'eux pour qu'il y ait foyers est —. *. 2 a Pour la parabole , les valeurs de x’ deviennent ,_(—éaf) , (d—4af) 7 2(bd—2ae) ie o Dans tout ce qu précède » l'on suppose que l'équation (1) a été résolue par rapport à yE si on l'avait résolue par rap- port à æ , il faudrait dans les résultats ci-dessus changer a en cetcena. Dans un prochain Memoire, l’auteur fera des applications de cette théorie, qui prouveront combien est simple la cons- truction des courbes par ce système particulier d’axe. Le baromètre, inventé par Torricelli, ne fut d'abord employé qu’à constater des variations dans lélasticité de Pair; on pensa bientôt qu’on pouvait par son abaïssement successif mesurer les hau- teurs; mais on négliseait plusieurs circonstances qui depuis ont été appréciées, et qui étaient au- tant de causes d'erreur dans les évaluations. Le baromètre a occupé presque tous les physiciens modernes qui lont successivement perfection- né, et, tel qu'il est maintenant, il donne les moindres hauteurs comme les plus considérables avec un degré d’exactitude qui ne laisse rien à désirer. On sait que nos cartes de géographie donnent deux coordonnées pour fixer la position de chaque lieu , la latitude et la longitude, mais elles ne ren- a HISTOIRE. ANNÉE 1825. 79 ferment pas la hauteur du lieu au-dessus du ni- veau de la mer; les méthodes de nivellement seraient longues et laborieuses pour obtenir cette troisième coordonnée, les opérations trigonomé- triques seraient impraticables dans plusieurs loca- lités, et sujettes à des erreurs d'autant plus grandes que les angles seraient plus petits, tandis que le baromètre la donne presque exactement et avec la plus grande facilité : 1l y a des essences d'arbres et des espèces de plantes qui ne peuvent croître qu’à de certaines hauteurs au-dessus du niveau de la mer; on a cru reconnaître aussi que quelques maladies épidémiques n’exerçaient jamais leurs ravages aux lieux situés au-dessus d’une certaine hauteur; on voit, d’après ces faits, que la déter- mination de cette troisième coordonnée pour les principaux points du globe intéresserait également la physique, l'histoire naturelle et la médecine. Ce que je viens de dire ne renferme pas les seuls services que peut rendre le baromètre ; cet instru- ment, par ses variations diurnes, paraît constater une marée atmosphérique qui se manifeste deux fois par jour, se montre plus particulièrement aux équinoxes, dont les causes sont encore ignorées, et qui, comme la gravité, n’est connue que par ses effets : de tous les physiciens qui ont observé le baromètre, le savant estimable, dont la mort pré- maturée vient de porter le deuil dans le sein de cette Compagnie , est peut-être celui qui a pré- senté le travail le plus complet. Notre confrère était parvenu, après un très-grand nombre d’ob- 80 CLASSE DES SCIENCES. servations comparées, faites dans l’espace de huit années , à constater que la moyenne hauteur ba- rométrique de année, abstraction faite des mou- vemens extraordinaires, est assez exactement re- présentée par l'expression de la hauteur de midi; que quoique les mouvemens du baromètre soient exposés à quelques perturbations sous le vent du S. E. ou dans les temps d’orages, on échappe à ces influences en tirant la moyenne dun grand nom- bre d’observations; que lascension ordinaire du matin semble dépendre de l'heure du lever du soleil, car elle commence plutôt en été qu’en hiver; que le mouvement ascensionnel du soir excède rarement celui du matin; enfin, que la hauteur moyenne ne varie pas sensiblement d’une année à l’autre. Les personnes qui observent le baromètre sa- vent que le 2 février 1823 il éprouva un abais- sement extraordinaire : M. Marqué-Victor pensait que loscillation atmosphérique qui y a donné lieu doit avoir été assez étendue, à en juger par les observations analogues recueillies à des dis- tances assez considérables. Le baromètre a marqué ce jour-là : AADieppe ne dE 0, 7147 ANA til. .ehisc0h 106086 AToulouse 70.548, 4% MO AT ARR En 0 7 OMB00). HISTOIRE. ANNÉE 18925. St M. n’Ausursson vous a présenté un Mémoire sur les machines soufllantes à piston, où sont consignées des observations d’un intérêt d'autant plus grand, que l’industrie française fait dans ce moment de généreux efforts pour enlever à l’Alle- magne une branche de commerce, celle des faulx, dont elle a eu jusqu'ici le monopole : Pauteur de ce Mémoire fait observer, qu'il n’y a qu'environ soixante ans que les machines à piston furentsubs- tituées aux soufllets en bois dans les forges de l'Angleterre, qu’elles y furent bientôt générale- ment adoptées, et que dans peu elles y atteigni- rent la perfection. Ce sont actuellement des cy- lindresen fonte de fer, dans l’intérieur desquels se meut un piston garni de cuirs, et qui souffle tant en montant qu’en descendant. On voulut suivre cet exemple en Allemagne ; mais comme lon n’y avait point encore de ces grandes fonderies où l’on püût couler des cylindres de fonte, on leur substitua des caisses prismati- ques en bois, et les pistons furent garnis, comme les anciens soufllets, de liteaux mobiles, qui, étant poussés par des ressorts contre les parois intérieures de la caisse, fermaient le passage à l’air aspiré, et le forçaient à suivre les conduits qui le me- naient aux tuyaux des fourneaux et des forges. M. dAubuisson ajoute, que les premiers soufllets de ce genre construits en France,le furent en 1706, aux forges de Guérigni; de là ils se répandirent dans les usines voisines : mais il n’en existait point encore dans nos provinces méridionales, lorsqu’en TOME 11, PART, I. 6 MÉGANIQUE: Machines soufflantes à piston. M. D'Auguis= SON. 24 fév. 1825. 82 CLASSE DES SCIENCES. 1808 M. Lareillet, maître de forges dans le dé- partement des Landes, entreprit un grand éta- blissement dans sa propriété d’Ichoux. L'eau man- quait, il y en amena à grands frais, et sachant que les machines à piston dépensaient moins d’eau que les gros soufflets en bois usités dans la con- trée, il en fit construire une : le succès répondit à l'attente; les propriétaires des forges du voisi- nage adoptèrent les nouvelles constructions. Au- jourd’hui, entre la Dordogne et les Pyrénées, on ne voit plus d'anciens soufflets; partout on leur a substitué les pistons. Non-seulement les machines à piston dépensent moins d’eau, à effet égal, que les anciens soufllets, mais elles ont encore le très-grand avantage de pouvoir servir à plusieurs feux à la fois : c’est ainsi que chacune des deux machines soufflantes de l’aciérie de Toulouse fournit du vent à 13 feux, et que dans lusine que les propriétaires de cette aciérie vont établir sur le Tarn, une seule ma- chine servira à 36 feux; autrefois, il eût fallu 36 gros souflets, dont l'entretien eût exigé des frais très-considérables et deux ou trois artistes uniquement occupés à cet objet. De plus, la posi- tion du feu est devenue entièrement indépendante de celle de la soufflerie, et cet avantage est im- mense : on peut établir le foyer sur une hauteur, et laisser la machine soufflante dans un bas-fond ; à Ichoux, la forge est à plus de 400 pieds de la machine ; en Angleterre, cette distance va, dit- on, jusqu’à un quart de lieue. HISTOIRE. ANNÉE 1825. 63 M. d'Aubuisson , dans le désir de faire connaître les machines à piston, dont on vient de voir les nombreux avantages sur les anciens soufllets, d’en voir usage se répandre et d’être utile aux maîtres de forges, a fait avec beaucoup de soin une suite d'observations sur vingt de cesnouvelles machines; il indique les perfectionnemens dont elles sont susceptibles, le mode de calcul qui leur a été appliqué, et termine cet excellent travail par l’exposition de quelques règles de pratique d’une simplicité remarquable, et de la plus grande utilité pour les personnes qui possèdent ou qui veulent établir des usines à fer. Dans un tableau qui accompagne son Mémoire, M. dAubuisson donne pour chaque machine, 1. la force motrice; 2.° la quantité d'air aspiré par les pistons, et cette quantité est exprimée en mètres cubes, par seconde; 3.0 la quantité d’air sortie par les buses, exprimée de la même manière; 4.° l'effort de la machine pour condenser Pair as- piré, le forcer à passer par les porte-vents et les diverses ouvertures qui lui fournissent une issue ; 5.0 l’ellet utile, c’est-à-dire, la quantité d’air réellement sortie par les buses, En jetant les yeux sur ce tableau , l’on voit que nos machines, même celles qui semblent les meilleures, sont loin de souffler par les buses tout l'ait aspiré; la perte est des 2/; dans quelques machines, et de près de 1/3 ou de /; dans les meilleures. L'auteur détermine ensuite quelle est la quan- fité de vent et la vitesse nécessaire aux divers feux n 0. Chimie. Eaux minéra- les. M. Dispax. 8 et 15 juillet 1824. 84 CLASSE DES SCIENCES. en usage dans nos usines ; il trouve que'la vitesse doit être en rapport avec la matière du combus- tible : pour les charbons tendres, une vitesse de 80 à 85" par seconde est suffisante; pour les charbons durs, il en faut une de 90". La quantité d'air employée dans nos fourneaux est environ 4 mètres cubes par minute. Dans les premiers mois de 1824, vous füûtes informés qu’on avait découvert une source d’eau ferrugineuse dans les propriétés du sieur Talexis : il entrait dans vos attributions et dans vos devoirs de prendre l'initiative dans l’examen de ces eaux ; en conséquence, une commission nommée dans le sein de l’Académie fut chargée d’en faire l’ana- lyse. Au mois de juillet de la même année, le résultat de ce travail vous fut présenté par M. Dispax , organe de la commission. Il résulte de ce rapport que la source de Bourrassol, située à 2,15 au-dessus du niveau de la Garonne, et à 3", 68 au-dessous de la superficie du terrain ; donne environ 9 litres d’eau par minute ; elle est claire à la sortie et n’a point de température par- ticulière ; elle a une odeur ‘qui rappelle celle de l'hydrogène sulfuré, ou plutôt celle du gaz hydro- gène de quelque dissolution métallique mêlée à une odeur de vase; la saveur carrespond à cette indi- cation : on y trouve quelque chose de ferrugineux et de limoneux en même temps. La pesanteur de cette eau diffère très-peu de celle de l’eau dis- tillée; elle a été trouvée égale à 1004, l’eau distillée étant 1000. HISTOIRE. ANNÉE 1825. 8) Eprouvée par les réactifs, elle a donné, par la noix de galle et l'acide prussique, des signes non équivoques de la présence du fer à l’état de car- bonate ; elle précipite abondamment par l’eau de chaux, précipite encore les dissolutions d’argent et de plomb sans les noircir; elle trouble l’oxalate d’ammoniaque, et n'éprouve presque rien des sels de baryte : ces effets annoncent une eau ferru- gineuse et alcaline, presque sans sulfate, tenant des carbonates à base dalcali ou de chaux, et des hydrochlorates à base alcaline ; elle ne contient en outre nul vestige d'hydrogène sulfuré ni sen- siblement d'acide carbonique libre. Six litres de cette eau ayant été soumis à laction du feu dans un ballon , il est résulté que le volume total du gaz quelconque dégagé équivaut à un volume d’eau du poids de 575 grammes : ces gaz, mis en contact ayec de l’eau de chaux, se sont réduits au volume de 80 grammes d’eau, et le gaz restant s’est enflammé, et a brûlé en bleu par approche d’une bougie, avec une flamme très-légère ana- logue à celle du gaz hydrogène carburé des marais, dont l’eau présente en eflet l'odeur. Ce gaz ayant brülé sans aucun bruit, prouve qu’il n’était nulle- ment mêlé à de l'air atmosphérique, et que par conséquent l’eau ne contient pas de ce dermier, mais seulement du gaz hydrogène carburé et du gaz acide carbonique ; ces gaz font ensemble la dixième partie du volume de l’eau, et sont entre eux dans le rapport de 1 à 6. Cette eau a été soumise à la distillation, et de la teinture de 86 CLASSE DES SCIENCES. tournesol rougie par un acide ayant été placée à la rencontre des vapeurs, a repassé au bleu; le rouge ayant été rétabli par une nouvelle effusion d'acide, le bleu s’est de nouveau remontré, preuve que la vapeur contenait de lammoniaque, qui ne peut y exister à l’état caustique à cause de l'acide carbonique que contient l’eau; ainsi c’est du sous- carbonate d’'ammoniaque. On a fait évaporer dix litres de cette eau dans un bassin d'argent ; quand le liquide a été réduit à huit ou dix onces, on l’a transporté dans une capsule de platine où l’évaporation a été terminée. : On a recueilli à part le dépôt formé pendant la première partie de l’évaporation, il a pesé 325, 75, à quoi il faut ajouter qu'une portion de la matière était restée adhérente aux parois de la bassine ; on est parvenu à la détacher par le moyen de l'acide acétique, et ayant été précipitée par loxalate d’'am- moniaque,, elle a donné 36 centigram.® d’oxalate de chaux. M. le Rapporteur donne ensuite le ta- bleau général des substances contenues dans l’eau du sieur Talexis. Ce sont, pour 10 litres ou 100/0 grammes, Savoir : Substances volatiles. 1.0 Acide carbonique et hydrogène carburé , faisant ensemble le 10." du volume de Peau, et étant entreux dans le rapport de 6 à r. 2.° Le sous-carbonate d'ammoniaque réellement existant, mais en si petite quantité, qu’il n’a pas été possible de la déterminer. | HISTOIRE. ANNÉE 192. 37 Substances fixes. 1° Sous-carbonate de fer. .... oO, 35 2.9 Hydrochlorate de potasse.. ©, 30 3. Muriate de soudé. ....... ©, 47 4.° Sous-carbonate de soude... 0 , 30 5° Sous-carbonate de chaux... 2 , 15 6.° Sous-carbonate de magnésie. 0 , Dr 7. Sulfate de chaux... . ... 1320 2100 D S2ble oLosieL. 0... 0 , 04 9° Matière noire de nature ani- male dont le poids n’a pu être dé- me à terminé. otal.. -., "148 19 La matière mise en expérience MER HEL US DAS NP TE RE AMV Da Hé aaneipertende. 1.10" 61, 109 Il faut observer qu'il a été trouvé dans cette eau quelques parcelles de fer à létat métallique, ou du moins assez peu oxigéné pour être attirable au barreau aimanté. Dans un siècle où la médecine a , comme toutes les sciences, fait des progrès qu’on ne saurait révoquer en doute, il semble que lesprit de système aurait dû disparaître pour ne laisser suivre que les leçons de l’expérience : malheureu- sement il se trouve encore des hommes recom- mandables d’ailleurs qui, sous de vains prétextes, ont banni de leur pratique la saignée générale, et la réduisent à de simples évacuations sanguines locales par l'application des sangsues. Cest contre MÉDECINE, De la saignée dans les phlegmasies pulmonaires M. Ducassx. 3 mars 1823. 88 CLASSE DES SCIENCES. ces théories funestes et les dangers de ces doctrines exclusives que s'élève avec force M. Ducasse, dans un Mémoire sur la saignée dans le traitement des phleomasies pulmonaires. La structure des poumons, le tissu cellulaire , lâche et lobuleux dont ils sont composés, les vaisseaux nombreux qui les parcourent, la quan- tité de sang qui en arrose la substance, les usages enfin auxquels la nature les a destinés, tout se réunit pour y rendre les congestions à la fois fré- quentes, nombreuses et rapides; et si l'art ne vient promptement à leur secours, si, gorgés de liquides et de sang, ces viscères se prêtent diff- cilement aux mouvemens de dilatation et de resserrement qu'ils subissent pour entretenir la vie, celle-ci s’use, s’affaiblit, et est à chaque ins- tant sur le point de s'éteindre. De ces considéra- tions générales, l’auteur passe à l’exposé des ellets de la saignée générale sur les deux fonctions principales de l’économie, et les compare à ceux produits par l'application des sangsues. La dimi- nution de la masse du sang, le ralentissement du pouls, la souplesse des contractions du cœur et des gros vaisseaux qui en partent, sont les pre- miers phénomènes qui succèdent à l'emploi de la saignée; ces phénomènes se dessinent bientôt sur les organes pulmonaires, les inspirations devien- nent plus rares et plus profondes à mesure que le pouls perd de sa force, bientôt l'estomac s’af- faiblit, des vomissemens se déclarent, et quel- quefois une syncope profonde se manifeste, tandis Pt TU TS CR MO 7 HISTOIRE. ANNÉE 1029. 89 que quelque multipliées que puissent être les applications des sangsues, elles n'auront jamais de résultats analogues. Il ne s’agit pas seulement d'évacuer du sang, il faut encore que la faiblesse qui accompagne cette évacuation soit commune à tout le système. On remarque en effet que malgré le sang sorti par les piqüres, à peine le pouls di- minue de force et de fréquence, la respiration n’en est que faiblement améliorée, et si dans quelques circonstances fort rares on observe des effets immédiats comparables à ceux de la saignée, tels que vomissement et syncope, on doit moins les rapporter à la perte du sang qu’à l’horreur qu’inspirent souvent aux personnes timides Ja vue et le contact de ces animaux dégoûtans. A Pappui de ces vues théoriques, notre confrère invoque le secours de Pexpérience, et après avoir cité trois circonstances où la saignée a été suivie d’un plein succès, 1l conclut qu’en général, dans la phleo- masie pulmonaire, l’évacuation du sang est le moyen le plus efficace; que ces évacuations pour être avantageuses doivent être abondantes et ré- pétées; que la saignée des veines est principale- ment celle que lon doit sattacher à produire ; qu’enfin les sangsues ne peuvent jamais la rem- placer, et ne doivent être admises dans le traite- ment que comme moyen secondaire. L'histoire naturelle, plus qu'aucune autre RÉ science , offre plusieurs phénomènes sur lesquels pen, on n'a point encore d'explication satisfaisante ; par le hêtre. celui que vous a signalé M. Drarer, l'envahisse- V: Ho: 22juill. 1824. 90 __ GLASSE DES SCIENCES. ment des sapinières par le hêtre, était récemment encore au nombre de ces faits dont on ne soupçon- nait même pas la cause. La terre se fatigue, dit M. Dralet, si elle produit long-temps des végétaux de même espèce : tel est le principe fondamental de l’art des assolemens : cet art est une imitation de l’œuvre de la nature dans ses grandes produc- tions. Les chènes majestueux qui peuplent nos belles forêts dans les contrées boréales, ont pris la place qu’occupait autrefois le hêtre, le charme, le mérisier, et ceux-ci attendent la chute de lan- tique futaie pour revendiquer des droits qu'un siècle n’a pu abolir. L'auteur observe qu'il a vu, dans les Pyrénées et près de la Montagne-Noire, des bourgs et des villages dont les anciens bäti- mens sont entièrement construits de bois de sapin, quoiqu'il n’existe que des forêts de hètres dans les environs : cependant il est évident que ces sapins furent autrefois coupés près des lieux où ils sont employés, car ils n’ont pu y être transportés, tant la situation de ces lieux est escarpée et éloignée des sapinières existantes; d’un autre côté, on con- naît des forêts uniquement peuplées de hètres, où, selon la tradition, le sapin était autrefois très- abondant, et l’on n’en peut douter, lorsqu’en extirpant de vieux troncs de hêtres on trouve des vestiges d'anciennes charbonnières de sapin. En- fin , si lon consulte les procès-verbaux de la ré- formation faite sous le règne de Louis XIV, on acquiert à chaque pas la preuve des changemens d’essences qui se sont opérés dans les forêts des HISTOIRE. ANNÉE 1829. (eh plaines et des montagnes. Pour expliquer ces chan- gemens, trois hypothèses se présentaient : c'était de donner pour cause de ces nouvelles essences, les semences que transportent les vents ou qui échappent du bec des oiseaux ; ou de leur assigner pour principe des faînes long-temps conservées dans la terre; ou, enfin, de les attribuer à d’an- ciennes racines. M. Dralet discute successivement chacune de ces trois causes : la première explica- tion lui semble juste pour les sapins qui paraissent pour la première fois dans une forêt, parce que la structure de leur semence offre beaucoup de prise à l'action des vents ; mais il la rejette quant À la faine , qui est le fruit du hêtre; son volume et son poids empêchent de faire de longs voyages dans les airs, et elle n’est recherchée que par un petit nombre d'oiseaux, qui, en automne, séjournent à peine pendant un mois dans les montagnes. D'ailleurs les progrès que fait le hêtre dans cer- taines sapinières éloignées et séparées des forêts de hêtre par de hautes montagnes, sont trop rapides pour qu’on puisse les attribuer aux semences ap- portées par les vents ou par les oiseaux. Passant à la seconde cause , l’auteur fait remarquer que la graine huileuse du hêtre, recouverte d’une enve- loppe coriace , est susceptible de se conserver pen- dant de longues années dans la terre , et cette idée paraît d'autant plus admissible que l’on sait que certaines graines potagères restent enfouies pen- dant 20 ans sans perdre leur germe, et que la folle avoine conserve pendant plus d’un siècle la même 92 CLASSE DES SCIENCES. propriété ; ce n’est point cependant à cette cause, toute probable qu’elle parait d’abord, qu’on peut attribuer apparition des hètres ; en voici la raison : pour que les graines potagères et que la folle avoine conservent leur germe , il faut qu’elles aient été recouvertes par la bèche ou par la char- rue, tandis que si les faînes tombées des arbres n’ont point germé au printemps, elles pourrissent sur la surface du terrain, ou sont mangées par les animaux. Ainsi, M. Dralet pense que ces nou- velles essences sont dues à d'anciennes racines de hêtres, qui sont-en quelque sorte indestructibles tout le temps qu’elles ne sont point en contâct avec l'air. Cette explication , il faut l'avouer, malgré l'autorité de Pacadémicien qui la donnait, aurait été sujette à beaucoup d’objections; mais l'expérience a confirmé ses conjectures de la ma- nière la plus convaincante. En visitant les forêts du pays de Sault, M. Dralet a fait extirper dans les sapinières un nt nombre de jeunes hètres qui s’y étaient récemment établis; aucun n’avait pris naissance d’une faîne, tandis que toutes ses recherches ont prouvé jusqu’à l'évidence que cha- que nouveau hêtre était sorti d’une vieille racine devenue la nourrice de radicules, qui se multi- plient et s'étendent à mesure que les nouvelles tiges prennent de l'accroissement. Ces racines sont seolées: d’une grandeur de cinq à six pieds; leur dote est de environ un pouce et demi au gros bout, dont le prolongement est en pourriture. Si le tronc, comme l’on ne peut en douter, avait HISTOIRE. ANNÉE 1925. 93 depuis long-temps subi le même sort, c’est par siècles qu’il faut calculer l’époque à laquelle il fut séparé de la tige. Les habitans de Levia, en Espagne, pourvoient à une partie de leur chauffage au moyen de ces racines dont ils font la recherche avec une sonde, et qu’ils extirpent avec beaucoup de peine, parce qu’elles ont conservé leur fraîcheur et leur orga- nisation. Tels sont les faits, dit, en terminant, Pauteur de cet intéressant Mémoire; ils offrent un vaste champ à la géologie, sur-tout si l’obser- vation vient à en découvrir de semblables dans d’aütres montagnes. PRIX DE L'ANNÉE. La question proposée pour sujet de prix à dis- tribuer en 1825, était relative à la littérature ; elle concerne particulièrement la Classe des Ins- criptions et Belles-lettres : c’est en conséquence dans la seconde partie de ce volume qu'il en sera traité. 94 CLASSE DES SCIENCES. ANNÉE 1826. ANALYSE Des Travaux de là Classe des Sciences pendant l’année 1826, lue dans la séance publique du 11 Janvier 1927 ; Par M. GANTIER. Messieurs, Chargé par la Classe des Sciences de vous rendre compte de ses travaux pendant lPannée 1826, je viens aujourd’hui remplir cette hono- rable mission, et vous faire connaître, autant que les bornes dune analyse succincte peuvent le per- mettre, les divers ouvrages qui ont occupé l’Aca- démie due ses séances particulières. J’ai cru ne pouvoir mieux arriver à ce but, et répondre en même temps à la confiance de PA démie, qu’en citant quelquefois les propres ex- pressions des Mémoires dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir. Par ce moyen, j'espère cap- tiver davantage votre attention, et vous faire partager le vif intérêt que nous avons nous-même éprouvé à leur lecture. De toutes parts les sciences marchent vers la perfection, et leurs progrès sont d'autant plus HISTOIRE. ANNÉE 1826. 99 rapides, que les observations et les expériences accompagnent les théories. Il nest maintenant aucun sujet, quelque indifférent qu'il puisse pa- raître au premier coup d'œil, qui ne fixe l’atten- tion des savans, et dont ils ne fassent d’heureuses applications. L'étude des sciences réunie à celle des arts, soit libéraux soit industriels, ne peut que con- tribuer à étendre leurs limites par les secours mutuels qu’elles se prêtent, et nous en voyons déjà les heureux résultats dans le haut degré délévation où sont parvenues toutes nos con- naissances. Que ne devons-nous pas encore attendre d’un Magistrat qui signale les premiers pas de son ad- ministration en excitant l’émulation des artistes de tous les genres par l'exposition de leurs tra- vaux ? Ainsi cette ville, distinguée dès lon g-temps par son amour pour les sciences, réunira bientôt dans son sein toutes les institutions qui peuvent contribuer au bien-être de ses habitans, en don- nant une plus grande valeur aux objets de leur industrie. Depuis une trentaine d'années, les sciences mathématiques sont cultivées presque dans toutes les classes de la société ; elles sont indispensables à toutes les professions, et celles mêmes qui sem- bleraient le plus devoir s’en passer, en retirent encore de très-grands avantages par les heureuses apphcations qu’elles en reçoivent. Nos artistes, devenus plus sensibles à l'exactitude géométrique, GÉOMÉETRIE. Nombre des diagonales de polygones et polyèdres. M. Vau- THIER. 96 CLASSE DES SCIENCES: commencent à l’introduire dans tous leurs tra- vaux, et donnent à leurs procédés une perfection qu’ils n'auraient point obtenue sans l'étude de la géométrie. Il est donc important que ceux qui s’occupent spécialement de cette science cherchent a en multiplier les théorèmes; car souvent des vérités qui dans leur origine ne semblaient pré- senter que des abstractions stériles, peuvent par la suite recevoir des applications utiles. C’est en suivant ces principes que M. Vauthier a dirigé ses recherches, et il nous a présenté deux formules algébriques dont les applications appartiennent à la géométrie. Au moyen de la première, 77 trouve le nombre de diagonales qu'on peut mener dans un polygone dont le nombre des côtés est connu. Par la seconde, z/ trouve le nombre de diagonales qu'on peut mener dans un polyèdre convexe , quand on connait le nombre d’angles solides, Le nombre d’angles plans qui forment chacun des angles solides, et le nombre de cotés de chaque face. ( Nous ne présentons point ici les démons- trations de ces formules, parce qu’elles seraient difficilement saisies dans une simple lecture.) Pour établir la première formule, M. Vauthier désigne par À, B, C, etc., les différens sommets d’un polygone convexe qui a » côtés; il est évi- dent que si l’on joint le point À aux autres som- mets, excepté aux deux sommets qui Pavoisinent, HISTOIRE. ANNÉE 1826. 97 On aura Z—3 diagonales; il en sera de même du point B, qui donnera aussi 2— 3 diagonales; mais le point C en donnera une de moins, c’est-à-dire n— 4, parce qu’elle a déjà été tirée du point À ; il en sera de même du point D, qui en donnera deux de moins, et ainsi de suite pour tous les autres sommets; d’où lon voit, qu’à partir du point B, les diagonales qui dennent les différens som- mets font une progression arithmétique décrois- sante dont la raison est 1, et cette progression renferme 7— 3 termes, parce que le point À n’y est point compris, et que les deux derniers som- mets étant déjà joints à tous les autres, ne four- nissent aucune nouvelle diagonale. En sommant tes termes de cette progression, on obtient la 2 formule LS et l’'appliquant à différens poly- gones, on trouve que le triangle ne peut avoir de diagonale, que le quadrilatère en a 2, le penta- gone 5, l’hexagone 9, le décagone 35, et le polygone de 20 côtés 170. Quant à la seconde formule, M. Vauthier n’a pu lobtenir en suivant la même marche que celle qui l’a conduit à trouver la première, à cause de la difficulté d'avoir sous les yeux un polyèdre composé d’un grand nombre de faces, et de con- cevoir sans confusion toutes les diagonales qu’on pourrait y mener. Il a trouvé plus simple de chercher combien on pourrait mener de diagonales dun angle solide à tous les autres, de multiplier le résultat par le nombre des angles solides du TOME II. PART, I. 7| Problème. M. Romiru. MÉCANIQUE, Expériences gazo- métriques, M, p’Auguis- son. 98 CLASSE DES SCIÈNCES. polyèdre, et de diviser ce produit par 2, parce qu’à chaque sommet il y a deux diagonales qui se confondent. Ainsi, en désignant par # le nombre des angles solides d’un polyèdre, par #' le nombre des angles plans réunis à chaque sommet, et par n' le nombre des côtés de chaque face, l’auteur ! {1 / (n-nn + 2n-1 a obtenu la formule Gaine nl sa a En appliquant cette formule à quelques cas particuliers, on trouve pour la pyramide trian- gulaire qu'il n’y a point de diagonale, pour le parallélipipède on en trouve 4, pour Poctaëèdre régulier 3, le dodécaèdre régulier 100, et lico- saèdre 36. M. Rowreu entretient l’Académie du problème suivant : Etant donné quatre points qui dessinent un quadrilatère quelconque, déterminer , à laide de la seule règle, une droite qui renferme le point d’intersection des deux diagonales que des obstacles entre leurs extrémités auraient empèché de tracer. Déterminer encore à quelle distance d'un point pris sur cette dernière, doit avoir lieu le point d’intersection. Parmi les applications de l'analyse aux ques- tions de physique, il en est peu d'aussi impor- tantes que celles qui ont rapport au mouvement des fluides. « L'on sait qu’un liquide qui sort par un ori- » fice pratiqué dans les parois d’un vase, se res- » serre, se contracte, ce qui réduit la grandeur » de lorifice et diminue ainsi sa dépense, c’est-à- HISTOIRE. ANNÉE 1826, 99 » dire, la quantité d’eau qui s'écoule dans un » temps déterminé. Mais aucun des principaux » auteurs qui ont parlé du mouvement des fluides, » na cherché à vérifier s’il en était de même pour » les fluides élastiques; par exemple, pour Pair » qui sort de la buse d’une machine soufilante, ils » ne font nullement mention d’une telle contrac- » tion ou diminution, cependant la connaissance » de ce fait est d’un très-crand intérêt sous le » rapport de la science comme sous celui de Part : » sans elle le maître de forge ne saurait déter- » miner la quantité d'air qui entre réellement dans » ses fourneaux , bien qu'il connaisse et la gran- » deur des orifices et la pression où force élastique » qui produit l’écoulement.» C’est ainsi que s’ex- prime M. d’Aubuisson, secrétaire perpétuel de VAcadémie, dans un Mémoire ayant pour titre : Expériences gazométriques à l'effet de déterminer la quantité d'air qui sort réellement par un ori- Jice de forme et de grandeur connues , la pression en vertu de laquelle l'écoulement à lieu étant aussi donnée (1). M. d'Aubuisson, pénétré de toute l’importance d’une question dont la métallurgie doit retirer de si grands avantages, a entrepris une série d’expé- riences extrêmement délicates, et obtenu des ré- sultats dont le métaliurgiste s’empressera de faire application à ses procédés, pour les faire par- (1) Ce Mémoire a été depuis imprimé dans les Annales des Mines, tom. xt. 7: 100 CLASSE DES SCJENCFS. venir plus promptement à la perfection. Nous re- grettons vivement que les bornes d’une analyse ne nous permettent point de suivre l’auteur dans le détail de ses opérations, qui sont on ne peut plus intéressantes. Nous nous bornerons à faire connaître les moyennes qui résultent d’un grand nombre d'expériences, et dont la connaissance sera très-utile à tous les arts qui emploient des courans d'air transmis au moyen dun ajutace. Pour parvenir à résoudre la question proposée par M. d’Aubuisson , «il a fallu vérifier et cor- » riger la théorie par lexpérience, c’est-à-dire, » pour me servir des expressions techniques, qu'il » a fallu déterminer le rapport qui existe entre la » dépense théorique et la dépense réelle, ou le » coefficient de contraction de la veine fluide dans » l'écoulement de lair;» c’est vers la recherche de ce rapport que les travaux de M. d'Aubuisson ont été spécialement dirigés. Les expériences ont été faites au moyen d’un gazomètre, dont l’auteur donne la description et Pusage. L’aire de la section de cet instrument, multipliée par la hauteur dont il descendait dans un certain temps, donnait la dépense réelle; quant à la dépense théorique, elle est, comme lon sait, le produit de l'aire de l’orifice par la vitesse avec laquelle Pair sort, et par le temps de la sortie ; divisant la première de ces dépenses par la se- conde, on a le rapport ou coefficient cherché. L'expression de la vitesse est donnée par une HISTOIRE. ANNÉE 1826. 101 formule dans laquelle entre la hauteur du mono- mètre adapté au gazomètre , celles du baromètre et du thermomètre. Pour rendre son travail aussi complet qu'il était possible, l’auteur a fait varier non-seulement la vitesse de sortie , ou la pression qui la produit et la grandeur des orifices, mais encore la forme de ces mêmes orifices ou ajutages qui étaient de trois espèces, 1.° des orifices à minces parois; 2.° des ajutages cylindriques; 3.° des ajutages coniques de diverses formes; chaque espèce d’orifice a fourni une série d'expériences dans lesquelles les soins et les précautions de toute espèce ont été em- ployés, ce qui empèche d’avoir le moindre doute sur leur exactitude; leurs résultats, mème par leur uniformité, n’ont fait qu’ajouter à la con- fiance qu’elles inspiraient déjà. Les résultats présentés dans les tableaux d’ex- périences font voir qu’il n’en est pas dans lécou- lement de l'air comme dans celui de l’eau. La forme de lajutage la plus avantageuse pour ce dernier fluide, qui est un cône tronqué dont la hauteur est la moitié du diamètre inférieur, et dont les diamètres des deux bases sont comme 5 est à 4, et qui ne donne qu’un déchet de 4 pour cent, en donne un de 12 pour Pair. L'auteur remarque encore que la pression ne paraît pas avoir une action sur la grandeur de la contraction, car les pressions ayant varié dans les rapports de 1 à 4 et à 5, les contractions ont été sensiblement les mêmes; tandis que dans l’é- PHYSIQUE. . Température de la terre. M. »’Auguis- SON. 102 CLASSE DES SCIENCES. coulement de l’eau, la contraction diminue lors- que la pression est très-petite. Enfin, M. d’Aubuisson, d’après les moyennes de ses expériences, a trouvé pour le coeMcient de contraction de la veine fluide dans l'écoulement de Pair sortant par un orifice en vertu d’une pres- sion quelconque, les valeurs suivantes : Pour un orifice en très-minces parois. ............... Pour un court ajutage cylin- drique........ LE EVE Pour un court ajutage coni- que, de la forme la plus avantageuse............ 0,92 à 0,93 0,95 à 0,96. Et en faisant l'application de cette dernière va- leur au cas qui intéresse le plus la pratique, on trouvera qu’en employant des ajutages ou buses légèrement coniques , comme celles usitées dans les forges, la dépense réelle sera denviron !/;5 moindre que la dépense théorique. Nous devons aussi au même Académicien un Mémoire sur la température de la terre, dans le- il examine d’abord les causes de la chaleur terrestre, et leurs effets généraux ; il passe ensuite aux faits observés, qui le conduisent à assigner les lois de la distribution de cette chaleur, soit lors- qu’on parcourt la surface du globe, soit lorsqu'on s'enfonce au-dessous dans les entrailles de la terre, soit enfin lorsqu'on s'élève au-dessus dans l’atmos- phère. Ces recherches extrémement curieuses, €t quel HISTOIRE. ANNÉE 1820. 103 qui sont bien certainement les plus intéressantes de la philosophie naturelle, occupent les physi- ciens depuis une soixantaine d'années; mais de nouvelles expériences et de nombreuses observa- tions faites par l’auteur, ont répandu le plus grand jour sur cette partie de la physique, et certains faits sur lesquels on ne pouvait avoir que des doutes, sont maintenant éclaireis et n’offrent plus d'incertitude (1). M. d’Aubuisson, après avoir indiqué les trois sources de chaleur qui tendent à augmenter la température de la terre, dont la principale comme la plus manifeste est le soleil, la se- conde qui provient des astres innombrables qui composent ce vaste univers, et la troisième qui est renfermée dans l’intérieur de la terre, déve- loppe comment ces trois sources de chaleur ont contribué à donner au globe terrestre une tempé- rature moyenne , que lobservation et la théorie forcent à regarder comme fixée depuis long-temps, et qui se conservera indéfiniment sans altération sensible, à moins de changement dans la marche actuelle de la nature. Nous aurions désiré vous faire connaître en entier cet important Mémoire, afin d’exciter en vous, Messieurs, ce vif intérêt de curiosité que nous avons éprouvé nous-mêmes à sa lecture ; c’est donc avec peine que nous nous (1) L'auteur a publié depuis, en 1828, dans son Traité de Géognosie, les détails dont son Mémoire était comme le résumé. 104 ” CLASSE DES SCIENCES. renfermons dans les bornes qui nous sont pres- crites, en ne vous présentant que les résultats généraux de l'observation : « 1.9 Que la température moyenne de la cou- » che inférieure de l'atmosphère, sous l'équateur, » est de 28° du thermomètre centigrade , et que » tout indique qu’elle est d'environ 18° au-dessous » de glace aux pôles; que les extrêmes des tempé- » ratures que l'homme a observés sont 45° pour » le plus grand chaud, et 5o° pour le ph grand » fr M . Que des pôles à l'équateur la chaleur croît » à ME près comme le cosinus de la lati- » tude; et que, pour -chaque point de la bande » de re qui longe le bord oriental de PAtlanti- » que, et dont L représente la latitude, la tem- » pérature moyenne est égale à 46° cos. L— 16°. » 3.° A l’est et à l’ouest de cette bande, à mesure » qu’on s’en éloigne, mais toujours sous le même » parallèle, la chaleur va en décroissant; et cela » d'autant plus que les parallèles sont plus rap- » prochés des pôles. » 4.2 La température des terres qui s'élèvent » au-dessus de la mer, diminue de 1° par chaque » 200 mètres d’ a » 5.° En s’enfonçant sous la superficie du globe, » les variations diurnes de la chaleur solaire ces- » sent d’être sensibles à 2 mètres de profondeur ; » 15 mètres plus bas, les variations annuelles ou » les différences de saison n’exercent plus aucune » influence, et la température y demeure fixe. HISTOIRE. ANNÉE 1826. 10) » Le thermomètre , placé depuis 146 ans dans les » caves de l’observatoire de Paris, à 28 mètres » sous terre, y marque continuellement 11°, 7. » Cette température de l’épiderme terrestre, sil » est permis de s'exprimer ainsi, présente moins » de variations et d’écarts que celle de la couche » d'air qui repose immédiatement dessus, et dans » laquelle nous vivons. Au reste, lune et Pautre paraissent avoir atteint depuis des siècles une stabilité dont rien ne peut mème faire pressentir laltération. » 6.° En continuant à descendre dans la croûte » minérale du globe terrestre, la chaleur aug- mente progressivement et d'environ 1° par 32 » mètres ( 100 pieds) de profondeur. Cet accrois- » sement a été observé jusqu'aux plus grandes » profondeurs où l’homme ait pénétré; tout indi- » que qu'il se continue encore au delà, et par » suite que la température doit être très-élevée » dans l’intérieur du globe : il ne faudrait, par » exemple, s’enfoncer que d’une forte demi-lieue » pour y trouver la chaleur de l’eau bouillante, » et à une profondeur de dix lieues, on aurait » celle du fer fondu. » 7. Enfin, lorsqu'on s'élève dans l’atmos- » phère, la chaleur y diminue graduellement de » 1° par 160 mètres d’élévation terme moyen; de sorte qu'a une hauteur dépendante de la » latitude du lieu, on atieint un point où les » neiges ne fondent plus : cette limite inférieure » des ngiges permanentes, qui est à une lieue en- Der ) ) 2 ) Ÿ 2 2 = 2 106 CLASSE DES SCIENCES. 3 » viron (4800 mètres) au-dessus des mers sous » l’équateur, nest plus qu’à moitié de cette élé- » vation au-dessus du sol &e la France, et elle » atteint la surface terrestre au dela des cercles ) polaires, » = Note. M. d’Aubuisson, en traitant dans ce Mémoire de la chaleur provenant de la réverbération des rayons du soleil par les nuages , rapporte un fait remarquable qu'il a observé sur une des montagnes des Alpes qui bordent les plaines du Piémont , et dont la cime est à 1708 mètres au-dessus d'elles, et à 1950 au-dessus de la mer. «Le 6 octobre (1809), dit-il, je me mis en route par un temps couvert, pour aller au sommet de cette montagne. A douze cents mètres au-dessus de la plaine , j'entrai dans les nuages ; et à trois cents mètres plus haut, je me trouva tout à coup au-dessus d’eux , au milieu d’un air entièrement serein. Je m'arrêtai un instant pour jouir du plus beau spectacle que m'eût encore présenté le séjour des montagnes. J'avais à mes pieds une immense nappe de nues sur laquelle le soleil le plus vif dardait tous ses rayons : elle eût été d’une blancheur éblouissante , si une légère tente d’un gris extrêmement tendre n'eût modéré la vivacité de l'éclat. Sa surface plemement unie présentait l’image de la mer la plus paisible : vers l'issue de la vallée d'Aoste seulement , elle était légèrement moutonnée ; et en promenant les regards de ce côté, on eût cru voir d'im- menses balles de coton entassées les unes sur les autres : l'imagination peut à peine se faire une idée de la douceur des teintes et du moelleux des contours qu'offrait ce tableau. La couche des nuées semblait couvrir les plaines du Piémont, et s'étendre sans interruption jusqu'aux Alpes du Dauphiné que j'avais en face, et qui , s’élevant encore à une grande hauteur au-dessus d'elles, bordaient admirablement , par leur aspect sévère et sombre, un fond dont elles faisaient ressortir toute la délicatesse. De loin à loin , quelques-unes des montagnes submergées par cet océan de nuages , en portant leurs cimes noires et sourcilleuses au-dessus de sa surface nacrée , rappe- HISTOIRE. ANNÉE 1926. 107 lient à l'esprit de tristes écueils , et présentaient un merveil- leux contraste. » Je continuai à monter toujours en extase devant ce ta- bleau ravissant : jamais je n'avais vu le ciel plus pur et d’un bleu plus intense ; le moindre atome de vapeur n’en altérait la beauté. Je parvins au sommet vers le milieu du jour : jus- qu'alors le temps avait été parfaitement calme ; mais ; dans ce moment , il s’éleva une légère bise ; cette mer si tranquille se mit en mouvement de toutes parts ; la nappe se déchira , ses lambeaux errèrent quelques instans au milieu des airs ; je les vis s’y fondre peu à peu , disparaître successivement ; et à une heure, toute Fatmosphère jouissait déjà de la sérénité que j'avais admirée dans sa région supérieure, » Dans le grand nombre des applications que l’on peut faire des sciences aux arts industriels, on doit sur-tout accueillir celles qui peuvent con- tribuer à augmenter le bien-être des classes peu fortunées de la société. L Sous ce rapport, nous devons beaucoup de reconnaissance à M. AsrTier, correspondant de VAcadémie, pour avoir simplifié les lampes in- ventées par MM. Lange et Verzi, et les avoir mises par la modicité de leur prix à la portée de tout le monde. Comme les inventeurs, M. Astier a fondé le principe de sa machine sur les lois de l’hydrostatique, c’est-à-dire que l'huile, pendant qu’elle brûle, est constamment élevée par la pression qu’exerce sur elle un liquide d’une pe- santeur spécifique beaucoup plus considérable. Tout le mécanisme employé par M. Astier se ré- duit à un tube de fer-blanc, à l'extrémité duquel est attachée une vessie qui devient le réservoir de lhuile : ce tube glisse à frottement dans un MécanIQUuE APPLIQUÉE. Lampe hy- drostatique. M. AsTiEr. Perfectione- mens dans l'horlogerie. M.Boussanp 108 CLASSE DES SCIENCES. bouchon de liége qui ferme le goulot du vase dans lequel est contenu le liquide plus pesant que huile; à extrémité supérieure du tube sont soudés deux porte-mèche. Le grand avantage du procédé de M. Astier sur celui des inventeurs déjà cités, consiste à rem- placer, par une vessie, un sac de peau sans cou- ture et vernissé en caoutchou, et le mercure ou la mélasse qu’ils emploient comme moyen de pression, par un mélange de mélasse et de mu- riate de chaux liquide, dans des proportions con- venables pour que le mélange soit d’une pesan- teur spécifique de {o° de l’aréomètre : les huiles grasses non épurées étant toujours au-dessous de 10°, c’est par cette addition du muriate de chaux, qui agit comme antifermentescible par rapport à Ja mélasse, et comme antiputrescible par rapport à la matière animale de la vessie, que M. Astier a évité les inconvéniens attachés aux Jampes de MM. Lange et Verzi. Ainsi désormais la ména- gere elle-même n’aura plus d’autres soins à pren- dre que de remplacer la vessie, dans le cas où elle aurait employé pendant quelques mois de l’huile non épurée. Les avantages de ce nouveau moyen d'éclairage ne peuvent être contestés, et auteur a atteint le but qu’il s'était proposé, celui d’être utile à la classe la moins aisée du peuple. La haute réputation à laquelle est parvenue l'horlogerie en France, depuis quelques années, est due particulièrement à la construction de mécanismes ingénieux vers lesquels les artistes HISTOIRE. ANNÉE 1826. 109 ont porté leurs recherches, et c’est aussi en réu- rissant les connaissances mathématiques et phy- siques à l'adresse de la main, qu’ils ont obtenu des résultats étonnans par lear exactitude, L’heu- reuse disposition où se trouvent nos artistes de profiter de toutes les ressources de la théorie pour les appliquer aux travaux des ateliers, doit nous faire espérer tous les jours des améliorations im- portantes dans cette branche de notre industrie. M. Boussard, horloger de cette ville, animé du désir de perfectionner ces in génieuses machines que nous consultons à chaque instant, et dans lesquelles nous désirons si vivement l'exactitude el une marche non interrompue, M. Boussard , dis-je, vient d'appliquer aux pendules un méca- nisme qui remplit ces conditions. MM. Aranre et Gaxrier ont été chargés d'examiner les divers perfectionnemens que M. Boussard se propose d'introduire dans l'horlogerie, et qui consistent : 1° À pouvoir placer une pendule sur un plan quelconque, sans que l'équilibre de échappement puisse en souffrir, et dès-lors on n’aura plus à craindre des arrêts qui arrivent très-souvent, et que peu de personnes savent prévenir ; 2.9 Dans une nouvelle suspension du pendule, qui en rend le mouvement très-libre et presque sans frottement : l’expérience seule pourra prouver si ce moyen doit être préféré aux suspensions à couteau dont on a toujours fait usage ; 3° À appliquer aux pendules dites de Paris, le système de sonnerie à limacon et à râteau dont Curie APPLIQUÉE. Inconvéniens de débiter de la poudre de chasse. M. Dispan. 110 CLASSE DES SCIENCES. on fait usage dans la construction des pendules à ressort dites de Franche-Comté, en y ajoutant un perfectionnement fort utile, au moyen duquel on peut tourner les aiguilles dans toutes les direc- tions, sans que la sonnerie puisse quitter l'heure indiquée par ces aiguilles. M. Dispax nous a fait un rapport sur les in- convéniens de laisser débiter la poudre de chasse par les épiciers-droguistes, à cause des dangers d'incendie auxquels ils sont exposés par la réu- nion de plusieurs substances, telles que l’essence de térébenthine, Pesprit de vin, les huiles es- sentielles qui s’enflamment avec la plus grande facilité à l’approche d’une lumière. Les épiciers- droguistes étant les agens chargés du débit de la poudre de chasse, et depuis long-temps en pos- session de ce débit, l’auteur du rapport désirerait qu’ils eussent l'attention de ne point laisser dans le même local, et à côté les unes des autres, des substances capables de s’enflammer par leur simple contact, telles que les huiles essentielles d’une part, et les acides sulfuriques et nitriques de l’autre. Une autre cause d'incendie que signale M. Dispan, consiste dans un foyer qu'on établit quelquefois dans ces magasins pour y faire diverses préparations. Cet usage devrait être rigoureusement interdit. Cest déjà bien assez du danger que des substances très-inflammables font courir aux magasins de droguerie, sans y joindre la chance des accidens que peut entraîner un Jaboratoire en activité à HISTOIRE. ANNÉE 1820. 111 côté de ces matières. Mais combien la sûreté pu- blique ne serait-elle pas encore plus compromise, s’il venait à se trouver dans ces magasins de la poudre, comme cela s’est vu dans cette ville lors d’un incendie qui eut lieu il y a plus de 20 ans, et dont la cause fut précisément la rencontre des substances huileuses et acides dont nous avons parlé. M. Dispax, dans un autre Mémoire sur les chaux hydrauliques, s’est livré à des recherches très-intéressantes pour connaître la nature et la manière d'agir de ces espèces de chaux. L'auteur, après avoir cité les travaux et les opinions de plusieurs savans qui se sont occupés des chaux hydrauliques, tels que Bergman, Guyton, Saus- sure, Descotils, Vitals, Berthier, et en dernier lieu M. Vicat, inspecteur des ponts et chaussées, qui a publié un ouvrage sous le titre de Recher- ches sur les mortiers ; Vauteur, dis-je, a été curieux de savoir si la chaux de Bourrec, qu’on emploie dans ce pays comme une des meilleures chaux hydrauliques, confirmait ou non la théorie de M. Vicat, qui prétend que c’est la silice réduite en molécules très-fines qui constitue la propriété hydraulique de ces chaux. En conséquence, M. Dispan a analysé r00 parties de chaux de Bourrec, et obtenu le résultat suivant. Chaux, 74; silice, 16; oxide de fer avec trace de man- ganèse, 3; magnésie, 1,5 ; sulfate de chaux, 0,6: perte, eau, acide carbonique, 4,9. Il résulte de cette analyse, que la chaux de Bourréc ne con- Chaux'hy- draulique. M. Dispan. MÉDECINE. Evacuations sanguines. M. Ducasse. ze CLASSE DES SCIENCES. tenant que des quantités insignifiantes de ma- gnésie, de sulfate de chaux, et d’oxide de fer et de manganèse, ne peut évidemment devoir ses propriétés très-énergiques qu’à la silice extrème- ment atténuée qu’elle renferme. Ainsi ce résultat confirme encore l’opinion émise par M. Vicat. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet important Mémoire, qui a été imprimé dans le Journal de la Société royale de médecine de Tou- louse (1), et lu par M. Dispan dans la dernière séance publique de l’Académie; il prouve Le zèle de l'auteur, qui s'exerce sur des objets de plus d'un genre. Ce Mémoire ne peut manquer din- téresser les ingénieurs, les constructeurs, et en général toutes les personnes qui emploient les chaux hydrauliques. De toutes les connaissances dont s'occupent en général les Académies, il n’en est point qui doi- vent plus vivement nous intéresser que l'étude de la médecine et de la chirurgie, puisqu’elle a pour objet de conserver notre existence, et de la délivrer des maux qui lassiégent de toutes parts. Ce n’est point par des systèmes plus ou moins spécieux que le praticien doit se laisser entrainer; il ne peut y avoir pour lui de plus sûr guide qu’une théorie fondée sur l’observation et Pexpé- rience; et cest en restant toujours fidèle à la doctrine d'Hippocrate, que M. Ducasse ne les perd jamais de vue, et qu'il augmente la masse de (1) Juin 1826. HISTOIRE. ANNÉE 1826. 113 nos connaissances en nous présentant une analyse raisonnée des faits intéressans qu’il rencontre dans sa pratique. Les résultats avantageux obtenus par des éva- cuations sanguines dans les phlegmasies pulmo- naires ne peuvent être contestés; aussi voyons- nous tous les jours qu’on s’empresse, dans ces inflammations, qui deviennent si rapidement mortelles, d’évacuer la masse du sang. Il suffit d'examiner la structure anatomique des organes renfermés dans le thorax, la grande quantité de vaisseaux qui les pañcourent, et la facilité avec laquelle s’y développent les irritations, pour voir que tout concourt à faire admettre la saignée générale; mais doit-on l’employer dans les in- flammations des intestins appelées entérite ou péritonite ? tel est l’objet d'un Mémoire de M. Du- casse, ayant pour titre : De l’usage de la saignée générale dans l’entérite. V’auteur prouve par les résultats de l'observation la prééminence des éva- cuations sanguines, qui attaquent et désemplissent tout le système, sur celles qui n’ont une légère influence que sur l’organe qui en est spécialement le siége. « Si l’on compare les organes contenus dans les » deux cavités, nous ne trouverons point, dit » l’auteur, dans les intestins, ce tissu parenchy- » mateux des viscères pectoraux, ces vaisseaux » considérables qui en arrosent la substance. La » majeure partie des organes abdominaux est es- » sentiellement composée de membranes; le tissu TOME N, PART: T. 8 114 CLASSE DES SCIENCES. » des intestins ne renferme point de vaisseaux du » premier ordre , et les foyers de fluxions qui sy » établissent reçoivent par cela même beaucoup » moins d'activité. Mais, malgré ces avantages, » plus apparens que réels, de même que dans » l'estomac, les intestins, le péritoine et les mem- » branes muqueuses qui en tapissent les deux sur- » faces, possèdent tous les élémens nécessaires à » une phlogose, et ces viscères importans se pré- » sentent aux inflammations avec une facilité re- » marquable. » L'auteur n’entend point ici par inflammations les irritations superficielles, les phlogoses purement muqueuses ou simplement passagères ; il éntend désigner au contraire ces altérations de tissu, ces lésions générales de toutes les membranes à la fois du canal alimentaire, ac- compagnées de rougeur, d’épaississement, de dou- leur marquée; ce que lon appelle enfin vulgaire- ment entérite ou péritonite. C'est ainsi que lauteur conçoit la véritable inflammation des intestins, et qu'il détermine Vinfluence que doit exercer sur elle les deux es- pèces d’évacuations sanguines , soit par la saignée générale, soit par les sangsues. M. Ducasse, après avoir décrit les viscères des deux cavités, et comparé les fonctions qu’ils rem- plissent, examine ensuite l’eflet qu'y doit pro- duire l’évacuation sanguine, et il regarde la sai- gnée générale comme un résolutif puissant dont on se flatterait en vain d'obtenir les mêmes résul- tats par l'application des sangsues, dont Paction _ HISTOIRE. ANNÉE 1026. 115 n’est que locale. « Celles-ci, dit l’auteur, n’agis- » sent que sur le tissu cutané, et par conséquent » loin du siége primitif de l’inflammation. On » perdra un temps précieux avant que le foyer » essentiel de lirritation soit influencé par une » évacuation si lente, et l’inflammation établie » sur des tissus délicats, ou bien ne sera plus sus- » ceptible de résolution, ou bien se terminera par » la gangrène; ce sont ces deux conséquences fà- » cheuses qu'il faut chercher à prévenir; et sil est » un moyen d'arriver à ce but, et si les accidens » peuvent être arrêtés dans leur marche rapide » et funeste, ce sera sans contredit à la saignée » générale qu’on devra ces avantages », et M. Du- casse le prouve par des observations qui Jui sont personnelles. Un de vos correspondans, M. ScOuTETTEN, vous cote a adressé un Mémoire dans lequel il s’est proposé y. scourer- d'appeler l'attention sur deux espèces de faits d’a- TE: natomie pathologique, dont il regarde la première comme étant encore presque inaperçue, et la se- conde comme n’ayant pas été encore mentionnée jusques à lui. Ces deux espèces sont Pulcère isolé “et spontané de la surface du cerveau, et lhyper- trophie de cet organe. M. Cabiran a fait sur cet important Mémoire un rapport extrêmement intéressant, duquel nous allons extraire Les observations suivantes : « L'auteur débute par des réflexions sur l’aban- » don qu’on a fait des théories spéculatives pour » étudier les faits et en déduire des conséquences 8. | 116 CLASSE DES SCIENCES. » rigoureuses : c’est, dit-il, à l'étude des altéra- » tions survenues dans les organes malades qu’il » faut attribuer les grands changemens que la » médecine a subis; l'anatomie pathologique était » riche de faits par les travaux de Shenck, Bonnet, » Morgagni, etc.; mais le génie ne les avait pas » encore coordonnés en corps de doctrine; Bichat » ouvre un chemin nouveau par l'étude des tissus; » mais Broussais, en profitant des idées de ce beau » génie, les féconde et découvre la source de pres- » que tous nos maux. M. Scoutetten déroule le » tableau des acquisitions que la science a faites » depuis cette impulsion favorable pour rallier les » symptômes aux maladies. Il s’occupe d’abord » des ulcères formés sans cause appréciable sur la » surface du cerveau : il exclut conséquemment » de cette espèce les ulcères produits par des frac- » tures, des caries ou autres lésions du cräne. Il » cite deux exemples de lulcération corrosive » spontanée de la surface du cerveau. Voulant » exposer l’état actuel de la science sur ce sujet » particulier, dont les exemples ne doivent pas » cependant être rares, M. Scoutetten a compulsé » les dépôts nombreux d'observations, et il ny » a trouvé que deux exemples analogues à ceux » qu'il a cités, dont l’un est fourni par Morgagni »et l’autre par Stoll. Il recherche quelle peut » être la cause de ces ulcérations, et ne les voit » que dans lirritation du cerveau : c’est à cette »irritation qu'il s'attache pour la combattre lors » des premiers symptômes, et avant qu'elle n'ait HISTOIRE. ANNÉE 1826. 117 » entraîné des conséquences incurables. M. Scou- » tetten présente encore une observation sur l’hy- » pertrophie du cerveau, cet accroissement contre » nature, mais sans lésion de tissu, dans la nutri- » tion de divers organes, et qui rompt leur har- » monie avec le reste de l’organisation. Cet accrois- » sement avait déja fixé l'attention des anatomistes; » mais on était bien loin de lavoir étendu dans » ses détails à tous les organes dans lesquels il » peut entrainer des conséquences menaçantes » pour la vie. » L'auteur, qui ne veut des observations que » pour en féconder les résultats, se livre ensuite » à quelques questions importantes. Il recherche » quelles sont les causes qui ont pu produire l'état » morbide dans cette maladie. Il étudie leur in- » fluence sur les phénomènes intellectuels; il com- » pare l’hypertrophie à l’hydrocéphale, et examine » sil existe quelques signes qui pourraient les » faire distinguer chez l'individu vivant. » Dans ce sujet si important et qui est encore presque neuf, l’auteur distingue avec raison l’hy- pertrophie du cerveau de lhydrocéphale, par cette apparence volumineuse et par labsence de plusieurs symptômes qui signalent cette dernière maladie. M. Scoutetten , tout en marchant sous la ban- nière de Broussais, agit d’après ses forces; il a son indépendance , et ne craint point de se mettre en opposition avec le maître lorsqu'il juge que la vérité le réclame; ainsi, il avoue avec franchise Sur la rage. M. CaginaN. 118 CLASSE DES SCIENCES. qu'il ne considère pas Pirritation pure comme source unique de tous les désordres, et 1l recon- naît qu'il y a des agens spécifiques d’inflamma- tion , que les moyens antiphlogistiques seuls ne sauraient combattre. Il y a peu de maladies sur lesquelles on ait autant écrit que sur la rage, et elle est encore si peu connue, que les symptômes qui la caracté- risent et son traitement ne sont assujettis à aucune règle fixe et certaine; ainsi tout est mystère pour l'homme dans cette horrible maladie. Dans un Mémoire sur la rage, et qui est du plus haut intérêt pour la médecine, l’auteur, M. Carimax, appelle l'attention sur une erreur trop commune qui confond lhydrophobie avec la rage. « Des observations innombrables , dit Pauteur, » ont été publiées sur cette maladie; mais il faut » rejeter non-seulement celles que la crédulité a » accréditées, mais encore celles dans lesquelles » lhydrophobie ou horreur des liquides a été tou- » jours considérée comme un symptôme certain » de la rage, tandis que cette horreur peut entrer » et entre souvent dans le cortége des symptômes » de plusieurs autres maladies. Il en résulte que le » plus grand nombre des observations attribuées à » la rage doivent être rejetées comme fausses obser- » vations, quoique consacrées. dans des ouvrages » d'ailleurs estimés. Telle est celle d’une rage dont » les accès se seraient renouvelés tous Les sept ans. » Quant aux faits observés par M. Cabiran, et destinés à éclaircirdes points douteux dans la monographie HISTOIRE. ANNÉE 1826. 119 de la rage , le premier tend à détruire une opinion généralement répandue , suivant laquelle l’animal qui est dans Pétat de rage développée ne peut plus manger ni boire, de manière qu’on croit que la morsure est toujours exempte de danger, et ne demande aucune précaution si elle a été faite par un animal venant de manger et sur-tout de boire. L'auteur rapporte qu'un enfant de 8 à 9 ans ayant été mordu par un chien qui se repaissait avidement des matières solides et liquides qui étaient dans une cour, fut atteint d’hydrophobie vers le 38.° jour, et mourut 36 heures après sans avoir eu aucune idée de sa maladie. Il repoussait constamment la boisson , dont la seule approche provoquait de fortes convulsions. Ce fait présente une preuve que le chien n’a pas toujours horreur des alimens solides et liquides , lorsque la rage est développée au point de pouvoir être communiquée. Le second fait observé par l’auteur est destiné à éclaircir la question suivante : L’allaitement peut-il communiquer la rage ? L'histoire de la science ne possédait , à la connais- sance de l’auteur du Mémoire, aucun fait direct d'allaitement donné par une nourrice pendant le cours de la rage développée. Celui cité par M. Ca- biran est néanmoins dans cette classe, et peut être considéré comme une observation première; il tend à prouver que l’allaitement ne communique pas la rage. Cependant les lois ne peuvent être établies sur un seul fait , et nous nous réunissons, 120 CLASSE DES SCIENCES. à l'auteur pour inviter les observateurs à recueillir avec soin et une grande exactitude, tous les faits qui ont quelques rapports avec ceux cités ci-dessus. L'analyse des Mémoires que je viens de vous présenter, Messieurs , atteste le zèle et Les eflorts de l’Académie pour accroître le domaine des sciences, et l’enrichir de découvertes importantes. Cest principalement en dirigeant ses travaux vers des buts d'utilité générale , qu’elle espère attein- dre la récompense qui peut la flatter davantage , celle de mériter votre estime. PRIX DE L'ANNÉE. La théorie physico-mathématique des pompes aspirantes et foulantes avait été proposée une seconde fois en 1823 (voyez l’histoire de cette année) pour sujet du prix à donner en 1826. Aucun Mémoire n’ayant été envoyé, et la ques- tion paraissant toujours d’une grande importance dans l'application des sciences aux besoins de la société, l'Académie Pa reproduite pour 1829. HISTOIRE. ANNÉE I 627. 121 ANNÉE 1827. ANALYSE Des Travaux de la Classe des Sciences en 1827 (1). Msssievurs, Depuis le commencement de ce siècle, et sur- tout depuis la paix que«notre heureuse restau- ration politique a rendue à la France, les esprits s’y sont portés, avec une rare activité, sur les applications des sciences aux arts utiles. De toutes parts, nous voyons se former des établissemens industriels, et des fabriques d’une espèce incon- nue à nos devanciers se multiplient sur tous les points du royaume. Dans les arts chimiques, la France a maintenu la supériorité qu’elle avait déjà dans la science qui en est comme la source ; et pour ne citer qu’un seul exemple, je rappellerai que c’est un procédé des fabricans français qui a réellement doté nos (1) L’Académicien qui avait à presenter l’analyse des tra- vaux de cette année , n’ayant pu exécuter ce travail , il a été fait par le Secrétaire perpétuel. 122 CLASSE DES SCIENCES. climats tempérés d’un des produits de la zone tor- ride , et qui a assuré au sol de l'Europe, pour la consommation générale de ses habitans, au cas de nécessité, ce suc cristallisé (le sucre ), devenu d’un usage si universel et si nécessaire. Dans les arts mécaniques, l’industrie française s’est aussi signalée par d'importantes conquêtes : nous en avons une preuve irrécusable dans nos murs; on y fabrique, depuis quelques années, et par milliers, un objet de première nécessité , la faulx, pour le plus nécessaire des arts, la- griculture , objet que nous tirions naguère des manufactures de l'Allemagne : et puisque nous signalons cette conquête de notre industrie, qu’il nous soit permis de remarquer qu’elle est princi- palement due à un de nos concitoyens ( M. Gar- rigou), et que C’est sur-tout au développement considérable qu’on donne à son premier établis- sement, que la France devra sous peu d’être en- tièrement affranchie d’un tribut qu’elle avait jus- qu'ici payé à l'étranger. Toutefois, dans les arts mécaniques, une nation rivale nous avait devancés. Forte des richesses que lui procure le commerce le plus étendu de l'univers, et de celles que la nature a déposées sous le sol qu’elle habite, elle a pu donner à son industrie un prodigieux développement. Sur plu- sieurs points de ce sol, et à une assez faible pro- fondeur, on trouve de nombreuses couches de char- bon de terre entremèlées de couches de minérai de fer : de la même fosse, on extrait, pour la four- HISTOIRE. ANNÉE 1827. 123 naise bâtie tout auprès, et la matière à fondre, et le combustible qui doit en opérer la fusion. Par suite de tels avantages, et d’un travail exé- cuté sur une grande échelle, on a coulé ces ponts élégans que lon établit dans quelques localités de préférence aux ponts en maçonnerie ; ces chemins de fer sur lesquels un même moteur roule, avec facilité, un fardeau dix fois plus considérable que sur un chemin ordinaire; ces grosses poutres et pièces de construction qui remplacent le bois dans les charpentes, et autres merveilles de ce genre. Excités par une noble émulation, nous avons tenté, non sans quelques succès, d’imiter un tel exemple. Mais moins abondamment pourvus par la nature, nous devons y suppléer par de l’économie, et sur-tout par l’économie des forces motrices, en cherchant à tirer tout le parti pos- sible de celles que nous avons à notre disposition : c’est la science qui nous en fournira les moyens. La science modifie et règle les conceptions du génie : sans elle, il enfanterait encore des pro- diges, il est vrai; mais très-souvent aussi, dans des entreprises industrielles du genre de celles que nous venons de mentionner, il entraînerait la ruine de ceux qui se seraient livrés à ses premières Inspirations. rue Le désir de procurer à nos arts les avantages sur la résis- de la science par l’économie et la bonne disposi- Fees us tion des forces motrices, a porté M. D'AUBUISSON, ua “E Ingénieur en chef des mines, a entreprendre son M. »’Ausuis- SON, travail sur /e mouvement de l'air dans les ÉUYAUX 15 mars 1827. 124 CLASSE DES SCIENCES. de conduite. Voné par état à la propagation et au perfectionnement de l’industrie métallurgique , il a voulu éclairer, des lumières de la théorie et de Pexpérience, un des points principaux de léta- blissement des usines, et donner les moyens de soumettre au calcul ce qui avait été jusqu'ici comme abandonné au hasard. Dans les grosses forges et les fonderies , Les feux sont animés par de grands soufflets ou machines soufflantes. Souvent, on est obligé d'éloigner la machine du feu; et alors le vent est porté de lune à l’autre par des tuyaux. Mais la résistance qu'il y éprouve, par suite du frottement contre les parois des conduites, en diminue la force; la connaissance de cette diminution est d’une impor- tance majeure pour l'ingénieur chargé de diriger la construction des usines ; et cependant on n’a- vait que des notions vagues et contradictoires sur cet objet. D’une part, les traités sur l’exploitation des mines faisaient mention de ventilateurs qui avaient porté l’air jusqu’à trois mille et même six mille pieds de distance; d’un autre côté, on lisait dans un ouvrage fait par un habile mécanicien, sur les machines soufflantes les plus usitées en Angleterre, qu’une d'elles, bien que très-forte, n’avait pu porter le moindre vent à 4500 P., et qu’elle n’avait commencé à souffler qu’à 600 P. En général, dans nos forges , on regardait comme très-préjudiciable toute distance notable entre le feu et la soufflerie. M. dAubuisson, qui avait un ventilateur à HISTOIRE. ANNÉE 1927. 125 établir aux mines de Rancié (Ariége), pour y porter l'air à plus de 400 mèt. (1200 P.) de distance, a saisi cette occasion pour y faire des expériences sur la diminution de force que le vent éprouve en s’éloignant de son origine, et sur di- verses circonstances de son mouvement, expé- riences qui pouvaient mener, et qui l'ont effec- tivement mené à la solution du problème, au moins en ce qui concerne les besoins de la pra- tique. Près l'entrée de la galerie, à l’extrémité de la- quelle le vent devait être conduit, et pour le pro-" duire, on avait établi une trompe à peu près semblable à celles en usage dans les forges des Pyrénées. De cette machine devait partir une suite de tuyaux en fer-blanc de o"10 de diamètre. A mesure qu’on les posait, l’auteur, à l’aide d’un manomètre à mercure, constatait la force élastique de l'air à la sortie de la portion de con- duite déjà placée. De cette manière, il a eu une suite décroissante de forces élastiques, d'où il a déduit la progression des résistances opposées au mouvement de Pair, et il a trouvé qu’elles crois- saient proportionnellement à la longueur des con- duites; ce qui était d’ailleurs assez naturel. Ayant fait usage, dans des expériences préli- minaires, de tuyaux de moindre diamètre ( de 0"05 et 0"0235 }), il avait vu que la résistance était d'autant plus grande que le diamètre était plus petit. ji Enfin , en faisant varier la vitesse de Pair, soit 126 CLASSE DES SCIENCES. en augmentant la quantité d’eau donnée à la trompe , soit en rétrécissant l’orifice de sortie, il a trouvé que la résistance croissait comme le carré de la vitesse, ou, ce qui revient au même, comme la hauteur due à cette vitesse, ou encore comme la hauteur du manomètre. Plus de cinq cents expériences, dont les cir- constances et les résultats sont portés sur les ta- bleaux joints au Mémoire, constatent ces rapports. Mais lorsqu'une quantité est en rapport géo- métrique avec une autre, elle est aussi égale à cette autre multipliée par un coefficient ou facteur constant. L'expérience, consultée sur la valeur de ce coefficient, a indiqué 0,01603; et l’on a eu ainsi une expression générale et complète de la résistance que l’air éprouve en se mouvant dans une conduite (x). L'auteur, après lavoir obtenue, a tenté de la faire servir à la solution de ce problème gé- néral : Etant données , l’espèce de machine souf- flante à employer, la force qui lui sera appliquée, et Les dimensions de la conduite destinée à porter l'air en un point déterminé, assigner la quantité d'air qui y sera fournie dans l’unité de temps. Il a établi une équation entre la force motrice et l'effet produit, et il en a déduit la quantité d'air cherchée, ou la dépense de la conduite. (1) Voyez cette expression , ainsi que l'exposition succincte des formules données par l’auteur, dans la note qui termine cette analyse. HISTOIRE. ANNÉE 1627. 127 Cette mème équation lui a fourni l'expression du diamètre qu’il convient de donner à des tuyaux pour qu'ils débitent une quantité d'air voulue, et sortant avec une certaine vitesse. À ce sujet , il montre combien il est avantageux que ce diamètre soit grand proportionnellement à celui de lajutage ou orifice par lequel Pair en sort. Il cite des expériences qui mettent ce fait en évidence, d’une manière aussi positive que saillante (1). Un exemple va en donner une idée exacte, Qu'il s'agisse de fournir à un des four- neaux ordinaires employés à fondre le minérai de fer, la quantité d'air qui lui est nécessaire, 0,23 mèêt. cubes par seconde ( 400 PPP, par minute), sortant par un orifice de 0"054 (2 pouces ) de diamètre. Si la machine soufilante, qu’on suppose être une machine à piston, était près du fourneau, il faudrait y appliquer une force équivalente à celle de 7 chevaux attelés à la fois. Si on la porte à 400 mèt. (1200 P.) de distance, et que le dia- mètre de la conduite soit de 10 p., ou cinq fois plus grand que celui de lorifice, sept (7, 4) che- vaux sufhiront encore. Si le diamètre est réduit à quatre fois (8 p.), il faudra, che- EUR TS M EP PR SRG 8,1 S'il l'est à trois (6 p.); il faudra. .. 11,6 gideux fois (#p.). 2: 4 à une fois et demi (3 p.).. 152,0 (1) Quatre de ces expériences sont rapportées à la fin de la note déjà mentionnée. Expériences sur la trompe d’un ventila- teur aux mi— nes de Ran- cié, suivies de quelques ob- servations sur les trompes en général. M. p'AUBUIS- son. 5 avril 1827. 128 CLASSE DES SCIENCES+ Enfin , si le diamètre des tuyaux est de 2 p. comme à l’orifice, c’est-à-dire, si la conduite, ne portant point d’ajutage, était entièrement ou- verte à son extrémité, il faudrait, pour lui faire fournir toujours la même quantité d’air, une force équivalente à........... chevaux (1) 1117. M. »’Aupuisson, avant d'entreprendre ses expé- riences sur les conduites, en avait fait plusieurs sur la trompe qui leur fournissait l’air, tant pour être à même de la disposer de la manière la plus avantageuse, que pour contribuer à la connais- sance de cette singulière sorte de soufflet : elles ont été l’objet d’un Mémoire particulier dont nous allons chercher à donner une idée. Nousrappelleronsauparavant que la trompe n’est en définitive qu’un arbre vertical, évidé dans son intérieur, et implanté sur une petite cuve : un peu au-dessous de son ouverture supérieure , se trouve une petite pièce de bois d’un orifice de moindre diamètre; c’est l’éfrangillon : immédia- tement au-dessous, l'arbre est percé de quelques trous ou aspirateurs. Lorsqu'on verse de l’eau sur la trompe, après son passage par l’étrangillon, elle entraîne dans la cuve Pair ambiant, lequel (1) Par force d’un cheval , nous entendons, avec les cons- tructeurs de machines anglais, une force capable d’elever un poids de 75 kilom. À 1 mèt. de hauteur en 1 seconde de temps. La formule qui a donné les résultats ci-dessus est MC — L 62 B 0,02618 À Q: (5: — = ——) , dans laquelle on a fait A3. HISTOIRE, ANNÉE 1827, 129 est continuellement remplacé par celui qui arrive à travers les aspirateurs : cet air sort de la cuve sous forme de courant par un orifice auquel sa- dapte un ajutage de sortie ou une suite de tuyaux. L'auteur a d’abord essayé de déterminer les dimensions les plus avantageuses de létrangillon, et la position la plus favorable à donner aux as- pirateurs. Il est passé ensuite à la détermination du rap- port qu'il peut y avoir entre la quantité d’eau dépensée et la quantité d’air produite. Ses expé- riences, sans l'avoir mené à la solution de la ques- tion , lui ont montré que l’eau dépensée était pro- portionnelle à la force élastique de Pair sortant, et par suite à la hauteur d’un manomètre placé sur la trompe, bien que la théorie indiquât que la dépense devait croître comme la puissance 3/, , plutôt que comme la puissance 1 de cette hau- teur. Dans la recherche du rapport entre la force employée et effet utile produit, Pauteur, repré- sentant cet eflet par 1, a vu la force varier de 6 à 12. Sappuyant sur ses expériences, ainsi que sur celles que MM. Tardy et Thiebaud ont faites sur les trompes des forges de Vicdessos, dans VAriége, il admet le rapport de 10 à v pour les trompes en général. Ainsi, un dixième seulement de la force appliquée à une d'elles, produit un effet utile; les neuf autres dixièmes sont comme perdus. À cet égard, cette sorte de machine souflante TOME II. PART, I. Le] Traité du mouvement de l’eau dans les conduites. M. n'Auguis- SON. 25janv. 1827. 130 CLASSE DES SC{ENCES. est bien inférieure à la plupart de celles qu'on emploie dans Les usines : une machine à pistons, mue par une bonne roue hydraulique, ne perd guère que les deux tiers ou les trois quarts de la force motrice; elle n’en perd pas mème la moitié, lorsqu'elle est mise en jeu immédiatement par la vapeur de Peau. Mais, d'un autre côté, la trompe a bien des avantages particuliers : c’est la plus simple des machines soufflantes, la plus facile à construire; celle qui exige le moins de frais, de soins et d’entretien; celle enfin dont Paction se règle Le plus aisément. Par suite, est celle qu'on doit employer de préférence, lorsqu'on peut dis- poser d’un volume d’eau considérable et tombant d'une grande hauteur. Cette considération a porté auteur à donner quelques règles pour Pétablissement et la cons- truction de ces sortes de soufllets. M. n’Ausuisson nous a entretenus, dans nos séances particulières, de ses travaux non-seule- meat sur le mouvement de Pair, mais encore sur celui de Peau dans les tuyaux de conduite. Principal auteur du projet de la distribution des eaux qu’on exécute dans notre ville, il a été à même, tant dans la rédaction que dans lPexé- eution de ce projet, de faire un fréquent usage des théories et formules données par les plus sa- vans hydrauliciens, sur les diverses circonstances du mouvement de l’eau dans les conduites : il a lui-même travaillé sur cette matiére, et a fini par rédiger un petit traité sur ce mouvement. Cet HISTOIRE. ANNÉE 1927. 131 ouvrage, d'abord soumis à l'Académie, et puis rendu public (1), avait été originatrement com- posé pour notre confrère M. Baron de Montbel, Maire de Toulouse, lequel avait pris, en cette qualité, la haute direction de l'établissement de nos fontaines. M. d’Aubuisson a cherché à donner une pleine intelligence physique et mathématique du mou- vement de l’eau dans les tuyaux; et puis, sans s'arrêter à des digressions scientifiques , allant directement au but utile, il a établi les formules à l’aide desquelles on détermine, dans les divers cas qui peuvent se présenter, soit la résistance que les conduites opposent au mouvement de Peau, tant par le frottement contre leurs parois que par leurs étranglemens et leurs coudes, soit la vitesse du fluide dans les tuyaux, leur dépense, et le diamètre qu’il convient de leur donner. À la suite du traité, on trouve quelques exem- ples qui montrent la manière dont les formules doivent être appliquées. Quelques-uns ont été pris des expériences faites par Pauteur, de concert avec M. Baron de Montbel, sur les fontaines de la ville, à leflet de vérifier jusqu’à quel point les résultats de la théorie étaient d'accord avec ceux de l'observation. Ces expériences devant être le (1) Traité du mouvement de l'eau dans les tuyaux de con- duite, à l'usage des ingénieurs et architectes, par M. d’Au- buisson. Paris, chez Levrault, rue de la Harpe, n.° 81; 1827. 9: Paysique. Sur le décrois- sement de la chaleur dans l'atmosphère. M. Dispax. 3 mai 1827. 132 CLASSE DES SCIENCES. sujet d'un Mémoire particulier, qu'il nous suffise; en ce moment, de dire que leurs résultats sont aussi conformes à ceux des formules qu'on peut l’espérer dans cette branche des sciences physico- mathématiques. Des travaux de l'Académie relatifs à ces scien- ces, passons à ceux qui concernent les sciences physiques proprement dites; et d’abord aux re- marques de M. Dispax, sur le décroissement de la température à mesure qu’on s'élève dans lat- mosphere. Les physiciens et les géologistes se sont beau- coup occupés de cette intéressante question, et de l’ensemble de leurs observations, ils ont conclu que le décroissement, sujet d’ailleurs aux plus grandes variations, était, terme moyen, d’un degré du thermomètre centigrade par 160 mètres d’élévation. Les plus remarquables de ces observations sont celles que M. Gay-Lussac a faites dans son ascen- sion aérostatique du 15 septembre 1804. Ce pre- mier de nos physiciens, confiant, avec un rare courage, son existence à la plus frèle des machi- nes, s’éleva à la plus grande hauteur à laquelle les hommes aient jamais atteint, 6977 mètres de hauteur verticale; et il alla interroger la nature au centre des régions éthérées. Malgré l'attention assidue et les soins continuels qu’exigeait sa con- sérvation , 1l n’en trouva pas moins le moyen de faire un grand nombre d'observations de diverses espèces, et que la science conserve précieusement HISTOIRE. ANNÉE 1827. 133 dans ses archives : une vingtaine d’elles concer- nent la température des différentes couches d'air que la nacelle avait traversées. Mais lorsqu'il es- saya d’en déduire une conclusion sur la loi de la diminution de la température, voyant les ano- malies que présentaient les observations, consi- dérant que son thermomètre lui avait souvent - porté à une hauteur la température de la hauteur précédente , il hésita , et il se borna à remarquer que, dans lhypothèse d'une diminution uni- forme de chaleur , les températures observées aux deux extrémités de la colonne parcourue, indi- queraient, pour chaque abaissement d’un degré du thermomètre, une élévation de 173 mètres ; que la température du milieu de la colonne , com- parée avec celle de l’extrémité inférieure , donne- rait 192 mètres, et 141 en la comparant avec la température de l’extrémité supérieure. M. Dispan, voulant tirer tout le parti possible des observations de M. Gay-Lussac, observations uniques dans leur espèce, les a reprises, discu- tées et combinées de diverses manières. Il conclut de son examen, que le terme moyen indiqué par les vingt observations de ce savant, est 200 mètres d’élévation par degré du thermomètre ; nombre un peu plus fort que celui que M. Gay- Lussac était enclin à admettre, et d’un cinquième plus grand que celui qui est généralement admis. Nous remarquerons que M. Graham, dans une as- cension aérostatique effectuée à Londres le 17 juin 1824, s'étant élevé à 3610 mètres ( hauteur qui 134 CLASSE DES SCIENCES. nest guère que moitié de celle à laquelle avait at- teint le physicien français), a vu le thermomètre baisser de 19° */,, ou de 1° par 185 mètres : en combinant les observations de la manière la plus convenable, ce nombre devrait être porté à 198; 1l sérait à peu près identique à celui de M. Dispan. Au reste, cet Académicien n’a donné ce nombre que comme un terme moyen, autour duquel les oscillations peuvent être tres-grandes. Indépen- damment des irrégularités que doit habituellement présenter le décroissement de la chaleur dans un fluide aussi mobile que Pair, dans un milieu pres- que sans limites où des courans venant tantôt des régions équatoriales, tantôt des régions polaires, doivent conserver pendant quelque temps une partie de leur température primitive, avant qu’elle ne se perde et ne se fonde dans celle des couches adjacentes, indépendamment de ces causes géné- rales d’irrégularité, M. Dispan en signale encore de particulières au jour où M. Gay-Lussac à fait son ascension. La chaleur, à la surface de la terre, s’éleva à Paris à près de 30°, terme extraordinaire pour la saison , et qui n’avait pu manquer de pro- duire une perturbation dans la distribution de la chaleur aux couches inférieures de l'atmosphère. De plus, des vents du sud avaient soufllé depuis quelque temps, et la veille ils avaient été comme combattus par des vents du nord : des courans poussés par les uns et par les autres, furent suc- cessivement traversés par le ballon; et, d’après cela, on ne doit pas être étonné de le voir tantôt HISTOIRE. ANNÉE 1827. 135 parcourir d'assez longs espaces d’une température presqu’uniforme, tantôt passer brusquement d’une température à l’autre, et mème trouver, en mon- tant, des couches plus chaudes que celles qu'il venait de quitter. Ce dernier phénomène se serait reproduit, au jugement de M. Dispan , si M. Gay- Lussac eût continué à s'élever. Arrivé au plus haut de son ascension, par un froid rigoureux de 9° 2, il aperçut des nuages bien au-dessus de lui: ils y étaient, pense M. Dispan, dans un courant venant des régions méridionales, et par- ticipant de leur température ; car il a de la peine à croire qu’à 9° ?/, et plus au-dessous du terme de congélation de l’eau, il puisse exister assez de vapeurs aqueuses pour former des nuages visibles. De la température de l'atmosphère, venons à celle de la terre, de la couche superficielle dans laquelle sont creusés nos puits, nos caves et nos aqueducs; nous y verrons M. »’Ausuisson occupé à constater l'état thermométrique des eaux qui y coulent avant de venir jaillir sur nos placès ou se verser dans nos rues. D’après les lois de la distribution de la chaleur dans cette couche, la température, à Toulouse, doit y être de 13°,8 (1) : c'est aussi le nombre déduit des observations de M. Marqué-Victor. Le 10 juillet, après d’assez fortes chaleurs, la tem- (1) La température thermometrique y suit à très-peu près le rapport du carré du cosinus de la latitude , et celle des caves de l'observatoire de Paris est de 11°,7. Notice sur la tempéra- ture des fon- taines de Tou- louse. M. »'Aupuis- SON: 1ajuill, 1827. CHimie. Mémoire sur le plâtre des environs de Toulouse. M. MaGxeEs. 9 août 1827. 136 CLASSE DES SCIENCES. pérature de l'air étant de 3re, et celle de la sur- face de la rivière de 23°,4, M. d’Aubuisson trouva celle des eaux réunies tout près de cette rivière, dans le filtre des fontaines, à 14°,5. L'eau des conduites posées dans les galeries souterraines qui sont sous le sol de la grand’rue, depuis la place Bourbon jusqu’à la place Royale, conserva à très- peu près ce degré de chaleur; et celle qui sortait des bornes-fontaines placées immédiatement au- dessus, avait 15°. Mais à mesure qu’on s’éloignait des galeries, l’eau , sortant des tuyaux enterrés à 2 et 3 pieds sous le pavé des rues, se trouva plus chaude, et d'autant plus que les conduites étaient plus longues, et que le sol était plus long- temps ou plus fortement frappé des rayons du soleil; ainsi, à la fontaine vis-à-vis la fonderie de canons, à l’extrémité d’une conduite de 497 mè- tres, établie immédiatement sous le sol d'une rue exposée à toute l’action du soleil en plein midi, la température fut à 18° :/, : ce fut le maximum. L'auteur fait remarquer que si la manière dont les eaux sont prises à la rivière et conduites à leur destination nous procure la jouissance d’une bois- son fraîche en été, elle nous garantit encore que nos fontaines n’auront rien à craindre des gelées de lhiver. Des sciences passant à leurs applications, nous jetterons en premier lieu un coup-d’œil sur celle que M. Macxrs a faite de la chimie à l'art des constructions. Le plâtre est un des matériaux les plus em- HISTOIRE. ANNÉE 1627. 137 ployés dans cet art : il présente de très-grandes différences tant dans sa qualité que dans Pusage qu’on en peut faire suivant les lieux d’où il pro- vient. Celui de Paris, et notamment celui qu’on retire des carrières de Montmartre , est regardé comme d’une nature supérieure : on l’emploie dans presque toutes les constructions de la capi- tale, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur : on sen sert comme de mortier, et il résiste aux injures de lair : il est porté en Angleterre, en Amérique; il en vient dans nos contrées, où il est préféré aux plûtres du pays. On avait pensé jusqu'ici que sa prééminence tenait au carbonate de chaux dont les roches ou pierres qui le produisent paraissaient impré- gnées. Cependant, un travail analytique fait par M. d’Arcet, à la sollicitation de notre confrère M. de Puymaurin, semble montrer que ces ro- ches contiennent très-peu de carbonate. Ce chi- miste, ayant pris divers échantillons des pierres à plâtre les plus employées à Paris, les a mêlés, triturés ensemble , et il en a retiré sur cent parties, sulfate de chaux pur.... 76 Crhonatetdelchaux :."... 8. 4 Eau de’cristallisation. . .. .:... 20 Ayant ensuite analysé un mélange de divers plâtres cuits achetés dans le commerce, ïl à trouvé : Sukfate dexchaux er. 41008 moi Wn8,5 Carbonate;de chaux... 354.0. 015,7 Eau de cristallisation. . ........ 5,8 1390 CLASSE DES SCIENCES. Ainsi, le plâtre de Paris contient beaucoup plus de chaux carbonatée que la pierre dont il pro- vient. M. d’Arcet pense qu’elle y est ajoutée par les ouvriers : en pilant cette pierre, après sa cuisson , ils y mêlent les débris calcaires des four- neaux dans lesquels elle a été opérée. Quoi qu’il en soit, que la chaux carbonatée se trouve natu- rellement dans le plâtre de Paris, ou qu’elle y ait été ajoutée, elle n’en est pas moins la cause de sa supériorité. D’après ce fait, M. Magnes a pensé que, pour donner aux nôtres les mêmes avantages, il fallait y mêler de la pierre calcaire; et il a entrepris de déterminer le mode et les proportions du mélange le plus convenable. | Il devait commencer ce travail, et 1l Va réelle- ment commencé, par bien constater la nature des roches ou gypses qui les fournissent. Ce prélimi- naire essentiel a été l’objet d’un premier essai communiqué à l'Académie, et dont nous allons indiquer les principaux résultats. Les plâtres que l’on emploie à Toulouse vien- nent, 1.0 Et principalement, des environs de Salies, dans notre département : celui-ci arrivant par la Garonne , se nomme vulgairement plätre de montagne. 2.9 Du canton de Tarascon, dans l’Ariége. 3.0 De quelques localités peu éloignées de Castelnaudary. HISTOIRE. ANNÉE 1027. 139 M. Magnes, voulant opérer avec pleine con- naissance de cause, s’est transporté sur les diverses carrières d’où on les retire; il les a observées dans leur gite natal, et il a noté les circonstances de ces gisemens ; il a ensuite donné leurs caractères minéralogiques, et il a fini par les soumettre à analyse chimique. Il résulte de cette analyse, 1.° Que les gypses de Salies, soit en cristaux, soit en masses plus ou moins cristallines, sont du sulfate de chaux presque pur, avec 23 pour cent d'eau de cristallisation : on n’y a trouvé qu'un ou deux centièmes de parties terreuses ou ferru- gineuses. 2.9 Que les gypses de Tarascon, se dissolvant entièrement dans l’eau bouillante, ne sont égale- ment qu'un sulfate de chaux hydraté : à peine laissent-ils un millième de résidu terreux. 3.° Que, dans les gypses de Castelnaudary, ce résidu est beaucoup plus abondant : dans un échantillon, il a été le dixième de la masse essayée ; dans un autre, on a eu, sur cent par- ties, sulfate de chaux hydraté....... 88,5 Ghramicarhonatéesss. 0. ou. ÈS Parties terreuses et oxides, ..... 4,0 Par suite d’un tel mélange, le plâtre de Cas- telnaudary est un peu plus fort que les autres : il peut être employé à la bâtisse, tandis que le plâtre de montagne n’est guère propre qu'aux enduits intérieurs. MÉCGANIQUE APPLIQUÉE. Rapport relatif à une pendule rrésentée par M. Boussard. 12juill.1827. 140 CLASSE DES SCIENCES. Une question d’horlogerie soumise à l'Académie 2 LI . Pa mise dans le cas de s'occuper aussi d'arts mécaniques. Les pendules ordinaires doivent être placées sur un plan horizontal; sans cette condition elles 9 A 7° \ . s'arrêtent. Les moyens de remédier à cet incon- vénient, paraissant peu difficiles, doivent avoir été certainement indiqués par quelqu'un des ar- tistes ou des savans qui se sont adonnés à l’horlo- gerie; mais soit que les moyens proposés fussent d’une exécution difficile, soit qu’ils fussent d’un prix trop élevé, ils n’avaient pas été adoptés dans la pratique : de sorte que M. Petit-Pierre, hor- loger de Paris, en donnant, il y a quelques années, un tel moyen, pensait avoir fait une découverte dans son art. Bientôt après, M. Boussard, horloger de notre ville, et doué d'un esprit d'invention peu com- mun, indiqua et exécuta encore un autre moyen de correction. On lui contesta le mérite de l’in- vention, en disant que son mécanisme n’était, à quelques légères modifications près, que celui de M. Petit- Pierre. Il en a appelé à l’Académie. Celle-ci a nommé une commission , dans laquelle se trouvait un de nos confrères, M. Abadie, très- versé dans cette matière (1). Il résulte de son examen que la correction de M. Petit-Pierre exige une suspension à couteau , (1) La Commission était composée de MM, Abadie, Léon, et Gantier, rapporteur. HISTOIRE. ANNÉE 1927. 141 et ne peut ainsi s'appliquer au dixième des pen- dules livrées au commerce : il faut de plus que le pendule soit pesant, et il faut une forte secousse pour lui faire prendre la situation nécessaire à la continuité du mouvement. Le mécanisme de M. Boussard convient à tous les modes de sus- pension, à celui en soie ou à ressort, comme à celui à couteau , etle pendule, avec ses accessoires, se place de lui-même dans la position convenable. Ainsi, ce mode de correction diffère essentielle ment de celui de M. Petit-Pierre. L'Académie a fait, encore cette année, une de ces applications de la science qu’elle fait toujours avec le plus grand zèle, une de celles qui doivent tourner au bien-être de nos concitoyens. Il s’a- gissait de létablissement dune nouvelle voirie ; celle qu’on a en ce moment est comme encom- brée, et les bêtes mortes qu’on y porte, pourrissant en plein air, donnent lieu à des exhalaisons aussi infectes que pernicieuses. L'Académie consultée à ce sujet, et éclairée par le rapport de ses commissaires (1), a pensé que la voirie projetée devait être établie à une distance notable de la ville, sous les vents chauds du sud- est, et dans un des bancs de glaise que présente la contrée : cette terre, recouvrant les corps morts, mettrait un obstacle efficace à lémission des miasmes putrides. Enfin, on a proposé de tenir (1) MM. Duffourc, Ducasse, Magnes et Dispan, rappor- teurs. Rapport sur létablis- sement d'une nouvelle voirie. 5 juill. 1827, MÉDECINS. Observations de M. Scou- TETTEN. 10 mai 1927. 142 CLASSE DES SCIENCES. toujours ouvertes des fosses de cinq pieds de pro- fondeur où les bêtes mortes, immédiatement après y avoir été jetées, seraient recouvertes avec la terre amoncelée sur les bords, laquelle serait foulée et battue à la dame : sans cette précaution, vu le grand nombre de corps morts que fournit la ville, Jeur accumulation sur un point y deviendrait infailliblement un foyer d'infection, et plus pré- judiciable encore qu’un enfouissement isolé sur les divers points du vaste territoire de la commune. Il y a lieu d'espérer que ces mesures seront adoptées par lautorité supérieure. L?Académie aura à se féliciter d’avoir concouru à leur propo- sition, et d'avoir secondé, encore dans cette circonstance , le zèle éclairé et les intentions éminemment philantropiques du digne magistrat placé à la tête de Padministration de notre ville (M. de Montbel ). La possibilité de lier les artères principales du corps de l’homme, n’est plus aujourd’hui un pro- blème. Les expériences que les praticiens les plus distingués ont tentées ne laissent aucun doute à cet égard, et la nature, en oblitérant quelquefois les gros vaisseaux artériels sans que la circulation des parties sous-jacentes éprouvät le plus léger dérangement , semblait leur tracer davance la route qu’ils avaient à suivre. Sous ce rapport, la chirurgie anglaise a montré plus de hardiesse. Peut-être même ne doit-elle pas être aveuglément imitée dans ces tentatives hasardeuses, et trou- vera-t-on difficilement un homme assez impru- HISTOIRE. ANNÉE 1924. 143 dent pour répéter la malheureuse expérience d'Asthley Cooper, de la ligature de Paorte ven- trale. Mais comme les occasions de faire ces opérations majeures se rencontrent rarement dans la prati- que, les opérateurs, jaloux d'étendre le domaine de nos connaissances sur cette partie importante de l'art de guérir, ont eu recours aux animaux, qui présentent avec l’organisation de l’homme la ressemblance la plus parfaite. Fondés sur cette observation de Scarpa, que tout le corps peut être considéré comme une anastomose de vaisseaux, un cerele vasculaire , ils ont cherché, en arrêtant la circulation du sang dans les troncs principaux, à ie faire refluer pour ainsi dire dans les branches collatérales, et en dilatant celles-ci par labord d’une plus grande quantité de ce fluide, à le faire parvenir ainsi jusqu'aux. dernières ramifcations des membres. [ls ont choisi Le chien de préférence, et c’est après des essais nombreux que M. Scow- TETTEN, Votre correspondant à Metz, vous en a transmis les résultats : je vais vous en présenter le sommaire. 1.7 Observation. Cet opérateur lia Partère fe- morale d’un chien adulte, près de Parcade crurale. De suite après, il lia Partère carotide primitive gauche. Le 4. jour, le chien avait repris son appétit ordinaire et sa gaité. L'artère earotide droite fut encore liée huit jours après. Les suites de cette opération furent plus accablantes pour cet animal. Cependant, le 4.° jour, il prit un peu 144 CLASSE DES SCIENCES. de soupe et de bouillon, et au bout d'un mois, 1l ne restait aucune trace de La lésion des fonctions. A cette époque , l’autre artère crurale fut liée. Le lendemain , le chien mangeait et courait comme à ordinaire. Six jours après cette première opération, une première axillaire fut liée : deux jours après, la seconde axillaire. Des le dixième jour, les acci- dens consécutifs avaient cessé : la santé et la gaîté étaient rétablies. Le chien se portait très-bien, maloré la ligature de six grands canaux artériels. 2.2 Observation. : Des expériences semblables furent faites sur un autre chien adulte, et on lui lia successivement, et dans l’espace de 43 jours, les deux carotides primitives , les deux axillaires et les deux crurales. Il supporta ces opérations plus facilement que le précédent : les fonctions cérébrales ne furent entravées que pendant peu de jours, et la santé était parfaitement rétablie, quand on entreprit de lui lier Paorte ventrale. L'opération fut exécutée avec beaucoup de diff- culté : les membres postérieurs furent paralysés partiellement : animal mourut dans la nuit. La dissection du cadavre fit voir qu’on avait embrassé à la fois, dans la ligature, Partère aorte et la veine cave, ce qui rendit l'expérience infruc- tueuse. 3.° Observation. Un chien adulte auquel, dans l'intervalle de 20 jours, on lia successivement les axillaires, les fémorales, les carotides primitives, fut bientôt rétabli au bout d’uh mois, La ligature HISTOIRE. ANNÉE 1827. 14 de l'aorte ventrale, tentée alors, fut suivie de la paralysie du train de derrière. Mais elle se dissipa partiellement, et le 3.° jour l'animal sortit de sa niche. Le 4° jour, il commence de manger; le G.e, il devient caressant, reprend sa force et sa gaîté; le 7.2, on le trouve mort. L’autopsie fit voir les intestins adhérant entr'eux et le grand épiploon, et une grande quantité de sang épanchée en caillots fibrineux dans et derrière le péritoine, l’aorte ulcérée et rompue au-dessus de la ligature. En résultat, dit M. Scoutetten, tous les gros troncs artériels ont été liés à trois chiens, qui ont bien supporté lopération et recouvré leur santé habituelle. L’aorte ventrale a été liée à deux chiens, dont Pun a succombé aux suites d’une opération mal faite ; le second a vécu six jours, et n’est mort que par suite d’un accident extraordinaire. L’épi- ploon a démontré que les anastomoses ont suppléé aux gros troncs vasculaires, en apportant le sang au-dessous des ligatures, pour circuler dans le reste de leur longueur. Comme dans les opérations faites sur les autres artères, les branches collatérales distendues suppléaient aux fonctions des troncs principaux. Eloigné cependant d’un enthousiasme qui em- brasse tout avec chaleur, comme de la prévention qui rejette tout sans examen, l’auteur se demande si ces expériences réussiront aussi-bien chez l'homme, dont l’organisation, quoique rapprochée de celle du chien, présente néanmoins des dif- 10 Usage de la digitale. M. Ducasse. 1er Mars 1827. 146 CLASSE DES SCIENCES. férences notables, et qui est doué de cet excès de sensibilité qui lui fait exagérer tous les dangers. Toutefois, il pense pour laffirmative, mais il croit qu'il est d’une sage réserve de ne point prononcer, et de remettre au temps, et à l’habileté des chi- rurgiens, la décision de cette grave question. En communiquant à la Compagnie un Mémoire sur l’usage de la digitale comme moyen thérapeu- tique , M. Ducasse a d’abord fait sentir combien la prévention et l'enthousiasme ont supposé à ce médicament des vertus dont lobservation n’a point confirmé l'existence. Il pense que les écrivains qui s’en sont occupés en ont exagéré les propriétés, et, sans partager à cet égard l’opinion de Vassal, de Fowler, de Beddoës et de Hufeland , relative- ment aux différens résultats qu’ils le croyaient susceptible de produire , il cherche à déterminer sa véritable place dans le traitement des hydro- pisies, et comme un puissant diurétique. Cest en effet sur le système des voies urinaires qu’on le voit plus spécialement porter son action : c’est sur le système lymphatique en général que cette in- fluence se fait plus particulièrement ressentir. Mais ici, il importe de distinguer soigneusement avec notre collègue, les cas où la digitale peut être utile, et ceux où son usage ne doit produire que des améliorations passagères. « Pour en ob- tenir des effets avantageux, dit-il, il faut que l'état des principaux viscères soit dans une situa- tion favorable. Les résultats seront plus rapides et plus salutaires. L’urine coulera en abondance, HISTOIRE. ANNÉE 1827. 147 et la cessation progressive de l’épanchement sé- reux , sera un témoignage irrécusable de leffica- cité du moyen employé. Dans le cas contraire, lorsqu'une cause organique plus ou moins an- cienne complique et entretient l’exhalation, à quoi serviront sur les absorbans, les diurétiques les plus prononcés ? La désorganisation viscérale, qui a produit les sécrétions vicieuses, saura encore les prolonger, et se dérober à toute espèce d’in- fluence thérapeutique. Telles sont sans doute les circonstances ficheuses dans lesquelles Letson s’est trouvé placé. Il ne sest servi de la digitale que contre des hydropisies consécutives, et son usage a été inutile contre les résultats d’une alté- ration si profonde. » Cest donc dans les collections séreuses idiopa- thiques, dans celles produites par une cause qui agit directement sur le système lymphatique et qui détruit harmonie entre les fonctions des exha- lans et des absorbans ; c’est, dis-je, dans les col- lections séreuses indépendantes de toute altération organique , que la digitale doit être principale- ment mise en usage. M. Ducasse cite à ce sujet, dans son Mémoire , trois observations qui ne lais- sent aucun doute sur ies bons effets qu’on peut en attendre dans de semblables circonstances. Soit que l’épanchement ait lieu dans la poitrine, et menace de suffocation comme dans individu qui fait le sujet de l'observation premiere ; soit que, comme dans la seconde , il affecte à la fois la poi- trine et l’abdomen, et constitue en même temps 10. L 148 CLASSE DES. SCIE NCES. et l’hydrothorax et lascite ; soit que lanasarque soit presque universelle comme dans le troisième malade , et laisse à peine quelques portions du tissu cellulaire exemptes de la congestion œdé- mateuse, toujours la digitale, administrée en poudre à la dose de quatre ou six grains par jour, a été suivie d’une amélioration sensible et rapide. Un fait que notre collègue a principalement ob- servé, et qui semble plus spécialement former le vrai caractère de l’action de la digitale , c'est la grande quantité d'urine sécrétée après le troisième ou le quatrième jour de son emploi. Ce fluide naguère si rare, si épais, si chargé de sédiment comme dans toutes les hydropisies en général, devient tout à coup abondant, limpide , presque aqueux, et à mesure que sa quantité augmente, le praticien voit s’éteindre à vue d'œil, soit les collections séreuses des cavités essentielles, soit les collections du tissu cellulaire des membres. Mais, encore une fois, pour espérer des eflets aussi heureux, les circonstances doivent être fa- vorables, et notre collègue ne saurait trop recom- mander aux praticiens d'établir la différence entre les épanchemens de sérosité dépendans d’un vice essentiel dans les vaisseaux lymphatiques, et ceux développés sous l'influence d’une altération orga- nique. Dans les uns, la digitale sera utile, pré- férable même à toutes les substances connues ; dans les autres, ses effets seront peu prononcés et son usage entièrement inutile. HISTOIRE. ANNÉE 1829. 149 — Longueur de la conduite. — Son diamètre. — Diamètre de l’ajutage ou orifice qui la termine. — Hauteur du manomètre à mercure, à l’origine de la conduite. Hauteur du manomètre , à l'extrémité de la conduite, près l’orifice. Indication du baromètre, dans l'atmosphère près la conduite. Indication du thermomètre centigrade. Vitesse de lair sortant par l’orifice. Vitesse moyenne de l'air dans la conduite. Quantité ou volume d’air sorti en une seconde. Poids de ce même air. Le rapport de la densité du mercure à celle de Fair atmos- phérique , sous la pression barométrique de 0"76 et o° du thermomètre , étant 10467 (à 1), on aura, pour le rapport de la densité du mercure des manomètres à celle de l'air sor- tant de la conduite , air qui est à 1° et à à + h de pression, 1 +-0,004 £ ; b+h ————— , Où, en faisant ————— b+A 1+-0,0044 $ 7955 E- La hauteur due à la vitesse de sortie de l'air, sera par suite SORA ER Il D Il EUHU DOS 10467 X 0,76 h Cette vitesse, m2 étant le coefficient de contraction de la veine d’air à sa sortie de l'orifice , sera L m an 7955. D’après les experiences gazométriques de M. d’Aubuisson , (1) Ces formules sont un extrait de la partie analytique du Memoire de M. d’Aubuisson , sur la résistance de Fair dans les tuyaux de conduite. Formules re- latives au mouvement de l'air dans les conduites QG). 150 CLASSE DES SCIENCES. pour les ajutages légèrement coniques qu’on place habituel lement à l'extrémité des conduites m — 0,93 : de plus g—=9%8088. Donc V = 367 Vu. La vitesse, multipliée par la section de l'orifice (+ d° ) , donnera ; Pros Q — 289 d’ g mèt- cub. Dans cette expression, l'air est sous la pression & + 2; on aura le volume du même air sous une pression quelconque 8, + en multipliant par Un mètre cube d'air, à o° du thermomètre et à 0 76 du baromètre , pèse 1,209 kilogrammes : à 1° et + 4 de pres- 1,209 B° sion , il pèsera . Donc 0,76 P—=408 d'V7-BR XI: La vitesse de l'air dans la conduite sera moindre que celle à l’onifice , dans le rapport des sections de lorifice et de la conduite, rapport qui est celui de d° à D°. Ainsi dé h u = 367 —— D: En stricte rigueur, cette valeur de # ne convient qu’au point de la conduite , à son extrémité, où la hauteur manomé- trique est 2, et par suite la pression & +-}. Dans les autres points , la hauteur du manomètre étant différente , il en sera de même de la vitesse; car les vitesses suivent le rapport in- verse des densités ou des pressions ; elles iront donc en aug- mentant depuis l’origme de la conduite , où la pression est bHH, jusqu'à l'extrémité. Vers le milieu, où l'on aura la ; 1 H +} : pression moyenne (5 + ————) et la vitesse moyenne, Z pour avoir l'expression de cette vitesse, 1l faudra multiplier HISTOIRE. ANNÉE 1824. 151 H L l'expression ci-dessus par le rapport de 6 +} à b + ——— Lu Toutefois, dans la pratique, où H diffère peu de A, on peut conserver pour w la valeur ci-dessus. La résistance qu'une conduite oppose au mouvement de l'air, est la différence entre la force élastique de l'air à lori- gme de la conduite , force représentée par H, et la force à l'extrémité de la conduite ou 2; elle sera donc représentée, d’une manière analogue, c’est-à-dire, en hauteur d’une co- lonne de mercure, par H— h. De plus, cette résistance est proportionnelle au carré de la vitesse de l'air dans la conduite, à la longueur de cette con- duite , et réciproquement à son diamètre ; donc Lu? D 2 n étant un coefficient constant à déterminer par l'expérience. Celles qui ont été faites sur le ventilateur de Rancié, ont donné 2 —0,0000/37; ainsi, mettant pour sa valeur, on aura, toute réduction faite, H—?—n l'hL H— 4 —0,01603 ———., d’où BD h= = d'L 0,010 —— BD: + 1. Cette valeur de 2, mise dans les expressions de Q et de P ci-dessus , donnera la dépense en fonction de H; ainsi ; on aura FES D L 62,4B D nr CUS Si la conduite était entièrement ouverte à son extrémité , alors 4—D , et, vu le défaut de contraction à la sortie, le coefficient serait augmenté dans le rapport de 1 à 0,93; ce qui donnerait = 2279 152 CLASSE DES SCIENCES. En employant un manomètre à eau, au lieu d’un mano- mètre à mercure , H' indiquant la hauteur du premier , on au- rait H'— 13,6 H (13,6 étant la pesanteur spécifique du mer- cure), donc HD ee pres OU QE L+62BD Eytelwein donne , pour la dépense d’une conduite menant de l'eau, , /_ HD: Q— 20,8 Grey Ainsi, sous une même charge, H”, et dans une même con- duite , les volumes d’air et d’eau écoulés dans un même temps, seraient à très-peu près comme 664 à 20,8 ou 31,9 à 1. Si la résistance, pour ces deux espèces de fluides , était exactement RS aux mêmes lois , le rapport devrait être celui des ra- 0,76 FBe B variant de o"71 à 078, ainsi que nous le verrons par la suite, le rapport varierait de 28,7 à 27,4 : 1 ; notre coeflicient de la dépense serait donc d’un huitième plus grand que celui indiqué par la théorie. cines carrées des densités spécifiques ou Ver 1; Soit une machine soufllante à laquelle est appliqué un mo- teur capable d’élever une masse ou poids M à une hauteur C en une seconde de temps, MC représentera la force de ce moteur. Si c'est un courant d’eau, C sera la hauteur de la chute. | L'effet utile de la machine sera représenté , d’une manière analogue , par le poids de l'air émis en une seconde, censé élevé à la hauteur due à la vitesse de l'émission , c’est-à-dire , multiplié par cette hauteur, laquelle est exprimée par À aug- menté dans le rapport de la densité du mercure à celle de Fair sortant , ainsi que nous l'avons déjà vu. Get effet sera donc h hr P x 7955 _ ou 3923241 d°h VE kilog. HISTOIRE. ANNÉE 192). 153 Si une conduite est interposée entre la machine et l'orifice de sortie, l'effet utile conservera bien l'expression ci-dessus : mais l'effet soufflant de la machine , c’est-à-dire , l'effort qu’elle doit exercer à l’origine de la conduite pour qu’elle mène et dé- pense la quantité d’air P , sera égal à cette quantité multiphiée par la hauteur correspondante à la pression qui a lieu à cette H origine , hauteur qui est 7955 TT (bien qu'ici dans la valeur de B, on dût substituer à 4H à & + A; on pourra y laisser, sans erreur notable, cette dernière quantité). On aura alors pour expression de l'effet 2 h 2 d' L 3923241 d'H 5% 3923241 d'h (o16 + ) Soit À, le rapport entre la force du moteur et l'effet produit, nous aurons l’équation s d'L Fi MC = 3923241 À d°h° (oo6 Es + 1 ) Der - Le rapport À varie suivant l'espèce de machine soufllante , et même , dans chaque espèce , suivant la bonne disposition et le bon état de la machine qu’on considère. Toutefois , pre- nant un terme moyen pour chacune des principales espèces de soufllets , etindiquant , d’après l'usage des praticiens , par un nombre simple, de combien de fois la force est d'ordinaire plus grande qûe l'effet, nous aurons , pour valeur de A, 2 dans les machines à pistons mues par la vapeur de l'eau ; 4 dans celles qui sont mues par des roues sur lesquelles l'eau agit par son poids ; 9 dans celles où l’eau motrice agit sur la roue par le choc ; 3 dans les soufflets hydrauliques , à roues mues par le poids de l’eau ; 10 dans les trompes. Prenant, dans la première expression de Q que nous avons donnée, la valeur h et la substituant dans l’équation ci-des- sus , nous aurons L MC 0,663618:À Q° (5 + ) kilog. 154 CLASSE DES SCIENCES. D'où l’on déduit pour la dépense ay MC , O = 5,26 PR ne ES Pa s ) 7; 6 k ë a mèt. cub., Dai RS 7 et pour le diamètre , en observant que Q = — 4° V, Pos ALQ* MC—0,1007 A BQ V: D=—=0;,305 mèt. b+h 1 +4-0,00/4 1? baromètre , du manomètre et du thermomètre , pour chacun des cas qui se présentent. Mais comme , dans une même ma- chine et dans un même lieu, ces indications ne varient que dans des limites très-rapprochées, on les prendra par approxi- mation. On peut même, une fois pour toutes et pour lu- sage de la pratique ordinaire , faire B un nombre constant : dans les usines, b ne varie guère que de 070 à 0#96; h de o%02 à o"o8 , et # de 6° à 20°, par suite B ne variera que de o"71 à o"178 : en adoptant la moyenne 0,745, il n'en saurait résulter , à moins de cas extraordinaires , une erreur de deux centièmes dans l'expression de Ta dépense , la- quelle deviendrait né MC Q=— 7,26 A rer Dr UE: Le facteur B, ou dépend des indications du Une force agissant sur une machine soufllante produit, à l'extrémité de la conduite qui y est adaptée, un courant , don- nant une certaine quantité d’air par seconde : on demande quelle quantité cette même force donnerait , s’il n’y avait pas de conduite, et que l’ajutage qui la termine fût immédiate ment adapté à la machine ? HISTOIRE. ANNÉE 1824. 155 Soit X’ la hauteur du maromètre dans ce dernier cas , l’eflet produit serait 3 3923241 d° ( h' a 1 PF Avec la conduite , l'effet était M 3923241 d?H n? ——, 92324 VE A forces égales, les effets semblent devoir être égaux , donc ( be La valeur de # deduite de cette équation , et mise dans l'expression de Q ou de P, d’abord données, fera connaître Ja quantité cherchée. Faisons une application à quatre des expériences exécutées sur le ventilateur des mines de Rancié : la conduite avait 387 mètres de long et o"10 de diamètre ; à son extrémité, on adaptait les ajutages dont les diamètres sont indiqués au ta- bleau suivant , lequel présente aussi les hauteurs manométri- ques observées à l’origine et à l'extrémité de la conduite. Les valeurs de #’, déduites de ces hauteurs et mises dans V4 l'expression de la dépense 289 d° Ve donneront le vo- lume d’air qui aurait été soufflé , s’il n’y avait pas eu de con- duite : le volume qui a été réellement émis , avec la conduite, est donné par les valeurs de 2. Nous remarquerons, pour la composition du facteur B , qu'à Rancié, on avait d — 0680 et{— 11°. En comparant les deux sortes de volumes, on voit que les déchets ou pertes dues à la conduite sont respective- ment de 4, 17, 29 et b1 pour cent : ce qui montre combien peu de perte occasionnent les petits orifices , ou, ce qui re- vient au même , combien peu de perte occasionnent les con- duites dont le diamètre est considérablement plus grand que celui de leur orifice. 156 CLASSE" DES SCIENCES. 1 QUANTITÉS VALEUR YOLUME RAPPORT données par l'expérience. || calculée | d'air dépensé avec | entre de © | ps deux h h | h |vlumes. m, cub, m, cub. 0,0301 | 0,0314 | 0,96 0,0552 | 0,0664 | 0,85 0,1010 PRIX DE L'ANNÉE. LA question à résoudre était : Déterminer la manière dont les réactifs anti-fermentescibles et anti-putrescibles connus , tels que le gaz acide sulfureux , le peroxide et le perchlorure de mer- cure , le camphre, l'ail, etc., mettent obstacle à la décomposition spontanée des substances végé- tales ou animales, et préviennent ainsi la forma- tion de l’alcohol dans les premières et de l’ammo- niaque dans,les secondes , en méme temps qu’ils empéchent tout développement de moisissure et d'insectes, même microscopiques. Trois Mémoires ont été envoyés au concours. Deux, où la question n’était nullement traitée, ont pu être l’objet d’un examen approfondi. Il n’en a pas été de même du troisième : l’auteur y HISTOIRE. ANNÉE 1825. 157 a montré beaucoup de connaissances ; 1l y a établi un principe général, et il a cherché à le soutenir tant à l’aide de faits déjà connus que de ses pro- pres expériences. Il à admis que les anti-fermentescibles agissent en formant, avec le corps prêt à fermenter, une combinaison qui neutralise en quelque sorte cette faculté. On peut en effet penser qu’il en est ainsi dans quelques cas : par exemple, dans action du tannin sur la gélatine des cuirs, dans celle du sur- trito-sulfate de fer sur Palbumine et la chair mus- culaire, dans celle de la chaux sur le sang. Mais il n’en est plus de même dans la plupart des cas : dans l’action du sel commun, du poivre, des aro- mates, etc., sur la viande ; ou lorsque lanti-fer- ment est en quantité très-petite par rapport à la substance sur laquelle il agit : c’est ainsi que le gaz acide sulfureux, provenant de deux ou trois onces de soufre , mate tout un tonneau de moût et y pré- vient la fermentation ; qu’un quinze-centième de nitrate d'argent empêche la putréfaction. de la viande avec une énergie extraordinaire; qu’une dose extrêmement faible de perchlorure de mercure (sublimé corrosif) produit un pareil effet : ail, le camphre, agissent d’une manière’ analogue et à très-petite dose. L'auteur du Mémoire semble avoir oublié ces circonstances ; il n’a pas traité cet objet, et c'était cependant le point le plus important de la question proposée. Par ce motif, et aussi parce qu'il ne sest nullement occupé de la fermentation spiritueuse, on a pensé qu'il 198 CLASSE DES SCIENCES. n'avait pas satisfait aux conditions du pro- gramme. En conséquence, l'Académie a déclaré qu'il ny avait pas lieu à adjuger le prix proposé, et elle a reproduit la même question pour sujet du prix à décerner en 1830. Section Deuxicme, —— MÉMOIRES HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES A TOULOUSE; Par M. D'AUBUISSON DE VOISINS. INTRODUCTION. Üx des premiers besoins de l'homme, et plus encore de toute réunion d'hommes, est d’avoir de Veau à sa portée, Cest pour le satisfaire que la plupart des villes, bourgs et villages auront été établis sur les bords des fleuves, des rivières, des ruisseaux, et dans les vallées : c’est vraisembla- blement un tel motif qui aura décidé les premiers habitans de notre cité à se fixer sur le sol qu’elle occupe, au point où la Garonne, après avoir reçu toutes les eaux que lui fournissent les Pyrénées, arrive dans une large plaine, au débouché de la fertile vallée où se trouve aujourd’hui le Canal de Languedoc, et sur un léger relèvement de terrain où ils étaient à l’abri des inondations. Moyens na- turels d’obte- nir de l’eau, 160 ÉTABLISSEMENT Mais les eaux de la rivière sont bourbeuses ou troubles plus de la moitié de l’année, et ils durent s'occuper bientôt d'en avoir d'autres pour leur boisson ; ils durent chercher à se les procurer par le moyen, aussi simple que naturel, usité dans les plus petits villages et hameaux, celui d’amener chez soi les eaux qui sourdent dans le voisinage à un niveau plus élevé, en les recevant dans un fossé ou canal creusé sur la pente du sol. Toulouse était dans une position peu favorable à cet égard. Au D est une plaine grande et a Au sud, Fe terrain élevé compris entre la Ga- ronne et le canal se termine en pointe; et cette pointe, d’ailleurs dépourvue de sources, est en- core à une demi-lieue de la ville. À l’ouest, il est vrai, mais à une distance de trois à quatre mille mètres, règne un grand pla- teau , celui des Ardennes, élevé d’une quarantaine de pieds au-dessus des plaines de la Garonne, et denviron vingt pieds au-dessus de la partie la plus haute de la ville : il se joint à ces plaines par une pente assez rapide, sur laquelle il existe plusieurs sources ; quelques-unes étant à un ni- veau supérieur à celui de la cité, pouvaient y être menées, mais non en suivant l’inclinaison du sol ; en la suivant, elles arrivaient bien en face de la ville, sur la rive gauche, au faubourg Saint- Cyprien ; mais la rive droite, sur laquelle Tou- louse est bâti, étant de vingt-cinq pieds plus haute, on ne pouvait les y conduire qu’en les maintenant DES FONTAINES A TOULOUSE: 161 aû moins à cette hauteur, ce qui exigeait un grand pont-aqueduc de plus d’une demi-lieue de long. Un tel ouvrage était au-dessus des moyens des peuples qui habitaient anciennement nos con- trées : mais il n’était pas au-dessus de ceux des Romains, qui ont dominé pentlant cinq siècles à Toulouse; il leur était au contraire fort familier, et c’est peut-être par ce-motif qu'on leur a attri- bué celui qui aurait autrefois réellement mené les eaux de l’Ardenne, et qui existait, dit-on, encore dans le moyen âge, où il était appelé le Pont de la Régine Pédauque (1). De nom- breux massifs d’ancienne maçonnerie, trouvés sur le vieux chemin de Cugnaux, en seraient les restes, et en auraient indiqué la direction et presque la forme à nos anciens écrivains : un d’eux, Antoine Soulier de Saint-Ander, dans un écrit publié en 1703, rapporte qu’il avait deux mille toises de long et qu'il était supporté par huit cents arcades, mais qu'il ne menait qu’unñe petite quantité d’eau venant de la Cipière (2). Du côté de l'est, on était dans une position plus favorable pour obtenir des eaux de source par des moyens naturels. Dans cette région, on a un monticule alongé, le coteau de Guillemery, sur le pied duquel est situé un quartier de la ville, celui de Saint-Etienne. Il est vrai que son peu de (1) Du Mècr. Mémoires (nouveaux) de l’Académie de Toulouse, tom. 1, 2.° partie, pag. 44. (2) Extrait d’un Mémoire de M. Laupies. TOME I, PART. I. 1I Fontaine de St.- Etienne. 162 ÉTABLISSEMENT volume (6400 mètres de longueur, 1100 de lar- geur moyenne et 21" 20° de hauteur au-dessus des eaux du canal, d’après le nivellement que j'en ai fait), ne promettait qu’une fort petite quantité d’eau; et encore cette eau, par suite de la nature du terrain à travers lequel elle sinfiltre, est chargée de beaucoup de sels terreux , et est par conséquent de fort médiocre qualité (1). Cest ce- pendant à la conduire à la place Saint-Etienne que se sont réduits, jusqu’à ces derniers temps, presque tous les travaux en fait de fontaines qui ont été exécutés à Toulouse. Nous allons les ex- poser succinctement. Dès les premiers temps, on dut, à laide de simples fossés, prendre les eaux qui naïssaient au pied du coteau et à un niveau plus élevé. Mais ensuite, à une époque très-vraisemblable- ment antérieure au treizième siècle , on perça un (1) M. Dispan ayant analysé , en 1821, l’eau de la fon- taine de Saint-Etienne , atrouvé, sur mille grammes d’eau, un demi-gramme de résidu terreux , composé de gram. Muriate de chaux... ,14 4, . 4 ee «» ++ 0, 227 Muriate de magnésie. ... . . . . . . . . o, 096 Carbonate deichaux.#21%.".1. 1." 2. .0,/001 Suite de chaux eee Pate lee 027040 Oxde de Er PURE Ste Me Male 0, 043 Résidu présume siliceux. . . . . . . . . . O0, 023 ED MORE-S TER eee etre fe MRIROË 200 Mais, ce qu'il a trouvé de plus remarquable , c’est quatre décigrammes de carbonate d'ammoniaque par litre d’eau (1 sur 2500) : ce sel communique à l’eau ses propriétés alkalines. DES FONTAINES A TOULOUSE. 163 aqueduc souterrain , lequel, en se dirigeant vers Montaudran , longeait le pied du coteau jusqu’à un quart de lieue de distancé, et étendait des ramifications dans tous les sens. On y recueillit les eaux filtrant dans le terrain qu’il traversait ; on les enferma dans des tuyaux de bois ou de poterie, et on les fit jaillir à deux ou trois pieds au-dessus du sol de la place Saint-Etienne : cet aqueduc avec ses branches à environ 1800 mètres de longueur; il est en partie revêtu de maçon- nerie et en partie taillé dans une marne arénacée fortement endurcie, appelée ba/me ou roc par les ouvriers du pays. La grandeur de cet ouvrage, grand en réalité, mais jugé bien plus grand en- core dans les temps antérieurs au nôtre, a porté à Vattribuer aussi aux Romains : il est vraisem- blablement dû au chapitre de Saint-Etienne, qui était autrefois comme le souverain de ce quartier ; et dans ces siècles reculés, les chapitres aussi fai- saient faire de bien grandes et belles constructions. En 1433, le prévôt du chapitre fit réparer la fontaine qui était sur la place, et qu’on appelait le griffoul, nom générique des fontaines jail- lissantes dans le langage du pays; on mit alors à découvert l’aqueduc dont nous venons de parler, et dont déjà à cette époque on avait en- tièrement perdu le souvenir. Un acte trouvé bien postérieurement dans les archives de la ville (1) nous apprend que tous les 1) Je cite textuellement ce qui nous reste de cet acte inté- q II. 164 ÉTABLISSEMENT habitans allèrent le voir, et qu'il fut l’objet de leur admiration. IL paraît que la fontaine de Saint-Etienne fut ensuite portée à la prévôté, où il en a très-long- temps existé une, et qu'il survint, à son sujet, une discussion entre le chapitre et la ville; car, en 1533, au rapport de lhistorien Catel, qui écrivait quatre-vingt-dix ans après, le Parlement rendit un arrêt, par lequel il ordonnait que Îes eaux du fossé (de laqueduc) de Saint-Etienne seraient conduites à la place de ce nom, pour y faire un griffoul , tant à Vusage du chapitre qu'à celui des habitans, le tout aux frais de la ville: L ressant, moins par son contenu que parce qu'il montre l’état de la langue qu'on parlait à Toulouse il y a quatre siècles. «L'an de la Natibitat de Nostre-Seignor millo quatre cents » trento-tres , et le segond jour de Genier, le Reverent Pairé » en Dius Mounsun Bernard de Rouerga ( c'était Bernard du » Rosier, alors prévôt de Saint-Etienne), et Mounsun Jouan » Deltil , fegon far la reparaciou del Griffoul de S.t-Estienné , » en la forma que sieg. » Premieroment, feron curar las vadas et potzés devre » S.t-Salvador , et feron remendar et sendar les canals, co » queron necessarias : — troberen una premiera peira debers » en Guilhem , que curbissia un solemne potz , en qual feron » intrar trés homés d’amb’entorches. . . . . . . . . . . . . » Item le dit lavari se continuec, trabersan toujoun ; may » per la grande frajor et la grande espaven que homés abian » dedins lesdits potzés, nou auseguen anar plus aban; et » sapias que en tal maniera foc fait, que tota la Cieutat, las » festas et les autres jors venian vezé ladito reparaciou , tant » era de grando admiraciou. » (Mémoires de l’Académie de Toulouse, tom. 111, pag. 360.) DES FONTAINES À TOULOUSE. 105 L’exécution de cet arrèt dut être ajournée, puis- que notre grand annaliste, Lafaille, fait honneur aux capitouls de 1545 de l'établissement de la fontaine Saint-Etienne. En 1649, après une longue interruption dans son écoulement, elle fut rebâtie, et mise à très- peu près dans létat où nous la voyons aujour- d’hui; cétait toujours un bassin surmonté du petit obélisque actuel, porté par un socle présen- tant, sur chacune de ses faces et dans une petite niche, un ange ou enfant tout nu qui verse de l’eau. Un tel monument, devant la porte d’une église, est une des plus bizarres et des plus in- convenantes conceptions que l’on puisse voir : à peine pourrait-on le croire du dixième siècle. Dans ces derniers temps, on a assez mal et assez ridicu- lement cherché à pallier l’indécence de cette vue. Les eaux qui alimentaient la fontaine se per- dirent ou furent détournées enccre une autre lois; et, en 1719, lorsqu'on entreprit de les rendre, lexistence seule du monument dont nous venons de faire mention indiquait qu’elles avaient jadis coulé sur cette place. Alors on rouvrit, on visita et répara les aqueducs souterrains de Guil- lemery dont on avait encore perdu tout souvenir. On les prit pour une merveille de Pantiquité la plus reculée, et dont on ne trouve lindice dans aucun monument historique, disent les annales de cette année( 1719). Les capitouls en firent lever le plan, et ils le firent exposer en public. On estima que tous les travaux que l’on reconnut 166 ÉTABLISSEMENT n'auraient pas été faits pour une somme de quatre cent mille écus. Le bassin actuel de la fontaine fut fait l’année suivante : ces diverses réparations coûtèrent trente-cinq mille francs (+). On avait espéré qu’elles procureraient une grande quantité d’eau; mais il fut loin d’en être ainsi. Des membres de l’Académie des Sciences de notre ville la jaugèrent en 1750, et ils n’en obtinrent que de deux à trois pouces (2), et encore, dans l'été, cette quantité diminuait de moitié et plus. En 1769, le Roi ayant fait à la ville une re- mise de 53.443 livres 10 sous, à la charge de employer à ses fontaines, l'entière somme fut dépensée pour celle de Saint-Etienne. On suivit et répara encore une fois les aqueducs jusqu’à leur naissance, mais ce fut encore sans succès (3). Depuis, de nouvelles sommes ÿ ont été dé- pensées, et l’on n’en a pu obtenir de meilleurs résultats ; tantôt on avait un peu d’eau, tantôt on n’en avait pas du tout. En 1823, six mille francs y ont été encore employés: et, en 1827, lors- qu’on à donné les eaux de la Garonne à cette fon- taine, elle ne coulait pas depuis plus d’un an. Voilà de bien grands travaux, et des dépenses (i) Histoire de Toulouse par du Rosoi ; tom. v. (2) Mémoires de l Académie de Toulouse , tom. 1, p. 152. Autrefois le pouce de fontainier était estimé donner 14 pintes d’eau ou 13,71 litres par minute ; maintenant on l’a porté à 13,89 litres. Voyez la note 1, à la fin de cette histoire. (3) Du Rosoi , tom. v. DES FONTAINES À TOULOUSE. 167 qui sélèvent peut-être à deux millions de notre monnaie; et cela pour n'avoir, et que par inter- valles seulement, quelques filets d'une mauvaise eau : il n’en a coûté guère plus de moitié pour répandre dans toute la ville un grand volume de l'eau venant des Pyrénées. Les recherches que l’on avait faites, à diverses époques, des aqueducs de Saint-Etienne et Guil- lemery, ne les avaient pas tous mis à découvert. En 1780, on en trouva encore un autre, et l’on en utilisa les eaux, pour une nouvelle fontaine qui fut alors établie au faubourg Saint-Etienne, sur la place Dauphine, aujourd’hui la place Ri- quet (1). Au delà de ces aqueducs, vers le sud et tou- jours au pied du coteau de Guillemery, on a encore quelques sources assez abondantes, no- tamment celles de la Béarnaise et de la Barra- quette (2). En divers temps, on a essayé de con- duire leurs eaux dans la ville : ce sont elles qui alimentaient la fontaine d’eau vive et jaillissante que les capitouls de 1508 firent élever à grands frais près la porte de Montoaillard, au rapport de Lafaille : 150 ans après, il n’en restait pas ves- tige (3). En 1783, le conseil de la ville voulut encore utiliser ces eaux, et 1l délibéra de faire (1) Du Rosoi, tom. v. (2) Le 13 avril 1830, la première ne fourmissait plus que 2,16 pouces d’eau, et la seconde 1,14. (3) Lafaille , tom. 1, pag. 302. Autres petites fontaines, 168 ÉTABLISSEMENT conduire celles de la Béarnaise à la promenade de Esplanade, ainsi qu'aux portes de Montoaillard et de Montoulieu. Le devis des travaux à exé- cuter fut fait, et la dépense fut estimée à quarante- cinq mille livres; mais exécution fut suspendue jusqu'à ce que l’Académie des Sciences eût pro- noncé sur le prix qu’elle avait proposé, au sujet de létablissement des fontaines publiques à Tou- louse (1). Nous parlerons dans peu de cette pro- position. Nos annales font encore mention d’une fontaine qui fut établie, en 1600, près la porte Matabiau : cinquante ans après, on n’en voyait même plus les traces, et l’on a peine à concevoir d’où venait l'eau qui Palimentait (2). Autour de la ville, dans les bas-fonds, dans de grands fossés, 1l y a bien encore quelques sources; mais elles sont d’un trop petit volume et trop enfoncées pour pouvoir être menées dans nos murs. Toutefois, on a mis à profit celle qui est au faubourg Saint-Michel, près le mur de ville, à dix ou douze pieds au-dessous du sol : on éta- blit un lavoir dans ce lieu. Notre histoire fait mention des réparations qui y furent faites en 1722 et 1784 : aujourd’hui, il est dans un grand état de délabrement. L'administration municipale est dans l’intention de le concéder, ainsi que le (1) Tableau de l'administration de la ville de Toulouse , année 1785 , pag. 69. (2) Lafaille , tom. 11, pag. 528. DES FONTAINES À TOULOUSE. 109 misérable édifice qui le renferme , à la charge par le concessionnaire de laisser ce lavoir à l'usage du public, et de le recouvrir d’une construction con- venable. On utilisa encore quelques petites sources du faubourg Saint-Cyprien pour la fontaine dite des Trois cannelles ; en 1712, une inondation la com- bla, et quatre ans après elle fut rétablie. Tels sont les différens moyens qui ont été em- ployés pour conduire à Toulouse, ou pour mettre à la portée de ses habitans, les eaux des sources voisines. Les avantages qu’ils ont procurés étaient insignifians pour une population de plus de cin- quante mille âmes : un de ses premiers besoins, celui des eaux pures et limpides, coulant en abondance au milieu delle, était encore à satis- faire. Le besoin était si manifeste , si généralement et si fortement senti, que certainement et à diver- ses époques, depuis le renouvellement des arts en Europe, des magistrats animés du désir du bien public ont cherché à y pourvoir. Cependant nos annales ne rapportent rien à ce sujet avant le dix- septième siècle : exposons brièvement ce qu’elles en ont dit depuis. En 1612, un italien vint proposer d'élever, à laide de machines, les eaux de la Garonne, et puis de les distribuer dans toute la ville : son projet ne fut pas agréé, tant à cause de la dépense considérable qu'il eût fallu faire, que parce que les eaux de la rivière sont sales la plus grande partie de Pannée. Anciens projets de fontaines pu- bliques, 170 ÉTABLISSEMENT À cette même époque , Parchitecte du chapitre de Saint-Etienne, qui venait de terminer les ré- parations de son église, proposa d'amener les sources des Ardennes; mais cette proposition n’ent pas de suite. On revint à cétté même idée en 1677. Des hom- mes versés dans les travaux hydrauliques furent consultés, et le projet, ainsi que le devis des ou-- vrages à faire, fut dressé; le conseil de la ville Vagréa, et il fut adjugé, L’entrepreneur, moyen- nant une somme de quarante mille livres, se chargea de conduire vingt-cinq pouces d’eau à la place Rouaix et autres lieux indiqués au devis : on lui donnait encore deux mille livres par cha- que pouce d’eau qu’il amènérait en sus. Quatre mille francs lui farent comptés, et lon commença les travaux. Mais bientôt on craignit qu’ils n’eus- sent pas la solidité convenable : Pintendant de la province , qui se trouvait alors à Toulouse , les fit vérifier en sa présence par des ingénieurs, et il fut reconnu que les maçonneries étaient trop fai- bles. On observa que, faute d’avoir suivi de bons plans, la conduite des eaux de Ardenne avait été commencée et abandonnée plusieurs fois depuis un siècle, et l’on conclut à ce que le projet actuel serait envoyé à Paris, pour y être soumis aux personnes les plus expérimentées sur ces matières. En attendant les travaux furent suspendus et ensuite abandonnés. Cinq ans après, un Marseillais proposa de porter trois pouces d’eau au delà du pont, à laide dun | | | | | DES FONTAINES À TOULOUSE. 171 aqueduc ; il demandait huit mille livres, et il se chargeait de entretien pendant dix ans, moyen- nant cent cinquante livres par an. Son offre fut acceptée, et l’on mit la main à lPoœuvre : mais encore cette fois, le succès ne répondit pas à Pat- tente; on ne put faire parvenir qu’un demi-pouce d'eau au delà du fleuve. On employa à cet effet des tuyaux de poterie, placés dans une des gale- riés qui sont maintenant sous les trottoirs du pont, et qui furent vraisemblablement faites alors et pour cet objet, car le pont ne fut terminé qu’en 1686 : probablement encore on éleva, dans cette mème circonstance , les piliers ou colonnes qui servaient d’évens à la conduite, et que Pon voyait autrefois aux fossés du faubourg Saint- . Cyprien. N'ayant pu mener l’eau dans l'intérieur de la ville, on se restreignit à ce faubourg, et l’on alloua trois mille francs à l'entrepreneur, à la charge d’y rendre ses trois pouces d’eau : ce fut pour les recevoir que les capitouls de 1682 firent con$truire, dans langle compris entre le quai et la rampe du pont, la fontaine en forme de ro- tonde qui y était encore en 1823, époque où elle a été remplacée par le château-d’eau actuel. Les mécomptes que l’on avait éprouvés ne dé- courävérent pas. L'administration municipale dé- cida, en 1684, que les eaux de l’Ardenne seraient menées dans la ville à laide d’un grand aqueduc porté sur des arceaux, et l’on commença à creuser le grand réservoir dans lequel elles devaient d’a- bord se réunir. Mais bientôt quelques personnes 172 ÉTABLISSEMENT observèrent qu'il serait plus convenable et plus économique de les conduire dans des tuyaux : d’autres soutinrent qu'il valait mieux élever les eaux de la Garonne, et les laisser séjourner pen- dant quelque temps dans un grand bassin, où elles déposeraient les matières terreuses qui en altéraient la limpidité. On nomma des commis- saires pour examiner ces divers projets; et, comme il n'arrive que trop souvent, pour concilier des opinions ou prétentions contraires, on ne fit rien. Toutefois, les capitouls de 1687 essayérent de nouveau de remettre à exécution le premier projet; mais leurs tentatives furent encore vaines, et de long-temps il ne fut plus question de la conduite des eaux de l’Ardenne. En 1950, un Flamand, nommé Brossard, pré- senta aux capitouls le modèle d’une machine pro- pre à élever celles de la Garonne à une hauteur suffisante pour être ensuite distribuées dans toute la ville. Sur l'invitation de ces magistrats, PAca- démie des Sciences, qui venait de recevoir sa nou- velle existence , nomma une commission pour examiner cette machine : c’était un chapelet à godets, ou noria, mu par une roue à aubes qui lui transmettait le mouvement à l’aide d’un double engrenage. Les commissaires, au nombre desquels se trouvaient les deux savans qui ont le plus ho- noré notre ville à la fin du dernier siècle, MM. de Garipuy et d'Arquier, s’occupèrent non-seulement de l’élévation de l’eau, mais encore de sa distri- bution dans la cité; et à ce sujet, ils firent le Éd DES FONTAINES À TOULOUSE. 173 nivellement de ses points principaux. Îls penserent que cinquante pouces d’eau étaient nécessaires ; ils les élevaient à l’aide de deux des machines pro- posées, qu’ils plaçaient au-dessous de la digue du moulin du Château , au local occupé aujourd’hui par l'usine Mazarin : ils conduisaient l’eau des- tinée aux fontaines dans leurs puisards, par un canal garni de matières filtrantes, de manière qu’elle y arrivât dépouillée des matières terreuses. Elle était ensuite portée à 42 pieds, au haut de la tour ou château renfermant les appareils; et fina- lement elle était distribuée à sept fontaines placées sur nos sept places principales, par des tuyaux de poterie renfermés dans de petits aqueducs, ou scellés dans de la maçonnerie : la commission es- tima la dépense à 133.180 francs (1). Brossard reçut une cratification de six cents francs, et rien ne fut exécuté (2). Quelques années après, en 1761, encore un étranger, François Lefevre, frère cordelier, homme versé dans les constructions hydrauliques, que les états de la province avaient appelé, et qui ve- nait d'établir à Narbonne une machine à élever les eaux, arriva à Toulouse. Il présenta à ladmi- nistration un premier projet pour des fontaines. Il établissait, encore au local de l’usine Mazarin, une machine consistant en une roue à aubes qui menait quatre pompes de dix pouces de diamètre, (1) Mémoires de l Académie de Toulouse, tom. 1, p. 149. (2) Du Rosoi , tom. v. 174 ÉTABLISSEMENT à l’aide desquelles il élevait 147 pouces à 57 pieds de hauteur. Cette eau était versée dans un grand réservoir, où elle se clarifiait par dépôt, et d’où elle était ensuite distribuée à quarante-sept fon- taines établies dans les diverses parties de la ville, par des conduites en fonte de fer renfermées dans de petites galeries en maçonnerie, et sur lesquelles se branchaient des conduites en plomb d'un diamètre inférieur : le tout devait coûter 446.680 fr. Ce projet ne fut point agréé ; on ob- jectait principalement la saleté ordinaire des eaux de la Garonne, et l’insuffisance des moyens de clarification proposés. On observa que sous ce rapport les eaux de PArdenne seraient préféra- bles : administration ne les perdait pas de vue ; en 1733, elle avait encore fait une tentative à leur sujet, Le F. Lefevre se rendit sur les lieux : il y jaugea et y nivela les diverses sources. Il trouva que celles dont les eaux pouvaient être menées au delà du pont fournissaient environ 72 pouces d’eau ; il proposa de les recueillir, et de les con- duire par deux petits aqueducs en maçonnerie qui se réuniraient à la Cipière, d'où elles seraient menées dans un petit réservoir à la place d’Assezat.. { les distribuait ensuite à quarante-sept fontaines, comme dans son premier travail. Le montant des ouvrages à faire s'élevait à 358.272 fr. : on aurait eu encore à payer l’achat dessources, et les indem- nités pour les terrains à prendre ou à traverser. Au reste, l’auteur lui-même fut peu satisfait DES FONTAINES À TOULOUSE. 17 de ce second projet : l'insuffisance des eaux de l’Ardenne pour une grande cité, la difficulté de les obtenir des propriétaires, les variations qu’elles pouvaient éprouver et qui en auraient réduit le volume peut-être outre mesure, ainsi qu'il était souvent arrivé à la fontaine de Saint-Etienne, lui inspiraient des craintes, et il présenta un troisième projet qui était en quelque sorte une combinaison des deux premiers. Il prenait les eaux des Ardennes, et il les menait, par de simples canaux, jusqu’au piéd des tours du pont ; là, il établissait une machine hydraulique pour élever non-seulement ces eaux, mais encore celles de la Garonne, soit toutes en même temps, soit chacune d'elles séparément et à volonté. Chaque sorte d’eau était portée dans une cuvette parti- culière au haut des tours ; celle des Ardennes se rendait à quarante-trois fontaines, et celle de la rivière était menée par des conduites particulières sur cinq de nos places. Les eaux motrices de la machine devaient être prises dans la Garonne, au-dessus de la digue de Braqueville, et amenées par un canal de 2900 toises de long : à leur arrivée sur la machine, elles y tombaient de plus de dix pieds de hauteur, et immédiatement après, quelques pas plus loin , elles étaient rendues à la rivière : ces divers ouvrages étaient évalués à 423.165 fr. L'auteur présentait une compagnie qui se chargeait de les exécuter à ce prix, et ensuite de les entretenir pendant un certain nombre d'années à un taux modique. 176 ÉTABLISSEMENT Ces divers projets du F. Lefèvre ont été ren- dus publics par la voie de l'impression : bien qu imparfaits et même défectueux sous quelques rapports, ils n’en montrent pas moins dans leur auteur beaucoup de moyens et d'imagination. Les devis qui les accompagnent indiquent une personne exercée dans ce genre de travail : la manière dont il place et joint les tuyaux, dont il dispose les robinets, les ventouses, etc., prouve qu'il était expérimenté dans Part du fontainier : enfin, les calculs relatifs à la force des moteurs employés et à la quantité d’eau à élever, qu'il a placés à la fin de ses projets, montrent encore qu'il était au niveau des connaissances hydrauli- ques de cette époque. Malgré tout cela, il ne fut donné aucune suite à ces plans. Cependant, une des nécessités de la ville restait encore à satisfaire. I/Académie des Sciences, qui s’en était déjà occupée, et qui, alors comme au- jourd’hui, recherchait avec empressement toutes les occasions de se rendre utile à nos concitoyens, qui était à même d'apprécier l'étendue du bienfait comme les moyens de l’obtenir, en fit le sujet du prix qu’elle proposa en 1780 pour 1783. La question à résoudre était : « Déterminer les moyens » les plus avantageux de conduire dans la ville de » Toulouse une quantité d’eau suffisante, soit des » sources éparses dans le territoire de la ville, soit » du fleuve qui baigne ses murs, pour fournir, » en tout temps, dans les diflérens quartiers, aux » besoins domestiques, aux incendies, à l’arrose- DES FONTAINES A TOULOUSE. 177 » ment des rues, des places, des quais et des » promenades. » La valeur du prix, pour l’auteur da Mémoire où la question aurait été résolue de la manière la plus convenable, était de mille francs. L'administration municipale, voulant contribuer à exciter lémulation des savans et des artistes, y en ajouta 2400, et elle fit remettre à lAca- démie tous les anciens plans, projets et documens relatifs aux fontaines, qui étaient dans les archives de la ville. Aucun des Mémoires qui furent en- voyés n'ayant rempli les vues de l'Académie, elle pr'orogea le terme du concours jusqu’en 1785 ; mais encore à cette époque aucun des ouvrages reçus ne fut jugé digne du prix (1). Parmi les juges du concours, il en était un qui avait fait une étude particulière de la ques- tion proposée , et qui, par ses connaissances comme par sa position, avait bien les moyens sinon de la résoudre complètement, du moins de léclairer et de l’approfondir; c'était M. de Garipuy, direc- teur des travaux de la province. Son travail sur cet objet a été malheureusement égaré. D’après ce qui en est dit dans des écrits postérieurs, no- tamment dans un Mémoire de M. Virebent, ré- digé en 1809, la question y était examinée sous toutes ses faces. On pouvait chercher à mener dans la ville un grand cours d’eau dérivé d’une des rivières de la contrée : sous ce rapport, M. de (1) Tableau de l'administration de la ville de Toulouse, année 1785 , pag. 68 et 70. TOME I. PART. I. 12 175 ÉTABLISSEMENT Garipuy prenait les eaux de PAriége, à trois lieues en amont de Toulouse : il leur faisait traverser le coteau du Pech-David, dans une galerie souter- raine qui débouchait près de Saint-Agne : elles suivaient ensuite un canal creusé sur le flanc du coteau , et puis un aqueduc supporté par des arcades les menait à un château-d’eau élevé au centre de Esplanade. Secondement, on pouvait tenter de mettre à profit les sources du voisinage; ce qui, d’après ce qu'on a déjà vu, ne pouvait concerner que celles des Ardennes : M. de Garipuy les jaugea et les nivela en 1771. Enlin, on pouvait avoir des eaux pour les fontaines, en les puisant dans la Garonne et les élevant à Paide de machi- nes : ce savant académicien , qui s'était déjà occupé de cet objet en 1750, le traita de nouveau dans son Mémoire. Aucune disposition même éloignée ne fut prise pour l'exécution dun de ces trois projets, que recommandait d'ailleurs la juste cé- lébrité de leur auteur. En voyant combien le besoin des fontaines était senti à Toulouse, et combien on les désirait; en voyant les nombreuses tentatives que lon a faites depuis des siècles pour se les procurer, tentatives demeurées toujours sans succès, on se demande quelles sont donc les causes de ce fait singulier ? Elles étaient en partie dans la forme de notre an- cienne administration : des magistrats, en place pour un an seulement, ne pouvaient suivre l’exé- cution des projets qu'ils auraient conçus : ce que le zèle, les moyens, le patriotisme extraordinaires DES FONTAINES A TOULOUSE. 179 d’un d’eux lui auraient fait concevoir ou qu’il au- rait fait adopter au corps de ville, échouait, l’année suivante, devant les hommes ordinaires qui lui succédaient. Si quelques-uns des membres de ce corps sentaient toute l'étendue du bienfait que les fontaines auraient procuré à leurs concitoyens, d’autres n’en étaient pas pénétrés au même point; retenus par la force de Phabitude, ils ne voyaient aucun mal en continuant à être comme ils avaient toujours été; ils en trouvaient un plus grand dans Vaugmentation ou le prolongement des charges pécuniaires : la ville, même dans les derniers temps de son ancienne administration , n'avait guère que quatre cent mille francs de revenu ; et le moindre des projets, pour un établissement général des fontaines, aurait exigé une telle dé- pense. Ferai-je encore mention de ce sentiment, assez commun même chez l’homme à talent, qui le porte presqu’à souhaiter que le bien ne soit pas fait s’il n’est pas fait par lui? Une partie de ces causes agissant encore de notre temps, il est vraisemblable que nous au- rions été privés, peut-être pour des siècles, des inappréciables avantages des fontaines, avantages dont nous voyons aujourd’hui nos concitoyens jouir dans toute leur plénitude et avec tant de satisfaction , si une circonstance extraordinaire n’avait levé un des obstacles que j’ai signalés, ou plutôt n’avait porté à le lever : la grande dépense à faire. 2° Circonstance qui a décidé l'établisse- ment des fon- taines, 180 ÉTABLISSEMENT Un de nos anciens magistrats, M. Lagane, doué d’un civisme et de vertus antiques, qui, lors de son capitoulat, avait montré un zèle ardent pour les intérêts de sa ville et pour le bien-être de ses concitoyens, voulut encore y contribuer après sa mort, en y affectant une partie de sa fortune. Dans Pacte où il a consigné ses dernières volontés, après avoir observé que rien ne serait plus impor- tant pour la ville de Toulouse que d’y porter des eaux potables, il ajoute : «Il régna chez les Ro- » mains un usage aussi heureux qu’utile : des » citoyens, inspirés par leur zèle, léguaient à » leurs municipes des sommes qu'ils aflectaient » à des objets d'utilité publique... De même, lors- » qu'il s'est agi d'accélérer la construction de notre » magnifique pont, des citoyens firent des libéra- » lités à la ville, entre autres M. d'Aufreri, un » des parens de mon épouse : par son testament » de 1515, il affecta à cet objet une somme équi- » valant à soixante mille francs d'à présent. Peut- » être qu’en suivant un tel exemple, on parvien- » dra à obtenir plus facilement de l'administration » qu'elle fasse entreprendre les travaux qui doi- » vent procurer les eaux si désirées des citoyens... » En conséquence, je legue à la ville une somme » de cinquante mille livres pour y introduire des » eaux de la Garonne, pures, claires et agréables » à boire; en un mot, dégagées de toutes saletés, » afin que les habitans puissent en boire toute » l'année. Mais si cela ne se peut, la somme ci- » dessus servira à y conduire les eaux des fontaines DES FONTAINES À TOULOUSE. 181 » voisines. Je ne répondrais pas à tous les mou- » vemens de mon zèle, si je n’invitais mes con- » citoyens, au nom de la patrie, à contribuer de » même à la dépense dune entreprise si essen- » tielle….. à un objet qui intéresse la commodité » et la santé des habitans, et qui, autant par sa » grande importance que par son utilité et sa » nécessité , mérite d’être exécuté avant tout » autre ouvrage... Ce legs fait à la ville ne sera » exigible qu'après le décès de mon héritière » (mon épouse) …. Mais si, dix ans après sa » mort, les administrateurs n’ont pas entièrement » terminé la conduite des eaux dans la ville, » je révoque le legs, que mon héritier pourra » répéter sil a été acquitté. » Tel est l’acte auquel Toulouse doit ses fontai- nes, acte d’un rare patriotisme, et dont l’admi- nistration actuelle, organe de la gratitude publi- que, a voulu consacrer la mémoire, en faisant graver sur le marbre, au-dessus de Pentrée de la partie principale de l'établissement, du château- d’eau , linscription suivante : CHARLES LAGANE, ANCIEN CAPITOUL, PAR UN LEGS DE 50000 FR. FAIT À LA VILLE DE TOULOUSE , À DÉTERMINÉ L'ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES PUBLIQUES. QUE CE MARBRE PERPÉTUE LE SOUVENIR DU BIENFAIT ET DE LA RECONNAISSANCE. En 1789, M. Lagane mourut, et ses généreuses Premières L . , . dispositions intentions furent connues. Mais nos discordes Prat. civiles j Me commencérent à cette époque, por- vs pour : de. tèrent l'administration et les esprits loin de ce des fontaines. 192 ÉTABLISSEMENT qui concernait les paisibles jouissances des citoyens et la splendeur de nos villes. Lorsque la tranquillité commença à renaître, et qu’on s’occupa à régulariser le nouvel ordre administratif établi en France, une loi fut rendue pour régler les formalités concernant les less faits aux communes. Par suite, le conseil municipal de Toulouse eut à délibérer sur le legs de M. La- gane, et il Paccepta à l’unanimité dans sa séance du 10 janvier 1803 (20 nivôse an x1) (1). Le 3x mars suivant, un arrêté du Gouvernement de la république sanctionna cette acceptation. Un dé- cret du 25 janvier 1807, faisant suite à ces actes, donna les autorisations nécessaires à lérection d’une fontaine au centre de la ville; et une com- mision, composée de MM. Dispan , Martin, Lau- pies, de Saget et Virebent, fut chargée de s’oc- cuper de cet objet. Les intentions de M. Lagane avaient d’abord été interprétées dans le sens le plus restreint, et on u’avait pensé qu'à l'établissement d’une seule fontaine. Mais en :808, le Chef du gouvernement, l'Empereur, étant à Toulouse, et voulant y lais- ser des traces de son passage et de sa puissance, crut devoir placer une grande distribution d’eau au premier rang des biens qui pouvaient être faits à notre cité, et son décret du 27 juillet, rendu (1) Par suite d’un accord fait postérieurement avec les héri- tiers de M. Lagane , le legs de cinquante mille francs a été réduit à quarante. DES FONTAINES À TOULOUSE. 183 dans nos murs, porte (art. 5 ): «Il sera dressé » des plans et projets pour donner à la ville de » Toulouse un nombre suffisant de fontaines pu- » bliques.…., Il sera pourvu à la dépense moitié » aux frais du trésor public, moitié aux frais de » la ville. » Mais, sitôt qu'il eut quitté nos con- trées, occupé de ses gigantesques desseins, il oublia les intérêts de la cité, et il fut loin de penser à verser des fonds dans notre caisse muni- cipale , celui qui lui enlevait les siens propres. Le décret n'eut d’autres suites que deux Mé- moires : l’un de M. Laupies, dans lequel cet in- génieur, après avoir passé en revue les différens moyens de procurer de Peau à notre ville, se décidait en faveur de la dérivation des eaux de V'Ariége, déjà proposée par M. de Garipuy ; le second était de M. Virebent, architecte de la ville; il y reproduisait le projet d’amener les eaux des sources de l’Ardenne. Nous reviendrons bien- tôt sur ces deux objets. Plus tard, le 5 décembre 1812, le Préfet adressa à la Mairie un projet de M. Abadie. Cest la première ébauche d’un travail que son auteur a porté, dans la suite, à un haut degré de perfection. Enfin, le temps d'exécuter arriva. Madame La- gane mourut en 1817: le less des cinquante mille francs devint exigible; et, dans dix ans, il fallait que les eaux coulassent en ville. Le maire, M. de Villèle, appela Pattention du conseil municipal sur cet état de choses, et la marche à suivre y fut mise 184 ÉTABLISSEMENT en délibération. Ilétait évident que cinquante mille francs étaient insuMisans mème pour la seule fon- taine à établir sur la place Bourbon ; car les idées ne se portaient pas alors plus loin : ainsi le conseil avait à voter de son côté une somme trois ou quatre fois plus considérable, ou bien il fallait positivement renoncer à avoir des fontaines à Toulouse. Quelques membres hésitèrent; il leur répugnait de s'engager dans des dépenses consi- dérables. Cependant, il n’était pas convenable de répudier un don si noblement fait à la ville, pour un bien qui n’était pas contesté, qui était appelé par le vœu de tous les hommes éclairés, qui devait tourner à l'avantage de tous, du pauvre encore plus que du riche. Cette considération Pemporta , et, le 2 avril 1817, il fut décidé qu’on s’occuperait sans délai de l'établissement d’une première fontaine, et que le conseil voterait les fonds à ce nécessaires. Une commission , composée de MM. le marquis de Castellane, de Marsac, de Resseguier, Amilhau et de moi, fut chargée d'examiner les moyens les plus convenables de faire cet établissement. Cette commission , ap- pelée au conseil municipal la Commission des fon- taines , élut dans la suite M. le marquis de Cas- tellane pour son président; et, à diverses épo- ques, MM. le Blanc, Desessars et de Miégeville y furent successivement adjoints. DES FONTAINES À TOULOUSE. 185 PREMIERE PARTIE. DES MODES PROPOSÉS ET DU MODE ADOPTÉ A L'EFFET DE SE PROCURER L'EAU POUR LES FONTAINES. Le premier objet sur lequel il fallait se fixer était la quantité d'eau à distribuer dans la ville. Des supputations faites à Paris y indiquent une con- sommation de sept litres par individu et par jour; cependant, pour une grande réunion d'hommes, en y comprenant les bains, les lessives , les la- vages de toute espèce, le service des abreuvoirs, etc., on porte la dépense en eau à vingt litres; ainsi, par mille individus, c’est vingt mille litres, ou, ce qui est exactement la même chose, un pouce d’eau : il en fallait donc cinquante pour les cinquante mille habitans de Toulouse (la popu- lation de la commune est bien de 57.313; mais celle de la ville, y compris ses faubouros, n’est guère que de 50.000 ). Il fallait encore laver les rues et les égouts; on voulait des fontaines de décoration ; l’eau coulant durant la nuit, une partie en serait perdue : on fixa en conséquence à deux cents pouces d’eau au moins la quantité à répandre dans la ville. C’est à raison de 80 litres par tête (1). Comment se procurer cette eau ? Ce fut la grande question, celle dont on dut s'occuper (1) En Angleterre , où l'on a de larges distributions d’eau dans toutes les grandes villes , d’après les observations faites Quantité d’eau néces- saire. Divrns MOYENS DE SE FROCURER L'EAU. Prises d’eau sur le canal. 186 ÉTABLISSEMENT d’abord, et dont on s’est exclusivement occupé pendant quelques années. Déjà depuis long-temps divers projets avaient été faits à cet égard, ainsi qu’on la vu. On les recueillit; on invita les hommes de Part, qui étaient à Toulouse, à en présenter de nouveaux ; on les examina et les étudia; et le 15 juillet 1817 ils furent discutés dans une commission extraor- dinaire, où M. le Maire appela plusieurs mem- bres du conseil municipal et les ingénieurs de la ville qui s'étaient occupés des questions de ce genre. Je vais exposer succinctement les objets qui y furent traités. On s’occupa d’abord des projets pour mener à Toulouse, par voie de dérivation, des eaux du voisinage. Celui qui se présente le plus natu- rellement, parce que son exécution serait la plus facile, consisterait à prendre les eaux du grand canal qui passe devant nos murs. Il fut proposé et soutenu : on établissait la prise d’eau aux en- virons de Montoiscard, où l’on est à trente pieds au-dessus du sol de la ville. Mais la mauvaise qualité des eaux, et linterruption du service en dernier lieu par M. Mallet, ingénieur en chef des nouvelles eaux de Paris, on compte , par individu , à litres. Londres" ny. UE et. LARG O: MARGES ÉD el es Mere ele Mani de eds = MN ET Li VEN UN) HA OMAN 2 COMOEC AOMOUC re ver CANCOMEMR ae: ets Laon ln osute ee TOO Edinbonnge. 6. nee. abs 2er vf UGR DES FONTAINES A TOULOUSE. 197 pendant un ou deux mois, interruption for- cée par la mise à sec du canal pour cause de réparations, ne permirent point d'accueillir ce plan. On éloigna de même l'idée qui fut émise de remonter jusqu'à Naurouse, pour prendre les eaux de la Montagne-Noire avant leur entrée dans le canal : lors même qu’elles eussent été prises au sortir de cette montagne, le trajet jusqu’à Tou- louse en eût altéré la qualité, et les frais d’une telle entreprise n’eussent été en aucun rapport avec ses résultats. Les petits cours d’eau, l’Hers, la Saune, la Marcassaune, le Girou, etc., qui coulent à l’est de la ville, n’offraient aucune ressource. Maigres filets dans les temps ordinaires, ils ne roulent que des eaux bourbeuses à l'époque des pluies, et ils sont à sec ou presque à sec dans les temps de sécheresse. Ce n’est pas d’ailleurs sans surmonter de grands obstacles, et par conséquent sans de trés- fortes dépenses, qu’on eût pu les mener dans nos murs. Pour y conduire un volume d’eau considérable, il est évident qu’il faut le dériver de la Garonne où dun de ses grands affluens. M. Laupies, qui s'était occupé de ces dérivations dès 1809, dans son Mémoire sur le choix du meilleur projet à adopter pour l'établissement des fontaines dans la ville de Toulouse, les reproduisit devant la com- mission. Examinant d'abord ce qui pouvait être fait sur la rive gauche du fleuve, il proposait de Petits cours d’eau. Dérivation de la Garonne ou de l’Aricge. 198 ÉTABLISSEMENT prendre les eaux à Muret, où elles sont encore à une hauteur suffisante pour permettre lérection de fontaines jaillissantes : il les menait ensuite jus- qu’à Parc de triomphe du pont, sur un aqueduc supporté par de hautes arcades et de 10.600 toises de long; mais il trouvait deux inconvéniens à ce projet, la forte dépense qu’eût exigé ce long aqueduc, et la difficulté de faire traverser la ri- vière à un grand volume d’eau, en passant sur le pont, et sans compromettre l'existence de ce précieux monument. En conséquence, il aban- donnait la rive gauche, et, se portant à la rive droite, il établissait une prise d’eau sur lAriége, à 10.000 toises en amont de Toulouse : il tra- versait le coteau par une galerie souterraine re- vêtue en maçonnerie et qui débouchait dans la vallée de l’'Hers entre Castanet et Saint-Agne : il menait ensuite les eaux d’abord dans un canal creusé sur le flanc oriental du Pech-David, jus- qu’à l’extrémité de ce monticule, et puis dans un aqueduc porté sur des arcades, lequel aboutissait à un château-d’eau élevé au centre du Boulingrin. Ce projet, dont M. Garipuy avait eu la première idée, fut regardé comme le plus grand de ceux qu’on pouvait proposer; mais les sommes qu’il eût exigées étaient entièrement disproportionnées aux moyens de la ville, laquelle se trouvait ici aban- donnée à ses seules ressources. M. Laupies, par un premier aperçu, estimait la dépense à quatre millions; mais dans l’exécution, elle pouvait aller bien au delà. Au reste, il demandait, non qu’on DES FONTAINES À TOULOUSE. 189 se décidit de suite pour ce projet, mais qu’on le fit étudier, dans tous ses détails, par des hommes de l'art (x). Un autre projet moins dispendieux fixa plus long-temps l’attention de la commission; c'était celui de M. Maguës. Depuis plusieurs années, ce savant s’occupait, en véritable ingénieur, de la so- lution du problème : mener à Toulouse, par voie de dérivation, une quantité d’eau suffisante et avec la moindre dépense possible. Il avait fait, à ce sujet, un grand nombre de nivellemens et de re- cherches ; il avait soumis au calcul tous les modes possibles, et il avait fini par conclure en faveur dune dérivation de la Garonne par sa rive gauche. Lui aussi prenait les eaux immédiatement au- dessous de Muret : mais il évitait les inconvéniens dans lesquels M. Laupies était tombé; au lieu de mener directement ces eaux à Toulouse sur un énorme pont-aqueduc , il les conduisait dans un canal creusé d’abord sur la pente du plateau des Ardennes, et puis sur le plateau même, jusqu’à Vembouchure du Touch : dans leur route, elles pouvaient fournir à de nombreuses irrigations. (1) M. Maguès, après avoir aussi étudié cette dérivation , remarque «qu’en prenant l’Ariège à Auterrive, et remontant » la vallée de la Hize sur un remblai, on n'aurait à effectuer » qu’une percée de quatre mille mètres (au lieu de neuf mille), » et à une profondeur moindre ; et qu'enfin, quoique la dis- » tance à parcourir füt de 31.000 mètres , la dépense serait » beaucoup moins forte. » ( Histoire et Mémoires de l Aca- démie , \om. 1, pag. 70.) Eaux des Ardennes. 190 ÊTABLISSEMENT En face de la ville, à la Patte-d’oie de la Régine, où l’on était encore à six mètres au-dessus du sol de la place Rouaix, elles traversaient un bassin , où deux cents pouces d’eau étaient pris et con- duits par des tuyaux de fonte, sur une longueur de 3500 mètres, jusqu'aux tours du pont; de là, ils étaient distribués dans la ville, et la dépense était estimée à douze ou quinze cent mille francs. Cette somme parut bien faible à la commission , alors sur-tout qu’elle voyait M. Virebent, dans un projet dont il va être question, demander : plus de sept cent mille francs, pour ne mener à Toulouse que quarante pouces d’eau, et d’une distance bien moindre. Toutefois, une idée émise par un ingénieur aussi habile et aussi expérimenté en fait de canaux, parut mériter d’être appro- fondie : on manifesta le désir qu'il voulût bien entreprendre la rédaction du projet qu'il mettait en avant; et depuis, d’après le vœu de la com- mission , M. le Maire Va invité formellement à s’en occuper (1). L'idée d'amener dans la ville Les eaux des sour- ces de l'Ardenne, idée qui avait dominé pendant deux siècles, fut reproduite par M. Virebent , avec (1) En 1819, deux ans après que cette discussion eut lieu, M. Maguès a présenté à l'Académie des Sciences son travail ou Mémoire sur les moyens de conduire , dans la ville de Toulouse , une quantité d’eau suffisante, ete. Un extrait en est imprimé dans le tome premier des nouveaux Mémoires de l’Académie (pag. 65-73), et il est destiné à paraître en en- tier dans un des volumes suivans. DES FONTAINES À TOULOUSE. 191 quelques amendemens. Il divisait ces sources en hautes et basses; les premières, comprises entre Monlong et la Cipière, et dont le produit fut trouvé de 6o pouces d’eau, pouvaient être menées au delà du pont; les secondes, fournissant 33 pou- ces, ne pouvaient dépasser le faubourg Saint- Cyprien. M. Virebent prenait trénte pouces des hautes sources, à l’aide d’un petit aqueduc en ma- connerie, lequel aboutissait à un réservoir établi à la Cipière; de là, elles étaient conduites, par es tuyaux de fonte, à un château-d’eau élevé sur la place du Pont, et puis sur les neuf prin- cipales places de la ville. Quant aux basses sources, M. Virebent se bornait à leur prendre dix pouces d’eau, qu’il conduisait dans un petit aqueduc à Perpan, d’où des tuyaux en fonte les menaient à la place du Chai-Redon, pour être ensuite distribuées dans le faubourg et aux hos- pices. Le tout était évalué à 705.936 fr. ( F’oyez quelques autres détails à la note 11.) On trouva que quarante pouces d’eau étaient bien peu, alors sur-tout qu’on venait d'admettre que deux cents pouces étaient nécessaires ; et encore cette faible quantité pouvait être réduite considérable- ment, par suite des variations que les sources éprouvent si fréquemment. Pour arriver à un si faible résultat, il fallait dépenser sept cent mille francs, somme qui aurait été beaucou p augmentée par l'achat des sources, lequel n’était pas compris dans l'estimation, et qui se serait élevé à un bien haut prix, car ces sources fertilisent les terrains 192 ÉTABLISSEMENT sur lesquels elles se répandent. En conséquence, quelque limpides que fussent les eaux des Ar- dennes, on dut renoncer à leur usage. Machines Enfin, on en vint aux eaux de la Garonne à RRASAIECE élever à l’aide des machines qui étaient proposées par M. Abadie. Ici, ce n’étaient plus de simplesidées, de simples aperçus : ce mécanicien présentait un plan complet des pompes et roues hydrauliques, qui puisaient et portaient à une grande hauteur les deux cents pouces d’eau voulues. Mais dans cette commission, comme dans celles qui avaient eu lieu en 1809, la prévention la plus défavorable régnait contre tout ce qui était machines : l’on ne cessait d'y dire et d'y répéter qu’étant conti- nuellement sujettes à des réparations, le service des fontaines serait interrompu à tout instant; qu'en les employant, on ne procurerait qu’une jouissance imparfaite et précaire à nos concitoyens. Vainement j'en appelai à expérience, et à ma propre expérience : dans les manufactures de l’Angleterre , presque tout le travail y est exécuté par des machines, et il ne chôme pas plus souvent que dans les ateliers d’une autre espèce : dans presque toutes les mines, les eaux, qui arrivent sans discontinuité au fond des chantiers d’exploi- tation, ne sont épuisées qu’à l’aide de pompes fort médiocres; si épuisement éprouvait une inter- ruption notable, les chantiers seraient noyés, les travaux y seraient suspendus, et ils ne le sont presque jamais. On alléguait lexemple de Paris, où les machines avaient été abandonnées pour les DES FONTAINES À TOULOUSE. 193 canaux : je pourrais bien, à mon tour, et avec bien plus de fondement aujourd’hui que lexpé- rience en a été faite, me prévaloir de ce qui a eu lieu dans cette même ville, où, après un essai assez malheureux, on vient de renoncer à leau des canaux pour revenir à celle des machines : deux mille pouces d’eau de la Seine vont y être élevés à l’aide de quatre nouvelles pompes à feu. Tout ce que je pus obtenir dans cette première discussion , C’est que les machines, si on en était réduit à les employer dans le moment, ne seraient regardées que comme un moyen provisoire, au- quel on renoncerait dès qu’on pourrait lui en substituer un autre. On insista fortement , alors et long-temps encore après, pour que tout le res- tant du travail des fontaines füt mis en harmonie avec cet autre moyen, et qu'il pût y servir dès qu'on serait à même de se débarrasser des ma- chines. Il ne s'agit, dans cette discussion, que de celles qui sont mues par un courant d’eau. Il n’y fut point question des machines à vapeur; un pre- mier aperçu avait fait voir qu'outre les inconvé- niens des autres, elles exigeraient annuellement plus de soixante mille fonc en charbon de terre ( voyez note HEED) et cette considération avait suffi pour y faire renoncer. La conclusion finale de la commission extraor- dinaire, fut que chacun des grands projets dont il avait été question, devait être présenté avec tous ses détails dans des plans et devis, et qu’à £ TOME II. PART. I. I 3 194 ÉTABLISSEMENT l’aide de ces pièces seulement il pourrait être pro- noncé avec une entière connaissance de cause. Mais l’homme d’un esprit supérieur, M. de Vil- lèle, qui était alors à la tête de l'administration municipale, vit bien que remettre à dillérens hommes de l’art, dont quelques-uns n'étaient point dans sa dépendance, la confection des plans et devis d’après lesquels il serait pris une déter- mination , était prononcer, en réalité, un ajour- nement dont le terme pouvait être très-éloigné ; que le legs de M. Lagane se perdrait, et que nos concitoyens seraient privés probablement d’un établissement qui venait de leur être annoncé. II vit que le mode de se procurer des eaux, qu’on ne voulait admettre que comme mode provisoire, était cependant le seul qui fût en rapport avec les moyens pécuniaires de la ville, le seul en un mot qu’on püt exécuter dans les circonstances où lon se trouvait. Discutant un jour à ce sujet dans une réunion d'ingénieurs, après les avoir entendus, il leur dit (je me rappelle à tres-peu près ses expressions) : «Messieurs, vous êtes fort savans » et je ne le suis pas. Mais, vous voulez de Peau » de la Garonne; cette rivière passe dans vos » murs, pourquoi aller chercher au loin ce que » vous avez tout près? Les chutes d’eau, à vos » deux moulins, ne vous fournissent-elles pas » une force suffisante pour élever toute l'eau que » vous voudrez, et à la hauteur que vons vou- » drez?» Cette observation, dont la justesse est d'ailleurs si évidente, peut être regardée comme er DES FONTAINES À TOULOUSE. 103 Pimpulsion qui nous a lancés dans la direction qui a été suivie pour établissement des fontaines. M. de Villèle était tellement convaincu qu'il fallait mettre incontinent la main à l’œuvre en employant les machines, qu'il aurait voulu traiter directement et de suite avec M. Abadie ; mais les formes administratives y mettaient obstacle, et on s'arrêta à l’idée d'ouvrir un concours : on pensait d’ailleurs que l'issue en serait favorable à notre habile mécanicien. La grande objection que lon faisait aux ma- chines, était d’être sujettes à beaucoup de répa- rations, ce qui devait donner lieu à de fréquentes interruptions de service. On remédiait à ce mal, on le prévenait, en établissant, au lieu dune machine élevant les deux cents pouces d’eau de- mandés, deux machines donnant cent pouces chacune. Pendant qu’on réparerait lune, le cas échéant, l’autre fournirait toujours au service, lequel, par cette disposition, ne serait jamais in- terrompu : il serait réduit, à la vérité; mais une telle réduction, qui n’était d’ailleurs que momen- tanée, ne prenait en rien sur les besoins réels des habitans ; 1ls recevaient toujours plus de cent pouces, et nous avons vu que cinquante étaient bien suffisans. : L'emploi des eaux venant directement de la Garonne avait toujours été éloigné, parce qu’elles sont sales ou troubles pendant plus de la moitié de l'année. Mais elles pouvaient être clarifiées ; et les résultats obtenus dans plusieurs établissemens 19. On se décide pour les machines hy- drauliques. 190 ÉTABLISSEMENT de notre ville, depuis un grand nombre d'années, pour fournir une eau très-limpide à ceux qui voulaient ly acheter, ne laissaient aucun doute à cet égard. Il fut en conséquence décidé que Peau à élever serait clarifiée : une clause expresse du testament de M. Lagane en imposait d’ailleurs l'obligation. On désirait que cette eau pt servir à la déco- ration de nos places; il fallait donc qu’elle füt élevée à une assez grande hauteur au-dessus de leur sol, et on admit qu’elle serait portée à vingt pieds plus haut que la place Rouaix, partie cul- minante de la ville : c'était de 61 à 62 pieds au- dessus des moyennes eaux de la riviere. Enfin, M. Abadie faisant un premier aperçu de la dépense, lévaluait à soixante-dix mille francs pour les deux machines et le bâtiment qui devait les renfermer : on pensa en conséquence qu’une somme de quatre-vingt mille francs serait suffisante. Ces principaux points du projet à exécuter et du concours à ouvrir ayant été arrêtés dans la commission , M. de Marsac fut invité à les sou- mettre au conseil municipal, et à en développer les motifs. Son rapport fut fait dans la séance du 30 août 1817 : il fut entendu avec un tel intérêt, que quelques membres en demandèrent une seconde lecture. Le conseil adopta , et à l'unanimité , toutes les propositions de sa commission. DES FONTAINES À TOULOUSE. 197 En conséquence , administration municipale publia un programme, par lequel tous les ingé- nieurs et mécaniciens étaient invités à envoyer des projets de machines, pour élever, par deux équipages entierement distincts, au moins deux cents pouces d’eau, à une hauteur de soixante et un pieds. L'auteur du plan qui serait adopté de- vait en diriger l'exécution, et recevoir cinq pour cent du prix auquel il reviendrait. Le terme du concours fut fixé au 1.” janvier 1818, et ensuite il fut prorogé jusqu'au 1.4 juillet suivant. Huit projets, dont nous allons donner une idée succincte, furent envoyés; mais, à lPexception de celui de M. Abadie, ils ne présenterent rien de convenable à notre objet. La plupart n'étaient pas même des projets; c’étaient de simples es- quisses ou mème de simples indications de ma- chines. 1. Ainsi, un particulier adressait , mais pour être exécuté plus en grand, le dessin de la petite noria, établie à Vitri sur Seine’, dont la Société d'Agriculture de Paris avait publié la description, et qu’elle avait recommandée aux cultivateurs. Mais ce qui pouvait être très-propre à Parrosement d’un jardin, ne convenait plus lorsqu'il s'agissait de satisfaire les besoins d’une grande cité. 2. De même, un jeune ingénieur des ponts et chaussées envoya un écrit, acte de patriotisme, dans lequel il engageait la ville à employer une machine à colonne d’eau, parce que cette sorte de machine, bien qu’elle ne fût en usage que Concours on- vert. Ses résultats. 100 ÉTABLISSEMENT dans les mines de la Hongrie-et de l'Allemagne, n’en était pas moins d’origine française : d’ail- leurs, il ne faisait aucune application de son idée à la solution du problème proposé; elle n’y était même pas applicable. La machine à la colonne d’eau convient principalement dans les localités où l’on a peu d’eau et une grande chute : ici, nous étions dans un cas tout contraire; nous avions corime un fleuve à notre disposition, et nous n'avions que six ou sept pieds de chute utile. 3. Une personne employée aux eaux de Paris, transmit le plan et la description d’une pompe où Paspiration était opérée à l’aide d’une espèce de soufllet en cuir. Cétait un pas rétrograde qu’il faisait faire à l’art : partout où l’on employait au- trefois les soufflets en cuir, comme dans les grosses forges, on substitue maintenant et avec avantage les pistons. 4. Nous jugions cette idée avec quelque con- naissance de cause; nous ne fümes pas aussi heu- reux pour un dessin envoyé, sans commentaire , par une autre personne également attachée aux eaux de Paris : c'était une énigme à deviner; et nous ne la devinämes pas. 5. Trois dessins de machine, qui avaient été faits en 1785, vraisemblablement au sujet du prix proposé à cette époque par l’Académie, et qui nous furent envoyés de la préfecture où ils se trouvaient, rendirent mieux l’idée de leur au- teur. Il élevait les eaux de la Garonne à 34 pieds seulement, à l’aide de huit pompes qu'ii établis- DES FONTAINES À TOULOUSE. 199 sait au-dessous de la halle au poisson, et qu’il mettait en mouvement au moyen d’une roue à aubes placée sous la première arche du pont et de gros tirans de 126 pieds de long. C'était une machine telle qu’on en faisait, il y a un siècle, dans les établissemens peu soignés; elle ne rem- plissait pas d'ailleurs les conditions essentielles du programme. 6. Elles étaient mieux remplies dans un projet transmis par un charpentier de Paris : deux cents pouces d’eau y étaient élevés à laide de seize pompes divisées en deux équipages. Aux soupapes en métal, l’auteur en avait substitué qui ne con- sistaient qu’en de simples cuirs. Malgré un juge- ment peu favorable de la Société d'encouragement pour les arts, il insistait fort sur cette substitu- tion, qu'il donnait comme un grand perfection nement. Mais nous craignimes que des soupapes en cuir ne cédassent bientôt sous le poids de nos colonnes d’eau de soixante et quelques pieds de hauteur : la disposition générale du système, ainsi que la transmission des mouvemens, était d’ailleurs peu satisfaisante. 7. Une machine présentée par un menuisier- mécanicien, de concert avec un ancien officier d'artillerie, occupa plus long-temps la commission. La soupape de retenue, qui, dans les pompes as- pirantes et foulantes ordinaires, est établie entre le corps de pompe et le tuyau d’ascension , était ici remplacée par trente-six soupapes assez ingé- nieusement disposées autour du corps de pompe. 200 ÉTABLISSEMENT La résistance due à l’étranglement, que la colonne fluide éprouve à son passage par l’ouverture d’une seule soupape, se trouvait ainsi très-considérable- ment diminuée : il fallait moins de force pour la vaincre, et par conséquent pour mouvoir la pompe. Des expériences, qui furent faites en présence de la commission, semblèrent déposer en faveur de cette nouvelle disposition. Mais l'avantage qui en résultait, et qui pouvait être très-sensible dans les pompes qui jouent avec une grande vitesse, comme les pompes d’incendie, disparaissait presque entièrement dans celles où le piston se meut len- tement ; et tel devait être le cas des machines pour les fontaines : cet avantage y aurait été plus que compensé par la complication et Paugmen- tation considérable des chances de dérangement résultant de la grande multiplication des soupa- pes. Cette multiplication était cependant la seule chose digne de remarque dans le projet en ques-- tion; car d’ailleurs une machine, avec une trans- mission de mouvemens telle qu’elle était indiquée dans les plans, n’eût pas marché pendant huit jours. 8. Il en était tout autrement de celle présentée par M. Abadie. Le fond en était aussi des pompes, et des pompes d’une nouvelle espèce; mais elles avaient reçu la sanction de expérience : importées depuis peu d'Angleterre, elles venaient d’être adoptées et employées avec un plein succès dans quelques établissemens de la capitale et des envi- rons, notamment à la nouvelle machine de Marly. DES FONTAINES A TOULOUSE. 201 M. Abadie les y vit, et de suite, sans en avoir même pu examiner les détails, il saisit le principe de leur construction, et ce qu’il proposa fut mieux encore : ses gros cylindres-pistons, en bronze et dun poli éclatant, sont peut-être les plus beaux qu'il y ait encore en France. Les roues motrices, toutes en fer forgé ou fondu ( sauf les aubes), étaient d'une rare élégance, et d’une forme par-- ticulière à Pauteur ; ses manivelles et ses clapets étaient remarquables par leur bonne disposition , et les mouvemens étaient en général bien liés. Les deux équipages, consistant chacun en une roue hydraulique, quatre pompes et un tuyau montant, étaient entièrement distincts, mais dis- posés de maniere à pouvoir être renfermés très- convenablement dans un même édifice. Ce projet avait été bien étudié; 1l avait été trois fois refait par l'auteur, et toujours avec de nouveaux per- fectionnemens; dans son ensemble, comme dens ses détails, il parut bon ét convenable à l’objet auquel il était destiné. Le devis des machines, qui y était annexé, en portait la dépense à 58.516 fr. L'auteur, qui pouvait être dans le cas de les faire exécuter, présentait en outre des garanties. Il était de notre département ; il habitait notre ville; ses moyens naturels et son expérience y étaient généralement connus. On l'y avait vu, élevé dans l'art de Phorlogerie, puis, et pendant quinze ans, contrêleur et machiniste à la fonderie de canons, donnant en toute occasion comme mécanicien des La machine pure par J. Abadie est adoptée. EmMPLACE- MENS EXAMI- NÉS POUR LA MACHINE. 202 ÊTABLISSEMENT preuves d’une imagination féconde en ressources. Une partie des usines de nos contrées, entr'autres les laminoirs du sieur Mazarin et de la monnaie, les filatures de Limoux, de Cazères, Miramont, Carcassonne, etc., étaient déjà son ouvrage, et de bons ouvrages. D’après ces considérations, et sur-tout d’après la supériorité incontestable de son projet sur tout ce qui avait été mis au concours, il n’y eut pas de doute sur le choix à faire. I/Académie des Sciences , consultée à cet égard , éclaira de ses lumières la commission municipale , et la machine proposée par M. Abadie y fut adoptée. Je donne à la note 17 une description tech- nique de cette belle machine, telle qu’elle a été exécutée et qu’elle est représentée sur les plan- ches IT et III. La note r présentera le calcul de ses effets mécaniques et de la force motrice qu’il a fallu employer pour les produire. Sur quel point des rives de la Garonne conve- nait-il d'établir cette machine ? Ce fut la question qu’on eut maintenant à ré- soudre. Elle a occupé , pendant près de trois ans, la commission des fontaines, ainsi que les ingénieurs que M. le Maire lui avait adjoints , et qui étaient : M. Clausade, alors ingénieur en chef du canal du Midi, et d’une grande expérience en fait de travaux hydrauliques ; M. Laupies, ancien ingénieur de la province et du département, qui avait connaissance des vieilles traditions, et qui s'était lui-même occupé, | DES FONTAINES À TOULOUSE. 203 depuis plusieurs années, des moyens de procurer des eaux à la ville de Toulouse ; M. Eudel, ingénieur en chef du département, et particulièrement versé dans Part des cons- tructions ; M. Maguës, aujourd’hui ingénieur en chef du canal du Midi, et une des personnes les plus distinguées dans son art ; M. Chaumont, officier supérieur du génie ma- ritime, homme d'esprit, et doué de beaucoup d'instruction dans les sciences qui avaient rapport à notre objet ; M. Virebent, architecte de la ville, qui, par sa longue expérience et par sa grande connaissance des localités, devait être et a été en effet fort utile ; Enfin, M. Abadie, aussi bon ingénieur dans l'art de disposer et de mettre à profit un cours d’eau , que nous avons vu habile mécanicien. Cest aux travaux et à la complaisance de ces savans et hommes de Part, et notamment aux travaux et à la complaisance de M. Maguës, que la ville est redevable de la bonne assiette donnée au système hydraulique qui fournit l’eau à ses fontaines, et de la précision qui a été mise dans son établissement. Je continue l’histoire succincte de ce qui a été fait pour cet objet, et d’abord pour la position à donner à la machine. Jusqu'ici tous ceux qui s'étaient proposé d’é- lever les eaux de la Garonne, à laide des ma- Prèslemoulin du Château. 204 ÉTABLISSEMENT chines, avaient pensé à les établir sur la rive droite du canal de fuite du moulin du Château, et à dériver les eaux destinées à les mouvoir du bassin formé en amont du moulin par sa propre digue ; une telle position est la plus naturelle, comme étant la plus rapprochée du centre de la ville, et n’exigeant que très-peu de frais. M. Abadie, dans son premier projet, la prit, et il fit choix d’un petit local, servant d’étendoir, situé au-dessous de la fonderie de canons. De ce lieu jusqu’à la place Bourbon, où lon projetait, ainsi que nous lavons vu, la première fontaine, on n'avait que 700 mètres de distance, et on pouvait espérer dy mener les deux cents pouces d’eau élevés moyennant 120.000 francs, lesquels, avec les 80.000 destinés à la machine et à son bâtiment , ne faisaient que 200,000 francs : c’est la somme que l’on présumait dans l’origine devoir dépenser pour alimenter cette grande fontaine, et que l’on avait d’abord annoncée au conseil municipal. Mais lorsque nous eümes vu ce local ; son exiguité , la crainte des chômages et des accidens auxquels les crues même ordinaires de la rivière exposeraient fréquemment, les difficultés de toute espèce auxquelles donnerait lieu l’éta- blissement d'un long coursier, au milieu de cour- siers déjà existans, les différends qui pouvaient s'élever avec les propriétaires du moulin, sur le terrain desquels nous prenions et conduisions les eaux motrices, tout cela nous parut présenter bien des embarras, être bien peu convenable, ef DES FONTAINES À TOULOUSE. 205 nous cherchimes un emplacement qui le füt davantage. Conduits par M. Virebent, nous allâmes au faubourg Saint-Michel, et nous examinâmes le local qui s’y trouve, derrière les restes d’un bas- tion qui terminait l’ancienne enceinte de la ville. L'eau motrice eût été prise à 70 mètres en amont de la digue du moulin, et conduite à la machine par un ancien fossé qu’on eût transformé en canal d'amenée ; le canal de fuite, de 130 mètres de long , eût traversé une partie de l'ancien rempart, et débouché sous Les coursiers de l'usine Mazarin. Alors, la machine se trouvait dans la ville et elle était bien abritée ; mais la prise d’eau présentait des difficultés : le débouché du canal de fuite pouvait être facilement embarrassé ; on manquait de local pour les filtres , et l'eau potable, arrivant le long d’un rivage couvert de blanchisseuses, ne parut pas avoir le degré de propreté qu’on pouvait obtenir ailleurs. Espérant trouver mieux à la pointe de Pile de Tounis, nous nous y trans- portimes. Là, nous avions un emplacement qu'il était facile de disposer pour notre objet. On prenait l’eau au milieu de la Garonne, par une ouverture déjà disposée, comme à cet effet, dans la digue du moulin : on la rendait à la rivière de suite après sa chute sur les roues, et on m’avait plus besoin d’un canal de fuite proprement dit : on espérait même pouvoir se procurer, à l’aide de grands puits, une quantité suffisante d’eau claire. Digues des moulins du Chiteau et du Bazacle. Comparaison. 206 ÉTABLISSEMENT D’un autre côté, on avait à craindre l'effet des crues, qui auraient gêné et assez souvent arrêté le jeu des machines; on avait à redouter les inon- dations, qui pouvaient causer de grands dommages; il fallait payer une redevance aux propriétaires du moulin, sur le territoire desquels on s’établis- sait en grande partie ; il fallait faire traverser le canal de Tounis aux tuyaux. Malgré de tels désa- vantages, cette position fut jugée la plus conve- nable, où au moins la plus économique, tant que le moteur devait être fourni par la digue du moulin du château; et M. Maguës, après avoir bien re- connu les lieux, dressa un projet qui y était adapté. Pendant qu’on était occupé à le discuter, M. Vi- rebent remarqua qu'on pouvait aussi s'établir sur la rive gauche de la rivière, près des tours du pont; mais 1l craignait les frais que coûterait le long canal de fuite qu’on serait alors dans le cas de faire. Il alla revoir les lieux ; la dépense ne lui parut plus hors de proportion avec les moyens de la ville, et il faisait observer que dans cette position , on ferait usage de la digue du Bazacle, laquelle garantissait une stabilité que celle du moulin du Château n’avait pas au même degré. La question des digues fut alors examinée. Nous apprimes que par suite des accidens arrivés à celles du moulin du Château , cette usine avait souvent chômé, et pendant des années entiéres : environ cinquante ans en deux siècles, nous dit même M. Laupies. Nous fümes effrayés de cet état des DES FONTAINES À TOULOUSE. 207 choses : il était manifeste qu’on ne pouvait exposer les fontaines à de tels chômages. Il est vrai que la digue principale, celle attenant le moulin,ayant été refaite depuis et étant très-bien bâtie, on avait plus à courir des chances si défavorables. Mais cette digue n’était pas la seule; on en avait comme une suite jusqu'à Braqueville, sur une longueur de près d’une lieue : quelques - unes étaient légèrement construites et ne s’appuyaient qu’à des bancs de sable, On ne pouvait se dissi- muler que de telles constructions étaient encore sujettes à bien des cas fortuits, etil fallait en pré- venir les mauvais eflets pour les fontaines proje- tées : on ne pouvait le faire qu’en se portant sur la digue du Bazacle, digue de peu détendue, remarquable par sa solidité, et sur-tout par celle de ses points d'attache. En cas de dommage, non- seulement les propriétaires du moulin, mais en- core ceux du canal du Midi, et même ladminis- tration publique, avaient un intérêt direct à le réparer de suite : il était loin d'en être de même pour les digues du moulin du Château; cette administration en avait résolu la suppression à diverses époques, et, en cas de rupture, elle pouvait mettre obstacle à leur rétablissement. De plus, la chute au Bazacle étant de moitié en sus plus considérable, de quinze pieds au lieu de dix, donnait une force plus grande dans le même rap- port. Cependant tous ceux qui depuis plus de deux siècles avaient eu l’idée d'élever les eaux à Vaide de machines hydrauliques , les plaçaient 200 ÉTABLISSEMENT sur la digue du moulin du Chäteau. M. Abadie venait encore d'indiquer cette position , qui est celle qui se présente la première, ainsi que nous avons déjà remarqué; et le conseil municipal l'avait adoptée, au moins implicitement, en ar- rêtant , le 30 août 18:17, les bases du pro- gramme à publier. En conséquence, le Maire, M. le baron de Bellegarde, avant de se décider à proposer un changement si notable à ce qui avait été comme admis, crut devoir s’éclairer de toutes les lumières à sa portée. IL assembla une commis- sion extraordinaire, et, sous sa présidence, la question fut discutée. Sous le rapport de l'art et de la stabilité, il n’y eut pas la moindre raison d’hésiter. Il n’en fut pas de même sous le rapport pécuniaire : il était évident qu’en se portant, par exemple, au bout du pont, où lon avait d’ailleurs un emplacement très-convenable à tous autres égards, on s’éloignait du centre de la ville, et qu’on aurait ainsi besoin de plus de tuyaux pour y porter les eaux ; qu’on aurait sur-tout à y prati- quer un long et dispendieux canal de fuite : Von estima à 60.000 fr. au moins l’excès de dépense que coûterait l'établissement sur la digue du Ba- zacle. Mais, disait-on, il sagit ici de fonder sur une base solide tout l’édifice de vos fontaines, édifice qui coûtera plus d’un million ; et ce n’est pas sur les fondations d’un monument de ce prix et de cette importance, que des économies sont bien entendues. Enfin, à la majorité de dix voix contre une, il fut déclaré qu’il convenait de se ae DES FONTAINES À TOULOUSE. 209 transporter du bassin du moulin du Château à celui du Bazacle. Ï1 fallut alors s’occuper de Pexamen des divers locaux où lon pouvait s'établir, en prenant les eaux dans ce dernier bassin. Outre celui qui se trouvait près les tours du pont, il y en avait encore d’autres; et naturellement c'était auprès de la digue qu'il fallait aller les chercher, pour être dispensé d'un long canal d’amenée ou de fuite. Sur la rive droite de la rivière, on ne pouvait guère se fixer qu'aux environs du canal de Saint- Pierre. M. Maguës, qui en était ingénieur, et qui connaissait parfaitement les lieux, pensa que la position la plus convenable était entre le rempart et le canal : les eaux seraient prises im- médiatement en amont de son origine; après avoir mu les machines, elles passeraient sous le canal même, et se jetteraient dans un égoût de la ville. Mais les travaux à exécuter présentaient des difficultés qu'il n’était pas en notre seul pou- voir de lever, et il était douteux que légoût püt facilement éconduire toutes les eaux qu'il serait dans le cas de recevoir. De plus, on séloienait bien du centre de la ville; pour y mener les eaux, il fallait une plus grande quantité de tuyaux du premier ordre, et par conséquent une augmen- tation notable dans la dépense : aussi M. Maguès abandonna-t-il bientôt son idée. La dernière considération que nous venons de faire, une plus grande dépense en conduites, D'U . Lu À . A TOME 11. PART. I: 14 Emplacemens dans la retenue du Bazacle, 210 ÉTABLISSEMENT empécha encore de s'arrêter’ à l’idée qui fut aussi émise, d'acquérir et d'employer la prise d’eau de l'ancienne filature de coton, où est aujourd’hui la manufacture royale de tabac. On aurait eu dans cette position , de plus qu’à celle des tours du pont, 760 mètres de galerie à bâtir et 2500 quintaux métriques de tuyaux à poser; ce qui eût exigé 180.000 fr. en sus : somme supérieure à ce que devait coûter, dans l’autre position, et à ce qu'a réellement coûté la prise d’eau avec ses canaux d’amenée et de fuite. IL eût fallu en outre en dépenser une peut-être plus considérable encore, pour l'achat des bâtimens et accessoires de la filature. Sur la rive gauche, et tout près de la digue du Bazacle, au martinet-Bosc, on avait aussi une prise d’eau toute établie, et que lon eût pu ac- quérir pour une soixantaine de mille francs; mais on s’éloignait encore plus du centre de la ville. Cette même cause, léloisnement, avait porté M. Abadie à renoncer à l’idée qu’il avait eue, pen- dant quelques instans, de placer ses machines un peu en amont de l’hospice de la Grave. Cependant M. Chaumont, cherchant à résoudre ce problème : Assigner une position telle que la dépense à faire, pour les canaux menant les eaux motrices des machines et pour les tuyaux condui- sant Les eaux des fontaines, soit la plus petite pos- sible, crut devoir retourner aux environs de cet hospice. Mais il fallait alors ouvrir la prise d’eau dans un lieu naturellement sujet aux ensablemens ; DES FONTAINES À TOULOUSE. LE les eaux, pour la boisson, auraient été puisées au-dessous des abattoirs et de l’hôtel-Dieu, le pire des locaux sous le rapport de la propreté. Enfin, dans cet emplacement , comme dans tous ceux dont il vient d’être question , on ne pouvait espé- rer de filtre naturel. On revint donc à l’extrémité occidentale du pont; l’étude qu’on avait faite des autres locaux montra qu'aucun ne réunissait autant d'avantages. On y avait, pour les machines et le bâtiment qui devait les renfermer, un emplacement qui sem- blait leur avoir été réservé : on y était entièrement à l'abri des inondations, et les plus hautes ne pouvaient produire aucun dommage; leur effet se réduisait à un chômage de deux ou trois jours: et l’on y avait un banc de sable qui pouvait fournir en abondance des eaux aussi pures que limpides. Le seul désavantage était celui d’un canal de fuite de près d’un quart de lieue de long, es- timé cent trente mille francs et qui en a coûté cent cinquante mille. Sous d’autres rapports, par exemple, sous celui de léloignement du milieu de la ville, cette position était moins dispendieuse qu'il ne paraissait au premier coup d'œil; les ga- leries pratiquées, depuis cent cinquante ans, sous les trottoirs du pont, procuraient une économie de vingt mille francs. En s’établissant près du moulin du Château, on aurait eu une forte redevance à payer annuellement à ses propriétaires, sur le territoire desquels on se trouvait en partie; 11, on n'avait plus qu’à contribuer, pour une faible 14. Emplacement préféré, ÂGCCESSOIRES DES MACHINES. Chateau d’eau. 212 ÉTABLISSEMENT quote part, aux réparations qui seraient faites annuellement à la digue du Bazacle. En consé- quence, la commission des fontaines adopta dé- finitivement cette position. M. Virebent pensa qu’on pourrait établir les ma- chines hydrauliques auprès et au bas des tours du pont, et porter les eaux élevées dans Pune d'elles, qui aurait ainsi servi de château-d’eau. Mais alors il eût fallu pratiquer une grande excavation au pied des tours et par conséquent dans la culée du pont ou dans ses contreforts. Quoiqu'il parût qu'on pût le faire sans un danger prochain, ce- pendant la crainte de compromettre, en aucune manière, l’existence d’un monument si important et qu’on ne referait pas à moins de plusieurs millions, engagea à préférer une augmentation de dépense d'environ trente mille francs, et à construire un bâtiment tout exprès pour renfermer . les machines; d'autant plus que M. Abadie : in sistait fortement pour que la bonne disposition et le bel ensemble de leurs diverses parties ne füt pas dé- truit, en plaçant les unes dans un local particulier et les autres dans une tour qui en serait néces- sairement séparée. Il présenta le projet d’un bà- timent spécial dressé à sa demande par M. Par- chitecte Raynaud, et il demanda qu’il Fût établi sur le local où était encore la fontaine en forme de rotonde, qui avait été bâtie en 1682 pour re- cevoir les eaux des Ardennes. Le projet et l’em- placement proposés furent adoptés. ( Foyez à la planche I une vue de ce château, et à la p/an- che IF la position qui lui a été donnée. } DES FONTAINES A TOULOUSE. 219 Il fallait s'occuper maintenant de mener au local choisi les eaux qui devaient y mettre les ma- chines en mouvement, et puis de les ramener à la rivière au-dessous de la digue du Bazacle formant la retenue dans laquelle elles étaient prises. * Le premier objet, le canal d’amenée, ne pré- sentait aucune difficulté; on n’était qu'à 45 mè- tres de la Garonne, et on y allait directement en passant sous le cours Dillon, ainsi qu’on le voit planche IF. Il en était plus de même pour le canal de fuite. La direction à lui donner, qui se présentait d'abord parce qu’elle était la plus courte, et qui fut en effet proposée par M. Virebent, était, en partant du château, de cheminer parallèlement à la rivière, de traverser l’hospice de la Grave, et d'aller déboucher immédiatement au-dessous de la digue du Bazacle, au martinet-Bosc. Le canal n’eût pas eu alors plus de 600 mètres de long, et n’eûc pas coûté plus de 80.000 francs, abstraction faite des obstacles extraordinaires qui pouvaient se présenter. Mais de tels obstacles étaient à redouter; on avait à creuser à une faible distance de la rivière, quelquefois à une soixantaine de pieds, une profonde tranchée dont le fond devait être à dix ou douze pieds au-dessous du niveau des eaux, et cela dans un terrain de transport renfermant des couches ou veines de sable et même de galets. IL était bien à craindre que sur quelque point l'eau ne vint à pénétrer avec force dans les travaux, et n’opposât des diffi- Canaux d’amenée et de fuite, 214 ÉTABLISSEMENT cultés insurmontables, soit au creusement de fa tranchée, soît à l'établissement de l’aqueduc qui devait y être bâti. En conséquence, il fallut re - noncer à cette direction, et on y renonça de Pavis des ingénieurs assistans. M. Eudel, qui, peu après cette discussion, entra à la commission des fontaines, ÿ proposa un nou- veau projet. Il ne prenait plus les eaux motrices en face du château-d’eau, mais dans le bief du petit moulin établi au-dessus de la porte de Muret. Il les amenait à l’aide d’un coursier établi le long du cours Dillon et sur la prairie qui est à son pied. Arrivées en face du château-d’eau, elles sy ren- daient par un petit canal traversant le Cours, et de suite après leur chute sur les roues, un pareil canal les rendait à la rivière. Mais M. Eudel vit bientôt lui-même qu’un tel projet n'avait pas le degré de stabilité convenable à notre système de fontaines, et il y renonça. On continva la discussion relative au canal de fuite. M. Eudel, à leffet de l’éloigner le plus possible de la rivière en partant du château-d’eau , proposa de cheminer d’abord perpendiculairement à la direction du fleuve et de suivre la grand’rue du faubourg ; puis on prenait la rue de l'Estra- pade , et, dès avoir dépassé le mur de la ville, on allait directement à la Garonne, près le martinet- Bosc. Cet ingénieur remit un plan fait en consé- quence; le canal, qui était maçonné dans linté- rieur du faubourg, avait 825 mètres de long etdeux (6 pieds) de large; la chute, ou la différence du { eo DES FONTAINES À TOULOUSE. 215 niveau de la rivière entre le point où il rendait les eaux et celui où elles étaient prises, avait 2° 72. En combinant ce projet avec la position que M. Abadie donnait à ses roues hydauliques et avec la quantité d’eau nécessaire pour les mou- voir, je trouvai que cette chute était loin d’être suffisante : l’eau se serait élevée dans le canal à quatre pieds, et elle aurait ainsi empèché le mou- vement des roues. Il fallait évidemment aug- menter la chute; on ne pouvait le faire qu’en changeant encore la direction dune partie du canal, et en le faisant déboucher au-dessous du moulin Baylac, où l’on avait une seconde chute de plus de cinq pieds. Je fis connaître cet état des choses au Maire, M. le baron de Bellegarde, et je le priai de demander à M. Maguës un nivel- lement très-exact de la rivière, depuis le pont jusqu’au-dessous du moulin Baylac, et de faire connaître, en même temps, les variations que les crues et les baisses de la Garonne pouvaient ap- porter à la hauteur des eaux aux deux extrémités de la ligne nivelée ; afin que lon sût bien ce qu’on avait à craindre de ces crues et baisses, et qu’on püt s'établir de manière à éprouver le moins possible leurs mauvais effets. M. le Maire fit ces demandes, et il ne pouvait mieux s'adresser qu’à un des ingénieurs de France les plus habiles et les plus exercés dans l’art des nivellemens; qu’à un ingénieur qui, cherchant à éclairer toutes les parties du service dont il est chargé, le canal du Filtres. 216 ÉTABLISSEMENT Midi, faisait tenir un registre portant, jour par jour, la hauteur de la rivière au-dessus et au- dessous de la digue du Bazacle (à Pécluse Saint- Pierre et à l'Embouchure ). Il voulut bien soc- cuper de ces questions, et il les résolut dans un Mémoire qu’il remit à M. le Maire. D'après les faits qui y étaient exposés, il fut décidé , 1.0 Que la prise d’eau serait ouverte vis-à-vis le château-d’eau, à 162 (5p.) en contre-bas des basses eaux de la rivière ; 2.0 Que les eaux seraient menées aux machines par un aqueduc souterrain de 2" 30 (7 p.) de large, sur 175 (5 :/, p.) de hauteur ; 3.0 Qu’elles seraient ramenées à la rivière, d'a- bord et dans le faubourg, par un second aqueduc de même dimension, dont le sol ou radier bais- serait de o”70 après les roues hydrauliques, et dont la pente serait de 1®50 sur une longueur de 750" (2309 p.); et ensuite, hors des murs et jusqu’au-dessaus du moulin Baylac, par un canal ouvert d'environ 400" (1200 P.) avec une pente de 0" 50. Dans la suite, on a été à même de faire quelques changemens à ces dimensions et pentes : nous les indiquerons plus bas. Tous ces travaux furent estimés à cent cin- quante mille francs. Il ne restait plus maintenant qu’à s'occuper de la clarification des eaux destinées aux fontaines. DES l'ONTAINES À TOULOUSE: 217 Je reprends tout ce qui avait été fait sur cet objet important. M. Abadie, dans son premier projet, celui où il établissait ses machines sur le bord du canal de Tounis, avait entouré leurs puisards d’une cir- convallation de sable et de gravier contenue dans des cases de maçonnerie : il pensait que les eaux du canal, en traversant cette masse filtrante, y déposeraient leurs saletés, et arriveraient claires à ses pompes. Par une disposition ingénieuse, qui était permise par les localités, 1l pouvait faire traverser, mais en sens contraire, cette même masse par les eaux de la rivière : en le faisant, lorsqu’elles étaient claires, il espérait nettoyer ses sables et sans déplacement. A ce mode naturel de clarification, M. Virebent proposa de substituer celui dont on faisait usage, depuis plusieurs années, dans les appareils qui fournissaient aux habitans presque toute l’eau potable. [ci Peau s’épurait en traversant, non ho- rizontalement une masse de sable comme dans le projet de M. Abadie, ni de haut en bas comme dans les fontaines filtrantes ordinaires, mais de bas en haut, et à plusieurs reprises. Ces projets furent soumis à lAcadémie des Sciences, qui nomma, pour les examiner, une comnussion dont M. Magues faisait partie. Elle fit des observations dans différentes clarifications de la ville, et il en résulta que lorsque les eaux de la Garonne sont très-sales, on ne peut les purifier complètement qu’en les faisant passer successive- 218 ÉTABLISSEMENT ment à travers quatre couches de gravier et de sable, ayant quatre pieds d'épaisseur chacune ; et qu’un mètre carré de ces couches, supposées placées les unes sur les autres, ne clarilie que vingt mètres cubes en vingt-quatre heures; c’est un pouce d’eau. D’après ces résultats, qui furent exposés en détail dans lesrapport de M. Maguës, l'Académie conclut à ce que les moyens présentés par MM. Abadie et Virebent n'étaient pas sufisans pour clarifier deux cents pouces d’eau. M. Maguës penchait pour les filtres naturels ; et lorsqu'on projetait de s'établir à la pointe de l'île de Tounis, il croyait qu’un vaste puits, qui serait creusé, fournirait une quantité d’eau considérable ; cette opinion lui était suggérée par les observations qu’il avait faites sur le produit des puits de cette île, produit toujours abondant et limpide. Aussi, lorsqu'on se porta à Saint-Cyprien , 1l s’'empressa de demander qu’on ouvrit, pour essai, une fosse dans le banc d’alluvion qui est au- dessous du cours Dillon : elle fut commencée près de ce cours. Quelque temps après, M. Chaumont, qui se chargea de ce qui concernait les filtres, la fit porter plus près de la rivière (à la tête du premier filtre, pl. IF.). I lui donna 9 :/, pieds de pro- fondeur, et 43 de long sur 25 de large dans le bas. A l’aide de vis d'Archimède, il en épuisait l'eau; il observait ensuite le temps qu’elle mettait à s'élever à une certaine hauteur, et il en con- DES FONTAINES A TOULOUSE. 219 cluait le produit de la masse filtrante circonvoi- sine : cette eau était d’ailleurs très-belle, Trois expériences qu'il fit de cette sorte (1) le portèrent à penser qu’on obtiendrait les 200 pouces d’eau voulus, à l’aide d'une excavation de forme ellip- tique, ayant dans le haut 100 pieds de long et 70 de large, et dont le fond serait à trois pieds au-dessous du niveau des basses eaux de la rivière. La commission vit bien qu'il n’y avait que peu de rapport entre le produit obtenu dans ces expé- riences, où le terrain tout imprégné d’eau qui entourait l’excavation, était comme un réservoir qui les y versait des sa mise à sec, et le produit que l’on aurait, lorsque ce même terrain desséché par un écoulement continu, ne fournirait plus dans le bassin, en un certain temps, que l’eau qui aurait pu filtrer durant ce temps à travers le massif de terre qui le séparait de la rivière, Tou- tefois, elle adopta la proposition de M. Chaumont; sauf à augmenter par la suite l'étendue de l’exca- vation, jusqu’à ce que les besoins des fontaines fussent satisfaits. Nous verrons plus bas les aug- mentations et les changemens considérables qu’on a été dans le cas de faire à ces premières dispo- sitions. Le bassin devait être entouré d’une digue faite (1) La première expérience ; l'eau dañs la rivière étant à 0" 48 au-dessus du fond du creux ; donna 42 pouces ; la se- conde , la différence de niveau ou charge du filtre étant de 0%87, donna 54 pouces ; dans la troisième, on en eut 50, sous une charge de 075. 220 ÉTABLISSEMENT avec la terre provenant de la fouille ; elle était destinée à empêcher que l’eau ne fût troublée par l'agitation des vagues, et à la mettre à l'abri des inondations. Une conduite en poterie devait la mener aux puisards des machines. Le tout était estimé 14.500 francs. Ce filtre naturel nous présentait des avantages incalculables : mais pouvions-nous compter sur leur durée ? Les petits canaux aflérens qui, en retenant les matières terreuses, cause de la sa- leté de l’eau, la livraient entièrement pure, ne pouvaient-ils pas s’obstruer par l’accumulation de ces matières, ainsi qu'il arrivait aux clarifications usitées dans la ville? Les mêmes canaux ne pou- vaient-ils pas s’élargir au point de laisser passer quelques filets d’eau trouble? Nous faisions ici usage d’un appareil qui n’était pas à notre entière disposition : la rivière, qui nous Pavait donné, et depuis cinquante ans seulement, ne pouvait- elle pas le reprendre en tout ou en partie? La prudence nous obligeait de prévoir ces cas : ils pouvaient nous réduire à une clarification artifi- cielle. Lacommission voulant savoir ce qui pourrait être exécuté en grand à ce sujet, invita M. l’ar- chitecte Raynaud, qui avait fait construire plu- sieurs de celles en usage dans la ville, à lui présenter un projet à cet égard. Il Sen occupa, et par une disposition bien entendue, il réduisit de moitié l’espace occupé par les clarilications ordinaires. Il résulte de ses plans et devis, qu’un filtre artificiel, que lon pourrait établir autour —- DES FONTAINES À TOULOUSE. 221 du château-d’eau et le long du Cours, occuperait un espace de cinq mètres carrés et coûterait cinq cents francs par chaque pouce d’eau clarifié : sur ces bases, et le cas échéant, on proportionnerait la grandeur dun tel filtre aux besoins ou aux désirs de la ville. Telles étaient les diverses questions que la com- mission des fontaines avait à résoudre et les so- lutions auxquelles elle était parvenue. Je fus chargé de les soumettre au conseil municipal et d'en développer les motifs. Ce fut l’objet d’un long rapport, dont voici le résumé. « L’élévation de deux cents pouces d’eau clari- fiée à vingt pieds au-dessus du sol de la ville, coûterait donc, pour Les machines hydrauliques..... 58.316 Le château-d’eau quilesrenferme. 62.286 Les canaux d’amenée et de fuite. 150.000 Les filtres ( premier essai). ,.... 14.500 Hotahéirnns dui eSbieonf Environ trois cent mille francs. » Cette dépense paraîtra bien considérable, lors- qu'on se rappellera qu'on n'avait d’abord compté que sur quatre-vingt mille francs, et qu’effecti- vement avec cette somme on eût peu élever les deux cents pouces d’eau à la hauteur voulue ; mais alors on n’aurait eu qu’une fort médiocre ma- chine et elle aurait été placée dans un lieu ouvert à toute espèce de cas fortuits. Pour nous ( mem- bres de la commission }, qui cependant nous Résumé du : projet présenté. 222 À ÉTABLISSEMENT flattons de vouloir être économes et de l'avoir été, nous avons dû satisfaire à toutes les con- ditions de stabilité et de prudence; nous avons voulu présenter un ouvrage digne d’une grande cité, ouvrage remarquable par sa solidité, par sa bonne assiette, et par la facilité de son entretien ; nous avons voulu sur-tout assurer la continuité dans le service des fontaines à établir, et nous nous sommes mis encore au-dessus de ce qui pa- raissait strictement nécessaire à ce sujet. » Ainsi, on a demandé 200 pouces d’eau à 20 pieds au-dessus de la place Rouaix ; prévoyant ce qu’on peut désigner sous la dénomination de non- valeurs , nous en élevons 250 et à plus de 23 pieds. ». Lesmachines employées à cet effet, construites à l'instar de ce qui se fait de mieux en France et même en Anoleterre, presque toutes en fonte, fer ou bronze, renforcées considérablement dans les parties sujettes à rupture, seront d’une durée comme indéfinie, et n’exigeront que très-peu de frais d'entretien. » L'édifice qui les renfermera, malgré sa simpli- cité, formera encore un vrai monument d’archi- tecture pour notre ville. » Elles seront établies sur un local qui sembie expressément destiné à les recevoir , et qui, plus que tout autre, a paru réunir les principales con- ditions à remplir. Elles y seront entièrement à abri des inondations , avantage extrémement rare dans les constructions hydrauliques faites __— DES FONTAINES À TOULOUSE. 223 sur les bords des fleuves; et, dans les plus grandes sécheresses, elles recevront encore assez d’eau mo- trice pour produire leur maximum d'effet. La prise de cette eau se trouvera assurée par la plus solide des digues, et les eaux potables seront pui- sées dans la partie de la rivière où elles sont les plus pures. » Le canal de fuite , ayant près d’un quart de lieue de long, sera dispendieux , il est vrai; mais on aura un ouvrage d’un service assuré : nous lui avons donné la position , ainsi que toute la pente et toutes les dimensions que la prudence pouvait conseiller. » Enfin, un banc sablonneux d’alluvion, qui, à l’aide de simples fosses creusées dans sa masse, fournira, et dans un état de parfaite limpidité, les deux cents pouces d’eau demandés, complètera les avantages de l'emplacement choisi. » Il nous paraît, ainsi, que par le projet dont nous venons de rappeler les principaux points, nous tirons, et de la manière la plus convenable à une grande ville, tout le parti possible de notre rivière et de notre position , pour fournir et assu- rer constamment à nos fontaines toute l'eau qui leur sera nécessaire : nous croyons en conséquence devoir vous proposer l'adoption de ceprojet. » Ce rapport fut fait au conseil municipal, dans’ sa séance du 12 août 1820. L'importance du sujet et la grandeur de la dépense à laquelle il allait donner lieu, car je ne portais pas à moins d’un million létablissement Discussion au conseil menicipal sur le projet. 224 ÉTABLISSEMENT général de nos fontaines, engagèrent le conseil à renvoyer à quinzaine la discussion de cette aflaire et la décision à prendre. Dans lintervalle, toutes les pièces et tous les plans restèrent déposés sur le bureau, afin que ses membres pussent en avoir connaissance. Le 26, la question fut reprise : mais, au lieu d’une simple discussion tendant à améliorer un projet étudié et médité pendant trois ans avec les hommes de la ville les plus versés dans ces ma- tières, nous vimes avec surprise s'élever une qua- druple opposition contre le fond même du projet, et nous fûmes témoins d’une de ces anomalies dont les corps délibérans n’offrent que trop d'exemples : une partie du conseil sembla avoir entièrement oublié ses délibérations antérieures , le concours qu’il avait ouvert, le programme pu- blié, le mandat qu'il avait donné à sa commis- sion , etc. Revenant sur tous les antécédens, quelques membres dirent : Ce n’est pas par un plan mes- quin, par un filet d’eau élevé à l’aide d’une frèle machine qu’on peut satisfaire une ville comme Toulouse ; c’est un bras de rivière qu’il faut ame- ner dans ses murs. Vainement on leur représentait que la position topographique de la cité y mettait des obstacles presque insurmontables ; que linter- position de la Garonne ne permettait pas de ly mener par la rive gauche; que pour en venir à bout par la rive droite, il faudrait percer des coteaux sur une longueur très-considérable , bâtir DES FONTAINES A TOULOUSE: 229 un long aqueduc supporté par de hautes arcades, etc. ; que les Romains pouvaient faire de tels ou- vrages , mais que la ville ne le pouvait pas. D’autres disaient : Mais le canal d'irrigation, dérivé de la Garonne près de Muret et conduit sur le plateau des Ardennes, d’où deux cents pouces seraient pris et mehés aux fontaines par des tuyaux de fonte, se ferait avec bien moins de frais ( avec 900.000 fr.). On leur répondait : Ce n’est pas à la ville de Toulouse à aller arroser les territoires de Muret, Cugnaux, etc. ; il agit uni- quement, dans l'affaire actuelle, d’avoir de l’eau pour les fontaines; le projet dont vous parlez n’en donne pas plus que celui de la commission ; c’est toujours deux cents pouces, mais avec cette diffé- rence essentielle, qu’au lieu de la donner bonne, il la donne mauvaise ( de l’eau du canal), et qu’il la fait payer trois ou quatre fois, et peut-être cinq ou six fois plus cher, et encore avec plus de chances d'interruption de service : d’ailleurs, aucun projet en forme n’a été présenté à cet égard. V. la note Fr. Eh bien, répliquaient quelques personnes, at- tendons que l’habile ingénieur qui a mis en avant l’idée de ce canal, ait fait et livré ce projet; alors nous pourrons juger avec pleine connaissance de cause. On les priait d'observer : que déjà depuis trois ans l'administration municipale avait engagé ce savant à dresser et remettre son projet; qu'ab- sorbé par les devoirs de son état, il n’en avait pas encore trouvé le temps ,et qu'il ne le trouverait pas davantage à l'avenir; que c'était, sans nul motif TOMP II. PART. I, 15 226 ÉTABLISSEMENT fondé, ajourner comme indéfiniment une affaire qu'il était urgent de terminer; que le testament de M. Lagane nous en imposait lobligation ; que, sous peine de perdre le legs de cinquante mille francs, il fallait que les travaux fussent finis en dix ans: que lon en savait d'ailleurs assez pour prononcer sciemment; que du moment qu'il était évident que le projet en question devait donner de l’eau moins bonne , et qu’il devait coûter plus de trois fois aussi cher, on ne pouvait lui donner la pré- férence; que peu importait, pour la décision à prendre, de savoir exactement ce qu’il coûterait, un million et demi ou deux millions; car, en dé- finitive, les plans et devis, s'ils étaient faits, et faits avec exactitude, m’apprendraient pas au- tre chose au conseil. La question des finances vint aussi à encontre. Voilà une dépense d'un million, et de plus peut- être, disait un membre : tant qu'on se livrera à de pareïlles entreprises , nous ne pouvons espérer aucune diminution dans les droits d'octroi de la ville, droits énormes et qui mettent obstacle à la vente de nos vins. Tous les intérêts des habitans doivent être représentés dans un conseil muni- cipal, et la représentation qu’on faisait était bien naturelle; mais comme objection à l'établissement des fontaines elle était peu fondée : le droit d’oc- troi n’était pas alors de six pour cent de la valeur vénale du vin; eût-il été réduit de moitié, et cest tout ce qu’on pouvait désirer, la diminu- tion qui en serait résultée sur le prix du wn, DES FONTAINES A TOULOUSE. 227 n'aurait pas sensiblement augmenté la quantité vendue. Enfin , un autre membre, rentrant il est vrai dans la question, désapprouvait la position donnée au système hydraulique : il aurait voulu sur la rive droite de la Garonne, On lui rappela les motifs qui avaient porté à passer de cette rive sur la rive gauche : beaucoup moins de dépense à faire, et lincalculable avantage d’un filtre naturel. Ainsi, les uns adoptaient le projet présenté par la commission, les autres en voulaient un diffé- rent, enfin, quelques-uns demandaient un plus ample informé. Vu ce partage d’opinions , le Maire, M. le baron de Bellegarde, posa ainsi la question : Délibérera-t-on de suite sur le projet présenté ? Une moitié des membres du conseil fut pour l’aflirmative, et un nombre égal vota pour la négative. Alors, M. le Maire, sentant que le moment était décisif, que tout ajournement allait priver pour long-temps et peut-être à jamais ses administrés de immense bienfait des fontaines, fit usage de sa voix prépondérante, et il y eut lieu à délibérer incontinent. On délibéra, et cette fois la majorité fut pour le projet de la commis- sion. Echappé à un danger, il se trouva bientôt ex- posé à un autre. Conformément à la marche ad- ministrative, il fut envoyé à Paris, pour être soumis à la révision et à l'approbation de l'autorité supérieure : le Ministre l’adressa au conseil gé- néral des ponts et chaussées, avec invitation de 19: 220 ÉTABLISSEMENT Pexaminer et de donner son avis. Bientôt arrive- rent des réclamalions de toute espèce : le moyen de se procurer l’eau des fontaines à l’aide des ma- chines hydrauliques avait été préféré à d’autres ; la machine adoptée avait été mise au-dessus de sept autres : ceux dont les idées ou les plans n’a- vaient pas été agréés ne cessèrent de représenter comme entièrement mauvais celui que le conseil municipal venait d'approuver. L'autorité hésita : heureusement, M. de Bellegarde se trouvait alors à Paris; il y suivit cette aflure , avec la chaleur pour ce qu'il croyait être dans les intérêts de sa ville et avec la ténacité de caractère qui recom- manderont long-temps encore son administration à l'estime de ses concitoyens. Ayant constamment présidé la commission des fontaines, ayant assisté à toutes ses délibérations, il était plein de son objet et il le défendit contre toutes les attaques qui lui étaient portées : il ne quitta la capitale que lors- qu'il eut levé toutes les diicultés, triomphé de toutes les lenteurs, et qu’il fut certain qu’il aurait les autorisations nécessaires. Il faut le dire, sans Pintérèt actif et persévérant de M. de Bellegarde pour arriver à l'exécution de l’entreprise des fon- taines, leur établissement m'aurait pas eu lieu ; et, après M. Lagane, il est bien un de ceux à qui la ville en a l'obligation. Le 26 juin 1821, l'autorisation ministérielle arriva : le directeur général de Padministration communale approuva les plans et devis des ou- vrages à faire au faubourg Saint-Cyprien; mais DES FONTAINES À TOULOUSE. 229 en communiquant des observations critiques du conseil général des ponts et chaussées, avec invi- tation d’y avoir égard, et en demandant que l’on examinät jusqu’à quel point les localités permet- traient d'augmenter la chute de l’eau motrice des machines. Le Maire chargea MM. Eudel, Virebent et moi de faire cet examen, ainsi que de se con- certer avec M. Abadie relativement aux observa- tions concernant la machine. Ces observations du conseil avaient été faites sur le rapport de M. de Prony, premier ins- pecteur général des ponts et chaussées, un des plus savans mécaniciens et hydrauliciens de l’'Eu- rope. La principale portait sur l’espèce de roues hydrauliques employées : c'étaient des roues à aubes proprement dites. M. de Prony, après avoir remarqué que ce sont précisément celles qui dé- pensent le plus d’eau pour produire un effet donné, proposa de leur en substituer de pareilles à celles. qu’on avait établies depuis peu à Essonne près de Paris; roues également à aubes, mais qui reçoivent l’eau motrice le plus haut possible au- dessus de leur partie inférieure. La remarque était trop juste et la proposition trop dans notre inté- rêt, pour n'être pas de suite agréée. M. Abadie n’eut d’ailleurs rien à changer à la forme et aux dimensions de ses roues; mais, au lieu de diriger le courant moteur vers l’extrémité inférieure de leur diamètre vertical, on le porta à r 45 (4'/, P.) au-dessus. Cette disposition procure une trés-crande économie dans la quantité d’eau Observations faites, etamée- liorations pro- posées au pro- jet présenté , par M. DE PronNY. 230 ÉTABLISSEMENT motrice à employer : il en eût fallu quatre mètres cubes par seconde, et on n’en dépense pas main- tenant un mètre cube et demi Cr} F (1) Soit : P le poids équivalant à la somme de toutes les résistances au mouvement, en le supposant appliqué aux aubes et agis- sant dans une direction opposée au courant, Q la quantité d’eau motrice dépensée en une seconde et exprimée en kilogrammes. V la vitesse de cette eau à la rencontre des aubes. » la vitesse de ces aubes. g l'action de la gravité. D'après la théorie de Borda , généralement admise pour les roues à aubes contenues dans un coursier , on a ” Q P — oi ( V—» À Selon la même théorie , la machine produit son plus grand effet lorsque la roue a une vitesse telle que » — ÆNVARAISTOT » 2 est la hauteur due à la vitesse V, on a V—V”/23H, et par conséquent 1 Po — = QE expression que les expériences de Smeaton réduisent à Pr= = QH. Pour chacune de nos deux machines , on a P— #24 kil. et V—2%113, et par suite P»—896 : c’est l'effet dynamique de la machine (voyez note V). D'après les constructions projetées par M. Abadie, lors- qu'il employait des roues à aubes , la hauteur de l’eau au- dessus du seuil de la vanne, qui la versait sur les aubes , était 162; mais, lorsqu'elle serait levée, la hauteur au-dessus du centre de l'ouverture n'irait guère qu'à 1" 45 : ce serait la DES FONTAINES À TOULOUSE. 231 Cette moindre quantité d’eau à éconduire par le canal de fuite a permis de réduire les dimen- sions d’abord projetées; au lieu de 2" 30 de lar- geur, on n’a donné au canal que 2" 00, et la pente en a été diminuée d’un quart. M. de Prony trouvait extraordinaire que sur 5" 47 de chute, ou différence entre le niveau de la rivière à l’entrée du canal d’amenée et son niveau à la sortie du canal de fuite, on n’eût pris, pour les machines, que 1"62, ou plutôt 1" 82. L'adoption du nouveau système na permis d’aller jusqu’à 2° 20, c’est-à-dire, d'établir les roues de manière à ce que leur partie inférieure soit à 2" 20 au-dessus du niveau de la rivière prise sous le pont, lors des basses eaux. Je ne pouvais les descendre plus bas sans les exposer à être engor- gées et arrêtées lors des crues ordinaires de la Garonne : dans leur position actuelle, elles ne peuvent l'être que par les crues extraordinaires, lesquelles n’ont lieu que tous les quatre ou cinq ans, et dont leffet se réduirait à un chômage d’un ou deux jours. Immédiatement après les roues, et pour les hauteur due à la vitesse de l’eau au sortir de la vanne ; et la vitesse , à la rencontre des aubes , est toujours moindre. Si elle était égale , on aurait H— 1"45, et alors l'équation ci- dessus donnerait Q = 1853 kilog. ou 1,853 mèt. cub. Pour les deux roues, ce serait 3,706 mèt, eub. Il faut compter sur quatre mètres cubes au moins. Par les constructions adoptées , on ne dépense que 1,35 mêt, cub. (voyez la note r). 232 ÉTABLISSEMENT dégager de suite de l’eau qui venait d'agir sur elles, on a ménagé une seconde chute de 070; ce qui porte, en réalité, à 2" 90 celle qui est im- médiatement utilisée par elles. Au delà, se trouve le canal de fuite, auquel il a fallu donner une pente de 1"50. De sorte qu’il reste encore 1° 07 sur les 5" 47 de la chute totale (x). Mais ce reste est bien loin d’être perdu , comme M. de Prony paraissait le croire : il forme, à l'extrémité du canal, une troisième chute des- tinée à une autre usine (papeterie ou scierie , etc.) (1). A l'extrémité inférieure du plan incliné formant la se- conde chute , celle de o 70, commence le radier du canal cou- vert ou aqueduc de fuite; je lui ai donné une pente de 1 ‘/, par 1000 ; sa longueur étant de 750 mètres, cette pente a été de 1%13 : on ne pouväit donner moins sans s’exposer à faire re- fluer l’eau sur les roues , dès que son écoulement serait gêné par quelque obstacle , tel que les pierres et débris de maçon- nerie qui seront souvent portés dans l’aqueduc par un égout qui y débouche , et par les envasemens qui se feront à sa sortie dans les crues de la rivière. Lorsque les machines sont en pleine activité, elles dépensent , avons-nous dit, environ un mètre cube et demi d’eau par seconde : cette quantité d’eau coulant dans le canal ne s'y élevera qu’à o® 62, lorsque le radier sera entièrement net; mais du moment qu'il sera embarrassé , il y aura un regonflement ; il se fera ressentir jusques aux roues , quand l'épaisseur de la couche d’eau conduite dépassera 0" 70 , ce qui arrivera habituellement ; et 1l génera leur mouvement s’il excède cette hauteur de quelques décimètres. On ne peut prévenir cet inconvénient que par une assez forte pente. D'ailleurs , l'aqueduc, ayant 2" 00 de large , avec une hau- teur de o® 78 à la naissance de la voûte et 1" 78 sous la clef, peut débiter un volume d’eau bien supérieur à 1 ‘/, mêt. cub. : entièrement plein , il en dépenserait 4,23; et sans que l’épais- DES FONTAINES A TOULOUSE. 233 qui doit être établie dans cette localité. Sans nul inconvénient ,,on peut y laisser élever les eaux à un mètre au-dessus du fond du canal, ce qui portera la chute à 2" 07 lorsque la rivière sera basse, et à 1"70 au moins lorsqu'elle sera à sa hauteur moyenne. Les eaux qui viennent du seur de la tranche excédàt une grandeur compatible avec le libre jeu des machines , 078 par exemple , le débit serait encore de deux mètres cubes. La formule de M. de Prony, b Q=ab(—0,0n8 aus PER as 40,005 ), donnerait 2,1693 mèt. cub..... Celle de M. Eytelwein, abp , Q=—=ab (—0,033: +V/ 2736 2 +-0,0011 l irdiquerait 2,0408. Dans ces formules , a représente la largeur du canal. . .... — 2,00 b l'élévation de l’eau dans le eanal. . .: — 0,78 p la pente du canal. =... RSR EN NO OLD: Quant au canal découvert, qui est à la suite de l’aqueduc, on a réduit sa pente à un millième , ou à 0" 37. Ainsi, les b»/47 de chute totale, qu'on a lors des basses eaux , seront répartis comme suit : Chnielsuniles roues. 2 2-4 220 Chute immédiatement après les roues... . o Pente/du canal couvertes + ste en 2,200 Pénte dulcanal découvert, . . : . . . . . . o 37  LOtA D SAT Re HE Il reste donc encore à l'extrémité de ce dernier canal, sur le bord de la rivière, une chute de. . .. 7 Dans les eaux moyennes , elle sera d'environ... © 75 2 ® 234 ÉTABLISSEMENT château-d’eau tombant de 1"50, fourniront à l'usine une force motrice égale à celle de trente chevaux attelés à la fois. Ce second établissement sera exposé , il est vrai, aux eflets des crues de la Garonne , et par suite il pourra chômer trente ou quarante jours dans l’année. Nous avons fait porter sur lui tous les inconvéniens de notre po- sition sur un fleuve, afin d’en laisser entièrement exemptes les machines qui fournissent l’eau à la ville. Par ces dispositions , nous avons utilisé com- plètement et dans toute la rigueur mathématique la chute de 5" 47, et nous avons fait de la ma- nière la plus convenable à l’objet principal, le service des fontaines publiques. Cet exposé répond à la question qui a encore été faite : si, en éloignant les machines hydrau- liques de la prise d’eau, et les portant vers l’extré- mité du canal de fuite, on n’eût pas pu leur procurer plus de chute. À quelque point qu’on s'établit, la pente des deux canaux (canal d’amenée et canal de fuite) devant en somme demeurer à très-peu près la même, il ne restait que la même hauteur de chute pour les deux établissemens : ce que l’on eût donné de plus à un on l’ôtait à l’au- tre; et, en augmentant la partie destinée aux roues hydrauliques, on les exposait à chômer lors des crues de la rivière. De plus, en s’éloignant de la prise d’eau , et par conséquent de la ville, il au- rait fallu une dépense plus considérable en tuyaux de conduite pour y mener les eaux. M. de Prony approuvait en général la manière DES FONTAINES À TOULOUSE. 235 dont M. Abadie communiquait le mouvement aux pompes. Toutelois, il remarquait que les grosses masses de fonte, de 1200 kil., dont on avait chargé les pistons, pour que, par leur seul poids, ils opérassent le refoulement et lascension des eaux aspirées, augmentaient les résistances dues aux frottemens et à l’inertie, inconvénient que l’on aurait évité en communiquant le mouvement aux pistons par l'intermédiaire de parallélogram- mes. Cette observation était encore juste; et M. Abadie, à qui ce mode de communication était connu , l'aurait certainement employé, si ses ma- chines eussent dû être tenues avec soin par un mécanicien sous les yeux duquel elles auraient continuellement fonctionné ; mais elles allaient être comme abandonnées à un simple concierge. Il était essentiel d’y éviter. tout ce qui, par un manque de soins assidus et délicats, pouvait don- ner lieu à des balottemens et à des chocs, lesquels augmentent avec rapidité et occasionnent dans peu la ruine des machines : les nombreuses char- nières d’un parallélogramme auraient bientôt produit de tels effets. M. Abadie, placé entre deux inconvéniens, a choisi le moindre, celui qui compromettait le moins lexistence des ma- chines; d’ailleurs, l'augmentation de force mo- trice , nécessitée par les frottemens et linertie provenant des poids placés sur les pistons, est extrèmement petite, ainsi qu'on peut le voir à la note 7, et nous avions de la force comme à profusion. 236 ÉTABLISSEMENT Un motif du même genre, tomber dans un petit inconvénient théorique pour obtenir un avantage pratique, avait engagé à laisser à cha- cune des deux machines un tuyau particulier pour _ monter ses eaux à la cuvette où elles sont versées. M. de Prony remarqua, avec raison, que si les tuyaux eussent été réunis en un seul, le mouve- ment ascensionne] y eût été plus uniforme, et que l’on eût eu moins de perte de force vive à chaque reprise ou augmentation de vitesse. Mais les raisons administratives, qui avaient porté à vouloir deux machines entièrement indépendantes . Pune de Pautre, exigeaient encore que chacune eût son tuyau d’ascension particulier. Enfin , le savant rapporteur manifestait le désir qu'il füt placé, dans la partie supérieure du chä- teau-d’eau, un appareil de jaugeage basé sur le système métrique. M. Abadie en a établi un qui produit un bel effet : il ne reste plus qu’à le rendre applicable à son objet, à jauger les eaux; ce mé- çanicien s’en occupe. Sur une observation contenue dans le rapport, et qui était relative à la nouvelle machine de Marly, le directeur de l'administration communale pensa qu’il serait convenable que M. Abadie allât la voir, conférer avec ses auteurs, et profiter, sil y avait lieu , des perfectionnemens dont l’ex- périence leur aurait suggéré l’idée. En consé- quence et sur linvitation du Maire , M. Abadie fit le voyage de Paris, et il le poussa jusqu’à Londres. DES FONTAINES À TOULOUSE. 237 Pendant qu’on s’occupait des améliorations dont nous venons de parler, une ordonnance royale du 4 juillet 1821, autorisa M. le Maire à procéder à l’adjudication des travaux suivant les plans et devis approuvés. La décision ministérielle du 4 juin ayant ap- prouvé les plans relatifs aux canaux d’amenée et de fuite, au château-d’eau et aux filtres, on passa de suite à leur exécution. Execution du Projet approuvé. Naturellement on dut commencer par le canal de fuite. Le Maire pria M. Eudel, qui sen était déjà occupé dans la commission, de dresser le devis ainsi que le cahier des charges pour ladjudica- tion, et de vouloir surveiller l'exécution. Il lui adjoignit, sur ma présentation, et à titre de contrôleur des travaux, M. Laflorgue, architecte de la préfecture, homme probe et expérimenté. L'architecte de la ville dêvait en outre assister à la réception des ouvrages. M. Eudel rédigea le devis et le cahier demandés; mais il ne put se charger de la surveillance, et M. Laflorgue de- meura seul sur les travaux. Le montant du devis fut toujours de 150.000f. L'époque de Padjudication fut fixée au r octobre (1821). Plusieurs des principaux entrepreneurs et maçons de la ville s’y rendirent, et firent des rabais considérables; mais une circonstance par- Canaux. 238 ÉTABLISSEMENT ticulière porta à remettre au surlendemain lad- judication définitive. Cette fois, une seule per- sonne se présenta : C'était un étranger, un fer- blantier de Cahors ; il faisait un rabais de 8 p. °/. On hésita si on l’admettrait ; mais comme on ne voyait plus aucun des entrepreneurs de la ville, qu'il était manifeste qu'il y avait coalition entre eux, que cet artiste était porteur des certificats exigés, et sur-tout qu'il présentait de bonnes cautions, son offre fut acceptée. Il mit deux cents ouvriers au creusement du canal découvert; mais, mal conduits et mal sur- veillés, ils firent peu d'ouvrage proportionnelle- ment au temps employé. Bientôt l’adjudicataire eut plus à payer qu’à recevoir; il se trouva sans moyens et il s’en alla. Les cautions attaquées se mirent à son lieu et place; mais eux aussi étaient absolument étrangers aux travaux publics, et les ouvriers ne furent pas menés avec plus d'activité et d'économie, Des cas imprévus se présentèrent et donnèrent lieu à des augmentations de dépense. A la partie inférieure du canal, on trouva un tuf, espèce de grès marneux, Pr plus dur qu’on ne lavait présumé, et on alloua une indemnité de 5000 fr. aux entrepreneurs. Dans l’intérieur du faubourg, la tranchée au fond de laquelle devait être bâti Paqueduc de fuite, avait en quelques points trente pieds de profondeur ; la terre qu’on en retirait ne put être toute placée sur ses bords, on dut l’entre- poser plus loin sur les places voisines, et payer DES FONTAINES À TOULOUSE. 239 une nouvelle indemnité ( 4600 fr.). Au passage d’une rue très-étroite, et dans des terrains ébou- leux, il fallut doubler les étançonnemens, nou- veau surcroit de dépense. A leur tour, les entre- preneurs manquèrent de fonds, et la ville fut dans le cas de se mettre à leur place et de prendre la régie des travaux. Ils furent exécutés avec la même nonchalance, et encore ici il y eut une perte (d'environ quatorze mille francs). Celle des entrepreneurs avait été plus considérable encore. Enfin, au bout de deux ans de travaux et de contre-temps, le canal de fuite, le canal d’amenée et la prise d’eau furent terminés. Le 12 février 1824, M. Eudel, prié de les recevoir, les déclara con- formes au devis et bien exécutés : ils furent reçus. Ils avaient coûté, en Paiemens faits aux entrepreneurs... 144.894" Perte faite par la ville et supportée DAS 0 ustn Abantledeeiere à en MALO Achats de terrains (dont moitié est encore dispomble .....2..21%. 1.204 0760 Petits travaux par régie......... 973 En’tout...,....1100789 Pour régler la profondeur à laquelle devait être établi le radier (sol) des canaux, comme pour mettre l'établissement des fontaines en rapport exact avec la hauteur des eaux de la rivière, on établit une échelle ou garonomètre sur la pile du pont qui est en face de la prise d’eau. Le com- mencement de sa graduation, le point zéro, est Garono- mètres. 240 ÉTABLISSEMENT au même niveau que celui de l’échelle placée à l'entrée du canal Saint-Pierre, à 16" 13 au-des- sous du niveau de la place Rouaix, à 129" 00 au-dessus de la mer, et à 271 au-dessous de la banquette qui est sous l’arche du pont. La hauteur moyenne de la rivière correspond à 2" 30 (1) de léchelle : les eaux ne baissent pas de deux pieds au-dessous de ce terme moyen; mais elles montent à une hauteur bien plus considérable, et dans l’inondation de 1827, elles se sont élevées à douze pieds au-dessus. On a un second garonomètre, et au même ni- veau, dans l’intérieur du château-deau ; et un troisième à l'extrémité du canal de fuite, contre (1)Je donne, ci-contre, la hauteur moyenne de chaque mois, conclue des observations faites depuis le 1. mai 1822 ; jus- qu'au 31 décembre 1829. La moyenne A de l’année est 227; mais, comme la | Janvier. 2, 19 manière dont on a pris celle de chaque | Février. 2, 19 mois tend à la rendre un peu plus petite, | Mars... » , 27 : on peut 2 Porter à 2" 30. Avril... 2, {4 Dans l'établissement des fontaines , et Mai mpe pour prévenir tout mécompte, nous ayons Ji ARE ITE £ supposé que la rivière était toujours, à | ® "++: 2 64 son niveau le plus bas, à 1"80 de le Juillet... 2, 28 chelle. Durant 2802 jours d'observations, | Août.... 2, 12 elle n’est descendue que 8 jours au-des- Septemb. 2, 08 sous de ce point , et elle n’a pas dépassé | Octobre... 2, 19 175 : pendant 191 jours, elle a été au- | Kivemb. 9 17 . Q ? sous de 2" 00 ; c’est 25 jours par an : ; < de £ J l Décemb. 2, 18 ainsi, on peut prendre ce terme, 2" 00, pour celui des basses eaux de la rivière , au pont, c'est-à- dire, pour son éfiage : 1" 80 serait celui aux très-basses caux. DES FONTAINES À TOULOUSE. 241 une des piles du moulin Baylac : celui-ci est à 3" 57 plus bas que les deux autres. Avant que le canal de fuite fût terminé, on avait adjugé le château-d’eau. Ici, on fut plus heureux sous le rapport des entrepreneurs : un d'eux, celui qui a conduit le travail, le sieur Maurel, était plein d'intelligence et connaissait parfaitement son état. Il eut le sentiment de la belle disposition des nombreuses voütes sphéri- ques, voûtes en berceau, voûtes d’arête, etc., résultant des plans de M. Raynaud; il dressa lui-même ses épures, il fit tailler, sous ses yeux, les pierrestet les briques de manière à obtenir une exécution parfaite, et il Pobtint. Les partiés in- férieures du château-d’eau sont certainement une des belles constructions en brique qu’on puisse voir (1). Elles reposent sur le plus solide des fondemens. À 28 pieds au-dessous du pavé, on trouva un roc ou tufextrèmement dur; on l’égalisa et on le recou- vrit d'une forte assise de maconnerie de cailloux et mortier hydraulique. Cest sur un sol ainsi disposé qu'on éleva le château dont on voit Pélé- vation à la planche I et la coupe à la planche IF. (1) Malheureusement une peinture de blanc de plomb dont on a revêtu ces constructions, à l’occasion du passage de Madame la Duchesse de Berri, a dégrade leur belle appa- rence ; devenue noirâtre par suite de la grande humidité qui règne dans ces lieux , elle présente un aspect hideux. Espé- rons qu’on trouvera quelque moyen de rétablir les choses dans leur état primitif. TOME I, PART, Ii 16 Chäteau- d’eau. 242 ÉTABLISSEMENT Cet édifice a été l’objet de beaucoup de critiques : la plupart me paraissent injustes, sur-tout lors- qu’on admet la convenance pour première règle en architecture. Le soubassement devait renfermer les deux machines, et il les renferme dans le moindre espace possible : l’intérieur en est remarquable par la beauté des constructions, ainsi qu’on vient de l’observer; et lextérieur on ne peut en discon- venir, est d’un très-bon style et d'un bel effet. Le diamètre de la tour qui le surmonte était fixé par la disposition des machines, et sa hauteur était déterminée par l'élévation à laquelle il fallait por- ter les eaux; ces dimensions ne pouvaient être autres. L'on a fortement attaqué les espèces de pilastres, ou parties longitudinales en saillie qui sont sur sa surface latérale ; 1l me semble ce- pendant qu’elles interrompent la monotomie d’une face trop. égale, et que, semblables à de petits contre-forts, elles présentent un aspect de solidité qui satisfait l'œil comme Pesprit. Je ne dirai rien au sujet des remarques faites sur la corniche et sur la tourelle qui est dans le haut : je me bor- nerai à observer qu’une tourelle était nécessaire pour couvrir l’escalier qui mène à la plate-forme supérieure, et qu’il était convenable de se ménager cette plate-forme. En un mot, lorsque je com- pare ce château-d’eau à celui du Gros-Caillou, à Paris, édifice qui a une même destination et qui ést du même genre, il m'est impossible de ne pas trouver le nôtre beaucoup mieux, et même de ne pas Le trouver bien ; de ne pas conclure qu'il DES FONTAINES A TOULOUSE. 243 fait honneur au talent de M. Raynaud comme architecte, et à l’habileté de M. Maurel comme entrepreneur. S'il m'était permis une critique, elle aurait pour objet la porte qui est sur le cours Dillon : elle me paraît beaucoup trop lourde ; ne menant que sur une petite galerie découverte, ce ne devait être, il me semble, qu'une simple grille placée entre deux. piliers analogues à ceux qui retiennent le garde-fou en fer de la galerie. L'inscription en l'honneur de M. Lagane, qui est en lettres d’or Sur un marbre blanc dans le fronton de cette porte, eût été mieux sur un marbre noir placé au - dessus de l'entrée principale du château. M. Raynaud connaît ces défauts , etil les eût évités si, dans l’origine, on eût voulu donner à linscrip- tion la position que nous venons d'indiquer. Le bâtiment était éstimé à 72.000 fr. dans le devis rédigé pour l’adjudication. Les entrepreneurs firent un rabais de 8 P:%. Mais ensuite on a ren- forcé quelques parties, on a substitué de la pierre de taille à la brique sur quelques points , on a re- couvert l’extérieur comme l’intérieur d'une pein- ture à lhuile, etc. Pour supporter les tuyaux qui mènent l’eau en ville, on a jeté, entre le château et le cours, un arceau terminé par la porte dont il vient d’être question. Enfin, l’en- trepreneur a été chargé de tous les supports des machines, des grilles et autres objets accessoires ; ce qui ne faisait pas partie du devis primitif. De telle sorte que la dépense s’est élevée, pour le 16. Machines. 244 ÉTABLISSEMENT Château-d’eau proprement dit, à.. 85.900° Arceau, avec la galerie et la porte... 5.755 Soutiens de la machine.......... 9.081 Enftonfésss rx 100.736" Pendant qu’on travaillait à ces constructions , M. Abadie, de retour de son voyage, s’occupait des machines. Mettant à profit ce qu'il avait vu à Paris et à Londres, ainsi que les entretiens qu’il avait eus avec les mécaniciens les plus dis- tingués de ces capitales, il refit, et pour la qua- trième fois, ses plans. Il les remit à M. le Maire au commencement de 1823. Les additions et les perfectionnemens qui y étaient faits par suite des décisions de l'autorité supérieure, annullaient le premier devis, se mon- tant à 58.316 fr. Il fallut en faire un second, dans lequel on aurait aussi égard aux réclamations de M. Abadie, sur la trop grande modicité des prix qu'il avait d’abord présentés. Pour lever les diffi- cultés que son adoption pourrait éprouver au ministère, comme pour agir en toute équité, M. le Maire crut devoir s'adresser à des arbitres dun ordre supérieur, et il pria le directeur du parc d'artillerie de notre ville, M. le colonel Verpeau, de vouloir bien faire faire ce devis par des officiers attachés à cet établissement : on ne pouvait s'adresser à des juges plus compétens , qu'aux hommes éclairés qui faisaient journelle- ment exécuter des constructions très-soignées. Ces DES FONTAINES A TOULOUSE. 245 oMciers firent le travail demandé, et ils re- mirent un devis portant le prix. des machines, y compris 500 fr. pour les accidens, ainsi que ce qui était dû à l'auteur du projet aux termes du péaramme asie salon fi arrese # 74.933". M. Abadie se chargea des constructions pour cette somme. Il s’engageait encore à soigner les machines pendant cinq ans, et à faire, à ses frais, les réparations dont elles auraient besoin dans cet intervalle de temps. La mairie fit disposer un local, dans le bâtiment du Jardin des Plantes, pour lui servir d'atelier. Il y fit exécuter, par ses ouvriers, les pièces en fer forgé, et celles en fonte furent coulées, pour la plupart, à la fonderie du sieur Chatelet. Enfin, le 25 mai 1825, une des deux machines fut montée et mise en jeu. , Les tuyaux destinés à porter dans la ville les eaux qu'elle élevait n’étant pas encore en place, elles furent versées du haut des fenêtres du chä4- teau. C'était un jour de fête, le sacre de Charles À; les habitans coururent en foule pour jouir d’un spectacle aussi nouveau qu'inattendu ; ils avaient peine à en croire leurs yeux : quoique depuis plus de trois ans ils fussent témoins des grands travaux qui se faisaient pour des fontaines publi- ques, l'incrédulité était générale; ils ne pouvaient se persuader que, dans peu, ils allaient voir les eaux de la Garonne jaillir, et à de grandes hau- teurs, sur nos places. Les hommes instruits eux- mêmes, ceux que l'intérêt pour létablissement 246 ÉTABLISSEMENT des fontaines conduisirent au château, y furent frappés d’un spectacle non moins remarquable ; ils virent une énorme machine, au moment même où elle venait d’être terminée, mise en mouve- ment sous les yeux du public, marcher de suite et avec majesté, comme exercée depuis long-temps à un pareil travail, sans faire entendre le moindre craquement , le moindre bruit. Tous payèrent à son auteur un juste tribut d'éloges. La seconde machine fut terminée le 15 mai 1828. Quelques changemens furent faits dans le cours de Pexécution. Aux arbres tournans en bois, on substitua de beaux arbres en fonte qui furent coulés à la fonderie de Vienne ( Isère ); les deux cuvettes circulaires où les pompes versaient les eaux, furent remplacées par la belle cuvette an- nulaire qu’on voit maintenant, et on la garnit d'un appareil de jaugeage, ete. La dépense to- tale fut de Pour les machines. .... HEURE 89.047 Appareil de jauge.. .......::. 3.000. Depuis leur établissement, ces machines n’ont point démenti ce qu’annonçait leur premier suc- cès. La plus ancienne a servi pendant près de trois ans sans la moindre réparation : graisser les pistons et les tourillons a été la seule dépense faite pour son entretien , et elle a été bien petite (7 à 8 fr. par mois). Depuis, on a été dans le cas de remplacer trois ou quatre pièces très-secondaires, qui avaient cassé par suite d’un défaut intérieur DES FONTAINES À TOULOUSE. 247 dans Le fer ou la fonte employés : ces très-légers accidens n’ont pas fait suspendre un seul instant le service public ; un équipage y fournissait pen- dant qu’on réparait autre. S'il n’y avait une petite obliquité dans la traction des bielles, d’où résulte un léger mouvement de translation dans les arbres des roues, sur-tout lorsque la vitesse est considérable, si ces arbres étaient un peu plus pesans , nos machines seraient parfaites; et, dans leur état actuel, elles sont encore des meilleures et des plus solides qui existent en France. L'eau qu’elles élèvent pour les fontaines leur est fournie par les filtrations, qui Sopèrent, à l'aide des travaux que nous avons faits pour cet objet dans le banc d’alluvion que la rivière a dé- posé, depuis une cinquantaine d'années, au pied du cours Dillon, et qui est principalement com- posé de gravier et de sable entremêlés souvent de cailloux , et en quelques endroits d’un limon va- seux : son étendue et sa forme sont indiquées à la planche IF. Nous avons déjà fait connaître l’histoire et la suite des faits qui ont porté à établir le premier de ces filtres naturels. Pour le commencer, il fallait attendre lentière confection des canaux de fuite, afin de procurer un écoulement aux eaux qui allaient arriver en abondance dans les profondes excavations faites près de la rivière et au-dessous de son niveau. Il sétait élevé quelques doutes sur lefMicacité des ouvrages projetés : les eaux des puits de Saint- Filtres, ( Premier filtre. ) 248 ÉTABLISSEMENT Cyprien , lesquelles proviennent aussi des filtra- tions de la Garonne, sont louches, disait-on, lors des craes de la rivière. On dut en conséquence procéder avec circonspection , et on se borna d’a- bord, en partant de la prise d’eau, à faire un fossé que l’on poussa jusqu’au point où devait être le bassin destiné à recevoir le produit des filtra- tions : on donna au bassin la forme d’une ellipse ayant les dimensions d'abord projetées : le fond, dont la superficie était 260 mètres carrés, fut établi à un mèêtre au-dessous des très-basses eaux de la rivière ( le niveau du seuil sur lequel Peau passe en sortant du filtre, correspond à 0" 77 du garonomètre, ou à 123 au-dessous de Pétiage. Nous donnons le nom de filtre aux excavations ou fosses dans lesquelles se rendent les filtrations, bien que ce nom appartienne proprement au massif de terrain compris entre les excavations et la rivière, ) Lorsque le bassin fut terminé, on jaugea, à diverses reprises et la rivière étant à différentes hauteurs, le produit des filtrations : il ne fut que de 56 à 73 pouces d’eau , et moyennement de Go. D'ailleurs cette eau était toujours limpide, quel que fût l’état de la rivière. Ainsi, il était évident qu’on pouvait compter sur la qualité des eaux, et établir définitivement la conduite qui devait les mener aux puisards des machines hydrauliques. On avait d'abord projeté d'employer des tuyaux en poterie; mais on trouva plus convenable de faire usage de ceux en fonte. DES FONTAINES À TOULOUSE. 249 On leur donna 0" 305 (11 p. 3°) de diamètre; on les posa au fond du fossé creusé pour les recevoir, et dans la direction marquée à la planche IF. Au point où cette conduite joignit le cours, on établit un petit réservoir ou cale, pour retenir les sables que l’eau pouvait amener. Quant à la quantité, 60 pouces étaient mani- festement insuffisans; ce n’était pas le tiers de ce qu'il fallait : en conséquence, on prolongea le filtre dans le banc d’alluvion, jusqu'à lui donner 108 (332 pr.) de long , sur une largeur moyenne de 10 mèt. (31 p.)au fond; il avait ainsi 1080 mt. carrés de superficie. Mais augmentation du pro- duit fut loin d’être proportionnée à l'augmentation en étendue : le prolongement avait été creusé dans un terrain comme desséché par la première exca- vation ; elle recevait presque toutes les filtrations qui avaient lieu dans-ce terrain , et on n’en trouva que peu de nouvelles : en résultat, d'après divers jaugeages, on n’obtint que de 88 à 98 pouces d’eau : c’était à peine une moitié en sus de ce qu'on avait déjà, et l'étendue avait été plus que quadruplée. Toute lexcavation fut entourée d’une forte digue qui s'élevait à 3"6Go au-dessus du terrain environnant, et à près de six mètres (18 P.) au- dessus des moyennes eaux de la rivière : elle la mettait ainsi à l'abri des hautes inondations. Ce filtre donna d’abord une fort bonne eau ; mais, dès la seconde année, une végétation de plantes aquatiques commença à sy établir, et à 250 ÉTABLISSEMENT altérer la qualité de ses produits. L'année sui- vante, le mal empira : les rayons du soleil, tra- versant sans obstacle une couche d’eau mince et parfaitement transparente , atteignaient le fond dans toute leur intensité; 1ls y développaient une forte chaleur, laquelle était encore augmentée par l'effet et la réverbération des bords et des di- gues. Par suite, la végétation y acquit une vigueur extrème; les divers moyens employés pour la dé- truire furent sans eflet : des reptiles s'y joignirent; et ces plantes, ces animaux , en mourant et se putréfiant dans une eau tiède, la rendaient très- mauvaise. Îl fallut se presser de porter un remède au mal : encore un an, et il eût été absolument intolérable. L'Académie des Sciences fut con- sultée : ses commissaires, MM. Dispan , Magnes, Ducasse, Abadie et Carney, se rendirent sur les lieux ; ils trouvèrent que l’eau était très-bonne en entrant dans le filtre, et vicieuse lorsqu'elle en sortait : la forte chaleur et la lumière en furent à leurs yeux la cause manifeste; il fallait Patta- quer : on ne le pouvait qu’en couvrant le filtre ; et, sur une idée que j'émis , ils proposèrent d’en remplir le fond avec des cailloux, et puis de le combler. En conséquence, ce fond fut nettoyé aussi-bien que possible ; on établit ensuite, dans sa longueur, un petit aqueduc en briques simplement super- posées et sans mortier; puis on remplit le bassin de gros cailloux bien lavés, jusqu’à la hauteur des moyennes eaux de la rivière. De cette sorte, DES FONTAINES À TOULOUSE. 251 les filtrations qui pénétraient dans lexcavation (et étaient les mêmes qu'avant le remplissage ), coulant dans les interstices des cailloux et des briques, ainsi que dans l’aqueduc, se rendaient, sans obstacle sensible, et par conséquent sans di- minution de quantité, jusqu’à l'entrée de la con- duite en fonte, tout comme si le bassin fût resté entierement vide et découvert. Sur les gros cail- loux, on en étendit une couche de plus petits; puis, une couche de gravier, et Von finit par combler le creux en abattant les digues : dessus, on sema du gazon. L'ancienne prairie, à la surface du banc d'alluvion, fut ainsi rétablie dans son entier. Le filtre, qui est au-dessous, dérobé aux yeux du public, ignoré en quelque sorte de lui, est maintenant à l'abri des effets de la malveil- lance et de la manie destructive des enfans : il n’exige plus des frais de garde et d'entretien. Un grand regard, placé en tête, au-dessus du point où l’eau entre dans la conduite en fonte, permet d'y descendre et d’en visiter cette partie, qui est la plus importante. Depuis qu’il a été ainsi disposé, la qualité de ses eaux s’est non-seulement rétablie, mais encore améliorée : la limpidité et la saveur en sont par- faites. Dans le fort de été, alors que presque toutes les eaux de nos contrées ont une odeur ou un goût plus ou moins sensible, celle-ci a toujours étéstrouvée, par ceux qui sont descendus dans le regard, vive, bonne et fraiche comme de Peau de montagne. Coulant et séjournant quelque temps ( Deuxième filtre. ) 252 ÉTABLISSEMENT à douze pieds sous terre, et à cent vingt de la ri- vière, elle prend une tempéräture qui ne varie qu'entre des limites assez rapprochées : dans lété, elle n’a pas porté le thermomètre (centigrade ) au- dessus de 17°; et, dans le long et rigoureux hiver de 1830, après vingt-cinq jours de forte gelée , et le gel ayant pénétré à plus de trois pieds au-des- sous de la superficie du terrain qui la recouvre, elle n’a fait descendre le thermomètre qu’à 8° : avantage précieux; fraiche en été, elle présente une boisson agréable à sa sortie des fontaines ; chaude en hiver, elle garantit nos conduites des eflets de la gelée. La dépense qu'il a exigé, sélève, pour le Filtre proprement dit (terrassemens), debate tbe hein sève mb id ratio? Coupures, à leffet de faciliter les filtrations, avec les cailloux dont elles sont remplies (voy. le plan)........ 4.344 Conduite en.fontessus insert 144127 Remplissage en cailloux, et com- hlemment:.senen. etre ship 2096 Datals ge ARMOR ANSE Aujourd’hui que nous sommes éclairés par Pex- périence , le filtre, tel que nous l’avons , s'il était à faire, nenouscoûterait pasla moitié de cette somme. Mais enfin, cet excellent filtre ne fournissait pas cent pouces d’eau , et il en fallait plus de deux cents : on dut en établir un second. Le mieux est l'ennemi du bien; nous léprou- DES FONTAINES A TOULOUSE. 253 vâmes dans cette circonstance. Au lieu de faire le nouvel appareil semblable au premier, on dit : Celui-ci donne trop peu d’eau , rapprochons-nous de la rivière, et nous en aurons davantage. Un des hommes de l’art appelés à cette discussion, après avoir rappelé combien les puits creusés près la rivière, notamment ceux de Tounis, sont abon- dans et en eau toujours claire , proposa d’en ouvrir plusieurs sur Le bord du banc d’alluvion , et de les mettre en communication entr’eux et avec le chà- teau-d’eau. Cette idée fut adoptée, et un projet, auquel elle servit de base, fut agréé par le conseil municipal , le 3 février 1827, et puis approuvé par lautorité supérieure. En conséquence, en aval du premier filtre, et à trente pieds environ de la rivière, on ouvrit et poussa une tranchée jusqu’à la rencontre du quai (voy.planche IF), Surle fond, onéleva onze tours ou puits en brique, mais sans mortier, jusqu’à trois ou quatre pieds au-dessous de la surface-du sol , et on les recouvrit de plaques en fonte : on joignit leur pied par des tuyaux, lesquels repo- saient sur le fond de la tranchée : on jeta du gravier par-dessus, et le reste de lexcavation fut comblé avec la terre qu’on en avait retirée. A l'extrémité, contre le mur du quai, on établit une cale, qui reçut aussi l’eau venant du premier filtre : les deux eaux s’y réunissaient et se ren- daient ensuite de concert aux puisards des ma- chines, par la conduite déjà posée dans le canal de prise d’eau. 254 ÉTABLISSEMENT Les résultats furent peu satisfaisans, et ne re- pondirent pas à notre attente. On n’eut pas plus de 60 à 80 pouces d’eau , et elle fut fort médiocre. On avait traversé une bande de terrain vaseux ; et, malgré le soin qu’on prit de bien lutter les tuyaux dans cette partie, malgré le gravier qui y fut mis en grande quantité, un léger goût de vase se communiqua à l’eau. Se trouvant trop près de la rivière, elle en conserva trop la tempéra- ture : dans l'hiver dernier, sa chaleur a diminué jusqu’à n’être que 2° du thermomètre, et dans Pété elle va à plus de 21°. Cette haute tempéra- ture donne lieu , dans l’intérieur du filtre, à une végétation de petites plantes aquatiques et cheve- lues (que M. Magnes a reconnu être des conferves et bissus ); leurs débris, emportés par le courant, sont quelquefois si déliés , que, malgré les toiles métalliques employées à les retenir, Peau puisée en de certains momens est chargée de petits fila- mens ou points roussâtres, qui lui donnent un aspect peu agréable. Enfin, les tuyaux de fonte, placés au fond du filtre sur toute sa longueur, continuellement plongés dans une eau presque stagnante, sy oxident (rouillent) fortement ; l'oxide donne aux filets végétaux la couleur rousse que nous venons de mentionner , et, se mêlant à Veau en particules imperceptibles, il finit par salir les marbres sur lesquels elle coule. Ces mauvaises qualités, assez sensibles lorsque cette eau est prise isolément, le sont beaucoup moins quand elle est mêlée avec celle du premier DES FONTAINES A TOULOUSE. 250 filtre; mais il n’en est pas moins vrai qu’elles altèrent lexcellente qualité de celle-ci. On cher- chera à remédier au mal, d’abord en enlevant les tuyaux de fonte que lon remplacerait par un simple cailloutage; et, si cela ne suffisait pas, il faudrait bien se résoudre à abandonner complète- ment ce second appareil, malgré une dépense de 27.055 francs à laquelle il a donné lieu. Cette considération, jointe à l’insuffisance du produit des deux filtres; car dans l'automne de 1828 et dans l’hiver suivant, où la rivière a été, il est vrai, beaucoup plus basse que d'ordinaire, ce produit ne s’est pas élevé à plus de 140 pouces, et il en faut de 200 à 250; ces considérations, dis-je, ont porté l'administration municipale à entreprendre un troisième filtre; l’exécution en a été décidée le 17 janvier 1829. Mais cette fois, mettant à profit les leçons d'expériences assez chèrement payées, on ne se hasarda plus dans de nouveaux essais, et l’on ré- solut de faire le nouvel appareil exactement sem- blable au premier, c’est-à-dire de le baser entiè- rement sur les mêmes principes. Ce sera en conséquence une tranchée ouverte dans le banc d’alluvion, en amont de l’ancien filtre, et à un assez grand éloignement pour ne pas lui enlever les filtrations qu'il reçoit déjà ; elle sera menée parallèlement au bord de la rivière, à une distance de 100 à 150 pieds, jusque vers l'extrémité du banc; elle prendra ainsi toutes les eaux qu'il peut fournir, et elle aura 250 mètres ( Troisième filtre.) 356 © ÉTABLISSEMENT (770 pieds) de long. Le fond en sera à 3 1/, pieds au-dessous des basses eaux de fa rivière ( depuis 1% 00 jusqu'à 1M20, en contre-bas du point r"80 du garonomètre ). Surice fond, on établira une petite galerie con- sistant en deux murs de brique simplement su- perposée, et recouverte en dalles de pierre : les dimensions en ont été réduites le plus possible (o"0o de hauteur et o"60 de large), de ma- nière à ne laisser que ce qui est strictement né- cessaire au passage d’un jeune homme. L'espace compris entre la galerie et les paroïs de l’excava- tion sera rempli de gros cailloux bien lavés : au- dessus, on répandra une couche de gravier de deux pieds d'épaisseur, puis on comblera avec de la terre sablonneuse extraite de la fouille, et on sèmera du gazon à la superficie. La coupe trans- versale, qu’on voit à la planche IF”, montre ces dispositions. Les eaux, qui, en traversant la masse filtrante comprise entre la rivière et cette excavation, par- viendront au fond de celle-ci, seront conduites vers le quai par une rigole ou nouvelle tran- chée, entièrement semblable à la première, garnie comme elle, et qui n’en sera que le prolongement. Elle atteindra le quai près de la cale du premier filtre : ses eaux y seront reçues dans une autre cale pratiquée à côté, d’où elles traverseront le quai dans un aqueduc maçonné, lequel se conti- nuant dans la rue basse, ira aboutir au château- d’eau. DES FONTAINES À TOULOUSE. 257 Cette direction , tracée par M. de Montbel, le- quel a eu la principale part dans la confection du projet, avait pour but de rendre le troisième filtre entièrement indépendant des deux autres; et cela par suite du principe qui a présidé à Létablisse- ment de notre système de fontaines, à l'effet das- surer la continuité de leur service , et qui consiste à avoir, pour les parties principales ( comme les machines), deux appareils entièrement distincts, de manière que lün puisse toujours fournir pen- dant que l’autre serait en réparation. | Au moyen des communications établies entre les deux cales, à l’aide de vannes que l’on ouvre et ferme à volonté, les eaux du premier et du troisième filtre, qui d'ordinaire se rendront au chätéau-d’eau par deux voies différentes, peuvent être toutes jetées ou dans l’une ou dans l’autre de ces voies, ce qui donne encore une plus grande aisance pour les réparations. Enfin, M. Castel, contrôleur des eaux de la ville, eut l’heureuse idée de pousser Paqueduc maçonné jusqu'au canal de fuite, un peu en aval du château-d’eau (vor. ie plan), et de commencer les travaux en partant de ce canal dont le radier était de 0" 56 plus bas que celui de l’aqueduc. Dès-lors s’écoulaient tout naturellement les eaux que l’on allait trouver en abondance, en creusant une tranchée d’un demi-quart de lieue de long, à six et sept pieds au-dessous du niveau de la ri- vière, et dans un banc de sable déposé sur son bord : sans la communication proposée, une TOME II, PART. I, 17 258 ÉTABLISSEMENT somme de quinze mille francs n’aurait pas sufh à leur épuisement. Avec elle, les constructions de l’aqneduc et de la galerie se Line sur un sol à sec, s’exécutaient mieux etavec plus de facilité; et sur- tout on avait le très-srand avantage, dans le cas où l’on aurait quelque travail, réparation ou recu- rement à faire au filtre, et par conséquent où Von en salirait les eaux , de les jeter directement dans le canal, sans leur faire traverser les puisards des machines, et par suite, sans être obligé d’ar- rêter le service des fontaines pour qu’elles ne donnassent pas de l’eau sale. Ce précieux avantage, qu'on n'avait pas aux deux premiers filtres, put maintenant leur être procuré, à l’aide d’un second petit aqueduc mené directement à la cale où se joignaient leurs eaux. Par une disposition ingénieuse, due à M. de Res- seguier, ces eaux, soit seules, soit méleés avec celles du troisième filtre, peuvent être jetées à volonté ou dans le château-d’eau ou dans le canal de fuite. Le produit de ce filtre sera vraisemblablement plus considérable que celui des deux autres réunis. Si le premier, dont l'étendue parallèle à la rivière n’est que de 108 mètres, donne 90 pouces d’eau, nous pouvons bien en espérer 150 de celui qui aura 250 mètres de longueur. Quant à la qualité de ses eaux, tout nous porte à croire qu’elle sera la même que dans le premier. Nous sommes ici dans les mêmes cir- constances de position , et nous avons des cons- “ DES FONTAINES A TOULOUSE. 259 tructions absolument pareilles. Si quelque veine d’eau trouble, ou :si quelque commencement de végétation paraissait sur un point, nous pourrions plus facilement y porter remède; la galerie, qui règne sur toute sa longueur, donnant le moyen d'atteindre bientôt ce point. Les petits filamens végétaux que Peau pourrait entraîner seront en- core ici arrêtés plus aisément, à l’aide de bâtar- deaux garnis de gros morceaux de charbon, dont la place est ménagée dans les nouvelles construc- tions : l’eau, en les traversant, y déposerait en outre les germes de corruption qu’elle aurait pu prendre dans son cours. Tous les travaux de ce troisième filtre ont été estimés à 60.000 francs. Ils ont été adjugés le 27 mai 1820, et ils sont en cours d'exécution. Par les ouvrages que nous venons de mention- ner, ceux déjà faits et ceux encore à terminer, nous tirons tout le parti possible du précieux don que la nature nous a fait en déposant un banc de sable sur le bord de la Garonne, en face de notre chäteau-d’eau. Nous y prenons toute l’eau qu'il peut fournir, en joignant le maximum de qualité au maximum de quantité, qu’on me permette ce langage mathématique; nous en aurons toujours, même en abandonnant le second filtre, de 200 à 250 pouces, et c’est tout ce que nos machines peuvent élever. Elle sera d’une limpidité par- faite ; et, dans ses voies souterraines, elle aura repris la bonté et la fraicheur qu’elle avait au sortir des hautes montagnes dont elle est des- 177. 260 ÉTABLISSEMENT cendue en preque totalité. De tels avantages sont inappréciables ; ils sont particuliers à notre sys- tèmede fontaines, et ils lui assurent une supériorité incontestable sur celui de presque toutes les autres villes. Où trouvera-t-on ailleurs cent bouches versant sans discontinuité une eau complètement clarifiée ? Et le mode de clarification n'est-il pas réellement admirable par son eflicacité , comme par la manière toute naturelle dont il s'opère ? Alors mème que le fleuve qui traverse nos murs ne semble rouler qu’une masse de boue, l'eau qui s’en sépare pour les fontaines, déposant sur la plage toutes les impuretés qui la souillaient , pé- nétrant dans des milliers de canaux imperceptibles, se rend d’abord dans les fosses que nous lui avons préparées; et puis, descendant toujours, ruisselant * à travers des cailloux, elle arrive, limpide comme du cristal, aux puisards des pompes, qui Pélèvent et la versent dans une cuvette, d’où elle va jaillir sur nos places et se répandre dans toutes nos rues. Mais si, par un malheur que rien d’ailleurs ne présage, dont tout au contraire éloigne la crainte, car la rivière, dans son régime actuel, tend à agrandir plutôt qu’à diminuer le banc dalluvion qui nous procure ces avantages ; si enfin ce banc nous était enlevé, nos fontaines seraient-elles pri- vées du bienfait des eaux filtrées? Non : alors on établirait autour du château-d’eau le grand appa- reil de clarification artificielle que nous avons déjà indiqué en traitant des premiers projets de filtre : DES FONTAINES À TOULOUSE. 26: deux de nos huit pompes (dont le diamètre serait porté de o®27 à 0/48) prendraient les eaux de la rivière et les jetteraient sur le filtre; après leur purification , elles seraient reprises par les six au- tres pompes (conservées dans leur état actuel), pour être versées dans la cuvette existante. Ces ouvrages n’exigeraient pas une dépense de 150.000 francs : mais on aurait les frais d’un grand entre- tien annuel, et l’on ne pourrait pas se promettre d’avoir des eaux pareilles à celles dont nous jouis- sons maintenant, fraiches en été et comme chaudes en hiver. Résumant les dépenses faites pour obtenir et élever deux cents pouces d’eau clarifiée, on a pour Les ouvrages ci-dessus (non com- | paslesofltre) 2. .. 434.263" Dépenses préparatoires ou acces- soires, telles que frais de direction, pavés a celaure el... 000 25.054 Besoins do- mestiques. 262 ÉTABLISSEMENT SECONDE PARTIE. DISTRIBUTION DES EAUX DANS LA VILLE. Après avoir pourvu aux moyens de se procurer et d'élever les deux cents pouces d’eau demandés , il fallut s’occuper de les conduire dans la ville, de les y distribuer et de les verser à sa surface, de manière à ce que leur destination fût aussi- bien remplie qu’il était possible. Je me chargeai de cette deuxième partie de notre travail. Destination des Eaux à distribuer. Les eaux élevées devaient servir aux usages domestiques, à laver les rues et les égouts, à décorer les places publiques, et à fournir des ressources contre les incendies. Si l’on r’avait eu qu’à pourvoir aux besoins domestiques des habitans, cinquante pouces d’eau auraient été suffisans, ainsi qu’on l’a déjà remar- qué; et en les versant sur nos vingt places prin- cipales, proportionnellement à la population des quartiers où elles se trouvent, les eaux auraient été très-convenablement réparties, nulle part aucune habitation n’en eùût été à trois cents mètres. Cet avantage, déjà très-crand, l’est devenu plus encore par suite des dispositions qu'ont exigé d’autres parties du service public : il a fallu ré- pandre de l’eau sur 91 points différens, ainsi que nous allons le voir, et alors aucune maison dans l’enceinte de la ville, sauf dans deux quartiers DES FONTAINES À TOULOUSE. 263 reculés, n’en a été à plus de deux cents mètres, c’est-à-dire, à plus de trois à quatre minutes de distance; terme moyen, léloignement n’est pas de deux minutes. I fallait encore satisfaire les désirs de ceux qui voudraient avoir de l’eau dans l’intérieur de leur habitation ; et sur les deux cents pouces d’eau élevés, il en fut réservé quinze pour être concédés aux particuliers, au fur et à mesure des demandes qui en seraient faites, À trois hectolitres (une barrique ) par jour pour chaque concession, il à d en aurait eu pour mille, et on ne one pas six mille maisons dans Toaucee ; ainsi la réserve était bien suffisante. Les abreuvoirs eussent été aussi d’une grande ressource pour un grand nombre de propriétaires ; mais, sans de grands inconvéniens, des abreuvoirs publics ne peuvent être placés dans l’intérieur des villes; et on se contenta d’en projeter un à cha- cune des quatre extrémités de la nôtre, à la place d’Arnaud-Bernard, et aux faubourgs Saint-Cy- prien, Saint-Michel et Saint-Etienne. ( Il en existait déjà un dans ce dernier lieu. } Le lavage des rues présentait de plus grandes difficultés, et des difficultés particulières à notre localité. Dans les villes qui sont situées sur un plan de pente bien prononcé, on porte l’eau sur son bord supérieur par une seule conduite, d’où elle s’épanche naturellement, et coule ensuite dans les rues en ruisseaux abondans. Mais Toulouse n’est point dans le même cas; on n’y a pas une Lavage des rues et des égouts. 264 ÉTABLISSEMENT ou même deux ou trois pentes générales; et quoi- que sa partie septentrionale s'incline vers le nord d’une manière assez marquée, la ville n’en est pas moins assise, en majeure partie, sur un plan sensiblement horizontal. Pour éconduire les eaux de ses rues, on a établi des égouts non-seulement sur son pourtour, mais encore dans son intérieur, et le pavé a été disposé en conséquence; de sorte que le sol actuel présente des pentes dans tous les sens : ces pentes et contre-pentes sont courtes et nombreuses, et la surface qui résulte de leur en- semble est toute mamelonnée. Ainsi, pour laver toute la ville, il eût fallu verser de l'eau sur le sommet de chaque mamelon, c’est-à-dire, sur le point culminant de chaque rue : c’eût été multi- plier d’une manière ridicule nos fontaines, et ré- dure à une quantité presque aussi ridicule l’eau à donner à chacune d’elles. En faisant choix d’un certain nombre de points culminans, et en por- tant plas d’eau sur chacun d'eux, on remplissait plus complètement l’objet voulu. Toutefois, et pour cause de salubrité, il fallait laver entière- ment toute la partie centrale de la cité; les rues y sont plus peuplées, plus étroites, et elles sont bordées de bâtimens plus élevés : par suite de la même cause, en s’éloignant du centre, la quantité de terrain lavé devait devenir progressivement moindre, D'après cette base, et après quelques tâätonnemens, nous nous sommes arrêtés aux O1 points de versement des eaux, désignés dans l’état de distribution qui va suivre. DES FONTAINES À TOULOUSE. 265 Leur position n’était pas arbitraire; elle était déterminée et comme forcée par la configuration du sol. Du moment qu’on avait décidé qu’une rue devait être lavée, et lavée sur ses deux pentes, c’est à son point culminant que l’eau devait être versée : le niveau indiquait ce point, et il n’était plus possible d'en prendre un autre, même au voisinage. Il résulte de là que les bouches d’eau ont pu être et ont été réellement beaucoup plus rapprochées les unes des autres, dans certains quartiers, qu’elles ne le sont ailleurs : par exem- ple, au centre de la ville, vers la place Rouaix, où l’on a comme un plateau d’une petite étendue, à partir des bords duquel le sol s'incline dans tous les sens, pour laver les rues établies sur ce sol, et nous venons de voir qu'on devait les laver toutes, il fallait porter les bouches d'eau à la naissance de chacune d’elles, c’est-à-dire sur les bords du plateau, où elles allaient par suite se trouver comme entassées dans un petit espace : les quatre coins des Changes devaient présenter un fait du même genre. Je répondrai, par cette observation sans réplique, au reproche qu’on nous fait, et que le vulgaire nous fera toujours, d’avoir très-inécalement réparti sur la surface de la ville les bornes-fontaines qu’on y trouve. Le problème à résoudre n'était pas l'égalité de répartition, mais de laver la plus grande surface possible, principalement dans les parties qui en ont le plus de besoin, avec moins de deux cents pouces d’eau ( vu les concessions particulières ) Eaux pour décoration. 266 ÉTABLISSEMENT distribués en un certain nombre de fontaines dont la moindre fournirait toujours un pouce, et sans préjudicier aux autres parties du service des eaux. Nous pensons lavoir résolu : nous avons lavé toute lapartie centrale , et plus des trois quarts de la su- perficie entière de la ville : nous avons jeté de l'eau dans tous les égouts; lavés continuellement, ils ne répandront plus, dans les saisons chaudes et sèches, ces odeurs infectes, vrais fléau x des quar- tiers où leur bouche est placée; et tout cela a été fait en conservant l’eau destinée aux usages privés à une distance courte quoique inégale des habi- tations, et sans se priver des moyens d'élever sur nos principales places des fontaines monumen- tales versant d'assez grands volumes d’eau. Ces fontaines devaient procurer à nos conci- toyens un des spectacles les plus agréables qu'on puisse présenter aux habitans d'une ville, celui de l’eau en mouvement. Nos moyens ne nous permettaient pas, il est vrai, de chercher à pro- duire les magnifiques eflets de celles qui, à Rome, par exemple, répandent mille pouces d’eau et plus (1800 à la fontaine Pauline) en torrens et en cascades ; mais nous pouvions encore conduire deux ee pouces sur nos deux plus grandes places, et les y faire tomber en belles nappes de dix pieds de hauteur : leur eau aurait été en- suite utilisée sur les autres points de la ville. On avait d’abord eu ce projet; mais on y renonça pour ne pas ôter, par une première chute, à l’eau arrivant à ces points, une partie de sa Fes c'est- DES FONTAINES A TOULOUSE. 267 à-dire de Pélévation à laquelle elle pouvait y ètre portée. D'ailleurs, on conservait toujours la fa- culté d’avoir, sur les places de la Trinité, Bour- bon, Saint-Etienne, Saint-George et d’Angoulème, de beaux jets s’élevant à douze, quinze et vingt pieds de hauteur; on se ménageait le moyen d’avoir au centre de nos promenades, au Boulin- grin, une belle gerbe d’eau jaillissante, pareille à celle qu’on admire à Paris au milieu du Palais- Royal. Il suffisait, pour qu'il en fût ainsi, de donner à nos conduites un assez grand diamètre, et de les disposer de manière à ce que ces grands mouvemens d’eau pussent être portés à volonté tantôt sur un point, tantôt sur un autre; car nous ne pouvions les avoir sur tous en même temps. Ces belles serbes, ces: gros jets d’eau ne sont pas un simple embellissement, un simple objet de décoration pour une ville située, comme la nôtre, dans un climat chaud et exposée à des vents brülans; par la fraîcheur qu’ils répandent autour d'eux, ils contribuent encore à la salu- brité de l’air qu’on y respire. Nous devions avoir quelques belles fontaines sur nos places, et nous les aurons : ailleurs, les eaux seront versées convenablement par des bor- nes en fonte ou en marbre adossées aux maisons qui bordent les rues. Ces eaux devaient encore fournir une ressource contre les incendies. La forme plane de notre ville ne nous présentait pas celle qui s'offre la premieré à l'esprit, et qui est même la plus efficace, Péta- Cas d'incendie, État de ré- partition des 200 pouces d’eau. 268 ÉTABLISSEMENT blissement d’un grand réservoir, d'où Peau est dirigée en abondance vers le lieu en proie aux flammes : pour en avoir un, il aurait fallu sortir de l’enceinte de la ville, traverser le canal, mener les eaux par une grosse conduite, les ramener sur différens points de la ville par un nouveau sys- tème de gros tuyaux : tout cela ne se pouvait avec nos deux cents pouces, et avec une dépense proportionnée à la distribution de cette quantité. En conséquence, nous ne pouvions que disposer les conduites et les bouches d’eau de la répartition ordinaire, de manière à ce qu’elles pussent en porter et répandre un assez grand volume dans chaque quartier : nous verrons dans la suite ce qui a été fait à cet égard. Après que nos besoins eurent été reconnus, je dressai l’état de répartition de nos deux cents pouces d’eau, qui me parut le plus propre à les satisfaire. Je le soumis à la commission des fon- taines, qui y fit quelques légers changemens; et il fut, dans la suite, adopté par le conseil muni- cipal : je le donne dans le tableau suivant tel qu'il a été exécuté. Vis-à-vis la désignation de chaque bouche d’eau , dont la position est indiquée sur la planche F, j'indique 1.° sa nature (fontaine, ou borne, ou abreuvoir, ou gerbe); 2.° le nombre de pouces d’eau qu’elle doit habituellement verser ; 3.0 Pabaissement du pavé en ce point au-dessous du niveau de la place Rouaix. LIEU où la bouche d’eau se trouve. Chäteau-d’eau. . . .. ÉTOSDICES- Cher PI. du Chai-Redon.. Place Saint-Cyprien. Rue des Couteliers. . R. de la Dalbade. . . Rounis er. EIRE R. de la Fonderie... RPéyrolières....." Ten NE ae Collége royal... ... PJ'id ASsezat. : 2), R. de la Bourse. . .. PI. de la Bourse... . PI. de la Trinité... . R. des Filatiers. . .. R. des Quatre Bill. . R. des Polinaires. , . PI. Bourbon. . .... R° Pharaon... . ... R. Saint-Remesi.. . . PI. de la Monnaie... PI. des Prisons. . .. R. Montaudran. . .. PI. Saint-Michel. . . R. du Vieux-Raisin. PI. St.-Barthelemi. . | R: d’Arquier...... R°Nazareth...". .. R. Perche-Pinte.... *‘anyeu PS S9S19A nea,p s29n04 XIEHNOY nos iuawossIeqy LIEU où la bouche d’eau se trouve. XIPNOY Sn0s IU3WSSIEqY = A à Rue Saintes-Carbes . PI. Saintes-Carbes. . R: du Canard... . .: PI. R. R. R. R. Boulinsnint# "rte PIMRoOUISE ER R. Bouquières. . ... Mage retirer Merlane ere Montoulieu..... R. des Tourneurs.. . Tdem. 22 R. de la Colombe. . . Rides Arts ant R. Tolosane......, RE Re R. du Cheval blanc. PI. Saint-George. .. R. des Pénit.-Noirs. PI. Saint-Etienne. . R. Saint-Aubin. . .. Faub. St.-Etienne. . PIMRIqete el EU R. R. R. R. R. R. R. Saint-Rome. . .. Petite R. St.-Rome.. R. des Gestes...... Malcousinat. . .. des Changes. ,.. Gourmande. .... Lripieres "1407 Payras-. "#0 du Musée. ..... pli 8 |? ES © B. 1 B. 2 Bite B. | 2 B. 1 B. 1 BAS B. | 1 Ger.|30 F:*1}3 B. à à B. 1 0x Be |Ur B: } B. 1 B. 2 Bar B. 2 F. 16 B. 2 EF. | 6 BA B. | 2 FE. |4 B. 1 BP BAIE B:ulLa Bat B:u|Ux B. | 2 B|.x BA 270 ÉTABLISSEMENT LIEU où la bouche d’eau LIEU où la bouche d’eau se trouve. *s9519A ne2,p S22n04 *sps19A ne2,p s22n04 se trouve, *oimeu es XIPNOY snos Ua SSIPqY ‘ammieu eç *XIPNOY snoS AU9W2SSIP{Y Place royale. . ....|F. 3,02| R. des Pénit.-Gris. .| R. du Taur R. des trois Renards. | Capitole x 5.5,86|| PL. Saint-Sernin. Li R. Poids de l'huile. .| B. 6 PI. Saint-Raymond. R. de la Pomme... .| B. R. Saint-Charles. . . PL d’Arn. - Bernard. R. du Fourbastard. .| B. Idem. , PI. d'Angoulême. . .| F. Casernes (concession)| R. Matabiau : Réserve pour conces- Idem. , À sion aux particu- R. des Cordeliers. . . R. Pargaminières.. . R. Saint-Pierre. ... En résumé, et en déduisant des 200 pouces distribués ce qui est affecté aux hospices, concédé aux casernes et réservé aux concessions particu- lières, nous aurons toujours à verser sur nos places et rues 180 pouces d’eau, et le versement sera effectué par quinze fontaines dont quatre seront de vrais monumens, par soixante-onze bornes- fontaines et par une gerbe que nous pouvons à volonté étaler à la place Bourbon ou au Boulingrin. Note. Cette quantité d’eau déjà considérable peut être aug- mentée encore : nous avons admis que les machines hydrau- liques n'élevaient que 200 pouces, mais elles peuvent en élever 250 ; avec une très-légère amélioration, elles les don- neraient habituellement , et fourniraient même 300 pouces dans un cas de nécessité. DES FONTAINES À TOULOUSE: 271 L'augmentation de 5o pouces mettra à méme de laver quel- ques rues et ruelles qui ne le sont pas encore ; d'étendre un ‘ peu plus loin les conduites , dans le faubourg Saint-Michel par exemple ; de placer encore quelques bornes-fontaines dans des quartiers qui, ayant déjà l'eau à une petite distance , se croient cependant lésés, parce qu'ailleurs on l’a un peu plus près. Je remarquerai à ce sujet qu'un seul quartier, celui des Blanchers, serait fondé à se plaindre; en l'exceptant , ainsi qu'un autre placé derrière les écoles de Droit, mais très-peu habité, dans tout le reste de la ville, aucune maison ne se trouve à plus de deux cents mètres d’une fontaine ou borne- fontaine , et c’est peu. 250 pouces, ou 100 litres d’eau clarifice, par jour et par tête, c'est, je crois, tout ce qu'on peut desirer à Toulouse ; c'est le maximum de ce que lon a dans les villes d’Angle- terre , où l'on fait le plus large usage de l'eau, où, en em- ployant les expressions de M. l'ingénieur Mallet , les habitans vivent dans un vrai luxe d’aisance sous ce rapport. Que pourraient souhaiter encore les générations futures de- venues plus exigeantes? Laver à grande eau, dans l'eté , les rues principales et celles qui sont très-peuplées ? Avoir quel- ques grands monumens hydrauliques? — Pour les sausfaire , on établirait, au faubourg Saint-Michel , un peu en amont de la digue du moulin du Château , une très-forte machine hy- draulique ; puisant directement 5oo pouces dans la Garonne et les éleyant à une vingtaine de mètres. De gros tuyaux méneraient ces eaux dans la partie centrale de la ville, où, abandonnées à la pente du terrain qui est au delà, elles en arroseraient encore la majeure partie. Une autre portion des caux-puisées , traversant le canal, irait remplir un grand bassin , que l’on pourrait alors établir sur le coteau de Guille- mery, à quelques mètres au-dessus de son pied, et par suite à quatre ou cinq mètres au-dessus de la partie la plus élevée de la ville : en cas d'incendie , il enverrait un grand volume d'eau au quartier où le feu sé serait manifesté , et il pourrait encore fournir, durant un certain temps, à quelque beau spec- tacle hydraulique. 272 ÉTABLISSEMENT Conduite des Eaux. Passons aux moyens employés pour conduire les eaux aux différens points que nous venons de fixer. Nivellement Afin d'agir avec toutes les données nécessaires de la ville. 3 ]a solution de la question, il fallait connaître le niveau respectif de ces divers points. En consé- quence, je priai M. le Maire de faire exécuter ce nivellement, c’est-à-dire celui de la plupart de nos rues , et je lui indiquai, comme très-propre à ce travail, M. Lafforgue, lequel ayant assisté M. Maguës pendant quelques années, était bien au fait des opérations de ce genre. Il exécuta celle- ci, etil indiqua par des cotes, sur un plan de la ville, labaissement des points voulus, et d’une multitude d’autres au-dessous de la place Rouaix, partie la plus élevée de Toulouse : le résultat de ce travail, en ce qui concerne les points où devaient être versées les eaux, est indiqué dans létat de distribution ci-dessus. Sur le même plan, on marqua ces points , et l’on traça la route que sui- vait chacun des petits cours d’eau qui en sortait jusqu’à l'égout où il allait se perdre : on voyait ainsi d’un coup-d’œil les rues qui étaient arrosées et celles qui ne étaient pas. De plus, et sur ma demande, M. Lafforgue dressa un profil entigr des rues qui traversaient la ville dans toute sa lar- geur, depuis le château-d’eau jusqu’à la place Saint-Etienne, et un profil de celles qui vont, dans le sens de la longueur, depuis la place Bour- bon jusqu’à la place Royale. DES FONTAINES À TOULOUSE. 293 La première de cette suite de rues, du chä- teau-d’eau à Saint-Etienne, divise la ville comme en deux moitiés, et au milieu de chacune d'elles se trouve une de nos deux plus grandes places, une de celles que nous venons de nommer (voir la planche F7). Je crus convenable de prendre deux grandes portions de nos eaux, et de les mener à ces deux places : c’étaient comme nos deux points principaux ; le service ne devait ja- mais y manquer. Pour qu’il en fût ainsi, j'y conduisais les eaux à l’aide de deux files de tuyaux égales et placées June à côté de autre; et cela en vertu du prin- cipe déjà mentionné, admis pour assurer la conti- nuité du jeu des fontaines, et par suite duquel on a établi, à côté l’une de l’autre, deux machines indépendantes, deux filtres indépendans, etc. :st sur une des files il arrive quelque accident, pen- dant qu'on le répare, l’autre fournit toujours à écoulement. En conséquence, au lieu de mener par une seule conduite, les deux cents pouces, qui, partant du château-d’eau, viennent en pres- que totalité au grand point de partage situé à l’en- trée de la place de la Trinité, je les menais par deux conduites renfermant cent pouces chacune et aboutissant à une même cuve de distribution (espèce de gros tambour en fonte de 1" 00 de dia- mètre). De cette cuve partait, d’un côté, une seconde double conduite allant à la place Royale; et du côté opposé, on en avait une troisième se rendant à la place Bourbon : lune et l’autre se TOME II. PART.I. 18 Choix de deux centres de distribution. Doubles conduites, 274 ÉTABLISSEMENT terminaient également à une cuve de distri- bution. : Partout ailleurs les conduites étaient simples. Ce dédoublement d’une conduite majeure, que je crois particulier à notre système des eaux , a de grands avantages. Sans lui, le service de nos fontaines eût été souvent interrompu par suite des réparations à faire aux conduites ou plutôt à leurs robinets, et il ne l’a pas encore été. Ses in- convéniens sont bien moindres qu’il ne paraît à la première idée. Et d’abord, la diminution dans le produit d’une bouche d’eau , lorsqu'elle n’est ali- mentée que par une des deux conduites, est à peine sensible : ainsi, en donnant à la gerbe de la place Bourbon, à l’aide de ses deux suites de tuyaux, toute l’eau qu’elle pouvait dépenser, le débit était de 51,4 pouces; on en avait encore 49,x après avoir fermé une d’elles. Dans une autre expérience, dix-neuf bouches prenant leur eau de la cuve établie près la place Royale, en ver- saient 29,6 pouces, lorsque les deux conduites aboutissant à cette cuve étaient ouvertes ; et 26,8 lorsqu'une seule létait. Le dédoublement aug- mente, il est vrai, les frais de premier établisse- ment ; mais moins qu'on ne le croit généralement : par exemple, pour mener les deux cents pouces du château-d’eau à la Trinité, par notre double conduite, il en a coûté pour les tuyaux 55.872 fr.; la conduite simple en eût exigé 44.109 fr. ; ainsi l'excès de dépense n’est pas de 27 pour °,, : il eût été de 28 avec les frais de pose, ces frais étant DES FONTAINES À TOULOUSE. 275 plus considérables dans le premier cas que dans le second (1). Le même motif, assurer la continuité de l’é- coulement sur les points principaux, qui nous avait engagés à admettre des doubles conduites allant à ces points, nous a portés à les loger dans des galeries souterraines établies à cet effet : elles y sont supportées sur des consoles, ainsi qu’on le voit à la planche F. Lorsque des tuyaux sont simplement enterrés sous le sol des rues, et que par l'effet de quelque accident ils éprouvent une perte d’eau, le point (1) En stricte rigueur, abstraction faite de la résistance occasionnée par le frottement contre les parois des tuyaux, et l'épaisseur de ces parois devant croître proportionnellement aux diamètres , 1l n’en coûterait pas plus pour mener, sous une même charge, un même volume d’eau par deux et trois conduites que par une seule dont la section serait égale en surface à celle des deux ou trois autres prises ensemble. Mais les parois de ces deux ou trois conduites, ayant en somme une étendue superficielle plus considérable que les parois de la conduite unique, il en résulte plus de frottement , et en conséquence il faut en augmenter un peu le diamètre ; de là un accroissement de poids : secondement , la quantité cons- tante, que des considérations pratiques engagent à introduire dans l’épaisseur des tuyaux , augmente le poids des petits dans un plus grand rapport que celui des gros. Telles sont les deux causes de laugmentation dans la dépense. La double conduite du château-d’eau à la Trinité a 605 mèt. de long et 1" 00 de charge, ou plutôt de perte de charge; le diamètre des tuyaux est de o#27 et leur épaisseur de 0%015. En employant une conduite simple de même longueur, sous même charge , et menant également 200 pouces , 1l eût fallu des tuyaux de o® 357 de diamètre et de 0018 d'épaisseur. 18. Galeries souterraines: 276 ÉTABLISSEMENT défectueux se reconnaît habituellement à l’humi- dité et à l’affaissement du pavé qui est au-dessus; mais quelquefois on est long-temps avant de le trouver. Le mal n’est pas grand pour les conduites secondaires : si celle qui mène l’eau à une fontaine vient à manquer, on a provisoirement recours à une autre alimentée par une conduite voisine, et elle n’est qu’à une petite distance. Mais il ne sau- rait plus en être de même sur nos deux points principaux, la place Bourbon et la place Royale; là, avons-nous dit, l’eau ne doit jamais manquer : si une des conduites qui l’y porte vient à éprouver une perte notable, dans moins d’une heure tous les tuyaux des galeries sont visités; la partie vicieuse est reconnue , et elle est bientôt réparée. Cette réparation exige le plus souvent que la conduite soit vidée. Peau , qui en sort par les ro- binets de décharge établis à cet effet, coule sur le sol de la galerie, d’où elle entre dans un petit aqueduc de vidange qui la mène dans un des égouts de la ville. Quant aux conduites simples, elles ont été établies sur le sol de tranchées ouvertes dans les rues, et dont la profondeur est de trois pieds en- viron ; elles y ont été ensuite recouvertes de terre et d’un nouveau payé : le tout ainsi qu'il est gé- néralement pratiqué. Les points où les conduites devaient porter des eaux étant fixés , 1l fallait disposer leur ensemble ou système , c’est-à-dire, leurs diverses branches, ramifications et sous-ramifications , de manière à DES FONTAINES A TOULOUSE. 297 ce que leur développement présentät le moins de longueur, ou plutôt le moins de dépense possible. Après plusieurs essais, je m'arrètai au système re- présenté à la planche PV, et circonstancié dans le tableau qui va suivre. Je passe à l'examen des pièces qui le consti- tuent , les tuyaux : je m’arrète principalement sur ce qu'ils présentent de particulier sous le rap- port de leur matière, de leurs dimensions ( dia- mètre, épaisseur et longueur), et de ieur mode d'assemblage. Les tuyaux les plus solides, et en même temps les plus économiques lorsqu'on veut faire un ou- vrage durable, sont ceux en fonte de fer. Ils of- frent une plus grande résistance aux pressions, soit intérieures, soit extérieures ; ils durent des siècles, et ils ne communiquent à l’eau aucune qualité malsaine : aussi les emploie-t-on généra- lement aujourd’hui pour toutes les grandes con- duites. Nous les avons aussi employés pour nos plus petites , celles de 0"05 ( 22 lignes ) de dia- mètre : elles ne nous reviennent pas à 6 fr. 5o le mètre courant; en plomb, elles eussent coûté 17 fr. Nous ne nous sommes servis de ce dernier métal que pour les très-petits tuyaux, ceux de un pouce, destinés à mettre les bouches d’eau en communication avec les conduites proprement dites, et qui doivent traverser, en se pliant di- versement , les fontaines et bornes-fontaines. La détermination de la grosseur, c’est-à-dire du diamètre des conduites, était la partie la plus Tuyaux employés. ( Matière.) (Diamètre. ) 278 ÉTABLISSEMENT embarrassante de notre travail : elle présentait des difficultés de plusieurs espèces. On avait deux écueils à éviter; l’un d'employer un tuyau de 5o fr. par exemple, là où un tuyau de 20 fr. suf- fisait; c’eût été faire un mauvais ouvrage même sous le rapport scientifique. D’un autre côté, il ne fallait pas s’en tenir à de trop strictes dimen- sions; de manière à ce que les tuyaux ne pussent plus conduire les eaux qu’il conviendrait de leur livrer dans de certaines circonstances , comme dans les incendies ; de manière à ce qu’ils ne pus- sent pas même mener leurs eaux ordinaires, dans le cas où il s’y ferait un léger dépôt terreux. Lors- qu'après avoir eu égard à ces diverses considéra- tions, on avait admis, avec une certaine latitude, la quantité d’eau qu’un tuyau devait conduire, la détermination mathématique du diamètre cor- respondant à cette quantité ne pouvait même se faire avec une entière exactitude. Pour une conduite isolée, ou pour le tronc (première suite de tuyaux) d’un système de con- duites, en admettant, par exemple, que le vo- lume deau à mener est de moitié en sus plus considérable que celui qui résulte de Pétat de distribution arrêté, en connaissant de plus la longueur de ce tronc et sa charge d’eau (ou plutôt la perte de charge), les formules algébri- ques généralement admises indiquent bien le dia- mètre à donner. Mais il n’en est plus de même pour les diverses branches d’un système qui se ramifie et se sous-ramihie comme le nôtre : le pro- DES FONTAINES À TOULOUSE. 279 bleme relatif au diamètre de chacune d’elles est ‘compliqué, et il n’a pas été encore résolu dans toute sa généralité : on ne peut procéder que par tâtonnement et par approximation, et cest le moyen que j'ai employé (voyez note VIT). Les suppositions que j'ai été à même de faire dans ces recherches, lont été de maniere à ce que les diamètres obtenus péchassent plutôt par excès que par défaut ; et j’admettais encore, et sans fraction , le nombre de centimètres qui était au-dessus du chiffre donné par le calcul : quelquefois même je passais au nombre de centi- mètres encore supérieur d’une unité, afin de ne pas trop multiplier les espèces de tuyaux à fon- dre : enfin , je ne suis pas descendu au-dessous de cinqcentimètres, quelque petite que fût la quantité d’eau à conduire. | Ce mode de procéder ne m’en a pas moins con- duit à admettre des tuyaux de 0"27, 0"19, 6107 071200710009, 67087 4"07,)et 0"05 de diamètre intérieur. L'état qui va suivre indiquera la quantité de chacune de ces espèces. Le diamètre extérieur, résultant de Pépaisseur à donner aux parois, présentait aussi des diffi- cultés dans sa détermination : encore ici , il fal- lait sortir des ornières de la routine. D’après une règle établie par les fondeurs de tuyaux, ou dans leur intérêt, on donnait à l'épaisseur au moins autant de lignes qu’il y avait de pouces au dia- mètre intérieur; et cela à partir des tuyaux de quatre pouces (0® 108), car on n’en coulait guère (Épaisseur. ) 280 ÉTABLISSEMENT de plus petits. L’épaisseur était ainsi la douzième partie du diamètre; et cependant si Part était assez avancé pour couler des tuyaux extrèmement minces et parfaitement exécutés, un millième serait plus que suffisant, dans presque tous les cas, pour prévenir non-seulement la rupture, mais encore toute altération provenant de la charge d’eau qu'ils auraient à supporter. Mais, dans la pratique , on est loin de la perfection qui serait nécessaire pour en agir ainsi : il faut con- server une épaisseur assez fortes sur-tout dans les longs tuyaux, pour que la matière en fusion, versée dans les moules, ne s y refroidisse pas trop avant de les avoir bien remplis : cette matière, la fonte, est souvent poreuse , et si elle était coulée trop mince, elle laisserait suinter l’eau : souvent encore elle renferme des soufflures, et les parois ne consistent plus alors qu’en nne ou deux minces feuilles de métal : par suite d’un dérangement du noyau placé dans l’intérieur du ous presque toujours on a plus d'épaisseur d’un côté que de l'autre : la rouille attaque , ronge , et à la longue elle amincit les parois : enfin, il faut que les tuyaux résistent non-seulement à la pression de Veau qu’ils conduisent , mais encore aux chocs ou coups de bélier qu’ils reçoivent de cette masse d’eau lorsqu'elle est brusquement arrètée dans son mouvement, comme par la prompte fermeture d’un robinet ; et l'effort résultant de tels chocs est quelquefois bien grand. Ces différentes considéra- tions m'ont porté à ne réduire, dans aucun cas, DES FONTAINES À TOULOUSE. 281 lépaisseur au-dessous de un centimètre (4 ?/, lig.): je l'ai donnée telle aux tuyaux de o®r2 de dia- mètre ; me conformant , à leur égard , à l’ancienne règle et à ce qui est prescrit par Belidor et Bossut pour les tuyaux de ce calibre. En conséquence, tous ceux dun calibre inférieur auront o"o1 d’é- paisseur : quant à ceux au-dessus de 0"12, à trois fois la centième partie de leur diamètre, j'ai ajouté la quantité constante de sept millimè- tres (1). Je crois avoir ainsi satisfait à toutes les (1) D’après des expériences de l'ingénieur anglais Tredgold, un barreau de fonte de un centimètre carré de section, tiré dans le sens de sa longueur, u’épr'ouve aucune altération permanente tant que la charge qu'on lui fait supporter est au-dessous de 1073 kilog.; et cette charge est encore loin de celle qui produit la rupture. D'où l’on conclut qu'il suffit, pour qu'un tuyau n’éprouve pas d’altération , que l’on ait E — 0" ,0000 465 DH, E exprimant l'épaisseur, D le diamètre et H la hauteur de la charge qui presse. Par conséquent sous une charge de 20 mètres, et elle est déjà bien forte, l'épaisseur ne serait pas la millième partie du diamètre. Admettant une charge de 100 mètres, c’est-à-dire dix fois plus grande que celles que nous avons à Toulouse, l'équation devient E = 0", 00 465 D. Pour plus de sûreté encore, et afin de ue pas descendre au-dessous d’une certaine épaisseur dans les tuyaux ordinaires, j'ai admis, pour tous ceux au-dessus de o® 12 de diamètre, E = 0,03 D + 0" 007. M. Genieys, ingénieur des eaux de Paris, donne une épaisseur un peu plus considérable aux peuts tuyaux, et bien moins forte aux gros, par sa formule E = 0, 007 D + omo1. 282 ÉTABLISSEMENT exigences de l’art du fondeur, sans avoir dépassé une limite au delà de laquelle il n’y aurait plus que superiluité. (Longueur.) La longueur de nos tuyaux a été fixée à 2"00, non compris la partie emboitée (ou 2"10 avec cette partie ). Jaurais désiré aller jusqu’à 2" 50, comme on le fait maintenant à Paris; mais l’état des fonderies où nous étions à même de nous pour- voir avec le plus d'avantage ne le permettait pas. Je fais ici une remarque. Autrefois, on faisait les tuyaux courts, gros et épais; et comme les fondeurs les vendaient au poids, ils avaient un grand intérêt à maintenir cet état de choses. Aussi , lorsque je proposai de le changer dans nos contrées , des réclamations s’élevèrent de toutes parts; les maîtres de forge, les artistes, et sur- tout ceux qui se présentèrent pour entreprendre la fourniture de nos fontes, se récrièrent; ils allé- guaient l’exemple de ce qui se pratiquait encore à cette époque dans la capitale; quelques-uns de- mandèrent , comme condition essentielle de leur soumission , que les épaisseurs fussent presque doublées. Toutefois, l’adjudication se fit : mais à peine les entrepreneurs eurent-ils tenté leurs pre- miers essais, qu'ils réclamèrent de nouveau, dé- clarant qu’il y avait impossibilité de réussir à bien faire de tels tuyaux. De mon côté, je persistai ; jalléguai l'exemple de plusieurs parties de PAn- gleterre, où l'épaisseur a été bien diminuée depuis que Jon y paye les tuyaux (d’un diamètre dé- terminé) d’après leur longueur et non plus d’après DES FONTAINES À TOULOUSE. 283 leur poids : je citai les longs et minces tuyaux employés à léclairage au gaz de Paris, et la ré- duction fut maintenue. En la faisant adopter, je crois avoir rendu un service, même sous le rapport de l’art; avec une même somme d'argent, il sera fait et placé une plus grande quantité de tuyaux, moitié en sus à peu près. Aujourd'hui et partout, cette moindre épaisseur est admise. Indépendamment des tuyaux rectilignes, nous en avions de courbes, destinés aux coudes des con- duites. Dans quelques cas, on en a fondu dont la courbure était celle du coude même. Mais gé- néralement ils présentaient un arc de 15° et de 1200 de long : selon que le coude était plus ou moins fort, on en employait un plus ou moins grand nombre (six, lorsque langle était droit ). Leur grand rayon de courbure (382) et un léger avantage dans le diamètre (environ un mil- limètre) faisaient presque entièrement disparaître le mauvais effet du coude, le retard dans l’écou- lement de l’eau. On avait encore, pour chaque sorte de con- duite, des tuyaux portant des tubulures aux- quelles S'adaptaient les branchemens. Celles pour les concessions particulières étaient de 0" 03 ( 13 lignes) de diamètre. Sur quelques conduites , de 20 en 20 mèt., on a placé un tuyau tubulé, afin de n’être pas dans le cas de percer la fonte pour les concessions qui pourraient être ultérieurement faites. Tuyaux cou- dés. Tuyaux tabu- Lés, Mode d'assemblage. 284 ÉTABLISSEMENT Les tuyaux sont assemblés de deux manières, à emboitement ou à brides. En’ principe, le pre- mier mode a été admis comme plus économique, d'ordinaire plus étanche, et permettant un léger mouvement dans la conduite, mouvement inévi- table et qui donnerait infailliblement lieu à une rupture sur une conduite entierement roide, in- flexible et fixement assujettie à ses extrémités comme dans ses diverses parties. La chaleur, en dilatant la fonte, y produirait un allongement très-sensible ; 1l serait de plus de quatre pouces dans celle qui va du château-d’eau à la Trinité, si elle était comme d’une seule pièce (x). Les joints à emboïtement permettent à chacun des tuyaux de prendre leur faible part de cette extension ou raccourcissement (qui ne saurait aller à un cinquième de ligne ) sans qu’il en résulte de perte d’eau : s’il paraissait un faible suintement, quelques coups de matoir suffiraient pour Par- rêter (2). Ces joints donnent en outre à la con- duite une petite flexibilité qui la met à même de (1) D'après Tredgold, la fonte se dilate de 0,000 137 par degré du thermomètre centigrade ; de l'hiver à l’été nos con- duites peuvent éprouver une variation de 12 à 15° de tem- pérature; à 15°, sur une longueur de 605 mètres , on aurait un alongement de o"® 125. (2) Le matoir est un outil de fontaimier, sorte de ciseau dont le tranchant ou plutôt l'extrémité est coupée carrément ; cette extrémité s'applique contre le plomb mis ou coulé dans un joint, et à coups de marteau sur la tête de cet outil, on bat, foule et refoule le métal. DES FONTAINES À TOULOUSE. 285 suivre les légers tassemens que le terrain sur le- quel elle repose éprouve fréquemment, et de résister aux forts ébranlemens qu'il peut subir. La manière dont nos emboïîtemens sont faits et scellés n’a d’ailleurs rien de particulier : leur lon- gueur est de 0"08 à o"09 (‘3 pouces) : on intro- duit au fond une baguette annulaire de plomb ayant o"o2 de large, puis on met cinq ou six tours d’une corde goudronnée, et par-dessus une baguette pareille à la première, que l’on mate fortement. Toutefois nous avons établi un assez grand nom- bre de joints à brides, soit afin d’avoir plus de faci- lité pour placer ou déplacer un robinet, par exem- ple, soit pour cause de solidité. M. Egault , ingé- nieur des eaux à Paris, me rapporta avoir vu, sur une conduite, une vingtaine de joints à em- boîtement qui avaient cédé à un coup de bélier, tandis que ceux à brides y avaient résisté : en con- séquence de ce fait, et de l'avis de cet ingénieur, dans nos doubles conduites, où nous avons comme entassé toutes sortes de précautions, sur quatre joints, il y en a un à brides. Nos joints de cette dernière espèce sont faits comme d’usage : la ron- delle ou couronne de plomb placée entre les deux brides porte de part et d'autre une bande de cuir gras. Sur quelques tuyaux, on a fait verur à la fonte , et au bas de la bride, un petit rebord, afin que lors du matage , le plomb ne pénétrât pas dans l'intérieur du tuyau et n’y occasionnât pas détranglement; le fruit (inclinaison } que l’on Cuves de distribution. 286 ÉTABLISSEMENT donne ordinairement aux brides, et la coupe cu- néiforme de la rondelle qu’elles comprennent, ne mettent pas un obstacle aussi certain à la péné- tration. Après avoir parlé des tuyaux, je fais connaître quelques objets employés dans leur réunion ou dans leur service. Lorsque plus de trois conduites se joignent en un point, jy établis une petite cuve, cylindre en fonte, creux et recouvert d’un plateau qui y est retenu par des boulons à écrou. Le pourtour en est garni de tubulures habituellement dirigées dans le sens du rayon, et auxquelles s'adaptent les tuyaux, tant ceux qui y amènent l’eau que ceux qui la portent au delà : afin que l’étranglement de la veine fluide soit moindre à l'entrée des tubu- lures de sortie, et qu’elles reçoivent en consé- séquence le plus d’eau possible, je leur ai donné la forme de la veine contractée (1). La principale de nos cuves, celle qui est éta- blie au grand point de partage de la Trinité, a, dans œuvre, 1" 00 de diamètre et 0" 80 de hau- teur; elle porte sept tubulures : c’est une belle pièce en fonte, coulée par M. Olin, sur un dessin (1) Tronc de cône dont le diamètre de la base inférieure, celui de la base supérieure et la hauteur, sont comme les nombre », 4 et 3 : les arêtes de jonction à la cuve sont ar- rondies : le diamètre de la petite base est égal à celui du tuyau qui doit ÿ être adapté. Autant que possible , nous avous donné cette forme à toutes les tubulures de notre système hydraulique. DES FONTAINES À TOULOUSE. 287 de M. Abadie : on en voit la coupe horizontale passant par l’axe des tubulures, à la planche F. Nous avons cinq autres cuves dont le diamètre varie de 0"80 à o" 40. A la partie inférieure de la plupart d'elles, est une tubulure de décharge que l’on ouvre lorsqu'on veut laver les conduites qui y amènent l’eau. Quelques-unes sont placées immédiatement au-dessous des fontaines monu- mentales. Je ne sache pas qu’on ait employé ail- leurs un tel mode de jonction de plusieurs bran- chemens, et cependant il me paraît avoir bien des avantages. Les tuyaux ne sont pas immédiatement adaptés aux cuves; les robinets, à laide desquels on permet ou défend à volonté l'entrée de l’eau dans telle ou telle conduite, sont interposés. Pour les ouvertures de om12 (4 pouces ) et au-dessus, on a des robinets-vannes , tels qu'on les emploie dans les grandes distributions d’eau en Angleterre. Les premiers nous ont été fournis par les fondeurs anglais, MM. Manby et Wilson : les autres ont été faits dans notre ville, par M. Olin. Ils sont placés, avec la cuve à laquelle ils tiennent, dans de petites chambres voûtées où l’on va les manœuvrer. Au-dessous de o%12, nous nous servons de robinets à tournant de forme ordinaire ; on en a mis en tête et à lextrémité de chaque branche- ment. Sil est long, il y en a encore un au milieu , afin que la partie en amont du robinet puisse toujours faire le service, dans le cas où la partie Robinets, Ventouses. 288 ÉTABLISSEMENT d'aval serait en réparation. Pour les conduités enterrées sous le sol des rues, au-dessus de ces robinets, on établit une petite caisse ou tabernacle en fonte, surmontée d’un col également en fonte, de o® r2 de côté en carré, et dont l’orifice, qui vient au niveau du pavé, est recouvert d’une petite plaque de fer portant une sorte de serrure ( pène poussé par un ressort). Lorsque le fon- tainier veut aller manœuvrer le robinet, il ouvre et enlève la petite porte ou plaque à laide de sa clef; puis, il introduit dans le col une tige de fer dont l'extrémité présente un creux dans lequel entre la tête carrée du robinet; à laide de cet outil, garni d’une poignée en forme de T, il ouvre ou ferme à volonté, et puis il replace le couvercle en fer. | Au sommet des angles saillans des conduites, il faut encore ménager des ouvertures ou évens pour donner une issue à l'air qui, en se dégageant de l’eau, se porte à ces sommets, et qui, sans cette précaution , pourrait gêner et même arrêter l'écoulement. Ces sommets se trouvent partout aux points culminans des rues, et là nous avons des bornes-fontaines qui servent d’évens naturels. À un seul angle saillant, au haut du pont, on n'avait pas cet avantage; et l’on a été dans le cas d'y placer une ventouse : elle consiste en deux soupapes à flotteur ( vu la double conduite), pa- reilles à celles qui sont en usage dans le service des eaux de Paris. ( Voyez la Description des . ouvrages pour la distribution des eaux de POurcq;, par M. Girard ). DES FONTAINES À TOULOUSE. . 289 li y avait aussi quelques dispositions à faire au sommet des angles rentrans. Quoique ces angles fussent presque insensibles, il fallait se ménager le moyen d’évacuer les dépôts terreux qui pou- vaient Sy former. À cet effet, on y a placé des robinets de décharge. Lorsqu'on les ouvre, il s'établit dans les conduites un fort courant qui suit presque toujours à leur nettoiement. Les tubulures de décharge des cuves servent encore plus efficacement ‘au même objet. Onn’est que rarement dans le cas d’avoir recours à ces moyens; habituellement , lorsqu'on s'aperçoit que le pro- duit d’une conduite diminue, on se borne à dé- visser la bouche des bornes-fontaines auxquelles elle fournit : il en sort une plus grande quantité d’eau ; le régime du courant intérieur change; les parties terreuses qui s'étaient déposées par une faible vitesse , sont alors reprises et emmenées, et au bout de quelques heures, l’engorgement est détruit. Tels sont les moyens que nous avons employés pour conduire les eaux sous le sol de notre ville : il fallait ensuite s’occuper de les verser à sa sur- face, c’est-à-dire, s’occuper des fontaines et des bornes. Nous parlerons ailleurs des fontaines monu- mentales : quant aux bornes, nous nous contente- rons de dire que nous les avons faites à l’instar de celles de Paris ( voyez l'ouvrage de M. Girard précité); mais en leur donnant un extérieur plus élégant sans rien ôter à leur simplicité. M. lar- TOME II, PART, I4 19 Décharges: Bornes- fontaines. Projet et ta- bleau pour la conduite des eaux, 290 ÉTABLISSEMENT chitecte Raynaud nous en a donné le dessin; il se voit sur la planche T. Huit de ces bornes sont en marbre, et les autres (soixante-trois ) sont en fonte de fer. Leur bouche, ainsi qu’il vient d'être remarqué, peut être dévissée ; alors le tuyau qui y aboutit coule à gueule-bée, et il donne un produit bien plus considérable. En cas d'incendie, à ce tuyau on en visse un autre en cuir qué l’on dirige vers le lieu où lon veut porter Peau. Sur les bases que je viens de poser et d’après les principes que je viens d'indiquer, je dressai un projet pour la conduite et distribution des deux cents pouces d’eau clarifiée. Jen fis un second pour là distribution de 75 pouces d’une telle eau, et de 125 pouces puisés directement dans la rivière; car à cette époque (à la fin de 1822) je doutais encore du plein succès de nos filtres naturels. Mais la commission des fontaines pensa qu'il ne fallait occuper que du premier, et le présenter seul au conseil municipal. En conséquence, et mettant à profit les diverses observations qui me furent faites par les membres de la commission , je le rédigeai définitivement. Le tableau suivant en est comme le résumé, en ce qui concerne les conduites, leurs branche- mens et sous-branchemens. J’y indique, 1.° la quantité d’eau que chacun d'eux doit mener à son origineen temps ordinaire; 2.° sa longueur; 3.° son diamètre, et 4.° le poids, par mètre courant, tel DES FONTAINES À TOULOUSE. 291 qu'il résulte des dimensions voulues et qu’il a été prescrit à l’entrepreneur (abstraction faite des 4 p- % de tolérance). La position de chacun d’eux est indiquée à la planche F. = ge se a a | Le] : Ba0 le 86 lee eg conpuiTes de divers ordres, Be see nee | à 6 Bpsless | Ros|ESS| 2 CRE 1e M ze et leurs BRANCHEMENS. ë # E 2 É = ARE 0,27 | 0,015|110 Tronc. Double conduite allant 1 100 ‘| Go5 2 0,16 | 0,011|49 pouce. | mèt. | mèr. | mère. | kilog. chäteau-d’eau à la Trinité.| 100 | 605 | 0,27 | 0,015l110 Branche de Saint-Cyprien. .. 3 | 426 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Branche des Hospices. . .... 3 | 679 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Branche de la Dalbade...... 5 | 498 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Sous-branche de Tounis. . . 1 |} 170 | 0,05 | 0,01 |15 21/2 Branche de Peyrolières. . ... 6 | 374 | 0,07 | 0,01 |21 Branche des Paradoux...... 2 | 161 0,05 | 0,01 {15 1/2 Branche de la Bourse....... 3 160 0,05 | 0,01 |15 1/2 Double conduite allant de la But 55 | 287 nité à la place Bourbon..| 35 | 287 | 0,16 | o,011|49 Branche des Quatre-Billards. . 1 83 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Branche des Polinaires... ... 1 4o | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Conduite de Saint-Michel, . . .. 11 637 0,08 | o,01 [25 Branche de Saint-Remesi, . .. : 97 0,05 | o,01 |15 1/2 Branche de la Monnaie. . ... 2 59 | 0,05 | o,01 |15 1/2 Branche de Montaudran. . .. 1 | 101 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Conduite du Vieux-Raisin. ... 11 308 0,08.| 0,01 |25 Branche de Nazareth... .... 5 | 561 0,05 | 0,01 |15 1/2 Conduite du Boulingrin. ..... 41 | 854 | 0,19 | 0,015|67 Branche de la rue des Nobles. 1 65 | 0,05 | 0,01 |15 1/2 Branche de Montoulieu. . . .. 1 28 0,05 | o,o1 |15 1/2 Cond, sur la place de la Trinité. 42 | 33 0,16 | o,011/49 Conduite de Saint-Etienne. ...| 36 | 459 | o,12 | 0,01 |35 Branche des Tourneurs. . ... 3 108 0,05 | o,o1 |15 1/2 Branche de Rouaix. ....... A 9 |o,05 | 0,01 |15 rl Branche de la rue Tolosane. . 1.} 48 0,05 | o,o1 [15 1/2 Branche de la rue des Arts. . . 2 29 | 0,05 | o,o1 [15 1/2 19. 292 ÉTABLISSEMENT æ Fr = | ° «© D'lo la DIS | : 0%E|0 Sos SE | conpurTes de divers ordres, 3651308 |$ai| 90 3. du même point à la place Royale. 433, 20 Elles sont bâties en brique ; le sol ou radier est fait en beton (de plus, il eût dû être carrelé ) : pour laisser au poseur un plus grand espace, à Veffet de bien lutter les joints, vis-à-vis chacun d'eux, c’est-à-dire de deux en deux mètres, on a ménagé un enfoncement dans les pieds-droits, ainsi qu'on le voit dans la figure. Ces galeries, DES FONTAINES À TOULOUSE. 303 y compris les consoles en pierre de taille sur les- quelles posent les conduites, coûtent, par mètre courant, pour la Fouille et enlèvement des terres. . . . 16 20 PMARDMEME. here Dee Die ee el MO 68 86 » 86° 86: Rétablissem.' du pavé (sur 4" delarge). 1 80 Du point de partage jusque sous le milieu de la place de la Trinité, on en a établi une quatrième de 27 mètres de long et de o"80 de large : elle renferme une conduite simple de o"16 de dia- mètre. 4.° Chacune de ces galeries est terminée par une chambre où est logée une cuve de distri- bution : les deux qui sont au point de partage et à l'entrée de la place Royale, n’ont que 2" 20 de diamètre et 1M80 de haut. Celle qui est sous la fontaine de la Trinité, consiste en une voûte hémi-sphérique de 7" 00 de diamètre ; et celle qui est sous le centre de la place Bourbon pré- sente encore une voûte de même forme, entourée d’une autre voûte en berceau, le tout formant un corps de maçonnerie de 16" de diamètre, et destiné à supporter le monument qui sera élevé sur cette place. 5.0 Les eaux qui tombent dans les chambres et dans les galeries sont conduites aux égouts de la ville par trois petits agueducs de vidange. Le plus considérable, allant depuis la galerie qui aboutit Abreuvoirs. 304 ÉTABLISSEMENT à la place Royale jusqu'à l'égout de la rue d’An- ‘ goulême , a. ................ 307" 6o Celui qui aboutit à l'égout de la Dal- Baden UE. 2 NT SD #00 D'an7e" 00 Enfin, celui qui débouche sous la Halle au poisson: : 1. . "TS EU. 39; t40 Leur largeur, dans œuvre , n’est que de. .... o" 30 Pi léur hauteur .ade: SR noe:50 Ces dernières dimensions sont trop petites ; en les admettant , nous avons réellement commis une faute ; il eût fallu, en se restreignant au strict nécessaire pour le passage d’un garçon, 0" 50 sur 060. Le mètre courant de ces petits aque- ducs COMTESSE er Mb. A SCPI O0 6.° Enfin, on avait à ouvrir, dans les rues, les tranchées sur le fond desquelles les conduites devaient être placées; puis il fallait remblayer ces fosses et rétablir le pavé au-dessus. Elles avaient généralement 1"00 de large dans le haut et de 1" 00 à 1"20 de profondeur. Quel- quefois même, quoique rarement , il a fallu s’en- foncer un peu plus, afin de conserver à leur sol l'uniformité de pente exigée pour les conduites. On en a eu 10.018 mètres, et elles ont été payées à raison de 2! le mètre courant, Les travaux , objet de cette entreprise , y compris les regards établis sur les galeries, ont été payés au sieur Maurel.......... 157.753" On a encore, dans la distribution de nos eaux, DES FONTAINES À TOULOUSE: 305 en ouvrages de maçonnerie, trois abreuvoirs. Ils sont en pierre de taille, établis sur un massif de béton et cailloux; le fond en est recouvert d’un double carrelage en briques. Celui d’Arnaud- Bernard a, dans œuvre, 3"70 de long, 1" 40 de large et o"55 de profondeur; celui de Saint- Cyprien a 4"6o sur 1" 20 et sur 0" 40; et celui de Saint-Michel, 3" 70 sur 120 et sur 0" 40.— Héeoutentrensemble.:....: "432. 2043! En résumé, le montant des ouvrages faits pour la distribution des eaux, et dont nous venons de parler is elevéran re. a eee 403.780f On a encore, pour dépenses acces- soires, telles que tuyaux et fontes de forme particulière (7372f), tuyaux de plomb (3714f), serrurerie pour les bornes-fontaines ( 1802f), bornes en marbre, cuirs, et autres petites four- nitures ou frais (8128f), direction et shpvemlancen(666€2 4 Le RE 29.662 No PE RP RER 433.442f Notre devis primitif portait la dé- HOTOS OMAN ES EE AS EE 430.000f Il est bien rare que dans des travaux de cette nature et si variés, l’estimation première ne soit pas dépassée dune plus grande somme (1). (1) Je donne ici les élémens du prix des ouvrages dont il vient d’être question , afin de faire connaître ce qu'ils étaient TOMEII. PART, I. 20 Prix de l’eau concédée, 306 ÉTABLISSEMENT Concessions d’eau aux Particuliers. Après nous être occupés du service public, trai- tons des eaux à concéder aux particuliers qui désireraient en avoir à domicile; quinze pouces avaient été comme réservés pour cet usage, ainsi que nous l'avons vu. Il fallait statuer sur le prix auquel l’eau serait cédée, et sur la manière dont elle serait délivrée aux concessionnaires. Dans les ménages, à Toulouse, on se sert, pour tenir l’eau, de cruches d'environ 18 litres de capacité, et avant l'établissement des fon- taines, on payait généralement cinq centimes (un sou ) par cruche aux porteurs d’eau clarifiée. Nous pensimes devoir réduire ce prix à la plus petite valeur admise dans notre système moné- taire, à un centime : cest, en employant les à Toulouse lors de l'établissement des fontaines , et pour que dans une autre localité où ces élémens seraient différens , on puisse savoir ce que coûteraient des travaux analogues. On payait à l'entrepreneur , tous frais compris ; pour Excavations dans la ville , fouille et transport des déblais hors des murs, par mètre eube.. . . . . . 9f 25° CRCMHORRS TRUE A Ne CAEN D 2 généralement. . . . 26 40 . ] enbrique4 ? de Maçonnerie voûtes sphériques. . 30 00 généralement. 116 00 supports... . 102 O0 Chape en ciment, sur les voùtes , le mètre RO MES à! 0e at BE 2 00 Pavé à rétablir sur nouvelle forme , le mètre MCE le Ce teh at eue PM Pere in, O enpierredetaille { =. Qt DES FONTAINES À TOULOUSE. 307 mesures légales, 5 :/, centimes lhectolitre, ou vingt francs par an pour un hectolitre recu chaque jour. Tel fut le taux fixé. À Paris, il est plus que double : les concessions des eaux de la Seine élevées par les machines à vapeur sy vendent 41 fr. 06 (30 cent. le muid); et le réglement, pour la grande distribution de deux mille pouces qui va être faite, maintient le prix à 32 fr. 85 (9 cent. l’hectolitre). Mais ces eaux ne sont pas clarifiées, et les nôtres le sont ; car, d’ailleurs, la grande clarification de Paris, celle des Célestins, vend les siennes huit fois plus cher que nous, 44 cent. l’hectolitre. Notre prix, 20 fr. par an pour un hectolitre par jour, demeure le même, quelle que soit la quan- tité d’eau prise. Cependant, il y a des habitans qui, par les professions qu’ils exercent ou par les établissemens qu'ils tiennent, en font une grande consommation, tels que les propriétaires d'hôtels garnis, les maîtres de pension, quelques fabri- cans, etc. Il parut convenable d'établir, pour eux, un prix inférieur; il fut de dix francs ; mais alors la quantité d’eau concédée n’était pas moin- dre de quinze hectolitres. De plus, pour ne pas contrevenir à la règle admise, vingt francs par hectolitre, tout comme pour ne pas prendre sur les jouissances du public, auquel revenait toute l’eau qui ne serait pas concédée d’après cette règle, il fut décidé que, pour ces grandes conces- sions à moitié prix, l’eau ne serait donnée que dans la nuit : ce furent des concessions de nuit. 20. Manière de donner l’eau. 308 ÉTABLISSEMENT Portant notre attention sur des établissemens qui demandent encore plus d’eau que ceux dont il vient d’être question, sur les bains publics, désirant les attirer et les multiplier dans Pinté- rieur de la ville (ils n'étaient antérieurement que sur les bords de la rivière), et considérant qu'ils n’ont besoin d’un grand volume d’eau que durant quelques mois de l’année, nous établimes, dans leur intérêt, des concessions mensuelles. Elles devaient être de cinquante hectolitres au moins, et être payées à raison de un franc par mois pour chaque hectolitre : de plus, il était stipulé, en- core ici, que l’eau ne serait délivrée que durant la nuit (sauf à l’administration à la donner au- trement, si elle le trouvait plus convenable ). D’après ces dispositions, un bain dépensant deux hectolitres et demi d’eau et une baignoire pou- vant donner aisément cinq bains par jour, pour un petit établissement de dix baignoires, il fau- drait une concession de nuit , laquelle fournirait, durant toute l’année, de cinq à six bains par jour, et deux concessions mensuelles, Pune de cinq et autre de trois mois : l’eau dun bain sur un tel établissement reviendrait à 8 centimes, et le bain se paye généralement 75 centimes à Tou- Jouse. La durée des concessions dont nous venons de parler peut n’être que d’un mois; pour toutes les autres, les concessions ordinaires comme celles de nuit, elle est de six ans. Comment l’eau sera-t-elle délivrée aux conces- DES FONTAINES À TOULOUSE. 309 sionnaires ? sera-ce par un filet coulant continuel- lement dans leur domicile, ou sera-ce en remplis- sant chez eux, et une fois en vingt-quatre heures, un réservoir d’une capacité convenue ? Ce dernier mode paraît être le plus exact, le moins sujet à contestations, et 1l est généralement adopté en Angleterre. À Londres, comme dans plusieurs grandes villesde ce royaume, les habitans n’ont guère d'autre eau que celle qu’ils reçoivent par concession, car il n’y a point ou presque point de service public : les grandes distributions ap- partiennent à des compagnies particulières ; tout y est disposé dans leur intérêt et dans celui des concessionnaires : le système de conduites y pré- sente un tronc ou éuyau principal, de gros tuyaux répartiteurs, des sous-répartliteurs auxquels sont adaptés un fuyau de service pour chaque rue; et c’est sur celui-ci que sont branchés les tuyaux des concessionnaires. L'eau leur est donnée à l’aide d’un seul robinet placé en tête du tuyau de ser- vice; en le tenant ouvert pendant un certain temps, vingt minutes par exemple, les réservoirs de tous les habitans de la même rue sont remplis à la fois : de cette manière, le fontainier d’un quar- tier, en trois heures de temps, en fait tout le ser- vice ; il fournit l’eau à plus de mille maisons (1). (1) Voyez des détails à ce sujet dans le Bulletin universel des Sciences, cinquième section, 1826, tom. v. Ces détails ont éte donnés par M. Mallet, ingénieur en chef des ponts et chaussées , charge du service des eaux de Paris, et que l’ad- 310 ÉTABLISSEMENT Mais, à Toulouse, où tout est disposé pour le service public, où l’on n’aura que très-peu de con- cessionnaires, et sur des points éloignés les uns des autres, où il faudra un robinet pour chacun deux, un fontainier aurait à parcourir successi- vementles différens quartiers de la ville, à ouvrir le robinet de chaque abonné à une heure fixe , et à s’y tenir pendant un certain temps. Un tel ser- vice exigerait une ponctualité que certainement on n’obtiendrait pas : quelquefois, il y aurait du retard , et le concessionnaire se plaindrait; sou- vent, pour prévenir ses plaintes, et peut-être aussi pour se le rendre favorable , le fontainier , au préjudice de la chose publique, laisserait le robinet ouvert au delà du temps fixé : des agens subalternes, chargés dans cette circonstance des intérêts de la ville, seraient en relation immédiate avec chaque concessionnaire : ce n’est pas con- venable. Ces inconvéniens n’ont pas lieu dans une dis- tribution par écoulement continu. C’est le mode ministration de cette ville avait envoyé en Angleterre : il s’est servi des données qu'il y avait recueillies pour rédiger un très-beau projet de la distribution de {oo pouces d’eau à prendre dans le canal de lOurcq. Depuis que notre Histoire de l'établissement des fontaines à Toulouse est terminée, cet habile ingénieur , à la suite d’un second voyage en Angleterre, a publié un nouvel opuscule , intitulé Notice historique sur le projet d’une distribution gé - nérale d’eau (2000 pouces pris dans la Seine) à domicile dans Paris, et exposé des détails y relatifs, recueillis dans diffé- rentes villes du royÿaurme-uni, notamment à Londres. DES FONTAINES À TOULOUSE. 311 qui se présente le plus naturellement, celui qui est dans l’idée de tous les demandeurs en con- cession, et celui qui se trouve le plus en harmonie avec notre système d'eaux publiques, où lécoule- ment est aussi continu dans tous les points. En établissant, sur une conduite de la ville, la prise d’une eau concédée, on adapte au point de bran- chement un robinet dont la cief est percée d’un orifice tel, que le volume d'eau accordé y passe en vingt-quatre heures : un court tätonne- ment, lors du premier établissement, suffit pour déterminer la grandeur de cet orifice. Dés-lors, tout est terminé; le concessionnaire reçoit son eau, sans interruption , sans l'intervention de per- sonne, et il n’est plus dans la dépendance d’un fontainier. De son côté, l'administration n’a plus aucuns frais à faire, aucun soin à se donner, jus- qu'au moment où quelqu’accident venant à dimi- nuer ou à arrêter l'écoulement, Pabonné en donne avis à la mairie : en envoie alors sur les lieux, on visite le robinet de jauge, et on le nettoie sil y a lieu; tout cela est fait en un quart d'heure, et sans le moindre dérangement dans les autres parties du service. Mais y a-t-il possibilité de donner une concession d’un ou de deux ou de trois hectolitres par jour à laide d’un écoulement continu ? Le filet qui n'aurait à fournir qu'un hectolitre mettrait un quart d'heure ( 14! 24”) pour remplir une bou- teille d’un litre, et l'orifice par lequel il devrait passer, sous notre charge moyenne de 5 mètres, 312 ÉTABLISSEMENT n'aurait pas un cinquième de ligne de diametre (0"000/407). Serait-il possible qu'il y passät avec régularité? Le moindre corpuscule, peut-être une bulle d’air apportée par Peau , ne Pobstruerait-il pas bientôt ? L'expérience seule pouvait nous in- diquer les limites en deça desquelles nous devions nous arrêter. Nous l’avons consultée, et, avec surprise comme avec satisfaction, nous avons vu des concessions de trois à quatre hectolitres seule- ment, couler, pendant deux et trois mois sans interruption, par les orifices pour ainsi dire ca- pillaires de nos robinets de jauge (ce sont des robinets à trois clefs, tels qu’on les emploie dans la distribution des eaux à Paris). En conséquence, les concessions de trois hectolitres et au-dessus seront données par écoulement continu : mais au- dessous , il faudra avoir recours à l’autre mé- thode, remplir à domicile, chaque jour, un réservoir de la capacité stipulée avec le conces- sionnaire. Alors il faudra qu’un fontainier aille, tous les jours, ouvrir son robinet de prise d’eau, qu’il at- tende un certain temps avant de le fermer et de passer à un autre : ce service exigera au moins une demi-heure, ou la vingtième partie de la journée d’un ouvrier payé à raison de r fr. 5o au moins par jour : c’est-à-dire que l’administra- tion aura à payer ici 7 '/, centimes. Pour une concession d’un hectolitre, les concessionnaires ne donneraient, par jour, Cest-à-dire, pour ce même service, que 5 ‘/, centimes. [’administration ne DES FONTAINES À TOULOUSE. FL saurait se constituer en perte : et pour qu'il n’en soit pas ainsi, 1l a été arrêté qu'il ne serait pas fait de concession au-dessous de deux hectolitres, et par suite à moins de 40 fr. par an. Naturellement toutes les dépenses relatives à la prise et à la conduite des eaux concédées, seront au compte du concessionnaire (1). Cependant l'administration municipale voulant accélérer la jouissance des propriétaires des mai- sons trop éloignées des conduites publiques, et qui hésiteraient à faire les frais d’une longue con- duite privée, jusqu’à ce qu’un autre propriétaire du même quartier se présentit pour supporter une partie de la dépense, ladministration s'offre de faire exécuter, à son compte, toute la partie de l'ouvrage, sous la voie publique, qui excéderait vingt mètres : elle se ferait rembourser de ses avances par les demandeurs en concession qui se (1) Ces dépenses consistent : pour la prise d’eau, 1.° en un robinet de jauge du prix d'environ 30 francs, y compris une douille ; on a de plus un petit collier en fer, s’il a fallu percer la conduite de la ville ; 2.° un petit regard en fonte, à placer sur le robinet, coûtant 45 francs ; 3.° une journée de fontai- nier à 3 francs, avec quelques très-menus frais de soudure : pour la conduite sous la voic publique , et par mètre courant, 1.°-tuyau en plomb d’un pouce de diamètre, 1 fr. 90; 2.9 tranchée dans la rue d’un mètre de profondeur, destinée à recevoir le tuyau ; puis la combler et rétablir le pavé, 1 fr. 50. Quant à ce qui est dans l’intérieur de l'habitation, tuyaux , robinets , réservoirs ou en pierre ou en bois double en plomb ou simple barrique , tout demeure au libre arbitre du propriétaire. Autres condi- tions de la concession. Point de con- cession gra- tuite. Sad | ÉTABLISSEMENT présenteraient dans la suite, el qui auraient à faire usage de cette même conduite, Elle n’a pas été moins favorable aux conces- sionnaires, sous le rapport des indemnités qu'ils pourraient avoir à répéter dans le cas où ils ne recevraient pas leurs eaux par suite des répara- tions à faire aux machines, filtres, conduites, etc. À Paris, lorsque de tellés réparations mettent à même de suspendre les distributions d’eau, il n’est accordé aucune indemnité, lors même que la suspension durerait trois, quatre mois et plus. A Toulouse, on n’a pris qu’un terme de quinze jours : au delà, le concessionnaire est déchargé de sa redevance pour tout le temps de la ron-jouis- sance. Des régiemens sanctionnés par Pautorité su pé- rieure contiennent les détaiis relatifs à ces indem- nités, ainsi qu'au mode de paiement, et aux engagemens réciproques entre la ville et les con- cessionnaires,.etc. ; ils ont été rendus publics, et nous y renvoyons. Tout en se montrant aussi libérale qu'il lui était possible, Padministration municipale avait cependant des devoirs à remplir : les quinze pou- ces d’eau affectés aux concessions étaient destinés à former un revenu à la ville, et elle devait faire en sorte qu'ils ne fussent déviés en aucune ma- nière de cette destination; toute l’eau qui ne fournirait pas à ce revenu appartenait au public, et elle devait la lui assurer. Elle savait qu’a Paris, et à diverses époques, les concessions gratuites DES FONTAINES À TOULOUSE. 315 obtenues par des hommes puissans , par des magistrats de la cité pour des services réels ou prétendus, par des communautés religieuses, des colléges, etc., avaient tellement épuisé les eaux, qu'il n’en restait absolument plus pour les fontaines publiques : l’histoire des eaux de la capi- tale n’est en quelque sorte que celle de ces abus et des tentatives plus où moins fructueuses faites par l'autorité pour y remédier (1). D’après ces considérations, et pour prévenir le mal autant qu'il était en lui, le conseil municipal, dans sa séance du 26 juillet 1826, prit la décision sui- vante : « 1.0 Il ne sera fait aucune concession des eaux » de la ville, qu'aux prix qui seront ultérieure- » ment fixés. » (Ils l'ont été par une ordonnance royale du 5 avril 1827 , aux taux que nous avons déjà indiqués.) « 2.0 En conséquence , toute concession à titre » gratuit, tout don, toute permission ou tolé- » rance de prise d’eau sur les conduites de la ville » est et demeure interdite, tant à légard des » particuliers, que des établissemens publics , » palais, hôtels, etc. » « 3.0 Toute l’zau qui ne ser4 pas concédée, » conformément à l’article premier, sera portée et » versée sux la voie publique, c’est-à-dire sur les » places et dans les rues. » (1) Voyez les Recherches sur Les eaux publiques de Paris, par M. Girard, 1812. 316 ÉTABLISSEMENT în prenant une telle décision, imposée par le devoir, notre administration était d’ailleurs bien éloignée de toute vue fiscale, de toute idée de spéculation sur ses eaux. Elle agissait dans un sens opposé, au préjudice de ses intérêts pécu- niaires, en multipliant presqu’à excès les bouches qui répandent l'eau dans les divers quartiers de la ville : elle sôtait les moyens de vendre, et aussi a-t-elle peu vendu. Dans l’origine, Les pro- priétaires des grandes maisons avaient presque tous témoigné le désir d’avoir des eaux chez eux ; des dispositions avaient même été faites pour les satisfaire. Mais lorsqu'ils ont eu presqu’à leur porte de l'eau en abondance et dans toute sa fraicheur, et qu'ils ont pu pourvoir à tous leurs besoins sans se donner les soins et les dépenses d’une conces- sion particulière, ils y ont renoncé. I’adminis- tration, bien loin d’en être contrariée, se félicite d'avoir si bien servi le public, et c'était son grand objet, d’avoir servi au gré de leurs intentions les habitans de toutes les classes : elle voudrait seu- lement que le produit des concessions privées finit par suflire à l'entretien du service général des fontaines, et aux frais de son administration. Tel a été du moins mon unique but dans l’usage que j'ai fait de l'initiative qui m'avait été donnée sur tout ce qui est relatif à la distribution des eaux de la ville, et à leur concession aux parti- culiers. DES FONTAINES À TOULOUSE. 317 DES FONTAINES MONUMENTALES. Disons aussi quelques mots sur histoire de l’éta- blissement de nos fontaines monumentales, et donnons une idée succincte de chacune d’elles. Des l’origine, on pensa qu'il devait en être élevé sur nos places principales, et qu’il était à propos d'ouvrir des concours à cet égard, tant pour avoir des monumens convenables , que pour exciter les talens et l’émulation des ar- tistes. La première dont on eut à s’occuper fut celle tre de de la petite place de la Trinité; elle devait être * Minis: d'ordre secondaire, et lon n’y affecta d’abord que dix mille francs, et six pouces d’eau. Le concours fut ouvert en 1823. Les ouvrages envoyés furent en assez grand'nombre : un jury composé d'architectes et d'artistes, chargé d’un premier examen, en distingua trois ; deux de M. Vitry et un de M. Raynaud : et le conseil municipal, sur le rapport de M. le marquis de Castellane, qui, dans la commission des fontaines, était particulièrement chargé des objets relatifs aux beaux arts, adopta un de ceux de M. Vitry, celui qui est maintenant exécuté. La fontaine se compose de trois marches cir- culaires en pierre de taille, supportant un bassin ou vasque de quinze pieds de diamètre, au milieu duquel sélève un double socle triangulaire en marbre blanc ; il supporte trois syrènes en bronze, entre lesquelles est un balustre du même métal : 318 ÉTABLISSEMENT ce groupe soutient, à douze pieds au-dessus du sol de la place, une coupe également en marbre blanc et de six pieds et demi de diamètre : sur les pans coupés du socle sont trois têtes de lion ou mascarons en bronze. L'eau qui jaillit du milieu de la coupe peut s'élever à neuf et douze pieds au-dessus d'elle ; mais on ne la tient habituellement qu’à trois, quatre ou cinq. Après être retombée dans la cu- vette, la majeure partie se déverse, sous forme de nappe, dans la vasque inférieure; et une autre portion, passant par Îles tuyaux qui traversent les syrènes, va couler par les têtes de lion ou mascarons qui sont à leurs pieds : celle qui est destinée à la consommation se rend de la vasque à trois bornes - fontaines établies au bas des marches. Les figures, portant des ailes déployées, repré- sentent, dans le haut, de jeunes femmes, et elles se terminent par des enroulemens qui vont sap- puyer contre le balustre : les têtes offrent l’image d’une vraie beauté grecque, les bustes légerement voilés sont d’une grande délicatesse, et les rin- ceaux ou feuillages qui en recouvrent les parties inférieures, et qui s'étendent sur le balustre, sont aussi riches qu’élégans : cet ouvrage est digne de son auteur, du célèbre sculpteur Romagnesi. Les marbres, extraits des carrières de Saint-Béat , dans notre département, ont été fournis et tra- vaillés par M. Layerle-Capel. Ce monument, encore remarquable par une DES FONTAINES A TOULOUSE. 319 très-juste proportion entre ses diverses parties, convient parfaitement , sous le rapport de sa gran- deur et de sa forme , au local sur lequel il est éta- bli, à une petite place triangulaire. Aussi, depuis quatre ans qu’on l’y voit, n’a-t-1l encore reçu que des éloges; et la critique, ce qui est bien rare, ne s’est pas exercée sur lui. Il coûte, pour la maçonnerie, abs- traction faite des fondations......... D.434f Bronzes (syrènes et mascarons).... 4.105 Merbres CNRS: LE S1000 Menus objets, tels que tuyaux, ferr. 426 EN POUECN EL LE LR On) Pour une si faible somme, où trouvera-t-on une aussi jolie fontaine ? On en voulait une d’un ordre supérieur à la place Bourbon. Ce local, par sa grandeur et par sa position , semblait plus propre que tout autre, dans notre ville, à une belle fontaine monumen- tale : aussi décida-t-on que cinquante mille francs y seraient employés, et qu’on y mettrait soixante pouces d’eau en évidence. Le concours fut nombreux : trois projets y fu- rent distingués; lun de M. Tierri de Paris, le second de M. Auguste Virebent, et le troisième de M. Vitry. Le conseil municipal sen remit au conseil des bâtimens civils sur le choix à faire, et celui de M. Tierri fut choisi. Mais avant que les derniers arrangemens eussent été pris, et que le devis eût été définitivement arrêté, cet artiste Fontaine de la place Bour- bon. Fontaine de Saint-George. 320 ÉTABLISSEMENT mourut : son projet, dont le grandiose avait d’a- bord séduit, soumis à plus mûr examen, se trouva trop disproportionné à la quantité d’eau qu’on pouvait lui donner, et lon dut renoncer à son exécution. Provisoirement on a établi, sur les fondations destinées à le supporter, un bassin re- cevant le produit d’une belle gerbe d’eau. La place Saint-George présentait encore un local très-convenable à une fontaine ; on y destina six pouces d’eau, et vingt mille francs. Parmi les projets envoyés au concours, on re- marqua principalement deux dessins de M. Vitry et un de M. Raynaud. On adopta un des pre- miers. IL présente un bassin circulaire de 26 pieds de diamètre, établi sur une marche en pierre, et du milieu duquel s’élève un piédestal revêtu en mar- bre blanc, portant une colonne en fonte, d’ordre dorique, cannelée, et ayant 4 pieds de diamètre et 32 de haut : elle est surmontée d’une renommée en bronze, et la hauteur totale du monument au- dessus de la place a près de Go pieds. À chacun des quatre angles du piédestal est un socle sur lequel on voit un griffon ailé versant de l’eau dans le bassin. Le tout est entouré de huit bornes réu- nies par des chaînes, et dont quatre fournissent Veau à la consommation. Les marbres viennent de Saint-Béat ; ils ont été fournis et travaillés par M. Capel : les grilons, modelés par M. Dorval, seront coulés à Toulouse par M. Olin ; et la grande colonne a été fondue à DES FONTAINES A TOULOUSE. 321 Terre-Noire, près de Saint-Etienne; malgré des défauts, c’est une des plus belles pièces qui soient encore sorties des fonderies de fer du royaume. Passons à la place Royale. Ce vaste local, en face du Capitole, sur lequel il y a toujours de nombreux rassemblemens, où l’on donne aussi des fêtes publiques, où se passent les grandes re- vues de troupes, doit rester entièrement libre, et aucune construction n’en doit embarrasser le milieu. En conséquence, une fontaine ne pouvait y être qu'adossée à la façade en regard du Capitole ; mais comme la place est loin d’être terminée, sur- tout dans cette partie, et qu’il y en a très-vrai- semblablement pour un bien grand nombre d'an- nées avant qu’elle le soit, il fallut ajourner tout projet de fontaines, et l’on donna très-convena- blement l’eau par quatre grosses et belles bornes, exécutées sur les plans de M. Raynaud, et éta- blies aux quatre coins de la place actuelle. Lors- qu'elle sera finie, si lon veut conserver les bornes, on n’aura qu'à reculer un peu celles qui sont opposées au Capitole; ce qui n’exigera pas mille francs de frais. Chacune d'elles consiste en un socle ou piédestal en marbre portant un candelabre en fonte. Le piédestal, y compris la marche sur lequel il est établi, a neuf pieds de haut; il est d’un dessin très-correct, et le dé en est fait avec un beau marbre-breche tiré des carrières de la Penne-Saint- Martin, près Saint-Béat ; c’est encore un travail TOME II. PART, I, 21 Place Royale. Petites fon- taines. 322 ÉTABLISSEMENT de M. Capel. Les candelabres, ayant douze pieds de hauteur, sont aussi un bel ouvrage ( abstraction faite du cylindre en fonte qui est au-dessus de la bobèche ) : ils ont été coulés par M. Olin, dans un fort petit atelier, où tout lui manquait pour ce travail, où il a tout suppléé, et avec un succès qui ne laisse aucun doute sur sa grande habileté dans l'art du fondeur. Mais ces deux parties du monument qui sont si bien, chacune isolément, ne satisfont plus autant lorsqu'on les voit réunies ; alors, au jugement de plusieurs personnes, le pié- destal paraît trop mince par rapport au candelabre. Chacun deux est surmonté d’un globe de verre, renfermant un gros bec de quinquet avec son réflecteur : il y est conduit par l’intérieur du monument. Originairement, c’est à l'éclairage au gaz que ces candelabres étaient destinés, et ils y convenaient parfaitement. M. Raynaud est encore l'architecte de la petite fontaine qu’on voit sur la place Rouaix, et qui y a été établie à la demande des habitans du quartier : ils ont offert d’en payer une partie, et ils Pont fait. Cest encore lui qui a donné le projet de la fontaine qui va être exécutée sur la petite place de Saint-Barthelemi. Nous avons déjà remarqué qu'on lui était redevable des dessins de toutes nos bornes-fon- taines, tant de celles en fonte que de celles en marbre , notamment de celle à plus grandes di- mensions qu’on voit sur la place d’Assezat. DES FONTAINES À TOULOUSE. 323 Mettons encore au rang de nos monumens hy- drauliques la gerbe d'eau jallissante établie au Boulingrin, au centre de nos promenades. Elle est faite sur le modèle de celle qu’on voit au Pa- Jais-royal à Paris; même nombre d’orifices (17), mêmes dispositions : seulement nos jets s'élèvent un peu plus haut, ils vont de 15 à 24 pieds de hauteur, et ils dépensent de 6o à 80 pouces d’eau, selon qu’on ouvre plus ou moins de fontaines sur la conduite qui les alimente, Ils retombent dans un bassin de 48 pieds de diamètre, entouré d’une grille en forme de corbeille. Lorsque je proposai cet établissement et qu'il fut admis dans le projet de distribution générale de nos eaux, le Boulingrin, pièce de gazon el- liptique, de {00 pieds de long sûr 300 de large, était entouré d’une quadruple rangée de superbes ormeaux : C'était la promenade la plus fréquentée, celle où se rendait toute la ville, dans les soirées d'été, les jours de fête : alors rien n’était plus convenable que l’établissement d'une belle gerbe d’eau au centre de ce grand cercle de réunion. Aujourd’hui la convenance n’est plus aussi mani- feste, ni même aussi réelle : les ormeaux, qui pé- rissaient de vétusté, ont été abattus, et l’affluence des promeneurs s'est portée ailleurs. Toutefois, encore, dans quelques circonstances, cet établisse- ment paraltra avec avantage; c’est ainsi qu'il a été loccasion d’une fête réellement magique, donnée, en 1828, à Son Altesse Royale Madame Duchesse de Berri : ce fut en sa présence, et sur ses or- 21. Gerbe d'eau du Boulingrin. 324 ÉTABLISSEMENT dres, que les eaux y jaillirent pour la premiere fois. On dit assez généralement que le bassin est beaucoup trop petit. Mais on n’a nullement voulu faire une pièce d’eau : elle eût paru avec trop de désavantage à côté de la plus belle de celles qui existent, le canal, qui n’en est éloigné que de quelques centaines de pas : elle eût été le recep- tacle, et comme l’origine d’une multitude d'in- sectes ailés et malfaisans qui auraient rendu ina- bordable la plus belle de nos promenades. On voulait conserver la pièce de gazon, établir au milieu delle une gerbe d’eau, et le bassin n’avait d'autre destination que d’en recevoir les jets; sa grandeur devait alors être proportionnée à leur amplitude. D'ailleurs, si on veut l’augmenter par la suite, rien ne sy oppose ; ce qui a été fait servira tout de même; 1l n’y aura pas de dépense perdue, Les divers monumens dont nous venons de parler ont coûté jusqu’à ce jour (15 avril 1830 ), à savoir, pour la place Dé iPranates PLU ME ETS OBS Royalesr 20218 Ru AUe PA ARE ANNE RQ TE DPASsezat MU HE RTE A AU CE IS TS SAN GER EC NV RRR ET E MERCI Rouaix ( part de la ville)......... 2.490 Gerbe du Boulingrin............ 10.540 Frais de direction pour ces monu- MONS EE ACCRSSOITEMI Re 7 Née de). :J.U02 Ainsi, nos grandes fontaines A . >. + Fr £ coûtent jusqu’ici........ 57.783 DES FONTAINES À TOULOUSE. 325 REP AN ONE à es bn. 703 Nous avons déjà vu qu’on avait dé- Dépense to- tale de l’éta- pensé pour élever et clarifier nos eaux. 459.317 blissementdes c ceNe fontaines, Les conduire et distribuer dans la se AR Nr PNA PASSAIT “ En tout, pour l'établissement des fontaines... . :..41.1:/09b0.54a2f Déduisant le less de M. Lagane.... 40.000 Reste en dépense pour la ville. 910.542" Cette dépense a été faite en dix ou onze ans (de 1819 à 1830), et les travaux en ont duré huit. Note. Les registres tenus au bureau de comptabilité de la mairie portaient, au 15 avril 1830, à 1.022.533 fr. les de- penses faites sur les fonds votés pour les fontaines , ou plutôt à 1.008.471, en déduisant 14.062 fr. qui ont été employés à des objets étrangers. Déduisant encore 33.215 fr. relatifs au troisième filtre , il restera 975.256, c'est-à-dire , 24.714 fr. de plus que je n’ai indiqué ; mais cette somme, ayant servi pour des objets de pure administration ou de simple entretien , ne saurait être comprise dans les frais de premier établisse- ment , les seuls dont il s’agit ici. Si aux 910.542 fr. dejà dépensés par la ville, on ajoute les 60.000 fr. votés pour le troisième filtre , et environ 30,00ofr. jugés nécessaires pour terminer les fontaines dont les plans sont adoptés , on aura un million : dès l'origine , dans un rap- port fait au conseil municipal, le 20 août 1820 , j'estimai à cette somme la dépense à laquelle s’éleverait l’entreprise des fontaines ; elle ne sera pas sensiblement dépassée. 326 ÉTABLISSEMENT Telle est Phistoire d’un établissement qui a changé notre ville de face sous le rapport si im- portant de la propreté; qui, répandant de belles eaux sur tous ses points, en a fait une des cités les mieux arrosées de la France ; qui a pourvu avec abondance ses habitans d’un objet de première nécessité; qui leur fournit gratuitement ce qu'ils payaient environ 150.000 fr. par an, et qui sur- tout procure au pauvre une boisson pure en rem- placen:ent de la mauvaise eau de puits dont il faisait presque toujours usage. La ville a exécuté ce grand ouvrage à l’aide de ses seuls revenus, et maintenant qu'il est terminé, elle se trouve tout aussi riche qu'elle Pétait auparavant. Peut- être sera-t-il permis aux administrateurs, qui par leurs soins, leur persévérance et leur économie, ont amené un tel résultat, de penser qu'ils ont aussi fait quelque bien à leurs concitoyens, et qu'ils ont rempli une partie de la tâche qui leur étali imposée. DES FONTAINES À TOULOUSE. 327 NOTES. NOTE I. Valeur du pouce d'eau. Lxs anciens fontainiers donnaient le nom de pouce d’eau à la quantité d’eau qui s'écoule par un orifice circulaire de un pouce de diamètre percé dans la paroi d’un réservoir , en admettant que la paroi est mince , et que le niveau de l’eau dans le réservoir est constamment à une ligne au-dessus du bord supérieur de lorifice ; ce qui est 7 lignes au-dessus du centre. D’après des expériences faites par Bossut, cette quantité serait de 12,46 litres par minute. Cependant nos premiers hydrauliciens , ceux de la fin du 17. siècle, Mariotte entr’autres , estimaient ce produit à 14 pintes de deux livres chacune, ce qui correspond à 13,71 litres par minute, où 19,74 mètres cubes en 24 heures : c’est à une telle quantité qu'ils donnaient le nom de pouce d’eau, bien qu'ils sussent que leur estimation était un peu trop forte. Plus tard, on admit la pinte de 48 pouces cubes, et l’on adopta généralement pour le pouce d’eau, 13,33 litres en une minute , Où 19,195 mètres cubes en 24 heures. Enfin, dans ce dernier temps , appliquant ici le système des poids et mesures métriques , on a fixé ce pouce , que M. de Prony nomme double module d’eau, à vmgt mètres cubes où deux cents hectolitres fournis en 24 heures : c’est 13,89 litres par minute. Tel est le pouce adopté dans la distribution des eaux à Toulouse, et par conséquent celui que nous avons exclusivement employé dans cet ouvrage. On l’obtiendrait à l'aide d’un orifice de omo2 de diamètre percé en très-mince 328 ÉTABLISSEMENT paroi sous une charge ou hauteur d’eau au-dessus de son centre de o“070 ; ou, en anciennes mesures, à l’aide d’une ouver- ture de un pouce de diamètre, et sous une charge de 8,70 lignes (au lieu de 7 qu’on admettait autrefois). Nous remarquerons ici que, non-seulement la mesure des eaux, mais encore toutes les parties de l'établissement des fon- taines de Toulouse , telles que les diamètres et les longueurs des tuyaux , etc. , ont été mises en rapport direct avec le sys- ième métrique et avec sa division décimale. Ce n’est que dans la narration ordinaire que nous nous sommes permis les dé- nominations vulgaires de pied et de pouce , comme plus géné- ralement connues à nos lecteurs , présentant une image réelle à leur esprit, et comme étant moins monotones et moins longues que celles de décimètres , centimètres ; ete. NOTE IL. Sources de l' Ardenne. Ces sources, ainsi qu'on l’a vu au commencement de cette Histoire, avaient ete examinées avec soin et jaugées, en 1762, par le F, cordelier Lefèvre. Dix ans après, elles furent encore l'objet d’un nouveau nivellement et jaugeage effectue par M. de Garipuy : mais il s'est certainement glissé des erreurs dans la seule note qui nous reste de ce travail, note que M. Laupies a consignée dans son écrit relauf à l'établissement des fontaines à Toulouse, et d’où elle est passée dans les nou- veaux Mémoires de l'Académie des Sciences de notre ville (tom. 1, pag. 72): les résultats qu'elle présente diffèrent trop de ceux obtenus avant par Lefèvre , et après, en 1809, par M. Virebent. Je fais connaître les uns et les autres dans le tableau suivant. DES FONTAINES À TOULOUSE. 329 JAUGEAGE DE PIEUXROUSONDLES SOURCES lle Lefèvre. | Garipuy. | Virebent. pouc. pouc. pouc, Monlong ou Malras..,........|, 26 1/2 | 49 15 CAMPASNE elle tele messe sis 9 Ancien domaine des Bénédictins. 5 Fontaine-Lestang. ..,......... 9 1/2 RENTE celtes eines à ose a 1/2 DeMiratls SO sie 10 Ader, près la Cipière.......... 1/2 La Gipière. mn ee rene. Petites sources à recueillir. .... 7 3 8 4 7 3 7 5 Total des hautes sources... DarRérine ae mecs ele Fontètes (négligées en 180g).. Dufas et le Polygone.......... Chez M. d'Hargicourt......... Penpane Ras e emaeeee ciee Total des sources hautes et basses. ....1 La plus élevée des hautes sources , celle de Malras , est à 3" 5o au-dessus du point culminant de la ville, la place Rouaix ; et la plus basse, celle de la Cipière, est à 1"35. ( Lefèvre indique o" 35 au-dessus du pont, M. de Garipui om42, et M. Virebent o"38 : selon M. Maguës, le milieu du pont est à 0" 98 au-dessus de la place Rouaix. ) Les sources de Perpan sont à 266 au-dessous de cette place. M. Virebent prenait, ainsi qu'on l’a dit, trente pouces des hautes sources qu'il menait à la place du pont. Il estimait la dépense , pour Un aqueduc de 3605 mèt. de long sur o" 40 de haut et de large dans œuvre. . . . . . 93.686 3703 mèt. de tuyaux de fonte en place, . . . 241.291 Regards, tranchées, bassins, ete. . . . . . 17.400 Somme SL ue 2e che DD: NAU 330 ÉTABLISSEMENT LUTTER NORME ERP ES TL Pour dix pouces des basses sources menées à Saint-Cyprien , il estimait 1800 mèt. d’aqueduc. . . . . . . : . . . . 46.728f 3000 mèt. de tuyaux en place. . . . . . . . 106.000 Resards/et-tranthees#. MUST. CES Da TOUR RE ARRET". 2 FAob O0bE Il pourrait être fait, il est vrai, une économie de plus de cmquante mille francs sur les tuyaux qui mènent les dix pouces des eaux basses. Mais enfin , on aurait une dépense d'environ quatre cent cinquante mille francs pour conduire à Toulouse quarante pouces des eaux de lArdenne. Conviendrait-il d'em- ployer une telle somme pour une si petite quantité d’eau ; quantité qui, d’un jour à l’autre, pourrait encore éprouver une diminution considérable ? Il y a soixante ans que Lefèvre a répondu négativement. Pendant deux siècles et plus , il n’a été question que de mener à Toulouse des eaux de l’'Ardenne : maintenant que la question est bien éclaircie , on ne reviendra plus sur cette idée ; et les résultats qu’on a obtenus d’ailleurs ne peuvent laisser aucun regret à cet égard. NOTE III. Dépense en charbon de terre qu'eussent exige des machines à vapeur pour les Fontaines de Toulouse. La machine à vapeur semble devenue lagent universel : elle se multiplie de toutes parts et avec le plus grand succès. C'est à elle que l'Angleterre doit son étonnante industrie, et par suité sa richesse : elle concourt puissamment à la grande extension que prennent nos fabriques dans le nord du royaume. Elle fournit à Paris presque toutes ses eaux potables , et va lui en fournir encore deux mille pouces : elle sert de moteur aux nouvelles pompes de Marly. D'où vient donc qu'on ne la pas employée, à Toulouse , pour élever l’eau des fontaines qui viennent d'y être établies, demandait-on, au premier temps de Pétablissement, et at-on demandé encore plus souvent DES FONTAINES À TOULOUSE. SO depuis ? Le réponse est bien simple : son emploi eût exigé une très-grande dépense en charbon de terre, et on pouvait éviter. Examinons quelle eût été cette dépense. Rappelons d'abord que nous avons à élever, à une hauteur d'environ 24 mètres, 250 pouces, ou 5000 mètres cubes d’eau en vingt-quatre heures, ou , ce qui revient au même sous le rapport de la force motrice à employer, 120.000 mètres cubes à élever à 1 mètre. Pour chacune des deux machines à vapeur, car il en fau- drait deux par la même raison qu'il a fallu deux machines hydrauliques, ce serait 60.000 mètres cubes (1). L’on esume la consommation, en charbon de terre ou houille, d’une machine à vapeur, en indiquant le nombre de mètres cubes d’eau qui sont élevés à la hauteur d’un mètre, par kilogramme de charbon brüle. La bonne houille se vend, en gros, à Toulouse, à raison de 4° 5o° Fhectolitre, pesant environ 90 kilogrammes ; c’est 5 centimes le kilogramme. Ces bases posées , passons à la détermination de la quantité de houille nécessaire, Ge n'est pas dans des considérations théoriques qu'il faut aller la chercher : elles ne nous meneraient à aucun résultat positif. Ce ne sera pas non plus dans les prospectus des cons- tructeurs de machines à vapeur, ni dans les ouvrages où les machines , traitées sous le rapport scientifique , y sont regar- dées comme parfaites ; on éprouverait de grands mécomptes lorsqu'on en viendrait au fait : mais c’est dans l'expérience fournie par des machines déjà construites et en activité depuis plusieurs années, qu'il faut prendre les données d’où lon aurait à conclure la dépense en combustible pour celles qu'on eût établies à Toulouse. La plus voisine de ces machines était aux mines de houille QG) Nous ne parlons ici que de l'effet z/7/e : en ajoutant les résis- tances, on aurait pour /’e//e/ dynamique 757.370 mètres cubes : machine de la force de douze chepaux-vapeur (\oy. rate r ). 332 ÉTABLISSEMENT de Carmeaux, à un myriamètre et demi au nord d'Albi. D’après des observations plusieurs fois répétées , que j'ai faites avec le directeur de ces mines, lorsqu'elle va très-bien, son effet utile se réduit à élever 25.651 mètres cubes d’eau à 1 mètre en vingt-quatre heures ; et elle consomme , pendant ce temps, 18 hectolitres ou 1620 kilogrammes de charbon ; c'est 1 kilogramme par 15,83 mètres cubes. Dans une telle proportion , il faudrait, pour les machines de Toulouse , 7579 kilogrammes de charbon par jonr, lesquels reviendraient à 378 fr. 95c., et par an à 138.300 fr. Mais comme ces ma- chines sont plus fortes que celle de Carmeaux dans le rapport de 12 à 5, cette dernière n'étant guère que de la force de 5 chevaux , il faut, d’après les tarifs donnés dans les traités des machines à vapeur (1), réduire la quantité du combustible , trouvée dans le rapport de 41 à 81, ce qui réduit la dépense de l’année à 70.033 fr. Nous avions encore un autre terme de comparaison et de nature analogue , la pompe à feu qui élevait les eaux de Paris, à Chaillot. Depuis sa dernière réparation, elle portait 334 pouces d’eau ou 6680 mètres cubes à 35 mètres de hauteur, et elle dépensait en vingt-quatre heures 7291 kilogrammes de charbon : c’est un kilogramme par 32,06 mètres cubes d’eau élevés à 1 mètre, et d’après cela, la dépense en charbon serait pour nos machines de 68.371 fr. Mais il faut observer que celle de Chaillot étant près de quatre fois plus forte que les nôtres, la dépense ci-dessus, d’après les règles ordinaires , devrait être au moins doublée. Depuis l’époque où nous nous sommes occupés pour la pre- mière fois de la question concernant les machines à vapeur, et où nous avons été déterminés par les observations que nous venons de rapporter, la construction de ces machines a été bien perfectionnée en France, et l’on pourrait, dit-on , espérer une forte réduction sur la dépense à faire. Nous éclairerons cette question par les expériences qui ont été faites sur une ———_—_—— QG) Histoire descriptive de la machine à vapeur, par Stuart, pag. 582. Traité de mécanique appliquée aux arls, par Borgnis. DES FONTAINES À TOULOUSF. 333 achine de l'espèce la plus parfaite et à laquelle on a donné les plus grands éloges, celle que M. Edwards à établie au Gros-Caillou (Paris), pour élever les eaux de la Seine, ex- périences faites conjointement par notre plus savant méca- nicien ; M. de Prony, et par un ingénieur, M. Mallet, douc d’une grande habileté et exactitude dans l'art d'observer : is ont constaté qu’en 20 h. 7 min. 20 sec. , cette machine élevait 1720 mètres cubes d’eau (103 pouces) à 35 mètres de hau- teur, avec une consommation de 1237 kilogr. de houille (1) : d’où l’on conclut que, par kilogramme de charbon brûlé, on a élevé 48,667 mètres cubes à 1 mètre, et que sur cette base, la dépense à Toulouse eût été de 45.000 fr., ou plutôt de 52.387 fr., nos machines étant moins fortes dans le rapport de 5 à 6. Gelle dont nous venons de parler est à haute pression , mais Je ne crois pas que nous eussions dû en employer de cette es- pèce; elles sont sujettes à de trop terribles accidens, lors- qu'elles ne sont pas l'objet de soins continuels et comme en- tourées de grandes précautions : pouvions-nous espérer de. tels soins et de telles précautions pour des machines qui al- laient être abandonnées à un simple concierge? Devions-nous exposer les habitans du quartier où elles seraient établies à des chances malheureuses, pour une économie de 13 pour cent sur le combustible à employer, car l'économie n’est pas plus forte ; MM. de Prony et Mallet l'ont constaté par des obser- vations sur une machine à simple effet établie au Gros-Caillou, à côté de celle de M. Edwards. Cette machine à simple effet élevait habituellement 100 mètres cubes d’eau (120 pouces) à 35 mètres par heure et par hectolitre de charbon pesant 87,31 kilogrammes : c'est {0 unités dynamiques (MM. de Prony et Mallet ont eu 42,54) par kilogramme de charbon; ce qui in- dique une dépense de 54.750 fr. pour nos machines , ou plutôt de 70.204 fr. , celle du Gros-Caillou étant de la force de vingt chevaux. Enfin nous avons la machine de Marly, qui vient d'être (1) Annales des Mines, \om. XU, pag. 77. 334 ÉTABLISSEMENT construite à très-grands frais : elle élève 80 pouces ou 1600 mètres cubes en vingt-quatre heures à 162 mètres de hauteur, et brüle, pendant ce temps, 96 hectolitres de charbon, qui feront 8382 kilogrammes , en admettant , d’après l'expérience de MM. de Prony et Mallet, 87,31 kilogrammes par bectolitre raz. La hauteur de l'élévation, 162 mètres , doit être aug- mentée de l'effet de la résistance due à la longue conduite qui mène les 8o pouces d’eau , conduite ayant 13c0 mètres de long et o"19 de diamètre; la formule ordinaire donne pour cette résistance {20 ; portons-la à 8 mètres , el nous aurons 170 mètres pour la hauteur de l'élévation : l'effet utile de la machine équivaudra alors à 272.000 mètres cubes élevés à 1 mètre, et l’on aura 32,45 mètres cubes par kilogramme de charbon. A ce taux, notre dépense serait 67.645 fr. ; mais comme la machine de Marly est très-forte (de 68 che- vaux), d’après les tarifs de la consommation en charbon de M. Edwarts, cette somme devrait encore être plus que doublée , et portée à plus de 160.000 fr. Je sais qu’on dira que la machine de Marly ne donne pas un effet proportionné au charbon qu’elle dépense , et qu’en Angleterre on a des machines qui, par kilogramme de ce combustible, élèvent cent et deux cents mètres cubes d’eau à 1 mètre ; mais ces machines sont très-fortes , et les nôtres eus- sent été petites. Mais enfin, en France, nous n'avons pas encore obtenu un tel avantage : à Toulouse, nous n’aurions pas eu mieux que ce que l’on vient d’avoir à Paris et à Marly; et l'on eût dépensé bien certainement, d’après les comparaisons qui viennent d’être faites, plus de soixante mille francs, et vrai- semblablement plus de soixante-dix par an, en charbon de terre seulement. Les deux machines avec leurs accessoires auraient coûte plus de soixante mille francs, et elles n’auraient remplacé que les roues des machines hydrauliques ; ear il eût fallu aussi des équipages de pompe avec tout leur atürail. On eût à la vérité économisé les frais des canaux d’amenée et de fuite ; mais jamais l’économie définitive ne se fût élevée à 120 mille fr. , et pour l'obtenir on grevait à jamais la ville d’une dépense DES FONTAINES À TOULOUSE. 335 annuelle excédant la moitié de cette somme : dépense dont l’octroi serait mis tous les ans en problème , lors de la dis- cussion du budget de la ville, et dont la réduction prendrait sur les jouissances que la généralité des habitans retire du service des fontaines. L'entretien des machines à vapeur serait en outre bien plus dispendieux que celui de nos appareils hydrauliques. Indé- pendamment d’un concierge, elles exigeraient un mécanicien et trois chauffeurs au moins ; il faudrait les renouveler en bien moins de temps; les accidens seraient et plus fréquens et plus graves. Des machines à feu , exhalant de noirs tour- billons de fumée et couvrant les environs d’une poussière fuli- gineuse, sont bien incommodes pour les habitans du voisinage ; à tel point que, d’après un réglement d'administration pu- blique, leur établissement n’est plus permis dans les villes qu'autant qu’elles sont disposées de manière à brûler leur fumée. Lorsque nous avions dans nos murs et À notre disposition une force motrice immense , un fleuve tombant de quuze pieds de haut, il y aurait eu au moins de la maladresse d'aller acheter à un haut prix une force étrangère. L'ingénieur en chef des eaux de Paris, M. Mallet ; à son retour d'Angleterre, où il venait de voir presque tous les services des fontaines, tant publics que privés, faits par de belles et bonnes ma- chines à vapeur, ne m'en écrivait pas moins : « Je vous félicite » de ce que la nature a fait pour vous, en vous donnant un » moteur qui ne se repose jamais, et qui vous livre conti » nuellement son action pour rien; vous demandant seule- » ment, et une fois pour toutes, de le bien disposer. » En définitive , on n'emploie et on ne doit employer une machine à vapeur que là où un courant d'eau ne saurait produire l'effet voulu. Roue, 336 ÉTABLISSEMENT F'ÉÈns NOTE IV. Description des Machines qui élèvent l’eau pour les Fontaines. Pour élever les 200 ou 250 pouces d’eau destinés aux fontaines, on a, au château-d’eau, et à côté l’une de l’autre, deux machines absolument pareilles , placées et disposées ainsi qu’on le voit à la planche IL. J'en décris une. Elle consiste en une roue à aubes (breast-wheel des Anglais) mise en mouvement par un courant d'eau qui la frappe au- dessus de sa partie inférieure : ce mouvement est communiqué à l'aide de deux manivelles adaptées aux deux extrémités de l'arbre tournant, et par l'intermédiaire de deux bielles et de deux balanciers, à deux couples de pompes, qui prennent l'eau dans les puisards où elles aboutissent , et qui l’élèvent jusqu'à une cuvette établie dans la partie supérieure du château. Le jeu de ces diverses parties de la machine est généralement connu ; mon objet n’est pas de l'expliquer, mais bien de de- crire succinctement chacune de ces parties, en indiquant sa forme et ce qu’elle peut présenter de particulier , en donnant ses dimensions et son poids réel. La roue hydraulique qu'on voit de profil à la planche IT, et de face à la planche FIT, se compose , 1..Dedeux cerclesouroues proprement dites, formées chacune a) D'une jante en fonte de fer , consistant en huit pièces ou courbes bien assemblées ; cette jante a en M Date en teneur ie As ENS. le Re DO En laceurne le 0 ee ea Matra le oO E En épaisseur (non compris deux rebords). . . 0,04 PT EN APR ABUS EU RSS ES CE b) De 16 raies ou rayons en fer forgé, dont Pr La longueur est de.. . . . + - . «+ + + + - 2,10 ne UE de nee le iv ie ous PO) CS Et le poids de chacun... . . «+: + +: : 20,3 kil. DES FONTAINES A TOULOUSE. 337 Leur partie supérieure entre dans la jante ; elle ÿ tent réu- mies deux courbes , et elle y est arrêtée par une clavette : le bout inferieur entre dans une bague où il est tenu par un écrou. c) La bague, ou moyeu , est une petite roue en fonte coulée d'une seule pièce, et présentant deux anneaux concentriques joints par des raies courtes et épaisses : l’nn des anneaux, le moyeu proprement dit, est octogonal ; l’autre, qui reçoit le bout des rayons, est circulaire , et a en mi Drames tement 0. 4... id Qrt5G Le diamètre du cercle inscrit à l’octogone est de 0,65 Ecoutnese ARE. 0 1090 KL Ces deux roues , ainsi composées, sont montées sur l'arbre tournant, à 0% 82 l’une de l’autre, et elles y sont assujetties à l'aide de coins de bois chassés avec force et de 16 agraffes en fer. 2.0 L'arbre tournant est en fonte : c’est un cy- nm, lindre creux dont la longueur est de. . . : . . . 3,50 Lértlitméelexienmeur.,. #4... 2.7, 049 be diametre tntenieurs "cu... MN lo Aux deux endroits portant les ds: tra , il est renflé sur une longueur d'environ o" 30 : ce renflement a , à lexté- rieur, une forme octogone analogue à celle des bagues. Le diamètre du cercle inscrit à ce polygone m, ESA D EN rat ae lei Le 'TE - VUON DS Le diamètre du cercle intérieur. . . . . . . . 0,50 Diarbre pèse. pe Se er EU A chacune de ses extrémités, ê sur une bride qui s'ytrouve, est fixé, par douze boulons à écrou , un tourillon en fonte, portant à un de ses bouts un plateau qui s'adapte contre la bride ; à l’autre, est un plateau de moindre diamètre ou em- base, destiné à porter la manivelle dont nous parlerons bientôt. La partie cyhndrique du tourillon a en .m. Ponsaeur:-R ARE AR UE TS. lo 0 Dites Fa fente l mi rl den 2: 0160 MRORMMBRSES ele tone te ee dant AUS Ki]: TOME II. PART, I. 22 338 ÉTABLISSEMENT Le tourillon repose et roule sur un coussinet en bronze, pesant 42 kilogrammes , lequel est encastré dans un gros support en fonte de 370 kilogrammes. Celui-ci est placé sur un massif de maçonnerie, et il y est retenu par deux forts étriers en fer, qui l’empéchent de suivre le petit mouvement de va-et-vient qu’éprouve l'arbre de la roue. 3.° Sur la circonference de chacune des deux jantes, on a comme implanté, dans des trous laissés à cet effet, 32 petits bras en bois de chêne, ayant 4 Entsailliess ue: 2 512 83280ert : 5-3 TUE 0055 En équarrissage moyen. . . . . . . . . . . 0,07 Ils sont destinés à soutenir les 32 aubes de la roue, lesquelles consistent en planches de peuplier , ayant en as Longueur (dans le sens horizontal). . . . . . 1,50 Largeur (dans la direction des rayons). . . . 0,60 Epaisseur NE RME 4 ATOS On a encore, joignant chaque aube, une autre planche , ou contr'aube , appliquée de son plat sur les jantes, et qui y est retenue à l’aide de deux crochets en fer. Elle a la même longueur que l'aube , _. CT ARE Ue CM eh ee LT OID La roue ainsi montée présente un diamètre LOVE ON Ne EE OR RCE ES Elle pèse (mouillée et y compris les manivelles). 7597 kil. Elle tourne dans un coursier en pierre de taille m. dophlaireeuries de. 0.2 ee A00, Il en suit la courbure sur une hauteur verti- Rd A Cle: ce eee 10 10 Et à une distance du bas des aubes, de.. . . 0,015, L'eau motrice est donnée à la roue à l’aide d’une vanne inclinée de 61° à l’horizon , et dont l'extrémité ou le seuil n’est qu’à o"08 des aubes. Elle est levée à l’aide d’un cric en fonte de fer, garni de bras on manivelles, d’une roue d'arrêt, etc., et est fixé sur la charpente de l'édifice ; on le voit à la planche III. DES FONTAINES À TOULOUSE. 339 Passons aux pièces qui transmettent le mouvement de la roue. À l'extrémité de chacun des tourillons de l’arbre tournant, se trouve, avons-nous vu, une embase : on y adapte et y fixe la manivelle avec six boulons à vis. Elle consiste en un plateau de fonte de 1®03 de diamètre , et de 0" 05 d’épais- seur ; le milieu est un cercle plein de o"37 de diamètre ; il en part trois larges rayons équidistans , qui sont terminés par un anneau de ow 12 de largeur. Sur ce limbe, et vis-à-vis châque rayon, est une ouverture circulaire de o"09 de diamètre; son bord , ainsi que l'anneau et les rayons , sont renforcés par des cordons de fonte. Ces ouvertures sont l’une à o"/40 du centre, la seconde à o" 47, et la troisième à 0" 54 : elles reçoivent l’axe ou tourillon qui meut la bielle, et selon qu'il est dans la pre- mière , ou dans la seconde , ou dans la troisième, la course du piston est de 0285, ou de 1"00, ou de 1"15. Ce plateau-manivelle pèse... . . . . . . . . 248 kil. L’axe de la bielle que nous venons de mention ;n. ner est en fer forgé ; il a de long. . . . . . . . 0,35 Etde diamètre: 4. 2.1.4 0. 1e PMÉANIONGS La bielle est en fonte; sa longueur, entre les deux centres de mouvement, est de. , . . . . . 3,00 ÉRPPRESE Ie CERN PMP Le SE EL Sa longueur totale est de 3" 30. Sa forme est celle d’un fuseau , qui aurait dans sa partie la plus renflée o" 08 de dia- mètre : elle est renforcée et accompagnée dans toute sa lon- gueur de quatre arêtes ayant o" 03 de saillie. Sa partie infé- rieure est aplatie, et cette patte présente une échancrure où se place l'axe ci-dessus mentionné : il y est embrassé par la gorge de deux coussinets en bronze ; et le tout est retenu par un étrier en fer : à l’aide d’une clavette cunéiforme , con- venablement placée, et qu’on enfonce plus ou moins à vo- lonté , on tient les coussinets serrés contre l'axe, de manière à ce qu'il n’y ait point de balottement. La partie supérieure de la bielle est recourbée , ainsi qu’on le voit à la planche IT: le corps de pompe , qui est immédiatement au-dessous de son point d’attache au balancier , forçait à l’écarter daë le bas, et 22, Manivelles, Bielle, Balancier. 340 ÉTABLISSEMENT par suite à Ja recourber dans le haut : l'écart est de 0" 40. L’extrémité supérieure, aplatie et échancrée comme l’autre , reçoit l’axe qui fixe la bielle au balancier , et qui est encore ici placé entre deux coussinets de bronze retenus par un étrier ct pressés à l’aide d’une clavette. À. Lehalancier a, de long.4.. 5.8 sue «he seel 0892 Il pèse (terme moyen des quatre). . . . . . . 699 kil. Chacune de ses extrémités présente un secteur ou arc de cercle de 1"3o de long : contre ces secteurs s’appuient les chaînes qui supportent les pistons , lesquels, de cette ma- nière , montent et descendent toujours verticalement , durant les oscillations du balancier , en se maintenant à 1" 50 (vu l'épaisseur des chaînes) du centre du mouvement. A ce centre, la largeur de la pièce est de 0" 325 : elle diminue de part et d'autre; elle n’est plus que de o" 25 à o" 70 d’éloignement ; au delà, on a comme deux bras ou rayons qui vont aux deux extrémités du secteur : le tout est convenablement arrondi et renforcé de quelques arêtes en fonte. (F’oyez planche III.) A chaque oscillation , le balancier lâchant une détente, fait rendre un son à un timbre; et un pendule placé dans le voi- sinage indique la dutée de l’osaillation , ou le nombre de tours que la roue fait en un certain temps. À o"/4o du centre, et de chaque côté , est fixé le bout d’une pièce en fer forgé de 1® 20 de long et de o"o7 d’équarrissage : son autre bout, qui s'appuie contre l'extrémité supérieure du secteur, porte la chaîne à laquelle est suspendu le piston de la pompe qui est au-dessous. La chaîne, de la forme des chaînes dites à l'anglaise, est composée de treize maillons : chacun d'eux consiste en lames de fer de 0" 20 de long, 0045 de largeur moyenne , 0% 015 d'épaisseur, et au nombre de deux ou de trois à l'alternative. L'extrémité des deux formant un maillon , entre dans l’inter- valle que présente l'extrémité des trois du maillon subséquent : ces cinq extrémités sont traversées et retenues par un boulon, autour duquel les maillons peuvent se mouvoir. Chaque chaîne , avec la chape qui la termine, à de nm, One ERP PRE. NT 0 "4, OU ÉD REP Eee sue ee Nec JOEL, DES FONTAÏNES À TOULOUSE. 341 Les pompes placées au-dessous sont aspirantes et foulantes. Chacune se compose d’un piston, d’un corps de pompe, d'une soupape d'aspiration surmontant le {uyau d'aspiration, d'une soupape de retenue, des caisses carrées comprises entre le corps de pompe et le tuyau d’ascension , et de ce {uyau d’as- cension. Elles sont de la même espèce que celles qu’on a établies , en dernier lieu, à la machine de Marly , ‘et dont on trouve une courte description dans le Traité des machines, par M. Hachette (édition de 1828 , pag. 193). 1.9 À Marly, les pistons sont des cylindres en cuivre jaune de 1"70 de hauteur et de o"22 de diamètre : ceux de M. Abadie sont plus forts et plus beaux ; ils ont même hauteur, GES AIRE PURE ER ONE TR ENS ana Le diamètre extérieur est de. DO ec OMR LCL LE, Le diamètre intérieur (car ils sont creux) a.. 0,211 Le poids en est (l’un portant l’autre) de, . . 434 kil. Ils sont tournés et polis, et leur surface a tout l'éclat d’un miroir métallique : l'intérieur en est rempli de grenaille de plomb; ils en sont mieux FES GC LES PES M ER Cet OS « VÉOBYRU Indépendamment de cette charge, et afin que, par leur seul poids , ils refoulent et élèvent l’eau aspirée, on les a surmontés d’une suite de ron- delles, tantôt en plomb, tantôt en fonte (pour conserver la même apparence, c’est - à- dire, le même volume avec des poids différens) , ayant 02325 de diamètre. On les a distribuées de ma- nière que le poids total de chacun des deux pis- tons opposés aux bielles fût d'environ. .. . . . . 2200 kil. Et celui des deux autres de. . . . . . . . . . 1950 kil. La différence avait pour objet d’équilibrer la bielle, en mettant un surpoids àla partie du balancier qui lui était opposée. Les rondelles sont traversées et maintenues par la tige des pistons , laquelle est une pièce de fer forgé , ayant en RTE Dee bee doi teens VON cpL 2 O0 PACA. SU A RRANENTs AR AUar CS GO Pompes. 342 ÉTABLISSEMENT 2.9 Le corps de pompe est un tuyau cylindrique ». en fonte dont le diamètre est de. . . . . . . . 0,30 DE AT INR RNA ARE Te Sa partie inférieure présente , sur le côté, une tubulure carrée de ow 30, à laquelle s'adapte la boîte portant la sou pape de retenue. La partie supérieure , sur une longueur de o® 10, est plus large ; elle a o%4{o de diamètre : ce plus de largeur , ou ce renflement, forme ce que les mécaniciens nomment hote à cuirs où boîte à étoupes (stuffing-box); dans nos pom- pes, elle est l’une et l’autre. Sur son fond, on place une couronne annulaire en cuir, plus large que ce fond ; l'excès de largeur retombe en forme de manchette dans le corps de pompe, et l’eau qui s’y trouve le pousse et le tient fortement serré contre le piston lors du refoulement (comme dans les premières presses hydrauliques) : au-dessus de ce cuir on pose une lunette en bronze , puis deux autres couronnes de cuir, dont le bord frottant contre le piston le maintient centré, et par-dessus un anneau en bronze dont la surface supérieure en forme de coin présente un double plan incliné ou biseau. On met ensuite, dans la boîte, plusieurs tours de chanvre suivé : au-dessus, on place un autre anneau en bronze , mais à simple biseau, lequel embrasse la partie supérieure de la garniture d’étoupes ; puis, on a encore deux rondelles en cuir et une lunette, comme au-dessous : le tout est recouvert d’un cou- vercle en fonte, joint à une bride du corps de pompe par des boulons à écrou que l’on serre plus ou moins à volonté. Lors- qu'on les serre convenablement , le biseau , en descendant, porte et presse les étoupes contre le piston, ce qui met obs- tacle au passage de l'eau. La coupe du corps de pompe, re- présentée à la planche III, mettra à même de se faire une idée de cette garniture, telle que nous venons de la dé- crire. Le corps de pompe pèse... . . . . , . . , . 392 kil Son couvercle, également en fonte. . , . . . . 45 Et les deux anneaux en bronze avec les lunettes. 58 Le corps de pompe est supporté, à l’aide d’une large bride DES FONTAINES A TOULOUSE. 343 ménagée à cet effet à son pourtour, sur deux traverses en: bois, tenant par leurs extrémités à la maçonnerie. Il y est assujetti par des boulons en fer. (Si les constructions étaient à refaire , on emploierait de fortestraverses en fonte. ) Pour ménager une issue à air, qui, en se dégageant de l'eau aspirée , se porte au haut de corps de pompe , et s’y car- tonnerait , ainsi que dans l’espace compris entre les parois de ce corps et celles du piston lorsqu'il est au bas de sa course, ce qui nuirait notablement à l'effet de la machine , on a percé la partie supérieure du corps , d’une lumière ou petit trou au- quel est adapté un robinet que l’on ouvre et ferme à volonté à l’aide d’une tige surmontée d’un T. 3.° Au bas du corps de pompe on a adapté la soupape d’as- piration : c’est un cercle en bronze de 0" 45 de diamètre , et de o"o2 d'épaisseur, ayant au milieu une ouver- nm, ture circulaire dont le diamètre est de. . . . . . 0,25 Une bande en bronze ; qui la traverse diamé- tralement, porte, à charnière , deux clapets semi- circulaires de même métal. Le tout pèse. . . . . 36kil. 4.° Le tuyau d’aspiration est immédiatement au- sn. dessous de la soupape. Son diamètre est de.. . . 0,162 Epaulongmeurides ct." eee 1,39 Il descend jusqu’à o" 10 au-dessus du fond du puisard. Son extrémité est entourée d’une lanterne en barreaux de fer, à l'effet de prévenir l'introduction des corps étrangers d’un assez fort volume, 5. La soupape de retenue, celle que le piston ouvre dans sa descente, et qui, en se refermant lorsqu'il remonte, re- tient l’eau qui avait déjà franchi son omifice, cette soupape forme le dessus d’une boîte en bronze , dessus qui est incliné d'environ 45 : il est percé de trois ouvertures rectangulaires de om 24 de long sur o® 10 de large ; chacune d’elles est re- couverte d’un clapet à charnière, comme on le voit dans la coupe de cette caisse (p/. IIT). Elle pèse.. 93 kil. 6. Elle entre dans une caisse carrée en fonte , et l’une et l'autre se fixent à la tubulure carrée du corps de pompe , de la manière indiquée dans la figure. La caisse est ouverte 344 ÉTABLISSEMENT dans sa partie supérieure, immédiatement au-dessus des clapets : l'ouverture se ferme à l’aide d’une plaque en fonte, retenue par trois étriers en fer, traversés dans le bas par une barre touchant la caisse, et contre laquelle on les serre par des écrous. Dans le cas d’une visite ou réparation aux clapets, on devisse les écrous , on ôte les étriers et la couverture, et on les replace lorsque la visite ou réparation est faite : opération facile. Une telle disposition est aussi simple que solide. 2e La coupe de la caisse est un carré dont le côté a. 0,30 Sa longueur est de. . . . . . . . . . . . . . 0,80 Et son poids, y compris celui de la couverture et des'‘étriers, est de. 12 MO. senc AN al. À sa suite est une autre caisse également carrée et de même dimension que la précédente. Dans sa partie supérieure, elle porte une tubulure sur laquelle se fixe le premier tuyau d’ascension. Dans le bas, elle est munie d’un robinet de dé- charge. Cette caisse est commune aux deux pompes du même couple, c’est-à-dire , aux deux pompes mues par le même ba- lancier. Le tuyau d’ascension , qui part de la CAISSE re leur est aussi commun : son diamètre est de... . 0,27 Sa première pièce est droite, et a 10 30 de long. La se- conde est doublement coudée, ainsi qu'on le voit à la planche IT : elle porte vers le second conde un talon qui repose sur un massif de maçonnerie ; de cette manière, les pièces qui s'élèvent au-dessus ne chargent plus de leur grand poids les caisses carrées de la machine. A une hauteur de 8 90 au-dessus de ces caisses , les deux tuyaux des deux couples de pompes de la machine se réunis- sent, par l'intermédiaire d’une culotte en fonte, n. en un seul tuyau ayant un diamètre intérieur de. 0,305 Il s'élève verticalement à 12" 20 , jusqu’à la cuvette éta- blie au haut de l'édifice, et il y verse les eaux élevées par les quatre pompes de la machine, En tout, la hauteur verticale des tuyaux d’as- m. cEnsionirest de: v2290.1 5 05 ben ANGLE TNT 39 né Et leur poids de. . . . . .. ........ 6445 kil. DES FONTAINES A TOULOUSE. 349 La cuvette, que nous venons de mentionner , reçoit encore les eaux de la seconde machine. C’est un bassin annulaire en fonte , composé de huit pièces portant diverses brides , à l’aide desquelles elles sont assem- blécs. m,. Le diamètre intérieur de l'anneau est de.. . . 3,50 pedrmetre extérieur, de: 10". "44,24 La largeur du bassin, dans œuvre, de. . . . 0,70 La profondeur, au bord antérieur. . . . . . 0,29 EAN DerdepsemENR 0 0 A MONO NS Repos durtomestde "0". 0 RE. ET Ki. Le bord antérieur est surmonté d’une main-courante en cuivre jaune. Le fond, près de l’autre bord, est percé aux quatre extré- mités des deux diamètres faisant un angle droit : aux deux extrémités de l’un , sont deux ouvertures de o"35 de diamètre, les deux tuyaux d’ascension des pompes y aboutissent : à une des extrémités de l’autre, on a deux ouvertures voisines de om4o de diamètre ; là sont les bouches d'entrée des deux tuyaux qui mènent les eaux dans la ville : à l'opposé est l’orifice pour le trop-plein. En face de ces cinq ouvertures, le bord postérieur présente un renflement, afin qu'il y ait plus d'espace pour elles. De part et d’autre de l’espace où sont celles qui prennent l'eau pour les fontaines, on a, dans le bassin et à partir du bord postérieur, deux cloisons transversales de o" 40 de long : de part et d'autre de lorificé du trop-plem, il en est deux autres qui occupent toute la largeur du bassin, et qui s'élèvent à om32 au-dessus du fond; mais près du bord antérieur et sur une longueur de 0285, elles n’ont plus que o"15 de hauteur; c'est en passant sur ces parties ou seuils moins élevés, et formant déversoir, que l’eau arrive à l'orifice. Le reste du bassin (c’est-à-dire, tout le bassin moins les deux petits espaces limités par les cloisons transversales) est divisé en trois com- partimens par deux cloisons longitudinales ou parallèles aux bords : lune , la plus proche du bord postérieur ; est formée par une toile métallique , ou plutôt par des chässis mobiles Cuvette. 316 ÉTABLISSEMENT garnis de toiles métalliques et entrant à coulisse dans des montans ; elle est à o" 30 du bord postérieur : à o® 20 plus avant est la seconde cloison faite en cuivre étamé; elle est percée d'une rangée horizontale d’orifices rectangulaires ayant o® 10 de long sur omo1 de large. L’eau portée par les tuyaux d’ascension se répand dans le premier compartiment, celui du fond ; elle passe ensuite , et en traversant la toile métallique , dans le second , d’où elle tombe dans le troisième sous forme de petites nappes à travers les orifices rectangulaires ; coulant dans ce compartiment, elle se rend aux tuyaux qui la portent dans la ville. L'usage de ces cloisons se comprend par la seule exposition que nous venons de faire : l’eau, en passant du premier au second compartiment, dépose sur la toile métalli- que les filamens de mousse et autres petits corps qu’elle charrie souvent, et son passage par les orifices rectangulaires donne le moyen d'en apprécier la quantité ; c’est notre appareil de jauge ( Voy. note r'rr1.) Subsidiairement à la cloison de toile métalliqne, et pour mieux arrêter les corpuscules que l’eau amène, on couvre les ouvertures par lesquelles elle entre dans la cuvette, ainsi que celles par où elle en sort, avec des cloches de toile métallique, que l’on nettoie de temps à autre : on nettoie aussi successi- vement, à furet à mesure qu'ils en ont besoin, les châssis composant la cloison. Les tuyaux dans lesquels l'eau descend, et qui sont le commencement de la double conduite menant les eaux dans la ville, ont o®27 de diamètre ; mais afin d'éviter, autant que possible, la contraction de la veine fluide à leur entrée , on a évasé cette entrée, en lui donnant la forme d’un entonnoir qui aurait o®35 à sa partie supérieure. Ces tuyaux descen- dent verticalement jusqu'à 12"70 au-dessous de la cuvette ; puis ils se dirigent horizontalement vers le cours Dillon , en passant sous le sol de la galerie qui joint le château-d’eau à ce cours. Le tuyau qui prend l’eau du déversoir est également de forme conique ; il a 1" 40 de long, o" 32 de diamètre à son orifice supérieur, et de 0" 20 à l’onifice inférieur : au-dessous DES FONTAINES À TOULOUSE. 347 sont des tuyaux en fonte de même calibre et de 6" 00 de long ; puis le diamètre se réduit à om12. À 11" au-dessous de la cuvette, la conduite se bifurque ; une des branches aboutit au canal de fuite , et l’autre aux puisards des pompes : en tête de chacune est un robinet ; de sorte qu'à volonté l'eau du trop- plein peut être envoyée ou à la rivière , et alors elle est défi- nivement perdue, ou aux puisards, et dans ce cas, qui est le plus ordinaire, elle est reprise et reportée à la cuvette. D’après le devis estimatif dressé par les officiers du parc d'artillerie, devis dont nous avons parle dans la première partie de cette histoire, les machines ont été payées sui- vant le poids réel des pièces qui la composent, et au taux qui suit : Pour chaque kilogramme de généralement. . 3... 0... TE 70e Fonte { quelques pièces entièrement massives , SUPPORTE ECS LR UE T o: 60 Fer pièces pesant plus de 4 kilogrammes. , . 2 925 pièces pesant moins de 4 kilogrammes. . 3 60 pis pièces massives, coussinets, ele. . . . . 4 5o n « DSODS ET ie che ei iohelle IOfele De aUO) 100 Plomb, en grenaille ou rondelles dans les joints, etc. 1 oo À ce taux (en ajoutant 800 fr. pour les aubes et menus bois, 250 fr. pour cuirs , 30 fr. pour le compteur), la première machine a coûté. . .. . . . . . . . . 39.426 Rilaieconden he musee satin tO 078 On a eu encore pour la garniture de la cuvette (30o0ofr.), quelques menus objets, et pour les honoraires du mécanicien. . . . . « . . . . + . . 12.838 Bnriout sheet. 109.075 34 ÉTABLISSEMENT NOTE V: Effet dynamique des Machines qui élèvent l'eau des Fontaines. Force nécessaire pour le produire. L'effet utile de chacune des deux machines qui fournis- sent l’eau aux fontaines de la ville, est d'élever 125 pouces d’eau, ou 2500 mètres cubes en vingt-quatre heures, à une hauteur moyenne de 23» 70 (1). Mais indépendamment de la production de cet effet , la force motrice appliquée à la roue hydraulique, avant d’at- teindre en quelque sorte l’eau à élever, doit encore exercer une action sur les diverses parties de la machine pour les mettre en mouvement , elle doit vaincre les obstacles qu'elles opposeut à ce mouvement par leurs frottemens , leur inertie , etc. L'effet de ces obstacles, ajouté à l'effet utile, donnera l'effet dynamique : ce sera la somme des résistances contre lesquelles la force aura à lutter, et qu’elle devra surmonter avec une certaine vitesse. Déterminons d’abord cette somme de résis- tances, et puis la quantité d’eau nécessaire pour la vaincre. Résistances au mouvement. Dans le calcul des résistances d’une machine, on a trois parties de cette machine à considérer : celle qui produit im- médiatement Peffet utile ; ici, ce sont les pompes : celle qui reçoit immédiatement l’action du moteur, c’est la roue hydrau- lique ; enfin, les parties intermédiaires qui transmettent le mouvement de celle-ci à la première, telles sont les manivelles, les bielles et les balanciers. (1) La différence de niveau, entre le fond des puisards et le bord de la cuvette où l’eau ést versée, est de 24m 28 : entre le même bord et le bas des tuyaux d'aspiration, elle est de 24m 17. Lorsque les puisards sont pleins, Peau s’y élève à 1m 06; prenant la moyenne 0% 53, et ob- servant que le fluide ne saurait se tenir dans la cuvette à moins de om 05 en contre-bas du bord, sans courir risque de verser, on n’aura plus qu’une hauteur de 25% 70 : bien plus souvent ; elle sera. au - dessous qu'au-dessus de ce nombre, DES FONTAINES A TOULOUSE. 349 Rappelons que le diamètre moyen des huit pistons des pom- pes, ou plutôt que le diamètre de leur section moyenne est de o%2710 ; que la grandeur de leur course ou levée , mesurée pendant le mouvement, est de 1"156. Ainsi, à chaque levée de piston, on a 0,06668 mètres cubes d’eau élevés ; et pour avoir les 2500 mètres cubes voulus en vingt-quatre heures, il faudra , pour chaque piston et par minute, 6,509 levées ou tours de roue : le temps de la levée sera donc de 4,609 se- condes , et la vitesse moyenne du piston de o" 2508. Avec une vitesse si peu considérable et avec des construc- tions aussi soignées que les nôtres, on a lieu d’espérer que les pompes donneront, à chaque coup de piston, la quantité d’eau susindiquée. Un déchet ne pourrait provenir que, 1.° De ce que les soupapes ne ferment pas exactement. Celles de nos machines sont trop fortes et trop bien exécutées, pour qu'il puisse y avoir une perte résultant de cette cause. 2.e De ce que les boites à cuirs et éloupes ne sont pas par- faitement étanches. La quantité d’eau que nous voyons sortir de quelques-unes d'elles est si petite, que nous pouvons nous dispenser d’en tenir aucun compte. 3.° De ce que les soupapes , en se fermant, poussent der- nière elles et reportent au-dessous de leur orifice une portion de l’eau qui était déjà passée au-dessus : cette portion ne peut être que très-petite. 4° 1] ÿ aurait, il est vrai, un déchet notable, si le piston était levé avec une vitesse telle que l’eau aspirée ne püût le suivre , et remplir entièrement le corps de pompe avant qn'il ne commençât à descendre. Mais nous ne sommes point dans ce cas. Si, au premier moment de l'aspiration, le piston était levéi instantanément jusqu’ au haut de sa course, l'eau du puisard, cédant librement à la pression de l AE Here , t passant par le tuyau et la soupape d'aspiration, ne mettrait que 1,85 se- condes (1) pour remplir entièrement l’espace vide qu'il aurait 2 (1) Une détermination rigoureuse de ce temps serait aussi difficile que compliquée, vu la variation continuelle de la force qui tend à faire monter l’eau, et de la résistance dans les tuyaux qui retarde l’ascen- sion. Cependant, en admettant une force et une résistancè moyennes, Résistances aux pompes. 350 ÉTABLISSEMENT laissé après lui : or nous avons vu qu’il employait 4,61 secondes pour parcourir ce même espace ; ainsi l'eau ascendante ne l’abandonnera pas, elle remplira le vide à mesure qu'il se formera. D'après ces considérations, et contre l'opinion de quelques auteurs, je ne pense pas que dans nos pompes le déchet puisse celles qui ont lieu lorsque l’eau est au milieu du corps de pompe, j'ob- tiens assez facilement une approximation bien suffisante aux besoins réels. Soit : K la hauteur de la colonne d’eau représentant la pression m, de l'atmosphère; à Toulouse.............:........ 10,200 L la longueur du corps de pompe (levée du piston)..... 1,156 D son diamètre. . .....sesseoseessoe seossossosseee ©3271 / la longueur du tuyau d'aspiration. ................. 1,340 d son diamètre. 4... 0000 dés eVossosessosssee 0,170 R la hauteur d’une colonne d’eau représentant la résistance. L'eau sera sollicitée à monter dans le corps de pompe par la pression d'une colonne ayant pour hauteur K—/—1/2L—R. Si z est la vitesse moyenne de l’eau ascendante, on aura m=2g(K—/—1AL=R), et 2 (a+8B)=R A étant un nombre dépendant de la résistance que l’eau éprouve contre les parois du tuyau d’aspiration et du corps de pompe; B un autre nombre dépendant de la résistance due aux étranglemens de la colonne fluide à son entrée dans le tuyau d'aspiration, et à son passage par la soupape qui est au-dessus. En prenant la valeur de R à l’aide des deux équations ci-dessus, et la substituant dans l’expression K —/7— 1/2 L— R, on aura pour le poids de la colonne dont cette expression est la hauteur, poids qui re- présente la force motrice, Aie K—/—1/2L ; 1000 FA D SE) kil. Cette force meut la masse d'eau contenue dans Île tuyau d'aspiration DES FONTAINES À TOULOUSE. 351 être de plus de quelques pouces d’eau , et je me dispenserai d’y avoir égard dans les calculs suivans. En en faisant abs- traction , toutes les résistances provenant de la quantité d’eau élevée seront estimées au maximum, et ce genre d'estimation prévient les mécomptes qui n’ont que trop souvent lieu, lors- qu'on en vient à la pratique. Considérons un couple de pompes, c’est-à-dire deux pompes liées et mues par un même balancier, et dont l’une aspire pen- dant que l’autre refoule. Supposons une force immédiatement appliquée à la tige du piston aspirateur, et tendant à le sou- lever : voyons l'effort qu’elle aura à faire. et dans le demi-corps de pompe, masse dont le poids (en augmentant celle du tuyau d’aspiration proportionnellement à sa plus grande vitesse comparalivement à celle du corps de POURE)s est 1000 + D' (> HAL) Kl La force motrice ph constante par l'hypothèse admise, le mou- vement sera uniformément accéléré. On déterminera la force accéléra- trice convenable au cas actuel ( Porsson. Mécanique, & 316);et, d’après les lois du mouvement que nous venons de désigner, et appe- Jant Z le temps que l’eau met à remplir Le corps de pompe, c’est-à-dire à parcourir l’espace L en vertu de cette force, nous aurons finalement EE ET TA PP NOTE VAR ES ao) (Pare 21) Le —_——— K—/—:2L Ici, l’on a L / : Amos fe + (2) = se... 0m,078 E (ES) 140 7 (+ )}= du (Voyez mon Traïté sur le mouvement de l'eau dans les tuyaux de conduite.) Dans la dernière expression ci-dessus, m , coéfficient de contraction au passage par l’orifice de la sbtpape d'aspiration = ee NE... lo) 62 S, section de cet orifice, est de 0,0366 mèt. carrés; mais comme la soupape ne s'ouvre jamais entièrement, nous avons admis dans le calcul, S—.....4.....,....., 0,0183 352 ÉTABLISSEMENT Elle aura évidemment à porter le poids du piston avec la masse de fonte qui le charge, et celui de la colonne d'eau aspirée : elle devra de plus vaincre les résistances que ce pision et cette colonne opposent au mouvement indépendam- ment de leur poids. Mais le piston qui est suspendu à l'autre extrémité du balancier, agit, par son poids, dans le même sens qu’elle ; il vient à son secours , ct diminue l'effort qu'elle aurait à faire sans lui, de toute la partie de ce poids qui n’est pas équilibrée et comme détruite par les poids et résis- tances de la masse qu'il refoule. De sorte qu’en définitive la force aura, 1.° à porter le poids de la colonne d’eau aspirée et celui de la colonne refoulée ; c’est le poids total de la co- lonne de 2370 de hauieur : 2.° à vaincre les résistances provenant des deux pistons et des deux colonnes d’eau par- tielles ou dé la colonne entière (1). Lorsque cette force aura mené le piston aspirateur au haut de sa course, ce qui se fera pendant une demi-révolution de la roue, il faudra que, durant l’autre demi-révolution, passant en quelque sorte à l'autre piston , elle le lève à son tour et en exerçant un effort égal au premier. a — , (1) Soit : P Le poids d’un piston avec sa charge, C celui de la co- lonne d’eau aspirée, R les autres résistances opposées par cette colonne, 7 la résistance du piston (due aux frottemens}), C' le poids de la co- lonne foulée, R’ ses autres résistances, 7! la résistance au piston refou- lant ; la somme des obstacles à vaincre sera PH CHR+r— PC +R +7) | qui se réduit à CHCHRHR +7 +7 Pour qu'il en soit ainsi, il faut que les deux pistons ,eten général que les deux masses suspendues aux deux extrémités des balanciers, S’équi- librent complètement, qu’elles soient égales en poids : si elles ne l'étaient pas, que l’une pesät plus que l’autre, l’excès de poids agirait dans le sens de la force pendant un demi-tour de roue, et dans un sens contraire pendant l’autre demi-tour, et le mouvement serait inégal ; mais l’etfet définitif demeurerait le même, l'excès devant être ajouté à la force, dans le premier demi-tour par exemple, et en être retranché dans le second ; de sorte qu'au bout du tour entier, il y aurait com- pensation. DES FONTAINES A TOULOUSE: 353 Nous pouvons nous la représenter comme un poids placé alternativement sur le piston opposé à celui qu'il s’agit de lever, et elle se composerait des élémens ou poids sui- vans : I. Du poids d’une colonne d’eau ayant, d’après la thcorie des pompes, la section du piston pour base, et pour hauteur ED CCR ele à cicûe ee nee | LOU Te IT. Des résistances à vaincre, savoir : 1. Le frottement des pistons contre la garniture contenue dans la botte à étoupes. La valeur de cette résistance ne sau- rait être donnée exactement ; elle dépend du plus ou moins de poli de la surface des pistons , et de la pression que la garniture exerce contr'elle. Dans les pompes ordinaires , où le piston porte une garniture de cuir qui est pressée contre les parois du corps de pompe par le poids de l'eau élevée , le frottement est proportionnel à la hauteur de l'élévation , ainsi qu’au diamètre du corps de pompe ou du piston. Les auteurs allemands admettent , d’après l'expérience, pour expression du frottement dans les corps de pompe en fonte bien alésée , 24DH kil. (D étant le diamètre du piston et H la hauteur de l’eau au-dessus ). Pour nos pistons , il est vrai, le frotte- ment est indépendant de la hauteur à laquelle l'eau est portée ; cependant comme la garniture doit être d'autant plus serrée que la hauteur est plus grande , nous admettrons la propor- tionnalité : mais comme les pistons sont en bronze bien poli , et qu'ils ne frottent que contre des cuirs ou étoupes suivées , nous réduirons à moitié le coefficient de l’expression ci-dessus. D'après cela , et en remarquant que la plus grande hauteur de l'eau sur le piston refoulant n’est que de 22 mèt., nous aurons pour expression du frottement qu'il éprouve. . . 71K56. Quoique le piston aspirateur ne soit chargé que d’une co= lonne d’eau de 1"70, comme sa garniture est également serrée , nous admettrons encore pour lui... . . 7156. 2. Le frottement de l'eau contre les parois des différens tuyaux qu “elle parcourt ( tuyau d’ aspiration , corps de pompe, caisse carrée, tuyau montant), d'après les formules ordinaires ES TOME II, PART. I, 29 354 ÉTABLISSEMENT de la résistance des tuyaux de conduite, sera exprime par (1)... ok 81. 3. Ces mêmes formules donneront pour l'effet de l'étrangle- ment de la veine fluide, à l'entrée du tuyau d'aspiration , aux soupapes d'aspiration et de retenue , et à l’entrée du tuyau montant (2). : . . . . 6, 39. 4. Les soupapes opposent par leur poids une résistance : il faut les soulever , et employer à cet effet un effort égal à celui qu'il faudrait pour soulever une colonne d’eau d’une hauteur égale à l’épaissenr des soupapes , augmentée dans Le rapport de la pesanteur spécifique de la matière qui les constitue (rapport diminué de 1 , vu l'eau déplacée). Cet effort serait, a letter e +9 c: 6 18e) fete tfellelt ion Mie rremEns pour la soupape d'aspiration. . . . . . . . . . . . Et pour celle de retenue (qui est inclinée de 45°). 6* 92 4,90. Les soupapes une fois soulevées, nous admettrons encore æ Poe MMENTID NS L!' / D\‘ (1) te D 0,001435 v 45 D + — D MOTTE (5) 2 D” (5) k L — Longueur du corps de pompe........,.,...,,.,,, 1,156 D — Son diamètre,...........ses.essesesessssrrese 0271 L/ = Longueur de la caisse carrée... . ss. seeossose 1,50 D’ — Diamètre du cercle égal en superficie à la section de Cette tasse Lennon ne teen ce 211 NO, 338 L'’'= Longueur de la partie du tuyau montant ayant om 27 dediamètres . 24.00. seleielo o oo v.0640 06e visio 19,05 L’ — Longueur de la partie ayant om30 de diamètre. ... 12,42 De ne amec eee oes etes nant esta erase ADD Dans cette partie du tuyau montant, l’eau des deux couplesde pompe de la même machine estréunie. » — Vitesse moyenne du piston. ...........,..,.,... 2,508 sp F ae ) és æ D? (2) 10007 D. 4 HE —+- 0,487 — 2 + —) es 2 she 0390 5} m = Coefficient de contraction de sa veines tin 060 —0;62 S = Section de l’orifice de la soupape d'aspiration — mèt, car. OS OS00 NAUMIS == eee etes see ete ce Os ON S' — Sect. des orifices de la soup. de retenue —0,072.... 0,036 S'"= Section de la caisse carrée... , 4er 0, 0q. DES FONTAINES À TOULOUSE: 355 &uil faut un eflort pareil pour les tenir convenablement ou- vertes ; et en réalité il est moindre. 5. La soupape ou le clapet de retenue oppose encore à la force qui tend à l'ouvrir une résistance bien supérieure à celle dont nous venons de parler : cette résistance résulte de l’ine- galité en superficie de ses deux surfaces pressées par l’eau , au moment qui précede l'ouverture, La surface inférieure du clapet n’est pressée que dans la portion de son étendue cor- respondante à l’orifice qu’elle recouvre , tandis que la surface supérieure l’est dans son entier : elle l'est par le poids d’une colonne d'eau qui aurait pour base cette surface, et pour hauteur celle de l’eau dans le tuyau montant. Au premier moment de la descente du piston, pour lever le clapet il faut que l'eau en contact avec la surface inférieure exerce une : pression au moins égale (et même un peu plus forte) ; et comme il y a de ce côté un moindre nombre de points pressés , 1l faut que chacun le soit proportionnellement davantage. Ainsi , le piston , qui exerce la pression, par l'intermédiaire de l’eau comprise entre lui et le clapet, doit l'exercer plus forte que celle que nous avons indiquée, dans le rapport de l'étendue des deux surfaces pressées. Il faut encore remarquer que dans nos pompes , les clapets tournent autour d’une charnière, et qu'il s’agit de leur imprimer un mouvement de rotation ; en conséquence , les deux résultantes des forces qui pressent dans des sens opposés passeront par le centre de percussion ou d’oscillation de leurs surfaces respectives , et on prendra leur moment par rapport à l'axe de rotation. D’après ces principes ; nous trouvons que l'excès de force à appliquer au piston , par suite de la différence entre les deux surfaces pressées, ÉSRdB QE MAN. ee one ee ee O0 le (1) Nos clapots de retenue, au nombre de trois à chaque soupape, sont de forme rectangulaire , et ont à la m. Base (longueur de la surface supérieure).,....,. 0,258 = À Hauteur (largeur de cette surface), ............ 0,109 = 8 La longueur de l'orifice (surface inférieure) est de. 0,240 = # Satlaipeuridevt sentent seniDeeecheh een MONO 1) Le centre de percussion des deux surfaces étant aux deux tiers de 29. (Inertie). : 356 ÉTABLISSEMENT Ce poids, ajouté aux autres charges du piston, rendra Ja pression égale de part et d’autre du clapet, et le plus léger surpoids l’ouvrira. Or, au moment de l'ouverture, le piston est au haut de sa course , il y a par conséquent au-dessus du terme moyen, du côté de la surface inférieure du clapet, le poids d’une colonne d’eau d’une hauteur égale à la demi- course, ou 67 kilogr. : c’est bien au delà du surpoids né- cessaire. La soupape une fois ouverte, il faut mettre en mouvement Ja masse d’eau, ainsi que les pistons et leur attirail, et à cet effet il faut vaincre la résistance provenant de leur inertie. Les 362 kil., qui ont opéré l'ouverture, n'étant plus main- tenant contre-balancés, sembleraient pouvoir servir à cet objet : mais ils y seront entièrement ou presque entièrement superflus , ainsi qu'on va le voir. Dans la détermination de la résistance due à l'inertie, nous avons à considérer les masses à mouvoir, et la nature du mouvement à leur imprimer. Ces masses, que nous representons ici par des poids, seront : a). La colonne d’eau de 23" 70 de haut à élever. Ses di- verses parties étant animées de différentes vitesses, on les réduira toutes à celle du piston, en augmentant ou diminuant les masses de ces diverses parties selon qu'elles se mouvront la perpendiculaire (la hauteur) élevée sur le milieu de la base, l'expres- sion analytique de la force cherchée sera simplement AB? — XB°? 18° H! représente la hauteur de la charge totale que le piston est déjà censé porter au moment où il va descendre : en le prenant égal à la hauteur de l’eau au-dessus des clapets, ou à 22M6/, on aura à très- peu près sa valeur ; et celle du poids cherché est alors 362, 2 kil. T 1000 — D° H’ La soupape d'aspiration ne présente pas une résistance du même genre : au moment de son ouverture, lorsque le piston commence à monter, il se trouve tout près d'elle : elle n’est guère chargée que de son propre poids, et nous y avons eu égard. — DES FONTAINES À TOULOUSE. ylus ou moins vite que le piston : leur ensemble ÉTUVAMA TA MEL E EN DEN LME LEUR: b) Les deux pistons , avec les charges qu’on y a ajoutées pour représenter les résistances dont nous avons parlé , et pour équilibrer les diverses parties des machines. A cet effet, M. Abadie a donné environ 1950 kil. aux pistons qui sont du côté des bielles, et 2200 aux autres. Ainsi, pour les deux pistous'dumeme couple." "501. c) Les deux chaînes qui supportent les pis- OR CR Re ee me ele UE Pour ne pas revenir dans la suite sur ce qui concerne inertie des parties de la machine, nous placerons ici d) La bielle. Avec ses tourillons et coussinets, elle pèse 534 kil. Elle est à 1" 34 du centre de rotation ; son poids, réduit à une distance de 150, celle des pistons (en le diminuant dans le rap- port du carré des distances, conformément aux règles des momens d'inertie), sera. ., . . e) Le balancier. Il pèse 699 kil. Vu l'irrégularité de sa figure, la réduction exacte à la vitesse du piston serait très-embarrassante à opérer : cepen- dant, en considérant que les secteurs qui le ter- minent à chaque extrémité en forment une grande partie , et qu'ils sont mus avec la vitesse des pistons , nous approcherons du nombre à admettre, en prenant la moitié du poids du balancier. . . . . 357 2092 kil. f1bo {26 350 Total de la masse à mouvoir. . . - 7122 kil. Supposons-la réunie sur un piston , et voyons la nature du mouvement à lui imprimer. Considérons le piston au haut de sa course, et allant la parcourir. Il part du repos et descend d’abord d’un mouvement accéléré ; peu à peu l'accélération diminue , elle est nulle au milieu de la descente ; puis la vitesse se retarde , et de plus en plus , et elle finit par être zéro au bas de la course : de cette manière, moitié d’un mouvement 358 ÉTABLISSEMENT accéléré, moitié d'un mouvement retardé ; mais à accélération et retard inégaux, il parcourt 1"156 en 4”609. Si sur cette longueur de course, comme diamètre , on imagine une cir— conférence de cercle, elle représentera celle qui est décrite par la manivelle et d'un mouvement uniforme, la roue étant supposée se mouvoir d’un tel mouvement (sa masse et Ja bonne disposition de la machine feront qu'il en sera ainsi) : si on représente les temps du mouvement par des arcs de la circon- férence imaginée , leurs sinus-verses seront les espaces par- courus pendant ces temps : mais , lorsque des ares sont très- petits, leurs carrés sont proportionnels aux sinus-verses ; ainsi, dans les prémiers instans du mouvement, les espaces parcourus sont comme les carrés des temps employés à les parcourir , et par conséquent le mouvement est uniformément accéléré. D’après ses lois, on trouvera que la force accéléra- trice qui tirera le piston du repos et commencera par le mou- voir, doit produire une vitesse de o%269 au bout de la première seconde de son action, et que le poids de 7122 sera mu avec une telle vitesse par une force motrice ou tension égale (RER NN LUER ETgDE Dans les instans suivans , cette force serait successivement diminuée, et elle serait nulle au milieu de la course ; durant la seconde moitié de la descente, 1l faudrait la rétablir , mais dans un sens contraire ou négatif, et en l’augmentant dans le même rapport qu'on l'avait dimmuée : ou , ce qui revient (x) Soir : 11e temps du premier instant du mouvement; par exemple, celui dans lequel la manivelle parcourt le premier degré de la demi-ré- volution qui opère la descente du piston; il sera o”o2561 e l'espace parcouru par le piston durant ce temps. . om 0000882 5 2e ® — la force accélératrice correspondante — Re Aer 2689 F — la force motrice ou tension cherchée = P ui 195K3 VÉ Si cette force était un poids placé effectivement sur le piston { et il est superflu de l'y mettre), on ? | Émx aurait = P Fe Nine nat nn a een ere nl 2DQNDS DES FONTAINES À TOULOUSE. 359 au même, pendant un quart de la révolution de la roue, il faudrait augmenter la quantité d’eau motrice d’une suite de petites quantités allant graduellement en diminuant (on met- trait d’abord la première ; puis , après l’avoir ôtée , on mettrait la seconde, etc., etc.); et pendant le quart de révolution suivant , on retrancherait successivement de la quantité d’eau première une suite de petites quantités pareille à la précé- dente : en résultat, pendant un quart de tour , on ajouterait au courant moteur un certain volume d’eau, et dans le quart suivant on en retrancherait un égal volume. D'où l’on conclut que la roue convenablement chargée à sa périphérie, et mue par un moteur capable de surmonter les autres obstacles au mouvement, sans nouvelle addition de force ; par suite de sa propre inertie, surmontera celle du piston, et lui donnera le mouvement convenable. La pression de 362 kil., qui, par son action sur le piston, a opéré la levée de la soupape de retenue , n’étant pas néces- saire pour vaincre les résistances dues à l'inertie, ne devra plus être exercée après cette levée. Elle ne doit agir qu'un instant, et, par suite, elle ne semble pas de nature à être ajoutée à celles qui exercent une action continue. Cependant, elle aussi peut se résoudre en une force constante ; et elle s’y résout en effet, puisque la roue prend une vitesse sensiblement uniforme. 11 faut donc que la portion du courant moteur qui donne à la machine le moyen de vaincre la résistance prove- nant des soupapes de retenue, demeure à peu près toujours la même : son action s’accumule en quelque sorte sur la roue, fai- saut l'office de volant , pendant le temps compris entre deux levées consécutives de soupape , pour opérer ensuite , sans secousse ni ralentissement sensibles , l'effort de 362 kilogr. qu’elles exigent. Mais nous manquons des données qui se- raient nécessaires pour résoudre avec exactitude cet effort d’un moment en un effort constant : nous remarquerons toute- fois que l'instant où se fait l'effort réel n’est pas un instant mathématique ; l'élasticité ou la compressibilité des pièces de la machine et de l'eau, ainsi que le temps nécessaire à la iransmission des mouvemens, lui donnent une durée physique: 360 ÉTABLISSEMENT elle permettrait l'application du caleul, si elle était connue, Supposons-la d’une seconde ; -en répartissant uniformément l'effort de 362 kil. sur les 4’609 qui s’écoulent entre deux actions oulevées consécutives de la soupape d’un même piston, nous aurons pour effort constant. . . . . . . . + 70° 4 Il est vraisemblable que ce nombre pèche par excès ; mais cet excès pourra représenter la très-petite force constante qu'il faudrait aussi accumuler sur la roue , pour vaincre l'inertie , ou plutôt pour prévenir l'inégalité du mouvement à laquelle l'inégalité de cette résistance pourrait donner lieu. Résumant les diverses résistances qu’aura à vaincre la force motrice d’un couple de pompes , nous aurons : kil. Poids de la colonne d’eau à élever. . . . . . . . 1367,1 Résistances proprement dites , 1. Frottement des deux pistons. . . . 143,12 2. Frottement de l’eau dans les tuyaux. 0,80 3. Etranglemens aux soupapes, etc. . 6,39 4. Soulever les soupapes. . . . . . . 11,82 5. Ouvrir la soupape de retenue. . . . 78,24 6. Inertie des masses à mouvoir. . 240,7 Total ls rar roc n 60:82 Ce poids, ou la force de /raction verticale qu'il représente est censée appliquée à la tige de chacun des deux pistons, ou à chacune des deux extrémités du balancier, Les pistons y étant suspendus : pendant la première demi-révolution de la roue , elle agirait sur une extrémité, et pendant la seconde sur l’autre. A ces deux forces égales et agissant alternativement, on peut en substituer une toujours d’un effort égal à 1607,8 kilogr. , mais agissant continuellement ; elle serait adaptée à une des deux extrémités du balancier, à l’aide d’une tige imflexible ; tantôt elle le tirerait de haut en bas, tantôt elle le pousserait de bas en haut. Mais, dans nos machines, le point d'attache au balancier de la tige inflexible, ou bielle, qui lui transmet le mouve- ment de la roue , n’est pas à l'extrémité de ce balancier , ou à 350 de son centre de mouvemeut, il en est à 1M34; et la DES FONTAINES À TOULOUSE. 361: distance moyenne, prise horizontalement, n’en est même que de 12 306 : c’est la distance du centre du mouvement au centre de gravité de l'arc décrit durant une osaillation par le point d'attache. En conséquence, la force de 1607,8 kil. transportée à ce centre de gravité, et agissant verticalement, devra être augmentée dans le rapport des deux distances (1 50 et 1"306) au point d'appui du levier , et elle deviendra. . . 1847 kil. Il faut y ajouter l'effort nécessaire pour vaincre la résistance qui a lieu à ce point d'appui, par suite du frottement aux tourillons du balancier. Ils sont en fer forgé, ils roulent sur les coussinets de bronze, et ils sont enduits d'huile : ainsi, et par suite des expériences de Coulomb , le rapport du frot- tement à la pression y sera de. . . . . . . - . 0,133 La pression est très-différente dans deux oscillations con- sécutives : lorsque le balancier est tiré en bas par la bielle, elle est de. . . . . .‘. .. . .,... 5975kil. Et lorsqu'il est poussé en haut, elle n’estquede 2111 Moyennement, elle sera de. . . . . 4043. Les tourillons ont 00/47 de rayon , et la force destinée à vaincre le frottement agit à 1" 306 du centre du mouvement, elle sera en conséquence de. . . . . . . . .. . 19,18 kil. Nous aurons donc à appliquer au balancier, au point d’at- tache de la bielle et dans une direction verticale, une force epEésentee|pary-u. (Une pe É otre 96 06e On a encore, à la bielle, deux résistances provenant du frottement aux axes ou tourillons qui fixent la bielle d’une part au balancier, et de l’autre à la manivelle de la roue. Ce frottement est de même espèce que dans le cas précédent : la force qui doit le vaincre agit à l'extrémité de la bielle ou d’un rayon de 3"00, la pression moyenne est de 1866 kil., et le rayon du tourillon de 0045 ; en conséquence , la force RATE NORMES CR PET Rae eme ea Pour les deux axes, nous la porterons à... . 8 kil. Quoiqu’elle n’agisse pas dans la même direction que les autres , elle peut leur être ajoutée quant à l'effet définitif, et Jaresisfance totale sera de. . . 0... . … 11074 Xe Résistances au balancier et à la bielle. 362 ÉTABLISSEMENT Transportons son point d'application à la roue motrice; et d'abord à sa manivelle, Cette manivelle décrit un cercle de 0% 516 de rayou. Au commencement et à la fin de la levée du piston , le moment de la force est zéro; au milieu, 1l est de 1874 X 0,516, et moyennement de 4874 X 0,3287 ; ce dernier nombre étant la distance du centre du mouvement au centre de gravité de la demi-circonférence décrite. Nous aurons donc ici une force de 1874 kil. agissant à l'extrémité d’un bras de levier de 0" 3287, et tendant à produire un mouvement de rotation dans un sens contraire à celui que le moteur tend à imprimer (1). Opposons-la lui directement ; c’est-à-dire, imaginons, au point de la périphérie de la roue sur lequel il exerce son ac- tion, une autre force qui produirait le même effet que celle que nous venons de considérer, et par conséquent dont le moment statique serait égal au sien. Le point d’action du mo- teur, celui où le milieu du courant frappe les aubes, est moyennement à o®%15 de leur bord extrême, et par consé- quent à 3*10 du centre de la roue ; ainsi la force cherchée , —_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—@r (1) Plaçons ici une considération particulière à notre machine. Sup- posons que Le piston soit au milieu de sa course : le bas de ja bielle étant alors à l'extrémité du rayon horizontal de om 516 est à son plus grand écart de la verticale ; Ja bielle tire le plus obliquement possible Le ba- lancier. L’obliquité est ici double ; elle est, comme nous venons dedire, de 0%516 dans le plan vertical passant par le balancier; et de om40 perpendiculairement à ce plan (nous avons vu, en décrivant la ma- chine , que le point d’attache inférieur de la bielle était à om 40 d’éloi- gnement du plan vertical ci-dessus). De là, deux nouvelles forces , agissant au point d'attache supérieur : l’une, dont l’intensité va de o à 322 kil., tire le balancier horizontalement dans le sens de sa longueur, tantôt en avant tantôt en arrière ; elle le presse contre ses supports : l’autre, constante et de 250 kil. , le tire encore horizontalement, mais perpendiculairement à sa longueur ; elle le tourmente sur ses supports. La réaction étant égale à l'action, ces mêmes forces agiront au point d'attache inférieur : celle qui va de o à 322 kil., agira dans le plan de la manivelle, et sera en tout ou en partie détruite par la résistance des supports de la roue; et celle de-250 kil., dirigée perpendiculairement à ce plan, imprimera à la roue, dans le sens de son arbre tournant, un léger mouvement de translation, ou de »a-e/-vient ; vice que les localités n'ont pas permis d'éviter. DFS FONTAINES À TOULOUSE. 303 déduite de l'équation des momens (1874 X 0,32879 = x x SO) MES NE NT ER en ee, 10) \r98;78 kil: A l'autre extrémité de l'arbre , la manivelle, qui mèue le second couple de pompes, est chargée exactement de la même manière ; la charge totale sera donc de. . 397,56 kil. Enfin la roue présente elle-même une résistance au mou- vement , en vertu du frotiement que ses tourillons éprouvent en tournant sur leurs supports. Ce frottement est encore de la même espèce que ceux que nous avons déjà considérés , et 0,133 est son rapport à la pression. Cette pression résulte, 1.° du poids de la roue, lequel est de 7597 kilogrammes ; 2.9 de l'action que les bielles, en pressant les tourillons , exercent contre les coussinets qui les supportent : lorsqu'une bielle lève son balancier, elle presse le tourillon de tout l'effort qu’elle fait pour lever : durant l’autre demi-révolution de la roue , lorsqu'elle baisse le balancier , elle le tire vers le tourillon avec une pareil effort ; par suite de la réaction, le tourillon est tiré vers le balancier avec une force égale ; il tend à être soulevé, et il le serait en effet s’il ne se trouvait pas suffisamment chargé (1) : dans cette seconde demi-révo- lution, la bielle diminue la pression de tout ce dont elle l'avait EE EE ER (1) C'est le cas d’un de nos tourillons : lorsque la roue fait plus de six tours et demi, au premier moment de la levée du piston qui lui est opposé, il est sensiblement soulevé. En ce premier moment, sa charge, c’est-à-dire la partie du poids de la rore qu'il supporte et qui le presse de haut en bas est de 2770 kil.; et la force qui le tire de bas en haut est de 2427, plus la résistance provenant de l'inertie des masses à mouvoir : cette résistance croît comme le carré de la vitesse, elle équivaut à 142 kil. , lorsque la roue fait cinq tours, et à 292 lorsqu'elle en fait huit. Ainsi , dans le premier cas, la force qui retient le tourillon est en excès de 229 kil., et il n'est pas soulevé : mais dans le second, quoique le calcul indique encore un excès de 51 kil., il y a un soulèvement bien prononcé : il provient très-vraisemblablement de ce que par suite de l'élasticité du balancier, des chaînes, ete. , l'action de la manivelle ,; au premier instant où elle s'exerce pour lever le piston, ne lui est pas transmise sur-le-champ ; de sorte qu’en réalité il commence à monter non d’un mouvement uniformément accéléré, comme le calcul le sup- pose, mais brusquement et par une secousse, ce qui augmente considé- pue Ce LI 1 Résistance à la roue. Résistance totale. Effet dynamique. 364 ÉTABLISSEMENT augmentce dans la première ; et en définitive , au bont d’une révolution entière, son action sera égale à zéro ; ainsi, les supports des tourillons n'auront éprouvé qu'une pression moyenne de 7997 kil. Leur rayon étant de o% 081 et la puis- sance agissant à l’extrémité d’un levier de 3" 10, la partie de son action absorbée par le frottement sera de. . . 26,17 kil. La roue se mouvant toujours dans le même sens et à peu près uniformément , 1l est superflu de tenir compte de la petite consommation de force occasionnée par son inertie dans les premiers instans du mouvement. En résultat, la somme des résistances contre laquelle la force motrice aura à lutter constamment, et qu’elle devra sufmonien sea dette. 2: er se Chat: Ainsi, mouvoir 424 kil. avec la vitesse du point de la roue auquel ce poids est censé appliqué, vitesse qui est de 2" 113, ou, en d’autres termes, élever 424 kil. à 2"113, ou encore élever 896 kil. à un mètre de hauteur en une seconde, tel est l'effet dynamique d’une des machines qui fournissent l’eau à nos fontaines : 1l équivaut à celui de douze chevaux-vapeur (1) : il serait, en employant les expressions dernièrement intro duites dans la mécanique usuelle, de 77 dynames, ou de 77.414 unités dynamiques en vingt-quatre heures. Eau motrice. Déterminons maintenant la quantité d’eau nécessaire pour produire cet eflet. Nous rappellerons que la roue qui reçoit l’action de cette eau à 650 de diamètre, que ses aubes ont 1#50, ou plutôt rablement l'effet de l’inertie, et rend prépondérante la force qui tend à soulever, On remédiera à cet inconvénient, assez grave pour ne pas permettre de faire faire habituellement à la roue plus de six tours par minute, en coulant du plomb sur une longueur de om 40 dans la partie de l'arbre tournant ( eylindre creux en fonte } voisine du tourillon : cette masse, augmentant de 30 kil. la charge du tourillon , maintiendra la stabilité. (1) Le cheval-vapeur , expression usitée par les constructeurs de ma- chines, représente un moteur capable d'élever 75 kil, à 1 mèt. de hau- teur en 1 seconde. , DES FONTAINES A TOULOUSE. 365 1® 51 de large, qu’elles se meuvent dans un coursier qui en a 1"60, et qu'ainsi il y a o"og (0"045 de chaque côté) d'intervalle entre les bords latéraux des aubes et les parois verticales du coursier : l'intervalle inférieur, entre le bord horizontal et le radier, est de o"015 à o0"018. Le seuil du déversoir, que l’eau franchit avant de tomber sur la roue , est à 1/5 au-dessus du point le plus bas du coursier, de celui qui est immédiatement sous le diamètre vertical de la roue ; et l’eau se tient, dans le canal d’amenée et derrière la vanne, de o" 50 à o"9o au-dessus de ce seuil, selon que la rivière est plus ou moins grosse. Dans une expérience qui a été faite, le 12 août 1829, par M.'Castel, contrôleur des eaux de la ville, à l'effet de com- parer les résultats de mes calculs avec ce qui a réellement lieu, et où il avait en conséquence donné à la roue une vitesse égale à celle qu'on a admise ci-dessus (6,5 tours par minute), la hauteur de l’eau au-dessus du seuil était de o" 52, et par suite la chute totale 1" 97. L'eau atteignait les aubes à environ o" 77 au-dessous de son niveau : dans ceite portion de sa chute , elle agissait par le choc : dans la portion restante, ayant 1" 20, elie agissait par son poids. Pendant le mouve- ment, l’épaisseur de la tranche d’eau coulant dans le coursier était d'environ o" 20. Ainsi, quatre aubes plongeaieut dans l’eau d'environ o" 185 : elles y perdaient une portion de leur poids égale au poids du fluide dont elles occupaient la place ; ayant o" 03 d'épaisseur, la perte était, pour chacune, de 838 ; nous la porterons à gkl., à cause du petit volume d’eau déplacé par le bout des bras qui soutiennent les aubes, Par suite de ces peries , la roue est moins pesante à la partie de son bord (les aubes ) qui plonge dans l'eau : l'équilibre entre ses parties est rompu, et elle tend à tourner dans un sens opposé au courant , et cela avec un effort égal à 16,86 kil. agissant perpendiculairement aux aubes (1). C’est une nouvelle résistance que le courant 3,15 RES 5 (1) L’effort pour chaque aube est g sin. z , Z étant l'angle que L fait avec la verticale le rayon de la roue passant par Le milieu de l'aube : 366 ÉTABLISSEMENT aura encore à vaincre , et qui, ajoutée aux autres, 424 kil.; en portera la somme à.. . . . . . . . . . . . . . 440K86, Ces données admises, passons à la double action de l'eau motrice , et d’abord au choc, ou plutôt à sa pression continue contre des aubes, qui, tout en fuyant devant elle , se rem- placent constamment. Cette force de pression sera représentée ar la masse du fluide supposée animée de l'excès de sa vitesse sur celle des aubes , et si Q est lepoids du fluide dépensé en une seconde , elle sera exprimée par (1). . Q X 0,1809kil. Après avoir atteint et choqué la première aube rencontrce , l’eau se répand sur toute la largeur du coursier , et en des- cendant sur son radier , elle presse de son poids cette même aube : elle presse de la même manière les trois autres qui plongent déjà dans le coursier ; et il est évident que la pression totale , si les aubes joignaient de toutes parts les parois , se- rait égale: au poids d’une colonne d’eau ayant pour base la section de la lame fluide dans le coursier, et pour hauteur la hauteur verticale de cette lame , laquelle est de 1" 20. Mais entre le bord des aubes et la maçonnerie , il y a un intervalle par lequelune partie de l’eau s'enfuit sans exercer aucune action sur la roue : nous ne sommes plus ici dans le cas du choc, où tout le fluide sorti de la vanne est utilisé ; 1l faut en soustraire celui qui s'échappe par l'intervalle dont nous venons de parler. Abstraction faite de toute résistance provenant du frottement ici, on a quatre angles, dont les valeurs sont ra0 15°, 220 30", 330 45/ et 45°; en conséquence la somme de leurs sinus sera 1,8405 : 3m 1575 est la distance du centre de la roue au centre de la partie submergée de l'aube, et 3m10 le rayon à l'extrémité duquel agit l'effort en question. (1) L'expression, ainsi qu'on l’a remarqué plus haut, au sujet des observations de M. de Prony sur nos roues hydrauliques , est 2(v- ) ou © C4) étant la hauteur de l’eau dans le réservoir au-dessus de ». LAURE = 22 se see eee lee: ess s1ele 0 o1e. tele se.» ed elle 0, 77 DT VIRE CEA TEE.» came er ose een 0e o «0.5 es die dites es AIT S g V'action de la gravité. .....ss..sssssesssssssssse.ss 9, 309 DES FONTAINES A TOULOUSE. 367 contre les parois du coursier, ainsi que de toute connexité avec le restant du fluide , le volume de celui qui se perd sans action serait égal à la section de l'intervalle multiplié par une vitesse croissant depuis 2" 11 jusqu'à 6"96 en quelques points, et qu'il est impossible de déterminer avec exactitude. Mais le frottement , ainsi que les fréquens resserremens de J'intervalle ( car la roue ne tourne jamais parfaitement rond) ; plus que cela encore, le continuel mélange de l’eau qui cor- respond aux intervalles, avec celle qui presse sur les aubes , font que la première doit avoir à très-peu près la même vitesse que celle-ci, c’est-à-dire 2" 113 : pour prévenir tout mé- compte résultant de cette supposition , nous porterons la hau- teur de l’intervalle inférieur à son maximum o"o18. Alors, nous n’aurons plus qu’à retrancher de la section de l’eau dans le coursier la section des intervalles, à multiplier la difference par la hauteur 1 20 , ainsi que par le poids du mètre cube d’eau , et l'expression de l'effort que l’eau motrice exerce par son.poids sera {1). . . . . . . . . Q X 0,5679 — 54,24. Le double effort du moteur doit être cgal à l'effort total de la résistance ; l’un et l’autre étant censés être appliqués au même point de la roue et agir directement l’un à l’opposé de (1) Soit : H la hauteur de l'arc du coursier chargé d'eau=........ 1,20 MA TIATÉEUT AU COUPSIC Te cie elec lee eisiole slercioisieis else oleteteietse 1) OO z la hauteur de l'intervalle entre les aubes et le fond du CONTE D Lee res e ee ee ne se esse ee ee CO OR z' la hauteur de l'intervalle entre les aubes et les parois verticales du coursier (à très-peu prèsom20—0,018). o,1832 2 largeur de cet intervalle... ..... +... esse. 0,09 Q étant toujours le poids de l’eau dépensée et 2m 113 Ja vitesse des aubes , la section de la lame d’eau dans le coursier Q ; PER re 1 herché RER dE et la valeur de la pression cherchée Te a (1 +22) FH 1000 kil. qui se réduit à sera Q X 0,567q — 54,24. FT 368 ÉTABLISSEMENT l'autre ; l'équation exprimant cette égalité, donnera pour la valeur de Q, quantité d’eau cherchée ; 661 kilogrammes (1), ou, en mètres cubes. . . « . « «+ . + « + . . + . + 0,661. L'expérience du 12 août 1829 a donné (2). . + . 0,675 Résultat presque identique. Au reste, je ne conelurai pas de cette identité que les théo- ries et les données que nous avons admises sont rigoureuse-" ment exactes. Presque toutes ces données ne sont que des approximations (et jamais, dans la pratique , elles ne sont autre chose) : nous les avons presque toujours exagérées, et par suite le caleul a dû nous conduire à un résultat trop fort; de sorte que la différence entre les deux nombres ci-dessus devrait être plus grande qu’elle n’est. Le résultat de l'expe- rience lui-même peut bien n’être pas entièrement exact : il a été donné par les formules ordinaires de l'écoulement des eaux à travers des orifices, et nous ne saurions répondre de la complète exactitude des quantités numériques que nous y avons introduites, par exemple, de l'épaisseur de la lame d’eau sortant de l'ouverture de la vanne : le coefficient de la contraction de la veine fluide (0,85), que nous avons cru devoir admettre à cause de la forme de cette ouverture, n’est qu’une estimation toute approximative. Cependant, je crois pouvoir conclure du peu de différence entre les deux résultats, que le mode de calcul dont nous avons fait usage, peut être très-convenablement employé pour satisfaire aux besoins de la pratique. EEE — (x) Cette équation est Q (0,5679 + 0,1809) — 54,24 — 440,86. (2) Dans cette expérience, on avait pour la longueur de m, l'orifice par lequel l’eau sortait. ...........s....ssss.ss 1,48 Largeur de cet orifice. ..... sessssessessssssesese 0, 184 Hauteur de l’eau au-dessus du centre de l’orifice......... 0,434 Coefficient de contraction de la veine fluide admis........ 0,85 L'expression de la dépense était donc 0,85. 1,43.0,194. V'ag.0,434.— 0,6754. DES FONTAINES À TOULOUSE. 369 ; NOTE VI. : . . \ . 1 J Observations sur un Projet où l’eau serait fournie aux Fontaines par une dérivation de la Garonne Jaite à Muret. Dans la séance du conseil municipal du 26 août 1820, il fut lu contre le projet présenté par la Commission, et généralement contre l'emploi des machines, une Notice, dont une partie avait été fournie par M. Maguès; et on ajoutait que le projet dont cetingénieur avait eu l'idée était bien préférable. Je répondis par les observations suisantes. CRE CCC On ne saurait conduire à Toulouse des eaux par une deri- vation proprement dite; c’est-à-dire par un simple canal de dérivation; les localités ne le permettent pas. On peut à la vérité mener, par de tels canaux, &es eaux sur les hauts terrains qui dominent la ville et qui en sont peu éloignés ; et puis, en les emprisonnant dans des tuyaux de fonte, qui reposeraient sur les bas fonds compris entre ces terrains et la ville, on peut les forcer à y venir déboucher. Mais de pareils tuyaux, dont on ne saurait accroître les di- mensions sans une augmentation considérable de dépense, ne conduisent qu'une quantité d’eau limitée : ils font ainsi perdre le grand avantage qui se rattache ordinairement à l’idée d’une vraie dérivation, celui de mener un volume d’eau, pour ainsi dire, indéfini. De tous les projets de cette espèce, celui qui s’exécuterait avec le plus de facilité, consisterait, ainsi qu'on la dit, à prendre des eaux de la Garonne à Muret, à les conduire par un simple canal sur le plateau des Ardennes, d’où deux cents pouces d’eau seraient menés dans des tuyaux de fonte jus- qu'au pont. … Déjà le seul trajet de deux cents pouces d’eau dans les tuyaux de fonte, pour ces seuls tuyaux mis en place, en les disposant avec l'esprit de prévoyance qui a présidé aux trae vaux de la commission , coûterait plus de sept cent mille francs : TOME 11. PART. I. 24 370 ÉTABLISSEMENT j'en donne le calcul circonstancié (1). C’est deux fois et demi plus que pour le projet présenté par la commission. On ne saurait dériver convenablement les eaux d’une grande rivière, coulant en plaine, comme la Garonne à Muret, sans. assurer (e dérivation par une bonne et forte digue. En aurait- on une, sans une très-grande dépense, aussi solide que celle du Bazacle, dont la commission propose l'usage ? Qu'on se rappelle qu'on a abandonné celles du moulin du Château, et qu'on a préfére doubler les frais de. premier établissement , parce qu’elles ne paraissaient pas assez solides. Nous répondrons par cette seule observation à ceux qui ont avancé qu’on ferait la prise d’eau à Muret, sans digue aucune : une telle idée n’a certainement pas été conçue par un ingénieur jaloux d’as- surer la stabilité de son ouvrage. Un canal creusé dans un terrain de transport contenant des bancs de gravier et de cailloux, à mi-côte dans une partie (1) Ce calcul, en admettant les dimensions et les prix des tuyaux usités à Paris à cette époque, 1820, donnait pour 3500 mètres de conduite mis en place......,.....e........ 717-9001 Et avec les accessoires indispensables, plus dé, ......, 800,000 Depuis, en opérant les réductions de dimensions que l’on a faites dans les épaisseurs des tuyaux, en adoptant Les prix auxquels les tuyaux et leur pose sont revenus à Toulouse , en agissant ici comme nous l'avons fait pour les conduites que nous avons réellement posées, je trouve, la charge de la conduite étant de 5 pieds, pour 3500 mètres de double conduite de ox 373 dediamètre.. 496.335 Pour la mise en place............,............,.. 82.292 A —— Ce qui réduit le prix à.................... 578.627f Cette double conduite, comme les nôtres, serait établie dans une galerie souterraine, qui coûterait (au prix de celles construites)... .sesesseesevenoocessse 304.010 AiNSlerss eee ciel sis ee sels so be 082020: Il faut de plus quatre grands robinets-vannes, des ventouses, des caisses de décharge , des regards et quelques autres petits ouvrages d'art, des indemnités aux propriétaires des terrains, des frais de surveil- lance, etc. Ainsi la conduite en fonte, bien et convenablement établie, reviendrait à près d’un million. DES FONTAINES À TOULOUSE. 371 de son cours, est sujet à bien des cas fortuits. S'il n’est pas revêtu d’un bon corroi de glaise en plusieurs endroits, s'il n'est pas ac omne en quelques autres, il perdra 2 par Gil a- tion, une grande partie de ses eaux ; ce n’est qu’au bout de trente ans que le canal de Narbonne a pu conserver les siennes : s’il n’est pas bordé de contre-fossés dans une partie de son trajet, s'il n’est pas traversé par des aquedues sur quelques points ; en un mot, s il n’est pas fait avec des frais considérables , il sera sujet à des choulemens et :à de grands ensablemens, sur-tout lors des averses et des fortes pluies d'orage. Ces éboulemens et ensablemens, réparés ordinaire- ment au bout de quelques jours, peuvent être sans consé- quence pour certains objets, comme les irrigations; mais il n’en est plus de même lorsqu'il s’agit d’un service qui, sans de graves inconvéniens, ne saurait être suspendu pendant plus d’un ou deux j jours. Un canal donnerait assez souv ent lieu à de telles suspensions. Il en occasionnerait de bien plus longues encore , lorsqu'il aurait besoin d’être réparé ou recuré sur une étendue consi- dérable. Ce n’est pas chez nous que l'on contestera cette né- cessité de réparations ou de recuremens, chez nous où lon voit le grand canal qui passe sous nos murs mis à sec pendant un mois entier, et presqne tous les ans, pour un tel objet. Comment pourvoira-t-on d’eau cinquante mille âmes durant ces chômages ? Jamais un canal ne garantira un service aussi assuré que deux machines entièrement indépendantes. I nous priverait encore du précieux avantage d'une clari- fication naturelle. Il faudraït avoir recours à une clarification artificielle , qui, placée sur le plateau des Ardennes, exigerait une bien grande dépense tant pour son établissement que pour son entretien ; et elle diminuerait notablement la hauteur dejà petite à laquelle les eaux arriveraient dans la ville : cette hauteur ne serait guère que le tiers de celle qne nous avons. Clarifier les eaux est. une condition essentielle : qu’on se rap- pelle que les eaux de la Garonne sont sales ou troubles plus de la moitié de l'année, et que c’est sur-tout cette raison qui a porté à rejeter les projets qui ont été présentés, pendant 24. 372 ÉTABLISSEMENT deux siècles ; pour donner à la ville les eaux de notre rivière dans leur état naturel, j , . Non-seulement un canal ôterait en tout où en partie aux eaux des fontaines le mérite de la limpidité , mais encore il en altérerait considérablement la qualité. Elles y couleraient lentement au milieu d’une multitude de plantes et animaux aquatiques , de reptiles qui y vivraient, périraient et s’y pu- tréfieraient ; elles nous arriveraient presque dans le même êtai que celles du canal du Midi, sinon entièrement infectes, du moins hors d’état de servir à la boisson et aux premiers usages domestiques. Les hospices et autres établissemens de Paris ne veulent même pas de l’eau du canal de lOureq qu'on Jeur donne gratuitement ; ils refusent de l’employer. D'ailleurs, notre ville ne saurait entreprendre le grand ouvrage d’une dérivation faite avec le soin et les précautions convenables , sans sortir de son objet, de son territoire , de ses moyens pécuniaires et de ses moyens d'exécution. — De son objet et de son territoire. Ce n’est pas à la ville de Tou- louse à aller arroser le terrain des communes de Muret, Cu- gnaux , etc., ni même les champs du petit nombre de ses habitans dont. les propriétés seraient à portée du canal de dérivation : son objet est d’avoir deux cents pouces d’eau pour ses fontaines , et le projet qui les lui procurera de la manière la plus économique, la plus assurce, et en meilleure eau, doit être préféré. — Sans sortir de ses moyens pécuniaires. L'administration municipale ne peut guère affecter annuelle- ment à l'établissement de ses fontaines plus de soixante, ou de quatre-vingts, ou de cent mille francs : est-ce avec de tels moyens qu'elle ira entreprendre un travail qui coûterait vrai- semblablement deux millious , et peut-être trois, en y com- prenant les terrains à acquérir, les nombreuses indemnités à payer, eic., qui exigerait vingt ou trente ans pour son exécution, et ajournerait encore à un très-long temps les jouissances d’une grande population ? Au reste, quelle que soit la somme alléguée, je remarquerai qu'il est bien difficile de dire d'avance ce que coûtera une construction hydraulique , et l'établissement d’un canal : d’habiles ingénieurs ont aussi, DES FONTAINES À TOULOUSE. 373 dans ces derniers temps, donné des projets et des devis pour la confection des canaux, et les frais annoncés ont été dépas- ses , et de beaucoup. Ainsi le conseil municipal ne saurait en- gager la ville dans une dépense dont il ne voit aucunement le terme, dont il n’a pas même une idée approximative, dépense qui peut excéder de beaucoup ses moyens comme les prévisions des ingénieurs, et qui n’est d’ailleurs commandée par aucune nécessité. — Sans sortir de ses moyens d'exécu- tion. Pour aller faire et pour entretenir des prises d'eau, des digues , des canaux jusqu’à quatre lieues de distance , il faut des ingénieurs, des conducteurs et presqu'une administration spéciale : les états de Languedoc avaient tout cela ; la ville de Toulouse ne l’a point, etthe saurait l'avoir au moins de long- temps encore. Je ne répondrai pas aux objections qui viennent d’être ré- pétées contre les machines : elles ne peuvent être que l'effet de l'ignorance. Les machines proposées par M. Abadie ne no bleue pas plus à celles qu'on a prises pour terme de comparaison (la Samaritaine), qu’une bonne montre de Bré- guet ne ressemble à une mauvaise montre de pacotille : toutes les manufactures de l'Angleterre sont mises en jeu par des machines , et leur travail n’est pas interrompu à tout instant. Le système de celle qui vous est proposée convient très-bien à la ville, et le projet qu on oppose ne lui convient en aucune manière , ainsi que je viens de le montrer. Dans cette circonstance , avec un vrai regret, j’eus à com- battre les idées d’un ingénieur, pour les moyens duquel j'avais une haute estime , avec lequel j'avais, depuis plusieurs an- nées, les relations les plus intimes, avec qui, jusque dans cette fächeuse occasion, j'avais marché d'accord dans les travaux relatifs à l'établissement des fontaines , travaux pour lesquels j'avais souvent réclamé l'usage de ses talens. Mais alors les idées sur lesquelles il insistait me parurent en pleine opposition avec les intérêts de la ville : ces intérêts m’étaient confiés, je dus les défendre , et par suite repousser ce qui, à mon avis, leur était essentiellement contraire. Détermina- tion des dia- mètres, 374 ÉTABLISSEMENT D'ailleurs, je ne jugeais le projet de M. Maguës que sous le rapport de l’eau à fournir aux fontaines de la ville; car, comme projet de dérivation de la Garonne, comme canal d'urigation, je ne cessais de dire que c'était ce qui avait été proposé de mieux. NOTE VIL Détermination du diamètre des tuyaux. Conside- rations sur les formules relatives à cette déter- minatiors et au mouvement de l’eau dans les conduites. Expériences à ce sujet. Lorsqu’uxe conduite est simple, et qu'elle verse par son extrémité toute l’eau qu’elle mène , si D représente son diamètre , L sa longueur, H la hauteur d’eau exprimant sa charge totale (1), et (1) Je précise l'acception que je donne au mot charge. Supposons un grand réservoir entretenu constamment plein d’eau, et qu'a sa partie inférieure on adapte une conduite débouchant dans l'atmosphère, et dont l’extrémité soit entièrement ouverte ou munie d’un ajutage : sa charge proprement dite, ou charge totale, sera la différence de niveau, ou la hauteur verticale comprise entre le centre de l'oritice de sortie et la surface du fluide dans le réservoir. Cette charge ou hauteur est la force qui meut l’eau dans la conduite ; une portion en est absorbée par la résistance que les tuyaux opposent au mouvement, et l’autre produit la vitesse de sortie; e’est la hauteur due à cette vitesse. Si, un peu au delà du réservoir, on perce la conduite, et qu'à l’ou- verture On adaple un tube vertical, l’eau, par suite de la pression qu’elle exerce contre les parois des tuyaux, s’y élèvera jusqu'à ce que sa hauteur fasse équilibre à cette pression ; elle en sera la mesure ( de là le nom de piézometre, signifiant mesure de pression, donné à ce tube). L'eau y sera moins élevée que dans le réservoir d’une quantité égale à la hauteur due à la vitesse de l’eau dans la conduite. Si, en aval du premier tube, on en établit un second , l'eau s’y élèvera moins haut , et la différence de hauteur indiquera la différence de pression aux deux points où les tubes sont placés; elle indiquera DES FONTAINES À TOULOUSE. 375 Q la quantité ou nombre de pouces d’eau menés (dans l'application à la pratique , j’augmente ce nombre de sa moitié en sus; si la conduite doit en mener 20 par exemple, j'en admets 30 dans le calcul), On ale diamètre , par une première approximation , à l’aide de la formule D=omo05 1/0 LE ; Puis, pour opérer avec toute l'exactitude que comporte l'état actuel de la science , on met, dans l'équation suivante, celte première valeur à laquelle on fait successivement de petites augmentations jusqu’à ce que l'équation soit satisfaite : É 2 0m 0000000001 10 += (o +187 D° o) + 0,000000004f28 € = - Le premier terme de cette équation exprime la résistance aussi la différence de charge, puisque la vitesse est la même dans toutes les parties d’une conduite simple, le mouvement y étant uniforme. Cette différence de hauteur, ou plus exactement la différence de niveau de l'eau des deux tubes , exprimera donc la per/e de charge occasionnée par la résistance de la conduite d’un point à l’autre : elle mesurera cette résistance. Dans un système de diverses conduites, si le second piézomètre est placé sur une conduite autre que celle du premier, et où la vitesse de l’eau n'est plus la même, la différence de niveau , donnant la perte de charge, devra être augmentée de la différence entre les hauteurs dues aux deux vitesses : elle serait diminuée , si la vitesse d'aval était la plus considé- rable. Il suit de là que la céarge (effective), en un point quelconque d’un système de conduites, est la hauteur piézométrique en ce point, plus la hauteur due à la vitesse de l’eau correspondante ; ; ou, ce qui est la même chose, qu’elle est égale à la différence de niveau entre le point que l’on considère et le niveau du fluide en tête du système , moins les pertes de charge éprouvées depuis l’origine du système jusqu’à ce point. Les hauteurs dues aux vitesses dans les conduites n'étant que d’un, deux ou trois centimètres, fort rarement de quatre ou de cinq, sont très-petites par rapport aux hauteurs piézométriques ; on les néglige fréquemment, et l'on confond alers la pression avec la charge : queique ce soit le plus souvent sans conséquence das la pratique, ce n’est pas entièrement exact, 376 ÉTABLISSEMENT de la conduite, et le second la hauteur due à la vitesse : leur somme doit égaler la charge totale , ainsi que nous venons de le dire en note. Voyez pour la valeur de ces termes mon Traité sur le mouvement de l’eau dans les conduites. Si la conduite était terminée par un ajutage, ‘d étant le diamètre de son orifice , et m le coefficient de la contraction de la veine fluide propre à cet orifice, Le diamètre sera donné d’abord et approximativement par la formule - 5 / LO° D = 0% 01045 Q = m d* H—0,00000000//28 et en définitive par l’équation 0% 0000000001 Le (o@+ 187 D? 0)+- 0% 00000000//28 = —=H. Dans un système de conduites se ramifiant et sous-ramifiant diversement , On s'attache d’abord à la ligne principale ; et on la suit, portion par portion , en déterminant successivement le diamètre de chacune d’elles, de manière à ce qu'il n’en résulte qu’une perte de charge déterminée. C’est ainsi que j’ai donné à la première porüon de notre système , la double conduite qui va du château-d’eau à la Trinité, un diamètre tel, que les 200 pouces d’eau (j'admettais 300 ) qu'elle doit mener n’eussent éprouvé à ce dernier point qu'une perte de charge égale à un mètre. A cet effet, la première formule ei-dessus , en y représen- tant par H 1 perte que je voulais avoir , a donné un diamètre approximatif, que j'ai eu ensuite d’une manière plus exacte, à l’aide de l’expression suivante , dans laquelle R exprime la résistance ou perte de charge NES è R = om 0000000001 19— 2 (o:+- 187 D° o). Lorsque la résistance due aux étranglemens ou aux coudes est notable , on l’ajoute à celle-ci, qui ne représente que l'effet dû aux parois des tuyaux. DES FONTAINES À TOULOUSE. 377 Si, après la première conduite ou portion de conduite, on a une prise d’eau considérable , une forte érogation (pour em- ployer une expression donnée par M. de Prony et usitée parmi les ingénieurs des eaux de Paris), et qu'il convienne en con- séquence de réduire la grosseur de la portion suivante , son diamètre se déterminera par la méthode que nous venons d'in- diquer, et après avoir préalablement arrêté la portion de charge que l’on veut encore sacrifier. Ainsi successivement pour les parties suivantes. 1 faut tou- tefois ne donner à ces charges perdues que la grandeur abso- Jument nécessaire : car, après avoir déduit de la charge totale toutes les pertes, il doit rester encore assez de charge dans les dernières parties du système, pour que l’eau qui en sort ait encore une force capable de s’élever à une hauteur conve- nable. Le produit des érogations ouvertes sur des conduites est reçu et mené par des branchemens , dont le diamètre se déter- mine comme celui des conduites même, soit que toute leur eau se verse par l'extrémité , soit que 1 portions en doivent être prises dans le cours de leur trajet. La charge totale d’un branchement sera la charge sur la conduite au point où il s’a- dapte, augmentée (ou diminuée) de la différence de niveau qu'il y a entre sa bouche d’entrée et sa bouche de sortie. Il semblerait que la hauteur piézométrique sur le branche- ment, immédiatement après son point d'adaptation , ne devrait différer de celle qui est prise sur la conduite immédiatement avant ce point, que de la différence entre les hauteurs dues aux vitesses respectives du fluide dans les deux sortes de tuyaux : cependant, une expérience, faite à Paris par MM. Mallet et Genieys, a donné à ces ingénieurs une diffé- rence égale à trois fois la hauteur due À la vitesse dans le bran- chement (1); d’après cela , la charge totale d’un branchement devrait être diminuée d'environ trois fois cette hauteur. (1) Essai sur les moyens de conduire, d'élever et de distribuer les eaux, par M. Genieys, ingénieur des ponts et chaussées, attaché au service des eaux de Paris, pag. 145. Expériences relatives aux érogations. 370 ÉTABLISSEMENT Le plus souvent , j'ai déterminé le diamètre des branche- mens, comme s'ils devaient mener jusqu'à leur extrémite , toute ou presque toute l’eau qu'ils prennent à leur origine ; et cela d’après une observation déjà faite : qu'il convient que, le cas échéant, nos tuyaux puissent verser un assez grand vo- lume d’eau sur tous les points de la ville où ils aboutissent. Ce mode de déterminer de proche en proche le diamètre des diverses parties d’une ligne de conduites , d’après les pertes de charge éprouvées ou à éprouver dans ces diverses parties , à été exposé et mis en usage dans mon traité précité (pag. 36, 4o, 4547). I me paraissait une suite du principe générale- ment reconnu qu’un effet n’est en rapport qu'avec la cause qui le produit : ici, je voyais la charge diminuer progressivement dans une conduite par suite de la résistance que les tuyaux opposaient au mouvement ; et je crus ne devoir admettre de pertes de charge que celles qui résulteraient de telles résis- tances, soit qu'il y eût on qu'il n’y eût pas dérogation sur la conduite. Cependant plusieurs observations sur le produit de nos tuyaux semblèrent m'indiquer qu'il en était autrement , et me portèrent à croire qu'une érogation , en produisant une perturbation dans la direction des filets du fluide , pouvait donner aussi lieu à une perte notable de charge. Toutefois , comme les faits qui me portaient à cette croyance pouvaient être aussi la suite d’une résistance des tuyaux supérieure à celle que j'admettais d’après le calcul, avant de me départir de ma première méthode, je voulus consulter l'expérience , et d’une manière directe, sur ce point important de la thcorie. À cet effet, sur une de nos conduites, celle qui va de la place Bourbon au faubourg Saint-Michel ( voy. planche V),. dont le diamètre est de o"0o8 et la longueur de 637 mèt., à 431 mèt. de son origine , je fis remplacer un des tuyaux qui la composaient , par un autre tuyau à trois tubulures : celle du milieu , ayant 0" 05 de diamètre, devait fournir aux érogations ; et chacune des deux autres , placées l'une à o" Bo en amont et l’autre à o"7o en aval de la première, recevait l'extrémité inférieure d’un long tube de plomb , lequel s'élevait verticalement contre un mur voisin , à plus de neuf mètres au- DES FONTAINES À TOULOUSE. 379 dessus du sol : c’étaient deux piézomètres. A la tubulure d’e- rogation ; on avait adapté un tuyau de même diamètre (o" 05), lequel se recourbait de manière à verser son eau dans un cuvier : à sa bouche , on fixait des plaques de fer-blanc per- cées d’orifices circulaires de différens diamètres de manière à faire varier à volonté le volume d’eau qui en sortait, et ce volume était déterminé avec une très-grande exactitude : de même ,. à l'extrémité de la conduite en fonte , on avait ajouté un tuyau en plomb de o"08 de diamètre , et qui versait éga- lement daus un cuvier l'eau fournie par la conduite. Les résultats des expériences qui ont été faites (les,4, 3, 6 et 7 juillet 1830) sont portés au tableau suivant. Avant de commencer chacune des six séries d'expérience qu'on y voit, tous les orifices sur la conduite étant fermés, on prenait la hauteur de l’eau dans les piézomètres : c’était la charge en tête de la conduite , celle qui existait à la cuve de distribution de la place Bourbon : elle aurait été continuellement la même, si toutes les fontaines de la ville , durant les quatre jours qu'ont duré nos observations , eussent versé constamment la même quantité d’eau ; au reste , la variation n’a été que de 7"33 à 7% 49 : dans le cours d’une même série d'expériences, la hauteur en tête de la conduite baissait , il est vrai , et d’autant plus qu'il passait plus d’eau dans les tuyaux : mais l’abaisse- ment n'était que de quelques centimètres , de sept ou huit au plus. Les hauteurs piézométriques sont ici comptées au-dessus de la bouche du tuyau d’érogation. Celle du tuyau à l’extrémité était de 016 plus basse, excepté dans les treize dernières expériences où elle a été d'environ o® 44 plus haute. L'indica- tion 0" 05 au diamètre de lorifice d’érogation annonce que le tuyau d’érogation était tout ouvert : de même, o"08 , pour diamètre à l'extrémité , signifie que la conduite était entière ment ouverte, c’est-à-dire sans aucun ajutage ou boîte à orifice. 380 ÉTABLISSEMENT DIAMÈTRE DÉPENSE PIÉZOMÈTRE de l’orifice à à à l’érogation , en LE D l’érogation.|lextrémité .|l’érogation.| amont. aval. l'extrémité, mèt. mèt, Poue, pouc. mèt, mêt. ,00 | 00 | ooo | 7,49 | 7,49 0,07 0, 00 2,46 6,71 6,71 0,00 0,02 6,00 6,56 2,97 2, 97 0,03 0,00 7» 94 1,12 1,12 0,05 0, 00 8, 21 0, 16 0,16 0,00 2,45 0,00 6,67 6,67 0,01 2, at 2,17 D, 27 5,27 0,01 0, 02 2,43 5, 57 2,24 2,26 0,03 0,87 7,02 0,84 0,89 0,05 0,72 73 26 QC Opx7 0,01 Dior 1,51 2 50 2,04 0, 02 0,02 3,61 #11 1,20 1,21 0,03 2, 46 5,50 0,14 0,12 0,05 2, 40 5, 69 0,11 0, 12 9, 00 7521 0,00 1,9q 1,99 0,01 6,41 1,13 1, 59 1,99 0,03 0,02 4,68 3,27 0,81 0,78 0,03 3,44 3, 83 0,04 0, 04 0,05 3,04 472 9,12 0,06 0,00 ALE] 0,00 1,90 1,55 0,01 6,84 1,02 1,19 1, 19 4, 59 3,40 0,31 0, 77 2, 57 5, 37 0,18 0,16 2,02 5,50 0,06 0, 06 7 32 0,00 1,90 1,91 6, 44 1,16 1,55 1705 4587 — 0,91 0,93 2,50 5,66 0, 18 0,17 2,22 5,96 0,12 0,10 Es | | | | É DES FONTAINES À TOULOUSE. 38t Ces expériences, malgré les légères anomalies qu'elles pré- sentent, sur-tout dans les basses pressions, prouvent d’une manière incontestable que la charge est la même immédia- tement avant et immédiatement après l'érogation, et que l'émission d’une partie de l’eau que mène la conduite, quel- que grande qu’elle soit, ne donne lieu à aucune différence sensible. Je dois remarquer que la conduite de Saint-Michel, par l'effet de quelque cause accidentelle , mais qui nous est abso- lument inconnue, débite beaucoup moins d’eau qu’on n'avait: > q lieu de, espérer : sous une charge de 7" 48, elie n’a donné à son extrémité, toute autre issue étant d’ailleurs fermée , que 7,66 pouces d’eau ; d’après les formules, elle eût dû donner 17,32 ; ainsi le débit a été moindre dans le rapport de 44 à 100. De même jusqu’au point d’érogation , l'abaisse- ment des piezomètres , ou la perte de charge depuis l’origine de la conduite, a été constamment plus forte que ne l'indiquait le calcul dans le rapport de 100 à 18; ce qui dénote encore une dépense moindre dans celui de 42 à 100. Le vice était très-vraisemblablement à la naissance de la conduite, et il ne saurait altérer la conséquence que nous avons tirée sur l'égalité de pression avant et après l'érogation. ; Il se présente, au sujet des formules que nous ayons em- ployées à la détermination des diamètres, une question qui s’est bien souvent présentée à mon esprit durant les sept ou huit ans qu'a duré l'établissement de nos fontaines. La théorie généralement admise par les auteurs qui ont traité du mouve- ment de l’eau dans les conduites, est-elle assez exacte, rend- elle assez exactement tous les faits qui se présentent dans la pratique , pour servir de guide certain à l'ingénieur qui aurait un grand établissement à faire? [1 n’est pas hors de propos de jeter ici un coup d'œil sur cette question , et sur les expériences que nous avons faites pour l’éclairer. Le créateur de la science positive des eaux courantes, tant dans les canaux que dans les conduites, Dubuat , à fait servir, avec autant de succès que d'intelligence, les données de l'ex- périence à l'établissement de ses formules, Les résultats de Observations sur l’exacti- tude des for- mules, 382 ÉTABLISSEMENT celle qui concerne les tuyaux comparés avec 89 résultats d'expérience, ou avec 51, en faisant abstraction de ceux qui étaient obtenus à l'aide de simples tubes de quelques lignes de diamètre, ont présenté un accord à peu près aussi parfait qu’on pouvait le désirer. De ces 51 expériences, 18 avaient été faites par Dubuat lui-même , sur un tuyau en fer-blanc de un pouce (o"o271) de diamètre et de 19,99 mètres de long, auquel il donnait différentes inclinaisons ; 26 étaient de Bossut et sur des tuyaux de un pouce à deux pouces de diamètre, ayant de 9" 74 à 58" 47 de long ; les 7 autres avaient été exécutées par Couplet sur deux conduites de Versailles , lune de 5 pouces (0" 135) de diamètre et de 2280 mètres de long , et l’autre de 18 pouces (0" 49) de diamètre et 1169 m. de long. M. Girard, admettant un principe trouvé et constaté par Coulomb sur la résistance des fluides , donna une forme plus simple et plus scientifique aux expressions algébriques de Dubuat. M. de Prony y ajouta un perfectionnement ; et il fit servir les 51 expériences déjà citées à la détermination des deux coefficiens constans qui entrent dans sa formule , laquelle est aujourd'hui généralement adoptée. Celle d'Eytelwein, basée toujours sur les mêmes expé- riences , est plus compliquée, sans être plus exacte compa- rativement aux observations. J'en ai adopté une qui tient commede milieu entre celles de ces deux auteurs , en se rapprochant davantage, quant aux ré- sultats, de celle de M. de Prony. Il résulte de cet exposé, que nos formules , établies sur des expériences faites principalement avec des tüyaux bien uni- formes, bien nets et d’une assez petite longueur, conviennent plus particulièrement à de tels tuyaux qu'à des conduites pro- prement dites. Si sept des seize expériences de Couplet donnent des re- sultats conformes , il n’en est pas de même des neuf autres ; leur produit est de 20 à 44 et même à 6o et 65 pour cent au-dessous de celui des formules. MM. Egault et Mallet, : DES FONTAINES À TOULOUSE. 383 n’ont constamment obtenu que 114 pouces , et la formule de M. de Prony leur en indiquait 167 ; c’est un tiers de moins. La conduite qui mène l'eau au faubourg Saint-Victor ayant 4750 de long et o"25 de diamètre, sous une charge de 589, ne leur a donné que 54,07 pouces ; la théorie indi- quait 95,13. Ayant de notre côté cherché et saisi toutes les occasions qui se sont présentces de multiplier les expériences , nous en avons fait un grand nombre , et toujonrs leurs résultats ont été au-dessous de ceux du calcul. Nous en citerons quelques uns dans la suite, et nous nous bornerons maintenant à dire que si quelquefois les différences n’ont été que de quelques centièmes, comme dans nos observations sur la hauteur des jets aux fontaines de la Trinité et de la place Bourbon ( Traïé du mouvement, etc., pag. 44 et 51); d'ordinaire elles ont été beaucoup plus considérables , sur-tout lorsque nous opé- rions sur des conduites entièrement ouvertes à leur extrémite ; alors , la dépense a été d’un cinquième, d'un quart, d'un tiers, de moitié et même plus au-dessous de celle indiquée par la théorie : la conduite de Saint-Michel nous en a fourni un exemple ; c’est le plus grand déchet que nous ayons eu. Je ne connais qu’une seule expérience dont le résultat ait été au-dessus de celui du calcul , c’est celle que M. l'ingénieur des mines , Gueymard, a faite à Grenoble sur une conduite qu'il venait d'y établir avec des soims particuliers : elle avait 3205,7 mèt. de long, 0275 de diamètre ; et, sous une charge de 2782, elle a donné 103,03 pouces d’eau; la formule de M. de Prony indiquerait 100,01 (la mienne 100,12). Si l'excès était plus considérable , et qu'il fèt bien positif que le diamètre des tuyaux n'est pas au-dessus de 0%275 , le fait me paraîtrait fort extraordinaire : la formule étant comme faiie sur des conduites aussi simples et aussi parfaites que possible, je ne vois aucune cause qui puisse donner lieu à un résultat plus grand que le sien : ce résultat Expériences donnant di- rectement la résistance des conduites. 384 ÉTABLISSEMENT me paraît un #2aximum dont on approchera d'autant plus que les conduites seront et plus soignées et en meilleur état, mais que l’on ne saurait dépasser. Tandis que de l'autre côte il est un bien grand nombre de causes, dont plusieurs sont dérobées aux yeux de l'observateur et agissent souvent à son insu, qui peuvent réduire le pro- duit des conduites. Lors même qu’elles auraient très-exacte- ment et partout les dimensions admises dans le calcul, que leurs robinets seraient entièrement ouverts , que la résistance due à leurs coudes serait complètement prise en considéra- tion , etc., un corps étranger peut s’introduire dans un tuyau et y produire un étranglement qui diminue la dépense ; de Pair, qui se serait cantonné dans la partie supérieure d’un tuyau placé sur une partie culminante, donnerait lieu à un pareil effet; un dépôt terreux peut rétrécir le passage de l’eau sur une étendue considérable, etc. Certaimement, c’est à de telles causes occultes qu'il faut attribuer le moindre produit que nous ayons obienu dans plusieurs de nos expériences : nous en avons même une preuve directe pour une d'elles. Dans une suite d’obser- vations que nous fimes sur la ligne de conduites qui se termine à la place d’Arnaud-Bernard , nous n’obtinmes , par son extré- mité, que 11,40 pouces, et le calcul en indiquait 16,72. Quelque temps après, on fut dans le cas de démonter un robinet-vanne , adapté à la grande cuve de distribution de la Trinité, en tête d’une des deux branches de la double conduite de o%12 de diamètre, dans laquelle passait aussi l’eau qui se rendait à Arnaud-Bernard , et l’on trouva en travers, devant l'ouverture de ce robinet, un gros sabot. Comment était-il venu là? C'est ce que nous avons peine à concevoir ; mais enfin , il y était; il obstruait en grande partie l'orifice d’une conduite , et il était la cause ou une des causes de la différence entre les résultats du calcul et de l'expérience. Toutefois, il s’est présenté à nous des cas, tels que les deux suivans, où des accidens de cette nature ne nous paraissent pas être la cause des différences remarquées. Voulant varier les comparaisons entre l'expérience et les formules , nous avons TE S — "US ie DES FONTAINES A TOULOUSE. 385 avons essayé de déterminer directement la résistance de nos conduites. Un tube piézométrique placé sur une ‘suite de tuyaux peut servir à cette détermination ; il suffit pour faire connaître la résistance des conduites ou portions de conduites en amont de lui : on fait couler de l’eau dans la première de ces portions seulement, puis dans la première et la seconde : puis dans la première, la seconde et la troisième , ainsi suc cessivement ; les abaissemens successifs de l’eau dans le tube représentent la résistance, ou perte de charge, dans ces diffé rens Cas. : Le piézomètre établi à l'Hôtel de ville a donné lieu à quel- ques expériences de ce genre faites par M. Castel : le détail en a été publié par M. Arago, dans les Annales de Chimie et Physique (cahier de mars 1830). Je me borne à citer celles qui concernent une conduite de om19 de diamètre et de 437% 50 de long. RÉSISTANCE donnée par d’eau entre les deux} # Là À 7 menee, le calcul. | l'expérience. | résistances, QUANTITÉ "| RAPPORT RSR 5 PE En ” Ê Pouces, mètres. mètres. 14, 80 0, 542 0,805 0,673 26, 83 1,657 2, 423 0,683 La résistance indiquée par le calcul n’est guère que les deux tiers de celle trouvée par l'observation. Elle sera moindre encore dans les expériences suivantes que nous avons été dans le cas de faire > Pour vérifier la hauteur Al , © À r Q . . 1 à laquelle l'eau pouvait être donnée à la fontaine projetée sur la place Saint-George. On a élevé, en mars 1830, un tube $ : ; vertical sur la conduite qui traverse cette place, et il a fait connaître les pertes des charges ou résistances des diverses parties de la suite de conduites qui va depuis le château-d’eau jusqu’au delà de Saint-George. Ces parties (voy. planche V°) sont : TOME IT, PART, I, 2 386 ÉTABLISSEMENT 1.° Double conduite aboutissant à la Trinité, ayant o® 27 de diamètre et 605 de long. Je la désigne Er MC m. _2,.° Cond. de la font. dela Trinité, diam. 0,1610ng. 33 Cod allant ROUX. 4: + ee - Ode. « 10) 4.° Cond. allant à la rue des Arts. . . 0,12. . . 167 5.e Cond. allant à la rue Boulbonne. . 0,12. . . 123 6.° Cond. allant à la rue d’Astorg. . . 0,09. . . 169 7.° Cond. allant à Saint-George. . . . 0,08. . . 100 DEEE O8. > DÉSIENAS PERTE DE CHARGE RAPPORT QUANTITÉ donnée par entre oo, le calcul. l'expé- | les deux © mm, é partielle. | totale. | TenCe-” Pertes. Pouces. mètres. TION d’ea de la u menée. mètres, 93,00 0,467 42,ut 0, 074 35, 08 0,666 28,22 0,697 DES FONTAINES À TOULOUSE. 387 Comme on ne peutrépondre des hauteurs piézométriques qu'à quelques centimètres près, l’expérience où l’on n’en a eu que douze ne doit pas être prise en considération ; les autres ont donné moyennêment une résistance presque double de celle qui est indiquée par les formules. Nous remarquerons ici que cette réduction à moitié se re- produit dans nos quatre suites d'expériences, et que sa cause affectant toutes les conduites ne paraît pas être due à un accident local, tel qu'un étranglement où un envasement partiel ; envasement d’autant moins vraisemblable que les conduites avaient été préalablement et fortement lavées à grande eau. Une résistance double changerait l'expression de la dépense qu'on emploie dans la plupart des cas, HD: = Rs ds ; VAR 2 HDS y ED “ Vrr laquelle donne des résultats de près d’un üers plus faibles. Elle motive la méthode que nous avons admise depuis long- temps ( Trailé du mouvement, etc., pag. 46) sinon en principe, du moins en fait, et d’après laquelle nous supposons dans nos calculs, que les tuyaux ont à conduire moitié en sus de l’eau qu’on veut qu'ils conduisent réellement. Les ingénieurs des eaux de Paris, notamment M. Mallet, en agissent à peu près ainsi, en se servant, pour leur pra- üque, de l'expression 14 V4 ne : L En adoptant ces méthodes, nous n’entendons atténuer en aucupe manière le mérite des formules si savamment établies par nos plus célèbres hydrauliciens. Mais nous pensons que 25. en la suivante Dépenses d'une même conduite ter- minée par différens ori- fices. 388 ÉTABLISSEMENT l'ingénieur chargé de projeter et d'exécuter tout grand système de conduites, ne doit pas s’en tenir aux résultats obtenus à l'aide de tuyaux ayant un degré de perfection qu'il n’aura presque jamais; mais qu'il doit se régler Sr les résultats donnés par des conduñes telles qu'on les a en réalité et habituellement, 1à où elles sont posées et tenues avec le soin que comporte en grand ce genre d’établissement; et celles de Toulouse sont dans ce cas. En un mot, nous pensons qu'il convient d'employer les formules admises par nos auteurs, mais avec une latitude que l'expérience a montré être néces= saire. Il serait d’ailleurs très-possible que la théorie elle-même füt dans le cas de recevoir quelque perfectionnement ; et plu- sieurs de nos expériences , notamment celles que j'ai faites en rétrécissant graduellement, à l’aide de différens orifices , la sortie des conduites, me portent à le croire. À mesure que l'orifice diminuait, et par suite à mesure que la vitesse de Veau diminuait dans la conduite, le produit obtenu se rap- prochait davantage du résultat du calcul. Ne pourrait-on pas en infcrer que la résistance croît comparativement à la vitesse dans un rapport un peu plus grand que celui qui est admis dans les formules ? Je sais bien que la principale. cause du fait que je rapporte est que ces formules donnent une résis- tance moindre que celle qui a réellement lieu : mais en y aug- mentant les élémens de la résistance , on ne fait qu'affaiblir la différence que présentent les divers orifices, sans pouvoir la faire disparaître entièrement. On Je voit par les deux séries d'expériences qui suivent. = La première a ete faite à l'extrémité de la ligne de conduites qui va du château-d’eau à Arnaud-Bernard. Nous avons déjà dit que la double conduite de o® 12 de diamètre faisait partie de cetie ligne , et qu'une de ses deux branches avait été obs- truée par un gros corps placé devant son entrée. Admettant qu'il ne passât par cette branche qu'un dixième de l’eau menée par la double conduite (et il y en passait certainement davan- tage), la résistance due àcette double conduite en serait triplée. Nous avons calculé la dépense qu’on aurait dû avoir alors à DES FONTAINES À TOULOUSE. 389 Arnaud-Bernard, et nous avons porté, dans la dernière co- lonne du tableau suivant, le rapport entre la dépense réelle et celle que nous avons obtenue avec cette correction. ORIFICE RAPPORT de la dépense réelle © Coeffic.t de contr. admis. DÉPENSE |; ]a dépense calculée. . ré ‘ TT , Espèce. Ÿ Diamètre. éelle sans avec correct, correct. me | mètres. poures, Orif. circ. 0, 02 0, 62 7: 49 0,76 0,93 percé en minces pa- rois. 0,01 0,64 3,79 0, 89 1,00 0,015 0,63 5,33 0, 85 0,98 0,015 0,82 6,22 0,78 0,92 0,015 | . 0,g0 6,79 0,80. 0, 96 La seconde série d’expériences, et dont les résultats sont au tableau qui suit, a été faite sur la conduite du faubourg Saint-Cyprien ; conduite simple , venant presque directement du château-d’eau , ayant 005 de diamètre et 424 de long : à 269 mètres de son origine est une prise d’eau pour une borne-fontaine ; elle a servi à constater l'effet des érogations. Afin de montrer l'influence d’une augmentation de résistance dans le calcul, on a supposé que ( peut-être par l'effet d’un dépôt) le diamètre de la conduite avait été réduit de om 050 à 0046 : les suites de la supposition sont indiquées à la dernière colonne. 390 ÉTABLISSEMENT QUANTITÉ D'EAU | QUANT. PAPE AYE£G HE: écoulée à d’après | entre le calcul et ou sans le calcul! l'expérience, le l’extré- éroga- : ke < diamètre étant l'éroga- | l’extré- | P’extré- mité. tion. tion té mité : HIS 16e | om 050 | om046 mè Paue, Pouc. paue. re bye sans — 7:44 0,29 0,196 21e MRATEE 2, 7 5,44 = 0,035 { sans _ 7,43 9,09 0,:82| 0,022 avec D 69 5, 57 == 178 { sans _ 7, 43 8,94 0,169! 9,011 , avec 2,6 LE — ci jen À sans = 6,83 | 5,91 | 0,137] 9,004 avec 2,83 5,10 == { sans _— 5,74 6,33 0,093] 0,004 o,01 S À avec 3,31 | 4,17 —- or À sans — 3,55 3,63 0,022 | —0,011 | avec 4,18 | 2,57 T4 22 MMS ENS osast | FAR Si, pour accroître l'effet de la résistance dans la formule , nous avions réduit à 0% 045 le diamètre de la conduite, tous les nombres de la dernière colonne eussent été négatifs, c’est- à-dire que le produit réel eût été plus grand que celui du calcul, ce qui est absurde. Ainsi, et si je ne me trompe , la diminution dans la différence entre les résultats de Ja théorie et ceux de l'expérience, à mesure que l’orifice devient plus petit, ne provient pas seulement de l'excès de résistance de nos conduites, elle tient aussi à la formule. Le tableau ci-dessus montre encore l'effet des érogations , et leur rapport avec les produits de l'extrémité de la conduite. Je ne m’arrêterai pas sur cet objet, et je me bornerai à re- marquer que ce produit est constamment d'environ un quart plus considérable lorsqu'il n’y a pas d’érogation que lorsqu'il y en a. DES FONTAINES À TOULOUSE. 391 Nous avons mis la non-entière ouverture des robinets au nombre des causes qui peuvent avoir réduit, dans quelques cas , la dépense des conduites : sans doute , là où cette cause se présente elle produit un effet; mais il est bien moins grand qu'on ne le croit vulgairement. L'emploi des robinets-vannes , dans notre système de dis- tribution des eaux, nous sugoéra l’idée de faire quelques expériences à cet égard, et sur l'effet des étranglemens en général. Les fontaines de la Trinité et de la place Bourbon, par les beaux jets qu’elles présentent, nous en donnaient des moyens faciles , l’eau y étant fournie à l’aide de tels robinets placés à très-peu de distance. En baissant progressivement leur vanne, on rétrécissait le passage de l’eau, et les jets diminuaient de hauteur : il n’y avait qu’à trouver le rapport entre ces deux élémens de la question. L’abaissement. était donné exactement par le nombre de tours de la vis à l'aide de laquelle il s’opérait : quant aux hauteurs des jets, elles ont été mesurées trigonométriquement par M. Bellot, mon con- frère à l’Académie des Sciences, et ingénieur en chef du cadastre dans notre département. Mais, lorsqu’aidé du calcul, j'ai voulu déterminer à priori les mêmes hauteurs, et établir une comparaison entre ses ré- sultats et ceux de l'expérience , j'ai été arrêté par une difficulté insurmontable , Fexacte détermination de la grandeur des ouvertures successives du robinet. Pour que la vanne, qui est circulaire comme le tuyau qu’elle est destinée à barrer , fermât d’une manière bien juste , on lui a donné un peu moins d'épaisseur dans sa partie inférieure ; on l'a faite légèrement cunéiforme. Il en résulte que lorsqu'elle est en partie levée , outre son ouverture proprement dite , celle en forme de lunule qui est au-dessous d’elle, on a encore sur les côtés, entre ses bords et les parois de la rainure dans laquelle elle se meut, un intervalle par lequel il passe aussi de l’eau : la grandeur du passage pourrait encore se déterminer, quoique difcile- ment; mais il est absolument impossible d'assigner la réduction qu'elle aurait à subir par suite de la contraction de la veine fluide : et après avoir employé inutilement plusieurs jours en Expériences relatives aux étranglemens. 392 ÉTABLISSEMENT calculs, hypothèses et tâtonnemens à cet égard, il m'a fallu renoncer à la comparaison que javais entreprise. Pensant toutefois que les expériences peuvent malgré cela présenter quelqu'i intérét, j'en expose les résultats dans le tableau suivant. Je rappelle d’abord, Que le diamètre de l'ouverture du robinet est de 0% 16 ou plutôt de o"162; -Que celui de lorifice par lequel sort le jet de la Trinité, orifice percé en minces parois, est de o" 0604 ; Que la gerbe de la place Bourbon sort par dix-sept or ifices ; celui du milieu a 02018 de diamètre , et les auires 0" 009. Dans les trois dernières expériences portées .au tableau , le premier, fournissant un jet vertical, était seul ouvert. La première colonne présente les abaissemens de la vanne comptés à partir du point qu'elle -atteint dans la plus grande élévation ; ou plutôt ils sont ramenés à ce point. L’abaissement total est de 0162. La seconde colonne montre les hauteurs des jets mesurées. Pour la gerbe de la place Bourbon, on prenait naturellement celle du jet vertical. Dans la troisième , je donne la série des ouvertures-lunules ‘du robinet, par comparaison avec l'ouverture totale , celle qui a lieu lorsque la vanne est entièrement levée et que je re \ présente par 1. D’ après ce qui a été dit, cette ouverture de- vrait être augmentée de l'intervalle entre les bords d’une partie de la vanne et ceux de la coulisse qui la retient. Enfin, à la quatrième colonne, on a la série des dépenses en eau : c’est la série des racines carrées des hauteurs du jet, les dépenses étant comme ces racines : elles sont rapportées à la hauteur qui correspond a la pleine ouverture du robinet. On a marqué d’un astérisque * les expériences où l’ouver- ture au robinet est plus petite que l’orifice à la sortie du jet : ce cas exige quelques considérations particulières , l'ouverture devenant en quelque sorte l'orifice par laquelle l'eau sort de Ja conduite. SÉRIES DES ABAISSEM.| HAUTEUR | de la du ouvertures! dépenses || : vanne. jet. du des robinet. | jets. Fontaine dela Trinité. Gerbe {| ou jet de la place ! Bourbon. Nous voyons ici que, sans diminution sensible de dépense, dans les deux premières séries , la vanne a été baisse de plus de moitié, et l'ouverture du robinet réduite de plus de moitié ; et que dans la troisième , la réduction”. a été de plus de go S 4 0 394 ÉTABLISSEMENT pour cent, etc., etc. Au reste, la thcorie rend raison de ces faits, bien que nous n’ayons pu en donner la mesure exacte. Je viens de rapporter, dans cette note, ce que les princi- pales expériences que nous avons faites sur les conduites de Toulouse présentent de plus important. Dans un autre ou- vrage, je les exposerai dans tous leurs détails ; j’en discuterai les résultats ainsi que les diverses conséquences qu’on peut en déduire. : y Elles n’offrent pas , dans toutes leurs parties , je le sais, le degré de perfection où d’exactitude qui serait nécessaire , et que j'ai cherché à leur donner. Mais des expériences de ce genre et faites en grand présentent bien des difficultés : elles exigent des collaborateurs intelligens, des frais, beaucoup de soins , de peines et de dispositions préparatoires : elles occa- sionnent un dérangement plus où moins grand dans le service public, et elles sont ainsi vues peu favorablement des adminis- trateurs comme des administrés : aussi ce n’est que lorsqu'elles m'ont paru nécessaires dans l'intérêt de ce service que je me suis décidé à les entreprendre. Ceux qui en ont fait de telles, et cœux même qui en ont senti le besoin, apprécieront ces circonstances , et peut-être me sauront-ils gré de celles que je viens de rapporter , nonobstant les reproches qu'ils auront à leur faire. DES FONTAINES À TOULOUSE. 393 NOTE VIII. Dépense par les orifices de la Jauge du Château- d'eau. Expériences à ce sujet. L'Eau élevée par les machines hydrauliques, ct versée par elles dans la cuvette du château , y traverse, pour se rendre aux tuyaux qui la mènent en ville, une rangée d’orifices rectangulaires de o" 10 de base sur o"o1 de hauteur : c’est par l'élévation à laquelle elle se tient au-dessus de ces orifices, et derrière la mince cloison dans laquelle ils sont percés, que Von juge de sa quantité. Ainsi, il importait de connaître, avec la plus grande exactitude , la dépense d’une des ouver- tures sous une certaine élévation ou charge d’eau. Quelques circonstances particulières , telles que la grande longueur des orifices par rapport à leur hauteur, leur position tout près les uns des autres , faisaient craindre que la formule qui donne le produit de Peche par les orifices ordi- naires en minces parois, avec son coefhicient 0,62, ne füt pas exactement applicable aux nôtres ; il fallait donc consulter l'expérience à ce sujet, c’est-à-dire déterminer, avec son secours , le coefficient de la contraction de la veine fluide propre à notre appareil (1). A cet effet, je fis faire une caisse en fer-blanc de forme à peu près cubique, ayant 0"35 de côté. Elle était divisée en (1) La formule, ainsi que l’on sait, est roy Res EN DE nie à or #2 J ou, plus simplement et avec une exactitude bien suffisante, Q=1m 12 Vagh , dans laquelle Q représente le volume d’eau écoulée, Z la longueur de Porifice, z sa largeur, H la hauteur de l’eau sur le bord supérieur de l'orifice, 4 la hauteur sur le bord inférieur, 4’ sur le centre, et #7 le coefficient de contraction. 396 ÉTABLISSEMENT deux compartimens, par une cloison verticale qui ne des- cendait pas jusqu’au fond. Sur la face antérieure, on avait adapté une plaque de cuivre d’une ligne d'épaisseur, et pré- sentant, à côté l’une de l’autre, trois ouvertures rectangu- laires; celle du milieu avait o" 10 de base sur o®o1 de hauteur, les autres qui en étaient séparées par un intervalle de omo1 de large (comme au château-d’eau), avaient même hauteur et o"o8 de base : une sorte d’auge, soudée à la caisse, re- cevait l'eau de l’orifice du milieu ; et la tenait séparée de celle qui coulait à ses côtés. Sur une des surfaces latérales du compartiment antérieur, était une plaque à coulisse servant de déversoir. Cette caisse fut portée près d’une borne-fontaine établie dans une cour de l'Hôtel de ville : un tuyau en conduisait l’eau dans le compartiment postérieur -où 1l plongeait. Le fluide passant sous la cloison , ou languette de calme, montait tran- quillement dans le compartiment antérieur, S'ÿ arrétait au niveau du déversoir, et coulait par les orifices de la plaque de cuivre placée plus bas. L'eau qui sortait de l'orifice du mi- lieu, et qui tombait dans l'auge, était reçue, pendant dix minutes (600), dans un cuvier qu’on avait préalablement jaugé avec beaucoup de soin. Lorsqu'on voulait opérer, on bouchait ceux des orifices latéraux qui devaient l'être , ce qui s’exécutait, avec autant de facilité que d’exactitude, à laide d'une carte enduite de suif que l’on appliquait contre. On élevait ou baissait le dé- versoir au point convenable , pour que l'eau se ünt, durant l'écoulement, à la hauteur voulue au-dessus des orifices ; hauteur qui se fixait avec une grande précision à l’aide d’une pointe traversant à vis une règle placée sur la caisse, pointe que l’on enfonçait plus ou moins. On a fait de cette manière les 23 expériences portées au tableau suivant : elles ont été exécutées par M. Castel, d’après la marche que j'avais tracée ; et je me suis borné à être te- moin du soin et de l'intelligence avec lesquels il opérait. RÉ S DES FONTAINES À TOULOUSE : 397 du milieu. L ÉTENT ‘| DÉPENSE © conclu Les 2 orific. | un orifice |les 2 oriñc.| moyenne. FAT » latéraux latéral | latéraux fermés. ouvert. | ouverts. ns | tm — sur le centre de l’orifice. moyenne. LIRRIENE mètres, pouces, pouces, Pouces. pouces, 2,01 2,02 2,01 2,01 2,00 2,07 : DÉPENSE DE L’'ORIFICE COEFFI- 2, 42 2,81 2,81 2,42 2,43 0,301 | 2,44 À 2,43 2,43 3,1r 3,40 Le coefficient cherché , variant suivant les charges, a été 0,71 à 0,728 : il augmente lorsque la charge diminue ; ce fait, qui n’a lieu que lorsque les charges sont petites, avait été également observé pour les orifices carrés ou cireulaires. Au château-d’eau, les charges devant être habituellement de o" 03 à 0%05 , on peut adopter 0,72. Antérieurement, en 1828, J'avais fait au château-d’eau , encore avec M. Castel, des expériences sur la dépense des 398 ÉTABLISSEMENT orifices allongés , sur une ouverture pratiquée dans une feuille de fer-blanc, et qui avait o"30 de long sur omo1 de large. Les résultats en sont ci-contre ; mais comme ces expériences n'ont pas pu être faites avec la même précision que les précédentes, je n’en induirai aucun résultat, d'autant plus que nous ne pouvons pas même répondre 0,054 | 9,43 de la largeur de l’orifice à deux ou! 0,064 | 10,26 | 0,71 trois dixièmes de millimètre près ; et| 0,067 | 10,33 | 0,70 qu'ainsi le coefficient moyen, 0,70, 0,077 | 10,87 | 0,68 pourrait bien être 0,71 et même| 0,081 | 11,23 0,69 0,72. Charge. Dépense| Coeffic. 0,018 | 5,28 | 0,70 0,028 | 6,62 | 0,69 0,030 | 7,10 | 0,71 0,71 mèt, pouc. | Les expériences des 4 et 5 juin nous fournissent deux con- séquences générales que je crois devoir signaler. L'on admet que la dépense est indépendante de la forme des orifices , qu’elle demeure la même tant que l'aire de l’ou- verture et la charge demeurent la même, ou plutôt que le coeflicient de réduction est le même dans les orifices rectan- gulaires que dans les orifices carrés et circulaires. Cependant, nous venons de trouver 0,71 ou 0,72 pour nos rectangles de o%10 de base sur o"o1 de hauteur ; tandis que M. Castel , opérant sur les orifices carrés de o"o1 de côté, n’a eu, sous mêmes charges, que de 0,64 à 0,66; et de 0,66 à 0,67 pour des orifices circulaires de o"o1 de diamètre : sous une charge de 030, ces derniers lui ont donné de 0,64 à 0,65. On admet encore que lorsqu'un omifice est ouvert près d’un autre , il en diminue le produit. On cite en preuve quelques expériences faites sur les empèlemens des portes d’écluse du canal du Midi; en en ouvrant un seul, on a eu , terme moyen, 0,615 pour coeflicient ; en les ouvrant tous les deux à la fois, on n’a plus eu que 0,549 : les onifices avaient ici environ 0,63 mèt. carrés, et les charges étaient de 1" 90 à 202. DES FONTAINES À TOULOUSE. à 1800 Dans nos expériences ; au contraire, le coeficient a été tou- jours le même, soit que les deux ouvertures latérales fussent ouvertes , soit qu’elles fussent fermées. M. le professeur de physique Boïsgir aud, témoin d'une de ces expériences, a pensé qu'il serait 0 que le peu de largeur de l'intervalle entre nos ouvertures (il n’était que de o"or, tandis qu’au canal il était d'environ 3® ) fût la cause de la différence dans les résultats obtenus : pour nous en assurer autant qu'il était en nous, nous avons bouché la moitié de l'ouverture des orifices latéraux, de manière à avoir o"05 d'intervalle, et la quantité d’eau lle par celui du milieu a été exactement la même que lorsque les deux autres étaient ou entièrement ouverts ou entierement fermés. On remarquera que les expériences du premier tableau portent le caractère d’une grande précision ; la plupart d’entre elles ont été répétées deux ou trois fois, et elles ont constam- ment donné les mêmes résultats; car une différence d’un centième , et on n’a été au delà que dans la dernière, ne doit pas être prise en considération ; et cependant à chacune d'elles, les dispositions qui fixaient la hauteur de l'eau au-dessus des orifices étaient en partie à refaire. Mais aussi, il est difficile de trouver un aussi bon observateur que M. Castel. Il m'a assisté dans toutes mes expériences sur les eaux de la ville, t c’est principalement à lui qu’on est redevable de l'exactitude avec laquelle elles ont été presque toujours faites. Je l'ai re- marqué ailleurs : «ilest éminemment propre à ces observations, » par l'esprit d'ordre et de rigueur qui le caractérise, par la » pleine connaissance qu'il a des conduites de la ville ; par » l'intelligence de la partie de lhydraulique relative à son » service, celui de controleur des eaux de Toulouse, et par » une extrême facilité dans l’art du calcul ( Annales de Chimie »et de Physique, mars 1830). » Un tel homme ne pouvait qu'être fort utile dans l'établissement de nos fontaines, et il l'a été effectivement; j'en ai donné une preuve en parlant du troisième filtre; et dans un rapport fait au conseil muni- cipal, en 1829, je disais à ce sujet : « Ce n'est pas le pre- * 400 ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES. » mier service dont nous sommes redevables au zèle et à lin » telligence d’une personne que l'administration municipale se » félicite avec raison de posséder, à qui notre ville devra un » jour une administration de ses eaux remarquable par son » économie , comme par l'ordre et la ponctualité qui y ré- » gneront. » FIN DE LA I."° PARTIE DU TOME 2. TABLE DES MATIÈRES. INTRODUCTION. C : 4 ù Pages. ONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Discours du Pre- sident, M. pe MArAREr,, 4000. LS 2 203 v Est-il utile de faire participer toutes les classes de la Société aux bienfaits de l'instruction ? v) Les sciences physiques peuvent-elles prospérer sans porter atteinte à la morale? .. . . . . x] De l'importance des progrès de l’archéologie. XV Norices riocr4PHIQUES , par M. D’Ausuisson , SUP MS ACTA 06 (ie La Ge CUURS XX Sur M. Marqué-Vicror.. . . . . . . . . . . XXV CRM RIVE sua sera ee EU Lee XXxi} 4 . Erar Des Memsres pe L'Acanémre, en 1830. xxxix PREMIÈRE PARTIE. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE SECTION. HISTOIRE. ANNÉE 1823. ANALYSE des travaux de la Classe, par compliquée d’anasarque. Rétrécissement du canal de lurètre , par M. Ducasse. . . . . . 4 Physique et Chimie. Observations barométriques. Marche diurne de l'aiguille aimantée , par M. MarquE-Vicror. . .: .,. . . . .. . 14 Sur la fermentation vineuse, par M. Cnaumonr. 18 OEnomètre capillaire de M. AsTiEr. . . . . . . 23 Pate l'année. eue time rs | 30 TOME IT, PART. I, 26 402 TABLE ANNÉE 1824 ANALYSE des travaux de la Classe. Astronomie. Sur la restauration de l'Observatoire. Lunette par allactique , par M. MarQué-Vicror. Géométrie. Des lignes trigonométriques , les M. ce} 'etflalleofteh a elle ete » ‘eo le 1e 1017 e le lee Trayail.de M-BoucHARERE. ARE 0 EME, . Mécanique. Considérations sur le levier du second genre , par M. VaurniEr Théorie du ventilateur à trompe. Machine ai flante à tonneaux , par M. n’Auguissox. . . . Perspective appliquée au paysage , par MM. LERMIER et GANTIER. . . . . Physique. Sur une trombe, par M. DrRALET.. . . . Sur la respiration et la chaleur animale, par M DNS PAR Eee ae NS Re OR A0 Chimie appliquée. Sur le vinaigre , par M. Macxes. Médecine. Sur le phosphore, par M. Casrran. Hernies étranglées , observées par M. Ducasse. . Prix de l’année. Rapport sur le concours, par M. Ducasse. . . ANNÉE 1925. * ANALYSE des travaux de la Classe , par M. Vaurmenr. Géométrie. Sur les courbes du 2.° degré, par NT NA DER LE RECENSE: RE Physique. Observations barométriques , par M. MARQUE MicroR EME LME PET : Mécanique appliquée. Sur les machines filanies à piston, etc., par M. n’Auguisson. . . . . . . Chimie. Analyse des eaux de Bourrassol, par MMDispantet:MAGNES: "OUEN OT, Médecine. De la saignée dans les phieg rmasies pul- monaires , par M. Ducassg. . Pages. 33 DES MATIÈRES. 403 Pages. Histoire" naturelle. Sur un envahissement des sapi- nières par le hêtre, par M. Drazer. . . . . ANNÉE 1826. ANALYSE des travaux de la Classe, par M. GaxTier. Géométrie. Du nombre des diagonales dans les po- lygones et les polyèdres , par M. Vaurmenr. . Problème proposé par M. RomIEu. . . . . . . . Mecanique. Expériences gazométriques sur léeou lement de l'air, par M. n’Ausuisson.. . . . . Physique. Sur la température de la terre, par MED ATEUISSONN ELU Pit SL ARC CET Technologie. Lampe hydrostatique de M. Astier. . Perfectionnemens dans l'horlogerie ,par M. Bous- SARDS): Re oh AIR RT HS NII LA Chimie appliquée. Ynconvéniens du mode de débiter la poudre de chasse. Sur la chaux hydraulique de Bourret,fpar M: Dispan. .:. 2. . . . « . Médecine. Evacuations sanguines, par M. Ducasse. Faits d'anatomie pathologique, par M. Scourerten. Sur la rage, par M. Cariran. . . . . . . . +. » ANNÉE 1827. ANALYSE des travaux de la Classe. Mécanique. Expériences sur la résistance que Pair éprouve dans les tuyaux de conduite, par MS D AUEDISSON. 2000 Pl. de ant" A Expériences sur un ventilateur à trompe, et observations sur les trompes en général, par lemme: ARE, ES BUTEUR Traité du mouvement de l’eau dans les tuyaux de conduite , par le même. . . . .. ON PAT. Physique. Sur le décroissement de la chaleur dans l'atmosphère, par M. Dispan. . . . . . . .. 89 130 132 404 TABLE : à Pages. Observations sur la température des fontaines de Toulouse, par M. »'Ausuisson. . . . . . ARE SE + Chimie. Mémoire sur le plâtre des environs de Tou- louse, par M. Macnss. 424 44 , : .... . s 136 Technologie. Rapport sur une pendule présentée par NeBOsSOr es, PEINE NET, À Sie TAG Rapport sur l'établissement d’une nouvelle voirie. 141 Médecine. Observations de M. Scour£trex. . . . . 142 Usage de la digitale, par M. Ducasse. . , . . . 146 Formules algebriques relatives au mouvement de Pair dans les conduites , par M. »’Ausuissox. 149 Prrx de l'année at" 0 teen 1x 56 DEUXIÈME SECTION. MÉMOIRES. HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES A TOULOUSE À PAR M. D’AUBUISSON DE VOISINS, INTRODUCTION. Considérations sur les moyens simples et naturels de mener de l’eau à Toulouse. . . . + . . . 159 Sources autour de la ville. Fontaine de AA PIHENTIESLe 02 8 Me à MP UN Le ee RE IN TOR Anciens projets pour un système général de fon taines publiques. . . . . . SR CE e re 169 Circonstance qui à décidé l'établissement actuel. Premières dispositions pour cet établissement. 180 PREMIÈRE PARTIE. Des modes proposés et du mode adopté à leffèt d'obtenir l'eau pour les fontaines. Quantité d’eau voulue (200 pouces). . . . . . 100 Manière de se la procurer. Dérivation des eaux du canal, de l’Ariége, de la Garonne. Conduite des sources de l’Ardenne. Elévation des eaux dé la Garonne par des machines hydrauliques. Ce dernier mode est préféré. . ; . . . . . . . 186 DES MATIÈRES. 405 Pages. Concours ouvert. Ses résultats. Les plans de M. AgaDie sont adoptés (1).. . . . . . « + . . 107 Emplacement pour la machine. Sur la digue du mou- lin du Château : près la fonderie des canons; au faubourg Saint-Michel ; à l'ile de Tounis. 202 Sur la digue du moulin du Bazacle : près le canal Saint-Pierre; à la manufacture de tabac ; près l’hospice de la Grave; près les tours du pont. Ce dernier local est choisi. . . . . . . .« . . . 209 Accessoires de la machine. Château-d’eau.. . . . . 212 Canaux de fuite et d’amenée. . . . . . . . . . 213 Filtres. Divers projets... . : . . 4. ahasr. + 216 Ensemble du projet pour obtenir les eaux. Discussion sur son adoption. Observations de M. de Prony, et perfectionnemens qui en résultent. .. . . . 221 Exécution du projet , et prix-coûtant de ses diverses parties. Canaux d’amenée et de fuite. Gar6- nométrensl ete ce baise ins h. 237 Château-d’eau de M. Raywaup et accessoires. . . 241 Machines hydrauliques de M. Aranig, . . . . . 244 Trois filtres. Remarques sur leurs avantages. . . 247 SECONDE PARTIE. Distribution des eaux dans la ville. Destination des eaux. Besoins domestiques. Lavage des rues et égouts. Décoration des places publi- ques. Ressources contre les incendies. . . . . 262 Etat de répartition des 200 pouces élevés... . . 268 Conduite des eaux. Nivellement préalable de la ville. Choix de deux centres de distribution. Dou- bles conduites et leurs galeries souterraines. . 272 —_— (2) Si dès l'origine de la discussion sur l'établissement des fontaines, en 1817, un mécanicien généralement connu et estimé ne se fût pré- senté avec des plans de machine tout faits, cet établissement n'eût pas eu lieu ; et, sous ce rapport encore, la ville a une bien grande obli- gation à M. Abadie, 406 J TABLE Pages. Tuyaux employés ; leur diamètre , leur épais- seurs étre rise USE AB. GAS M, Cuves de PR SPA. ventouses ; bor- te den «2 68 Tableau général des conduites et de leurs bran- chemens. Résumé du projet... . . . . .. .. Exécution du projet de distribution , et prix-coûtant. Entreprises pour la fourniture des tuyaux, des robinets er er OR ERES : OCNTL NE Pour la pose des conduites. . . . . . . . . . bé Pour les ouvrages de maçonnerie et de terrasse- ment: étre ue RNRReR)e OL OR ROUTeT Concessions d’eau aux particuliers. Prix ide leon concédée. Manière de la donner. Conditions de la concession. Point de concessions gratuites. Fontaines monumentales. Sur les places de la Tri- nité, Bourbon , Saint-George , Royale. Gerbe au Loin PS co STAR Dépense totale pour létablissement des Cntanes NOTES. I. Valeur du pouce d’eau admise à Toulouse: . . . . . TESozrces (de Ardenne NA EE NN NE LT IL. Dépense en charbon de terre qu’eussent exigé des machines à vapeur pour les fontaines de la ville. IV. Description des machines hydrauliques... . . . V. Effei dynamique de ces machines. Force pour le produire... .......:.. MARS PT VI. Observations sur un projet où Ps serait fournie aux fontaines par une dérivation de la Garonne faite A MIUCET- 2 em eee ch eee eee VII. Détermination du diametre des A con dé. rations sur les formules. Diverses expériences faites sur les conduites de Toulouse. . . . . . VIII. Dépense (en eau) par les orifices de la jauge du château-d’eau. Expériences à ce sujet. 297 286 290 DES MATIÈRES. 407 PLANCHES. I. Élévation du château-d’eau. Borne-fontaine. IT. Coupe du château-d’eau et vue des machines. TT. Détails sur les machines. Roue ; corps de pompe. III bis. Plan géométral des machines. Cuvette du château- d’eau (1). IV. Filtres. Plans et coupe. V. Distribution des eaux. Ensemble des conduites. Coupe d’une galerie et d’une cuve de distribution. FIN DE LA TABLE. (1) Cette planche, qui a été ajoutée depuis l'impression de l’ÆZ7s- toire de l'établissement des Fontaines, présente , ainsi que les titres l’annoncent, 1.0 Le plan de La cuvette établie au haut du château-d’eau. On y voit la forme de cette cuvette, la position des bouches des tuyaux qui apportent ou qui emmènent les eaux, la manière dont elle est divisée en compartimens par les cloisons dont l’usage est expliqué à la page 345 de ce volume. 2.0 Le plan géométral des machines ; \ montre leur disposition tant entr’elles qu'à l'égard de la partie inférieure du château -d’eau. On y remarque, entr’autres objets, l'ensemble des aqueducs qui condui- sent les eaux filtrées aux quatre puisards des pompes : ces aquedues, indiqués par des lignes ponctuées et par la lettre F, sont placés sous le radier des canaux où coulent les eaux motrices des roues. L’ingénieuse disposition de ces conduits souterrains et des diverses vannes relatives à leur service est due à M. Abadie. En I, est l'embouchure de l’aqueduc portant Les eaux du troisième filtre, et, lorsqu'on le juge à propos, celle des deux premiers. ERRATA. Page 149, ligne 20, 1° lisez 1° Page 150, ligner2, 1° lisez £° Page 230, ligne24, V lisez v. ———— = ELEVATION DU CHATEAU D'EAU. LS » Echelle du Chatean d'Fai 3 4 5 |rmeËres = ñ I Jl'ontaine s de Toul ousc.PLI. ET ES Tontaines de Toulouse, At l — DE PE PPDA Toulous e. P1 . JU E Tont aines de ELLVATION DES Vzees de NN NN NN \ N NI NS NK Fontames de Toulouse T —— — — ——— COUPE DU | CHATEAU D'EAU. ELEVATION DES Ÿ DEUX MACHINES Vues de 770 tu 72 = ü [F5 | | p 1 —} | || /livear d © se NN | 7 j = — Ï | = + - | | RE Re Ÿ (mA r'E \ | } P1.IL /\ A \\ À| e a) ie C Ÿ }} © k \ EDS D | —— A Zyrl he. l'A 1 é g/ “ fe mailles CC LOUIV LOS LC COUPE OEpS d e Pope : 2e 71 ur LC Aladi File = Tontaines de Toulouse .P1.III. — ELEVATION | de la Machine Hydraulique, @l | COUPE du Corps de Pompe. vue de face. Dessane par ll. Aladie File? RE l'ontaines de Toulouse. PI.IIL Bis. PLAN DE LA CUVETTE. 7 Nr Ph 3 A Lyeanx d'ascension Jar où B/year LConAINSAIL. lei dans la ville [F4 arrivent les eœrrx ae la machine. ne nor loire for. TRE TO SET CDR. Ce PR UTP D = | FE 2 _ = l'ontnines de Toulouse PI, TI Bis. PLAN DE LA CUVETTE. à = JA | arrivent Le 7 r [ a Ai di g | NUE * _ | h| DL AID ul | Îl & il | k 2 / | F4 ; 1Cade D A CO La | =. Zroisiente Dillon 272 Cours à Drllorr | 5 Re de se | à \ IWIKKFKKKKKKKKKKKKKKKKK NN] NS X À AT | NE \ RS \ | | \ Echelle du Plan | 290 TItelres Ke 30 4e % Ce Led do go 100 110 120 150 #0 1$0 16e CRU LE et ñ | S CRRS EL CE Llessene. par L'opitiie rie dr Taur 10, Toulouse + gro a este ht ar année à NE" 20 7 D QG A EN A ae (EU A4 x G al eri e renfermant Les doubles condiriles. Fontuines de Toulonse. PLV. /ndicatiorut Distribution des Lauz te doubles conduites ds les gater ie PA Conduiles s1r0p1les 1 . ‘ ; Cuve de distribution cu round de partage des Laure de Lrinite. Laver de date drotwn. lonlairres (Lôrenver [Fe neue fa , a f mn ; 4 ; VA) 7 Fa Galerie < À / à y renfermant Les doubles conduite NY te L re AA AAA A2 RS A cL 1 1 ER | = ||] À=) À À Chateau d'eau RE EE um men - k Dome d *49 se: DRE > _ k PRET ce Ve EM 1 k 27 : x core C60660066066006006066606606666666600666 9000009909000909000000900000009000900009090009092908 20960900095900909900000000000000000990900090090900000009090000000000000000000099009099908800 d (CA, 2 © 2 2000 00000000000000080000080800008 000000000000 000008 70000 DOS 00 T0 nSe eee senc rene F4 PARTIE, GE e © © © \|© | © M | © 1 | © © © © © © 2 e © © © © © © © © ra © © © © © © e e DES SCIENCES, TOME SECOND. TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE, 1850 DE TOULOUSE. ISTOIRE ET MÉMOIRE ANNÉES 1823, 1824, 1825, 1826, 1827. H INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES L’ACADENIR ROYALE: 2OC0000O00O200000C2S00I00900 C99000000090009000620990 0009000900 00000009 0000000 0000000000 0000000 2009000000 0009 0900909000 00009089 ji: 4 14 C6000600606006666066 | : | ANA À n \ DC VW, LATE PR (A (KES WE YA 1} \| M Ur, f PA WI Ji (9 0 me. | 4, AA à WI y YA 5 43 { X HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. À à 1: M É # ‘" 1 ATX, : € CET" . H hub } ls d À lt EVA 10 4 ut - PTT NT ë i \N . ci ” ARRET s LE * ’ L SUTRA , * Dh AE | x À RE AN t É LA di é 'vA + E: CU 1 : MENT ANTENNES FL à te 3 x n ) Vel” à » . à sf x UT : ÉRNUEES t : LA 2. PAAIOMAM TA AUUTENL : : MOT à 0 K4 A FACE AE nd: CE PART. x 1<+e ou , HP dE 47 <: , six È ! ) N Pet | AA 10H AMAGADAN È Li Re LERoNNE ext. NA | Er AT “eau va HAOrranoeyi VE 1 4 ALLIE ka \ a Ne AR = à … ; L ï Cr ru "PT. PS EE 0, £ | > + . 4 LA LA | 1 … VU ‘ is N : ; i PE 9 € si e À Hit AN 3 X ù v 1 A : ST : 10 LA CRE | pr 4 : # Le re L - x ‘ il _ * » 1 h LA Ad LA V L2 La . " '. Ja È L HISTOIRE ET MÉMOIRES L’'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ANNÉES 1823, 1824, 1825, 1826, 1827. TOME SECOND. 2. PARTIE. TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE, RUE SAINT-ROME, N.° 41. 1850. | “on Ga | AU OA MMAGAONT A qu Tan ea (À j: 2 ant ae F a PAQUET | re 10 HOT LUE NB 06 BE : “Br de CCBt LME EL A pm milite Abe tip. HAODIE AÉOT RU AE 46 ABUOVOT | ACTE soif LINE DA TTAM-FAN, AE statu 1 + UE (Ho TH AE" MIN x 58 LU Ù A, 1 ERP , } 1 RÉSUMPTIONS OU COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE LA CLASSE INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sp, VE e ads canot à PT US EU DER TS RANTOLEI #3 green #1 Ê 0 | RE RP | or ! va Lo ; “ ÿ vi D! f z HOOVER . UN \ [ 2 ra LE. y Je, e è à "2 CENT 2 ; Gi Ê \ va ’ i : | ' pt (7 « LUN y : (l 10 : k 3 j “ 0 « è ÿ - ” 1 Li \ A: t LA ”1 | : à | | « c : f 0 L Î * "LD A} j s [4 { Sr) gr NT RÉSUMPTIONS OÙ COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE LA CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. RÉSUMPTION POUR L’ANNÉE 1895, PAR M. FLEURY LÉCLUSE. Missisurs, Cest avec un intérêt toujours croissant que PAcadémie voit cette réunion brillante, qui chaque année s’empresse d'assister à ses séances publiques, pour entendre le résultat de ses recherches scien- tifiques et littéraires, et les sanctionner, pour ainsi dire, en leur imprimant le cachet de son approbation. Un de nos collègues vient de vous entretenir des travaux relatifs aux Sciences, dont PAcadémie s’est spécialement occupée cette année ; organe de la même Compagnie, j'aurai Phonneur de vous soumettre l'analyse des principaux Mé- L. , M. l’Abbe Jaune. A INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. moires qui ont rapport à la classe des Inscriptions et Belles-lettres; puissé-je également captiver votre attention, et mériter vos honorables suf- frages ! Vous vous rappelez, Messieurs, cette cause à jamais célèbre dans les fastes du barreau d’Athè- nes, où l’on accourut en foule de toutes les con- trées de la Grèce, pour assister à la lutte des deux orateurs les plus célèbres; cette cause dans la- quelle, sous prétexte d'attaquer Ctésiphon sur une prétendue infraction des lois, Eschine dé- ploya toute la souplesse de son esprit et tous les efforts de son génie, pour diffamer son adversaire. Vous connaissez aussi la réponse victorieuse de Démosthène; et vous savez que les Grecs, con- vaincus de la perfidie d’Eschine, qui avait vendu sa patrie à Philippe, auquel Démosthène avait opposé pendant quinze ans les foudres de son éloquence, décernèrent à celui-ci une couronne d’or, pour le récompenser des services qu'il avait rendus à sa patrie. Nous pouvons donc nous écrier avec le poète latin : Vincet amor patriæ , laudumque immensa cupido. Un homme s’est pourtant rencontré, assez ami des paradoxes pour soutenir en thèse publique , que la patrie était une chimère, que l'amour de la patrie n’était qu'une illusion trompeuse. Tel est le sujet d’une dissertation composée par un moine espagnol, appelé Feijo, dont M. abbé JamuE a rendu compte à l'Académie. Il serait RÉSUMPTIONS. “h long et pénible de suivre l’auteur de ce paradoxe dans le labyrinthe de ses sophismes. Tantôt il semble parodier cette scène du Plutus d’Aristo- phane, où Mercure affamé vient supplier un es- clave de le recevoir dans la maison de son maitre, nouvellement enrichi : MERCURE. &Il ne faut plus se souvenir des maux passés, quand on à. fait fortune : au nom des dieux , recevez-moi chez vous. CARION. » Quoi! tu voudrais quitter l'Olympe , et demeurer ici? MERCURE. » Assurément, car on est beaucoup mieux chez vous. CARION. » Mais, je te prie, penses-tu que ce soit bien fait de- déserter ainsi ? MERCURE. » La patrie est partout où l'on se trouve bien (1). » Tantôt il nous retrace au naturel Timon le misan- thrope, que Lucien met en scène, et qu'il fait ainsi parler : « Que ce désert soit la borne qui nous sépare des humains. Les noms de citoyen, de tribu, de patrie même, sont des noms ridicules et vides de sens; il n’y a que les sots qui aiment à les proférer (2). » 3 \ » 0 à » (1) Marpis yep és mao 1 av mparln ris eù. (V. 1152.) \ X e \ , (2) Duacrai de, nai gpéropis, rai moral, xai n marpls dur, \ \ >» te qe : F duxpe nai diwpsAN ciéuare , Kai éyonTay dy pay QIATTIMNHATE. 6 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. En un mot, cosmopolite ou misanthrope, notre Espagnol ne reconnaît point de patrie. M. l'abbé Jamme n’a pas pu admettre ung telle hérésie po- litique, et, après avoir fait connaitre le poison, a voulu nous en garantir par un puissant antidote ; il a donc consacré un second article à la réfutation du Bénédictin. Dans toute discussion, il faut commencer par s'entendre; et, pour s'entendre, il est bon de dé- finir le sujet de la question. Quand Lucrèce, après avoir peint en beaux vers le déplorable sacrifice d'Iphigénie, termine son brillant tableau par ce terrible épiphonème : Tantüm relligio potuit suadere malorum ! qui ne voit pas qu'il s'agit ici, non de la religion, qui jamais n’a pu conseiller le crime, mais de l'abus de la religion, d’une religion mal entendue, en un mot du fanatisme? Eh bien! parce que le mot de patrie a été profané par des anarchistes, cachés sous l’hypocrite manteau du patriotisme, irons-nous vouer à l’anathème un sentiment plein de charmes, et dont un cœur noble et généreux ne peut jamais oublier la douceur? Faudra-t-il donc effacer le souvenir de ces vers si touchans : Nescio quâ natale solum dulcedine cunctos Ducit, et immemores non sinit esse sut. Mais définissons la patrie. D’après létymolo- gie, c’est la terre paternelle, patria terra; C’est celle qui nous a vus naître, qui a été l’objet de nos RÉSUMPTIONS. rm affections les plus tendres, qui a fait sur notre âme les premières impressions ; et les premières impressions sont ineffaçables. Demander si le mot de patrie doit se prendre dans le sens restreint du s0/ natal, serait une question oiseuse et frivole : en effet, si l’on dé- pouille l’idée de patrie de toutes les relations physiques et morales qui s’y rattachent, que nous restera-t-il d’une idée si féconde en sentimens délicieux ? une abstraction chimérique. Et, de même que l’idée de famille renferme en elle celle du père, qui en est le chef naturel, de mème la patrie peut être considérée comme une grande famille, présidée par un souverain ; Pidée de rot est donc contenue dans celle de patrie, ces deux idées sont inséparables. Après avoir terrassé son antagoniste par la force de sa dialectique, notre confrère se plait à égayer sa réfutation , en y semant à pleines mains les fleurs de l’érudition. Ici, Polydamas voulant arrèter Hector, prêt à s’'élancer pour incendier la flotte des Grecs, lui objecte que le vol des oïseaux n’a pas été favo- rable ; «Paugure le plus favorable, s’écrie Le héros troyen , c’est de combattre pour sa patrie (x)! » Là, Calypso, par de molles caresses, par de tendres propos, cherche à retenir Ulysse auprès d'elle; mais le roi n’aspire qu’à revoir la fumée (1) Es oiovos dpiros, auuverdai mepi rérpns! Hom. Il, xrr. 243. ) INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. s'élever des toits d’Ithaque, dût-il mourir après lavoir vue (1). Tantôt, c’est le grand Racine, qui prête à Mardochée cette sublime apostrophe : Quoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie, Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie! Plus loin, c’est Racine le fils, qui, dans le poëme de la Religion, sait nous intéresser jusques aux animaux, en leur prêtant nos sentimens. Il s’agit du départ des hirondelles : Dans un sage conseil par les chefs assemblé, Du départ général le grand jour est réglé. Il arrive, tout part : le plus jeune peut-être Demande , en regardant les lieux qui l'ont vu naître, Quand viendra ce printemps, par qui tant d’exilés Dans les champs paternels se verront rappelés ? Enfin, après avoir démontré, par des exemples frappans, le consentement unanime de tous les peuples sur lamour de la patrie, M. Jamme allègue plusieurs passages tirés de Pécriture sainte, où ce sentiment respire, soit dans toute sa dou- ceur, soit dans toute son énergie. Citons d’une part Pélégie la plus touchante, le vrai modèle du pathétique : Super flumina Babylonis, illic sedimus ; et flevimus cum recor- daremur Sion (2). LE \ \ , 1 27 (1) Ie ecvos XOL XUT 0 amolporxoyre vont Hs pains, Javéeu ipeipera Hom. Od. I. 58. (2) Psaume 137. RÉSUMPTIONS. 9 De l'autre part, rappelons Judas Machabée, se revêtant de ses armes comme un géant, exhortant les 7000 braves, dont 1l était accompagné, à marcher sans crainte contre les troupes innom- brables dAntiochus, et leur inspirant, par sa harangue, un tel enthousiasme, qu’ils se trouvè- rent disposés à mourir pour leurs lois et pour leur patrie; ut ejus verbis constantes effècti sint, pa- ratique pro legibus et patria mori (x). Après ce double Mémoire sur Pamour de la patrie, nous avons à examiner deux autres Mé- moires concernant la ville de Narbonne; l’ancien et le nouvel état de cette ville célèbre présenteront encore un contraste frappant. M. Du Mëce recherche d’abord lorigine des peuples qui habitaient cette partie de la Gaule, qui prit dans la suite le nom de province romaine, et rapporte les fables que les écrivains crédules ont débitées sur la fondation de Narbonne. Il trace ensuite l’histoire de cette ville, depuis l'époque où elle reçut la première colonie romaine établie dans les Gaules, jusqu’à celle où elle fut reprise sur les Arabes. Il la montre portant suc- cessivement les noms de Varbo Martius, de Colonia Julia Paterna, de Narbo Decumano- rum ; et n'oublie ni les épithètes de pu/cherrima et de speciosa qui lui furent données par Martial et Prudence, ni les éloges que lui ont prodigués Ausone et Sidonius Apollinaris. (1) I. Machab. vi. 21. M. Du Mèce. 10 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. L'histoire littéraire de Narbonne occupe aussi notre confrère. Cette ville avait vu naître des poètes, des orateurs, et des grammairiens illus- tres; les arts dépendans du dessin y furent éga- lement honorés, et une foule de monumens, épargnés par la faux du temps, annoncent que la glyptique, ou Part du statuaire, y avait fait de grands progrès. Parmi les monumens que lauteur a recueillis, on peut citer un magnifique autel consacré à la divinité d'Auguste, du vivant même de cet em- pereur , et enrichi de plusieurs inscriptions, dont il donne des copies figuratives, et des explications détaillées. I décrit ensuite les monumens dont les Césars se plurent à embellir Narbonne ; retrouve les traces des deux ponts qui portaient le nom de Pons Septimus, et de Pons Vetus, et passe en- suite à l’examen des bas-reliefs nombreux, et encore inédits, qui décoraient le cirque, le théà- tre, et les portes triomphales. Le second Mémoire de M. Du Mège a pour objet les monumens sépulcraux des chrétiens, que renferme cette antique métropole. Depuis environ un siècle, les archevèques de Narbonne avaient senti qu’il était honorable de conserver les monumens précieux que l’on dé- couvrait presque chaque jour dans cette ville. MM. de Bonzi, de la Berchère , et de Beauveau réunirent dans leur palais une suite de bas-reliefs et d'inscriptions historiques. Mais depuis 30 ans, dit notre confrère, « cette collection, livrée à des RÉSUMPTIONS. II ignorans ou à des personnes indifférentes, a été en partie dissipée ; on a méchamment brisé plu- sieurs bas-reliefs et quelques tombeaux qui or- naient les jardins de lArchevêché. » Ainsi, quoique Narbonne soit peut-être la ville de France qui possède Le plus dantiquités, et qui püût le mieux en former un Musée, « l’insouciance de ses habitans, continue M. Du Mège, la prive tous Les jours des objets les plus intéressans en ce genre. On emploie aux usages les plus vils, des tombeaux ornés de bas-reliefs; le pavé des appar- temens se compose quelquefois d'inscriptions ro- maines. Les bornes mises aux angles des rues sont formées de tronçons de colonnes, de bouts de frises et de corniches (1). » Le palais de la Vicomté, qui était le plus ancien et Le plus grand hôtel de Narbonne, devenu de nos jours la propriété d’un particulier, a été démoli ; et, quoique cet édifice renfermât un grand nombre d'inscriptions, le nouveau maître n’a rien épargné ; tous les monumens, un seul excepté, ont été dé- truits. Après une telle barbarie, s’écrie notre con- frère avec l’enthousiasme de l’indi gnation, peut-on reprocher aux Turcs de convertir en boulets de Canon les marbres des temples de la Grèce ? Îlest heureux toutefois que M. l'abbé Bousquet, dont le génie semble faire exception à celui de PTE RO Len ie eat es Pr Men DA rs LT ge (1) Quomodà obscuratum est aurum ? mulalus est color optimus ? dispersi sunt lapides sanctuari in capite omnium platearum, Jer. Lam. 1v. 1. 2 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. son siècle, ait pris et conservé des copies de toutes ces inscriptions, et facilité par là une entreprise qu'il eüt été, sans ce secours, fort difficile d'exécuter. Heureusement encore , avant le temps du van- dalisme révolutionnaire , plusieurs antiquaires narbonnais avaient inséré des dessins précieux dans leurs recueils encore manuscrits. Enfin, un des plus érudits palæographes, dont le nom seul est un éloge, dom Bernard de Mont- faucon , natif des environs de Limoux, départe- ment de l’Aude, en communiquant au monde savant le résultat de ses doctes et laborieuses re- cherches archæologiques, n’avait pas dû oublier les monumens de sa patrie. C’est à l’aide de ces documens que M. Du Mège a entrepris son travail sur les antiquités de Narbonne. Le premier monument, dont la description s'offre à nos regards , est un bas-relief, encastré présentement dans l’un des murs de l’hôtel des postes, et qui représente , suivant quelques anti- quaires , les noces d’Ataulphe et de Placidie ; ils y distinguent clairement la mariée et le nouveau marié. Bernard de Montfaucon donne de ce même monument une toute autre description; et, sans y reconnaître une cérémonie nuptiale, il nie ce- pendant que cette pierre ait jamais pu servir de sarcophage. Notre confrère ne doute point que ce ne soit un monument sépulcral, et croit distinguer, RÉSUMPTIONS. 13 parmi les personnages qui y sont figurés, Jésus- Christ multipliant les pains et les poissons, qu’on lui présente dans deux cobeilles. L'auteur passe en revue plusieurs autres mo- numens, où sont retracés le sacrifice d'Abraham, Moïse frappant le rocher, Jésus-Christ au jardin des Oliviers, saint Paul piqué d’une vipère dans l'ile de Malte. Quant aux inscriptions sépulcrales, Narbonne, selon M. Du Mège, n’en présente aucune que l’on puisse attribuer aux premiers chrétiens, à l’ex- ception d’un seul fragment qu'il a rapporté. En ellet, dit-il, c'est au 3.° siècle que les meilleurs critiques fixent la mission de Paul et de Saturnin, premiers évêques, l’un de Narbonne, et lautre de Toulouse; mais ce ne fut que sous la domi- nation de Constantin, qu’il fut permis aux chré- tiens de placer sur leurs monumens les symboles de leur croyance. Des antiquités de Narbonne transportons-nous, pour un moment, avez M. Caaupruc de Crazan- nes, vers les confins du vieux Poitiers, afin d’exa- miner une pierre druidique, sur laquelle se trouve une inscription moitié celtique, moitié romaine. Mais avant d'essayer de la déchiffrer, rappelons- nous cette inscription dont le philosophe Xanthus ne pouvait démêler le sens, et que son esclave lui expliqua de trois manières différentes, Elle était composée de six lettres grecques (1). a Ah du m7, (1) 4. B. A. O. E. ©. M.Craupruc DE CRAZANNES. 14 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Ce sont ici, dit Ésope, des sigles, ou lettres initiales, qui signifient que, «si vous reculez de quatre pas, et que vous creusiez, vous trouverez un trésor (1). Puisque tu es si subtil, repartit Xanthus, j’au- rais tort de me défaire de toi; n’espère donc pas que je t’affranchisse. Et moi, répliqua Esope, je vous dénoncerai au roi Denys ; car c’est à lui que le trésor appartient; et ces mêmes lettres com- mencent d’autres mots qui signifient : « Rendez au roi Denys le trésor que vous aurez trouvé (2). Le philosophe intimidé dit au Phrygien qu'il prit sa part de largent, et qu’il n’en parlât point : de quoi Ésope déclara ne lui avoir aucune obli- gation, ces lettres ayant été choisies de telle ma- nière, qu’elles renfermaient un triple sens, et signifiaient encore : « En vous en allant, vous partagerez le trésor que vous aurez rencontré. » C’est précisément le cas où nous nous trouvons. Trois OEdipes ont sué pour expliquer une inscrip- tion mutilée, composée de moins de trois lignes, dont les caractères semblent par leur forme se rapporter au 2.° siècle de notre ère. M. Bourignon, ayant pris un simple O pour un ©, y a vu la sigle de @avév (defuncto). M. Siauve a trouvé le signe d’un repos éternel dans ce qui a paru un nom propre à M. Chaudruc; et un mot barbare, placé isolément au-dessous des deux lignes, dans et Suptirasen poutisle "nf -spunthes (1) 'AmdGus Bnuara À (récup) 'Opvgus Evproeis Onravpor. (2) 'Amodos BursAsi Aura Ov Edpareus Onraupoy. RÉSUMPTIONS. 19 lequel M. Chaudruc à cru reconnaître encore un nom gaulois (1), pourrait bien n’être qu'un com- posé de sigles représentant le millésime (162), de la même manière que le mot Mahomet , écrit en grec (mæouéns ), représente le nombre 666, qui est le nombre du nom de la bête de l'Apo- calypse (Chap. x, vers. 18). Il me reste, Messieurs, à vous retracer le plan d’un Mémoire assez étendu (2), et qui, étant par lui-même une très-rapide analyse, semble par là peu susceptible d’être analysé. Cest un tableau des Langues, considérées principalement sous le rapport de leur filiation et de leur connexion. La concision produit nécessairement la sécheresse ; mais la prolixité traîne apres elle l'ennui, et Vennui ne se pardonne point. Je vous prie donc de me continuer votre bienveillante attention , et je tâcherai d'éviter ce double écueil. Le Créateur, en formant l’homme à son image, voulut lui assurer Pempire sur toutes les créa- tures dont il avait peuplé la terre, l'air et les eaux. Il lui inspira donc un souffle de vie, divinæ particulam auræ. Ce souffle divin produisit un être doué de raison, ou, comme nous dit Ecri- ture, une âme vivante. Mais cette raison, sans la parole, eût été pour l’homme un avantage à peu près nul. En eflet, de même qu’un tableau, (1) On assure que d’autres inscriptions peuvent légitimer ce nom gaulois ([EVRV). — Voir l'abbé Lebeuf, t. 11, p. 271. (2) Composé par celui qui a honneur de porter la parole. M. LÉCLUSE, 16 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. nuancé des plus brillantes couleurs, a besoin de la lumière pour les laisser apercevoir, de mème la raison ne peut se manifester sans la parole. Parole et raison sont donc identiques, et voilà pourquoi, chez les Grecs, il n’y a qu'un seul mot pour les exprimer toutes deux, Xéyos. C’est dans ce sens qu'il faut expliquer le début sublime de PApôtre saint Jean : «Dès le commencement existait la parole : la parole était avec Dieu ; la parole était Dieu. » Prétendre que chaque société ait composé son langage, serait aussi absurde que de soutenir que ce n’est pas du Créateur que nous avons reçu le don de la raison. Aussi voyons-nous qu'avant la possibilité d'aucun signe conventionnel , avant l'existence d'aucune société, puisque la femme n’était pas même encore formée, Dieu voulant que le premier homme fit un premier usage de sa raison , fit venir devant lui toutes les bêtes des champs, et tous les oiseaux des cieux, «afin qu’il vit comment il les nommerait, et afin que le nom qu'il donnerait à tout animal, füt son nom. » Ici auteur examine une question , sur laquelle les philologues ne sont pas d'accord. Doit-on cher- cher l’origine des mots dans les substantifs ou dans les qualificatifs ? En d’autres termes, est-ce la substance ou la qualité qui a été la base des déno- minations? ces expressions de la Genèse, afin qu’il vit comment il les nommerait, lui semblent an- noncer que le nom de chaque animal a dû être tiré de ses qualités les plus apparentes. En eflet, RÉSUMPTIONS.. 17 sil ne s’était agi que d'appliquer à chacun un nom pris au hasard, il n'aurait pas fallu un grand effort de raison , pour forger avec Sganarelle des cabricias arci thuram , catalamus, etc. Mais le premier homme dut attacher, et attacha effecti- vement au nom du lion, l’idée de la violence; à celui du taureau, l’idée de la force ; à celui du chameau , l'idée des services que cet animal pour- rait rendre. «Il est triste, dit Voltaire à ce sujet, qu’une si belle langue soit entièrement perdue; plusieurs savans s’occupent à la retrouver, ils y auront de la peine. » Cette mauvaise plaisanterie tombe d’elle-même. En voici la preuve. Un Français, qui n'a point étudié le latin , soupçonne-t-il que le mot maison renferme l’idée d’une propriété essentielle? Cepen- dant maison est le mot latin mansio, dérivé de manst, parfait de manere, demeurer; c’est done le lieu où l’on demeure. Même avec la connais- sance du latin, découvrira-t-on cette propriété, ou toute autre semblable, dans le mot domus ? non; mais en remontant jusqu’au grec, on verra que le mot latin domus est le mot déuos, dérivé de dédoua, parfait de Myew, bâtir. C’est donc un bâtiment. Quelqu’éloignées de leur source que soient les langues latine et française, on voit néanmoins qu’elles ont conservé, selon leur degré d’éloigne- ment, plus ou moins de vestiges de cette belle langue primitive, et qu'il y a, par exemple, en- 2 18 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tre maison et domus, une connexion d'idées assez évidente. En nous élevant jusqu'au grec, les traces sont bien plus apparentes encore; chaque expression est une peinture, dont les nuances peuvent se multiplier d’une manière indéfinie ; et telle est la vraie cause pour laquelle les géo- mètres, les médecins, les physiciens, les chimistes modernes emploient encore cet idiome dans leurs nomenclatures, de préférence même à leur langue maternelle. L'auteur se reporte ensuite, par la pensée, jusques à la langue primitive; car il faut bien, ditl, en admettre une, à moins de rejeter lau- thenticité des livres de Moïse. Après nous avoir dénombré, dans le chapitre x.° de la Genèse, les générations des trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, qui seuls avaient été sauvés du déluge universel , l'écrivain sacré termine ainsi : « Telles sont les familles des enfans de Noé, selon leurs lignées et leurs nations; et de ceux-là ont été divisées les nations sur la terre après le déluge. » Puis il commence en ces termes le chapitre x1.€ : « Alors toute la terre avait un même langage, et une même parole. » Ce ne fut effectivement qu'à l’époque de la tour de Babel (mot hébreu qui signifie confusion ) que Dieu, pour punir Por- gueil des mortels, confondit leur langage, et les dispersa sur toute la terre. Nous avons donc déjà les trois divisions princi- pales de cette langue primitive : Sem peupla PAsie, Japhet l'Europe, et Cham l'Afrique. Chacune de D RÉSUM PTIONS. 19 ces colonies parla une langue distincte, qui, par les mélanges successifs, ne dut pas tarder à se ramifier, et à former une infinité de subdivi- sions. Parmi le petit nombre de mots qui paraissent s'être soustraits à la confusion générale, l’auteur cite le mot sac, qui en hébreu, en grec, en latin, en allemand, bref dans toutes les langues dont il a acquis quelque connaissance, n’a point éprouvé d’altération sensible, Mais en général, la confusion a été telle, qu'il faudrait saisir le fil d'Ariane pour ne pas s’égarer dans ce labyrinthe. Il espère cependant que Panalyse remplacera ce fil pré- cieux, et que son flambeau nous dirigera d’une manière efficace dans ces pénibles recherches. Abraham, fils de Tharé, descendait en ligne directe de Héber, arrière-petit-fils de Sem. Il est probable qu'il avait conservé la langue du chef de sa famille ; cest donc la langue hébraïque qu'il faut envisager comme la branche ainée de la lan- gue primitive; et, si lon n’accorde pas à l’auteur qu’elle ait été elle-même cette langue primitive, au moins est-elle le prototype de toutes celles que les philologues appellent langues sémitiques. Eh bien! dans la langue hébraïque, tous les noms propres mêmes sont significatifs, et l'Écriture nous rend raison de chaque dénomination. Si Lamech nomme son fils Noé, c'est, dit-il, parce que ce fils nous consolera ; Rachel, à qui sa der- nière couche coûta la vie, ayant nommé ce cher enfant Benoni (le fils de ma douleur), son père, 9 hs. 20 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. pour écarter cette idée affreuse, Pappela Benjamin (le fils de ma droite). La langue hébraïque est la seule, dans laquelle le nom ineffable du Créateur nous offre une déf- nition réelle et capable de nous le faire connaître. En effet, appelonsle Dieu, Deus ou Oz6s, ces mots ne semblent être que des signes arbitraires, et nous les employons souvent en parlant des créatures elles-mêmes. Mais le vrai nom du seul être nécessaire se compose en hébreu des trois élémens qui marquent les trois temps du seul verbe nécessaire être; et Jehovah signifie celui qui est, fut et sera, ou, comme Racine Pa fort bien traduit, l'Éternel. L'auteur fait ensuite l'éloge de cette langue, donne une idée générale de sa grammaire, déve- loppe plusieurs passages sublimes, défigurés dans les traductions , et décrit les caractères principaux qui constituent son rhythme poétique. Notre tâche n’est pas de reproduire ici tous ces détails; contentons-nous de citer une magnifique description du tonnerre (que les Hébreux appel- lent la voix de l'Eternel }, où l’auteur s’est efforcé de rendre fidèlement le rhythme hébreu, la coupe des hémistiches, l’ordre des idées, et la gradation des figures, afin de prouver que, même sans accessoire d’une versification étrangere, la poésie hébraïque était étincelante de sublimes beautés (1). (1) Psaume 20. t2 10. 11. RÉSUMPTIONS. 2P ! A ne . 1! Ÿ- OA . Cedez à l'Eternel , fils des puissans ! cédéz à l'Éternel la gloire et la force. Cédez la gloire au nom de l'Eternel ; adorez l'Éternel dans son sanctuaire éclatant. . La voix de l'Éternel retentit sur les eaux; le Dieu de gloire fait entendre son tonnerre : l'Eternel plane sur l'immensité des eaux. . La voix de l'Éternel déploie sa force ; la voix de l'Éternel. déploie sa magnificence. . La voix de l'Éternel brise les cèdres ; l'Éternel brise les eèdres du Liban. . I les fait bondir avec l'agilite d’une génisse ; 1] fait bondir le Liban et le Sirion, comme le faon d’une licorne. . La voix de l'Éternel lance des éclats de flamme étince- lante. . La voix de l'Éternel fait trembler le désert ; l'Éternel fait trembler le desert de Cadès. . La voix de l'Éternel déracine les chênes , et dépouille les forêts ; chacun court vers son temple, pour chanter ses louanges. L'Eternel est assis au-dessus des nuages ; le Roi des rois est assis sur un trône inébranlable. L'Éternel rendra son peuple florissant ; l'Éternel donnera à son peuple la bénédiction et la paix. Un simple coup d'oeil, jeté sur une bible pol y- glotte, suffira pour convaincre que le chaldaïque, le syriaque, le samaritain, et l'arabe, ne sont que des dialectes de l’hébreu. Dans toutes ces langues sémitiques, appelées aussi langues d'Asie, ou orientales, les caracteres se tracent de droite à gauche, et l’on n’écrit ordinairement que les consonnes. Les plus anciens caractères semblent 22 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. être ceux que les Samaritains ont conservés jus- ques à présent. L'auteur de ce mémoire passe ensuite à l’exa- men des deux autres branches de la langue pri- mitive, c’est-à-dire des langues de Cham et de Japhet, ou d'Afrique et d'Europe. Nous lisons, au chapitre x.° de la Genèse, que Cham eut quatre fils; entrautres, Mitsraïm et Canaan. Mitsraïm est le nom que l’'Écriture donne à l'Égypte; et parmi les descendans de Canaan, nous trouvons relatés les Sines. Ainsi, légyptien et le chinois paraissent devoir être rapportés à la langue de Cham. L'Égypte était déjà très-florissante dès le temps de Joseph, dont Pharaon changea le nom en un nom écyptien, que la Vulgate traduit par mundi salvator, mais qui, d’après les mots du texte hébreu, et de la version grecque des Septante, signifie absconditi revelator (1). Moïse, qui vivait quinze siècles avant Jésus- Christ, doit avoir contemplé les pyramides, et connu le langage hiéroglyphique; mais, n'ayant en vue que les intérêts du peuple de Dieu, il n'aura pas cru devoir s'occuper de ce qui n'avait rapport qu'aux descendans d’un fils coupable, et frappé de la malédiction paternelle. Après quelques idées générales sur les langues égyptienne et chinoise, l’auteur, qui s’est long- (1) Vertilque nomen ejus, el vocavit eum lingüa ægypliaca salvalorem mundi. N3ÿ2 N39Y VorSomqurx , Gen. xLr. 45. RÉSUMPTIONS. 23 temps occupé de cette dernière, nous promet sur ce sujet un Mémoire particulier (1), dans lequel il essaiera de démontrer l'importance de ce sys- tème, pour tous ceux qui aiment à réfléchir sur la métaphysique du langage , et à pénétrer, par cette voie, dans les mystères de l’entendement et de l'intelligence de l’homme. Il observe en outre que dans ces deux langues, qui, selon lui, re- posent sur des bases à peu près semblables, les images, ou signes emblématiques, se tracent per- pendiculairement, et de droite à gauche. Parvenu aux langues japhétiques , appelées aussi langues d'Europe, ou occidentales, Pauteur procède à leur examen en suivant la même mé- thode, c’est-à-dire, en sappuyant toujours sur l'autorité des saintes Ecritures. Parmi les enfans de Japhet, Moïse nomme Gomer et Javan ; et, au nombre des fils du der- nier, nous trouvons Tarsis et Dodanim. « De ceux-là, ajoute l'Écriture, furent divisées les îles des nations par leurs terres, chacun selon sa langue, selon leurs familles, entre leurs na- tions. » Après quelques réflexions sur la langue hon- groise, et sur celles des Celtes gomérites et des ——————_—_—_———@—— (1) L'auteur de cette Résumption a lu depuis à l'Académie (le 31 janvier 1828) un Mémoire sur les langues écrites , et notamment sur le système graphique des Chinois et des Égyp- tiens. Son but a été d'établir en principe que tous les signes alphabétiques ont représenté des images, avant de représenter des sons. 24 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Cantabres(r), c’est-à-dire, sur ces illustres débris de l'antiquité qui confondent l'orgueil de la scien- ce, l’auteur s'attache à Javan, frère de Gomer, dont le nom se retrouve dans celui de lTonie; comme le nom de ses fils Tarsis et Dodanim, dans celui des peuples de Tarse et de Dodone. Cest donc la langue d’Ionie, la langue d'Homére, qu’il a prise pour base dans son examen des lan- gues de l’Europe, ou des langues japhétiques. On peut à juste titre envisager la langue grec- que, comme tenant le milieu entre les langues de l'Asie et celles de l'Europe. La position géo- graphique des Grecs ne s'oppose pas à cette hy- pothèse, puisqu'ils occupent les extrémités de ces deux grandes portions de l’ancien continent. Ils ont recu leurs caractères du phénicien Cad- mus; Cadmus, signifiant oriental, pourrait fort bien n'être pas un nom propre, et désigner sim- plement un homme de lOrient. Le phénicien , d'ailleurs, n’était qu'un dialecte de lhébreu, comme on peut s’en convaincre par le fragment que nous en a conservé Plaute dans son Poœnulus(2), ———_—_—pr (1) L'auteur de cette Résumption a lu depuis à l'Académie (le 2 février 1826) nne Dissertation sur la langue basque, qui a précédé la publication de sa Grammaire basque , \m- primée à Toulouse chez J.-M. Douladoure ; et pour compléter ses travaux sur cet important idiome , il va publier imcessam- ment , sous le double format in-8.° et in-{.°, un Dictionnaire basque, espagnol et français, sous le titre de ESCUARAREN corpuTZA , Ou Lexicon cantabricum. (2) Acte v.e, scène 1."° RÉSUMPTIONS. 35 ôù Hannon, carthaginois, parle en langue puni- que ou phénicienne. Démontrer que les lettres grecques ne sont autres que les anciens caractères hébraïques ou les samaritains , retournés de droite à gauche, et que le passage de l’un de ces ordres à autre est attesté par d'anciennes inscriptions tracées en boustrophé- don (1); traiter de la vraie prononciation de cette langue, de son système grammatical, des rapports plus ou moins éloignés qu’elle semble avoir avec l’hébreu, ce serait un sujet trop étendu pour le faire entrer dans cette rapide analyse; et d’ailleurs l'auteur se propose de le développer bientôt dans la seconde édition de son Panhellénisme. Il y a dans l'Europe deux autres langues, qui, avec la grecque, sen partagent l’empire. C’est l’ancienne langue des Teutons et celle des Slavons. Toutes trois ont le même génie, et la même facilité pour former des mots composés, sur-tout à l’aide des prépositions, ce qui n’a pas lieu dans les langues sémitiques; en un mot, il est visible qu'il y a entre ces trois langues une grande analogie, sans que l’on puisse dire que l’une soit dérivée de l'autre. La langue grecque s’est fondue dans la langue latine, qui a légèrement modifié ses ca- ractères. La langue des Teutons est la langue allemande, avec les anciens caractères latins ou gothiques ; et celle des Slavons est la langue russe , avec les caractères grecs. (1) Id est, more boüm arantium. 26 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Frappé de Panalogie qui règne entre le grec, le russe et l’allemand, et croyant néanmoins y découvrir plutôt une connexion qu'une filiation, Pauteur a cru devoir les rapporter à une source commune, et a pensé que la langue sanskrite pourrait bien être le type de ces trois idiomes principaux , et conséquemment de toutes les lan- ques japhétiques. Après s'être étendu sur cette langue sacrée des Brahmes, qui le dispute dantiquité avec celle des Chinois et des Esyptiens, il essaie de fortifier son opinion par quelques rapports assez remar- quables, qu'il a découverts entre la langue des Indiens, et les trois langues qui se sont partagé empire de l'Europe. Beaucoup de mots latins, par exemple, com- mencent par la particule ve, tels que vecors, vesanus ; et cette particule privative n'existe pas dans le grec. Eh bien! en sanskrit ve est une particule privative. Il y a plus : le mot veuve, en latin vidua, en italien vedova, est composé en sanskrit de la particule ve, et de dov, qui signifie mari; ainsi ce n’est que dans cette langue que l’on voit clairement que vedova signilie sans mari. Dans un grand nombre de langues euro- péennes, il y a un rapport marqué entre neuf, signifiant 3 fois 3, et neuf signifiant nouveau; tellement qu'à Paris, lorsque lon nomme le pont neuf, les uns prétendent qu'il doit ce nom à ses neuf arches ou à ses neuf issues, et les RÉSUMPTIONS. 27 autres aiment mieux qu'il ait été ainsi nommé, parce qu'il était nouveau lors de sa construction. Cette ressemblance a lieu en latin, r0ovem, no- vus; en grec, évvéæ, véos; en allemand, zeun, neu ; en anglais, rüne, new ; elle n’existe dans aucune langue sémitique , et elle se retrouve dans le sanskrit. Ayant cherché à assigner une raison à ce rap- port, l’auteur a pensé que les Indiens, inventeurs de la numération décimale, et des chiffres que nous appelons arabes, parce que ceux-ci nous les ont transmis, avaient voulu marquer qu’arrivés à neuf unités, il fallait passer à un nouvel ordre, à celui des dixaines. Ces rapports sont curieux, mais en voici un d’une toute autre importance : la déclinaison la- tine sermo, sermonis, se retrouve avec toutes ses désinences dans la grammaire sanskrite. Cette observation et une foule d'autres sont consignées dans le Lexique français-orec, à la confection duquel Pauteur a employé tous ses loisirs, depuis qu’il a fixé sa résidence à Toulouse. En publiant cet ouvrage classique, dont il n’exis- tait encore de modèle en aucune langue vivante, son seul regret a été de ne pouvoir, faute de ca- ractères grecs (1), lui donner le jour au sein même de la cité palladienne. (1) Toulouse possède maintenant des caractères grecs et même hébraïques, et parmi plusieurs opuscules sortis des presses de Fr. Vieusseux , on peut citer la Chrestomathie grecque, la vie de Periclès , etc. RÉCAPITU- LATION. 28 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Après avoir soumis au jugement des érudits: cette importante question, relative à la langue sanskrite, l’auteur revient à sa triple division des langues européennes, dont les caractères se tra- cent de gauche à droite; compte au nombre des dialectes de la langue russe, le polonais, lilly- rien, le croate et le bohémien; rapporte à la lan gue allemande, Panglais, le hollandais, le danois et le suédois; et considérant la langue grecque (qui lui paraît former le passage entre les langues d'Asie et celles d'Europe ) comme la mère de la langue latine, il déduit naturellement de cette dernière, la française, l'italienne, espagnole et la portugaise. Ce mémoire est accompagné d’un tableau poly- glotte, où Pauteur a pris le début du Télémaque, pour terme de comparaison entre douze langues. Ici, Messieurs, se termine l'analyse des mé- moires littéraires dont nous avons dû vous entre- tenir successivement; car la simultanéité n’est pas admissible sous empire du temps; c’est un privi- lége que léternité s’est réservé. Mais comme, dans toute succession d'idées, Les dernières aflaiblissent l'impression des premières, permettez-nous de re- porter nos regards en arrière, et de les arrêter un instant sur les points capitaux de notre ré- sumption. 1. — Trois idiomes dominans, en Europe, of- frant entreux plutôt connexité que filiation, et dont le prototype nous paraît être le sanskrit, constituent le domaine des langues japhétiques. RÉSU MPTIONS. 2 Les caractères se tracent de gauche à droite; on écrit les consonnes et les voyelles. 2. — Les hiéroglyphes égyptiens et les carac- tères chinois, qui nous semblent reposer sur des bases à peu près semblables, se traçant également de haut en bas et de droite à gauche, représentent les vestiges de la langue de Cham. 3. — La langue hébraïque et ses dialectes, ou en d’autres termes, les langues d’Asie ou de POrient, forment l’ensemble des langues sémiti- ques. Les caractères se tracent de droite à gau- che; les voyelles ne s’écrivent point. Telles sont les trois branches principales de cette langue, qui fut la seule parlée sur la terre, avant la construction de la teur de Babel : erat autem terra labii unius, et sermonum eorum- dem. Il faut donc admettre une langue primitive. Mais quelle est cette langue primitive? Ce ne peut être que celle qui rend raison de toutes les dénominations dont elle fait usage, qui seule peut nommer par son vrai nom l’Étre qui est, fut, et sera; en un mot, celle que le Créateur révéla au premier homme, en lui inspirant à la fois deux qualités identiques, que les Grecs ont réunies sous un seul mot, ia raison et la parole, À6y0s. Cette origine du langage, et cette filiation des langues, rencontreront probablement des contra- dicteurs. Nous sommes loin de nous flatter d’une approbation unanime, puisque sur une simple 30 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. inscription de moins de trois lignes, dont lexpli- cation avait précédé le sujet qui vient de nous occuper, trois interprètes s'étaient trouvés chacun d’un avis différent. Il ne faudrait même, pour renverser d’un seul coup notre pénible échafau- dage, que deux inscriptions aussi courtes, tra- cées en deux langues différentes, huit siècles avant Moïse. Mais ni les pyramides d'Ésypte, ni les marbres d’Arondel, ni même Etienne de Ganno, qui attribue la fondation de Toulouse à un neveu de Japhet, n’ont encore pu atteindre à ce degré d’an- tériorité. Quoique Narbonne ne remonte guères, suivant M. Du Mège, qu’à 240 ans avant notre ère, je pense, Messieurs, que satisfaits d’une noblesse de 20 siecles, vous aurez entendu avec plaisir heureux résultat des laborieuses recherches de notre confrère, sur les monumens historiques et sépulcraux que renferme cette antique mé- tropole. IL serait superflu de revenir sur la première discussion, dont nous vous avons fidelement re- tracé le pour et le contre. Ce n’est pas devant des Français qu’il faut mettre en doute, si lamour de la patrie est un sentiment naturel ou une illu- sion chimérique; et si une telle question pouvait encore être un problème, nous évoquerions du tombeau l’ombre mème de Feijo, et lui montrant dix millions de victimes de l'anarchie la plus tyrannique, les unes forcées de s’'exiler, les au- RÉSUMPTIONS. 31 tres cherchant en vain leur patrie au sein même de leur patrie, nous le verrions bientôt, renonçant à son bizarre paradoxe, unir sa voix à celle de ses malheureux compatriotes, et hâter de tous ses vœux l’heureux instant, où un auguste libé- rateur va franchir les rives de la Bidassoa, 32 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. RÉSUMPTION POUR L'ANNÉE 1824, PAR M. DUFFOURC. Méssirurs, Je viens, au nom de la Classe des Inscriptions et Belles-lettres, vous présenter la Résumption de ses travaux. Elle se compose des Dissertations ou Mémoires qui ont été lus, ou sur lesquels il à été fait des rapports dans les séances particulières de l'Académie. Celui dont j'ai d'abord à vous entre- tenir est destiné à retracer la vie et les travaux du chevalier Devirre, notre concitoyen, maréchal de camp et des armées du Roï, et à rendre un hommage public à sa mémoire. M. L'Abbé ANTOINE DEvirLre vivait sous le règne de Jaume. Louis XHL, et dans les premières années du règne de Louis XIV. Après avoir reçu une éducation soignée, il entra dans la carrière militaire, et se livra d'une manière particulière à l'étude des ma- thématiques et de la science des fortifications. Il fit ses premières armes au siége de Montauban, passa ensuite dans l’armée du duc de Savoie, qui lemploya utilement, et lui accorda, comme un témoignage de sa satisfaction , la croix de lordre … RÉSUMPTIONS. 33 de Saint-Maurice. L’invasion de la province d’Ar- tois par les Espagnols, maîtres alors de la Flandre et de la Belgique, le rappela à la défense de sa patrie. Le siége de Corbie, et Pattaque de quel- ques autres places dont la direction lui fut con- fiée, le firent connaître d’une manière avanta- geuse, et donnèrent une haute idée de ses talens et de sa capacité. Après la conclusion de la paix, le gouvernement le chargea de fortifier les places cédées à la France. Ce fut alors qu'il fit les pre- miers essais de son système de fortifications. Le grade de maréchal de camp fut la digne récom- pense de ses services. Un esprit élevé, des lumières et des connaissances étendues, une valeur bril- lante distinguaient cet officier, qui mourut en 1656. On a de lui plusieurs ouvrages relatifs au génie militaire. Le plus important paraît être celui où il traite des fortifications dans tous les cas où elles peuvent servir au succès de lattaque ou de la défense. A l'exemple de son père, qui, en 1783, pro- voqua et obtint linauguration du buste de Fer- mat dans la galerie que la ville de Toulouse a consacrée à ses hommes illustres, M. l'abbé JAmMME réclame les mêmes honneurs pour le buste d’An- toine Deville. En rappelant les titres de cet ofhi- cier distingué, il a ouvert en quelque sorte la discussion , et donné l’éveil à l'opinion publique, qui, suffisamment éclairée, pourra décerner cette honorable apothéose. 3 M.DuMèce. 34 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Dans un second mémoire, notre collègue ex- pose les avantages que présente la salle des illus- tres de Toulouse. Cet ouvrage ayant été lu dans la dernière séance publique, nous nous bornerons à cette simple indication. Nous nous contenterons pareillement de rappeler ici une Dissertation de M. Lécruse, professeur de littérature grecque, sur quelques points de critique littéraire, qui fut lue dans la même séance. M. Du Mëce a communiqué à l'Académie deux nouveaux volumes inédits de ses recherches sur les antiquités du département de PAude. Ils sont accompagnés de 37 planches in-fol.o, dessinées avec soin. On y trouve des Mémoires sur les mo- numens religieux de cette partie de la province romaine, et sur les monumens historiques que lon y remarque encore; l'autel élevé à Auguste par la colonie de Narbonne, les monumens con- sacrés à Trajan, à Antoine, etc.; les thermes, le théâtre, occupent tour à tour notre confrère. Il décrit aussi les ares de triomphe de cette ville puissante. Les bas-reliefs qui les décorent parais- sent encore en grand nombre dans l'enceinte ac- tuelle. Le même Académicien a aussi donné commu- nication à la compagnie du Monasticum du dé- partement de la Haute-Garonne. Les recherches que suppose la composition de ces deux ouvrages paraissent immenses ; il a fallu lire un grand nombre de chartes encore conservées dans les RÉSUMPTIONS. 1 archives départementales, recueillir, sur chaque maison religieuse, des détails propres à en tracer l’histoire. Les célèbres abbayes de Moissac et de la Grasse, de Font-Froide, de Saint-Paul, de Bol- bonne, de Grand-Selve, ont trouvé dans M. Du Mège un annaliste fidèle. Il n’est aucune de nos maisons religieuses qui nait été l’objet de ses re- cherches. L'histoire lui devra des faits dignes d’elle et jusqu’à présent inconnus. Notre confrère examine l'influence que le clergé régulier exerça pendant le moyen âge, les services que rendirent aux sciences et aux lettres plusieurs ordres reli- gieux, Les Bénédictins fixent particulièrement son attention; et après avoir décrit en artiste leurs monastères, 11 s'écrie : « Salut, augustes ruines » des monumens élevés par les disciples de Saint » Benoît! je n’ai pu vous contempler sans verser » des larmes. Dans ces cloiîtres déserts, dans ces » temples profanés, j'ai cru voir errer les ombres » de vos antiques et paisibles habitans. Jai cru les » voir encore, comme aux jours de leurs travaux, » instruire et consoler les peuples, et déposer les » trophées de l’érudition et de la science au pied de » arbre de la croix. » M. Du Mège, infatigable dans ses recherches, a détaché d’un grand travail sur les monumens et les antiquités du département de Farn-et-Ga- ronne, un fragment historique sur les Templiers, qui a été lu dans une des séances particulières de l'Académie. On connaît l’histoire du procès et de la condamnation de cette milice guerrière, célèbre d _ 36 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. par sa piété, sa valeur et ses richesses , et qui tout à coup fut accusée des crimes les plus odieux et de l’apostasie la plus révoltante. Les chevaliers montèrent sur les échafauds, et furent précipités dans les flammes en protestant de leur innocence; et il faut l’avouer, toutes les recherches, toutes les investigations historiques tendent à prouver qu'ils ne se souillèrent jamais des crimes qui leur furent imputés. M. Du Mège a recueilli les vues pittoresques de celles de leurs maisons qui subsis- tent encore dans les départemens du Lot et de Tarn-et-Garonne, Il a visité les églises construites par eux, et n’a retrouvé nulle part les signes ba- phométiques dont ces monumens seraient encore chargés, si on en croyait M. de Hammer : il a au contraire rencontré partout de nombreuses preu- ves de la piété et de l'humanité de ces chevaliers chrétiens. Ceux de Montricoux, ainsi que ceux de presque toutes nos contrées , affranchirent leurs sujets peu d'années avant la catastrophe qui dé- truisit l’ordre. Notre collègue rapporte et traduit une de ces chartes d’affranchissement. Le monu- ment est en langue romane; il fut octroyé par le frère Rossoli de Fos, provincial des maisons de Por- dre. Une bonté touchante et une tendresse expan- sive respirent dans les expressions de ce religieux guerrier. D’autres chartes prouvent que ses succes- seurs furent bienfaisans comme lui; mais ils n’é- chappèrent pas à la proscription générale. Les historiens nomment , parmi les dénonciateurs des Templiers, le commandeur de Montfaucon, un RÉSUMPTIONS. 37 chevalier apostat appelé Æofodei, et Squin de Florian, bourgeois de Béziers. Ce dernier est moins connu que les autres. Cependant des titres dont l'authenticité ne saurait être révoquée en doute, montrent Squin de Florian en possession de la seigneurie de Montricoux, trois ans après la mort du grand-maître Jacques de Molai, et extinction de l’ordre. Ainsi, dans le moyen âge comme dans les temps qui ne sont pas bien éloi- gnés de nous, les dénonciateurs recevaient le prix de leurs bassesses et de leur infamie. M. Puiccari, correspondant, a adressé à M.Purccam: l'Académie un Essai sur létymologie de quel- ques noms de lieu, dans le département des Pyrénées-Orientales, suivi de recherches sur les Ceretani. L’illustre Bochart, cherchant à rendre raison de laffinité de la langue gauloise avec la phéni- cienne, soupçonne qu'il y a eu autrefois quelque colonie de Phéniciens dans les Gaules, soit que ceux qui occupaient l'Espagne eussent franchi les Pyrénées, soit que ceux de Corse et de Sardaigne se fussent établis sur les côtes de la Ligurie. Pour éclaircir ce soupçon et confirmer cette conjecture, M. Puigoari a soumis plusieurs noms de ville du Roussillon au creuset de l’étymologie ; et le résultat de ses recherches a été d’assigner à ses compatriotes une origine phénicienne. Le Mémoire de M. Puiggari roulant entière- ment sur des noms propres dont il cite les diverses 38 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. étymologies probables, il est peu susceptible d'a nalyse. Nous allons cependant en présenter les principaux détails. L'ancien nom des habitans du Roussillon, dit M. Puiggari, était Populus Sardus , analogie frappante avec Sor ou Sara, qui est l’ancienne T yr. L’adjectif Sarranus se rencontre dans Virgile : Ut gemmä bibat et sarrana dormiat ostro. Quant au nom moderne du Roussillon, M. Puig- gari croit le retrouver dans un hameau ( situé à trois quarts de lieue de Perpignan) appelé Castel- Rossello, et qui était une ville considérable lors du passage des Alpes par Annibal. Après l’explication du nom générique tant an- cien que moderne, l'auteur passe en revue les villes principales de son département, Collioure, Elne, Thuir, Mulaca, Bercol, Céret, etc. L'ancien nom de Collioure, par exemple, est Caucoliberis. En partageant ce nom en trois où quatre portions, en ajoutant ou retranchant cer- taines lettres, l’auteur y aperçoit trois ou quatre mots phéniciens, qui lui paraissent former une définition très-exacte de ce port de mer. Céret, capitale des Cérétans, pourrait bien dé- river tout simplement du nom hébreu Keretk, qui signifie ville, et indiquer la ville par excel- lence; mais, peu satisfait de cette autonomase, auteur préfere rapporter Pétymologie de ce nom a celui des anciens Crétois, que d’'intires rapports unissaient aux Phéniciens. RÉSUMPTIONS. 39 Vous savez, Messieurs, qu’il est assez facile de donner à un nom propre telle ou telle dérivation. Un de nos collègues, par exemple, ayant lu dans le poète Ausone, à l’occasion de la ville de Toulouse, nes SR ET sense AS2C turribus ültis Ardua , ut aërias intrent fastigia nubes , n’a pas craint d'assurer que Tolosa était dérivée du mot grec Tolos, qui signifie voûte, tour élevée, tandis que d’autres antiquaires croyaient retrouver dans ce nom les traces d’un ancien roi Tholus. Il est tout naturel qu’un antiquaire commence par donner quelques détails sur lorigine et les premiers siècles de la ville dont il occupe; nous voyons donc, dès le début du Mémoire de M. de Villy, que la ville de Metz, l'antique Divodurum, l’opulente capitale des Médiomatriciens, fut ex- posée en 262 à l'invasion de Chrocus, et en 451 à celle d'Æ4ttila ; que plus tard elle fut assiégée par Charles VIL(1444), et par Charles-Quint en 1952. Pendant les diverses périodes de ces désas- treuses calamités, les monumens gaulois et ro- mains furent renversés et en partie détruits. Ce- pendant, grâces aux soins et aux recherches de quelques personnes instruites, on était parvenu à arracher à l'oubli un certain nombre d’inscrip- tions, de statues et de tombeaux. « Qu’avons- nous fait, s’écrie ici M. de Villy, avec le zèle dune sainte indignation, qu'avons-nous fait de cet héritage, fruit de tant de travaux, d’un si haut M. DE VILLY. 40 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. intérêt pour l’honneur et la gloire de notre pays ? Nous lavouerons à notre honte : c’est en vain que nous chercherions maintenant la plupart des monumens décrits dans Meurisse, Boissard, Gru- ter, Schapflin, et dans l’histoire de Metz des Bénédictins. Une coupable incurie a laissé dé- truire ces restes dont nous ne possédons plus que la copie !.... » ° Jaloux de faire sortir ses concitoyens de cette apathie pour ce qui concerne les monumens na- tionaux, M. de Villy a profité d’un heureux hasard qui Pa mis à mème d'examiner et d’expli- quer quelques monumens qu'il a reproduits à Faide la lithographie. Le premier monument est un tombeau dont il ne reste que deux pierres. Dans la partie inférieure se trouve une inscription dont le caractère lui semble appartenir au 3.° siècle. Le second monument est également une pierre tumulaire d’un travail très-curieux. On y voit des pampres, des raisins, une coupe remplie, un génie planant, un pêcheur et un joueur de flûte. Il paraît difficile de rendre raison de ces emblèmes sur un monument funébre. Voici comment M. de Villy les explique : « Quoi de plus poétique, dit- »il, chez les anciens, que de voir presque tou- » jours entourer ces souvenirs de deuil d'images » de joie et de plaisir, doux présages des délices » de l'Élysée. Dans leur riante religion , la douleur » semblait un contre-sens; aussi la cachaient-ils » sous des fleurs. » RÉSUMPTIONS. 41 La troisième pierre tumulaire, d’un dessin moins correct que les deux premières, représente un homme assis devant un comptoir sur lequel se trouvent des poids ; à sa gauche sont des abaques : il tient de sa main gauche un vo/umen. La quatrième pierre tumulaire est un peu mu- tilée, et porte une inscription dont plusieurs lettres ont besoin d’être restituées : DIIS MANIBUS VENDI VETERANTI EX OPTIONE LEGIONIS VICESIMÆ SECUNDÆ , etc. C'est-à-dire, selon la traduction de M. de Villy : AUX MANES DE VENDUS, VÉTÉRAN D'ÉLITE DE LA VINGT-DEUXIÈME LÉGION , etc. M. Lécruse, chargé par la Compagnie de faire. un rapport sur le présent Mémoire, n’a pas cru possible d'admettre que veteranus ex optione pût signifier x vétéran d'élite. En effet, a-t-il observé, Varron nous apprend, au livre 4.° de lingu4 latinä, que le nom d’optiones se donnait aux soldats surnuméraires qu’on entretenait dans les légions, afin qu’elles fussent toujours com- plètes. Il préférerait donc entendre par veteranus ex optione un vétéran surnuméraire, Ce qui re- viendrait à notre expression en disponibilité, ex optione. Les monumens ci-dessus décrits sont en pierre calcaire coquillée, dont on a des carrières aux environs de Metz. On les voit au Musée de la Société des Lettres, Sciences et Arts de cette M. Bécuir- LET. 42 INSCRIPTIONS ET BELLES-IETTRES. ville, à laquelle MM. les oMiciers supérieurs du génie ont bien voulu les concéder. Avant de terminer cette énumération, nous mentionnerons un fer de hallebarde parfaitement conservé, et qui, grâce au vernis dont il était revêtu, n’a point été oxidé. IL est probable que cette hallebarde fut aban- donnée au siége de 1552 dans le fossé, où on la trouvée à environ trois mètres de profondeur. On a également trouvé des projectiles en fonte et en pierre, résultats du siége susmentionné. Le plus gros boulet en fonte a 0", 195 de diamètre, et une pesanteur de 27°, 820; et le plus gros boulet en pierre offre un diamètre de 0", 210, et une pe- santeur de 13°, 490. On voit, dit M. de Villy, par le nombre d’ob- jets intéressans trouvés dans un très-petit espace de terrain, où des réparations exisérent des mou- vemens de terres, ce que produiraient des fouilles suivies et dirigées avec intelligence. Ce qui rebute de Pétude des médailles, dit M. Bécurzer, c’est la rareté des livres, leur for- mat presque toujours in-fol.°, les langues dans lesquelles ils sont ordinairement écrits, la latine et l'italienne. Voilà ce qui fait que la science des médailles n’est connue que d’un petit nombre de personnes. Voilà ce qui fait que tant de monu- mens précieux se perdent dans le creuset du fon- deur , parce qu'on ne peut simaginer qu'une vieille monnaie, rongée de vert-de-gris, puisse avoir d’autre valeur que son poids. RÉSUMPTIONS. 43 Après avoir parlé des principales difficultés de l'étude numismatique, l’auteur se plait à en re- tracer les immenses avantages. Les jeunes gens, mème instruits, ne se doutent pas que les mé- dailles ont éclairei plusieurs points de l’histoire, qu’elles nous ont donné l’idée la plus juste des vêtemens, des armes, des ustensiles, des costu- mes, des sacrifices, des poids, des monnaies anti- ques, et qu’elles nous ont conservé la forme de plusieurs grands édifices que le fer, le feu et le temps ont détruits de fond en comble; que, véri- tables pages de l’histoire, elles servent de témoi- gnage, de justification ou de démenti aux Tacite, aux Tite-Live, aux Salluste; qu’elles constatent les dates des consulats et des grands événemens du peuple-roi, l’origine des villes, des colonies et des provinces romaines. À Putilité des médailles, il faut joindre les charmes qu'offre cette étude. L'auteur ne trouve pas d'expression pour peindre le bonheur de celui qui à arraché une médaille au sein de la terre, et qui le premier a pu la déchiffrer et la faire connaître. Après avoir rapporté le trait héroïque dun savant antiquaire, qui, se trouvant attaqué et pris par des corsaires tunisiens, se décida à avaler une vingtaine de médailles d’or pour les soustraire à la cupidité de ces barbares : «Voilà, » s’écrie-t-il, où porte l'amour de cette belle » science; voilà les sacrifices qu’elle sait comman- » der à ses initiés; voilà ce qu’à la place de Vail- » lant aurait fait tout amateur des médailles. Une 44 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » fois qu’on les aime, ce n’est pas médiocrement. » Ce goût devient une passion indomptable qui » coûte souvent fort cher. » L'auteur croit devoir prémunir les amateurs contre les fourberies numismatiques. En voici une entrautres qu'il qualifie de ruse diabolique, où la perfidie est aussi complète que désespérante. On sait qu'une médaille est fort rare quand elle porte une tête sur chacune de ses faces. Que font nos habiles faussaires ? Ils prennent deux médailles vraiment antiques, mais communes et de même valeur; il les choisissent de même gran- deur, de même couleur, de mème âge et de même conservation. Ils les scient dans leur épaisseur, et sacrifiant les deux revers ordinairement insigni- fians, ils soudent bien adroitement les deux têtes lune contre l’autre; souvent même ils les en- castrent dans un cercle de même métal, et il en résulte alors une nouvelle médaille de bronze antique et fort rare en apparence : qu'on juge par là des soins qu’il faut apporter à la collection dun médailler. Passant ensuite à l'examen du médailler de l'Académie : « Vous savez, Messieurs, que ce médailler, qui appartenait à notre Compagnie avant la révolution, fut confisqué, ainsi que toutes ses autres propriétés. Son hôtel fut vendu ; sa bibliothèque, son riche cabinet furent, pour ainsi dire, livrés au pillage. Quelques objets dantiquité furent déposés au Musée, où on dis- tingue encore les deux roues d’un char de triom- RÉSUMPTIONS. 45 phe. Les objets de physique, d'histoire naturelle, de géographie, furent abandonnés dans une des salles de l’ancienne administration centrale, et les'rats en achevèrent la destruction. À la renais- sance de l'Académie, le médailler, qui lui fut rendu , se trouvait à la bibliothèque située près le Collége royal; du moins c’est ce que présume M. Béguillet. Mais dans quel état fut-il restitué ? Quelle confusion n'avait pas dû y porter l’incurie des personnes inhabiles qui avaient ordonné ces nombreux déplacemens ? Quelle diminution ne durent pas y causer des mains sacriléges ? Tels ont été les doutes de l’Académie à cet égard, et telles ont été ses craintes, que jamais elle n’avait osé sonder ses pertes. Quand quelque membre sollicitait ce triste inventaire , il était repoussé par le tableau déchirant de ce chaos inextri- cable. » Enfin, continue l’auteur du Mémoire, une heureuse circonstance est arrivée, et la Compagnie bravant toutes les difficultés , a ordonné, le 29 janvier 1824, l'inventaire de son médailler, en prenant toutefois les mesures convenables pour sa conservation. Dès la première séance, qui eut lieu le 4 février suivant, la commission a procédé à une recon- naissance générale , et a cherché d’abord toutes les médailles dor dont elle a constaté le nombre. Dans les séances subséquentes, elle s’est oc- cupée du triage du grend bronze par règne. Le travail est encore loin d’être terminé ; cependant 46 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. Béguillet croit pouvoir assurer à l'Académie que nos craintes de spoliation étaient chiméri- ques. Nous en sommes quittes pour un chaos complet; mais avec de la patience la commission espère rétablir l’ordre à l’aide du catalogue dressé en 1761, et qui s’est heureusement conservé dans nos archives. En attendant l’époque où sera terminé cet im- portant travail, M. le rapporteur de la commission annonce avec plaisir à la Compagnie que les 62 médailles d’or enregistrées sur le catalogue, plus une 63°, qui toutefois n’est pas d’or, mais de cuivre doré, ont été retrouvées. Dans ce nombre se trouvent un Pompée d’un haut prix, c’est une des plus rares médailles qui existent; un Jules César d’une très-grande rareté ; un Marc-Antoine, un Drusus aussi rares; enfin, la fameuse Matidie, si rare et si bien conservée, qu'il a fallu l’exa- miner avec un soin extrême pour s'assurer qu’elle n’était pas une moderne copie. Tel est l’état actuel du médailler, qui pourra bientôt recevoir un nouveau degré d'importance, grâce au zèle et à la bienveillance de M. le baron DE PuymauriN, qui se propose de solliciter en notre faveur la collection des médailles françaises depuis Louis XIT. RÉSUMPTIONS. 47 RÉSUMPTION POUR L'ANNÉE 1895, PAR M. GRESSET. Msssieurs, Depuis quelque temps, les Français semblent avoir tourné les facultés qui les distinguent vers la culture des arts et le perfectionnement de Pin- dustrie. Élevés au-dessus de la plupart des peuples par la finesse de leurs vues, la justesse de leur esprit, la vivacité de leur imagination et la ri- chesse d’un génie inventif, ils n’ont pas long- temps attendu les fruits d’une si heureuse di- rection. Au milieu de ce mouvement général, les Sociétés académiques tendent à redresser les erreurs, à propager les bonnes méthodes, à éclairer le présent des lumières du passé, en un mot, à seconder une impulsion qui ne doit pas se ralentir. Celle qui nva choisi pour lun de ses organes, ne saurait présenter au public tous les travaux qui Vont occupée dans le cours de cette année. Tel est le caractère de certaines discussions, qu’elles ne peuvent sortir de lenceinte où elles se sont élevées. D’un autre côté, des rapports de vive voix sont condamnés à n’agir immédiatement que sur un petit nombre de personnes ; à mesure M. LÉcLUSE, 48 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. qu'ils s'étendent, ils perdent cette physionomie individuelle qu’une autre forme leur eût conser- vée. Quand les vérités, qui en sont le fruit, entrent dans le domaine commun, rien n’atteste leur origine; on les reçoit sans la leur demander; nul n’en revendiquant l’honneur, tous adoptent comme leur bien propre ce qui aurait dû ne le devenir que moyennant un hommage, une sorte de tribut offerts à l’inventeur. Le premier travail régulier qui s'offre dans cette revue, est un Mémoire de M. Lécruse con- cernant Hésiode et Théocrite. Aucun de ces poètes grecs n’aurait eu besoin d’une apologie en règle, si les traditions littéraires du 17." siècle étaient conservées pures jusqu’à nous. Racine, par son admiration, et Boileau, par ses écrits, avaient vengé l'antiquité : ses détracteurs étaient réduits au silence ; le goût avait triomphé; le génie le plus vigoureux comme le plus précoce, Homère, accom- pagné de tous les poètes nés sous son influence, restait en possession du sublime et de l’empire, dans le domaine de limagination. Mais le 18."° siècle, infatué de sa philosophie superficielle , dédaigne ce qu’il ne sent pas. Cette funeste in- différence révolte un homme de talent, assez éclairé pour sentir le besoin de ranimer un culte fécond en bienfaits et digne de tous nos hommages, trop attaché toutefoisaux habitudes modernes pour en secouer complètement le joug. La Harpe essaie de faire revivre l’amour des littératures anciennes : mais il ne sait pas ou il ne veut point se garantit RÉSUMPTIONS. 49 des erreurs auxquelles l’exposent ses premieres af- fections; il néglige même d'étudier à fond ce qu'il doit juger; il s'engage sans guide et presque au ha- sard dans une carrière où il est facile de s’égarer. Aussi qu’arrive-t-1l°? Pressé de sortir des voies où il se perd, il les reconnaît mal et les fait connaître plus mal encore. Voilà pourquoi son ouvrage, si recommandable en général pour la partie mo- derne, est si défectueux dans la première. Mais on ne se dit pas plus que le critique ne se l’est dit à lui-même, qu’excellent juge des beautés de Racine et de Voltaire, le Quintilien français est mauvais appréciateur du mérite d'Hésiode et de Théocrite. On semble même d'autant plus empressé d'adopter ses idées sur ces deux poètes, qu’étran- gers, l’un comme antérieur, l’autre comme pos- térieur, au grand siècle des lettres grecques, ils semblent pouvoir être censurés sans que l’honreur de ce bel âge soit compromis. Telle n’est pas Popinion de M. Lécluse. L'écrivain qui sut inspirer à Virgile idée et quelques détails des Géorgiques, et celui qui leut pour imitateur, pour copiste, et le plus souvent pour traducteur dans la poésie pastorale, lui paraissent lun et l’autre dignes d’une haute estime. Pour nous en convaincre, il nous montre d'abord Hésiode éveillant, comme Homère, le génie des poètes venus après lui, notamment d'Ovide, dont les métamorphoses pa- raissent empruntées de la théogonie. Il analyse ensuite les trois ouvrages, indiquant les allégories, les conceptions élevées, les idées gracieuses dues  M. Du Mëcr. 50 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. à son imagination, et le présentant comme inven- teur de l’apologue, ou du moins comme auteur du plus ancien de la langue grecque. Des citations terminent cette première partie. La deuxième, consacrée à Théocrite, nous fait admirer, dans le poète de Syracuse, autant d’abondance et de va- riété que La Harpe en trouve peu dans l’ensemble de ses idylles. Ici, cest une peinture naïve et pleine de sentiment ; là, une excellente scène avec une charmante exposition ; plus loin, un épithalame plein de douceur et de grâce ; et suc- cessivement, une é/égie touchante, imitée par La Fontaine; wn drame pastoral, remarquable par la variété qui y règne ; un joli madrigal imité d'Anacréon. Mais cest peu d’avoir su descendre jusqu’au madrigal , le poète grec lutte avec Aristophane, avec Pindare, avec Homère lui- même. À ces détails succède une traduction en vers du combat de Pollux et d’Amycus, modèle de celui d'Entelle et de Darès. Ce morceau, qui termine le Mémoire, n’est pas la moindre preuve de l'injustice de La Harpe et de la supériorité de Théocrite. En poursuivant cet exposé, nous arrivons à un Mémoire de M. Du Màècr, sur le culte des arbres. Non content d'éclairer l’histoire de notre pays par des recherches et des publications qui ont mérité le suffrage des premiers corps littéraires de la France, M. Du Mége jette: souvent sur l’histoire générale, tant politique que civile et relisieuse, des regards que l'habitude de l’obser- RÉSUMPTIONS. 5r vation et une grande sagacité ne sauraient man- quer de rendre pénétrans. Parmi toutes les mé- prises du sentiment religieux, de cet instinct moral qui, tout en consacrant notre infériorité à Végard de lÉtre nécessaire, établit notre supé- siorité sur toute la nature, l’une des plus singu- lières est la croyance superstitieuse à lessence divine des grands végétaux. Qu’une plante naisse, croisse et périsse dans une année; qu’un arbuste ait une durée plus étendue, moindre toutefois que celle de notre vie, Padmiration pourra sat- tacher aux phénomènes qu’ils nous présentent ; mais l’objet n’en sera point ces êtres fragiles, dont la mort plus ou moins prompte annonce sufhi- samment quel était le néant. Il n’en est pas ainsi, quandla plante, parvenue à tout son accroissement, n’a toutefois accompli qu'une faible partie d’une destinée, dont elle doit consacrer le reste, avec la totalité de sa substance , à soutenir notre corps : de là, une des prédilections religieuses de VEgypte. Moins encore en est-il de même, lors- qu'un arbre plus que séculaire a protégé de son ombre plusieurs générations , que les souvenirs du premier âge et les principaux événemens de notre existence se rattachent à la sienne; que Pimagination , souvent menteuse et toujours en- thousiaste, lui prête sans restriction ou des vertus chimériques ou des qualités qu'ii ne possède qu’à un faible degré. La tradition, quelquefois aussi infidèle, augmente le prestige et favorise l'illusion. Le cœur alors, pressé du besoin d'aimer et de # À. 52 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. craindre, transporte à l’œuvre présente et connue l'hommage que réclame l’ouvrier absent ou invi- sible. Aussi trouvons-nous, dans tous les siècles et dans tous les lieux, des vestiges de ce culte bizarre. M. Du Mège en a multiplié les preuves. Depuis les écrivains sacrés du 15.% siècle avant Vere vulgaire, jusqu'aux poètes profanes de l’âge d’Auguste; depuis la religion de Moïse jusqu’au mahométisme, il interroge tous les monumens, il interprète tous les faits, il recueille tous les té- moignages. À ces précieux documens se joignent les recherches personnelles de l’auteur dans les Pyrénées. Les peuples civilisés ne lui fournissent pas seuls une démonstration qui devait être uni- verselle ; les barbares d'Afrique lui offrent, parmi leurs fétiches, des dieux-plantes. Il en rencontre dans le Nouveau-Monde; il en voit dans beaucoup de noms de lieux. Ce ne sont pas toujours des divinités muettes : les chênes de Dodone parlent et rendent des oracles. Ce ne sont pas toujours des divinités absolument étrangères à la nature hu- maine : Callimaque , Ovide peignent le sang qui ruisselle sous la hache d’Erésichthon. Ce ne sont pas toujours des divinités qui, propres à une faible peuplade , soient restées inconnues aux grandes nations : le druidisme envahit la Gaule entiere, avec son farouche Ésus, son gui de chêne et ses odieux sacrifices. Son influence se prolonge : en 452, le Concile d'Arles ; en 458, celui de Nantes, la combattent encore. Enfin, le christianisme en triomphe. La superstition a fait place à un senti- RÉSUMPTIONS. 55 ment raisonnable, empreint d'une religieuse émo- tion, mais dégagé de tout alliage impur. Cest ainsi que le chène de Vincennes faisait palpiter le cœur de nos pères. C’est ainsi que le figuier de saint Dominique et larbre du couvent de Saint- Rome , lun et l’autre à Toulouse, rappelaient naguère à limagination , des souvenirs , des cou- tumes, des personnages imposans. Déjà, avant les siècles du moyen âce, les Pères de l'Église avaient tiré du règne végétal, non-seulement des com- paraisons et des apologues, mais des emblèmes physiques propres à nourrir des pensées graves et profondes. Les ronces et les épines, par exemple, ne permettaient pas aux premiers chrétiens, quel- quefois trop peu éclairés pour se défendre d’une vénération involontaire, d'oublier le buisson ar- dent de Moïse ni la couronne d’épines de Jésus- Christ. Tel est en substance le travail de M. Du Mège, que l’on peut considérer à la fois comme historique, littéraire et philosophique. M. JAmmE a traité une question d’une autre espèce, et relative aux Sociétés académiques. En réunissant des hommes voués au culte des muses, les fondateurs de ces corporations eurent en vue, indépendamment des avantages qu’une telle com- munauté de lumières pouvait faire rejaillir sur ‘chacun des membres en particulier, le profit de Vart en général, et la culture de ces talens modestes qu'un succès académique révèle quelquefois à eux-mêmes ainsi qu’à la littérature, tandis que, privés de cette ressource , ils auraient peut-être M. Janmnes. 54 INSCRIPTIONS ET BELLKS-LETTRES. langui dans lobscurité. En effet, les sujets mis au concours excitent une émulation profitable , et pour les vainqueurs dont Pardeur saccroîit par un premier triomphe, et pour les rivaux moins heureux; qu’une défaite excrte à de nouveaux ef- forts. Les noms des premiers étant seuls proclamés, les seconds n’ont pas à redouter un froissement de vanité, bien propre à les décourager, et dont la vue anticipée aurait pu comprimer un premier essor. Mais quelles matières convient-il d'offrir à leur émulation ? La poésie, qui peut tout pein- dre, n’a point été et ne sera sans doute jamais embarrassée : univers entier est à sa disposition. De tout temps elle s’est plu à parcourir le monde moral ; elle a récemment pénétré fort avant dans le monde physique, sous les auspices d’un poète extraordinaire, en qui le talent est devenu du gévie; par la souplesse et par la perfection qu'il a u lui imprimer. Les genres en prose ont été bien moins heureux. La philosophie fut d'abord mise à contribution ; mais, quoique inépuisable , elle ne saurait fournir sans cesse des sujets accessibles à tous les esprits. Pour peu que l'on s'engage dans cette immense carrière, on rencontre bientôt des voies où la foule ne saurait entrer, que par con- séquent on ne doit pas choisir pour le théâtre des concours académiques. On s’est donc tourné du côté de lhistoire : Vart d'écrire a été chargé de retracer la vie des auteurs qui étendirent son propre domaine par leurs ouvrages : les grands hommes de nos siècles littéraires ont été célébrés ; — RÉSUMPTIONS. 55 nos grands Rois et nos grands capitaines ont eu aussi leurs panégyristes. M. Jamme propose de joindre à ces personnages les héros de la Religion, les Pères et les Docteurs l’Église, les Ad ceuns de la foi chrétienne illustrés par d’éminentes vertus ou par un génie supérieur. Il ne lui a pas été difficile de montrer combien la lutte de la vérité contre l’erreur, au milieu dune société qui se dissout, d’une domination qui ne s'élève à une prodigieuse hauteur que pour tomber avec plus de fracas, des peuples du Nord qui atta- quent, ébranlent et renversent enfin empire de Rome, offrirait à l’éloquence de tableaux dra- matiques, de traits hardis, de teintes fortes et de mouvemens impétueux. Que lon joigne à cet avantage celui qui naïîtrait d’une autre lutte contre ce nouveau paganisme, qui partout ne voit que la matière, tandis que le polythéisme mettait en tout lieu l'esprit et la divinité, et l’on se résoudra difficilement à repousser les vues de M. Jamme, sur-tout si lon n'oublie ni le Démosthène de PÉglise grecque, ce Chrysostôme bien digne par son éloquence du plus beau nom qu'un Lomme puisse obtenir, ni le Cicéron de l'Église latine, cet Augustin _ ’admirait notre plus nue ora- teur, et qui réunissait dans sa personne le génie antique et la science moderne. Nous devons parler ici, mais seulement dans la vue de retracer l’ordre où se sont succédé les oc- cupations de l'Académie, d’un long travail de M. Do Mëce sur les Mémoires, Discouss et No- M. Du MÈcz. M. GRESSET. 56 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tices communiqués à la Compagnie dans Pespace de quinze ans, depuis le mois de novembre 1807 jusqu’en août 1822. Ce Compte rendu, destiné à voir le jour, sera jugé par le public : il ne nous appartient pas de devancer son arrêt, et, quelle que soit la sollicitude de l'Académie pour les ou- vrages de ses membres, elle est contrainte de se borner à des vœux dans cette circonstance. M. Gresser a tenté d'appliquer la mnémonique à la chronologie, c’est-à-dire, de conduire à la connaissance des dates en parlant aux yeux. Il a voulu aplanir les difficultés trop nombreuses et trop réelles qu'offre cette science ingrate, et qui empêchent l'histoire de produire des fruits abon- dans. Après avoir imaginé des divisions qui don- nent aux différens siècles une disposition symé- trique, il établit dans chaque siècle un partage décuple. Les dix portions sont représentées par des signes qui indiquent en même temps des règnes ou des séries d’événemens. Certaines modifica- tions particulières rendent la correspondance aussi exacte que l’exige la science. De cette manière des traits en petit nombre résument une multi- tude de notions, et, comme la peinture en peut être aisément saisie et reproduite au besoin par limagination, 1l s'ensuit que le travail de la mé- moire est singulièrement facilité par cet artifice. On a de plus le moyen de mettre les histoires contemporaines en regard les unes des autres, arrangement quelquefois nécessaire et toujours utile. Enfin, pour donner une idée de la con- RÉSUMPTIONS. 57 cision qui se fait remarquer dans ces tableaux chronologiques, nous ajouterons qu’un espace de dimensions égales à celles de la main, peut sans confusion recevoir la suite de tous les souverains de l’Europe, depuis le commencement du 11.° siècle jusqu’à nos jours, avec la désignation de la durée, du commencement et de la fin de chaque domination particulière. M. Du Mèce, dans un nouveau travail, s’est occupé des Gnostiques. Ces sectaires des premiers siècles se plaisaient à mêler aux pratiques de la religion chrétienne les superstitions orientales et la philosophie grecque. Divisés entr'eux sur quel- ques points, ils convenaient de certains dogmes, parmi lesquels on distingue sur-tout l'éternité de deux principes opposés, le monde et Dieu, la matiere et l'esprit. C’est le système que Manès fit revivre plus tard, et qui a pris de lui le nom de Manichéisme. Les disciples de Basilides et de quel- ques autres avaient réuni en corps de doctrine toutes les erreurs populaires, une multitude de fables sur linfluence des astres, sur les propriétés des talismans et des paroles magiques : mons- trueux assemblage qui n’aurait dû exciter que la pitié, et qui néanmoins trouva des partisans et de nombreux défenseurs. Les Peres de PEglise, qui les ont combattus, ne nous ont fait connaître qu’assez imparfaitement leurs véritables opinions. Ce qui a jeté le plus de jour sur cette doctrine singulière, ce sont les monumens multipliés venus jusqu’à nous. On en trouve un grand nombre M. Du Mes. Ste INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. parmi les recueils d’antiquités : on remarque prin- cipalement une sorte de manuel , contenant des figures emblématiques avec des prières en lettres grecques et en d’autres caractères, mais inéonnus. Le Père Bonami a publié un livre de ce genre; la peinture qu’il en trace est faite pour exciter la curiosité ; il avoue toutefois que les inscriptions en sont inintelligibles. Montfaucon en a publié un autre, également en plomb; il fait un aveu tout semblable sur lPimpossibilité d'expliquer les figures et les lignes écrites. Un troisième livre en plomb a été découvert dans les montagnes des Corbières, par le chevalier Viguier de Narbonne. Plus hardi où plus téméraire que ses devanciers, cet archæologue a tenté un travail jugé imprati- cable, nous venons de le voir, par un des plus savans hommes qui aient existé. Sa Dissertation, communiquée à la Société des antiquaires de France, a été analysée par un des membres de cette Compagnie. Pour en faire apprécier lesprit, il suffira de dire que le savant moderne voit dans son livre l'ouvrage des Celtes, qu’il le croit bien antérieur au christianisme, qu’il y reconnaît des vers chantés par les anciens Bardes, qu’il essaie enfin d'y retrouver la langue celtique, la même, suivant lui, que le dialecte roman encore en usage à Narbonne. Les détails que lui fournit chaque page, et quant aux emblèmes et quant aux inscriptions, ne sont ni moins singuliers n1 moins dénués de vraisemblance. M. Du Mège, qui nous a fourni ces réflexions, le suit pas à pas, Que 27 RÉSUMPTIONS. 59 . nous avertit de ses erreurs, et tente quelquefois de les remplacer par la vérité, quoiqu’en général il partage le sentiment de Montfaucon et de Bo- nami, En nous faisant apprécier tout ce qu’a d’im- portance la découverte du monument, il nous apprend à ne pas regretter le grand ouvrage que préparait M. Viguier, et que la mort l’a seule empèché de dvner au public. M. Du Mege expose ainsi le sujet du dernier travail qu'il a présenté à l’Académie : « L'un des » spectacles les plus curieux que nous offre le » moyen âge, est l’accroissement progressif en » puissance et en richesses de diverses maisons » religieuses. L'histoire générale ne présente à cet » égard que des données vagues : il m'a paru » intéressant et philosophique à la fois de retracer, » dans un cadre particulier, le tableau de ces » accroissemens par rapport à une seule abbaye, » Pour parvenir à ce but, jai dû ne consulter que » des pièces originales ; c’est de Pexamen de plus » de 6oo chartes, encore existantes, qu'est né ce » mémoire historique. Des documens en si grand » nombre peuvent servir à peindre les mœurs des » temps passés ; ét, malgré leur sécheresse appa- » rente, ils ne déplaïront pas à ceux qui aiment » à étudier l’histoire dans des monumens authen- » tiques. » Le monastère qui a fourni ces maté- riaux est l’abbaye de Fontfroide, de lordre de Citeaux, dans le diocèse de Narbonne. La fonda- tion en est due aux vicomtes de cette même ville; il subsistait déjà vers la fin du 11° siècle. A la 60 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. prière de Sanche, qui reçut le titre d’abbé en 1134, après la mort de Bernard, le pape Eu- gène IT mit Fontfroide sous la protection du Saint Siége. En 1143, cette maison avait été placée dans la dépendance de l’abbaye moins ancienne de Grandselve, ce qui la fit appeler Jilia ante matrem. Il nous est impossible de suivre auteur dans le dépouillement des chartes qu’il a mises à contribution : contentons-nous d'observer que cette opération , longue et fastidieuse, a été exé- cutée avec toute la patience et la bonne foi que lon pouvait désirer. Après nous avoir montré les donations se succédant sans interruption , M. Du Mège nous avertit qu’elles cessent au 14.° siècle. À ce moyen d’agrandissement succèdent les acqui- sitions et les améliorations économiques. Jusqu’à la fin du moyen âge, le monastère avait été gou- verné par des abbés réguliers. Dès le commence- ment du 16.° siecle, il le fut par des abbés com- mendataires, qui lui firent beaucoup de mal, et qui finirent par perpétuer leur titre dans un petit nombre de familles. La dernière fut celle de La- rochefoucauld. Durant la seconde moitié du 18.° siècle, histoire de abbaye n’offre rien d’intéres- sant; pendant la révolution elle fut enveloppée dans le naufrage commun. Il semblerait que les fondateurs eussent choisi à dessein un endroit éloigné du tumaulte, pour que les religieux y pussent méditer en paix les vérités éternelles. Placé au pied de montagnes escarpées et dans une épaisse forêt, le bâtiment principal ne se décou- RÉSUMPTIONS. Gi vrait que lorsqu'on en touchait le seuil. I] présen- tait au-dehors des formes sévères, mieux appro- priées peut-être à son grave objet que l’élégante architecture de la Grèce. Aujourd’hui les bâtimens en ruines appartiennent aux hospices civils de Narbonne. Quand nous avons présenté le travail précédent comme le dernier de M. Du Mège, nous n'avons eu en vue que ceux qui lui appartiennent en propre; car tout récemment il a lu un rapport détaillé sur un Mémoire de M. le baron Cnaupruc de Crazannes. Ce correspondant, Pun des plus éclairés et des plus actifs qui prennent part à nos occupations, auteur de plusieurs ouvrages esti- mables, a découvert à Saint-Cosme, près dAi- guillon , deux monumens avec des inscriptions latines. M. Du Mège a commenté les explications données par M. de Crazannes, dont il fortilie les observations par les siennes propres. Il conclut en ajoutant que, si les vues proposées sont admises, à une découverte mythologique, celle d’une divi- nité topique ou locale, il s’en joint une autre, de nature à intéresser la géographie ancienne, celle d'un bourg du nom de Bonnus, qui existait autrefois sur la voie Juliana, et dans la même position qu’occupe aujourd’hui le village de Saint- Cosme. Le dernier Mémoire dont il nous reste à dire quel- ques mots est dû à M. Lécruse, et concerne une des entreprises littéraires les plus importantes de lépo- que actuelle. Donner au public les livres saints qui M. LÉcLUSE. Ga INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. composent la Bible, d’abord dans la langue hé- braïque, qui est celle de Pancien Testament; puis dans la langue grecque, qui est celle du nouveau; enfin en latin, pour les personnes étrangères aux idiomes originaux : réunir ces trois textes dans un petit nombre de volumes, et sous un format éga- lement éloigné, soit de lin-fol.° et de l’in-4.° que repoussent les habitudes modernes, soit de ces divisions inférieures dont le moindre défaut serait peut-être d'exiger un grand nombre de tomes; imprimer à cette publication générale, et à chacun des textes en particulier, une perfection qui ait pour garans des éditions antérieures, vrais chefs- d'œuvre de. critique et de correction grammati- cale; telles sont, non pas les promesses de M, Lé- cluse dont la modestie désavouerait ces dernières paroles, mais les espérances que peut concevoir l'Académie avec le public, et dont le religieux accomplissement ne peut être à nos yeux un seul moment incertain. Après avoir exposé sa marche et le plan de son travail, M. Lécluse passe en revue les Polyglottes qui ont paru dans les 16.° et 17.° siècles. Il paie à chacune d’elles le tribut d’éloges auquel elle peut prétendre, sans dissimuler toutefois certains défauts de ces ver- sions multipliées. Il cite entr'autres un passage, qui, affirmatif dans la Vulgate, est interrogatif dans l'arabe, et devient négatif dans la paraphrase chaldaique , tirée aussi-bien que VParabe de la polyglotte de Walton. 11 donne, ici comme ail- leurs, la préférence à la vulgate, parce que le RÉSUMPTIONS. 63 Concile de Trente la déclarée canonique. Une dernière observation fera sentir la difficulté de la tâche que s’est imposée M. Lécluse. On sait com- bien l'exécution typographique d’un morceau grec exige de patience et de sagacité, chaque mot por- tant des signes extérieurs, dont la connaissance n’est pas lapplication facile d’une règle inva- riable, mais le fruit d’exercices répétés et de ré- flexions nombreuses. Or, autant il y a d’'inter- valle à cet égard entre le latin et le grec, autant et plus encore s’en trouve-til entre le grec et VPhébreu : on aurait pu détruire, il est vrai, cette différence en négligeant la ponctuation massoré- tique, combattue par certains hébraïsans moder- nes, et repoussée par Houbigant dans une publi- cation de cette nature, Mais le nouvel éditeur, qui a pesé les raisons dont on appuie cette innovation ; et qui Les a trouvées aussi faibles qu’elles semblent spécieuses, retient la méthode ancienne, la seule à son avis qui puisse redonner la certitude des textes et la vérité de l'interprétation primitive. 64 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. RÉSUMPTION POUR L'ANNÉE 1896, PAR M. DUFFOURC. Msssirurs, Je suis chargé, pour la Classe des Inscriptions et Belles-lettres, de la tâche que notre confrère M. GanTier vient de remplir avec succès pour la Classe des Sciences. Les Mémoires et les Disserta- tions dont il me faut présenter l'analyse traitent d'objets si divers, qu'il n'a paru bien difficile d’en lier les différentes parties et d’en former un tout. Jai pensé alors qu’il serait plus convenable de faire connaître successivement les travaux par- ticuliers de chaque membre, en ordonnant les parties de mon travail Ge manière à ne point excéder les bornes d’une lecture académique, sans toutefois négliger de donner, dans l'intérêt des auteurs, les détails nécessaires pour Pintelligence de leurs ouvrages. Tel est, Messieurs, le plan suivant lequel j'ai disposé ma Résumption. fn conséquence, sans autre préambule, j'entre en matière, en vous priant de nvaccorder votre at- tention, et sur-tout votre indulgence, dont je sens que j'aurai grand besoin. RÉSUMPTIONS. 65 M. Léczuse s’est imposé la tâche de soumettre à une sorte de révision, dans ses élucubrations aca- démiques, les jugemens des critiques de notre âge, sur quelques poètes de l'antiquité. Hésiode, Théo- crite et Euripide, ont été déjà l’objet de ce pa- tronage littéraire. Les Dissertations composées à ce sujet par ce savant professeur, ont été lues dans les séances particulières de l'Académie, et hono- rablement mentionnées dans les résumptions an- nuelles. Il s’est occupé cette année du père de la comédie grecque, d'Aristophane; et après s'être livré à quelques recherches sur sa vie, et la partie de ses ouvrages que le temps a épargnés, il a exposé les jugemens divers qu’en ont porté les anciens et les modernes, et s’est attaché, d’une manière spéciale, à faire sentir l’inconvenance et l'injustice des critiques de M. de La Harpe, dans son Cours de littérature. Nous savons peu de chose sur la personne et sur la patrie d’Aristophane. Les nombreux enne- mis qu'il s'était faits par ses médisances et par ses satires, lui disputèrent assez vivement la qua- lité de citoyen, pour la rendre douteuse : les uns voulaient qu’il füt Rhodien, les autres Eginète, tous étranger. Il fut néanmoins déclaré citoyen par un jugement décisif; et cela pour avoir égayé les juges en se faisant à lui-même, fort plaisam- ment, l'application de ces deux vers qu'Homère met dans la bouche de Télémaque : Je suis fils de Philippe, à ce que dit ma mère; Pour moi, je n’en sais rien : qui sait quel est son père ? 5 M. LÉCLUSE, 85.e Olym- piade, 4{oans avant J. G 66 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Aristophane florissait dans le siècle des grands hommes; il fut contemporain de Socrate et d'Eu- ripide, auxquels 1l survécut. Cest sur-tout pen- dant la guerre du Péloponèse qu’il parut avec le plus d'éclat, moins comme comédien propre à amuser le peuple, que comme le censeur du gou- vernement. Nul auteur ne nous a conservé des détails plus précieux sur les mœurs, les coutumes et les lois des Athéniens. Aussi Platon envoya-t- il à Denys le Tyran un exemplaire d'Aristophane, en lPexhortant à l’étudier avec attention sil vou- lait connaître à fond la langue et l’état de la ré- publique d'Athènes. Il ne nous reste d’Aristophane que onze comé- dies, c’est-à-dire, le quart de celles qu'il a fait représenter sur le théâtre d'Athènes. Le P. Brumoi les a fait connaître, par des analyses judicieuses, dans son excellent ouvrage intitulé : Théatre des Grecs. Cest là qu'on pourra se former une idée du génie de notre poète comique, et non dans le Cours de littérature de M. de La Harpe. « Ce » poète comique, qui n’est ni comique ni poète, » dit M. de Voltaire, ne serait pas admis parmi nous » à donner ses farces à la foire Saint-Laurent. » Cependant ce poète fit pendant quarante ans les délices du théâtre d'Athènes, et les Athéniens, dit notre immortel Racine, savaient apparemment ce que c'était que le sel attique, et ils étaient bien sûrs, quand ils avaient ri d’une chose, qu'ils n’avaient point ri d'une sotlise. M. de La Harpe, en disciple fidele et soumis, RÉSUMPTIONS. 65 cherche à justifier cette opinion de son maitre. « Supposons, dit-il, un composé de lesprit de » Rabelais, des lazzis d’Arlequin, des farces de » Scaramouche, des harangues des charlatans du » Pont-Neuf et des parades du Boulevard; et » qu’au milieu de toutes ces farces grossièrement » bouffonnes, on distinguût un fonds d’imagina- » tion, quoique très-déréglée, un esprit fertile » en inventions satiriques, et une sorte de verve » sans aucun goût, ce serait là notre Aristo- » phane.» Quintilien s'exprime en termes bien différens sur le mérite du père de la comédie grecque, et place au premier rang Aristophane : Aristophanes, Eupolis, Cratinusque præcipui. Ho- race et Cicéron partagent l’opinion de Quintilien : V’eteris comœdiæ facetissimus. À ces imposantes autorités joignons celle de Platon, qui reconnait dans notre poëte le mérite de Patticisme, c’est-à- dire, cette pureté de diction, cette éloquence qui était particulière aux“Athéniens. Qui ne connaît Padmiration, et pour ainsi dire l'espèce de culte que M."° Dacier professa pour Aristophane, qu’elle assure avoir lu jusqu’à soixante et dix fois, et toujours avec un nouveau plaisir. Mais un témoi- gnage décisif dans la discussion qui nous occupe, est celui de saint Jean Chrysostôme, qui nour- rissait sa mâle éloquence de la lecture d’Aristo- phane, et qui en plaçait chaque soir un exemplaire sous son chevet pour le retrouver à son réveil, Après avoir opposé ces grandes autorités aux cri- tiques, pour ne pas dire aux sarcasmes de MM. de [< JY, 68 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Voltaire et La Harpe, notre confrère discute le reproche qu’on a fait à Aristophane d’avoir joué Socrate dans une de ses comédies, et d’avoir ainsi fourni des armes à ses accusateurs. Vinol-quatre ans s'étaient écoulés depuis la première représen- tation de la comédie des Nuées, où Socrate est représenté suspendu au-dessus de la terre, assi- milant ses pensées à l'air subtil et léger qu'il respire , invoquant les dieux tutélaires des sophistes, les nuées, dont il croit entendre la voix au milieu des ténèbres et des brouillards. Cette différence de dates entre la représentation de la comédie des Nuées et l’accusation intentée par Melitus, Anitus et Lycon, sans néanmoins justifier Aristophane, prouverait que Pimpression qu'avait produite la pièce n’influa point autant qu’on le dit sur la condamnation du plus sage et du plus vertueux des hommes. Cette œuvre d'ini- quité appartient toute entière au fanatisme et aux passions de la multitude dans les gouverne- mens populaires. Faisant trève à ses travaux habituels, M. Lé- CLUSE forma le projet d'étudier la langue bas- que. L'histoire de la Cantabrie, par M. Pabbé d'Hiarce de Bidassouet, lui inspira un vif désir de connaître ce peuple singulier, qui, faisant partie de la France, est en quelque sorte séparé de ce beau royaume par ses mœurs et par son idiome. Placé dans un coin de l'Aquitaine, au pied des Pyrénées, il a conservé en grande partie les mœurs qui lui étaient propres, et le langage RÉSUMPTIONS. 6g qu'il parlait dans des temps dont la date remonte à la plus haute antiquité. Il profita du loisir que lui laissaient les vacances pour se transporter dans le pays basque, et em- ploya deux mois à parcourir les divers districts situés en France et en Espagne, étudiant les dif- férens dialectes, recueillant les documens que lui fournissaient les personnes instruites du pays, parmi lesquelles il cite avec reconnaissance plu- sieurs ecclésiastiques. Outre les détails intéressans de son voyage philologique, la Dissertation de notre confrère offre une analyse succincte des ouvrages écrits en basque, qu’il a su utiliser dans la composition de sa grammaire. La seconde Dissertation, qui fait suite à la première, traite de l’origine de la langue basque, de son alphabet, de sa littérature qui n’est pas fort étendue, de son nouveau Testament, de son arithmétique et de son calendrier. Chacune de ces questions est discutée dans un chapitre particulier avec autant d’érudition que de saine critique. Ces deux Dissertations faisant partie de la Grammaire basque, imprimée et publiée l’année dernière : nous nous dispensons d'entrer à cet égard dans de plus amples détails : nous pensons néanmoins que l'Académie apprendra avec plaisir que le tra- vail de notre confrère a été accueilli avec une grande faveur dans le pays des anciens Cantabres, qu'il lui a été fait des offres très-avantageuses pour lengager à venir à Bayonne occuper une chaire qu’on se propose de fonder pour lensei- M.DUFFOURC. 7 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. gnement de la langue basque. Sans vouloir préjuger la détermination que prendra notre confrère, nous aimons à penser qu'il n’abandonnera point le poste honorable qu’il occupe dans la Faculté des lettres, et qu'il continuera à répandre et à propager parmi nous l'étude et Le goût de la langue et de la litté- rature grecques. Tout le monde connaît l’histoire des conquêtes d'Alexandre par Quinte-Curce. Cet ouvrage, éga- lement remarquable par la grandeur et limpor- tance du sujet, et par la manière dont il est traité, a beaucoup souffert des outrages du temps. Outre les lacunes plus ou moins considérables qu’on ren- contre dans les différens livres, les deux premiers manquent en entier. (est à cette perte sans doute qu'il faut attribuer le défaut de renseignemens positifs sur la personne de historien d'Alexandre, et sur le temps où il a vécu. Les auteurs sont assez dans l’usage de placer ces sortes de détails au commencement de leurs ouvrages. Le savant Freinshemius , dans ses supplémens, ne nous donne aucune sorte d’éclaircissement sur cette matière. Nous n’en trouvons pas davantage dans les auteurs latins qui ont écrit depuis la destruc- tion de la république. Dans le catalogue des gram- mairiens, qui se trouve dans quelques éditions de Suétone, il est question d’un homonyme de notre auteur, sans autre indication. Tacite, dans ses Annales, fait aussi mention d’un Quinte-Curce, fils d'un gladiateur, parvenu sous Tibère aux premiers grades dans Parmée. Il mourut dans son gouverne RÉSUMPTIONS. Ti ment d'Afrique, et rien n'indique qu'il se fût occupé de travaux historiques et littéraires. Dans cette pénurie de documens concernant la biographie de Quinte-Curce, on a été réduit à chercher des éclaircissemens dans ouvrage même; car il est assez ordinaire que les auteurs fassent, dans leurs ouvrages, allusion aux temps et aux gouvernemens sous lesquels ils ont vécu. On a cru voir cette intention exprimée dans les passages suivans du livre x, chap. ax: « Proindè jure » meritoque populus romanus salutem principi » suo se debere profitetur, cui noctis, quam penè » supremam habuimus, novum sidus illuxit ; » hujus enim non solis ortus lucem caliganti red- » didit mundo, quum sine suo capite discordia » membra trepidarent. Quot ille tum exstinxit » faces ! Quot gladios condidit ! Quantam tem- » pestatem subità serenitate discussit ! Non ergo » revirescit solum , sed etiam floret imperium. » Absit modà invidia, excipiet hujus seculi tem- » pora ejusdem domüs , utinam perpetua , certè » diuturnæ posteritas . » N’est-il pas vraisemblable que cette citation se rapporte aux circonstances et aux événemens dont l’auteur a été le témoin ? Mais quel est le prince auquel le peuple romain confesse qu’il est redevable de son salut? À quelle époque de lPhis- toire se rapporte cette nuit qui faillit être la der- nière pour le peuple romain ? Les critiques sont d'avis tres-diflérens là-dessus. Suivant les uns, c’est Auguste, suivant les autres, Tibère , qui est 72 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. désigné dans ces passages. Ceux-ci les appliquent à Claude, ceux-là à Vespasien. Dans le siècle der- nier, le comte Bagnolo, italien, a traité cette question avec plus d’étendue qu’on ne Pavait fait jusqu’à lui, dans un ouvrage ayant pour titre : Della gente Curtia et del eta de Quinto Curtio istorico. 11 réfute d’abord les diverses opinions émises à ce sujet, et estime que Quinte-Curce vivait dans le 4.e siècle de lère chrétienne, et que C’est à Constantin que s’adresse le magnifique éloge renfermé dans les passages que nous avons mis sous vos yeux. En eflet, dit l’auteur, les diverses circonstances qui s’y trouvent énoncées sappli- quent sans efort aux temps de trouble et de con- fusion où Constantin parvint à l'empire. On comp- tait jusqu’à six empereurs à la fois; chaque armée avait fait le sien, et se montrait disposée à dé- fendre et à soutenir son ouvrage. Au milieu de cette anarchie militaire, Cons- tance meurt : son fils Constantin, proclamé em- pereur par l’armée britannique , triomphe de ses rivaux, et parvient, avec un rare bonheur, à pacifier et à réunir sous son sceptre les diverses parties de l'empire prêt à se dissoudre. La vic- toire qu’il remporta sur les Goths, en rendant la sécurité aux peuples, acheva de consolider son autorité. Il confia à ses trois fils les divers gouver- nemens des Gaules, de l'Egypte et de l'Italie. Sur eux reposait l'espoir de la conservation, et, suivant le vœu de l’auteur, la perpétuité de la famille. Æbsit modd invidia, excipiet hujus seculi RÉSUMPTIONS. 73 tempora ejusdem domus, utinam perpetua ; certè diuturnæ posteritas. Ce n’était plus le temps où il fallait user de ménagemens. Aussi Constantin, une fois revêtu de la pourpre impériale, agit et parla toujours en maître. Il cassa les fiers prétoriens, milice redou- table, en possession de faire et de défaire les em- pereurs, et affecta de se montrer en public dans tout l’appareil de la royauté, et le front ceint du diadème. Il résulte de la Dissertation dont vous venez d'entendre le résumé, que sil n’y a point de preuves décisives, il y a au moins de très-grandes probabilités en faveur de lopinion de ceux qui pensent que Quinte-Curce a écrit son ouvrage dans le 4.e siècle de l'ère chrétienne. On pourrait encore, à l'appui de cette opinion, faire valoir les considérations tirées du style et du ton général de louvrage, qui offrent plus de rapport et de con- formité avec les écrivains de cette époque, qu'avec ceux du beau siècle des lettres latines. À peine admis dans le sein de l'Académie, où sa place était depuis long-temps marquée, M. le marquis D’AGUILAR s’est empressé de payer son tribut. La langue romane a appelé d’abord son attention. Partant de ce principe, que César, au commencement de ses Commentaires, reconnait dans les Gaules trois divisions principales, trois peuples ayant chacun leur langue, leurs institu- tions et leurs lois, il pense que les traces de la langue belgique se trouvent dans le flamand , M. p’Acui- LAR. 74 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. celles de la Celtique dans le bas-breton, et celles de l’Aquitaine dans le basque. Il regrette de ne pouvoir examiner une question intéressante, sa- voir, jusqu’à quel point cette dernière langue {je veux dire la langue basque ) a reçu l’impres- sion de la langue punique. Cette question, au surplus, a été traitée d’une manière satisfaisante par un de nos confrères, qui a essayé d'expliquer, à laide du basque, les dix vers puniques que Plaute nous a conservés dans son Pœnulus. Comme son explication semble avoir satisfait les érudits de la Cantabrie, tant espagnols que fran- çais, nous nous faisons un plaisir de justifier ainsi la conjecture de lauteur du présent Mémoire. Cest du sein de la corruption de la langue latine qu'on vit sortir un nouveau langage, la langue romane, fille immédiate de la latine, et mère de toutes les langues du midi de l’Europe. Mais la langue romane se forma-t-elle principale- ment dans les Gaules, ou naquit-elle à la fois, dans lempire latin , des débris de la lan gue latine après l'invasion des Barbares qui la corrompirent ? Cest un point sur lequel l'opinion des savans est partagée; mais toujours est-il certain, dit l’auteur, que le premier pays où elle se polit, et où elle commença à jeter de l'éclat, fut le midi de la France. Le plus ancien monument de la langue ro- mane qui nous soit parvenu en entier, est le serment de Louis le Germanique, en 842. On ne trouve rien de semblable chez aucun autre peuple RÉSUMPTIONS. 75 de l'Europe latine à cette époque. Il n’est donc pas besoin de remonter jusqu’au 5.€ siècle, comme le font quelques savans, pour démontrer que c’est à tort que les Siciliens, par exemple, ré- clament pour eux la priorité de la poésie sur nos poètes provençaux. La langue romane se divise en deux dialectes ; le roman provençal, parlé dans toutes les provinces du midi de la Loire, conquises par les Visisoths, et le roman vallon, dans les provinces du nord de la Loire, où les Francs dominaient. L'auteur croit pouvoir, d’après un savant au- quel il paye un juste tribut d'éloges, assigner à chaque dialecte de la langue romane lPantiquité suivante : Le provençal, à la cour de Boson, roi d'Arles, ........ de 877 à 889 Le français, à la cour de Guillaume le Conquérant.... de 917 à 943 Le Castillan, sous le règne de Ferdinand le Grand, ..... de 1037 à 1065 Le portugais, sous Henri, fondateur de la monarchie, .. de 1079 à 1712 L’italien, sous Roger , roi de Sielles.amat nttsn sub de + -udeierr29 à 354 La langue romane du midi de la France, la plus anciennement formée et polie, dont les com- positions étaient déjà répandues sous Louis le Débonnaire, devint la langue classique de l'Europe latine, et c’est elle qui féconda la langue du Dante et de Pétrarque. 76 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Muratori et plusieurs autres érudits vont plus loin ; ils pensent que la langue romane n’était pas née seulement de la corruption de la langue la- tine causée par l'invasion des Barbares, mais en- core de celle du peuple, différente à Rome de celle des gens bien élevés. Salvini et Pauteur de ce Mémoire ne partagent point cette opinion. 1] est certain que, même dans les capitales, le peuple ne parle pas la langue aussi purement que les personnes instruites; cependant il n’est pas plus possible d'admettre qu'il y eût deux langues à Rome, qu'il ne serait possible d’en reconnaitre deux à Paris ou à Madrid. Ce que nous venons de dire du jargon popu- laire ne peut pas s’appliquer aux dialectes parti- culiers du midi de la France ; ils prennent leur source dans la langue romane primitive, dont la langue française, devenue la langue du prince, de la cour ét des classes élevées de la société, n’est qu'un dérivé. Cela est si vrai, que le dia- lecte du peuple, dérivé du roman, était encore très-usité parmi les classes supérieures dans le midi de la France. Le roman était encore la langue classique de notre Midi dans le 14.°, le 15.°, et même le 16.° siècle. C’est dans cette langue que sont écrites nos lois d'amour, en 1356. Après s'être arrêté avec complaisance sur Îles beaux temps de la langue d'Oc, examiné ses différens dialectes, l’auteur fait remarquer que dans le Limousin, et dans une partie de PAu- vergne, on a conservé, même de nos jours, les RÉSUMPTIONS: 7 désinences féminines latines en a. Effacées dans le Provençal et le Haut-Languedoc, mais admises encore dans le Bas-Languedoc : «IL faut bien, » s’écrie-t-il avec Paccent pathétique de la dou- » leur, arriver malgré soi à la décadence de la » langue romane, depuis la réunion de nos pro- » vinces méridionales à la couronne, époque où » le roman vallon, la langue d’Oui, est devenue » la langue française; depuis que nos fleurs, re- » nouvelées par Isaure, eurent cessé d’être données » à la poésie nationale; depuis que Malherbe eut » achevé ce que Villon avait commencé, la langue » romane est restée au milieu des langues vivantes » de l'Europe latine comme une ruine précieuse » par son antiquité, et dans laquelle on aime à » étudier la naissance de l’art. » L'homme de lettres s’arrète avec respect devant ces restes de la poésie vulgaire; mais de ces compositions ne s'élèvent point les inspirations que nous font éprouver les ouvrages des Grecs et des Romains : on ne peut pas dire du luth des troubadours ce qu'Horace dit de la lyre de Sapho : Viventque commissi calores Æolicæ fidibus puelle. Sous le titre modeste de Quelques pensées sur la civilisation, M. le marquis »’Acurrar offre le sommaire de l’origine, de la marche et des progres de la civilisation dans les sociétés policées, des éclipses et des révolutions qu’elle a éprouvées dans les diverses périodes de leur histoire. On présume bien que ce vaste sujet n’a point été traité avec 78 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. | toute l'étendue et tous les développemens dont il est susceptible, que le grand nombre de questions qui s’y rattachent sont plutôt indiquées qu’appro- fondies. Le Mémoire de notre confrère peut être considéré comme un aperçu rapide, un résumé de l’histoire de la civilisation, ou, si l’on veut, comme une esquisse bien dessinée du magnilique tableau tracé par Bossuet, dans son beau discours sur l’histoire universelle. Après avoir défini ce qu'il entend par civilisa- tion , l’auteur, prenant pour guide la Genèse, passe rapidement sur les premiers âges du monde, où 1] n’en trouve aucun vestige. La construction de l’arche prouve néanmoins quelques connais- sances dans les arts mécaniques. La simplicité des mœurs patriarchales, la vie errante et nomade des peuples pasteurs, n'étaient pas propres à en favoriser le développement : ce n’est guère qu’a- près le retour de la première captivité, et leur établissement dans la Terre-Promise, qu’on com- mence à apercevoir chez les Hébreux, réunis en corps de nation, un système de lois civiles et re- ligieuses, un gouvernement régulier, un com- mencement de civilisation. Moise, que Dieu avait choisi pour donner des lois à son peuple, était, suivant les Ecritures, versé dans les sciences des Egyptiens, et s’était formé à leur école. Il suit de là qu'il y a au moins de l’exagération dans Popi- nion de quelques rabbins, qui ont avancé que la lumière des sciences et des arts a brillé d’abord dans la Judée, et que de ce foyer primitif, elle RÉSUMPTIONS: 79 s’est répandue dans le reste du monde. Les docu- mens historiques, dont Pexactitude et l’authen- ticité sont généralement reconnues, placent en Egypte le berceau de la civilisation , qui gagna successivement les iles et le continent de la Grèce, où elle ne tarda pas à fructifier sous l’influence de la liberté et des institutions favorables au déve- loppement de l’intelligence humaine. Rome participa plus tard à ses bienfaits. La nature de ses institutions toutes suerrières, l’aus- térité des mœurs républicaines, les agitations du Forum, les fréquentes révoltes du peuple, repous- saient les sciences et les arts amis de la paix. La conquête de la Grèce ouvrit une nouvelle carrière à l’activité des Romains; on les vit accourir en foule à Athènes pour y contempler les chefs- d'œuvre des arts, et recueillir avidement les préceptes et Les leçons des orateurs et des phi- losophes. Ainsi les lettres latines, encore dans l'enfance, s’enrichirent des trésors et des beautés de la littérature grecque, et le siècle d’Auguste rivalisa de splendeur et de gloire avec le sièele de Péricles. La civilisation avait fait peu de progrès dans les Gaules, lorsque Jules César entreprit de les soumettre aux Romains. Les peuples qui habi- taient le Midi étaient sous ce rapport moins ar- riérés que ceux de lintérieur du pays et des régions septentrionales, où l'influence toute-puis- sante des Druides frappait d'une sorte d’anathème tout ce qui pouvait tendre à introduire quelques 80 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. changemens dans les mœurs et les habitudes des peuples soumis à leur domination. Mais lorsque la Gaule eut subi le joug des Romains, elle re- nonça bientôt à ses anciennes institutions pour adopter celles du vainqueur. Les Gaulois, dont l'esprit était vif et pénétrant, marchèrent bientôt de niveau avec les Romains qui les avaient vain- cus : mais les invasions des peuples du Nord arrè- térent lessor de la civilisation, et couvrirent les Gaules de destruction et de ruines. Ce torrent dévastateur se répandit en Italie : Rome, devenue la capitale du monde chrétien, fut plusieurs fois prise et saccagée. C’en était fait des chefs-d’œu- vre des arts et des monumens du génie, sans la sollicitude et les soins que mirent les souverains Pontifes à recueillir et à conserver les précieux débris qui avaient échappé à la faux des Barbares. Je n’ai fait jusqu'ici que traduire, fort impar- faitement sans doute, les pensées de M. le mar- quis d'Aguilar. Vous allez maintenant l’entendre lui-même faisant une revue rapide de la longue succession des rois qui ont régné sur la France, et caractérisant ses diverses époques par des traits et des couleurs dont la justesse et la vérité annon- cent une connaissance approfondie de notre his- toire. « La première race de nos rois offre le tableau » aflligeant des meurtres et du brigandage. Dans » la deuxième on voit briller Charlemagne, qui » ne peut devancer la marche du temps, malgré » La forte impression qu’il donne à son siècle. Le à ©, = = » RÉSUMPTIONS. 8t systeme féodal se constitue sous ses successeurs; s’il sauve la France dun démembrement, s'il établit une échelle de devoirs qui remonte jus- qu'au trône, il livre d’un autre côté l’état aux dissentions intestines et aux horreurs de la guerre civile. La chevalerie, sous la troisième race, ajoute son influence à celle des trouba- dours; nos plus grands seigneurs, nos plus illustres et vaillans chevaliers cultivent la poésie. La galanterie, les cours d'amour, les tournois adoucissent les mœurs, polissent le langage, donnent de la noblesse et de la délicatesse aux pensées et aux actions. Les cours de Toulouse et de Provence se distinguerent par la protection qu’elles accordèrent aux lettres. Les croisades eurent le double effet d’afranchir les communes, et d'attirer dans l'Occident les arts et la civilisa- tion de l'Orient. Cette époque est marquée par le règne de Saint Louis, et par les établissemens dont il dota la France. Les parlemens s’orga- nisent, deviennent sédentaires, et forment un corps respectable. Sous Philippe le Bel, les communes sont appelées aux assemblées de la nation. Charles V fait asseoir sur le trône la justice et la sagesse. Louis XI met les rois hors de page, et affermit l'autorité royale par l’abais- sement des grands vassaux. Les guerres d'Italie sous Charles VIIT, Louis XIL et François L.®, font refléter sur la France une couleur poéti- que : c’est sur-tout pendant le règne de ce prince que les lettres et les arts commencèrent (© M. GRESSET. M.DuMrcer. CO 32 INSCRIPTIONS ET BELLES-LET®ŸRES. » à prendre un brillant essor. Les guerres de re- » ligion assombrirent durant quelques années le » tableau de notre belle France, qui répare ses » pertes et oublie ses malheurs sous le sceptre » paternel d'Henri IV; enfin, Malherbe vient : » Richelieu prépare le grand siècle qui se montre » avec toutes ses gloires. » Parvenu à l’époque actuelle, notre auteur ne peut s'empêcher de manifester ses craintes sur les destinées futures de la civilisation : que deviendra- t-elle dans les graves circonstances où le monde se trouve placé, au milieu de cette fermentation morale qui agite les deux hémisphères ? Quelle sera l'issue de la lutte engagée entre les vieilles institutions et les idées nouvelles ? Sans avoir la prétention de lire dans Pavenir, nous aimons à penser que la civilisation triomphera des obstacles qu'on pourrait chercher à opposer à sa marche, et que son influence et ses bienfaits s’'étendront aux pays même qui ont mis jusqu'à ce jour une sorte d’opiniätreté à la repousser. M. Gresset a présenté la seconde partie de son travail sur la Mnemonie chronologique. Il y a joint deux tableaux dressés suivant la méthode établie dans son Mémoire. Le premier présente la série de 112 papes, et le second la suite de 34 rois de France. Narbonne, cette célèbre colonie à laquelle Au- sone consacra un pompeux éloge, et dont Sidonius Apollinaris vanta les monumens, a été long- temps l’objet des recherches spéciales de M. Do RÉSUMPTIONS. 85 Mèce. Il en à dessiné avec le plus grand soin les intéressans débris, et copié les nombreuses ins- criptions qu’on y rencontre; mais les explorations de cet archæologue n’ont pas eu pour limites l'enceinte de cette ville fameuse. Il a vu tout ce que les lieux voisins offraient d'objets remarqua- bles ; et chaque année il recueille les dessins des marbres antiques que l’on découvre dans les contrées voisines. Ainsi, en 1825, il réunit des notions importantes sur divers monumens qui venaient d’être découverts à Salles; et en 1826, il présenta à ce sujet un Mémoire à l'Académie. Parmi les objets trouvés à Salles, notre confrère distingue sur-tout un torse, un style en argent, une lucerne en terre cuite, et une inscription sé- pulcrale. Il croit reconnaitre dans le torse le reste d'une statue de Persée : deux mots sont gravés sur le style; et ces mots, mal interprétés, avaient donné lieu à une étrange méprise. M. Du Mège réfute cette fausse interprétation. Il prouve que les mots ztera felix, qu’on lit sur le style, sont une formule de souhait dont les Latins ont sou- vent fait usage, ainsi que le remarque son illustre maitre, le savant J’isconti. La lucerne porte le monogramme du Christ. Ce monnment fragile a donc été fait pour des chrétiens. L'inscription sé- pulcrale est consacrée à une femme nommée Marthe, morte à l’âge d'environ trente ans, aux kalendes d'août, la 21.° année du règne de lun des rois visigoths qui furent maîtres de Narbonne; mais le monarque n’est-point nommé dans l’ins- G. 84 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. cription, et ceux qui ont voulu expliquer le mo- nument, prenant pour un € la lettre o du mot AnNO, ont cru qu'il portait la date de lan cxxt de l'ère chrétienne. M. Du Mège montre combien cette assertion est peu fondée, et prétend qu’il s’agit seulement de la xxr.° année du règne d’un des rois visigoths dont nous venons de parler. Il résulte des recherches qu’a faites à cet égard notre confrère, que la date de cette épitaphe est plus récente, et qu’elle se rapporte au 6.° siècle de l’ère chrétienne. L'histoire de Toulouse, pendant le 13.° siècle, offre de grands tableaux, des événemens impor- tans, des exemples d’une fidélité à toute épreuve, d’une magnanimité peu commune, ainsi que des traits de la plus noire perfidie et d’une atroce cruauté. Catel et les autres historiens du Lan- guedoc n’ont rapporté qu’une partie de ces traits. Deux membres de cette Académie (1) avaient es- sayé, il y a 40 ans, d'ajouter quelques pages à cette partie de nos annales, et leurs écrits firent dans le temps une assez forte impression. M. Du Mège, embrassant une partie du même sujet, Pa considéré particulièrement sous les rapports ar- chæologiques, dans un Mémoire sur l’église et le couvent des Dominicains de Toulouse. Ce Mé- moire , destiné à faire partie du Monasticum gal- licanum ; ouvrage demandé, en 1821, par Son Exc. le Ministre de l’intérieur, est accompagné d’un (1) Le P. Sermet et l’abbe Mag. RÉSUMPTIONS. 85 grand nombre de dessins. L'auteur fait d’abord connaître l’origine de l’ordre des Frères prêcheurs, qui, plus tard, furent appelés Dominicains, du nom de leur fondateur. Il rapporte la donation faite à ces religieux par Pierre Celani et Thomas, citoyens de Toulouse, de deux maisons où s’éta- blirent les Frères prècheurs, et où fut placé, après la mort de saint Dominique, le tribnual de linquisition. Dans la suite, le nombre de ces moines s'étant accru, ils allèrent dans la maison de Saint-Romain, et y demeurèrent quelque temps. Pons de Capdenier, Aurimonde son épouse, et Ermengarde sa fille, firent don du jardin de Garrigues à ces moines, pour y bâtir une église et un monastère, En 1230, l’évèque Foulques conduisit ces relisieux dans ce nouveau local. La construction de l’église fut terminée en 1294, et elle fut consacrée en 1385. Sept colonnes appa- rentes divisent en quelque sorte l’église en deux parties. On a donné des explications plus ou moins fondées de cette disposition. La plus accréditée porte que Raymond de Falgard, successeur de Foulques, voulut que église des Frères prècheurs représentât cette maison que /a Sagesse éternelle s’est bâtie, selon auteur des Proverbes, ef pour laquelle elle a élevé sept colonnes. Mais notre confrère remarque qu'il y en a huit, et que si l'une d’entre elles est engagée dans la maçonnerie, elle est cependant assez apparente pour tous ceux qui examinent attentivement l'édifice. Après avoir tracé l’histoire du monastère, rap- 86 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. porté la liste des inquisiteurs de Toulouse, à fa tête desquels on a mis assez mal à propos saint Do- minique, puisque celui-ci mourut avant Pépoque où Grégoire IX chargea les Frères prècheurs dexer- cer l'inquisition, M. Du Mège décrit avec beau- coup de soin les parties les plus remarquables du couvent et de l’église. Il rapporte les nombreuses inscriptions qu’on voyait de toute part dans ce vaste édifice, et il n’oublie pas les signes héraldiques dont plusieurs de ces monumens étaient chargés. Il nous apprend, enfin, que, par un heureux hasard, une partie des plaques de bronze et de marbre où se lisent ces inscriptions a été conservée; et il ex- prime le désir que cette suite de monumens his- toriques ou funéraires soient réunis à ceux que l'on a rassemblés dans la galerie du Musée de Toulouse, qui renferme tant de monumens pré- cieux pour la connaissance des arts et de la mythologie. M. Du Mëce a écrit l’histoire des monastères qui existaient avant nos troubles civils dans le Languedoc, dans le Comminges, dans le comté de Bigorre et les quatre vallées. « Ces pieuses retraites » que nous avons vu détruire, offraient , dit-il, » à l’homme détrompé des prestiges de la gran- » deur et des biens de la terre, un port assuré » contre les tempêtes de la vie. On y cultivait » les lettres, et c’est dans nos abbayes que furent » conservés les écrits des poètes et des sages de » l'antiquité, ainsi que les traditions des sciences » et des arts. Des conquérans barbares ravageaient RÉSUMPTIONS. 87 » l’Europe ; nos provinces étaient en proie à de » petits potentats, presque toujours armés contre » le souverain légitime; le servage, la féodalité » pesaient sur les peuples, tandis que la charité, » la paix, la bienfaisance, habitaient les monas- » tères. L'infortuné y trouvait des consolations et » des secours; les opprimés, un asile, » Cest ainsi que notre confrère commence sa Notice sur Pab- baye de la Grasse, fondée par Nebridius pendant la seconde moitié du 8.° siècle. Protégée et dotée par Charlemagne , elle porta d'abord le nom de Sainte-Marie de l'Orbieu. Louis le Débonnaire confirma les priviléges dont elle jouissait, et lu en accorda de nouveaux. Le roi Pepin et Charles le Chauve donnèrent des preuves de leur bien- veillance à cette abbaye. Alphonse If, roi d’Ara- gon, la prit sous sa protection, et permit aux moines qui l'habitaient de construire des châteaux et des forteresses sur les domaines qu’ils possé- daient dans ses états. Ses successeurs ajoutèrent à ses bienfaits, et furent les protecteurs de l’abbaye. M. du Mège rapporte à ce sujet plusieurs chartes émanées de ces souverains, documens précieux qui n’ont pas été connus des savans auteurs de Y’histoire du Languedoc, et qui sont encore inédits. Après avoir tracé l’histoire de l'abbaye de la Grasse jusqu’à la révolution, il décrit les bâtimens du monastère, transformés en casernes et en manu- factures. « L'état de ruine et d'abandon de église » de la Grasse est effrayant, dit notre confrère en » terminant son mémoire. Jadis les accens de la 88 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » piété, les hymnes de la religion en faisaient re- » tentir les voûtes : ceux qui l’élevèrent croyaient » peut-être qu’elle braverait les efforts du temps, » et que son enceinte ne serait jamais profanée. » Mais déjà ses colonnes renversées sont cachées » sous l’herbe; des lichens en recouvrent les cha- » piteaux; des arbustes fleurissent sur les murs » entr'ouverts. Quelques écussons mutilés, quel- » ques fragmens des tombeaux des princes de Nar- » bonne, peer à des ossemens arrachés à la paix » du be , annoncent seulement dans ce lieu » l’inévitable destinée des monumens élevés par la » main des hommes. ; Parmi les monumens créés par les Romains, on distingue sur-tout les voies militaires, ces chemins immenses qui, partant de la ville éternelle, con- duisaient jusqu'aux extrémités de l'empire, et établissaient des communications faciles entre la capitale et les provinces les plus éloignées. Depuis la renaissance des lettres, beaucoup de savans ont recherché les traces de ces routes célebres. Les travaux des Beroier, des Astruc, des Danville, si estimables d’ailleurs, n’ont pas dissipé tous les doutes, ni éclairei toutes les questions qu’a fait naiître cette partie importante de l’antiquité, soit que les matériaux leur aient manqué, soit que, n'ayant pas par eux-mêmes visité les champs que les voies traversent, ils n’aient point recueilli les idées précieuses qué présentent les localités. L’au- teur voulant offrir dans son Æ/rchæologie pyré- néenne des notions exactes sur les chemins cons- — —— RÉSUMPTIONS. 59 truits par les Romains dans les régions dont il décrit les monumens, a dû examiner d’abord et corriger, Pun par l'autre, litinéraire dÆntonin et la Table Théodosienne, et rechercher ensuite, par des opérations faites sur le terrain, et par l'examen des lieux, si les résultats obtenus dans le cabinet étaient exacts, ou devaient être recti- fiés. Il a quelquefois entretenu Académie des travaux auxquels il s’est livré à ce sujet; et, dans le cours de l’année qui vient de finir, il lui a pré- senté un Mémoire sur la voie romaine qui va de Narbonne au Summus Pyreneus, ou aux trophées de Pompée. Dans ce Mémoire, M. Du Mège montre l'erreur de ceux qui, copiant sans examen deux passages de Pltinéraire, et les indications de la Table de Peutinger, dessinent trois routes qui, de Nar- bonne, auraient conduit au Summus Pyreneus ; il démontre qu'il n’y en a qu’une seule, et l'examen du terrain prouve même qu'il ne pouvait y en avoir d’autres. Ces assertions, ces discussions, se- mées de calculs, sont peu susceptibles d'analyse, et doivent être appréciées dans louvrage mème. L'auteur fixe tous les points de station, toutes les mutations placées sur cette voie , et détermine leurs distances respectives, sans oublier les sou- venirs historiques que rappellent les lieux tra- versés par cette route. Ænnibal, voulant atteindre par terre les frontières de l'Italie, vint à Z{/iberis, ville située sur cette voie, en passant par le Per- thus; car le Col de la Massane aurait présenté 99 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. trop de difhcultés à ses éléphans. Ce fut à l’extré - mité de cette voie, sur le sommet des Pyrénées, près du Perthus, que Pompée, après avoir vaincu les lieutenans de Sertorius, éleva les trophées de ses victoires; monumens célebres, mais dont on recherche en vain les traces. M. Du Mèce s’est aussi occupé de histoire litté- raire de Toulouse, et a communiqué à l’Académie un Mémoire contenant des recherches sur les poètes qui obtinrent des prix aux Jeux Floraux pendant le 1G.° siècle. Dans ce travail, composé d’après des manuscrits peu connus, notre confrère rappelle successivement les poésies de Hugues Roques , de Jean Scorba, de Jacques Sapientis, poètes couronnés en 1513 par les Mainteneurs du Gaï savoir. Les deux premiers se servirent du dialecte de la langue romane, alors en usage à Toulouse. Paraissent ensuite Jean de Villeneuve, Vignes et Jean Perot. Le premier consacra sa lyre à la Mère du Sauveur; le second célébra le martyre de saint Sébastien ; le troisième fit une ballade en l’honneur de l’Université de Toulouse, et donna à Apollon le titre de fondateur des écoles de droit romain et de droit canon. On ne satten- dait guère à trouver pour l’école de droit romain, à Toulouse, une pareille origine. Etienne For- catel, plus connu par son triomphe sur Cujas que par ses vers français, reçut, en 1544, la violette d'or. La mème année Francois Revergat obtint l'églantine. Lincarnation du Verbe fut le sujet de ses chants, dans lesquels il fit intervenir des per- = RÉSUMPTIONS. OL sonnages empruntés à la mythologie. Dans son ouvrage, Jupiter est le symbole du Père Eternel ; Andromède , de la Nature; et Danaë, celui de la J'ierge. Après avoir cité quelques autres noms célèbres dans leur temps, mais à peu près in- connus aujourd’hui , il fait la remarque que La- croix introduisit le premier le sonnet au nombre des ouvrages présentés au concours. Francois de Clari, né à Cordes, petite ville de PAlbigeoïis, et qui devint dans la suite premier président du parlement de Toulouse, a été lobjet particulier des recherches de notre confrère. Il rappelle les divers triomphes littéraires de cet auteur, et rap- porte en entier le chant royal qu’il consacra à la mémoire de Clémence Isaure. Après Francois Clari, qui fut reçu maitre des Jeux Floraux en 1599, M. du Mège s'occupe des vers de Jean Galaut, mort en 1610, et qui a laissé un volume de poésies qui ne sont pas sans mérite. Le Mé- moire de notre confrère est semé d’anecdotes piquantes, de faits entièrement mis en oubli, qui pourraient faire mieux connaître l’histoire civile et littéraire de Toulouse dans le 16.° siècle. Les croyances, les mythes des anciens peuples, ont, malgré les. changemens de culte, traversé les siècles, et sont parvenus jusqu’à nous, plus ou moins altérés, mais pourtant reconnaissables, et souvent même, sans la différence du travail et du style, on pourrait croire que des monumens, évidemment du moyen âge, appartiennent à l’an- tiquité. Il en est parmi ceux-là deux, dont M. Du 92 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Mèse rapporte les dessins dans un Mémoire sur la Psycosthasie ou pesée des âmes. Chez les Esyp- tiens, et chez presque tous les peuples de l'anti- quité, le dogme de l’immortalité de l’âme était la base des croyances religieuses, et on pensait généralement qu'après avoir été affranchie de ses liens, l’âme était soumise à un jugement solennel qui décidait de son destin : Heureuse, si elle avait toujours marché dans les voies de la justice, mal- heureuse, si elle avait suivi celles du crime et de liniquité. À ce dogme consolant plusieurs nations ajoutèrent celui des bons et des mauvais génies, et supposèrent que chaque homme était placé sous la garde d’un envoyé céleste, d’une sorte de demi- dieu bienveillant, toujours en opposition avec le génie du mal ou des ténèbres. Les monumens paraissent indiquer que cette doctrine était par- ticulièrement en honneur chez les Egyptiens. Sur plusieurs papyrus trouvés dans les caisses qui ren- fermaient des momies, on a peint, dans les bas- sins d’une grande balance, un corps ovale entouré d'un cercle, et dans l’autre une figure assise. Du côté de celle-ci, et debout, est un bon génie, une figure à tête d’épervier; sa main droite est éten- due vers le bassin de la balance, et la gauche vers un cynocephale accroupi sur le milieu du fléau : sur l'arbre de la balance est une autre figure à tête de chakal ou de loup, qui de la main droite tient l'équilibre de la balance. Les archæologues ont cru retrouver dans cette composition une image de la Psycosthasie, ou pesée des âmes. Cette | L | RÉSUMPTIONS: 93 opinion paraît avoir eu cours parmi les Grecs et les Romains : on a eru qu'Aomère y faisait allu- sion, lorsqu'il représente le père des dieux et des hommes pesant dans ses balances d’or le sort des Grecs et des Troyens : il y place aussi les destinées d’Hector et du fils de Pélée ; mais ce n’est point là, selon notre confrère, la véritable Psycosthasie. M. Mongez, dans un mémoire sur ce sujet, donne à entendre que la Psycosthasie a été connue chez les modernes, et il se fonde sur un passage de Milton, qui ne paraît pas concluant à notre con- frère. Plus heureux que ce savant, l’auteur a rencontré, dans ses courses archæologiques, deux monumens qui ont évidemment trait à la pesée des âmes. L'un de ces objets est un chapiteau de l’ancien cloître de la Daurade. Le second est un bas- reliefqui décore le portail d’une petite église voisine de Toulouse. On y voit, comme sur les papyrus égyptiens, le bon et le mauvais génie, la ba- lance, lâme, et le poids des iniquités. Ces mo- numens curieux ont été dessinés par M. Du Mèce, qui les compare à des images semblables placées sur les portes des églises cathédrales d'Arles et de Paris. Les antiquités et les monumens des premiers siècles du christianisme ne subsistent plus qu’en très-petit nombre, et l’on peut considérer comme une heureuse découverte celle de quelques-uns de ces précieux restes. Dans un Mémoire sur une inscription trouvée à Régimont, près Béziers, M. Du Mège examine avec soin ce monument, qui 94 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: a beaucoup souflert, et prouve ensuite qu’elle à été placée dans une église consacrée en lhonneur des vierges Agnès et Eulalie, par un prêtre nommé Ofhia, qui était alors dans la 33.° année de son sacerdocée. On voit à la fin le nom de l'empereur /’alentinien , et les premières lettres du nom de celui qui était son collègue dans le consulat, lorsque cette église fut bâtie : ce sont les lettres À et x. Notre confrère a recherché, dans les fastes consulaires, le nom de celui qui com- mence par ces deux initiales; il n’en trouve qu'un seul qui puisse convenir, c’est celui d’/ra- tolius, qui fut consul avec Y’alentinien, Van 1193 de Rome, ou 440 de Père chrétienne. Aïnsi se trouve déterminée d’une manière exacte la date de la construction de léglise de Sainte- Agnès et de Sainte-Eulalie, près de Béziers. Cet édifice subsistait encore il y a peu d'années. Vendu comme domaine national, il a été démoli. On trouve en- core dans les champs voisins des débris de marbres et de tombeaux, ainsi qu'une grande quantité de fragmens de vases antiques. Il me reste encore à vous entretenir des décou- vertes intéressantes faites sur le territoire de Mar- tres. L'Académie peut se féliciter de n'être point demeurée étrangère aux travaux qui ont rendu aux arts et à l’histoire les nombreux monumens de l'antique Calagurris Convenarum. Cest encore à notre laborieux et savant archæologue que nous sommes redevables de cette découverte, dont il s’est chargé lui-même de vous faire connaître les RÉSUMPTIONS. 95 détails les plus intéressans. Ce lieu avait eu donc quelque importance : mais sous quel nom était-il anciennement connu ? M. Do Mice résout la question, en rapportant ce que dit saint Jérôme à V'igilantius, hérésiarq ue fameux :« qu’il ne répond que trop bien à son origine ; qu'il n’ignore point qu'il descend de cette race d'hommes que Pompée, après avoir subjugué l'Espagne, fit descendre des Pyrénées, et réunit dans une cité qui prit le nom d'Urbs Convenarum ; que, digne descendant des 'ettons, des Arebaci et des Celtibériens, il fait beaucoup de mal aux églises des Gaules. » Plus loin, saint Jérôme donne à Vigilantius Vépithète de Calagurritanus , ce qui indique que ce per- sonnage était de Calagurris; ainsi > puisqu'il descendait des Convenæ et qu'il avait sa retraite parmi eux, on peut croire que ce lieu était situé dans le territoire de ce peuple. Il recherche ensuite la véritable position de Calagurris. L'itinéraire d'AÆntonin lui indique, sur la route d'Aquæ Tarbellicæ à Toulouse, et à vingt-six milles romains de Lugdunum Convenarum, où Saint-Ber- trand, une station nommée Calagorgis ou Cala- orris. En fixant, avec Danville , le mille romain à 796 toises, M. Du Mège reconnaît que la distance est de 19,556 toises; ce qui, à ouverture du com- Pas; porte vers l'extrémité du territoire de Chira- gan dans la commune de Martres, et c’est précisé- ment dans ce quartier que lon a trouvé les ruines précieuses qui font le sujet de ce Mémoire. Après avoir déterminé le nom et la position 96 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. géographique du lieu, auteur évalue à quatre cents toises le diamètre de la ville en longueur. La voie romaine qui subsiste encore sous le nom de l'Estrade, la borne au nord, et la Garonne au levant. Au delà de la voie romaine était un bourg qui portait jadis le nom d’#ngonia , et qui, vers le 8.° siècle, prit le nom de Martres, des martyrs qui, selon une légende célèbre dans la contrée, y furent immolés par les Sarrasins. M. Du Mège divise en quatre parties le reste de son mémoire : il décrit dans la première les ruines des édifices de Calagurris. Il comprend dans la deuxième les monumens héroïques ou re- ligieux qui les décorent; il y a retrouvé une suite de bas-reliefs qui, quoique mutilés, méritent encore de fixer l'attention des artistes. Ils repré- sentaient les douze travaux d’Alcide. On y voit le héros conduisant la biche aux pieds dairain ; combattant l’hydre de Lerne ; perçant de ses fle- ches les oiseaux du lac Stymphale; luttant avec le fleuve Achéloüs transformé en taureau; mettant en fuite les amazones, et domptant le fameux Geryon à trois corps. Les statues d’Zsis, de Serapis, des médaillons d’une assez grande dimension, où sont représentés Cybèle, Junon, Jupiter et Vénus, des bustes ou seulement des têtes d'Ariane, de Bacchus, et les statues d'Esculape, d'Hygie, de Vertumne. Les monumens historiques décrits dans la troisième partie sont en assez grand nombre. On y remarque des bustes de Tibère , d'Antonin, de Commode, de Geta, de Lucius Verus, de RÉSUMPTIONS. 97 Septime Sévère , etc., etc. Dans la quatrième et dernière partie, il s'attache à faire sentir lim- portance des fragmens architecturaux trouvés dans les ruines de Calagurris, et qui consistent en des chapiteaux d’une grande beauté, des jambages, des montans de portes sculptés, ainsi que plu- sieurs frises bien conservées, des mosaïques très- remarquables. Tels sont les objets décrits dans cette quatrième division de son Mémoire. Avant de finir, M. Du Mège paye un juste tribut de gratitude et d’hommages au zèle éclairé de M. le Maire (r) et de M. le Préfet du départe- ment (2); il rappelle tout ce que ces deux magis- trats ont fait pour faciliter les recherches et en assurer le succes : des secours de toute espèce ont été accordés aux ouvriers pour faire, sous la direc- tion de notre confrère, des fouilles suivies. En en- courageant les découvertes, en accueillant avec empressement le résultat des investigations de M. Du Mège, l’Académie s’estimera heureuse de pouvoir offrir aux archæologues, par les soins d’un de ses membres, des dessins élégans et fidèles, et des explications précises de ces monumens, que sa science vient d’arracher à l’oubli. (1) M. Baron de Montbel, associé de l’Académie dans la classe des Belles-lettres, élu depuis membre de la Chambre des députés. (2) M. le comte de Juigné, actuellement Préfet du dépar- tement du Doubs. 98 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. RÉSUMPTION POUR L'ANNÉE 1827, PAR M. pu MÈGE. Mssiurs, La morale et la métaphysique ne sont point des sciences étrangères à notre Académie. Leur influence sur le bonheur de l’homme en société nous ferait un devoir de les cultiver, alors même que leurs rapports avec la science des faits, avec l’histoire de lesprit humain, ne nous obli- geraient pas à les compter au nombre des objets de nos méditations les plus profondes. L’antiquité, qui a pour nous tant de charmes, et dont nous recueillons les monumens, nous montre les phi- losophes cherchant la vérité, s’égarant presque toujours, enfantant quelquefois des systèmes su- blimes, et augmentant trop souvent les ténebres qu’ils voulaient dissiper. Quelques-uns remontè- rent à l’origine des choses, et crurent reconnaitre un premier Principe qui n'avait jamais eu de com- mencement, et qui, ayant toujours été, donnait l'existence à tous les êtres. Ils lui assignèrent les noms de Cause première , et de Cause nécessaire , parce qu’il fallait, disaient-ils, qu'il fût néces- RÉSUMPTIONS. 99 sairement, car sans Jui rien ne saurait être. Îls divisérent ensuite ce premier Principe en trois causes générales, desquelles provenaient tous les effets de la nature. La premiere était la Substance, qu’ils nommèrent aussi Matière ; la seconde, le Mouvement, ou, pour mieux dire, le Principe du mouvement ; la troisième, /Æme , qui donne le sentiment, qui est l’origine de ce qu’on nomme connaissance et raisonnement. Ces bases de la philosophie antique furent souvent sapées par les chefs des diverses sectes. Épicure, qui en cer- taines choses a éclairei et même embelli la doctrine de Démocrite, l’a aussi souvent altérée, sur-tout en Ôtant de la nature le Principe intelligent. Cette maniere de voir a été souvent renouvelée, et pour la développer avec plus de force, on a voulu, de nos jours, l’'appuyer sur les découvertes dues à la physiologie. Des écrivains éloquens, et que Von ne pouvait soupconner d’un grand attache- ment aux maximes relisieuses, s'étaient en vain élevés contre ce désolant système, qui Ôte à l’âme son existence, qui borne à quelques jours, trop souvent marqués par la douleur, les espé- rances d’un être qui dans sa pensée embrassait tous les temps, qui croyait, en quittant sa dé- pouille mortelle, sélancer vers des régions heu- reuses, où les tyrans n’ont plus de pouvoir, où le juste reçoit la récompense de ses vertus. « Non, s’écrient les partisans de cette doctrine; ce que vous appelez âme, n’existe point : vous ne pensez, vous ne formez des idées, vous ne les combinez " ] /: M. p’Acur- LAR, 100 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. entr'elles qu’à aide de organe cérébral, et lors- que tout finit en vous, cet organe va, comme les autres parties de votre être, s’'anéantir dans la poussière des tombeaux. » Cest contre ces opinions dangereuses que M. le marquis »’AquiLar s’est fortement élevé dans un Mémoire intitulé : Quelques idées métaphysiques et morales. Dans les premières pages de cet intéressant opuscule, lauteur fait connaître et discute lopi- nion de Cabanis, qui a dit: « Vivre, c’est sentir ; on ne pense que parce qu’on sent.» Descartes avait écrit, 1l y a près de deux siècles : Je pense, donc je suis. Cabanis a été plus loin que Locke et Condillac; et c’est par l’organe cérébral que, selon lui, se forment les idées. M. d’'Aguilar dis- cute ce point de fait. Il prouve ensuite qu’une partie de la philosophie moderne est basée sur le système d’Épicure. «Aussi, dit notre confrère, Cabanis fait-il un grand éloge de cet homme il- lustre. Il ne le suit pas, il est vrai, dans la formation des corps par la rencontre lortuite des atomes; Cabanis ne donne rien au hasard, il calcule tout presque géométriquement : nous revenons par là au système de Hobbes et de Spi- nosa, à la matière éternelle, au grand tout qui a toujours existé, et qui existera toujours par le moyen de cette métempsycose, qui n’est pas celle de Pythagore, car Pythagore était spiritualiste , mais probablement dans le sens du panthéisme, qui était celui du spiritualisme de tous les anciens — —- RÉSUMPTIONS. IOI philosophes, Socrate peut-être excepté, car Platon lui-même avait un peu dévié des leçons de son maître. » Dans une matière si délicate, et où la pro- fondeur peut quelquefois amener lobscurité, nous ne suivrons point M. d’Aguilar, qui, par des raisonnemens vifs et pressés, attaque de front la doctrine de Cabanis et celle de son école, et montre que les défauts que ce physiologiste a cru voir dans la structure du corps humain sont, au con- traire, des preuves de l’éternelle sagesse qui a présidé à sa formation. Il rassemble toutes ses preuves, il les groupe avec art, et de leur réunion il jaillit des idées claires, simples et consolatrices, devant lesquelles tombe l’échafaudage d’une vaine philosophie, et les systèmes qui ravissent à l’homme sa dernière espérance, et qui en font le plus malheureux des êtres créés. « Nous avons, dit M. d'Aguilar, nous avons osé appeler lumière les ténèbres qu’une aveugle philosophie a tenté d'introduire dans la science de homme; l’orgueil de vouloir tout expliquer la conduite à se ravaler au-dessous de la brute; elle a repoussé la lumière naturelle... Élle à affirmé que le siècle avançait, tandis qu’il rétrogradait au contraire de la dobtite de Socrate et de Platon à celle d’Épicure et de Lucrèce. L'un des plus anciens monumens de la littéra- ture orientale, le poëme de Job, que les Israélites ont placé parmi leurs livres sacrés, a occupé long- temps les rabbins. On a mis en doute que Job eût M. Lécrusr, 102 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. réellement existé, et quelques commentateurs n’ont voulu voir dans cette sublime composition qu’une allégorie, qu’une image de l’homme ver- tueux aux prises avec l’infortune ; mais plusieurs témoignages, parmi lesquels on distingue sur- tout celui du prophète Ezéchiel, montrent que Job n’est point un personnage imaginaire, et que son histoire ne doit pas être mise au nombre de ces apologues sous lesquels les anciens sages pré- sentaient les préceptes de la morale. Le livre de Job offre, non-seulement un récit plein d'intérêt, « mais aussi cest un véritable drame, qu’il ne serait pas diMicile de diviser ré- gulièrement en actes et en scènes; 1l a son mer- veilleux et son dénouement. On y trouve quelque rapport avec le Prométhée d’'Eschyle, lié à un rocher par les ministres de Jupiter. » La scène se passe dans le pays de Hur ou dans PIdumée, et tout y rappelle «les objets familiers aux Arabes ; les déserts, les palmiers solitaires, les vents em- brasés, les pluies si rares et si ardemment atten- dues. Le grand âge du héros, les fonctions de juge et de prètre réunies en sa personne, tout prouve que le temps où il a vécu est trés-voisin de celui des pätriarches. Mais on n’y remarque aucun rapport avec les mœurs des Juifs; il n’y est fait mention ni du passage de la mer rouge, ni des prodives opérés dans le désert, ni de la loi donnée sur le mont Sinaï. Cependant Job a connu la créa- tion et le déluge; eL son livre suppose de grandes connaissances des usages de l’ancien monde. On RÉSUMPTIONS. 103 y voit l’astronomie, la musique, cultivées, et l'architecture déjà employée à bâtir des palais. » Ce monument vénérable de la plus antiqué littérature a été étudié avec plus ou moins de succès par une foule de savans; il devait aussi exciter l'attention de tous les hommes de goût; car, ainsi que l’a dit Hugues Blair, la poésie du livre de Job est non-seulement égale, mais supé- rieure à celle des autres écrivains sacrés, en excep- tant Isaïe.seul; et de même qu’Isaïe est le plus sublime, David le plus touchant et le plus tendre des poètes inspirés, Job est le plus énergique, et celui qui excelle le plus dans l’art de décrire. Il existe un grand nombre de traductions de ce poème sacré en langues modernes, mais il en est peu qui se soient élevées jusqu’à la hauteur de l'original. L'une d’entr’elles, publiée depuis peu de temps, a néanmoins reçu des éloges outrés; l'élégance du style en méritait sans doute, mais un traducteur ne doit pas regarder le texte sur lequel il travaille, comme le simple sujet d’une amplification; une fidélité scrupuleuse doit guider sa plume, et sa plus grande gloire consiste dans l'exactitude qu'il apporte à rendre Le sens et la couleur du texte qu’il traduit. M. Fceury Léczuse, notre confrère, auquel de longues études ont fait connaître toutes les ri- chesses de la langue sainte, n’a pas toujours re- trouvé dans la traduction du livre de Job, par M. Genoude, cette connaissance profonde du texte de l’auteur oriental, qui était nécessaire pour 104 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. montrer toutes les beautés qu’il renferme, ni cette fidélité scrupuleuse dont nous parlions tout à l'heure. Dans un Mémoire sur le livre de Xob , M. Lé- cluse présente d’abord une courte analyse du poème ; il en fait connaître Le sujet, la beauté de l'exécution, la grandeur des images, et il Soccupe ensuite de l’examen de quelques périodes de la traduction que nous devons à M. Genoude. Il rend justice au mérite littéraire qui éclate dans cet ouvrage; mais il trouve que, dès le commen- cement, l'écrivain moderne fait un contre-sens; il montre même qu'il a négligé une belle image, en ne montrant point, comme l’auteur sacré, la Nuit personnihée, et annonçant qu'un nouveau mortel est conçu : il est vrai que le traducteur est d’accord en cela avec la Vulgate; mais comme il déclare avoir suivi le texte hébreu, M. Lécluse rapporte ce texte, le traduit littéralement, et prouve que M. Genoude sest trompé. Nous donnerions ici en entier ce passage du Mémoire de notre con- frère, si l'Académie n’avait pas délibéré de le pu- blier en entier dans le second volume de ses Actes. M. Lécluse continue l'examen du livre de Job, et montre toute la magnificence du style de ce poème. La description du cheval, celle du Behe- moth et du Léviathan, sont du sublime le plus élevé. Suivant Rollin, les admirables descrip- tions du cheval par Homère et Virgile sont bien inférieures à celle que Job en a donnée. Le peintre de la nature, l’immortel Buflon, a em- RÉSUMPTIONS. 105 prunté les couleurs de la poésie en décrivant cet animal superbe ; mais il est encore demeuré au- dessous de l’auteur oriental. Dans la suite de son Mémoire, M. Lécluse sarrête sur la version du verset 14, chap. xx, et considérant à la fois le texte hébreu et la Vulgate, il fait voir que M. Genoude n’a traduit ni l’un ni l'autre, bien que cet auteur paraisse n'avoir point ignoré le vrai sens de l'original. M. Lécluse s'attache ensuite à expliquer une partie du commencement du XxXvI.e chapitre, qui, par sa concision et son obscurité, a été le désespoir du traducteur. La Vulgate n’a pas paru intellisible à M. Genoude, et cet auteur a offert un sens très-clair, sans doute, mais qui ne paraît avoir aucun rapport avec le texte hébreu. M. Lécluse présente une nouvelle traduction de celui-ci, traduction qui offre un sens totalement opposé à celui que M. Genoude a pu- blié, et qui nous fait retrouver dans lécrivain sacré une grande idée et une belle image de plus. Le Mémoire de M. Lécluse doit être regardé comme un excellent morceau de littérature bibli- que; l’Académie en a entendu la lecture avec un vif intérêt, et il montre que son auteur est aussi profond dans la connaissance de la langue sainte que dans celle d'Homère et de Pindare. Cet amour éclairé de lantiquité, cette critique profonde que lon remarque dans louvrage que nous venons d'analyser, se retrouvent aussi dans la Notice littéraire et phülologique sur Tite-Live , que M. Durrourc a présentée à l’Académie. « Lors- M.DUFFOURCe 106 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. que nous lisons, dit notre confrère, un ouvrage qui attache et captive notre attention par le fonds du sujet et par le mérite et les détails de lexécu- tion, nous éprouvons une sorte de besoin de faire une connaissance particulière avec Pauteur, de le suivre dans le cours de sa vie publique et privée, et de voir si sa conduite et ses actions sont en harmonie avec ses préceptes et ses maximes. Il est rare que cette curiosité si naturelle puisse être satisfaite, sur-tout en ce qui concerne les au- teurs de l'antiquité, dont il ne nous reste souvent que le nom sans aucun détail sur leur vie publi- que ou privée; telle est même quelquefois la pénurie des documens à cet égard, qu'il est fort difficile de fixer avec précision le lieu de leur naissance, et le siècle où ils ont vécu : c’est ce que nous avons éprouvé dans nos recherches sur Quinte-Curce, qui n’ont eu pour résultat que des conjectures plus ou moins probables sur la patrie de cet historien d'Alexandre, et sur le temps où il publia son ouvrage. La notice littéraire et philologique du prince des historiens latins, que je me propose de communiquer aujourd'hui à VAcadémie, ne présente ni les mêmes diMcultés ni la même incertitude. Les documens en petit nombre que nous possédons à ce sujet sont histo- riques, fournis par Tite-Live lui-même, et par des contemporains dont l'exactitude et la fidélité sont généralement reconnues. » Après ce début, M. Duflourc retrace tout ce que lon sait sur Tite-Live, sur lPépoque où il RÉSUMPTIONS. 107 composa son admirable ouvrage, et les diverses opinions sur le nombre de livres dont son histoire fut primitivement composée; il exprime tous ses regrets sur la perte de la plus grande partie de l’ouvrage de cet illustre écrivain. M. Dufloure montre ensuite qu’il ne paraît pas que la division décadaire ait primitivement été adoptée dans l’histoire romaine de cet auteur. « On la croit, en effet, d’origine et d'invention moderne; telle est du moins l'opinion de Pétrarque et des anciens grammairiens, confirmée par l’auteur, quel qu'il soit, des Épitomes, où il n’est question que de la division en livres. En vain, pour soutenir Popi- nion contraire, on allègue les préfaces ou sortes de prologues mis en tête des premiers livres de chaque dizaine; mais cette disposition n’est pas si exclusive qu’elle ne se retrouve ailleurs, no- tamment dans le sixième livre. C’est un moyen auquel l’auteur a recours pour rompre, pendant quelques instans, la monotonie du récit, et ré- veiller attention du lecteur. » Dans la suite de son Mémoire, M. Duffourc nous rappelle que lon ne connaît point le véri- table auteur des Epitomes, ou abrégés de chaque livre, et que certains critiques les attribuent à Tite-Live, d’autres à Anneus Florus, qui a laissé un bon résumé de lhistoire romaine ; mais il re- marque que la différence du style de ces Épitomes, comparé avec celui des deux écrivains auxquels on les attribue, ne permet pas de leur assigner une pareille origine : quel que soit néanmoins 105 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'auteur de ces sommaires, on lui doit une vive reconnaissance, puisque ce travail important a fourni à Freinshemius le moyen de remplir fes lacunes qui se trouvent dans les livres de Tite- Live, de restituer en quelque sorte une grande partie de l’histoire de la république romaine, et de la continuer même depuis le triomphe de Paul- Émile jusqu’à la mort de Drusus. Après avoir montré toute importance, tout le mérite du travail de Freinshemius, notre confrère retrace les causes qui ont contribué aux pertes et aux mutilations qu'ont essuyées les ouvrages des anciens, et particulièrement ceux de Tite-Live : « L'action lente mais inévitable du temps, le petit nombre d'exemplaires mis en circulation, l'invasion des Barbares, les malheurs qu’elle traîna à sa suite, et la longue nuit qui couvrit l'Europe pendant plusieurs siècles, » telles sont sans doute les causes générales; mais de particulières ont encore contribué à nous dérober la plus grande partie des écrits de Tite-Live. On sait en ellet qu'ils furent l'objet d’une proscription spéciale , et que tous les exemplaires qu’on en put retrou- ver furent livrés aux flammes; mais les pages qui ont échappé à la destruction assurent à l'au- teur un renom éternel. Quintilien, après Pavoir considéré comme historien, comme orateur et comme écrivain, ne balance pas à le proposer pour modele dans ces trois genres, et lui donne le titre glorieux de prince des historiens latins. Pollion croyait cependant retrouver dans le style RÉSUMPTIONS. 109 de Tite-Live de la Patavinité, & c’est-à-dire ap- paremment quelques termes ou quelques tours qui sentaient la province. Il se peut, en ellet, ajoute notre confrère, qu’un homme né et élevé à Padoue eût conservé des locutions peu usitées, et qu’il n’eût pas toute cette urbanité romaine, qui ne se communiquait pas à des étrangers aussi facilement que le droit de bourgeoisie. Mais c’est ce que nous ne pouvons ni apercevoir ni sentir. Le reproche de Patavinité n’a pas empèché Quin- tilien d'égaler Tite-Live à Hérodote. » En finissant son intéressante Notice, « M. Duf- foure remarque, que ce n’est pas seulement par son éloquence ou par la beauté et les agrémens de sa narration, que Tite-Live a mérité la réputation dont il jouit depuis tant de siècles. Il ne s’est pas rendu moins recommandable par sa fidélité et son exactitude, qualités si nécessaires dans un histo- rien. Ni la crainte de déplaire aux puissances de son temps, ni lenvie de leur faire la cour, ne Pont empèché de dire la vérité. Il parlait dans son histoire avec éloge des plus grands ennemis de la maison des Césars, comme de Pompée , de Cassius, de Brutus, de Caton et d’autres, sans qu'Auguste s’en soit trouvé oflensé, de sorte qu'on ne sait pas ce qu’on doit le plus admirer, de la rare modération du prince ou la généreuse hberté de Vhistorien. Dans les trente-cinq livres qui nous restent, 1l ne parle que deux fois d'Auguste, et il en parle avec une retenue et une sobriété de louanges qui fait honte à ces écrivains flatteurs 110 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. et intéressés qui prodiguent, sans discernement et sans mesure, aux places et aux dignités, un en- cens qui n’est dû qu’au mérite et à la vertu. » Les montagnes qui nous séparent de la Pénin- sule hispanique ont, pendant long-temps, été en quelque sorte inconnues à ceux qui ont écrit notre histoire. Scaliger, Sirmond, Oyénard , d'Orbessan, de Montégut, Pasumot et M. de Lasteyrie, avaient bien retrouvé dans le Comminges et le Bigorre quel- ques autels votifs, quelques inscriptions sépul- crales; mais là se terminaient toutes les inves- tigations, toutes les découvertes de la science archæologique dans les Pyrénées. Un membre de l'Académie fut chargé par le gouvernement impé- rial de l'honorable mission de visiter dans tous les sens cette chaîne immense qui étend ses ra- mifications jusque dans les Asturies, la Navarre et la Catalogne, que le Pic de Nethon domine, et que pressent les deux mers. On croyait avec raison que sur ce sol, témoin de tant de cataclys- mes politiques, il devait exister encore quelques traces des nations qui l’ont conquis ou traversé. La fable y montre Alcide, ou l’Ogmios des Celtes, entassant de ses puissantes mains ces masses gi- gantesques, immortel tombeau de son amante Pyrène : l’histoire prouve que les Gaulois ont habité ces monts, et qu’ils ont envoyé au delà de nombreuses colonies qui s’étendirent jusqu'aux rives du Guadiana et du Tage. Les Phéniciens y répandirent les bienfaits d’une civilisation avan- cée; les Hellènes, venus dans l’Ibérie et sur les RÉSUMPTIONS. If côtes méridionales de la Gaule, y formèrent quel- ques établissemens, et nous verrons bientôt que l’on retrouve dans l’idiome populaire des traces de leur langue , immortalisée par tant de chefs- d'œuvre. Annibal franchit les Pyrénées lorsque, partant des extrémités de l'Espagne, 1l vint porter la terreur jusqu’au pied du Janicule. Pompée éleva sur leurs bases les trophées de ses victoires, et il confia à leurs marbres le souvenir de ses conquêtes. César les traversa pour aller vaincre à Munda. Les Barbares qui renversèrent l’empire romain ne purent être arrêtés par ces redoutables barrières : plus tard, les sectateurs de Pislam y plantèrent leurs drapeaux, et, semblables aux torrens dévastateurs, ils roulèrent vers nos plaines; mais leurs hordes effrénées et leur chef audacieux ne devaient plus revoir ces monts. Vengeur du nom chrétien, le plus grand des anciens monar- ques français, conduisit ses braves au delà de cette région sauvage. La trahison lattendait au retour, et Roncevaux conserve la mémoire de Charle- magne et de ses preux si vantés. La poésie s’est emparée des traditions vulgaires sur ces person- nages héroiques; l’Arioste les a chantés, et de nos jours le pâtre pyrénéen répète les noms de Roland, d'Angélique et de Bradamante. C’était dans ces contrées, illustrées par tant d’événemens fameux, par tant de fables enchanteresses, qu’il fallait diriger de longues recherches. Les résultats de tous les voyages entrepris à ce sujet vous sont connus; vous avez reçu l'hommage de plus de M.FOREST. 112 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. soixante Mémoires, dans lesquels l'auteur (1) vous à fait part de ses découvertes. Des villes depuis long-temps oubliées sont sorties de leurs ruines; des peuples antiques ont reparu avec leurs mœurs, leurs monumens et leurs Dieux, et l’o- lympe gaulois a retrouvé ses nombreuses déités ; mais il restait beaucoup à faire encore pour com- pléter l'4rchæologie pyrénéenne. Un homme, profondément versé dans l'étude des sciences phy- siques, M. Foresr, d'Oloron, s’est chargé en quel- que sorte du soin de compléter ce grand travail, et dans un Mémoire important, intitulé : Recher- ches sur les Monumens celtiques , sur les an- ciennes croyances et les coutumes du département des Basses-Pyrénées, suivies de considérations sur l’hellénisme du patois béarnais , il a signalé l'existence de quelques objets antiques, et offert un ensemble de faits qui senchaînent, et qui mon- trent que les souvenirs du druidisme et ceux du polythéisme romain ne sont pas entièrement eflacés dans les contrées où il a étendu ses investigations. L'auteur parle d’abord du culte rendu aux lacs et aux fontaines; il rapporte tout ce que lanti- quité et le moyen âge nous ont fait connaître à ce sujet, et recherchant ensuite si ce culte subsiste encore dans le Béarn , il le retrouve conservé en entier, à Pau même, dans le lieu nommé Houn de las Hadas (fontaine des Fées), à la Houn de très pouer, et à celle de as Marsères. Les sources (1) M. Du Mège, de la Haye. nt RÉSUMPTIONS. 113 qui coulent sur les coteaux de Jurançon, celles de Narcastet, l'étang ou petit lac de Soex, près dOloron , la fontaine de Toupiet à Asasp, sont l’objet de cérémonies qui rappellent en entier le culte druidique : comme dans ce lac d'Auvergne, dont parle Grégoire de Tours, comme dans le lac de Toulouse, on jette en offrande, dans ces amas d’eau, des alimens, des étolles, des métaux précieux. En parlant ensuite du culte des hauts-lieux et des forêts, l’auteur rapporte toutes les traditions - populaires sures êtres surnaturels que lon croit exister dans les bois et sur les monts. Des Dolmens, monumens singuliers en pierres brutes, que l'on ne croyait pas retrouver dans PAquitaine, ont apparu aux regards de M. Forest dans plusieurs vallées pyrénéennes, où ces vénéra- bles restessont encore l’objet du respect des peuples. Les Fées, ces divinités fantastiques que l’on re- trouve dans une grande partie de l’Europe, et que les paysans du Comminges nomment les épouses des dieux (eras hennos des Dious), sont révérées dans le Béarn. On y croit à leur bien- faisante influence, et les forêts, les montagnes sont peuplées par ces déités, sur lesquelles on ra- conte, pendant les longues soirées de l'hiver, des mythes qui seraient susceptibles d’être embellis par tous les charmes de la poésie. La croyance à des réunions nocturnes de quel- ques femmes près d’un arbre isolé, dans le carre- four d’une forêt, autour d’un génie immonde et malfaisant, est aussi conservée. Ces femmes sont les 8 M. DuMrcs. 114 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ministres des vengeances d’un autre Arimane, tou- jours en guerre avec le génie ou le Dieu bienfaisant. Les Béarnais, comme les Celtes, comme les anciens Âquitains, attribuent des vertus surna- turelles à certaines pierres, à quelques plantes, à plusieurs minéraux. Les considérations sur lhellénisme du patois béarnais sont très-remarquables. L'auteur compare grammaticalement cet idiome à la langue grecque ; il y trouve des ressemblances frappantes, mais que nous ne saurions rapporter ici sans fatiguer Vattention. Un lexique de mots béarnais et grecs, et une nomenclature géographique, terminent le Mémoire. On y voit un grand nombre de mots ayant la même forme, le même sens, le même son dans les deux langues. Ainsi se justifie Pas- sertion du savant Dupleix, historiographe de France, qui, né à Lectoure, disait avoir retrouvé dans le langage vulgaire de son pays plus de douze cents mots grecs ou dérivés de cette source. Dans la nomenclature géographique, on ne voit pas sans étonnement qu'il existe dans le Béarn des lieux qui portent les mêmes noms que plu- sieurs villes ou positions de l’ancienne Grèce ; ainsi Abydos, Athos, Samès où Samos, Scyros , appartiennent à cette partie de la France, ainsi qu’à l’Hellénie. Cest aussi dans les Pyrénées que lon a retrouvé quatre autels consacrés à des dieux qui s’étaient dérobés jusqu’à présent aux recherches des my- thologues : M. Du Mège les a fait connaître dans —_ _— RÉSUMPTIONS. 110 un Mémoire particulier. Il a recueilli les marbres antiques consacrés à ces immortels, et il les a décrits avec soin. Le premier fut élevé au dieu Z/cassi par Ge- minus , esclave de Quintus Julius Balbus. Le second est dédié à Z/umber, autre génie ou dieu gaulois. Domesticus, affranchi de Seranus , accomplit, en offant ce marbre, le vœu qu'il avait fait. Le troisième fut offert en accomplissement d’un vœu au dieu Fagus, par un particulier nommé Erdennius. Le culte des arbres en général, et du hètre en particulier, nommé par les latins Fagus, paraît indiquer, selon M. Du Mège, que cet autel fut consacré à un arbre de cette espèce, considéré comme une divinité. On sait que le chène était chez les Gaulois l'image d'Esus, et le hêtre, si multiplié dans les Pyrénées où il re- couvre les déclivités des monts, doit y avoir été Vobjet d’un culte spécial dont cet autel est un monument. Enfin, le dernier a été trouvé chez les descen- dans d’une colonie ibérienne, composée d”#re- baci , et fixée par Pompée dans le territoire où il réunit aussi des Vettons et des Celtibères. L'ins- cription gravée sur cet autel est courte ; elle nous apprend qu’un particulier, nommé Æucanus , acquitta volontairement le vœu qu'il avait fait au dieu Xuban. Ces divers monumens rappellent des croyances propres aux Gaulois ou aux Ibériens établis dans 8. 116 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. nos montagnes ;1et bien que les inscriptions gra- vées sur ces autels soient en latin, on y trouve une sorte de caractère étranger qui en décèle Pori- gine. On reconnait de même celle des monumens militaires dont M. Du Mège a entretenu l'Académie. Le peuple le plus célèbre dans Pantiquité par ses succès guerriers, celui qui, vainqueur dans mille combats, plaça le monde connu sous sa domination, a laissé de nombreuses traces de ses travaux militaires. Mais ces objets ont presque vainement frappé les regards : les archæologues, presque tous étrangers à la science stratégique, ont négligé ou ont mal décrit ces campemens nombreux, ces postes fortifiés que nous retrou- vons dans toutes les provinces romaines, et sur- tout dans la Novempopulanie et dans la Gaule narbonnaise. De profondes recherches sur cet important sujet auraient cependant jeté des clartés inattendues sur plusieurs parties de l’histoire, et montré que des systemes de défense, présentés dans les temps modernes comme des créations nouvelles, avaient depuis long-temps des types nombreux. Dans son Précis sur les fortifications perma- nentes et passagères établies par les Romains dans la Novempopulanie , et dans une portion de la Gaule narbonnaise, M. Do MÈce décrit d’abord léchiquier stratégique que présentent ces vastes contrées, et les systèmes que lon doit adopter, soit pour les attaquer, soit pour les défendre. Il donne quelques détails sur les fortifications des RÉSUMPTIONS. 117 Gaulois, et il passe ensuite à celles qui furent établies par les Romains. «Ces conquérans vou- lurent, dit-il, s'assurer la possession de nos pro- vinces, en y construisant des ouvrages capables d'arrêter les efforts dirigés contre elles. Narbonne, la première de leurs colonies, fut aussi, suivant Cicéron , leur principale forteresse. Carcassonne devint une de leurs citadelles. Plus en arrière, les tours de Cap-Aret ou de Caput Arietis veil- laient sur les défilés de la Montagne-Noire, et correspondaient avec Toulouse, qui fut considérée comme un grand centre de résistance dont la possession devait influer sur les destinées de la Narbonnaise et de l'Aquitaine. Située au point où ces deux provinces se lient l’une à l’autre, cette ville fut fortifiée avec soin. Un camp, dont les vestiges subsistent encore, couvrit la colline où avait été fondée la métropole des Tectosages, tan- dis qu'une tête de pont défendait létroit passage établi sur le fleuve qui baigne nos murs. A la droite, des ouvrages de castramétation existaient à l’embouchure du Touch dans la Garonne, et formaient, avec le camp placé à Vieille-Toulouse, les deux extrémités d’une vaste ligne de défense qui, par la tête de pont de Toulouse, s’étendait sur les deux rives de la Garonne. Plus loin, à l'entrée du défilé qui introduit dans les Pyrénées, au dela de Calagurris, les hauteurs furent cou- vertes de châteaux forts, remplacés, dans le moyen âge, par des constructions féodales dont on voit encore les débris. Ces places dominaient 118 INSCRIPTIONS ET BELHES-LETTRES. d'un côté sur les vastes plaines qui sétendent jusqu’à Toulouse, et de l’autre sur le plateau terminé au sud-ouest par le vallon de Valentine. Près de ce dernier lieu, où nous avons retrouvé plusieurs monumens romains , sur le sommet du Pujament, un poste d'observation veillait, et sur les débouchés des Pyrénées vers les vallées de Luchon, ou des thermes Onésiens, et de la Ga- ronne, et aussi sur ces coteaux qui se prolongent à droite jusqu'à V’icus Aquensis où Bagnères de Bigorre. Lugdunum Convenarnm:, aujourd’hui Saint-Bertrand, offrait aussi une position d’une grande importance, et sa citadelle, dont une partie subsiste encore, pouvait faire échouer les desseins de ceux qui en auraient tenté la conquête. » L'auteur décrit ensuite en détail toutes les po- sitions, toutes les villes où les Romains établirent des fortifications, et il s'arrête sur-tout à Lac- tora., ou Lectoure, à Climberris, ou Auch, à V’icus-Tulius, ou Aire, à Elusa , actuellement Eause, à Dax, à Bordeaux. Il prouve que les fortifications de ces villes, négligées pendant long- temps, furent réparées à la hâte et d’une maniere incomplète à linstant du péril. « Les troubles dont Rome fut le théâtre ne fournirent point l’occasion d'augmenter les forti- fications qui existaient dans nos provinces, dit l'auteur; quel que fût le caractère du souverain, les arts, enfans de la paix, embellissaient tous les points de son vaste empire. Les crimes, les RÉSUMPTIONS. 119 fureurs de quelques tyrans, dont la mémoire à été justement flétrie, ne pesaient que rarement sur les contrées éloignées de Rome. Des temples, des palais, s’élevaient de toutes parts. L’enceinte trop resserrée des villes fut agrandie, et quelque- fois même renversée, pour faire place aux plus somptueux édifices. Les oracles avaient promis à la puissance des Césars une immortelle durée, et lon ne prévoyait point l'orage qui, des flancs du nord, devait s’élancer jusqu'aux extrémités mé- ridionales de Pempire. » Ils se levèrent ces jours d’effroi, de deuil et de ravages. Des barbares, quittant les immenses et sombres forêts de la Germanie, apparurent sur les frontières , et la valeur et la discipline ne retar- dérent que pendant quelques temps l'invasion com- plète de nos provinces. Au milieu des cris d'alarme, un homme de génie conçut le projet de hérisser le sol gaulois de forteresses ; d’opposer sur chaque point une vive résistance à l’ennemi; d’assurer toutes les routes, toutes les communications entre les lieux susceptibles d’une longue résistance; de former un cercle de postes fortifiés autour de chaque ville importante, afin d’en défendre les approches, et de créer de grands centres de résis- tance autour desquels pivoteraient des légions, trop peu nombreuses pour affronter constamment l'ennemi en rase campagne , mais qui lui porte- raient des coups assurés et terribles à labri de ces nouveaux boulevards de Pempire. » Dans la suite de son Mémoire, M. Du Mège 120 INSCRIPTIONS ET BEILLES-LETTRES. retrace tous les ouvrages de castramétation qui furent créés à Pépoque de la décadence de l'em- pire d'Occident, et qui couvraient de leurs vastes réseaux les provinces limitées d’un côté par l'Océan , et de Pautre par les monts Cebennæ. On ne le suivra pas dans ces longs détails, qui, pour être bien compris, doivent être précédés de l’examen de la grande carte militaire, qu'il a dressée pour servir à l’intelligence de son Mé- moire. C'est non loin de l'emplacement des forteresses romaines qui défendaient le passage qui, de nos plaines, conduit dans les Pyrénées, que le même Académicien a eu le bonheur de retrouver les vastes et magnifiques ruines de Calagurris des Convencæ. Dans un nouveau Mémoire que M. Du Mèce a lu dans une de nos séances, et qui a plus tard provoqué des mesures prises par l’Académie, il cherche d’abord à prouver qu’il ne s’est point mé- pris sur le nom qu’il assigne à la position où il a retrouvé tant de monumers. En écrivant contre Vigilantins, hérésiarque célebre, saint Jérôme lui dit qu'il ne répondait que trop à son origine, et que l’on n'ignorait point qu'il descendait d’une race de brigands et de gens rassemblés, que Pompée, après avoir subjugué l'Espagne , fit descendre des Pyrénées, et réunit en un corps de peuple qui prit le nom de Convenæ ; que de cette retraite il ne cessait de commettre des attentats contre l'Eglise de Dieu, RÉSUMPTIONS. T2 et que, digne fils des /rebaci, des Vettons et des Celtibériens, il attaquait les Eglises des Gaules. Ce passage démontre que Vigilantius était né chez les Convenæ, ou dans ce territoire qui devint dans la suite le comté de Comminges. Saint Jérôme donne ailleurs l’épithète de Calagurritain à Vigi- lantius; il y avait donc dans le pays possédé par les Convenæ , un lieu qui portait le nom de Cala- gurris où de Calahorre, comme on en trouvait un autre sur les bords de l Ébre ; les homonymies géographiques que lon observe dans nos contrées venant du passage des peuplades ou des colonies d’une nation d’un versant à l’autre, et dans ce cas particulier, de ce que la nation des Convenæ était composée d'Espagnols fugitifs qui avaient voulu conserver dans leurs nouvelles demeures les doux souvenirs de la patrie. [existence de cette Calagurris des Convenæ est d'ailleurs prou- vée par un monument authentique. En eflet, lItinéraire d’Antonin indique, sur la route d’4- quæ Tarbellicæ, où Dax, à Toulouse, à vingt- six milles romains de Lugdunum Convenarum ou de Saint-Bertrand, une station nommée Cala- gorgis, nom qui, ainsi que beaucoup d’autres rapportés dans itinéraire, a été corrompu, et où le seul changement d’une lettre fait lire Calagorgis au lieu de Calagorris. Ici un moyen de sas- surer de l’identité des lieux se présentait à M. Du Mège, et il s’en est servi. IL montre d’abord les diverses évaluations du mille romain données par quelques auteurs, et il trouve, en les réduisant 122 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. en mesures vulgaires, que les vingt-six milles ro- mains, comptés du centre de Lugdunum Conve- narum, portent exactement en ligne droite près des champs où l’on vient de faire de si heureuses découvertes. Ainsi la géodésie a fourni à l’auteur les moyens de compléter ses preuves. Les ruines découvertes près de Martres, lieu qui, à une époque très-reculée, portait le nom dAÆngonia , sont donc les restes de Calagurris, de ce lieu qui vit naître Vigilantius dont les erreurs furent si célèbres. Ses ruines s'étendent sur une longueur d'environ huit cents toises, et une largeur de deux cents. Elles bordent la rive gauche de la Garonne, et sont limitées au couchant et au nord par Pan- cienne voie romaine subsistant encore, et qui porte le nom de lÆstrade, corruption de Jia Strata. Les monumens trouvés sur ce sol antique sont nombreux. Des substructions existantes ont fourni les moyens de lever les plans de quelques édifices ; quatre hyppocaustes ont été retrouvés ; des mosai- ques existent encore sur plusieurs points, et tout annonce que de nouvelles fouilles produiraient des découvertes importantes. M. Du Mége décrit dans son Mémoire les restes de sculpture qu’il a arrachés à la terre qui les couvrait depuis quinze siècles. On remarque dans le nombre des débris d’orne- mens architecturaux qui désormais serviront de modèles, et une suite de bas-reliefs représentant les travaux d’Alcide; ici le demi-dieu terrasse Tau- riscus; plus loin, on le voit combattre et dompter RÉSUMPTIONS. 123 Géryon, combattre l’hydre de Lerne , apporter à Eurysthée le sanglier d'Érymanthe, percer de ses flèches les oiseaux du lac Stymphale. Des médail- lons de grandeur colossale représentent Jupiter, Junon, Cybele, Minerve, Atys. Une statue d’Isis a paru au milieu des ruines de Calagurris; mais c’est sur-tout les têtes ou bustes d'Atiane , 'Érigone, du Bacchus indien, et la tête de nus qui attire- ront, selon l’auteur, les regards des archæologues et des artistes. Ces morceaux, dus au ciseau des Grecs, offrent les types de la perfection de Part statuaire, et seront à jamais la gloire de notre Musée, qui s’est enrichi de ces importantes dé- couvertes. On placera sans doute aussi au premier rang cette collection si nombreuse de bustes d’em- pereurs qui ont été découverts dans ces ruines. De toutes les villes de nos provinces, Toulouse seule aura une suite aussi importante de monu- mens historiques de ce genre, et qui, sous Île rapport de Part, offriront des modeles admirables. L'Académie ne pouvait demeurer étrangère à de si heureuses découvertes. En 1826, elle a sol- . licité près de lautorité pour que des fouilles eus- sent lieu sur le territoire de Calagurris, et M. Baron de Montbel, comme premier magistrat de cette ville, et comme Académicien plein de zèle et d'instruction, a accueilli cette demande. Des fonds ont été faits, et des fouilles suivies ont produit des découvertes de la plus haute importance. Lors- que les monumens retrouvés ont été déposés au Musée, une commission , prise dans le sein de 124 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'Académie, a été visiter ces vénérables restes, et sur son rapport, présenté par M. Tayax avec tout le talent qui distingue cet honorable collècue , l’Académie a demandé à M. le Préfet du départe- ment, ainsi qu'à M. le Maire, que de nouvelles fouilles fussent faites dans le territoire de Ca/a- Surris ; et aussi à Saint-Bertrand, où l’on peut espérer d'obtenir de même des découvertes im- portantes. Elle a demandé de plus que les beaux bas-reliefs et les frises de Valcabrère fussent trans- portés dans le Musée; que tous ces objets, placés enfin dune manière élégante, concourussent à la formation de la galerie des antiquités, pour len- trée de laquelle il faut établir un portail convena- blement décoré; enfin, elle a demandé que tant de richesses ne fussent pas perdues pour Pinstruc- tion, et qu'une chaire d’archæologie, fondée dans nos murs, y répandit ie goût des sciences histo- riques, la connaissance de l'antiquité, et l'amour des arts dépendans du dessin. Elle a dû, en faisant ces propositions, compter sur la protection que l'un de ses membres, M. le Maire de Toulouse, accorde à tout ce qui est grand, noble et utile, et l'événement justifiera sans doute ses espérances. L'ancienne ville de Maguelonne a été l’objet des recherches de M. Du Mëècr, pendant un voyage pittoresque et littéraire fait dans le sud de la France. Il a lu, dans une des séances de l’'Acadé- mie, une Lettre sur cette ancienne cité, réduite maintenant à un espace très-resserré , et ne pré- sentant d’autres ruines imposantes que celles de nn RÉSUMPTIONS. 125 son ancienne Eglise cathédrale. L'auteur expose d’abord les opinions des écrivains sur origine de cette ville; puis il montre qu'elle existait déjà à l’époque où les Romains étaient maitres des Gaules, l’Ttinéraire d’Antonin lui donnant mème le titre de cité ( civitas Magolensium ); plus tard, l'arabe Rasez lui accordait le quatrième rang parmi les principales villes de POccitanie : elle avait des évèques dès le 5.° siècle de notre ère. Prise par les Sarrasins qui sy établirent pendant le 8e, Charles-Martel les chassa de cette place, et en fit démolir les fortifications. Cependant les évèques y rétablirent leur siége, et elle n’a été abandonnée entierement que vers l’an 1536. M. Du Mège, après avoir retracé l’histoire de Maguelonne, en décrit avec soin l’église épiscopale, et il donne le plan de cet édifice, le dessin géométral du por- tail, et celui des tombeaux qui existent encore dans l’enceinte désolée de ce monument reli- gieux. L'examen des institutions, des mœurs, des croyances de nos pères, n’est pas moins digne de fixer Pattention du philosophe que les grands ta- bleaux de l’histoire. Ceux-ci n’offrent en général que des résumés, où lon ne voit que les masses, tandis que les recherches anecdotiques peignent en détail les peuples. Celui qui sy livre connaît mieux le cœur humain, et voit dans les sentimens qui dominent chez les diverses classes de la société, _les causes, éloignées peut-être, mais toujours puissantes, des événemens qui ont paru n'être {20 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. que le résultat des plus profondes combinaisons de la politique des Rois. Ainsi, tandis que la foule croit apercevoir dans les croisades les traces de la prévoyante sagesse de quelques souverains, charmés d'être délivrés par ces expéditions d’une foule de vassaux turbulens, toujours armés contre leur autorité, l’écrivain observateur retrouve les vrais motifs de la guerre sainte dans Penthou- siasme religieux qui régnait dans les âmes, et qui entrainait vers les rivages de la Judée, non-seu- lement les hommes accoutumés aux périls, mais encore le sexe Le plus faible et même les enfans. L'institution des ordres monastiques, qui remonte aux premiers siècles de notre ère, a été aussi en- visagée, sur-tout pendant le dix-huitième siècle, sous un faux point de vue. Des écrivains, auxquels toutes les pensées religieuses étaient étrangères ; des courtisans légers et frivoles, qui croyaient s’honorer en foulant aux pieds ce que leurs ancêtres avaient révéré, ne pouvaient juger sainement ces pieuses associations, dont le nom seul leur était connu. Chargé par le Ministère de l'intérieur du soin de tracer l’histoire des abbayes, des monastères des divers ordres qui existent dans une partie du Midi de la France, M. Du Mège a présenté à VAcadémie une longue suite de Mémoires destinés à faire partie du Monasticum gallicanum : quel- ques-uns de ces opuscules ont été analysés dans les Résumptions des années précédentes. Pendant le cours de celle qui vient de s’écouler, cet écri- RÉSUMPTIONS. 127 vain a continué ses recherches sur nos anciens Cénobites. Il a fait précéder les divers Mémoires qu'il a lus sur cette partie de notre histoire, de considérations générales sur la vie monastique , et il a rappelé tout ce qu'ont fait pour linstruction et le bonheur de nos pères, ceux qui Pavaient embrassée. Il cherche sur-tout à rendre une justice éclatante à l’ordre des Bénédictins, à cette con- grégation de Saint-Maur, qui cultiva les lettres avec tant de succès. Il montre l’état des Gaules après l’invasion des Barbares, les restes de nos populations mutilées se groupant alors près des mo- nastères, dans les champs fécondés par les pieuses mains des solitaires vertueux qui possédaient ces retraites écartées , et dans son enthousiasrae, il s’'écrie : «Salut, augustes ruines des monastères élevés par les enfans de saint Benoit! je nai pu vous contempler sans verser des larmes. Sur ces voûtes écrasées, sur ces débris amoncelés par Pignorance et l’impiété, j'ai cru voir planer les ombres de vos anciens et paisibles habitans; jai cru les voir encore, comme dans les jours de leurs travaux, nourrir, instruire et consoler les peu- ples, et déposer les trophées de l'agriculture, de Pérudition et de la science, au pied de Parbre de la croix. » L'auteur n’a point donné les mêmes éloges aux Frères Précheurs où Dominicains , qui, apres la mort de saint Dominique (1), exercèrent, con- (1) Quelques écrivains ont cru que saint Dominique fut le 128 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. jointement avec les magistrats , les fonctions d’7n- quisiteurs de la foi; religieux recommandables sans doute, mais dont le zèle ne connut point de bornes. Dans son Mémoire sur les Frères Précheurs ou Dominicains de Carcassonne , auteur rassem- ble de nouveaux détails sur les jugemens inquisi- toriaux ; 1l montre les habitans de Carcassonne se soulevant contre les religieux Dominicains , et les forçant de fuir cette ville ; lexcommuni- cation lancée contre ces citoyens, et enfin le triomphe des inquisiteurs, qui rentrerent en maitres dans la viile qui les avait repoussés. À ces récits, M. Du Mège a joint l’histoire particulière du couvent des Dominicains de Carcassonne, et la description des tableaux et des monumens qu'on y remarquait autrefois. Des détails qui intéresseront peut-être ceux qui aiment à parcourir les annales du moyen âge, sont rapportés dans le Mémoire intitulé : Recher- ches historiques sur les religieuses Recluses, sur des Chanoinesses de Saint-Etienne , sur les Reli- créateur du tribunal de linquisition ; mais ils se sont trompés. Saint Dominique fut seulement le fondateur de lordre des Frères Précheurs, qui, plus tard, prirent le nom de Domi- nicains. mourut à Bologne, en 1221. Huit ans après, le Concile de Toulouse établit Finquisition : elle ne fut d’abord exercée que par les évêques, qui devaient députer, dans chaque paroisse, un prêtre et deux laïques pour la recherche des sectaires et de leurs fauteurs. En 1233 , l'exercice de linquisition en France fut coufié aux Frères Précheurs. On ne saurait donc attribuer à saint Dominique, mort depuis douze ans , l'insütution de ce tribunal. | RÉSUMPTIONS. 129 geuses de Fontevrault, établies à Lespinasse, près de Toulouse, et sur le monastère de Prouille. L'auteur fait d’abord connaître l’origine des Recluses. Parmi les femmes douées d’une haute piété, il en était plusieurs qui, croyant que la solitude du cloître ne les séparait pas assez d’un monde cor- rompu, se renfermaient dans une cellule, dont la porte était ensuite fermée pour toujours, et où elles ne recevaient quelques alimens que par une lucarne ouverte dans le mur. Grégoire de Tours dit que dans un couvent bâti sous linvo- cation de sainte Radesonde , une religieuse, qui avait eu des visions extraordinaires, demanda ins- tamment à l’abhesse de la renfermer dans une cellule, ce qui lui fut accordé, et qu'aussitôt l’entrée de cette demeure fut entièrement fermée. Dans son histoire de Lyon, Paradin remarque qu'il y avait ordinairement dans cette ville dix reclus ou recluses auxquels les archevêques four- nissaient du blé et de argent, et qui, étant l’objet de la vénération publique, recevaient souvent, de la part des mourans, des legs assez considérables. Il y avait aussi plusieurs recluses à Toulouse; celle qui habitait à la porte Saint-Etienne, est souvent mentionnée dans les actes, et particulièrement dans les testamens. D’autres avaient établi leurs cellules près des portes Narbonnaise , Villeneuve, Matabiau et Arnaud-Bernard. Une autre avait placé sa demeure sur le pont de Saint-Cyprien ou de la Daurade ; on en trouvait dans les églises, 9 + x 130 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. dans les chapelles, et quelques-unes même s'étaient établies sur les chapiteaux des colonnes de nos édifices religieux, renonçant ainsi à la faculté de se mouvoir librement. Ces souffrances volontaires, cette abnégation de soi-même, tout indique lexal- tation des sentimens pieux. Plusieurs actes por- tent à croire que quelques-unes de ces recluses appartenaient aux couvens de différens ordres qui existaient dans Toulouse ; mais d’autres sem- blent annoncer que plusieurs de ces femmes n’a- vaient point embrassé l’état monastique, et que le seul désir d'atteindre à une grande perfection , les avait engagées à entrer dans ces demeures étroites et sombres , d’où elles ne devaient sortir qu'après avoir cessé de vivre. Les recherches de M. Du Mège sur les Chanoï- nesses de Saint-Etienne, ou religieuses du Cou- vent des onze mille vierges, ou encore de Saint- Pantaléon, n’offrent d'abord que ce qu’on retrouve dans Catel sur ce monastère. Cet historien parle des Sorores Canonicæ Sancti Stephani ; À fait mention d’une bulle du pape Clément VI, datée de lan 1350, et de lettres d'amortissement du Roi Jean, données en juillet 1357, titres da- près lesquels le monastère des Chanoinesses aurait été fondé par Jean de Comminge, archevêque de Toulouse. Mais, selon M. Du Mègce, Catel s’est trompé , et le couvent dont il parle existait déjà au commencement du treizième siècle. A l’appui de son opinion, il rapporte un monument inédit découvert dans le cloître de la cathédrale ; c’est RÉSUMPTIONS. 131 Pépitaphe d’Æ/amanda, épouse de Guillaume de Castro Novo, chanoinesse de Saint-Etienne , morte le G des calendes de janvier 1223. Le marbre sur lequel cette inscription est gravée, offre deux écussons; l’un est chargé d’un chà- teau à trois tours et crenelé; c’est sans doute celui de Guillaume de Château-Neufou de Castro Novo: l'autre contient la croix de Toulouse, vidée, cli- chée et pometée. On pourrait conjecturer que ce signe héraldique annonce qu'Alamanda apparte- nait à la famille des comtes souverains de cette ville. L'inscription démontrant l'existence des Cha- noinesses de Saint-Etienne, en 1223, fait voir que le cardinal de Comminges ne fut point le fonda- teur de cette communauté; il ne fit peut-être que la rétablir, ou lui donna seulement une nouvelle constitution. Catel n’a point parlé des désordres qui, pendant le quinzième siècle, affligerent le Couvent des onze mille vierges. Il devait cependant les connaître, car des archives dans lesquelles il a puisé souvent des renseisnemens précieux, contiennent aussi les ar- rêts rendus à ce sujet. Sans doute, il a cru devoir garder en cette occasion un silence absolu. D'ail- leurs ces désordres ne furent que passagers, et la piété vint bientôt réparer les maux que loubli des devoirs avait accumulés sur ce monastère. Les notices du même Académicien sur les mo- nastères des religieuses de Lespinasse, de Lon- gages , Ge la Gräce-Dieu, et de Saint-Laurent- de-lIsle, contiennent des faits plus ou moins 9: 132 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. intéressans; mais les détails qu'il donne sur le couvent de Prouille , fondé par saint Dominique, présentent de plus grands tableaux, des anecdotes plus piquantes. Les religieuses de ce monastère se réunirent en 1207 dans le château de Vilan, qui avait été donné à l'Ordre de la sainte Prédica- tion, et à Dominique d’Osma, par Sanche Gascus et par son épouse. Peu de temps après, les reli- gieuses, qui prirent le titre de Sœurs de la Pré- dication , vinrent à Fanjeaux, et de là, dans le lieu de Prouille, qui en est peu éloigné. Les limites dans lesquelles nous devons nous renfermer, empêchent ‘de faire connaître en dé- tail toute l’histoire du monastère de Prouille. L'auteur n’a point oublié l'aventure de Jean de Recaut et d'Alamanda, et il donne la traduction en vers de l’une des touchantes élégies de ce trou- badour, qui entra dans l’ordre des Augustins après qu’Alamanda eut pris le voile à Prouille. Au commencement de la révolution, soixante re- ligieuses habitaient dans ce monastère; on venait d'en reconstruire tous les bâtimens avec une ma- gnificence jusqu’alors inconnue en province : ven- dus à des particuliers, ils ont été entièrement détruits; on n’en aperçoit plus que de faibles subs- tructions , et la chariue sillonne le vaste espace qu'ils occupaient autrefois. Le même auteur a lu un Mémoire historique sur le monastère des hermites de Saint-Augustin. L'analyse de cet ouvrage amènerait de longs dé- tails, curieux sans doute, et presque tous inédits, RÉSUMPTIONS. 133 mais qui dépasseraient les bornes d’une Résump- tion. L'auteur a recherché lorigine de cet établis- sement monastique , en a tracé les annales, a décrit les monumens qu’il renfermait, et a fait connaître les nombreuses inscriptions qu’on y re- marquait; ces derniers objets, retrouvés par ses soins, et que le fanatisme révolutionnaire avait arrachés des tombeaux, pourraient encore re- prendre leurs places dans le vaste édifice con- sacré maintenant aux arts et aux précieux restes de antiquité. La statistique, que quelques écrivains ont cru une science nouvelle, n’était pas inconnue aux peuples anciens; mais agrandie de nos jours, placée sur de plus larges bases, elle est devenue celle de l'administrateur, du guerrier, de lécono- miste et du spéculateur. Par elle rien n’est inconnu dans l'état; la tyrannie pourrait bien en profiter sans doute pour mutiler les populations, tarir les sources de l’industrie et de la prospérité publique; mais les peuples y puiseront des renseignemens utiles, y calculeront leurs ressources et celles des gouvernemens, et y trouveront les moyens d’ausgmenter la masse des richesses territoriales et manufacturières. Plusieurs de nos départe- mens possèdent des statistiques tracées avec plus ou moins de bonheur et d’exactitude. L’un de nos confrères, M. le chevalier Dralet, a donné une excellente topographie du département du Gers ; on lui doit aussi une Description des Pyrénées : mais depuis la publication de ces ou- 134 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. vrages, un autre gouvernement, de nouveaux intérêts , nécessitent de nouvelles recherches. Le développement de l'industrie nationale, le per- fectionnement des machines à l’aide d’un nouveau moteur, les conquêtes de l’agriculture, celles des sciences technologiques, tout annonce la marche ascendante des idées, le désir des gouvernemens et des particuliers pour l'amélioration générale de tout ce qui peut contribuer au bonheur des sociétés. Dans cet état de choses, M. Du Mège a cru devoir tracer, sous le titre de Statistique géné- rale des départemens Pyrénéens, la description de l’une des plus intéressantes parties de la France, et il a présenté à l’Académie le premier chapitre de cet ouvrage (1). Dans le commencement du pre- mier volume, l’auteur s'occupe de la direction de la grande chaîne des Pyrénées, des chaînons laté- raux qui s'étendent en Espagne et en France, de leurs ramifications et contreforts, de la pente des versans, de l’abaissement de la chaîne vers les deux mers, des vallées, et de la hauteur des prin- cipaux sommets. Après avoir retracé les anciens ouvrages de dé- fense, élevés par les Romains dans nos contrées, M. Du Mece a dû s’occuper de lun des créateurs de la science des fortifications dans les temps mo- dernes. Antoine Deville, né à Toulouse, fut le précurseur de Vauban; son nom est consacré dans (1) Le premier volume a paru en 1828. Un volume in-8.° À Paris, chez Treutell et Wurtz. RÉSUMPTIONS. 139 les annales militaires de la France, et cependant ses concitoyens semblaient lavoir oublié. On avait, depuis plusieurs années, signalé cette inconve- nance , et même le buste de cet illustre ingénieur avait été placé dans le Musée (1); mais il fallait lui rendre un hommage plus solennel, et M. l'abbé Jamme avait aussi manifesté à cet égard son opi- nion. Un officier supérieur, qui cultive avec succès la science que Deville a agrandie, et qui aussi a reçu le jour à Toulouse (2), a demandé de mème que l’image de ce grand homme fût mise parmi celles que la patrie a consacrées dans le Capitole. Cette idée a été adoptée par le premier magistrat de cette ville, qui a chargé l’Académie de com- poser une inscription latine destinée à être placée sous le buste. Plusieurs rédactions ont été pro- posées, et celle qui appartient à M. Duflourc, notre confrère, a été adoptée. Un rapport a été présenté à ce sujet par M. Du Mège, et il s’est attaché à faire connaître tous les droits que Deville avait acquis à l’illustration. Les grandes qualités de ce Toulousain ont aussi été célébrées dans un éloquent discours que M. Baron de Montbel, notre confrère, a prononcé lors de linauguration du. monument. L'Académie a reçu du magistrat que nous ve- (1) Par M. Du Mège. Voyez la Biographie toulousaine , tom. 2, pag. 494. Cet ouvrage a été publié en 1822. (2) M. Mescur de Lasplanes , chef de bataillon au corps royal du génie. 136 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. nons de nommer, le dépôt d’une longue suite de médailles qui retracent les faits les plus glorieux des princes des maisons de Valois et de Bour- bon. En examinant ces précieux monumens nu- mismatiques , l’orgueil national se développe avec force, et la Compagnie se serait empressée de les mettre sous les yeux du public, si les moyens proposés par M. le baron de Malaret, au nom d’une commission spéciale, avaient pu encore recevoir leur exécution. Lorsque ces dispositions auront été réalisées, on ne verra point sans un vif intérêt ces glorieux moniteurs de l’ancienne gloire française. Les souvenirs de Marignan, d’Ivry, de Sintzheim , de Nerwinde, d'Ensheim, de Mar- salle , de Denain, de Fontenoy, sont empreints sur ces bronzes historiques. Peut-être doit-on re- gretter de ne point voir figurer, à la suite de cette immense série, les médailles qui consacreront à Jamais le souvenir de trente années de victoires. Des motifs politiques ne peuvent plus empêcher de placer les noms d’Arcole, des Pyramides , de Hohenlinden , d’Iéna et de Wagram, près des noms glorieux que nous venons de rappeler. Eh ! n'est-ce pas aussi faire, un acte à la fois politique et national, que montrer dans tous les temps, et sur tous les champs de bataille , les Français obte- nant les triomphes les plus glorieux ? RAPPORTS. RAPPORT SUR LE CONCOURS DE 1825; Par M. TAJAN, Associé résidant. Msssirurs, L'AcADÉMIE avait proposé, pour le Concours de cette année, la question suivante : Peut-on se flatter, sans l'étude des langues anciennes, d’être mis au rang des bons écrivains ? Et dans le cas où l’on soutiendrait la négative, l'étude de la langue latine peut-elle suppléer à l'étude de toute autre ? Ce sujet, éminemment littéraire, était digne d’exciter la plus noble émulation. T’Académie n'avait pas prescrit de système; mais 1l n’était pas difficile de concevoir que la question qu’elle avait proposée, était un hommage rendu à ces langues classiques, auxquelles toutes les langues vivantes sont redevables de leurs plus grandes richesses, et qu’elle désirait des solutions confor- mes aux saines doctrines de la littérature. Ses désirs ont été accomplis. Tous les auteurs qui se sont présentés dans la lice, même ceux qui ont développé des systèmes contraires, ont ex- primé leur admiration pour les chefs-d'œuvre de 140 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'antiquité; et si quelques-uns d’entreux ont dé- duit de fausses conséquences des principes qu'ils avaient avoués, ces conséquences ont été démen- ties par leur propre exemple. Je justifierai bientôt cette observation ; mais , en attendant, je vais résumer ici les travaux aux- quels l'Académie s’est livrée pour l'appréciation des ouvrages envoyés au concours, et qui, pour la plupart, méritaient de fixer son attention. Ces ouvrages étaient au nombre de sept. Le premier n’a ‘pu soutenir l'épreuve d’une lecture suivie. Le second est un discours qui réunit le double mérite de la pensée et du style, et dans lequel l'auteur développe avec uue éloquence soutenue les avantages immenses que l'écrivain peut trouver dans l'étude des langues classiques, et spéciale- ment dans celle du latin. Je m'occuperai ailleurs, d’une manière plus par- üculière, de ce discours, qui a excité au plus haut degré intérêt de l'Académie : je n’en prends note ici que pour annoncer que l'épreuve de la pre- imiere lecture le fit juger digne d’un examen plus approfondi, et qu’il monta à la première classe. Le discours n.° 3 obtint la même distinction, quoique l’auteur y eût professé des doctrines en- tiérement opposées à celles de son concurrent. L'Académie se réserva aussi le soin d'apprécier, dans un second examen, les élémens du système que cet auteur avait exposé; mais, avant tout, il était juste de placer également au premier rang RAPPORTS. 14 une production qui portait, dans toutes ses par- ties, l'empreinte d’un vrai talent. Les Mémoires inscrits sous les n.” 4, G et 7 n’obtinrent pas le même avantage, parce qu'ils étaient loin de présenter le même intérêt; mais ouvrage n.° 5 produisit une telle impression, qu'il monta à la première classe d’après le vœu unanime de l'Académie. Le premier examen de tous les mémoires du Concours étant terminé, l’Académie dut porter son attention sur les trois mémoires, seulement, qu’elle avait distingués; et, dans cette seconde épreuve, le discours n.° 3 fut écarté. Ce n’est pas qu’il n’y ait du mérite et un très- grand, mérite dans cette composition; mais avec un talent très-remarquable, Pauteur professe dans son discours les plus étranges doctrines. Il considère les langues anciennes dans leurs principaux rapports avec les langues modernes, notamment avec la langue française; et, pénétré d’admiration pour notre belle littérature, il s’ef- force de prouver qu’on peut être très-bon écrivain sans le secours des anciens. Cet enthousiasme pour les lettres françaises est, sans doute, bien légitime; il a même quelque chose de louable qui sufhirait pour désarmer la critique, parce qu'il prend sa source dans cet or- gueil national, qui place toujours la gloire du pays au-dessus de toutes les gloires; mais il ne faut pas qu’une admiration exclusive et irréfléchie nous rende aveugles ou ingrats. 142 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Notre littérature est, sans doute, riche en mo- numens de tous les genres. Parmi toutes ces créations qui flattent notre vanité, il en est, à la vérité, plusieurs qui ne peuvent être attribuées à aucune inspiration étrangère, et qui nous appar- tiennent en propre ; mais il est juste de recon- naître aussi que la plus grande partie de nos ri- chesses littéraires, celles, sur-tout, qui composent la plus brillante parure du siècle de Louis XIV, ont été empruntées à cette vieille littérature que notre auteur repousse avec un si superbe dédain. Du reste, ce n’est pas seulement par la pompe, la magnificence et la sublimité de ses chefs-d’œuvre que la littérature ancienne domine sur toutes les littératures modernes. C’est à elle, et à elle seule, que nous sommes redevables de ces règles salu- taires qui dirigent la pensée, préviennent les écarts de l'esprit, soumettent les inspirations de l'âme au joug de la raison, enseignent, en un mot, l’art merveilleux de modifier et de classer toutes nos conceptions et de les développer avec mesure. C’est dans l'étude des anciens que Pécri- vain doit aller puiser cette pureté de goût, cette correction, cette élégance, ce tact exquis et dé- licat, ces images gracieuses, ce charme de coloris, ou bien ces mouvemens hardis, cette exaltation si féconde en éloquentes inspirations, et dont la littérature classique nous fournit tant d'exemples et de modèles; et toutes les théories qui auraient pour objet d’affaiblir le culte que nous devons à l'antiquité, tendent évidemment à nous ra- RAPPORTS. 143 mener au siècle de lignorance et de la bar- barie. IL n’est pas vrai, ainsi que le prétendent les disciples de la nouvelle école, que l'étude des an- ciens nuise à l'étude des langues vivantes. Si la langue française s’est agrandie, si elle s’est épurée, si elle s’est polie et perfectionnée, c’est la culture des langues grecque et latine qui lui ont révélé le secret de ses ressources et facilité toutes ses conquêtes; c’est en étudiant ces deux langues, en nous familiarisant avec leur génie, que nous som- mes parvenus à transporter dans la nôtre une partie de leurs séductions et de leur magie, et sur-tout à nous composer cette magnifique litté- rature dont nous sommes orgueilleux , parce qu’elle forme un de nos plus béaux titres de gloire. À l’exception de l’éloquence de la chaire , dont Bourdaloue, Bossuet et Massillon enrichirent notre langue, et de la poésie légère dont Voltaire nous fit connaître le charme et les enchantemens, tous les autres genres de littérature nous ont été transmis par les anciens ; et les sophismes les plus brillans, les plus séduisans paradoxes ne pourront Jamais effacer cette vérité que l’on trouve inscrite sur tous nos monumens littéraires, et que les détracteurs des classiques devraient enfin s’em- presser de reconnaître. Mais si notre langue, d’abord si pauvre et si bornée, a puisé toutes ses perfections dans l'étude des langues d'Athènes et de Rome , pourquoi lé- 144 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. crivain n’irait-il pas fouiller encore danses trésors inépuisables de ces deux langues, pour y chercher de nouvelles inspirations et essayer de nouvelles conquêtes ? Il serait difficile de se rendre compte de cette résistance, si les productions des novateurs n’a- vaient manifesté leurs véritables motifs. Ils ne veulent pas étudier les anciens, disent- ils, parce qu’ils n’ont pas besoin de modèles, et ils n’ont pas besoin de modèles, parce qu'ils ne veulent pas être imitateurs. C'est là, sans doute, une bien noble ambition ; mais les compositions de ceux qui paraissent en être animés, détruisent tout l’effet de ces pom- peuses jactances. Pour ne pas imiter les anciens, ils se sont jetés dans tous les écarts d’une imagination bizarre et déréglée. Selon eux, le génie, libre de toute contrainte, doit marcher avec une entière indé- pendance, et n’écouter d'autre influence que celle de ses propres conceptions ou de ses caprices. Les principes, les règles, toutes ces maximes que Pécrivain s’est toujours fait un devoir de respecter et de suivre, ne sont, à leurs yeux, que de vieilles théories, auxquelles les esprits médiocres sont obligés de se soumettre, parce qu’ils n’ont ni assez de talent, ni assez de courage pour en secouer le joug, mais que l’homme de génie doit mépriser. Suivant leur système, le précepte tue lé goût, et l'esprit est étouffé sous le poids de ces dogmes scolastiques, de cette doctrine exigeante RAPPORTS. 145 et Incommode que la raison même désavoue, et qui n’est prescrite que par les rhéteurs. Quant à la langue, elle est bien loin d’être fixée. Si depuis Marot elle a acquis tant de grâce, de moelleux et d'harmonie, pourquoi n’en acquer- rait-elle pas encore ? Il ne faut pour cela que de l'audace. Il faut créer de nouveaux termes; il faut, par une combinaison adroite, associer des mots qu'un faux goût avait jusqu'ici séparés, et donner ainsi à la pensée une expression à la fois simple et forte, naïve et relevée » énergique et piquante ; il faut, surtout, si lécrivain veut peindre un objet, qu'il ne soit pas arrêté par les diMicultés de la règle, et qu'il puisse employer arbitraire- ment toutes les couleurs dont il lui aura plu de charger ses pinceaux; il faut, en un mot , que, débarrassé de toutes entraves, 1l puisse assujettir la langue aux besoins, aux caprices, aux har- diesses de son imagination, au lieu d'en être esclave. Telles sont les prétentions de l’école romanti- que, et toutes les créations de ses adeptes sont la conséquence de cette singulière théorie. Ils se sont composé un genre qui ne ressemble à aucun autre, et dont le but principal est de bouleverser toutes les idées, d’exagérer tous les sentimens . d’outrer tous les caractères, de défigurer le lan- gage, et de substituer ainsi une littérature gigan- tesque, mais stérile, à cette littérature pure, réglée et féconde que nos plus beaux génies nous ont léguée, | 10 146 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Sous le prétexte de peindre la nature avec ses couleurs natives, ils l’ont représentée, non dans tout ce qu’elle a d’enivrant et de majestueux, mais dans tout ce que ses phénomènes offrent de plus hideux, de plus sauvage, dans tout ce que les catastrophes qui la bouleversent peuvent présen ter de désolant et de terrible ; ils ne se livrent à ces exagérations, que pour se procurer la triste jouis- sance de frapper fortement le cœur et de le dé- chirer, au lieu de l’émouvoir et de le consoler par le charme et la variété de leurs tableaux. Veulent-ils peindre le sentiment et exprimer des sensations violentes ? leur muse mélancolique et sombre n’exhale que des accens plaintifs et va- poreux, dont les effets sont calculés avec art ; et, dans ces accens remplis de larmes, pour me servir de leurs expressions, il est impossible de recon- naître les émotions qui auraient dà les inspirer. Ilen est de même de toutes leurs compositions ; ils transportent partout le. néant et le vague de leurs idées, le faux brillant de leurs figures et de leurs images, la recherche et Pafléterie du Jan- gage, les licences d’une diction qu'ils appellent pittoresque , les hardiesses et les artifices d'un style tantôt bas et trivial, tantôt pédantesque, prétentieux et boursouflé, presque toujours sans grâce, sans goût et sans dbntte. Cest là, Messieurs, le déplorable effet des doc- .trines modernes; et c'est là aussi le motif qui a déterminé l’Académie à porter vivement son at- tention sur le discours n.° 3. RAPPORTS. 147 Quoique l’auteur eût adopté le système que je viens de combattre, cette considération n’était pas suisante pour faire rejeter son ouvrage. Au con- traire, il était trop remarquable pour qu’il ne dût point exciter le zèle du corps savant qui en avait recu lhommage. Les premières impressions que PAcadémie avait éprouvées en le lisant, lui avaient donné la plus haute idée du talent et de la facilité de l’auteur ; etces impressions se sont maintenues et fortifiées par un examen plus réfléchi. Elle a reconnu dans ce discours un esprit pro- fondément versé dans les matières de goût et de doctrine, mais entraîné par son enthousiasme pour les lettres françaises. A la délicatesse, aux sou- plesses et à la correction élécante du style, il était facile aussi de reconnaître un écrivain exercé; et c’est, précisément, parce qu’elle avait remarqué en lui toutes les qualités qui distinguent un litté- rateur de la bonne école, que l'Académie a dü être étonnée de le trouver en opposition avec des principes qui lui ont procuré des avantages si pré- cieux et Si rares. Du reste, son systeme est séduisant, et il expose avec habileté. Il s'élève avec force contre Vétude des anciens, et critique, à la fois, avec amertume, et les rhéteurs qui la prescrivent et les écrivains qui s’y soumettent, parce que, selon lui, les ressources qu’elle promet ne sont pas propor- tionnées à la perte de temps qu’elle exige, et que, d’ailleurs, les modernes ont assez de beautés pour servir à leur tour de modèles. 10. 148 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. À l’aide de quelques argumens, il parvient à prouver que l'étude exclusive et habituelle: des classiques ne produirait pas d’heureux résultats ; et nous pensons comme Jui, parce qu'il est bien certain que celui qui porterait toutes ses médi- tations sur les langues anciennes, sans s'exercer dans sa propre langue, ne pourrait jamais devenir un bon écrivain; mais ce n’est là que l'abus, et c’est cet abus que notre auteur aurait dû se borner à proscrire, au lieu d'étendre sa proscription jus- qu’à l'étude elle-même. IL parvient aussi à démontrer que l'étude de la littérature moderne peut, absolument, remplacer celle de la littérature ancienne; mais, ici, il ne suffisait pas de raisonner pour fournir une dé- monstration satisfaisante ; il fallait appuyer les argumens par des exemples. S'il eût prouvé, par des faits, que les modernes n'avaient rien emprunté aux anciens, pour COm- poser leur littérature ; que les langues vivantes s'étaient formées et perfectionnées sans le secours des langues mortes; que léloquence et la poésie sont nées parmi nous et appartiennent au génie de notre propre langue; qu'Homère et Virgile n’ont pas créé l'épopée; que les modernes auraient trouvé, comme les anciens, ke secret de ce mer- veilleux dont ces derniers ont enchanté leurs fic- tions; que nos tragiques n’ont pas eu besoin de chercher dans Euripide et Sophocle des inspira- tions et des modèles; que Pindare.et Horace n’ont eu aucune influence sur nos lyriques; que notre RAPPORTS. 149 comédie aurait été ce qu’elle est, sans le secours d’Aristophane, de Plaute et de Térence; que nos grands orateurs seraient parvenus au même degré de force, d’élévation et de puissance sans Démos- thènes et Cicéron ; sil eût prouvé, en un mot, que toutes nos créations littéraires sont notre propre ouvrage, il aurait parfaitement démontré Pinutilité d'une étude qui ne pourrait rien nous apprendre, puisqu’elle ne nous aurait rien appris. Mais comme il est prouvé, au contraire, que nos poètes, nos orateurs, nos historiens et nos moralistes ont retrempé leur génie à Pécole des anciens, et que c’est à cette littérature classique que nous devons reporter, en général, toute la gloire de la nôtre, il est évident que le système si éloquemment développé par l’auteur du discours n.° 3, n’est fondé que sur des sophismes; et l’Académie ne pouvait point couronner des sophis- mes, quelqu’ingénieux, d’ailleurs, qu’ils pussent être. D'un autre côté, 1l faut le dire aussi, quoique l'auteur paraisse posséder un grand fonds de con- naissances, 1l n’a pas fait preuve d’érudition. Sa composition, tres-remarquable par le style, ne présente à la controverse aucun aperçu, aucun caractère, aucune critique, aucune autorité qui puisse donner quelque poids aux solutions qu’il a déduites de ses argumens; et, je dois le dire, VAcadémie des Sciences n’étant pas un corps pure- ment littéraire, exige autre chose que de l’élo- quence et de la dialectique. Le choix des mots, 150 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'expression exacte des idées, les tours de phrases, harmonie des périodes, les figures et les mouve- mens oratoires, sont, sans doute, d’une grande considération à ses yeux ; mais elle veut aussi que ceux qui aspirent à ses couronnes, joignent à ces brillans accessoires, les résultats de recherches et d'observations, gages certains de leurs lumières et d'une instruction positive. Cette critique doit s'étendre au discours n.° 2. L'auteur de ce discours est aussi un écrivain plein de goût, d’éloquence et de verve. [l appartient également à l’école des classiques, mais il a eu, sur l’auteur du discours n.° 3, l’avantage de ne pas désavouer ses maîtres. Cest assez dire qu'il a embrassé un système tout différent de celui de son rival, et c'est déja un très-grand mérite; mais ce mérite ne suffisait pas. Un sujet est une mine qu’il faut exploiter pour en découvrir les trésors; et le mineur qui, au lieu de fouiller dans les entrailles de la terre, se bor- nerait à en effleurer la superficie, ne parviendrait jamais à cette découverte. Ainsi, un auteur doit creuser, approfondir son sujet, pour en connaître l'étendue et le développer dans tous ses rapports ; et si, au lieu de l’étendre et de le féconder par la méditation, il s'efforce de le circonscrire et de le resserrer pour mieux Pembellir, pour lentourer de prestiges, pour le revêtir de tous les ornemens du langage, cet extérieur gracieux, cette magie d’emprunt ne pourront aveugler personne sur la médiocrité dune telle production. RAPPORTS. 191 C'est ainsi que notre auteur a procédé. Il à étudié son sujet; mais il ne la traité, sil est per- mis de s’exprimer ainsi, que dans ses formes extérieures, sans pénétrer dans sa substance, dans tout ce qu'il présentait de profond et d'instructif; et de quelques couleurs, de quelque éclat qu'il ait revêtu ces formes, cet éclat n’est que factice. Certes, il n’était pas difficile de soutenir que les chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome avaient puissamment influé sur les créations modernes, et, en particulier, que la langue française s'était dé- pouillée de son äpreté et de sa rudesse, par l'étude du grec et du latin. Il n’était pas difficile non plus de démontrer, par des argumentations, qu'il est impossible de devenir bon écrivain sans l'étude des classiques; mais marquer le degré d'influence que les anciens ont exercé sur lart de penser et sur l’art d'écrire; parcourir et apprécier les divers genres de leur immense littérature ; saisir et faire remarquer les rapports de chacun de ces genres avec ceux des littératures vivantes; dessiner les caractères distinctifs des classiquesles plus parfaits, et les comparer avec ceux des auteurs modernes qui ont acquis le plus d'illustration ; indiquer les perfections ou les beautés, les règles et les doc- trines que ces derniers ont empruntées à leurs de- vanciers, et celles qui leur sont propres; faire connaitre l’étonnante supériorité de ces anciens si dédaignés, malgré le progrès des lumières et les conquêtes de la civilisation : d’un autre côté, constater l’état des langues après la décadence de 192 INSCRIPTIONS ET BELLES -LETTRES. empire romain ; suivre dans leurs développemens progressifs, les perfectionnemens, sinon de toutes les langues vivantes, du moins ceux de la langue française ; signaler les influences que l'étude du grec et du latin a exercées sur le génie de cette langue, sur les révolutions qu’elle a subies, sur les conceptions les plus élevées dont elle a été l'instrument ; enfin, résumer, dans un aperçu rapide et lumineux, tracé avec vigueur mais avec méthode, Les résultats de cette vaste et magnifi- que discussion : telles étaient les difficultés du sujet; et ces difficultés n’étaient pas insolubles pour un écrivain laborieux, qui, comme l'auteur du discours n.° 2, aurait été doué d’un profond savoir, d’un excellent jugement, d’une grande facilité de style, et, sur-tout, de cet enthousiasme qui féconde le talent, qui exalte le zèle, et qui fut toujours, pour l’orateur comme pour le poète, le foyer des plus enivrantes inspirations. Toutefois, il est juste de dire que plusieurs des conditions attachées au sujet , et que je viens de rappeler, étaient entrées dans le plan de Pauteur; mais soit que les développemens que ce plan aurait exigés aient rebuté son courage, soit qu'il ait calculé le temps qu'il pouvait con- sacrer à cette grande composition , il a modifié ses premières idées; et au lieu de sattacher à l'observation et à Ja critique, cest-a-dire, à la partie vraiment substantielle du sujet, il ne s’est occupé que de la partie brillante : on dirait un peintre qui, au lieu de sétudier à saisir le = See RAPPORTS. 159 caractère, la physionomie et les beautés de son modele, aurait exercé son génie et versé toutes les couleurs de sa riche palette sur la bordure de son tableau. Sans être trop sévère, on peut aussi reprocher à l’auteur d’avoir employé les formules de Pargu- mentation pour la démonstration de ses preuves. Cette forme appartient exclusivement au genre de la dissertation. Les objections et les réponses ne veulent qu’un style clair, simple, précis, mé- thodique ; c’est Le syle de la discussion, tandis que le discours exige, au contraire , un style relevé, solennel, animé par des figures, orné de toutes les grâces de l’élocution. Toutefois, notre auteur a dissimulé avec talent les difficultés dans lesquelles il s'était engagé , en les couvrant de fleurs; et l’on verra, par un beau passage que je vais copier, avec quel bonheur il les a éludées. Après avoir prouvé que les anciens étaient et devaient être les modèles éternels du goût, du vrai et du beau, il se fait cette objection , à la- quelle il répond ensuite dune manière aussi éloquente que victorieuse : « Une dernière objection se présente. Les an- » ciens, nous dira-t-on, ont peint avec vérité les » mœurs de leur temps; mais les mœurs sont » bien changées, les mêmes couleurs ne sauraient » tracer des physionomies aussi différentes que » celles des anciens et des modernes; ainsi, en » vous accordant même que létude des anciens » peut n'être que sans utilité pour tout ce qui 124 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » tient à ce que l’on nomme plus particulièrement » le style, elle ne saurait servir à la connaissance » du cœur humain et à la peinture des sociétés » modernes. De nouvelles idées, des opinions » nouvelles, d’autres croyances, d’autres carac-- » tères demandent un autre système. Notre goût » usé trouve un peu fade la monotone simplicité » des anciens : sortons donc de ces entraves de » convention qui arrêtent l’essor du génie et » compriment l'élan de la pensée ; qu’une littéra- » ture nouvelle s'élève avec de nouveaux besoins ; » que le génie moderne secoue enfin le joug de » l'antiquité, sous lequel il gémit captif depuis » tant de siècles, et nous allons le voir, livré à » lui-même, produire en foule les chefs-d’œuvre. » Elles sont bien séduisantes, sans doute, ces » magnifiques promesses qui assurent à lPavenir » des plaisirs et des oloires inconnues à nos pères, » qui, à si peu de frais, nous prodiguent tant de » merveilles! Voyons si elles tiennent tout ce » qu’elles annoncent. » Une des prétentions de la nouvelle école, c’est » de reproduire la nature, les hommes, les sen- » timens, la vie enfin dans toute sa réalité; de » substituer à des peintures factices, à des beautés » artificielles, l'expression naïve etsimple du cœur » humain; de ne donner à la pensée d'autre li- » mite que le monde même, à l’imagination, » d’autres lois que son caprice. Entendons-nous, » d'abord, sur le mot expression de la nature ; » il y a, sil est permis de s'exprimer ainsi, deux A4 En 2 Ÿ RAPPORTS. 199 » natures : l’une, éternelle, immuable, se main- » tient sous toutes les formes de gouvernement, » dans tous les pays, dans tous les temps ; elle » constitue l’homme tout entier, avec ses affec- » tions si variées, ses vices, ses vertus. Cest elle » qui, simple et touchante, parle à toutes les » âmes dans les vers d'Homère et de Virgile : elle » est aujourd’hui la même qu’il y a deux mille ans; » source féconde de généreuses pensées, de dévoue- » mens héroïques, elle: fait battre notre cœur au » récit d’une belle action , d’un sentiment sublime, » d'une vertu obscure et libre. Voilà la nature » qu'ont peinte les anciens, après eux les grands » écrivains du siècle de Louis XIV. Elle se révèle » quelquefois dans un idiome encore grossier, dans » un siècle encore barbare. Montaigne la reproduite » avec sa vive et puissante imagination. Shakes- » peare lui-même lui doit une gloire que n’ont pu » étouffer tant de défauts et de bizarreries. » l'est pour ainsi dire une seconde nature ar- » tificielle, telle que Pont faite nos coutumes, nos » mœurs fausses, nos vices polis, notre civilisa- » tion corrompue : celle-là se trahit par l'exagé- » ration des sentimens, une simplicité affectée, » l’impatience de toutes les règles, le vague de » toutes ses rèveries, lobscurité pénible de la » pensée qu’elle prend pour profondeur : mélange » de mille nuances diverses, dans ses traits indécis » elle représente parfaitement cette vieille Europe » tourmentée de ses doutes comme de ses croyan- » ces, fatiguée de ses anciennes institutions et 156 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » mécontente de ses nouvelles libertés, se jetant » hors de toutes les routes connues pour atteindre » à une perfectibilité imaginaire, et se sauvant » de l'ennui par l’extravagance. Peignez la pre- » mière de ces natures, et vous vivrez éternelle- » ment; Car si la forme extérieure de l’homme » peut changer , le fond reste toujours le même, » et tôt ou tard le vrai reprend son empire sur » les esprits ; seul il est éternel. Au contraire, la » seconde de ces natures, expression fugitive d’une » société qui passe, ombre fausse et légère d'un » tableau que chaque jour efface, ne saurait four- » nir au génie des couleurs solides, des inspirations » durables : étrange phénomène qui se renouvelle » pour les nations comme pour les individus ! » Cest aux époques des dégradations morales et » intellectuelles, que l’on vante le plus la vertu et » la perfectibilité. Ne nous faisons pas illusion ; » n’épuisons pas ce qui nous reste de vie dans de » vaines tentatives, dans des théories stériles. Il » est pour les littérateurs, comme pour les peuples, » un certain charme de jeunesse, une vivacité » d'imagination , une fleur de naturel qui se flétrit » promptement et meurt pour ne plus renaitre ; » si quelque chose peut les ranimer, c’est l'étude » de ces mêmes anciens, qui, à leur naissance , » leur servirent de guides et de modèles. Ainsi, » à l'aspect des lieux célèbres, au souvenir des » antiques vertus, lame retrouve son énergie, et » s’élance à une hauteur que d’elle-même elle » n'aurait su atteindre. Les lois du goût sont à _ —— RAPPORTS. 157 » une littérature épuisée , ce que de bonnes lois » sont à un peuple corrompu par la civilisation et » lexcès des richesses. Si elles ne créent pas tou- » jours des beautés ou des vertus, elles arrêtent » du moins le torrent des mauvais exemples; elles » perpétuent les saines traditions, les admirations » fécondes. Pour créer ou rajeunir une littérature, » il faut l'enthousiasme de la liberté ou de la re- » ligion. Aïnsi, le siècle de Louis XIV vit paraître » un genre nouveau d’éloquence qui place la tri- » bune moderne à côté de la tribune antique, » l’oraison funèbre ; ainsi peut-être encore, dans » cette Grèce, terre classique de l’héroïsme et du » génie, toutes les gloires renaîtront avec les su- » blimes enthousiasmes du martyre, de la patrie » et de la liberté; et les ouvrages immortels qui » conservaient en secret et nourrissaient chez cette » admirable nation, avec le souvenir de ses ancé- »tres, le feu sacré de l'indépendance, qui res- » talent là comme pour protester contre son escla- » vage, et réveiller quand il en serait temps des » vertus obscurcies mais non éteintes, ces ouvrages » pourront, seuls encore, créer de nouveaux chefs- » d'œuvre, comme les Thermopyles ont enfanté » de nouveaux Léonidas. » Ce passage donnera une idée du talent et de la manière de l’auteur. Plus loin, il examine la question de savoir si l'étude du latin serait suffisante; et, après avoir fait un parallèle de la littérature grecque et de la littérature latine, dans lequel ces deux littératures 198 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sont judicieusement appréciées, il se prononce pour Vafirmative; mais il est juste d'observer qu'il n’émet cette opinion qu'avec une circonspection timide et mesurée, parce qu'il ne peut pas se dissimuler la supériorité de la langue d’'Homère. «S'il fallait, dit-il, se renfermer dans une seule » littérature, peut-être serions- nous obligés de » nous décider pour la littérature romaine, qui a » pénétré plus avant, et plus généralement, dans » toute la société européenne ; qui se lie plus par- » ticulièrement à nos souvenirs, à notre droit, à » notre culte; et qui, devenue comme le lien com- » mun du monde savant, réalise, en quelque sorte, » cette langue universelle, objet des vœux et des » recherches d’un grand homme. » Telles sont, Messieurs, les conclusions de Pau- teur du discours n.° 2. Elles paraissent être, chez lui, l'effet d’une conviction profonde, déterminée par des études et des méditations sérieuses; mais il est ficheux qu’elles n'aient pas été amenées par des développemens substantiels et solides, par les résultats d’investigations et de recherches, qui, en jetant une vive lumière sur la question que l'auteur avait à résoudre , auraient mis en- tièrement à découvert les connaissances qu’il à puisées dans le commerce des anciens. Tout ce qu'il y a de bon et de beau dans ce discours se retrouve, avec bien plus d'éclat encore, dans le mémoire inscrit sous le n.°5. Ce dernier ouvrage présente d’ailleurs, dans son ensemble et dans ses détails, un bien autre genre d'intérêt. RAPPORTS. 199 J'ai déjà dit que la première lecture de ce mé- moire produisit une vive sensation dans le sein de PAcadémie ; et l’on n’en sera pas étonné lors-- qu’on saura que l'auteur, sélevant à la hauteur de son sujet, l’a embrassé dans toute son étendue, n’a reculé devant aucune difficulté, a déployé la plus vaste érudition, classé toutes ses preuves avec une méthode admirable, et animé sa com- position par les charmes d’un style plein de mou- vement, de chaleur et de vie. Mais pour apprécier un mémoire d’une telle importance, il ne suffit pas de le louer; il faut Pétudier dans le plan, le suivre dans les détails d'exécution , vérifier ses doctrines et ses solutions, et ce soin, auquel je vais me livrer, réclame en ma faveur un surcroît d'attention et d’indulsence, puisqu'il nimpose l'obligation d'analyser un ou- vrage qu'il eût été si glorieux pour l’auteur et si facile pour moi de vous communiquer en entier. Dans un exorde précis, l’auteur donne une idée générale et rapide du sujet, et pose les bases du système qu’il a adopté. Ces bases sont très - simples; elles reposent uniquement sur la nécessité d'étudier les anciens, pour former son jugement, enrichir son imagination et régler son style. Pour démontrer cette nécessité, l’auteur expose un plan qui ne peut avoir été conçu que par un talent supérieur. Il divise ses matières en quatre parties, dont chacune fait l’objet d’une proposition. Il s'engage à établir, 160 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. En premier lieu, que les élémens d'une belle littérature ne se montrent que chez les Grecs et les Romains ; En second lieu, que les modernes ne peuvent découvrir les secrets de l’art d'écrire, qu’en mar- chant sur les traces des anciens ; En troisième lieu, que sans la connaissance des langues grecque et latine, on ne saurait se laisser inspirer par les beautés littéraires qu’elles nous ont transmises ; Enfin, en quatrième lieu, que le latin offre les principaux caractères que lon doit chercher dans une langue savante. On voit par cette division que Pauteur a con- tracté de grands engagemens, et qu'il a dû compter sur la fécondité de ses ressources pour les remplir. , L’exécution de ce plan’ a réalisé les espérances qu'il avait fait naître. Dans une introduction écrite de verve, l’auteur remonte à l’origine des sociétés, jette un coup d'œil sur la formation des langues, et caractérise avec précision chacune des principales langues de l'Orient : ainsi, le chinois, l’indien, le sanscrit, le persan, l'arabe et hébreu deviennent tour à tour l’objet de ses observations ; il s'arrête avec com- plaisance sur cette langue hébraïque que Jéhovah lui-même a inspirée, etqui, par une consécration auguste, reçut la glorieuse destination de célébrer les grandeurs du Dieu d'Israël. « Révérons, dit-il, les livres sacrés et la langue ’ RAPPORTS. 161 » hébraïque, qui nous offrent des récits si naïfs, et » à la fois si nobles et si majestueux, sur la création » des mondes, sur les premiers âges de l’espèce hu- » maine ; qui nous montrent ensuite un peuple » nombreux sorti d’une seule famille , tantôt chan- » tant ses triomphes, tantôt déplorant les maux » dela servitude aux rives de Euphrate, toujours » conduit par l'Eternel jusques au moment où » s’accomplit le plus auguste des mystères. Mais » la langue des Hébreux s’est bornée à prêter ses » formes à l’inspiration divine : c’est Jéhovah lui- » même qui raconte le passé, qui dévoile Pavenir, » qui fait retentir sa puissance dans les écrits des » Prophètes; et les plus hautes pensées, les figures » les plus hardies et lés plus imposantes, enfin, » le vrai sublime, viennent enrichir la langue » d’une peuplade errante, pauvre et grossière, dont » l'esprit ne s'élevait au-dessus des sens, qu’épou- » vanté par les miracles qui renversaient sous ses » pas les lois de l’univers. Ainsi, la littérature » hébraïque doit peu à la langue qu’elle a em- » ployée : émanée de l'Esprit divin, elle en porte » le caractère; elle est surnaturelle, comme les » événemens qu’elle annonce ou qu’elle retrace, » et les beautés qu’elle renferme ne sauraient con- » venir qu'aux seules compositions éminemment » religieuses. Aucune image n’était trop grande, » aucune métaphore trop forte pour peindre les » actes de la volonté céleste. Introduites dans la » littérature profane , elles n’y seraient pas moins » improuvées par le goût que par la religion. » 11 162 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Après avoir apprécié les langues d'Orient, lau- teur démontre la nécessité de les étudier ; il en fait même un précepte, parce que chacune d'elles reproduit quelques-unes des traditions primitives ; et après quelques observations sur les avantages de cette étude, il aborde plus directement le sujet, en s’occupant des langues de POccident. Ici auteur, exalté par son enthousiasme, fait éclater ses transports par un magnifique éloge de la langue grecque. Il nomme ensuite les poètes qui précédérent la création de Pépopée, et arrive ainsi à ce génie prodigieux qui fit briller sur la Grèce une auréole de gloire, et dont trois mille ans d’admuration n’ont pas encore suffi pour chanter les louanges. « Non loin de ces temps héroïques, fameux par » tant de prodiges de force et de courage, qui » virent paraître ces héros, ces demi-dieux dont » les bras et les passions étaient également indomp- » tables, dont tout était grand, les vices comme » les vertus; lorsqu’encore le souvenir de leurs » hauts faits enflamme tous les cœurs, chez un » peuple qui possède une langue souple jusques à » prendre toutes les formes de la pensée, qui » habite une contrée où la nature, déployant » toute sa magnificence, présente les grandes » scènes si fécondes en sublimes émotions, dont » les croyances convertissant en autant de divinités » toutesles forces de la nature, sont si éminemment » poétiques : chez ce peuple 1l s'élève un homme » dont l’âme puissamment agitée peut réagir sur RAPPORTS. 163 » les impressions qu’elle éprouve, qui est entraîné » par le besoin de les faire partager, qui, libre de » toute entrave, n’obéit qu’à Pinspiration, mais » qui est assez maître de son enthousiasme pour » le retenir dans les limites du vrai et du beau ; » 1} prend pour sujet de ses vers un de ces grands » faits historiquesqui retentissaient dansles siècles ; » anime ses tableaux par le mouvement des pas- » sions dans toute leur fougue et leur énergie; » oppose le ciel à la terre, la pitié à la violence, » la prudence au courage ; agrandit l’homme sans » lui enlever les traits qui le caractérisent; revêt » les dieux des attributs de l’humanité sans qu’ils » cessent d’être des dieux; porte ses regards sur » toute la nature pour lui ravir ses plus brillantes » couleurs; répand à pleines mains la vie, le sen- » timent et les grâces; écarte dans sa marche » pressée, ferme et hardie, tout ce qui pouvait le » ralentir ; choisit, par le seul effort de son génie, » parmi toutes les combinaisons qui pouvaient » s'offrir à sa pensée, celles qui devaient le plus » profondément agiter le cœur et exciter Padmi- » ration : tel se montre toujours Homère dans » l’Iliade, et souvent dans l'Odyssée. » Comme on le voit, ce vieil Homère, objet de tant d’inspirations et d’hommages, a retrouvé tous ses traits sous la plume de notre habile écrivain. Il à peint ce poëte sublime avec toutes les propor- tions de grandeur qui signalent son mâle génk ; et, après l'avoir placé à ce rang suprême, auquel aucun autre n’est jamais parvenu, il groupe au- LD 164 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tour de lui tous les hommes illustres qu'il avait inspirés, et qui, comme lui, couvrirent d’une gloire immense les beaux siècles de la Grèce. Orphée, Linus, Hésiode avaient précédé Ho- mère ; l’auteur les nomme et les caractérise ; il nomme ensuite et caractérise également Sophocle et Euripide, Eschine et Démosthène, Hérodote et Xénophon , Piaton et Aristote, et tous les grands poètes, les grands orateurs, les historiens et les moralistes qui succédèrent au chantre d'Achille, et ont été, en quelque sorte, associés à son im- mortalité. Ce n’est pas ici une nomenclature sèche et froide, ni un étalage fastueux d’érudition; Pauteur classe et apprécie chacun des écrivains qu'il a mentionnés, et après avoir indiqué tout ce que la langue grecque a produit de plus harmonieux, de plusprofond et de sublime, il suit cette langue dans sa décadence, et fixe l’époque de sa corruption à celle de lasservissement de la patrie d’'Homere. Toutefois, la langue de ce divin poète était im- périssable comme lui. Aux monumens qu'elle avait élevés pendant sa prospérité, vinrent se joindre encore ceux des écrivains contemporains de ses disgrâces, et les hommages des conquérans de Ia Grèce. L'auteur nomme Théocrite, Isocrate , Po- lybe, Denys d'Halicarnasse, Diodore de Sicile et Plutarque, comme les derniers écrivains grecs qui acquirent une grande renommée; et par une transition heureuse, il passe du peuple vaincu au peuple conquérant. RAPPORTS. 165 Riche des dépouilles d'Athènes, Rome trans- porte aussi dans sa langue les richesses de la langue des républiques qu’elle avait subjuguées. L'auteur prouve cette assertion en parcourant la nombreuse et brillante galerie des poètes, des orateurs et des historiens latins qui ont fait briller d’un éclat si vif et si pur empire de la maîtresse du monde. Ici, viennent se ranger, dans l’ordre qui leur est propre, Pline, Térence, Lucain, Cicéron, César, Salluste, Tite-Live, Tacite ; plus loin, Tibulle, Catulle, Properce, Ovide, Horace, Virgile, Quin- tilien ; enfin, dans un rang moins élevé, Corne- lius-Nepos, Velleius-Paterculus, Pétrone, Martial et Juvénal. Tous ces écrivains, qui furent tour à tour l’hon- neur et l’orgueil de Rome, et dont les écrits com- posent la littérature latine, ne sont pas groupés dans le mémoire que j'analyse, ainsi que je viens de le faire. L'auteur les classe dans le genre qui leur est particulier, examine leur langue dans son enfance, suit et marque ses progrès, signale ses perfectionnemens, et présente à l'admiration pu- blique les poëtes et les auteurs latins qui ont ac- quis le plus de célébrité, ou dont les ouvrages ont le plus puissamment influé sur le développement de lesprit humain. Mais le siècle d’Auguste devait s’'éteindre com- me le siècle de Péricles : la servitude avait flétri la Grèce, corrompu son goût et sa langue; et ce fut aussi la servitude, ce fut sur-tout la chute de Pempire romain, qui entraîna et précipita la 166 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. décadence de la langue latine. Des débris du latin il se forma plusieurs idiomes, qui devinrent dans la suite les seules langues vivantes, et notre auteur s'arrête quelques instans à cette période extraordinaire, pour exposer les causes et retracer les effets de cette grande révolution. S'il eût voulu borner son sujet aux détails que l’Académie avait le droit d'exiger de lui, il pou- vait s'attacher seulement à marquer les pério- des de la langue française, depuis son origine jusqu’à l’époque de sa plus haute perfection, et à faire remarquer l'accroissement qu'elle avait reçu, et les beautés qu’elle avait acquises dans ses rap- ports avec les langues déchues : mais auteur avait des idées proportionnées à l'étendue de ses connaissances; et comme il avait promis de porter son examen sur toutes les littératures connues, il a voulu remplir ses promesses. Il examine donc successivement les littératures italienne, française, anglaise, germanique, es- pagnole et portugaise, avec cette sûreté de tact et de goût, cette critique éclairée qu’un homme profondément versé dans l'étude des lettres peut, seul, apporter dans ses jugemens, et fait à chacune de ces littératures sa part d'influence et de gloire. Ses premiers soins sont pour la littérature ita- lienne. C'est elle, en effet, qui recueillit la plus grande partie de l’héritage du siècle d’Auguste, en s’enrichissant de toutes les beautés de la langue de Virgile : langue abondante, facile, harmonieuse et expressive, et qui s’accordait si naturellement RAPPORTS. 107 avec la flexibilité, la mollesse et la grâce de Pidiome italien. Mais avant de citer Les écrivains de l'Italie qui avaient puisé dans les trésors de lanti- quité, après la découverte de imprimerie, 1l cite le Dante, Pétrarque et Bocace, dont les composi- tions furent le fruit de leur propre génie ; et ce n’est qu'après eux qu'il nomme le Tasse et l'Arioste , qui firent une étude particulière des anciens. Du reste, 1l prouve avec une grande force de raison, et sur-tout par des Mate, qui valent toujours beaucoup mieux que des argumens, que cette étude était un objet d’émulation pour les écrivains qui avaient l'ambition d'étendre le do- maine de leur. langue, et de former pour leur pays une littérature substantielle et durable, et c'est ainsi qu'il arrive naturellement à la littéra- ture française. Si, jusqu’à ce moment, l’auteur du mémoire n.° 5 à fait preuve d’une connaissance approfondie des classiques , il a prouvé, ici, que les lettres françaises ne lui étaient pas moins familières. Depuis Marot et Amyot, qui commencent notre littérature, et qui, les premiers, procurèrent à la langue française, jusqu'alors si faible, si pauvre et si bornée, des agrémens et des ressources que lon était bien loin de soupçonner encore, jusqu’à Malherbe qui léleva à la dignité de lode; et de- puis Malherbe jusqu’à Balzac et Racan , il indique tous les auteurs qui par leurs écrits préparèrent lavénement de ce poète immortel dont le puissant génie ressuscita , pour la France, le siècle brillant 168 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. d'Homère, et transporta Rome sur la scène fran- çaise, avec toutes ses pompes, Lous ses héros, et ses plus imposans souvenirs. L'auteur peint Corneille avec des couleurs fortes et dignes de lui, et réserve les grâces de son pinceau pour tracer les traits de Racine. Il fait éclater ensuite son enthousiasme pour les écrivains de tous les genres qui marchent à la tête de notre littérature, et déroule ainsi, aux yeux de ses lecteurs , : toute la magnificence du siècle de Louis XIV et du siècle suivant. Dans cette esquisse rapide, où l'on voit figurer tout ce que la France a produit de vraiment grand dans les sciences et les lettres, depuis Corneille jusqu’à l'abbé Delille, Pauteur se montre ce qu'il est partout, écrivain éloquent et critique judi- cieux; et après avoir signalé la plupart de nos illustrations littéraires avec ceite justesse d’ex- pression que peu d'écrivains possèdent comme lui, il passe à la littérature anglaise. Là, c’est Shakespeare qui ne dut sa renommée qu’à lui-même, qui sortit de l'état d’abjection et de bassesse où ses débordemens l'avaient précipité, pour conquérir la plus éclatante gloire, et dont le génie grossier et sauvage, mais plein de force et de grandeur, présente l’étonnant contraste des trivialités les plus dégoûtantes auprès des plus mâles beautés. | Notre auteur a saisi les véritables traits de ce tragique célèbre, et les a réunis dans un portrait plein de vie, de chaleur et de vérité; il prouve RAPPORTS. 169 que si Shakespeare eût été formé à Pécole des classiques, son génie, poli et perfectionné par de si beaux modèles, aurait dépouillé ses-créations de ces monstrueuses disparités qui les dégradent, et révoltent à la fois le cœur, la raison et le goût. Aussi, fait-il remarquer la différence qui existe entre les écrivains anglais qui vécurent dans le commerce des anciens, et ceux d’entreux qui se livrèrent à leur propre imagination; et, parmi les premiers, il place Milton, Addison, Pope, Hume, et tous les auteurs qui ont porté la langue anglaise à ce degré de perfection qui la fait distinguer parmi les langues vivantes. Les littératures germanique, espagnole et por- tugaise lui fournissent ensuite le sujet des mêmes observations. Gessner, Khopstok et Goëthe, chez les Allemands; Lopès, Calderon et Cervantes, chez les Espagnols, et le Camoëns, chez les Portugais, sont autant d'exemples qu'il cite de l'influence des anciens; et ce n’est que lorsqu'il a épuisé tout.ce qu'il avait à dire sur les littératures modernes, qu'il élève à des considérations d’un ordre snpérieur, sur la situation actuelle de l'es- prit humain. Suivant lui, le génie n’a rien acquis depuis lPinvasion de la Grèce ; il est toujours resté sta- tionnaire, malgré les grandes merveilles qui se sont opérées. La propagation des arts, les progrès immenses des lettres, le perfectionnement des sciences, les paisibles conquêtes de la civilisation, la découverte du Nouveau-Monde ; et, d’un autre 2 170 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. “côté, les terribles révolutions de la politique, l’ébranlement général des sociétés, le bouleverse- ment des anciennes institutions et la création des institutions nouvelles, trente ans de catastrophes et d'enthousiasme, de terreur et d’admiration, de désolation et RAR l'Europe entière sillon- née par la foudre des combats, enfin, les hardis mouvemens de la Grèce oder tels sont les grands objets qui, selon notre auteur, auraient dû exalter le génie et lui inspirer des conceptions sublimes ; et puisqu'il est resté calme et froid au milieu de tant d’agitations et de prodiges, il en conclut que les anciens possédaient seuls le secret de ces créations admirables qu’ils nous ont lais- sées, et auxquelles il ne nous est pas permis d'atteindre. Toutefois, sil ne nous est pas donné de sur- passer ou d’égaler même les anciens, nous pou- vons au moins les imiter; mais il ne faut pas que cette imitation soit tellement servile que nous nous dispensions de penser et d'écrire d’après nous-mêmes, Les anciens n’ont pas tout dit. « L’antiquité n’a pas exploré tous les détours » du cœur humain : à mesure que la civilisation » avance , Que les événemens se déroulent, chaque » jour amène de nouvelles combinaisons de pas- » sions et de caractères, de nouvelles situations » pour les individus, pour les peuples et même » pour Pespèce entière. Que lécrivain, en portant » ses regards sur les nombreux chefs-d’œuvre des » anciens et des modernes qui ont marché sur leurs RAPPORTS. 171 » traces, ne manifeste donc pas les regrets d'A- » lexandre lorsqu'il craignait que les victoires de » Philippe ne lui laissassent aucun coin de Puni- » vers à conquérir ! que de sujets nouveaux peu- » vent l’enflammer ! activité humaine dévelop- » pant d'autres mœurs, d’autres besoins; d'im- » menses ressources offertes à la fois à la pauvreté » laborieuse et aux gouvernemens éclairés par les » leçons d’une haute politique ; l’homme mieux » connu de l’homme; la nature partout interrogée » répondant par des prodiges à de savantes inves- » tigations ; le commerce déployant de nouvelles » richesses ; la bienfaisance et la pitié devenues » plus ingénieuses et plus heureuses dans leurs » soins, recevant l’offrande de toutes les nouvelles » découvertes ; lunivérs s'étendant sous les pas et » devant les regards de homme ; la terre offrant . » de nouveaux tributs au souverain que lui a donné » le Créateur ; la civilisation repoussant la barbarie » des contrées les plus lointaines, et de concert » avec la Religion , apprenant à l'espèce humaine » ses plus augustes destinées. » Dans un autre ordre, le voile qui cache les » opérations les plus mystérieuses de la nature, » soulevé sur de vastes espaces; des existences et » des lois de la reproduction jusqu'ici inconnues, » découvertes et constatées ; l'intelligence remon- » tant, des faits qui frappent encore les regards, » aux terribles catastrophes antérieures à homme, » et se rendant contemporaine de l’époque où la » main de la Divinité souleva les montagnes et 172 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » creusa les abîmes; la science, par ses déductions » les plus hardies, exhumant et reproduisant, en » quelque sorte, les nombreuses générations d'êtres » qui habitaient les eaux, fendaient les airs ou » foulaient les gazons de l’ancienne terre. » Quel autre spectacle présente le monde poli- » tique ! L'ordre social ébranlé dans ses bases ; » toutes les passions déchaînées, les intérêts heur- » tant contre les intérêts, les principes contre les » principes, une ñation se combattant elle-même » et triomphant des autres nations; des crimes » épouvantables et des vertus héroïques ; une do- » mination s’élevant colossale sur des ruines, et » bientôt expiant, par une chute soudaine, les » criminelles erreurs de l'ambition et les faux cal- » culs appuyés sur la seule force physique ; enfin, » les descendans d’un peuple de héros, long- » temps avilis sous une odieuse et abrutissante » domination, senflammant tout à coup sous » l’étendard de la croix, faisant reparaître les ex- » ploits des Miltiade et des Léonidas, pour briser » le joug du croissant, et conquérir à la fois sa » liberté et sa religion. » Voilà l'immense carrière ouverte à la nouvelle » littérature ; qu’elle la parcoure avec hardiesse ! » mais que dans ses compositions elle ne cesse de » prendre pour type les œuvres de l'antiquité, et » de respecter les lois classiques ! » Après ce beau mouvement , l'auteur signale le danger des traductions. [l ne veut pas que nous ayons la prétention de faire revivre les anciens RAPPORTS. 179 dans notre langue, en les traduisant. Chaque lan- gue a son génie particulier, et il est bien reconnu aujourd’hui, qu’il y a impossibilité de reproduire les beautés et les grâces des langues classiques, avec le secours des langues vivantes. Notre auteur se livre, à cet égard, à des ré- flexions dont l'expérience a démontré la justesse, et rappelle, à l'appui de son opinion, la traduction de Tacite par Dureau de la Malle, traduction qui a réuni les suffrages de tous les hommes de lettres, et qui, pourtant, est loin de nous avoir transmis les traits vigoureux et profonds de loriginal. Il invoque aussi l'autorité de d’Alembert. C’est par ces considérations qu’il termine le dé- veloppement de ses trois premières propositions ; et, puisqu'il vient de prouver que l'étude des anciens est indispensable pour former un bon écrivain, il examine la question de savoir si la langue latine serait suffisante pour fixer les lois classiques. Dans cette partie de sa dissertation, Pauteur étudie les caractères du grec et du latin; considère les rapports que ces deux langues ont entr’elles ; les compare dans les influences qu’elles ont suc- cessivement exercées, ou qu’elles exercent encore; assigne le genre de destination qu’elles ont reçu dans le commerce de la société civile, le degré d'utilité qu’elles présentent, non plus à lensei- gnement public, mais aux usages et aux mœurs des peuples, à la religion et à la politique; et, après un parallèle éloquent , dans lequel il ne dis- 174 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. simule aucune des supériorités de la langue grecque sur la langue latine, il se décide, pourtant, à ac- corder une sorte de préférence à cette dernière langue, parce qu’elle a pénétré plus avant dans nos institutions, dans les nécessités sociales, et dans les plus importantes relations de la vie. L'auteur se résume en ces termes : « Il ne faut demander des inspirations soute- » nues, et des leçons de goût et de style, qu'aux » littérateurs de la Grèce et de Rome; mais lé- » tude de la langue d’'Horace et de Virgile, de » Cicéron et de Tacite est, à la rigueur, suMisante » pour former un grand écrivain. » L'analyse que je viens de faire ne pourra donner qu’une bien faible idée de cette savante composi- tion. S'il eût été possible de vous la soumettre, vous y auriez reconnu un plan vaste, large et régulier; une disposition de preuves habilement combinée; une érudition profonde, raisonnée et positive; une juste appréciation des classiques ; une définition exacte des caractères des langues d'Orient et d'Occident, et de celles qui se forme- rent après la dissolution de l'empire romain ; enfin, un style tantôt simple et naturel, tantôt relevé, nerveux et brillant, sans enflure, sans redon- dance, sans aucune trace de ce néologisme bar- bare qui menace d’envahir et de corrompre la langue de Racine, de Bossuet et de Fénélon : on y aurait remarqué le passage que jai cité sur la langue hébraïque et sur les livres sacrés; les portraits vigoureusement tracés d’Homère, de RAPPORTS. 179 Cicéron, de Virgile, de Corneille et de Shakes- peare ; des idées élevées sur Pétat actuel de la civilisation, sur les littératures grecque et latine, sur les envahissemens de l’école moderne ; un beau parallèle des langues classiques; enfin, des ob- servations judicieuses sur le danger des traduc- tions, et sur la nécessité d’imiter les anciens et de les adopter pour modeles. Une critique rigoureuse avait signalé quelques taches dans cette production ; mais, outre que ces légers défauts ne pouvaient aucunement affai- blir les beautés de premier ordre qu’elle renferme, auteur en a justifié plusieurs par des explications satisfaisantes ; et la modestie qu’il a manifestée dans quelques passages de sa dissertation, avait fait d’ailleurs espérer qu'il se prêterait aveuglément aux rectifications qu’on pourrait exiger de lui. Ces considérations ont suffi pour déterminer VAcadémie à adjuger le prix de l’année à l'auteur du mémoire n.° 5 ; et l’on ne sera pas étonné d’ap- prendre que cet auteur peut s’enoroueillir de plus d'un triomphe. Cest M. Delpon de Livernon , correspondant du conseil d'agriculture , et mem- bre du conseil général du département du Lot, à Figeac. Académie des Sciences de Paris lui dé- cerna, en 1820, le prix de statistique; il obtint, la même année, un des trois prix d’antiquités, fondés par le Ministre de l’intérieur, et la Société centrale d'Agriculture lui accorda, l'année der- nière, le prix des Notices biographiques. Toutefois, l'Académie à voulu être entièrement : 176 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. juste. Le discours n.° 2, malgré les défauts que j'ai signalés et les lacunes qu’il présente, n’en est pas moins une composition estimable ; et, en lui accordant une mention très-honorable, il a été délibéré qu’il serait donné lecture, à la séance publique, des passages les plus remarquables de cette production. J’ai satisfait à ce désir. L'auteur de ce discours est M. Charpentier de Saint-Prest , professeur d’humanités au Collége royal de Louis le Grand, à Paris, et ce nom, justement honoré dans les lettres françaises, n’a pu qu’ajouter à l'éclat d’un Concours qui laissera , dans le sein de l'Académie, les plus profonds et les plus flatteurs souvenirs. S'il est du devoir des Académies d’exciter lému- lation des hommes qui sacrifient leurs veilles à la propagation des sciences et des lettres, il est bien glorieux pour elles de voir entrer dans la lice qu’elles ont ouverte au génie, des écrivains labo- rieux dont le talent a déjà reçu, par des triomphes antérieurs, une sorte de consécration littéraire. Par cette noble coopération, ces écrivains s’asso- cient à la mission d'instruction et de gloire que les corps savans sont appelés à remplir; et la couronne qui, dans de tels Concours, est décernée au vain- queur, est à la fois un monument de justice et de reconnaissance. RAPPORTS. vw I 77 RAPPORT SUR LE CONCOURS RELATIF AU PRIX EXTRAORDINAIRE PROPOSÉ POUR 1825. Par M. ou MÈGE, De La Have. Msssreurs ) Les anciens nous ont laissé quelques détails importans sur l’état de la Gaule et sur les peu- ples qui lhabitaient avant l'entrée des Romains ; mais ces détails sont épars dans une foule d’é- crits, et les historiens modernes, frappés seule- ment pat les grands noms d’Athènes et de Rome, ont négligé de rechercher les origines et les illus- trations de nos ancêtres. L'histoire nationale sem- ble ne commencer qu’à l’époque où une peuplade barbare , sortie des forêts de la Germanie, vint imposer à lune des plus grandes nations de l'Europe des lois absurdes et tyranniques, dont plusieurs de nos institutions conservaient encore, il y a deux siècles, la déshonorante empreinte. Les premiers temps de la Gaule offrent aux élucubrations de Parchæologue, aux pinceaux de l'historien , au génie du poète, des monumens, des faits, des exploits dignes d’une éternelle mé- moire. TOME NI, PART, IT, 12 178 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. L'origine du peuple Gaulois se perd dans la nuit des temps. Cette nation guerrière vint-elle des régions de l'Orient , et, de proche en proche, jusque dans nos climats ? Tout semble se réunir pour attester qu’à une époque, dont un intervalle de plus de vingt- cinq siècles nous sépare, les nations Celtiques , pressées par d’autres peuplades, s’étendirent de- puis les bords du Palus-Méotide jusqu'aux P yré- nées. Ceux qui s'établirent dans la partie de l’Europe renfermée entre les monts qui nous sé- parent de l'Espagne, les deux mers, le Rhin et les Alpes, étaient particulièrement connus sous le nom de Celtes et de Gaulois. Ils portèrent leurs armes victorieuses dans l’Ibérie, dans la haute Italie, dans la Germanie ; ils peuplèrent en partie ‘île d'Albion ; Rome fut l’une de leurs conquêtes ; “ils fondèrent dans Asie mineure l'empire de Galatie; et, si on en croit plusieurs historiens, quelques-uns de ces guerriers, qui appartenaient à la tribu des 7’olcæ Tectosages, rapportèrent dans Toulouse, leur antique patrie, une partie des trésors qu’ils avaient conquis dans la Grèce. Une religion différente de celles de tous les peuples connus, et dont les principes sublimes ont été admirés même par les Hellènes, était pro- fessée par les Gaulois. On y retrouve le dogme consolant de l’immortalité de lame, les peines ré- servées aux méchans après l'extinction d’une vie passagère , et les récompenses décernées par le grand Être à ceux qui, fidèles observateurs des RAPPORTS. 179 trois principaux points de la morale celtique, au- raient honoré les Dieux, évité le crime et com- battu avec vaillance. Un collége de prêtres , conservateur des dogmes sacrés, de la morale et de l’histoire, tenait le premier rang chez les Gaulois. Ces prêtres pro- fessaient les sciences alors connues : leur sagesse, leur doctrine, ont été célèbres dans toute l’anti- quité, et même on a cru, mais à tort sans doute, que les premiers philosophes de la Grèce avaient été instruits à l’école des Druides. La valeur de la nation était connue et partout redoutée. Aux époques les plus reculées de lhis- toire on voit des Gaulois dans toutes les armées de l'Asie et de Carthage; léur intrépidité décidait toujours du destin des batailles. La conquête des Gaules fut le plus glorieux triomphe de la république Romaine, et celui qui les dompta se crut assez grand pour asservir la capitale du monde, L'Italie emprunta aux Gaulois les meilleures méthodes agricoles : les arts utiles leur devaient de précieuses découvertes. Occupés constamment à rechercher lorigine des Francs, à célébrer cette tribu sauvage, qui, profitant de la faiblesse de l'empire Romain, en- vahit d'abord une partie des Gaules, et qui bientôt, s’unissant par les liens de la religion avec la masse du peuple, renversa le trône d'ÆZ/aric, nos an- nalistes ont laissé dans loubli les anciennes épo- ques de lhistoire gauloise, ou n’ont fait que 12 180 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. copier servilement, et sans critique, les détails qu'ils ont trouvés dans les commentaires du divin Jules. Quelques-uns deux ont, à limitation de Tite-Live, calomnié la nation celtique, dont les neveux forment encore la presque totalité des habitans de la France. Quelques hommes supérieurs sentirent, 1l est vrai, tout ce que étude de l’histoire des peuples Celtes pouvait offrir de neuf et d’intéressant. Des sociétés savantes ont cru devoir s’en occuper spé- cialement , et des écrivains ont même publié à ce sujet des Mémoires d’une haute importance. Mais les travaux des Cambry, des Regnier, laissent encore de nombreuses lacunes à remplir, et l’on peut avouer sans crainte que nous ne pos- sédons pas un corps d'ouvrage sur cette partie si curieuse et si peu connue de notre histoire. L'Académie de Toulouse, qui déjà, en 1749, avait proposé de rechercher Z quelles époques les sciences et les arts commencèrent à étre cultivés chez les Volces, et les changemens successifs qui s’introduisirent dans les mœurs , Les coutumes et la religion de ces peuples (1), a pensé qu'il était à la fois honorable et utile d'appeler les médita- tions des savans sur les siècles antérieurs à la con- quête entière des Gaules par les Romains; elle a donc offert pour sujet de prix de Déterminer l’état politique , civil et religieux de la Gaule avant l'entrée des Romains dans cette partie de l'Eu- (1) M. l'abbé de Guasco remporta le prix. RAPPORTS. 181 rope ; et de fixer, d’après les auteurs et Les mo- numens, les connaissances que les Gaulois avaient déjà acquises dans les sciences et dans les arts. Ce sujet a été proposé, comme prix extraor- dinaire, pendant trois années, En 1823, aucun Mémoire ne parvint au se- crétariat. L'année suivante, un auteur traita ce sujet avec beaucoup détendue ; mais l'Académie n°a pas tardé à apercevoir que cet écrivain ,» doué il est vrai d’une érudition classique , avait, en général, disposé avec peu d'art les diverses matières qui entrent dans la composition de son Mémoire , et qu'il avait chargé ce vaste travail de notions en- üérement inutiles. L'ordre qui doit d'ailleurs présider à des compositions de ce genre n’a pas été observé par ce savant ; peut-être croyait-il que l’Académie désirait simplement la réunion de tous les textes anciens où il est fait mention des Gaulois, et que cette réunion devait être pré- sentée sans raisonnemens , sans aperçus philoso- phiques. Le style, quoique généralement correct, était d'ailleurs sans mouvement, sans vie; et ce- pendant de quelles couleurs, tantôt sombres ; tantôt éclatantes, l’auteur ne pouvait-1l pas ani- mer ses récits? À la peinture des antiques forêts de Chartres et de Marseille, des sacrifices humains trop célèbres dans l’histoire des Celtes, ne pou- vait-il pas opposer, avec succès, l’imposante cé- rémonie pendant laquelle le Gui de chéne, ce présent d’'Hésus, ce rameau d’or des Gau lois, était . 182 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. cueilli par les Druides? Les jeux des guerriers et leur Ver sacrum , le respect religieux des Gau- lois pour les femmes, leur enthousiasme pour la gloire, leur soif des conquêtes lointaines, les chants des Bardes , les monumens en pierres brutes, restes imposans qui existent encore sur les grèves sté- riles de l’Armorique, et jusque sur les cimes du mont Cemmenus, que de sujets de magnifiques tableaux se présentaient en foule au peintre ha- bile ! Mais au lieu d’un ouvrage fortement pensé, écrit avec chaleur, l’auteur ne présenta qu’une savante et froide compilation. On pouvait ce- pendant espérer que dans la suite il pourrait coordonner avec plus d'art les matériaux qu’il avait rassemblés, et d’ailleurs l’Académie sentait toute l’importance , toute la grandeur du sujet proposé ; elle crut donc qu’elle pourrait l'offrir encore comme l’objet d’un prix extraordinaire. En 1825, elle a reçu trois Mémoires, parmi les- quels il en est deux qui ont fixé toute l’attention du bureau général. On a bientôt pu se convaincre que l'auteur, qui déjà avait aspiré à la palme académique, se présentait de nouveau dans l’arêne. Son premier Mémoire était divisé en vingt-sept chapitres, Il présentait d’abord les opinions des divers écrivains sur lorigine et le nom des Celtes ou Gaulois; leurs migrations et les colonies qu’ils fondèrent; la division territoriale des Gaules, et la population de celle qui porta le nom de RAPPORTS. 183 Transalpine Voccupaient ensuite. On trouvait, peu après, un chapitre sur l’origine de Marseille, sur son gouvernement et ses institutions, chapitre qui, n'étant point lié au reste de la Dissertation, y paraissait entièrement étranger, tandis que l'auteur aurait pu y examiner l’influence exercée par les colonies grecques établies sur les côtes méridionales de la Gaule, et les changemens que les Phocéens introduisirent dans les coutu- mes des Celtes. Après cet inutile épisode, l’au- teur s’attachait à montrer combien les Gaulois se rendirent redoutables aux autres nations, et il rassemblait enfin quelques traits caractéristiques desmœurs gauloises. Son septième chapitre rentrait entièrement dans la question , et il s’y occupait des différentes formes des gouvernemens établis dans les Gaules. Il faut en convenir, la suite du Mémoire offrait d'importans détails sur la ques- tion proposée, mais entremêlés souvent, sans liaison sensible et sans méthode, avec des objets entière- ment étrangers au but que les concurrens devaient chercher à atteindre. Prévenu sans doute des dé- fauts que l'Académie avait remarqués dans son premier ouvrage , l’auteur a cherché à les faire disparaître dans sa seconde Dissertation ; mais sa méthode consiste à ne plus diviser le Mémoire en chapitres divers, à en retrancher un grand nom- bre, et à grouper ensemble les seuls faits qui lui ont paru mériter quelque attention. Ainsi, sans dire un seul mot sur l’origine des Gaulois, sans faire connaître les contrées qu'ils habitèrent et 184 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les lieux où ils envoyèrent de puissantes colonies, il entre subitement en matière en traitant de l’état politique des Gaules. Il a su ajouter, il est vrai, aux preuves qu’il avait offertes des preuves nou- velles : dans un ou deux endroits même, son style a acquis de l'élégance, On a particulière- ment remarqué la peinture d’Ogmios, l’'Hercule des Celtes, et ce morceau , traduit ou imité de Lucien, a montré que l’auteur pouvait décrire avec succès, et donner de la couleur à son style. Mais après avoir accordé à ce morceau , et à un petit nombre d’autres, des éloges justement mé- rités, 1l convient de faire la part de la critique. Cet ouvrage, privé d’une introduction, est divisé en cinq sections. On y trouve sans doute une grande partie de ce que les anciens auteurs nous ont laissé sur le sujet proposé; néanmoins quel- ques erreurs déparent ce grand travail. A la froi- deur de la composition, on voit que l’auteur n’a fait qu'accumuler des autorités, qu’il a placées dans des divisions nécessaires ; mais jamais des aperçus ingénieux , des idées saïllantes, des traits remarquables, ne viennent animer ces longs paragraphes, et faire naître l’admiration ou la surprise. Une érudition classique était indispen- sable, et devait caractériser sans doute un tra- vail de ce genre; mais, en avouant que lau- teur a montré qu'il connaissait les pures sources de l'antiquité, on a reconnu qu’il n’a déployé nulle part le talent d'observation qui doit carac- tériser lécrivain ; et 1l faut convenir d’ailleurs RAPPORTS. 105 qu’il n’a pas toujours réuni les autorités qui de- vaient servir à appuyer ses explications. À peine a-t-il parlé des monumens gaulois, si nombreux encore sur notre sol, et il a paru ainsi être étran- ger à toutes les découvertes qui depuis trente ans ont illustré les archæologues français; découvertes qui devaient lui offrir des renseignemens précieux, et enrichir son travail d’un grand nombre de traits que n’ont pu lui fournir les écrivains dont il a recherché les témoignages. L'auteur n’a donc montré dans son second essai qu'un peu plus de talent comme écrivain; mais il n’a ajouté qu’un petit nombre de faits à ceux dont il avait déjà offert le recueil, et il n’a point coordonné avec art les matériaux qu’il avait ras- semblés avec un luxe qui semblait promettre à PAcadémie un ouvrage digne d'elle. Le bureau général a donc pensé que la Dissertation inscrite sous le n.° 1, et qui porte pour épigraphe ce vers de Térence : Nihil tam difficile est, quin quærendo investigeri possit , quoique renfermant des chapitres qui jettent beaucoup de clarté sur nos origines et notre his- toire, ne méritait point le prix extraordinaire; mais que les excellens morceaux qu’on y remar- que doivent engager l’Académie à accorder à lau- teur une mention très-honorable , et que son Mémoire pourrait être inséré dans nos Recueils, si la Compagnie jugeait convenable de publier les ouvrages présentés à ses Concours. 186 INSCRIPTIONS ET BEI LES-LETTRES. Nous n’aurions dit que peu de chose sur la Dissertation inscrite sous le n.° 2, sans un incident assez remarquable. Dans ce Mémoire, Pauteur parut s'être égaré sur les pas du faux Bérose, d’Annius de Viterbe et de quelques autres écrivains qui ont substitué des fables à la vérité, ou qui ont voulu remplir à leur gré les lacunes de notre ancienne histoire. Le bureau général, plaçant hors de concours ce Mémoire, avait cependant rendu hommage aux intentions de l’auteur, qui, en annonçant que l’a- mour de la patrie l’avait seul engagé à traiter le sujet proposé, semblait par cela même digne de l’indulgence de l'Académie. Mais eet écrivain s’est présenté de nouveau, abjurant le Mémoire offert en son nom, déclarant qu’il n’était point son ou- vrage, et qu'il ne contenait que la réunion de quelques notes qu'il avait rassemblées sans or- dre. Il vous a même transmis un nouveau Mé- moire qui porte pour épigraphe les mots Utile dulci; mais la Compagnie ayant déjà annoncé que le concours était fermé, le bureau général n’a pu s'occuper de cet ouvrage. Seulement le rap- porteur a pu le lire, et il n’y a pas vu, sans quelque étonnement, des recherches précises et classées avec ordre, et une érudition à laquelle le premier Mémoire, présenté au nom de l’auteur, ne nous avait pas préparés. On s'aperçoit chaque jour, et on ne peut trop le répéter, que les découvertes de l’érudition et de l’archæologie , long-temps dédaignées par des RAPPORTS. 197 écrivains superficiels, ont enfin obtenu , dans l'estime publique, la place qui depuis long-temps leur était assignée par tous les bons esprits. Ils méconnurent donc le caractère national, ceux qui osèrent avancer «que le Français est né pour créer, mais que l’activité de son génie est le tyran de sa sagesse; que l'examen est un esclavage qu’il supporte avec impatience; que son imperturbable sagacité saisit les élémens de toutes les choses; mais qu'il dédaigne trop souvent de considérer les chaînons qui les unissent , et qu’enfin la viva- cité française, toujours plus créatrice que stu- dieuse, au lieu de chercher lentement à démêler le nœud de la question la plus diMicile , use de la pénétration dont elle est douée, comme Alexandre de son glaive.» Ce sont, on le sait, des Français qui ont exploré les premiers les champs de la Troade, qui ont retrouvé la place qu occupait antique ions et les tombeaux des guerriers immortalisés par emo ce sont des savans français qui, s’unissant à toutes les chances d’une guerre lointaine, ont décrit les restes majes- tueux de Thèbes, de Philæ, d'Ombos et d'Apol- linopolis. La contrée célèbre où régnèrent les Pharaons et les Ptolémées, soumise par nos armes, a été conquise aussi par les archæologues fran- çais, et si le combat des Pyramides a effacé le douloureux souvenir de la Massoure, les travaux de l'institut d'Egypte ont prouvé que le génie national pouvait prétendre à toutes les palmes, et recueillir toutes les gloires. Mais, ainsi que nous 188 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Pavons déjà fait sentir, ce génie ne devait pas se borner à la recherche de ce qui est étranger à la France, et ne porter son flambeau que dans des régions livrées à la barbarie. La Gaule antique, ou plutôt la France elle-même, demandait que œil de la critique examinât les titres de son origine et les monumens de son berceau. L/Aca- démie de Toulouse a constamment et profondé- ment senti tout ce que l’ancienne histoire des Celtes, nos aïeux, pouvait ajouter à lillustration nationale ; elle savait que ce n’est point toujours dans les historiens généralement étudiés que l’on trouve le plus de détails précieux sur les anciens peuples; elle n’ignorait point que la renommée de la splendeur celtique ne rencontra point , dans la marche des siècles, de plus grand obstacle que Porgueil des Grecs et des Romains. Maîtres du monde, les uns par l'autorité des connaissances, les autres par la force des armes, ils ont voulu que lère de la grandeur et de la renommée com- mençât à leur époque. Ainsi l'influence d'Athènes et de Rome, tenant sans cesse dans sa dépen- dance les opinions des hommes dont le génie su- périeur dirige, ou par les discours ou par les écrits, les opinions du vulgaire, a tendu cons- tamment à dégrader, à avilir, à faire mème ou- blier des peuples dont la philosophie, le courage, le faste même leur faisait ombrage. Cet esprit se reconnaît à lincorrigible affectation , commune aux Grecs et aux Romains , de qualifier de Bar- bares tous ceux qui n'étaient pas citoyens de la RAPPORTS. 109 ville de Minerve ou de celle de Romulus. «Quel écrivain aurait osé, dit un de mes anciens con- frères, célébrer devant Péricles la pompe de ces Arvernes gaulois dont les demeures étincelaient d'or, et qui sur des chars d'argent promenaient dans les combats et leur fierté et souvent la vic- toire ? Quel poëte, dans les festins de Corinthe et dans les jeux d’Olympie, eût osé chanter ou les coupes des Vénètes, ou lindustrieuse agilité des Eduens ? Serait-ce dans Sparte, dont le rigorisme cynique diffère tant de la mollesse de ses sœurs, que, par un raffinement d'or- gueil, on eût vanté les laines somptueuses des pasteurs Bituriges ? Quel téméraire aurait dit à Marcellus, aux Scipions, à Pompée, à César : « Ces armes que vous portez, vous les tenez des Gaulois ?» L'Académie n’ignorait donc pas que les recherches sur les peuples Celtes pouvaient paraître d’abord peu fructueuses; mais elle était persuadée qu'il existait dans Strabon , dans Elien , dans Athénée, dans Plutarque, dans Pline, dans Varron, dans Ammien Marcellin, dans les orateurs, dans les premiers Pères de l'église, dans les grammairiens même, mais sur- tout dans les écrits de César, une foule de faits dont la réunion pouvait servir à peindre en entier les Gaulois; elle connaissait la haute antiquité de ce peuple belliqueux, et d’après le témoignage de quelques écrivains et une tradition constante, elle pouvait lui attribuer une origine plus reculée que celle des Hellènes et des Latins. En eflet, dit un 190 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. auteur, ces Romains et ces Grecs dormaient encore dans les flancs de l'avenir, que déjà Sésostris et Belus fatiguaient la terre du poids de leurs mo- numens; et l’on peut conjecturer que les Druides étaient depuis long-temps les législateurs des Gau- lois, à l'époque où les Tarquins commencerent à embellir la cité qui devint ensuite la capitale de l'univers. Les monumens encore existans sur le sol que nous habitons, pouvaient fournir des in- dications précieuses à ceux que l'Académie appe- lait dans ses concours; mais ces écrivains devaient oublier, pendant quelque temps, les habitudes de l'enfance, voir sans émotion les ruines des édifices élevés par les dominateurs du monde, et écarter le sentiment admiratif qu’inspirent ces pa- lais, ces temples, ces portiques, silencieux or- phelins d'une grandeur qui n’est plus. Ce sentiment d’ailleurs n’est inspiré, suivant un écriväin, que par l’'égoïsme. Dans la majestueuse grandeur de ces masses architecturales, dans la noble harmonie de leurs proportions, dans la hardiesse, la légè- reté , l'élégance de leur exécution, cest la seule puissance de l’homme que l’on admire. Que lon place en effet l'observateur ordinaire entre les débris d'Athènes, les restes du Colisée et les im- menses Peulvan de Carnac , entre les ruines du Forum et les masses mouvantes du Huelgoat et de la Crouzette ? il reléguera ces masses, ces Peulvan, parmi les informes productions de la terre, pour admirer exclusivement les vestiges du Parthénon ou du Forum. «L?airain brisé où se RAPPORTS. 191 lisent encore dans Lyon les paroles de Claude, attachera Pattention de celui qui cent fois peut- être s’est assis avec indifférence sur le Dolmen où les Druides firent entendre leur voix. Ainsi, du fond de leurs tombeaux , les Grecs et les Romains persécutent encore en quelque sorte ces Celtes qui les précédèrent et qui leur survivent. » Les débris de quelques dieu x impuissans amusent la curiosité du vulgaire, et il laisse déserts les lieux où les Druides ennoblirent l’homme par lidée de Pim- mortalité de l'ame , effrayèrent les coupables et consolerent les justes par la peinture de l'avenir; enflammèrent les Gaulois de Pamour de leurs semblables, et donnèrent pour base à lédifice des vertus sociales, la bravoure et l’attachement à la patrie. Mais l'Académie devait espérer que ceux qui prétendraient à la palme qu’elle allait offrir, seraient animés autant par léur attachement à la patrie, que par la critique la plus judicieuse ; et que les préjugés de éducation qui nous pré- sente les Grecs et les Romains comme les sources de la renommée et de la vraie gloire, disparai- traient devant les découvertes des écrivains qui se présenteraient dans l’arêne ouverte à l’érudition et à Parchæologrie. Les vœux de PAcadémie nous paraissent rem- plis par l’auteur de la Dissertation inscrite sous le n.° 3, et qui porte pour épigraphe ce vers de Martial : Palladiæ non inficienda Tolosæ gloria. C'est Za Gaule antérieure à César qui a occupé écrivain auquel nous devons ce Mémoire. 192 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. L'auteur commence ainsi cette intéressante composition : « Toulouse brillait d’un grand éclat, alors que nul peuple encore n’avait inscrit le nom des Gau- lois dans ses annales. La gloire de cette cité, sa civilisation, sa réputation militaire, ont précédé l’arrivée des Romains. Saisi d’admiration pour cette’antique capitale des Tectosages, ils Pont surnommée Palladia, non parce qu’un temple de Minerve y fut élevé, mais parce que les sciences, les arts et les lettres en faisaient l'Athénée des Gaulois. Dans le moyen âge, Toulouse a plus qu'aucune autre ville contribué à la renaissance des lettres. Qui pourrait, sans émotion , rappeler le nom de Clémence Isaure ? Quel Français de- meurerait insensible à ces nobles jeux qui ont réveillé dans sa patrie tout ce que la poésie a de plus élevé, tout ce que l'enthousiasme produit de plus sublime ? » C’est donc à Toulouse qu'il appartient d’in- terroger sur ces époques reculées, dont le néant semblait s'être emparé pour jamais. En réunissant de toutes parts les débris échappés au naufrage des siècles, ils ne lui présenteront que des images contemporaines de son antique splendeur. Si j'ai bien saisi la question posée par l’Académie, elle désire connaître quelle était, avant l’arrivée des Romains, lexpression de la société; elle veut savoir si la contrée offrait aux regards de l'étranger un aspect inculte et sauvage, ou bien si lagricul- ture avait répandu sur le sol ses richesses et ses « U RAPPORTS. 193 bienfaits; il faut qu’on lui dise si l’on croit aper- cevoir dans nos aïeux ces conquérans farouches que les Romains ont flétris du nom de Barbares, ou bien si la religion, si les institutions publiques, si les sciences et les arts enfin n'étaient point ar- rivés à un tel degré de perfection qu’en plusieurs points les Romains et les Grecs eux-mêmes pris- sent les Gaulois pour modèles; en un mot, 'Aca- démie me paraît demander des résultats généraux et non des dissertations sur chaque objet en par- üculier. Elle exige sans doute que les auteurs des Mémoires aient lu tout ce que l'antiquité nous a laissé, aient comparé tout ce que les modernes ont accumulé de raisonnemens et de doctrines sur ces vieilles bases de l’érudition ; mais elle est loin de commander que l’on refasse tout ce qui a été écrit jusqu’à ce jour ; que l’on discute tout ce qui a été dit sur les immenses détails que fourniraient les subdivisions de sa question. La seule mytho- logie a donné deux volumes à dom Martin ; quatre n’ont pu suffire à Peloutier. » Néanmoins il nous sera impossible de nous abstenir entièrement de dissertations; et si la controverse a jeté ses ronces sur tous les pas de celui qui étudie la Grèce ou Rome ; si, malgré les grandes lumières de leurs écrivains , plusieurs points de leur histoire, de leurs mœurs, de leurs connaissances, restent pour nous des problèmes, comment le doute ne se serait-il pas répandu sur tout ce qui concerne une nation chez laquelle les souvenirs abandonnés d’abord au vague des tra- TOME It. PART. II. 13 194 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ditions, sont ensuite devenus l’héritage de con- quérans étrangers? Aussi voit-on nos ancêtres jugés de la manière la plus contradictoire. Ecoutez les uns, ce sont des hommes féroces, avides de sang, ne connaissant de la civilisation que la soif de l'or et la corruption la plus absolue. Voltaire n’a pas craint de dire : Détournons les yeux de ces temps horribles qui sont la honte de la nature. Les autres, au contraire, concentrent dans la philosophie des Druides toute la sagesse de luni- vers; ils leur accordent à un haut degré la science de l'astronomie et la connaissance de la nature. » L'on ne peut nier que chez les anciens même il ne règne une grande divergence dans les opi- nions des auteurs, et lon serait fort embarrassé si Von ne pesait d'abord la valeur des témoignages. Peut-être qu’un examen exact des autorités mon- trera les détracteurs des Gaulois parmi ceux qui les ont le moins connus, et sur-tout parmi les Grecs, qui, à raison de leur éloignement et peut- être de leur légèreté, ont trop souvent confondu, dans un même dédain, tous les peuples que par erreur ils appelaient du nom de Celtes. » Mais il ne faut point se borner à demander aux anciens des renseignemens sur notre patrie; il faut en parcourir le sol ; il faut s'arrêter devant la tombelle des champs, et chercher dans ses flancs la dépouille qu’elle recèle depuis deux milleannées. Il faut suivre au sommet des Vosges ces longues murailles dont les pierres entassées rappellent une antique lutte entre la civilisation et la barbarie. RAPPORTS. | 199 Le Cromlech, le Menhir , le Dolmen, parlent en- core à nos yeux sur toute la surface de la France, et sur les bords de l'Océan s'élève toujours cette majestueuse forêt de rochers dont les masses ran- gées sur onze lignes colossales étonnent l’imagi- nation par leur pesanteur. » Tels sont les monumens qui couvrent le ter- ritoire de da Gaule; ils attestent une civilisation, des arts et un culte qui du temps des Romains n’existaient déjà plus. Aucun de leurs auteurs ne nous parle des eflorts n1 des moyens par lesquels 300 milliers de granit s’élevaient subitement vers le ciel, et demeuraient debout sur leur base pointue. Cette base antique les soutient encore et les a fait survivre aux Romains, aux Barbares, au moyen âge. Les Etrusques établissaient, dans leur chronologie théologique , des semaines du monde; ils comparaient la durée de chaque nation à une journée de cette grande période. Sans doute le jour des Gaulois avait atteint son crépuscule! quand les Romains aperçurent encore quelques- uns des caractères qui distinguaient la nation. Mais nos monumens disent mieux que leurs au- teurs ce qu'ils avaient de grand; ils nous en ap- prennent plus sur la doctrine religieuse, sur la contemplation céleste , que ne pourrait faire Pécri- ture même. fls sont encore là, comme ces coquil- lages des sommets, comme ces forêts enfouies sous le sol , comme ces ossemens fossiles quiattestent que dans la.-nature il s’est fait de grandes révolutions. Rassembler les souvenirs épars dans les écrits de 13. 196 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'antiquité, les recueillir sur la pierre druidique ; en faire un ensemble et le soumettre au jugement de Pune des plus savantes Compagnies de l'Europe, c’est là un travail d’une exécution vaste et difficile; il exige des combinaisons et des rapprochemens qu'une critique éclairée peut seule opérer. » Après cette introduction, l'auteur rapporte et fait connaître les opinions de quelques écrivains sur l’origine des Celtes ; il en montre l’incertitude et le ridicule. Les étymologistes qui ont cru dé- couvrir le berceau de la nation par quelques com- binaisons ou jeux de mots, reçoivent ici le témoi- gnage du peu d’estime que l’auteur du Mémoire professe pour leurs explications. Il ne les rapporte pas toutes; car, dit-il, «il ne peut entrer dans nos vues d'entretenir l'Académie de tous les sys- tèmes imaginés par ceux qui, s’accrochant à une syllabe, lui font successivement parcourir toutes les langues de l'univers, et cherchent aux extré- mités orientales de l'Europe la racine d’un nom de l’Occident. » L'auteur indique ensuite quelle était vraiment la nation gauloise. À l’aide des témoignages de César et de Strabon, il Pisole des peuples barbares qui lenvironnaient, et il montre une érudition variée, non celle qui entasse toutes les autorités, mais celle qui sait distinguer et apprécier les témoi- gnages. Celle-ci est assurément la critique histori- que, et son flambeau dissipe les erreurs. L'écrivain auquelnousdevonscette belle Dissertation, fait voir combien s'étaient trompés ceux qui confondaient RAPPORTS. 197 une partie des Gaulois avec les Germains, et qui allaient demander à des tribus étrangères des no- tions sur le culte, les habitudes et les mœurs des Celtes. Une preuve, à laquelle ses devanciers n’avaient point songé, et qui lui sert à montrer combien jusqu’à présent on s'était trompé, est tirée des monumens. «Ils ne sont point les mêmes sur le sol de la Germanie que sur celui de la Gaule. On ne voit point, sur le premier, le Dolmen du Druide, et la forme des noms inscrits sur la pierre sculptée pendant la période romaine, n’a point les caractères de ceux qui, des Pyrénées jusqu’au Rhin, sont venus se mêler au culte des vainqueurs. Les traditions appartenaient aussi à une famille différente. Au delà du Rhin, elles n’ont rien de ces souvenirs, de ces superstitions qui ont survécu dans nos mœurs; tout enfin dans nos contrées parle hautement à l'observateur; tout confirme le langage de César et de Strabon. Que l’on cesse donc de rechercher parmi des hordes de barbares nomades, quelle était, au temps de César, la belle région que nous habitons, et sur-tout qu’on ne vienne plus demander aux Marcomans et aux Hérules des termes de comparaison pour juger des mœurs de l'habitant de la Cité de Pallas, ou même des habitudes du Belge, car celui-ci a donné ses usages aux Germains conquérans, et n’a point adopté les leurs. » Le Mémoire dont nous venons d'analyser en quelque sorte la préface, offre, selon la diversité des objets qui y sont traités, des divisions et des 198 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. subdivisions nécessaires, et quelquefois il joint ensemble des parties qu'un esprit moins métho- dique aurait peut-être entièrement séparées. Ainsi, les institutions civiles et politiques ayant entre elles des rapports immédiats, lauteur les a réunies. La première partie de son Mémoire est divisée en deux livres : le premier est con- sacré à l’Etat politique ; le second à l'Etat reli- gieux. Dans le premier livre, il s’occupe de la Gaule regardée comme une vaste unité politique et géo- graphique. I retrace ensuite les diverses invasions des Germains, et la présence de quelques autres peüples dans la Gaule : il examine les divers sys- tèmes sur la population de cette contrée, et les colonies qu’elle fonda ; les différentes formes de gouvernement qu'on y adopta, Pétat civil, les moeurs et les habitudes, sont ensuite l'objet de ses recherches , et il prouve en finissant, que les Gaulois ont eu des villes, opinion qui a eu des adversaires, parmi lesquels on compte M. Dulaure, auteur dune ffistoire de Paris. Le second livre devait offrir sans doute des ré- sultats non moins intéressans que le premier. On y trouve des notions étendues sur les ministres du culte, sur les sacrifices humains, sur la reli- gion nationale. La doctrine des classes élevées et instruites, les divinités que les Gaulois assimilè- rent aux leurs, les divinités que le syncrétisme watteignit point, les Génies et les Fées, tels sont les objets variés que l’auteur examine successive- | RAPPORTS. 199 ment et avec une érudition et une hauteur de pensée également rares. La seconde partie n’a qu'un livre; il renferme. tout ce que l’on sait, ou tout ce que lon peut apprendre dans l’étude des écrivains et dans celle des monumens, sur les connaissances que les Gau- lois avaient acquises dans les sciences et dans les arts. Ce livre est divisé en plusieurs chapitres, qui traitent successivement des sciences spécula- tives et naturelles cultivées par les Gaulois, de leur marine, de leur art militaire, des ponts et des routes, du commerce , des fabrications, et de Pagriculture. Le dernier chapitre est relatif aux beaux-arts, et l’auteur y examine en détail et avec soin l’état de la poésie, de la musique et de léloquence chez les Gaulois; enfin il donne quelques notions sur la peinture, la sculpture et l'architecture chez ce peuple antique. Nous avons dit que l’auteur s'attache à montrer d’abord que la Gaule formait une vaste unité po- litique et géographique. « De toutes parts, selon le Mémoire que nous analysons, la nature a pris soin de marquer les limites de notre territoire, et de le séparer d'avec celui des autres peuples. Des que ceux-ci viennent sy établir par la conquête ou par la colonisation , ils sont les ennemis de la na- tion qu’ils ont quittée, et font partie de la fédé- ration générale des Gaulois, dont ils adoptent les lois et la religion , et dont, peu à peu, ils pren- 200 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. nent les mœurs et la civilisation. On ne peut mé- connaître un lien commun entre tous les états qui, des Pyrénées à la mer du Nord, ont reçu le nom de Gaule. Il fallait bien que ce lien existt, puisque les différences notables que lon remar- quait dans tous ces peuples (et qui devaient suffire pour que l’on ne les confondit pas avec les autres), n’ont pas empêché qu’on ne les comprit tous sous le nom de Gaulois. I faut donc que dans leurs moœurs, dans leurs habitudes et jusque dans leurs langues, il se soit trouvé des raisons palpables de les réunir sous une même dénomination. César a dit à la vérité : Hi omnes linguæ institut legibus inter se différunt ; mais ce passage n’a rien de contraire à notre opinion. La Gaule était une grande contrée divisée en une quantité d'états fédératifs, jouissant chacun séparément d’une portion considérable des droits de souveraineté. Ainsi chaque peuplade de la confédération pou- vait faire la guerre, ou entreprendre pour son propre compte des expéditions lointaines ; elle pouvait se gouverner monarchiquement ou cons- tituer une république; elle pouvait encore mo- difier ses lois civiles, de telle sorte que le droit de succession ne fût pas le même à F/liberis qu'à Noviodunum , et en ce sens César a pu dire : ëns- titutis legibus inter se différunt. N n’y a pas long- temps encore que cela était vrai du droit civil : «La langue, sans doute, si l’on en excepte le mélange du latin survenu depuis, subissait à peu près les mêmes modifications qu'aujourd'hui. Le RAPPORTS. 201 Basque, le Bas-breton et l'habitant des bords du Rhin, réduits à leurs idiomes particuliers, ne s’entendraient pas davantage ; mais alors, comme aujourd’hui , ils faisaient partie de la même na- tion. Strabon fait d’ailleurs entendre que ces dif- férences de la langue étaient peu prononcées ; car après avoir excepté les Aquitains , plus semblables aux Ibères qu'aux Gaulois, il ajoute que les autres Gaulois se ressemblent ; qu’à la vérité ils ne par- lent pas la même langue, mais qu’ils différent très-peu les uns des autres à cet égard. » Ces nuances dans les institutions, dans les lois, dans la langue, ne prouvent donc rien contre l'existence d’une confédération univer- selle, soumise à des lois générales, ayant des rites religieux communs à tous les membres de ce grand corps politique. Nous verrons dans Ja suite cette fédération unir plus dune fois ses eflorts pour la défense ou pour la délivrance du territoire, mais alors seulement que toute la Gaule était menacée d’oppression. La ligue se montre peu soucieuse des invasions par- tielles.…. » Cette citation suffit pour montrer quel est le système de l’auteur, et il fait remarquer, pour éviter des objections qu’on aurait pu lui adresser, qu'il parle de la Gaule à l’époque de l'invasion, et lorsque cet état était sur son déclin. L'union devait être encore beaucoup plus étroite entre toutes les parties de la nation , avant qu’elle eût perdu lentier sentiment de son antique dignité, 202 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. le souvenir de ses conquêtes , et cette force qui l'avait fait triompher sur tant de champs de batailles, et dans les contrées les plus loin- taines. IL nous serait impossible de suivre l’auteur dans tous les détails, dans tous les rapprochemens in- génieux sur lesquels il appuie ses idées. L'ouvrage même doit être lu en entier pour bien suivre l’en- chaînement des idées et les preuves qui se présen- tent en foule. Mais bien que formant une vaste unité géogra- phique et politique, la Gaule, partagée en une foule de tribus, « devait subir les conséquences des luttes éternelles des factions, et reconnaître tantôt la suprématie d’un état, tantôt celle d'un autre : c’est ce que nous apprennent formellement les historiens. Un passage de Tite-Live fait même beaucoup en faveur de cette prépondérance. Il la met au profit des Bituriges, jusqu'à dire qu’au temps d’Ambigat, c’était cette nation qui donnait la loi à un tiers de la Gaule appelée Celtique : Penes Bituriges summa, imperü in regem Celtice dabant. Ou Tite-Live a été mal informé (ce que lon peut croire }, ou le lien fédératif des Gaulois s’est rompu de Tarquin à César; car ce conquérant ne trouve plus de roi dont la domination fût aussi étendue. Il n’est question que de la prééminence des Sequani et des Arvernes , et d'autre part de celle des Edui; enfin de celle des Remi, qui suc- cédait au pouvoir des Sequani , et sil n'est plus parlé du chef pour un tiers de lo Gaule, si les RAPPORTS: 203 Belges, les Celtes, n’ont pas de maître particulier qui les unisse, on trouve par compensation à cette dissolution de la ligue, une union générale en ce sens , que les Remi Belges comptaient parmi leurs cliens un grand nombre de Celtes, et même les Carnutes , nation considérable chez laquelle se tenait l’assemblée générale des Druides... Cette assemblée est encore une preuve sans réplique de l'union politique de toutes les nations gau- loises. Si elle se tenait dans le pays des Carnutes, c’est par une raison de convenance pour toute la Gaule, le pays Chartrain en étant à peu près le centre, quæ regio totius Galliæ media ha- betur. » Après avoir ainsi montré que la Gaule formait un état vaste et puissant, l’auteur examine, comme nous l'avons annoncé , les invasions des Germains. Il en distingue sur-tout trois. La pre- mière, dont il n’assigne point l’époque , était déjà antique au temps de César ; ces Germains, « bar- bares que la civilisation , que la fertilité du sol avaient séduits, franchirent le fleuve pour jouir du bien-être de leurs voisins. Ces premiers conquérans se confondirent avec les Belges, et en adoptèrent tellement les mœurs , que celles-ci se communiquaient même à leurs voisins d’outre- Rhin. » La seconde invasion «fut faite par les peu- ples qui, venus aussi assez antérieurement à César, n'avaient pas encore perdu , lors de l’arrivée de ce conquérant, leur ancienne physionomie nationale. Ils commençaient néanmoins à participer à la fu- 204 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sion, et deux d’entreux, les Condrusi et les Eburons , étaient devenus cliens des Trevirois ; enfin ; la troisième eut lieu quatorze ans avant que César parût dans la Gaule ; ce fut alors qu'Ario- viste soumit les Æduens , et imposa de dures lois aux Sequani.» Les guerriers d’Arioviste ayant été chassés par les Romains , il paraît démontré que les invasions dont il est parlé dans ce paragra- phe r’altérèrent point lunité de la Gaule. l’auteur montre ensuite l'existence d’autres peuples dans cette contrée, et il passe ensuite à des recherches sur la population , recherches faites avec conscience, avec succès, et qui montrent, Suivant nous, combien la nation gauloise était _ forte aux époques les plus reculées de son histoire. L'auteur en trouve de nouvelles et d’incontestables preuves dans la formation de ces nombreuses colo- nies, qui portèrent la terreur du nom Gaulois jusque dans l'Asie mineure ; colonies qui, suivant Justin, étaient dues à un excédant de population : Galli abundante multitudine , quim eos non Caperent terræ quæ genuerunt trecenta millia hominum ad sedes novas queærendas , velut ver sacrum ; muüserunt. Tite-Live assigne une même cause à l'émigration qui eut lieu sous le règne d’Ambigat. César et Tacite peuplent de Gaulois les côtes de la Bretagne; Ptolémée y trouve des Parisi et des Atrebates ; l'Espagne fut couverte de tribus gauloises ; Strabon , Pline, Ptolémée L nous les font connaître; les Celtibères n’étaient qu'un mélange de Gaulois et d'anciens habitans RAPPORTS. 205 de l'Espagne ; des Celtes existaient aussi dans la Lusitanie. Le nom de Toulouse, imposé à plusieurs points de la Péninsule , semble indiquer la présence des J’olcæ Tectosages dans ces régions. Qui ne connait les colonies gauloises fondées en Italie? celles qui sétablirent en Allemagne ne sont pas moins célèbres. Tacite, ainsi que le remarque judicieusement l’auteur du Mémoire, Tacite re- gardait les Æelvetit et les Boii comme des Gau- lois , occupant des positions de la Germanie. César et Strabon nous montrent les Z’o/cæ T ectosages établis près de la forêt Hercynie. Si l’on réfléchit un instant aux difficultés d’une telle expédition, pour un peuple dont les limites touchaient aux Pyrénées, et qui ne s’étendait guère au delà du Tarn, on ne peut qu'admirer l’héroïsme qui ani- mait les guerriers qu'il envoyait chercher de nou- velles terres. «Cest de la forêt Hercynie, et non de la mé- tropole, que quelques écrivains ont fait partir, trois cents ans après, les Gaulois Tectosages qui prirent part à l'expédition de Brennus contre Delphes. Mais, dit Pauteur du Mémoire, l'on ne fait pas attention que Strabon (lequel assigne la Phrygie à la première émigration des Tectosages), après avoir examiné ce qui concerne cette première émi- gration quant aux Trocmi et aux T'olistoboï, re- vient évidemment à Toulouse, dont il s’occu pe dans le moment même , de telle sorte qu'il semble dire qu’il en est sorti une nouvelle émigration…. Si Les trésors de Toulouse y sont venus de Delphes, 206 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.: si les Tectosages échappés au carnage ont sauvé dans la métropole le butin qu'ils avaient fait, il sera difficile d'admettre qu'ils n'étaient que les descendans des compagnons de Sigovèse, car alors la patrie qu'ils devaient rejoindre était près de a forèt Hercynie; ils ne connaissaient pas l’autre; ils n’étaient pas sûrs d'y être reçus, et le trajet était beaucoup plus long. Je crois donc que lexpé- dition de Delphes était récemment sortie de Tou- louse, et quant à celle de la forêt Hercynie, je ne crois pas non plus qu’elle soit la même que celle de Sisovèse, car Strabon y donne le principal rôle aux Tectosages. Les autres peuples les sui- vent. C’est ce qui ne serait pas arrivé si Sigovèse avait été le chef, puisqu’alors la suprématie ap- partenait au Berry. D’alleurs Sigovèse ne pous- sait pas sans doute ses levées plus loin que la Celtique où régnait Ambigat , duquel il tenait ses pouvoirs. Séparons donc les Tectosages de l'expé- dition des Bituriges, et reconnaissons qu'aux Tectosages seuls appartient la gloire d’avoir fondé un état au delà du Rhin; qu'une seconde fois ils sont sortis de leur patrie pour effrayer la Grèce du nom Gaulois; enfin qu'ils l'ont porté jusqu’en Asie. » Il faudrait citer dans ce rapport la plus grande partie du Mémoire présenté au concours pour en faire connaître toute l'importance; et certes on ne reprochera pas à l’auteur Pabus de sa profonde érudition ; elle dissipe l'erreur; elle porte la lu- mière dans les portions les plus négligées de nos RAPPORTS. 207 antiques annales; et de toutes ses recherches il résulte une plus grande gloire pour la Gaule, une plus vaste, une plus solide renommée pour Tou- Jouse. Le même esprit de critique consciencieuse pa- raît dans le coup-d’œil que présente Pauteur sur les différentes formes de souvernement chez les Gau- lois. Ce morceau , qui sera consulté par tous ceux appelés dans la suite à écrire l’histoire nationale, est digne de tout ce que l’ouvrage nous a déjà présenté d’intéressant. En faire un extrait, ce serait aflaiblir une dissertation pleine de recher- ches et de démonstrations. Votre bureau général a cru, Messieurs, que nulle part encore on ne trouvait sur cette importante partie de lhis- toire du pays, des données aussi importantes, des aperçus plus ingénieux. On peut en dire autant de tout ce qui est relatif aux lois, aux insti- tutions, aux habitudes et aux mœurs, Ce n’est point un celtomane, ce n’est point non plus un dépréciateur de nos ancêtres , C’est un savant qui écrit sous la dictée de la raïson, de l’érudition et de la vérité. / Cest aussi sous les mêmes inspirations que l'auteur a prouvé que les Gaulois avaient des villes. Il démontre que ce n’est qu’en dénaturant le sens des mots civitas , wrbs, oppidum , vicus , ædifi- cium , que M. Dulaure est parvenu à donner quel- que importance à l’opinion contraire. Ici, lécri- vain auquel nous devons le Mémoire, reproduit les preuves qu'avait déjà présentées contre le 208 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. système de l’historien de Paris, l’un de nos plus savans archæologues, et l’on a cru reconnaître ici le même écrivain. M. Dulaure faisait des Gaulois une réunion de tribus barbares, sans lois, sans civilisation. L'auteur venge nos ancêtres, et ses démonstrations peuvent servir à prouver que cette antique Tolosa, d'où partirent tant de colonies devenues célèbres, n’était pas une fiction des his- toriens grecs et latins, mais une ville, une mé- tropole puissante. Le second livre de la première partie est, comme nous l’avons annoncé, consacré à l’état religieux de la Gaule. L'auteur s'occupe d’abord des ministres du culte, et considère avec un rare talentces Druides, si fameux, dontle pouvoir fut si étendu, dont la science fut si vantée. Ils ne faisaient point la guerre, ils ne payaïent point de tributs; enfin ils avaient l’exemption de toutes les charges. Placés entre la Divinité et le peuple , ils ne participaient en rien à ce qui pou- vait paraître onéreux. Leurs mains élevées vers le ciel, ne pouvaient exercer des professions mercenaires. « Les Druides avaient des colléges particuliers : partout il y avait des sanctuaires druidiques. » Les sacrifices humains, sur lesquels on a tant écrit, et qui ont produit des systèmes si opposés parmi les savans modernes, sont examinés ensuite et sous le rapport de la vérité historique et sous celui de la pensée religieuse; et ici l’auteur s’abs- tenant d’embrasser l'opinion de ceux qui voient RAPPORTS. 209 sans cesse les Druides répandant le sang des hom- mes sur les autels de la Divinité, combattant aussi celle de quelques celtomanes qui affirmaient que ces sacrifices affreux n’ont jamais existé dans la Gaule, ou que seulement on n’offrit pour victimes que des coupables condamnés par les lois; lau- teur, dis-je, appuyé sur les meilleures autorités, et principalement sur celles de César et de Strabon, examine en critique habile cette question si con- troversée, et y répand une lumière d’autant plus vive que les assertions hasardées des uns, et len- thousiasme des autres l'avaient entièrement obs- curcie. Après ces prolégomènes, l’auteur entre dans une discussion approfondie sur le système reli- gieux des Gaulois. Il croit qu’ils ont embrassé le dualisme, cette opinion que nous retrouvons chez tant de peuples antiques et modernes; et relative- ment à nos ancûtres, il présente une série de conjectures, de faits même, groupés avec art, mais que nous ne considérerons encore que comme susceptibles de produire dans la suite une contro- verse, d’où pourront jaillir des clartés nouvelles et inattendues. « La contemplation de Punivers, dit- il, était la principale occupation des Druides. Au fond des bois ils admiraient la voûte céleste; ils observaient le mouvement des étoiles , le retour des saisons et les révolutions de la nature. Chez une nation essentiellement agricole, les variations de Patmosphère n’ont pas dû attirer leur attention dans un moindre degré; les besoins de la culture TOME II. PART, IIe 14 210 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. comparés aux accidens de la température, ont dû créer dans leur imagination un bon et un mauvais principe, comme cela est arrivé à tous les peuples qui vivaient en présence de la na- ture, et dont les récoltes attiraient principale- ment l'attention. Osiris féconde l'Egypte, Typhon la désole; mais en Egypte le retour des mêmes phénomènes a fixé les symboles et les mythes : tantôt le mauvais principe triomphe, et tantôt il est anéanti, causant tour à tour la joie et le deuil d'Isis, qui est l'Egypte elle-même, fructifiée par le Nil ou desséchée par les vents d’'Ethiopie. » La Gaule n’ayant point de révolutions suivies régulièrement, ne put pas donner à son dualisme un caractère aussi prononcé ; mais la lutte des deux principes opposés s'aperçoit facilement dans Strabon ; elle est plus évidente encore dans les vestiges du culte de Mithra. » L'auteur croit que le culte de ce Dieu, origi- naire de la Perse , fut apporté dans les Gaules par les Phéniciens. On n’exigera pas, sans doute, que nous analysions ce morceau curieux, sujet, comme nous l’avons dit, à être controversé, mais qui an- nonce dans son auteur une profonde connaissance des anciennes théogonies : il s'appuie d’ailleurs sur le témoignage de Diogène Laërce. Selon cet écrivain, «la doctrine des Druides était que tout se change en tout. » Ils avaient donc deviné cet éternel mouve- ment de la matière, que d’illustres savans nous ont montré jusque dans les polvpes et dans les RAPPORTS. QT lichens; et ce mouvement, dont l'impulsion rési- dait dans le dualisme , n’était qu’un moyen entre les mains du Dieu suprême, auquel obéissait le monde. Quoi de plus naturel que de chercher ce Dieu au milieu des sombres et silencieuses forêts où l’écho retentit au loin , où le moindre bruit ré- sonne avec majesté, et nous remplit d’une sainte horreur ? tout y annonce la Divinité à lame ébranlée par les grandes impressions de la nature. La voix de l'ouragan parmi les cimes agitées semble celle d’un Dieu menaçant, et la chute du torrent qui se précipite du haut de la roche escarpée effraie l’imagination ,. comme le mur- mure d'un ruisseau lui fait concevoir de plus douces idées. L’antiquité des forêts était un motif de plus. Ces chênes, au pied desquels méditaient les Druides, on les croyait aussi vieux que la voûte céleste, et le culte des élémens, des arbres, des sources, se rapproche ainsi des vérités les plus sublimes. » Dom Martin a très-bien fait de dire que les Druides eurent une doctrine différente de celle du peuple. L'existence de lEtre infini, celie des deux principes, et peut-être même celle des génies, pouvaient être des objets de révélation comme dans le culte de Mithra, car il y a eu partout des initiés. Le peuple, au contraire, ne voyant en tout que linfluence momentanée de la Divinité, la * divisait à infini , et selon ses différentes branches d'actions. Ainsi les Gaulois ont eu un Etre sur- naturel semblable à Mars ; que ce soit Esus ou 14. 212 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Camulus, il nimporte; un autre semblable à Mi- nerve , eic., etc. » Mais lorsqu'on procède par analogie on ris- que de tout confondre, et il ne faut jamais s'étonner qu'un Dieu gaulois convienne à la fois à trois ou à quatre Dieux grecs ou latins : il n’y a pas identité, il n’y a que parité de formation ; et, pour n’en prendre qu’un exemple, Ogmius, selon Lucien, est Hercule : il a une massue, une peau de lion; mais cest un vieillard décrépit, chauve et faible; néanmoins il tient une foule enchaînée , et personne ne cherche à se soustraire à sa puissance. En vain dom Martin voudrait prouver que Lucien est dans l'erreur; cet auteur avait voyagé dans la Gaule; il mérite notre con- fiance, et tous Les efforts de son moderne adver- saire n’ont d'autre résultat que de nous montrer qu'il n’y a rien de plus vieux que le syncrétisme qu’on a voulu introduire entre les Grecs, les Ro- mains et les Gaulois. » Nous aurons donc à examiner, 1.° quels mys- tères en particulier dominaient sur les classes ‘élevées; 2.° quelles doctrines avait enfanté l’esprit plus borné du peuple, et en quoi elles pouvaient . différer de celles de Rome auxquelles on les a com- parées; 3.° nous traiterons des Divinités que le syncrétisme n’a point atteintes, et 4.° des influen- ces locales; 5.° enfin nous passerons aux supers- titions et aux usages populaires. » En commencant à s'occuper des divisions qu’il vient d'établir, et spécialement de la doctrine des RAPPORTS. 213 classes élevées, l’auteur, fidèle à son système, répète que tout ce que l’on peut savoir d’important sur les Gaulois est dansles écrits de César, et que, même sur les choses qu’il a indiquées et que nous Vaccusons d'avoir mal comprises, il a laissé assez de clartés pour éclairer ceux qui recherchent, sans esprit de système et dans le seul dessein d'obtenir la vérité, des notions exactes sur l’ancien état de la Gaule. Ce conquérant a dit : Deum maxime Mercurium colunt ; et parce que l’on s’est récrié, soit sur la fausseté de l’assertion , soit sur la bizar- rerie du choix des Gaulois, qui, de tout Olympe, auraient accordé leur préférence à un Dieu moins puissant, moins honoré que les autres, l’auteur cherche à démontrer que sous le nom de Mercure les Gaulois auront désigné le Créateur de l'univers, et la double puissance génératrice, le grand Mé- - diateur entre le bon et le mauvais principe; et qu'ainsi il faudrait reconnaître qu’on a bien fait de le placer si haut dans la vénération des peu- ples, «puisque dans les mystères il est lame universelle , le feu sacré, l’organe de toute géné- ration. » Nous devons renvoyer à la lecture même du Mémoire, qui sans doute sera bientôt publié, pour tout ce qui suit relativement aux grandes Divi- nités de la Gaule. Ce que l’auteur dit des Déités celtiques ou aquitaniques, moins célèbres, est à la fois judicieux, exact et important. Il a bien voulu parler de quelques découvertes de celui qui a lhon- neur de vous entretenir aujourd’hui, en citant les 214 INSCRIPTIONS ET BELLES-T.ETTRES. noms d'Æreda , de Bœæserte, d'Heliougmount , de Teotani , et de quelques autres que le syncré- tisme n’a pas atteint. Peut-être aurait-il mentionné un plus grand nombre de génies tutélaires de VAquitaine, si nos dernières recherches lui avaient été communiquées (1). Dans le paragraphe suivant, l’auteur traite des Génies, des Fées, des êtres d’un ordre inférieur, et que l’on retrouve dans la mythologie gau- loise. Ce passage est si serré, si substantiel, qu’il serait impossible d'en rien extraire. Il présente dans un court espace à peu près tout ce que l’on savait sur les autels dédiés Matronis Nœae , Ma- tronis V'acalli Nehis, Matronis Aserici Nehabus, Matronis Hamarehis , Rumæhabus, Romanehis, etc. Il parle et des Junons , Déités tutélaires des femmes (2), et des Déesses Maires, que les ins- criptions nomment Watres, Matræ, Mairabus. Dans une discussion courte et lumineuse, il énonce une opinion que beaucoup de savans partageront sans doute; 1l avance que ces déesses subalternes sont les mêmes déités que les Fées, dont nous (1) Il aurait alors donne les noms d’Alcassi, Averanus , Ageion, Aherbelste, Bascejandossus, Baicorrix , Dunsioni, Etieoi, Edelat, Expercennius, Fagus, Illumberri, Iscitus , Garri, Hepomariauli, Nethon , Xuban, Dieux Gaulois dont nous avons retrouvé les noms sur des autels antiques ; il aurait parlé des Six arbres déifiés, des Montagnes apothéosées , des Déesses Andli, Barça, Lahe, ete., dont nous avons aussi re- trouvé les monumens dans l'Aquitaine. (2) Relig. des Gaul. XX. 162. RAPPORTS. 215 retrouvons les noms, les monumens, les mythes dans nos forêts, sur nos montagnes et jusqu’au sein de nos villes, êtres surnaturels dont la mé- moire a survécu et à l’asservissement de la Gaule par les Romains, et à l’envahissement de cette partie de l'Europe par les nations barbares , et À l'établissement d’un culte dégagé de superstitions mensonpgères. Les Divinités champêtres, les Sulfæ, Suleviæ, Sylvaticæ , Voccupent ensuite, et il rappelle les canons des conciles, les capitulaires des rois, les rituels des églises qui ont proscrit l’adoration qui leur était rendue. Il compare les temps anciens avec les temps modernes ; il retrouve dans nos provinces , des Génies, des Déités que le peuple craint et révère,.les Crions, les Goricks , des Bretons, auxquels on pourrait joindre le Drac et le Cristallin des Languedociens. Un dernier paragraphe est consacré à quelques superstitions dont les traces se sont conservées, derniers vestiges du paganisme que l’on retrouve dans toutes nos provinces, et qui y subsisteront sans doute long-temps encore. Ce paragraphe, rempli de faits, en général peu connus, de recherches piquantes , de rapproche- mens ingénieux, termine le livre second et la première partie de la Dissertation. Des réflexions philosophiques y sont jointes, et l’on ne peut s'empêcher d’avouer avec l’auteur, « que si le Christianisme a été substitué au polythéisme, sil a étendu ses bienfaits à la classe moyenne, 216 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tandis que celle-ci chez les Gaulois partageait les erreurs populaires, on voit cependant au- jourd’hui même, parmi les hommes qui ont reçu de léducation, une foule d'individus que la faiblesse de leur esprit replonge dans la classe vulgaire. Combien de personnes instruites sous d’autres rapports deviennent peuple pour ces choses-là ! » C’est non-seulement d’après les écrivains, mais aussi d’après les monumens, qui offrent des té- moisnages bien plus assurés, que l'auteur a re- tracé l’ancien culte gaulois. Il a senti que les rochers bruts élevés en colonnades, en obélisques, en larges tables plates (1), ou placés en cercles immenses, des bords de PArmorique jusqu'aux rives du Var; que les autels Gelto-romains dé- couverts des côtes de la Zélande jusqu'aux cimes des Pyrénées, devaient être consultés par lui. Ainsi il a fait une heureuse application de Par- chæologie à l’histoire, si mème il n'a prouvé que ces deux sciences n’en forment qu’une seule, (1) Nous n’adoptons pas l'opinion émise par tant d’archæo- logues au sujet des tables plates ou Dolmen : ils ÿ voient des autels. Ayant assisté à des fouilles faites sous des monumens de ce genre dans les départemens de Tarn-et-Garonne et du Tarn, toujours nous en avons vu retirer des ossemens hu- mains, des haches de pierre , des vases grossiers : nous n'y reconnaissons que des tombeaux, et les recherches de nos amis dans plusieurs départemens , et entr'autres dans celui de l'Hérault, confirment en entier notre opinion. (Note du Rapporteur.) RAPPORTS. 217 qui conserve pour nous, et pour nos derniers neveux , les importans souvenirs des anciens jours. La seconde partie de la Dissertation est rela- tive, ainsi que nous l'avons dit, aux connais- sances que les Gaulois avaient acquises dans les sciences et dans les arts: elle est divisée en plusieurs sections, L'auteur traite d’abord des sciences spécu- latives et de la philosophie; et si nous n’adoptons pas en entier ses idées sur les Druides, nous de- vons rendre hommage à la pensée qui a présidé à la rédaction de ce chapitre. Il a voulu manifester la vérité sur une matière très-controversée, et où, d’un côté, un enthousiasme aveugle, et de Pautre une haine profonde, n’ont pu apporter une lumière suffisante. «Nous avons parlé de Pythagore, dit ensuite l’auteur; on a reproché aux Grecs d’avoir usurpé pour eux ce grand homme. De graves écri- vains le font naître en Etrurie et non à Samos, et saint Clément d'Alexandrie le fait disciple des Druides. En général, quand on pénètre plus avant dans l'étude de l'antiquité, on ne peut méconnaître un fait, cest que l’Orient professait comme une vérité mystérieuse que de grandes lumières avaient brillé sur Occident long-temps avant les siècles que l’on a fixé au moyen des dates. Les rocs en- tassés, les autels gigantesques ou arrondis en cercles religieux, les monumens où la nature sau- vage a vu l’homme faire des efforts et produire des résultats que ne conçoit plus l’histoire moderne, sont encore debout, et nous défendent de rejeter 218 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. cet antique hommage rendu par la Grèce civilisée aux peuples de POuest. La pierre de Carnac a frappé la vue de César, qui s’est tu devant ces masses majestueuses, parce que déjà la tradition avait cessé de se faire entendre, et parce que ce grand homme, qui écrivait avec la rapidité avec laquelle il était accoutumé à vaincre, ne donnait point de place aux dissertations etaux conjectures. Il y a donc derrière l'antiquité une autre anti- quité dont la tradition ne nous parle plus; elle est expirée, parce que, semblable à l'écho, elle ne répète qu’un certain nombre de fois, et, comme lui encore, s’affaiblità chaque nouvellearticulation. » Soit donc que la doctrine des Druides remonte à ces temps d’une haute civilisation et d’un ordre détruit sur lequel on a débité tant de songes, soit qu’elle ait simplement précédé la doctrine des phi- losophes grecs, il n’en faudra pas moins recon- naître qu’elle a justement excité l'admiration des peuples. » Votre bureau général a relu plusieurs fois tout le chapitre Lo aux connaissances spéculatives des Gaulois, et il a remarqué dans cette 1impor- tante partie du Mémoire une raison élevée, une critique sévère et des inductions tirées de ce que lon fait sur ce sujet ; inductions toujours ingé- nieuses, et dont il faut bien se contenter après une si longue suite de siècles écoulés. La dicuesion sur le dogme de Pimmortalité de Vame, adopté par les Grulois, est du plus grand intérêt. RAPPORTS. 219 On lit aussi avec plaisir ce que l’auteur a écrit sur les connaissances astronomiques des Druides, connaissances qui, suivant lui, étaient fondées sur les mathématiques. Il admet la présence de Pytha- gore dans les Gaules, et dès-lors la géométrie a dû y être connue. «Peut-être , dit-il, serait-ce une erreur de refuser à l'astronomie gauloise le secours des mathématiques, puisque Pythagore, l’inven- teur du carré de l’hypothénuse, a foulé le sol de notre patrie comme maître ou comme disciple, et que, comme maître ou comme disciple, il a dû communiquer et recevoir par un généreux échange de connaissances et de lumières... César dit que les Druides s’occupaient aussi à mesurer la gran- deur de la terre. Que de choses dans ce mot ! la grandeur de la terre! ! Ils avaient donc des no- tions sur son étendue, sur sa configuration; et quelqu’erronées que dussent être ces notions, que de rapports de voyageurs, que de renseignemens il a fallu recueillir pour concevoir seulement que ce püt être là l’objet d’une science !! » L'auteur parle aussi des connaissances nauti- ques et géographiques des Gaulois, de leur année et de leur calendrier; il montre qu’ils avaient en botanique des notions assez étendues, et qu’il en était de même en médecine : il examine leur es- prit militaire, l’organisation de leurs troupes et leur tactique. De graves erreurs que l’on trouve sur ces divers points dans les écrivains, sont ré- futées avec force, avec sagacité par notre auteur. Il s'occupe ensuite et des ponts, et des routes, et du 220 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. commerce de nos aïeux ; il parle de leur numis- matique, trop peu étudiée par nous, et que Île savant Eckel n’a pas dédaignée. En parlant de l'industrie et des manufactures des Gaulois, 1l dit: «Pline, en parcourant le vaste domaine des arts, a créé pour nos ancètres une source de sou- venirs glorieux. » Et en effet, comme nous Pavons déjà dit, c’est à eux que l'antiquité dut une grande partie des arts utiles et même de luxe. Les mé- thodes agricoles avaient acquis chez eux une grande perfection , et Pauteur montre qu’à ce sujet Strabon a été mal interprété, et que Justin s’est trompé en attribuant la prospérité de Pagriculture des Gaules à la fondation de Marseille. Il passe ensuite à l’éloquence, à la poésie, à la musique, à l'histoire et aux arts dépendans du dessin. Ainsi, le programme de l’Académie est entièrement rem- pli, et, nous pouvons le dire, avec cette profon- deur, cette étendue que les sociétés savantes de nos provinces ne trouvent que bien rarement dans les ouvrages de ceux qui se présentent dans les concours. Aussi votre Bureau général , pénétré de l’importance de la Dissertation qui porte pour titre la Gaule antérieure à Jules César, et pour épigraphe ce vers de Martial : Palladiæ non inficienda Tolosæ gloria , vous propose de lui décerner le prix proposé (x). (1) Cette proposition a été accueillie à l'unanimité, et le prix a été donné à M. DE GOLBERY , conseiller à la cour royale de Golmar, chevalier de la légion d'honneur, corres- RAPPORTS. 221 En le faisant, vous couronnerez l'ouvrage d’un archæologue, qui s’est montré à la fois judicieux critique, écrivain élégant et ami de la vérité. La vérité! cest elle qui venge aujourd’hui nos an- cêtres des reproches absurdes, des calomnies dont quelques auteurs ont voulu les flétrir. Mieux ins- pirés, ceux qui ont paru dans ce concours, ont dit avec le premier des soldats, avec le descendant des Turenne, le savant et modeste Latour-d’Au- vergne, que l’île d’Albion, la Lusitanie, une portion considérable de l'Espagne et une autre non moins étendue de VItalie, la forêt Hercynie, la Phrygie même reçurent des colonies gauloises; que l’Asie ne fut point le seul berceau des sciences religieuses, la Grèce le seul asile de la liberté. Ils ont montré que tout ce qui dans la moyenne Europe dépasse l’horizon historique, tout ce qui y paraît éternel par les masses et limmobilité, porte une inauguration celtique. Ils se sont rap- pelés sur-tout qu’en écrivant sur les premiers temps de la Gaule ils acquittaient une dette en- pondant de l’Institut ( Académie des Inscriptions et Belles- Lettres), de la Société royale des Antiquaires de France , auteur de cette excellente Dissertation et de plusieurs ouvrages juste- ment estimés. Une mention très-honorable a été accordée à M. Laxceror, auteur de la Dissertation inscrite sous le n.° 1 , et qui porte pour épigraphe : Nihil tam difficile est, quin guærendo investigari possit. MM. pe Gozsery et LANCELOT ont en outre été nommés Associés correspondans de l’Académie. 222 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. vers leur pays;et, en parcourant une carrière qui n’a pas été pour eux sans honneur, ils ont pu se rappeler ces paroles de Végèce, citées par Latour- d'Auvergne, qui devait cependant placer bien haut la gloire des armes : « Le souvenir des ac- tions de la valeur guerrière peut s’effacer, mais celui des écrits consacrés à la patrie doit être éternel (1)! » D CN A aa el, me Rae AT RTL Lai es: à LEURS (1) Unius œtatis sunt res qu fortiter funt ; quæ verd vro patria scribuntur , œternæ sunt. DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. DISSERTATION SUR ARISTOPHANE. “| Par M. FLEURY LÉCLUSE. Ur poète qui, pendant quarante ans, fit les délices de la scène attique, qui sut réunir le double mérite de plaire et d’instruire, et qui, entouré de plu- sieurs redoutables rivaux, a seul échappé au naufrage général, est peut-être digne de captiver quelques instans votre attention. Il avait affaire à des spectateurs assez difficiles : « Les Athéniens, dit notre immortel Racine, savaient apparemment ce que cétait que le sel attique; et ils étaient bien sûrs, quand ils avaient ri d’une chose, qu'ils n'avaient pas ri d’une sottise (1). » Le beau siècle de Périclès vit éclore les plus brillans chefs-d’œuvre dramatiques. D’un côté, Eschyle, Sophocle et Euripide ont franchi un espace de plus de 2000 ans, pour féconder lima- gination de nos poètes tragiques. De l'autre, Cra- tinus, Eupolis et Aristophane, et après eux Philémon et Ménandre, ont inspiré Plaute, Té- rence et Molière. Comment se fait-il que, parmi {1) Préface des Plaideurs. TOME II, PART, II. 15 226 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les poètes comiques grecs, le seul Aristophane soit parvenu jusqu’à nous? Voltaire, qui n'avait jamais lu Aristophane dans sa langue, s'exprime ainsi à son sujet : «Ce poète comique, qui n’est ni comique ni poète, n’aurait pas été admis parmi nous à donner ses farces à la foire Saint-Laurent. » La Harpe, en fidèle disciple, cherche à justifier l'opinion de son maitre. « Pourquoi, s’écrie-t-il, est-il si malaisé d’en- tendre Aristophane, tandis que nous lisons avec délices les pièces de Térence ? » La réponse est facile; c’est que, généralement parlant, la langue latine nous est plus familière que la grecque. « Je me transporte, continue-t-il, sur le théâtre d'Athènes ; on annonce une pièce d’Aristophane, et je m’attends à bien rire. Mais, au bout de trois actes, je prie mon voisin de vouloir bien avoir pitié d’un pauvre étranger, et de m'expliquer charitablement ce que signifie ce singulier spec- tacle, où je n’ai pas trouvé le mot pour rire. J'étais venu voir une comédie, et je ne croyais pas avoir à deviner des énigmes. » Mais un Anglais, qui se transporterait sur la scène française, ou un Français sur la scène an- glaise, pourraient-ils se permettre de condamner, lun Molière, et l’autre Shakespeare, parce que les dialogues les plus animés ne leur présenteraient qu’une longue suite d’énigmes ? Et notre Quin- tien français est-il bien fondé à porter, sur un DISSERT À TIONS. 227 poète dont il n'entend pas la langue, le jugement suivant ? « Supposons un composé de l'esprit de Rabelais, des lazzis d'Arlequin, des farces de Scaramouche, des herangues des charlatans du Pont-Neuf, et des parades du Boulevard, et qu'au milieu de toutes ces farces, grossièrement bouffonnes, on distinguât un fonds d'imagination, quoique très- déréglée, un esprit fertile en inventions satiri- ques, et une sorte de verve sans aucun goût, ce serait notre Aristophane (1). » A ce jugement du Quintilien français opposons celui du Quintilien latin : « Antiqua comædia , cum sinceram illam ser- monis attici gratiam prope sola retinet, tum fa- cundissimæ libertatis ; etsi est in insectandis vitiis præcipua, plurimum tamen virium etiam in cæ- teris partibus habet. Nam et grandis , et elegans , et venusla , et nescio an ulla, posé Homerum tamen , quem, ut Achillem , semper excipi par est, aut sumilior sit oratoribus, aut ad oratores fac'endos aptior. Plures ejus auctores : ARISTO- PHANES tamen, et Eupolis, Cratinusque præ- Cipuui. » Cicéron reconnaît aussi Aristophane pour le meilleur poète de l’ancienne comédie : ÆAristo- phanes facetissimus poeta veteris comædiæ. (1) Dans deux Mémoires lus précédemment à l'Académie (24 août 1823 et 29 avril 1824), Fauteur du présent Mémoire avait déjà traité plusieurs points de Critique littéraire, et vengé Hésiode et Théocrite des sarcasmes de La Harpe. ris 4 228 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Horace ne pense pas autrement, dans une de ses satyres qui commence par Ce vers : Eupolis atque Cratinus, Aristophanesque poetæ , etc. Tels sont, parmi les anciens, les témoi- gnages favorables des grands maîtres en fait d’éloquence et de bon goût, auxquels per- sonne ne sera tenté de comparer Voltaire ou La Harpe. Parmi les modernes, j'ai déjà cité celui de Racine; je vais y joindre celui d’une femme il- lustre, qui a consacré sa vie entière à l'étude des muses grecques. « Jamais homme (s’écrie M."° Dacier, qui avait lu 70 fois Aristophane), n’a eu plus de finesse que lui pour trouver le ridicule, ni un tour plus ingénieux pour le faire paraître. Sa critique est naturelle et aisée; et, ce qui se trouve fort rare- ment, il conserve beaucoup de délicatesse dans une grande fertilité. En un mot, l'esprit attique que les anciens ont tant vanté, paraît plus dans Aristophane que dans aucun autre auteur que je connaisse de l'antiquité. Mais ce qu’on doit le plus admirer en lui, cest qu'il est toujours si bien le maître des matières qu'il traite, que sans se gêner, il trouve le moyen de faire venir natu- rellement des choses qui auraient paru d’abord les plus éloignées de son sujet; et que ses ca- prices, même les plus vifs et les moins attendus, paraissent comme des suites nécessaires des inci- dens qu'il a préparés. Cest cet art qui rend imi- DISSERTATIONS. 229 mitables les dialogues de Platon, qu’on doit re- garder comme autant de pièces de théâtre, qui ne divertissent pas moins par l’action que par le discours. Le style d’Aristophane est aussi agréable que son esprit; outre la pureté, la netteté, la force et la douceur, il a une certaine harmonie qui flatte si agréablement l'oreille, qu'il n’y a rien de comparable au plaisir qu’on prend à le lire. Quand il s'attache au style médiocre et commun , il le fait sans bassesse ; quand il vient au style sublime, il s’élève sans obscurité; et jamais personne n’a su faire un mélange si agréable de tous les différens genres d'écrire. Que lon ait étudié tout ce qui nous reste de l’ancienne Grèce, si l’on n’a pas lu Aristophane, on ne connaît pas encore tous les charmes et toutes les beautés du grec. » Voilà un éloge magnifique, et qui pourrait , Messieurs, paraître suspect à plusieurs d’entre vous. Daignez cependant suspendre votre juge- ment. Platon, contemporain dAristophane, af- firme qu'il joint lurbanité d'Eupolis à la véhé- mence de Cratinus. Il reconnaît en lui, porté au suprême degré, le mérite de latticisme; cest-à- dire, cette pureté de diction , cette élégance qui était particulière aux Athéniens ; il lui donne dans son Banquet une place distinguée, où il le fait parler suivant son caractère, et même avec Socrate ; enfin, il orne sa tombe de l’épitaphe la plus flatteuse, dans laquelle il assure que les grâces ont choisi son cœur pour leur temple. 230 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Nous avons encore ce distique (1), dont voie en latin une traduction fidele : Ut templum Charites , quod non labatur, haberent , Invenére tuum pectus, Aristophanes. Ah ! sans doute, il faut en croire les Grecs sur ce point, et sur-tout Platon, si bon juge en cette matière, et si peu suspect de partialité en faveur de l’ennemi de son maître. Finissons l'éloge d’Aristophane par le trait le plus glorieux pour lui. Le grand $S. Chrysostome nourrissait son éloquence, si vive et si ferme, de Patticisme vif et mâle de ce mordant critique , qu’il estimait, au point de faire à son égard ce que faisait S. Jérôme de Plaute, ce que faisait Alexandre d'Homère, dont il mettait les œuvres sous son chevet, pour les retrouver le soir avant le sommeil, et le matin au réveil. Et telle est peut-être la cause pour laquelle, tandis que la lecture des comiques grecs fut proscrite des écoles, ce qui occasionna la perte de leurs écrits, le seul Aristophane eut le bonheur d'échapper à la proscription générale. Quittons les censures et les éloges d’Aristo- phane, et disons quelques mots de sa personne et de ses ouvrages. On sait peu de chose de sa per- sonne ; encore est-ce beaucoup plus par ses comé- dies, que par autrui. On peut même à peine ‘ (1) AÏ Xépires réperds re Adeëty, artp Suit mecéirar, pas 1 + , 1 ZLnrbous, Lun 25por Apr opurss. DISSERTATIONS. 231 assurer au vrai quelle fut sa patrie. Ses ennemis lui contestaient sa qualité de citoyen, pour la rendre douteuse. Les uns voulaient qu’il fût Rho- dien , d’autres Éginète. Pour lui, il se disait fils d'un Philippe, et natif d’une bourgade de PAtti- que; mais il convenait qu'il avait du bien dans Égine, dont apparemment il était originaire. Il fut toutefois déclaré citoyen d'Athènes, malgré ses ennemis, par un jugement décisif; et cela pour avoir réjoui ses juges par un bon mot : il consiste en deux vers fort naïfs de Télémaque dans Homère (1), qu'il s’appliqua fort plaisimment : Je suis fils de Philippe, à ée que dit ma mère; Pour moi, je n’en sais rien : qui sait quel est son père? Aristophane florissait dans le siècle des grands hommes de la Grèce, vers la 85.° olympiade, 4ho ans avant J. C.; il était contemporain de Socrate ét d'Euripide. Ce fut sur-tout durant la guerre du Péloponnèse qu’il parut avec le plus d'éclat, moins comme un comédien propre à amuser le peuple, que comme le censeur du gou- vernement , l’homme gagé par l’état pour le ré- former, et presque l'arbitre de la patrie. Nul auteur ne nous à conservé de plus précieux détails sur les mœurs , les coutumes, et les lois des Athé- M4 La D 4 = # NE (1) AT AP Hey ES QuTI AA et ; RTE Ovx id * & yap d'A TIS ÉoY yOveY &UTOS ave yra. Odyss. I. 216. Hoc patré me natum dicit mea mater : at ipse Nescio : nemo suum cum possit noscere patrem. 232 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. niens, Aussi Platon envoya-t-il à Denys le Tyran un exemplaire d’Aristophane, en l’exhortant de létudier avec attention, sil voulait connaître à fond la langue et l’état de la république d'Athènes. Les circonstances où parurent Aristophane et Démosthène, offraient un égal aiguillon à Pardeur de signaler du patriotisme. Aristophane trouva les Athéniens livrés à des factions, excitées par l'effervescence de quelques jeunes gens, entrete- nues par leur ambition, et fortifiées par les guerres du dehors : il vit des citoyens divisés par des phi- losophes, qui se disputaient moins le prix de la vertu, que la prétendue gloire, attachée au plus grand nombre de disciples. Cet esprit de parti faisait pulluler les affreux sycophantes, plus con- nus parmi nous sous le nom de calomniateurs; race impure, qui naît de la corruption des mœurs, et qui porte dans le sein des états et des sociétés un poison mille fois plus meurtrier que la guerre et la peste. Athènes, du temps de Démosthène, était plongée dans la dissolution ; il y voyait ses citoyens engourdis sur leurs propres intérêts, ou- vrant la main à l'or de l'Asie, et ne frémissant déjà plus au seul nom d’esclavage, dont ils étaient cependant menacés par la présence de Philippe, conquérant plein d’ambition , et de moyens pour la satisfaire. Dans ces occurrences semblables, Aristophane et Démosthène manifestèrent d’une manière différente leur attachement à la patrie. Celui-là voulut corriger les mœurs dépravées, en faisant rire à leurs dépens; celui-ci, en tonnant DISSERTATIONS. 233 dans la tribune, voulut inspirer l’énergie des vertus. Tous les deux déployerent, pour le même but, un caractère vif, ardent, opiniâtre; mais porté jusqu’à l’impudence chez le poète, et mo- difié chez l’orateur par les bienséances particulières à son art. L’éloquence de Démosthène est généra- lement connue et appréciée; citons d’Aristophane un morceau travaillé avec soin, pour faire con- naître le ton avec lequel il osait adresser des re- proches à ses concitoyens. Je tire ce morceau de lintermède d’une pièce intitulée Zes Æcharniens. «Depuis qu’'Aristophane préside à nos jeux, on ne la point vu se présenter aux spectateurs pour faire son éloge. Mais puisque ses ennemis le noircissent aux yeux des Athéniens, toujours prompts à se faire une opinion, et qu’on lui re- proche d’avoir maltraité le peuple et l’état dans ses comédies , il faut qu’il se lave de ces calomnies auprès de vous, Ô inconstans Athéniens ! il pré- tend donc au contraire vous avoir rendu de grands services, en vous avertissant de ne point donner tète baissée dans tout ce que les étrangers vous disent, de ne point vous laisser aller à la séduc- tion de la flatterie, et de mettre plus de fermeté et moins de mollesse dans votre administration. Précédemment les envoyés des autres villes, dans le dessein de nous circonvenir, ne nous donnaient- ils pas d’abord le nom de ioçepayous ( couronnés de violettes)? ne vous voyait-on pas aussitôt vous redresser sur vos siéges ? Qu'un autre vint vous cajoler, et appeler votre ville, Arapdc Añvas 234 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. (Athènes la belle, la luisante, la grasse), n’ob- tenait-il pas ce qu’il voulait, pour vous avoir oïint de ce doucéreux parfum, comme des anchois le sont avec l’huile (1)? Cest donc un service 1m- portant, que de vous avoir détrompés sur tout cela. Notre poète a de plus apptis aux villes alliées à suivre lés bonnes formes républicaines. Aussi cet homme éminent est-il devenu l’objet de la curiosité de ces villes et de tous les tributaires, lui qui seul a osé vous dire la vérité au péril de sa vie : et même son courage a fait tant de bruit, que le grand roi, interrogeant un jour les ambas- sadeurs des Lacédémoniens , après leur avoir de- mandé quels peuples de la Grèce avaient le plus de force sur mer, Les questionna ensuite sur Aris- tophane , et sur les sujets ordinaires de ses traits satiriqués; ajoutant que ses conseils tendaient au bien, ét que ceux qui les suivraient, seraient les maîtres de la Grèce. C’est pour cela que les Lacé- démoniens demandent qu’on leur rende Égine pour préliminaire de la paix; non qu'ils se sou- cient beaucoup de cette île, mais afin de nuire à ce poète. Ne craignez donc point que dans ses comédies il jette du ridicule sur les choses hon- nêtes; il n’a en vue que le bien public, et 1l le procurera de toutes ses forces, non par des cajo- (a) I y a ici un jeu de mots, par lequel Aristophane com pare les Athéniens à des anchois. Ce jeu de mots roule tout sur le mot Mæayes, beau, clair, net, oint d'huile , de graisse. L’anchois se conserve dans l'huile, dans la graisse. DISSERTATIONS. 235 leries, par des coteries, par des adulations et des souplesses artificieuses, mais par des avis salutaires. Que Cléon ourdisse ses trames contre lui : la droi- ture et l'équité seront toujours pour le poète, et il ne sera jamais répréhensible de lâcheté et de corruptibilité, comme l’est son ennemi. » Il nous reste d’Aristophane onze comédies, c’est- à-dire, à peine le quart de celles qu'il a fait repré- senter. Le père Brumoy les a fait connaître par des analyses judicieuses, dans son excellent ou- vrage intitulé Théâtre des Grecs. Cest là que l’on pourra prendre une idée du génie de notre poëte, et nullement dans le Cours de littérature de La Harpe, qui, les passant rapidement en revué, se borne à deux ou trois lignes sur chacune. Il est impossible, nous dit-il, de donner au- cune idée des Oiséaux , allégorie entièrement po- litique. Le Plutus, continue-t-il, est une froide allé- gorie, dont on a pourtant emprunté les idées dans quelques pièces du théâtre italien. «Restent deux pièces, suivant lui, sur les- quelles il convient de s'arrêter un moment, parce que lune à eu Phonneur d’être imitée par Racine, et l'autre, le malheur de contribuer à la mort de Socrate. Les Guépes ont fourni à l’auteur de Britannicus la première idée de ses Plaideurs ; comme le sujet de PEnfant prodigue, joué aux marionnettes de la foire, fit éclore celui de Vol- taire; d’où il résulte seulement que le germe le plus informe peut être fécondé par le génie. » 236 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Voilà tout ce que nous apprend M. de La Harpe: Les Vuées sont sans contredit la plus belle et la plus ingénieuse de toutes les comédies d'Aris- tophane. Il y déploie le pis comica d’une manière admirable, soit dans l’invention de son sujet, soit dans la distribution de toutes ses parties. Mais la gloire d’un pareil chef-d'œuvre est presque entiè- rement éclipsée. Le ridicule, dont cette pièce couvre Socrate, a valu de graves reproches au poète. On a même poussé la fureur jusqu’à vouloir qu'Aristophane fût cause de l'arrêt de mort porté contre Socrate. Le père Brumoy a parfaitement fait sentir le peu de fondement de toutes ces sup- positions ridicules, et qui décèlent l'ignorance la plus complète. Aristophane ne voulait pas plus la mort de Socrate que celle d’Alcibiade, de Cléon, de Périclès, d’Euripide, et autres qu’il a joués sans influer sur la mort des uns ni des autres. Il y avait une guerre déclarée entre les poètes comiques et les philosophes. C'était une revanche des poètes contre ceux-ci, qui, de leur côté, dé- clamaient contre limpudence et la licence des comiques. Cest au nom de ces derniers qu'Aris- tophane a joué les philosophes et leurs partisans. Il s’est attaché particulièrement à Socrate et à Platon, comme chefs de la philosophie de leur siècle, et ont mis sur leur compte toutes les absurdités des différentes sectes. Socrate, au rap- port de Plutarque, assista à la représentation des Nuées, et, loin de sen indigner, il dit lui-même qu’il lui semblait être dans un grand festin , où 1l DISSERT ATIONS. 237 divertissait tous les convives. Au surplusles Nuées furent représentées la première année de la 89.° olympiade, 424 ans avant J. C., et la mort de Socrate n’eut lieu que la première année de l’olym- piade 95.°, c’est-à-dire 24 ans plus tard. Que si Aristophane eût contribué le moins du monde à la condamnation de Socrate, Platon eût- il introduit l’un et l’autre comme interlocuteurs dans son Banquet ? eût-il fait pour le poète une épitaphe aussi flatteuse que celle que j'ai rapportée plus haut ? Parmi les autres pièces d’Aristophane, men- tionnons celle des Chevaliers, dirigée contre Cléon, qui, fils de corroyeur, et corroyeur lui- même, s'était élevé par la brigue jusqu'aux plus hautes dignités de l’état. Notre poète osa l’atta- quer, en le produisant sur le théâtre. Mais il fut obligé de jouer lui-même le rôle de Cléon; et il monta sur la scène pour la première fois, aucun des comédiens n’ayant voulu faire ce personnage, ni s’exposer à la vengeance d’un homme si redouté. IL se barbouilla le visage de lie, faute de masque, n'ayant trouvé aucun ouvrier assez hardi pour faire un masque ressemblant à Cléon , comme on faisait pour ceux qu’on voulait jouer en public. Mais insistons sur la pièce où La Harpe ne trouve qu’une froide allégorie; je veux parler du Plutus. Celle-ci est une des dernières d’Aristo- phane. Elle n’est plus de l’ancienne comédie; elle appartient à la moyenne. Déjà il était défendu de désigner par leur nom les citoyens que l’on vou- 238 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. lait tourner en ridicule. En effet, comme le dit Horace : — In vitium libertas excidit, et vim Dignam lege regi. — Dans le Plutus tout est sage et bien réglé. Le tre donne lidée de la pièce. Il fait entendre que le poète prépare un sujet dont le Dieu des richesses doit faire le principal personnage. Les autres acteurs, sous des noms inventés, portent des caractères vraisemblables ; leurs entretiens sont, pour la plupart, modérés, et en même temps assez libres pour faire naître la gaîté; le chœur est tiré du fond même du sujet, et vient natu- rellement. La satire est plus ménagée, le but d'Aristophane est de blâmer l’avarice des Athéniens dévoués à Plutus, comme à leur unique divinité. Il n’a done d’autre intérêt, que de jeter du ridi- cule sur la préférence donnée aux richesses plutôt qu’à la médiocrité. Or ce ridicule résulte évidem- ment, et de la manière la plus saillante, de tout ce que dit la pauvreté, de la préférence donnée malgré cela aux richesses, et de Pabus qu'on fait de celles-ci; abus tellement porté à son comble, qu’il va jusqu’à faire négliger le culte des dieux, qui sont contraints de venir réclamer, de la main avare des hommes, les dons et les offrandes, dont la reconnaissance devrait leur assurer la paisible et perpétuelle jouissance. Voilà comme Aristo- phane sait en venir à ses fins, et comme , en ayant l'air de flatter le goût des Athéniens, il sait leur donner les leçons les plus utiles. DISSERTATIONS. 239 Quant au caractère et au genre de cette pièce, il faut consulter un précieux Mémoire de M. Le- beau, sur le Plutus. Ce savant Académicien y examine, entr'autres choses, les rapports du Timon de Lucien et du Plutus d’Aristophane. «Je ne puis (y dit-il ) quitter cette pièce, sans considérer avec plaisir les rapports qu’elle a avec le plus beau dialogue de Lucien. Le Timon tient beaucoup du Plutus. Le plan du dialogue et de la comédie est également bien dressé, les caractères bien ima- ginés, bien soutenus, les scènes agréablement va- riées , l'expression pure et élégante. Lucien, par Pheureux changement de quelques personnages, a trouvé l’art de donner à son dialogue un air de nouveauté qui le rend original , sans faire oublier la source d'où il est tiré. Le Timon est plein desprit, et du meilleur goût; mais ne doit-il pas au moins son invention à Âristophane? ne s’y trouve-t-il pas mille traits de ressemblance ? Ce que nous pouvons dire à l’honneur de Lucien, c’est qu'on ne doit pas moins estimer l’heureuse imitation du dialogue , que la belle invention de la comédie. 240 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. DISSERTATION SUR LE LIVRE DE JOB; Par M. FLEURY LÉCLUSE. Je me propose de faire quelques réflexions sur un livre que Voltaire regardait comme le plus ancien monument de nos antiquités; je veux oc ler du livre de Job. Il se présente d’abord deux questions impor tantes. 1.° Job a-t-1l réellement existé? ou bien, ne doit-on voir dans son livre, qu’un personnage imaginaire, qu’un simple apologue ? Quelques rabbins, et plusieurs savans moder- nes, penchent en faveur de l’allégorie ; mais ils ont contre eux non-seulement les Pères de l’église, mais encore plusieurs passages de l’Ecriture-Sainte. Je me contenterai de citer un de ces passages, tirés du prophète Ezéchiel, chap. 14. «La parole de l'Eternel me fut adressée en ces termes : Fils de l’homme! lorsqu'un pays aura péché contre moi, en commettant une prévarication ; que j'au- rai étendu ma main contre lui, et que je lui aurai rompu le bâton du pain (an avo); si ces DISSERTATIONS. 241 trois hommes, Noé, Daniel et Job, s’y trouvaient, ils délivreraient leur âme par leur justice, dit l'Eternel. » Æ£ si fuerint tres viri isti in medio ejus terræ, Noë, Daniel, et Job, ipsi justitiä su& liberabunt animas suas , ait Dominus exer- cituum. Ainsi, sans balancer plus long-temps ces deux hypothèses, je crois devoir donner la pré- férence à la premiere. 2.9 Le livre de Job a-t-il été écrit en arabe par Job lui-même (en exceptant toutefois le prologue et l’épilogue ), et traduit ensuite en hébreu ? Le saint pape Grégoire le Grand, qui a fait un ouvrage sur ce livre, croit que Job en est lui- même l’auteur; d’autres l’attribuent à Salomon, d’autres à Ezéchiel, le plus grand nombre à Moïse. Moise, qui ne vivait que cent ans après Jacob, aura recueilli, pendant son séjour en Arabie, tous les discours de Job et de ses amis, conservés dans la mémoire des Arabes; et voilà ce qui explique comment on trouve dans ce livre beaucoup de locutions arabes, et comment il est placé parmi les livres sacrés des Hébreux: La différence du style, qu’on a cru voir dans le Pentateuque et le poème de Job, peut venir de la différence des sujets, et de l’âge où Moïse a écrit ces deux ou- vrages. Au surplus, quel que soit l’auteur, il est certain que le livre a été écrit sous l'inspiration du Saint-Esprit; et, devant cette importante con- sidération , disparaît la nécessité de rechercher Pinstrument dont il s’est servi. Si nous recevions, dit saint Grégoire, une lettre d’un grand homme, TOME Is PART, IL. 10 242 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ne trouverions-nous pas ridicule d'examiner avec quelle plume il Pa écrite ? Le poème de Job est un véritable drame, qu’il ne serait pas difficile de diviser em en actes et en scènes; il a son merveilleux et son dénouement. On y trouve quelque rapport avec le Prométhée d’Eschyle, attaché à un rocher par les ministres de Jupiter. Mais c’est sur-tout avec une histoire que les Indiens débitent sous le nom d'Arichandiren, un de leurs plus anciens rois, que se fait remarquer le rapport le plus intime. En lisant cette histoire, dans la lettre du P. Bouvet à l’évèque d’Avranches, on est tenté de croire, au nom et à quelques circonstances près, qu'Ari- chandiren et Job ne sont qu’un seul et même personnage. L'homme vertueux aux prises avec l’infortune, tel est le but du poème de Job. La scène se passe dans l’Idumée , et tout y rappelle les objets fami- liers aux Arabes; les déserts, les palmiers soli- taires, les vents embrâsés, les pluies si rares et si ardemment attendues. Le grand âge du héros, les fonctions de juge et de prêtre réunies en sa per- sonne, tout prouve que le temps où il a vécu est trés-voisin de celui des patriarches. Mais on n’y remarque aucun rapport avec les mœurs des Juifs; il n’y est fait mention ni du passage de la mer rouge, ni des prodiges opérés dans le désert, ni de la loi donnée sur le mont Sinaï. Cependant Job a connu la création du monde et le déluge, et son livre suppose de grandes connaissances des usages DISSERTATIONS. 243 de l’ancien monde. On y voit l'astronomie, la musique, déjà cultivées, l'architecture employée à bâtir des palais, Part d'exploiter les mines. On concevra facilement que ce livre est un des plus difficiles à comprendre et à traduire (1). En tête des commentateurs, je dois citer avec éloge Albert Schultens, et Rosen-Müller ; et en fait de traductions, je ne ferai mention que de celle qui a paru il y a quelques années, et qui, suivant l'expression prophétique du gazetier, chargé dé Vannoncer, sera la seule qu’on lira désormais. L’hébreu est le texte que le traducteur à pris pour base de son travail, sans cependant négliger la Vulgate, dont il indique les variantes; et lors- que certains passages lui ont paru tout-à-fait inintelligibles dans ces deux sources, il à eu re- cours aux habiles conjectures de Schultens et de Rosen-Müller. J’examinerai bientôt quelques- unes de ces difficultés; mais il faut auparavant faire connaître le divin poème qui noûs occupe. Il se compose de 42 chapitres, formant un (1) Sur le style du poème, voici opinion de Hugues Blair : « La poésie du livre de Job est non-seulement égale, mais supérieure à celle des autres écrivains sacrés, en exceptant Isaïe seul ; et de même qu'Isaïe est le plus sublime , David le plus touchant et le plus tendre des poètes inspirés, Job est le plus énergique, et celui qui excelle le plus dans l'art de décrire. » Effectivement rien n’égale l'énergie et la richesse de ses expressions. Jamais il n’y eut plus de hardiesse dans l'emploi des métaphores, de noblesse et de pompe dans les Sans fraude , aux ? Pauvres personnes vergonhants et mandians par la ville. » MÉMOIRES. 297 may suivant à l'hôtel de ville, à la charge par eux de faire visiter leurs œuvres par les deux commissaires à ce députés, avec deffènse d'y retire des paroles contre la foy, de prononcer aucune œuvre lascive, ou autres tendantes au scandale , sous PET de prison el autre exem- plaire , etc. Le Paie ne de Cardonne , qui apparem- ment avait remporté deux autres prix pendant les années sur lesquelles nous n’avons pas de Mé- moires , reçut une fleur et fut admis au nombre des maîtres. Robert Garnier, qui, plus tard, obtint une assez grande célébrité, et qui com- mença à perfectionner la poésie tragique en France, reçut /a violette pour un Chant royal sur les troubles Religieux. L'année 1565 nous fournit peu de détails sur les auteurs et les ouvrages couronnés. On sait seu- lement qu’un Chant royal, intitulé Pandore, et qui contient l'éloge de Toulouse, obtint une récom- pense. Mais il n’est pas assuré » d'après les termes même de l’un de nos manuscrits qui le rapporte, que ce poëme soit l’ouvrage de Guillaume de Sa- luste , qui reçut la Late Voici ce Chant royal qui, par son sujet seul, nous a paru digne d’être conservé : Quand Jupin descoula le miel des deités Pour monstrer le pouvoir de sa divine essence, Et faire qu’en ung corps les quatre qualités Des élémens brouillés eussent quelque puissance , Son Mercure appella les aultres petits Dieux Qui couroient yagabonds par la voulte des cieux ; 208 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Vulcain vint le premier qui feust certain présage Qu'il devoit fabriquer ceste parfaicte image ; Minerve vint après en doctrine féconde , S’assurant qu'il feroit, veu ce conseil si sage, La Pandore chassant les ténèbres du monde. Mars les armes avoit et Vénus les beaultés , Apollon luy donnoit de son art l'excellence , Et Mercure appellant les divines bontés Du puits de son cerveau respandoit l'éloquence ; Tant que tous trauailloient , d’un art laborieux , Recourbeés sous le fais de l’œuvre ingénieux , Pour retrouuer lequel d’un indompté courage A ce corps jà formé auoit faict davantage ; Ceste masse eust esté un cahos, vagabonde, Sans les Dieulx qui ont faict dessoubs un beau visage La Pandore chassant les ténèbres du monde. De FAsie et l'Afrique ils ont de tons costés Ballié le giron , puis, venant à la France, Des petits Dieux gaulois ils se sont acostés , Qui jà s’estoient plongés au sein de l'espérance ; Puis eulx , comme divins , estoient fort curieulx De darder sur ce corps les rayons de leurs yeulx , Afin que dans Thétys il ne veist le naufrage Mouillé du flot des eaulx soubs un bouillant orage ; Ils ont assujeti l’inconstance de l'onde Et fait défense au temps qu'il ne perde ou sauvage La Pandore chassant les ténèbres du monde. Les Pères empourprés lors furent redoubtes Qu'ils eurent dedans l’air semé leur sapience , Car estaus de ce corps tous les membres comptés Pandore estroitement embrassa la Prudence , Soubs la langue des Grecs et des vieulx Ebrieux , Des Latins éloquens ; puis enfin ayma mieulx Imiter des François le savoureux langage , Protestant de n’auoir autre langue en usage MÉMOIRES. 299 Pour estre à tout jamais éloquente et faconde : Ainsi contente en soy de son fais se soulage La Pandore chassant les ténèbres du monde. ‘Du peuple Athénien les gestes racontés , Des philosophes vieulx l’admirable science , Mesmes les brillans feux dans les cieulx enfantés, Les héraulx du grand Dieu et de sa Providence , N’eussent de leur chaleur animé ces bas lieux Sans Pandore, qui fust l'ouvrage industrieux Qui du fleuve tra , sur l’Averneux rivage, Les sciences des Dieux que l'homme eut en partage ; Puis Astrée survint, qui encor la seconde, Et qui, parfaicte , rend en ce grand héritage La Pandore chassant les ténèbres du monde. ENVOY. Prince , la Pandore est Tholose que nostre age, Voit fleurir sous Jupin, Dieu de humain hignage ; Par ténèbres je prends où l'ignorance habondé ; Par les Dieux le Sénat qui voit en son ouurage , La Pandore chassant les ténèbres du monde. Malte avait vu, en 1565, les pavillons des Musulmans se déployer sous ses murailles. Mais Jean de la Valette força les Turcs à lever le siége. Ce grand événement occupait toute l’Europe chrétienne, et pouvait fournir des inspirations aux poètes. Gabriel de Terlon , fils de Claude de Terlon, dont nous avons déjà parlé (r), le sentit ; mais en s’enveloppant des voiles de Pallégorie, il se détourna de la route qu'il devait suivre. Les exploits du grand maître et de ses nobles cheva- (1) Suprà. 300 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. liers n’avaient pas besoin d’être cachés sous des emblèmes; en les chantant avec dignité, avec éclat, le poète pouvait prétendre à une gloire du- rable. Mais Terlon n’était pas animé par ce génie qui distingue les écrivains d’un ordre élevé; il se garda bien de nommer les valeureux guerriers français, heureux défenseurs de la croix. Soliman fut représenté par un dragon, et Jean de la Va- lette par un agneau. Certes on ne pouvait être plus ridicule, ni méconnaître à un plus haut degré toute la grandeur, toute la majesté de ce sujet. Robert Garnier, doué d’un style plus énergi- que, plus poétique, reçut l’églantine pendant la solennité où Gabriel de Terlon obtint /e souci. Guillaume Bernard eut l’autre fleur. Il n’a pas été possible de retrouver quelques Mémoires sur le concours de 1567. L'année sui- vante, il n’y eut pas de jeux poétiques. Les main- teneurs n'étaient plus qu’au nombre de trois. Quelques-uns , devenus suspects, étaient absens ; Coras, ayant embrassé le calvinisme, avait cher- ché un asile loin de Toulouse. Le 3 de mai, la réunion des membres de l'Académie n’offrait qu’un seul mainteneur nommé de Papus, deux maîtres, Cazeneuve et de Cardonne, et les Capitouls Bailes. Ils entendirent la messe dans l’hôtel de ville, et portérent ensuite les fleurs à la Daurade « pour » ycelles présenter’, dit l’un de nos manuscrits, à » Notre-Dame, comme il est de coustume ; de là, » ils les allèrent offrir aux corps saints de l’église MÉMOIRES. 3o1 » de Saint-Sernin, pour le repos et tranquillité » de l’église catholique et romaine, ensemble » pour Pestat du Roy, sincérité de son conseil et » conservation de son royaume et ville de Tho- » lose. » On donna aux couvens et aux pauvres les mêmes aumônes qu’en 1563. Lois Dupin, auquel les mainteneurs accordè- rent un prix en 12609, avait présenté un Hymne sur la Nativité de Jésus-Christ. On est un peu étonné que dans les premiers vers l’auteur se com- pare à un moulin à vent, et on l’est encore plus quand on apprend que cette figure a été ap- plaudie : Comme l’on veit soudain emmy d’une grand'plaine Ung moulin hault assis ralentir son halaine Et demeurer oisif pour n'avoir quelquefois En voile vent prospice , après tout à la fois Esmeu d’ung tourbillon 1l redouble sa force Et de recompenser sa paresse il s’eflorce , Faisant d’un sifflement retentir à l’entour Le vuide plus prochain par l'effort de son tour : Ainsi ayant esté quelque jour sans rien dire Et sans faire parler ma résonnante lyre , Je veulx mieulx que devant , ayant le cœur pantoïs , D'une divine rage entonner cette fois, etc. La même année on accorda l'églantine à Ga- briel de Terlon, et Jein Beland eut le souci. Mais ce dernier ne jouit pas long-temps de son triomphe. Cardonne rapporta à l’assemblée de la Gare science, où, comme on disait quelquefois alors, au Collège de poésie, que « Beland avait faict un 302 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » certain ouvrage (le même qui avait obtenu le » prix ), qu'il avoit tiré mot à mot, et desrobé des » œuvres de monsieur d'Aurat, lecteur du Roy, » et qu'il avoit faict imprimer par Colomyez, à » Tolose ; surquoy fust arresté qu’il seroit faict » inhibitions et deflenses d'imprimer ou faire im- » primer par les dictans aucun ouvraige, qu’il » n’ayt esté auparavant approuué par le Co/lége , » sous peine de cent liures d'amende et de pri- » son (1).» En 1570, ce corps fit publier à son de trompe, dans toute la ville, les mêmes peines contre les plagiaires , et contre ceux «qui m’écriraient pas » déuotement.…. Il statua de plus qu’à avenir » personne n’eust à prétendre aux prix qu’au préa- » lable il n’eust faict, dit et récité des œuvres à » l’honneur de Dieu, de la sainte Vierge et des » saincts et sainctes de paradis (2). » Les registres et les Mémoires particuliers nous apprennent peu de chose sur les années 1571 et (1) Registre de Codercy , fol. 233, V.e (2) I nous reste un monument de l’obéissance des poètes à ce réglement. En 1570, l’un de ceux qui divta aux Jeux flo- raux ; présenta ce sonnet en l'honneur de la Vierge : Messieurs, soubs l'œil doré de Pestoile marine De la vierge Marie icy je fais ramer Mes propres avyrons, dessus ma propre mer, Qui soustient sur son dos ma barque pélerine. Sur le mast envoilé ceste planète orine Me monstre heureusement Le long en pleine mer, Le pole Jesus-Christ, que je veulx réclamer Sur la ponppe à genoulx; et ma lyre yvorine MÉMOIRES. 303 1572. Seulement, M. l'abbé Magi assure que les prix furent distribués. En 15972, un Chant royal sur la Trinité commençait par ce vers : Sur le cercle arrondi de la torche éthérée..….…. peut-être est-ce par intérêt pour la mémoire de l’auteur qu’on n’a pas cru devoir conserver son nom. En 15793; trois toulousains, François de Chal- vet (1), Guillaume Bernard et Salvat du Gabre, obtinrent les trois grands prix, et le fils du juge- mage Rochon eut la petite fleur. Dans son Chant royal, Salvat du Gabre com- parait Jésus-Christ au soleil, et les douze apôtres aux douze signes du zodiaque : se... + + . . Ses maisons dans les cieulx Sont les apostres saincts qui ont presché en terre, Et qui ont découvert à l’homme vicieulx, L’ame vivifiant ce que le ciel enserre. En 1574, le capitoul Bosquet ayant proposé de renvoyer les Jeux poétiques à l’année suivante, Puis je veulx accorder aux rames et aux flots La beauté, le bonheur et bref l’immortel loz De cet astre esclairant sur l’écumeuse trace ; Aux chrestiens navigeans en l'Océan mondain, Aussy j'espère encor ma navire soubdain , Que vous m'aurez ouy au port de votre grâce. (1) Fils de Matthieu de Chalvet, Mainteneur des Jeux flo- raux, et président aux enquêtes du parlement de Toulouse. On a de lui une traduction de Sénèque. 304 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. «à raison de l'invasion des villes et aultres lieux » prochains de Tholose, faictes et attentées par » les Huguenots, ennemis de Dieu, rebelles et » désobéissans à leur maistre, » il fut délibéréque, » Sans conséquence, il y auroit intermission des » Jeux; que les prix seroient donnés aux corps » saints de Saint-Sernin , et les cent livres du » festin seroient distribuées en aumônes, comme » en 1568, » L'année suivante, malgré l’opposition des ca- pitouls et les efforts du sieur de Supersantis un dentreux, il fut décidé que la distribution des prix aurait lieu le 3.me jour du mois de mai. Ainsi, au milieu des horreurs de la guerre civile, à l’instant où les monumens des arts tombaient sous les coups des factieux , les Mainteneurs du Gai savoir conservaient dans Toulouse le feu sacré, et essayaient d’opposer, par des so- lennités littéraires, un obstacle puissant à l’in- vasion de l’ignorance et de la barbarie. Deux toulousains , Jehan de Chabanel et Jehan de Brie, eurent l’églantine et la violette , et François de Clary, né à Cordes, petite ville de PAlbigeois, obtint le souci. Jean de Chabanel, plus tard recteur ou curé de la paroisse de la Daurade, et auteur de deux ou- vrages dont lun est encore recherché (1), avait fait un Chant royal intitulé Dédale. En 1572, (1) De l'antiquité de l’église de Notre-Dame dite de la Daurade, m-12, Tolose. MÉMOIRES. 305 un autre poète commençait une pièce du même genre en parlant dun cercle arrondi. Trois ans après, Chabanel assurait que Dédale avait fait un cercle rond ; ainsi l’on voit qu’alors à Toulouse on croyait qu’on pouvait tracer un cercle autrement que rond. Voici quelques vers de Chabanel : Dédale estant saisy d’une fureur nouvelle Et d’ung malin daimon qui tousiours l’agittoit Ayant prins son compas, sa sye, sa truelle, Et bref tous les outils desquels il se servoit, A faire un cercle rond de pierres il commence, Dedans lequel ung autre et ung autre il ajence. Ores il faict icy un long esgarement, La perte de plusieurs, or un destournement, Or ceste voye il croise , or il pose une pierre En ce lieu, tant qu'enfin il faict entièrement Le labyrinthe obscur perdant ceux qu’il enserre. Jean de Brie n’écrivit guère mieux que Cha- banel; mais dans le concours de cette année on dut, sur-tout à cause du sujet, distinguer le Chant royal de F. de Clary. Ce jeune homme montra plus de talent que ses rivaux, et cependant ce ne fut qu’un poète trés-médiocre, même pour l’é- poque où il écrivait. On trouve dans ses ouvrages, comme dans ceux de presque tous ses contempo- rains, des locutions vicieuses, des gasconismes ; ainsi, dans le Chant royal que je vais rapporter, et qui est consacré à Clémence Isaure, le vers du refrain de chaque strophe contient une faute de langage que l’on entend encore répéter chaque jour à Toulouse. Il parle dx jardin fleurissant TOMP I PANT, TE. 20 306 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sur les bords DE Garonne, au lieu du jardin fleurissant sur les bords DE 14 Garonne. Quel- ques poètes couronnés beaucoup plus tard aux Jeux floraux n'ont pas su éviter cette faute. Voici le Chant royal de Clary : Je chante dans mes vers une nymphe excellente Et les rares présents que lui firent les cieulx ; Le savoir , les vertus d'une vierge je chante, Qui mesprisant d'amour le pouvoir furieux Ne ressentit jamais sa poignante estincelle , Qui en sa chasteté se rendant immortelle N’enveloppa sa vie de ces folles erreurs , Qui, fuyant les esbats et les plaisirs trompeurs , Vuides d’un grand honneur qui son ame eguillonne, Se met a cultiver , de ses propres labeurs , Le jardin fleurissant sur les bords. de Garonne. Dedans ce beau jardin, des herbes elle plante, Ung parterre elle faict d’un art industrieux , Elle en dresse un beau plan de façon différente, Le bordant de lavande ou de thin gracieux ; Avec le rosmarin les rosiers elle mesle, Et, recherchant toujours quelque façon nouuelle, Faict que ce beau jardin, bigarré de couleurs, Espand aux environs ses soëfes odeurs. Ainsi tout son esprit sans repos elle adonne À honorer des fonds qui luy semblent meilleurs Le jardin fleurissant sur les bords de Garonne. Après avoir basti d’une main si sçavante Cest œuvre tant parfaict , elle emprunte des Dieux Une graine de fleurs surpassant l’amaranthe Pour rendre son jardin encor plus merveilleux ; Mars luy fit le présent d’une fleur éternelle Qui naist soubs sa faveur ; OEgle d'une plus belle ; Phœbus d’une qui suyst ses ardentes chaleurs : MÉMOIRES. 307 Ung Roy d’une autre encor aïant de ses douleurs La vive marque empreinte ; elle les environne Et faict de ses présens eslevés en honneurs Le Jardin fleurissant sur les Lords de G aronne. Elle estoit si joyeuse, elle estoit si contente D'avoir peu rassembler tant de dons précieulx Qu'au clos de ce jardin aux Dieux elle présente Un festin abondant en mets délicieux ; Pays pour les faire asseoir en terre elle amoncelle Maint œillet, mainte rose > €t puys encore elle Liberale les prie à resjouir leurs cœurs Du suc de l’ambroisie et des doulces liqueurs Que le Dieu lierran de ses coustaux luy donne ; Ce jour plus qu’en nul autre esvantoit ses odeurs Le jardin fleurissant sur les bords de Garonne. Elle avoit jà layssé ceste troupe puyssante , Quant s’ennuiant de veoir ce siècle malheureux , Elle quitta son bien, conduite d’une attente Qui l’asseuroit déjà d'ung vivre plus heureux. Mais, ayant que laisser ceste terre mortelle , Prenant de huict vieillards la promesse fidelle De donner en son nom > aux plus doctes chanteurs ; Les fleurs qu'elle receut des divines faveurs, De le renouveller tons les ans leur ordonne, Et s’en montant au ciel laisse à ces gouverneurs Le jardin fleurissant sur les bords de Garonne. REDDITION D'ALLÉGORIE. Clémence Ysaure estoit ceste chaste pucelle ; Soubs le nom des Vieillards les Capitouls je celle ; Je prends pour les grands Dieux ces doctes sénateurs , Et cet aultre troupeau qui, des poëtes vainqueurs L’estude et le sçavoir si sainctement guerdonne ; Pour le sacré parquet, avec les quatre fleurs, Le jardin fleurissant sur les bords de Garonne. 20. 308 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Quelque faibles que puissent paraître ces vers, ils n'étaient pas cependant au-dessous d’une partie des meilleures productions des muses de lOcci- tanie. Le royaume était alors déchiré par la guerre civile; deux partis également cruels répandaient le sang des hommes au nom d’un Dieu de paix ; les sciences et Les lettres étaient abandonnées ou livrées à l'influence des fictions. D’un côté, des énergumenes, décorés dun titre captieux, pros- crivaient les arts, et faisaient tomber sous la massue leurs plus beaux monumens; de lautre, on imposait des chaînes, des devoirs, des restric- tions à ceux qui voulaient s’élancer dans la car- rière illustrée par les souvenirs de la savante antiquité. Les Mainteneurs eux-mêmes , chan- geant en tribunal le sanctuaire d’Isaure, ordon- naient aux auteurs de ne s'exercer quesur des sujets en quelque sorte indiqués. Dans leur réglement de 1560, ils leur défendaient, « sous peine d’étre » mulctés et punis, comme injurieux et contreve- » nans aux statuts et ordonnances du Collége de » poésie, de se servir de paroles mal sonnantes et » trréligieuses. » Les mots de prison et d’arbi- traire sont insérés dans cette pièce, et c’est sans doute la première fois qu’Apollon $est assis sur un fauteuil d’inquisiteur. Æ'! de Clary fit donc un acte de courage en n’offrant pas au concours de 1575 une composition mystique : il fit plus, il donna une preuve de goût. En 1578, François de Clary reçut aussi la vio- lette. Son Chant royal commence par ces vers : MÉMOIRES. 309 À grand peine du jour la belle avant-courrière Layssant de son Tyton le froid embrassement, Aux chevaux du soleil vouloit donner carrière Poyr commencer le cours du vague firmament, Et des feux de la nuict la plus grande partie Avoit dans l'Océan sa lumière amortie , Quand cherchant des forêts la solitaire horreur : Pour'escrire desyers. . 0.2 +. ARS Reçu au nombre des maîtres des Jeux floraux en 1599, François de Clary cultiva constamment les lettres, bien que les fonctions de la haute ma- gistrature eussent pu lui fournir des prétextes pour en négliger l'étude. Il fut nommé premier président du parlement de Toulouse le 21 juillet 1611, en remplacement de M. de Verdun, appelé à remplir la même charge au parlement de Paris. Clary se distingua par de grandes vertus et par un attachement sincère aux devoirs de sa profes- sion : il termina ses jours en 1615. Ce fut lui qui fit bâtir, dans la rue du Temple, par les archi- tectes Dominique Bachelier et Souffron, hôtel qu’on y voit encore, et qui est décoré des statues d’Apollon, de Mercure, de Junon et de Pallas. Rodolphe Gay, docteur et avocat, est le seul auteur dont le nom paraisse dans les Mémoires sur l’an 1577. IL obtint les trois prix, et fut admis au nombre des Mainteneurs l'année sui- vante. On vient de voir qu’en 1578, F. de Clary reçut la violette. Une pièce plus extraordinaire que toutes celles dont j'ai rapporté des fragmens, est sans contredit 3 10 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. le Chant royal composé par Jehan de Sevetre , parisien. Cet ouvrage fut couronné la même année. IL est intitulé : Monocole dodecastrophe , inter- calaire, acrostiche , et compassé par la proode , Za strophe, la psesode, l’antistrophe, l’épode et l’épirrhème , grands mots par lesquels Pauteur a cru s’approcher des plus célebres poètes de l’an- tiquité, et qui ne font que rehausser le ridicule de la pièce. L’acrostiche dont il parle dans le titre est étendu à tout le Chant royal, de sorte que chacune de ses lettres commence un vers; de leur réunion on compose cette phrase : Jan Sevetre, parisien, en l’honneur de la sainte et sacrée Trinité. Voici ce Chant royal, qui mérite d’être con- servé comme un modele du mauvais goût et de la pédanterie de l’époque : PROODE. Je chanterai l'honneur souverain de nature, Au seul Pythagoras, montant dessus les cieulx, N'ayant encor aucun frayé ceste adventure Sur le plus hault esprit j'esleveray mes yeulx. En l'unité on voit l’origine première , Un principe commun de toute la matière Et de la forme ornant cest univers parfaict. Toute loy tend à un, ainsi qu'un a tout faict Retourne tout en un commençant un en nombre, Et finit-on en un, cer tout faict et refaict L'unité diuisant et unissant tout nombre. HO = STROPHE,. P Premierement n’estant aucune créature A Avec le chœur neufvain des esprits graciculx , BOS am zzOontr 22 n Er En OZNERnS EE MÉMOIRES. JET Rien n’estoit sinon un par multiplicature , Jamais un ne fit qu'un, un et un glorieux. Sortant un est parfaict un trois qu'en sa manière Jamais ne sera qu'un en sa nature entière. En un contient un trois , et ce trois en effect N'est qu'un en sa substance et trois en propre faict ; En un trois, en trois un , car un seul le dénombre N'ayant d'autre besoing , seul ainsi tout parfaict L'unité diuisant et unissant tout nombre. PSESODE. L'unité produisant , par autre geniture , Hors soy faict d’un et un , deux qui font en tous lieux , Où est diversité, à la mort ouverture ; N’estant rien pour aultant éternel que les Dieux. Nourrissant l'unité ce deux faict la lumière ; En voletant l'esprit contre la masse entière , Unissant la matière a la forme a surfaict Rondissant un grand corps d’un corps quatre un desfaict, Depuis retourne en quatre , et les quatre on renombre En un changeant par trois, ainsi faict et desfaict L'unité diuisant et unissant tout nombre. ANTISTROPHE. Les nombres estants faicts, et la grande structure Ayant perfection, l'unité voulant mieux Soubs soy contenir tout, monstra la mort future Au mespris de sa loy par deux pernicieux. Il n’estoit qu’une loy soubs une vie plénière, Ne gardant ceste loy soubs deux vint la mort fière ; Corrompu fust le monde : a venger ce forfaict Tombant les eaux du ciel ce monde contrefaict En abysme plongé fut douze mois en l'ombre ; Et ce moyen punist des hommes le meffaict , L'unité diuisant et unissant tout nombre. 312 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. EPODE. Tout estant jà remis , l'humide couuerture Seichée , fut la loy donnée aux pères vieulx : Abraham fut esleu , duquel la norriture Chassa ce méchant deux par un victorieux , Ralliant l'univers soubs l’heur d’ane bannière En une foy rangeant toute gent estrangère , En une église saincte usant de son bienfaict ; Touttefois séparant le sien de l'imparfaict, Repoussant de son peuple un deux portant encombre Jetta hors l’hérésie, ainsin tout entrefaict L'unité diuisant et unissant tout nombre. Hours Cr EPIRRHÈME. Nous entendons ici que tout est d’un refaict. Il n’est qu'un Dieu en tout par qui tout est parfaict. Tout est nombre et Dieu est, en sa lumière sombre, En unissant le bien , divisant le malfaict , L'unité diuisant et unissant tout nombre. 1 13 = 2 Un toulousain nommé Jacques de Puymisson obtint aussi un prix en 1978. Son ouvrage offre de vrais modèles de ridicule; comment at-on pu, quel que fût le mauvais coût du siècle, couronner des vers tels que ceux-ci : Des neuf cercles voûtes l’éclairante verrière N’avoit encor frayé le trac de sa carrière, Cropie sous le van de grand vuide ocieux , Et des astres errans le tour laborieux. …. Puymisson devint dans la suite un des plus célèbres avocats du parlement de Toulouse. C’est à tort que dans une biographie moderne (1) on (1) Biographie toulousaine , tom. 2, pag. 215. Cette faute appartient à l’auteur de ce Mémoire , qui avait été trompé par des renseignemens peu exacts. MÉMOIRES. 313 le fait naître en 1570. Il naquit dans cette ville en 1558. Ses harangues sont semées de passages d'auteurs grecs et latins, selon la coutume: du temps où il écrivait. Il a cependant blimé cet usage, et dans la préface de ses Playdoyers, im- primés en 1612 (1), il exprime ainsi sur les citations fréquentes qui étaient alors à la mode : « Ceste façon de parler, que le siècle accompagne » dune grande variété de citations et de passages, » est sans doute fort riche; mais si semble-t-il » qu’elle oste la grâce de Part, trouble le cours » d’une oraison libre, et luy cause du destourbier, » tout ainsy que la robe d'Ulysse ne laissoit pas » de lempescher dans la mer, quelque baume ou » parfum qu’on y eut sçeu mettre... Cette inéga- » lité de langage grec et latin parmy du françois, » nous représente un corps contrefait, et pouvons » nous en dire ce que faisoit Archilocus des terres » de Tasos, qu’elles estoient abondantes et fertiles, » et si elles ne luy plaisoient point parce qu'elles » estoient montueuses et raboteuses..... Il semble » en cela que nous nous défions de nous-mêmes, » et ayons recours au remède de ce peintre qui » n'ayant sçeu représenter Hélène assez belle, la » couvrit de pierreries et de joyaux.» On voit que tout en blâmant l’abus de l’érudition , Puy- misson se plaisait à étaler la sienne. IL suivit d’a- (1) Playdoyers de M.° Jacques de Puymisson , advocat au parlement de Tolose. À Tolose, veuve de J. Colomiez, 1612, in-8 .° 314 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. bord Pimpulsion générale, en briguant les nobles récompenses décernées par les Mainteneurs. Il fit de méchans vers, et obtint cependant des succès. Ces triomphes auraient été un vrai malheur pour Jui, sil avait pu s’abuser sur la vraié nature de son talent. Mais il eut, assez tard cependant, le bon esprit d’abandonner la lice poétique , et d’em- brasser une profession dans laquelle il se distingua pendant long-temps. Trois toulousains obtinrent des prix en 1579. | Brie , l’un d’entr’eux, dit dans son Chant royal , en parlant des signes du zodiaque : Les mouuemens se font ainsi diuersement Comme il leur semble bon ; leur influx seulement De luy mesme produit l'accord hypostatique Qui , de soy engendré , conjoint si sainctement Les trois points rapportés en la ligne eclyptique. IL faut avouer que Manilius parle un peu plus élégamment des mouvemens des corps célestes. Cest cependant de cet ouvrage que, selon le re- gistre (1), «les Messieurs (2) estoient grandement contens. » La Ballade présentée par Jean de Rivasson est plus mauvaise peut-être que le Chant royal de Brie. Que penser d'un poète qui invoque ainsi Apollon et les Muses : Archer latonien et toi brigade sainte Qui disants par six fois, après trois cadences , Foules vostre Parnasse ? . . ... . . . .. (1) Fol. 329, V.° (2) Les Mainteneurs et les Maîtres. MÉMOIRES. 315 À la fin des pièces de ce genre, les uns met- taient un Envoi, les autres une Explication de l’allégorie ; maïs Rivasson voulut créer une nou- velle expression , et sa dernière strophe porte le ütre d_Æ//évorisement.…. Un manuscrit nous apprend qu’en 1580, les Capitouls ayant été avertis de quelques entreprises dés protestans, et des intelligences que ces sec- taires entretenaient avec beaucoup d’habitans, priérent le Collése de la Gaie science de trouver bon que les Jeux floraux ne fussent point célébrés cette année. «Lesdits Capitouls, szppliant la Com- » pagnie de croire que leur intention n’étoit pas » d’épargner les deniers de la ville, mais seulement » pour éviter la surprise qui pourroit en éstre » faicte par le moyen des Jeux floraux , d'aultant » que l'entrée ne pouvoit estre refusée alors dans » la maison de ville; que ce qu'ils avoient faict » (en consultant le conseil des seize), w’étoit pas » pour entreprendre sur l'autorité de la Compa- » gnie, mais seulement pour prendre advis de ce » qu'ils devoient dire et représenter pour obvier » aux Inconvéniens qui en pourroient advenir. » Cette humble supplique, dans laquelle les ma- gistrats municipaux reconnaissent l'autorité des Mainteneurs, ne fut d’abord accueillie qu'avec dédain par les conservateurs de la Gaie science ; pressés de nouveau, ils décidèrent enfin «que » les fleurs des prix seroient portées, le 3." de » mai, à l’église métropolitaine, avec les cérémo- » nies accoutumées , pour y être offertes à Mostre- 316 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » Dame de lAssomption ; et que l'argent du ban- » quet et celui-qu'on donnoit pour l’orcison , se- » roit distribué aux hôpitaux et aux convents. » L'année suivante , les Mainteneurs avant à leur tête M. de Chalvet, Vun d’entreux, entrè- rent dans l’hôtel de ville le 1.* avril, et Chalvet dit aux magistrats municipaux : « Que les mem- » bres du Collége étoient venus pour les semondre » et requérir de vouloir bien effectuer la bonne » volonté de Dame Clémence , et à ces fins pré- » parer les fleurs par elle ordonnées estre déli- » vrées aux mieux disans et prononçans Chants » royaulx à l’honneur de Dieu, de la Vierge » Marie, Saincts et Sainctes de paradis, le 1. » et 3.% du mois de may, qu’est une coustume » très-bonne , et qui procure à la jeunesse, non- » seulement de ceste ville mais de tout le royaulme » de France, s’étudier et évertuer à la poësie » françoise, pour atteindre et emporter le prix, » lequel est si renommé par toute l’Europe que » chose que soit et se fasse en ville de France. » Les Capitouls prétendirent que les troubles n’étant pas appaisés, et la ville pouvant être attaquée, malgré lédit relatif à la paix, il paraissait néces- saire de suspendre encore la célébration des jeux. Mais cette fois les remontrances des capitouls fu- rent inutiles. «On fit à l'ordinaire les criées publi- ques dans les places et carrefours de la ville pour annoncer l'ouverture des jeux , et il fut ordonné de ne porter au concours que des œuvres faictes à l’honneur de Dieu , de la Vierge Marie, Saincts MÉMOIRES. 317 et Sainctes de paradis », comme M. de Chalvet l'avait demandé dans sa semonce. Les auteurs se conformerent à ce réglement; de Chalvet fils ob- tint l'églantine et le titre de Haitre pour un Chant royal sur le mystère de l’Incarnation , qu’il pei- gnit allégoriquement par le grand œuvre, ou la pierre philosophale. Voici celte singulière com- position, dont la lecture dut beaucoup étonner tous ceux qui assistaient à la fête des fleurs : Doctes qui pratiqués dans un lieu solitaire D'un elixir fondu les mystères sacrés , Et bien Loing des erreurs du prophane vulgaire , Des cabinets profonds de la nature entière Venés pour m'écouter, car vous sans interprète Comprendrés le secret que maintenant je traicte. Vous qui ne m'entendres croirés certainement Que je n’annonce rien que véritablement : Je ne veux descouurir ma science mystique , Mais je vous veux au vray chanter obscurément L'œuvre qui se parfaict dans le vase alchymique. I! faut plustost que rien préparer la matière ; Je ne la puis nommer , c’est un de mes secrets : Mais vous la connoissez , car elle est familière Et se trouve partout où vous la chercherez. Elle est toute excellente , et pour estre parfaicte Dans soy-mesme comprend tout ce qu'elle souhaite, Elle a les qualités d’un chacun élément : Elle vit, elle croist, elle prend aliment : Elle est mercure et souffre : elle est triple et unique : Sans elle on ne pourroit former aulcunement L'œuvre qui se parfaict dans le vase alchymique. Le non estrange vase est surtout nécessaire , Car envain jour et nuict sans luy vous soufllerés : 318 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.: Il faut que ce vaisseau dans l’ardente verrière Par artifice grand se fasse tout exprès : C'est l'œuf phylosophic dans lequel l'on projette Durant trois mois triplés nostre pierre secrette. Au dessoubs est le feu qui brûle esgalement : Au bout, et au milieu , comme au commencement. Ce n’est feu de charbon , mais une ardeur physique Qui couve et faict esclore à son préfix moment L'œuvre qui se parfaict dans le vase alchymique. Nous ny faisons rien plus, mais la nature ouvrière Qui tend au plus parfaict, l'accomplit par exprés , Sañs croistre où amoindrir la substance première Des corps que nous avions dans cet œuf enserrés. Elle les faict dissoudre , et après les rejette En pierre conuertis : pierre qui n’est subjette A la corruption : mais qui va transformant En or tous les métaulx, et nous va ranymant Quand nous sommes jà près du bord acherontique. Tels sont les beaux effets que rend divinement L'œuvre qui se par faict dans le vase alchymique. Le docte Samien qui monstroit à se taire, Ce secret à cognu par ses discours nombres. Le trois fois grand Mercure a compris ce mystère. Les rabbins Chaldéens en estoient tout dorés. Le prudent Salomon , grand prince et grand prophète, Et la sœur de Moyse ont ceste pierre faicte ; Et Midas en usoit, quant son attouchement Transformoit tout en or d’un heureux changement ; Et quant Jason alla sur la rive colchique Ravyr la toison d’oi , il cherchoit vraiement L'œuvre qui se parfaut dans le vase alchymique. ALLÉGORIE. La nature sera le Père proprement. Son Esprit par le feu se monstre clairement. MÉMOIRES. 319 Le vase crystallin, de Ja Vierge s'explique ; Et je prends pour son fils, nostre vray saulyement , L'œuvre qui se parfaict dans le vase alchymique. De Puymisson parut de nouveau cette année dans les jeux, et il remporta un autre prix : la Fable et l’'Histoire-Sainte furent mises à con tribution dans le Chant royal qu'il lut devant le Collése. On y voit figurer tour à tour Jekovak et Jupiter. Ainsi, dans sa première strophe, c’est le Tout-puissant, le Dieu créateur, qui distribue les diverses parties de la terre aux patriarches : Après que l'Eternel cust dardé ses vengeances Sur le funeste chef des péuples insensés, Et qu'il eust abbatu les fieres insolences Des flots qui se monstroient contre l’homme offensés, IL voulut qu'Abraham et Loth , né de son frère, Départissent entr’eux la terre solitaire. Dans une autre stance, cest Jupiter qui pré- pare pour lhérésie des gouffres de feu sous le lac Asphaltide : Le bitume est produit sous les chaudes semences Que Jupin verse ayant ses fouldres eslancés. Ce lac venge les cris et Les oultrecuidances De ceux qui veulent estre aux honneurs avancés , Mesprisant cependant les rares excellences Des esprits immortels qui les ont devancés. . Il venge les fureurs et l’orgueil téméraire De la gent qui voulut , insolente , déplaire Au chef soubs qui le ciel se monstre fléchissant : Il venge aussi l'outrage et l'effort impuissant... En 1582, les prix furent donnés à la confrérie 320 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. du Saint-Esprit de l'église de Saint-Etienne. « On passa , suivant la coutume, à la Daurade pour les offrir d’abord à la Vierge, et ensuite on fut à la cathédrale, ex chantant hymnes et pseaumes. » L'année suivante, trois toulousains, Salvat du Gabre (1), Jacques de Puymisson et François Bertrandi, obtinrent les prix, « ’annaliste de » Phôtel de ville, dit Lafaille (1), a remarqué » comme chose singulière, et qui n’avoit point » d'exemple dans le passé, que les fleurs qui se » donnent pour prix aux Jeux floraux, furent » remportées par trois toulousains en 1604. » Mais il doit paraître bien plus singulier que l’an- naliste de hôtel de ville ait ignoré qu'il était souvent arrivé que des toulousains avaient à la fois remporté tous les prix , et notamment, comme on le voit dans ce Mémoire, en 1593, 1575, 1979, 1583, etc.; et que Lafaille, qui était secrétaire de l'Académie, en rapportant cette er- reur, ait ajouté que « cela peut servir de preuve » qu’en ce temps-là les prix ne se donnoient point » par faveur, puisque la chose avoit été sans » exemple. » Certainement cette preuve n’est pas moins fausse que le fait. Anne de Cadilhac, de Toulouse, reçut /e souci en 1584, et la même année, Pierre Amadon, étudiant, de Beaulieu en Limousin, eut l’églan- tine; Barthelemy Salamon, d'Aix en Provence, (1) Docteur et avocat, lieutenant du juge de Verdun. (2) Annales de Toulouse , tom. 2. MÉMOIRES. 3921 la violette ; et Laroche, conseiller au parlement, une pelite fleur (x). En 1585, les prix furent offerts à Notre-Dame de la Paurade. En. 1586, les Mainteneurs voulurent honorer le poète Baif, comme en 1554 ils avaient rendu hommage à la renommée de Ronsard (2); mais il y eut un différend entre l'Académie et les Capitouls sur le présent à offrir à cet écrivain; enfin on délibéra de lui envoyer un Apollon en argent du prix de cent livres (3). (1) Les Petites fleurs étaient un œæi/let et une pensée, on ÿ ajoutait une branche d’olivier ; le chancelier des Jeux floraux et les Capitouls les faisaient faire à leurs frais pour encourager les jeunes gens. Marianne de Salluste , Capitoul en 1589, rap- porte, dans l'histoire inédite de cette année, ces vers qu'il adressa à un très-jeune poète en lui donnant l’œi/let : Courage mon petit; jà déjà vostre enfance Qui doctement fertile enfante cette ezr, D'un augure certain promet à nostre France Un automne de fruits en un àge plus r7zr. Sans doute on prononçait alors indifféremment à Toulouse meur pour mur, et flur pour fleur. (2) Suprà. (3) «Les Capitouls assemblés , par le sieur de Garaud , Capi- toul, auroit esté remonstré qu’estant les sieurs de Vignaulx, de Roux , etluy assemblés avec MM. les Mainteneurs et Mais- tres , dans le consistoire des comptes pour delibérer sur le juge- ment et le despartement des fleurs , auroit esté par auleun desdicts seigneurs représenté qu'en 1554, en pareille assem- blée, La fleur de l’églantine fut adjugée à Pierre Ronsard, pour son excellent et rare génie , pour l’ornement qu'il avoit apporté à la poésie françoise, et que le prix d'icelle auoït esté TOMP 11, PART, IT, Ge 1 1 322 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Les Mémoires inédits et les divers registres que j'ai consultés ne rapportent plus, après l'année 1584, les ouvrages qui obtinrent des prix, et nous n’avons que la liste des jeunes poètes cou- ronnés par l’Académie; en la publiant, je n'ai d'autre avantage que de tirer de l'oubli des noms entièrement inconnus aujourd’hui, et d'ajouter quelques faits à l’histoire littéraire de Toulouse. conuerti en une Pallas d'argent, qui lui fut enuoyée de la part dudit Collége et des capitouls; dont s’estant estimé, ledit Ron- sard , bien fort honoré , il en auroit rendu actions de grâces , et par aulires infinis témoignages qui se trouuent parmy ses œuvres, faict cognoistre combien ce présent lui auroit este agréable ; que, tenant aujourd’huy Jean-Antoime de Baïf le premier rang entre les poètes par le décès dudict Ronsard, tant pour estre le plus ancien de tous, que pour estre celui ; qui pour la cognoissance des deux langues grecque et latine, a grandement enrichi nostre langue et poésie françoise ; de sorte qu'ayant esté mise l’aflaire en délibération , il a esté ar- resté qu'audit Baïf seroit faict un honneste présent de la valeur de 100 livres, à quoy toutefois ils n ’auroient voulu consentir, qu ’après en auoir communiqué à eulx, etil a esté arreste , qu'attendu le lieu et rang que tient aujourd'huy M. Baïf parmi les poètes et hommes sçavans de cet âge, seroit audict Baïf envoyé un présent en argent de la valeur de cent livres. » Par une autre délibération, il fut convenu que cette somme serait convertie en une statuette d'argent représentant Apollon. Mais, en 1987, on changea cette disposition, et on fit faire une figure de Dayid qui fut envoyée à Baïf. On sait que ce poète avait donné une traduction des Psaumes. ANNÉES. 1986. 1588. 1589. 1290. 1591. MÉMOIRES. NOMS DES AUTEURS. François Bertrandi , de Toulouse. Jean de Vaissière , de Toulouse. . . PierretdeMoihet. 11e Jacques Dufaur, de Toulouse. . 1 Ant de Terlon , de Toulouse. . ne Antoine Milhetot , de Dion. : François Bertrand , Dobteur , AvO- Cat, (de DOUOUSE.N. + Pa 4e + Marie-Anne de Cadillac, Docteur et Avocat, de Toulouse. . . . . Le jeune de Paulo, de Toulouse. Le fils de Laurens Rouguier , cel Dominiqué Vacquier. . . . : . . . Pierre de Barthelemy, Docteur en Jean de Vaissière, de Toulouse, Docjeur et Avocat (2)... .".", Lazare des Voiaux, Bourguignon. . Pierre d’Abbadie , de Mirepoix , MEME MA RARE Pierre de Médici (3). eee te Pierre de Barthelemy, Docteur et TOC AT des. Me de Von M A Marie-Anne de Cadilhac, Docteur et Avocat, de Toulouse. .. . . . . M.° Jean Tibaud, Docteur et Avo- Ces re in mere OU PRIX, le Souci. VEglantine. la Violette. les petites Fleurs. le Souci. l'Eglantine. la Violette. les petites Fleurs. le Souci. lEglantine. la Violette. le Souci. l'Eglantine. la Violette. V'OEüillet. le Souci. l'Eglantine. la Violette. (1) Le prix des Fleurs fut donné aux pauvres, à cause de la contagion. (2) Le même que celui qui reçut l’Eglantine en 1586. (3) Fils de M, de Médici, Seigneur du Mège, Conseiller au Présidial. 21. 324 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1591. Le petit Baron de Villeneuve. . . Le jeune Pierre de Fraxine. . 1592. Gilles Juliard , de Toulouse... . . le Souci. Jacques Dufaur de Saint-Jory , de Toulouse, Maître ès Arts. . . . l'Eglantine. Jean de Vaissitre, de Toulouse, 3 les petites Fleurs. Docteur et Avocat. . . . . . . . Ja Violette. Pierre de Fraxines. . . . . . . . \ Mathieu de Bandinelly. . . . . . } les petites Fleurs. 1593. Pierre d’Abbadie (1), Docteur et ANOCAT ect creer 0e . Je Souci. Gabriel de Loupes, de Toulouse. . . lEglantine. Jean Forès, d'Espalion en Rouer- UE USE LE cp ME PE AE la Violette. Donan de LL ARR EUR SIENS Das ct ee nee ei PNR les petites Fleurs. DeYlabarihe en TEEN TE 1594. Jacques Dufaur, Baron de Saint- Jory, de Toulouse. . . . . .. le Souci. Jehan Etienne Palarin , Etudiant, dexloulouse ANR tree l'Eglantine. Jehan Gallois, Limousin. . . . . . la Violette. Dedlordatitis IP ES YOEillet. 1595 (2) Re PEER RER Re à Le 1596. Jehan Gay, de Toulouse. . . . . . le Souci. Jehan Pacher , de la province d’Au- NÉEONEN. Le Male e EME con lEglantine. Gilles Jubard (3), de Toulouse, Docteur et Avocat. MERE CRE la Violette. 1597: Jean Etienne Palarin , de Toulouse, Docteur et Avocat. . . . . . . . le Souci. Jean Rinaus, Etudiant. . . . . . . lEglantine. Jacques Dufaur, de Saint-Jory.. . la Violette. 1598. Jean Galaud , de Toulouse. . . . . le Souci. RE (x) LL avait reçu la Violette en 1590. Supra. (2) I n'y eut pas de prix cette année «à cause, ditle Registre rouge, d'un différend survenu entre les Mainteneurs et les Capitouls. » (3) Le même qui avait remporté en 1592 le prix du Souci. MÉMOIRES. 329 1998. Galles Juhard (1), de Toulouse, Docteuret Avocat... . . . - l'Eglanune. Jean Gay, de Toulouse. . . . . . . la Violette. Paul du May, Ecolier.. . . . , . . lOEillet. 1599. Vincent Rabonite, de Toulouse, Btutbantie sens 24) AO le Souci. D ane: VE MT ee l'Eglantine. Jean Alary, Docteur et Avocat. . . la Violette. 1600. Jean Galaut, de Toulouse, Doc- TOUTE VOA CR ere een la Violette. Guillaume Laville, Etudiant, de la province d'Auvergne... . . . . . le Souci. Jean Gay (2), de Toulouse, Doc- TUE VOCAL. 0. purent l'Eglantine. Parmi tous ces poètes, on dut sur-tout distin- guer Jean Galaut. Nous venons de voir qu'il remporta en 1508 le prix du souci, et en 1600 celui de /a violette. Les Mainteneurs lui décerne- rent l’églantine en 1602 , avec le titre de Maitre. Son style, quoique empreint de cette rouille gothique , que les exemples donnés par Mal- herbe firent bientôt disparaître, a du naturel et de lélégance. Il commença une traduction de l’Enéide, et donna une tragédie intitulée Phalante. Le libraire qui, en 16rx, publia une édition des poésies de Galaut (à 1), dit dans sa préface, que « quand ès subjects d'amour qui » sembloient estre object commun des poëtes » celui-ci en a traicté si briefevement, qu’il semble (1) Szprà. (2) Le même qui reçut en 1596 le Souci, et en 1598 la Violette. (1) Recueil de divers Poëmes et Chants royaux , avec le commencement de la traduction de l’'Enéide de J. Galaut, advocat au parlement de Tolose. Tolose, par la vefue de J. Colomiez ; 1611, in-12, avec portrait. 326 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » avoir faict comme Demodocus, qui chantoit aux » Phéaciens les amours de Mars et de Vénus, non » pour applaudir au vice, ains pour retrancher » les lascivités ; aussi la modestie de son naturel » ne lui permettoit point d’ombrager le laurier » d’Apollon du myrte de Vénus. » Malgré ces assertions, presque toutes les poésies de Galaut ont rapport à l'amour, et quelques-unes sont souillées par les expressions les plus cyniques. On regrette mème que ce défaut se fasse remarquer dans les meilleures pièces de cet auteur, et prin- cipalement dans celle qui est intitulée La destinée d’une robe et cotillon de satin blanc. Son Ode à la rose, faite avant la publication des ouvrages de Malherbe, est dans le genre des meilleures pièces des anciens poètes. «Q fleur ! dit le poète, 0 fleur, chose la plus heureuse Qui fut onc en ces bas lieux ; La belle Aube matineuse Cache son teint, vergoigneuse, Admirant ta rareté , | Et d’une face matce Se confesse surmontée Des rayons de ta beauté. Toutes les Nymphes sacrées T'amassent parmy les prées Pour couvrir leur sein de laict, Ou bien encore pour faire D'une main plus mesnagère En rond maint beau chapellet. Les pastorelles gentilles En font souvent hors les villes MÉMOIRES. 3 D 1 Des bouquets pour leurs bergers. Aussi parfois on t’agence Pour te fouler à la dance Des Faunes aux pieds légers. ‘ Puisse-tu , belle fleurette , Vermeille toujours durer ! Puisse la course ordinaire De Phœbus porte-lumière S’arrester pour t'admirer ! Galaut mourut en 1605, âgé de 30 ans(r). ‘ Ex retirant de l'oubli les noms et les vers de plus de quatre-vingts poètes couronnés par les Mainteneurs du Gai savoir, jai voulu, ainsi que je l'ai dil en commençant ce Mémoire , four- nir des matériaux et des preuves à l’histoire litté- raire des provinces méridionales de la France. Mais un autre intérêt ma encouragé dans mes re- cherches, Jai voulu aussi remplir plusieurslacunes qui déparent les Annales de l’ancienne capitale du royaume d'Aquitaine. Le souvenir des triom- phes littéraires est d’ailleurs toujours utile à la postérité : les fastes des villes doivent s’en enrichir, et l’on ne peut oublier que c’est par la culture des sciences et des lettres que Toulouse a obtenu, dans les temps anciens, et a conservé jusqu’à nos jours, le glorieux titre de Cité Pal- ladienne. (1) Get auteur présenta ou lut dans les séances publiques des Jeux floraux sept Chants royaux. En tête du Recueil particu- lier de ces poëmes , on lit : Chans (sic) royaux prononcez aux Jeux de prix institués dans Tolose , pour la poésie fran- çoise, par Dame Clémence d’Isaure. APPENDICE. J’ar parlé dans la Biographie Toulousaine(x), et dans la Sta- tistique générale des départemens Pyrénéens (2), des Troubadours couronnés pendant le 14."° et le 15.m+ siècles par la Compagnie des Mainteneurs du Gai savoir dans la Capitale du Languedoc. Les poètes couronnes aux Jeux floraux pendant le 17."° siècle sont moins connus. Nous avons essayé de rassembler dans cette Appendice et leurs noms et les dates de leurs triomphes ; plustard , nous pourrons faire connaître leurs ouvrages. ANNÉES. NOMS DES AUTEURS. PRIX. 1601. Paul du May, Etudiant, de Tou- louse Te MAÉROR ECM UMMÉRslantne N... Sauvageon , Etudiant, né en AIO STATE r el NES 6 le SOC Nicolas: Monestiés , Etudiant, Gas- CORRE Er pate A UV IOIOTEE: (1) In-8.0, Toulouse, 1822. (2) Deux vol. in-8.0, Paris, 1828, 1830. (3) Paul Du May naquit à Toulouse en 1585. I] descendait d’une famille originaire de la Beauce, et fut reçu conseiller au parlement de Dijon en 1611. Il cultiva la poésie latine avec succès, et fut lié avec Scaliger, Grotius et Gassendi. On à de lui, L. Æprcidion ir funus D. Dionysii Brularti, equitis, senalüs Burgundie priscipis. Dijon, 161. I. Discours sur de Trespas de M. de Termes, à D. de Bellegarde. Dijon , 1621. IL. Zes Lauriers de Louis le Juste, Roi de France et de Navarre. Varis, 1624. IV. Zanrocentii III, Pont. Mar. Epistole guorum pluriusque Apos- lolicæ decrelæ, cum lucubrationibus Pauli Du May. Paris, 1625; in-8 .° (4) Chaque pièce de vers, transcrite sur les registres des Jeux floraux, était signée par son auteur, et il paraît qu'on tenait beaucoup à ajouter à son nom Ja désignation de la ville ou de la province où l’on était né. Ainsi on écrivait Parisien, Tolosain, Gascon, Auvergnat, Rouergas, etc. MÉMOIRES. 329 1602. Pierre de Médici, Etudiant, Tou- los) RANCE... = e0lelSoucr. Nr Hay @harestens 24.04.12: la Niolette. Jean Galaut, Docteur, de Tou- ETS ACROSS ES Dans l'Eglantine. 1603. Jean Duplanté, Étudiant, Toslégsair. la Violette. Paul du May, Etudiant ; Toulou- DHN NE le Souci. François Maan , Sr. de Ë Pac, Et- HA D En rslouee - cioecresee plbglanune. Jean-Euenne Palarin , de Toulouse , Dücteur-et Avocat... .:. . . .. . 0QUne Fleuràälu donnée Aonorairement , dit le Registre , parce qu’il estoit Capitoul , et comme il estoit cou- ronné pour la troisième fois (5) , il eut le titre de Maître. » 1604. Etienne Molinier, Etudiant, Toulou- Sam\(6)aitn. Te sst fule:Soutl. B... de Richard, Étndianes Toulousain. YEglantine. Alexandre Paul de Filère ; Etudiant, Houlousaunsens (4e .:. ‘Ja Violette. 1605. Jean du Planté, Docteur et rrabte de Houlouse(T) EN TN le Soucr, (1) Le même qui avait reçu l'ÆY//e/, comme prix d'encouragement, en 1590. (2) Le même qui avait obtenu / Sozci en 1598 et Za Violette en 1600. (3) Szprà. (4) Au-dessous de la signature de cet auteur, on lit : Françars, de la ville du Mans. (5) C'était ce qu’on nommait /4 Waf/rise, (6) Ne à Toulouse vers l’an 1580. Il embrassa l’état ecclésiastique et eut de la réputation comme prédicateur. Il a laissé, L. des Sermons , dont le Recueil forme plusieurs volumes. Il. D’scours prononcé au Sacre de Louis XIII. WII. Ze Lys du Val de Guaraïson , ou Histoire de Nostre Dame de Guaraïson, ef des miracles qui s’y sont opérés. XN. Vie de Barthélemy Donadieu de Griet, évéque de Comminges. N. Œuvres mêlées d'Etienne Molinier. On y trouve un P/aidoyer pour La préséance des avocats sur les médecins , grave et importante discussion, intéressant singulièrement les succès des eliens et la santé des malades. Voyez Z/0- graphie toulousaine, tom. A1, pag. 63, 64. (5) Szprà , année 1603, 330 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1605. Pierre Laudun, Docteur, de la ville FÜR. : ; …. t0)-1Bglantne, Jean Bressanges, Étndiant, Quercinois. a Violette. 1606. Alexandre Paul de Filère, Avocat , Tou- PRIS rare ne 0 et 2 UC le Souci. Jean Trebos, Gascon.. 21 2 :. l'Eglantine. Charles de Paulel, Etudiant, Toulbii SUILPBe Dale hace Mie rte Ne Mae le PCs de ee la Violette. 1607. Arnaud Maignon, Etudiant ,; Bourde- VOS Rite seen nelle ciel eee . Je Souci. Etienne de la Vigne, Etudiant, Bour- SuIEnOn te ie a "M de l'Eglantine. Etienne Molinier, Etudiant , Potélon- sain (1).. Sen 1: la Violette. 1608. Charles de Paulel (2), Toulousain, .. Je Souci. Alexandre Paul de Filère, Docteur et Avocat (3), Toulousain... . . : . VEglantine. Raymond Maran, Etudiant, Toulou- SAUT SE ee MU bn Vibletie. Pierre Godolin (4)... « ...,.. .. l'OEillet. 1609. Pierre Godolin, Etudiant, Toulousain. le Souci. Jean du Planté, Avocat au Parlement , Toulousain (5). : . . . +... VEglantine. Paul du May, Avocat, Toulousain (6). la Violette. N... Glouton , fils d’un Capitoul. .. . . l'OEillet. 1610. N... Pimbert, Etudiant, A/bigeois. . . le Souci. Bertrand Larade, Gascon. . . . . . . lVEglantine. Jacques de Boisson d’Aussonne , de T'onlansent. ARR EPA ERRREE RTE la Violette. (:) Le même mentionné en 1604. (2) Déjà couronné en 1605. (3) Suprà , années 1604, 1606. (4) C’est le célèbre poète Pierre Godolin, nommé, assez mal, Goudelir et Goudoulr. On trouve dans ses OEuvres plusieurs Chants royaux qu'il dic{a aux Jeux floraux. Un seul est en vers français ; c’est celui qui obtint le souci en 160q. (5) Saprà , années 1603 et 1605. (6) C'est le même auteur qui reçut en 1601 l'Eglantine, et en 1603 le Souci, MÉMOIRES. 334 1610. N... de Malenfant. . . . . . . . . . . lOEillet. 1611. Barthelemy Paul de Garra, Etudiant, Tonous air NUMERO EME le Souci. Gilibert de Belville , Etudiant, Tour- ROTS (1). 5 4 à + ee ste loose w à l'Eglantine. * Sebastien de Pago, Etudiant, Gascon. la Violette. De:Belloy fils. 4 . 4... . . . . Ja Pensée. DeBertrand, fils. 0 MP ENONCE l'OŒEillet. 1612. Jacques de Boisson d’Aussonne , de Toulouse (a}is is Jun, Ve, lle Souci. Raymond Ma ; Mets Toulou- San (5) MR OMIS l'Eglantine. Nicolas Grilhe, Etudiant, Champenois. la Violette. N... Lamaymie, fils d’un Capitoul. . . un OEillet. INetnValette, fils. 20e VUE un autreOEillet. 1613. Gabriel de Barthelemy, de Grammont, Etudiant, Toulousain. . . . . . . . le Souci. Charles de Paulel, Avocat, Toulou- San (4): PRE ANS AMNONUE 44 l'Eglantine. Barthelemy Paul de Garra, tédant: Foulousan.(5)." SN E ILE la Violette. . Soubiran , fils d’un Capitoul. . . . lOEillet. N... d'Ouvrier, fils d’un Conseiller au PACE A NME Ne la Pensée. 1614. Raymond Maran (6), Toulousain , Docteur et Avocat, + + à + ss 5 « le Souci. Jacques de Boisson d’Aussonne , Docteur et Avocat (7), Toulousain. . . . . . l'Eglantine. Guillaume Aldibert , Etudiant, de Sarnt- Jory, village près de Toulouse... . . la Violette. (2) De Tournon. (2) Le même qui avait obtenu la Violette eu 1610. (5) Fils de Guillaume Maran, jurisconsulte, auteur de plusieurs ou- vrages , et dont le buste est placé parmi ceux des Z//ustres dans le Capitole de Toulouse. 11 avait eu la Violette en 1608. (4) Szprà , années 1606, 1608. (5) Voyez année 1611. (6) Le même qui avait reçu l'Eglantine le 3 de mai 1612. (7) Voyez suprä , années 1610 et 1612, 332 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1614. N .. Albaricy, fils du Procureur du Roi en la Chancellerie. … ...,.. .. . unepetite Fleur. N... de Marmiesse, fils d’un Capitoul(1). une autre. 1615. Charles Catel (2), Etudiant, Toulou- SGEN: + se TRE TU AU le Souci. Jean-Arnaud Dispan (3), Etudiant et doousain es site ROUE l'Eglantine. Gabriel Barthelemy de Grammont (4), Avocat , : Toulousain. . . .….. . . la Violette. N... Maymbal, fils d'un Conseiller au Parlement he ph ae . - lOŒillet. 1616. Mari Courtois, Etudiant, Toulousain. le Sonci. Jean-Germain de la Bastide , Etudiant EtMoulousan dr te AM ete lEglantine. G. Gay, Etudiant, Bourdelois.. . . . la Violette. N... Dufaur de Saint-Jory, fils. . . . . l'OEillet, 1617. Raymond de Saint-Blancart, Etudiant et Toulousain @"e 42 us wleiSouei. N... de Redon, Etudiant, de La ville de Morssccntel au : .. lJEglantine. Charles Catel (5), Toulousain. . . . . la Violette. Le fils du Capitoul J anlandye lt rare l'OEillet. 1618. Jean-Paul de Barthés , Etudiant, Tou- Vanne A Re. A4 Nes le Soucr. Jean Alard, Etudiant, de La ville de Mitepoic ist PC + a l'Eglantine. (1) On délibéra cette année que Les poètes qui n’iraient pas offrir les fleurs remportées par eux , à l'Eglise de la Daurade et à celle de Saint-Roch, hors des murs, seraient exc/vs des prix, et ne pourraient recevoir le titre de Maitre. . (2) I appartenait à la famille de l'historien des Comtes de Toulouse. (3) Une famille de ce nom existe à Saint-Gaudens, chef-lieu du 4.me arrondissement du département de la Haute-Garonne. M. Dispan, Profes- seur de Chimie, et Membre de l'Académie des Sciences de Toulouse, est le chef d’une famille qui descend peut-être du jeune poète mentionné ici. (4) Depuis Président aux enquêtes du Parlement de Toulouse, et Con- seiller d'Etat. On a de lui une ÆZrs/oire du Règne de Louis XIII : elle est écrite en latin. Cet ouvrage a eu plusieurs éditions. De Grammont mourut en 1654. J] reçut le prix du Souci en 1613. (5) Supra. 1618. 1620. 1621. 1622. MÉMOIRES. François de Melet, Etudiant, Towlou- SAR RENE MES Eee : N... d'Olivier Fils de dérik Ep N... de nn touls. Sébastien de Cotrai, Æcoker, Cacbr: Bernard d’Ahés, Ecolier, Toulousain. Gabriel de Chalvet, Ecolier, Toulou- SAIT (A) ARR ANNEE Arnaud du Preir:. 2 Mere nr François de Melet (2), Etudiant, Tou- HOUSE et ae ares SA Jean de Haultpoul , Etudiant , Posts HG) PRE : AR ES ee Raymond de Snéblancses Docteur et noie Toulousain (4). . .. . de ER efoc, fils d’un Capitou. | .… Desfontaines. Gabriel de Chalvet, TS tin (5). Bernard d’Aliés, Etudint à Tir ass Jean de Malenfant de Pressac , Ecotter, Tortlousain. + WADE EU J. P. Chappuys, fils d’un Avocat de ce nom, qui exerçait la charge de Ca- lee O2 120 A0 s Guillaume de Bertier de Sainte Gonres e Ecolier, Toulousain.. . .. Philippe de Caminade, Ecolier, non lousain MMS elec iote Le rokte Jean Alard, À boëar né à Mirepoix. 333 la Violette. les peutes Fleurs. PEglantine. le Souci. la Violette. l'OEillet. le Souci. l'Eglantine. la Violette. h les petites Fleurs. le Souci. lEglantine. la Violette. l'OËillet. le Souci. l'Eglantine. la Violette. (1) De la même famille que ce Chalvet qui d'cta en 1581 un Chant Royal sur le Mystere de l’'Incarnation. Supra. (2) Voyez année 1618. (3) De cette ancienne famille qui produisit dans le 11.me siècle le brave Pierre-Raymond de Æa//opullo, qui suivit Raymond de Saint-Gilles en Syrie; et qui, de nos jours , a donné le lieutenant général d'Hautpoul, mort glorieusement des blessures reçues sur Le champ de bataille de Prussik- Eylau, en 1805. (4) Suprà, année 1615. (5) Voyez année 1619. 334 1622, 1623. 1624. 1625. 1626. INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. N... de Bertier, fils d'un Conseiller au Parlement memes ETUIS Gabriel de Chalvet, Toulousain (1)... N... Laborderie, Ecolier, natif de Jean-Paul de Barthés s er Tou- TousaiNR mn ST AO RENE Bernard d’Aliés, Toulousain , Chanoine et Docteur en Théologie. . . . . . . N... Maran, fils d'un Conseiller au Padement AE NRC N... Pegulian , fils d’un Capitoul. . . . Jean Alard , de Mirepoix (2).. . . .. Jean Pierre Baynaguet , Avocat, Tou- lousain ta ie) Na CR Te Mari Courtois, Avocat, Toulousain (3). Jean de Haultpoul, Avocat, Toulou- sain (4): HA N... Lisier, fils d’un Bourse Re Etienne Molinier, Toulousuin , Prêtre et Docteur en Théologie (5). . . . Philippe de Caminade (6), Toulousain ; AVOCATS Neo NC ICT Te Guillaume de De de Saint-Geniés, Avocat et Toulousain (7). . Jean-Paul de Barthés, Toulousain (8). N... d'Ohvier, Toulousain tait) 16 N... Redolin, de la province de Rouer- QUE 4 ANNE Mt out lus l'OEillet. reçoit la Maitrise. le Souci. l'Eglantine. la Violette. les petitesFleurs. reçoitlaMaîtrise. le Souci. l'Eglantine. Ja Violette. l'OEillet. . reçoitlaMaîtrise. le Souc1. l'Eglantine. la Violette. le Souci. l'Eglantine. (1) Voyez année 1619 et 1621. (2) Années 1618 et 1622. (3) Déjà couronné en 1616. (4) Supra. (5) Le même dont on a parlé sous les années 1604 et 1607. On donna ‘quatre fleurs cette année, parce que Molinier fut reçu Haïtre. (6) Il avait reçu en 1622 l'Æg/artine ; dans la suite, il fut Wain/eneur des Jeux floraux et Conseiller au Parlement. (5) D'une famille bien connue et ancienne. loyer année 1622. (8) Supra. MÉMOIRES. 1626. Mari Courtois (1), Avocat, Toulousain. RANIEEE LOn LÉO QUE MAP EN ON MENORNTE 1627. Jean de Haultpoul, Avocat, Toulou- 71 10 AN EINR SERRES AE SEE Baron , Ecolier, Gasron , Han es di, département du Got RTE Philippe de Caminade, Avocat, Tou- louSAtr nent eee Hs MNETTe 1628. Guillaume de Bertier de San Bent Toulousain , Avocat, Capitoul (3). François Bones , de Beziers , Etudiant. Jean-Pierre Baynaguet, Avocat, Tou- lousain. . . . 1629. 4080. eng) se “agree biere € I n’y eut point de Jeux poe- tiques cette année , à cause de la maladie contagieuse. » 1080: 22 CHalhynltenne let ele pe, Met se tie ete «La même cause empêcha la célébration de la fête des Fleurs : l'argent des prix fut donné aux Capucins. » 1631-7220 «Les prix ne furent point distri- bués cette année , à cause, dit un manuscrit , de la quantité de pau- vres que la ville renfermait , et du mal contagieux. » 1632. Paul-François de Belloy, Ecoker, Tou- TOUSAR IE CE ee Jacques Dufaur de Saison y, Ecoker, Toulouse MEET Jean-Pierre Baynaguet (4), Avocat, Toulousain. . . . Ja Violette. l'OEillet. le Souci. l'Eglantiue. la Violette. la Violette. le Souci. l'Eglantine. le Soucx. lEglantine. la Violette. Qt (1) Saprà , années 1616 et 1624. (2) Voyez années 1620 , 1624. (3) Années 1622, 1625. (4) Szprà, années 1624 et 1628. 336 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1632. Pierre François Sevin. . . . . . . . . . l'OEillet. 1633. Benigne Lantin, de Dijon, Etudiant. . le Souci. Raymond de Saint-Blancart, Docteur et Avocat (1), Toulousain. . ... . .. l'Eglantine. Baron , Regent au Collége de lEs- quille (2), né à Pouylouvrin (3). . . Ja Violette. 1634. Jean Doujat (4), Docteur, Toulousain. la Violette. N... Requy, Etudiant, né à la Grace en: Grave SROMEANE) SUSTATIRL ME le Souci. Jean-Pierre Chappuys , Etudiant , Tou- lousain eve SE MN l'Eglantine. 1635. Paul-Francois de Belloy (5), Avocat et THORTOUSALR AE NAN So. eee la Violette. Baron (6), Avocat, de Ps EU . Je Souci. Pierre Rouziés, Avocat, Gascon.. . . VEglantine. 1636. Jean-Baptiste Colombat, Bourguignon , Etudiant LAMPE NAME . Jl'Eglantine. Jean-Pierre Chappuys (7), Avocat, DÉROULEMENT TRE . Ja Violette. Jean de Lacarry, Ecolier, Toulousain. le Souci. 1637. Paul-François de Belloy (8), Toulou- sat; -ANOCAR AMOR, AL MT: OPESlantine. George Granjon , de Pezenas, Avocat. . la Violette. P. d'Isarny (9), Toulousain. . . . . . le Souci. (1) Poyez années 1617 et 1620. Il fut reçu Maître en 1635. (2) Suprà , année 1627. (3) Le Registre de cette année porte ce qui suit : « Arresté que /es parties seraient zdmonestées de faire leurs Canfs royaux principalement à l'honneur de la Sainte Vierge.» Ce style de barreau indique assez que tous les Aainteneurs étaient pris dans le Parlement et dans l’ordre des Avocats. (4) L'un des hommes les plus érudits du 17.me siècle. Chapelain dit dans une lettre à Balzac : «IL n’est pas possible de rien apprendre au savant Doujat dans les langues grecque et latine, italienne et espagnole. Il a de même une grande connaissance de l'esclavonne, de l’allemande et de l'hébraïque.» Il fut membre de l'Académie française, et on a de lui un grand nombre d'ouvrages encore estimés. (5) Suprà, année 1632. (6) Le même mentionné en 1627 et en 1633. (5) Voyez année 1634. (8) Déjà couronné en 1632 et 1635. {9) D'une ancienne famille qui existe encore. MÉMOIRES. 1637. N... de Montrabe , pour un Sonnet. . . 1638. Jean Doujat (1), Toulousain, Docteur, ANOCA ERP ES ME à M htder eue vesalie Henri de Taraillan, Toulon. A LÉ Jean-Pierre DIRE (2), Avocat. 1639. N. de Clarac, sieur de la Ginelle. . . . Claude Boyer, ÆAlbigeois (3). . à GeorgeGranjon; de Larzac, Avocat (y 1640. Bernard Boyssonade, Eurés gois (5)... Jean de Lacarry, Toulousain (6). . . . Henri de Taraillan, Toulousain. . . 1641. Jean Ayrail, Toulousain. . . : . . .. George Granjon , de Larzac (7), Avocat. Pierre Textoris, Toulousain. . . . . . 337 la petite Fleur. l'Eglantine. la Violette. le Souci. l’'Eglantine. Souci. le Souci. la Violette. l'Eglantine. le Souci. lEglantine. la Violette. Les Registres de l’Académie et les Mémoires particuliers finissent en 1641, et. pour suppléer à ce qui manque jusqu'en 1694, époque où Louis XIV crigea en Aca- démie l’ancien corps des Jeux floraux , j’ai eu recours aux recherches , un peu en désordre, de M, Lagane, et (1) Szpra , année 1634. (2) Voyez années 1634 et 1636. (3) Depuis, Membre de l’Académie française, auteur de plusieurs tra- gédies. On se souvient de cette épigramme lancée contre lui par Racine: À sa Judith, Boyer, par aventure, Etait assis près d’un riche caissier. Bien aise était, car le bon financier S'attendrissait et pleurait sans mesure. Bon gré vous sais, Lui dit le vieux rimeur, Le beau vous touche , et ne seriez d'humeur À vous saisir pour une baliverne. Lors le richard, en larmoyant, lui dit : Je pleure, hélas! pour ce pauvre Holopherne Si méchamment mis à mort par Judith. (4) Le même que Granjon, de Pezenas, qui reçut /a Violetfe en 1639. (5) De la ville nommée Zewrac-le-Grand, on seulement du Comté de Lauraguais. (6) Sprà , année 1656. (5) Poyez années 1637, 163q. I fut reçu Maître en 1641. TOMPM If, PART, IT, 22 338 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. aux Recucils imprimés à Toulouse , et néanmoins presque entièrement inconnus dans cette ville ; mais àl restera en- core ici, malgré mes soins , de très-nombreuses lacunes. 1642. François Madrènes. . . . . . . . . . . Je Souci. RARE ie à = UE TUE be 10iEglantine, A ee PU a TS s s'aCT CC EE: qe Nail. 1643. Dominique Capusat.. . . . . . . 50. 1 Je Souci. 1644. François Celeri. . . . . . . . . . . . . le Souci. Barthelemi Bousquet, Toulousain... . YEglantine. Pierre François Gaye.. . . . . . . . . la Violette. 1645. Guillaume Pradines, de Toulouse. . . le Souei. Bernard Famaudi parent 4 - ie l'Eglantine. Antoine Esprit, de Beziers (1)... . . . Va Violette. 1646 RME ER RRSNE NEURONES. à. L'OMPI ES MORTE 20h Ha ME POELE 2! cui c TN RON 1648. M. Mare-ARTBe de Bonnes, de Com- nhpes as SNMRERCRN CHENE QD LOT eee CR eee ee. 1650. Bernard Courtois (2), Toulousain. . . la Violette. Raymond Samedies. . . . . . . . « . le Souci. Louis Catellan , de Toulouse. . . . . . l'Eglantine. 1651. Grégoire de Barutel, né à Villefranche de Laurasuais (3) 24e PARUS l'Eglantine. LOS NP PE AMEN ES acer eue rc 2 ee MR < SE HOT ee et MN RUES LM EME 5/0 640 C6 IGN NN ITEMS PARTNER RER re. 1655 Rien ENTRE A RSR RER Ds : % 1656. François Boudet, Prêtre, Toulou- Sun (Nes met atedts Put: Ve in te Rene: (G) Voyez : Paraphrase sur l’' Hymne NVeni sancte Spiritus, pour le triomphe de la Violette. Tolose, François Boude, 1645, in-4.0 (2) Nous avons de cet auteur une Brochure in-4.0, intitulée : Ze Mont de Parnasse, pour le triomphe de la Violette. Yolose, F. Boude, 1650. (3) Voyez: Le triomphe de l'Eglantine , par le sieur Grégoire de Ba- rutel, natif de Villefranche de Lauraguaïs ; in-4.0; Tolose, F. Boude, 1651. (4) Nous avons encore de cet auteur, I. Ze triomphe de l'Eglantine , im-4.0; Tolose, 1656. II. Ze riomphe du Soucy, in-4.°; Toulouse, 1679. MÉMOIRES. 339 1657. Jean Delpech (1) ou Delpuech, Tou- lousain, Ayocat.. : : . . . . . . . l’Eglantine. 1658. Jean de Muret (2), Avocat. .. . . . . la Violette. Guillaume Bauduer, Prêtre, de Peyrusse, bourg du du Gers (3).. le Souci. 16H EE EE. EE Le RC M el ehiolole te à 1660. Etienne Chaulenie.. . . . . . . . . . 1667. Maïtmeu Lamothe., ©. "5 7 AOL. | D PSNEINNRMNNR Le. 40 SHARE D. 1663. Guillaume Salière. . . . . . . ; ; A Violette. Pierre de Labroue (4), de T tous: . Je Souci. 1664-1Prerre Dutlhe se uns ie SE Guillaume de Baies G),T Gnlbusas le Souci. 1665. ANA RES + Éd Er A Le LE TETE AE ere Bu RP DE MN LC or DS 20 So Qi ore 1667. Dante > Ecuyer, Seigneur doLuE ; Touliusan (6) Hu et hits le Souci. 1668): RTE uen e EU AT A PRET HN 6 Es rre à 1669. Santussans, Maître ès Arts, de la Fa- Coterde Paris PT) ns la Violette. 1670. Dardenne, de Villefranche de RUE STE A ANT y re ER l'Eglantine. (x) Voyez : Ode au premier Président du Parlement de Tolose , et autres pieces pour le triomphe de l'Eglantine ; in-4.°; Tolose, F. Dr: 1657. (2) Ze tableau de l'inconstance de Phylis, pour Le friomple de Le Violette; in-4.; Tolose, Arnaud Colomiez, 1658. (5) Le triomphe du Soucy, in-4.; Tolose, 1658. On trouve dans ce Recueil des S/znces et le friomphe de la Croix, ou le Tombeau de La Mort. (4) Voyez: Adieu aux Muses Prophanes, pour le friomphe du Soucy ; in-4.0; Tolose, F. Boude, 1664. M. de Labroue fut Evèque de Mirepoix et mourut en 1720. (5) Ze Bonheur imparfait, pour le triomphe du Soucy, par Guil- laume de Busens, Tolosain ; in-4.0; Tolose, B. Bosc, 1664. (6) Voyez : Le Jeune Amoureux , pour le triomphe du Soucy ; in-4o, Tolose, P. d'Estey, 1667. On trouve dans ce Recueil, 1.0 Le Jeune Amou- reux , Stances; 2.0 des Sonnefs ; 3. Le Déluge, la Conversion de Saint Paul et Apollon, Chants Royaux. (7) Les Sentimens du véritable François, pour le triomphe de la Violette; in-4», Tolose, veuve de J. Colomiez, 1669. 22. 340 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1671. Nicolas-Etienne du Puget (1), de Tou- AT Mo A EL OUEN TR la Violette. Pierre Jonquet (2), Avocat au Parle- ment, Toulousain... + . l'Eglantine. 1672. Jean Dardenne (3), de Villefranche de MOMET EUR. 0e. ce eee ie le la Violette. Jean-Arnaud Laborie (4), Toulousain. VEglantine. François Loume (5), de Beaumont de Tormaeness M ECS se Lei ONE. 1673. Joseph de Pradines, Toulousain. . . Nicolas Etienne du Puget (6), de Tou- PTT RE see u def lP UNE 1674. Jean Dardenne (7)... . . . . . . .. le Souci. Pierre Jonquet (8), de Toulouse. . (1) On a de ce poète deux Recueils, 1° Ze /riomphe de la Violette par zoble Estienne du Puget. Yolose, J. Pech, in-4., 1677. 2.0 La Métamorphose de Philomele, pour le triomphe du Soucy. Tolose, J. Pech; in-4.0, 1673. (2) Voyez: 1. Le triomphe de l’Eglantine aux Jeux floraux, par P. Jonguet ; in-4.; Tolose, J. Pech, 1671. 2.0 Le triomphe de l'Eglantine. Tolose, J. Pech, 1674. (3) On a de cet auteur, 1.0 Le triomphe de l'Eglantine ; in-8.; To- lose, 1670. 2,0 Le triomphe de la Violette ; in-4.; Tolose, J. Pech, 1672. 30 Le triomphe du Soucy et de la Matirise ,par M. Dardenne , Prêtre et Docteur en Théologie , de Villefranche de Rouergue ; in-4; Foie R. Mestre, 1674. (4) I nous reste de cet auteur, qui obtint encore des prix en 1675 et en 16..., deux Recueils de poésies, x.0 Le He de l’Eglantine, par Jean-Arnaud Laborie, Tolo- Sair ; ; Tolose, F. Boude, 1692. 2.0 Le pr de LE Violette, ete., in-4.; Tolose, J. Pech, 1675. (5) Voyez : Le ere du Souci, par NT.e A ANQNES Loume , de Beau- mont de Lomagne ; in-4.0; Tolose, veuve d'A. Colomiez, 1672. ns S'zpra. (5) Voyez Le triomphe de HE ealines in-4.0; Tolose, 1650. On a encore de cet écrivain, 2.0 Le triomphe de la Violette, par J. Aarue , sous-Diacre , de Villefranche de Rouergue ; in-4.e; Tolose, J. Pech, 1652. 3,0 Le triomphe du Soucy Maitrise de Jean re. anne, Prêtre, ete.; Tolose, R. Mestre ; in-4.°, 1674. (3) Supra. MÉMOIRES. 341 1695. Jean d'Olive (1), de Toulouse. . . . . le Souci. Jean-Arnaud Laborie (2), de Toulouse. la Violette. 1676: Maien Amar 1 UT SUR 1677+ Jean d'Olive, Avocat, Tee (3). la Violette. Joseph de Prdiaes T. oulousain. . . . VEglantine. LOS NS M Panne VMS MUR APRES à ne. 1070. Niels Chayde. » 4 MONT la Violette. Cartier, Avocat au Parlement (4).. . . l’Eglantine. François Boudet , Prêtre , Toulou- SR (D) 15 ae ere. le Souci. 1680. Antoine Souterenne, Toulousain. . . . Jean d'Olive, Conseiller du Roi et Subs- ütut du procureur général (6). . . . lEglantine. 1681. Jacques Bégué... . . . . . .. se 1e IC DOUCT. Jean-Louis Guitard, Toulousain. . . . V'Eglantine. Jean de Raymond, Toulousain (7). . . la Violette. 1682. Antoine d’Abbatia (8), Toulousain, AVocatsau Parlement. … 2 2e" 0e la Violette. (1) Nous avons de Jean d'Olive, dont la famille subsiste encore à Tou- louse, 1.0 Ze friomphe du Soucy , par noble Jean d'Olive ; in-4.; Tolose, J. Pech, 1675. 2.0 Ze One de la Violette, par M.e Jean d'Olive, Avocat en Parlement ; in-4.; Tolose, J. Pech, 1677 3.0 Le Hoiphe de l'E, GA bee el de la Maitrise aux Jeux Floraux , par M. M.e Jean d'Olive, Conseiller du Roi et Substitut de M. le Pro- cureur général au Parlement de Tolose ; in-4.0 ; Tolose , J, Pech, 1680. (2) Szprà. (3) Szprä. (4) Voyez : Le triomphe de l'Eglantine, par M. Cartier, Avocat er Parlement ; in-4.0 ; Toulouse, Jean Pech, 1659. (5) Szprà, année 1656. (6) Voyez années 1675, 1675. (7) Le triomphe de la Violette, par Jean de Raymond, Toulou- sain; in-4.0; Toulouse, A. Colomiez, 1681. (8) Cet auteur a Hises 1,0 Le triomphe de l'Eglantine, par Antoine d'Abbatia ; in-4»3 Toulouse, G. Bosc, 1682, 2.0 Le triomphe de la Violette, elc.;in-4.0; Toulouse, N. S. Hénault, 1684. 3.0 Le triomphe du Soucy et Maïtrise; in-4; Toulouse, L. Bosc, 1689. 342 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 1682. Jacques Vincens , Bachelier en Théo- Re (OT At PEolangine. Jean Daubian , Toulousain , Maître ès As CR RE RL. 1e SUUET: 1683, Jean-François de Labat, Ecuyer, Tou- Pan e s e Deie ….. . 1 TaVioletie. Jacques-Charles Ranchin de Montre- ORAN UNS Le ... -+ lEglantine. De Peitevin, Conseiller et Procureur du Roi, de la ville et viguerie de Tou- EU ÉTER ) PA me AR PA ANAS. le Souci. 1684. Jean Bonnefoy. . . . .. . . . .. - Antoine d’Abbatia, Avocat au Parle- ment, Toulousain (6).. . . . . .. la Violette. 1685. Jacques-Charles Ranchin de Montre- don (pre st NE ec la Violette. 1686. Jean-Louis Guitard, Toulousain (8). .. le Souci. Se EU Sade, (1) Le triomphe de l'Eglantine, par Jacques Vincens, Bachelier en Théologie ; in-4+; Tolose, J. Pech, 1682. (2) Ze triomphe du Soucy, par Jean Daubian , Tolosain, Maftre es Arts; in-4.; Tolose, G. Bosc, 1682. (3) Cet auteur remporta les trois prix et fut reçu Maf/re; mais je n'ai pu retrouver que les deux Recueils dont voici les titres. 1.0 Ze triomphe de la Violette, par noble Jean F1 rançois de Labat, Ecuyer, Tolosain ; in-4.e ; Tolose, B. Guillemette, 1683. ai Le triomphe du Soucy, par, etc; in-4.; Tolose, chez le même, 1683, (4) Voyez: 1.0 Ze triomphe de l'Eglantine aux Jeux floraux de Tou- louse, par Jacques- Charles Ranchin de Montredon ; in-4, To- lose, J. Colomiez et G. Posuel ; 1683. 2.9 Le friomphe de la Violette aux Jeux floraux de Toulouse, par, etc.; in-4.0; Tolose, D. Desclassan. Jacques de Ranchin, père de cet auteur, est bien connu par quelques poésies agréables répandues dans dif- férens Recueils ; il fut reçu Maitre ès Jeux floraux après avoir lu un Chant Royal en public. Les trois Fleurs lui furent décernées par accla- mation , et c'est peut-être la seule fois qu'un tel succès a été remporté. (5) Voyez : Le triomphe du Soucy, par M. de Peïtevin, Conseiller % Eine du Roy, Ville ef Viguerie de Tolose ; in-4.°; 3, Boude, 10 . (6) Suprer. (5) Supra. (8) Voyez année 168r » et Ze triomphe du Soucy, par M.° Jean-Louis Guilard, Tolosain ; in-{.0; Tolose, Desclassan , 1686, MÉMOIRES. 343 1087: Pierre Latour..." .". 2. «er e2, lé SOUCI Victor Cironis de Beaufort, T'oulou- sain (1)227. Auf l'Eglantine. F-'de FU FRA de Ke * des(2), Toulousain.. . . . . . .« . la Violette. Jean-Pierre Colomez, Toulousain (3). . VOEillet. 1688. Simon de Dansan, . . 1. ALU > Jean-Francois de Labat, Ecuyer, Ton" Jonsaur (RTL PINOT VANNES bis le Souci. 1689. Antoine d’Abbatia, Avocat au Parle- ment, Toulousain (5).. 2 ete EE OOUCE. F ne érôme Vignes, res (6). l'OŒillet. 1690. Dominique du Guay, de Lavardens , Bachelier en Théologie. . . . . . . la Violette. Antoine, Pages (7). 2e + 47 he ete lé SOUCI 1691. Jean-François de Robert, Toulou- CH ERP cn LI ON MR Sr la Violette, Victor Cironis de Beaufort , Toulou- SOL NO). teule Le CA Fo AUR ste. Ne Soucle (1) Cet auteur fut reçu aftré ès Jeux floraux , maïs nous n’avons de lui que les deux Recueils dont voici les titres : 1.0 Le triomphe de l'Eglantine, par Victor Cironis de Beaufort, Tolosaïn ; in-4.0; Tolose, D. Desclassan , 1687. 2.0 Le triomphe du Soucy et Réception à la Maëtrise, par, etc.; in-4.0; Tolose, A. Colomiez, 1691. (2) Voyez : Ze triomphe de M. F. de Boisson d’Aussonne de Reygades ; in-4.0 ; Tolose, J. et G. Pech, 1687. (3) Le triomphe de l'Œillef, par Jean-Pierre Colomez, Toulousain ; in-4.0; Tolose, D. Desclassan , 1685. (4) Supra. (5) Suprà. (6) Voyez : Ze triomphe de ?'Œillet, par M.e François-Jérosme Vignes, Tolosain ; in-4.0; Tolose, A. Colomiez, 1639. (7) Le triomphe du Soucy, par M.e Antoine Pagès ; in-4.o; Tolose, A. Colomiez, 1690. (8) Ze triomphe de la Violette, par M. Jean-François de Robert, Toulousain ; in-/.0 ; Youlouse, 3. Boude, 1651. (9) Supra. 344 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. 160% 2e ua AE CPR ee SPORE D rer 1693. Dominique du Guay, de Lavardens (1). YEglantine. 1694. Crozat de Turenne , Prieur du couvent de Saint-Michel (2). . . . . . . . . Ja Violette. Bernard Gourdon, Toulousain (3). . . VEglantine. Jean-Antoine de Sourrouilhe, Seigneur de Colomiers (4). .L. 0 LR tie Sent. Une partie des ouvrages couronnés par l'Académie et imprimés, n'étant point parvenue jusqu’à nons , cette Appendice offre quel- ques lacunes. Nous savons bien que M. Jean de Resseguier, issu d’une ancienne famille, dont l’un des membres se distingue en cet instant par de vrais talens poétiques , était Maître des Jeux floraux lorsqu'ils furent érigés en Académie l’an 1694 ; mais nous n'avons pu trouver les dates de ses triomphes littéraires. Il était président aux enquêtes du Parlement de Toulouse, et mourut au mois d'août 1704. Jean Bigot de Palaprat, né à Toulouse eu 1650, et qui est assez connu par sa verve comique et par ses succès, obtint aussi des prix aux Jeux floraux : son père en était Main- teneur. Les registres ne nous ont rien fourni sur les temps où il remporta des prix; mais des vers adressés par lui à M. du Puget, qui obtint la violette en 1671, nous apprennent que Palaprat reçut (1) Foyez année 1690. On a encore de cet auteur, 1.° La Muse gas- conne, pour le friomphe de la Violette, par M.e Dominique du Guay , de Lavardens , Bachelier en Théologie; in-4.; Tolose, A.Colomiez, 1690. 2.0 Recueil de toutes les pièces gascones et françaises qui ont été récilées à l’Académie des Jeux floraux , dans l'Hôtel de Ville de Tou- douse, par M.e Dominique du Guay, de Lavardens ; in-8; Tolose, A. Colomiez, 1692. 3. Le triomphe de l’Eglantine avec les pièces gascones qui ont élé récitées dans l'Académie des Jeux floraux les années précédentes, par le même ; in-8.o, Toulouse, A. Colomiez, 1693. (2) Voyez : Le triomphe de la Violette, par M. Crozat de Turenne , Prieur, etc. ; in-4.°; Tolose, N. Hénault, 1694. (3) Le triomphe de l'Eglantine aux Jeux floraux , par M. Bernard Gourdon, Tolosaïin ; in-4.0 ; Toulouse, N. Hénault, 1694. (4) Le triomphe du Soucy, par Jean-Antoine de Sourrouilhe, sieur de Colomiers ; in-4.o; Tolose, N. Hénault, 1694. MÉMOIRES. 345 alors le 3.me prix, et fut déclaré Maitre ès Jeux floraux. N avait 21 ans : voici ses Vers : Deux fois dans nos illustres Jeux J'avais déjà su faire approuver mes demandes, On ajoutait déjà, pour orner mes cheveux, La dernière couronne à deux belles guirlandes : Que fallait-il pour rendre encor mon sort plus doux ? N'avais-je pas rois fois remporté la victoire ? Il fallait, pour me mettre au comble de la gloire, A la troisième fois triompher avec vous. F 346 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. RECHERCHES SUR CALAGURRIS DES CONVENÆ(:); Par M. pu MÈGE, DE La Have. Les ruines couvrirent le sol; les descendans de ceux qui périrent dans les décombres, ÿ plantèrent de la vigne, des mûriers, des figuiers, des peupliers... Un jour on béche, on enfonce la pioche plus avant, quelque chose résiste ; c'était une ville. Lettres sur l'Italie. L>Aovrrae possède encore de nombreux mo- numens qui indiquent son ancienne splendeur. Des voies, dont le tracé était peu connu il y à vingt ans, établissaient entre les divers cantons de cette partie de l'Empire romain des communi- cations faciles. Chaque jour de nouvelles recher- ches indiquent des substructions de temples cons- truits en marbre des Pyrénées, de maisons ornées avec goût, de villes mêmes ensevelies depuis seize siècles dans un oubli profond , ou qui n’occupaient pas en entier le sol où s'élèvent aujourd’hui celles qui portent des noms identiques. Les révolutions et les hommes ont simultanément, mais en vain, —— (1) On a reproduit ici tout ce qu'il a été possible de con- server du Mémoire lu en septembre 1826 à l’Académie. On y a ajouté des détails sur les découvertes qui ont eu leu à Martres depuis cette époque et jusqu’en 1830. MÉMOIRES. 347 concouru à faire disparaître jusqu'aux derniers vestiges des monumens de nos pères; Les temps de la grandeuret dela civilisation romaine triomphent encore parmi nous des efforts prolongés de l’igno- rance et de la barbarie. Ils apparaissent environnés de tout ce qui excite l'admiration et la curiosité; des chefs-d’œuvre sont rendus aux arts du dessin, et l’histoire retrouve des faits, des noms qui sem- blaient être à jamais effacés. Aïnsi, la découverte d’une ville, non loin de Martres, dans le département de la Haute-Ga- ronne, vient ajouter à nos Connaissances topogra- phiques et historiques, enrichir le Musée de Toulouse , et montrer que parmi les provinces les plus éloignées du centre de l'Empire, le bon goût et la culture des arts devaient sur-tout faire dis- tinguer l’Aquitaine. On trouva, en 1634, dans le territoire de Martres, bourg situé sur la rive gauche de la Garonne, plusieurs monumens antiques, qui fu- rent transportés dans le palais épiscopal de Rieux, par les soins de M. de Bertier, alors Evèque de ce diocèse. Ils furent vus, peu de temps après, par M. Lebret, et décrits par lui de la manière sui- vante, dans une lettre adressée à M. de la Parre (5): «Nous vismes, dans une des salles de Pévèché, des restes de sculpture qui ne cèdent point à ceux que l’on va tous les jours et en foule admirer en (1) Il y a deux éditions de cette lettre , l’une #7-4.°, l'autre in-18. Voyez Lettres diverses de M. Lebret, pag. 120 et suiv. 348 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Italie. Ce sont huit testes de marbre, dont l’une est de Bacchus, une autre dun vieillard, que je crois Silène son père nourricier, celle d’un Satyre, trois autres de Bachantes, comme je le jugeai à leurs cheveux entortillés de lierre ; la septième, d’une femme qui pourrait bien estre Ariadne, maistresse de Bacchus, ou plutôt Cérès, qui est souvent invoquée avec ce Dieu, Vos, à clarissima mundi Lumina , labentem cœlo quæ ducitis annum Liber et alma Ceres... et la huitième, celle d’une autre femme que Ger- vais (1), habile sculpteur de Toulouse, croist estre de Vénus, parce qu’elle a beaucoup de rap- port avec le tronc de la statue de cette Déesse, qui est chez M. de Frezals, Conseiller au Parle- ment, à qui on l’apporta, il y a quelques années, du même lieu où l’on vient de trouver tout cela, avec le tronc d’un homme assis et sans autre habit qu'un manteau militaire à la romaine qui le cou- vre à demi, et qui est attaché par une boucle ronde sur l’épaule droite; et, outre cela, un pied, une main et une cuisse colossale, le tout dun dessin si hardy, et d’un travail si tendre et si achevé, que je doute sil s’est jamais rien fait de plus beau en ce genre-là. Ce qui toutesfois ne doit .pas être fort surprenant, car il y a toujours eu dans les Gaules d’habiles sculpteurs, au moins depuis seize ou dix-sept siècles... Je ne suis sur- (1) Gervais Drouet. MÉMOIRES. 349 pris que du lieu où tout cela s’est trouvé; car ny les historiens, ny les séographes anciens n’en font aucune mention. En effet, Martres, qui est le nom de ce lieu-là, ne marque pas une grande antiquité ; ce nom ne luy ayant esté donné que du grand nombre-des Chrestiens, qui , selon l’an- cien Bréviaire de Toulouse, y ont souflert le martyre. » Il est vray que Joseph Scaliger dit, qu'il y avoit ën Convenis Novempopulaniæ, eest-à-dire dans cette partie de l’ancienne Aquitaine appelée présentement le Commenge , un temple dédié à un Dieu nommé Abellio, dont il rapporte trois dijfé- rentes inscriptions, de sorte qu’encore qu’il ne die point qui estoit ce Dieu , et qu'il ne marque pas précisément l'endroit où estoit ce temple, je croy qu’il ne le faut point chercher ailleurs qu’à Martres, qui, bien que dans le diocèse de Rieux, est censé ir Convenis Novempopulaniæ , puisqu'il est joignant le Commenge, à un quart de lieue d’une pointe de terre, où la rivière de Salat perd son nom dans la Garonne, qui vient de ce pays-là; et l’on sait que le Commenge estoit autrefois d’une bien‘plus grande estendue qu’aujourd’huy. Il y a mesme quelque apparence que si Abellio n’es- toit pas la mesme chose que Bacchus, on se servit du temple de celui-là pour adorer celui-cy..... » Ce temple, au reste, devoit estre grand et magnifique, à en juger par les fondemens de son circuit que lon a trouvé sous terre, où il y à mesme une espèce de sanctuaire, distingué du F 350 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. reste par un pavé bleu et luisant et qui a près d’un pouce d'épaisseur, et par des chapelles et d'autres plus petits bastimens qui sont autour de ce sanctuaire, et dont une partie servoit vraysem- blablement d’offices à ce temple... » M. Lancelot, Membre de l'Académie des Ins- criptions, a parlé (1) très-succinctement des an- tiquités trouvées à Martres, et que M. de Bertier avait fait placer dans l’orangerie du Palais épis- copal de Rieux (2). Ce savant n’a fait aucune recherche sur le lieu où ces monumens furent découverts, et je crois que personne ne s’en était encore sérieusement occupé, lorsque, en 1812, je crus pouvoir fixer (3), dans les champs même où (1) Mémoires de ? Académie des Inscriptions. (2) I rapporte les inscriptions que l’on avait placées dans le même lieu pour constater la découverte de ces objets, et sans doute aussi pour montrer qu’on les conservait seulement par amour pour les arts. Voici ces inscriptions : IRRIDEAT CHRISTIANVS, MIRETVR ARTIFEX. HI SVNT DII ECRVM IN QVIBVS HABEBANT FIDVCIAM. HAS IDOLOLATRIA RELIQVIAS ET IGNOTÆ FAMÆ DELVBRIS MVTILATA FRAGMENTA IN AGRO DE MARTRIS TOLOSANIS REPERTA AD ORNATVM EPISCOPATIS AVLAE ANT. FRANC. BERTERIVS EPISCOPVS, RIVOR. P, (3) Monumens religieux des Volces Tectosages , des Ga- rumni el des Convenæ, 87, 99, 104, 105, 111, 199, 200, 201, 202, 223, 22/4 , etc. MÉMOIRES. 351: ces marbres avaient été retrouvés, ou dans le voi- sinage, la position de Calagorris ou Calagurris des Convenæ. C'est d’ailleurs sur ce point que fut découvert, à une grande profondeur, en 1816, un fragment d’i inscription , aujourd’hui placé ie mon sen et qui semble, quoique très-fruste, indiquer es RO un vœu fait par les ha- bitans de Calagurris pour la santé d’un Empereur. On lit encore sur ce marbre : PRO SALVTE IMP CADACUR SNL UN SLT LE HD MSACERDOTE SL, Mere l’un des plus célèbres écrivains ecclésiasti- ques (1), dans un ouvrage contre Visilantius, né chez les Convenæ , nous apprend que cet hérésiarque avait reçu le jour à Calagurris (2) ou Calagorris. L si dAntonin place sur la route ab Aquis Tarbellicis Tolosam , une station nommée Calagorgim. (1) Sanct. Hieronym. Advers. Fisilant. lié. IL. (2) Nimirum respondet generi suo, ut qui de latronum et Convenarum natus est semine : quos Cn. Pompeius edomita Hispania, et ad triumphum redire festinans, de Pyrenæi Jugis deposuit in unum oppidum congregavit : unde et Con- venarum Urbs nomen accepit. Hucusque latrocinetur contra Ecclesiam Dei, et de Vettonibus, Arebacis, Celliberisque descendens , incurset Gallierum Ecclesias. 352 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. BENEHARNVM. . . . . . M. P. XVIIII. OPPIDVMENONVAM EC UMP XVIIT- AQVAS CONVENARVM.. . M. P. VIII. VIGNES Ne NE LMP, XVI: CAPAGORGIM. CA PM. PI XX VE AQVAS: SICCAS 1 d'a Se % MP: XV. VERNOSOLEM. .. . . . . M. P. XV. TOLOSAM. *. 0. ES EN MB XV. On voit que, dans cet Itinéraire, la mansion nommée Æquis Siccis est indiquée avant celle de Vernosolem, que lon croit néanmoins être re- présentée aujourd’hui par le bourg de Lavernose. En effet, de Valois (1) et Wesseling ont avancé que la dernière position que l’on trouve sur cette voie, avant d'arriver à Toulouse, est {que Siccæ , lieu qui, d’après leurs observations , n’est pas différent du village de Seiches ou Seysses. Mais, comme le remarque d’Anville (2), «le lieu de Seiches ou Seysses étant plus près de Toulouse que celui qui, dans son nom de Lavernose , con- serve celui de ernosolem , il ÿ aura une trans- . position à corriger dans l’Itinéraire, et il faudra mettre Æquæ Siccæ à la place de 7’ernosolem. » L'aspect des lieux vient à l'appui de l'opinion de de Valois et Wesseling. On y voit encore des restes de travaux faits pour dessécher de grands amas d'eau. Un bassin assez vaste, situé sur le bord de (1) Notit. (2) Notice de la Gaule, 81, 82. MÉMOIRES. 293 Ja nouvelle route, et les restes d’un canal d’écou- lement qui se prolonge vers la Garonne, sont des monumens de ces travaux. Je suis de porté à crojre qu’il faut corriger une transposition dans lItinéraire, et y mettre Zquæ Siccæ à la place occupée par J’ernosolem. Cette transposition , ne changeant d'ailleurs rien aux nombres, ne peut influer sur Ja fixation de la position de Cala- SUTrris. Sanson a placé ce lieu à Saint-Lizier;.… Les Bénédictins , auteurs de l'Histoire générale du Languedoc (x), fixent cette position au Fourc, au confluent du Salat et de Ia Garonne;… D’Anville (2) l’a déterminée à Cazères.….. « Cela est indubitable, dit ce savant géographe. La dis- tance marquée xxvi n’a rien d’excessif en me- sure itinéraire, à l’égard de la ville capitale des Convenæ , quoiqu’en ligne droite elle soit moins forte de quelques lieues , parce que le cours de la Garonne fait cireuler la voie. » L'opinion de Sanson ne peut être l’objet d’un sérieux examen ; il suflira de faire remarquer en passant que Saint-Lizier, où il place Calagurris des Convenæ , est précisément sur le sol qu’occu- pait autrefois la métropole des Consorrani, peuple entièrement différent, et qui devait être compris dans la Province Romaine, tandis que les Convenæ étaient dans les limites de Aquitaine. (1) Tome 1. (2) Notice de la Gaule, 89, 100. TOMN IT. PAT. II. 20) 354 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Les Bénédictins, qui, d’après quelques cartes fautives, écrivent Foure au lieu de Fourc, avaient cru apercevoir un rapport éloigné entre ce nom et la fin de celui de Calagurris (x). Ils s’écar- taient d’ailleurs assez peu des mesures données par l’Itinéraire. Mais ces mesures, comment les calculer ? On sait qu’en général dans l’Aquitaine on comptait les distances par des lieues gauloises ; cependant, si l’on estime, d’après cette base, les différentes stations de la Voie ab Aquis Tarbellicis Tolosam, on introduira , dans cette portion de la géographie de la Gaule, un tel désordre, qu'il faudra dé- placer toutes les villes, toutes les stations connues. Pour n’en offrir ici qu'un seul exemple, que l’on suppose, soit Æquæ Siccæ, en conservant le texte de l’Itinéraire, soit 7’ernosolem ; en opérant une correction dans ce texte, à xvi lieues gauloises de Calagurris; en comptant ensuite xxvr lieues de ce point à Lugdunum , il en résultera 42 lieues entre la première et la dernière position , ce qui fournira 47,628 toises, et ainsi la ville de Lugdu- um Sera rejetée à 16,876 toises au delà des champs que ses ruines océupent encore, c’est-à-dire, entre lès Æquæ Convenarum et Oppidum Novur. Il paraît donc que l’on doit compter des milles sur la voie ab Aquis Tarbellicis Tolosam. (1) Oure pour Urris. Le nom de Fourc (Hourc selon la prononciation du pays où la lettre F est remplacée par la let- tre H), vient de la configuration du terrain, de la fourche, Furca, qu’il présente à l'embouchure du Salat dans la Garonne. MÉMOIRES. 355 Les auteurs sont peu d’accord sur l’exacte fixa- tion du mille romain. Cependant, entre l’estima- tion de d'Anville, qui donne à cette mesure itiné- raire 756 toises, et celle de MM. Valkenaër et Gosselin, qui la portent à 760, il y a trop peu de différence pour qu'il en résulte de l’incer- titude sur la détermination d’un point géographi- que, sur-tout alors qu'on ne s'occupe que de distances médiocres. L'Itinéraire marque xxvr entre Lugdunum et Calagorris où Calagurris. Je crois avoir mon- tré que ce sont des milles romains qu'il faut compter ici. Il y aura donc, suivant Danville, 19,656, et selon MM. Valkenaër et Gosselin, 19,760 toises entre les deux points. En calculant sur les meilleures cartes routières la distance entre le clocher de Saint-Bertrand de Comminges (1) et le clocher de Martres, on trou- vera plus de 20,400 toises, et par conséquent un espace plus fort que les xxvr milles de lItiné- raire. Mais ce n’est point entre ces deux signaux qu’il faut mesurer l’intervalle qui sépare Lugdu- num de Calagorris ou Calagurris; c’est du centre des habitations de ces deux villes antiques. Ainsi, (1) Saint-Bertrand est placé sur une petite montagne; c'est en quelque sorte la Citadelle de Lugdunum. V'enceinte ro- maine est.en partie conservée ; c’est dans la plaine située au bas, dans le Faubourg du Plan, et dans le village de Valca- brère , que l’on retrouve les fondemens des édifices ét de nom- breux monumens. 23. 356 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. pour Lugdunum ; nous trouverons ce centre dans la plaine, à 5 16 toises du clocher de Saint-Bertrand ; pour Calagurris, en fixant les points extrèmes de son étendue, d’un côté, à la hauteur de la Fontaine de Saint-V'idian (1), de l'autre, au ruisseau qui se jette dans le fleuve après avoir longé l’ancien cimetière (2), cet espace ayant 1,150 mètres de long, le centre doit être à 262 toises de la fontaine que je viens de nommer, dans la section de Chiragan, position où l’on à d’ailleurs découvert les objets antiques décrits par Lebret, l'inscription que j'ai rapportée (3), et les monumens nombreux qui décorent aujourd'hui le Musée de Toulouse. Une perpendiculaire , tirée de ce point sur la grande route qui traverse Mar- tres, tombera à près de 100 toises du clocher de ce bourg. Les xxvr milles romains se rappro- chent donc de 616 toises de Calagurris , et ainsi il n’est pas impossible de concilier les mesures iti- (1) Voyez planche I. On trouve des indications de cons- tructions dans des lisux bien plus éloignés en remontant vers Lugdunum , et entr'autres dans le domaine de Bordier ; ap- partenant À M. de Roquemaurel. Là, dans le champ de Com- mengès, beaucoup de fondations , un hypocauste, etc., etc. , indiquaient des habitations ; mais il n'est pas probable que l'enceinte de Calagorris ou Calagurris se soit étendue jus- que-là. (2) Voyez encore planche Y. Il ne paraît pas que les cons- tructions se soient étendues au delà de ce ruisseau vers le nord. (3) Supra. MÉMOIRES. 357 néraires anciennes avec les cartes routières d’au- jourd’hui. D’Anville n'avait sans doute que des cartes extrêmement fautives (1), puisqu'il affirme que Cazères occupe la place de Calagorris. «Cela est iodubitable, dit-il; la distance marquée xxvr n’a rien d’excessif en mesure itinéraire, à l'égard de la ville capitale des Convenæ, quoiqu’en ligne droite elle soit moins forte de quelques Zieues , parce que le cours de la Garonne fait circuler la vole. » J’ai relevé avec soin toutes Les portions de l’ancienne route ; il n’y a que trois points où elle soit très-rapprochée de la Garonne : à Stancarbon, lieu où l’on a découvert beaucoup de monumens, le fleuve a détruit en grande partie la route anti- que. Ce serait d’ailleurs, comme je lai dit, une grave erreur que de compter des lieues gauloises sur cette voie. Il y a en eflet de Saint-Bertrand ou de Lugdunum à Tolosa, environ 18 lieues lan- guedociennes de 3,000 toises (2) : si lon déter- minait cet espace en lieues gauloises, on aurait, en se servant des termes de l'Itinéraire (1) Les cartes de Cassini même ne sont pas exemptes d’er- reurs pour les lieux voisins ou enclavés dans les Pyrénées. Des opérations rigoureuses m'ont démontré que , dans quelques cantons des Comtés de Comminges et de Bigorre , plusieurs points essentiels ont quelquefois été trop rapprochés , quelque- fois trop éloignés. De ces erreurs primitives proviennent celles qu'offrent era de cartes qui ne sont que des réductions de celles de Cassini. (2) C’est la mesure ordinaire des lieues dans le Languedoc et dans l'Aquitaine, 358 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. LOBODNAA RE Met au e ce ve CALAGORGIM... . . M. P. XXVI AQVAS SIGCAS. « . . M. P. XVI. VERNOSOLEM. . . . M. P. XV. TOLOSAM. .,-:+ ..1 (M RUXV. en tout, 72 lieues gauloises, ou 81,648 toises, tandis que la véritable distance n’est que d'environ 54,000, ce qui fait presqu’exactement les 72 milles romains manifestement indiqués par l’Itinéraire ; la fraction de 432 toises en sus devant être en- tièrement négligée, car elle ne pourrait entrer en ligne de compte qu’en portant la mesure au pied de la tour de la Cathédrale de Comminges, et jar déjà dit que la distance ne doit être calculée qu’à 516 toises en deçà de cette tour. Dans un ouvrage publié il y a environ une année (1), j'ai cru pouvoir estimer la distance vraie du centre de Toulouse au quartier de Chi- ragan , dans le territoire de Martres, à 30,800 toises, mais en mesure itinéraire cette distance augmente beaucoup. La Voïe fait un grand nom- bre de détours. À une médiocre distance de Tou- louse , elle sélève sur le plateau qui, cou- rant presque parallèlement aux coteaux de la rive droite, dessine avec ceux-ci la vallée de la Garonne. Parvenue à Seysses, où de Valois, Wesseling et d'Anville, croyaient pouvoir porter la station nommée Æquæ Siccæ dans l'Itinéraire, (1) Statistique générale des départemens Pyréncens , t. u. MÉMOIRES. 359 elle se dirige vers Lamasquère, protégée à droite par le camp élevé sur les hauteurs de Saint-Clar de Rivière (1), et le poste fortifié d'Espie. Ses sinuosités sont très-nombreuses, et nécessitées sans doute par le besoin d'atteindre à divers points dont l’importance ne nous est pas connue. C’est Jà sur-tout que la mesure itinéraire est fortement au-dessus de la mesure directe. La voie est d’ail- leurs de distance en distance jalonnée par des mo- numens. À Lavernose, près du château de la Casse, s'élève un vaste T'mulus. À Lafitte-Vigor- dane, des découvertes intéressantes ont signalé lexistence de plusieurs habitations romaines. Les murs d’une Eglise, dont les ruines sont placées au centre du cimetière, sont formés en partie de couches de cet épais ciment de couleur rouge qui sert de base aux mosaïques, et qui souvent les remplace. Des autels votifs, des objets de diverses sortes, furent trouvés il y a quelques années dans le territoire de Berat. Caste)nau de Picampeau a fourni un bel autel consacré à la déesse Lahe : les débris d’un autre, encore plus digne d'intérêt, existent à Francon. — De Lañfitte, la route se détourne et se rapproche de la rive gauche du fleuve ; elle atteint presque vers Ze Fort , et passe (1) Ce camp, qui appartenait à M. Alexis Larrey, Fun de mes anciens collègues à à l'Académie des Sciences, est parfaite- ment conserve. Les parapets subsistent dans une grande par- tie de l'enceinte. Le fossé a environ 6 metres de ras Ce camp a la forme d'un trapèze irrégulier. Le plus petit côté n’a que {o mètres de long : le plus grand en à 140. 360 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. près de la ferme que l’on nomme /a Salvetat , lieu où j'ai cru reconnaître les restes d’un ou- vrage de défense placé entre la Voie et la Garonne. Suivant un ancien manuscrit (1), la route tra- versait le territoire du bourg de Saint-Julien , et il y avait dans ce lieu plusieurs grands monumens consacrés aux Dieux protecteurs des Voies, mo- numens que l’on a jusqu’à présent trop peu remar- qués, et dont j'ai retrouvé les analogues sur les routes romaines des départemens de Lot-et-Ga- ronne, du Gers, des Hautes-Pyrénées, et sur- tout sur la Voie qui m'occupe en cet instant (2). De là, longeant les murs de Cazères et traversant Palaminy , cette voie parvient à Chiragan dans le territoire de Martres, et reprend son nom distinctif d'Estrade , Strata Via. Pour déterminer scrupuleusement la mesure itinéraire de la Voie, il faudrait que sa conser- vation fût parfaite; mais on n’en rencontre que de loin en loin des pertions encore connues sous les noms de Chemin de Lavernose , F'ieux Che- min, Chemin de la Passe, de Hourtigué, de (1) Histoire des Evéques du diocèse de Comminges. (2) A Saint-Martory , àl'Estèle , à Labarthe-de-Rivière, ete. ; chacun de ces monumens est une sorte de tour quarrée, se ter- minant par un pyramidion, etayant sur l’une de ses faces une niche destinée à reufermer une statue. On voit aussi un de ces monumens à Toulon, village près de Saujon , dans le dépar- tement de la Charente inférieure; on le nomme Prre-Longe ou Pile-Longe. Nid. Antiquités de Saintes, par M. le Baron Chaudruc de Crazannes , correspondant de l’Academie, p. 66. MÉMOIRES. 361 lEstrade, des Arials, de Boussens, etc. En rattachant entrelles ces diverses parties de la roule, on: forme une ligne qui n’a pas moins de 34,1 10 toises : elle der en avoir 34,776 pour fournir aux 46 milles romains de lItinéraire. Mais la différence de moins de l’un de ces milles peut provenir des coudes que faisait la Voie dans les lieux où lon recherche en vain ses traces. Je n'ai donc mesuré itinérairement que ce qui est incontestablement le reste de cette route; en me livrant à des conjectures , j'aurais retrouvé sans doute les 46 milles. La mesure exacte de la distance entre les points extrêmes, Saint-Bertrand, ou Lugdunum, et Tou- Jouse, montre qu’il ne faut point proposer de cor- rections dans le nombre qui exprime cette dis- tance ; mais il est évident que les chiffres indica- teurs du nombre des milles entre Calagorris et Aquæ Siccæ et Fernosolem , et entre ce lieu et Toulouse , offrent des inexactitudes telles, que Von a le droit d’être étonné que MM. de Valois, Wesseling et d'Anville, ne s’en soient pas aperçus. Néanmoins comme ces erreurs n’influent, ni sur la distance de Lugdunum à Calagorris, ni sur celle de ce lieu à Totse ; On n’a pas cru devoir s’en occuper spécialement dans ce Mémoire. Les champs où l’on a retrouvé les monumens qui vont être décrits, faisaient, dans les temps anciens, partie du territoire des Convenæ , et ce n’est que dans le moyen âge que ce territoire a été réuni au Toulousain , et compris ensuite dans le 362 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. diocèse de Rieux, démembrement de celuide Tou- louse. D’Anville, qui, trompé peut-être par les divisions territoriales existantes à l’époque où il écrivait, n’a pas assez étendu les bornes des possessions des Convenæ , semble mettre cepen- dant Calagorris où Calagurris au nombre des villes bâties par les exilés qui avaient formé cette tribu. « Ce qui pourrait faire croire, dit-il, qu'il y avait en effet quelques Espagnols entre les Convenæ , c’est de trouver dans leur voisinage une ville, dont le nom est Calagorris, sur la route qui de Lugdunum Convenarum conduit à Toulouse, comme on en connaît une du même nom chez les anciens Vascones, sur la droite du cours de l’Ebre.... On lit Calagorgis dans l’Itiné- raire, mais la leçon que le manuscrit du Vatican fournit à M. Wesseling , est appuyée de l'autorité de Saint Jérôme, qui, en invectivant contre Vigi- lantius, qu'il dit être sorti de la nation des Convenæ , désigne le lieu qui avait donné nais- sance à cet hérésiarque par l’ethnique Ca/agorri- Lanus.» Les Lettres de Lebret ne m’étaient pas connues, lorsqu'à mon retour de l’Andalousie, en 1812, je visitai les ruines de Culagorris. Des murs élevés de 1 à 2 mètres au-dessus du sol indiquaient la place de quelques grands édifices, et lon m’apprit que ces murs avaient encore sur plusieurs points 5 à 6 mètres de haut en 1799. Je trouva les champs couverts de débris de marbres précieux, de fragmens de mosaïques, de morceaux de statues. MÉMOIRES. 363 Deux ans plus tard, je parlai de Calagorris dans un ouvrage consacré aux antiquités du départe- ment de la Haute-Garonne (x), et je rapportai les dessins de quelques monumens découverts dans cette localité. En 1810, j'engageai l'administra- tion à y faire exécuter des fouilles. En 1822, j'écrivis à M. le Maire de lacommune de Martres (2) pour l’engager à veiller à la conservation des mo- numens que les travaux agricoles pourraient faire découvrir. En 1826, la rencontre d’un beau bas- relief représentant Sérapis, et de quelques têtes en marbre, montra toute la richesse de la terre qui, depuis 16 siècles, recélait ces restes pré- cieux. Sur ma demande, la ville de Toulouse fournit abondamment à toutes les dépenses des fouilles, qui ont duré pendant plus de trois années avec des succès non contestés (3), et ce Mémoire est destiné à les faire connaître, trop succinctement (1) Monumens religieux des Volces-Tectosages, des Ga- rumni et des Convenæ. Paris, Alexandre Johanneau , un vol. in-8.o; figures. (2) M. Joseph de Roquemaurel. (3) C'est particulièrement à M. Baron de Monthel, membre de l'Académie , alors Maire de la ville de Toulouse , et succes- sivement député, Ministre de l'instruction publique ; de l'in- térieur, etc., que l’on est redevable de ces succès. Il a pre- venu en cette occasion tous les vœux des amis des arts, et les miens en particulier. Puisse l'expression de ma reconnais- sance lui parvenir dans les lieux qu'il a choisis pour retraite ! (Octobre 1830.) M. le vicomte de Juigné, alors Préfet, voulut bien aussi seconder avec empressement toutes les demandes qui lui furent 364 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sans doute, mais assez cependant pour en cons- tater toute Pimportance (1). Les cuamrs où l’on a retrouvé les ruines de Calagorris sont en quelque sorte sur les confins de cette large vallée que la Garonne a formée autrefois, après s’ètre ouvert un passage entre les hauteurs qui supportent les châteaux de Montpezat et de Roquefort. Un seul pli de ter- rain, qui commence près de Saint-Elix et qui s'étend jusqu’à Baluet, altère lhorizontalité de cette vaste plaine. Le plateau qui marque, sur la rive gauche, les bornes que le fleuve atteignit faites par le conseil municipal de Toulouse pour exécuter les fouilles. M. le marquis de Rességuier, qui avait pris l'intérêt le plus vif à mes recherches, ayant succédé à M. de Monthel dans la mairie de Toulouse, a fait continuer les fouilles, et sous son administration le Musée a été enrichi de plusieurs monumens précieux. Je ne puis terminer cette note sans signaler aussi tout ce que l'on doit aux soins éclairés de M. le marquis de Castel- lane , ancien membre du Conseil municipal et du Bureau des arts. On sait dans Toulouse ce qu'il a fait pour assurer à cette ville la possession des belles sculptures d‘couvertes à Martres , pour y ajouter une collection de monumens de tous les âges, pour les placer convenablement ; et pour donner aux salles du Musée la décoration qui leur convient. Je suis heureux de pouvoir exprimer ici à M. de Castellane et ma gratitude per- sonnelle et celle de tous ceux qui s'intéressent encore à la gloire de l’ancienne Capitale du Royaume d'Aquitaine ! (1) L’Archæologie Pyrénéenne, actuellement sous presse , content les lithographies de tous les monumens de Calagorris. MÉMOIRES. 365 peut-être autrefois, se courbe en arc au delà de Martres, se rapproche peu à peu de la route, et acquérant bientôt une assez grande hauteur, compose un petit système où des marbres co- quilliers apparaissent non loin de grès plus ou moins grossiers, et de roches calcaires blanches et bleues qui renferment des fossiles. De la route actuelle jusqu’àla distance d'environ 1,000 mètres, le terrain est parfaitement nivelé; ce n’est que de la ligne tracée par la Voie romaine que le sol s’abaisse sensiblement vers la Garonne; ainsi le voyageur qui suivait cette Voie, découvrait non- seulement la plaine et les collines qui la limitent au nord et à l’ouest, mais encore la partie la plus basse de la vallée. La petite hauteur de Baluet, le plateau dont j'ai parlé, les rochers de Mancioux et de Mont- pezat, et un peu en deçà, Le Mont, forment un segment de cercle dont la corde est le fleuve, qui, déja grossi par la Neste, PArbas, le Salat et mille ruisseaux, savance majestueusement vers Toulouse. Au delà du fleuve, sur la rive droite, en face des habitations de Calagorris , s'élèvent brusquement des hauteurs boisées qui font partie de la commune de Mauran. Au midi, par la brèche colossale que la Garonne forma au- trefois, l'œil aperçoit une portion de la chaine des Pyrénées : il y retrouve des sites connus et cé- lèbres, et les pics placés à lorigine des vallées, et les crêtes escarpées qni nous séparent de la Pénin- sule hispanique. 366 INSCRIPTIONS ET BÉLLES-LETTRÉS. Des souvenirs nombreux se présentent au voya- geur qui visite le sol où brillaient les somp- tueuses demeures des citoyens de Calagorris. Près de lui, peut-être sous ses pas, furent re- trouvées naguère de nombreuses marques de la grandeur romaine; des marbres brisés jonchent 4 restes de cette Voie que parcouraient les légions des Césars : au midi, les murs dnantétés de deux forteresses féodales, leurs tours à demi ren- versées , leurs crénaux ru Jui rappellent et le RE âge et les longues guerres causées par la rivalité de FApsicteue et dE la France, par les prétentions des: seigneurs, et par le CRE Remontant par la pensée jusqu’à une époque an- térieure à notre ère, il voit le grand Pompée retirer des cimes des Pyrénées les restes fugitifs des légions de Sertorius, les réunir ten corps de cité, et en former la tribu d’où descendaient les hubitène de Calagorris (1). L’héroïsme militaire et religieux lui réserve le charme de sensations plus vives encore. Vers l'extrémité des champs où tant de marbres antiques gisaient inconnus, il voit s’élever un tronçon de colonne que sur- monte une croix ; au-dessous, une fontaine épanche ses ces c’est la Fontaine de Saint- Vidian, valeureux guerrier, dont la légende n’est peut-être pas exempte d'erreurs (2), mais (1) S. Hieronym. Adoersùs Vigilant., lib. 11. (2) Vidianus è Regio Gallorum Principum sanguine , ut antiqua tradilio, ortus pro liberando patre suo , qui in bello MÉMOIRES. 307 qui succomba dans ce lieu après avoir combattu contra Agarenos seu Saracenos in Hispania captus , ab ipsis in servitute detinebatur , adhuc puer obses datus, ab infide- dibus in carcerem detrusus , varüsque affectus 7. œrumnuis., quas omnies invicta toleravit patientia ; sed ab illis, im ab ipsa morte quam ei Rex infidelium paraverat, Deo dispo- nente, mirabiliter ereptus, et in regiones exleros deportatus, post data vuria et insignia tam pielatis christianæ, quam bellicæ virtutis signa, tandem ad aulam Caroli Magni ve- niens , tot benevolè excipitur, et ab ipso Carolo Dux militiæ conslituitur : non mult post audiisset Saracenos, superatis Pyrœneis montibus, in Galliam prorupisse, variasque ejus provincias devasture , præsertim eus quœæ ad meridiem silæ illis montibus viciniores existunt ; non minüs zelo fider et tuendæ religionts ardore , quàm patriæ amore incensus, com- parato sibi exercitu , contra illos festinanter accurrit, ut eos è finibus illis penitüs exturbaret , et ultra montes ejiceret.…. .….. Cüm hostes quos quærebat , Vidianus esset assecutus in ea parte Comitatüs Convenensis quæ vicina est Garumr& fluvio , in agris qui dicuntur Campestres prœlium atrox com- miltilur, in quo düm Vidianus non solùm Ducis optimi, sed'et strenui militis partes ageret, in medio certamire huc et illuc discurrens , ut suos et verbo et exemplo ad fortiter bel- landum accenderet : cùmque jam hoste debilitato ac ferme proflisato, victoria penes Christianos mox futura apparerét ; ipse Sravissimè vulneratus ab acie secedere cogitur, et ad Fontem non longe distante, qui eliäm rune nomen Sencii V'idiäni retinet , cum àliquot soctis confugere , ut quid Zeni- menti doloribus suis inveniret. Cùm igitur ibi decumbens vul- nera sua aqu& fontis lavando , cruorem ex'eis, manantem côtiälur ‘extinguere, à Superventente infidelium lurhi& , unà cum socis suis, gladio percussus interüt, el omnes simul ürlÿri coroh& donuntur..….....…. Forum corpora à fidelitus éhristianis collecta et decenter sepulla aded, secutis temporibus, miraculis ac prodisüs flo- rueruntut ii tanquam martyres haberi, et culiu publico cæpe- 368 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les Arabes, accourus des bords de 'Ebre, guidés par le désir de ravager l’Aquitaine. L'histoire parle peu des exploits de Vidianus; maisil mourut pour la religion et la patrie; son nom a été conservé par Péglise, sa mémoire est vénérée par le peuple, et ce genre d’immortalité est sans doute Le plus digne d’envie. En recherchant toutes les traces d'habitations antiques, en interrogeant la tradition sur les dé- couvertes qui ont eu lieu à Martres depuis soixante années, on apprend que c’est sur-tout dans l’espace circonscrit par le ruisseau qui borne le terroir des Sections de Saint-Nicolas et du Moulin , par une rint honorart : qui cultus cum in dies propter nova miracula, magis ac magis cresceret, sacr®æ eorum reliquiæ à tumulo relevatæ in oppido de Martris depositæ fuerunt , quod cum antiquitès alio nomine vocaretur (*), à Martyribus nomen de Martris accepisse perhibetur , quodque ab erecto Episcopatu Rivensi in illa diœcesi situm est. Ibi in ecclesia parochiali et capella ad hoc œdificata religiosè servantur Sanctorum Mar- tyrum reliquiæ , atque summw venerationt in lota latè vicinia habentur. Has cùm visitaret J. L. Berterius, Rivorum Epis- copus , anno 1634, advertens eas in thecis carie vetustatis collabentibus includi , alias decentiores et magis ornatas freri Jussit in quibus collocarentur..…… Vidiant autem memoria jam ab antiquis retrd diebus singulatim et peculiari cullu in ecclesia Martrensi celebrari quotannis consuevit duplici festo , Martyri scilicet et Relevationis.…...… Officia propria Sanctorum Ecclesiæ et Diæcesis Rivensis , pag. 72, 73, 74, 70. (*) Suivant l’auteur d’une Biographie de Saint-Vidian , ce lieu por- tait le nom d'Ærgonia ; mais selon quelques vieux titres on le désignait sous celui de Canlagoria , corruption bien évidente de Ca/agorris. faut cependant remarquer que ce bourg est à plus de /00 toises des champs où l’on a découvert les ruines de l’ancienne ville. ’ MÉMOIRES. 369 ligne tirée de ce ruisseau vers le Chemin des Arials ou de Boussens, par ce chemin même, qui est 13 continuation de la Voie romaine, par celui de la Fontaine de Saint-Vidian et par la Garonne, que l’on a retrouvé des monumens; et c’est encore là que l’on en découvre encore (1). En prenant pour points extrêmes, au midi, la Fontaine de Saint-V'idian (2), et au nord, le ruisseau, on verra que, dans ce sens, l’espace occupé par la ville antique , n'avait pas moins de 1,150 mètres de long. Le petit diamètre, en le prenant des subs- tructions découvertes en 1709, dans le JE de l'Estrade, près de celui du Portail, jusqu'à la rive gauche du fleuve, est de 675 mètres. La destruction des murs qui formaient len- ceinte, et le soin avec lequel on fait disparaitre, chaque jour, jusqu'aux dernières traces des habi- tations antiques de Calagorris , sont les causes qui nous priveront sans doute toujours dun plan exact de cette ville. Mais son étendue est cons- tatée par les ruines que lon avait découvertes avant mes recherches, et aussi par les substruc- tions que j'ai reconnues, et dont la direction est indiquée dans les deux cartes qui accompagnent ce Mémoire. (1) Voyez Planche F, la carte topographique de cette por- tion du territoire actuel de Martres. Cette carte a été copiée sur celle dressée par M. Belot, géomètre en chef du cadastre du département de la Haute-Garonne , et membre de l Académie. (2) On aurait, en n’allant que jusqu'à la Hfétairie de Ga- ronne , 860 mètres. a TOME II. PART, II. 24 70 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Le Cimetière de Calagorris paraît avoir toujours été placé sur la rive droite du ruisseau, dans le lieu même où celui de Martres existait encore, il y a moins d'un siècle, et où l'on avait, pendant le moyen âge, consacré une chapelle à Saint Nicolas. C’est dans ce cimetière que fut trouvée, il y a environ quarante années, une inscription sépulcrale que lon transporta dans le village de Mauran, et qui est maintenant placée dans ma collection : elle est environnée d’un cadre sculpté, et les caractères sont grands et bien formés (1). Quelques-uns des noms gravés sur ce marbre sont aquitains, et rappellent ceux que l’on retrouve sur une partie des monumens que j'ai découverts dans les Pyrénées : ANNIVS DVNOHOXSIS:F CALVIA CASSILLI Æ VXOR ANDERE-FILTI: FILI EX TEST Un beau monument en marbre blanc, publié autrefois parmi mes Aonumens Religieux (2), et (1) Ce marbre a 0,52° de hauteur, et 0,68° de longueur. (2) Monumens religieux des Volces Tectosages, des Ga- rumni et des Convenæ, pag. 365, 360. MÉMOIRES. 371 qui provient aussi du cimetière de Calagorris, est consacré aux Dieux Münes, ainsi que l’an- nonçe l'inscription gravée sur la face principale. Ce monument, dont je donne ici la figure, n’est D J 87479 pas entier (1); la base et la corniche n'ont pas été retrouvées : DIS MANIBVS Un fragment d'inscription, qui avait été retiré de la chapelle de Saint Nicolas, et porté à Rieux, a été perdu dans les ruines du Palais épiscopal de cette ville. Cest en vain que j'y ai cherché de même une statue romaine, d'environ six pieds (1) I avait été transporté à Rieux, et l’on en doit la con- servation à M. de Thomas, ancien juge de paix de cette ville. 24. 372 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de haut, provenant aussi de Calagorris , et que J'avais dessinée en 1809. Ainsi, par ignorance, ou lincurie des autorités, qui devaient veiller à la conservation de ces objets, nous en serons privés pour toujours... Le fragment d'inscription, dont je regrette la perte, avait appartenu à un tom- beau. Ce qu’on lisait encore sur ce marbre , selon MM. Lamoignon de Basville (1) et Lancelot (2), indiquait évidemment un monument sépulcral. Un autre objet de ce genre a été découvert dans le cimetière de Calagurris ou Calagorris, en 18106: c’est un cippe en marbre de Saint-Béat (3). Dans la partie supérieure, on remarque un buste gros- sièrement sculpté : au-dessous, et dans un cadre, on voit les sigles D. M. (Dis Manibus), qui “auraient dû être accompagnés du nom de la per- sonne à laquelle le monument était dédié. Il paraît assuré qu’un assez beau tombeau , en marbre des Pyrénées, et qui sert actuellement de cuve dans la chapelle des fonts baptismaux de l'église de Martres, provient aussi du cimetière antique de Calagurris. Ce monument est orné de pilastres canelés et de rinceaux. Au milieu de sa face principale, une large couronne de laurier renferme le monogramme du Christ, formé dun X Chi, et dun P Ro, et cantonné des lettres (1) Mémoires sur le Languedoc. (2) Histoire et Mémoires de l Académie royale des 1ns- criplions. (3) Hauteur 0,97°, largeur 0,34. MÉMOIRES. 373 À Alpha, et a Oméga (1). Ce tombeau est sans doute du quatrième ou du cinquième siecle. Un autre mausolée, qui date à peu près de la même époque , a été retiré du cimetière de Saint- Nicolas, il y a environ soixante et quinze ans. On le voit à Martres dans la cour du domaine de la Bourdette (2). IL est en marbre » et sur une de ses faces paraît une figure, vêtue à Pantique, et élevant les bras vers le ciel : c’est ainsi que sont représentés, sur plusieurs monumens sépulcraux, publiés par Bosio , Arrighi et autres, des per- sonnages qui invoquent la miséricorde céleste. IL était essentiel peut-être de constater lexis- tence d’un cimetière dans les lieux où l’on à re- trouvé tant de restes d'habitations. Ce champ de repos indique une population qui s’est éteinte graduellement dans cette position antique. Nous examinerons actuellement les traces des demeu- res des anciens possesseurs de cette portion de PAquitaine, À Culagorris, comme à Pompéi, comme à Rome, les maisons n’avaient pas de très-grandes proportions. Une seule nous paraît avoir surpassé les autres par ses dimensions et par la richesse de ses ornemens; néanmoins, si on en excepte un Re ON EE (1) Le sculpteur ayant, par ignorance ou par mégarde placé à l'envers le poncif sur lequel était dessiné le saint mo- nogramme , 1l en est résulté que l'Oméga tient la place de l’Alpha, et que le Rho est retourné en sens contraire. (2) Chez M. Roger de Roquemaurel. 374 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. petit nombre, les salles qu’elle renfermait avaient en général très-peu d’étendue. En examinant le plan des fouilles (1), on pourra joindre, par quelques études, par quelques combinaisons, diverses parties qui paraissent en- tièrement isolées. Dans la principale habitation, un large corridor était terminé par une porte que décoraient deux colonnes. Des mosaïques élégantes couvraient le sol des chambres (2). La partie in- férieure des murs était revètue de peintures sim- ples, dont le temps n’a pas altéré les couleurs bril- lantes. De magnifiques jambages de porte, où l’acanthe s’enroule et se développe avec grâce, dé- coraient plusieurs entrées (3). Des médaillons cir- culaires en marbre, et d’une grandeur remar- quable, renfermaient encore les images de Jupiter, de Junon , de Cybèle, d'Atys, de Minerve, de Vulcain (4). Ces bas-reliefs appartiennent à la principale demeure. Il en est de même de quel- ques-uns qui représentent les travaux d’Hercule. Les artistes de l'antiquité ont souvent figuré les mythes d'Alcide. Les nombreuses aventures de ce héros devaient en effet fournir à la glyptique (1) Voy. Planche IT, et sur-tout 'Archæologie Pyrénéenne, (2) Quelques-unes de ces mosaïques ont été transportées à Toulouse, et vont être placées dans les salles du Musée. (3) Le dessin de ces jambages ou montans est du meilleur goût. Deux d’entr’eux ont, y compris leur cadre, 63 centi- mètres de largeur : un autre avait près d’un mètre de large. (4) Ces médaillons ont en général plus de 0,80° de dia- mètre. MÉMOIRES. 379 et à la statuaire un grand nombre de sujets : les anciens aimalent à en décorer leurs demeures, et il paraît assuré que dans le palais le plus remar- quable de Calagurris , on avait représenté en bas- relief les divers travaux du fils d’Alemène ; mais ces objets ne sont pas tous parvenus jusqu’à nous, ou n’ont pas encore été découverts : je n’en ai re- trouvé que de nombreux fragmens, qui n’ont pu être encore rajustés en entier (1). La série de ces objets commence par Le combat d’'Hercule contre l’'Hydre de Lerne, Pausanias dit que Pisander, de Camirus, fut le premier qui re- présenta l’Hydre avec plusieurs têtes. Il y a eu beaucoup de variantes dans l'indication du nom- bre de celles-ci, car les uns en comptent sept, quelques-uns neuf, et d’autres cent. Le monstre était sur une colline, près de la fontaine Amy- mone, lorsque, suivi de Iolaüs, Hercule lattaqua. Les flèches qu’il lui lança d’abord ne produisirent d'autre effet que de lobliger à sortir de son gîte. Hercule combattit ensuite contre elle, soit avec la Harpa , où épée ensiforme, soit avec sa massue. Mais à peine avait-il abattu une des têtes du mons- tre , que deux autres apparaissaient et se dressaient avec furie; PHydre enlaça même les jambes du héros. lolaus vint au secours de celui-ci, et en se servant de branches enflammées, 1l empêcha par le feu la reproduction de ces têtes terribles. (1) Les bas-reliefs sont environnés d’un cadre : ils ont 1® 52* de haut, sur 095€ de Jarge. 336 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Dans le bas-relief découvert à Martres , PHydre entortille, soit de sa queue, soit du col de l’une de ses têtes, la jambe droite d’'Hercule, comme sur un bas-relief de la Villa Albani. Le Demi- Dieu cherche à contenir avec sa main gauche les mouvemens du monstre, afin de le frapper avec plus d'assurance de la massue dont son bras droit est armé. Dans le haut du bas-relief, on voit lolaüs qui dirige une torche vers lHydre, et qui embrase la partie déjà frappée par Hercule. Un autre fragment représente Alcide apportant à Eurysthée le Sanglier d'Erymanthe. [artiste à qui nous devons ce morceau, a montré Eurysthée effrayé, à moitié renfermé dans une cuve d’airain. Un troisième bas-relief, moins mutilé que le précédent, représente la chasse des oiseaux du Stymphale. Apollodore (1) dit qu’Alcide se servit contreux dun instrument bruyant qui lui fut donné par Minerve. Pausanias rapporte une tradi- tion suivant laquelle le hérosles aurait tués à coups de flèches. C’est ce mythe qui a été suivi par Pau- teur du bas-relief trouvé à Martres. Hercule est debout; il est vêtu d’une peau de lion, dont les pattes se croisent sur sa large poitrine; la même dépouille couvre sa tête; un carquois.est sur son dos; il tenait un arc : on voit un des oiseaux percé par une flèche et tombant; un autre paraît un peu plus bas. Le fils de Chrysaor et de Calliroé, Geryon, à : DR ER 3, RS RAR 4 2 ARR (1) Argonaut., lib, 1x. MÉMOIRES. 377 qui la fable donne trois têtes, trois corps et six bras, fut vaincu par Alcide, qui amena les bœufs de ce roi d’Espagne à Eurysthée. Les artistes ne pouvaient guère dessiner avec succès un géant ayant trois corps : ils ont le plus souvent représenté de profil un groupe de trois guerriers attaquant Âlcide ; mais lartiste auquel on doit un bas-relief trouvé à Martres, et où ce mythe est figuré, a donné seulement trois têtes à Geryon. Il est cuirassé : sa main droite tenait une épée; son bras gauche soulevait un bouclier. Les têtes sont couvertes du Corno phrygien : Alcide a terrassé Geryon. La figure de celui-ci est presque complète; la partie inférieure de celle d’'Hercule n’a pas été retrouvée (1). Un taureau furieux qui, selon quelques-uns, était celui dont Pasiphaé devint amoureuse, ré- pandat au loin le ravage et l’effroi. Eurysthée ordonna à Hercule de lui apporter cet animal terrible, et le Héros accomplit ce septième tra- vail. On peut douter qu’un beau fragment dé- couvert à Martres, et qui est actueliement con- servé dans le Musée de Toulouse, .ait figuré cet exploit. Il représentait un homme luttant contre un taureau, et le premier saisissant avec force une des cornes de l’animal ; ainsi l’on pour- rait croire que l'artiste a voulu seulement montrer (1) ILexiste néanmoins dans les collections du Musée beau- -coup de fragmens qti ont appartenu aux bas-reliefs repré- sentant les travaux d'Hercule. 370 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Alcide combattant Achéloüs. Épris des charmes de Déjanire , fille d'OEnée , Roi de Calydon , Aché- loùs comptait Hercule au nombre de ses rivaux. Ils combattirent, et Achéloüs, d'abord vaincu sous la forme humaine, prit celle d’un immense serpent , et enfin se changea en taureau. Hercule le saisit alors par les cornes , en arracha une, et le força de lui abandonner Déjanire et d'aller se cacher dans le fleuve Thoas, qui reçut alors le nom d’Achélous. Ce qui pourrait sur-tout faire croire que l’on avait représenté ce sujet dans le bas-relief dont j'ai retrouvé à Martres un beau fragment, c’est qu’un autre morceau, découvert dans les mêmes champs, en 1824, et qui paraît avoir fait partie du premier, représente un fleuve, sans doute le Thoas, qui prit ensuite le nom d'Achéloüs lorsque ce dernier étant vaincu , fut se cacher dans ses flots. ' Quelques autres fragmens représentent, à ce que l’on peut conjecturer, une Amazone fuyant, les Chevaux de Diomède conduits devant Eurys- thée, Hercule tenant les pommes d’or du jardin des Hespé:ides, le même combattant les Cen- taures, etc. Parmi les autres fragmens recueillis à Martres, et qui font aujourd’hui partie des collections du Musée, il faut distinguer trois têtes d’'Hercule. L'une le représente encore dans l’adolescence, les deux autres têtes sont barbues. Un beau fragment, mais dont le marbre a beaucoup soullert, repré- sente la partie supérieure du corps du héros. Sa MÉMOIRES. 79 tête a la même expression que dans la plus grande partie des autres bas-reliefs provenus du même lieu :; il terrasse un ennemi. Une des têtes dont nous venons de parler se rajuste, par une de ses extrémités, à un bas-relief auquel il ne manque qu'une portion du torse, et qui a peut-être re- présenté Hercule admis à la connaissance des mystères de l'initiation. Un beau torse , ayant fait partie de la même suite, fut découvert il y a long- temps, et a été donné au Musée par M. Bellecour (1). Il serait peut-être possible de rajuster à ce torse une autre tête d'Hercule, découverte aussi à (1) Je saisis avec empressement cette occasion de signaler le zèle éclairé avec lequel M. Bellecour a secondé les vœux de l'administration et les miens, en faisant disparaître une foule de difficultés qui pouvaient paralyser les travaux des fouilles. Qu'il reçoive l'assurance de toute ma gratitude ! Je désire aussi que sa famille veuille bien en agréer la vive expression. L'intérêt qu’elle a pris, à mes découvertes, les soins délicats dont elle m'a entouré, tout se réunit pour m'im- poser envers elle un sentiment dont je dois consacrer ici le souvenir. J'ai trouvé aussi , dans le plus grand nombre des habitans de Martres , des hommes qui ont bien senti toute l'illustration que de telles découvertes pouvaient jeter sur leur patrie. M. Thébe a , Sans exiger aucun dédommagement, permis de fouiller dans ses champs, et d'en retirer les mosaïques et les sculptures. Il a de plus donné au Musée la statue en marbre de Roger de Sarrieu , Mestre-de-camp-général des Bandes françaises , mort en 1976. M. Lierre a imité M. Thébé. J'ai déjà parlé, dans la préface de la Notice du Musée, des obligations que l’on avait contractées envers M. Lecler, maire actuel , et je me plais à en renouveler ici l'expression. Je ne dois pas oublier uon plus M. de Roquemaurel, ancien maire de Martres, et 3830 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Martres, et qui m'a été donnée en 1824 (1). On ne peut déterminer à quelle aventure d’Alcide a rapport un autre fragment qui représente une main vigoureuse , saisissant une tète barbue, coiffée d’une sorte de Corno, comme celles de Geryon. L'artiste a-t-il voulu offrir le héros ter- rassant Ærginus, ou Mygdo, où Halcyonéus, ou Sarpedon, ou Busiris, ou Alebio, ou Der- cymus, ou Croto, ou Cycnus, où Euryte, ou Tauriscus, tyran célèbre qui régnait dans les Gaules? Le nombre des exploits du demi-Dieu, fils d’Alcmène, est si grand, que ne trouvant ici aucun symbole particulier, on ne peut hasarder une explication. Un autre bas-relief représente Sérapis. Le tra- vail de ce morceau parait appartenir à la même école, Il est en marbre de Luni (2). La tête est couverte du Modius où boisseau. Le Dieu tient du côté gauche une corne d’abondance pleine de fruits, indication des bienfaits qu’il répand sur la terre, À ses pieds, et du côté droit, est le chien Cerbère. Il manque à cette figure l'extrémité du bras droit, dont la main devait tenir une Haste pure, où un bâton pareil à celui d'Esculape. Le M. R. de Roquemaurel , son frère ; enfin je dois un souvenir à l’estimable secrétaire de la mairie, M. Ajustron, à son fils Adolphe , età M. Dignat, qui, surveillant avec moi les fouilles, ont rendu de vrais services aux arts et à l’administration. (1) Par M. V. Cazes , de Saint-Béat, habitant de Sant-Lys. (2) Hauteur 1" 84°, largeur 80 centimètres. MÉMOIRES. 361 haut des jambes n’a pas été retrouvé : les pieds sont antiques. Sérapis est, dit Millin, une divinité obs- cure-et difficile à expliquer dans la mythologie égyptienne. Selon Saint Augustin (1), ce fut un roi d'Ârgos, qui, ayant passé en Egypte, y mourut (2), et qui fut adoré ensuite sous le nom de Sérapis, Mais, suivant quelques autres, on peut fixer au règne de Ptolémée-Philadelphe, l'introduction de ce Dieu en Egypte. On dit que ce prince envoya chercher la statue de Sérapis à Sinope. Ce monument sacré fut placé dans un fauboure d'Alexandrie nommé Rhacotis, et on lui éleva ensuite, sous le titre de Serapeum, un magnifique temple. Ce Dieu dont Ptolémée fit ainsi recevoir le culte, n’était d’abord connu que sous le nom de Pluton, et ce fut en Egypte qu'il reçut celui de Sérapis. Le Dieu de l'4menthi, ou de lenfer égyptien, était Osiris ; Pluton où Sé- rapis, présidant au même lieu, fut confondu avec lui, et c’est peut-être par là que lon doit expliquer la facilité avec laquelle le nouveau culte pénétra dans toutes les parties de PEgypte, où on éleva, dit-on, quarante-deux temples à Sérapis. Diodore (3) dit que, suivant les uns, il ne différait point d’Ostris, de Bacchus, de Pluton ; que, suivant d’autres, il était Jupiter, (1) De Civitate Deë, lib. xvux, c. 5. (2) Clem. Alex. Strom., lib. à. (3) Diodor. Sicul., lib. e. 35, 382 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Pan, Ammon, et que sous le nom de Sérapis on reconnaissait en luile P/uton des Grecs. Mar- tianus Capella annonce que Sérapis est le même que le Soleil, puisque, dans son hymne à cet astre , 1l lui dit qu'il est adoré sous le nom Osiris, et de Sérapis sur les rives du Nil et à Memphis; que dans les fêtes d'hiver on Pappelle Mythras, Piuton, le barbare T'yphon ; qu’on le révère sous les noms du bel Atys, de l'Enfant chéri de la charrue , d_Æmmon et d’ Adonis. L’em- pereur Julien, consultant l’oracle d’A4pollon pour savoir en quoi ce Dieu différait des autres, reçut pour réponse que Jupiter, Sérapis et Pluton , étaient la même divinité. Pour mieux indiquer qu'il ne différait point de Pluton, les anciens plaçaient près de lui le chien Cerbère, comme on le voit dans le bas-relief de Calagorris. Suivant Porphyre (1), cet animal tricéphale qui accom- pagne Sérapis, désigne les trois points de la route du soleil sur l’horizon; le Levant, le Midi et le Couchant. Le rhéteur Aristides (2) dit que Sérapis était dépositaire de toutes les forces de la nature; qu'il exauçait tous les vœux que l’homme pou- vait former; que tous les biens dont on jouissait sur la terre étaient des émanations de ce Dieu, qui réunissait en lui seul la puissance de tous les autres immortels; qu’il était à la fois le plus doux et le plus redoutable d’entreux; que les villes et ee (1) Euseb. Prœpar. Evangel., lib. 11 0 ACC UE (2) / ) Oral, in Serapim. MÉMOIRES. 385 leurs places publiques et les ports, tout était plein de monumens qui retraçaient le souvenir des pro- diges qu'il avait opérés. Son culte fut apporté à Romé, et le sénat permit de lui élever un temple hors de l'enceinte de la ville. Le peuple construisit cel édifice sacré près des murailles, mais dans l’intérieur : cette infraction dans l'exécution du décret irrita le sénat, qui fit détruire le temple. Dans la suite, Publius Victor plaça dans le Cirque de Flaminius un autel dédié à Sérapis, et bientôt un temple magnifique remplaça ce monument provisoire, et prit le nom de Serapeum , comme celui d'Alexandrie. Quelques villes d'Italie imi- iérent cet exemple, et de là le culte de Sérapis gagna de proche en proche jusque dans les Gaules. On y voit cependant peu de figures de ce Dieu, et celle qui a été trouvée à Martres est la seule que j'ai rencontrée dans l'Aquitaine de César, ou dans cette portion des Gaules limitée par la Ga- ronne, les Pyrénées et l'Océan. Des statues de diverses proportions décoraient la principale habitation de Calagorris, et les maisons qui en étaient voisines. Dans le nombre de celles qui ont été découvertes sous mes yeux, il faut compter celle d’Isis ; elle est en marbre gris. La tête était rapportée et n’a pas été retrou- vée : sans doute elle était en marbre blanc, car le bras droit et le pied du même côté, seuls objets ayantappartenu à cette figure et que l’on ait retirés du milieu desruines, sont formés de cette matière. L’ajustement du manteau noué sur la poitrine et 384 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les franges qui ornent les draperies, indiquent une Isis romaine, et l’on est confirmé dans cette idée, en remarquant que la main droite, qui se projette en avant, tient encore la poignée d’un instrument qui, sans doute, était le Sistre que Pon voit sou- vent porté par cette Déesse. Le travail de ce mo- nument est large et facile. À une assez grande distance du point où l’on a trouvé cette statue, j'ai vu découvrir une autre figure dont l'ajustement est pareil, et qui sans doute représente la mème déesse : la tête a été brisée. Ce morceau est en marbre blanc et d’une très-petite proportion (1). Une autre statue, bien plus digne d’arrèter les regards, est celle d'Esculape, qui fut trouvée à environ trente mètres de la première. Elle est en marbre de Luni (2); la tête avait été ajoutée autrefois et n’a pas été retrouvée. Le travail est excellent, et la conservation du torse et de la partie inférieure laisse peu de chose à désirer. Esculape s’'appuyait ordinairement sur un bâton noueux; on voit encore sur le monument de Martres le serpent qui est un attribut du Dieu, et qui senroulait ordinairement autour de ce bâton. Une statue bien plus petite que celle qui vient d'être décrite (3), a été découverte aussi chez le (1) Hauteur 36 centimètres. (2) Hauteur 68 centimètres. (3) Elle n'a que 32 centimètres de hauteur. MÉMOIRES. 385 sieur Saboulard : elle est en marbre de Paros. La tète avait, comme celle d'Esculape, été rappor- tée, et l'on voit, de même encore, le creux prati- qué pour la fixér, et dans lequel le col entrait un peu. Ce monument est d’une beauté parfaite, eton doit regretter que les fouilles n’aient pas fait retrou- ver la partie supérieure, qui devait être du travail le plus correct et le plus élégant, si on en juge par le rare talent que le sculpteur a montré dans lajustement des draperies, et dans l’ensemble de cette précieuse figure, qui représente Hygée. La Déesse tient ici un serpent, et cet attribut l’ac- compagne presque toujours sur les pierres gravées et sur les médailles. Placée dans les temples, près de la statue d'Esculape, celle d'Hygée a souvent à son côté l’image de Telesphorus. On avait d’abord donné le nom de ’ertumne à une statue trouvée aussi à Martres; mais depuis que la'tète a été rajustée au tronc, et que l’on a décou- vert, dans le champ de Saboulard , la main droite, dont le doigt indicateur se porte vers la bouche, j’ai reconnu dans cette figure celle d'Harpocrate. La tète du Dieu est ornée du croissant ; il tient dans sa main gauche une corne d’abondance. Le mouve- ment de la main droite et les attributs que j'ai dé- crits, montrent évidemment que ce beau monu- ment, en marbre grec, représente le Dieu du silence. Les jambes seules manquent : les pieds sont du plus beau travail. Ce morceau est l’un des plus intéres- sans de ceux que lon a retrouvés à Calagurris. D’autres statues, plus ou moins mutilées, at- = TOME Ile ANT. II. 29 386 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. testent toute la richesse du sol où l’on a découvert tant de traces de magnificence. Mais, parmi cesres- tes, où Le goût le plus pur se montre avec éclat, il fautsur-tout distinguer le torse d’un jeune homme (sans doute de Bacchus adolescent), découvert près des restes d’une superbe mosaïque , dont je n’ai pu conserver qu'une très-petite partie (1). Ce torse, en marbre grec, peut être considéré comme lun des plus beaux débris que nous ait légué la savante antiquité. Pureté de formes, élégance dans les con- tours, vérité dans le modelé, détails charmans, voilà ce que l'on remarque sur-tout dans ce mor- ceau. Les fouilles ont été prolongées durant plu- sieurs mois, dans le seul dessein de retrouver toutes les parties de cette statue : un ou deux fragmens des bras ont seuls été découverts; mais tout espoir n’est pas encore perdu, et de nouvelles recherches me fourniront peut-être l’inappréciable avantage de restituer en entier aux arts du des- sin ce magnifique reste de la sculpture antique. Il est un autre objet, dont la conservation par- ticulière est satisfaisante sans doute, mais qui n’est peut-être qu'une partie de l’un des chefs- d'œuvre de Part statuaire : c’est une tête de Vénus, qui porte quelques marques de son ajustement sur une statue qui na pas été retrouvée. Comparée aux têtes de la Vénus de Médicis, de la Vénus d'Arles, de celle de Milo, elle ne leur paraît pas inférieure , et peut-être un œil exercé y trouve- (1) Dans la vigne du sieur Sabathe. MÉMOIRES. 387 rait-il des passages, des parties qui sembleraient mériter au monument de Martres une plus haute estime, L’imitation de la nature dans ce qu’elle a produit de plus parfait, et le sentiment le plus exquis da beau idéal même, n'auraient pu repré- senter sous de plus admirables formes cette Déesse que Lucrèce a nommée Z4 volupté des hommes et «des Dieux : . . . Hominum Divumque voluptas, ALMA VIOTULSE NN Pate eat ie Dee (1). une bandelette presse la chevelure et senroule deux fois autour d'elle. On retrouve dansles traits ce contour délicat, pur et cracieux qui forme la véritable ligne de beauté. Il n’est guère possible que Part ait enfanté chezles Grecs une plus agréable image. Cette tête, en marbre de Paros, et qui, d'après les indications de la partie inférieure du col , doit avoir été ajustée, comme je lai dit, sur une statue, ou au moins sur un buste, est, comme je lai annoncé aussi, d’une très-bonne conserva- tion. Les cheveux sont faits avec cette facilité, ce laisser-aller, cette grâce que lon remarque quel- quefois dans le travail des mèmes objets, lorsqu'ils ont été représentés par les plus célèbres artistes de l'antiquité. En interprétant, sans attention, quelques mots du passage des Lettres de Lebret, que jai déjà rap- porté (2), quelques personnes ont cru que le torse ) De Natura Deorum , lib. 111. (a (2) Suprà, pag. 343. 388 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. auquel se rajustait cette belle tête fut porté à Tou- louse durant le 17. siècle, et qu’il était conservé chez M. de Frezals; mais il est évident que auteur veut parler d'un autre objet. Il mentionne en effet une tête de femme que Gervais Drouet, habile sculpteur de Toulouse, croyait être de 7'énus, «parce qu’elle avait, dit-il, beaucoup de rapport avec le tronc de la statue de cette Déesse qui est chez M. de Frezals, conseiller au parlement, à qui on l’apporta du mesme lieu. » Mais cette tête, conservée pendant long-temps dans l'orangerie du Palais épiscopal de Rieux, fait aujourd’hui partie des collections du Musée de Toulouse, et on peut s’apercevoir qu’elle est d'une proportion bien inférieure à celle dont nous nousoccupons(r). Donc, si le torse ou Ze tronc dont parle Lebret, pouvait s’ajuster à la tête conservée à Rieux, il ne pourrait le faire à celle qui a été retirée, en 1826, des ruines de Calagurris ; et d'ailleurs cette dernière n'étant pas connue à l'époque où Lebret écrivait, il est évident que le sculpteur toulousain n’a voulu parler que du torse placé chez M. de Frezals, et de la tête que M. de Berthier avait fait transporter dans son palais. Dans les lignes que j’aiempruntées à Lebret (2), on voit que l’on avait cru retrouver à Martres, (1) La hauteur, prise du sommet de la tête au menton, est seulement de 11 centimètres, et celle de la tête dont nous nous occupons , est de plus de 28. (2) Suprà, loc. cit. MÉMOIRES. 389 durant le 17."e siècle, une tête d{riane ; mais que cette tête pouvait aussi être celle de Cérès. Cette incertitude provenait sans doute , comme je l'ai dit ailleurs (1), de ce qu'aucun attribut parti- culier ne déterminait d’une manière précise quelle était la déesse représentée par cette tête. On ne saurait élever de doutes semblables sur un monu- ment que les fouilles, exécutées en 1826, ont arra- ché à l'oubli. C’est une tête, en marbre blanc, taché de rouge vers la partie inférieure, et qui ne peut ètre que celle d'Ariane (2); mais cen’est point Pa- mante de Thésée, abandonnée à la douleur sur les rochers de Naxos, cest l'épouse du fils de Jupiter et de Sémélé , dans tout l'éclat de sa beauté. Une couronne bachique, formée de feuilles de lierre et de grappes de corymbe, presse ses che- veux ajustés avec grâce et relevés en nœud der- rière la tête. Le vêtement qui couvre le buste, sans déguiser les formes les plus heureuses, est rouge, et ce n’est pas sans dessein que l’artiste a donné un vêtement de cette couleur à l’immor- telle épouse du Dieu des vendanges. La grâce et la pureté des contours, le fini et la légèreté du travail, mettent ce buste au rang des morceaux les plus précieux découverts à Calagurris (3). Une autre figure d'Ariane, trouvée dans la même (1) Notice des Monumens antiques du Musée de Toulouse, pag. 31. (2) Ou un beau portrait , décoré des attributs d'Ariane, (3) Ce buste, sans comprendre le piédouche , qui est mo- derne , a plus de 38 centimètres de hauteur. 390 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ville, est remarquable et par sa belle conservation et aussi par le fini du travail. Elle est en jaune antique : plus de 18 siècles ont passé sur cette dé- licieuse image sans en altérer les formes enchante- resses. Les cheveux sont ceints d’une couronne de feuilles de lierre, de corymbes et de grappes de raisin ; quelques-uns retombent avec grâce sur le col et le haut de la poitrine. La forme de la partie postérieure semble indiquer que ce monument était ajusté en forme d’Aermès, et que, sans doute, ,0n lui avait accolé une tête de Bacchus. Il n’est pas assuré qu’une tête de ce Dieu, faite aussi pour être placée comme la précédente, ait jadis été jointe à elle : elle représente le Bac- chus indien, et le marbre jaune antique dont elle est formée, est d’une teinte beaucoup moins vive que le marbre du buste d'Ariane. La tête est d’ailleurs À peu près de la même grandeur (r), mais le travail ést peut-être plus digne d'attention. Les cheveux, environnés d’un diadème ou d’une ban- delette, sont contournés en boucles réoulières sur le devant de la tête; la barbe est longue et coupée d'une manière uniforme; les yeux ont été creusés pour y rapporter des prunelles en or, en émail ou en quelque pierre précieuse. La même particu- larité se remarque sur un grand nombre de mo- numens antiques, et on l’observe de même sur une autre tête du Bacchus indien , découverte à ren NN SN ET nn de, (1) La tête d'Ariane a 15 centimètres de hauteur : celle de Bacchus en a plus de 16. MÉMOIRES. 391 Auch, et qui sera aussi publiée dans l_#rchæo- dogie Pyrénéenne (1). Lebret a mentionné, dans le passage que j'ai rapporté : «Huit testes, dont l’une, dit-il, est de Bacchus, une autre d'un vieillard, que je crois Si/ène, son père nourricier, celle d'un Satyre, trois autres de Bacchantes », les autres représen- tent, suivant cet auteur, -/riane ou Cérès , et Vénus. Cinq de ces têtes, les seules qui aient échappé à la destruction du Palais épiscopal de Rieux, sont aujourd’hui conservées dans le Musée de Toulouse : deux d’entrelles ont une ressem- blance presque parfaite. Ce sont des masques , creusés dans l’intérieur, et qui étaient retenus dans les murs par des boulons de fer. Leurs traits, quoique juvéniles, n’annoncent rien d’eféminé ; leurs cheveux sont environnés de pampres et de raisins. Une autre, qui est aussi d’une forte pro- portion, représente un jeune homme, peut-être Pun des suivans de Bacchus : la quatrième est couronnée de lierre, le front est chauve, le travail est plus ferme, plus pittoresque que dans les autres placés près d'elle. La cinquième est celle qui, suivant Drouet , représentait Vénus. Une petite tête de Faune, trouvée dans les fouilles en 1827, est plus digne d’attention : elle a fait partie d’un bas-relief dont on n’a malheu- reusement découvert que ce fragment. J'aurais pu . re 2 mentionner déjà le torse d’un Satyre ou d’un D NU A EN EN En (1) Cette tête est en marbre blanc ; elle n’a qu'environ 15 centimètres de hauteur. ’ 392 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Faune, trouvé près de cet autre torse, qui est lun des plus beaux morceaux retirés des ruines de Calagurris (1). Un petit bas-relief charmant qui représente deux Faunes de sexe différent , a été recueilli aussi au milieu des décombres, et atteste, par la délicatesse du travail, le bon goût de celui qui en fut l’auteur. Quelques masques scéniques en marbre ont de même été retrouvés à Martres. La sculpture de ces morceaux est médiocre, sans doute, mais on y remarque néanmoins ce style élégant qui carac- térise presque tous les monumens de l'antiquité. Cest aussi par l’élégance des masses et par la force, que se recommandent les médaillons dont j'ai déjà parlé, et qui représentent Jupiter, Rhéa, Junon , Minerve, Vulcain, Atys, etc. Tous ces objets d'ornement, car ils faisaient partie des dé- corations intérieures de la #”z//a où on les a re- trouvés, annoncent, ainsi que les bas-reliefs qui représentent les travaux d’Hercule, un ciseau fa- cile. Mais il y a peut-être plus de talent dexé- cution dans quelques-uns des jambages de porte découverts dans le même lieu. Ces objets sont en quelque sorte classiques pour nous, et les artistes qui ont vu les monumens du même genre, encore conservés en Îtalie, savent que la plupart de ces derniers ne sont pas, pour le style et le travail, supérieurs à ceux que nos heureuses découvertes ont arrachés à loubli. (1) Suprà , 386. ® MÉMOIRES. 393 Il me reste à parler de cette longue suite de portraits historiques que Calagorris nous gardait dans ses ruines ignorées; et, on peut laflir- mer, le nombre et la beauté de ces objets en ren- drait l’ensemble précieux, si des barbares n’avaient pas mutilé avec rage ces monumens qui repré- sentent avec tant de vérité tous ces dominateurs du monde, tous ces souverains , amour ou effroi de la terre, et dont la superbe volonté disposait du sort des peuples, des limites des royaumes et des richesses du monde entier. Le savant Visconti a recherché, dans le beau discours qui préeède son Zconographie grecque, tout ce qui était relatif à Pantiquité des portraits. L'art du dessin a dû sa naissance, dit-il, au désir naturel de conserver les traits des personnes qui ont été un objet d’ailection ou d'estime. Ce ne fut d'abord qu'un contour extérieur, indiqué par l'ombre : telle a été la première ébauche de la délinéation et de la plastique ; mais la grossière ébauche de Dibutade fit naître des idées nouvelles, et fut le germe heureux qui féconda les arts. La ronde-bosse qui remplaça le dessin au trait fixa les contours d’une manière plus heureuse. Les Grecs, dit Millin (1), faisaient remonter l’art du portrait jusqu’au x temps héroïques. Suivant eux, Dédale avait exécuté la statue d'Hercule, encore vivant, Les temples des Dieux devinrent bientôt les dépositaires des portraits des hommes illustres, et ils y étaient conservés lors même que le per- (1) Magasin Encyclopédique. 394 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sonnage représenté devenait un ennemi de la pa- trie : religieuse habitude que ne connurent pas les Romains, et qui de nos jours serait regardée comme séditieuse ! On a retrouvé depuis peu, en Egypte, les statues d’une foule de ses rois, dont l’histoire avait à peine conservé les noms, et dont l’existence était vivement contestée par le scepticisme du 18.m° siècle, Lorsque les Romains eurent placé sous leur domination toutes les con- trées entre l’'Euphrate et les colonnes d'Hercule , ceux qui ne pouvaient obtenir de faire mettre leur image dans le Forum ou dans le Capitole, cher- chaient à se faire décerner cet honneur par quel- que ville de province, et souvent ils en payaient même les frais. Quelquefois des corporations , des colléges d'ouvriers même, élevaient des statues à leurs chefs, à leurs patrons : quelques riches Ro- mains faisaient ériger leurs images aux frais de leurs clients, soit dans leur aérium , soit dans une partie de leurs maisons. Les familles distin- guées conservaient les portraits de leurs ancêtres, et jouissaient du jus ümaginis, et ces portraits étaient offerts en public dans les triomphes et aux funérailles. Jai retrouvé dans l’Aquitaine un grand nombre de bustes et de têtes d'un travail en général médiocre , et quelqufois barbare, que je crois pouvoir placer parmi les portraits de fa- mille, Les magistrats obtenaient quelquefois Phon- neur de voir leurs traits reproduits par le marbre et le bronze dans les villes qu’ils administraient, et le plus souvent, sous le plus léger prétexte, ils MÉMOIRES. 395 recevaient cet hommage. Les portraits des parti- culiers décoraient leurs monumens funéraires, et on y mettait sur-tont des bustes (1). Visconti (2) a très-bien établi que ce mot dérive de bustum , qui, dans la basse-latinité, signifiait un tombeau. Dans la suite , les statues et les bustes des em- pereurs et des membres de leurs familles se mul- tiplièrent sur toute la surface de empire. On en décorait le principal édifice, le Capitole de chaque colonie, la Basilique de chaque municipe; et il a été conservé un essez grand nombre d'images de ces princes dans des lieux très-reculés, parce que la proscription qui frappa quelquefois leurs images à Rome ne s'étendit point, ou ne fut pas adoptée dans les villes éloignées de la capitale de Pempire. Les palais des gouverneurs ou des préfets des pro- vinces renfermérent aussi les statues et les bustes des souverains, et on dut Les placer aussi en grand nombre dans les demeures occupées par ces Em- pereurs qui, dans les troubles qui agitèrent si violemment les derniers temps de la puissance romaine , prirent la pourpre dans les Gaules. L'édifice dans les ruines duquel j'ai retrouvé les images d’un grand nombre dempereurs, fut peut-être, ou la Basilique du municipe de Cala- gorris , ou plutôt lun de ces palais dont je viens (1) J'ai retrouvé dans l’Aquitaine et dans la Narbonnaise beaucoup de monumens sépulcraux décorés de bustes. J’en donne la gravure dans l’4rchæologie Pyrénéenne. (2) Museo Pio-Clement. NX. Préface x. 396 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de parler. Je savais qu’on y avait trouvé autrefois deux têtes représentant Didius Julianus et Ca- racalla (1); des recherches suivies ont procuré la découverte du grand nombre d'objets de ce genre qui décorent aujourd’hui le Musée de Toulouse ; monumens précieux, à l’aide desquels on a pu composer une collection dans le genre de celles que les anciens nommaient Pinacothèques , ou galeries de portraits. On avait d’abord pris le premier de ces marbres pour le portrait de Tibère ; mais il a été bientôt reconnu qu'il représentait Auguste, ce qui, pour nous, a peut-être ajouté à son prix. Je crois qu'il est formé de cette sorte de nrarbre que l’on désigne en Italie sous le nom de grecheto. Le travail est large, facile, et du plus beau temps du haut em- pire. L’extrémité du nez fut mutilée, ainsi que les oreilles, peut-être à l’époque où la Province Aqui- tanique fut envahie par les nations barbares. Ce monument a, en outre de la ressemblance des traits, les plus grands rapports avec un autre que M. Mongez a donné dans lIconographie latine. La haine publique, excitée quelquefois par les (1) Ces deux têtes, découvertes à Martres en 1774, furent données à M. de Saint-Elix, qui, peu de temps après, en fit présent à François Lucas , sculpteur statuaire , né à Toulouse. A Ja mort de cet artiste , en 1813 , M. A. Dastarat fit l'acqui- sition de ces monumens : ils sont passés ensuite dans le cabinet de M. Berot de Cologne, qui a bien voulu, en 1828 , les céder au Musée : ces têtes ont, en partie, été restaurces avec soin par M. Beurné , sculpteur de Toulouse , et élève de F. Lucas. Ca MÉMOIRES. 397 décrets du sénat, proscrivit les images des mé- chans princes ; mais Padmiration et l'amour mul- tiplièrent celles d'Antonin Pie, de Trajan et de Marcs Aurèle. Ces monumens révérés seraient même parvenus jusqu’à nous, sans avoir souffert de notables mutilations, si la haine des tribus qui renversèrent l’empire romain, ne sétait pas exercée sur eux avec un acharnement inoui. C’est à cette cause qu'il faut sans doute attribuer les dégradations qu'ont éprouvées les trois portraits de Trajan que lon a retrouvés à Martres. Lun d'eux est sur-tout remarquable par la perfection du modelé , et tous par une exacte ressemblance. Dans le premier, la tête a été séparée du buste, et le front a été brisé ainsi que l'épaule gauche. La tête et les épaules du second subsistent. On remarque , sur le côté droit, des entailles légères pratiquées dans le marbre, sans doute pour y fixer une chlamyde en bronze ou en marbre de couleur. Le troisième portrait ne consiste que dans la tête seulement : on pourra l'adapter sur un buste antique découvert aussi à Calagorris. Plusieurs autres bustes, sans têtes, ont été retrouvés dans les ruines de cette ville, et contribuent à nous faire connaître combien étaient riches les collections de sculptures qu'on y avait formées. Mais parmi ces objets il en est peu qui aient été mutilés avec autant de rage que les trois portraits de Trajan ; sans doute il ne faut attribuer ces dé- gradations qu’à la barbarie des étrangers. Quel Ro- main aurait osé porter une main sacrilége sur les 398 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. monumens de ce grand homme, prince le plus accompli dont Phistoire ait jamais parlé, dit Mon- tesquieu , et dont le règne a été peint avec tant de charmes par le sévère Tacite : « O temps heu- reux ! sécriait historien latin , Ô temps heureux! où l’on n’obéit qu'aux lois, où l’on peut penser librement , et dire HAE ce qu’on pense ; où Von voit tous les cœurs voler cdi du prince, où sa vue seule est un bienfait ! » Le buste d'Ælius César, fils adoptif d Hadrien, est l’un des plus beaux que lon ait découverts à Calagorris, mais le nez et la bouche ont beaucoup souffert. Æliusest vêtu d’une tunique, et porte par- dessus une chlamyde ornée de franges. La vue de ce portrait rappelle en entier les paroles de Tristan de Saint-Amans, sur Ælius César : « Il estoit doué, dit-il, d’une grâce naturelle, pleine de ma- jesté et gravité royales, jointe à une grande dou- ceur et maintien agréables. » Ce fut apres la mort de ce prince, qu'Antonin (Titus Ælius Hadrianus Antoninus Pius), fut adopté par Hadrien. On sait qu'il était originaire de Nimes, et qu'il naquit à Lanuvium en l'an 86 de J, C. Il n'existe peut-être pas de plus beau portrait de cet Empereur que celui qui a été dé- couvert à Calagorris. IL est d'une très-forte pro- portion. Le travail des cheveux et de la figure, la facilité du ciseau et la correction du dessin, tout se réunit pour faire admirer ce morceau de sculpture. La tête a été ajustée sur un buste, an- tique aussi, et recouvert d’une cuirasse à écailles. MÉMOIRES. 399 On sent que lartiste habile auquel on doit cet ouvrage, a voulu retracer et les traits et le carac- tère admirable de cet Empereur. Qu’on se repré- senté, en ellet, Socrate sur le trône, dit La- combe (1), et on se formera une idée du règne dAntonin. Ses sujets admiraient sur-tout en lui une justice inflexible, et toujours attentive à rendre à chacun ce qui lui était dû. Assez grand par lui-même pour mépriser tout hommage ser- vile, il ne souffrait point les flatteries, qui désho- norent autant ceux qui les reçoivent que les esclaves qui les donnent. Sans caprice, sans pas- sion, retenu en tout et agissant toujours avec réflexion , il était, ainsi que Socrate, capable de jouir et de s’abstenir des choses dont le vulgaire des hommes n'a ni la force de se priver, ni la sagesse de bien user. Sa taille était grande , ma- jestueuse; son air de tête annonçait toute sa bonté, et en examinant le portrait retrouvé dans les dé- combres de Calagorris, on sent bien que les Romains devaient éprouver, à son aspect, la douce satisfaction qu’inspire toujours la présence d’un père adoré. Parmi les objets que les fouilles de Martres ont mis à découvert, on doit distinguer sur-tout deux beaux bustes de Marc-Aurèle ( Marcus Aurelius Antoninus Augustus). Le premier le représente très-jeune, et la ressemblance de ses traits avec ceux empreints sur les médailles est remarquable. (1) Dictionnaire des Portraits, 1, 85. 400 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. On le voit ayant, comme le dit Tristan de Saint- Amans, dans son vieux langage, «le menton cou- ronné d’un Jéger poil follet, qui le rend fort agréable comme entrant dans la première saison de la jeunesse, au sortir de l’adolescence. » Le se- cond portrait le représente dans la force de l’âge, et il est peu de monumens qui nous soient par- venus dans un état de conservation aussi parfait. L'Empereur porte une cuirasse, sur le devant de laquelle on voit une tête de Méduse. Le travail est très-bon : c’est un excellent modèle pour les jeunes artistes, et ce n’est pas d’ailleurs sans une vive admiration que l’on contemple l'image vraie de ce grand homme. On éprouve alors combien Mon- tesquieu avait raison , alors qu’il écrivait : «Rien n’est capable de faire oublier ce premier Antonin, que Marc-Aurèle qu'il adopta. On sent en soi- même un plaisir secret lorsqu'on parle de cet Em- pereur : on ne peut lire sa vie sans une espèce dattendrissement; et tel est l'effet qu’elle pro- duit, qu'on a meilleure opinion de soi-même, parce qu’on a meilleure opinion des hommes. » Une tête en marbre de Lucius Aurelius Verus, a été trouvée à une très-petite distance des bustes de Marc-Aurèle. Ce prince avait été adopté, étant très-jeune encore, par cet Empereur. Le monu- ment découvert à Martres ressemble parfaitement aux portraits les plus authentiques de Lucius Verus. Une image bien plus précieuse que celle du prince que je viens de nommer, est celle d’_4n- MÉMOIRES. 401 aus Verus, fils de Marc-Aurèle et d'Annia Faustine , mort à l’âge de sept ans. Son père lui fit ériger, plusieurs statues. Cependant ses portraits sont très-rares, et celui qu’on a trouvé sous nos yeux à Martres, près des deux bustes de Marc- Aurèle, est, quoique mutilé, digne d’arrèter les regards, et comme monument de Part statuaire, et comme monument historique. On lit dans Ca- pitolinus quelques détails sur la mort de ce jeune César, sitôt ravi à amour paternel (1). En comparant à des monumens rapportés par la Chausse (2) et par quelques autres antiquaires, un très-beau buste découvert dans les ruines de Calagorris, et en mettant près de ce portrait pré- cieux les médailles de Commode, on a cru y re- connaître ce prince : c'est un des bustes les plus remarquables de la série. La tête que l’on a rajustée est bien celle qui en fit partie autrefois; elle porte la couronne civique. Le buste est couvert par la cuirasse et le paludamentum : le nez est la partie qui a le plus souffert de mutilations. Commode, ou Marcus Aurelius Commodus Antoninus Augustus , né en 161 de notre ère, fut étranglé en 192, âgé d'environ 31 ans, après un règne de douze ans et neuf mois; et c’est à peu près vers l’époque la plus avancée de sa vie, que (1) Filium nomine V'erum Cœsarem execto sub aure tubere, septennem amisit, quem non plus quinque diebus luxit, con- solatusque etium medicos, actibus publicis se reddidit. (2) Grand Cabinet romain. In-fol. Amsterdam, pag. 16. TOM If, PANT, IT, 26 402 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. le buste trouvé à Martres le représente. «Jamais, dit avec son énergie accoutumée le bon Tristan de Saint-Amans (1), jamais Pimpureté, la vo- lupté, la brutalité, la cruauté et l'injustice ne furent mieux logées qu’elles se rencontrèrent estre dans Commode , qui véritablement estoit doué d'une parfaite beauté (ainsi qu'Hérodien le fait voir), et comme l'aspect de sa monnoie nous Île confirme... Mais cette exquise beauté se trouva par succession de temps estouffée sous la bouflissure enflammée d’un sang aduste et bilieux, nageant en crapule, » Je n’oserais affirmer que de deux monumens qui furent trouvés non loin de celui de Commode, le premier nous offrit les traits d'Albin ( Decimus Clodius Septimus Albinus); mais Pautre est peut- être assez bien attribué à Septime Sévère. Plus on examine ce marbre, plus on acquiert la certitude qu’il représente ce prince, sur-tout alors qu’on le compare aux médailles, et qu’on le rapproche des images authentiques de cet Empereur publiées par M. Mongez, dans son Iconographie latine. Le buste est cuirassé : la tête qui le surmonte y fut adaptée dans les temps anciens, mais ne lui a peut-être pas primitivement oppartenu. Sur le cartouche on voit les traces d’une inscription tracée avec une pointe extrèmement fine; on ne peut plus y lire que la fin d’un nom ..NINYS. On pourrait en induire que ce buste représentait (1) Commentaires historiques ,ÿpag. 553. MÉMOIRES. 403 d’abord l’un des Antonins, et sur-tout Com- mode , et que la haine in$pirée par la mémoire de ce prince, fit substituer, comme nous en avons des exemples pour d’autres, à'ses traits, devenus odieux, ceux de Septime Sévère. J'ai déjà parlé de la tête en marbre de Didius Julianus, trouvée à Calagorris en 1794, et qui est maintenant réunie aux autres portraits des Césars dans la belle galerie du Musée. Ce rare mo- nument a été restauré avec soin (1), ainsi que la tête de Caracalla, qui fut découverte en même temps, et qui, de même, a été acquise il y a en- viron trois ans. Les bustes qui ont les bras et les mains ont toujours été considérés comme très-précieux , à cause de leur rareté. Ils sont d’ailleurs nécessaire- ment plus élevés que les autres; ce sont en quel- que sorte des statues auxquelles il ne manque que la partie inférieure. Cette circonstance ajoute à VPintérêt qu'offre un monument, qui ressemble beaucoup aux portraits authentiques de Plautille (Tusta Flavia Plautilla Augusta), fille de Plau- tien , et femme de Caracalla. La tête, tres-mutilée, fut un des premiers objets découverts en 1826, et ce n’est que quelques mois ensuite que le buste fut retrouvé au milieu d’un amas de décombres, de marbres brisés et de tronçons de colonnes (2). On connait l’histoire de Plautille. Son pe; ) Par M. Beurne. } Ce monument a 0,87 centimètres de buteur. 20. 404 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Plautien , fut livré aux bourreaux. Privée ainsi de l’auteur de ses jours, elle fut releguée avec Plau- tius, son frère, dans l'ile de Lipari, et, après sept années d'abandon et de malheur ,tous deux furent immolés par ordre de Caracalla. Ce ne fut pas même assez pour ce monstre; il fit périr aussi une fille qu'il avait eue de Plautille, et qui avait suivi sa mère dans l'exil. Les médailles de cette prin- cesse semblaient lui présagér un autre destin. On la voit sur ces monumens, tantôt donnant la main à l'Empereur, tandis que la légende porte : Con- cordiae Aeternae, Concordiae Felix, Propago Tmperi; tantôt représentée sous les formes de la Déesse de la Beauté, et honorée par les épithètes de Venus Felix, Venus Victrix. Mais ces hom- mages éclatans, ces flatteries, ailleurs si com- munes sur les monumens numismatiques, ne devaient pas plus lui assurer Pamour de son époux, que tant d’autres légendes flatteuses qui paraissent sur les médailles des Césars, ne furent des mar- ques de l'attachement des peuples pour le plus grand nombre de ces Princes. Les portraits d'Alexandre Sévère ne sont pas communs, sur-tout dans les Gaules : je crois ce- pendant en avoir retrouvé un à Calagorris, et j'appuie cette opinion sur la comparaison de ce marbre avec les médailles de ce prince, et les images authentiques que nous ont laissées les an- tiquaires les plus célèbres, et qui existent encore dans diverses collections. On ne peut méconnaître Pupien (Marcus Clau- MÉMOIRES. 405 dus Pupianus), dans un buste découvert aussi à Martres. La ressemblance avec d’autres portraits de cet Empereur est si parfaite, que l’on peut croire qu’ils sont tous des copies d’un même ori- ginal qui servit de type ; et ici il faut remarquer en passant avec quelle facilité les anciens multi- pliaient les monumens. Pupien ne régna qu’une année, et cependant le marbre reproduisit plu- sieurs fois ses traits, et l’un de ses bustes parvint même dans les Gaules. Nous ne connaissons pas d’autres monumens de ce prince dans cette vaste région. Né vers lan 164, élu empereur en 237, il fut tué en 238 par les soldats de la garde pré- torienne. Quelques rapports assez remarquables avec des portraits de Philippe père (Marcus Julius Phi- lippus), ont porté à désigner comme une de ses images un autre buste provenant de Calagorris ; mais On a pu se tromper, ainsi qu’en désignant sous le nom de Philippe fils (Marcus Julius Se- verus Philippus), une tête juvénile , trouvée dans le même lieu, et qui a été depuis ajustée sur un buste antique. Cependant, il ne faut peut-être pas se presser de condamner la première désigna- tion , et c’est aux plus savans iconographes à dé- cider la question qui s’est élevée à ce sujet, ques- tion intéressante , et que la comparaison avec d’autres monumens leur fera sans doute résoudre avec facilité. Le seul examen des médailles de Volusien (Caïus Volusianus), démontre que lon ne 406 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. s’est pas trompé en annonçant que les ruines de Calagorris nous ont conservé un portrait de ce prince. Ce monument est d’une plus petite dimen- sion que la plupart de ceux du même genre que les fouilles nous ont procurés. On y reconnaît, sans hésitation , ce prince qui, associé à l'empire par TrébonianusGallus, son père, et déclaré Auguste, marcha avec lui, contre Emilien , et fut massacré à Interamna, en 253. Un autre buste, qui provient aussi de Cala- gorris, est remarquable par sa beauté. Si sa par- faite ressemblance avec les portraits de Gallien (Publius Licinius Gallienus), ne lui donnait une date certaine, on serait porté à croire qu’il appartient aux premiers temps de l'empire, tandis qu’il a évidemment été sculpté pendant la seconde moitié du troisième siècle de notre ère. Ainsi se trouvent réfutés les systèmes qui indiquaient comme certaine l’entière décadence des arts dé- pendans du dessin, même à une époque anté- ricure à Gallien. 11 est vrai que les monumens de la statuaire sont plus rares pour ces temps que pour les beaux jours du haut empire, et que la vue des médailles marque une dégénérescence complète de Vart du monétaire; mais plusieurs monumens, et sur-tout le beau buste de Gallien découvert à Martres, prouvent que celui du sculp- teur se soutenait encore avec éclat. Cependant aucune époque ne fut moins favorable à ces sortes d’études, à ces travaux qui honorentlesétats,etqui, après un grand nombre de siècles écoulés, excitent MÉMOIRES. 407 Jadmiration et la surprise. En 253, après la mort d'Emilien , qui avait succédé à Trébonien Galle et à Volusien, Gallien fut proclamé. Le sénat le nomma César, et Valérien, son père, lui dé- cerna le titre d’ Auguste. «Il fit plus en lui don- nant l'honorable, mais difficile emploi, d’aller com- mander dans les Gaules, et de les préserver des invasions des Germains, Guidé par Postume, habile guerrier, qui prit ensuite la pourpre dans les mêmes contrées, Gallien obtint des succès sur les Germains, et les médailles ont conservé le souvenir de ses victoires. Cependant Valérien s6- tait avancé contre les Perses ; mais ayant été fait prisonnier dans une entrevue avec Sapor, vers l'an 260, Gallien ne fit rien ou pour retirerson père de la plus affreuse captivité, ou pour le venger. «La seule marque d'attention qu’il lui donna, fut de le mettre au rang des Dieux, sur une fausse nouvelle de sa mort,» Il quitta les Gaules et entra en Îtalie, d'où, par les soins du sénat, les Scythes et les Goths venaient d’être chassés. Brave dans les combats, on le vit marcher avec résolution contre les tyrans qui usurpaient la pourpre im- périale; mais il fallait que la nécessité ’arrachât aux délices, aux divertissemens, à la noncha- lence, et dès que l’aiguillon d'un intérêt per- sonnel ne lanimait plus, il retombait dans son indécente mollesse et dans ses honteux plaisirs. Sous son règne, l'empire fut désolé par les guerres étrangères et les guerres civiles, par la famine et par la peste; et cependant les arts ne furent pas 408 . INSCRIPTIONS ET FELLES-LETTRES. abandonnés, ainsi que le montre le beau buste trouvé à Martres. Rien ne prouve mieux combien la culture de la statuaire avait jeté de profondes racines, puisqu'au moment où l'empire, depuis long-temps agité, semblait prêt à s’ensevelir sous ses vastes ruines, le ciseau produisait encore des ouvrages dignes d’être admirés, dignes d’être offerts comme des modèles de bon goût, de pureté de style et d'élégance. La série des portraits que nous avons cru re- connaitre dans les bustes découverts à Martres finit à Gallien ; et comme elle commence par Au- guste, on voit qu’elle comprend un intervalle de 297 années, en ne comptant l’ère d’Auguste que depuis la bataille d’Actium, et en plaçant, comme presque tous les historiens, la mort de Gallien en mars 265. Mais il est probable qu'il reste à intercaler convenablement dans cette suite plusieurs bustes pour lesquels je n’ai émis ma pensée que sous des formes dubitatives, et que je n’ai pu classer, soit que les objets de comparaison aient manqué, soit que les personnages qu’ils représentent n’aient pas laissé de monumens numismatiques, soit qu’il reste quelque incertitude à leur sujet dans les traités d’iconographie. J'ai dit ailleurs que ce n’est que d’après des conjectures, plus ou moins probables, mais légères, que l’on a pensé que deux beaux bustes, décou- verts à Calagorris, sous mes yeux, représentaient les fils d'Agrippa et de Julie. Caïus, le premier, MÉMOIRES. 409 né l'an 733 de Rome, fut adopté à l’âge de trois ans par Auouste, qui lui donna le titre de César, ainsi qu’à son frère Lucius qui venait de naître; et cette cérémonie de l’adoption de ces deux prin- ces, et du nom de César qu’on leur imposa, se fit à la fin du spectacle des jeux séculaires qu’Au- guste et Agrippa venaient de donner au peuple. Après avoir fait ses premières armes, Caius fut, à l’âge de 14 ans, Prince de la jeunesse et Consul désigné. Plus tard , il se distingua contre les Par- thes; il allait, sans doute, chasser ces peuples de PArménie , ayant déjà, en 754, été nommé Consul, lorsqu'il fut dangereusement blessé à Artagètes. Illanguit longuement, et mourut deux ans après, ne laissant point d’enfans de sa femme Livilla, fille de Drusus et d’Antonia. I/un des bustes dé- couverts à Martres, et qui est très-remarquable et par la beauté du travail et par une conservation presque parfaite, a été d’abord placé dans le Musée sous le nom de Caïus César ; il représente bier un jeune homme de 20 à 22 ans : l’'ainé des fils adoptifs d'Auguste en avait 24 lorsqu'il mourut à Lymire en Lycie. L'autre buste est formé du même marbre que le précédent. Le travail est le mème, et ces deux bustes, faits pour être placés en regard, semblent bien être les images de deux frères : la ressem- blance qui existe entre eux est d’ailleurs un puis- sant indice. Si les conjectures hasardées en 1826 étaient adoptées, on reconnaitrait dans ce second portrait Lucius César, qui, nommé Prince de la 410 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. jeunesse à l’âge de douze ans, prit la robe virile à quinze , et fut désigné Consul pour l’année sui- vante. « Auguste ayant résolu de faire paraître ce prince à la tête des armées de Occident, comme il avait mis Caïus à la tête de celle de l'Orient , le fit partir pour aller commander les troupes qui étaient alors assemblées en Espagne ; mais ‘ce prince mourut peu après son débarquement à Marseille, n’ayant encore que dix-huit ans. » J'ai déjà dit que ces bustes sont faits pour être placés en regard : ils sont de même dimension ; le marbre qui les forme est de la même qualité; il y a de la ressemblance dans les deux têtes. Je ne tirerai point une preuve de la circonstance de leur découverte : ils furent trouvés en effet près de l’image d’Auguste ; mais le bouleversement en- tier du palais qui contenait ces bustes, et une foule de circonstances qui nous sont inconnues, ont pu influer sur la position qu’ils occupaient à lépoque des fouilles. Il y aurait beaucoup de pré- somptions en faveur de l'opinion qui les donne à Caïus et à Lucius, sil y avait entre ces portraits et ceux de ces jeunes princes, encore empreints sur leurs médailles, une ressemblance plus ou moins parfaite. Il est vrei que quelques savans étrangers ont cru que l’on ne pouvait s'empêcher de reconnaître les portraits de ces deux frères dans ces bustes, si remarquables d’ailleurs comme objets d'art. Mais l’histoire de la ville éternelle nous présente d’au- tres jeunes Césars, frères aussi, et l’on pourrait MÉMOIRYS. AIT rechercher parmi eux les princes dont ces marbres nous ont conservé les traits. On pourrait retrouver encore, dans Pun d'eux, Agfippa le jeune, le dernier des fils d'Agrippa et de Julie. Livilla, mariée d’abord à Caïus César, eut de Drusus (1), qu'elle épousa en secondes noces, deux fils, dont un vécut et fut nommé Tibere- Drusus. On sait qu’associé à l'empire par Tibère, avec Caligula, celui-ci Padopta, et le força en- suite à se donner la mort, n'étant encore âgé que de dix-huit ans. Il ne paraît pas que les deux bustes trouvés à Martres représentent Tibère- Drusus et son frère. Doit-on voir dans ces marbres les jeunes Césars Néron et Drusus , fils aînés de Germanicus et dAcrippine ? L'un d’entreux est-il le portrait de Caligula ? je ne le pense pas. Je ne crois pas qu'on puisse y reconnaître Néron et Britannicus (2). Celui-ci, fils de Claude et de Messaline , né le 14 février de l'an 41; l’au- tre, fils de Domitius OEnobarbus et d'Agrippine, adopté par Claude, et qui naquit le 15 décembre de l'an 37. Il n’y a aucune ressemblance dans le seul de ces bustes que Fon pourrait attribuer à Néron, avec les médailles bien connuesde cetempereur. On ne saurait y reconnaitre non plus les deux fils que Servius Sulpicius Galba eut de Lépida , tous deux morts jeunes et avant qu'il fût parvenu à l'empire. (1) (2) Tiberi filius. Claudius Britannicus César. 412 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Ce ne sont point les portraits d’Aulus Vitel- lius, qui devint empereur, et de Lucius Vitel- lius, son frère. Ces marbres n’offrent point les traits de Titus et de Domitien. Ces monumens ne représentent pas, apparem- ment, Marcus Aurelius Fulvus Antoninus , et Marcus Annius Galerius Antoninus, fils d'An- tonin et de Faustine , et morts jeunes. On croit que le premier était déjà décédé avant que son père eût été adopté par Hadrien. «On doit pen- ser, dit Beauvais (1), que Galère Antonin termina aussi ses jours avant le règne de son père; car si ce jeune prince eût encore été en vie dans le temps de l'adoption de son père, Hadrien n'aurait pas exigé de lui qu'il adoptät Marc-Aurèle et Verus. Il y a néanmoins des écrivains qui ont cru que Galère Antonin n’est mort qu'après sa mère (cest- à-dire, après l’an 141), puisque l’on trouve la tête de ce prince au revers des médailles de la consé- cration de Faustine. Mais pour que ce sentiment eût quelque poids, il faudrait que Galère Antonin portât sur ces médailles la qualité de César, qu’on m'aurait pas manqué de lui donner, sil avait vécu pendant le règne de son père. Ainsi les adoptions de Marc-Aurèle et de Vérus, et le défaut du titre de César, que Galère n'avait pas reçu , doivent constater qu’il est mort, ainsi que son frère, avant le règne d’Antonin. » Ces motifs doivent avoir (1) Hist. abrégée des Empereurs, I, page 232, 233. MÉMOIRES. 413 aussi rendu tres-rares les monumens des deux fils d'Antonin et de Faustine, et sur-tout dans PAquitaine, où l'on à trouvé les deux bustes, attribués aux fils adoptifs d'Auguste. Marc-Aurèle eut de Faustine la Jeune cinq princes, qui furent Tüus Aurelius, Titus Aurelius Antoninus, morts en bas-âge; Com- mode, qui lui succéda, Æntoninus Geminus et Annuus V’erus. Xl n’y a point de monumens nu- mismatiques des deux premiers ni du quatrième : on a trouvé à Calagorris les bustes de Commode et d'Annius Verus (1), bustes qui n’ont aucune ressemblance avec ceux qui nous occupent. On ne peut donc avancer que ces derniers apparte- nalent aux fils de Marc-Aurèle. Il faut descendre jusqu’au règne de Septime- Sévère, pour trouver deux jeunes Césars auxquels on ait pu consacrer des monumens semblables, et destinés à être placés dans le même lieu. Marcus Aurelius Severus Antoninus Augustus, sur- nommé Caracalla, fils de Sévère et de Julie, est le premier de ces princes. Le second est son frère, Publius où Lucius Seplimus Geta Pius Au- gustus. Mais la comparaison des bustes provenant de Calagorris, avec les marbres et les médailles qui représentent ces deux princes, prouve que ce ne sont point leurs portraits. Il n’y a pas dans le plus jeune la ressemblance que l’on pourrait dé- sirer avec les portraits de Geta, et quant à l’au- (1) Suprà. 414 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tre , dont la figure est plus mâle, sans être moins agréable, on ne saurait y reconnaître Caracalla , dont la physionomie basse et farouche, les che- veux bouclés, l'habitude de la tête et du corps sont si remarquables, et offrent tant de différences avec les formes du beau buste découvert à Martres. Il y a encore quelques personnages auxquels -on à pu attribuer aussi ces deux bustes. On trouve, sous Trajan Dece , deux jeunes princes, Quintus Herennius (1) et Hostilien (2), auxquels on érigea sans doute des monumens. Le premier paraît sur les médailles être âgé d'environ vingt ans : ses traits sont réguliers et nobles. D'après les médailles aussi, le second aurait eu de dix-sept à vingt ans. Herennius fut tué dans la Thrace, à la fin du mois de novembre de l’an 251. Adopté par Trébonien Galle, successeur de Trajan Dece au commencement de année 252, Hostilien mourut six mois après. Je ne pense pas qu’on puisse leur attribuer les bustes qui nous occupent, car les traits des personnages qu’ils représentent n’ont pas d’analogieavecles médailles de ces princes. Valérien eut deux fils, Gallien (3) et Valérien jeune. Le premier avait vingt ans lorsque, en 253, son père fut reconnu empereur; le sénat donna alors à Gallien le titre de Cesar. Valérien le jeune, son frère, obtint, deux ans après, la même (1) Quintus Herennius Etruscus Messius Decius Augustus. (2) Caius Valens Hostiliunus Messius Quintus Augustus. (3) Publius Licinius Egnatius Gallienus Augustus. MÉMOIRES. 415 dignité. Gallien lui donna, pendant la captivité de leur père, les titres d'Empereur et d/uguste. IL accompagna Gallien au siége de Milan, et y fut poignardé la même nuit que son frère, vers le 20 mars de lan 268. On a reconnu que Les mé- dailles que l’on attribuait à ce prince appartenaient à Salonin (1). Ainsi il ny a aucun moyen de comparer ses traits avec les bustes de Calagorris. Si l’on peut rechercher dans ces bustes les traits de quelques-uns des jeunes princes dont j'ai rap- pelé les noms, je crois qu'il n’est pas possible de les attribuer aux deux fils de Gallien, Publius Salonin (2) et Jules Gallien (3). Le premier n'avait qu'environ dix ans lorsqu'il fut, avec Syl- vain son précepteur, assiégé dans Cologne, et massacré ensuite par les ordres de Postume, qui venait d’usurper la dignité impériale, Jules Gal- lien, nommé César après la mort de son frère, fut tué étant encore tres- jeune, et au même instant où son père tomba sous les coups des as- sassins. Îl n’y à point, quoi qu’en disent Goltzius et Mezzabarbe, de médailles de ce prince. On vient de voir qu'il y a quelques difficultés à déterminer les noms des jeunes princes repré- sentés par ces bustes; mais 1] sen présente peut- être encore plus pour assigner des noms à quelques (1) Eckhel. Doctr. num. vet., tom. vix, pag. 423. (2) Publius Licinius Cornelius Saloninus V alerianus Au- guslus. (3) Quintus Julius Gallienus Cæsar. 416 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. autres beaux portraits retrouvés dans les fouilles de Martres. Ce n’est que sur des présomptions assez légères que l’on a avancé qu'il y avait quelque ressemblance entre l’une des têtes en marbre, pro- venant des fouilles, et les traits d’Albin (1). Peut- être l’un des bustes représente-t-il Postume : quelques autres sont demeurés sans aucune dési- gnation. Il en est deux sur-tout qui, par la beauté du travail, par leur conservation même, sont dignes d'arrêter tous les regards, et qui sont en cet instant l’objet de recherches, dont le résultat sera consigné dans l’Ærchæologie Pyrénéenne. Là aussi paraîtront les dessins de tous ces monu- mens du plus beau style, de ces fragmens en si grand nombre et si intéressans, de ces marbres si nombreux que recelaient les décombres de Ca- lagorris. Placés avec tous les objets antiques que j'ai pu arracher à l’oubli dans l'Aquitaine de César, ou la Novempopulanie, et dans la Province Ro- maine , ils feront connaître l’histoire monumen- tale de ces riches contrées, avant l'invasion des Barbares. Mais à quelle époque Calagorris, qui sans doute ne fut d'abord qu’une chétive bourgade, a-t-elle acquis un grand éclat? cest ce qu’il faut re- chercher. Saint Hiéronyme est le seul ancien écrivain où Von trouve des détails précis sur la formation des Convenæ en une tribu particulière. (1) Decimus Clodius Septimus Albinus Augustus. MÉMOIRES. 417 On a vu (1) qu'il disait, en parlant contre Vici- lantius, hérésiarque né à Calagorris, «qu'il ne répondait que trop bien à son origine; qu'il se conduisait en digne rejeton d’une race de brigands et de gens be OL que Pompée, après l sou- mission de l'Espagne , fit descendre des cimes des Pyrénées, où ils s'étaient réfugiés, et qu'il réunit en corps de cité dans une ville qui , de là, prit le nom d’'Urbs Convenarum ; que de sa demeure, il commettait sans cesse des attentats contre l'Eglise de Dieu , et que, fils des J’ettons, des Arebaci et des Celtibériens, ilattaquait leséolises des Gaules. » D’Anville (2) a remarqué, comme je lai dit ailleurs (3), que Saint Hiéronyme tire les Con- venæ, de Pyrenœis Jugis, et que «cependant il les dit sortis des J’ettones, Arebaci, Celtiberi, dont la position en Espagne est assez éloignée des Pyrénées, au delà de lEbre et jusque dans la Lusitanie. Aussi, ajoute-t-l, M. de Valois accuse Saint Jérôme de n’être pas d'accord avec lui-même. » Mais cette contradiction n’est qu'apparente ; en effet, les J’ettons , les Ærebaci et les Celtibériens que borne tira de Pyrenæis Tugis , avaient fait partie des armées de Sertorius, et étaient venus chercher un asile dans les monts Pyrénéens; ces troupes fugitives pouvaient appartenir à des na- tions très-éloignées, et se trouver néanmoins dans (1) Suprà. (2) Notice de la Gaule, 245. (3) Statistique générale des départemens Pyrénéens, 11, 38. TOME IT, PART. IT, 27 { 418 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les lieux d’où Pompée les fit descendre. Il n’y a donc pas de contradiction dans le passage de Saint Hiéronyme , et l’on voit que le vainqueur de lTbérie a pu tirer de Pyrenæis Tugis, des Fet- tons , des Ærebaci et des Celtibériens. La nouvelle tribu réunie à Lugdunum Conve- narum , S'étendit bientôt des sources de la Ga- ronne jusqu'au delà du confluent de la Louge dans ce fleuve, enveloppant en grande partie les Onobusates (1), qui formaient une nation parti- culière, et se confondant sans doute avec les Ga- rumni, qui, selon toute apparence, occupaient primitivement la plus grande partie de la région connue, durant le moyen âge, sous le nom de Comté de Comminges. Là existent encore plusieurs noms de lieux qui indiquent une origine ibérienne. J’ai cru retrouver dans Ærbas des traces de ces Zrebaci qui sont compris au nombre des Espagnols que Pompée tira des Pyrénées. Ambax, Carbonne (2), rappel- lent des positions bien connues au delà des monts. Il en était de même de Calagurris où de Ca- lagorris, dont la dénomination venait d’une ville fameuse, située sur les rives de 'Ebre (3), (1) Peuples du Nébousan, petit pays qui avait ses États particuliers qui s'assemblaient à Saint-Gaudens. (2) Hirtius, de Bello Hisp. (3) Les médailles et d’autres monumens donnant à cette ville le nom de Calogurris, j'ai cru devoir le donner indiffe- remment avec celui de Calagorris, à la position où tant de monumens étaient conserves. . MÉMOIRES. 419 devenue dans la suite colonie romaine, et dont il nous reste plusieurs monumens. Mais Calagurris des Convenæ n’eut pas sans doute, sur-tout dans les premiers temps de son existence, une haute renommée ; elle aurait peut-être même été tou- jours inconnue sous ce nom, si Itinéraire d’An- tonin n’avait pas fixé sa place géographique. Les monumens découverts dans ce lieu descen- dent jusqu'aux dernières années du haut empire, et vont même à des temps voisins de l'expulsion complète des Romains. Mais rien ne prouve que sous le haut empire Ca/agorris ait eu une grande importance. Parmi les médailles recueillies durant les fouilles, j'ai trouvé seulement un Vespasien, ayant au revers la légende 1vDAEA carrA. Les autres médailles appartiennent aux Empereurs : Volusianus , Postumus , V'ictorinus pater, Victorinus fil. , T'etricus , Probus , Constantinus Magnus, Crispus , Constantinus IT, Constantius IT, Gratianus. Les plus nombreuses sont celles de Constantin le Grand et de sa famille. Plusieurs Empereurs ont, plus ou moins, sé- 27. » À 420 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. journé dans les Gaules, et ont pu y faire cons- truire des palais. Quelques-uns y ont pris la pourpre, et ont embelli ces vastes régions : un d’entreux aurait pu élever Pédifice dont j'ai re- trouvé les ruines. Jetons un coup-d’œil rapide sur l’histoire de ces Souverains. Je ne crois pas devoir m'occuper des Césars qui ont habité ou traversé les Gaules avant la se- conde moitié du troisième siècle de notre ere. Ce serait vers ce temps, eten l’an 1001 de Rome, que Pacatien (Titus Claudius Marcus Pacatia- nus Augustus ) prit la pourpre. On croit que ce fut dans le midi des Gaules, et c’est en effet de cette partie de l'empire que proviennent la plupart des médailles qui nous restent de ce Prince ; mais ce ne serait encore qu’une faible preuve en faveur de lopinion qui lui donne la Province Romaine et la Novempopulanie. Son règne dut être très- court, et on ne peut guère attribuer à cet Empe- reur la construction d’un édifice aussi remarquable que celui de Calagorris. Gallien, qui vint combattre Postume dans les Gaules, y demeura trop peu pour que lon puisse croire qu'il y fit élever des édifices ; et il est assez remarquable qu'aucune médaille de ce prince, dont le buste décorait le Palais de Mar- tres, n’a été trouvée à Calagorris. Salonin (Publius Licinius Cornelius Saloninus Valerianus Augustus ) fut envoyé dans les Gaules vers 256 ou 257. Ce prince fut assassiné à Cologne, étant âgé d'environ dix ans. a MÉMOIRES. 42i Postume (1), grand capitaine et grand prince, d’abord chargé de [a défense des Gaules par Gal- liens y plaça la couronne impériale sur son front, et y régna, ainsi qu'en Angleterre et en Espagne, pendant environ sept années. Les peuples de ces contrées le reconnurent avec joie pour leur sou- verain ; sa valeur et sa sagesse lui méritèrent l'affection générale. Quelques-unes de ses mé- dailles lui donnent le titre de Restaurateur des Gaules (2), et il le mérita sans doute. Aucun Empereur n’avait encore autant habité cette con- trée , et 1l dut l’orner de nombreux monumens. Ses succès lui valurent le surnom d’ÆHercule Gaulois, et lon peut remarquer que sur un médaillon on voit les têtes laurées et accolées de Postume et d'Alcide ; que sur un autre, en bronze, on distingue aussi Postume et Hercule ; que les revers de ses médailles d’or et de billon contiennent souvent l’image d'Hercule. Sur un de ces monumens, on voit Hercule debout, et on lit autour : Vinrvs Avc. Sur un autre, l'Empereur est représenté sacrifiant , et ayant entre lui et Le vic- timaire , Hercule nu et debout; pour légende on voit ces mots : Hercvri Comirr Ave. Cos. ur. Quel- ques autres médailles de Postume ont aussi la (1) Marcus Cassius Latienus Postumus Augustus. (2) Sur un médaillon de cet Empereur : imp. M. cass. LAr. POSTVMVS P. F. AVG. Caput Postumi radiatum. revers r£stI- TVTOR. GALLIARVM. Împerator Paludatus lwva hastæ in- nivus, dextera sublevat mulierem genuflexam. 422 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. figure dHercule sur lune de leurs faces. Aïnsi on trouve dans Les cabinets, et les auteurs citent les suivantes : Hercvrr Crerexsr. Hercule domptant un taureau. Hercvri Devsoniexsr. Hercule dans un temple. Hercvrr Ervmanrino. Hercule portant un san- glier sur ses épaules; à ses pieds Eurysthée dans un tonneau. Hercvir Imwmorrazr. Hercule enchaïînant Cerbère. Hercvrx Invicro. Hercule étouffant le lion de Némée. Méme épigraphe. Hercule debout, plaçant un pied sur un monstre. Hercvci Lyrico. Hercule combattant Antée. Hercvzr Macvsaxo. Hercule debout. Hercvrr Nemaro. Hercule étouffant le lion de Némée. Hercvrr Pacrrero. Hercule debout tenant un rameau. Hercvr: Romaxo. Auc. Un arc, une massue, etc. Henxcvrr Faracro. Hercule domptant un cheval(r). Les monumens nombreux qui représentent Hercule, et qui ont été découverts à Martres, pourraient peut-être faire présumer que Postume, qui chargeait si souvent ses médailles de la figure de ce Dieu, avait fait bâtir le plus bel édifice de (1) Vid. les divers recueils de médailles impériales, et particulièrement ouvrage de M. Mionnet, intitulé : De /a Hareté et du Prix des Médailles Romaines. Des 2 4 dE MÉMOIRES. 435$ Calagorris ; mais on sait que les Romains aimaient à orner leurs demeures des images des travaux dAlcide , et la Jilla de Martres peut en avoir été décorée , sans que pour cela on ait des motifs d’en attribuer la construction à Postume. Néanmoins comme cet Empereur avait le sentiment du grand, il aurait bien pu ordonner la construction d’un Pa- lais dans ce lieu, et l’enrichir des images de ses prédécesseurs, ramassées avec empressement de plusieurs municipes des Gaules, de l'Espagne et peut-être de l'Angleterre , et y joindre aussi un grand nombre de monumens des arts, disséminés dans les provinces : on ne saurait cependant offrir à ce sujet que de faibles probabilités. On pourrait attribuer encore le beau Palais de Calagorris à Victorin (1), collègue de Postume, que «les écrivains de son siècle ont comparé à Trajan pour la valeur, à Antonin pour la modé- ration, à Nerva pour la gravité, à Vespasien pour l’économie, à Pertinax et à Septime Sévère pour l'autorité parmi les troupes. » Il survécut à Pos- tume, et régna encore sur les Gaules, l'Espagne et l'Angleterre. Victorin le jeune, son fils (2), ne régna que peu de temps, et fut enseveli dans le tombeau qui renfermait les cendres de son père. Gouverneur de l’Aquitaine, Tetricus (3) prit la pourpre à Bordeaux, au mois de mars de lan (1) M. Pianvonius Victorinus Augustus. (2) L. Aurelius Pianvonius F'ictorinus Augustus. . (3) P. Pivesuvius Tetricus Augustus. 424 INSCRIPTIONS ET BELLES-LEITRES. 268 , et eut l'empire des Gaules et des autres Pro- vinces qui avaient été soumises à Postume et à Victorin. Il fit déclarer César, son fils (1), très- jeune encore : tous deux se soumirent à Aurelien en 273. Il est probable que, durant un règne de cinq années, ces princes, qui d’abord étaient gou- verneurs de l'Aquitaine, dans laquelle Calagorris était comprise, visitèrent cette ville, et que, si Postume ne l’a pas embellie, Victorin en a pris le soin. Je n’ai point parlé de Claude IT (2), parce qu'il ne parait guère possible que ce grand prince ait songé à élever des Palais impériaux dans la No- vempopulanie. Aurélien (3), qui s'illustra par une foule de glorieux succès, avant même d’être Empereur, reçut de Valérien le titre de Restaurateur des Gaules, qu'il n’a point cependant sur ses mé- dailles les plus rares, qui lui donnent une épithète encore plus glorieuse (4). Rien n'indique que ce soit ce prince qui ait fait construire la magnifique Villa retrouvée à Martres. Probus (5) a parcouru les Gaules; il y a vaincu les peuples barbares qui en avaient envahi les provinces; il y a permis partout la culture de la (1) €. Pivesuvius Tetricus Cœsar. (2) Marcus Aurelius Claudius Augustus. (3) Lucius Domitius Aurelianus Augustus. (4) Restitutor orbis. Fr (5) Marcus Aurelius Probus Augustus. EE MÉMOIRES. 425 vigne , et sans doute les monumens de cette riche et vaste contrée n’ont pas été dédaignés par lui. Mais ce que j'ai dit sur Aurélien peut sans doute s'appliquer aussi à Probus. Proculus(r)et Bonosius(2)ont dominé quelque temps dans les Gaules; mais un règne d’une an- née , agité par la crainte et passé au milieu des combats, ne leur permit pas de songer à élever des monumens ; et, chose assez remarquable, on n’a pas même de médailles de ces deux tyrans. Né à Narbonne, Carus (3) aurait pu s'intéresser vivement à la Gaule; mais après avoir nommé Césars ses deux fils Carinus et Numérien , il en- voya le premier dans cette partie de Pempire , et s’avança avec le second contre les Sarmates. Après les avoir vaincus , il fut dans l'Orient pour com- battre les Perses, et, victorieux encore, il mourut à Ctesiphon , n’ayant encore régné que seize ou dix-sept mois. Maître absolu dans les Gaules, Carinus (4) ne s’occupa guère, selon l’histoire, qu’à déshonorer les familles les plus respectables de cette portion de Pempire, et lorsque, par la mort de son père et celle de son frère Numérien, il devint seul pos- sesseur du trône, il ne paraît pas probable qu’il ait recherché à augmenter par les monumens des arts Pillustration de cette Gaule, toujours célèbre, ) T. Ælius Proculus. ) Quintus Bonosius. ) Marcus Aurelius Carus Augustus. (4) Marcus Aurelius Carinus Augustus. (1 (2 ; 426 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. où 1l ne s'était fait connaître que par sa tyrannie et par une débauche effrénée. Le nom de Dioclétien (1) paraît sur un petit nombre de momumens découverts dans les Gaules; mais on ne peut soupçonner qu'il ait fait bâtir un Palais à Calagorris. On n’attribuera sans doute lérection d'aucun édifice durable aux tyransAmandus(2)et Ælien (3) qui ravagèrent les Gaules. Ces ambitieux, qui re- vêtirent la pourpre, ne songeaient qu’à la guerre, et ce n’est pas un règne de quelques mois qui peut suffire pour la construction de monumens qui doivent braver l'effort des siècles. Une tête en marbre, découverte à Martres, et qui est conservée dans le Musée de Toulouse, a été prise par quelques savans pour un por- trait de Maximien Hercule (4), collègue de Dio- clétien ; mais alors même qu’il serait vrai que ce monument conserve les traits de Maximien, on ne pourrait en conclure qu’il est l’auteur de Pédi- fice qui renfermait tant d’autres images impériales. Cet objet prouverait seulement que l’on a voulu joindre celle du père de Fausta aux portraits de ses nombreux prédécesseurs. Constance Chlore (5) exerça sans doute une (1) Caïus V'alerius Diocletianus Augustus. (2) Les médailles de ce tyran sont suspectes. (3) Une de ses médailles a été trouvée à Carbonne. (43 Marcus Aurelius Valerius Maximianus Augustus. (5) Flavius V'alerius Constantius Augustus, MÉMOIRES. 427 heureuse influence dans les Gaules. Maître de cette partie de l'empire, ainsi que de l'Angleterre et de l'Espagne , vainqueur des Allemands, il avait déjà pacilié nos provinces et fait rétablir la ville d'Autun , qui avait été ruinée sous Claude I. Rien n'indique néanmoins qu'il ait embelli les cités de l'Aquitaine. Le nom de Galérius Maximien (1), érès-noble César, est inscrit sur une colonne milliaire trouvée près de Toulouse, sur la route qui conduisait à Narbonne : mais cet indice de travaux sur les voies de la Province Romaine, ne montre pas que Galérius , qui régna particulièrement sur la Thrace et lIllyrie, ait fait bâtir des Palais dans la Novempopulanie. Le grand Constantin (2) aurait pu, d’abord comme Cesar, puis revêtu du titre d’Æuguste, et maître absolu de tout l'empire, songer à en em- bellir les diverses parties, et à construire des édifices d’une grande magnificence; et bien que, sous son règne , l'Occident ait pu se plaindre de la prédilection du souverain pour l'Orient et pour Bizance , où 1l transporta le siége du gouverne- ment, les Gaules ne furent pas dédaignées. Il en donna le commandement à Flavius Constan- tinus César (3), son fils, avec le titre de Prince. - (1) Galerius V'alerius Maximianus. (2) Flavius V'alerius Constantinus Maximus Augustus. (3) Flavius Claudius Constantinus Junior Cesar, et posteà lugustus. 428 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Une colonne milliaire conservée à Toulouse , et qui était placée à l’extrémité du territoire parti- culier de cette ville, vers Narbonne, est un mo- nument et de la puissance de ce jeune César et de la reconnaissance des peuples. L'une des inscrip- tions qui y sont encore gravées est ainsi conçue : LIBERTATI RES . FAŸ. DEORVM MERCE à Re /N "IS PACIFICVM AVGVRIVM PRINCIPIS Ne... FAVSTAE FILII En expliquant les sigles, on voit que cette ins- cription doit être lue ainsi : LIBERTATI RESé Ut FAVOIE DEORVM, MERCECDUS RENOPALIS, PACIFICVM AVGVRIVM PRINCIPIS NOSÉTÉ FAVSTAE FILII. Constantin le jeune, élevé à la dignité de César en 317, fut déclaré Prince des Gaules en 335; après la mort de son père, arrivée en 337, il prit le titre d'Auguste. Cette épithète, qui indiquait la souveraine puissance, n’étant pas donnée au jeune Constantin sur le monument trouvé près de Toulouse, on peut fixer la date de celui-ci entre Van 335 et l'an 339. Le mot r18ERTATI, qui com- mence linscription , indique la liberté dont jouis- saient les habitans des Gaules sous lautorité de ce prince. Le reste nous apprend que, par la fa- veur des Dieux, il avait rétabli le commerce, et MÉMOIRES. 429 que son avénement à la dignité dont son père l'avait revêtu , était le présage assuré de la paix et de la félicité publique (1). Sôus Le règne de Constance Chlore, de Constan- tin le Grand et de ses premiers successeurs, Tou- louse avait acquis une grande importance dans le midi des Gaules. Delmatius (2) et Hannibalien (5), neveux de Constantin, habitèrent long -temps cette ville, où lon croit qu'ils étaient nés; et il est probable que le jeune Constantin la distingua particulièrement ainsi que les lieux voisins, alors qu’il fut nommé Prince des Gaules. On peut pen- ser que C’estsur-tout à lui, si ce n’est à Postume, à Victorin, à Tetricus ou à Gratien , qu'il faut attribuer la construction du Palais de Calagorris. On ne saurait croire que Decentius (4), qui fut chargé de la défense des Gaules par Mag- nence, son frère, se soit occupé de travaux re- latifs à nel en de ces provinces. Chargé aussi du soin de défendre les Gaules, en qualité de César, Julien IT (5) se signala par des exploits dignes d'une éternelle renommée. Depuis la fin de Pan 355 jusqu’en 360, il résida dans cette vaste contrée ; mais son séjour de pré- (1) Voyez : Monumens Religieux des Volces Tectosages, des Garumni et des Convenæ , pag. 68, 6a. (2) Flaoius Julius Delmatius Cœsar. (3) Flaoius Claudius Hanniballianus , Rex. (4) Magnus Decentius Cœwsar, poste Augustus. (5) Flaoius Claudius Julianus Cœsar, poste Augustus. 430 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. dilection fut Lutèce; et bien que ce héros ait sans doute cherché à perfectionner les travaux de ses prédécesseurs, et à surpasser même ces princes en cette sorte de magnificence qui honore à jamais les souverains et les peuples, nous ne croyons pas qu'il ait songé à la ville ou à la bourgade de Ca- lagorris. Élevé par le célèbre Ausone, que Bordeaux se glorifie d'avoir donné à lempire, Gratien (r) pourrait avoir contribué à embellir cette localité admirable, si bien placée dans le voisinage des Pyrénées. Après avoir pris Théodose pour collègue et l'avoir déclaré Empereur d'Orient, il ne garda pour lui que les Gaules, l'Angleterre et l'Espagne, assignant à V nes le jeune, son frère, l’Ita- le, PIllyrie et l’Afrique, qu’il gouverna ddtint sa gré La portion de l'empire qu'il avait ré- servée pour lui dut être sur-tout l'objet de ses soins, et l’on pourrait croire que ce prince, qui renversa dans Rome, l'autel de la victoire que Constantin avait supprimé et que Julien avait rétabli, qui se démit de la charge de Souverain Pontife, et qui s’empara des revenus des temples des Dieux, en retira aussi les images pour les faire servir à la décoration de ses Palais. Il aurait pu ainsi placer dans celui de Calag gorris, de nom- breux chefs-d’œuvre de sculpture , €t ce seralent ceux-ci dont nous aurions retrouvé, quatorze (1) Flaomus Gratianus Augustus. is «eme 2 MÉMOIRES. 431 cent quarante quatre ans après, de rares et pré- cieux restes. Maxime (1), maître des Gaules et de l'Afrique, avait établi son séjour à Trèves, et on ne peut guère croire qu'il se soit occupé du soin de faire construire ou d’orner quelques Palais de PAqui- taine. Flavius Victor, son fils, qu'il laissa dans les Gaules, n’eut sans doute ni le désir ni le temps de s’occuper de tels soins. Le tyran Eugène n’est pas assurément l’auteur du principal édifice de Calagorris ; il en est de même de Constantin II, qui avait d’ailleurs établi son séjour à Arles; de Jovin, qui prit la pourpre à Maguntia où Mayence; de Sébastien , son frère, qui, associé par lui à la souveraine puissance, eut ensuite la tête tranchée à Narbonne; d’Avitus (2) enfin, qui fut reconnu Empereur à Toulouse, alors que cette ville était déjà depuis plus de trente-six années au pouvoir des Visisoths. Honorius avait en effet cédé à ces peuples, en 419, la possession de l'Aquitaine, des murs de Toulouse jusqu’à l’Océan , ainsi que cette ville, et une partie du territoire qui forma depuis le haut Languedoc. La Novempopulanie était comprise dans l’Aquitaine ; ce fut ainsi que le territoire des Convenæ et Calagorris cessèrent pour toujours d’appartenir aux Romains. On à vu que je croyais ne pouvoir attribuer (1) Magnus Maximus Augustus. (2) Marcus Moœcilius Aoïlus Augustus. 432 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. qu’à Postume, à Victorin, à Tetricus, à Constantin le jeune, où à Gratien, le Palais impérial qui exis- tait à Calagurris. Mais on doutera peut-être que cet édifice fût un Palais impérial, et sans doute la magnificence des matériaux et la grandeur des lignes ne prouveraient rien en faveur de mon opi- nion; car cette richesse architecturale n’était pas ignorée des particuliers. Rome et les provinces pos- sédaient des milliers de demeures décorées en ce genre avec un goût, une recherche que l’on ne trouve plus que chez les souverains. Mais la pré- sence à Calagorris d’une suite considérable de mo- numens représentant les maîtres du monde, depuis Auguste jusques à Gallien , et peut-être même jus- qu’à des temps plus bas encore, indique autre chose qu’une habitation particulière. Serait-ce la Basi- lique du Municipe, le Prétoire du gouverneur de la Province ? Mais pourquoi ces nombreux hypocaustes, et les chambres voisines, décorées avec tant d'art, remplies de sculptures grecques etromaines d’un grand prix, pavées de charmantes _mosaiques, soutenues de colonnes en marbres pré- cieux ? On conçoit que, dans un Municipe, on n'a pu posséder les images de tous les Empereurs; les sanglantes révolutions qui précipitaient si sou- vent du trône ces maîtres du monde, ne laissaient pas d’ailleurs le temps nécessaire pour leur élever des monumens durables loin de Rome, loin de l'Italie. Mais que l’on suppose un instant, ou Pos- tume, ou Victorin, ou Tetricus, ou Constantin le Jeune , ou Gratien, voulant embellir un palais; on MÉMOIRES: 433 sent que, de toutes parts, des objets précieux y se- ront rassemblés , et que l’on s’empressera sur-tout de réunir dans l’Ztrium les portraits des prédéces- seurs du souverain. (est peut-être par là seulement que l’on pourraitexpliquer la présence, surlemème point, dans le même édifice, de trois bustes de Trajan , et de deux de Marc-Aurèle. Le zèle des gou- verneurs des Provinces dut leur faire rechercher ces sortes de monumens dans tous les Prétoires, de PEspagne, de la Gaule et de l'Angleterre, si ce fut Postume qui fit bâtir ce Palais; Constantin Je Jeune en aurait obtenu de presque re les pdr- ties de l'empire , et Gratien aurait pu aussi en rassembler un grand nombre. Si l’on n’adopte pas l’idée que cette collection a été formée pour Pun des Césars qui ont habité les Gaules, il faut sup- poser parmi les Convenæ , au pied des Pyrénées, à Calagorris, un de ces hommes rares qui réunis- saient dans leurs demeures les monumens des arts et ceux de l’histoire. Verrès fit une collection de ce genre en abusant de son autorité; Cicéron, en dépensant des sommes assez fortes et en employant le zèle dAtticus. Mais les plus grandes difficultés étaient facilement vaincues par un Préteur et un Consul, citoyens de la capitale du monde; elles auraient été presque insurmontables pour un simple particulier habitant de la Novempopulanie. Il est vrai, cependant, que le goût des arts pénétra dans presque toutes les parties de lem- pire; et si, à Rome, le nombre des statues fut assez grand pour qu'en l’an 506 de la fondation TOME II. PART, II, 28 434 INSCRIPYIONS ET BELLES-LETTRES. de la ville, les Censeurs fissent ôter des marchés publics celles des particuliers et des magistrats ordinaires qui les remplissaient, et qu'il en de- meura encore assez pour les décorer, en y laissant seulement celles des personnes qui avaient obtenu cet honneur par la volonté du peuple ou du sénat ; si un certain Régulus, qui vivait sous le règne de Trajan , avait bordé de statues les immenses jardins qu’il possédait au bord du Tibre (x); si, vers la même époque , Herennius Severus, suivant lexemple de beaucoup d'autres, rassembla dans sa bibliothèque les images des grands hommes (2); si Tullus était tellement passionné pour ces objets que ses maisons en étaient remplies, et qu'un jour, ayant acheté de très-grands jardins, 1l les orna de suite d’un nombre extraordinaire de belles statues antiques (3); si Cassiodore, qui vivait dans un temps assez bas, a dit la vérité, en assurant que le nombre des statues pédestres, qui de son temps existaient à Rome, égalait pres- que le nombre des habitans de cette ville im- mense, et que les figures équestres excédaient celui des chevaux : près de Naples, Silius Italicus amassa aussi un grand nombre de monumens de ce genre dans ses maisons de campagne (4), et beaucoup d’autres riches particuliers firent la (1) Pin. Epist., lib. 1v, 2. (2) Tbid., lb. xv, 28. (3) Lib. vuix, 18. (4) Lib. x, 24. MÉMOIRES. 435 même chose en Italie. Pline le jeune plaça, à Côme, sa patrie, les monumens des Empereurs qui lüi étaient venus par différentes successions, et qui étaient dans des terres éloignées; il y joi- gnit celles de Nerva et de Trajan, et obtint des Décurions la faculté de choisir la place nécessaire pour bâtir un temple destiné à renfermer ces sta- tues. On pourrait encore montrer, peut-être, que dans les Provinces voisines de Rome, et pendant le haut empire, on avait formé de grandes col- lections de monumens de la sculpture; mais il paraît peu probable qu’à une époque postérieure au règne de Gallien, on ait réuni une série nom- breuse de portraits des Empereurs dans une bour- gade ignorée de PAÂquitaine, si ce n’est par l’ordre exprès de l’un de ces Princes; et c’est peut-être la vraie cause de la réunion de ces images à Cala- gurris (1). On a cru que ces monumens décoraient l4- trium de la principale demeure de la patrie de Vigilantius, et personne n’ignore que cette portion du bâtiment était toujours ornée des portraits des prédécesseurs, des ancètres du propriétaire de l'édifice. C'était un esclave, désigné par la qualité (1) Outre les monumens qui offrent des portraits authen- tiques d'Empereurs ou d'Impératrices, on a vu qu'il en exis- tait, à Calagurris, un bon nombre d’autres que l'on ne pouvait assigner que difhcilement à des personnages histori- ques bien connus. Il paraît néanmoins que le plus grand nombre doit être rapporté à des individus qui ont appartenu aux familles impériales, 436 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. d’Atriensis (on sous-entendait Servus), qui était préposé à la garde de l'Ætrium, et qui avait le soin des images illustres dont il était décoré. Ce sont ces images que Juvénal (r) appelait : Fumosos œquitum cum Dictatore magistros, et dont parle Vitruve (2). Il paraît qu’à Calagorris les portraits qui décoraient l’habitation principale étaient ceux des maîtres du monde, et cette cir- constance peut porter à penser que cette demeure était vraiment une Ÿ”i/la impériale. On sait tout le respect qu'inspiraient ces images. Des Empe- reurs voulurent même y ajouter encore. Ce fut un crime capital, sous Tibère, de porter aux lieux secrets, ou dans les maisons de prostitution, Île portrait de l'Empereur gravé sur son anneau : à la même époque , on se rendait coupable en chan- geant de vêtemens devant une de ces images. Claude ne permit pas à tous les Romains de porter indistinctement son portrait sur leurs bagues, mais seulement à ceux qui avaient le droit d’en- trer dans son appartement, admissionum jus ; cet Empereur fit ôter la statue d’Auguste de la place publique , où l’on exécutait les coupables con- damnés à mort. Les Romains avaient une telle vénération pour les images de leurs Princes, que la loi défendait à un maitre de maltraiter son esclave qui s'était refugié auprès de la statue de (1) Sat. vrxr. (2) Lib. vi, 4. MÉMOIRES. 437 PEmpereur, ainsi que dans un temple invio- lable et sacré. Ce respect profond est bien peint par l'action de Pline le jeune. Ce grand homme ne plaça pas les statues des Empereurs dans P7- trium de lune de ses maisons : il leur consacra un temple. Quel particulier, quel magistrat mème, au- rait osé, en eflet, décorer cette portion de sa de- meure des images des Césars ? Si, revêtir la pour- pre, si, prendre, même par une sorte de jeu, les insignes du pouvoir, était se rendre coupable, combien aurait dû le paraître celui qui, dans son Atrium, aurait mêlé aux images de ses pères celles des Dominateurs de Punivers ? sans doute, l'Empereur régnant avait seul ce droit et osait l'exercer. L'ordre descendant des bustes impériaux dé- couverts à Martres paraît indiquer que le prin- cipal édifice que l’on y remarquait avait été bäti durant le 3.me siècle, ou conservé même jus- que vers la fin de cette époque que l’on nomme le Bas-empire. Les monumens sépulcraux qui portent des marques évidentes du christianisme de ceux à qui ils furent consacrés, indiquent que, pendant le 5.% siècle, Calagorris des £'on- venæ avait une population , sinon très-nom- breuse, du moins dans laquelle on comptait des familles riches encore, malgré les ravages de la guerre et l’invasion des peuples barbares. Il faut avoir vu explorer, dans tous les sens, la plus grande partie du sol où s'élevait cette ville antique, pour avoir une juste appréciation de son 438 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. importance monumentale. Les champs étaient couverts de dez brillans de mosaïques en verre de plusieurs couleurs; de nombreux fragmens de statues (1), de bustes (2) et de bas-reliefs (3), se mélaient à des milliers de morceaux de marbre de revêtement, pris dans les plus célèbres carrières des Pyrénées, ou transportés de l'Italie, de lAfri- que et de l'Espagne (4). En ouvrant cette terre, qui nous a conservé tant de magnifiques restes, je suivais avec l'intérêt le plus vif les indications des murs, les fondemens des édifices depuis long- (1) existe, dans les dépôts du Musée, des fragmens, presque tous du plus haut intérêt, et qui sont les restes d’un grand nombre de statues et de groupes en marbre. Dans le nombre, on doit distinguer sur-tout une Diane du meilleur travail, mais dont on n’a pas retrouve la tête et les bras ; on y voit aussi la partie inférieure de deux ou trois statues de petites proportions ; des pieds, des bras, des têtes , des torses et des mains qui en indiquent une douzaine d’autres. Parmi les torses , il faut en distinguer un en marbre noir, et un autre en marbre grec, qui était placé dans le mur de la petite ville de Marires ; on y a trouvé aussi des figurines qui n'avaient que quelques pouces de hauteur. (2) Plusieurs de ces bustes sont sans tête : l’un d'eux était en marbre noir; la draperie et le piédouche en marbre blanc. (3) 1 nous reste un grand nombre de fragmens de bas-re- liefs qui reproduisent des scènes mythologiques ou historiques. Quelques-uus des personnages étaient représentés d’une assez grande proportion. (4) On n’a découvert qu'un très -petit nombre d'objets sculptés en pierre à Calagurris ; on n’y avait en général em- ployé que des marbres. MÉMOIRES. 439 temps abattus (1). Aidé par ces précieux docu- mens, je croyais pouvoir rétablir un jour le plan et leé principales dispositions des antiques de- meures de Culagorris. Mais un sentiment indéfi- nissable s’emparait de tout mon être, et me faisait abandonner ces études, alors que quelque autre chose que des murs et des sculptures s’offrait à mes regards investigateurs; alors que j’apercevais quelques traces réelles des anciens habitans et d'une vie qui a cessé depuis quinze siècles peut- être. J’ai retrouvé les sérigiles dans les vastes cuves destinées aux bains; les clefs étaient sur le seuil des portes, les lampes près des murs où on les avait jadis suspendues... Un jour, le chef des ouvriers m'appelle... ; on venait de découvrir le tronçon d’une grosse colonne (2) formée de ce marbre gris, à larges veines blanches, que l’on retrouve partout dans les Pyrénées , et qui résiste si peu à l’action du temps... Je prescris ce qu’il faut faire pour enlever ce tronçon... ; mais le marbre se brise; bientôt, il est en grande partie réduit en poussière ; sur le sol où elle retombe, on aperçoit les ossemens d’une femme et ceux d’un enfant... Près de ces tristes restes, on retrouve deux fibules en bronze, un anneau d’un métal plus précieux, et quelques médailles empreintes des noms et des (1) Voyez planche IT. (2) Quatre colonnes corinthiennes en marbre rouge et vert de Campan, retirées depuis plusieurs siècles des ruines de Ca- lagurris, ornent les angles de la chapelle de Saint-Vidian , à Martres. 440 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. images des fils de Constantin. Tout autour, des marbres noircis, du bois à demi consumé, des cendres, des charbons, indiquent le ravage des flammes. Sans doute , à la désastreuse époque où les peuples du Nord envahirent l'Aquitaine, cette femme perdit la vie sous les ruines de ce palais; elle voulait sauver son enfant; mais cet enfant, pressé sur le sein maternel, périt aussi, écrasé par la chute des colonnes, ou étouilé par l’épaisse fumée qui s’échappait des toits et des portes que dévorait l'incendie. Pres de l’angle d’une chambre où l’on a décou- vert une assez belle mosaique (1), on trouva les restes d’une voûte plate qui depuis long-temps s’était en partie affaissée ; elle couvrait un petit caveau sépulcral dont les murs, revètus de stuc blanc, étaient peints de manière à imiter un mar- bre à larges veines rouges. Dans le fond parais- saient les restes d’un enfant, une lampe brisée et en terre cuite, plusieurs osselets, quelques jetons en ivoire coloré, et le squelette, assez bien con- servé, d’un passereau. Cette découverte inatten- due a sans doute révélé le secret d’une mére; car quelle autre qu’une mère aurait dérogé aux cou- tumes générales, aux habitudes des peuples de Pantiquité, en faveur d’un enfant ? Enlevé par une mort prématurée, on peut croire qu’il ne fut pas entièrement séparé de celle qui lui avait donné la vie. Le bûcher ne consuma point ses formes déli- (1) Voyez planche I. MÉMOIRES. 441 cates : son tombeau fut placé dans la demeure de sa mère : avec lui furent ensevelis et les jouets de ses premières années , et l’oiseau qui voletait autour de lui, qui recevait de lui sa nourriture. Au-dessus du caveau une mosaïque étendit ses élégans rinceaux de couleurs variées, et, seule peut-être, celle qui avait construit ce sépulcre connaissait la place exacte où reposait son enfant. La découverte des monumens de Calagorris, de Lugdunum , de Climberris et de beaucoup d’au- tres cités antiques de PAquitaine , a sans doute ré- compensé mes longues recherches; j’ai pu ajouter quelques pages à l’histoire de la Novempopulanie, et restituer aux arts du dessin quelques chefs- d'œuvre ignorés. Maisune mélancolie profonde a dû naître de ces succès mêmes. Toutes les illusions du jeune âge, toutes les combinaisons de la maturité, sur la grandeur et sur la prospérité des empires, s’évanouissent promptement aux yeux de l’ar- chæologue. Assis sur les débris des monumens de Rome et de la vieille France, il cesse de croire à la perpétuité de tout ce qui flatte l’orgueil des peuples , de tout ce qui trompe les rois; et, désen- chanté du rêve de la vie, il sécrie comme Lucien : « Rien n’est stable , rien ne dure à jamais, et /es villes meurent comme les hommes ! » FIN DU TOME SECOND. FEI A Estiude ut) \L r Ÿ\ | \ L RES er |} =, NÉ SEZrcoës LI. rc lots u yré y Chenur à [leu ligre_jon HBTUD S21017 772 ysqu ç | l / = | / EN ñ È / / [| } | / Hot / } T ” Î || | | | |] ou _ Eu | | £ E= / ll | , , | : IE d Lé Mloulit JE 7 / / : L / JL L] | L Il ; l 1. à" | 2 | | lol l / —ÙL | LU | == —— = a ——— Hlonlin de Jlartr:s — c = us, | Se ne Ke | ——_— | LU À | || | ( CARTE Our Calaucuus Le Hernare contenant dt ds ZAC OT EN LT /Uelarr té de Car eiité A y | Les (ridls De, La Crore de Moullias Le Chen de la Rivrer LE (Auravirr Lé lol L. Ky Hloulrn de Aerrlrss PQ audtrer édCarenave, rue du Jarrr: Jo, Jonloutse PLAN d'une Jarre des Iturs decouvert dns les Fouilles faites sur L ernpulacement 3 ë S de Cataqor 19 de Couvent. MAN 258 Salle ou l'on à decouvert ds Busles des Enyierertrs el les Vas relig$ repiresentart les dravaux: d'Hercrrle. Salle on l'on a reérouve la tête de Venus elle buste d'Arrane. C | Canal en macnnerz gui amenarl les eaux suiertertrer . {D Hyno: ausles . L | Carre pravee er 1llosarque . (F | Cure Chambre ravee en Ilosazgue.dans l'un des angles le pulrE | 2 s . F | Caire, æ gauche, tre, ue le Caveate Tuerar'e gl 017 decouvert | "| , ds #7 D | G | Zorion guietail pavee en rosaique eo à éle decouvert le beau Tor'se d'uic adolescenE H | Yralre Chambres jravees en osaiguer. | I | ontaine . K | 72e. | {| L| Zoug (orrider. le Sol etait recnvert en Cuent. TABLE DES MATIÈRES. RÉSUMPTIONS, OU COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE LA CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Pages. Résumption littéraire pour l’année 1823; par MP PEURT IDECUSR Le ue ue. 00 Réfutation d’une dissertation du moine espagnol Feïjo, sur l'amour de la patrie; par M. l'Abbé DAMIME AE AM Eau VERANCCE À sue, Je Mémoires concernant la ville de Narbonne ; par MADuNEGE: NE 2e SUN LL. SR MOINE D Inscription trouvée sur une pierre druidique; par MS CGraunapene CRAzANNES. 410 SE D ut 18 Tableau des langues, considérées principalement sous le rapport de leur filiation et de leur con- nexion; par M. Freurx LéoLuse. . . : . . . . . 15 Résumption pour l’année 1824; par M. Dur- HORDE AN Se EN NROE PATROE A per LE ne Mémoire sur le chevalier Deville ; par M. l'Abbé JANINE SAR de D eh D Ed Sn ren dll 39 Recherches sur les antiquités du déper tement de Aude par M. Dior Meces nn. ouf be ts neo 5h Monasticum du département de la Haute-Garonne ; pastle memes Le. nee ue 35 Essai sur l’étymologie de que lues noms He lieu dans le département des Pyrénées orientales , suivi de recherches sur les Ceretani ; par M. Porc CERN Ne: | 39 444 TABLE Pages. Mémoire sur les antiquités de la ville de Metz ; par MODE NES ARMOR ES OU. 3g Sur l'étude de la numismatique ; par M. BecuiLrer. 42 Résumption pour l’année 1825 ; par M. Gres- SR. es Lente CARRE QATT Mémoire sur Hésiode et Théocrite; par M. Freury LÉGEUSEN EE EE A A EL LL ASS NOR Mémoire sur le culte des bed ; par M. Du MEGE ra ae le Er me RE ONE ED Sur les sociétés académiques ; ; par M. VAbbéJamme. 53 Application de la mnémonique à la chronologie ; Pie MAGRESEr 5 che. EU S6 Sur les Gnostiques ; par M. Du Mc. ... . . . . 57 Bible polyglotte; par M. Freurx LÉcLusE. . . . . 61 Résumption pour l’année 1826; par M. Dur- FOURS, PAU NS, RAS HN EM NSREENT GE Dissertation sur Aristophane; par M. Freury Lé- USE dérision ROUTE scie el der 2 65 Sur l’origine de la langue basque ; par le même. . 68 À quelle époque Quinte-Curce a-t-il écrit l’histoire des conquêtes d'Alexandre ; par M. Durrourc.. 70 Sur l’époque de la formation de la-langue romane ; par Mn AGUITAR.E 021.0 Re CRE. 73 | Quelques pensées sur la civilisation ; par le mème. 77 | Deuxième partie de application de 1h mnémonique | à la chronologie ; par M. Gresser. . . . . . . . 02 | Mémoire sur le monumens découverts à Salles | (ads) PaMADG ME EP ERA ENENCURERCNERE 62 Sur l’église et le couvent des Dominicains de Tou- louse ; par létmément. 'LAPENAN. +04 Sur la voie romaine ne va de Nadine au RS. mus Pyreneus, ou aux Trophées de Pompée ; par le mêmes era 1. DRNIEAENINNERRIREN eo? Qx DES MATIÈRES: 445 Pages. Recherches sur les poètes qui obtinrent des prix aux Jeux floraux pendant le 16.° siècle ; par le x IAE LP 4 delaltetacyde Rs Melle Le ve morte melfei taire Mémoire sur la Psycosthasie ou pesée des ämes ; par lememe. EN ee sc ci. Sur une inscription trouvée à Régimont, près Béziers ; par le même. . . . . . . . . . . . . . Recherches sur Calagurris, par le même. . . . . Résumption pour l’année 1827; par M. Du MRÉGE a CPR EN De ed ele Quelques idées métaphysiques et morales ; par ND AGUILAR. ce CR reel ecole Mémoire sur le livre de Job; par M. Freury Lr- DURE ae SN ENNEMI se Notice littéraire et philologique sur Tite-Live ; par ne A er Recherches sur les monumens celtiques, sur les anciennes croyances et les coutumes du départe- ment des Basses-Pyrénées , suivies de considéra- tions sur l’hellénisme du patois béarnais; par MAFOnESLSAL NAN Len ARMENNE eue mue Mémoire sur quatre autels trouvés dans les Pyré- nées ; par M. Du Mëce. . . . . . . . . . . . . Précis sur les fortifications permanentes et passa- gères établies par les Romains dans la Novempo- pulanie , et dans une portion de la Gaule Narbon- naise ; par le même. . : : : +. Lettre sur la ville de Maguelonne; par le mème. . Mémoire sur les Frères Préchenrs ou Dominicains de Carcassonne ; par Le même. . . . . . . . . . Recherches aie sur les religieuses raclée ; sur les chanoinesses de Saint-Etienne , sur les religieuses de Fontevrault , établies à Lespinasse, près de Toulouse, et sur le monastère de 109 112 — 11: Prouille; par le même. .. . . . . . . 129 et sui. 446 TABLE DES MATIÈRES. L k à . Pages. Mémoire historique sur le monastère des hermites de Saint-Augustin ; par le même. . . . . . .. 132 Statistique générale des départemens pyrénéens ; parle mêmes ie MER A | uno ESA RAPPORTS. Rapport sur le concours de 1825; par NES AS ne EM est er LS) Rapport sur le concours relatif au prix EX- traordinaire proposé pour 1825 ; par M. Du MÈGE nn ne Re 2H ANSE 77 DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. Dissertation sur Aristophane ; par M. Freury LÉGEUSE ST 2 MMS Ne RER ROSE Dissertation sur le livre de Job; par MARGROR I ÉGEUSE. el A -ee1240 Mémoire contenant des recherches sur “on poètes qui obtinrent des prix aux Jeux Jloraux pendant le 16.° siècle, d’après des registres peu connus, et des Mémoires MALE par M:Dv,M£er. jh. n:3.4..200 Recherches sur Calagurris des PRE 3 par Mi Do Mier.. SMART a A 246 FIN DE LA TABLE. PT (OO = © RE n e 660666606060 66606000000066660069568806066666269660066 e | (4 4 @ Q o oœ Q@ @ œ LJ E + œ 2 2 œ @ Can al 1 oo 4 @ a eo @ [1 ® o er @ oe @ a @ o e e e o œ e (4 @ e e e @ © ae o LA 209900000009000009000000 °e éz