©c@| WA WW ‘4 DES SCIENCES, NSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ANNÉES 1854, 1855, 1856. TOME QUATRIÈME. TOULOUSE, RUE SAINT-ROME, N° 41. IISTOIRE ET MÉMOIRES : I nn ROYALE! © © © (le À | © N | © © © © © © e © À | © © © © © ® © © © © © © © © © © © © © © © © : | © © © © © © © © © © © © © © © © ANS $ 2000090022009000000000000000000000000200000000 990000000000 000000ees HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ANNÉES 18534, 1835, 1856. TOME QUATRIÈME. EN PARTIE. AIRE TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE ; AUE SAINT-ROME, N.° 41. —— 1837. d + UPS, Ts CLS ) NU ES) IN! 0 î Ç PNLNT. SP AR 1e : \ Mur rT | mis ao HE ù. AE | : ° lu L Es 1 : en | à « Ca Che « » 71 (ai L D? Lan 4/ (9 i x! ne , L L 1 à Le Pre L "Ayo AIMACEA ai :jà 14 ; ee PE a “rings GTS 1 : “ En : enr VAE Tu CNET * Dee: - LIEU CE a@. LU £ on ne PAT L L un no | art URL CG aan ns : NOREE de enr Cu =! jh L | Le 1 À TE ’ D ; 4 AAA UG. id | QUES Re | . Pro nt SA 20e \ > s 1 «3 Co i Û : L : % ‘ : : CA) Er Pc] M tre . + nn j . u ‘ [s ms L 3 COS So | “hot réal ne NN cRaog Ie dat AM RME tite aauT 49 4 ta Ua ET TAPER, "1 er S. | mx : | ja rfi “4 ne di * à ni 1% 8 .* cui ® pe . A . ‘ Sn ÉTAT DBS MBMBRES IDE BAGAIDÉNIR L2 AU 51 DÉCEMBRE 1856. OFFICIERS DE L'ACADÉMIE. M. le Baron DE MALARET, O. #, Membre de la Chambre des Députés, Président. M. TAJAN , Avocat , Conseiller de préfecture, Directeur. M. D'AUBUISSON %, O.#, Ingénieur en chef Directeur au Corps royal des Mines , Secrétaire perpétuel. M. DUCASSE, Docteur en chirurgie , Secrétaire adjoint. M. ROMIEU , Doyen de la Faculté des Sciences, Tré- sorier. ASSOCIÉS HONORAIRES. Monseigneur l’Archevèque de Toulouse. M. le premier Président de la Cour royale de Toulouse. M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. M. le Baron Lei , C. %, #, Maréchal de camp d’artil- lerie en retraite, à Salins. M. Araco, O. #, Secrétaire perpétuel de l'Institut de France pour les Sciences mathématiques. ACADÉMICIEN-NÉ. M. le Mare de Toulouse. ASSOCIÉS LIBRES. M. le Baron Marcassus Dr Puymaurin (Jean-Picrre- Casmir), G. #. LOME IV, PART, I, * vi ÉTAT DES MEMBRES M. Léox (Joseph), Professeur à la Faculté des Sciences. M. Cagrrax (Nicolas) #, Docteur en médecine. M. le Marquis n’Acurzar (Melchior-Louis ) x, Chef d’escadron en retraite. M. Bécurrzer (Gabriel-Déhe), Directeur des Contribu- üons directes. M. Rowrev , Doyen de la Faculté des Sciences. ASSOCIÉS ORDINAIRES. CLASSE DES SCIENCES. Are SECTION, SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Sanr-Guicuem , Ingénieur des Ponts et Chaussees. M. BrassiNne, Professeur à l'Ecole d'artillerie. M. Borrez, Ingénieur des ponts et Chaussées. Mathématiques appliquees. M. D’Auguisson %, O. #, Ingénieur-Directeur des Mines. M. Macués %€ (Jean-Polycarpe), Ingénieur « en chef des Ponts et Chaussées et du Canal du midi. M. Gaxrier (Louis-François ), Professeur à PME royale d'artillerie. M. Agapre (Jean) #, Ingénieur-mécanicien. M. Virry (Urbain), Architecte de la ville. Physique et Astronomie. M. px Saczr (Charles), Propriétaire. DE L'ACADÉMIE. vi] M. Dsssozze (Jean-Gabriel), O.# , ancien Prefet. M. Vaurarer (Jean-Charles-Auguste), Directeur de l'Ob- servatoire. 2.me SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Paiznés (Jean-Baptiste), Pharmacien. M. Macxes-Lawexs (Jean-Pierre }, Pharmacien , de l’an- cien Collège de pharmacie de Paris. , Histoire naturelle. e M. Frizac (François) #, Conseiller de préfecture. M. Drazer (Etienne-Francçois) #, ancien Conservateur des forêts. M. Duruy %, O. #, Colonel en retraite. M. Moquin-Taxnon , Professeur à la Faculté des Sciences, Directeur du Jardin des Plantes. M. pe Quarreraces , Docteur en médecine. Médecine et Chirurgie. M. Vicuzrie ( Charles-Guillaume ) #, Docteur en chi- rurgie , Professeur à l'Ecole de médecine. M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin), Docteur en chirurgie, Professeur à l'Ecole de médecine. M. Larrey ( Auguste), Docteur en chirurgie. M. Durrourc ( Guillaume ), Docteur en médecine. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES. M. Du Micz (Alexandre-Louis-Charles- André), ex- Ingénieur militaire , Membre de la Société des Antiquaires de vi} ÉTAT DES MEMBRES France , l'un des Directeurs du Musée de Toulouse , Chevalier de plusieurs Ordres. M. Tayan (Bernard-Antoine ), Avocat à la Cour royale , Conseiller de préfecture. M. l'Abbé Jamme (Jean-Gabriel-Xavier-Auguste ), Pro- fesseur à la Faculté de Théologie. M.le Baron ne Macarer (Joseph-Franç.-Magdelaine), O. #, Membre de la Chambre des Députés. M. Fceury Léczuse (Jean-Marie) #, Professeur de lit- térature grecque et de langue hébraïque , ancien Doyen de la Faeulté des lettres. M. Barox pe Monrsez {Guillaume-Isidore ) #. M. PaGés , Membre de la Chambre des Députés. M. Caganrous ( Pierre ) #, Professeur de littérature fran- çaise à la Faculté des lettres. M. Gariex-Arxouzr ( Adolphe-Féhx ), Professeur de phi- losophie à la Faculté des lettres. M. ne Morranrreu ( Alexandre ). M. pe Laverexe ( Louis-Gabriel-Léonce ). ASSOCIÉ ÉTRANGER. M.le Baron Larrey , C. #, Chevalier de la Couronne de Fer, à Paris, Membre de institut de France , etc. DE L'ACADÉMIE. IX CORRESPONDANTS. CLASSE DES SCIENCES. Are SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Pauxin , ancien Recteur de l'Académie de Cahors, à Paris * (1). Tissré, ancien Professeur de mathématiques, à Montpel- lier *. ; M. Raywazr, Professeur de mathématiques, à Estagel ( Pyrénées-Orientales ). M. Francoeur # , Professeur à la Faculté des Sciences , à Paris. M. BoucxarLarT, Secrétaire général de l’Athénée des Arts, à Paris. M. Vasse pe Sainr-Ouex #, Inspecteur de l'Académie de Douai *. Mathématiques appliquées. LE M. pe SÉrIGNY , Officier supérieur du génie maritime, Nantes *. M. Lermier# , Commissaire des poudres et salpêtres , à Bordeaux. M. Dussaussoy %, O.#, Chef de bataillon d’arüllerie, à Douai. M. Georges Binoxe , Professeur d’hydraulique , à Turin. (:) Les Associés correspondants dont les noms sont suivis d’un astérisque *, sont ceux qui ont été Associés ordinaires. x ÉTAT DES MEMBRES Physique et Astronomie. M. Caumont #, Officier supérieur du génie maritime ; à Cherbourg. M. Basey, Professeur au Collége royal de Besançon. M. Sorzix , Professeur au College royal de Tournon. M. pe Puymaunis fils #. 2.me SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Resouz , Correspondant de l'Institut, à Pezenas *. M. le Baron Taénarn, O. #, Pair de France , Membre de l'Institut, à Paris. M. Save , Pharmacien, à Saënt- Plancard ( Haute-Ga- ronne ). M. LABARRAQUE , Pharmacien , à Paris. Histoire naturelle. M. Joxax pe CnarPenTier, Ingénieur des Mines de S. M. le Roi de Saxe, Directeur des Mines de Bex en Suisse. M. Lorseceur ne Lonccmamps, Docteur en médecine , à Paris. M. Du Trocuer , Naturahiste, à Paris. M. Tourxaz fils, à Narbonne. M. Nérée Bougée , à Paris. M. pe CHesner. M. Farines, à Perpignan. M. Noucer , Docteur en médecine , à Venerque. Medecine et Chirurgie. M. Larour , Docteur en médecine , Membre de l'Académie des Sciences et Arts d'Orléans. DE L'ACADÉMIE. X} M. Hernannès #, premier Médecin retraité de la marine, à Toulon, M. Scourerrex , Docteur en médecine , à Metz. M. Prerquin , Médecin de la Charité, à Montpellier. M. Has ( Jules), Docteur en médecine , agrégé à la Faculté de Paris. M. Marze, Docteur en médecine , à Strasbourg. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- LETTRES. M. Mazez, Avocat, à Pezenas. M. Jonanneau (Eloi), Membre de la Société royale des Antiquaires , à Paris. M. »E Roquerorr (J. B. B.), Membre de la Socicte royale des Antiquaires, à Paris. M. le Marquis ne ForrrA-n'Urgax , Membre de la Société royale des Antiquaires , à Paris. M. Lexorr ( Alexandre ) # , Administrateur des monu- ments de l'Abbaye royale de Saint-Denis , à Paris. M. Damix , à Paris. M. Renou, 0. #, Conseiller au Conseil royal de l’Instruc- üon publique , à Paris. M. Camrozrron-Ficgac , Officier de l'Université royale , à Paris. M. Weiss, Bibliothécaire de la ville de Besançon. M. Azowzo DE Vrano, à Madrid. M. Axprieux, Professeur de rhétorique au Collège royal de Limoges. M. Purccart, ex-Principal du Collége de Perpignan. M. le Baron Craupruc DE CrAzANNES # , Maître des requêtes , Officier de l'Université royale , à Figeac. M. Davezac px Macava, à Bagnères-de-Bigorre Xi} ÉTAT DES MEMBRES, etc. M. pe Vaux, Secrétaire général de la Société des Lettres ; Sciences et Arts de Metz. M. pe Gozsény #, Conseiller à la Cour royale de Colmar. M. Foresr , Sous-préfet d’Ooron. M. Cuanrenrrer De Sarnr-Presr (Jean-Pierre), Pro- fesseur au Collège de Louis-le-Grand , à Paris. M. Bercer pe Xavrai (Jules), à Paris. M. le Marquis x Pasrorer, G. #, Pair de France. M. Rarx , Professeur royal Danois , Secrétaire de la So- ciété des Antiquaires du Nord , à Copenhague. M. px Caumowr, Secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie, à Caen. M. Rirau» , à Marseille. M. pe Lapouisse-Rocnerorr, à Castelnaudary. M. Marco (Charles), à Paris. M. le Marquis pe VizcenEuve (François) #, ancien Préfet, à Péguilhan * (Haute-Garonne ). M. le Baron pe LamMorne-Lancox ( Etienne-Léon ), an- cien Sous-préfet , à Paris *. M. Poxs, Inspecteur de l’Académie , à Aix *. M. Navraz , Juge de paix, à Castres. M. Souquer , Avoué, à Saint-Girons. M. Ozanneaux #, Inspecteur général des Etudes *. HISTOIRE ET MÉMOIRES L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. Premicre Partie. CLASSE DES SCIENCES. Section Première. — HISTOIRE. SUJETS DE PRIX. Le sujet du prix à décerner en 1834, concernait les Inscriptions et Belles-Lettres. Les questions relatives aux Sciences, dont lA- cadémie demande la solution, sont, Pour 1835 : Déterminer l’effèt mécanique d'une roue horizontale à palettes courbes, mue par un courant d’eau dont la dépense et la chute sont connues. Cet ejfjèt doit étre exprimé par une formule basée sur des expériences , et d’une ap- TOME IV. PART I. f 2 CLASSE DES SCIENCES. plication facile à la pratique. — On déduira de la formule , ou directement des expériences , la forme et la disposition les plus avantageu- ses qu'il convient de donner à cette espèce de roue. Afin de prévenir toute équivoque, on remar- quera que, dans le sens de cette question , déter- miner leffet mécanique d’une machine , cest indiquer le poids qu’elle peut élever à une cer- taine hauteur dans l’unité de temps. Pour 1836 : En admettant les progrès apportés par l'anatomie pathologique dans étude et la gué- rison des maladies en général, déterminer les avan- tages que les médecins peuvent en retirer dans le diagnostic, le pronostic et le traitement des afjèc- tions proprement appelées NERVEUSES. Le prix, pour chacune de ces deux questions, sera de cinq cents francs. NOTICES NÉCROLOGIQUES. ones see ÉLOGE DE M. CLAUSADE, INGÉNIEUR EN CHEF DU CANAL DU MIDI; Par M. »'AUBUISSON ; Gun à fa Séance publique Du 2e Mar 1834. Ex parcourant l’histoire des sciences, on retrouve encore dans l’homme ce sentiment, cette sorte d'instinct qui le porte, presqu'ndépendamment du raisonnement , vers le vrai, et qui lui en fait saisir les conséquences. Il lui a comme ins- piré une partie des sublimes vérités des sciences par excellence, des mathématiques; et les sciences d'application , la mécanique et l’hydraulique, lui doivent ce qu’elles ont de plus merveilleux et de plus utile. Cette science de sentiment, qu’on me permette cette expression, est bien plus fruc- tueuse que celle qu’on pourrait appeler la science de mémoire : nous allons en voir une preuve frap- pante dans la conception et le tracé du canal, dont nous aurons ici à nous occuper. Une fontaine, près de Naurouse, partageait ses eaux entre l'Océan et la Méditerranée : suivre 1:  1 CLASSE DES SCIENCES. leur double direction, la canaliser convenable- ment, et amener au point de partage, en tout ou en partie, les cours d’eau de la contrée envi- ronnante qui coulent à un niveau plus élevé, C'était établir la communication entre les deux mers. Le fait était patent; et cependant il avait été à peu près inaperçu, même par des gens de l’art occupés de cette communication, et qui étaient passés sur les lieux à diverses reprises. Enfin, vers 1660, il fut compris et saisi par un homme âgé de soixante ans (Riquet), étranger à toute science, et qui jusque-là ne s'était occupé que d’affaires de finances : son esprit pénétrant lui en montra toutes les conséquences; 1l fit adopter au gouvernement le projet qu’elles lui suggérèrent; et il en suivit l'exécution avec cette activité, cette fécondité de ressources et cette persévérance qui assurent le succès des grandes entreprises. Quoique des historiens presque con- temporains donnent comme un habile mathé- maticien, lingénieur italien (Andreossy) qu'il employa, il est bien permis de croire que ses mathématiques ne consistaient que dans la con- naissance dés premières propositions de la géo- métrie et de lhydraulique, ainsi que dans Part de niveler, de lever un plan et de dresser une carte. Il en serait à peu près de même, sous le rapport de la science, des autres ingénieurs , dont quelques-uns avaient d’ailleurs un haut mérite, et qui ont aussi concouru à la direction des travaux. Tels sont cependant les hommes HISTOIRE. 5 qui ont conçu et exécuté, en moins de quinze ans, et 1l y a plus d’un siècle et demi, Ze plus grand des monumens hydrauliques que le monde possède encore(x). Tel était encore celui qui, dans ces derniers temps , a dirigé et perfectionné cet établissement, et qui est, en ce moment, l’objet de nos regrets. Jean-Pierre CLAUsADE, ingénieur en chef au corps royal des Ponts et chaussées, ainsi que du Canal du Midi, membre de l'Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, membre de la Société d'Agriculture de la même ville, naquit le 10 septembre 1951, à Béziers où son père était ingénieur de la Division de ce nom, et un des deux inspecteurs-généraux du Canal. Cet établissement fut le premier objet qui frappa lesprit comme les sens du jeune Clausade : l'intelligence et les heureuses disposi- tions qu'il montra dès ses premières années, firent penser qu'il pourrait y être attaché et y succéder à son père. Il fut envoyé à l’école de Sorèze, qui déjà, à cette époque voisine de sa fondation, passait pour la meilleure du pays, celle où il pouvait le mieux acquérir les connaissances relatives à l’état auquel il était destiné. Un esprit ouvert, fin et flexible lui en facilita singulièrement l'étude ; (1) Allent, Histoire du corps impérial du Génie, pag. 169, 1809, 6 CLASSE DES SCIENCES. et il les possédait pleinement à un àâge où Fon n’en est ordinairement qu'aux premiers principes. A seize ans, ses classes et ses études étant terminées, il rentra à Béziers. Quelques mois après, il fut chargé de suivre et de surveiller les travaux du Canal qui se faisaient dans une partie de la Division. Cette commission lui fut continuée les années suivantes. [l se montra si apte à une telle surveillance, il laissa entrevoir tant de moyens de conception et d'exécution, que dès-lors M. de Caraman crut devoir le fixer définitivement sur le Canal; et quoiqu'il n’eût encore que vingt ans, il ladjoignit à son père. Deux ans après, en 1774, il lui confia la Direction de Castelnaudary , et ce jeune homme n'eut plus au-dessus de lui que lingénieur en chef de tout le Canal. Il était à ce poste lorsque le bouleversement de 1792 arriva. Ce Canal fut enlevé à ses pro- priétaires, et le gouvernement s’en saisit. Mais bientôt après, il n’y eut plus de gouvernement en France, oa du moins il n’y eut plus d’ad- ministration : toutes les propriétés publiques, tout ce qui n'avait pas immédiatement trait à la guerre fut comme abandonné. Heureusement pour le Canal, le système établi par M. de Caraman ne reçut point d'atteinte, tout continua à marcher en suivant le mouvement qui avait été imprimé. Ses ingénieurs, les Andreossy, les Geoffroy, les Clausade, les Lespinasse, les Pin, etc., qui étaient sur le Canal de pere en fils, où qui y voyaient HISTOIRE. 7 l'état, la fortune de leurs enfans, accoutumés à le soigner comme leur bien propre, continuèrent à y faire ce qu'ils y avaient toujours fait. Aussi, lorsque le calme succéda à Porage, que tout à lentour portait l'empreinte de ses funestes coups, le Canal reparut tel qu'il était auparavant, dans un état de conservation et de prospérité à peu près pareil à celui où nous le voyons aujourd’hui. Ses écluses, ses bâtimens semblent faits d'hier, et il y en a qui ont plus de cent ans; ses francs- bords, ses chemins de hallage sont tenus comme les allées d’un jardin de plaisance; tout en un mot y dénote l'action continue d’une adminis- tration aussi soigneuse qu'intelligente. Monument admirable (et c’est l’épithète qui lui est donnée dans le rapport du Ministre de Intérieur, fait en 1820, sur la navigation intérieure du royaume), nous pouvons le présenter avec orgueil aux étran- sers; les Italiens, les Anglais, les Allemands ne nous opposeront rien de pareil. À peu près à l’époque que je viens de signaler, le rétablissement de l’ordre en France, M. Pin, ingénieur en chef du Canal mourut. Les services de M. Clausade, ses moyens, comme le vœu général de ses collègues, le porterent à cette pre- mière place : il y fut nommé le 18 frimaire an X (9 décembre 1801). De suite, il s’occupa de tout ce qui pouvait maintenir et accroître la prospérité de létablisse- ment qu'il avait maintenant à diriger. Dès Pan XIE, il présenta un projet de réglement général, 8 CLASSE DES SCIENCES. fruit de ses méditations et de sa longue expe- rience, projet où domine exclusivement le prin- cipe qui le mouvait, le bien-être du Canal; où lon retrouve, à chaque page, les idées libérales qui l’animaient, l'esprit de bienveillance pour ses collaborateurs, ainsi qu'un sentiment de bonté et d'humanité pour tous ceux qu'il avait à em- ployer. Mais passons aux objets d’art, qui nous intéres- sent plus particulièrement. Il fallait d’abord bien reconnaître le volume d’eau qu’on avait à dépenser. Cette dépense est occasionnée par le mouvement de la navigation, le passage des barques dans les écluses, et par une déperdition provenant de lévaporation et des filtrations. La quantité d’eau employée par le passage d’une barque , dans une écluse d’un nombre de sas donné, est un problème de mathématiques. M. Clau- sade le résolut; et le premier il distingua, dans l'eau qui remplit un sas, les différentes tranches du fluide qui entrent différemment dans Pexpres- sion analytique de la dépense. Nous ne nous arrêterons pas sur la solution qu’il donna, le pro- blème ayant été de nouveau repris et traité par divers auteurs. D’après d’anciennes observations, on estimait, sur le Canal, que lévaporation et les filtrations réunies font baisser la surface de Veau de sept millimètres (3 lignes) par jour, terme moyen: et lon admettait que leflet de lévaporation est HISTOIRE. 9 à celui des filtrations à peu pres comme 2 est à 3; de sorte que le premier seul produirait un abaissement de la surface fluide de 2 5/,, milli- mètres. M. Clausade fit voir qu'il pouvait être double et triple : il constata que, par Peflet des filtrations et de lévaporation, dans un mois d’une très-crande sécheresse, la surface d’un bief, qui ne présentait d’ailleurs aucune cause extraordi- naire de déchet, avait baissé de 388 millimètres, ou de 13 millimètres en un jour moyen ; la perte due aux filtrations ne paraissant pas devoir augmenter dans un aussi grand rapport, on en conclut que la perte provenant de l’évaporation seule a été de 7 millimètres au moins. D'un autre côté, des expériences que M. Clausade fit faire sur de l’eau contenue dans un bassin où il ne pouvait y avoir des filtrations, ne lui donnaient pas un abaïissement de 2 millimètres (1,92 -seu- lement) par jour moyen dans lannée. Le désir, je dirai même le besoin de savoir exactement ce que le ciel enlevait au Canal par lévaporation, et ce qu’il lui rendait, ou ce qu'il pouvait lui fournir par la pluie, le porta à établir à Toulouse, à Saint-Féréol, et sur six ou sept autres points, des observatoires météorologiques, où l’on tient journellement note non-seulement des quantités d’eau évaporées et tombées, mais encore de l’état du thermomètre et du baromètre. M. Clausade, dont lesprit savait s'étendre à tout, suivit pendant quelque temps avec assiduité ces observations et leurs conséquences ; il perfectionna 10 CLASSE DES SCIENCES. même un des instrumens qui y étaient employés, l'udomètre, à aide duquel on mesure la quantité d’eau pluviale tombée (1). Si l'établissement de ces observatoires lui mérite la reconnaissance des physiciens, il s’est encore attiré celle des ingénieurs de notre cité, en faisant tenir des registres de la hauteur journalière de la Garonne tant en amont qu’en aval de la digue du Bazacle. Tous ceux qui auront des usines à établir sur cette rivière, aux environs de la ville, trouveront dans ces registres, et ils ne sauraient trouver ailleurs, les données qui leur sont néces- saires pour fixer, avec pleine connaissance de cause, le point jusqu’auquel ils peuvent baisser leurs machines hydrauliques, de manière qu’elles puissent profiter de la plus grande partie de la chute disponible, sans être trop exposées ou trop souvent gènées par les crues du fleuve. M. Clausade, combinant les consommations d’eau que fait le Canal avec les produits des ruisseaux alimentaires, trouva qu'ils étaient plus que suffisans pour le service ordinaire; et par conséquent , qu’on pouvait encore se permettre quelques dépenses qu'on se refusait antérieure- ment. Par exemple, pour économiser Peau, on arrêtait autrefois le bateau de poste à chaque écluse double ; il n'allait pas au-delà; et les voyageurs, quelque temps qu'il fit, étaient (1) Histoire et Mémoires de l Académie des Sciences de Toulouse , tome 1, pag. 130. HISTOIRE. if obligés de se rendre à pied à Pautre extrémité de l’écluse , pour y prendre un autre bateau , dans lequel ils avaient aussi à faire transporter leurs effets : on changeait ainsi jusqu'à cinq ou six fois de voiture dans une journée. Cest M. Clau- sade qui a fait cesser une manière si incommode de voyager ; et c’est à lui que l’on doit de pouvoir faire aujourd’hui, dans le mème bateau, tout le trajet que l’on a à parcourir dans un jour, ou dune ville à lautre. Quoique les eaux nourricières suffisent au service ordinaire, il serait encore bien avantageux d’en avoir une plus grande quantité : elles permettraient de donner des extensions au Canal, d’y faire de nouveaux services, dy multiplier les usines et les irrigations des terres auxquels il fournit. Mais où prendre d’autres eaux ? Celles qui coulent sur le versant occidental de la Montagne Noire , à un niveau convenable, sont déjà prises. Celles du versant oriental, qui tombent dans lPAsoût, ne pourraient être menées au Canal qu’en surmontant bien des obstacles et à l’aide de très-crands travaux. Les coteaux de Saint-Félix et de Puylaurens sont arides. Cependant toutes les eaux qui tombent sur le versant occidental de la Montagne Noire, dans les temps de pluie , ne sont pas menées immédia- tement au Canal ; elles y seraient, alors, en trop grande quantité et elles y deviendraient même préjudiciables. Une partie du superflu est bien envoyée et comme emmagasinée dans les bassins 12 CLASSE DES SCIENCES. de Saint-Féréol et de Lampy, pour y servir, à une certaine époque , à remplir le Canal après sa mise à sec, et pour régulariser , dans le reste de l’année, la fourniture faite par les sources. Mais l’autre partie est rejetée dans l'ancien lit des ruisseaux ; elle pourrait cependant être aussi admise et conservée dans de nouveaux réservoirs à peu près pareils à ceux que nous venons de nommer : elle mettrait à même de rétablir plus promptement la navigation après les chômages , ainsi que de fournir à plus d'usines et à plus d’irrigations. Au commencement du dernier siècle , un tel réservoir avait été projeté dans la vallée de PAlzau , un peu au-dessus de la première prise d’eau du Canal : M. Clausade , dès son entrée dans l'administration, reprit ce projet et en proposa l’exécution; 1l aug- mentait par là le produit dela rigole de la montagne. Il proposait aussi d'augmenter celui de la rigole de la plaine , à Vaide d’un grand bassin qui serait établi dans la vallée du Sor , un peu en amont du village de Durfort. Nous avons dit que le Canal pourrait aussi recevoir des extensions. En effet , il pourrait être prolongé, vers le nord, jusqu'aux environs du confluent du Tarn dans la Garonne, et même jusqu'auprès de Bordeaux : une branche pourrait être poussée, vers l’est, par la plaine de Revel, jusqu’à l'Agoût ; enfin, du côté de l’ouest, 1l pourrait être mis en communication avec le canal projeté dans les Landes , ou avec l'Océan pres de Bayonne. M. Clausade eut à s'occuper de ces divers projets, HISTOIRE. 13 à les discuter ; et dans ses discussions , il se montra constamment ingénieur consommé , esprit droit , homme consciencieux. Dès l’origine du Canal, on avait parlé de le pousser jusqu'au Tarn , ou plutôt jusqu'à la Garonne , en aval du confluent de cette rivière. Les experts qui, en 1664, eurent à examiner le projet de M. Riquet , après avoir fixé Pembouchure du Canal au point où elle est aujourd’hui , remar- quèrent cependant , que si on voulait éviter quel- ques parties trop peu profondes de notre fleuve, on pourrait la porter près de Moissac. Vauban crut qu'il en aurait dû être fait ainsi ; il pensa même que le Canal aurait pu être prolongé jusqu’à la Réole. Mais les choses étaient faites, et M. Clausade ne vit plus dans le canal à ouvrir au nord de Toulouse, qu’un canal de traverse entre deux voies navigables : il lui parut, en conséquence , devoir être aussi court que possible ; et, par suite, il le faisait aboutir au Tarn, un peu en amont de Montauban. Quant à un canal latéral à la Garonne, qui aurait longé ce fleuve jusqu’au point où le reflux de la mer sy fait sentir, il ne lui parut pas convenable. Il admettait, en principe , que dans un système de navigation intérieure , les canaux artificiels ne doivent être que le supplément ou le complément de la navigation fluviatile ; et 1l pensait que celle de la Garonne pouvait être facilement perfectionnée , et rendue telle, qu’elle ne fût interrompue que durant les fortes crues, interrup- 14 CLASSE DES SCIENCES. tions qui seraient sans préjudice sensible pour les. intérêts du commerce. La communication avec l’Agoût fixa plus particu- lièrement son attention : elle devait se faire dans son empire, dans celui du Canal du Midi; car elle serait alimentée par les mêmes eaux , et la rigole de la plaine , après un élargissement convenable, pouvait en faire partie. [l reconnut les localités , et il développa son projet dans un mémoire qu'il adressa, le 11 juillet 1808 , à l’autorité supérieure. Il ne proposait d’ailleurs qu'un canal de petite navigation, tant à cause de son état secondaire, que parce que ses bateaux devraient aussi naviguer sur l'Agoût et sur le Tarn. Au reste, son mémoire ne présentait qu'un avant-projet , et il remit à un de nos collègues, alors sous ses ordres et qui lui a succédé depuis, à étudier le terrain dans tous ses détails, et à présenter les tracés et devis défi- nitifs du canal à exécuter. Les canaux qui devaient mettre celui du Langue- doc en communication avec le Golfe de Gascogne, quoique bien plus grands, intéressaient moins directement M. Clausade, et il n'eut que des avis à donner. L'idée de ces communications remonte à l’époque où ladministration du pays qu’elles devaient tra- verser , était confiée à cet intendant célèbre, M.d'Etigny, qui changea l’existence de ces contrées, par les nombreuses routes qu'il y ouvrit. Il ne donna pas suite à ces projets de canaux , très- vraisemblablement parce qu'il trouva trop de HISTOIRE. 15 disproportion entre les frais qu'ils exigeraient et les produits qu'ils pourraient donner. À ce sujet, je remarquera , avec M. Clausade, que quoique tous les canaux soient d’une utilité incontestable , celle de faciliter les communications, de donner plus de valeur aux terrains qui les avoisinent ; cependant leurs avantages sont en rapport avec la prospérité de l’agriculture et de Pindustrie des pays qu'ils traversent. Ainsi, les revenus de celui qui passe sous nos murs ont considérablement augmenté , depuis que le sol fertile d'une partie du Bas-Languedoc ayant été planté en vignes, donne une très-grande quantité de vin à exporter. Dans un des projets soumis à lexamen de M. Clausade, on établissait une communication entre Toulouse et le canal projeté, dans les Landes, entre Mont-de-Marsan et Aiouillon ; canal à point de partage, qu'on prétendait alimenter avec les eaux de la Bayse. M. Clausade ne les jugea pas suffisantes : il observa, que pour ce canal, comme pour tous ceux qui devaient aller directement ou indirectement de notre ville à la mer de Gascogne, c’étaient les eaux de la Neste qu'il fallait prendre et conduire sur le plateau de Lannemezan , @ que la » nature semble, disait-il, avoir placé tout exprès, » au débouché du plus grand château-d’eau que » présente la chaîne des Hautes-Pyrénées, comme » pierre d'attente pour les projets de l’industrie » humaine, comme pour être le bassin de distri- » bution de ces inépuisables sources. » Ce bassin et ce plateau furent comme l’origine » 10 CLASSE DES SCIENCES. et le bief de partage de son canal des Pyrénées. De ce bief, il descendait en suivant d’une part un des aflluens de la Garonne , et de l’autre, un de ceux de l’Adour. Il remarquait de plus, que l’on devait ouvrir ici un canal de grande naviga- tion ; et à ce sujet, il démontrait que, dans un tel canal, le fret est beaucoup moins cher , et que la dépense de premier établissement est loin d’être proportionnelle à la grandeur de la section transver- sale du lit ; qu'ainsi, un canal portant des barques de cent tonneaux ne coûterait pas le double de celui qui ne porterait que des barques de cinquante. Toutefois, M. Clausade , partageant les craintes de M. d'Etigny, trouvait que ce canal, dans une partie de son trajet, aurait à passer par des contrées bien peu productives. Depuis, M. Galabert en a jugé autrement, et il a été plus hardi : il a présenté un nouveau projet; il a de- mandé et obtenu une loi qui en autorise l’exécution, et qui lui concède le canal qui sera fait. Puisse son entreprise être couronnée d’un heureux succès ! Quoique la science qui a guidé M. Clausade dans la plupart de ses travaux, soit celle qui résulte de l'expérience et d’un sentiment ou instinct parti- culier ; cependant la science, proprement dite, celle qui, après avoir posé un principe scientifique, met à même d’en déduire explicitement des consé- quences, ne lui était pas étrangère : elle le fit mettre au nombre des membres de cette Académie, lors de sa réorganisation, en 1807. Il avait fait ses preuves : dès 1702, nous lui ayons vu résoudre HISTOIRE: 17 Je problème de la dépense d’eau occasionnée par le passage d’une barque dans une écluse multiple. En 1808, il communiqua à l’Académie la solution d’une autre question qui se présente à tout instant sur le Canal : déterminer le poids de la cargaison des barques, poids d’après lequel elles payent leur droit de navigation. Il la basa sur ce principe de lhydrostatique , qu’un corps plongé dans un fluide y perd une partie de son poids, égale au poids du volume de fluide qu'il déplace. Je ne reviendrai pas sur les détails de cette solution; ils se trouvent dans nos Mémoires (1). Après avoir considéré M. Clausidé comme ingénieur , voyons un instant l’homme. La nature, en le douant d’une constitution délicate, lui avait donné des formes très-aimables, et un cœur extrêmement bon. Toutefois, une imagination vive et des sentimens élevés lui inspi- rèrent, dans sa jeunesse, une ardeur et même une susceptibilité telles, qu’on ne leût pas offensé impunément. Ce premier feu passa bientôt, et il ne resta que l’homme le plus doux, le plus affec- tueux et le plus poli. Ces qualités éminemment sociales lui ont été utiles en plusieurs circonstances , même dans les affaires relatives à son service ; j'en cite une. Vers 1810, l'Empereur, dans ses largesses envers ses grands et ses braves, disposa de la portion du (1) Histoire et Mémoires de l’cadémie des Sciences de Toulouse , tome 1, pag. 41. 1827. TOME IV. PART. T, 2 18 CLASSE DES SCIENCES. Canal qui était sous la régie du domaine de l'Etat. Les nouveaux propriétaires , par un senti- ment bien naturel , voulurent accroître les revenus qu'ils en tiraient : une partie des dépenses qu’on y faisait, ne leur parut pas nécessaire, et les admi- nistrateurs en demandèrent la suppression. M. Clau- sade insista; il en soutint la nécessité ou la convenance. On fut mécontent , et on le manda à Paris : si ces ingénieurs , disait-on, ne veulent pas nous servir à notre guise, nous en aurons d’autres qui le feront, et qui nous serviront meilleur marché. M. Clausade arriva; jamais il n’était encore venu dans la Capitale ; il se présenta : ses manières distinguées, en même temps qu’elles étaient très- polies, étonnèrent ; elles firent évanouir les projets de réprimande et de menace ; les préventions tomberent, et il fut écouté favorablement. Il parla avec tant de conviction , de bonne foi et d’un ton si insinuant, qu'il convainquit bientôt que le Canal est une machine délicate dont il faut même pré- venir les besoins, si on ne veut pas en compromettre la précieuse existence. Il obtint à peu près tout ce qu'il désirait, et il partit, ne laissant après lui que des sentimens d’estime et de bienveillance. Il s'était marié à vingt-quatre ans, et il avait eu bientôt plusieurs enfans. Il possédait, auprès de Castelnaudary , un domaine assez considérable, et il vivait dans l’aisance, jouissant de tout ce qui peut rendre heureux un homme simple et modeste. Le temps que lui laissait son service, 11 le donnait presqu’en entier à sa famille. HISTOIRE. 19 Lorsqu'il fut transféré à Toulouse , en qualité d'Ingénieur en chef de tout le Canal, le cercle s'agrandit ; le nombre de ses enfans s’accrut, car il regarda comme tels tous les ingénieurs placés sous ses ordres. Lorsqu'ils venaient à Toulouse, sa maison était la leur ; ils y étaient reçus avec une cordialité et une générosité qui les pénétrait d’atta- chement pour lui :ses services et sa supériorité ne leur inspiraient pas moins de respect , et il était pour eux comme un père vénéré ; ils fui étaient dévoués , et ils lui en ont donné des preuves. En 1814, lorsque la France fut réduite à ses anciennes limites, qu’elle eut perdu près de la moitié du territoire qu’elle possédait depuis quel- ques années, le nombre de ses ingénieurs ne se trouva plus proportiohné à ses besoins, et une partie d’entr'eux dut être mise à la retraite. Un réglement basé sur l’âge des individus et sur le nombre des années de leur service statua à ce sujet ; 1l atteignit M. Clausade. Dès que cette décision fut connue , tous ceux qui avaient à cœur le bien-être de leur pays, en éprouvèrent une vraie peine ; ceux qui pouvaient être entendus de Vautorité supérieure , revendiquèrent un homme si nécessaire ; le Canal entier parla en sa faveur, et il lui fut rendu. Mais, quatre ans après, les mêmes dispositions réglementaires furent repro- duites , et il fallut se résigner. En perdant le Canal, M. Clausade perdit en quelque sorte l’existence. Son esprit éprouva un grand vide, sa mémoire saltéra, et ses facultés 9 PA] 20 CLASSE DES SCIENCES: intellectuelles baissèrent. Ses amis ( et tous ceux qui avaient eu des rapports avec lui létaient ) se pressèrent à lentour , pour lui procurer des dis- tractions. Il fallut encore renoncer à cette dernière jouissance , et comme se séquestrer. Quoique exempt de ces infirmités douloureuses ou dégoütantes , apanage presqu’inséparable de la vieillesse , les forces physiques l'avaient presqu’entierement aban- donné ; sa faible constitution, qu’aflectait d’une manière fàcheuse toute impression atmosphéri- que, paraissait devoir céder bientôt : mais la piété filiale , les soins assidus , les artifices de ses filles prolongèrent miraculeusement encore , pendant quelques années, une vie qui semblait toujours être au moment de s’éteindre. Enfin, dans cette triste lutte, l’'inflexible nature lemporta ; et le 29 juillet 1832, à l’âge de 8r ans, M. Clausade cessa entièrement de vivre. HISTOIRE. 21 ANALYSE DES TRAVAUX DE LA CLASSE DES SCIENCES. ANNÉE 1854. Mathématiques pures. Lermnrrz et les premiers auteurs du calcul diffé- LR rentiel Pavaient fondé et comme déduit de con- ;, RE sidérations sur des quantités infiniment petites, fluentes, évanescentes , etc. La Grange, se basant sur un théorème de Taylor, dont il a donné une démonstration à priori, est venu à bout de le dégager de toutes ces considérations. Ce théorème est, sur-tout depuis cette époque, devenu célèbre. M. Romieu la long-temps ex- posé , avec la démonstration de La Grange, dans les cours d'analyse infinitésimale qu'il fait à la Faculté des Sciences de notre ville. Mais il a re- marqué que cette démonstration , exigeant une assez grande contention d'esprit, fatiguait l’atten- tion de ses élèves; et il lui a semblé plus simple de faire voir, par le seul usage des permutations et des combinaisons démontrées dans lPalgébre ordinaire, que le développement de la puissance entière d’un binôme satisfaisait à la loi de Taylor. Ce rapprochement lui a paru suffisant pour constater 22 CLASSE DES SCIENCES. l'exactitude de cette loi, c’est-à-dire pour la de- montrer. Mathématiques appliquées. Mouvement Le mouvement permanent d’un fluide, est ce- permanent. Jui où un même plan coupe toujours la masse PA LTE fluide suivant un même profil, et où la dépense du fluide qui s’écoule dans lunité de temps est tou- jours constante. Si, en outre, le profil en travers du fluide reste invariable dans toute l'étendue de la masse qui se meut, le mouvement est uniforme. Ce dernier, qui avait été jusqu’à ces dernières années, l'unique objet de la considération des mathémati- ciens, n’est donc qu’un cas particulier du mouve- ment permanent. M. Cauchy , dont M. Saint-Guilhem a reçu les leçons à l’école polytechnique, publia en 1823, dans le journal de l'Ecole, un mémoire où il établit les équations générales du mouvement des fluides, en les considérant comme un assemblage de filets distincts de forme invariable. Il nota explicite- ment celles qui concernaient le monvement perma- nent. Quelques années après, MM. Poncelet et Belanger ont donné à priori les équations parti- culières du mouvement permanent de leau dans un canal découvert dont la résistance est une fonction connue de la vitesse, le premier en fai- sant l'application à ce cas du principe des forces vives: le second des formules générales relatives à équilibre des fluides, comme avait fait M. Cau- chy. Les méthodes suivies par ces géomètres exi- HISTOIRE. 23 gent toutes lPemploi du calcul intégral et la con- naissance des lois de lhydrostatique. En dernier lieu , M. Saint-Guilhem a déduit ces mêmes équations des premières lois du mouve- ment par de très-simples considérations géométri- ques. L'importance du sujet, et le fréquent usage que l’on fait de ces formules, porte à consigner ici la manière dont M. Saint-Guilhem les a établies el posées. F ond du Cana]. CRETE EEE ATE SEE EEE EEE EE SET ENT STE TITI TD TIIIIIIIT Horizon. Soit # la vitesse d’une molécule M de la surface libre du liquide au bout du temps #; i l'angle que la surface libre du liquide au point M fait avec l'horizon ; j l'angle que cette même surface fait avec le fond du canal dont la pente est supposée cons- tante ; | e l'angle constant que le fond du canal fait avec l’horizon ; 3 l'arc parcouru par la molécule M, à partir d’une origine quelconque D, au bout du temps é; s la section du canal correspondante au point M. c son périmètre mouillé ; 24 CLASSE DES SCIENCES. x, 6 deux coefficiens à déterminer par lexpeé- rience ; g = 9"8088 la pesanteur des corps à la surface de la terre. Nous admettrons que toutes les molécules qui traversent une même section perpendiculaire à la surface du fluide ont une vitesse commune et constante égale à vitesse moyenne ; que leur mou- vement est sensiblement rectiligne et perpendicu- laire à la section qu’elles traversent. Cela posé, considérons la variation qu’éprouve la vitesse p dans l'élément du temps dt : la force accélératrice qui produit cette variation est égale à la gravité relative g siné moins la resistance du lit, laquelle . . Co 9 a pour expression, comme on salt , — (aw+6v) On aura donc par l'une des premières lois du mouvement = gsiné — (av +6v) Mais, i=e+ 7, d'où sini — sine COS} + sin] cose : l'angle j étant toujours extrêmement petit, on a cosj — 1 et sin} — SE À étant la hauteur de la molécule M au dessus du fond, comptée sur la normale à la surface libre du liquide. Par conséquent, (1) do eine gcose. (au +6v TR AS LOFT Ans v). Telle est équation du mouvement permanent des fluides pesans dans les canaux découverts. La forme générale des canaux relativement à leur HISTOIRE. 29 section transversale étant un trapèze, voyons ceque devient cette formule dans ce cas particulier. Soit Z la largeur du fond du canal ; f Vinclinaison des berges sur ce fond ; Q le volume d’eau dépensé en une seconde, On aura les relations suivantes : h Q—=v.5, s—(1+hcotf)h,c—=1+ — On a d’ailleurs v — . D’aprèsces relations, la formule (1) se transforme dans celle qui suit : dh a Q@ c+6Qcs—gsines DnES (2) nn ET — — sinj. Dans laquelle a — 0,003585 , 6 — 0,000238 sne=p, cose=l"1—p" p étant la pente du fond du canal. Dans les longs canaux, cose est sensiblement égal à l'unité; on peut d’ailleurs admettre une sec- tion rectangulaire , auquel cas f = 0. Alors Pé- quation (2) devient Sn F 2 10 — cp} (3) sin jÿ — te h)1hQ—gplh + Ces formules donnent l’inclinaison de la surface fluide, par rapport au fond du canal , en un point quelconque de cette surface, connaissant les dimen- sions du canal, la pente, la dépense par seconde et la profondeur de l’eau au point que lon consi- dère; par conséquent elles mettraient à même de tracer la courbe que forme cette surface dans le sens longitudinal, et de résoudre toutes les questions qui en dépendent. Parmi celles-ci se trouve celle Hauteur moyenne du baromètre, M. D'AUBUISSOK, 26 CLASSE DES SCIENCES. relative à la détermination de la courbe qu'affecte le remou produit par un barrage. M. Bélanger trouve que la formule (3) rend assez exactement les faits observés. M. Saint-Guilhem pense que hypothèse du parallélisme des tranches étant dans ce cas inadmissible , elle ne peut satisfaire qu’au même titre que beaucoup d’autres formules empiriques, et par ce motif il propose de la rem- placer par la suivante : LD) GO 4 PSETE Cette équation représentera la courbe dont 1l s’agit en prenant pour axe des x l’horizontale qui afleure le fluide un peu en amont du barrage , et pour axe des y la verticale menée par la crête du barrage. a est l’amplitude hydrostatique ou léten- due du remou sil était horizontal ; b la suréléva- tion du fluide à lPendroit du barrage. Cette formule s'accorde assez exactement avec les expé- riences faites par Funck sur le Weser, la Verra et plusieurs canaux de dérivation de ces rivières. Elle donne lieu d'ailleurs à des calculs très-simples. Voyez aux Mémoires, un mémoire sur la statique du même auteur, M. Saint-Guilhem. La connaissance de la hauteur à laquelle se tient moyennement un baromètre établi dans un lieu donné, est souvent nécessaire. Cette hauteur re- présentant le poids de l’atmosphère dans ce lieu, est l'unité de mesure de la force de la vapeur qu'y mouvrait une machine à feu; elle détermine les dimensions verticales à donner aux pompes aspi- HISTOIRE. S rantes. Dans un ordre de choses moins impor tant, elle est d’un très-grand usage; c’est elle qui fixe la position du variable dans le baromètre considéré comme pronostiquant les changemens de temps. M. »’Ausuisson en a donné une expression ana- lytique, pour les lieux dont on connaîtrait approxi- mativement la latitude et l'élévation au-dessus de la mer : il a déduite de la formule employée à la mesure des élévations par le baromètre, et de ses propres observations sur les lois de la variation de la température à la surface du globe (x). Pour la France, lent l'élévation n’exceède pas 5co mètres, cette expression, en millimètres, se réduit à la forme extrêmement simple : 763 , 6 — — de l'élévation, l'élévation étant en metres. (1) Soient {la latitude du lieu ; e son élévation au-dessus de la mer, en mètres ; h la hauteur moyenne du baromètre, également en mètres , On a, le mercure du baromètre étant à zéro de température, œ a —# CROSS PNEU EE ire el) re { AUOT 18370 (0,928 4-0,184 cos /— 0,00001 55} On a encore, en faisant 1,072-0,18/4cos/4-0,0000125e=T, Bh = 0,762 — 0,00009579 Te + 0,000000006021 T? e? — 0,000000000000189 T° e? Dans les elévations au-dessous de 800 mètres, on pourra négliger le dernier terme. Dans celles au-dessous de 500 mètres, aux latitudes moyen- nes où l’on peut admettre que la température tant de Pair que du mercure est de 12 degrés, on aurait, avec une exactitude bien suffisante pour toutes les applications, hk = 0%, 7636 — 0,00009 c 28 CLASSE DES SCIENCES. Par exemple, à Toulouse, où les baromètres sont généralement à 150 mètres au-dessus de la mer , leur hauteur moyenne sera : 9 Pengure 763 ,6— nat 50=763,6—13,5=750,1 mil- limètres, ou 27 pouces 8 — lignes. Eclipse Dans une notice sur lUtilité dont peuvent a. étre les observations des éclipses, et remarques M.Vaurmen Sur l’éclipse totale de la lune du 26 décembre 1833, M. Vaurmer, Directeur de l'Observatoire de Toulouse, après quelques considérations géné- rales, venant à l’éclipse du 26 décembre 1833, dit : « À 5h 48’ 40”, le disque de la lune a touché le cône d'ombre projetée sur la terre : le ciel était serein et la lune assez élevée pour être dégagée des brouillards de lhorizon. À 8 heures 1/,, on voyait l’ombre de la terre parfaitement dessinée sur le disque lunaire. À 9! 37", la lune était tout entière dans l'ombre, et les étoiles bril- laient du plus vif éclat : il est à remarquer qu’on n’a pas cessé un seul instant d’apercevoir le disque de la lune qui réfléchissait une lumière faible et rougeûtre. » M. Vauthier , dans une autre notice, a présenté des réflexions sur les attaques dont, à différentes époques, les mathématiques avaient été l’objet. Physique. Théorie Les grands et terribles phénomènes des volcans d S lc S, » , e ee. ont de tous les temps fixé l'attention des observa- M. Duyac, HISTOIRE. 29 teurs, et ils en ont essayé l'explication. Natu- rellement elle s’est ressentie de l’état des sciences à l’époque où elle a été donnée. Aïnsi, dans ces dernières années, deux de nos savans les plus distingués, MM. Davy et Gaylussac ont essayé de porter les lumières de la physique et de la chimie moderne dans ces ténébreux laboratoires. M. Dusac, dans un long mémoire sfir la Théorie des phénomènes volcaniques , et de la chaleur centrale, a présenté l’histoire de ces diverses opinions, et il en a émis une à lui particulière. Il se base sur deux grands faits qui paraissent incontestables. 1.° La chaleur va en croissant, et dans une progression très-rapide à mesure qu'on s'enfonce au-dessous de la superficie du globe terrestre ; tellement qu'il y a lieu de pré- sumer qu’elle est immense à une profondeur encore peu considérable proportionnellement au diamètre du globe, à une lieue par exemple; les matières minérales qui s’y trouvent, seront ou en fusion ou en incandescence. 2.° Les volcans en activité sont dans des îles ou sur les bords de la mer, ou à une assez petite distance d’elle : cette circonstance et quelques autres, que M. Dujac rappelle, portent à croire que l’eau est un des agens que la nature emploie à la production des phénomènes volcaniques. En conséquence, si ce fluide, par suite de quelqu'accident, ou par une cause quelconque, vient à pénétrer sur ces matières incandescentes, il sy réduira en une vapeur douée d’une force proportionnelle à 30 CLASSE DES SCIENCES: l'intensité de la chaleur, et à l'énorme épaisseur des voûtes de la fournaise souterraine. M. Dujac, avec la majorité des physiciens, admet qu'il en est ainsi; mais il croit encore devoir admettre Paction d’un autre agent, le calorique, non plus comme cause d’expansibilité, mais comme corps et corps expansible, et il cite divers faits qui Jui paraissent déposer en faveur de cette hypo- thèse. Rappelant la force extraordinaire qui se développe lorsqu'on jette de leau sur un métal en fusion, il dit : «Si on fait attention à la » petite quantité d’eau nécessaire pour obtenir » un pareil résultat, on verra que ce n’est pas » tant les vapeurs qui déterminent les phénomènes » éruptifs, mais bien la force expansive du calo- ÿ rique qui échappe à la formation des vapeurs. » Cet auteur distingue deux époques dans les phénomènes volcaniques : «la première comprend » tous ceux qui précèdent linflammation du volcan, » et la seconde ceux qui résultent de son inflam- » mation.» Les secousses, les tremblemens de terre, etc., appartiennent à la premiere; ils sont l'effet des causes que nous venons de signaler, « sans la participation des agens extérieurs, mème » de l'air atmosphérique, » lequel repoussé de dedans en dehors, par la pression intérieure, ne peut encore arriver dans les antres souterrains. Ce west que lorsque la force élastique toujours croissante des fluides intérieurs a brisé et déchiré la croûte du globe; «ce n’est que lorsque les » premières convulsions ont ouvert des excavations SG HISTOIRE. » où Pair peut pénétrer librement, que Hhrete » volcanique prend une énergie efroyable par » la combustion de toutes les substances com- » bustibles que le lave entraîne. » Chimie. M. Asrrer, Correspondant de l'Académie, lui _ Surles adressa, au commencement de 1834, un mémoire Fe nent le imprimé sur les Fermens et les Virus, à Propos MM. Ne des urinoirs RE de Toulouse. Le mémoire Borscmaur. étant imprimé, il n’y eut pas lieu à un rapport par écrit, mais il lui fut donné des éloges et des encouragemens au sujet des moyens efficaces qu'il avait mis en pratique pour la suspension de la fermentation putride. L'auteur a adressé de nouveau à l'Académie : 1.9 Un second mémoire, faisant suite au premier, sur les fermens et les virus; 2. Des fragmens détachés de ses méditations sur la fièvre jaune, publiés en 1821; 3.2 Une notice nécrologique sur Eusèbe Valli ; 4 Une réclamation adressée à l’Institut royal de France (Académie des Sciences), en faveur de Valli, pour la priorité de la découverte de la propriété antiseptique de oxide rouge de mercure. Tels sont les objets sur lesquels M. BorscrrAun, au nom de la section de Chimie, fait le rapport suivant : « En ce qui concerne Eusèbe Valli, Médecin distingué autant que dévoué à l’exercice de son art, M. Astier demande que PAcadémie recon- 32 CLASSE DES SCIENCES. naisse la priorité qui lui est acquise dans emploi de l’oxide de mercure comme antiseptique; et que par délibération expresse elle fasse dépôt dans ses archives de la notice nécrologique sur ce savant médecin, en la renfermant dans un carton noir. » Des titres incontestables, puisqu'ils ont été publiés à l’époque de la découverte, nous ont paru, en effet, avoir résolu la question de prio- rité, dont il s’agit, en faveur de Valli. De plus les qualités éminentes de cet homme célèbre, nous engagent à vous proposer, avec M. Astier, le dépôt dans vos archives de la notice nécro- logique, dont il vous a été fait hommage. » Les idées émises par M. Astier, dans ses frag- mens détachés, sont reproduites dans son mé- moire; c’est donc de ce mémoire seul que je vais vous entretenir, au nom de la section de Chimie. » M. Astier, ancien Pharmacien principal de nos armées, aujourd’hui en retraite, a rempli avec zèle et succès les fonctions souvent pénibles qui lui ont été confiées. Son retour à la vie civile ne l’a point rendu inactif ; philanthrope passionné, il est continuellement occupé à lutter contre ces maladies épidémiques ou contagieuses qui. mois- sonnent les hommes avec une rapidité effrayan- te, et contre lesquelles il a été assez heureux pour obtenir autrefois de précieux succès. Jaloux de sortir de l’ornière empirique dans laquelle marchent généralement ceux qui recherchent les anticontagieux , il a puisé chez divers auteurs les HISTOIRE. 33 premières idées d’une théorie qui lui sert de guide dans ses travaux. M. Astier pense que la putré- faction, les maladies épidémiques ou contagieuses, les maladies endémiques, etc., sont dues à une même cause, à des animalcules qui peuvent être produits dans la fermention, et sans germes pré- existans. Ainsi, d’après lui, toute cause destruc- trice des animacules arrêtera aussi la fermentation et les maladies précitées. Les faits qu'il cite à Pappui de ses opinions ne sont nullement con- cluans, et il serait aisé de citer un grand nombre de faits qui sont en opposition directe avec ces mêmes opinions; mais nous ne nous arrèterons pas à discuter un système auquel Pauteur lui- même ne paraît pas attacher plus d'importance qu'il ne mérite. » La partie positive du travail de M. Astier est dans les recherches qu'il a faites pour arrêter la fermentation et la décomposition des corps d’origine organique. Ses idées systématiques l’ont conduit à employer les poisons, ou tout au moins les corps nuisibles à la vie animale, pour arrêter la fermentation putride. Il à ainsi restreint les applications qu’on pouvait faire de ses découvertes. Au reste, il a peu ajouté sous ce rapport aux résultats qu’il avait précédemment publiés. Il a montré les bons effets d’un bitume artificiel et à vil prix, dont son mémoire n'indique point la composition. [Il cite aussi les résultats qu'il a obtenus avec la suie de cheminée. M. Braconnot avait déjà depuis plusieurs années signalé les TOME IV. PART. I. 3 Analyse d'un caleul vésical. M, Macnes. 34 CLASSE DES SCIENCES. propriétés antiseptiques de cette derniere subs- tance. » Enfin, M. Astier désirerait qu'il fût fait des expériences en grand pour la désinfection des marais, auxquels on attribue généralement le dé- veloppement de maladies pernicieuses. Quoique les ingrédiens employés par M. Astier soient peu coûteux, nous croyons que des expériences sur une aussi grande échelle sont à peu près im- praticables, mais elles pourraient être tentées dans des localités restreintes : par exemple, lors- qu'il s’agit de nettoyer un canal, des égouts, etc. En résumé, nous vous engageons à encourager M. Astier à agrandir le champ de ses recherches pour arrêter la fermentation des substances orga- niques. Si les idées émises par M. Payen dans sa théorie des engrais sont confirmées, l’auteur peut dans ses travaux"trouver le moyen de rendre les plus grands services à lPAgriculture et à la ville de Toulouse, aujourd’hui embarrassée de ma- üères qui deviendraient la source d’un revenu considérable. » Un calcul extrait de la vessie d'un homme âgé d’une soixantaine d’années, après sa mort, a été soumis à l’examen de M. Magnes. Il était doré comme sil eût été recouvert d’une feuille d’or bruni; il pesait 2,4 grammes, sa grosseur était celle d’un haricot; pour la forme, il ressemblait à un rognon ou plutôt à un cœur; sa dureté le mettait à même de résister à la scie; contre HISTOIRE. 35 Pordinaire, il mavait point de noyau dans son’ intérieur ; il était formé de couches foliacées et légères, dont la couleur d’abord blanche, puis fauve, prenait par l’action de la lumière, au bout de quelques heures, une nuance dorée; sa pesan- teur spécifique était de 1,57. La petite quantité de ce calcul dont M. Magnes a pu disposer pour Panalyse, ne lui a pas permis de déterminer le rapport quantitif de ses principes composans. Mais par un assez grand nombre d'essais chimiques, il a pu sassurer qu'il était composé : 1. D’une matière animale de nature particu- lière à laquelle 1l devait sa couleur ; 2.0 De phosphate de chaux ; 3.° D’une autre matière animale de la nature du mucus de la vessie, qui servait de ciment à ses molécules ; 4° De silice un peu colorée. Il faudrait donc conclure de cette analyse deux faits qui paraissent mériter quelqu’attention : c’est une chose rare, en effet, de voir la silice et la matière jaune que nous venons de signaler, faire partie de la composition d’un calcul trouvé dans la vessie de l’homme. «Le tannin, dit M. Dusac, est un principe immédiat des végétaux, employé journellement en chimie comme réactif... La gommite et l’ex- tractif lui sont toujours unis dans toutes les solutions végétales obtenues par décoction, infu- D. d. Procédé pour obtenir le tannin pur. M. Dusac. 36 CLASSE DES SCIENCES. Ë sion ou macération. La première de ces substances se précipite comme lui avec les sels de plomb et d’étan, inconvénient qui rend son extraction difficile. La seconde, en raison de sa solubilité dans l’eau et l’alcohol, lui reste unie dans les teintures aqueuses et alcoholiques. Il faut donc, avant d'extraire le tannin, commencer par opérer l'isolement de la gommite et de lextractif : il faut encore avoir soin de lui enlever la résine, VPacide malique, et les sels déliquescens qu’il pourrait contenir. J’indique la manière d’y par- venir avec avantage. » On commence par faire agir sur un extrait qui contient du tannin, le cachou, par exemple, de Palcohol à 4o°, ou bien de léther dépouillé d'acide sulfureux; on filtre les matières insolubles dans lalcohol provenant de ce traitement, telles que la gommite; l’albumine coagulée et autres substances étrangères restent sur le filtre ; la tein- ture alcoholique qui en résulte, ne contient plus que de lextractif et du tannin. Si on soupçonne que cette teinture renferme de la matière rési- neuse , on l’affaiblit à laide de l’eau; par ce moyen, le mélange se trouble dans le cas seu- lement où il contiendrait de la matière résineuse, et on reçoit le dépôt qui en résulte sur un filtre. On peut également s'assurer si le liquide contient des sels à base de potasse de chaux et de la- cide malique, à l’aide de l’hydrochlorate de pla- tine, de l'acide oxalique et de l'eau de chaux, et autres moyens que Part indique. HISTOIRE. 37 » Ce dépouillement terminé, on soccupe de débarrasser la teinture alcoholique du tannin, de Pextractif qui lui est uni, en le précipitant par lacétate de plomb; l'extractif reste dans le liquide. Le tannate de plomb est recueilli sur un filtre; on le lave premièrement avec l’eau distillée et ensuite avec l’alcohol; ce traitement a pour objet de lui enlever l'excès d’acétate de plomb, qui se représente toujours quand l’opération n’a pas été bien conduite. » Le précipité de tannate de plomb est ensuite délayé dans l’eau distillée, puis décomposé par Pacide sulfurique très-affaibli, et par petites portions, seulement pour décomposer ni plus ni moins le tannate de plomb; le sulfate de plomb qui résulte de cette décomposition se précipite et le tanin reste dans le liquide : on filtre ce liquide pour le débarrasser du sulfate de plomb qu'on rejette; on fait évaporer à moitié; on filtre de nouveau, et on continue l’évaporation à siccité à une douce température : il faut avoir soin , dans l’une et l’autre de ces deux opérations, qu’il ny ait ni excès d'acide, ni excès de plomb, et que la neutralisation soit complète, ce dont on peut s'assurer par les moyens que l'art indique. Le tannin ainsi obtenu ne contient ni matière gommeuse, ni extractif, nimatière résineuse, ni acide acétique, ni acide malique, ni aucun sel insoluble. Il est pur, solide, cassant, d’une cou- leur rouge plus ou moins prononcée, inaltérable au contact de l'air humide; il forme avec les Entomologie. M. Borscr- RAUD. 38 CLASSE DES SCIENCES. sels de plomb et la chaux des tannates insolubles, précipite en noir le deutosulfate de fer, précipite lalbumine et la gélatine, diffère de lextractif proprement dit , par les propriétés que nous venons de signaler, partage néanmoins avec ce dernier celle d’être soluble dans lalcohol et dans l'eau. » Le même Chimiste a encore lu, à l'Académie, un mémoire sur les Phénomènes calorifiques qui résultent de l'extinction de la chaux vive. Il y expose quelques-unes de ses opinions partt- culières sur le calorique, et il y attaque forte- ment celle où l’on admet que la chaleur qui a lieu durant cette extinction serait due à la solidifica- tion d’une partie de l’eau employée à lextinction. Les autres Chimistes présens à la séance se sont élevés contre les assertions qu’ils venaient d'entendre. Histoire Naturelle. M. Boisgiraud a communiqué à lAcadémie quelques-unes de ses observations sur l’ééude de l’Entomologie , sur les agrémens et les avantages qu’elle nous procure, ainsi que sur ceux que lon peut encore en retirer. Il a rappelé, avec des détails curieux, Putilité dont plusieurs insectes sont pour nous, et les dégâts occasionnés par un grand nombre d’autres. « On a indiqué, dit-il, quelques moyens plus ou moins efficaces de dé- truire ou d’éloigner des hôtes si ingénieux dans l’art de nuire. On sentira que ces moyens réussiront HISTOIRE. 39 d'autant mieux qu’ils seront fondés sur une connais- sance plus approfondie des habitudes et des ruses de ces petites bêtes. Mon but n’est point de rap- peler et d'examiner ici les divers moyens proposés, mais d’en indiquer un nouveau qui sera fondé aussi sur la connaissance des mœurs et de l’instinct des insectes. Îl consiste tout simplement à employer les insectes eux-mêmes à dévorer ou, toutau moins, à éloigner ceux qui nous sont nuisibles. » M. Boisgiraud à exposé, à cet égard , des faits très-remarquables , et il a présenté des vues d’un haut intérêt. Mais 1l désire revoir et compléter ses observations ; nous ne pouvons ainsi rapporter celles dont la communication avait si agréablement captivé notre attention , et nous attendrons , avec impatience, que l'auteur ait terminé son important travail. Parmi les produits du règne minéral , objet des recherches du naturaliste, il y en a qui se sont formés par le rapprochement et le groupement des molécules similaires qui se trouvaient dans un terrain de nature différente, alors qu’il était encore mou où meuble. Ils'sont ainsi comme des corps isolés, sans point d’adhérence sensible avec la matière qui les enveloppe de toute part : c’est à eux que M. Dupuy affecte particulièrement le nom de Concrétions , dans sa Notice sur les Concrétions pierreuses , connues sous le nom de Priapolites et Hystérolites de Castres. Les concrétions sont généralement composées Concrétions en priapolites. M. Dupuy. 40 CLASSE DES SCIENCES. de couches concentriques. Leur forme, souvent fort irrégulière et quelquefois bizarre, est toujours arrondie même dans les parties les plus saïllantes; ce sont des rognons, des tubercules de mille figures différentes. Assez souvent ce sont des cylindres arrondis par les deux bouts ; et cette forme pré- sentant quelque ressemblance avec le membre viril, leur a fait donner le nom de Priapolites. Il s'en trouve une quantité considérable au mont Puytalos , coteau situé à un quart de lieue au nord-est de Castres, complanté de vignes, et dont une substance marneuse et sableuse compose la masse. ; M. Dupuy , qui les a étudiés sur les lieux, dit : « leur volume est d'environ un pouce à un pouce et demi de diamètre , plus ou moins, sur cinq ou six pouces de longueur et quelquefois davantage ; il y en a mème de très-petits. [ls sont arrondis aux deux bouts; quelques-uns , mais rarement, sont accompagnés de deux protubérances ovoïdes, dont la forme a quelque ressemblance avec les testicules. Enfin, quelquefois ces pierres sont réunies par deux , et forment, assez incomplétement , ce qu'on appelle un hystérolithe, pudendum muliebre. » Toutes ces concrétions sont formées de cou- ches parfaitement parallèles les unes aux autres, d'environ une ligne d’épaisseur , pour Pordinaire, de deux teintes différentes alternativement, les unes blanches, les autres d’une couleur plus ou moins obscure. Souvent, la partie centrale est occupée par un cylindre de spath calcaire demi- HISTOIRE. At transparent , de deux ou trois lignes de diamètre, composé de lames appliquées les unes aux autres, un peu obliquement à l’axe du prisme. Ces con- crétions ne sont jamais perforées à leurs extrémités, quoique la partie centrale soit quelquefois vide et offre un tube d’une ou deux lignes de diamètre , tapissée de petites cristallisations calcaires. » Une telle structure a bien des rapports avec celle des stalactites , quoique d’ailleurs le mode de for- mation soit différent ; M. Dupuy la remarqué. Ce n’est pas seulement aux envirous de Castres qu’il a étudié les priapolites : son cabinet d'histoire naturelle en renferme une grande quantité prove- nant de lieux très-différens , et qu’il fait connaître dans son mémoire. Il y indique aussi les différences dans la structure que ces concrétions présentent ; et des planches qui y sont jointes en montrent les détails. Quoique le carbonate de chaux soit la matière constituante de la plupart d’elles ; cepen- dant il s’en trouve qui sont entièrement siliceuses ; il y en a même de métalliques , et M. Dupuy en a présenté une à l’Académie qui n’est qu’un sulfure de fer, une pyrite radiée. Médecine. M. Lanrey , dans une Notice sur les Vers intestinaux de l’homme, s'élève contre l’opinion trop répandue , dans le vulgaire, que les vers sont la cause de la plupart des les des enfans , opi- nion par suite de laquelle on leur administre , sans discernement et avec profusion, des vermifuges trop Vers intestinaux. M. Larrex. 42 CLASSE DES SCIENCES. souvent cause de gastrites, de dyssenteries , etc. ; qui deviennent funestes. Non que M. Larrey ad- mette , comme Bloch, que les vers sont étrangers à toutes les maladies du corps humain ; mais il pense que, dans le plus grand nombre de cas, ces animaux nuisent fort peu à la santé. Il divise en trois groupes principaux ceux qu'on trouve dans le corps de homme; r.° les vers cylindriques , tels que les ascarides ( asca- rides vermicularis ) et les lombricoïdes (ascarides lumbricoïdes ); 2. les vers aplatis, tels que le tænia ou ver solitaire ; 3.° les hydatides, qui se trouvent toujours logés dans le tissu de certaines parties du corps, et qui ne vivent jamais librement dans le canal intestinal comme les deux premiers : ce sont principalement ceux-ci que la Médecine a à combattre dans les maladies dites vermineuses. Ces affections sont bien plus rares qu’on ne le croit communément : une des principales causes de cette erreur provient de ce que lon confond quelquefois les maladies qui précèdent et provo- quent même lapparition de ces animaux, avec celles qui sont réellement le résultat de leur présence. M. Larrey pense, avec Brera : 1.° qu'aucun ver n’est inné dans le corps de l’homme ; le germe vermineux sintroduit ou par la communication avec la mère, lorsque le fœtus est renfermé dans son sein , ou par l’alaitement, ou par les boissons et les alimens ; 2.° que les œufs ne se développent que dans les parties qui, abondant en mucosités, favorisent leur développement ; 5.° que ce dévelop- nt. CHOC. - me HISTOIRE. 43 pement n’a lieu que lorsque la machine est aflectée d’un état d’asthénie ( faiblesse ), sur-tout dans les parties où lés œufs ont été déposés ; 4° que les germes étant éclos, les vers naissent, croissent et se multiplient de la même manière que les êtres les plus parfaits; 5. que les vers d’une même espèce acquièrent dans le corps humain un accrois- sement plus considérable que dans les autres animaux ; 6.° enfin , que les vers étant étrangers au corps se © ,-Sy développent uniquement parce qu’il y a prédisposition à l’asthémie, ou qu’elle est déjà déclarée : tel est le cas d’une débilité dans le canal alimentaire, d’une surabondance de mu- cosités , etc. » Si l’on examine ces prétendues épidémies de fièvres ôu maladies vermineuses qui règnent dans certains lieux ou à certaines époques , on voit exister toutes les circonstances favorables au déve- loppement des vers, et ces animaux naître en abon- dance chez les sujets affectés de ces fièvres. Il faudrait prendre leffet pour la cause pour attribuer ces maladies aux vers; et la preuve que tout se passe ainsi, c’est qu’en faisant disparaître l’état datonie de lintestin , on fait disparaître avec elle les vers qu’elle entretenait. Aussi la principale indication préservative dans ce cas , consiste-t-elle à fortilier les sujets où ils se montrent ; les vermi- fuges seuls ne remédieraient pas à l’état intestinal et cesanimaux reparaitraient quelque temps après. » L'auteur cite ici quelques exemples du traitement qu'il à suivi avec succès sur divers sujets. 44 CLASSE DES SCIENCES. Après avoir prouvé que la débilité du système digestif pouvait provoquer l'apparition des vers, M. Larrey n’en dit pas moins que ces animaux, à leur tour, peuvent aussi aggraver et compliquer des maladies d’abord légères, et que quelquefois même ils donnent la mort. I rapporte divers exemples cités par les auteurs, d'individus dont les intestins ont été trouvés comme farcis de vers; dans d’autres, ces animaux avaient piqué et même perforé le canal intestinal, et même le foie, la vessie, etc. Il cite un exemple re- marquable, pris dans sa propre pratique, du mal qu'ils peuvent faire. « Un jeune enfant , ne se plaignant de rien, est couché et bientôtils’endort profondément. Quelques heures après, on le visite, et on le trouve dans la même position : le leademain de grand matin , il était mort. T/autopsie fut faite le soir même... En continuant nos recherches, nous trouvämes un gros ver lombricoïde, long de cinq pouces, engagé dans la glotte, et dont la moitié était encore dans le pharynx, et l’autre moitié dans la trachée-artère. Ce ver, qui était remonté de l’estomac et qui s'était engagé dans le conduit aérien, détermina chez cet enfant une asphyxie par privation d'air. Les viscères abdo- minaux noffraient rien de particulier, sinon quel- ques autres petits vers qui gisaient dans les deux premiers intestins grèles. » Hors ces accidens extrêmement rares, les vers paraissent peu redoutables. « La symptomatologie, telle qu’elle est étudiée de nos jours, fournit des HISTOIRE. 45 moyens à peu près certains de reconnaître, dès leur apparition, ces hôtes incommodes , avant qu'ils puissent occasionner des ravages aussi funestes ; lon n’attendrait pas aujourd’hui que les intestins fussent farcis de vers pour les expulser ; et la matière médicale fournit à la thérapeutique des substances assez efficaces pour triompher d’une diathèse qui tendrait à multiplier le développe- ment de ces animaux. » « Toutefois , je pense, dit M. Larrey, qu’on doit établir une différence entre les vers cylin- driques et les vers aplatis, relativement à leur nombre, à leur accroissement et aux phénomènes qu’ils suscitent dans l’économie animale. Le éænia , ou ver solitaire, par exemple , se trouve plus fréquemment chez les adultes que chez les enfans, tandis que les cylindriques sont plus communs chez ces derniers. Quant aux troubles que les uns et les autres déterminent dans le corps, /e éænia, par sa grande étendue et son aptitude à s’appro- prir les sucs nourriciers, réclame une médication bien autrement énergique que les vers de l’autre espèce : heureusement que la science est parvenue à l’attaquer et à le détruire, jusque dans les replis les plus tortueux des intestins. » En résumant le point principal de cette notice, je ne crains pas d'avancer que les vers intestinaux ne se trouvent que chez les sujets dont la consti- tution est éminemment lymphatique, chez ceux dont lélément muqueux dépend d'un état de délibilité provenant lui-même d’une nourriture M. Ducasse. M, Viray. 46 CLASSE DES SCIENCES. peu substantielle, de lusage des eaux impures , de l'habitation des lieux humides et marécageux ; que dès-lors ces animaux ne doivent être consi- dérés que comme des symptômes aux maladies principales , et qu'il ne peut exister des affections vermineuses essentielles. Envisagée sous ce point de vue , la présence des vers complique trop sou- vent, sans doute, les maladies qui favorisent leur ap- parition, maisilsne les provoquent presque jamais. » Voyez aux Mémoires une Notice de M. Du- CAssE , sur. le cadavre trouvé dans une des cha- pelles de l’ancien couvent des Augustins, aujour- d'hui le Musée. M. Virry a communiqué à l’Académie des Con- sidérations sur l'Enseignement populaire des Sciences industrielles, dans lesquelles il traite de l’enseignement du dessin. Il y développe les avantages d’une nouvelle méthode que MM. Ray- naud , Gaillard, Dorval et lui, ont introduite avec succès à l’École des Arts de notre ville. Le jugement à porter sur cette méthode, qui paraît effectivement d’un grand intérêt pour une telle École, appartient spécialement à la Société des Beaux-Arts. RL + MÉMOIRES. 47 Section Deuxième, — MÉMOIRES. MÉMOIRE SUR LA STATIQUE: Par M. Sr.-GUILHEM. Lre parie. Conditions d'équilibre des forces qui sollicitent un corps solide quelconque. ao que soient les forces appliquégs au corps solide que lon considère, si lPon prend arbitrairement dans ce corps trois points non situés en ligne droite, ilest évident qu’en rendant ces points fixes, le système donné sera en équi- libre; donc toutes les forces qui sollicitent le corps pourront être remplacées identiquement par - trois forces égales et contraires aux résistances qu'éprouvent les trois points supposés fixes. Admet- tons que cette substitution soit faite, et appelons, pour abréger le discours, Pun des trois points arbitrairement choisis le centre du corps. Si nous menons par ce point et par les deux Réduction forces appliquées aux deux autres points deux Re plans, ces deux plans se couperont suivant une droite qui passera par le premier point; donc 48 CLASSE DES SCIENCES. si nous rendons fixe le centre du corps, et un autre point de la droite d’intersection des deux plans, le système sera encore en équilibre; donc toutes les forces données prises ensemble sont équivalentes à deux forces égales et contraires aux résistances qu’éprouvent les deux points supposés fixes. Nous appellerons ces deux for- ces prises ensemble le couple résultant; celle qui est appliquée au centre du corps, la première force du couple; l’autre, la deuxième force du couple. Lesconditions Pour que les forces données se fassent équilibre, d'équilibre ÿ] faudra que les forces du couple se fassent se déduisent ay S Le x de deux équilibre, c’est-à-dire que ces dernières soient autrescasplus , : ' . = simples. égales et directement opposées ; ce qui exige, 1.0 que la deuxième force du couple résultant vente concourir au centre du corps; 2.° que les deux forces du couple soient égales et de directions opposées. Pour que la première condition soit remplie, il est nécessaire et il suffit que si par le centre du corps on mène trois axes rectangulaires, et que l’on considère successivement chacun de ces trois axes comme un axe fixe autour duquel le corps est assujetti à tourner d’un mouvement de rotation, le corps reste en équilibre autour de cet axe; en eflet, si le corps est en équilibre autour de lun de ces axes, la deuxième force du couple résultant vient nécessairement ren- contrer l’axe quelque part, ou lui est parallèle; cette condition devant avoir lieu par rapport aux MÉMOIRES. 49 trois axes, 1l faut nécessairement que cette force passe par le centre du corps. Pour que la deuxième condition soit remplie, la première l’étant, il est nécessaire et il suffit que si lon mène par le centre du corps trois axes rectangulaires, et que l’on considère suc- cessivement chacun de ces axes comme un axe fixe le long duquel le corps peut glisser libre- ment, le corps reste en équilibre le long de cet axe; en eflet, le corps étant en équilibre le long d’un de ces axes, les deux forces du couple résultant qu’on peut supposer actuellement appliquées au centre du corps , devront avoir une résultante perpendiculaire à laxe fixe. Cette con- dition devant être remplie pour chacun des axes, la résultante sera nécessairement nulle, ce qui exige évidemment qu’elles soient égales et opposées. La recherche des conditions d'équilibre d’un corps solide quelconque est donc ramenée à trouver les conditions d'équilibre d’un corps solide assu- jetti, 1.° à tourner d’un mouvement de révolution autour d’un axe fixe; 2.° à se mouvoir d’un mou- vement de translation le long d’un axe fixe. Posons à cet effet les deux définitions suivantes : Lorsqu'un corps est assujetti à tourner d’un mouvement de rotation autour d'un axe fixe, Veflort qu’il faut faire à l’unité de distance de cet axe et perpendiculairement à cet axe pour produire le même effet qu'une force donnée, nous Vappellerons l'effort angulaire ou de rotation de la force donnée autour de l’axe. TOME IV. PART, I, 4 Effort de rotation ou effort angulaire, Effort de translation. 5o CLASSE DES SCIENCES. Lorsqu'un corps est assujetti à se mouvoir d’un mouvement de translation le long d’un axe fixe, l'effort qu'il faut faire dans la direction du mouvement pour produire le même effet qu'une force donnée, nous l’appellerons l’eflort de trans- lation de la force suivant l'axe. Justifions ces deux définitions. L’effort de trans- lation d’une force suivant un axe, sera-t-il le même en quelque point du corps qu'il soit exercé? Pour faire voir qu'il en est ainsi, il suffit évidem- ment de montrer que deux forces égales et paral- lèles à l’axe de translation produisent le même effet; or, si l’on suppose les deux forces appliquées au point où un plan perpendiculaire à laxe vient rencontrer les directions des deux forces, il est visible que les deux forces produiront le même effet suivant une droite parallèle à ces deux forces, semblablement placée par rapport à elles; car on peut faire abstraction de tous les autres points du corps, et alors il n’y a pas de raison pour que leflet soit différent; donc, etc. L’eflort angulaire d’une force sera-t-il le mème en quelque point du corps qu'il soit exercé ? Pour faire voir qu'il en est ainsi, il suit évi- demment de montrer que deux forces égales perpendiculaires à l'axe et situées à la mème dis- tance de l'axe sont équivalentes, pourvu qu’elles tendent à faire tourner le corps dans le même sens; or, si l’on applique à la mème distance de laxe et dans le plan perpendiculaire à laxe qui contient lune des deux forces données, une MÉMOIRES. 5u force égale et parallèle à Pautre force, il est évident que cette troisième force sera équivalente aux deux autres, à celle qui est dans un même plan qu’elle, perpendiculaire à Paxe; car si on l'appliquait en sens contraire, elle Iui ferait évi- demment équilibre; elle est équivalente à Pautre, car le raisonnement que nous avons fait dans le cas des eflorts de translation est ici parfaitement applicable. Cela posé, pour qu'un corps soit en équilibre autour d’un axe de rotation, il faudra visible- ment que la somme des eflorts angulaires des forces données autour de cet axe soit nulle, en considérant les efforts qui tendent à faire tourner dans un sens comme positifs, ceux qui tendent à faire tourner en sens contraire comme négatifs. Pour qu'un corps soit en équilibre le long d’un axe fixe, il faudra que la somme des efforts de translation suivant cet axe soit nulle, en con- sidérant comme positifs ceux qui tendent à pousser le corps dans un sens convenu, comme négatifs ceux qui tendent à pousser le corps en sens contraire. Il suit de là que pour qu’un corps solide quel- conque soit en équilibre, il est nécessaire et il suffit que si par un point quelconque du corps on mène trois axes rectangulaires, 1.° la somme des eflorts angulaires des forces données soit nulle par rapport à chacun de ces trois axes; 2.0 la somme des efforts de translation des forces données soit nulle par rapport à chacun.de ces trois axes. 4. Équilibre d’un corps solide autour d’ur axe fixe. Équilibre d’un corps solide le long d’un axe fixe. Lois générales de l'équilibre. 53 CLASSE DES SCIENCES. Telles sont les lois générales de l'équilibre des corps solides, À la première des deux conditions énoncées correspondent les trois équations relatives à l'équilibre de rotation ; à la seconde correspon- dent les trois équations relatives à équilibre de translation. Moyen Nous sommes parvenus à ces lois directement de traduire AUS BATIR E . ces lois €t Sans aucun principe préliminaire; toutefois en nombres. bour les traduire en nombres, il faut savoir évaluer numériquement un efort de translation et un eflort de rotation, ce qui nous conduit à rechercher la loi suivant laquelle une force se décompose en plusieurs autres appliquées au même point. M. Duchayla a démontré d’une manière très-simple, que si deux forces sollicitent un point matériel, la résultante est représentée en grandeur et en direction par la diagonale du parallélogramme construit sur ces deux forces. Pour abréger, nous n’en reproduirons pas ici la démonstration. Mesute Au moyen de ce principe, on pourra aisément enr de décomposer une force en deux autres, lune perpendiculaire à un axe quelconque, l’autre parallèle à cet axe, et évaluer numériquement cette dernière qui sera l’eflort de translation de la force suivant l’axe. Mes Au moyen du même principe, il sera facile PA ne de vérifier que si deux forces sont situées dans un même plan qui renferme un point fixe; pour qu’elles soient équivalentes, il suffit qu’elles soient en raison inverse de leur distance au point fixe, MÉMOIRES. 53 et qu’elles tendent à tourner dans le même sens. D’après cela, si un corps est assujetti à tourner autour d’un axe, pour avoir numériquement l’effort angulaire d'une force autour de l'axe, on décom- posera cette force en deux, l’une perpendiculaire à l'axe, l’autre parallèle à cet axe; le produit de la première par sa distance à l'axe, sera visiblement la mesure de leffort angulaire de la force. Les équations d'équilibre s'expriment souvent d’une manière plus commode en nombres, en remarquant que chaque force peut être considérée comme la résultante de trois forces représentées par les trois arêtes contiguës d’un parallélipipède rectangle dont cette résultante serait la diagonale, et dont les côtés auraient trois directions rec- tangulaires quelconques: Alors la composante dune force parallele à un axe, est l'effort de translation de la force suivant cet axe. Le produit d’une composante par sa distance à l’un des deux axes auquel elle est perpendiculaire, est leffort angulaire de la force correspondante autour de cet axe. L'eflort angulaire de la même force, par rapport au troisième axe, est nul. IL.e parTiE. Détermination des deux forces du couple résultant. St l’on applique au corps solide donné en sens contraires de leurs directions , les deux forces du couple résultant, ces deux forces devant faire équilibre aux forces données , il est évident que Autre manière d'exprimer les équations relatives à l’équilibre, Parallélo- ramme É axes principaux des forces. 54 CLASSE DES SCIENCES. les conditions d'équilibre suMisent pour déterminer ces deux forces. Toutefois, ces conditions ne déterminent pas immédiatement leur grandeur et leur direction autant qu'il est possible de le faire ; c’est ce dont nous allons nous occuper dans cette seconde partie. Posons quelques définitions. Nous nommerons le plan qui passe par un point fixe et par une force, le plan principal de la force ; la perpendiculaire à ce plan menée par le point fixe, l'axe principal de la force. Cet axe aura une grandeur et une direction déterminées : sa grandeur sera l’effet de la force autour du point fixe (1) ou Peffort de rotation de la force autour de cet axe supposé fixe. Sa direction sera telle, qu'un specta- teur qui aurait les pieds sur le plan principal et le dos appuyé contre l'axe, verrait la force dirigée dans un sens déterminé autour de lui. Nous appellerons la résultante de plusieurs forces transportées parallèlement à elles-mêmes en un point du corps, leflort principal de ces forces en ce point. Posons encore les deux principes suivans : 1.7 Principe. La résultante de deux forces quelconques qui agissent autour d’un point fixe, a pour axe principal la diagonale du parallèlo- (1) L'effet d’une force est déterminé par ces deux condi- tions : 1.° deux forces produisent le même effet lorsqu'elles peuvent être équilibrées par une même force ; 2.° une force double, triple, etc., produit un effet double, triple, ete, De là, la notion précise de l'effet statique d’une force. MÉMOIRES. 55 gramme construit sur les axes principaux des deux forces données. En effet, ces deux forces pourront étre remplacées par deux forces, appliquées en un même point, à l'unité de distance du point fixe et suivant des droites perpendiculaires à l'intersection des deux plans principaux. Celles-ci seront numériquement égales aux effets des forces données autour du point fixe ; il est alors manifeste que l’axe princi- pal de la résultante est la diagonale du parallelo- gramme, construitsur les axes principaux des forces données. 2.me Principe. Toutes les fois que l’on remplace deux forces qui agissent autour d’un point fixe par leur résultante , il naît au point fixe une pression telle que effort principal de cette pres- sion et de la résultante des forces données, coïncide en grandeur et en direction avec l’eflort principal des forces données au même point. En ellet, si la résultante n’est pas parallèle à lintersection des plans principaux , elle pourra être considérée comme étant appliquée au point À, où elle rencontre cette ligne. Chacune des deux forces données pourra être décomposée en deux autres, lune dirigée vers le point À et appliquée en ce point, l’autre dirigée vers le point fixe. La résultante des deux forces données ne sera alors autre chose que la résultante des deux compo- santes actuellement appliquées au point A; donc, la proposition est vraie dans ce cas. Si la résultante est parallèle à Pintersection des plans principaux , Relation qui existe entre la résultante de deux forces qui agissent autour d’un point fixe, et la pression que cette résultante fait naître au point fixe, Composition générale des forces. 56 CLASSE DES SCIENCES. on pourra toujours la décomposer en deux , l'une non parallèle à cette droite, l'autre dirigée vers le point fixe, et l’on sera rentré dans le premier cas. Cela posé, choisissons arbitrairement un point du corps, et imaginons que ce point devienne fixe ; il est clair qu'en composant successivement les forces données deux à deux, on réduira toutes ces forces à une seule qui aura pour axe principal la résultante des axes principaux, composés succes- sirement deux à deux à la manière des forces. De ces compositions successives, il naïtra au point fixe des pressions telles que l'effort prin- cipal de ces pressions et de la résultante des forces données coïncidera en grandeur et en direc- tion avec leffort principal des forces données au mème point :0r, si l'on applique au point supposé fixe une force équivalente aux diverses pressions que les compositions successives des forces données ont fait naître en ce point , il est évident qu’on pourra rendre au point fixe sa Liberté sans que l'effet des forces données sur le corps supposé libre soit changé. Ainsi, comme nous l’avions déjà démontré , le système proposé peut toujours se réduire à deux forces, dont l’une est appliquée en un point arbitraire du corps. Le mode de composition que nous venons de donner est susceptible de quelques modifications qui rendent le calcul des deux forces du couple résultant plus facile : imaginons chaque force décomposée en trois autres, suivant trois axes coordonnés rectangulaires , menés par le point fixe; MÉMOIRES. 37 la composante, parallèle à lun des axes, sera égale à la projection de la force décomposée sur cet axe; donc, si l’on transporte toutes ces com- posantes parallèlement à elles-mêmes à l'origine, la résultante de ces forces, suivant chaque axe, sera égale à la somme des projections des forces données sur cet axe, en regardant comme positives celles qui sont dirigées dans un sens convenu , et comme négatives celles qui sont dirigées en sens contraire. La résultante de ces trois résultantes partielles dirigées suivant les trois axes , sera l'effort principal du système. Imaginons de même chaque axe principal décom- posé en trois autres, suivant les trois axes coor- donnés, la résultante des axes principaux, dirigés suivant un même axe, sera égale à leur somme en regardant comme positifs ceux qui sont dirigés dans un sens, comme négatifs ceux qui sont dirigés en sens contraire. La résultante de ces trois résultantes partielles, dirigées suivant les trois axes, sera l'axe principal de la résultante du système. L'évaluation des composantes de chaque axe principal, suivant les trois axes, se fait d’une manière très-simple; en effet, ces composantes peuvent être considérées comme étant les axes principaux de certaines forces situées dans les plans coordonnés; or , l'effet de l’une de ces forces autour de Paxe perpendiculaire à son plan principal, n’est autre que l'effet de la force donnée d'où elle pro- vient autour du même axe. car les effets des deux autres forces autour du mème axe sont nuls d’eux- Détermina- tion de l’origine, de manière que l’axe principal du système satisfasse à une condition donnée, 58 CLASSE DES SCIENCES. mêmes. Si donc, comme nous lavons déjà fait, nous décomposons chacune des forces données en trois autres parallèles aux trois axes coordonnés , il sera facile de calculer la grandeur et la direc- tion de l'axe principal de la résultante ou de la seconde force du couple. La seconde force du couple étant déterminée , la première s'ensuit , car effort principal de ces deux forces coincide en grandeur et en direction avec leflort principal des forces données. : Si , au lieu de prendre Porigine arbitrairement, on se propose de la déterminer de manière que l'axe principal du système satisfasse à une condition donnée , on cherchera comment varie Paxe prinei- pal du système, en passant de l’ancienne origine à la nouvelle. Pour cela, menons par la nouvelle origine trois axes rectangulaires parallèles aux anciens ; supposons que les forces données produi- sent des effets positifs ou négatifs autour des anciens axes ou des nouveaux , suivant que les projections des axes principaux de ces forces sur ces axes, sont positives ou négatives. Il est aisé de voir alors que leffet d’une force quelconque autour de l’un des anciens axes est égal à l’eflet de la même force autour du nouvel axe parallèle, plus l'effet de cette même force transportée paral- lélement à elle-même à la nouvelle origine autour de l’ancien axe. Donc , en désignant par R la résul- tante des forces données transportées parallèlement à elles-mêmes à la nouvelle origine , la somme des eflets des forces données autour de l’ancien axe MÉMOIRES. 59 est égale à la somme des effets autour du nouvel axe, plus Peffet de la force R autour de Pancien axe. Il suit de là que, si origine se meut sur une parallèle à la résultante R, l'axe principal du système ne changera pas. Si l'origine s'éloigne de la parallèle à la résultante R, il arrivera qu’en menant par l’ancienne origine trois droites qui représentent en grandeur et en direction , la pre- mière l'axe principal du système par rapport à Vancienne origine, la deuxième l'axe principal du système par rapport à la nouvelle origine, la troisième laxe principal de la force R par rapport à l’ancienne origine, il arrivera , dis-je, que la première droite sera la diagonale du paral- lélogramme construit sur les deux autres. Toutes les fois que ce parallélogramme pourra être cons- truit , la question proposée ne présentera pas de difficulté , car il suffira de mener par Pancienne origine un plan perpendiculaire à la troisième droite, de prendre dans ce plan une force égale et parallèle à la force R, et telle que l'axe prinei- pal de cette force coïncide avec la troisième droite. Tous les points de la droite, suivant laquelle cette force agira, satisferont à la question. La construction du parallélogramme dont il s’agit, donne lieu aux remarques suivantes : 1.0 Si l’on transporte tous les axes principaux relatifs aux divers points du corps, parallèlement à eux-mêmes , en un même point de l’espace , les extrémités seront dans un plan perpendiculaire à la résultante KR; car lextrémité de la deuxième Relation qui existe entre les axes principaux, relatifs aux divers Joints de l'espace, Go CLASSE DES SCIENCES. droite du parallélogramme se trouve sur une parallèle à la troisième droite , menée par lextré- mité de la première; et la troisième droite est nécessairement dans un plan perpendiculaire à la résultante R. Détermina- 2.9 Parmi tous ces axes, il n’y en a qu’un seul alaxe Qui ait une direction déterminée d'avance. Pour principal trouver sa position dans l’espace , il suit d'obtenir ui a une : d … + direction la direction de la troisième droite; or , elle se trouve ne nedlé plan des deux autres et dans un plan perpendiculaire à la résultante R, menée par l’ancienne origine. Relation 3.0 Les axes principaux d’égale grandeur étant qui existe 4 x 4 A entre les axes transportés parallèlement à eux-mêmes, en un aa même point de l’espace , forment une surface coni- grandeur. que droite à base circulaire; car ils partent d’un même point et aboutissent à un même plan. Axe 4.° L'axe principal minimum est parallèle à la invariable ét Len RR * ! +. FE résultante R ; car tous les axes principaux relatifs M. Poinsot, aux divers points du corps étant transportés paral- lélement à eux-mêmes, en un même point de l'espace , ont leurs extrémités dans un plan per- pendiculaire à la résultante R. Connaissant la direction de l'axe principal mini- mum , il sera facile, d’après ce que nous avons dit dans la deuxième remarque, de trouver sa position dans lespace. Cet axe est celui que M. Poinsot a nommé l’axe invariable. MÉMOIRES. Gz NOTICE SUR LE CADAVRE TROUVÉ DANS UNE DES CHAPELLES DE L'ANCIEN COUVENT DES AUGUSTINS ; Par M. DUCASSE. Dis linvitation qui me fut adressée par M. Maire de Toulouse, le 8 janvier 1834, je me transportai, le même jour, à deux heures de relevée, dans le local du Musée, à l'effet d'y procéder à la visite d’un cadavre trouvé renfermé dans une bière en bois de sapin, et enterré dans une des chapelles de l’ancien Couvent des Au- gustins. Arrivé sur les lieux, je fis aussitôt recreuser la fosse, pour bien découvrir la bière et pour retirer sans le briser le cadavre qu’elle contenait. Ce cadavre avait déjà subi la veille une semblable opération ; C’était celui d’une femme. Sa hauteur était environ de quatre pieds sept pouces. Le pied droit manquait en entier. Il avait été tout à fait désarticulé des os de la jambe par linstrument dont les ouvriers s'étaient servis pour creuser la terre, et 11 me fut absolument impossible d’en retrouver les différentes pièces. On m'a assuré quun ouvrier s’en était emparé. a 02 CLASSE DES SCIENCES. Le corps était dans un état de complète des- siccation. On retrouvait encore les linges qui couvraient la tête, et sur-tout une grande partie du bandeau destiné à les assujettir. Ce genre de coiffure est encore employé dans certains Couvens et parmi la classe du peuple. Le linceul qui enveloppait le corps, détruit en totalité à sa partie postérieure, offrait encore quelques restes assez bien conservés. J’ai pu en défiler, sans les rompre, quelques fragmens ; on avait déjà, la veille, retiré de la main droite un anneau de cuivre. J’en observai encore deux au doigt annulaire de la main gauche; lun d'eux était orné d’une pierre bleue. Tous les trois sont au pouvoir de M. le Maire. Toutes les cavités qui renfermaient les boyaux et les viscères étaient dans un état de vacuité complète. Le crâne, Les orbites, le thorax, Pab- domen , ne contenaient que des débris pulvérulens et sans aucune trace d'organisation. La peau manquait à la partie supérieure et postérieure du crane, dont les os noiratres étaient à découvert. Quelques lambeaux existaient sur les parties latérales, recouverts de quelques cheveux d’un roux ardent, dont plusieurs avaient déjà blan- chi. Les cartilages du nez s'étaient desséchés ainsi que la peau susjacente et lui conservaient une forme agréable. Les lèvres étaient réduites à un état de complète dessiccation, et recouvraient deux rangées de dents parfaitement conservées. Ces dents étaient de la nature de celles qu’on appelle MÉMOIRES. 63 courtes, et implantées dans les alvéoles dépourvues de gencives. L’impossibilité d’éloigner une mà- choire de l’autre, sans crainte de briser les arti- culations correspondantes, m’a empêché de voir sil y avait quelque moignon de langue. Le cou, privé de toutes ses parties molles, était, comme dans un vrai squelette, réduit aux ver- tébres qui en forment la partie postérieure, et aux substances fibreuses intervertébrales. La poitrine était dans la même disposition. Les côtes noires, quelques fibres intercostales desséchées ; le tout recouvert par un fort lambeau de peau dure , noire, tannée, relevée en double bosse aux régions des mamelles, et laissant encore visiblement la trace des deux bouts qui les sur- montent naturellement. . Cette peau se continuait à la partie inférieure avec celle qui recouvrait la cavité de l'abdomen dans toute son étendue. Elle offrait les mêmes caracteres que la première, et présentait à sa partie moyenne les traces d’une cicatrice formée par lombilic. Vers la région pubienne, on y distinguait facilement quelques poils d’une couleur encore plus ardente que les cheveux dont il a été parlé. La se bornent les dimensions de organe cu- tané. La partie postérieure du tronc, les bras, les jambes et les dépendances, en étaient abso- lument privés. On n’apercevait sur les os des extrémités thoraciques et abdominales, que quel- ques tendons desséchés et noirâtres : quelques 64 CLASSE DES SCIENCES. substances fibreuses réduites également à un état complet de dessiccation , ce qui rendait le cadavre très-léger. Quant aux autres tissus, il n’y en avait plus aucun vestige. Le temps avait tout détruit. La fibre musculaire m’avait pas également échappé à ses ravages. Dans les endroits où elle est le plus abondante, comme les régions fémorale et fessière, la main ne trouvait qu'une masse inor- ganique d’une couleur brune foncée, et qu’on peut comparer à des éponges violemment calcinées par la chaleur, et réduites presqu'à l’état demi-pul- vérulent. L’odeur fortement ammoniacale qui s’en exhalait pendant leur ignition, faisait seulement reconnaitre leur organisation animale. Tel est le résultat de l’examen que Académie na chargé de lui faire connaître. Cet état de momification wa rien qui doive surprendre dans l'état actuel de la science. On sait que ce phé- nomène sest souvent opéré dans les endroits destinés aux sépultures, et qui contiennent des terres fortement imprégnées de salpètre. Année 1835. Section Première, HISTOIRE, SUJETS DE PRIX. L'Acanine avait proposé pour sujet de prix à donner en 1835 : Déterminer leffèt mécanique d’une roue horizontale à palettes courbes, mue par un courant d’eau dont la dépense et la chute sont connues. Cet effèt doit être exprimé par une Jormule basée sur des expériences , et d’une ap- plication facile à la pratique. — On déduira de la formule, ou directement des expériences , la forme et la disposition les plus avantageuses qu’il convient de donner à cette espèce de roue. Aucun Mémoire n’ayant été envoyé sur cette question , elle a été retirée du concours. Toute- fois on rappelle que si, par la suite, il était en- voyé un Mémoire sur ce sujet, comme sur tout autre proposé par l’Académie, et qu'il la satisfit complètement , conformément aux anciens usa- ges, Il serait donné à son auteur un prix extraor- dinaire. TOME IV, PART. 1, 5 66 CLASSE DES SCIENCES. Pour 1837, le prix ordinaire sera décerné à l'auteur du Mémoire qui fournira les renseigne- ments les plus utiles ou la théorie la plus satis- faisante relativement au halage des bateaux sur des canaux et sur Les rivières. Pour 1839, l’Académie reproduit la question dont l’énoncé suit : En admettant les progrès ap- portés par l'anatomie pathologique dans l'étude et la guérison des maladies en général , dêter- miner les avantages que les Médecins peuvent en retirer dans le diagnostic, le pronostic et le traitement des affections proprement appelées NERVEUSES. Le prix, pour chacun des sujets ci-dessus ; sera de cing cents francs. HISTOIRE. 67 ANALYSE DES TRAVAUX DE LA CLASSE DES SCIENCES. ANNÉE 1855. Mathématiques pures. M. Sunvr-Guneu a communiqué à l'Académie Plans une note relative à la détermination des Plans PgiPaur principaux d’une surface du second degré rap- surfaces : À A du second portée à trois axes quelconques, dont l'extrait suit: degré. M. Soit : ST-GuiLHEM. ()$ (x, 7,2)+o(x, y,z Eu - Véquation de la surface dont il s’agit; o désignant la somme des termes du 2.° degré; © celle des termes du 1.” degré; T le terme constant. Menons par un point arbitraire (x, y, %), une droite dont l'unité de longueur, projetée sur les axes des x, des y, des z, parallèlement aux plans des y, zX, XY, ait pour projections sur ces axes les trois quantités 4, b, c. Cette droite sera représentée par les trois équations ()æz=xw+ar, y=Yyo+4067,1:=2%+0cr r étant la distance du point (x,, y, Z,) au point (x; 7; 7) Si lon met pour Z, 75 2 ces valeurs dans Péquation (1), celle-ci pourra s’écrire sous D. 68 CLASSE DES SCIENCES. la forme Pr°+Qr+R—o. Pour avoir l'équation d’un plan diamétral qui divise en deux parties éga- les toutes les cordes parallèles à la droite (2), il suffira évidemment de poser Q—o, ou bien, en désignant, comme Lagrange, par ®’ (a), ® (b), + (c) les dérivées de æ (a, b,c)par rapport à 4, b,C: (3) $'(a)xo + (2) yo + (c) +9 (a, b,c)— 0. Pour que ce plan soit un plan principal, il faut qu’en décrivant de origine des coordonnées comme centre avec un rayon éoal à l'unité une sphère, le plan diamétral de cette sphère, conjugué “aux cordes parallèles à la droite (2), soit parallèle à ce plan. Désignons par #, &, 7, les angles que les axes des y, des z et des x font respectivement avec les axes des z, des x et des y, l'équation de la sphère sera : A EM 2 KZCOS4#22%0C058-+2%7 COS y— 1; L ou, pour abréger, Y (x, y, z)=1. L’équation du plan diamétral qui divise en deux parties égales les cordes de cette surface parallèle à la droite (2) sera évidemment : (5) #' (a) ro + Y' (6) Fo + W(c)r= a. Pour que ce plan soit parallèle au plan (5), 1l faut que lon ait : 6) g'(a) _® (6) _®'(c) CO rQ FE) FO Désignons par L, M, N, P, Q, R les coefh- cients de x”, y”, 2°, Yz, 2x, xy de la fonc- HISTOIRE. 69 tion d (x, Y; 2)—XW(X, y, z), en ayant soin de réduire les trois derniers à la moitié de leur valeur; les équations (6) pourront se mettre sous la forme suivante : ( La+Ré+Qc—o Ra+Mé+Pc—o ( Qa+P&+Nc—0o. Si l’on désigne encore par D,, D,, D, les trois binômes PR—MQ,QR— PL,ML—R, les équations (7) pourront se transformer ainsi qu'il suit : ®-5-= (7) b 4] € I 2 D; el y (DD D:) (9 QD,+PD,+ND;—0. Cette dernière équation fera connaître les va- leurs de À, qui correspondent aux divers plans principaux. Les équations (8)et (3) détermineront la direction et la position de chacun de ces plans. 24 dE % Remarquons que l'équation (0) est du 3.° degré par rapport à à, et que le coeflicient de X étant égal, au signe près, à l'expression 1 — COS ? &— COS ? B— COS ? y —- 2 COS & COS B COS y laquelle représente le carré du volume d’un pa- rallélipipède, dont trois arêtes contiguës coïncident avec les axes, et sont toutes trois égales à l’unité (voyez Géométrie de Legendre, pag. 300), ne peut jamais être nul. Donc l'équation (9) a nécessaire ment une racine réelle ; donc il existe toujours un plan principal. IL est facile de prouver qu'il en: 70 CLASSE DES SCIENCES. existe toujours trois perpendiculaires entr'eux ; en eflet, rapportons la surface, sans déplacer Pori- gine, à trois axes rectangulaires ox", 07, 02’, tels que l’axe 0 z/ soit perpendiculaire au plan principal dont nous avons reconnu l’existence, on aura par rapport à la nouvelle équation de la re Ep; Q=0; par conséquent les équations (7) seront satisfaites en posant LM—R°=— 0, etc = o. Ces équations donnent deux plans principaux parallèles à l'axe des z/ ; donc on peut toujours prendre l’axe des x’ de manière que R= 0. Alors les trois plans coordonnés sont parallèles à trois plans principaux; donc il existe toujours trois plans principaux per- pendiculaires entr'eux. Pour déterminer les autres plans principaux de la surface, dans le cas où il en existe, rapportons la surface, comme tout à l’heure, à trois axes perpendiculaires entr’eux et à trois plans princi- paux, les équations (7) montrent que l'équation de la surface sera nécessairement de la forme : (10)A'x2+B'y2+4C'2+Gax+'y+K'z+T—=o pour obtenir les six coefficients A’, B', C', G’, W, K', observons que si l’on désigne par @, b, c Le projections de l'unité de longueur du nouvel axe des x sur les axes primitifs, nés formules de la transformation des coordonnées seront, en ne conservant que le terme en x’ a=ax +..y=br +... 2=0cx +4... De là il suit que le coefficient de x'* ou de x? dans la nouvelle équation de la surface, sera déterminé HISTOIRE. 71 par l'équation A'=+æ(a, b, c); mais d’après les formules (6) on a ad'(a) +09 (2)+ cs (c) _ Da, b,c), Aa) +6 VU) Her (de 1 ? Donc A’ n’est autre chose que la valeur de x, qui correspond à l’axe des x’ , et qui a servi à calculer les valeurs de a, b, c relatives à cet axe. On ferait voir de même que B'et C sont les valeurs de à re- latives aux axes des y’ et des z'; donc A’, B’, C' sont les trois racines de l'équation (9). Les formules de la transformation des coordonnées font voir pa- réillement que G’, H', K' ne sont autre chose que les valeurs de @ (x, y, z) lorsqu'on remplace æ, Y Z par les trois systèmes de valeurs de a, b, € correspondants aux axes des x’, des y’ et des z’. On peut conclure de là que les racines de l’é- quation (9) sont toujours réelles, ce qu'il serait aisé de prouver directement (*) ; que si les racines de l'équation (9) sont toutes inégales, il n’existe que trois plans principaux parallèles aux trois plans coordonnés ; Que si deux d’entr’elles seulement sont égales, il y a une infinité de plans principaux perpendicu- laires à un même plan principal ; Que si toutes trois sont égales, il existe des plans principaux dans toutes les directions. (*) En effet, si on appelle à, , À, , les racines toujours réelles de l'équation LM-—R?— 0, À, étant < à, , en faisant succes- sivement dans l'équation (9) a=—,A1=2x,21=A,; A— ®, On aura {rois variations de signes ; donc, etc. 72 CLASSE DES SCIENCES. On peut aussi se servir des formules trouvées précédemment pour déterminer la forme et la po- sition de la surface représentée par l'équation (1). En effet, 1.° si aucune des racines de l’équation (9) n’est égale à zéro, posons : D a pag Bo gi l'équation (10) pourra se mettre sous la forme : G'\2 H' \2 K' \2 (+2x) (+35) Ç+30) DAS AU MAS EPP D'où lon voit que si À,, B,, C, sont positifs , la surface sera un ellipsoïde ; si deux seulement de ces quantités sont positives , Ce sera un hyperbo- loïde à une nappe; si une seule est positive , ce sera un hyperboloïde à deux nappes. Dans les trois cas, le centre de la surface sera au point dont les / ! ! coordonnées sont — _ J— _ , _— , et les demi-axes principaux seront les racines carrées des valeurs numériques des quantités À, , B,, GC. 2.2 Si une des racines de l'équation (9) est égale à zéro ; par exemple, si A’ —0, on pourra toujours poser : / H> K'° G G T = = SLA NE +1 LES —— Nour . Cr Lars st), PÉTER alors Péquation (ro) pourra se mettre sous la forme 6 W ’ K' \: +37) (+3) mL KES). NÉE 2p 2q LÉ : HISTOIRE. 73 D'où l'on voit que si p et q , ou, ce qui revient au même, si les deux valeurs de X qui ne sont pas nulles sont de même signe, la surface sera un pa- raboloïde elliptique ; Si ces deux valeurs de À sont de signes con- traires, la surface sera un paraboloïde hyperbo- lique ; Dans les deux cas, les coordonnées du sommet LA G ! V de la surface seront — _— es _. paramètres principaux seront les valeurs numéri- ques de 2p et 2q. Remarquons toutefois que si l’on avait G' = 0 en même temps que À’—0o, la surface ne serait plus un paraboloïde, mais un cylindre droit à base elliptique ou hyperbolique, ou deux plans. 3.° Si deux des racines de l'équation (9) sont égales à o , la surface sera un cylindre droit à base parabolique dont il sera facile de déterminer les éléments, ou bien deux plans parallèles. 4 Si les trois racines de l'équation (9) sont égales à o, la surface sera un plan , ou deux plans parallèles qui coincident. setzles Application au cas particulier où l'équation (1) représente un ellipsoïde rapporté à trois diamètres conjugués ; relations qui en résultent. or de la surface donnée sera de la forme x? Z2 Hipto— Si on substitue dans l'équation (9) pour L, M, 74 CLASSE DES SCIENCES. N,P,Q,R leurs valeurs actuelles, et pour à la quantité —, il est clair, d’après ce que nous avons dit, que les valeurs de £ représenteront les carrés des trois demi-axes principaux de la surface ; or, on trouve après cette substitution : 43—$S,1: HS,.1—S;—0o où l’on a fait, pour abréger, = A+ BC, 5, BC? sin °#--C?A° sin78+-A2 B’sinty S,— A2B: C?(1— cos? «— cos? 8— cos? y+ 205 4c05 8 c05 y) De là on déduit immédiatement que, quel que soit le système de diamètres conjugués que l’on considere , 1.0 La somme des carrés des trois demi-diamè- tres conjugués est constante ; 2.0 La somme des carrés des parallélogrammes construits sur les trois demi-diamètres conjugués considérés deux à deux est constante ; 3.0 Le carré du volume ou simplement le vo- fume du parallélipipède construit sur les trois demi-diamètres conjugués est constant. Application au cas particulier où l'équation (1) représente un paraboloïde elliptique rapporté à un de ses diamètres et à deux tangentes conjuguées ; relations nouvelles qui en résultent. j L’équation de la surface donnée sera de la forme y? 22 2pP 24 Si on substitue dans l'équation (9) pour L, M, HISTOIRE. 75 N,P,Q, R les quantités qu'elles représentent actuellement, et pour à la quantité —. il est clair, d’après ce que nous avons dit, que les valeurs de { seront les paramètres principaux de la surface ; or, on trouve après cette substitution : #—S,t+S,—=0o, où l’on a fait, pour abréger, S, = 2p sin° #+- 2qsin°? 8 S, = 4 p q(1— cos? — cos? 8— cos? y +2 cos « COS 8co0s y). De là on déduit que, quel que soit le diamètre et les tangentes conjuguées auxquels la surface soit rapportée; si lon prend sur le diamètre, à partir de l’origine, une longueur égale à l'unité, et sur chacune des tangentes une longueur égale à la racine carrée du paramètre relatif à cette tan- gente, 1.0 La somme des carrés des parallélogram- mes qui ont pour un de leurs côtés la longueur prise sur le diamètre, et pour l’autre côté la longueur prise sur chacune des tangentes, est constante ; 2.9 Le carré du volume, ou simplement le vo- lume du parallélipipède construit sur les longueurs qu'on a prises sur le diamètre et sur les tangentes, est constant. Pour le paraboloide hyperbolique, au lieu de la somme des carrés des parallélogrammes que nous avons considérés, nous aurions la diflérence de ces parallélogrammes. Jauge des eaux de la Garonne, M. BonreL. 76 CLASSE DES SCIENCES. Remarque. On aurait pu déduire facilement ces relations de celles qui existent entre deux systèmes de diamètres conjugués d’un ellipsoïde ; il aurait sufhi, en représentant par À, B,C; À, B,C, deux systèmes de demi-diamètres conjugués , de faire croître ces six quantités indéfiniment ; mais de manière que lon eüt toujours B: s. B'° C'eb ra D 2 LS in 7 Un À A et que -eût pour limite Punité; on aurait eu exactement les théorèmes énoncés précédemment. Ces théorèmes navaient pas encore été remar- qués, du moins que je sache. La dernière démons- tration est bien simple , mais ce n’est qu’une induction ; il était bon d’en donner une démons- tration directe. Mathématiques appliquées. Dans la première partie de son Mémoire, M. Borrez fait connaître avec détail toutes les précautions qu'il a prises et toutes les circonstances de son opération (voyez-en le procès-verbal à la fin de cette Notice }. Il fait ressortir les particula- rités que présentait la passe de Planet, et le parti qu'il tira de la succession bien tranchée de deux pentes très-différentes. Il se servit pour flotteurs de débris de pieux, pourris dans Veau, dont la pesanteur spécifique était telle qu’ils étaient recouverts légèrement par HISTOIRE. 77 le fluide, et n’exposaient aucune de leurs parties à la résistance de Pair. Des repères furent placés le long de la passe pour constater les variations du niveau de Peau pendant lopération. La chute de la rivière, pour chaque partie de la passe, fut constatée avec le plus grand soin à Vaide du niveau à bulle d’air. Tous les nivellements généraux et ie en travers de la Garonne, “dan Parrondissement de M. Borrel, se trouvant rapportés à l'échelle tracée sur les musoirs de lécluse de lEm- bouchure du canal du Midi, il était important de déterminer, sur ce garonomètre, la hauteur d'eau qui correspondait au jaugeage des 3 et 4 octobre. Une circonstance bien favorable en fournit le moyen. Le 2 octobre, l'échelle de l’'Embouchure mar- quait 0,79, et les eaux de la Garonne étaient lim- pides. Le 3 octobre, lorsque M. Borrel passa à lP'Embouchure pour se rendre à Planet, les eaux venaient de se troubler, leur niveau commençait à s'élever, l'échelle marquait 0,87, et le lendemain, 4 octobre; elle marquait 0,85. - Arrivé à Planet, à 21,000 mètres de l’'Embou- chure, M. Borrel trouva les eaux limpides : ce ne fut que le 4 octobre, vers une heure de l'après - midi, que les troubles arrivèrent, et que le niveau s’'éleva dans la passe de Planet : opération était terminée. 78 CLASSE DES SCIENCES. Le jaugeage correspond donc à la cote 0,79; du 2 octobre , au garonomètre de lPEmbou- chure. La même circonstance servit à constater la va- riation correspondante du niveau de Peau à l'Em- bouchure et à la passe de Planet. Le commencement des eaux troubles produisit d’abord , à l'Embouchure, une élévation de niveau de 2 centimètres ; à Planet , l'élévation du niveau fut de 3 centimètres. On peut admettre que, dans des limites très- rapprochées du niveau du 2 octobre, les varia- tions dans les hauteurs de niveau , à l'Embouchure et à Planet, sont constamment dans ce rapport de D a Ce fait adopté, il est facile de calculer le vo- lume d’eau roulé par la Garonne au plus bas étiage observé jusqu'à ce jour, celui du 19 septembre 1832, pendant lequel le garonomètre de PEmbou- chure ne marqua que 0,76. Le 2 octobre, il marquait 0,79. L’abaissement de 0,03 à l'Embouchure, correspond äsun abais- sement de 0,045 à la passe de Planet. Cet abaisse- ment, multiplié par la moyenne 30,58 des lar- geurs des cinq profils de la passe, mesurée à la surface, donne 1,38 mètres carrés pour la sec- tion moyenne à déduire de Paire moyenne des profils. Multipliant 1,38 par 1,52, moyenne des six vitesses obtenues (voir le procès-verbal), on trouve 2,10 mètres cubes à déduire du volume d’eau HISTOIRE. 79 37,88 roulé par la Garonne , à Planet , les 3 et 4 octobre. De telle sorte que le volume d’eau roulé par la Garonne, au plus bas étiage observé jusqu’à ce jour, est de 35,78 mètres cubes. M. Berdoulat, Ingénieur des Ponts et Chaus- sées, avait trouvé un volume de 60 à 70 mètres cubes dans le jaugeage fait le 10 décembre 1828, au moment où le garonomètre de l'Embouchure marquait 0,92, étiage bien bas aussi, mais de beaucoup supérieur à celui du 19 septembre 1832. M. Borrel discute ensuite les résultats fournis par lobservation directe de la vitesse à la surface, et par le calcul de la vitesse moyenne, à l’aide de la pente et du rayon moyen; il remarque que les premiers sont inférieurs aux: seconds, et, après s'être assuré que la cause de cette infériorité n’est due ni à l'influence du vent , ni aux circonstances particulières de l'observation, il attribue cette dif- férence à la formule de M. de Prony, qui donne la vitesse moyenne en fonction de la vitesse à la surface , et qui, dans son opinion, fournit, dans certains cas, des résultats trop faibles. Passant à la détermination de la vitesse de Peau dans la seconde partie de la passe, dont la pente est beaucoup plus faible que dans la première par- tie, il admet que la vitesse moyenne d’une section fluide qui parcourrait successivement toute la lon- gueur de la seconde partie de la passe, est égale à la vitesse d’un point matériel qui se mouvrait 80 _ CLASSE DES SCIENCES. sur le plan incliné de cette partie de la passe, en vertu de la pesanteur et en restant soumis à Pac- tion des résistances que l'adhésion des molécules liquides et le frottement du lit opposent au mou- vement. L’équation différentielle du mouvement est : …. du=gsinidt— ( u + eu . dt, u, désignant la vitesse variable de Peau, «, B les coeficients déterminés par Eytelwein pour les formules de M. de Prony, R, le rayon moyen (section de la rivière divisée par le périmètre mouillé), i, l'angle que fait le lit de la rivière avec l’ho- rizOn , g, l'expression ordinaire de la pesanteur, t, le temps écoulé à partir de l’origine du mou- vement. Si on désigne par I la pente par mètre de la rivière, on peut, sans erreur sensible, remplacer sin é par [, à cause de la faible valeur de l'angle à dans les rivières. L’équation différentielle du mouvement de- viendra D 7 du=stdt( 8 2 K +——u )a. R Cette expression intégrée, et la constante déter- minée par la considération que lorsque £ = 0, la vitesse 4 = 4, , vitesse initiale du mouvement, on a pour formule du mouvement HISTOIRE: 8t (2) sos : ad 404 #4 Cemt— 1 La moyenne des vitesses affectées par la tran- che fluide pendant un temps déterminé £, est t t m u dt cr cb dt s : Cent 1 G T ï / di É o Quoique l'intégration du numérateur soit pos- sible, M. Borrel, se rappelant que le flotteur avait mis Do” pour parcourir la seconde partie de la passe de Planet, s’est contenté de calculer les va- leurs successives 4,, 4, #4, en faisant succes- siyementé— 0, 10,2 20,— 30; —%40} = 150; La moyenne arithmétique entre ces six valeurs de la vitesse lui a donné pour la valeur moyenne de la vitesse du liquide, sur cette seconde pente, gRI ” LEE Sa a Mes u,+40,0334\/ 2736R I1+0,0011 vie = ons A— LR œ? 9 2 | C ET ges )=0 — 0,033 +- 2736RIH-00on ) mti NT CS = + abren 033+1/ 2736 RI1+0,0011 28 2 ne m— —- y CREER += = V/2736R 140001. Le radical} 2736 R 1-0, cor: oo11 entrant dans l'expression de tous ces coefficients, les calculs à faire poux les obtenir sont moins compliqués. TOME IV, PART. I 6 si ES 82 CLASSE DES SCIENCES. 1,19, vitesse parfaitement égale à celle qu'il avait déduite de la vitesse à la surface donnée par la marche des flotteurs. M. Borrel a pris pour la vitesse initiale x, la vitesse moyenne trouvée pour la pente supérieure, en ayant toutefois le soin de la corriger, eu égard à la différence de section dans les deux chenaux successifs de la passe de Planet. L'auteur du Mémoire fait remarquer en outre qu’on peut déterminer , à l’aide de la formule (2), Ja limite après laquelle Puniformité de mouvement s'établirait sur la seconde pente supposée prolon- gée ; il suffit en elfet de mettre dans cette formule, à la place de w, la valeur donnée pour cette pente par la formule de M. de Prony, et l’on a la valeur du temps £, après lequel l’uniformité de mouve- ment s'établit. Pour la seconde partie de la passe de Planet, cette valeur de £ = 700”. Ce ne serait donc qu’au bout de 500/”ou à une dis- tance de 7oomètres environ de l’origine dela seconde pente (la vitesse moyenne dans cet intervalle de temps étant d’a peu près un mètre), que Pinfluence de la pente supérieure cesserait de se faire sentir. Il sera donc prudent, quand on voudra faire le jaugeage d’une rivière à l’aide des pentes, de pour- suivre le nivellement à l’amont de la partie de rivière que l’on aura observée, et de faire Pappli- cation de la formule (2), si la pente est plus forte et si la différence des vitesses dues à ces pentes est notable. HISTOIRE. 83 Cette formule pourra être d’une grande utilité dans les opérations qui nécessitent le jaugeage d’un cours d’eau, parce qu'il est plus facile et plus exact d'opérer, dans ce cas, sur un rapide que sur un bief; la rivière s’y trouve plus resserrée, le vent a moins d'action sur la vitesse de la surface, qui s’y trouve plus grande, l’appréciation des pen- tes est plus facile et plus rigoureuse; mais il est rare de trouver sur un rapide une étendue où la rivière soit bien canalisée, et la pente uniforme sur une longueur assez considérable pour qu’il soit ‘permis d'appliquer la formule gRT = &U +8 U?. La formule (2) lève cette difficulté. Procès-vEers4r du jaugeage de la Garonne à l'aval de Toulouse et à l’'amont de Grenade et de l’em- douchure du Lhers, pendant l'étiage extraordi- naire de 1832. Le trois et le quatre octobre mil huit cent trente-deux, nous soussigné , Ingénieur des Ponts et Chaussées dans le dé- partement de la Haute-Garonne, chargé du service de l’ar- rondissement de l’ouest et de la navigation de la Garonne, nous sommes transporté sur les bords de cette rivière, à Vamont du port-baut de Grenade , au point appelé la passe de Planet, dans l'intention de mesurer le debit de la Garonne pendant les plus basses eaux que l'on ait constatées depuis plus de vingt ans (*). (*) Nora. Le plus bas étiage observé jusqu’en 1832, donne à l'échelle de l’'Embouchure du Canal du Midi une cote de o"83°. Le jaugeage que nous avons fait correspond à une hauteur d’eau de ©" 79° de la même échelle. Comme le 19 septembre 1832, l’eau est descendue sur cette échelle à 0" 76°, le débit moyen que nous a donné notre jangeage doit se réduire à 35 78°. 6. 84 _ CLASSE DES SCIENCES. © L'échelle de l'Embouchure du Canal dn Midi marquait, le 2 octobre, om 70° ; le 3, — om81°; le 4, — om 85°, L'échelle du port de Grenade marqua 0" 14° de hauteur tout le temps que dura l'opération. Les observations furent faites sur une partie de rivière de 242% 24e de longueur , bien canalisée. Cette longueur fut divisée en deux parties à peu près égales : la première de 7o® 71° de longueur, et la seconde de 71" 53, et les observations furent faites séparément sur la longueur totale et sur chacune de ces deux parties. Des profils furent pris avec soin au commencement, au milieu et à la fin de chacune de ces parties. Ces profils donnent les résultats suivants : NUMÉRO SUPERFICIE PÉRIMÈTRE DES PROFILS. DE CES PROFILS, MOUILLÉ. Re Se 1er profil, ...,, 32.20 2,0 dEMesssrss 32.95 3.e dem soso 29.03 4e ideme sis. 28.65 bezdem. ....ce 4 31.45 Le temps mis successivement par trois flotteurs pour par- courir la distance entière , c’est-à-dire du 1.‘ au 5.° profil, a été 85”. Ces flotteurs ont parcouru la première partie dans 35”, et la deuxième dans 50”. La chute totale du 1.* au 5.° profil fut de om175°. Du 1.4 au 3.° profil elle fut de o® 159. Du 3.° au 5.° elle ne fut que de o“o16e. Déterminant le cube de l’eau roulée par la rivière , à l'aide du profil moyen et de la vitesse moyenne déduite de la vitesse du courant à la surface , on trouve, pour la longueur totale, en traduisant la formule de M. Prony : V étant la vitesse à la "HISTOIRE. 85 surface , U la vitesse moyenne , S la section moyenne , Q le débit de la rivière : .24 V1 67; _167(167#H2.37) D 6 das à 1-40) g— 20-02 + 21.854 Let + 3423 ME 55 Q=25.73 X 1.40 — 36.02. Si on considère la première partie seulement , on a y 70:71 = 35 u'— 2:92 (2:02 + 2.37) pp = le71; 2,02 + 3,15 ___20,02 + 21.85 23.08 64.95 PAST USM TNO EEE FEe 0 3 = 2.02; ==21:00À S! Q'= 21.65 Fr.71 = 37.02. Si on considère la deuxième partie , on a V=T = 1.43 ; pu 43 (143 + 2.37) s PET ES — 97 4 4. +7 s'— 23.08 + 5 +3, 29 ST — Boie Q7=28;932X "1.19 — 34,43. Passant à la détermination des mêmes quantités à l’aide des pentes et des formules de M. Prony avec les coefficients cal- culés par Eytelwein sur un grand nombre d'expériences , on trouve , pour la longueur totale, P étant le périmètre moyen, S la section moyenne, R le rayon moyen, I la déclivité, RI le produit : LE EE PER ERER LES EES DSC 30.86; SE 20779; 25.73 à 7 30.86 ER 0.179 LE 142.24 —=0.83 ; == 0.0012; R1=0.83 X 0.0012 — 0.000906. 86: CLASSE DES SCIENCES. Vitesse moyenne des tables d'Eytelwein , correspondante à ce produit U, = 1.62. Débit de la rivière Q, — 1.62 X 25.73— 41.68. Pour la première partie, on a 32.20 + 32.95 + 29.05 EE DURE 4.20 = 3140 ; R'Ï/— 0.001214 X 0.69 = 0.0015456 ; U = 2.01; Q1= 21.65 X 2.02 = 43.73. Pour la deuxième partie, on aurait, si la même formule pouvait être appliquée : P'— 29.05 + 28.65 + 31.45 _ 89.15 — TND OT Ed IE RETET -TPRES Sr VAE _ 29:72; $”' = 28.03; 1429-0300 k R —ag.7a — 97 Ê 01016 x = = 53 —0«000223 c) KR 1= 0.000123 X 0:97 = 0d.00021631 ; U'=0.74. Telle serait la vitesse moyenne si la formule ordinaire de M. de Prony avec les coefficients d'Eytelwein était applicable au cas actuel; mais cette formule supposant la pente uniforme et la vitesse constante sur tous les points ne peut être appliquée à la seconde partie, puisque l’eau entre dans cette seconde partie douée de la vitesse acquise dans la première, s'y amortit peu à peu par le frottement, et ne finirait par attein- - dre la vitesse constante 0.74 qu’au bout d’un certain temps. HISTÔTRE. Nous avons cherché une formule qui nous donnât Ja vie tesse variable de l’eau dans cette seconde partie, en tenant compte de la vitesse acquise à son entrée, de l’action du frot= tement, des résistances du lit, de l’action de la pesanteur; et, én ayant égard au changement de grandeur de la section moyenne de la rivière dans la première et dans la seconde pat- üe, nous avons trouvé pour la vitesse moyenne U”,—1%1à, précisément la vitesse moyenne que nous avons déduite de la vitesse observée à la surface dans cette seconde partie , en sorte que Q'1= 28.03 X 119 — 34.43. Nous avons donc obtenu ainsi six valeurs du débit dé 14 rivière. Prenant la moyenne entre ces six valeurs de Q; Q'; Q”; Q,, Q,, Q’,, on trouve pour la valeur du débit de la Ga- ronne 0 36:02 + 37.02 + 34.43 RAS PER Ar 37m 88e. La Garonne roulait donc , le trois et le quatre éétobre mil huit cent trente-deux, un volume d’eau égal à trente-sept mètres cubes quatre-vingt-huit centièmes, En foi de ce, nous avons dresse le présent procès-verbal. « La formule que je donnai, dit M. BorREt, dans Éconlement Panalyse qu'il a faite de son travail, dans mon a tn Mémoire sur le jaugeage de la Garonne, et qui variables. justifia des faits d'observation bien différents des HA EOREE résultats fournis par les formules de M. de Prony, auxquelles on a recours ordinairement dans les Jjaugeages, qnoiqu’elles ne soïént pas toujours ap- plicables , était très-compliquée et d’une applicä- tion et d’un calcul bién difficiles ; Pexpression dé la vitesse variable x en fonction du temps £ dé 88 CLASSE. DES SCIENCES: Pécoulement , était un inconvénient que je devais chercher à faire cesser. » Voici de quelle manière je suis parvenu à ob- tenir la valeur de cette vitesse variable en fonction de l’espace parcouru , c’est-à-dire aux différents points de la pente qu’on étudie, puisque le mou- vement de l’eau, dans les rivières, et dans le cas qui nous occupe, s’il n’est pas uniforme, peut être considéré comme permanent. » En conservant les hypothèses qui m’avaient permis de soumettre au calcul les lois de ce mou- vement , on a pour l'équation différentielle du mouvement du liquide G) = duel dt —( ut Lu à dt, » Si je désigne par s l’espace parcouru à partir de l’origine du mouvement, ou la distance d’un point quelconque de la pente que j'examine à Porigine de cette pente, on aura d ds=udt ou dt= A u de telle sorte qu’en remplaçant dans l’équation (x) dt par sa valeur en fonction de ds, on aura en dégageant ds udu ds = = ( & gl— HA TH ): » Sous cette forme lexpression est intégrable; et l’on obtiendrait s en fonction de x; mais la formule à laquelle on arriverait serait très-com- pliquée et d’une application tres-dificile. + HISTOIRE. : 8q » Comme il n’est avantageux de faire usage de ce moyen de jauger les eaux courantes que sur les rapides, on peut toujours supposer que la vitesse u est plus grande qu’un mètre, et dès-lors il n’y a pas d’inconvénient à modifier l'expression des résistances comme si & était nul, puisqu'il est plus petit que la dixième partie de £. » L’équation différentielle ainsi modifiée, con- duit après son intégration et la détermination de la constante par s—0 et 4 =, à Péquation Bu—gRI R e TO gRI+ 8 » Telle est la formule qui donnera la vitesse du liquide à un point quelconque de l'étendue de rivière qui fait partie de la pente I. » Si l’on avait plusieurs pentes successives et variables, on pourrait étudier le mouvement du liquide sur chacune d’elles à l’aide de la formule (3) en changeant I et en mettant pour z,, sur chaque pente, la valeur qu’on aurait trouvée pour à la fin de la pente précédente, en ayant égard au changement de section. Mais il faut que la rivière, pour que cette formule soit applicable, présente sur toutes ces pentes successives une récularité suffisante, puisque nous n’avons tenu compte, dans les forces qui déterminent le mouvement , que de la pesanteur et des résistances dues à l’adhésion des molécules liquides et au frottement contre le it, Si la section changeait de forme d’une manière Application a ja passe de Planet. 99 CLASSE DES SCIENCES: sensible, 1l aurait fallu tenir compte de la perte de force vive employée à changer la forme de la section liquide. Or, c’est ce que je n'ai pas fait. » Appliquée à la seconde partie de la passe de Planet, la formule (3) a donné des résultats en tous points analogues à ceux qu'avait donnés la formule (2) : ce qui confirme Popinion déjà émise sur la possibilité de la suppression du coeMcient æ, quand la vitesse du liquide est plus grande que unité. » La vitesse moyenne exacte est déterminée par S p s est une des données du problème, £ est le temps entier de l’écoulement sur la pente s, et peut s’obtenir facilement du moment que l’on a déter- miné z, à l’aide de la formule (3). , : d re » L’équation dé ss intégrée donne el g qu. gRI R CEE Ve US à = éssoue (4) 2 8 gnl V'Æ E A vu gRI B 1 en divisant s par cette valeur de £, on a lexpres- sion exacte de la vitesse moyenne du liquide. » L'équation (4) servirait à déterminer au bout HISTOIRE. gt de quel temps et par suite à quel point de la pente la vitesse deviendrait uniforme , en mettant pour u la valeur déduite de la formule de M. de Prony gRl=au+£pu?. » Toutes les passes navigables sont loin de pré- senter les caractères qui distinguaient alors la passe de Planet. » Généralement elles ne donnent pas, comme elle, écoulement à toute l’eau de la rivière : ce sont de simples chenaux de 10 mètres de largeur, et d’une profondeur à peu près uniforme, creusés sur des bancs de gravier très-étendus et recouverts d’une légère nappe d’eau. » La vitesse dans la passe est plus grande que sur les côtés, et tout ce qu’il importe de connaître dans les questions qu’un service de navigation sou- lève, n’est relatif qu’à ce qui concerne la passe. » Les lois de l'écoulement du filet milieu de la passe, si elles étaient connues, donneraient la so- lution de la plupart des problèmes qui sont encore à résoudre ou sur lesquels on n’a que des approxi- mations. » En négligeant tout ce qui est à droite et à gauche de la passe, et supposant la rivière réduite à son chenal, la formule (3) donnerait les lois de l'écoulement dans ce canal imaginaire; mais la supposition que l’on admettrait étant bien loin de Ja réalité, les résultats auxquels on arriverait de- vraient évidemment différer de ceux que donnerait Fobservation directe, » C’est en effet ce qui arrive. Le tableau dressé Application aux passes navigables en général. Flotteurs dont on peut faire usage avantageuse ment. 92 CLASSE DES SCIENCES. pour la passe du platan de Blagnac ; contenant en regard les vitesses observées et les vitesses cal- culées par la formule (3), prouve que les causes de retard négligées sont très-influentes et ne sont pas régulières ; ce qui ne permet pas de corriger par un coefficient les résultats de la formule. » Cette formule ne sera pas cependant, même dans ce cas, sans quelque utilité, parce qu’elle donne des vitesses plus fortes que les vitesses réelles. » Quand on caleulera donc le nombre de chevaux nécessaires pour franchir un rapide; quand on vou- dra se rendre compte de la plus grande profondeur d’eau qu’il est possible de donner à une passe, sans nuire à l’état navigable de la rivière, on sera cer- tain d'arriver à des résultats que la réalité don- nera toujours plus avantageux. » Jusqu’alors je n'étais servi de petits morceaux de bois pourri d’une pesanteur spécifique à peu près égale à celle de l’eau. On se sert quelquefois de petites boules de liége ou de cire, plombées dans les parties inférieures, pour rendre leur pe- santeur spécifique à peu près égale à celle de Peau. » À la passe du Platan , je priai M. Germier, conducteur de la navigation , à qui j'avais confié le soin de ces observations, pour lesquelles il à une aptitude particulière; je le priai de se servir de petites fioles, connues sous le nom de fioles de médecine , dans lesquelles on introduisait assez d'eau pour que, plongées dans la rivière, elles HISTOIRE. 93 s’enfonçassent jusqu’au goulot; et pour rendre ce goulot bien visible, on cacheta son bouchon avec de la cire rouge. » On rendit, par ce moyen, à peu près nulle l'influence du vent et du frottement de Pair, contre laquelle il importe de se garantir. » Je ferai remarquer la forme qu’aflecte la sur- face de l’eau dans ces rapides qui séparent deux biefs de rivière consécutifs , et raccordent les ni- veaux différents de ces bassins naturels échelonnés le long des rivières. La ligne de raccordement paraît affecter une forme sinusoïdale. » Ainsi l’eau , en franchissant une passe, paraît soumise , à sa surface , à ces oscillations que le jeu de la lumière fait apercevoir quand elle coule librement dans lair en s'échappant de Porifice d’une fontaine. » Les observations que j'avais prié M. Germier de recueillir n'avaient pas seulement pour but de vérifier si la formule (3) pouvait représenter le mouverent de l’eau dans les passes; elles avaient pour but aussi de me fournir le moyen de déter- miner facilement la vitesse de Peau à chaque point des différents rapides de mon arrondissement. » Je me sers pour creuser les passes d’un appa- reil dont la pièce principale est un vanage de forme constante qu’on oppose à l’eau. » La profondeur qu’on donne aux passes étant constante , je pensai qu'il serait possible de déter- miner la vitesse de l’eau , dans le rapide , en fonc- tion de la différence de hauteur qui s’établit entre Surface qu’affecte l’eau en franchissant une passe. Nouveau moyen de mesurer la vitesse de l’eau dans les rapides. 94 CLASSE DES SCIENCES. Famont et laval du vanage aux différents points du rapide. » Les résultats que M. Germier me rapporta confirmèrent mes prévisions. » On peut en juger par le tableau suivant , où v indique la vitesse observée à l’aide des flotteurs, H la différence de niveau de l’eau, de lamont à aval du vanage, V28H la vitesse due à cette 8 mr: : V’25H différence de niveau, et —;5— le rapport entre la vitesse calculée et la vitesse observée ou le coefficient , à l’aide duquel-on peut faire dépendre ces deux quantités l’une de l'autre. Différentes Vitesse INDICATIONS. valeurs V DE) PP V2gH de H. v Du N. 4 au N.5 (Long.r 1omoor) Du N. 5 au No 6 Du Ne 6 au Nos... Da N.o 7 au No 8.....7 Du N.0 8 auN.0g.....rdem..... Du No gauN.010..../dem...., Du N.c10 au N.o11....7dem » La dernière colonne de ce tableau donnant des coefficients à peu de chose près constants pour toutes les observations, on pourra désormais dé- duire la vitesse v de la valeur V’35H, H étant une quantité très- facile à obtenir, avec un degré HISTOIRE. 0ÿ d’exactitude aussi grand qu’on le désirera , puis- que le vanage, quand la machine fonctionne, met deux minutes à parcourir un mètre de rivière, et qu'il est aisé de faire beaucoup de mesurages de H dans deux minutes pour obtenir une moyenne exacte. » Pour avoir la vitesse en un point quelconque du rapide, il suffira de mesurer la hauteur H en ce point, et de diviser V2$H par 1,81 qui est à peu près la moyenne des sept coefficients ; et lon aura la vitesse + au cinquantième près environ de la valeur deV”2 3H, approximation bien supérieure certainement à celle qu’on peut espérer de l’obser- vation de la marche des flotteurs. » Bien entendu que ce coefficient 1,81 change- rait de valeur pour une longueur de vanage et pour une profondeur d’eau autres que celles qui exis- taient au moment où ces observations furent faites ; une étude spéciale pourra seule donner les coeffi- cients qui conviennent aux différentes largeurs du vanage et aux différentes profondeurs d’eau. » Je fus d'autant plus satisfait d'arriver à un uritité résultat aussi simple, et d’une observation et d’un EE noen calcul si faciles, qu’on s’occupait alors sérieuse- de mesurer ls, ï è la vitesse ment d'établir sur la Garonne des bateaux à va- pour : : > la solution peur depuis Bordeaux jusqu’à Toulouse, et que le 41 TEE premier document à se procurer pour atteindre le du rréene but qu'on se proposait, était évidemment la plus la navigation grande vitesse de l’eau depuis Toulouse jusqu’à * F7 Bordeaux , si l’on voulait que la force des roues triomphät seule de tous les obstacles. Sur la différence entre les quantités de de pluie à diverses hauteurs. M. BoisciRAUD. 96 CLASSE DES SCIENCES. » Si, en effet, sur un seul point, quelque courte que fût son étendue, la vitesse de Peau était plus forte que la vitesse dont les roues seraient suscep- tibles , il serait impossible de franchir ce point au- trement que par le halage , soit à aide de chevaux, soit à l’aide de câbles fixes qui s’enrouleraient sur l'arbre de la machine. » Or, cette vitesse maxima serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, à déterminer par les procédés jusqu'ici connus, tandis que rien n’est plus facile par le procédé que jindique, puisqu'il suffira d'observer sur les rapides, pendant que la machine fonctionnera, le point où la valeur de H sera la plus grande, et cette valeur de H : le chef d'atelier donnera ce document. » Physique. Si l’on place deux vases égaux dans une même localité, mais à des hauteurs différentes , par exem- ple, lun sur le sommet dun édifice élevé, et l'autre à son pied, sur le sol; ce dernier recevra ordinairement une plus grande quantité d’eau de pluie que le premier. « On a cherché à expliquer ce résultat de lob- servation par l’action du vent , dit M. Borscrraun. I] doit en eflet chasser obliquement les gouttes d’eau, dans les parties élevées de l’atmosphere, où il exerce librement son influence ; tandis que, dans les lieux bas, garantis par les arbres, les maisons, etc., ces mêmes gouttes, presqu'unique- HISTOIRE, 07 ment abandonnées à la pesanteur , doivent tomber à peu près verticalement. Mais il est facile de voir que ce changement de direction ne saurait avoir l'influence qu'on lui suppose sur la quantité de gouttes d’eau reçues par des récipients, dont les ouvertures égales sont des surfaces horizontales. » Admettons en eflet un système de filets formés par une suite de gouttes de pluie , et ayant tous une certaine et même inclinaison ; supposons de plus, que lorsqu'ils seront tous arrivés à une cer- taine hauteur ( dans un même plan horizontal, pour fixer les idées }, ils changent de direction, et qu'ils continuent verticalement leur descente dans l'atmosphère. La distance Aorizontale de Pun à l'autre sera toujours la même ; car les lignes qui la mesurent, tant dans le système incliné que dans le plan horizontal où s’est effectué le chan- gement de direction, et que dans le système ver- tical, seront des parallèles comprises entre des parallèles , et elles seront par conséquent égales. Ainsi, le nombre de filets fluides qui arrivent sur deux plans horizontaux égaux en surface , placés, Pun dans le système incliné, et l’autre dans le système vertical, et telles sont les ouvertures des deux vases , demeurera le même. Après avoir ainsi réfuté , avec toute la rigueur géométrique, une opinion assez communément admise , M. Boisgiraud continue en disant : «Il faut donc bien admettre que les gouttes d’eau (formant les filets fluides dont il vient d’être question } gros- sissent dans l'air qu’elles parcourent, et qu’elles TOME IV, PART, II. 7 08 CLASSE DES SCIENCES. grossissent aux dépens de la vapeur aqueuse con- tenue dans cet air. » Il semble cependant, au premier abord , que cette opinion soit aussi inadmissible que la pre- mière, du moins dans la plupart des cas. Il ar- rive , en effet, bien souvent que, pendant la pluie et même après la pluie, Pair ne soit point saturé de vapeur d’eau. Alors, dira-t-on, bien loin de céder de sa vapeur aux gouttes de pluie, celles-ci perdront par évaporation. Cela ne peut manquer d'arriver toutes les fois que la température de l'eau de pluie sera égale ou supérieure à celle de Pair. Mais sil arrive au contraire que sa tempéra- ture soit plus basse que celle de Pair , il est visible alors que les gouttes d’eau pourront grossir aux dépens de la vapeur de Pair, quand même il ne serait pas saturé. Tout le monde sait que les corps plus froids que Pair peuvent déterminer la préci- pitation de sa vapeur ; c’est sur ce fait qu'est fon- dée la belle explication que le docteur Wells nous a donnée de la rosée et de plusieurs autres phé- nomènes qui ont du rapport avec elle. » Il suit de là, que les causes influentes à faire entrer en considération pour le fait qui nous occupe, sont : » 1.° La température de l’eau de pluie au mo- ment de sa chute ; » 2.9 Le degré hygrométrique de l'air ; » 3. L’action du vent qui incline la direction des gouttes et augmente leur trajet ; » 4.9 La vitesse de ces mêmes gouttes, puisque HISTOIRE. 99 plus elles restent en suspension dans Pair , et plus l'effet indiqué sera complet ; » 5. La différence de hauteur des deux réci- pients, par la même raison. » On voit aussi qu'il pourra arriver quelquefois , ainsi que l'expérience le prouve, que le récipient inférieur ne recevra pas plus d’eau que le supé- rieur. » Que Veau de pluie ne soit ordinairement plus froide que Pair des régions inférieures de latmos- phère, c’est un fait hors de tout doute. M. Bois- giraud a vu des vases pleins de cette eau se recou- vrir en dehors d’une légère couche d'humidité, comme cela arrive, dans la saison chaude , aux vases remplis d’un liquide frais. D’ailleurs tout le monde sait que le plus souvent la pluie se forme, dans les nuages, à Pétat de neige. Cest dans un tel état qu’elle tombe sur le sommet des hautes montagnes ; mais celle qui descend plus bas, s’y fond, et donne ainsi lieu à la pluie propre- ment dite. En 1834, M. Borscrraun eut occasion d’obser- ver trois chutes de grêle ; il les a décrites dans sa notice intitulée Quelques Observations sur la Gréle, en en circonstanciant tous les détails; et à ce sujet, il fait cette très-judicieuse remar- que : « Qu’on veuille bien considérer que lorsqu'on ignore la cause d’un phénomène , on ignore aussi les faits qui sont importants et ceux qui ne le sont pas. On peut donc sy méprendre et négliger al J° Observations sur la grèle. M. Boiscinaup, 100 CLASSE DES SCIBNCES. ce qu’il était le plus intéressant de faire connaître : pour éviter cet inconvénient, j'ai préféré quel- ques détails minutieux au risque de négliger les- sentiel. » La première chute de grêle que décrit M. Bois- giraud est celle qui frappa notre ville dans la matinée du 8 juillet. « Les circonstances qui ont précédé sa chute ne présentent rien d’extraordinaire. La veille au soir, le baromètre était à peu près à sa hauteur moyenne, et sa marche était ascendante.» La cha- leur fut accablante, et dans la nuit le thermomètre ne descendit pas au-dessous de 18° centigrades. « Le 8, à sept heures du matin, le ciel était encore parfaitement serein et le soleil très-vif. Le vent était trèes-faible, et l’on sentait déjà dans les rues de la ville, de temps à autre, des bouffées d’un air tres-chaud, » Vers huit heures du matin, un nuage obscur s’est montré au nord-ouest. Plusieurs personnes affirment en avoir remarqué un autre semblable au nord-est. Quoi qu'il en soit, le nuage situé au nord-ouest de Toulouse a grossi rapidement , s’est élevé vers le zénith, et a pris cette teinte bla- farde qui fit prédire à un grand nombre de per- sonnes la chute prochaine de la grêle. À huit heu- res et demie, le nuage semblait déjà couvrir tout l'horizon, et cependant, vu seulement de la dis- tance de quatre lieues , il paraissait peu étendu , isolé et à bords nettement tranchés. Dans ce mo- ment quelques coups de tonnerre se sont fait en- HISTOIRE. 101 tendre ; intensité du bruit et la diminution de l'intervalle entre l'éclair et le tonnerre annonçaient l'approche du nuage orageux. » Quelques minutes avant neuf heures, un éclair très-vif frappa mes yeux et le coup de tonnerre suivit à moins de trois secondes d'intervalle. On serait tenté d’en conclure avec assurance, d’après la vitesse connue du son, que le nuage orageux était à une distance de mille mètres environ ; maisil est facile de montrer que si cette conclusion peut être vraie, elle peut aussi être erronée. En effet, le bruit du tonnerre est produit dans tout le tra- jet parcouru par la foudre, et observateur le plus rapproché d’un point quelconque de ce trajet en- tend le bruit plutôt que celui qui en est plus éloigné, quoiqu'ils puissent être tous les deux à la même distance du nuage orageux. Celui qui est, par exemple, tout voisin d’un point frappé par la foudre, ne perçoit aucun intervalle sensible entre l'éclair et le tonnerre; et cependant il peut être éloigné du nuage orageux d’une demi-lieue et au delà. Il résulte de ceci, que si le nuage qui venait de lancer la foudre était peu éloigné , on ne peut cependant pas indiquer sa distance à laide des données précédentes. » Immédiatement après ce coup de tonnerre, de grosses gouttes d’eau venant de la direction du nord-ouest sont tombées très-obliquement sur un côté de rue faisant face au sud-ouest. Plusieurs personnes, notamment hors de la ville et dans les étages supérieurs des maisons, entendirent distinc- 102 CLASSE DES SCIENCES. tement vers cet instant le bruit précurseur de la grêle. Des tourbillons de vent agitèrent violem- ment les volets des croisées. » L’horloge venait de sonner neuf heures lors- que de gros grêlons commencèrent à tomber ; ils frappèrent la muraille opposée à celle qu'avaient frappée les premières gouttes de pluie, et la frap- pèrent obliquement ; ce qui prouve qu'ils venaient alors d’une direction voisine du nord, mais un peu inclinée à l’est. Le nombre des grèlons allait en augmentant, et leur grosseur allait générale- ment en diminuant. Au bout de quatre à cinq minutes, la pluie s’est mêlée à la grêle et finit par dominer entièrement. À neuf heures dix mi- nutes, tout était très-sensiblement terminé. À peine tombait-il encore quelques gouttes d’eau ; plusieurs coups de tonnerre se sont fait entendre pendant la chute. » La forme et la structure de ces grèlons étaient fort remarquables. Tous ceux que j'ai examinés, sans exception , avaient un noyau intérieur. Ce noyau était généralement arrondi... Dans la plu- part de ces noyaux, le centre était occupé par une petite boule blanche opaque, semblable à de la neige. Cette petite boule se réduisait quelque- fois à un point blanc : puis se succédaient des zones ou couches concentriques alternativement limpides et translucides ou neigeuses. » Il ne faut pas croire que ces couches fussent formées par additions successives et faciles à sépa- rer; bien au contraire, tout le grélon paraissait HISTOIRE. 103 formé d’un seul jet, et il na été impossible, mal- gré tout le soin que j'ai porté dans mes tentatives, de réussir à trouver quelques joints naturels entre ces diverses couches, et par suite de les séparer. IL est évident pour moi que ces joints n’existaient point et que la formation des couches ne doit point avoir été successive. » En cassant ces noyaux avec les dents ( car leur dureté n’était pas grande), ils présentaient à l’intérieur une texture radiée du centre vers la surface extérieure. Cette disposition s’apercevait même assez bien dans les noyaux entiers, sans qu'il fût nécessaire de les briser. » Les parties neigeuses du noyau renfermaient souvent des bulles d'air plus ou moins volumineuses, quelquefois très-petites et en très-grand nombre. Quelques parties d'air formaient des lames minces, et alors les grélons étaient irisés. Quand les bulles d’air étaient considérables en nombre et en gran- deur , le grêlon devenait friable. » Enfin ces noyaux n'étaient pas nettement tranchés dans le grêlon : ils se fondaient insensi- blement dans la partie extérieure et transparente, dans laquelle on observait aussi quelquefois des portions neigeuses plus ou moins prononcées ef imitant parfois les vésicules de l’écume. » L'extérieur des grêlons était très-anguleux : plusieurs de leurs pointes aiguës avaient deux centimètres de longueur ; j'en ai mème remarqué de trois et quatre centimètres... » Un fait, qui me parait très-remarquable, est 104 CLASSE DES SCIENCES. la rencontre de petits noyaux neïgeux de 3 milli- mètres de diamètre environ , semblables à la par- tie centrale du noyau principal, et enchässés à peu de profondeur dans la partie extérieure et trans- parente du grélon. Ils semblaient y avoir pénétré comme un corps chaud s'enfonce dans une masse qu'il fond. Je suis parvenu à retirer plusieurs de ces petites boules blanches qui n'étaient point in- timemenit liées par conséquent avec la partie dans laquelle elles avaient certainement pénétré. J'ai aussi remarqué quelques grêlons à deux et même un plus grand nombre de noyaux ; mais point de séparation possible pour en former autant de grè- lons distincts. » Au moment où je réunis ces observations, je ne puis me défendre de remarquer que lapla- tissement de certains noyaux, la pénétration des petites boules neigeuses et la réunion intime de plusieurs grêlons en un seul, établissent que ces grêlons ont été primitivement liquides ou tout au moins mous. Je ferai à cet égard un rapproche- ment qui ne sera pent-être pas sans intérêt. J'ai remarqué quelquefois , et notamment le 7 février 1830, à la suite de l'hiver rigoureux de cette époque, une sorte de verglas bien différent du verglas ordinaire qui se forme par la congélation des gouttelettes de pluie sur un solau-dessous de 0°, celui dont je veux parler était formé par de gros- ses gouttes de pluie qui s’aplatissaient et se ge- laient en tombant, méme sur des corps au-dessus de a°; les parapluies, par exemple, se couvraient HISTOIRE. 105 ainsi d’une épaisse couche de glace qui ne permet- tait plus de les fermer sans les déchirer. Or un pa- rapluie ne devait point se trouver au-dessons de 0° en sortant d’un appartement ; eût-il été très-froid , son tissu eût été incapable de congeler par son abaissement de température une aussi grande quantité d’eau. D’ailleurs, les chapeaux, les habits produisaient le même effet. — Puisque de pareilles gouttes d’eau se rencontrent dans notre atmosphère, ne pourraient-elles pas donner naissance à la grêle ? Ce qui semblerait confirmer cette opinion , c’est la chute de grosses gouttes d’eau dans les pluies d'orage , et la grande ressemblance que présentent la structure intérieure de certains grêlons et celle des couttes d’eau aplaties et conge- lées dont je viens de parler. » Comme je l'ai déjà fait observer , les grélons , dont je vais continuer la description , avaient peu de dureté. Tous flottaient à la surface de l’eau et étaient par conséquent spécifiquement plus légers qu’elle. J’ai trouvé dans un très-petit nombre une matière grise, pulvérulente et tout-à-fait inté- rieure. » Le blanc mat des noyaux dominait à mesure que les grêlons fondaient, en sorte que la terre semblait couverte de neige. » Il me paraît assez difficile de donner rigou- reusement la grosseur de grêlons aussi irréguliers que ceux dont il s’agit ici. Ce que je puis dire de plus positif, c’est que, dépouillés de leurs aspéri- tés, les plus volumineux avaient pour limite la 106 CLASSE DES SCIENCES. grosseur d’un bel œuf de poule ; ils en avaient aussi la forme allongée. Les plus petits étaient sensible- ment ronds et de deux à trois centimètres de dia- métre. » Leur vitesse n’était pas grande en général, et elle n’était point la mème pour tous. Peu ou point de tuiles ont été cassées. Les premiers grè- lons ne ricochaient point en tombant sur les toits élevés, ce qui pouvait tenir à leur peu de dureté en même temps qu'à leur vitesse peu considéra- ble. Arrivés sur le sol, ils faisaient au contraire de nombreux ricochets ; mais je n’en ai point vu se casser même sur les pavés. Des grélons à demi fondus ont été pris mal à propos pour des frag- ments provenant de la rupture de grèlons entiers. » Un très-srand nombre de vitresont été brisées : plusieurs n’ont été que fèlées ou étoilées, soit qu’elles eussent été atteintes par les plus petits grélons , soit qu’elles eussent été frappées très- obliquement. » Plusieurs personnes ont été atteintes : les meurtrissures et les déchirures produites par les parties anguleuses des grèlons ont en général amené le sang, mais je n’ai pas entendu parler de blessures graves. » La direction des grélons n’a pas été constam- ment la mème dans toute la ville. Elle à été gé- néralement voisine du nord ; mais elle a varié de l'est à l’ouest. » La température de Pair libre n’a pas été au- dessous de 16° C. pendant la chute de la grêle, HISTOIRE. 107 A neuf heures et demie, le thermometre était déjà au-dessus de 17° C. Le soleil commençait à se montrer à travers les nuages qui se dissipaient, et ses rayons étaient très-chauds. Les girouettes étaient au nord-est , mais le vent était insensible. » À onze heures, les nuages étaient presque dis- sipés : la chaleur du soleil faisait craindre un nou- vel orage pour le soir; mais à midi le ciel s’est cou- vert pour le reste de la journée. La soirée était brumeuse et plus fraîche que les jours précédents. » L'espace parcouru par cette grêle n’a pas été bien étendu. La chute paraît avoir commencé un peu au dela du village d’Aussonne, situé à trois lieues environ au nord-ouest de Toulouse; à peine la ville a-t-elle été dépassée vers le sud. L'espace embrassé en largeur est assez irrégulier, mais n’a guère dépassé une lieue. » Une femme qui sonnait la cloche à Aussonne a été foudroyée. Deux autres personnes ont été atteintes près de Blagnac, mais n’ont point péri comme la première ; ce dernier coup a tué un co- chon dans son étable et fait quelquesautres ravages. » J’ai recueilli une assez grande quantité de grèlons que j'ai lavés dans de l’eau de nos fon- taines pour enlever la terre dont ils étaient recou- verts. Je les ai ensuite lavés successivement et à deux reprises dans de l’eau distillée. Je Les ai ainsi réduits à la grosseur d’une noisette, Cest dans le centre de l’un d’eux que j'aperçus la matière pulvérulente dont jai déjà parlé. Après leur li- quéfaction , j'ai obtenu environ un litre d’eau qui 108 CLASSE DES SCIENCES. n’était point parfaitement limpide. Le lendemain elle avait formé un léger dépôt grisâtre au fond de la carafe qui la contenait. Cette eau a présenté avec les nombreux réactifs auxquels je lai sou- mise tous les caractères de l’eau pure. Le sous- acétate de plomb seul a donné un précipité blanc qu’un léger excès d'acide faisait disparaître. Ce précipité n’étant point dû à l'acide carbonique qu'aurait aussi troublé l’eau de chaux, devait être dû à une matière de nature organique. » Les deux autres chutes de grêle que j'ai en- core à mentionner, ont eu lieu toutes les deux le même jour, le 15 septembre dernier, et dans l'arrondissement de Jonzac, département de la Charente-Inférieure. » La matinée avait été belle; le vent soufllait du nord. Vers trois heures du soir le temps devint orageux. Quelques nuages se montraient vers le sud. Ces nuages inspiraient peu de craintes en raison de la direction du vent : mais vers quatre heures, lun d'eux, situé au-dessous des autres, prit une teinte plus foncée et il en partit quelques coups de tonnerre qui furent suivis d’un bourdon- nement semblable à un tonnerre éloigné et par- faitement imité par le bruit d’une cuve de ven- dange en fermentation ; en quelques minutes , un vent violent et tourbillonnant venant du sud rem- plaça subitement le vent du nord. Une grosse pluie tomba avec force et fut immédiatement sui- vie d’une grêle que le vent rendait plus terrible. Elle cassait non-seulement les vitres , mais encore © HISTOIRE. 109 plusieurs tuiles des toits. Cette grèle n’a duré que quelques minutes et a été suivie d’une pluie abon- dante , également de peu de durée. » Les grèlons de forme allongée, en général, avaient la grosseur d’une noix : ils ressemblaient d’ailleurs en tout à ceux observés à Toulouse. Le tonnerre a continuellement grondé pendant tout le temps de leur chute. » Vers quatre heures et demie, le vent et la pluie avaient entièrement cessé : le ciel était de- venu serein. » À six heures du soir, un nouveau nuage, d’a- bord peu considérable et se fondant insensible- ment avec le ciel, parut vers le sud. Sa couleur était peu foncée : il s'élevait érès-lentement vers le zénith et paraissait en même temps sagran- dir dans tous les sens. Sa couleur devenait aussi plus foncée. Vers six heures et un quart, le bruit précurseur de la grêle commença à se faire en- tendre très-distinctement... » Enfin, vers six heures quarante minutes j’en- tendisnettement tomber la grèle à l'extrémité d’une vigne d’assez grande étendue. Plus de cinq mi- nutes s’écoulèrent avant que cette grêle n’atteignit l'autre extrémité près de laquelle je me trouvais. Aucun tourbillon de vent ne précéda Parrivée de la grêle. Des que j’entendis le bruit de la chute, je cessai d'entendre le bruit sourd qui la précédait. Elle tombait perpendiculairement avec une grande vitesse, les grèlons volaient en éclats en frappant sur les pierres. Le tonnerre et les éclairs se succé- Analyse d’un calcul retiré d’un oiseau. M. Macnes. 110 CLASSE DES SCIENCES. daient continuellement , mais avee moins de vio- lence que dans la chute précédente. » La grosseur de ces grélons , semblables aux précédents et par suite à ceux observés à Tou- louse, était à peu près celle de ces derniers. Cette chute de grêle cessa au bout de quelques minu- tes; pas une seule goutte d’eau ne s’y mêla dans le lieu où je lobservai. » On pouvait sortir sans danger par une extré- mité de la maison dans laquelle j'étais réfugié, tandis que la grèle tombait encore sur l'autre ex- trémité.… » 11 me fut facile d'apprécier le peu de vitesse de ce nuage par le temps qui s’écoulait entre les éclairs et le tonnerre à mesure qu'il s’'éloignait. II lui fallut environ trois quarts d'heure pour fran- chir les 7 à 8000 mètres qui me séparaient de Jonzac. » Chimie. M. Macxes a présenté à l’Académie un frag- ment d’une concrétion pierreuse trouvée dans le gésier dune poule ; et il a lu à ce sujet , une notice dont nous donnons ici la substance. L'auteur, après avoir remarqué combien sont rares de telles concrétions dans la classe des oiseaux, cite l'exemple dun calcul trouvé, par le professeur Rodolphy , dans l'extrémité du tube intestinal d’un vautour. Il était composé d’acide urique pur, de traces d’urate d’ammoniaque et de chaux , et de gluten animal. HISTOIRE. 111 La poule qui a fourni celui dont il est mainte- nant question, avait été nourrie, pendant deux mois , en volière, à Toulouse, avec du maïs. Tou- tes les fois qu’elle en avalait quelques grains, elle poussait un cri perçant, qui était parfois accompagné de mouvements convulsifs. Elle fut tuée, et lorsqu'on louvrit, on vit, avec étonne- ment, dans son gésier, une concrétion de forme ovoïde, grosse comme un œuf de caille. Elle était blanchâtre et lisse à la surface; elle pesa quatre grammes , et sa pesanteur spécifique fut de 2,16. Il fallut un coup de marteau assez fort pour la casser ; l’intérieur, sans présenter une structure à couches concentriques, montra un noyau d’un brun assez foncé. Un gramme de cette substance fut pulrérisé et tenu en ébullition pendant une heure, dans quelques onces d’eau. Lorsque le liquide fut réduit à une once et refroidi, il était gélatineux : il fut évaporé jusqu’à siccité , et il resta, au fond de la capsule, un charbon animal, luisant et bour- soufflé, pareil à celui qu'on obtient en traitant, d’une manière analogue, des fragments d’os ou de muscles : c'était du mucus animal carbonisé. La partie non attaquée par l’eau pesait 9 décigram- mes; elle fut traitée par l'acide hydrochlorique, et donna du phosphate de chaux. Le restant, pe- sant 3 décigrammes, soumis à l’action du chalu- meau, avec addition dun fragment de soude caustique , se convertit en un globule vitreux d’a- bord jaune, puis rouge, puis d’un vert foncé; Action du plâtre sur les plantes. M. DRALET. 112 CLASSE DES SCIENCES. cette dernière couleur était due aux molecules de fer que contenait le calcul. Enfin, et ce qui est aussi remarquable, on retira une quantité très-sensible de silice d’un autre fragment traité par la potasse caustique , suivant la méthode or- dinaire. Chimie appliquée. «Le plâtre, à linstar de tous les autres en- grais ou amendements , améliore-t-il les terrains sur lesquels il est employé ; fertilise-t-il ainsi les plantes en agissant sur leurs racines ? Ou bien, par une étonnante exception à la marche ordinaire de la nature, ce minéral agit-il directement sur les feuilles des plantes, sans Pintermédiaire du sol ? » Telle est la question que M. Drazer s’est pro- posé de résoudre dans un Mémoire présenté à l'Académie, et qui fait partie d’un ouvrage inédit, intitulé : Traité de la pierre à plâtre et de ses usages , notamment en agriculture. L'auteur commence par l'examen des diverses opinions émises sur le mode d’action du plâtre. Il réfute celle de Saussure et de quelques autres savants, qui pensent que ce minéral féconde les terres en hâtant la putréfaction des substances animales ou végétales qu’elles contiennent. Sil en était ainsi, remarque M. Dralet, il ne produirait aucun effet sur les terres sèches et arides qui en sont dépourvues , tandis que lexpérience prouve le contraire. L'auteur ne partage pas non plus la HISTOIRE. 119 manière de voir de ceux qui admettent que l'effet du plâtre est dû à la cuisson , laquelle donnerait à ce sel une force attractive de lhumidité : il ob- serve à ce sujet, que le plâtre cru a, à peu près, la même propriété fécondante que le plâtre cuit. Quant à l'opinion de ceux qui attribuent cette propriété à l'acide sulfurique de ce minéral, tout en convenant qu elle est justifiée par Fe ex- périences, il-n’en remarque pas moins que , sur cer- tains sols, la pierre calcaire pulvérisée, qui n’est qu’un carbonate de chaux, produit autant d’effet que le sulfate. Enfin , il arrive à l’opinion de quelques savants botanistes, qui croient que le plâtre exerce son action sur les feuilles des plantes. « Il faudrait donc, dit-il, établir qu'une matière concrète peut pénétrer dans les pores imperceptibles de ces feuil- les ; ensuite , comme le plâtre est jeté d’en haut, et qu'il tombe nécessairement sur la face supé- rieure des feuilles, laquelle, suivant les physiolo- gistes, est parsemée de pores excrétoires, il fau- drait admettre que ces pores deviennent absorbants en faveur du plâtre; etcette supposition étant admi- se, on aurait encore àexpliquer pourquoi les feuilles des prairies artificielles ayant partout la même orga- nisation, le plâtre est cependant sans eflet sur celles que nourrissent les sols marneux ou marécageux. » D'ailleurs , et laissant de côté toute conjecture, il en appelle à l'expérience qui, seule, peut résou- dre cette importante question; et il rapporte celles qu'il a faites à ce sujet, et qui suivent : TOME IV. PART. I. O 114 CLASSE DES SCIENCES. 1.0 Il a obtenu de très-heureux effets du plâtre employé au pied des poiriers et des pommiers; et cependant aucune parcelle de cette substance n’a- vait été en contact avec les feuilles. 2.0 Après s'être assuré, par plusieurs années d'expériences, qu'il doublait le produit de ses champs de luzerne, en y répandant, au prin- temps, suivant l’usage du pays, 5 à 6 quintaux de plâtre par arpent (environ 450 kilogr. par hectare }, il dit : « Au mois de janvier, j'ai plâtré la moitié d’une pièce de luzerne ; et au mois da- vril suivant, lorsque les feuilles commençaient à couvrir le terrain, Pautre moitié a reçu la même quantité de plâtre que la première. Dans Pune et l'autre partie, l'augmentation des produits à été absolument la même. » Cette expérience justifie Pusage où lon est, dans quelques-unes de nos contrées, de répandre indifféremment le plâtre sur les prairies artificiel- les, soit en hiver, soit lorsqu'elles couvrent le sol de leur feuillage , suivant que les circonstan- ces rendent cette opération plus facile. » 3.0 J'ai répandu du plâtre sur la moitié d’un champ , en même temps que j'ai semé de la luzerne sur toute son étendue. Je ne pus assister à la première coupe ; mais je fis peser les produits de la seconde; la moitié plätrée donna vingt quin- taux , et l’autre n’en produisit que neuf à dix. Le plâtre avait eu le même eflet que si on eût at- tendu que les feuilles couvrissent le terrain. » 4.° Au mois de janvier, j'ai fait couper jus- HISTOIRE. 115 qu’au collet, et sans laisser aucune feuille, chaque pied de la moitié dune pièce de luzerne qui fut immédiatement plâtré, tandis que lautre ne le fut qu’au printemps. La récolte a été aussi abon- dante sur lune que sur l'autre partie. » Il résulte évidemment de ces quatre expé- riences que le plâtre, répandu sur la surface de la terre, fertilise les plantes qu’elle nourrit, sans avoir eu de contact avec leurs feuilles. » 5.9 Après avoir ameubli un champ destiné à être semé en luzerne, je lis, sur la moitié de ce champ, un plâtrage ordinaire ; la totalité fut ensuite ensemencée, et dès le printemps suivant on remarqua , sur la moitié plâtrée , une végéta- tion beaucoup plus forte que sur l’autre moitié. » Il est done bien démontré que le plâtre, comme tous les autres engrais, a la propriété de fertiliser les plantes sans qu’il soit besoin de le répandre sur leurs feuilles. Ses parties essentielles, dissoutes par les sucs aqueux, et combinées avec certaines molécules du sol, sont introduites dans la plante par les suçoirs des racines, et, en s’iden- tifiant avec sa substance , elles opèrent son accrois- sement. » Histoire naturelle. M. Dupuy, devenu possesseur d’une collec- tion de minéraux recueillis dans les Alpes par M. Struve, savant minéralogiste? de Genève, en a fait un catalogue circonstancié. Chacune de ses cinq sections est précédée d’une courte description physique de la vallée où les minéraux ont été 8. Minéraux des Alpes. M. Durux, Physique végétale. M. DRALET. 116. CLASSE DES SCIENCES. pris , et une histoire très-succincte de la minéra- logie se trouve en tête du tout, c’est-à-dire, de la Description minéralogique de la Chaine Alpine , du Saint-Gothard au Mont-Blanc. L'auteur n’en a encore communiqué à l’Aca- démie que la première partie ; lorsqu'il aura donné la suite, nous rendrons compte de son travail. « Une grande question divise depuis longtemps les savants, dit M. Drarer dans son Mémoire De l'appréciation et de larpentage des terrains inclinés : elle consiste à savoir si un terrain in- cliné peut produire et nourrir plus de végétaux qu’un terrain horizontal d’une étendue égale à la base du premier , à sa projection horizontale. J.-J. Rousseau, Duhamel , etc., se sont prononcés pour la négative : on ne peut, ont-ils dit, élever plus de verticales sur un plan incliné que sur sa base ; et il en est de même des plantes, car elles croissent verticalement. Pline le Naturaliste et d’autres ont professé une doctrine contraire, à l'appui de laquelle ils ont invoqué l'autorité des faits et le témoignage du cultivateur. » Je vais essayer, continue l’auteur, de jeter un nouveau jour sur cette question, et de démon- trer que Rousseau et ses partisans ont abusé d’une vérité mathématique dans l'application qu’ils en ont faite à la pliysique végétale. » M. Dralet distingue les arbres des plantes her- bacées. Dans celles-ci , il est vrai, le premier produit de la germination, le plumule, s'élève HISTOIRE. 117 aussi verticalement : mais ce brin principal est accompagné d’autres brins qui ont des directions différentes, et qui, même, rampent sur la surface du sol. Il est évident que, dans ce cas, le produit de la végétation est à peu près proportionnel à l’éten- due de la surface, quelle qu’en soit linclinaison ; et il serait absurde, ajoute l’auteur, de prétendre qu'un terrain incliné, couvert d'herbes, ne donne pas plus de foin que n’en produirait sa base. Il en serait à peu près de même des céréales : leurs racines s'étendant peu au-dessous de la sur- face, trouveront plus de sucs nourriciers , lorsque cette surface sera plus considérable. L'action de lair et de la lumière , qui favorise si éminemment la végétation , dépendra aussi de cette grandeur. Quant aux arbres, il est bien vrai que leur tige s'élève toujours verticalement. Mais , lors même que sur un sol incliné, il n’y en aurait pas un plus grand nombre que sur sa base, il n’en serait pas moins positif que, sur ce sol, ils trou- veraient une nourriture plus abondante, et qu'ils prendraient un plus grand développement. Les substances nutritives leur sont apportées par les ra- cines, et par les feuilles qui couvrent les branches. Lors même que le pivot des racines descendrait verticalement, il n’en est pas moins certain qu’el- les ont encore des bras qui, avec leur chevelu, s'étendent parallèlement à la superficie, recher- chant de préférence la terre végétale, de sorte que la quantité de sucs absorbés par elles sera aussi en rapport avec l’étendue de cette superficie. 118 CLASSE DES SCIENCES. Ilen est à peu près de même des feuilles : les natu- ralistes ont remarqué que la base de l’ensemble des branches, de la toufle des arbres, est assez générale- ment parallèle à la surface du terrain ; les touffes seront donc d'autant plus volumineuses, et exerce- ront leur pouvoir absorbant sur une plus grande masse d'air que cette surface sera plus grande. Après avoir traité des deux opinions dont on vient de parler, M. Dralet examine, très en détail, les suites qu’elles ont eues sur la manière de mesu- rer l'étendue des terres cultivables, c’est-à-dire, sur leur arpentement. Autrefois qu'il n’avait pour objet que des propriétés en quelque sorte isolées, et dans l'opinion où lon était que le produit des terres est proportionnel à leur étendue superfi- cielle , larpentement comprenait la superficie en- tiére ; c’est la méthode par développement : elle a été employée seule pour la confection de tous les anciens cadastres et terriers. Mais depuis que l'arpentage a été annexé à la géodésie, qu’il en est devenu comme le complément, et par suite, qu'il a dû comprendre des contrées entières, le développement des terrains inclinés, leurs pentes et leurs courbures n’ont plus dû être pris en con- sidération , et 1l a fallu s’en tenir à leur projection horizontale ; c’est la méthode par cultellation : elle a été et elle est suivie dans la confection du cadastre général de la France. Un terrain incliné aura, en conséquence , une moindre contenance, si l’arpentement en est fait par ce mode, que sil avait été exécuté par l’autre, par l’ancien. HISTOIRE. 119 De telles différences sont la source d’une multi- tude de discussions et d’affaires litigieuses. Qu’un particulier vende son héritage , situé sur le pen- chant d’un coteau ; c’est l’ancienne contenance qui sera spécifiée dans le contrat : et si ensuite l'acquéreur veut la faire vérifier par un géomètre qui opère par la nouvelle méthode, il trouvera un moindre nombre d’arpents ; et cela pourra être la cause d’un procès. Le domaine de l’État peut aussi être exposé à des pertes considérables, par suite de l'emploi des deux méthodes. Durant le long espace de temps que M. Dralet a été à la tête de administration des forêts de nos dépar- tements , il a souvent fixé l’attention du Gouver- nement sur cet objet, et il lui a soumis divers moyens de prévenir ces pertes, ainsi que les dis- cussions entre les particuliers. Parmi ces moyens était un projet de loi , d’après lequel il aurait été enjoint à tous arpenteurs de déclarer, dans leurs relations , rapports et procès-verbaux , si les ter- rains sur lesquels ils ont opéré, ont été mesurés suivant leur surface, ou d’après leur base seule- ment. Médecine et Chirurgie. Si l'observation ne démontrait pas tous les jours les difficultés qui entourent le Médecin quand il doit rechercher la nature et la cause des mala- dies, le fait rapporté par M. Lanrey (Auguste) en serait une preuve convaincante. Il est relatif à un resserrement des mâchoires observé chez une jeune dame, dont l’étiologie n’a pu être rationnel- M. Lanrrey (Auguste). 120 CLASSE DES SCIENCES. lement établie. Ce fut vers la fin du mois de mars dernier, que cette dame se trouvant insensible- ment dans limpossibilité d'ouvrir la bouche au delà d’un centimètre, réclama les soins de notre confrère. Quels que fussent les efforts qu’elle fai- sait, les muscles abaisseurs de la mâchoire infé- rieure ne pouvaient vaincre la résistance des mus- cles releveurs, de telle sorte que la mastication était absolument impossible. Tout ce que la thé- rapeutique pouvait offrir de salutaire, fut vai- nement employé pendant plus de quatre mois. L’extraction d’une dent de sagesse fut mème pra- tiquée dans lespoir que lenclavement qu’elle présentait entre l’apophyse de los et la seconde molaire ferait cesser l’état d’érétisme des muscles masséter et temporal. Les ressources de Part étant épuisées, la malade se rendit à Bagnères pour y faire usage des dou- ches et des bains d’eau minérale : mais après un séjour d'environ un mois et demi, elle en revint presque dans le même état. Cependant Pécarte- ment des mâchoires qui, jusqu'alors n’avait été que d’un centimètre, se trouva un peu plus con- sidérable et la mastication rendue plus facile. Nul doute, dit M. Larrey , que cette affection m’ait son siége dans le système musculaire ! Mais à quelle classe de lésions faut-il le rapporter? Ici point d’altération physique , point d’altération organique apparente, car les parties n’ont jamais offert rien d’anormal, et quant aux lésions vitales parmi lesquelles les névroses occupent une si HISTOIRE. 121 grande place, comment oser se prononcer , quand dans aucune circonstance la malade n’a présenté le plus léger symptôme cérébral; qu’elle n’a ma- nifesté aucune douleur, et que sa santé a toujours été très-bonne , sauf lamaigrissement de son corps, résultat nécessaire des difficultés de la mas- tication et par suite d’un défaut de nourriture. L'arrachement de deux nouvelles dents n’eut pas de résultat plus heureux, et la malade convaincue de Pincurabilité de son mal, après tant d'essais inutiles , s’est résignée à en supporter les inconvé- nients avec une égalité de caractère admirable. M. Durrourc a présenté un tableau des maladies observées pendant les deux derniers trimestres de l'année 1834, à l’infirmerie des hommes de l’'H6- tel-Dieu Saint-Jacques. Ce tableau est précédé de quelques observations sur la constitution météo- rologique de Toulouse à cette époque. Il en résulte que l’automne , marquée ordinairement par lin- constance et la variété de la température , a offert une suite non interrompue de beaux jours, qui a exercé une heureuse influence sur la santé publi- que; que les affections catarrhales si communes dans cette saison ont été fort rares; que les fiè- vres intermittentes automnales , ordinairement si rebelles et si opiniâtres, ont rarement exigé l’em- ploi du sulfate de quinine ; qu'il y a eu même des guérisons spontanées sans Pusage de ce médica- ment et par les seules forces de la nature. M. Duflourc cite un cas fort remarquable de M. Durrounc, M. Ducasse. 122 CLASSE DES SCIENCES. manie furieuse , avec penchant au suicide, sur un jeune homme de vingt-cinq ans. On fut obligé, dit11, d'employer des moyens coërcitifs pour le préserver de sa propre fureur. Devenu calme pen- dant lanuit, la sœur crut pouvoir le délivrer de ses liens : mais le surlendemain, immédiatement après la visite, ce forcené étant monté sur le ciel du lit avec une étonnante rapidité, s'était assis à la réu- nion des deux tringles de fer. Prières, supplica- tions, rien ne put vaincre son obstination : il resta près de deux heures dans cette situation , mena- çant de se précipiter si lon faisait la moindre ten- tative pour l’en faire descendre. I/eflet suivit de près la menace. Le malheureux s’élança la tête Ia première d’une hauteur de 3 mètres 6o centimè- tres environ, et resta mort sur la place. Les pa- rents ayant réclamé le cadavre , Pautopsie ne put avoir lieu. Notre collègue donne ensuite des détails sur les asthmatiques et les hydropiques qu'il a eu à trai- ter. Quelques affections rhumatismales ; chroni- ques et dyssentériques, complètent la statistique des maladies des hommes observées dans Pinfir- merie pendant les deux derniers mois de 1834. Quelques fragments d’un ouvrage ayant pour titre, Plan d'études Médicales, ont été commu- niqués par M. Ducasse. Après avoir fait sentir les avantages inappréciables que présente à lélève qui entre dans la carrière si difficile, une éduca- tion libre et soignée, notre collègue entre rapide- HISTOIRE. 123 ment en matière. Îl regarde comme le fondement essentiel des connaissances médicales , l'étude de l'anatomie, de celle qu’on peut appeller positive, qui ne se trouve ni dans les livres, ni dans les le- çons du professeur , mais qu’on puise soi-même dans les travaux cadavériques. «Rien en effet n’est plus attrayant, dit-il, pour un esprit rationnel , que ce genre d’investigations et de recherches ; rien ne satisfait mieux la pensée que ce genre d’occupations, et il faut bien que cela soit ainsi , pour faire surmonter l’horreur et les dégoûts dont elles sont environnées. Mais connaître dans ses plus petits détails l’ensemble de la machine humaine; voir le corps de l’homme tel que la nature la for- mé ; ses organes dans leurs rapports réciproques , dans leurs influences vitales ; se dire enfin, je suis sûr de trouver là une artère, là un nerf, ici un vis- cère important; c’est en suivant cette voie que le sang inonde les tissus, que lair le pénètre, qu’il vit enfin; inventez s’il se peut une jouissance plus douce pour un esprit avide de connaissances, plus féconde pour la pensée ; pour moi, je ne pourrais pas la trouver. » Après avoir fait ainsi ressortir les avantages des travaux anatomiques, qu'il regarde, pour se servir de son expression , comme la clef de la science médicale, M. Ducasse introduit en même temps son élève dans les hôpitaux. Il veut le faire passer alternativement de la clinique cadavérique à la cli- nique pathologique, et de la connaissance exacte des organes, quand la vie les a abandonnés, 124 CLASSE DES SCIENCES. à l'étude de ces mêmes organes en proie aux mille altérations qui les détruisent. Notre collègue ne se dissimule pas que ces préceptes ne sont pas ceux de toutes les écoles : « Je sais, ajoute-t-il , qu'imbu d'anciens préjugés, on réserve surtout la clinique des maladies pour l’époque où Pélève va mettre le sceau à son instruction, ou, comme on le dit, couronner ses études. En un mot, on y perpé- tue encore l'erreur qu'il faut débuter par la théo- rie , approfondir toute la partie dogmatique de la science, et ne s'occuper de sa partie pratique , c’est- à-dire, de ce qu'il y a de vraiment essentiel, qu’a- près avoir bien fatigué son cerveau du bavardage des systèmes et des vaines productions de lintel- ligence humaine. » Cette méthode ne paraît pas à notre collègue admissible dans l’état avancé de cette mème intel- ligence, lorsque tout marche si visiblement vers le progrès , lorsque la science, ne se nourrissant au- jourd’hui que de faits démontrés , de notions maté- rielles , n’est occupée dans ses recherches qu’à ce qu'il y a de vrai et de positif. « Cette observation réfléchie, dit M. Ducasse, doit donc toujours précéder les explications que les faits réclament. Au lieu de se créer des êtres fantastiques, de bâtir un monument dans la ré- gion des chimères, de descendre ou de sélever dans de ridicules hypothèses, l'imagination est alors bridée dans son essor aventureux. Retenue par la force des choses, par les liens si diflciles à rompre de la vérité, elle sent bientôt, qu'a moins HISTOIRE. 125 de tomber dans de graves erreurs, il ne lui est plus permis d’en franchir les limites , et elle fait tourner à l'avantage de la science toutes les fa- cultés dont elle est douée. Eh ! qui pourrait me- surer les progrès de cette même science , si les hommes de génie qui Pont tour à tour cultivée, avaient été pénétrés des mèmes principes ! De combien d’heureuses découvertes, de précieuses élucubrations n’auraient-ils pas enrichi ses anna- les, si, plus jaloux de recueillir des faits, d’obser- ver leurs relations, d'analyser leur nature intime, ils ne s'étaient pas ainsi livrés sans frein aux rê- ves de leur pensée, aux chimériques illusions d’une profonde réforme scientifique. C’est ainsi que marcha le père de la médecine. Lui aussi avait une imagination vive et brillante ; lui aussi pouvait fonder une école de systèmes , une doc- trine de mensonges : mais il préféra l’étude des faits, la puissance de l’observation ; et tandis que les livres fameux destinés à bouleverser la science, gisent oubliés dans un honteux abandon , ceux du divin Vieillard surnagent au torrent des siècles et guident, encore, après deux mille ans, les popu- lations qui lui ont succédé. » Statistique. M. Viry a communiqué à l’Académie les ta- bleaux et observations qui suivent ; au sujet de l'exposition des produits de l’industrie et des beaux- arts qui a eu lieu en notre ville, en 1835. Produits de l'industrie. M. Viry, CLASSE DES SCIENCES. 126 Tasreau comparatif de Expositions de Toulouse en 1827, 1 el 1835. NOMBRE RAPPORT ÉLOGES , & RAPPORT | SURFACES des du nombre Méduilles et rappels en de FT en mètres carrés Exposants admis des Exposants de Médailles d Esposants occupées par les produits en en en de de | de. en en en en 1827. | 1899. | 1835. 1899 € Fe LED 1827. | 1899. | 1835. || 1827. | 1809. | 1835. aa. 1829. Section de l'industrie. .| 165 : 1,308|1,363|| 33 52 |108* 0,30 |0,48 Section des beaux-arts..| 109 1 » 1,119 510,25 |0,36 —— Toraux et rapports généraux.| 274 | 296 1,172 1,266 ( A 0,287|0,438 955 055 | ) Ce Tableau fait connaître, 1.° que T Éonibre d'Exposants pour l'industrie a constamment progressé , et que pour 1835 il a dépassé de plus d’un tiers celui des Exposants de 1827 ; tandis que pour les beaux- arts l'augmentation n’a été que d'environ ?/, ; 2.° que les produits se sont Alter améliorés , puisque le; jury a dû augmenter le nombre proportionnel des récompenses, suivant une progression géométrique à peu près constante , dont le rapport serait 1,50. 0 * Dans ce nombre figure la Croix de la Légion d'honneur accordée à M. Agante père, par suite de la délibération spéciale prise à ce sujet par le jury de l'Exposition de Toulouse. HISTOIRE. 127 Resultats des Expositions des produits de l’industrie nationale pour le département de la Haute-Garonne. EXPOSITION DE 1827. Population de la France... ....,......... ue... 30,461,187 individus. Population du département de la Haute-Garonne. 391,118. Environ 1/78.° de la population du royaume. NOMBRE 4 roporlion- NATURE NOMBRE [FR In po- | NOMBRE |. A YAN- DÉsa- DES RÉCOMPENSES pulation du vANTAGE. total. |département| obtenu. | TAGE. de la H.te- Garonne. accordées par le Roï. Rappel de Médailles d’or... 57 0,723 1,00 0,22 » Médailles d'or............... 49 0, 63 1,00 0,37 » Rappel de Médailles d'argent. . go 1,154 » » 1,154 Meduilles d’argent.........,. 149 1,91 1,00 » 0,91 Rappel de Médailles de bronze. 78 1,00 1,00 » » Meduilles de bronze........,. 220 °,82 2,00 » a, 82 643 8,237 6,00 0, 647 2, 884 Adéduire l'avantage. “2er tee de HE 2 CCD 0DD 0,647 Désavantageiréelee ttes etes enceReciereccleeece 2,237 | 7 à è EXPOSITION DE 1854. Population officielle de la France. .............. 32,560,934 individus. - Population du département de la Haute-Garonne. 427,856. Environ 1/76.° de la population du royaume. Rappel de Médailles d’or. .... 72 0,915 » » 0,915 Médailles d'or........,,...... 69 0,906 1,00 0,094 » Rappel de Médailles d’ærgent.. |. 108 1,419 1,00 » 0,419 Médailles d’argent........... 249 3,274 2,00 » 1,271 Rappel de Médailles de bronze. 79 1,038 1,00 » 0,038 Médailles de bronze.......... 380 4,993 3,00 » 1,993 957 12,542 8,00 0,094 4; 636 A déduire l’avantage...,.............................. 0,094 Désavantage réel. . ................................... 4,542 Ainsi, en 1827, sur 643 Médailles ou rappels de Médailles, au lieu de 8 Médailles 23 que le département de la Haute-Garonne aurait dü obtenir proportionnellement à sa population, il n’en obtint que 6; il y avait donc déjà un déficit de 2 Médailles 237. Mais cette infériorité est devenue bien plus considérable à la der- nière Exposition, puisque sur 957 Médailles ou rappels de Médailles le département aurait dû en obtenir 12,542, et qu’il n’en a obtenu que 8; en sorte que le déficit est de 4m,5%2, c’est-à-dire, le double de ce qu'il était déjà en 1827. Ces résultats, qu’on ne saurait trop déplorer, ne peuvent être considérés cependant comme un signe certain de décadence, car ils sont principalement düs à l'indifférence inexplicable que manifes- tent la plupart des producteurs de nos contrées pour envoyer le résultat de leurs travaux aux Expositions générales de l’industrie française. Statistique de la France, par M. Souquet. M. OZANNEAUX. 128 CLASSE DES SCIENCES. M. OzanxEaux , au nom d’une Commission chargée de l’examen du travail de M. Souquet de Saint-Girons , sur la Statistique générale de la France, lit le rapport suivant : « Le travail que nous avons été chargés d’exa- miner est une œuvre tellement vaste, que notre rapport ferait à lui seul un ouvrage , si nous avions voulu former et vous présenter un juge- ment sur les détails. Nous nous sommes bornés à prendre une connaissance exacte de l’ensemble et des liens qui unissent les parties, de manière à pouvoir vous faire apprécier le mérite de auteur et l’importance de sa production. » Un mot suffira pour vous donner une idée de cette importance. Il y a seize ans que M. Souquer y travaille, et il n’en a fait encore que la moi- tié. Dans une époque où tout simprovise et se précipite , les œuvres et les réputations, où lon ne conçoit plus guère d'autre mérite que celui de lä-propos , d'autre succès que celui d’un jour, c'est un rare et merveilleux spectacle que celui d’un homme qui, pendant toute sa vie, dirige ses recherches , ses études, ses méditations vers un seul but , par une seule voie, inspiré par une seule pensée : spectacle plus étonnant encore si Von songe que cet homme est isolé, sans appui, sans encouragements , sans aucune ressource au- tour de lui, sans confidents, sans témoins , en un mot, sans tout ce qui alimente lintelligence et soutient le courage. Une statistique générale de la France, entreprise par un avoué de Saint- HISTOIRE. 129 Girons! Qui le croirait ! Il semble qu'il faudrait pour un pareil travail, deux ou trois générations de Bénédictins , ou une vingtaine de sociétés savan- tes, ou, ce qui revient au même, quatre Mathu- salem, bout à bout, comme dit La Fontaine. Voyez plutôt le dictionnaire de Académie ! » M. Souquet ne prétend pas au mérite de l’in- vention, de l’imagination. Et en effet , qu’y aurait- il à inventer dans de pareilles matières ? La statistique n’a pas de découvertes à faire, elle n’a que des faits, déjà recueillis , à coordonner : tout le mérite d’un ouvrage de cette nature est, 1.9 dans l’exactitude des faits recueillis; 2.° dans l’ordre adopté pour présenter ces faits. » Pour le premier point, la commission se déclare incompétente. Il était impossible de contrôler tous les faits indiqués dans cet ouvrage, où des myria- des de chiffres éblouissent le lecteur à chaque instant, où des détails infinis s’entassent, en ca- ractères imperceptibles, dans des cases étroites : d’ailleurs , deux conditions principales nous man- quaient pour juger de leur précision , et ces deux conditions me dispensent d’en nommer d’autres : un temps immense devant nous, et la science universelle. Nous avons, au hasard , interrogé ces vastes tableaux : pour deux ou trois inexactitudes que nous aurions pu relever, nous avons trouvé des réalités nombreuses , incontestables. Nous ne pouvons pas plus nous appuyer sur les unes pour critiquer , que sur les autres pour louer. Nous ne pouvons parler que de ensemble. TOME IV. PART, I. 9 130 CLASSE DES SCIENCES. » Voici les divisions principales de M. Souquet : Topographie ; Productions du sol et.de l’industrie française ; Biographie de chaque département ; Abrégé de l’histoire chronologique de France. » Nous avons eu sous les yeux toute la première partie , et nous l’avons parcourue avec une atten- tion particulière. Elle se compose de 19 tableaux. Je vais, Messieurs , pour vous donner une idée de l'étendue de cet ouvrage, et de la singulière pa- tience qu'il a fallu pour lexécuter, vous dire les titres de ces tableaux et des colonnes qui les com- posent (1). » La seconde partie, production du sol et de l'industrie, ne nous a pas été entièrement soumise. Ce que nous en avons eu sous les yeux nous a paru mériter un examen approfondi ; mais nous n'avions, ni le temps, ni les moyens de le faire. » La troisième partie n’est pas faite (Biographie des départements). » La 4.° est commencée. La Commission, après avoir pris connaissance de ce qui lui en a été soumis, a pensé que l’auteur aurait pu se dispenser de la traiter : que l’histoire de France a déjà été bien des fois, et avec succès, réduite en tableaux : que les développements qu’exige l’exposé des événe- ments , quelque succinct qu’on veuille le faire, ne (x) Ici le Rapporteur a fait lecture de plusieurs titres des très-nombreux et très-grands tableaux qui sont joints au manuscrit de M. Souquet. HISTOIRE. 131 peut pas être en harmonie avec le reste de l’ou- vrage, où la concision est non-seulement possible, mais même trouvée par l’auteur, avec un bonheur souvent remarquable : que d’ailleurs, à en juger par les commencements, M. Souquet paraissait avoir peu profité de la critique moderne sur les faits his- toriques qui composent les premiers temps de notre histoire ; en admettant comme vrais des récits contestés ou contestables, comme importants des détails dont la valeur est nulle, La Commission est d'avis que M. Souquet soit invité par lAca- démie à réfléchir encore sur lutilité de cette partie de son travail ; et sil persiste à la croire nécessaire , que l’Académie lui conseille de la mettre au niveau des découvertes actuelles, en s’éclairant des travaux de MM. Sismondi, Guizot, Thierry, en un-mot, de tous ceux qui ont apporté quelques lumières sur cette première époque de lhistoire de France. » En résumé , la Commission exprime à l’Aca- démie l’étonnement et presque l'admiration qu’elle a éprouvée à l’aspect des développements d’un ouvrage qui a exigé, de la part de son auteur , tant de consciencieuses études et une si longue persévérance. Elle propose à l'Académie, 1.2 de remercier M. Souquet de son intéressante commu nication ; 2.0 de le féliciter dans les termes les plus encourageants du grand travail qu'il a entre- pris et exécuté en grande partie; 3.0 de lui offrir tout l'appui et toutes les recommandations dont il pourrait avoir besoin, sil pensait que le témoi- 9. 132 CLASSE DES SCIENCES. gnage de l'Académie pût attirer sur son œuvre attention et la bienveillance du Gouvernement. » Météorologie. pers « Ilse fait à l'Observatoire de Toulouse sept sor- de observa- tes d'observations météorologiques ; savoir : obser- PRES vations du baromètre, du thermomètre, de Pétat ue du ciel, du vent, de Fhygromètre, de ludomètre J'observatoire €t de lévaporation. de RME » Le baromètre métrique et à grande cuvette est Vaurmer. observé cinq fois par jour ; à six heures du matin, à neuf heures, à midi, à trois heures et à dix heures du soir ( cette dernière observation se fera dorénavant à neuf heures) : la cuvette de Pinstru- ment est placée à 160% 35 au-dessus du niveau de la mer, et à 13" 72 au-dessus du sol; un ver- nier donne les dixièmes du millimètre ; les hauteurs barométriques sont ramenées à la température de la glace fondante, et corrigées de la dépression occasionnée par la capillarité du tube. Cinq obser- vations du thermomètre sont faites aux mêmes heures et à un dixième de degré centigrade près. L'état du ciel est constaté cinq fois aux mêmes heures , ainsi que la direction du vent, au moyen d’une girouette très-mobile et bien orientée. L’hy- gromètre est observé deux fois par jour, à six heures du matin et à trois heures du soir. Un udomètre , construit d’après le système suivi dans le Languedoc, et qui est dû à M. Clausade, ancien Ingénieur en chef du canal du Midi, permet de mesurer l’eau tombée sur le toit de l'Observatoire HISTOIRE: 133 à moins d’un centième de millimetre. Enfin, un bassin de la contenance de {00 litres, offrant une superficie de 57 décimètres carrés, et une profon- deur de 70 centimètres, et garni d’une échelle divisée en millimètres, est observé une fois par jour , pour constater la quantité d’eau évaporée ; on a soin que la hauteur du liquide ne varie jamais de plus de 3 centimètres. » Le tableau que j'ai présenté à l'Académie offre les moyennes des observations faites aux mèmes heures, la moyenne de chaque mois et celle de l’année : les mêmes calculs ont été faits pour les observations du thermomètre. On trouve dans ce tableau les jours de pluie de chaque mois, les jours de grand vent, les jours de brouillard , de gelée et de tonnerre, la quantité d’eau tombée chaque mois, et la quantité évaporée. » La moyenne du baromètre , pour l’année, est de 0%74994; la moyenne des observations de midi est 0" 74089 : la différence entre ces deux moyen- nes est 0% 00005, ou d’un vingtième de milli- mètre. » Le 4 février, le baromètre marquait 0"7634, c’est la plus grande hauteur qu'il ait atteint, et le 30 septembre il marquait 0®7502, point le plus bas où il soit parvenu; la différence entre ces deux termes extrèmes est 0% 0332. » La moyenne du thermomètre pour l’année est 12° 09 : la moyenne du mois d'octobre exprime ordinairement, avec assez d’exactitude , celle de l’année ; en 1835 , la température moyenne d’oc- 134 CLASSE DES SCIENCES. tobre a été de 72° 20 , et par conséquent, moin- dre de o° 79 que sur celle de l’année ; la moyenne des observations de neuf heures du matin a été de 12° 32, qui ne diflere de la moyenne de Pan- née que de o° 67. Le mois de septembre a été moins chaud que celui de juin, le contraire a souvent lieu dans ces contrées ; le jour le plus chaud de année a été le 30 juillet; le thermo- mètre a marqué 36 degrés à trois heures du soir. Le jour le plus froid a été le 28 décembre; le thermomètre a marqué Q° 4 au-dessous de zéro. » Ilyaeu, en 1835, 114 jours de pluie, c’est un peu moins que le tiers de l’année, il n’a plu la nuit que vingt fois; il est tombé en tout, Grqmm 55 d’eau, où 22 pouces 4/5; le mois où il est tombé la plus grande quantité de pluie est le mois de mai; ludomètre a fourni 123% 60 : du 28 au 30, il en est tombé Gr" 80; c’est alors qu'a eu lieu le débordement de la Garonne. » On a observé depuis longtemps qu’à Toulouse il s’évaporait plus d’eau qu'il n’en tombait; la moyenne de l’'évaporation est d’environ 26 pouces: l’année dernière elle a été, au canal , de 37 pouces ; le bassin de l'Observatoire , placé à 14" du sol, a donné 40 pouces, quantité excessive. On sait qu'il tombe moins d’eau à une certaine hauteur au-dessus du sol que sur le sol même ; il parai- trait, d’après le résultat que je viens de citer, qu’il s’en évaporerait au contraire davantage : ne pourrait-on pas assigner trois causes à cette diffé- rence : la première, c’est qu'a 14" du sol il existe HISTOIRE. 139 peut-être moins de vapeur que près du sol , ce qui favoriserait lévaporation ; la seconde, que la pression de l’atmosphère y est moindre ; et la troisième enfin, que l'influence des vents sy fait plus sentir. » Les vents de SE et ONO ont été dominants en 1835 ; le premier a régné 123 jours, et le second, 135. Il y a eu 35 jours de brouillard ; 49 de gelée; 4 de neige ; 1 de grésil ; 21 de ton- nerre. » Le 12 ayril a été d’une sécheresse remarqua- ble ; lhygromètre , à 5 heures du soir, était à 18. » La moyenne de Phygromètre pour 6 heures du matin est 75 ; pour 3 heures du soir, 57 ;et la moyenne de année , de 66. » Parmi les travaux des Membres de PAcadémie, on compte encore : Le rapport de M. Moquin-Tanpon sur un MWé- moire de M. de Quatrefages concernant les cro- chets des anodonts pendant leur vie interbran- chiale ; Un rapport de M. Gawrier sur un nouveau procédé de gravure en relief sur cuivre ; par M. Dembour , graveur à ATetz ; Un rapport de M. Dusac, sur la fabrique de produits chimiques de MM. Cayre, Raymond et compagnie, à Toulouse. Ce rapport a été ultérieu- ment imprimé ; Un second rapport du même Académicien au 136 CLASSE DES SCIENCES. sujet de deux réclamations de feu M. Astier, con- cernant, 1.9 l'emploi des fumigations qu’il nomme onosétiques pour détruire les virus générateurs du choléra ; 2° lemploi du sublimé corrosif pour prévenir la carie sèche dans les bois de construc- tion. Année 1856. Section Première. HISTOLRS. SUJETS DE PRIX. L'Acaëme avait proposé pour sujet de prix à donner en 1835 : Déterminer l’effèt mécanique d’une roue horizontale à palettes courbes, mue par un courant d’eau dont la dépense et la chute sont connues. Cet efjèt doit étre exprimé par une Jormule basée sur des expériences, et d’une ap- plication facile à la pratique. — On déduira de la formule, ou directement des expériences , la forme et la disposition les plus avantageuses qu’il convient de donner à cette espèce de roue. Aucun Mémoire n'ayant été envoyé sur cette question, elle a été retirée du concours. Toute- fois on rappelle que si, par la suite, il était en- voyé un Mémoire sur ce sujet, comme sur tout autre proposé par PAcadémie, et qu'il la satisfit complètement , conformément aux anciens usa- ges, 1l serait donné à son auteur un prix extraor- dinaire. 138 CLASSE DES SCIENCES. Le sujet de prix de 1837 concerne la Classe des Inscriptions et Belles-Lettres. Pour 1838, le prix crdinaire sera décerné à l'auteur du Mémoire qui fournira les renseigne- ments les plus utiles ou la théorie la plus satis- faisante relativement au halage des bateaux sur les canaux et sur les rivières. Pour 1839, l’Académie reproduit la question dont l’énoncé suit : En admettant les progres ap- portés par l'anatomie pathologique dans l’étude et la guérison des maladies en général, déter- miner les avantages que les Médecins peuvent en retirer dans le diagnostic, le pronostic et le traitement des affections proprement appelées NERVEUSES. Le prix, pour chacun des sujets ci-dessus , sera de cinq cents francs. ÉLOGES. a —— NOTICE SUR M. VIREBENT ; Par M. Du MÈGE, pe LA Haye. Le maitre de Socrate disait, il y a plus de vingt siècles : « Donnez tout à l’homme , excepté la » vertu, et vous n'aurez rien fait pour sa félicité. » Cest que la puissance, la fortune , le génie même, ne peuvent remplacer le bonheur intime qui naît d’une conscience pure, d’une vie sans tache , et de laccomplissement de tous les devoirs, envers Dieu, envers la famille, envers la patrie. Le bonheur, c’est la vertu. ’ Il fut heureux, suivant la maxime de Platon, ce- lui dont je dois aujourd’hui retracer le souvenir et honorer la mémoire. À uneépoque, déjà éloignée, où tant d’autres faillirent , où tant de renommées ne purent résister à l'épreuve des révolutions, sa vie fut tranquille; rien n’en troubla le cours, parce qu'il n'eut à se reprocher ni des fautes, ni des faiblesses. Doué de talents incontestables, il ne s’en servit que pour Putilité commune. Toutes ses pensées eurent pour but la prospérité de sa ville natale. Ce fut un artiste habile, et lun de nos meilleurs citoyens. Jacques-Pascal Vinesenr naquit à Toulouse le 140 CLASSE DES SCIENCES. 7 avril 1746; il était fils de Jean-François Vire- bent , contrôleur général de la ville , homme probe et éclairé, dont la gestion fut regardée comme un modèle par ses successeurs. Celui-ci ne négligea rien pour que l’éducation de ses fils les rendit capables de servir utilement leur patrie. Ses désirs furent accomplis. Deux d’entreux, placés au premier rang des ingénieurs-géomètres de nos provinces, furent chargés de lever les cartes du comté d’Ar- magnac , de celui de Bigorre et de presque tout ce vaste espace que limitent les Pyrénées , la Garonne et l'Océan ; et ces travaux géodésiques leur méri- tèrent l’estime des hommes les plus savants d’alors, et en particulier les éloges du célèbre d’Anville. Notre confrère, destiné aussi, dès ses plus jeu- nes ans, à l'étude des mathématiques appliquées , éprouva le besoin d'y joindre celle des arts dé- pendants du dessin. Depuis peu de temps, une Académie ensei- gnante , et qui continuait l’œuvre de Dupuy du Grez (1), du modeste Ambroise Fredeau (2), de (x) Avocat , né à Toulouse vers le milieu du 17."* siècle ; il a laissé une histoire manuscrite de sa ville natale et un Traité sur la peinture , imprimé en 1697. Il établit une école publique et gratuite de dessin, fit exposer un modèle vivant et distribua des prix. A (2) Né à Paris, en 1589, etélève de Simon Vouet. Il vint à Toulouse vers l’an 1620 ; il était déjà religieux augustin. Bientôt , quinze chapelles de la grande église et du cloître du couvent qu'il habitait furent ornés de tableaux et de statues, qu'il improvisait en quelque sorte. Presque toutes les maisons de son ordre lui demandèrent quelques-unes de ses productions, HISTOIRE. 141 Chalette (1), de Michel (2) et de Rivalz (3), of- frait dans Toulouse un enseignement, depuis long- et sa facilité lui permit de satisfaire à ces demandes multipliées. Il ouvrit, après la mort de Chalette , une école dans le mo- nastère qu'il habitait, et beaucoup de jeunes gens, parmi lesquels on remarquait Jean-Pierre Rivalz, y vinrent recevoir des lecons. Fredeau mourut vers 1675. (1) Né à Troyes, en 1585, il reçut les premières notions de son art dans sa patrie , et alla ensuite à Paris; 1l ÿ perfectionna son talent , et étudia avec beaucoup de succès la peinture et l'architecture. Plus tard, il parcourut l'Italie. A son retour, il se fixa dans Toulouse et fut nomme peintre de la ville. Ses portraits sont dignes des plus grands maîtres ; on les a souvent attribués à Paul Véronèse : ses tableaux historiques sont dans le genre du Caravage. Il ouvrit une école gratuite dans son atelier, forma plusieurs artistes , et mourut en 1645. (2) Michel , né à Luzenac , dans le comté de Foix, en 1659, fut d’abord élèye de son père, qui lui-même l'était de Jean de Troy. Envoyé à Paris, il entra dans l'atelier de François de Troy, et il acquit, près de ce maitre célèbre, un talent très- remarquable , et qui paraît encore en beaucoup de beaux por- traits et de tableaux historiques. Nommé peintre de l'hôtel de ville , il crut pouvoir établir une école gratuite de dessin : il ne demandait aux Capitouls que leur agrément et les gages nécessaires pour un modèle vivant ; sa demande fut repoussée: il s’adressa au Roi, et ne fut pas plus heureux. Il mourut à Toulouse en 1709. (3) « Antoine Rivalz, dit M. de Mondran (dans un ouvrage » que j'aurai encore l’occasion de citer), avait un atelier con- » sidérable dans Fhôtel.de la ville, à raison de sa place de » peintre, ce qui lui procura la facilité d'y recevoir un grand :» nombre d’elèves de toutes conditions , parmi lesquels fnrent » Subleyras, Despax , Cammas , Maran, Crozat, peintres , et » Lucas, sculpteur. Après que ces élèves furent parvenus à » dessiner la figure d’après l’estampe ou la ronde bosse, ils vi- » rent la borne de leurs progrès, s'ils ne dessinaient point 142 CLASSE DES SCIENCES. temps désiré. Un de ces hommes rares, qui, dans une ville grecque , aurait reçu par un décret so- » d’après le modèle vivant. Animés par le goût qu'ils avaient » pour leur profession , ils se cotisèrent, en 1726, et firent un » fonds pour payer le modèle et les autres frais accessoires » pour tenir une école. Ils allèrent ensuite faire part de leur » projet à M. Rivalz, et le prièrent de l’approuver, de vou- » Joir bien leur prêter une grande chambre joignant son ate- » lier et dont il ne se servait pas , et de vouloir leur faire la » grâce de diriger cette école. » M. Rivalz qui, comme je l'ai dit, aimait sa profession, » approuva avec joie le zèle de ses jeunes élèves, leur céda la » salle qu’ils désiraient et dans laquelle ils firent dresser tout ce » qui était nécessaire , non seulement pour la pose du modèle, » mais pour y placer les élèves qui commençaient à dessiner. » Dès que tout fut prêt, l’école fut ouverte. Plusieurs artistes » y accoururent, du nombre desquels furent les sieurs Bordes » frères, Samson, Saint-Amans, Helies, et une infinité d’autres » jeunes gens de tout état et condition, avec pourtant l’appro- » bation de M. Rivalz, qui faisait le choix et qui renvoyait ceux » qui n’aimaient pas le travail. C’est de cette école que sont » sortis tous les artistes dont fut formée dans la suite la classe » des associés-artistes de l’Académie, lorsqu'elle fut érigée par » Louis XV en Academie royale. » M. Rivalz ne manquait point d'assister à l’école depuis le » commencement jusqu’à la fin de la tenue. I] plaçait le modèle » deux fois la semaine, il corrigeait les dessins de tous lesélèves » indifféremment, avec un zèle et une patience qui prouvaient » Je désir qu'il avait de faire fleurir les arts dans Toulouse. » Quelques mois après , MM. les Capitouls , instruits de cet » établissement , furent curieux de le voir. Ils furent si tou- » chés du zèle de ceux qui en avaient fait la dépense , qu'ils » eurent la générosité de vouloir que ce fût la ville qui, à » Pavenir, en fit les frais. » Le conseil de ville fut assemblé à cet effet le 3 septem- HISTOIRE. 143 lennel,, une couronne d’or et l'honneur d’un mo- nument public, avait, après de longs eflorts (1), » bre 1726, et, sur la représentation de MM. les Capitouls, » il fut assigné à M. Rivalz une somme de 400 francs, pour » une année ; et sur une seconde délibération du 16 septem- » bre de l'année suivante 1727, ce même fonds fut assuré » pour l’école, pendant la vie seulement de M. Rivalz. » Comme on ne doit jamais oublier les bienfaits , l’Acadé- » mie se fait un plaisir de transmettre à la postérité les noms » de MM. Cormouls, chef du consistoire , et Baylot, syndic de » la ville, qui furent ceux qui agirent avec zèle auprès du » conseil de viile. » Ce fut donc à ces magistrats éclairés et zeles pour le bien » public que Toulouse dut ce bienfait. M. Rivalz étant mort » eu 1732, la pension de {00 francs cessa, et l’école aussi... » Elle fut cependant rétablie dans la suite, et la dépense, as- signée sur les fonds de la ville , fut portée à 900 francs ; mais le conseil de ville était dispose à supprimer cette pension, lors- que M. de Mondran obtint des lettres patentes qui érigèrent l'école en Academie royale. (1) C'était M. Guillaume de Mondran , trésorier de France, né à Toulouse vers le commencement du 18. siècle, et mort dans cette ville em 1792. Voici comme il raconte lui- même, dans un Mémoire (encore inédit} pour servir à l'his- toire de l Académie royale de peinture, sculpture et archi- lecture de Toulouse, la fin des démarches qu'il avait faites à Paris , au nom de la société enseignante , mais à l'insu de celle-ci, afin de ne pas éveiller la jalousie et peut-être même la haine du corps de ville : «M. Darquier l'aîné nous servit » si promptement, qu'il ne perdit pas un moment pour retirer » du sceau les lettres patentes , et les envoya par le courrier » suivant à M. de Mondran. Dés que celui-ci les eut reçues , » avant d’assembler la société, 1l fut trouver son ami, le Chef du » Consistoire, qui en fut enchanté ; il le pria de n’en point par- » ler à l'hôtel de ville pour jouir de la surprise que cela cause- 144 CLASSE DES SCIENCES. obtenu la création de cette Académie qui a donné au monde artistique, le père du célèbre Gros (1), SZ Y » rait lorsqu'il irait en faire part aux magistrats. Après qu'ils eurent concertée cette scène, le Chef du Consistoire lui dit qu'il assemblerait les commissions , qui étaient nombreuses , afin que ce que nous étions convenus de dire fit une plus grande sensation, M. de Mondran fut, l'après-midi, sur les trois heu- res à l'hôtel de ville, où il trouva les Capitouls assemblés dans le petit Consistoire avec nombre d'anciens Capitouls, et il leur dit : «Messieurs , vous vous souvenez bien qu'il y a quelques mois, MM. les Capitouls ayant porté en point au conseil de ville de demander au Roi d’ériger notre société en Acadé- mie royale, le corps de ville faillit nous supprimer, et qu'il ne passa que d’une voix de plus de nous laisser subsister comme nous étions. Mais attendu que je connais, peut-être mieux que vous, l'utilité de notre établissement pour le bien public, je n’ai pas cru qu'il fût prudent de risquer d’être détruits quel- ques jours par une économie mal entendue de l'hôtel de ville; c’est pourquoi, j'ai voulu assurer notre existence par des lettres patentes qui érigent notre société sous le titre d'Aca- démie royale de peinture, sculpture et architecture. Les voici : si elles ne sont pas si favorables à l'hôtel de ville, qu'il aurait pu le désirer, c’est sa faute. Le corps de ville n'avait qu'à le demander comme M. le Chef du Consistoire , que voilà , l'avait proposé ; vous en auriez dressé le projet comme vous l’auriez voulu , et vous auriez eu la gloire d’a- voir achevé une fondation que vous aviez commencée. Pour moi, qui les ai demandées , et qui les ai obtenues, j'a agi selon ma façon de penser et celle que j'ai cru la plus avantageuse pour le bien public. — Vous pouvez les lire. — Ce préambule les épouvanta. » (1)Jetrouve dans l'ouvrage manuscrit déjà cité, que «le sieur » Gros remporta, en 1745, un prix de quinze livres. » , 149 » q Le même ouvrage nous apprend, « qu'en 1 746, le sieur Gros, » actuellement fameux peintre en mimature, eut le second prix HISTOIRE. 145 architecte Raymond (1), Dabos et, surtout, Valen- ciennes et Ingres. Le père Fontenilles, qui apparte- nait à l’Académie des Sciences, faisait dans celle des Arts, et conjointement avec Labarthe, des cours de géométrie et de perspective, Notre confrère suivit avec persévérance, avec succès, les leçons de ces savants professeurs. Le dernier des Rivalz lui ap- prit le dessin et la peinture. M. de Savignac lui donna les premiers éléments de l'architecture. ci- vile; et, à l'âge de quinze ans, lorsqu'il fut envoyé à Sorèze pour y terminer son éducation littéraire , déjà commencée à Toulouse, il put lui-même pro- fesser le dessin et l'architecture dans ce gymnase fameux. Mais il sentit que les études artistiques, faites dans les livres, ne peuvent suppléer à Pins-. truction vaste et solide que lon acquiert par la » de quinze livres d’après l’estampe. » Parmi ses compagnons de » gloire , il eut à cette distribution le sieur Lagrenée , actuel- » lement professeur de l’Académie royale de Paris, et ci-devant » premier peintre de l’Impératrice de Russie : ce dernier eut le » prix de composition pour la sculpture, de la valeur de soixante » francs, et le prix de trente francs pour une académie d'après » le modèle vivant. » On assure que M. Gros habitait encore Toulouse en 1776. (1) Jean-Arnaud Raymond, architecte de la province de Languedoc , professeur à l’Académie royale de Paris, mem- bre du Conseil des bâtiments civils, architecte des palais im- périaux , né à Toulouse le 9 avril 1742 , mort à Paris le 18 janvier 1811, D'abord élève de l'Académie érigée dans sa ville natale , il fut ensuite envoyé à Paris par les soins de M. de Puymaurin , et étudia son art sous Blondel, Hilaire et Leroï. TOME IV, PART, 1]. 10 146 CLASSE DES SCIENCES. vue des monuments , et il résolut d'examiner avec soin ceux que le temps a épargnés. La province de Languedoc renferme, plus qu'aucune autre partie de la France , une longue suite de ces restes de la splendeur romaine, où se retrouvent encore les ineffaçables traces du génie colossal du peuple roï : modèles demeurés, comme par enchantement , sur cette terre classique qu'ont bouleversée tant de cataclysmes, pour nous redire ce que furent les conquérants de la Gaule et pour nous apprendre, par la comparaison, à juger les œuvres modernes, Le jeune Virebent, initié par ses maîtres dans l’art de Vitruve et d’Apollodore, voulut voir, voulut étudier ces admirables débris que Nimes, Arles, Orange, conservent encore. En les dessinant , en les mesurant, il put se con- vaincre que dans les diverses proportions des or- dres donnés par les auteurs, il fallait faire quel- quefois des rectifications, et il acquit une con- naissance approfondie de cette magie du style architectural des anciens, de ce charme qu'ils savaient jeter dans leurs compositions les plus sim- ples, de cette grâce qu'ils répandaient avec tant de goût dans les détails. L'Italie offre peu de mo- numents aussi bien conservés; et cependant notre confrère aurait entrepris un pélerinage artisti- que dans cette contrée célèbre , si des devoirs impérieux ne l’avaient retenu en France. Mais il voulut s'approprier les belles formes, l'aspect pit- Loresque des précieux monuments que notre pa- trie renferme encore, et les plans, les éléva- HISTOIRE. 147 tions, les coupes, et surtout les belles aquarel- les qu’il rapporta de son voyage en Languedoc et en Provence, fixèrent son goût et donnèrent dans la suite à ses compositions une fermeté, une élé- gance mâle et sévère, que l’on semblait alors avoir totalement rejetées de l'architecture moderne. Les arts du dessin étaient tombés en ce temps dans une décadence complète; Les leçons des anciens étaient oubliées. A ces belles formes, à ces contours gracieux , simples et purs qui déterminent la vért- table ligne de beauté, les peintres etles sculpteurs avaient substitué, je ne sais quelle imparfaite et basse imitation de la nature, des contours incor- rects et des attitudes ignobles. Un système gé- néral faisait dédaigner les leçons du passé : des méthodes vicieuses, des systèmes absurdes rem- plaçaient les traditions des grands maitres ; à lé- tude de la nature, dans ce qu’elle offre de plus beau, de l’antique, dans ce qu’on y trouve d’élégant, de poétique , de sublime, on opposa /« manière, les grâces prétentieuses. Restout et Boucher furent préférés à Raphaël et au Poussin. L'architecture ne fut pas moins dégradée. Elle avait en quelque sorte terminé sa glorieuse carrière sous la colonnade imposante du Louvre. À ses gran- des et majestueuses inspirations , avaient succédé -des créations mesquines et fantastiques; elle avait perdu les traces de la vieille école; elle se plaisait dans des compositions sans motifs, brisées et tour- mentées, décorées avec profusion et néanmoins sans élégance ; elle suspendait à ses chapiteaux des 10. “ 148 CLASSE DES SCIENCES. guirlandes de roses : ses colonnes paraissaient fai- bles, grêles, et ne rassuraient point, au moins, par une apparente solidité, ceux qui s’arrêtaient près d'elles. Des chantournements ridicules , des orne- nents bizarres couvraient les façades des temples et des palais, comme les appartements des princes et des hommes puissants par leur fortune : la futi- lité du siècle se peignait sur ses monuments. Ce fut alors que notre confrère vint à Paris, riche de ses études consciencieuses , qui déjà l'avaient mis en relation avec des hommes célèbres. À peine arrivé dans cette orgueilleuse cité, 1l y devint l'élève et bientôt l'ami de M. de Franque, architecte du Roi; il participa aux travaux , aux projets de cet artiste, tant pour la composition du mausolée du maréchal de Saxe, que pour les gale- ries où devaient être renfermés les plans en relief de toutes les places fortes de France; c’était au milieu de ces monuments du génie militaire que devait être placé le tombeau du vainqueur de Fon- tenoy. Ce projet, meilleur dans son ensemble et dans ses détails que presque tout ce qu’on faisait alors, ne fut pas cependant exécuté. Les malheurs qui accablèrent la France, la perte de son influence maritime et d’une partie de ses colonies, firent ajourner toute dépense qui n’était pas justifiée par une indispensable nécessité. Parmi les hommes recommandables existant alors à Paris, et avec lesquels M. Virebent se lia d’une amitié, dont la mort a pu seule rompre les nœuds , 1l faut surtout distinguer le chevalier De- HISTOIRE. 149 non , dessinateur remarquable, homme de goût, de savoir et de courage, et qui, dans Ja suite, et déjà vieux, retrouva toute la vigueur et tout l’en- thousiasme de la jeunesse, pour suivre laventureux conquérant de l'Egypte et de la Syrie, et pour accompagner jusqu’au delà de Thebes le sage et brave Desaix. Si M. Virebent s'était fixé à Paris , la France le compterait, sans aucun doute, au nombre de ceux qui nous ont rendu l'architecture grec- que dans toute sa pureté primitive : lInstitut aurait admis dans son sein , l'étoile de l’honneur aurait brillé sur sa poitrine; mais notre confrère n’était pas seulement un artiste, digne de ce titre honorable , c'était un excellent fils , un bon parent, un de ces hommes rares qui préferent laccomplis- sement dun devoir , à tout léclat de la gloire, à toutes les faveurs du destin. Il apprit, à l'instant même où ses relations avec les hommes les plus dis- tingués devenaient plus intimes , que son père, déjà parvenu à un âge avancé, était atteint d’une ma- ladie qui laissait peu d’espoir de guérison. Aussitôt il quitta Paris, et renonçant aux espérances les mieux fondées, il rentra dans Toulouse ; mais les soins de sa tendresse furent impuissants, et, peu de jours après son arrivée , il pleura sur un tom- beau. Son premier dessein fut de quitter le lieu où il venait d’éprouver la perte la plus cruelle; mais les instances de sa famille le retinrent, et en 1782 il fut nommé architecte de la ville de Toulouse. 150 CLASSE DES SCIENCES. En ce temps, les États généraux du Languedoc avaient conçu de vastes projets pour lembellisse- ment de la capitale de cette riche et belle province. Un prélat , dont la mémoire doit être chère aux Toulousains, exerçait une grande influence sur les Etats, et la munilicence de ces derniers se montrait déjà en faveur de cette ville : de vastes quais, des promenades, des barrières majestueuses, avaient déjà annoncé ce que l'on voulait faire pour Tou- louse. Raymond, né dans nos murs, allait jeter les fondements d’un palais de justice et dun arc de triomphe au midi de la ville... M. Virebent dut s’occuper de la Porte Neuve et des dessins des boulevards, qui, de l'arc de triomphe de ancienne porte Saint-Michel, se seraient étendus jusqu’à un autre arc de triomphe, élevé sur la route de Paris, au delà du pont jeté sur le Canal des deux mers. Tout semblait sourire alers à notre confrère, et une union fortunée allait bientôt l’environner d’une famille nombreuse , et constamment groupée près de son chef, comme les fils de ces hommes de l'Orient, qui, aux anciens jours, se pressaient avec respect autour de la tente patriarcale. Mais il est, pour Lami des arts , des époques de deuil et de regrets. Toulouse, ville éminemment religieuse et artistique, renfermait, dans sa vieille enceinte, de vastes églises, des basiliques remar- quables par leurs formes, de nombreux cloitres pittoresques , de hautes tours qui se dessinaient dans l’espace. Un délire, que rien ne saurait justi- fier, proscrivit ces augustes témoins des siècles HISTOIRE. 191 écoulés. Un jour , on vient annoncer à notre con- frère que la superbe flèche de la Dalbade tombe sous les coups répétés du pic et de la massue ; que les tours du Pont vont être démolies, que le clo- cher des Dominicains , déjà privé de Pobélisque qui naguère encore s'élevait sur lui, va être renversé. Les temps étaient difficiles, et cependant M. Vire- bent oublie en cet instant les liens qui l’attachent à sa famille alarmée; il ne consulte, il ne voit que lintérêt , que la gloire de son pays ; il se présente devant les chefs des destructeurs; il parle avec force , il repousse les objections , il insiste, il confond la malveillance ; son courage étonne: il prouve que les objets que l’on veut détruire , peu- vent être utiles à la cause qui milite en ce moment contre l’Europe en armes, et il obtient enfin que ce qui reste encore de nos monuments sera con- servé (1). On le sait, l’édifice même où s’assemblait l’ad- ministration de la ville, renfermait de nombreux (1) N’écoutant que l'intérêt de sa ville natale... il vole au comité... et demande à faire un rapport qui intéresse ses concitoyens etquelui dicte leur sûreté. Il insiste avec force sur la nécessité de conserver des points culminants dans une ville aussi importante que Toulouse, qui allait devenir par sa po- sition le boulevard du Midi : il ose faire entendre le langage passionné d’un ami des arts, et est enfin assez heureux pour arracher un arrête de révocation des mains du farouche tribun. Ainsi furent conservés plusieurs de nos beaux monuments, voués à la destruction, Notice historique sur M. J.-S.-Pascal V'irebent , par M.*** avocat à la cour royale , in-8.° Tou- louse, Vieusseux, 1831, page 11. 9 192 CLASSE DES SCIENCES. souvenirs historiques, des tableaux de Jouvenet, de Coypel et des Rivalz, et ces Annales Capitu- laires, moins précieuses encore par les documents qu’elles renfermaient , que par la longue série de peintures dont elles étaient enrichies, et qui cons- tataient, pendant cinq siècles, l’état des arts dans Toulouse. Un homme, étranger à cette ville et qui abusa de son pouvoir , fit alors renverser la statue de Louis XHIL, placée au-dessus de la porte de l'arsenal ; celle de Henri allait de même être bri- sée : mais notre honorable confrère veillait pour la conservation de ce marbre, et tandis que lé- tranger, que je n'ai point nommé, haranguäit les magistrats consternés , qui, en lui montrant nos Annales Capitulaires , avaient cru satisfaire sa cu- riosité et honorer la cité, et que lui-même déchirait et livrait aux flammes ces objets, que les lois de l'assemblée nationale avaient mis sous la protec- tion et la garde des citoyens, M. Virebent faisait enlever secrètement la statue de Henri IV. Le buste de Louis XIV, lun des chefs-d’œuvre de la sculpture française, put de même être soustrait à la destruction, et l’image du grand roi, cachée par notre confrère dans un des bureaux du Capi- tole, fut ainsi conservée à l’histoire et aux arts (1). (1) On dut aussi au goût , à la persévérance , au courage de M. Virebent, la conservation des beaux bas-reliefs qui déco- rent l’église de Saint-Jérôme , transformée pendant la révolu- tion en temple décadaire. Ces bas-reliefs représentent les Vertus, et ont été modelés par le célèbre Mare Arcis. IMSTOIRE. 153 Enfin, des jours meilleurs se levèrent sur la France, et M. Virebent , par des leçons aussi sa- vantes que pleines de goût, forma dans notre école, une foule de jeunes architectes, dont les heureux talents sont aujourd’hui l’une des gloires de Toulouse ; ce fut alors aussi qu’il put s'occuper de ses projets généraux pour notre ville, projets en partie exécutés aujourd’hui, et de ceux relatifs à l'alignement des rues , à l'agrandissement ou à la création des places, à la construction d’un théâtre, destiné à être substitué à celui qu'il avait provi- soirement construit, avec un art infini, et enfin à tout ce qui tient à la voirie , à l’ornement et aux besoins dune grande cité. On n’a pas oublié avec quelle élégance, avec quel goût il sut créer pour les fêtes publiques, si multipliées pendant trente ans, ces décorations qui doivent être toujours appropriées à lobjet de la solennité, et où l'architecte, homme d'esprit, doit saisir Pa propos, respecter les convenances , flatter, étonner et plaire. Cest ce que fit surtout M. Virebent, en 1808, lors du passage de Napo- léon à Toulouse... La restauration entière des salles du Capitole, Pappropriation des locaux , la création d’une partie de ces derniers , tout fat dû à cet artiste aussi ingénieux qu'habile. N'oublions point que dans ses soins pour l’École des Arts, il insista surtout pour faire obtenir à cet établisse- ment des modèles en tout genre; puissamment se- condé d’ailleurs en cela par M. Suau , autre artiste dont le nom doit être prononcé avec reconnaissance 124 CLASSE DES SCIENCES. dans Toulouse, et aussi par notre honorable con- frère M. Dessolle, que de longues et honorables fonctions administratives ont pendant si longtemps éloigné de nos murs. En plaçant dans une note la nomenclature d’une partie des travaux de M. Virebent, comme un document qu'il ne faut pas laisser périr (1), (1) Le projet de la place située au delà de l'ancienne porte Villeneuve éprouva de grandes oppositions lorsqu'il fut conçu par M. Virebent, et ce n’est que plus de quarante ans après qu'il a été entièrement exécuté ; encore a-t-on forcé cet ar- chitecte à supprimer les acrotères qui couronnaient les façades. Le projet primitif, au lieu d’une place circulaire, offrait un hémicycle fermé sur les boulevards par de riches grilles de fer, soutenues par des colonnes d'ordre corinthien , surmon- tées de trophées. Les boulevards devaient avoir, selon les projets de M. Virebent, soixante mètres de largeur, afin de correspondre aux allées de Saint-Etienne , et être complantés de quatre rangs d'arbres. L’enceinte de la ville eût ainsi formé une magnifique promenade , qui, au moyen de la démolition des remparts , était peu dispendieuse. Le Conseil municipal réduisit cette largeur à quarante mètres, et supprima deux rangs d'arbres. Son projet pour la place Royale, exécuté en partie, fut mutilé aussi par le Conseil municipal. Le pre- mier étage devait reposer sur un péristyle qui eût servi de place couverte. Les façades, dont l'architecture est si simple et si noble, devaient être couronnées par des acrotères qui, en embellissant l’aspect de la place, auraient établi plus d'harmonie entre ces bâtiments et le Capitole : un théâtre devait être bâti en face de l’hôtel-de-ville. Les projets tra- cés pour cet édifice par notre honorable confrère , et qui lui méritèrent les éloges de l'Empereur, furent adoptés par celui-ci. Mais un entêtement ridicule , qui fit même repousser les bienfaits de Napoléon à ce sujet, prescrivit la construc- HISTOIRE. 155 il doit m'être permis de dire ici que la ville que nous habitons lui a dû pendant près de qua- rante années tout ce qui y a été fait de bon et d’utile sous le rapport architectural ; que cette tion d’une salle de spectacle dans le Capitole même. M. Vire- bent, qui avait exécuté avec une entente parfaite et un grand bonheur d'exécution la salle de Saint-Martial , fut chargé de faire un projet pour celle du Capitole. Ce beau travail, envoyé à Paris, fit naître d’autres projets qui fu- rent tracés par des hommes que l'autorité centrale protégeait, mais qui ne donnèrent que des dessins inexécutables. Enfin on en choisit un, et M. Virebent dut l'adapter au local choisi; ce qu'il fit en y ajoutant des portions qui doivent être considérées comme de véritables tours de force en architec- ture. On doit encore à M. Virebent la vaste place des Carmes, le plan d’alignement de la ville en 1807 et 1808. La restau- ration de l’église de Saint-Jérôme , où il fit, le premier dans Toulouse, l'application du système de Philibert de Lorme dans la construction de la charpente en forme de voûte du plafond ; le portail du Jardin des plantes, la Maison d'arrêt... N'oublions pas, au sujet de l'alignement de la ville , que des dispositions di- verses, prises par l’autorité, ont rendu ridicule ce qui avait été conçu avec sagesse. En géncral , M. Virebent plaçait les bases de ses alignements aux monuments qu'il faut conserver, tandis qu’en beaucoup de lieux , aujourd’hui, l’inflexible ligne droite est tirée et abat impitoyablement temples et palais... Pour conserver les communications établies, M. Virebent n'avait pas établi une régularité entière dans le périmètre de la place des Carmes... ; mais le Conseil municipal voulut un parallélisme parfait , et il en est résulté entr’autres inconvénients la cons- tuction d’une maison qui obstrue l'entrée de la rue du Vieux- Raisin, et qui par sa position provoque la destruction de l’ancien palais Maynier ou de Lasbordes, chef-d'œuvre de Bachelier et monument important dont la lithographie et la gravure ont multiplié l'image... 156 CLASSE DES SCIENCES. impulsion, qui porte à créer une autre ville, au delà de la vieille enceinte, c’est M. Virebent qui la donnée par ses plans pour la Porte Villeneuve et pour les boulevards, plans présentés en 1787 et adoptés la même année ; qu’associé à Raymond dans tous les projets grandioses de celui-ci pour l’embellissement de Toulouse, il n’a manqué à notre confrère , pour être placé bien haut parmi nos architectes français, que l’ajournement de nos troubles civils et la conservation de l'influence de M. de Brienne sur les Etats généraux de notre pro- vince. Il put, ilest vrai, espérer pendant quelque temps devoir, même après les désordres inséparables d’une grande commotion politique, ses plans réalisés en partie. L'un de nos plus illustres confrères , le savant Picot de Lapeyrouse , était devenu le chef de l'administration municipale. Il avait accepté la tache difficile de créer de nouvelles ressources pour cette ville, d’en déblayer les ruines, de continuer les bienfaisantes pensées des Etats généraux et celles même des Capitouls. Il aimait , il estimait M. Virebent : tous deux conçurent des projets qui auraient donné une grande importance à la ville de Toulouse. Le rétablissement du pont de Commin- ges, celui de la navigation de la Garonne, en amont de la porte de Muret, et la création de deux larges voies qui, du Canal des deux Mers, se seraient prolongées par la place du Capitole jusqu'aux ports de la Daurade et de Saint-Pierre, tels étaient en partie les desseins du grand admi- nistrateur et de lhabile architecte. Le temps seul HISTOIRE. 157 eur a manqué pour mettre à fin ces hautes pen- sées , devenues le sujet des entretiens des membres de l'Académie, lorsque cette noble institution nous fut rendue. M. Virebent ne faisait point partie de cette so- ciété savante, avant la révolution de 1789 ; mais il y fut appelé, en 1807, lorsqu'une main victorieuse et réparatrice rendit à la France ses vieilles gloires, afin d'ajouter encore à ses gloires nouvelles. Dans nos premières réunions, M.Virebent nous entretint de ses projets, si majestueux , si bien appropriés à l’époque où lon pouvait en espérer Pexécution. Nous l’écoutions avec un intérêt toujours nouveau quand il nous redisait ce que Raymond avait fait aussi pour Toulouse, sa patrie. Et, hâtons-nous de le dire , en ces instants, notre confrère , tou- jours modeste, semblait s’oublier , se plaçant à dessein derrière la grande image de larchitecte des Etats du Languedoc et des palais de Napoléon. Nous l'avons vu aussi très-souvent parmi nous à cette époque où l’on voulut adopter un système pour les fontaines publiques de cette ville, et ses re- cherches sur les moyens employés par les Romains pour donner environ 120 pouces d’eau à Tolosa, est l’un de ces intéressants et consciencieux travaux qui ne devraient pas être oubliés. Dans nos livres saints, Dieu promet à l’homme juste une descendance nombreuse et le bienfait d’une vie prolongée au delà du terme ordinaire : notre confrère a obtenu ces deux éclatantes mar- ques de la bonté de ce Dieu qu’il invoquait avec r 158 CLASSE DES SCIENCES: tant de foi, avec tant d’amour. Sa quatre-vingt- sixième année s'était écoulée , alors qu'il cessa d'exister , le 13 août 1831. En ces temps où les jours qui nous sont donnés s’usent si promptement dans des discussions incessantes , dans une agitation trop violente peut-être , il est peu d’hommes qui puissent concevoir l’espérance d'atteindre à une st heureuse vieillesse. Heureuse , sans doute, puis- qu’en jetant un long regard sur le passé, notre confrère a dû n’y trouver le sujet d'aucun re- mords, et qu'il a pu remonter vers ces temps de bonheur et de paix qu'il avait remplis par la pratique des plus saintes maximes, et par le charme des arts. Sa famille désolée a élevé un mo- nument au-dessus de la tombe qui le renferme. Un ami, statuaire habile (1), lui en a consacré un autre. En voyant ces témoignages multipliés -de vénération et de deuil offerts à la mémoire d’un architecte qui ne rechercha point dans le monde Péclat des dignités politiques , on acquiert la con- viction que ces hommages ont été rendus à la science , à l’amitié , à la vertu. Conime Schakes- peare, on s’écrie : Béni soit celui qui respectera ce marbre sépulcral ! et Von veut y inscrire ces mots qui n’ont pas été dictés par la flatterie : « Ici repose un homme de bien.» (1) Ce monument en marbre blanc est placé dans l’église de Saint-Jérôme, près de la chaire. Il a été sculpté par M. Lange, de Toulouse, sculpteur statuaire , Jun des administrateurs du Musée royal du Louvre. HISTOIRE. I 29 ÉLOGE DE M. DISPAN; Par M. X. DUJAC. Lonsque la reconnaissance vient réveiller les cendres d’un homme qui fut utile à l'humanité; lorsque des savants réunis dans le sanctuaire de la science viennent décerner à sa dépouille mortelle des honneurs qu’on n’accorde qu’à ceux qui con- sacrent leurs veilles au perfectionnement des arts, faut-il encore que la perte de celui qui en est l'objet soit assez généralement sentie, pour être jugée digne d’un pareil hommage ? Eh ! qui mieux que personne mérita d’exciter vos regrets que le savant laborieux, dont la vie entière fut employée à la pratique de toutes les vertus, et aux progrès d’une science qu'il étudia avec amour et cultiva avec gloire ? Cet homme, Messieurs, vous appar- tenait. Pendant toute sa carrière scientifique, vous avez pu apprécier les heureuses qualités de son cœur et les ressources variées de son intelligence ; et aujourd’hui qu’il n’est plus, sa perte que vous avez si profondément sentie, laissera dans vos rangs un vide que vous ne pourrez que difficile- ment remplir. Pour juger combien M. Dispan fut digne de 160 CLASSE DES SCIENCES. votre douleur, pour bien apprécier les travaux qu'il commença avec succès et termina avec éclat, il faut remonter à cette époque mémorable, où la chimie, encore dans l'enfance, était loin d’être arrivée à ce degré de perfectionnement où elle est parvenue. Déja le génie de la science, pleurant sur le tombeau de Schéele, préparait cette révolution immense qui fait la gloire des temps modernes. Déjà, en créant la chimie analytique, les Berg- maan en Suède, les Rouelle et les Macquer en France, avaient disposé les matériaux dune régé- nération scientifique, lorsque Lavoisier, profitant de leurs travaux, eut assez de fermeté pour ren- verser une doctrine fondée sur une hypothèse, assez de génie pour reconstruire la science, et assez de sagesse pour en poser les fondements sur des principes solides. Alors lesprit humain, frappé d’une lumière nouvelle, vole de conquêtes en conquêtes. Tout sagite , tout se réveille. Les savants, poussés par un attrait irrésistible, rivali- sent de zèle, et concourent ensemble au grand œuvre de la régénération. Fourcroy , Vauquelin, Monge, Bertholet, Chaptal, Parmentier viennent bientôt se ranger autour de ce faisceau lumineux pour en propager au loin l'éclat. Quels hommes ! quelle époque pour accomplir les belles destinées de la science ! et vous avez été témoins de ce que peut la puissance du génie, quand elle est dirigée par la sagesse et la raison. Les premières créations qui furent le fruit de leurs découvertes, commencérent par étonner le HISTOIRE. 101 monde, La décomposition de l'air, de l’eau et des autres corps réputés simples, une méthode ana- lytique plus en harmonie avec lesprit philoso- phique du siècle, et qui contribua à convertir un art obscur en une science profonde, dont les heu- reuses investigations devaient bientôt embrasser la nature entière, furent les moindres conquêtes de cette grande époque. Le génie, rivalisant avec la gloire, et la gloire toujours d’accord avec le génie, imprimeérent alors au nom français une nouvelle illustration, et reculèrent les bornes de la science au delà des limites de la prévoyance humaine. Tant de merveilles, tant d'efforts ne devaient pas être perdus pour la postérité. À côté de ces hommes illustres on vit se former, par leurs le- çons, de jeunes adeptes, qui bientôt , égalant leurs maitres dans l’art des découvertes, eurent l’hono- rable mission de propager la science, et de la ren- dre accessible à toutes les intelligences, Ce fut à cette époque que M. Dispan fut appelé par la con- fiance de ses concitoyens à diriger lenseignement chimique dans la ville de Toulouse. Il eut d’abord à lutter contre les préjugés de la vieille école; mais il eut l'avantage de trouver dans les ressources de son esprit assez de moyens et d'autorité, pour ac- créditer les vérités que la nouvelle doctrine mettait au grand jour, et pour attacher un auditoire, ton- jours avide de l’entendre , à l'étude des merveilles qu'il annonçait au nom de la raison et de lexpé- rience. TOME IV. PART. 1, ii 162 CLASSE DES SCIENCES. L'enseignement chimique, dans la Cité Palla- dienne, était loin d’avoir reçu alors son entier développement. M. Dispan eut linsigne honneur de le créer tel qu'il est aujourd’hui. Aussi remar- quable par ses talents que l’époque qui le vit naître , il remplit avec le plus grand succès cette tâche difficile , et il y déploya un zèle infatigable. Elève de Vauquelin, il s’'identifia si bien avec sa méthode analytique, qu'il devint un de ses disciples les plus distingués, son collaborateur et son ami. C’est ainsi qu’en partageant les travaux de ce grand maître, il contribua puissamment aux progrès de la science. Plus tard , lorsqu'il fut appelé à occuper la chaire de chimie de Toulouse, il introduisit une méthode d'enseignement , dont rien ne lui avait, jusque-là, préparé la voie, et surmonta les obstacles que présentait la profession publique d’une doctrine nouvelle , aussi brillante que profonde. Il faut même dire qu'au moment où il se distinguait dans lexercice du professorat , il remplissait également des fonctions munici- pales, avec cette intégrité et ce zèle qu'il mettait à l’accomplissement de tous ses devoirs. Voilà, en peu de mots, les progrès que la science avait faits dans ce court espace de temps, et la part de gloire qui revient à votre collègue ; mais bientôt la direction des travaux scientifiques prit un caractère plus élevé d'utilité et de gran- deur. Le génie de perfectionnement succédant tout à coup à tant de créations merveilleuses, fit surgir une ère nouvelle. Le temps était venu où HISTOIRE. 163 les applications de la science devaient tourner au profit de la société. Déjà une guerre maritime et continentale avait épuisé toutes les ressources de la France; il fallut s’en créer de nouvelles pour faire face aux privations nombreuses qu’elle imposait. Chaptal, alors membre du Comité de Salut public, sut trouver dans les ressources de la science des moyens de défense contre l'invasion étrangère , en improvisant, dans les champs de Grenelle, une assez grande quantité de poudre et de salpêtre, pour faire face à toutes les forces de l'Europe, accumulées sur nos frontières. Alors tous les efforts se tournèrent vers les intérêts matériels du pays ; et grâces aux immenses travaux de tant d’hommes célebres, on vit en peu de temps la nation affran- chie du tribut annuel qu’elle payait à Pindustrie étrangère. Chose merveilleuse ! la France, jadis tributaire de l’Inde, de l'Amérique, de la Perse et de toutes les contrées du monde habité, trouve dans les productions de son sol et l'intelligence de ses habitants, les moyens de se suflire à elle- même, et d’étonner le monde civilisé par les plus brillantes conceptions que peut enfanter le génie de l’industrie. Ce fut à cette époque que se pro- duisirent au grand jour les inventions les plus sublimes, et qu'on vit surgir des ateliers de nos industriels, pour les arts chimiques seulement, une foule de produits, au nombre desquels le sucre indigène, le borax, le sel ammoniac, le pastel, Vindigo, les porcelaines et les cristaux en tout genre tiennent le premier rang. Toutes ces con- HE 104 CLASSE. DES SCIENCES. quêtes industrielles ont survécu à notre vieille gloire nationale, comme un monument éternel de grandeur , et ont contribué, malgré nos désastres, à la prospérité toujours croissante et au bien-être dont la France jouit aujourd’hui. Pendant cette période de notre histoire , si glo- rieuse pour nous, M. Dispan ne resta pas specta- teur oisif; il s’occupa à son tour des intérêts ma- tériels du pays. À dater de cette époque, tous les écrits qu’il a publiés sont empreints de cette dis- position heureuse, dont il subissait Pinfluence ; il ne créa plus, mais il s’occupa du perfectionne- ment des arts par une foule d'applications utiles. Parmi les écrits de ce genre, j'aurai à vous entretenir d’un rapport sur un mémoire de M. Dessaussoy, ayant pour titre : De la Fabri- cation des Bouches à feu. Cette fabrication avait été complètement négligée jusque vers la fin du 18.° siècle ; ce fut alors qu'on commença à sentir la nécessité de la soumettre à une théorie fondée sur lexpérience. Avant cette époque, la fusion des métaux était complètement abandonnée aux procédés d’une routine aveugle, qui ne tenait aucun compte, ni de la manière dont les métaux se comportent dans les alliages, ni de lexactitude de la fusion, ni des divers degrés de chaleur aux- quels elle est soumise. M. Dispan prouva, dans un rapport tres-circonstancié sur cet objet, et d’une manière très-judicieuse, que de ces diverses cir- constances résultaient des produits très-différents , non-seulement dans les diverses coulées, mais HISTOIRE. 165 aussi dans la même. Ce rapport, qui avait le mé- rite d’être une excellente dissertation, eut l’hon- neur d’être lu en séance publique, par décision de l'Académie. Dans un autre Mémoire sur la taille des bri- ques , M. Dispan signale plusieurs défauts essen- tiels dans la construction des fours. Il prétend que la déperdition de chaleur est un des princi- paux inconvénients que l’on doit éviter. Il estime que le quart du combustible qui entre dans les fours destinés à la fabrication des briques, se con- sume en pure perte : et il paraît que ce fut à cette occasion , que votre collègue conçut le premier l’idée de tailler la brique avant la cuisson ; car dans un autre Mémoire qui remonte à 1810 , il indique le procédé pour la mouler , en la fixant dans des châssis des dimensions voulues , et en fai- sant sauter ce qui déborde au môyen d’un ciseau. Plus tard M. Virebent exécuta ce projet avec une rare intelligence ; mais la gloire d’avoir doté le pays dun Cniiseinent utile , appartient à votre savant collègue. Pénétré de importance d’une science ai se rattache à toutes les connaissances humaines , M. Dispan prononça, dans une de vos séances , en 1812, un discours sur les utilités de la chimie, où iltraça le tableau de son influencesur les arts et la médecine. Il sentait déjà les immenses bienfaits qu’on pouvait retirer de l'application de la chimie aux arts , et le précieux avantage qui en résulte- rait pour l'avenir. M. Dispan a également enrichi 166 CLASSE DES SCIENCES. la science d’une foule d'analyses d'eaux minérales et de plusieurs autres écrits sur des objets d’une utilité réelle. Il me suffira de vous dire que le nombre de ceux qu’il a présentés à cette Académie seulement, s'élève à peu près au nombre de qua- rante, sans compter les divers travaux qu'il a présentés aux Sociétés savantes dont il était mem- bre, et ceux qu'il a publiés dans les divers jour naux scientifiques. Nous sommes arrivés à cette époque où M. Dis- pan, désabusé des illusions de ce monde, donnait à l'activité de son esprit une direction différente. Les idées révolutionnaires du temps avaient porté une atteinte profonde à nos croyances religieuses. L’athéisme, revêtu des formes scientifiques , atta- quait une à une toutes les vérités du christia- nisme, Les ardents propagateurs du système de Dupuis sur l'origine des cultes, se glorifiaient déjà de quelques succès éphémères, car ils avaient cru trouver dans l’exploration des monuments astronomiques de l'Egypte, la confirmation de leurs erreurs. Le zodiaque Denderah , auquel ils attribuaient une prodigieuse. antiquité, était le piédestal autour duquel se groupaient les sys- tèmes les plus contradictoires. M. Dispan, aflligé de tous ces systèmes impies, conçut le projet de nous ramener à l'antique foi de nos pères. Ses savantes recherches eurent d’abord pour objet de démontrer dans un Mémoire sur le Zodiaque et sur le signe de la Balance , que les opinions de Dupuis sur origine du monde étaient erronées ; HISTOIRE. 167 il combattit ensuite les assertions de cet auteur sur la prétendue antiquité qu'il avait donnée à ce signe ; et enfin , il prouva qu'il ne fut introduit dans le zodiaque que sous le règne d'Auguste. Le moment approchait où les prévisions de M. Dispan et de tous ceux qui étaient entrés dans la même voie allaient être pleinement confirmées. L’échafaudage élevé avec tant d’habileté par lau- teur de Origine des cultes, était sur le point de s’écrouler devant le génie d’un seul homme. Champolion jeune , en faisant Papplication de son alphabet phonétique à des monuments auxquels la philosophie ajoutait une si haute importance , découvrit , au grand étonnement des sophistes , tout autour du zodiaque circulaire Denderah ; et sur le portique d’Esnech , des inscriptions ro- maines ; et dès-lors , nul doute que ces monu- ments astrologiques n’eussent une origine plus moderne que celle que jusques alors on leur avait assignée, Voilà comment M. Dispan eut la gloire de détruire une erreur accréditée et sou- tenue avec toute l’opiniâtreté qui se rattache aux croyances religieuses : hommage lui en soit rendu !.. Le commencement du 19.° siècle fut incontes- tablement une époque de progrès et de perfec- tionnement. Tous les efforts se dirigeaient alors vers les améliorations sociales. L'industrie manu- facturière s’était accrue dans des proportions qui promettaient pour l'avenir les plus brillants ré- sultats : mais les grandes combinaisons d'idées ont un ferme , elles s’'épuisent rapidement ; aussi 165 CLASSE DES SCIENCES. la France élevée an faîte de la puissance , était déjà descendue du haut rang où l’avait placée la force de ses armes. La décadence fut précipitée. La nation , humiliée dans ses goûts les plus chers et décriée dans sa vieille gloire , fut dé- pouillée de sa grandeur. Chose étrange ! Nos vieux guerriers dont le beau courage avait pro- duit tant de merveilles, et qui avaient porté la terreur de nos armes et la gloire du nom français, depuis le Boristhène jusques aux sources du Nil, furent placés, dans ces temps de réactions et de vengeances aveugles , au-dessous des preux du bon vieux temps et des mignons d'Henri IIT ; au dire même de quelques détracteurs , trop occu- pés de chimériques regrets , la France n’avait quelque chose de brillant que par les souvenirs du 14.° siècle. Ainsi dégradée , la nation fut un moment enrayée dans sa marche progressive et tomba dans un état de malaise qui aurait pu compromettre son avenir , si les grandes desti- nées qu’elle est appelée à remplir, ne lavaient conduite saine et sauve , mais non sans péril, à travers les orages de nos révolutions intestines. M. Dispan reçut à son tour l'influence de cette époque. Il ne s’occupa plus qu'à conserver les trésors de la science qu'il avait amassés ; mais il ne fit plus rien pour leur progrès. Entièrement préoccupé des graves méditations de sa piété , il ne put résister à un penchant qui lentraînait vers des jouissances , peut-être plus douces pour lui et plus intimes que celles que lui avait procurées HISTOIRE. 169 l'étude dune science qui paraissait être parvenue à son apogée. Tout à coup , réveillée en sursaut par un coup de tonnerre, la nation brise les faibles en- traves qu’on avait opposées à sa marche. Les ima- ginations s’ébranlent, et la pensée trop longtemps captive prend son essor avec une incroyable rapidité. À dater de ce jour les savants purent sans crainte se réunir en congrès sur tous les points du territoire pour y discuter les intérêts matériels du pays. Tous les sentiments, toutes les méthodes que la science avait enfantés, furent de nouveau mis au grand jour, et déposés avec soin dans le sein des Sociétés académiques , en attendant que des génies nouveaux viennent éla- borer au profit de la science et de l'humanité les richesses qu’on y a déposées. Mais que pouvait M. Dispan pour le progrès d’une époque qui se retirait devant lui ? Arrivé à l’âge où la nature met un terme à nos misères , et au moment où la France s’élançait dans ses destinées merveilleu- ses, il succomba,.… pour commencer lui-même cette destinée de bonheur et de gloire que sa piété lui avait promise , et dont il avait si vivement ambitionné pendant sa vie les ineffables jouissances. Vous savez , Messieurs, qu'il y a pour les na- tions les mieux constituées un état de vie et de pros- périté , comme il y en a un aussi de sommeil et de décadence. Il est vrai qu’elles ont l'avantage de se retremper d'âge en âge dans les généra- tions futures, où elles puisent une nouvelle vigueur ; 170 CLASSE DES SCIENCES. mais il n’en est pas ainsi de la fragile humanité : arrivée au déclin de ses jours, elle tombe , s'e- puise et s'endort... Tel a été M. Dispan durant sa carrière scien- tifique : homme de création quand les besoins de l’époque nécessitaient le concours de toutes les intelligences ; homme de perfectionnement quand la tourmente révolutionnaire eut fait place à des idées d'ordre et de prospérité ; on le vit, enfin, stationnaire à l’époque où la France, épuisée par de grands malheurs, subissait le joug d’un sys- tème qui mettait tout en question ; même les vérités les mieux constatées. Il ne faut donc pas s'étonner que M. Dispan , frappé de l'étrange diversité de tant de révolu- tions, en abandonnant aux vaines disputes des hommes les objets de leurs passions tumultueu- ses, se soit élancé dans les mystères d’une autre vie, pour y chercher un aliment plus conforme aux dispositions de son cœur, et qu’à l'exemple de Descartes et de Newton , il se soit occupé dans sa retraite de la sublime idée d’un Dieu créateur. Heureux celui qui sait contempler une puissance infinie dans les merveilles de la nature, et jouir des bienfaits de la Providence sans lui en deman- der compte ! Mais malheur à celui qui ne trouve pas dans la religion une consolation dans cette vie , et l'espoir d’un meilleur avenir dans l’autre. M. Dispan naquit à Toulouse le 12 novem- bre 1773, et mourut au mois d'août 1832 , dans la soixantième année de son âge. HISTOIRE. 177 NOTICE SUR M. fsinore PICOT DE LAPEYROUSE ; Par M. DU MÈGE, pe La Have. Less sciences physiques ont constamment été culti- vées dans Toulouse, et leur enseignement aurait dû y acquérir une plus grande importance, à mesure que des progrès se sont manifestés dans leur étude, et qu'une marche ascendante leur a été imprimée : mais, dans cette capitale du Languedoc, comme ailleurs, ces sciences sont trop longtemps demeu- rées stationnaires; et, lorsque commença l’admi- rable mouvement qui les a portées au point où nous les voyons aujourd’hui, il ne se fit remar- quer qu’assez lentement dans nos écoles. La juris- prudence absorbait alors, dans la patrie de Pibrac et de Cujas, une partie des esprits les plus distin- gués, des professeurs les plus habiles. Comme de nos jours, dans la moderne Allemagne, le droit public et le droit privé étaient lobjet des élucu- brations Les plus profondes; et, chaque année, des 172 CLASSE DES SCIENCES. ouvrages éxcellents, sortant des presses de cette ville, allaient, jusque chez létranger, rappeler, consolider, et augmenter même, la vieille répu- tation des jurisconsultes toulousains. Il n’existait donc pas, dans notre Université, de vrais éléments de succès pour les sciences d’obser- vation, qui exigent des voyages, des correspon- dances étendues, et des travaux constans. Mais, en dehors de l'Université, Toulouse possédait des hommes instruits, pleins de zèle, et qui, jouis- sant d’une indépendance absolue et par leur for- tune et par le rang qu'ils occupaient dans le monde, pouvaient consacrer leurs loisirs à des re- cherches scientifiques. Dès le milieu du 17.° siècle, ils se réunirent et formèrent une société qui, cent ans plus tard, fut instituée en Académie. Là se trouverent, d’abord, Fermat et Régis et leurs disci- ples, et des savants, toujours distingués, leur suc- cédérent. La ville dut à ces derniers l'Observatoire qu’elle possède encore. Vers le même temps, l'Académie créa le Jardin de botanique. M. Gouazé fut le premier qui donna, dans Toulouse, des leçons de cette science aima- ble, encore bien imparfaite, et qui attendait un législateur. D’autres savants, tous membres de VAcadémie, continuèrent les enseignements de M. Gouazé. Le médecin Meynard colligea toutes les plantes rares de PAlbigeoïs , des bords de PA- veyron et de la forêt de Grésigne. Elève, et ami du célèbre Bernard de Jussieu, le docteur Gar- HISTOIRE. ‘ I 73 deil (1) enrichit le jardin de PAcadémie, et par- tagea les heures que lui laissaient Pétude des ma- (x) Jean-Baptiste Gardeil, né à Toulouse en 1726 , d'une famille honorée du capitoulat, correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, de celle des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse , Professeur de mathématiques et de médecine dans l’université de cette ville, entra dans la con- grégation de l'Oratoire , et fut envoyé au noviciat de Paris. Là il étudiait à la fois, avec une égale ardeur et des succès constants, le grec, l'hébreu, l'anglais , l'italien et l'espagnol, le droit , la médecine et la géométrie. Il forma des liaisons qui l'introduisirent dans le monde et chez les philosophes de cette époque ; il devint l'ami de Diderot, de d’Alembert, de d'Hol- back même. Il renonça dès-lors à la modeste congrégation dans laquelle il était entré. Nous ne rapporterons pas ici l'a- necdote consignée dans les œuvres de Diderot; nous nous contenterons de dire que si elle est vraie dans son début, la fin en a été indignement altérée. On avait des raisons pour agir de cette sorte. L'esprit judicieux, et, si on peuts’exprimer ainsi, mathématique de Gardeil , ne pouvait s'attacher long- temps aux manières des sophistes de cette époque, et, selon la méthode alors en usage, l'ironie d’abord , puis la calomnie, poursuivirent l’homme détrompé, qui était rentré, par la seule force de ses convictions , dans la voie de la vérité. Gardeil fut chargé vers ce temps de la rédaction de la Gazette de France; mais ce n’était qu’une faveur temporaire. Il chercha dans des travaux sérieux une renommée durable ; Bernard de Jussieu l’aima et le fit nommer correspondant de l’Académie des Scien- ces, en 1755. Revenu à Toulouse , 1l fut d’abord l’un des mé- decins les plus accrédités de cette ville. Après la destruction des Jésuites, la chaire de mathématiques qu'ils occupaient dans l’université étant demeurée vacante, fut mise au con- cours, et Gardeil l’obtint. Quelque temps après , celle de me- decine lui fut acquise aussi par un concours public. Ce fut alors que Gardeil, pour vaquer entièrement aux devoirs de ses 174 . CLASSE DES SCIENCES. thématiques et de la médecine, entre les soins qu’exigeaient la culture et lacclimatation des plan- tes, et une savante traduction d’'Hippocrate. La lecture de nombreux mémoires sur la botanique, science qui avait enfin trouvé, dans le grand Lin- neus , le régulateur , trop longtemps attendu, rem- plissait souvent les séances de Académie. Mais on sentait que le champ des observations devait s’é- tendre, et que, non loin de Toulouse , la nature avait semé avec profusion des plantes encore peu connues, où qui ne l’étaient nullement encore. Une gloire incontestable attendait heureux explora- teur des productions végétales de la Gaule Nar- bonnaise et de la vieille Aquitaine. À une médiocre distance de nos murs , l’une des plus vastes chaînes des montagnes de l’Europe s’élève à une grande hauteur , et couvre, en partie, listhme qui sépare l'Océan de la Méditerranée. places, abandonra la pratique de l’art médical. Il travailla pendant trente années à la traduction des œuvres d'Hippocrate. La révolution lui fit perdre ses deux chaires ; il aurait pu en recouvrer une en 1792, mais il ne voulut pas prêter un serment qui répugnait à sa conscience. Ce n’était plus cet homme recherché dans la société des philosophes ; une piété solide avait remplacé dans son àme les principes qu'il avait puisés dans l'intimité de d’Alembert, de Diderot, de d'Hol- back et de tant d’autres. Il mourut le 19 avril 1808, âgé de 83 ans. On a de lui, I. Traduction complète des Œuvres d'Hippocrate, 4 vol. in-8.°, Toulouse , 1801. IT. Æ/éments de physiologie, de pathologie et de thérapeutique, 1 vol. in-8.° UT. L'Œdipe de Sophocte, le Banquet de Xénophon. IV. Un grand nombre de Mémoires académiques. HISTOIRE. 175 Cette chaîne, à laquelle les anciens ont donné le nom de Pyrénées, qu’elle porte encore, court de Vouest-nord-ouest , à l’est-sud-est. Paraissant sur- gir du sein de Océan cantabrique, non loin du cap de Figueroa, elle s'élève jusqu'à la partie centrale, où se trouve le maximum de sa hauteur : de ce point elle s’abaisse graduellement, et semble enfin s’enfoncer et disparaître dans les flots du golfe de Lyon, non loin du cap de Creux ou de Port-Vendres. Mais sur les deux versants, les Py- rénées jettent des rameaux, qui, en Espagne, se prolongent jusqu'aux caps Finistère et Ortegal, et jusqu'aux embouchures du Minho et du Douero. Sur ce versant, les appendices des Pyrénées, où leurs vastes ramifications, composent les monts de la Galice, des Asturies, de la Navarre, de la Ri- bagorzana : en France, les chaînes et les prolon- gements du grand système Pyrénaïque s'étendent au loin, tantôt se maintenant à une grande hau- teur , tantôt se terminant en humbles collines. Peu de savants étaient entrés dans ces régions qui ne se trouvaient point sur les routes générales que suivaient, il y a quatre-vingts ans, et les amis des arts, et les contemplateurs des travaux de la nature. Jusqu'à Tournefort, elles étaient même restées, en quelque sorte, ignorées : mais ce grand homme n’y aurait rien laissé à décrire , si la langue botanique eût, de son temps, été créée. Ceux qui l’ont suivi, dit un écrivain dont l'autorité est respectable, n’ont fait que ressus- citer les espèces qu'il avait signalées par des 176 CLASSE DES SCIENCES. phrases, malheureusement trop vagues et trop peu caractéristiques, ce qui, joint au défaut ab- solu de descriptions et de figures, a forcé Linnée de négliger les beaux travaux de Tournefort. Ainsi, il y avait dans la science une énorme lacune à remplir, et ce fut un Toulousain, un mem- bre de cette Académie, qui entreprit ce travail, et qui sut le terminer, malgré des obstacles sans cesse renaissants et des critiques aussi acerbes qu'injustes. Notre confrère, M. le Baron Isidore Picor pe LAPEYROUSE, était le fils de cet illustre botaniste. Né en 1776, il vit, dès ses plus tendres années, l'enthousiasme avec lequel son père recherchait et décrivait les productions des Pyrénées. Les Re- cueils des Académies de Stockolm et de Toulouse, l'Encyclopédie par ordre de matières, le Journal de physique , répétaient à chaque instant le nom de Picot de Lapeyrouse. Celui-ci publiait un ex- cellent Traité sur les mines et les forges du comté de Foix, et la description de quelques familles de corps marins pétrifiés (1); il préparait sa Mo- nographie des saxifrages, sa Flore des Pyrénées, et l'Histoire abrégée des plantes de ces monta- gnes : tant de travaux fixaient sur lui les regards de l'Europe savante, et le berceau du jeune Lapey- rouse fut entouré des plus honorables trophées de (1) Description de plusieurs nouvelles espèces d’ostracites , etc., Erlang, 1 vol. in-fol, figur. HISTOIRE. 177 la science et des monuments, jusqu'alors trop né- gligés, de l’éternelle nature. Lorsque l’âge et l'étude eurent donné à notre collègue les forces physiques et intellectuelles né cessaires pour surmonter les fatisues des voyages et pour en retirer une instruction solide, il ac- COMpagna son père dans ces belles montagnes qui bornent notre horizon, en nous séparant de la Pé- ninsule Hispanique. Il était près de lui, lossque, réuni avec le savant Pourret, M. Picot de Lapey- rouse fut recueillir les productions végétales du Puyvalador et du Llaurenti, lorsqu'il s’éleva sur le Mont de Tabe, sur les rochers de la Pique- dAndron et sur ceux de Basses. I] était sur la Penne de Lhieriz, lorsque Dolomieu fut préservé d’une mort certaine par l’auteur de la Æ/ore des Pyrénées. 1] accompagnait encore celui-ci, lors- que, Concurremment avec Ramond, il cherchait la solution du grand problème des formations Pyrénaïques, sur les sommités du Mont-Perdu , que, faute d’une bonne opération trigonométrique , on croyait être alors la plus haute cime de nos montagnes. À peine encore âgé de seize ans, M. Isi- dore de Lapeyrouse connaissait mieux, sans doute x que les savants les plus recommandables de cette époque, la longue série des richesses botaniques et des productions minérales de nos montagnes. Un grand amour pour l'observation, et une admirable sagacité , le distinouaient surtout parmi les jeunes disciples qui, sans autre but que celui d'acquérir une haute instruction, se groupaient autour de TOME IV. PART. fr. 12 179 CLASSE DES SCIENCES. son père, et le suivaient dans ses courses aventu- reuses et dans ses conquêtes scientifiques. On approchait alors de ces mauvais jours, de ces temps de discordes civiles qui ont couvert le sol français de sang et de ruines. Comme beau- coup d’autres savants, au cœur généreux, M. Phi- lippe de Lapeyrouse n’aperçut dans les premières réformes opérées par la révolution, qu’une légi- time amélioration du sort des classes pauvres, qu'une meilleure et plus juste distribution des honneurs et des emplois. Il accepta même les fonc- tions de président du district de Toulouse; mais il ne tarda pas à s’en repentir. Cette révolution, qu'il avait saluée comme Pannonce d’un avenir prospère, devint intolérante, persécutrice et fa- rouche. Lancé avec une effroyable vélocité, son chat ne roula que sur des cadavres : les cachots où elle entassait les victimes vouées à la mort, s’ouvrirent pour Philippe de Lapeyrouse. Il avait possédé une terre seigneuriale ; surtout il avait proclamé, lui, patriote de 1789, que le crime ne pouvait cimenter l'édifice des libertés publi- ques. De tels délits ne devaient, selon Les principes des dominateurs de 1794, être expiés que sur l'échafaud. Il était déjà dressé, lorsque, frappé par ce Dieu même vers lequel il avait élevé ses mains criminelles, le tyran tomba dans les flots de sang que ses bourreaux avaient versé. Touchant modèle de piété filiale, notre confrère sembla re- naître alors que son père lui fut rendu. Peu de temps après, il dut éprouver un juste sentiment HISTOIRE. 179 d’orgueil, alors que ce père, si tendrement aimé, fut nommé inspecteur général des mines de la ré- publique. On se rappelle qu’alors M. Philippe de Lapey- rouse, appelé à Paris, y donna, pendant plusieurs mois , dans lécole des mines, des leçons aux nom- breux élèves accourus pour lentendre. Son succès fut complet; et l’on peut croire que la capitale l'aurait retenu, si les Pyrénées n'avaient été pour lui l’objet d'études et de méditations qu'il ne pou- vait interrompre. Il revint donc à Toulouse, et, peu de temps après, il eut le titre de professeur d'histoire naturelle à l’école centrale du départe- ment de la Haute-Garonne. À cette époque, il s’opérait, dans Penseignement public, un de ces changements que lon n’apprécie que longtemps après qu’on en a retiré les fruits. À ces colléges, où l’on acquérait péniblement une connaissance imparfaite du grec et du latin, et ce qu'on nommait, les éléments de la philosophie, on substituait alors un système que l’on aurait pu désigner par lépithète d’encyclopédique. Aucune des connaissances que peut embrasser Pesprit hu- main, ne fut négligée, si ce n’est toutefois celle des préceptes de la morale religieuse, que, par une suite nécessaire des préventions philosophiques du 18.° siècle, on eut le soin de bannir de l’éducation publique. Sous tous les autres rapports, la France n'avait jamais eu un ensemble d'instruction plus large, plus libéral, dans le sens vrai de cette expres- sion. Ce furent les écoles centrales qui mirent ce sys- 1 2. 180 CLASSE DES SCIENCES. tème en pratique, qui répandirent, sur toute la sur- face de nos provinces, le goût de la science et l'amour de létude. Et, pour former ces écoles si nombreu- ses , il faut encore le rappeler à la louange de ceux qui les instituérent, des concours furent ouverts, et le plus habile, quel que fût son âge ou sa con- dition sociale, était admis, alors qu'il montrait les connaissances nécessaires pour être appelé à l'honneur de donner à la jeunesse française linap- préciable bienfait d’une solide instruction... Qu'ils furent grands les résultats des études de cette épo- que, et combien d'illustrations contemporaines leur doivent les qualités brillantes qui les honoreront à jamais !! Avouons, d'ailleurs , qu’en aucun temps, le corps universitaire n'avait offert autant d'éclat, autant de garanties, L’élite scientifique de la France était là. Et, sans aller chercher loin de nous des noms révérés, Saint-Amans à Agen, Ramond à Tar- bes , Gouan à Montpellier, Lapeyrouse dans notre ville, offraient à la fois et lesprit , et la plus haute éloquence et le génie, présidant , avec un rare bon- heur, à l’enseignement complet de l’histoire na- turelle. Dans les divers concours qui eurent lieu alors pour la formation des écoles centrales , plusieurs des membres actuels de cette Académie parurent avec honneur , et furent répandre , dans les pro- vinces voisines , les trésors d'instruction qu'ils avaient recueillis à Toulouse. Le savant con- frère dont nous regrettons aujourd’hui la perte , se montra avec distinction dans ces luttes, aujour- HISTOIRE. 181 d’hui trop peu usitées ; et il fut nommé professeur d'histoire naturelle à l’école centrale du Gers. M. Isidore de Lapeyrouse apporta dans sa nou- velle résidence l’excellente méthode que suivait son père. Il improvisait rarement. Toutes ses leçons étaient écrites ; chacune d’elles était , tantôt une dissertation profonde, tantôt un résumé des opinions et des découvertes sur le sujet traité. Par ses soins la minéralogie et la botanique , sciences peu connues alors chez les Auscitains, furent bientôt en honneur dans leur ville. Quelques personnes commencèrent à former des herbiers ; d’autres firent des collections de roches. Chacun s’empres- sait d'apporter des échantillons au jeune et sa- vant professeur. Il les classait avec précision et clarté. Quelques-uns de ces objets, assez rares, lui fournirent même des sujets de mémoires qu’il lut dans les séances particulières de l'Athénée du Gers, sorte d'académie qui contribua puissam- ment à répandre alors le goût des sciences , des lettres et des arts dans la Vasconie. Mais l’Université , créée de nouveau , vint succéder à ces écoles centrales, dont j'ai rappelé toute importance. Le pays fut alors bien moins favorisé , sous le rapport de l'instruction publique, par celui qui avait relevé le trône et ramené le règne des lois , que par cette République qui, dans sa marche désordonnée , avait tant détruit et tant ravagé... M. Philippe de Lapeyrouse devait naturellement entrer dans le nouvel ordre universitaire ; et il fut en effet nommé professeur 182 CLASSE DES SCIENCES. à la faculté des Sciences de Toulouse; mais il exerçait la première magistrature de la cité, et il témoigna le désir d'avoir près de lui un suppléant : notre honorable confrère fut choisi. Placé sur un plus grand théâtre , M. Isidore de Lapeyrouse remplit , non sans succès, des fonctions que la science et la haute réputation du titulaire rendaient bien difficiles. Pendant les mois d'hiver , notre confrère faisait un cours de miné- ralogie qu'il savait rendre utile , et durant lequel des auditeurs, aussi nombreux que distingués , se pressaient autour de lui. Les beaux échantillons qu'il leur montrait , complétaient ses savantes lecons , et donnaient à celles-ci un intérêt bien vif et toujours nouveau. Ce cours a été plusieurs fois cité comme un exemple remarquable de soins et de consciencieux travaux de la part du professeur, comme aussi un rare modèle d'attention , d'amour de l'étude et de progrès de la part des élèves. On n’a pas oublié combien étaient suivies les leçons de botanique données par M. Isidore de Lapeyrouse dans le jardin , admirable création de son illustre père. Durant les premières années surtout, le zèle du professeur fut secondé par Padministration ; les voyages faits dans les Pyré- nées pour renouveler, pour accroître la riche collection de plantes qu'on avait formée, n’é- taient pas resserrés dans d’étroites limites , dans une faible portion de cette vaste chaîne. D’ailleurs, soit par des explorations , soit par des échanges ou des dons, cette série, qui a tant d'intérêt pour HISTOIRE. 283 nous , augmentait annuellement ; elle était souvent consultée par des savants venus du nord de l’'Eu- rope, et qui retrouvaient , dans un espace mé- diocre , presque tout ce que la botanique de nos montagnes offre d'espèces qui leur sont propres. Cétait au milieu de ces richesses végétales que notre honorable confrère aimait à retrouver ses nombreux élèves , auxquels il prodiguait des conseils , et qu'il se plaisait à introduire près de son père , dans ce cabinet célèbre , où ils acqué- raient bientôt cet enthousiasme pour la science, qui est toujours le résultat de communications fréquentes avec ceux qui la cultivent avec gloire. N'oublions pas ici, Messieurs, que parmi ces élèves , il en est qui , par de savants écrits, ho- norent aujourd’hui et leur patrie , et le maître qui encouragea et soutint leurs premiers efforts. Il y a quelquefois, dans le cœur de l’homme ins- truit, une sorte de défiance de ses propres forces, une crainte exagérée des jugements de la foule. Ce sentiment délicat, que je voudrais nommer la pudeur du talent , dominait toutes les facultés intellectuelles de M. Isidore de Lapeyrouse. Lors de l'ouverture de ses cours publics , en lisant les discours , si remarquables, qu'il avait composés pour ces solennités , on le voyait souvent hésiter, et ne prononcer qu'avec eflort les phrases qu’il avait tracées avec facilité. Il interrogeait les re- gards de ses amis , il y cherchait des encoura- gements, et si ceux-ci lui avaient manqué , ül Waurait peut-être terminé qu'avec difficulté cet 184 CLASSE DES SCIENCES. acte public qui, chez des professeurs vulgaires , aurait pu wavoir qu'une faible importance , mais qui en avait beaucoup pour ses auditeurs et pour lui. Souvent , en effet , il y faisait l’histoire abrégée des progrès de la science ; quelquefois il y trai- tait les questions les plus controversées ; et si ses discours avaient été publiés , on y aurait souvent trouvé les moyens de résoudre des problèmes qui quelquefois demeuraient longtemps sans recevoir une solution satisfaisante. Doué dun excellent esprit , M. Isidore de Lapeyrouse était souvent appelé à aider son père dans ses travaux de critique botanique ; et peut- être faut-il attribuer à cette cause le trop petit nombre d'ouvrages qu'il a composés. [Il voyait l’homme qui connaissait le mieux les Pyrénées, écrire l’histoire des plantes de ces montagnes, retracer les moeurs et les formes des animaux qui les habitent , en classer les minéraux, et porter l'activité de ses recherches sur toutes les bran- ches des sciences naturelles qui se rapportent à cette grande chaîne ; pouvait-il essayer de lutter avec celui dont il était si tendrement aimé, et auquel il avait voué cet amour respectueux auquel nous donnions souvent la qualification touchante de culte filial ? Non sans doute , Isidore de Lapeyrouse crut devoir sacrifier constamment ses propres observations et sa renommée à celui que tous les savants, que toutes les Académies de l'Europe honoraient de la plus haute estime, Il ne voyait de bonheur que dans le honheur scientifique HISTOIRE. 185 de son père ; 1l ne songeait à la gloire qu’en cher- chant à accroître celle de lêtre qui lui était si cher. M. Philippe de Lapeyrouse appréciait au plus haut degré les éminentes qualités de son fils. «1 » fera mieux que moi quand il le voudra ; » me disait-il souvent. Mais il faut se hâter d'ajouter qu'il ne lui laissait rien à faire. Quelquefois il le citait dans ses écrits , et avec cet abandon qui lui allait si bien. A la fin de sa préface de l’His- toire abrégée des Plantes des Pyrénées , il a jeté ces mots : «Je dois un souvenir à mon fils. » Instruit à mon école, il a souvent herborisé » avec moi et avec Ferrière. Il m’a rapporté beau- » coup de plantes , plusieurs espèces inconnues ; » et ce qui est encore préférable , d’excellentes » observations. » Vers le déclin de sa vie, atta- qué tout à coup et se trouvant placé, comme il le disait, « dans la fâcheuse alternative ou de dis- » cuter et de défendre des faits et des opinions ,..….. » ou de trahir lâchement les intérêts de la science » et de la vérité, » M. Philippe de Lapeyrouse n’hésita pas un seul instant ; il répondit avec cette hauteur de pensée, cette connaissance des objets de ses études qui le distinguaient particulière- ment ; et il profita de cette circonstance pour donner un supplément à l'Histoire des Plantes des Pyrénées. Tous ses amis lui firent part de leurs recherches ; ils enrichirent alors la Flore de nos montagnes de plus cent espèces qu'on n’y avait pas encore reconnues , et sur ce nombre quarante -trois étaient restées jusqu'alors iné- 180 CLASSE DES SCIENCES. dites. Notre confrère contribua puissammenit à ce beau travail. C'était le dernier auquel son père devait attacher son nom. Epuisé depuis longtemps par une incurable ma- ladie, frappé à limproviste de coups où semblait se montrer à découvert une animosité, que rien n’a- vaitprovoquée, M. Philippe de Lapeyrouse s’éteignit au milieu de sa famille éplorée. Héritier de ses titres et dune notable portion de sa fortune, notre con- frère ne chercha que dans l'étude des consolations pour une si grande douleur. Il avait commencé , lonotempsavantsa réception à l'Académie, en 1811, un ouvrage dont il nous a lu plusieurs chapitres détachés. Il chérissait ce travail , parce que la conception en était neuve et lui appartenait, et que son père , attaché surtout à la découverte et au classement des plantes, s'était peu livré à l'examen de leur organisation interne et de ce que lon pourrait appeler la philosophie de la science. Les études anatomiques et physiologiques auxquelles M. Isidore de Lapeyrouse avait consacré une partie de ses plus belles années , firent naître en lui lingénieuse pensée d’en faire l'application aux plantes , et de créer ainsi un nouveau genre d’études. Pendant longtemps ce fut l’objet prin- cipal de ses travaux. Il en entretenait régulière- ment l’Académie, et trop souvent peut-être ses auditeurs. Sans doute il avait écrit le premier sur ce sujet à peine indiqué , à peine aperçu jusqu’à lui. Mais des Mémoires académiques dont les extraits sont recueillis dans les journaux, mais HISTOIRE. 187 des leçons publiques , ont toujours quelque reten- tissement , et il fut devancé dans ce qui donne la renommée , dans a publication , pax des tra- vaux, d’abord moins parfaits que les siens , mais qui éveillaient l'attention et qui devaient être suivis par d’autres , où un vrai talent d’observa- tions s’est révélé. Trompé dans une de ses plus chères espérances , frustré , parce qu'il n’écrivait pas habituellement dans les recueils périodiques , surtout parce qu'il habitait à deux cents lieues de la capitale, de l’honneur d’avoir , le premier, signalé Pimportance de la physiologie botanique, il ne sétait pas cependant découragé. Il vou- lait, par la perfection des détails, par lexposé des faits , conquérir la portion d’estime qui lui état due , et il travaillait avec assiduité , lors- qu'en 1839, une fin aussi prématurée qu'inat- tendue la ravi à l'Académie , à la science et à ses nombreux amis. J'étais depuis longtemps compté au nombre de ces derniers , et ce n’est point sans une émotion profonde , sans une dou- leur, que je voudrais en vain déguiser, que jai essayé de vous redire ce qu'il fut , et sa tendresse filiale, et les admirables qualités de son cœur et de son esprit. Par un concours de circonstances, que je ne puis expliquer , Académie me chargea, en 1819, du soin de louer lillustre Philippe de Lapeyrouse, et , aujourd’hui, par un choix qui m'étonne autant qu'il m'honore , j'ai dû répéter dans cette même enceinte le nom de son fils... Je ne me suis point dissimulé tout ce qui m'a 188 CLASSE DES SCIENCES. manqué pour répondre dignement à la confiance de PAcadémie. Heureux si la vénération la plus profonde , si l'attachement le plus vrai avaient pu, en ces deux occasions solennelles, remplacer et le talent de l’orateur et la science du naturaliste. Je n’ose l’espérer. Mais Pindulgence peut quel- quefois sourire à celui qui remplit un devoir re- ligieux , et qui élève, d’une main pieuse , un monument au génie et à l'amitié. HISTOIRE. 189 ANALYSE DES TRAVAUX DE LA CLASSE DES SCIENCES. ANNÉE 1856. Mathématiques pures. Daxs une note sur la résolution des équations du premier degré à plusieurs inconnues , M. Bras- SINNE arrive à une loi générale de formation des valeurs de ces inconnues , différente de celle que Laplace a démontrée la première fois dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour Pan- née 1771. L'auteur suppose, 1.° que 72 équations entre »2 inconnues, conduisent à des expressions de ces inconnues sous forme fractionnaire , ayant un dénominateur commun composé de monomes provenant des permutations des #2 lettres a, b, c.…. f> h (coefficients des inconnues x, y, z.….t, u dans la première équation ), chacune avec un ac- cent différent dans chaque monome ; il suppose, 2.0 que les signes de tous les termes du dénomi- nateur changent si on remplace une lettre par une autre et réciproquement ; 3.° que les numérateurs se forment des dénominateurs communs en chan- geant les coefficients de linconnue que l’on dégage en quantités connues du second membre, Cela Question d'algèbre. M. BRASSINNES 190 CLASSE DES SCIENCES. posé, si on a (#2 + 1) équations entre (72 + 1)in- connues : QG) ax+by+cr+..….+ft+hu+lo—=k ax + d'y + cr +. al) 4 DO) y 4 cn) 24... f(m) 44 Ra 4 Un) pm), On fera passer Zv, l'e, lv... aux seconds mem- bres et en représentant par P. p'; p'.…. les binomes kÆ— lv, k—Tv, k'— Tv... les m premières équa- tions du groupe (1) das ont des valeurs de XL, Vs 3. 1, uw de formation connue que nous re- présenterons par les expressions symboliques : E(pbe..fh .fh) __ E(apc...fh) __ E(abc..….ph) —>{abcut 29 : Zjabc.fh) ->(abc.….fh) 2(a.&c….fp) AC IRT LR des permutations du produit a bc... f h, auxquelles on donne les signes convenables et que l’on accen- tue d’après une loi supposée. La substitution de ces valeurs dans la dernière des équations (1) fournit : am) E(p.bce... fh)4+00) x (ape... fh)4+c@)E(abp... fh)4+.….. + AM ES (ab... f.p)+1M) 3 (abc... fh)o =AME(abc..fh). Remplaçant p, p', p', etc., etc., par les binomes K— lo, KT y, ET Tv Son ddr : (2) Et E(abc...fh)— ht) x (abc... fh)—f Z(abc..kh).…. In) (abc. fh)— ho a bc. fl) —f ME (a. beetle. — Dm) E(akc...f.h)—amxz(k.bc..f.h) — DE (al c….fh)—amz(lbc.fh) VU È désigne la somme algébrique Cette valeur donne pour la formation de + la HISTOIRE. 191 règle suivante : 1.2 pour le dénominateur, » on prendra le dernier coefficient /"” de la dernière équation , et on le multipliera par le dénominateur qu’on obtiendrait sil y avait Pinconnue # de moins. Les termes suivants dérivent du premier en chan- geant successivement les Zen X, f... b, a, et réci- proquement , ainsi que les signes. Pour le numé- rateur , il suffit de changer les /, /', [", etc., etc., en k, k', k".. Or, à cause de la symétrie des équations, linconnue se déduira de la formule(2) en changeant les Z en 2 et réciproquement. Par cette mutation , les deux premiers termes du dé- nominateur ne font que changer de signe, puisque les S(abc.….fh), =(ab'c.….fl) ne varient pas de signe lorsqu'on appelle 2 ce qui était désigné par Z'et réciproquement , et que 2 7 changent de place. Tous les autres termes changent de signe, puisque les lettres 2, Z se trouvant simultanément sous le signe, leurs mutations réciproques font va- rier les signes d’après la seconde hypothèse (p.189). Par conséquent, le dénominateur de z est au signe près le même que celui de », les mêmes observations s'appliquant aux valeurs def, r, F> X... : on conclura que pour toutes les inconnues il y a un dénominateur commun. On voit aussi que dans tous les cas les numérateurs dérivent des dé- nominateurs en changeant les coeflicients de lin- connue qu'on dégage en quantités connues du second membre. Le dénominateur de la formule (2) change aussi de signe si on change lune dans l’autre deux Sur la pre- mière section de la Heca- nique analy- dique. M. BrassiNNs. 192 CLASSE DES SCIENCES. lettres quelconques; comme si, par exemple, & devient b, et b devient a : en effet, dans cette dernière hypothèse , les deux derniers termes changent de signes, puisque le changement de b en a reviendrait à changer dans chaque fonction > «a en Zetben Z, sans toucher aux facteurs D" a”. Tous les autres termes changent de signe par la seconde hypothèse (p. 189). Cette hypothèse ad- mise pour le dénominateur de m équations entre m inconnues est donc générale. IL est aussi évident que tous les monomes du dénominateur (2) forment les permutations des m-pirdettres ab, Ge: sil. Une légère attention suffirait pour déduire de la formule (2) la règle de formation démontrée par Laplace. (Voir son Mémoire, ou l Aloèbre de M. Lefebure, page 117, seconde édition. ) M. BrAssiNNE a encore communiqué à l’Académie quelques développements sur la première section de la Mécanique analytique de Lagrange. Il donne d’abordune démonstration d’un théorème d’Hygens sur le levier : partant ensuite de cette considération admise par Stevin , qu’une chaîne d’égale grosseur placée sur les deux côtés d’un triangle dont la base est horizontale et pendant librement au-dessous , doit demeurer en équilibre si on regarde le mou- vement perpétuel comme impossible; il donne une démonstration facile du parallélogramme des for- ces. L'emploi du levier coudé conduit aussi au même théorème, et l’auteur simplifie les construc- HISTOIRE. 193 tions compliquées de Galilée et de Roberval. Arrivé au principe des vitesses virtuelles , 1l exa- mine Ja manière convenable de tenir compte des conditions du système. Mathématiques appliquées. Lorsque, vers le matin, le soleil dans son cours Asrroxomie, CT . Notice est arrivé à 18° au-dessous de l’horizon, ses rayons Notice sur les attelonent la partie supérieure de notre atmos- crépuscules. \ ONE A Q SES M. phère , et y portent une lumière qui est en partie AU THIERS réfléchie vers la terre où elle produit une première lueur, qui va ensuite en croissant jusqu’au lever du soleil : c’est le crépuscule du matin. De même, on a le crépuscule du soir depuis le moment où cet astre se couche jusqu’à celui où il est à 18° sous l'horizon ; alors il fait entièrement nuit, et Von distingue les étoiles de la sixième grandeur. La durée du crépuscule varie dans les divers lieux de la terre; et, pour un mème lieu, dans les différentes saisons de l’année. Quelle est l’époque et la durée du plus court crépuscule, en un lieu donné ? La solution de ce problème a attiré Pat- tention des mathématiciens. Nonius, géomètre portugais , célèbre surtout par Paddition qu'il a faite, aux instruments destinés à mesurer les lon- gueurs ou les angles, d’un moyen (le nonius ou vernier ) d’avoir ces mesures avec une grande pré- cision , résolut le premier ce problème, dans son mémoire de Crepusculis, imprimé à Coimbre en 1973. Les frères Bernoulli appliquèrent ensuite à cette question les principes du caleul infinitési- TOME IV. PART. I, 3 194 CLASSE DES SCIENCES. mal, aux progrès duquel ils avaient tant contri- bué : en dernier lieu, Cagnoli et Delambre en ont donné des solutions beaucoup plus simples. Tel était l’état des choses, lorsque M. Vauthier, directeur de l'Observatoire et professeur d’astro- nomie à Toulouse, a repris cette matière. Il a essayé de réunir tout ce qui avait été dit sur cette question , d'achever ce qui n’était qu'indiqué, de donner des transformations pour l'intelligence des calculs, ainsi que les démonstrations omises; et il a traité ce problème de la manière la plus élémen- taire et la plus complète. Nous ne le suivrons pas dans ce travail, qui le conduit aux formules si simples Sin D = tang 9° sin L sin q° cos L ? Sin À — 2 À Ab PE heures. Dans lesquelles, L est la latitude du lieu, D la déclinaison du soleil, aux jours du plus court crépuscule : elle sera australe, si L est bo- réal, et vice versä , À un arc de cercle, et T la durée du plus court crépuscule. M. Vauthier, appliquant ces formules à la loca- lité de Toulouse, où L= 43° 35, trouve D — 6e 6’; ainsi, le 4 mars et le 9 octobre, où le soleil a une telle déclinaison australe, seront les jours du plus court crépuscule, et sa durée T sera de 1° 397 46”. HISTOIRE. 199 M. BRAssiNxE a présenté à l’Académie un Mé- Mécaxiqur. moire étendu sur la théorie des voitures. Après s ARCOTE des avoir établi les équations de équilibre et du mou- m. vement d’une voiture à quatre roues placée sur une DRE rampe inclinée à l’horizon, l’auteur traite du tour- nant, des conditions de stabilité du système, des divers modes d'union des deux trains, des oscil- lations du timon , etc., etc. Nous nous contentons d'indiquer ce travail, qui doit être revu et aug- menté de considérations pratiques. La vitesse des voitures, des bateaux et autres Vitesse des véhicules a été l’objet de diverses remarques faites sta re par M. »’Awsuissox : les faits dont il a entretenu M. Académie à ce sujet, peuvent se résumer dans le Hd tableau suivant. Les distances qui y sont marquées d’un asté- risque * n’ont pas été réellement parcourues; elles leussent été si les vitesses notées à la dernière colonne avaient été continuées pendant une heure de temps. 196 CLASSE DES SCIENCES. EN UNE HEURE. EN TS, YÉHICULES. Lieues [Milles| 1. de sl coude. mètr.s posté. | glais. Mètr.s Charrette à bœufs des environs de Toulouse. . Charrette de roulier, en plaine................ Voiture ordinaire au pas, homme voyageant à pied. Voiture ordinaire au trot..... La poste, moyennement. ..... Quelques malle-postes, diligences anglaises.......,. Barque marchande, sur le canal du midi...,....... Barque de poste, sur le même canal................ Vaisseau en mer, filant dix nœuds (bonne vitesse)... TA ( anglais, allant vite...... HOREvUre Canglais, maximum anglais, à peu près. .........sss saprdex xnvaeq à la vapeur { américain, à la Burden.......... Chaloupe entrainée par une baleine harponnée..... temps ordinaire du trajet. 1h 5o/ de Ma rchester quelquefois en à Liverpoul, 4000" parcourus en ] L47265" 4 I = 400" parcourus en, ... En Amérique ,; une machine locomotive a trainé un convoi, pendant 13/, avec une vitesse de... 7 9P Ssutwus3y") À ——————————_—_—_—_—_—_—_—_— Termes de comparaison. Plus grande vitesse d’un cheval aux courses de New- market. «restes lobe Plus grande vitesse avérée d’un oiseau (faucon ayant été en 16 h. de Séville à Ténérifle, 360 lieues ).... [29% bon frais, très-bon pour la marche des vais- SCAUX.- ses ee Vent 2 2 : grand frais , force à serrer les hautes voiles... impétueux. . Boulet de canon HISTOIRE. 197 Physique. Les différents effets de la foudre sur les corps. Action de . . . a Ioudre sur inorganiques qu’elle frappe sont assez bien connus; ges êtres or il n’en est pas de même de ceux que produit ce Fo redoutable météore sur les êtres animés : aussi les vnxragrs. faits de ce genre doivent-ils être recueillis avec soin , surtout lorsqu'ils concernent des individus qui ont survécu à son atteinte, et qui peuvent rendre compte des sensations qu'ils ont éprouvées. Tel est le cas des deux faits que M. de Quatrefages a communiqués à l'Académie : Pun lui a été rap- porté, dans ses détails, par le médecin qui a failli en être la victime; quant à l’autre, il en a été comme le témoin, ayant lui-même vu et assisté le malheureux qui venait d’être foudroyé. Le premier exemple concerne M. Roaldès , mé- decin de notre ville, et qui se trouvait, en 1825, à la Martinique. Il y était assis près d’une table, le coude droit appuyé sur elle, et il tenait une lon- gue vue à la main. Deux autres personnes étaient dans la même chambre ; une pluie d’orage tom- bait en ce moment , quand tout à coup la foudre éclata sur la maison avec un fracas épouvantable. M. Roaldès n'avait rien vu ni entendu distinc- tement, lorsqu'il se sentit comme percé d’arrière en avant , à la hauteur du ganglion semi-lunaire, par explosion dun fusil dont la balle lui aurait ouvert le ventre. Immobile sur sa chaise, la tête renversée en arrière par l’eflet de la commotion , il s’écrie : Je me meurs! un confesseur !.. il n’est 108 CLASSE DES SCIENCES. plus temps! Allongez-moi sur le plancher, que j'expire plus tranquillement !.. jai le ventre ou- vert. — Non, lui dit-on, c’est la foudre qui vient de vous frapper. — J'ai le ventre ouvert, répète- t-il, toujours préoccupé de l’idée d’un coup de feu. Sur lassurance réitérée qu'il n’était pas blessé , 1l porta ses yeux sur l'abdomen, et il le vit avec surprise sans lésion apparente. Les membres inférieurs et le bras droit étaient entièrement privés de sentiment et de mouvement ; ils leur furent rendus par des frictions, et au bout de trois heures, M. Roaldes put se lever pour aller voir dans la maison les effets du tonnerre. Sur son corps, le poil de laisselle droite était crispé , et en quelques autres endroits encore on voyait des traces de brûlures, comme si elles eus- sent été produites par l’action d’une flamme légère. Mais l'effet le plus remarquable et en mème temps le plus heureux pour M. Roaldès, fut le rétablisse- ment parfait de sa santé, qui était profondément altérée depuis plusieurs années, Second exemple. Le 30 juin 1831, le nommé Jacqueline, employé au télégraphe de Strasbourg, était debout occupé à faire jouer cette machine, lorsque la foudre tomba sur elle. Il fut renversé sur le plancher , étendu sur le dos : le cou , les bras et les membres inférieurs étaient roides et paralysés. Jacqueline n'avait pas entendu la dé- tonation ; mais un bruissement semblable à celui d'un violent incendie lui fit croire qu’il était dé- voué à une mort certaine. Ses vêtements, dont HISTOIRE. 199 quelques lambeaux le couvraient encore , étaient embrasés, et brülaient sur son corps sans qu’il lui fût possible de chercher à les éteindre. Sa chambre était remplie d’une épaisse fumée qui, jointe à une forte chaleur et à une forte odeur sulfureuse , le mettait en danger d’être suffoqué. Heureusement , le mouvement lui revint dans la jambe droite, et en se trainant, il parvint à at- teindre la porte, que la commotion avait ouverte. La paralysie du membre supérieur droit ayant cessé presque subitement , il put éteindre les par- ties de sa chemise et de son pantalon qui brûlaient encore. Ses cris furent entendus, et l’on vint à son secours. — Au moment où il fut frappé de la fou- dre , ses vêtements furent déchirés en lanières et petits morceaux ; lélastique de la bretelle gauche fut fondu et volatilisé ; la chaussette du même côté fut mise en mille pièces, le soulier porté à Pautre bout de la chambre; un de ses clous fut assez profondément enfoncé dans le talon. La pa- ralysie du côté gauche persista jusqu’au lendemain. Le corps du foudroyé présenta diverses traces de brûlure , indépendamment de celles qui étaient dues à la combustion des vêtements. La pomme d’une des mains fut déchirée, et sillonnée par plusieurs plaies profondes , qui convergeaient vers un centre : la face opposée demeura intacte. M. de Quatrefages, qui a soigné Jacqueline à hôpital où il fut porté, et qui a été à même de bien étudier toutes les circonstances de son acci- dent et de ses suites, fait diverses remarques con- ZooLocre. Accouple- mentd’unlion M. et d’une tigresse. Moquin- 200 CLASSE DES SCIENCES. cernant les actions physiques , chimiques et phy- siologiques de la foudre sur les êtres organisés qui en sont atteints. Il termine par une singulière observation : Jacqueline, depuis son accident , se porte beaucoup mieux qu'auparavant ; il a pris un embonpoint considérable : nous avons vu que la santé de M. Roaldès avait été entièrement rétablie à la suite dun pareil accident. Il serait dificile- ment venu dans l’idée à quelqu'un, dit l’auteur, que la foudre, ce phénomène terrible qui fait l'effroi du monde entier, pût jamais produire une action bienfaisante sur le malheureux qu’elle avait frappé. Histoire naturelle. « Le tigre et le lion ont été placés par Linné et par tous les zoologistes modernes dans le genre du chat ( felis). Le groupe chat est un des mieux déterminés du règne animal. Les mammiferes qui Taxpox. Je constituent présentent tous des mœurs extrè- mement féroces, un museau court, une langue âpre, des mâchelières tranchantes. Ils ont cinq doigts aux pieds de devant, quatre à ceux de der- rière et à ces doigts sont implantés des ongles cro- chus et retractiles. Tous possèdent une verge plus ou moins courte, couverte de papilles nombreuses et saillantes. » Les diverses espèces de Jeis ne se font distin- guer que par des différences dans la taille, la cou- or. la longueur du poil et les dimensions de la queue, Aést n’est-il pas nécessaire d’avoir des con- HISTOIRE. 201 naissances bien profondes en zoologie, pour recon- naître la grande analogie qui unit nos chats do- mestiques avec le tigre , le léopard , once, la pan- thère. » Le lion est peut-être la seule espèce du genre qui semble s'éloigner un peu du type. Quoiqu'il possède tous les caractères des /elis, néanmoins on serait tenté, au premier coup d'œil, de le ran- ger plutôt avec les chiens qu'avec les chats. Sa queue floconneuse à l'extrémité, les proportions de son corps, la nature de sa voix, la crinière du mâle, semblent annoncer que le classement de cette noble espèce n’est pas aussi heureux que ce- lui des autres carnassiers ses congénères. » Les rapports d'organisation et de mœurs qui associent les diverses espèces de felis donnent la faculté à ceux de ces carnassiers qui sont le plus voisins de s’accoupler entreux. Et ces croise- ments seraient sans doute assez fréquents si la na- ture n'avait pas forcé les cruels mammiferes dont il s’agit à vivre dans une sorte d'isolement , et sil n'était pas si difficile de les élever à l’état de do- mesticité, et surtout de les élever ensemble. » Le petit nombre de faits recueillis jusqu’à présent par les zoologistes, sur l’accouplement des mammifères du genre felis, ont pour objet, ou bien des individus appartenant à une même es- pèce, ou bien des individus de deux espèces peu distinctes. Le hasard m’a rendu témoin de la jonc- tion de deux felis assez éloignés pour la structure, pour la physionomie et pour les mœurs. C’étaient 202 CLASSE DES SCIENCES. une 4gresse et un lion, élevés en domesticité. J'ai pensé que la relation de cet accouplement pour- rait un instant attirer l'attention de mes savants confrères. » Au mois de fevrier 1830, M. Jean Polito, de Milan , arriva à Marseille, accompagné d’une mé- nagerie assez nombreuse. Dans cette ménagerie, se trouvaient un grand lion mäle d'Arabie et une superbe tigresse du Bengale. » Ces deux terribles carnassiers vivaient dans la mème cage. Ils jouaient, ils bondissaient ensem- ble et paraissaient se témoigner la plus vive aflec- tion. On avait soin, cependant, de les séparer , à laide d’une grille, pendant les heures des repas ; car, dans ces moments, la férocité prenait la place de la tendresse. Le moindre lopin de viande aurait sufhi pour faire naître le combat le plus sanglant. » Vers la fin du mois de février, les lignes exté- rieures du rut se firent remarquer chez la tigresse. Le lion ne tarda pas à s’en apercevoir ; il essaya plusieurs fois de s’accoupler avec sa compagne. Celle-ci n’opposait qu'une faible résistance ; elle cherchait même à exciter l’ardeur amoureuse de son ami, en lui léchant les organes des plaisirs , à laide de sa langue qui ne ressemblait pas mal à une petite rape; mais le lion montrait si peu d’empressement, que la réunion ne fut jamais parfaite. » M. Polito eut l’idée de tenir ces deux animaux séparés pendant quelques jours , et de faire arriver | HISTOIRE. 203 quelques rayons de soleil dans intérieur de leur cage. Il y avait déjà quarante-huit heures que les terribles mammiferes se trouvaient éloignés lun de l'autre. Le lion paraissait impatient ; il mordait les barreaux qui le séparaient de sa compagne, et poussait de temps en temps de longs rugissements qui mettaient en émoi tous les commensaux de la ménagerie. » Le 23 février, à midi, je me rendis à la mé- nagerie. M. Polito fit enlever la grille de sépara- tion. La tigresse était accroupie à la manière des chattes ; elle portait sa queue à droite et à gauche. Elle ouvrait les mâchoires mais ne donnait aucun son. Le lion se jeta sur elle avec impétuosité ; il pressa fortement ses épaules avec les pattes de devant et lui saisit le cou avec la gueule. Ses yeux étaient brillants, ses oreilles tendues , sa crinière hérissée ; il poussait une sorte de rugissement qui pourrait être comparé à celui que produisent ces redoutables carnassiers quand ils sont à moitié rassasiés et qu’on leur jette un morceau de viande. La tigresse de son côté, avec une voix moins puis- sante et plus douce que le rugissement habituel, laissait échapper quelques sons etouffés. » La durée de laccouplement fut extrêmement courte. Une fois la fonction accomplie , le lion se leva avec précipitation, dressa la tête, secoua la crinière et se retira confus dans sa portion de cage ; il se coucha à moitié, et se mit bientôt à ronger un morceau d'os qui se trouva par hasard sous sa patte. Mœurs et instinct des lézards. M. DE Qua- TRÉFAGES. 204 CLASSE DES SCIENCES. » La tigresse s'allongea voluptueusement sur le dos, étendit ses membres, les porta dans tous les sens, balanÇa sa queue, ploya , reploya son corps de cent manières différentes , avec toute la légè- reté, toute la grace qui distinguent les animaux du genre auquel elle appartient. Puis elle jeta une sorte de miaulement peu modulé , mais assez per- çant, miaulement qui dut être entendu dune bonne partie de la ville de Marseille. » En général, on peut dire que dans Pacte impor- tant que j'ai cherché à vous décrire, le lion et la tigresse offraient dans leur position, dans leur mouvement et même dans leur physionomie , la plupart des circonstances qui caractérisent les amours si remarquables des chattes et des chats. »Je ne sais pas si cet accouplement a été suivi d’une production quelconque. Je ne le pense pas. Nous laurions appris par les journaux. » Dans un mémoire intitulé Mœurs et Instinct des Lézards , M. pe QuATREFAGES a réuni ce que nous ont appris les différents naturalistes sur ces objets. On comprend qu'il est difficile d'analyser un travail composé en entier de faits de détails ; aussi le ferons-nous connaître surtout par quelques passages, ayant soin de choisir ceux qui renferment les observations personnelles à Pauteur. M. de Quatrefages indique d’abord les régions où se trouvent les diverses espèces du genre lacerta , dont les unes habitent les déserts glacés du Kamtschatka ( Lacerta muralis), les autres HISTOIRE. 20 demandent au contraire leselimats brûlants du Midi (Lacerta ocellati). Toutes se creusent un terrier de deux pieds et demi à trois pieds de profondeur à voûte surbaissée et déviée vers le milieu de sa longueur. Cest dans cet asile qu’ils se précipitent au moindre bruit, et c’est là aussi qu'ils passent l'hiver dans un état d’engourdissement. Après avoir décrit leurs divers modes de progression dans lesquels leur queue est souvent employée comme cinquième membre : l’auteur examine la manière dont les lézards se nourrissent, et rap- porte les observations qu’il a faites sur un indi- vidu de Pespèce des lézards verts qu'il eut pen- dant dix-huit mois sous les yeux. « Le lacerta viridis que j'ai nourri pendant long-, temps en captivité, mangeait presque tout ce qu’on lui offrait, à moins que ce ne fût un mets salé. Il aimait particulièrement le miel, les con- fitures et le lait, qu'il avalait avec beaucoup de rapidité. Les fruits bien mürs étaient aussi pour lui une véritable friandise. Lorsqu'on lui donnait une grosse cerise où une grosse prune, il com- mençait par l’examiner dans tous les sens , la flai- rant ou la tâtant avec son museau ; puis il la sai- sissait entre ses mâchoires. Alors , élevant le cou et appuyant fortement le fruit contre le sol , il le serrait de manière à y faire une ouverture. (était par là qu'il introduisait sa langue, et en très-peu de temps le parenchyme avait entièrement disparu. Il avalait sans les mâcher les morceaux petits et sans noyaux. Îl en faisait de même des lézards de 200 CLASSE DES SCIENCES. muraille que je lui donnais quelquefois ; il les en- gloutissait en les prenant par la tête, et je lui en ai vu avaler qui avaient plus du tiers de sa lon- gueur. Mais ce qu'il préférait à tout, c’étaient les mouches. En appercevait-il une à quelque distance de lui, ilse mettait en marche tout doucement comme s’il eût craint de l’effaroucher , élevant de temps en temps la tête pour s'assurer qu’elle était bien au même endroit. Arrivé à la distance d’un pied environ de la proie qu'il convoitait , 1l s’élançait comme un trait et manquait rarement son coup. Quand cela lui arrivait, il demeurait quelques ins- tants immobile à la même place. Après ses repas, que j'avais soin de rendre copieux, il devenait lourd et paresseux. Il buvait alors volontiers de Peau pure et léchait avec avidité la salive qu’il pa- raissait aimer beaucoup. » L'auteur raconte ensuite les combats que sou- tiennent les lézards mâles, à l’époque des amours, pour conquérir leur femelle; la ponte de celles-ci ; la manière dont elles cachent leurs œufs dans quelque terrain sablonneux et exposé au soleil , et le développement successif des caractères spécifi- ques chez les petits qui en proviennent. Puis 1} examine chaque sens en particulier. En parlant de l’ouie, il rapporte que son viridis était très- sensible à la musique, et que les sons de la flûte ou du flageolet paraissaient surtout lui plaire. La vue, le goût et le toucher paraissent, chez ces ani- maux, portés à un point assez élevé; l’odorat au contraire est peu développé. HISTOIRE. 207 Après avoir examiné avec M. Dugés les causes de l’apparente énergie vitale des lézards, M. de Quatrefages parle de la reproduction de la queue et des queues doubles ou triples qu’on rencontre parfois chez ces animaux. Ces productions différent de la queue primitive en ce qu’on n’y trouve ja- mais de vertèbres, mais seulement un cartilage d’une seule pièce. Les lézards, en butte aux attaques d’une foule d’ennemis, ne leur opposent la plupart du temps qu’une fuite prompte et rapide. Pourtant les gran- des espèces attendent souvent les chiens de chasse, les poursuivent même et leur font de cruelles bles- sures avec leurs dents disposées en scie et leurs longs ongles recourbés. Du reste , leur morsure n’a rien de venimeux. Ces animaux s’apprivoisent as- sez facilement ; néanmoins l’auteur n’a point re- connu chez son viridis un haut degré d’éducabilité. Il ne put jamais lui faire reconnaître son coup de sifflet ; et si parfois il semblait y répondre, ce n’é- tait que par curiosité, sentiment qui paraît assez fortement développé chez ces animaux. Les lézards ne peuvent être d’une utilité bien immédiate, quoique dans certaines contrées et dans quelques circonstances des populations entières aient fait usage de sa chair comme nourriture. La médecine et la superstition l’ont tour à tour hautement prô- née , et de nos jours encore cet animal inoffensif est la terreur des kamtschadales, qui le regardent comme l’espion des puissances infernales. 208 CLASSE DES SCIENCES. L’utiité d li ta 1 leur Manitre utilité des sangsues et limportance qui leur dont a été donnée dans ces derniers temps, ont attiré les sangsues : G : officinales sur ces animaux lattention des zoologistes , et ont entament Ja : : RE eau, produit divers ouvrages concernant leur histoire Re: naturelle; mais dans aucun, on ne trouve rien de produisent. positif sur le mécanisme de leur morsure. Cest MAUR pour remplir la lacune que la science présentait à cet égard, que M. Moquix-Taxpox a fait une étude particulière de cet objet, et qu'il en à consigné les résultats dans un Mémoire qu'il a présenté à l’Académie. Après y avoir fait l’histoire des observations et des opinions de ceux qui avaient déjà traité de cet. objet, il expose le résumé de ses recherches ainsi qu'il suit : « Pour bien comprendre le mécanisme de la morsure, donnons d’abord une description exacte des mâchoires. » Qu'on se figure trois petites papilles presque microscopiques , placées longitudinalement et un peu obliquement dans la bouche ou ventouse ovale des sangsues, sur autant de petits mammelons tendineux ou musculaires susceptibles de les porter en avant. La partie postérieure de ces petits corps charnus est déprimée ou creusée de manière à recevoir les trois mâchoires, et les bords de chaque cavité présentent une saillie qui dépasse de très- peu le niveau de celle-ci. Les mammelons se con- fondent postérieurement avec les muscles longi- tudinaux du pharynx ou du commencement de Joœsophage. On observe de plus une espèce d’an- HISTOIRE. 200 neau musculaire ou tendineux qui touche chacune des mâchoires, et qui forme, par sa disposition , la circonférence de la bouche. » Les mâchoires sont demi-ovales ou demi-cir- culaires ; elles ressemblent à la moitié d’une très- petite lentille qui aurait été transversalement cou- pée. Leur consistance est un peu dure ; leur nature comme cartilagineuse, et leur couleur blanchâtre. Le bord libre ou arrondi est tranchant et armé de deux séries parallèles de petites éminences ou denticules, nombreuses, serrées et pointues ; ces denticules sont disposées comme les dents d’un peigne ou d’une roue de montre. Domallon pré- tend avoir compté 6o denticules dans chaque mà- choire; comme il a confondu les deux rangées en une seule, et que les sangsues possèdent trois mâchoires , cela ferait 120 dents par mâchoire, ou 560 par sangsue. » Nous venons de décrire les mâchoires des sangsues officinales, voyons maintenant le jeu de ces mâchoires. » Lorsqu'une sangsue veut sucer le sañg d’un animal , elle alonge d’abord la partie antérieure du canal alimentaire et la ventouse ovale; elle applique cette ventouse contre la peau, et con-. tracte ses deux lèvres qui semblent se replier et se rejettent en dehors. Bientôt lhirudine fait entrer dans sa bouche, en forme de petit mammelon, une portion de la peau de Panimal. Alors les corps tendineux qui soutiennent les mächoires se roidissent , et celles-ci sont portées en avant ; leur TOME IV, PART. I Ï l 210 CLASSE DES SCIENCES. position devient telle, qu’elles laissent, entre leur bord tranchant et denticulé, un espace triangu- laire ou conique. La sangsue presse alors le mam- mélon de peau avec ses trois mâchoires , les den- ticules agissent sur lui pour l’entamer , la contrac- tion continue , elle devient plus forte ; les mâchoi- res sont entrainées d'avant en arrière, et la peau est divisée. » D’après ce qui vient d’être exposé, vous voyez que chaque mâchoire produit une déchirure par- ticulière; que chaque déchirure commence dans un point du mammelon plus ou moins rapproché de sa circonférence, et se dirige vers son centre où elle communique bientôt avec les autres. Com- me lanimal agit plus fortement vers la fin de la morsure , et qu'alors la mâchoire s’enfonce davan- tage dans la peau , chacune des déchirures devient de plus en plus large, à mesure qu’elle s’appro- che du milieu du mammelon. » La blessure produite par les sangsues offi- cinales n’a donc pas, comme on l'a écrit dans presqué tous les livres, et comme on le croit communément , la figure d’un triangle. Elle se présente sous l'aspect de trois déchirures presque Jinéaires, graduellement élargies d’un côté, su- nissant par ce côté dans un centre commun, et formant par leur réunion trois angles convergents à peu près égaux entr’eux. » HISTOIRE. 21: M. Struve , savant professeur de minéralogie et Mivéna- et de géologie à Genève, avait fait une belle col- Ra lection des roches et autres minéraux des Alpes. de minéraux : ES de la Une partie est devenue la propriété de M. Dupuy, chaine alpine qui l’a classée, disposée et décrite avec beaucoup 4, _(üara de soin. Dans plusieurs séances il_a entretenu PA- ia cadémie de ce travail; il lui a présenté le catalogue 1 puruy. raisonné et circonstancié des substances qui cons- tituent le sol 1. De la haute valléé du haut Rhône, 2. Du Wiesperthal , : 3. De la vallée d'Anivier , 4. Des vallées de Bagne et d’Entremont, et 5. Du Bas-Valais. Il est à regretter que la description de ces divers minéraux ne puisse pas trouver place dans une histoire abrégée des travaux de l’Académie. Médecine. L'Académie doit à M. Ducisse la connaissance Tumeur . . . ñ , . k té "A dun fait aussi rare qu'intéressant. C’est celui d’une 5, 5e2ves tumeur enkystée, avéc production d’une énorme de cheveux. Ne ’ à M. Ducasse. quantité de cheveux, observée dans Pabdomen d’une femme âgée, et tout-à-fait indépendante des lésions où des fonctions des organes de la gé- nération, Si les annales de là science renferment des faits qui offrent avec celui-ci quelques traits » LL . . LA danalogie ; si Littre, Morgagny, ont évalément rencontré dans leurs recherches des tumeurs gar- njes de cheveux dans léur cavité, il s’est toujours J ‘4: 212 CLASSE DES SCIENCES. rencontré, ainsi que dans le cas remarquable de M. Vallerand de la Fosse, une altération visible de ces mêmes organes. La matrice, les ovaires, les trompes, ou bien avaient disparu par le déve- loppement de la tumeur, ou avaient contracté avec elle des adhérences intimes, de telle sorte que l'on pouvait assurer que les cheveux n'étaient que le produit d’une conception extra-utérine. Dans l'observation de notre collègue, au contraire, tout est dans l’état normal, et la tumeur ne paraît ré- sulter que d’un développement accidentel et d’une véritable déviation de la puissance créatrice. Nous ne suivrons pas M. Ducasse dans cette mul- titude de détails observés pendant la vie de la ma- lade, et des soins réclamés journellement par elle, en raison des accidents dont cette aflection était accompagnée. Une incision ayant été jugée néces- saire, C’est à travers les bords de la plaie que pa- rurent les premières mèches de cheveux longs, parfaitement conformés, et dont l'extraction fut assez facile. Mais un étonnement plus grand atten- dait encore l’opérateur à l'ouverture de la tu- meur elle-même, lorsque la mort eut terminé bientôt, au milieu de cruelles souffrances, la vie de cette infortunée. La section des parois abdominales mit eflecti- vement à découvert une tumeur énorme qui par- tait de la partie inférieure de la cavité pelvienne, et s'élevait , comme la matrice au huitième mois de la grossesse, jusqu'au-dessus de la région om- bilicale. Adhérente seulement à la partie anté- HISTOIRE. 213 rieure, cette tumeur ne tenait aux organes envi- ronnants que par un tissu cellulaire très-lâche, et put être enlevée par une espèce d’énucléation. Du reste, tous les viscères abdominaux étaient sains, mais appauvris dans leur substance, et dans un véritable commencement d’atrophie. La tumeur, ainsi séparée, pesait environ six li- vres. Deux lames composaient ses parois. L’exté- rieure était fibreuse ; interne était séreuse. L’ou- verture du kyste laissa voir, r.° une masse énérme d’une substance concrète, dont une portion s'était déjà échappée pendant les pansements, mais dont l'analyse n’offrit rien de remarquable; 2.° à tra- vers cette substance, et sur tous les points de sa surface, une foule innombrable de pointes de che- veux qui la hérissaient de toutes parts : on put, en les pinçant, en retirer facilement quelques- uns, qui, mesurés, avaient seize à dix-sept pouces de longueur. Cette masse, soumise à de nombreuses irrigations d’eau, se détacha tout entière. Alors resta dans les mains de l'opérateur une masse énorme de cheveux, collés et serrés les uns aux autres par une véritable matière glutineuse , qui permettait cependant d’en détacher de gros- ses mèches. Le volume de la masse équivalait à la grosseur des cinq doigts réunis. La plus petite portion de ces corps étrangers, semblait partir d’un point du kyste dermique, placé à la partie inférieure de la tumeur : le reste était libre et flottant, comme si, par l'effet de l'absorption , dont les tumeurs enkystées sont si souvent le Observation sur un cas d'amaurose, M. Larrey (Auguste), 214 CLASSE DES SCIENCES. siége, la portion dermique d’où les cheveux par- taient , avait entièrement disparu. En vain on voudrait rapporter ce phénomène à une grossesse extra-utérine , et même purement abdominale, lorsque l’histoire de Part en contient de nombreux exemples. Mais l'intégrité des orga- nes générateurs, la conservation parfaite des tissus organiques, au milieu desquels la tumeur était placée; labsence dans sa cavité de tout autre üssu , tel que les dents, les os, les ongles qui an- noncent un fœtus dégénéré, et résistent, pendant des quarts de siècle, à toute espèce d’absorption , ne permettent pas de conserver le soupçon le plus léger, et de méconnaïitre une création anormale inexplicable. « Je ne prétends pas, dit, en effet, M. Ducasse, donner de ce fait une théorie plau- sible. Le voile qui couvre les opérations de la na- ture dans laccomplissement des fonctions phy- siologiques, s’épaissit encore à mes yeux lorsque je lexamine dans la production de ses fonctions morbides. Je laisse à d’autres le soin d'approfondir cette matière importante, et je me contente de déposer dans la science un fait qui pourra linté- resser un jour. » Les avantages immenses que l’on peut retirer de la méthode endermique, c’est-à-dire, de Pem- 2 ? ploi de certains médicaments appliqués sur la peau dénudée de l’épiderme, ont déterminé, dans ees P > ) derniers temps, plusieurs médecins à la mettre en pratique. Les heureux résultats qui en ont été ob- HISTOIRE. 215 tenus, soit en France, soit en Angleterrre, étaient trop précieux pour que chaque praticien ne s’em- pressât de vérifier par lui-même la vérité des faits avancés par MM. Lambert, Bally , Bouillaud et le docteur Shortt d’'Edimbourg. M. Larrey établit, dans le mémoire qu’il a lu à l'Académie, la diffé- rence bien grande qui existe entre cette méthode et celle connue des pères de la médecine. En eflet, Prodicus, disciple d’Esculape, Herodius, maître d'Hippocrate, ce prince même de la médecine, Dioclès, Théophraste, Diogoras, Celse et Galien, connaissaient bien ladministration de différentes substances par la voie de labsorption cutanée; mais la science m’avait pas encore reçu limpulsion que les belles découvertes sur le système absor- bant , par Monro, Jean Hunter, Meckel , Mascagni, Cruiskank, Soœmmering et autres lui ont donnée depuis, ainsi que la perméabilité extrême de la peau, et la grande sympathie qui existe entre cet organe et la muqueuse digestive. IL était réservé à un des plus célèbres praticiens du Midi, M. Chres- tien, de Montpellier, de mettre à profit les sa- vantes élucubrations de ses devanciers, et la mé- thode zatraleptique (médecine par frictions ), que ce médecin a publiée au commencement de ce siècle, est un de ses plus beaux titres à la recon- naissance de humanité. Mais si lon ne peut pas contester à ce genre de médication de très-srands résultats, dans la cir- constance où il est impossible d’administrer les médicaments par les voiesnaturelles, que ne peut-on 216 CLASSE DES SCIENCES. pas espérer de la méthode endermique, qui est plus active , qui demande moins de temps et une bien moindre quantité de substances médicamen- teuses ? C’est ce que M. Larrey a développé dans son mémoire. Après avoir énuméré les différentes affections contre lesquelles on doit la mettre en usage, de préférence à la méthode iatraleptique, cet académicien aborde la question de savoir com- ment ces médicaments agissent sur l’économie animale. I expose les diverses théories émises jus- qu’à ce jour, et dont aucune ne parait avoir résolu le problème. « Laissons, dit M. Larrey , à l’expé- rience et à l'observation le soin d'éclairer ces dis- cussions : ce n’est qu’en groupant un certain nom- bre de faits bien observés, que l’on pourra, plus tard, déduire des conséquences justes et utiles à humanité. Que les praticiens judicieux et éclairés apportent chacun leur tribut; qu’ils servent de guide à ces hommes de cabinet, qui ne voient sou- vent la nature que dans leur imagination , et alors nous aurons une théorie vraie, puisque lPexpé- rience ne la démentira pas. » Cest pour se conformer à ce précepte que M. Larrey cite un cas d’amaurose, ou goutte se- reine, observé sur un homme de 40 à 42 ans, qui, à la suite de la répercussion d’une forte transpiration , se trouva , presque instantanément, privé de lPusage de l’œil droit. Nous ne suivrons pas l’auteur dans tous les détails qu’il a cru devoir donner à ce fait ; nous dirons seulement que l’em- ploi de la strychnine sur la tempe droite, dénudée HISTOIRE. 217 de lépiderme, a agi si efficacement dans cette circonstance, que dix grains de cette substance, incorporés dans une pommade appropriée, ont suffi pour obtenir, dans l’espace d’un mois, une guérison radicale, sans que le système nerveux, en général, ait éprouvé la moindre atteinte d’un remède aussi violent. Le diabétes, ou la sécrétion abondante d’une urine sucrée , est une maladie heureusement fort rare ; car dans le cours d’une pratique assez longue _et assez étendue , soit dans l’intérieur de la ville, soit dans les. hôpitaux civils et militaire où M. Duflourc est employé depuis près de vingt ans, il n’en a rencontré que deux cas bien avérés ; le premier à l’'Hôtel-Dieu Saint-Jacques, en 1797, en suivant la pratique de M. Dubernard père , et le second en 1834, dans le service de clinique interne qu'il dirige en chef, en qualité de médecin or- dinaire de cet établissement, et de professeur à l'école de médecine. Cest de ce dernier cas que M. Duflourc a en- tretenu l'Académie. L’individu qui fait le sujet de cette observation, est un jeune homme âgé de vingt-quatre ans , et qui, dix-huit mois avant l’in- vasion de cette terrible maladie, n'avait jamais éprouvé aucun dérangement sensible dans l’état de sa santé. Ce fut dans le courant de l'année 1832 que les premiers symptômes se déclarèrent; ils allérent en s’aggravant jusqu’à ce que, forcé d’avoir recours à des médecins plus expérimentés , il se Observation de diabétès, M. Durrounc. 218 CLASSE DES SCIENCES. décida à quitter son village, dans le département de l’Ariége , pour venir à Toulouse y chercher un soulagement à ses maux. Ce malade entra à l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques le 21 janvier 1834 , et fut placé sous la direction de notre confrère. Les symptômes caractéristiques du diabétès furent bientôt reconnus , ainsi que le rapport qui pouvait exister entre la quantité du liquide ingéré et le produit de l'évacuation uri- naire. Il fut reconnu , à diverses reprises , que dans les vingt-quatre heures cette excrétion dé- passait d’un cinquième la quantité de boisson dont le malade faisait usage, car il consommait , par jour , quatre litres de tisane ou d’eau vineuse ; et il rendait , dans le même espace de temps , cinq litres d'urine. Ce n’était pas assez, cependant , que d’avoir établi cette différence , il fallait en- core s'assurer si ces urines contenaient la matière sucrée ou mielleuse , considérée , aujourd’hui , comme un des signes pathognomoniques du diabé- tès. La dégustation eut lieu d’abord par Pintendant en pharmacie des hôpitaux civils , notre confrère M. Magnes-Lahens , par plusieurs jeunes docteurs et les élèves présents à la visite, Tous furent una- nimes pour affirmer qu’eflectivement ces urines contenaient ce principe sucré ; mais dans quelle proportion s'y trouvait-il? C’est encore M. Ma- gnes qui se chargea de l’analyse indispensable pour arriver à cette appréciation. Le résultat du travail de ce savant chimiste démontra que Purine du malade était inodore HISTOIRE. 219 et très-peu colorée, fort écumeuse, et pesait £roës centièmes de plus que Peau distillée : il y fut découvert encore des traces de soufre et durée mêlés avec beaucoup d’albumine et de mucus de la vessie. La gélatine avait disparu entièrement. Seize onces de cette urine ayant été chaulfées à Ja vapeur de l’eau bouillante et réduites à deux onces, ont été abandonnées à elles-mêmes dans un cabinet réchauffé par une cheminée. Dix jours après, le liquide urinaire s’est pris en une masse de sucre cristallisé en forme de chou-fleur, ne laissant pas, du tout, d’eau mère, et dépassant la hauteur des bords d’un pot à confitures dans lequel la cristalli- sation avait eu lieu. À la surface de ce sucre, com- parable à celui de raisins , on voyait des cristaux blancs de forme cubique qui se trouvaient com- posés de muriate ou d’hydro-chlorate de soude et de quelques traces de muriate d’'ammoniaque. Pendant le premier mois de son séjour à l'Hôtel- Dieu , le malade n’éprouva point de changement bien sensible, quoiqu’on employât tous les moyens recommandés par les plus grands praticiens. La colliquation fit des progrès, et à cet état déjà si grave, vint se joindre un catarrhe pulmonaire. Frustré dans ses espérances de guérison qui lPa- vaient attiré à Toulouse , ce jeune homme prit la résolution de retourner au sein de sa famille , et malgré toutes les instances qui lui furent faites pour l'en détourner , il quitta hôpital le 10 mars , cinquante jours après son entrée , et ne vécut pas longtemps après cette époque. 220 CLASSE DES SCIENCES. M. Duffourc accompagne son observation de quelques considérations générales sur cette ma- ladie, dont ZZippocrate n’avait point connais- sance , puisqu'elle n’est mentionnée dans aucun passage de ses immortels ouvrages. Celse et Aretée de Cappadoce sont les premiers qui en ont donné une description satisfaisante. Mais ni ces célèbres médecins de l'antiquité, ni même ceux qui les suivirent plus tard, n'avaient reconnu la présence d’une matière sucrée dans Purine des diabétiques. C’est à Thomas Villis , qui écrivait dans le 17.° siècle, qu'est due cette découverte , et plus tard, en 1778, au docteur Cauley que se rattachent les connaissances que la science possède aujourd’hui sur cette matière, qui, du reste, a occupé également de nos jours les 1llus- tres Thenard et Dupurytren. EE r ETABLISSEMENT D'UN APPAREIL POUR LES EXPÉRIENCES D'HYDRAULIQUE, AU CHATEÉAU-D'EAU DE TOULOUSE. Lons de l'établissement des fontaines dans notre ville, il fut fait un grand nombre d'expériences dhydraulique sur le volume d’eau que pouvaient mener en réalité les conduites que l’on piaçait , sur la hauteur à laquelle elles pouvaient le porter, sur la dépense en eau de différents orifices ou ajutages, etc., etc. Il a été rendu compte de ces expériences dans le tome second de nos Mémoi- res (1). M. Castel, alors contrôleur des eaux de la ville , aida dans les premières , et il fit presqu’en seul les dernières. Après que toutes les conduites furent posées , 1l continua encore ses travaux , notamment sur les ajutages coniques ; mais bientôt les moyens ma- tériels lui manquèrent. L/Académie > Convaincue de l'importance d’un tel ouvrage , sur lequel la science ne possédait presqu’aucun document , dé- sirant en outre que la bonne volonté et les moyens du plus exact et du plus consciencieux des obser- SE 7 A A None court (1) Tome IT, 1."e partie, page 374 et suivantes. 222 CLASSE DES SCIENCES. vateurs fussent mis à profit, crut devoir s’inté- resser auprès de l’administration municipale , et quelques expériences furent encore faites en TODE: | M. le Maire en communiqua les résultats à l'Académie. Mais, tout intéressants qu’ils étaient, ils m’avaient été obtenus que sous de très- petites charges ou hauteurs d’eau au-dessus des orifices, et pour en généraliser les conséquences , il était absolument nécessaire que les expériences fussent anssi faites sous de fortes charges. Le chà- teau-d’eau de notre ville présentait un local émi- nemment propre à cet objet, et en général à tou- tes les expériences sur Pécoulement de Peau par des orifices de toute forme et sous des charges allañt jusqu’à près de dix mètres, sur la forme des veines fluides , sur Pélévation des jets d’eau, etc. , éte. Avec très-peu de frais, on pouvait y disposer un appareil at moins aüssi convenable à ces expériences que ceux qui ailleurs, notamment à la Parella près de Turin, ont coûté des sommes très-considérables. L'Académie, pénétrée de son utilité, notamment pour les progrès de la science à Jaquelle notre Cité est redevable des belles eat qui y coulent sur tous lés points, ét voulant con- tribüer, autant qu’il était en elle, à cé que Tou- louse pût se glorifiér dé posséder éncore un nou- vel établissement scientifique, résolut de s’'adrésser une séconde fois à nos magistrats. Elle invita n0- tre confrère, M. Abadie, à dresser un plan de l'appareil désiré; et le 9 février 1832 ; elle char- HISTOIRE. 223 gea une députation de le porter, accompagné du rapport d’une de ses commissions , à M. le Maire, avec prière de faire mettre ce plan à exécution, et au préalable de s'intéresser auprès du Conseil municipal pour en obtenir les fonds nécessaires. Des circonstances particulières retardèrent Pac- complissement des vœux de l'Académie. Elle réi- téra sa prière. Enfin, des fonds furent votés pour 1835. Dès le commencement de Pannée, on mit la main à l’œuvre. M. Abadie, qui avait eu le temps de bien mürir son projet, et de profiter des observations de ceux qui devaient faire usage du nouvel appareil, le fit exécuter de la manière la plus convenable; et dès le mois de juin, M. Castel, qui y avait fait ajouter un appareil spécial pour les déversoirs , put commencer la belle suite d’ex- périences dont il va être rendu compte dans la secoride section. Les deux appareils sont représentés en éléva- tion et en plan à la planche 4. Nous allons dé- crire succinctement le premier ; il sera parlé du second dans le compte-rendu dont nous venons de faire mention. La figure : montre la coupe d’une partie du chà- teau supposée faite par un plan vertical passant au milieu de appareil. À est la cuvette, qui reçoit l'eau élevée par huit pompes et destinée à alimen- ter les fontaines de la ville : la quantité, qui en est habituellement de 45 litres par seconde, peut être portée à près de 60. La cuvette est per- cée, au bas de son rebord extérieur, d’une ouver- 224 CLASSE DES SCIENCES. ture rectangulaire ayant 0"34 de large sur o"13 de hauteur. Un conduit ou tuyau coudé , fait en feuilles de cuivre, s'adapte d’une part à cette ouverture, et de l’autre à une file de tuyaux B, ayant 0® 20 de diamètre intérieur , et qui des- cend verticalement, en partie dans le mur de la tour du château-d’eau, à côté du tuyau du trop-plein de la cuvette, jusqu’au plancher qui recouvre le soubassement du château. En «&, à 999 au-dessous de la cuvette, s'adaptent des tuyaux horizontaux &, a! qui traversent le mur de la tour, vont aboutir à la caisse d'expériences C, et portent le robinet-vanne D , destiné à donner à cette caisse la quantité d’eau convenable à lexpé- rience que lon projette. La caisse est établie sur un socle en pierre de taille D , solidement fixé sur la terrasse qui est au pied de la tour , et qui présente un local fermé, bien éclairé, et par suite tres-propre à un travail expérimental. Cette caisse qu'on voit en plan et en coupe aux figures 2, 3 et 4, est en fonte ; c’est un parallélipipède rectangle , ayant dans œuvre 0"/41 de côté en carré, et 0"82 de hauteur. Elle porte, vers le haut, sur trois de ses faces, trois tubulures, c, d, e ; les deux pre- miéres ont 030 de côté en carré, et la troi- sième o"14 sur 010 : elles sont destinées à re- cevoir les platines portant les divers orifices ou ajutages à l’aide desquels on veut faire des expé- riences : hors le temps des expériences elles sont fermées par des plaques de fonte que l’on y visse HISTOIRE. 225 et dévisse à volonté. Dans le bas, est une quatrième tubulure pour le robinet de décharge E. On peut le remplacer par un tuyau horizontal, ayant, à sa partie supérieure, des ouvertures destinées à rece- voir des orifices ou ajutages pour les expériences sur les jets d’eau. La caisse est munie, à son collet inférieur , de quatre vis, à l’aide desquelles on la met ou remet dans une position exactement ver- ticale, Sa partie supérieure est fermée par un couver- cle portant au milieu une tubulure F de 0"20 de diamètre , et o"24 de hauteur. On la surmonte à volonté de courts tuyaux G,G, G, de même diamètre , et de o"5o seulement en longueur (y compris o"or pour l’épaisseur de la garniture du joint ). Chacun d'eux a, vers le haut, un petit robinet f destiné à y maintenir l’eau à un niveau cons- tant, lorsqu'on veut qu'il en soit ainsi. Chaque tuyau à encore, sur deux faces opposées, deux tubulures, une grande et une petite; ce sont des places d'attente pour les expériences que l’on vou- drait faire à cette hauteur. Supposons maintenant que la caisse ne soit sur- montée par aucune des pièces dont nous venons de parler, qu’elle soit entièrement ouverte , et que l’eau ÿ soit maintenue au niveau de l'ouverture ; la distance verticale entre ce niveau et le centre des tubulures latérales, et par conséquent des ori- lices qui y seraient adaptés, sera de 0"25, et l’é- coulement par ces orifices se fera sous cette fai- TOME IV. PART. I. 15 226 * CLASSE DES SCIENCES. ble charge. Si l’on place le couvercle sur la caisse, et que l’on donne l’eau de manière qu’elle se main- tienne , durant l'écoulement , au niveau du haut de la tubulure que porte le couvercle, la charge se trouvera de 0"50. Elle sera de 1", ou de 1"50, ou de 2"00, de 2"50, etc., si l’on place en- suite un, ou deux, ou trois, ou quatre des tuyaux G. Enfin, si l’on ferme, par une platine , la tu- bulure du couvercle, ou l’ouverture supérieure du plus élevé des tuyaux qu’elle porte, l’eau de la cuvette pressera , sur les orifices de sortie, de toute l’élévation de son niveau , laquelle est moyennement de 9"75 ; et ce sera lénorme charge sous laquelle s’opérera alors lécoule- ment. Le jaugeage des eaux sortant des ajutages s’ef- fectuera à laide de deux grandes caisses doublées en zinc, bien étalonnées, contenant lune 3,80 mètres cubes et l’autre 0,80 ; il en sera question dans le mémoire sur les déversoirs. Lorsque , dans la suite, elles seront enlevées , on établira à de- meure sur la terrasse du château une caisse en fonte, divisée en deux compartiments séparés par des languettes de calme, lun recevra l’eau des expériences, et sur la face antérieure de l’autre seront des orifices rectangulaires de diverses lon- gueurs ; la dépense par chacun d'eux, sous diffé- rentes charges d’eau, aura été préalablement dé- terminée par l'observation. De sorte que dans une expérience , il suffira de savoir à quelle hauteur Pécoulement maintient le niveau dans la caisse, HISTOIRE. 227 tel orifice étant ouvert, pour connaître la dépense de l’ajutage en expérience. Quelquefois on aura à déterminer la force de projection avec laquelle certains ajutages lancent l'eau dans des circonstances données, détermi- nation qui se fait à l’aide des coordonnées de la courbe décrite par le jet. On les mesurera avec une équerre formée de deux règles bien assujetties l'une à l’autre, et divisées en centimètres et mil- limètres : instrument dont M. Castel a déjà fait un fréquent usage. On le placera dans un plan vertical, parallèle à celui du jet et tout auprès : la branche horizontale reposera , par une extré- mité , sur le socle de la caisse d'expériences , et _par Pautre sur le parapet de la terrasse du chà- teau ; elle indiquera la longueur de lordonnée : on lira ensuite, sur la branche verticale, la dis- tance du centre de l’orifice de sortie à l’horizon- tale; ce sera l’abscisse. À l’aide de ces deux quan- tités, on calculera la hauteur due à la vitesse avec laquelle l’eau sort de lajutage, d’où l’on conclura cette vitesse ; ce sera la vitesse ou force de pro- jection. «: L ee” L- = nl 4 L . , 0 ] PE + a LE » è [CO] TOUT # if - : + © \ D 4 ‘ ] r # . CIRE” : | ) A … 4 . d À « | î ‘ ‘ à F A ! 7 | s : . L LA Tr L - « An és | * : ; LL. Y Pr r n £ ñ l F HA | ; « ; ‘ AA CL BTE ‘ . . | 1 » \ e .— ? L LL r M 3 & . ? « Ë ñ p x \ > | 1] i \ , î Section Deuxirme, MÉMOIRES. NOTE SUR DIVERS POINTS DE L'HYDRAULIQUÉ ; Par M. Sr.-GUILHEM. Équation générale du mouvement permanent dans un canal découvert. Lorsque dans une masse fluide en mouvement la vitesse d’une molécule quelconque ne dépend que du lieu qu’elle occupe, on dit que le mouve- ment est permanent. Supposons qu’on ait, dans un canal découvert, un courant d’eau doué d’un mouvement perma- nent ; nous pourrons toujours concevoir ce courant comme formé d’une infinité de filets infiniment étroits dont la direction en un point quelconque du courant est celle des molécules qui passent par ce point. Cela posé , nous appellerons : s la longueur d’un filet comptée à partir d’une ori- gine arbitraire au bout du temps #; m la masse du filet élémentaire dont la longueur est ds; 23044 CLASSE DES SCIENCES. s la vitesse de la masse 72 ; H, I! les abaissements de la surface libre de l’eau et de extrémité du filet s, comptés sur une même verticale et à partir d’un mème plan horizontal ; ë l'angle que fait le filet s, à son extrémité, avec l’horizon ; R la résistance rapportée à l'unité de masse qu’é- prouve le mouvement de la masse »2 par ladhérence des molécules d’eau entr’elles et avec les paroïs du canal ; g la gravité rapportée à l'unité de masse. Il est évident que la force effective qui sollicite le filet élémentaire »2 est égale à son poids estimé suivant la direction de la vitesse , moins la diffé- rence des pressions exercées sur la face postérieure et antérieure du filet, moins encore la résistance provenant de l’action du canal. Toutes ces forces sont proportionnelles à Paire de la section transversale du filet élémentaire. En supprimant ce facteur dans tous les termes, on aura : ds ® =gds sin. — gd (H'— H)—R ds ; Or, puisque le mouvement est permanent, p est do fonction de s seulement ; on a donc ds + v dv >; on a d’ailleurs ds sin. i = d'W' : donc vdo = gdH—R ds. Cette formule a lieu pour un filet quelconque ; par conséquent pour tous les filets qui correspon- MÉMOIRES. 23Ex dent aux diverses molécules qui traversent à la fois un même plan vertical mené à l'extrémité du lilet s, suivant une droite perpendiculaire au cou- rant. Îl a donc lieu aussi pour le filet qui corres- pond à la molécule dont la vitesse est égale à la vitesse moyenne. Si l’on désigne par z cette vitesse moyenne, nous pourrons, comme dans le mouve- ment uniforme, représenter la résistance R par une expression de la forme _ (au®+6u), dans la- quelle w est la section faite par un plan vertical mené par la molécule qui a la vitesse moyenne, suivant une droite horizontale perpendiculaire à la direction du courant; y est le périmètre mouillé de cette section ; «, 6, deux coefficients constants à déterminer par l'expérience. On verra par les ap- plications ci-après que ces coefficients sont sensi- blement les mêmes que dans le mouvement uni- forme ; c’est-à-dire que « — 0,0036 , 6 = 0,00024. On aura alors : (1) udu=gdH—#(au+6u) ds. .. M. Poncelet a donné en 1828, dans ses leçons aux Officiers d'artillerie, une formule fondée sur l'hypothèse du parallélisme des tranches, qui ne diffère de la précédente qu’en ce que s est pour lui la courbe décrite par le centre de gravité d’une tranche perpendiculaire au courant , au lieu de la courbe décrite par une molécule qui a une vitesse moyenne parmi les vitesses des molécules qui pas- sent à la fois par une même section transversale. 232 CLASSE DES SCIENCES. M. Bélanger a trouvé, à peu près à la même épo- que, en faisant la même hypothèse , une équation pareille *. M. Vauthier , Ingénieur en chef des ponts et chaussées est parvenu dernièrement, à laide d’hypothèses plus restreintes encore, au même résultat **. La méthode que j'ai exposée ne me paraît pas soumise aux mêmes restrictions. Jaugeage des eaux courantes. Je vais faire voir par quelques exemples que la formule (1) peut être appliquée avec succès au jaugeage des eaux courantes. Soit w, et Q les aires des sections extrêmes d’un courant d’eau: 6, , 6, &, les aires de » sections transversales faites entre les deux sections extrêmes et assez rapprochées pour donner une connaissance suffisamment exacte du volume d’eau compris entre ces sections extrêmes ; Yo» Xare %m leS périmètres mouillés des sections affectées des mêmes indi- EEE SR ESS ÈEEE) * L’équation de Part. 14 de l'ouvrage de M. Bélanger est vraie en prenant pour axe un filet quelconque et par conséquent un filet à la surface; il faut alors y faire dh — 0; ce qui donne une équation pareille à l'équation (1). ** Le raisonnement de M. Vauthier suppose essentiellement que les molécules d’eau arrivent dans chaque section transver- sale avec des vitesses égales et parallèles ; qu’elles y sont éga- lement retardées par la résistance qu'exerce le lit; et que cette résistance ne dépend pour différentes pentes, toutes choses égales d’ailleurs , que de la vitesse. Nous avons admis aussi cette dernière hypothèse dans les applications, mais l'équation fondamentale en est indépendante. MÉMOIRES. 233 CES ; 55 15 S5s Se Sn les longueurs des entre- profils successifs ; H la pente totale de la surface du courant depuis la première section jusqu'à la dernière ; Q la dépense du courant par seconde. ; E Si nous posons d’ailleurs, pour abréger : 1 1 .S .S .s Az (re =)re 0036 (2° THÉ =) m 7] o L __ ++ S, B=0,00024 (£ + 0, + Le] & 5 Nous aurons simplement : AQ+BQ=S8H d’où (2) Q=— RAR hi toutes les fois que ee sera négligeable par rap- port à 360 4° dans toute Poutie de la portion de rivière que l’on considère , et c’est le cas où la formule précédente pourra être le plus utilement appliquée, on aura () Q=— Pour faire quelques applications de ces for- mules, nous aurons recours aux observations rap- portées dans lHydrotechnie de Funk, qui ont été faites soigneusement avec le moulinet de Woltmann. ce, Jaugeage du ITeser. Nous ferons usage des observations cotées dans l'Hydrotechnie n.° 490 , 491... 502; nous divise- rons l’espace compris entre les profils extrêmes en 234 CLASSE DES SCIENCES. quatre entre-prolils; nous adopterons pour la sec- tion et le périmètre mouillé correspondant à lori- gine de chaque entre-profil, la section et le périmètre mouillé moyen dans cet entre-profil. On trouvera ainsi pour les valeurs successives de s (o) 1 H g 2064 924 316 2264 757 323 4,342 33,47 2288 772 325 2160 1352 289 l'unité de mesureest le pied de Calenberg=—0",292. Dans le cas actuel la pente totale étant rapide,on pourra appliquer sans erreur notable la formule (3). On trouve, le calcul fait, Q = 30/2; on a trouvé avec le moulinet de Woltmann Q = 2984; on ne pouvait guère s'attendre à plus d’exactitude. Jaugeage du W'eser dans un autre bief. En prenant les observations cotées n.° 404..., 408, nous avons pour les valeurs successives de s © k H g 544 86 358 432 638 330 1,529 33,47 44o 630 362 l'unité de mesure est toujours le pied de Calen- berg. ÿ On a trouvé Q = 3104 au lieu de Q = 2984. Taugeage de lElbe. En prenant les observations cotées n.° 521..., MÉMOIRES. 239 531, nous avons pour les valeurs successives de $ w X H g 1260 4409 567 2016 4153 542 1,26 31,28 1066 4530 6o2 2010 3902 616 L'unité de mesure est le pied du Rhin —0",31385. On trouve Q = 14425 ; l'observation a donné Q = I 3390. Forme longitudinale du remous occasioné par un barrage horizontal placé en travers d’une rivière. Partageons la rivière comme dans l’article pré- cédent en plusieurs entre-profils; conservons les mêmes notations, et désignons en outre par H,, H,,H,..,H, les pentes totales successives d’un profil au suivant, à partir du premier. Si on suppose que le premier entre-profil soit assez court pour que dans l'étendue de cet entre- profil les quantités & et #_ne varient pas très- 12] sensiblement, on aura approximativement = (au +6 us, 08 Au moyen de cette valeur de H,, si lon connaît le lit de la rivière on pourra calculer w, Ne mme * M. Vauthier a remarqué le premier que l’on pouvait se dis penser de transformer l'équation (1), comme l’a fait M. Bélanger, pour l'appliquer à la détermination de la courbe des remous. 236 CLASSE DES SCIENCES: Cette formule sera généralement bonne , toutes les fois que la quantité once La ( x e Cu +6u,)s, sera négligeable par rapport à H.. Si elle ne l'était pas, il faudrait en général prendre un entre-profil plus court ; mais il suffirait dans la plupart des cas, pour obtenir une valeur suffisamment exacte de H, , d'ajouter à la moitié de la valeur de H, déjà trouvée la quantité précédente. On ferait de même pour les autres entre-profils, et de proche en proche on obtiendrait la pente totale à la surface entre deux points quelconques. Hauteur à laquelle s'élève la surface de l’eau au-dessus d'un barrage horizontal établi sur toute la largeur de la rivière. En tenant compte des expériences les plus ré- centes faites par M. Castel à Toulouse, la formule connue devient H=— 0,644? dans laquelle H est la hauteur de l’eau sur le bar- rage ; q la dépense en une seconde par mètre cou- rant du barrage, ou le rapport de la dépense à la longueur du barrage. Remous occasionné par le rétrécissement du lit d'une rivière. Pour résoudre la question dont il s’agit, on trouve dans le traité d'Hydraulique de M. dAu- MÉMOIRES. 237 buisson une équation qui s'élève au troisième degré, mais qui peut aisément être remplacée par S Te suivantes : dans lesquelles y représente la profondeur de l’eau en mètres après le rétrécissement du lit; g la dé- pense en une seconde par mètre courant de largeur de la section rétrécie; à la profondeur avant le rétrécissement diminuée de la hauteur due à la vitesse du courant. Nota. M. de Prony a donné dans un numéro des Annales des Ponts et chaussées une autre transformation de l’équation de M. d’Aubuisson. La précédente me paraît aussi simple sans renfer- mer des lignes trigonométriques. EXPÉRIENCES SUR L'ÉCOULEMENT DE L'EAU PAR LES DÉVERSOIRS ; Par M. CASTEL, INGÉNIEUR pEs EAUX DE TouLouse, Extrait du Rapport fait à l’Académie. L>.6 janvier 1836, M. le Maire de Toulouse transmit à l’Académie un manuscrit portant en titre Compte rendu des expériences sur les déversoirs , fuites. au Chäteau- d’eau de Toulouse, en 1835 : il était signé Castel. Une commission , composée de MM. Boisgiraud , S.t-Guilhem , Borrel , Abadie et d’Aubuisson , fut nommée pour l’exa- miner ; elle fit, à son sujet , un rapport très-circonstancié, qui fut approuvé par l’Académie ; elle y analysait l’ou- vrage qui lui était soumis, développait les résultats des expériences ;, en montrait l'importance , et indiquait celles qu'il convenait de faire encore pour terminer ce beau travail. Elles ont été faites en 1836. On va donner ici les passages du rapport faisant con- naître les motifs qui ont porté M. Castel à entreprendre ses expériences , et le jugement que l'Académie en a porté. On ne reviendra pas sur ce qui a été déjà dit (page 221) de l'appareil expérimental établi au château-d’eau de notre ville. «Il était naturel que M. Castel reprit, sur ce nouvel appareil , son travail des ajutages coniques. Il se proposait effectivement d’en agir ainsi , lorsqu'une circonstance MÉMOIRES. 239 particulière l'en détourna , et lui imposa en quelque sorte un nouvel ouvrage. » Notre confrère M. Abadie s’occupait d’une grande distribution d’eau pour la ville de Bordeaux : il avait fait jauger différentes sources par divers moyens , entr’autres par des déversoirs. Pour une de ces sources, cette der- nière méthode ne lui donnait que 030 litres par minute, tandis qu’une autre en indiquait 1380. Frappé d’une telle différence , il porta ces résultats à M. Castel, qui , lui- même , s'était beaucoup occupé du jaugeage des eaux à l’aide des déversoirs , afin de connaître , aussi exactement que possible , la quantité d’eau , s’élevant à environ deux mètres cubes par seconde , qui, après avoir mu les ma- chines hydrauliques du château-d’eau de notre ville, coule dans leur canal de fuite (dans une de ces mesures, M. Castel faillit perdre la vie). I refit les calculs relatifs à la source de M. Abadie; il n’eut encore que 930 litres ; et on lui disait que le produit 1380 était positif. Il craignit alors pour l’exac- titude du résultat qu’il avait déduit , au canal de fuite, de la formule admise pour le jaugeage par les déversoirs , résul- tat qui allait servir de base à une transaction , la ville dési- rant concéder les eaux de ce canal. La formule, qui le lui avait donné , était déjà auparavant comme en butte à ses objections ; elle reposait sur une hypothèse contraire aux réalités; l’esprit droit et positif de M. Castel répugnait à l’admettre. Il résolut d’en vérifier lui-même l'exactitude, et d’en ramener les résultats à la réalité s’ils s’en écartaient : car il s'agissait d’une formule qu’il avait déjà eu et qu’il aurait souvent occasion d'employer dans son propre ser- vice. En conséquence , il fit ajouter un appareil pour les déversoirs à l’appareil hydraulique qui venait d’être fait, et il y exécuta les nombreuses suites d’expériences dont il va être question. » C’est avec ces soins extrêmes que M. Castel a fait cha- cune des expériences (237 en 1835, et 314 en 1836), portées aux tableaux joints à son compte rendu... Celles 240 CLASSE DES SCIENCES. de la troisième série surtout ont paru à vos commissaires un vrai chef-d'œuvre dans l’art de faire les expériences. » En somme, M. Castel croit pouvoir répondre des résultats de ces expériences, c’est-à-dire , des coeflicients 2: x L x . qu'il en a conclus , à — près. Pour nous, disent les ? 150 2 commissaires , après avoir bien examiné ces résultats et la marche qu'ils suivent, nous oserions en répondre x 1 à = (pour ceux du tableau n.° IL obtenus en 1835). Les causes d'erreur , dans lés divers éléments d’une question , ne marchent pas toutes dans le mème sens ; presque tou- jours elles se compensent mutuellement en partie : ce sera encore ici le cas. » Les expériences de M. Castel , par leur nombre , leur exactitude et leurs conséquences , sont bien au-dessus de tout ce qui avait été fait jusqu'ici dans cette partie de l’hydraulique. Leurs résultats seront adoptés avec recon- naissance par tous les savants et les ingénieurs. L’Acadé- mie aura à se féliciter d’avoir contribué à donner lieu à ce grand travail : depuis plus de cinquante ans, il ne lui en avait été présenté aucun de cette importance, en fait de sciences physiques. » La rareté , la difficulté d’avoir de telles suites d’ob- servations , sans rehausser leur mérite intrinsèque, les rend encore plus précieuses. L’heureuse réunion des cir- constances à laquelle nous en sommes redevables, ne se représentera que bien rarement. Où trouvera-t-on une personne , éminemment douée des qualités qui font l’excel- lent observateur , qui , pendant cinq ou six mois d’une an- neé, se décide à sacrifier quatre ou cinq heures par jour à un tel travail, sans autre but que celui de le très-bien faire, et cela indépendamment de ses nombreuses occupations ordi- naires ? Où trouvera-t-on un local aussi propre à tirer tout l’avantage possible d’un assez grand volume d’eau , 4o litres par seconde , à opérer plus commodément , et par suite avec plus d’exactitude ? Un simple particulier au- MÉMOIRES. 241 raitil tout cela ? Pourrait-il faire tous les frais et des appareils et des expériences. Celles dont nous venons de parler ont exigé quelques milliers de francs, et l'assistance de trois fontainiers exercés à ce genre d’ouvrage. » L'Académie, considérant Que le travail de M. Castel sur les déversoirs est presque parfait sous le rapport expérimental ; Que, sous le rapport scientifique , il a résolu une des questions les plus importantes de l’hydraulique, le jaugeage des eaux à l’aide des déversoirs ; Qu'il est dû , en partie, à ses démarches auprès de lad- ministration municipale de Toulouse, pour qu’il fût fait et mené à sa fin, À décidé qu’il serait inséré dans ses Mémoires. COMPTE RENDU DES EXPÉRIENCES SUR LES DÉVERSOIRS FAITES AU CHATEAU-D'EAU DE TOULOUSE. L'appareil sur lequel ces expériences ont été Appareil faites, et qu’on voit représenté , par côté et en je, géversoirs. face, à la planche T, consiste : En une caisse ou canal rectangulaire en bois, H, de 5"96 de long, 0"74 de large et de o"54 de profondeur. Il est établi sur la terrasse du chà- teau-d’eau, à1%25 au-dessus du carrelage. A une de ses extrémités il reçoit, par l'intermédiaire du: tuyau 9, l'eau de lappareil expérimental (décrit page 221). À l’autre extrémité se trouve la cloi- son ou fermeture dans laquelle sont pratiqués les déversoirs. Sous cette extrémité est placé le bassin TOME IV, PART, I. 16 2/2 CLASSE DES SCIENCES. de jauge servant à mesurer l’eau écoulée pen- dant la durée de l'expérience. Ce bassin , en bois du nord et doublé de zinc, a 4%00 de long, 1"00 de large et 0"80 de haut. Il cube 3,20 mèt. cub. Il a été étalonné par empote- ment au moyen d’une mesure étalon contenant 50 litres, dont la capacité avait été exactement cons- tatée à l’aide de diverses pesées de l’eau qu’elle pouvait contenir; en la recouvrant d’une glace on s’assurait qu’elle était parfaitement remplie. Lorsque le bassin a été plein aux trois quarts environ de sa hauteur, on a pris note de léléva- tion de l’eau que chaque mesure versée occasion nait au-dessus d’un point fixe du fond , et on a eu ainsi une table qui, par la simple hauteur de Peau, indiquait le volume qui y était entré. Cet éta- lonnage a été répété à plusieurs reprises. Une petite auge K, doublée de zinc, mobile sur pivot, placée entre le versant du déversoir et Le bas- sin de jauge, reçoit l’eau du canal , et la verse hors du château d’eau , jusqu’au moment où 1l est jugé né- cessaire de la laisser couler dans le bassin de jauge. La fermeture du canal consiste en une plaque de fonte , sur le haut et le milieu de laquelle est une échancrure rectangulaire de 0517 de large et de 0374 de haut. Plus tard et pour les orifices de 060 et deo"68 , on a remplacé cette première plaque par une seconde qui avait o"69 de large. Sur ces plaques on visse des platines de cuivre de 0%002 d'épaisseur, fixées de manière à prévenir les mouvements que pourrait produire le choc de Peau. — MÉMOIRES. 243 Ces platines présentent une échancrure égale- ment rectangulaire , qui est le déversoir. La partie inférieure en est Le seuil, et il est à o"17 au-dessus du fond du canal. Afin d’amortir autant que possible les ondula- tions, l’eau à la sortie de la caisse de fonte était reçue dans un petit bassin de zinc 2 d’où elle re- tombait en nappe dans le canal ; elle passait d’abord par une rainure pratiquée dans la cloison Z, puis à travers la toile métallique K, et ensuite sous des languettes de calme v', à. La distance de la dernière de ces languettes au déversoir a varié dans les diverses expériences. Dans celles du tableau n.° LIT, elle était à environ 1%30, et la distance du bord inférieur de cette languette au fond du canal a été assez générale- ment de o®21 à 0"22. Deux tringles de fer, ayant une largeur de 0024 et une épaisseur de o"018, rodées ensem- ble, étaient placées transversalement sur les bords supérieurs du canal, l’une au-dessus du seuil des déversoirs, l’autre à o"4093 en amont, Ces deux tringles, à l’aide d’un niveau à bulle d'air, et des vis sur lesquelles portaient leurs ex- trémités, étaient disposées de manière que leurs faces supérieures fussent dans un même plan par- faitement horizontal : l’horizontalité était vérifiée et rétablie, au besoin , au commencement de cha- que expérience. Sur ces tringles , dans un plan vertical , paral- lele à la longueur du canal et passant par le mi- 10. Manière de procéder. 244 CLASSE DES SCIENCES: lieu de la largeur du déversoir, on plaçait une règle portant dix tiges verticales terminées en pointe, divisées en millimètres et glissant dans des coulisses sur lesquelles était un nonius don- nant les 10."es de millimètre. La règle était éta- blie de manière que la pointe de la première tige se trouvait verticalement au-dessus du seuil du déversoir; les autres tiges étaient éloignées suc- cessivement de 0"0480 , 0"0970 , 0"1495 , 0105 , 0M2455, 0M2995, 03490, 0"4170, 0®/900. Les expériences ont varié et par la largeur des déversoirs, et par la charge ou hauteur de Peau au-dessus du seuil du déversoir. Lorsqu'on voulait procéder à une expérience , et lorsque la platine portant la largeur du déver- soir convenable à l’espèce était bien établie, on introduisait dans le canal une quantité d’eau qui était augmentée ou diminuée, jusqu’à ce qu’on eût sur le seuil à peu près la hauteur désirée. Cette augmentation ou diminution d’eau s’opérait tant à l’aide du robinet vanne établi sur la con- duite de descente, que de deux robinets de dé- charge, placés l’un au bas de la caisse en fonte, Vautre vers le fond du canal et sous la main de l'observateur. Lorsque le niveau était bien établi entre le déversoir et la dernière languette de calme, les tiges étaient descendues avec précaution jusques à la rencontre de la surface de l’eau. MÉMOIRES. 245 Leur position était longtemps étudiée, et ce n’est qu'après que l'exactitude de cette position avait été reconnue, que l’on procédait à la détermination de la dépense. Au commandement donné, un fontainier intel- ligent retirait vivement de devant le déversoir Pauge mobile sur pivot, et leau tombait alors dans le bassin de jauge. À la fin de expérience et à un second commandement, l’auge était repla- cée sous le déversoir, et l’écoulement cessait dans le bassin. La durée de l'écoulement était donnée par un compteur, en forme de montre, indiquant les quarts de seconde. Cette durée, à l'exception des petites charges, était celle nécessaire pour que le bassin pût recevoir de 29 à 30 hectolitres d’eau par expérience. Pendant que le calme se rétablissait dans le bassin, on relevait les cotes indiquant la longueur des dix tiges, comprise entre la règle horizontale et la surface fluide. (étaient dix ordonnées de la courbe que présentait cette surface immédiate- ment au-dessous de la règle. On avait ainsi cette courbe ou la loi suivant laquelle le fluide s’inflé- chit en approchant du déversoir. Lorsque le calme était rétabli dans le bassin de jauge, la hauteur de l’eau était prise au moyen d'une tige pareille à celles en usage pour le canal, et cette hauteur faisait connaître, à l’aide de la table dressée lors de létalonnage du bassin, le volume d’eau qui y était tombé. Ce volume, di- Tableau I, 246 CLASSE DES SCIENCES. visé par le temps de l'écoulement, donnait la de- pense du déversoir. Telle est la marche, telles sont les précautions prises pendant toute la durée des opérations. Ces opérations ont été longues. Il à fallu faire beaucoup et longtemps mal faire pour acquérir Phabitude dun travail entièrement nouveau. D'abord, et pour se rapprocher de ce qui se Fait dans la pratique, à laquelle on avait principalement en vue d’être utile, on ouvrit des déversoirs dans des cloisons en planches d’un pouce d'épaisseur. Mais quelque espèce de bois qu’on employät, quelques précautions que l’on prit, lalternative inévitable de l’humidité et de la sécheresse tour- menta les ouvertures à tel point, que vers la fin d’une expérience, le déversoir n’avait plus, dans toutes ses parties, l’exacte largeur qui avait été prise au commencement. Il fallut renoncer au bois, et en venir aux déversoirs dans des platines de cuivre. C’était le seul moyen d'obtenir des résul- tats empreints de cette exactitude qui leur donne de l'intérêt, et que l’on exige aujourd’hui dans toutes les parties de la physique expérimentale. Toutefois, les quarante-six expériences faites sur les déversoirs en planches, n’ont pas été en- tièrement inutiles ; elles ont montré que leurs ré- sultats différent peu de ceux obtenus plus tard; les coefficiens qu’on en conclut sont généralement les mêmes, si on se contente de les prendre avec deux chiffres seulement ; de sorte que les consé- MÉMOIRES. 247 quences qui seront tirées des expériences dont ik va être question, s’appliqueront immédiatement aux déversoirs en bois, d’où il suit que l'épaisseur des déversoirs depuis 0"002, jusqu'à 0"028 au moins n’exerce aucune influence dans les dépenses, et que les résultats donnés par la premiere de ces dimensions, peuvent aussi être reçus dans la pra- tique. Les résultats de ces expériences font l’objet du tableau n.° I. Les premières expériences avaient indiqué ce qu'on pouvait espérer de lappareil , et elles avaient montré la manière de s’en servir. Alors seulement on fut à même d’arrêter un plan d’expériences à exécuter. On prit les largeurs d’orifices à peu près égales à celles déjà essayées. Elles devaient être de o"10, 0°20, 0"30, o"/4o et 0"50 ; mais après la confection et le placement des platines , ces lar- geurs furent trouvées de 0®100/4,0"1994,0"3002, 023908 et 05024. Par chacune d’elles on a voulu faire passer diver- sesquantités d’eau, de manière que la charge ou hau- teur sur le seuil, prise avant que la surface fluide commençât à s'infléchir vers le déversoir, fût de 003, 0%04, 0%05, 0"06, 0"o8, et successive ment de o®02 en o"o2, autant que le volume d’eau à dépenser pouvait le permettre. On west pas descendu au-dessous de 0o"03, soit principalement parce que la longueur des üiges servant à prendre les hauteurs n’aurait Tableau IF. Tableau III, 1 835, 248 CLASSE DES SCIENCES. permis de le faire qu'avec diMiculté, soit parce que des expériences sous d’aussi faibles charges sont peu susceptibles d'application dans la pratique, et qu’elles n'auraient alors offert que peu d’in- térèt. On n’a pas excédé la dépense de 20, 80 litres par seconde pour le déversoir de o"1004, parce que la projection de Peau à la sortie d’un orifice aussi étroit aurait dépassé le bassin de jauge. On sent qu'on n'aurait pu obtenir les charges fixes dont il vient d’être parlé, que par des tàton- nements qui eussent exigé un temps trop considé- rable, et on s’en est tenu à des charges qui n’en différent que peu. Le plan arrêté, on a exécuté les expériences de la manière déjà indiquée, déterminant pour cha- cune la dépense en eau, la charge sur le seuil avant l’inflexion , et les ordonnées donnant la quan- tité de l’inflexion à mesure que leau se rapproche du seuil. Chaque expérience a été répétée deux et trois fois, et c’est ainsi qu'ont été faites les soixante- seize dont les résultats sont consignés dans le Ta- bleau n.° IT. Quoique les expériences dont il vient d’être question eussent été faites avec assez de soin , quel- ques parties cependant laissaient à désirer. Ainsi, la détermination des hauteurs de divers points de la courbe d’inflexion du fluide au plan de niveau pouvait être mieux faite : le calme à MÉMOIRES. 249 amont du déversoir pouvait être mieux établi au moyen des languettes de calme. Par ces motifs, on résolut de refaire encore une fois toute la série des expériences , et il fut ajouté deux nouveaux orifices ou déversoirs de o%,6001 et 0"6804. Ces expériences, au nombre de 115, furent faites comme les précédentes. Plus tard, et afin de lever quelques doutes, 1l fut jugé utile, 1.0 De faire de nouveaux essais en donnant au déversoir toute la largeur du canal ; 2.° D’en faire encore sur un canal de moindre dimension ; 3.° D’examiner jusqu’à quel point une variation dans l’élévation du seuil au-dessus du fond du ca- nal, laquelle était demeurée de o"17 dans toutes les expériences déjà faites, pourrait en apporter dans la valeur des coefficients. Ces diverses opérations ont été faites en 1836. Ainsi qu'il a été dit, il n’avait été employé jus- qu'alors que sept orifices de 0"1004 à 0"6804 de longueur. En 1836 , on a étendu les expériences à des ouvertures de 0010, 00199, o"o301 et 00/99. Les essais faits sur ces orifices, principalement sur ceux de 0010 et 0"0199, lont été moins dans lintérèt de la pratique, que pour constater, Expériences de 1856. Tableau III, 1336. Tableau IV. Expériences générales sur le canal de om361, 250 CLASSE DES SCIENCES. dans les cas extrèmes , les circonstances du mou- vement des fluides. Les résultats de ces nouvelles expériences , comme ceux des expériences de 1835 , sont con- signés dans le Tableau IL. Un canal de 0"361 de large a été pratiqué dans celui de 0®74, au moyen de planches ayant une longueur de 2M2/4 , adaptées avec soin à la plaque de fonte qui recevait les platines de cuivre servant de déversoirs. Il est peut-être à regretter que ce canal nait pas été prolongé jusqu'à lextrémité du- grand canal dont la longueur est de 506 : on eût évité par cette précaution l’inconvénient d’une légère chute d’eau qui avait lieu au point où la largeur était tout à coup réduite de 0"74 à o"36r. Il à été fait cent soixante-seize expériences sur ce canal ainsi disposé, et sur dix orifices différents, Elles l'ont été avec les mêmes soins et par les mêmes procédés que celles exécutées sur le canal de 074. Mais, il faut le dire, elles n’ont pas eu des ré- sultats aussi uniformes. On n’était plus dans les mêmes conditions ; le régime était totalement changé. À dépense égale, la vitesse était plus que doublée. Les languettes de calme , destinées à amortir l'effet des ondulations , occasionnaient, dans les fortes charges et en de- hors de la partie du bassin où les hauteurs étaient prises, un point d'arrêt ou rehaussement qui ne MÉMOIRES. SO permettait plus de trouver dans H la valeur exacte de la force en vertu de laquelle s’opère Pécoule- ment. Aussi , ces expériences, tout en confirmant les faits principaux reconnus dans la série de celles faites sur le canal de o"74, ne sauraient cepen- dant servir également, dans toutes leurs parties, de base à des déterminations théoriques ; et ce n’est que dans les dépenses moyennes de dix ou douze litres environ par seconde, où la vitesse était à peu près égale à celle du grand canal pour vingt- cinq ou trente litres, qu’on peut espérer des com- paraisons exactes. Cette suite d'expériences avait été projetée d’a- bord sur des orifices d'environ o"or1, 0"02, 0"03, 0m04, 020), 0"10, 0220, 0%30 et 0236, ce dernier prenant toute la largeur du canal. Mais cette première division nayant pas permis de des- cendre jusqu'au minimum des coefficients obtenus sur le canal de o"74, et afin de constater ce fait important, que laugmentation dans les coefficients est un eflet de la largeur des déversoirs relati- vement à celle du bassin et non de leur largeur absolue, il y a eu nécessité de recourir à deux nouveaux orifices de 0"787 et de o"918 , et ce dernier a effectivement donné, dans les dépenses moyennes, et à un centième près, des coefficients pareils à ceux des déversoirs de o"1004 et de 01094 du grand canal. Cette suite d'expériences est rapportée dans le Tableau LV. 252 CLASSE DES SCIENCES. Tableau V. [la été fait soixante-douze expériences sur le Expériences me / Br RENE FL canal de 074, fermé seulement par un barrage canal mare dont larête supérieure, au-dessus du fond du par des digues canal, a été baissée graduellement depuis 0"2250 de différentes qua oM0320. Le barrage était formé par une pièce de bois prenant toute la largeur du canal, et terminée par une règle de cuivre de 0"003 d'épaisseur. Cette régle qui dépassait de o"o0ù la pièce de bois , formait larête ou le seuil du barrage. Il est à remarquer que dans ces expériences, rapportées dans le Tableau V, la largeur du canal a varié, au point du barrage, toutes les fois que le seuil a été baissé, et que de semblables varia- tions , en plus ou en moins , ont pu avoir lieu sur d’autres parties de sa longueur, qui était de 5"96, alors surtout que ce canal de bois était constam- ment soumis aux influences de l'humidité et de la sécheresse. Tableau VI Souvent on adapte aux déversoirs, des canaux , Expériences soit horizontaux, soit inclinés. Parmi ces derniers, un déversoir il en est un qui est d’un intérêt particulier pour Fe les ingénieurs , c’est le passelis ou pertuis de na- vigation que lon ouvre dans les barrages qui re- tiennent à une certaine hauteur les eaux d’une rivière. On a désiré avoir une idée de leur dépense, et à cet effet il a été adapté au déversoir de 0"1994 de large, sur le canal de o"74, un canal de oM204 de long, incliné de 4° 18" à l'horizon. MÉMOIRES. 293 Il a été fait sur ce déversoir ainsi disposé les sept expériences indiquées dans le Tableau VI. Les coeflicients ont présenté assez d’uniformité ; ils ont été moyennement de 0,5272, et ils n’ont que faiblement augmenté lorsque les charges ont diminué. Ces expériences , faites sur une seule largeur et sur un seul plan incliné, ne sauraient être suffi- santes pour former une opinion sur ce genre d'écoulement par les canaux additionnels, pour signaler Pinfluence qu’exerce un canal additionnel ; et on ne les rapporte que parce qu’elles se réfèrent à un cas important. Afin de connaître les circonstances de l’inflexion Tableau VIL. de la surface fluide au moment où elle approche Lib du déversoir , il a été pris quinze profils en tra- vers du courant, à environ 0"005 du seuil. Ces profils ont été relevés au moyen d’une règle portant treize tiges éspacées entr’elles de 0M0258. | Cette règle était posée sur une tringle de fer dont l’horizontalité était assurée par un niveau à bulle d'air. Lorsque le régime était bien établi, les tiges étaient baissées jusqu’à la rencontre de la surface de l’eau , et par les indications qu’elles donnaient on a eu les formes de l’inflexion du fluide. Cette opération, qui fait le sujet du Tableau VIT, a eu pour but entr’autres motifs d'établir que l’eau au sommet des angles formés par les parois laté- 254 CLASSE DES SCIENCES. rales du canal et par le déversoir est presque sans mouvement, et que son élévation au-dessus y est généralement égale à H : on Py a même vue plus grande dans les cas des fortes vitesses. TableauVIIL, Pour avoir la charge H dans chacune des expé- se ri riences qui ont été faites, on a baissé, comme il en long. a été dit ( page 24/), les dix tiges portées par la règle horizontale placée longitudinalement au mi- lieu du canal : il était pris note des indications qu’elles donnaient , et l’on à eu ainsi les ordonnées de la courbe que présente le filet fluide qui arrive directement au milieu du déversoir, ou le prolil longitudinal de la surface fluide. La première des ordonnées , la plus petite, était l'épaisseur de la lame fluide au-dessus du seuil. Les suivantes allaient graduellement en aug- mentant, mais bientôt la différence devenait in- sensible ; elle n’était plus d’un dixième de milli- mètre, et l’on avait alors la plus grande des ordonnées ou la charge H. Donner toutes les or- données pour chacune des expériences serait mul- tiplier les tableaux sans utilité , et on se borne à quelques exemples, qui constitueront le Ta- bleau VII. Tableaux Enfin, on présentera dans les Tableaux IX et X XetX ] résultats des observations qui ont été faites sur Enflexion k s . À de la surface l’inflexion longitudinale de la surface fluide dans ide, “ fluide Je canal de o"74 , et dans celui de o"36°, MÉMOIRES. 255 Malgré toute Pattention apportée dans les expé- riences , il existe des causes d'erreur presque iné- vitables. Elles peuvent porter, Sur la largeur du déversoir L:; Sur la manière plus ou moins exacte de prendre les hauteurs de l’eau au-dessus du seuil ou les charges H; Sur les dépenses Q. Relativement au premier point, Les largeurs des déversoirs ont été prises avec une tige divisée en millimètres, portant une cou- lisse avec un nonius. L'un des bouts de la tige et la coulisse étaient appliqués sur les deux côtés du déversoir ; les points étaient fixes, et une différence de 0"0002 était peu probable : ainsi, en prenant lun des cas les plus défavorables, celui de lori- ré v 1 fice de o"05 , l'erreur n’eût été que de Roc 5 Cette première cause d'erreur est donc insen- sible, si lon considère surtout qu’elle ne serait que I . ] de—— pour lorifice de o"rof, que de —— pour 500 1000 celui de o0M20, et successivement, Une erreur dans la détermination de la hauteur de Peau sur le seuil est bien plus possible, et l’in- fluence qu’elle exerce dans les résultats d'autant plus sensible, que H est deux fois facteur dans la formule , d’abord comme dimension de la section, et ensuite par sa racine carrée , comme faisant par- tie de Pexpression de la vitesse de sortie. Les erreurs de cette nature sont au surplus re- Erreurs de l'observation. 256 CLASSE DES SCIENCES. latives ou en raison inverse des charges ; ainsi une erreur de 0"0004 dans l’estimation d’une charge : Here 5 de 0"20°, et qui en produirait une de—— dans la 1000 valeur de HI ou de la dépense, ou du coeffi- : RENE 6 cient qu’on en déduirait, en donnera une de —=— dans l'estimation d’une charge de 010. La grandeur de lerreur de l'observation suivra à peu près le rapport des charges. Dans celles qui sont au-dessus de o"10, les ondulations et les oscillations à la surface du fluide seront considé- rables, et d’autant plus que la vitesse ou la dépense sera plus grande. Là on ne peut guère répondre d'une erreur de o"0003 jusqu'à 00005 ; mais dans les basses charges , où il y a le plus souvent calme presque parfait, la pointe des tiges pouvait être mise assez exactement en contact avec la sur- face fluide, et c’est faire assez que d'accorder une erreur de 0"0002; de sorte que l’on pourrait avoir dans la valeur d’une charge de 0"20 une erreur de 00005, qui en donne une dans H V'H de 0,00375 OMID encre OROODHe sisiee tee ete mieeiieinie sie Cielaislet-(iesieie 0,004{01 OLD eee JADO0Z: Acier niet sellette sise s'clels is fe eee 0,00450 OMOB. 55 » » crosses DADOD A2 Lot clohieie re sisle sie clole oslsie/s ele 21 e lee le 0,00500 002 ie rest DNOUOL ES cetoeh ste oles crolefeie o'els Sete 0,00500 Ainsi, les plus grandes erreurs dans la mesure des charges n’en donnerait pas de plus de cinq 7e 1 r ñ . millièmes ou ae dans les résultats qu’on en déduit. Il faut dire cependant que cette appréciation ne saurait recevoir d'application au canal de 0,56, où, comme il a été dit, la valeur de H, dans les MÉMOIRES. ’ 257 fortes dépenses , na pu être prise avec autant d’exactitude. Dans lestimation des dépenses, l’erreur peut provenir , 1.0 D'une différence dans Pestimation de la durée de lexpérience : la moindre durée ayant été de 70 secondes, l’erreur ne peut avoir été, avec un compteur marquant bien exactement les 1 quarts de seconde, que de ; 2.0 L’estimation de la hauteur de l’eau dans le bassin de jauge est exacte à cinq dixièmes de mil- limètre près; ce qui ne donnerait qu’une erreur 1 . . r r de —— dans l’estimation de l’eau écoulée ; 3.° Le bassin de jaugeage a été étalonné à plu- sieurs reprises, et les différences trouvées donnent lieu de croire que cette cause d'erreur, d’ailleurs égale pour toutes les expériences d’une même an- L4 A (4 LA A L née, peut être évaluée au plus A—— ; ) 400 ? 4. Le plus ou moins prompt enlèvement de l’auge placée sous Les déversoirs : cette circonstance ne peut avoir d'importance que dans les fortes dépenses ; alors, en effet, le poids de l’eau dont Pauge est chargée, au moment où elle doit être retirée, peut ralentir le mouvement du fontai- nier. En prenant la dépense la plus forte, qui a été d'environ 38 litres par seconde, et en admet- tant une demi-seconde de retard , et c’est beau- coup , erreur dans la dépense serait d’enviror —. Pour les dépenses inférieures, où le mouvement 17 TOME IV. PART. I. j Des formules. 258 CLASSE DES SCIENCES. n’est nullement gêné, on ne peut admettre d’inexac- . 1 titude au-dessus de ;—. 400 Mais comme toutes Les circonstances qui vien- nent d’êtresignalées n’auront presque jamais agi dans le même sens, on est fondé à croire que lerreur dans le coefficient déduit d’une expérience ne peut LA “ 1 s'élever à plus de —— de sa valeur. 150 Resultats des expériences. On rn’entreprendra pas de rechercher et d’expo- ser dans leur détail les conséquences qui peuvent être déduites des expériences dont il vient d’être question : une telle tâche, qui exige et beaucoup de temps et beaucoup de connaissances scientifi- 1 . - ques, est au-dessus des moyens de celui qui a opéré, et elle sera remplie par les savants qui - E pourront avoir à s'occuper de son travail. On se bornera à en présenter succinctement les princi- paux résultats, et à les accompagner des réflexions que les circonstances de l'écoulement auront pu faire naître. Le premier but qu’on s’est proposé en entrepre- nant les expériences ci-dessus , était de s'assurer que les formules données par les mathématiciens, corrigées convenablement par un multiplicateur ou coefficient de réduction de la théorie à l’obser- vation, donnaient exactement la dépense par les déversoirs, c’est-à-dire, le volume d’eau qu’ils dé- pensent par seconde, On s’est d'abord attaché à MÉMOIRES; 259 lexamen de la formule généralement admise mal- gré les fortes objections qu’on peut lui opposer, et qui est Q = 2gn LH =2,953 n LHV/T, expression dans laquelle Q indique la dépense, L la largeur de déversoir, H la charge ou hauteur d’eau sur le seuil, g l’action de la gravité 9"809 , n le coefficient de réduction. Pour que la formule fût bien établie, il fau- drait que Q fût proportionnel et à Let à HV/H, alors seulement 7 serait un nombre constant. Il convient d’abord de voir ce que les expé- Rapport riences apprennent au sujet de la proportionnalité 1, dépenses de Q à HLV/H. On prendra celles du Tableau ‘1 charges. n.° III, qui ont été faites avec des déversoirs de 074, 068, 060, 0%40, 0"20, 0%10 et 005. Pour faciliter les comparaisons, on a réduit les dépenses à ce qu’elles eussent été sous ces largeurs, prises exactement et sous une charge en nombre exact de centimètres, Ce mode a pu être employé sans erreur sensible ; car lorsque les différences entre la largeur des déversoirs et entre les charges sont extrèmement petites, comme dans nos expé- riences, on peut aussi admettre que Q est eflecti- vement proportionnel à Let à HV/H. On a pris pour unité la valeur de HV/H , et celle de la dé- pense pour chaque largeur de déversoir , sous la 17 ‘ 260 CLASSE DES SCIENCES. charge de o"08, et on a eu ainsi le tableau sui- vant. : SÉRIES SÉRIES DES DÉPENSES Q, DES la largeur des déversoirs étant de PT TL av HVH À om,74 | om,68 6o | om,40 om,10 | 0mM,05 VV 3,05 3,38 2,83 2,31 1,84 1,84 1,40 1,40 1,40 1,000|1,00 1,00 1,00 |1,00 4 0,652|0,659l0,652|0,649|0,650|0,643 0,49910,50810,498|0,495|0,494|0,486 0,04 |0,35310,353,0,35410,360|0,36810,361 0,354|0,354|0,345 0,03 ges 0,251/0,23210,236|0,24110,239 0,230/0,221 Restreignant les observations à ce qui a un in- térêt direct pour la pratique, on remarquera qu’au- dessus de la charge de 0"08 et même de 0"06, Q est sensiblement proportionnel à HV/H. La différence dans l’expression de leur rapport ne varie pas d’un centième (à deux exceptions près ); ainsi, pour les charges au-dessus de 0"06, chaque largeur de déversoir a un coefficient à peu près constant, pour un même canal. Quant aux char- ges inférieures , et pour les déversoirs entre om60 et o®o5, la même loi n’est plus aussi MÉMOIRES. 261 exactement suivie sans qu’on puisse en assigner la cause (1). (1) Les expériences sur le canal de 036 de large ont éga- lement montré Que, hors les cas extrêmes, les dépenses suivent le rapport des fonctions respectives H V'H de la charge , à un centième près ; Que , dans les charges au-dessous de 0"06 , ou même de 005 , les dépenses croissent, comparativement à cette fonc- üon, dans un rapport qui est d'autant plus grand que la charge est plus petite ; mais seulement avec des largeurs de déversoir mitoyennes ; car lorsqu'elles sont fort petites, ou qu'elles sont proche de celle du canal, l'égalité entre les rapports se reproduit encore ; Que , dans les déversoirs très-étroits , ceux de o"o2 et de ‘ o"or , il se présente un ordre de rapports particuliers : mais comme , dans la pratique , on n’emploie pas de tels déversoirs, on peut se dispenser d’avoir ici aucun égard à cet ordre. Les expériences sur le canal de 0"36 , ont en outre fait ressortir un fait qui n'avait pas été db sur Je canal de ow74, que dans lés hautes charges, et surtout avec de larges déversoirs, les dépenses croissent dans un plus grand rapport que les valeurs correspondantes de H V'H. Ce fait a été sail- lant dans le canal de 0"36, parce que ce canal étant plus étroit et disposé d’une manière particulière , l’eau arrivait au déversoir avec une vitesse notable ; dans de tels cas, la for- mule ordinaire n’est plus applicable , et on a recours à une autre, dont il sera question à la suite de ce Compte rendu. Mais tant qu'on demeurera dans le cas des déversoirs pro- prement dits, de ceux où l’eau éprouve comme un arrêt en avant du barrage dans lequel le déversoir est ouvert, et où, par suite , elle ne sort guère qu’en vertu de la pression dans le bassin , on peut dire que Q est très-sensiblement proportion- nelàHVH > etqu'à cet égard la formule Q = 2/3 V’reLH V’H est bien établie, 262 CLASSE DES SCIENCES. Rapport Le rapport entre les dépenses et les Jargeurs Le Aésaites éprouve d’assez fortes variations. eu ; Lorsqu’à partir de la largeur du canal les largeurs du déversoir. des déversoirs décroissent, la charge demeurant la même , les dépenses décroissent aussi, mais plus ra- pidement jusqu’à un certain point; ensuite le dé- croissement est moins rapide que celui des lar- geurs, ainsi qu’on le voit dans les tableaux suivants. Canal de 0274, Les largeurs étant comme. 1000 811/540|270|135167,6 |40,5 m 0,10/1000 787|508|242|121|62,5 |38,4 # | Les dépenses ont| 0,08/1000 589/506|243|121|62,5 [38,4 été comme , sous les | charges de 1000 790|509/247|121|62,5 |38,4 88 511/249|122|62,4 [38,6 90 516|252|124|62, 1000 0,04|1000 Canal de 0256. oo Les largeurs étant comme.|1000|8311554|277|138| 83 | 55 , 12 Les dépenses ont f été comme , sous les\ 0,08/1000|807|507|247| 126 charges de. ......,] 0,06|/1000[810/511/248|127 0,05/1000|815|516|251|127 0,04/1000|[812|519|254|127 La comparaison de ces deux tableaux présentant les résultats d'expériences faites sur deux canaux dont lun était plus que double de Pautre en lar- geur, démontre que le rapport des dépenses à la largeur de chaque déversoir (largeur prise non MÉMOIRES. 263 d’une manière absolue, mais comparativement à celle du canal ), suit à peu près la même loi. Puisque dans un même déversoir, ou pour une même valeur de L, au-dessus de la charge de 006, Q est sensiblement proportionnel à HV, le coefficient 7 éprouvera très-peu de variation ; 1l y sera sensiblement constant (1). Et puisque pour une même valeur de H, les dépenses augmentent d’abord plus, et ensuite moins rapidement que la largéur L, il s’ensuit que les coefficients, à partir de la plus forte largeur du déversoir, iront en diminuant jusqu’à une certaine limite, au delà de laquelle ils augmenteront. Mais comme il s’agit de la largeur du déversoir comparativement à celle du canal, on croit pou- voir dire que pour tout déversoir dont la largeur serait les deux tiers ou la moitié de celle du canal, le coefMicient serait le même pour chacun d’eux : il serait pour le premier de ces cas 0,632 d’après les expériences sur le canal de 074, et de 0,631 d’après celles sur le canal de 036; pour le second cas, celui d’une largeur moitié, il serait de 0,616 et 0,614, nombres qu’on peut regarder comme égaux. Toutefois, les largeurs au-dessous de 010, (r) En stricte rigueur, à partir des hautes charges, les cocffi- cients décroissent jusque vers la charge de o"10 ou oo8 , et puis ils augmentent : mais comme le decroissement est presque toujours fort lent, et que, suivant la loi ordinaire, les variations sont petites au voisinage du minimum, l'étendue dans laquelle on peut regarder les coffiecients comme constants est assez grande» Des coefficients. 264 CLASSE DES SCIENCES. ont chacune un coefficient à peu près égal, et ici la largeur du bassin a été presque sans influence (x). (1) Dans la marche des coeflicients comparativement aux largeurs des déversoirs, on a trois cas à distinguer; et pour qu'ils se présentent bien distincts, et sans se confondre, ad- mettons une largeur de canal supérieure à 0"80. 1.0 Tant que la largeur du déversoir ne descendra pas au- dessous du quart (des 0,25) de celle du canal, les coefficients ne dépendront que de la largeur relative du déversoir, c’est- à-dire , de son rapport avec celle dn canal, et ils décroîtront avec elle. Ce fait est mis en pleine évidence par les colonnes ci-contre. Dans la première, on a ’ . COEFFICIENT donné la largeur relative, celle du ca-| Largeur! au canal de (2 . . > 4 as nee mr) nal étant prise pour unité. Les deux | "tive | TT on36 autres présentent le coefficient corres- pondant pour chacun des deux canaux : | 70° 0,662 Do ces coefficients ont été conclus, par 9500100: 6561"0/609 - : ; 121 ge | 0,80 | 0,644] 0,648 interpolation , de ceux qui ont été di- RS Do LES LA , pee 94 » ? rectement donnés par l'expérience , et 0,60 | 0,6:6| 0,623 qui sont notés aux tableaux n.° Il et| 0,50 | 0,615| 0,613 IV. On y voit que, pour une même! 6,40 0,607| 0,609 largeur relative , ils sont à peu près| 0,30 | 0,598| 0,600 égaux , quoiqu'une des largeurs abso-| 0,25 | 0,595] 0,598 lues soit plus que double de Pautre. ————— 2.0 Entre la largeur égale au quart de celle du canal et la largeur de o"08, les coeflicients sont sensiblement constants, la variation n’est guère que de 0"59 à 0,60 ou 0,61 au plus. 3.0 Au-dessous de la largeur de 008, celle du canal n’a plus aucune influence, le coeflicient ne dépend plus que de la largeur absolue ; chaque largeur aura le sien propre. Dans le canal de 0"36 , comme dans celui de o"74 , pour les largeurs de 005, 0"03, 002 et o"o1 , il a été respectivement de 0,61, 0,63, 0,65 et 0,67. Mais ce qui est remarquable et contraire à ce qu'on a vu dans les grandes largeurs , il croit el fortement lorsque la largeur diminue, MÉMOIRES « 265 Émettons une opinion sur les causes de l’aug- mentation de dépense dans les déversoirs dont la largeur s'éloigne soit en plus soit en moins de la limite de largeur qui présente toutes les conditions d’une contraction complète. Dans les expériences de 1835 et 1836, on trouve cette limite dans les largeurs de o"100/4 et de o"1094 pour le canal de o74, et de 0®0918 dans les dépenses moyennes de celui de 0"36. Au-des- sus et au-dessous , les coefficients augmentent. Lorsque le déversoir est étroit comparativement au bassin, il reste à droite et à gauche, entre les bords verticaux de lorifice et les paroïs du canal, une aile ou partie considérable de la cloison dans la- quelle est pratiquée l’ouverture. Pendant l’écoule- ment 1l s'établit, le long de cette aile, un courant qui va choquer perpendiculairement celui qui ar- rive dans la direction du canal ; il rétrécit ainsi la veine sortante , et augmente la contraction laté- rale, À mesure que le déversoir s’élargit et que les ailes diminuent, il y a moins de courant latéral ; les filets fluides qui suivent les paroïs du canal se dévient à une assez grande distance du déversoir, ils joignent sous un angle assez oblique ceux qui arrivent directement, et produisent ainsi une moin- dre contraction. Dans ce premier cas, celui où les largeurs aug- mentent, les accroissements successifs dans les dé- penses seraient dus à l’affaiblissement de la con- traction produite par le courant qui s'établit le long des ailes. Formules à employer. 266 CLASSE DES SCIENCES. Si cette cause paraît vraie, elle peut aussi rece- voir son application dans le second cas, celui où en partant de la limite de la plus forte contraction les largeurs diminuent. Il est sensible en effet que cette diminution de largeur ralentit et la vitesse dans le canal et le courant qui se forme le long des ailes ; alors aussi il y a une contraction moindre, et cette circons- tance, favorable à la dépense , doit exercer d’au- tant plus d'influence que le déversoir est plus étroit. Les coefficients trouvés, ceux des Tableaux IT et IV, sauf quelques cas extrêmes dont on peut faire abstraction parce qu’ils ne se reproduisent pas dans la pratique, varient entre 0,50 et 0,67 environ ; et ils ne peuvent être employés indistinctement ; chacun appartient en quelque sorte à un cas par- ticulier. Par exemple, lorsque la largeur du dé- versoir ne s’écartera pas notablement du quart de celle du bassin, et que les charges seront au-dessus de 005, et dans la pratique on pourra facile- ment se mettre dans ces conditions, le coeflicient ne variera que de 0,59 à 0,60 ou 0,61. En pre- nant 0,60, on ne peut avoir une erreur de guère plus d’un centième , et la formule deviendra, en observant que 2,953 X 0,60 = 1,7718, CRE LHV/H. Il est encore un cas qui présente aussi quel- que fixité ; c’est celui où la largeur du déversoir est égale à celle du bassin. Alors , lorsque le ré- MÉMOIRES. 267 gime était uniforme (et il ne l'était pas dans le canal de 0"36 sous les fortes charges), les expé- riences sur le canal de o®74 donnent environ 0,662, et par conséquent Q= 1,99 L'AILE: Il y a encore une condition que doivent remplir les déversoirs pour que les formules ci-dessus puissent leur être appliquées : il faut qu'à leur amont l’eau éprouve comme un arrêt qui la force a s'élever et à déverser par dessus. Sans cette con- dition , elle sortirait en vertu de la vitesse acquise, en partie comme elle sort d’un canal entièrement ouvert à son extrémité. Pour qu'il n’en soit pas ainsi, il paraît nécessaire que le barrage ou le seuil du déversoir soit élevé de o%15 à o"20 au-dessus du fond du canal, et que la section d’eau en amont soit de quatre ou cinq fois au moins aussi grande que la section (L x H) de la lame fluide qui passe sur le seuil. Telle est la conséquence des expé- riences formant le Tableau V. Dans la formule dont il vient d’être question 2,953nLHL/H, H hors du radical est prise comme épaisseur de la lame fluide à son passage sur le seuil, tandis que cette épaisseur est évidem- ment H—#%, } étant la quantité dont la surface fluide s’est infléchie en arrivant au seuil. Il parai- trait plus rationel d'admettre que l'épaisseur est H— 2, et que l’eau est en conséquence dans le cas de l’écoulement par un orifice rectangulaire ayant I de charge sur son bord inférieur , et 2 sur le Élévation du seuil sur le fond du bassin. Formule enayant égard à la quantité AE l'eau s’est infléchie en arrivant au déversoirs Inflexion sur la surface fluide. Profils en travers. 268 CLASSE DES SCIENCES. bord supérieur, cas où la dépense est donnée par l'expression 2,053n L(HV/H — AVR). Mais un simple coup d’œil jeté sur la dernière colonne du tableau donné à la page 260 , montre que, quoique la suite des valeurs HL/H—AV/ A ne s'éloigne pas beaucoup du rapport des dépenses, elle le suit cependant moins exactement que la suite des HU. Ainsi, dans cet objet principal, la deuxième formule est moins bien fondée que la première. De plus, celle-ci ne renferme que deux varia- bles Let H, dont la détermination est assez facile, tandis que l’autre en contient une troisième , k, qu'il serait très-diMicile d'obtenir avec une exacti- tude suffisante, comme on vale voir (1). Ainsi qu'il a été déjà dit, et afin de connaître les circonstances de l’inflexion de la surface fluide au moment où l’eau approche du déversoir, il a été pris, sur le canal de 036, quinze profils en travers dont les résultats sont indiqués au Tableau VIT. En comparant ces résultats, on voit , 1.0 Que la dépression de Peau au milieu du dé- versoir est d'autant plus forte que le déversoir est plus large et que le volume d’eau est plus consi- dérable. SE ——————— (1) Les expériences de M. Castel jettent encore beaucoup de jour sur une autre formule dont il sera question à la suite de ce Compte rendu. MÉMOIRES. 269 2.0 Que dans la plupart des expériences la courbe en travers du déversoir était simplement concave, et la flèche ou la plus forte dépression correspon- dait au milieu du déversoir. Mais dans quelques autres, surtout lorsque les déversoirs avaient de longues ailes et que la charge n’était pas très- forte, la coupe transversale de la surface fluide présentait, vers le milieu du déversoir et entre deux concavités, une convexité dont la flèche s’est élevée à plus de deux millimètres. On a eu aussi deux convexités entre trois con- cavités, de telle sorte que la surface fluide était comme ondulée. Il est à remarquer que, dans quelques circons- tances et pendant l'écoulement , le sommet des ondes se déplaçait de manière que la hauteur de Veau au dessus du milieu du seuil, qui était par exemple de o" 114 dans un moment, était l’instant d’après de oMr17, ce qui démontre combien il serait difficile d’avoir d’une manière exacte la quantité de l'inflexion , ou 2, quantité qui entre dans la formule de la page précédente. Les profils en travers présentent encore cette circonstance particulière, que lorsque l’eau arri- vait avec une grande vitesse contre les ailes du déversoir, elle s’y relevait au-dessus du niveau qu’elle avait dans le canal; et d'autant plus que la charge était plus forte et que le déversoir était plus large, comparativement au canal. Le relève- ment a été jusqu’à près de trois millimètres , et par l’eflet de la capillarité il eût été plus considé- rable encore sur Paile. Tableaux AXet Xe: Inflexion de la surface fluide longitudina- lement, Rapport de L'inflexion à la charge H. 270 CLASSE DES SCIENCES. Sans ce relèvement, qui au reste n’a lieu, au moins d’une manière sensible, que dans un très- petit nombre de cas, il serait facile de déterminer la charge H. Il suflirait de prendre sur chacune des ailes, à un décimètre au plus du bord du dé- versoir , un point au niveau de la ligne de flottaison (en faisant abstraction de l'effet présumé de la capillarité); de tendre un fil entre ces deux points, et l’on n’aurait qu’à mesurer directement son élé- vation sur le milieu du seuil. Ce procédé peut même être employé lorsqu'il y a relèvement ; car il n’a lieu que lorsque la vitesse dans le canal est considérable, et alors H pèche par défaut; en le prenant avec le relèvement, le mal sera en partie compensé. Il résulte des faits reproduits dans ces deux tableaux, 1.0 Que la longueur sensible de Pinflexion, celle qui excède un dixième de millimètre, n’a varié que de 005 à 0"42 et qu'elle n’a jamais dépassé 049. 2.0 Que la quantité absolue de l’inflexion, ou Z, a été d'environ cinq millimètres sous les care de 003, quelle qu’ait été la largeur du de et qu'ensuite elle à augmenté avec cette largeur et avec les charges. En ce qui concerne linflexion , comparative- h ment à la charge H, on le rapport —5-, on en don- nera une idée par le tableau suivant, pris des expériences faites sur le canal 0"74°. MÉMOIRES. ant : c h InrzexioN comparativement à Hou-5, CHARGE la largeur du déversoir étant de reg om10 | omao om30 om4o om60 1M68 om74 mètres 0,24 | 0,027 0,22 0,028 0,20 | 0,050 0,18 | 0,054 0,16 0,037 0,14 | o,o42 0,12 0,047 0,10 0,055 0,08 0,067 0,06 0,085 0,05 0,101 0,04 | 0,125 0,03 un résultat analogue. Des unes et des autres, on conclut que ce rapport a été de 0"15 à o"17 environ, sous les très-petites charges, qu’ensuite il est allé en diminuant, mais dune maniere plus sensible dans les petits déversoirs. Dans les expériences, dont il vient d’être rendu compte, Effet on a eu de fréquentes occasions d'observer l'effet produit par de De la vitesse avec laquelle l’eau coulant dans le canal arrive au FOR déversoir. Dès qu’elle devenait bien sensible, plus elle était sur grande, et elle l'était d'autant plus que la charge se trouvait la dépense. plus forte et sur-tout que le déversoir était plus large, et plus l'expression théorique de la dépense, 2,95 LH V'H , dans laquelle l'écoulement est censé n'avoir lieu qu’en vertu de la pression ou charge H, péchait par défaut, et son coefficient de correction » devenait plus grand. (Telle est en partie, mais en partie seulement, la cause de l’accroissement des coefficients à mesure que la largeur du déversoir, à partir de o"08 , augmente.) [l est évident que dans le cas d’une vitesse notable, où l'écoulement se fait en vertu et de la charge et d’une 272 CLASSE DES SCIENCES. vitesse préalablement acquise , il faut ajouter à la charge urt terme dépendant de cette vitesse. D’après les principes géné- ralement admis , on ajouterait, à la hauteur ( 4/9 H) due à la vitesse résultant du seul effet de la pression , la hauteur due à la vitesse de l'eau à son arrivée dans la sphère d'activité du déversoir, hauteur qui serait . , en représentant cette o vitesse par #, et l’on aurait Q = 2,953» LHVH+Ho,115uw?(1). Dans cette équation, & est la vitesse de la portion du cou- rant qui va directement au déversoir , et au moment qu’elle atteint le point où commence l'inflexion vers le seuil. La vitesse de cette portion étant plus grande que celle des portions envi- ronnantes , sera supérieure à la vitesse moyenne du courant , laquelle est égale à la dépense divisée par la section du cou- rant, ou à si lon désigne par L' la largeur du > P 5 L(H+a) 2 canal supposé rectangulaire, et par a l'élévation du seuil du déversoir au-dessus du fond de ce canal. D'un autre côté, w sera plus petit que la vitesse à la surface du courant , et par conséquent que les 5/4 de la valeur ci-dessus : car on admet que , dans les canaux , la plus grande vitesse est à leur surface et qu’elle y est d'environ un quart plus forte que la vitesse moyenne. Cependant comme le plus souvent w n'en différera que d’une très-petite quantité, et pour faire nueux ressorur l'effet de la vitesse, nous admettrons l'égalité, ou u= 0. L'(H+a) Même avec cette valeur du #, la plus forte cependant que l'on puisse avoir , la formule 2,95 x LH VHH0o,115 u° ne différera notablement de l’ancienne , dans ses résultats , les dépenses , que lorsque la vitesse dans le canal sera déjà assez forte. Autrement, 0,119 u? sera fort petit comparativement à H, et il aura peu d'influence ; il en aura d'autant moins qu'étant toujours petit et sous le radical , il n'influera que par la moitié de sa valeur : ainsi, s'il est les 2, 4 ou 6 cenuè- DRE Se Un +. N'Poetie Pr Un (1) Traité d'Hydraulique à l'usage des Ingénieurs, p. 65 et 72. MÉMOIRES. 273 mes de H, les deux formules, à coefficient égal , ne différeront que de 1, 2 ou 3 centièmes. Dans ces trois cas , la section de la masse fluide au déversoir, ou LH, est respectivement 5,8, 4,1 ou 3,35 fois plus petite que la section dans le canal L'(H4-2): d'où lon conclut, que tant que la première section sera moin- dre que la cinquième partie de la seconde , les résultats des deux formules seront les mêmes à un centième près. Tel est le cas des dépenses obtenues par M. Castel, tant que la largeur de ses déversoirs a été au-dessous de la moitié de celle du canal. Mais lorsque les largeurs ont été plus consi- dérables, le terme 0,115 w? est devenu plus influent, les différences entre les deux formules ont été de plus en plus grandes , et elles ont atteint leur maximum lorsque la largeur du déversoir a été égale à celle du canal. On a bien corrigé , en parte, l'erreur err moins de formule à un seul terme , en augmentant graduellement son coefficient, que l’on à porté de 0,60 à 0,665. Mais encore cette méthode s’est trouvée quel- quefois en défaut; et il sera plus général et plus rationnel d'employer la formule , renfermant , en sus de H sous le radi- cal, un terme fonction de la vitesse de l’eau dans le canal. Cette formule conviendra sur-tout aux canaux fermés par un barrage qui en occupe toute la largeur , et les expérien- ces que M. Castel à faites sur de tels canaux, et dont les résul_- tats sOnt portés au je tableau n° V, vont | cuar- COEFFICIENTS , » | GE la hauteur de la digue étant de nous mettre à le RO Er A , LA : meme d en deéter— seuil, 0M995 | om170| om130 oMm093|oM075 oM041|0mM022 miner le coeflicient À | me | me | nan | a n. 0M08| 0,651] 0,640] 0,650] 0,635 0,647] 0,667] 0,676 ; £ 0: 06] 0,655! 0,647] 0,649| 0,642] 0,652 0,664] 0,676 Je donne c-| ,,; 0,657| 0,650! 0,652| 0,646| 0,655| 0,665! 0,676 contre les coeffi- 0, 04] 0,660! 0,654] 0,656[ 0,650 0,660| 0,668 0,680 0, 03] 0,663] o,657[ 0,659] 0,656 0,667] 0,677| 0,691 cients déduits des expériences faites sur le canal de 0"74. En somme, ils pré- sentent de bien moindres écarts que ceux » de la formule à un seul terme , et qu'on voit au tableau n.° V : ainsi la for- mule à deux termes convient mieux aux barrages. Les coefi- cients des cinq premières colonnes , en faisant abstraction de » TOME 1V. PART.I. 10 274 CLASSE DES SCIENCES. quelques termes extrêmes manifestement anomaux , n'auraient varié que de 0,642 à 0,660; et auraient eu 0,652 pour valeur moyenne. Quant à ceux des deux dernières colonnes , ils sont dans une catégorie particulière , on y avait des digues très-basses et des charges qui en ont le plus souvent excédé la hauteur ; on se trouvait peut-être autant dans le cas des cours d’eau coulant dans un lit ordinaire, que dans le cas des déversoirs : d’ailleurs la presqu’égalité des coeflicients de chacune des deux colonnes, en négligeant les charges de o%04 et de o%03 , dépose en faveur de la formule. Les expé- riences sur le canal de 036, barré par une digue de o"17 de hauteur, ont donné un résultat à peu près pa- reil , 0656 moyennement : ici le terme 0,115 w° a paru avec tout son avantage ; il a rappro- Fe ne ché de l'égalité des coeflicients qui avaient va-| 0410! 0,65 rié depuis 0,667 jusqu'à 700. Prenant une ne 0,06| 0,653 H m! moyenne entre 0,658 et 0,656, et observant! 005! 0,655 0,04| 0,660 0,03| 0,665 que 2,993 X 0,654=—1,931, on aura finalement Q— 1,93 LHVH+0,115 0°; > représente la vitesse à la surface du courant dans le canal, vitesse que l’on détermine à l'aide de flotteurs ou de toute autre manière. Peut-être quelques personnes penséront qu'il eût convenu d'ajouter la hauteur due à la vitesse dans le canal à H dans toutes les parties de la formule ordinaire , et, en faisant U + =, d'établir Q— 1,95» LHVH; mais cette expression, à laquelle aucune induction théorique ne mène d’ailleurs, donne trop d'influence à la vitesse dans le canal ; elle pèche notablement par excès lorsque cette vitesse est grande , comme elle l’a été dans les expériences sur les ca- naux fermés par de petites digues et sous de fortes charges. Au reste, dans cette formule, comme dans celle qui est l’objet de la présente note, la détermination de x sera le plus sou- vent embarrassante , et elle prêtera toujours à l’arbitraire : de sorte que tant qu'on pourra se mettre , pour les hauteurs rés pectives des digues et des charges, dans le cas où la formule 1,95 L'HV/H est applicable, il conviendra de le faire. u 28 A MÉMOIRES. TABLEAU Expériences avec des déversoirs en cloison de bois. Canal de 074. LAR- | CHAR- | ÉCOULEMENT. ! AR- | ÉCOULEMENT. À GEUR | GE ÿ COEFFE | =: vai COEFFI- & me DD 761 AS L du sur TT D] cenr 1 sur CIENT déver- le produit déver- Lie produit À 2 conclu. Ê À soir. | seuil. en 1//. soir. | seuil. eu 1/7 durée. conclu. |[É CREER CES —————— | meme CRE Es mèt. met. sec. ht. met. met. sec. 0,1026|0,2317|146,2 {20,05 0,5954||0,5005|0,0919| 201,7 3 0,6027 0,2262|154,5 119,38 |0,5946 0,0690| 359, 96 |0,6099 | 0,1652|250, 12,03 |0,5910 0,/4000!0,0907{ 145,3 0,6273 0,0765| 190, 0,6246 0,3998|0,0911| 145,2 56 |0,6272 |E 0,4005 |0,0905| 150, 0,6261 [à 0,4006 |0,0886| 157, 9,30 |0,6187 |Ë 0,0680| 250,8 3 0,620 |f 0,2019/0,1487|145, 20,21 |o,5912 0,10411250,2 |11,87 |0,5928 0,1992/0,1060 245,8 |11,98 |0,5893 0,0867 | 26€ 8,80 |0,5851 0,1251 |: 14,91 |o,5860 0,5000|0,0785|147,1 [20,51 |0,6316 [À 0,3015|0,1137 20,74 |o,6076 0,077|254, c 0,63/5 |E 0,0853 | 2: 13,51 |o0,6091||0,4997|0,0777|150,3 |: 9 [0,631 |ÿ 0,3000|0,1080 19,00 |0,6045|10,4986|0,0751|156,3 0,0902 14,53 |0,6055||0,5020 |0,082g| 132,5 0,3005|0,1119 20,01 |0,6028 0,0619|207, TABLEAU EL. Expériences avec les premiers déversoirs en platines de cuivre. Canal de 074. CHR ÉCOULEMENT. COEFFI- LAR- | CHAR- | ECOULEMENT. COEFFI- D'or || . DT cenr seul, | durée proguit conclu. PAR AE seuil. | durée. proauit conclu. mms, | mens | amenant | amamanmenne || aunenmenmmen | fées | mamans | mme mél. met. sec. ht. met. met. sec. bit. 0,1004|0,2425|142,5 |20,91 |0,5906||0,1994|0;1978| 95,2 [30,65 |o,5917 |} 0,2205|165,1 |18,16 |o,5912 0,1822 105,9 [27,17 |0,5955 | 0,2003/185,6 |15,71 |o,5911 0,1600 132,5 |22,52 |0,5925 |} 0,1795|1219,7 [15,35 |o0,5912 0,1590 166,2 [18,06 |0,5918 À 0,1601|260, |11,25 |0,9915 0,1200 204,7 |14,47 |o,591% 0,1415 320, 9,28 |o,2881 0,1002/269,5 [11,05 |0,5917 Î& 0,1198|410, 7,25 |0,5881 0,0796 |380, 7,86 |a,5945 1 0,0993 240, 5,46 |0,5885 0,0600 | 580, 5,19 |0,5997 (À 0,0795/104,3 | 5,95 |0,5914 0,0495 | 750, 3,96 |0,6106 |À 0,0605/154,3 | 2,61 |0,5945 0,0399 | 144,7 2,86 |0.6187 [à 0,0497 [206,7 1,99 [0,6058 0,0299 209,9 1,90 [0,624 1 4 0,0898 | 288,7 1,44 0,61 17| | 0,0903 423,7 0,97 0,6208||0,3002 0,13831109,7 [27,23 [0 5972] il | Ù Q 10: 276 CLASSE DES SCIENCES. AR- |CHAR- | ÉCOULEMENT. - | cnaAn- | ÉCOULEMENT. Len cogrri-|| LAR- | CHAR L COEFFI- GEUR 7 GEUR EN du CIENT du Ê CIENT déver- > ;, produit déver- durée: produit : Ê Ë £ À y, |conclu. soir. | seuil. en 1//. soir. | seuil. en 1/. conclu. mèt. met. . it. mèt, mèt . lit. 0,3002 |0,1195|15 0,6004|10,3998 |0,0594 10,64 |0,6225 0,0gg90 Ù 0,6015 0,0494 8,08 |0,6253 0,0798| 245, 0,6020 0,0598 5 | 5,91 |0,6305 0,0597 | 38 4 |0,6063 0,0294 3,80 |0,6553 0,0494 | 49 0,6164 0,3007|0,0411| 8 52 |o,6244 0,0999 29,51 |0,6300 0,0506|15 3 0,6312 0,0799 21,14 |0,6509 0,0596 135,63 |0,6514 0,3998 |0,1168 ; 0,6211 0,0500 10,49 |0,6324 0,0990| 151,5 0,6208 0,0399 7,49 |0,6335 0,0801 0,6210 0,0299 4,90 |0,6388 TABLEAU III. Expériences générales sur le Canal de 074. LAR- | CHAR- | ÉCOULEMENT. |, LAR- ! ÉCOULEMENT. GEUR GE COEFET- || V'GEUR à LE a ge À COEFFI- du sur CIENT du sur | CENT déve | Me laure, [red oman, |aéee | le, année, dt) conctu es | me | mms | mèt. sec. lit, 0,6681 ||0,0301 329,5 | 1,256|0,6280 0,6722 499; 0,824|0,6276 0,6730 h961663,5 | 0,618|0,6294 0,6748 0,6785 || 0,0/499 273,1 |10,83 |o,6151 0,2235|512,5 | 9,557|0,6147 0,2398| 93 0,6388 0,2010|362,3 | 8,151|0,6158 0,2200 0,6394 0,1775|458,3 | 6,758|0,6129 0,1957 5|0,6400 0,1605|289,8 | 5,802|0,6124 0,1799 55|0,6411 0,1391| 86,8 | 4,690|0,6135 0,1590 391 |0,6418 0,1208/107,6 | 3,787|0,6121 0,1409 ; 0,6429 0,1002|146,3 | 2,862|0,6124 0,1192 3 50 |[0,6450 0,0795|202,3 | 2,021|0,6119 0,0992 |3 90|0,6482 0,0597|314,5 | 1,315|0,6118 0,0799 59|0,6521 0,0495 |420, 0,996|0,6137 0,0612 36 |0,6587 0,0397 [971,9 | 0,71510,6154 0,0301/0,1996 0,6282 0,24o4|142, |20,80 |0,5952 0,1806| € : 0,6280 0,2203|161,5 |18,22 0,9942 0,1596 ÿ 3,559 |0,6280 0,1987|190, 15,59 |0,5956 0,1401 | 14 926 |0.6277 0,1802/219, (13,47 |0,5958 | 0,1203 5 327|0,6274 0,1587 |266, 11,10 |0,5921 01004 [227,9 | 1,774 |0,6274 011587 [325,6 | 9,066 |0,5919 MÉMOIRES. 27 LÉ MENT. ÉCOULEMENT. cHAR- | ÉCOULEMENT. | pr. co ne Ce £ CIENT CIENT 3 produit produit ré clu. conclu. du n 17. [con lu ET sec. Lt. 406, 7,259| 0,5897 0,1240 0,6215 530, 5,581|0,5909 0,1051 0,6214 106,5 | 3,958|0,5923 0,080 0,6200 150,3 | 2,637|0,5947 0,0598 0,6225 200, 2,014| 0,5968 0,0485 93|0,6259 251,5 | 1,581|0,6043 0,0399 0,6320 432,7 | 0,961|0,6174 0,0308 50 |0,6362 0,2068| 88, |32,98 |0,5955 0,0973 à 0,6311 0,1779/113, |26,28 |o,5947 0,0805 0,6321 0,1595 [131,5 |22,51 |o,5947 0,0607 0,6318 0,1406|160,5 [18,40 |0,5926 0,0503 0,6327 0,1195 204,5 [14,41 |0,5922 0,0407 53 |0,6364 0,0996|268,5 [10,97 |0,5926 0,0313 0,6420 0,0802|370, *| 7,951|0,5945 0,0598|565, 5,197|0,6028 0,0991 o,6441 0,0515| 97,7 | 4,204|0,6110 0,0809 0,6444 0,0396 141,5 | 2,872|0,6189 0,0602 0,6448 0,0303|206,7 | 1,958|0,6240 0,0517 0,6437 0,0388 0,6445 0,1380|108,2 |27,41 |o0,6031 0,0311 3351 |10,6515 0,1205|131,7 |22,40 |o,604o 0,0995 {174,3 [16,81 |0,6040 0,0931 0,6566 0,07931246,5 |11,98 [0,601 0,0796 9,29 |0,6557 0,0605|367, 8,049|0,6101 0,0606 9,6 |0,6555 0,0507|473, 6,255| 0,6162 0,0501 0,6555 0,0409| 92,5 | 4,537|0,6232 0,0/1/ 0,6558 0,0316|132, 3,14110,6307 0,0288 0,6596 TABLEAU IV. Expériences générales sur le Canal de 036. LAR- | CHAR- | ÉCOULEMENT. 2 LAR- | CHAR-| ÉCOULEMENT. GEUR | GE TEST COEFFI- || GEUR SE | ee EN Let) CONTE du surai | Tr 2 CIENT du sur "| CIENT déver- le produit déver- le produit : : ie, onclu. ; «1 | durée. “onclu. soir. | seuil. | durée. [en ,/, |conel soir. | seuil. en 17. [conclu mèt. È lit. mèt. met. sec. hit. 0,2359 2,254|0,6662||0,0199)0,15a4|171,4 | 2,408|0,6459 0,200) 1,767|0,6665 0,1405|206,9 | 1,990|0,6444 0,1604 1,267,0,6679 0,1204| 260,8 | 1,588|0,6468 0,1202 0,830 0,6745 0,1006|180,2 | 1,215|0,6480 0,0784| 248,4 | 0,844|0,6545 0,2/13 4,502|0,6463 0,1994 3,375|0,6450 ||0,030110,2590| 375, 6,557 |0,6294 0,1800 2,889| 0,638 0,2208| 296,8 | 5,782|0,6270 LAR- | CHAR- | ÉCOULEMENT. | GEUR GE COEFFI- en, CIENT du sur CIENT F déver- le soir. | seuil. * Len 1/, [conclu. || coir. seuil, — COEFFI- durée, produit couclu. mèl. mèt. . it. mèt. Mnèt. sec. 0,0301|0,2001 0,6259 || 0,0918|0,0598| 164,7 0,6110 0,1799 5 | 4,24110,6253 0,0306| 238, 0,625: 0,1593 0,6248 0,1399 902|0,6259 || 0,100/10,2382| 138,3 0,619/ 0,1199 183 302 |0,6258 0,220/4|158,6 0,6138 0,0997 | 25 5|0,6256 0,2012| 383, 0,6107 0,0797 | 33 0,6240 0,1789| 218, * 0,6080 0,0595 0,6263 0,1600| 3258, 0,6050 0,1405|317,7 0,6017 = 0,1206| 400,9 0,5990 ER ee I Et 0:00 6 0,0800| 103,4 510,5985 CARE ; : PTE 0,0597| 156,2 0,6001 0,160% 0,6146 0,0503| 199,7 0,6061 0,139 0,6140 0,0402| 276,5 0,6159 0,1203 0,6138 PrPa80 | hag7 Do 0,0996 0,613 ? 0 BBuz 0 6139 0,1840| 109,4 |2c 0,6335 |R. 0,6585 31: 06132 0,1600| 126, 5 0,6281 0,0505 0,6130 0,14061154,2 |19,3 0,6256 0.03 * 0,1188|199,6 94 |9,6196 »0097 0,6154 0,1011/9254, 0,6171 à 0,0806| 357,2 0,6161 0,2299 5,85 |0,6203 0,0593| 322,7 710,6171 0,2199| 20 0,6172 0,0485|104,9 ,904|0,6207 LE pr 0,0408|156, 0,6248 01507 9 10,6100 0,0294|217,5 0,6523 0,1603 ñ 0,6076 22794 7 è 0,1405 7 0,6054 || 0,3002|0,1403 94,5 0,6783 2. | lonsooler L54 [tt , » L 5 a 0800 D 15810 500 0,0999 | 164,2 0,6556 » 0,0795| 229,5 0,6527 0,0593 0,9996 0,0585| 364,7 9[0,6513 0,0478|/495, 0,6526 0,2206 0,6124 0,0599| 91,7 ù 0,6539 0,1951 2 |0,6087 0,0301|132,3 9|0,6565 0,1805|235 50 |o,6061 0,1600| 2: 0,6035 0,1152|102,6 |26 0,6996 0,14o01 Û 0,6008 0,1016|1927,1 0,6848 0,1201 56 |0,5988 0,0804 | 181,9 35 |0,6728 0,1001| 335,3 0,984 0,0607| 279,3 56 |0,6687 0,0801|293,6 70 |0,5972 0,0498|219,5 900 |0,6668 0,0606| 167,5 i|0,9997 0,0595| 74,4 547|0,6679 0,0/96|226,3 ,808 |0,6038 ol 3,816|0,6687 MÉMOIRES. 279 TABLEAU V. Expériences sur un canal barré avec des digues de diverses hauteurs. ME du sur pro- | CIENT au LÉ sur pro- |CIENT canal. | digue. ee ur conclu. || canal. | digue. ue ee conclu. mèt. met. met, lit. met. puët. mit, lit, 0,7422|0,03520|0,0760|38,66 |0,8408|10,7293/0,1300|0,0819|34,09 |0,6754 0,0610|26,88 |0,8130 0,0608|21,70 |0,6721 0,0601|19,44 |[0,7899 0,0510/16,62 |0,6701 0,0398|13,43 |0,7707 0,0401|11,57 [0,6690 0,0301| 8,718|0,7607 0,0305| 7,584|0,6677 0,7405|0,0410|0,075/4134,51 |0,7958|[0,7398|0,1700|0,0806|33,0g |0,6619 0,0606|25,03 |0,7605 0,0086|20,52 |0,6622 0,0495|18,06 |0,7501 0,0494|15,87 |[0,6616 0,0408|13,30 |0,7382 0,0402|11,66 |0,6622 0,0291| 7,88:110,7263 0,0308| 7,82610,6628 0,742510,0750|6,0773|33,42 |o,7092||0,7375[0,2250|0,0756|28,91 |o,6650 0,0599/22,52 |0,7006 0,0562!19,27 |o,6643 0,0500|17,00 |0,6935 0,0501|16,26 |0,6660 0,0400|12,10 |0,6898 0,0394|11,34 |0,6660 0,0301| 7,86510,6869 0,0307| 7,801/0,6661 0,7418[0,0930|0,0799|33,78 |0,6828 0,0600|21,79 |0,6768 0,0/498|16,39 |0,6733 0,0398|11,67 |0,6710 0,0302| 7,699|0,6697 TABLEAU VI. Expériences sur un déversoir muni d’un petit canal additionnel. Canal de 074. ÉCOULEMENT. COULEMENT. | COerrr- Re Sd DIENT pro- GIE duit en 1/. lit. 11,52 9,12/ 9,124 6,565 LAR- GEUR du déver- CHAR- GE sur le seuil. ÉC Y R OULEMENT. | Orri- . & pro- | CIENT duit en 1//. durée, conclu. durée. conclu. soir. mèt. 2 0,111 0,093 0,0765 sec, 263,2 325;1 - 269,2 met, mèt, 0,1994 |0,05981372,5 0,0201|491, 0,1994 4,549 3,498 0,5283 0,5297 200 CLASSE DES SCIENCES. TABLEAU VII. Quinze profils en travers. Canal de 0"36. LAR- ABAISSEMENT GEUR SOUS LE NIVEAU DE L'EAU DANS LE CANAL, les distances au milieu du déversoir étant de A — —— soirs. | seuil. [omoooo|om0258 |[omo516|0M0774! om1032 | o"M1290 om1548 des déver- ee ne ns —œn œœt | cms | mess | nes mèt. mèt.| mèt. mèt. mèt, mèt. mèt. mèt. 0,0499|0,1760|0,0028 0,0010|0,0002| 0,0000| 0,0000| 0,0000 0,1181|0,0023 0,0004|0,0000| 0,0000| 0,0000!| 0,0000 0,0561|0,0021 0,0004|0,0000| 0,0000! 0,0000| 0,0000 0,0918|/0,1804|0,0075 0,0025|0,000/| +0,0002| +0,0005 | +0,0005 0,1203|0,006/4 0,0026|0,0007 0,0002 0,0000 0,0000 0,0609|0,0042 0,0011/0,0002| 0,0000| 0,0000| 0,0000 0,1802|0,0072 0,0022|0,0002| +0,0008| +0,0010 | +0,0010 0,1210|0,0060 0,0025|0,0005 +0,0002| +0,0005 | +0,0005 0,0600|0,00/9 0,0019|0,0004| 0,0000| 0,0000| 0,0000 0,1750|0,0140|0,0118 |0,0090 0,0049| +0,0006| +0,0027 | +0,0027 0,1219/0,0116|0,0106 0,0080]0,0107| 0,0009 +0,0005 | +0,0005 0,0610|0,0067|0,0066 0,0056|0,0050| 0,0010| +0,0001|-+0,0001 1 0,0135 0,0132 10,012510,0110 0,0070 0,0013 | +0,0027 | 0,0090|0,0090 |0,0090 0,0081 0,0072 0,0031 0,0000 7 | d = 0,0063|[0,0063 0,0063|0,0063 0,0053| 0,0027| 0,0000 MÉMOIRES. 281 TABLEAU VIII. Profils en long. HAUTEUR DE L'EAU AU-DESSUS DU SEUIL, la distance au déversoir étant de om00a | oM048 | om097 |om1455|0om1955|0m2455|0M2955| 0m345 | om417 met. met. met. met. met, met. met. met. met. Canal de o"74. 0,0781 0,07910,0797[0,0801 0,0806|0,080 0,0575|0,0582 0,0584|0,0585 0,0491|0,0497 0,0498|0,049g 0,0599|0,0401 | 0,0402 0,0900 0,0914 |0,0922 0,0927 0,0930 0,0774|0,0784 ;0,0791|0,0794 0,0796 0,0600|0,0604 0,0602|0,0606 0,0410|0,0413 0,0414 0,0931 0,1192|0,1210 0,1226|0,1234 0,1239|0,1240 0,0786|0,0796 0,0802|0,080/4 0,0305| 0,0307 0,0398 0,2384|0,2394 |0,2599|0,24o1 0,240 0,1790/9,1798 0,1802|0,1803 4|0,1190/0,1196 0,1198|0,1199 0,0792|0,0797 |0,0798 0,0425|0,0427 0,1994|0,1995 |0,1996 0,1202|0,1203 0,0602 Canal de 036. 0,0984[0,106/[0,1104[0,1151[0,1159{0,1144{0,114710,1149[0,1151 0,0686|0,0757|0,0780|0,0795 |0,0802|0,0803|0,080/ 0,0514|0,0579|0,0595|0,0604 |0,0606|0,0607 0,0257|0,0300 |0,0505|0,0304 |0,0306 0,1229[0,1309|0,1358 |0,1378|0,1390|0,1395|0,1399|0,1402{0,1/405 0,0694|0,0758|0,0779[0,0788|0,0793|0,0794|0,0795 0,0253|0,0297|0,0300|0,0301 0,2266|0,23/49|0,2370|0,2575|0,2378|0,2380|0,2381 |0,2582 0,1689|0,1761|0,1778 |0,1783|0,1786|0,1788|0,1789 0,1516|0,1579|0,1395|0,1399|0,1402|0,1403 9,0929|0,0987|0,1000[0,1004 |0,1006|0,1007 0,0346|0,0595[0,0399 |0,0401 |0,0402 0,2857[0,2584|0,2387|0,2589|0,2390 0,1565/0,1587|0,1591[0,1595 0,0567|0,0594|0,0595 surle seuil H. mèt. 0,24 0,22 SCIENCI 0,20 0,18 0,16 0,14 0,12 CLASSE DES 0,10 0,08 0,06 omol ee — mit. 0,0032 0,0030 0,0029 0,0029 0,0028 omo? — mel. 0,0037 0,0035 0,0035 0,0034 0,0034 0,0033 0,0033 0,0033 0,0033 0,0032 TABLEAU IX. Inflexion de la surface fluide. Canal de o"74. GRANDEUR DE L'INFLEXION , LA LARGEUR DU DÉVERSOIR ÉTANT DE A en er + omo3 | omo5 om10 mèt, 0,0046 0,0044 0,004 0,0043 0,004 0,0040 0,0040 0,0040 0,0039 mèt. 0,0065 0,0063 0,0061 0,0060 0,0060 0,0059 0,0057 0,0055 0,0053 0,0051 0,0050 0,009 mèt, 0,0157 0,0130 0,0116 0,0108 0,0098 0,0092 0,0087 0,0081 0,0075 0,0068 0,0063 0,0056 0,0050 om20 | om30 om 40 PT. om50 | om60 | 068 | om74 lomoi | om02 | 0m03|0oMmo5 LONGUEUR DE L’'INFLEXION, LA LARGEUR DU DÉVERSOIR ÉTANT DE mèt.| met. 0,0901 0,0162 0,0150 0,0140|0,0170 0,0130 |0,0152 0,0120 |0,0135 0,0107 |0,0118 0,0092 |0,0098 0,0077 [0,0080 0,0067 |0,0067 0,0057 |[0,0055 mèt.| mèt.| met. met. 0,0182 0,0160[0,0154|0,0156[0,0142 0,0125/0,0129/0,0194[0,0120|0,0117 0,0100[{0,0101 |0,0092[0,0090 |0,0096 0,0079[0,0086 |0,007910,0077 |0,0081 0,0066[0,0067 |0,0062|0,0063 |0,0063 0,0054[0,0054 |0,0050[0,0049 |0,0050 0,15 0,15 0,10| 0,15 0,10| 0,15 0,10| 0,15 0,10| 0,15 0,10| 0,10 0,10 0,10 0,10 mêt.| met. | met.|mèt,|met. 0,25 0,25 0,20! 0,25 0,20 | 0,20 0,20| 0,20 0,15| 0,20 0,15] 0,20 0,10! 0,15 0,10] 0,15 0,10| 0,15 0,10] 0,15 0,10 | ET Cd n a om10| om20| oM30| 040 |0®50 |om6o |0M68 met, 0,36 0,30 0,30 0,30 0,25 0,25 0,25 0,20 0,20 0,15 0,15 mét.|mèt.|mèt, [mèt.|mèt, |mèt.| mèt. 0,42 0,35 0,35 0,30 0,20 0,20 0,20| 0,20 0,15| 0,20 0,42 0,35 0,30 0,95 0,20 0,20 0,35 0,30 0,25 per Le 6too‘o |ogoo‘o |oço0‘o 19000 |5900‘o |g9go0‘o |£çoo‘o 8£00‘o g£00‘o |g£00‘o |5900‘0 |/go0‘o 8£00‘0 0%‘o 9800‘o |6g00‘o |£g000 | 1900‘ |ççoo‘o |otoo |£400‘0 o5‘o ot‘o roto‘o |&o10‘o |cZoo‘o |cg0o‘o |/çoo‘o |Ggoo‘o |8500‘0 |9r00‘o g5‘o gs‘o 5 gr‘o og1o‘o |gtrofo |g£oo‘o | 89000 |gçoo‘o |oÿoo‘o |6c00‘o |£z00‘0 cz‘o gz‘o gro &yro‘o [gTto‘o |egoo‘o |c/aoo |6çoo‘o |oÿoo |ogoo‘o |£500‘0 ÿéto‘o |gçro‘o |£g00‘o |ç/00‘0 [09000 |1Y00% |0600‘o |£500‘o gz‘o gz‘o 05‘o gr‘o cs'o gz‘o | oc‘o gr‘o gÿto‘o |5600‘0 |g8/00‘0 [19000 |5Hoo‘o |0g00‘o |£500‘0 0ç‘o gs‘o 080 1‘0 ggro‘o |oo1o‘o |&goo‘o [19000 |ckoo‘o |0£00‘o [gz00‘o o£ç‘o gz‘o 0œ‘0 05‘0 goro‘o |ggoo‘o [9000 |#koo‘o |1£00‘0 [85000 otto‘o |&600‘o |ÿg00‘o |ÿÿoo‘o |1£00‘o MEMOIRES. ge‘o g&‘o 0œ‘o 05‘o g£‘o gc‘o 08‘0 o8‘o o1‘o | ot‘o 91100 99000 |g9ÿoo‘o |£goo‘o 185000 *Jjouu ‘jour ‘jour ‘qout ‘jeux ‘Joux ‘jou ‘jour ‘Joux "jou ‘Joux *Jouu ‘aux ‘qout r un ‘jour “jeux ‘qaut ES il el RAD DESSERTE CNRS SE Y661m0 | FOOTm0 | 8160m0 66Y0w0 | 1000 | 6610m0| 0010m0 019€wm0| t00€w0 | Y661m0 | Y001m0 |8160m0 | £g/0w0 | 66Y0w0 | TOÇOMO 6610m0|0010m0 |019£m0 | 500€m0 aq INVLY WIOSU4AZG NA UNIOUVI VI 4Œ INVIA VIOSHHAGG ANG HNADUVT VE “NOIXATANLT A4 HNAANONOT “NOIXATANIT 44 HAIANVHIY *J£wO 9p jeue) -apinf 20v/fins 0j 2p uorxoy/ur ‘X AVAIAVL Différents modes de formation de ces chaussées, MÉMOIRE SUR LES CHAUSSÉES DE ROUTES EN GALETS ROULÉS, NON CONCASSÉS ; Par M. Fézix BORREL. Considérations générales. La plupart des routes de mon arrondissement sont formées de galets roulés, non concassés, de diverses grosseurs. Comme ce genre de chaussées est très-répandu en France, il n’a paru utile de consigner dans ce mémoire ce que l'observation de cinq années nva appris à cet égard. Quelques-unes de ces chaussées ont été faites avec quelques soins ; le plus grand nombre n’est que le résultat de rechargements successifs. Celles qui ont été faites avec soin, reposent, em général, sur une couche de gros galets, rangés à la main, comme des pavés, dans la partie infé- rieure de la forme de lempierrement. Quelquefois, une seconde couche de galets, de moindre grosseur, mais plus forts cependant que les petits galets ou graviers d’entretien , sépare la MÉMOIRES. 285 couche de fondation de la couche de gravelage, qui constitue la couche supérieure de la chaussée. Souvent, la couche de menus gravelages re- couvre immédiatement la couche de fondation. Dans certaines localités, dépourvues de gros galets assez réguliers pour former la couche pavée inférieure des fondations, on s’est contenté, dans les devis, d’ordonner que les plus gros matériaux seraient contenus, dans la partie inférieure, entre deux bordures de gros galets, rangés à la main comme des pavés. Enfin, dans d’autres localités, où les petits ma- tériaux sont le plus abondants, on s’est contenté dordonner, dans les devis, que les matériaux de toute grosseur seraient répandus à la pelle et au râteau , pour former la couche inférieure de l’em- pierrement, dont la couche supérieure serait formée de gravier ou de petits galets, susceptibles de passer, en tout sens, par l'anneau de six cen- timètres. Inutile d'indiquer la formation des chaussées , qui ne sont que le résultat de rechargements suv- cessifs, faits d'année en année, ou à de plus grands intervalles. On concevra facilement que le plus grand désordre règne dans l'agencement et la na- ture des matériaux, et que souvent un recharge- mens de mauvais gravier de minière recouvre une couche, bien unie et bien ferme, de bons matériaux. Dans les chaussées de ce genre , quand on a eu le soin de former les rechargements successifs 280 CLASSE DES SCIENCES. avec de bons matériaux et à des intervalles de temps assez éloignés pour permettre à chaque rechargement de Le e COrps , l'empierrement est composé de couches lamelleuses, peu unies en- telles, et susceptibles d’une séparation facile. * EG PA Les gros galets se conservent entiers dans l'in- dans térieur 4È ces chaussées; parmi les petits galets, oc beaucoup se conservent entiers, comme les gros; d'autres sont écrasés par les voitures, et Le dé- bris s’agencent entr’eux comme de coins juxta- posés, et forment la couche supérieure et résis- tante de la chaussée. Les vides laissés entre ces galets sont remplis par un mélange de terre de la nature du sol sur lequel est Étblie la route, ou de la minière d’où proviennent les Heu et de sable provenant, soit de la destruction des matériaux écrasés par le poids des voitures, soit des fournitures des maté- rlaux d'entretien ou de rechargements que les entrepreneurs des routes ou les cantonniers n’ont pas été tenus ou n’ont pas eu toujours le soin de bien nettoyer. Les chaussées d’un grand nombre de routes de France peuvent donc être considérées comme une couche de poudingue de galets roulés, bien con- servés , liés entr’eux par un ciment artificiel , formé de terre et de sable, dont la partie supé- rieure seule présente des débris de galets écrasés, serrés entr'eux comme des coins , et incrustés par le poids des voitures dans le ciment terro-sablon- MÉMOIRES. 287 neux, de manière à former une surface unie, et à peu près imperméable aux eaux pluviales. Pour déterminer la proportion convenable de Quelle est Ja , . x proportion galets et de terre sablonneuse , nécessaires A la) onvenable formation de bonnes chaussées, j'ai fait sonder la at toutes les parties bonnes des routes de mon arron- sn lé À NES : ; L galets roules dissement, et jai fait mesurer separement, sur et la , } , , | Le de chaque point, 1. les galets roulés et leurs débris l'antité de la couche supérieure, bien purgés de toute artificiel pour O former matière terreuse ou sablonneuse; 2. la partie de bonnes : Le a chaussées ? terro-sablonneuse qui forme ciment. Voici les résultats déduits de ce sondage sur les meilleures parties des routes royales et de la route départementale la plus fréquentée de mon arrondissement. J QUANTITÉ NUMEROS moyenne de DLPÉ S des kilomètres SE RC des quantités la quantité de | À ciment terro- RS étant sablonneux S $ ouvées représentée trouvées : par 100. dans chaque sonde. DÉSIGNATION DE LA où ont été prises ROUTE ET DE LA BRIGADE. les sondes. ÉD RER DS PURE SES CNRS ROUTE ROYALE N.° 20. 1.e Partie. Brigade d’Arnaud-Bernard… 2; 3; 4 Brigade de Saint-Jory 13; 14; 173 183 21; : 23; 24; 25; 26 2.° Partie. Brigade de Pinsaguel 453 11:12; 15; 14 Brigade d’Auterrive 21; 223 32; 58 ROUTE ROYALE N.° 12/4. Brigade unique de Léguevin. 2), 33.435 ROUTE DÉPART.E N.° 4. Brigade d’Arnaud-Bernard… 5 93/6; 75115 12 Brigade de Fronton 3 ; 19; 32; 53; 34 288 CLASSE DES SCIENCES. | Les résultats obtenus dans les deux dernières colonnes de ce tableau, prouvent que la propor- tion de ciment terro-sablonneux peut être très- variable pour constituer une bonne route; mais ils prouvent en mème temps que la quantité de terre et de sable mêlée aux galets de la chaussée est très-considérable dans les meilleures parties des routes de mon arrondissement. Les autres routes donnent des résultats ana- logues. Il n’est donc plus permis désormais de nier qu'il soit possible de faire de très-bonnes routes , en mélangeant de la terre et du sable avec des galets roulés non concassés, puisque les parties de route les meilleures de mon arrondissement, sont là pour témoigner de la vérité de ce fait, qu’elles sont bien unies et bien roulantes pendant les temps secs, et qu’elles sont dures, solides et sans ornières pendant les temps humides. La quantité de ciment terro-sablonneux est donc moyennement plus grande que la quantité de galets roulés dans les chaussées actuelles de nos routes; mais ces chaussées sont aussi très- bonnes, quand la quantité de ciment n’est que la moitié en volume de la quantité de galets. Comme la quantité de terre sablonneuse tend toujours à augmenter dans une chaussée neuve par l’écrasement des galets de la surface supérieure, je crois qu'il est bon de n’admettre dans la cons- truction de ces chaussées , que la limite inférieure du mélange de terre et de sable, reconnue par l'expérience nécessaire à la formation et à la bonne prise de lempierrement. MÉMOIRES. , 269 Jadmettrais donc la quantité de 0,50 comme la proportion convenable de ce mélange. Cette quantité est d’ailleurs à peu près égale au volume des vides compris entre les galets. Quand on réduit cette quantité, on peut sans doute obtenir une bonne route (1); mais elle fait corps plus difficilement ; et quand la chaussée a fait prise, si l’on fait un sondage et qu’on ait le soin de séparer les galets roulés de la gangue qui les lie, on s’aperçoit que la chaussée a emprunté au sol sur lequel elle est assise, la terre qui lui man- quait pour compléter le ciment terro-sablonneux, nécessaire au remplissage des vides. C'est ce qui est arrivé sur la partie neuve de la route départementale n.° 7, où l’on avait répandu, dans la forme de l’encaissement, conformément au devis, une couche de petits galets bien purs de 0,33 de hauteur ( devant se réduire par le tasse- ment, à 0,30 ). On répandit sur cette couche une couche de très-petits graviers terreux ( presque du sable ter- reux }, de 0055 d'épaisseur seulement. (1) Sur la route départementale n.° 5 bis, les galets de fondation, comme les petits graviers de la couche supérieure , avaient été employés, conformément au devis, purs de terre et de sable. La route ne faisait jamais corps, elle était toujours sillonnée d’ornières profondes ; les galets fuyaient sous la pres- sion des voitures ; les gros matériaux venaient tous à la sur- face. Je fus obligé de faire jeter, par les cantonniers , sur la chaussée , de la terre sablonneuse. Une couche de 003 d'e- paisseur fut suflisante pour agréger les matériaux de l’em- pierrement. j TOME IV. PART.T 10 290 CL$SSE DES SCIENCES. Au bout de trois ans j'ai fait ouvrir une sonde dans une partie bien ferme de la chaussée , en face du piquet kilométrique n.° 39, j'ai fait séparer les galets roulés, qui s'étaient tous très-bien conservés, des parties terreuses et sablonneuses du mélange, et j'ai trouvé que la quantité de galets étant de 0"030, celle du mélange terro-sablonneux était de o"o16 : ce rapport approche beañcoup du nombre 0,50, que je propose d'adopter, comme le rapport convenable entre la quantité de ciment terro-sablonneux et la quantité de galets. Ce rapport me paraît le plus convenable, puis- qu'il est nécessaire au remplissage des vides, et suffisant pour donner une bonne chaussée, bien roulante en temps sec, sans ornières en temps hu- mide, solide et unie en tout temps (1). Construction des Chaussées neuves. À quelssoins Nous venons de voir que les chaussées en galets conventAl Rés pouvaient être considérées comme des cou- SARneesE ches de poudingue artificiel. la formation Ces chaussées seront d'autant meilleures, que RAP ce poudingue sera plus compacte, et que les galets seront mieux agencés et mieux liés les uns avec les autres; il me paraît donc convenable de renoncer à ranger, comme des pavés , les plus gros d’entr'eux, dans la partie inférieure de Pencaissement, puis- (1) Des observations postérieures à la rédaction de ce Mé- moire ont porté M. Borrel à réduire à 0,30 le rapport de la quantité de ciment terro-sablonneux à la quantité de galets. MÉMOIRES. 29 qu'on forme ainsi dans l’empierrement une couche bien distincte , et par conséquent moins bien liée au reste de lempierrement; il me paraît convenable aussi de renoncer à former les chaussées par cou- ches successives, et à les battre à la hie, comme certains devis et certains auteurs le prescrivent. On risquerait, en faisant ainsi, de diviser l’em- pierrement én couches isolées et sans lien , comme on le remarque dans certaines routes, formées par rechargements successifs; et ce serait nuire à l’a- gencement des galets de la chaussée, qui, au lieu de ne former qu’un seul corps, ne serait que la superposition de plusieurs cloisons horizon- tales. On pourrait renoncer aussi à contenir les galets entre deux rangées de bordures, quoiqu’elles pré- sentent peu d’inconvénients, et qu’elles aient l’a- vantage de limiter la chaussée. Ce qui me paraît le plus convenable, et ce qui m'a très-bien réussi sur les parties neuves de la route départementale n° 26, c’est de répandre, en une seule fois, à la pelle et au râteau, dans l’encaissement , toute la couche de galets, sur Pé- paisseur jugée nécessaire, en ayant le soin seule- ment de ramasser à la main les trop gros galets qui se trouvent à la surface après cette expan- sion, et de les jeter au fond de l’encaissement, où l'expansion n’est pas encore faite. Cette première opération terminée, on donne à la chaussée , avec le râteau, le profil convenable, et lon répand immédiatement sur cette couche 19. e 02 CLASSE DES SCIENCES. de galets, une couche de terre sablonneuse , d’une épaisseur moitié moindre (1). On peut livrer immédiatement la route ainsi faite au roulage ; il n’a pas de répugnance à pas- ser sur la chaussée comme cela arrive quand on ne l’a composée que de matériaux bien purs. Un cantonnier ou un ouvrier spécial a le soin de fer- mer avec la pelle et le râteau les ornières qui se forment pendant les premiers jours, et la route ne tarde pas à faire corps. Le passage des voitures, les eaux pluviales font descendre dans les interstices des galets juxta- posés la quantité de terre sablonneuse exactement nécessaire pour les remplir, et bientôt toute cette chaussée se tasse en bloc, sans que les galets puis- sent quitter la place qu'ils ont prise d’abord et sans cesser de demeurer contigus et tangents les uns aux autres. La terre sablonneuse se tasse tous les jours, la surface de la route s’unit, les galets trop saillants sont écrasés par les voitures, et leurs débris s’in- crustent dans les interstices supérieurs remplis par de la terre sablonneuse tassée qui leur fait place. En quelques mois la route est aussi solide, aussi roulante et aussi bonne que les routes à l’en- tretien, parmi lesquelles elle peut être rangée. Si la quantité de terre sablonneuse dont on a recouvert la couche de galets est trop forte, elle (1) D’après la note précédente , l'épaisseur de la terre sa- blonneuse ne devrait être que le tiers environ de l'épaisseur de la couche de galets. MÉMOIRES: 203 est emportée par le vent ou balayée à l'état de poussière ou rabotée à l’état de boue. La chaussée ven est pas moins bonne et moins compacte. Les devis indiquent toujours que les matériaux Les galets r : A 4e ’ n'ont des chaussées doivent être approvisionnés purs de af besoin de terre et de sable. Dans la construction des ent chaussées neuves en galets roulés non concassés, il de terre et de n'est pas nécessaire ; il n’est même pas bon que date cette clause soit de rigueur. je Te Quand bien même chaque galet serait un peu Fe nenne chargé de la ganoue qui l'enveloppe dans la mi- Dune former DST , ee no ces sortes nière , les choses n’en iraient pas plus mal; il suf- y, "paussées, Brait de mettre une moins grande quantité de terre sablonneuse. Voici de quelle manière je les fais employer sur la route départementale n° 26 : ils sont pio- chés à la minière, et séparés du sable, de la terre et de la ganoue, au râteau seulement. Le tombe- reau les transporte dans l’encaissement après cette grossière séparation, et ils sont répandus immé- diatement en couche. On les recouvre de suite de la proportion convenable de terre sablonneuse dont on vient de les séparer à la minière. On n’a pas besoin non plus d’être très-difficile dans le choix des galets qui entrent dans la for- mation de ces chaussées ; des galets tendres peu- vent très-bien être employés, pourvu qu’on ait le soin d’entretenir la route une fois faite, avec de très-bons matériaux , bien purs, et en quantité un peu plus grande qu'a lPordinaire pendant les Ces routes sont très-économi- ques. 29/4 CLASSE DES SCIENCES. premières années qui suivent la construction de cette route, afin de cuirasser la croûte supérieure du poudingue artificiel nouvellement formé de débris de galets écrasés bien durs et bien résistants. Si Von n'avait que des moellons de carrière calcaire , je proposerais encore de suivre le même système en concassant les moellons à la grosseur au moins de sept à huit centimètres. Je crois qu’on obtiendrait une chaussée bien supérieure à celles qui sont formées par trois couches superposées , comme on les faisait généralement. J'ai essayé de faire eomprendre comment les routes ainsi construites devaient présenter plus de solidité que celles formées par couches successives ; les galets sont bien mieux liaisonnés entr’eux et for- ment bien mieux système. Il faut remarquer aussi que ce genre de construction est le plus économique. On évite les frais de triage des matériaux, les frais de purgeage (le râteau suffit pour opérer la séparation des galets et de la terre sablonneuse), les frais de façon de la chaussée, les frais de da- mage, de cassage, et l’on a lavantage immense de pouvoir jouir en peu de temps de la chaussée, que le roulage a bientôt battue, en évitant tous les frais de main-d'œuvre nécessaires pour combler continuellement les ornières et réparer les accot- tements que les voitures parcourent de préférence, quelque mauvais qu'ils soient, quand on s’obs- tine à ne former la chaussée que de matériaux purs. Enfin on à l'avantage de pouvoir employer MÉMOIRES: 205 sans inconvénient les matériaux de qualité infé- rieure qui peuvent se trouver à proximité delaroute. Cest en suivant ce système de construction que j'ai pu transformer en route départemen- tale un véritable chemin vicinal (1), lélargir, le redresser , le border de fossés , lempierrer sur près de deux mille mètres de longueur, et tout cela à 1 fr. 20 c. environ le mètre courant. Dans ce moment la même opération se continue, et quoique le transport des matériaux soit plus coûteux, à cause de l'éloignement des minières , le prix de revient du mètre courant de route ne dépassera pas 2 fr. oo c. , il ne sera que de 1 fr. 50 c. environ (2). Dans les projets de routes neuves on est dans Pusage de supposer à la chaussée une épaisseur constante sur tous les points. Je crois qu’on a tort de faire aipsi : 1l est telle partie de terrain qui pourrait à la rigueur se passer de chaussée, quand sur tel autre point elle est indispensable. Entre ces deux limites, il existe beaucoup de termes intermédiaires où le terrain n’a pas besoin de toute l'épaisseur qu’on donne à la chaussée dans les cas les plus défavorables. La détermination des longueurs de routes sur (1) La continuation de la route départementale n.° 26 , au delà de Lagardelle. (2) Si l’on avait suivi les procédés ordinaires , et qu'on eût fait le travail à l'entreprise , la restauration de cette route aurait au moins coûté 6£ oo le mètre courant. Quelle épaisseur convient-il de donner à une chaussée neuve ? 206 CLASSE DES SCIENCES. lesquelles il faudra construire des chaussées d’épais- seur variable, et l'appréciation de ces épaisseurs , présentent sans doute des difficultés ; mais pour être difficile, ce n’est pas un motif de ne pas s’en occuper, et la diminution de dépense qui s’en sui- vrait, dans l’ouverture des routes, mérite bien que les Ingénieurs portent leur attention sur cet objet : les erreurs commises d’ailleurs seraient fa- ciles à réparer, puisqu'il suffirait d'augmenter lé- paisseur des chaussées de quelques centimètres partout où l'expérience aurait démontré linsufi- sance de la première épaisseur donnée à lempier- rement; de simples rechargements faits avec soin remédieraient à tout le mal. Quant à l'épaisseur qu'il me paraît sufisant de donner dans les cas les plus défavorables, sur les terrains les plus argileux , les plus gras, je Pat déduite des sondages que j'ai fait faire sur toutes les routes de mon arrondissement. Jai vu que dans des terrains où les chemins vicinaux sont impraticables en hiver, une épaisseur de vingt centimètres était suffisante pour garantir les chaussées des routes royales et départementales des mauvais effets de la pluie et de Pair humide. Sur beaucoup de points même les routes sont très- bonnes avec des épaisseurs moindres. Je pense donc qu'on peut sans inconvénient adopter vingt centime- tres, comme la limite supérieure de l'épaisseur qu’il convient de donner aux chaussées formées de galets roulés non concassés et de ciment terro-sablonneux. Si l'entretien annuel après la construction de la MÉMOIRES. 297 chaussée est en rapport avec le degré de fréquen- tation de la route, on peut être certain qu’elle ne se détériorera pas par suite d’une trop faible épais- seur de la chaussée. Le sable terreux qui enveloppe les galets des minières , le sable terreux des ruisseaux qui rou- lent pendant les pluies des eaux troubles et une qualité particulière de terre légère connue dans le pays par les agriculteurs sous le nom de boul- bène et quelquefois de Zisse, sont les matières qu'il faut préférer pour recouvrir la couche de galets roulés après leur expansion. Si la chaussée , au lieu d’être faite avec des ga- lets’ roulés, était faite avec des pierres calcaires cassées, je crois qu'il. vaudrait mieux employer du sable pur que du sable terreux pour remplir les interstices. Une légère couche de boulbène ne ferait pour- tant pas de mal, à cause de la propriété de cette terre de se coller, de donner à la route un uni parfait , et de former croûte imperméable. La propriété de cette terre est si saillante que dans les chemins vicinaux les plus négligés , les parties de chemin assises sur cette nature de ter- rain conservent généralement leur profil et pré- sentent très-peu de boue et des ornières très-peu profondes en hiver , pour peu que lécoulement des eaux de la route soit assuré. Cette terre est un mélange de sable très-fin et d'argile où le sable domine. Du choix du ciment terro-sablon- neux, Différentes circonstances qui se présentent dans l'entretien des routes, 2098 CLASSE DES SCIENCES. Entretien des Chaussées en galets roulés. Mon but n’est pas de soulever la question de l'entretien des routes en général , elle me paraît depuis longtemps résolue en faveur de l'entretien journalier , qui consiste à fermer les trous et les ornières , à n’employer les matériaux approvi- sionnés que là où ils sont utiles, au fur et à me- sure des besoins, et à ne faire de rechargements partiels que là où la couche supérieure de la chaussée n’est pas assez épaisse pour garantir les parties inférieures, généralement moins bonnes et composées de plus gros matériaux. Je ne parlerai que de ce qui est particulier aux chaussées en galets roulés non concassés. Différentes circonstanées se présentent dans l'entretien de ces chaussées. Supposons d’abord que la chaussée ait une épaisseur suffisante. 1.0 Le ciment terro-sablonneux peut se trouver trop abondant ou trop terreux ; il y à alors de la boue en hiver et de la poussière en été. L'entretien consiste à enlever soigneusement lune et l'autre jusqu’à ce qu'il wy en ait plus. 2.0 Le ciment terro-sablonneux peut ne pas con- tenir assez de terre. Dans ce cas, la chaussée se dé- sagrége complétement avec les fortes chaleurs, les galets roulés fuient sous la pression des roues comme sur une chaussée neuve, les voitures sont obligées de prendre le pas : la viabilité est fort incommode lant ‘qu'il ne pleut pas. J'ai observé MÉMOIRES, 209 avec soin un fait de ce genre sur la route départe- mentale n°5, près du pont de Carbonne. Ce qui me pataié de mieux à faire pour remé- dier à cet inconvénient, c’est de couvrir d’une couche de terre tous les points de la chaussée où ces symptômes se manifestent. 3.0 Quelquefois un fait analogue se passe sur des routes dont la chaussée manque de matériaux et n’est composée que de couches sablonneuses. Sur la route départementale n.° 6, par exemple, GS parties de chaussée ne sont formées qu'avec du sable oraveleux de la Lèze. En été, par les grandes cholet, ces sables er mouvants sur deux mètres, trois mètres carrés environ , et il se forme des trous de ces dimensions en divers points de la chaussée. Les cantonniers sont dans l’habitude de recurer ces trous, d’enle- ver tout le sable mouvant , de former une espèce d’encaissement au fond duquel ils répandent une couche de petits galets roulés qu'ils recouvrent ensuite de tout le sable qu'ils ont retiré : Pexpé- rience a confirmé le bon eflet de ces réparations. 4.° La chaussée est trouée ou rouagée. Si son mauvais état tient à un mauvais entretien , à la négligence du cantonnier, le remède est facile dès qu’on fait approvisionner assez de matériaux pour la réparer et surtout dès qu’on remplace le mauvais cantonnier. Mais si le mal tient à la com- position même de la chaussée , à la nature même des matériaux; après s'être assuré que le raclage de la boue et Penlèvement des poussières ne sont 300 CLASSE DES SCIENCES. pas des remèdes suffisants , il faut recharger la chaussée d’une petite couche de bons matériaux , de manière à changer la nature de la couche su- périeure qui est la seule qu'il importe de former avec des galets ou des pierres de bonne qualité. 5.9 Les gros galets de la chaussée laissent apercevoir leur tête. Si ces galets ne sont pas les galets de la couche de fondation , il faut les concasser sur place à coups de masse, ou les ra- masser à l’état de cailloux roulants , parce qu'il est rare qu'ils ne se détachent pas bientôt du corps de la chaussée ; mais si ce sont les galets de la couche de fondation , c’est une preuve que la route est usée et il y a lieu de refaire la couche supérieure. C’est un travail de grosses répa- rations. 6.° La couche supérieure de la chaussée s’use. Quand on se borne à fermer les trous et orniè- res, la couche supérieure de la chaussée s’use , et il arrive un moment où il est bon de regagner par un rechargement fait à propos lépaisseur perdue par cette couche supérieure qu’il importe tant de conserver en bon état. Ces rechargements doivent être faits par un temps humide et avec beaucoup de soins ; il faut piquer la chaussée sur les bords de la partie qu’on veut recharger pour contenir les galets et les empêcher de rouler ; il faut la bien nettoyer de la boue qui la recouvre, et répandre les petits galets au râteau de manière à ce que le rechargement se compose au moins de deux couches super- MÉMOIRES. 3o1t posées (1). Les matières provenant du piquage de la chaussée sur les bords donnent de la solidité au rechargement , et font bon effet , quand on en recouvre les bords, et que le cantonnier les tasse du pied. Pour que ces petits rechargements ne contra- rient pas trop le roulage et soient moins nuisibles à la marche des voitures, M. l'Ingénieur en chef a ordonné de ne pas les faire sur plus de vingt mètres détendue ,. en laissant entre deux re- chargements successifs un intervalle convenable que l’on recharge plus tard, s’il en a besoin, et quand les premiers rechargements ont fait corps avec la chaussée et ne sont plus durs à parcourir. Cetteprécaution est bonneetdoit être généralisée. Les galets de rechargement sincrustent dans le ciment terro-sablonneux de la couche supé- rieure que l’humidité rend pénétrable, et, tout en améliorant cette couche avec laquelle ils se lient , ils augmentent son épaisseur. Les galets destinés à l'entretien de la chaussée doivent être purs de terre et de sable, la chaussée fournissant toujours une quantitié suffisante de ciment terro-sablonneux. (1) Dans les expériences que je fis pour répondre aux ques- tions de M. le Directeur général sur le roulage, je trouvai que les galets écrasés par le passage des grosses charrettes variaient dans les rapports de 36, 33 et 25, suivant que les matériaux étaient répandus par couche unique , par deux ou par trois couches. Les matériax destinés à l’entretien de la chaussée doivent être purs de terre et de sable, 302 CLASSE DES SCIENCES. Grosses réparations. Différence Quand on fait une route à neuf, on est libre ee de choisir le système de construction le plus éco- que lon fit nomique ; on ne contrarie , pendant la duréé etune route des travaux , aucune habitude; le public n’attend loéuue que delavenir le bien qui se prépare, et voit d’un oil satisfait tout ce qui concerne la création de cette nouvelle cause de prospérité. La route ter- minée , la livre-t-on à la circulation ? le rou- lage et les voitures consentent volontiers à aller au pas en attendant que la chaussée ait fait corps, et , en réalité, le nouveau chemin sans consis- tance qu’ils parcourent vaut mieux, abstraction faite des espérances qu'il permet de concevoir , que les mauvais chemins vicinaux qu’il remplace et qu'il était impossible de suivre par les temps pluvieux. Il n’en est pas ainsi quand on répare une route déjà ouverte , surtout quand elle est fréquentée. Tout retard apporté à la marche des voitures n’est pas pardonné par le public qui, au lieu de voir dans les travaux de grosses réparations le bien qu’on doit en attendre, n’aperçoit que les entraves momentanées qu'ils apportent à la cir- culation. Il ne faut donc se résoudre à heurter de front les habitudes prises qu'autant qu'il n’est pas possi- ble de faire autrement. Choisissons des modes de réparation plus longs , plus coûteux , moins bons peut-être dune manière intrinsèque , pourvu MÉMOIRES. 303 qu'ils respectent davantage les habitudes du pu- blic et les nombreux intérêts qui s’y rattachent. Si la route est sans chaussée sur quelques points et que le rechargement qu'il convient de faire pour la rétablir ait une certaine épaisseur , au lieu de établir sur une seule couche, comme je lai proposé pour les chaussées neuves , je crois qu'il est plus convenable de le faire en plusieurs couches successives ; au lieu de recouvrir la cou- che totale d’une seule couche de terre sablonneuse, je crois qu’il vaut mieux recouvrir chaque couche partielle de la quantité convenable de matière destinée à former le ciment terro-sablonneux de la chaussée , afin qu’à aucun moment la route ne soit trop dure à parcourir. Si les galets roulés des bancs de graviers des rivières ou des minières dont ils sont extraits ne sont pas chargés de trop de gangue, et que cette gangue soit humide , ce qu'il y aurait de mieux à fire serait de les transporter non purgés sur la route , et d’ordonner aux cantonniers de les régaler immédiatement, au fur et à mesure de leur dé- chargement , en couches régulières, de manière à toujours assurer un passage facile aux voitures et aux charrettes , quitte à recouvrir ce remblai une fois tassé (en prenant les précautions con- venables) d’une petite couche de galets purs pour améliorer la couche supérieure de la chaussée et la mettre en bon état d’entretien. De la réparation des points où il faut construire une chaussée neuve de plus de quatorze centimètres d'épaisseur. Des parties qui nécessitent des recharge- ments de moins de quatorze centimètres de hauteur. 304 CLASSE DES SCIENCES. Qnand Ja couche supérieure est usée, qu’on roule sur la couche de fondation dans les chaus- sées qui en sont pourvues ou sur une faible tranche de poudingue artificiel dans celles qui ont été le résultat de gravelages successifs ou qui ont été construites comme j'ai proposé de le faire pour les chaussées neuves , il importe de rétablir la couche supérieure de la chaussée dans les pre- mieres et d’en augmenter l’épaisseur dans les secondes. Dès que le rechargement nécessité est de plus de cinq à six centimètres, épaisseur moyenne de deux couches de matériaux superposées , il est bon de le faire par rechargements successifs. On en fait d’abord un de six centimètres sur une lon- gueur de vingt mètres. Quand les matériaux . commencent à se tasser et à faire corps , on le recouvre d’une nouvelle couche qui fait corps avec les précédentes et ainsi de suite jusqu’à l’en- tier épuisement des matériaux approvisionnés. Comme ces travaux ne peuvent se faire qu’en hiver , ils sont généralement longs et coûteux; ils exigent beaucoup de soins ; mais aussi le public ne souffre nullement de ces travaux extraordinai- res ; ils ne portent pas à la circulation plus d’en- traves que les travaux d’entretien. Quand on fait ces rechargements immédiate- ment au-dessus de la couche de fondation , il faut avoir le soin d'employer des matériaux. chargés des poussières de la route , et se presser de faire le second rechargement, si Pon ne veut pas voir MÉMOIRES. 305 ces matériaux écrasés sous le poids des voitures entre les jantes des roues et les galets de fon- dation. Partout ailleurs, et surtout pour les dernières couches de rechargement , ils doivent être bien purs comme les matériaux d'entretien. Il faut faire tous ces travaux avec le temps humide, et ne pas attendre que les premiers re- chargements aient fait bien corps et donné une route unie pour répandre les couches supérieures. Si ces précautions n'étaient pas bien observées , on risquerait, d’une part, de faire écraser inutile- ment beaucoup de matériaux , et de l’autre, d’ob- tenir une chaussée composée de plusieurs couches superposées et sans liaison , au lieu d’une chaussée compacte. FIN DE LA 1.'€ PARTIE DU TOME IV. TOME IV, PART. I. 20 Précautions à prendre dans ces recharge- ments, his ti té gt or. DT ei Pr Aka nf our L HER RER LT Fa po OMS ins ea. Htiot de D pers fn ne ee Ja + En k A ont 1e Ge bé dé ress arà esprits est À an Le nt de dl Rs NU ie su en: Le diet ! fe x hu -" Si Re j'a Ne | UE PME (Lt er MPOUT: DMPOPET DUT RE RE er ne PR I DT L ARE On ei on CO CT te OR LES CT asie fh VE O 4 E0 ARE 4 ce À à: fe cause OU LE ren sal 65. JAI |: VER A es AS SAN « < ” E ca 7 Fr L PL É r . b . J C : Lai [l 0 - : L F LL : v ] ù n ‘ ] L 1e Le | ré id ‘ j #1 É à l Pat 1 " Pi CAF ALES, DA pnorres de l'Acaderrue des Sczences. PL.1 Deanwéres 10 = APPAREIL [LES lea 1) Pre! Memorres de L'Academes des Scences PL1 APPAREIL ELEVATION et Disposition Generale / | pour les Expériences d'Hydraulique DE L'APPAREIL ô APPAREIL pour les Déversoirs. CHATEAU D'EAU Le Decrmetres 10 5 1 Metres 5 Métres Luth Bonneé, Rue clos anges, 3) Trecbrmre Dessiné par Abadte fils TABLE DES MATIÈRES. Érir des Membres de Re au 31 dé- cembre 1836. DER CR eus uierste À PREMIÈRE PARTIE. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES. Année 1834. HISTOIRE. & , Pages. SUCER RO ORORC 8 ON PENSER EPS * Eloge de M. Clausade, par M. D’AusuissoN, DéÉréldie perpétuel... ee. 004 Analyse des Travaux de la Classe des Scien- ces pendant Pannée 1834. .......... 2% Mathématiques pures. Sur le théorème de Taylor, par, M. ROMIEU. 2... ++... A A CEE 21 Mathématiques appliquées. Du mouvement per- manñent, par M. Sarnr-GuiLnem............ 22 Détermination de la hauteur moyenne du baro- mètre, par M. D’AUBUISSON. .............. 26 Sur léclipse de lune du 26 décembre, par MRAVADTRIER. ose» sine LEle à sue le dde s à 28 Physique. Théorie des volcans , par M. Dusac... 28 Chimie. Sur les ferments et les virus , par MM. As- TIERICMBDISGIRAUD . « en fe le elinieins ele ei aie SD OI Analyse d’un calcul vésical, par M. Macnes.... 34 Procédé pour obtenir le tannin, par M. Dusac. 35 308 TABLE DES MATIÈRES. Histoire naturelle. Sur l'étude de l’entomologie, par M. BorscrmAup. ........... sir dois Notice sur les concrétions pierreuses, connues sous le nom de priapolites , par M. Duruy... Médecine. Notice sur Les vers intestinaux de l’hom- mme Dar M ARRET LES es ste - cet MÉMOIRES. Mémoire sur La Mes à > par M. Sanr- GuILHEM. . .... D AE RE AO RIDE Notice sur un cadavre trouvé dans une des chapelles de l'ancien couvent des Augus- üins, par M--Ducassr..e «1. 2. + Année 1855. HISTOIRE. Sujets de Prin 28 SA te mn? Analyse des Travaux de la Classe des Scien- ces pendant Pannée 1835............ Mathématiques pures. Plans principaux des surfa- ces du second degré , par M. SanT-GuILREM. Mathématiques appliquées. Jauge des eaux de la Garonne , par M. Borrez................. Physique. Sur la différence entre les quantités d’eau de pluie à diverses hauteurs , par M. Bors- GRADE eee LE TRANS ENS Observations sur la grêle , par le même....... Chimie. Analyse d’un calcul retiré d’un oiseau, par NU AMAGNES EEE CCR ERRES Doc c sec ecnet Chimie appliquée. Action du plâtre sur les plantes, par M: Dear... 0 > à SARA Histoire naturelle. Minéraux des Alpes , par MÉDOC ee coche Physique végétale, par M. DRATET: .: de Gr TABLE DES MATIÈRES. Médecine et chirurgie. Resserremeñnt des mâchoi- res MpariMTanREy (AuGuStE).... 1. 119 Manie furieuse , par M. Durrourc. .......... 121 Plan d’études médicales, par M. Ducasse. 122 Statistique. Produits de l’industrie, par M.Virry.. 125 Rapport sur la Statistique dela France de M. Sou- quets par MAIOZANNEAUX TIR ER. 123 Météorologie. Résumé général des observations météorologiques faites à l’observatoire de Tou- Touse par ME. VATTHIER Le ne Ne en 132 >. < æ Année 1856. / HISTOIRE. SHIELS GE TIA ed en doll aliens neue» 197 Notice sur MW. Virebent, par M. pu Mëce..139 Éloge de M. Dispan, par M. Dusac.......159 Notice sur AT. Isidore Picot de Lapeyrouse, PAL: Du MG MEL Rues PI Analyse des Travaux de la Classe des Scien- ces pendant l’année 1836...........189 Mathématiques ie Question nas par MÉRBRASSINNE M EE ne osise de prose e ceieleisle Sur la première section de la ee analyti- que par leméme., 2. ee -aite bee Mathématiques appliquées. Astronomie. Notice sur les crépuscules , par M. VaurTuier. ...... Mécanique. Théorie des voitures , par M. Bras- SIENNE ete al se «as ne DL ENST URE Le Vitesse des divers véhicules, par M. See on Physique. Action de la foudre sur des êtres orga- nisés, par M. DE QUATREFAGES............. Zoologie. Accouplement d’un lion et d’une tigresse, par M. Moquix-Taxpon....... je + 310 TABLE DES MATIÈRES. Mœurs et instinct des lézards , par M. pe Qua- DREPAGES 0. CE Er ec onien à Manière dont les sangsues officinales entament la peau, et blessure qu’elles produisent , par M. Moquix-Tanpow. ........... REP 208 Minéralogie, Collection de minéraux de la chaine alpine du Saint-Gothard au Mont-Blanc, par M Dueprs site Nic tee 211 Médecine. . Tumeur enkystée avec production de cheveux, par M. Ducassë:.........,.... UE Observation sur un cas d’amaurose, par M. Lar- ser (Auguste }A. 2 8e AO ee LE 214 Observation de diabétès, par M. Durrourc.... 217 D} (=) CS Etablissement d'un appareil pour les expé- riences d'hydraulique au Château-d’eau AE TONLOUSEN ES RE ue MAT MÉMOIRES. Note sur divers points de lhydraulique , par AV: Sanr-Guicaem. 400 AN UE 229 Expériences sur lécoulement de l’eau par les déversoirs , par M. Castel , ingénieur des eaux de Toulouse. ...... HAXBEURS à 238 Mémoire sur les chaussées de routes en ga- lets roulés, non concassés, par M. BORRERS nettes Me sie 201 FIN DE LA TABLE. HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. "4 LA A 0 dre EN 4 1: AL | ou ALI È ‘4 À \ À tr Le DE PA Par 14 LA L È (e f ï à : A € ed ei : Ûl ' AAAIOMS TA HMOTEU A : VE , {, L “Cœ | ar#on MAGIE ER AO; SLR RE à ei 1! À SAATT HT-EAXN dde ue ETENEMANE ER }. NOT 4 LA HISTOIRE ET MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ANNÉES 1834, 1835, 1836. TOME QUATRIÈME. 2.° PARTIE. TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE . RUE SAINT-ROME, N° 41. 1857. | 200007 au ! ER . | +34 ART SN ON DIE LAN A TRE TS ré (l ! n M: né | + s ï < , 1 sh A » . Lu : Les 1, Ni Er, + si = pl p 7 L s [ad Me + 2 L , + CP : MF; i L rs _ ‘ VF EDF RER er PRSTA AS — RE POLE _ QE UA af ur É MOT ITAAS ©. l'e \ si” ” its 0 LUS” th) L re 4 De Me Qu “ ‘ L à ) en re Û : FE TONR EU d De ttItUAF l'A : nn 2: »{ . E ; N € 7 À , TPE . he % "%- PAL du | t , i L , D s . LYS HISTOIRE ET MEMOIRES L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. Seconde Partie. INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES, 1854. HISTONRE, SUJETS DE PRIX. La Classe avait proposé pour le concours de l'année 1834, et comme prix ordinaire, la question suivante : Quel a été l’état de La littérature des provinces méridionales de la France, depuis lan mille, jusqu’à la fin du dix-septième siècle ; — et quelle a èlé l'influence de la littérature du Midi sur la littérature devenue nationale , et de celle-ci sur la première ? TOMX LY. PART, II, Li 2 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Les Mémoires parvenus au concours n’ayant pas rempli les vues de l'Académie, elle proposa le même sujet pour prix extraordinaire de lPannée 1835. Le prix était une médaille d’or de la valeur de 500 francs. . Pour lPannée 1837, la Classe a proposé le sujet suivant : Peut-on comparer les différentes phases de la littérature Romaine aux différentes phases de la littérature Française , et en tirer quelques conséquences pour l'avenir de cette dernière ? Le prix est également une médaille d’or de la valeur de 500 francs. HISTOIRE DES OUVRAGES DE LA CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES PENDANT L'ANNÉE 1894. « D. classe a produit bien peu cette année, et nos feuilles seraient légères, disait M. Oza- NEAUX (1), sans deux où trois noms qui pèsent dessus de tout le poids de leur renommée. Mais aussi, voyez Comme nos rangs s’éclaircissent, et quels collaborateurs nous manquent. L'un, aflaibli par l’âge et les infirmités, vient d'obtenir de nous, comme une faveur, ce que depuis long-temps il subissait comme une nécessité cruelle, le loisir et le silence, triste privilége qui ajoute pour nous au regret d’être privés de ses travaux, la douleur de ne pouvoir nous en plaindre. L'autre est allé porter à la tribune nationale les trésors de son érudition et de son éloquence. Un troisième, qui nous faisait entendre à travers les âges, les sons des langues primitives, a quitté pour toujours, dit-on, la cité qu'il éclairait de ses doctes ensei- gnemens : un autre, frappé de l’étincelle politique, a disparu dans l'orage des révolutions; enfin, la tombe vient d’engloutir lun de nos plus jeunes soutiens, lune de nos plus brillantes espérances. (1)Reésumptiondestravaux de la Classe des Inscriptions, 1833. ES M. Tayax. Discours sur les progrès des Sciences et des Lettres dans le Midi. 4 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: Encore un pas de ce temps qui renverse, encore un souffle de ce vent qui emporte, et la classe des Inscriptions et Belles-Lettres n'aura plus qu'à livrer ses travaux, comme monumens du passé, à sa sœur la Société d’ Archéologie. » Dans le Discours prononcé à l'ouverture de la séance publique du mois de mai, M. Tayan a vengé les provinces méridionales des calomnies dirigées contre elles par des écrivains qui afirment que les Sciences et les Lettres ne sont point cul- tivées avec succès par les habitans de ces belles contrées. À l’époque, et, pour ainsi dire, en pré- sence d’un Congrès où les sciences et les arts du Midi faisaient, en commun, l'inventaire de leurs richesses et le tableau de leurs espérances, ce discours fut l’histoire entière du progrès, dont il constatait la marche dans le passé, dont il réglait la course dans Pavenir. Nous suivrons lorateur dans son esquisse rapide des vieilles illus- trations du Capitole, dans son analyse des travaux de Cujas, de Fermat et de Lapeyrouse : et nous répéterons les arrêts sévères qu'il fulmina contre les laideurs littéraires de notre âge. «Messieurs, disait M. Tajan, Académie aurait été complètement heureuse de célébrer la plus in- téressante de ses fêtes, dans cette circonstance extraordinaire, si elle avait pu ajouter à la solen- nité de l’époque, la seule pompe dont elle aime à se parer. Cette pompe est le triomphe des jeunes disciples dont elle a excité les talens par ses pro- pr HISTOIRE. 5 messes de gloire, et qu’elle couronne toujours avec transport. Elle n’a pu jouir, cette année, de ce surcroît de bonheur. Les récompenses qu’elle avait préparées pour les vainqueurs de ses concours, et qu'il lui eût été si doux de leur décerner, sont ajournées, et la lice reste encore ouverte. Mais le sort lui réservait des jouissances non moins douces, comme pour la dédommager de celles dont elle est privée. Il a voulu qu'elle püt rendre témoin de ses nobles efforts, pour les progres de l'esprit humain, les savans accourus de toutes parts, pour en constater les prodiges sous le beau ciel du Midi. » Lorsque l’idée d’un Congrès scientifique à Toulouse fat jetée dans le monde savant, la vieille cité de Pallas tressaillit. Riche de son passé brillant et des grands souvenirs attachés à son nom, elle se rappela, avec une sorte d’orgueil, les titres d'honneur que l'admiration des anciens peuples lui déféra, et que quinze siècles n’ont pu encore effacer, et sembla se ressaisir de son antique suprématie dans le domaine des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts. » Elle se rappela, sur-tout, ces écoles célèbres qu'elle avait fondées, dont toutes les contrées du Midi étaient tributaires, et à qui les Princes du grand Empire allaient demander à la fois des leçons et des maîtres; ces Colléges du Gai savoir, où, plus tard, les troubadours, animés d’un poé- tique délire, allaient réciter leurs vers et poser les regles du beau langage ; et ces autres Congrès, 6 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ces Cours d'amour, où les poètes et les chevaliers, après avoir chanté les grâces et la beauté, dans leurs courses ayventureuses, venaient échanger leurs inspirations, lutter, entreux, d'esprit et de cour- toisie, et s’enivrer, en commun, de gloire, de poésie et d’enthousiasme. » Elle ne pouvait pas oublier, non plus, ces temps, beaucoup moins reculés, où sa prépon- dérance dans les sciences se manifesta avec non moins d'éclat, et dans une progression qui ajoutait encore à son illustration; ce seizième siècle qui vit naître Cujas; ce dix-septième siècle dont l'aurore éclaira le berceau de Fermat. Cujas! Fermat! double merveille de deux siècles si féconds en renommées éclatantes, et qui préparèrent tous les élémens de grandeur, et les prodiges répétés du siècle éblouissant qui leur succéda. » Cujas !contemporain de Rabelais, d Henri IF, de Sully et de Michel de l'Hôpital, homme éton- nant, qui, par l'étude approfondie des langues , à l’aide de sa vaste tête et d’une érudition immense, parvint à éclaircir les obscurités, à débrouiller le chaos de la jurisprudence romaine, pénétra dans toutes les origines du droit, commenta, expliqua , coordonna entr’elles les lois du peuple roi, éclipsa la célébrité de Dumoulin, se plaça au premier rang des oracles de l'époque, compta au nombre de ses disciples , Ftienne Pasquier, Loysel, Scaliger, et les frères Pithou : Cujas! français de cœur, patriote enthousiaste, que nos Rois comblaient d’honneurs et de largesses, que les HISTOIRE. 7 caresses d'un Pontife ne purent point subjuguer, que toutes les nations de l'Europe enviaient à la France, que toutes les villes de France enviaient à Toulouse, et dont Toulouse à toujours reven- diqué la gloire, en protestant, avec mépris, contre les calomnies abjectes qui tendaient à Ven dépouiller. » Fermat! qui naquit en même temps que Corneille, et qui, avec un génie différent, devint aussi grand que lui. Fermat! organisation puis- sante, qui, magistrat éclairé, jurisconsulte habile, littérateur érudit, et admirateur passionné dé l'antiquité, rendit à la science les écrits perdus d'Euclide et d'Apollonius ; häta les progrès de l'analyse de Diophante ; partagea avec Descartes la gloire de l'application de l’algèbre à la géométrie, et avec Pascal, la découverte des premiers élé- mens des probabilités ; ne partagea avec personne l'honneur de linvention de la science des nombres; prépara les voies à Vewton et Léibnitz pour le caleul de linfini; et qui, après avoir excité la jalousie de Descartes , et mérité l'amitié de Pascal, fut proclamé, par ses contemporains les plus illustres , le premier géomètre de lEu- rope. » Voila les hommes que la cité des Arts a produits, et qui, d'âge en àge, lui ont transmis cette prééminence littéraire qu’elle exerce sur toutes Les contrées du Midi! Voilà les souvenirs et les titres qui justifient la distinction qu’elle a reçue, en devenant le siége du Congrès qui 8 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. vient de se réunir, et dont les essais ont été si heureux. » Eh! ne croyez pas que depuis les époques illustrées par Cujas et Fermat, Toulouse ait dégénéré, et que la science ait été stérile dans nos murs! Darquier qui mérita les éloges de Lalande; Garipuy qui compta au nombre de ses émules Cassini et Maupertuis; Vidal que Lalande, encore, dota du surnom de Trismégiste ; Lapeyrouse que Cuvier loua, et dont Ramond fut jaloux, attestent hautement le goût cons- tant de leurs contemporains pour les sciences spéculatives ;, mais il faut reconnaître que la car- rière de la plupart d’entr'eux fut traversée par des obstacles de plus d’un genre, qu'il ne fut pas en leur pouvoir de briser; et les contrariétés qu'ils subirent, furent communes à tous les savans dont le génie se développa sous les mêmes in- fluences. » En effet, Messieurs, depuis cinquante ans, toutes les sciences positives ont fait d'immenses progrès. Les grands événemens qui se sont ac- complis dans cette période brûlante, ont paru imprimer aux travaux de limagination un mou- vement rapide et vigoureux, et donné naissance aux conceptions les plus élevées ; mais c’est encore une question très-grave, un véritable problème qui ne sera jamais résolu, de savoir si l'esprit humain n'aurait pas fait de plus belles conquêtes, dans un état parfait de calme et de tranquillité, et si les formes sociales, et les institutions que HISTOIRE. 9 nous avons successivement essayées, au lieu d’ac- célérer, n’ont pas, au contraire, retardé ses progrès. » Les savans qui de nos jours sont parvenus à la plus haute célébrité, appartenaient tous à cette génération, déja avancée, qui tressaillit, à la fois, d’espérance et de terreur, aux approches des premières convulsions dont le déclin du 18.me siècle fut agité, qui assista à la dissolution de la vieille société française, qui traversa avec terreur et souvent avec ivresse nos phases de revers et de misères, nos jours de triomphe et de pros- pérités, et qui s'éteint, maintenant, d'heure en d'heure, au milieu des tempêtes qui nous agitent encore. » Comment ces hommes de ‘prédilection, ces hommes de travail et de solitude, dont le génie s'était déjà révélé, auraient-ils retrouvé la source de leurs doctes inspirations, au sein des préoccu- pations politiques qui les obsédaient , et dont leur existence était sans cesse tourmentée ? Comment s'occuper de la recherche des vérités spéculatives, de l'examen d’une proposition hardie, de la dé- monstration d'un système philosophique, de l'étude des phénomènes célestes ou des merveilles de la nature, dans ces temps de perturbation et de discorde, où l'instinct de la conservation per- sonnelle, cet instinct de vie qui domine toutes les passions humaines, était la seule puissance à laquelle il fallait obéir. » Heureux les hommes qui, sous le ciel embrasé de notre Midi, sous ce ciel orageux et toujours 10 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. sillonné d’éclairs, ont pu subir ces épouvantables crises, sans être atteints par la foudre! Il en est sans doute qui ont échappé à la tourmente qui emporta Lavoisier; et, si, malgré l’imminence des périls dont ils étaient entourés, si, malgré les craintes d'un avenir toujours menaçant, ils ont pu enrichir la France de quelques produits de leur génie, que ne devions-nous pas attendre de leurs eflorts, si leur imagination, glacée par tant de sujets d’effroi, avait pu conserver sa vi- gueur et son indépendance ? » Croyez-vous, par exemple, que Darquier n'eût point terminé le beau travail que Lalande lui avait demandé pour couronner son Æistoire céleste ; que F'idal n’eût point complété ses études sur Mercure, et ajouté une nouvelle série d’astres encore inconnus aux 800 étoiles australes qu'il avait déjà découvertes dans l’immensité des cieux ? Croyez-vous que notre Lapeyrouse , illustre cor- respondant de Linnée, de Buffon et de Lacépède , l'explorateur infatigable de cette chaîne des P yré- nées qui fut l’objet chéri de ses études, n’eût pas poursuivi avec plus de persévérance, la noble tâche qu’il s'était imposée, s’il n’en eût été distrait par le fracas des révolutions dont il ressentit cruel- lement les atteintes? Croyez-vous qu'il n’eût pas pénétré plus souvent dans les cavités de ces mon- tagnes dont il avait déjà sondé les profondeurs ; qu'il neût pas plus long-temps exploré leurs sur- faces, dont il regrettait de n’avoir pas assez observé les phénomènes, soit pour être initié dans tous HISTOIRE. 11 les secrets de ces roches mystérieuses, soit pour connaître toutes les merveilles de cette végétation variée et brillante qu'il étudiait avec tant de charme ? » Nul doute, Messieurs, que, sans le trouble apporté à des investigations d’un si grand prix et à de si austères méditations , les progrès des sciences dans le Midi n’eussent été plus étendus et plus complets. Mais quelles qu’aient été les pertes que nos malheurs nous ont fait subir, ne craignons pas de soutenir que , malgré les causes qui les ont entravées , les progrès que nous avons obtenus sont assez remarquables, pour établir qu'à Toulouse, sur-tout , les sciences ont été culti- vées avec succès, même dans nos temps de désastre, ‘et dans une progression toujours ascendante. » En est-il de même de la littérature ? » Ici, Messieurs, je dois avouer ; j'éprouve un sentiment pénible, et une sorte d’embarras qu'il m'est impossible de déguiser. Avant de prononcer sur cette question redoutable, avant de juger notre littérature du Midi, il faudrait jeter un regard scrutateur sur la littérature nationale dont elle est exposée à subir les influences; il faudrait, même, avant tout, examiner si nous avons réelle- ment une littérature nationale ; eh! comment parler de toutes ces choses sans irritation ? » Lorsque le 19.° siècle prit naissance , la litté- rature francaise était parvenue à lapogée de sa gloire. Les temps d’anarchie avaient cessé ; et tout semblait annoncer , à cette époque d'espérance , 12 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. que cette littérature qui flattait notre orgueil, allait reprendre son empire que dix ans de discor- des sanglantes avaient suspendu. Dépositaire des plus sublimes créations de lesprit humain , elle se présentait brillante, radieuse, étincelante de beautés de tous les genres, et forte des vieilles admirations de l'Europe. » Mais, à cette même époque, commençait à se produire dans le monde, essaim des jeunes adeptes de ce poëteinfortuné , qui ,né à Constantinople ;avait transporté dans ses vers la mélancolie rèveuse de son àme , et les idées fantastiques de son imagina- tion de feu, avec les couleurs antiques de Orient. Séduit par le charme indéfinissable de cette poésie en- chantée, les orgueilleux disciples d'André Chénier se persuadèrent, qu’en suivant la carrière qu'il avait ouverte avec tant d'éclat, ils pourraient grandir comme lui; mais, copistes maladroits d’un modèle rempli de grâce, ils ne surent qu'imiter imparfaitement les accens de cette douleur aflec- tée, de ces vagues tristesses de cœur qu'il s’était plu trop souvent à répéter sur sa lyre, et ces fades imitations devinrent un fléau. » Auprès de ces poètes vaporeux vinrent, bientôt, se grouper des enthousiastes d’un autre genre, non moins superbes, et, peut-être, encore plus passionnés. Un poëte-prosateur , jusqu'alors inconnu , et dont le génie s'était développé dans les solitudes du nouveau monde, était venu dé- ployer, sur le continent d'Europe, les beautés vierges et sauvages de ces poétiques contrées, auprès HISTOIRE. 19 des pompes ravissantes du Christianisme. Tout ce qu'il y avait de suave et de merveilleux dans les inspirations du chantre d’Atala , excita les trans- ports de ceux qui en avaient ressenti le charme avec puissance ; mais tout en cédant à la mélodie de cette prose harmonieuse dont les écrivains fran- çais avaient, depuis long-temps , perdu les secrets, ils ne purent se dissimuler les singuliers caprices d'un talent si élevé , et les étranges contrastes de son style. Des admirateurs aveugles en jugèrent autrement. Ce furent précisément ces bizarreries étonnantes qui les subjuguèrent. Ils crurent que c'était à l’exaltation des idées et à l'originalité de lexpression , beaucoup plus qu'à la grâce, à la richesse , à la majesté des tableaux que l’on devait attribuer limmense succès de leur idole; et comme la médiocrité se plaît à imiter, sur-tout, les écarts qui s’accommodent le plus avec sa faiblesse, de päles imitations surgirent encore de toutes parts. » Enfin, à tous ces élémens d'innovation vinrent se réunir, comme pour ajouter à la violence de la crise , les essais malheureux des partisans outrés de la littérature germanique, que les prédications séduisantes de Madame de Staël et de Benjamin Constant avaient charmés; et cet entraînement, presque général, des esprits peu réfléchis de cette époque de fermentation, annonça un prochain bouleversement. » Néanmoins, ce n’était encore là qu’un germe, mais un germe fécond qui se développa rapidement. Une secte se forma ; elle se composait de ces poètes \4 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. chagrins , de cette tourbe d’imitateurs vulgaires que jai déjà signalés , et de ces médiocrités en- vieuses que toutes les réputations importunent , et qui ne peuvent sortir de leur obscurité qu’à la faveur d’une grande perturbation. Cette perturba- tion, ils voulurent l’opérer. [ls fondèrent une école; cette école posa ses théories et publia bientôt son manifeste. Son système était bien simple : il pro- nonçÇait l’abolition du beau ; il préconisait le laid, il ordonnait un pas rétrograde vers le passé, en ce que ce passé présentait de plus vil et de plus hideux. Cette vieille littérature qui faisait nos délices et le désespoir de sa vanité, fut écartée avec mépris. L'on prétendit même qu’eile était morte. Les règles de la composition et de la langue furent proscrites; et des maximes subversives du goût, succédèrent à des principes et à des tradi- tions consacrées. Enfin, on proclama comme dogme des nouvelles croyances littéraires, Fémancipation complète de la pensée, et l'indépendance absolue du langage. Cétait permettre tous les écarts. » De pareilles doctrines excitèrent de vives alar- mes, mais n’en trouvèrent pas moins de fougueux prosélytes. Eh! comment n’en auraient-elles pas trouvé? Elles s’accordaient merveilleusement avec la paresse et la frivolité de certains auteurs, et avec lignorance de ceux qui, jusque-là, n'avaient pas osé le devenir ; ‘elles dispensaient du soin péni- ble d'étudier, et ces livres grecs ou romains dont on était si fatigué, et ces classiques français dont le goût était si exigeant , et ces règles pédantesques & HISTOIRE. 19 dont il eût été impossible, désormais, de supporter le joug. Avec de telles libertés , les écrivains les plus inhabiles purent se livrer, sans crainte, à tous les débordemens de leur imagination désordonnée, aux conceptions les plus audacieuses de Pesprit , à toutes les licences et les bassesses du style; et Part décrire ne fut plus qu’un métier. » Dés ce moment, la poésie fut dégradée et dépouillée de ses plus doux enchantemens. La langue si chaste et si pure de Racine perdit sa pudeur et tomba dans le cynisme; la pensée ne se produisit plus qu'avec un dévergondage insultant ; PHistoire ne fut plus qu'un mélange impur et bizarre de vérités et de mensonges ; les moeurs publiques furent offensées avec audace , le théâtre subit les plus scandaleuses profanations ; et pour prouver qu'il y avait progrès dans les développe- mens de Pesprit humain , on rétrograda jusqu’au moyen âge. » Voilà, Messieurs , le tableau , bien afubli sans doute, de ce que lon appelle la littérature moderne ! La voilà telle que les novateurs nous lont faite , pour nous dédommasger de cette autre littérature que nous nous obstinons à admirer encore, et dont ils ne veulent plus. » Si lon en croit un écrivain que les études philosophiques et la diversité de ses systèmes ont rendu remarquable , la littérature serait Pexpres- sion de la société; et tel est l’eflet des propositions un peu ambitieuses , qu’elles acquièrent bientôt l'autorité des axiomes les mieux établis, lorsqu'elles 16 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ont commencé à s’introduire dans la doctrine et le langage. Il est possible, sans doute, qu'à l’époque où cette pensée fut écrite, la littérature s’accordât, sous quelques rapports, avec les mœurs de la société contemporaine ; mais si nous en fai- sions l'application à la littérature de nos jours, relativement à la société actuelle, il faudrait fuir, avec épouvante , cette société dépravée : car la littérature de nos jours porte l'empreinte de toutes les dépravations du cœur et de esprit. » Heureusement, Messieurs, ce prétendu axiome n’est qu’un paradoxe. Il est faux que la littérature soitl’expression de la société. La littérature exprime seulement les doctrines d’après lesquelles elle s’est formée. Si ces doctrines sont bonnes, la littérature qui en est le produit , doit l'être égale- ment ; si elles sont mauvaises, on doit toujours en trouver le réflet dans la littérature qui en est l'expression ; mais, dans aucun cas, la société qui n’a pas d’organe privilégié , qui n’a donné à aucun écrivain le mandat de l’exprimer , ne saurait et ne pourrait l'être par des compositions, purement individuelles , qu’elle a, au contraire, le droit de désavouer et de flétrir. » Je n’ai ni le temps, ni la volonté d’insister sur cette question, que j’abandonne , d’ailleurs, à la controverse et à la discussion publique ; mais re- connaissons pourtant que, siles nouvelles doctrines ont produit une littérature corrompue, la société actuelle, qui ne présente aucun des caractères de cette corruption, ne les a pas acceptées. HISTOIRE. 17 » Notre Midi, du moins , ne les a pas admises ; et Toulouse , en particulier , les a repoussées comme un fléau. Nos Facultés, nos Académies, toutes nos Institutions littéraires et scientifiques , ont opposé une résistance, qui n’a pas été sans courage, au torrent de la contagion. Dans leurs chaires publiques, comme dans leurs réunions solennelles, tous ces corps académiques ont protesté avec une énergie digne de leurs convictions, contre les envahissemens du mauvais goût ; et qu’on ne pense pas , pour cela , que notre littérature soit restée stationnaire ! quoique l’école moderne ait proclamé avec un ton jactantieux et superbe, que le progrès n’était que dans ses théories et dans son système d'indépendance ; qu’on jette les yeux sur les pro- ductions de cette littérature provinciale qu’elle dédaigne et qui porte l’expression de nos doc- trines, et l’on reconnaïitra bientôt que le progrès est là où les novateurs mont pas voulu le trouver. - » Sans doute, il faut que la loi du progres s’accomplisse ; il faut que l'esprit humain marche avec le siècle et qu'il grandisse avec lui; mais, pour avancer , il ne faut pas qu’il recule ; et ce n’est pas en rampant qu'il peut grandir. » ÂA-t-on encore épuisé la source du vrai et du beau ? A-t-on encore découvert toutes ces vérités dont notre raison est si avide , et toutes ces mer- veilles que notre intelligence brûle de conquérir ? A-t-on assez pénétré dans les mystères des desti- nées humaines pour que nous puissions croire que TOME IV. PART. JI, 2 DA 18 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: la mission de l’homme est accomplie ? A-t-on assez réfléchi sur les causes de cette anarchie morale qui nous dévore , de cette diversité de systèmes qui divisent et bouleversent le monde ? Avons-nous, enfin , assez parcouru l’espace immense qui sépare le connu de l'inconnu, pour que l’on puisse dire au génie : £u n’iras pas plus loin ? » Et si de ces hautes spéculations de la science nous descendons à des conceptions d’un ordre moins élevé, mais plus attrayant , dira-t-on aussi que la source en est tarie ? Quoi donc! limagina- tion de l’homme, si puissante dans ses ressources , si féconde dans ses inspirations , aurait-elle trouvé des limites? N’a-t-elle donc plus le pouvoir de produire des œuvres empreintes du souflle divin, ni ces magnifiques tableaux qui captivent Padmi- ration , ni ces fictions enchantées qui font tressail- lir, ni ces rêveries sublimes qui dissimulent , avec un art si doux, les amères déceptions de la vie ? Que si notre esprit est trop faible pour enfanter de nouvelles créations, ne peut-il pas s'exercer avec honneur sur les données que l’Histoire nous a transmises, sur les ébauches qu’elle a tracées, sur les compositions inachevées qui n’attendent que la main du génie pour recevoir le sceau de la perfection , et qui n’en attesteraient pas moins le progrès de l’art; car le progrès n’est pas seulement dans invention , il est aussi dans le perfec- tonnement. » Ainsi, étendre le domaine des sciences ; agrandir le cercle des connaissances humaines ; HISTOIRE. 19 multiplier les découvertes ; poursuivre toutes les vérités ; cultiver la raison publique ; raviver les croyances éteintes ; combattre avec une foi ardente ce scepticisme désolant qui désenchante l’homme de toutes ses espérances ; sonder le mal profond qui travaille les sociétés ; écarter, par des efforts puissans , tous ces élémens de ruine qui nous épouvantent ; délasser l'esprit et charmer le cœur par des productions en harmonie avec les mœurs publiques, par des compositions qui nous arrachent aux sombres préoccupations dont nous sommes affligés ; en un mot, créer ce qui n’est pas; perfec- tionner ce qui est ; raffermir le lien social ; rendre à la littérature toute sa dignité, n'importe par quels moyens et par quelles voies , avec le secours ou sans le secours des règles de l’art, pourvu que toutes ces créations, tous ces perfectionnemens aient un but grand , noble et utile, et qu’ils soient avoués par le goût : voilà le progrès! voilà la mission du savant, du poète et de l'écrivain ! » Cest ainsi, Messieurs , que l’Académie a compris la loi du progres. Le progrès ! puissance infinie qui nous pousse, tantôt avec lenteur, tan- tôt avec rapidité , mais toujours avec une force irrésistible, vers cet avenir dont nous cherchons à soulever le voile avec une si inquiète curiosité : avenir mystérieux qui nous promet une civilisation parfaite, le développement complet de notre intel- ligence, la réalisation de ce beau idéal qui se reproduit si souvent dans nos rèves et les plus magnifiques destinées. M. OZANNEAUX. Pourquoi faut-il instruire le peuple ? 20 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » C’est sur-tout à la génération présente , à cette génération pleine de jeunesse, d’ambition et de foi dans l'avenir , à cette jeunesse studieuse et ardente, qu'il appartient d'entrer , avec confiance, dans la voie difficile, mais brillante, que le progrès a ouverte à son émulation. L/Académie suivra avec sollicitude, ceux des disciples de ses doctrines qu’elle aura introduits dans cette carrière si fertile en épreuves; elle les protégera dans la lutte qu'ils auront encore à soutenir contre les nouveaux bar- bares qui menacent de tout envahir ; elle secondera, elle encouragera leurs eflorts généreux ; elle pro- clamera leurs triomphes dans ses fêtes, et quand viendront les beaux jours de ces autres Congrès qui nous sont promis , lorsque les savans du Midi visiteront de nouveau la Cité des Arts, pour constater encore les progrès de la science, PAca- démie sera fière de leur signaler les jeunes talens qu’elle aura déjà glorifiés, et qui trouveront une récompense , plus glorieuse encore, dans d’illustres suffrages. » L'une des questions les plus importantes que l’on ait traitées dans ces dernières années est sans doute celle qui se rapporte à la nécessité de répandre l'instruction chez les classes les plus pauvres. M. Ozanxeaux n’a pas craint d'aborder ce sujet, devenu difficile par cela même qu'il a été trop souvent traité ; mais il a montré qu’on pouvait le considérer sous un point de vue nouveau, et lon présenteraitici un extrait raisonné de son Mémoire, HISTOIRE. 21 si on ne devait le retrouver tout entier dans ce volume. Des travaux d’une si haute importance ne Ari Qi d’ailleurs que perdre de leur intérèt alors qu’on n’en offre en quelque sorte ic la table analytique. « Une nouvelle vie se répand dans la société, disait M. GarriGou ; l'esprit humain est en tra- vail, et la solution des grandes questions qui agitèerent le monde ancien, préoccupe encore avec plus d'énergie les philosophes des temps modernes. » Depuis Bacon et Descartes, le libre examen a remplacé l’autorité , et le disciple de Pythagore qui s'inclinait respectueusement à Crotone, en répétant : le maitre Pa dit (1), trouverait aujour- d'hui de redoutables adversaires jusque sur les bords du Tibre ! » Après quatre mille ans de sommeil, sous un ciel fantastique, l’homme se réveilla ennemi de ce qu'il venait d’adorer; à l’époque de la réformation , il s’éleva encore contre l’objet de ses anciens hommages (2), et ses croyances du 19° siècle ne ressemblent nullement à celles du 18.° » Aux impressions molles , aux habitudes insou- ciantes , aux loisirs d’une société légère et polie, a succédé amour de Putile et du vrai. Les événemens, les souvenirs, les espérances , tout est grave dans nos destinées. Chacun de nous veut juger par lui- (1) ’Eavros te. (2) M. de Prat. MS: GaARRIGOU. Essai sur les progrès des sciences naturelles, etc. 22 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. même du chemin que nous avons fait, et cherche à deviner celui qui nous reste à faire. L’instruction plus généralement répandue passe des hautes positions sociales aux classes moyennes et aux classes pauvres. Mens agitat molem, et magno se corpore miscet(1). » Pourquoi nous affligerions-nous d’un tel état de choses ? De la contradiction doit naître lévi- dence ; du choc des controverses doit jaillir la vé- rité, encore reléguée dans le puits de Démocrite(2). » Tandis qu’en Allemagne Kant, Fitche, Schel- ling et Hegel, occupent les cent voix de la renommée ; en France, Laromicuière, disciple de Condillac , Ballanche , Lerminier , Guizot , Lamennais et Jeouffroy, vivent en paix sous des bannières différentes. » Un même but doit tous les animer, éclairer les masses et travailler au bonheur du plus grand nombre. Si les champs obscurs, mais tranquilles de la philosophie, sont encore abandonnés au doute et aux disputes, personne ne saurait nier que les sciences naturelles, philosophiques et morales n’aient fait de véritables progrès, et je veux en chercher la cause dans trois faibles esquisses pour lesquelles je réclame toute votre indulgence. «Ami de mes semblables, effrayé de ma faiblesse, mais poursuivant de bonne foi et avec ardeur la oo EE ee (1) Virgile. Énéide, À. vr, v. 724. (2) In puteo latet. HISTOIRE. 23 vérité (1), je porte mon grain de sable à cette lumineuse pyramide sur laquelle, plus heureux que nous, nos arrière-neveux liront peut-être, Ce qu’on peut savoir, Ce qu’on doit faire, Ce qu’il faut espérer. » Combien de fois, Messieurs, votre âme fa- tiguée, comme la mienne, des troubles et des agitations du monde réel, poussée par un admi- rable instinct de bienveillance et d’amour , n’a-t-elle pas rèvé un parfait accord parmi les hommes! On se plaît alors à voir ses semblables tels qu’ils devraient et pourront devenir! » On se demande quel est le lien puissant qui réunit les familles, fonde les cités, crée les em- pires et assure le mieux parmi les hommes, les devoirs et les droits, l’ordre et la liberté , Punion et le bien-être de tous. » Connaissez-vous quelque problème plus inté- ressant que celui-ci? En est-il de plus noble, de plus digne des études sérieuses du penseur et du moraliste ? Depuis les temps les plus reculés RER R EE RSR EEE (1) «Comme nous sommes condamnés à gagner notre vie à la sueur de notre front , il faut, dit Mallebranche , que l’es- prit travaille pour se nourrir de la vérité. Mais, croyez-moi, cette nourriture des esprits est si délicieuse et donne à l’âme tant d’ardeur lorsqu'on en a goûté , que lorsqu'on se lasse de Ja chercher, on ne se lasse jamais de la désirer et de recom- mencer ses recherches , car c’est pour elle que nous sommes faits. » 24 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. jusqu’à nos jous n’a-t-il pas agité tous les légis- lateurs et tous les philosophes. L’ami sincère de l'humanité peut-il se proposer un autre but que de travailler , autant qu’il est en lui, aux progrès et au bonheur de ses semblables. » Pour me rendre compte de ces progrès, je dois revenir sur des connaissances qui vous sont plus familières qu'à moi, et énumérer très-succinc- tement les cinq rameaux qui forment , d’après un savant de nos jours (1), l'arbre des connaissances humaines. » Une chaîne mystérieuse lie entreux les phénomènesastronomiques, physiques, chimiques, physiologiques et.sociaux. » Mille rapports de connexion forment de l'étude de la nature un vaste tout, un cercle immense , au fond duquel réside le principe d'organisation, de mouvement et de vie ! » On voit par cette introduction de ses Essais sur les progrès des sciences naturelles, philosophiques et morales, que M. Garrigou avait divisé son travail en trois parties bien distinctes. Dans celle qu'il a communiquée à l’Académie, il s’est attaché sur-tout à réunir en faisceau tout ce que lon sait de plus important sur les écoles philosophiques ; il termine ainsi son Mémoire : «À une-époque de liberté, de tolérance et de transaction, ne pourrait-on pas réunir en un seul faisceau , tout ce que les trois écoles, que A 2 TT (1) M. Aug. Comte. HISTOIRE. 25 nous venons de parcourir , ont de vrai, négliger ce qu’elles offrent de trop exclusif, et donner ainsi pour base à la loi des lois, la clarté des idées physiques et l'intérêt des idées morales ? » Aristippe ne défendait que le corps, dit Mon- taigne (1), comme si nous n’avions pas d'âme : Zénon nembrassait que lPâme, comme si nous n'avions pas de corps, et tous deux VICIEUSEMENT. » Ce n’est pas ainsi qu’en agissait l’un des phi- losophes de la troisième Académie : il s’eflorçait , au contraire, de montrer l’znité de doctrine des écoles académiques, péripathétiques et stoiques à l'égard de la morale. » Jacoby ma-t-il pas rapproché Leibniz , JVolff et Spinosa. De nos jours, M. Amédée Prévost, de Genève, qui a sondé la profondeur de la phi- losophie allemande , ne vient-il pas d'écrire que Kant, Filche, Schelling et Hegel, bien entendus, ne différent pas essentiellement , et que nos pen- seurs, tels que Ballanche et Cousin, se rapprochent du symbolisme de Vico et d'Herder, et du pau- théisme naturel et historique ! » Unissons aussi par une chaîne indissoluble Pécole intellectuelle, sentimentale et d’intérét personnel. » Pourquoi repousser la raison, ce flambeau divin qui nous conduit dans l’obscur sentier de la vie! que la réserve et la modestie soient nos compagnes fidèles ; qu’elles nous prémunissent (1) Essais, 1,6, p. 167. 26 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. contre les écarts d’une imagination déréglée. L’être intelligent peut-il méconnaitre l'intelligence ? Autant vaudrait nier le jour, à la clarté du soleil! L'intelligence, avant les lois positives, nous apprend le juste et l'injuste. « Avant qu'il y eût » des lois faites, dit Montesquieu, il y avait des » rapports de justice possible. Dire qu'il wy à » rien de juste ou d’injuste que ce qu’ordonnent » ou défendent les lois positives, cest dire » qu'avant qu'on eût tracé de cercle, tous les » rayons n'étaient pas égaux (1)! ». » Et sans l'intelligence que deviendrait cet instinct moral et bienveillant qu'il faut se hâter de reconnaître aussi au fond du cœur de tous les hommes, quoiqu'il wait pas chez tous le degré de force que nous lui trouvons dans l’äme de PAbbé de Saint-Pierre ou de Fénélon! L’instinct moral, livré à lui-même, nous conduirait à toutes les folies du mysticisme ! » Allié à l'intelligence et à l'intérêt bien en- tendu (2), il doit enfanter des prodiges, nous montrer dans tous les hommes, des frères que nous devons chérir, travailler à procurer au plus (1) Montesquieu, Esp. des Lois, 1. 1, p. 2. N'y eût-il ni cercle ni triangle dans la nature , les théo- rèmes démontrés par Euclide n’en conserveraient pas moins leur évidence et leur éternelle vérité. Tlum. t.2, p. 62. (Essai sur lent. hum.) (2) Unir l'intérêt au devoir, voilà le grand art de la morale et de la législation ; l'intérêt ne devient un mal que lorsqu'il se sépare des devoirs. HISTOIRE. 27 grand nombre le plus de bonheur possible, et perpétuer dans le cœur humain ce drame éternel qui donne du prix à la vie, alimente les arts, et assigne à la vertu son objet et sa récompense ! » Est-ce un bien, est-ce un mal que le sceptre des idées soit tombé entre les mains du peuple? Telle est importante question, à la fois politique et littéraire, que M. Casaxrous a soulevée. Mais dans son Mémoire sur l’influence réciproque de la philosophie sur la littérature et de la littérature sur la philosophie , il a complètement abandonné tout ce qui a trait à la politique. Il envisage d’abord son sujet en lui-même et d’une manière simplement historique. Ensuite, il le considère dans ses effets purement littéraires. «Il invente pas , il raconte , dit M. Ozanneaux dans l’analyse de ce travail, et s’il paraît bizarre qu'après tant de pénibles efforts , tant de douloureux , j'ai pres- que dit , tant de coupables enfantemens, la philo- sophie en soit venue à douter d’elle-même , après avoir douté de tout; ce n’est point un jeu de Vimagination de notre confrère : il rapporte les faits, expose, compare et cite textuellement les opinions. [l met sous nos yeux les pièces du procès, et dit : Jugez ! Ainsi vous voyez la philosophie , reine des sciences, savancer dans le monde moderne avec lappareil imposant des vérités qu’elle a découvertes dans l’ordre physique : vous la voyez, pour étendre son empire et populariser sa puissance, abandonner pour l'idiome vulgaire M. CagaNTous, Sur l'influence réciproque “a 'é philosophie sur l'histoire, ete, 28 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les langues mystérieuses de l'antiquité. Elle parle le mess de tout le monde, et bientôt tout le monde va lui apoartenir ; car elle appelle à son secours , elle attache à son service la littérature : la littérature , puissance morale, qui seule peut lui livrer le cœur humain. Cest alors que les conquêtes et les ravages commencent. La poésie , l'histoire, éloquence” qui n'avaient encore cher- ché que ds les croyances humaines, dans les sentimens de la nature , un aliment à leurs travaux, un principe à leurs inspirations, ne seront plus que les organes de la raison sceptique et glacée. Et le 18. siecle verra cette désolante métamor- phose : tout sera philosophique, tragédies, comédies, poëmes , romans, discours, mémoires. Encore, dans cette confusion bizarre, la littérature con- servera du moins une apparence de primauté ; la philosophie semblera son but, non pas son principe. Mais , viendra notre époque qui jettera le masque et écrira pompeusement sur ses livres : philosophie du goût, philosophie de l’histoire, philosophie du droit, philosophie de lâme , philosophie du corps, philosophie de Fhomme , philosophie des bêtes, philosophie de la philosophie. Abomination de la désolation ! Car dès qu'il y a philosophie partout, il ny a plus de littérature nulle part. Thistoire v’étudie plus les siècles comme ils furent , elle les compose comme ils durent être : l'éloquence , qui suppose la foi, s’évanouit devant la raison, qui ne croit à rien, pas seulement à elle-même : la poésie , talent d’ignorant , est reléguée avec les HISTOIRE, 29 contes de fées près du berceau des peuples , pour les endormir. , » Et cette orgueilleuse souveraine, cette philo- sophie despote et envahissante, a-t-elle bien grandi en montant sur ces ruines ? Hélas! non, car M. Cabantous nous cite ce mot décourageant de M. Jouffroy : « Elle est si jeune, qu’elle s’ignore encore, elle et son but, et sa destinée. ... Pour mieux dire , elle est encore à naître. » La connaissance des faits historiques forme une science qui, par la nature même de ses élucubra- tions, doit accroître sans cesse son domaine. Pour rendre ses recherches plus fructueuses , elle les divise en plusieurs classes bien distinctes ; ainsi la lecture des Chartes constitue une division qui à ses règles, ses professeurs et ses disciples ; plu- sieurs s’attachent aux Inscriptions qui nous restent des diverses époques , tandis que d'autres ne s’occupent guère que des arts, soit dans les temps antiques , soit durant le moyen âge. L'étude des médailles à aussi ses adeptes et de fervens investi- gateurs. C’est parmi ces derniers que se plaçait déjà M. S. Garrigou, dont la perte récente excite encore nos regrets. Dans un Mémoire sur quatorze monnaies antiques, découvertes soit à Bourges, soit dans le comté de Foix, il a décrit quelques mé- dailles de Didius Julianus, de Valérien, de Gallien, de Salonine , de Claude IT, de Tétricus et d’Auré- lien. Ces médailles ont été déposées par l’auteur dans le médailler de l'Académie. Recherches archéo- logiques. M. Garnicou, Mémoire sur 14 monnaies antiques, M Purccani. Au Gui l’an neuf. M. Do Méce. Mosaïque deSt-Rustice, 1933. 30 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Est-il vrai que le cri d’Æu gui l’an neuf, que des chœurs de jeunes gens font entendre au re- nouvellement de l’année, soit un reste des cou- tumes gauloises, et du culte druidique? Cest ce qu’en général tous les auteurs modernes affirment. M. Puiccarr, Correspondant de l'Académie, a cru devoir s'élever contre cette opinion, et son Mémoire a dû prendre place dans le Recueil de cette année. Une voie romaine conduisait de Toulouse à Divona ou Cahors. Elle subsiste encore en partie, et, passant au pied des coteaux sur lesquels Castelnau-d’Estretefonds, Saint-Rustice et Canals sont bâtis, elle se divise en deux branches, vers le point où elle atteint ce dernier village, non loin de Grisolles, qui portait autrefois le nom d'Ecclesiola. La voie qui se dirige vers la droite, passant par un Fines que lon croit pouvoir re- trouver à Bressoles, tend vers Divona, Vautre mène à Bordeaux, en traversant Æginnum ou Agen. Cette seconde route, personne ne lavait encore décrite, lorsqu’en 1819 M. ou Mëcr en reconnut les vestiges. Division de celle que trace la Carte Théodosienne, elle se dessinait dans les villages de Bessens, de Dieupantale, de Finhan , de Saint- Porquier, et dans le territoire de Castelsarrasin. De là, longeant la castramétation qui porte le nom de Gandalou, et que des actes anciens nomment Castrum Vandalorum, elle traversait le Tarn sur un pont en briques, entrait dans HISTOIRE. 31 Moissac, ville où le même Académicien a retrouvé quelques tombeaux romains, des chapiteaux an- tiques, des médailles et des armes; de là s’en- fonçant dans les hauteurs de Malauze, où il croit qu'un Castrum avait été établi au lieu nommé Saint-Jean, elle débouchait enfin dans les fertiles campagnes des MVitiobriges. À l’origine des deux routes, à Tolosa, on retrouve encore la voie. Il parait qu’elle sortait de la capitale des Tectosages, par la Porta Arietis, non loin de l'Hôtel de ville actuel, qu’elle suivait à peu près la ligne intermédiaire entre les rues de lOrme sec et du Taur, dans la direc- tion de celle des Lois; qu’elle laissait à droite le point où lon a élevé dans la suite la porte Arnaud-Bernard, et à gauche celui où existait naguères celle de Las-Croses, et qu’elle se pro- longeait à la gauche du terrain où existe aujour- d’hui la grande route de Paris. On la retrouve, en eflet, au-delà de la rive droite du Canal des deux mers, par lequel elle est d’abord in- terceptée. Elle coupe en ligne droite le terri- toire de Lalande et de la Courtensou , où lon remarque des ruines antiques. Quelquefois appa- rente , trop souvent détruite ou réduite à humble condition de chemin vicinal, elle n’est pas très- éloignée de la Garonne dans les villages de Fe- nouillet et de l'Espinasse. Les avenues de Fenouillet sont jonchées de briques romaines, et dans les champs on retrouve des traces de constructions remarquables, des puits et encore des médailles : 32 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. partout on la voit jalonnée par des substructions antiques, par des restes de maisons de campagne romaines. Ainsi, à Saint-Caprais, ou au Rouanel, M. Belhomme, Membre de la Société Archéolo- gique , a découvert, dans des ruines, une tête en pierre, des poids en terre cuite et des médailles; non loin delà, à Bagnols, lieu où il paraît qu'il existait des bains antiques, M. du Meége a re- trouvé des débris de mosaïques en émail coloré et en marbre, et l'indication de nombreux édi- fices. « Parvenue sur la rive gauche de la rivière de Lhers, dit M. du Mège, la voie, qui s'était in- sensiblement rapprochée des collines, traversait ce cours d’eau sur un pont bâti au-dessous de celui qui existe aujourd’hui, et non loin de Cas- telnau-d’Estretefonts. » En 1819, durant les années suivantes, et jusqu’en 1828, j'ai souvent entretenu les magis- trats qui présidaient à Padministration des deux départemens de la Haute-Garonne et de Tarn- et-Garonne, de la nécessité d'opérer des fouilles dans plusieurs des localités qui viennent d’être indiquées. J’insistais particulièrement pour que les premiers essais de recherches eussent lieu entre Castelnau et Grisolles, lieux où l’on trouvait des autels votifs, des figurines et des médailles. Les rap- ports de plusieurs particuliers, qui assuraient que leurs champs étaient, à une médiocre profondeur, traversés par de longs murs, m’excitaient à deman der que les fouilles fussent commencées sur ces points. HISTOIRE: 33 M. le comte de Pompignan, Maire du village de ce nom, me donna alors des notions curieuses sur ces localités. » Des fouilles récentes ont justifié ma prédilec- tion. Elles sont dues au zèle de MM. Jules Sou- lage et Escudier, qui les ont fait exécuter à leurs dépens et avec des soins qui les honorent. » À la droite de la nouvelle route de Toulouse à Paris, à environ six cents pas de la voie romaine, sur le penchant du coteau, ils ont mis à découvert les restes d’une 7/i{/a romaine. Dix chambres, dont le sol est recouvert d’un ciment rougeä- tre d’une grande dureté, paraissent à présent. Plus loin, à droite et vers le couchant, on a retrouvé une salle carrée, dont le pavé est formé par une mosaïque élégante, divisée en comparti- mens réguliers dans lesquels on a représenté des animaux. Mais une salle voisine possède une mosaïque beaucoup plus remarquable encore. __» Les déblais ont fourni des tuyaux de conduite en argile; et un réservoir en plomb. Près de la seconde salle, mais plus bas, parce que le sol du coteau a forcé de bâtir en amphithéatre, ou en échelons, j'ai vu découvrir un beau Labrum , ou bassin, revêtu en marbre; un autre, mais plus petit, paraît à une distance de quelques mètres. Ainsi tout indique que cette partie de la 7illa était consacrée à des bains. » Les figures des Déités des eaux qui ornent le pavé de la grande salle paraissent indiquer aussi le même usage. TOME 1V. PART. IT, 3 34 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: » L'entrée de cette salle était au levant et à peu près dans la direction des autres bâtimens; elle formait un parallélogramme d’environ 13 mètres de long sur 2 mètres 78 cent. de large. Trois niches demi-circulaires étaient ouvertes de chaque côté, elles avaient à l'entrée 2 mètres 78 cent. de large, leur profondeur est de 1 mètre go cent. Les murs qui divisaient les niches entr’elles avaient extérieurement 1 mètre 19 cent. d'épaisseur. Il paraît que des colonnes ou des pilastres s’élevaient à l’extrémité intérieure de ces murs, et suppor- taient un arc de voûte. » On trouve, près du seuil de la salle, au le- vant, des restes de la mosaïque qui recouvrait en entier le sol. Le fragment le plus remarquable est ovale et entouré d’ornemens formant un beau cadre. Mais le tableau qu’il renferme est presqu’en- tièrement dégradé, et à peine peut-on y reconnaître que lartiste y a représenté une femme écartant des roseaux dans le milieu desquels elle est placée. Près d’elle on lit ce mot tracé en caractères grecs : APEOOYCA. Ainsi cette figure est celle d’Aréthuse. » Il est peu de mythes grecs aussi connus, aussi vulgaires que celui d'Aréthuse. Fille de Nérée et de Doris, elle fut lune des compagnes de Diane. Un jour, tandis qu’elle se baïgnait dans une fontaine, elle fut aperçue par Alphée, et s'enfuit aussitôt. Vivement poursuivie par celui | HISTOIRE. 35 qui avait entrevu ses charmes, elle implora le secours de Diane, et ne Pimplora pas en vain. Le Déesse la métamorphosa en fontaine. Alphée la reconnut malgré cette transformation, et repre- nant sa figure de fleuve, il mêla ses ondes avec celles d’'Aréthuse. Mais le fleuve arrosait l’Arcadie, etportait le tribut de ses eaux dans la mer lonienne ; la fontaine coulait dans la presqu’ile d’Ortysie, lieu où s’éleva depuis le palais des rois de Syracuse, à environ un mille de la cité. Il était donc impossible que les deux cours fussent réunis. Mais Pimagina- tion ne fut pas arrêtée par ces obstacles physiques, et le génie s’empara de cette croyance populaire, et embellit des plus vives couleurs ce mythe dé- licieux. es poètes ont redit en vers élégans que l’Alphée, continuant son cours sous les mers, venait aux rivages de la Sicile mêler ses flots amoureux aux flots limpides d’Aréthuse. Des auteurs graves, et Pline entr'autres, ont même adopté cette opinion, parce qu’on assurait que ce qu'on avait jeté dans lAlphée se retrouvait quelques temps après dans PAréthuse. Strabon s’est élevé contre cette opinion, et il a réfuté Phis- toriette de la coupe perdue dans PAlphée et re- trouvée en Sicile. » L'image d’Aréthuse “entr'ouvrant les roseaux qui bordent son rivage, avait peut-être autre- fois, non loin d'elle, la figure de PAlphée. Mais ici il manque, en-deçà du médaillon évale, et au-deià, de grandes portions de mosaïques. Seu- lement deux restes de la continuation du pavé d: 36 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: subsistent encore. À droite, on voit un bras qui parait soutenir ce médaillon, et on lit tout auprès, en assez beaux caractères grecs, divisés en trois Lignes : CIKI Alo THC. » Sur le morceau conservé à gauche on lit en deux lignes : MEN 10C. » Au-delà de cette portion du pavé qui ne subsiste plus, paraissent deux nymphes portées par des monstres marins, dont lun a les formes d’un lion, l’autre en partie celles d’un cheval. » Leucas, Vune des nymphes, est placée sur le lion, lautre, Zantippe, vient de s’élancer sur le cheval pour le dompter. La tête de cette dernière est couverte d’un casque. » Ces noms de Leucas et de Zantippe sont tracés en beaux caractères grecs au-dessus des têtes de ces nymphes des eaux : AEYKAC. ZANTINITIE. » Hésiode a compté, dans sa Théogonie,soixante- douze nymphes Océanides, filles de Thétis et de l'Océan. Dans ce nombre on n’en trouve point qui portent les noms gravés ici. Apollodore dit que les Océanides étaient au nombre de trois mille, mais j] n’en a nommé que sept : Asia, Styx, HISTOIRE. 37 Doris, Eurynome, Amphytrite et Thétis. Les deux divinités des mers que nous retrouvons ici ne sont point comprises parmi les Véréides connues. Les Hymnes Orphiques annoncent que les Néréïdes formaient une série particulière de cinquante nymphes, et Hésiode donne leurs noms. Homère ne parle que de trente-trois; Apollodore en indi- que quarante-cinq, Hygin quarante-neuf. Quel- ques écrivains ont, sans les nommer, porté leur nombre jusqu'à cent, et en réunissant à la liste consignée dans le poème d’'Hésiode, les noms qui sont rapportés par d’autres écrivains, et qu'il n’a pas connus, on atteint à peu près ce nombre. » Les Mélies formaient une classe distincte parmi les nymphes marines. Elles devaient la vie à Mélia, fille de lOcéan. Leurs noms ne sont point parvenus jusqu'à nous. Ceux que nous lisons sur le beau pavé de Saint-Rustice appar- tiénnent peut-être à des nymphes qui faisaient partie de ces déités des mers, mais on ne peut rien affirmer à ce sujet. Je crois seulement qu’on ne peut les ranger parmi les nymphes Pégées ou Arénées qui présidaient aux fontaines, ni parmi les Limnades où Limniades qui dominaient sur les lacs, ni encore parmi les Potamides qui habitaient les fleuves et les rivières. Portées par des monstres marins, elles doivent être, selon toute apparence, comptées parmi les Océanides , dont le nombre, suivant Hésiode, n’était que de soixante-douze, tandis qu’Apollodore a cru pou- voir Pélever à trois mille. 38 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » Avant de continuer la description de la mosaï- que, il me paraît nécessaire de dire un mot sur les noms inscrits près des figures que l’on y re- marque. » Les anciens peuples inscrivaient souvent sur les tableaux, les statues et les bas-reliefs, les noms des objets représentés. Les images des dieux et des déesses, qui couvrent les monumens égyptiens de tous les ordres, sont accompagnées de lécendes hiéroglyphiques, présentant sans cesse, à leur commencement, trois ou quatre caractères semblables que lon peut assimiler à la formule Copte, ceci est l'aspect, la manière d’être, la présence, ou la ressemblance. Après cette for- mule se trouve toujours la préposition de, expri- mée soit par la ligne horizontale où brisée, soit par la coiffure ornée du lituus, leur homophone perpétuel, et la préposition est immédiatement suivie par le nom propre du Dieu ou de la Déesse. Ce nom propre est constamment le même, et on le retrouve toujours à côté des mêmes figures d'êtres divins, distinguées par des attributs sem- blables ; les noms propres des divinités sont tracés en ligne courante comme les noms des simples particuliers (1). » En Grèce, chez les nations Italiotes et chez les Romains, on observa souvent l’usage de placer les noms des dieux, des héros ou des particuliers, et ceux des animaux même, sur les monumens (1) Champollion, Précis du système hiéroglyphique , 84. HISTOIRE. 39 où ces dieux, ces héros, ces particuliers, etc., étaient représentés. Je pourrais citer beaucoup d'exemples de cette coutume; je n’en rapporterai qu'un petit nombre. » La Tuble Tliaque, bas-relief trouvé à Fra- tochie, sur la voie Appienne, est divisée en bandes qui, par leur nombre, répondent à un égal nombre de livres de lIliade. Là, sous chaque personnage représenté est son nom, en caractères grecs, et quelquefois une explication de la scène dans laquelle ïl figure (1). La Table Odysséenne du palais Rondini offre aussi des noms et des expli- cations en caractères grecs (2). » Dans les peintures d’'Herculanum, les Muses ont de même leurs noms écrits sous leurs pieds et aussi en caractères grecs (3). » Sur un tableau peint par Alexandre, d'Athènes, on lit encore les noms de Niobé, Latone , Phoœbé, Hiléaira et Aglaé (4). » Dans l Æpothéose d’ Homère , le nom du poëte et ceux des Muses sont inscrits de même en carac- tères grecs (5). Les dernières lettres du nom d'Homère se retrouvent sur un bas-relief conservé à Montpellier, et qui représente ce grand poëte. » La Tour octogone d'Athènes a sur chacune (1) Mus. capitol. 1v, 68. (2) Guattani. Monum. ant. per l’anno 1788, febr. xx. (3) Pitture d’Ercolano, I. 2, 3,4, 5,6, 7, 9, etc. (4) Pitture d’'Ercolano, 1. 1. (5) Mus. Pio Clem. 1. 40 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de ses faces l’image d’un vent dont le nom est inscrit au-dessus, dans lentablement (x). » Les monumens connus sous le nom d’Etrus- ques offrent souvent des traces de usage de placer les noms des personnages près des figures qui les représentent (2). » Chez les Romains cette coutume fut souvent observée. Mais je ne mentionnerai ici qu’un bas- relief du Musée Pio-Clementin (3), un autre donné par Millin (4), un beau pavé trouvé à Augusta V’indelicorum où Augsbourg (5), et la célèbre mosaique de Palestrine (6). » Durant le bas empire, on plaça aussi très- souvent les noms des personnages et des choses sur les sculptures ou les tableaux qui les repré- sentaient. Rome et Constantinople offrirent dans les églises, dans les palais, de nombreux exemples de cette habitude. Les provinces sy soumirent. Les ficures qui faisaient partie de la belle mosaï- (1) Stuard. Antiq. of Athen. (2) Dempster, Etrur. Reg. 1. 1. D'Harcanville, Antig. Etrusq. xv , 31, etc. Tischbein, IT, 20. Lauzi, Saggio di dingua Etrusca, W. 1v. (3) Mus. Pio Clem. 1v. 34. (4) Galerie mythologique. XX, cxvir. (5) Gruter, Znscriptionum Romanorum. cccxxxv1. (6) Suarez, Prœn. Ant. 1. 11, c. 18. Kirker, Lat. Vet. ar Veter. Monim. X. 81. Montfaucon , Antiq. expliq. Suppl. 1v. Cecconi. Stor. di Palestr. NVolpi, Vet. Lat. 1x. Furieti, De Mus. Barthelemy , Mémoÿres de l Académie des Belles-Lettres , xxx. HISTOIRE. 4 que qui recouvrait les murs de la Daurade, à Toulouse, avaient près d’elles, sur leurs têtes ou sur les plinthes qui les portaient, le nom qui devait distinguer chacune d’elles. On trouve encore, dans le Levant , des édifices très-anciens , où l’on remarque la même chose. Tournefort (1) dit que le monastère de Néamoni ou de la Vou- velle solitude a des peintures grossières, malgré les dorures qu'on n’y a pas épargnées; que /e nom de chaque saint est écrit au bas de la Jigure pour empècher de le confondre avec son voisin, et que l’empereur Constantin, qui a fait bâtir cette église, comme lassurent les moines, y est peint eé nommé. » Pendant le moyen âge, on suivit générale- ment la même coutume, et quelquefois, mais plus rarement que chez les Grecs et les Romains, les artistes inscrivirent leurs noms sur les peintures ou les sculptures sorties de leurs mains. » Les noms des animaux sont tracés en grec dans la mosaïque de Palestrine, et le savant Bar- thélemy (2) en tirait cette conséquence, que le particulier qui la fit exécuter étant un Grec, il avait voulu que ces noms fussent écrits dans sa langue. Je ne sais si le personnage qui fit cons- truire la belle 7757/a dont les ruines ont naguère été retrouvées à Saint-Rustice par MM. Soulage et Escudier, était né dans la Grèce; mais la langue (x) Relation d'un Voyage au Levant, fait par ordre du Roï. (2) Mémoires de l Académie des Belles- Lettres, xxx. 42 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. des Hellènes fut trop connue dans les Gaules pour que lon ait recours à une explication pareïlle afin de rendre compte de la présence des inscriptions en grec, qui désignent les personnages représentés sur le monument qui nous occupe. Cette langue était professée, avec succès, à Bordeaux, à Tou- louse, à Narbonne et dans beaucoup d’autres villes. Le peuple même était familiarisé avec elle, et au 5.me siècle, saint Césaire faisait chanter en grec les hymnes de l'église, dans la cathédrale d'Arles, cette Rome des Gaules, selon l'expression d’Au- sone (1). L'usage de la langue grecque était donc en quelque sorte vulgaire (2), et on ne doit pas être étonné de retrouver dans nos contrées les noms de quelques déités des mers tracés en caractères grecs près de leurs images. » Il y aurait ici quelques remarques à faire sur la forme des lettres tracées sur ce monument, et sur-tout sur celle des epsilon, des sigma, des ———_—_—— 0 (1) Clar. Urb. (2) Il reste encore dans les divers dialectes de la langue Romane, en usage dans les Pyrénées , dans la Guienne , le Languedoc, etc., une foule de mots grecs, ou évidemment de- rivés du grec. Voyez Statistique générale des départemens pyrénéens, I, par M. Du Mège. On sait d’ailleurs que beau- coup de lieux, soit de La vieille Aquitaine , soit du Languedoc, portent des noms grecs. Dans le voisinage même de Saint- Rustice, le quartier et le tumulus de Parthenaïs , le village de Dieupantale, ete., pourraient fixer l'attention des étymolo- gistes. Mais il serait possible que le hasard seul eût présidé à l'imposition de ces dénominations. HISTOIRE. 43 oméga. Des formes pareilles trouvées sur la mo- saïque de Palestrine, ont fait penser au savant Barthélemy que ce monument datait du second siècle. Il paraît que celle de Saint-Rustice est encore d’un temps plus bas. Mais elle excite cependant sous plusieurs rapports un bien vif intérêt. » Au-dessus de la portion du pavé où Pon voit la nymphe Leucas et sa compagne, la mosaique représente une large draperie rouge que décorent des broderies habilement variées. Elle est soutenue par deux génies ailés : des bracelets, des anneaux ornent leurs bras et lenrs jambes; deux autres sont dans la partie inférieure. Ces figures juvéniles, habi- lement contrastées, sont d’une conservation entière et d’un dessin qui ne manque ni de légéreté, ni d'élégance. Mais au milieu de cette draperie de pourpre, si ornée, si riche de détails, est une figure dont la rareté n’est pas le seul mérite. La tête de l'Océan, de grandeur colossale est là, et cette : image arrête tous les regards. » On le sait, les poètes, ces premiers théologiens des peuples à demi-barbares, avaient personnifié toutes les parties du monde. Suivant Hésiode (1), la Terre ou Ghè , eut de son union avec Uranos, POcéan, aux gouffres profonds ; c'était le plus ancien des Titans. Dans la suite on a dit que l'Océan était le père de tous les êtres qui jouis- sent de la vie. Cette opinion embrassée par Thalès et par d’autres philosophes, a été expri- (1) Theog. vx. lo. 44 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. mée poétiquement par un grand nombre d’écri- vains. Virgile entr'autres a dit en parlant de ce Dieu : Oceanum patrem rerum. Dans nos vieilles et religieuses Ballades pyrénéennes même, l’eau estsouvent l’origine de toutes choses. Ainsi l’hymne cosmogonique des Borouch, qui célèbre les astres naissans et la création des dieux, montre les hommes sortant du vaste Océan le jour où le soleil devint l’époux de Phébé (1). Le trait de cette tête de l'Océan n’est pas extrèmement correct. Néan- moins on voit que artiste était inspiré par l’étude des bons modeles, et l’ensemble de cette figure est majestueux ; la grosseur des cubes de la mosaique a dû naturellement empêcher que les contours fus- sent flexibles. De larges rides sillonnent le front de l'Océan. De sa bouche, de ses narines sortent de longs torrens qui s’écoulent dans la mer représentée par des ondes bleuâtres dans le bas du tableau. Ces torrens figurent les Fleuves dont l’Océan était le père. Des dauphins sortent de sa barbe immense et s’'élancent de sa chevelure. Sur son front s'élèvent deux cornes; près d’elles sont deux serres d’écre- visse, attribut propre de ce Dieu. Un autel rond, autrefois dans la F’illa Borghèse, et que Winkel- mann (2) a publié, représente l'Océan avec ces mar- (1) Ech dio Que Luo Dan lo se mardec, Atau eslec. (2) Monum. ined., 21. HISTOIRE: 45 ques distinctives. On les voit sur deux statues du palais Farnèse, que Fabretti et Gori avaient pris pour des images du Nil. Deux pierres gravées de la galerie de Florence(1)donnentles mêmes symboles à l'Océan. Les poètes ont, à ce que lon croit, trans- formé ces serres d’écrevisse en cornes : mais la tête de l'Océan, trouvée à Saint-Rustice, donne aussi ce dernier attribut à ce Dieu. On voit, en effet, s'élever, près de ses tempes, deux cornes droites dont les extrémités se perdent dans les toufles de sa chevelure. Il aura donc et ces sym- boles et aussi les serres d’écrevisse qui indiquent son pouvoir sur les ports, parce que le mot qui exprime en grec les pattes d’écrevisse, désigne aussi les deux langues de terre, ou les deux môles qui forment un bon port. » Nous avons vu, au-dessous de cette belle partie du pavé, deux Océanides ; d’autres étaient placées au-dessus de ce tableau. Mais la partie supérieure des figures ne subsiste plus. Les travaux agricoles ont fait disparaître cette portion de la mosaïque, et nous n'avons plus à nous occuper que des scènes représentées dans les niches ouvertes des deux côtés. » J’ai déjà annoncé que ces niches avaient 1 " 90 cent. de profondeur sur 2 mètres 78 cent. de largeur. Cest annoncer en quelque sorte que les figures qui en recouvrent le sol sont d’une forte proportion. Mais ici que de regrets éprouvent les (1) Mus. Florent. 13, tab. 2, ne x, tab. 51. 46 INSCRIPTIONS ET BÉLLES-LETTRES: amis des arts et de l'antiquité, en apercevant Îles dégradations immenses que cette belle mosaique a souffertes. Le pavé de la première niche, à droite, ne subsiste plus; il en est de même de celle de l’ex- trémité de la gauche. On a vu que le corridor a perdu pour toujours cette magnifique décoration ; que la figure d’Aréthuse est presqu’entièrement effacée; qu'au-delà, dans un trop grand espace, il manque au moins deux figures; mais les Océa- nides Leucas et Zantippe, mais les figures de l'Océan existent encore, et quatre niches ont conservé presqu’en entier des tableaux dont Péclat n’a pas été affaibli par quatorze siècles d’aban- don. » Dans la mosaïque de la seconde niche, à droite, ( j'ai dit que la première ne sabsistait plus, ) on a représenté sur un fond blanc deux figures. La première est celle de Panopée (IHANOHHA) ainsi que l'indique le mot écrit en caractères grecs placés au-dessus de la tête. Cette Néréide a été nommée dans les ouvrages d’'Hésiode, d’Homère, d'Apol- lodore et d’'Hygin. Une couronne est placée sur sa tête. Sa main gauche est appuyée sur une urne d'où s’échappent des eaux. La droite, qu’elle tient élevée, supporte un miroir encadré dans lequel se reflète son image. Je ne chercheraïi pas en cet instant pourquoi cette Néréide est appuyée sur une urne comme le serait une simple Naïade; ce qui pourrait faire conjecturer, mais bien légèrement sans doute, qu’elle est différente de la Panopée des anciens auteurs que j'ai cités, et qu’elle doit HISTOIRE « 47 être rangée dans une autre classe. Je décris à la hâte la mosaïque de Saint-Rustice, je ne disserte point sur les sujets mythologiques dont elle nous offre les images. Panopée est nue, seulement une dra- perie jetée avec grâce environne la partie inférieure de son corps. Le torse est très-beau, les bras bien dessinés , des bracelets rouges en sont l’ornement, et cette teinte vive contraste avec la couleur déli- cate des chairs. » La figure du Triton, au-dessus duquel on lit le nom BOPIOC, et sur laquelle Panopée est assise, est d’un travail bien moins remarquable. Il tenait de la main droite un objet qui ne subsiste plus. Comme un Triton du Musée Pio-Clementin, il porte en guise de chlamyde une peau de pois- SOI1. » Dans la niche suivante, dont le pavé a été en partie détruit, on voit une femme assise sur la partie postérieure dun Triton; au-dessus de sa tête est inscrit en grec le mot Tétys. Celui de Triton est aussi gravé près de ce Dieu marin ; mais il a deux cornes sur le front. Une tête de Triton qui servait de bouche à un égout, sous le portique de Sainte-Marie en Cosmédin, à Rome, avait deux serres d’écrevisse près de ses tempes, comme la tête de l'Océan que nous avons décrite. Un Triton du Musée Pio-Clémentin a des cornes comme celui de Saint-Rustice. » Les figures de Tritons étaient souvent repré- sentées sonnant de la trompe avec des buccins. On a multiplié le nombre de ces demi-dieux. 48 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: Hésiode(r) n’en mentionne qu’un seul; il était fils de Neptune et d’Amphitrite; sa figure offrait, com- me dans notre mosaïque, la partie supérieure d’un homme; le bas du corps avait la forme d’un poisson à longue queue. « Cétait, dit M. Mongez, le trom- pette du Dieu de la mer qu'il précédait toujours, annonçant son arrivée au son de sa conque.» Dans Ovide (2), Neptune voulant retirer de dessus la terre les eaux qui l'avaient recouverte, ordonne à Triton d’enfler sa conque, et au son qu'il en tire les eaux rentrent dans les souffres des mers, Dans Virgile (3), Neptune désirant appaiser la tempête que Junon avait excitée contre les vaisseaux troyens, Triton, aidé d’une Néréide, essaie de relever les trirèmes échouées. » M. Mongez a cité une agathe-onyx où l’on voit un Triton tenant une sorte de flûte ou chalumeau ; ici le demi-dieu joue de la flûte de Pan. Sa tête est d’un assez beau style, et le torse est d’un bon effet. » Dans la première niche, à gauche, est la figure d’une Néréide : malheureusement une portion du torse a un peu souflert. Cette nymphe est Doto, ainsi que l’annonce le mot inscrit sur sa tête en beaux caractères grecs. AT, » Cette nymphe est au nombre des Néréides (1) Theogon., 931. (2) Métamorph., Gb. 1, v. 331. (3) Æneïd., b. 1, y. 209. HISTOIRE. 49. citées par Hésiode, Homère, Apollodore et Hÿgin. L'image qui la représente ici est d’une poseélégante, gracieuse et facile; elle est portée par un Triton sonnant de la trompe, et au-dessus duquel on lit: NYNDO TENHC. » De la main gauche, ce Triton soutient la buccine dont il tire des sons; de la droite, il tient un trident dont il frappe un monstre marin. » La seconde niche du même côté offre un tableau plus intéressant encore, si ce n’est pour le style de dessin, du moins pour le sujet repré- senté. Assise sur Glaucus, demi-dieu marin, Ino reçoit de lui le jeune Palémon, son fils, et semble prête à lui offrir son sein. A côté de Glaucus est son nom en caractères grecs : FAAYKOC. » On lit de même Palæmon, HAAEMON, au- dessus de lenfant, et Ino, INQ, sur la tête de sa mère. Glaucus a, comme le Triton au-dessus duquel on lit, Borios, une chlamide formée d’une peau de poisson. » Qui ne connaît l'aventure de Glaucus ? simple pêcheur de la ville d'Anthædon, en Béotie, il s’aperçut que des poissons, qu'il avait posés sur l'herbe du rivage, faisaient des mouvemens extra- ordinaires, et parvenaient à rentrer dans les mers. Ïl crut que cette herbe avait une vertu particulière ; il en mangea, et bientôt après, se jetant dans les flots, 1l devint un Dieu marin. TOME IV. PART, II: : À 5o INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » Ino était fille de Cadmus et d Harmonia. Elle épousa Æthamas , et devint mère de Léarchus et de Mélicerte. Athamas avait d’un premier lit Phryxus et Hellè. Ino les haïssait et voulut les fairemourir. Une prompte fuite les déroba à sa rage. Dans la suite, Junon ayant rendu Athamas furieux, il perça d’une flèche Léarchus qu'il prenait pour un chevreuil. Lorsqu’Zno apprit ce malheur, elle se précipita du haut du rocher Mo/uris avec Ve- licerte. Selon Apollodore, Junon, en rendant 4thu- mas furieux, avait voulu se venger des soins qu’£n0 avait pris de Bacchus durant son enfance. Mais ces soins devaient être récompensés. Elle fut changée en déesse des mers, et invoquée, le plus souvent, sous le nom de Leucothea. C’est sous ce nom qu'Homere parle d’elle ; son fils devint un Dieu marin, et ne fut plus connu que sous celui de Palæmon. Sisyphus institua en son honneur les jeux isthmiques. Il était considéré comme le Dieu qui vient au secours des naufragés. Quelque mythe, qui nous est inconnu, doit avoir motivé ici la réunion de Glaucus, d'Ino et de Palæmon, car on ne peut croire que, sans motif, lartiste eût offert dans cette composition l'ancien pêcheur d’Anthædon offrant à 170, Mé- licerte ou Palæmon, son fils. » Le tableau que je viens de décrire est le dernier de cette belle salle, qui, n’offrant que l’image des Dieux des eaux, et étant voisine d’un labrum assez vaste et dun autre plus petit, a fat à ce que l’on peut croire partie des bains de la 7’illa dont les ruines ont naguères été re- HISTOIRE. ba trouvées dans le village de Saint-Rustice, par MM. Soulage et Escudier. » Dans cet extrait du Mémoire lu à l’Académie par M. du Mège, on n’a point rapporté les textes originaux des auteurs qu’il cite, et on a négligé aussi les développemens de ses opinions. Il a de même été impossible de donner une lithographie du .beau pavé de Saint-Rustice, M. du Mège ayant promis de ne le publier qu'après que l’auteur de la découverte en aurait fait graver un dessin exect. Ce Mémoire est d’ailleurs le même qui fut adressé à S.E. le Ministre de l'Intérieur, par M. le Préfet de la Haute-Garonne en 1833. Ce magistrat sollicitait alors, d’après la demande de M. du Mège, lau- torisation d'acquérir la mosaïque de Saint-Rustice pour le Musée de Toulouse. Dans sa résumption des travaux de la classe, en M.DoMicr. 1834, M. Ozaxxeaux s'exprime ainsi: « Venez, Mémoire côtoyez avec M. du Mège, les longues plages de Aiguesmortes. la Méditerranée, sur ses pas et sur les nôtres, car , il nous a, pour ainsi dire, pris par la main pour nous conduire sur les sables d’Aiguesmontes, la ville aux eaux dormantes, aux souvenirs reli- gieux qui dorment aussi depuis des siècles. Nous avons vu ces vastes étangs, dont la ligne se confond à l’horizon avec les sables du rivage et les grandes eaux de la mer ; ces plages monotones et stériles, ces longues chaussées , ces terres marécagenses où s’égarent des troupeaux innombrables de chevaux blancs et de taureaux sauvages; ces landes humides FA 52 INSCRIPTIONS ET BÉLLES-LETTRES. où viennent se poser les oiseaux voyageurs de l'Égypte , soit que la ressemblance de ces contrées avec les marais du Menzaleh les attire, soit que, voyageurs curieux, ils veuillent connaître la rive d’où s’élancèrent pour la première fois Les conquérans de leur patrie; enfin nous avons aperçu, nous avons vu s’évanouir les tableaux fantastiques du mirage, illusion gracieuse, qui fait glisser sur ces régions , nues et brülantes , des eaux limpides et de délicieux ombrages : et par un mirage plus brillant encore, l'auteur a déployé sur ses bords l’étendard de la croix, les bannières des nobles barons et les banderolles des vaisseaux du saint Roi. Nous avons entendu le cri sublime des croisades, et nos regards ont suivi sur la Méditerranée les vengeurs du saint Sépulcre. Puis ont paru des fêtes resplendissantes ; les galères de Charles-Quint, la pompeuse cavalcade de François Le : nous avons vu se rapprocher cet astucieux visage et cette loyale figure ; nous avons vu le magnifique seigneur des Espagnes, de l’Alle- magne et de la Flandre, se mettre à genoux pour embrasser les enfans de France. Les sectateurs de Mahomet sont descendus à leur tour sur cette côte prédestinée aux grands événemens. Le crois- sant de Byzance et l’étendard ensanglanté des pirates africains , ont passé comme la croix sous la vieille tour de Constance, et Barberousse a laissé son nom sur un rocher près du port qu’a décoré le nom de saint Louis. Enfin, le sévère Louis XIII a lui-même campé devant ses murailles pour ÿ HISTOIRE. 53 recevoir la soumission d’un Chatillon rebelle : et c'était de là qu'était parti, avec saint Louis, ce fidèle Chatillon qui devait mourir à Damiette pour retarder un moment la captivité de son roi. » M. du Mège nous a prouvé, d’après M. Di Piétro, et contre l'opinion si légèrement adoptée jusqu’ici , que jamais la mer n’était venue jusqu’à Aïoues- mories : sa dissertation, couronnée en 1834 par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de lnstitut, étant imprimée dans les Mémoires de la Société Archéologique , on se dispensera de reproduire ses preuves et ses explications. » «Nous devons au même Académicien un mémoire sur Saint-Gilles , cité dont le nom se lie avec tant d'éclat au souvenir des comtes de Toulouse. L'église de cette ville présente un monument précieux de l’histoire des arts dans le Midi au commencement du 12. siècle. Raymond IV, comte de Toulouse, si connu sous le nom de comte de Saint-Gilles , en avait projeté la construction ; mais les guerres saintes l’empêchèrent de réaliser ce pieux pro- jet, et son fils Alphonse, surnommé Jourdain 4 parce qu'il fut baptisé dans le fleuve sacré, le mit à exécution en l’année 1116, ainsi que nous lapprend une inscription conservée dans les débris du cloître. L'église actuelle de Saint-Gilles n’est pas toute de cette époque : la plus grande partie date du 15. siècle. Mais, ce qui reste du vieux monument, son escalier à vis, si célèbre, sa riche façade, décrite dans le plus grand détail Le même, Mémoire sur l’église de Saint-Gilles, LE MÊNX. Mémoire sur l’église de St.-Gaudens. 54 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- par M. du Mège , et l'église souterraine , attestent encore là puissance du premier fondateur , les hautes pensées qui présidèrent à cette religieuse entreprise, et malheureusement aussi l'indifférence et la barbarie de notre âge. Il est vrai que les souvenirs que ce monument rappelle ne sont pas tous à la gloire de nos aïeux. Ces murs ont vu couler le sang d’un Iégat ; ces murs ont vu lor- gueilleux meurtrier , le souverain de Toulouse, frappé de verges par un aütre légat; ils ont entendu tonner l’excommunication pontificale con- tre un nom qu'ils étaient accoutumés à respecter et à bénir. Mais notre siècle a-t-il mieux valu, quand il à souffert qu’une stupide populace mutilât ces images vénérées, et dégradât un des plus beaux monumens du moyen âge ?» « Quittons les bords du Rhône, ditencore M. Ozan- ñeaux dans sa résomptiom : notre Confrère remonte fa Garonne , il va nous introduire dans toutes les vieilles églises de la longue vallée que s’est ouverte le fleuve des Pyrénées. Quel plaisir ce sera de nous asseoir sur les débris des cloiîtres, et d’écouter si quelque voix des anciens jours ne retentit pas encore dans leur enceinte abandonnée ; de déchif- frer des inscriptions , de dessiner des ogives, de réparer en imagination des statues mutilées , de chercher dañs les traits du visage de celles qui restent encore la pensée qui les dressa autour des pieux édifices ! et puis, quel charme vont ajouter à ces études les magnifiques paysages que nous HISTOIRE. GS) allons parcourir ; ces vallées où la vérdure est si fraiche, l'air si pur , {a lumière si dorée ; où les eaux sont si transparentes, les lignes si harmo- nieuses , les lointains si suaves; car voici la plaine de Valentine, si belle et si riche, que tous les sommets des Pyrénées semblent se presser et monter les uns sur les autres pour Padmirer, pour savoir ce que devient ce fleuve qu’ils lui envoient. Voici le Pic du Midi, voici la Maladette , dernières marches de ce oigantesque escalier dont la pre- mière se baigne là bas à l’horizon dans les flots de POcéan. Arrêtons-nous un moment , avant d'aller dans les profondeurs de ces montagnes, demander aux nymphes de cette eau le secret de leur nais- sance , ou plutôt , Car nous traitons un sujet chrétien , avant d'aller la poser bénite sur nos fronts dans les églises des vallées de Saint-Bertrand, dé Saint-Béat et de Luchon. M. du Mège sest assis sous le portail de l'Eglise de Saint-Gaudens : Ecoutons ce qu’il nous raconte. » Sur ce plateau qui semble étendu là comme une grande estrade d’où l’œil puisse embrasser à la fois la chaîne pyrénéenne, fut jadis un camp romain , puis une espèce d’hôtellerie , assez sem- blable aux caravanserails de l'Orient. Cette mansio devint une bourgade , lorsque le martyre d’un jeune berger, Gaudentius, fit élever dans le 5.e siècle , une chapelle où ses restes, consacrés par la religion, attirérent de nombreux fidèles. Ainsi naquit la ville de Saint-Gaudens. » M. du Mèce nous a tracé rapidement l’esquisse Le MÈNE. Mémoire sur le cloitre de la Daurade. - 56 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES : de l’histoire de cette cité. Son église, dont il place la fondation au 12.2 siècle, présente de curieux détails d'architecture , et même un ensemble qui serait plus imposant , si de prétendus embellisse- mens modernes n'étaient venus enlaïdir sa majes- tueuse simplicité. Ce que notre Confrère regrette sur-tout, c’est un joli cloître qu’il visita en 1807 et qui n'existe plus. Là, malgré les sacriléges de Montsomméry , malgré les ravages de 1793, malgré l’insouciance de époque, restaient encore d’élégans arceaux , de sveltes colonnes , quelques bas-reliefs, quelques pierres sépulcrales , et la paix du: tombeau pour quelques ossemens. Mais ces colonnes pouvaient servir de bornes pour les champs, ces tombes, d’auges pour les troupeaux. En vain M. du Mège avait replacé furtivement sur son oreiller de marbre la tête desséchée que le gardien de ces lieux ävait fait rouler à ses pieds. I fallait quela loi dedestruction s’accomplit, et que homme foulât la poussière de l’homme, en attendant qu'il devint poussière à son tour. Ce cloître n’est plus.» «Parmi les monumens religieux de Toulouse , il fallait sur-tout distinguer le cloïtre du monastère de la Daurade. Son antique construction , les images qui le décoraient , les inscriptions qu'on y voyait, les tombeaux qui s’enfonçaient dans ses murs, sa colonnade élégante, ses chapiteaux si délicats quelquefois , toujours si curieux ; sur-tout le portail de la chapelle du chapitre qui s’ouvrait dans une de ses faces, tout se réunissait pour le HISTOIRE. 57 placer au nombre des objets que larchéolooue devait étudier avec le plus de soin. Il avait échappé, en partie, aux ravages de la révolution ; mais, en 1812, le gouvernement qui en avait cédé la propriété , s’en empara de nouveau et ce fut pour le démolir... On y plaça la Manufacture impériale de Tabac, et le fisc fit abattre la colonnade. Tout cet amas de sculptures monumentales allait être perdu sans retour. Un heureux hasard ramena M. du Mège à Toulouse, à l'instant même où l’on allait commencer l'œuvre de destruction. Il ne put rien obtenir de l'autorité ; mais le particulier (t), que l’on dépouillait de la propriété du sol, devait retirer les matériaux du cloître et, sur la simple demande de notre Confrère, il en fit don au Musée. Aujourd’hui les chapiteaux et Les bas-reliefs enlevés de ce lieu, sont placés dans le Musée , où ils sont comptés au nombre des plus précieux objets que lon y remarque encore (2). Dans son Mémoire, M. du Mèce décrit ce cloître dans l’état où il le (1) M. Boyer Fonfrède. (2) L'Académie avait, sur la demande de M. Du Mèce, nommé une Commission pour demander à M. le Maire de Tou- louse que le portail du chapitre de la Daurade fût rétabli dans le Musée des Antiques de cette ville, et il l’a été en effet en partie d’après les dessins et les notes de M. Du Mège , et aussi d'après les profils et les dessins fournis par M. le Marquis de Castellane , Président de la Société Archéologique. Sous ce portail on a placé le tombeau en marbre et en albâtre de Pierre de la Jugée , Archevêque de Narbonne et Cardinal du titre de saint Clément , mort à Pise, le 31 novembre 1376. 28 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. trouva à Finstant où lon commençait à en abattre la colonnade. Quelques planches de _4rchéologie Pyrénéenne, et d’autres, jointes à ce Mémoire, conserveront pour la postérité les formes pitto- résques de cet admirable monument. » DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. CONSIDÉRATIONS SUR CETTE QUESTION : POURQUOI FAUT-IL INSTRUIRE LE PEUPLE ? Par M. OZANNEAUX. Lx Peuple! voilà un de ces mots protées qui font le désespoir des philosophes, et la fortune des actionnaires de journaux. Enigme indéfinissable, dont le sens, à chaque ligne que vous écrivez, vous glisse entre les doigts, vraie pointe d’aicuille sur laquelle pivotent tant de sophismes , d'erreurs, de déclamations , et, par malheur, tant de révolutions et de guerres civiles : le peuple, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous, et nous en sommes fiers ; ce n’est ni vous ni moi, et nous en sommes fiers encore; c’est le souverain, c’est l’esclave, c’est celui qui attelle et dételle, quelquefois celui qui conduit le char, plus souvent, celui qui le renverse : pour le riche, cest le pauvre; pour l’homme instruit, c’est l’ignorent; pour celui qui porte le nom d’une terre, c’est celui qui ne porte que le sien ; pour le journaliste , ce sont les abonnés ; enfin, variété immense de significations, selon les intérêts, les questions, les époques, les lieux même ; et il y a des milliers d'interprétations diverses à placer entre ce fameux axiome, #0x +2 G2 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. populi, vox Dei, et ce vers tout aussi fameux des racines grecques, we, peuple, estsouventbiengrue. Vous trouverez donc tout naturel que j'aie aussi, dans la question qui m'occupe, un sens à moi, et tout naturel aussi que je commence par le poser nettement. Car lorsque je parle d’instruirele peuple, ce n’est pas vous apparemment que jai la prétention d'instruire, ce n’est pas non plus le souverain , Dieu men garde! Je veux qu’on instruise ceux qui ont besoin d’être instruits; la question se traduira donc ainsi : Pourquoi faut-il donner de l'instruction à ceux qui n’en ont pas ? Ici le mot peuple renferme peu d'idées : mais, en revanche, il enveloppe bien des gens. Toutefois, si la question est plus claire , elle n’en est pas plus simple. Qu'est-ce que l'instruction ? Est-ce ce que savait Cuvier ? Est-ce ce que vous sayez ? Ou n'est-ce que ce que je sais ? Que ce que sait le curé du village ? Le maître d'école? L’éco- lier ? Le paysan qui sort du prône sait des choses que savait saint Augustin, et votre jardinier connait ce que vous ignorez peut-être. Il y a de l’instruc- tion dans tous les hommes, parce que dans tous les hommes il y a une intelligence , et qu’autour et à la portée de tous les hommes, il y a des ensei- gnemens. Donner de instruction à ceux qui n’en ont pas, n’est donc, dans l’acception absolue des mots, qu'une phrase yide de sens; et dans lacception relative, qu'une phrase vague, qu'il faut définir. Oui, tout homme sait quelque chose, parce MÉMOIRES. 65 que tout homme reçoit des leçons, de Dieu , par sa conscience et le spectacle de la nature ; de ses semblables, par leur parole et leur exemple. Mais tout homme sait-il ce qu'il doit savoir ? Et pour acquérir cetteinstruction nécessaire, indispensable, les moyens que nous venons d'indiquer suflisent- ils? Là est toute la question. C’est ce que nous allons examiner rapidement ; et si ces moyens ne sufMisent pas, et sil en existe un plus prompt, plus sûr, plus méthodique, qui les complète et les résume tous, il sera évident, non-seulement qu’il faut le mettre en œuvre, mais que c’est un crime de le négliger. Il y a obligation pour tout homme d'étudier et de connaître ses devoirs, d’abord ; ses droits ensuite; enfin, ses intérêts : trois mots bien clairs, bien simples, mais qui serviraient de titre à trois vastes chapitres. Ce n’est pas devant vous, mes- sieurs, qu'il serait convenable de les développer : tous vous voyez d’un coup d'œil qu'il s’agit ici de la vie religieuse , de La vie domestique , de la vie sociale , de la propriété, de la liberté, du travail, de Pindustrie, du bonheur dans ce monde et dans Pautre; de l’homme tout entier tel que Dieu le donne, tel que la société le façonne, ou plutôt, du citoyen que la société réclame, du chrétien que Dieu appelle aux éternelles récompenses. Or, faire un citoyen, faire un chrétien, ce n’est pas œuvre de hasard, ni travail d’un jour. Ces principes, personne ne les conteste, car je ne prendrai pas pour une objection l'indifférence 64 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- coupable de ceux qui, des hauteurs sociales où [à naissance les a placés, ou des hauteurs scientifiques où l'étude les élève, regardent en pitié la foule ignorante qui bourdonne à leurs pieds, aussi peu soucieux, pourvu qu'ils mangent du pain, de ce qui marche derrière la charrue que de ce qui marche devant ; stupides égoïistes qui ne songent pas que pour celui qui voit du haut des cieux, tout est de niveau sur la terre, plaine ou montagne, ignorance ou génie. Ils ne comprennent pas, ces gens-là, et il faut leur dire, que dans toute société, individu qui possède n’est qu'usufruitier , que Pétat seul est propriétaire ; que la science comme la fortune n’est qu'un dépôt entre les mains de celui qui les a; qu'on ne reçoit que pour trans- mettre ; que si légale répartition des biens maté- riels et intellectuels est absurde en fait, elle est légitime en droit , dans ce sens que tout le monde doit avoir à sa disposition le moyen d'acquérir et d'apprendre ; enfin , que non-seulement une force irrésistible pousse lentement l'humanité dans ces voies, mais que c’est un devoir pour tout homme qui réfléchit , de comprendre ce progrès, de le se- conder, avec circonspection sans doute , mais avec persévérance ; et de dire en marchant dans cette sainte croisade, comme nos bons aïeux en courant vers la Palestine : Diex el volt, Dieu le veut ! Il faut leur répondre cela , et passer outre. Voyons maintenant où l’homme ira puiser la connaissance de ses devoirs , de ses droits, de ses intérêts. MÉMOIRES | 65 Dans sa conscience ? Personne plus que moi ne croit à Pnfallibilité de la conscience , à l’universalité de ses arrêts : c’est la voix du souverain Lésislateur , et plus encore, celle du souverain Juge. Mais cette voix n’enseigne pes, elle ordonne ; elle ne raisonne pas, elle ap- prouve ou condamne. Ses paroles sont des arrêts, Jamais des leçons. Rien de ce qui prépare, explique, dirige , développe une action , &’est-à-dire, ni les principes de cette action, ni ses motifs, ni son but, ni ses conséquénces , rien de tout cela n’est de sa compétence : le pourquoi, le comment, en un mot, tout ce que l’homme veut et doit savoir, fuit devant elle d’une éternelle fuite. Et c’est juste- ment là que parle, que discute et que trop souvent divague la pauvre raison humaine. Là bourdonnent les préjugés , là hurlent les passions ; là linstruc- tion manque , là est le peuple. Laisserons-nous à ce qu’on appelle si impropre- ment la nature, au monde extérieur , le soin de ces salutaires enseignemens ? Ah! sans doute , des voix bien savantes parlent sur cette terre à celui qui sait entendre ; et pour celui qui sait voir, bien des vérités rayonnent avec la lumière du soleil. Mais où sont-ils , ces hommes qui savent voir et entendre ? Que de livres il faut avoir déjà lus pour bien lire dans ce grand livre ! L'habitant des villes ne l’ouvre jamais ; celui des campagnes n’y cherche que l'explication de quelques intérêts matériels ; et cette explication , il ne la comprend pas. La routine Paveuole , Phabitude le pousse : il TOME IV. PART. II, J 66 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. suit machinalement le sillon tracé par ses aieux ; tremblant de leurs frayeurs, palpitant de leurs espérances , ivre de leurs superstitions. Les fées, les revenans, voilà ses dieux ; les sorciers , les étoiles, les animaux , les nombres, voilà ses maîtres. Il craint toute idée nouvelle comme une tentation du malin esprit, et fuit devant l’homme sensé qui lui explique la foudre, comme devant un mauvais génie qui peut lattirer sur sa tête. Oui, l’instruction qui vient par les sens et ne vient que pour les sens est vaine, stérile, et presque toujours dangereuse. Et pour passer des sens qui la reçoivent à l’intelligence qui Pélabore et la fait fructifier, il faut la parole humaine , la parole féconde, la parole, lien merveilleux de l’homme avec son Créateur , avec ses semblables, admirable puissance, principe de toute société, de tout perfectionnement, sur lequel reposent les destinées du monde intelligent. Ici commence le véritable enseignement , et je me hâte de le dire, cet enseignement est partout ; il atteint l’homme à tout âge, en tout lieu, ïl le pénètre, il Penveloppe comme lair qu'il respire, comme la lumière qui léclaire. Depuis le premier mot que la voix maternelle murmure sur son ber- ceau , jusqu'à la dernière prière que l'église pro- nonce sur sa tombe entr'ouverte, tout est lecon pour lui, tout est conseil, et il apprend tou- jours. Mais il apprend sans ordre, sans méthode, et par conséquent sans fruit : sans signe qui puisse MÉMOIRES. 67 fixer la leçon dans son esprit, et, par conséquent, sans moyens de souvenir : enfin, il n’apprend que de ceux qui lapprochent , et par conséquent , ik ne saura jamais, comme nous l'avons exigé , tout ce qu'il doit savoir. En effet, l’homme voyage peu : le cercle de ses pas est presque toujours plus borné que l’horizon: de sa vue : pauvre chevreau , il broute où on lattache, heureux quand la corde est assez longue pour lui permettre quelques ébats ; il faut que Pinstruction l’aille chercher, car il ne peut l’attein- dre, et il ne dira pas comme Mahomet : « Puisque la montagne ne veut pas s’approcher de moi, c’est à moi de n’approcher d'elle. » D'où viendra donc l'instruction au portefaix, qui ne connaît de ce monde que les fardeaux sous lesquels on lécrase ? au mineur, qui vit sous terre? au postillon, toujours en selle ? au pêcheur , toujours dans Peau ? à ces créatures de Dieu, comme les ap- pelle Labruyère, qui ont une âme, et passent leur vie à scier du marbre ? à tant d’autres infor- tunés qui la consument à tourner la même roue, à pousser le même cri, vrai travail de Sisiphe, vrai supplice de Danaide , qui absorbe les facultés, énerve l'intelligence et rendrait l’homme semblable à la machine qu’il dirige , si la voix d’un prêtre, celle d'un magistrat, celle de sa femme et de ses enfans , ne lui rappelaient sans cesse sa dignité de chrétien, de citoyen, de père, ne lui faisaient comprendre qu'il a, comme les rois, comme les- riches , comme les habiles , ses devoirs à remplir, n Je 68 INSCRIPTIONS ET BELLÉS-LETTRES + et que cette chaîne qu'il porte ,; a son premier anneau dans les cieux ? , | Mais ces voix qui le prèchent et le consolent , c’est un son que le vent emporte , un souflle qui effleure son visage et s’évanouit. Rien qui représente à sa vue, rien qui grave dans sa mémoire ses sublimes leçons. Pour ces intelligences débiles , qu'aucune abstraction n’exerça jamais, qui ne voient qu'avec les yeux, n’entendent qu'avec les oreilles, ne conçoivent que ce qu’elles se figurent, qui ont besoin d’une tête de vieillard pour penser à Dieu , et d’un échafaud pour détester le crime, qu'est-ce que le sermon du curé, le conseil de Yhomme instruit, la défense du magistrat, le commandement de la loi? Une parole qui passe et qu'on oublie. Elle n’est plus là cette leçon, et toujours est là cette roue qui tourne, cette pierre que fend la scie, ce fardeau qui pèse, ce cheval qui galoppe. Toujours est là ce qui abrutit et décourage. Et si malheureusement une main per- fide a montré de l'or à gagner, des terres à con- quérir, et donne larme qui assure la conquête , adieu le fardeau, adieu la roue; le signe de la dépendance est oublié pour le signe du pouvoir, la société est ébranlée, la force morale n’est plus rien, la force matérielle décide ; malheur aux vaincus | J'insiste sur ces considérations , d’abord parce que je regarde l’influence des signes matériels sur la pensée comme le plus puissant , peut-être comme l’unique mobile des intelligences populaires MÉMOIRES. 69. (et tous, plus où moins , nous sommes peuple à cet égard) ; puis, parce que souvent j'ai entendu les ennemis du progrès s’écrier : « À quoi bon pour Vhabitant des campagnes l’enseignement que don- nent les livres , enseignement factice, qui par cela même qu’il s'adresse à tous, ne s'adresse à personne ; qui ne peut pas deviner et par conséquent satisfaire les besoins de lindividu, et presque toujours lui apporte des idées auxquelles il n’est pas préparé, des idées qu’il accueille sans examen , entasse sans erdre, applique sans réflexion ? N’a-t-l pas, pour le guider dans ses intérêts matériels , la tradition locale, consacrée par l'épreuve du temps; les exemples domestiques, leçon vivante et toujours écoutée? Et pour ses intérêts spirituels, n’a-t-il pas les sublimes enseignemens du christianisme, qui répondent à toutes les questions dans un lan- gage que toutes les intelligences peuvent compren- dre? Que lui fautil de plus? Ne peut-on être chrétien sans avoir lu Bossuet, ét citoyen sans avoir médité Montesquieu ? » Sans doute : mais pour ne parler d’abord que des intérêts matériels , le temps n’a-t-il consacré que de bonnes pratiques, que de sages traditions ? Dans ces villages où du fond de votre cabinet bien chaud, vous décidez que tout est bien, dites, toutes les habitations sont-elles saines, bien bâties, à l'abri des inondations et des incendies ? A-t- on tiré parti des eaux, des mouvemens du terrain ? A-t-on demandé à la terre le secret de sa fertilité ? L'homme , qui doit être partout Le roi de la nature 70 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. inanimée, n'est-il pas là son esclave ? Sur notre beau sol de France où la population augmente dans une proportion prodigieuse, vous ne voyez donc pas qu'il faut multiplier aussi les produits agricoles, et que si l’agriculture ne suffit plus à nourrir les hommes, il faut que son auxiliaire terrible, la guerre, arrive et les tue! Vous blämez donc aussi tout progrès dans le passé ; car enfin , si l’on eût toujours suivi les traditions locales et les exemples domestiques, nous habiterions les cavernes, nous mangerions des glands. [Il à bien fallu que de tout temps certains fils fussent plus instruits que leurs pères, pour que la cabane d'Evandre devint le palais du Vatican. Et sans aller chercher si loin , je ne dirai pas quel général français retiré du service , mais quel paysan vou- drait aujourd’hui labourer son champ avec la charrue de Cincinnatus ? Vous ne trouvez donc pas mauvais que l’humanité chemine doucement dans la voie des améliorations. La seule différence qui existe entre nous, c’est que vous dites : Laissons faire , et que je dis : Enseignons à faire. Si des intérêts matériels je m’élève à des vues d’un ordre supérieur, si je considère dans l’homme autre chose que l'habitant passager d’un séjour que son travail seul peut rendre agréable, alors avec l'importance de l'instruction va croître la néces- sité d’en perfectionner lesmoyens , pour en assurer Vemploi, pour en garantir la durée. Alors je demanderai que la parole humaine soit gravée, soit écrite, non pas en hiéroglyphes que les initiés MÉMOIRES. rh seuls puissent interpréter , mais en caractères que tout le monde sache lire, en formules que tout le monde sache comprendre. Qui veut l'enseigne- ment de la parole veut des livres, car un livre nest autre chose qu'un porte-voix. Il supprime la dis- tance entre l’homme instruit qui trouve une idée, et l’homme ignorant que cette idée doit instruire- Sans doute, d’individu à individu, l’enseignement oral a de grands avantages : Cest une sorte de confession de l'ignorance au savoir ; Ce dernier, qui touche du doigt le besoin , applique plus eMicace- ment le remède. Mais cet enseignement, donné à tous, n’est pas possible, mais il ne laisse pas de traces ; mais quel que soit le talent du maître : quelle que soit la supériorité sur les disciples , son livre vaudra toujours mieux que ses paroles , car la pensée humaine, quand elle ne revêt que des sons, peut aller librement, par caprice ef boutades ; sans étiquette ni contrainte ; Mais lors- qu'il lui faut s’envelopper de caractères, s'asseoir avec eux sur des pages et se promener de par le monde avec cette parure qui attire tous les regards, alors elle s’observe, règle son maintien > pèse ses paroles et songe non-seulement à qui lécoute, mais à qui peut l'entendre. Aussi voyez comme lécrivain lui-même gagne à ce commerce d'idées Ë comme il possède mieux sa science après lavoir communiquée ! Voyez aussi quelle foi dans les livres et comme ces chétifs caractères de plomb donnent de la valeur à nos pensées ! Nous dont toute l'éducation 72 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. s’est faite par ce moyen, nous qui certes avons lu plus de volumes que nous n’avons entendu de maîtres, nous ne pouvons pas nous défendre encore de ce prestige. La vérité imprimée nous semble pour ainsi dire plus vraie que la vérité parlée. Nous attendons la publicité pour juger un ouvrage , non pour modifier nos jugemens par ceux d'autrui, mais pour voir, pour toucher ses idées, pour leur connaître une forme qui les arrête et les consacre. Après cela, jugez de l'effet d’un livre sur l'habitant des campagnes ! Cest un oracle qui lui parle, cest un génie descendu sous son toit pour lui révéler les secrets d’un monde supérieur. Exemples , traditions , con- seils, sermons même, tout cède, tout sefface, tout disparait devant cette autorité majestueuse. Ce n’est pas pour lui la pensée d’un seul homme : que lui importe le nom de lauteur ? Il n’y a pas d'auteur; c’est la raison humaine écrite , c’est le savoir qui s’est fait livre. Contre une chose im- primée , plus de doute, plus d’objections possibles ; il faut croire, c’est écrit. Aussi je conçois l’épouvante de ceux qui crai- gnent la lecture à cause des livres : je ne parle pas de ceux qui ont peur de la propagation des vérités ; mais de ces esprits circonspects et réfléchis que le nombre des mauvais ouvrages, et celui plus grand encore des sots ouvrages arrête quelquefois dans laccomplissement de ce devoir de charité. Ils savent que toute l’éloquence de Fénélon, dans une chaire de village, eût succombé sous l'in- MÉMOIRES. ph. fluence d’une brochure impie, et que le génie de Cuvier, parlant à des paysans, neût pas contre - balancé l'autorité écrite de Matthieu- Laensberg. Je conçois aussi la timidité des esprits sages ; qui, au moment d'écrire pour le peuple, s'arrêtent devant cette tâche immense et laissent produire les ouvrages élémentaires à tant d’étourdis qui les croient faciles, ou de spéculateurs qui les trou- vent lucratifs. Erreur et profanation, qu'on ne saurait assez condamner et flétrir ! Quelle tâche, messieurs, qu'un livre élémentaire, dans létat actuel des connaissances humaines ! Quelle main puissante il faut avoir pour saisir une science toute entière, la comprimer toute entière, la réduire toute entière aux plus minimes proportions ! Et cela sans Jui rien faire perdre de sa force, en lui laissant toute l’élasticité nécessaire pour qu’elle reprenne, s’il le faut, ses dimensions gigantesques ! Et pourtant, messieurs , c’est ce qu'il faut entre- prendre; car c’est peu de décréter l'instruction par une loi magnifique; cest peu de semer lor à pleines mains pour faire sortir de terre des écoles et des maitres : c’est peu que l’état et l’église fassent un appel à tous les hommes de bien. Il faut des livres : il en faut beaucoup , il en faut partout , il en faut dexcellens. Je n'arrête, messieurs; je crains d’avoir l'air d'enseigner , quand je ne fais qu'exprimer des idées qui sont les vôtres. Si vous excusez ces formes dog- matques , que mon auditoire condamne, mais 74 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. que mon sujet autorise, } ’examinerai une autre fois comment il faut instruire le peuple , el sur quoi il faut l'instruire. MÉMOIRE SUR L'INFLUENCE RÉCIPROQUE DE LA PHILOSOPHIE SUR LA LITTÉRATURE, ET DE LA LITTÉRATURE SUR LA PHILOSOPHIE : Par M. CABANTOUS. « Le peuple, dit un philosophe moderne, se » trouve enfin souverain dans le monde des idées. » On ne vit pas d’abord, continue le même phi- » losophe, que, faire le peuple Juge des idées , » C'était le reconnaître juge des choses : la révolu- » tion politique était au bout de la révolution Zt- » téraire ; tant il y a de liaison entre penser et » faire ! » Est-ce un bien, est-ce un mal que le sceptre des idées soit ainsi tombé dans les mains du peuple ? Cette question, à la fois littéraire et politique, plus politique même que littéraire, divise depuis long- temps les esprits, et ne les trouvera peut-être jamais daccord entr’eux. Mais comment un tel sceptre a- t-il passé en de telles mains? Voici une question purement historique et par conséquent toute litté- raire, du moins en apparence : elle nous a paru digne de fixer l'attention, et nous allons examiner 70 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. l'influence réciproque de la philosophie sur la lit- térature et de la littérature sur la philosophie. Cette influence est la cause première du fait non contesté que nous cherchons à expliquer : fait, de tous le plus grand, le plus important; puisque par la France il a changé la face de l'Europe, et que par l’Europe il doit changer celle du monde. J’en ai assez dit, je pense, pour donner à juger, que, maloré les apparences, le sujet que j’aborde a mille points de contact avec la politique. Mon intention néanmoins est de l’en séparer entièrement. Je l’envisagerai d’abord en iui-même, et d’une manière historique; ensuite, je le considérerai dans ses effets purement littéraires. Avant l’époque de la renaissance des lettres, la philosophie, ne trouvant chez nous que deux idiomes imparfaits, et craignant d’ailleurs de se compromettre en se laissant aborder par la mul- üitude, aflecta de se rendre inaccessible derrière un rempart hérissé darabe, de grec et de latin. Mais, dès le commencent du 16." siecle, lau- dace de Calvin tenta de arracher de ce retranche- ment, et la força de se montrer aux yeux avec des formes françaises et les airs nationaux de l’époque: « En matière de raisonnement, disait ce novateur, » je puis trouver des adversaires à combattre; mais » en matière de français et de style, je jette hardi- » ment le gant au milieu de la France, et le levera » qui osera.» Il ne fut levé par personne. Rabelais , presqu'aussitôt , dans lintérét de notre langue, plus encore certainement que dans MÉMOIRES. 77 celui de la philosophie, entreprit en français, et la critique des philosophes de son temps, et l'exposé de la philosophie telle qu'il lentendait : « Oui, » s’écrie-t-il, je prouverai en barbe de je ne sais » quels centonifiques batteleurs de matières cent et » cent fois grabellées, rappetasseurs de vieilles fer- » railles latines, revendeurs de vieux mots latins » moisis et incertains, que notre langue vulgaire » n'est tant vile, tant inepte, tant indigente, et » à mépriser qu'ils lestiment. » Au sortir des mains impures de ce moderne Diogène, la philosophie rougit des ordures et des obscénités dont elle était souillée; elle rougissait presque d'elle-même, quand Montaigne lui rendit, sinon sa gravité native, du moins des formes plus décentes, et un caractère de confiance qui lui per- mit de tout oser. Elle passa souvent les bornes dans /es Essais ; elle alla plus loin encore dans le livre de la Sagesse. Mais Charron, pour mettre en rapport avec elle la langue qu’il lui faisait parler, contraignit celle-ci à subir le joug de la méthode, et à prendre un air noble et sérieux qui semblait alors contraire à sa nature. Depuis cette époque, il n’y eut pas de sujet que la philosophie n’abordât; il n’y eut pas de licence qu'elle ne se permit, et même qu’elle ne prit im- punément : témoin la bienveillance de Æenri III pour Bodin, malgré les propositions plus que hardies, avancées et soutenues par ce dernier dans son Be de la République... Eh! quel mal, en 78 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. effet, pouvait produire la philosophie, dans ur temps où si peu de personnes savaient lire, où moins encore pouvaient comprendre la pensée , peinte aux yeux, n'importe dans quel idiome ? Elle conservait encore toute sa liberté dans une partie du 17.%e siècle : car Gassendi püt, sans scandale, ressusciter Epicure, et Descartes repro- duire un principe de la moyenne Académie, qui devait tôt ou tard servir à saper par la base l'édifice entier des idées les plus respectables et les plus res- pectées jusqu'alors. Ici, néanmoins, le danger des opinions philoso- phiques naquit des progrès de l'instruction ; et les philosophes eurent pour la première fois besoin de s’observer. Mais ils continuërent à penser , à parler, à écrire dans la langue nationale : et c’est à la vio- lence continuelle qu'ils lui firent pour la plier à leurs besoins sans cesse renaissans, que cette belle langue doit ce caractère de clarté, de précision , de correction, qui fait, suivant Rivarol, qu’elle explique tout ce qu’elle traduit, et qu’il n’est point d'idée , quelle qu’en soit lespèce et l’origine , qu’elle ne rende sensible à tous et générale dans l'Europe entière, dès qu’elle a tant fait que de s’en emparer et de lui prêter ses formes naturelles. La gloire de Louis XIV était éclipsée, celle des arts de goût pälissait, les croyances anciennes per- daient de leur crédit; Pédifice de la morale chan- celait de toutes parts, ébranlé dans le corps par la licence des mœurs, et sapé dans sa base par les sophismes dune raison à peine émancipée. Male- MÉMOIRES. 19 branche, Pascal, Nicole, Arnaud étaient descendus dans la tombe : le grand Léibnitz et incomparable Bossuet avaient fermé les yeux à la lumière, pleins d’effroi sur Pavenir que préparait un présent gros de tous les germes dune révolution universelle. Fénélon lui-même et Massillon, quoique imbus en partie des idées nouvelles, tremblaient épouvantés du murmure étourdissant qui frappait leurs oreilles, et qui, dans leur pensée , cent fois exprimée par eux-mêmes, annonçait une tempête affreuse; où Montesquieu, Jean-Jacques et dAlembert, plus près qu'eux du moment fatal, voyaient en pälissant Je résultat de tous les siècles antérieurs destiné à périr en un jour, sans qu'il fût possible ni de pré- venir la catastrophe, ni d’en calculer les inévitables effets... Les hautes classes donnaient, comme à Venvi, Pexemple du mépris des croyances et d’une licenceeffrénée; lesmoyenness’éclairaient, voyaient, observaient, comparaient et jugeaient; la dernière même apprenait à lire et à écrire, au grand déplaisir d'Omer-Talon , dans le 17."e siècle, et de la Cha- lotais dans le 18.e : tous les yeux s’ouvraient, _tous Les esprits s’éclairaient, tous les cœurs s’ani- maient, s'échauffaient, avides de nouvelles lumières et sur-tout de nouvelles jouissances. Dans cette situation extraordinaire, à laquelle aucun des siècles passés n’avait jamais offert rien de semblable, la philosophie, jalouse de pourvoir aux insatiables besoins de cette ère nouvelle, s’empara d'abord du monde physique, et fit faire tous les jours des progrèsincroyablesauxsciencesnaturelles. 30 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Mais, le monde physique ne suffisant pas à ses propres besoins, elle s’élança, pleine d’audace et d’espérance, dans le monde moral ; et, sans changer ni d’instrumens, ni de procédés, elle entreprit de l'exploiter par les mêmes moyens qui lui avaient si bien réussi dans le monde physique. Malgré la prévention qu’elle avait excitée en sa faveur par ses prodiges dans les sciences naturelles, elle s’aperçut bientôt que les esprits n'étaient pas encore suffisamment préparés aux innovations qu’elle méditait dans les sciences morales. Profitant donc de l’impulsion donnée par les arts de goût dans le siècle précédent , elle s’associa la littérature qui lui avait tant d'obligation, et qui, pleine de reconnaissance, fit volontiers cause com- mune avec elle. Dès-lors, la philosophie, adroitement déguisée sous des formes éminemment littéraires, ne se pro- duisit plus dans le monde qu'avec le masque de l'histoire, du roman, du drame, des mémoires, des lettres, des nouvelles, des anecdotes, des ana, ” de l’épigramme même, du madrigal et du sonnet. Je ne parle pas des moyens employés par ces libertins pleins d'esprit, qui se disaient ses adeptes, mais qu’elle a désavoués depuis, et qui, pour la mettre en rapport avec les goûts d’un siècle plein de vices, osèrent la mouler, en quelque sorte, sur leur propre modele, et la produire en public avec ces airs de vile courtisane qu’elle eut toujours en sortant des sociétés du Temple, de Sceaux, du Caveau , de Ninon de Lenclos, et de tant d’autres MÉMOIRES. 81 réunions semblables, où l'abus du talent fut poussé jusqu’à se jouer impudemment, et de Putile, et de l’agréable, et de honnête, et du honteux. Quoi qu’il en soit, à force de secours étrangers, dont elle sut profiter à propos, elle parvint à s’in- sinuer partout : dans les cours des rois, dans le cabinet et même dans l’esprit des plus puissans monarques, dans les palais des grands, dans les maisons bourgeoises , dans les chaumitres, et jusque dans les boudoirs. Je ne dirai pas avec M. Jouffroy, comment, à la suite de cette révolution dont je viens d’esquisser Vhistoire, les sallons qui jusqu'alors s'étaient bornés à faire de l'esprit , se mirent tout-à-coup à faire _ de l'opinion sur les idées , à décider ce qu’il fallait penser sur toutes choses ; s'érigeant, pour ainsi dire, en jurys spéciaux, devant lesquels les savans et les littérateurs de toute espèce venaient lire leurs ouvrages et se faire juger. Je ne dirai pas, avec le même philosophe, comment le peuple, ouvrant les yeux à la lumière dans laquelle il nageait, et las d’opiner par l'organe des représentans qu’il avait dans les sallons, a prononcer par lui-même; et comment, pour le rendre compétent, on prit, suivant l’expression d'Helvétius, le parti fort heu- reux de faire monter la philosophie sur lestréteaux, afin de la faire descendre jusqu’à la dernière classe. Je n’ajouterai pas ce qu’a publié le premier des deux écrivains que je viens de citer sur le moyen employé pour compléter l’organisation de cette nouvelle démocratie littéraire. TOME IV. PART. Ir. G 82 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Jai prévenu, dès le début, que j’écarterais avec soin de mon sujet tout ce qui toucherait le moins du monde à la politique. Je n’entrerai donc dans aucun détail sur ce que je crois ne devoir qu’indi- quer, et je me “hâte de reprendre le fil de mes pre- miéres idées. Une fois devenue souveraine absolue dans empire des esprits, la philosophie n’avait plus besoin des formes variées qu’elle avait empruntées d’abord à la littérature. Elle s’en passa donc; elle entreprit même de donner les siennes à tous les genres de goût, à tous les objets des connaissances humaines; et, depuis le commencement de ce siècle sur-tout, iln’est rien qu’elle ne fasse entrer dans son domaine. Qui ne sait, en effet, qu'aujourd’hui nous avons la philosophie du gout, la philosophie de lhis- toire, la philosophie du droit et la métaphysique de la jurisprudence , la philosophie politique , la philosophie du corps, la philosophie de l'âme, la philosophie de l’homme, la philosophiedes bêtes, la philosophie géologique , la philosophie de la terre, la philosophie du ciel, la philosophie de tout; et même la philosophie de la philosophie ou des vhs losophies, la seule, d’après M. Damiron, qu'admet- tent, de nos jours, le petitnombre d'hommes éclai- rés, qui ne nient pas absolument {oute philosophie proprement dite. Ainsi la littérature et la philosophie, cultivant en commun leur domaine respectif, ont fini par en renverser toutes les bornes et les confondre en- semble, au point de ne pouvoir plus les distinguer MÉMOIRES: 53 l’une de l’autre. Voyons maintenant les eflets litté- raires qui en sont résultés. L'histoire est, en littérature, un des genres les plus féconds, les plus intéressans en eux-mêmes, les plus variés dans leurs espèces, les plus instructifs par le fond, les plus agréables par la diversité, la noblesse et souvent l'élégance des formes. Eh bien! . quel en serait le sort, si jamais le projet de Za phi- dosophie de l’histoire était bien exécuté? I ny aurait plus d'histoire , répond avec confiance un philosophe encore vivant et des plus distingués dans Pécole progressive : il n’y aurait plus d'histoire; et la raison en est évidente, continue le même philo- sophe; car, dès-lors l’histoire serait sans objet, et la science lui succéderait dans les modifications de l'humanité, comme elle lui a déjà succédé dans les modifications naturelles. Et l’éloquence ?—L’éloquence, répond un autre philosophe de la même école et des plus connus; Véloquence est {le de enthousiasme ; Venthou- siasme suppose la foi ; un siècle philosophe n’a foi qu’à la raison; et la raison n’a foi à rien , pas même à elle-même, car, à ses yeux, le scepticisme gé- néral est ce qu'il y eut jamais de plus raisonnable. Et Za poésie ?— La poésie ( je ne fais encore ici que loffice d’écho de nos philosophes actuels les plus renommés); la poésie n’est qu’un talent d’igno- rant, qui ne peut se développer que dans un siècle de ténèbres : or le nôtre est un siècle philosophe et éclairé. — Mais le siecle de Sophocle et d'Euripide, celui d’Horace et de Virgile, celui de Racine et de ©. 84 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Molière étaient-ils donc des siècles de ténèbres?— C'étaient des siècles sans philosophie et par consé- quent sans philosophes, et dès-lors sans lumières véritables.— Quoi! Socrate, Aristote et Platon, Cicéron, Epictète et Sénèque, Descartes, Gas- sendi, Pascal, Malebranche, Bossuet et Léibnitz n'étaient point des philosophes, et les siècles où ils vécurent étaient sans philosophie!—— Tous ces hommes que vous venez de nommer, n'étaient que les précurseurs de la vraie philosophie, et leur siècle mérite à peine d’être regardé comme laube du grand jour qui nous éclaire : tous ces hommes étaient des savans, et non des philosophes ; leur siècle était un sicele de science, et non de philo- sophie : la philosophie est /e jugement du peuple; il ny a eu de philosophie, que lorsque le peuple a pu juger au lieu de croire; et les vrais philoso- phes sont wne espèce d'écrivains entièrement nou- velle et tout à fait inconnue avant le x8.me siècle — Mais vous reculerez du moins au nom de Voltaire: car voilà un poète, s’il en fut jamais , et ce poète vivait au 18. siècle.—Voltaire poète! non, Vol- taire était philosophe et non poète: il était trop philosophe pour étre poëte. — On dirait mieux peut-être que Voltaire était trop poète pour être philosophe. Mais enfin, ou nous refuserions d’ou- vrir les yeux à l'évidence, ou nous devons voir clairement le peu d’estime que la philosophie té- moigne pour la poésie, et le triste sort qu’elle lui prépare. Et Za morale, qui touche au got par tant de MÉMOIRES. 85 points, et sans laquelle même on ne saurait conce- voir le goût? — La morale ( je le répète encore et pour la dernière fois, mon rôle est toujours celui décho ); la morale n’est pas seulement nécessaire pour le goût, elle l’est encore et plus peut-être pour la société qui ne saurait exister sans elle. Mais qu’a-t-on besoin de chercher hors de nous un fon- dement à la morale? La morale ne repose que sur le sens moral commun à tous les hommes. Eclai- rons donc les hommes, perfectionnons en eux le sens moral : et nous n’aurons plus besoin ni de frontières garnies de forts pour nous défendre, ni de soldats pour guerroyer de peuple à peuple, ni de cette foule de magistrats et d'employés de toute espèce rétribués à frais énormes pour veiller au maintien de l’ordre, ni par conséquent d'aucun de ces impôts ruineux, qui vont toujours croissant, sans pouvoir jamais suflire aux besoins des états actuellement existans. — Belle utopie sans doute, et cent fois plus belle que celle de Platon : mais quelle idée faut-il se faire du sens moral? — Xe sens moral est un érstinct fatal qui nous pousse au bien, et nous éloigne du mal. — Fatal! Fnstinct fatal et sens moral impliquent dans les termes : car la fatalité exclut la liberté ; et sans liberté, point de moralité. Mais laissons au mot fatal le sens vague et indéterminé qu'il vous plait d’y attacher, cet instinct fatal que vous nommez sens moral, est- il, peut-il être rursonné? — Non, sans doute, car s'il était ou pouvait être raisonné, il cesserait d’étre Jatal; et de là vient, sil faut tout dire, que le ) 56 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. * scepticisme général est si raisonnable lui-méme.— Mais vous parlez de perfectionner Le sens moral : par quel moyen prétendez-vous arriver à ce but? — En étendant par les lumières l'empire de la raison,— Quoi! vous ne craignez point d’étouffer le sens moral au lieu de le fortifier, en cherchant à le perfectionner par les lumières de la raison qui, suivant vous, sont si favorables au scepticisme gé- néral?— Non, le sens moral est un éastinct fatal; et que peut le scepticisme contre un instinct fatal? Berkley fut sceptique à l'égard de la matière, et il usa des corps comme un autre. Qui dit fatal , dit invincible , insurmontable; et les cris contre le scepticisme dont tant de voix suspectes font retentir le monde philosophique, prouvent seulement dans ceux qui les poussent, une ignorance entière de la nature des hommes et de celle des choses. — Soit : mais à quoi pensez-vous vous-même de comparer le sens moral avec l’énstinct qu’on a nommé phy- sique ? Berkley avait beau douter des corps; il ne pouvait pas vivre sans en user; l’homme ne saurait existersansalimens. En est-il de même de la probité? L'homme ne peut-il pas exister sans vertu? Com- bien qui ne vivent que de vices, et ne s’engraissent que de crimes! Prenez-y donc garde, le goût frappé d’abord dans chacun de ses genres, pourrait bien l’être également dans sa base, qui, d’après vous-même, n’est autre que la morale. Mais la philosophie qui a semé de tant de ruines le domaine de la littérature, est-elle bien en sûreté dans le sien? — Non, sans doute, sécrie ici MÉMOIRES. 87 M. Damiron : trois partis puissans (les savans, les praticiens, les gens du monde) lui contestent son objet et tout moyen de le connaître : on n’admet plus comme réels que les objets sensibles ; on ne reconnaît d'observation utile, que l'observation expérimentale : à peine dans la foule des éclecti- ques, dont la plupart sont sceptiques, se trouve- t-il quelques dogmatiques dont opinion soit favo- rable à lexistence de ce monde invisible, auquel le genre humain s’obstine cependant à croire depuis Vorigine des siècles. Il faut convenir, ajoute M. Jouffroy, que « la philosophie est si jeune, » qu’elle s’ignore encore, elle et son but, et sa » destinée. Jusqu'ici elle ne s’est jamais définie » elle-même à elle-même d’une manière précise ; » elle n’a pas su se rendre compte de sa éäche, de » ses moyens, de ses limites : jamais elle ne s’est » donnée pour ce qu’elle est, et de là vient qu’elle » n’a jamais été admise au nombre des sciences » raisonnables que le sens commun peut avouer. » Pour mieux dire, elle est encore à naître.» Voilà donc où nous a conduits l'influence réci- proque et trop prolongée de la philosophie sur la littérature, et de la littérature sur la philosophie. Par une révolution aussi naturelle que singulière, elle a fait succéder à la république des lettres une véritable démocratie littéraire ; et dans cette dé- mocratie impossible à constituer régulièrement, la confusion des suflrages et des opinions est telle, que nous ne savons plus à quoi nous en tenir ni sur le beau, ni sur le laid, ni sur Le vrai, ni sur 88 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. le faux, ni sur le bon, ni sur le mauvais, ni sur le caractère propre d'aucun genre de littérature, ni sur la littérature elle-même, ni sur la philosophie, sur rien enfin. [l semble que, dans le monde moral, le plus informe des chaos ait remplacé l'ancien ordre qui frappait tant par son ensemble et sa magnifr- cence. Sera-ce pour toujonps Pouvons-nous espérer ; au contraire, qu’un nouvel ordre remplace l’ancien : qu'un plus beau même nous le fasse oublier 2... Cest que nous examinerons dans une autre occa- sion où nous reprendrons le même sujet au point où nous le laissons aujourd’hui. AU GUI-L'AN-NEUF ; Par M. PUIGGARI, Correspondant. OQvueroue suspecte que doive paraître l’origine vulgairement assignée à ces mots, pour peu qu’on y réfléchisse , rien de plus ordinaire que de la voir admise comme chose incontestable par nos auteurs. On ne peut que s'étonner toutefois de la rencontrer dans certains ouvrages récens , tels, par exemple, que le Dictionnaire des origines et la Philologie française de Noël et Carpentier, V Abrégé de l'Histoire de France , par Gault de Saint-Ger- main, l'Histoire de France, d’après les plans de MM. Guizot , Augustin Thierry et de Barante, qui paraît en ce moment et par Livraisons. « Le vieil » usage , est-il dit dans ce dernier , de courir les » rues, au premier jour de lan, aux cris de : » Au gui, l'an neuf! se rattache encore au culte » des Gaulois (T. 1, p. 53 ). » Cest particulièrement la lecture de cette phrase qui m'a déterminé à faire sur ce cri les recherches dont je vais exposer le résultat. L. Au-gui-l’'an-neuf , suivant l'opinion la plus répandue, est la traductiog des mots latins : ad viscum , annus novus, substitués à lantique 90 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. formule que proféraient les prêtres gaulois, lorsque le souverain Pontife devait cueillir et distribuer le précieux gui de chène, au commencement de l'année. Quelle était, cette formule primitive ? En quel temps est-elle passée dans la langue latine? En quel temps dans la française ? Quels auteurs con- temporains l’ont signalée dans ses diverses pha- ses? .... Inutile d'attendre des réponses à ces questions, puisque Pline le Naturaliste, le seul des anciens auteurs qui ait fait mention de la céré- monie du gui, ne donne nullement à entendre quelle fût précédée ou acompagnée de eris d'aucune espèce , et qu'au lieu den marquer l'époque au premier de lan, il dit qu'on choisit pour la faire, surtout le sixième jour de la lune, jour par lequel les Gaulois commencent leurs mois , leurs années, etc. Li. xvr, ©. 99 (1). Ce passage de Pline paraît da et décisif. Eh bien! qui croirait, sil n’était pas facile de s’en assurer, qu'on n’en cite pas d'autre pour prouver la dérivation gauloise de au-gui-l'an-neuf (2)? IT. Continuons cependant : ceux qui vont cher- (1) Est autem (viscum) rarum admodüm inventu ; et re- pertum magnû religione petitur ; et ante omnia ; sextà lun quæ principia mensium annorumque his facit. (2) V. Noël et Carpentier, Gault de Saint-Germain, déjà mentionnés, et autres. Les deux premiers glosent le texte en le dénaturant; le troisième dit, ou semble dire, qu'en y lit ce vers tronqué : Ad piscum druidæ clamare solebant, 4 1, pag. 12. MÉMOIRES. 91 cher si loin et par une aussi fausse route, ce cri de premier de Fan , ont soin d’en parler comme du seul connu et usité parmi nous de tout temps et en tout lieu , tandis qu'il a tant d’analogues dont ils ne säuraient ignorer ni ne devraient taire l’exis- tence. Mais le fait est que la plupart offrent à ces philologues des formes tellement étranges ; qu'ils sentent l'impossibilité de les ramener à la traduc- tion latine imaginée à ce sujet. Voici par ordre alphabétique une trentaine de ces variantes qu’on peut confronter avec ad viscum , annus novus : Aguilan, aguilaneu , aguilaneuf, aguilanleu , dguilanneu , aguilanneuf, aguileanneuf, aguil- lanneuf , aguilenneu , aguillonneu, aguinelo , aguillaneuf, au-gui-lan-neuf , guillenleu, hagui- laneu , haguignète , haguihelo, haguillène, ha- guilenne , haguimenlo , haguinelo, haguinenlo , haguinette , haguirenleux , haguironseux, han- guevesse , hoguigagné, hoguignète , hoguinanès , hoguinètes. ( V. les Glossaires de Dom Carpentier et de M. Roquefort.) Lequel de ces cris nombreux faut-il regarder comme le plus corrompu ? Tout porte à croire que c’est justement celui qui le paraît d’abord le moins, au-gui-lan-neuf, et qu'il a même été altéré ainsi par illusion ou par accommodation de sens. Ce qui nous reste à dire le prouvera de plus en plus. IT. S'il est vrai, comme l’observe judicieusement le docte archéologue Mahé (1), que les formules (1) Essai sur des Antiquités da département du Morbihan. 92 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. et les cris populaires passent sans traduction d’une langue à l’autre, il devrait être resté au moins quelqué rapport, dans ros cris divers de nouvel an, entre le mot essentiel qu'ils renferment tous, ce gui, qu'on prétend désigner le gui de chêne. et Le nom celtiqne de cette “plante: Mais , quelle différence ! Ce nom est mistil-teinn. W se trouve conservé dans les langues de la famille germanique : c’est mistel en Danemark, eichen-mistel en Alle- magne, mistletoe en Angleterre; et nous ne voyons pas cependant qu’il y ait dans ces pays des refrains populaires où figurent de pareils mots (x). Bien plus, les Bas-Bretons eux-mêmes , chez qui toutestencore si celtique, ne fontentendre, la veille de Noël, que des cris conformes aux sus-énoncés : Pr. guilané, eghinat ; eghin an eit ; et tant s’en Ds qu'ils y reconnaissent dans gui ou ghë la plante parasite du chêne, qu’ils traduisent ( mal sans doute et en y aidant) la dernière de ces quatre formules par Ze blé germe , à la lettre , le germe dans le blé (Mahé ). (1) Suivant Noël (Dictionneire de la Fable) « c’est encore » la coutume , dans quelques endroits de la haute Allemagne, » de courir de maison en maison et de ville en ville, le pre- » mier jour de l'an, en criant Gutheil, qui est, dit-il , le nom » sous lequel les anciens Germains vénéraient le Gui de chêne.» Qu'il nous soit permis d’objecter à l’assertion de ce savant, que Gutheil peut se traduire tout simplement par bonne santé, prospérité (Gut, bon, bonne; et heï!, sante, fortune , bon- heur ), et que Tacite , qui nous a laissé tant de détails sur les mœurs , le culte et les superstitions des Germains, ne parle nullement de leur vénération pour le Gui de chêne. MÉMOIRES. 9) IV. Pour rapporter le cri : au-gui-l'an-neuf, au druidisme, on ne s’est, évidemment, appuyé que sur l'identité de figure et de son que présente la syllabe gui avec le nom actuel de la prétendue panacée des Gaulois; comme si une telle identité, si souvent fortuite et trompeuse , pouvait par elle seule établir solidement celle de la signification. D'ailleurs , il est plus que probable que gui, tiré de viscum, n’est pas sorti immédiatement de son primitif, et qu'on aura dit plus tôt vise dans le double sens du latin : témoin visqueux et viscosité, vise en langue romane , vésco et vischio en Italien, pisco et visgo en Portugais ; et cependant dans toutes les variantes de ce cri, qui doit bien re- monter à la première formation de la langue française, on ne trouve que gui. V. Il ne manque plus , je pense, qu'à donner de ces expressions, simalentendues, une explication, sinon complète , suffisante du moins pour satisfaire le jugement , et je vais le tenter. L'usage universellement observé de quéter des étrennes en les proférant, pourrait en faire déjà entrevoir le sens réel. Mais il y a mieux : les glos- saires précités et Gault de Saint-Germain lui-même nous enseignent positivement que ces expressions sont synonymes d’étrennes (1). Telle est aussi TS gs + 09 Ce iegr en (1) «Les Percherons , dit cet historien (HS par 313), nomment les présens qu'on se fait au nouvel an, les eguilars, et le peuple chartrain, eguiables : dans d’autres pays, les enfans courent encore ce même jour, et disent à ceux qu'ils 94 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: l'interprétation que donnent divers lexiques des mots romans a/guirando , guiardo ; guizardos , guizardon ( d’où vient en Italien guidardone ), et du mot Espagnol aguinaldo ou aguilando , tous homogènes , sans contredit, de nos guillenleu , aguilanleu , aguimenlo, aguinenlo, etc.( F7. Dic- tionnaire Catalan d'Estève, etc; Dictionnaire Languedocien de De Sauvages ; Glossaire Occi- tanien de Rochegude ; Dictionnaire de l’Académie Espagnole , etc. ) Après cela, si l’on considère qu'il ny a pas un des termes de cette espèce où gzi n’entre en com- position , on devra nécessairement incliner à croire que c’est de ce simple élément que leur signification tire toute sa force. J’espère même qu’on en restera convaincu par cette autre observation , nouvelle , si je ne me trompe , et en ce cas assez Curieuse, que ce gui est absolument identique avec celui du mot Anplais gift , qui se prononce guift ( présent, étrenne), dérivé du verbe give , où gi a le mème son ( donner , faire présent ). En outre , give est pris du vieux Saxon gifan ( V. Johnson ); on dit encore gtfé en Allemand, et, dans la même lan- gue, trois formes du verbe geben parallèle de gifan , conservent le radical gi ou gie, avec le son de gui : du giebs, er giebt ( tu donnes , il donne }), giebt , ( donne } à l'impératif, mode dans lequel se trouve la vraie racine des verbes, comme rencontrent ; donnez-moi ma Gui-lan-neu. En limousin, on dit /o guignalen , et en Basse-Bretagne , les Oguinan, » 8 , ) 6 s MÉMOIRES. OÙ le remarque, d’après Leibnitz, le président de Brosses. VI. Serait-il impossible de dire maintenant, avec quelque probabilité, en quel temps et par qui l’archétype des expressions plus ou moins viciées que nous venons d'exprimer , fut importé chez nous ? — Il me semble que puisqu'elles sont depuis très-long-temps usitées, tant en Espagne qu’en Franee et que leur générateur est Germa- nique , les Visisoths pourraient bien nous en avoir fait présent dans le cinquième siècle. Si mon étymologie laisse encore des doutes , je ne crois pas qu'il en reste du moins sur la fausseté de celle qui est la plus en vogue aujourd’hui. MÉMOIRE SUR L'ÉGLISE DE SAINT-GAUDENS; Par M. Du MÈGE, p£ La Haye. La vallée que creusa jadis et que parcourt le plus beau fleuve des Pyrénées, a subi sans doute, à une époque inconnue, de grands cataclysmes. Sans offrir d’autres plis de terrain que ceux qui existent un peu au-delà du village de Portet, elle est parfaitement nivelée jusqu'auprès de Saint-Elix ; elle se relève vers ce point, et, for- mant un plateau d’une médiocre étendue, elle parvient jusqu'à Baluet. De ce lieu, où existait jadis un château, remarquable par sa construction et par les sculptures qui décoraient ses tourelles , on descend jusqu'à Martres ; mais on saperçoit que les coteaux qui paraissent sur les confins de la Novempopulanie, s’exhaussent presque tout à coup, deviennent des montagnes , et s'appuient à d’autres qui forment un petit système, dans lequel on retrouve des bancs de marbres coquilliers. On voit d’ailleurs que ces monts et ceux de la rive droite se rapprochent de manière à ne laisser entreux qu'un espace peu considérable, ayant MÉMOIRES. 97 apparence d’une brèche , et lon est porté à croire que les eaux, formant jadis un vaste lac supérieur, étaient arrêtées là par une haute barrière de rochers , d’où elles s’échappaient en cataracte im- mense ; que cet obstacle fut détruit, et que les diflérens plis de terrain que l’on remarque dans les lieux que j'ai indiqués, sont les restes des débris entraînés par le fleuve. La colline de Millau , que lon retrouve ensuite, ne contrarie point , par sa position, les remarques que je viens d’énoncer. Parvenu sur ce sommet, le voyageur a atteynt lun de ces vastes plateaux que lon retrouve en petit nombre près des Pyrénées ; c’est ce qu’en Espagne on nomme un Paramera. À l'extrémité de celui-ci, on aperçoit les tours de Saint-Gaudens, et, sur des plans plus ou moins reculés, les monts qui environnent la vallée d’Aure et celle de Cam- pan , le Pic du Midi et le reste de la chaîne qui, aux dernières limites de l'horizon , semble s’incliner et disparaître dans les flots lointains de l'Océan. Saint-Gaudens est à une médiocre distance de l'extrémité de ce plateau, qui se termine assez brusquement , se rattachant néanmoins, sur la droite, aux collines qui s'étendent vers Montréjeau. Au sud-ouest, au sud et à lest, ses pentes sont abruptes. Il domine sur la vaste et fertile plaine qui s'étend jusqu'aux montagnes du Picon ou de Gourdan. Cette plaine, dont l’aspect est si riant aujourd’hui , était sans doute autrefois un lac dans lequel la Neste mélait ses eaux à celles de la Garonne, qui y débouchait d’un autre lac plus TOME IV. PART. II, 7 98 INSCRIPTIONS ET BÉLLES-LETTRES. élevé, que dessine encore la plaine de Saint-Bertrand, et qui recevait aussi les eaux venues des monts de la Barousse. De l'extrémité sud-ouest du Paramera ou plateau de Saint-Gaudens , la vue s'étend sur la plaine de Valentine et sur les anciens thermes de Labarthe, que domine une tour féodale, Les Ro- mains avaient établi sur ce point, qu'on nomme le Pujament , un poste d’observation et de défense. La redoute elliptique qui en faisait partie, et d’où lon découvrait au loin, réduite par les travaux agricoles à ne plus offrir en 1807 qu'un cône isolé , a disparu en entier depuis peu d'années. . La présence de ce poste a dû donner naissance à une Mansio où à une hôtellerie, où les voyageurs et les employés de Padministration trouvaient un gîte protégé par la force militaire. Telle est, à ce que Von assure, Porigine de la petite ville de Saint-Gau- dens, connue, d’abord, sous le nom générique de Mansio, que, plus tard, on a traduit en français par celui de Petit Mas. Au bas de la colline du Pujament existait déjà, aux derniers temps de la domination romaine, une bourgade qui n’était pas sans importance , si Von en juge par les monumens antiques qu’on y retrouve encore. C’est aujourd'hui 7’alentine. Sa fondation ne date-t-elle que du quatrième siècle, ou seulement peut-on croire qu’elle prit son nom, soit de ’ulentinien T, qui revêtit la pourpre à Nicée, en Bithynie, lan 364 de J. C., ou 1117 de Rome et qui mourut à Brigition , en Pannonie, en 375 , ou 1128; soit de l’alentinien IT, qu, MÉMOIRES. 99 salué Auguste par l'armée , après la mort de son père , fut associé à empire par son frère et son oncle ? Dans le premier cas, elle aurait été bâtie , ou aurait pris le nom de J’alentinien, dans lespace de temps limité entre lan 364 et lan 375 ; dans le second , elle n'aurait été connue sous cette dénomination que depuis lan 383 de. J. C. ou 1136 de Rome, car V’alentinien IT réunit seu- lement alors l'Occident sous sa domination, n’ayant eu auparavant pour son partage que lItalie, Vllyrie et l'Afrique. Il fut assassiné dans la Gaule Narbonnaise, en 392, ou 1145 de Rome ; ainsi ce serait entre cette dernière année et 1136 qu'il faudrait fixer, sinon la fondation de Valentine, du moins l’origine du nom qu’elle porte, si on prenait pour base en cette occasion une douteuse étymologie. Ce ne fut pas assurément 7’alenti- nien IIT qui lui imposa son nom , car ce prince, déclaré César à Thessalonique, en 1177 de Rome, ou 424 de J. C., et envoyé par Théodose, année suivante, en Îtalie, ne régna point sur nos con- trées ; déjà , en #18 , le Patrice Constance avait, au nom de l'Empereur Honorius , cédé la seconde Aquitaine aux Visisots. On pourrait donc affirmer, si Von s’en rapportait à l'induction qu’on peut tirer de son nom, qu’elle prit celui-ci, ou qu'il lui fut imposé entre les années 364 et 392 de J. C. Ce lieu , situé près de la voie romaine qui de Lugdunum Convenarum conduisait à Tolosa , à une médiocre distance des thermes antiques de Labarthe, montre par les monumens qu'on y m" je ‘ 100 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. retrouve encore, qu'il avait, au 4.° et au 5.° siècles; une importance assez grande. Les champs voisins ont offert des restes de constructions antiques. Des débris de tombeaux et de bas-reliefs sont épars çà et là dans les habitations. A l'angle de l'église on voit la tête casquée d’un soldat romain : tout au- près, on aperçoit une urne en marbre blanc, sur laquelle on a assez grossièrement sculpté en buste deux personnages : une autre urne en marbre sert de support au pilier d’un hangar, dans la ferme de M. Roger-Lacassagne , lun des amis du célèbre Ramond. Enfin, un marbre qui a près de deux mètres de long et qui est encastré dans le mur de l’église, du côté du cimetière, contient cette belle inscrip- tion en vingt-quatre vers latins (1). Nymfius æterno devinctus membra sopore Hic situs est, colo mens pia perfruitur. Mens videt astra; quies tumulicomplectitur arctus ; Calcavit tristes sancta fides tenebras (2); Te tua pro meritis virtutis ad astra vehebat Intuleratque alto debita fama polo. (1) Je donne la figure de ce monument en regard de cette page. M. le Marquis de Castellane vient de publier cette ins- cription dans les Mémoires de la Société Archéologique. (2) Faut-il ne voir ici qu’une allusion pieuse, ou entendre par là les hérésies que Nimfius aurait combattues? Déjà, vers 353, les Ariens commencèrent à troubler la province. Le faux Concile de Béziers condamna saint Athanase. Une partie des évêques des Gaules fut séduite par les sectaires. Rhoda- nius, de Toulouse , et saint Hilaire, résistèrent seuls , fidèles à la vérité. L'église de Toulouse fut alors persécutée, même MPERTEPATRIAALMAVOCAVIT \NCTIVSORELOQVI ODOLVCTVSCONTF ICITVRBES NTANXIATVRBAPATRES PENTIAMEMBR A RIGESCUN INCIPEMAERETINERS MAGNISOLATIALVCTVS ILVMMAESTASERENADICAT ’ERCOMESADDITA F VLCRI IVSTRAPEROCTODEDIT JVMCOMESANXIALVCEM (SHANCCVPITESSEBREVEM |NTMEIVSAETERNODEVINCTVSMEMBRASOPORE HICSITVSESTCAELOMENSPIAPERT R VIT VR MENSVIDETASTRAQVIEST VMVLICOMPLICTITRARCTVS CALCA VITTRISTESSANCTAF IDESTENEBRAS TETVAPROMERITISVIRTYTISADASTRAVEHEBAT INTYLERATOVEALTODEBITAF AMAPOLO es IMMORTALISERISNAMMVLTALA VDEVICEBIT À YIVAX VENT VROSGLORTAPERPOPVLOS TECOLVITPROPRIVMPRO VINCIACVNCTAPARENTEM OPTABANTVITAMP VBLICA VOTATVAM EXCEPERETVOQVONDAMDATAMVNERAS VMPTV PLAVDENTISPOP VLIGA VDIAPERCVNEOS CONCILIVMPROGERVMPERTEPATRIA ALMAVOCAVIT SEQVETVODVXITSANCTIVSORELOQVI PVBLICVSORBATASMODOLVCTVSCONF ICITVRBES CONF VSIQVESEDENTANXIATVRBAPATRES VTCAPITEEREPTOTORPENTIAMEMBRARIGESCUN VTGREXAMISSOPRINCIPEMAERETINERS PAR VATIBICONTVNXMAGNISOLATIALVCTVS HVNCTVMVLITITVLVMMAESTASERENADICAT HAECINDIVIDVISEMPERCOMESADDITAF VLCRI VNANIMAMTIBISELVSTRAPEROCTODEDIT DVLCISVITAf VITTECVMCOMESANXIA LVCEM AETERNAMSPERANSHANCOVPITESSEBREVEM MÉMOIRES. 1O7: Immortalis eris, nam multä laude visebit Vivax venturos gloria per populos. Te coluit proprium provincia(1)cuncta parentem. Optabant vitam publica vota tuam ; Excepere tuo quondam data munera sumptu , Plaudentis populi gaudia per cuneos (2). Concilium procerum per te patria alma vocavit, Seque tuo duxit sanctius ore loqui (3). Publicus orbatas modo luctus conficit urbes, Confusique sedent anxia turba patres, Ut capite erepto torpentia membra rigescunt ; Ut grex amisso principe mœret iners (4). par l’empereur Constance. Plus tard, en 380, Priscillien, qui avait donné le nom de Priscillianistes à ses disciples , en- tra dans l’Aquitaine. Les habitans d'Elusa, métropole de la Novempopulanie, furent sur-tout infectés de ses erreurs. Peut- être est-ce contre celui-ci que Nymfus s’éleva. Le style de son épitaphe peut en effet porter à croire qu’elle date de la fin du quatrième siècle. (1) Gette province était sans doute la Novempopulanie ou Aquitaine primitive ; elle tivait son nom des neuf peuples prin- cipaux qui l’habitaient. (2) Vitruve nomme ainsi (cuneï), les amas de degrés de théâtre qui formaient une sorte de coin , et qui étaient compris entre les paliers et les escaliers : c'était sur ces degrés que se plaçaient les spectateurs. (3) Le lieu où naquit Nymfius, homme qui paraît avoir joui d’une haute influence , n’est pas indiqué ici : faut-il y reconnaître Lugdunum Convenarum ; qui n’était éloignée que de quelques milles du point où existe encore l’épitaphe de ce personnage ? (4) Le sénat qui regretta Nymfus est-il celui de Lugdunum Convenarum, qui, aimsi que celui de Lactora et des autres cités de la Novempopulanie , devait former une sorte de gou- vernement particulier ? 102 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Parva tibi conjunx magni solatia luctus Hunc tumuli titulum mæsta Serena dicat. Haæc individui semper comes addita fuleri Unanimam tibi se lustra per octo dedit. Duleis vita fuit tecum , comes anxia, lucem Æternam sperans , hanc cupit esse brevem. Voici le sens de cette épitaphe, que j'ai fait con- naître (1) autrefois : « Nymfius , dont les membres sont engourdis par le sommeil éternel , repose ici. Son âme est dans le ciel ; elle contemple les astres , tandis que son corps jouit du repos de la tombe. Sa foi reli- gieuse a repoussé les ténèbres qui auraient pu len- velopper. O Nymjfius, la renommée acquise par tes vertus t’élevait jusqu'aux astres et t’avait placé au pôle. Tu seras immortel et ta gloire se perpétuera chez les générations à venir. La Province honorait en toi son propre père : le peuple entier faisait des vœux pour la conservation de ta vie. Lors de la célébration des jeux donnés par ta munificence , les spectateurs placés sur les gradins du théâtre, ont témoigné leur joie par de longs applaudisse- mens. Ton illustre patrie convoquait par ton or- gane le conseil de ses magistrats, et elle parlait plus saintement par ta bouche. Nos villes, privées de toi, sont plongées dans le deuil et les sénateurs inquiets et dans la stupeur ne peuvent rien entre- prendre. Ils ressemblent au corps humain qui, sil (1) Lettre à M. À. L. Millin, sur l'inscription de Nym- fous, in-8,° ; Paris, 1806. MÉMOIRES. 103 est privé de sa tête, tombe inerte et sans force, ou bien un troupeau qui ayant perdu son pasteur, ne sait de quel côté porter ses pas. Serena (1), ton épouse, livrée aux regrets, a fait élever ce monu- ment et a trouvé dans ce devoir pieux un bien léger soulagement à ses peines. Ta compagne pen- dant huit lustres, elle ne pensait et n’agissait que par toi ; auprès de toi la vie lui était chère ; maintenant, toute entière à sa douleur, elle soupire pour la lumière éternelle, et désire que celle dont elle jouit s’éteigne bientôt pour elle. » C'était sur les pentes du plateau qui domine la bourgade de 7’alentine que, durant la seconde moitié du cinquième siècle, un jeune berger, nommé Gaudentius , conduisait habituellement ses troupeaux. Il habitait la Mansio voisine , et avait pour mère une sainte femme nommée Quiterie. Capitale du Royaume des Visigots, Toulouse avait alors Euric pour roi. Théodoric, son frère , était monté sur le trône en commettant un fratricide; un crime pareil donna le sceptre à Euric. Grand capitaine , il porta ses armes au-delà des Pyrénées, soumit presque toute la Péninsule Hispanique ; et traversant ensuite la Novempopulanie qu’il ravagea, il entra dans l'intérieur des Gaules, et étendit ses (1) Le nom de Serana se retrouve sur plusieurs monumens. Une inscription sépulcrale , conservée dans le Musée de Tou- louse , est consacrée à ‘une femme de ce nom par Primulus son fils, 104 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRE. conquêtes jusqu’à la Loire. Dans la suite , il s’em- para d'Arles et de Marseille. Ainsi Toulouse fut alors la capitale d'un empire qui, des rives du fleuve Pyrénéen , se prolongeait d’un côté jusqu'aux mers de lAndalousie, de l’autre, au-delà mème du Rhône. Arien fanatique, Euric attribuait ses triomphes à l'attachement qu'il portait aux opi- .nions de sa sécte, et il persécutait avec rage les catholiques , qui formaient cependant la plus grande partie de ses sujets. Il voulait qu’on adoptätsa Reli- gion , et les bourreaux furent souvent ses mission- naires. Gaudentius était catholique fervent , et sa mère l’engageait par ses conseils et son exemple à persévérer dans la foi. L’occasién de verser tout son sang pour elle ne se fit pas long-temps attendre. Saisi par les satellites d'Euric, sommé d’embrasser les erreurs d’Arius , le jeune berger refusa de se souiller par une honteuse apostasie. Le glaive fut alors levé sur sa tête : il regarda pour la dernière fois sa mère et reçut la mort. Ses restes furent recueillis avec soin. On les transporta dans le lieu qu'il habitait, et, après la destruction du royaume des Visigots, on éleva une chapelle sur le sépulcre du berger. Dans toutes les contrées voisines on racontait des prodiges opérés par l’intercession de Gaudentius. Bientôt des habitations se groupèrent autour de son tombeau ; la Mansio devint une ville , et elle prit le nom du jeune et saint martyr. Onze cents années s’écoulérent , et la vénération des peuples du Nébousan et du Comminges pour MÉMOIRES. 10 la mémoire de Gaudentius ne reçut aucune atteinte. Mais le 16.2 siecle amena d’étranges perturbations dans les croyances des peuples. La cour de Navarre adopta les opinions des novateurs ; de longs désor- dres et des guerres sanglantes furent les résultats des prédications des sectaires. Bientôt la politique mêla ses combinaisons aux dissentions religieuses. Pour recouvrer ses domaines en partie sequestrés , Jeanne envoya Montosomméri à la tête d’une ar- mée nombreuse et dévouée. Le pillage, le meurtre et l’incendie signalèrent tous les pas de cette soldatesque avide et cruelle. La ville de Saint- Gaudens avait fermé ses portes; après une courte résistance , elle dut se rendre. Son église fut alors dépouillée de ses plus beaux ornemens , les images brisées, les tombeaux violés, et une partie des reliques de Gaudentius jetées dans un bûcher. _ Il paraît qu'à cette époque l’église de Saint- Gaudens a été battue par lartillerie de Montgom- méri. Les montans de la petite porte ouverte dans l'axe de l’édifice ont été brisés, et, selon la tra- dition ; ils le furent par les boulets des calvinistes. Cette église a la forme de toutes celles qui ont été bâties vers la fin du 11.2 siècle, ou pendant la première moitié du douzième. Les voûtes à plein cintre de sa grande nef sont soutenues par des faisceaux de colonnes élégantes, couronnées de chapiteaux ornés de diverses figures. Une cha- pelle termine chaque nef latérale. Celle du chœur ou de labside , était sans doute plus remarquable autrefois qu'aujourd'hui. La simplicité, le repos À 106 ‘INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de sa décoration , en harmonie avec les décorations des nefs, devait produire un effet qu'on ne peut obtenir à présent des embellissemens prétendus qui ont défiguré cette portion de l'édifice. Ou a placé sur l'autel (1) une statue de la Vierge qui, avant (1) Au bas des marches de cet autel, on lit les inscriptions suivantes, consacrées à deux évêques de Comminges , dont la mémoire est encore yénérée dans ce diocèse : D. ©. M. HEIC SITUM EST COR INNOCENTISSIMUM VIGILANTISSIMI PRÆSULIS BARTHOLOMÆI DE DONADIEU DE GRIET, CONVENARUM EPISCOPI : COR VIGIL ET NULLI SCELERUM PENETRABILE TELO DUM TENUEM TRAHERET MANE SANO IN CORPORE VITAM, FELICI DIVINUS AMOR FORNACE COQUEBAT. NUNC POST FATA REDUX COELO SE FLAMMA RECEPIT ET SOLOS URNA CINERES ABITURA RELIQUIT. OBIIT ANNO DOM. CI9. 19. C, XXXVIII MENS. NOVEMB. DIE XI. HEIC REPOSITUM EST COR ILLUSTRISSIMI ET REVERENDISSIMI D. D. HUGONIS DE LABATUT CONVEN. EPI. COR PASTORIS AMAS CORDI PASTORIS AMANTIS. COR VIGILI VIGIL, ARDENTI POST FUNERA JUNGI ARDENS DIVINO MERITO COR DEBUIT ÆSTU FU COELI FLAMMAS HEIC CONCIL. CORDE VIATOR. OBIIT ANNO 1644, DIE 40 FEBRUARII. Barthélemy de Donadieu de Griet a éte enseveli dans l'église cathédrale de Comminges , où on voit encore sur une MÉMOIRES. 107 la révolution , était dans le chœur de PAbbaye de Bonnefont ; c’est un ouvrage de Pierre Lucas, Pun plaque de marbre noir son épitaphe , qui déjà est en partie effacée ; la voici : D, O. M. HEIC SITUS EST ILLUSTRISSIM”? D. BARTHOLOMÆ? D. DONADIEU DE GRIET VIGILANTISSIM? CONVENARU”? EPISCOPUS QUE NEQUE VIS MORBI. ........... QUÆRERE NECUI. . ....... FUGI. . .... DILECTIS OCULOS VIGIL. . . .: ...!!! NUCENTIA SUMMA POST MORTEM CONDITUS ÆTERNUM MEDIO RESIDEBIT PASTOR OVILI. OBIIT ANNO DOM. 1687. NOVEMBR. 12 DIE. On remarque dans la même église, sur une autre plaque de marbre , l'épitaphe très-fruste de l’évêque Hugues de Labatut : ÆTERNÆ MEMORLÆ ILLVT ET REVER" DNI HUGONIS DE LABATUT | CONVENARUM EPISCOPI UNUS ERANT JUNCTÆ QUÆ DUM VITA MANEBAT SUDABANT PARIBUS COMMISSA IN-OVILIA CURIS. .. .... Fo CORPORA NUNC ETIAM TUMULO JUNGUNTUR EODEM., . » . ..... DUM SUPREM. . . . . DIES. . ... ET GORPORA JUNG. . + Tue. . . OBIIT 10 FEB. AN. 1644, L'inscription suivante , que l’on voit encore dans le chœur A Ke s de l’église de Comminges , est en quelque sorte la suite de 108 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. des fondateurs de Académie de peinture de Toulouse, 7 En arrachant cette statue aux Vandales qui ont détruit jusqu’en ses fondemens l’ancien monastère de Bonnefont , les habitans de Saint-Gaudens celles qui conservent le souvenir de Hugues de Labatut et de Barthélemy de Donadieu : HEIC SITUS EST FRANCISCUS DE DONADIEU PRÆSUL AD MEMORIAM SEMPITERNAM VENER- ABILIS MORUM INNOCENTIAM, VIRTUTUM CLARITUD- INE NOBILITATE MAJORUM ET DIGNITATIS MAJ- ESTATE CONSPICUUS. QUI PRIMUM ALTISSI... OREN ECCLESIÆ DONO DFI DAT EPISCOPUS PASTOREM BONUM INDEFESSA SEDUL- ITATE GERENS PER AN. 26. PLURIB. ÆDIFI- CATIS MONASTERIIS, INSTAURATOQUE COLLEGIO AIARUS SALUTI CONSULUIT , DEIQUE CULTU AMPLIAVIT. INDE AD CONVEN. ECCLESIAM VOCAT, BART- HOLOMÆUS, SORORIS FILIUM, EXIMLÆ PIETATIS ET SANCTITATIS VIRUM PONTIFICÆ DIGNI- TATI ET ONERIS SUFFECIT EUMQUE CONSILIO ET OPERE SUMMO ZELO ADJUVIT, PER AN : 12. UBIQUE MAGN? ÆQUE IN DEUM DIVES SIRI PAUPER ET IN EGENOS ET PRODIGUS VIXIT AN : 83 OBIIT NONIS JANUARIT AN. DNI 1640 HUGO DE LABATUT CONVEN EPISCOPUS VENER- TOR SANCTITATIS OP.2 PRÆSULI, QUEM LOCO PARENTIS SEMPER HABUIT HOCG MONUM- ENTUM PONI CURAVIT, , t MÉMOIRES « 16Q auraient dû enlever aussi une foule de monumens précieux que renfermait la vieille Abbaye , si admi- rable encore dans son état de ruine et d'abandon, lorsque, en 1807, je la visitai pour la première fois. Aujourd’hui son cloître , si vaste et si majes- tueux et ses colonnes sveltes et légères , et leurs chapiteaux en forme de palmier ou à rinceaux de feuillages , tout a disparu (1). Le cloître de Saint-Gaudens a de mème été abattu. Formé de beaux marbres pyrénéens ,. bordé de tombeaux, de bas-reliefs et d'inscriptions, il inspirait et le respect et le recueillement , et plus de vingt années n’ont pu eflacer le souvenir des émotions profondes que j'ai éprouvées dans son enceinte. C'était vers les derniers jours de Pété de 1807. La toiture n'existait plus, quelques colonnes même avaient été renversées ; mais du côté de Péglise subsistait encore un mausolée en marbre blanc, et décoré d’une statue sépulcrale. Elle représentait un évêque. On avait enlevé la petite plaque chargée d’une inscription , qui, placée au-dessus du tom- beau , contenait sans doute le nom et la date du décès de celui pour lequel ce monument avait été élevé. La statue qui servait de couvercle avait été soulevée et déplacée. On avait cru pouvoir trouver dans cet asile de la mort quelques objets précieux. Les profanateurs de 1793 ne savaient pas sans (1) Seulement deux ou trois travées ont été rétablies dans la caur des bains publics à Saint-Gaudens. i1O INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES doute qu'au 16. siècle, les religionnaires les avaient devancés dans cette recherche. S'ils ne l'avaient pas ignoré, auraient-ils pu espérer en- core , après les investigations sacriléges ordonnées par Montogomméri, et exécutées par ses dignes compagnons ? Un bas-relief qui représentait une branche de vigne chargée de raisins, couvrait la face principale du tombeau , ou de lauge , expression dont se servit mon conducteur qui convoitait la propriété de ce marbre, destiné par lui aux usages que le nom qu'il lui donnait faisait bien deviner. Les chrétiens des premiers siècles ont souvent sculpté des rameaux de vigne sur leurs tombeaux, et durant le moyen âge on a quelquefois imité cet exemple (1). Une vigne chargée de raisins rappelait ces paroles du Seigneur : Je suis la vigne et mon Pere est le vigneron (2). I retran- chera toutes les branches qui ne porteront point de fruit en moi, et il taillera toutes celles qui porteront du fruit, afin qu’elles en rapportent . davantage (3). Te suis la vigne et vous en êtes les rameaux. Celui qui demeure en mot et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit (4). Ce sera la (1) L'un des tombeaux conservés dans le cloître de Saint- Bertrand est de même orné d’une branche de vigne chargée de raisins. (2) Joan. c. xv, W.1. (3) lbid, ÿ. 2. (4) Ibid. Y. 5. MÉMOIRES. tit gloire de mon Père que vous rapportiez beaucoup de fruit (x). Ainsi le mausolée du cloître de Saint- Gaudens annonçait en quelque sorte, par le sym- bole dont il était orné, que celui pour lequel il avait été fait, ayant vécu dans le Seigneur, c’est ä-dire, dans l’amour de sa loi, dans lobservance de ses commandemens, dans la pureté de la foi, avait porté beaucoup de fruit, et que, mür pour Péternité , il avait été cueilli et reposait dans la gloire céleste. Non loin de ce monument, on voyait encastré dans le mur une pierre contenant une épitaphe trés-ancienne et en tête de laquelle est le mono- gramme du Christ, composé d’un X chi, d’un P rho, et d’un E sigma et cantonné d’un A alpha et. d'un w omega (2). Cette épitaphe n’est pas celle d’un personnage connu, et elle ne porte d'autre date que celle des kalendes de juin. On doit la lire ainsi : ù VI Ke/endas UNI, CLAVDITVR HOC TVMVLO BERNARDI CORPVS IN ATRO IPSIVS ET ANIMA DE:RAT SUPerNA PER AST-a, PARCAT PARCENDa QzI PARCIT CRIMINA DIRA, OMz:POTENS PASTOR NE RAPIAT TORTOR. Près de cette épitaphe, on voyait le monument et l'inscription qui couvraient le tombeau de la (1) Zbid. , 8. (2) Vid. pl. WE, ne 1. 112 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. famille de Leran (1), très-considérée autrefois dans le Nébousan et le Comminges. De loin en loin, au milieu de ces monumens funèbres, apparaissaient des bas-reliefs en marbre blanc qui rappelaient des traits de l'Histoire Sainte. L’un d'eux, qui subsiste encore, représente Jésus-Christ dans le désert et le mauvais génie qui essaie de tenter son Dieu. Ün autre tombeau, aussi en marbre blanc et soutenu par de petites colonnes , était placé contre Vun des murs. À la richesse des matériaux, au soin avec lequel les sculptures étaient exécutées , on pouvait conjecturer qu'il avait appartenu à une famille favorisée par la fortune. Ce tombeau avait d'assez grandes dimensions, et le gardien du lieu qui savait qu’un de ses chefs voulait faire transporter ce marbre à sa maison des champs, n’osait pas élever ses vœux jusqu’à en désirer la possession. On avait déplacé la plaque en forme de toiture qui recouvrait le monument : mais la cupidité avait encore été trompée. On n’a rien trouvé de bon dans cette auge ! me ditavec humeur mon Cicerone, et il retira du tombeau une tête qu'il lança au (1) Voici cette inscription : HIC jacet cum suis patribus, Jacobus de Laera , illustris familiæ Laeranor, [ujusce urbis ultimus qui 28 œtatis suæ Annos virtutis tusignts obiit 15 kalendis Junii, anno Domini 1584. Cujus anima in pace requiescat. Amen, MÉMOIRES . ‘13 “ulieu du cloître. Je maperçus bientôt que là avaient été ensevelis un homme, une femme et un enfant. Des herbes sétaient élevées dans ce sépulere et apparaïssaient en touffes épaisses entre le couvercle et les parois du monument. Quelques fleurs même y recouvraient de tristes débris. Je profitai de Pabsence momentanée de mon guide qui s’'ennuyait sans doute en me regardant dessiner des bas-reliefs et des chapiteaux, et je ramassai la tête desséchée et d’autres restes qu’il avait jetés au loin. « Là, me disais-je, reposaient, sous la garde de la Religion et des lois de la morale et des lois de PEtat, la femme, le père et l'enfant. Ils s’aimaient pendant leur vie, après leur mort ils étaient réunis. Des hommes stupides , étrangers à tous les sentimens affectueux , ont violé ce dernier asile. Je vais replacer, sur leur lit de marbre, ces ossemens épars. Je ne dirai point, comme les anciens , que la terre leur soit légere ! sn’ y sont point renfermés ; mais je ferai des voeux pour qu’ils reposent dans ce mausolée, jusqu’au jour où la grande voix de l'Éternel, rappelant les morts du sein de la pous- sière, chaque sépulcre devra rendre le dépôt qui Jui fut confié. » C'était, comme on l'a vu , en 1807 que je visitai pour la première fois le cloître de Saint-Gaudens. Bien jeune alors, bien inexpérimenté , je croyais que les agens d’un souverain qui avait relevé les autels, qui accueillait, disait-on, tout ce qui pouvait honorer la France, et effacer la trace de douze années d'erreurs , m’écouteraient, alors que je de- TOME IV, PART, II, 8 114 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES manderais la conservation de ces tombeaux. Le Préfet (1), je dois l'avouer, ne repoussa point mes instances ; il prescrivit même des mesures pour que le cloître fût respecté. Six ans plus tard, en revenant d’au-delà des monts, je m’arrète à Saint-Gaudens durant quelques heures : je fais ouvrir la porte du cloître... Il n’y avait plus ni colonnes, ni arcs élégans, ni chapiteaux cou- verts de figures gracieuses ; et les tombeaux!!.. Ils avaient reçu la vile destination qu'on leur avait assignée..... Les ossemens que j'avais re- placés, ceux de l’évêque et d’autres encore, étaient étalés çà et là sur des monceaux de ruines. Je parlai, mais en vain , contre cette profana- tion. Hélas! on n’obtint qu'avec peine Pautori- sation de donner à ces tristes restes les derniers et presque furtifs honneurs d’une inhumation nocturne. J'ai insisté sur ce cloître antique, parce qu'il n’en est point qui m’ait paru plus tranquille, plus religieux , j'oserai mème dire , plus sépuleral ; là, point de vastes échappées de vue sur des monts lointains , ou sur des vallées pittoresques : on n’y remarquait que des murs élevés, des colonnes, des inscriptions funéraires, des mausolées somp- tueux et de modestes épitaphes , toutes choses qui avaient pu défendre leurs immobiles possesseurs. Là encore se retrouvaient des images consolatrices et des allégories sur une autre existence. Précieuse (1) M. le baron Desmousseaux. MÉMOIRES. 115 poésie du culte chrétien qui grave le symbole de l'espérance sur le marbre même du tombeau !.. Une porte latérale , bâtie sans doute vers la fin du 14.%€ ou au commencement du 15. siècle, est ouverte sur le côté gauche de l'édifice. Le style de ses ornemens ne manque pas d'élégance, mais on aimerait mieux la porte à plein cintre dont j'ai parlé et qui est de l’époque même de la construction de Péglise : elle est basse et étroite, et cependant plus monumentale que l’autre, On a rattaché néanmoins à cette porte latérale des souvenirs antérieurs de près de sept siècles à sa construction. C’est là en effet qu'on montrait autrefois, et que peut-être on montre encore, les fers du cheval d’Abdalrhaman, qui , selon les légendes populaires , l'aurait en vain fait ruer contre elle, alors que ravageant déja l'Aquitaine ; ce chef des Musulmans voulut piller les trésors renfermés dans lédifice consacré à Gaudentius. L’abside de l'église produit un'effet remarqua- ble, quoique peu chargée de détails et d’orne- mens (1 ). Sous un grand arc s'ouvrent trois fenêtres étroites, au milieu desquelles on na pratiqué qu'une petite ouverture longitudinale. De courtes colonnilles décorent ces fenêtres. Là le mur est à plomb; c’est celui qui termine la grande nef. Mais l'arc , ouvert intérieurement , donne entrée dans le chœur ou dans la chapelle de labside. Elle se projette en forme demi-circulaire, percée de jolies (1) Vid. pl. I. 110 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. croisées, ornées aussi de colonnilles , et flanquée de buttées. Les deux chapelles latérales ou des deux extrémités des bas-côtés , se projettent de même en dehors, mais moins que celle de Pabside, et leur aspect simple et monumental fait valoir celle-ci. À droite est la ville ; à gauche, une vallée pittoresque déroule ses tranquilles paysages ; au loin, l'horizon est borné par les cimes des monts pyrénéens , resplendissans de célestes clartés. Ici donc, comme à Valmagne , comme à Maguelonne, comme dans une foule d’autres lieux , on peut remarquer qu'aux temps reculés de notre vieille France, on avait su, par un art presque perdu aujourd’hui , offrir en mème temps à la vue ce que la nature a de plus doux et de plus sublime, et ce que l'art a créé de plus noble et de plus gracieux. MÉMOIRE SUR SAINT-GILLES ; Par M. Du MÈGE, ne La Havr. Daxs ce siècle de transition et d'incertitude, a- t-on bien apprécié la foi vive et fervente qui ani- mait les cœurs, alors que la croix, victorieuse des superstitions antiques, apparut sur les temples d’où lon venait de bannir les dieux d’'Homere? Je ne puis le penser. Si l’on consulte cependant nos vieilles légendes, chaque page réveillera le souvenir des plus sublimes dévouemens. On y retrouvera sur-tout de nombreuses traces de cette passion nou- velle, née avec le christianisme, de ce besoin, jusqu'alors inconnu, et tout à coup généralement éprouvé, d'abandonner les pompes de la terre pour aller au désert, méditer sur la grandeur de Dieu. Cest ce sentiment qui peupla les solitudes de l'Egypte et de la Syrie, de l'Espagne et de la Gaule : ce fut lui qui engagea Æoïidius à quitter Athènes, sa patrie, pour venir aborder dans Pan- cienne Narbonnaise. Arrivé à Arles, il y fut reçu avec distinction par saint Césaire qui en était évêque. Cette importante cité n’était plus la Rome des Gau- les (1); son théâtre ne recevait plus de spectateurs ; (1) Gallula Roma Arelas. Auson. Clar. urb. 118 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- ses arênes si vastes ét si belles, ne retentissaient plus du froissement des armes des gladiateurs ; cependant Ægidius y retrouvait encore le tumulte du monde, les bruits et les intérêts d’une grande ville, et il se retira bientôt dans un lieu voisin de la rivière du Gardon. Il y rencontra un compa- triote (1), que l’église d’Uzès invoque aujourd’hui. Mais on connaissait trop cette demeure, et il Paban- donna pour en chercher une autre plus tranquille. Après avoir parcouru diverses contrées, il shabitua enfin dans une épaisse forèt, sur les confins des diocèses de Nîmes et d'Arles, à la droite du Rhône et vers l'embouchure de ce fleuve dans la mer (2). Là , il vécut long-temps dans une grotte ignorée, et il croyait y mourir inconnu. Il se trompait. Un jour les officiers du Roi étant à la chasse, une biche qu'ils poursuivaient se réfugia dans la grotte, et leur fournit l’occasion de découvrir le solitaire et la vie pénitente qu'il menait dans sa retraite au milieu des bois. Flavius Théodoric, quoiqu’Arien, informé de cette découverte et touché des vertus du Saint, défendit de troubler sa solitude, et lui accorda Ja propriété du lieu de sa retraite. Elle était voisine d’une maison appelée le Palais des Gots, parce que les rois Visigots, prédécesseurs de Théodoric, l’avaient sans doute bâtie dans cet (1) St. Veredemne. (2) Concil. 1v. 13928, 1331, 1401. Baillet, 1 sept. Le- coint. ad Anhal. 531 ,'n.® 10, 12 et segq. Mabill. Annal. L. 99; IT. 453. DD. de Vic et Vaissette, Æist. génér. du Languedoc. \. 257, 258. MÉMOIRES. 119 endroit à cause du voisinage d’une vaste forêt à qui les anciens titres de l'Abbaye de Saint-Gilles donnent le nom de Silva Gothica (1). »Æpgidius (que plus tard on nomma saint Gilles) accepta la donation de ce lieu, y fixa sa demeure, et ayant attiré un grand nombre de disciples, il y bâtit un Monastère, dont il fut le premier abbé, et qui prit son nom dans la suite. Ce Monastère était situé, suivant les anciens titres, dans la vallée appelée Flavienne , in Valle Flaviana , du nom, peut-être, de Flavius Théodoric, qui en fit dona- tion au saint Abbé (2). » Au neuvième siècle , le Monastère de Saint- Gilles était compté au nombre de ceux qui, dans le Languedoc, ne devaient offrir ni des présens , ni des tributs, ni des soldats, mais faire seulement des prières pour l'Empereur, pour sa famille, et pour la France. L'établissement dé l'Abbaye de Saint-Gilles fut, à ce que l’on croit généralement, la cause de la fondation de la ville de ce nom. On a pensé qu’ainsi que cela est arrivé sur beaucoup d’autres points, des habitations se groupèrent autour de l'Abbaye, et formèrent bientôt une cité. Les Souverains de Toulouse donnèrent d’ailleurs par leur dévotion envers le fondateur du Monastère une grande cé- lébrité à ce lieu. Ils portèrent eux-mêmes le titre de comtes de saint Gilles, ou le firent prendre à (1) Hist. du Languedoc. (2) Hist. du Languedoc, M. pr. 342. 120 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. leur fils aîné. Les reliques du saint Abbé y furent conservées jusqu’au commencement du 13.6 siecle, À cette époque, trop célébre par les guerres des Albigeois, ces ossemens durent être transportés dans la basilique de Saint-Saturnin de Toulouse, où ils sont encore vénérés. La ville de Saint-Gilles at-elle été bâtie sur les ruines de lantique Héraclée? les Historiens du Languedoc se sont élevés avec force contre tout ce qui a été avancé en faveur de cette opinion; ils ont sur-tout réfuté avec succès une inscription rap- portée par Spon (1), Ducange (2), Menestrier (3), et quelques autres écrivains, inscription qui aurait été gravée en honneur d’Ataulphe et de Placidie, et qui proviendrait des ruines même d'Héraclée ou de Saint-Gilles. Sur ce monument, que l’on cherche en vain au- jourd’hui, on lisait, selon les auteurs que ÿai nommés, ces mots: Oplimis Principibus in Palatio posuerunt ob electam à se Heracleam in Regiæ majestatis sedem. D. Vaissette dit que sous l’em- pire d'Honorius, époque à laquelle l'inscription se rapporte, Héraclée ne subsistait plus depuis plu- sieurs siècles, et il s'appuie sur le témoignage de Pline qui, à la vérité, parle d’une ville de ce nom située vers l'embouchure du Rhône, mais qui était déjà détruite: Suntauctores et Heracleam oppidum in ostiis Bihodani fuisse. Les anciens géographes (1 ) Miscell. (2) Gloss. (5) Mist, de Lyon MÉMOIRES. ta ne disent point qu'elle ait été rebâtie, mais comme il est question dun Palais dans Finscription, et que Godefroi de Viterbe et Othon de Frissingue assurent que la ville de Saint-Gilles portait encore de leur temps le nom de Palais des Gots, Pala- tium Gothorum, le savant Bénédictin croit, avec beaucoup de vraisemblance , que inscription, que l'on assurait avoir été trouvée à Saint-Gilles, fut composée exprès, dans des temps modernes, d’après le passage de Godefroi de Viterbe, Mais on doit être étonné que Dom Vaissette, qui sans doute avait fait des recherches particulières sur Saint-Gilles, n'ait pas su que dans les envi- rons (1) on découvrait souvent des monumens an- tiques, et que cette ville même en possédait plu- sieurs qui, sans rien déterminer sur l'existence de lPancienne Héraclée, montrent cependant, qu'à l'époque de la domination romaine, il y avait des habitans dans cette localité. Ces objets découverts depuis long-temps et exposés à tous les regards prouvent lancienne origine de la ville actuelle, sans pouvoir indiquer néanmoins que ce fut une cité de quelque importance, où une de ces bour- gades dont la mention ne se trouve point dans les écrits peu nombreux qui ne nous font qu'imparfai- tement connaître l’ancien état de la Gaule (2). ms 7. 740 rome Alt leitenas Mutsteimtetn rt 5 ul dde (1) Surtout à l'Argentière. (2) Croirait-on retrouver À Saint-Gilles cette cité de Rhoda qui, selon Pline, aurait donné son nom au fleuve près duquel elle était blue, et que Marcien d'Héraclée et Etienne de Bizance nomment Rhodenuste ? c'estce qui parait assez dificile. 122 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Le premier de ces monumens est dans la cour de l'Hôtel de Ville. Cest un très-beau cippe sépul- cral en pierre. Au milieu du fronton qui le cou- ronne , on voit les lettres D. M. initiales des mots Dis Manibus ; elles sont séparées lune de Pautre par une rosace. Dans les angles inférieurs du fron- ton sont deux cornes, ornées de rinceaux. L’ins- cription suivante, en beaux caractères, est gravée sur le haut du cippe. On voit d’après sa contexture qu’elle était placée sur un monument consacré aux Dieux Mânes, à Publius Calvus Receptus , et à Bottia Messina , fille de Cneius, sa femme. PCALVIRECE PTIETBOTTLÆ CNFMESSI NAEVXORI. (1) Un vaste cimetière, entouré de murs, existe au nord-est de la ville, sur un mamelon qui n’est détaché que par un ravin de celui sur lequel une partie des habitations est assise. Là, sont placés sur une même ligne huit sarcophages antiques en pierre. Les lichens dont ils sont recouverts, Pétat de vétusté de quelques-uns, tout indique que depuis long-temps ils sont exposés à l’action des- tructive des agens atmosphériques. Chacun d’eux a un couvercle. Sur la face principale de lun de ces tombeaux (2), on voit un cartouche dans les LYS NT RAR RE AMRRE | © | ERRREET RER ETES (1) Vid, pl. MT. 2. &-) 1 4 Pis 1 RES MÉMOIRES. 123 appendices duquel sont les lettres D. M. ( Dis Manibus ), deux cornes d’abondance, contenant des fruits, sont sculptées de chaque côté, en dehors du cartouche. L’intériéur du cadre, destiné à recevoir une inscription n’en présente aucune trace. Le second sarcophage diffère peu du précédent. Deux cornes d’abondance sont sculptées aussi en dehors du cartouche. On ne remarque point d’ins- cription dans le cadre, mais il paraît qu'il y en avait une autrefois. Quatre trous, symétrique- ment placés, indiquent en effet que lon avait ins- crit dans ce cadre une tablette de marbre, de pierre ou de bronze qui a disparu, ne laissant d’autres traces que celles des crampons qui Punis- saient au monument (1). Des masques ou des larves décorent les angles du couvercle d’un autre de ces mausolées (2); sur la face principale et dans un cartouche on lit encore avec facilité, cette inscription simple et touchante consacrée par Marcus Sualius Cattius Cominius, aux Dieux Mânes et à Cattia Bcœætica , sa femme. D. M. CATTIÆ BÆTICÆ M. SVALIVS CATTIVS COMINIVS. CONIVGI INCOMPARABILI. SR LR PE (1) Jhid, 2. (2) PL III. 3. 124 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Æmilius Severinus à consacré un autre de ces monumens à Pompeia Diogenia, sa sœur très- chérie : DIIS MANIBVS POMPELÆ DIOGENIÆ ÆMIL:::: SEVERINVS. FRAT SOROR:::: CHARISSIMÆ. Ce sarcophage (1) est richement décoré, la face principale offre en relief les images de deux génies ailés qui soutiennent un cartouche dans lequel on lit Pinscription qui vient d’être rap- portée. Les lettres D. M. initiales des mots Dis Manibus sont gravées dans les pattes du cartouche : c’est un double emploi, puisque les mots que ces lettres indiquent forment la première ligne de lins- cription. Derrière chaque génie est un flambeau renversé. Le couvercle est grossier et a peut-être appartenu à un autre mausolée. Les petits côtés sont décorés par une guirlande de fruits (2). Ce monument est le plus remarquable de tous ceux qui existent encore dans le cimetière de Saint-Gilles. Un autre monument sépulcral, presque dépourvu d’ornemens , est placé près de ceux que j'ai décrits, Sur sa face antérieure est un cartouche qui conte- nait une inscription presqu'entièérement effacée ; elle commence par le mot FLAMIN, et se ter- mine par celui d’rNcomparamir. Les lichens ont détruit les quatre ou cinq autres lignes de cette CEE à REA 1 NRA (1) PI. NL. 4. (2) PI, TIL, 4 bis. MÉMOIRES. 195 fo ‘ ° . . inscription (1). Ainsi le nom de la personne pour laquelle cette épitaphe a été gravée restera inconnu. Ausone (2) avait déjà , au quatrième siecle, montré e L A LA] que des lettres brisées empêchent quelquefois de reconnaître le nom de celui auquel une épitaphe est consacrée. « Serons-nous étonnés, dit ensuite le poète, que les hommes ne vivent pas touiours ? 2 les monumens les plus solides périssent sous l'effort du temps, et les noms qui y sont gravés rentrent dans un éternel oubli (3). » On voit la trace d’une inscription effacée sur le bord du couvercle d’un autre tombeau du cimetière de Saint-Gilles; mais les caractères sont presqu’en- tiérement oblitérés ; les cornes des extrémités de ce couvercle sont décorées avec grace. Dans celle du milieu, on voit un personnage assis dont la main droite soulève une balance (4). L'inscription gravée dans le cartouche est illisible ; on retrouve seulement les lettres D. et M. initiales de Diis Ma- nibus sur les appendices de celui-ci. eee cnnnenn ns (x) PI, IL. 3. (2) Epigramm. (3) Lucius una quidem, geminis sed dissita punctis Littera prænomen sic L, nota sola Jacit. Post M incisum est : puto sic IVT, non tota pidetur. Dissiluit saxi fragmine ; læsus apex. Nec quisquam Marcus, seu Marcius , ar ne Metellus Hic jaceat , certis noverit indiciis. Truncatis convulsa jacent elementa Jfiguris , Omnia confusis interiere notis. Miremur pertsse homines ? monumenta Jatiscunt , Mors etiam saxis , nominibusque venit. (4) Ibid. 4. 120 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Des croix inscrites dans des cercles, ou plutôt des roues à quatre rayons forment la seule déco- ration du septième monument sépulcral (1} que lon voit près de ceux que j'ai déjà décrits. La présence de ces monumens romains qui n’ont pas été apparemment transportés d’un lieu éloigné à Saint-Gilles et qui lui appartiennent, indiquent manifestement que les illustrations de ce petit coin de la terre d’'Occitanie remontent à une époque bien antérieure à celle où, conduit par le désir de se consacrer à Dieu, Ægidius vint y chercher une retraite ignorée. Mais si antiquité de cette localité est hors de doute, rien n’indique encore qu'il soit possible d’y reconnaître Héraclée, déjà détruite à l’époque où Pline écrivait. Avoir retrouvé la preuve de l’ancienne origine de Saint-Gilles, est, peut-être, tout ce que, dans l’état actuel des choses, PArchéo- logie pouvait faire. Selon Plutarque (2), les géo- graphes avaient l’habitude de mettre, à l'extrémité de leurs cartes, les régions qui leur étaient incon- nues et d'écrire à côté de quelques-unes : Æw-delà il n’y a que des sables arides et des bêtes féroces , ou des marais impénétrables, où les frimas de la Scythie, ou la mer glacée. De mème, et ainsi que l’a fait le philosophe de Cheronée, je dirai qu'après avoir montré tout ce que la présence de monumens respectables peut offrir de preuves en faveur de lantiquité de Saint-Gilles, je nai pas (1) Tbid, 5. (2) Plutarch. vit. Thes. MÉMOIRES. 127 dépassé les limites de la vraisemblance. « Æu-delà , c’est le pays des fictions et des monstres; les poètes et les faiseurs de fables habitent ces contrées; tout ce qu'on y trouve est sans certitude et sans fon- dement. » Le douzième siècle n’offre point, dans le Lan- guedoc, de monumens comparables aux ruines de église de Saint-Gilles. Hâtons-nous de les étudier! Demain, peut-être, ces colonnes élégantes, ces arcs gracieux, tomberont sous le poids du temps, ou sous la massue du vandalisme. La plus grande partie des provinces méridionales recevaient des lois de la noble dynastie des Comtes de Toulouse; mais leurs états étaient divisés en une foule de fractions, et, dans le nombre, on distinguait à peine le comté de Saint-Gilles. Raymond IV en fut possesseur avant de monter sur le trône de Toulouse; il en prit même le nom, et ce nom, illustré dans les guerres saintes, retentit encore dans les chants des poètes Arabes. On croit que ce Prince avait fait bâtir à Saint- Gilles un palais sur la hauteur où existe aujourd’hui la promenade publique. Il fit jeter les fondemens de la somptueuse église de ce lieu ; en 1096, Urbain I dédia lautel de cette nouvelle basilique(r); puis il appela les fidèles à la délivrance du saint tombeau , et Raymond fut le premier Prince qui prit la croix. Son fils Alphonse, baptisé dans le fleuve sacré, en reçut le surnom de Jourdain, et hérita des (1) Hist, générale du Languedoc. W. Preuves. 342. 128 INSCRIPTIONS ET BELLÈS-LETTRES. domaines de son père et de sa haute piété; et c’est sous son règne qu’on éleva les murs de la superbe église dont nous allons contempler les ruines. La façade de ce monument, mutilée avec rage pendant les guerres civiles du seizième siècle, mu- tilée encore, en 1703, par ceux qui voulaient effacer du sol de la France tous les souvenirs du passé, tous les enseignemens de l’histoire , tous les monumens de la religion, est encore lun des objets qui, dans nos provinces méridionales, méritent le plus d'attirer les regards. On s'aperçoit bientôt qu'un édifice plus moderne lui est juxta- posé. Elle à trois portes. Il est évident que celles des côtés n’ont jamais été ouvertes. Un escalier, demi-circulaire , composé de seize marches, conduit à entrée de Pédifice. Il occupe tout Pespace compris entre les portes latérales. Larchivolte de la grande porte, formée de quatre arcs, ayant chacun plu- sieurs membres où moulures, est plus élevée que les autres. Un cadre ou dernier arc, décoré d’oves, de perles et de denticules lenvironne. Ce cadre est du meilleur goût et d’une exécution recherchée. Le tympan est rempli par un bas-relief représentant Dieu, dans une gloire, ou cadre ovale. Il est assis sur une zone ondulée. Des nuages remplissent Pin- térieur. Sa tête, qui a été frappée par la massue du vandalisme, est environnée d’une auréole flam- boyante, Bcé assez rare sur nos monumens du douzième siècle. Les symboles des quatre Évan- gélistes, l’homme, l'aigle, le lion et le taureau, ont aussi été mutilés. MÉMOIRES: i50 Les trois portes sont en renfoncement , et celles de droite et de gauche ont chacune quatre colonnes. Celle du milieu , qui est la plus grande, avait, de chaque côté, un socle faisant avant-corps, et qui supportait autrefois deux colonnes. Dans le ren- foncement de cette porte, on trouve, à droite et à gauche, deux niches ayant la forme d’un paral- lélogramme et peu profondes, pareilles à celles qui décorent la façade de l’église de Saint-Trophime, à Arles, et, comme celles-ci, environnées d’orne- mens d’un assez bon goût. Chacune contient la statue d'un Saint, et l’on voit avec peine que l’on s’est attaché à en briser les têtes. Une colonne carrée et cannelée soutient l’imposte du grand portail. À droite et à gauche de celui-ci, dans le milieu de l’espace compris entre le socle avancé et les portes latérales, s'élève une colonne. Elle est portée, ainsi que le socle qui vient d’être indiqué, et les deux premières de chaque porte, sur un stylobate qui règne sur le devant de toute la façade, et qui n'est interrompu que par les marches qui condui- sent à l’entrée de l’église. Des quatre colonnes placées sur le socle qui avance de part et d'autre en dehors du renfonce- ment de l'entrée , deux se trouvaient dans laligne- ment de celles qui viennent d’être désignées ; elles soutenaient un entablement , une frise et une cor- niche décorées avec goût, et un arc, couvert d’or- nemens architecturaux. Le tout ensemble devait produire un effet élégant et grandiose, riche et TOME IV. PART, ITs 9 « 130 INSCRIPTIONS ÊT BELLES-LETTRES. majestueux. Mais que sont devenues ces colonnes ; ces frises, ces voussures? Des fanatiques qui ne respectaient rien les ont abattues, foulées aux pieds, dispersées, en chantant les psaumes de Marot, et guidés par des chefs, heureux de dé- truire ce qu’ils appelaient les monumens d’un culte idolätrique. En arrière du socle de ces colonnes qui ne sub- sistent plus, on voit, de chaque côté, un jambage ou un montant parfaitement conservé. Si les sculp- tures dont chacun d'eux est chargé avaient plus de relief, étaient plus profondément fouillées, on pourrait les croire antiques. Quatre niches de mème forme et décorées dans le mème genre que celles de la grande porte, sont ouvertes dans le plein du mur, des deux côtés de cette pofte. Elles renferment huit statues qui ont aussi beaucoup souffert, Une niche pareille, symé- trisant avec les autres, existe de chaque côté, à extrémité de la façade; les statues qui y sont placées, n’ont pas été aussi mutilées que les au- tres : cachées en quelque sorte, elles ont échappé à la proscription. Les bases des colonnes de ce monument sont ex- trèmement remarquables, et si archéologue vient les contempler pour étudier le style de lépoque où elles furent sculptées, lartiste y retrouve des modèles d’un goût qui, sans doute, ne fut pas sévère, mais toujours varié, gracieux, pittoresque, et produisant des effets qu’on ne pourrait obtenir des proportions, des contours des ordres grecs copiés | MÉMOIRES. 136 avec exactitude. Là, règne un charme indéfinis- sable, une sorte de féerie monumentale ; et si, à l'enthousiasme que la vue de cette composition ins- pire, on ajoute les souvenirs du passé, la mémoire des grands événemens dont ce lieu fut le théâtre, on sent toute l'importance des études historiques, toute la puissance morale de ces vieux débris que Pignorance seule peut dédaigner encore. Parmi les bases des colonnes qui décorent la façade de l'église de Saint-Gilles, celles de la porte latérale de droité méritent d’être distinguées; l’une est carrée et ornée de bas-reliefs; une der est formée par des animaux groupés. Au portail du côté gauche, les deux colonnes placées sur le stylobate ont leurs bases arrondies : une d’elles représente un animal fantastique qui terrasse un homme. Les deux avant-corps qui formaient les socles des colonnes abattues sont chargés de bas-reliefs. On y voit deux animaux liés, un chameau, deux hommes et un lion. Sur une autre face, paraît David assis, tenant une harpe, et ayant près de lui son troupeau. (C’est encore un pasteur; mais un ange lui annonce qu'il faut aller délivrer Israël; et en effet, on voit plus loin un jeune homme portant la fronde et la panetière, et coupant la tête à un guer- rier renversé. C’est le berger vainqueur de Goliath. Les beaux jambages dont j'ai parlé et les deux premières statues, à droite et à gauche, ont pour soutiens des lions énormes, et cette sorte d’orne- ment est encore un autre trait de ressemblance avec ce que l’on voit au portail de l’église de Saint- 9. 132 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- Trophime d’Arles. L’un de ces lions déchire un homme; lesecond tient sous ses grifles redoutables un bélier aux formes colossales (1). En dessous, à droite, dans le socle, est un bas-relief sur lequel on voit deux cadres circulaires. Dans le premier est un Centaure qui décoche une flèche contre un cerf placé dans le second. Des lions pareils à ceux qui ont déjà été indiqués leur servent en quelque sorte de pendans à gauche : lun d'eux va dévorer un homme; lautre est pres- qu'entièrement détruit. Le bas-relief du socle offre l'image du sacrifice d’Abelet de Caïn. L'un et l’autre sont vêtus avec magnificence. Les habits du premier sont même chargés de pierreries. Dans le haut, et en arrière d’Abel, qui présente un agneau, paraît un ange. Une main céleste , sortant des nuages, reçoit loffrande du pieux Abel. Derrière Caïn, qui élève une gerbe de blé vers le ciel, est un mauvais génie, sous les. formes fantastiques d’un dragon. Les chapiteaux sont en général une heureuse, mais libre imitation de l’ordre corinthien. Des anges et des-aigles sortent des rinceaux d’acanthe, et ajoutent encore à la richesse dé ce que Varchi- tecture des-Grecs offre de plus gracieux; Les colonnes sont d’un excellent galbe, et leurs proportions élégantes, quoique un peu faibles. Les deux extrémités de l’imposte de la grande om (x) C’est entre ces lions que l'Abbé rendait la justice ; de là vient l'expression qui commence plusieurs chartes : Domino (le nom de l’Abbe) sedente inter leones. MÉMOIRES. 133 porte sont soutenues par deux aigles qui ne man- quent ni d’expression , ni de fierté. Le tympan du portail de la droite représente la sainte Vierge assise sur un trône et tenant l'Enfant divin. D’un côté, on voit lÆnnonce aux Bergers, de l’autre l4doration des Rois. Le tympan de la seconde porte latérale renferme l’image du Christ en croix. Sur la frise ou plutôt sur l’imposte, on a sculpté l'entrée du Sauveur dans Jérusalem. Les têtes ont, en général, été abattues. La frise qui, de ce même portail s'étend jusqu'à la grande porte, est chargée de bas-reliefs où lon retrouve divers sujets tirés de l'Histoire Sainte. On croit y reconnaître Pilate assis sur une chaise curule; une tête de démon paraît accolée ou du moins très-rapprochée de la sienne : c’est le mau- vais génie qui Pinspire, et une image presque sem- blable est sculptée sur quelques autres monumens de la même époque : on amène Jésus-Christ devant lui. Plus loin, on voit celui-ci chassant les mar- chands du temple; dans le retour, ou le renfon- cement de la grande porte, le sculpteur a repré- senté le Sauveur, saint Pierre et quelques autres saints personnages. Le bas-relief de Pimposte ou de la frise de l’en- trée, montre Jésus-Christ lavant les pieds de ses apôtres, puis la Cène, et le disciple bien-aimé s’endormant sur le sein de son maître. Au-delà, paraît le jardin des Oliviers. Judas donne un baiser au Sauveur pour le faire reconnaître par les satel- lites : ils saisissent le fils de Marie, on le traîne 194 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- devant le gouverneur de la Judée; il est lié à une colonne et ignominieusement flagellé. Enfin, il s’avance vers le Calvaire, courbé sous le fardeau de la croix. La frise du portail placé à la droite du spectateur a été plus que les autres le point de mire des ico- noclastes. On y voit cependant encore une com- position où l’on croit reconnaître saint Matthieu. Au-delà paraît le tombeau de Jésus-Christ ; l’'Homme-Dieu est ressuscité. Le couvercle du sépul- ere a été soulevé; les saintes femmes s’approchent et voient qu'il est vide. Autour sont des soldats endormis, et un ange, aux ailes éployées, apparaît tenant d’une main un glaive, et de l’autre une longue croix. Voilà tout ce qui reste de l’admirable portail de Saint-Gilles. Ce ne sont plus que des ruines; mais combien ces ruines sont éloquentes! c’est, non loin de l’espace qu’elles occupent encore, sur le bord du Rhône, que le légat du Saint-Siége, Pierre de Castelnau , fut assassiné par des serviteurs de Ray- mond VI; c’est dans l’église de Saint-Gilles que le corps de la victime trouva un tombeau ; c’est dans cette même église que le malheureux comte, accusé du meurtre du légat, se présenta pour re- cevoir labsolution. À moitié nu, il monta ces marches, il passa sous ces ares, près de ces colonnes encore debout; le nouveau légat conduisait le Souverain de Toulouse en le frappant avec les verges qu'il tenait dans sa main. Prosterné ensuite au pied de l'autel, Raymond fut absous. Humilié MÉMOIRES. 139 par cette honteuse cérémonie, il voulut se retirer. Le palais de ses pères lui offrait un asile contre les ris moqueurs de la foule qui se pressait dans le saint édifice. Mais cette tourbe populaire l’em- pêcha même de suivre la route la plus directe; il dut passer dans Pune des basses nefs et vint heurter contre le mausolée de ce même Pierre de Castelnau, qu'il avait, disait-on, fait égorger.……. Plus tard, excommunié pour la seconde fois, ce fut encore dans l’église de Saint-Gilles, près des restes de Pierre de Castelnau, que fut prononcée l’exhéré- dation du comte. Il y fut solennellement dépouillé de ses états et maudit. En vain, par des eilorts presque surnaturels, par un courage supérieur à sa mauvaise fortune, il reconquit ses vastes do- maines ; en vain le repentir le plus sincère marqua désormais toutes les actions de sa vie; la malédic- tion prononcée contre lui dans les murs de Saint- Gilles, le poursuivit jusqu’à sa dernière heure. Sa mort nappaisa point la haine de ses ennemis, et ses ossemens frappés par Panathème ne reposèrent jamais dans la paix du tombeau. La plus grande partie de léglise actuelle de Saint-Gilles date d’une époque bien plus récente que son portal. Sur la place publique, en arrière de labside, paraissent encore les fondemens du vieil édifice. Là, existent aussi quelques ruines imposantes , et l’une d’entr’elles renferme cet esca- lier à vis dont la célébrité est européenne. Il ne reste donc de l’ancienne construction que ces ruines, la façade que j'ai décrite, et l’église sou- 13G INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. terraine. Celle-ci , vaste et sombre, divisée en trois nefs, est un monument vénérable, mais dont l'état de vétusté afflige l’homme religieux et le simple archéologue; c’est par elle qu'on parvient dans l’espace occupé autrefois par le cloître, vieille enceinte désolée où on ne voit plus les élégantes colonnes qui en décoraient le pourtour, ni les tombeaux qu'on y avait placés. À peine y remar- que-t-on les restes, à demi-effacés de quelques épitaphes. Mais on y conserve un monument pré- cieux; cest une inscription authentique qui nous apprend que l’église de Saint-Gilles fut entière- ment construite en l’année 1116. J’ai cru devoir donner un dessin exact de ce monument (+). Alphonse Jourdain succéda au comte Bertrand, son frère, après la mort de celui-ci, en 1112. Il fut empoisonné à Césarée en 1 148 ; c’est donc sous son règne que l’église de Saint-Gilles a été bâtie. Pour ajouter encore à l'intérêt que cet édifice inspire, on y retrouve, dans la maçonnerie de Ja porte qui s’ouvre sur l’ancien cloître, une inscrip- tion sépulcrale romaine (2). Ce monument est dune conservation parfaite , et il indique, comme ceux que j'ai déjà rapportés, que lorigine de la ville de Saint-Gilles remonte à une époque bien antérieure à celle que Dom Vaissette a assignée. (1) Planc. IIT, 5. Cette inscription doit être lue ainsi : Anxo Domini 1116 , moc TEMPLVM sancti eGIDIL AEDIFI- CARE CEPIT enSe GPRILI FER/G 24. IN OCTAB( PASCH&. (2) Ibid. , 6. Année 1855. HISTOIRE. TOME IV. PART, IE, 10 RAD, PLAN PNEU CAE MEL ATEN PV KE PE DER PET | fl AA LTE 7 ee EN A: te \ ï* h al hi Le n'a) k (a He ME ) iN L'ORUN) (! Va LTEN fr à L 11 D AN + F d L 1 S Mi Ê 1 Ü AE 1 N'ERART 1} M | | Me | Lois ed AA it, M QUE LNE NOR REONR TC: , nn" C L ni: SÉRIE : \Ls'auur RO CU, NL l 4 ; : à u , Nid ? nr ce A ASE | LA NSNAENN PURE MEN, à. HAT N':|\L TS 1! MANU LS , \ À NEpe Le Mae te han te, ARR D) “22 #4 ne à 1 | i Ur A: pre “ Qu (AL PU “ADR #4 L'an 7e NU | Wie VT ne 4 N'a jus Ve A NET en ne ÿ PR de gr | RTE 18 # ti AUS NH TA nt QE AS EPA MM Ad ar. 5 2 ñ Ve VER à 0 AU 0e da TM Let «5 | JAN O PET N Di ju fe “hf k de Un | M opte MR RUN? Ab: rt AUS Made vu À “ nee, PRE TE et ke; MM d HS IQ De s a sg vw ne ju fo M. FA 4 CAE NE | VO " F4 pas: qu NE we En «M di An ut. #14 j 1® r ne d of 1 SA me Su A DOVE MAT r SR Ni M à El Hot tite die \ el ! NO RES 10 RU tr 10 ar RC à SUR AU 5 “a de ER ET De A QE, 4: A0" an, asc ho < WA \4, à ds ARE el WA ju Hat Br De En hs RENAN L' at mr AUX DIRE LTAE LE, 1 ep 1 HU | | RE AU ! @ 1) UN ER TUE N npet' nr pot ar lie HAT Nr ne 4 LAN | AS: ee We Wii ML hat juives is fu Sie ANNE.) - , *, | À pa i 16 RL": n DE M DR RON su | Dr” » l n 10 HA #1; 1 He ME ma! «ME A ve ‘ DT PR jure ‘#4 ny q ni à Fa, € [< \ Pan à 2 Ê Lai à # LL U AAA y se dun ; CAR tri ME | œ{LNE k : ; sa (9 o + ; VW Ù 4 hi ; "m7. Hans FAP a, de MM» | r Eu Le # 2. _ + LA HISTOIRE DES OUVRAGES DE LA CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES PENDANT L'ANNÉE 1839. La Classe des Inscriptions et Belles-Lettres , ins- tituée pour rechercher, expliquer , conserver les monuments de cette partie de la France, et pour en écrire les annales, a rempli avec zèle l'honorable mission qui lui avait été confiée : mais les travaux de ses membres n’ont pu avoir toujours la publicité que méritait leur importance. Le fondateur de June de nos bibliothèques publiques avait jadis pourvu aux frais que devait entrainer l'impression des Mémoires de l'Académie. D’ailleurs celle-ci, protégée dans ses travaux par les Etats de la Pro- vince , récompensée par lestime générale des savants, ajoutait chaque année de nouvelles décou- vertes à celles qui signalaïent alors la marche ascendante de Pesprit humain. De mauvais jours succédèrent à ces temps de gloire et de prospérité. Outragée, comme toutes les sociétés littéraires ou scientifiques, dépouillée de ses biens , l'Acadé- mie fut même détruite par une loi; et lorsque, rappelée après treize années d'abandon, elle voulut jeter un regard sur le passé, elle ne retrouva LO4 M. nË£ MonTARIEU. Mémoire sur la Sorcellerie. 140 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. plus que les nobles souvenirs de son existence : ses propriétés, les dons qui lui avaient été faits à diverses époques, les fondations dont elle avait été l'objet (1), tout avait disparu ; et ce n’est aujourd’hui qu'aux bienfaits annuels du Corps municipal, qu’elle doit l'avantage de publier ses Mémoires. Mais ils ne peuvent paraitre qu’une fois chaque année, et le Recueil doit être peu vo- lumineux. Ainsi elle doit, à regret, reléguer de bons ouvrages dans ses archives, condamner à l'oubli ce qui devrait ètre connu , et enlever aux auteurs lencouragement qu’ils trouvent toujours dans la publication de leurs écrits. En parcourant ces pages, on s’apercevra peut-être que Pon doit regretter de n’avoir ici qu'une légère analyse de quelques écrits qu’il eût sans doute été avanta- geux de publier en entier. Le premier mémoire qui ait été présenté est celui de M. ne Monrartu sur la Sorcellerie. « De toutes les aberrations qui ont égaré la raison humaine, dit l’auteur , la sorcellerie est peut-être la plus déplorable. D’absurdes préjugés étaient admis comme des vérités incontestables ; et l’empire qu'ils exerçaient sur les esprits, était d'autant plus pernicieux que les hommes les plus (1) M. l'abbé d'Héliot, membre de l'Académie, en léguant tous ses biens aux pauvres, voulut que l'administration des Hospices de Toulouse remît la somme de 4000 francs au Tré- sorier de l’Académie, chaque fois que celle-ci publierait un volume de ses Mémoires. HISTOIRE. 141 éclairés ne furent pas exempts de cette supersti- tion. On voudrait en vain se défendre d’un senti- ment de honte au souvenir de cette aveugle crédu- lité. Un regard , un mot échappé à la bouche d’un empirique pouvait entrainer les plus graves consé- quences , et des vaines prédictions d’un jongleur dépendaient souvent l'issue des batailles et le des- fin des empires. Cest donc un spectacle bien di- gne de tout notre intérêt que celui que nous offre le tableau des erreurs et des préjugés antiques ; c’est l’histoire de lesprit humain, c’est l’histoire de la civilisation tout entière. On y voit à quelles superstitions la raison fut livrée, quels obstacles s’opposèrent à son affranchissement , et comment, triompliant des innombrables entraves qui ralen- Ussaient sa marche, elle parvint enfin à déchirer les langes dont elle était enveloppée. » À la suite de ces observations générales, M. de Mortarieu expose ce qu’on entendait au moyen- âge par le mot sorcellerie. Puis, après avoir fait connaître par quels moyens l’on était, ou lon de- venait sorcier , quelles obligations étaient imposées à ces adeptes de Satan, et quelle était enfin la puis- sance dont ils étaient investis, il recherche Pori- gine de cet art imposteur que plusieurs font re- monter à Cham, à Zoroastre et même à des temps plus reculés. Quoi qu'il en soit, aucun peuple de Vantiquité ne fut à l'abri de cette absurde croyance. Les Chaldéens, les Mèdes, les Perses, les Juifs, les Grecs croyaient aux sorciers. À Rome, il y avait des écoles de sorcellerie, et le goût de cette 142 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. prétendue science y était répandu dans toutes les classes de la société. L'introduction du Christianisme modifia les croyances des peuples, mais ne les détruisit pas. Venus de l'Orient, ceux qui les premiers prêchè- rent la foi, n'avaient pu s'affranchir des préjugés de l'enfance. Comme ceux qu’ils catéchisaient, eux- mêmes ils étaient imbus de ces antiques préventions, et leur autorité ne fit qu'y ajouter une nouvelle sanction. L’invasion des barbares n’était pas de na- ture à les détruire. Les ténèbres qui se répandirent alors sur toute l’Europe , accréditèrent de plus en plus les erreurs les plus grossières. Tout ce qu’il y avait d’éclairé dans le barreau et dans la magistra- ture, dans la science et dans les arts, avait courbé la tête. Le clergé même, qui marchait alors à la tête de la civilisation, n’avait pu se garantir de la contagion générale, et existence des sorciers pas- sait pour une vérité tellement incontestable, qu'il n’y avait guères « moins d’impiété, dit Bodin, de » révoquer en doubte sil est possible qu'il y ayt » des sorciers, que révoquer en doubte s’il y a un » Dieu. Toutefois , malgré cette excessive crédulité, quelques propositions n'étaient pas universelle- ment reçues : un homme, par exemple, pouvait-il être transformé en bête? La plupart des docteurs s'étaient déclarés pour laffirmative ; mais cette as- sertion avait paru à quelques autres d’une vérité moins manifeste, en sorte que la question était restée indécise. Le Pape Léon VIT voulant éclair- HISTOIRE. 143 cir le doute, convoqua une conférence où le pour et le contre furent müûüremeht débattus. Chacun défendit son opinion ; enfin, après avoir vivement discuté de part et d'autre, il fut résolu que la chose n’était pas impossible, Après de tels faits, peut-on s’étonner que les sorciers fussent en tous lieux un objet de terreur ? L'on ne savait comment se soustraire à leurs em bûches. Appelant la religion à leur secours , les uns employaient l’eau bénite, les reliques, les chapelets, les scapulaires, les amulettes ; les au- tres, combattant les maléfices par des maléfices , suspendaient de la scille aux portes de leurs mai- sons et mettaient sur eux des sachets emplis de sel, car ces deux substances étaient, disait-on , en horreur aux démons. Mais les malins esprits ne respectaient rien : les personnages les plus émi- nents en vertu ne furent pas à l'abri de leurs em- büches, des Prêtres, des Evèques, des Cardinaux et des Papes mème furent en proie aux esprits malins. Enfin telle était leur audace, qu’ils péné- traient jusque dans les asiles les plus saints, té- moin ce couvent de religieuses Ursulines qui fuë ensorcelé presque en entier dans le 17.° siècle par le curé de Loudun. La pratique des sciences occultes avait toujours été considérée comme le plus exécrable méfait qu'il fût possible de commettre. On tenait pour principe , que dans ce seul crime il y en avait quinze dont le moindre méritait la mort. Aussi de tout temps avait-on déployé contre Les sorciers 144 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. une extrême rigueur. L'église prononçait contr’eux les peines de l’excommunication : la loi les con- damnait au dernier supplice; et comme si elle eût voulu faire pressentir les peines que leur destinait la vengeance divine, Cétait sur un bücher qu'ils devaient rendre le dernier soupir. Chose étrange! c’est que du moment qu’un sorcier était en état d’arrestation , tout son pouvoir cessait, ses char- mes devenaient impuissants, et Satan restait sourd à sa voix. Tous les jurisconsultes en effet étaient d'accord sur ce point que les sorciers ne pouvaient rien contre la justice ; et c’est là sans doute ce qui explique excessive rigueur avec laquelle ils étaient traités. Privés presque toujours des garanties que la loi accorde aux plus grands criminels, sous les plus légers prétextes, ils étaient livrés aux tribu- naux. Quiconque se présentait, pouvait déposer contr'eux, bien que les formalités de justice n’eus- sent pas été observées. On admettait même les dépositions de leurs pères, de leurs mères et de leurs enfants. Les lois qui réglaient les cas où la torture ne devait pas être appliquée, ne pou- vaient être invoquées en leur faveur. Enfin il n’é- tait rien qui ne fût légitime contre les sorciers, et à défaut de preuves, ils pouvaient être condamnés sur de simples conjectures. Alors sur tous les points de la France on vit s'élever des bûchers. Les Parlements semblaient rivaliser entr’eux de barbarie. Les contes les plus frivoles, les prétextes les plus absurdes servaient de base aux condamnations les plus rigoureuses. HISTOIRE. 149 Celui-ci avait par maléfice suscité un orage; celui- là avait occasionné une maladie ; tel autre avait jeté un sort sur un troupeau et l'avait frappé de mortalité. En 1577, Giles Garnier fut condamné à Dole comme sorcier pour s'être transformé en Loup et avoir sous cette forme dévoré une jeune fille. Barbe Doré, convaincue d’avoir occasionné la mort de trois hommes par des poudres maléfi- ques qu’elle avait répandues sur leur passage , su- bit à Senlis , en 1577, une semblable condamna- tion. Enfin , en 1578 , Jeanne Harviliers expira à Ribemont sur un bûcher, pour avoir eu copulation charnelle avec le diable. Mais qu'est-ce qui avait pu donner lieu à de si déplorables rêveries ! Qu'il y ait eu des hommes stupides et ignorants qui aient cru aux merveilles de la sorcellerie, ce n’est point là ce qui doit nous surprendre. Aux yeux du vulgaire ignorant, les effets d’un art qui lui est inconnu sont tou- jours des prodiges. C’est par suite de ce préjugé que la plupart des savants, tels qu'Ambroise Mer- lin, Michel Scott, Roger Bacon, Albert le Grand, Corneille Aocrippa, furent taxés de sorcellerie ; et si, en 748, Virgile, évèque de Salzbourg , enseignant qu'il y avait des antipodes, et Galilée en 1615 soutenant la gravitation de la terre autour du so- leil , évitèrent une semblable accusation , c’est qu’on était trop ignorant pour les comprendre. Ils passèrent pour des visionnaires, et l’un et l’autre furent en butte à d’absurdes persécutions. Mais comment se fait-il que ceux-là qui se pré- 146 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. tendaient sorciers, crussent réellement avoir com- merce avec les esprits infernaux ? Comment se fait-il que la plupart de ceux qu’on accusait de sorcellerie se reconnussent coupables des faits les plus matériellement impossibles ; alors surtout qu'ils savaient que la mort était la conséquence de leurs aveux? Cest, dit M. de Mortarieu , dans l'usage des onctions auxquelles se livraient habi- tuellement ceux qui s’occupaient de sciences occul- tes qu’il faut aller chercher la cause de ce fait. Depuis long-temps les sciences expérimentales ont constaté la puissance de certaines substances sur l'imagination humaine. Les unes, comme la jus- quiame, disposent à la colère ; les autres, telles que l'extrait de belladone, occasionnent une sorte de délire. Celle-ci affaiblit la sensibilité , celle-là égare la raison. Enfin il en est qui, provoquant les douceurs du sommeil, plongent nos sens dans les délicieux transports d’une voluptueuse ivresse, ou les abandonnent aux terribles angoisses de lépou- vante et de la terreur. L’imagination fortement pénétrée qu'il va assister au sabbat, un homme se couche après avoir pratiqué ces mystérieuses onctions. Mille songes divers agitent ses sens. Tout ce dont il a conçu l’idée avant son sommeil se reproduit à son imagination exaltée. Il s'élève dans les airs, il assiste au sabbat , il voit Satan et sa troupe lugubre, il partage leurs festins et par- ticipe enfin à tous les plaisirs de ces scènes infer- nales. 11 se réveille enfin ; mais son imagination est tellement frappée des impressions qu'il a éprou- HISTOIRE. 147 vées, qu'il ne peut douter un seul intant de la réalité de ce qui n’a été que l'effet d’une sombre vapeur. De telles rêveries ne sont-elles pas le comble de l’absurdité et de ignorance ? Combien de temps cependant n’a-t-il pas fallu à esprit humain pour sortir de ce ténébreux chaos? Au 13.€ siècle, per- sonne n'avait pu encore soulever le bandeau qui couvrait les yeux des peuples. Mais insensiblement la raison s’éclaira : la vérité prévalut, et la sor- cellerie fut ébranlée jusques en ses fondements. Toutefois elle ne devait pas encore disparaitre. Sous Louis XIV et sous Louis XV, on vit à Paris des écoles publiques de sorcellerie. Mais c’est bien plus : malgré les pas immenses qu'ont fait les lu- mières depuis quelques années, les croyances exis- tent encore en certaines localités presque dans toute leur force. L'expérience de tous les jours nous démontre cependant quelles tristes consé- quences peuvent quelquefois entraîner ces absur- des préjugés, et combien il serait à désirer que l'autorité, et Le clergé surtout, redoublassent d’ef- forts pour extirper une prévention qui ne peut produire que des fruits amers. Nous regrettons de ne pouvoir donner ici une M. analyse de lexcellent mémoire qu'a présenté FE 35 M. Ozanxeaux sur ce sujet. Quelles qu’aient été sur Mahomet. nos instances, il ne nous a pas été possible de nous le procurer, 148 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M.Gariex- Nous en dirons autant de celui qui nous a été ARNOULT. l » M G 2 A | dé 1 Fragment “LU Par NL. GATIEN-ARNOULT Sur le éveloppement d'un tableau de l’esprit humain. général du développe- Ces pertes sont d'autant plus sensibles pour ment d ’ Q . . . Pesprit l'Académie, qu'il n’est personne parmi nous qui humain. p’ait eu souvent l’occasion d'apprécier les talents de leurs auteurs. M. De « Tout le monde, dit M. ne LAVERGNE, connait LAVERGNE. w> . . 2 CAES tir re Vanini, fameux philosophe italien, brûlé à Tou- Sr " louse au mois de février 1619, comme athée et blas- intitulé phémateur du nom de Dieu, à l’âge de 32 ou 33 ans. Vanini. Né à Taurozano , dans le royaume de Naples, il fit successivement ses études à Rome, Naples et Padoue , et se fit recevoir prêtre dans cette der- nière ville. Il voyagea ensuite dans toute PEu- rope , parcourut l'Allemagne et les Pays-Bas, vint à Genève , puis à Lyon, passa en Angleterre, puis en Italie, revint en France , où il se fit religieux dans un couvent de Guienne, se sauva à Paris après avoir été chassé de son couvent, et vint enfin à Toulouse en 1617. D’une humeur inquiète et vagabonde, d’un esprit paradoxal et désor- donné , il aimait à mener la vie d’un aventurier, et à dogmatiser publiquement de ville en ville. Poursuivi partout à cause de ses doctrines, et peut-être aussi à cause de ses mœurs , il faillit plusieurs fois être mis en prison, soit en Italie, soit en France, et ne dut son salut qu'a une prompte fuite. Il fut mème emprisonné en Angle- terre pendant quarante-neuf jours, pour y avoir, HISTOIRE. 149 sans doute, trop hautement professé le papisme qu'il attaquait sourdement ailleurs. Le fameux Catel, historien de Toulouse, fut un de ceux qui lui firent son procès avec le plus d’ardeur devant le parlement, et qui mirent fn à ses prédications et à ses courses sur un bücher de la place du Salin. Vanini était docteur en théologie, en phi- losophie, en médecine et dans un et autre droit. Il avait pris dans ses voyages le nom de Jules- César, comme Scaliger. I s’est même fait appeler successivement Pompeio, Lucilio et Pomponio. » À cette époque, l’église de Rome et lortho- doxie catholique étaient attaquées par un grand nombre d’ennemis à la fois. Outre le protestan- tisme qui datait déjà de plas d’un siècle , et qui se répandait tous les jours de plus en plus, le mo- ment du réveil de la philosophie approchait. Mon- taigne venait de mourir; Descartes et Gassendi se formaient en silence ; Bacon avait déjà publié plu- sieurs traités, et préparait le Vovum organum. Mais ce n’est pas encore à cette école du doute et de lexamen qu'appartenait Vanini. Le pan- théisme, cet immense abime où sont venus se perdre tant de grands esprits , absorbait de son côté les plus brillants philosophes de l’époque, et particulièrement ceux de Pltalie. Cardan et Jordan Bruno marchaient à la tête de cette école, dont Vanini voulut se faire en quelque sorte lPapôtre. » Après avair ainsi fait connaître Vanini et les divers systèmes de philosophie qui dominaient au 150 INÈCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. temps où vivait cet homme bizarre , l’auteur s’oc- cupe de ses ouvrages. Le premier, à ce qu'il paraît, fort orthodoxe , semble n’avoir été qu’une précau- tion pour détruire le mauvais effet de ses prédica- tions orales, et contredire sa réputation d’Athée. Mais dans le second, Vanini jette tout-à-fait le masque , et se montre enfin tel qu’il est. Ce livre, intitulé De admirandis naturæ reginæ deæque mortalium arcanis , et dédié au Maréchal de Bas- sompierre, dont l’auteur était aumônier, lui fit d’abord beaucoup d’honneur. Vanini fut comparé à Platon, à Aristote, aux plus grands philosophes de la Grèce et de Rome. Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est qu'il fut approuvé par deux docteurs en Sorbonne , comme ne contenant rien qui fût contraire à la religion catholique, aposto- lique et romaine. | Ce second ouvrage de Vanini est divisé en quatre livres et en soixante dialogues. Le premier livre, le seul dont s'occupe M. de Lavergne, comprend treize dialogues, dont voici les titres : de la ma- tière du ciel ; de la figure et de la couleur du ciel ; de la forme et du moteur du ciel ; du mou- vement du ciel, de son centre et des pôles ; de l'éternité du ciel, de la lune et des astres ; du Jeu ; des comètes et de larc-en-ciel ; de la foudre; de la neige et de la pluie ; du mouvement et du repos des projectiles dans l'air ; du jet des bom- bardes et des balistes ; de l'air agité et soufflé ; de l'air corrompu. Suivant Vanini, le ciel est un corps de même HISTOIRE. 191 matière que nous-mêmes ; car, dit-il, la matière première est une, indivisible et le principe de tou- tes choses. Les astres sont de la même matière que le ciel, seulement il y a plus de matière sur un point que sur un autre; le ciel est un astre moins dense ; Pastre est un ciel plus dense : Voilà tout. La forme du ciel est ronde, «parce que la for- me éternelle et divine qui est la forme circulaire , convenait seule à l'éternité et à la divinité de Pa- nimal céleste. Le ciel est un animal parfait, et voilà pourquoi il n’a ni côté droit, ni côté gauche, ni dessus, ni dessous; enfin, aucune partie qui soit inférieure à une autre. Quant à la couleur, il est nécessaire que le ciel en ait une puisqu'il est sensible à la vue; mais ce n’est pas le ciel lui- même que nous voyons, ce sont les rayons qu'il nous envoie, et qui, passant au travers de l'air incolore et transparent, se superposent et se con- densent par la distance, de façon à prendre Pap- parence d’un corps.» « Si je n'avais pas été élevé dans les écoles » chrétiennes, poursuit Vanini, je dirais que le » ciel est yn animal qui se meut par sa propre » forme, c’est-à-dire, par son âme.» Passant ensuite, dans le cinquième dialogue, à la question de l'éternité du ciel, il soutient que c’est fausse- ment qu'on avance que tout ce qui est fini est mortel. Notre esprit est fini, dit-il, et cependant il est immortel. Il en est de même du ciel, La rai- son en est en çe qu'ils ont tous les deux une cause M.CuaAvrauc DE CRAZANNES. Sur l’établis- sement du Christianisme dans la No- 192 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. infinie, laquelle ne pouvant produire un infini en puissance , égal à elle-même, a voulu du moins pro- duire un infini en durée qui lui fût semblable. Le reste de ce livre a paru à M. de Lavergne d’une moindre importance philosophique. Il jette encore cependant un coup-d’œil rapide sur plu- sieurs autres dialogues, et notamment sur le sixième, où Vanini traite du feu , qu'il présente comme wn air enflammé par le frottement , et sur le treizième , dans lequel il attribue toutes les ma- ladies à la corruption de Pair. Telle est, en résumé, l’analyse que nous a donnée M. de Lavergne, de cet ouvrage célèbre qui devait entraîner son auteur sur un bûcher , et par lequel il s’était proposé, comme il le dit lui-même, de renouveler la philosophie, de détour- ner l'esprit humain des disputes de la Sorbonne, et d'ouvrir au génie une nouvelle voie. À la vérité, l'auteur n’a point entièrement atteint le but où il tendait, mais, on ne saurait en disconvenir, son ouvrage, dans le siècle où il vivait, était un pro- grès; il marque, en effet, évidemment une épo- que de transition ; et sil ne s'élevait pas à la hau- teur de la philosophie moderne, il laissait du moins bien loin derrière lui les rêveries de Paracelse , et les vaines arguties des Scholastiques. « L'époque de létablissement du christianisme dans les Gaules, et particulièrement dans la No- vempopulanie, n'est pas facile à déterminer. Pour vempopulanie essayer de la fixer , 1l faut pénétrer dans des siè- HISTOIRE. 153 eles dont il nous reste peu de monuments, et sui- vre des guides souvent peu fidèles et rarement d'accord entr’eux. Des écrivains s’étayant de cer- tains passages des ouvrages de quelques Pères , et du témoignage d’autres autorités ecclésiastiques, ont fait remonter au premier et au second siècle l'établissement de la religion chrétienne dans nos provinces ; mais quoique cette assertion ne soit pas dénuée de preuves, lopinion la plus répandue et la plus accréditée, est que le christianisme ne fut généralement adopté dans les Gaules qu’au troisième siècle ; qu'avant cette époque , il n’exis- tait que quelques églises disséminées sur le terri- toire de cette partie de l’Empire , principalement dans la Celtique, comme celles de Vienne et de Lyon ; mais que ce fut seulement alors qu'il y eut des Evèques établis dans chaque province. Les historiens les plus accrédités et les plus habi- les critiques, même ceux appartenant à l’Église, l'ont pensé ainsi. » Les tables chronologiques des églises où les Evêques ont établi leur siége, suffisent pour prouver qu'ils ne sont venus dans les Gaules qu’au troisième siecle, » Sulpice-Sévère est le premier historien qui ait parlé de l'établissement du christianisme dans les Gaules. Cet auteur en fixe l’époque au temps des Antonins. « Sub Aurelio deindè Antonint » filio, persecutio quinta agitata, ac tum pri- » müm intra Gallias martyria visa, serits trans » Alpes religione susceptà. » TOME IV. PART. IT. VX 154 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » il y eût eu , dès le premier siècle, un grand nombre d’éolises établies dans nos provinces , cet écrivain aurait-il pu dire, en parlant de la cin- quième persécution (celle de Marc-Aurèle ), qu'on vit pour la première fois, des martyrs dans les Gaules, la religion ayant été reçue plus tard au delà des Alpes ? ») ») » 1» » » » » » On vit, dit Grégoire de Tours , s'élever sous PEmpereur Décius un grand nombre de persé- cutions contre le nom chrétien, et l’on fit un si grand carnage des fidèles, qu’on ne pouvait les compter.......... Dans ce temps, sept hommes nommés Evêques furent envoyés pour prècher dans les Gaules, comme le rapporte l’histoire du saint martyr Saturnin : Sous le consulat de Décius et de Gratus , selon que le rappelle un souvenir fidèle, la ville de Toulouse eut pour premier et plus grand évêque saint Saturnin. Voici ceux qui furent envoyés : Gratien , Evèque à Tours, Trophime à Arles , Paul à Narbonne, Saturnin à Toulouse, Denis à Paris, Stremon en Auvergne, et Martial à Limoges. Parmi ces Pontifes, Denis, Evèque de Paris , subit divers supplices pour le nom du Christ, et, frappé du glaive, termina sa vie en ce monde. Saturnin fut attaché à la queue dun taureau en fureur, et, précipité du haut du Capitole , il termina sa vie. Gratien, Trophime, Strémon, Paul et Martial, vivant dans une éminente sainteté, après avoir gagné les peuples à l’église, et répan- du partout la foi chrétienne , moururent en confessant paisiblement le Seigneur. » HISTOIRE: 199 » Dans une autre partie de son Histoire, Gré- goire de Tours confirme le passage que nous venons de citer, en disant que la première année du règne de Dèce , saint Gratien fut envoyé de Rome par le Pape (saint Fabien ), pour prècher la foi aux Turones (les Tourangeaux }, et qu'il devint le premier Evèque de leur ville ; et si dans un autre passage de cet écrivain ecclésiastique, en rappor- tant une lettre écrite par sept Evèques des Gaules, il nous apprend que le christianisme avait pénétré dès sa naissance dans les Gaules, il a soin de nous dire en même temps que peu de personnes en eurent connaissance. » Après avoir ainsi établi son assertion sur les témoignages les plus authentiques, M. de Cra- zannes s'élève avec force contre les auteurs de l'Art de vérifier les dates, qui rapportent au pre- mier siècle de notre ère l'établissement de léglise gallicane. Sept Evêques, dit-il, furent envoyés à la fois dans les Gaules, et cependant l'Art de vérifier les dates n’en mentionne que six. Saint Saturnin, qui fut martyr à Toulouse, y est ou- blié. D'où peut provenir cette lacune ? N'est-ce pas évidemment parce que l’époque du martyre de lapôtre des Tectosages ne pouvant être contes- tée, on a craint qu'une date aussi positive ne nuisit à celle qu’on donnait à la mission de ses collègues ? A appui de son opinion , notre savant Confrère fait encore remarquer fort judicieusement une contra- diction manifeste, En effet, saint Gratien et saint Denis, dont ils placent la mission dans les Gau- II, 156 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les au premier siècle , pour appuyer leur systè- me , sont, dans un autre passage, indiqués comme ayant appartenu au troisième. Mais voici encore de nouvelles preuves. « Con- sultons, s’'écrie M. de Crazannes , l'Histoire ecclé- siastique, parcourons les auteurs chrétiens des premiers siècles, nous n’y verrons point qu'il se soit rien passé de remarquable dans les Gaules sous le rapport de la religion nouvelle , avant les mar- tyrs de Lyon, qui ne souffrirent que vers la fin du deuxième siècle. Le christianisme, persécuté dès son berceau dans le reste de empire , eut-il été plus toléré dans les Gaules, si ses sectateurs y eussent été nombreux ? Si les Magistrats Romains ne sélevaient pas contre lui, c’est sans doute parce qu’il comptait encore peu de prosélytes, et qu'il n'avait pas fait de grands progrès malgré le zèle des premiers missionnaires; car si, dans les deux premiers siècles, il y eut quelques mar- tyrs dans les Gaules, ce fut seulement dans des émeutes populaires excitées par le zèle pour lan- cienne religion qui était encore celle de l’état, et non par suite des édits des Princes et des ordres des Magistrats. » L'auteur jette ensuite un rapide coup-d’œil sur les églises qui se formèrent successivement dans la Novempopulanie, et dont l’établissement ne remonte au plus tôt qu’au troisième siècle, d’où il tire un argument contre ceux qui rapportent à des temps antérieurs la fondation des églises d’'Eause et d’Auch. « Comment en eflet, dit-il, HISTOIRE. 157 le christianisme , une fois reçu dans ces deux cités, aurait-il pas fait des progrès plus rapides dans le reste de la province, encore enfermée dans les ténebres du paganisme, à exception du petit dis- trict de Simorre, voisin de Toulouse, où saint Cérat apporta de bonne heure la lumière de lé- vangile, et de quelques autres cantons où il y avait eu précédemment des missions ? » Enfin, M. de Crazannes termine son Mémoire par un catalogue des temples païens qui furent conservés par les chrétiens dans la Novempopula- nie, et qui devinrent, en quelque sorte, le ber- ceau de leur culte dans cette province. De ce nombre furent l’église et le monastère de saint Martin d'Auch, l'église de Saint-Cric, et celle enfin de Lectoure , qui, avant d’être appropriés au culte des Chrétiens, avaient servi à la célébra- tion des mystères du paganisme. IL nous reste encore à rendre compte d’un Mé- moire qui a pour titre, Observations générales sur la Parole. Cest celui de M. le Marquis n’A- GUILAR. Suivant l’auteur, pour trouver le principe de la parole, c’est à Dieu qu’il faut remonter. «En créant l’homme, dit-il, Dieu le doua de la pensée et de la parole : les métaphysiciens qui ont regardé le langage comme une invention hu- maine, ont donc cru l’homme inventeur de la pensée ; car quelle pensée profonde ne fallait-il pas pour inventer cette métaphysique du langage M. D'AGUILAR. Observations générales sur la parole. 158 INSCBIPTIONS ET BELLES-LETTRES. qui est la même dans toutes les langues , pour construire cet admirable mécanisme intellectuel sur lequel repose le langage, pour créer ce verbe animateur qui signale tous les modes de lêtre, qui marque leurs différentes nuances, qui se réflé- chit sur lui-même , qui se neutralise , qui se no- minalise , qui se substantifie et s’'adjectilie au gré de celui qui se sert de l'instrument de la parole ? » M. d’Aguilar présente ensuite quelques obser- vations sur le langage en général, et de là trans- portant ses regards sur notre langue : «On a re- proché, dit-il, à la langue française sa pauvreté ; mais ce n’est pas l’abondance des mots qui fait la richesse d’une langue , c’est celle des tours ; et nos grands écrivains ne lui en ont pas laissé manquer. Nous avons été toujours en progrès depuis Gillon jusqu’à Malherbe, depuis Amyot jusqu'à Pascal : prenons garde de la surcharger, et au lieu de faire Hélène belle , de la faire trop riche. Nulle langue n’est plus propre que la langue française à l’analyse et en même temps à toutes les finesses de l’expres- sion. Elle semble être la langue de la vérité par l'ordre direct qu’elle emploie, et cependant elle est d’une rare flexibilité. Elle suit avec bonheur les différentes ramifications de la pensée et du senti- ment, et sinsinue, si je puis m’exprimer ainsi, dans les vaisseaux capillaires de l'esprit et du cœur malgré leur ténuité. » M. le Marquis d’Aguilar termine son mémoire par deux considérations très-dignes de remarque, et pour lesquelles nous nous contenterons de citer HISTOIRE. 159 ses propres expressions : « [l y a des pensées qu’on ne peut exprimer par la parole. Elles s’élévent plus haut qu’elle, comme pour se rejoindre à leur principe ; mais, retenues par des liens de chair, elles retombent dans notre intérieur et ne peu- vent se manifester que par des œuvres de charité et des élans d'amour. Quant à la parole qui nous sert à communiquer les uns avec les autres, elle aura un terme, car tout est périssable dans hom- me dégénéré, et ce n’est pas ici qu'il peut espérer son entière régénération. Le Verbe principe repa- raîtra à la fin des siècles, il viendra clore nos des- tinées; ce langage humain mourra avec le monde, et la parole du jugement sera la dernière qui re- tentira sur la surface de la terre. » Rate # L 1 js OR | NP PT ; Fe a AE ns , de ] à bei CELL TX mr TES tasé 4 D w ( pa 361} RU ja 35 joke! “id nu Ge FU 2 (2 | L \ 4 MAT \ a 45) marin hi x à " #9 49" A | cupipneq:E PAPE Sax x a Léo LU sage tal ra gode R pa! HAT AUD FE, or à mise oe nè Hop el a | ) Sie C'iS o | > il h at FRE N'! \ALAE 14908 re à et tre # Ri AE (4 Lu FI DER VE es 4} ÿ 2: El pra ve LUE À D NT rt Van i [2 \ i | We an re 7 LA” Le 10: | V um | |, LP its a f TIME RARE TUA TA D LC L'hal à A AU) se Muritee dE i | . | ‘1 où ur, A à p { j À x PA LT A | 1k à » LARPEAE 4 vs ti El Uk 4 L 7" ns Ji | h A { . IR JR | { Au DA Fe “à AA 4 Un in) - 111 7 Ÿ l | 4 AU AR eu DM { ( LÉ ét Hu | [URL Ne d ni Wu k à ) l 0] l ji 4 ? € ñ a ) AT | MES x Me" A ei LL UR vu ni! DEN A | CAT 0 CAR VIE à 70 hs j 7. : de Wa \ dr: d AVIY En \ dy DL OU L \ | ? vo : TT Ru : ‘#40 PL L ’ : L na || NE, À L f A2 : . ns A i NUE Û : L'ART Ÿ - L * LS ‘ \ ; & ‘ " à ” L ' . { l 4 * f | ’ l re j | Û { } À L dl i ai * . } L DA 1 L : 1 $ « CE | QC | l $ (l i ' ni ns DISSERTATIONS MÉMOIRES. (VD j i ER L : À 4 2 l Le 1] | M Û ah. pi] ar y ) il A ( a L | EP : ) L 21" 14 #i [D TNITEL L LEE | * ' Y , 2 4 42 ” PCI CIID LL D À # 4 À l à CA } A { f SM! f . \' nr NT Le | ! : L : h do" | : . Us, SR AN d # ( A | ÿ be ul ÿ | À \ * ? 4 . & ÿ \ , 4 | 4 Li ù ï : CRE Î t ANT ñ L ; | : ‘ AT je ‘ D t CET: a pou € f Fa | | « à \ L W WAPILET 7 de A . 11 } fs : Ni 4 LU 4 à y: Ÿ EH , - - de h RA | Le j D + CR : 2 f L | f { e Ê . L L N “| : 1e | | | (A 11 a! ‘ : We u l + t . ( à æ + a | he | è .* \ é h ct] ; { ‘ — L Ÿ ÿ : { k gs [ 4 r NOTICE DES COMMANDERIES , DES CHATEAUX ET DES BIENS ANCIENNEMENT POSSÉDÉS PAR LES TEMPLIERS DANS LE DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES ORIENTALES. (1) Par M. PUIGGARY, Correspondant. Ex : 120, époque où les Templiers commen- çaient à se répandre en Europe , il arriva deux chevaliers de cet ordre en Catalogne, frère Hu- gues Rigald et frère Pierre Bernard, de Perpi- gnan, qui furent très-bien accueillis par le Comte de Barcelone Bérenger LIL. Ce prince fut si touché de leurs vertus et si charmé de leur ardeur guer- rière, qu'il leur donna le château et la ville de Granyena , à quatre lieues de l'Ebre, sur la gau- che du Sègre. Bien plus, il prit lui-même lhabit de Templier et fit sa profession entre les mains de (1) Résumé, pour le fonds, d’un ancien cartulaire de près de 1000 pages, où tout se trouve confondu, sans aucun ordre, et qui n'avait pas encore été exploré, 164 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ces deux chevaliers, lan 1130 qui fut celui de sa mort. (Arch. de Barcelone, livre du Temple, fol. 84.) Les Templiers ne tardèrent pas à venir s'établir en Roussillon. Le 5 des nones d'octobre 1132, Bernard Pierre, seigneur de Banyuls-dels-Aspres, leur fit don d’une métairie dans le territoire de ce lieu, appelée /o Contrast, avec ses dépendances , d’un homme lige qui lhabitait, de deux champs dans le territoire de Brullä et dela juridiction qu'il avait acquise de sa sœur sur un fief de son neveu. Masneu. L'année suivante et le 4 des calendes d'août, une veuve nommée Æzalaïdis donna à la sainte milice, avec l’assentiment de ses trois fils et de son gendre, un aleu situé au lieu dit Cird dans les territoires d’Anyils et de Vilamulaca , que les chevaliers avaient racheté des mains d’Oliba de Candell, à qui il avait été engagé pour quatre livres d'argent. Cette donation fut acceptée par le chevalier Hugues Rigald , assisté de ses con- frères Pierre-Bernard, de Perpignan , Bernard de Peralada et Bernard Utalgar. L’aleu de Cirä prit bientôt le nom de Masdeu (Maison-Dieu) et devint la commanderie principale et centrale de la contrée. Le nom de Masdeu pa- raît pour la première fois dans un acte de lan 1137, et le titre de commandeur dans un autre de 1160. Dans un acte de 1151, on trouve un Arnaud de Saint-Cyprien , avec le titre de magis- ter ad mansionem templi. MÉMOIRES. 165 Le détail de toutes les acquisitions que fit suc- cessivement cette commanderie serait beaucoup trop long à exposer ici. Nous nous contenterons d’en signaler un qui parait être le plus notable. C’est celle de l'Ancien Monastère double de Saint- Sauveur de Cirä, près du Masdeu , vendu en 1237 par ordre de abbé de Saint-Sauveur de Beéda , diocèse de Gironne, de qui il dépendait, pour le prix de 12,000 sous melgoriens. Ce domaine se composait d’un grand nombre de métairies et d’autres propriétés situées dans les territoires de Toluges, de Canohas, de Banyuls, de Trullars, d’Anyils, du Monastir del Camp, de Saint-Jean de Pla-de-Corts, etc. Mas pe LAGARRIGUE ou de Font couverte , sur le Réart. En 1149,la milice reçut de la munifi- cence de Gaufred, comte de Roussillon , et de son fils Guinard , un aleu qui s’étendait depuis une métairie appelée d’Escarbot jusqu'a Saint-Julien de Vilanova, entre deux chemins, dont lun con- duisait de Mallolas et l’autre de Perpignan au même lieu de Vilanova. Les mêmes seigneurs con- firmèrent et accrurent cette donation en 1123 et en 1155. Telle fut la commanderie du Mas de la Garriga , dénomination qu’on trouve déjà en 1157. L'acte connu le plus ancien où figure le ti- tre de commandeur est de Pan 1190. Parau. Le premier établissement de ordre à Palau fut une métairie avec un pré attenant, si- tués dans le village, que lui léguërent en franc- aleu deux frères nommés Guillaume Raymond et 166 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTEES. Pierre Raymond. Cette acquisition fut amortie en 1155 par le comte Gaufred et par son fils Gérard. Ce dernier, devenu comte de Roussillon, légua aux Templiers, par son testament de Pan 11792, son château de Palau avec toutes ses appartenan- ces et ses dépendances. En 1198, Guillaume de Rocafort (1), commandeur de Palau, intervint dans un acte d'achat des droits du quint sur les vignes du territoire. En 1109, un autre comman- deur, Bernard de Belcayre, accepta, avec ceux de la Garrigue et du Masdeu , la donation d’un héritage à Palau, faite par Guillaume Arnaldi qui se donna lui-même à la milice. Bien d’autres domaines furent encore acquis ou concédés à la commanderie du château de Palau. Mason pu Tempre de Perpignan. Le comte Gérard, dans son testament précité de 1172, légua à la milice les fours de Perpignan avec le droit de banalité. Ce legs semble supposer que les Templiers avaient à cette époque quelque hospice dans la ville. Un acte de l’an 1203 nomme la Waison du Temple de Perpignan, et un autre de Pan 12714 fait mention de François Balaguer, commandeur de cette maison. De même que les rois de France et d’Angle- terre déposaient anciennement leur trésor et celui de l'Etat dans les palais du Temple, le premier ro de Mayorque, Jacques Ler, qui avait établi sa (1) En 1244, on trouve un lieutenant de grand-maître de ce méme nom. MÉMOIRES. 107 résidence au château de Perpignan, tenait le sien enfermé dans la maison du Temple de cette ville. Zurita nous apprend que c'était une forteresse respectable, et si le Roi d'Aragon y pénétra lors- qu'il sempara de Perpignan par surprise en 1289, il est clair que les chevaliers partageant les senti- timents des Perpignanais, durent lui en ouvrir les portes. Le Temple possédait de nombreux espaces de terrain vague dans l’ancienne enceinte de la ville, bornée comme lon sait à la paroisse Saint-Jean. Il en possédait un d’une grande étendue hors de la porte de Mallolas, laquelle se trouvait à lex- trémité de cette enceinte vers le Pont den Bastit. Ce fonds, appelé /a Trilla (treille) del Temple , était situé entre les portes actuelles du Sel et de Saint-Martin , la grand’rue et le rempart. Le car- tulaire ne donne aucun indice sur l'acquisition de ces emplacements; mais il nous les montre suc- cessivement inféodés par la milice, en entier ou par parcelles, à des particuliers qui s’obligeaient à y bâtir une ‘ou plusieurs maisons dans le délai de deux ans, sous peine de déchéance. Ces inféo- dations sont au nombre de 300, dont le tiers con- cerne la partie en dehors de la porte de Mallolas : elles furent faites de 1241 à 1282. On voit par là combien la population et agrandissement de Per- pignan sont redevables aux Templiers. SAINT-Hippozyre. Deux champs et quelques droits seigneuriaux dans le territoire de Saint- Hippolyte , vendus en franc-aleu à la milice , en 168 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES- 1207, un aleu et un fief légués à la même, quatre mois après , par Bérenger de Palazol (1), paraissent avoir été le fondement de ce domaine du Temple. Pons de Vernet, riche et puissant seigneur, en augmenta considérablement la valeur et étendue : d’abord par deux donations faites en 1208 ; puis en vendant au Masdeu , en 1200, un grand nombre de pièces de terre, de métairies, de fiefs et les droits qu’il pouvait avoir dans le château de Saint- Hippolyte et ses dépendances , etc.; enfin, en lui léguant par testament en 1215, le lieu, le chä- teau et tout ce qu’il pouvait avoir dans le terri- toire de Saint-Hippolyte, terres, édifices, vassaux, droits quelconques , le quart de la dime sur le poisson de Torrelles, de Salses et de Barrès, son cheval, ses armes et sa cuirasse. En 1216, on trouve dans un autre recueil , un frère Cabot, avec le titre de commandeur du chà- teau de Saint-Hippolyte. Les droits sur ce château , légués par Pons de Vernet, n'étaient pas sans doute complets ou très- légitimes, puisque nous le voyons vendu une pre- mière fois en franc-aleu , à la milice, lan 1236, par le chevalier Pierre de Castellô pour 2,000 sous melgoriens, et une seconde fois en 1246, par un autre Pons de Vernet, petit-fils du précédent, (1) C’est le nom que porte un des troubadours du Roussillon. Le Cartulaire du Temple fait voir le tort qu'on a eu dans ce dernier temps de le changer en celui de Bérenger de Paracols. Voyez l'Annuaire du département , 1834, page 140. MÉMOIRES. 169 pour la mème somme de 2000 sous melgoriens, avec toutes appartenances et dépendances, cheva- liers, vassaux , fiefs, justice civile et criminelle, etc: Onxe. Le château, le village et le territoire d'Orle furent vendus, en 1271, à la milice du Temple du Masdeu , par le chevalier Bernard d'Oms, en franc-aleu , avec tous droits et toute juridiction. En 1278, Jaubert du Soler, chevalier, vendit à la même milice tout ce qu'il avait de propriétés et de droits dans le hameau et dans le territoire de Saint-Etienne d’Orle, aux lieux dits las Garrigolas, l'Albedra, la F'allauria, et au lieu dit /a Pera dans le territoire de Toluges. Ici finissent les renseignements les plus impor- tants qu'offre le cartulaire relativement aux com- manderies et aux châteaux de nos Templiers. Pour donner maintenant un aperçu des biens que, da- près ce cartulaire, ils ont possédés dans le dépar- tement, nous allons sionaler les communes et les territoires où ils étaient situés en plus ou moins grand nombre. Cette indication aura lavantage d’éclairer les gens du pays qui, par suite de la haute opinion traditionnelle qu’a laissée partout le nom des Tem- pliers , se flattent, avec ou sans raison, d’avoir eu chez eux quelque établissement ou quelque do- maine de leur dépendance. Elle servira aussi à détruire ce préjugé, né d’un profond sentiment religieux, que le jour où fut fulminé le décret d’abolition de l’ordre, les linteaux monolithes des TOME IV, PART. IT, 12 170 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. portes de ses églises se fendirent tous, et que par conséquent toutes les églises qui présentent cet accident lui ont appartenu. 1.7 ARRONDISSEMENT. Canton de Perpignan. Alenyä, Bonpas, Cabes- tany, Canet, Canohas, Castel-Roussillon , Cornellä- del-Bercol , Mallolas, Perpignan, Saint-Mamert , Orle, Toluges, Tésa, Vernet, Villeneuve-de-la Pah6, Villeneuve-de-la-Riviere. Canton de Rivesaltes. Garrius , Juëègues, Saint- Hippolyte, Saint-Laurent , Salses , Torrellas. Canton de Milläs. Corbéra, Saint-Feliu-d’Aval (dès 1137, nombre de propriétés ). Canton de Tuhir. Anyils, Bages, Brullä, Ca- melas , Candell, Forgues, Llaur6, Llupia, Monas- tir del Camp, Ortafäi, Passä, Pollestres, Pontelli, Terrats, Trulläs, Trasserra, Vilamulaca , Vilar- mili. Canton de Saint-Paul. Auxonis, Borrat, Cal- mes, Jonqueroles, Prugnanes, Saint-Arnac, Saint- Etienne de Derg. Canton de Latour. Mateperuste (bois), Tour- nefort. 2.% ARRONDISSEMENT. Canton de Céret. Banyuls-dels-Aspres, Céret, la Clusa, las Has, le Vilar-d’Amont , Maurellas , (dix ou douze métairies, terres, droits, etc.), Saint- Jean-Pla-de-Corts, Saint-Martin, Vilaclara , Vi- pers. MÉMOIRES. 17: Canton d’Argelès. Abéra, Argelès, Collioure, Palau , Pacol, Pujols, Suréda, Tatzé d’Aval, Vallbona. Canton d'Arles. Montbol6 , Saint-Marsal. Canton de Prats-de-Mollo. Mas-Tallet. 3. ARRONDISSEMENT. Canton de Prades. Mosset, Orbanya, Ville- franche. Canton de Vinca. Belpuig, Finestret. Canton de Sournia. Rebolhet. Canton d'Oléta. Carensäi. Cest une chose digne de remarque, que le ter- ritoire du couvent du Masdeu s’étendait précisé- ment jusqu'aux limites qui ont été assignées à notre département dans la nouvelle division de la France. Après l'extinction de l’ordre , qui heureusement ne fut point accompagné ici de condamnation (1), (1) Bernard de Farges, Archevêque de Narbonne , convo- qua son concile provincial par lettres du septembre 1315. Il y appela entre autres Guillaume , évêque d’Elne , son suf- fragant, avec ordre d'amener les Templiers détenus en son diocèse, et de les lui remettre avec les procédures instruites contre eux, pour disposer de leurs personnes, Guillaume étant absent et éloigné , le roi de Mayorque , à qui il en fut référé , fit répondre qu'ayant été chargé par le feu Pape de la garde des Templiers , il ne pouvait les remettre sans un ordre de son successeur , et que s'ils devaient être punis , ce ne de- vait être que dans son domaine. Jean XXII, élu en 1316, accorda l’autorisation de livrer les Templiers (D. Vaiss. Gallia). L’Archeyêque ne tint plus de Concile, à ce qu'il 12. 172 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. les biens de nos Templiers furent donnés, comme ailleurs, aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusa- lem, possesseurs alors de la seule commanderie de Bajolas , avec ses dépendances à Cabestany , à Saint-Nazaire, à Villarasa , à Collioure, à Bon- pas, etc. paraît, et nous ne connaissons pas précisément la suite du procès. Ce qu'il y a de précis, c’est que les Templiers du Roussillon n’avouèrent aucun des chefs d'accusation, comme le témoigne M. Raynouard, et qu'on ne trouva point les Templiers coupables dans le ressort de l’archeyéché de Nar- bonne, NOTICE ARCHÉOLOGIQUE SUR l LOUPIAN , VALMAGNE ET MAGUELONNE; Par M. Du MÈGE, DE La Have. Lorsque Pausanias voulut consacrer les souve- nirs artistiques de la Grèce, il en parcourut tou- tes les régions , il en étudia tous les monuments. Que de faits seraient demeurés dans loubli si cet écrivain n'avait pas légué à la postérité le résultat de ses longues recherches! Combien notre Histoire se serait enrichie de récits importants et de des- criptions curieuses, si, avant de l’écrire, ses au- teurs n'avaient pas dédaigné l’exploration de nos provinces ! Il est hors de doute que les admirables travaux des Bénédictins sur le Languedoc ont ouvert une nouvelle carrière; mais ces travaux seraient plus parfaits encore, si, à la savante ana- lyse de toutes nos Chartes, de tous nos vieux titres de gloire, ils avaient joint la description des mo- numents des différents âges de la monarchie. On aimerait à parcourir, avec de tels guides, ces for- teresses si souvent attaquées, et dont les débris couvrent les sommets des coteaux, ces cloîtres pit- toresques, ces vastes basiliques dont ils ont si bien déterminé lorigine. Mais ils ne se sont que 174 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. rarement occupés des monuments. Pouvaient-ils d’ailleurs penser que de nouvelles hordes de Van- dales renverseraient en peu d'années ces somp- tueux édifices, ces temples sacrés, que la piété avait élevés et que protégeait la croix civilisatrice, symbole de paix et de liberté, S'ils avaient pu prévoir de si stupides excès , les crayons les plus fideles , les burins les plus exercés auraient retracé pour nous et pour la postérité, ces monastères, ces églises de styles différents, chefs-d’œuvre de Vart chrétien, et dont on ne trouve le plus sou- vent que les immenses débris. Voyageant au mi- lieu des ruines de la vieille France, j'allais, en 1833 , étudier les monuments de Saint-Gilles, de Lodève, d’Aniane, de Montmajor, d’Aiguesmor- tes et d'Arles ; j'avais revu , avec un intérêt tou- jours nouveau , la Cité de Carcassonne, et ses rem- parts où des constructions du moyen-äge se mêlent à des constructions romaines ; javais dessiné encore quelques détails de la cathédrale de cette ville; j’a- vais revu Béziers, dont l’église principale est, comme celle de Carcassonne , placée sous linvocation de saint Nazaire. Narbonne m’avait encore montré ses nombreuses inscriptions , souvent à demi effacées , ses bas-reliefs mutilés, et les frises qui décoraient les temples et les palais de cette ville illustre. Enfin, j'avais examiné avec soin et les vieux rem- parts qui enveloppent encore Agde, et les monu- ments religieux de cette ville , qui se dessinent en teintes lugubres sur lazur brillant des cieux. Embarqué sur l'étang de Thau, j'abordai au port MÉMOIRES. 179 de Mèze. On sait par Festus Avienus (1) que ce lac portait autrefois le nom de Taur. «On voit, » dit ce poëte géographe, on voit sur le conti- » nent, entre les bases des montagnes, une côte » sablonneuse. Elle manque d’habitants : au delà » parait le mont de Sète, au sommet élevé, et Le » mont Fecius, ombragé par des pins, et dont le » pied se cache dans le Taur, car les peuples de » cette contrée donnent le nom de Taur au marais » qui s'étend dans les lieux voisins de la côte. » In continenti et inter adsurgentium Capita jugorum rursûs arenost soli Terga explicantur, seque fundunt littora Orba incolarum. Setius indè mons tumet Procerus arcem , et pinifer Fecii jugum Radice fusä in usque Taurum pertinet. Taurum paludem namque gentici vocant Oram propinquam. Mèze n’offre aucun aliment à la curiosité , aucun monument à archéologue. Son église, bâtie vers la fin du quatorzième, ou au commencement du quinzième siècle , n’est nullement remarquable. Pomponius Mela a, dans son livre De situ orbis (2), mentionné une ville nommée Mesua, et les mo- dernes ont cru généralement qu’il fallait la retrou- ver à Mèze. Mais M. Thomas (3) transporte ce lieu (1) Ora Maritima. (2) Lib. xx, cap. 5. Mesua collis incinctus mari penè undi- què , ac nisi qudd angusto aggere , continenti annectitur insula. (3) Publication de la Société archéologique de Montpellier, n.* 1, page 91 et suly. 176 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. à Maguelonne, et nous verrons bientôt sur quels fondements il établit son opinion. Loupian est peu éloigné de Mèze. Les ruines pittoresques d’une enceinte fortifiée l’entourent encore en partie. Ces constructions guerrières sont surmontées par les tourelles du vieux château, et par les créneaux qui couronnent l’abside de la pe- tite église bâtie dans l’intérieur du village. Cette église est évidemment trop petite aujour- d'hui pour contenir la population, qui s'élève à près de onze cents individus. La coupole ou le rond point est très-remarquable. Les colonnes engagées qui soutiennent les arcs à plein cintre, sont couronnées par des chapiteaux ornés de figu- res bizarres. Sur l’un d’entr’eux, des singes sem- blent vouloir cueillir des épis de blé, ou en former une gerbe. Sur un autre, de grotesques figures d'hommes sont placées à droite et à gauche d’une énorme tête de tigre. Des têtes qui ne sont que de grossières imitations de la nature, décorent aussi plusieurs autres chapiteaux. Le petit portail de l’église est orné par deux colonnes. Les pierres des voussoirs du premier arc sont au nombre de huit, et chacune est taillée de manière à former intérieurement trois volutes , ce qui donne à l’ensemble un aspect singulier , et peut-être même unique, parmi les monuments du moyen-äge que le Languedoc possède encore. Mais ce lieu conserve aussi des traces d’une haute antiquité ; inaperçues jusqu’à ce jour, elles annoncent peut-être par leur présence qu'il ÿ MÉMOIRES. avait des habitants dans cette partie de la Gaule Narbonnaise bien des siècles avant la construc- tion de Péglise et des vieux remparts de Loupian. Au nord-est de ce village est une enceinte ayant Ja forme d’un carré long ; les grands côtés ont plus de 53 mètres d’étendue. Un rocher taillé dans tout le développement du périmètre forme le mur de clôture. On nomme ce lieu /a Garenne du Sei- gneur. Extérieurement, du côté du village, le rocher ressemble entièrement à un mur construit avec la plus grande régularité. De rares débris d’amphores qui souvent ont, dans la Gaule Nar- bonnaise, remplacé les urnes cinéraires , parais- sent indiquer que lon foule un antique champ de repos. En effet, dans un angle, on aperçoit des rangées de niches, taillées en demi-cercle, sem- blables à celles que Von retrouve dans les hypo- gées , et qui, sans doute autrefois, renfermaient de petits sarcophages ou des urnes. Le rocher est taillé dans lun des côtés qui forment cet angle de lenceinte, de manière à représenter en plan, tant en dedans qu’en dehors, une ligne à crémaillère, telle qu’on en dessine quelquefois dans la fortifica- tion de campagne. Des bancs sont entaillés dans le massif du rocher, en avant des niches : c’est là peut- être que venaient s’asseoir les parents , les amis de ceux dont les cendres étaient conservées dans les urnes qui remplissaient ces niches sépulcrales (1). (1) Elles ont 36 centimètres de hauteur , 30 de largeur et 24 de profondeur. 175 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Celles-ci ont 28 centimètres de hauteur, 30 de lar- geur et 24 de profondeur. En dehors du village de Loupian est une vaste église, bâtie au quinzième siècle. Sa voûte en ogive est très-élancée. Elle avait été fondée par les religieux de Valmagne , qui avaient établi tout auprès un hospice, une maladrerie ou lépro- serie. Là, plusieurs d’entreux venaient secourir les malades et les pauvres, et d’autres encore al- laient chaque année dans Montpellier , prodiguer des soins à linfortune : pieuse milice dont les membres se retrouvaient partout où il y avait des larmes à tarir et des maux à soulager. Il y a un peu moins de deux lieues de Méze à Valmagne; on suit pour y parvenir un grand chemin presqu'abandonné aujourd’hui, et qui pa- raît d’abord n’avoir été tracé que pour conduire dans le séjour des cénobites. Malgré la fertilité de la contrée , c’est en quelque sorte un désert cultivé qu'on parcourt. Seulement à droite, et dans l’éloi- gnement, on aperçoit Loupian et ses églises mo- numentales , et deux ou trois maisons des champs. Le monastère de Valmagne fut fondé en 1138, sous la dépendance de celui d’Ardorelet l'institut de Geraud de Sales. Foulques, abbé d’Ardorel, y en- voya plusieurs de ses religieux pour y établir la régularité. L'Histoire nous apprend que Raymond Trencavel , Vicomte de Béziers, et sa femme Adé- laïde, en furent les principaux bienfaiteurs, avec Guillaume d’Omelas , frère de Guillaume VIT, Seigneur de Montpellier, auquel se joignirent di- MÉMOIRES. 1709 vers Chevaliers du voisinage. En 1147, elle reçut un don considérable de Trencavelle, Comtesse du Roussillon, du Vicomte Raymond Trencavel, son frère, de Geraud, son fils, et de la Vicomtesse Cécile, sa mère. En 1150, l’abbaye de Valmagne adopta linsti- tut de Citeaux. Depuis ce temps jusqu'a l'époque où les reli- gionnaires prirent les armes dans le Languedoc, Vabbaye de Valmagne, enrichie et respectée par les grands, vénérée par les peuples, fut un lieu de consolation pour toutes les douleurs, un port de salut pour toutes les infortunes. L'amour des lettres distingua ses possesseurs, et, comme dans tous les monastères de Citeaux, on y trouvait, unies à une science profonde, et la charité évan- gélique des premiers temps, et la piété fervente qui naît et se conserve dans le recueillement et le silence du cloître. Mais, durant la seconde moitié du seizième siècle, les calvinistes se rendirent maï- tres de Montpellier et de presque toutes les petites villes voisines. Leurs bandes fanatisées portèrent la terreur et le ravage dans les lieux consacrés par la religion , et abbaye de Valmagne fut pil- lée et profanée. Elle ne put être rétablie que sous le règne de Louis XIIT, et après le siége de Montpellier. La révolution est venue, avide et sanglante, et sa main spoliatrice s’est étendue sur la solitude de Valmagne. Hätons-nous néanmoins de le dire ; les nouveaux 190 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. possesseurs du monastère n’en ont pas renversé les murs; ils en ont seulement approprié les bati- ments à leur usage. Valmagne est aujourd’hui une ferme, et son église une grange immense. Il faut entrer dans ce temple, ravi aux pompes de la religion, pour avoir une idée de son impo- sante majesté. Cest un vaste édifice bati en croix, et ayant des collatéraux, ou bas-côtés, qui en for- ment le périmètre. Sa longueur est de 252 pieds ou d'environ 82 mètres. Sa largeur, y compris les collatéraux ou basses-nefs, est de 22 mètres ou de plus de 67 pieds. La hauteur, comptée du pavé jusqu’à la voûte, est de 24 mètres ou de plus de 75 pieds. Les piliers qui séparent les collaté- raux de la grande nef s'élèvent avec gràce, et supportent des arcs ogives de la plus heureuse proportion. Au centre de la croix existent encore quelques marches de Pautel , et une niche ouverte dans l’abside renferme une statue mutilée de la Sainte Vierge. Ainsi, nous trouvons encore Ici des traces du vandalisme révolutionnaire, tandis que l'état d'abandon et doubli de ce monument accuse l'indifférence de notre siècle calculateur. En dehors, une large terrasse forme le pour- tour de l’église ; elle est établie sur les collatéraux, et offre une promenade très-remarquable. Si, en effet , du haut de cette vaste galerie on étend ses regards vers le nord, on aperçoit au loin des vignobles et des champs fertiles. À l’ouest , bien que le Ciel soit moins pur, moins brillant, on admire aussi vers Saint-Servian et Valros, des MÉMOIRES. 161 lieux fécondés par une active industrie, Mais, plus rapprochés de Pabbaye, sont, de ce côté, des rochers arides que n’embellit pas même une éphémère végétation : leurs contours singuliers rappellent quelquefois des objets connus, et, plus souvent , participent de ces formes vagues et fan- tastiques que présentent les nuages divisés ou dé- chirés par les vents. À la vue de ces monuments de la nature , on sent que l’on est au désert, et lon admire la pensée qui présida au choix du local où le monastère a été fondé : on voulut que ce site apprit aux solitaires qui devaient l’habiter, com- bien sont courtes les jouissances de la vie et avec quelle rapidité on passe de l'éclat de la fortune à l'état le plus pauvre et le plus abject. Les butées de la nef sont, en eflet, disposées de telle sorte que l'observateur , placé au-dessus du portail, et qui voit, de cette position élevée, de riches cam pagnes , n’a qu'à faire quelques pas sur la gauche pour être en présence de ces rochers arides. Les butées semblent s’effacer et dispar aître tout à coup pour dévoiler en entier ce triste spectacle. En suivant le contour de la terrasse, on aper- çoit au midi, et l’étang de Thau, et la plage, et la mer. Souvent une blanche voile apparaît à horizon, et bientôt se dérobe aux regards : ainsi, disaient sans doute les pieux habitants de Valma- gne, ainsi disparaissent ces joies bruyantes et trom- peuses, qui ne laissent après elles que des souvenirs bientôt effacés, comme le sillage du vaisseau sur Pimmensité des mers. 182 INSCRIPTIOKS ET BELLES-LETTRES. Le cloître est entièrement conservé. Ses colon- nes accouplées sont liées entr’elles par des entre- lacs; ce genre de décoration , assez rare dans le Languedoc, n’est pas sans agrément. Dans larchi- tecture du moyen âge il n’y avait rien de fixe que le style général et les règles de la construction. L’imagination de l’artiste, gracieuse ou sévère, pouvait se livrer à toute la fougue, à toute la poé- sie de ses conceptions. On avait peut-être trouvé que les élégantes colonilles qui forment les cloîtres étaient, en apparence, bien sveltes, bien faibles pour soutenir les chapiteaux chargés d’ornements qui les couronnaient , les ares à plein cintre ou à ogives qui s’appuyaient sur elles, et alors Part chrétien leur supposa , leur donna même plus de force, plus de solidité, en les unissant par des nœuds , des entrelacs pris dans le bloc même où elles avaient été taillées. Au milieu du carré que forment les quatre ga- leries à plein cintre du cloitre, sourd une fon- taine abondante. Une colonnade du même style lenvironne , mais elle affecte une forme octogo- nale. Ce sont encore des colonnes accouplées , unies entr’elles par des entrelacs ; elles ont des chapiteaux , gracieux de formes, précieux d’exécu- tion, mais moins peut-être que ceux de la porte d’une petite chapelle qui subsiste encore dans le vieux cloitre de Pabbaye. Le monastère de Valmagne est l’un des plus beaux monuments religieux du Languedoc. On aime à le voir, s’élevant encore au milieu des dé- MÉMOIRES. 183 bris qu'amoncela de toutes parts un délire fu- neste, Ainsi, dans les Pyrénées , au pied du Cou- mélie, ou dans le vallon de Héas, le voyageur retrouve avec joie la fleur aux suaves parfums, qui brille au milieu du chaos des monts renver- sés et des ruines de la nature. Au midi de Montpellier s'étendent de vastes la- gunes, qu'une plage étroite sépare de la mer. La côte est basse; de hauts promontoires n’en indi- quent pas l'existence : seulement une masse , ré- gulière dans ses formes, en altère la longue et triste horizontalité : on la remarque de tous les lieux voisins de la seconde ville du Languedoc, mas surtout de cette admirable esplanade (1) qu'embellissait jadis Pimage du grand Roi. Cette masse, c’est l’ancienne cathédrale de Maguelonne , et c'est à peu près tout ce qui reste de l'ile et de la cité de ce nom. La mer, les sables , et l'étang, ontenseveli ce lieu célèbre. Ses ports sont comblés, ses habitations détruites. Seule, au milieu des dé- bris, battue par les flots et les vents, la vieille basilique subsiste encore , et garde dans son en- ceinte les tombeaux des prélats qui l’ont illustrée et les pieux et poétiques souvenirs du moyen-àge. La cité de Maguelonne ( Civitas Magalonen- sium) était connue dès le cinquième siècle de notre ère : on la comptait déjà parmi les villes épiscopales , et l’on en trouve la preuve dans une lettre écrite, en 451, par les évèques de la Pro- Nues ST, natal et (1) Le Peyrou. 184 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. vince au pape saint Léon; cette lettre est souscrite par Ætherius, Episcopus Magalonensis. Selon un écrivain moderne , il faudrait accor- der une haute antiquité à Maguelonne. M. Thomas, mécontent des auteurs qui placent à Mèze lantique Mesua de Pomponius Mela , croit d’après des circonstances prises de la forme même des localités, pouvoir placer Mesua à Ma- guelonne. Il combat les étymologistes qui voient dans la syllabe Mag , si commune dans les noms de lieux en Celtique, l’origine gauloise de cette ville. « Comme, dit-il, les anciens, ainsi que nous, » ne connaissaient, au delà des îles Stoechades et » de l'embouchure du Rhône, sur une vaste éten- » due de côtes, formant le golfe du Lion , mare » Leonis, que deux îles importantes, Blascon au- » jourd’hui Brescou, et Maguelonne, celle- ci » étant la plus remarquable, ils lui donnèrent une » désignation descriptive ou pittoresque.» Il ajoute que « Maguelonne est l'ile Major par rapport à » Brescou , son unique voisine. Et en effet, la dé- » nomination de Mesua , donnée par Pomponius » à Maguelonne , n’est que le paradigme latinisé » de Paccusatif peZov, Major, ou peova (contr. » pefox ), majorem, plus grande... insensible- » ment, ajoute M. Thomas, le terme de comparai- » son Mesua (ueifoz) qui, dans l'origine, avait » paru nécessaire pour distinguer cette île de sa » voisine Brescou , fit place au positif, c’est-à- » dire à la seule qualification de grande , qui suf- » fisait alors à la désignation de Maguelonne. Au MÉMOIRES. 185 » lieu du comparatif efov, dont un des cas obli- » ques avait servi à former l’ancien nom latin de » Pile, on se contenta d'employer le même adjec- » tif, au positif magna, peyahn, d’où dérive natu- » rellement Meégalo. » À l'appui de son opinion , M. Thomas cite l’anonyme de Ravenne , qui ne désigne pas autrement lile de Maguelonne que sous le nom de Magalona. Le systeme de M. Thomas est sans doute ingé- nieux ; mais ces transformations de noms, de grec en latin, trouveront peut-être quelques incrédules. L'ile de Maguelonne avait un excellent port; les Sarrasins en firent la conquête. Cest là qu’a- bordaient leurs flottes parties des rivages de l'Afrique, ou de ceux de l'Espagne. De ce point fortifié ils portaient le ravage et l’effroi dans lOcci- tanie ; les populations décimées fayaient au loin pour se soustraire à la mort ou à l’esclavage. Vain- queur d'Abdalhraman , le terrible Charles Martel poursuivit de toutes parts les hordes des sectateurs de l’Islam. Il voulut détruire tous leurs repaires sur les côtes de notre Province. En 737, le héros fran- çais fit raser la ville de Maguelonne et détruire son port, qui était alors connu sous le nom de Port des Sarrasins. Cependant la cathédrale ne fut pas comprise dans cette destruction. Plus tard, elle fut desservie par des chapelains ; mais le siége épiscopal avait été transporté à Substantion. Vers le commencement du onzième siècle, lEvèque Ar- naud L. résolut de rétablir Maguelonne. Il obtint du Pape Jean XIX une bulle à ce sujet, et fit TOME IY, PART, fI, 19 186 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. aussitôt relever les habitations et entourer Ia ville de murs. La mer avait ouvert en partie l'ancien port ; de peur qu'il n’attirât d’autres en- nemis, Arnaud le fit combler en entier, et la translation de PEvèché fut accomplie en l’année 1037. On ne sait si l'Eglise actuelle date précisément de cette époque ; mais il est certain que le portail, si remarquable, si bien conservé , qu’on y admire encore, est de Pan 1178. À cette époque le style à ogives était généralement adopté. Suivant nos recherches, il avait déjà été employé à Moissac au commencement du 12. siècle. Pendant cinq cents années encore, Maguelonne fut honorée du siége épiscopal. Mais l’insalubrité du lieu, ou peut-être aussi son isolement de la côte, en avait banni les habitants. Guillaume Pe- lissier , Evèque, obtint du Pape Paul III, en 1936, sa translation à Montpellier ; il sétait écoulé alors {99 ans depuis l’époque de l’entier rétablissement de Maguelonne par Arnaud Le; la bulle indique d’ailleurs que la ruine de ce lieu était déjà bien avancée (x): quelques ecclésiastiques seuls en formaient la population ; encore avaient-ils leurs habitations à Montpellier (2). Cette dernière À CONS CN EU PS LUS ou (1) Et inibi ferè nulla civitatis vestigia sint. (2) Ut in ea nulli habitatores sint, pauris exceptis prœdictæ ecclesiæ ministris, el unius collegiatæ inibi existentis, et Episcopus et ferè omnes ipsius ecclesiæ Magalonensis offi- ciales el ministré domos et habitationes suas in oppido Montispesulani habeant. MÉMOIRES. 187 ville était alors parvenue à un haut point de pros- périté, et peut-être faut-il compter cette cause au nombre de celles qui y firent transporter le siége épiscopal. Remarquons cependant que le chapitre crut que cette translation honorait assez peu son auteur ; car si Guillaume de Pelissier fut enseveli dans l’église de Maguelonne, dépouillée par lui du titre de cathédrale, on n’inscrivit aucune épi- taphe sur son tombeau , et c’est à tort qu’on lui attribue la pierre tumulaire placée en travers dans le: pavé de Péolise, et qui est évidemment antérieure au 16.2 siècle. Les Protestants étant emparés de Mague- lonne , environnèrent Péglise de fortifications assez bien entendues ; elles furent démolies en 1633, par ordre de Louis XIIT, et il ne resta sur pied dans Pile, que la cathédrale, un petit bâti- ment nommé Saint-Blaise, et la maison du fer- mier du chapitre. L'Eglise de Maguelonne est de cette époque de transition, marquée dans l’art chrétien, pax Va- bandon du plein cintre et par le commencement de Pogive. Mais celle-ci est peu prononcée encore. L'édifice est bâti en croix, et a 144 pieds de lon- gueur dans œuvre. Sa largeur est de 73 pieds dans la nef, et de 96 dans la profondeur des deux chapelles qui forment la croix. Le portail est d’une conservation parfaite et d’un travail excellent (1). Dans l'arc ogive ou le tym- RU TER: EL TOONIMMMNIONE “NEU RER (1) Les voussoirs sont en marbre alternativement blanc et de couleur, 188 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. pan, on voit l’image de N.S. Des niches pratiquées dans le mur à droite et à gauche renferment les figures de saint Pierre et de saint Paul. Cest sous l’invocation du premier que l’église fut con- sacrée. Parmi les chanoines qui ont jeté de léclat sur le chapitre de cette cathédrale, il faut compter surtout Bernard de Treviers, littérateur distingué du 12. siècle, auquel on attribue un ouvrage écrit en langue Provençale et qui eut un grand succès : c’est Pierre de Provence et la belle Ma- guelonne, dont une mauvaise traduction fait au- jourd’hui partie de la bibliothèque bleue. En le lisant avec attention, on reconnait sans peine que, sous des formes romanesques, l’auteur a ca- ché une pieuse allégorie. Pierre de Treviers est aussi l’auteur de lins- cription latine gravée sur le portail de église de Maguelonne. Cette inscription est en vers léonins ou rimés, forme que le mauvais goût avait intro- duite depuis plusieurs siècles dans la poésie latine. Voici cette curieuse inscription : Ad portam vitæ sitientes quique venite. ITas intrando fores ,vestros componite mores. Hinc intrans ova , tua semper crimina plora. Quidquid peccatur, lacry marum fonte lavatur. Bernardus de Triviis fecit, hoc anno incarnationis Domini 1178. La chapelle à droite du maître-autel portait d’a- bord le nom de Chapelle du Saint-Sépulcre , mais MÉMOIRES. 189 lorsqu'on y eut élevé un mausolée au Cardinal de de Canillac , elle prit le nom de celui-ci. L'autre, qui était du côté de l’épitre, fut consacrée à la Sainte Vierge. Le maïitre-autel, dépouillé de ses ornements, subsiste encore; il en est de même de ceux des deux chapelles qui viennent d’être indiquées. Dans une autre, à droite en entrant, on trouve un quatrième autel. Mais depuis long- temps le saint sacrifice n’est plus offert dans ce temple ravi aux pompes de la religion. En vain son aspect vénérable semble inviter à la prière : il ne s’est pas encore trouvé des hommes assez géné- reux pour rendre cet antique édifice à sa sainte destination. Cependant aucun lieu ne paraît plus propre à recevoir des cénobites. C’est le désert dans toute sa nudité ; et, comme pour avertir le voyageur du peu de durée de tout ce que les hommes croient fonder pour léternité , des ma- térlaux arrachés à des ruines romaines, arabes et chrétiennes , apparaissent , dispersés sur ce sol aride , où lagriculteur ne moissonne que quel- ques rares épis. Une douzaine d'arbres, courbés par les vents, un petit nombre de toufles de sali- cor, tels sont les végétaux qui croissent dans les sables de lile. Au loin, la vue des monts des Cé- vennes , souvent blanchis par les neiges; du côté opposé, la mer et ses orages, voilà les perspecti- ves de Maguelonne. Mais sur la portion la plus éle- vée de ce lambeau de la terre d’Occitanie est un lieu d’oraison et de recueillement.. La consolation et l'espoir pourraient l’habiter encore... Heureux 190 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. le vrai sage qui y trouverait oubli des vaines joies du monde et des tempêtes de la vie! Ce fut sans doute une pensée éminemment pieuse qui inspira aux chrétiens le désir d'être ensevelis dans les temples. Régénérés pour les siècles en re- cevant le baptème dans ces enceintes révérées , ils voulaient y reposer après leur mort, afin d'y re- naître pour éternité. De là provenaient ces tom- bes pressées qui remplissaient les églises et les cloîtres, et les monuments funéraires et les ins- criptions nombreuses qui apparaissaient de toutes parts. Semblables au rouleau d'Ezéchiel , qui était écrit d’un bout à l'autre , les dalles du pavé pré- sentaient partout les Funèbres moniteurs de ceux qui avaient vécu , les témoignages de la douleur et les expressions d’une religieuse espérance. Sé- jour des Evêques et d’un chapitre nombreux , Maguelonne offrait, dans son cloître, dans son église, un grand nombre de sépulcres. Une partie d’entr'eux fut renversée alors que Louis IX fit réparer ou construire le port d’Aiguesmortes. Les ouvriers cherchaient partout des matériaux, et malgré les défenses de Pautorité ecclésiastique , ils détruisirent à Maguelonne plusieurs monuments funèbres. On ne trouve plus de traces de l'ancien cloître; mais l’intérieur de léglise contient encore quelques mausolées. Celui que Pon remarque d’abord est antique. Son couvercle n'existe plus, et depuis longtemps il est employé à de vils usages. Ce tombeau est en marbre des Pyrénées. Sa face principale et ses pe- MÉMOIRES. 101 tits côtés sont couverts d’arabesques , qui ne sont pas sculptées avec talent sans doute, mais dont l'ensemble général est agréable. Le peuple donne à ce monument le nom de Tombeau de la belle Maguelonne : cest un souvenir consacré à l’hé- roïne du roman de Bernard de Treviers. Dans le pavé sont encastrées quelques pierres tombales. Lune d’entr’elles , placée en travers dans la nef, représente un Evêque. On ne peut plus lire Pinscription gravée autour de la pierre. Le prélat est figuré vêtu de ses ornements épiscopaux. Une chapelle, dans la branche gauche dela croix, renferme quatre autres pierres sépulcrales, sur lesquelles on a aussi gravé en creux les images des Evèques qui reposent sous ces monuments. Ici, par une singularité remarquable , la figure de ces pré- lats avait été rapportée et faite apparemment avec une matière plus précieuse. On a d’ailleurs des exemples de monuments semblables, où la face est en marbre, tandis que le reste est en pierre. Ces figures ont été enlevées ou détruites, et l’on ne voit plus que les places occupées autrefois par chacune d’elles. Un des piliers de la chapelle, à droite du spec- tateur, renferme une courte inscription , qui in- dique Pépoque de la mort et sans doute le tom- beau dAribert, Evêque d'Avignon , qui occupa ce siége depuis lan 1096 jusqu’en 1123. Dans cette chapelle et à une assez grande élé- vation , on lit lépitaphe de Gaucelin de Deux, qui fut Evèque de Maguelonne depuis le 5 mars 1367, jusqu'au 31 mars 1373. 192 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Les mausolées en marbre des Evèques, Jean de Bonail, mort en 1487, D'Tsarn de Barrière , mort le 19 avril 1498 , D’Antoine Subject, mort en 1506, De Guitard de Ratte, décédé en 1602, sont épars dans la nef, ou encastrés dans le sol. Ils représentent ces quatre prélats, etleursmonuments étaient en général assez bien conservés, il y a peu d'années encore. Mais aujourd’hui les figures sont mutilées, les inscriptions en partie effacées. Peu de jours avant mon arrivée à Maguelonne, une troupe de forcenés étaient venusinsulter ces vieuxtombeaux et y imprimer les marques d’une honteuse orgie. La toiture de l’église de Saint-Pierre de Mague- lonne est formée de dalles solides et admirable- ment bien posées. Elle est faite à la manière anti- que. Il fallut la construire ainsi, car toute autre n'aurait pu résister aux coups de vent, aux effroya- bles rafales qui agitent souvent Fatmosphère sur cette côte déserte et sans abri. Année 1836. HISTOIRE. TOME IV, PART, Ir. HISTOIRE DES OUVRAGES DE LA CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES PENDANT L'ANNÉE 1830. * La Classe des Inscriptions et Belles-Lettres, tou- jours fidèle à la mission qu’elle a reçue de ses fon- dateurs, s’est occupée, pendant l’année 1836, de recherches relatives à l’histoire générale, à la phi- losophie et aux croyances des peuples de Panti- quité , ainsi que du soin de décrire les monuments que le moyen âge avait élevés en grand nombre dans nos provinces. L'un de ses membres, M. T4sax, président, a , dans un discours d'ouverture pour la seconde séance publique, montré toute utilité des Académies, et toute l’influence qu’elles exercent sur le bonheur et la gloire des sociétés politiques. Ce sujet se rattachait, par une grande partie de ses détails , aux travaux de la Classe des Belles- Lettres. Après avoir esquissé.à grands traits l’his- toire des associations scientifiques, philosophiques et littéraires chez les anciens , l'auteur, voulant montrer les avantages que produisent les Aca- démies aux contrées qui les possèdent, s’exprime ainsi : « L'action des sociétés savantes sur le dévelop- pement de Pesprit humain, est leffet naturel de # M. Tasan. Utilité des Académies, 196 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. leur organisation ; c’est même la condition de leur existence. De cela seul qu’elles existent , elles agis- sent, presque à leur insu, sur les individus et sur les masses, et président à toutes les opérations de leur intelligence ; et lorsqu’elles veulent se mettre à la tête de ce mouvement intellectuel, pour le diriger dans l'intérêt général de la société, leur mission devient grande et belle : elles prètent aux diverses parties du corps social, tout ce qu’elles ont de force et de grandeur, et s'élèvent à la di- gnité des institutions politiques. » C’est ainsi qué les Académies ont contribué aux merveilles de la civilisation; et, sous ce rapport, elles ont encore devant elles un brillant avenir , si la loi du progrès s’accomplit. Tant que sur ce globe, si fécond en contrastes, la ligne qui sépare les nations civilisées des peuples barbares, ne sera pas rompue, les Académies auront à lutter et à combattre pour faire disparaître cette désolante séparation; et la tâche est trop glorieuse pour qu'elles ne l’aient point acceptée. Elles l'ont ac- ceptée, parce qu’elles ont foi dans les destinées qui leur sont promises, et surtout dans cette loi du progrès, qui subira, sans doute encore, des épreuves diMiciles et de prudentes lenteurs, mais dont le triomphe est infaillible. » Ce n’est pas brusquement, et par l'effet d’une illumination soudaine que les hommes et les so- ciétés peuvent être éclairés, où que le cercle des connaissances qu'ils cultivent peut s'agrandir ou se perfectionner. Ce n’est qu'avec le secours du HISTOIRE. 197 temps, avec une sage mesure, que lon peut se promettre d'introduire, sans obstacle, quelques rayons de jour dans le chaos ténébreux, où vivent encore ces peuplades ignorantes, que la science est appelée à dompter, et qu’on peut espérer d’amélio- rer les mœurs, de changer les usages, de rectifier les croyances, de fixer les lois, dextirper les pré- jugés, de diriger lindustrie, d'utiliser, enfin , dans toute leur latitude, les dispositions des peuples policés , dont l'éducation n’est pas encore finie. » Cest là la mission des Académies ; et si nous jetons un coup d’œil rapide sur ce qu’elles ont fait jusqu’à ce jour, 1l sera facile de prouver qu’elles ont compris leur mandat , et qu’elles ont eu le pouvoir et la volonté de le remplir. » Considérées seulement comme auxiliaires , OU comme le complément des institutions politiques, les Académies ont éclairé des plus vives lumières les hommes qui, par un contrat d’union , se sont formés en société pour vivre et se défendre en com- mun, et pour mourir sous les mêmes lois. Pour les instruire, il a fallu d’abord cimenter leurs rap- ports entreux par une Jangne commune, régler cette langue dans ses principes, l’assouplir et Pap- proprier à tous les usages de la vie privée, à toutes les relations de la vie publique; il a fallu inventer des signes pour traduire la pensée, pour seconder le travail de l'imagination , pour faciliter et rendre plus instructives les communications d'homme à homme, de peuple à peuple; et c’est ce qu'ont fait les Académies, en réformant les idiomes 108 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. grossiers qui avaient été importés, de létat sau- vage, dans l’état de société; en créant une langue vulgaire ; en posant des règles d'écriture, de gram- maire et de style pour suppléer la parole, et ren- dre, à la fois, intelligible et uniforme, la trans- mission des idées. » C’est là, sans doute, un très-grand, un très- beau résultat ; mais avertir lhomme de lexcellence de ses facultés; Pexciter à répandre, au profit de tous, les trésors de sa raison et de son jugement ; le porter à étudier les secrets de ce vaste univers; à descendre dans les mystères de cette organisa tion merveilleuse, qui confond notre faiblesse et enchaîne notre admiration; à observer la nature dans ses productions variées, et ses innombrables phénomènes ; à fixer ses regards sur tous ces mon- des, suspendus dans l’immensité des cieux, pour en contempler l’harmonie, en calculer la marche, en deviner les influences; l’inviter à diriger ses méditations les plus intimes sur ces magnifiques créations, pour remonter aux causes qui les ont produites, et surtout à cette Providence suprème qui les domine toutes; enfin, inciter homme à la culture des arts, en faisant briller à ses yeux les biens , les richesses et les jouissances qu’ils procu- rent ; les représenter comme la source inépuisable des fortunes privées et de la fortune publique, comme la sauvegarde des lois et des moeurs, et la plus sûre garantie de la société : c’est concourir no- blement à l’accomplissement de la loi du progrès ; el c’est là encore ce que les Académies ont fait, HISTOIRE. 199 par la seule autorité de leurs exemples, de leurs conseils et de leurs doctrines. » Et qu’on ne dise pas que l’amour des sciences, le goût des lettres et la passion des arts auraient, seuls, amené ces heureux résultats sans le secours des Académies. Sans doute, chaque peuple aurait eu ses savants, ses littérateurs et ses artistes, in- dépendamment de toute institution, qui eût été spécialement consacrée aux objets de leur culte ; mais ils auraient vécu isolés au milieu de la grande famille ; leurs travaux mauraient eu aucun reten- tissement ; ils n’auraient servi qu'à linstruction particulière de ceux qui s’y seraient livrés sans aucun but d'utilité publique; les études auraient manqué de direction et de règle; les mauvaises doctrines, les systèmes erronés, les fausses théo- ries , les principes les plus hasardés, ou les plus dangereux, n'auraient pu être réformés , rectifiés ou combattus ; et les productions estimables, c’est- à-dire, celles qui auraient eu un mérite réel, et qui auraient pu contribuer au progrès des connais- sances et au développement de lesprit humain, seraient restées sans récompense et sans gloire. » Qu'on ne dise pas, surtout, que les lois auraient sufl, pour hâter Le progrès des sciences, des let- res et des arts, sans le concours des sociétés sa- vantes. Les lois ! Mais ne sait-on pas, ainsi que la observé un auteur du siècle dernier, «qu’une » bonne administration et les meilleures lois sont » filles où sœurs des lettres et des sciences, et » qu'elles naissent, marchent et disparaissent avec 200 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » elles?» Et ne sait-on pas aussi que ce sont Les Académies qui ont le plus activement secondé la révision de nos lois civiles, et la réforme de notre législation pénale ? » M. Tajan , après avoir rappelé le souvenir des grandes questions proposées par plusieurs Acadé- mies françaises, et dont les concours ont offert en résultat des ouvrages dictés par le génie et devenus déternels exemples de la plus haute, de la plus brillante éloquence , s'occupe des concours parti- culiers de l'Académie de Toulouse. « Depuis sa création , notre Académie n’a né- gligé aucun de ces moyens pour concourir par tous les efforts de son zèle à la propagation des lumières. Embrassant dans sa sollicitude le vaste ensemble des connaissances humaines , elle n’a voulu restér étrangère à aucun de leurs progrès. Les sciences mathématiques , les sciences physi- ques et naturelles, les sciences historiques , consi- dérées en elles-mêmes, et dans chacune de leurs subdivisions, ont fait, successivement , et dans tous les temps, l’objet continuel des luttes qu’elle a ouvertes à lémulation publique; et elle peut dire, sans orgueil, qu’elle a pris une part active et riche à ea accroissement merveilleux que toutes ces sciences ont reçu sur la fin du 18.° siècle et au commencement du 10,.° » Lorsque l'étude des sciences exactes com- mençait à devenir la passion de ces hommes, pro- fondément méditatifs, dont toutes les pensées n’ont pour but que la recherche de la vérité , HISTOIRE. 201 l'Académie voulut savoir quelle avait été lin- fluence de Fermat sur son siècle , relativement aux progrès du calcul et de la haute géométrie, et les avantages que les mathématiques avaient déjà reti- rés et pouvaient retirer encore de ses ouvrages. » Ce sujet était national. Le concours fut nom- breux et brillant, et dura deux années. Parmi les mémoires remarquables qu'il produisit , celui de M. Genty, professeur de philosophie à Orléans, fut couronné ; et ce triomphe , qui lui avait été. si vivement disputé , commença la réputation d’un auteur dont la carrière fut ensuite signalée par d’éclatants succès. » Dès 1775, et pendant les quinze années qui suivirent cette époque , l'Académie proposa divers sujets et plusieurs questions d’un ordre supérieur. Tantôt elle désira que lon assignät les effèts de l'air et des fluides aériformes , introduits ou pro- duits dans le corps humain , relativement à lé- conomie animale ; que l’on assignät également les causes du retardement qu’éprouvent les fluides dans les tuyaux fermés ; tantôt que l'on déter- minät la cause et la nature du vent produit par les chutes d’eau, principalement dans les trom- pes des forges à la catalane, et que l’on sigralät les rapports et les différences de ce vent avec celui qui est produit par Péolipyle. » À ces problèmes qui provoquaient des études approfondies et des expériences multipliées , vin- rent bientôt se joindre des opérations d’un grand intérêt local. 202 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. » Le sol que nous foulons est pour nous une terre sacrée ; 1l recèle les cendres de nos aïeux et reçoit une consécration de plus de la puissance des souvenirs. Toulouse, dont nos annales n’ont pu nous révéler l’origine , fut autrefois une ville guerrière et le siége d’un gouvernement : c'était la capitale des Tectosages. Mais quelle était la forme de ce gouvernement, quels étaient les pays, quels étaient les peuples placés sous sa dépen- dance avant la conquête des Romains ? Quelles étaient les lois qui les régissaient avant linva- sion ? quelles étaient les lois romaines qui leur furent substituées ? quels étaient les usages , les moœurs et les coutumes de ces peuples avant et après la conquête et sous la domination des Visi- goths”? Enfin , quels étaient le caractère et les qua- lités générales de l’esprit et du cœur de ces popula- tions diverses ? Telles étaient les questions graves et difficiles dont aucun document historique n'avait jusqu'alors donné la solution, et l'Académie, dans l'espoir de réparer cette lacune que Pon remar- quait avec peine dans l’histoire de la cité, fit un appel à tous les érudits de l’époque, avec la pro- messe d’une grande récompense. Ces divers problèmes historiques furent réso- lus, et avec le plus grand succès, par MM. de Guasco, Berriac et Lagane. » Mais ce n’était pas assez de rechercher les traces du passé et de rassembler des souvenirs emportés par les siècles, pour rétablir la ville de Toulouse dans son ancienne gloire ; l'Académie HISTOIRE. | 203 voulut que cette ville déshéritée , par la succes- sion des temps, de cette suprématie qu'elle avait exercée sur les vieux peuples , se ressaisit d’une partie des avantages qu’elle avait perdus, ou du moins qu’elle pût se créer de nouveaux éléments de bien-être et de prospérité, en compensation de ceux qui lui avaient été ravis. » L’heureuse situation de Toulouse pour un grand établissement commercial, sa position to- pographique qui la rend le centre commun du Midi, son voisinage des Pyrénées et de l'Espagne, le beau fleuve qui baigne ses murs, le magni- fique canal dont elle est redevable au génie de Riquet ; que sais-je ? les routes qui la traversent dans tous les sens , ses nombreux débouchés et les dispositions de son propre territoire ;: tout concourait à prouver que si cette ville comprenait un jour tous les avantages dont elle était favo- risée, elle trouverait dans son commerce et dans l’industrie de ses habitants , des sources inépui- säbles de richesses et de splendeur. » L'Académie, curieuse de connaître les causes qui avaient empêché la ville de Toulouse de rem- plir sa belle destination , proposa un sujet de prix spécial pour cet important objet. Elle demanda aux concurrents , « l'exposé des principales ré- » volutions que le commerce de Toulouse avait » essuyées , et les moyens de l’animer , de lé- » tendre , et de détruire les obstacles , soit mo- » raux, soit physiques , qui s’opposaient à son » activité et à ses progrès. » 204 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: » Ce sujet était digne de fixer lattention de ceux qui avaient profondément gémi sur Pespèce d'inertie à laquelle le commerce de cette grande ville semblait condamné. On était bien loin, alors, de prévoir l'extension extraordinaire que cette branche féconde de la fortune publique a acquise parmi nous, surtout dans ces dernières années ; et la sollicitude du corps savant qui s'était rendu l'organe de la pensée commune, fut généralement partagée. » Mais bientôt , et presque en même temps , un autre objet d’une non moins grande utilité, s’'accorda avec tous les voeux et réunit toutes les sympathies. Il s'agissait de satisfaire aux besoins les plus pressants de la cité, de Passainir, de la délivrer de tous les éléments dangereux qui vi- ciaient l'air pur de notre climat , et qui, par le plus aflligeant contraste , transformait lintérieur de la ville en un foyer de corruption , tandis qu'à l'extérieur , le reste de la population placée sous une autre atmosphère, jouissait avec délices, et sans aucun mélange d’amertume , de toutes les influences de notre beau ciel. » Cependant , il était assez étrange qu’à côté de notre grand fleuve, entourée , presque à tous ses aspects , de sources abondantes , Toulouse manquät d’eau pour l'assainissement de ses rues et les besoins de ses habitants. » L'administration avait reconnu depuis long- temps la nécessité de faire cesser un état de choses si déplorable ; mais les moyens qu’elle avait em- HISTOIRE. 205 ployés jusqu'alors , étaient restés toujours im puissants. I/Académie espéra d’être plus heu- reuse ; elle ouvrit un concours public, auquel elle invita tous les savants à prendre part. Elle leur proposa de Déterminer les moyens les plus avantageux pour conduire dans cette ville une quantité d’eau suffisante pour fournir aux besoins domestiques , aux incendies , et à l’arro- sement des rues et des promenades ; et pour donner à ce concours une importance digne de son objet, elle y attacha une grande récom- pense. Une somme de 3400 francs fut promise au vainqueur. » Ce sujet excita , au plus haut point , lintérèt public. Des concurrents accoururent de toutes parts : quinze Mémoires furent présentés ; et quoiqu'aucun d'eux ne fût jugé digne de la cou- ronne , peut-être est-ce aux effets que produisit, sur la masse des esprits, cette lutte célèbre , que Pon doit attribuer cette libéralité à laquelle nous sommes redevables des magnifiques fontaines dont nous jouissons aujourd’hui. » Enfin , lorsqu’après les violentes commotions politiques qui l'avaient dispersée, l'Académie fut rendue à ses paisibles travaux , son premier soin fut d'ouvrir un concours qui devait avoir pour résultat de compléter la masse des documents historiques que lui avaient fournis, sur la Gaule méridionale, les questions présentées par elle avant nos troubles civils. Elle voulut savoir quelles avaient été l'étendue et les limites des diverses parties de la 206 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Gaule qui avaient été habitées par les Tectosages, les Garumni , les Consoranni , les ÆAusct, les Elusates, les Lactorenses, et les Nitiobriges ; que Von fixat la position de leurs villes , que lon re- cueillit et présentàt des notions exactes sur le culte , les mœurs et les coutumes de ces peuples jusqu'à l’époque où les Visigoths s’'établirent à Toulouse. » Les études historiques sont aujourd’hui en très-grand honneur dans les Provinces ; et, sous ce rapport, il y a progrès pour elles ; mais Tou- louse avait devancé cette époque de plus d’un demi-siècle. Fidèle à son institution , l'Académie, dès son origine , avait appelé le zèle de ses dis- ciples sur les investigations et les recherches historiques , et se livrait , elle-même , à ce genre d’études avec toute l’'ardeur du dévouement et une sorte d'enthousiasme. En même temps que ceux de ses membres, qui les cultivaient avec le plus de succès, recevaient les palmes de l’Institut , elle décernait , elle-même, d’autres palmes aux explorateurs les plus distingués de nos monu- ments et de nos gloires historiques ; et c'est, pour elle , un juste sujet d’orgueil , de pouvoir se parer , aujourd'hui, du triomphe du savant illustre qu’elle couronna, » Grâces à l'immense érudition de M. de Gol- béry , la Gaule avant César est connue ; et l’his- toire de cette portion de l’ancien monde, prolé- gomènes obligés de notre Histoire de France , wa jamais été présentée d’une manière plus com- HISTOIRE. 207 plète, et avec des formes plus majestueuses. Mais ce n’était pas encore assez pour l'Académie. Après avoir retrouvé tous les souvenirs de la Gaule avant la conquête, elle fut ambitieuse de connaître la situation de ce beau pays, pendant la domination romaine, jusqu’à l’époque où les peuples du Nord en bannirent les légions des derniers Césars. Un nouveau prix fut promis aux auteurs qui auraient rempli cette lacune de nos annales ; et, cette fois encore, de nombreux concurrents entrerent en lice ; des ouvrages dun grand mérite luttérent avec honneur ; mais la couronne fut partagée entre un érudit de la capitale, et un ancien ma- gistrat , qui, bientôt , fut adopté par le corps savant dont il avait mérité les suffrages. » Cest par de pareils concours, c’est en pro- posant des sujets qui piquent vivement Pémulation, et laissent entrevoir la gloire de la difficulté vain- cue , que les Académies se sont placées à la tête de toutes les études, de toutes les idées fortes ; qu’elles ont accéléré le progrès des sciences et dominé leur époque. » Parmi les doctrines de l'antiquité, celle qui réunit en un seul corps toutes les parties de la na- M. D'AGUILAR. Considéra- ture , pour diviniser celle-ci, et qui est parvenue tions sur le jusqu’à nous, sous le nom de Panthéisme, est sans doute la plus dangereuse. Cette doctrine, qui a été enseignée dans le secret pendant bien des siècles, et qui a été renouvelée par quelques mo- dernes , a été Le sujet d'un mémoire de M. le Mar- Panthéisme. M. l'Abbé JAMME. Recherches historiques sur l'empire de Babylone. 208 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. quis D'AGuirar. Cet Académicien, sans retracer en détail les diverses manifestations et les nom- breuses modifications du système, insiste sur les conséquences fatales d’une foule de «théories fu- nestes, qui se changent en crimes dans l’entraîne- ment des passions. » «Une question très-importante à résoudre, ou du moins à éclaircir, serait, dit M. Jaume, de connaître, avec la plus grande exactitude, les faits qui ont rap- port à la ruine de P Empire de de Cette con- naissance pourrait servir à concilier les livres sacrés avec les auteurs profanes , à fixer une époque, sur laquelle il est impossible d'accorder l’histoire et la chronologie des Juifs avec celle des Grecs et des autres nations.» Dans la première partie d’un mémoire intitulé, Recherches historiques sur les ruines de l’empire de Babylone, cet Acadé- micien avance que la domination des Chaldéens, à Babylone, a cessé lors de la prise de cette ville par Cyrus, qui l’assiégea, de concert avec ce Darius Mède dont parle Daniel. « Ce Darius est, à ce que je crois, le Nabonide du canon de Ptolémée et de Berose, et le Cyaxare de Xénophon ; mais avec cette différence, qu’il n’était point de la nation des Mèdes d’'Ecbatane, et fils d’Astiage leur roi, mais seulement des Médes de Suze, et par consé- quent, il n’était pas l’oncle de Cyrus, mais bien son allié, qui régna dans Babylone jusqu’au temps de Dita fils d° Eystaspe. Nous voyons dans l’histoire que cette ville fut assiégée de nouveau, et que HISTOIRE. 209 Darius Mède envoya Cyrus en exil, dans l’Acar- nanie. » Je conjecture aussi que le dernier roi des Chal- déens est Balthasar,, fils du grand Nabuchodonosor, ou Nabuchodonosor second, et qu'il est le Labinite d'Hérodote et le Niricassolasser du canon astrono- mique, qui fut tué au siége de Babylone, la nuit d’une fête solennelle, où ses habitants étaient en- sevelis dans l'ivresse et dans le sommeil, Pan 22.° du règne de Cyrus sur les Perses, le 3. de la 6o.e olympiade, le 210.° de l’ère de Nabuchodonosor, et 738 ans avant l'ère chrétienne; vraisemblable- ment pendant les Sacées, qu’on célébrait au mois attique Luir, qui répond au mois 4b des Juifs, et à notre mois de juillet. » Ce système paraît présenter, tout à coup, des nouveautés frappantes, et dont la singularité étonne et révolte, peut-être; surtout cette dis- tinction des Mèdes d’Echatane et des Mèdes de Suze. Cependant, cette idée, quelque extraordi- naire qu’elle paraisse, n’est point destituée de vraisemblance. C’est au mémoire de M. de Bou- gainville que j'en suis redevable. Toutes les appa- rences du vrai que j'ai découvert dans son hypo- thèse sur la conciliation d'Hérodote avec Ctésias, et l'utilité que jai cru pouvoir retirer de la dis- tinction des deux dynasties des Mèdes, cette sa- vante hypothèse m'a fait embrasser cette partie du système ingénieux de ce célèbre Académi- cien. » Frappé des caractères de vérité qu’emportent TOME IV. PART. IT. AA) 210 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. avec eux les écrits d'Hérodote et de Ctésias sur les monarchies des Mèdes et des Assyriens ( du moins quant à la substance des principaux faits, malgré leur variété et leur opposition apparente ); con- vaincu d’ailleurs des précautions prises par lun et l’autre, pour s'assurer des traditions et des sources où les écrivains ont puisé leurs connaissances ; et craignant , dans cette alternative, de faire un choix téméraire et injuste entre ces deux auteurs, ou de combiner leurs témoignages, quoique in- compatibles, en confondant , contre toute sorte de vraisemblance, les rois Mèdes d’un écrivain avec ceux de l’autre, je n'ai pas balancé de suivre cet habile chronologiste, qui est parvenu à concilier les deux histoires, sans les confondre : il a ima- giné, à cet effet, qu'Hérodote et Ctésias ne par- lent pas de la même monarchie des Mèdes , mais de deux Monarchies , ou plutôt de deux dynasties d’un même empire, absolument différentes, qui subsistaient en même temps, et qu'on ne peut trop distinguer l’une de Pautre. » Cest des habitans de la Médie, proprement dite , dont les hommes sont assez connus, qu'Hé- rodote a voulu parler. Ceux de Ctésias sont les peuples sur lesquels Arbace, auteur de Paffran- chissement des vrais Mèdes, et vrai Mède lui- même, a régné dans des états bien différents de ceux d’Astiage, ou de la grande Médie, puisqu'ils étaient bornés au nord par les mêmes états du prince, et au couchant, par ceux du roi de Baby- lone. La capitale de ces contrées était la ville de HISTOÏRE. 211 Suze, dans le pays d'Elam, ville ou résidait Ar- thus, roi des Mèdes et successeur d’Arbace, sui- vant le témoignage de Nicolas de Damas, qui, pour ce fait, a voulu copier Ctésias, tandis qu'aucun roi des Mèdes d'Hérodote n’a fixé son séjour dans cette ville, mais seulement à Ecbatane, et qu'il n’a jamais été dit que Cyaxaré lui-même, dont les conquêtes étendirent la domination des Mèdes, ait été souverain à Suze. » Je nai pas besoin de rappeler les objections que cet habile critique s’est fait à lui-même, soit sur le silence de ces deux auteurs sur leurs peuples respectifs, sur la durée et les bornes des deux dynasties, et sur les conjectures ou les témoigna- ges des autres historiens. Il n’en est aucune dont ce savant Académicien ne donne les solutions les plus satisfaisantes. » L'auteur s'attache ensuite à démontrer les avan- tages de l’ingénieuse hypothèse de Bougainville, et en développe les conséquences historiques. « Pourquoi ce Darius Mède ne serait-il pas un souverain des Mèdes de Suze venu au secours de Cyrus, après s'être allié avec lui, ou qui peut- être ayant été détenu dans Babylone depuis sa dé- faite, et jaloux de sa liberté, animé d’ailleurs par le désir de la vengeance , conspira contre Balthasar avec quelques seigneurs , après s'être accordé avec Cyrus, qui vint assiéger la ville ? Tous ces faits s'accordent parfaitement , dans cette supposi- tion , d’après même les différents historiens. Hé- rodote, Xénophon, Ctésias, ne parlent que d’un 1). 212 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. seul général de l’armée qui assiégeait Babylone : et il est aisé de conclure que le chef de cette armée était Cyrus. » Daniel nous dit cependant que Darius Mède succéda à Balthasar ; que, selon toutes les appa- rences, Cyrus lui laissa ces états à gouverner, et létablit roi ou vice-roi de la Chaldée, mais tribu- taire de son empire, espérant de rentrer un jour dans tous ses droits; voilà pourquoi le Prophète nous assure que le royaume de Balthasar fut divisé entre les Medes et les Perses. » Si Darius le Mède était déjà roi de la grande Médie, comme fils et successeur d’Astiage, ainsi que le prétendent plusieurs de nos chronologistes, qui ont pour guide Xénophon, Cyrus, à cette époque, n'avait pas encore régné sur les Mèdes et les Perses; et le commencement de son règne serait postérieur à celui de son règne à Babylone ; assertion contredite par l’unanimité des écrivains les plus anciens, et par les calculs astronomiques, comme je le démontrerai. » De plus, la guerre faite par Cyrus contre As- tiage, son beau-père, serait, dans cette hypothèse, purement chimérique, quoique Hérodote et Ctésias soient d'accord pour ce fait, du moins quant à la substance, eux qui ne s'accordent presque dans aucun détail des événements, et quoique ce même fait soit attesté par toute l'antiquité, et désavoué par le seul Xénophon , dont le but était tout-à-fait opposé à ce récit, puisque cet auteur s'était bien moins proposé de composer une histoire exacte = s HISTOIRE. 219 de la vie de Cyrus, que de tracer le portrait du prince le plus accompli, et le modèle du plus parfait gouvernement, comme le dit Cicéron : Cyrus ille à Xenophonte, non ad fidem historiæ scriptus , sed ad fidem justi imperü. » Cependant, Xénophon lui-même, malgré son attention à nous cacher dans sa Cyropédie tous les traits qui pourraient déprécier le por- trait de son héros , nous a transmis, dans la Re- traite des dix mille, des faits qui ne permettent point de douter de la guerre des Perses contre les Mèdes. Il nous dit que les Grecs, après la défaite et la mort du jeune Cyrus, ayant pris le parti de retourner en Grèce par l'Arménie, et en suivant la rive orientale du Tigre, rencontrèrent, au delà du fleuve Zabathur , les villes de Larissa et de Mespila , et que ces deux villes, dont les mu- railles subsistaient encore, avaient été détruites par le roi de Perse, lors de la guerre dans laquelle les Persans soumirent l'empire des Médes. Or, quelle autre guerre, dirons-nous avec Freret, quelle autre guerre peut-on imaginer dans ces- contrées, et avant ce temps-là, que celle de Cyrus contre Astiage ? » Ce serait donc violer la chronologie , manquer à l'exactitude de l’histoire , et opposer Xéno- phon à lui-même, que de soutenir que le Darius Mède, successeur de Balthasar, était Cyaxaré, oncle de Cyrus, fils et héritier d’Astiage, roi des Médes. é » Il est encore une autre difficulté insoluble 214 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. dans ce sentiment, qui vient, au contraire, à l'appui de notre système, et lui fournit de nou- velles preuves. Le même chronologiste, aussi sé- vère dans sa critique que profond dans son éru- dition , l’a fait valoir, avec toute la force possible, contre M. l'abbé Banier, son digne collègue, et si zélé défenseur de la Cyropédie. » Ce dernier soutenait que l’histoire de Cyrus, par Xénophon, était plus suivie, plus naturelle, et beaucoup plus conforme à l’Ecriture que ce que racontent Hérodote et Ctésias ; et à ces titres, les récits de Xénophon doivent l'emporter sur ceux de ces autres auteurs ; et, conséquemment, on ne pouvait refuser de reconnaître un Cyaxaré, se- cond fils et successeur d’Astiage, et prédécesseur de Cyrus dans l'empire des Mèdes. » Mais c’est là précisément ce qui doit faire re- jeter absolument le Cyaxaré de Xénophon, dit M. Freret, parce que, en admettant , on s’é- loigne de Écriture. Le prophète Daniel dit, en termes formels, que Cyrus succéda immédiate- ment à Astiage, roi des Mèdes : Æ£ rex Astiages appositus est ad patres suos et suscepit Cyrus rex Perses regnum ejus. » Astiage fut enseveli dans le tombeau de ses ancêtres , et Cyrus , persan de nation, régna à sa place. Donc Cyrus a succédé immédiatement à Astiage au royaume de Médie. Donc le Cyaxaré de Xénophon, ce fils prétendu d’Astiage, n’a pas régné sur les Mèédes d’Astiage, ou d'Echatane, avant Cyrus. HISTOIRE . 219 » Que peut-on répondre de plausible à ce rai- sonnement, si l’on veut s’en tenir, d’une manière absolue, au récit de Xénophon ? » Dom Calmet, son partisan, réplique que cet Astiage dont parle Daniel est Cyaxaré lui-même, et le même Darius Mède, dont il avait parlé plus haut, Mais, quelle apparence que le même écri- vain sacré eût donné à la même personne, dans un même écrit et dans un même chapitre, deux noms aussi disparates , et si propres à faire tomber dans l’équivoque ? » Réfléchissons sur le caractère du Prophète et sur son auguste mission : on voit clairement com- ment ces faits se concilient l’un avec l'autre dans notre supposition. Darius Mède était originaire de la Médie de Suze, et vraisemblablement prince de ce pays-là ; il devient maître de Babylone par le secours de Cyrus, le principal conquérant, dont il se rend tributaire et auquel il reste su- bordonné. Cyrus, au contraire, ayant succédé à Astiage , continue d'étendre ses conquêtes, tandis que Darius gouvernait à Babylone, mais toujours sous l'alliance de son protecteur ; alliance qui n’est que trop insinuée par Xénophon lui-même , puisqu'il nous dépeint Cyrus toujours attentif à profiter du ressentiment des ennemis du roi des Chaldéens , et qu'il nous rappelle tant d'allian- ces faites avec eux. » Ainsi s’'accomplit la terrible prophétie d’Isare contre Babylone : Ecce ego suscitabo super eos Medus ; de là le dénouement de cet autre oracle 216 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. du même. Prophète : Æ£ vidit currum duorum equitum ascensorem asini et ascensorem cameli ; et un peu après : Cecidit, cecidit Babylon et omnia sculptilia deorum ejus. Oracle où ce Prophète, d’après le sentiment de tous les interprètes, dé- signe , sous le symbole de ces deux animaux , les Mèdes et les Perses. Ce qui est encore conforme à ce que dit Mégasthènes dans une prédiction con- servée dans des fragments cités par Josephe et par Eusebe. « Il viendra , est-il dit dans cette prédiction; » un mulet de Perse, qui, aidé de vos dieux même, » combattant pour lui, vous réduira en servitude, » en quoi il sera assisté par le Mède, » » De là vient encore que Cyrus ne paraït avoir aucune part à ces événements que Daniel date du seul règne de Darius Mède. » Cyrus, occupé à étendre ses conquêtes, laissa Darius à Babylone , après lui avoir fait préparer un palais , comme le dit Xénophon; et après ces actes, doit-on êtresurpris que ce Darius fait roi ou vice-roi de la Chaldée par Cyrus et les conjurés, gouverna ses nouveaux états selon les lois des Médes et des Perses ? L'attrait qu'il avait natu- rellement pour les lois de son propre pays et les obligations qu'il avait à Cyrus, de même que l'étroite alliance qu'il avait faite avec lui, devaient l'emporter sur les vœux des Chaldéens. » Ainsi ce successeur de Balthasar établit dans son nouvel empire, composé de la Chaldée et de la Médie de Suze , cent vingt officiers ou satra- AR — I PE HISTOIRE. 217 pes qui rendaient compte de la recette des deniers publics, et trois sous-intendants où ministres, un desquels était Daniel , sans que les bornes de cette nouvelle monarchie pussent être un obstacle à cet établissement. Donc toutes les difficultés que Pri- deaux, l'abbé Banier et quelques autres défenseurs de Xénophon, opposent aux partisans de Bérose , porteraient toutes à faux, si on les opposait à notre système. Les détails de ces autorités suffisent sans doute pour prouver le sentiment que j'ai adopté; mais le système établi, pourra-t-il se concilier avec la chronologie et les opinions des auteurs profanes et des historiens sacrés ? » Cet examen me fournira les matériaux d’un second mémoire. » Je ne puis terminer celui-ci sans faire remar- quer que Darius, après son triomphe , voulant alléger le poids de administration de son royau- me, établit des gouverneurs dans toutes ses pro- vinces , et nomma , comme je l'ai dit, trois prin- cipaux ministres auxquels ses différents gouver- neurs avaient ordre de s'adresser. Daniel était un des trois et le premier en autorité, parce qu’il était le plus rempli de lesprit de Dieu. Le Roi avait même projeté de lui conférer un pouvoir sans bornes sur tous ses états. Ce fut cette grande au- torité qui lui attira l’envie des courtisans. » Daniel ne doit pas être seulement regardé dans cette circonstance comme prophète , mais comme historien et témoin des grands événements qui saccagèrent le royaume des Babyloniens. » 218 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M.DuMicr. L'Eglise cathédrale d’Auch , connue sous le nom CGhédsle d'Eglise de Sainte-Marie, a fourni à M. du Mège le sujet d’un mémoire dont il a lu la première partie. _ DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. 22/1 RECHERCHES SUR L'ANCIENNE ÉGLISE DB BAENMTPOEBNI, D'IVTES Par M. DU MÈGE, pe La Haye. L’érasuissemexr du Christianisme est sans doute le plus grand événement que puisse retracer l'histoire de l'humanité. Le polythéisme dispa- raît alors pour toujours ; une civilisation antique et perfectionnée, usée par le temps et souillée par les passions, cède sa place à la morale la plus pure. Dieu lui-même proclame que tous les hommes sont égaux et frères : l'esclavage est banni , et la liberté est annoncée aux nations avec la bonne nouvelle de leur salut éternel. Le sol était cou- vert de ruines impures et de traces des vices inhérents aux croyances profanes. Il fallait le déblayer, le purifier : les peuples du Nord reçoi- vent cette mission, et l'empire d'Occident tombe sous leurs coups répétés. 222 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES:. Mais avant cette dernière catastrophe , la loi du Christ fut prèchée dans la Gaule entière. Le pape Fabien envoya plusieurs hommes apostoli- ques pour en faire la conquête, et vers l'an 250 ils abordèrent sur les côtes méridionales. Saint Tro- phime dut sarrèter à Arles; saint Paul siégea dans Narbonne. Saint Saturnin choisit Toulouse pour le lieu principal de ses instructions évangéliques. Mais il ne se borna pas à l'honneur de mêler son nom aux souvenirs de la vieille métropole des Tectosages ; il porta ses pas dans l'Aquitaine de César , dans cette Novempopulanie dont Elusa était alors la capitale, et la semence qu'il jeta dans cette contrée y porte encore aujourd’hui d’abondantes moissons. Une tradition religieuse nous apprend qu'il fit construire dans Clim- berris ou Augusta, sur la rive orientale du Gers, un sacellum et un autel. Le siége épisco- pal fut établi alors à Elusa, où saint Saturnin laissa Paternus son disciple. Le cinquième suc- cesseur de Paternus fut forcé d'aller «chercher un asile à Auch : il se nommait Taurinus, et les légendaires disent qu'il fit bâtir sur le som- met du rocher de la cité, dans la place mème où s'élève léglise de Sainte-Marie, une chapelle dédiée à la Vierge. Cest du long séjour que Taurinus fit à Auch , que vint plus tard la croyance qu'il en avait été le premier évèque ; cette croyance avait mème été conservée dans la prose de son ofMce : ee MÉMOIRES. 223 Ave Protopræsul almifice , Taurine martyr inclyte.....(1) Après la mort de ce prélat, martyrisé , à ce que l’on assure, par des Druides , dans la forêt (1) Voici cette prose, tirée de l’ancien bréviaire d’Auch : Ave Protopræsul almifice, Taurine martyr imclyte, Qui civitate Elsana demolita À Vandalis, et eversa, Transtulisti altare Beatæ Mariæ Ad vicum Vallis Glaræ. Ut Paternus prophetaverat Præsulando, et dixerat : « Post metres, posteà nullus Elsanæ civitatis episcopus. » Villam Claram erexisti In civitatem , cui præfuisti. Uno viginti annis prædicando, Errores extirpando, Ecclesiam consecrando, In honorem Nativitatis Beatæ Mariæ, Anno ducentum sexaginta à passione Domini nostri Jesu Christi, Et Ecclesiam martyrio consecrasti. O valdé felix dies illa, Quo Civitas ista Auxia Taurimum habuit patronum, Archipræsulem et sponsum ; Qui post acerbitatem pœnarum, Capite truncato, reddidit spiritum ! nn nn Lessons nn nn sense tonsee 224 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de Berdale, non loin d'Aubiet (1), l’église d’Auch fut reconnue comme épiscopale , mais suffra- gante de celle d’'Elusa. Citérius ouvre la liste de ses évèques. On trouve ensuite Aufronius, Aprun- culus et saint Ursicin ou UÜrsinianus. Ce der- nier étant mort vers l'an {00 , Orientius fut appelé sur le siége d’Auch. Fils d’un homme puis- sant, né au delà des monts, il était venu chercher dans l’une des vallées des Bigerrones , près d’un ruisseau nommé l’{sauria , une retraite ignorée. Mais les nombreuses aumônes qu'il distribuait aux indigents, le firent connaître dans toute la Novempopulanie, et après la mort d’Ursicin , il fut appelé à lui succéder. Cétait vers le com- mencement du cinquième siècle. Le paganisme célé- brait encore ses fêtes en plusieurs lieux du diocèse, et Orientius les proscrivit avec zèle. Il fit même abattre le temple d’Apollon , qui existait encore sur le mont Nerveva , non loin d’' Augusta Ausco- rum ou d'Auch. On a de lui un peëme latin, intitulé Commonitorium , dont Fortunatus (2) a fait mention dans ce vers : (1) Malgré la proscription à laquelle on avait voué les Druides, malgré les édits rendus par Tibère (Plin. 31, 1) et Claude (Sueton. c. 26, n.° 14) contre ces prêtres gaulois , il y en avait encore sous Severus Alexander, vers 235 de notre ère ( Lampridius, c. 60), sous celui d’Aurélien, vers 275 (Vopiscus, e. 44), sous Dioclétien, de 284 à 305. Selon les légendaires, Taurinus aurait été martyrisé le 5 du mois de septembre de l'an 294. (2) Lib. 1. Rte nee MÉMOIRES. 222 Paucaque perstrinxit florente Orientius ore. Sigebert en parle ainsi dans son Index des Hommes illustres (1): Orientius Commonitorium scripsit metro heroïico ut mulceat legentem suavi breviloquio. Dom Martenne a publié en entier cet ouvrage qui est divisé en deux livres. Orien- tius y décrit entrautres choses, en parlant de la rapidité avec laquelle s'approche la fin de l'existence , les guerres et les invasions qui de son temps ravagèrent toutes les Gaules. Selon les Bollandistes et le P. Labbe, qui ont consulté plusieurs anciens Bréviaires et quelques manuscrits, perdus aujourd'hui, Orientius fut député par Théodoric, roi des Visigoths, vers Ætius et Littorius Celsus, qui , à la tête d’une armée romaine , savançaient contre Toulouse , capitale de ses états. Le premier reçut l’évêque d'Auch avec respect ; le second , qui adorait encore les dieux de l'Empire, méprisa ce saint prélat. On sait que Littorius fut vaincu et conduit en triomphe dans Toulouse. Cest ce que Salvien a raconté en partie avec ce style qui lui est pro- pre (2). (1) Cap. xxx1v. (2) Cùm Gothi metuerent nos, prœsumpsimus nos in vi- ribus spem ponere , illi in Deo; cùm pax ab illis postulare- tur, à nobis negaretur ; illi Episcopos müterent , nos repelle- remus ; üllE eliam in alienis sacerdotibus Deum honorarent , 20s eliam in nostris contemneremus. lta illis data est in TOME IV. PART. II. 10 226 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Orientius mourut, à ce que l’on croit, peu de temps après la défaite de Littorius. [l'aurait déjà été évèque d’Auch au commencement du 5.° siècle, lors de lirruption des Vandales , et il aurait préservé sa ville des déprédations de ces barbares, si Pon s’en rapportait à la tradition et aux légendaires. On célébre, d’ailleurs, à Auch cet événement , le 6 de mai de chaque annéé , et une procession parcourt alors les rues de la cité en chantant les hymnes de la reconnaissance. L'illustre prélat fut enseveli dans la Basilique de Saint-Jean , où reposaient les restes des quatre premiers évêques d’Elusa , qui y avaient été transportés par Taurinus. Dans la suite , cette église prit le nom du saint Evèque Orientius que lon désigne vulgairement sous celui de saint PT M te ee summo timore palma , nobis in summa elatione confusio; tllis exaltalio data est pro humilitate , nobis pro elatione dejectio, narique agnovit hoc ille dux nostræ partis, qui eamdem urbem ostium , quam eodem die victorem se intraturum esse præ- sumpsit , captious intravit, qui prœædatoris habuit fiduciam, præda factus est, triumphum præsumens, triumplius fuit , circumdatus , arreptus , alligatus ; retorta brachia tergo gessit. Manus quas bellicosas putabat, vinctas inspexit , pue= rorum, ac mulierum spectaculum fuit, illudentes sibi bar- baros vidit irrisorum sexus promiscui sustinuit, et qui maxi- mum habuit supercilium fortis viri, mortem subit ignaoi. I1pse Rex hostium usque ad diem pugnæ stratus cilicio preces Judit , ante bellum in oratione jacuit , ad bellum de oratione surrexil : Priusquäm pugnam manus capesceret supplicatione pugnavit, et in Deo Jfidens processit ad pugnam ; qua Jam meruerat in oratione victoriam.. Provident. Dei. MÉMOIRES. 227 Orens. Durant la seconde moitié du 10.° siècle, Bernard le Louche, comte d’Armagnac, fit batir près de cette église un monastère sous le même vocable; cent ans après, cette maison fut donnée à saint Hugues ; abbé de Cluni , qui , faisant dans la suite construire la superbe basilique de son couvent, y dédia une chapelle sous l’invocation de saint Orens , et fit indiquer sa fête le 1.7 de mai , dans le calendrier et le bréviaire de son ordre. Vers la fin du r1.° siècle, les reliques de saint Orens furent relevées du tombeau par Ber- nard de Serilhac, troisième prieur de cette église. On trouve dans les anciens Martyrologes du diocèse la fête de cette translation , indiquée par ces mots : Octavo idus Augusti , inventio corporis Beati Orientii, pontificis et confessoris Auxiensi civitale. Suivant la tradition populaire, l’église de Saint- Orens aurait autrefois été un temple dédié aux dieux des Romains ; mais rien n’annonçait cette origine. Seulement il serait possible qu’elle eût été bâtie, soit sur le sol même , soit avec les débris d’un ancien temple. On retrouvait dans sa forine et dans ses ornements architecturaux le style du 9.° siècle, époque de sa fondation. De nom- breux mausolées y étaient conservés. On. voyait près de la porte de l’église, selon Dom Brugèles (1 ), un grand tombeau de pierre qu'on disait être Dijon D VENU NME ALL Lure RUEIL" GENE Gr LU juin ste tenee (1) Chroniques du diocèse d'Auch, 332. 10. 228 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. celui de saint Clair, premier évêque d'Albi (1), et premier martyr d'Aquitaine. Nous avons dit que Bernard le Louche fit bâtir un monastère près de l’église de Saint-Orens ; celle-ci appartenait au seigneur de Montaut , auquel il donna en échange le territoire de Villepinte. Les évèques d’Auch eurent d’abord leur siége dans cette église. Là était aussi le seul cimetière de toute la ville , et on n’en eut pas d'autre jusqu’après le commencement du 12.° siècle, « On garde dans léglise de Saint-Orens, dit Dom Brugèles (2), le cor d'ivoire dont cet évêque se servait pour appeler le peuple aux saints Mys- teres…. On se sert encore à présent à Auch du même cor pour appeler les paroissiens de Saint- Orens aux offices des trois derniers jours de la semaine sainte.» Certes, on ne saurait nous accuser de chercher à détruire les traditions pieuses , alors qu’elles ont une base solide. Mais le plus léger examen montre que le cor, dit de Saint-Orens ,; n’a pu appartenir à cet évêque. Ilest en ivoire, et sa longueur est d'environ 4x centimètres ou 18 pouces. Des animaux fan- tastiques forment une ligne d’ornements dans la partie supérieure. Le milieu est taillé à 8 pans, (1) C’est par une erreur typographique que , dans la Des- criplion du Musée des Antiques de Toulouse , saint Clair est désigné comme évêque d’Elusa. (2) Chroniques ecclésiastiques du diocèse d’ Auch. MÉMOIRES. 229 et contient autant de lignes formées et par des figures d'animaux et par de petites croix placées dans des rinceaux de feuillages. Le travail et le style indiquent une époque bien plus rapprochée de nous que celle où saint Orens a vécu. Il est vrai que pendant le moyen âge, on se servait quelque- fois de cors, à peu près pareils , pour appeler les fidèles dans les temples, durant la fin de la semaine sainte , et il en existe encore quelques-uns. Avant la révolution , il y en avait deux dans le trésor de l’abbaye de Saint-Saturnin à Toulouse (nds et, ce qui est assez remarquable, c’est que celui que l’on désignait sous le nom de Cor de Roland, a des ornements et des figures qui indiquent qu'il date à peu près de la mème époque que celui qui nous occupe en cet instant : on s’en servait aussi pendant les trois derniers jours de la semaine sainte. Cet usage était observé dans beaucoup d’autres égli- ses du Midi de la France. Il paraît que lemplot d'une expression générique a seul fait croire que le Cor de Saint-Orens avait appartenu à ce prélat. Il était en effet conservé dans l’église qui lui était dédiée , et l'on a dit à Auch , en entendant ses sons rauques et prolongés , c’est le Cor de Saint- Orens qui appelle à la prière ; comme on disait à Paris : Lacloche de Saint-Germain-l Auxerrois sonne en cet instant ; /e Bourdon de Notre-Dame indique la fête de demain , etc. oo (1) Histoire de l'insigne église abbatiale de Saint-Sernin de Tolose. 230 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. « On montre aussi dans le trésor de cette église, » dit encore Dom Brugèles (1), un peigne d’i- » voire et un anneau d'argent qu’on dit être de » saint Orens.» Nous ferons remarquer que dans d'autres églises on conserve aussi des peignes qui ont dû appartenir, selon Ja tradition, à de saints personnages. À Martres-Tolosanes , près de l’an- cienne Calagorris des Convenæ , on en montre encore un qu'on dit avoir été celui de saint Vidian, martyr , lun des preux de la suite de Charle- magne , et le patron de cette localité. La tête de saint Orens était , avant la révolu- tion , dans un buste d'argent, précieux monu- ment des arts durant le 14. siècle , et pour la confection duquel Jean I.er, comte d’Armagnac , légua cent livres, par son testament de l’an 1573: « Dans le cloitre, suivant Dom Brugèles (2), » il y avait plusieurs chapelles , dont la lus fré- » quentée était celle de l/mmaculée Conception. » On y voit, continue cet auteur , un lustre sus- » pendu, ou girandole de lampes à plusieurs rangs » de branches, le tout d’un travail très-délicat cet » antique, tot parsemé de petites figures qui ren- » dent cette pièce très-belle. » Les ornements , les tombeaux , le cloître, tout a disparu. Les dernières assises des fondements de l'église de Saint-Orens ont naguère même été arrachées , et lon chercheraït bientôt en vain la SR Rs. UN (1) Chroniques ecclésiastiques du diocèse d’ Auch. (2) did. MÉMOIRES. PE place consacrée où ce temple exista , si la Chapelle de l’Immaculée Conception n’était pas encore debout. La construction de ce sacellum n’est peut-être pas du même temps que Péglise de Saint-Orens ; elle était, et est encore , précédée par la chapelle de Notre-Dame d’'Espérance , qui occupe l’une des faces de l’ancien cloître ; chaque galerie de celui-ci avait 18 mètres Go centimètres de longueur ou environ 54 pieds 3 pouces. La chapelle de Notre- Dame a 17 mètres 10 centimètres ou 52 pieds 5 pouces de long, sur 7 mètres ou 21 pieds 7 pouces de large. La chapelle de l’Immaculée Conception est un peu plus large et moins longue ; des ins- criptions pieuses sont peintes sur ses murs; des écussons , en petit nombre, paraissaient encore , en 1821, sur les vitraux , et leurs signes héral- diques et leurs couleurs éclatantes rappelaient le souvenir des familles qui avaient été les bienfai- trices de cette chapelle. Au midi de celle-ci était le cloître , dont j'ai pu retrouver les proportions ; mais les colonnes , les chapiteaux avaient été en- levés ou brisés ; des monceaux de débris séle- vaient sur les anciennes sépultures dont le cloître était autrefois rempli , et des ossements arrachés à la paix du tombeau gisaient parmi les débris des autels et du sanctuaire. Ce lieu était le Campo Santo des Auscitains. Une longue suite de géné- rations éteintes y reposaient en attendant la re- naissance promise aux chrétiens. Mais la révo- lution avait aussi renversé les tombeaux. Des mille 232 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. épitaphes que la piété , que les regrets, que les pluspurs sentiments, avaient consacréesau souvenir des morts dans cette religieuse enceinte , on n’en remarquait plus que deux , il y a environ quinze années (1). Moniteurs funéraires , elles disaient à ceux qui sagitaient auprès d'elles, combien sont frivoles les rêves décevants et les plaisirs de la vie ; mais la foule passait et ne regardait point ces vieux marbres , qui demandaient des prières pour leurs anciens possesseurs, Cependant, il faut l'avouer, jai vu là un petit nombre de fidèles ————————— (1) Voici ces deux inscriptions : À : DNI : MCC XC : VIII : INT : KL : AV GYSTI : OBIIT : MAGIST B ? : DE : SAVESIO : QI : LEGAVIT PO : EBD : ORIENTIO : V : S? MORL ? ; ANVATI : ORATE ANNO : DNI : M : CCC : SEPTIO DIE : VITIA : DECEMBRIS : OBIIT sic S? : DE : MOTA : FAMILIARIS H ? : ECCE : ORATE : PATR : NR La première est consacrée à maître Bernard ou Bertrand de Savès , mort le 4 des kalendes d’août 1298 , et qui légua une rente annuelle de 5 sols morlans aux hebdomadiers de Saint- Orens. La seconde est l'épitaphe de S. de Mote, familier où pa- roïssien de l'église de Saint-Orens , mort le 7 décembre de l'an 1300. MÉMOIRES. 233 s'agenouillant et priant sur les ruines : ainsi, après un ouragan, quelques fleurs échappées à la tempête exhalent encore leurs doux parfums vers les cieux. Le monastère de Saint-Orens eut d’abord des abbés particuliers. Le premier fut Auriol Sanche, qui vivait en 996. Saint Austinde, depuis ar- chevèque d’Auch, fut d’abord moine et abbé de Saint-Orens. Raymond, successeur d’Austinde , conjointement avec son neveu Aymeric Il, comte de Fezensac, et par le conseil de saint Durand, abbé de Moissac et évèque de Toulouse, unit Pab- baye de Saint-Orens à celle de Cluni, entre les mains de saint Hugues, alors présent dans le cloître de ce monastère, qui fut réduit par là au simple titre de prieuré. Ce fut sous l’administra- tion de Uciand ou Unand, second prieur de Saint- Orens, en 1035, que l’église de ce monastère fut consacrée par Guillaume L.®r, archevêque d’Auch. Nous avons dit que Punique cimetière de cette ville fut , pendant long-temps , placé à Saint-Orens. Mais l’on essaya quelquefois d'établir ailleurs un champ de repos, et les moines réclamèrent , tou jours avec force, contre cette innovation. Ray- mond L.”, archevêque, en 1036, et qui tint assez longuement ce siége, établit la liberté des sépul- tures et des cimetières dans son église cathédrale. Cette nouveauté donna naissance à un procès qui dura près de cent années, entre l’archevêque et les chanoines d’une part, et les moines de Saint- Orens de l’autre. Le pape Léon IX accorda même un bref à ces derniers, défendant à Raymond de 234 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. créer ou de conserver un nouveau cimetière, RaymondIl renouvela la querelle, et les moines s’a- dressèrent à Urbain Il, qui écrivit en leur faveur à cet archevèque , en 1097. Après la mort de ce pape le procès recommença. La cause fut portée au concile de Poitiers, où Raymond IE obtint un jugement favorable. Mais Pascal Il venait de succéder à Urbain, et l’archevèque, menacé des censures ecclésiastiques, fut obligé de transiger avec les moines de Saint-Orens, par la médiation . d’Alberic, légat du Saint-Siége (1). Bernard IT, qui succéda à Raymond, dans un âge fort avancé, té- moigna le désir d’ôter au monastère de Saint-Orens le privilége du cimetière Auscitain. Mais le pape Gélase lui envoya , le 8 décembre 1119, un bref en faveur des moines. Calixte II fut plus juste, ou moins prévenu. Il rendit, le 15 avril 1120, un rescrit en faveur de l’archevêque (2); et Bernard (1) Chroniques ecclésiastiques du diocèse d’ Auch, D. 6o4. (2) Calixtus servus servorum Dei, veneratili fratri B. Aus- ciensi Archiepiscopo salutem et apostolicam benedictionem. Apostolicæ sedis administratio , cui licet indigni larsiente Domino deservimus , facit nos Ecclesiis omnibus debitores. Tdeirco petitioni tuæ, frater in Christo charissime, annuen- dum censuïmus, ut Auscienst Beatæ Mariæ, matrici ecclesiæ, cui Deo authore præsides, liberam concesserimus in poste- rum sepulturam , præsentis igitur decreti authoritate statui- mus, ul mortuorum corpora liberè deinceps apud eamdem Beatæ Mariæ , matricem sepeliantur ecclesiam : siquidem Beatissimus Pater et magister noster Papa Gregorius, Joan- nem , urbis veteris Episcopum ; quia in monasterio sepeliré morluos prohibebat, horum exhibitione verborum corripere MÉMOIRES. 235 fit ensuite la bénédiction solennelle du nouveau cimetière, accompagné de plusieurs évêques ses sulfragants, et entr'autres de saint Bertrand de Vle, évèque de Comminges (1). Alors les moines procuravit, ait enim , si ita est, à tali vos hortor immanitate recedere , et sepeliri mortuos ibidem , vel celebrari missas, nulla ullerius , habitä contradictione permittas, ne denud querelam de his quæ dicta sunt, Agapitus vir venerabilis ad me deponere compellatur. Nemini ergo facultas sit, vestram super hoc amodo ecclesiam infestare, sed liberam habeat in posterüm sepulturam ; ut eorum qui illic sepeliri deliberave- rint, devotioni et extremcæ voluntati, nisi fortè excommunicati sint, nullus obsistat. Si fici periculum patiatur, aut excom- municalionts actione plectatur, nisi prœæsumptionem suam digna satisfactione correxerit. Datum Anicii per manum Chrysogont S. R. E. Diaconi Cardinalis, ac Bibliothecarit , 17 calendas Mai, indictione 12 Dominicæ Incarnationis , anno 1120, Pontificatus Domini Calixti Il, Papæ, anno 1. Cartul. mss. du chap. d’ Auch, ce. 77, vers. fin. (x) Privilegio accepto Prœsul Auscitanus Bernardus, con- secrationem cœmeterit indixit, et ad eam convocavit fratres et co-Episcopos suos G. Bigorritonum, B. Convenarum, L. Co- seraneum, W°. tunc Lactorensem : cumque peragerent con- secrationis solemnia, ecce Monachi Sancti Orientit, deposito babitu monachali, sumpta autem militari, non parva militum ac peditum manu collecta, de repente irruerunt , et ex im- Proviso civitatem invadunt , domos Ecclesiæ vicinas non satis pacificè ingredientes , tam Site quäm pretiosa violenter diri- piunt, quidquid meBile reperiri potest voraciter tollunt. De- müm ad ipsam venerabilem Ecclesiam unanimiter confluunt el corruerunt, invadere , violare, ac incendere , potiusquàm venerari cupientes , or el ut ipsius rei exitus evidenter edo- cuit , sanguinem consecrantium ar dentissimè silientes , et HPESURS cohibere gestientes : nam sicut pro vero asserebant qui tunc præsentes aderant , unus ex monachis G. parietibus 236 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. prirent la plus étrange résolution. Voulant recou- vrer par la force ce qui leur était enlevé par la Ecclesiæ qui tunc lignei erant ignem apposuit manu su&, eos qui intus erant concremare desideranter desiderans ; unus etiam ex eorum execranda turba arcum rapide tetendit, sa- gittam argutè emisit, et illa inter missarum solemnia super sacro-sancltum altare Beatæ Mariæ , corporalem pallam per- Jforavit, quam G. Bigorritanus episcopus qui ibi Deo sacrifi- cium persobebat officiosè colligens studiosus servare curavit, et illam et corporale quod latum fuerat et in oculis totius Curiæ publicæ monstravit Tolosæ, in generali Synodo ; alius autem sagitta emissa armigerum militis cujusdam qui dice- batur Vicecomes de Tours sub sinistramamma lœthali vulnere læsit ; de cujus vita cum desperaretur positus fuit post altare Beatæ Mariæ sepulturæ tradendus non medicinæ adhiben- dus ; ubi cûm post aliquot horas semivious jaceret , proximior morti quàm vitæ, velut un extasi positus , vidit astare V'irgi- nem Mariam queæ solitæ pietatis visceribus miserala est super eum , quia pro defensione Ecclesiæ suæ mortiferam in inte- rioribus admisisset plagam , atque piam in œvum admo- vens blandä voce consolata suavius , ægrotantem pristinwæ et integræ eum restituit sanitati, Qui cælestis miraculo antidoti de subito et insperato incolumis factus bellicis negotiüs se in- terim immiscuil ; sicque circumstantes nova multaque admi- ratione percussit ; qui per acto prælio eum subintrare com- periebant. Inter hœc nescio quis ex præliantibus sotulam G. Bigorritani Episcopi missam tune decantantis jaculo per- Joravit. Sed nec ista nec alia quam plurima à monachis nimis crudeliter illata gravamina impedire potuerunt , quin debito consummationis fine clauderetur consecratio Cæmeterü, et al- taris Beati Joannis Baptistæ , et Beati Joannis Evangelistæ. Post aliquot autem dierum curricula, generale Concilium convocavit et celebravit apud Tolosam Dominus Papa Ca- lixtus , cujus suprà mentionem fecimus : huic concilio inter cæleros interfuit Archipræsul Auscitanus Bernardus, etc., MÉMOIRES. 237 justice, ils coururent aux armies. Ils s’avancèrent vers l’église de Sainte-Marie; ils en franchirent le seuil, en lançant des flèches du côté où Guil- laume, évêque de Bigorre , célébrait alors la messe. Une d’elles perça les Corporaux sur Pautel; une autre entra dans la chaussure du prélat; une troi- sième blessa dangereusement un laïque, que lon porta derrière l'autel de la Vierge, et qui obtint dans la suite sa guérison. Enfin, la terreur, inspirée d’abord par cette incursion subite, se calma : on songea à se défendre. Les portes furent fermées, et l’on repoussa les assaillants. Mais les moines mirent le feu à édifice ; un horrible incendie allait le consumer : bientôt les voûtes se seraient écrou- lées sur la foule pieuse réunie dans cette enceinte. Mais les Auscitains accoururent, les moines furent chassés , et l’on étoufla les flammes, qui déjà bril- laient de toutes parts. Un tel attentat ne pouvait rester impuni. Le dixième concile de Toulouse fut ouvert le 6 juin 1120. Les moines de Saint-Orens , una- nimement condamnés, durent se soumettre, et le privilége d’enterrer tous les morts de la ville d'Auch dans leur cimetière , leur fut ravi à ja- mais. et quod apud Anicium Dominus Papa concesserat, Tolosæ Confirmavit, secundum super eadem rei tradens privilegium collaudantibus processibus Sacri Palatiü; sicque gaudens ad Propria remeavit, Cartulaire Mss. du chap. d’ Auch, c. 77: 238 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Le plus ancien monument de l'Eglise de Saint- Orens était, à ce que l’on peut croire, le tombeau de saint Clair, qui, selon Brugeles, aurait été en pierre et d’une assez grande dimension, et qui, cependant, est en marbre blanc, et long seule- ment d’un mètre 41 centimètres, c’est-à-dire, d’un peu plus de 4 pieds 3 pouces; ce qui indique que, si ce monument a été primitivement fait pour saint Clair, cet évêque d'Albi était d’une taille bien au-dessous de la médiocre. Un bas-relief continu couvre la face principale. Au centre, paraît une femme qui étend ses bras, en atitude d’adorante. C’est ainsi qu’on a représenté âme sur les mausolées des chrétiens des 4.€, 5. et 6. siècles. Sur ces mar- bres , comme sur celui qui provient de Saint-Orens, on voit des personnages, vêtus à la romaine, se grouper près de la figure de lame. En examinant ensuite le reste du bas-relief, on voit, à la droite, Isaac prêt à être sacrifié. Il a les bras liés derrière le dos, et attend le coup fatal dont le menace le glaive que tient Abraham. La flamme du sacrifice s'élève sur un autel à pans coupés, et, non loin, sur un rocher, parait un bélier , qui, seul, doit être immolé. Des apôtres, de saints personnages, tous vêtus à la romaine, remplissent l’espace , et tien- nent chacun un vo/umen. On voit ensuite le Christ: trois corbeilles sont placées à ses pieds : il touche et multiplie les pains et les poissons qu’on lui pré- sente. De l’autre côté de la figure de âme , on voit encore J. C.; une femme est à ses pieds et lim- plore. Le Sauveur tient dans la main gauche un MÉMOIRES. 239 volumen; une baguette est dans sa main droite. En face de lui s'élève un monument sépulcral : deux colonnes, dont lune est à l'angle du tombeau , sup- portent le fronton. Dans le fond est l’image d’un homme mort. On reconnait là, très-facilement, Mar- the implorant le Fils de Dieu pour Lazare son frère, et J. C. écoutant ses demandes. Sur lun des petits côtés , le sculpteur a représenté Adam et Eve : le serpent tentateur s’enroule autour de l'arbre de la science du bien et du mal. Sur l’autre face, un jeune homme nu , les bras élevés, en acte d’ado- ration, est placé entre deux lions, qui, au lieu de le dévorer , détournent la tête : c’est le prophète Daniel (x). J'ai expliqué ailleurs les pieuses allégories que les chrétiens retrouvaient dans les diverses parties de l’histoire sainte, qu’ils admettaient d’abord comme des faits incontestables, et où ils décou- vraient ensuite d'importants symboles de leur foi. Aünsi, pour eux, le sacrifice d'Isaac était une figure de celui de Jésus-Christ. Victime sans tache , le fils d'Abraham s’avança, pour obéir à son père, vers le lieu où il devait perdre la vie, et portant lui- même le bois de son bûcher, comme, plus tard, le Sauveur, innocente victime , soumis aux ordres de son père , marcha vers le Golgotha, portant lui- même la eroix sur laquelle il devait expirer. Les AN HA PONT UD SES RME : (1) Ce monument , dont la conservation est parfaite , a été donné au Musée de Toulouse par mon honorable ét savant ami M. P. Sentetz, qui l’a soustrait à la destruction. 240 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Pères de l'Eglise nous ont laissé à ce sujet des pas- sages très-remarquables. Théophile, parlant du bélier sacrifié à la place d’Isaac, dit que, de même, la sainte humanité souffrit sur le Calvaire , mais que la nature divine ne ressentit ni la douleur ni la mort. Dans cette image, dans celle de Lazare, rappelé à la vie, les premiers fidèles voyaient des symboles de la résurrection , et c'était cette pensée qui les engageait à représenter ces figures sur leurs tombeaux. En y plaçant Adam et Eve, ils voulaient rappeler que le père de toutes les générations ayant introduit, par le péché, la mort dans le monde, la mort nt une nécessité à laquelle tous les hom- mes doivent être soumis. D’autres allégories , pieu- ses et morales, étaient exprimées pour eux par cet hiéroglyphe me c'était, d’abord, le compte à rendre des actions de la vie, comme Adam fut appelé, après le péché, à rendre compte de la trans- gression à la loi; les figures d'Adam et de sa com- pagne, près Dub autour duquel paraît le serpent, qui tient le fruit fatal, annonçaient que les plaisirs d’un monde passager et trompeur sont empoisonnés par lui et donnent la mort, comme le fruit offert par le tentateur donna la GT aux premiers parents. Daniel, dans la fosse aux lions, invoquant le Seigneur, et miraculeusement pré- servé, montrait que je chrétiens, persécutés par les re seraient délivrés de leurs longues tri- bulations , ainsi que, contre toute probabilité, Da- niel fut délivré des lions auxquels il avait été jeté. J’ajouterais beaucoup à ce mémoire, si je citais __— MÉMOIRES. 241 tous les passages de saint Paul (1), de Tertullien(2), de Théophylacte (3), d’Origene (4), de saint Epi- phane (5), de saint Chrysostôme.{6), de saint Eucher (7), de saint Augustin (8), et de quelques autres qui expliquent ainsi le sens allégorique des événements représentés sur ce tombeau... Si l’on en croyait une tradition, qui s’est perpé- tuée jusqu’à nous, un héros , appelé par les habi- tants de l’ancienne Novempopulanie pour régner sur leurs contrées, aurait été enseveli dans l'Eglise de Saint-Orens. C’est Sanche Mitarra , fils du comte de Castille, petit-fils de Loup Centulle, der- nier due héréditaire des Vascons, et qui, selon toute apparence, descendait de Clovis et de Cari- bert , roi de Toulouse. Le duché de Vasconie avait été repris alors par ses anciens souverains. Cet évé- nement est décrit de cette manière dans les an- ciens cartulaires d’Auch, de Lescar et d’Alaon. — «Anciennement, lorsque la Gascogne était pri- vée de Consuls ou de Comtes, et que les Français, craignant d’être les victimes des Vascons, refu- (1) Hebr. ce. 11. (2) Advers. Judwos , c. 10 , et Wb, 1xr. — Advers. Mar- cion. ©. 18. — De ligno crucis. (3) In Jos. cap. 8. (4) Zn Genes. cap. 21, hom. 8. (3) Tmpassibil. dial. 3. (6) HMomil. 27. In Epist. ad Hebr, (7) 1n Genes. lib. 2, (8) In Psalm. xx. TOME IV: PART, 11, 1 7 242 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. saient le Consulat, les Nobles de la Gascogne; envoyèrent des députés vers le Comte de Castille, et lui demandirent un de ses enfants pour Consul. Sanche Mitarra fut cet enfant accordé aux dé- putés(r).» Jeune et vaillant, Sanche avait acquis beaucoup de gloire en combattant les Maures d’Espagne, et il en avait reçu le surnom de A7- tarra, qui signifiait éerreur et fléau. I] arriva dans la Novempopulanie, accompagné des députés qui étaient venus le demander à son père. Sa do- mination fut glorieuse, et il devint la souche des souverains particuliers de cette contrée. Sanche IE lui succéda, et eut pour fils Garcia Sanche, dit le Courbé, qui vivait en 920. Il partagea, de son vivant, ses états à ses trois fils. «Il donna, dit Dom Brugèles (2), à Sanche Garcia, qui était l’ainé, le Bordelais, le Bazadais, les diocèses d’Aire, de Dax, de Bayonne, d’Oloron, le Bigorre et le pays de Lomagne; il donna au second, nommé Guil-. laume Garcia, le Fézensac , qui comprenait aussi PArmagnac et le Fezensaguet. Le troisième, qui fut Arnaud Garcia, surnommé Vonné, parce qu'il ; >] fallut l’arracher du sein de sa mère, morte dans les douleurs de l’enfantement, eut pour son par- tage lAstarac, dans lequel était englobé le Pardiac et le Magnoac. » Ainsi, Sanche Mitarra fut le tronc d’où sortirent trois races souveraines, qui, durant (1) Essais sur le Béarn, par M. Faget de Baure, A1, 42. (2) Chroniques du diocèse d’ Auch, 513. + =‘ oé MÉMOIRES. 243 plusieurs siècles, ont jeté un grand éclat (1). Le tombeau où lon croyait que ses cendres étaient a ei) 4 Hp (7 di (1} Voici en quels termes le Cartulaire d’Auch parle de cette race Comtale, et en fixe la généalogie. Nous ne donnons cette note que comme un specimen de ce Cartulaire et des connais- sances historiques de ceux qui l'avaient rédigé ou mis en ordre. DE CONSULIBUS VASCONIÆ. Priscis temporibus, cùm Vasconta Consulibus esset or- bata, et Francigenæ timentes perfidiam Wasconum, Con- sules de Francia adductos interficere Solitonim, Consulatum respuerent : maxima pars nobilium virorum V'asconiæ Iis- paniam ad Consulem Castellæ ingressi sunt, postulantes ut unum de filiis suis daret eis in Dominum. Hic autem quamois audita perfidia eorum , sibt et Jfiliis timeret, si quis ex ipsis venire vellet concessit. Tandem Sancius Mitarra > Minèmus Jiliorum ejus, cum viris illis Vasconiam venit : ibique Consul Jactus filium, qui Mitarra Sancius vocatus est, genuit. Hic Mitarra Sancius, genuit Garsiam Sancium Curoum > Qui tres filios genuit : Sancium Garsiam , et Guillelmum Gar- siam , el Arnaldum Garsiam ; quibus Vasconiam divisit. Sancio Garsiæ dedit majorem V'asconiam , Guillelmo Garsiæ dedit_ Fidenciacum , Arnaldo Garsiæ dedit Astaracum. Sancius Garsias genuit duos Jilios manseres , Sancium et Guillelmum Sancium ; Guillelmus Sancius genuit nobilem Ducem V'asconiæ Sanciumet fratres ejus. DE CONSULIBUS FIDENCIACI. Guillelmus Garsia consul Fidenciaci genuit Othonem cog- nomine Faltam > et Bernardum Luscum , qui construxit mo- nasterium Sancti Orientit, et divisit illis Consulatum suum : Olhont dedit Fidenciacum , Bernardo dedit Armaniarum. Otho genuit Bernardum Othonem , cognomine Mancium Tincam ; Bernardus Otho genuit Aymericum ; Aymericus senuit Guillelmum Astam Novam qui, cum Austindo, majo- I “/ : 244 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. renfermées, paraissait dans une niche creusée dans le mur de léglise. Parmi les ornements de Parce, on voyait, dit-on , des feuillages, dans lesquels se jouaient des lapins , et on croyait que, par là, on avait voulu désigner l'Espagne, d’où Sanche Mitarra était venu, car, ajoute-t-on, cette contrée avait un lapin pour symbole sur ses monuments, et Catulle l'appelle Cuniculosa. Mais cette preuve serait bien faible; car, au moyen äge, les artistes multiplient à leur gré les ornements, sans ajouter souvent une grande importance à leur signification. On a un peu plus de certitude sur le tombeau rem œdificavit Ecclesiam Auscilanam , quæ priüs parva erat. Guillelmus Asta Nova genuit Aymericum , quiex Forto cog- nominatus est. Îste Aymericus genuit Astam Novam : Asta INova filium non genuit, sed filiam nomine Adalmur, ma- trem Beatricis, quæ non genuit. DE CONSULIBUS ARMANIACI,. Bernardus Luscus , Consul Armaniaci , genuit Geraldum Trencaleonem ; Geraldus genuit Bernardum Tumapaler ; Bernardus Tumapaler genuit Geraldum ; Geraldus genuit Bernardum ; Bernardus genuit Geraldum et sorores ejus. DE CONSULIBUS ASTARACI. Arnaldus Garsias, Comes Astaraci, genuit Garsiam Arnaldi; Garsias Arnaldi genuit Arnaldum ; Arnaldus ge- nuit duos filios, Guillelmum et Bernardum Pelagos ; Guil- lelmo dedit Astaracum , et Bernado Pelagos dedit Pardinia- cum. Guillelmus genuit Sancium; Sancius genuit Bernardum; Bernardus genuit Sancium. Bernardus Pelagos genuit Olge- rium ; Olgerius genuit Guillelmum ; Guillelmus genuit Boa- mundum. MÉMOIRES. 245 d’un prince de la famille de Sanche Mitarra. Cest Bernard L.er, surnommé /e Louche, second fils dO- thon Falta, comte de Fezensaë. Il posséda , le pre- mier, le comté d’Armagnac, par le partage des biens de sa famille. Les chartes le nomment quel- quefois, Comte d’Auch, parce qu'il habitait ordi- nairement cette ville, où il avait conservé quelques droits. La partie supérieure de son tombeau était ornée d’une statue couchée, qui représentait ce prince. Arrachée de la place qu’elle occupait, elle a été, pendant longtemps, exposée à tous les ou- trages et aux mutilations : enfin, elle a été em- ployée dans une construction moderne. J'ai vu, dans les ruines de Péglise et du cloître de Saint-Orens, les restes de beaucoup d’autres statues sépulcrales. Puisqu’on voulait détruire ce vieil édifice, on aurait dû , en suivant à ce sujet les volontés de l'Assemblée constituante , sauver de la destruction les nombreux monuments qu'il ren- fermait encore. Ils avaient échappé aux atteintes du temps : Montgommery , le plus actif des icono- clastes du 16.° siecle, les avait respectés, lorsque, s'étant emparé de la ville d'Auch , il la fit traverser par son armée : et, de nos jours, à une époque qui se glorifie de ses lumières et de sa civilisation, on a laissé briser, lentement , et sous les yeux des ma- gistrats, tous les mausolées où se trouvaient em- preints les souvenirs de la première race de nos rois, et de ces Armagnacs, si célèbres par leur puissance et leurs malheurs , et dont le nom oc- cupe tant de pages dans les annales de la France. 246 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. On n’a senti ni l'intérêt artistique de ces restes , ni les inspirations poétiques qu'ils devaient faire naître. On à détruit, pour avoir le barbare plaisir de détruire; et de stupides possesseurs ont souri avec dédain, alors qu'on est venu interroger les ruines qu'ils avaient faites, et que l’on a essayé de restituer à l’histoire et à la statuaire, ce qu'ils avaient voulu leur ravir à jamais !..… NOTES. Le monastère de Saint-Orens ayant été réduit en prieuré, son chapitre fut composé de vingt-quatre religieux , en outre du prieur. Il y avait neuf offices claustraux : on créa, par fondation particulière , en 1399 , une vingt-cinquième place monachale. Après la sécularisation , il n’y eut plus que le prieur et dix-huit chanoines. Les offices claustraux furent unis à la mense capitulaire , à la réserve seule du doyenné. Avant la sécularisation , plusieurs monastères dépendaient de celui de Saint-Orens. C’étaient ceux de’ Saint-Martin de Touget, fonde , disait-on , par un vicomte de Fezensaguet. Les titres de ce couvent furent brûlés, en 1570, par les Huguenots , qui démolirent le cloître et qui jetèrent les religieux dans le puits ouvert dans ce même cloître; Saint-Orens de Lavedan , abbaye fondée vers l'an 1100 par Othon Dat, vicomte de Montaner ; + Saint-Mamert de Peyrusse , grand prieuré conventuel ; Saint-Michel de Montant (1). La liste des abbés de Saint-Orens manque presque entière- ment : on n'a conservé les noms que de trois d’entr'eux. Auriol Sanche, premier abbé : il vivait en 950. oo (1) Prioratus S. Orientii Auxitani, in quo sunt 25 monachi , sed non debet esse tot secundum aut quos visitationes. Subprior debet jacere in dormitorio; sunt ibi novem officiarit claustrales , MÉMOIRES. É 247 Saint Austinde , qui devint archevêque d’Auch , en 1050. Raymond , suctesseur immédiat de saint Austinde. Il assista au deuxième concile d’Auch , en 1068 , et mourut la méme année. Il termine la série des abbés de Saint-Orens : après lui ce monastère n'eut plus que le titre de Prieure. Voici les noms des Prieurs de Saint-Orens. Guillaume Bernard de Montaut , ne fat que pendant peu de mois prieur, ayant été, en 1068 » tlevé sur le siège ar- chiépiscopal d’Auch. Uciand ou Unand [, vivait encore en 1075, époque où Yeglise de Saint-Orens fut consacrée par l'archevêque Guii- laume I. Bernard I.+", de Sedirac ou Sedilhac, était prieur en 1078. En 1083 il devint archevêque de Tolède , et le pape Urbain le fit son légat, et le créa Prinat des Espagnes. Guy ou Guidonis avait déjà succédé à Bernard [een 1080, Otger ou Oger, prieur en 1098, vivait encore en 1127, époque où il accepta une donation faite à son monastère par Bernard IL, comte d’Astarac. Garcia Lisa, vivait en 1 145. Otger ou Oger IL est nommé dans des Chartes de 1150, 11515 1199: Unand II est pe dans le cartulaire d'Auch sous l'année 1170. La liste des prieurs offre ensuite une lacune de ganire-vingtscpt années , et le prieur auquel recommence la série, en 1207, est = can L.er, qui vivait encore en 1265. Decanus, Camerarius , Sacrista , Infirmarius, Eleemosinarius, Cantor, Operarius, Refectorius, et Hostelerius, sive Hospitalarius. Prioratus subditi Priori Sancti Orientii Auxii : Prioratus de Togeto, Lumbariensis Diœcesis, in quo cum Priore debent' esse quatuor monachi. Sancti Orientii de Lavedano, Tarbiensis Diœcesis, ubr drbent esse sex monachi, Sancti Mamerti de Perrucia Magna, Auscitanensis Diœcesis, quo Prior debet esse cum uno monacho. S. Mich, de Monte Alto, in quo quatuor monachi cum Priore 248 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Raymond I.er, de Bauro ou de Bautis , est mentionné dans diverses Chartes de l'an 1285, jusqu'en 1289. Etienne d’Are, en 1301. Bonon est nommé dans des actes de 1308 et de 1312. Guillaume de Clavaud était prieur de Saint-Orens en 1321, et on le trouve encore en 1333. Imbert Lier, de Baynac , en 1345 ; on le trouve encore en 1354. Imbert II, de Grosset, en 1361 ; il mourut en 1370. Savaric de Chretiain, moine de Montmajour, succéda im- médiatement à Imbert II. Plus tard, il fut abbé deVilleneuve- lés-Avignon , et ensuite de Saint-Victor de Marseille, en 1383. Bonhomme de Faïdic était encore prieur de Saint-Orens en 1399. Bosson , en 1406. Pierre L.er de Rancie devint prieur de Saint-Orens en 1421; on le retrouve dans des chartes de l'an 1439. Raymond TT, d’Arrents, d'abord moine et prieur de Ja Daurade , à Toulouse , eut en 1441 le prieuré de Saint-Orens. Umbert, de Moissac, en 1455. Pierre IT, de la famille des Du Faur, de Toulouse , cha- noie de Lectoure , protonotaire apostolique , président des enquêtes au parlement de Toulouse, prieur commendataire de Saint-Orens en 1480, évêque de Lectoure en 1505, mourut en 1508. Jean IT, de Niort, en 1532. Pierre IT, de Ransie', en 1533. Antoine I.er, de Peregrin , en 1541. François I.er, de Pisseleu, prieur commendataire de Saint- Orens et évêque d'Amiens, en 1545 , mourut en 1549. Jacques Dufaur , prévôt de Saint-Sauvi , abbé de Faget et de la Caze-Dieu ; prieur de 1550 à 1567, d’après des actes. Louis de Lorraine, prieur commendataire en 1575. Charles de Bourbon , fils naturel d'Antoine , Roi de Na- varre , fut, en 1585, prieur commendataire de Saint-Orens, evêque de Comminges , puis de Lectoure ; il resigna , le 21 avril 1588 , en faveur de Bertrand Le Audic, MÉMOIRES. Antoine IL, de Laur, possédait le prieuré en 1597. Odon Daignan du Sendat, en 1597. Bertrand II, de Laura, frère de Bertrand I.:", en 1609; il résigna en faveur de Jean IT, de Gabin, en 1613 ; celui-ci résigna le titre de prieur , en 1618, à César Henri, de Gondrin, qui, étant appelé au siége ar- chiépiscopal de Sens , en 1634 , résigna aussi en faveur de Louis Henri, de Gondrin, son frère. Ce dernier, par un acte pareil, céda le prieuré , en 1656, à Jean IV, de Binos, abbe de Calme en Brie. Paul Fontanier de Pelisson, abbé de Gimont , était prieur en 1682 ; il s’opposa autant qu'il put à la sécularisation de son chapitre. 11 mourut en 1693. Frédéric-Constantin , de Latour d'Auvergne de Bouillon , lui succéda ; il avait été pourvu par le cardinal de Bouillon , abbé de Cluni ; son oncle : il résigna le Prieuré , en 1708, en commende, à François IT , de Raguenet, qui le posséda peu de temps : étant décédé , le cardinal de Bouillon rappela dans le monas- tère son neveu, Frédéric-Constantin , qui en demeura possesseur jusqu'à sa mort , arrivée en 1732. Claude-François Balme. Il permuta , en 1736, contre un prieuré simple , d’un revenu moins élevé. N... Brizard était encore prieur de Saint-Orens en 17406. bb = Q MEMOIRE SUR LE CLOITRE DE SAINT-ÉTIENNE, DE TOULOUSE; Par M. Du MÈGE, pe LA Have. L'isrecr des monuments est toujours pour l’homme , avide d'instruction , pour le poëte, pour lhistorien et pour lartiste une inépuisable source d'enseignements et d’inspirations. Mais combien ces monuments acquièrent d'importance, combien s’accroit l'intérêt qu'ils inspirent, alors qu’ils sont l'ouvrage de nos pères, alors que nous y retrou- vons les traces de leurs croyances, de leurs mœurs et de leur civilisation ! Nous croyons voir encore ceux dont nous descendons, tailler , sculp- ter ces blocs immenses , leur confier leurs pensées les plus intimes, leurs vœux les plus chers , les souvenirs des vieux temps et les dernières paroles des morts... Qu’elles furent coupables les mans qui mutilèrent ces vénérables restes ! Elles ont privé la France des plus incontestables documents de ses héroïques annales : elles ont sacrifié tout un passé slorieux à des idées conçues en un temps MÉMOIRES. 201 de troubles et derreur..…. Je n’ignore pas , néan- moins, que l’entraînement général, le mouvement rapide et désordonné des révolutions, pourraient en quelque sorte servir d’excuse aux premiers des- tructeurs. Mais qui oserait tenter la justification de ceux qui, en des temps où ne grondaient plus les tempêtes publiques , ont systématiquement continué l’œuvre du plus absurde vandalisme, et jeté d’autres ruines sur les ruines qui déjà en- combraient le sol de la France ? Un jour ils or- donnèrent de le déblayer , ce sol, et ce n’est pas leur faute, sil est encore possible d’assigner la place qu’occupaient jadis la plus grande partie de nos basiliques , et ces cloîtres vastes et silen- cieux où, depuis plus de sept siècles, les généra- tions éteintes avaient successivement obtenu un asile. Ces dernières paroles trouvent surtout leur ap- plication , lorsque, après avoir lu les Mémoires historiques de Catel, on veut parcourir le cloître de Saint-Etienne. Cette enceinte, si remarquable sous le rapport de Part, était en quelque sorte dé- robée aux yeux de la foule, et on aurait dû, puis- qu'on Penlevait à la religion, la conserver comme un objet de curiosité, comme un specimen de l'architecture , au douzième siècle, comme un Mu- sée..…. Mais , d’abord, des passions politiques exer- cérent leur rage dans trois de ses longues et im- posantes galeries... L'administration des poudres et des salpètres vint ensuite fouiller cette terre où plusieurs : milliers de tombes avaient été 252 INSCRIPTIONS ET BÉBLES-LETTRES. creusées (1). Enfin, un jour, on ordonna de dé- truire la dernière des galeries, lieu où la piété avait entassé des statues, des bas-reliefs, des pein- tures, des mausolées.... Et c'était pour ouvrir une rue bien chétive, bien mesquine , et qui n’a pas même lavantage de continuer la ligne droite tracée par celle dont elle est le prolongement... J’ai vu ce cloître, alors qu'il était à moitié dé- truit, mais ses colonnades ébranlées étaient encore debout sur trois de ses faces ; j'ai vu ouvrir une partie des sépulcres qu’il renfermait ; jai dessiné ses ruines : j'ai, en 1804 et en 1812, arraché à la destruction quelques-unes des inscriptions fu- néraires placées dans ses murs , et une partie des sculptures qui le décoraient. Qu'il me soit permis de consacrer quelques pages à ce Campo Santo de la cathédrale de Toulouse. L'église de Saint-Etienne est aujourd’hui divisée en deux parties, la nef et le chœur. Cet édifice ne consistait d’abord que dans ce que nous nom- mons /a nef, qui fut bâtie au commencement (1) I n’y eut guère, pendant plus de sept cents années , pour la paroisse de Saint-Etienne , d’autre cimetière que celui de son cloître et celui de Saint-Sauveur , hors des murs. La population de cette paroisse a toujours éte au moins de dix mille âmes, En supposant qu’un tiers des morts fût porté à Saint-Sauveur , on pourrait trouver approximativement le nombre de ceux qui furent ensevelis dans le cloître et dans les chapelles attenantes , depuis l'an 1160 jusqu'à l'époque où ; peu d'années avant la révolution , M. de Brienne établit de nouveaux cimetières au delà des remparts. MÉMOIRES : 253 du 13.° siècle, par les soins de Raymond VI, Comte de Toulouse, Une enquête faite par les soins de Raymond VIF, son fils et son successeur, prouve qu’en 1211 ,1l ordonna aux ouvriers em- ployés à cette construction, de continuer leurs travaux , nonobstant que la ville fut assiègée. Elle l'était en effet en ce moment par les croisés commandés par le célèbre comte de Montfort. Cette église succédait à une autre située en partie sur le même terrain , et l’on peut remarquer que son chevet, ou son apside, s’étendait jusqu'auprès de l’un des angles du cloître, qui tenait en quel- que sorte à l’église. Cet apside cessa d’exister lors- qu’on établit le chœur actuel : toute la courbe du rond-point fut démolie, mais des arrachements de murs, des indications, assez mal déguisées au- jourd’hui , indiquent le commencement de cette courbe, tant du côté de l'orgue que de celui de Pautel de paroisse. Le cloître était plus ancien que léglise, bâtie par Raymond VI. Il se liait aux anciens édifices qui dépendaient de la Métropole, qui existait déja. Plusieurs inscriptions placées dans les murs por- taient en effet des dates antérieures à la construc- tion de l’église qui sert de nef aujourd’hui. L’une d’elles est de l’année 11 17: Anno ab incarnatione Domini millesimo cen- tesimo decimo septimo, V7 idus septembris, luna vigesima prima, obit Bernardus sacrista , Cano- nicus Sancti Stephani. 254 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. ic sunt in fossa Bernardi corporis ; OSSa , Qui petit Bite cœlestis prœmia vite Quid fuerim, quondam , non quid sim si bene cexnis , Fallitis, lector, qui Christo vivere spernis Est tibi mors lucrum si moriendo SOcteris Feliciter vives iterum....... Sur un autre marbre, retiré du même cloître j on lit trois épitaphes , ou trois indications nécro- logiques : les deux premières appartiennent aux années 1198 et 1199; la dernière porte la date de : 207. Le mur de ce cloître du côté du nord est en- core celui qui sert de fond aux chapelles ouvertes sur le bras droit du chœur. Il environne les bu- tées, ou plutôt celles-ci , plus modernes , ont été bâties sur lui. Chaque côté du cloître avait environ 51 mètres, où un peu plus de 150 pieds. Les faces n’étaient, pas très-exactement paral- lelles : mais ce défaut n’affectait point désagréa- blement le regard : la grandeur des lignes, la lé- gereté et la grâce des colonnades le rendaient complètement insensible, Au nord était le chœur de l'église , avec lequel on Communiquait par une petite porte ouverte de ce côté. Au couchant était /4 maitrise : dans la par- tie supérieure , M. l'abbé d'Héliot avait placé la belle bibliothèque, enrichie depuis par M. de Brienne et par le clergé du diocèse. Au sud, Péolise de Saint-Jacques ou la chapelle de Sainte Anne, oc- cupait presque toute la longueur de ce côté. Au MÉMOIRES. 255 chevet de cette église, une porte double, où un passage voûté , conduisait au dehors, dans la rue Sainte-Anne et le jardin de larchevèché. A l’est, une autre porte , mais décorée , conduisait vers la chancellerie, les tours et les vieux remparts de la ville. L'église de Saint-Jacques aurait dû être à trois nefs. Mais comme celles-ci n’auraient eu qu'une largeur médiocre , on n’en avait construit que deux, de sorte que celle du milieu , bordée par le mur du cloître, n'avait point de bas-côté. Les clefs de voûte de cette église étaient ornées de bas- reliefs très-remarquables. Deux d’entr'eux sont encore conservés dans le Musée de la ville : l’un représente sainte Anne et saint Joachim près de la porte dorée , l’autre l'éducation de la sainte Vierge. Cette église avait été bâtie sur le sol et avec les débris d’un édifice antique. En 1812, j'ai retrouvé dans ses murs plusieurs blocs de marbre blanc, où lon remarquait encore les entailles qui avaient recu des crampons de fer ou de bronze. Deux co- lonnes , en marbre noir antique, dont le fût avait près de 18 pieds de haut, se trouvaient, chacune , enveloppée par la maçonnerie d’un pilier de l’église, Lune d'elles était placée encore sur sa base et. couronnée par son chapiteau en marbre blanc et à feuilles d’olivier. Près de là gisait un morceau de frise, aussi en marbre blanc et d'un travail précieux. Ces deux objets furent transportés au Musée où on les voit encore. L’au- tre colonne et les blocs de marbre blanc devin- 256 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. rent la proie d’un ouvrier ignorant. Des devoirs, auxquels ne pouvait se soustraire celui qui avait remarqué le premier ces objets antiques, l'avaient alors rappellé au delà des monts : mais les sculp- tures les plus importantes, les chapiteaux qui existaient encore, furent , avant son départ, transportés dans le Musée , où lon retrouve du moins les derniers débris, les derniers souvenirs de notre splendeur artistique. Comme dans tous les monuments de ce genre, la ligne qui dessinait l’intérieur du cloître de l’é- glise de Saint-Etienne était formée par une co- lonnade en marbre qui soutenait des ares décorés avec la plus grande recherche, et qui étaient à plein cintre. Au milieu du vaste espace formé par cette colonnade, paraissait une fontaine, soutenue par “huit tronçons de colonnes de marbre noir antique, qui avaient fait partie d’un monument dont on a plus tard retrouvé, comme je lai déjà dit , les im- portantes ruines, À chaque angle du cloître un bloc de marbre blanc formait un pilier qui était chargé de bas-reliefs. L'un d’entr'eux avait d’un côté l’image du Prince des apôtres, et on lisait au- dessus de la tête les mots Sancrvs PErrvs ; de l'autre côté était la figure de saint Saturnin, de ce premier Evêque de Toulouse, qui, selon l'expression d’un poëte moderne , sema des tem- ples en passant sur le sol des Tectosages ; et qui reçut la palme du martyre au pied du Capitole de cette ville antique. On lisait sur ce bas-relief ces deux vers léonins : : MÉMOIRES: 237 ECCE SATVRNINVS QYVEM MISERAT ORDO LATINYS, PRO POPYLI CVRA CONCESSIT ET SVA JVRA. On doit remarquer en passant que le premier de ces vers était aussi inscrit sur un bas-relief qui représentait ce saint, au-dessus de lune des por- tes de l’admirable basilique qui lui est consa- crée (1). Ce qui pourrait porter à croire que lun et l’autre monument dataient de la même époque. Au-dessus des pieds de saint Saturnin , qui tenait une crosse dans sa main gauche, on lisait : CVRVA TRAHIT QVOS RECTA REGIT PARS VLTIMA PVNGIT. Sur un autre pilier on avait représenté saint Exupère , Pun des successeurs de saint Saturnin, et de l’autre côté un diacre tenant dans ses mains un calice avec un voile ; au-dessus étaient ces deux vers : SACRAMENTA PARAT PIA PONTIFICIQUE MINISTRAT OFFERT VAS VITREVM, VIMINEVMQOVE CANISTRVM. Dans la galerie de l’est s’ouvrait, comme je Pai dit, un portail. Il était à plein cintre, orné de larges bas-reliefs qui représentaient les Apôtres, et donnait entrée dans des chapelles décorées avec luxe et qui touchaient aux bâtiments où étaient placés et la chancellerie et le réfectoire. Les sculptures de ce portail et le portail lui-même étaient lou- (1) On lisait sur ce monument : Ecce Saturninus quem miseral ordo latinus ; Cüm docet Antonium, non timet exitium. TOME IV. PART. II. 10 258 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES: vrage d’un artiste nommé Gilabert : sur la plin- the de la figure de saint André, il avait gravé ces mots : GILABERTVS ME FECIT , et sur celle de l’image de saint André on lit encore : VIR NON INCERTVS ME CELAVIT GILABERTYS (1). J’ai pu pénétrer pour la première fois ,en 1804, dans le vaste cloître de Saint-Etienne. J'étais bien jeune alors , et néanmoins ce moment est encore présent à ma pensée. De nombreuses colonnes et des arcs abattus jonchaient la terre et se mêlaient à de tristes restes arrachés à des sépulcres entr’ou- verts. Les images de la destruction et de la mort se multipliaient devant moi, et, disciple des arts, je ne trouvai pas d’abord assez de fermeté dans mon âme pour chercher à copier l'étrange spec- tacle qui apparaissait à mes yeux. L'aspect de ces vastes ruines était à la fois majestueux et mélancolique ; les toitures n’exis- taient plus. Des fleurs apparaissaient sur les chapi- teaux mutilés, ainsi que sur les arcs à plein cintre, ornés d’oves, de perles et de symboles religieux ; leurs teintes variées contrastaient avec les teintes sombres imprimées par le temps sur les feuilles monumentales de l’acanthe etsur les saintes images. Des excavations pratiquées en 1794 dans les qua- tre galeries , en avaient ébranlé les élégantes co- (1) Ces différentes sculptures ont été rétablies en leur état primitif dans l’une des galeries du Musée de Toulouse, d'après les dessins de l’auteur. MÉMOIRES. 259 lonnades ; on avait alors troublé la paix des tombeaux pour y rechercher les cercueils de plomb, que lon y croyait déposés, et que le génie révolutionnaire voulait transformer en pro- jectiles meurtriers. À lheure même où je parcou- rais cette enceinte désolée , on enlevait les terres voisines de la surface. Soumises à une opération chimique, on allait en retirer le salpètre qui devait lancer la mort dans les rangs ennemis. Et les ossements ? O jamais l’atroce oubli de ce que l’homme vivant doit à lhomme qui n’est plus, n’a autant afiligé mes regards et ma pensée , et néanmoins j'ai vu pendant trente années briser les sépulcres et disperser au loin les derniers restes des générations éteintes. Tout le sol du préau, qui autrefois reçut aussi d'innombrables sépul- tures , était couvert d’ossements. [ls formaient des monticules ; et, semblables à je ne sais quels fossoyeurs , introduits dans lune des composi- tions de Shakespeare, des ouvriers employés aux fouilles des galeries, chantaient d’horribles re- frains en jetant des crânes desséchés sur les autres débris que, pendant sept siècles, la religion avait confiés à la terre consacrée. Une longue suite de tableaux, curieux pour l’histoire de Part, étaient peints sur les murs et en- vironnés de larges cadres en pierre ou en brique. La plupart représentaient des scènes tirées des livres saints. Ici c’était le Sauveur trahi par l’un de ses apôtres et qu'environnait dans le Jardin des Oliviers une troupe de guerriers dont les 19. 260 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. armures rappelaient celles des chevaliers du 15° siècle. Plus loin J. C. terminait son douloureux sacrifice : sa mère et le disciple bien-aimé étaient au pied de la croix : au loin on voyait le mont de Sion , les tours et les palais de la cité déicide : le soleil se voilait , et les témoins du supplice du Juste revenalent vers leurs demeures en frappant leur poitrine, et en disant, comme le Centenier : « En vérité, celui-là était le fils de Dieu (1)!» Sur le mur, au-dessus duquel s’élève la Biblio- thèque du Clergé , on remarquait surtout deux vastes tableaux : le premier avait déja beaucoup souffert : 1l représentait un choc de cavalerie. Les combattants portaient aussi larmure du 15.° siè- cle. Les enseignes de l’un des deux partis étaient blanches et chargées d’un aigle noir surmonté d’une croix d’or. Sur les étendards de couleur de pourpre de l’autre parti était peinte une louve. Une rivière traversait le champ de bataille : un pont en joignait les deux rives : mais ce pont s’é- croulait sous les pieds des fuyards. Au loin , sur des montagnes , était une ville. Il n'était pas difficile de reconnaitre dans ce tableau le combat de Constantin contre Maxence. L’aigle surmonté de la croix, qui était apparue au premier empe- reur chrétien, environnée des mots : 27 hoc signo vinces , indiquait parfaitement l’armée du fils de Constance Chlore; la louve dessinée sur les autres (1) Saint Matth. xxxvir, 54. Saint Marc, xv, 39. Saint Luc, xxun, 47, 48. iii MÉMOIRES. | 261 drapeaux , annonçait celle de Maxence. Le fleuve qui traversait le champ de bataille était le Tibre ; le pont brisé sous les pas des vaincus, était le pont Milvius, et la ville dont les tours et les temples paraissaient à l'horizon, était Rome. Il y avait du grandiose dans cette composition ; les têtes étaient peintes avec soin, les détails d’un fini précieux (1). L'autre tableau , du même côté , avait encore plus souffert des mutilations modernes que des outrages du temps : des parties entières étaient effacées : on y voyait aussi des guerriers à cheval, et dans le lointain une ville dont l'enceinte était défendue par de hautes tours. De nombreuses épitaphes formaient une zone funèbre autour des murs du cloître. Les unes , et c’étaient en général les plus anciennes ,étaient gra- vées sur de petites tablettes de marbre , et d’autres sur desimples briques. Cellesqui appartenaient aux 15, 16. et 17.° siècles, avaient des cadres élé- gants ; les dernières étaient presque toutes ins crites sur de larges dalles de marbre noir. L'une de celles qui devaientle plusexciter la curio- sité était dédiée à la mémoire de Raymond Scriptor, inquisiteur, prêtre et chanoine de la cathédrale de Toulouse. On disait qu'avant d'entrer dans ordre des Frères Prêcheurs , il était connu sous le nom RS (1) Une partie de ce tableau existait encore il y a cinq ou six années ; on a achevé de le détruire en perçant une fenétre dans le mur sur lequel il était peint. 262 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. de Costiran , qu'il avait fait des vers en langue Ro- mane, et que c’est à cause de ses écrits que, dans la suite, il fut surnommé Scriptor. Etant allé à Avi- gnonet, suivi de trois autres inquisiteurs et de quel- ques particuliers, il fut assailli, dans le château du Comte , par le bailli du lieu , nommé Raymond d'Alfaro , qui l'égorgea , ainsi que ceux qui la- vaient accompagné. Ce meurtre fut commis en 1242. Le corps de Raymond Scriptor , porté à Toulouse, avec ceux des autres martyrs, futenseveli avec honneur. On mit Bernard, clere de Raymond, dans le tombeau de celui-ci ( 1). Parmi les plus curieux monuments des ecclé- siastiques qui avaient reçu la sépulture dans ce cloître, je pus distinguer lépitaphe du chanoine Bernard, mort en 1117, et que j'ai déjà citée; le petit bas-relief inscrit d'Aymeric, chanoine, chancelier et maître de l’œuvre > Où operarius de VEglise de Toulouse, décédé le 14 des calendes d'août 1282. Sur ce dernier marbre, on a re- présenté le Christ, placé dans une gloire, et tenant le globe du monde. À sa gauche est Aymeric, ac- compagné de son Ange gardien; à droite, l'âme Aymeric , sous la forme dun enfant, est offerte Rate RER | LE, in états CSN OU LT; (1) Voici l'inscription gravée sur la petite tablette de mar- bre placée au-dessus du tombeau : IT : KAL : IVNII : OBIIT : R : SCRIPTOR : SACERDOS ET : GANONICYS : ISTIVS : LOCI : ET : ARCHIDIACONVS VILLAE : LONGAE : QYI : FVIT :. INTERFECTYS : CVM INQYISITORIB ? : HAERETICOR ? : APUD : AVIG NONET ? : ANNO : DOMINI ; M : CC : XLII : ET : CVM BERNARDO : EIVS : CLERICO ; QVI : SEPELITVR CVM : 1PSO, MÉMOIRES. 263 au Seigneur par le même Ange : dans la partie in- férieure du monument, Aymeric est étendu dans l'attitude de la mort. Ce bas-relief est l’un des mieux conservés qui nous restent du 13.° siècle. Un tombeau de pierre, chargé d’une longue ins- cription, et qui renfermait les restes de Bertrand du Clusel, chanoine de Saint-Etienne, et prieur de Sauvimont , était placé près du petit monument d'Aymeric ; il était du 15. siècle, et le style em- phatique de linscription indique à peu près la même époque où l’on donnait aussi, dans une épi- taphe placée dans notre cathédrale, le titre de Prince des poëtes à Vévèque de Toulouse, Pierre du Moulin (1). Ici du Clusel est nommé prince ou monarque dans le droit civil et le droit canon (2).. G) Ce monument, sur lequel cet évêque est représenté, a cté arraché par mes soins à la destruction, et est conservé dans le Musée. On y lit cette inscription : Hoc quiescit tumulo urbis Tolosæ dignissimus archipræsul Petrus de Molendino, nobilis genere, artium magister, utro- que jure licenciatus....…... ac Linguæ occitanæ Regis vice cancellarius et Poetarum Monarcha, qui, anno Domini M. CCCC. LI, Dominus in XPO ( Christo) tertia octobris beato fine quievit. (2) Voici l'inscription de Bertrand du Clusel : Clauditur astricto doctor Bertrandus in antro. Salvimonte prior. Sedis canonicus hujus. Religione sacer. Cluselli clara propago. Cujus fama viget scriptis. Legum ille monarcha , Canonis et sacri. Sed papæ auditor et annis bis denis fulsit. Studii decus ille legendo Canonts edocuit seriem. Præclara suorum nobilitas et fama manet celebranda per orbem. [e) 64 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Cétait alors une manière d'exprimer le vrai talent ou les grandes connaissances de ceux dont on voulait célébrer les louanges. On crut d’ailleurs ne pas avoir assez fait pour ce savant, et un céno- taphe lui fut élevé dans la chapelle de la Sainte- Croix. L'inscription qui y était gravée, paraissait encore, il y a environ deux années, avant qu’on l'eût cachée par de nouveaux et assez ridicules ornements. Des mausolées, recouverts de grandes figures en pierre, apparaissaient encore çà et là. Dans la ga- lerie de droite, un chevalier, armé de toutes pièces, était couché sur un sépulcre de marbre des Py- rénées. Sur sa cotte d’armes était sculpté un écu de gueules, bordé d'azur, à Pépée croisée d’or , en bande. C'était l’un de ces Villeneuves si connus dès les temps les plus reculés du moyen âge; preux chevaliers dans les guerres saintes, serviteurs dévoués des comtes de Toulouse, et dont la race, perpétuée jusqu’à nos jours, a donné tant de mar- ques de fidélité à la foi promise. Déjà, en 1147, un Pons de Villeneuve était en même temps sénéchal du souverain de Toulouse, et capitoul. Plus loin était une autre statue sépulcrale, représentant Raymond de Puibusque, armé aussi de toutes pièces. Il appartenait à cette ancienne famille qui subsiste encore, et qui est entrée quarante-neuf fois dans le capitoulat. Comme les Villeneuves, les Roaix, les Isalguiers, elle montra tout le cas que lon faisait, au moyen àge;, de la magistrature municipale , destinée à défendre les droits du MÉMOIRES. 265 peuple contre les invasions du pouvoir. La cotte d'armes de Raymond de Puibusque était chargée d’un écu de gueules, au lévrier passant d'argent, accolé de sable. Sa lance avait été longtemps attachée à la muraille, derrière le tombeau : en 1705 elle n’y paraissait plus. Mais d’autres illustrations réclamaient aussi le respect et le culte des souvenirs dans ce cloître où les grandeurs de la terre recevaient la consécra- tion de la religion et du temps. Du côté où l’on avait sculpté l’image de saint Pierre, était lépi- taphe du savant commentateur de Vitruve, de ce Guillaume Philander, qui, par ses doctes connais- sances et ses écrits, a tant contribué à cette révo- lution artistique qui nous a donné, par l'étude et limitation heureuse et libre des anciens, ce style gracieux que l’on remarque dans tous les monu- ments de la Renaissance. Protégé par George d'Armagnac, évêque de Rodez, et depuis cardinal, il le suivit dans son ambassade à Venise. Il mourut à Toulouse, en 1565, près de son Mécène, et le cardinal Jui fit élever un monument, que nous avons sauvé de la destruction (1). Là étaient aussi (1) Voici l’épitaphe placée sur ce monument : Guillelmo Philandro, Castiloneo, civi Romano , eximià eruditione , ac doctrinä singulari virtule nobili-scienti& claro, pietate insigni religione non alienä morum suavilate facili, animi candore, conspicuo sensu, erg omnes probo ; antiquitatis et architecturæ periliss . Jam elebritate etiam exteris noto. Quin in studiis liller mullis annis consumpiis ; düm anliquorum 266 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. et l'historien de Henri IT, Pierre Paschal, mort dans nos murs la même année où Philander cessa de vivre (1), et l’'historiographe de Henri IV et de Louis XIII, Pierre Mathieu, qui avait, en 1621, accompagné son prince au siége de Montauban (2). monumenta evolverel, ac se anagnosten illust. Card. Armeniaco prœberet. Tandem attritis virib. corporis leni suspirio vitam efflavit. Georz. Card. Arm. fideliss. anagnoslæ suo spe futur resurrectionts hoc monumentum mœæstiss. P. C. Vix. annos LX Fato vero suo functus X. K 1. mar. an. Do. BI. D. LXT'. (1) On lisait sur son tombeau : D.su0ù M Petro Paschalio , rerum gestarum ah Henrico 11 Galliarum Rege , scriptori nobilissimo , antiquæ virtutis et Roman eloquent. æmulatori prœstantiss. amici mœærentes B. M. P. vixit annos XLV , obüt XUIT K1. Mart. an. post Christ. natum M.D.LXF. (2) L'épitaphe de Pierre Mathieu était placée entre les deux précédentes : | DIET Hospites œqui Galli, atque externi, en vobis adest Petrus ille Mathœus “histori& Galliæ decus , scriptorum suavissimus , Jurisconsultorum prudentiss. vir tanta pietate ac mentis integritate quanta vix concipi possil. Qui res observandi studio Ludovici XUIT , castra secutus ad Montalbanam expeditionem. Pestifera febre extensum , hic tereo deposito MÉMOIRES. 267 Un autre monument , placé dans le mur, du côté de la bibliothèque, près de la porte du cloître, et non loin du tombeau de Raymond Scriptor, avait été élevé, par les Toulousains, au célèbre prédi- cateur, Jean Albin de Serès, « auquel , après Dieu, est deuë, dit Catel (1), la conservation de la re- ligion catholique dans Tolose, s’estant il tousiours opposé par ses doctes et pieuses prédications à Peffort de l’hérésie, qui commençoit pour lors à ietter son venin dans la ville. Sa réputation estoit si grande par toute la France, que j’ay ouy dire à feu M. Genebrard, lorsqu'il n'instituoit aux bonnes lettres durant ma jeunesse dans sa maison à Paris, que tant luy, que messire Arnaud de Pontac, qui fut depuis evesque de Bazas, deux des grands hommes de leur siècle, qu'ayant entendu la grande corpore ; immortalis transfert animum supra sidera ann. LVIT. æt.id. octob. M. DC. XXI Jo. Baptista fil. mæstiss. p. (1) Voici l'inscription gravée sur ce monument : Joanni Albino de Seres nobiliss. Valsergorum familià orto , viro integerrimo, pauperum , œgrorumque patri pientiss, Canonico et Archidiacono, ac Ecclesiastw Tolosano Sanctiss. qui Tolosanæ Cathedræ turbulentis lemporibus præfectus hæreticorum errores facunda prœdicatione scriptisque immortalibus convincens , Catholicos confirmans periclitantemTectosagum Rempub. sarlam tectam conservavit septies septeno vilæ anno cum Omnium bonorum moerore , cunctorumq. ordinum luctu vivis erepto pit Cives suæ hoc in illum Pietatis et observanti® monumentum. P. C. Obiit XIII. cal. septemb. M. D. LXV1I. s 268 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. réputation de ce vénérable personnage, ils vin- drent exprez en la ville de Tolose pour le voir, sans qu'ils y eussent autres affaires, et advint qu'ils le treuverent et virent mort. Tellement que s’en estant retournés à Paris, ils firent imprimer son tombeau tant en vers latins, grecs, que hébraï- ques... Ledit feu sieur de Serès, avant que mourir fist imprimer un livre en françois du saint Sacre- ment contre les luthériens et calvinistes, qui fust bien receu de tous les hommes doctes. Il donna aussi au public quelques épistres escrites à des dames pour les confirmer en la religion catholi- que, qui furent si bien receuës dans Paris, que j'ay ouy dire, à Guillaume Chaudière, marchand libraire de Paris, qu'il les avait fait imprimer huict diverses fois dans un an, ce qui ne luy estoit jamais plus arrivé en aucune autre sorte de livres. » Ce fut dans une chapelle de ce cloître, nommée de Sainte-Magdelaine, ou de Catel de la Cam- pane, bâtie par ses aïeux, que le savant historien dont je viens de rapporter quelques lignes, fut enseveli en 1626. J’ai vu son épitaphe encore placée au-dessus de son tombeau : mais, en 1813, à mon retour d'au delà des Monts, je ne retrouvai plus que les ruines de ce sacellum. L’épitaphe seule avait été portée au Musée, où on la voit encore (1). (1) M: 15. Guill. de Catel senator virtute eruditione juxta ex genere nobilis, justus maluit esse quäm vidert, in Deum fide, ia egem obsequio, insummos honore, benignitate in infumos , MÉMOIRES. ‘269 À une médiocre distance de la chapelle de Catel, un marbre blanc, environné d’un cadre et sur- monté du buste d’une jeune femme, était encastré dans le mur. Ce marbre était grand : on y avait inscrit plusieurs épitaphes envers latins, grecs et français : les premières avaient été presqu’entière- ment effacées par les malveillants : on n’y lisait plus avec facilité que ce sixain : Œousiours belle, chaste et munde A veseu La jeune Ésclarmonde D'Espinet au corps gracieuls : En terre ainsyn viendroict des cieuls Lne doulce muse, une grace, Prie; Dieu qu'il Lun doint sa grace. Le nom d’Esclarmonde Spinette est connu par l’histoire des Jeux Floraux. Elle fit partie de la Pleyade Tolosaine , avec Johane Perle, Etien- nette Ligoune et quelques autres. En 1540, _ pielate in patriam , charitate in suos, comitate in extleros, dignus longiori vitä, dignior sempitern& , Occitaniæ in qua lucem acceperat historiæ lucem dedit. Vixit ann. LXVTI sine invidia , meritis cæœlo quäm œtate maturior, vivere desüt nonis octobr. quibus et pater longa de stirpe,senator X L,ab hinc annis tam pium meimemor- que fatum. Sic extinctum est lumen patriæ lucet vir- tutis exemplum totam gentem capit unicus tumu- lus in aversa muri parte sub fornicibus œdis abea opu- lente dotatæ , hic ille jacet in pace. Hoc monumentum posuere contra votam pio admodum: Parenti, pi filiæ, Jac, et Marg. de Catel. Vale. 270 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. on la compta au nombre des Dames de Toulouse qui réclamèrent des magistrats et des mainteneurs et maîtres du Co/lége de la gaie science , Yhon- neur de paraître dans les concours des Jeux Flo- raux , ainsi que cela leur avait été accordé par Clémence Isaure (1). Plusieurs pièces de poésie composées par ces Dames, furent insérées dans un Recueil publié par Pierre de Nogeroles (2) , et devenu aujourd’hui très-rare. (1) On connaît le commencement de la Requéte présentée en 1540, par ces dames : À vous, monsieur le Chancelier, Très nobles Capitouls aussy , Maistres qui avez bruyct singulier, Et à tous ceuls qui sont icy : Supplient humblement les femmes Tant les moyennes que grand’dames ; Disant que madame Clémence, (Que Dieu pardoint par sa clémence) Laquelle les troys fleurs donna, Jadis voulut et ordonna, Que quiconques voudraict dicter, Sans les femmes en excepter, Et d’ung vouloir fort libéral, Fit un edict tout général, Comprenant masles et femelles... (2) Requeste au langaige , contenant plusieurs belles, mer- veilleuses et grandes receptes, appropriées à l’usaige des Jemmes et conservation de leur cas , avec plusieurs Ballades, couronnées , enchaînées et batelées, Kyrielles, Couplets, Ron- deaux , partie en rime française, partie en langaiïse tholosain. Plus, une Pronostication pour toujours et à Jamais : le tout Jaist et baillé aulx Maistres et Mainteneurs de la Gaïe science de Rethorique , au consistoire de la maison commune de Tho- lose, par M.° Pierre de Nogeroles, docteur er la Gaïe science; in-4. Tolose, Jchan Damotsel. MÉMOIRES. 271 Les épitaphes de Raymond de Penne , cha- noine de Saint-Etienne , mort aux ides de mars (1); de Bertrand de Bigot, chanoine du même chapitre , mort aussi le 10 des kalendes d'avril (2); de Guillaume de Saint-Félix , archi- diacre de Saint-Etienne, décédé le 2 des ides de juin (3); de Guillaume Pierre , dont la charge dans le chapitre est indiquée par le titre de Præ- positus , mort le 4 des kalendes de décembre (4); d’Athon Cogalnis (5); de Jean de Curtasola , et @) IDVS : MARCITI : OBII T : RAMVNDVYS ;: DE : PEN NA ; CANONICYS : SANC TI : STEPHANI. Cette inscription est gravée sur une brique qui a 38 centi- mètres de long sur 24 de haut. (2) X : KL « APRILIS : OBIIT BERNARDYS : DE : BI GOT : CANONICVS SANCTI STEPHANI. (3) +: IT : KL : IVNII : OBIIT : GVILELM ? DE SCO : FELICE : CANONICYS : ET : ARCHI sic. DIACONYS : SCI : STHI (4) III : KL : DECEMBRIS OB IT : GVILHELM ? : PETRI PREP OSIT ? : ISTI ” : LOCI. (5) UT : ID : IVNII : OBIIT : ATHOVI COGAL NIS CANONICVS PRESBIT. PRIOR, REQVICIT : FIN : BEATO..... 272 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. des deux Bruno de Garrigiis (1); de Bertrand de Tolosa , chanoine, mort en 1244 (2); de Guillaume de Tholosa, mort aux kalendes de mars de Pan 1291 (3); de Bertrand de Villeneuve , que lins- cription désigne par le titre de Familiarius istius loci (4); de Bernard de Villeneuve, qui, ainsi que le précédent , pouvait appartenir à cette an- cienne et illustre famille qui a fourni de grands sénéchaux au comte de Toulouse , et qui subsiste () INCARNATIONE DNI MCLXXXXVIII : X KL : OBIIT : IOHS : CVRTASOLA. NR CA ONICVS LAICVS IACET BRVNO DE GARRIGIIS NOST : CANONIC... QYI : DECESSIT : ANNO : DNI: M:C: XC : IX JACET : BRVNO : DE : GARRIGIIS : NOST : CANONIC... QYI : DECESSIT : ANNO : DNI : M : CC : VII. (2) VI : ID : JANVARII : OB : BER TRTD ? : DE : TOLOSA : CANO NIC ? : ISTIVS : LOCI : AN NO : DNI : M : CC : XL : VI. 6) HIT : IDVS : IVNII : OB : WLM ° DE THOLA : CANONICYS ET : OPERARIVYS : ECCL : SCI STEPH : ANNO DNI : M : CCLI. AIA ET : REQESCAT : IN : PACE. (4) XII : KL : APRILIS : OBIIT BERNARDVYS DE VILLA NOVA : FAMILIARIS ISTIVS : LOCI : ANNO DN:M:CC:L:T. MÉMOIRES. 273 encore (1). Là aussi étaient les épitaphes de Ber- nard de Croizillis (2) Precenteur et prieur claus- tral, mort en 1266 ; de Raymond Cabruger , sacristain et chanoïne , mort en 1255 (3); d’Ar- naud Rupé , chanoine , mort aux kalendes de septembre de 1280(4). L'inscription sépulcrale de Bernard de Caseneuve et de Mascarosa sa lle, monument qui porte la date de Pannée 1205 (5), (1) II : KL : JULII : OBIIT : BER TRANDYS : DE : VILLA NOVA : GANONICVS ISTIVS LOCI : ANNO : AB : INCARNAT IONE : DOMINI. M. CC. LXVIIIL. (3) II. IDVS : SEPT EMBRIS : OBIIT B : DE CROIZILLIS PRECENTOR ET PR IOR : CLAVSTRALIS ISTIVS ECCLESIÆ ANNO DNI M. CC. LXWI. () VIXII KL. NOVEMBRIS OBIIT : RAMVND : CABRV GERRI SACRISTA ET CA NONICYS : SCI STEPHI ANNO DNI. M. CC. Lv. (4) A : DNI : M : CC. LXXX : KL SEPTEMBRIS : OBIIT ARNALD\S DE RVPE : CANONICVS : ISTIYS (5) ISTA SEPVLTVRA EST : B : DE CASANO VA : IC : IHACET MASCA ROSÀA : FILIA SVA : OB IIT MENCIS MARCII : AN NEPENI-M,. CC, XC. VI. TOME IV, PXRT, II. 19 274 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. est remarquable en ce que le graveur des lettres de cette inscription, ne sachant peut-être pas lire , a mis IC JHACET pour HIC JACET et MENCIS pour MENSIS. Près de ce marbre était lépitaphe d'Alamanda, femme de Guillaume de Château-Neuf (de Castro novo) (1). Elle prouve que, malgré les assertions de Catel , les chanoinesses de la métro- pole existaient à une époque bien antérieure à celle qu’il assigne pour leur fondation. Alamanda portait dans son écu la croix d’or de Toulouse , vidée , cléchée et pometée. Aïnsi on pourrait présumer qu’elle appartenait à la famille des Comtes souve- rains de cette ville. Cette noble Dame mourut le 6 des kalendes de janvier de lan 1223. Dans la galerie qui était du côté de la Biblio- thèque , paraissait le tombeau supporté sur de pe- tites colonnes , d’Aymeric , chanoïne , chancelier et ouvrier ou maître des œuvres du chapitre (2). () ANNO DNI : M. CC. XXIII. VI : KAL : IANV ARII : OBIIT : DNA : ALAMANDA : DE CASTRONOVO VXOR QUONDAM : WL : DE CA STRONOVO : MILIT : CANONIC. DE SANCTI STEPHANI : CVJVS AJA. RE QESCAT : IN : PACE : AMEN. (2) ANNO DNI. M. CC. L. XXXII : XVI KL : AVGTI : ILLVSTRISSIMO : PH. REGE FRANCOR ? REVERENDISSIMO ET VALENTISSIMO BR. EPISCOPO THOLO ® : OBIIT : MAG : AYMIC® CANONIC. CANCELLARI ? : ET OPERARIVS ECCL. THOL ? CVJVS AIA REQESCAT IN PACE. AM. MÉMOIRES. 279 Arnaud Chavalier avait reçu aussi les hon- neurs de la sépulture dans cette galerie. Il mourut en 1320 , et il a été représenté sur son marbre tu- mulaire (1). Le tombeau de Bernard de Alava touchait au tombeau du précédent ; il était soutenu par de petites colonnes , et sa forme était tres-élégante. Ce monument, selon linscription encastrée dans le mur au-dessus du tombeau , avait été élevé en 1330. Tout auprès de la porte qui s’ouvrait vers le chevet de l’église Saint-Jacques , était le tombeau du notaire Sarralke ou Sarraille , qui , dans son écu, a pour pièce principale zne serrure, nommée en langue du pays sarraillo. Huguette, sa femme, fut ensevelie près lui ; ce monument était de Van 1464. Là était encore une longue suite d’épitaphes touchantes , de souvenirs pieux. Mais là aussi , 1} n’y a plus rien en ce moment : les ruines mêmes ont péri : Etiam periére ruinæ. Aujourd’hui la place qu’occupait le cloître de Saint-Etienne, rétrécie d’un côté par une nou- velle rue , envahie d’un autre par une construc- tion moderne, a perdu tout son aspect monu- (1) ANNO : DOMINI : M. CCC : XX : PMO QARTA DIE : INTIT : MENSIS DECEMBRIS : OBIIT DNS ARNAL CHAVALERIT : CANONT CVS , ISTIVS LOCI : CVJVS AIA REQIESCAT IN PACE. AMEN 270 INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. mental. Pendant plus de 700 années une notable portion des habitants de Toulouse , a été ense- velie dans cette enceinte. On y retrouvait en- core, vers la fin du 18.2 siècle et au commence- ment du 19°, de nombreux souvenirs de la piété de nos pères , et une importante série de monuments de Vhistoire et des arts. D’autres Vandales ont apparu ; ils ont abbattu les arcs légers , les colonnades élégantes, et effacé les mo- niteurs funéraires qui nous redisaient si bien le passé. N’accusons plus d’ignorance et de barbarie les sectateurs de l'Islam , qui pour défendre les Dardanelles , façonnaient en projectiles les mar- bres de la Grèce antique. Ils n’ont brisé , ils n’ont fait disparaître du sol où ils étaient campés, que les marques d’un culte qu'ils ne professaient pas, que les monuments d’une histoire qui n’était pas celle de leurs pères. Nous avons été plus loin qu'eux , et tous ces débris que nous entassons dans nos Musées, ne sont que des témoins au- thentiques des ravages produits dans un temps d'erreur , que des preuves de l’incurie de quelques hommes qui possédèrent le pouvoir, que des restes échappés comme par un prodige aux icono- clastes de notre âge. FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE DU TOME IV, | ll UN ip y Jun) il d (Le fl qi 1 Un — N FM J cs | V |DOMVMAETFRAMVIVS| PCALVT RECE À | FLGRATIVS-EVTYCHES | RE A ZEN; DisiBt CvraviT. |V Alrsvra | PHÉBOTTAE | CNEMESS] DIIS-MANIBVS | POMPEIAE DIOGENAE AEMIL-SEVERINVS FR Ée LE NAE VXOR] = NODNIMCXVI TOC EPLY De CIDIADIACARICEPIT : AP LERI NIOLABPASTEE : A] [KR JUN CAGE OS ERACGRS. es IRYEMÉÉS PRS | RARE PCR RE L ASFRIERART FRE NI || CATTIAE BAE TICAE M:SVALIVS CATTIVS COMINIVS CONIVGI Li INCOM PARABIL] TABLE DES MATIÈRES. SECONDE PARTIE. INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Année 1834. HISTOIRE. Pages. SD MONNIER 4 Analyse des Ouvrages de la Classe des Ins- criptons et Belles - Lettres pendant l’année LICE EU AS ME A PA ESS | Sur les progrès des Sciences et des Lettres dans le DMidt Dar FATAN. LL tn +61 | 8e Pourquoi faut-il instruire le peuple ? par M. Ozax- EAUX Se ee INSEE NES 0e HS Essai sur les progrès des Sciences naturelles , ete. , DAS MER RRIEOU. Ac aa mener eco ol à Sur l'influence réciproque de la philosophie sur l’histoire, etc., par M. Caranrous.. Le Mémoire sur quatorze monnaies antiques, par NT GRECE. RARE AE à PNIT ie à Mosaïque de Saint-Rustice , par M. pu Mice... Mémoire sur Aiguesmortes, par M. ou Mëce..... Mémoire sur l’église de Saint-Gilles , par le même. Mémoire sur l’église de Saint-Gaudens ; par le DOME - +... OR. à ON Pn | Mémoire sur Le cloître de la Daurade » par le mème. I 278 TABLE DES MATIÈRES. DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. Considérations sur cette question : Pour- quoi faut-il instruire le peuple ? par MAMIE, el Lance. Go Mémoire de l'influence réciproque de la Philosophie sur la littérature, et de La littérature sur la philosophie , par AT. CiSANTOUS AU E CRETOMENNR 75 Au Gui l'an neuf, par M. Puiccary...…. 89 Mémoire sur l’église de Saint-Gaudens > par Mau Mecs a eue Ta 96 Mémoire sur Saint-Gilles , par le même... 1 17 Année 1855. HISTOIRE, Analyse des Ouvrages de la Classe des Inscriptions et Belles-Lettres pendant D'ANNÉE LISE NE RER PRE - 6er 190 Mémoire sur la sorcellerie , par M. ne Morrarteu. 140 Un mot sur Mahomet, par M. Ozannraux. . ..... 147 Fragment d’un Tableau général du developpement de l'esprit humain, par M. Gariex-Arnourr.. 148 Analyse extraite d’un mémoire intitulé, Fanini, par M-'De LAVERGNE RS RE: ces 148 Sur l'établissement du christianisme dans la Novem- populanie , par M. Cuaupruc DE CRAZANNES... 152 Observations générales sur la parole , par M. n’A- CUIDAR She nee moe sn Es, MElere « «2 ce 157 DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. Notice des commanderies, des châteaux et des biens anciennement possédés par les TABLE DES MATIÈRES. 270 Templiers dans le département des Py- rénées-Orientales , par M. Puiccary. . 163 Notice archéologique sur Loupian , Val- magne et Maguelonne , par M.vu Mëce. 1 74 Année 1856. HISTOIRE. Analyse des Ouvrages de la classe des Inscriptions et Belles-Lettres pendant l'année 1836... MOT EEE à 199 Discours sur l'utilité des Académies, par M. Tasaw. 10 Considérations sur le Panthéisme, par M. n’A- GUILAR OR ER DE Je On LE 207 Recherches historiques sur l'empire de Babylone, PAT MP AB Jane ie nu CUBE 208 DISSERTATIONS ET MÉMOIRES. Recherches sur l’ancienne église de Saint- Orens d'Auch, par M. où Màcr.....9229 Mémoire sur le cloitre de Saint-Etienne de Toulouse, par M. ou Mëce.........250 Se) FIN DE LA TABLE. ail RÉ \» 920900699000 > 4 & s e œ KL œ 3 3 2 7 e e > e » œ a œ -@ L 1 oo Bt: | y € 209960000009000