HISTOIRE GENERALE AN T IL LE HABITE'ES PAR LES FRANÇOIS- 6 DIVISEE EN DEFX TOMES , Et enrichie de Cartes 6 C de Figures. T O M E I CONTENANT T O V T CE QV J s’eft paffé dans reftabliffement des Colonies Françoifes. Parle R. P. DV T' E RT R E3de l'Ordre des FF.Pre/cbeurs* de la Congrégation de S. Louis }A4ijjionnaire A^opolicgue dans les Antilles. A PARIS, Chez Thomas Îolly, au Palais, en la Salle des Merciers, à la Palme,, &: aux Armes d’Hollande. M; D c7~ L X V I iT A MONSEIGNEVR ACHILE DE HARLA Y, PRQCVREVR GENERAL. Trouve f bon s'il vous plaifi , que te mette en- core vne fois vofire Notn tllufire a la tefte de mes Ouvrages , afin que ces deux Livres f lient partiel - a il j EFISTRE. pans du bon fuccef que le premier a receu de fa protection : Ce n en efoit que le projet ; mais le voi- cy dans fon dernier accomphjfement , remply de tou- tes les chofes les plus remarquables qui fe f oient papes dans les Jnt-Ifies , habitées parles François depuis environ trente-ans ; tFÎ fofe dire, AdO N- S E IGNE ER, que ie ny ay apporte aucune paf fon que celle de firvir ma Patrie, & fefiere quelle fera utile d la.confervation des Colonies Françofes, puf que celle qui s y établi f ent de nouveau y appt en - dront comme élis Je doivent maintenir > en conf e- rant les accïdens les ecüeils que tes premier es> ri ont pu éviter Les Gouverneurs apprendront par- la conduite de ceux qui les ont précédés y à éviter ce qui a e fie la mine de quelques-uns , & à pratiquer ce qui a relevé la fortune des autres j les peu- ples connoîtront qud dont jamais efic plus heu* reux que lors quils fe font confier vendant leur devoir » Enfin , MON SEW NE ER, VOUS fere £ perfuadé que cette Hipire eft fincere vérita- ble, quand vous fçaurefque te fuis témoin ocu- laire de la plus grande partie des chofes qu elle contient, & que le refie e fi fondé fur des origi- naux Cÿ des pièces digne de foy ; De forte que fi il y avoit quelquun nfe\ hardy pour la con - EPIS T R E. te fier , te 'Vous fupplie tre s-humble ment de fiouf- firir que ie les avertijfe , qu encore bien que Vo~ tre Nom illuflre ne paroifie pas icy avec tout les éloges if ly éclat qui luy efi du , if que vous ma - vez, interdit , il ne laijfe pas de sy trouver au- - tant que la jufiice le demande , pour fiouflenir puififamment les interefis de la vérité s C’cft MO N SEIGNEVR , la grâce que ie vous demande s & fi tofie en defirer une autre , c efi que vous me fafiiez, l'honneur de croire que ie fuis avec tout le refictt que ie vous dois? MONSEIGNEUR, y oflre tres-humble , & tres-obligé fcrviteur, F. I. B. dv TirtRe5 . 5- ' %- ;c-' ^ — % o Gaudri Leste ' "a. V f . . -juV- Chaufîo, ir ûusflarmet — bip j 1 '^| <5K’b him. ' '*'!::V/:Vi;V.%v^'v *.^# iaiantzs Grande a %:■>., T- aux'ftuneo l-Verte L'ISLE D Ed TE Croix! fSckuée a 18. depjr 48- minutes de latjeptenùnonalle Gouuemee' [depuis iLiins par Monsieur duBois^ 1071 ILjclxelle Ao j.. Jteiiej — HISTOIRE GENERALLE D E L’E STABLI S SEMENT DES COLONIES FRANÇOISES - DANS LES ANT-ISLES DE L’AMERIQVE. m. PREMIERE PARTIE De lEjlablijfement de la Colonie Françoise dans l'ijle de Saint Chrifiophe. Chapitre .Premier. E rfefi: pas d’aujourd’huy que l’or & l'argent ont fait de fortes impreffions furl’efptit des hommes, & que le delir de poffeder des richcffes, leur a fait méprifer les plus grands dangers, & entre- prendre les chofes les plus difficiles. Quelque vio- lente pourtant qu’ait efté cette paffion, il faut avouer qu’elle n’a jamais agy fi puiffamment fur le cœur des Habitansde l’Europe que depuis l’an 1493. auquel Chriftophe Colomb ayant découvert l’Amcrique, les richeffes immenfes de ce nouveau monde , animèrent toutes les Narions à leur I. .Partie. I % Efiablijfement des François conquefte,& il n’y en eut pas une qui ne vouhitpartageravec les Efpagnols, un butin fi riche & fi précieux. |Le Pape Alexandre VI. par fa Bulle de l’an 1493. ayant donné tout ce grand pays aux Roys Catholiques Ferdinand &: Tfabelle, les Roys d’Efpagne en vertu de cette donnation prétendirent en eftrc les feuls poffefleurs légitimés; &: fous ce prétexté traitterent comme des Corfaircs tous ceux qui furent -trouvez entre les deux Tropiques. Mais ny la concefiion du fouverain Pontife, ny la cruauté barbare des Efpagnols, ne purent empefeher les Eftrangers de faire voile en rAmcrique, pourtafeher de s’y enrichir. Plufieurs Particuliers de nosCoftes équipèrent divers Vaifi féaux àcçtte fin; bien que nos François couruftent afie^ fouvent aufii bien le mauvais bord, que le bon bord, ils ne laif- ferent pas de reüfiir heureufement en diverfes rencontres , oà nos Avanturiers firent de riches prifes, & les Efpagnols des pertes tres-confiderables. Car ceux-cy ayant efté attirez au fonds du Pérou par l’avidité infatiable de l’or &: de l’argent, & d’ailleurs manquant de monde pour peupler tout ce vafte Pays , laifierent imprudemment derrière eux, comme une chofe inutile, les Ant-Ifies de l’Amerique, qui depuis fervi« rent de retraitte & de logement à toux ceux qui s’enrichirent de leurs dépouilles; &: ces terres abandonnées, qu’ils nom- moient par mépris Kayes , font aujourd’huy fi bien peuplées, & fi bien fortifiées ; quelles font en eftat, non feulement de refifter aux Efpagnols, mais encore d’entreprendre la con- quefte des riches Pays que cette Nation ambitieufe pofiede dans l’Amerique. ~ . Ces difterens cftabliffemens fer virent de matière à la pre- mière partie de cette Hiftoire, dans laquelle je prêtons re- prefenter les difficultez dont ils ont efté acompagnez, les manquemens qui s’y font commis, les obftacies qui s’y font rencontrez , les Compagnies qui les ont entrepris , les divers Traittez qui ont efté faits, tant avec les H abitans, qu’avec les Sauvages , les combats qui s’y font donnez; Enfin tout ce qui s’eft pafte de particulier, foit en paix , foit en guerre, dans toutes les Ant-Iflcs habitées maintenant par les François, aux Ant-ljles de t Amérique. y Mais parce que l’eftablifTement dans i’Ifle de Saint Chriftb- phe,a efté comme le fondement de tous les autres Eftablifle- mens, & que cette Ifle a eftê comme la pepiniere qui a four* ny toutes les autres Ides, c’eft ce qui m’oblige de commencer par l’eftablifiement qui s’y fit l’an 1627. fous la conduite de Monfieur d’Enambuc. Voyage de JVLonfieur d’Enambuc > Capitaine du Roy fur les JVUr s du Ponant, en l Amérique. §. i. CE Gentil-hommejqui eftoit un Cadet delà maifon de Va u- dr oc qjies -Diel en Normandie, s’eftant rendu fa- meux fur la Mer par beaucoup de combats , &: ayant mérité par fes belles actions d’eftre couché fur l’Eftat, en qualité de Capitaine de Roy fur les Mers du Ponant; Se voyant ncant- moins privé des avantages qui font deus à fa naiffance & à fa qua- lité , par la rigueur des loix de fon Pays, refolut de fuivre l’exem- ple de quantité de braves Capitaines, qui par leur valeur &: leur courage, avoient fait une fortune avant ageufe dans cette opulente partie du monde. Dans cette refolution il partit de Dieppe en l’année 162,5. fur un Brigantin monté de quatre pièces de canon , de quelques pierriers, avec trente- cinq ou quarante hommes , tous braves foldats, bien aguerris, & bien difeiplinez. Eftant arrivé aux Kaymans , il fut découvert par, un Gallion d’Elpa- gne de quatre cent tonneaux, monté de , ; trente - cinq pièces d’Artillerie , qui le furprit à fon avantage dans une Baye , & l'attaqua fi preftement à coups de canon qu’à -peine luy don- na-t’il le temps de fe reconnoilfre. Cette fafeheufe furprifè ne fit point perdre cœur à noftre Capitaine, au contraire ti- rant des forces de fon courage il fe battit fi vaillamment, qu’ayant fouftenu le choc avec une opiniaftreté incroyable du- rant trois heures, l’Efpagnol defefperant de le pouvoir pren- dre ou de le couler à fond , fut contraint de l’abandonner apres Ai; 4 Eftablijfement des François la perte de la moitié de Tes meilleurs foldats. Cette rencontre , cjuoy que glorieufe , fut funefte a. no- tre Cadet, il voit apparemment fon entreprife avortée; fon vaiffeau a demy fracaffé de ce combat, ne peut prefqué plus tenir la Mer; fes voiles font toutes percées de coups , fes cordages font rompus, huid ou dix de fes hommes ont efté tuez, & la plufpart des autres font couverts de bleüures Ne fçaehant à quoyfe refoudre dans cette fafcheufè extrémi- té, il fut infpiré de Dieu, qui lavoit choih pour eftre le Pe- re Se le Fondateur des Colonies Françoifes dans les Mes Can- nibales, daller à rifle de Saint Chriftophe, pour fe mettre en eftat de chercher une fortune plus heureufe; ayant donc en- couragé fes gens, ôc raccommodé fon Brigantin le mieux qu’il pût, apres quinze jours de navigation il arriva heu- reufement pour fe remettre en eftat, '& pour y faire plus commodément penfer fes bleffez par le Chirurgien quil avoit dans fon bord. Arrivée de TAonJleur d’Enambuc a l Ijle de Saint Chriftophe : Les François & les Anglois défont les Sauvages , qui avoient comploté de les af- §. Z. IL rencontra dans cette Ifle plufieurs François réfugiez en divers temps & par differentes occafions, qui vivoient en bonne intelligence avec les Sauvages , fe nourriffant des viures qu’ils leur fourniffoiént fé>rt libéralement. Son arhvée aveé fes gens leur apporta une confoiation infinié'ffts l'é Ire deürcnt comme ufo Ange du Ciel, & vécu- rent avec luy l’efpace de fept ou huift mois , l’aymant comme leur Pere, ^honorant comme leur Chef, &luy obeïflant com- me à leur Maiftre. Pendant qu’on travaille à fon Brigantin, il vifite une partie de rifle, il en obferve la Situation, il en confidere la fertili- té, il en admire f excellent Petun, qui valloit pour lors en faftiner. aux AntAjle s de ï Amérique. 5 Fiance huiét ou dix francs la livre ; & voyant quelle eftoit une des plus belles, & des plus commodes de toutes les Ant-Illes, ilia regarda délors comme un polie très- avanta- geux pour s’y eltablir. Il fonda refprit des François qu’il y avoir rencontrez; & les ayans trouvez très - difpofez à y demeurer fous fa conduitte , ils refolurent enfemble de l’ha- biter. Monfieur d’Enambuc apres les avoir fortifiez dans ce delîein , leur promit de fe rembarquer pour la France , fi-toll que fon Bngantin ferait mis en eftat , pour aller quérir des hommes , & pour demander au Roy la permifilon de tra- vailler à l’ellablilfement d’une Compagnie qui peut fubve- nir aux François de la Colonie qu’il y amènerait, .& leur don- na parole d’y retourner mourir avec eux. Par une admirable conduite de la Providence de Dieu, dans le me fine temps que Monfieur d’Enambuc arriva a Saint Ghriftophe, un Capitaine Anglois nommé Waernard , qui avoit ellé auflî mal-traité que luy par quelques Elpagnols, y eftoit defcendu en un autre quartier; cét Anglois vivoit dans la mefme intelligence avec les Sauvages que nos François; mais le Diable ne pouvant foufrir une fi grande union , per- fuada aux Sauvages par un de leur Boyex* dans un Vin ge- neral qu’ils firent , que ces Nations Eftrangeres nettoient venues de fi loing dans leur ïile , que pour les y maftacrer cruellement, comme elles avoient exterminé leurs anceftres par- le fer &par le fang, dans toutes les terres formes & les Ifies qu’elles occupent à prefent par toute l’Amerique. Cét efprit de menfonge n’eut pas beaucoup de peine à les porter à s’en deftaire ;& comme l’entreprife n’eftoit pas moins perilleufe que difficile, ils députèrent vers tous les autres Sau- vages des Ifies voifines pour demander leur aftiftance; ceux- cy approuvèrent leur refolution , &c leur promirent un puif- faut fe cours , leur donnant parole de le trouver fans faute à Saint Chriftophe , à la plaine Lune prochaine. Ils euflent in- failliblement exécuté cette refolution barbare , fi Dieu neut détourné ce mai -heur de deflus la telle de ces innocens ré- fugiez par le moyen d’une Sauvage appellée Barbe, qui ayant découvert aux François & aux Anglois le cruel fecret de fes ! i! ! Efiablijfement des François Compatriotes, attirafur cuxle mal-heur qu’ils pretendoient faire tomber fur les autres ; car nos François & les Anglois deteftant une fi horrible confpiratioii , les prévinrent chacun dans fon , quartier auparavant qu’ils fulfent fecourus, ils les poignardè- rent prefque tous dans leurs li&s en une mefme nui&, nere- fervant que quelques-unes de leur plus belles femmes , pour en abufer & pour en faire leurs efclaves; il y en eut ioo. ou i zo. de tuez. , j Nos François & les Anglois s’eftant ainfi défaits de ces enne- mis domeftiques, fe préparèrent à recevoir & à combattre genereufement ceux de dehors ; pour ce fujet, ils firent bon- ne garde le long delà Mer, drefferent des embufcades fur les avenues; & ayant apperceu ce fecours de Sauvages, au nombre de trois ou quatre mille , ils en Iailferent defcendre une partie à terre , qu’ils chargèrent à grands coups de fufil; & fans leur donner le temps de fe reconnoiftre, ils les prefle- rentii vivement, qu’apres une aflez foible refifirance, dans laquelle ces barbares en tuerent plusieurs , tant Anglois que François, ils fe retirèrent en confufion vers leur s pirocjues, où ils furent chaudement pourfuivis par les noflres ; Ce fut- là que les Sauvages fe fervant de l'avantage de là Mer, fe battirent courageufement en retraite, &: tirèrent un fi grand nombre de flèches, qu’ils firent périr environ 100. hommes des deux Nations; mais il y eut un fi grand carnage de Sau- vages , que les corps , qu’ils furent obligez de laifler fur le ri- vage , ayant eflé mis en un monceau ; le Sieur Pichon, qui pour lors eftoit Chirurgien de Monfieur d’Enambuc , m’a affeuré qu’il y en auoit une picque en quarré de tous fens. Les Sauvages s’efioient fervis dans ce combat d’un poifon fi lubtil pour envenimer leurs flèches , qu’un nommé de Fre- fenne ville &C quelqu autres qui en furent Iegerement bleflez, moururent quatreheures apres comme enragez; ce qui ne fe re- marque pas dans les autres combats, defquels nous parlerons dans la fuitte de cette Hiftoire; car nous voyons que ceux qui n’en font pas bleflez dans les parties nobles vivent ordinairement fix& fept jours apres leurs blefliires. 'aux Ant-ljles de l 'Amérique. y Ce fut apres cette glorieufe viétoire que nos deux Capitai- nes d’Enambuc & Waërnard, traitèrent du deffein qu’ils avoient pris feparement avec leurs gens, d’habiter cette Ille; &: apres avoir projette le partage des terres , tel que nous dirons en fon lieu , ils partirent prefque en mefme temps de Saint Chrifto- phe pour aller travailler, chacun à la Cour de fon Prince, à reftabliflement de quelque compagnie qui pût fournir à ladé- penfe de leur entreprife. Retour de Monfieur dEnambuc en France , ou il procure refiablijfement d'une Compagnie pour Vljle de S.Chrijlophe. Le traittê d'ajfociati on, & la Commifion qui fut donnée aux Sieurs d’E - nambuc& duRoJfey. §. 3. MOnfieur d’Enambuc ayant chargé fon Brigantin d’ex- cellent Tabac & de tout ce qu’il pût trouver de rare dans le. pays, particulièrement des dépoüilles des Sauvages &: apres avoir embrafl’é les François avec Iefquels il s’eftoit en- gagé de vivre & de mourir , il les exhorta d’avoir bon cou- rage, les alfeurant qu’ils le reverroient bien-toft avec grande fuitte. Il s’embarqua avec Monfieur du Rolfeyfon intime amy & le Compagnon fidèle de fa fortune, avec lequel apres une allez favorable navigation il arriva en France. Ayant tres-bien. vendu fa marchandife il vint à Paris en fi bel équipage qu’il inlpira à tous ceux qu’il entretint de l’ex- cellence des Mes , de la beauté de leur Climat , &: de la facilité de s’y enrichir en peu de temps, une puilfante inclinati on d’aller avec luy dans rAmcrique , pour partager fa gloire &: fa fortune. Mais comme il avoit befoin de quelques perfonnes riches &: de qualité, pour l’eftablilïement de la Compagnie qu’il eftoit venu folliciter en France, il fit en forte par le moyen: de quelques-uns de fes, amis d’expoferà feu Monfieurle Car- 8 Eflabhjfement des François dinal dé Richelieu, la fertilité de toutes les Ant-Ifles, Ôdes grandes richeffes qu’on en pourrait tirer. Cét incomparable Miniftre qui cherchoit toute forte de moyens de relever la gloire de la France , aulli bien par le reftabliflement du com- merce que par les. vi&oires quelle remportoit fur fes Enne- mis, l’écoûta plufieurs fois avec plaifir, Se luy promit d’en par- ler au Roy. Enfin apres s’eftre tres-exa&ement informé des avantages que la France pouvoit tirer de ces Mes éloignées, fi on y eftablifloit le commerce -, Son Eminence refolut de former une Compagnie , qui pût faire la dépenfe d’un pre- mier embarquement ôc fournir aux frais necefiaires pour le- ver les hommes qui feroient envoyez a Saint Chriftophe; Il en communiqua auec ceux qui av oient le plus daccez auprès de fa Perfonne, & à quelques autres qui eftoient le plus em- ployez dans les Finances: tous louèrent fonzele, approuvèrent fa refolut ion , plufieurs mefme prirent part dans cette Com- pagnie, pour contribuer à ce defteinquidevoiteftre fi avanta- geux à la France. Sur cette refolution Monfieur lcCardinal, ayant fait ve- nir dans fon Palais ceux qui s’eftoient unis à luy pour for- mer la Compagnie des Mes, ils y palferent laéte de leur af- filiation le trente & unième d’Ôétobrei^. dans lequel ils Ce cottiferent tous aux fommes dont ils eftoient convenus. Atte à' AJfociaüon des Seigneurs de la Compagnie des Ifles de t Amérique . NOus fous-fignez , reconnoifions & confeflons avoir fait & faire par ces prefentes fidelle Affbciation entre Nous pour envoyer fous la conduite des Sieurs d’Enambuc & du RoITey , Capitaines de Marine, ou tels autres que bon nous femblera de choifir 8e nommer, pour faire habiter &: peu- pler les Mes de Saint Chriftophe &: la Barbade , àc autres feituées à l’entrée du Pérou, depuis le unziéme iufquaudix- huiétiéme degré de la ligne Equinoxiale, qui ne font point polie dées par des Princes Chreftiens, & ce tant afin de faire infiruire aux Ant-IJles de /’ Amérique. ç re inftruire les habitans defdites Ifles en la Religion Catho- lique, Apoftolique de Romaine, que pour y trafiquer de né- gocier des deniers de marchandifes qui Te pourront recueil- lir de tirer defdites Ifles de de celles des lieux circonuoifins, les faire amener en France au Havre de Grâce privativement à tout autre ; pendant le temps de efpace de vingt années, ainfi qu’il eft plus particulièrement porté par la Commillion de pouvoir qui en fera donné aufdits d’-Enambuc &duRof- fey par Monfeigneur le Cardinal de Richelieu , grand Mai lire» Chef & Sur- Intendant du Commerce de France, lefquels Sieurs d’Enambuc de du RofTey ont fait leur déclaration par - deuant de Beaufort de de Beauvais Notaires, que tout ce qu’ils ont fait , de feront, eft de fera pour de au profit de Nous Affociez, aufquels ils ne font que prefter leurs noms pour l’execution de ladite entreprife, le contenu en laquelle déclaration fera fuiuy; pour l’effeét de execution duquel de- fcm,il fera fait fond de la foraine de quarante-cinq mille li- ures qui fera fournie & payée par Noufditsfous-fignez , pour les parts de portions qui feront écrites de nos mains , au deflous des feings que Nous ferons au pied de la pre fonte Affociation, le tout iufqu’à la concurrence de ladite fom-me de quarante-cinq mille hures, lans que Nous publions eftre tenus ny engagez d’y mettre plus grand fond& capital, ficc n’cft de noftre volonté de confentement, à laquelle raifba dudit premier fond que Nous y mettons. Nous participe- rons au profit de à la perte qu’il plaira à Dieu d’y envoyer, tant par Mer que par terre : Laquelle foraine de quarante- cinq mille liures , fera employée rant à l’achapt de trois Na- vires, qui ièront acheptez leur julte valeur, félon l’eftat de équipage auquel ils feront, eftant neantmoins convenus de l’achapt duVaiffèau nommé la Viétoire, en l’eftat qu’il elt du port de deux cens cinquante tonneaux ou environ , avec les agrez de munitions de autres dépendans d’iccluy ,e(tant à part, tant dans ledit Vaiffeau qu’en Magazins au Port Saint Louys en Bretagne où eft ledit Navire, qui fera délivré à Nous Affociez, ou à celuy qui aura charge de pouvoir de Nous, dans le premier iour de Décembre prochain, apres I Partie. B ïo Eftabhjj'ement des François lequel iour la garde, rifque,cn fera pour le compte de Nous AlFociez , le tout pour la fournie de quatre-vingts mille liures. Et pour les deux Vaillèaux, ilsferont fournis & délivrez dans le temps par duquel iour ils feront demeurez en •la garde de Nous AlFociez, fuivant l’eftimation qui en aura eftc faite de gré à gré ou par perfonnes , dont les parties au- ront convenu; que pour avidailler, armer, Sc équiper Iefdits Vaifleaux d’hommes & de pro vidons necdfaircs pour faire ledit voyage & habitation defdites Ifles, enfemble achepter Marchandifes qu’il conviendra & feront jugées utiles pour porter aufdites Ifles , la conduite difpofition de laquelle entreprife fera faite de l’ordre de Noufciits AlFociez, ou de ceux qui auront charge & pouvoir de Nous en la Ville de Paris, & l’execution de tout ce qu’il y aura à faire, tant au- dit Havre que Port Saint Louys &: autres lieux que befoin, fera faite parle Sieur de Hartelay Canelet, auquel Nous don- nons pouvoir & Commiiïion de ce faire, de pourvoir aux chofes qui feront neceflaires , tant en France qu’aufdites Ifles, félon la Commiiïion qu’il en aura entre les mains; Auquel pour cét effeét tout le fond fufdit, qui fera fait par Noufdits AlFociez, fera nus & dépofé pour en faire, ainfl qu’il efl: dit ey-defliis, & félon les occurrences des affaires qui arriveront: à la charge de rendre bon compte, de tout payer le reliquat, quant, ôc à qui befoin fera, aux frais & dépens de Noufdits Aflociez , mefme de Nous envoyer à Paris un eftat fommai- re de tout ce qui aura efté fait, & fera rapporté au retour de chacun voyage pour en partager le profit entre Noufdits Afio ciez ; tous frais déduits félon nos parts 5c portions ou auan- ces, & en difpofcr ainfi que Nous adviferons bon efire. Fait à Paris le dernier iour d’Oétobre 1 616. Signé. Et au deflous ; Signé, Armand Cardinal de Richelïev, pour dix mille livres; Sçavoir deux mille en argent, &.huiét mille en un VaifFeau. D’Effiat pour deux mille livres , Ma- rion pour deux mille livres , de Flecelles pour deux mille li- vres, Morand pour deux mille livres, de Guenegaud pour deux mille livres , Bardin Royer pour deux mille livres, Ladurcat pour mille livres , Fcrrier pour mille livres. aux Ant-IJles de l Amérique. u &: Canelet pour quatre mille livres, fçavoir deux mille livres pour Monfleur Camille , ôc deux mille livres pour moy^ Martin pour deux^ mille livres , Cornuel pour deux mille livres. Le mcfmc jour on délivra une ample Commiflion à Me£ fleurs d’Enambuc & du Rofley , par laquelle Ton Eminence en qualité de Chef, Grand Maiftre , & Sur-Intendant du Commer- ce de France , leur permet d’aller eftablir vne Colonie Fran- çoife dans Fille de Saint Chriftophe, ou dans quelqu autre qu’ils jugeront la plus commode pour cet effeét, depuis le onzicfme jufqu’au dix -hui&iefme degré delà ligne Equi- noxiale. Commision de Monfleur le Cardinal de Riche- lieu aux Sieurs dlEnambuc & du Roffey , Ca- pitaines de Roy dans les Mers du Ponant, peur eftablir une Colonie Vrançoïfe dans les Ant- IJles de l' Amérique. \ Rmand Iean dv Plessis de Richeliev Car- Jl\, di n a L , Confeiller du R oy en fes Confeils, Chef, Grand Maiitre, & Sur-Intendant du Commerce de France j à tous ceux qui ces prefentes verront, falut. Sçavoir faifons que les Sieurs d’Enambuc &: du Rofley Capitaines , entretenus de la Marine du Ponant, Nous ayant fait entendre que depuis quinze ans fous lescongez du Roy &: fufdit Admirai de Fran- ce , ils auroient fait de grandes dépenfes en équipages & ar- mures de Navires & VailFeaux, pour la recherche de quelques terres fertiles & en bon climat, capables d’eftre polîedées &: & habicées par les François, & ont faitteile diligence que de-' puis quelque temps ils ont découvert les Ifles deSaintChrifto- phe &c de la Barbade, F vne de trente-cinq, 5c l'autre dequa-. rantc-cinq lieues de tour, & autres Ifles voiflnes toutes feituées à l’entrée du Pérou , depuis I’onziémc jufqu’au dix-huiétié- me degré du Nord de la ligne EquinoxiaJc, faifant partie des il Epablijfement des François Indes Occidentales, qui ne font poftedées par aucun Royny Prince Chreftien, aulquelies ayant pris terre & féjourné l’ef- pace d»un an pour enavoir plus parfaite & particulière connoif- lance, ils ont veu & reconnu par effed l’air y eftre très-doux & tempéré, ’& lefdites terres fertiles & de grand rapport , des- quelles il fè peut tirer quantité de commoditez utiles pour l’en- tretien de la vie des hommes, mefme ont advis des Indiens qui habitent lefdites Mes, qu’il y a des mines d’or & d’argent en icelles, ce qui leur auroit donné lujet de faire habiter lefdites Mes par quantité de François pour inftruire les habitans en icelles en la Religion Catholique , Apoftolique, & Romaine, & y planter la Foy Chreftienne à la gloire de Dieu & l’honneur du Roy, fous l’authorité & puiftancc duquel ils defireroient lefdits habitans vivre àc conlerver lefdites Mes en robeïlfan- ee de fa Majefté. Pour cêt effed, en attendant qu’il plût à fa Majefté en ordonner-, Iefdits Sieurs d’Enambuc ôc du Roffey auraient fait conftruire & baftir deuxForts ôc FîavresenlMe de Saint Chriftophe, &: laiffé quatre-vingts hommes avec un Chapelain pour célébrer le Service Divin, & leur administrer les Sacremens, & des Canons & autres munitions de guerre pour leur deffenfe & confervation , tant contre les Indiens ha- bitans defdites Mes, que tous autres qui voudraient entre- prendre fur eux pour les chaffer d’icclle, & promis qu’ils y re- tourneraient promptement pour y conduire le fecours & les chofes dont ils auraient befoin , ou pour les retirer félon le bon plaifir de fa Majefté, Nous requérant qu’il nous plut fur ce les pourvoir, attendu la charge de Chef 6c Sur - Intendant du Commerce, dont il a plû àfa3 Majefté nous honorer. Pour ce eft-il que nous délirant l’augmentation de la Religion &C Foy Catholique, & PeftablifTemcnt du négoce & commerce autant que faire fe pourra , & attendu que lefdites Mes font au. delà des aminées; Nous avons donné & donnons congé &pou- yoir aufdits d’Enambuc & du Roffey, d’aller peupler privati- vement à tous autres, lefdites Mes de Saint Chriftophe &de la Barbade, 3 c autres circonvoifines, icelles fortifier, y mener & conduire nombre de Preftres & de Religieux, pour inftrui- 2?ç les Indiens & habitans d’icelles, &c tous autres, en la Reli- aux Ant-IJles de l’Âmerique. 13 gion Catholique, Apoftolique, & Romaine, y celebrer le Ser- vice Divin, 5c adminiftrer les Sacremens, y faire cultiver les terres, 5c faire travailler à toute forte de mines & de métaux, moyennant les droits de dixiéme (te tout ce qui proviendra & fe re- tirera d'icelles , quils feront tenus rendre au Roy , franc & quitte, & dont ils rapporteront bons certificats, le tout pendant le temps 5c efpace de vingt années , 5c à la charge de tenir lef- dites Ifîes fous lauthorité 5c puiflance du Roy, 5c réduire les habitans en l’obeïffance de fa Majefté; 5c pour cét effed te- nir en eftat 5c apprêt de deffenfe tel nombre de VaifTeaux, N a vires, 5c Pataches que befom fera, les armer 5c équiper d’hom- mes, canons, vivres, & munitions requifes 5c neceffaires pour faire lefdits voyages , 5c fe pourvoir contre tous dangers , ef- forts , 5c incurfions des Pirates qui infectent la Mer 5c dépre- dent les Navires Marchands, aufquels en quelque lieu qu’ils fe rencontreront , ils pourront faire la guerre. Enfemble à tous ceux qui empefeheront le trafic & la liberté du commerceaux Navires Marchands François 5c alliez; feront leurs efforts 5C diligence de les combattre, pourfuivre, aborder, 5c attaquer vaincre, -faifîr , 5c prendre par toute voye d’armes 5c d’hofti- lité; lefquels VaifTeaux partiront du Havre de Grâce 5c Port S. Louys en Bretagne, où ils feront tenus faire leur déclara- tion du nombre des VaifTeaux qu’ils mettent en Mer pour lef. dits voyages, 5c detoutee qui fera dedans ; de garder 5c fai- re garder par ceux de leur équipage durant leur voyage, les Ordonnances de la Marine, 5c de faire leur retours avec leurs Navires audit Havre de Grâce : 5c rapporteront ce qu’ils au- ront pris 5c recouvert fur les Pirates 5c gens fans aveu, 5c fur ceux qui empefehent aux Marchands François 5c alliez la na- vigation du cofté du Sud au delà du Tropique de Cancer, 5c premier Méridien des Eflorcs du cofté. de TOüeft. Et avant le déchargement des Navires qu’ils auront amenez, ils nous feront rapport de tout ce qui fera fait 5c paffé , pour fur ce en ordonner ce que nous jugerons utile 5c nccefîaire aufervi^ ce du Roy 5c à l’avantage defes fujets 5c de la chofe publique. Si Prions 5c Requérons les Roys 5c Princes, Potentats, Sei- gneurs, 5c Républiques, leurs Lieutcnans Generaux, Admi- B iij 14 Eftablijfement des François taux, 8c Vice- Admiraux, Gouverneurs de leurs Provinces» Chefs 8c Conducteurs des Gens de guerre, tant par Mer que par terre. Capitaines , Gardes des Ports 8c Havres , V aifteaux* Coftes 8c paffages maritimes, 8c autres leurs Officiers &fu)ecs. Mandons & ordonnons aux Intendans, Lieutenans Generaux &C Particuliers des Siegesde l’Amirauté , 8c autres Capitaines ôc Garde-Coftes, Commiffaires, 8c autres Officiers de la Ma» rine eftant fous noftre pouvoir 8c en l’eftenduë de noftre char- ge 8c jurifdi&ion,laifter librement pafler, aller , venir, defeen- dre 8c féjourner lefdits d’Enambuc 8c du Roftey, avec leurs V aideaux, Navires, 8c Pataches, leurs hommes, armes, mu- nitions, vivres & marchandifes ,& tout ce qu’ils auront pû ga- gner & conquérir fur les Pirates, Corfaires-, & ennemis du pu- blic & de la France , avec leurs prifonniers , s’il y en a , fans leur faire empefehement ny fouffrir leur cftre fait , mis 8c donné » ny à ceux de leur équipage, aucun trouble , ennuy , dérourbier ny empefehement , avec toute faveur , retraite & affîftance. Comme auffi Nous mandons 8c enjoignons aux Lieutenans, Gens de commandement, & tous loldats & matelots qui vou- dront aller audit voyage fous la charge defdits Sieurs dEnam- bue & du Roftey , de leur prefter 8c rendre tout refped 8c «obeïflance comme à leurs Chefsôc Capitaines, fous les peines portées par les Ordonnances j. 8c que nul ne toit receu pour al- ler à ladite entreprife, qu'il ne s’oblige pardevant lefdits Lieu- tenans de l’ Amirauté, ou autres luges en leur abfence , des lieux où fe feront lefdits embarquemens, de demeurer trois ans avec eux ou ceux qui auront charge & pouvoir d’eux pour fervir fous leur commandement, le tout en vertu des prefentes ou vidimus d’i- celles, que nous avons ligné de noftre main, fait contreftgner par l’vn de nos Secrétaires , & fait mettre 8c appofer le feel de nos Armes. Donné à Paris le trente & unième Octobre 1 6x6. Signé, ^Armand Cardinal de Richelieu » & fur le replis, par mondit Seigneur Martin » 8c fcellé en double queue de cire rouge. La Compagnie ayant délivré cette Commiffionânos deux Capitaines , ils partirent de Paris. M. D’Enambucalla au Ha- vre de Grâce , 8c pendant que les Commis de la Compagnie aux &Ant-IJles de Amérique. ij faifoient équipper fon vaifleau appelle IaCatholique,duportde 250. tonneaux , il leva 322. hommes pour mener dans les Ifles. M. du Rofley alla en Bretagne, où ayant levé 110. hommes, il les mit dans les deux Vaiffeaux appeliez la Cardinale & la Vi&oire , fçavoir foixante-dix hommes dans le premier, & Cent quarante dans le fécond. M.Mabire Preftre fe mit avecluy en qualité d’Aumofnier,moyénant deux cens livres de gages; (on entretien aux Ifles Soceluy d’un valet. Sur la fin de Ianvier M* d’Enambuc partit du Havre, & ayant jointM.duRoftcy,cette petite flotte compofécpour la plufpart de pauvres gens ramaflez» & peu accoûtumcz aux fatigues de la mer, fit voile le 24. Fé- vrier 1627. Retour de Mefiieurs dHinambuc & du Rojfey a Saint Chrijlophe , pour y ejiablir la Colonie Françoije : & le partage quils firent de l'Ifie avec les Anglois. I î. 4. LE s quarante-cinq mil livres avancées pour cét embar- quement furent fi mal ménagées, qu'ilsne furent pas deu& cent lieues en mer que les vivres commencèrent à manquer > fi bien que 1 011 fut contraint de retrancher l’eau & le pain; ce qui caufa tant de pauvreté & de maladie, que la plufpart mou- rurent en chemin; Leur trajet fut fi mal-heureux,que depuis que les Ifles font habitées l’on a peu veu de voyage fi plein de miferes & de ncceflité. Apres plus de deux mois de navi- gation , ils arrivèrent le S. de May à S. Chriflophe, au quar- tier delà pointe de Sable. Defoixante& dix qui cfioient dans le bord de M. du Rofley, il n’en réchappa que feize. On dé- barqua cette Colonie avec tant de confufion, & dansvn fi pi- toyable eflat, que la plufpart eftoient à demy morts, &fifoi- blcs, qu’à peine pouvoient-ils fefoûtenir. Les François qui at- j g EBabliJpswcnt des Frein fois tenaient du renfort avec tant d’impatience, turent fort efton- nez de les voir fi peu capables d appuyer le deffem quil avoient pris avec M d’Enambuc d’habiter cette Ifle. La com- paffion qu’ils reffentoient.de leurs extrêmes mfferes crour- Lt toute la joye qu’ils avoient conceu de les voir arriver. Ib leur rendirent neantmoins toute l’afliftance quils purent dans , Nos deux Capitaines ayant divife le relie des homme , qu’une forte conftitution avoit fauve de la mort , Moniteur d’Enambuc fut prendre fon quartier à la Capfterre avec fou monde , biffant le relie à la milencorde de Dieu fouslaçon- duite de M. du Roffey s II en mourut plus de la moitié, tant des uns quedes autres. Vn bon Prellre qui eftoit depuis quel- ques mois avec nos gens dans Saint Chnftophe , voyant tant de miferes , & craignant d’en éprouver encoi de plus fal- cheufes,s'en retourna en France , biffant vive partie de cette pauvre Colonie , autant ou plus delolee pour le Spiutuclque P°Le Capitani^Vvaernard ayant trouvé plus de difpofition en Angleterre au fuccezdefon deffem, queMonfiemdEnam- buc n’en avoir trouvé en France , eut bien-toft forme une Compagnie, de laquelle Milord Karlay fe déclara Chef , de forte qu’il clloit de> arrivé à Saint Chnftophe , & avoitpns fon polie i la grande Rade , avec quatre cens hommes , fams, gaillards , & bien munis de toute forte de provifions. Il îe- ceut nos deux Capitaines avec beaucoup de joye & de civi- lité , & quelques jours apres ils partagèrent la terre de 1 (le de Saint Chnftophe pour enjoint au nom desRoys de Fran- ce & d’Angleterre , félonies Cotnmiffions quils en avoient apportées. Partage J aux Ant-IJles de l' Amérique. 1 7 Tartage des Terres de l'IJle de Saint Chrifiophe , fait entre les Sieurs d’Enambuc & du Roffey 9 pour & au nom de fa Ai ajeflé Très -C ’h retien- ne y & le Sieur Vvaërnard 9 pour & au nom du Roy de la Grande Bretagne. PRcmiercment pour la Baffe- terre, les limites dudit Capi- taine Vvaërnard audit nom , prendront depuis la riviè- re qui fait la moitié du chemin depuis l'habitation de Mera- nar , & celle qu’a fait autrefois le Sieur Chantal , jufqu’à la f ointe de Sable au vallofi di* jardin de Samüel vers le Sud. Et pour les Sieurs Capitaines d’Enambuc & du Roffey au- dit nom , leur partage fera depuis ladite Riviere qui fait ré- paration defditcs habitations allant vers l’Eft ju fqliaux Salines. Pour la Caps-terre le partage dudit Sieur Capitaine Vvacr- nard audit nom , fera depuis le cofté de la riviere Saint Chri- fiophe allant versl’Oüeft, jufqu’à la Café du Vifiolet. Et le partage des Sieurs Capitaines d’Enambuc & du Rof- fey audit nom , fera depuis l’autre cofté de la Café de Saine Chrifiophe allant vers l’Eft jufqifrfKX Salines , dz depuis la Café du Pifolet jufqu’à la pointe de Sable allant vers l’Oiieff. De plus , quelque partage qu’il foit faitcy- deffus , eft en- tendu que lachaffe, la pcfche , les falines , & les Rivières, la mer, les Rades , les mines , les bois de teinture & de prix, s’il y en a , & chemins , feront communs entre les François dz les Anglois , dz s’en pourront fervir , ufer , & accommo- der en commun. Lefquels partages lefdits Sieurs d’Enambuc , du Roffey de Vvaërnard ont promis , juré dz protefté furies Saintes Evan- giles, de fuivre , maintenir dz entretenir fous les bons plaifirs du Roy de France dz du Roy d’Angleterre, dz lefdits Sieurs feront tenus & obligea en faire avertir leurfdites Majeftés r chacun de leur part, pour fur iceux en avoir la ratification >= volonté dz contentement de leutfdicesMajeffez-. Ç t 18 Eftablijfement des François ! Et en outre lefdits Sieurs d’Enambuc, du Roiïey ôcVyaër- nard aux noms de leurfdites Majeftés 6c Compagnie , s obli- gent de fortifier 6c munir ladite Ifle de Saint Chriftophe de tout leur pouvoir > contre tous efforts , delcentcs , 6 c incur^ fions de leurs ennemis publics 6c autres qui voudroient leur donner détoutbier 6c empefehement en ladite poflefiion. f Fait en fille de Saint Chriftophe ce 15. May 1617. en pre- fence de Maiftre Fraffy Miniftre de la parole de Dieu pour la Compagnie dudit Vvaêrnard, Philippes Salomon Interpré- té , 6c Antoine H alton , laçques Vllrey 5 Iean Golin Ser- gent j 6c Meilleurs de Flujriar , le Febure , Chambaut , le Breinl 5 la Barre , 6c Picot> pour la Compagnie des Indes Oc- cidentales de France , 6c ont ligné. Et afin de vivre dans la paix 6c 1 union qui font abfolu- ment mecellaires pour la conlervation des Colonies ? 6c qui pourroient s’altérer par la diverfité de deux nations > cestrois Chefs drçffçrent quelques articles pour fomenter la paix 6c L’amitié eftablie entre eux 6c leurs fujets , les ayant propofe dans la mefme alfemblée > ils les fignerent le mefme jour a la confolation de tous leurs habitans , qui s en promettoient un repos perdurable. Articles faits & accordez, entre les François & • les Anglois de l’IJle de Saint Chriftophe , par les Sieurs d’Enambuc & du FoJJej y & le Ca -* pitaine Evaèrnard, I. T) Vifque les François 6c les Anglois ont conquis parenfem- 1 ble fille de Saint Chriftophe fur les Indiens > 6c que les Roys de France ôc d’Angleterre ont avancé 6c donné leur commiftïons , les vns Sc les autres demeureront Gouverneurs pour lefdits Roys , chacun en leur quartier , fuivant le parta- ge qui en a efté fait entre eux , 6 c porteront les uns 6c lc% autres la qualité de Gouverneurs chacun en leur quartier. auxÀnt-IJles de lAmeriqiie. 19 II. Tous les François qui feront dans rifle ne recevront ordre & ne relèveront que du Roy de France , & des Gouverneurs pre- pofez par fa Majcfté .♦ & les Anglois du Roy d’Angleterre de les Generaux prepofez. III. Nul Navire ne pourra traitter en rifle que par la permif- lion defdits Sieurs Gouverneurs , s’il clt Anglois , le Gou- verneur Anglois donnera l’ordre àc le prix aux Marchandées-: s’il efl: François , le Gouverneur François donnera aufli l’ordre & le prix aux marchandifes ; s’il efl: Flamend , tous les deux enfemble donneront permiflîon. IV. Lefdits Sieurs Gouverneurs ne pourront retirer aucuns hom- mes ou efclaves dans leurs habitations qui ne leur appartiendra, ains s’en tiendront faifis jufqu’à ce qu’ils fe foient donne advis defdits hommes ou efclaves. V. S’il y a courfe à faire dans l’Ifle contre les Indiens, chacun contribuera d’hommes , de bafteaux & d’armes à leur poili- blc. VL S’il fe faifoit defeettte dans l’Ifle par les Efpagnols , au lieu de la defeente vn chacun fera tenu d’y envoyer du fecours plus puiflant que faire fe pourra , Sc s’entre-fecourir de tout leur pouvoir. VIL S’il arrive different entre les compagnons des uns ou des autres , querelles ou combats , les délinquants feront jugez par les François &: Anglois , &: puis renvoyez chacun en fon quartier. c " . VIII. S’il arrive guerre en l’Europe entre les François &c Anglois, pour cela ne pourront lefdits Sieurs fe faire la guerre , s’il ne leur efl: expreflement commandé parleurs Princes ; &C en ca* de tel commandement , feront obligez de s’entre-avertir au- paravant de faire aucun âfte d’hoftilité. Cÿ 2o Efiablijfement des François Fait & accorde en rifle Saint Chriftophe cetreifiéme May 1617. en prcfence &c. comme aux partages, avec les me fines ferments , & obligation de les faire agréer aux Roys leurs Souverains. Si ces deux Colonies font li dilfemblables dans leur efta- bliflement , elles ne le font pas moins dans leur progrez.IIeft vray que toutes deux trouvèrent l’Ifle également dépoütvçûe de vivres couverte de bois ; mais les Anglois qui avoient efté mieux nourris que les noftres dans leurs vaifleaux pen- dant les voyage , ufoient encore de cette fage précaution de ne defeendre jamais de leurs gens àtefre, qu’ils ne leur don- naient en mefme temps des vivres pour les faire fubfifter juf. qu’à ce que les patates les pois qu’ils plantoient , eulfent atteint leur maturité parfaite: au contraire nos François eftant arrivez dans flfle tous malades & extrêmement fatiguez du travail, de la famine, & des miferes, qu’ils avoient fouffertdans ce fafeheux trajet , & eftant contrains par la violence de leurs Commandans, de travailler au fort de la Chaleur , à dé- fricher la terüe pour y planter au pluftoft du Manioc, des pa- tates & des pois , dont il falloit neceffairement attendre la maturité pour en tirer quelque foulagement , mouroient de mifere & de faim , pendant que les Anglois regorgeoient de toutes chofes & ne reffentoient aucune incommodité. Et il eft tres-conftant que la lezine honteufe des Capitaines, des Navires , & mefme des Seigneurs de la Compagnie, ou au moins de leurs Commis, a fait plus mourir de monde à Saint Chriftophe dans ces commencemens , qu’il n’y en a mainte- nant dans les Ifles. Monfieur du Roffey ‘vient chercher du Je cours en France ÿour faire fubfifer la Colonie. §. 5- ' ' N Os deux Capitaines autant affligez que le peuvent eftrç des perfonn.es quf voyent apparament leur fortune rui- née , & qui font à la vpille d’éftre chargez de tout le blâme aux Ant-IJles de /’ Amérique. 1 1 que meritoit une fi mauvailè conduicte , firent promptement repartir les vaiffeaux, chargez de tout ce qu’ils purent amaf- fer de petun , & d'autre? marchandifes. Monfieur du Roffey fut deftiné pour les conduire en F rance , & pour informer la Compagnie de l’eftat pitoyable où la Colonie fe trouvoit re- duitte , afin d’implorer quelque nouveau fecours. II arriva heureufement à Rofcou en Baffe Bretagne ; fî- toft que Monfieur le Commandeur de Razilly eut appris qu’iï efioit defcendu à terre , il Iuy écrivit deux lettres de Mire- beau du ii. & du 14. Odobre de cette mefme année 16 zy. parlefquellesil le conjuroit par tous les plus tendres fentimençs de l’amitié, defe défaire de tout ce’qu’ilauoit, de vendre les ca- nons , le petun , &: les autres marchandifes qui appartenoient à> la Compagnie , &: de le venir promptement trouver pour quelque expédition importante & fecrette qu’il avoit a faire dans les Mers d’Irlande : dans l’vne de fes lettres , que j’aÿ leué , il l’avertit , qu’ayant efté fenfiblement touché au récit qu’on luy avoit fait des miferes qu’il fouffroit à Saint Chri- ftophe , il avoit fait partir vn petit Navire chargé de farines: Ce Navire y eftoit effedivement arrivé ; mais par un mal- heur affez fafcheux , toutes ces farines furent fi gaftées, que nos pauvres habitans n’en receurent que fort peu de fecours. Monfieur du Roffey oubliant les befoins & les miferes de la Colonie, qu’il avoit Iaiffée fur le bord de fa ruï ne , fc I liffa ga- gner aux prenantes follicitations de Monfieur le Commandeur de Razilly; Ce qui fut caufe quelle fouffrit extrçmement. Quelque mois apres eftant retourné de cetce expédition , foir qu’il eut fait fa paix avec les Seigneurs de la Compagnie, ou qu’on le crût neceffaire , il fut renvoyé à Saint Chnftophe dans le mefme vaiffeau fur lequel il eftoit venu , appellé la Cardinale , avec un autre F liber équippé aux (frais de la Compagnie , laquelle employa la fournie de 3500. livres à cet embarquement. - Ce renfort dé cent cinquante hommes quelle en voyoit aux, Iftcs, & qui eftoit preft à partir de France dés le mois de Fé- vrier , n’arriva à S. Chriftopfie que vers la Pentecofte , une partie de ce fecours mourut en chemin , 5c prefque tous le? C îij 12. Eftablijfement des François autres defcendirent des v ai (Te au K fi malades Se Ci fatiguez qu’on n’en tira que fort peu de fer vice. Cependant la Colonie Angloife s’augmentoit notablement &C comme une ruche trop pleine jette fes efîeins dehors, ainfi les Anglois envoyèrent une petite Colonie dans 1 lue des Nieves; voifine de celle de Saint Chriftophe , tandis que la plufpart de nos François periffoient par la faim & par les ma- ladies , eftans réduits à deux cens hommes , de cinq cens & plus qu’ils dévoient effre dans rifle. , Ils ne fe contentèrent pas pourtant de ce nouvel etablifie- tnent,mais prenant occalion de profiter des mal-heurs &des rui- nes d’vne Colonie fi affligée & fi dcpourVeuë d’hommes &c de fecours , ils murmurent , ils fe plaignent , & crient tout haut qu’il n’eft pas raifonnable qu’vne fi chetive Colonie les em- pefche de s’étendre au de- là des bornes qui leur choient pref- criptcsparle partages Monfieur d’Enambuc ne pouvant en- tièrement s’oppofer à leur violence, ht tout ce qu il pût pour adoucir les chofes , il leur reprefenta que les Ordres du Roy fon Maiftre l’empéchoient de confentir à cette infraftion ma- mifehe 'du traitté paffe entre les deux Nations , qu’il y alloit de fon honneur de ne le pas fouffrir , & qu’il periroit plûtoll avec fes gens que de permettre qu’ils avançaffent d un poulce fur les terres du partage des François. Mais les Anglois faifant inftance fur le petit nombre d’hom- mes qui luy reftoient, lefquelsfans un prompt fecours alloient miferablement périr auffi bien que les autres , -il fe comporta avec tant de prudence dans cette affaire , ménagea fi adroi- tement ces efprits altérez , qu’il leur fit promettre de ne rien attenter fur fes limites , jufqu’à ce qu’il eut fait un voyage en France, pour propofer au Roy & aux Seigneurs delà Com- pagnie leftat déplorable où fa Colonie eft oit reduitte,& pour apprendre là deffusleur volonté Sdeur refolution. Surlaparol- le qu’ils luy donnèrent, il s’embarqua pour la France, laiffant le gouvernement de toute la Colonie aux foins de Monfieur du Roffcy. aux Ant-IJles de l'Amérique. JMonfeur d'Enambuc vient en France expo fer les miferes de fa Colonie , d ou j\donfeur de Cu - fac conduit a Saint Chrifophe un fecours très - confderable , avec lequel les François repoujfent les Anglois dans leurs limites anciennes apres un grand combat . §. 6 . A Peine fut-il debouqué des Ifles, que les François receu* rent un fecours inefperé par l’arrivée d’un Navire de Zc- lande , chargé de vivres, d’ctoffes , & de toute forte de den- rées neceffaircs dans les Ifles ; le Capitaine de ce vaiffeaa > ayant trouvé que le Tabac eftoit excellent & bien condition- né , traitta avec eux de les marchandifes , leur en donna mef- me quelque partie à crédit ,les encouragea au travail, les con- fola dans leurs miferes , & les pria de luy préparer quantité de tabac , leur engageant fa parolle de retourner dans fix mois, &: de leur apporter des vivres , êc toutes les choies dont ils a voient befoin. Nos François fe voyant fecourus fi à propos dans leur ne- ccllité par les Etrangers , reprennent courage , fe remettent à défricher la terre , d planter des vivres , à cultiver quanti- té de petun , à baftir des Cales. Tous foibles quils font, ils fe maintiennent le mieux qu’ils peuvent contre les ufurpa- tions violentes des Anglois , qui fe fervant deloccafion & de leur petit nombre , s’étendirent infcnfiblement en plufieurs endroits au de-là des bornes éc des limites qui leur eifoient marquées dans le partage , contre la parolle donnée à Mon- fie.ur d’Enambuc , d fon départ pour la France j mais nonsles verrons bien-rofl contraints de fe retirer chez-cux a leur hon- te , & d leur condition. Pendant que Monfieur d’Enambuc cft en mer , no lire Co-‘ lomc reccut un nouveau fecours, par un Flibot François comd 14 1 EflaUtJfementdes François mandé parle Capitaine Volard, que la Compagnie avoit fait partir avec fix - vingts hommes leves des neuf milles livres quelle fournit par une deliberation du vingt-neuf Mars. Ce fecours ne tes réjoüit pas beaucoup , car les perlonnes quon débarqua n’eftoient pas en meilleur eftat que ceux que Mon- fieur du Rolfey leur avoir amenez ; plus de trente quieffoient comme agonifans , n’ayant pas la force de fe traifner dans quelque café , furent inconfiderement laifTez fur le bord delà mer ; & perfonnene s’effant mis en peine de les aller quérir le foir , ils y furent mangez par les Crables , qui eft oient pour lors defcenduës des montagnes en une fi prodigieufe quantité > qu’il y en avoit des monceaux aulli haut que des cafés par deffus ces pauvres mifèrables : huit jours apres il ny eut pcrfonne qui ne fut faifi d’horreur en voyant leurs os fur le fable , tellement nets, que les Crables n’y avoient paslaifîéun feul morceau de chair. Monfïeur d’Enambuc arrivé en France fit un narre ndele a Moniteur le Cardinal de Richelieu , aux Seigneurs de la Compagnie, de tout ce qui fe paiïbit à Saint Chriftophe , &C il leur reprefenta fortement que fi la Colonie n effoit puiffam- ment affilée , que tout ce quils avoient avance pour 1 établir feroit affeurément perdu ; il leur fit voir quil y alloit de la gloi- re de la France de maintenir fa Colonie dans la mefmcfplen- deur que l’Angleterre entretenoit la fienne,quc leur extrême foibleffe leur faifbit fermer les yeux à- une infinité d infblences qu’ils foudroient de cette orgueilleufe Nation , qui tiroit avan- tage de leur mal-heur. ' Monfieur le Cardinal touché au vif des infultesdes Anglois». & fur l'advis fecret qu’il receut que le Roy d’Efpagne avoit donné ordre à D om Federic de Tolede, Admirai , d’une puiffan- te flotte qu il envoyoit au Brezil, de paflér par 1 Ifle de Saint Chi-iftophe, pour en chafFer par force la Colonie Françoife, apres pluficurs afïemblées , refblut avec la Compagnie d y envoyer un puifTant renfort & d’hommes & de VaifTeaux, ca- pable non feulement de conferver la Colonie, de la deffendre- & de la maintenir ; mais encore de dompter les Anglois , les ré- duire par les armes aux termes du Traité de l’année ïèzy. & r aux Ant-IJles de /’ Amérique. ij de les repoufler dans leurs limites anciennes. Pour cét effeét, il ordonna qu’on équipai! promptement lix grands Navires du Roy, la Patache appellée la Cardi- nale, montée par Moniteur d’Enambuc, une fécondé Patache de cinquante tonneaux appartenante à Moniteur de Pompier- re commandée par luy-mefme , 8c un VailTeau marchand armé en guerre, fe joignit à eux. Trois cens hommes levez aux frais de la Compagnie pour eftre débarquez à Saint Chrifto- phe, furent mis fur les Navires. Cette flotte qui eftoit comman- dée par Moniteur de CufacChef d’Efcadre, que fa valeur 8c fon expérience rendoient digne de cette Commiflion.Mais com- me tous les embarquemens trailhent pour l’ordinaire en de grandes longueurs, à caufe qu’ils dépendent de beaucoup de perfonnes 8c d’une infinité de chofes differentes , cette flot- te ne fut en eftar de partir qu’au mois de Iuin de l’année 1629. 8c n’arriva à l’Ifle de Saint Chriflophe que fur la lin d’Aouft. On peut mieux concevoir, qu’exprimer, la joyeque toute la Colonie relfentit à l’arrivée d’un lî puiflant fecours ; nos Fran- çois fe trou vans en elïat parce renfort de recogrier les Anglois iufques dans leurs limites, coururent aux armes, reprefentant a leurs Chefs qu’il falloit avoir raifon des outrages qu’ils avoient receusde cette nation. On a beau leur remontrer que les enne- mis font deux fois plus forts en nombre d’hommes & de Na- vires qu’eux ; ils répondent qu’ils ne le font pas en armes 8c en valeur; en effeét, les Colonies Angloifes font pour l’ordinaire compofées de pauvres ferviteurs 8c fervantes engagées pour feptans, plus propres à larder des jardins, à émonder le Co- ton, & à éjamber le Petun,qu’à manier des armes. Moniteur de Cufac voyant la genereufe refolution des liens, 8c ne voulant pas laifler ralentir l’ardeur de leur courage, en- voya fommer le Capitaine Vvaërnard par un Trompette, qu’il eut incelfamment à ratifier le Traitté fait en l’an 1627. entre les deux Nations, à retourner dans fes limites , 8c à rendre aux François toutes les terres qu’on avoir ufurpé fur eux depuis le départ de Monfieur d’Enambuc. L’Anglois demande trois jours pour délibérer fur fa propolition, c’eftoit pour gagner temps I. Partie. D 1 6 Eflablijfement des Fr an çois afin d avertir les Capitaines de dix Navires de fa Nation qui eftoient à la rade, de luy donner fecours. Mais Monfieur de Cufac, qui fedoutoit defon deflein, répondit qu’il n’a voit pas un quart-d’heure de temps à luy donner, qu’il luy dedaraft promptement Ci volonté , 8c que s’il tardoit un moment à luy accorder ce qu’il luy demandoit, il alloit livrer combat à dix Nivires qui eftoient à la colle. Vvaërnard différant un peu trop à faire fçavoir fa refb- lution , Monfieur de Cufac level’anchre, fait arborer fon pa- villon de combat, 8c ayant donné le lignai à fa flotte delefui- vre, alla fiirieufement attaquer les Navires Anglois, ils ne furent pas furpris de la refolution , mais le recourent en gens de cœur;& ces deux petites armées s’eftant meflées l’une dans 1 autre, elles commencèrent un combat fi fanglant 8c fi opiniaftre, qu elles lurent trois heures entières aux mains, làns qu’on pût dilcerner parmy la fumée 8c les tonnerres de leurs canons, au- quel des deuxpartis la viétoire demeureroit.Enfin apres un grand carnage des Anglois, Monfieur de Cufac s’eftant rendu maiftre de trois de leurs Navires , trois autres s’eftant allez échoüer à la cofte, 8c Je refte s’eftant lauvé par la fuite, noftre Admi- rai demeura pleinement victorieux, n’ayantperdu quefortpeu de gens , entre lelquels Monfieur de Pompierre fut extrême- ment regretté de toute la flotte 8c de toute la Colonie, pour fes rares vertus ; c’eftoit un Gentil-homme d’un bel efprit, d’un grand courage , 8c fort entendu au faiét de la Marine. Les Anglois voyant avec douleur le delavantage que leurs Navires avoient receu , s’imaginèrent qu’il y avoit plus de huiét cens hommes dans les Vaiflêaux François, 8c craignant avec raifon, qifils ne pouflalîent trop avant leur viétoire , 8c qu’ils ne fe joigniflent à ceux qui eftoient à terre pour leschafferde lifte, cederent à la neceflité & à la force; ils envoyèrent le fils de leur Capitaine A^aërnard , jeune Gentil-homme bien né, 8c fort aymé des François, à Monfieur de Cufac, l’afleurer qu’ils luy alloient donner toute forte de fatisfaétion, que les Anglois fe retireroient dans leurs anciens poftes, qu’ils reftitueroient les terres qu’ils avoient empietées, avec proteftation de ne les in- quiéter jamais dans la poffeflion de ce qui leur eftoit éçheu en aux èAnt-IJles de l'Amérique. 17 partage par le traitté fait entre les deux Nations, ce qu’ils exc- curerencavec autant de promptitude que de fidelité. Monfieur de Cufacayant hautement remis les François dans lapofTeflion paifible de leurs terres, renouvelle lVncien Traitté avec les Anglois, &: pacifié toutes chofes, prit refolution d'al- ler habiter TI fie de Saint Evjlache , qui n’eft qu’à trois lieues de Saint Chriftophe. C’eft une petite Iflc la plus forte d’afîiette que j’aye veuë dans les Ant-Ifles de l’Amerique : il y fut, il l’a confidcra , &: jugeant ce pofte très -avantageux à la Nation Françoife, il fit baftir un fort en fa prefence ,qui eftceluy que les Hollandois poffedent aujourd’huy, à l’entour duquel il fit faire par fês gens une fort belle habitation. EnpafTant dans cet- te Ifle, j’y ay trouvé des vieux babitans François qui eftoient avec Monfieur de Cufac quand il l’habita. Il eft probable que nos François l’ont abandonnée à caufe quelle n’a aucune riviè- re, ny fontaine d’eau douce , les Hollandoisy ont remédié en y faifànt d’excellentes cifternes. Pendant que Monfieur de Cufac faifoit travailler à fon ha- bitation, l’impatience prit à un de fes Capitaines , nommé Gi- ron, homme violent & difficile à retenir, il appareilla lanuiét, & quitta l’Admiral fans fon congé pour aller chercher fortune; cette dangereufe delobeiffance mit Monfieur de Cufac tout à fait en colere. Neantmoins luy-mefme quelques jours apres voyant que cette flotte d’Efpagne pour laquelle il avoit efté principalement envoyédanslcs Ifles, neparoifîoit point , crut qu’infailliblemcnt elle avoitpaffé avant le vent, &queparcon- fequent il n’cftoitplus neceffaire à Saint Chriftophe ; dans cet- te penféeil permit aux autres Capitaines de fonEfcadre de cou- rir le bon bord , & luy-mefme alla chercher fortune vers le Gol^ phe de Mexique. Dîj 2.8 EJlabltjJ'ement des François , • : ni; ‘ ! i ' y. tt Dom Federico de x Dole de allant au Brejil , pajfe par Saint Chrijlophe avec une pmjfante armée, pour en chajfer les François & les Anglais. Leur combat & la mort glorieufe de Aîonfieur du Parquet. §. vu. PEudant que cette flotte difperfée croife la Mer , & cherche bien loin les Efpagnols pour s’emparer de leur richefles ; nos François de la Colonie vivant en bonne intelligence avec les Anglois, croyoient n’avoir plus d’ennemis à craindre; chacun ne fongeoit plus qu’à planter des vivres & du Fetun fur fon ha- bitation, lors qu’à la fin d'Oétobre, Dom Federic de Tolede Admirai d’une Armée Navale compofée de trente -cinq gros Gallions & de quatorze N avires marchands armés en guerre, que le Roy d’Efpagne envoyoit au Brefil contre les Hollandois, arriva à Sainét Chriftophe- En paflànt à l’ifle des Ntéves, ilavoit enlevé d’emblée trois ou quatre Navires Anglois ; & comme il eut détaché un de fes Gallionspour en pourluivreun autre, çeluy-cy fè trouvant trop foible pour un fl puiflant ennemy, fe vint échouer fous la forterefle des François , que Monfieur du Rofley avoit conftruite au commancemetit qu’il arriva dans l’Ifle. Sur le foir toute la flotte d’Efpagne mouilla l’ancre à deux portées de canon de la forterefle ; l’Admirallafalüa de cinq vo- lées de canon fans balles, &en mefme temps il fit partir 1a bar- que avec le pavillon blanc. Soit que Monfieur du Rofley prit cette civilité pour une bravade Elpagnole , & pour une mful- te faite aux armes de France ; foit quil jugeaft qu’il devoittout craindre d’un ennemy puiflant, il fit tirer fur elle trois coups de canon à balle, &. dépefcha un homme expiés à Mon- fieur d’Enambuc qui commandoit à la Capfterre , & un autre au Capitaine Vvaernard General des Anglois, pour les avertir de l’arrivée de cette flotte ennemie , & du preflant danger o ù aux Ant-IJles de t Amérique. 19 les deux Nations fe trouvoient expofées, afin que l’ub & l’autr* luy envoyait quelque puiffailt renfort. Le fecours qu'il en rcceur fut bien different. Monfieur d’E- nambuc ne voulant pas tout à fait dégarnir fon quartier, neluy envoya que cent ou fix vingt-hommes fous la conduite de Mon- iteur du Parquet fon Neveu, Capitaine d’une Compagnie : Les Anglois, qui eftoient en beaucoup plus grand nombre luy en envoyèrent fept ou fiuiét cens. Avec ce fecours, h^onfieurdu Roffey travailla toute la nuiffà fe retrancher le long de lac ofte, &c en paffi une partie à difpofer fes gens au combat pour le len- demain. A huid heures du matin , Dom Federic de Tolede voulant executer l’ordre du Roy fon Maiftre; qui portoit qu’il eut à faire fortirles François & les Anglois de l’IHe de Saint Chrifto- phe, fit defeendre une partie de fes foldats dans des chaloupes pour mettre pied à terre, fous la conduite d’un Capitaine Ita- lien fort eftimé, & tenu pour le plus expérimenté à faire dés defeentes, qui fût dans fon Armée : ildefcendit avec fes fol- dats à deux portées de moufquét du retranchemenrdes habi- tans, il s’y for tifia aufii-tolt ;& ne trouvant perforine qui s’op- pofaff à fon deffein, il travailla à un fécond retranchement, tk. gagna pied à pied jufqu’à celiiy des noftres. L’Admirai qui s’apperceut de fon Vaiffeau d’un fi heureux fuccez, fit par- tir trois chaloupes de chaque Gallion , chargées de les meilleurs foldats pour defcehdre à tetre à la faveur de cette terraffe. Monfieur du Parquet honteux de l’irrefôlution deMohfîeur du Roffey , qui laifioit avancer les ennemis fans les combatre, & voyant que fa crainte décourageoit tous lés foldats , creiit qu’effant neveu dugrandd’Enambuc,ily àlloitde fon hônneur, de s’oppofer aux Espagnols , quand méfme il devroit perdre la vie en cette occafion. Tout ertibtazé de ce beau feu, il abor- da Monfieur du Roffey avec ces paroles que j’ay fou vent oüy repeter à un de fes foldats qui le mivi't partout. Quoÿ, Mon- fieur, endurerons- nous que ces ennemis triomphent de nous fans les combatre ? Sôuffrirohs-fious qu’ils nous égorgent fins frire rcfifiance ? fera- t’il dit que lés Espagnols attaquent les 30 jzjiablijfement des François François fans éprouver leur valeur ? Allons , M onfieur , mourons avec honneur, ou empefehons qu’ils ne-nous challent. Mon- fieuiv du Roffey encouragé par la genereufe refolution de ce jeune Capitaine, luy commanda daller attaquer l’ennemy ,luy promettant de le féconder de toutes fes forces : la Compagnie de Monlieur du Parquet fuivit fon Capitaine, mais ce futavec un regret d’aatant plus julle qu’ils voyoient là mort inévita- ble. Avec cét ordre il fortit de fon retranchement, & mit le pied fur la terraïfc des ennemis , &; fondant fur eux telle bailfée, apres avoir tiré fon moufqueton , il le jetta à la telle de ceux qui fe prefenterent à luy: fes deux pillolcts luy ayant manqué, il mit la main àfépée, faifant main balle pat tout , il tué autant de foldats qu’il en rencontrej& voyant plier les plus hardis, il fepro- mettoit déjà de chalfer les Efpagnols; en efiFed fi fon monde n’eut pas manqué de cœur , il leur eut fait abandonner leur polie ; mais fes gens furpris de la terreur panique, qui avoit tellement faillies Anglois,que leurs Officiers ne les purent jamais faire avâcer, s’en- fuirent honteulement,en forte qu’il ne luy relia que trois homes, un delquels nommé IaChénaye , qui elloitfon Caporal, fut tué à fes collez. II ne perdit point courage en cette extrémité, &: voulût fe fignaler par quelque adion c5fidcrable,auparavât quede mou- rir, il attaqua le Capitaine Italien , qui conduifoitles Efpagnolsj &: apres quelques ellocades portées de part & d’autre , noltre jeune Héros luy palfa fon épée au travers du corps & le tua fur la place. Enfin apres avoir fait tout cequ’vn Alexandre auroit pu fai- re en pareille rencontre, les forces luy manquant avec le fang, plûtofl que le courage, il tomba par terre percé de dix-huid coups, dontle dernier fut un coup de pertuifane dansle collé. \ Il fut tiré de la tranchée ennemie avec les crochets de$ halle- bardes de deux Sergens, & porté dansle Gallion deDom Fe- deric de Tolède , où il vécut dix-huid jours, comme celuy qui rapporta fon Tellament Ta déclaré depuis. Ce genereux Ad- mirai luy rendit pendant ce peu de vie toutes les alfilfanecs qu’il crut devoir à fa valeur , il le fit foigneufement penfer; mais le coup de pertuifane < luy caufoit de liexcelïives dauleurs> aux Ant-Ifies de l'Amérique. ^ que jamais il n’y pue fouffrir d’emplaftre , il les arrachoitauffi- toft qu’elles eftoient appliquées ; Âpres fa mort il fit faire fes obfeques avec les mefmes ceremonies qui s’obfèrvent parmy ceux de fa Nation, à l’endroit des Admiraux & desperfonnec les plus confiderables. X X Onfieur du Rofley voyant Monfieur du Parquet, qui J,VJeftoit les dclices du peuple, tombé tout couvert de blcF fûtes ; que fa Compagnie I’avoit abandonné , que les Anglois vouloicnt s’enfuir, craignant que l’Efpagnol leur refufaft quar- tier; ayant pris le premier l’épouvante, eftonna fes fbldats par fa frayeur, & criant tout haut qu’il fe falloit fauver, s’embar- qua avec une partie de fes Officiers & fe fauva à la Capfterrc, laifiant fur le Fort le pavillon François. Tous les foldats lefui- virent par terre , & s’enfuirent avec tant de crainte & de pré- cipitation, qu’ils jetterent leurs bandoüillieres & leurs moufquets par les chemins, afin de mieux courir. A leur arrivée ilscrierenr que tout eftoit perdu, que I’ElpagnoI les pourfuivoit , qu’il fe falloir promptement embarquer dans les deux Naviresquieftoientàlarade,&abandonnerrifle. M. d’E- nambuc tafeha de les raffeurer, leur remontrant l’avantage de fon pofte , & le peu d’apparence que les ennemis entrepren- nent jamais de faire huiét lieues de chemin difficile, & au tra- vers des bois, où on leur pourroit dreffer de fafcheufesembuf- ches, & pour conclufion il Icurreprefenta qu’il leur feroitplus honnorable &plus advantageux d’expofer genereufementleur vie pour le fer vice du Roy, /que de faire une fi honteufe rerrai- Chriflophe pour fe réfugier dans celle dt Antigo a. Monfieur du RoJfej retourne en France. §. iv. ^2, EJlabliJfement\des François te. Monfieur dit Rofley demanda qu’on aflembla le Confeil de guerre fur une affaire de cette confcquence , fa brigue ayant efté la plus forte , il fut refolu quon abandonneroitl Ifle de Saint Chriffophe pour aller habiter celle dl^ntigoœ , & qu’on poignardcroit Monfieur d’Enambuc au cas qu’il n’y voulutpas eonfentir. Cét affligé Gouverneur eflant contraint de ceder à la force de ces timides, &aux larmes defesamis qui apprehen- doient quelque chofe de fanglant pour fa perfonne , toute la Colonie compofée d’environ quatre cens hommes s’embarqua dans les Navires du Capitaine Rofe èc du Capitaine Liot ,qui eftoient pour lors à la rade de la Capfferre. Les Anglois voyant que les Efpagnols s’eftoient faifis de la forterefle du quartier des François, compoferent avec eux, s’offrirent à quitter rifle, pourveu qu’on leur fournit des Na- vires pour les tranfporter ailleurs. Dom Federic en fit em- barquer le plus qu’il pût dans les quatre Navires qu il leur avoit pris en arrivant , & les fit partir en fa prçfence pour 1 Angle- terre, le reffe promettant d’en faire autant au premier jour. Les Efpagnols ayant vifité tous les quartiers de fille, 5c recon- nu qqe les François l’avoient abandonnée , prirent les huiét piè- ces de canon qui leur appartenoient, s embarquèrent fur leur Gallions , menaçant les Anglois de ne leur point donner quar- tier s’ils les trouvoient dans l’Ifle à leur retour. Retournons à noftre pauvre Colonie qui flotte fur les eaux de. la Mer, comme Moyfe dans fon berceau fur celles du Nilr elle eff conduitte par les foins d’une eternelle Providence, qui la retirera de fes mal-heurs par des évenemens inefperez , &la. fera forgir à bon port. Comme cét embarquement avoit efté précipité A impreveu,. ces quatre cens hommes embarquez dans deux Navires qui n a- voient des vivres que pour leur équipage, furent en peu de temps réduits à cette rigoureufe extrémité que denauoirplus qu’vn verre d’eau, & la pefanteur d’une balle de moufquet de bifeuit, par jour. Ils furent trois femaines en Mer dans ce pi- toyable effat, battus de vents contraires* deux foisexpofez à d’horribles tempeffes, fans pouvoir atteindre l’Ifle d'^ntigoa qu’ils vouloient habiter i. mais Dieu qui en avoit autrement or- . donné,. aux Ant-IJÏes de l Amérique . >> donné dansles decrets de fa Providence, permit qu’ils fetrouve- rent dans l’Ifle de Saint Martini éloignée de huid lieues de celle de Saint Chrirtophe , lors qu’ils penfoient avoir fait quatre- vingts ou cent lieues. ^ S’edant reconnus ils gagnèrent cette Ifle;& comme ils eftoient pic cz de Iti deinicre nccc/îîtcj chacun âllj. proixiptemcutclier- cher à boire & à manger: par mal-heur ils ertoient defeendus à endroit le plus fcc & le plus ftenle5& ny trouvant ny ri- vieres ny fontaines, ny marrés d’eau-douce pour fe defalterer, ils creuferent des puits dans le fable , d’où ils tirèrent de l’eau à moi- tié falée : telle quelle ertoit chacun en but avec delice ;& quel- ques-vns qui en prirent un peu davantage que les autres crevcrent & moururent fur les puits. * Nos deux Capitaines ertoient demeurez dans le Navire du Capitaine Rofe , extrêmement affligez de voir périr une Co- lonie qui leur avoir courte tant de Tueurs & de peines. Monfieur duRoÜey ne voyant aucun remede pour empefeher fa perte, fe refolut de tout abandonner ; il débaucha quelques Officiers, & contre le gré de Moniteur d’Enambuc, il fit appareiller le Ca- pitaine Rofe pour revenir en France, où fi-toft qu’il fut arrivé. Moniteur le Cardinal de Richelieu le fie mettre à la Bartillc, où il a demeuré long-temps. Les pauvres habitans voyant le Capitaine Rofe party, cru- rent qu’ils eftoient tout à fait abandonnez de leurs Chefs, s’i- ™a&Lnant qu’lIs s’eftoient tous deux embarquez dans Iemefme VailTeau.IIs eurent recours aux larmes & aux regrets,&pafrerent toute la nuiét dans une trirtelfe qui n’eft pas concevable. Le jour venu, ils furent furie bord de la Mer continuer leurs plein- tes, où par bon-heur ils découvrirent la barque du Capitaine Liot, qui eftantallé chercher des vivres s’eftoit échoiiée fur un banc proche de terre: le Pilote de cette barque les confola, & les alieura qu’iln’y avoir que Monfieur du Rolfey de party, & que Monfieur d’Enambuc ertoit dans le Navire de fon Capi- taine en refolution de mourir avec euxj la joye qu’ils conceurent de cette agréable nouvelle fut fi grande, qu’ils fe mirent tous à tirer leurs pirtolets & leurs fufils en l’air, pour témoigner leur fi- tisfadion, car ils aymoient tendrement ce brave Gentil-homme. I- Partie. £ . a EJtablijf ornent des Franc ois Monteur d’Enambuc affeura leur joye par- fa prefence; & âpres avoir relevé le courage abbatu de ces pauvres defefperez, lUlfembla fon Confeil, où il fut encor une fois refolu daller habiter l’I te d '^Anugoct. II s’embarqua avec cent cinquante hommes dans le Navire du Capitaine Liot , laiffant le relie de la Colonie dans Saint Martin, à l'iAngmlle& a .Saint avec promete de les envoyer quérir auffi-toft qu il auroit pri terre dans l’Ifle d Unti*oa. Apres trois ou quatre. ©-ation allez fafeheufe , ils y abordèrent heureusement, & p r un trait de la Providence ils y rencontrèrent le NavneduCa pitaine Giron qui y prenoit des eaux. Ils vifiterent cette lie de tous collez, & l’ayant trouvée mal faine, marefeageuf , difficile à habiter , ils prièrent inftamment ce Capitaine dele conduire à flfle de Monferrat , habitée des Sauvages qui y avoient abondance de vivres: ce qu fl fit tres-volontiers , îen- aife de trouver occafion de rendre quelque fer vice a la - me ( pour laquelle il eftoit party de France ) qui put . effacer la faute qu’il avoit commife abandonnant fon Admirai an permiffion. Retour de la Colonie Françoife en i Ifie de Saint Chrifiofhe , ou elle fe remet en poffefton dejes quartiers mal-gré la refi fiance des Anglois. §. ix. LE Capitaine Giron ayant déjà rendu ce bon office aux habitans de la Colonie, crut qu’il n’en falloit pas demeu- rer là, mais qu’il devoit achever la chofe dauffi bonne grâce qu’il l’avoit commencée. II partit donc pour aüci recon- noiftre en quel eftat eftoit l’Ifle de Saint Çhriftophe ; a fon arrivée il trouva que les Anglois refolus de fe mo - quer de la parole qu’ils avoient donnée a lEfpagnoI, en eftoient demeurez les maiftres , n’eftant reftê avec eux que vingt -cinq ou trente François, qui.s’eftoient fauvez dans aux Ànt~IJle$ de l 'Amérique, $5 ies bois lois de la déroute delà Colonie. Aulfi-roft qu’ils l’eurent reconnu , ils envoyèrent vn Capitaine dans une Chalouppe, Juv e endre de mettre pied a terre & d’y delcendre perlonne. Ciron qui ne manquoic point de cœur , répondit puis qu’ils i,traitt0iCntd€nncmy’ ^ a^°it commencer luy-mefine les a «fies d noltilité; S^enmefmetemps il attaqua deux Navires Anglois qui cftoient a la rade , fans leur donner le loilîr de le recon— noiftre ; & apres les avoir fort mal-traittez à coups de canon, 1 sen 1 endir maiftre : avec ces deux prifes il vint mobilier 1 ancre proche d’un troiliéme VailTeau beaucoup plus grand que es eux autres , jurant menaçant que s’il Jtiroit un leul coup de canon , il le coulerait à fond. n uitte de cette petite vi&oire, il envoya promptement une de les prifes a llfle de Monjerrat , & l’autre aux Illes de Saint M*nin?dc Langui lie & de Saint Berthelemy , pour ramener tous CS|i r^nÇ°*s 1 de Saint Chriftophe. Cette bonne nou- vc e urpiit agréablement nos habitans, quin’attendoient rien ™°in j <îu _un j1 heureux fuccez d’une affaire en fi mauvais eftat 1 e efperee. Ils en pleurent de joye , & apres mille actions de grâce rendues à Dieu, ils partent de Monferrat &des au- ^rcs cs> Pour retourner à Saint Chriftophe, aufti contensque les liraêhtes quand ils forcirent d’Egypte. Giron voyant fes deux Navires arrivez, chargez de toute la colonie , qui eftoit encor compoféc de trois cent cinquante hommes , tous bons foldats .& bien armez, parla plus haut qu auparavant ; & Monfieur d’Enambuc fit avertir les An- glois, qu ils euftent à laifTer defeendre fon monde, avec me- naces de leur paiïer fur le ventre s’ils faifoient la moindre re- 11 fiance. Quoy que les AngloisMbnt en beaucoup plus grand nombre, que lesnoftres, neantmoinsn’eftant nas aguerris, & la plupart n ayant point d’armes, fe fournirent à tout ce que les Kançois voulurent j Si bien que Monfieur d’Enambuc refia- bht la Colonie dans Saint Chriftophe, trois mois après quelle en eftoit fortie. Il fe faifit de fes anciens poftes , 6c tous les particuliers rentrèrent dans leurs habitations : ils y trouvèrent beaucoup de vivres plantez, une partie de leurs cafés en bon citât, fournies de meubles & d’outils propres à cultiver la ter- E ij ■m il !Si!i . ^ , EftMfferrmt des François ■ 3 d’autarWt|ue les Efpagnols '.n’ayant pas deffein de s’efta- Lv Y Me mais d’en cbaffer ceux qu’ils y trouveraient» S» cernez de brûler quelques cafés, « d’emporter «“jugèrent de plus t^K de plus preaeux. La Colonie affligée de la famine eft fecoumè par un Navire deZeUnie. Skcle à or des Habitant. Tendant les entreprifes des Anglais, à cultiver le tabac pour £er des s'era retourner en France i J» C1ft nf fi découlez de tant de mal-heurs, qu’il y en eut quel- "Ïi^rent leurs vivres pour avoir plus de terre à PxanCervfnt toTchangéderefoIutionfiX mois après, ils com- Mais ayant tou f | yivtcs _ . fouffrir plus que jamais» rraCfamfneaefto,tqdéja .fi grande qu’ils ^ Tl">2 vin, de la viande, des chemifes.des eftoffes, aux Ant-IJles de t Amérique. j y & generalement tout ce qui leur eftoit neceffaire à fix mois de crédit , fe contentant pour le prefent du petun qu’il trouva fait dans l’Ifle; il le vendit fi bien en Zelande, que plusieurs Marchands de Flelfingue Sc d’Hollande prirent deflein deve- nir trafiquer en l’Ifie de Saint Chriftophe,- ce qu’ils ont tous- jours continué depuis , non feulement là, mais encore dans les autres Ifles ; Ils y ont envoyé tant de Vaifleaux qu’on n’y a manqué de rien} &il eftvray de dire que fans le fecours que nos Colonies ont receu des Hollandois, elles n’euflent ja- mais fubfifté ; mais aulfi il faut avoiier qu’ris en ont tiré toute la crefine & le profit, & que tous les grands biens prove- nus du commerce qui devoir enrichir la France leur font de- meurez. Les habitans avec ce fecours ne fongerent plus qu’à fè bien eftabJir -, vivant fous lafage conduite de Monfieur d’Enambuc, avec tant d union &: dans une fi parfaite intelligence, que tout efioit commun parmy eux; ils a voient un bon Preffre vérita- blement louable pour fon zele & pour fa pieté , qui prenoit beaucoup de peine à fecourirles malades ,& à leur adminiftrer les Sacremens; maisefiant feuldans l’Ifle, il ne pouvoit fuffir pour les deux quartiers, comme il auroit elle neceflaire pour leurs befoins &c leur confolation. Les François eftoient divifezpar Compagnies , chacun dans fon quartier travailloit à reparer les forts, Sc en conftruire de nouveaux, & à faire des marchandifes , qui confiftoient en ce temps-là en Petun , en Coton , en Roiicou , & en Piment , perfbn- ne n ayant ny les forces ny l’invention d’y faire du fucre , de / Indigo , ou du Gingembre. Il ny avoit point de luge dans rifle, Monfieur d’Enambuc terminoit luy feul les differens qui pouvoient nailtre , avec tant de prudence ,que tous fe foûmettoient à fes Ordonnan- ces avec autant de j oye que de refped. Ceux de la Colonie vivoient dans une fi parfaite union les uns avec les autres, qu’on n’avoit pas befoin de Notaires , de Procureurs, ny de Sergens:on croyoit autant à la parole d’un homme, qu’à toutes les écritures des Notaires & des Tabel- lions. E iij Eflablijfement des François Les Anglois portant envie au bon-heur de nos fiabitans , s ef- for.cerent deux ou trois fois de les inquiéter : leur petit norn- bre ( eltans pour lors réduits a trois «cent foixante hommes) le fouvenir de l’affront quils avoient vreceu de Monfieur ne CufaCj & la neceffité de s’efiendre ( fe voyant cinq ou fix mil- le perfonnes dans d’étroites limites ) furent les fujets des en- treprifes qu’ils firent ; mais nos François les repouflerent avec tant de vigueur en une furieufe rencontre , qu ils leur firent perdre la volonté d’empieter fur eux : I ay mefme apris du Sieur d’Orange , qui y efioit pour lois, que les François de la BafTeterre eftant obligez d’aller à la Capfter- re fecourir les autres François contrôles Anglois qui lesinquie- toient par mille violences, brûlèrent une pille de petun de quarante mille livres pefant, qu’ils contraignirent les Anglois de leur payer, ne voulant recevoir aucune propofition d ac- commodement, qu’ auparavant ils ne leseufient recompen es e cette perte, qu’ils leurs avoient fait faire en entreprenant fur eux. Cependant nos François attendant que le temps rendit leur condition meilleure, fe maintinrent en gens defefperez; ils ne fortoient jamais de leur habitation qu’ils n’euffent fur eux qua- tre ou cinq pifiolets pendus a une ceinture de cuir, 62 un fil fur l’épaule; fi bien qu’ils imprimèrent une fi grande ter- reur de leurs perfonnes dans l’efprit des Anglois , que les plus hardis avoüoient ingenuëment qu’ils aymoient mieux avoir à faire à deux diables , qu a un habitant François. Environ l’année 1 632,. la prudence de Monfieur d’Enam- buc parut dans un e rencontre extrêmement fâcheufe , 82 qui eut eu de tres-mauvaifes fuittes , s’il ncut promptement paci e toutes chofes. Plufieurs Officiers 82 quelques-uns des plus ri- ches habitans avoient maheieufement engagé tous leurs fervi- teurs à leur infeeu pour cinq ans, à limitation des Ang ois, qui engagent ordinairement les leurs pour fix ou »-pt ans. La plufpart de ces pauvres engagez voyant qu’apres quatre années de fervice on ne parloir point de leur donner conge, & qu’on ne leur accordoit'pas la pernrifTion de travailler pour eux, commencèrent à fe plaindre, à faire des affi.ni îecs tu multueufes; 62 comme leur nombre efioit plus grand queceluy. aux AntAfes de l Amérique. ^ de leurs Maiftres , & qu’ils nettoient pas moins vaillans qu’eux, laplufpart ayant porté les armes, on ne parloit rien moins que de rendre les Serviteurs Maiftres, &£ les Maittres Serviteurs; fi bien que la Colonie, qui s’ettoit confervée avec tant de cou- rage contre les entreprifes violentes des Anglois , fut fur le point de Ce dettruire elle-mefme , n’ayant pûeftre vaincue pat tous Ces ennemis. Montteur d’Enambuc, comme Pere commun des uns & des autres, trouva d’abord tant d’aigreur dans les efprits , qu’il les vit fur le point déterminer leur differentpar le fer & le meur- tre; mais fe fervant de cette affabilité naturelle qui Iuy ga- gnoit facilement les cœurs , & de cette douce authorité qui leur imprimoic du refped pour fa perfonne , il les contenta tous ; ordonnant que tous les Serviteurs quiavoient accomply leur trois ans de fervice auraient leur liberté, conformément à l’Ettablittement de la Compagnie; & que files Maiftres vou- loient s en fervir , ils les payeraient comme Serviteurs libres; ôc que dorefnavant perfonne, pour quelque prétexte que ce fut, ne ferait plus engagé que pour trois ans; ce qui s’eft tou- jours inviolablement obfervê depuis ce different. i ' La Compagnie trouve mauvais que les Habituas traficquent ave clés Etranger s ; apres avoir in- utilement^ ufé de violence , elle interpofe L au- thorité du Roy, qui leur en fait dejfenfe par fa Déclaration. l /> ->r $. x u > ( j , *■ ’ ' • LE grand profit que les Hollandois retiraient de cette Ifle, & le puiflànt fecours qu’en recevoient leshabitans, ayant eftably infenfiblement le commerce, ilsnefongerent qu’à faire de bonnes marchandifes, pour les y attirer, ne fe mettant plus en peine de rien envoyer en France.- Ce qui obligea la Com- pagnie de leur en faire des plaintes, leur remonftrant qu’ayant 40 ÈpMijfement des François pluficurs fois avancé des femmes confiderables pour I eftabhC fe ment de cette Colonie, il n’cftoit pas raisonnable que les Eftrangers en enflent tout le profit. Les habitans répondirent qu’il y avoir de l’injuftice dans les conditions du Traite quils a voient palTé -, & que s’ils eftoient obligez de les gardei g ans toute la rigueur, fine leur refteroit pas une chemife apres qu fis l’auroient payée , & que la Compagnie ne les recourant qu a moi- tié des chofes dont fis av oient befoin , fi leur eftoit împoffible de fubfifter dans cette Ifle éloignée, fans le fecours des Hollan- dois qui leur apportoient abondamment les chofes necei- Ces raifons firent refoudre Meilleurs de la Compagnie a leur envoyer fur la fin de l’année ,«31. la Cardinale-, elle leur porta pour tout fecours un Prelhc, deux Capitaines, deux Lieutenans , deux Enfcignes, ^x Seigcns, deux Caporaux, deux Anfpefades, deux femmes , deux en- fans, & deux Commis, pour connoiftre de tous ces difieiens, avec puiffanc*? de modifier les droits que leur pay oient les habitans, félon qu’ils le jugeroient utile & necefiaire. Il y avoir encor dans cette Patache quelques munitions de gueu , des vivres, & des marchandé i mais en fi pente quantité : , que les hab itans croyant par ce procédé qu on fe ■ moquo : d eux, ne laifferent pas , quoy que les Commis euffent rcdui perfôS à cLüvte^de petun, defe fortifierphis que, amans dans larefolution de recevoir du fecours de quelque œfte qu leur vint! ils en vinrent mefme à cette extrémité, de porter leur petun en Angleterre St en Hollande, fans fe mettre en peine d’en faire une feule livre pour la Compagnie. Le petun avoir alors un fi grand cours, qu’unnommePitre cotte tira fix mil- le Iacobus de fix mille livres de petun qu il porta en Angleterre. Avec cét argenfque les habitans recevoient de la vente de leui marchandas, iù vendent furtivement d’HoUande K & Ange- terreen France lever des hommes, quils repaffoicnt avec eux pour les fervir dans l’Ifle. Cettemauvaife intelligence dura près Les* Seigneurs de la Compagnie fe voyant dans l’impmffan- te de réduire les habitans dans le devoir, St quils «cevoio^ aux Ant-IJle s de t Amérique. 41 tous les jours de nouveau^ 'rafraichiffemens, 6c mefme des hommes, dont ils avoient grande neceffité , 6c que pluficurs Navires François leur portaient des engagez, des vivres , & toutes les chofes dont ils avoient befoin , ce qui les mettoit en eftat de fe paffer de la Compagnie , s’aviferent d’un flra- tageme qui leur réüflit auffi peu que leurs plaintes; car aulieu d’envoyer de bons Vaiffeaux chargez de marchandifes, &c de faire tout ce que faifoient les Hollandois , pour tirer le profit qu’ils remporroient chez eux, qui efloir un expédient necef- faire 6c facile. Ils fe plaignirent au Roy, 6c obtinrent de jfâ Majefté une Déclaration, par laquelle il efloit deffendu à tous les Capitaines de Navires qui alloient enl’Amerique, de trai- ter aucune marchandife dans l’Ifle de Saint Chrifïophe , fans le confentement de la Compagnie; 6c pouffant les chofes à bout, ils firent faifir les marchandifes des habitans dans les Havres, &c emprifonner plufieurs particuliers, que la neccffitô de leurs affaires avoit fait venir en France. Voicy la teneur de la Déclaration. DE par LE ROT. S\ r ce qui Nous aefté reprefenté par les Intercfîez de la Compagnie , formée fous noftre authorité , tant pour éta- blir une Colonie de nos fujets 6c des habitations de François dans 1 Me de Saint Chrifïophe, fcituêc aux Indes Occidenta- les, 6c infhuire les habitans d’icelle de la vérité Catholique, Apoflohque & Romaine, de laquelle les Indiens n’avoient au- cune connoiflance ; que pour la faire valoir 6c en retirer les commoditez qui y naiffent, afin d’eflablir un commerce qui foit utile à nos fujets. Ladite Compagnie auroit fait de grands- frais 6c depenfe pour y faire porter nombre d’hommes , en- femble des vivres, marchandifes, matériaux, 6c ouvriers pour y baftir, 6c autres chofes neceffaires pour s’y eflablir, 6c con- tinué de faire de grandes avances de temps en temps pour les faire fubfifler, comme ils ont fait depuis I’eflabMement d icelle jufqu a refent : dequoy elle ne peut efperer de rctr» I. Partie F ai EJlaMiJfementdes François rer aucune chofe pour l’indcmnifcr , finon du tabac ou pecun, ou Rocou SC Coton, que lefdits habitans y font venir par feur labeur & travail, à la charge d'en rendre annuellemei certaine part & portion de leur revenu, qu ils de v oient ren- voyer au Havre de Grâce, drivant les conventions faites aven, eux , ou la plufpart * avant que de les y faire iVCC f c' fenfe à tous autres de les y troubler: mais aulieu de ' ce taire, lefdits habitans de ladite Ifle , à toutes les commoditez qui s'offrent, vendent aux Eftrangers, Se principalement auxtran- çois qui ne font de ladite Compagnie, toutes les marchandi- ses, ou les envoyant en France en des Ports détournez, pour les vendre S£ en retirer Ieprix, fanspayer que fort peu de cho- fes de ce qui ell deû à ladite Compagnie -, Tellement que la grâce que nous leur avons faite , de luy donner ladite Me pour la faire valoir, ne luy a fervy jufques a maintenant, qu a far- te de grands frais Se dépendes, qui luy ont ti c , Se ftrorenc encor I l'avenir inutiles , ce qui contraindrait : ladite Compa- gnie de quitter tout. Se abandonner ladite Ifle, fi il Ine n plaifoir fur ce luy pourvoir. A CES C AV SE S , lîrant conlèrver ladite Compagnie en la grati ca , que nous luy avons fait de ladite Ifle , Seempcfcher qucUene foitfufttée du légitimé revenu qui luy appartient , félon les conventions quelle en a faite, tant avec ceux qu .1 y ont en voyez pour l'habiter, que les autres qui y font allez depui volontairement , font obligez d'entretenir : , fi autrement ibn en eonviennent avec ladite Compagnie ou Plrcaeu‘s le AV O N S fait & faifons expreffes inhibitions 8c dette - fes à tous nos fujets Se autres, qui partiron. : de nos Ports U Havl.es foit qu’ils paffent pour aller aux Indes Occidentales, foit quils aillent exprès en ladite Ifle de Samt Chriftophe autres circonvoifines , d’y achepter ou fW achepter, ou en rapporter le Tabac, Rocou , Se Coton qui y croiflcn . fans JAxprcs vouloir Se confentement par écrit des Dneaeuis ladite Compagnie, ou que ce ne loit pont le compte d icelle à peine de Lille livres d'amende , Se de confil (canon .tant des Vaiffeaux que dudit Tabac Se autres marchandas J .feront apportées dedans. Si mandons Se ordonnons a noftrc cres aux Ant-IJles de l* Amérique] 4 , cher & bien amé ie Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maillre, Chef, Si Sur-Intendant General de la Navigation Si Commerce de France, que cette noltre prefènte Ordonnan- ce il faife obferver Si entretenir de poinét en poinét félon fa forme Si teneur* Si aux luges Si Officiers de I’Admirautç qui font aux Villes Si Ports , Si Havres de nollre Royaume, que Iefdites Prefcntcs ils faffent lire, publier. Si enregiftrer. Si affichei ou beloin fera, Si falïènt executer, fur peine de répondre en leurs propres de privez noms. Et d’autant que Ion aura affaire desPrcfentes en plufieurs lieux; Nous vou- lons quaux Coppies d’icelles deuément collationnées par le Se- crétaire General de la Marine, ou l’un de nos Confcillers Si Se- crétaires, foy foit adjuftée comme au prefent Original. Car- tel eft noftie plaifir. Donne a Saint Germain en Laye la vingt-cinquicme jour de Novembre , l’an de grâce 1634. Sid® noftre Régné le vingp- cinquième. Signé, Louys. Et plus bas BottMicr, &c fcellê. J Y Attache de Àdonjïeur le Cardinal de R.ichelieu3 pour l'execution de ladite Déclaration. ARmand Cardinal Duc de Richelieu 8i de Fronfac,Pair de France , Commandeur de l’Ordre du Saint Efprit, Gouverneur Si Lieutenant General pour fa Majefté en Breta- gne, Si Grand Maiftre , Chef Si Sur-Intendant General de la Navigation Si Commerce de ce Royaume. Veupar Nous î Oïdonnance du Roy , en datte du jourd’huy ligné Louys , 8i plus bas Bouthillter , par laquelle Si pour les caufes y contenues * fi Maj elle fur les remonffrances qui luy ont elle faites par les Intereffez en la Compagnie, formée fous l’authorité defadi- tc Majeffé; fait tres-expreffes inhibitions Si deffenfes à tou- tes perfonnes de quelque qualité Si condition quelles foient, d’aller, envoyer, ou faire palier exprès en l’Ifls de Saint Chriffophe , aucuns V aiffeaux pour y prendre Si achcpter pe- tun, ou totdii du ÿü dudit pays, fans l’aveu de ladite Com* pagnie, ou des DiveJe v il x quiles apporteront, àlc- tSe ftditeM^nous craint de tenir la xecution ce laquelle lauire j , donné par ladite main. Nous en vertu Sonnons Majefté; avons en tant qua. n & obfer- que ladrte Ordonnance de & Majeft ^ que vée de poinft en pointt fous les peu ï & regiftter, les Officiers de la Marine U ^ u'cn prétende cau- & afficher où beforn _ fera, , a q & forme & tene„r à * #4» clrdind fcellê. , nroccdé fi violent, refolurent Les habitans offenfez di P de France, mais de de ne plus irien envoyer ta cn Hollande , ce faire tranfporter toutes leu rigueur, que qu’ils firent avec tant : d opin.aftrete depuis 6 ou ^ les Seigneurs de U Compagnie, q P à uneaffai- mois ne fongeoient plus a cl» Colome que ^ Efc(h_ re ruinée , voyant le |ran^™ de fentnnent , & à croire fe- gers, commencerentad^lcéteit^iffement, qui leur avoit ;:"?eré,Lolt "S S^Ktocnce qnris eftimoient perdue dans rîp cette Ifle. 45 aux Ant-Ijles de /'Amérique. Kefahhjfement de la Compagnie , dite autrefois de Saint Chrifophe , <& par ï ampliation de Je s privilèges j la Compagnie des If es de I Amé- rique. CHAPITRE IL IL eft à croire qu’il y eut des pourparlers entre les Seigneurs de la Compagnie &Ies Gouverneurs 6c Habitansde Fille de Saint Chriftophe , dcfquels je n’ay point de mémoires, & que les uns Iaffez de perdre ce qu’ils avoient avancé, &Ies- autres de n’avoir plus de commerce, ny de fecours de France, firent quelqu’accommodement , puilque les Seigneurs apres avoir délibéré plufïeurs fois de ces affaires chez Monfieur Martin un des Affociez , s’affemblerent une derniere fois chez Monfieur le Cardinal , pour palier le Contrad du reftabliffe- ment de la Compagnie, l’ay fujet de croire qu’on y receut quantité de perfonnesde condition, parce que depuis ce temps- là j ay remarqué dans quantité de deliberations de la Compa- gnie, defquelles on m’a donné la communication , les noms de Monfieur le Prefident Fouquet, de Monfieur Chanu, qui a cfté depuis AmbafTadeur en Suède, de Monfieur d’AIigre,de Monfieur Ricouar, de Monfieur de Luynes , de Monfieur Berruyer,de Monfieur Gazet, de Monfieur de Herbelay, de quantité d’autret , qUi d’un commun accord mirent une fom- me confiderable d’argent, afin de fecourir la Colonie, 6c de la rendre aufïi heureufe par de puiffans fecours , quelle avoit cilé miferable pour l’avoir négligée. a 6 Ejlablijf ment des François Contrat du Refiablifement de la Compagnie des IJles de l' Amérique, avec les Articles accordez, par [a Ma jefié aux Seigneurs AJfociez §. i. ‘DArdevant Gabriel Guerreau & PierreParque, Notaires Gar- 1 denottes du Roy noftre Sire, en fon Chaftelet de Paris, îbu-fienez ; Fut prefenr Monfeigneur 1 Eminentiffune , Armand Jean du Pleflis, Cardinal Duc de Richelieu & de Fionfac, Commandeur de l’Ordredu Saint Efprit, Pau , Grand Maiftie, •Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation & Com- merce de France i lequel fur ce qu'il luy a efte reprefence par Iacques Berruyer Efcuyer, Sieur de Mantehnont, Capitaine des Forts de Mer de Veulctte & petite DaUe en Caux, 1 un des Affociez de la Compagnie , cy-devant de Samt Chriito- phe,& Ilïes adjacentes, tant pour luy que pour les aunes Affociez de ladite Compagnie, que poœ lEftabhffemem di- celle Compagnie, cy-devant contrade des le mois dOdobre l6lg eft comme abandonnée au moyen de ce qu aucun des Affociez ne s’eft donné le foin d'y penfer , joint que les Con- ceffions accordées à ladite Compagnie nettoient fuffifantes pour les obliger de s’y appliquer feneufement, s il pbifoit » h Majefté leur accorder de nouvelles & plus grandes Con - •fions Sc Privilèges, ils pourraient non feulement reiiablir la- du Com agmf, mais'mefme la porter à de plus grands dcG feins & entreprifes pour le bien de l'Eilat, qu ellem avoir pro- jetté du commencement s furquoy ayant efte fait divetfespio- iofitions, ledit Seigneur Cardinal, pour & au nom de faMa- îefté écfôus fon bon plaifîr, a accordé à ladite Compagnie ce acceptant par ledit Sieur Berruyer prefenr efdits noms, les Articles qui fuivenu Çeft à fçavoir qaekffig Affociez continueront la Colo- aux Ànt-IJles de t. Amérique. 47 nie par eux efhblie dan s l’Ifle de Saint Chriftophe, &feron tous leurs efforts d en effablir aux autres Ifles principales de 1 Amérique j fcituees depuis le dixiéme jufqu’au trentième de" gré, au deçà de la ligne Equinoétiale , qui ne font occupée* pai aucun Prince Chreftien ; s’il y en a quelques-unes ha- bitées par aucuns Princes Chrefticns, où ils puifTent s’efta- blir avec ceux qui y font à prefent , ils le feront pareille- ment. II. r QHF cs ^es ST1* dans ladite eftenduë , qui font occué pécs à piefcntpar les Sauvages, lefdits AfTocicz s’yhabituans, feront leur pofïîble pour les convertir à la Religion Catholi- que, Apofiolique & Romaine : & pour cét effeét en chacune habitation, lefdits Affociez feront entretenir au moins deux ou trois Ecclefiaffiques pour adminiflrer la parole de Dieu, & les Saciemens aux Catholiques, ôc pour inflruire Ies Sau- vages : leur feiont confiruire des lieux propres pour la célé- bration du Service Divin, &Ieur feront fournir des ornemens, livres, ôd autres chofos ncceflaires pour ce fiiiet ir r. Que lefdits Affociez feront paffer aufdites Ides, dans vingt ans, du jour de la ratification qu’il plaira à fa Majeftê défai- re defdits Articles, le nombre de quatre mille perfonnes au moins, de tout fexe, ou feront en forte que pareil ou plus grand nombre y pafTe dans cedit temps , duquel ceux qui fe- ront a prefent à Saint Chriftophe feront partie: Et pour fça- voir le nombre de ceux qui y font, & qifon fera pafTer àl’a- vcnir cfdites Ifles ; lefdits Affociez fourniront un aéte certifié u apitaine de Saint Chriflophe, du nombre des François qui y font à prefent, & les Maiftres des Navires qui iront à I avenir a ladite Ifle , ou autres affrétez à ladite Compagnie, apporteront un aéte certifié du Capitaine ou Gouverneur de 1 e ou la defeente aura efté faite , du nombre des perfonnes qui y auront pafie à la décharge defdits Affociez, qui ferarç- giftré au Greffe de l’Admirauté. * IV. QüJk 5e ^^t pafTer efdices Mes, Colonies & Habitations aucun qui lie foie nature & Romaine : &C fiquel- 3a Religion Catholique , P l furprife , oni eu ferafor- coiuioiffance de celuy *«■ jnand-era dans ladite Ifle. Que lefdits Affoara Colonies aux lieux qu'ils et plus1 œmmodes pour l’affeurance du commerce 8e la Coiffer varion des François. _ „ Et pour aucunement ciez, & autres qui p «roorieté defdites Ifles en toute fucéeffçurs & ayant eau c, P P Riviercs , Ports , Havres, Inftance St : Seigneurie , J t lcs Mines K Minières; dlfÆs Conformément aux Ordonnances, pour jouir deldite ; ‘ ‘ de{ufdites,Sadtte Majefté ne s’en re- & du furp u U la Eoy SC Hommage , qui luy fera fait fTs deFrance, par l'un dVdits Affociez a de roS à Chacune mutation de Roy, & la provifion de uîuftice Souveraine, quiluy feront nommez ^ FÇfentez par lefdirs Affociez , lors qu’ü fera befom d y eneftablir. ■ - 1 VII. Sa Maiefté permettra aufdits Affociez d’y fondre canons & bduihs Cer route forte d’armes offenfives SC ueffenfives, faire poudré à canon, 8e toutes autres munitions necelfaire. pour la coiffer vatiori defdits^Hcux^. Pourront Iefdits Affociez améliorer ôauénager lefdites chofes à "t^es en telle façon qu’lis av.feront & diftribuer les terres entre-eux , K a/euxrf ' Re charge les lieux avec referve de tels droits St devoirs , St a telle en g cuils le jugeront à propos. pourront 49 aux Ant-IJles de F Amérique. IX. Pourront Iefdits Aftociez mettre tels Capitaines 5c gens de guerre que bon leur femblcra, dans les Forts qui feront con- ftruits efdites Iiles , 5c auftî fur les Vaiftcaux qu’ils y envoyè- rent, fe refervant neantmoins fadite Majefté de pourvoir de Gouverneur General fur toutes lefdites Ifles, lequel Gouver- neur ne pourra s’entremettre du commerce , ny de la diftri- bution des terres defdites Mes. X. Que pendant vingt années nul des fujets de fa Majefté , au- tre que Iefdits Aftociez , ne pourra aller trafiquer efdites Mes, Ports, Havres, & Rivières d’icelles, que du confentement par écrit defdits Aftociez, 5c fous les congéz qui leur feront accordez fur ledit confentement, le tout à peine de confifca- tion des V aifteaux Sc marchandifes de ceux qui iront autre- ment, applicable au profit de ladite Compagnie ; Grand Maî- tre de la Navigation 5c commerce, & fes Succefleurs en ladi- te charge, ne donneront aucun congé pour aller aufditesMes, finon à ladite Compagnie, laquelle s’intitulera d’orefnavant la Compagnie des Isles de l’Ameriqv e. XI. Et pour convier Iefdits fujets de fa Majefté à une fi gîo- rieufe entreprife, 5c fi utile pour l’Eftat, fadite Majefté°ac- cordera que les defeendans des François habituez efdites Ifles, & les Sauvages qui feront convertis à la Foy &en feront pro- feftion , feront cenfez 5c reputez naturels François, capables de toutes charges , honneurs, fuccçftions , donations , ainfi quo les Originaires 5 c Regnicoles, fanseftre tenus de prendre Let- tres de déclaration ou naturalité. XII. Et d autant que le principal objeéï des Aftbciés 5c de ceux qui fe pourront aftbcier, elt pour la gloire de Dieu 5c l’hon- neur du Royaume, fa Majefté déclarera que les Prélats & au- tres Eclefiaftiques , les Seigneurs 5c Gentils-hommes, 5c les Officiers, foit du Confeil de fa Majefté, Cours Souveraines, ou autre qui feront aftociez, ne diminueront en rien d.e ce qui eft de leur noblefte , qualitez , privilèges 5c immunitez. I. Partie. G JO Ejtablijfement des François XUL Que les artifans qui pafleronc efdites Ifles , Scy fejourneront pendant fix années confecutives , 5c y exerceront leur meftier, loient reputez* Maiftres de Chef-d’œuvre , 8c puiifent tenir boutiques ouvertes en toutes les Villes du Royaume, a Iare- ferve de la Ville de Paris, en laquelle ne pourront tenir bou- tique ouverte que ceux qui auront demeure 5c pratiqué leur meftier efdites ifles pendant dix années. XIV. Et que s’il arrivoit guerre Civile ou Eftrangerequi empef- chât lcfdits AfTociez d’executer ce à quoy ils font obligez y>ar les prefens Articles, il plairai fadite Majefté leur prolonger le temps pour l’execution d’iceux.. XV. Et au cas que Iefdits AflTociez manquaient en quelque poind à ce à quoy ils s’obligent, fadite Majefté pourra donner liber- té à toutes perfonnes de trafiquer efdites Ifles , ôcdifpofer des terres non occupées par ladite Compagnie, ou autres Fran- çois ayant droit d’eux, ainfi qu’il Iuy plaira, fans que lcfdits Aflcciez puiffenjt eftre tenus d’aucun dommage ôc intereftpour le deffaut d’execution. XVI. Sa Majefté fera expedier & vérifier és lieux qu il appartien- dra, toutes Lettres ncceflaires pour l’entretenement de ce que deffus ; 5c en cas d’oppofition à ladite vérification, fa Majefté s’en refervera la connoiflance à foy 5c à faPerfonne- Ce faift ôc accordé 5c accepté en l’Hoftcl de mondit Sei- gneur le Cardinal à Paris, rue Saint Honoré, l’an 16 35. le Lun- dy douzième de Février apres midy, 6c ont mondit Seigneur le Cardinal de Richelieu Scie Sieur Berruyer, figné la minute des prefentes, demeurée audit Parque Notaire. Le lendemain treiziéme Février , Monfieur Berruyer eftanc venu rendre compte à la Compagnie , qui s’eftoit extraordi- nairement aflemblée, de fa négociation du jour precedent, ces Meilleurs propoferent quantité d’ Articles entre eux pour rendre le reftablilfement plus durable : les uns furent agréez, les autres furent rejettçz; enfin apres une longue de- lAnt-IJles de /’ Amérique. libération, la Compagnie s’arrefta aux Articles fui vans. Articles accordez, entre les Ajfociez, de la Com- pagnie des IJles de l Amérique. Powftoofiêabv mm,n| dc U CornPag*“e de l-Mc de Saine A Chultopfte, & Mes adjacentes, concraâez cy- devant en- tre nous, ou ceux defquels aucuns de nous ont droit dés le mois d Oaobre ■ zSzC . qui eft comme abandonné , au moyen de ce qu aucun deid.ts Aflociez ne s'eft donné le foin d’y penfer jouit que les Commuons accordées à la Compagnie n’eftoi-ni fuftlantes pour obliger de s’y appliquer ferieufement, no s avons eltune qu fl eftoit à propos d'obtenir de fa Marefté de nouvelles & p us grandes Concédions & Privilèges ce nue Monfe.gneur le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftrè & Sui-lntendant de la Navigation & Commerce de France’ nous ayant accorde au nom defa Majefté,&fous fonbonplaC lit, pour empefeher qu'à l'avenir ladite Compagnie ne dédiée encor faute de loin & bon reglement, nous aVons accordée»! ous les Articles fuivans, a 1 execution defquels Nous nous fommes fournis & y avons obligez les parts & portions que chL cun de nous a en ladite Compagnie. 1 PREMIEREMENT. Nous avons advifé qu’il y aura dorénavant quatre Di- reaeuts de ladite Compagnie & Société, qui auroL le fo4 & entier maniement des affaires d’icelle, tant és Ifles de l’A m^queqn'en France, avec plein pouvoir de nommer LfcLt i is, Fadcuis, Eicnvains, leur donner les ordres necefTai-cs agarder, tant efdites Ifles, que dans les Ports , & Havres de vente, ou troque des maichandifes de la Compagnie : pourront traiter avec les C,, pitames Ma, Ares de Navires,. pont paffer efdites Mes de I A- merique, & nourrir les perfonnes que ladite Compagnie y 2ld!--°n > 0"cn faue rcvcnûi & pour le fretde^ma/ chandiles de ladite Compagnie, ne pourront toutefois lefdks Diiecdeais obliger la Compagnie que jufqu a la concurrences G *> H jz EJlabliJfement des François du fond d’icelle, ny rien ordonner, qu’ils ne foient du moins deux pour figner les Ordonnances. Que tous les premiers Mercredis des mois , lefdits Directeurs s’affembleront à deux heures apres midy , au logis de Monffeur Fouquet, Confeiller du Roy en fon Conreil dbftat, lun des Affociez , pour avifer à ce qui fera à faire pour le bien de la Compagnie -, à laquelle affemblée tous lefdits Affociez fc pour- ront trouver , fi bon leur femble, pour fçavoir les affaires qui s’y propoferont, bc en dire leur^advis. Qu’il fera faite une affemblée generale de la Compagma toufles ans, le premier Mercredydu mois de Décembre apres midy, au logis dudit Sieur Fouquet, où tous lefdits Affociez feront obligez de fe trouver, ou envoyer leur Procuration a l’un des Affociez , & non à d’autre , pour apprendre des Di- recteurs, ce quife fera paffé pendant le cours delannee, con- cernant ladite Société, & pour y propofer ce que ctiacun ju- gera utile pour le bien de la Compagnie : & les Affociez qui ne s’y trouveront, ou n’envoyeront leur procuration, no laii- fferont d’eftre obligez aux refolutions qui auront elle paies en ladite Affemblée generale. IV. Que tous lefdits Affociez éliront domicile en cette Ville de ParüT, auquel ils puiffenteftre avertis de fe trouver aux affem- blées extraordinaires qu’on pourra eff re obligé de faire , pour pourvoir aux affaires d’importance , fi aucunes furviennent pen- dant le cours de l’année. V. Que tout ce qui fera propofé efdites Affemblées generales ou particulières, fera décidé par la pluralité des voix des Affo- ciez qui s’y trouveront; &le Secrétaire de la Compagnie tien- dra regiftre des refolutions , qu’il fera figner aux Directeurs qui y auront affilé. - VI. Ceux qui auront manié les affaires de ladite Société & biens d’icelles, tant du paffé que pour 1 avenir, foit efdites Iffes ou aux Ant-IJles de l Amérique. yj en France, feront obligez d’en envoyer l’eftat ou compte aux Dire&eurs , lors qu’ils le demanderont! pour enarrefter la re- cepte & dépenfe , en leur aflemblée des premiers Mercredis d’un chacun mois; & pour le reliquat defdits comptes , la Com- pagnie en l’Aflemblée generale en ordonnera. va Comme aufïi ladite Compagnie le referve de nommer les Capitaines des Ifles, efquelles on eftablira Colonie, les Capi- taines des Navires, quelle aura en propre; & les Officiers de Indice, qu’il conviendra eftablir efdites Ifles: & de faire les Traitez & Concédions à perpétuité ou à temps, d’aucune def- dites Ifles. VT 1 î. Qifefdites Aflemblécs generales du premier Mercredy du mois de Décembre de chacun an, ce qui reviendra de bon des marchandées vendues, les frais préalablement payez, fe- ra partagé entre les Aflociez, félon les parts & portions qui appartiennent a chacun de nous en ladite Compagnie , fl par ladite Affembléc autrement n’en cft ordonné IX. En ladite Aflemblée generale du mois de Décembre, ilfera nomme par chacun an deux nouveaux Directeurs, en la place de deux des quatre anciens: Et apres que les quatre, qui fe- ront cy-apres nommez -, auront efté changez , les deux plus an- ciens des quatre feront tousjours changez , s’ils ne font nom- mez de nouveau pour deux autres aimées. X. Ladite Compagnie nomme pour Directeurs jusqu’au mois de Décembre prochain, les Sieurs de Guenegaud, Confeillerdu R oy en fon Confeil d’Eftat & Treforier de fou Efpargne ; Mar- tm Sieur de Maunoy , aufli Confeiller du Roy en fon Confeil dEfl.it, Baidin Confeiller audit Confeil, &c Prefldent en la Chambre des Comptes de Bourgongne; ôc Berruyer Efcuyer Sieur ae Manfelmont, Aflociez de ladite Compagnie. XI. Et en cas que par cy-apres il arrivât telle perte à la Compa- . gme ( ce qu’à Dieu ne pîaife ) qu’il fut neceflaire de faire un G iij j 4 Efiablijfement des François nouveau fond , il fera loifible à ceux qui ne voudront contri- buer leur cotte part, de renoncer à la Société; de ce faifant ils perdront leur part delà propriété defdites Ifies, de desmar» chandifes, de autres chofcs qui feront en icelles, mefinc des V aille aux , fi aucuns y a, qui appartiennent en propriété à la Compagnie ; prendront neantmoins leur part des marchandifes de efteéts de ladite Société, qui feront lors en France. XII. Aucuns des Affociez ne pourra prendre fa part des marchan- difes en efpece , de feront toutes les marchandifes vendues en commun au profit de la Compagnie. XIII. Aucun de nous ne pourra vendre la part qu’il a en la Société, à autre qu’à l’un des AlTociez ; & en cas qu’il la vende à un autre que de la Compagnie , il fera au pouvoir de la Compa- gnie de rembourfer celuy qui l’aura achepté , du prix qu’il en aura donné, ou de le recevoir dans la Compagnie , s il luyeft agréable. Sera neantmoins permis aufdits Affociez, d’afiocier à leurs parts telles perfonnes que bon leur femblera, fans que que pour ce lefdics Sous-Affociéz puiffent avoir entrée és af- fembiées de la Compagnie, ny voix délibérative» XÏV. Arrivant le deceds d’aucuns de noys,les Veufves de Heri- tiers feront obligez de déclarer dans deux mois du jour du de- ceds, s’ils entendent renoncer à ladite Société , ou la continuer; de en cas de continuation, de nommer quelqu’un au lieu du deffunét, qui foit agréable à la Compagnie, lequel n’aura en- trée és Affemblées , qu’apres avoir fait enregiftrer fon pouvoir par le Secrétaire de la Compagnie, de l’Ordonnance des Allo- ciez : Et en cas de renonciation, lefdites Veufves de Heritiers pourront prendre leur part des effeéts de la Société qui feront en France ; de pour le furplus , tant la part qu’ils auront en la propriété defdites Mes , marchandifes qui y feront , de V aif- feaux qui appartiendront à ladite Compagnie , par le moyen de ladite renonciation, retournera au profit de ladite Compa- gnie; de jufqu’au jour de ladite renonciation, ou acceptation, de nomination d’une perfonne, tout ce qui aura efté fait par MX Ant-IJles de l 'Amérique. re l’A JTemblée > ou Direfteurs, aura ie mefme effeft que s’ils y avoient donne confencemcnc. 1 XV. ^viAurain/ Creanders des Affociez, ne pourront demander riPs n V dC!2 Socwté’ nypourfuivrela Compagnie, ny es puedeuts par Iuftice tains feront tenus fe conrenter de la clofture des comptes, & de recevoir ce que pourrait fai- releur Debiteur .fans eftre admis à diftrairele fond, nypra- tendreentree en la Compagnie, pour affilier à l’examen des comptes, qui ne feraient rendus. XVI. ticle's o?A ff°C(‘CZ * rcf?7entIa Acuité d’ajouter d’autres Ar- ticles ou den changer, félon qu’il fera ,ug6 avantageux à la Compagnie, par la pluralité des voix des Affociez. § fait a Pans ce treiziéme de Février 162c. Signé Fouquet ayant charge de Monfîeur le Cardinal Duc de Richelieu^ & mandei1/1^111/ F^ccellcS3 Martin, tant pour MonfieuileCom- pourlanaird1 /ï T P°ur mo^; de Guenegaud, tant £ “ P LdC feU ^onfieur Marion, que pour moy; Bardinj enuyeij Morant; Cavelet; tant pour Monfîeur de Cauville moinéd" T°yi L/u^y/azillV> badines Ceffionnaire de la moine de la part de Madame la Marefchale d’Effiat; ôd’Avo- res foul“ WB Conte> ru“ des Notai- La Compagnie obtient un Arrefi du Confeil altjrat, & des Lettres Patentes de faMajeftê, e^ui confirment lefidits Articles y elle envoyé un- grand renfort à Saint Chriftophe, avec des RR. 1 1 . Capucins. §. 11.- LA Compagnie av oit veu par de trop fènfibîes expériences. que toutes les affaires de la Colonie s’eftoient ruinées, rautc dune perfonne particulière qui s’y attachait, & qui en r$ Edabliffement des Vrançois prit le foin ( eftant bien difficile qu’une Compagnie compofée de tant dcperfonnes de qualité s’affemblafl: dans mille îencon- très particulières ou >' /^ITne pas “endre ce reftabliffe- le mefme inconvénient; & pour ne pas tenu f ment de la Compagnie , auffi inutile qu’avoit efte fon W fementj pour lequel elle avoir employé des fommes cornu - blés, elle nomma quatre D ireXeurs , dont Monfieui Buruper a tousjouts efté comme le Principal. Ceft pourquoy avec fon Eminence , ils ne s’appliquèrent plus qu’a le _&re venfiet ^ m ne te voulurent pas prefenter au Parlement, foit q.d > « . PPj hendaffentles trop grandes longueurs, qui font fouve tl des plus belles enneprifes, foit qu'ils craigniffent qu il n y ap- PTaftc2t “r lors à Sen.rs où le Confcrl l’avoir fui- . vie, Monfieur Berruyer y fut, 6c par le moyen des ^lecom- mandations puilfantes qu’il avort de Monfieur le Cardma , en obtint fans peine cét Arreft de vérification. Extrait des Regîfires du Confeil d Eftat. X 7Ev par le Roy eftant en fon Confeil, le Conrracl paffe Vpal Monfieur le Cardinal de Richelieu, Grand M*. Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation l 8c Com- mercé de France, au nom de fa Majefté, avec le Sieur Bcr- ruyer , tant en fon nom que des autres Affociez de la Compa- gme des Ifies de l’Amenque, le douzième Février de la pie- fente année, pardevant Guerreau 6c Pal'Sue’N°ulre* au ^h ' ftelet de Paris, par laquelle entre autres chofes, ledit Sieu Cardinal au nom de fa Majefté6c fous fon bon plaifir, accor- de à “due Compagnie aux charges 6c conditions apposes au- dit ContraX , la faculté de continuer la Colonie de l ifte Saint Chriftophe, d’eftablk des Colonies aux ®tt“ Jftes ne l’Amerique , depuis le dixiéme (ufqu au vmgtieme degie d R ligne Equinoxiale c le pouvoir de confttmre de îFot. > cfdiu Ifies- la propriété defditeslflesen toute Iuftice 8c Seigneune, " a petmiffion de faite forger toute forte d’armesi de ménager améliorer , 6c diltnbuer ils terres, à telles conditions que h auxAnt-Ijles de l Amérique. — Compagnie avifera; mettre des Capitaine» & gens de gueire dans les Fotts; & pendant vingt années le trafic efdncs HW a lexclufion de tous autres fujets de fa Maiefté, fi ce nvoj„ contentement de là Compagnie, à peine de confifcarion des Va,ffeaux& marchand, fies au profit de ladite Compagnie - nue les Affociez & autres qui s'affocieront à ladite Compagnie^ quelque dignité, qualité, & condition qu'ils foient, ne dimi- nueront en rien de ce qui eft de leur nobleffe, dignité* aZ". Iitcz, privilèges, prcrogatiues, & immunitez: que les Arciftne y a géreront Maiftrifc Le Roy efhnt en fl Confe, tific, confirme, & valide ledit Contraft du douzième Févr er dernier, veut & entend qu’il force Ton plein «rentier efftS f que ]es de Ia Compagnie des Ifles de I’Amerique’ & autres qui S y avoueront à l’avenir, leurs Hoirs & Suâef- feurs & ayant caufe , joüiflent du contenu en iceiuy. Ordom ne ladite Majefte , qU à cette fin toutes Lettres neceflàires leur ieiynt expediees en vertu dudit prelènt Arreft FairanP fol d'Eftat, le Roy y eftant, tenu à Senlis le huS mc mut' de Mars 1 6tf. Singé , Bouthiüier . Lettres Patentes de fa Majefié en forme deCom- mf ion portant vérification du Contract de rejtabliffement & de fes Articles. Le°t'ZS wAf LA °Rf E DE DlEV) Roï de France JwET de Navarre.- A tous ceux, &c. falut. Le deffein que nous avons de reftablir le Commerce de la Mer , ne fi S':™?"' Societezqui fecontraftent voyages de g " 53rtJ'U ‘T 11 eftimc caP;tbIes d'entreprifes des voyages de glande depenfe, & encor moins de conduire des twf f ”r fujetS cn dcs éloignées; nous oblige de avo.ifei les Compagnies qm fe forment pour aller à la Mer à" ïflefde FAUS & efP"“‘ b Compare des Ifics de 1 Amérique pourra réüffir à quelque chofe d’avan- tageux pour le bien de l'Eftat : par noftre Arreft de ce jou nous avonManfie, confirmé, & validé le Contraft paffé pour H o JdjldbliffewieTit des Ff dnçoîs cét effeft fous noftrc bon plaifir, par noftrc tres-cher & ame coufin le Cardinal Duc de Richelieu, Pair, Grand Maiftre, Chef, ôc Sur-Intendant General de la Navigation ôc Gom- merce de France, cy-attachc fous le contrefeel de noftre Chan- cellerie , voulons 6c nous plaift qu’il force fou plein 6c entier effed, 6C que les Aflociez de ladite Compagnie , 6c autres qui s y affecteront, leurs Hoirs , Succeffeurs , 6c ayant caufe , jomf- fent du contenu en iceluy. St donnons en mandement aiaoitiedi Coufin le Cardinal Duc de Richelieu, 6c à tous nos Officiers de la Marine , 6c autres luges quelconque , que du contenu au- dit contrat, ils faffenr joüir 6c ufer pleinement 6c paifiblement ladite Compagnie des Ifles de f Amérique, faifant ceffer tous troubles 8c empefehement généralement quelconque ,6c a tous Huifliers ôc Sergcns, de faire tous exploits neceffaiies en vertu des Prefentes , nonobftant clameur de Haro Chartre Noi- mande, 6c autres chofcs à ce contraires. Car tel eftnoftrep - fir. Donné à Senlis le huitième iour de Mars 1635. 6c de no- tre Régné le vingt-cinquième. Signé Louys, 6c far le reP 7 de par le Roy, BouthtUier , 6c fcellé du grand fceau de n ^Te' n’ay pu Ravoir le détail du fecours qui fût envoyé à Saint Chriftophe, par les Seigneurs de cette Compagnie rcfUbhe, depuis ce nouveau Traité ; mais il y grande apparence qu Mat confiderable, 6C qu’on leva beaucoup de monde a Dieppe ÔC au Havre de Grâce. Les S meneurs de la Compagnie fe voyant tous les j oui peine de ttouver des Aumofniets à gage . pour U lpirituelle & l’édification des habitans delà Colonie , eftoient contraints de prendre les premiers Preftres qui feprefentoienc à eux pour ce pauvre pays , encore eftoient-ils fi rares , quils n’examinoient pas s’ils avoient les qualité* requifes pour ui. fi digne etnploy. Pour aller jufqu’à la racine de ce mal & pour témoigner à fa Majefté qu’ils fu.voientfes pteufes mclinacions ( la principale intention du R oy eftant qu on travaillai a efien- dre la Religion Catolique, Apoftolique, 6c Romaine ,6c qu on en infttuifit les Sauvages ) 6c pour faite voir aux habnans e grand foin qu’ils prenoient de leur confolation , ils ciment qui » aux Ant-IJles de l' Amérique. 3 n 6o Efiablijfementdes François Grand démejlé entre les deux Nations , ^ apÿedê communément le different du Figuier : oit Mon- sieur d'Enambuc contraignit les Anglois de ren- dre aux nojlres les terres qu ils avoient ufur- §. ni. PEndantque toutes chofes fembloient contribuer à la piofpe- rite & à la gloire de noftre Colonie, il arriva ^une con- tellation entre les deux Nations , qui penia faire nager toute Hile dans des fleuves de fang. En voicy le fujet. 11 y avoit fur le bord de la Mer, au quartier de la pointe de Sable, un fi- guier d’une grandeur demefurée, qui fer voit comme une borne vivante pour feparer ces deux Nations de rançcis d’Anglois.Il fe trouva par fucceflion de temps que ceux-cy tirant leur alignemens de ce Figuier jufqu au cinquième ci âge, a voient fi bien.gauchy, qu’ils avoient empiété plus de eux cent cin- quante habitations fur le partage écheu à nos François. Moniteur d’Enambuc qui avoit trop de cœur pour oultnr cette ufurpation, fit alfembler fon Confeil, dans lequ^ outre fes Officiers, il fit entrer Moniteur Boîtier luge, le Sieur de Bonnefoy Procüreur Fifcal, le Sieur le Merle Commis des Seigneurs de la Compagnie, & quelques autres des plusconfide- rables de llfle. L’affaire ayant efté mife en deliberation, & jneurement confiderée dans fes circonflances &C dans es uites ffangereufes , on refolut d’envoyer les Sieurs de onne oy le Merle vers le Capitaine Vvaérnard ,qui commandoitlaOo- ionie Angloife, pour le prier civilement de . rendre aux Fran- çois,les terres que les liens avoient mjuftemet empietees mr eux. Ces députés s’acquiterent courageufement de leur Commi lion , ils preflerent l’Anglois fur 1 inévitable neceflite e Rou- ble, de maffacre & de confufion où il alloxt mettre llfle, s’il refufoit de xeftablir les François dans la poffeflion des ter- res qui leur eftoient écheucs ; mais ils le trouvèrent & a&eurtc aux A nt-Ijles de l’Ame ri que. 61 ‘l ie maintenir dans cette ufarpation, & fi refolu de s’expofer piutoft a un combat définitif, que de relâcher de ce qu’il avoir pns.qu’ilsn’apportcrent à f AfTemblée qu’une trifte reponfe, qui cltoit le prefage d’une cruelle guerre, x SurIeur rapport, Moniteur d'Enambuc commanda auffi-toft ‘^2LÎS lcSx flabltans de prendre les armes ; il dépêcha un de fes Officiers a Monfieur de l’Olive Ton Lieutenant, avec ordre d en faire faire autant à ceux de fon quartier. II enjoignit en- imtte à tous les Maiffres des Cafés qui avoient des Efclavcs ores, de les envoyer avec un flambeau de rofeaux â la main , & un grand coutelas dans l’autre , pour aller par les Montagnes fondre fur les habitations des Anglois & y met- tre tout à feu & àfang, pendant que nos François feraient aux pnfes avec eux. Au premierhgnal, chacun ferendtt fous fon Drappeau, les Ml. Capucins ne purent abandonner ce cher troupeau, 1 s marc eicnt avec les troupes, l’un d’eux portant une gran- c 101f’ ^es aurres animant le peuple à bien combattre contre des heretiques, qui ne les haïfToientque par l’antipatie e eur Religion. Les Corps de Gardes ayant efté renforcés, nos deux Commandans marchèrent en fort bel ordre vers les routières des Anglois, qui de leur part s’eff oient mis endé- renfe, refolus de fe bien battre & de fe rendre feuls les maî- tres de toute l’Ifle, par la défaite entière des François, qui eur fcmbIoit d’autant plus aifée, qu’ils effoient quatre contre un, s imaginans les vaincre par leur nombre. LesNegres Efclaves qui effoient bien au nombre de cinq ou hx cens, conduits par des Officiers François, gagnèrent le haut des Montagnes, bordèrent les lizieres des bois,qu«re- gardoicnt les habitations des Anglois, & parurent auffi effroya- bles que des démons avec leurs ferpes Iuifantes Sc leurs flam- beaux allumez, menaçant de mettrelefeu par tout,&demaf facrer ceux qu’ils verraient s’enfuir, pour éviter les flammes. n les avoit encouragez à bien combattre, fous l’efperance de leur donner la liberté, pour reconnnoiffance du bon fervice qu us rendraient à la Colonie danscetterencontre, où il s’ao-jf- foit de fon effabliffemcntoude fa ruine. H lij 6i Efiablijfement des François Cependant Monfieur d’Enambuc pour ne rien oublier des formalités de la guerre, envoya fommer le Capitaine /vaer- nard qu’il eut à rendre aux François, fans difterer, es terres que ceux de fa nation avoient empiété fur eux. 11 tint con- feil, & il eft à croire que la genereufe refolution des noftres 1 épouvanta, parce qu’il dêpefcha auffi-tqft le Mmiftre ; Iachon de quelques Officiers à Monfieur d’Enambuc, pour traiter avec luy d’accommodement. Monfieur d’E nambuc refufa deies en- tendre, & leur fit dire que fi leur Capitaine General vouloir venir en perfonne fous le Figuier , dont il eftoit quellion , 1 écouteroit fes propofitions, fie qu’à moins qu’il y vint en per- fonne, fes Compagnons &luy eftoient prefts à donner. Aces menaces , qui euffent infailliblement elle fumes de leur effed, le Capitaine Vvaérnard fe rendit fous Le rpnei, accompagne des principaux de fa nation de de fes Officiels. Monfieur d’Enambuc falüa ce Gouverneur avec une fierté qui témoignoit le relfentiment qu’il avoit de cet outrage , puis pal- fant du collé des Anglois, il ficha dans terre une grolie can- ne qu’il tenoit à fa main, & montant fon alignement vers la Montagne, il luy dit, par le corbleu , c’elloit fa façon de jurer, ten aïeux avoir parla, ce qui luy fut accordé fans constellation. Les Anglois font trop fiers pour ceder fi facilement leurs pré- tentions, mais ils furent forcez à cela par la terreur que les Negres jetterent dans l’efprit du petit peuple de des femmes Angloifes, quifurent tellement effrayées de 1 abord decesEl- claves, cu’on nentendoit par tout chez les Anglois, que cris de que lamentations, tout y elloit en larmes de en defordre, de le Capitaine Vvaérnard ne vit point d autre expédient de ralfeurer ces femmes de fes foldats, qu’en accordant fans delay à Monfieur d’Enambuc tout ce quil demandoit. Le Figuier qui contient un grand tour, demeura tout entier aux Fran- çois, jufqu’à la grande Montagne, de ainfi les rançois re- couvrèrent par leur courage plus de terres qu ils n en avoient L’accommodement fut fait de figne fous le Figuier. Nos Fran çois y creuferent un puits, qui fut nommé pour ce fujet le puits de Ç accommodement de la pointe de Sable, Les eaux en urent twuj aux Ant-IJles de l Amérique. 63 vces fi bonnes que les Navires en rapportent: en France fans au- cune corruption, & mefine on la trouve auffi bonne à Dieppe, apres un fi long traj et , que celle des fontaines. Les deux Gouverneurs & leurs Officiers beurent les fancez des Roys de France & d’Angleterre, & on fit des réjoüifFances publiques dans les quartiers de chaque Nation. LVnion sellant e a îe par cette paix , les François & les Anglois recommencè- rent a trafiquer les unsavecles autres, àfevifiter, & à traiter fi ami îerement enlemble , que nos François qui avoient pour ors ort peu de femmes en leurs quartiers , emmenoient libre- ment chez eux Ie^ femmes des Anglois. On a parlé fort diffé- remment de ce deteflable commerce, les uns ont dit que les Fran- Çoisu oient de force, & qu ils alloient à main armée enlever les emmes & les filles de leurs voifins, qu’ils leurs renvoyoient apres avoir a ouvi leur brutales pallions; d autres m’ont alîeuré que les ng ois elloient eux-mefines fi lâches que de premier leurs emmes &Ieui s lèi vantes a nos gens pour quelque bon repas ou pour quelques marchandifes . Ma penfée cft qu’il y avoit autant de faute du collé des uns que desautres ; l’humeur boüillante des r rançois leur a fait quelquefois ufer de violence, mais la lubrici- té bonteufe des Angloifes elloitlaprincipale caufe de ce deregle- ment, elles venoient effrontément chez les François , &c on en a veuapres avoir demeuré les 15. & les xo.j ours chez des Officiers, s en retourner impunément chez elles , dilant impudemment que eui maris elloient des lâches, &'qu’ils feroient trop heureux de les recevoirlans leur oler rien dire. Ce defordre fcandaleux aurait indubitablement caule une nouve e guene, fi les RR. PP . Capucins, à qui les Anglois le plaignoientde ce déreglement, n’y euffent apporté le reme- de , failànt deffendre par M. d’Enambuc , à tous les François de ,a arrcftcr & de retenir aucune femme Angloife dans leur Café , (ous peine de la vie. La Colonie s augmentait tous les jours par le commerce & la fréquentation des Navires François & Hollandois qui amenoiet quantité de nouveaux habitans , & quelquefois des efclavcs Mores, qu ils alloient achcpter en Guynéc, ou qu’ils prenoient lur les r Ipagnolsle long des colles du Brefil ; Et comme ces Neirres ü 64 Efiablijfement des François font toute la force & la richeffe des Ifles, la Compagnie en retiroitr déjade grands revenus. Enfinl’Iflefe trouva fi peuplée, que Ion y prit rcfolution de faire de nouueaux établiffemens dans les Ifles voiünes. Monfieur de l’Olive Lieutenant de Monfieur d’Enani- buc, entreprit celuy de la Guadeloupe , que nous allons dé- crire. p. jit.de la i Bd st. Efiablijfement d'une Colonie Françoife dans lljle de la Guadeloupe. chapitre iil IE ne fçay fur quels mémoires Monfieur de Roche fort a écrit , que les premiers d'entre les François qui occupèrent l'Ife de U Gua- deloupe , y abordèrent par les ordyes d'une Compagnie de Marchands de la Ville de Dieppe, qui fous l’autorité : de la Compagnie generale des Ifles de f Amérique établie à Paris ,y envoyèrent les fleurs du Plejsis & de l'Olive pour y commander en leur nom. Car par les titres qui m ont efté communiquez par Meneurs de la Compagnie , je trouve que ces Marchands de Dieppe , n’ont jamais traître de 1 etablifie- mentdela Colonie, & que le traitté qu’ils firent avecMeffieuis de l’Olive & du Plefïïs , regardoit feulement le trafic ; aufli tous les Gouverneurs qui ont commandé dans cette Ifle ne 1 ont tait qu’aunom des Seigneurs de la Compagnie de Paris, & en vertu des Commiffions quelles leur avoir données ; c eftee qui fe verra; clairement dans la fuite de cette Hiftoire. Voyage aux Ànt-Ifles de l Amérique. Monfieur de l'Olive vient en France , pour ob- tenir Commission d'habiter l'IJle de U Gua- deloupe. Il ajfocie Monfieur du Flefsis , & ils paffent conjointement un Contrat! avecles Sei- gneurs de la Compagnie. §. i. Bien que l’Experience des miferes qui avoienr accompagné lctabliffement dans Fille de S.Cfiriftophe,& les fautes qu on y a voit commifes, deuflent rendre Monfieur de l’Olive, plus drconfpeét & plus avifé , & qu’ayant efté témoin oculaire de tous les manquemens qui enavoientpenfé cauferla ruine,ilfuftobligé de prendre fes mefures fi juftes, qu’il ne tombait point dans les accidens defquels l’on avoir eu tant de peine de fe cirer; cepen- dant , je ne fçais par quel mal-heur il éprouva les mefines dif- graces que les precedentes , & fe vid engagé en de plus gran- des i ° Ce Gentil-homme, Lieutenant General de Monfieur d’Enam- buc , dans Saint Chriflophe , & I’vn des plus riches & des mieux accommodez de rifle , ayant refolu de faire un établiflement dans quelqu’une des Ifles voifines , bien qu’il en eût une connoif- fance parfaite meantmoins afin de n’eftrepas trompé,iI achepta vn fiibot fur lequel il mit le fieur Guillaume d’Orange, & quelques autres de fes amis, avec ordre de confiderer exactement les Ifles de la Dominique, de la Martinique, & de la Guadeloupe, & de luy faire un rapport fidele, de celle qu’ils jugeraient la plus propre pour y établir une Colonie. r Le fieur d’Orange fort expérimenté en ces fortes d’affaires, ayant confidcré ces trois Ifles avec toute Fexaétitude poflible, luy rapporta que la Guadeloupe luy fembloit la plus facile, & la plus commode pour habiter. ^ Sur cette Relation s citant embarqué pour la France , à deffein dobtemr dcsMefficursde la Compagnie une Communion pour L Farcie. "* “ ” j r 66 Eflabhjf ornent des Franç ois l'établi ffeaient qu’il avoir refolu, il arriva à Dieppe fur la fin de l’année 1654. où il fit rencontre d’un brave Gentil-homme nom- mé du Pleflis, qui avoit fait le voyage de Saint Chriffophe, avec Monlleur de Cufaç en 161$. Ce Gentil-homme qui effoit fur le point d’y retourner avec des hommes & des marchandées pour s’y établir , entendant parler Monfieur de l’Olive, de l’Ifle de la Guadeloupe , dont il rele voit Iabeauté,& la fertilité, par deffus celle de toutes les autres Ifles , s’engagea avec luy pour lonentre- prife,& s’offrit d’eftre le côpagnon de fa fortune.Monfieur de l’O- live ayant accepté fes offres,ils vinrent enfcmble à P ans, où ayant communiqué leur deffein aux Seigneurs de la Compagnie, & leur ayant reprefenté la grandeur , la beauté, & les autres avanta- ges des Ifles de la Dominique, de la Guadeloupe, &: de la Martinique ; Ces Meilleurs qui ne cherchoient que i’occafion favorable, de faire de nouveaux Eftabliffemens dans les Ant- illes de l’Amerique , pafferent un Contrad avec eux, le qua- torzième Février de l’année 1655. & leur firent, délivrer une Commiflion, pour commander enfemble dans 1 Ifle qu ils ha- biteroient, ou pour commander feparémenr , s’il arrivoit qu ils en habitaffent deux. le n ay pu trouver ny le Contrad, ny la Commiflion , mais feu- lement un Original de l’Extraidde ce Contrad, figné de Beau- vais, qui en contient les conditions réciproques que je mets icy. Extrait du Contrat de la Compagnie avec les Sieurs de l'Olive & du Plefos, le 14. Février 16 $5. La Compagnie promet. 1. DEux mille livres comptant : & trois mille livres en armes qui demeureront à la Compagnie. Le Commandement pendant dix années conjoindcment ou feparémenr, 11 deux Ifles font par eux habitées. in. Preference pour le commandement des Ifles voilines,dont ils feront l*occupation. aux Ant-IJUs de t Amérique. (,7 IV. Le dixiéme des fruiéts que les François receiulleront dans ladite Ihe. V. La Compagnie ne prendra que foixante livres de pctun des hommes qu’ils feront paffer pendant fix années, ou quarante livres de coton quand on ne fera point de petun VI. Lcfdits Sieurs de l’Olive & du Pleffis, feront exempts de tous droits avec vingt-quatre hommes, pourveu qu’ils ne foient défaits deux cens. VU. Les Efcri vains Commis n’auront que fept valets d’ex^mots VIII , F ' Les Femmes, Filles, & Enfans, ne payeront rien Iesfixpre- mieies années : les garçons à feizeans pafTeront pour hommes. I X» ai La &C1?lei J annéej nercra Payé que le vingtiémede ce qui aura efte fait de pctun. ^ X Elle leur donne le tiers de fes droifts fur les mines. Les §ieurs de L O hue & du plcfsts > promettent. F Aire pa/Tcr dans trois mois deux cens hommes en la Do- minique, Martinique, ou Guadeloupe, s’y loger & for- tiher , & y feront un fort la première année , & un autre la leconde, & des magazins. IL Com a" qUatrC RcIiSicux > ou Prêtes , nommez par la pagme. III. hur k dixiéme payeront les Officiers, & fourniront aux i îeitres, nourriture, logement, & ornemens. p/r. . . IV. chacun l011t Ul1 ^^eux Efcrivains ,avec deux hommes I ij Ci Efiablijfemênt des François v. Les cinq années fuivantes, feront palier cent hommes cha- cune, en forte qu’il y en aitfix cens: & les quatre autres lui-, vantes cinquante hommes , en forte qu’il y en ait huid cens* non compris les Femmes & les Enfans. ^ v L Ne pourront faire paffer que des François & Catholiques , & tous feront obligez de fervir trois ans. VIL Ne pourront tirer del’Ifle de Saint Ghriftophe, quequaram te hommes y compris leurs Domeftiques. VIII. La Compagnie y paffera tel nombre de perfonnes qu elle avi- fera, aufquels les Sieurs de l’Olive & du Plefsis, donneront terres, logemens, & vivres pendant une année, lefquels'n en- treront dans le nombre des huiét cens. I.X. ' Ne démoliront à la fin de leur temps aucuns Forts, habita- tions, jardins; & iaifieront le tout à la Compagnie en bon eftat, X. Tous les H abitans payeront le dixiéme des fruiéts , autre ques du petun & coton. XL Âpres fix années, les quatre fui vantes Iefdits hommes paye- ront cent livres de petun , ou cinquante de coton , 6c le dixiè- me des autres marchandifes. XII. ^ Le petun ne fc fera continuellement , 8r particulièrement les quatre dernieres années , il fe fera alternativement. XIII. Chacun ne pourra faire en un an plus de neuf cens livres de petun. XIV. N e. traitrer ont avec les Eftrangers. XV. Les terres inutiles pendant deux années reviendront à la Com- pagnie ,ôc feront dilhibuées à des particuliers à cette condition. aux Ant-IJles de i* Amérique. 0 p <; C & Par h folldlté dc 1 «RPJîif“ta PnUr CC fujet’ aUX Sei§neurs la Compagnie, les Religieux Reformez de l’Ordre de Saint Dominique, &c« e îeuis ayant approuvé fon choix; Monfieur Fouquet eut de sadreffer au R. P. Carré , Supérieur^ Con- pris rEft-fhPir b°UrS Saj,-t ,Gcrmain> & duquel il avoir entre- pus ERabIiflement,ayde des liberalitez de Monfieur le Car- l n d bon f cre ravy de ce que cette occafîon prefentoit ux e îgieux de fon Ordre, le moyen d’agir conformément a leur voearion, deftma pour la Miffion de i’Amerique les T> ’ ' |erre Pélican, Dodeur de Sorbonne; Raymond Breton Bachelier de la mefme Faculté , Nicolas Bruchy & Pierre Gryphon. l * * * * * 7 Le choix de nos PP. pour la Miffion delà Guadeloupe, fut ans oute effcét dune Providence particulière de Dieu; cet- te terre fembloit appartenir à l’Ordre de Saint Dominique, & e lang de fes Bien-heureux Enfans qui avoit efté répandu, CflC Comme Ia femence du Chriftianifme qu’on y alloit a il , ( poui parler auec Tertulien ) ileftoit jufte que le fruit s palina fidei ï’rædic. Coaîett. re- dit- EliMffement des François ' fût recuetUy, pat ceux qui «oient R“u ig‘eut STSS S S». * années 1605. & Z 4 Malpeus "parle desfix premiers, en £ S« i ^ «»£> ' » J. ■/ A ,^w„ contes frherelm» fos *PJ“' D E MoRA r Al LA,«»~ «‘ir; ncfZ 'l c«e» U*»*" > **"■ F- v 1 N- c^/VTilv. fIoanNEs Maktines.^.* «B«- ’ »£“ ^7/ • , ?. TR VP . F. I O a N N B S em iefinffu « l ^Alpho nfeFernandez appuyé del’authoricédu & le I crc Aipnom r*ui en fait mention Chapitre General tenu a Pans .en p_ * *«• C»»w»r rS'&ob’ef“/“™Z’ie it vrrfem &* Chtnenfem excolendam ffavigans , m ™rK . ? o( A, a tv l"ZZÎ^ZJliieZmyCtterifq«c î" '»!***$ bjiü f,g>* a^rmrmt, q«* U»r,jrum finit, uam cmfpa* dc- "T/tTêncore des Sauvages dans l’Ifle de laDominique, qui fçavent le lieu, où ces Religieux furent martyrifez, & qui ont Couvent aflhuréauR. P. Raymond Breton, quils ontveuplu- ^^açsscssîKfi^- iesla"té leur commet le foin des Colonies eftabltes.au nom aux Ant-IJles de /• Amérique. ^ & fous la protection de faMajeftc Tres-Çhrcftïenne, &Ies éta- blit Payeurs, tant des François , habitans de la Guadelou- pc , qiie des Sauvages qui fe convertiroicnt ; je me con- tenteray de rapporter icy les facultez qui y font accordées à nos Millionnaires. Facultates conceflæ à SandifTimo D. N. D. Vr- bano, divina Providentia Papa VIII. Fratn Petro Pelhcano, & Tribus alij s eius Socijs Ordmis Pre dicatorum 7 dejfanatis Ahjdona- rif's ad Indos frotecdos d Chrifiiamfdmo Reo-e GallU. ** 1 Dmintjlrandi omnit Sacramenta, etiam Parochialia , ex- TjLceptis Confirmation & Ordine. Z. tAbjolvendi a b H&refi & Schifmate Indos , etiam Relapfos. 3. iAijolvendi in foro e on fcient a Cajïbus refervatis per quafcûm- clUe Confiututiones ^pofiolicas , in fpecie per Buüam in C&na Do- mim , imunchs miungendis. 4. Difpenfiandi m tertio & quarto fimplici & mixto confamuinita- tisvel affinitatis , m matnmonijs cootradîis ; ncc non dijpenjandi cum gentilibus & înfidelibus plures vxores habentibue, vt pojl eorum con- r verfionem & Baptifmum , quam ex illts maluerint , retinere pojfinty yjifi prima évoluent converti. 5. Declarandi Prolem legitimam^ mprxfatis matrimonijs de prêter i- to contraSiis ,fufceptam. 6. Dijpenfmdi in quacumque irregularitate ex delidio occulto , pr&- terquam ex homicidio voluntario contraria, & Relaxandi ffpenfio- nes qualefcumque a Religiofis, fecularibus , vel Rcgularibus , pr&ter- quam ab homme impofitas , & miunrihs imungendis. 7. Commutandi vota fimplici a , exceptisvotis Cajhtatis &Relirionis. 8. Relaxandi iur^,menta mjlas ob caufts. 5>. Vtendi oleis & Chnfmate veteribus , quando nova de facili ha - bere non potuermt. I. Partie. K 74 Efiablijfement des François 10. Cmfecrmdi Colices , Vatenos , & Jhm* forutilio, deo uni nm obBfifiofo, bencdifto: necnon bmedicenit ïoromenu , CapcUoi & cÆtero ouA ai cultum Vimnum fteccant. _ 11. C elebrandt Mtjfa quocumque loco decenti , etiamjub dio & Jub terra ante lucem , & hyeme vna hora pofi mendient , m altari por- tatili, fine obligation inqmrendi an fit f radium 3 aut cum Reliquqs, njelfine, quod de alüs altaribus inteüigatur. . i z. Bis m die celebrandi 3 vbi neceffitas pofiulavent, wxtajacros ca^ nmes , coram mreticis 3infidehbus Excommumçatis, dmnmodo minifier non fit hdtreticus, & in enfin necefifitatis . ir. Beponendi habitum, vbi necefifiitas pofiulayent. _ _ 14. Recitandi Rojarium Beatiffimi nj 'irgim, loco Bremari] , quando non habuennt , vel non potuennt go aoti pr opter penculum vit*. K. Concedendi Indubentiam quadragwta dierum m fefiis delrœ- cepto, <&priméi claffis 3 &Plen*riam in diebus N ativitatis Domt» ni, &> A ffiumptioms Beau Man a Yirgmis, & fiemel factentibm Confie fifionem generalem fiuorumpeccatcrum 3 frfiemper m mortis Ar- 1, tvtendi prMis FacultatibusinVartibus&Z ociseorumUififion^ Je ri a quint* die il. m Congrégation Générait Sandh Ofificü in Palatio A pofioheo Montis Qmnnab , SanShfifimus D AT. vlbams Divin* ProvidentU P*p* VllU Concefifit fiupradidlas Far citâtes Patri Peüicano, <& tribus aïijs eius Socijs , Ordims puiicn- torum 3 Mififionarüs ad Indos &c. Cardinal « Barbenms. Regiihata fol. 10 i. 'loannes Antonius ThomatiusSantfœ Romani & Vrnver* faits InquifitionU Notartus. .. . >. Comme le Bref Apoftoîique eftoit une dérogation tacite a la Bulle d’Alexandre V I. du douzième May 1493. Par la^ le, le Pape donnoit aux Roys Catholiques ; Ferdmand & lia- belle, & à leurs Succeffeurs , la propriété des Terres ter- mes, & des Ifles de l’Amerique, découvertes & a découvrir; avec .deffenfes fous peine d’Excommunication à toutes perfonnes de quelque qualité & condition qu elles peuvent eftre, quand mefine ils feroient Roys, ou Empereurs, d’y aller ou trafiquer, fans la permiilion des Roys Catholiques; Monfieur e ar 1 nal garda l’Original de ce Bref, comme un titre qui levoit les deftenfes 6c les cenfures portées par la Bulle d Alexandre V T aux Ant-IJles de t Amérique. y? & fc contenta den envoyer une copie à nos PP. qui l’avant fait lire aux Habitans, il fut receu deux avec toute forte de refpcd , & des témoignages d’une joye toute particulière. Embarquement de Meneurs de l'Olive & du Plefîis. Leur defeente dans les IJles de la Adar-* Unique & de la Guadeloupe. §. ni. Es Sieurs de l’Olive & duPleffis , ayant receu leur Corn» ,liy ,nTne Ia,ComPagnie> pour commander conjointe- ment dans I Illc qu’ils habiteraient , partirent de Paris, & s’en al- lèrent a Dieppe pour y lever des hommes , & y préparer les cho- fes necelTaires a leur embarquement. Les cinq cens hommes qu dsie verent, tant a leurs dépens > qu’aux dépens des Mar- chands de Dieppe AfTociez avec-eux , furent obligez de fervir trois ans la Compagnie pour leur paffage , outre Iefquels, quel- ques familles particulières , pafferent à leur frais , à deffeinde demeurer avec la., Colonie. S’eftant embarquez tous deux avec quatre cens hommes èc deux des Religieux Millionnaires dans le Navire du Capital ne rel, les deux autres s’eftant mis avec cent cinquante perfon- nes, qui compofoient le refte de la Colonie, dans le petit Vaif- leau de David Michel , ils partirent de la Rade de Dieppe le vingt-cinquième de May de l’année i<5'35. r Quoy que ces deux Chefs euffent une égale authoritê,neant- moins eftans d humeur bien differente, ils ne furent pas long- temps fans avoir enfemble quelques difficultez, qui parurent dezle voyage, & qui ont efté la fource funefte de tous les dc- lordfes & de tous les mal-heursqui arrivèrent depuis à cette Colonie. Il eft vray que Monsieur du Plelîiseftant d’unefprit lort doux; qui avoit connoiftance des belles lettres , & doüé dun rres-fohde jugement, eût aifément velcu en bonne in- telligence avec Monficur de l’Olive, fi ce Gentil-homme eut Kij -6 Eliablîlfement des François foivy fis propres inclinations -, Car bien qu’ilfut tout à fan fof- dat, 8c tres-courageux, il avoit neantmoms une bonté natu- relle, qui le faifoit aymer de tout le monde ; Mais cette m - me bonté luy fa.fant écouter toute forte de confeils, & _ d ad- leurs eftant facile à perfuader, un tas de gens peidus & Q ame. robfedant continuellement, renverloient tout le bien qu’on luy pouvoit perfuader, 8c l’engagetent en n par ^nfeils violens, à Ses entrepnfes fàch, =nfc furent caufe d’une infinité de maux, dont la Colonie lut att auée, & qui penferent la ruiner entièrement. q Le voyage ( que nous appelions communément dans les ter- mes de la Mer, Traverfiç ) fut tres-heureux , & le ™1^cin auiéme du mois de Iuin, toute la Colonie mit Pied a ter re dans bille de la Martinique, qui n’eftoir pour lors habitée que par les Sauvages. La plufpart eftoienr adez a la guer^ ^ terre ferme , avec quelques Pi rg« ’ Nos deux Guadeloupe , delà Dominique, & de Saint ■ jfiê . Capitaines, fe voyant arrivez à to< les trois “** dans leur Commiflion, refolurent daboid de y - J eftablir la Colonie; dans ce deffein, ils prièrent le R. P. lican d’y planter la Croix; ce qui! fit accomp g > . e_ autres Peres, avec les ceremonies qui e praciqu j mène en ces rencontres. Apres avoir chante 1 Hymne recriU remproieunt, Metteurs de l’Olive & du Pleffis attachèrent au piedfie l’Eftendart triomphant de noftre Rédemption, e - mes de fa Majefté, peintes fur un grand EculTon, apreyuoy on chanta le Pc Dam à la décharge des 'in deux mois, apres fon efablijfement. §. iv. 7 L faudrait que j’empruntaffe icyce que l’Hiftorien Iofeph -* nous a Iailfé par écrit de la famine horrible qui lit périr plu- fieurs milliers d hommes dans lerufalem, pour reprefenter les miferes effroyables, où la Colonie Françoife fe vit réduite, Kiij 7 8 Bfiablijf ment des Franc ois peu de temps apres fon eftabliiïement , dansllfle de la Guade- loupe : fi vous n’y voyez pas des meres barbares manger leurs propres enfans, & leur donner pour tombeau les me fines en- trailles, où ils ont receu la vie, vous verrez des hommes af- famez, brouter l’herbe comme des belles, manger leurs pro- pres excremens; Sc fe voyant cmpefchez de fe procurer quel- que nourriture pour ralfalier leur faim, s expoler volontaire- ment à la feverité des fupplices, aymant mieux finir leurs mi- feres par la main d’un Bourreau, que de traîner plus long- temps une vie que la famine leur rendoit plus cruelle que la ?, mort. On peut dire que lesmiferes de cette Colonie commencèrent dez le Navire, les viandes 6c lesmoluës eftoient toutes pour- ries; ôc l’on avoit embarqué fi peu de Cidre, qu au milieu du voyage l’on fut contraint d’y mettre la moitié deau de Mer: ce qui caufa une alteration incroyable à tous les pafîagers, 8c une chaleur d’entrailles fi violente, que plufieurs en moururent fi-tofi: qu’ils furent à terre. Cette cruelle lezine, eftl’effe& de l’avarice des Marchands, 8C des Commis des Vaifleaux, qui ne cherchant que leur profit , n’avitaillent les Navires que de ce qu’ils trouvent à bon marche, ce qui fait périr la pluipart des François qui paffent dans les Ifles: car ces mauvaifes nour- ritures leur corrompant le fiang, les fatigues 8c les mifercs qu’ils fouffrent pendant un fi long trajet, leur font trouver la mort fi-toft qu’on les amis à terre. Cette faute de Meilleurs de 1 Olive & du Plcfiis , fut lui vie d’unefeconde qui fit périr plus de la moitié de leur monde. Car les Seigneurs delà Côpagnie,dans 1 apprehenfiô qu ils eurent qu ils ne trouvaflent point de vivres, dans les Ifles qu ils dévoient habi- ter; leur ayant ordonné de paiî’er par Mile delaBaiboude habitée par les Anglais , pour s’y fournir de vivres , 6c des chofes neceflai- respour faire iubfifter leur Colonie, foitque le Pilote ne voulut pas y aller , comme quelques-uns ont dit , foit autrement, il n y abordèrent pas. Si bien que deux mois apres leur defeenteà la Guadeloupe , ils fe trouvèrent au milieu des bois , fans Patates ny Manyec pour planter, fans poix 6cfansfebvespourfemer: 8c com- me ils n’avoient apporté des vivres que pour deux mois ( qui cft aux Am -IJles de ï Amérique. un defaut que tous les Etrangers reprochent à noftre nation) nos deux Capitaines Generauxfe virent obligez de retrancher I es vivres, & de réduire tous les gens de leur Colonie à une hvr e de patte par jours# Iafarine ayantmanqué , Ianeceiïiré les ayant obligez de manger de la tortue toute fraiche, fans pain, cette nourriture caufa des flux de ventre, & de fàng ,quienft. tent mourir plufieurs. ® ^ Cesmifereslcs obligèrent d aller à l’Iflede S. Chriftophe, p0£Tr en rapporter du bois de P atates &c de Manyoc pour planter, &. delà ÇaJJavfj oc d’autres vivrespourioulagerleurs gens, en attendant le fecoursqu onleuravoit promis de leur envoyer de France; on embarqua quelques malades, dans Iefperance qu’ils pourraient s y refaire, mais ils ne IaifTerentpas de mourir dans l’abondance, aufli bien que leurs miferables compagnons , qui eftoient demeu- rez dans la neceflité. Voyant donc que leurs gens s affbibliflbient de jour en jour julqu a ne fe pouvoir plus foûtenir, ils refolurent de leur per- mettre d aller fur les Anfes y tourner des Tortues , dont ils leur a voient deffendu de manger à caufe du flux de fane quel- les leur avoientcaufé ; mais ces pauvres affamez 11e purent s’em- pefcher d’en manger fans difcretion, ce qui leur ayant caufé leur premier mal, plufieurs en moururent, &Ies autres devin - rent ff maigres &: fi décharnez , qu’ils fcmbloient pluttott des fquelettcs , que des corps animez. le ne fçay de quel aveuglement ces deux Chefs eftoient frappez, car quoy qu’ils euffent pris pretexte d’aller enfemble à Saint Chriftophe pour y chercher, Sc des vivres & du plan: cependant ils letouinerent a la Guadeloupe auffi peu chargez de l’un que de l’autre ; fi bien qu’il fallut réduire la livre de patte, qu’on diftribuoit tous les jours à chaque perfonne, à cinq onces, encor on ne leur en faifoit la diftribution qu’apres avoir travaillé jufqu a midy. Quelques François qui s’eftoient enfuis dans un canot, ayant efté repris à Saint Chriftophe, euffent efté pendus, ff la mauvaife intelligence de Meflieurs de l’O- live & du Pleflïs ne leur eut fauve la vie. Quelques-uns des plus forts, voyant leur Compagnons mourir ft mifcrablement, & craignant avec fujet d’ettre bien-toit réduits aux mefmes go Eftabhjfement des François extrémité*, & retirèrent parmy les Sauvages, qui les rcceu- rcnt avec humanité , & les traitèrent avec abondance, ne le pouvant faire avec dehcateffe. La famine fut 11 S«iade,^uon mangea les chiens, les chats & les rats, comme de hiancs morceaux. Depuis qu’on eut déclaré la guerre aux Sauva- ges, nos gens .Volant plus finir du Fort, mangèrent jufques a Longueur des Chirurgiens , SC au cuir œs baudriers, qui s fa - (Sient bouillir pour le réduire en colle On ena veuquelques- uns brouter l’herbe, d’autre manger les excremens de leu s camarades, apres scftre remplis désieurs : on a mef”e"1*^1'. certain jeune homme de Dieppe, avoit mange de la chau dun fien Compagnon, & qu’à ce deffein il luy avoir coupe le bras auparavant que del’entertet: , l’on dit en effed que 1 on apper- ceut fa bouche enfanglantée , & que 1 on vit toutes Ls inatque qu'il avoit mordu à belles dents, dans ce bras qu i! avoir fepa- du corps. L’on a fouvent veu la terre des folTes, ou nos Pères avoienr enterré les morts, toute boulverlee le matins avec beaucoup d’apparence qu’on les avoir fomllees, poui < c- terrer les corps , Sc pour en couper quelque mcmbie poui vi- Tout ce pauvre peuple eftoit réduit au defefpoir, & la plus grande occupation de nos Religieux neffoit pas feulement de fonfoler ceux qui en eftoient capables, mais dempefeher les uns de fe précipiter dans la Mer, & d’arracher aux autres le cordesqu’ils avoienr dérobées pour fe pendre. Ceux qui eftoienr affez hardis de prendre quelque morceau de pain, eltoient chalbez comme criminels-, quelques-uns furent attachez au carcan; d’autres furent fouëtez, &il y eut un homme li de ef- peré par la faim, qu encor qu’il eut fouffert : deux Vlcrns d® Lys fur les épaules, &que le R. P. Raymond l eut arrache de la potence, ayant obtenu fa grâce à force de pactes & delarmesde Meilleurs de l’Olive & du PleiTis , qu’il ayma mieux deiobei une cinquième fois pour eftre promptement pendu , que de vivre davantage expofé aux rigueurs mfuppdrtables de la fâini La joye que ces pauvres affamez conceurent le feizieme Septembre de l’année 1635. fut bien courte, ce jour-la ayant - i annerceu aux Ant-JJles de l'Amérique. 8 c apperceu en Mer le navire duCapitaine l’Abbé, fretté par les Mar- c ands de Dieppe, ils crurent quils efioient à la fin de leurs maux, & qu infailliblement ce navire eftoit chargé de vivres, mais ils fc tiouveient bien loin de leurs efperances, lorsqu’ils viientque ce Capitaine, ayant mis à terre prés de fept-vingts hommesjil ne leur avoit pas donné dequoy fubfifier un mois, prote ant quil n en avoit pas afiez dans ion bord pour retour- ner en Fiance; ce fut pour lors qu’on vit une délolation gê- nera e dans I Mc, elle fut encore augmentée par ces nouveaux venus, qui bien-toft apres ayant efté réduits à l’extrémité com- meles autres, ne fervirent qu’à les rendre plus miferables. Cette famine qui dura prés de cinq ans, & de laquelle je eiay encore oblige de parler, lors que je traitteray de ce qui ie pafià en 1640. fut fuivie d’une mortalité prefque generale, a. laquelle outre la famine , deux choies contribuèrent parti" euhercment. La première , fut une certaine maladie qu’on nomme communément dans les Mes, le coup de Barre, ellecau- lc ordinairement à ceux qui en font furpris, un mal de telle tort violent, accompagné d’un battement d’arteres aux tem- pes, & dune grande difficulté de relpirer, avec une Iaffitude & ouleur de cuifies, comme fi 1 on avoit elle frappé de coups de barre, ce qui a donné fujet au nom qu’on Iuy a impofé. Elle attaque ordinairement ceux qui défrichent les terres des Mes, a eau fc des vapeurs veneneufes, qu’elles exhalent : la cruauté des Commandons qui préfidoient au travail, fut l’autre caufc de la mort de la plulpart de la Colonie; car bien que cespau- ^n§aSez 5 tant aux Seigneurs de la Compagnie qu’aux Marchands de Dieppe, Ment extraordinairement affoiblis par a rn.leie & par la faim, on les traittoit plus mal que des clclaves, & l’on ne les poufibit au travail, qu’à coups de bâtons &de halle-bardes; fi bien que quelques-uns d’eux qui avoient e e captifs en Barbarie , maudifioient l’heure qu’ils en efioient forcis, .invoquant publiquement le diable, & fe donnant à Iuy, pourveu qu’il les reportait en France; & ce qui cfi de plus hor- rible, quelques-uns font morts, avec ces paroles exécrables en la bouche. I- Partie. L Si EJlahlifementdes François Mort de Monsieur du Fie fis , apres laquelle Monfieur de l'Olive fait la guerre aux Sau- vages. Majfacres de part & d autre » $. v. LEs mileres que je viens de décrire continuant &£ s aug- mentant de jour en jour, Monfieur de 1 Olive voyant quÆ la plufpart de fon monde eftoit moit , & que ce qui luy reftoit ne pouvoit pas fujbfifter long-temps, s il neftoit fecouru, ne voyant d’ailleurs nulle efperance de fe cours; prit refolution, non feulement contre les intentions des Seigneurs de la Com- pagnie,mais encore contre toute forte de juftice,de faire la guer- re aux S auvages,pour avoir un pretexte de s’emparer de leurs vi- vres , & faire ainfi fubfilfer les pitoyables relies de la Colonie. Il n’ofa pourtant l’entreprendre fans en communiquera Monfieur du Plelfis; ilne luy en eut pas plûtoft parlé, que ce bra ve Gentil- homme luy témoigna qu’il n’y pouvoir confentir, U quilay- moit mieux périr avec tout fon monde , que de fe &uver Par une voye fi injufte Ôc fi contraire aux intentions de la Ma- jefté, & aux delfeins des Seigneurs de la Compagnie. Cela arrefta pour quelques temps l’effed de fa relolution, mais ne changea pas fa volonté i au contraire perfiftant toujours dans fon mauvais delTein, & ne voyant point de lied d’y faire con- defeendre Monfieur du P leffis, il s’embarqua pour Saint Ctmito- phe, dans le navire du Capitaine l’Abbé, pour fonder Mon- fieur d’Enambuc, & pour tâcher à l’engager dans fon entre- prife ; il employa tout ce qu’il pût pour le perfuader , S£ \ le fervit de toutes les raifons les plus fpecieufes qu’il pût trouver, pour y réülfir. r Mais ce généreux Gentil-homme , prévoyant fagement les mal- heurs inévitables, dans lelquels 1 inj ulf ice de cette guerre, al- loit précipiter Monfieur de l’Olive, & toute la Colonie, n y voû- lut jamais confentir ; àc apres luy avoir fait voir par des raifons aux Ànt-ïfles de l Amérique» tres-foi tes tous les inconveniens qui en pouvoient arriver il luy reprefenta qu il n y avoir rien de plus contraire aux ordres du Roy, & des Seigneurs de la Compagnie, qui ayant pour but principal la ccnverfion de ces infidèles , vouloient fur tout qu on entretint la paix avec eux, pour faciliter ce de Rem Mais voyant que toutes cesraifons nefaifoient point d’impref.' fion fur 1 efpnt de Monfieurde l’Olive , il le menaça dcnécri- re en France, & de faire connoifireà fa Majefiéle peu deref- pefl quil avoitpourfes ordres. Pcndanc cette ablcnce de Monfiem- de l’Olive, Monfieur du 1 leiîis tomba malade d'un excez de melanchoiie , caulée tant par la mort de h plupart de fon monde, que par la dé. j11 "es autres, qui l’abandonnoient pour fe retirer auquar- uer de Monfieur de l’Olive; elle fut augmentée par îe danger ou Mademoilelle du Ple/îis tomba; car ayant efié faifie fur le poindt de fies couches, dune fièvre fi violente que l’on n’en attend oit plus que la mort, & celle de l’enfant qu elle portoit, ce Uenrilhoinme qui l’aymoit tres-tendrement, s’en affligea il ort, que la maladie efflant notablement augmentée, l’on efefpera de fi guenlon. Il fe prépara à la mort avec cette confiance qu il avoitfait paroiftre en tant d’occa fions, &ilre- ceut les Sacremens avec toutes les marques d’une pieté vray- ment Chrefiienne. Il femble mefine qu’il eut connoilfince du jour de fa mort; car Monfieur Giraud qui efioitpour lors fou omefitque, voulant le veiller cinq ou fix jours devant qu’il expnat, fine le voulut point fou ffrir , l’affleurant qu’il n’y avoir encor nen a craindre, & qu’il! avertiroit quand il feroit temps, ç. [c quatrième Décembre de l’année id3c. jour de Sainûe Barbe, qu îlhonnoroit avec une dévotion très- particu- fieie, il Juy dit qu’il eftoit temps, &qu’on prit garde à luy , parce ^uil mourroit ce jour-là, comme il fit fur les neuf heures du C efioit un Gentil-homme fort craignant Dieu, genereux,affiu b e^& hberal il commumoit ordinairement tous les hunfi jours, &c \ tfto,cdouedetnntde belles qualifiez, qu’il fut regretté, non feu- lement du refte des François de la Colonie , mais encor des Sau- vages fie 1 xfie de U Dominique , qu’un Boyê , c efiàdirC , un fie L jj. $4 Efiablïjfement des François leurs forciers, avoir averty précifement du jour de (on trépas; du- quel ils témoignèrent autant dedeüil que silseuifent perdu un des plus conliderables d’entre eux. Moniteur de l’Olive ayant elle averty de la mort de ^ Ton Collègue,, retourna promptement à la Guadeloupe, où ils’em- para de tout le peuple; ce fut pour lors qu’il crut que perfonne ne s’oppoferoit àfes delfeins, & qu’eftant maiftre abfolu ,tout le monde fléchiroit lous fes volontez.il ne perdit point de tempsy & il ménagea fi bien les efprits que le vingt-fixiémelanvier de l’année fui vante 1 6)6. il fit refoudre la guerre contre les Sau- vages. Il l’a commença le mefme jour; car ayant apperceu en Mer un Canot de Sauvages à une lieue du Fort , il comman- da des hommes pour les aller maftacrer , mais à leur arrivée ils trouvèrent qu’ils s’eftoient retirez. Nos François qui ne chereh oient que loccafton de faire des- ades d’hoftilité contre les Sauvages, en trouvèrent une qui fervit de prétexté pour couvrir la refolution cruelle qui avoir efté prife de les exterminer Quelques Sauvages eftant allez au cul de fac, prirent un lied de coton que des Varreurs y avoient bulle, au lieu duquel ils mirent un porc 6z des fruiéts; c’eftoit plus que le lift ne valoir , & mefme ceux qui y eftoient intereflez m’ont affeuré qu’on le leur faifoit croire; mais quand cela auroit efté, c’eftoit une fimplicité de Sauvages qu’il fal- loir diflimuler, neantmoins- ce fut l’unique prétexte dont on co- lora le deftein. de cette guerre, qui a coûté tant de fang aux uns de aux autres. Sur la refolution fanglante de perdre les Sauvages , Mon- fieur de l’Olive fit monter le Sieur de la Fontaine fur fa Cha- loupe bifeayenne, avec quinze de fes meilleurs foldats , luy com- mandant de faire le tour de Fille , de reconnoiftre les habita, tions des Sauvages, & de retirer à l’amiable quelques Fran- çois fugitifs, qui s’eftoient retirez parmy eux, depuis deux ou. trois mois. Les Sauvages qui ne fe deftioient de rien, recelè- rent le Sieur de la Fontaine &. fes, gens avec bien de la joye,. Les regalerent de ce qu’ils avoient de meilleur ; leur remirent fort genereufement les François entre les mains, & leur don- nèrent ad vis qu’il y avoir au bord de la Mer une Chaloupe aux Ant-IJles de l’ Amérique. Angloifc , qui avoit mis des hommes a terre pour aller à la chafle: que ces Anglois elfoient venus pour traitter avec euxj mais qu’ils ne l’avoient pas voulu faire , de peur de dclobliger Monfieur de l’Olive leur bon Compere, qui kur en avoit fait dé- fenfe. Le Sieur delà Fontaine profitant de leur advis, fe rembar- qua promptement > chalfa fur cette Chaloupe Angloife , la prit, & l’amena à Monfieur de l'Olive. Trois jours apres le retour du Sieur de la Fontaine, lors qu on y penfoit le moins, &que noflre R. P. Raymondefloit occupe auprès des malades, dont le nombre augmentoit tous les jours, Monfieur de l’Olive s’embarqua avec les Authcurs de cette confpiration ; & fous pretexte de chercher une place plus faine & plus commode , s’en alla vers les habitations des Sauvages , qui demeuroient cm eft à prefent le fort Royal. Les Sauvages , qui avoient eu le vent de leur defïein , s’eftoienc déjà difpofez à la fuitte , ils avoient mis le feu à leur t arbeu, & emporté tous leurs vivres. Les François ne trouvèrent à leur arrivée qu’un bon vieillard nommé le Capitaine Tance, âgé de plus de iîx-vingts ans, avec trois de fes fils & deux au- tres jeunes Sauvages; il eftoit fur le poinét de s’embarquer ; mais comme il vit les François venir à luy , il leur cria plu- lieurs fois , France non point fafche , ne fe pouvant mieux expli- quer on luy dit qu iln avoit qu a venir avec fes enfans en tou- te afleurance , &. qu’il ne luy feroit fait aucun tort. Sur cette promeffe il y vint aufîi-tofL Quand on fe fut faifi de fà perfonne & de fês fils , Monfieur de l’Olive changea de face & de difeours, l’appelia plufîeurs fois traître, luy reprocha que luy & tous fes Compatriotes avoient confpiré contre la Colonie, & refolu d égorger tous les François,: ce pauvre vieillard luy fit entendre que cela n’efloir point, quil ny avoit jamais penfé , au contraire qu’il n’y avoit pas un Sauvage qui ne voulut obliger les François: comme il nioit tousjours cette prétendue conjuration avec cetre ferme- té, quela vérité infpire à ceux qui la deffendent, Monfieurde 1 Olive tira une montre de fi poche, & luy dit, Tiens,’ voila le M aboya de France ( c’efl à dire le diable ) qui me l’aaffeuré. Ce Sauvage tout furpris de voir les mouvemens & les refforts L iij $6 Efiablijfement des François de cette montre j crut que Monfieurde l’Olive luy difoit vraÿî il commença àinve&iver avec chaleur contre ce diable fup- pofë , à l’injurier , & à luy dire qu’il eftoit un impoftcur & un méchant, que ny luy, ny les autres Sauvages ,11’a voient jamais^ penfê à faire aucun dêplaifir aux François. Monfieur de l'Olive luy commanda d’envoyer un de Tes en* fans pour arrefter les femmes qui n’eftoient qu’à cent pas de là. Ce bon vieillard obeïc auflî toft; mais celuy qui fut envoyé, au lieu de s’acquitter de cette commilîion, donna l’épouvante aux femmes, 6c leur fit avancer chemin vers la Lafe du Borgne ( qui eft aujourd’huy le Fort de SainFle Marie ) & leur fervant de guide, il s’enfuit avec elles} dequoy Monfieur de l’Olive fut tellement irrité , qu’il fit lier le vieillard , & le fit monter dans la Chaloupe avec un de fes Fils, lequel on poignarda un* moment apres aux yeux de ce perc affligé. Cela fait, cesaflaf- fins, les mains rougies de fang, s’acharnèrent fur ce pauvre vieil- lard, qu’une cruauté fi barbare avoir également faifiôc de crain- te & d'horreur; & apres luy avoir furieufement enfoncé cinq ou fix coups d’épees bc de couteaux dans l’effomach & dans le ventre, ils le jetterent lié, la telle en bas dans la Mer. mais comme il eftoit d’une forte conftitution pourfon âge, & qu’il faifoit encor quelque effort pour fe fauver , s eftant délié un bras par fon agitation, il nagea vers la Chaloupe, implorant par fes larmes & fes cris la mifericorde de ces impitoyables ; mais ces tygres au lieu de s’amolir , par cruauté horrible 1 abom- inèrent à coups d’aviron. Ils lièrent les deux autres Sauvages > plus morts que vifs,& leur firent commandement de les conduire au lieu où les fem- mes avoient fait leur retraitte ; l’un des deux appelle Mariner » fils du Capitaine Baron , fi connu dans les Ides par Imc ination qu’il a tousjours eu pour les François, jugeant bien qu il ne feroit pas plus favorablement traité que les autres, quilavoit veu maffacrer, prit l’occafion d’une falaile , dune hauteui pro- digieule , de laquelle il fe .précipita en-bas dans des hd.ziers,§£ dans des ronces, fans fe rompre aucun membre. Qiioy qu il fe fut déchiré tout le corps, il nelaifia pas defe ren< îe lemef- jne jour à cinq lieues de là, où eftoient les autres Sauvages àux Ant-TJles de t Amérique . 2/ avec les femmes & les enfan ; il les avertit de ce qui s’eltoit paffé, & de la refolution furieufe des François, qui ne les cficr- choicnt que pour les mettre à mort. le ne puis oublier la douceur & la bonté naturelle de ce jeu- ne Sauvage , qui montre bien qu’ils ne le font que de nom, &que le dérèglement de Iacholere rendoit nos gens plus fau- vages & plus barbares qu’eux. Ayant rencontré au milieu de tous ces Sauvages un garçon François; il ne Iuy témoigna au- cunrellentiment de l’outrage qu’il avoit receu de ceux de la nation; & au lieu de fe venger fur Iuy, du fang qu’ils a voient li cruellement répandu, il fe contenta de Iuy dire dans fonba- raguoin, o lacunes, Francemeuthe fâche, l'ymatté Karaibes, c’ell a dire, ô Iacques, les François font extrêmement fâchez , ils ont tue les Sauvages. Cependant nos François marchoient à pas aillez vers le lieu ou cftoientles femmes Sauvages, dans l’efperance d’en jouir, a ou vii Isui brutallcs paillons. Mais Dieu qui avoit un loin particulier de ces innocentes, les garantit de leur violen- ce , car eFanslurpris delà nuiét ,& fatiguez du travail , du long c ernin qu ils avoient fait , ils furent contrains de fe coucher ur e oïd dune riviere pour repofer un peu, mettant au mi- lieu d eux le Sauvage qu’ils avoient lié, & qui leur lervoit de guide. Ils s’y endormirent fi profondément, que ce pauvre jeune homme eut le temps de fe délier, & de fe fauver à la aveur des bois & de la nuiét ; & à leur réveil le voyant ffuftrez e eui elperance, ils furentobligez de s’enretourner fins con- ducteur, a travers les bois, apres avoir vifité toutes les habita- tions des Sauvages. Les Sauvages qui furent avertis du mauvais delTein des François par le premier qui s’en eltoit fuy, s’aviferent d’une rule qui coûta bien cher aux habitans : car voyant qu’ils avoient une grande quantité de Manyoc meur dans leurs jar- îns du petit Carbet , ils le coupèrent au raz de terre, de forte que nos gens enrageoient de faim , fur les vivres qu’ils fou- loient aux pieds fins les connoiltre. Les Fiançois eltant retournez, s’empareront des habitations des Sauvages, déchargèrent tout ce qu’ils avoient, & y laide- gg Eflablijf ment des Franc ois rcnt quelques hommes pour les garder, en attendant qu’on y ameneroit toute la Colonie. Ils revinrent apres au F, Saint pierre l’ame noircie de ces'fanglans maffacres, animei leurs Compagnons, à pourfuivre avec courage ce qu iis avoient fi -mal-heureufement commencé. Si-toft que le bruit de cette guerre & des meurtres qu ony avoir déjà commis , fut venu aux oreilles du K. -l. T~ mond, il alla trouver le Gouverneur, & le reprit aigrement die cette adion cruelle, & luy remontra qu’il n avoir pas au- thorité de faire la guerre fans fujet, à une nation libre; qui ne luy eftoit pas permis deluyravirinjuftcmentfes biens ; quil contrevenoit aux ordres expiez de fa Nb|citt,& » “ Seigneurs de la Compagnie, qui vouloient fur toute choies qu’on vécut en paix avec les Sauvages, quon ne leur fit au cun tort , ny en leurs perfonnes ny en leurs biens , 6c qu on i - v aillait efficacement à leur converf on. Aufli -tolt la baie des furieux qui avoient porté Monfieut de 1 Olive a une aétion fi injulte , 8c de laquelle il a eu tout le temps de fe re- pentir, commença à crier contre ce Pere, 8c ils perfuader à ce Gouverneur qu’il eftoit Efpagnol, 6c quft s’en falloir défaire, ou du moins le reléguer oans un autielfie que la Guadeloupe, i’apprehenfion queut Monfieur de O- liveque le peuple, qui honnoroitla vertu de ce Religieux, ne prît ks armes pour empefeher fa fûrtie .fut caufe que Ion ne luy fit aucun mal & qu’il ne fut pas cfiaffe de 1 111e. Il n’eft pas croyable combien ils firent pâtir nos Peres pen- dant ccs defordres: mais Dieu qui ne laide lien d’impuny , com- mença bien-toft à leur faire refleurir le chaftiment deu a de fexnblablcs crimes. * . •_ Avant ce démeflé, les Sauvages ne venoient jamais voir les François les mains vuides; & comme ils les voyoïentdans la necefiité, ils leur portoient tousjours quelques vivres Leurs Vm?MS eftoienc fouvent chargéesde tortues, de lézards, de cochons, de lamentin, de patates , de bananes; de figues, 8c de autres fortes de froids que produit le pays ; & il eft viay de dire que fans ce fccours, la Colonie eut miferablementpery : de forte que les Sauvages n’yallant plus, la famine recommença plus violente que jamais. MX iAnt-IJles r/e. l’ Amérique. gg Ils rcfolurcnt encore de fane une guerre ouverte auxFran ço.s, & de venger par le venm de leurs flêcfi es les outraèes qu.lsen avoient receu. Pour cét effets abandonnèrent l’Me de la Guadeloupe, &fe retirèrent dans celle de la Dominique, qu. nen eft eloignee que de fept ou buift lieues, fe cons- tant d y laiffci les plus mduftrieux d’entre eux , pour épier les François , obferver leur conduite, & reconnoiftre leur foi. Ils firent plufieurs courfes fur eux, dans lefquelles ils tue- rent foixante ou quatre-vingts hommes à diverfes fois & firent quelques prifonniers , & ,1s ménageoient f, bien les occaiions, quils furprenoient ordinairement les François & ngeSur e'ux!1™” ^ fans avoir «“porté quelque avan- Continmtion de la guerre avec les Sauvages & les miferes quelle attira fur les François de la Volonté. §• VI. D Epuis le vingt-fixiémelanvieriff^.jufqu’en l’année nSî9. les Sauvages firent fur les François tous les aétesd’hofti- nic qu.ls purent, & fe fervant de l’occafionde la famine , des rnleres, & de la mortalité qu, affoibliffoit de jour en jour la foauT^! d TqUavité de PlrtIS avec ceux de la Demi- eem n^Icd' Vl"ccnc> Pour venir fondre fur nos f ■ ’q, ; maffaci oient fans mifencordc quand ils les trou. noient 1 eCdlC: 1 Cft Vfay auf“ q"C lcs Fl'ançois ne leurdon- noient point de quartier , ainfi la guerre s’échauffoit par les avan- $ > que les uns remportoienc fiir les autres. Vn mois aptes la guerre déclarée, les Sauvages avant dé- couvert que Monfieur de l’Olive faifo.t travailler des hom- mes a une habitation éloignée de fon fort, ils armèrent deux ou trois cens hommes, dans treze Pirogues pour les furpren- dre. I s auraient execute leur deffein s’ils n’eufTent efté dé- I. Partie. - - - M - 90 EfiabUJfement des François couverts par nos François, maisceux-cy les ayant apperceus de Z! Moteur del’OUve eut /c cemps pour ven, avec fes sens, & leur dreffer une embufcade allez près de la Mer. Leslauvaues n’y découvrant perfonne, fauterenrgaillar demenc àrerre, I ’a/ancerenr jufqu’au lieu de l'embufcade, dou ayantVfté lilüés à coups de fufil, plufieurs d’entre eux tom- bèrent par terre. Bien que cette falve impreveue les futpnt, elle ne fes eftonna nullement, U ne leur fit point perdiccœur, au contraire ils fe mirent en deffenfe, Se firent pleuvoy- fi prodieieufe erefle de flèches fur nos gens, que s ils n enflent ^ couvert du bois Se deshaziers où ils s’eftoient mis en em- bufcade, tous en auraient eftê percés. Le combat fut fort opi- niâtré par les Sauvages, mais les armes n citant pas égalés, fc nos François fe battant à couvert, à la fin ils furent contrains de lâcher le pied, & de gagner leurs Pirogues pour fc rem- barauer. Ils fe battirent pourtant tous, ours en renaître, « c’elV une chofe digne de remarque, qu’eftant chaudement pour- fuivis par les noftres, ils n’abandonnerent jamais qu un de leurs i car s’eftant divifez en deux bandes , hine ïamaffoit le morts & les bleflèz, pendant que 1 autre faifoit feime ,&fou tcnoit le choc. Ils perdirent en cette occafion vingt-cinq ou trente hommes outre les bleitez,&Ies viftorieuxy “e“t deux Pirogues remplis de lifts & d autres meubles de Sau- ^Cme viftoire fut fuivie d’une autre que les ^ançois rem- porterenr fur les mefmes Sauvages, à la fin d Oftobie de^ a rnefme année . tf3«. car ayant remarque que trente homm de la Colonie, rravailloient à une habitation ah | Çaptera, ils compoferent une petite armee navale de quinze Pnog S, fur lefquelles ayant mis fepr à huift cens homme , .tirez - ^ Ifles voifines, à deffein de prendre nos gens a limptovife pendant qu’ils feraient au travail ; un pauvre malade en ayan tenconcré quelques-uns dans les bois , a crainte i y tant de force, qu’il arriva auFort affez a temps , .pour avenu nos gens de la defeente des Sauvages. Sur lavis * ce malade tous les François fe retirèrent pour fe mettre a labiy petit fort depaliffades, bafty exprès pour femettte a couv 9' aux Ant-IJles de l 'Amérique . de ces fortes d’incurfions ; mais les Sauvages ayant cflé plus habiles qu’eux, en tuerent quatre, & en bleflercnt fix ou lent à coups de flèches. T out le refte fe defFendit fl bien, qu’ayant tué & blcffé plufieurs Sauvages, ils furent obligez de faire re- traite, pendant laquelle pourtant ils fe bâtirent fort long-temps, & remportèrent leurs bleffez & leurs morts; à lareferve d’un, qui fut aflommé dans le Sable, où il s’efloit enfcvely : entre ceux qui furent tuez du cofté des Sauvages, l’on a crû qu’il y avoit un François renégat, qui apres avoir pillé nos ornemens apres avoir mis en pièces un tres-beau Crucifix, & foule aux pieds un précieux Reliquaire, ayant pris un tifon allumé pour brûler la Chapelle , fut tué ce tifon à la main. Ces avantages neantmoins ne guerifloient point leshabitans d’une certaine terreur panique , qui s’eftoit emparée de leur cœur; car toutes chofes leur faifoient peur; les feiiillcsrouges du bois leur fembloicnt des Sauvages qui les pourfuivoient , &c leur faifoient donner l’alarme à toute rifle: ils prenoient un morceau de bois flottant, pour une Pirogue chargée de leurs en- nemis ; & durant la nuid n’ayant point de repos , ils ne fça- voient quel lieu choifir, pour y eftre en aflcurance pendant le jour. Monfieur de l’Olive mettant tousfes foins pour fecourir cet- te Colonie affligée, divifa tout le peuple en deux bandes, qu’il envoyoit bien armé alternativement , & de femaine en f-_ mainc tourner des tortues fur les anfes. Celaréiiflit durant quel- que temps, & defFendit la Colonie delà famine; mais IesSauva- ges eflanc tousjours aux aguets, & dreflant continuellement des embufeades, d’où ils tuoient fouvent des François, l’on fut contraint de fe renfermer dans le fort, & de n’en fortirque rres-rarement, ce qui ayant augmenté la famine , la plufpart moururent de neceffité & de nnferc. Ceux qui fe hazarderent daller dans les bois chercher dequoy raflafier leur faim, y pé- rirent mifcrablement , & mefme l’on en a trouvé plufieurs mangez par leurs chiens, autant, ou plus affamez que leurs mai fli cs. L’abondance qui cfloit pour lors dans l’Ifle, comme nous verrons cy-apres , montre bien que cette famine eff oit un chafli- M i) p 2, Efiablijf 'zment des François mène, dont Dieu puniffoit ce peuple, & une vengeance qu’il prenoit du fang des Sauvages , qui avoient efté cruel- lement maffacrez. En effed toutes chofes fembloient fervir à la juftice que Dieuexcerçoit contre ces coupables. Le Na- vire du Capitrine Barbeau équippéaux frais delà Compagnie, 5c chargé de vivres pour la Guadeloupe , fut afflige de toute forte de mal-heurs pendant le voyage ; car les Pilotes eftant arrivez à la hauteur de quinze degrez , & n ayant plus qu a fuivre la route de l’Eft , a lOiieft, ceft a dire, de 1 Orient a l’Occident, fe trompèrent fi lourdement, qu’ils allèrent abor- der la cofte de la Floride, diftante au moins de cinq cens lieues de la Guadeloupe. Erreur fi eftrange, qu’il ne s’en eft point veu de fembtable , depuis qu on frequente les Ifles . Co qui fit que ce V aideau effant demeure fix mois en Mer, pref- que tous tes vivres dont il eftoit chargé furent confumés ou galles. . Cet erreur fut fuivy de deux autres ctirgr^ices. La première fut que Moniteur de l’Olive ayant fait charger une barque, des vivres qu’il avoit à Saint Chriftophe, cette barque ^ant à la veuë de la Guadeloupe, apperceut à la poinde de l’Iüe, la Flotte d’Efpagne, ce qui l’ayant obligée de relâcher à Saint Chriftophe , ces miferables affamez n’eurent que la veuë de ce qui pouvoir foulager leur mifere. La fécondé difgrace ne leur fut pas moins fenfible, carMonfieur de l’Olive ayant mis une troupe de les meilleurs hommes , dans une autre b ai que, pour aller chercher du pain à Saint Chriftophe, ces mal-heu- reux préférant leur confervation , à celle de tous les autres, s’enfuirent avau le vent avec la barque, & depuis n ont jamais 95 aux Ant-Ifes de F Amérique. Retour du R. P . Pélican en France , ou il ob- tient une p lace pour les Religieux Mifionnaire s , & une nouvelle Commifion pour Monfieur de l'Olive. Embrafement de nojlre Eglife & de nofire Café . QVelques foins que prît Monfieur de l’Olive pour empef- cher la ruine entière de la Colonie; bien qu’il employai]: tout le revenu de l’habitation qu’il avoit à Saint Chriftophe pour ayder à la faire fubfifter, on ne IaifToit pas de le faire authcur de tous les mal-heurs qui l’accabloient ; & l'on difoit en France que luy feul l’avoit réduite à l’extrémité , où elle fe trouvoit, par la guerre qu’il avoit entreprifè contre les Sauva- ges ; ce qui luy faifant appréhender, ou qu’on ne luy donnât un Collègue à la place de feu Monfieur du Plefïïs, ou qu’on révoquai!: fa Commiffion, il pria le R. P. Pélican, Supérieur delà Million, de faire un voyage en France, & le chargea de reprefenterà Meffieurs de la Compagnie , les horribles miferes de la Colonie, de le befoin extrême qu’elle avoit d’un puifi* faut fe cours , pour la faire fubfifter , d’exeufer fa conduite en- vers ces Meffieurs, de d’obtenir d’eux qu’il fut maintenu , feui Gouverneur de la Guadeloupe. Nos Religieux qui avoient déjà écrit aux Seigneurs de la Compagnie, afin qu’ils leur filTent donner par le Gouverneur & leurs Commis, quelque lieu feparé, pour vivre dans la re- colle&ion conforme à leur eftat , prièrent le R. P. Pélican de les folliciter en France de cette grâce, & de leur reprefenter que depuis leur arrivée dans Mlle, ils demeuraient au Fort parmy des foldats de des habitans, dont les maximes &la fa- çon de vivre, font tout à faitoppofées à la retraite, de aufilcncc, propres àl’eftat Religieux. Le R. P. Pélican eftant en France, s’aquita fidèlement de ce quil avoit promis à Monfieur de l’Olive de à fes Frétés. La Compagnie dans fa première Affemblée écrivit au Gou- Mii; 94 Efiablijfement des François verneur & à fes Commis d’ affilier nos Pères dans leurs befoins, de leur fournir les choies neceffaires, & de leur baffiir quelque logements dans lequel iis puffent vivre feparez du commerce du monde. La Compagnie trouva plus de difficulté pour 1 affaire de Monfieur de l’Olive, elle ne put fe refoudre de luy biffer la conduite d’un eftabliffement qu’il avoir prefque ruiné par fon imprudence, en faifant la guerre aux Sauvages, defquels il de- voir conferver l’amitié & cultiver 1 alliance &le commerce, à caufe du fecours que la Colonie en droit tous les jours dans fa neceffiré. L’impuiffance où Monfieur de l’Olive fe trouva de fecounr nos Religieux, la crainte qu’il eut que les Sauvages ne les maffacraffent, fils demeuroient éloignez du Fort, lempefchc- rent d’executer les ordres preffans qu il receut de la Compa- gnie : Si bien que nos Peres voyant fon refus, furent obligez de députer en France le R. P. Gryphon pour en inftruire le R. P. Carré leur Supérieur. Ce bon Pere fenfiblement touché des miferes de fes enfans, qui n’avoient pas un morceau de pain, & qui eftoient contrains de vivre defeüilles de Patates &de pourpier , cuit avec de leau de Mer , fut trouver les Di- recteurs de la Compagnie pour les prier de les fecounr & de les affilier dans cette extrême neceffitê ; ces Meffieurs fe con- tentèrent de luy dire qu’ils en efficient bien fâchez, & que cela ne dépendoit plus d’eux, que Monfieur de l’Olive s’en effioit chargé dans le Contraél qu ilavoit paffe avec la Compa- gnie, & qu’ils en écriroient à leurs Commis pour obliger Mon- fieur de l’Olive à s’acquitter de cette obligation. Le R. P. Carré les voyant fi peu difpofez à luy accorder une demande fi jufte , commanda à fes Religieux de retourner en France dans le premier Vaiffeau qui y feroit voile. Quand le R- P. Raymond receut cét ordre, il effioit fculdc Preffire dans la Guadeloupe. (Le R. P. Nicolas Brechet eftant a S. Chriftophe) la neceffitê dans laquelle pour lors il alloit bif- fer les habitans , luy différer l’execution de cette obeïffance; mais i’apprehenfion de ne pas fuivre la volonté de fes Supé- rieurs le ht enfin refoudre à venir en France. Si-toffi que le aux Ant-JJles de l* Amérique. $ j peuple en eut le vent, ils le vinrent prier les larmes aux yeux de ne les pas abandonner, ils employèrent les prières 8c les menaces auprès du Gouverneur pour le retenir , on en vint mef- me jufques à l’arreftcr de force. Ce bon Pcre déjà arrefté par les liens de la Charité, qui l’a voit porté à confacrerfa vie au lalutde ce peuple, y confentitde bon cœur; & pourn’eftre plus a charge à Monfieur de l’Olive ( qui julques alors n’a voit point exécuté les ordres des Scigneursde la Compagnie pour ce qui nousregardoit ) il leur écrivit & leur fit connoiftre , que cette inexecution de leurs ordres , ne procedoit d’aucun mé- pris , mais de l’impuiflancc dans laquelle efloic Monfieur de l’Olive de les effectuer , & que le moyen le plus court de pourvoir à nos befoins , c’eftoit de luy ordonner de nous donner de la terre, & des hommes pour la cultiver, 8c qu’avec cela nous pourvoirions nous-mefmes à nos nccelîitez. La terre pour lors e liant à fi grand marché , qu’on la donnoit à ceux qui en vouloicnt, les Seigneurs de la Compagnie ne trouvèrent aucune difficulté aux propofitions du R. P. Ray- mond, ôc donnèrent ordre à Monfieur de l’Olive & à leurs Commis , de nous donner de la terre , & d’en palier Contraét en leur nom avec nos Peres, ce qui fut exécuté le vin gt-fixic- me Ianvier de l’année i6ff. comme il paroîtpar le Contrat dont voicy la teneur. Contra A de Donation de terres aux Religieux de l Ordre des FF. Frefcheurs > Mifionnaires Apo* foliques en l’Ifle de la Guadeloupe , par Mon* fieur de l'Olive , au nom des Seigneurs de Ifè Compagnie . LAn 1657. Ie vingt-fixiéme jour de Ianvier , furent prelènS en leurs perfonnes Charles Lienard, Efcuyer Sieur de l’O- live , Capitaine 8c Gouverneur de rifle de la Guadeloupe ,8c les RR. PP. Nicolas Brechet , dit de Saint Dominique, Vi- caire de la Million de l’Ordre des FF. Prelcbeurs es Ifles dei ^6 Eflablijfement des François F Amérique , ôc P. Raymond Breton, Procureur de la mefme Million, ôc forcis du Noviciat General dudit Ordre de la Vil- le de Paris, ayant cherche dans ladite Me, une place 6c lieu commode pour y faire leur refidence actuelle , ôc y celcbrer . le Service Divin, ils en auroient rencontré une fcituêe à la Bande du Oücft, dont ils auroient fait demande audit Sieur de l’Olive , ce quil leur a oétroyé fous le nom 6c authoritc de Noffeigneurs de la Compagnie des Mes de ï Amérique : Le- dit lieu 6c place eftant fcitué à ladite Bande du Oüejî, joignant dun codé à une grande rivière , appellée la riviere de la pointe des Gaüions , d’autre à une autre petite riviere appellée Upcti- te Riviere, d’un bout à la Mer , ôc d’autre bout aux Montagnes. Lefquelles rivières ferviront de limites des deux codez , ainfi qu’il a cité fait,6c borné icelles, par ledit Sieur de 1 Olive, en prefencc de Henry Tireüil ôc Iacqves Volery, Commis 6c Secrétaires de NolTeigneurs de la Compagnie des Mes de l’ Amérique, ledit jour ôc an que defïus» 6c pareille- ment en prefence de Charles Phil bert, Efcuyer Sieur de la Grange, 6c l’un des cent Gentil-hommes de Monfieur, 6c Lieutenant General dudit Sieur de 1 Olive, Nicolas S vil lard 6c Iacqves Bel in, Sergens. ^ Nos Peres en avoient pris polle/Tion des le trezieme No~ vembre de l’année i6]6. mais l’abfcncc du R. P. Nicolas Bre- chef , qui afliftoit les habitans de Saint Chriftophe, pendant l’ab- fence du R. P. Hyacinte de Caen, Religieux Capiucin, avoit retardé la paffaffion du Contrat , qui fut agréé par les Sei- gneurs de la Compagnie : lefquels par trois a&es de îatinca- tion données en divers temps, confirmèrent cette donation, par eux faite à noftre Ordre. Nonobftant quoy , 6c unepofief- fion de quatorze ans, Monfieur Hoiiel na pas laifié^ de nous en contefter la propriété, 6c d’employer la yoye de faidt pour nous en ofter la joüyfTance; mais fa Majeftépar Arreft c on Confeil donné en 1 66i. nous a reftably dans l’une 6c dans 1 au- tre; 6c parce que cette affaire a fait beaucoup d éclat à Paris, je feray obligé d’en éclaircir le public dans la fliitte de cette Hiftoire; 8c de faire connoiftre l’innocence de noftre conduites & l’équité de noftre caufe. dUX Am-JJles de l Amérique. C)- Les retardemens que Monficur de l’Olive avoit apportés à I execution des ordres de la Compagnie , ayant e/lé (comme nous avons dit) des effets de (on impuiffance, ne rallentirent point h zelc du R. P. Pélican , il follicitapuiflammentJes Soi- gneurs a Paris, & n en tirant que des prome/fes, il en avertir- Jf ,{crP' CaiTC J ^ pria de rendre ce bon office au Sieur delOuve auprès de Monlieur le Cardinal de Richelieu. Il le fit avec fuccez ; car quelque temps apres, Monlieur le Pre- lidcnt bouquet , avertit la Compagnie dans une de fes A/Tem blees, que Ion Eminence fouhaitok qu’ellefavorifat le Sieur de 1 Olive, .& quelle le confervat feul , dans fon Gouvernement Sur cette recommandation la Commiifion fui vante luy fut ex’ pediée. ■' Commïfion de la Compagnie an Sieur de l Olive, par laquelle il eft confirmé & continué Gou- verneur ne 1 îjle de la Guadeloupe. LA Compagnie des I/îcs de l’Amérique au Sieur de POli ve faiut. Par Contrat pa/Té du quatorzième Février i6x< la Compagnie vous ayant accordé pour dix ans le comman dement oc l’une des trois Ifles de la Guadeloupe, d'Antigoa ou de la Dominique, que première vous occuperiez ,& en la- quelle votis vous établiriez : & ayant choifi l’Ifie de la Gua deloupe, qu’avez commancé à habiter & défricher, & avant ait des Forts, avec refolution d’y demeurer, & la garder pour e fervice du Roy , de de la Compagnie , & y établir une Co- ome de François, aux claufes & conditions portées par ledit ontraét. A ces Caufes, la Compagnie defirant de fa part iatistaire au contenu audit Contrat:, vous a etably, commis nn aUCi 5 Gommct’ & députe , Capitaine General de l ine de la Guadeloupe, pour le temps qui rcte à expirer des dix années contenues audit Contrat , avec pouvoir de com- mander à tous les Capitaines, Officiers, Gens de guerre & autres Habitans de ladite Ite, tout ce que vous jugerez ne 9% Eftablifimtnf des François «flaire U vtile pour le fervice de fa Majefté, eftabliflemé». de la Colonie, Sc pour le bien 8£ avantage de la Compagnie, aux droifts portez par ledit Contrat .Mandons a cous Capiui- ncs, Officiers, Gens de guerre, SC autres Habitans de ladi Ifle, qu’lis ayent à vous obéir en ce qui dépend de ladite Charee : De ee faire vous donnons pouvoir, en vertu de ce- luy nous donné par fa Majefté. fait à Parisle deuxieme do DeMonfieV/de’l’Ohve’eftoic à Saint Chriftophe lors qifilre-’ ceut cette Commiffion, &: les Lettres des Seigneurs de la Com- pagnie, par lefquellcs ilsl’avcrtiffo.ent des pemcsSl dcsIoms oue le R P. Pélican avoir pris a fon occafion, Sc 1 encoura- geaient de fe maintenir dans la Guadeloupe-, Sc d y .avoir grand foin de la Colonie , l’aflèuranr de le fecourir puiffam- ment, d’hommes &.de vivres, par le premier Vaifleau. Il s em- barqua dés le lendemain, avec tout ce quil put trouver de vi- vres fur fon habitation , pour la Guadeloupe Si-toft qu il eut mis pied à terre, il envoya quérir le R. P. Raymmad, pou luy faire part de ces agréables nouueUes , Sc pour ‘^“ft qu’il confcrvctoit chèrement toute fa vie, le fouvemr des obli- garions qu’il avoit à nos Peres de France , qui 1 avoient fervy avec tant d’afFeftion. _ .» Pendant qu’on faifoit la lefture de cette nouvelle Cornmil- fion, en prefence des Capitaines, des Officier s ,5c dcsprinci- oaux habitans del'Iflc, un lervitcur arriva tout hors dhaleine, criant que l’Eglife Sc la Café des Peres eftoient en feu. L® P Raymond àcette affligeantcnouvelleleva lesyeux au Ciel, ît dit tout haut ; Mon Dieu, vousnousl’aviez donné, vous nous l’avez ofté, foyez beny à jamais. Apres cet a&e de religna- tioii à la pure -volonté de Dieu , il courut à fon habitationpour apporter quelque remede, ou pour fauverau moins les Orne, .mens d’Aurel , il trouva la Chapelle, la Café, & tous les Or- nemens de l’Eglife brûlez , les Calices fondus, quatie mu.ds pleins de livres, réduits en cendre : tous les meubles Sc lesha- bits des Religieux confumez par le feu ; cette perte monta à plus de fix mille livres , Sc fans quelques Ornemens, & un r.ïurt*. rmr Ir. R. P. Brcchet eardoit à la Chapelle du rorc* aux Ant-IJles de l 'Amérique. ^ où il dcmeuroit encor, nos Pères fc fuiTcnt trouvez dansl’im puiffanec de célébrer la Sainfte Meffe; ils ne fauverenr nylf vres ny papiers de céc embrafement, Iefus-Chrift en Croix fut Iefeul livre qui leur refh, pour y puifer les veritez cc- lefles qu ils prefehoient tous les Dimanchesau peuple. N’ayant plus d’habits ny de tuniques que celles de toile, jufqu a ce que Moniteur le General de Poincy, envoya au R. P. Ray„ mond un habit complet , qui avoit efté pris à quelque Reli- gieux de iioftrc Ordre, dans un Navire d’Efpagne. EJlabliJfe vne nt de la Colonie Erançoije dans l'IJle de la Martinique. CHAPITRE IV, IL y a bien de la différence entre les Colonies qu’on en- voyé de l’Europe, pour peupler les Ant-Illes de l’Ameri- que , te celles qu on tire .des Ifle&dcja habitées; pour les tranfporter dans une autre Ifle voifine. L’hiftoirc de l’Efta- bli/Tement dans les Ifles de Saint Chriftophc , &r de la Gua- deloupe, fait aflez connoiflrc combien il y a de difficultcz à eduyer , quand il fautlever cinq ou lix censhommes à grands frais la peine qu il y a à les garder de peur que la plufpartnc e dérobent, &*nechapent avant- que d’eftre embarquez, un trajet de dix-huiét cens lieues pour aller défricher te cul- tiver une terre toute couverte de bois, te fort mal faine y .J1 nV a ny Pain^ ny parte, ny maifon, ny hoftclleric, te ou il le fait une fi effrange révolution d’humeurs par ce grand changement de nourriture & de climat , que' la plupart tombe malade quelques jours apres leur arrivée, te' plufîcurs - y meurent faute de fecours, foit par l’abfence des Médecins, foit pour le peu d’expcrience des Chirurgiens, dont la pluf part ne fçavenc autre çhofe que faigner te taxer. •. * ' J' ’ ~ Nÿ I0o Eftabliffementdes François Déplus il eft aifé de concevoir combien il faut foufirir, lors qu’on eft réduit à attendre du fccours de France de per- bonnes, lebqtielles ayant avancé cinq fols, en ebperent vingt de profit à la fin de l’année , & qui fe rebutent &: abandon- nent tout, lors que les affaires n’ont pas un fi prompt, & un fi heureux fiiccez, que ceux qui les ont porté a ces boites den- trepribes , leur ont fait ebperer. Delà vient qu il ne be faut pas çftonner fi l’Eftabliffemcnt de la Colonie Francoibe dansllllc de la Martinique , a fi heureufement réiifti, quelle ayt déjà en- ' fanté de nouvelles peuplades dans les Ifles de la Grenade, àC de Sainéte Alouzie; puis que l’Autheur de cette entreprit a efté le Gra nd d’Enambvc, Pere & Fondateur de la Co- lonie Françoibe en celle de Saint Chriltophe, quilgouver- noit èour lors. Comme il eftoit puiffant, riche, aymé de tout le peuple ,& fort expérimenté à faire des Eftabliffemens, il a bagcment évité les écueils , contre Iefquels plufieurs autres au~ roient fait naufrage. My d’ Enambuc apres avoir fait l'EflahliJfe - ment d une Colonie dans l IJle de la J\darti - nique , y ^riijfe le Sieur du Font pour com ~ mander . §. i. IL y avoir long-temps que Monfieur d’Enambuc meditoit d’habiter l’Ifle de la Guadeloupe, comme la plus prochaine de celle où il commandoit, qui eftoit plus à bâ bien-beance, & de laquelle il connoiffoit parfaitement la qualité & les avan- tages : Miais be voyant bupplanté par Monfieur de 1 Olive bon Lieutenant, auquel il avoir communiqué bon deffe.in, & qui en avoir obtenu le* Gouvernement des Seigneurs de la Com- pagnie , appréhendant que quelqu’autre ne luy en fit au- tant cle rifle de la Martinique, ilrebolut de ne plus différer d’en prendre pofléffion, &: de l’habiter bous le nom de ba Ma jefté, & bous l’authoritç de la Compagnie. aux Ant-JJles de l Amérique. roi Pour réü/ïîr dans cette entreprife , il prit environ cent hom- mes des vieux habitans de Pille de Saint Chriftophc, tous gens de main, accouftumcz à Pair, au travail, & à la fatigue du pays, & qui eftoient tres-habiles à défricher ia terre I la cultiver & y planter des vivres, & fort adroits pour y dreiîer des habitations. r 7 Chacun de ces habitans fit provifion de bonnes armes, de poudre, de balles, de toute forte d’outils , comme ferpes , houes, haches, platines, ôc autres vftencilles. Ils fe fournirent de plan de Manyoc & de Patates pour y planter, de pois, de feb- ycs, & d autres graines pour y femer. Monfieur d’Enambuc eihntparty de rifle de Saint Chrifto- phe , au commancement du mois de Iuillet de l’an 1635. def- cendit a la Martinique cinq ou fix jours apres. Il fit prompte- ment bafiir un fort fur le bord de la Mer, qu’il munit de Ca- nons, & de tout ce qui eftoit ncceflàire pour le bien deffen- are Le tort fut nomme le Fort Saint Pierre, foit pour fatisfai- re a la dévotion particulière dont il honnoroit ce Prince des ™i°œrf01t a S? q^avoicmispied à terre & qu’il avoir piispofleflion de llfle, le jour de I’O&ave des Saints Apoftrcs, Samt Pierre & Saint Paul. ^ 7 Enfiiite ayant fait travailler en fa prefenceà une grandeha- bitation, apres l'avoir fait planter de Patates & de Manyoc, il s en retourna a Saint Chriftophc, laifîant le Sieur du*Pont, en aüa!,rd^meTnte & ^ C0Urage> PDur commander fous luy ei quahte de Lieutenant, avec ordre exprès de conferver ai tant l] iuy fer°ic poflible la paix avec les Sauvages Niij 101 Efiablijfement. des François- Guerre des Sauvages contre les François , avec le [quels Us font la paix, apres avoir efié bat- tus. Mr du Font retournant a Saint Chrifto*- phe, tombe a vau le vent> & ejl fait ppjorh- nier par, les Espagnols §. i ï: LEs Sauvais, qui nefouffrent jamais le voifinagc des Eu^ ropcans que contre leur volonté , commancerent bien-tplt. aptes à murmurer ; & quelques-uns d’entre eux (car ris ne- toicntpas tous d’unmel'me fennment) ayant eu different avec les François , il y en eut de tuez de part & d autre. Ce fut là le commancement de la guerre quils firent u noftrcs ; car ayant pris refolutiomdèinpeffher noft|e Eftab - fement, ils n épargnèrent rien pour reuflir en ce deffein I ne trouvoient point de François a 1 écart, fur lequel il ne fiffent main baffe, & ils paroiffoient tous les jours arm à. la veuc du Fort pour les furprendre; ce qui fit beaucoup fouffrir nos gens qui nofoient s en t éloigner de peur deftr furpris,, & cruellement maffacrez. 11 eft vray-que les Sauva-v gesP y laiffoient fouvent des leurs; car les François neffoitan jamais que bien armez, ne donnoient aucun quartier, a ceus oui tomboiënt entre leurs mains. _ ^ Les Sauvages pourtant ne fc croyanspas affez forts, crmen que pour chaffcr entièrement les François de llfle , il falloit avoir recours à leurs voifins. Pour ce fujet ils appelèrent a leur fecours, ceux de la Dominique, de Saint Vincent, & de la Guadeloupe; & ayant compofé un corps de quinze cens « hommes , ilsfe prefenterent fous le Fort, faifant mine d y v u- loir defeendre. Monfieur du Pont qui avoir eftcî aVc.rt£ dc cette entreprife, avoit fait retirer tousfes foldatsdans leFoi t, Si fait charger troispieces de canorude balles de moufquec. Mix dnt-IJles de l'Amérique. I0, 4e doux , & de mitraille, jufqu’à l'embouchcure, & défendu que pas un de fes gens parût hors le Fort; ce qui ayant ren du les Sauvages hardis, ou. fe perfeadoient.queles Franco s épouvantez de leur nombre n'ofoient paroiftre, ils s'en vin- rent en foule & en confulion proche le Fort; mars le Sieur du Pont ayant pour lors , fai t mettre le feuà l'un defes canons, il fit un carnage fi eftrange de ces barbares , que croyansnue fous les Mdoyas de France eftoient fortis de la eue Je dJce canon pour les deftrurre, ils coururent avec une viftelTe in. vamet déTff AUJ PllOSUeS& I» Mer, fi épou- vantez de leffeét de ce canon , que contre leur couftume, ils MS amuferentpoint a ramalfer, ny leurs morts, ny leurs blet Pendant que la terreur des armes Françoifes épouvante les Sauvages, nos habitais s’eftabliffent de plus en plus, ils ne fe contentent nas des places que ces barbares avoient abandon- nées, ils en fout de nouvelles , ils abbatent dubois , & ils plan- tent en mefme temps des vivres & du petun. Les Capitaines des Navires ayant appris cet EiUbliffement , & l'excellence du tabac qu on commançoit a faire, y conduiferent leurs Vaif- feaux, & les habitans de Saint Chriftophe les fccoururent de toutes choies f, a propos, que les Sauvages perdant l'e&eran- mentP°UV01r cmfclchcrlcurPr0Sr«, parlèrent d’accommodc. d',ff vr ™r,dlî P°? ’eS "CCUt avec bcauco“P de douceur- Se d affabilité, & leur fit entendre par fon Interprète ,gue s’il les avoir rcpoulTcs par la force des armes, ce n'avoir efté qu’àre- Imblf ^ k d Cm t ks P°rtcr à h P**. P»" vivre en- lemblc en bonne intelligence : qu’il cfloitrefolu de vivre avec eux comme leur frère , & de porter hautement leurs interefh rZrT? fort“ ^rencontres : ]es Sauvages en ayant fait au- tant de leur cotte, la paix fut conclue fur la fin de l’année, avec une ;oye réciproque des deux Nations. Le Sieur du Pont extrêmement fatisfait de cet accord;qui niettoit fes gens en ettat de s’eftablir, & d’occuper les plus beaux quartiers de llfle, partit aufli-tott de la Martinique pour en porter Iuy-mcfme îcs heureufes nouvelles àMonfieur î04 J ytâblïjfemerit des François g Enambuc ; mais à peine eut-il appareillé , que fou Navire fut fur pris d’une violente tempefte, qui le poua a la cofce de l’Ifle d’Hifpaniola, que nous appelions communément Saint Vornwout, où il fut fait prifonmer par les Efpagnols avectouc l’équipage i & comme il paroifloit quelque choie de grand en fa pcrlonnc, ils le fcparcrent des autres , & 1 enfermèrent dans une obfcure pnfon , où il demeura l’efpace de trois ans, fans qu’on en pût fçavoir aucune nouvelle , ce qui ut croire qu 1 eftoit peryen Mer- Cet accident fit beaucoup fouffnr les ha- bitans, aufquels ilavoit promis d’apporter des vivres de Saint Chnftophe , ceux qu’ils avoient n eftans pas encore meurs, ' Monfleur d’Enambuc voyant donc qu’il n apprejioit aucune nouvelle du Sieur du Pont, envoya Monfleur du Parquet fon neveu, Capitaine d’une Compagnie dans llfle de Saint Chnftophe, pour y commander. Jid>4 d’Enambuc eflablit Mr du P arque t fon neveu , Gouverneur de la Martinique. Sa bonne condmtte y attire quantité dhabi- tans. La Compagnie luy en envoyé la Com~ mifion. §, in. MOnfieur d’Enambuc fe Tentant cafte de maladie, & pro- che de fa fin, & voulant maintenir l’EftablilFement de la Martinique qu’il regardoit comme Ton ouvrage, jetta les yeux furMonfieur du Parquet Ton neveu, coufin de ce jeune Gcnti - homme, qui fut tué à Saint Chnftophe , lors que Dom Fede- rie de Tolede en chafta les François. Ce jeune Gentil-homme élevé fous la difciphne de Ton on- cle, vint à la Martinique, avec quinze vieux habitans, & quel- ques ferviteurs-, il y fut receu aux acclamations de tout le peuple, qui voyant revivre Monfteur d Enambuc leur en Gouverneur, dans la perTonne de Ton neveu, Te promettoient aux Ant-IJles de l’ Amérique. roy une conduitte aufli heureufe fous le Gouvernement de celuy- cy à la Martinique, qu ils l’avoient éprouvée à Saint Chriflo- phe , fous le commandement de celuy-Ià. Monfieur du. Parquet appliqua tous Tes foins à pourfuivre céc EftablnFement ; (on affabilité, & l’inclination qu’il avoir d obliger tous fes habitans, Iuy gagnèrent le cœur de fon peu- ple : Et je puis alfeurer apres ce que j’ay appris moy-mefinc des habitans qui choient à la Martinique quand il y arriva, que fi conduite, & la familiarité avec laquelle il fe compor- tait avec eux, aefté l’aymant qui y a attiré tant de monde, ée ce qui fait qu’elle elt devenue aujourd’huy la plus peuplée des Mes Françoifes. Les ferpens dont cette Me elt pleine rebutoient les plus hardis, perfonne n’yofoit aller, 5c elle choit fi décriée que les Capitaines des Navires qui pafloient pour aller à Saint Chriitophe leur vendoient bien quelque traite, mais ne vou- loient pas que les matelots y milfcnt pied à terre. Plus on défri- choit de terre, Sc plus les habitans perdoient courage, parce que n ayant pas en ce temps-là de remedes contre les morfli- res des ferpens, aufïi-toh qu’un homme en elloit mordu, il mouroit un jour ou deux apres. Mais la douceur du Gouvernement de M. du Parquet, ar- relta les uns 5c attira les autres. Trois mois apres fon arri- vée un Navire François de deux cens cinquante tonneaux vint moüiller à la rade ; une vingtaine des plus hardis paffageres meprifant le péril dont ceux du Vaiffeau les menaçoient, def. cendirent à terre, M. du Parquet les receut avec tant de civilité , leur fit fi bonne chère , 5c leur gagna fî bien le cœur , qu’ehant retournez au Navire, 5c ayant parlé aux au- tres, foixante & deux hommes refolurent denepaflér pas plus avant. Ils furent le lendemain tous enfemble le faliier 5c le piiei d agréer qu ils habituaient avec luy, il accepta leurs offres, les embraia, leur promit qu’il les regarderoit toute fi vie comme les Compagnons de fa fortune, 5c qu il les confi- ejereroit tousjours comme fes bons amis. I’ay oüy dire à M. du Parquet que lors que les vingt premiers defeendirent à terre il n avoit qu’un quart d’eau de vie, qu’il leur offrit crC- nereufement. Cét cxcez de civilité, contribua fans doute I Partie, O io 6 Eftablijfe ment des François à la refolution qu’ils prirent de demeurer dans l’Ifle , ce qui fervit beaucoup à l’Eftabliffement de la Colonie, perfonne de- puis ce temps-là n’ayant fait difficulté de s y habituer. _ Le choix d’un fi brave Gouverneur fut approuvé des Sei- gneurs de la Compagnie, & parce que la mort de Moniteur d’Enambuc les empefeha de reconnoiftre lesfervices conftde- rables, qu’il leur avoir rendu pendant dix ou onze années, ils témoignèrent à Monfieur du Parquet fon neveu, & heritier de fon courage & de fa bonne conduite, en 1 eftablitlant Ca- pitaine General, c’eft à dire, Gouverneur de la Martinique, combien la mémoire de fon Oncle leur eftoitchere ôcprecicu-. fe. La première Commiffion que la Compagnie luy en en- voya , eft conceuë en ces termes. Commpon de Lieutenant General dans l’IJle de la Martinique , donnée a M. du P arquet par Jidfôeurs de la Compagnie, LA Compagnie des Ifles de l’ Amérique, au Sieur du Par- quet, Salut. Eftant neceffaire d’eftablir dans 1 Ifle de, la Martinique des perfonnes d’authoriré pour la confervation des François qui y font à prefent en bon nombre , & les faire vi- vre en paix 5c union félon les loix de France: &c l’employ que vous avez eu dans l’Ifle de Saint Chriftophc, fous le Sieur d’Enambuc voftre oncle. Capitaine General de ladite Me, ayant Elit voir voftre courage ôc conduite; A ces caufes, la Compagnie affeurée de voftre affeétion au fervice du Roy, &: au bien de la Compagnie, vous a eftably , commis, & dé- puté ; eftablit, commet, Sc députe fon Lieutenant General en rifle de la Martinique; pour lerefte de cette année & les crois fui vantes, qui commanceront au premier Ianvier 1659- pour en l’abfence du Capitaine General de ladite Ifte, qui fera nom- me par ladite Compagnie, & lors qu’il y fera par fes ordres, faire tout ce que vous jugerez neceffaire pour le fervice gu Roy , Eftabliffement de la Colonie des François, bien Ôc uti- lité de ia Compagnie, aux droits de trente livres de petun, aux Ant-IJles de l’ Ameriaue. iQ 7 a prendre fur chacun des habitans de ladite Iile, non exempté pai la Compagnie , es années que I on Fera du petun : 6e és an- nées que Ion n en fera point, du trentième des marchandées de tiaite qu ils feront. Mandons à tous Capitaines, Officiers, Gens de guerre, & autres habitans de ladite ïfîe de la Mar- tinique, qu’ils ayent à vous obéir en ce qui dépend de ladite charge : De ce faire vous donnons pouvoir, en vertu de celuv à nous donne par fadite Majeftc. Fait à Paris le deuxième Dccembie \é^y. Signe, Martin, Berrver. Comme j’ay feulement entrepris décrire une hiftoire&non pas de. faire des Annales, je ne m’attachcray pas auffi ferupu- leufement à fuivrc l’ordre du temps auquel' les chofes font ar- rivées ; c’eft pourquoy , afin de n'effire pas oblige de {huer continuellement d’Ifie en Me, je poufferay l’Hifficire des choies qui font arrivées dans rEilabliflement de la Marti ni- que jufqu en l’année 16 40. & ainii le Leétcurverra ce qui m’o- blige de parler des Commiffions données par M. le General de Poincy, avant que je Paye fait arriver à Saint Chnflophe. Jidonfeur de P omey loue lu conduite de Tri. du Pur* cjuet, qui écrit aux Seigneurs de lu Compagnie en faveur de Jes hubitans. 5. iv. MOnfieur du Parquet ayant rcceu fa Commifiion j n’eut rien plus à cœur, que de maintenir fi Colonie, & de rendre cet Eftablififemcnt, l’un des plus floriffims de l’Ameri- que. Pour rcüflir dans ce defiein, il forma fon Gouverne- ment fur celuy de M. d’Enambuc fon oncle, il en obferva la méthode, & il ajufta ii bien ia conduite à celle de céc Illuitrc Fondateur des Colonies Françoifes, qu’il fembloit qu’un mef- me eiprit animal!: ces deux corps. Pour ce iujet il exempta, comme avoit fait M. dEnambuc, les premiers habitans de toute forte de droits pendant trois Oij xo8 Eflablijfement des François ans, ce qui joint à la douceur de Ton Gouvernement , Iuy at- tira la loiaangedc tout le monde, l’approbation aes Seigneurs de la Compagnie , & a rendu Ton Ifle la plus peuplée de tou- tes les Mes habitées par les François. Voicy comme en parle M. le Commandeur de Poincy à M.le Pr'efident Fouquet dans fa Lettre du feiziéme. Aouft 1659. . ,, Pour les affaires de Fl fie de la Martinique elles font en ”tres-bon eflat , & M. du Parqùet mente de grandes loiian- 7,2;cs pour les foins & diligences qu’il y apporte , afin que tout „y aille d’ordre. Il a fait faire des habitations proche du Fort Royal: d’autres à fon imitation y en ont pris, de forte qu ils „commancent fort de s’élargir. Il y a environ fept censhom- „mes capables de combattre, mais s’il falloir quils fuflent at- taquez, ils n’ont pas de poudre pour tirer chacun quatre „coups. Il a fait renouveller toutes les Pallifades dudit boit „Royal: tous leurs canons font démontez, autant vaut-il, puis „que les afufts ne vallent rien. H n y a qu un Charpentier en „ toute l’Ifle ; & entre leurs autres neceffitez , celle-là n’elt pas „des moindres, & à laquelle fpecialement vous devez pour- voir & leur envoyer quelqu’un. Voila quand au temporel ; &C „oour le fpiritucl, eftant éloignez les uns des autres, comme „ils font, ils n’ont que deux Preftres Séculiers, qui me trom- ,-peront, aufli bien que les deux que nous avons îcy , s ils ,, font jamais Chanceliers en Sorbonne , leur incapacité eh deplo- ,, table. La Compagnie, qui voyoit profperer fes affames a la Mar- tinique, fous la bonne conduite de M. du Parquet, pendant que celle de la Guadeloupe , où elle avoir confumé tant d’ar- crent ôt envoyé tant cl hommes , deperifloit a veuc ci mil, où M. de l’Olive , écrivit à M. du Parquet, afin qu’il portait fes habitans à recevoir un luge , à édifier un Hofpital , & à baitir une ville, &; luy recommanda d’appliquer les amandes aux ne- ceflitez des pauvres & des malades: il receut cette Lettre à Saint Chriftophe, par laquelle il vît bien que la Compagnie s’imaginoit déjà que l’Ifle regorgeoit d hommes ue ri- chefles : mais connoi fiant que les chofes quelle pretcndoit pour- voient aliéner l’cfprit des habitans de la fourmilion ex du tel- aux Ant-JJlcs de t Amérique. i o 9 pcd qu’ils dévoient a Tes ordres, il fe comporta avec tant de fagelFe, qu’il conferva Ton peuple dans la liberté- ( qui doit eftre afleurément plus grande à des Colonies naifïantes, qud des peuples qui naiflent fous les loix) & perlùadalî efficacement les Seigneurs qu’ils Iuy laillèrent abfolument la conduite du peuple ôc des affaires de leur Compagnie. I’ay trouvé l’Ori- ginal de cette Lettre dans les papiers de feu M. le Prefident Fouquet, que je n’ay pû me difpenfer de mettre icy, parce quelle nous fait connoiftre l’eftat de la Colonie , & la fermeté de M. du Parquet à foutenir l’intereft de fon peuple. iVloNSIEVR, J) Fay receu trois de vos Lettres, l’une parM. Chirard,l’au~ „trc par Trelel, & une troifiéme dattée du troifiéme Avril jjiOy. par laquelle vous me mandez que vous envoyez le ,, Sieur Chirard pour luge à la Martinique : ce qui m’a effonné, ,,veu les Lettres que je vous ay écrites. Nous lommes allez ,, exprès ledit Chirard &. moy à Saint Chriftophe trouver M. „le General, ne pouvant recevoir de luge à la Martinique, >>que premier il n’y ayt fortification & garnifon, m’a condi- tion n’eftant pas de commander à des Bourgeois. Ce qui m’a fait venir icy exprès pour voir mondit Seigneur le General, 33 & fçavoir fa refolution, & fi il defire qu’il y ayt un luge à „Ia Martinique, qu’il me donne mon congé de me retirer en 33 I’ay eflé bien aife de l’arrivée du Sieur Trefel, Sz j’efperc „qu avec laydede Dieu, il pourra réüfîir à faire du lucre. Pour ,,les deffenfes que vous me mandez, que perfonne n ait à en 3 Taire , il n’y a point lieu de les faire, attendu qu’il n’y aper- „ fon ne qui loir allez fort pour cela: li par hazard il fe trou- 3, voit quelqu un , a qui il prit envie d’en faire, je leur feray „deffenfe fur 1 heure mefme. 33 ^ 11 elf permis pour le prefent aux habitans des Ifles de „ s aller habituer à la Martinique, ce qui me fait beaucoup el- 33perer de monde. O iÿ 1I0 Eftablijfément des François „ Pour ce qui eft des artifans & leurs femmes, que devez en- voyer avec leurs outils, ils feront extrêmement neceffaires, , mais il faudra leur faire deffenfe de travailler au petun, ro- ,,cou , coton, & autres mardi andifes, mais Amplement de leurs «meftiers. - ,r Pour l’Hofpital que vous me mandez que Ion Jrafie , ce ,,feroit une chofebien neceffaire, mais les habitans cftans pau- vres, ils ne le peuvent pas entreprendre. Pour les deux nulle „livres de petun , que vous me mandez y donner , ce ne fe- ,,roit pas pour entretenir un homme : faifant un Hofpital, il «faudra uq Chirurgien bien garny d’un bon coffre , plein de «médicamens, ferremens , ôc quantité de rafraîchilfem eus pour «les malades. „ Pour ce qui eft desfoldats de la garde , on n’en peut tirer «aucuns que pour le fervice du Fort. « Pour les amendes que vous me mandez que l’on employé «pour ledit Hofpital, il fera impoffible encore pour cette ali- gnée de payer aucune amende , à caufe que la plufpart des «habitans doivent plus qu’ils n’ont vaillant; & quand il y en «a quelqu’un qui fait faute , on l’envoye aux fers pour puni- «tion. « Pour ce qui eft de faire une ville, comme vous me man- dez de commencer, ilfaudroit que vous m’envoyafTiez quan- «tiré de maftbns, briquetiers, tailleurs de pierre, faneurs de «chaux, Charpentiers, Menuifiers, Serruriers, Taillandiers, «Cloutiers, Couvreurs, & autres ouvriers garnis de leurs ou-, «tils, & autres chofes neceffaires pour la conftruétion de ladi- «te Ville, qui ne fe rencontrent pas en ce pays; de eftant «arrivez , je ne manqueray fur 1 heure d executer vos or- jjdres. y , ,, « Pour le Chirurgien que vous avez envoyé, nous lavons «placé dans le plus fort quartier des habitans , & il eft le fe- «cond Chirurgien del’Ifle, à caufe que dfcftunt mon oncle «Monfieut d’Enambuc, avoir promisla majorité au Sieur Bou- gon, veu fafeience & expérience, & moy luy ay réitéré la «promefîe , voyant les grands travaux qu’il prend journelle- „mcnt dans lTfle. Il a fervy plus dun an dans le fort fans 33 „1 lAnt-ÎJles de V Amérique. irl «jamais avoir rien reccu. Dcffunt M. d’Enambûc mon On- ”c}e> luy avoir promis de luy faire donner fix mille livres 5, .Petun,’ Pour Je/fmPs qu’il a cfté dansledic Fort. Il vous «plaira ordonner quelles luy foient payées, & que fo „ droit ,Iuy fort conferve, ayant fervy fidèlement. \ Po“r CC J?*1 d.e Ja dcffcnfe que vous m’avez faite d’al- ,Iera Saint Œriftophe, je vous promet, fi Dieu me fait la , glace de refier a la Martinique,que je n’en fortiray ficcn’eft «par un commandement exprès, appréhendant qu’il n’arrive «quelque chofç en mon abfence. ^ « Nous n avons point eu connoiflance cette année des Efna- jjgnols, je crois qu’ils font pafTez au vent des Ifles P ” Nous yons rcccu la poudre, la mèche, & le plomb, cm’,1 „vous a plu nous envoyer; ce qui m’a fort réjoüy.à caufedu „peu qui ciloit dans l’Ifle: je vous prie de continuer à nous ..envoyer par tous les Navires qui viendront, cela n’eftanc ..pas capable de durer trois heures dans une neceflité- „ M. de la Vallée a receu la Commiffion qu’il vous a plû luy ” VOyCr’ 11 ma prefte le ferment avec, les ceremonies accoû- :,|UIrvfc’-,CVOU' t,nvo)'c une requefte à moy prefentée par . .les üfhciers, ou vousverrez leurs plaintes. „ Nous avons fait faire un magazin pour NolTeigneurs, qui „eft .eulement couvert de feuilles & à la mode du pays, n’ayant ..aucun ouvrier qu’un Charpentier fans outils. Nous n’avons „ point fait faire de magazin d’armes, attendu qu’il n’y a rien „a y mettre; il n eli point encor arrivé de Navire qui ait bail- d«">oufquets, ils vont tous à Saint Chriftophe, & au- ran!r0IS nC ”0US aflMe’ C ,,qu ils ne viennent journellement parmy nous: il y enaquel- 3,ques-uns qui fouhaitcnt y prendre habitations, mais ceux des 3,auties Ifles les en empefehent. ,, Pour ce qui cftdu nommé Gallé.qui ertoit venu devollre *>part P°“ yidter le petun, on ne l’a point fait recevoir àcau- 33 53 53 53 53 53 33 33 33 llt Eftablijfement des François Ce qu’ij n’a point amené de Charpentier , ny de Menuifter, comme vous nous l’avez mandé. Le Capitaine Grégoire a Séjourné quinze jours à la Martinique, ou on na pu embar- quer de petun pour la Compagnie, a caufc de la maladie uu Sieur Marchand, ôddela négligence qu avoir eu le Sicui Mo- rin , qui eft à prefent aux fers, pour avoir commis les butes, que vous pourrez voir dans fon procez, que M. le General ,,vous envoyé. , ” Pour ce qui eft des papiers que Lefperance vous a envoyé • par le Sieur Gentil, dont il a tiré un recepifle de niy > qui c «monte à fix mille &: tant de livres de petun *, ce neft pas le tiers de la dépenfe faite, tant par feu M. d Enamouc n o Oncle, que par moy: mais ceux feulement dom ledit Leipe- 5 ’rance à pu trouver les acquits fignez des payemens bits, at- tendant qu il en puiffe trouver davantage. le vous prie, M. „ d’avoir un foin particulier de cette affaire; jugeant bienquü „n’eft pas raifonnable que /employé ma vie , mon honneur , .SC mes biens, fans en eftre rembourcé. le vous prie dexcuier „fi je parle avec tant de liberté ; mais ayant croyance que «vous tt’aymez que la vérité, & les chofesnaifues, )e parle de ?, la forte, ne pouvant flatter ceux que je connois eftre de vo- tre mérité, à qui rien ne doit eftre cele. Lefperance me veut quitter , ayant veu les reproches qu on ’luy fait dans mes Lettres, & mefme les deffenlesqu on a fai- tes de le laiffer habiter dans Saint Chriftophe &dans la Mar- tinique: je ne fçay pourquoy, il ayant jamais rien connu en irTJe vos inteteftsî au contraire, je l'ay veu chfputcr plu fieurs fois contre Fougcron, pour foûtemr ce qui vous ap- partient ; il efpere vous voir à la fin de lannee , difant ne "plus vouloir revenir. le ne vous ennuïray pas davantage, je „fuis, me difant pour jamais , MONSIEYR) 33l 33 De 'Vnjireljle S ■ Chriftopne ce 17.^0^1639* Voftre tres-humble & tres-obeïft aux Ant-ïfles de t 'Amérique. Il elt à croire qu’il exprima Tes fentimens à M. de Poincy avec la mefme liberté quilles écrivoitàla Compagnie, & que ce General autant politique & adroit, que M. du Parquet eftoit franc & généreux, fit tout ce qu’il pût pour le conten- ter de paroles , & pour l’obliger à recevoir ce luge : mais voyant qu’il eitoit inflexible, il fit commandement au Sieur Chirard de la part du Roy d’exercer cette Charge, & d’achever le pro- cez de Morin convaincu de rapt, d’aduîtere, & de crime de Icze-Majefté divine & humaine. Cét ordre de M. le Gene- ral fut Ieû le quatrième Septembre 1639. à la telte des Com- pagnies. M. du Parquet qui voyoït que le peuple efloir folu de périr, plûtoft que de recevoir ce Iu/e , L fit aucune' înltancepour les y obliger j au contraire, il fouffrit que le Sieur de la Vallée s’y oppofaft au nom de tous les habitans; neant- moins pour le refpeét qu’ils portoient à leur cher Gouver- neur, ils fouffrirent qu’il continuait le procez ,& qu’il condam- nait Morin à la mort, le vingt-neufiéme Oétobre de la mef- me année i6&. Apres quoy voyant qu’il nia voit plus que faire dans fille ayant achevé là Commiffion , ils luy firent tant de piè- ces qu’il fut contraint d’en lortir. ^ Prudence de 2Ï/L. du P arque t , pour confrver la faix avec les Sauvages. Vn accident fâcheux les , anime à la guerre . M. du Parquet s y prépare fuivant les ordres de M . le General de Poincj. §. v. COmme la mauvaife intelligence de M. de l’Olive avec les Sauvages , au fentiment des plus judicieux , a elté un invincible obltaclc au progrez de la Colonie Françoile dans lie de la Guadeloupe : M. du Parquet pour éviter ce mal- heur mit tous fes foins pour conferver l’amitié de ces Barba- res, lui vant les ordres exprès qu’il en avoitreceu des Seigneurs de la Compagnie. v 0 I. Partie, r, h Efiabhjfement des François C’eft ce qu’il témoigne à ces Meilleurs dans la Lettre qu il leur écrivit le vingt-cinquième ïuin 16)6. où il parle en ces ter- mines. Touchant l’intelligence que vous me mandez d’avoir j, avec les Sauvages, elle ne fe peut meilleure que nous la- pons : nous vivons enfemble comme li nous edions tous Fian- «çois ; mais ce n’cft pas fans grands frais, qu il faut que je fade «pour leur faire de continuels prefens, nous venant- voir jour- nellement. Pour leurs enfans, ils ne trouvent pas agréable «qu’on les leur demande , ce qui m’oblige à faire la garde mplus exaéte. l’ay fait deffenfe fur peine delà vie de Içurfair© «aucun tort. Ses foins ne purent pourtant empefeher que les Sauvages n© témoignalfent par des ades d’hodilité , le déplaifir qu’ils avoienr dans le cœur, de voir les François s’edablir chez eux, & fe rendre les maidres de leur pays. Le Sieur Chirard informa M. le Prefident Fouquet de deux fujets, qui penferent rom- pre la bonne intelligence que M. du Parquet avoir confervée avec les Sauvages; il parle ainü dans fa Lettre du huidiéme «Novembre 1659. En paffant pardevantl’Iflede laDomimque, ;,les Sauvages nous tirèrent des flèches en noflre barque , ou ,,edoit M. du Parquet, qui n’en fit que rire; mais eflant ar- rivez à la Martinique, il y apprit qu’ils avoient enlevé deux «Sauvages de la Café du Siemrde Lefperance; aufli-tod M. «du Parquet a fait arreder le Capitaine Kayerman, Chef de «tous les Caraibes , âgé au moins de 110. ans , ôt luy a fait mçt- «tre les fers aux mains èc aux pieds, avec menace de nen «point fortir , jufqu’à ce qu’il eut rendu les deux Sauvages, que «ceux de fa Nation avoient enlevé fur les François. Quatre «ou cinq jours apres, il rompit fes fers, & s’edant fauve dans «les bois, il y fut mordu d’un ferpent à 1 épaule, & le lende- «main il mourut de fa bleffure: Nous 11 attendons pas mieux «tous les jours, que d’edre aflaflinez & brûlez par les Sauva- «ges, que l’on dit s’aflembler pour cela de toutes les Ifles. M. du Parquet jugeant bien que cette mort rallumer oit dans 1 efprit des Sauvages des fentimens de guerre de vengean- ce , fe prépara à les bien recevoir ; neantmoins comme la cho- fe eftoit de confeqÆence , il en informa M. le Commandeur aux AntAjles de Ir Amérique. de Poincy , & luy fit connoiftre la diligence qu’il avoit appdr- tee à découvrir leur defTein , le priant de luy permettre de les prévenir & de leur porter la guerre jufques dans leurs Car- becs, eftant moralement affeuré que les Sauvages nemanque- roient point de venger cette mort du plus confiderabte de leurs Capitaines, par le fer & par le feu, il luy en écrivit en ces termes le 14 Novembre 1639 „ * Le Capitaine Pitre eftant venu fc crener icy, je l’ay prié j, d’aller à la Capfterre afin d’ê venter le deffein des Sauvages, j,fa où il m’a rapporté que les Sauvages dégradent leurs jar- dins, & qu’il y a des Sauvages de toutes les Ifles, qui eftehofe „affcurée, pour nous faire la guerre j je vous fupplie, fl vous „Ie defirez, que nous les attaquions les premiers, ils ne nous ^feront pas grand mal ; mais fi nous attendons quils nous vien- „nent attaquer, ils furprendront infailliblement quelque quar- tier. ^ le trouve dans les mémoires Originaux lignez de la main de M. de Poincy, envoyez en France le vingt-cinquième Ian- vier de l’année fuivante 1640. l’ordre qu’il envoya à M. du Parquet, de combattre les Sauvagesen cas qu’ils l’attaquafTent. Voicy ce qu’il en écrit à la Compagnie. »>. Quant à la Martinique, il n’y a point de nouvelles que les „Sauvages ayent encor rien attenté: Neantmoins pour ne rien „obmettre de tout ce qui efl , ou peut eflxe utile &: neceffai- „re pour la confervation de l’Ifie, j’ay envoyé une Commit „fion à M. du Parquet qui en eft Gouverneur, de la teneur „ fui van te. Commiflion a JH. du Parquet , Gouverneur delà Martinique , de combattre les Sauvages ? s ils le viennent attaquer. >T E Chevalier de Lonvilliers de Poincy, »’ A— ' ^ Oiciie de Saint Iean de Ierufalem, Commandeur „d’Oyfemont, Chef d’Efcadrc des Vaiffeaux du Roy en Bre- tagne, Gouverneur de fille de Saint ChriRophe, pour les P ij 1 16 Eflabhjfement des François „Seigneurs de la Compagnie des Illes de l’Amérique, &: Lieu- tenant General pour Sa Majeftédefditcs Ifles. Sur les certains „avis à nous donnez, que les Sauvages de fille de la Martinique, „font en refolution d’entreprendre la guerre contre ceux de ,,ncftre Nation, fous pretexte delà mort arrivée au nommé „Kayerman leur grand Capitaine ; la caufe de laquelle ils at- tribuent aux François de ladite Me : & que fi on diffère à t’oppoferà leurs efforts & violences qu’ils fe font mis en de- voir d’exercer , icelle Ifle eft en danger d’eftre ruinée fans „efpoir de rcmede , quavec de tres-grandes difficultez &defo „penfes : Pour à quoy obvier, 6e prévenir le mal , il eft ordon- né au Sieur Du Parquet Lieutenant General pour lefdits Sei- gneurs en ladite Ifle , s’oppofer de toutes Tes forces aux def- „feins defdits Sauvages, fe mettre en eftat d’effre hors defur- „prife , empefeher leurs progrez ; 6c en cas qu’ils fe rendent «agreffeurs, faire contre eux tout a&e d’hoftilité , mcfme les ,,chaffer de l’Ifle s’il peut, 6c ce à toute extrémité , 6c ne pou- vant faire autrement , d’autant que iceux Sauvages eftans ,,chaffez ( veulepeu de monde que ledit Sieur Du Parquet „ peut avoir, qui n’eft capable d’occuper 6c de conferver toute „la terre ) d’autres qui font toûjours aux aguets, fe pourroient „fervir de cette occaflon pour s emparer de la Caps-terre , ou „lefdits Sauvages font habitans , ce qui feroitun plus grand mal „que le premier ,6c de plus difficile remede. Mais afin qu’il „nefoit rien obmis pour la feureté de ladite Ifle, avancement „des affaires de Sa Majeffé , defdits Seigneurs , bien , te- mpos > 6c tranquillité publique ; enfemble pour reprimer l’in- „folence de ces Barbares , faire par ledit Sieur Du Parquet , „ tout ce que pat fa prudence 6 c bonne conduitte , il jugeia „aux occurrences, de mieux 6c de plus convenable. Donné en „noftre Hoffel de la grande Montagne de la Baffe-terre , en „rifle Saint Chriffophe , le 20. Ianvier 1640. Signé le Chevalier „ DE POINCY. M.DuP arquet ayant receu cét ordre , fe contenta de re- doubler les Gardes du Fort, de renforcer de monde les Ca- fés les plus écartées , & de fe préparer à une deffenfe vigou- jteufè contre les Sauvages ; mais comme ilsavoient des efpions aux ÂntAJles de F Amérique. uy tlâns ITile, ils s’aperçeurent bien que rous ces préparatifs ne tojent que contre eux , & qu’ayant affaire à un vaillant Gou- verneur , il en coûreroit la vie à la plus grande partie des Sauvages ; fl bien qu apres avoir délibéré entre eux , ils re- flolurcnt de ramener les deux Sauvages enlevez , & de prier M. Du Parquet de vivre avec eux comme auparavant, en paix & en bonne intelligence. Ainfl toute cette allarme fe diflipa, les Habitans s’effendi- rent fans trouver aucune refiftance de la part des Sauvages, ils continuèrent leur travail interrompu , ils firent d’excellent Petun, qui y attira les Marchands : ce fut pourtant toujours avec les précautions , telles qu’on les doit prendre avec des gens qui n’ont aucune foy, de qui fe vengent quand ils en trouvent l’occaflon favorable. M. de Poincy ravy de la fage & prudente conduite de M. Du Parquet, le fit premier Capitaine des nouvelles Compa- gmes qu il créa à Saint Chriftophc -, & comme « ette charge paroifloir incompatible avec celle de Lieutenant General qui! exerçoit a la Martinique, il manda aux Seigneursde la Com- pagnie, quil a voit ci u le devoir honnorerde cette nouvelle di- gnité, & au elle neprejudicieroiten rien aux devoirs de la pre- mière : voicy ce qu’il en écrivit à feu M. le Prefident Fouquet, le 4. Iuillct 1640. * „ Iay donné à M Du Parquet Lieutant General pour lefdits «Seigneurs à la Martinique, la première Compagnie des nou- velles créées a Saint Chnffophe,de laquelle j’ay crû le de- voir gratifier, pour luy donner encore plus de courage de bien nfervir ; mefinc n’y ayant point d’incompatibilité ny d’obhga- „tion,à quitter la place a luy commife, ayant de bons Lieute- ,,nans , comme je l’enay pourveu d’un ; & de vouloir empef- «c ici luy & les autres qui commandent , d’aller & venir Jors „qui s ont à pourvoir à des affaires abfolûment neceflaires, cc „leioit trop les gefner ; il n’y a point d’ineonvenienr de leur «peimettre, mais rarement, pourveu qu’à leur départ ils laif- „fent bon ordre. Non feulement M. le Commandeur de Poincy à lotie fa conduite & 1 a honore de charges , afin de i’arrefter aux Ifles4 P iij nS Efiablijfement des François comme il difoit fouvent, n’ayant jamais connu un plus brave Gentil-homme ; mais encore la Compagnie a elle fi fatisfaite de Ton Gouvernement, quelle l’y a tousjours maintenupar de nouvelles Commifiions : je trouve dans fes regiftres quelle le fit Gouverneur 8c Senefchal le douzième May 1643. 8C qu elle le confirma dans la mefme charge le fixiéme Septem- bre 1647. fi bien qu’il a tousjours gouverné l’Ifle depuis l’an 1637. jufqu’à fa mort. 11 ne manquoit plus à la félicité du Gouvernement de M. du Parquet, & à la perfection de ce nouvel Efiablilïements que des Religieux qui portaflent les peuples de cette Ifle à la pieté, qui leur admimftrafient les Sacremens, 8c leur pref- chaffent la parole de Dieu ; ce fut aufii le premier foin deM. du Parquet qui enêcrivit aux Seigneurs de la Compagnie, & leur demanda des Religieux de noftre Ordre, ou des PP. Capu- cins: mais M. le Prefident Fouquet quiaymoit la Compagnie* des RR. PP. Iefuites, fit en forte que ces Seigneurs traitaffenc avec eux. Les RR .PP. Bouton & EÎnpteau &un Erere Coadju- teur furent les premiers députez pour travailletà-cette vigne du Seigneur. Ils arrivèrent à la Martinique au commencement de l’année 1640. le jour du Vendredy Saint; le Gouverneur qui ne les avoit pas demandé, fo trouva d abord fort peu dil- pofé à les recevoir; les habitans mefine y a voient de la répu- gnance, mais le R* P* Bouton homme de mérité 8c excellent Prédicateur, les ayant touchez par fes prédications , les fit fi bien changer de fentiment, que fix femames apres le Gou- verneur fit travailler en fa prefence à défricher la terre del ha- bitation où ils font maintenant eftablis, 8c incomparablement mieux baftis que tous les autres Religieux des Ifies. ils ont travaillé tres-utilement, non feulement dans cette Ifle pour y eftablirla pieté parmy les habitans, qui dans ces premiers com- mencemens eftoient fort débauchez , mais encore dans les Ifies de Saint Vincent 8c de la Dominique , habitées par les Sau- vages, où deux de leursPeres ont efie mafiacrez dans les fon- ctions aétuelles de leur miniftere : j enparleray enfonlieu , laifi- fanticy à part tous lesprogrezde leurs Miffions , dont Ihifioire aefté amplement décriteparles RR. PP. Bouton 8c Peleprat3 aux Ant-IJles de l'Amérique. quoyque ce dernier fo foit trompé , en mettant cét elhblilfo* ment en l’année 1658. M. d'Enambuc meurt a Saint Chnftophe. Le Sieur de Halde fin Lieutenant , efi eflably Gou- verneur en fia place. CHAPITRE V. APrcs que les Hab/tans del’Ifle de S. Chriftophe , eurent vaincu les Sauvages , & dompté la fierté des Anglois. dans toutes les rencontres, comme ils commençoient à' jouyr du fruid de leurs travaux, & qu’ils vi voient dans i’abô dan- ce & dans la paix, fous 1 admirable conduitte de M. d’Enambuc, ils eurent le déplaifir de le voirfortir de ce monde fur la fin de fan, née 1636 . parmy Iesgemitfomens & les foûpirs de toute fa famille. M.le Cardinal de Richelieu , qui avoit un parfait difcerne- ment des elprits, Sc qui ne donnoit fon approbation qu’à ceux qui s’en eftoient rendus dignes par leur fidelité & leurs belles a étions, s’affligea de fa mort, & dit hautement, quand il en apprit la nouvelle, que le Roy avoir perdu un des plus fidèles ferviteurs de fon Efiat. Ce qui fiirpafle toutes les loiianges que je Iuy pourrois donner de la part de tous les habitansdes Iiîes ; parmy Ielqueis fon Illuftre mémoire fora tousjours en vénération, & demeurera plus long-temps gravée dans leurs cœurs, par le fouvenir de fos vertus & de fa bonne conduite, quelle n auroit dure fur les marbres de quelque fuperbeMau- folée. La pauvreté du pays n’a pas encore permis qu’on iuy ayt drelle aucun tombeau, & le changement d’Eftat qui s’y eft fiit depuis peu, ne fait pas elpercr qu’on Iuy en baftifle; 1 éclat de les vertus n a pas befoin de cette reconnoilfance pu- blique pour rendre le nom du Grand d’Enambvc im- mortel, & je puis dire de Iuy ce que Virgile di/ioit au grand Cæfar. no Efiablijf ment des François In Fréta dum flwvij currenty dum mont tint umbr& Lujbabunt convexa ; Foins dumfyderapafcety Semper honos , nomenque tuum , laudejque manebunt » Les habitans l’ont pleuré comme leur Pere, les Ecclefiafti- ques comme leur Proteétcur, &les Coloniesde S.Chriftophe* de la Guadeloupe , & de la Martinique 5 l’ont regreté comme leur Fondateur. M. du Halde, Gentil-homme Gafcon, que les Seigneurs de la Compagnie avoient eftably Ton Lieutenant par une Com- miffion particulière dattée du feptiéme Mars 1635. luy fiicceaa dans le Gouvernement. C’eftoit un brave, qui avoir perdu un bras au fervice du Roy ; les habitans l’appelloient commu- nément bras de fer, parce qu’il en avoit un artificiel àlaplace de celuy qu’il avoit perdu fi glorieulement au fervice de fon Prin- ce. Iln eut pas de peine à maintenir les chofesque M.d Enambuc avoit cftablies pour la milice, pour la police, & pour le commerce. Les rapports avantageux quon fit de luy à la Compagnie, portèrent les Seigneurs à luy envoyer une Commiflion de Ca- pitaine General, pour commander dans Saint Chriftophe en Iamefme qualité qu’avoit exercée feu M. d’Enambuc. le ne la rapporteray pas icy, parce quelle cft femblable aux autres qu’elle avoit envoyées à M. de l’Olive pour la Guadeloupe , bC à M. du Parquet pour la Martinique. Mais foit qu’il fe déplût aux Ifles, ou que fes infirmitezfo- bligeaflent d’en fortir, il fit de grandes inftances au Roy, &C aux Diredeurs de la Compagnie, pour en eftre rappelle. Les Seigneurs de la Compagnie craignant qu’il n’arrivaft quelques révolutions fafeheufes pendant fon abfence, non feu- lement luy refulerent la permifiion de revenir en France, juf- qu’à ce qu’ils y euflent envoyé un autre Gouverneur; mais en- cores obtinrent de S. M. une deffenfe pour fortifier la leur, par laquelle le Roy luy deffendoit expreflement d’en fortir fans un nouvel ordre de fa part. le l’ay trouvé© chez M. le Prefident Fouquet, en ces termes. DE PAR LE ROY. CApitaine du Halde, nous avons cfté avertis par les Di- re&eurs de la Compagnie des Ifles de l'Amérique, quel- aux Ant-IJles de l Amérique . Jlr le vous avoir pourveu de la charge’ de Capitaine General de flfle de Saint Chriftophe en i;Âmcriquè, ÿZZZllZ "i: ^ de- ceds du Capitaine d’Enambuc : & d’autant que cette iîle cft tres-importante pour noflre fervice, & quelle efl à prefent -‘remplie de nombre denosiujets, nous voulons que vous ayez a y demeurer, du moins l’année prefente, fl voflre flmté & vos affaires domeftiques ne vous permettent d’y demeurer les trois ans portez par voftre Eftabliffement. Vous fai. fant très - expreffes^ deffenies d’en defemparer fans noftre confentement exprès , ou que la Compagnie ayt pourveu d’un Capitaine en voftre place , fous peme de defobeïflan- ce. Car tel eft noftre plaiflr. Donné à S. Maur des Foffez le neufviéme Septembre 1*37. Signé, Lovys, & plus bas, de Bo.VTHILLIer. M. de la Grange efl choifi four Gouverneur des IJles. Il propofeM. le Commandeur de Poincy à la Compagnie , qui le prefente a M. le Car- dinal 0 gy luy au Ses Commiflions . CHAPITRE VI. NOus voicy enfin arrivez en l’année 1638. fous un nou- veau Gouvernement , ou plutoft fous de nouveaux Gouvernemens, qui nous vont fournir pendant douze années: plus de révolutions, plus de révoltes , plus d’intrigues, puis de perfecutions contre l’Eglife,pIus d’mnocens oppri- mez, plus de criminels abfous,& plus d’hiftoires tragiques, qu un grand empire , n’en déplore quelquefois pendant un fiecle entier. Pendant que M. du Halde demeure à Saint Chriftophe con- tre fa volonté, & par le feul refpeét qu’il doit aux ordres de S. M. Les Seigneurs de la Compagnie cherchent par tout un I. Partie, O in Efàdblijfeificnt des Vv'dïiçùis homme de mérité, de courage, & d’experience pour gouyer- ner-non feulement l’Ifie de Saint Chriftophe, mais encore tou. tes les autres ; à deffein de le prefenter au Roy, & d obtenir pour luy la Charge de Ton Lieutenant General fur les Mes , fé- lon le droit que S M. s’eftoit refervée dans fes Lettres Patentes accordées à la Compagnie pour fon reftabliiiement. M.dela Grange Fromenteau fe prefenta pour remplit cette Charge ; comme c’eftoitunfortbon Gentil-homme, d une pietc exemplaire, d’une humeur affable, & qui avoir toutes les qua irez neceffaires à un bon Gouverneur, il fut agréé de la Compa- gnie, qui luy promit de le prefenter au Roy. Mais parce qu’il falloir faire de grandes avances, tant pour fub venir aux frais d’un embarquement de cette _ confequence, que pour s’eftablir avec honneur dans 1 Me de Saint C hnfto- phe ; M. de la Grange ne fe (entant pas en eftat de fournira ces dépenfes, refolut de fe contenter de la Lieutenance , d un homme qui fûtaffez puiffant en crédit -& en biens , pour foute- nir avec éclat cette importante Charge. . Il ietta pour cela les yeux fur M.le Commandeur de Poin- cy, qui eftoit pour lors à Paris fans aucun employ , a caufede quelque démeflé qu’il avoit eu avec M.l’ Archevefque de Bour- Lux qui commande* l’armee navale C'eta un ancien Commandeur de Malte, d’une tres-illuftrenaiffance, quipol- fedoit en bénéfices de fon Ordre au moins 20000. livres de rente qui s’eftoit également fignalé dans les combats con- tre les Turcs fur les Galeres de Malte, & contre les ennemis delà France dans les armées du Roy. Sa Majefté bien informée de fa valeur, lavoit plufieurs fois honoré de la quahtedeVice- Admiraldans fes armées navales. En un mot, c eftoit un guer- rier confommé, un grand Politique, un homme puiüant en ri- chefTes & en amis , Se une des bonnes telles de 1 Europe. M. de la Grange luy communiqua fon affaire avec beaucoup de finccrité , & le pria en mefme temps d’accepter cette Charge, dont il fe demetroit tres-volontiers en fa faveur, pourveuqu il fût fon Lieutenant, & qu’il le youlût ayder de la fomme de quatre mille livres, dont il avoit befoin pour fon embarque- ment. aux Ant-IJles de l’ Amérique. I2,j M. de Poincy, qui avoit I’elprit pénétrant, fit un juge- ment avantageux de la qualité de cét employ : il l’accepta de tout Ton cœur , remercia M. de la Grange , iuy offrit fa Lieu- tenance, & luy promit de l’affifier de tout ce qu’il auroit befoin. ■L La Compagnie eftant informée des mérités de M. de Poin- cy, fe tint fort obligée de fa refolution, & agréa d’autant plus volontiers la dcmiffion de M. delà Grange en fa faveur , quel- le crût que ce fameux Chevalier gouverneroit les Ifles avec la mefine prudence & la mefme douceur , que M. le Cheva- lier de Montmagny gouvernoit le Canada. El le luy fit expédier une Corn million de Capitaine General dans l’Ifie de Saint Chnfiophe, que j’ay trouvée en original, dattéedufixiéme jour de I an vier r<%8. mais je- ne la rapporte pas îcy, parce quelle cfi conceuë dans le fiyle ordinaire des autres. Il n accepta cette Charge , qu’il jugeoit au deflbus de luy, apres les employs coniîdeiaMes qu’il avoir eu en France, que com- me une difpofition à la Lieutenance de Roy fur toutes les les, que les Seigneurs de la Compagnie avoient promis de uy procurer. En effed , auffi-toft qu’ils en eurent parlé à M. le Cardinal de Richelieu, il fut bien aife de trouver cette oc- cafion d’obliger M. de Poincy : & il ne tarda pas long-temps a uy donner des marques de fon eftime; car le mois fuivant n luy envoya cette nomination qu’il avoit faite au Roy de fa perfonne. } Àd.le Cardinal de Richelieu prejente au Roy JM. le Commandeur de V omey , pour Lieutenant General de Ja Lldajejle auxljles de l Amérique. ARmand Iean du Ple/fs , Cardinal Duc de Richelieu de de Fionfic, Commandeur de l’Ordre du Saine Efprit, , * Pair , Grand Maiftre, Chef de Sur-întcndant General de la Navigation & Commerce de France. La Charge de Gouver- neur & Lieutenant General de S. M. fur toutes les Ifies de Q R Sl4 Efiabhjfement des François l’Amérique nous appartenant à caufe de noftrc Charge de Grand Maiftre, Chef, & -Sur-Intendant de la Navigation & Commerce de France ; & n’eftant poffible de pourvoir a tout ce que defirons, & qui feroir ncceffaire pour la conicrvatio n des François qui fontaufdites Ides, ny les faire vivre fous tes loix de la France , s’il n’y a quelque perfonne de confideration fur les lieux , qui par fa conduite & authorite de la charge,' les contienne & reprime félon les occafions ne pouvant faire choix d’une perfonne plus capable , pours en acquitter di- o-nement, que du Sieur de LonviHiers de Poincy, Chevalier de l’Ordre de Saint Iean de Ierufalem, Commandeur dOyze- mont, Chef d’Efcadre des Vaiffeaux du Roy en Bretagne, pour les preuves qu’il a données de fon courage & fidelité au lervice de S M. & grande expérience tant fur Mer que lut terre , lequel nous a cfté nommé par la Compagnie dcslfles de F Amérique , pour exercer la charge de Lieutenant General de S. M. pendant trois 'ans, ou tel autre temps quil plai- ra à S M. fur toutes lefdites Ifles de l’Amerique concédées à ladite Compagnie 'Nous pour ces caufes avons nomme & prefenté, nommons & prefentons à S. M* ledit Sieur de Lon- vi Hiers dePoincy , Commandeur d’ O zemont, pour Lieutenant General de S. M. pour trois années, aufdites Ifles de 1 Amé- rique, avec pouvoir 8e authorite dont joüyflent les Lieute- nans Generaux de S. M. és Provinces de France, aux droits & émolumens à luy accordez par ladite Compagnie des iiles de r Amérique. Suppliant tres-humblement S. M d’avoir agréa- ble noftre prefente Nomination, & fur icelle faire expédier audit Sieur de Poincy toutes Lettres à ce neceflaires. En té- moin dequoy nous avons fignées ces prefentes, & faitappoler le feel de nos Armes, & contrefigner parnoftre Secrétaire or- dinaire de la Manne, à Ruelle 14. Février^. Signelc Car- dinal de Richeliev, & fur le rcply, par moftdit Sei- gneur DE L o y n e s , oc fcellê fur double queué'de cire rouge. & S. M. ayant eu cette Nomination très- agréable. à eaulc du mérité de la perfonne qui luy eftoit prefentée , luy nt expé- dier la Commiflion fuivante. aux iAnt-lJles de 1‘ Amérique. tit Commfion de Lieutenant General de S. M.aux , Ifa5 é- ^' Amérique , donnée à M. de f oincj. ■ -■ i» ^ - ' • . rr • > o; . * • ■ # LOuys par la grâce de Dieu, Roy de France & de Navar- re j à noftre tres-cher 5c bien amé le Sieur de Lonvilliers de Poincy , Chevalier de l’Ordre de Saint lean de Ierufalem, Commandeur d’Oyzemonr , Chef d’Efcadre des Vaiffeaux en Bretagne. La confiance que nous avons de voftre prudence, bonne conduite, affection, 5c fidelité à noftre fervice; com- me aufii de voftre valeur &: courage, dont vous avez donne des preuves en diverfeS occafions, nous a fait approuver le choix que noftre très. cher & bien amé coufin le Cardinal de Richelieu, Grand Maiftre, Chef, 5c Sur-Intendant de laNa- vigation 5c Commerce de ce Royaume, a fait de voftre per- lonne, pour nous fervir en la charge de noftre Lieutenant Ge- neral es Ifies de l’Amerique. A ces caufes 5c autres bonnes confidcrations à ce nous mouvans fur la Nomination 5c pre- lentation de noftre coufin le Cardinal de Richelieu, cy-atta- cheefousle contre-feel de noftre Chancellerie; Nous vous avons commis, ordonné, 5c député; commettons, ordonnons, & députons par ces prefentes, fignées de noftre main, pour citic noftre Lieutenant General efdites Ifles de l’Amenque, & exercer ladite charge fous noftre authorité 5c fous celle de noftre Coufin, aux honneurs, pouvoirs, 5c prééminences qui appartiennent; faire vivre nos fujets qui font, ou trafiquent ef- dites Illcs, en paix, union, 5c concorde les uns avec les au- tres 5c félon nos Ordonnances, les faire oblerver fur le faiéfc du trafic 5c commerce, maintenir la feureté d’iceluy, 5c foe- adement tout ce que par Nous 5c noftr ej Coufin a eftéoftroyé a la Compagnie defdites Mes; faire punir tous ceux à qui ü pourioit arriver de commettre du crime 5c excez qui méritent chaftiment : & pour eéteffeét foûtemrl’authorité de la luftice, & la faire rendre à un chacun dans l’eftenduë defdites Mes, 1 orts,& Havres qui en dépendent; & generalement faire tou- tes chofes que nous pourrions faire nous-mcfines,fi nous cftions Qii; ll6 Eftablijfement des François prefens en pcrfonnc.ou tvoftre Confia, tt ce pendant trois ai fl £éeS prochaines , à commencer du jour U datte deces prefentes.. Mandons & ordonnons à tous nos fujets refideos U. '■ trafi- quais aufdices Mes, Ü à tous autres qu d appartiendra, quils avent à vous reconnoiftre comme noftre Lieutenant Geneial ri t fl c *, à vous obeïr es chofes touchant & concer- ' H^fte cfar J Car tel eft noftre plaifir. Donné à Saint £ , üfic quinziéme Févne^S.Sc Me noftre Re-, snek vingt-neufiéme. Signé, Un s, & plus bas pat le- loy , BoviHlLiKit. & fcellé du grand fceau de cire, jaune. M. de T aine y fait partir M. de la Grange fin- Lieutenant, fendant qu’il met ordre a fon em- barquement . Son arrivée & fa conduite a Saint, Chriflophe. §. u. MOnfieur de Poincy tint exactement fa parole à M. de la Grange , il luy fit expedier une Commiffion de Lieu- tenant par les Seigneurs de la Compagnie , & luy prefta 4500; livres pour fournir aux frais de fon, embarquement. Si-toit qu’il fut preft, il luy donna ordre de partir pour difpofer tou- tes chofcs à Saint Ghriûophe, & particulièrement une madon P°AumoisCV^Avrildç l’année, 1*38- üs’embarqua àlaRochel- le avec fa femme, qui eftoit une tres-honnefte Damoifellc, Bretonne de nation, doüée d’un bel efprit , mais fort altier & remuant: Il y mena auffi M. fon fils- qui. navoit pour lors que fept ans, un Preftrc,.& plufieurs jeunes Gentil-hommes, entre-autre le fieur de Querolan , parent defa Femme, ^quan- tité de gens de travail, qui s’eftoient engagez de le lervir A fon arrivée à Saint Chriflophe , qui fut au mois de luin fuivant, il fut ïeceude tous les habitans avec unc-joye vm- AtitC Ant-IJle $ de l Amérique. j, —c\ verfellé. lire pi aça fur la Montagne Plateau , achepta plufieur*1 belles habitations dans Tille , & prit des terres vacances à T* volonté pour aggrandirla Tienne. Il gagna d'abord i’affe&io des PP. Capucins, 8c le cœur de tous les habitais, par T pieté, & par Ta douceur ; mais il s’appliqua Ti fort à Tes inte- refts particuliers • qu’il négligea abfolument ceux de M/Ie Ge, neral de Poincy. Qu elqu’attaché pourtant que fût M. de la Grange à Tes interdis , il nenegligca pas le bien-public, il poliça TIflepar de bons reglemens, il fit ballir un Fort à la Balle-terre , pour deffenfe de la rade , qu’il appella du nom de Saint Pieyre : il augmenta 8c favorifa le commerce; & par Ton affabilité na- turelle, aulïi bien que par fa fage conduite, il gagna infenfi. blement Taffeétion des habitans , des Marchands de dehors , & mefine des Anglois, avec lefquels on avoit toûjours eu jufques alors, quelque chofe à démdler. Les PP. Capucins Te fervirent avantageufement de cet- te bonne intelligence entre les deux Nations: ils firent des progrez incroyables, ils convertirent plufieurs heretiques , au£ quels ils adminiftroient les Sacremens avec autanc de liberté que parmy les François. M. de Vomcy s embarque -pour les JJles. Son ar- rivée & fa réception. §. ii. \ JOnfieur le Commandeur de Poincy pourveu des Char- XVJges de Capitaine General de S. Chriilophe pour la Com- pagnie, &c de Lieutenant General pour S. M. fur toutes les Ifles, partit de France accompagné de plufieurs Gentils- hommes le douzième Ianvier de Tannée 1639. fur un grand Vaiffcau appellé la petite Europe. Il menoit aufii bon nom- bre de foldats , & quantité d’ouvriers, des meflicrs les plus ne- crifaires dans les Ifies , comme Charpentiers , Serruriers, ug Efiablijfement des François Chaufourniers, Briqueticrs : & Tailleurs iz pierre; _ - L’onzième Février , une hcureufe Navigation > il mouilla l’ancre à la Martinique , où M. du Parquetde receut avec tout l’honneur qui eftoit deu à fa qualité. e c auer, à fa defcente à terre par l’artillerie du Fort, partout fon mon- de , & par cous fes foldats , qui eftoienr fous les K en haVe fur le bord de U Mer. Le lendemain on fit la \c&a . re de fa Commiffion du Roy; « apres la Méfié, le neur les Officiers, 8c tous les habitans luy prcfterent fer en de fidelité, apres quoy le Gouverneur luy ouvrit la porte du : prcfquJabyfmée dans fes mal-heurs ) il P™ avec foy trois ou , We perfonnes , 5c fut trouver M. de 1 Olive dans fon Fort. Ctunrne ce Gouverneur eftoit aveugle, n ayant pas connu M. de Poincy, il crût que c-efto.c un Gentil- homme de fa fui - te ■ & ne pouvant diffimuler le reffentiment qui! avoir dans le cœur, U luy dit en jurant le nom ' k“éen« aide h favois ma veuë fempefcherois bien voftreM. le General de . prendre pofiefïion de fa charge. M.dePoincy voyant la beveue L ce Gentil-homme en eut compaflion, & ’ tement lachofe, s’entretint quelque temps avec luy, & aptes avoir calmé fon efprit avec autant de prudence que de dou- ceur, il luy dit qu’il eftoit le Chevalier de Poincy, Ion bon amy & fon protefteur. Alors ce pauvre aveugle revenu de fa pre- mière fougue luy demanda pardon, que M. de Poincy luy • accorda avec beaucoup de gencrofité, en l’embraffant & kbai- fTl fut enfuite chez nos Peres ; quis’eftimant infiniment ho- norez de fa vifite , le recourent dans leur extteme pauvreté le mieux qu’il leurfut poflible ; line leur dit rien de l oi drej^ avoir de la Compagnie, d’exammerla qualité de lapkeequon nous avoir donnée; 8C feignant de vouloir fe promen-.r avec le R. P. Raymond, il en parcourut feulement la largeui, ayant donné le mot à plus de de quarante ce fes gens de la vufiter par tout. Ils y demeurèrent fi long-temps, que les chamades des Trompettes, que M. de Poincy fit fonner pour les appel- aux Ant-Ijlcs de F Amérique. levant cfté mutiles, ,1 fît citer du, canon du Fort & defon Vaiileau pour les faire revenir v > n aciou aux prières de nos R eiSeux ’ < V ftophe. ^ X J 5 cmbaïqua pour Saine Chri- M. de la Grange Iy receut avec les ceremonies oui fe nra rr ou’ r°ccaüor ■ ?ea * ^ ? mLp£ %P irr-7 plcyCLduVrCfa''CClUy ™ b°nnc inreffigc"«- M.d« te el ‘tlurfi°c7arg1 ^ vinStGen- oue /i „l„s „„ j e “7, entendre par Ton truchement les d ux E 77? ^ conferver la patx entre rente ^ru,tofôet0iCat0“ f“ fTs P™ 1» fomenter l’amitié qu’ils s’eftoient re? ^ ^ & d aUtrC P°m le bien de leurs peuples. ^ciproquement promifepour Brouille ne s de M. le General de Poincy avec M. de la Grange fon Lie utenant . 5. ni. MOteur le General de Poincy arrivant* Saint Chttfto. fee te en a R ^ 1 GrjU£e Parfa,te“ent bien logé, gbgencc irrita li fort M. de Pomcv a A 1 c j ches devant les Officiers , l^cc^^^’ingratitudc’, aveteenaces ce Myd°e f rUt CC qU'‘1 P°ffedoit’ &Je le renvoyer ” Fte «rtc Ptem,eteX?^Æ^7rrt^"ne de Mcii^'deT^d^^'Xt^Tet13 ies h 'h '" feu M. d’Enambuc leur R ro Eilabltffement des François de la grande Montagne, donc les Cafés n'eftoient baft.es que de fourches d’acomas, & couvertes de feuilles de palmdte . Les Capucins qui ay, noient M. de U Grange sentmm,- renc de faire ion accommodement avec Monfieur de Pou y, ils les remirent allez bien cnfemble, au moins a 1 exteneur, v ,1 ca probable que cette réconciliation auroit duie long- ?4; .rTrrfpU. * M.J.mcd.u “ îtCX«: m* Km. «r- de la conduite de M. de la Giinge, ce qui ic J lez pius qu’auparavaut. Enfin ils en vinrent aune lupture ou- leife le trouve dans les lettres de M. dePoincy écrites a M. ,e P efident bouquet, deux fu,ets principaux de ce.e tupt,. re 1 le premier tût la négligence du Sieur de u luv faire préparer une habitation , fuivan § en avditi «le* foin extraordinaire quhlavoit pns de ^eftab u v de faire des acquittions. le trouvay ( ecnt M. de arrivée? que Madame de «s’^mpree , ^ ";rï •- sr» rs :% “e «'nto oXu°xUaru peuple fije les enfle pris,* à mon ..entrée ils m’avoient logé au plus chet.f lieu de M* s Enfuite de leurs acquifitions , il arriva une p t> "faite par un Hollandois , qui fut arrefte par le commun - fentement des habitans pour eftre diftribuée a un chacun "félon la1 eouftume : le partage fait , il en prit ^ ■ de 78. à ma venue, U m’en prefenta dix-huift, & deuxquü ledit eftre morts , les autres cous les pires & matages Ce ..procédé eftonna les habitans qui gavent bien que ‘ ..contres de Negres font la meilleure pâme £ . { „m’a charge -, aucuns ne' vinrent te i que : ^ .ôouwr_ . „dc me faire ma part, 8c que doidin 1 * . Lueurs eftoit des deux tiers pour le 1 furenanp Gare, al de „rifle.»Il fçeut que l’avois efté informe de cett ^ > „fur ce il m’envoya fa femme pour m offrir de- paît g ■ ) aux Ant-Ifîes de i Amérique. ^uy fis réponfe qu’il n’eftoit pas temps de liquider cette affai- re, chutant que je defirois l’éprouver & voir comme il fe ’jcomportoit en fa charge; à delfein que s’il eut fait fon devoir ^deluy tout laiiïer , mefme les 4500. I. que jeluyay fait prefter 5, par un Banquier , avec laquelle homme il s’elc accommodé pour Venir en ce pays, & dont je paye i’intereft journellement. V Toutes ces affiftances àiuy rendues n’ont pas efté capables de 3,l’empefcher de témoigner la haine qu’il a conceuë contre moy ’,pour l’avoir envoyé à la Capfterre. Quelques paroles du Sieur de la Grange , furent la fécondé eau- fe de leur mef-intelligence , car les Seigneurs delà Compagnie à deffein d’augmenter la Colonie , &: d’arrefter les François , ayant fait amafter plufieurs filles dans Paris & ailleurs , ils en char- gèrent un Navire qu’ils envoyèrent à Saint Chriftophe. Le Sieur delà Grange croyant que la plufparteftoient débauchées, permit feulement que celles qu’il jugea les plus fages fuftent mariées à des Officiers , faifant chafTer les autres. L’on rap- porta à M. de Poincy, qu’il avoir dit tout haut, que c’elloient les avantcouriersdePoincy,quien vouloit faire unSerrail, ce qui l’ayant aigri extraordinairement contre le S. de la Grange, il n’y eut plus entre-eux que de la froideur. Mais ce qui acheva de les divifer, fut l’arrivée de la fille d’vn riche habitant appellé Bellettc, parfaitement belle, & tres-capable d’inlpirerde l’amour .-car foit que les yeux de cette ieune perfonne euffent porté leur venin juf- que dansle cœur de M. de Poincy,ou que le pretexte qu’il prit de la tirer du logis de fon pere fût véritable, il l’en fit fortir, difant qu’eftant un débauché & un yvrogne , il n’en auroit aucun foin , ôc la mit chez Madame de la Grange , ou fes trop frequentes vifites donnèrent lieu de parler à tout le peuple; Madame de la Grange fe forvant de l’occafion, blafma fa con- duite , & fous pretexte de couvrir l’honneur de cette fille , dit indiferetement plufieurs chofos qui firent plus de tort à fa ré- putation, que toutes les vifites de M. de Poincy. Ce procédé fâcha tout à fait M. le General, & pour en té- moigner fes reflentimens, il envoya M. de la Grange demeu- rer à la Capfterre. Si-toft qu’il fut party il fit démolir le Fort qu*ilavoit faitbaftir, appellé le Fort Saint P/mr,&en fit conftrui- R ij x , 2, Eftabhff 7,ment des François rc un autre, qu’il fit nommer le Fort de ItBafJe-terre , il travailla en fuite à gagner les efprits des principaux habitans,& à fe faire des créatures dans tous les quartiers de fille , on vit bien-toit changer de face : car il créa de nxiueaux Officiers, ■cafta les anciens, Sc Ton remarque entr’autres chofes, qu’il s’aftcura d’un luge nommé du Renou , qui avoir eftê Braffeur à Dieppe , & d’un Lieutenant Civil appelle Giraut, que M. du Pleftis avoir amené de France à la Guadeloupe en qualité de Chirurgien. M.de la Grange fe vid bien-toftfeul&: abandon- né de ceux qu’il croyoit fes amis , excepté des PP. Capu- cins, qui le croyant tres-innocent, luy continuèrent tousjours leur amitié : Mais bien qu’ils ne priftent point de party dans les différais qu’il avoir avec M.de Poincy, on ne biffa pas de les perfecutcr M. de Bonncfoy, homme de probité, & Procureur Fifcal de Fille en écrivit à M. le Prefident Fouquet le 14, Q&obre ,,1639. en ces termes : Pendant que les PP. Capucins font -,,de grands progrez pour la dévotion, plufieurs dateurs ront des ^rapports à M. le General de Poincy contre eux, accufant „fauffement leurs actions» blâmant & interprétant finiftre- „ment leurs prédications: ce qui acaufé un grand refroidiffe- „ment envers ces bons Peres, & la chofe eff venue fi avant, ^,quefansleR. P. Marc ilsfe fuffent refolus d’abandonner l ifte. Il le porte enfuite à les protéger, & dit un peu plus bas: Il weft tres-neceffaire d’empefeher la fortie des Capucins : car la ,,plufpart des Preftres qui font tant dans Saint Chriftophe, „que dans les autres Ifles, font gens fans aveu de leurs Evef- ■5,ques, & la plulpart, faufleur Cara&ere, des fripons plusat- „tachczau lucre que les mondains. M. le General fit bannir de rifle le Sieur Tillart, Preftre & Aumofnicr de M. de la Grange, parce qu’il biâmoit fes vi- sites , & parloit avec trop de liberté de luy & de la fille du fieur Balle-tefte. Quelques autres, comme les fleurs de Saint Amand &: des Rochettcs , furent aufti chaffez fans aucune for- malité de jufticc, parce qu’ils eftoient fes amis intimes. Pendant ces‘démeflez on fit courir par route fille un libelle diffamatoire intitulé, la Nymphe Chrijlvphortne Profopopée. Voi- 5 J « ■}) aux Ânt-IJles de l' Amérique. j, « cy ce qu’en mande M. de Poincy à M. le Prefident Fouquet. 5, Le Sieur Que roi an , parent de la femme du fleur de la Gran- 3,ge, & Lieutenant de fa Compagnie, a compoféun manifefte «contre moy intitule Profocpée de U Nymçhe ChMort- „ne, au fçe u & approbation dudit fleur de la Grange, plein >,d împoftures &d’invcdives. La Dame fa femme a fait faire „des vers ; contre & au préjudice de la réputation de cinq ou j,iix remines ou fiHes, de principalement elle s’addreffe à la «pauvre Damoifelle Quignot, la Damoifelle de la Fuye de ^rtlrIa fiI1C dC Bf!ktcfte* Lcfdits vers font fi diffamatoires & fi fabriques, quil ny a rien de femblable. Non contente ,de ceIa,eHc sen alla fans congé voirla Generale des Angloio & le fieur de Quéfurefon , Lieutenant General de fon mary, ,Ieur difant des médifances atroces de ces pauvres créatures, ou je ne tus pas oublié, ny elle n’obmit pas de leur faire 3, entendre la mauvaife intelligence qui commençoit à naiftre «entre fon mary & moy. ,, Ayant appris la vérité de toutes ces procedures , je n’ay pu «moms faire que de leur témoigner à tous deux, qu’au degrc „ou }c Cms conflitue ; je ne fuis point infenfible, évitant toute- «lois la violence, & me fervant des voyes de la Iuffice, en j, vertu defquelles je leur ay fait fai fir tous leurs meubles & 3, immeubles pour les fommes que je Iuy ay fait prêter, avec ” es *n,ter^fts Ics a étions ne tendent qu’à’ une fedition ; Se à troubler noftrc «petit citât & repos public. M. de la Grange offrit à M. de Poincy de le payer, & de faire partir fa femme dans le premier Vaiflcau qui retour- nerait en France ; ce qui Iuy ayant effé refufé , elle écrivit R ii j j 34 Efhahlijfement des François une Lettre aux Seigneurs de la Compagnie , dont j’ay trouvé un fragment parmy les mémoires écrits de la main de M. le General de Poincy, que je crois eftre oblige de donner au PUbp{ût à Dieu qu’il eut autt bien confervé ion eftime ( elle "parle de M.dePoincy ) que moy , & le repos ou il a trouve vos „habitans : les cris & les clameurs publiques, ne la char- sKeroient de tant de malediétions, & voftre pays ne feroit dans le hazardd une révolte, qui 1 a penfe jettei aans le pré- cipice, fi M. de la Grange n’avoit fait fes efforts pour arrefter "cette populace ; les prix exceffifs aufquels il a mis les demie- „rcs traites, dont il trafique en ces lieux , ont tellement efto - „né tout le monde, qu’il n’y eutperfonne qui n en aye ditfon ,/entiment, les Eftrapades , les cordes, les coups de ballons, & „les exiles dont il les menace, n’ont pu arrefter leur mouve- ment; & il eft confiant que fansd’efperanceque vonsymet-. „teriez ordre, il feferoit autant répandu de fang > qu il s eft ré- pandu de larmes. r , PM. de Poincy pourfuivit fi vivement le ■ fleur Que™1 an , .que ne trouvant plus de feureté dans Saint Chriftopae, 1 chez les Hollandois. C’efl ce que je trouve dans les mémoires qu’il addreffafur ce fiïjet à M. le Prcffdent Fouquet , dattez du „huidiéme Décembre 1639. Le Sieur deQuerolan Autheur u „manifefte de U Nymphe chrifiophorine ( duquel nous avons ^recouvré l’Original écrit de fa propre main > avoir par le , , moyen de Madame de la Grange gagne les bois, depui ne 3, s’y trouvant pas afTez affeuré, il fe réfugia en llfle de Saint Euflache, & en ayant eu advis, j’en écrivis au Gouverneur lui y eft pour Metteurs les Eftats d’Hollande , lequel avec "beaucoup ae courtoifie me répondit qu’il eftoit vray quil y „avoit un Gentil-homme François , mais qu il fe tenoi » „ duquel neantmoins il me répondoit , & s obligeoit de me e ^rendre, en confirmation dequoy il m’envoya deux Députez, „fçavoir fon miniftre de mefme nation, & un des principaux „habitans nommé Marchand, François, qui e ecre aire „Confeil,avec Lettre de créance, qui me promirent affirm - Itivement de me mettre le perfonnage en mes mains fitde me aux Ant-IJles de l'Amérique. i , y Renvoyer, avec mille proteffations de fe tenir fort honnoré ,, d’avoir ma correfpondance. le les receus le plus favorable- ment & honnorablement qu’il me futpoffible, dont quelque „temps apres il me remercia. „ Cependant la Dame de la Grange remue Ciel &: terre, & „par les intelligences quelle à chez les Anglois, elle renverfa „la refoiution dudit Gouverneur , auquel ( voyant qu’il tenoit ,,en longueur l’execution de la promelfe, qu’il m’avoit lî reli- „gieufement & folemnellement faite) je m’avifay que poffi- „ble il faifoit difficulté de 1’ envoyer & qu’il faloit l’aller que- jjfir j à cét effet j’y envoyay le Sieur de la Vernade , qui pour Soute fatisfadion m’apporta un refus en termes alfez grof- „fiers. II y avoit en ces entrefaites en la grande Rade, vn ,, navire Anglois qui appareilloit , dans lequel on fit embarquer ,, ladite perlonne, &c. Quoy voyant, & que ledit Quérolan «avoit évadé , obfervées les formalitez de l’avoir affigné en „cas de ban, & fait crier à trois bnefs jours, & âutres requi- ses & neceffaires, il a efté condamné d’avoir la telle tranchée, ,,&les biens confilquez , &: n’ayant pûeffedivement faire exe- „cuter la Sentence, elle l’a elle en effigie. ~Dijferend de Al. de Poincy avec les Anglois. Il les contraint de traitter d9 accommodement , qui ri ayant pu efirè conclu , il trouve un moyen de conjerver la paix avec eux. §• iv. LE premier fujet de ce différend vint d’un foldat nommé la Barre, qui s’effant fauvé de la prifon & des fers, où M. de Poincy l’a voit fait mettre pour quelque faute, alla trou- ver le General des Anglois qui le prit en fa p rote dion, lous un faux &: malicieux advis qu’il luy donna, que M. de Poincy le vouloit empoilonner au premier feffin qu’il luy feroit: fur ce faux rapport l’Anglois commança dellors à mal-traiter les n o lires en toutes rencontres. M. de Poincy averty de lafroi- i ï3£ Eftablijfement des François deur de l’ Angiois 8c de fes avions qui choquoient fou autho^ rite , pour prévenir les defordresquien pourroient naiftre , tint un Confeil general de tous les Capitaines &c Officiels ac 1 Ille ou il reprefenta que leur courage & l’honneur de la France efloienc choquez par les boutades des Angiois, ôc qu’il -y alloit de la 2-loire de noftre nation dene rien fouffnr d’eux, mais que ne voulant pas commencer une guerre fans leur ad vis, il lespnoit de luy dire leur fentiment, ôc de trouver quelque expédient pour eftouffer cette broüillerie fans faire tort à leur réputation. SC aux interefts du Roy. Tous' conclurent qu’il falloir envoyer un Officier au Gene- ral Angiois, redemander le foldat ôc fçavoir de luy s’il vouloir la paix ou la guerre, ôc qu’il expliquait nettement fes intentions, que s’il defiroit la guerre, nous eftions prefts de la luy faire de la bonne forte ; qu’au contraire, s’il vouloit la paix, que nous y eftions difpofez :que s'il vouloir la guerre, qu’il ren- voyait noftre Officier feub mais que s’il recherehoit la paix, qu’il le fit accompagner par un des fiens, qui en portait parole. Vn grand delordre arrivé aux faillies entre les deux nations fut un fécond fujet,qui obligea M. de Pomcyôc fon confeil de prendre cette refolution. Car bien que ces falines foient fi abondantes quelles foient quelquefois capables de charger juf- ques à trente navires eftrangers de fel , apres que les François 6e les Angiois en ont fait leur provifion ; neantmois il y a cer- taines années fi ftenles , que bien' loin d’en fournir aux Eftran- gers,-elles ne fuffifent pas pour en donner auxhabitans. Telle fût l’année 16*9. en laquelle Monfieur de Poincy vint aux Iftesi car il y eut fi peu de fel, que les habitans des deux nations s’entrebatt irent pour faire leur provifion plus abondante, 8c il y en eut plufieurs de tuez ÔC de bleftcz de part & d’autre.M. de Poin- cy fuivanr la refolution de fon confeil, fit prendre les armes à tous les François, U envoya ordreàtous les Officiers del’Ifle de fe retrancher promptement le long des frontières, 8c de tenir leur troupes en ellat de recevoir les Angiois , en gens de cœur, Ôc de les repouffer vigoureufement: avec deffenfe de les attaquer fans nouvel ordre. 11 fut luy-mefme par toute la Jhilïc-te rre difpofer les foldats ; 8c afin que la Capfterre ne fut pas aux Ant-Jfles de l' Amérique, uf pas furprife il cnvoyacét ordre 4M.. delà Grange qui y eftort „pour lors: Il cft ordonné au S, eut de la Grange, Lucenu t » General dans 1 Me de Saint Chriftophe , de mettre ordreaux „deux Frontières François , afin que lesennetnys attaquant, ” de lcS, ««voir comme ,1 fe dort , & déflors qu’ris auront con, :”T8CAvCM P- en la Montagne le ne puis obmettre icy ce que Monsieur de Poincy écrivit a la Compagnie le ,5. Aouft de la mefme année, touchant Ttte'aamn APfetCnd -M' df b GranSc fe «™P°ttaen ” , te. aa‘on ' Ay-'nt re«“ «t ordre, au lieu de faire enten- „ dre a nos troupes la vérité de mes droites intentions, il af. „ fembla les Chefs de fon quartier , & apres avoir bJafmé fort ”ZrC°mK &",esaaions>iI les arraifonna comme s’enfuit- ,, Meffieurs , confiderez que ect homme ( parlant de moy 1 n’a «rien a perdre icy ny en France, ceft une phanthaific &unc ,, teme„re quil a dans l’efprit d’attaquer les Anglois fans fut ” jet 1 pour moy ie me lave les mains dufang qui lera rénan ,,duau d*^ deuxNations, je^en fuis pL L «caulc, lion me vouloir croire je ferois bienlapaix, maiscell «un Chevalier de Malthe, un Moine qui nous veut mettre en là^e^em^110'11175, Cg dlfc0urs Annales Chefs qui eftoienc armes1' v 'T™* H' ^ IeS trouPcs c ^ fou s les mefme dtfeours* tr°UpeS 3 Ü COmmcnSa Ic M. de la Grange ne tombe pourtant pas d’accord de ce a- au contraire, il fe plaint dans fon fa&um de ce que M. de dontCi! ^ 3 dCS Poudrcs>&mefmele fignal du combat pofnte diable ^ ' Sabouill^ui coimnandok àU M de Poincy félon le refultat du Confeil en voya un T rompette ncral Anglois, pour fçavoir fa refolutiô : & audi-tort-celuy- TeZT 1 Cruÿcmcnc dlrG vouloit lapai x,& demanda à ime temps un députe pour la traiter. M. de Saboüilly y fut en- voyé avec un pouvoir abfolu delà codure; maisapres uneloimue conférence fans ekre pû tomber d’accord , on fe refolut au com- *• arcic. • - - - . - [3g Eftablijfement des François bat. M. de Poincy envoya Tes ordres aux Officiers dans les poftes dont ils s’eft oient faifis, de fe tenir prefts pour donner au premier fignal-, l’ Anglois de Ton cofté drcfla Tes bataillons. 6 c comme on n’attendoit que l’ordre pour attaquer, on vit pa- roiftre un Tambour Anglois qui demanda à parler au lieur de Saboüilly. LeTambour luy dit de la part de Ton General, qu il avoit ordre de donner une heure & demye , pour prendre nos refolutions , & fans attendre la réponfe , prit le chemin de Ion Vne affaire de cette importance ne pouvant eftre refoluë en fi peu de temps, M. de Poincy creut eftre infailliblement obli- gé à la guerre, d’autant plus qu’il voyoit deux grands navires Anglois, montez chacun de 40. pièces de canon, mouillez pro^ che du lieu où la bataille s’alloit donner. A peine neantmoinS M. de Saboüilly eftoit-il de retour, que Gévreffon Lieutenant du General Anglois, demande à parlementer avec luy. Apres plufieurs conteftations, ils propoferent enfin quelques Articles auffi-toft on fufpendit tout afte d’hoftilitê, & il y avoit heu d’efperer une bonne paix, fi les uns & les autres ne fe tulient pendus opiniâtres à la decifion d un feul Article. Articles propofez, entre les François & les Anglois . I. LEs anciens articles feront ratifiez par les Seigneurs Gene- raux en routes leurs parties, appartenances, St dépendan- ces ; à la referve de l’article qui fait mention de la chafte , au- quel fera dit & accordé, que pour ladite chaffe, qui eftoit commu- ne aux deux nations, nul ne pourra chaffer fur les terres de 1 autre, ains chacun chez foy: &en cas de contravention, le contreve- nant fera faifi & fait prifonnier, fi appréhendé peut- eftre, lans toutefois eftre molefté, battu, ny frappé; mais il fera conduit â fon General, qui en fera le châtiment convenu en public. 1 L Et pource qu’aucuns s’ingèrent d’aller les uns fur les autres couper du bois propre à bâtir, feüilles ôcrofeaux; ce qui a eau- aux Ànt-JJles de ï 'Amérique. i?$ fc pluficurs batteries, & defordres entre les deux nations.- A l’avenir nul ne pourra prendre ny enlever aucun bois propre à baftir, fcüilles ny rofeaux, fi ce n’eil dans les terres de fa Nation. HL Il n’y aura qu’une feule entrée & ilfuë en chaque quartier, pour entrer & fortir les uns & les autres, & lefdits Seigneurs Generaux, chacun en droit foy, feront condamner le iurplus defdits chemins. r IV. Quant aux falines, mines d’argent, & foulphriere, lefdits Sei- gneurs & leurs fuccelfeurs, au nom qu’ils procèdent, demeure- ront proprietaires: Sçavoirledit Seigneur Vvaërnard des mon- tagnes, des mines ôc foulphrieres, & ledit Seigneur de Poincy des terres & montagnes joignantes aux falines ; & en fuitte pourront & auront lieu de baftir toutes & quantesfois que bon leur femblera, une cale fuffifante & magazin; fçavoir ledit Seigneur Vvaërnard aufdites falines, & ledit Seigneur de Poincy aux mines & loulphricre , avec tel nombre d’hommes qu ils verront bon efire ,lclqueIsleront protégez refpeétivementj les François travaillai aufdites mines par ledit Seigneur Vvaër- nard, & les Anglois aux falines femblablement par ledit Sei- gneur de Poincy, &: leurs fuccelfeurs. Ce dernier article des mines & falines rendit le traitté im- parfait , & les vns les autres n’ayant pû en demeurer d’ac- cord, les Députez fe feparerent fans décider cette quelHon. Mais pour éviter la guerre, qu’ils dévoient également appréhender; M.de Poincy trouva cét expédient, qu’on ne feroit aucun a&c d’hoftilité de part & d’autre ; qu’on deifendroit les paroles qui pourroient allumer le feu, & que toutes chofes demeureroient en leur premier ellat, jufques à nouvel ordre de leurs Majeftea tres-Chreftienne , & Britannique. M. de Poincy parlant de ce dernier arricle aux Seigneurs de la Compagnie dans fa Lettre du i$. Aouft 1639. montre que l’opiniâtreté vient de la part des Anglois. Pour vuider ce dif- » ferend { dit-il ) nous leur avions propofê qu’aux falines on » donneroit place poux faire une café & un magazin àfai- Sij T40 Eflabhjfement des François „ rc & tirer du Tel ( puifque c’eft la feule fin pourquoy elles î, font communes) 6c que Nous & nos fucceffeurs prendrions î, en voftre prote&ion 6c fauve-garde ceux de leur nation, qui „ habiteroient ladite café , 6c feroient travailler au fel : Que „ de mefme ils feroient en noftre endroit pour les mines, le- „ quel expédient eftoit tres-raifonnable, 6c vray moyen dex- „ tirper les inconveniens, qui ne font que trop ordinaires par 3, le rencontre des deux nations en ce lieu; ce qu’ils n’ont voulu „ accepter, s’obftinant de devoir avoir des habitations aufdi- „ tes falincs : Et quant aux mines que leur General nous per- ,3 mettoit d’y faire habitations ( s’il Je rrouvoit à propos ) Ia- „ quelle refhiétion devroit efïre réciproque ; mais qu’il nous „ feroit loifible de faire un lieu fur le bord de la mer, pour y „ tranfporter les matereaux que nous ferions fortir defdites „ mines, fans faire mention delà prote&ion mutuellement re- „ quife. Cette affaire efi: demeurée indecife, 6c nous ne fbm- „ mes pas refolus de leurceder ce point, fans préalablement les „ ordres exprès des Seigneurs de la Compagnie. Cette difficulté n’empefcha pas pourtant que la paix ne fut conclue le lendemain , 6c les anciens articles paffez entre les deux nations, renouvelez, à la referve des falincs 6c des mines, qui ont toujours efté la pierre d’achoppement ; car eftant dit dans lefdits articles, que les mines 6c les falines feront commu- nes, les Anglois prétendent que non feulement les falines, mais encor tout le terroir compris fous le nom des falines,doit eftre 3, commun : Nous au contraire ( dit M. de Poincy dans Iamef- ,, me Lettre, 6c fur le mefme fujet ) car les termes font ex- „ prés, que les mines , rivières , falines , mers, 6c chemins font „ communs; de forte que fi leur explication avoir lieu, le ter- ritoire adjacent aux mines, aux rivières, 6c aux chemins, fe- toit commun ; mais pour détruire leur confequence , il efi: 3, certain que les petites falines font comprifes dans le mot ge- M nerai de falines ; neantmoins elles font habituées des Fran- „ çois, 6c i aimais les Anglois n’y ont rien prétendu, ny fait „ femblant d’y prétendre ; la fin auffi pour laquelle les falines font communes , qui n’efi: autre que pour avoir du fel , efi & fort confiderable. 1^1 mx Ant~IJl,es de ï Amérique. M- & Madame de la Grange font arrêtiez, pn- Jonniers , & onz,e mois apres font nus en liber- té Ct renvoyez, en France. §• v. Bien que M. le General de Poincy euft des raifons fuffi- Tantes pour faire arrefter M,& Madame de la Grange le mjet pourtant qui l’y porta fut la jaloufiequil prit de cec’en. til-hommc, je le collige de {2 lettre dn fpr\ïî£ t à k Pfcfidefc f4S; .. Gouverneur en chef de Pille de Saint ChriftSjàe, qui a^oic ’’lumedrTe'fi.,aU/err * fGtillSc> a f«vy de foufle^pour al- ’ une extrême C On ambltIon & de û femme, voulant par ” > . e précipitation avancer le temps, & voyant qu^Is :3e=rrr quemoy ***£> « me ZtSâS? fa“ ‘eUr P°ffib^ d° «ayant rcufli , ils ont eu recours i l’artifice, pour aliéner les ”à cc°rneCffet PrCUP ,C & ”C rcndre le but de fon indignation; ' °"tre lcs P^tiques fccrettes & immédiates, il „ avoir d autres brigues par le moyen de ceux qu’il avoir gagnez Ces plaintes font bien voit ce qui port! M. de p£ ÆÆdeT ?°mm“ri°? r *»*«">». pour S t iugc> parcc ^ dzz .4“nie Te f t- Ü q“ ‘T nC L,eutcnanc General de la Com- pagme, le prit a partie deflors : Mais ce luge prétendu no lra?ÆdreanîrsTe’ dc1donner un defFaut contre eux, & J c P us de 1500, livres : tous leurs efclavcs leurs fi? nt enlevez, nonobftant les plaintes des PP. Capucins & les mouvement de tous les habitant ; & le ,6. Oftobte de Iamef me annee ce luge les déclara criminels de Ieze-MaiTfté Apres cette condcmnation, Monfieur de Poincy les fit cou' duire fous bonne & feure garde, ptifonnictsTla Baffe-terte' S iij 14 1 Eftablijfement des François avecleur fils âgé de huiétans. Mais bien cju on leur perftiadaû, & qu’il leur fût ayfé de s’enfuir de la prifon , la crainte qu i s eurent qu’on leur eut drefîe desembufehes pour les aflaftiner,. les en cimpefcha. Ils fe contentèrent d’interjetter appel de la Sentence qui avoit efté rendue contre eux, 8c par Arrête u Confeil de l’Iflc donné le 1 8. du mefme mois, leur procezfut renvoyé au Roy & à la Compagnie-, Enfin apres avoir elle onze mois dans la prifon, apres y avoir fouffertmide indigni- tez , ils furent mis en liberté 8c renvoyez chez eux ; ils y fu- rent auffi-toft vifitez par les PP, Capucins, par leurs amis ,8c par plufieurs autres mécontens de la conduite de M. de Poin- cy , qui ne manqua pas d’écrire aux Seigneurs 8c de fe plain- dre de leurs nouvelles intelligences avec les Anglois. Pendant qu’ils fe difpofoient à retourner en France par le premier Vaifieau qui y feroit voile , une chofe faillit a leur faire perdre la vie. Deux de leurs Domeftiques ayant eue trouvez à minuit proche du magazin des poudres , auprès e la maifon de M. de Poincy furent arreflez. Mais quelques ar- tifices dont on ufaft pour leur faire avoüer quils avoient elte envoyez par M. de la Grange 6c par Madame fa femme pour mettre le feu aux poudres, l’on n’en pût venir à bout , 6c ils foûtindrent toujours qu’ils eftoient venus là fans delfein, SC par promenade apres avoir mis leur Maiftre au liéfc > ce qui obligea M. de Poincy de les relâcher : mais il fit en mefme temps partir M. 8c Madame de la Grange, 6c parle mefme navire écrivit aux Seigneurs delà Compagnie, quil leur eut fair trancher la telle, fi leurs Domeftiques fe fuflent trouvez cou- pables du crime dpnt ils eftoient foupçonnez* mx a -If es de l'Amérique. 14^ Jld. de Poincy & le General des Anglois s'accor- dent de ne faire point de petun , durant 17 .mois: le Gouverneur de la Guadeloupe refufe d'entre- tenir cét accord : Il ef arrefé avec fa femme à Saint Chnflophe. §. VI. QVclques jours apres cette réconciliation , Meilleurs les Generaux des deux nations ayant renoüê leur première amitié, refolurent dans une conférence, d’empefeher leursfu- jets de faire du petun pour remettre cette marchandife dans fon premier prix, la quantité prodigieufe qui s’en faifoit dans Ies^ Mes l’avoit rendue Ci méprifable , qu’il y avoit à craindre qu on la rebutait dans l’E utôpe, & qu’ainli tout le trafic cefTaft, &: que les navires ne vinlïent plus aux Mes: c’eft ce que je trouve dans une relation originale de M. de Poincy. M. de Poincy fit publier & afficher aux portes de toutes les Eglifes Françoifes & le General Vvaérnard dans tous les tem- ples de fa Iurifdidion l’Ordonnance qui fuit. Il efi: ordonné j, &: enjoint à tous les habitans & Maiftres de Café de la pre- fente Ifie de Saint Chriftophe, de quelque qualité &condi- „ tion qu’ils foient , d’arracher tout le petun qui fe trouvera fut „les terres de leurs habitations, fans en referver une feule ,, plante,! la fin d’Odobre prochain venant, qui efi: félon le firyle „de Mcfiîeurs les Anglois le dixiéme Novembre, & n’en re- „ planter ny faire en aucune façon, ny maniéré ny lous quel- „ que pretexte que ce fo it, de dix-huid moisapres & non dc- ,, vant; à peine de confifcation des habitations où fe trouvera ,,du petun fait pendant ledit temps, contre lateneur despre- ,, fentes deffenfes ; & tous les hommes 8c femmes foient blancs, „ noirs ou Sauvages y fervant enfemble d’amende arbitraire, » qui fera déclarée au contrevenant & de tenir prifon un an „ durant. Fait à la Montagne de la Bafie-terrc en flfle Saint 44 Efiablijfement des François ,Chriftophe le vingt-flxiéme May mil flx cens trente-neuf'. Elle fut aufli envoyée à Moniteur de 1 Olive Gouverneur* de la Guadeloupe-, mais il ne s y voulut point foumettre, &C prétendit que par leTraité qu’il avoir fait avec les Marchands de Dieppe, du Tonfentement de la Compagnie, il effoic difpcra- fé d obéir en cette rencontre à M. de P oincy : car comme par ce Traité il eft dit que les Marchands prendront à dix lois la livre, tout le petun qui fe pourra faire dans fon Ille pendant fix années , il crut qu’il n’effoit pas obligé à fouffrir une perte fi confiderable, fi bien que M. de Poincy ne le pût jamais flé- chir, ny par lès prières, ny par lès menaces. Ils en écrivirent tous deux à la Compagnie, &: déduifirent fort amplement leurs raifons dans des lettres dontj’ay veu les Originaux : mais pen- dant qu’ils en attendoient les réponfes & la décilion de leurs différons, M. de l’Olive tomba malade, & fut contraint d’aller à l’Ille des Niéves pour chercher dans les bains faiutaires de cet- te Ifle le recouvrement de fa fanté. La maladie qui obligea M. de l’Olive d aller aux Niéves vint de melancholie, de ce que tous les hommes engagez qu’il avoit amenez de Frafice avoient finy leur temps, ôc deman- doient leur liberté, avec menaces de la prendre eux-mefmes au cas qu’on la leur refufaft. Vn autre fujet de triftellè, fut la refolution que prirent les Marchands de Dieppe ( laflèz de faire des avances ) de ne pas envoyer le relie des hommes qu’ils s’eftoient obligez par leur Traité défaire palier, carainfi fes habitations & tous fes jardins remplis de vivres s’alloient perdre faute de gens pour les farder & les entretenir. Il écri- vit plufieurs fois à la Compagnie de Paris, & à fes Aflociez de Dieppe pour leur demander du fecours; mais ne recevant aucune réponfe favorable des uns nydes autres, il tomba dans une melancholie fi effrange, quelle paffa jufqu’àla phrenefie. On luy voyoit rouler les yeux à la telle , grinçant les dents, tous fes membres changez de jioffure par des convulflons épouvantables. II fut un peu foulage ^ par le fleur de Bufac , tres-excelicnt Operateur , qui leut indubitablement guerry, fl fon Chirurgien ignorant , ne luy eut fait une faignée & appliqué un cautere fl mal à propos, quil en perdit la veuë. - " Mais aux Ant-îjles de /' Amérique . j Mais bien qu’il prie ces bains avec un régime cres-'exaét, CJ1 neanmoins fort inutilement ; de forte que Ce ferra,,- f’ „ V ble, il Ce refolut d’aller à Saint Chrilânlj! pour â2r 7' reprendre fes forces fur fon habitation ,& d’exciter uar fa pre cnce M. de Poincy a avoir quelque compaffion de luy des quil fut arrive, M. de Poincy le fut trouver chez înv Y ' d ayant trouvé fi foi ble, qu',1 nepouvoit remuer „y brLn/a/ bes, due le voulut pas faire arreiter, ny mefrne luy parler dW~ ne affaire facheufe, mais il le fit enfuite obfcrverde/i m éi, on ',1 reconnut incontinent , quoy qu’on ne le trairait pas de prdbnn é quil 1 effort en effet, & cela l’obligea d'en écrire en cc tc r „m« a M. Fouquet Mes incommqjrtez m’ayant conç ut' „ d aller prendre les bains aux Niéves, j’dtois venu trou 'e „M. de Poincy pour luy demander deux choCes. La prende „rc, un fecours de quelques hommes pour maintenir monlffc ,, contre les incurfions des Sauvages /qui depuis peu avôicnt ' „ tue quelques habitans , qui fans ordre s’eftoient imprudim ,,ment trop écartez , & non feulement ,1 empefeha c ™ ' les fervices qu il avoit rendusdepuis quinze ou feizean §J ° esf;ei„es, les hazards qu’,1 avo/ courlis, les perts qu" ' fo f feite & fon aveuglement; & apres avoir dit mille diofes / font pitié, il finit fa lettre pa/la tres-humble pr/e qffd/7 , 5 tîuon Juy envoyé un Lieutenant qui déne'nde quau moins on le recomnenfe m/ i r 1 ou tout cela inutilement P > & nui. I. Partie. T Eftablijfement des François M. de F&incy ayant dejfein de s'emparer de la Guadeloupe , y envoyé a la priere des habitans Mef leurs de Saboùilly & de la V irnade avec 260. hommes. Ils en repoujfent les Sauvages. En mefme temps fix de nos Religieux arrivent de France pour afifier le peuple. §. vu. DE z que M. le General de Poincy Te fut aiïeuré de la perfonne de M. de l’Olive Gouverneur de la Guadelou- pe , il ne fongea plus qu a executer le dellem qu’il avoit con- ceu de rendre cette Ifle la Capitale de toutes les antres, de s’y aller eftablir, & d’y foire fa fortune & celle de tous fes habitans. Dans cette refolutionil dépefchaM. Aubert en France vers les Seigneurs de la Compagnie , pour leur foire la propolition de vendre aux Anglois tout ce que les François pofledoient d’immeuble dans l’Ifle de Saint Chriftophe , & de transporter tous les habitans & leurs efclaves dans l’Ifle de la Guade- loupe. M. Renou luge à Saint Chriftophe , & confident deM. de Poincy, écrit quelque chofe deee projet dans fa lettre a M. Fouquet , dattée du 28. Décembre 1639. ou il luy dit lorn- „ maircment que M. le General de Poincy voyant la Guade- „ loupe la plus belle & la plus fertile de toutes les Mes lur le „ penchant de fa perte, a formé desdeffeins & fait des propo- Etions qu’il a mifes entre les mains d’Aubert pour les porter aux „ Seigneurs ; il dit , quelles font infaillibles , 6 1 qu’il importe peu „ aux Seigneurs de quekcoftê viennent leurs droits : joint que ,,c’eft le moyen de faire retentir le nom du Roy en ces quar- tiers, en fe feparant au plûtoft de nos ennemys v.oiflns, de w faire vivre vos fujetsenrepos& en afleurance,parlapofleflion „ de cinq ou fix Mesprefque contiguës, nous rendre imprenable „ &: invincibles. aux Ant-IJles de l Amérique. J4 7 M. Volcry Commis de la Compagnie, voyant rifle zhJ donnée de Ton Gouverneur, & dans un eftat de ne pouvoir plus fubfifter , fit aficmbler les principaux habitans, qufunani mement l'obligèrent d’écrire à M. le General de Poincv & de luy demander au nom de fes Mailhes , des munitions’ & des hommes, pour les deffendre contre les meurfions des San vages : il le fit dans des termes les plus preffans qui luy fut noC- etberé* 6 De6otlatloncut un fuccez Plus heureux qu’il nel’avoit M. de Poincy n’eut garde de laiffer échaper une occafion fi favoiable a fou dcflein.: la mauvaife intelligence qui eftoit entre luy & le General des Anglois.ny ladifette des poudres ou la Compagnie 1 avoir biffé , ne le purent empefeher d’en voyer du monde à la Guadeloupe , nyde vuider fon maeazin pom les fournir de munitions : il fit publier aux porte? des tglifcs, & dans toutes les places publiques, que l’on donne- roit des habitations a tous ceux qui y voudraient aller, cm ils auraient leur partage franc, & qu’on leur fournirait des vi- V1 es pour leur, fubfiftance, jufques à ce que les manyocs & les pa- tates, qu ils planteraient euffent atteintleur entière maturité a »a charge neantmoins d’en replanter d’autre fur les places, où ; auroicnt P™ cous -s avantages auraient elle inutiles, s ne le fut avife d un expédient qui luy réüflit félon fon défi lein : il ht unedeffenle aux habitans des Montagnes, d’v faire du petun, parce quiln’y valoir nen3 de forte que les habitans de ces Montagnes furent contrains- de fe débander & de fe venir offrir pour aller à la Guadeloupe, il s’en trouva uz qui «nme'fT ,dCSab0Ü‘1Iy ** ”4’ * «4 nuis comme il eftoit dans une tres-mauvaife barque, & fort mal ZZ; de tebfchaa'™ ‘°mpU fa grande VOlk M. de Poincy qui avoir priscét affaire à cœur, fut fort em- barafic , parce qu’au retour de cette barque , il ne fe trouva pas une aulne de toillc chez luy , ny dans le magazm de la Compagnie , pour la remettre en eftat de porter le fecours dont cette Ille avoir tant de befom : Il ne fe pût empefeher d’en «are reproche aux Seigneurs delà Compagnie , dans une lettre T Aj ï4$ Eflàhltffement des François _ „ qu’il leur écrivit en ces termes. Les Seigneurs delaCompa- „ gnie me pardonneront. Il je dis qu’ils n’ont pas tout le loin jj qui {croit requis pour la conforvation &. advanccment de jj leurs affaires j ne faudroit-il pas quil y eut dans le niagazin j, quelque petite chofe de referve , pour fervir . en femblable „ rencontre, ce font vos affaires, c’eft à vous autres Meilleurs ,5, d’y pourvoir, c’eft neantmoins faire bien peu d’eftat des perfon- ,, nés , de les engager dans des lieux ft éloignez , &C les laiffer ,, dépourveus de tous moyens de fe conferver. Neantmoins il fit tant de diligences, quil rencontra dans diverfes maifons, dequoy racommodçr les voiles de cette barque, & la fit repartir le 28. dumcfmc mois pour la Guade- loupe, où elle arriva trois jours apres. Pendant que l’on attendoit des nouvelles de l’arrivée de cet- te barque, M. de Poincy travaillait à amaffer d’autres hom- mes, pour les faire partir avec M. de la Vernade; mais ils’cn prefèntoit li peu , qu il fut contraint de fo forvir d une autre invention, qui luy réiifflt auffi heureufement que la premiè- re. Il y a voit dans l’Ifle de Saint Chriftophe un bon nombre d’habitans , qui avoient achepté des habitations ft cheres , que fe trouvant infolvables,ils eftoient furie point d eftre engagez au fervice de leurs Créanciers jufques à l’entier payement de leurs debtes. M. de Poincy pour attirer tous ces mal-heureux, fit déclarer nuis tous les marchez de ces Acquereurs infolva- bles, pourveu qu’ils vouluffent aller a la Guadeloupe, ou le Roy &: la Compagnie avoit befoin de leur forvicc; fi bien qu avant que l’on eut nouvelle de l’arrivée de M. deSaboiiilIy, M de la Vernade fut en eftat de partir avec pareil nombre d’homme que luy. Ce p ui fia nt jfccours arriva hcurcufcnicnt a 13. Guadeloupe;* au commencement de l’année 1640. & fut receu des anciens habitans avec de grandes demonftrations de joye & de rccon- noiffance ; M. de Saboüillyfe pofta à la Capfterre , ouïes Sau- vages faifoient le plus de defordre : M. delà Vernade fe plaça à la Baffe-terre. Ils prirent toute Pauthorité dans l’Ifie, & dift poferent de tout comme s’ils en euffent efté les Gouverneurs', §>c apres avoir logé leurs gens, ils leurs diftribuerent des vi- aux Ânt IJles de f Amérique. 14.0 vres, tant des jardins de M. de l’Olive, que des anciens te bttans: enfuite M. de Saboüiily fe dilpofa à cbafler les Sau- vages & a leur fa, te bonne guerre , ,1 mit à ce délie, n feize de les meilleurs hommes dans une cbalouppe, avec lefqueis ,i refolut de fane la ronde autour de rifle, mais,! nefutpasplû- toft arrive dans le GrW ad de fie, quai vit une de leurs Pi- ST iTi “f PCtlt Iflctl cette «««ntic l’obligea de chaffer deffus , & 11e fe contentant pas de la voile de fa Chaloupe , il fit encore border les avirons: Mais comme il alloit à voiles & a lames, ,1 apperçeut a un de Ces collez deux autres piro- gues de Sauvages, qui s’alloient faifir d’un petit canot, où il y a voit quatre François ; cecy l'obligea de faire re virer fa Cha- loupe lut eux & de les pourfuivre, mais il fut contraint de s arrête tout court pour repefeher ces pauvres gens, qui dans la crainte de tomber entre les ma, ns de ces antropophages, s choient jetiez a la Mer. Pendant que M. de Saboüilly s’oc- cupoit a les fecourir, il fut environné par les. crois pirogues cnnemiesidoulesSauvagcsfirentpleuvoirunefigrandequan. cftoient p'erius f°ldlts crareM^rt* il fr d,T S/bM lUJ 2e r C Bullement de cette attaque, il fe difpofa a la delFenfe, & commanda à quatre de fes fol- dans faCh f1'5” TmUellemenc Ies vinSt fufils qu.I avoir dans fa Chaloupe, & aux autres de le conduire où il leur com- manderait, J fe banc feul durant une heure entière contre tous ces Sauvages: & comme il eiloit parfaitement bon tireur, i! ne lacha pas un coup que l’on ne vift tomber un Sauvage dans avanr i * °2 ,nSc es Plio§ues. Ses continuelles décharges trains d P “ T dt ÛBS & de molts> * furent con. tains de prendre la fuite, & de gagner le vent à force déra- illes, apres avoir jette des ens & des hurlemens, qui mar- que,eut la trifteffe qu’ils avoient de leur déroute. f., y lUt.ÎO- S‘luva8fsdc tuez dans ce combat, & quantité de blef- lez, &,cnay veu depuis quelques-uns qui portoient encore des °eUX d" de Saboiiilly r SS en luy taifant couper le bras qu’il avoir gangté- -l - T ii j ijo Efiablijfementdes François Les Sauvages honteux de cette défaite, furent quelques temps apres, décharger leurrage 6c leur dépit, fur les Anglois de l’Ifle d’Antigoa , ils y tuerent cinquante hommes, en pri- rent huiét prifonniers , 6c enlevèrent la femme du Gouverneur qui eftoit enceinte , les deux eofans avec trois autres fem- mes. Ce petit avantage leur enfla le cœur, 6c croyant qu ils emporteroient les François avec la mefme facilité, ilsrefolurent à leur retour de donner la venue a la Guadeloupe. M. de Saboüilly ayant efté averty de leur deffein fe prepai ra à la deffenfe , 6c donna rendévous à M. de la Vernade en un certain lieu le long de la coite : ce Gentil-homme équippa quelques canots, avec lefquels if partit pour fe rendre au lieu ordonné; mais il eut fl mauvais temps, quil fut contraint de- relâcher. M. de Saboüilly pourfuivant fon chemin, pour fe trouver au lieu convenu, fit rencontre le feiziéme May de treze grandes pirogues chargées de fix à fept cens Sauvages, qui venoient à Iuy avec un fi bel ordre, quil ny a point dar* ruée navale en Europe , qui en pût pbferver un meilleur. M». de. Saboüilly qui n’avoit que vingt-quatre Arquebuziers, fe voyant hors d’eftat de reflfler en Mer à de fl grandes forces* fit échoüer fa Chaloupe, 6c mit pied à terre à un petit Iflct, où ilfe barricada de mieux qu’il pût , pour foûtenir leur effort*, ils l’attaquerent courageufement, 6e ils firent tout ce qu ils pu- rent pour mettre pied à terre ; mais bien qu ils fuffent vigou- reuiement repouifez par lesnoffres, ils ne fe .rebutèrent point pour cela, 6c redoublèrent leurs efforts pour defeendre; ces efforts pourtant furent' inutils , 6c ,M. de Saboüilly fe compor*- ta avec tant de prudence, .que durant les trente heures que ce combat fût opiniâtré, il leur fut impoffible de venir a Iuy* îiy d’endommager que trois des fiens qui furent legerement bleflèz. Les ennemys y perdirent 15. ou 30. hommes, 6c entr au- tresun de leurs plus grands Capitaines, dont ils furent effrange- ment mortifiez. Peu de temps apres le fieur de la Vernade ayant paru avec quelques canots , acheva de déconcerter les S auvages, car l’ayant apperceu, 6c le croyant bien plus fortqu il n eftoit , ils prirent l’épouvante , levèrent le fiege 6c s’en allèrent , avec me* paces deieYenir avec 30. pirogues , 6c de les boucanneï tous. wux Ànt-IJles dé l Amérique. î j Cette entreprife ayant fi mal réüflt aux Sauvages, ils n’o ferentplus rien attenter contre la Guadeloupe, M. de Saboüillv leur devint redoutable, & plus defix mois apres on ne vie pd roiftre ny canot ny pirogue de Sauvages autour de rifle. Quelques-uns des habitans témoignèrent à M. de Povicv leur reconnoifTance de ce fecours , Iuy donnant le titre de R eilau rateur de leur Colonie; mais il en donna publiquement là gloire à M. de Saboüilly , & dans fia lettre du cinquième No vembre 1640 . aux Seigneurs de la Compagnie, il leur ditque le titre de Rellaurateur delà Colonie quiluy a eftê donné pat- ries habitans, appartient au Sieur de Saboüilly, qui par fdva- «leur, par fa bonne conduite, & fage expérience la leur a ajrconfervée. Cét avantage pourtant faillit à eftre fuivy d’une guerre ci- vile, beaucoup plus dangereufe que celle des Sauvages, par- ce que les Officiers de ces Meilleurs qui avoient amené le fe- cours, opprimant les anciens habitans, & prenant leurs vivres par force, fans épargner les Ecclefiaftiques, laplufpart des ha- bitans commança à maudire le fecours; & bien que tousl’euf- fent déliré , il n’y en eut prefquc pas un, qui ne defaprouvaft le conleil qu on avoit pris de le demander. Le lendemain que M. de Saboüilly defeendk à la Guade- oupe pour en fecourir par les armes les pauvres habitans, le fecours fpmtue1 y arriva compofé de fix Religieux, fçavoir du R. P. Nicolas de la Mare, Doéteur de Sorbonne, du R. P. Iean de Saint Paul; des trois Freres Convers, & de moy. Nous trouvaient à noie arrivée que le P. Raymond Breton fupportoit depuis deux ans & demy tous le faix de cette Million, travaillant infatigablement luy feul au foulage- ment de nos François, où trois ou quatre autres auroient trouvé allez demploy, pour exercer leur zele. Il eftoit temps de l’affifter, car il eftoit réduit dans une fï grande mifere, qu’il n’eftoit plus couvert que d’un méchant ha- it de toile : II elfoit dans une neceffité fi abfolue de toutes chofes, & louffroit des fatigues fi effranges, que je me fuis mille lois eflonné de ce qu’un homme ayt tant enduré fans mourir. j-2, Eftablijfement des François Il nousreceut comme des Anges defcendus du Ciel, 6c apres nous avoir mené dans noftre Chapelle de NoftrcDame du Rofaire, & qu’on eut chanté le Te Deum en a dion de grâce de noftre heureufe arrivée, il envoya chercher de la Cajhtvc pour nous donnera manger, n’en ayant pas un morceau ans fa cafej nous fufmes tous plus confolezde cette pauvreté, que fi nous euftions trouvé toutes les mines dor des Indes , c a- cundenous s’eftimant heureux de fou ffrir quelque choie pour la gloire de Iefus-Chrift, en fccourant fe s membres. Le Pv. P. de la Mare apres s’eftre informé de la difpohtion des habitans, nous diftribua à chacun un quartier de cette vi- gne de noftre Seigneur pour y travailler, & y taire ce que nous jugerions neceftaire , pour luy faire porter des h uits dignes de la vie eternelle. . c Nous mifmes tous la main à l’œuvre avec beaucoup derer- veur, & nous commençafmes àprefeher, catechifer, & admi- niftrer les Sacrcmens, & à follicitcr les malades , qui eftoient en grand nombre par tonte lifte. . , . Plus des trois quarts de ce fecours nouvellement arrive e Saint Chriftopbe avec Meffieurs de Sabouilly & delà Verna- de moururent j quelques-uns en attribuent la caufe aux Chefs,, qui les retenoient par force dans leurs habitations , quoy qu _fts n’y fuiFent nullement obligez ; les autres au mauvais air del lue, qui pour lorsn’eftoit pas encore découverte des bois ; enfin il y en a qui attribuent ces maladies & cette mortalité à la difette des vivres. le penfe qu’il y avoit un peu de lun éc de 1 au- tre : fur tout je crois que la triftefle , que les nouveaux venus de Saint Chriftophe eurent de fe voir empefehez de faire, leur profit, comme on leur a voit promis, en fit plus mourir que toute autre chofe. , % Cependant c’eftoit la chofe la plus pitoyable du monde a voir. Il y avoit prefque îoo. malades au logis deM. de la Ver- nade, tous couchez fur la terre, ou au plus fur des rofcaux, dont plufieurs eftoient réduits aux abois, veautrez dans leurs ordures , & fans aucun fecours de perfonne. le n avois pasplu- toft fait à l’un qu’il falloit courir à 1 autre. Quelquefois pen- dant que j’enenfevelift'ois un dans des feiiiiles de Bananier ( il aux Ant-IJles de l'Amérique. île falloitpas parler de toile en ce temps-là ) je n’enten dois par toute la café que des voix mourantes quidifoient, -MonP-çre, attendez un moment, ne bouchez pas la fo/Te, vous n au- rez pas plus de peine pour deux ou pour trois que pour un feul : & le plus fouvent il arrivoit ainfl, car j en enterrois allez communément deux ou trois dans une mefme folTe. Ces ma- ladies &: cette mortalité durèrent jufqucs à l’arrivée de M. Au- bert, dont je parleray en fon lieu. M. de P oincy faitpourfmvre punir les efcla - v es fugitif. Il fortifie Saint Chriftophe contre les Sfpagnols gÿ les Anglois ? gçj* met tous fes foins a l'embellir. 5* . v 1 1 1. AV mois de Novembre de l’année i655>.?plus de 60 . Ne. gies du quartier de laCapflerre lalTez de leur lervitude, ou comme plulieurs ont crû, ennuyez des rudes traitemens qu ils recevoicnt de leurs Commandans , fe rendirent Mirons , ce fl à dire, fugitifs , avec leurs femmes &; leurs enfans, dans les bois de la Montagne de la poinéle de Sable, d’où ils defeen- doient tous les /ours, pour exercer impunément toute forte de brigandage & de violence furies habitons qui palfoient, juf - ques a les tirer a coups de flèches dans le chemin. Les aflaflînats qu’ils y commirent, obligèrent M. le Gene- r; d’arrefler ce mal dez fon commencement, pour ect cflet; fl commanda cinq cens hommes pour leur donner la chatte; mais comme ces nnferables fe doutoient bien qu’on ne lairroit pas leurs crimes impunis, & qu infailliblement or courreroit apres eux, pour les reprendre, ils battirent une café au plus haut de la montagne, en un lieu rres-propre à le bien deffendre; d un cofté ils cttoient deffendus par un précipice épouvantable, & de l’autre il n’y avoit devant eux quVn paf- -uge fort eftroit pour y aborder. Ils s y dépendirent al fez long- !• ! artic. y ï54 Eflablijfement des François temps en gens defefperez > mais eilant trop foibles en nom- bre, ils y furent forcez j quelques-uns fe fauverent par la fui- te-, pluûeurs furent brûlez tout yifsdans leurs cafés auf quelles on avoir mis le feu, & les autres furentpris &c conduits au Fort, ou quelques jours apres ils furent écartelez Se leurs membres expofez fur des pieux ,. afin de donner de là terreur aux au- tres, Negres & de les empefcher de fe rendre. Marons. M. de Poincy pourtant crût n avoir rien fait , s’il ne faifoit attraper un efclave fugitif depuis trois ans, qui apparcenoit à M. de îvj arfeilLc & qui s’eftoic rendu redoutable aux habitans par quantité de meurtres. On avoir plufleurs fois elfayé de le pren- dre, mais il s’eiloit toujours deffendu avec tant de courage qu’il avoit évité fon mal-heur-, mais comme il ne cefibit de débaucher les autres, & que fon exemple rendoit les Negres fi info’iens qu’au moindre fujet de déplaifir ils fe rendoient Ma- rons, M. de Poincy refolut de le faire prendre à quelque prix que ce fut. ' Ce fugitif avoit cette précaution , qu encore qü il rur bien ai- fe d’attirer piufieurs Negres à fon party, il ne vouloir point fouffrir que pas un demeurait avec luy, il fe retiroit feul en un quartier , depeur que quelque N egre ne le trahit & ne le tuait par futprife pour avoir fa liberté qui avoit eftê promue àceluy qui apporteroit fa telle. M. de Poincy en parle comme dun homme fort, & déterminé, qui épouventoit par fa feule voix tous ceux qui l’approchoient , bien qu’il n euit pour toutes ar- mes, qu’une méchante épée courte. Il envoya fix hommes pour tafcher de le prendre ; ceux-cy l’ayant rencontré & ne le pouvant joindre , fe mirent en de- voir de décharger fur luy leur moufquetons & leurs fufils, mais pas un ne prit feu; de forte que faifant face il courut fur eux avec fa feule épée, les mit en déroute, ôc. gagna fur eux un fufil &: un chapeau, qu’ils avoient faiffé tomber en fuyant. On a toujours crû qu’il ufoit.de charmes contre les arr mes à feu , parce qu’en d’autres rencontres aulTi bien qu’en ceP îe-cy on l’avoit toûjours manqué. Le lendemain M. de Poincy fâché dû defordre des fiens, renvoya d’autres oliats fous la conduit e uU fieur .de laîLofie* àux tAnt-IJles de /’ Amérique. re, Sergent d’une Compagnie: l’ayant trouvé au mefme en- droit où les autres l’avoient rencontré , ils luy tirèrent quatre coups de fufil à brûle-pourpoint fans le blelferjmais s’eftant baûTé pour éviter un coup de piftolet de poche , le fleur' de la Roliere luy appuya le lien fl à propos contre la telle, com- ine il fe relevoit, quil tomba roide mort fur la place: lans ce- la jamais ils n’en feroient venus à bout, car comme l’écrit M. de Poincy aux Seigneurs de la Compagnie, il eftoit d’un cou- rage intrépide, & une douzaine d’hommes ne l’auroient pas fait avancer d’un pas plus qu’à l’ordinaire, fon corps furmis par quar- tiers, qui furent attachez à des arbres aux lieux de l’Ille les plus fréquentez. Deux nouvelles que M» de Poincy receut en mefme temps. Je firent fonger àfe deffendre des étrangers, apres s’eftre ainfl défait des ennemis domeftiques. Il receut la première de M.de Saboüilly, qui effant allé vifiter la Martinique, apprit en ce voyage que les Roys d’Efpagne& d’Angleterre , par un traité particulier eftoient convenus, que celuy-cy fourniroit dix-huit VaifTeaux chargez d IrJandois,qui fe joindroient à vingt* c.nq Navires Efpagnols, avec lefquels ils iroient chalfer les Hollandois de Fernambouc, a condition qu’au retour les Ef* pagnols leur ayderoient à chalfer les Françoisde Saint Chrifto* phe, pour y cllablir les Irkndois en leur place. Cette nou- velle fut confirmée par le Gouverneur de Saint Euftache , qui en écrivit à M. de Poincy toutes les particularité qu’il -avoie apprifes de ceux qui cftoient fur la flotte Hollandoife. U reccllt: Ie mefme advis d’un Irkndois, mary de Made- moifeHe de la Fuye , qui luy fit fçavoir que le Comte de Kar- iay Chef des Anglois, eftoit attendu à Saint Chriftophe , avec une flotte de vingt Navires, chargez de quatre ou cinq mille hommes pour y débarquer; & qu’il y devoir mettre en pof- e ion des I fies , un Milord auquel il avoit cédé fon droit, moyennant iafomme de quatre cens mille livres. Sur ccs nouvelles M. de Poincy fongea ferieufement àfe deffendre. 11 écrivit d’abord aux Seigneurs de la Compagnie, & leur demanda des armes & des munitions, dont il avoir egalement befom,. il les pria, de luy envoyer par Je premier Vif 15$ Efiabhjfement des François V ailfeau o o. I. de poudre fine 5c cinq nul 1. de poudre a moul- quet, mille moufquets de campagne bien éprouvez , avec des bandoulières, mille piques &200. halebardesbien choifies. Et parce que le fort de la Baffe- terre eftoit en très-mauvais eftat & mal fcitué , il en bafiit un autre plus fort , plus régulier, & dans un lieu plus avantageux pour deffendrela rade. Il fit plus avant dans la Mer une plate forme fur laquelle il mit qua- tre pièces de canon pour deffcndre l’entrée aux Vaifléauxen- nemys. Il fit faire les mefmes travaux k U pointte de Sable , 5C à la 'capfterre-, apres quoy il commença à fortifier la Montagne pour la rendre la Citadelle de rifle. Le iy jour d’A.vnI de 1 année fuivaiite 1(340* tin Gapitam® HoIIandois venant de Fernambouc arriva à Saint Ghriftophe, & rapporta à M. de Poincy que l’année Efpagnole dont ilap- prehendoit le retour, avoit eftc entièrement défaite, 5c quil y en avoit foixante Vailfeaux de perdus. le ne puis obmet- tre une particularité qu’il luydit, pour faire voir la feverité de la difeipline que les Hollandois gardent dans leurs armées. C’efl: que quelques Capitaines ayant opiné un peu lâchement dans le confeil de guerre fur ce fujet, deux furent décapitez apres la viétoire?, 5c 1 on pafTa lepee fiir la telle a cinq autres » ceremonie quils obferverent pour les dégrader. Bien que M. de Poincy n’eut plus rien â craindre ny du cofté des Elpagnols ny de celuy des Anglois; il ne laiffa pas d’acheve r fes fortifications ; 5c apres les avoir mis dans leur perfeéfcien , il appliqua tous fes foins à embellir ion Ifie. Il fit accommoder les grands chemins, 5c baftit quatre grands ma- o-azins, pour les Seigneurs de la Compagnie, pour la commo- dité des habitans 5c des Marchands de dehors , l’un à la Baffe- terre , l’autre a la poinfte de Sable , le troifiéme a ï Ance a Louvet, St le quatrième àla Capfterre. Le cinquième qu’il fit conftrui- re pour luy , donna fujet de plainte aux habitans : j enparleray, quand je traiteray de la révolte dufieur Burgaud. La neceffité de fè fortifier y luy ayant fait chercher les moyens 4e faire de la chaux 5c de la brique, il réüfiit beureufement à l’un 5c à l’autre , par l’adr elle de deux freres qui demeuroient au gros Morne nommez le Gry, & par le moyen des tailleurs aux Arit-IJle s de /' Amérique. K7 depicrresmaçom&aarpentie.squ.Iavoic.mcnc. * France ' f ’af ’ "" C*aftea“ & ,a petite ville d’Augde, dont je pat eray quand ,e feray la defcnption de l’Ifle. b Il s appliqua particulièrement à bien Wer le? PP P-,, la et baft'd- FTP* dmS “-’-KLidfcr la commoite des habitans. Enfin fi n’oublia tien de tout ce qu^ pouvoir contribuer à fa confervarion , & à fon dhbliffe! Les habitans & les Officiers de S. Chrifiophe , font mecontens de M. dePomcy. Ilspropofent trois chefs d accujation contre luy , dont il fe juMe & je plaint des droits exigez, far U Compagnie. §• IX. r LA tranquilitc & Iapaixquiparoiftoient pour lors dans rifle fous la conduite de M. de Poincy, furent fuivis de trou- Dies extraordinaires : & de grandes agitations, dont je trouve r “ fujfrS Painfubers- L’execution qui fut faite d’un habi- tam. condamne a eflre pendu, pour a voir tué fon matelot { c’eil fn ArllC n a®}c.lc)“fct le premier fujet; car tous les habitans I fn™yS ïülls> eftoief foIdat^ r™t parce qu’ils en faifoient la fondion , montant la garde chacun à leur tour, que parce qu il cftoient obligez de ferangerune fois lemois fous ledra- ;XuflCC,P retendoicnt qu’ils dévoient eftre 2,PaP ° C°llfei de gUerrc J & P2nam que dans ces rencon- tres fls ne pou voient eftre punis, de ce fupphce honteux. Le biuit pourrant tut appaifé par un expédient; que propofa M.de Po mey qui fut accepté de tout le monde , & par lequel il fut 01 donne que fi quelqu’un des habitans faifoit quelque adion défrid/'T^^n- C/°rPe^ affcmbIé ordonnerait qu’il fcroit g d a la tefte de fa Compagnie, & puis livré à la Iuftice o dinaire, qui luy ordonneroit unfupphcç proportioné au crime qu il auroit commis. f r Viij -J’ j, g EJlabliJfi ement des François } La pcnfée qu’eurent quelques Officiers , que M^dePomcj n’avoit pas favorisé auprès des Seigneurs de la Compagnie-,. 1-m-s i Jtreib , fut la fécondé caufe des mecontentemens qu on eut de ce General. Car ces Officiers prétendant eftre traicez comme fous M. d’Enambnc , qui difpofort abfolument des droits du Roy , en leur faveur , Se qui en confideration des- e- penfes extraordinaires .qu’ils eftoient obligez de fairepoutfou- tenir leur qualité, accordoit à chaque Capitaine quatre mil livres de petun, deux mille aux Lieutenans, & quinze cens aux Enfeignes j. la Compagnie les leur ayant «tranche apres fa mort, M. de Poincy voyant beaucoup d aigreur dans les efprits, écrivit pour eux à la Compagnie , & luy reprefenta les dépenfes que ces Officiers eftoient ob igez de faire i fur- quoy n’ayant pas receu la fatisfcftion qu il eiperoit , la Com- naunie accordant feulement fix hommes francs, celt a dne- exempts de droits aux Capitaines, outre leur perionnei qua- tre aux Lieutenans, * deux aux Enfeignes; cette durete les. irrita & les porta à des murmures qui faifoient appréhender une révolté; & quelques efprits mal-faits perfuadans aux au- tres, queM. de Poincy n’avoit pas écrit pour eux, avec toute ta force qu’il falloir, pour leur faire obtenir le quint des droits du Roy , cette faufle perfuafion luy fufeita plusieurs ennemis, qui depuis ce temps-là , n’épargnèrent rien pour luy nuire 6s ^ Soit que ces> efprits mécontens écrivirent aux Seigneurs de la Compagnie contre luy, foit que M. de la Grange & le Preftre Tillard , décriaffent fa conduite & blamaffent les actions, il eft certain qu’on luy rendit de très-mauvais offices auprès d’eux: il fut acculé particulièrement de trois cholesv Premièrement , d’avoir entrepris fur 1 authoritc de la Compa- gnie ; eftabliffant un CommilTaire pour faire le procez au Sieur & à la Dame de la Grange, 6c de recevoir les appellations, tant du luge de Saint Chriftophe, que des luges des auties Iflcs. Secondement d’avoir banny quelques perfennes lansfor- jne de procez; enfin de favorifer les berniques contre les in- tentions de fa Majefté. , . .r „ M. de Poincy craignant que fou filenœ n authoruaft ces^ i dux Ant-IJle s de l’ Amérique. j - aecufations, écrivit aux Seigneurs de la Compagnie pour s’en jufhher, & il leur fie coiinoiflre qu’il n’eftoit aucunement cri- minel; qu il navoit pu fane autrement, poureequi regardoic le fieur & la Dame de la Grange, qui n’ayant point voulu rc connoiftre le luge eftably par la Compagnie , prétendant qu’il navoit aucune junfdi&ion fur eux, & que M. Fouquct ayant piufîeurs fois écrit au fieur Renou, de ne prendre aucune con noiflance des crimes contre l’Eflat, il avoir cfté obligé par fa Charge, & pour ne pas manquer au fervice du Roy, de fe fervir du pouvoir que S. M. 1 uy avoir donné, & de leur don Rer un luge ; Apres quoy il leur témoigne qu’ils fça vent bien que fans la Commnfion du Roy, que M. le Cardinal vouloir me (me eflendre fur toute l’Amerique, il n’auroit pas accepté cet employ, puis que quand bien il en auroit manqué en Fran- ce, il avoit dequoy vivre ehez luy avec honneur, & qu’ainfi il ne croyait pas qu’ils vouluffent diminuer fon pouvoir, com- me ilnedefîroit pas entreprendre fur leur authonté ; Il pr0- tcfle qu on 1 accufe à faux , d’avoir receu les appellations des caufes jugées par les luges ordinaires, & n’en veut point d autres témoins que les Seigneurs- de la Compagnie, parde- vant lefquels il a renvoyé toutes les affaires importantes. Pour ce qui regarde les heretiques, dont on dit qu’il eftlc prote- cteur, dne veut point d’autre juRification que la maniéré dont n les a rengé depuis peu dans la Guadeloupe, & que s’il a favori fé le fieur Trezel, qui entreprenoit de faire des fucresà la Martinique, ça eflé par l’ordre exptez des mefmes Sei- gneurs, M. de Poincy s eftant ainfî juftiRé de toutes les calomnies, dont la Compagnie s’elloit rendue fufceptibleà fon préjudice, il fe plaint de ce quelle le traite mal, n’exentant des droits peuonnels que Poix ante de fes Domeftiques. 11 leui reproche enfuite,que le party du General des Angloisefl eaucoup plus avantageux que le fien,& mefmeplus honnorable; car es années, aufquelleson ne fait point de petun & celles que Ion en fait, luy font égales; parce qu’il reçoit également tes droits , qu il fait payer par avance , &c ce fur toutes les Ifles qui iont habitées par les Anglois, dans lefquciles , il luy efl x$o - Rfiabliffement des François loifible par permiffion du Comte de Karlay d'avoir Sc de p.of^. feder telle quantité de terre qu’il veut , dont il difpofc a avo« lonté Sc les diftribuë aux particuliers, qui n’en payent aucu- ne rente Seigneuriale à perfonne qu’à leur General ,6c qui es exige d’eux, comme à luy. appartenant 6c Ton propre, ^eit bien loin de luy faire payer des droits pour Tes gens , comme ont fait les Seigneurs de la Compagnie , qui y ont oblige Meilleurs d’Enambuc Sc du Halde, 6c mefme M de Poincy, , Déplus un certain jour de l’année tous ceux qui font fousiam thorité des Anglois, tanthommes, femmes, que petits enrans fans exception, luy payent un chapon ou une poule, & « en ■ confideration des dépenfes extraordinaires, qu’il eit oblige de faire : par ce moyen il luy eft fort aifé de paroiftre & à eitre effedivement trcs-fplendide en fes dépenfes à la gloire de ioii i Roy 6c du Comte, duquel ileft Lieutenant General M. de Poincy voulut bien faire voir par là, qu’il confumoit fon bien 6c le revenu de fes Commanderies ; 6c que s’il paroif- foit auffi fplendide que l’Anglois, c’eftoit avec des depenfes qui dévoient obliger la Compagnie à le traiter plus favora- blement, 6c à ne pas exiger des droits de fes Efclaves ôc de - fesdomeftiques, puis que tous fes appointemensn eftoienc pas ; capables d’entretenir fon monde 6c fa table lefpace de fix mois... Le Roy la Compagnie continuent M. de P oin~ cy pour trois ans dans fes Charges. A. la nou~ pour obtcnir de s- MMa n.cfme grâce en fa faveur. Le Roy le continua f„„ Lieutenant cneial auxlfics de 1 Amérique : il en receut les Lettres Pareil- tes avec la Coin nu /lion de la Compagnie, Au mois d’Aoulf de la mefme année 1S41. la nouvelle de ette Comnufton Ce répandit à Saint Chriftophe ; & comme ™ Vit que M. de Poincy ne la faifoit point lue à la tefte des ompagmes félon la couftume , les mécontcns , qui nefeavoienc p.s quelle ne devoir commencer qu'au mois de Ianvier de e ful’‘:'lllte' s imaginèrent qu’il y avoir quelque modift canon qui luy retranclioïc de foi, auchoncé, & que lesSeigneur de la Compagnie ayant connderéla qualité de leurs accuûcions lavo,entm,s dans i'impuilTance de le] rrakrer avec tant deTu’ Il y en eut m-fme de fr médians , qu'ils contrefirent une Cominiflion , par laquelle le Roy diminuoit tellement fon quc,e norade 1 Mjdtc; M- de Pomcy en ayant eu le vent, crut facile mem que le fient des Matées en fetoit faucheur op le dépo- jF+*r Ticn ?3pitainc * rlfc’ homme de p« fô,.,' J U 3 e" r conJulK> & propre à s’engager dans toute én avfrt T I affa,1'CtS f3nS dlïC1'Ct,on- M dc P°^y qui . avo.t de, a eu de grandes plaintes n'attendoitque l’occafion d une nouvelle fautepour lepunit déroutes les pafTées lien ' oya chez uy quelques-uns de fes consens, J avoient que ^ lb‘Vud;aycd«MatetS,pe,,daDtqu.1lsei?o,entrSirt blant de bad^ mciikurcchcro qu’il peut, d-aurtesfaifantfem. lia dedeot d t'°UVCr[nt cccte fauffe Commiffion dans le Ha de coton ou , I couchoit ordinairement : on luy demanda pasqUirVO!C ^ “ Parcbemlni illcur dit qu’il ne Iefcavoit pas , & quen ayant appris à lire ny à écrite , il ne fe cha'rgcoit X ïéi Ëfiabhjfement des François point de ces fortes d’écritures, il la defavoüa & protefta que, ceux qui l’avoient tiré du lid de Coron , l’y avoienc mile eux- mefme. Sur cela il fut arrefté, conduit chez M. le General, qui l’envoya fous bonne garde dans le Fort,& luy ayant tait mettre les fers aux pieds & aux mains, il donna ordre au Sieur de Renou fon luge, de travailler inceiîainment a ion procez. -p Tous les témoins ne dépoferent contre luy que ce que Ion pouvoir attendre d’un homme de l’humeur de des Marets. ils dirent qu’il blafphêmoit Couvent le nom de Dieu, qu’il a voit dit aux magazins que fi le Pape eftoit fur la Montagne de Saint Chriftophe, qu’il luy feroit payer bonne rançon ;qu il avoir parlé fans refped de la Vierge, & dit des choies contre M. le General de Poincy qui tendoient à fedition. Tout cela pouvoir eftre vray; car des Marets difoit fans retenue & fins précaution tout ce qui luy venoit à la bouche, j en parle pour l’avoir bien connu pendant un voyage que je fis avec luy aux XHes. Sur ces dépofitions M. de Poincy fait preffer fon procez, il fait venir le luge de la Guadeloupe -, & ayant trouve neuf afie fleurs qui fuivoient abfolûment les inclinations, il le fit con- damner à la mort, quoy qu’il perfevera dans fes protections qu’il eftoit innocent de cette faulfe Commiflion , eflant mcapa- 'blc de l’avoir faite, puis que tous les habitans fçavoient quil ne pouvoir ny lire ny écrire. Les PP. Capucins qui le vifitoient tous les jours, le con- noiflant jufqucs au fond de l’ame , croyant qu’il n’eftoit imllc- rnent coupable du crime dont on l’accufoit, firent leurs efforts pour luy fauver la vie , ils firent mefme avouer au luge qui ne trouvoit pas dequoy le faire mourir; K a leur prière il fut à la Montagne trouver M. de Poincy, pour luy dire franche- ment qu’il ne pouvoir condamner des Marets a la mort: cette libre deliberation mit M. de Poincy dans une fi grande cho- îere qu’il le menaça de le perdre luy-mefme , s il ne concluent à la mort: & il fut tellement épouvanté de ces menaces , qu il vint dire en pleurant àu R.P. Hferofme Capucin, quil eftoit perdu s’il ne faifoit mourir des Marets. ttux Ant-Ifs.es de l Amérique, ,g. Scs amy s n’ayant pû fléchir M. de Poincy, non pins pour régaler les foldats qui garde, entfon et , yrAmU‘ S™/0™'re«,™ ayautba «« «cez, & pendant cm fommeil des Marets lima fes fers , ayant achevé, ,1 éveilla es garces & les pria de l’accompagner fur la terralfe du Fort, lous pietcxte de quelque needfité naturelle qui le prelfoit, & sellant un peu écarté d’eux, il laiffa tomber fes fers, fe jetra dans le folle, _& fe ûuva à la faveur des haziers & dé la nui ft. icmeura treze jours caché , pendant lefquels il fut condam- ne par contumace d avoir la telle tranchée, ce qu, fut exécuté Aujfi-roft quonfçcut que des Marets s’eftoit fauve , on don- na allarme par toute rifle. M. de Pomcy perdit beaucoup de U modération dans cette rencontre , & fe laiffa aller à des cm- poicemens de choIere& de fureur, qui ont terny la gloire des elles a étions qui I avoient rendu confiderable. Il courut luv- mcfme au Port, il mal-traita les gardes, il commanda qu’on ant aux fers le Caporal nommé Semonville , & J’Anfpefade qui avoir accompagné des Marets fur la terraffe. Il affembh précipita ment cinq ou fix Officiers avec fon luge, & ayant re- nu confcil de guerre, où fa paffion fut la prédominante, il fit condamner ces deux mnoccns à la mort : on leur trancha la elfe fui un billot de bois une heure apres leur fentcnce; l’un eux ne Iuy voulut jamais pardonner. Les fieurs Mariage &: Mcune Sergens ^ eftoient de garde, furent envoyez en pillage* ^ GuadeJüuPej & tous kms bl^ns furent expofez au n’y eut point d’invention qu’on ne mit cnufage,nydc foin quonne prit pour découvrir où efloit des Maretsffi bien que le nc^cme jour de fon évafion, M. de Poincy, ayant euadvisqu’il mctT !CtnJ d‘inS IC 3UardGr dcS An§loiSy fit Pendre lar- mes a plus de 4000. François, & fe mettant à leur telle cn- Xif 1 64 Etabli jfement des François mitonné de Tes Gardes & de quantité de Cavaliers, marcha vers la grande Rade £3 frontière des Anglois. Il de loin mer leur General par un Trompette, de luy rendre des Marets mort ou vif, avec menace ,que fiondifferoit dele luy mettre entre les mains, qu’il l’iroit quérir Iuy-mefme jufques dans la maffon. L’ Anglois ne voulant point prendre party dans cette affaire , ny compte la bonne intelligence qui eftoit entre les deux nations, iuv envoya le fugitif. „ , , , On le renvoya au Fort chargé de chaifncs tous la garde de cent hommes, 63 fon procez ayant elle reveu A achevé, il lut condamné d’avoir la telle tranchée, fon bien confilque au Roy , pris au préalable zoooo. livres de petun pour desœuvres ^ Des Marets avoir demandle R. P •Hierofme Capucin, pour fe confell'er & pour l’alïiller à la mort. Ce bon Pere, qui ne croyoit pas que M. de Poincy en viendroit à cette extré- mité de faire périr un des premiers Capitaines de 1111e lur de /impies ombrages, eftoit bien aife de fe fervir de cette occa- fion pour le remettre bien avec Dieu; mais quand il vit que M. de Poincy eftoit inexorable aux pneres de tout un peuple qui luy demandoit fa grâce, 63 qu’on le conduifoit au fupplice pour le faire mourir, il fe laiffa tranfporter à 1 ardeur de Ion zele avec tant de violence qu il dépouilla fa îobbe, fe mit fa corde au col, 63 commença à crier qu’il eftoit plus coupable que des Marets, que c’eftoit grande pitié, qu’on alloit faire périr un innocent, 63 dit cent chofes de cette nature pour ex- citer le peuple à conipaflion. Le luge craignant quelque fe da- tion courut à luy, le frapa d’un coup de canne à leftomach, S3 le fit chaffer de la place, apres luy avoir dit une infinité d’injures ; fi bien que des Marets fut privé de la confolation qu’il attendoit de ce Religieux, 63 M. AugeC luy rendit ce bon office le mieux qu’il pût. Il fut décapité avec une ferpe lur ■vn billot le feptiéme Septembre 1641. apres avoir fait amende honorable, nud en chemife 63 la torche au poinft devant la -Chapelle delà Baffe -terre, comme criminel de lezc-Majette divine 63 humaine. aux Ànt-îjles de l Amérique. igj Le peuple murmure contre M. de Poincy : / 'edi - tion de Clément Bugaud difiipée par M. de Saboüilly. §. x i. VNe a&ion fi tragique épouvanta le peuple, mais elle ne pût eftouffer fes murmures , on parloir hautement contre M. de Poincy , on blafmoit fes violences dans'toutes les com- pagnies, il y avoir fujet de craindre quelque émotion popu- laire qui auroit perdu fille, & donné lieu aux Anglois de pro- fiter de ces divifions. M. de Poincy vit bien qu’il avoir perdu feffime & l’affedion de la. plufpart des habitans ; c’eft pour- quoy îlne fongea plus qu’à lè maintenir parla crainte & par la force. Il avoir déjà fait mettre des grues de fer dans tous les Corps de gardes , avec des chevalets , & certains inftrumens poui donner la genne dune façon nouvelle quiépouvantoienc tout le monde avec fujet, car il en ufoit tres-fouvent pour de legeres fautes. Cette rigueur n’empefcha pas une fedition , dont la fuitte* neantmoins ne fut pas dangereufe par la prudence de M. de Saboüilly , qui la dilfipa fans efïufion de fang. Pour en bien fçavoir 1 origine, il elt à remarquer que dez l’an 1640. M. de Poincy ayant bafty des magazins des Seigneurs de la Compa- gnie , il en fit faire un pour luy , afin d’y defeendre toutes les marchandées des Capitaines étrangers & François, fous pré- texté que quelques particuliers alloient eux-mefmes aux na- vires achepter ce quils avoient befoin, ce quicaufbit la cher- «.c dans 1 Ille. Le Commis de Meilleurs de Ruberque de Mildebourg luy en donna loccalîon: Ces Melîieurs s’effoient engagez à M. de Poincy de fournir Saint Chriftophc de tou- tes les chofes necelfaires aux habitans ; pour faciliter ce com- merce il trouva bon quils envoyalfcnt un Commis dans l’I fl”, auquel il permit d’acheptcr une habitation à la poindede Sa- Fle i mais au lieu de fe contenter de vendre precifement ce Xiij 1 66 Efiabltjfement des Français qu’il î-ecevoic de Zelandede la part de Tes Maiftres, il prenoit la liberté d’aller abord de tous les Vaiffeauxquiarrivoicnc,fanS en avoir congé : il y acheptoit toute forte de marchandifespout les revendre, 6e par fes artifices il embouchoit fi bien les Ca- pitaines, qu’il leur faifoit tenir leurs denrées à un prix excefiif. Quelques-uns en ayant fait plainte à M. de Poincy , il con- fifqua les marchandifes qu’il avoit traité fins congé, le condam- na à une grofie amende, il luy fit commandement de vendre fon habitation 8e de fortir de l’Ifle. L’accident qui penfa embrazer le navire du Capitaine Lab- bé, fut un fécond pretexte qui porta M. de Poincy àdeffen- dre à tous les habitans de -Tille , de quelque condition qu’ils fuffent, d’aller à bord des Navires nouvellement moüillezaux rades fans fon congé exprès. Car quelques Officiers eftant al- lez dans le Vaiffieau de ce Capitaine, pendant qu’ils faifoient la débauche , on mit le feu à un baril d’eau de vie , qui eut fans doute brûlé 5e le navire 5e les gens, fi Dieu n’y eut mis la main ôe fait miracle ( à ce que dit M. de Poincy dans fa let- tre ) fans lequel ,1e fecours humain, qu on y apporta, eut elle inutile. } Les plus éclairez jugèrent que ces deffenfes d aller a bord, n’efloient qu’un artifice de M. de P oincy , qui ne recevant aucun droit des habitans pendant l’interruption de faire duperun ,sa- vifa de prendre luy-mefme toutes les marchandifes des Fla- mans 8e des François dans fon magazin pour les revendre au peuple. Il efrablit pour fes Commis les fleurs Doüin, Poulin, Belle-tefie, Fremon, Breton, Bonhomme, 5e Moyfefon Affo- cié. Il prenoit quatre pour cent de toute la traitte qui fe diftri- buoit dans Tille, 8e y mettoit telle taxe quilluy plailoit.Ceux qui ont fréquenté les I fies , fçavcnt le revenu exceffif ou cela peut monter, auffi M. le General de Poincy 6e les Commis devinrent tres-riches aux dépens du pauvre peuple qui gemif. foie de tant de Monopole : Si bien que les vieux habitans le voyant privez de la liberté, qu ils avoient toujours eut fous Meilleurs d’Enambuc 6e du Halde Ieurspremiers Gouverneurs, d’aller traiter à bord avec les Capitaines, commencèrent a regret- ter leur condition palTée, 6e à fe plaindre de la prefente. aux AntAjles de t Amérique f i£y Vn nommé Clément' Bugaud fut le Chefdu foulé vementqui fe fit au quartier de la Poinch de Sable, par un grand nombre de vieux habicans , qui prirentlcs armes, difant tout haut qu’il falioic remettre les choies dans le mefme eflrat auquel elles efloicnt au temps de M. d’Enambuc. Le ploton groffilfoit de jour en jour, & on craignoit avec grande apparence que cet- te petite étincelle n’alluma le feu de la divifion dans toute ride. M. de Saboiully, pour qui le peuple avoir toute forte derefped, ménagea Ies.efprits; & allant de café en café, il promettoit aux habitans que M. de Pomcy leur do'nncroit la mefme liberté qu’ils avoient auparavant, d’aller traiter dans les Navires, & que ce qu’il cnavoit faitn’avoit eftéque pour leur bien , &: que pour empefeher les concuflions effroyables que les Commis des Seigneurs de la Compagnie exercoient impuné- ment dans l’Ifle. J 1 Ayant calmé 1 cfprit du peuple, il prit quelques foîdats avec Iuy pour découvrir où eftoit Bugaud ce Chef de party , afin d’armer ce qu’il avoit degens, & les gardes de M. de Poincy pour le prendre; il le rencontra par hazarddans le bois accom- pagné d une trentaine des plus mutins. II leur demanda d’une voix fiere & tonnante, qui leur avoit donné permiflion de prendre les armes; ils luy répondirent que c’cfloit pourluypre- fenter une requeflre au nom de tout le peuple , afin qu’il pria M. le General de leur permettre la traite dans les Vaiffeaux comme auparavant : Il leur répondit, hé quoy, prefente-t’on des requeftes les armes a la main ? en mefme temps feignant deflre bien fuivy, il Ce mit à crier, à moy M. delà Vernade, M. de la Fontaine à moy, faites avancer vos Compagnies ;ces pauvres révoltez croyant avoir toute la milice de fille fur les bras, prirent la fuite ; ainfi cette levée de bouclier futdilïipée, CIcment Bugaud & quelques autres révoltez Ibrtirent de l’Ifle, 5c s en allèrent en terre ferme, où je crois qu’ils ont donne commencement à la Colonie de fille de la Kaycnne. „ 63 Eftablijfement des François Efiablijfement d'une Colonie Francoife dans l’IJle de la T* or tue. CHAPITRE VT. S’il eft vray que tous les enfans qui font fortis d’une mefo me mere, font fi diftemblables , qu’il ne s’en trouve ja- mais deux de pareils ; cette proportion ne fe- vérifie pas moins dans les differentes peuplades, qui ont efté tirées des Mes de Saint Chriftophe, de la Guadeloupe, & de la Martinique* que je puis nommer les trois Meres qui ont enfanté toutes le& Colonies de nos Ant-Ifles. L’Ifie de Saint Chriftophe avoir produit en l’année 1*35. la Colonie delà Martinique, qui apres avoir fi glorieufement furmontê une infinité^ d’obftacles, vi- voit dans une entière foûmiftion à l’Eglife Romaine, au Roy &; à la Compagnie. Mais je fuis maintenant obligé de luy fai- re produire une fécondé peuplade qui va dénier ia foûmiftion à fEglife, au Roy & à la Compagnie , d’où vient qu’il ne fe faut pas eftonner fi elle eft dcfavoiiée de M. de Poincy , qui en avoir efté faucheur : & fi elle a rencontré une aufli maU heureufe fin que fon commencement & fon progrez ont efté pernicieux. 11 y avoir fort long-temps que l’Ifte de la Tortue eft oit muquetée comme un pofte,qui eftoit devenu confiderable, non feulement parles grands avantages, dont je parleray dans la. description que je feray de cette Ille dans la fécondé partie de mon livre ; mais encore pour le trafic des cuirs avec les Bou- canniers? pour la quantité du petun qui eft autant eftimé que celuy du brefil, & particulièrement pourla retraite des Avanturiçrs; dont les riches prifes faites fur les Efpagnols, peuvent en peudcterrlps enrichir les habitans, aufti bien que le Gouverneur. aux Ant-Ifes de l’ Amérique. jgg Les Anglois font défaits par les Sfpagnols dans l’If e de la Tortue, où Al. le Vajfeur efi en- voyé par M. de Pomcy, qui en chajfe quel- ques Anglois réfugiez. ,, sy efablit, & repou fe les Efpagnols . §> i. IL y avoit déjà quelques années que les Anglois s’eftoient eihblis dans rifle de la Tortue, & s’y eftoient tellement aug- mentez qu’ils donnèrent de la jaloufie aux Efpagnols , qui apprehendoient avec fujet , que l’augmentation des Anglois dans cette Ilîe ne fut un jour la ruine de la belle Me de Saint Domingue : de forte qu’ils fe refolurent de les en chaf- fer à quelque prix que ce fut ; le General de l’armée Efipagnol- îc y fut avec toute l’armée en l’année 1S38. & les ayant pris au depourveu, pafla au fil de l’épée tous ceux qui tombèrent entre fes mains : Il fit melme pendre ceux qui fe vinrent ren- dre à luy apres le combat : il en êchapa un fort petit nombre qui fe réfugièrent dans les bois & dans les montagnes ; de for- te que cette Ifïe demeura allez long-temps comme deferte, fans que perfonne y ofafi; aller ; mais peu à peu quelques Am glois fi eflant remis & y ayant attiré quelques François bou- caniers 3 ils fetrouverent jufques au nombre de 3oo.'defqueIs un Anglois s’elîoit fait le chef. ^ , Vn Aventurier vint avertir M. de Poincy de tout ce qui s efloit paffé à la Tortue, & l’afleura que ce chef prétendu Cjloit fans adveu, & qu’y ayant un grand nombre de Fran- çois paimy les Anglois, il luy feroit tort aiié de s’en rendre le Mai lire. En ce temps- là Monfieurle VafTcur Compagnon de for- tune de M. d'Enambuc, revint de France à Saint Chnftophe. C’efloit un homme d’efprit,& dont la valeur luy avoir mé- rité quelque commandement dans l’armée naualle , éc délire I. Partie. ~ " v x7o Ejlablijfement des François Capitaine à Saint Chriftophe. M. de Poincy fit tant deftime de fa pcrfonne, qu’il fembloit ne prendre confeil que de luy : II s’en fçrvit dans la vifite qu’il fit de tous les quartiers de ion Ifle, pour apprendre de luy non feulement les lieux ou il de- voir baftir des fortcreffes, mais encore la manière de les con- ftruirc. Mais comme il eftoit huguenot, les cnnemys de M. de Poincy prirent de là occafion de l’accufer d eftre fauteur deS- Les Seigneurs de la Compagnie en ayant elle avertis, luy en firent des reproches, dont j’ay déjà parlé en un autre endroit. M. de Poincy fe voulant délivrer de toutes ces calomnies, faire fortir avec honneur les heretiques & M- le Va fleur, luy propofa de s’aller eftablir dans rifle de la Tortue & d en tenir le Gouvernement de luy, à condition de quelques rede- vances, dont je n’ay pû apprendre les particularitez. M. le Vafleur tres-inftruit des advantages de cette Ifle, auili bien que du petit nombre des Anglois, accepta loffie de M. de Poincy, & fc refolut d’en chafler les Anglois, comme ils en avoient chafle par deux fois quelques boucaniers François, qui s’en eftoient voulu rendre les Maiftres. Il amafla promptement quarante ou cinquante hommes, tous huguenots , qu’il mit dans une bai que , qui appartenoit à Monfieur de Poincy & à luy, car tous les frais de cette entreprife furent communs entre- eux. Leur première del- cente fut dans une petite Ifle appcllée le Port à Margot, ou ils féjournerent prez de trois mois ,pour amafler encore envi- ron quarante ou cinquante hommes , qu’ils prirent des barque s des pefeheurs, qui eftoient aux environs de l’Ifle de S amtDo- mingué, & avec ce renfort il defeendit vers la fin dAoult de l’année 1640. dans l’Ifle de la Tortue. Dez qu’il fut à terre, il envoya dire au Commandant An- glois, qu’il eftoit venu dans cette Ifle, pour venger la mort de quelques François, & le tort qui! avoir fait aux autres, en les chaffant par deux fois de cette Ifle : & que fi dans vingt-qua- tre heures , luy & tous les Anglois n’en fortoient, il ne donne- roit quartier à perfonne. Les François qui eftoient parmy eux, fc foule verent incontinent ; &: les Anglois appréhendant <]\xi s aux Ant-J fie s de l’ Amérique. • j-,, UC le joignirent à M. le Valfeur pour les perdre, s’embarquè- rent tout en defordre dans un Vaiffeau qui eftoit à la rade n emportantavec eux que ee qu’ils avoient de plus preeieux- f, bien que le lendemain M. le Vaffeur Ce vir maiftre de l’ille le Toi tue, fans avoir rendu aucun combat. Les François L o “s' & danst ffCS qUe,.'CS Ang'°1S avoicnt lai® „ j H daus Ie" tort> ou 1 °n trouva une petite piccede canon de fonte & deux de fer, qu’il fallut tirer du fable où elles avoient elle enfoncées. ’ /■ M' le Vaff^U1' fc v°y3nc Maiftre abfolu de cette Ifle, & Ce "17' 3 Camif3de quc IcS EfPagnols avoient donne aux X ,f S" lnco"t,nc;u à fo«ifier & à fe mettre en eftat de n en pouvoir cftre chafle i & comme il eftoit fort bon DlLr‘fUr V 1 C -°lfit C 1CU lc plus avantageux de l’Ifle pour L o/T/T’* C‘nq °U f‘X paS dc ,a Mer’ c’cftoil: une Ro- litres «nabftTd'î aUt°Ul' de ia<îuellcil fit dcs terrafles regu- ieres, capables de loger trois ou quatre cens hommes à leur aile ; du milieu de cette plate forme s’élève une grande roche haute environ de trente pieds efearpée de toute! parts. Il Z fit faire quelques degrez dans la mefme roche , qui n’alloient éclXTf 1 T ’ & i! faIblt montcr le avec une Leur eftdohfCo ’ T' °n ret,ro & cn fit »«tre plufieurs doicnt itnrr T i’JttCnC fur, h Plarcc forme, qui deffén- t cc u havre , S; nobmitrien de tout ce qu’un bon In emeur peut faire, pour rendre cette forterelTe imprenable 11 fut incontinent fecouru de tous les Avantutiers , qui fre. queutent cette colle, Iefquels voyant la maniéré dont il V prenoit, crurent qu’il alloit faire un eftablilfement qui furpal’ fcm'dmsn!TnC t0“S Iesautrcs .qms’eftoient fait,ufques âpre, font dans 1 Amérique parles François: dc forte que Mdo Yij m Efiablijfemènt desVrançots Poincy , qui eftoic bien informé de tout ce qui fe pafloit à f» T orcuë , y envoya M. de Lonvilliers fon nevcu . & M. de U Vem.de avec trente ou quarante hommes , poj ks ta retra voiler à une habitation, qu i! pretendoit faire dans cette Me, le tmuve danUes membres d?e M. le Prefidcnt Fouquet , une vieille Lettre fans nom, ou il eft dit, que ces Meilleurs y rent quelque fejour, & qu’ils y commandèrent pendant que M le^Vaffeur fut à Saint Chriftophe: Mais comme cela neffc ^ fort autent^ue, il me fuffit de dire que ces Meilleurs >s en retournèrent à Saint Chriftophe , fans tirer autre chofe de M. k Vafleur que de grandes cmlitez & de belles paroles. , ' Cependant les Boucanniers de Saint Domingue, n ayant qu’à apporter leurs cuirs dans cette Me, & en tirer* en fort : peu de temps de la poudre, du plomb , de leau de vie & tout qui leur eftoit neceffaire ; s’en retournoient incontinent a S. Domingue, & y faifoient le double du degaft, quils a\ oient accouftumé d’y foire. Dez que les Aventuriers avoicm prife, au lieu de l'emmener dans les Mes, f *eftte trois mois en chemin, ils la mettaient dans le Havrc ae b Tor- tue, &dez le lendemain iis eftoient a lemboucheur de - vieres, & des ports de Saint Domingue. Si bien que lesEf- pagnols fe trouvant par trop incommodez du voihnage des François , fe refolurent de les deftruire avant qu ils s augmen- taient davantage. Ils armèrent fix, tant navires quebaïques, fur lefquelles ils mirent fix cens folte, fans les matelocs, prefenterent devant le havre de la Tortue. M, le . tulTa approcher jufqucsàl’cmboucheure du havre, «lois quils firent mine d’y vouloir entrer , il commença a les battre a coups de canon ; quelques-uns difent qu ft coula à fond un de deur pnü- cipaux navires : je ne le veux pas affairer ; mais il eft conftan qu’il les Lcaffa tellement, qu’ils furent contrains daIle^OUI ' 1er l’ancre, & 'de defeendre à plus de deux lieues du Forr. I y mirent leur fix cens hommes à terre &. vinrent attaqua le Fort, d’oùils furent repouffez avec perte de plus de.cent hom- mes. 1 AUX & Ant-IJles de l' Amérique. iyj La mauvaise conduite de M. le Vajfeur 3 qui Je rend odieux a Jes habitans y ejl deja^oùé par M. de Pojncy , & ajfajhné par deux Capi- taines j quil avoit adoptez » §. il. MOnlîeur IeV afTeur ellant ainfi élevé au delîus des nues par tant de bons fuccez, commença àfe méconnoiftre , &ufa d une iéverité fi extraordinaire envers fes habitans , qu’il fo perdit de réputation dans toutes les Iiles auiîi bien que dans Ja b îancc. Il s en prit d abord aux Catholiques, aufquels il ne p eim étroit aucun aéte extérieur de leur Religion : Il ht brû- ler une Chapelle quils avoient baftie de leurs propremains, pour prier Dieu, & chafïa un Prefire qui s’y efloit refu- gié , auiîi bien que le P ere Marc Capucin , qui fut obligé d’y relâcher par une tempefte. Il n épargna pasmelme le heur de Hoche fort fon Minifire, lequel il difpenfa du fervice qu’il Iuy de voit rendre en cette qualité, de la mcfme maniéré qu’il dit que Ion a dilpenfé les Capucins de leur Miniftére dans Saine Chriûophc. Les grandes richelîes qu’il avoit acquifes & qu’il acquêroit tous les jours, ne luy fuffifànt pas , il mit des taxes excellïves lur chaque cuirs qui entroit dansibnlfle, & droit tout ce qu’il pouvoir fur les autres denrées qui s’y debicoient : de for- te qu il devint en peu de temps h riche , qu’il fe faifoit faire des fervices de^ vaiffelle d’argent très-magnifiques. II devint fcvéi.c jufques a punir les moindres fautes de fes habitansavec nue giande grue de fer , dans laquelle il leur faifoit paffer a telle , les pieds & les mains : & cette fâcheufe machine fo baifo foit toujours, jufques à ce qu’un homme vint tout courbe, ce qui luy faifoit une peine' incroyable, II avoit nomme cette grue Lçnfer , & fon Fort , ou il le tenoit en prifon, Le Purw- toire. * 174 Efiablijfement des trançois M. de Poincy voyant qu’ilne vouloir reconnoiftre perfonne, que tout le monde murmuroit contre luy comme contre un Tyrant oui vouloir faire de Hile de la Tortue une petite Ge- nêue, commença à le defadvoüer hautement: & il protefre dans une lettrequ’ilécritàM.Fouquet,quele Valfeurluy afeu- lement demandé une Commiffion pour aller contre les ennemis de la France, qu’il a pris 40 . homme dansl’Ifle de S.Eufiachc tous RelRionaires, & que l’Ifle de S.Chriftophe n’y a rien contribué. M. de Poincy neantmoins fittout ce qu’il pût pour l’attirer dans Saint Chriftophe. Il y employa fes civifitez, fes carelTes, & tous fes amis : mais M.le Vaiïeur paroît toujours finement à toutes les adrefles de M. de Poincy , & quelquefois il fe moc- quoit de luy ouvertement; comme il fit lors quil luy deman- da une grande Noftrc Dame d’argent, quiavoit eftéprife dans vn Navire Efpagnol: il luy en envoya une de bois de lamef- me grandeur, &luy écrivit que les Catholiques eftoient trop fpirituels, pour s attacher à la matière, mais que pour luy il aymoit un peu le métail. ^ ^ Apres que M.le Vafleur eut commande dans la Tortue , plutolt cnRoy qu’en Gouverneur,l’efpace deiz. ou 13. ans, ily futafiaf- fmé d’une façon toute tragique. Il aymoit fi tendrement deux Capitaines nommez Tibault & Martin , qui avoient efié les Compagnons de toute fa fortune, que n’ayant point d’enfans, il les adopta pour fes fils & les déclara fes heritiers . L’un d’eux,, qui eftoit laifné & fe nommoitT îbaut , entretenoit une tres-bel- le garce; dont M. le Vafleur ayant abufe plufieurs fois, ce Ti- bauten conceutune telle rage,quilrefolut avec Ion compagnon de faire mourir celuy qui les avoit adoptez, & de fc mettre en poffdîion de l’Iflc & de tout fon bien. Ils fe perfuaderent que faifant mourir un homme décrié comme l’eftoitM. le Vaf- feur, le Roy feroit encore trop heureux de leur donner une abolition generale, & la Compagnie bien aife de fefervir deux, pourveu qu’ils réunifient l’Ifle entre leuis mains. M. le V afieur ne penfant à rien moins qu à cette conjuration, defeendit un j our de fa Roche en fon beau magazin , où les deux Parricides bienrefolus défaire leur coup, le vinrent trouver ac- eempagnez de 7 . ou 8. autres. Trois 0114. de ces perfides ayant aux x4nt-If.es de l Amérique. I7, apperceu par la fcneftre la reprcfenration ou figure du S le Vaf leur dans un miroir , tirèrent 3 . ou 4. coups demoufqueton dan, cemiroi^penrancrirerrur Iuy-mefine. Audi-toit Tibaut edant entre dans le magazine voyant que Je ValTeurn’edoit point 0 nfc , Iuy déchargea un coup de moufqueton ,dont noyant que Iegerement blelTê , il courut à Ton Negre qui portoic Ton epee , mais il fut pourfuivy de fi prez par ^e Tibault ?railndeUr F$ ? ^ ** PrcndrC: de forte qu’il fut conl tramt de fe retourner vers Iuy, pour parer avec le bras un coup de poignard qu il Iuy portoit : & l'ayant reconnu ,il s’écria com- PuisTv^5 Cæfa]ra BlUtUS,¥ c’efldonct°y T * haut, qui me tué. Puis fe voyant preiTe par tous les deux à coups de poignard & d epeeuiseena:^! courir Catholique. Et tomba mort en achevant ces paroles r ~,cs deux parricides, qui avaient déjà gagné les inclinations des habita ns par cie grandes promettes de les laidcr vivre dans route 01 re de liberté, remirent en poflettïon delà forteredede Fille de tout le bien que M. le Vadeury pofledoit: Mais la IuftU ce de Dieu ne permit pas qu’ils euffent long-temps la joüy/Tanc© d un bien, dont ils avoient pris podettion par une adion fi énorme. Le Chevalier dePontenay arrive à S. Chriftophet E fi fait Chef de l'entreprife deM.de Poincy fur U *1 ortuè , contre le S. le V tffeur fe rend maifire de cette [fe , ou il fait venir d\4, Elotiwan fn frere* Vif h le punition de Dieu fur l affafiin du Sieur le Vajfeur. - 5 §. 1 r 1. T) Endant que cette fanglan te tragédie fejoüoit dans l’Ide de la Tortue , M.Ie Generalde Poincy, IalTé & irrité de fe voir ainfi joiie par un homme qui s’eftoit fervy de Ion bien, de ion nom &: delonauthorité, pourufurper &: le mettre enpofTeflion de cette Ifle , ne fongeoit plus qu’aux moyens de l’en depodeder . M. le Chevalier de Fontenay arriva fort à propos en ce temps- i7S EfiablijfementdesVrançois là à Saint Chriftophe fur une frégate montée de vingt - deu x pièces de canon, pour y chercher des foldars : parce qmUvoit perdu la plus grande partie des liens dans un combat , qu i avoit eu entre la Gomer 8c SumBe Croix, contre eux gran e freeates. Ceftoit un Chevalier , dune maiion îlluitre > d’un efprit excellent, adroit, courageux , ôs qui depuis fcs pre- mières caravanncs seftoit fort fignalé en plufieurs combats rencontres fur laMer; mais particulièrement en celuy qui lut donné le zS. Septembre 1644. alfez proche de Rhodes pai le General des Galeres de Malte &M.lc Commandeur de Neuf- chêfes , contre les Turcs : où les Turcs furent vaincus , leurs Vaiffeaux pris avec h Sultanne & fon fils. Le Prince Ofman Ottoman, fils d’ibrahim , Empereur des Turcs , alors âge de deux à trois ans , qui depuis eftant parvenu a âge e ,4. à 16. ans ambraffa la Religion Catholique ,& fit profeffion dans l’Ordre de Saint Dominique à Malthe : auquel combat noftrc Chevalier ayant efté jette jufques a fept fois dans la Mer , & eftant retourné autant de fois a 1 ennemy , com- porta fi genereufement, que le Commandeur de Neufchefe voulut luy donner de l’empioy , quoy qu i! fut encore affez jeu- ne. Il continua depuis fi bien l’exercice des armes fur la Mer, qu’il devint un parfait & achevé Capitaine, & fe rendit ega- lement redoutable & fur l’Océan & fur la Méditf rance. M. de Poincy n’eut pas long-temps la convention de ce Chevalier, qu’il en conçeut une haute eftime, & crut qui nauroit jamais un homme plus capable de débufquer fon en- nemy, & de gouverner cecre Ifle que ce Chevalier, quieltoic. arrivé tout à propos , lors qu’il minutait de faire un arme- ment confiderable , pour tâcher de réduire le Faifeui a fon Il découvrit fon deffein à ce. CfteyaUer, & le pnaenmefme temps d’en vouloir prendre la conduite , l’afleurant qu il i al- fiffceroir de Vaille aux, d’hommes, de munitions, & de tout ce qu’il luy feroit neceffairc. Bien que l’execution de cette entreprife parut tres-difficile a M. de Fontenay , e e îr nean moins qu’il avoit de fe fignoler dans une fi belle occafion , la luy fie accepter avec joye, & promettre à M. del omey q^1 Y periroit, ou qu’il en fortiroit à fon honneur. aux Ant-îjles de l’ Amérique. iyj Tout Iefuccez de cette affaire fembloit dépendre du fecrct : car fi le Vaffeur eut edê en vie , & qu’il en eut eu le moin- dre vent, toutes les forces de M. de Poincy nel’euffent jamais tiié de fa roche. Et ce fût ce qui obligea M. de Poincy de dire au Chevalier qu’il amaffaff promptement tous les volon- taires qu’il pourroit trouver dans l’Ifle , fous prétexte d’aller courir le bon bord vers la code de Cartagéne , & qu’il levafl 1 ancre le plûtoft qu’illuy feroit poffiblc, avec ordre de fe trou- ver à jour prefix au rendévous , qui effoit le Port k I'eCcu dans l’Ifle de Saint Dominique, où il rencontrer oit M de Trcval. Pendant que le Chevalier de Fontenay croifoit le long de la code de Cartagéne, & qu’il y faifoit des pnfes affez confi- derables : M. de Poincy preparoit toutes les chofes neceffaires pom affieger le Fort du Vaffeur, s’il edoit neceffaire , & de embarquer autant d’hommes , qu’en avoit M. de Fontenay, ans une fiegattc, dont il donna le commandement à M. de 1 reval fon neveu , qui fc rendit au jour dont il- avoir elle con- nus au rendévous. Là ils eurent tous deux advis de raffadinatdu S. le Vaffeur: & appréhendèrent avec raifon que les deux criminels , qui ne dé- voient attendre aucune mifericorde , fe deff'endroient avec plus de courage que M. le Vaffeur, auquel l’on aurait ouvert toucc d*or> s’Ji eud voulu fortir ; de forte que ces Meilleurs fe refolurent de vaincre ou de mourir plûtod que de retourner à Saint Chridophe fans avoir exécuté ce qu’ils avoient promis. Ils fe prefenterent le mefme jour à l’embou- iure du Havre, où ils furent incontinent chargez à coups de canons de la fortereffe,& contrains d’aller mouiller l’Ancre à' une autre rade appellée Kayenne , un peu au deffous du ven t du port y mirent prés de 500. hommes à terre fans aucune îehdance de la part des habitans, Les deux affadins avoient tade le poux aux habitans • dé ne les ayant pas trouvez difpofezà les deffbndre , ils s’edoiént îefolus de capituler & de remettre l’Ifle & la fortereffe entre es mains de ces Medieurs, pourveu qu’on leur promit de ne les rechercher jamais de la mort de M. le Vaffeur, & que l’on. I. Partie. ~ pr î?8 Eflablijfement des François leur îaiflafl la paifible poflefliondu bien qu il leur avoir donne. Tour ce que ces aflafiins dernanderenc leur fur accorde , &C ils mirent M. le Chevalier de Fontenay en poflefiionde lafor- terefie &: du gouvernement de Fille : La Commiflion qu il avoit de M. de Poincy fut leuë,& l’on fit de grandes réjouyf- fances dans la forterelfe U par toute Fille. Dez que M. de Fontenay fût en pofiefiion de cette Ille, la Religion Catholique, Apoftolique & Romaine y fut reftablie. II y fit bafiir une Chapelle, ou Ion Aumofnier célébra la Mef- fe, qui en avoit efté bannie depuis iz.ans. Les habitans y ve- n oient de toutes parts , dans la croyance que cette Ille ayant changé de Gouverneur, Ton y vivroit avec plus de douceur. Ce Chevalier y fit aufli conftruire deux grands battions de pier- re de taille , qui environnoient toute la plate forme , éc qui s’accottoient contre une montagne de roche , que 1 on croyoït inacceffible. „ r Bien-toit apres, flfle de Saint Domingue commença a le fentir extraordinairement opprimée par les François : Car com- me ce Chevalier avoit pafle toute la jeuneffe en des courfes continuelles avec les Chcualiers de Malthe; fon inclination n’eftoit qu’à faire équipper des Vaifleaux, pour aller faire la guerre aux environs de l’ifle de Saint Domingue &fur la coite de Cartagcne , où il prenoit tout ce qui lortoit , ou qui vou- loir entrer dans les Havres: de forte que le commerce y citant entièrement celle, les Efpagnols furent contrains décrire en Elpagne, pour avoir une permiflion d’afiieger 1a forterefle de la Tortue i & d’en chafïer les François. M de Fontenay avoit un jeune frere nommé M. Hotman, homme décrit, de belle taille, robufte , difpos & vaillant com- me un CaTar. Il luy écrivit ,& le pria de venir prendre parta toutes fes belles entreprifes. Ce jeune Gentil-homme avoit déjà quelque charge dans un vieux Régiment , mais cela ne le put empefeher de partir incontinent apres qu’il eut receu la lettre de fonfrere. Il arriva heureufement à la Tortue avecun vail- feau plein de toutes les chofes les plus necelfaires aux llles ; a fon arrivée, l’on recommença les réj oiiy fiances. fit le Chevalier de Fontenay, qui aymok tendrement ce aux Ant-îjles de t Amérique . jya jeune Gentil-homme, plus pour Tes belles qualitez, que parce qu,jl cftoir ion frere, ht largeife des boiifons qu’il avoir appor- tez: Mais tandis qu’on bcuvoit dautant, &que tout treffail/oit dejoye dans Hile, un Boucannier parût, qui dit qu’il avoir veuune armée navale Efpagnollc, qui dans toutes les aparen- ces du monde , avoir deiîein fur l’Ifle de la Tortue. Le Che- valier, qui citait un homme tout de feu , mit aufli-toft on monde en ordre, comme fi les Efpagnols eurent eiléprc- iens : 8c pluileurs s éprouvèrent à jetter des grenades au bas des baitions. Tibaut qui avoir évité la juftice des hommes, 8c qui ne penfoit guère à celle de Dieu, dont il alloit citre frapé, prit une grenade, a laquelle il mit le feu; ôc la voulant jetter en air, le bras Iuy demeura comme immobile: de forte quelle luy creva dans la main, dont il avoir poignardé M. le Vaifeur • c’eitait un fpeftacle horrible à voir, car l’on m’a aiTeuré que es quatre doits & le pouce luy pendoient, par les nerfs où ils citaient attachez, plus d’un grand pied au deifous de la main Il tomba en pamoiion , ôc y demeura plus de deux heures pendant Iefquelles on luy couppa le poing. Eftant revenu à luy, il secria que la main luy faifoit grand mal, ôc la garce qui citait auprez de luy, luy répondit : Oüy vrayment, Mr. voitre main ? h voila dans une ferviette: ce qui le fit encore evanoüir de nouveau, & l’on crût qu’il citait mort. Il guérit neantmoins, mais ce fut pour fc voir perdre plus mal-heurcufe.' mcntavectout ce qu’il avoir acquis par une voye fi mauvaifc & fi deteitable. ISO Efiablifiement des François Erlireprifi des Efiagnols far ÏIfle de la Tortue. Leu de fiente dans cette Ifle . Ils dre fient une bat- terie fur la montagne , £ou ils battent les afiie - peZj, qui font contrains d abandonner la roche ; & qui font un épaulement , doit les Efiagnols les chafient par une fécondé batterie, Uotmanfait une finie . La révolté des habL tans oblige M. Fontenay d capituler . §. lV^ ■E Gouverneur de Saint Domingue, ayant receu ■ ordre du «.Roy d’Efpagne , de chaffer les François del Ifle de aToi- tu£ fit aflembler Ton confe.il le fixiême Novembre ce 1 année i6<*. dans lequel il fut arrefte que Dom .Gabriel Roxas d . le Figueroa , commanderait^ armée qu’on y devoir envoyer, ce General choifir dans toutes les trouppes de 1 Ifle 180. fol- dats, dont il connoiflbrt la valeur & le courage: qui furent tous embarquez fur cinq grands navires, & fur quelques bar- ques & barreaux, pour aller au rende vous, qui eftoita Bah*", ou le General U les principaux Officiers eftoient allez parter- re. Gette petite armée faifant fa route vers Bah a: a, ht ren- contre de trois bafteaux de Boucanmers François. Ils leurs don- nèrent la chaflc ; & en ayant pris deux, une frégate pour ui- vant le troifiéme donna fur un banc , ou elle fe perdit fan que l’on en pût rien fauver que les hommes : de forte JNC ce batçau échappa, & vint donner advis au Chevalier de Fon- tenay de ce qu’il avoir rencontre : & le Capitaine luy dit,qu n auoit qu’à fe préparer à les recevoir & à fe bien deffendre. Sur cétadvis le Chevalier de Fontenay, fit incontinent ap- porter toutes les munitions de guerre & de bouche dans fon Fort, ôc tous les habitans eurent le Ioifir de retirer tout ce q leur aonartenoit dans la forterefie. aux ÀntAJies de l' Amérique. igx Le Samedy dixiéme jour de Janvier de l’année t6^a. Vav- Tnée Efpagnole parue au vent de la Tortue, 5c l’on ne douta plus que l’advis du Boucanmer ne fut très- véritable. Peu de temps apres toute la flotte fit mine de vouloir entrer dans le Havre: 5c auffi-tofl M. Hotman, parfordre du Chevalierfon frere, defeendit fur le rivage avec cinquante ou foixante hom- mes pour s’oppofer à leur defeente; mais ces VaifTeaux, ayanr ils en firent une fécondé à demy cofte fur une autre montagne qui battoit a découvert d’un bout à l’autre de cette épaulement; tt bien que le Che- valier ne fe pouvant plus garantir de cette batteiie , fe re o- lut de faire une (ortie pour la faire abandonner aux ennemys. M. Hotman dont la generofité ne trouvoitrien de difficile, fut choift par fon frere, pour cette entreprife fi hazardeufe. Il luy donna trente fufeliers qui eftoient foûtenus par trente autres, 8c le fit partir à neuf heures du foir , c eft adiré en ce pays-là, à trois heures de nuift clofe : mais les ennemys ayant elle avertis par un traître d’cfclave , qui dans 1 efperance d ob- tenir fa liberté, fe coulaftpar une brèche pour aller à eux, ar- refta le fucccz que les armes de ce brave Gentil -homme dé- voient avoir fans la perfidie de ce traître. Eftant tout pro- che de cette batterie il apperçeutle fecoursqui arnvoit a mef- jne temps que luy: cela l obligea de les chaiger telle ai ee, fans leur donner le temps de fe reconnoiftre. Il les repoufia, & ayant aagne une hutte , où eftoient toutes les poudres, il y mit le feu 8c les fit fauter en l’air : Mais voyant que le nom- bre des Efpagnols grottiffoit toujours, il fe retira apres avoir tué dans ce combat 1 6. E fpagnols, fans y avoir eu qu un homme de tué 8c qu’un autre blette. . Cependant les ennemys firent encore quelque batterie, qui incommodorent tellement les aftiegez , que M. le Chevalier ayant reconnu quelque confternation danslefpnt es a 1 tans, il leur fit prendre les armes, 8C leur demmda s ils ne •vculoicnt pas eftre fideles au Roy & fe deffendre )ufques ala dernière extrémité : Tous luy ayant répondu, qullslevou oieu aux Ant-IJlés de £ Amérique. 185 àinfi, il leur en fit prefler le ferment de nouveau; 6C et* me£ me temps Ion fit retefitir les canons & plufieurs décharges de moufquets, qui firent croire aux ennemis que les Frarncois avoient receu du fecours. Les ennemis commençoient à fe lafTer, & les pluyes le: avoient tellement incommodez , que la plufpart de leurs fol— dalts, 6C mefrae des Officiers,eftoient malades. Ilsmettoienc déjà en deliberation s’ils dévoient lever le fiege, lors qu’un tiaiftre d habitant fe fauva du Fort , 6c les fut avertir qu’il fc tramoit quelque chofe entre les habitans, quiàbligcroit bien- toft Monfieur le Chevalier a fe rendre. Il fe fit encore une fécondé fortie pour deflruire les batte- ries des ennemis ; mais lEnfeigne qui conduifoit cinquante ufeliers > fut toute la nuiét a tournoyer dans les bois fans v pouvoir parvenir. Depuis ce temps il ne fe fit rien de confiderable; 6c les ha- bitans fë trouvans à l’abry des terrafles, commencèrent àcon- fpircr contre le Gouverneur & le Sieur Hotman fon frere, à caufe qu ils ne vouloient pas rendre la place, llsfe plaignoient qu ils nen pouvaient plus de fatigue,, qu’une partie des habi- tans avoient efte tuez, qu il y en avoir plufieurs qui avoient perdu les bras 6c les jambes, 6c qui efioient demeurez eftro- piez pour toute leur vie, 6c qu il leur en arriveroit autant; 6c que puifque les Efpagnols leur offroient une bonne compo- fition, il fjJIoit obliger le Gouverneur à la prendre..* ils pri- rent tous lesaimes, 6c vinrent un matin trouver le Chevalier: Vn nommé Noël Bedd,\ uy dit de la part des habitans, qu’il fai- loitrendie la place aux Efpagnols, à la meilleure compofition que I on pourroit. Ce Chevalier offenfé d’une telle propofi- t ion tira vn pifiolet,dont il tua ce Bedel, en luy difant.Ha ! Traî- tre, fi je rends la place, tu n’auras pas la fatisfa&ion de lavoir aux ennemis: puis il parla aux autres avec tant de vigueur 6c depiefcnce d cfprit, qu’il leur fit pofer les armes, & ils luy promirent tous qu’ils feroient mieux qu’auparavant. Ce ne fut pourtant qu’un feu de paille : car dés le lendemain , la conjura- tion recommença,, 6c la nuit fuivante l’on tira trois coups de tuhls fur M. Hotman, lors qu’il fajfoit fa ronde ; & un de ceux 184 Eslàbliffement des François qui avoit tiré fe fauva parmy les Efpagnols, & les afleura qu’il avoir tue le Frere du Gouverneur > li bien que le lendemain le General Çfpagnol envoya un Trompette, pour en fçavoir la vé- rité, cflant refolu de faire pendre le traître à la veué de tous les François. Cçpendantles Efpagnols qui eftoie.nt avertis partant de traî- tres de lamauvaife difpofition deshabitans, redoublèrent leurs » efforts , & les battirent fi chaudement , que les habitans oblige» . rent le Gouverneur à capituler. . • T>, .■ ' La ‘Tortue eft rendue aux Efpagnols , le Sieur' Hotman demeure en 0 fl âge dur ant la treve. Eflant de retour , la moitié du peuple eft donnée : aux affafiins, du Vaffeur , qui font nne.aÜiom barbare. Le s deux freres e fiant fecourus attaquent* la Tortue , ouais. donnent plufieur s combats. La. Tortue eft fecoumê , & les deux freres s en re- tour ne ntr en France. , p.-és que le Chevalier do Fontenay eut em ployé inutt-v ZrJLlemcnt toute fa politique , pour, remettre fes foldats ÔC feshabitans dans le devoir, il confentit enfin, les voyant tous unanimement refolus de fe rendre, que 1 ou fit des aiticles^ & que l’on envoya demander au General Espagnol une Tul- penfion d’armes pour capituler : ce qui luy fut au fii -toit ac-. cordé par les Efpagnols , qui eftoient autant laffe z du fiege?l nue luy de le foûtenir. _ . Les François demandèrent >de fortir de la Fortereifc, n* feigne déployée, balle en bouche , & le tambour battant, avec tout leur bagage . Que le, Efpagnols leur donneraient du temps pour remettre à flot deux navires qui eftoient cou ez bas dans le Fort, Sc pour le remettre en cllat de les conduire en aux Ant-IJles de l Amérique. jgç Tout cela leur fut accordé fans aucune conte dation. Le Chc- vaact, fon frere, quelques-uns des principaux Officiers, *& quelques foldats fortirent en fort bel ordre": ion permit mef- me au Chevalier d’enmener fes dix efclaves : mais îes Eipa- gnols ne tinrent point leur parole à l’égard des habitans, qui sedoient foulcvez contre leur Gouverneur: ils les traitte- ient de traîtres, & leur oderent leurs armes tout leur ba §agc- Tous les François Ce mirent a vuider l’eau des deux Vaif- leaux qui leur avoicnt elle accordez : mais comme cela n’al- loit pas aufli vide que les Elpagnols le defiroient, iis firent di- re aux rrançois , que Ci dans treys jours ils ne Ce mettaient à la voile , iis les pafleroient tous au fil de l’épée. Tous nos pau- vies rrançois furent fort cdonnez de cette menace , ils firent des edorts plus qu’humains , & mirent les deux Navires en edat de rame voile, avant que les trois jours fuflent expirez. Lors que le General Efpagnolvit que les François s’aïïoient mettre en Mer, il fit refiedion que les Vailfeaux de l’armée se tant retirez, il ne luy redoit plus que des barques pour re- palier, &: appréhenda que ce Chevalier ne tint la Mer, & ne J attendit au padàge pour Ce venger ; fi bien qu’il luy propofa de Iaider fon frere avec luy cnodage,â condition que départ & d autre, tout ade d’hodilité cefferoient jufques £ ce que le b leur Hotman fud remis entre les mains de fon frere & que pendant ce temps-là, les Elpagnols leur fournil oient libérale- ment des vivres ôc tout ce qu’ilsauroient befoin. Tour cela fut execute : Et quelques temps apres le General Efpagnol & tou- e la Noblcde qui l’avoit accompagné s’en retournèrent à Sa mt Domingue ; où il leur fut faite une Entrée auffi magnifique, que s ils euffent conquis un Royaume. M. Hotman oui cdoit un jeune Gentil-homme bien mis, adroit, de bonne humeur, «tort ledement ajudé, gagna le cœur de ce venerable Vieil- ard, qui edoit Gouverneur de l’ Ille, qui l’ayma comme Ci il eut cite ion propre fils, il vécut cinq ou llx mois avec les Es- pagnols cher y de tous, & avec autaüt de liberté q uc s’il eut edé Lipaguol naturel. Le temps edant venu de renvoyer M. Hotman au Chevalier 1. 1 artic. ^ a Eflablijfementdes François fon frère, qui mouroic d’impatience de le voir; le Gouvcr^ neur le fit efeorter par cinquante hommes, 5c commanda à ce- luy qui le conduifoit de luy en rendre compte fur peine de U vie. Dez qu’il fut arrivé tout le peuple fut feparé , la moitié fut mife dans un des deux V aideaux avec les Capitaines Mar- tin 5c Tibaut , affalfins du Sieur le Vaffeur, 5c 1 autre moitié fut laiffée au Chevalier 5c à fonfrere avec l’autre V aiffeau. Tibaut 2e Martin firent encore une a&ionpour le moins au- tant cruelle 5c barbare que celle qu’ils avoient commife en la perfonne clu heur le Vaffeur : Car ayant feparez les plus robuftes foldats, ils dégradèrent toutes les femmes .5C les perfonnes foi- bles 5c inutiles, dans les jfles des Kayemens, & au péril prefque inévitable d’eflre dévorez par ces horribles beftes. Les deux freres s’eftant rejoints, ôtfe voyant dans un navire dépourveu de voile, de cables, 5c de munitions, refolurenc d’attendre quelque bonne fortune qui les mit en eftat de faire le voyage de France , ou d’entreprendre quelque chofe de confiderable : Si bien que quelques jours apres , com- me ils efloient occupez à crener leurs navires , un grand VaifTeau Hollandois chargé de toutes fortes de traitées pour les François de la Tortue, vint moüiiler l’ancre proche de leur navire: 5c ayant apris leur defaftre, le Capitaine leur donna Les hommes pour les ayder à racommodcr kur navire, un cable, des voiles, 5c des munitions, pour s’en retourner en il traite de la paix avec les Sauvages $ il va a Saint Chri- ftophe, prefte le ferment a M. de Poincy G l retourne a la Guadeloupe & s’y fait recevoir : une barque ou il eftoit fait naufrage, d’ ou ilfe fau- ve $ p lu fieur s y perdent la vie. §. 1. MAdemoifcIIc du PIcffis, apres la mort de ,M, ion. mary, Gouverneur delà Guadeloupe, s’effoit retirée à Saint A a iij î5>o Eflablijfe ment des François Chriftophe avec (es deux enfans & M. de l’Olive auprez de M- d’Enambuc ;elle fe difpofoit à retourner en France, lors que M. Aubert, qui avoir eftê Chirurgien, & qui avoir obtenu une Lieutenance dans'l’lfle par fes bons fervices > la recher- cha en mariage, tant pour fon ' extraordinaire beauté , que pour fa rare vertu. Il ht h bien par lé crédit de M. d’Enambue, qu’il réüftit dans Ton deffein s & qu’ill epoufa à Saint Chri- ftophe. Apres le deceds de' M. d’Ehambùc fon Bien-faéteur , il achepta tout fon bétail , & par le ménage de (a femme il de- vint en peu de temps un -des plus accommodez de ! Ifie, & quelque temps apres il fut fait Capitaine. M. de Poincyl ayant trouve homme d’elprit & de courage, layma autant que ion Predecefteur; & quand il lenvoya en France, il le chargea de lettres pour la Compagnie, pleines de fes louanges; Si bien que les Seigneurs de la Compagnie eftant ravis de l’occafton de témoigner à Madcmoifelle' du Pleflis, leftime particulière qu’ils faifoient d’elle, à caufedes mérités de feu fon mary ,& la joye qu’ils avoientMe pouvoir reconnoiftre en fa perfonne les fervices qu’il avoit rendus à la Compagnie , gratifièrent a là confideràtion M- Aubert fon mary de la Charge de Lieutenant General dans Hile delà Guadeloupe. Ilsluy en firent expedier cette Commiffion. Commision de la Compagnie a. M.*. Aubert* B A Compagnie des Mes de l’Amerique au Sieur Aubert, Capitaine, d’une Compagnie de l’I fie de Saint Chriftophe, Salut. Eftant deuëment avertis qudpres le deceds du Sieur du Pleflis , l’un des Capitaines de l’Ifle de la Guadeloupe, le fieur de l’Olive refté feul pour commander en ladite Ifle,au- roit cfté affligé de plufieurs longues maladies , qui luy ont laif- fé des incommoditez telles que d’orefnavantil eft difficile qu il fatisfafîe entièrement au devoir de fa Charge, dont la fon- ction fe rend dautant plus pemble , que l’abondance & fertili- té de la terre y appellent tous les jours grand nombre de nouveaux habicans , quil faut protéger contre lès incur- dux Ânt-IJles de l* Amérique. r 9 r fions des Sauvages 5c contenir en paix fous J’obeïfTancc du Roy par I’obfervance des Ioix de France: & ayant efféaf. feurez par M. Ic Commandeur de Poincy, Capitaine General en rifle de Saint Chriffophe, 5c Lieutenant General pour le Roy ez Ifles de l’Amérique, de voftre valeur, courage, 5c fidelité au fcrvice de S. M. 5c utilité des affaires de la Com- pagnie. A ces Caufes, la Compagnie vous aeftably, com- mis 5c député le refte de cette année, 5c les trois années fuivantes, qui commenceront au premier delanvier iG\i. pour en l’abfence du Capitaine General, 5c lors qu'il y fera, faire par fes ordres tout ce que jugerez neceflaire pour le fcrvice de S. M. Eftabliflemcnt de la Colonie des François, bien & uti- lité de la Compagnie, aux droits qui vous feront attribuez 5c réglez par ladite Compagnie à prendre fur.chacun des babitans de ladite Ifle, non exemptez par icelle. Et outre ce , ladite Compagnie exempte vingt de vos ferviteurs domeffiques , fi tant en avez dans v offre habitation, des droits deus à la Com- pagnie. Laquelle mande à M. de Poincy , qu’apres avoir pris) le ferment de vous en tel cas accouftumé , il vous faiïe obéir en tout ce qui dépendra de ladite Charge. Mandons en ou- tre à tous Capitaines, luges, Officiers, Gens de guerre, 5c autres habitans de ladite Ifle de la Guadeloupe, qu’ils ayentà vous obeïnez chofesqui concerneront le fervicedu Roy, bien 5c utilité de la Compagnie, 5c confervation de ladite Ifle, fans y apporter aucun refus ny difficulté: De ce faire vous don- nons pouvoir, en vertu de ccluyà Nous donné par S. M. Fait à Pans ce quatrième Avril 1640. Signé, Rerrvyer, de Loynes, FovctyET, de Ricoüart, Chanv. Avec cette Commiflion il partit du Havre de Grâce; 5c apres uneheureufe navigation, il .arriva au commencement de Septembre de la mefme année 1640. à fille de la Martinique. M. du Parquet, qui en eftoit Gouverneur pour la Compa- gnie, f y receut avec beaucoup de civilité, 5c entr’autres advis qu’il luy donna pourfe bien effablir à la Guadeloupe, il Iuy confeilla de faire Ja paix avec les Sauvages, Iuy offrant fa mé- diation auprez deux ; il l’accepta avec beaucoup de reconnoif fancc , 5c lu.y promit d’executer en cette affaire les ordres qu’il i9i Eflablijfement des François luy voudroit prefcrire. Ce qui m’oblige de corriger icycé que j’avois avancé dans la première édition de mon Livre, tou- chant la maniéré dont M. Aubert fe comporta à faire la paix avec les Sauvages; car j’ay appris de la propre bouche de M. du Parquet, dans le dernier voyage que j’ay fait en l’année 1(^6. qu’il fut le Médiateur de cette paix tant defirée des gens de bien , & fi neceifaire à la Guadeloupe : il promit à M. Au- bert d’y difpofer les Sauvages, &. de les luy envoyer fi-toffc qu’il feroit arrivé à la Guadeloupe ; de pour marque afieurée qu’ils demandoient la paix, la Pirogue qui en iroit traiter avec luy, mettroit un Sauvage à la nage qui l’iroit trouver feul, de qu’apres tous les autres defcendroient à terre ; il le pria auili de donner l’ordre par tout qu’on ne leur fit aucun tort. M. Aubert tout confolé de l’affeurance de cette paix, s’em- barqua pour la Guadeloupe, en paffant devant rifle de la Do- minique, les Sauvages vinrent à fon navire. 11 les receut avec de grandes démonlfrations d’amitié, les careffa , leur fit des prefens; de apres les avoir bien fait boire, il leur fit entendre qu’il alloit eftre Gouverneur delà Guadeloupe, & que M.du Parquet leur bon amy les alfeureroit du defir qu’il avoit de vivre avec eux en bonne intelligence. Ils luy demandèrent plu- fieurs fois files Capitaines des François de l’Olive de de Sa- boüiily, eftoient encore dans l’Ifle : pour les afîeurer davan- tage, il leur répondit qu’ils en fortiroient fi- tort qu’il y feroit arrivé, de qu’il les empefeheroit bien de leur faire la guerre. Apres plufieurs protertations de part de d’autre, ils luy promi- rent d’en parler à M. du Parquet, de de le venir retrouver dans peu de remps pour traitter la paix. Il arriva à la Guadeloupe le quinziéme Septembre ; de croyant avoir apporté aux habitans la plus agréable nouvelle qu’ils pufient attendre, il leur raconta ce qu’il avoitprojetté à la Mar- tinique avec M. du Parquet, & devant IaDominiquc avec les Sauvages pour faire une bonne gfix a* -é eux. Nous la re- ceufmes avec la plufpart des habitans~£ôri1m$| un effet de la mifericerde de Dieu: Mais ceux qui avoientefté les boutefeux de cette guerre , ne la purent goufter: ils dirent qu’il eftoit jmpoffible d’avoir jamais la paix avec des gens fans foy de fans Religion aux Ant-IJles de l Amérique. Religion qu’ils Ce Ce rvironc de ce prétexte pour les venir fur- prendre & les aflafliner avec moins d’obftacles ; & que quand ils auraient égorgé des François, ils en rejetteraient la faute fur ceux de llfle de Saint Vincent; que pour eux iis ne fe fie- raient jamais à leurs paroles , & que s’ils venoient Ce prefentef au Fort, qu’ils ne les recevraient qu’à coups de moufqueton. M« Aubert jugeant bien qu’il aurait mauvaife grâce de s’em- porter contre eux, à fon arrivée dans rifle, leur dit qu’il nç vouloit rien faire fans en prendre confeil de M. de Poincy, Lieutenant General pour S. M. fur toutes les Ifles ; qu’il s’en alioit exprefîcment à Saint Chrilfophc pour luy déclarer leurs intentions &les fiennes,.qui efloient celles de tous les gens de bien qui ne foûpiroient qu’aptes la paix, les menaçant que Ci on faifoit quelque tort aux Sauvages pendant fon abfence , qu’il s’en prendrait à eux, ôc qu’ils en répondraient en leur propre & privé nom. s. Il s’embarqua dans le navire du Capitaine Brafdefer, & le cinquième d’Odobre, il mit pied à terre à Saint Chriftophe. Il alla rendre fes civilitez à M. le Commandeur de Poincy ,& luy donna les lettres des Scigneursde la Compagnie; quelque reffentiment que M. de Poincy eut conçeu contre luy , dans la croyance qu’il avoit négligé les affaires dont il l’a voit chargé pour faire les ficnncs, il ne Iaiffa pas de le bien recevoir & de luy faire prefter le ferment de fidelité. II fut mefmc afiez gé- néreux, dans l’efperance qu’il conçeut de s’en fervir quelque jour dans fes dclTcins, ûc luy faire avancer i^ooo. livres de petun par le fieur Merlin, Commis General de la Compagnie, iur la parole quil luy .donna, que la Compagnie l’en avoir gratifié, tant pour fes voyages à aller, venir, & retourner, que pourtranfportcrà la Guadeloupe tout ce qu’il avoitbefoin : & afin de 1 obliger plus (enfiblement il luy permit, comme une giacc ti es -particulière, d emmener à la Guadeloupe autant d hommes avec leurs armes qu’il en pourrait trouver de difpo- fez à l'y accompagner. Ce ne fut pas fans de grands frais car il dépenfa a Saint Chriftophe plus de quarante mille livres de petun aux préparatifs de fon voyage, comme M. de Poincy le témoi- gne à la Compagnie dans une de fes relations. I. Partie. ï^4 Eftablijfement des François Apres seftrc acquitté de ces devoirs, & fait approuver £à négociation avec les Sauvages à M. de Poincy, il revint prompte- ment à la Guadeloupe avec Madcmoifcllc fa femme. Le 2.5. Novembre, il fit lire fa Commiffion à la telle des Compagnies de la Bafïc- terre le deuxieme jour de Décembre, il en fit autant au quartier de la Capfterrc devant tous les Officiers Si tous les habitans. Son principal foin fut de faire monter une barque qu'il avoir apportée de France en fagot, Sidefe loger dans une maifondc charpente à deux eftages , qu’il fit promptement baftir, Si qui a efté fort long- temps la plus belle de l’ifle. Les anciens Officiers qui eftoient créatures deM. de l’Oli- ve ne le receurent qu’à regret. Le luge, Iefieur de la Rivière, Si qucîques-autres formèrent un party contre luy. Le fieur de la Ramée murmuroit contre luy, de ce que n eftant que Lieu- tenant de M. de l’Olive , il trenchoit du Gouverneur en chef; le luge fe plaignoit de ce qu'il antiapoit fur fon autho- rité -, M. Aubert eut befoin de toute là prudence dans ces fâ- cheux rencontres ; Si quelque loin qu’il prit de les contenter, il ne put jamais adoucir l’efpritdu luge, avec lequel il eut tou- jours quelque different pendant fon fejour a la Guade- loupe. M. de f Olive que M. de Poincy y avoit renvoyé, voyant fon deffein avorté , Si que fa prefence ne fervoit qu’à aigrir les chofes, Si brouiller fes amis, s’en retourna à Saint Chriito- phe ; quelques-uns ont crû qu’il avoit eu un ordre fecret deM- -de Poincy pour y retourner. La barque de M. Aubert effant montée, il commanda tous ceux qui avoient des Canots pour aller faire une pefche gene- rale de tortues & de lamentins dans le grand Cul de Sac de la Guadeloupe, pour le foulagement des habitans qui fouffroient beaucoup. La pefche achevée, il arrefta ceux qui vouloient l’ac- compagner à Saint Chriftophe où il devoir aller. C’eftoit une bonne partie de ceux qui s’efloient mutinez, Si qui croyoient la paix avec les Sauvages impoffible; mais il leur arriva la mefi- me chofe qu’à ce Prince, qui doutant du rcnvitaillement de Samarie , fut écrafé fous les chariots qui portoient le fecourss car M, Aubert ayant chargé la barque de lamentin Si de tor- aux Ant-IJles de 1 Amérique. jpj tue; ôc y eftant monté luy vingtième, elle fut furprife d’un coup de vent, qui la fit fombrer fous fes voiles, & couler à fonds, 6c entraifna 13. de ces mal-heureux au fond de la Mer, ,& peut-efire au fonds de l’enfer ; car un moment auparavant, on n’entendoit dans la barque que d’horribles blaphefmes. Mi Aubert fe fauva par bon-heur fur un failfeau de picques,! d autres fin* des barils, 6c deux fur le foyer: on vit bien quô la Iuftice de Dieu prefidoit à ce naufrage , parce que tous ceux qui furent noyez nâgeoientparfaitement bien, au contraire M. Aubert ôc les autres réchappez n’avoiçnt aucune habitudeàcée exercice. Ce mal-heur qui arriva le troifiéme Février 1*41. fut cauft* de la réünion de M, Aubert avec le fieur de la Ramée; car M. Aubert eftant retourné dans un petit canot , à la Pointe de Saint lofeph , ou celuy-cy commandoit, il alla loger dans la café d’un pauvre Gentil-homme nommé duPîefiis, quin’avoic pas du pain à luy offrir. Le fieur de la Ramée en eftant aver- ty par un de fès domeftiques , eftant touché delà dilgrace 6c poufle par un fentiment de generofité, il y courut, 6c trouva ion Gouverneur eftrangement affligé de ce defaftre, il I’em- brafia avec beaucoup de tendrefte, 6c pleurant cordialement avec luy un fi grand mal-heur, il le pria de fi bonne grâce 6c avec tant d’inftance de venir chez luy, que M. Aubert l’ac- cepta; il l’y regala le mieux qu’il put, 6c lia unefi eftroitte ami- tié avec !uy , qu’elle a duré jufques à ce que la perte de l’an,ayt efté la ruine de l’autre, comme nous verrons en Ion Iiern Arrivée des Sauvages a la Guadeloupe , Al. Aubert conclud la paix avec eux. Cette paix, y attire des habitans de toutes parts. §: ne. PEhdant que M. Aubert eftoir.à Saint Chriftophe, les Sau« vages furent rendre comute à M. du Parquet, Gouyer- Bbjj ipô EfiaUijfement des François neur de la Martinique , des promeffes que M. Aubert, nouveau Gouverneur de la Guadeloupe leur avoir fait, il les exhorta d’y retourner 8c de faire la paix avec Iuy , les affeurant qu’il les recevroità bras ouverts comme fes bons amys, il leur don- na le fignal dont il eftoit convenu avec M. Aubert. Sur là parole ils équipèrent une pirogue qu’ils remplirent d’ananas, de tortues, 8c de cochons , 8c vinrent aborder à la grande Anfe ;où s’eftant informés du logis de M. Aubert , quand ils furent devant fa cale, on ne vit jamais des gens plus cir- confpeéts 8c plus défians. En effet c’eftoit un peu trop fe ha- zarder : carfi M. Aubert eut efté aufIi violent queM.de l’Olive, on leur auroit j oüé un mauvais tour. Apres que les Sauvages eurent long-temps confideré toutes lés avenues, épié les geftes 8c les mouvemens des François, qui les attendoient fans armes furie bord delà Mer, un d’eux vint à la nage a terre, pendant que la pirogue eftoit à flot ; il demanda d’eftre mené à M. Aubert, qui le receut avec de fi fenfibles marques d’amitié y que- ce barbare vaincu deees civi- lirez, courut aux autres pour les avertir de la difpofition où il l’avoit trouvé, afin qu’ils vinffent tous chez luy. Ils tirèrent leur pirogue fur le fable r8c furent tous cnfemble au logis de M. Aubert, quiles attetidoit pour les. bien regaler : Il leur fit gran- de chere , particulièrement d’eau de vie , dont ils font fort friands; Et apres beaucoup d’entretiens , tels qu’on les pût avoir avec des gens qui s’expriment plus par lignes que par paroles, 8c qui n’ont guéres plus de raifons que des brutes; La paix fur conclue , & promeffes furent réciproquement faites de part 8c d’autre , de ne fe faire jamais aucun tort , 8c de fe traiter d’o- refnavant comme bons amys ; la paix eftant ainfi conclue , ils s’en retournèrent les mains chargées de prefens,le ventre plein d’eau de vie, 8c l’efprit tres-content. Ce bon accueil fut plus que fuffifant pour attirer les autres ( les Sauvages ayant cela, qu’ils feront cent lieues -,8c s’expofe- ront à toutes fortes de périls pour fe trouver a la débauche de quelque bouteille d’eau de vie ) outre que les neccflitez qu ils avoient des denrées de nos François, comme haches, ferpes, coûteaux, toiles pour leurs canots , 8c autres chofes femblables, les preffoient d’y venir. aux Ant-IJles de l' Amérique, ^7 Ils recommencèrent leurs anciennes vifites au grand profit des habitans ; car oytre qu’ils nourriffoient prefque toute I’]fle de T ortuë , de cochons , de lézards , de poifïons boucannez , & des fruits du pays, ils apportoient de riches dépouilles de ca- ret, des lifts de coton, & tout plein de petit butin qu’ils rap- portoient des défaites des Anglois , & donnoi'ent toutes ces cho- fes pour des bagatelles. le me rencontray à la defeente de la féconde pirogue, qui vint dans Flfle pour affermir la paix. Le premier Sauvage qui mit pied à terre, vint droit à moy , comme s’il meut connu depuis long-temps; & me prenant parle poing, il fit un figne de Croix fur ma manche, & la baifa plufieurs fois. Il me de- manda un Chappe let en langue Efpagnolie; &c l’ayant internv gc ce qu’il en vouioit faire, il me répondit que c’eftoit pour prier Dieu, quoy qu’il n’eut autre deflein que de le pendre à fon col comme les autres, & en faire parade. I’ay fçeu depuis que ce mal-heureux avoit efte dix ans efclave en Efpagne, qu’il y avoit efté inftruit & baptifé ; & qu’ayant trouve moyen de fè fauver , il avoit apoftafié de la Foy en les quittant. II ne faut efperer autre chofedes Sauvages qui font tant foitpeufur l’âge, & qui fe font déjà comme naturalizés dans la faineantifle & le libertinage de leurs compatriotes. Le bruit de cette paix s’eftendit par toutes les Ifles circon- voi fines, & : mefme jufques en France, ce qui attira beaucoup de monde à la Guadeloupe pour y prendre des places. L’Ifle fe pleuploit, fc découvroit, s’embelliiroit, & devenoitmeilleu- re de jour en jour. Les habitans commencèrent deflors à tra- vailler en toute feureté. Les navires qui ne font attirez que par la marchandife, & le bon Gouvernement, commencèrent à la fréquenter , & mefme quelques Capitaines de navires re- connoiflant la bonté & la beauté de l’Ifle y prirent des habita- tions, fur lefquelles ils amenèrent quantité de monde pour travailler. r Le peuple s augmentant, nos travaux redoublèrent, & je m eflronne que nous n ayons fuccombé fous l’excez des fatigues: car outre les peines que nous prenions auprez du peuple, nous e *ons c°ntrains de baftir nos cafés ? d’aller nous-mefmes que- B b iij 1 2 s Eftablijf ornent des Franç ois rir le bois de nos petits baftimens fut nos épaulés, à plus dune 'grande demie lieue dans la montagne ; Nous coupions encore le bois de nos habitations fans l’afliftancc de perfonne, quieft .un rude travail, avecces fatigues il nous fallait cultiver la terre & planter nos vivres , fi nous en voulions avoir . Quoy que nous eftimaffions jufques alors nos travaux, St mefme nos vies bien employées au fervice des habitans pour maintenir dans cette Ifle la foy Orthodoxe , laquelle fe feroit tout à fait abolie fans nos foins & nos veilles, par le mélange des heretiques que les Gouverneurs y ont toujours fouffert, con- tre les intentions de S. NI. qui corrompoient la» purete de la foy par leurs erreurs , Se de la morale Chreftiennc par leur vie déréglée. Cependant nous avions toujours une douleur fecrette dans famé, de ne pouvoir executer noftre premier defTe in qui eftoit d’annoncer lefus-Chnft aux Sauvages, Sc de les inftruire des Myfteres adorables de noftre Religion. Nous demandions tous les jours icette grâce à Dieu, qui fembloiuie nous avoir appelle de France que pour nous confacrer a la aconverfion de ces pauvres infidèles, & qui eftoidaiin de noftre Million Apoftolique. Le R. P . de la Mare , Supérieur de noftre Mift jîon eftant empefehé d aller prefeher l Evangile aux Sauvages , y envoie le R. P. Raymond Breton. M. Aubert prie M. le General de de Poincy de luy écrire pour le faire rappellera ce qui luy arriva , G? la dijpojïtion qu il remar - qua dans les Sauvages pour eftre inftruits ». 1H. LE R. P. de la Mare, voyant la paix s’affermir-de jour en jour, la grande familiarité des Sauvages ayccles François, &; que mefine ÿs faifoient iiiftancc d’emmener un de nos Re- aux Ânt-IJles de l Amérique. jcimcYique. Ig j n’auroit jamais une occa- au contraire il fut refolu de l’esnpefcher. Car le R. P. de la Mare apres avoir fait promettre au Capitaine d’une pirogue de Sauvages de Je porter à la Dominique, il me prit une nuift pour ion Compagnon avec un de nos frères Convers; Nous ayant fait embarquer dans un petit canot, il Ce fît conduire chez M. Aubert^ pour le prier d’executer fa promeffe. Son amvée éclatta, citant une chofe fort rare de le voir en campagne, d’où M. Aubert prit occafîon de s’exeufer, di- lant qu il ne pouvoir plus luy permettre d’aller à la. Domini- que ; qu’il aurait fécondé fon deflein de tout fon pouvoir, s’il le fut embarque en cachette, mais que le peuple eftant té- moin de ce qu il apprauvoit fa fortie , s’il arri voit que les Sau- vages luy füTent du tort , on ne chercherait point d’autre ga- ranti que fa te fie. Il rafTeuraneantmoins qu’il luy permettrait de for tir quand il luy plairait, pourveu qu’il fe comportai fi adroitement , que le peuple ne pût foupçonner qu’il luy eût permis. * J Toutes ces belles afTeurances n’eftoient que des défaites, car le lendemain il en donna advis à Monfieur le General de oincy ,&luy ht entendre qu’il eu pourrait arriver des in- conveniens capables de rallumer la guerre qu’il venoit d’eftein- dre avec tant de peines, le priant d’ennnvpr nmmnt-f.m^nr . ~ ivv.wtn.uci. cuiieuicmenr ce qu il y au- rait a faire parmy les Sauvages; de quelle façon il Ce faudrait comporter en leur endroit , avec ordre de luy en rendre compte aupluftott : Les ayant fait partir, il le ht fçavoiràM. dePomcy. zoo E ftablijfement des François M Auber* en ayant elle avertys’eh offença , & en écrivit tout en cholereàM. de Poincy,qui entrant dans fes fentimens envoya ]e mols fuivant cette Lettre au R. P. de la Mare , pour 1 obliger de faire revenir ces deux Religieux. Au tres-R. P . de la Mare , Doâteur de Sorbonne, çg Supérieur des RR. PP. lacobms de la Guadeloupe, , JyfoN REVEREND PERE,, „ l’ay un extrême dcplaifit de ce que Voftre Reverence n aug- 5, mente en fanté ; on vous accufe de contribuer au deperifTe- 3, ment de vos forces , dans l’obfervance tres-éiroite que vous „ faites de voftre Réglé, qui vous empefehe de prendre la nour- n riture qui vous ferait neceftaire pour voftre meilleure fubfi- 3, ftancc. le fuis certain que vous permettez aux autres qui 3, font dans l’infirmité > d’ufer des viandes neceftaires a cét ef- „fet,&: pour vous la Ce vérité ordinaire continue. Pardonncz- ”moy fi ie vous dis que Voftre Reverence eftant neceftaire 33 où elle eft , elle devrait en ufer d’autre façon; ceft mon ad- 33 vis. l’ay veu par voftre derniere , que vous avez envoyé le 3, P. Raymond Breton en Million aux Sauvages de l’Ifle de la 3, Dominique. le loue voftre zele;mais il me femble que vous 33 ne prenez pas le temps, car nous n’avons point de Vaifîeaux „ à prefent capables de donner de la terreur aux Sauvages de ,3 cette Iflé, qui font fort brutaux. I’apprehende qu’il n arrive „ quelque mal-heur : puifqu’il y a long-temps qu’ils confentent 3, de donner de leurs enfans parmynous ,ilme femble que c eft 3, beaucoup obtenir d’eux ; & fi vous me vouiez croire , vous „ retirerez ledit Pere Raymond & fon Compagnon , pour évi- 3, ter que cela ne nous engage à une guerre contre eux-, ce qui ,3 ferait pour le prefent tres-prejudiciable pour les Mes de la „Martinique&de la Guadeloupe, & mefme pour toute laNa- 33tion 3 attendu que la bonne correfpondance que nous avons avec aux Ant-IJles de t Amérique. 2.0 1 „avec les Sauvages, nous rend tres-redoutables aux Anglois, „quoy que nous foyons icy petit nombre. De forte que il on » peut éviter cette rupture , ce fera grand bien pour le „fe rvice du Roy , & de route la Nation ; j’efpere qu apres „ quc vous aurez confideré les inconvénients qui en pourroient „ arriver, voftrc Revercnce y remédiera. le vous donneray „avis du deceds de M. Martin , arrivé la nuit du 21. au 22. „du courant -} je m’imagine que vous faymiez allez pour avoir „ mémoire de luy en vos prières ; je vous le recommande „ vos Confrères , à qui je fouhaitc une parfaite fanté, & que „ me continuiez l’honneur de vofire amitié. Cepcndantcroyez „quc je fuis, MON REVEREND PERE, kA S. Chrijhphc le, z}. Février 1642. V ofire très, humble & afledi'onné ferviteur* Le Chevalier de Poincy.. Le R . P. de la Mare ayant receu lettre , vit bien qu’on fe^ rok de cette entreprife une affaire d’efiat en France qu’011 le blafmeroit d’indiferetion , fi par la mort de fes Religieux on venoit à rompre la paix avec les Sauvages ; ,cette confidera- non jointe au rcfped qu’il portoit à M. le General de Poincy, donc il eflimoit beaucoup l’amitié, l’obligèrent à envoyer un ordre de retourner àla Guadeloupe dans le navire du Capitaine Boulanger, que M. Aubert avoit prié d’al'er expiez à la Do- minique pour les ramener. Mais auparavant que je parle de leur retour, voyons ce qui leur arrivera, &c ce quils firent l’elpace de deux mois qu’ils de- meurèrent avec ces Barbares. A la vérité, de ces deux Reli- gieux , leur Beyé ou Sorcier , ufa de tous fes artifices pour les faire mafiacrer, ou aq moins pour les faire fortir. 11 donna à entendre aux Sauvages qu’il avoit oiiy de la Bouche de leurs Rioches ( qui. font certaines Idoles ou Mai moulées, de Coton) Ce 20 2. Eflablijfcment des François que les François avoient delfein de leur faire le meime traite- ment qu’ils avoient tait fur les autres Caraïbes dans les aunes I fies , dans ielquclles c.es Nations elfrangeres s croient inli- nuées par de petits commencements; s étant accilies, elles les avoient ch a fie de leur p^ys natal , prive de leurs teires, 2>c cruellement malfacré. Le Capitaine Baron, qui avoit mené nos Religieux , en- tendant les murmures de les Compatriotes , en avertit le R.. P. Raymond , l’ailéurant qu’il le procegeroit autant qu’il Iuy feroit pofiible , quoy qu’il fembla presque convaincu luy-mei- me par les apparantes raifous des autres Sauvages ; mais ce bon Pere l’ayant défabulc, ce Capitaine Sauvage conuoqua tous les autres à un vin General, ( qui cil une débauché de laquelle je parleray en fon lieu. ) Les plus conllderables dcrifle eftant affcmblez chez luy,^ il prit la parollc en faveur de fes Hoftes , dcfqucls il ciroit déjà plu fieurs perits prefents afin d’haranguer avec plus d’autho- rité , & le rendre le peuple plus attentif, il fe veltk de la jup- pc dune Dame Angloife quhl avoit butiné à la guerre , en for- te que ce qui devoir eftre attaché fur les reins, eftoit lie au tour de fon col ; & ainfi ajufté, il monta fur une petite émi- nence de terre, commança à crier a pleine telle , àc à les ha- ranguer avec tant de prolixité , que Iaplufpart ennuyez de fon difeours , s’en allèrent en murmurait ; les autres cjui avoient plus d’inclinations à la paix , goûtèrent fos raifons, & témoignè- rent à nos Religieux qu’ils eftoient les tres-bien venus, & qu’ils if avoient qu’à demeurer avec eux en toute afieurance. Le Diable ayant manqué fon coup en cette oqcafion,fe fervit d’une autre invention d’autant plus dangereuse -quelle eftoit dans une méchante telle , c’eft à dire, la telle d’vne . femme. C'eftoit une des femmes du Capitaine Baron, ou pour mieux dire, une reelle Megere, à laquelle le Démon pcrfiiada de tuer nos Religieux; elle leur, découvrit ingenuëment fon dctella- ble deifein , & le mit incontinent en devoir de l’executer ;mais un de fes propres enfans , qui avoit conçeu quelque bonne vo- lonté pour le R. P. Raymond , voyant la merc poufiee dun fi mauvais gcnic, prit une Telle à trois pieds, & luy en frotta fi aux Ànt-Ifes de l' Amérique. 10 5 bien la tcfte & le corps:, qu’il la guérie d une fi cruelle mala- die. Tout le temps que le R. P. Raymond demeura à la Domi- nique, il s’appliqua à apprendre la langue des Sauvages; il en aflembloit tous les jours le plus grand nombre qu’il pouvoir, leur cnfeignoit lOruifon Dominicale, le Symbole des Apô- tres, & leur prefehoit l’Evangile le plus intelligiblement qu’il luy eftoitpofiibie, fc fervant du jargon dont les Sauvages ufent avec les François, pour s’en faire mieux entendre. Lors quil leur parloit du bon-heur dont Dieu recompcnfoit lcsjufies,& des tourmens étemels qu'il préparoit aux impies; iis entroient dans de profonds efionnemens, & s’enqueroient fou vent de luy, s’il ne mentoit point, fi ce qu’il leur enfeignoit cftoit véritable ; & lccoutoient avec grande attention. Mais M. Aubert ayant envoyé un fécond Navire, dont le Capitaine avoit ordre exprez de ramener, à quelque prix que ce fut le R. P. Raymond, il fut contraint de s’en retourner à la Gua- deloupe, & de laifiér tous ces baux commenccmens impar- faits. Deux de nos Religieux arrivent a la Guadeloupe. Leur mort. Celle du R. P. de la Mare Supé- rieur. M. Aubert défait les Marons de fon Ife. M. Hoùel paffe a la Guadeloupe. §. v. LE cinquième d’O&obre decctte année 1641. le R. P. Vincent Michel , &Ic R. P. Dominique de Saint Gilles , envoyez de Franccpour nous fecourir, arrivèrent heureufement à la Gua- deloupe. Le premier eftoit confideré parmy nous comme un Saint j nous n’eufines pas le bon-heur de le polîeder long-temps ; car a peine fut-il arrivé dans l’ifle, qu’il fut atteint d’une courte halene, 6c mal d’efiomach du pays, qui luy fit ffire en peu de C c i j 2t>4 Efiabhjf ^ ment des François jours , le voyage des Indes Occidentales en Paradis. Ce bon Pere nous prédit precifement le jour & l’heure de fa mort , il s’y difpofa par les Sacrcmens qu’il reçeut avec une incroyable dévotion. Après avoir refpondu luy-mefme aux recomman- dations que nous faifions à l’entour de luy, les yeux fichez au Ciel, le vifage riant, &: tenant le Crucifix étroitement collé fur la bouche, il rendit l’ame à Dieu le 18. jour de Novembre de la me (me année. Le R. P. Dominique dcSaint Gilles voyant Ton Compagnon décédé, s’employa de toutes Tes forces à nou-s foulager ; & bien • qu’il fut le plus foible de toute la troupe , il faifoit autant que pas un de nous, en ce qui regardoit le falut des âmes ,ave-c tant de confiance, qu’apres avoir travaillé fans relafche prés de cinq ans, il mourut dans le Champ, comme un brave foldat de Ie- fu-Chrift. Sa vie exemplaire le zele ardent qu’il avoit pour convertir les . âmes , l’ont fait regretter de tous les Habitans apres fit mort. Au mois de Décembre de l’année 1641. le R. P. de la Mare atténué de jeufhes, d’aufieritez, & de pénitences, tomba dans fa maladie mortelle , ou pour mieux dire , fa maladie contra- ctée dés le premier iour qu’il arriva aux Indes , redoubla pour le faire mourir. Ce bon Religieux fut réduit en un eftat capable d’infpirer de la compaffion aux plus barbares; les extrêmes mortifications qu’il avoit faintement pratiqués , l’avoient tellement exténué , qu’il n’avoit plus que la peau fur les os , ÔC mefme ils la per- çoient en pluficurs endroits de fon corps. II eftoit couché fur une pauvre paillaffe, fans Iiét &: fans matelas, veftu de fes ha- bits, fans pouvoir remüer ny bras ny jambes, à moins que de fentir de violentes douleurs. Il fut près de trois mois dans ce pitoyable eftat , fans pour cela defifter de l’exercice de la Prédication ; tout malade à mourir qu’il eftoit , il fe faifoit porter fur le marche-pied de l’Autel les Dimanches &: les Feftes ; il y prefehoit le peuple d’une maniéré fi touchante, qu’il y en avoit peu dans raffem- blée qui 11e verfaffent des larmes , &: qui ne s’en retournaftent fcnfibîement fafehez d’avoir offensé Dieu. aux tAnt~Ijles de /' Amérique, ioj Il a voit un Religieux qui Iuy recitoic tous les iours les Sept Pfcaumes Penitcntiaux au pied de fon grabat > pendant lel- quels il verfoit une telle quantité de larmes , que cela cftoit prodigieux. Il avoir inceflamment |es yeux levez au Ciel , & ion elprit tellement uny à Dieu par la priere > qu’il fembîoic avoir abandonné le foin de fon corps. Enfin, apres avoir vsé le refle de les forces au falut des âmes, auquel il s’efioit dévoüé avec tant de ferveur , apres avoir lavé les fautes ( dont les plus juftes ne font pas exempts ) avec tant de larmes , cetre faintc ame quitta la terre pour aller recevoir de la main de Dieu dans le Ciel , la couronne de Iufiice , qu’il avoit préparée aux mérites d une vie li lainteSt II crucifiée. Il mourut le pre- mier iour de Mars «641. Sa fcience l’avoit rendu célébré dans les aiTemblées de Sorbonne ; fon mérité I’avoit élevé aux plus éminentes charges de 1 Ordre, la Régularité l’avoit porté à reformer pîulieurs Couvents de la Province, fa capacité Iuy avoit fait remplir les plus fameules Chaifes de France , où il avoit excellé par fes Prédications. Enfin , fon humilité & fon zele Iuy firent palier les mers pour y vivre inconnu & pour fe facrifier au falut des âmes. 11 s efioit fait donner l’habit de Frere Convers un peu avant fia mort , fe jugeant indigne de mourir dans ccluy de Clerc. II nous enjoignit tres-ctroitemenr de l’enterrer trois heures apres fa mort fous le feüil de la porte de I’Eglifé fans aucun appareil , & fans en avertir le peuple , craignant qu’on 41e Iuy rendit quelque forte d’honneur. Apres fa mort nous ne refiions plus dans l’Ille que trois Preftres & trois Frétés. Nous Iuy rendifmes les derniers de- voirs , & nous nous afiemblâmes tous dans la maifon de Nô- ne-Dame du Refaire à la Bafie-terre, où il efioit décédé, un de nous fut éleu Supérieur. Le iz. de Mars, le R. P. Ray- mond, que la nouvelle de la maladie mortelle du R. P. de la Mare avoit fait partir de la Dominique , revint à la Guade- loupe avec fort Compagnon , pour Iuy rendre compte du pro- grèz qu’on pourroit faire aux Sauvages. Nous conclûmes tous, Yen les necefïitez prelfantes de noftre Million, qu’il falloit re- tenir le R. P. Raymond , remettre le voyage des Sauvages à ( C c iij xo£ E ftablïjfement des François vin autre temps j ôe envoyer un Religieux en Fiance pour amc ner des Religieux, defqucls nous avions grand befoin. le fus choifi pour cét effet. • Quelques -temps apres mon départ des Ifles , il arriva une choie à la Guadeloupe digne de cette Hiftoire. Certains mécontens conduits par un nommé la Cane , prirent rcfoîution d'enlever une Barque 6c de s’en aller courir le bon bord. Ayans elle découverts ils s’enfuirent dans les boispour éviter le chaifimcnr que meritoic leur crime. Ils eff oient neuf bien munis de poudre, de plomb , 6c de bonnes armes à feu. Ils faifoicnr des maux incroyables au quartier de la Capffcrrc ;ils venoient effrontément dans les Cafés le piftolct à la main, enlevant ce qu’ils a voient befoin, 5c tuoient fans mifericorde ceux qui leur refiltoicnt. . M. Aubert tenta toutes les voyes de la douceur pour les rappeller dans le devoir , 6c pour leur faire reconnoiftrc leur faute, leur engageant la parole de leur faire venir de Saint Chriftophe une abolition de M. le General de Poincy. Com- me ces miferabies le haïffoient à mort, il ne les put jamais flé- chir, ils continuèrent quelque temps leurs brigandages, parce que perfonne ne vouloit aller combattre ces defefpeiez, qui témoignoient ertre dans la refblution de vendre leui peau bien chcre à ceux qui les attaqueroient. ^ ^ Ueftoit à craindre que cét impunité attiraft quelqu’autres me- contens, c’eft pourquoy M. Aubert fcrcfolut dy aller en per- fonne i il prit M. de la Ramée avec foy, deux ou trois Offi- ciers & fept volontaires, & tous n’cxcedoient que d’unfeul le nombre, de ces mutins. Ils les fuivirent à la pifte, 6c les attra- pèrent dans une ravine, à l’abry d’une roche qui leur fcrvit de parapel; ils furent furpris, 6c ils entendirent les coups de fufils qui leur fifloient aux oreilles, auparavant que d’avoir décou- vert ceux qui les tiroient. Ils fe mirent en deffenfe, & fe battirent avec un courage que leur defcfpoir rendoit terrible-, un nommé la Fleur , Sergent dune Compagnie fut tué, ayant le menton fur l’épaule de M. Aubert, ce qui luy fit crier ; quoy, coquins, vous tirez fur voftrc Gouverneur? ces paroles leur fii eut croire qu'il eftoit fiiivy de toute la milice de la Baffe-tcric, ü bien que voyant quelques-uns de leurs Camarades tuez. aî-tx Ant-Ifles de l' Amérique . loy & quelques-uns bîcÜez > .ils demandèrent quartier 3c la v,e» ce qui leur tut accorde, a condition qu’ils (croient envoyez M. de Poincy , pour en obtenir une Amniftie ou quelque châtiment à (a volonté. Cette annte 1(342. M. Hoüelun des Seigneurs de la Coin- pagnie,fit un voyage aux Ides par l’ordre des Seigneurs, pour prendre une connoidance parfaite de tout ce qui s’y palfoic afin de leur faire une Relation fincerc à fon retour en France, mais particulièrement pour choidr une Idc , dans laquel- le il pût s eftablir. La Compagnie efiant bien aife d’avoir un de fon corps fur les lieux , que l’intcreft & l’honneur obli- geioit a veiller a la confcrvation des Ides , à fon profit. Moniteur Aubert, qui gouvernoit la Guadeloupe avec tou- te la (arisfaétion imaginable des Habitans y ayant apris (a qualité , fans loupçonner Ion delfein , le reçeut comme il au- roit fait un Prince, & le regala avec tant de magnificence tout e temps quil y fut,quil m’a juré que le paflàge deM. Hoiiel Juy avoir coûté plus de 7000. livres de petun. Il Iuy fit voir avec beaucoup de franchi fe & de (implicite ce qu’il y avoit de plus beau dans flde, luy communiqua avec confiance le grand dcfTem qu’on avoit d’y faire du fucre , dont Medieurs de la Compagnie luy avoient promis la conduite , fans penfer qu’il neitoit venu que pour découvrir les moyens de le pouvoir dé- bu fquer bien-tod: , & le frulfrer par fon crédit & par fes artifi- ces, de (es grands (crvices & de (es e(pcrancçs. io8 Efiablijfement des François La Compagnie pajfe un nouveau. Contrat, avec M. le Cardinal * Sa Ma je fié le confirme avec celuy de l'année i£$5* par un EdiB vérifié au GrandConfieil. M. B erruyer fait Hommage au Roy , de la propriété des Ifies , au nom des AJfo- cieZj. Lettres de fia Majefie a fia Chambre des Comptes pour y enregifirer cét ABe . M. de Cler- fielier efi efiably luge & Intendant General. chapitre VIII. LEs Seigneurs de la Compagnie voyant les Ifles en train de profperer , que S. Chriftophe regorgeait d’hommes , que la Martinique fleuriffoit par la fage conduite de M. Du Par- quet* fît par l’ excellent petun qui y attiroit les Marchands, &L que depuis la paix que M. Aubert avoir faite avec les Sauva-, ges> on alioit de tous les Havres de France habiter la Guade- loupe , drefferent quelques articles entre eux qu’ils prefente- rent à M. le Cardinal de Richelieu, lequel les ayant juge un- ies au bien des Colonies , £c des Aflociez les ratifia , & le 19. . Ianvier 1641. en pafla Contrat au nom du Roy avec le Berruycr un des Directeurs , pour les Aflociez en la Compa- gnie des Ifles de l’Amerique. Pour les rendre plus authentiques, ils refolurent dans une de leurs aflemblées generales de les faire confirmer par un Ediflr de fa Majefté , laquelle ils fupplierent tres-humblement de leur accorder cinq chofes principales. 1. La confirmation du Traité qu’ils avoient ,paffe en fon nom avec fon Eminence le * n. Février 1^35. z. La permiflion de pofleder leurs eftablifle- ments jufqu’au 30. degré , fit Majefté ne leur ayant accorde aux Ant-IJles de l Amérique. 20 ^ que j niques au vingtième 3. Vne delFenferéïtcrative dclapre- miere à tous marchands François d’aller traiter aux Iflcs fans leur congé pendant vingt années. 4. Vne exemption des droits d’entrée pour toute forte de marchandife provenante defdites Mes. 5. L’évocation à fou grand Confeil, de tous les diffe- rens que la Compagnie pourroit avoir , en oftant la connoif- fance & la Iurifdidion à tous autres luges, mefme aux Cours Souveraines. Ce que fa Majellé tres-portée à les favorifer dans leur efta- bliffement 5c leur commerce, leur accorda par fon Ediél du mois de Mars 164a. Ediff du Roy en faveur de la Compagnie des - Ifes de l 'Amérique. LOvys r a r la grâce de Diev, Roy de F r a n= ce et de Navarre: A tous prelens 5c à venir. Sa- lut. Quelques-uns de nos fujets expérimentez aux Naviga- tions éloignées , SC portez d un louable delir de former des Co- lonies de François dans les Indes Occidentales , ayant recon- nu qu’en plufieurs Mes ez colles de l’Amerique, on pouvoir ellablir un commerce fuffifant à l’intention de quelques peu- plades, auroient dez 1 année 1616. pris Commiüion de nollie tres-chcr 5c bien-amé Coulin le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maillre, Chef, 5c Sur-Intendant General de la Navi- gation & Commerce de France, pour peupler 5c habiter fous noftte authoiitc IMe de Sainél Chrillophe, 5c autres circon- voilines ; a quoy ayant travaille avec un médiocre liiccez en ladite Me de Sainél Chrillophe, & à caufe des pertes & gran- des dépenfes qu'ils avoient faites, ne pouvanc continuer leur deffein, avec elperance dun notable progrez, s’ils n’elloicnt fecourus, fe feroient retirez par devers nollredit Coulin, qui auroit accordé de nouveaux privilèges ,& plus grandes concef- fions à la focieté formée pour cette entreprife, fous le nom de la Compagnie des Mes de 1 Amérique , que nous aurions agréez - SC confirmez par noftre Arrell du huitième Mars 163c. aux R Partie. ' " p d — no EJlabliJfement des François charges &c conditions portées par les articles defditcs concef- fions, depuis lefquellespar les travaux , dépende & bonne con- duicte de ladite Compagnie, la Colonie des François s’ell tel- lement accrue, qu’au lieu de rifle de Saint Chriflophe, feule habitée par un petit nombre d’hommes , il y en a maintenant trois ou quatre peuplées, non feulement de quatre mille per- fonnes que ladite Compagnie efloit obligée d’y faire palier en vingt années , mais de plus de fept mille habirans, avec bon nombre de Religieux de divers Ordres, & des Forts con- fiants 6c munitionnez pour la deffenfe du pays 6c feuretê du commerce , en forte qu’il y a lieu d’efperer que ladite Com- pagnie continuant fes foins, nous procurera le fruid que nous en avons principalement déliré en la converfion des peuples barbares à la Religion Chreflienne, outre les avantages que nollre Royaume peut tirer de ces Colonies avec le temps 6c les occafions: Et pour reconnoiftre les fervices agréables que les Aflociez en ladite Compagnie nous ont en ce rendus , les recompenfer aucunement des dépenfes qu’ils ont faites, les en- courager à l’avenir, & exciter autres de nos fujets à pareille entreprife; Sçavoir faisons, qu’ayant fait examiner en noftredit Confeil , où elloicnt plufieurs Princes, Officiers de noflre Couronne, & principaux de nollre Confeil, les Con- trads du douzième Février 1633. 6c vingt- neufiéme Ianvier 1(342. faits par nollre tres-cher 6c bien améCoufin le Cardi- nal Duc de Richelieu, Grand Maiflre , Chef, 6c Sur-Inten- dant General de la Navigation & Commerce de France, avec le fieur Berruyer pour les Aflociez en la Compagnie des Tfles de l’Amerique. Nous avons ratifié, confirmé, & va!idé, &par ces prefentes ratifions , confirmons 6c validons lefdits Contradsj voulons 6c nous plaifl qu’ils fortent leur plein & entier effet ; 6c que les Aflociez en ladite Compagnie, leurs hoirs, fucccf- feurs , 6c ayant caufe , joüyffent du contenu en iccux, 6c con- formément aufdits Contrads avons ordonné 6c ordonnons que les Aflociez de ladite Compagnie continueront de tra- vailler à l’eflabliflement des Colonies ez Iflcs de l’Amérique, feituées depuis le dixiéme jufques au trentième degré, inclu- fivement au deçà de la ligne Equinoxiale, qui ne font à pre- aux Ant-Ifles de t Amérique. zn Tcnc occupées par aucuns Princes Chrelliens, ou qui font te- nues par les ennemis de céc eflat, ou qui fe trouveront poffe- dées par autres nos fujets fans conceflion par nous approuvée & ratifiée; 6c mclme dans les Ifles occupées par nos alliez, au cas qu ils le puiffent faire de leur confentement. Et advenant que ladite Compagnie veiieille entreprendre furies Ifles eflant en lobeiflance de nos ennemis, nous promettons l’aflifter de Vaiffeaux Se loldats , armes, munitions, félon les occurences & l'cllat de nos affaires. Et d’autant que le principal objet defdites Colonies doit cflre la gloire ue Dieu, leldits. Aflociezne fouffriront danslef- dites Ifles eflre fait exercice d’autre Religion que de la Ca- tholique, Apoflo'ique & Romaine, & feront tout leur pofli- ble pour en obliger les Gouverneurs, & Officiers defdites Ifles à y tenir la main, Se pour travailler inceflamment à laconver- fion des Sauvages, tant des Ifles qu ils auront occupées, que des autres voifines, tenues par les anciens peuples de l’Ameri- que, lefdits Affociez auront en chacune des Colonies un nom- bre fuffifant d’EcclelIafliques pour l’adminiflration de la paro- le de Dieu, Se célébration du Service Divin, feront conftruire des lieux propies a cec effet , fourniront des Ornemcns, livres &c autres chofes neceflaires. Nous avons accordé & accordons à perpétuité aux Affo- ciezde ladite Compagnie, leurs hoirs fucceffeurs, Se ayant cau- ie, la propriété defdites Ifles feituées depuis le dixiéme jufques au trentième degré, inclufivementau deçà de la ligne Equinoxiale, ez colles de l’Amerique, en toute Iuflicc 8e Seigneurie, les Terres, Forts, Rivières , Ports, Havres, Fleuves, Eflangs,8e me fine ment les Mines & Minières, pour joiiyr defdites Mines, conformément aux Ordonnances; de toutes leflquelles chofes fu édites. Nous nous refervons feulement le reffort, la foy Se hommage qui nous fera faic, 8e à nos Succeffeurs Roy s de France, par lun defdits Affociez au nom de tous, à chaque mutation de Roy, Se la proviflon des Officiers deluftice Sou- veraine, qui nous feront nommez Seprefentez par lefdits Aflo- cicz , lors qu’il fera befoin d’y en ellablir. Pourront lefdits Affociez faire fortifier des places, & con- Ddij ni Efiahlijf °,ment des F r an coi s druire des Forts apx lieux qu’ils jugeront les. plus, commo- des pour la confervation des Colonies, de feurcré du com- merce. Leurs avons permis d’y faire fondre canons de boulets , forger toute forte d’armes offendves de deffepiives , faire poudre à ca- non, de toutes autres munitions. Mettront lefdits Adoriez tels Capitaines & gens de guerre que bon leur femblera dans Iefdites Ides, de fur les V aideaux qu’ils y envoiront , nous refervant neantmoins de pourvoir d’un Gouverneur-General fur toutes Iefdites Ides, lequel ne pourra en façon quelconque s’entremettre du commerce, diftribution des terres , ny de l’exercice de’ la Iuftice ; ce qui fera exprede- ,ment porté par fa Commidion. Lefdits Adbcicz difpoferont defdites chofes deux accordées de telle façon qu’ils aviferontpour le mieux, diftribueront les terres entre-eux, de à ceux qui s’habitueront fur les lieux , avec referve de tels droits de devoirs, de à telles charges de condi- tions qu’ils jugeront plus à propos de mefme en def, de avec haute, moyenne de bade Iuftice ; de en cas qu’ils défirent avoir tiltres de Baronneries, Comtez de Marquifits , fe retireront par devers Nous pour leur edre pourveu de Lettres necef- faires. Pendant vingt années, à commencer de la datte des Prc- fentes, aucun de nos fujets ne pourra aller trafiquer aufiite.s Ides, Ports, Havres de rivières d’icelles , que du confentement par écrit defdits Adoriez, de fous les congez qui leur feront accordez fur ledit confentement; le tout à peine de confifca- tion des Vaideaux de marchandifes de ceux qui iront fans le- dit confentement, applicable au profit de ladite Compagnie : Et pour cct effet ne pourront edre délivrez aucuns congez pour aller aufdites Ides, par nodre tres-cherSe bien-amé Cou- dn le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maidre , de Sur-In- tendant General de la Navigation de Commerce de France, de fes fuccedeurs en ladite Charge, que fur le confentement defdits Adoriez, & apres Iefdites vingt années expirées, pour- ront tous nos fujets aller trafiquer librement aufdites Ides, com- me ez autres pays de nodre obeïffance. aux Ant-IJIes de l’ Amérique . z i ? Et s’il arrivoit guerre civile ou eflrangere qui empcfchalef- dics Aflociez de joüyr librement des privilèges à eux accordez par ces prefentes pendant lefdites vingt années, nous promet- tans de leur proroger le temps à proportion du trouble &em- pefehement qu’ils auront fouffert. Et en cas qu il le trouve des Ifles dans ladite eflenduc du dixiéme au trentième degré, qui ne loient habitécsparles François apres îeldites vingt années , Nous nous refervons l’entiere difpofition defdites Ifles non habitées, pour les accordera telles perfonnes que bon nous femblcra. Et pour indemnifer Iefdits Aflociez des grandes dépenfs^ defdits eftabliflemens, & favorifer le commerce les manu- factures qu’ils pourront introduire efdites Ifles, nous leur avons accordé & accordons exemption de tous droits d’entrée pour route forte de marchandées provenantes defdites Ifles, appar- tenant aux Aflociez de ladite Compagnie, en quelque Port de noftre Royaume quelles puiflent cftre amenées pendant vingt années feulement, dont fera fait mention exprefle dans les baux a ferme de nos droits, qui fe feront pendant ledit .temps. Pour convier nos fujets à une fi glorieufe entreprife & fl utile a cét eflat, nous promettons à ladite Compagnie de fai- re expédier quatre Lettres de Nobleffe, dont elle difpoferaen faveur de ceux qui occuperont habiteronti leurs frais quel- qu une defdites Ifles fous lauthorité de ladite Compagnie, r& y demeureront deux années avec «cinquante hommes au moins. r Et d autant qu aucuns de nos fujets pourroient faire difficul- té de transfeier leur demeure efdites Ifles, craignant que leurs enfans perdiflent leur droit de naturalité en ce Royaume; i ous voulons & ordonnons que les defeendans des François habituez efdites Ifles, & meflneles Sauvages qui feront con- vertis à la Foy Chreftienne, & en feront profeflion, feront cenfez reputez naturels François, capables de toutes char- ges, honneurs, fiicceflîons & donations, ainfi que les Origi- naires & regnicoIes ,fans eflre tenus de prendre Lettre de De- laration ou naturalité. A • D d iij H4 Eflabhffe ment des François Que les artifans qui pafleront efdites Ifles , & y exerceront leurs mcftiers pendant flx années confecutives, ierontreputez maiftres de chef-d’œuvre, & pourront tenirboucique ouverte en toutes les Villes de noftre Royaume , à la referve de noftre Ville de Paris , en laquelle ne pourront tenir boutique ouverte, que ceux qui auront pratiqué leurdits meftiers efdites Ifles pen- dant dix années. Pour ce que le principal objet defdits Affociez a efté la gloire de Dieu , & l’honneur de noftre Royaume; & qu’en formant ladite Compagnie pour l’eftabliffement defdites Colo- nies, ils ont bien mérité de cét eftat. Nous déclarons qu’eux, leurs fuccelTeurs & ayant caufe , de quelque qualité qu’ils foient. Prélats, Seigneurs, Gentils-hommes, Officiers de noftre Con- feil, Cours Souveraines ou autres, pourront eftablir & faire tel commerce que bon leur femblera aufdites Iftes, fans dimi- nution de leur noblefte, dignitez , qualitez, privilèges, préro- gatives & immunitez. Et d’autant que ladite Compagnie pourroit en execution des privilèges à elle accordez, avoir plufteurs procez & diffe- rens en divers lieux de ce Royaume , où le retour de fes Vaiffeaux , & le débit defdites marchandifes fe feront , & qu’il ne feroit pas raifonnable quelle fut travaillée en diverfes lu- rifdi&ions, ce qui la confumeroit en frais, & retarderoit l’a- vancement de fes affaires. Nous avons évoqué &: évoquons à Nous & à noftre perfonne, tous les procez & differens, ef- quels ladite Compagnie eft, ou fera d’orefnavant partie, ou efquels il s’agira de la confcrvation de fes privilèges, & iceux avec leurs circonftances,& dépendances à nous évoquées, & ren- voyées, renvoyons en noftre grand Confeil, auquel à cét effet N ous avons attribué toute Cour , Iurifdi&ion , & connoif- fance, & icelle interdite & deffendué à tous autres luges. Si donnons EN mandement à nos amez & féaux Confeillers les Gens tenans noftredit grand Confeil, & tous nos autres Officiers qu’il appartiendra, que ces Prefentes ils faftent lire, publier, &: enregiftrer, & du contenu en icelles joiiyr plainement & paifiblement , lefdits Affociez delà Com- pagnie des Ifles de l’Amcrique. Car tel est nostre aux Ant-IJles de l' Amérique . plaisir , nonobftanttous Edi&s , Ordonnances, Declarat/ons, Mandemens, & autres chofes à ce contraires, auiquelles, & aux dérogatoires des dérogatoires y contenues, nous avons pour ce regard, & fans tirer à confequence dérogé & dérogeons par ces prefentes, lefquelles nous voulons fortir leur plein & entier effet, nonobftant oppofitions ou appellations quelcon- ques , Clameur de Haro, Chartre Normande prife à partie, 7 Let5?rcs,f ce contraires, pour lefquelles ne voulons eftredif- tere. Et d autant que de ces prefentes on pourra avoir affai- re en plusieurs & divers lieux, Nous voulons qu’au Vidimvs ou coppie d’icelles deuëmenc collationnée par l’un denosamez & reaux Confeillers, Notaires, &c Secrétaires, foyfoit adjoû- tee comme au prefent Original: Et afin que ce foitchofc fer- ^ ^able a toujours, Nous avons fait mettre noftre feelà celdites prefentes, faufen autres ebofes noftre droit, & l’au- truy en toutes. Donné à Narbonne au mois de Mars, lande grâce 1642. & de noftre Régné le trente- deuxieme. Signé, Eovys, par le Roy, Bovthillier, & Reliées de cire verte en lacs de foye rouge & verte. Extraicd des Regijlres du Grand Confeil du Roj. SVr la Requefte prefentée au Confeil par les Affociez en la ompagnie des Ifies de 1 Amérique, tendant afin que les Lettres du mois de Mars 1642. foient enregilfrées ez Regiftres u it onleil , pour joüyr par lefdits Affociez , leurs fucceffeurs ayant caufe, du contenu en icelles félon leur forme & teneur. Pat ^ Confeil ladite Requefte, lefdites Lettres par lef- que es e oy auroit ratifié & confirmé les Contrats des 12. Levrier 1635. & 29. Ianvier 1642. faits entre Meftire Armand r^n e^is Cardinal Duc de Richelieu & deFronfac, Pair, Ciand Maiftre, Chef, & Sur-Intendant General de la Navi- gation de France, au nom de fa Majefté, ôc Iacques Bcrruyer Elcuycr , fieur de Manfelmont, Capitaine des ports de Mer, c Vculettes, & petites Dalles, l’undefdits Affociez, tant pour né Eftdblijfement' des François luy que pour les autres Affocicz, pour la liberté de ladite Na- vigation , entreprife d’cftabKr des Colonies Françoifes , efdites' Ules, depuis le îo.jufques au 30. degré par deçà la ligne , dif- pofer des terres par eux conquifcs pendant vingt années, à la charge de les relever toutes du Roy & de la Couronne; exem- ption de tous péages pour les marchandées qui viendront def- dites Ifles, en quelque Port que ce foit de la France ; le droit de naturalité, fans qu’ils ayent befoin d’autres Lettres, à tou s les Sauvages qui feront convertis à la FoySe Religion Catho- lique, ApoftoüqueSe Romaine , par lcfdits Ecdefiaftiques que' Iefdits Aflbciez mèneront efdites Ifles, avec attribution de lu- rifdidion au grand Confeil, de toutes les affaires concernantes ladite Aflbeiation Se Commerce ; Iefdits Contrads , Arrefts du- Confeil d’Eflat du Roy des huidiéme Mars 1655. Se 29. Mars- 1642. par lefquels Iefdis Contrads auroient efté confirmez. Se ladite Compagnie eftablie Se confirmée : Conclufions du Pro- cureur General du Roy. Le. C on se IL- ayant égard à ladite Requefte, a ordonné Se ordonne que Iefdites Lettres feront Ieuës, publiées en l’Audiance, Se enregiftréesez Rëgiftres du» dit Confeil pour eftre gardées Se obfervées, Se joüyr par lef- dits Aflbciez, leurs fuccefleurs Se ayant caufe, du contenu eF dites Lettres félon leur forme Se teneur. Le prefent Arreft a efté mis au Greffe dudit Confeif, montré au Procureur Ge- neral du Roy, Se prononcé à Paris le 28. May 1642. Signé Roger,. La Compagnie fut obligée d’attendre le retour de la Cour pour prefter le ferment à fa Majefté, ce quelle fit le 23. jour de Decemhre 1642. Se le Roy ordonna par fes Lettres fuivan- tes, adrefléesà fa Chambre des Comptes, que cét Adedefoy Se hommage y fut enregiftré. LOvys par. la g'Race de Diev, Roy de f ran- ce, et de Navarre: A nos amez Se. féaux Confeillers les Gens de nos Comptes à Paris, Salut. Sçavoir faifons que noftre cher Se bien-amé Iacques Berruyer, fleur deManfelmont, l’un des Diredeurs de la Compagnie des Ifles de I’Amerique, Nous a ce jourd’huy fait ez mains de noftre tres-cher Sé féal Chevalier le Sieur Seguier, Chancelier de France, au nom de " "" " " " " tous AUX tAnt-IJles de ï Amérique . ziy tous les Dire&eurs de ladite Compagnie, les foy & homm*. gc, & fervices de fidelité, qu’ils cftoicnt tenus de nous faire, pour raifon de la propriété des Ifles/cituccs depuis le lo.jufqu’au 30. degré inclufivement au deçà de la ligne Equinoxiale, cz coftes de l’Amérique, en toute juftice & Seigneurie, & des ter* rcs , Forts , R 1 vicrcs , Ports , Havres , Fleuves , Eflangs , & mef- mement des Mines & Minières, que nous leur avons accor- dées par noftre Edid du mois de Mars dernier, pour en joüyr conformément à nos Ordonnances, aufqucls foy & hommage nous les avons rcccus & recevons, aux charges & conditions portées par noftredit Ediét, fauf en autre chofe noftre droit, & lautruy en toutes. Si vovs mandons et enioi- g no n s faire regiftrer ces prefentes, & de leur contenu joüyr & uferlefdits Dircdcurs pleinement & paifiblcment , ccfTant &: fa liant cciTer tous troubles & empefehemens au contraire: Cai tel cft noftre plaiiir. Donne a Paris le 23. jour de Dé- cembre, l’an de grâce 1641. & de noftre Régné le 33. Signé par le Roy C ebe R ET, & fcellé fur funple queue de cire jaune. Pendant que la Compagnie eftoit occupée à folliciter l’ex- pédition de ces Arrefts, elle apprit la mort a fiez tragique du ficur Renou, luge de Saint Chriftophe, qu’un des Officiers qu il condamna à mort au mois d’Aouft 1641. pour avoir laiilé i au ver des Marcrs, cira à comparoiftre dans l’an, au Tribunal de Dieu, pour y venir rendre compte de la Sentence injufte qu il avoir prononcée contre Iuy. Il mourut fept mois apres fans Sacremens ;cc qui joint auxaccidcns funeftes qui accable- icnt fa famille, ai fait croire que c’eftoicnt des chaftimens delà luirice Divine. La Compagnie voulant remplir cette Charge d’une perfon- ne G unc haute probité, & qui eut la fcience rcquiiê pour s’en .u.quitei avec honneur , choiiit M.CIcriclier heur de Leumont, -onfcjl er & Secrétaire du Roy. LaCommiffion Iuy en fut ex- pédiée le 25. jour de Iuin 164 1. Par cette Commiffion, laCom- pagme i’eftabliffoir luge Civil & Criminel en l’Iflc de Saint Chriftophe pour l’exercer au nom de la Compagnie, confor- mement aux Ordonnances de Fiance, aux gages ordinaires, I. Partie. E c 1 z, g E flablijf ment des François avec pouvoir d’avoir feize hommes en Ton habitation, exempts de tous droits perfonnels , Se de la garde , le relie de cette an- née prefente Sd pendant les trois buvantes, fans pouvoir prcn- dre aucun prcfent ny falairedes parties, devant ny apres le ju- gement, bien quil fut offert librement & fans contrainte. b Les defordres 5c les excez des Commis de la Compagnie dans les Ifles, auffi bien que la corruption de ceux qui y ad- miniftroient la Iuitjce, furent un autre motif qui l’obligea d’y envoyer M. Clerfelier en qualité de luge ; 5c afin qu’il eut en- core plus d’authorité fur eux , 5c qu’il put mieux les regler, il fut fait Intendant fur tous les Commis 5c Officiers des Ifles } Or comme il n’y en a point eu depuis luy qui ayt eu cette qua- lité, pendant queles Ifles ont relevé de l’ancienne Compagnie, je ne puis me dilpenfer de mettre icy la Commiffiou qui luy fut donnée à cét effet. Commision d Intendant General dans toutes les Jjles de l' Amérique, a Ad. de Clerjelier. LA Compagnie des Isles de l’Ameriqve: A tous ceux qui ces prefentes lettres-verront , Salue. Sça- voir faifons qu’ayant reconnu par 1 expérience de plufieurs an- nées, 5c particulièrement en la rencontre dudecedsdes Com- mis Generaux; qu’il eftoit ne ceflaire d avoir dans lefdites Ifles un Officier avec authorité fuffifante pour maintenir l’ordre dans la perception de les droits , 5c prévenir les inconvcniens qui arrivent d’ordinaire au changement des Commis, entretenir correfpondance entre les Commis defdites Ifles , 5c par ce moyen donner à la Compagnie des avis certains des chofcs y dont elles auront befoin d’effre fecourués, 5c que l’éloigne- ment rendant l’examen des comptes defdits Commis tardif & difficile , ils en devenoient moins exads 5c diligens à la fon- ction de leur charge, 5c obmettoient fouvent une partie de Jcur devoir , faute d’avoir fur les lieux une perfonne qui les obfcrvaft , & qui dans les occafions leur pût donner des ordres jg£ des refblutions promptes : 5c bien informez des bonnes vie. aux Ant-IJlt s de l'Amérique. 219 mœurs, Religion Catholique , Apoftolique & Romaine, de Maiftre Claude Clerfelier fleur de Leumont, Confeiller & Se- crétaire du Roy, Maifon & Couronne de France & de fes Fi- nances , fuffifance, probité & expérience ; à iceluy avons donné & accordé la Charge d Intendant General des affaires de la- dite Compagnie és Ides de l'Amérique, avec pouvoir & au- thorité fur tous les Commis efdites ifles, tant Generaux que Particuliers, pour veiller fur leurs déportemens & conduite >au fard de leurfdites Commilïïons , les obliger de tenir de bons &: fideles Regiftres, cottez par feüillets&: paraphez, & le les fai- re repre Tenter toutes &c quantes fois qu’il jugera à propos pour s’informer de l’eltar des affaires, empefeher que lefdits Com- mis ne faffent aucune vexation aux habitans en la levée def- dits droits de la Compagnie, donner aux fleurs Diredeursdc la Compagnie fes advis fur les chofcs qu’il verra, neceflaires pour la fubfiffance des Colonies, afin qu’il y foit pourveu par lenvoy d’icelles, a r relier au commanccment de chacune an- née l’eflàt general des Charges de chacune Ifle, dont il en- voira le double aufdits fleurs Diredeurs, fans qu autres dé- penfes puiffent eftrealîoüées dans les comptes defiiks Commis, s’il n’y a Ordonnance dudit Intendant General, en vertu def quelles elles auront efté faites ; faire compter par cftat tous lefdits Commis de fix mois en fix mois, & à la fin de l’année arreffer les comptes des Commis particuliers définitivement, & envoyer aufdits fleurs Diredeurs ceux des Commis Gene- raux apoffillez de fa main, pour effre jugez & clos en ladite Compagnie. Pour cét effet fe tranlporter dans lefdites Ifles au temps qu’il jugera convenable, ou mefme mander lef- dits Commis Generaux & Particuliers en celle où il fe trouve- ra, pour luy rendre raifon de leur adminiftration. Et en cas de négligence, divertiffement d’effets de ladite Compagnie, mal- verfation, ou autres deffauts defdirs Commis Generaux ou Particuliers, leur clore la main, & les flifpendre de l’exer- cice de leur charge ,ijufqu’à ce qu’autrement parla Compagnie en ayt efté ordonné : Et cependant commettre perlonne capa- bles pour exercer Iefdites Charges par provifion:&: généralement faire & procurer en toutes chofes, ce qui fera de Iuftice & Ee ij iio Efiablijfement des Vrdnçois raifon pour la confervation des interdis de ladite Compagnie, iuivant les inhru&ions qui luyen feront baillées ; pour exercer par ledit fieur Cierfeiier laditcChargc pendantlc relie del’an- née prefente & les trois luivantes confecutivcment, avec pou- voir d’avoir julques à feize hommes en fon habitation , exempts de tous droits perfonnels & de la garde, aux honneurs & pri- vilèges deûs à ladite Charge , & fceance en tous Confcils au deffiis des luges ordinaires efdites Mes. Mandons au fieur de Poincy, Commandeur d’Oyzemont, Chef d’Efcadre des VailTcaux du Roy en Bretagne , Gouverneur de Saint Chri- llophc, & Lieutenant General pour fa Majellé efdites Mes de l’Amérique, Gouverneurs, Lieutcnans & luges defditesMes, de vous prellcr toute alfillancc, & tenir la main à l’execution des prefentes ; & à nos Procureurs Fifcaux de faire en Iultice telles rcquifitions que vous jugerez à propos pour le bien & utilité de nos affaires. Mandons en outre à tous nos Com- mis Generaux & Particuliers de vous obcïr, &: entendre au faiét de leurs Charges, & à tous Officiers &: habitans defdi- tes Mes de vous reeonnoihre en tout ce qui dépendra de vô- tredite Charge. En témoin dequoy nous avons fait ligner ces prefentes par nohre Secrétaire, & fait appofer i icelles Iefcel de ladite Compagnie. A Paris le premier Oétobrc 1641. & plus bas parmefdits Seigneurs , de B eaw aïs, avec paraphe, & Ocelle en placard de cire rouge du Sceau de ladite Compa- gnie. II arriva à Saint Chrillophe au mois de Décembre , charge de cette Commiffion. M. le General de Poincy le receut avec bon* neur, & luyfit de grandes careffesjils vécurent dans une étroite union, & furent bien enfemblejufqu a ce que M. de Poincy ayant reconnu qu’il faifoit trop exâ&emcnt fa charge, qu’il fe mc- loit de toutes les affaires des habitans , qu’il trouvoit à redire à fes aétions , qu’il obfervoit de prez les domelliques , & qu’il donnoit des advis fecrets à la Compagnie, qui luy citoicnt defavantageux, par tous les Vaiffeaux qui retournoient en France ou en Hollande ; il changea fon amitié en haine , fon cfti- me en mépris, ôc conçeut une fi grande avcriîon contre luy, qu’il luy choit infupportable. aux Ant-îjles de l* Amérique . m La maifoii de M. le General & le Magazin de la Compa- gnie, commencèrent à s entrefaire la guerre, non pas parles ar- mes, mais par des médifances pires que le fer &c le feu. On rcprochoit à M. flnrcndant que la café de la Compagnie n’c- toit plus qu’un lieu de débauche & de diversement, où il feconfumoic plus de bien par i’cxccz des Commis, que la Compagnie n’en retiroit de l’Iflc. On s’attaqua mefmc à fa perforine; & fous prétexte qu’il choit d’une humeur enjouée & fort agréable , on difoit qu’il conforvoit dans un corps ufé par fon grand âge, les galanteries & le feu d’un jeune hom- me. Luy qui eftoitaufli fage & aulïï éclairé que M. de Pom- cy, diflimuloit ces outrages, & lebattoit en ruine par les Let- tres qu’il écrivoit à la Compagnie. Durant ces contehations; le ficur Marivet choit Commis au Magazin de la Compagnie, La douceur de fon naturel luy ayant acquize les bonnes gracesde ces deux Meilleurs, il fçcut les m&- nager avec tant d’adrelîe , qu’au moins à i’exterieur, ils vivoient avec eux en quelque forte de bonne intelligence: mais enfin quel- que foin qu il apportaft pour conforverl’amitic de M. de Poincy, il la perdit , ôt encourut la mefme difgrace que M. l’Intendant. Il y eut cette année 1641. trois houragans, dont le fécond fut fi horrible, que ceux qui l’ont veu m’ont alTeuréqu’ilscroyoienr que l’Iflc allaft abyfmer,à caufe de la violence extraordinaire des vents ,de l’abondance despluyes, & des tonnerres effroya- bles, dont les coups multipliez dans les montagnes, faifoient des échos qui jettoient la terreur & la crainte dans Famé des •plus refolus. Il dura 24. heures, pendant lefquellcs 23. navires ( entre lefquels cftoit celuy de Rüyter à prefent Admirai de Hollande) tous chargez & prehs à faire voile pour l’Europe, forent brifez à lacohc; & les hommes qui choient dedans lurent noyez. Il ne rechapa de ce débris que le Vailfeau dui Capitaine Volery, qui prévoyant ' cette tcmpehe, ayant cou- pé promptement fon cable fur I'êcubier, pour gagner la Mer; fut porté. par la violence des vents à 200. lieues plus bas que Saint Chrihophe. Toutes les maifons que nous appelions ca- les furent renverfées, les plus gros arbres déracinez , ôc les to- rdis abbatucs; les volailles mouurrent a ulîi bien qu’une gran- E e iij ziz EJlabliJf iment des Vrtnç ois de partie des oyfeauxde l’air, par l’abondance des pluyes, qui furent fi exceflives, qu’on croyoit que Dieu allait faire périr l’Ifle par un nouveau déluge. C’eftoit une choie horrible de voir l’Ifle apres cette violente tempefte ; cen eftoit que defolation par tout ; on ne voyou lien qui ne portaft l’image de la mort; tout eftoit arraché , il n’eftoit pas demeuré une plante de Manyoc enterre, les vents n avoient pas laifle une feule plante de petun entière, elle avoir tellement découpé & mis toutes les feüeilles en pièces , que tout fut per- du; on ne fauvapas un feul arbrifléau de coton : & tout le long de la cofle de la Bafleterre, on ne voyoït que des corps morts que la tempefte avoir à derny enfoüis dans le fable , Se de grands tas de pofflons échoüez fur le rivage, foit que la Mer les y eut jettes par la violence de 1 orage, foit que ces poiflons en f u lient fortis d’eux-mcfmes pour éviter la mort dans leur propre élément. Comme toutes les cafés avoient ellx renver- fées par les vents, aufli les pluyes avoient gafté tous les meu- bles, & tout nâgeoit dans l’eau. Le grand baftiment de M. de Poincy fouftnt une terrible fecoufle, l’efcallier en fut crevé fendu jufqu’en haut. On ne fçauroit dire combien onfouffrit dans Saint Chrifto- phe, & dans la Guadeloupe le refte de l’année , faute de vi- vres; perlonne ne fut exempt de ce mal-heur commun; les plus accommodez fe virent réduits a la condition des plus mi- ferables , jufques à l’arrivée des Vaifleaux: où on couroitplûtofl pourachepter dubifeuit & des viandes, que pour avoir d’autres jïiarchandifes. Les falines ayant efté rompues parcetteefpece dtf déluge, le fel fut fi rare à Saint Chriftophe, que les Anglois n’en venoient chercher qu a main armee, chacun en apprehen- doit de grands delordres ; mais M. le General de Poincy y don- na fi bon ordre, qu’il ne fe pafla rien au delavantage ny de Tune ny de l’autre Nation. aux AntAJles de 1 Amérique. La Compagnie p ourvoit A d. Hoüel du Gouver- nement de la Guadeloupe. CHAPITRE IX. MOnfieur Hoüel effant de retour en France de Ion voya- ge dcl Amérique, rendit un compte fort exaét à la Com - pagnie de tout ce quil y avoit remarqué de bien & de mal, ôc de ce quil jugeoit neceffaire d’y effablir, pour conlcrver les Colonies, qui fe rendoient déplus en plus confiderables par le nombre des habitans, qui s’augmencoit de jour en jour, & par la bonté des marchandées qui y attiraient quantité de Vailfcaux de France & de Hollande. Et comme de toutes les Ides habitées par les François, il n’en avoit point trouvé de plus agréable que celle de la Guadeloupe, ilrefolutde s’y efta- blir. Il employa pour ce fujet tous fes amis auprez des Sei- gneurs de la Compagnie & fie tant par leur crédit, qu’il en fut fait Gouverneur, & qu’on luy confia la conduite des lucres qui avoit efté promife à M. Aubert, & lur laquelle il avoit fonde lelperance de fa fortune. Laqualité de Lieutenant Ge- nei al fous M. Hoüel fut confervée audit fieur Aubert. M. Hoüel ayant apris que j’eftois en France à folliciter les affaires de n offre Million , me fit l’honneur de me venir voir, & de me dire que les Seigneurs de la Compagnie l’avoicnt choifi pour commander à la Guadeloupe ; je Iuyen témoignay ma joye, & îoüay le choix judicieux qu’ils avoient fait de la. pcifonne pour gouverner une Ille qui demandoit un homme de fa naiffance, de Ion mérité, & de fa connoiffance dans les •affaires. Le mefme jour ayant receu une lettre de Dieppe qui m obligeoit de partir dez le lendemain avec le R. P. Armand Iacquinot, dit de la Paix, Profeffcur en Théologie, que l’Or- dre avoit prefenté au Pape pour fucceder au R. P. delà Marc: xi4 E jtablijf ment des François cette précipitation me priva de l’honneur d’aller rendre mes civilitez-à M. Hoüel. Nous nous embarquafmes pour la Guadeloupe au mois d’AVîril de l’année i6+y dans le navire du Capitaine Flamend» & ayant fait voile en la compagnie du Capitaine du Quefne, nous abordafmes à 1’Ifle de Maderefur la fin du mefme mois ( je diray ailleurs comme nous y fufmes reccus )'& nous ar- nvafmes à la Guadeloupe le 13. May. On ne manqua pas d’a- vertir M. Aubert que M. Hoüel avoit eu une Commiflion pour commandera la Guadeloupe. lien fut extrêmement fur- pris, & l’affli&ionqu’il en eut fut fi grande, qu’il ne put s’em- pefeber d’en témoigner fon reffentiment, & de dire que M. Hoüel eftoit un ingrat, 5c qu’il l’avoit trahy. Ce bruit répan- du dans l’ifle , produifit encore un autre mauvais effet, parce que tous les ennemis de la fortune du fleur Aubert, qui n’avoient veu qu’avec envie fon mérité rccompenfé , ne fongerent plus qu aux moyens de luy nuire dans l’efprit de M. Hoüel. Arrivée & réception de iW. Hoüel a la Guade- loupe , ou il reçoit Mademoifelle de la Fayol- le, avec les Filles de t Ho fpital de Saint Iojeph . Jl ■ ■ 1 •. L Monfieur Hoüel affeure que quelques Sauvages effans Venus à la Guadeloupe, luy confirmèrent ce que nous ve- nons de dire de Monfieur Aubert , & qu’ils l’a voient apns du nommé du Rivage. Ce qui l’ayant obligé de le faire arrefter , il le fit charger de groffes chaifties , & mettre dans un cachot, où il ne fc pouvoir tenir de bout ny de fou long. II fut plus de deux mois dans cette fâcheûfe prifon, durant lefqucls il n’eft pas imaginable de combien de rufes & inventions diaboliques , on fe fervit pour luy faire avouer un crime qu’il avoit toujours nié, procédant que jamais le fieur Aubert ne luy avoit donné aucun ordre de parler aux Sauvages contre M. Hoüel. Enfin Iafifé d’une fi honreufe & cruelle prifon, te flatté de latrompcufe promeffe qu’on luy fit de luy rendre la liberté te de luy fauver la vie, il déclara le •neufiéme ou dixiéme Février 1644. qu’il cftoitvray qu’üavoir dit aux Sauvages parle commandement de M. Aubert, que F f iij x3o Efiablijfement des François M. Hoüel n’eftoit venu aux Ifles que pour les chaffer de la Do- minique & pour les tuer. Sur cette confeffion M. Hoüel affembla Ton Confeil, oùilap- pella le R. P. Armand de la Paix noftre Supérieur, ôe d’au- tres Officiers de rifle, devant- lefquels du Rivage déclara la mefme chofe. Vn diacun vit bien que cela n’avoit nulle appa- rence, puis que le fleur Aubert auroit hazardé par cette pro- portion un feul fils qu’il avoir dans la Guadeloupe , tous Tes efclaves & le bien qu’il y avoit biffé. M. Hoüel pria noftre Supérieur d’aller à Saint Chriftophe avec les fleurs de Marivet luge, & la Baziliere Capitaine de l’ifle, trouver M. leGene- ral de Poincy, luy donnant ordre en plein Confeil de remet- tre toute l’affaire entre les mains deM. le General , l’affcurant qa’il feroit content pourveu que M. Aubert ne revint point dans l’ïfle, conformément à la lettre qu’il luy ew avoit écrit dez le troifléme de Février, en ces termes rFay donné congé „ au fleur Garderaft de s’en aller à Saint Chriftophe, & d’y „ mener le fils deM. Aubert, &c. Pour ce qui eft desfoupçons „ que j’ay fujet d’avoir dudit fleur Aubert, je vous diray que „ je vois tant de preuves contre luy, qu’il m’eft impoflible d’em- „pefcher que cela n’éclatte ; faites moy/s’il vous plaift , la fa- ,,veur de me mander comme vous fouhaitez que je traite cet- „te affaire. le fouhaiterois quéledit fleur Aubert, apres avoir ,, vendu ce qu’il a icy,fit deffein de n’y revenir jamais, U je ,, vous affeure que je n’y penferois plus, &c. En mefmc temps qu’il prioit noftre Supérieur de re- mettre toute l’affaire entre les mains de M. de Poincy, il donnoit une lettre toute contraire au fleur Marivet qui le dc- voit accompagner. Ils arrivèrent a Saint Chriftophe au com- mencement de Mars. Noftre Supérieur fit la harangue à M.’ de Poincy, avec une éloquence qui luy eftoit naturelle ,& luy expofa l’ordre qu’il avoit de M. Hoüel qui l’avoit prie d en- treprendre ce voyage pour luy témoigner fes refpeds,&pour luy remettre entre les mains l’affaire de M. Aubert . le fleur de Marivet qui avoit des ordres contraires, prit aufli-toft la parole, & demanda juftice à M. de Poincy de la part de M. Hoüel fon maiftre contre M. Aubert > & pour montrer quil aux Ant-IJles de l 'Amérique . 2. 3 r effoit bien authorifé, il Iuy mit entre les mains cette lettre de M. Hoiiel, qui mérité affeurément d’eftre veue duLeéteurpour bicn connoiftre le fin de cette affaire. Monsievr, >> Iufques à prefent je ne vous ay point voulu dire les foup- ,,çons que javois de M. Aubert, quoyque j’euffe quantité de „ preuves contre Iuy : mais à prefent il n’y a plus lieu d’endou- „ ter , puis que le nommé du Rivage , qui eftoit accufé de la n mefme choie a déclaré qu’il eftoit vray, que parlecomman- „ dement de M. Aubert > il avoir dit aux Caraïbes que je „neftois venu icy que pour faire la guerre aufdits Caraïbes » & pour habiter la Dominique, les affeurant que je les vou- ais tuer tous. I’avois fait afTembler tous les Officiers de „ cette Ifle, pour iuger ledit du Rivage, lequel apres la con- « frontation de plufieurs témoins qui le chargeoient pour cet- ?,te affaire des Sauvages, confeffa en prefence de tous Iefdits #, Officiers , que celloit M. Aubert qui luy avoitfait dire aux j, Sauvages tout ce que deffus. La connoiffance que j’ay eu «par celle que m’a écrit M. l’Intendant, que M. Aubert vous „ avoit fait de grandes plaintes de moy , m’a obligé de vous „ prier tres-humblement de m’en donner advis afin que je ,,men puifle purger, & de prier le R. P. Armand de la Paix, >, Supérieur de la Million de cette Me, pour vous affeurer de ,, quelle façon je me fuis comporté en cette affaire. le vous „ envoyé le fieur Marivet qui l’a traitée pour vous en rendre » compte, le fieur de la Baziliere, qui paroiftra aux yeux „ de tout le monde exempt de paffion pour mes interdis , „ auffi bien que le R. P. Supérieur, apres vous avoir affeuré „de tout ce qui s’eft pafle, vous demandera pour moy juflice „ dudit fieur Aubert. Le fieur Marivet vous fera voir lacon- „ feflion que du Rivage a faite en prefence du R. P. & de „ tous les Officiers de cette Ifle. Le ferment de fidelité que „M. Aubert avoit preflé entre vos mains en qualité de Lieu- tenant General pour Meilleurs de la Compagnie dedans cet- 132, Eftablijfement des François ,, te Ifle, m’obligeoit d’avoir moins de creance à ce que l’on „me difoit de hiy; mais ce n'eft pas d’aujourd’huy que ceux ,, qui font de méchantes a&ions ne font pas de compte de ,, leurs fermens, j’ay donné ordre au fieur delà Raméed’ofter ,, les armes ôc munitions de guerre, qui eftoient chez ledit «fieur Aubert, à la referve de ce qui cft necelfaire pour la ,, deffenfe de la café, je luy ay commandé d’avoir foin de ce „qui concernoit les interdis dudit fieur Aubert. le finiray «vous demandant Iuflice dudit fieur Aubert, & en mefme «temps remets toute cette affaire entre vos mains, & vous ,, affeure que quoy que M. Aubert vous ayt dit de moy , que «je fouferirayà tout ce qu’il vous plaira d’en ordonner. Faitcs- „ moy , s’il vous plaift , l’honneur de m’aymer , & de me ,, croire plus que perfbnnc , MONSIEVR, Dm Fort de la Bajje-terre de la Guadeloupe le 1 8 . V offre tres-humble & trcs-obeïf- Févr/er 1644. fane ferviteur, Hoüel. , • |il 3 hmv- . - f M : ■ f r* •• : M. le General de Poincy ayant leu cette lettre regarda le R. P. Armand, & luy dit devant toute i’afîift anec ; Mon bon Perc, on vous joué aufïi bien que les autres: ce fçavant Re- ligieux, qui cftoit la /implicite mefme , & que fes belles quali- tez rendoiqnt aymable à tout le monde, s’offenfa fort de la mauvaife conduite de M. Hoüel en fon endroit , ôc depuis ce temps-là, ne voulut plus fc mêler de fes affaires; fon re- froidifiement obligea le fieur Marinet de le faire obferver de fi prez, que pendant le temps qu’il fut dans Saint Chriftophe il ne difoit pas une parole qui ne fut remarquée. M. dé Poincy perfuadé que tout cela n’eftoit qu’une fiiper- cheriemalicieufe , fondée fur l’ambition de M. Hoüel , qui pre- noit ce mauvais moyen pour chaffer de rifle un Lieutenant General , dont l’authorité faifoit ombre à la fienne , crut que le plus coure moyen d’arrefter toutes ces violenc-es-e’cftoit d’évo- quer l’affaire par devers luy , & de faire venir du Rivage à Saint Chriftophe, qui ne manqueroir pas dy défàvoüer la aux -lAnt-IJles de t Amérique: 2jf coiifeflion qu’on avoir extorquée de luy à la Guadeloupe par la prilon, les menaces de la mort, & les promeffes de la vie. C’eftpourquoy fe fondant fur la demande que M. Hoücl faifoit par fes lettres, de commettre qui bon luy fcmbleroit pour prendre connoifïance de cette affaire , il choific le fieur Toftain , & luy fit expédier cette Commifflon. Commipon de M. le General de Poincy au /leur Toflam , four connoifire de ï affaire de M Aubert. LE Chevalier de Lonvilliers Poincy, de l’Ordre de Saint Ieande Icrufalem, Commandeur d’Oy. zemont Scde Coulous , Chef d’Efcadre des Vaiflcaux du Roy en Bretagne, & Lieutenant General pour fa Majeffé ez Iffcs de l’Amérique . LeS. Hoüel, Gouverneur & Senefchal pour les Seigneurs de la Compagnie des Ifles de l’Amérique en celle de la Guadeloupe, nous ayant fair plainte & demandé juffice en fon nom par le fleur de la Bazilicre, Ayde Major en ladite Ifle, contre le fieur Aubert, Lieutenant General pour lefdics Seigncursen icelle, fur la déclaration faite contre Iuv par Fran- çois Varon, dit du Rivage, par laquelle il accufe ledit fieur Aubert d’avoir induit les Indiens à faire la guerre audit fieur Hoüel &c habitans de fon Gouvernement j apres avoir exami- né ledit fieur Aubert, & procédé à la rcquefte dudit fieur Hoüel, auquel nous aurions mandé d’envoyerledit du Rivage pour luy cftre confionte; ce quil na fait, nous requérant par une de fes miffives d’effablir Commiflairc pour I’inftrudtion du procez. A ces fins nous avons nommé la perfonne de Ni- coIasToffain Notaire, & cy-dcvantayantexercépar provifîon, la charge de Lieutenant Particulier, Civil 6c Criminel en cet- te Iffe, lequel nous effabliffons pour Commiffaire en cette partie, pour fe tranfporter en vertu des Prefentes en ladite Ifle delà Guadeloupe, recevoir ladépofition dudit du Rivage, faire information quanta ce cheffeulemcnr, entendre les te- I. Partie. (g cr & 154 EftMiJfementdes Fr an fois mains tant en charge que décharge, qui luy feront produits par ledit fieur Hoücl, ou à ce neceffaires 6c requis, apres ce rapporter par devers nous ladite information clofe & lcellee, amener les témoins & ledit du Rivage, pour efac confrontez U recolez. Pour ce ordonnons audit Hoüél, de faire mettre entre les mains dudit heur Toftain ledit du Rivage, pour eftre amené en bonne & feure garde en cett^ Me, & pourra ledit heur Toftain s'affilier de Aignan Garreau, que nous luy avons donné pour Greffier en cette partie. En foy dequoy nous avons hgne les prefentes de noftre main, fait appofer le cachet de nos armes, & fait contrehgner par iKiftre hecie- taire en noftre Hoftel de la grande Montagne de la Balle- terre en rifle de Saint Chriftophe ,ce 19. Mars 1^44. Signe le C hevalier DE PoiNCY; &plu$baspar mondit Seigneur de Merle, & feelié. v a „ ; Il le fit aufti-toftj partir pour la Guadeloupe, ou eftant arri- vé le huitième jour d’Avril, il hgnifia fa Commiffion a M. Hoiiel, qui luy déclara qu’il ne vouloit point repondre a cette Commiffion, ny verbalizer avec luy, d’autant qui! ne connoiffoit point d’autre luge en ces Ifies que le grand Con-, feil du Roy, a qui la connoiffimce des interefts de fa Majclte, & des Seigneurs delà Compagnie des Ihes de 1 Amérique, en eft attribuée par fon Ediét: mais que pour témoigner à Moniteur le General qu’il ne vouloir pas mepnler fes or- dres, il donnerait dans une lettre particulière les rations oc rêponfes, ce qu’il refufa de hgner. Le dixiéme il donna a et tre au Commiffaire, qu’il renvoya par devant le heur Antoine Marivet, fon Lieutenant Civil & Criminel, pour Satisfaire au contenu en fa Commiffion, luy déclarant qu il n avoit point de voixdeliberativeen la jurifdiéfcion del Me , ny ue pouvoir ur fon Lieutenant; neantmoins il ordonna audit Marivet y ré- pondre, autant que fon pouvoir s’eftendoit , fans déroger aux yolontez du Roy ny à fes privilèges particuliers Le u. jour du mefme mois, le Commente alla trouver le heur Marivet, & luy intima l’ordre de M. Houel, Gouver- neur & Senefchal pour la Compagnie qu’il éluda; en datant que la Commiffion de M. le General ne luy citant pas addref- aux Ant-IJles de l'Amérique. fée, il ne pouvoit fatisfaire au contenu en icelle. Cette ré- ponfe obligea le fleur Toftain de retourner le mefme jour chez M. Hoüel, pour 1 informer de la réponfe de fon luge, êc du peu de déférence aux ordres du Lieutenant General de S. M. & aux fiens. M, Hoüel qui eftoit de concert avec fon Officier Iuy répondit, qu’il s’en rapportoit à fon luge; le- quel feroit telle déclaration qu’il adviferoic bon dire, luy ré- féroit pour ce fujet toute Cour & îurifd étion. Ces allées & venues du Commiffaire de M. de Poincy n’a- vancerent rien; c’dl pourquoy apres avoir fait ure dernière tentative auprez de M. Hoüel & de fon luge, voyant qu’ils choient abfolument refolus de ne pas déférer à là Commif- fion, il s’en retourna à Saint Chriftophe, & le 2.1. d Avril rendit compte à M. de Poincy defon voyage, îefuppliantque le procez verbal , qu’il en avoit dreffé , fut enregiftré au Greffe de rifle; ce qui fut ordonné. M. de Poincy offenfé du mépris qu’on faifoit de l’authon- té du Roy & de fa perfonne, ordonna que l’on fit coppie de toutes les informations, pour les envoyer en France aux Sei- gneurs de la Compagnie, afin qu’ils les délivraient au grand Confeil, pour eftre fait droit fur le tout, & drefla de grandes plaintes contre le fleur Hoüel. 1. De ce qu’il déclinoit fa Iu- rifdidion apres l’avoir reconnue, luy ayant demandé juflice con- tre le fleur Aubert, parfa lettre du 18. Féurier, & verbalement par le fleur de la Baziliere Ayde Major de la Guadeloupe. 1. De ce qu’il paroiffoit trop paffionné dans cette affaire, ayant mauvaife grâce de preffer la ruine d’un Lieutenant General, apres avoir écrit, qu’il n’y fongeroit plus, fi ledit fleur Aubert vouloir tout vendre, & ne plus revenir dans l’Ifle; en quoy il faifoit manifeffement paroiftre qu’il eftoit plus attaché à fes interefts particuliers, qu’à ceux du Roy & de la Compagnie. 3. De ce qu’il l’accufoit d’avoir donné proteélion au fieur Aubcrt, cftant de notorieré publique que ledit fleur Aubert eftoit fur le poinél de s’embarquer pour la Guadeloupe , avec 40. hommes François & ouvriers Anglois, qu’fl luy avoit per- mis d’y emmener pour conftruire une machine à faire de l’In- digo, &: qu’il ne l’arrcfta que pour empefcherles defordres qui zy6 ’EjiabUjfement des François en fulTent arrivez. 4. De ce qu’il fe fervoit du témoignage d’un homme rcprochable, pour accabler par les faulTes aépofi- tions,un bon lerviteur du Roy ôi de la Compagnie; tout le monde fçaehant bien qu’on auroit fait dans Saint Chriifophele proc»z à du Rivage, pour les crimes par Iuy commis; à quoy il adjoûtoit que M. Hoüel reconnoiffoit luy-mefme dans fes lettres la nullité de toute la procedure , qui n’eftoit nullement dans les formes. x II accompagna fes plaintes d’une tres-humble priere à la Com- pagnie, de le°décharger en faveur de M.de Poincyfon neveu, du gouvernement de 1 Ifle dont elle 1 avoir gratifie, eftimant pouvoir vivre affez confidere dans les Ides avec la qualité de Lieutenant General pour le Roy. Voicy ce qu’il en écrivit Ip feiziéme d’ Avril à M. Bcrruyer, Dire&eur de la Compagnie. ,, Pour témoigner que je nay rien de fi cher que le contente- ,,ment de la Compagnie, jay déclaré à M. de Leumont, In- tendant des affaires d’icelle, ce qui s’enfuit, comme je fais a ,, vous, afin que vous cnpuilficz donner advis à la Compagnie, 5, que je remets à icelle tout ce quelle m avoit accorde par le „ Traité fait avec elle ,fc’eft à fçavoir le Gouvernement ouCa- pitainerie Generale de Saint Chrillophe , avec les fufdits „ droits, proteffant ne vouloir plusny de lunny de 1 autre: de K forte quela Compagnie y peut pourvoir ainfiqu elle advifera bon efirc, me retenant feulement la Commifiion du Roy, en vertu de laquelle je fuis fon Lieutenant General en ces Sur cette demiffion volontaire, & à fa recommandation la Compagnie eftablit Ton neveu Gouverneur de Saint Chrifto- phe , en confideration des grands fervices quelle avoit receu de l’Oncle. Commifiion de Capitaine General de l IJle de Saint Chrifiophe , à J\d. de Lonvilhers Fomcy. LEs Seigneurs des Iflcs de l’ Amérique au ficùr Robert de Lonvilliers Poincy , Salut. M. le Commandeur dePoincy aux Ant-IJles de l' Amérique . 13 >r voStre Oncle, témoignant fc vouloir repofer des foins & pei- nes que Iuy a donné ie gouvernement de llSie de Saint Chri- stophe, duquel il a cite pourveu par leidits Seigneurs, &joüy d’iceluy pendant Six années ,qui finiront au dernier Décembre prochain ; & ayant defiré en confideration de fies fervices la provifion dudit Gouvernement en voStre faveur , Iefdits Sei- gneurs à la priere dudit fieur Commandeur, qui les a aSTeuré de voStre affedion & fidelité au fervice du Roy & defdits Seigneurs, valeur & expcrience au faiét des armes, pour avoir demeuré plufieurs années en ladite Ifle, vous ont efhbly, com- mis & député, eitabliflent , commettent & députent Gouver- neur en llfle de Saint Christophe pour trois ans, qui commen- ceront au premier jour de Ianvier prochain, & qui finiront au mois de Décembre de l’année 1647. avec pouvoir décomman- der à tous les Capitaines, OSficiers, Gens de guerre, & au- tres François habitans de ladite Ifle, tout ce que vous jugerez Ytile & neceflairc pour le fervice de S. M. eStabliSTement de la Colonie, & pour le bien& avantage defdits Seigneurs; aux droits ordinaires de petun , & autres marchandées qui fe cueil- leront en ladite Ifle. Prions ledit fleur Commandeur de Poincy, qu’apres avoir pris le ferment en tel cas accoutumé , qu’il vous mette par IcSdits Seigneurs en pofletfion dudit Gouvernement de Saint Christophe. Mandons à tous Capitaines, Gens de guerre, & autres François habitans deladitelfle , de vous obéir en ce qui Sera de ladite Charge. Et de ce faire, vous donnons pouvoir en vertu de celuy àNous donné par fa MajcSté, en té- moin dequoy nous avons fait Signer ces Prefentes par noftrc Secrétaire , & a icelles fait mettre le feel defdits Seigneurs, à Paris le troisième jour de Iuin 1644. Signé fie Beavvais. II n en prefra neantmoins le Serment à Parisquele Sixième Ianvier de l’année fuivante , entre les mains de M. d’Aligre, que la Compagnie deStina' pour le recevoir. Selon l’aéte que jay trouve au bas de fa Commiilion, en ces termes. Aujourd huy Sixième Ianvier 1645. en l’Aflemblée Generale de Meflieurs des Ifles de l’Amenque, le fieur Robert de Poin- cy Efcuyef, a fait & prefté le ferment de fidelité ez mains de M. d’Aligre, Confeiller ordinaire du R oy en fon Confcil d’Eltac, Gg iij 138 Efiabhjfement des François au nom de tous Iefdits Seigneurs ; de la Charge de Gouver- neur General de l’Idc de Saint Chriftophe , de laquelle .il a efté cy-devant pourveu, moy Secrétaire de la Compagnie , foû- figné, DE Beayvais. Ad. Hoüel amène du Rivage en France i on le condamne aux G aller es , & Ad. Aubert a mort ç?ar contumace. Al. de Foincy envoyé de nouveaux Griefs au Confeil au Roy con- tre M. Hoüel. §. m. MOnfieur Hoüel connoiffoittrop M.le General de Poin- cy pour ne pas appréhender Ton indignation, il fçavoit que c’eftoit un homme a le pouffer a toute extrémité , Sç a venir Iuy-mefme à la Guadeloupe enlever dii Rivage , pour obliger ce miferable à defavoüerla déclaration qu’il avoir faite contre M. Aubert. Cette crainte le fit refoudre de venir en France avec Ibn témoin, pour perdre M. Aubert. Pour mieux réüffir dans fon deflein, il fit drefler une re- quefte, qu’il fit fignerà plufieurs habitans, aux uns par mena- ces, aux autres par importunité , dans laquelle ils expofoient qu’ils n’eftoient plus enfeurete dans leuis cafés , que les Sauva- ges les furprendroient dans leurs jardins, ou a la pefche dans quelque Cul de fac, &: autres chofes femblables, qui les obli- geoient à demander avec mftancc la condamnation de ccluy quiavoit voulu faire égorger les habitans par ces baibares. Cet- te requeftefit grand bruit; plufieurs l’avoient à la vérité fignée, mais ils ne fçavoient rien de ce quelle contenoit; on avoit mis la marque de quelques autres qui ne fçavoient pas écrire, à qui on n’en avoit jamais donné communication -, mais comme il s’agilïbit d’une affaire de confequence, en demandant la mort d’un homme qui avoit toujours vécu fans reproche, &: dont la conduite pafféc dementoitles accufàtions prefentes dont il eftoic duxÀnt-IJles de l'Amérique. 239 chargé , la rumeur fur fi grande que M. Hoiielpour les appai- fer & pour lever leur fcrupule, prit une requefle contre-faite, ou un duplicata qu’il coupa publiquement à la porte de l’Eglife avec des cifcaux, difant au peuple qu’ilne fe vouloir point fervir de cette fignature contre leur volonté ; mais ayant confcrvé l’O- riginal, il l'apporta en France, & s’en fcrvit pour faire con- damner M. Aubert, qui y eftoit déjà venu,pour faire fes plaintes aux Seigneurs de la Compagnie. M. Hoüel s’embarqua avec du Rivage au mois d’Aouft, &: fix femaines apres il arriva heureufement à Saint Malo, d’où il fit partir auffi-toft fon prifonnier ; la diligence de fes gardes n’empefcha pas pourtant qu’il ne s’échappait & quil ne fefau- vaft dans un petit bois; ce qui ayant mis M. Hoüel dans d’ef- froyable inquiétudes, il fit foûlever toute la commune à fes dé- pens , & invertir tout le taillis , & il le cherchaavec tant de foin qu’il fut repris Icmefme jour, & conduit à Paris. M. Berruyer qui aymoit M. Aubert, Iuy confeillade retour- ner aux Ifies, parce qu’eftant de baffe condition il nepourroit jamais refiftcràla forte brigue desparens &amis de M. Hoüel; ce qu’ayant fait , M. Hoüel fe prévalut de fon abfence, & le fit condamner par contumace, d’avoir la telle tranchée; du Rivage fut condamné aux Galleres perpétuelles, où il effc mort mifera- ble , digne recompenfe des fervices qu’il avoit rendus à M. Hoüel; quile mit par ce moyen hors d’ellat, de ne jamais dé- couvrir la vérité des chofes. Le fieur Aubert ellant de retour àS. Chrirtophe , M. le Generalle créa Capitaine , & gagna tellement fon affedtion par cette grâce , qu’il a elle depuis un des plus attachez à fa fortune dans la refillancc qu’ü apporta aux volon- té z du Roy. | Z' ! M. de Poincy n’eutpas plûtofb appris le départ de M. Hoüel, qu’il creut qu'il Iùy rendroit de très-mauvais offices en France, c’cll pourquoy afin de rendre toutes fes mauvaifes intentions inutiles, &: pour |uftifier la conduite qu’il avoit gardée dans l’affaire de^^A. Aubert , il dreffa encore de nouveaux griefs con- tre M. Hoüel. Il prit occafion de le charger fur les plaintes qu’il avoit re- ccuës du Gouverneur de Saint Euftache, & du General des z 40 EJlabliffement des François Anglois contre luy. Le premier l’avoitprié de luy écrire pour l’obliger à relâcher un Capitaine qu’il avoit arrefté avec fabar- que fans aucun fujejc, & luy av oit écrit pour cela la lettre fuivante.. ]\/loNSEIGNE VR, . 3, Il y a quelques femaines paffées que le prelent Porteur me „ requit de luy donner une Commiffion ; ce que j ’ay fait, fuivant ,il’authorité que j’ay de fon Airelle 5 Monfeigneur le Prince „ d’Orange > & de Meilleurs de la Compagnie Occidentale ; tou- tefois furie rapport qu’il m’a fait que M. le Gouverneur de la ,, Guadeloupe , n’y ayant adjoûté foy , d’autant que mon cachet 3, n’y eftoit pas , l’a retenu & s’eftfaifi delaperfonne duCapitai* 3, ne nommé Iean Forât , homme de bonne vie & de réputation. „ S’il n’y a autre fujet, je vous fupplie, Monfeigneur, pour l’a- ,, mour de voftre bonne cotre fpondance, me faire la faveur d’é- „ crire audit heur Gouverneur pourie relâchement dudit Forât, „ & de deux matelots de fon équipage , &c. Ve S. Evjïa che, ce Voftre trcs-humble &tres-âfféétion- . a4./w«i^44. nélèrviteurR. Vandewoéfyne. Le fecondavoit fait déplus grandes inftances contre le iîeur Hoüel; comme en effet l’affaire eftoit bien plus conffderable; car il fe plaignoit qu’il recevait indifféremment dans fon Ifle, quanti- té d’Anglois & d’Hibernois fugitifs 6C banqueroutiers fans ton congé, ce qui eftoit capable de rompte l’alliance entre les deux N ations , &: de donner lieu a une Cinglante guerre. l’ay trois let- tres latines du General Anglois à M. de’ Poffitÿ fur ce fujet, mais je me contenteray d’en donner une ‘a- la-çuîiofité des Lecteurs. c. ; Quctidie mihh O'matifjime & honorât! [finie Fréter , tn Incolas GUd- dah f£ concjuffiumcjl , cjuod Canna qy&dam deeem impleta Hibernes & uno e par le Roy, à tous les Officiers, tant de milice que de judiciaire; comme auffi à tous habitans de quelque qualité & condition qu’ils foient,de vous obéir en ladite -qualité de Gouverneur, St de mefme que li nous y citions en perfonne , à peine d’eftre déclarez criminels de leze-Majefté; ôc en cas que quelques-uns Ment allez té- méraires d’y contrevenir, Nous vous ordonnons de nous les envoyer en bonne St feure garde, .pour cftre chaftiez félon leurs délits; Et commandons à tous Officiers St autres fujets du Roy, de vous preiler main forte à ect effet fur les peines fufdites. Et parce que ledit fieur Hoüelou autre pourroiteftrc envoyé par la Compagnie, pour cornai an aer epi la îte e en ladite qualité, Nous vous deffendons tres-expreffementdeles laifler prendre poffeffion dudit Gouvernement, qu’auparavant vous n’ayez reccu nos ordres St eux noltre attache, St qui s ayent rendu les devoirs qu’ils doivent à la Commiffion que nous auons du Roy; Et afin que perfonne bc prétende caule d’ignorance du contenu aux Prefentes, vous ferez lorsde vo- tre arrivée en ladite l de , au plûtoft que faire le pourrez , aflem- hier fous les armes tous les fujets de S. M. refidans en icelle, & en ferez faire lefture à la telle des Compagnies, recevrez d’eux le ferment de fidelité , ainfi que nous l’avons reccu de vous, & les ferez enregiftrer au Greffe de ladite Ifle j de tout ce que deffus vous donnons pouvoir en vertu de celuy que nous avons de fadkc Majefté. En foy dequoyNous avons ef. dites Prefentes lignées de noftrc main, & fait appo er e cac*e de nos armes, & contrcfigner par noftre Secrétaire en noltre aux Ant-Ijle s de t Amérique . 2^ Hoffel de la grande Montagne de la Baffe-terre de rifle de Saint Chriftophc, Je 17. Octobre 1644. ligner le Chevalier de P o ING y, plus bas, par mondit Seigneur le General » Merles, St (celle. M. 1 Intendant ainfi pourveu de la qualité de Gouverneur delà Guadeloupe, partit de Saint Cbxiltophe le 25'.d’Offobre 1644. & arriva à la Guadeloupe le troifiéme Novembre. Trois jours api es Ion aiiivée il fe tranlporta à la Capfterre au quar- tier de Saincte Marie, au logis de M. Hoüel, où demei.roit le fieur Marivet, Lieutenant General de fille en fonabfence. Il lu y communiqua le fujet de fon voyage, &luy montra fa Commiffion. Le fieur Marivet répondit que pour luy il effoir preff d’obeïr en toutes chofes à M. de Poincy ; mais que plu- feurs Officiers ayant conceu de mauvaifes impreffions de Ion arrivée, avoient des fentimens bien differens des liens. Le feptiéme & le huitième du mefine mois les fieurs du Mé Ca- pitaine, du Pont Sergent Major, des Fontaines Lieutenant d’une Compagnie, le Normand Affeffeur Civil & Criminel, & Hcdoüin Procureur Fiical de ITiîe , l’eftans venus trouver, il les exhorta d obéir à la Commiffion; dequoy ayant confé- ré eniemble , ils luy répondirent que fa Commiffion regar- dant tous les Officiers & habitans de fille, il effoit railonna- ble qu’ils en euffent tous communicarion, & que tous enfem- blc dcliberaffent & pnllent refolution fur cette affaire. Ce qui leur ayant elle accordé ,neantmoins à caufcde la grande cllen- duë de 1 llîc,&des difficultez des chemins, faflemblée fut rerai- feauMercredy 16. du mefme mois. Les Officiers cy-dclîùs nommez , avec le fleur la Ramée Capitaine, &: le fleur de la Baziliere, Ayde- Major bc Lieu- tenant d une Compagnie , afliflez de quatre ou cinq des prin- cipaux habitans de chaque Compagnie, bc des autres Officiers au nombre de cinquante, s’effans allemblez dans la fale du lo- gis de Monfleur Hoüel, le fieur le Normand leur fit Ie&urc tant de la Commiffion de l’Intendant, que de celle par laquel- le le P^oy a voit fait M. de Poincy fon Lieutenant General fur toutes les Iiles. La leéturc faite, M. l’Intendant les pria dccon- fiderer qu encore que les Seigneurs de la Compagnie fuffent H h lij EfiaUijfement des François • proprietaires deslfles , & y euffent toute juftice , en vertu das concertions à eux o&royêes parles Lettres Patentes de faMa- jc£té , 6c que pour cela ils euffent eu raifon de rcconnoiffrc le fieur Hoüel pour leur Senefchal & Gouverneur, en vertu de la Commirtion qu’il avoir des Seigneurs ; que neantmoins fa Majeftc par les mefrnes concertions s’eftant refervé la Souve- raineté de toutes les Ifles, &Ie pouvoir d’y eftablir un Lieu- tenant General, & M. le Commandeur de Poincy, ayant efté choifi pour tenir cette place par les Lettres Patentes qui luy en avoient efté expédiées ; par lefquelles le Roy luy commet- toit toute Ton authorité &le pouvoir de faire toutes les chofes que fa Majefté pourroit faire, fi elle-mefme y eftoit prefente en perfonne. M. Hoiid en cette qualité devant toute obeïf- fance à M. de Poincy, a plus forte raifon eux & tous les ha- bitans devoient fe foûmettre à fes ordres avec refped , & les executer fans contradiction. Apres qu’il eut achevé de parler, tous les Officiers luy di- rent d’une commune voix , qu’ils ne pouvoient délibérer ny luy rendre rêponfe fur la propofttion, quil ne fc fut retire, afin d’eftre plus libres dans leurs fuffrages , luy proteftant qu’ils fe retireroient eux-mefmes ailleurs , s’il y avoit un autre lieu au logis de M. Hoüel capable de les contenir tous. Le ficur Intendant s’eftant retiré dans une autre chambre voi- fme, apres y avoir attendu un bon quart - d’heure , l’Affem- blée députa deux Officiers pour le prier de retourner dans la falle. Où ayant repris fa plajce,Ie fieur Marivet comme Pre- fidantàcette Aftcmblcc, luy dit qu’il eftoit chargé de luy dire de la part de tous , qu’ils eftoient les très - humbles fer- vitcurs du Roy; qu’ils avoient un très - digne Gouverneur, que Meilleurs de la Compagnie leur avoient donné, & quils n’en pouvoient recevoir un autre, à moins quil leur fut en- voyé par leur ordre exprez; 6e apres s'eftre un peu arrefté, il adjoûta ces paroles: l’ay auffi à vous dire, Monfieur, de la part de l’Affemblée, que puifque vous avez accepté cette Commirtion , elle a fujetdc croire que vous eftes plus affedion, né aux intererts de M. le General, qu à ceux de M. Hoüel, c’eft pourquoy elle ne peut prendre confiance en vous, & vous dux Ant-IJles de l 'Amérique . 2.47 prie U enjoint de vous retirer de cette Ifle dans vingt-quatre heures. ü Quelque remontrance & quelque proteftation que M.I’Irv tendant leur fit, il ne put les fléchir, ny gagner autre choie fur eux, que quelques jours pour mettre ordre à fon embar- quement; mais comme il rardoit trop dans Fille au gré de ces Meilleurs ; le deuxieme Décembre, fur les neuf heures du ma- tin les fleurs de la Baziliere & des Fontaines le furent trou- ver en la chambre , & Iuy montrèrent un écrit ligne tant d’eux que des licurs du Me, du Pont; Hedoüin, & de plufleurs au- tres habitans, quiportoit, que voyant qu’il avoir néglige de s’embarquer dans le bord du Capitaine Lormier, ils Iuy enjoi- gnoient pour la feurete de la pcrlbnne de fortir à l’heure mel- me de 1 111e. Il ne lortit pourtant que le lendemain troifléme Décembre, quil fut contiaint de s embarquer dans le Navire du Capitaine VoIJery qui efloit à la Rade. Ils levèrent l’an- cre fur les cinq heures du foir, & le cinquième ils mouillèrent à la rade de Saint Chriflophe , ouïe fleur Intendant prclentalpn Pi?ccz vcrkal ^ de Poincy, duquel j’ay tiré toute cette affaire. Le fleur Maiivet, homme adroit & rufé, qui avoit fait la fondhon uc Juge de 1 Ille, avoit efléeftably Lieutenant General parle Sr Hoüel, avant fon départ pour la France, avec ordre aux Officiers de habitans, de le reconnoiflrc de de lu y obéir cnlonabfencc. Mais comme siln’eut pasprisune entière con- fiance en Iuy , il Iuy donna pour Surveillant un certain Ma. thurin Hcdoiiin , qui de fon Boulanger efloit devenu fon Pro- cureur Fifcaldans 1 affaire de M. Aubert, &qui pour lors efloit fen Maiftre d’Hoftel & l’Intendant de fa maifon. CeJuy-çy qui efloirextiaordinairementfier , bien qu’il n’eut rien quedetres- mcdiocre, avoit fondé toutes fes cfperances fur les promelfes du Sieur Hoüel. On a crû auffi que la Damoifelîe de la Fa. yolle avoit rcceu quelque ordre fecret de les obferver tous deux. Quoy qu’il en foit, il eft certain quelle efloit comme la Gouvernante de 1 lflc, de que Mathurin toute fa cabale ne faifoient lien que par fon confeil: en effet, cette femme ambiticufc fut la première qui appuya le refus que ks Of- T ,4g EjUbUJfement des François ficiers & Us habitans firent des ordres de M. le General de P°M.Cvinte-ndatit ne fut pas plûtoft embarqué, que Mathurin & la Fayolle firent courir le bruit par toute fille, qu’un traître vouloir la vendre à M- de Poiücys à quoy Mathunnad)OÛtoit,quc cette Ifle appartenant à fonMaiftre- -, il la confier veroir contre tous au péril de fia vie, exhortant tous les fidels ferviteurs dufieur H cüel de s’unir à luy, leur promettant à cét effet de grandes rc* C°Dans ce mefime temps une femme appcllêe Ieanne Petit Ro- bert, ayant eu quelque prife avec Mademoifielle la Fayolle, ‘ec luy ayant reproché quelle fie difioit veufve d’un mary qui vivoit encore, cette faulfe devote dit avec des emportemens furieux au lieur Marivet,que s’il ne luy rendort jufbce , quel- le fie la fer oit elle-mefime. Ayant tafehé de i’appaifer, 2e efpe- rant quelle s’adoueiroit , il différa de luy faire rendre fa- tisfadion : ce qui l’ayant extraordinairement irritée, elle pre- fienta requefte au luge, qui condamna cette femme a luy ai- re réparation d’honneur : dequoy n eftant pas fatisfaite , elle la fit mettre aux fers de fa propre authoricé, dans un Corps de Garde remplv de foldats, où elle 'fut trois femmes , fans que pas un de n« Religieux pût fléchir l’efpric de la Fayolle ny de Mathurin ; & pour toute réponfeellc leur difoit qu elle n cftoit point de ces folles qui ■ pardonnent tout pour l’amour de Toute l’Ifle fut feandalifee de cét outrage fait a une fem- me i & les autres qui eftoient dans llfle, furent fur le point de venir au Corps de garde , pour l’arracher des fers a vi- ve .force. Monficur Marivet mefime ne pouvant plus lout- frir cètte indignité, ny le mépris que recevoir fon authonte par cét attentait idc Mathurin & de la Fayolle, commanda au fleur de la Roche Aydc-Major , de luy ofter fies chaifncs&de la renvoyer chez elle. La Fayolle eonceut un fl grand dépit de cecy , quelle ret- înt la perte du fleur Marivet -, c’cft pourquoy apres pluiieurs plaintes, tant à Mathurin qua ceux défia fanion, les ayant fait tous aflembler le cinquième Décembre 1^44. chez fon Gen- aux tAnt-IJle s de /’ Amérique. 2.49 dre nomme la Fontaine, larefolutiony futprife del’arrefter; ce qui fut exécute dez le lendemain. Car le fieur Marivet qui ne fe doutçit nullement de leur delTein, eftant forty fur les fix heures du matin de fa maifon demy ha- billé , & s’en eftant éloigné d’environ cinquante pas: cent cin- quante hommes commandez par le heur de la Roche, s’eftant gliffés entre luy& la porte, un nommé la Forge, Lieutenant d’une Compagnie, luy ayant mis le piftolet à la gorge, îuy dit demeure là 5 comme le heur Marivet vouloit luy deman- der le fujet pourquoy il luy parloit de la forte, Mathurin defcendit de la chambre comme un furieux , l’épée nue à la main pour le tuer, & l’eut indubitablement percé au travers du corps, fi le fieur Marivet ne fut tombé à la renverfe dans le fofle; doù aies révoltez l’ayant tiré, ils le conduifirent au Corps de garde, où Mathurin Iuy-mefme luy mit les fers aux pieds , & le fit attacher par le milieu du corps avec une chaif- ne de cent trêze mailles, auffi grofTe que celles des Gale- riens. Vn procédé fi violent furprit dérangement tous les habi- tans, les plus honncltes gens vinrent trouver nos Religieux pour les prier d’employer leur crédit pour remedier à ce de- fordre; ils en parlèrent plufieurs fois à Mathurin en particulier, mais ayant méprilé leurs advis, & sellant rendu lourd à leurs prières, voyant qu il pcrlêveroit dans la mauvaife volonté &: dans le delîein de faire périr de miières le Lieutenant Gene- ral de fon Gouverneur, ils le reprirent en public. Ce fut pour- tant inutilement , car devenant plus fier, il mal-traitta de coups de ballon ceux qui n’dloient pas de fonfendment, & mena- ça les Religieux de les chafler de Tille. De tous ceux qu il perlecutailn y en eut point déplus mal-traité que a Oy encourt , Lieutenant d’une Compagnie ;& les outrages qu il luy fit , ofFenferent fi lènfibJement tous les autres Offi- ciels, quils eifficnt mis en picce Mathurin, la Fayolle & toute leur cabale, s ils neufiknt appréhendé le retour de M, Hoiicl. ^ Le fieur Marivet demeura environ hui& mois dans cette fâchcufe prifon les fers auxpieds, & le corps couvert dechaif- I. Par tie. j j 150 Eflabhjfementdes François lies d’une horrible pefanteur , où il penfa mourir de miferes & de faim. Pendant cette cruelle captivité. Hile ne fit que gé- mir fous l’humeur brutale de Mathurin, qui tafeha de jufti- her fa conduite par les lettres quil écrivit à Meilleurs cte la Compagnie, les faifant accompagner de celles delà Fayolle, complice de fes cruautez. Les Officiers & quelques-uns des nô- tres écrivirent auffi, mandèrent 1a. vérité de ce qui fe paffoit,5c firent connoiftre l’eftat pitoyable del’Iflc, & l’extrémité où cette mauvaife intelligence avoit réduit les affaires publiques .& particulières :leshabit.ans perdoient courage, &avoientcom* me abandonné le foin de Faire du petun pour vacquer â ces defordres : Mathurin de fon codé faifoir des dépenfes exccf- fives à régaler ceux dont il fe fervoit pour fomenter ces de- - fordres , diffipant ainfi ce que la Compagnie avoit confié à M. Hoüd. Le Roy eftablit M. de Thoify Patrocles , fon Lieutenant General ezt Ifles \ de l Amérique > gf la Compagnie U fait fon Senefchat dans Saint Chriftophe. M . de Roincy en eft adver- ty par une Lettre de fa Àdajefe, & par une autre du Sieur de E'hoijy. CHAPITRE X. LAjmauvaife intelligence qui eftoit entre M. de Poincy & l’Intendant, & les plaintes continuelles de fes enne- mis, dégoûtèrent tellement les Seigneurs de la Compa- gnie, qu’ils rcfolurcnt de s’adreffer à la Reync Mere Regen- ' te, & de la prier en mefme temps d’agréer qu’ils Iuy prefentafTent une autre perfonne que M. de Poincy , dont la conduite leur donnai! plus de fatisfafüon, La Reync bien informée de tons aux Ant-IJle s de l' 'Amérique. iji ks defordres que caufoit cette més- intelligence , & délirant rc- connoifire les fer vices, & la fidelité du feu fleur de Patrocles fon Efcuyer ordinaire, &i’vn des plus anciens Officiers de fa Mai, fon, qui me fine avoit efte exile pour fes interefts du temps du feu Cardinal de Richelieu, jetta les yeux furie fleur de Thoify l’un des enfans dudit fieur de Patrocles, & frère de celuy qui a exercé la mefme charge jufques à la mort de cette incompa, rable Reyne. Elle fit fçavoir fon deffein aux Seigneurs de la Compagnie , qui traitèrent avec le fieur de Thoify dés le i£. Avril de l’année 1644. pour l’obliger d’accepter cette Commifi- fion : mais quelque proposition que luy fifTent les Seigneurs, il ne les voulut point accepter qu’apres que laCompagnie luy eut promis, que Ion predeceffc. ur fe demettroit volontairement. Ec il fut plus de quatre mois fans vouloir faire aucune diligence pour l'expédition de fes Commiilions , attendant toujours que cette demiifion luy fût mife entre les mains. Cependant M. de Poincy fort efclairê dans les affaires, vit bien qu’on avoir donné plus de croyance aux plaintes du fieur de la Grange, à celles des PP Capucins & de fes ennemis, qu’aux raifons qu’il avoit envoyées pour fc jufiifier , & qu’in- faüliblement la Compagnie empefeh croit qu’il ne fufi conti- nué dans fes charges. Cela l’obiigea de luy écrire , & de la pvier , que fi pour quelques raifons elle n’approuvoit pas, qu’il fût continué dans la qualité de Lieutenant General pour le Roy, il luy pleût de luy permettre de demeurer dans la mai- fon que fon Neveu auoic faitbaftir en l’ifîc, jufqticsà cequ’il eût payé ceux à qui il de voit , tant aux Tiles , qu’en France : prorefiant à la Compagnie qu’il y vivroit comme particulier , & en la mefme forte que les Commandeurs de fbn Ordre fai, foient en France ,& par toute la Chrétienté ; & par un rencon- tre afiez extraordinaire, il ligna cette Lettre à 1800. lieues de France , le mefme jour que le fieur de Thoify refufa d’accep- ter cette charge fimseette demiflion. Cette Lcrtic de M. de Poincy e fiant apportée en France, fut aufii-tofi communiquée au fieur de The (y par les Seigneurs de laCompagnie -, &: comme il cfi prudent & advife , il vou- lut en efire le Depofitaues ce qui luy ayant tfié accordé, «ils ü a i5 2, Ffiabhjf ment des François luy cil demeurée entre les mains depuis ce temps-là, 8c on peur dire qu elle ne luy a pas efté inutile dans les affaires qu il a eu depuis à démcfler auec ledit fieur de Poincy. M. de Thoify fe voyant affeurcpar cette Lettre , commen- ça à pourfuivre fexpedition de les Commiffions ; Sc la Rcync Mere , pouflée tant par fa propre inclination , que par le rap- port avantageux qui luy fut fait de fa fagcffe , conduite ex- périence neceffaire pour un tel cmploy, luy fit expédier la Com- miffion du Roy le 20. Février 1645. que ie croy elfre obligé de donner au public : mais comme elle fut précédée de la no- mination 8c prefentation faire à là Majeiic par M. le Duc de Brezé, Grand Maiftrc, Chef 8c Sur-Intendant de la Naviga- tion 8c Commerce de France , il efl à propos de luy donne* lieu icy avant celle du Roy* Nomination de Lieutenant General de Jd Aîa-* jeflé aux IJles de t Amérique, four le Sieur de âRMAND î>e Maîile' Dyc ûe FronsaC, Mar^ quis de Brezé 8c de Graville , Pair de France, Maiftre, *c Sur-Intendant General de la Navigation 8c Commet* ce de ce R oyaume , Gouverneur 8c Lieutenant General pour le Roy es Villes 8c Gouvernement de Broüages , la Rochelle, Pays d’Aulnys, 8c Ifles adjacentes : A tous ceux qui ces pre- fentes Lettres verront, falut. Sçavoir faifons , que h Charge de Gouverneur 8c Lieutenant General de fa Majefté fur toutes les Illes de f Amérique nous appartenant , à caufe de noftre* dite charge de Grand Maiftre, Chef 8c Sur-Intendant Gene- ral de la Navigation 8c Commerce ; 8c n’eftant poffible de pourvoir à tout ce que délirerions, 8c qui feroit neceffaire pouf la confervation des François qui font cfditcs Illes , les faire vivre félon îesLoix de la France , fi il ny a quelque perfonne de confideration fur les lieux , qui par fa conduite 8c 1 autbo- rité de fa Charge, les contienne 8C reprime félon les occafions; & ne pouvant faire choix d’une perfonne plus capable pouir aux Ant-Ifles de l 'Amérique. 1 5 j s’en acquiter dignement , que du fleur de Patrocles de Tho- fy , pour les preuves qu’il a donne de ion courage, fidélité 6c affc&ion auferviccde fa Majeflé, & grande expérience, tant fur Mer que fur Terre, lequel Nous a efté nommé par la Compagnie des Ifles de l’Amérique , pour exercer la Charge de Lieutenant General de fa Majcfté , pendant trois ans , fur toutes lefdites Mes de l’Amérique , concédées à ladite Com- pagnie. N o vs pour ces Caufes, avons nommé & Prefentc, nommons 6c prefentons par ces Prefentes à fadite Majeflé, le fleur de Patrocles de Thoify pour Lieutenant General de fa Majeflé, pendant trois années, aufdites Ifles de l’Amerique, aux pouvoirs 6c authorité dont j'oüyffent les Lieutenans Ge- neraux de fa Majeflé aux Provinces de -France , aux droits 6c émoluments à Iuy accordez par ladite Compagnie des Ifles de i’Amerique , fuivanr leTraittcfait entre ladite Compagnie ôc ledit fleur de Patrocles le lé. jour de Décembre 1644. Sup- pliant tres-humblement fadite Majeflé d’avoir agréable 6c re- cevoir cette prefente noftre Nomination , 6C fur icelle faire expedier audit fleur de Patrocles de Thoily, toutes Lettres à ■ceneceflaircs. En tefmoin dequoy nous avons figné ces pre> fentes , fait contre- figner par noftre Secrétaire ordinaire de la Marine, 6c à icelle mettre le féel de nos armes. A Toulon le 16. jour de Décembre 1644. flgné Arm an d de Mail- le Dvc DE FroNsac. Et fur le reply , Par mondit Sei- gneur , De Loynes. Et feellé en cire rouge. Etau coftf, Regiftré es Regiflres du Greffe des Seigneurs des Ifles de l’ Amérique, fuivant la deliberation du troifléme Mars mil fix cens quarante-fix, par moy Secrétaire defdits Seigneurs , fous- figné, figné, deBeavvais. Commision de la Charge de Lieutenant General pour fa Majeflé aux If es de t Amérique , du Roy à A4, de LLhoiJy' LÛvys par La grâce de Diev, Roy de France et de Navarre, A noftre très -cher 6c bien-Amc le Ii iij % /4 Ejïabliffement des François fleur Patrocles de Thoify, falut. Sur le bon rapport qui nous a efté fait de Yoftre Perfonne,tant par noftre tres-cher 3c bien- Amé coufin le Duc de Fronfac , grand Maiftre, Chef 8c Sur- Intendant general de la Navigation 8c Commerce de France,, que par ceux de la Compagnie des Ifles de l’Amerique , Sc fur la confiance que nous avons de voftre prudence , bonne conduite Se affedion , 8c fidelité à noftre fervice ; comme aufli- de voftre valeur 8c courage , dont vous avez donné des preu- ves en diverfes occaftons : Nous avons jetté lesyeux fur vous, pour exercer la charge de noftre Lieutenant General aux Ifles de l’ Amérique, qu’avoir cy-devant exercé le fteur de Lon- villiers Poincy, Commandeur de l’Ordre de S; Iean de Ieru- falem. A ces cavses, 8c autres bonnes confiderations 2 ce nous mou vans , Nous de î’advis de la Reyne Regente noftre tres-honnorée Dame & Mere, Vous avons commis, ordonne £c député ; commettons, ordonnons, 8c dépurons par ces pre- fentes lignées de noftre main , pour eftre noftre Lieutenant General efditcs Ifles de l’Amerique , 8c exercer ladite charge fous noftre authorité, pendant trois années coniecutives feule- ment, aux honneurs, pouvoirs, 8c prééminences qui y appar- tiennent; faire vivre nos fubjets qui y habitent, ou y trafiquent, en paix, union, & concorde, les uns avec les autres, & félon nos Ordonnances, pour la feuretc du commerce 8c trafic, 8c fpe- cialement obferver tout ce que par le feu Roy noftre tres- bonnoré Seigneur 8c Pere, a eftéoétroyé à la Compagnie def- dites Ifles par Ediét du mois de Mars 1641- 8c entretenir le Traité qui eft entre vous du 16. Décembre 1644, tenir la' main à ce que la juftice foit rendue a un chacun, 8c que tous crimes 8c excez, qui pourroient eftre commis, foient punis 8c chaftiez dans l’eftenduë defdites Ifles, Ports 8c Havres qui en dépendent; Et generalement faire tout ce que nous ferions , fi nous y eftions prefens en perfonne , j’açoit que le casrequift mandement plus fpecial qu’il n’eft contenu en ces Prefentes . Mandons 8c ordonnons à cous nos Sujets refidans 8c trafiquans «fdites Ifles, 8c à tous autres qu’il appartiendra, quiis ayent à vous reconnoiftre comme noftre Lieutenant General efdites Ifles, 8c à vous obéît cz chofes touchant 8c concernant ladite aux Ant-IJles de t 'Amérique. 255 Charge. Car rel eft' noftre plaifir. Donné à Paris le zb. Fé- vrier 1645. &£ de noftre Régné le deuxieme. Signé, Lo vts. Par le Roy, la Reyne Regente fa Mere prefente , de Lo- MENIE, àc {celle en (impie queue du grand fceau de cire jaune. La Compagnie délirant aufli de lier une amitié plus eftroi- te avec Monfieur de Xhoify > Ihonnora do la qualité de Se- nefehal de l’Ifle de Saint Chriftophe, dont elle Iuy fit expé- dier la Commiflion le vingt-cinquième Février mil fix cent qua- rante-cinq. Commifiton de Senejchal a Saint Christophe, donnée par la Compagnie a A- lonjîeur de ThoiJj. LEs Seignevrs desIs les Ce lAmeRI Q.V e au Sieur dePatrocles deThoify, Lieutenant General pour S; Majefté efdites Ifies, Salut. L’affe&ion que vous nous avez témoigné avoir pour le bien davantage de la Compagnie ,5c le foulagement de ceux qui habitent dans les Ifies , dont il aplû. à Sa Majefté vous accorder le Gouvernement, nous ayant-on- vié à vous donner les marques de noftre reconnoiftance , &. aug- menter la bonne volonté que vous avez fait paroiftre pour tout ce qui nousregarde, Nous avons crû ne pouvoir vous en ren- dre déplus confiderables qu’en jettant les yeux fur vous, pour la Charge la plus importante que nous avons à donner dans lefditcs Ifies, 5C qui n’a encore efté remplie jufquesàprefcnt. A ces C a vse s, Nous vous avons commis &: .député, commet- tons & députons par ces Prefentes, pour exercer pendant trois années , la Charge de Senefchal en l’Ifle de Saint Chriftophe, avec pouvoir d’entrer prefider aux Siegesdelufticede ladi- te Ifle. Lefquels d’orefnavant ferontquaJifiezdansIesPro- vifions&Commifiionsquileur feront données par Nous, Lieu- 2$6 Eftablijfement des François tenans du Sènefchal, & intituleront 'les Sentences de fort fionn aflifter à tous IugemenS, fans toutefois y avoir voix dcliber.v tive , en vertu de ladite Commiffion ; tenir la main à ce quels ïuftice foit librement rendue aux habitans de ladite Lie, autres honneurs- & prérogatives appartenans à ladite Charge, aux droits de trente livres de petun, à prendre fur chacun des hommes François demeurans dans ladite Ifle , non exempts par la Compagnie, qui vous feront payez par les Commis de la Compagnie qui en feront la levée > & le vingtième des marchandifes de traite, à la charge d’entretenir le Traité du \6. Décembre dernier, lequel demeurera en fa force &: vertu. Mandons au luge de S aintChriftophe, qu’il vous mette de Par Nous en poffeffion de ladite Charge & droits y attribuez, après le ferment que vous en aurez fait entre les mains des Dire&eurs de la Compagnie. Et enjoignons à tous Officiers ' & habitans de Vous obéir & recennoiftre , & ce en vertu du pouvoir à Nous donné par fa Majefté. En témoin dequoy Nous avons fait figner ces Prefentes par noftre Secrétaire, & à icelles fait mettre le feel defdites Ifles. A Paris le vintg- cinquiéme Février 1^45- Signé , par mcfdits Seigneurs, DE BeAV'VAIS. Pour ne pas furprendreMonfieur de Poincy ; la Compagnie a^oit obtenu la Lettre de cachet qui fuit, par laquelle fa Ma- jehéluy donnoitavis du choix quelle avoir fait de la perfonne du Sieur de Patrocles en fa place ordre en niefmc temps de fe dilpofer à fortir del’Ifle. Monfieur le Commandeur de Poincy ayant pourveu le Sieur „ de Patrocles de la Charge de Lieutenant General dans les Ifles „ de l'Amérique; j’ay bien voulu vous eferire celle-cypar l’ad- „ vis de la Reine Regente Madame ma Mere , pour vous dire y, qu’auffi-toft quelle vous fera rendue ; vous ayez à vous „difpofer à partir dans le premier Vaifleau qui s’en viendra „ defdites Ifles en France, où je defire de vous donner delem- ,,ploy aux occafi<3ns qui fe prefenteronc pour mon fervice* y, ôc m’afleurant que vous fatisferezàmon intention, je priray 3, Dieu, qu’il vous ait M, le Commandeur de Poincy, en fa fainte - - — ‘ " " " garde. aux Ant-ljles de F Amérique. ,, garde. A Parisle 16. Février 1É45. Signé Lo vys; &autus „DE LOMENIE. Et afin quelle luy fut rendue plus feurement, UCompagni e eftant bien avertie que M. de Lonvilliers fon neveu quelle venoitde pourvoir du Gouvernement de S. Chriftophe cftoit encore à la Rochelle; elle follicita la Lettre de cachet fui vante pour le charger de celle de S. M. à fon Oncle, & pour luy com-* mander de la luy donner en main propre. „ > rOnfieur de Lonvilliers ; ayant eu advis que vous „ lVJLeftiez furie poind de faire voyage aux I Iles de l’Amcri- ,, que , & délirant faire fç avoir mes intentions aufieur Comrnan- „ deur de Poincy vôtre Oncle , j’ay crû n’en pouvoir chargerper- «fonne qui s’en acquitât avec plus de foin &de diligence; c’eft ,, pourquoy je vous écris la prefente parl’advisde IaReyne Re- vente Madame ma Mere, pour vous dire que vous ayez,li- ,, toft que vous ferez arrivé à S. Chriftophe, à rendre la Lettre cy~ «jointe au fieur Commandeur de Poincy en main propre, de «laquelle je vous charge, & dont vous me rendrez compte, ,, la Prefente n’eftant à autre fin : le prie Dieu qu’il vous ayt, , , M. de Lonvilliers, en fa làinte garde. A Paris ce 10. Mars 1645. ,, Signé Lo vys; & au bas, de Lomenie. M. de Thoify fe voyant pourveu de la Commiffion de Lieu- ' tenant General du Roy ,& de la part delà Compagnie de celle de Senefchal, crut cftre obligé de rendre une civilité à M. de Poincy ; ce qu’il fit par la Lettre fuivante. M ONSIEVR, 5, Comme je tiens à honneur d’avoir efte choift pour la Com- „ million de Lieutenant General des Illes de l’ Amérique, ce i,ne m’eft pas un petit avantage de recevoir cécemploy apres „vous, fçaehant la gloire que vous y avez acquile, &: l’cfti- „rae que S. M. fair de voftre perfonne ;ic’eft pourquoy , puifi- >,que c’eft un ordre qu’il faut que je fuive, je me doisréjoiiyr jsde ce choix, &: joindre au jleûr quc/ayd’obeïr à S. M.I’in- I. Partie. K h 158 Eflablijfement des François „çlination que j’ay prifede vous fèrvirplus qu aucun autre qui „auroit occupé cette place. I’en ay donné des atfeurances de „ vive voix à M. de Lonvilliers voftre neveu chez M. d AU- x,tfre , & j’ay cru eftre obligé de vous les confirmer par ce mot, ,,en attendant que vous envoyez bien-toft les effets , foit de „ delà , en la confervation de vos interefts, 6c de ceux que „vous defirez que -j’y confidere i foit icy en vous rendantcous „ les offices que les occafions pourront offrir à une perfonne „qui n’eft pas fans amis. le vous fupplie de recevoir ces offres „qui partent d’une franchife qui n’eft point efuicdée, & de ,, croire que je n’eftimeray jamais mon pouvoir mieux em- „ ployé, que quand il s’eftendra jufques avons faire oonnoiftre „quejefuis, MONSIEVR, De Paris, ce 1 1. Mars 1645. Voftre très humble & tres- obeïfTant ferviteur DE Thoisy. Pendant que M. de Thoify difpofe fon équipage, & qu’il Ce préparé un train digne de fon employ: pour foûtenir avce éclat l’honneur qu’il avoit receu de S.M. voyons ce qui fepaf- fe à Saint Chriftophe > ôc à la Guadeloupe. Ad. de Toincy ayant après la nomination de Ad, de Th o if y en fa place , fe préparé a la deffen - fe i s'ajjeure de quelques Officiers , chajfe de rife ceux qui luy font Jufpeëts , & inter ef fe le General des Anglois dans fon party. §. iv. LEs Seigneurs de la Compagnie n’avoient pu diffimuler à M, Aubert , qu’ils fçavoienc eftre attaché aux interefts.de aux AntAjles de l 'Amérique, 259 M. de Poincy, lesjultcs plaintes qu’ils avoientreceu de fa con- duire, de la part de M. l’Intendant , & de quantité d’autres perfonnes qui leur avoient mandé la vérité de toutes cho- ies. Monfieur Aubert qui Iuy a voit de grandes obligations, n’oublia rien pour le juftifier; & il y a de l’apparence qu’il pouffa les chofes trop avant, puis qu’il irrita ff fort quelques- uns de ces Meilleurs de la Compagnie , par fes difeours en fa- veur de M. de Poincy, qu’un d’eux s’emporta jufques à luy dire , qu’ils luy feroient couper la telle , s’ils le tenoient en France, M. Aubert prelque defcfperé de l’affront qu’il venoit de re- cevoir ( ayant clic condamné par contumace d’avoir la telle tranchée ) fe fervant de la mauvaife difpolition de la Com- - pagnie,pour fe vangerdu peu d’affillance quelle luy avoit don- né contre les pourfuittes de M. Hoiiel, rapporta avec beau- coup d’exageration à M. de Poincy, tout ce qu’il leur avoit oüy djre à Paris à fon defavantage, l’avertiffant qu’il efloit perdu dans leurs clprits ; qu’ils avoient refolu de le dépoffeder avec honte, & qu’ainli il n’y avoit point de mefure à prendre dans une fifâcheufe conjoncture que l’unique moyen defe garantir de leurs defîeins violens, c’effoit de lever lemafque, & les prévenir en s’oppofant de toutes fes forces, à ceux qui vien- droientde IeurpartàS. Chrillophe,pour exécuter quelque Com- miflion. On a crû avec quelque fondement que Monffeur fon neveu qui faifoit fes affaires à Paris, avoit beaucoup contribué à la refo- lution qu’il prit de tenir bon dans l’Ille contre celuy qui y fe- roit envoyé; il prevoyoit bien que les Commiffions de M. fon Oncle venant à ceffcr , non-feulement toutes fes pendons celle - roient , mais encore le maniement de deux Commanderics , qui montoientdplus de 15000. livres de rente, defquelles il difpofoit à fa volonté ; fi bien qu’apres avoir écrit à fon Oncle le Com- mandeur par M. Aubert, que l’on feroit fon procez quand il feroit en France, pour le deftourner du deffein d’y venir, il fit courir le bruit en France que M. fon Oncle off'enfé du mauvais & injurieux traittement qu’il recevoir de la Compagnie, efloit refolu de fe deffendre , de de plCiroft mourir que de recevoir M. --- ; — - - Kkij z6o Eftablijfement des François de Thoify à S. Chriftophe, pour empefcher ce nouveau Lieu- tenant General d’y allers Soit que M. de Poincy donnait croyance à ces advis , qu’il en appréhendait l’évenemei t, ou qu’il prétendit d’cltre rembourfé des dépenlesexceffives qu’il avoir fait dansl’Ifle, aux baftimens de Ion chafteau, des Forts & de plufieurs grands Magazins;& des frais confiderables qu’il avoit avancé pour fecourir la Gua- delouoe & les autres Illcs, ou enfin qu’il creut que fa Majelté n’eftant pas bien informée de la conduite , avoit cité furprifc par les faux rapports de fes ennemis, il refolut de ne point fortir de Saint Chriftophe , qu’il ne futpayé jufques au dernier fou. Comme fes créatures s’imaginoicnt que les plaintes fecretes des RR. PP. Capucins à la Reyne Mere, avoient empefché qu’on ne renouveliaft fa Commiflion, on ne fçauroit croireles indignitez qu’ils leurs firent foufffir; ils en refuferent plufieurs qui le prefenterent pour entrer dans l’ille, qui furent obligez de venir à la Guadeloupe, où ils vécurent long-temps parmy nos Religieux. Monfieur de Poincy eftanr refoîu de plûtoft mourir que de fe foumettre , n’agit plus quen politique, qui ne fonge qu a fe maintenir. Pour cét effet ils’afleura de M. Giraud , homme d’ef- prit , qui exerçoit eu mefme temps la Charge deluge & de pre- mier Capitaine de fille, & qui eftoit fans contredit le plus puif- fant de Saint Chriftophe en richeffes & en amis. Pour flat- ter fon ambition, il luypropofa le mariage de fa fille avec M. de Lonvilliers de Poincy fon neveu , qui eftoit Gouverneur de l’Ille ; ce qui ayant efté exécuté , il l’engagea par ce moyen entièrement dans fes interefts. M. Aubert auiîi Capitaine eftoit tout à Iuy, & par l’alfiftance qu’il Iuy avoit rendue dans fon mal-heur, & par une infinité de bien-faits; il gagna encore quelques Officiers & des principaux babitans, qui firent tout ce qu’ils prirent pour engager leurs amis à maintenir M. de Poincy aux dépens de leur vie. Il avoit avancé plufieurs de fes domeftiques , defquels il fe tenoit abfolument alfeuré, & qu’il fçavoit cftre bien refolus de répandre leur lang pour fa confervation. Il ne luy reftoit plus que M. de Saboüilly , Major General aux Ant-IJle s de l 'Amérique. 161 de toutes les Ifles , dont le crédit pouvoit facilement engager tout le peuple dans fon party . Il envoya M. Giraut pour fonder ce Gentil-homme , auquel il avoit déjà fait offrir fa niece en ma- riage, avec la plus confiderable partie du bien qu’il avoit dansles Ifles. Mais comme il avoit rejette bien loin cette propor- tion, il luy déclara qu’il eftoit ferviteur du Roy , &: qu’il ne fetoit jamais rien contre l’inviolable fidelité qu’il luy avoit pro- mife. Cette genereufe réponfe picqua fi fort M. de Poincy, qu’il luy fit donner ordre de fe retirer dans vingt- quatre heu- res, 6c qu’à moins de cela, il ne répondoit pas de fa vie; M. de Saboüilly repartit froidement à celuy qui luy portoit cét ordre , que pendant qu’il feroit fidele a fon Roy, fa vie eftoit plus afïeurée à Saint Chriftophe, que celle de M. de Poincy. M. de Poincy ne fè voyant pas encore affez fort pour le pouffer à bout, le Iaiffa dans l’Ifle, &fe contenta d’entrepren- dre M. l’Intendant. le ne fçay pas au vray tout ce qu’il luy fit, mais je trouve dans une lettre de M. Hoüel à la Compagnie, que M. l’Intendant luy fit de grandes plaintes des outrages qu’il avoit reccuës de M. de Poincy; il le chaffa de l’Ifîe au commance- ment de Iuillct, 6c il arriva à la Guadeloupe le neufiémeavec les fieurs Marivet le jeune, &Feüillet, Commis Generauxdc la Compagnie, 6c le fieur Cheurollier, Procureur Fifcal, dans le navire du Capitaine Lormier. Aufli-toft que M. de Poincy eut mis dehors les principaux Officiers de la Compagnie, qui pouvoientle contrecarrer dans farefolution, il entrepritM.de Saboüilly , 6c refolut de le faire ' tuer: maisM.de Saboüilly en eftantaverty, fie retira en l’I fie de Saint Euftache, où M. Hoüell’envoya quérir dans fa barque par M. de Trczel. Pendant queM. dePoincyfait d’exceftives dépenfes en bon- ne chere & en boiffons, qui font les pluspuiffans moyens des Ifles, pour captiver l’affcdion des peuples , fes gens faifoient courir des bruits dans l’Ifie, que M.de Thoify ne venoit à Saint Chriftophe quepour eftablir desimpoftsfur les marchandées, augmenter les droits de la Compagnie, 6c autres chofesfemblables pour ledé- crier 6c pour le rendre odieux. En quov ils réüffirent fi bien, que K k iij îéi Eflablijf men t des Eranç ois l’on crioit publiquement dans l’Ifle , vive le Roy , 8C M. le Gene- ral dePoincy, 6c non autre. Il n’oublia pas d’engager le General des Anglois dans les in te- refts ; comme ils vivoient depuis long- temps en bonne intelligen- ce j il luy fçeutfi bien perfuader qu’on luyfaifoit ladernierein- juffice,quc l’ Anglois promit de le fervir, furl’affeuranccqueM. de Poincy luy donna d’un mefme fecours dans une femblable oc- cafion , toutes 6c quantes fois qu’il en auroit befoin. Ad. Ho'üel ri ayant pu obtenir la Charge de Lieu- tenant General de fa Adajefe ez, IJles de l di- mérique y lie amitié avec Ai. de Ê'hoify. La Compagnie informée des defordres de la Gua- deloupe , fait écrire a Ad. Hoüel, & luy or- donne la punition des feditieux. §. n. MOnfieur Hoüel avoit fait tout c.e qu’il avoit pu pour par- venir au Generalat,il avoit employé le crédit de Tes al- liez & de Tes amis auprez des Seigneurs de la Compagnie, qui le leur refuferent abfolument; ilseffoient déjà mal fatis faits de fa conduite, 6c commençoient à douter de toutes les belles el- perances qu’il leur avoit données , 6c mefme quelques-uns fu- rent d’advis de ne le pas biffer retourner à la Guadeloupe. N’ayant pû réüffir dans fes pour fuites , 6c ayant apris que la Reyne avoit honnoré M.de Thoify duGeneralat des Ifles , il le fut trouver, luy fit tant de civilité , 6c tant d offres de ferviccs , qu’il lia une effroite amitié avec luy : 6c l’obligea de luy confier fa Commiffion: fe chargeant de la faire lire, 8c de le faire • recevoir dans fbnlfle où il effoit fur le pointff de retourner; de luy faire baftir un logement, 6c de préparer toutes chofcspourfa defcentc. S’eftanc ainfi affeuré de l’affedtion du nouveau General, il aux A nt-Jjles de l'Amérique. 1 6} partit de Paris au moisd’Avril, pour aller s’embarquer à la Ro- chelle. Pendant qu’il effoit en chemin > les Seigneurs delà Com- pagnie receurenc toutes les Lettres, qu’on leur écri voit de la Gua- deloupe touchant la Commiflion deM. de Poincy donnée à M. 1 Intendant , le refus qu’on en avoit fait, & l’emprifonnement du ficur Marivet , Lieutenant General de M. Hoiiel en fon abfence; comme ils ne purent en conférer avec M. Hoiiel, toute la Com- pagnie afïemblce chargea M. Fouquet de Iuy en écrire leur fend, ment à la Rochelle ,aufli bien que l’ordre qu’il devoit tenir pour rentrer dansla Guadeloupe, dans la crainte qu’ils avoicntque M. de Poincy ne s’en fut emparé. Cette Lettre donne un fi beau jour à rHifloire,quc je me fens obligé de la rapporter icy tout au long. I’enay trouvé un duplicata de la propre main deM. Fouquet, dont voicy la teneur. M ONSIE VR, « Nous avons receu un tres-fenfiblc depiaifir des fâcheufes «nouvelles que nous avons apprifes de la Guadeloupe, parles j, Lettres qui vous efloicnt addreifées -, nonfeulement à raifon jjdu mauvais traitement qui a efté fait à M. de Leumont Sc „ au fleur Marivet, mais auflîpar lesdefordres qui en peuvent î, arriver, & les dangereufes fuites que ces mauvais commen- ,,cemens auront fansdoute produits depuis ce temps-là. Vous ^apprendrez l’Hifloire de ce qui s’efl pafTépar les deux pièces „ que nous vous envoyons en original , n’ayant pas eu le loifir de „ les faire copier. L’uneeft la Lettre dulugele Normand, qui ,,vous fera connoiflre où va le zele indiferet qui a échaufé ces „efprits , & les artifices avec lefqucls ils ont voulu couvrirleurs „ mauvais deffeins, & les vengeances de leurs querelles parti- culières l’autre qui effc l’interrogatoire de Marivet, vous „fera voir le6 deffenfes & les raifons qu’il a de fe plaindre de la violence de fes ennemis. „ Ce que nous pouvons faire en ce rencontre dans la prcfTe ,, de voftre départ, & dans l’incertitude de l'ellat auquel vous «trouverez les chofcs, efl de vous mander ce que nous jugeons z s 4- Eftablijfement des François „ à propos que vous obferviez en arrivant for les lieux. Nouf ,,cftimons donc neceffaire , fi quelqu un s eft emparé de llfle, j> en forte que vous ayez raifon de douter qu il faffe- difficulté „ de vous y recevoir , ce que vray-femblabiement vousappren- „ drez à la Martinique ; en ce cas vous y demeurerez avec les „ hommes que vous jugerez ne devoir pas eftre envoyez , les „ autres avec le Commis delà famille iront, & auront ordre de » vous, d’aller droit à noftre habitation, fans parler de vous en fa. j, çon quelconque, mais feulement comme ayant Commifïion „ de la Compagnie , laquelle ils communiqueront à celuy qui „ commandera, li il eft neceffaire, en cette qualité iront don- j, ner ordre au travail de nos ouvriers , confervation des Ne- „ grès, & foin des beftiaux, fans fe mêler ny dire aucune chofe ,, qui puiffe les rendre fofpeas, & leur attirer l’inimitié de per- sonne au préjudice de nos interefts: 2c parce que M. du Par- ,, quet pourroit frire quelque difficulté de vous recevoir dans Son I fie, nous vous envoirons des Lettres de la Compagnie, „ que vous luy délivrerez , fi le jugez à propos , 2c fejournerez j, à la Martinique tant 2c fi long-temps que vous foyezaffeu- ,,ré de ne trouver aucun empelchement à voftre eftabliffement, „& que les difficultez foient formontées,ouqueM. Patrocles ,, foit arrivé, ou julques à nouvel ordre, for les advis que vous ,, nous en donnerez , 2c en cas que vôus n appreniez rien en pafo ,, font à la Martinique pour retarder vôtre voyage;& neantmoins „ e fiant arrivé à la Guadeloupe trouvant quelque obftacle que „ vous n’aurez pas prêveu. Nous entendons quefons bazarder 3, voftre perfonne , que nous vous prions de conferver entres- j, grande fonté , vous vous ferviez de l’occafion de quelque Vaif- „ feau pour vous reporter à la Martinique, de convenir <\ez àpre- 3, fient avec le Capitaine Gaudoin pour cét effet. „ Tout cela n’arrivant pas, nous avons jugé qu’il eft de tres- „ grande importance & pour le fer vice de la Compagnie , 2c pour j, voftre authorité , de reftablir les chofes en l’eltat quelles de- ,, voient eftre, & premièrement remettre Marivet, non foule- Mment en liberté, mais dans l’exercice de fa Charge; 2c par 3, apres faire arrefter le Normand luge, Mathurin Hcdoüin, j, Procureur Fifcal, dont nous entendons dez à prefent révo- quer aux si nt-Ijlcs de l' Amérique. 165 „ qucr la Commiffion, & le nommé la Forge Lieutenant, afin j, qu ils fervent d exemple, de ne pas entreprendre témerairc- j, ment, & fans rai fon , fur la perfonne de celuy qui commande 3, dans une Iile, effably par vous, reconnu par eux, 5c donc ,, ils ont deu exécuter les ordres, 5c non pas en examiner les „ adions. 3, Nous voyons bien qu’ils allégueront pour exeufe, que la paf- „ lion quils ont eu pour voffre fervicc, peut eftre le motif de 3, ce quils ont fait, 6e que ces chofes pourront toucher voftre „ cfprit} mais apres avoir pefé ces confiderations,Nous avons pat ,,fe par delTus , 5c trouvé qu une témérité de cette nature ne peut „ demeurer impunie, fans donner ouverture à de tres-dangereu- „fes confequences contre vous-mefme, 5c contre tous les au- „tres qui commandent, s’il eft permis à toute forte de gens, „fafis plaintes, fans information, fans decret, fans authorité «pour cet effet , 5c fans Commiffion , d’une perfonne fupe— ,, rieure , les arreffer, 5c mettre aux fers fur des foupçons mal „ fondez. 3, Ils pourvoient bien juger que Marivct vous effoit affedion- 3, ne , qu il fçavoit voffre fecret 5c vos penfées, puifque vous 3, laviez choili, 5c luy aviez confié toutes chofes; que c’eftoit 3, à luy à répondre de fille, qu’il avoit autant à perdre qu’eux; „& que c’eftoit une imagination ridicule, que cét homme, qui „ effoit en poffellion de toute f authorité , voulût trahir fon bien- ,, fadeur 5c les maiffres, rilquer fon bien 5c fa vie lans aucun 3, fruid , &pour s’offer l’authorité à foy-mefme ; 5c que ce qu’il „ avoit fouffert M. de Leumont, effoit une adionde pruden- » ce> puifquil fçavoit qu’il effoit voffre amy, homme depro- „ bité, attaché à nos interdis, 5c à qui nous les avions tous „ remis : 5c d ailleurs feul 5c fans forces pour vous nuire, s’il „ en eut eu le deffein, puifqu’ils vous eff oient tous affedionnés „ pour ne luy pas obéir en choies qui vous euffent effé pré- „ judiciablcs ; Et quand ils eurent refufê la Commi/îion de „M. dePoincy, pourquoy le chaffer de fille fous un pre- ,, texte ridicule , luy qui a Commiffion de Nous , 5c qui „na pas manqué de leur faire entendre quelles eff oient fesin» «tentions. I. Partie. LI 2 .66 EJlablijfement. des François „ Enfin il y a beaucoup d’apparence que l’ambition d’He- ,, doiiin, qui n’ayant gouré le Gouvernement, s’e fiant fait des garnis pendant la maladie de Marivet, 5e peut efire à nos dé- pens, na pû. fouffrir au deffus de luy des gens qui éclairaf- „fent Tes actions, 6e luy en puffent faire reproche. C’eftpour- „quoy il éloigne M. de Le uni ont ; & ce qui nous le fait con- „ je&urer eft, que nonobftant les requifitions de Marivet de- „ vant le luge, par fon interrogatoire ; on nous a envoyé tout „ le procez, &c on a obmis à deffein les Lettres qui ont efié „ trouvées fur luy, par iefquelles il nous faifoit plaintes de leurs* „maI-verfiirions. „ En un mot nous entendons que ces gens- là demeurent en „prifon, jufques à ce que vous e fiant- informé de la vérité de „ toutes chofes, Se Marivet ayant fait les demandes qu’il veut „ former contre eux , l’affaire foit entièrement terminée ; ce ',,qui fe pourra ou par jugement militaire, fi le crime eft un „ complot contre le Gouvernement, ou lors que vous aurez j, Commifiïon pour la Iuftice Souveraine, ou par Commif- ÿ,fion que Nous vous envoirons, ou à quelqu’un de fille, s’il y en a quelqu’un de la qualité requife, ou en un beloin ,, par Commifiïon à celuy de la Martinique; pour raifon dc- „ quoy , c’eff à dire delà forme du jugement , Nous attendons ?, voftrcadvis fi vous avez, quelque particulière connoiffance de „ quelqu’un qui foit fur les lieux, qui fait capable de le rendre en 3, une affaire de cette nature. Du lurplus Nous nous remettons ,,à voffre prudence, vous prions de nous croire , Vos très- affectionnez, &c. Il receut cette Lettre , &: s’embarqua dans la refolution ap- parente d’executer leurs ordres, à quoy ncantmoins il manqua comme je diray enfuitte. 16J aux ^Ant-ljles de ï Amérique. Al. Houel nexecute point les ordres de la Com- pagnie contre les feditieux. Le Sieur Lambert prend pojfefion delà Charge de Lieutenant Ge- neral au nom de Ai. de Thoijy . Difgrace du fleur Marivet. Sentence contre le Capitaine Paul , qui avoit amené les François de t'IJle de Sain Lie Croix. Trois Lettres de cachet pour la réception de Ai.de Thoijy dans Saint Chrifiophe. §. iii. N Os Religieux, les Officiers, & tout ce qu’il y avoir de gens de bien à la Guadeloupe, attendoient avec impa- tience, le retour de M.Hoüel, dans l’efperance qu’il les tire- roit de l’oppreffion, qu’il delivreroit fon Lieutenant de prifon, & qu’il puniroit févérement ceux qui avoient elle fi hardis que de commettre un tel attentat; enfin qu’il apporteroit la paix, ou du moinî qu’il donneroit fi bon orme qu’il feroiteef- ïer tous ces defordres. Il arriva à la Rade de la Guadeloupele vingt-neufiémeMay de cette année 1645. Comme il efiok à la portée du canon, Mathurin entra dans la prifon armé à fon ordinaire , d’un moujfi queton, de deux piftolcts & de fon cpée; & abordant le fieur Marivet, il luy dit d’un ton rude, vous vous réjoüylTez, Sz moy auffi ; à quoy le fieur Marivet ayant répondu ,ilrirabien qui rira le dernier, Mathurin tout furieux de ces paroles, luy dit en blafphêmant le nom de Dieu, fi je fçavoiseftre blafmé de tout ce que j’ay fait, je te tucrois tout à l’heure ; & ne pouvant maifhifer fa paffion, il luy arracha la barbe, qui n’a» voit point cité coupée depuis le fixiéme Novembre qu’il fut einpriîonné ; & il en fût venu à de plus grandes extrémi- tcz, fi les Sieurs de l’Efpine & Beau-chafteau, ne l’en eufient cm» pefchév L1 ij 1 6 B Eflablijfementdes François M. Hoüel eftant dcfcendu dans fou logis, envoya le me/me jour déchai fiier Ton Lieutenant, qu’ilreceut avec beaucoup de froideur ; il le fit néant-moins feoir à fa table, & luy donna la pre- mière place en qualité de luge. Tous les Officiers de 1 îile s eftant affemblez chez luy, il leur témoigna qu’il avoitbien du regret de ce qui s’eftoit paffe pendant fon abfence; mais que dans la difficulté de connoiftre qui avoit le tort , chacun ayant pris party d’un coftê 8d d’autre, il les prioit d oublier tout le paffe, & qu’à l’exemple denoftre Saint Pcrele Pape, qui avoit donne un Iubilé cette année à toute la Chreftiente , il donnoit une abolition generale, à ceux quipouvoient avoir manqué dans ces remüemens. Il n’y eut perfonne qui -ne s en retournaft chez foy, bien trifte, 8d mal fatisfait, d’un procédé fi peu attendu, 8d de voir qu’il ne donnoit aucune fatisfaélion , ny a un Lieutenant Ge- neral, outragé dans fa perfonne, dans fon honneur, ôd dans fes biens par des faétieux, ny au fieur Doyencourt, nyàplu- fieurs autres qui avoient efté mal- traitez a coups de baftonj on crut pour lors avec beaucoup d’apparence , que toute cette menée avoit efté conduite par les ordres de M Hoüel , Sdquil avoit donné des ordres fecrets au luge fida Mathurin, de trai- ter Marivet 2d les autres avec cette rigueur : ce qui eft d’au- tant plus vray-femblable qu’il rendit peu dobeïffance 8d deref- peét aux ordres expiez des Seigneurs de la Compagnie, qui luy avoient enjoint de chaftier exemplairement les autheurs de la rébellion. Son premier foin apres fon arrivée, fut défaire lire la Com- miffion de M. de Thoify dont il s’eftoit chargé, & de luy fai- re prendre poffeffion dans la Guadeloupe par Charles Lambert fieur de Thilly, félon la procuration que Monfieur de Thoi- fy luy en avoit paflee à Paris pardevant Guerreau & Oger Notaires, le quatrième Mars 1645. aux Ant-JJles de /’ Amérique. Aâe de la prife de pojfefion a la Guadeloupe yds la Charge de Lieutenant General pour fa Ma- jejle ezj If es de l Amérique , par le fieur Lam - herty au nom de Ad. de rl hoijj P atrocles. GE jourd’huy Vendredy deuxieme Iuin 1645. nos Audian- ces ordinaires tenant, eft comparu enperfbnne pardevant Nous Charles Hoiiel, Efcuyer, Seigneur de Petit-pré, Senef- chal, & Gouverneur de Vide de la Guadeloupe, & Seigneur en partie des Ides de 1 Amérique : où choit prefènt M. An- toine Marivet noftre Lieutenant General, Civil & Criminel en la Senefchauflee , M,Mathurin Hedoiiin, Procureur Fifcal en cette Ifle, & aes plus notables habirans d’icelle, Charles Lambert, Efcuyer licur de Thilly, fondé de procuration de Meflire Noël dePatrocles, Chevalier Seigneur de Thoify,par laquelle ledit heur de Patroclesluy a donné pouvoir de pren- dre poheflion de la Charge de Lieutenant General pour S. M. dans toutes les Ifles de l’Amerique, &c. Requérant ledit heur P atrocles quil luy loit donné A été de prife de poheflion de ladite Charge de Lieutenant General pour S. M.de toutes les Ifles de l’Amerique , & que renregiflrement& publication foie faite def dites Lettres-, Nous, apres avoir veu lefdites Lettres cy-deflus dattées, & procuration dudit jour quatrième Mars dernier. Avons pour tous lefdits Seigneurs des Ifles de l’A- merique, confenty & confentons la prife de poheflion de ladi- te Charge de Lieutenant General pour le Roy en toutes les Ifles de 1 Amérique, pour & au nom demonditheur de Patro- cles, & ce fuivant &: au dehr defdites Lettres Patentes, les- quelles feront leuës & regiftrées au Greffe de cette Ifle, à ce que perfonne n’en prétende caufe d’ignorance, furie reply defquelles fera fait mention de ladite publication &entegiilre- ment. Signé, dv Pont. Lezz. jour dumois d’Aoufli^y ces mefmes Lettres Paten- tes furent enregiftrées à la Martinique , à la requefle du heur L1 ü} zja Eftabhjfement des François de Saint André , Commis General de la Compagnie, repre- fentant le Procureur Fifcalj apres quelles eurent efté publiées à la tefte des Compagnies le fix, le 13- ^ C£ cn Pre“ fence de M. du Parquet, S enefchal& Gouverneur de rifle, & de M. Pierre Millet , Lieutenant Civil & Criminel en icelle, qui ont figné au bas dudit cnregiftrement avec Montillet &c Cftef- neau Greffiers. , Le Sieur Marivet «e joüyt pas long -temps de la liberté ny de fa Charge de Lieutenant Civil & Criminel de la Gua- deloupe; car peu de jours apres Ton reftabliffement, le fleur du Mé qui avoit efté un des principaux chefs de la Caballe, le mal-traita dans la maifon mefme de M. Hoüel, je crois qu’il y eut des coups de baftons donnez. M. Hoüel eftant accouru au bruit, fans vouloir davantage s’éclaircir de 1 affaire, fe mit dans Pa barque & vint en diligence à la Baffe-terre, où il rcçeut les plaintes de quelques-uns de ceux qui avoientefté de cette confpi- ration. Ils accuPerent Marivet de les avoir menacez quilPe ven- geroitdes violences quil avoit rcceués deux, & le fleur duMé Pe plaignit d’avoir receu un coup de baftondans le dernier dé- meflé qu’il avoit euavec luy: M. Hoüel croyant avoir affez de preuves pour le perdre, le priva flonteufement de Pa Charge de luge Civil & Criminel, & luy donna fa maifon pour pri- fon. Dans ce mefme temps, leshabitans prefenterent trois diffe- rentes requeftes à M. Hoüel ; Par la première, ils demandoient l’exemption des droits de cette année 1645. parce qu’enfuitte du dernier hoiiragan, il s’eftoit formé certains petits vers de la groffeur d’une petite épingle , qui Pe fourrans dans la Publian- te des feüeilles du tabac, couroient par tout comme des cirons, au deffous de la première pellicule, rongeans &gaftans toutes les feüeilles, en Porte qu’il eftoit impoffible de faire du petun; fur laquelle M. Hoüel leur accorda l’exemption des droits qu’il avoir coutume de recevoir, mais ne voulut point toucher à ceux de la Compagnie. Ils demandoient par la fécondé d’eftre déchargez démonter la garde, qui Leur c 11 oit fâcheufe depuisun accident queje ne puis pafferfous ftlence , parce qu’il a efté public. Le meurtre de aux Ant-Ijles de L'Amérique. 17 1 la femme d’un nommé la Chapelle, arrivé peu de temps avant la fortie de M. Aubert de la Guadeloupe , donna occafion à la peine que les Iwbitans a voient d’aller en garde. Cette femme qui efloit paffablement belle, mais d’une fort mauvaife vie, ayant efté acheptée avec fon mary, Serrurier de fon meftier, par Mal-herbe l’un des mieux accommodez de l’îflc, parce qu’ils y effoient venus en qualité d’engagez, fut aimée de ce Mal- herbe, te l’on dit mefmc qu’il en abufa dez le premier jour qu’el- le fut à fon fervice. Ce commerce adultéré ayant duré long- temps, la Chapelle s’en laffa ,& menaça plulieurs fois fa femme de la tuer, fi elle ne cefïoit cette pratique honteufe, dequoy n’ayant fait aucun cas : au contraire , en ayant pris fujet de le faire mal-traiter par fon Maiftre ; Enfin la Chapelle les ayant furpris fur le faiét, illuy fut impoffiblc detoufer fon reffenti- ment -, te apres la fortie de Mal-herbe, ayant pris une hache de Charpentier, en deux ou trois coups il en coupa la tefte à fà femmej Apres quoy eftant revenu de fa paffion, il vint pleu- rant demander à M. Aubert en fon patois picard, qu’il le fit pendre, parce qu’il avoir coupc htefte à fa femme. M. Aubert l’ayant fait mettre aux fers, te obligé les habirans de le gar- der jour te nuiét, cette corvée, jointe à la peine que les ha- bitans avoient de remplir les autres Corps de Garde de 1’Ifle, les obligea de donner cette requefte à M. Hoüel, lequel fans fe fervirdu pouvoir qu’il a voit des Seigneurs de la Compagnie, de les difpenfer entièrement de la Garde moyennant 200. livres de petun, comme il fe pvatiquoit à Saint Chriftophe, ordon- na feulement qu’à l'avenir, il n’y auroit quefept hommes à cha- que Corps de Garde. Par latroificme requcfle , ils leprioientde priver du Pont de la Charge de Greffier de fille, à caufe de fes malverfations; mais apres leur avoir promis de le dépoffeder te de le punir ,il 11’en fit rien. L’affaire du Capitaine Paul arriva au commencement de Iuillet decette annéeiô45. ce qui ayant fait tant de bruit dans lesifles, en France te en Angleterre, mérité bien que nous la rappor- tions icy; mais afin de luy donner tout fon jour, il faut repren- dre les chofes de plus haut. Efiabhffemsntdes François Depuis pluheurs aimées les deux Nations Angloifes& Hol- landoifes poffcdoicnEl’Ifle de Sainde Croix, chacune eftoit gou- vernée par des Officiers Generaux cilablis par les Seigneurs de leur pays. Cette année 1645. & non pas 49. comme écrit M. de Roc befort , une querelle eftant furvenuë encre les Anglois & les Hollandois , le Gouverneur pour Meilleurs les Eftats ci Hollan- de tua dans fa maifon M. de Brafebcc, Gouverneur des An, dois Auffi -toit les ceux Nations prirent les armes, en vin- rent aux mains, & dans un furieux combat ; le Gouverneur Hol- landois fut fi griefvement bielle, qu’il mourut peu de jours apres, defes blcffures. Apres ce choc chacun des deux partis fe contentant du fang qui avoit cité répandu, fe retira dans fou quartier. Les Hollandois voyant leur Gouverneur mort en eleu- rent un autre ; que l’ Anglois, qui ne refpiroitque la vengean- ce, attira adroitement chezluy, fous prétexté d accommode- ment. L’autre y eftant venu fur fa parole, l’ Anglais le fit ar-* relier , & le condamna d’eltre palTé par les armes, en punition de la mort de fon predecelleur ,' ce qui fut exécuté. 11 y avoit bien 100. ou 12.0. François dans la Colonie Hok îandoife , prefque tous déferteurs dcl’Ille de Saint Ghriftophe., Ceux-cy voyant les Hollandois prelts d’abandonner rMe,crai- gnans quelques mauvais traitemens des Anglois apres leur dé- part , demandèrent congé à leur Commandant de fe retirer dans quelque Me Françoife : ce qu'ayant obtenu , ils traitèrent de leur pafïagc avec un Capitaine de navire Anglois appelle Thomas Pauî, & luy donnèrent quelques habitations pleines de Manyoc , à condition qu’il Iesporteroit dans une Ille Françoife. Ils arrivèrent ail mois de Iuillet à la Guadeloupe, & envoyèrent aulïi-toltfalüer M. Hoüel, & luy demander s’il leur vouloir per- mettre d’habiter dans fon Me. Cette propofition ne pouvant eltre defagreable à un Gouverneur qui recevoir par ce moyen izo. vieux habitans , faits à l’air & au travail du pays , tous armez & bien équipez ; non feulement M. Hoüel l’approuva &leurpro- mit de les recevoir , pourveuqu ils payaflent les droits comme les autres; mais encore les afieura de faprote&ion contre toutes les recherches que l’on pourroit faire contre eux, parce qu’ils elloient fortis de S. Cbriftophe fàs côgé, &: leur promit de les en garentir. aux Ant-IJles de l' Amérique. 2,7 , Us le prièrent apres cela de faire arreflcr le Capitaine Tho- mas Paul qui les avoir amenez, & de le rendre refponfable des torts qui leur a voient elté faits parles Angtois dans fille de Sainte Croix ; fnrquoy s’e fiant informé d eux s’ils avoient congé de leur Commandant, il fit faifir le VaifTeau avec tous fes effets & arrefler le Capitaine avec tous les Officiers; il fut mis aux fers 5c attaché dune groffe chaifnc ; il gémit long-temps en cét cftat , & je me fouviens que quand il nous voyoit palier il cnoit api es nous J? cidre > P cidre , lujfoce , Jtyli feri corde , avec des accents II pitoyables, qu’il nous arrachoit les larmes des yeux. Le bruit courut dans fille qu’il y avoit des pierreries dans le V àilfeau , une Corne de Licorne, 5c beaucoup de Coche- nille, je doute des pierreries, mais j’ay veu cette prétendue Corne de Licorne, qui n’elloit qu’une corne de Rinoceros, 5c encore fort petite ; mais j’ay veu plufieurs des François qui efloient venus dans ce navire, leur poches pleines de très belle Cochenille. On fit tout ce que l’on pût, & on employa tous les tours de la chicane pour faire déclarer ce Capitaine Forban ,dequoy l’on ne pût venir à bout, 5c le ficur Garderas, qui avoit elle l’inter- prète defon regillre 5c defaCommiffion, m’aditque c’elloit f homme du monde du plus bel ordre , & qu’il écrivoit chaque jour, avec une incroyable exaélitude,toutce quiluy arrivoit dans . toutes les heures de fa vie. Neantmoins le morceau eûantrres-friand ; onfe donna bien de garde de le Iailïer échapper, & il fut dit & ordonné qu’à la requelle du Procureur Fitcal , le procez feroit extraordinaire- ment fait , & parfait , audit Capitaine Thomas Paul , comme n ayant point de Commiffion valable pour naviger, 5c cependant qu il feroit mis en bonne 5c feure garde, 5c dez à prclent déclaré atteint & convaincu d’avoir favorifé l’expulfîon des François de 1 Ifle Sainétc Croix, d’avoir -elle c.iufe de ce qu’ils avoient eûé fpolicz des biens qu’ils avoient dans ladire lflc,'&: d’en avoir profité comme les autres Anglois habitans. Et pour faire droit fur la réparation, reprefailles, dommages, & interdis requis par Icfdits François contre Iedjt Capitaine Paul 5c les Anglois , qui. I. Partie. " Mra fty. 30. 17 i7 4. E(labli(fement des François roient trouvez , feroient vendus au plus offrant & dernier enche- riffeur, en la manière accoutumée , & les petuns P^oVe"an^ d® dite vente, enfemble ceux qui ferment trouvez dar isleditn vi- re, baillez & diftribuez aux François expulfez de ladite Ifle de Sain été Croix, à leur caution , aratoire; pour fubvemr a leurs neceffitez, & à déduire fur les dommages & Pai prétendus. Cette Sentence fut rendue le 16. dAouft i6^. r , , _ Pafrmifr de Bufsv > Charles Lambert» & {ignée de Leumont , i’afquieL ne dulsy _> * Chevrollier , Martial, duMc ,du Pont , du Puys, & Gendi Ce n’eft nas à moy à juger de la nullité dont on accufa cette Sen- tcncTpaflCmpae^c! des luges , cecte affaire eftant purement du faift de la Marine, ny des autres mjuftices quon i prêt 4 qui s'y commirent. lime fuffitde dire quellefutexecutee.que le navire fut vendu au plus offrant, & adjuge a un S de M. Hoüel qui l'açhepta pour fou maiftre .0000. livres de tabac, bien qu'il en vaUûtplus de tooooo car 11 'fc tonneaux monté de quatre pièces de canon ( je n î / . , font point quatre belles piecesde fonte verte que j ay veues fui la terraiïe de M. Hoiiel aSx armes d'Angleterre, env.ronnea de la jartiere avec cette devife, Hormy fin i,VJlcomme j avois refolu de retirer le fieur Commandeur v „ de Poincy de la fonftion qu’il a exercé de mon Lieutenant }} General aux Ides del Amérique, & vous ay mefme addref- „fé des Lettres pour les luy faire rendre, portant ordre dere- » venir en France; & ayant fait choix de la pçrfbnne du fieur „ deThoify Patrocles, pour eftrefon fuccefTeur en laditeChar- „ ge de mon Lieutenant General, dont je luy ay fait expédier „ mes Lettres de Commiffion, j’ay bien voulu vous en donner „ advis par celle-cy, que je vous écris par l’advis de la Reyne „Regente Madame ma Mere; pour vous dire que vous ayez à », reconnoiftre leditfïeur de Thoify en ladite qualité de mon „ Lieutenant General, & le faire reconnoiftre & obeïrpar tous „ ceux qu’il appartiendra, faifanteeffer dans toute l’edenduè' de ,, voftre Province, toutes fortes d’empefehemens à ce contraires, „à quoy m’afTeurant que vous fatisferez félon mon intention: „ le priray Dieu qu’il vous ayt, M. de Lonvilliefs, enfifaintc ,, garde. A Paris le zz. Aouil: 1645. Signé Lovys : Et plus „ bas, pE Lomé nie. Lettre de Cachet aux Officiers de la Milice de llfie de Saint Chrifiophe. DE PAR LEROY. ^/^fHers & bien amez, ayant pourveu le fieur de Thoify «V^Patrocles, de la Charge de noftre Lieutenant General ,, ez Mes de 1 Amérique, & s’en allant pour en prendre podef- „ fion , Nous voulons & vous mandons par fadvis delà Reyne », Rcgente noftre trcs-honnorécDame &Merc, que vous ayez ?3 à reconnoiftre ledit fieur de Thoify en ladite qualité denô- M m iij i78 Efiabhjfement des François ?)tre Lieutenant General, Se à luy obéir Se entendre ainfîqu il „ appartiendra fans difficulté, & à ne plus déférer aux Com- ,, mandemens qui vous pourroient eftre faits par le fieur Com- ,, mandeur de Poincy, en la place duquel Nous entendons „que le fieur de Thoify foit eftably, à quoy vous tiendrez la „ main, fi n’y faite poinc de faute, fous peine de defobeïfTance. H Oar cif noftre plaifir. Donne a P ans le 12t.. jour d Aoufl ”1645. Signé , Lo V y s ; Se plus bas, de LoMENiE,ôe au „ deffus eft écrit. A nos chers Se bien amez les Officiers de la „ Milice établis dans fille Saint Chnftophe. JH.de JJhoiJj obtient plu fieur s chofes de la Com- pagnie^-ou r fa ci U te r fa réception a S .Chrifophe . Commifion.de Lieutenant du grandV revofl de France au Sieur de Boisfay t, du Duc de Bre\é a M . de cThoiJy , pour le faict de la JHarine . §. iv. TOutes ces chofes étant difpoféesjM. de Thoify ayant fait toute la dépenfc de fon embarquement, Se traité avec le fieur Bontemps, Capitaine du Vaiteaudu Roy appellé l'hom- me d’or , qui luy avoit été donné pour le conduire ; plus de fix vingts de fes hommes Se Officiers de fa maifon,etansdéja dans le navire du Roy pour attendre le vent , il courut un bruit fourd , au Havre à Paris, que M. de Poincy avoir changé de refolution , Sc quil etoit dans le deffein d’empefeher la defeente dudit fieur de Thoify dans rifle de S. Chritophe, & l’edet de fa Commiffion. C’eft pourquoy M.de Thoify defirat prévenir les difficultez qui pourroient arriver &; fe préparer à tout événement, fouhaita que Meffieurs delà Compagnie luy dônaffent pouvoir de traiter avec le fieur de Poincy, en cas qu’il objeétat quelque chofe pour fç$ interdis, & pour la feurçetédes acquittions qu il avoit faites aux Ant-JJles de l'Amérique. fur les lieux , & en mefme temps des remifes à tous les peu- ples pour leur faire voir le bien effe&if que fa venue devoit produire dans les Ifles, contre les faufles imprelïions qu’on pourroitavoir données contre luy. Ce que Meilleurs de la Compagnie trouvant fort à propos » ils luy donnèrent premièrement la deliberation fui vante en for- me deLettreaulîeurHoiiel, pour le recevoir dans fon Me juf- ques à ce qu’il fut receu dans Saint Chriltophe. Deliberation de la Compagnie à Ad. Hoüel en forme de Lettre , pour la demeure de Ad. de aT hoijj à la Guadeloupe . M ONSIEVR, Les mauvais rapports qui nous ont efté faits de la difpoÆ** tion des Elprits dans les Mes de S. Chriltophe aufujet de l’en- trée de M. dcThoify, en la polFelïïon de là charge que le Roy luy a donnée, nous ont obligé de luy confeiller de ne pas des- cendre à S. Chriltophe , fans eftre bien informé de 1’eilat des affaires, & avoir donné les advis de fon arrivée, en qpoy il fc conduira félon les patticularitez qu’il apprendra de. yousf, &: les confeils que vous luy donnerez en cette occafion qui peut avoir quelque choie d’impreveu , il avoir elle propolé d’apporter quelque modification dans le traité entre luy & nous fur l’arti- cle concernant fon fejour à la Guadeloupe: mais ayant efté ju- gé inutile de prendre autre précaution pour Iuyb que cé que la raifon & la jullicc feront toujours agréer à la Compagnie, &C que vous offririez de vous-mefmc pour l’intereft du feruice du Roy. Ledit fieur de Thoifv n’a déliré autre choie linon que nous vous écriviflions nos fentimens, qui font , Qu’arrivant empefehement à S. Chriltophe qui retardait là réception , &ne pouvant demeurer en lieu plus propre pour préparer les affai- res prendre les intelligences &: autres promptes nouvelles qu’en la Guadeloupe : il elt non feulement du droiét de ifa charge , 180 E (laèlîjf ’.ment des François mais de Pintcreft de la Compagnie , quil y Toit confideré &: obeï ainfi qu’il feroitdans S. Chriftophe pendant le temps qu’il y feroit fejour ; fon intention bt la penfée de la Compagnie n’ell pas qu’il eftabliffe fa refidenceà la Guadeloupe , n’y qu’il y demeure plus de temps qu’il en faut pour difpofer fa récep- tion à S. Chriftophe : Et dans cét interualle nous vous prions que vous le traitiez, non feulement comme Lieutenant de Roy, mais comme affectionné à la Compagnie , & comme ayant lié en voftre particulier étroite amitié avec luy. De fa part nous avons fa parole qu’il fe comportera en forte que vous aurez toute fatisfa&ion , & le defirercz plus long-temps enladitelflc que les affaires ne luy permettront d’y fejourner. Nous fouî- mes, MON SIEVRî si Paris, ce 16. Vos tres-humbles, & tres-affeétionnez fervi- siouft 1645. teurs, les Seigneurs des Iflcs de TArnerique. M. de Thoify accepta cette Lettre pouf le fieur Hoüel, bien qu’il crût n’en avoir pas? bèfoin , après les proteftations d’amitié qu’il en auoit réceuës en France. Et quoy qu’il euft d’effeiny en cas de refus de la part du fieur de Poincy , de te- nir les voyes de‘la douceur tant qu’il pourroir , il ne Iaiffa pas 'de prendra fes précautions pour agir. Il obtint à cét effet une Commifficn du Grand Prevoft au fieur de Boisfaye , pour raccompagner &£ faire valoir fon authorité -,5c comme il n’y a encor eu jufqu’à prefent dans les Ifles que cette Commilfion, je ne la puis feparcr du corps de cette Hiftoire. r , ! . . "■ ■ r >' ' • i ■ : ‘ J > ’ Commision de Lieutenant de M. le Grand Pre- If es de l' Amérique. CHAPITRE XI. MOnfieur de Thoify ayant pris congé du Roy & delà Reyne Regente, qui Iuy recommanda fur tout d’ef- pargner le fang,&: de fe comporter avec douceur , ayant rendu les mefmes refpe&s à la Reyne d’Angleterre, qui Iuy donna des Lettres , pour le General Anglois de Saint Chrillophe, apres avoir rcceu lescivüitez de toute la Cour-, il partit de Paris pour le Havre, oùeftant arrivé le iz. Septembre , apresy avoir rendu vihtei à M. le Duc de Richelieu , qui en cftoit Gouver- neur ,& obtenu de Iuy que la porte delà Tour demeurait ou- verte jufquesà dix heures du foin il for rit delà Ville conduit par le fieur de Beauplan, premier Capitaine de la Garnifon, N n iij iî6 Efiablijfement des François monta avec Madame fa femme 6c les principaux de fa fuite dans la, Chaloupe du VaiJffeau du Roy , pourfe rendre dans ce Vaif- feau, où fon équipage d’environ fi x vingts hommes, l’attendoit depuis fix fcmaines. En entrant dans le Navire il mit entre les mains du heur Bontemps, qui en eltoit Capitaine , cette Let- tre de faMajefté. Lettre de Cachet au Capitaine Bontemps. „ /"“'’IApitame Bontemps, le heur de ThoifyPatrocless’enal- „ Valant fur le Vaiffeau que vous commandez, pour prendre „ terre dans les Ifles de l’Amerique , 6C y prendre poffelfion de la >, Charge de mon Lieutenant General, pour fucceder au heur „ Commandeur de Poincy, qui doit retourner en France félon „ l’ordre qu’ilenareceude ma part, j’ay bien voulu. vous envoyer s,celle-cy par l’advis delà Reyne Regente Madame ma Mere, „ pour vous dire qu’eftant arrivé par delà Ail fe pre fente occafion ,,dcfervirà l’eftablificment duditS. de Thoify en ladite Charge „de mon Lieutenant General, vous ayez à vous y employer de ,,tout voftre pouvoir , lelon la fidelité 6c affedtion que vous „ avez toujours fait paroiftre , pour ce qui regarde le bien de mon *, fer vice. A quoy m’affeurant que vous ne manquerez : le priray „Dieu qu’il vous ait , Capitaine Bontemps, en fa fainte garde. „A Paris ce 12. jour d’Aoufi: 1645. Signé Lovys; & plus bas, ,, D E Lo MENI E. Le vent qui avoit toû jours efté contraire depuis fix femaines fe tourna tout d’un coup , 6c fut propre pour appareiller , aulfi-toll: qu’il fut arrivé. Le trêziéme fur les dix à onze heures du matin, il fit lever l’Ancre pour faire fon voyage , accompagné de trois autres Vàit féaux, • Le 18. apres midy on apperçeut deux grands VaifiTeaux qui parurent ennemis dans h route qu’ils prirent, ce qui obligea M. le General de mettre fon monde en bataille pour les com- battre; mais eftans affez proches, 6c ayans rendu la civilité qu ils dévoient au pavillon de France, ils furent reconnus Holland 01 s, apres quoy on continua la route. aux $Ant-IJles de l'Amérique. *7 Defcente & Réception de AI. de T'hoijy dans Idjle de Aladere. §- ï. LE 16, Septembre apres 13. jours d’une agréable navigation, on apperceuc fur les 5. heures du matin rifle de Porto Sanfto; quelque temps apres on vit let Defertes , qui font certaines 1 fies proche delafameufc ljle de Madere, entre lesquelles onpaffa à cinq heures apres midy; & par la violence des marées on ne pût ce pur-là mouiller l’Anchre devant la Ville de Funzal, ce qui obligea le Capitaine Bontcmps de faire tenir bord fur bord juF ques au lendemain. Le Mercredy 17. on moüilla l’Ancre à dix heures "du ma- tin à la rade de cette Ville, qui eft la Capitale de Tlfle de Ma- dere; M.Ie General envoya promptement à terre le fîeur de Boisfaye fon Capitaine des Gardes, avec quelques Officiers de fa maifon pour faire civilité de fa part au Gouverneur Gene- ral de toute l’Iflc. Ils furent long-temps à aborder à caufe dur calme, & on les obligea d’attendre dans laCha loupe, jufques à ce qu’on eût adverty M. le Gouverneur; lequel envoya incon- tinent de fes Gardes pour les conduire au Chaflcau , où le fieur de Boisfaye luy fit compliment de la parc de M. le General de Thoify , & luy prefenta une Lettre de la part de l’Ambaf- fadeur de Portugal , qui refidoit pour lors en la Cour de France. Le 18 . le Gouverneur nommé Dom Manuel de Souza Mafca- renhas, Concilier défi Majeflé Portugaife, & Gouverneur de l’ifie de Madere, demeurant au Funzal principale Ville , envoya vifiter M. le General dans fon navire par fon fils aifné , avec offre de fervice. * Le vingt -nenfiéme il luy envoya plufieurs grandes mânes pleines de fruits , fçavoir perfeques te fort beaux raifins, dont une grappe fut trouvée pefer vingt- deux livres ; quantité de confitures, marmelades , & écorces de citrons; une botte i88 EjùhliJfement des François d’excellent vin, un bœuf, deux moutons Si plufieurs poulies- d’Indc. Le mefmcjour apres midy M.le General alla voir Ie.Gou- verneur avec toute fa fuitte, qui eftoit fort lefte,&30. de fes Gar- des revcftus de leur cafaques d’efcarlatteavec des Croix blan- ches & des paffemens vers, fans neantmoins marcher en ordres en forçant du Vaiffeau du Roy on tira plufieurs coups de canon, a u {quels ceux de la Ville répondirent. Deux Capitaines Por- tugais le receurent à la defeente de fa Chaloupe j & apres luy avoir fait un compliment de civilité , ils le menèrent à la Ci- tadelle, où eftoit le Gouverneur. A l’entrée il fut faliiédetous les Officiers qui eftoient à la tefte de laGarnifon, dont partie eftoit au dehors de la Citadelle, Si l’autre en dedans, fous les armes, Si les tambours battans. Il fut conduit dans une grande falle, à la porte de laquelle le Gouverneur, homme fort bien fait , & rres-confideré pour fa naiffance Si fon mérite , le vint recevoir avec grand monde , & le fit feoir auprez de luy dans un fauteuil de velours cramoify. Apres deux heures d’en- tretien, M. le General prit congé, &fe retira. En forçant on le fà- liia de tout le canon de la Citadelle, & toute la moufquetterie fit une falvc. Le Gouverneur le reconduifit jufqucs hors les por- tes de la Citadelle, marchant toujours le premier félon leur coutume , Si luy donna fon fils aifné pour luy faire voir la Ville. Ce Seigneurie conduifit premièrement au Couvent des P eres Cordeliers, puis à l’Eghfe Cathédrale dediée à N oftre-Dame, Si âuxlefuites ;ily avoitune foule incroyable de peuple dans les rues, aux feneftres, Si dans ces trois Eglifes , qui eftoient extraor- dinairement parées à fon occafion. Il fut complimente danstou- tesi En la Cathedrallc, le grand Vicaire à la tefte de tout le Cler- gé ( n’y ayant point d’E velque pour lors ) luy donna de 1 cau-be- nifteen Ceremonie, & à toute la liiitte. Les murailles & les pil- liers de cette Eglifofont tout dorez en dedans, les Autels fort ri- chemens parez, Si la Sacriftic magnifique. Apres avoir remercié le fils du Gouverneur de (a civilité , il fe retira à bord au bruit des canons qui tirèrent inceffamment, tant de la Citadelle que du Vaiffeau , jufqucs à ce quil y fût monté. mtiÂnt-IJlesde F Amérique. Le 30. le Gouverneur par une confiance extraordinaire vint vifiter M. le General dans le navire du Roy , il y fut faliié de tout le canon 8c de la moufquetterie. Il s eftoit fait fuivre par unt Chaloupe remplie d’excellcns Muficicns,qui donnèrent un agréa- ble di vertiffement à M. le General par l’harmonie de leurs har- pes, de leurs violes & de leurs violons, à cinq ou fix reprifes d’une maniéré tout à fait galante. Apres y avoir efté régalé d’une fuperbe collation arec toute fa fuite , il for tit extrêmement fatisfait de M. le General, au bruit du canon 8c de la mouf- quetterie." — ' Le lendemain M. le General luy envoya prefenter une épée dont la garde eftoit de grand prix, & une paire de piftolets montez débeine 8c garnis d’argent, des plus beaux; ce qu’il re- ccut avec beaucoup de fatisfa&ion 8c de reconnoiflancc, pro- teftant au Gentil-homme qui les luy offrit, qu’il n’auroit jamais plus de joye que quand il trouveront l’occafion de s’en fervir pour M.le General. Le deuxième jourd’Odobrc, le Gouverneur envoya fonfils à M.le General, le remercier defon prefent, 8c ce Seigneur luy renouvella de la part de fonPerefes offres de fervice , 8c le pria d’agréer quantité de mânes pleines d’exccllcns fruids 8c de toute forte de confitures. Le cinquième on leva l’Anchre â dix heures du foir pour con- tinuer la route. Le vingt -troifiefme eftant arrivez fous le Tropique à la hauteur de vingt -deux degrez ^5. minuttes, M. le General, fuivantla coutume de laMer, fut baptifé avec tout fon monde, te donna u. efeus d’or aux Matelots, pour boire à {a fauté. Arrivée de Ad. de dThoiJy a la Ad ar Unique & a la Guadeloupe , IJles de Jon Gouusrnement? ou il efl receu avec bien de la joye. §. 11. LE 16. Novembre à fept heures du matin on apperceut la terre , qui fut reconnue pour cftrc l’Xüe de la Martinique I. Partie» ' Oo 2.90 Eflablijfementdes François far les neuf heures on aborda une roche appellée lljle du Dia- mant t & à fix heures du foir on mouilla lAnchre à la Balfe- terre Aufli-toft M. le General .envoya un de fes Gentil-hom- mes à terre porter fes ordres àM. du Parquet Gouverneur & Senefchal de cetce Ifle. Eftant de retour à bord , il luy apprit que Meilleurs de Leumont, Intendant de la Compagnie , & de Saboiiilly , Major General de toutes les Ides, homme démé- rité 8c de conftderation , avoicnt eftê chaffez de Saint Cin to- phc par M. de Poincy , qui avoir levé le mafque pour la rébellion, & qu’ils eftoient depuis quelques jours àlaMartimque attendant fa venue. . _ , Le 17. à huid heures dumatin ,M. le General ayant envoyé fes Gardes à terre devant luy rcveftus de leurs cafaqucs ,8c ar- mez de leurs carabines, il y defeendit peu de temps apres, au bruit des canons du Fort, 8c de la moufquettene , qui le falua par une falve generale. M. du Parquet Gouverneur de 1 Ifle, Meilleurs de Leumont & de Saboiiilly le vinrent recevoir avec tous les honneurs deûsà fa dignité. M. du Parquet eftoit a la telle de fes Compagnies fous les armes. IlconduifitM le Ge- neral, dans fa maifon, où l’on teint confeil, & ou flfut refolu que M. le General fc prefenteroit à Saint Chriftophe. Il dnna 8c foupa chez M. du Parquet, 8c fut traitté des viandes du pays , qui font des cochons, volailles d’inde , ramiers , ortolans, tor- tues, grenouilles, 8c lézards: le delfert eftoit de patates, e figues, melons, bannanes, SC ananas. Et apres avoir remer cie , 8c toute la milice qui eftoit fous les armes, il partit a minuit P°Le 19. k navire moüilh l’ Anchrc à la Bafie-terrc de la Guade- loupe,laBaziliere 8c quelques-unes O&iers fc rendaient auffi- toft dans fon navire. Aprcsavoir rendu leurs refpe Jes Officiers ne peuvent obtenir permifiion dy defeendre , pour y fignifier les Ordres du Roy . Les Anglois ne veulent pas recevoir une LsL tre de la Reyne d'Angleterre à leur General. S. in. CEcte affaire ayant elle ainfi accommodée , apres avoir conclu tout ce qu’il y avoir à faire, M. le General partit le ix. Novembre pour Saint Chrifiophe, avec Meilleurs deSa- boüilly & de Leumont , biffant Madame fa femme dans rifle# avec M de Beze & Mademoiselle fa fille , que M. Hoüclcon- duifit à la Capflcrrc, & les traita magnifiquement dans fa mai- fon; tafehant de divertir Madame la Generale des inquiétu- des continuelles où elle efloit de ce qui arriveroit à M. fon mary. II arriva le 15. à une heure aptes midy, à une demie lieue de la rade de Saint Chrifiophe, d’où il envoya le fieur de Bois- faye,fbn Capitaine des Gardes , porter les Ordres du Roy pour fa réception : Eflant arrivé à cent pas de terre, il fut rencontré par un canot, duquel ilappric que M. le Commandeur de Poin- cy efloit encore dans l’Ifle en refolution de ne point recevoir M. le General j à quoy le Capitaine des Gardes faifant fem- blant de ne pas adjoûter foy, continua d’aller à terre; mais eflant fur le poinét d’y defeendre, il en fut empefehé par le fieur Aubert , qui parodiant à la telle de fa Compagnie fous les armes, Iuy fit deffenfe d’avancer, & Iuy demanda ce qu’il vouloir : le fieur de Boisfaycluy répondit qu’il venoit de la part du Roy, par ordre du Lieutenant General des Ifles, pour don- ner les ordres de fa Majeflc au Commandeur de Poincy. Le fieur Aubert Iuy répliqua en l’interrompant, qu’ils ne vouloicnt point d’autre Lieutenant General que M. de Poincy, & quil ne recevroit aucun ordre 4c fa Majeflé; que ncantmoins il al» aux Ànt-ÎJlei de /’ 'Amérique. 19 $ îoic alfembler le peuple , & que le lendemain il pourroit venir quérir fa réponfe. Le i(6 i M. le General renvoya le fieur de Boisfaye en qua- lité de Lieutenant du grand Prevoll, affilié d’un Exempt, &c de deux Archers, pourlçavoir la réponfe: comme ileftoitpreft de mettre pied à terre, le fieur Aubert à la telle de trois ou quatre cens hommes fous les armes, luy dit que le peuple ne vouloit point d’autre Lieutenant General que M. le Comman- deur de Poincy , &c qu’il ne recevroit aucun ordre du Roy. Sur- quoy le Lieutenant du Grand Prevoll, tenant fon ballon à la main, luy dit qu’il avoit des Lettres du Roy adonner au peu- ple ; à quoy luy ayant répondu qu’il ne les pouvoit recevoir, & le peuple s’approchant de trop prez pour entendre ce que le heur de Boisfaye diloit , le heur Aubert le ht retirer à c oups de ballon, & dit au Lieutenant qu’il eut à s’en retourner; ce- luy-cy apres luy avoir dit qu’il faifoit fa charge, qu’ils priffient garde à eux, qu’il les declareroit criminels deleze-Ma]ellé,&: qu’il alloit faire Ion procez verbal de leur refus pourl’envoyer au Roy, retourna rendre compte à M. le General de l’eftac des affaires, &de tout ce qu’il avoit fait. M.Ie General fur le rapport du heur de Boisfaye, ayant alfem- blc fon confeil, apres qu’on y eut examiné tout le procédé des rebelles, & reconnu que M.de Poincy couvroit fa defobeïlTan- çe du prétexte de la volonté du peuple, l’on relolut d’aller au quar- tier de la Pomâre de Sable , où commandoit le heur de Lonvil- hers, neveu de M. de Poincy & Gouverneur de l’Ille ; &pour ce ffijet, M. le General ht lever l’Anchre fur les deux heures apres midy. E liant proche d’un quartier des Anglois nommé lagrandeRa- de> il envoya le heur Guinant dans la Chaloupe du Vailfeau du Roy, pour porter les Lettres de la Reyne d’Angleterre au General des Anglois de cette Ille: en approchant il vit un Ca- valier avec huiét ou dix fufeliers -, te luy ayant demandé s’il y avoit feurcté pour les François, V Anglois répondit par un tru- chement , qui fut reconnu dcmellique de M. de Poincy , qu’etiy, te qu il pouvoit defeendre en ah'eurance; comme il alloit met- tre pied à terre un autre Cavalier Anglois courant à toute bri- O o iij 294 Efiablijfement des François de, luy vint demander où il alloit, & d’où efloit la Chaloupe» le fieur Guinant luy répondit que la Chaloupe eftoit dubord du navire du Roy de France, 2c quil le prioitde le faireparler à M. le General des Anglois, à qui il avoit ordre de remettre des Lettres de la Reyne d’Angleterre. Ce Cavalier luy deman- da s’il venoit de la part de M. de Poincy; le fieur Guinant luy ayant répondu que non , mais qu’il venoit par les ordres de M» deThoify, Lieutenant General de fa Majefté tres-Chreflienne ez Mes de l’Amcrique, qui font fous fa domination, l’ Anglois commanda à fes Moufquetaires de tirer fur luy; ils n’en firent pourtant que la mine, & auffi-tofts’en alla à un gros de Cava- lerie, qui eftoit dans un fond à dix ou douze pas du bord de la Mer, dans lequel eftoit le fieur de la Vcrnade , mary d’une nièce de M. de Poincy; d’où eftant de retour, il dit au fieur Guinant qu’il n’y avoit rien à faire s’il ne venoit de la part de M. de Poincy , ce qui l’obligea de fe tétirer, & à peine fut-il à cinquante pas , que les Anglois tirèrent fur luy & fur une bar- que Françoife qui fuivoit le Vaifleau du Roy , en difant des paroles injurieufes & infolentes , qui obligèrent le Capitaine de cette barque de répondre par trois coups de canon ; dequoy M. le General luy fit reprimende , & le blâma d’avoir tiré fans fes ordres. Apres ces refus M. le General fut contraint de retourner à la Guadeloupe fans avoir rien fait. Il y arriva le z8. Novembre avec M. l’Intendant &M. deSaboüilly, l’un & l’autre malades* de voir fi peu de fucccz de cette affaire. Mais outre la douleur que ccsdefordres oaufoient à M. de Saboüilly, la perte de fa Charge , de fbn habitation , de fes efclaves , en un mot de la for- tune qu’il avoit tâché d’eftablir dans ces Mes depuis fept ans, augmentoit notablement fon affliétion & fà maladie. < Madame deThoify n’eut pas plûtoft nouvelle de l’arrivée de fbn mary , qu’elle revint de la Capfterre. Elle laifla M. Hoüel fort malade, qui ne laiffapas nonobftant fon indifpofition, de donner les ordres pour faire recevoir M. le General, qui luy eftoit venu rendre vifite , avec les honneurs ordinaires, & d a- voir foin de le faire traiter magnifiquement. aux Ant-Ifes de l' Amérique. *95 Entreprife de A4, du Parquet fur l'IJle de Saint Cbrifiopbe. Il y defcent , & fait pnfonniers les neveux de A4, de Poincy. Il efi défait , & fe fauve dans les bois. Il fe remet entre les mains du General des Anglois , par lequel il efi li- vré a A4, de Poincy. A4. Hoüel mene du fe - cours a A4, de Tboijy. §. iv. PEndant que l’on méprife ainli l’authorité du Roy en Iaper- fonne de M. de Thoify, & qu’il cherche tous les moyens pour la faire valoir , il fe prefenca une tres-belle occafion de réduire M. de Poincy à TobeïlTance. Trois Gentils-hommes nommés de S. Aubin & le Comte, coulins deM.du Parquet & Capitaines dans Saint Chrillophe, furenttres-mal-traittez,&receurent divers outrages, parce qu’ils n’eftoient pas dans les interdis de M.de Poincy ; quelques-uns mefme parlent de coups de ballon; de tous les outrages qu’ils receurent , il n’y en eut point de plus fenfible que l'affront que leur fit M. de Poincy, les traitans de beaux Gentilshom- mes de neige; car cette injure, les obligea de quitter fille &: de fe retirer à la Martinique auprez de M. du Parquet leur cou- fin, auquel ayant fait le récit dete qui Ieurclloit arrivé, &fur tout luy ayant exagéré l’injure qu’ils avoient reccuë de M.de Poincy; tous trois prirent refolution de s’en venger, en em- ployant toutes leurs foreçs pour ellablir M. de Thoify dans Saint Chrillophe Scen chalTerM.de Poincy. Ils partirent delaMar- tinique dans cette refolution, & vinrent à la Guadeloupe pro- pofer leur deflein , & les moyens de l’executer à M. le Ge- neral. Pendant qu’ils font en Mer, & qu’ils vaguent vers la Guade- loupe, les ficurs Hoiicl, de Leumont & Saboüilly, parfaite- i$6 EflabUjfement des François meut guéris de leurs maladies, s’aflemblerent chez M. de Tho îfy le ié.lanvier de l’année 1 646. pour aviferaux moyens de l’efta- felir & de dépofleder M. de Poincy ; ils luy propoferent à cér effet , de mener 400. hommes & les faire descendre à la Bafie- terre de Saint Chriftophe , avec des haches Sc des hoiies pour fe retrancher} adjoûtant qu’ils avoientdcja fait préparer 8000. livres de cafte pour ce fujet -, qu’ils choient affeurez de plus de 200. hommes de ce quarticr-là, &fe promettoient défaire foûlever le refte du peuple. Cette entreprife eftoit toute con- clue lors que M. du Parquet arriva à la Guadeloupe avec fes trois coufinsôc quelques-uns des plus braves de fon Iflei ayant trouvé ces Meilleurs qui deliberoient fur cette proportion, il leur dit qu’il avoit un moyen plus facile, qu’il eftoit afieurc de toute la Capfterre de Saint Chriftophe } qu’il avoir gagné la plufpart des autres , 6c qu’il fefaifoit fort de prendre prifon- ïiiers les deux neveux de M. de Poincy, de Lonvilliers 6c de Treval, qui y commandoient, de de les envoyer dans le navi- re du Roy. Cette proposition parut d’abord hardie, quelques- uns la jugèrent impoftible, d’autre dirent qu’il y avoit delaté- merité } ncantmoins comme M. du Parquet avoit la réputation de vaillant 6c de brave , s’eftant fignalé par mille belles a&ions, 6c qu’il eftoit généralement aymé de tous les habitans, on re- folut de fuivre fon deftein , 6c de Fy féconder autant que l’on pourroit, particulièrement quand il eut affeuré des intelligen- ces qu’il avoit dans Saint Chriftophe, avec les fteursla Fon- taine 6c Camo, qui eftoient les Capitaines les plus conftderez de ce quartier. Le 17. M. le General partit de grandmatin, fiefitexpedier un pouvoir à M. du Parquet avec des coppies de fa Commiilion, 6c des remifes des droits pourdefabufer les peuples , 6c plufieurs Lettres pour les fieurs Aubert, Giraud, Augé, 6c autres Officiers de Saint Chriftophe, mefme pour le General des Anglois, apres quoy il s’embarqua dansle Vaiffeau du Roy avec tousfesgens, M. du Parquet avec fes trois coufins, 6c trois Officiers de fon Ifle. Voicy l’ordre tel que M. du Parquetfouhaitapour l’execution de fon entreprife. aux Ant-IJles de t Amérique, 2.9 7 Commifiion de Monfieur de P'hoijy a Adonfieur du Parquet. ,,T E Sieur de Patrocles , Chevalier Seigneur de Thoi- «JLvfy > Confcillcr du Roy en Tes Confcils , Lieutcnanr ,, General pour fa Majefté aux Iûes de T Amérique. Nous „ ordonnons à tous Officiers te habitans de fille de Saint ,3 Chriftophe , d’executer les ordres que le fieur du Par- ,,quet, Gouverneur te Senefchal de la Martinique , à qui «nous avons donné cette prefenteCommiffion, jugera necef- ,, faites pour le lervice du Roy , comme de faire lire les Lettres ,,de fa Majefté aulieur de Poincy &. à la Milice, faire publier «nos CommiftTons; faire arrefter tous ceux qui s’oppoferontà «fes Commandemens ; commettre telles perfonnes qu’il vou- «dra pour s’afteurer des Corps de Garde, & généralement faire « tout ce qu’il jugera neceftajre pour nôtre eftabliftemcnt,jufques «à ce que nous foyonsprefens dans ladite Iflc, &que nous ayons « pour v eu, fuivant le pouvoir que nous en avons, à la Charge «de Gouverneur, vacante par larebellion du fieur de Lotivii- «Uers, lequel pour cet effet nous deffendons expreflement à «tous lefdits Officiers & habitans de plus reconnoiftre ; ains leur ,, enjoignons de prefter la main à ce que luy te fes complices «foient arreftez , mis entre les mains dudit fieur du Parquet , te «par luy envoyez devers nous. Faitcnnoftre Hoftel delà Baffe* ,, terreà la Guadeloupe le 17. Ianvier 1646. Signé de Thoisy. «Et plus bas, parmondit Seigneur, Besnard. M. Hoüel fans s’offenfer de ce que fon advis n’avoir pas cfté fuivy, retourna à la Capfterre pour faire équipper fa barque & y fai?e mettre zooo. livres de cafta ve , avec ordre au maiftee qui la devoit conduire, de paffer par le Culde Sac , & de prendre tou- tes les tortues des varreurs pouf la fubfiftance des foldats qui eftoient à la fuite de M. le General. M. de Saboiiilly qui fou- haitoit aveepaffion d’eftre de cette belle entreprife,& d’en parta, ger la gloire avec M. du Parquet , monta dans cette barque pour l’aller j oindre dans le V aiffeau du Roy. I. Partie. Pp f u Eftablijfementdes François Le 18 M le General arriva âl’IOe des Niévres, qui appar- tient au:: Anglois & quieft voifine de celle de Saint Chnfto- phe , d’où il fit partir M. du P arquer avec les deux fieurs le C om- re & le fleur de Saint Aubin dans la Chaloupe du navire du Roy, commandée parle fieur Aubry, Lieutenant du Capitaine Bon- temps pour executer Ton entrepnfe. Eftant arrivez a la Pointe A, sable furies dix heures dufoir, M. du Parquet alla droit au Corps de GardeiOÙcommandoitle S.de la Fontaine Capitaine de ,, Quartier , qui avoit déjatellement difpofé fon monde , que la Commiffion de M. le General y avoir eftéleue avec tant de fausfaftion des habitans qui eftoicnt de Garde, quils avoient tous crié , vive le Roy 8c M. le General de Thoify. «envoya incontinent toutes les Lettres dont il eftoit charge aux petfon- nes àqui elles s'addreffoient , 8c particulièrement au R.l . Luc Camicin, qui futavee le fient de laFontaine trouver M. Came, ^ Ptous deux enfemble amafferent durant la muft trois ou quatre cens hommes , que ce bon Religieux exhorta a fou- teuir avec courage l’authoricé du Roy. ^mlquels il donna abfolu- U Pendant que les fieurs de la Fontaine 8c Camo affemblent du monde, M. du Parquet accompagné de fes trois coufins , 8c des nommez Tanneau 8C d’Orange, fut attaquer la mai fon des ne- veux de M.dePoincy; 8c ayant d’abord enfonce la poite avec violence , les arrefta dans leurs lifts , 8C les fie charger fur les épau- lés de leurs propres Negres, pour les conduire dans la Chaloup , qui eftoit prefte au bord de la Mer , pour les mener dans le navi- re du Roy: il ordonna aux deux Meilleurs le Comte, 8c aux fil - nommez d’Orange 8c Tanneau de les y conduire , ne retenant âv« foy que M de Saint Aubin, avec lequel .l retourna a fon Corps de Garde pour y attendre ceux qui seftoient fou- kMais M. de Poincy ( à qui le General des Anglois avoir jro- mis toute afliftancc ,jufquesà périr avec luy pour le deffen ) uriciooo. Anglois, & ce qu’il pût amaffer de fes plus affidez ,at- taauaM duParquet dans ce Corps de Garde ;& apres avoir cai - êenpicce.o. ou 6 o. hommes qu il avoit avec luy, le contraignit ^ner es bois^ enfuite 2 fit marcher fi petite armee vers aux tAnt-îjles de F Amérique. z 99 la Capfterre, où n’ayant pas trouvé beaucoup de refiftancc il mit tout en déroute, de forte que les fieurs la Fontaine & Camo fc virent abandonnez de leurs gens , & fe trouvèrent réduits à la mefme neceflité que M. du Parquet, defe fauverdans les bois pour güarantir leur vie. Quelque diligence queM. du Parquetpût faire pour rejoin- dre les fieurs la Fontaine & Carnot, qui s’eftoient réfugiez dans les bois avec 300. hommes, il ne les pût jamais rencontrer, c’cfî: pourquoy ayant efté trois jours &: trois nuiéts fans boire & fans manger, tout harafie du chemin & à demy mort des fatigues in- croy ables qu’il avoit fouffertes depuis le 1 8 . du mois , il crut qu’il n’yavoitperfonne dans fille à qui il pût fe confier qu’aux PP. Capucins-; mais dans la penfée qu’on auroit mis chez euxquel- que garnifon, ifattendit la nuid,& fur les onze heures du fbir fe gliffant par des haziers alla par derrière leur maifon gratter doucement à la feneftre du R. P. Gardien. Ce bon Pere fut fort réjoiiy de l’entendre ; mais voyant la grandeur du péril où il s’expofoit, apres l’avoir averty qu’011 avoit mis des foldats dans leur Couvent pour le furprendre ,M.de Poincy fe doutant bienquüyfowroit venir , il leconfefia, Iuy don- na à manger, l’infiruifit de l’effat des affaires, & luy confeilla de fe retirer chez le General des Anglois, croyant qu’il le pren- di oit fous fa proteûion , & luy fourniroit une barque pour fe retirera la Martinique. Quelque peine qu’il eut à s’y refoudre, l’extrême neceffité où il fe voyoit réduit, &: les protefiations d’a- mitié qu’il avoit cy-devant rcceuës de Y Anglois, i’obligerent de s’aller mettre entre Ces mains pour fe garantir des violences de M. de Poincy, Ille receut avec beaucoup de civilité , luy promit toute forte d’affi fiance, & le traita en apparence avec tant de marques d’efH- me & d’amitië, que M. du Parquet commançoit à fe repentir des foupçons qu’il avoit eue de fàfidelitê. Mais ce perfide envoya incontinent avertir M. de Poincy de ce qu’il tenoit chez luy le Gouverneur de la Martinique; aufîi-toftM. de Poincy fit monter toutfon monde à cheval, & les envoya en diligence au quartier du General Anglois, où eftant arrivez ils invelfirent la maifon du General qui cftoit à table avec M. du Parquet, lequel fc 3 o o Efta blijfemen t des F ranç ois voyant fi lâchement trahypar l’Anglois , Te fai fit d un couteau pour luy enfoncer dans le iein, mais ce perfide évita le coup, forcit de fachambre , & laifla emmener M. du Païquet à M. de Poincy, quile fit mettre en une forte prifon dans la cour du chafteau, avec quatre foldats dans fa chambre , pofant deux Corps de Gardes au dehors de chacun foix ante hommes. M. du Parquet avoit donné ordre à fes deux coufins qui conduifoient les neveux de M. de Poincy prifonniers , de dire à M. le General de Thoify , quil le vinttrouverà la Poiniïede Sable , qu’il en eftoit le maiftre , ce qui l’obligea d’écrire cette Lettre à M. Hoüel Gouverneur de la Guadeloupe. O NS JE VR ) c ,, Auifi-toft que nous fommes arrivez aux Nievres , nous avons „fait deux prifonniers , Meilleurs de Lonvilliers & de Treval, „ c’eft le commancement des belles aéiionsde M. du Parquet, ,.,il y a eu neantmoins quelque mauvais bruit qui a couru qu il ■„ tient les bois dans la Poinéfe de Sable; mais pour moyjecrois ,, qu’il eft maiftre de tout le quartier , hors d’un Corps de Gar- „ de qu’on a repris fur luy. le vous prie de faire venir M. de ,,SaboüilIy. Vousfçavez ce queje vousay dit, jefouhaite avec ,, paillon qu’il foit icv pour ces raifonslà; il efc auili important ,,que M. l’Intendant vienne , & fi vous pouvez m envoyer quel- „ que nombre de braves hommes , c’eft à dire le plus que vous „ pourrez, cela fera fort bien. Cependant faite faire bonne gar- „de en voftrelfie, &c.je ne vous mande pas que vous veniez, „ parce que je crois que s’il eft en voftre poftible , vous vou- „ drez en avoir voftre part. le fuis. MONSIEVR, Voftre tres-humble &: tres-affe&ionné fervitcur, de Thoisy. *•,, M. Hoüel ayant confulté M. l’Intendant fur cette Lettre ,il aux Ant-Ifles de t Amérique. 301 Iuy confcilla d’y aller en perfonne avec toutes Tes forces, luy témoignant bien du regret de ce que fon âge & fa maladie l’cm- pêchoient de fe trouver à cette eccafion,où il cutfouhaité defer- virle Roy au dépens de fa vie. 11 fuivit fon Confeil, donnant advis aux Officiers des quatre Compagnies, qu’il s’en alloit à Saint Chriftophe trouver M. le General, & ordre à ceux de la Baffe-terre de commander izo. fufclicrs & ioo. à ceux de la Capfterre, outre foixante hommes qu’il mcnoitdcchez Iuy. Il avoir rcceu cette nouvelle dés le Mercredy; mais fes ordres n’ayant pû eftre exécutez pl ûtoff , il ne partit que le Dimanche avec trois cens hommes qu’il embarqua, partie dans le navire du Capitaine VoIIery , partie dans la Chaloupe du Capitaine Bon- temps , &: il fe mit dans fa propre barque. Le z8. il arriva à la rade des Niévres, où d’abord il fcfaifit dune Chaloupe Angloifc , & apprit de celuy qui la comnian- doit, que le navire du Roy avoit levé l’Ancfire depuis deux jours, & qu’il eftoit moüillé à la Pointte de Sable , d’où il con- jedura que les affaires alloientmal. Il ne laiffa pas d’aller en ce quartier, où il apperçeut quatre naviresà la rade, entre lef- quels il reconnut celuy du Roy: M. le General envoyale fîeur Saint Efmc, Enfcigne de fes Gardes, luy faire civilités Iuy direenfecret que M. dcPoincy tenoitM. du Parquet prifonnier; incontinent M. Hoücl fort furpris de cette nouvelle, ayant cfté trouver M. le General à fon bord, il le pria d’aller mobilier aux Niévres , où il ne manqueroit pas de fe rendre pour refoudre ce qu’ils auroient à faire encette conjondure. Si-toff que M . de T hoify eut appris que le General des Anglois avoit violé la parole qu’il avoit donnée à M. duParquet,&que contre la foy promife il l’avoit livré entre les mains de M. de Poincy,ill’envoya fommer de la part du Roy par lcSieur Gre- nier, Lieutenant de fes Gardes, de le Iuy rendre ; mais la Garde Angloife l’ayant empefehé de defeendre, ôc M. de Thoify ne fçaehant à quoy ferefeudre ,il pria les Sieurs de Lonviîliers &: de Treval d’écrire au Sieur de la Vernade leur beau- frere, afin de porter comme d’eux-mefmes les chofesàun accommodement. „Dés le lendemain M.de la V ernade leur répondit:Qif il n’y avoir point d’accommodement, & que le traitement qu’on faifoit à Ppiij 3 02. Eftablïjfement des François „ M. du Parquet qu’ils tenoient , égaloit bien les civilitez qu’ils 35 rece voient de M.. de Thoify. Ce font les termes de fa Lettre. Cependant M. de Thoify ne laiffoit pas de tenir la mer , & de croifer, pour apprendre des nouvelles des réfugiez , afin de bffer le peuple qui efioit jour & nuit fous les armes 3 & pour tenter quelque defeente ; ce qui ayant efte trouve impofiible, il envoya le Sieur de Guynant dans vne Chalouppc armée 3 le Sieur de S aboüilly dans une Barque 3 pour reconnoiftrc la garde de la Baffe-terre , & pour effayer d’y defeendre ; mais ils trouvèrent la code fi pleine de foldats3qu ils ne purent iamais exécuter cét ordre. Le plus fenfible regret deM.Ie General, cétoit de ne pou- voir apprendre de nouvelles certaines de M. du Parquet, qui! fçavoit eftre entre les mains de. fon ennemy; il eut encore re- cours au crédit de fies Prifonniers, qui en ayant prie le Comman- deur de Poincy leur Oncle, envoya le Capitaine Courpon à M. le General, luy dire de fa part qu’il n’empefeheroit pas qu’il écrivit à M. du Parquet, ny mefme qu’il l'envoyait vifiterpar quelqu’un de fes gens. M. le General fort réjoüy de cette ou- verture , fit partir le fleur Grenier , Lieutenant de fes Gardes, qui fut conduit dans fa prifon,otril luy donna les- Lettres dont il efioit chargé j. & apres luy avoir fait connoiftre la douleur quer M. le General avoir de fa captivité , M. du Parquet luy dit qu’el- le luy efioit trop glorieufe , & qu’il l’affeuraft qu il efioit refolu d’achever avec autant de gloire comme il avoit commencé, quand il devroit demeurer dix ans dans les prifons, & quil avoit donné toutes lès Lettres au General des Anglois & aux au- tres. Cette liberté de l’envoyer vifiter dura quelques jours j mais M- de Poincy craignant que ce commerce ne donnafi lieu à de nouvelles intelligences avec ceux de fon Ifle,empefc ha quelques Gardes & un laquais que M. le General y avoit envoyé d y def- eendre. : . Enfin M. le General ne voyant aucune apparence de reduire M. de Poincy dans le devoir , avec fi peu de forces , retourna aux Niévres trouver M. Hoüel,où il affembla fon Confeil, & Ion y refolut de retourner à Ia^Guadeloupedls y arrivèrent le çroifiéme aux Ant-IJles de l'Amérique. 3 o \ Février} Mais auparavant que de voir cette pauvre Ifiecn çom- buftion, par lesfoupçons & la jaloufiequc le Gouverneur conceut de l’authorité de M. le General , arreftons-nous à Saint Chri- ftophe pour y confiderer les traitemens cruels qu’on fit à ceux qui n’eftoientpas dans les interefts de M. de Poincy. Expulsion des PP. Capucins. L'on mal -traite tous ceux que l'on foupçonne du party de AI. de 'Thoijy. Efirange jupphee d'un François & de quelques efclaves. Les Sieurs de la Fon- taine & Camo fe (auvent, & repaient en France, S, v. DEux jours apres Fcmprifonnementde M.du Parquet } M. de Poincy fit arrefter les RR. PP. Capucins. Le Supérieur ne voulant pas laifïer le tres-Sainél Sacrement expofé aux im- pietez d’une loldatefque , ny à la fureur d’un peuple révolté, s’en faifit -, ils furent tous conduits, le Pere Gardien tenantle Saint Sacrement à la main, jufques dans la maifon de la Compagnie à la veue des Anglois qui eftoient dans le Corps de Garde des François, lequel ils remplirent jufques au 15. jour du mois de Ian- vier- Le R. P. Hyacintheparla courageufement à M. de Poin- cy en prefence du peuple; il Iuy reprocha fes violences, &. luy foûtint hautement qu’il l’avoit prié par trois fois de prefeher pour le reftabliiïement des magazins, ce qui paffoit pour un mo- nopole odieux, & luy dit plufieurs autres chofes de cette force qui offenferent extrêmement M. de Poincy. Eftant dans la prifon, il remonftraau peuple qu’ils eftoient obligez de rendre obeïf- iance aux volontez du Roy, ôc dit que M. de Poincy n’avoit plus de Commiftion, & que ceux qui embrafferoient fon par- ty contre M. de Patrocles,fc rendroient criminels de Ieze-Ma- jefté. Apres trois jours de prifon , ils furent chaftezde l’Ifie de Saint 304 Eftablijfement des François Chriitophe, portant toujours le tres-faint Sacrement à la main, & chantant le Pfalmc In exitu ifra'él de aÆgypto. Ils vinrent a la Guadeloupe , où nos Peresles- receurent avec route la charité qui leur fut poilible. D’où l’on peuc juger avec quelle fine e ri- te le Sieur de Roche fort a écrit , quils furent difienfe^ de ch anfloy du commun advis des hxbitxns qui les congédièrent civilement. Les boutefeux de la perfecution ne craignant plus les remontrances de ces bons Peres, entreprirent ouvertement la perte &: la ruine des Patroclcs , c’eft à dire, de ceux qui avoient foutenu le party du Roy; on menaça de jetter dans la mer les femmes & les enfans de ceux qui avoient elle contraints de fc réfugier dans les bois. Le Capitaine Gremon,par ordre de M. de Poincy mit à prix les telles des réfugiez , &: particulière- ment celles des Sieurs de la Fontaine & Carnot, quilmit cha- cune à 10000. livres de peèun , payables à ccluy qui les ap- porterait. Antoine Marie âgé de iz. à 13 .ans, pauvre ferviteur du S .Camot, fut pris & accufé d’avoir eu communication avec eux, &: de leur avoirportedes vivres, onle preffii pour l’obliger à découvrir le lieu de leur retraite; & comme on vit qu’il ne vouloir rien dire,on luy mit deux mèches allumées entre les doigts de chaque mair^ce qu’il, foufFrit avec une patience invincible , & fc vit tomber les doigts fans Ce plaindre & fans dôner à ces bourcauxla fatisfa&ion d’apprendre le lieu où efloit fon maiflre & les autres fugitifs.Ces . cruels n’en demeurèrent pas là, car attribuant fon admirable fide- lité à une opiniâtreté malicieufe, iîs luy donnèrent le fronteau avec tant de violence, qu’en tournant les deux ballons qui luy ferroient une corde à l’entour de latefle, on entendit craquer fon crâne, dontil mourut huiét jours apres , ayant efté confef- fé parles RR. PP. Capucins, qui luy adminiftrexent aulfi le S. V iatique avant leur départ. Tous ceux qui furent foupçonnez d’avoir efté du party de M. de Thoify, furent bannis de i’Ifle , apres avoir efté battus à coups de canes. On pilla les biens des réfugiez : on les pourfui- vit avec tant de diligence, que ces pauvres mal-heureux voyant qu’on les faifoitquefler &: éventer par des chiensSc des Negres, & qu’on leur donnoit la chafTc comme à des belles, la plufpart aban- mx Ant-ÏJles de F Amérique. 3 05 abandonnèrent leur vieàlamercy des ondes de la Mer, de Ce mi- rent fur des piperis, qui ne font autre chofe que 3. boifes attachées enfemble, avec des éguillettes de M ahot , pour gagner les Ifles de Saint Euftache ou de Saint Martin , où quelques-uns arrivèrent, les autres ayant efté noyez en chemin , & le refte vint implorer la clemcnce de M. de Poincy , qui leur pardonna j mais à ces condi- tions, ou de fc retirer en France dans le premier V aifleau,ou dans les Tjles des Vicrges , qui cftoient comme les Gallere3 de Saint Cnftophe, oùi’oncnvoyoit ceux qui cftoient fuipeds. L’un des premiers bannis fur un tres-eelebre Religieux de nô- tre Ordre, Hybernois,& Millionnaire ApoftoÜque pour les peu- ples de fa Nation , nommé le Pcre de IaTrinire ; il arriva à Saint Chnftophe au plus fort de ces de/ordres-, & comme ii eftoittres- fça vaut & de grande pieté, M. de Poincy le logea dans la maifon, & fc fervit de luy pour la dire&ion de fa confidence. Ce bon Re- ligieux fit tout ce qu’il pût pour modérer les violences qui fç fai- foient dans l’Ifle; mais ayant veul’emprifonnement des PP. Ca- pucins, les outrages qu’on leur fit, & leur expuîfion injurieufe à l’EgIifc,nepouvantplus retenir fonzele ,il reprit aigrement M. de Poincy , &le pria de luy permettre de fc retirer à quelque Ifle Françoife; ce qui luy ayant efté rcfufé , il fut traité de Patrocle de d’ennemy, & peu de temps apres il fut mis dans une Chaloupe avec dix ou douze autres,^: envoyé en exil aux Ifles des Vierges; mais ayant un peufloüé a vaut le vent, ils abordèrent à Saint leati de Port-lie , où eftans defeendus, fept ou huids’eftans avancez un peu dans la terre pour chercher à manger, ils furent rencontrez par quelques Efpagnols , qui n'eftans pas aflez forts pour les tuer, leur firent bon vifage, Scies menèrent dans une marte rie , qui cft comme une ferme ou mcftairie , où leur ayant donné à manger, apres avoir receu du ficoursils les tuèrent à coup de lances, ils en firent autant des autre s qu’ils trouvèrent fur le rivage, fans don- ner quartier qu’au Pcre de la Trinité, lequel ayant efté ren- contré priant Dieu à genoux entre deux rochers, ils fut conduit à la Ville , de mis dans le Convent de neftre Or- dre. M. de P oiney fit embarquer dans le navire du Capitaine Lor- micr, Vincent Avernay, Larcher de le Gaugeur , de nous ferons I, Patier. Qjq $oé Eflabliffement des François bien-toft I’Hiûoire allez tragique des autres qui furent en- voyez dans ces Ifles des Vierges avec le nommé le Verrier , qui les y devoir commander. Ce mefme Capitaine Grenon qui avoit mis à prix la telle des réfugiés, s’avifa encore d’vn ftratagêmc horrible &C detella- ble pour les attraper; car fçaehant qu’ils mouroient de faim, parce qu’ils n’ofoient fortir du lieu de leur azile, il fit mettre vn ba- ril de lard à l’entrée du bois avec des fentinelles qu’il fit ca- cher, pour tirer fur ceux qui paroiftroient. Vn de ces pauvres mai- heureux nommé Iean Durer, eftanc venu à ce piege pour foulager la faim qui le prefioit , fut tué par ce Capitaine, qui luy fit couper la telle avec le couteau d’vn nommé des Forges, qui l’apporta à M. de Poincy ; & après qu’on luy eut coupé le nés & les oreilles, on en joüaà la boule , & celUy qui l’avoir apportée reçeut pour recompenle 500. liurcs de Petun,des mains du lieur V allô Receveur du public. Les Negres du lieur delà Fontaine ayans ellé furpri s en por- tant des vivres à leur Maillre, furent battus avec outrage ;on leur déchira tout le corps â coups de Liannes, & on les mit tout en fang pour leur faire confelîer où ils elloient : ils demeurè- rent inébranlables dans leur fidelité ; SC quoy qu’on les mena- çât de la roiie&du feu, ils ne voulurent jamais rien déclarer. Ce qui mit les Officiers en telle fureur , qu’ils leur firent cruel- lement couper les doigts des pieds, pour les empefeher d’aller continiier davantage ce charitable office , & pour réduire ces deux pauvres Capitaines à apporter eux-mefmcs leurs telles à M. de Poincy. Ces deux mal-heureux Capitaines qui s’elloient cachez dans un grand figuier, & qui s’elloient revellus de feüilles d’arbres, de peur d’ellre apperceus,ou éventez par les Nègres , ou par les chiens, n’ellant plus fecourus de leurs fidels efclaves, tom- bèrent malades , particulièrement le Sieur Camor qui devint hydropique : tellement que l’un & l’autre ne ouvant plus lub- filler dans ce pitoyable cllat , ils refolurent^e gagner le bord de la mer à la faveur de la nuit; & que le Sieur de la Fontai- ne, qui nâgeoit parfaitement bien,iroit feul implorer la mife- ricorde du Capitaine du premier Navire qu’il pourroit abor- der. aux Ant-IJles de t Amérique. ^07 Ceîa fut exécuté comme ils l’avoient conclu ; & par une Pro- vidence de Dieu trcs-particuîiere , ce Navire où il s addrefla pour cftre fecouru , cfloit le Navire d’un Capitaine Breda deFieflin- gue , fon meilleur & fon plus intime amy ; qui ayant entendu pa- roger à 1 entour de fon Vaiffeau, & ayant reconnu que c’elloit un homme qui demandoit de î’affiftance , il Iuy jetta une cor- de &:Ic tira dedans. Sellant reconnus tous deux fur le Pont, ils s embrafTerent , & furent long-temps fans fe parler que par leurs larmes. Ce Capitaine Zclandois ayant un peu cffiiyé les fiennes , luy dit ; Mon cher M. de la Fontaine , il faut que ie rifque pour. 1 amour de vous, ma vie , m©n bien qui efl dans Saint Chriftophe, & celuy de mes Marchands ; car M.dcPoin- cy a fait deffenfc à tous les Capitaines , tant François qu’E- trangers, d’avoir aucune communication avec vous , fur peine de la vie , voilrc telle & celle du Sieur Carno font à ioooo. livres de petun ; fi mes gens qui dorment fous le tillac s’éveil- lent , nous fommes perdus tous deux ; c’efl pourquoy cachez- vous promptement dans ma Cabane , de peur que quelqu’un ne vous voye , & demain je leveray l’ancre , j’abandonneray tout ce que j ay dans l’Ifle , & vous conduiray en Hollan- de. Le fieur de la Fontaine luy repartit ; Mon cher amy, vous fçavczquela fortune dufieurCamoeflinfeparable de la mien- ne , il efl fi malade au bord de la mer , qu’il ne fe peut re- muer ; fi vous ne pouvez vous refoudre à l’aller quérir dans voflre efquif, je mc‘rc)etieray à la mer pour aller au moins mourir auec îuy. Il eut bien de la peine à l’y faire condefcen- dre ; & comme la compaflioixn’agiffoit pas fi puiffamment dans fon efprit envers le fieur Camo,que i’amitié envers le fieur de la Fontaine , il fit beaucoup de difficulté , mais voyant fon amy prefl a fe jetter en Mer , & à s’aller expofer à de plus grands dangers, il luy dit; Hé bien, puis qu’il faut tout perdre , perif- fons avec nos amys; auffi-toll il defeendit dans fa chaloupe, & ayant elle quérir le fieur Camo à terre , il l’amena dans fon Navire , les cacha tous deux dans fa Cabane ; & le lende- main feignant d’avoir affaire à l’ifie de S Euflache , il fit ve- nir a bord tout fon équipage, embarqua ce qu’il a voit de prefl, 9a ÿ |o8 Efiabliffement des François leva ranchre,&: laiffa tout ce qu’il av oit dans S. Chriftophe à Sa discrétion de M. de Poincy , qui pourtant tomme j’ay fçeu depuis, ne luy fit aucun tort. Us vinrent en France en vn équipage qui faifoit compaffion; & ayant efté introduits aux pieds de la Reync Mcrc , ils luy firent vn récit de la rébellion du fieur de Poincy , & des vio- lences qu’on exerçoit à S. Chriftophe contre tous ceux qui avoient témoigne s’intcrefferdansle partyduRoy. Cette pieu- fe Princefîe leur donna 2000. Iiurcs à la Pollicitation de Mada- me de Patrocles , mere de M. le General, en attendant que les affaires s’accommodaffcnc , &: que laCommillion du Roy fut reconnue dans S. Chriftophe, comme elle cftoit dans les autres .Mes. M. tioüel jaloux de Fauthorité de M. le Gene~ f ral, fi brouille avec luy . Il fe reconcilie four obtenir de luy la Déclaration du Roy, four la luflice Souveraine . § , v u Sl-toff que le fieur Hoüel vit M le General de retour dans fon ï fie, jugeant félon toutes les apparences qu’il y demeure- roit long-temps, il crut qurl y recevroit tous les honneurs; Sc que par la grande affabilité qui luy eft naturelle , il gagneroit facilement les cœurs des habitans, âtdes eftrangers, & quainfi il n’auroit plus dans fon îfic qu’une ombre d’authorité ; c eft ce qu’il luy fit concevoir une fi effrange jaloufie, qu’il fut impoffr- bie à tous fies amis de l’en faire revenir, ce qui luy faifânt pren- dre les moindres bagatelles pour des affaires de conleq.uencc,ii portoit les chofes à de fâcheufés extrémitez. tld'siv'u' 1 Nulla fies Regni facijs , omnifipue potejîas Impatiens con finis erit. M. le General s’accommodant à fa foibteffe , ferma les yêux À beaucoup de chofes, pour ne le pas aigrir, ôc mefme luy çn accom ■ aux Ànt-IJl es de l* Amérique. ^ o 9 Nous par ces prefentes lignées de noûre main, defadvis I. Partie. Rr aia EjlablilfcmM des FrMçots de la Reyne Regente noftre très -honorée Dame SiMem, . avons D e claré, S tatué, & Ordonné, Déclarons Statuons, & O r- donnons, Voulons & nous plaift, que tous les procez & difteiens tant Civils que Criminels, meus &. à mouvoir entre noldits u- tets les habitans des ïfles de l’Amenque , fur les plaintes ap- pellations inter jertées des Sentences Iugemens rendus, ou -qui fe rendront cy-apres par les luges ae édites Ifles, feront jn- Fcz & terminez refpedivement en chacune débites ïfles par celuy qui commandera pour lors en icelle , appcllcz-avecluy le nombre de, graduez requis par nos Ordonnances, fi.tant yen ,a dans l'on Ule;. & au defFaut de graduez jufques au mombre de huift des principaux Officiers.^ habitans d iceUe chacun a leur égard, &:.ccr (ans aucuns frais : ht pour cet eftot^nn que nofditsfujets fçaehent devant qui ils fe doivent pourvoir: Vou^ ions que huitaine. apres la publication & enregistrement des .Prcfentcs.au Greffe de la luftice ordmaire , -les Gouverneuts de chacune defdices ïfles nomment ceux qui les doivent aililter en L’adminiftration de laditelulhce, pour s affembler a certain competant jour & heure, au lieu quufera par eux advife c plus commode, au moins une fois le mois, fans quil foit be- foin de prendre autre Procureur pour nous ou Greffier que ceux de la luftice ; ordinaire, qui feront tenus de faire regiftres diftinds &c feparez de ce qui fe traittera devant les premiers luges ou devant ledit Confcil, & le tout jufques a ce que nous ayons pourvoi aux Charges de la luftice Souveraine , & qu au- trement en ait. efté, par, Nous ordonné. Si donnons N mandement à noftre amé U féal Lieutenant General i- tes ïfles de l’Amérique le fleur Patrocles deThoify, & aunes Commandans efdites ïfles, chacun en droit foy , que ces 1 re- ventes ils faflent lire, publier, & regiftrerez Regiftres des lu- nfdidions ordinaires d’icelles, à ce que perfonne ncnpieten- de caufe d’ignorance ayent de leur part a^executer le con- tenu en icelles félon. leur forme & teneur. Car tel eft noftre plaifir. Donné à Paris le premier jour d’Aouft l’an de giace i6a< & de noftre Régné letroifiéme. Signe Lovys; & fui le reply, parle Roy & la Reyne Regente fa.Mcre prefente, de Xomenie , fcellé du grand Scerau deçire j aime ftjr dou , .c queue. aux AntJJfcs de r Amérique. fi$ Nouvelles broüilleries a la Guadeloupe. L e Ca- pitaine Boutain porteur d'un manifefie fedï- tieux efl fait prifonnier. Ordre de Ad. le Ge~ ne? al défaire fin procel^. Le Confeil Souverain composé par le fleur Hoüel , donne fon premier Arrefi , contre le Lieutenant du grandPrevojl . Quelques mutins prefintent requefle pour ejlre exempts des droits . §. vu. COmme les peuples tafehent toûjours de profiter de la dî- vifion de ceux qui leur commandent, il y eut quelques mutins qui fe foûleverent à la Guadeloupe, ôcy firent desa£ femblées fecrettes, où ils refolurent de demander exemption de la garde-, & apres avoir commis plufieurs infolences, ils excitè- rent une fedition qui penfa ruiner les affaires du Roy & delà Compagnie. M. le General s’eftant informé du nom des principaux ha- bitans qui s’cftoient trouvez à ces Afïèmblées feditieufes, en fit venir feparément jufques à vingt dans famaifon , où il leur fit une réprimandé animée de tant de zele , qu’ils Iuy confefTerent leur defïein de prefenter requelte, à M Hoüel pour les taxes & la cherté extraordinaire- du fieur Bontemps, & pour les droits de cette année » ils avouèrent que quelques-uns , dont ils ne fça voient les noms, s’elloient emportez à des paroles d’injure 5c de mépris, pour lelquels ils luy demandèrent très- humblement pardon. Il leur dcffenditde fe plus afTembler , les menaçant de chaftier exemplairement ceux quiiroient contre cette defFenfe-, Ayant témoigne ce regret de leur faute, il les renuoya, & commanda aufieur delà Bazilierede prendre gatr de à fon quartier, & qu’il répondr oit en. fon propre 5c privé Efiablijfement des François nom de tout ce qui s’y t croit contre le fervice du Roy ou dû la Compagnie ; neanemoins pour faire connoiftre au peuple U part qu’il prenoit dans leurs intereffs, & l inclination avec la- quelle il eftoit venu de France pour les fervir & les obliger, il fit publier le il. Aouft des remifcs d’une partie des droits, & donna des alternances défaire accorder des abolitions pour la fê- dition qui avoir efté faite. Le zî dumefme mois M. Hoüel nomma ceux qui dévoient affifter au Confeil Souverain defon Ifle, à fçavoir le fleur de Leumont, Intendant General des affaires de la Compagnie; le fleur de Saboüilly, Major General de toutesdes Mes; les fleurs la Ramée Capitaine, du Me Capitaine, de la Baziliere Capi- taine, du Pont-Major de l’Ifle, Trezei habitant, Cflcvrolier, du Puys, & un nommé Defmiers. Dez le lendemain prenant avantage de cette Déclaration du Roy, que M. le General ne luy avoit confiée que pour -ache- pterla paix fon amitié, il te fit prefenter une requefte par le nommé Defmiers contre le fleur de Boisfey , Lieutenant du grand Prévoit , qui avoit commencé leprocez Criminel des neveux de M. de Poincy , à fafollicitation &: de M. l’Intendant, pour annuler ces procedures, & tafeher par ce moyen de le remet- tre bien avec le fleur de Poincy pour y mieux parvenir, ou- tre cette requefte extorquée , il tira encore du fleur du Pont Greffier, une Déclaration, portant qu’il n avoit pas enregiftréla Commifîion du Lieutenant dugrand Pre voft , pour l’acculer de nullité, & par confequent toutes les procedures faites taire contre les fleurs de Lonviltiers&de Tréyal pnfonniers d Eirat. L.es fleurs Defmiers & duPont ont témoigné depuis par leur Dé- claration toute contraire, la violence que-M Hoûel avoit exerce .en leur endroit pour tirer d’eux ces pièces, qui ont donne lieu a tant d’in juftices. , . , _r .r Dans ce mefme temps le fleur Bontemps , Capitaine du V au- feau du Roy , donna advis à M. le General qu’il avoit rencontre a la Martinique un navire Rochelois commandé par le nomme Bcmtain , qui avoit paffe à la Guadeloupe fans luy avoir rendu fes fourni liions, il y avoit bien flx femames.; & qui avoit cfte a Saint Chriftophe, d où-il avoit apporté à la Martinique des Let- aux Mnt-Ifes de l* Amérique. 317 très de la parc de M. de Poincy addreflantes au fleur Lefperance» avec un manifcflefeditieux dont il avoit auffi apporté une copie qu’il avoir fait voir en fecret à plusieurs habitans;& que craignant que cela n excitaft quelque trouble dans des efpritsqui n’y étoient que trop portez , il avoit confeillê au fleur de la Pierriere» qui commandoità la Martinique, de fe faiflrdece. Capicainçi&:dc lonnavire, jufques à ce qu’il eut receufes ordres. Le fleur Füeillet, Commis deMeffieursde laCompagnie à la Martinique , écrivit lamefme chofe à M. l’Intendant, adjoutant quelc (leur de la Pierriere ayant eu communicationde ce mani- fefte de M. de Poincy, &c voyant que s’il avoit une fois cours dans l’Ifle, que toutyferoit en feu & en combuflion , il avoit mis le Capitaine Boutain auxfers ;il adjoûtoitdans cette mefme Lee. tre que le bruit eftoit commun à la Martinique , que M. de Poan- cy avoit fait attraper dans les bois deux réfugiez, dont l’un avoir eu la vie fauve , & l’autre qui s’appelloit la Porte habitant du quartier de la Pointe de Sable , avoit cfté tué fur le champ, & fa telle mife au bout d’une pique devant le Corps de Garde. SurcétadvisM.le General, apres avoir pris confeildu Sieur Hoiiel & de l’Intendant , envoya une Ordonnance aux Officiers de la Martinique , pour faire le procez à ce Capitaine. Ccmmifion de M. le General aux Officiers de la Martinique , pour faire le procès au Ca- pitaine Boutain. LE fleur de Thoify Chevalier, Confeiller du Roy en fes Confeils, Lieutenant General pourfa Majeftc auxlflesdc 1 Amérique , aux Officiersde la Senefchauflee delà Martinique, l’une des Ifles de l’Amerique dépendante de noftre Gouverne- ment. Surl’advis qui nous a efté donné, que depuis quelques jours il eft arrivé à la Rade de ladite Ifle unVaiiTeau marchand conduit par un François, nommé le Capitaine Boutain Roche- lois , lequel eftant à terre auroiteflé trouver le fleur Leipcrance, auquel il auroit delivre un paquet de Lettres à luy addreflanc R r iij Efiablijfement des François de la part du fleur Commandeur de P oincy , qu’il avoit porte ai l’inftant au ficur delà Pierriere, Commandant en lamefmelfle en l’abfence du fleur du Parquet; dans lequel paquet il s eft trou- vé un libelle diffamatoire en forme de manifefte contenant cinq roolles de minutes , tendant ledit libelle à faire émouvoir ât foû- le verdes peuples, fujets du Roy , reftdens tant en ladite Ifle dela> Martinique qu’autres, pour le joindre aux pratiques & rebel- lions formées par ledit fieur de Poincy & fesadherans en l’Me Saint Chriftophe , au mépris de l’authorité Roy allé, des ordres* & itératifs Commandemens que le fleur de Poincy en a receu de nous de la part defaditeMajefté; Et d’autant quoutre ce cri- me d’Eftat commis par ledit Capitaine Boutain , il l’a de beau- coup plus aggravé, en ce qu’il a efté auffi porteur du double du-.- dit libelle, qu’il auroit montré feparément & emfeeretaplufieursî particuliers habitans de ladite Me Martinique , &c. & a eft» audit Saint Chriftophe contre nos exprdfes deffenfes portées par ledit fleur de la Pierriere, duquel lieu de Saint Chriftophe il eft encore retourné à la Martinique au mépris denos ordres , ayant refufé de venirà la Guadeloupe où ilfçait que nous faifons nô- tre fejour. A CES CavS^s, s’il vous appert de ce que def- ftis, vous mandons & enjoignons, toutes affaires cedantes, que vous reteniez en vos priions ledit Boutain, ô£ travailliez d’oftî- ce à l’inftruéfron de fon procez , comme eftant perturbateur du repos public, fauteur & adhérant dudit fleur de Poincy. Quoy faifant , vous faifirez tant fondit Vaiffeau, que les marchandées & autres denrées qui fe trouveront . dans iceluy. Enjoignons audit fleur de la Pierriere , de tenir la main à l’execution des Prefentes. En foy dequoy nous les avons flgnées de noftre main , fait appofer le cachet de nos armes , & contrefigner par noftre Secrétaire, en noftre Hoftel de l’Ifle de la Guade- loupe , le quatrième May mil fix cens foixantc - fix. Signe de Thoisy. A peine eut- il fait expédier cette Ordonnance, que le fleur de Leumont, Intendant de laluftice &: des affaires de la Com- pagnie , luy manda par lettre expreffe du feptiéme May» 3, l’efpere que vous ne trouverez pas mauvaife une penfeequi eft venue, àfçavqir ft vous jugeriez pas à propos d’envoyer aux Ant-ljles de l* Amérique. 9 jjM. de Boisfey avec deux de Ces Archers à la Martinique, „pour faire &c inftruire le procez au Capitaine Boutain;com- „ me criminel en effet de leze -Majeflé , & ainfî jufticiable ,, des Officiers de fadite Majeflé, dont M. le grand Prévoit „efl l’un des principaux en première inftance, àc en crime s, d’Eftat. Cét advisfutcaufe d’une fécondé information contre ce Ca- pitaine Rocbelois à la Martinique. On ne fçait fi cét advis ne fut point une pièce faite à la main, pour donner occafion à M. Hoüel de faire éclater fon refTcn- ciment; quoy qu’il en foit, il donna injurieufement le feptié- me May , le premier Arrefl du Confeil Souverain, contre le fieur Lieutenant du grand Prévoit pour choquer M. le Gene- ral, duquel il regardoit toutes les aétions comme des entre- prîtes fur fon authorité. Tout le monde s’eflonnade fon ingra- titude, n’y ayant perfonne dans lTfle qui ne feeut qu’il tenoit la Iultice Souveraine de luy par une grâce particulière, ayant pu différer del’effablir jufquesà ce qu’il eut rangé M.dePoin- cy , qu’il fût refident dans l’Ifle de S. Chriftophe. C’elt pour- quoy voyant qu’il n’a voit plus de mefures à prendre avec le fieur Hoüel, 6t d’ailleurs e fiant âverty de quelque entreprife de la part du fieur de Poincy , il commença à Ce fortifier , & à faire pallifadcr autour defamaifon. Trois jours apres le fieur de Guinant, ayant deffein de re- tourner en France, demanda à M. le General d’y porter les paquets du Roy, & les procez verbaux de la rébellion commi- ie à Saint Chriltophe ; cecy donna occafion à M. le General d’écrire à M. Hoüel ,&de le prier avec beaucoup de civilité de vouloir fe reconcilieravec Guinant; mais pour toute répen- fe, il luy manda que les habitans ne .vouloient plus payer de droits, & qu’il craignoit qivils ne fuflènt les plus forts, & qu’il ne vouloit point du tout d’accommodement avec le fieur de Guinant. On pcuticy remarquer que les foûlevemens Scies fe- ditions des Ifles ont toujours commencé par le refus de payer les droits à la Compagnie. Il ell vray que les habitans de la Capflerre fçaehant que M. Hoüel difoitpar tout, &: mefiiic qu’il l’avoit aifeuré au 3 io Efiabhjfementdes François Capitaine Anflot, qu’il ne croyoit pas que les habitans pay*af- fent des droits cette année , cela fut caufe qu’ils prirent la har- dieïïede luyprefenter cette requelte. A M. le Gouverneur de cette Ifie de la Guadeloupe. „ C VppUent tres-humblement les habitans de la Capfterre, & j, vous remontrent que voyant les grandes & i'n lignes pertes. „qui leur font arrivées depuis trois ans, qui ont continué juf- «ques à cette prefente année à la fabrique des petuns, tant par ,, les vers, que par les chenilles & autres accidens connus dut! ,, chacun, qu’il vous plaife. Moniteur, de les exempter cette an- ,, née des droits qu’ils pourraient devoir, tant à vous qu’à Nof- ,, lèigneurs de la Compagnie. Voyant auilique les habitans de ,, la Balle-terre de cette Me ont requis la mefme chofe, 6 c que «lefditsfupplians ne feront pas en leur année pour leur avoir des ,, hardes, &ic. C’eft pourquoy iî vous plaira avoir égard à noftre , , miferc. Cette rcquefte fut lignée & marquée de 41* habitans, a ,,quoy M. Hoüel répondit en ces termes. Pour ce qui regarde concerne les droits des Seigneurs des Mes de 1 Amérique; *>Nous avons envoyé les Supplianspardevers M.de Leumont, „ Intendant General des affaires defdits Seigneurs ; & pour nos », droits, nous leur promettons pareille remife que celle quils «auront pour ceux defdits Seigneurs, le dixiéme May 1646. «Signé Hoüel. Le iz. May M. le General écrivit au Capitaine Bontemps à la Martinique, pour le prier de fe charger du navire de Boutain, & de leluy amener à la Guadeloupe ; comme il eftoit fur le poinéf de débouquer des Mes, il ne luy fit point de réponfo, foit qu’il craignit de s’cmbaralTer dans quelque affaire qui re- tardât fon voyage, foit qu’il ne voulut pas rendre ce déplaifir à un homme de fa profefïion ; fon filencc obligea M. le Gene- ral d’envoyer à la Martinique les Sieurs de Saint Edme, le Comte , & Taraut dans le navire du Capitaine Flamend, — • - pour aux Ant-îjle s de t Amérique. ju pour fè fàifir du Vaiffeau & des effets de Boutain. Le premier Iuin,le Capitaine Bontemps débouqua pour France, emmenant le fieur de Guinant chargé des paquets du Roy , avec les lieursBefnard>IoIy, & quelques autres quisem- barquerent avec luy. Vn peu auparavant fon départ, on avoit appris à la Guade- loupe, que les Sauvages de Sainétc Alouzie avoient cruellement maffacré trois équipages de François, habitansde la Martinique; le fieur de laPierrierc équippa promptement quelques canots, qui amenèrent au Fort trois pirogues de Caraibcs , Iefqucls fe voyant pris , dirent que les Sauvages de Tlflc de Saint Vin- cent avoient commis ces a&es d’hoftilité ; mais on crut que M. de Poincy les avoit envoyez. Ai- le General offensé de la fignifi cation de l'Ar~ refi faite a fa perfonne, éjlablit un Confit de Guerre , fait une Déclaration contre cét Arrefl , & fait faire quelques propoftions au Sieur Ho 'ùel. Arrivée des Damoifelles la Fon . taine & Armand. On enleve un Navire & quelques Barques a Ai. le General. §. VII i. LE dixiéme jour de Iuillet.Ie fieur Hoiiel écrivit à M. le Gene. ral pour s’exeufer de l Arrelt que le Confeil Souverain avoit donné contre le Lieutenant du grand Prévoit , 6c le mefme jour il luy fit lignifier par un de Tes Officiers, parlant à fa perlonnc, pour luy rendre cét outrage plus , lènlible; iansla penféeque cét attentat luy feroitfaire quelque choie de violent, qui donneroit lieu aux mouveinens qu’il méuitoit pour lechaller de l’Ifie, & qu’il fit éclore quelques jours aprcSi ' : . Le lendemain Moniteur le General receut un ad vis fecret qu on bralîoit quelque entrepnfc contre luy, & qu’on avoit I. Partie, Sf 3 ü Efiablijfement des François vcu le fleur de la Baziliere aller la nui d de café en café, le flambeau à lamain, demandera tous les habitans pour qui ils tiendroient ; à gerce nouvelle il alla hardiment chez ce Capicaine, qu’il trouva^fbrt interdit, & qui s’excuia le mieux qu’il pût, Tans vouloir déclarer l’ordre qu’il avoic receu du fleur Hotiel dcfe- mer la diffennon parmy le peuple. Sa prudence l’obligea à diffi- muler ce crime , à ne pas difliperpar la force une caballe qui ne fai foie que naiftre. Comme M Hoüel fai foitfon fort des entreprifes prétendues du Lieutenant du grand Prévoit , & qu’il faifoit courir de faux bruits pour le rendre odieux, quoy qu’il n’eut rien fait dans les J lies , foit dans le procez des fleurs de LonvilIiers&deTre- val prilonniers, foit dans celuy du Capitaine Boutain, que par les advis du fleur Hoüel &: du fleur de Leumont, Intendant de la Compagnie; M. le General fitune déclaration fort ample defes intentions aux habkans;& apres avoir rendu raifon de fa conduite, ileftablitun Conleil de Guerre. Ordonnance de M. le General, portant efiablijfe- ment d'un Confeil de Guerre . < * ' \ ~~ LE Sieur de Thoify Chevalier, Confeiller du Roy en fes Confeils, Lieutenant General pour faMajefté aux Ifles de l’Amerique. Sur l’advis que nous avons eu queplulieurs habi- tanSjtant des nouveaux arrivez en cette Ifle , que d autres por- tez de zele &: affedion au fervicedu Roy, ontdefiré voir nos proviflonsde la Charge de Lieutenant General, dont il luy a plû nous honnorer, n’ayant pas efté prefens Iorfque la copie en a efté leuc & enregiftréeau Greffe de cette Senefchauflée. Nous en avons fait faire ledure Dimanche zi. Iuillct dernier, en ce quartier de la Baffe-terre à la tefte des Compagnies; & enfliite de ce , jugé à propos défaire affembler les Compagnies de la Capfterre, &: faire faire aufli ledure fur l’Original , de nof- dites proviflons ; & parmefme moy elr les informer des mefloc s .chofes que nous leur avons dites de deçà denoftre propre bou- che , fçavoir que nous leur avons toujours déclaré que nous aux Ant-IJles de F Amérique. ^ n’avons jamais eu intention que la Commiffion de Lieutenant de grand Prévoit de l’Hoftel de fa Majefté, que nous avons ap- portée parle commandement exprez de la Reyne Regente , & mcfme par l’advis des Seigneurs , fèrvît contre les habitans de ces Illes, comme quelques-uns deux en a voient pris une fauffe ap- prebenfion, mais feulement pour inftruire les procez concernant les crimes de leze-Majefté, commis par le fieur de Poincy & fes adherans , dont il n’y a point de luge en ces Ifles qui enpuifle prendre connoiflance; & attendu que telles ou femblables opi- nions fauffes & dangereufes demeurent le plus fouvent dans les efprits pour n’en eftre pas defabufez aflez promptement, & qu’il eft de noftre devoir & charge d’yremedier ; joint la necef- ficé des affaires prefentes pendant la continuation defdites ré- voltés, qui nous obligent de veiller davantage pour le repos du peuple, que fi nous eftions en pleine paix; Nous avons effimé neceffaire pour le frrvice du Roy & l’utilité publique, d’efta- blir un Confeil de Guerre , qui fera compofé des principaux Officiers de Milice, avec tels autres que nous jugerons à pro- pos, lequel Conleil fe tiendra tous les premiers Dimanches des mois apres le Service Divin au Fort de la Baffe-terre de cette Me, lieu de noftrc reffdenee, à commencer le Dimanche cin- quième Aouff. Et parce que l’incommodité des chemins ou quclqu’autre indifpoffcion pourroit empefeher les plus éloignez d’y venir, ils en feront difpenfèz , noftre intention eftant de ne faire ledit eftabliffement que pour le fervice du Roy , la commo- dité des Officiers & le loulagement du peuple, afin de reeler leurs differens fur l’heure. Et pour l’execution de la prefente Déclaration , nous avons nommé &d commis le fieur de Boisfaye, noftrc Capitaine des Gardes , pour icelles faire lire & publier à la teftedes Compagnies le Dimanche cinquième Aouft, afin que perfonne n’en prétende caufe d’ignorance. Fait au Fort de la Baf- fe terre de la Guadeloupe , le premier Aouft 1646. Signé d E Tho 1 s y, & contrefigné par Loger, Secrétaire. 11 envoya le fieur de Boisfaye avec une Lettre à M Hoüel, par laquelle il I’inftruifit de fes intentions, & de l’eftonnement ou il eftoit, de ce qu’apres avoirluy-mefme approuvé chez luy la Charge de Lieutenant du grand Prevoft, il faiioit courir des S fi j 3 l4 Efiablijf ment des François bruits parmy le peuple, qui montroient le peu d’affe&ionquclts autheurs de telles faufletez avoient pour le repos public : à quoy M. Hoiiel luy fit cçtte réponfe. M ONSIEVR, „ Suivant la voftre du premier Àouft , qui m'a efté rendue ,, par M. de Boisfaye, j’ay commandé les Compagnies delà „ Capfterrc de cette Ifle , de fc trouver Dimanche matin dans „la place d’armes de ce quartier, pour y entendre la lc£turqv „de voftre Commifticn. Pour celle du lieutenant de M. le „ grand Prcvoftdc France, je n’y ay refifté qu’autant que j’ay „ crû qu’elle eftoit contraire à l’Edift du Roy , donné en Mars ,,1641. vérifié au grand Confeil, contre lequel j’ay peine de „,croire que M. le grand Prcvoft dc France veuille entrepren- „ dre ; outre que cette Commiftion a efté -écrite dans le regiltrc „ du Greffe fans que j’en ayericn feeu, ny qu’il y ait eu aucu- „nes procedures ny formalitez obfervées; quoy qu’elle moftat y, toute l’authorité que j’ay, fi elle fubfiftoit.P our les autres chofes ,, dont vous m écrivez , je n’y feray autre réponfe , finon que mes „adions vous feront connoiftre que je fuis, MONSIEVR, Le (juatriefme Voftre tres-obcïffant fervi- ^0^16^6. teur, Hoüel. Il ne s’acquita de; fà parole qu’en partie,- car apres avoir fait lire la Commiftïon de M. le' General, il fit auffi lire fon Traite avec les Seigneurs de la Compagnie, à caufe d’une claufe qui modifioit fon fejour dans la Guadeloupe , fupprimant artificieu - Peinent la deliberation que les mcfmcs Seigneurs luy avoient donnée huict mois apres ce Traitté, par laquelle il luy eftoit permis d’y fejourner autant de temps qu’il luy enfaudroit pour s’eftablirà Saint Chriftophc. L’authorité du Royeftantmanifeftement meprifec dansl Ar- / .. .je aux Ant-IJles de l* Amérique. 3 îxltque M. Hoiicl avoir faitrendre par Iettouveau Confeil Sou- verain defonlhe, contre le Lieutenant du grand Prévoit. M. le General fut obligé de donner une Déclaration , par laquelle apres avoir produit dans le dilpohtif toutes les pièces qui julti- fioient l’authoritê & les procedures du fieur de Boisfaye qui avoit elté pourveu de cette Charge ( & qui n’^avoit rien fait que de concert avec le fieur de Leumont Intendant ) il con- clut par ces termes. ,, Nous en vertu du pouvoir qui nous clt donné parle Roy, >, prenant lefaiét&: caufe pour les deleguez dudit heur Prcuolt „ de l’Holtel de fa Majelté & Lieutenant Particulier de cette „ Scncfchaulïec, veu qu’ils n’ont agy que par noltrc comman- ndement & parles ordres delà Iultice, que nous avons toujours „ déclaré que nous n’avions jamais eu intention que la Commit- „hon dudit heur Prevoft de l’Hoftel du Roy; feryit contre les Mhabitans, mais feulement pour l’inltrudtion des procez décri- âmes de lezc-Majelté , commis par le heur de Poincy & par fes 9* adhcrans; joint auhique larequeftedu nommé De fmiers elfc „ remplie de menfonges & expohtions frivoles & impertinen- ces, ainh qu’il fera montré pardevant le luge ordinaire, qui et» „ doit fcul connoiftre en première inftancc , jufques à ce qu’il ait „ rendu jugement fur icellc;& que d’ailleurs ledit prétendu Con- „feil ne peut s’exeufer de n’avoir pas député quelqu’un d’eux par devers nous au préalable que de donner ledit Arrelt fur » les prétendues plaintes mentionnées par iceluy , qui n’ont au- » cunc vray-femblancc de fondement. F aï s o NS deffenfes aux », Gens tenans ledit Confeil de troubler ny empelchcr à l’a ve- rnir l’execution de la Commiflion dcfdits Deleguez du fieur >, Prévoit de l’Holteldu Roy , concernansles crimes de leze-Ma- „ jelté, commis par le heur de Poincy & fes adherans; & pa- » reillement d’empefeher la continuation del’inltancc pendante „pardevant le heur Normand, Lieutenant Particulier , contre ,, le nommé Defmiers, jufques à Sentence diffinitive, faufl’ap- „ pelqui fera relevé ou il appartiendra.Etpour les peines que peu- „ venc encourir les autheurs dudit Arreh: donné fous faulfe caufc „ & prétexte par attentat contre l’authorité, Royalle, blelTéeen >; noltré perfonne ; & attendu qu’il cft de noltre Charge d’in- Sf iij 3 16 Eflabliffement des François » former fadite Majefté, de tels abus commis par le dit Confeil „dez le commencement de Ton eftabliftemenc, outre que nous agirons félon noftre pouvoir contre telles entreprifes, Nous «nous pourvoirons par devers fadite Majefté , pour eneftre par „ elle ordonné furie tout, ainfi quelle verra boneftre; enfem- ,,ble pour faire confirmer le pouvoir qui nous eft donné par « fadite Majefté dans ladite Déclaration du premier Aouft 1645. confentemenc defdits Seigneurs deprefideren iceluy Coa- «feil. Fait au Fort de la BafTeterrede la Guadeloupe, leprc- « mier Aouft 1646. Signé de T h 0 1 s y , & contrefigné par «Loger, Secrétaire. Cette Ordonnance fût lignifiée au fieur ChevroIier,Procu- reur du Roy pour tous les luges, Ietroifiéme Aouft, &: le pre- mier O&obreelle Iuy fuc envoyée par du Pont Greffier >.avec cette Declaratiop que M le General fit mettre audefîous paf^ lé fieur de Boisfaye, pour obliger le Confeil à révoquer fort Arreft, ôc pour entretenir la paix qu’il fouhaitoit fur toutes chofcs. 33 Nous Iean François Parifot fieur de Boisfaye , Delegué de „M. le grand Prevoft de l’Hoftel du Roy, demeurons d’ac- «cord de la Déclaration., dont copie eft cy-defFus tranferite, «lignée de Mondit Sieur le General de Thoify, & notifiée x. „fa requefte au fieur Chevrolier, Procureur du Roy au Con. «feil Souverain de la Iuftice Souveraine de cette Ifle, auquel «Confeil nous déclarons d’abondant que noftre intention n’a «jamais efté à l’execution de noftre Commi(Tion,que d’inftruire «les procez concernans les crimes de Iezc-Majefté par l’ordre «des commandemcns de mondit Sieur le General, pour lef- «dits proccz inftruits^ eftre envoyez à fà Majefté pour lesqu.» «ger ou faire juger par tels luges qu’il luy plaira de commet, «trc. Fait au Fort de la Baffe-terre de la Guadeloupe, ce «premier iour d’O&obrc 1646. Signé de Boisfaye & «Meline. Huiét jours apres cette Ordonnance, M. le General qui fou- haitoit fur toutes chofes de vivre en bonne intelligence avec le fieur Hoiiel, luy envoya le fieur de Leumont Intendant, avec un mémoire qui contenoit trois chofcs fort raifonnables. aux Ânt-IJles de l* Amérique. $17 La première, qu’on laiflat agir le Lieutenant du grand Pré- voit contre le Sieur de Poincy & Tes adherans , feulement. La fécondé, que M. le General auroit la liberté de préfider au C on fe il Souverain , pendant quai demeureroit dans Mie , con- formément à la Déclaration du Roy &: l’intention des Sei- gneurs de la Compagnie, dont ncantmoins il promettoit ver- ballement de ne fe point fervir. La troifiéme, qu’on fît lire la Déclaration de la Compagnie üddrefîee au fleur Hoiiel, depuis le Traitéfait avecM. le Ge- neral, par laquelle il effoit enjoint au fieur Hoiiel, de'luy obéir, 5c de le reconnoiftrc dans la Guadeloupe, comme Lieutenant General pour le Roy , autant de temps qu’il fera neccffairc qu’il y refide pour faire fon effablifTement à Saint Chrifto- phe. Ces trois chofès furent accordées d’abord , 5c le fieur In- tendant dit dans une Lettre écrite le trêziéme Aouft à M. le ,, General, quelefieur Hoüel Iuy a donné parole de le conten- 3 , ter fur fon mémoire, 5c qu’il luy envoyé le fieur Che.vrolicr «pourluy faire fcsfoûmiflions, mais Iei8. par une autj'e Let- tre il fe dédit de tout ce qu’il avoir mandé. On vit en ce temps-là arriver à la Guadeloupe Mademoi- felle de la Fontaine, femme d’un de ce brave Capitaine qui avoit fi glorieufemcnt foûtenu les interefls du Roy au péril de fa fortune 5c de fa vie. Apre s avoir efté dépoüillée de tous fes biens, qui cftoientconfiderables,clle y vint avec quatre pe- tits enfans, une fervante, 5c Mademoifelle Armand chez qui elle avoir elfe long-temps prifonniere; elle affeura que fon mary s’eftoit fauvé , 8c qu’on exerçoit des cruautez effranges à Saint Chriftophe contre ceux qui s’effoient déclarez pourM. de Thoify. M. le General parmy les déplaifirs du retardement de fes affaires, rcceut encore un furcroît d’affliétion par trois pertes allez confiderables. Il avoir mis quantité d’armes 5c de meu- bles dans le navire du Capitaine Boutain ; Sc lors qu’on y pen- foitlemoins, fept Gallions d’Efpagne I’enlevcrent à la rade, avec ceux qui legardoient. L’onzième jour d’Aoufi, trois Ma- telots enleverenc fà Chaloupe, 5c s’enfuirent à Saint Chnfto- 3i8 Èflablijfement des François phc.pour fc rendre à M. dePoincy-, Enfin on luy en enleva une féconde , dans laquelle eftoient hui& ou neuf O ciers e a maifon- Le ficur Hoüel envoya fa Chaloupe apres pour Les re- prendre, mais on ne les pût ratraper. , . Ceft allez parler des divifions de ces deux Chefs dans la Guadeloupe, biffons le fleur Hoüel ditpofer de toutes chofes pour l’execution du deffein qu’il a formé de chaflcr M. c c- lierai de fon Me. Soulèvement a la Martinique far le nomme Beaufort. Adajfacre des jeditieux. Les hapi* tans demandent me abolition , & l échange de leur Gouverneur-, avec les neveutc du Sieur de Voincj . §. ix. LE manifefte feditieux que le Capitaine Boutain avoir ap- porté de Saint Chriftophe , à la Martinique, fut la femence oe la révolté qui s’y fit, & qui auroiefait nager 1 lue dans e fang de tous les gens de bien, fi le ficur de la Picrrierc qui y commandoiten l’abfencc de M. du Parquet, n y eut prompte- ment remédié. C ar il tendoit particulièrement à deux choies. La première, à fouftrakc le peuple de la dépendance des-Sci* gneurs de la Compagnie. Et la féconde , a cmpefchcrla réce- ption deM.de Thoify, pour Lieutenant General des Mes, en la* place de M. de Poincy -, à cét eft’ec il traitoit les droits de la Compagnie de joug insupportable , & tyraniquement impofej & pourrendre Monfieur de Thoify odieux, &: colorer d unlpe- cieux prétexte la rébellion de ceux qui refufoient d’obcïraux ordres du Roy, il le reprefentoit comme le mirviftre des vio- lences des ufurpations delà Compagnie, affeurant qu’il neftoit venu que pour appuyer fes vexations injuftes, eftablir le ving- tième pour les droits de lots & ventes, & enfin pour mettre le droit de crois pour cent fur les marchandées Françoifes ,& do huiét fur les E étrangères-* Mais. aux Ant-IJles de l Amérique. ' ^29 Mais bien qu’il n’y eut rien déplus contraire à la vérité, cela neantmoins alluma tellement les efprits , alTez portez d’eux-mef- mes à la rébellion, quelle éclata dez le z6. luin au quartier d» Prefcheur, où plufieurs habitans apres avoir Fait l’exercice crié- rent tumultuairement au fieur de la Pierriere, qu’ils ne pre- tendoient’ plus* en aucune façon payer de droits à la Compa- gnie. ** • L’arrivée de Vaupanfc de Tiphane , habitans de la Guade- loupe; 5c comme on croit envoyez par M. de Poincy, ache- va le foule vement; car ayant fait courir le bruit que les habitans de la Guadeloupe a voient pris les armes, fur ce qu’on leur avoit voulu faire payer les droits; &que pour avoir montré du cou- rage on avoit efté contraint de les en exempter: ils furent telle- ment animez par ces difeours, que toute l’iflefcfoûleva en mef- me temps; Il le trouva neantmoins qu’il y avoit deux partis dif- ferens, qui convenoient de vray en ce poinét de ne plus payer de droits à ht Compagnie, difans quelle s’enrichiffoit de leurs lueurs, ny à M.Ie Gencralqu’ils regardoient comme fon Emif- faire ;mais celuy de ces partis qui elloit le plus fort ne vouloir plus reconnoiflre M. du Parquet pnfonnier à Saint Chriftophe pour Gouverneur, fous prétexté qu’il elloit trop attaché aux interdis* de la Compagnie. Le Chef de ces mutins Ce faifoit appeller le.General Beaufort,cemiferable avoit ellé Gantier au Palais & dans l’Ifle fa femme elloit communément appcllée la belle- Gantière. Le lêptiéme Iuillet 1646 IafeditionfutTi furieufe qu ’on rre fe connoifïbir plus l’un l’autre. Le fleur de la Pierriere, qui par pru- dëce ne fedeclaL oit pour aucun de-ces partis, quoy qu’il les femblâc emb rafler tous deux , paroifloit pourtant dire du collé de Beau- fort. Madcmoifelle de S. André qui n’cfloitpas encore déclarée publiquement femme de M du Parquet, mainterioit autant qu’el- lc pouvoir le party qui s’efloir déclaré pour fon mary , 5c follici- co;t fans celle tous k s deux à demander fon échange avec les deux neveux dcMonfleur de Poincy; il n’eflpas croyable com- bien Ja pauvre Dame lot ffïir pendant ces defordres,de Iabruta- bté d’un peuple fedirieux. Le s mutins du P refeheur attaquèrent les magazins ; 5c lansfaire dülmélion deceuxdesMarchands, &c\ I. Parue.. - ~ T t * ~ s3o Eftabhjfement des 'François de ceux de la Compagnie pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent dans les uns & dans les autres. . . _ ■ . . Le neufiéme pendant que le fieur de la Pierriere mettoit la taxe à quelque Traitte dans un navire de Holande, cent cm- quante dessus lïdmcux, jecterenc la cale des Seigneurs de la Compagnie par terre, voulurent tuer le Commis; & le len- demain ce General Beaufort sellant mis a la telle deceux de Ton party , fit fonder la maifon du fieur de i Elperance-& tout ce qui elloit dedans. 1 Le fleur le Fort, aray de M.duParquet, & fore attache pour lors à fesinterefts , s’entretenant avec Madame la femme lur i n- refolution du fieur de la Pierriere , qui n’olant le déclarer ouver- tement pour aucun des partis , ne lervoitqu a nourrir la fedition par fon authorité, s’offrit à elle pour une entreprit des plushardies qui ait paru depuis long-temps, fçavoir de mer tous lcsChets de a cabale du, prétendu General Beaufort ,■-& me fine- le fieur de la Pierriere qui elloit cnnctny couvert de Madame au. Parquet, s’il ne fedeclaroit hautement contre ces révoltez. Cette Dame ayant approuvé fa refolution, il choifit dix-lept hommes de les plus affidez ,ôé tels quilles falloir pour une adtion li pen - leufe. s Le cinquième jour d’Aoüft, le Fort ellant venu trouver le fieur de la Pierriere, il luy demanda hardiment pour qui il te- noit, s’il n’a voie pas une Commiffion de M. du Parquet, & s il ne vouloir pas défaire fille d’un tas de coquins qui mailtri- foient les Officiers, qui difoient hautement qu’ils ne vouloienc pas reconnoillre M. du Parquet , & qui avoient eu linloknce d’eftablir des luges & des Confeillcrs pour gouverner 1 Ille com- me s’ils en eulfent eflé les maiftres. Le fieur de Pierriere uyre partit que n’eftantpas le plus fort pour dompter ces mutins & les ranger dans le devoir, il elloit contraint de les laifler tout faire. Le fieur le Fort luy repartit, fi vous voulez me donner voftre parole, je vous donne la mienne que je vous deferay bien-toll de cette canaille ; ils doivent demain vous venir trou- ver pour vous faire figner leurs Articles, formez d'abord quelque difficulté, mais rendez-vous aux raifons quils alicgueroncpour julhficr leurs demandes , lignez tout , apres quoy vous fiottï- aux A nt-TJles de ï Amérique, j ^ r rcz de la café , demandez du vin pour les faire boire tous à la lanté du Roy , tenant le moufqueton haut , bailfez-lc & le dé- chargez dans la face du General Beaufort ; & ne vous metrez pas en peine ,j’ay des hommes tous prefts qui fe déferont des autres. Le lendemain fixiéme d’Aouft, le prétendu General Beau- fort ne manqua pas de fc trouver aux Magazinsdu Fort Saint Pierre avec vingt . hommes, entre lefquels elloient la Vigne, Capitaine au quartier du Prefcheur, la Tour fon Lieutenant, autrement appelle le Vinaigrier, la Icunelfe, Bonvoulloir , la Varennc fon matelot, le fils de Thomas le Sueur, le licur Patin; Boifievé, Champagne, Lelpinc, Bureau, le petit Char- les & huiét autres , tous armez d’un moufqueton &c de qua- tre piftolets de ceinture; au nom defquels il demanda au fieur de la Pierriere s’il eftoit refolu de ligner les Articles qu’ils luy avoient propofez ; à quoy luy ayant répondu qu’il les falloir voir, & que pourveu que cela reftablit la paix dans fille, il eftoit refolu de tout faire , il les luy prefenra tels qu’ils s’cnfuivent. Articles des Jeditieux prepntezj au Sieur de la Pierriere . CE font les Articles & Cahiers que prefentent les tres-hum- bles& tres-obeïlfans Sujets & Vallaux du Roy très- Chré- tien Louys XIV. Roy de France & de Navarre, les Habi- tans de fille de la Martinique en l’Amcrique, fuivant la de- liberation qui en a elle faite par les Députez ; enfemble fui- vant lavis des habitans des quatre quartiers de ladite Ille, que nous prelcntons à vous M. Hicrofme Sarra, Efcuyer Sieur de la Pierriere, Commandant en Chef le lervicc du Roy en l’ablence de M. du Parquet, Gouverneur de ladite Ille. PREMIEREMENT. Lefdits habitans ont accordé que M. le Gouverneur arri- vant en ce lieu ne fera reccu pour commander en cette Ifier- Ttij j 3 1 Eftablîjfement des Français qu’au préalable il n’aye déclaré hautement 6c publiquenrera: quil fe départ de toutes communications ou intelligences qu’il pourroit avoir avec lefditsfieurs de la Compagnie de l’ Améri- que, ôc protcftera en foy de Gentil- homme foldat, de gou- verner lefdits habitans en vertu de Commiffion du Roy , ôc de nous maintenir ôc protéger en nos libertez ôc franchifes contre lefdits fieurs de la Compagnie, ôc les autres qu’il ap- partiendra au péril de fa vie: ôc pendant fon afcfence Nous vous reeonnonTons Mondit Sieur de Ii Pierriere , pour nous gouverner 6c commander, vous fuppliant très- humblement d’accepter cette Charge, nous foû mettant dc-vousobeïr per- pétuellement. m. Lefdits habitans défirent que tous les Officiers de Milice^ tant créez qu’à créer, feront de nouveau ferment au Roy 6c en fidelité, 6c renonceront à tous interefts 6c intelligences qu ils pourroient avoir avec lefdits fieurs de la Compagnie: 6c pour les Compagnies où ily- a manque d’Officiers, ©n vous fupplie M. d’en pourvoir. ïîî. Lefdits" habitans requerent qu’il vous plaifeà l’avenir neper- mettre à aucune perfbnne Agent, Partifant, ou Commis, ny autres quels qu’ils foient, qu’ils fe diront ou avoueront cftre ou appartenir à la Compagnie de l’Amerique de mettre pied à terre en cette Ifle, ny fejourner ny retarder fur quelpretexte que ce foit,ains les empefeher par commandement abfolu , ou à force ouverte , fi befoin eft. IV. Lefdits habitans font auffi d’avis que la Iuftice foitadmini- flréepar quatre habitans de cette Ifle, un de chaque quartier, -l’un des quatre qui ont efté nommez à cette deliberation , lefi • quels habitans feront tenus fc trouver auFort Saint Picrretous les Lundis à huiét heures du matin, pour rendre la Iufhcc aux parties requérantes où fera prefent en qualité de luge, le fleur Millet qui aura fa voix délibérative. V. Sont auffi d’avis lefdits habitans que lefdits Députez luges aux Ant-JJles de t Amérique . 3^ avec ledit fieur Millet, connoiffant de toutes les affaires con- cernantes l’admi-niffration de la jufticc, & en cas qu’il fe trou- va# matière de crime il paffera parle Confeil de Guerre, au- quel lefdits habitans feront appellez,pour ce avant que ledit fleur Millet faffe aucun exercice de ladite Charge, il fera le ferment de fidelité au Roy & aufdits habitans renoncera à toute in- telligence avec les fieursdela Compagnie; comme aufli lefdits habitans prefteront le ferment defe porter fidellement au faiét de leur Charge qui durera le temps d’un an, &: ledit temps expiré , en feront par les habitans des quartiers nommez d’autres. V L Lefdits habitans font d’avis quç pour l’eftabliffement de la police, lefdits luges CommrlFaires y eftabliront tel ordre qu’ils trouverontà propos, taillant à leur conduite difpofer des affai- res publiques ainfi qu’ils le jugeront neceffaire ; & les Iuge- mens qui feront par eux rendus feront executez félon la for- me & teneur. V 1 L Eftaufîi délibéré par'Iefdits habitans qu’il ne Ce pourra rien fai- re touchant la liberté publique , fans que les quatre Direéfeurs y foient appeliez, qu’ils donneront leurs avisée les deliberations feront faites à voix contées. VIII. ■ Lefdits habitans ont nommé pour Greffier Notaire, à la charge qu’il preftera ferment de fidelité aux habitans le fleur Montiller, qui fera tenu de délivrer de temps en temps extrait des aveiis & autres aétes concernans le public, gratis , & pour le furplus de fes vacations, taxe luy ferafaite parles luges Directeurs. IX. Sont auffi d’avis que la Croix & Gantier faffent Iafondion •de Sergens en cette Ifle , & en deffaut y fera pourveu. X. Défirent lefdits habitans que d’orefnavant foit judiciers ou volontaires , foient pafîez par cour relevante nutment du 334 Eft abhjfe ment des "François XL _ / Le Merc fera continué pefeurau pois du Roy, ]u quesa ce qu’ autrement y ait efté pourveu par lefdits Diredeurs, & pe- fera aux jours accoutumez.^ ^ Eft arrefté que ceux de la café du pilote auront un pois ,& un* pefeur qu’ils nommeront , & le Mcrcrcdy pour jour de pois, par- ce que ledit pefeur viendra prefter le ferment de fe porter delement au faiéfc de la Charge. XIII. . - Auront auffi un pois &un pefeur les habitans du quartier du, Erefcheur , & le Vendredy defiiné pois en preftant le ferment, tomme déifias. XIV. Eft délibéré que Iefditsluges Dire&eurs, oui un d euxcha^ cun en droit foy, fera tenu fe trouver une fois la femaine en cha- cun pois pour v oir pefer les permis , afin de connoiftre la bonté U: qualité d’iceux , 5c la juftelfe dudit pois. XV. Eft auffi arrefté que la petite chambre eftant à cofte du pois fer vira pour l’exercice de la ïuftice , à ces fins fera mife eneltac, aux frais publics. XVI. . _ Eft pareillement délibéré que la difciplme militaire fera rigou- reufementobfcrvée gardée enfon entier comme chofe bainte & Sacrée: à quoy vousiupplions M.. tenir lamain. XVH. Lefditshabitans ont pareillement arrefté qu en cas lu 1 S tr0li" vaft procuration defdits Officiers , foit de Milice ou de Ïuftice , Ô£ qu’ilfe trou vaft coupable de lafcheté, leur procez leur foit fait 8Ç parfait par les Officiers deluftice & de Milice en concurrence, r XVIII. Eft arrefté qu’il fera par Iefdits luges procédé à la confifcation de tousles biens appartenans à ladite Compagnie e que e natu re qu’ils foient ; enfembte ceux de l’ Pipe rance ôc de a e , c°tn me biens ayansefté pris ôcpillez fur le peuple, fous aux pretex pour Iefdits biens eftre employez aux œuvres pieu es ou autrç^ aux «Anl'-îfles de l'Amérique. 3^ Heceffitez, ainfi qu’il fera par lefdirs îugéS âviic, & fonr & demeu- rent lefdics habitans, qui eiloient debreurs d’aucuns biens de la- dite Compagnie, pour quelle caufe quecefoit, bien ôc valable- ment déchargez jugez quittes. XIX. • r- Eft encore accordé que lors que les Marchands voudront traiter icy, lefdits luges Directeurs ou l’un d'iceux y feront appeliez, pour voir faire la taxe de leurs marchandilés. X X. Etafin que M. le Gouverneur, & vous M. âpre lent comrnan- dant en fa place , ayez moyen de fubfilter fervant le R oy & le pu- blic, lefdits habit ans fe foûmettent à payer entre les mains du Receveur qui fera eftably, le nombre de trente livres de petun par chaque telle defdits habitans,à la referve des Officiers & leurs Agens , des femmes & des enfansfous- âgez de douze ans : Vous' fupphans , Monlicur , lefdits habitans avoir leur petun agréable, à prefent fâchez qu’ils ne fe peuvent ellendre à davantage par une ngoureufc neceffite caufée des opreffions & extortions qui leur ont elle faites par le palTe , vous luppliant en outre a voir agréable que l’année ne commence pour payement defdits droits qua la Touffainds de la prefente année. Ainfi ligne d’Arnoul , Pierre Fourdrain fieur de la Marche, Saint E (tienne, Ialburianche, Rifler, Franchci, Phihppes Lafîcr , Eftienne Leon, le Devin, Latin, Iean Larcher, Riviere le Bailleul , Louys Fourniel*, Iean Soyer, Fauveau, tous avec un paraphe. Le fieur delaPierriere ayant leu ces Articles, y forma quel- ques difficultez , ainfi qui! efloit convenu avec le fieur le Fort, mais enfin apres quelques conteftations il les approuva, pro- mit de les entretenir, & garder; & pour ofter tout lujet de défiance à ceux qui lesIuyprefentoient,illeutdonnàTAdelui- vant. Nous Hierofme du Sarrat, Elcuyer heur de la Pierricre, commandant pour le fervice du Roy en Tille de la Martini- que a 1 Amenque, en lablencede M.du Parquet Gouverneur d ioelle, apres avoir veu, leu & ‘meurement conhïerc les Ar- ticles & Cahiers à moy prêterez par les habitans He 'la Mar- tinique. Avons iceux ( polir l’amour que nous leur portons. 33 6 Eflablijft V ment des François U nour le bien & fervice du Roy ) accepté & acceptons, re- cevons &: promettons en foy defoldat, tenir & garder, &: fai- re inviolablement garder, ainfi quils font plus au long conte- nus fans dol ny fraude. Et en témoin de ce Nous avons ap- pofé noftre feing : Et d’autant que quelques - uns defdits habi- tais, fous quelques fpecieux prétextes, n’ont voulu ratifier la- dite deliberation ainfi faite par lefditshabitans, & qu’ils en ont attiré beaucoup à leur party qui- pourroient caufer grand de-, fordre & apporter de l’alteration au bien & fervice du Roy,, s’il n’y eftoit remédié promptement. C’eft pourquoy par lés picfentes Nous déclarons telles gens & leurs adfierans , privées de l’abolition accordée aux autres fiabitan», de ce que fait efté,& iceux Criminels de Ieze-Majefté au premier chef, or^ donnons; qu’il fiera contre-euX'procede extraordinairement com- • me perturbateurs du repos public , fi dans hui éb jours apres la. publication des prefentes, ils ne viennent ratifier ce que fait aefié, & fe mettre en leur devoir, auquel cas nous oublie- rons toutes choies pallées, comme fi jamais, elles n’avoient efté faites. Fait cedit jour &: am Apres avoir donné cét Aébe, pour leur ofter toute forte de foupçon, il for-rit dans la place, & fit apporter du vin pour fai- re boire tout le monde à la fanté du Roy; puis prenant un verre plein de vin, iileva le moufqueton comme pour tirer un coup en l’air, mais baiifant là main il tira dans le vifage de Beaufort; à ce fignal tous les autres chodfilFanc chacun foo. homme, ommel’on eftoir convenu, déchargèrent leurs armes, 2c en jetterent tout d’un coup trêze fur la place; car cette fanglantc execution fut fi bien concertée, que ceux qui en choient éloignez n’entendirent qu’un, feul coup , chacun rechargea en mefine temps fon moufqueton , &on courut apres ceux qui fefauvoient de ce maffacrc; on ne donna point de quartier à perfonne, on acheva mefme ceux qui nettoient pas encore morts, & entre autres un vieillard , percé de dix ou douze coups, fut traifné & jette à la Mer. - < Iufques icy c’eftoit un coup d’ettat que le -fervice du Roy & la necefiité desaffaires fembloient rendre glorieux' , mais il s y anefla cnfiiitte des interetts & des vengeances particulières qui - ' ~ r * " ' ont. aux Ant-IJles de t Amérique. ont rerny une partie de la gloire de cette adion; car on tient que le fleur delà Pierricre accompagné de fept ou huiahommes s en alla au quartier du Pirefchcuri& tua quatre ou cinq perlonnes en fon chemin qui s’eftoient entièrement retirez de cette cabale* & le fils d un Charpentier âgé feulemet de 15. ans, fut tué entre les bras de fon perc, pour avoir porté quelques Lettres de ce Genc- , Beaufor^ Trois jours apres ce matfacre,un nommé petit Char- les natif de Calais,ayant eflé pris ,fut mené au logis de M. du Par- quet,ou Madame fit tout cequ elle pût pour luy fauverla vie;mais ne pouvant fléchir lecteur de ces hommes de fimg , elle pria au moins qu on ne le ht pas mourir fur Ton habitation; comme on traiinoit dehors ee mal-heureux, quelqu’un l’exhorta de deman- der pardon à Dieu& defongeràfa confidence, maiscétimpic répondit ces paroles exécrables , fi Dieu ne me veut, que cinq cens mule diables m'emportent , aufli - tofl: il fut ttlé à coups de moufqueton, & fion corps jetté à la Mer. r Ie ferois tort à ceux qui ont aflifté le fleur de la Pierricre à efta- b ii la paix dansl Ifle , fl je ne les faifois connoiflre au public. Le fleur Milct luge delà Martinique fait mention des principaux, dans la Lettre, qu’il en écrivit le io.'d’Aouflà M. le Généra I,dont voicy les noms; La Pierricre, lé Fort, Saint Bon, la Fontaine, d Grange, le Sage, Mathieu Michel & l’Archer. D ez le lendemain le fleur de la Pierrierc envoya Mathieu Mi- chel exprès à la Guadeloupe â M. le General, pour l’informer de tout ce qui s’eftoit paffé,avi;c cette Lettre. M ONSIEVR, ” Le fu jet de la tragédie qui s’eft joiiée depuis quelques femai- „ «es en cette Ifle delà Martinique, cft trop long pour vous le „ reprefenter par le menu. le laiflé au porteur d’icelle à vous en „ fane le récit, comme témoin de tout, & commcnt/e m’y fuis >,acquite démon perfonnage : enfin nous nous fommes défaits >, etous lés mauvais efpnts fadh'cüx jlenncmis & perturbateurs ” j *P?aF*bbc ; enfuite dequoy jepenfe , fous voflre meilleur ” advis Mon fleur , qu’il nous cil befom d’une abolition generale L Partie. ' ' y Y „ que vous tcrezun ac ,, éclat rauthoritê &£■ la. ?i f Amérique. Ic fuis» MON S LE V R „ que vous nous pouvez oftroyer K envoy er , s il vous plaift , tel- le&enlzfaçonque voftrebonrèSc prudence 1= uouveruplus »”à propos pour le maintien de certeColomeauftrviccduRoy, ôc affeurcr nos infuUires des inquiétudes & deffirne^s quv leur *’ • , . ^ me— t:., e»i.r Monlieur, je crois .avec de && l(t JV1‘ 7. siouft itres-humD ferviteur, DE l a Pendant que M. le General confuite le fieur de Leumont In- tendant, touchant ; la forme de cette aMmonquil avoir def- fein d’envoyer au fieur de la Pierriere, Tip agne ariiva a a Guadeloupeaveç les fieurs du Couldray ôi 1 Archer députez de habitans de Tlfla* pour le prier en leur nom de trait« :de lé- chage de M> du Parquet Idm-Gouvern^^ de M. de Poincy . Cette demande qui avoir elle follicnxe en pai- tie nar la tendreffe que les habitons avoient pour M. du Parquet, & en partie par Madame fa femme, qui ne fouhaitoit que fon re- tour > embarafia fort M. le General à caule des inçonveniens qu à prévoyoït de cet échange, ^oiey, la lettre pat, laquelle il expli- que fes fentimens. dion derniere à. la Martini- j, Puifque les autheurs ««, • • j_ „que, ont tousefté facrifiez au publie par la jufte punition „Dieu, que doivent attendretels mifcrables, il ne me feiap ,, beaucoup difficile de pardpnner à pw qui ne les avoie«tlu> „ vis que par forpe , & quiQnt protefte de ne e par f _ — „ dcl’obeïffance & fidélité quils doivent au Roy. le vous ,jVoye donc dequoy ralffirer tous leurs e , ôcauffipou,_ — * àux Ant-IJles de ï Amérique. ^ 3s -filmer Iefîeur delaPierriere dans le Commandement pendant 3,1’abfence du fkur du Parquet. Voila pour le premier Article », de voflie députation. 0, Pour le fécond, je ne puis que jene loue extrêmement voftre „ zele envers voflie Gouverneur, & mefmc que je n’excufe „le touque vous me faites en m’excitant ce femble à une cho- „fe que vous devez croire, que jêpaflionneplus mov ièûl, que „ vous tous en femble. le diray déplus, que j’ay tant d’obljga- ,, tionà M. du Parquet, qu’il m’efl avantageux d’dîre fécondé „ pour y répondre, & que jeneporteray jamais d’envie aux ef- „fays que vous ferez pour avancer fon bien,puifque je m’offre „ derechef tout entier d’y contribuer, autant que mon honneur „ me le pourra permettre; vous pouvez croire qu’il n’a pas tenu ,,à moy jufqucs àprefent, qu’il n’ait la liberté que vous deman- ,, dez,puifque je Iuy ay offert l’échange dez S. Chriflophe, & que „ depuis avant que d’envoyer en Francemes dépêches, j’ayre- „ cherché les occafîons de traiter. M. de Poincylepourroitdire, „c’elf à îuy qu’il le faut demander. Tellement que je ne puis „ maintenant difpofer d’une partie ,h ce n’eficit parmi accom- „ modement general , & en compofant du tout autrement. Vous „ne voudriez pas qu’en ternifiailt la gloire que M. du Parquet ,, a acquife par une aétion fi gerereufe , j’cxpofaffe ma tefte ,, en difpofant de ce que je ne puis faire tout feul: le vous puis ,, affeurcr que fa confideration & la voftre ont toujours eu grand „ pouvoir fur moy , & me fcroient encore paffer pardeffus beau- „ coup de confiderations , quoy quece que vous demandez ne 3-puilTe manquer tofl ou tard ; c’efl tout ce que je puis vous „ dire à prefent, vous proteflant jufiques-là, que fi j’avoisaffeu- „ rance telle que je la dois fouhaiter, & que fi je fçavois que „M. dePoincy connut de quelle maniéré j’agis dans les affaires, „ & avec quelle patience je les attends , je ne ferois aucune 3, difficulté de vous donner encore laTatisfaéfion d’y envoyer, 3, pour vous faire coimoiftre commode fuisamy deM.du Parquet. 3, & comme je fuis & feray, tant que vous prendrez fesintereffs MESSIEVRS, Voftre rres-affettionné fervi- teur, de Thoi sy. 340 Eflablijfement des François Le vingt- deuxieme d’Aouft il envoya le fieur de Boisfaye fon Capitaine des Gardes, porter cette Déclaration en forme d’abolition aux habitans de la Martinique. de par leroy, Et Monflgneur de-LThoiJy, Chevalier , Confit - ler du Roy en fs s Confits , Lieutenant General pur fa Majefté dans les Ijlês de l Amérique, SVr les advis que nous avons eus depuis quelques mois de temps à autres, que certains Particuliers refidens dans l’Ifle „ de la Martinique, fufeitez par les pratiques & menées du „ fieur de Poincy &C de lés complices criminels deleze-Ma- ,,jefté, s’efforçoient de glifler fous main dans lefprit du peu- ple des confeils entièrement contraires au fervice du Roy, ” à l’affedion de leur Gouverneur & au repos public ; & ayant ” apris depuis peu que leur deflein pernicieux croifiant de îour ” en iour , les avoit premièrement portez à fe déclarer haute- ” ment par des difeours feditieux, & enfin par des infolenccs des crimes qui feraient horreur de les repeter; & dont ils s’eftonnoient eux-mefmes, ne pouvant plus efteindre le feu ” qu’ils avoient allumé , ny eftoufer le monftre qu’ils avoienc ’ Laiifé croiftre. Et comme le fieur de la Pierriere, qui com- ” mande à prefent en l’abfence du fieur du -Parquet, voyant ” les chofes en telle extrémité, qu’il ne pouvoir plus (auver ” ces Ides que par un remede aufli extraordinaire que le mal ” auroit efté contraint d’efteindre le feu avec le fang de tels "furieux , & de couperla telle à ce monftre en failant périr icS authturs d’une entr-eprife fi dangereufe & fi contraire au ” public. Nous apres avoir donné entière approbation à l’exe- ” cution que ledit fieur de la Pierriere a efté obligé de faire ” à la Martinique apres avoir rcmonftré à tous les habi- >5tans d’iccllc l’obligation qu’ils ont à fa prudence & bonne conduite ,& les malheurs qu’ils encouraient par la malice des "feditieux, reclamans la conduite d’un criminel de leze-Ma- aux Ant-IJles de t Amérique. $ 4! 3, jefté, le fieur de Poincy qui ne peut durer dans fa rébellion „ & qui les auroit engagez dans la mefme peine que les hat>i- i, tans de Saint Chriftophe ( quoy que mal-gré eux ) de n’ofer >) plus envoyer en France, de ne voir plus de navire , de n’a- ,, voir plus d’honneur & de perdre leur liberté, leurs biens &: „ leur vie ; & ce qui eft de plus honteux , d’avoir le blâme de „s’eftre jettez entre les mai ns de leur ennemy , qui detientlcur „ Gouverneur au lieu des avantages qu’ils poflèdent, d’eftre „ fous la prote&ion de leur R oy qui ne peut manquer, de la jotiyfi „ fance des navires 5e du trafic, de l’affeurance de leur bien, de „Ieur liberté 5ede leur vie, ôe enfin Fhonneur d exciter par un „bcn exemple ceux de Saint Chriftophe en confervant le t il- „trcdefidels ferviteurs du Roy, Se en prenant les intereftsMîc j, leur Gouverneur qui leur a bien monftré à méprifer la vie ,,pour acquérir la gloire de fc fignaler par fes fer vices; Toutes ïefquelles cho fes , 8e plufieurs autres eftant meurement con- fiderées , Se d’autant qu’il pouvoit refter peut-eftre quelque crainte dans l’efprit de ceux qui contre leur gré eftoient mêlez avec cesmal-heureux qui forçoient tout le monde, mefme les Officiers de les fuivre; ayant jugé à propos & neceflairc de les ,, raffeurer, de remettre tout en Ion premier eftat, 8e d’eftablir „ la paix & union fi avantageufe pour le fcrvice defaMajefté,8e ft neceffaire pour le bien public. Nous en vertu du pouvoir à nous don né par fa Maj efté ; avons promis 8e promettons de ne , rechercher perfonne apres la publication de cette prefente De- ,, claration , concernant l’execution derniere faite à la Martinique ,,par ledit fieur delà Pierriere, 8e d’oublier tous les defordres „ commis auparavant: Si mandons audit fieur de la Pierriere, •5, que nous confirmons par ces prefèntes pour gouverner en l’ab- j, fence de M. du Parquet en Tlflc de la Martinique, qu’il fafîeafi- ,, fcmbler toutesles Compagnies, pour apres icelles leucs pu- ,, blices , affichées 8e regjftrées, leur faire à tous prefter nouveau „ ferment, duquel il fera fait aébe au Greffe, ligné parlcsprinci- ,,paux deshabitansdonton nous envoyera autant. En foy de- ,,cuoy nous avons figné ces prefentesde noftre main, fait appofer ,,le fccau de nos armes , Se contre-figner par noftre Secrétaire , „au Fort de la Baffe-terre dcriilede la Guadeloupe, Iezj.Aouft S f iij jj 37 7) 77 3) 5> 34't EflabUJfement des François ,Ç\6/\0. iSnfi figné de Thoify, 8£ plus bas parmondit Seigneur „ clu Val & fcellé, & de l’autre cofté eft écrit, M.de Thoify Lieu- „ tenant General pour le Roy aux Ifles de 1 Amérique, a fait la «prefente Déclaration & rcmife cy-dclfus, denofae avis&con- „ fentement, comme Intendant des affaires de Meilleurs de la „ Compagnie Fait ce 24. Iuillet 1646. ainfi figue , Le v^M ONT. 3, Du deuxieme jour du mois de Septembre 1 646 . luivant l’Or- 3, donnance deM. de la-Pierriere , commandant le Pervice du „ Roy en fabfcnce de M. du Parquet , Senefchal & Gouverneur s, de cette Ifle Martinique , Puivant les ordres & mandemens 3, deM. le General de Thoify, dénommé enla Déclaration de 3, l'autre part écrite, à icelle efteleuë& publiée a haute &inteL „ hgible voix , à la telle de toutes les Compagnies poui cet effet ,, alfemblées , Se fous les armes , & de tous les Officiers de Milice, „& foldats eflans fous leurs commandemens reconnu mondit 3, fiçur le General en ladite qualité, &par tous unanimement a „ eflé fait Stprefléle ferment de nouveau, de ne reconnoillre 3, autre que ledit fienr de Thoify en ladite qualité de General „pour toutes les Illes de l’Amérique, & fpecialement pour celle 3, de la Martinique, Sc d’obeïr à fes ordres &c eommandemeiisj 3, &: pourfoy de ce, ont tousfigné. Fait ledit jour &an, figné la „ Pierricre , de Querenquen , Millet , la Renardière, de la Haye, 3, la marque du fieur Vertpré, le Fort , la marque du fieur 3, de la Houffaye, Montillet Greffier jMonfreülIe, la Moifîon- „niere, David, Iean Laifné , des Cottaux, Iean de Tournel- 3, le, Saint Efticnne, Pauriel &c Boucault, le tout avec para- phe. Signé, encore Mathieu, Michel d’ArnouIr &. IeanLar- 3, cher 3 regiftre au Greffe deflflc delà Martinique, le requé- rant Benoift Baudoüin, Procureur Fifcal en cette IfleMarti- 3, nique, apres avoir leuë &: publiée judiciellement ladite Dé- claration le}, de Septembre 1646. Signé Millet luge, Baudoüin â, Sc Montillet Notaire, avec un paraphe Montillet Greffier^ $4> aux Ant-Ifles de t Amérique* M- le General empefche un Capitaine Hollan - dois d'enlever une Caravelle Portugaise qui sefioit réfugiée a fa rade . Le fieur Hoüel fait tant par la fedition qu'il excite , qu'il l oblige de Je fauver de la Guadeloupe } ou on le vou - loir tuer. §. xi. LE i 6. Septembre une Caravelle Portugaife chargée dei8o. pipes de vin de Madere arriva à la Guadeloupe; elles’eftoit fauvée du Brefil , où elle avoir trouvé l’armée Hollandoife, dont quelques Vaiffeaux luy avoient donnée la chafTe fi vivement, qu’elle avoit rompu un de fes mafls à force de porter des voiles. Ayant moüillé l’ancre vis à vis le logis de M. le General, la Barque du Capitaine Bontemps eftanc party pour Anùvoa-> celuy qui la comraandoit y ayant trouvé le fieur Laurent Arnoult , Ca- pitaine d’un navire de Hollande , l’avertit qu’il pou voit faire une prife d’importance à la Guadeloupe de cette Caravelle. Ilappa- rcilla promptement pour la venir enlever ; mais n’ofant l’attaquer aune rade de France fans la permifïion de ceux qui comman- doient dans rifle, il vint trouver M.le General pour le prier de luy permettre de l’attaquer & de la prendre; ce qu’il luy deffendit , luy alléguant pour raifon qu’elle eftoitfous fa fauve-garde, àc que l’alliance que la F rance entre tenoit avec le Portugal l’obligeoit de la protéger à une rade quelle avoit choilie comme appartenant à un allié de fon Roy. Le Holandois malfatfsfait de cette répon- fe , &. fâché, de perdre une li belle occafîon , perdit le refpeéi , & dit hautement qu’il la prendroit en quelque lieu qu’elle fût; cet- te inlolence obligea M. le General de commander qu’on l’ar- reftât ; maiss’eftant échappé, il courut à fon navire, leva l’an- cre àlapoindedujour, &vint pour fondre fur la Caravelle qui eftoit prefque à terre ; ce qui ayant ejte apperçeu de M, le 344 J Eftabliffement des François General, il fe jetta promptement dans une Chaloupe avec (ixou fept de Tes gens, aborda hardiment le navire Holandois ; ô£ cftant entré dedans le (libre à la main, apres en avoir frappé,& mis plufieurs par terre, &que le relie fefut jetté à la Mer, il prit le Capitaine &: le Pilote &: les arrefta prifonniers , jufques à cc qu’il eut pourveu àlafeureté de la Caravelle ôe du vin dont elle eftoit chargée, qu’il achepta depuis avec Tes marchandifes, en- tre Iefquclles il trouva pluficurs fufils & moufquets qui n’avoient pas encore fervy. La j aloufie du (leur Hoiiel s’eftant augmentée par l’a&ion ge- nereufe que nous venons de dire, & la fedition delà Martini- que l’ayant rendu plus hardy, il recommença les broiiilleries dans la Guadeloupe, avec ddfein de les continuer, jufques à ce qu’il eut obligé Monfieur le General d’enfortir. II fit di- verses Affemblées à ce deffein, & pour l’intimider il ordonna à plufieurs habitans de prendre les armes; dequoy M. le Ge- neral ayant eu advis,il prît une conduite toute oppofée à la fienne;caril fit défenfesà tous ceux de (on quartier de porter aucunesarmes; &: pour luy ofler tout prétexte de foupçon&d© défiance , il diminua fa Garde. Prefqu’en mefine temps Defmiers& du Pont Greffier, don- nèrent a M. le General deux Déclarations, par la première de£ quelles Ddmiers reconnoiffoit qu’il n’avoit donné farequefte contre le Lieutenant du grand P revoit, qu’à la pricre du (leur Hoüel & de l’Intendant ; Et par la féconde , du Pont s’excu- foit fur la violence du fieur Hoüel, ÔC proteftoit qu’il l’a voie forcé de parler au Confeil de la manière qu’il avoir fait. Cette conduite du ficur Hoüel fomentant les defordres de l’Idc au lieu de les appaifer; M. le General pour les a(Toupir& pour y remédier crût qu’il feroit à propos de s’aboucher avec luy» il luy en donna advis comme d’une chofe importante au fer- vice du Roy, aux interdis des Seigneurs de la Compagnie & au bien general det’Ifle , & luy écrivit qu’il l’iroit trouver pour ce fujet. Comme il cfloitfur le point de partir, le ficur leNor- mandluge, eftant arrivé du quartier de M. Hoüel fit toute© qu’il pût pour le deflourncr d® ce voyage , & I’alfeura qu’il y avoit des embufeades fur le chemin pour l’affaffincr; mais foie que aux Ant-IJles de l'Amérique. ^uc cct advis fût véritable , foit qu’il eût un ordre fccret de M. Hoüel de tâcher de l’intimider par ce moyen ; M. le General n’en fit point de cas;& fe levant du lieu où il eftoit aflis dans une allée de Citroniers , il luy dit, que pour fai- re voir qu’ii ne craignoit point les embufeades, & pour ofter tout fujet à M. Hoüel de fe défier de luy, il partiroit dez le fbir avec deux Gardes feulement, & le fieur des Martineaux, & qu’il luy alloit faire fçavoir le chemin qu’il tiendroit; ce qu’ayant fait , il partit, &: alla coucher à la grande ^ nce . Le fieurHoiiel qui n’eftoit plus maiftre de fes fentimens, luy écrivit la Lettre fuivante, qu’il rcceut en chemin. „ Pour les bruits dont vous me parlez, je vous afleure n’a- «voir rien oüy dire dans ce quartier qui foit de telle eonfe- „qucnce que voftre prcfence y foit neccfTaire, &c. &>plns b as h mais apres vous avoir affeuré de mes refpe&s, je vouspriray ,, tres-humblement me permettre de vous dire, que plufieurs „perfonnes m’ont rapporté vous avoir oüy dire & à plufieurs „ de voftre maifbn , qu il falloir que dans peu de temps je for- „ tifte de cette Ifle à quelque prix que ce fût, je ny ay point » adjoûté de foy, non plus qu’aux chofes outrageufes,lefqueI- „les on m’aafteuré que plufieurs de ceux qui font auprez de ,, vous ont dit & fait contre moy. Mais les termesportez par vô- „ tre Ordonnance du premier Aouft de cette année , par laquelle ,, vous déclarez ceux qui afiiftent au Confeil de cette Ifle au- >, quel je prefidc , avoir attenté contre l’authorité Royalle, & „que vous agirez contre eux de tout voftre pouvoir, m’obli- „ge de vous dire avec tous lesrefpe&s que je vous dois, que „ je ne me puis tenir en feurcté où fera voftre perfonne, Ju f- „ ques à ce que le Roy ait levé cette accufation , c’eft pourquoy „ je vous fupplie tres-humblement de ne vous point donner la ,, peine de venir icy , ôcc. M. le General n’eftant encore qu’à moitié chemin de IaCap- fteire, ne voulut pas avancer davantage, &fe contenta de luy envoyer le fieur des Martineaux pour le defabufer de ces fauf- fes impreftions, &pour luy expliquer Iafinccrité& l’innocence de fes intentions; cct envoyé fit tout ce qu’il pût pour porter le fieur Hoüel à la paix; mais n’ayant rien avancé, il revint, & fit. I. Parue. ' Xx .4 6 Eflahlijfement des François connoiftrc à M. le General qu’il n’y avoir aucun accommode- mène à efperer avec luy ; qu’il avoir parlé en homme dcfefpere, criant cour haut devant les Officiers 6c le peuple , 6c pioche les fe- neftres des Prifonmers d’Eftat , qu’il s’accommoderait plu- tôt avec le diable ôc avec le fieur de Poincy, qu’avec luy ; qu il fe mocquoit de la Compagnie, qu il elloit maiftre de 1 Me, 6c que les Seigneurs luy dévoient au delà de ce quelle va- M. le General ne fut pas long-temps fans apprendre la résolu- tion que le fieur Hoiiel avoir prife de le chaffer de 1 IHe a force ouverte -, car ayant donné fes ordres pour ce fujet par tous les quartiers de i’Me, 6c le fieur de la Ramée ayant eu comman- dement defe rendre au Corps de Garde avec fa Compagnie, 6c de bloquer la maifon de M, le General , il refufa d’obeïr,6c vint aulli- toft luy en donner advis. Si-toft que feux appris ce foûlcvement general, 6c que les Officiers les plus refolus de la Capfterre ( où je failois la fonétion de Curé) cftoient partis avec les plus déterminez deleurs Soldats,) e fortis pour en fçayoiria v-eritéôc lefujet.Ie trouvay une conlfernation generale dans toutes les cafés , les uns me diloient qu’on alloit brûler M. le General dans fa maifon, les autres qu’on vouloir avoir fa telle avec celle du fieur de Boisfaye, pour boire dans leur crâne ; 6c d’autres , qu on ne vouloit que fa fortie. Apres leur avoir demandé qui leur commandoit , 6C ayant appris que c’efloient le fieur du Me Capitaine, duPont Major /la Forge Lieutenant, mais qu’on ne difoit pas de la part de qui; je leur remonftré avec allez de force que cette entreprife efloit d’une ellrange confequence ; 6c que quand mefme elle auroit un fuccez tel que ceux qui en eftoient les Chefs le pou voient defirer, la vie 6c les biens des pauvres ha- bitans en répondraient un jour; que Dieu ne lailïlioir pas ce crime împuny , & qu’il les chaftiroit comme les Violateurs du ferment de fidelité qu’ils avoient tant de fois réitéré a M e General ; 6c qu’apres tout c’eftoit l’homme du Roy, charge de fa Commiffion , 8c reprefentant fa perfonne , 6c que tous ceux qui prendraient part à cét attentat fe rendraient criminels e ç~ ze-Majeilé. àUX ^Ant-ÎJles de P Amérique. 347 Ladjoûtay que ceux qui les commandoient n’avoient aucun ordre du fieur Hoüel, & que fi l'affaire efioit bonne il paroiftroit luy-mefme jje leur confeillc enfuitc pour ne fe point emba- rafier dans cette revo!te,dc demander à voir l’ordre de leur Gou- verneur; & que fi l’on leur refufoit c’efioit une marque infaillible ou qui! n y en avoir point, ou que fes ordres ne valoient rien, qu ainfi perfonne ne devoit fuivre les Commandans. IepafTay toute la matinée à aller de café en café, ce qui ayant donné temps aux fedirieux de faire fçavoir au ficur Hoüel que je defiournois fon monde , & que perfonne ne vouloir plus fuivre. La Forge Lieutenant, vint dechez Iuy, & m’ayant trouvé dans la café d’un habitant où j’eftois avec plufieurs autres, il me demanda, en jurant le Saint nom de Dieu,fijen’avois pasveu un homme qui mecherchoit pour me donner un coup depifio- let dans la tefte; voyant neantmoins tant de monde auprez de moy , ilfe contenta de me pouffer affez rudement la poignée de fon pifiolet contre la joue, & prononçant une vilaine injure il médit en furie , viens dire dehors ce que tu dis icy; ie Iuy ré- pondis que ie le ferois tres-volontiers,&: que ie le fui vrois par tout fans aucune crainte. F fiant entre chez le fleur du Mé où efioient les autres Chefs de lafedition, &enviromoo.ouna. habitans,ie l’y fui vis; du Mé qui eftoita/îîs dans une chaife environné des autres fur des ba- rils & fur des bancs, devintblefme en me voyant;& blafphemant le nom de Dieu, me dit, Pere, allez dire voftre Bréviaire. le Iuy répondis queie m’étois acquité de ce devoir dez le matin, & que toute mon occupation prefentcefioitd’avoir foin de Iuy S€ des autres habitans, qui efioient mes oüailles, & dont ie devois répondre a Dieu qui me les avoitconfiées.Ieluy demâday enfui- te de la part de ces habitans, quel ordre il avoit de leur faire prendre les armes & de les conduire hors de leur quartier , ayant fujet de croire qu’il n’en avoit point de M. Hoüel, puifqu’il ne pa- roifibir point en cette occafion , où fa prefence neantmoins eftoit ties-necefiaire. Cetre réponfe ne Iuy plaifant pas, il fe leva,& me dit en continuant fes blafphemes, que je me mêlaffc de mes affaires, e Iuy repliquay que le foin de mon troupeau efioit mon af~ X x ij 548 Efiabltjfementdes Frdnç ois faire , 8e qu’eftant chargé de tout le peuple de 1a. Capfterre , ie voulois fçavoir deluyquel ordre il avoir de les foule ver contre le Lieutenant General du Roy que oeftoir mou affaired-cltre là pour en fçavoir la vérité. -, . . -r Le S du Pont, & quelques-aütres rebelles , fcictterent fur moy &me déchirèrent une partie de mes habits5le peuple-iOUtfcar- dalizé de cét injurieux traitement, %vant crié tout beau , tout beau i ils fe ccntcnterent de me poulfenhors de la café a coups de genoux & de pied dans les reins-, dans Ua bourbier qui eftoit devant la porte, où meshabits furent gaffez jm e fiant re le v e, &c .prenant k baluflre qui. fet* voit de feneilre a la café ou nseftoicnc Infer mez , je leur parlay,Sr leur dis , que leur conduite faifoit voir clairement qu iis efloient des perturbateurs du repos public, qu ils . perdoient les affaires du Roy, qu ils ruïnorent cel es de la Coin- lagnie , . & que non contens d’eftre criminels de kze-Maje , ■ilsrifquoient lefang,la fortune, & la vie d un peuple innocent, qui ni voit aucuneparc dans leurs crimes Ces feditieux voyant que je continuois à leur reprocher leur rébellion, &quelepeu- pïe entroit dans mes fentimens , envoyèrent deuxefclaves avec certaines trompettes ou cornets de limaçons , qui coineient fi fort à mes oreilles , qu’il me fut impoffiblc de parler davan- nSn's continuèrent de tenir confeil, «trefolurent de fc fervir de leurs cfclaves pour palier la riviere, qui eftoit dcboidce , dans l’efperance d'emmener le relie des habitans qui elloicn au delà; les ayant fuivy à la pille, ie fis tous mes efforts pour paffer la riviere , mais il me fut impoiîible , fi bien que je tus con- traint de paffer les deux tiers delanuiadans le bois finie bord, apres quoy la voyant un peubaiffée jeme dépouillé; 5C ayant l.é meshabits au tour de matefte avec deshannes, lememisa l'eau pour paffer; mais au milieu de la riviere mes habits s cftans déliez, le fus vcnvcrlè Kietté parle courant de leau dans des haziers , d’où apres m’eftre retiré avec beaucoup de peine, ie m’en allé chez le fieur Dorange, Pere commun de tous les ha bitans ,où il y avoir grand nombre d’hommes 5e de fcmm« tort eltonnez de fe voir commandez pour une telle aftion, “ fort irrefolus de ce qu’ils devoienc faire. le leur apporte tant mxAnt-IJles de ['Amérique. 349 de raifons qu’ils me promirent de ne point fùivre le fleur du Mé &: ceux de facaballe, s’il ne leur faifoient voir un ordre ligne du fieur Hoiicl:ie partis de fa café, &c auparavant queie fulfe arrivé au lieu où avoit couché le fieur du Mé , ie< fus fuivy de plus de cent des plus vaillans habitans de rifle , tous refolus de ne point marcher fans voir un ordre , que ces Mef. fleurs avoient en effet, mais qu’ils ne faifoient voir à per- fonne. Le fieur du Mé qui effoit preft à partir, & qui n’attendoic plus que fcs gens, fut plus furpris de me voir à la telle de tout ce monde , que s’il eut veu une armée contre Iuy : ie luy dis en fouriant, apres l’avoir falué, hé bien M. ie vous amene du monde, je m’en vais avec vous, il elt feulement queflion de voir l’ordre que vous avez de les mener, car ils le défirent, & m’ont chargé de vous le demander ; mais fans me répon- dre, ayant jetté fon baudrier d’où pendoit fon épée , fur fon épaule, il cria tout haut, qui m’ayme me fuive, il n’y a point d’ordre à montrer que nous ne foyonsà la Baffe-terre ;& tous les habitans luy ayant dit qu’ils ne marcheroient point fansor- dre; il partit avec huiét ou dix hommes, & je remenay tout le refte au quartier. Il marcha en diligence vers la BafTe-terte, où le fieur de la Baziliere Capitaine, avoit déjà fait foule ver 2,50. ou 300. hom- mes -, mais Dieu qui vouloit empefeher l’execution d’une fi deteltable entreprife , permit qu’il plût avec tant d’abondan- ce, que les rivières eftant débordées par toute fille, M. le Ge- neral eut le temps d’écrire au fieur JH oiiel, & de luy envoyer ce billet par un Negre exprez. JMioNSIEV'R,, „ le vous fomme &c interpelle de la part du Roy , de faire „ceffer tous ces troubles & allarmes, qu’il n’eft que trop évi- dent que vous avez allumé icy & de delà; ie vous ay fuffi- „famment defabufé des caufes & proteftarions que vous alle- «guez, les chofes ne font pas encore à l’extrémité, vous avez X x iij ^0 Efiablijfement des François „ encore lieu de prendre les voyes d’accommodement que je j, vous ay propofées, prenez y garde, autrement je protefte contre vous, comme caufe de tout ce qui pourrait arriver: ,,eftant refolu d’achever en homme d’honneur, jefuis comme ,, vous fçavez Lieutenant General pour le Roy en ces Ifles, Le 'vingt- deuxième Voftre très - affeétionnê fervi- Novembre 1646. teur, DE Thoisy. Ceux que le fieur de la Baziliere avoit fait foûlever à la Baffe-terre, eftoient campez à une portée de moufquet de la maifon de M. le General, fur une éminence affez avantagea» fe, en attendant les autres, pour executer ce qui avoit efté re- folu. M. le General voyant fa maifon ainfi bloquée , refolut de faire une fbrtie avec environ vingt-cinq hommes & fes gens, & dal- lera leur tefte affronter les feditieux, tant pour empefeher qu© leur troupe ne grofsît, que pour leur faire connoiftre fa ferme- té, & qu’il n’eftoit pas d’humeur à quitter prife, comme ils- s’eftoient imaginés s Cela luy réiiftit, car comme ils le crûrent fuivy de bien plus de monde qu’il n’eftoit en effet ; la frayeur les laifît, bc le trouble fe mit parmy eux, ft bien que la Bazi- îiere qui les commandoit , ne fe trouvant pas trop affeuré , bc craignant que le murmure qui s’eftoit excité parmy ce peu- ple s’augmentant , il ne fut livré entre les mains de M. le Gene- ral, l’envoya fupplier de ne pas paffer outre, &qu on IuyaIloit_ envoyer des députez, ce qui l’obligea de retourner à fa maifon; pour les attendre. Pendant que ceschofesfe paffoient au quartier de M.le Ge- neral, le fieur Hoüel receut le billet , par lequel il le rendoit ref- ponfable de tout ce qui arriverait; & voyant par là qu’au lieu de s’en aller comme ils’eftoit perfuadé, il fai foie ferme dans fa maifon , qui eftoit forte & environnée d’une bonne palliffade, munie de quatre pièces de canon & d’autant de pierriers, fça- chant d’ailleurs qu’il eftoit accompagné de prez de deux cens hommes, bien armez & bien refolus de fedéfendre, qu’ileftoit bienfcurny de vivres bc démunirions, & que plus de la moitié des habitans n’avoientpris les armes qu’à contre cœur,&par- tant qu’ils n’attendoient que l’occafion de tourner leurs armes contre Iuy, 5c de fe vanger des mauvais traittemens qu’ils en avoientrcceus; dans l’apprehenfion du fuccez de cette entrepri- fe, il eut recours à nos Religieux, &les pria de s’employer pour arrefter le cours decefoûIcvement,c’eff pourquoy il envoya dez le mcfme jour un de Tes gens au quartier de la Baffe -terre avec cette Lettre au R. P. Armand de la Paix > Supérieur 5C Prefedtde noftre Miffion. „ le viens prefentement de recevoir advis par la Bergerie, ,, que laplulpart de nos habitans de la Capfterre eftoient partis „ ce matin pour aller à la Baffe-terre trouver M. le General; je ,, n ay pas voulu manquer de vous en donner advis, 5c de vous „ prier tres-humblement de vous tranfporter chez M. le Gene* jj ral, pour parvoftre prefence, empefeher qu’il ne luyfoit fait j, aucun tort. le n écris point à M. le General, crainte que mes ,, Lettres ne luy fuffent pas rendues; je ne doute pas quevoftre „ Reverence ne fane Ibnpo/Iible pour la latisfadtion de tous, c’elt ,j donc f e vous fupplie très- humblement , 5c me croire Il m’envoya en mefme temps un autre billet, par lequel il me prioit inftamment de le venir trouver pour des affaires très- im- portantes, jy fus contre le fentiment de la plufpart de mesamys, qui croyoienr qu’il avoit deffein de me mal-traiter; apres m’avoir faliié avec un vifage fort abbatu 5c fort melancholique , il me dit; mon Pere, vous avez grand tort de vouseffre amulcdediffuader MON REVEREND PERE, Du Fort de SainSIe Marie de la Guadeloupe , ce 21. Novembre 1646'. V oftre très - humble 5c tres-obcïffant fervi- teur, Hoüel. les habitans de marcher , aulicude m’en donner a vis, car j’yau- 352- Efiablïjfement des François rois donné ordre , & voila maintenant la maifon de M. le Ge*- neral affiegée , fans que j’en ayc rien fçeu, quineantmoins me. fait refponfable de tout , comme fi j’eftois l’autheur de ce fou- levement. le vous fupplie d’aller prefentement à la Baife-terre. porter vn ordre de ma part à tous ceux quront pris les armes, de fè retirer. Quoy que je fuffe fort furpris de ce difcours ,jeneluy déguw- fay pourtant pasmesfentimens, Sc Iuy dis avec mafranchife or^ dinaire : Monfieur, jen’iray point , car fi vos Officiers, qui n’a- voient icy que de l’eau , m’ont traité avec toute forte d'outrages; , maintenant qu’ils ont cent pipes de vin de Madere à la Baffe> terre, quel traitement en pourroy-je efperer ? Si vous voulez véritablement la paix, donnez vos ordres au fieur de S aboüilly, qui eft aymé &refpeété de tous leshabitans, &le feul que je. connoiffe icy , capable de rétablir la paix dans voftre Ifte. Pour ce qui regarde la plainte que vous me faites , de ne vous, ■avoir pas averti de ce qui fe pafloit dans voftre quartier, vous., l’avez bien fçeu, moy-mefme j’ay veu vos Negres porter de la mèche &: vn jarre de poudre aux feditieux, &: je fçay de bonne. part qu’on vous a donné advisde ce que je faifcis* Voyant bien que j’en fçavois trop; il brifa là deffus, & me pria de faire en for- te que MÜdeSaboüi-liy y allaft, craignant qu’il n’en voulut rien faire s’il l’en prioicluy-mefme, le fus prier ce Gentil-homme de venir avec moyàla Bafic- terre pour empcfcher le carnage des pauvres habitais, defquels il eftoit fi tendrement aymé. Il me refufa d’abord, & me dit que e’eftoient de jeunes gens qui gaftoicnt les affaires du Roy, qu’il n’iroit point, mais je le preffay tant qu’enfin il s’y accorda : nous partifmes la meftne nuit dans vn Canot, ôc nous fufmes à la. pointe du jour chez Mde General. On avoit déjà commencé à faire quelques coups de piftolet furies fentinelles, mais la prefencedufieur de Saboüilly fufpen- dit ces aébes d’hoftilitié , imprima de la terreur dans les efprits des feditieux, & eau fa de la joyc dans ceux des gens de bien qui defirokntla paix. Il leur monftra l’ordre qu’il avoit de leur fai- re mettre les arm es bas; à quoy quelques mutins ayant répondu, qu’ils avoient un ordre ftgné de la mçftne main , qu’ils preten- dtoiens aux Ant-ljles de l* A merique . 3 5 3 doicnt exécuter, le fieur de Saboüilly les menaça de fe jeter dans la maifon de M. le General , & qu apres il leur fefoit fentir ce que pouvoir une petite troupe bien conduite , contré une mul- titude de rebelles & de feditieux j à cette menace chacun fc reti- ra chez foy , excepté les Chefs de la fedition quife crurent obligez par bien-feance , de venir rendre leur foûmiffion à M. le General , & de luy faire quelque remonftrance pour donner couleur à leur entreprife ; mais on remarqua tant de contrain- te dans cette a&ion de civilité, qu’on jugea bien dés-lors que cette paix ne feroit pas de longue durée. En effet pendant quelle dura, on n’entendit que plaintes 5C que menaces contre M. le General &c fes gens ; dont ayant aver- ty M.Hoüel afin qu’il donnait ordre pour les faire cefTer, ôepour appaifer la fedition quirccommençoit ; il luy fit réponfe qu’on J’eftoicvenu trouver de la part des habitans des quartiers de la Pointe de Saint Iofeph ôc de Cljle auxGouyxres , qui fe plaignoient par une Lettre commune écrite par le fieur de la Ramée &fous* crite par eux, que le dernier Dimanche on a voit voulu brûler la café du fieur Maillard Enfeigne, & celle dcl’Eftoile Sergent, à quoyils leprioient unanimement de remedier & d’empefeher que par la continuation de ces defordres ils ne fulTent obligez de s’entretuer les uns les autres. A quoy iln’avoit pû répon- dre autre chofe,finon qu’il iroit , &c qu’il effayeroit deremettre le calme dans les cfprits; mais qu’il apprehendoit beaucoup de n’eflrc paslemaiftre d’un peuple émeu, qui connoiffant fes for- ces, feroit difficile à appaifer, fans luy accorder une partie de fes demandes , qui eftla voye la plus ordinaire d’appaifcrlcs grandes feditions. M. le General ayant apris cecy, & que M. Hoüel fe difpo- foit à le venir trouver, l’en pria^encore par une Lettre , & luy témoigna qu’il iugeoit fa prefence neceffaire à la Baffe-terre pour le fervicc du Roy & le bien de tout le peuple, & que cet- te entre veuë appaiferoit fans doute & accommpderoit toutes les affaires. M. le General l’attendant à ce deffern fut bien furpris, quand au lieu de venir fuivant la promeffe qu’il avoit faite, il luy cerivic une Lettre, par laquelle illuy mandoit, que les mefmes raifons I. Partie. Y y 354 Efiablîjfement des François qui revoient obligé de le fupplier tres-humblement de ne pas prendre la peine de venir à la Capfterre , l’empefchoient de fe donner l’honneur de l’aller voir, qu’il y auroit efté très- volon- tiers s’il n’euft pas témoigné le vouloir obliger à une entreveuë, laquelle il pretendoit diftereriulques à ce que leRoy eutannul- lé la Déclaration qu’il avoir faite contre iuy, pour avoir at- tenté à l’authorité Roy aile. Et apres beaucoup de difeours, il le prioit de trouver bon qu’il Iuy envoyai!; les Pnfonniers d’Eftar dont il eftoit chargé ; &■ en mcfme temps fans attendre fes ordres, les mit en liberté. M. le General n’eftant que trop convaincu que iefieurHoücl eftoit alors d’intelligence avec les rebelles, Se qu’il eftoit le premier moteur du foûlevement de fille, Iuy écrivit cette Lettre , qui donnant beaucoup de iour à ce qui fe palTa , ie la mets icy tout du long. jtyfoNSIEVR, „ C’eftune eftrange maniéré de procéder avec moy , me con- ,, noilfant pour ce que ie fuis icy, apres les iuftes protefta~ ,, rions que vous avez receude ma part, de me prier de recevoir 3, des Pnfonniers, & de me les envoyer tout enfémble; ie ne ,, comprens plus rien à vos façons d agir avec moy , il faut que ,, vous en foyez venu à un eftrange point , puifque les bons ,,advis que ie vous ay donnez, vous deviennent mauvais; ,, les propolitions franches que ie vous ay faites, vous paroilfent ,, trompeules , vous elevent fans raifon li vous avez ci il queio „lesay faites par foiblefife. ,, Vous m’avez envoyé le lieur duPont fans aucun ordre, & „ Iuy avez dit feulement que ie n’avois point décrit de vous „ comme vous eftiez chargé de ces Meilleurs les Prifonniers; „ ce qu’il a reconnu tout au contraire par les extraits de quel- „ ques-unes des voftres que ie Iuy ay donné , afin que vous voyez 3,1e tort que vous vous faites, ieluyay donné un ordre ligné de ,, moy & fcellé , auquel il eft plus oblige qu à vos paroles. D ail- fleurs tous les habicans m’ont.prefenté requefte, afin quéic ne mx Ànt-IJles de l’ Amérique. 355 ^reçoive point ces Plafonniers , & vous en envoycntune^ 3>afin que vous continuiez à les garder, fçachant qu’ils ne 33 font pas en péril chez vous; & queftans icy, ils feront obli- 53gezà des Gardes continuelles, & à de perpétuelles allar- 33 mes. 33 Pour moy ie vous réïtere & vous déclaré que ie pro- 33 telle derechef contre vous de tous les évenemens de cette „ affaire; vous devez fçavoir qu’eftant icy Gouverneur, Se- . s, nefchal , luge, & déplus l’un des Seigneurs delà Compa- 3,gnic, il eft de vollre fai& d’avoir des prifons , & d’en faire 3,conftruire en lieu de feureté. Vous en avez fait une chez 3, vous de voffre mouvement, pour garder ces Me/îîeurs, dont „il paroît que vous elles chargé par vos Lettres, &que vous „ m avez mcfme fait contribuer des barres de fer pour fermer 3, les feneftres, vous n’avez plus rien à dire apres cela; & h „vous elles las à prefent, vous pouvez faire faire des pri- „fons autre part où bon vous femblera, & y elles obligé par ,, les tiltres que vous portez. Et déplus, il ne s’ell jamais veu 3,quun Gouverneur oblige dans fon Gouvernement un Lieu- „ tenant General pour le Roy de faire des priions , principa- 3, lement quand il s’agit d'un P rifonnier d’Ellat, que vous elles „ auffi bien obligé de garder que moy , lî vous elles bon François, „ & fi vous faites vollre Charge, qui déplus vous y affraint par les „ Ordonnances. „ Pour la peine que donnent ces Meilleurs à ceux qui les gar- „ dent, ie vous diray qu’il eil bien-aifé quand on veut ,d’em- „ pefeber que des Prifonniers ne foient lî difficiles ; mais il paroît „ beaucoup d’affeélationà tout cela; la lin & la fuite de toutes ces „ choies feront lespreu ves de cesprocedez icy , qui font inoüys „ fans exemple. Pour leur nourriture, cela s’entend quelle fera toûjours „ payée par ceux qu’il fera ordonné par là Maiellé; j’ay dit au „ lieur du Pont-que j’efpere devant deux mois vous en dé- „chaiger d une façon ou d’autre, & que ie m’offioismefmeà „ vous envoyer quelques Gardes pour le foulage.ment des vô- „ très, ôc pour ne vous point donner prétexte de charger les Sjhabitans déjà Capllerre3 dont.j’aymc autant le repos, que Y y i j ^6 'EJlabliJfcmtnt des François ,,vouS. Rentrez ic vous prie en vous-mefrp.C > ; cipere, qùâftdt ,» vous y aurez bien penfé , que vous croirez que ic fuis , MONSIEV R, A la Baffe-terre le 1 4. V offre tres-affeftionné fervL Décembre 16 46. teur, D>E Thoisy. Pendant que toutes ces chofes fe pafloientauxlfles ,M. le Ge- neral a voit informé le Roy de la maniéré qu’il avoitefté traité, desdifficultezqueM. de Poincy apportait à fa réception, & de l’emprifonncment de M. du Parquet; A quoyS.M.vouIantre- mcdier, il luy envoya les ordres fuivans, par lefquels il luy or- donnoit de faire l’ échange desfieurs du P arquet 8c Saint Aubîn, avec les neveux de M. de Poincy qu iicenoit prifonniers, & de luy faire tenir la Lettre qu’il luy écri voit for ce fojet: ilenenvoyaau- tant à M. de Poincy , avec ordre pareil de faire tenir à M le General, la Lettre qu'il luy écrivait. Lettre de Cachet à M. de Thoify, Lieutenant General aux Ifies de l' Amérique. } * jr Onfieur deThoify ayant voulu prendre connoiflance de ” JVjl ce qui s’eft paflé dans les Ifles de Saint Chriftophc& la „ Guadeloupe à voffre arrivée en icelles, pour y commander en i, qualité de mon Lieutenant General cffdites Ifles, 6 1 vous y efta- 5, blir en la place du (leur Commandeur de Poincy, en attendant „ que j’aye îugé le different qui eft entre vous, mefme celuy qu’il à avec les Affociez en la Compagnie deslflesde 1 Amérique, „ pour diverfes p r e ce n fi on s, qu’i 1 défi r e vüider avant que de fe rc- „ tirer. le vous écris celle-cy par l’advis de la Reync Rcgence ,, Madame Mere, pour vous dire que vous ayez à remettre ez „ .mains du fleur Commandeur de Poincy les fieurs de P oincy fes „ deux neveux , que vous retenez prifonniers 6e pour cét effet, „ vous les ferez conduire au lieu quifera convenuentre vous, pour ,, en faire l’échange avec les fleurs du Parquet 8>c Saint Aubin, ,, détenus prifonniers par ledit fieur Commandeur, auquel j ay „ commandé de Vous les tendre, ou à celuy qui aura charge de AUX Ârit-IJles de t Amérique. ^y »)Voftrepart de les recevoir. Vousluy ferez tenir la Lettre.,. 1 r • r . m u» • IC M'M* r _ . i . i. r* w ? ..»«>- - 1 WilJ , j wwLwiurcelujét, afin qu’il y obeïlîe de Ton collé, com- ,>Hie vous ferez du voftre. Aquoy m’alfeurant que vous ne » manquerez , ie prieray Dieu vous avoir , M. de Thoify, en fa „ Sainde garde. Efcric à Parisle 1 6. Odobre 1646. Signé Lovys, „& plus bas, DE LoMENlE. Lettre de Cachet à Ai, le Commandeur de Poincy , »> Tl K Onfieur le Commandeur de Poincy ayant voulu pren- ,,lYldre connoiflance de ce qui s’eft palfé dans les Illes d't „ Saint Chriftophe & la Guadeloupe, à l’arrivée du fieur de „ Thoify en icelles pour y commander & s’y eftablir en voftre „ place, en qualité de mon Lieutenant General defdites Illes, en attendant que j’aye iugé le different qui cft non-feu le- ,,ment entre vous, mais aulïi celuy que vous avez contre les „ Alfociez de la Compagnie des Illes de l’Amerique. le vous „ écris celle-cy par l’avis de la Reyne Regente Madame ma ,, Mere, pour vous dire que vous ayez à remettre entre les ,, mains dudit licur de Thoily , ou de celuy qui fera chargé de là ,, part, les fieurs du Parquet ôc Saint Aubin, que vous retenez „prifonniersj &: pour cét effet vous les ferez conduire au lieu „ dont vous ferez convenus entre vous, pour faire l’échange avec „ les fieurs de Poincy vos deux neveux, détenus prifonniers par ,, ledit lieurde Thoify, auquel j’ay commandé de les vousren- * dre , ou à celuy qui aura charge de voftre part de le s recevoir „ vous luy ferez tenir la Lettre que ic Iuy écris fur ce fujet, afin >, qu’il y obeïffe de fon collé comme vous ferez du voftre. A „ quoy m’alfeurantque vousnemanquerezueprieray Dieu vous :, avoir, M. le Commandeur de Poincy , en la fainéle garde. Ef- „crità Paris le 16. Oétôbre 1646. Signé Loyys, &' plus bas, de Lomenie. Ces deux Lettres eftoient accompagnées des deux fuivantes qui av oient efté expédiées pofterieurcment à celles que nous ve- nons de mettre, fur de nouveaux ad vis que l’on avoir receusàla Y yüj 358 Eftablijfemerft des Er dite ois Cour? de ce qui fe paffoit aux Ifles de Saint Chriftophe U. de la Guadeloupe, M. le General les receur toutes par le Ca- pitaine Beliard. Lettre de Cachet à M. de Thoijy Tatrocles, Lieutenant General pour le Roji aux IJles de ,ï Amérique. „ x . Onfieur de Thoify Patrocles, ie vous avois mandé il «JM y a peu de iours comme i’ay retenu la connoiffance du „ different qui.eft entre le heur Commandeur de Poincy , oc ceux ,3 de la Compagnie des Ifles de T Amérique, pour eftre terminé „ à l’amiable ,5*1! Te peut , hnon le iuger par les voy-es de Iuftice , „ & que cependant i’avois trouve à propos que les neveux *1- ,, die fieur Commandeur, que vous dçtenez prifonniers, luy ,, fuffent rendus en échange des heurs du Parquet & de Saint „ Aubin : mais d’autant que i’ay feeu qu il y a encore des pri- j,fonniers intereflez de part & d’autre, mefme quilyen aqui „ dans 1’Ifle de Saint Chriftophc, fe font recirez dans les bois montagnes, crainte de quelque mauvais traitement, iay „refolude vous écrire celle-cypar lavis de la Reyne Regente „ Madame ma Mere, pour vous dire, que lors que vous rendrez „ les deux neveux , vous ayez.à rendre enmefme tempstousles „ autres prifonniers qui font e& yos mains, ayant pareillement „ commandé èc ordonné audit heur Commandeur d en faite de j, mefme ; & que ceux qui pour cette oççahon fe font retirez ans „ des bois & montagnes , foient en- liberté. de forcir del lue, ou y „ demeurer en toute feureté à leur choix, fans qu ils foient inquie- „ tez ny molehez, au furplus ic .dehre qu’il ne fou fait aucun „ Acte d’hoftilitê, ains que la tranquilité demeure eftablie dans „ toutes les Ifles ; & m’aflefirant que vous fatisferez a cette mien- „ ne intentionné prieray Dieu qu’il vous ait, M. de Th oify „ clés, en fa Sain&e garde. EfcritàParis le 18. Oétqbre 1646* 3, S igné L o v Y s , & plus bas , ç>E T Q M £ N 1 E. <%Ux Ànt-ÎJles de F Amérique . Lettre de Cachet dr Ad. le Commandeur » \ À '“,nlieur le ^-onimandcur de Poincy, j.e vous ay écrit il » IViy a peu dedours, que j’avois voulu retenir la connoiifance „ dudifferent qui eft entre vous, & ceux des Ifles de f Amérique, >> pour le terminer amiablement , s’il fe peut, ou juger par rigueur jj de iuftice, &. que cependant j’avois trouvé, à propois que les j, fieurs du Parquet & Saint Aubin, que vous -detenez prifon*. „niers, fulTent rendus ez mains du fieur de Thoify Patiodes, „que jay pourveu de la Charge de mon Lieutenant General en „toutesles Ifles , auquel j’ay pareillement écrit de vous, remet- „tre leslieurs de Poincy vos deux neveux qu’il détient prifon, ,, niers,& de convenir avec vous d’un lieu pour faire cét échange* j, Mais d’autant que j’ayfceu qu’il y a encore d’autres perfonnes ,, intereffées, qui ont accompagné les fieurs du Parquet , fçavoir „ les nommez la Fontaine ôc Carnot Capitaines , & qu’il y en a encore, quife font retirez dans les bois &dansdes montagnes „ pour éviter quelques mauvais traitement, l’ay refdu de vous „ écrire celle-cy par l’advis de là Reyne Regente Madame ma ,,Mere, pour vous dire que lors que vous rendrez Iefdits fieurs j, du Parquet & Saint Aubin, vous ayez enmefmetempsàren- >, dre tous les autres prifonniers qui font en vos mains., &c que „ ceux qui pour cette occafion fe font retirez dans les monta? ,,gnes, puiffent en toute feureté & liberté fortir de Tille de „ Saint Ghriflophe , ou y demeurer à leur choix , fans permettre ^, qu il leur foit fait aucun trouble que ce foit, les mettant en vô? „ treprote&ion. l’écris prefentement audit fieur de Thojfy dç ,, vous rendre non-feulement vos deux neveux , mais tous les ,, autres prifôniers qu’il detient,& que vous reclamerez, fi ce n’eft qu ils déclarent vouloir demeurer dans rifle de la.Guadelou- ,,pe, & ne point retourner en celle de S.Chriftophe.Et au furplus, „£edefire qu’il ne foit point fait- aucun Adc d’hçftilrté , & que la „ tranquilité demeure eftablie dans toutes les I-flesjScm’afTeurant ^ que vous fatisferez à mon intétiô; ie pricrayDicu qu’il vous ait. 360 EfiMiJfement des Francis „M.le Commandeur de Poincy en fa Sain&e garde. Efcrit a „ Pans le z8 iour d’Oûobréiô^. Signé Lovts, & plus bas, D E LOMENIE. M. le General eut une joye toute extraordinaire de ces ordres, croyant que par ce moyen il verroit la fin de tous les differens, & que par les efehanges qui fe dévoient faire toutes chofes fe rétabliroient en leur premier ellat ; & qu enfin le R.oy eftant obey , il feroit en paifible poflefiîon de la Charge dont Sa Ma- jefté Pavoit honnorê. Mais il fe trouva bien loin de fon com- pte} car il apprit en mefme temps , que la fedition recommen- çoit plus fort que iamaisiqu’on avoit refolu de le tuer le pre- mier iour de l’Aiijlors que les Compagnies iioient pour le fa» lüer} & que fi cela ne reüflifloit pas ,il devoit eftre embarqué, mal-gré luy > dans le Navire du Capitaine Gregoiiejqüi avoit «fié gagné à cér effet , par les feditieux. Bien que ce deffein fût fore fécretjM. le General en eut pourtant advis , &fçeut pré- cisément l’heure en laquelle le Sieur Hoüel s eftoit rendu an Navire du Capitaine Grégoire > pour le mettre à execution, c’ett pourquoy il rcfufa ce Capitaine qui le vint prier d’aller difneràfon bord , & refolut de fortir de l’Ifle, pour fuir le mal- heut que vray-femblablement il ne pouvoir éviter , pendant une rébellion } qui comme une hydre renaiffoit tous les iours. Ayant donc refolu de quitter la Guadelouppc , il fit embar- quer la nuit du Décembre une partie de fes principaux meubles dans la Caravelle Porrugaife,quil avoit acheptée,& demeura à terre jufqu’au iour } apres quoy il envoya le Sieur de S. Edme porter la Lettre fuivantc au Sieur Hoüel, & le fom- mer de luy renvoyer les prifonniers , pour en difpofer confor- mément aux ordres de Sa Majcfté, desi6. & a8. Odobre der- „ Vous n’auriez iamais crû que ii Vous euife envoyé telles „ Etrennes , & que le fond dé toutes les chofes , que îe vous „ ay dites cy-dcvant , fuft au poind que ie vous l’ay fait pa- niers aux Ànt-IJles de t Amérique. 3 éi «roifîre aujourd’huy. Vous apprendrez ce que c’eft que de «vous dire jotié au Roy ; &: fi vous échapez par là , ie vous «feray fentir ce que c’eli que de faire le gaulfeur , & devant «peu de temps. Au relie , quoy que vous ayez dit que vous «ne receviez ordre de perfonnc en ces Mes, ie vous fais com- «mandement de par le Roy , & de fon ordre que i’ay receu «dans le Capitaine Béliard, que vous m’envoyiez le Sieur de «Treval ; &: fi vous manquez , vous verrez comme îe vous « fçauray faire obéir. le ne vous en diray pas davantage , fi- » non que j’attens prefentcmenc voftre réponfe , pour refou- «dre ce que j’auray à faire. le fuis ce faifant, MONSIE VR, Démon bord à U rade de la BaJJeterre Vollre tres-affcélionné fer- de laGuadelouf>pe,cei.[anvier 1647. viteur, DE Thoisy. Il ccri vit le mcfme jour aux habitans ; &r apres avoir payé ceux à qui il devoir,& donné ordre aux Capitaines Béliard & Grégoi- re, il partit pour la Martinique. A peine fut-il party que le fieur Hoiiel,qui iufques alors a voit agycouvertement, & en cachette, leva le mafque , & non feule- ment empefcha ces deux Capitaines d obéir aux ordres de M. le General, mais encore permit à Béliard d’aller à Saint Chri- flophe , & le chargea défaire fes recommandations à M. de Poin- cy ;& au préjudice des defFcnfes , il y envoya mefmefa barque qi£i n’y avoir pas elle depuis deux ans ;& l’on a crû que les Let- tres qu’il écrivit pour lors, furent la caufe de l’armement du fieur de Poincy pour la Martinique, dont nous parlerons ty- aprcs. M. le General arriva Ietroifiéme Ianvier à la Martinique, où il fut receu avec un applaudiffement general de tous les habitans; ayant difné chez le fieur l’Efperancc, il alla coucher chez les PvR. PP- Iefuittes, qui luy rendirent fou s tes honneurs & tous les refpeéts deûs à un Lieutenant General pour le Roy. Le neufiéme, il envoya faire itératives deffenfesauxCapirai- nes Béliard & Grégoire d’aller à Saint ‘Chnftophe, &ennnefmc I. Partie. Z z $62. Eftablijfement des François tempsy dépefcha le ficur de Saint Edmc avec les deux Lettres fuivantes à Meffieurs de Poincy & du Parquet, & une troificmc avec un ordre fut portée par l’un de fes Gardes àM. Houel. Monsievr, ,, Vous fçavez de quelle façon j ay entrepris la Charge que le }) Roy m’a donnée dans cesJfles , n ayant iamais eu intention de ,, vous dé s- obliger, Sc ie ne doute pas mefme que vous n’ayez „ connu depuis les difpofitions où j’ay toujours efté , tant par mon „ procédé que par quelques Lectres que ie vous ay écrites. A pre- ,, lent ie fuis fort aile que les affaires ayent pris un chemin tel „ qu’on me mande de France ; c’eft pourquoy puifque vos amis „ font les noftres à la Cour qu’ils ont fait en forte que tout fort „ traité à l’amiabley pour vous confirmer la franchife avec la- „ quelle j’ay toujours ufé,ie ferai gloire de vousafleurer par cclle- ,, cy qu’il ne tiendra pas à moy que les parties n avancent l ac- „cord que Mfffieurs du Fargis & DilUmpes , qui ont elle chou „ fis pour Arbitres de nos diifrrens, arrefteronc ; ie napprehen- de pas la confequence de vous prévenir contre 1 advis mefme „de ceux qui en écrivent de France, fçaehant bien quand vous ,, fç aurez la vérité de l’eftat où le fuis, & l’avantage que j’ay dans „ mes affaires , que vous eftimerez les advances que ie vous faits, „ ilfuffit.de vous dire que leschofes e fiant au poindqu elles font, ,, & nous remettant de part & d’autre auiugementde nos amis, „ il femble très-important & tres-advantageux en attendant la ,1, refolution de toutes chofes concernant nos interefts particu- liers , que nousfoyons dans une intelligence parfaire, pour re- ,, mettre ceux du Roy , de la Compagnie & du peuple. „ Pour l’échange, îe cfoy que vous ne doutez pas( quand mefme , , le fleur Hoüel qui ne fe peut laver de fes crimes aur oit compo- se avec vous del’évafion de M.de Lonvilliers )que ce Iraite „ ne feroitpas certain ny folide comme celuy que vous ferez „ avec l’homme du Roy , duquel pourveuque tous es pn on mers foient remis généralement en liberté départ & autie, ^.iln’en peut revenir qu’une paix uniyerfelle fondée fur aut aux Ant-IJle s de t 'Amérique. 363 » té Royale une liberté à tous leshabitans&aux Vaiffeaux d’al- »ler à Saint Chriflophe déformais, & une iuffe punition des ^autheurs des troubles de ces Ides, corne ie le feray voir evidem- >, ment fi vous prenez les chofes comme vous le devez; outre „ que j’y donneray la main, ie vous envoyré M.de Trevalainfi J,, que vous le fouhaitcrez; j ay expédie a la Guadeloupe pour „ cét effet, & fi vous m’envoyez quelqu’un des voffres,j en diray „ davantage, pourveu que vous maffeuriez que j’y puiffeavoir „confiâce,commc vous en pouvez avoir au heur de Saint Edme, „qui vous donnera celle-cy de ma parc, le tout pour le fervice jiduRoy & fous fonbon plaihr; ie m’offre meffne à une entre- »veuc, où vous voudrez, & où il ne fera rien moins parlé que de „nosintereffs particuliers, que ie remets entièrement entre les „ mains de fa Maieffé , & de nos Arbitres; mais feulement des af- „ faires du Roy & de la Compagnie, & mefme de quelques-unes j> qui vous regardent, dans lefquelles ie croy pouvoir quelque ,,chofe; ie ne vous faits cette ouverture que pour vous obli- ger à répondre à l’inclination que j’ay tousjours eu de vous j, fervir, & que j’ay redoublée particulièrement, depuis que j’ay » appris la volonté du Roy, & la bonne intention de nos amis ,} communs ; ie fuis , MON SI E VR, Voffre très -humble & afFe&ionnê ferviteur, de Thoisv. y> yy ?> » yy yy pi 5> yy MOnfieur, c’eftàprefent que vous allez connoiftrc le dehr que i’aytoû jours eu d’avancer voffre liberté en vous con- fervant l’honneur qui vous eft deub,puifquc ie vais au devant des moyens; je fuis venu à la Martinique, exprez pour con- feieravec vos Officiers, & leur faire connoiffre l’avantage que vous avez d’effre délivré par les ordres du Roy plûtoft que par un échange précipité, auquel ie ne croy pas que vous euf- ficz jamais confenty. P our le heur Hoüel , il s’eff comporté de- puis quelque temps en mon endroit comme un homme poffe- dé,& a bienfait voir fon ignorance dans Iemeffier; la defo- Z z ij 5«4 Eftablijfement des François ’beïffancc aufervice du Roy, K fon ingratitude envers vous, ’ en difpofanc de M.de LonviUiers qui ne dependoit que du Rov.cc qu’il a plùtoft entrepris pour me faire deplajfir( n ayant- ” iamais pû s'accorder avec perfonne ) que pour obliger M. de Poincy ny M.deLonvilliers, dont l'échange ne pouvoir man- ” auer c’elt ce qui m’a obligé d’abandonner la Guadeloupe prin- ” apalement; & fi la chofe cil bien prife, elle ne peut que tourner ” à bien: le finis, vous affeurant qu’il ne tiendra pas à moy que ’’je ne vous aille quérir moy-mefme au premier jour, & que îe i,ne vous témoigne comme ie fuis, Voftre très - humble & affe&ionné ferviteur , DE T h (M s y . Monsievr, le vous écrivis le premier Ianvier.St vous fommoisfuivac l’or- ” dre que fay receu du Roy par le V ailTeau du Capitaine Béliard, ” de m’envoyer le ficur de Treval, à quoy vous n avez point fait " de réponfe ; ie vous réitéré encore parcelle -cy le Commande- , ment que ie vous en ay de, a fait de la part du Roy; qui eft „ accompagné d’un ordre qui vous fera notifie, & dune voix generale de toute la Martinique ; îe vous prie d y fatisfairc au piûtoft, e fiant très-important pour le fervicc de fa Ma;cltc, "pour la liberté de M. du Parquet, & pour le repos umverftl " des peuples, autrement ie protefle- derechef contre vous e ", toutes les fuittes & évenemens qui enpourroient arriver, li ci* {Ferez ” t e re(pc de cette Lettre ne traînant que d affaires particulières, ieiav iugé fupetôu, c’eft poutquoy ie me contente de joindre icy l'ordre qui l’accorapagnoit, & la fignification qui en fut faite au iC 14 rxW aux >iAnt-TJles de l' Amérique. $6$ Le fieur de Thoify Chevalier , Conseiller du Roy en fes Confeils , Lieutenant General four fa Ai a jejlé aux If es de l’ Amérique. )us avons ordonné & ordonnons par ces pre fentes au eurHoüel, Gouverneur &c Senefchal delà Guadelou- , nous envoyer Se faire conduire à la Martinique incon- „ tinent ôc fans delay , fous bonne & feure-garde, le fieur de „Treval Prifonnier d’Eftat, pour fatisfaire aux ordres que », nous avons receus de faMajefl:é,à peine de répondre parle- „ dit fieur Hoiiel en fon propre &: privé nom, de tous les éve- ,,nemens qui pourroient arrivera faute d’obeïr au prefent „ ordre, qui fera notifié par le premier de nos Gardes, qui ,> nous rapportera ampliation d’iceluy , figné dudit Sieur ,,Hoüei. En foy dequoy nous avons figné ces Prefentes, &c „fait contre -figner par noftre Secrétaire à la Martinique „ce neufiéme lanvicr mil fix cens quarante- fept. Signé, ,, D E T H OIS Y. „ Et plus bas e fl: écrit, j'ay fous-figné Iean Bonjour, Gar- „de ordinaire de Monfeigneur de Thoify, Lieutenant Ge- ,,ncral pour fa Maiefté auxlfles de rAmcrique, certifie avoir „fignifié à M. Hoücl, Gouverneur en l’Ifle de la Guadelou- pe, l’ordre de mondit Seigneur cy-defiiis écrit, lequel ordre „ ie Iuy ay baillé Sc laifle copie en parlant audit fieur Hoiiel, „ en fon domicile à la Guadeloupe, le vingt- troifiéme Ian- „vier mil fix cens quarante -fept, fur les cinq heures du foir. „Signé Bonio VR, & plus bas par mondit Seigneur, Signé „dv Val. Efiablijfement de ^François Ferfecution à la Guadeloupe contre ceux qui aboient appuyé l authonte de Jüd.onjïcur le General. §. xii. MOnficurlcGcncral ne futpas plûtoft fortide laGuaJeloupe, que les Séditieux entreprirent tous ceux quils foupçonne- rent de fon party,& attachés à Tes interefls; & le R. P . Mathias du PuySjtémoin oculaire, écrit dans faRelatio,que non feulement on fouffroit le pillage -, mais encore qu’il efloit commande. Pour moy ie veux croire que le fieur Hoüel ayant mis les armes a a main des /editieux, n’en efloit plus le Maiflre,&quilfeconv mit bien des violences contre fon intention. ^ Quoy qu’il en foit , les meilleures Cafés furent expofees a ce defordre , les brigandages furent publics , & on outragea impunément de paroles & de coups ceux qui n’avotent pas aveuglément exécuté les ordres qui avoient elle donnes pour Fexpulfion de M. le General. Le fieur de la Ramée, premier Capitaine , homme dvne in- tégrité, connue Se d’une inviolable fidelité aufervicedu Roy, fut prefquc roiié de coups, pour s eftre iette chez M. le Gene- ral , & luy avoir donné avis des mauvais deffeins qu on avoir formé contre luy ; on ne fe contenta pas de 1 avoir frappe avec les dernieres violences, on pilla fa Café, on luy enleva fes Nè- gres , on fit evader fes fervit-eurs , on tua tout fon bétail , èc on le chaffa de l’Ifle le ballon blanc à la main , fans qu’il luy fut permis d’emporter vn roolle de petun de la place quil oc- cupoit , pour payer fon paffage. Ainfi du plus accommodé de î’Ifle', on le rendit le plus miferable , & il ne luy refia des tra- vaux incroyables qu’il avoit foufferts dans les I fl es , & de tout ce qu’il y avoit pû amaffer depuis 15. ans, que la gloire d eflie perfecuté & réduit à la beface pour l’interefl du Roy. le le crois encore à Orléans, où il fait quelque petit trafic pour ga- gner fa vie. aux Ant-IJles de t Amérique,. tfq Le fieur de la Roche, Aide-Major de rifle , 'fut condamné par le Confeil du fieur Hoüel à fervir d'efclave à la Compa- gnie l’efpacc de vingt mois , pour avoir rcccu quelque com- mandement de M. le General , & on Iuy prit tout fon bien qui montoit à plus de 40000 livres de Tabac. Comme il n’y eut que confufion pendant cette année, ceux dont le fieur Hoüel s etoit fervi pour le foûlcvement , ne fu- rent pas plus heureux que les autres. I’ay entre les mains vne Letfte en Original du fieur Garderas, enuoyée à Paris au fieur de la Ramée , où luy décrivant l’état pitoyable de la Guade- loupe pendant ces broüilleries * il luy mande. Il vous fera ,,pour advis que les affaires de la Guadeloupe font en tres- „ mauvais effat, iufqu’à ce point que la plus grande partie des „habitans en voudroient eflre dehors , tous les jours ils fedé- „ robcnt , & enlèvent tous les Canots qu’ils peuvent attraper. „ Voftre grand amy le fieur de la Baziliere Capitaine de fl fie, „ a eflé pendu &c étranglé pat fon cou avec fon Coufin Rou- » let , & le beau-frere de Roulet ; Iean l’Efcoffois , qui a eflé „Ie Bourreau, eftoit condamné aufii bien que les autres , mais ,, il en a été quitte par le moyen de fon office; huiét autres ont 3> été fuftigez, effampez de la marque de rifle , & bannis. le „n en puis fçavoir le nom au vray, on tient que toute la Baf- fle-terre étoit de la Caballe ; le fujet pourquoy on les a fait ,, mourir , n’efl: autre , que M. Hoüel craignoit que la Baziliere ne „ découvrit toutes fes rufes & flratagefmes qu’il avoit dreffées 3, à l’encontre de M. de Thoify ; ainfi efl le bruit & le corn- „ mun dire des habitans de la Guadeloupe, &c. I ay pourtant entendu dire en France apres mon retour, que la Baziliere qui avoit eflé l’un des plus échauffez Chefs de la rébellion, avoit eu quelque mécontantement du fieur Hoücl;& que craignant qu’il ne luy arrivât pis , il fit deflein de s’enfuir de flfle dans vne barque qui eftoit à la rade a avec fes deux -Coufins. Etque fon entreprife ayanteffé découverte , il fut arrê- té & pendu comme deferteur, fupphce qui n’eftoit gueres con- forme à fà qualité de Capitaine Si de l’un des premiers Officiers de llfle. Le fieur du Pont Major , qui avoit fi exactement exécuté 3 68 Efiabhjf ment des François les volontez du fieur Hoiiel dans cette fedition, n évita pas le chaftiment de fon crime , car il fut exilé, &plufieurs autres chaffi fez avec luy Le fieur Hoiieî entreprit particulièrement un nomme d Oran- ge ancien habitant , qui avoit beaucoup fouffert dans 1 eftablif- iementdes Colonies, aux Mes de Saint Chriftophe, & de la. Guadeloupe. Sa café eftoit un azile commun, &. une vraye maifon d’Abraham , cù tous les paffans eftoient bien recçus, les pauvres bien nourris, & tous les malades affiliez foit cha- ritablement. Sa femme , dont la vertu eft connue & efti- mée, non feulement de tous les habitans des Mes, mais aufli de tous ceux qui Font fréquentée , fervoit les pauvres avec au- tant d’affiduité & d’affeftion que les propres enfans, ne fut pas. épargnée. On prit pretexte fur ce qu’il avoit dit que Noël eftoit paffe,. mais qu’il reviendroit bien-toft ,faifant allufion au nom de M. le General, qui s’appelle Noël. Ce fut affez d avoir témoigne ionfentiment, on luy donna fa café pour priions Ce bon hom- me qui ne fçavoiten ce temps-là, ny lire, ny écrire, pria nos Peres de luy chercher un homme de pratique quiluy pûtdref- 1er une requefte pour contenter le fieur Hoiiel, dans laquel- le apres avoir expofé fon innocence, & mis fa famille a cou- vert , il demandoit permiffion de faire un voyage en France. Par mal-heur>un nommé d’Elville fut choily pour dreffer cette requefte, qui l’ayant la fut communiquer au fieur Hcüel, lequel fitauffi-toft dreffer une Déclaration à fa mode, dans laquelle il embroüilloit lesReîigieux, qui deffendoient avec zele 1 inno- cence decét homme de bien. Cette Déclaration leur ayantefté apportée, & la trouvant remplie de fauffetez qui rendoient dO- range criminel , ils la jetterentdans le feu. Mais le fieur Hoiiel croyant que cFOrange i’avoit fignée,&:qu illagardoitfurluy fans la donner, feignit de le vouloir faire embarquer pour 1 envcyeL en France; il fut conduit pour ce fujet à la Baffe-terre par deux Officiers qui luy firent mille queftions en chemin, pour le fur- prendre en fes paroles. Eftant arrivé, le fieur Hoüelluy commanda de luy donner la ânx Ant-IJles de l'Amérique. 369 Déclaration qu’il avoir faite, à quoy d’Orange quine l’avoitia- rnais eue Juy ayant répondu ingenuëment qu’il n’en avoir point 1 uy onna plus de 20 o. coups de cannes, en forte qu’il en avoit e corps routmeurtry. Apres ce traitement, il fut mis dansunca- not mène au Corpsde Garde, chargé defers, aux pieds & aux mains. 0 r On commença fon procez , dans lequel le fieur Hotiel tafeha toujours enveloper nos Religieux 3 mais ne trouvant rien à a, ^ans *eur c°nduite , finon qu’ils protegeoient d’Orange, qu 1 s çavoient tres-innocent, ils furent bien-tort les obje&sde a per ecution. Son averfion contre-eux luy faifant oublier les extiemes obligations qui leur avoit pour les fervices qu’ils luy avoient rendus, il en vintàcepoint de violence qu’il animales nabirans contre eux, & fitee qu’ilpûtpour les obliger àleschaf- er e lie 3 en effet huiéï ou dix iours apres la Pentecofte,il fît aliembier fon ConfeiI,où ilmit en deliberation s’il n’ertoit pas à propos de mettre les Religieux dehors, & de les faire embar- quer dans un Navire qui ertoit à la Rade. Comme ceux qui le compofoient ertoient des âmes ferviles qui époufoient aveu- g ement fes paffions, ils conclurent à leur fortie; mais dans c temps quon écrivoit l’Arreft, un navire Efpagnol, quipor- oit e avillon Hollandois, tira 8. ou dix coups de canon, &c enle- va e navire dans lequel les Religieux dévoient eftre embar- quez, & dans lequel pour Iorscrtoitie ficur de Leumont, Inten- ant General des affaires de la Compagnie. Le bruit de ce canon c ™uvelIe henlevement du Vaiffeau , eftonna fi fort le îeurHouelqu’fiqüitcale Greffier, &ainfil’Arrert demeura fans cltre achevé. Lefieurd Orange n’en fut pas quitte pour celaicar apres avoir ait mine d obferver quelques formalitez, il donna un Arrert, par equel il fut privé d’un Negre qu’il avoit achepté de uy, condamné à payer 2000. livres de tabac, applicables a ce que le ficur Hoüeltrouveroit à propos, Ôde nommé Cordon que on faifoit complice de fon crime, fut condamné à fervir trois ans les SeigneursdelaCompagnie. Cette mefme année 1647. il arriva un accident à la Guade- oupe quiapprefta à parler à bien du monde, & qui fut regardé h ?***• A aa 3/o EJiabliJfement des F rdnçms dez ce temps-là pat les plus judicieux comme un préfage du change met que nous y voyons aujourd’huy,car le tonneiro tom- ba fut un grand May , qui eftoit planté devant la rnaiion du Heur Hoüel ; 6 c le prenant par le haut , l’éclata ôt le brûla en forme de limaçon , iufques au lieu où les Armes du Roy , des S eigneurs de la Compagnie, &celledu fleur Hoüel efloient attachées, &lai£ Tant celles du Roy toutes entières, brifa-» brûla, 6c .reduiflten cen- dre celles de la Compagnie & du fleur Hoüel. Ceux qui feront réflexion fur ce qui efl arrivé depuis à la Compagnie & au fleur Hoüel , avoüeront que ce n’efl: pas tousjours fuperftition de tiret quelquesfois des augures , de ces fignes extraordinaires. A4. le General efl arrejlè par les habit ans de la çdMéartimque , $ livré a oPPC. de Poincy en échange de GAt. du Parquet. Il efl conduit pri-^ Jonnier à Saint Chrijlophe , douil ejl envoyé en France , pour appaiferune émotion du peuple qui vouloit le rétablir , & chajjer Ad. de Poincj, §. XIII. LE Commandeur de Poincy ayant euadvis parla barque du fleur Hoüel de la fortie de M. le General de llfle de la Guadeloupe , refolut de le pourfuivre Sc de le faire prendre en quelque lieu qu’il fe fut retiré. Il équippa promptement pour cela, cinq grands V aideaux qui eftoient à la rade , fur lefquels il embarqua 8oo. hommes fans laconduite des fleurs de la Verna- de, Giraud, Aubert & Grenon , principaux Officiers de Saint Chriftophe, qui voulurent eftre de la partie. Chaque navire de cette petite flotte traifnoit apres foy fa Chaloupe à toutes voiles voguant vers la rade de la Marti- nique arriva à la veuë de cette Ifle leij. Ianvier 1647. on en donna auffi-toft advis à M. le General quientendoitla MeUe ehezlcsRR.PP.Iefuices, lequel ayant apris que ceux qui avoient aux Ànt-IJles de t Amérique. yjl cUé pourlareconnoiftrc,avoientefté chargez à coups de fufils, & quun habitant avoit effé tui dans un canot, il jugea auffi-toft que ces navires eftoient envoyez par M. dePoincy. Cét aéte d’hoftilité l’obligea d’affembler les principaux Officiers, & les plus confiderables d’entre les habitans, pour refoudre avec eux ce qu’il y avoit à faire dans cette rencontre ; ils furent tous d’advis qu’il fe Falloir deffendre, & il n’y en eut pas un qui ne luy offrît de mourir pour fonfervice. La deffenfeainfi refoluë il y difpofa toutes chofes , renforça les Corps de Gardes, & pour en- couragerles foldats leur fit distribuer quelques pipes de vin d’Ef- pagne , &: les vifitoit de temps en temps. Cette bonne difpofîtion pourtant ne fut pas de longue durée, car quelques habitans ayant eupermiffion des Officiers, d’aller àibord des Vaifîeaux de M. de Poincy , & la liberté de commu- niquer avec ceux qui les commandoient, ils felaifferentbien>tcffi: perfuader délivrer M. le General, pour avoir M. du Parquetleur Gouverneur. •' Ceux-cy eftans de retour perfuaderent les autres, & tous s’af- fêmblcrent avec les Officiers, pour délibérer fur cette propofî- tion, qui leur avoit elfe faite par le fieur de la Vernade, & pour advifer aux moyens de la mettre à execution. Ils firent l’aéfe fuivâte de deliberation ; & pour donner quelque couleur à leur trahifon,refoIurent défaire des propofitiens àM. le Gene- ral qu’il nepourroit leur accorder. Deliberation des Officiers de la Martinique. » E iourd’huy quinziéme lourde Janvier 1647. Nous Ie- « \^rofme du Sarrat, Efcuyerfieur de la Pierriere, Comman- „dant le fervice du Roy en l’abfence de M. dit Parquet Gou- verneur & Sénéchal en cette Ifle Martinique , ayant fait appe- ,,ler en Noftre Confeil Louvs de Querengoan Efcuyer fieur „dc Roffclan, Capitaine d’vnc Compagnie , Louys Michel fieur „ de la Renardière, Lieutenant d’vne Compagnie , Claude de „ Beaujeu Efcuyer fieur delà Haye iiuffi Lieutenant , Yves „le Cereveil fleurie Fort, enfeigne dVne Compagnie* CoIo« 5,nelle , Nicolas le Chandelier, dit la Fortune , & Pierre Go- Aaa ij 372. Efiabhjfement des François „defroy fleur de la Houfl’aye Enfeignes, & à iceux remontré v comme M. de Poincy a fait armer &: cquipper nombre de „ Navires , dont quatre (ont mouillez à la rade de cette Ifle ,» ,,equippez en guerre» témoignans mauvais deffein contre cer- tains particuliers en apparence , entre-autres chofes demarW . _n dant à ce qu’on ait à leur remettre entre mains la perfonne n de M. de Thùify » fous promelTe de rendre Mondit fieur du „ Parquet N offre Gouverneur , & de ne faire^aûcun mauvais „ traitement audit Seigneur de Thoily^dectarant le fieur la 9i Vernade commandant lefdits Vaiffeaux, à faute de ce» d'em- ployer fes forces tant contre nous , que contre les habitans „ pour les avoir. Sur ce conféré» apres la déclaration qui nous „ a efté faite par tous les fufnommez , §£ que mefme eft venu ,, en noftre connoiflance du murmure que font tous les habi- », tans ,.qui hautement ne fepeuvent empefeher de dire, qu’ils „ne veulent prendre les armes, encore moins s’expofer aupe- ni de la vie pour l’intereft de deux perfonnes, craignans d’e,r „ tre furpns en venans aux mains avec ledit fieur de la Ver- ,, nade , & qu’au befoin les habitans ne fe roidiflent contre „ nous , ,5c qu’enfin par vn malheur nous ne caufaftions la per- te de l’Ille , Scelle de Mondit fleur le Gouverneur, qui eft „ fouhaitté par tous les habitans , & quq de ce n’en fuflions ,, blâmables. Avons tous d’vn commun ^vis & deliberation, „ trouué à propos défaire connoiftre aftdit Seigneur de Thoify „ les fluidités intentions, & quand &: quâd le prier de pourvoir aux „ difficultez qui s’oppofent contre nous par les raifons fufdites, „ & à fe pourvoir le plus diligemment que faire fe pourra , pour „ obvier à quelque plus grand defordre qui pourroit arriver. ,/Fait auConfei! lefdits iour &an,Ainfi ligne laPierriere, Louys ,, de Songuen la Renardière , de la Haye, le Fort, Nicolas le ^Chandelier , Marque du fleur de la Houffaye , Montillec ^Greffier. M. le General les ayant reçeus avec bien de la .civilité , les écouta fort paifiblement, puis leur dit qu’il ne pouvoit rendre de refponfe à leûrs demandes, qu’il n’en eut reçeu fur la pro- pofition qu’il a voit envoyé faire au fieur de Poincy , confor- mément aux ordres que depuis peu il avoir reçeus du Roy» aux Ant-Ijles de F Amérique. 375 qu’au rcfte s’ils pretendoientle preffcr, ils ne dévoient pas at- tendre qu’il fit rien, qui ne fût digne d’vn Lieutenant Gene- ral pour le Roy. Comme les propofitions que ces Officiers venoient de faire à M. le General ne fervoient que de pretexte, pour couvrir le defiein qu’ils avoient, d’executer ce qui leur eftoit propolé de la part du fieur de Poincy , fa refponfe ne les empefeha pas de conclure leur traitté avec le fieur de la Vernade,& de s’o- bliger à livrer M. le General, pour r’avoir M. du Parquet: pourveu que Giraud & Grenon demeuraient en oftage iuf- qu’à fon retour. Le fieur de la Pierricre eut honte de paroiftre dans cette action ,quidérruifok la fidelité qu’il avoit jurée à M. le Ge- neral ,c’eft pourquoy le Fort comme le plus brutal de l’Ifie fut choifi pour l’arrefter , bien qu’il n’en eût iamais reçeu que du bien , & que pour un témoignage d’affe&ion particulière , il luy eûtdonnéàlafeftedesRoys, le billet de la Royauté. Leleudy 17. qui avoit cfté pris pour cette execution, le Fort ayant fait environner la maifon des PP.lcfuites,où eftoit M. le General, par deux Compagnies defuzeIiers,illefurpritfousune allée de Ci- troniers(où il fe promenoir avec moy )lorfqu’iI y penfoit le moins,. & le lendemain le livra entre les mains de fies ennemis. Madame la Generale obtint permiflion de dire adieu à M. fion Mary, qu’elle ne croy oit iamais revoir , elle l’embrafia , mais elle ne luy put parler que par l’abondance de fies larmes, qu’elle avoit empefiché de couler jufquesalors. M. le General qui l’ay- moit tendrement, ne luy dit qu’un mot ou deux , &c la quitta de peur de fie trop attendrir ; mais quand clic le vit parcir , la dou- leur s’empara fi puiffamment de fion amc, qu’elle demeura jm- mobile. , r, ■) , . Il fut conduit entre deux Compagnies avec le fieur de Bois- faye Capitaine de fies Gardes, & lemefimejour on l’embarqua dans le navire du Capitaine Touzeaupoureftre conduit à Saint Chriftophe. Il avoit une écharpe blanche à frange d’or, d’où pendoit un riche fiabre, qui ne luy fut point ofté , non plus que l'é- pée au iicur de Boisfaye. Le 21. Ianvier, les navires qui conduifioient M. le General Aaa iij ^74 Eflablijfemenïdes François eftant arrivez, devant la Guadeloupe, le fieur Hoüel fit UR’ Traitté avec le fieur delà Vernade , par lequel entre autres cho- fes, illuy remettoit le fieur de Lonvilliers, &promettoit de luy rendre le fieur de Tréval auflî-toft qu’il auroit receuM. du Par- quet, je le donne tel que M. Hoüel la produit auConfeil. Articles accordés entre les fleurs Hoüel & de la Vernade . LE il. Ianvicr 1647. entre M. Hoüel Senefchal & Gouver- neur de rifle à la Guadeloupe. Et M. de la Vernade Commandant l’efcadre de Vaifleaux, eftant de prefentàla rade de ladite Ifle,qucledit fieur Hoüel mette en fes mains dudit fieuf de la Vernade M. de Lonvilliers- Gouverneur de Saint Chriftophc, &: que M. de Tréval frere dudit fieur de Lonvilliers demeurera entre les mains dudit fieur Hoüel, jufquesà ce qu’onait amené à la Guadeloupe & misent trejfes mains M. du Parquet Gouverneur de la Martinique^ lequel eft à prefent à Saint Chriftophe. I. Qif aufli-toft que ledit fieur de la Vernade fera arrive à Saint Chriftophe, il fera conduire à la Guadeloupe, & mettre entre les mains dudit fieur Hoüel ledit fieur du Parquet, & que dans le mefmenauire qui apportera le fieur du Parqueta la Guadelou- pe, ledit fieur Hoüel fera embarquer le fieur de T ré val pour eftrc porté à Saint Chriftophe. ' < < ■ J II. Qâ’apres l’arrivée dudit fieur de Tiré val à Saint Chriftôphe, l’on mettra en liberté ceux de la Guadeloupe , ou de la Mar- tinique, lefquels auroient efté arreftez prifonniers, & les ren- voyera-t’on où ils demanderont d’aller. / 7 III. 1 Qu’il ne fera fait aucun déplaifir , empefehement ou arreft â SaintChriftophe de Quelque façon que cefoit, aux navires qui viendront de Saint Chriftophe, 57; aux Anï-IJles de l'Amérique. IV. Que les habitans tant de la Guadeloupe que de Saint Chrifto- phe , pourront en toute feuretc & liberté aller d’une Ifie en l’autre, pour vaquer à leurs affaires &; voir leurs amis. y. Qu’à S«int Chriftophe la jufticc fera rendue aux habitans de la Guadeloupe, ainfi qu’aux habitans de Saint Chriftophe, avec liberté d’en tranfporter leurs effets. VI. Que la rnefme liberté & jufticc fera rendue à la Guadeloupe auxftabitans de Saint Chriftophe. VII. Que fi quelque habitant alloit d’une Ifîe en l’autre fans congé » il fera de part & d’autre renvoyé. VIII. Que ledit fieur delà Vernade auffi-toft qu’il fera de retour i Saint Chriftophe fera ratifier les Articles cy-deflus â M.Ie Com- mandeur de Poincy , & renuoyera audit fieur Hoiiel lefdits Arti- clesratifiez parmondit fieur le Commandeur de Poincy, dans le rnefme navire qui portera ledit fieur du Parquet à la Gua- deloupe. Ainfifigné, Hoüel & la Vernade. Suivant ce Traité, M. de Lonvilliers fut rendu au fieur de la Vernade, & embarqué dans l’ Admirai de cette petiteflotte, la- quelle eftant arrivée à la rade de Saint Chriftophe, M. le General écrivit la Lettre fuivante à M. de Poincy. - J r ' ** * • * - t ' ; ' ï M ONSIE VR, ,, Quand vous aurez veu la Lettre que ie vous envoy ois , & que « M. delà Vernade.a trouvée en chemin de Saint Chriftophe en ,, venant à la Martinique , ic ne doute pas que vous ne trou- viez effrange qu’on m’ait ofté la fàtisfaéfion de vous venir voir „ demoy-mefme comme ie vous l’offrois, & qu’on m’ait vio- „ lenté de m’embarquer par un procédé que vous trouverez „d autant plus Iafche aux Officiers delà Martinique, qu’ils » avoient connoiffance,' que j’eftois porté à faire ce voyage de 5 7 6 Ejlablijf ment des Fra^Ç ois j, ma fianche èc pure volonté. Vn autre chofe dont ie croy j) que vous aurez regret, eft que le fieur Hoüel qui eft la prin- cipale caufe & le premier infirmaient de tous les defordresde ?, ceslfles, demeure triomphant de Tes artifices & de fes trahi- j, Tons qui crient vengeance contre Dieu, ayant efté fi facile ce me ), femble d’en délivrer le pauvre peuple de la Guadeloupe, s, Outre que cette entreprife eût efté beaucoup plus jufte 6c >, advantageufe que les autres qui vous eftoient acquifesd une >, meilleure forte que vous neles avez. Pour le premier, j advouë „ que M. delà Vernade en a ufé avec tant de civilité, que j’aurois >, tort de me plaindre en mon particulier de Ion traitement, filé j, caradtere que le Roy m’a donné dans ce Pais ne mavoitlaifie s, le déplaifirqui doiteftre fenfible à une perfonne qui avoit les j, intentions telles que les miennes, un ciltre qui me doit tirer » du commun. Pour la fécondé, ie ne fçay pas quelle compofi- s, tion lé S. Hoüel a pu faire , mais il eft facile à cennoiftre parles ,, procédez & par fes propres paroles, que fes recherches afièéf ces j, ôz pleines de fbn! propre intereft , n ont efte faites que depuis „ feulement qu’il à apris qu’il y avoit accommodement dans nos „ affaires de deçà, & qu’il a feeu que j’avois envoyé en France un „ des principaux dépofira ires de fes injuftices & de fes crimes le „ notnmé du Pont Greffier, qui de fonbon gre fouhaitad y aller „ pour décharger fa confcience j Tellement que voyant fa perte ^ certaine de tous coftez, & fon heure venue deftre chaftie de j, Dieu & des hommes, il ne faut pas douter que c eft ce qui 1 a 3, obligé d’aller au devant de vous, connoiffant lafoibleffe de fa „ caufe, c’eft auffi ce qui à fait qu’il a tafehé de vous prévenir par 5, des menfongesque vous connoiftrez à prefent très-faux tou- „ chant le traitement de M. de Lonvilliers , c’efi: ce qui 1 a fait re- 3, courir aux artifices, &auxconfeilsmefmequ illuyadonne de- puis, pour irritet leschofes à cequ il advouë luy-mefme, a def- „ fein de ruiner les bonnes intentions du Roy , pour vousôz les 3, miennes , ô£ afin d’eftablir fa tyrannie & mettre fes crimes à „ couvert- Cette malice qui m’avoit efté cachée jufques a cette „ heure , eft à prefent tellement évidente, & les chofes en font „ venues à tel point, que le remors , la défiance ôzladifcorde par- 3, my les fiensluy font commettre crimes fur crimes, & pouffent aux A nt-ïjïes de l'Amérique. > , Ces habitans à s’entrecouper la gorge, vous apprendrez ce qui „ eft arrivé pendant les deux iours que les Vaiffeaux ont efté „à la rade de la Guadeloupe, par la feule défiance qu’ils eu- » rent les uns des autres dans ce rencontre; en fin c’eft un „fiomme perdu, qui croit vous obliger beaucoup de vous of- » frir Meilleurs vos neveux pour fe racommoder avec vous, „ s’imaginant que vous aymerez mieux les tenir deluy qui n’y à aucun pouvoir, que du Roy, dont l’intention eft que ie j, vous les remette. La conjon&ure où j’eftois,&: la joye que „ie receus des nouvelles de France , me fit vous dépefeher „un des miens pour vous en déclarer l’eftat véritable fansdef- „ fein de parler d’aucuns interefts , puifque ie les veux laiffer ,, entre les mains du Roy, & de nos Arbitres. Le tiltre que ,, j’av m’empefehe d’en écrire d’advantage, mais ie vous puis „ afï'eurer que fi vous répondez à cequeie vous demandois par „ma precedente ( fans que ie fçeufle rien des defifeins que ,, vous aviez pour lors) que vous verrez aufii-tofi à quel point „ ie porteray les affaires, eftant très-important pour le fervice ,,du Roy, pour voftre bien, &pour le repos de tous ces peu- „ pies. le vous prie d’eftimer ma fra.nchife, puifqu’elleeft fon- „ dée fur l’intention de fa Majefté, fur le confeil de mes amis 5> qui font les voftres, & fur I’efperance que j’ay toûjours eu d’eftre dans l’eftat qui paroîc proche, de me pouvoir dire „ avec vérité , MONSIEVR, "De la rade de S.chrijlophe V offre tres-humble & tres-affeéf ionné le 2.4. Ianvitri6^j. ferviteur, de T h ois y. Cette pe tite, armée navale arriva triomphante à Saint Chri- ftophe le 24. au bruit de l’Artillerie du Fort& des Vaiffeaux, rapportant le fieur de Lonvilliers qui en eftoit Gouverneur" & M. le General, dont la capture promettoit la fin de h guerre. Le lendemain de grand matin , i\ fut conduit à terre auec le fieur de Boisfayer Capitaine de fes Gardes ; & comme il I. Partie. Bbb yj 8 Efiahlijfement des François approchoit de la grande allée de Monfieur de Poincy , Made- moifelle Girauc âgée d’onze à douze ans, apporta vn ordre à fon pere pour defarmer le fieur de Boifaye, qui eut bien de la peine à le fouffrir. On eut ce refped pour M. le General de luy laiffer Ton eipée ; ils furent mis dans vne pnfon tout pro- che celle du heur du Parquet Gouverneur de la Martinique, ô£ les Gardes de ces deux priions furent redoublées. M. de Thoify faifant pour lors reflexion fur fon eftat,fe trou- vant â 1000. Iieuës de France , éloigné de fes amis , fans Con- feil que de luy mefme, & expofé aux rcffentimens de fon en- nemy, fut tellement accablé , que ne trouvant plus rien au mon- de capable de le conloler , il eut recours a Dieu > împloiant fon fecours par de très- ferventes prières; pendant qu’il s’y oc- cupoit avec beaucoup de ferveur, il eut unefecrette infpiration de chercher quelque foulagement à fa douleur dans le petit à Kempis qu’il avoit dans fa poche , avec certain prcflcntiment qu’il y trouveroit la volonté de Dieu , 6c quelque alfurance d’en eftre fecouru ; en effet, il tomba à l’ouverture du Livre fur ces paroles du 25. Chapitre de la troifiéme partie, Seigneur, ne 'vous éloigne^pas de moy, parce que ie me trpuvetfiegé d’une fou- le de penfées & de grandes frayeurs , qui fe font élevées dans mon ame , qui l’affligent & la tourmentent. Comment pourrai-je paffer au travers de tant.d’ennemys fans eflre offencé ? Comment pourrai-je les renverfer & les mettre en fuite ? le marcher ay devantvous , dit le Sei- gneur , & 1 humilierai les puijjances de la terre ; 1 ouvriray les portes delà prijoni & dejcouvnray des chofes merveilleufes. Pi ma affuré qu’il eut une confolation fi particulière de ces parolles, qu’il ne douta plus de la protection finguliere de Dieu , ôc de fa déli- vrance. ■ v. . . i . - _ Pendant 9. iours il ne vid que ceux qui avoientfoin de luy, 6c qui avôient ordre de le fervir fans luy parler. Le 10, iour il fur vifité par les fieurs de la Vernade êc Giraut qui I entretin- rent long-temps, mais feulement de chofes indifférentes. Durant que toutes ces chofes fe patient dans les Ifles , le Roy voulant faciliter l’établiffement de M. de Thoify dans la qualité de fon Lieutenant General, dont il ignoroic l’cmpnfon- nement , fit rendre vn Arreft en fon Confeiî , par lequel il aux Ant-IJles de l’ Amérique . ' 379 donnoit un an à Moniteur de Poincy pour mettre ordre! à jfès affaires , pendant lequel il effoit maintenu dans la qualité de Lieutenant General de S. Chriftophe feulement; M. de Thoify demeurant aufïi pendant cette ann^c Lieutenant General des Mes de la Guadeloupe & de la Martinique ; apres quoy il de- voir exercer la mefme charge fur toutes les Mes de fAinen- que , fuivant fa première Commiffion , qui efîoit prorogée pour ce fujet ; &: fa Majefté écrivit à l’un& à fautrc, pour les obli- ger d obéir à fon Arreft, & de fexccuter félon fa forme & te- neur. le mets icy cet Arreft, parce qu’il donne de l’éclairciflement aux differens des fleurs de Thoify & Poincy , qui ont beau- coup de part dans cette Hiftoire. Mais comme les deux lettres que le Roy écrivit à ces Meilleurs ne contiennent que la mef- me chofe, icmecontenteray de donner la première adreffée à M. de Poincy. Extrait des Registres du Ccnfeil â'EJlat. VEu par le Roy eftant enfon ConfeiRIa Reyne Regente fa Mereprcfente,IesRequeflcs refpcdivement prefentées à fa Majeftéparle fieur Commandeur de Poincy , d’une part, & le fieui de Thoify Pati qcles , d autre. Celle dudit fîeur de Poincy, contenant qu’apres avoir bien & fidèlement fer vy durantplus de fix années , fait de grandes dépenfes dans les Mes de 1’Amerique, en qualité de Lieutenant General de fa Majcfté, quelques fiens ennemis & envieux 1 ayant mal à propos calomnié , contre route vérité & jullioe , ils auroient fait que fa Majeflé ayant eflé furpri- fe, auroir nommé ledit fieur de Thoify Part odes pour fon Lieu- tenant General cfdites Mes, à fon grand préjudice, &: contre fon honneur , &: ri quêtant qu’il pleuft à ladite Majefté révoquer ladite Ccmmifïion de Lieutenant General donnée audit fîeur de Thoify ,& continuer le Suppliant en la fondion & exercice de ladite Charge; fînon , en casque fa Majeifé ne l’euff pas agréable, ordonner quela Compagnie des Mes de l’Amérique , fut tenué & obligée de prendre toutesles acquittions, maifons & herita- gesque ledit Suppliant poflede en l’Me de Saint Chnflophe, en payer leprix fuivant leftimation qui enferoit faite par Experts, B bb .ij 380 Efiablijfement des François donc l’on conviendroit lux les lieux > luy rembourrer les frais qu J a faits par ordre , Ô8 à la pricre de ladite Compagnie , pour fecou- rirleshabitansdeslfl.es de la Guadeloupe 8c la Martinique, les advances qu’il a faites pour le payement de la garnifon desfol- dats quila toujours tenus dans ladite Ifle Saint ChriAophe, avec plufleurs autres dépenfes qu’il a faites pour ladite Compagnie, loit pour le baAimenc d’un Hofpital , qu’autres chofes neceflaires pour le bien de leur Société, 88 iufquesa ce queladite Compa- gnie eu A fatisfait à fon rembourfement , qu’il pieu A à faclite Ma- jeAéleconferver 88 maintenir en ladite fonction de Lieutenant General efdites lfles, &de Gouverneur Particulier en celle de Saint ChnAophe, 88 cependant que fes neveux qui font détenus prifonmers entre les mains dudit fleur de Thoify,feroient par luy mis en liberté, & envoyez en ladite Ifle Saint ChriAophe; Quùl pieu A aulfl à fadite Majellé ordonner qu’il fut envoyé d’autres EccleflaAïqucsenla place des Peres Capucins qui y eAoientcy- devant , & quife font depuis peu retirez.} 88 permis au fleur de Lonvilliers Poiney fon autre neveu, 88 ayant foin de fes affai- res à la fuite de la Cour, d’envoyer au Suppliant les vivres, veAe- mens 88 chofes neceffaires pour fa fubflAance, au bas de laquelle requeAe eA l’Ordonnance du Confeil de fa MajeAê tenu a Fon- tainebleau , fa MajeAê y eAant , Ia-Reyne Regente fa Mere pre- fente , du deuxième Septembre dernier, portant que ladite Re- queAe avec le Faëfam y énoncé, feront communiquez auxDi- redeurs de ladite Compagnie des lfles de l’ Amérique , pour leur réponfe veue e Are ordonné ce que de raifon. Ladite requeAe du- dit fleur de Thoify, tendante à ce qu’attendu que le temps pour lequel ledit fleur de Poiney a eflé pourveu de ladite Charge, eA expiré depuis deux ans , il foit tenu de fe retirer de Tille de Saint ChriAophe, par luy violemment ufurpée,ô8 contre l’obeïffance qu’il doit aux ordres de fa MajeAé, ôcluylaiffer la liberté de le- xercice dedadite Charge de Lieutenant General de fadite Ma- jeAé dans lefiites lfles, 88 de Gouverneur Particulier dans celle de Saint ChriAophe, conformément aux provifions qu flen a obtenues, tant de fa MajeAê que de ladite Compagnie. La re- ponfe des Direétcurs de ladite Compagnie à la requeAe dudit fleur de Poiney , 88 incidemment demandeurs , contenant quele- aux $Ant-Iflcs de l' Amérique. 38 1 dit fieur de Poincy ayant par fa Lettre du feptiéme Avril 1644, témo;gné à ladite Compagnie que Ton temps eftant expiré il ne defiroitpluseftre continué en ladite Charge de Lieutenant Ge- neral , ôc demandé, en cas qu’il pleuft à fa Maj efté en pourvoir un autre, ils euflent agréable qu’il demeurait comme Particulier en ladite Ifle. Ils auroient fur cette affeuranceobey à la volonté de faMajefté ,qui leur avoir commandé dénommer ledit fieur de Thoify pour Lieutenant General efdites Ifles , & enfuite gratifié l’un des neveux dudit fieur de Poincy delà Charge de Gouver- neur de ladite Ifle SaintChriftophe. Mais au lieu d’en eftrc fatis- fait, &: reconnoiftre cette grâce qu’il demandoitavec inftance, fans parler de rembourfement de frais , ny autre intereft, il auroit changé de refolution,ufurpé la domination de rifle , refufé de recevoir ledit fieur de Thoify , & chaffé tous les Officiers de la- dite Compagnie, s’emparant de tous les effets, &: empefehant que les habitans de l’Ifle ne payaffent les droits qui leur font deubs , dont fè fentant coupable , & craignant la punition du cri- me de leze-Majeflé par luy commis, il n’a point trouvé de meil- leur expédient que de donner le change, en fe conftituant deman- deur contre lefdits Direéfeurs de ladite Compagnie, aux fins contenues en ladite^requefte, quoy qu’ils ne luy ayent jamais donné ordre de faire aucune des dépenfes dont il prétend le rem- bourfement, mais Amplement écrit, qu’illeur donnait advis des fommes aufquelles Iefdites dépenfes qu’il propofoit faire pou- vaient monter ,& des cxpediensqu’il difoitavoir trouvez pour en faire le fonds. A quoy iln’aiamaisfatisfait,ny fait aucunes dé- penfes pour ladite Compagnie, que des deniers & des effets qui eftoient entre les mains des Commis de ladite Compagnie Tou- tenant par Iefdites raifons & autres plus à plein contenues par Ieurfdites réponfes & défenfes , qu’il doit eftrc condamné leur te- nir compte de tous leurs droits par luy ufurpez, leur reftitucr tous les meubles ôceffets par luy pris ou confômezj&les rembour- fer des dommages par eux foufferts, tantpour la non-joüyffance des droitsàeux appartenais en ladite Ifle S. Chriftophe pendant les années 1645. 1646. que pour la non-joùyflancc de pareils droits dans l’Ifle de la Martinique , où ledit fieur de Poincy a ïufeité les habitais de fe foûlever contre ladite Compagnie, Bbb iij Efiablijfementdes François chafle les Officiers , & refufé de payer les droits accoutumez, confëntans lefdits Direéfccurs qu’il difpofe des choies par luy acquifes en ladite Ifle, &desmaifons par luy bafties ainh que bon luy femblera, & comme tout autre particulier de ladite I fie pourroit faire. Vev auffi copie des Lettres Patentes de fa Majefté , par lefquelles fur la nomination des Direéteurs de la- dite Compagnie ,ÔC prefentation du feu fieur Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftre, Chef & Sur-Intendant General de la Navigation & Commerce de France, en confidcration des bons & agréables fervices rendus par ledit heur de Poincy, tant en pluheurs autres lieux de ce Royaume, qu’efdites Illes de 1» Amérique ; fadite Majefté l’auroit derechef pourveu der ladite Charge de fon Lieutenant General efdites Ifles , pour eftre par luy exercée pendant le temps de trois années, à com- mencer le premier Ianvier 1641. Lettre miffive dudit heur de Poincy addreflée aufdits Direéteurs de ladite Compagnie du- dit iour feptiéme Avril 1644. par laquelle il déclaré ne plus dehrcr la continuation de ladite Charge en cas qu’il plai- fe à fadite Majefté yen commettre un autre, les prie d’agréer qu’il puifle demeurer comme Particulier dans ladite Ifle Saint Chnftophe pendant quelque temps. Copie de Lettres Paten- tes de fa Majefté du 10. Février 1645. par lefquelles fur la nomination du heur Duc de Breze, Grand Maiftre, Chef Sur-Intendant General de la Navigation & Commerce de France, & des Diredeurs de ladite Compagnie, & en confe- quence des bons fervices rendus par ledit heur de Thoify, fa Majefté l’auroit pourveu de ladite Charge de Lieutenant General efdites Ifles, pour eftre par luy exercée pendant trois années, à commencer du premier Ianvier 1645. Procez ver- bal faft par le Lieutenant & delegué du grand Prevoft de France, en datte des 15. & 2 6. Novembre 16^45. contenant le refus fait par ledit heur Commandeur de Poincy de recevoir ledit fieur de Thoify en ladite Ifle Saint Chriftophe , la re- hftance par luy faite à main-armée, affifté des Anglois de la- dite Ifle jenfemblela prife des heurs de Lonvilliers & deTré- val, neveux dudit heur de Poincy par ledit heur de Thoify, avee les retentions des heurs du Parquet, Gouverneur pour aux Ânt~JJles de /’ 'Amérique. ladite Compagnie en ladite Ifie de la Martinique, Saint Au- bin &c le Conte, mis entre les mains dudit fieur de Poincy par le Lieutenant General defdits Anglois refident en ladite lile Saint Chriftophe, Information faite par le fieur de Jketeville, Confeiller au grand Confcil des 23. Février, 27. Mars, 27. Juillet , 5c premier Septembre 1646. fur lesplaintes rendues au- dit grand Confeil dudit refus, violences 5c rebellions commi- ses par ledit fieur de Poincy. Mémoires non lignez des frais avancez par ledit fieur de Poincy pour ladite Compagnie, Te montans à plus de cent cinquante mil livres. Réponfe de la- dite Compagnie audit mémoire, 5c leurs demandes. Copie de deux Lettres écrittes par ladite Compagnie audit fieur de Poincy en datte du 27. Mars 1641. 5c quatre Avril 1642. par la première desquelles il eft porté entre-autres chofcs, que la- dite Compagnie n’a autre defir que de contenter ledit fieur de Poincy des frais 5c advances qu’il avoit faites, tant pour les barques qu’il avoit employées au voyage de Saint Chrifto- phe, Martinique 5c Guadeloupe, &; en mandant à quoy tou- tes fes prétendons fe monteraient , clic ferait en forte d’y fa- tisfaire , 5c de pourvoir au baftiment 5c fortereffe qu’il écri- rait eftre needfaire à faire à la Baffe-terre & Pointe de Sa- ble de mefme matière que fon Fort 5c habitation de la Bafie- terre, & que leur donnant advis combien coûteroit chacun def- dits baftimens & fortereffe , ils fatisferoient àtouteslesdépen- fes, conftrudion de magazins, 5c entretenement de deux cens foldats, afin de difpenfer les habitans de la Garde. Lefdites copies collationnées par lefieur.de Leumont, Intendant des affaires de ladite Compagnie efdites Ifles, 5c par de Brunaut, Notaire 5c Tabellion Royal à Saint Chriftophe. Extraid des comptes rendus par les Commis à la perception des droits de ladite Compagnie efdites Ifles, depuis les années 1640. 1641. 5c 1641. contenant les reponfes par eux faites, tant en la con- ftrudion des baftimens , Hofpitaux, Magazins, qu’achapts de vivres, armes 5c munitionspour lefdites Ifles. Autre extraid de Lettres miflives, tant dudit fieur de Poincy aufdits Di- redeurs, que d’iccux audit fieur de Poincy. Et oiiy le rap- port des fieurs du Fargis, Comte de Bricnne ôc d’Eftampes 384 Eftabliffement des François Valant ay, Confeillers de fa Majefté en les Confeils d’Efîrat &; Privé, commis pour oüyr les Parties: Et tout confideré; LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL, L. A REYNE REGENTE SA MERE PRESENTE, pour certaines confédérations , a accordé & accorde audit fleur Commandeur de Poincy de demeurer dans ladite Ifle Saint Chriftophe feulement, en qualité defon Lieutenant General, avec les honneurs , authoritez & droits attribuez à fa Charge par lefdites Lettres de provifion pendant le temps d’un an, à compter du iour de la lignification du prefent Arreft. Et ordône que dans fix moisapres le fleur de Lonvilliers fon Neveu remettra és mains des Directeurs de ladite Compagnie les provi- fions qui luy ont efté accordées de la charge de Gouverneur en la- dite Ifle -S. Chriftofle , pour en eftre ledit fleur de Thoify Patro- cles par eux pourveu , aux mefmes prérogatives & droits y attri- buez , que ledit de Lonvilliers , pour le temps qu’ils adviferont, 6£ efltre ladite charge exercée par ledit fieur de Thoify,ou par tel au- tre agréable à ladite Compagnie que ledit fieur de Thoify leur prefentera , pendant le temps que ledit fieur de P oincy demeure- ra en qualité de Lieutenant General en ladite Ifle S. Chriftofle. Veut Sc ordonne fa Majefté, que ledit fieur de Thoify foit Ton Lieutenant Generaldurantledittempsd’vn an efditcs Ifles de la. Guadeloupe & de la Martinique, dans lefquelles il pourra faire re- fidence pendant ledit temps d’vn an, 6c y exercer ladite charge, & iouyr des honneurs, authoritez & droits y attribuez par lefdites Lettres, & conformément aux Traitiez particuliers par luy faits avec les Aflbciez de ladite Compagnie , 8c fansqu’il puifle empefi cher lesSenefchaux 8C Gouverneurs eftablis par ladite Compa- gnie efdites Ifles , en la fonction de leurs charges , ny s’ingérer en l’adminiftration delaluftice ordinaire 8c eftablifTement de la po- lice efdites Ifles à eux attribuée, ny entreprendre fur les droits ap- partenans à ladite Compagnie , & feront lefdits fleurs de Poincy 8c de Thoify tenus mettre rcfpe&ivement en liberté lefdits du Parquet, de Lonvilliers 6c de Tréval, enfemble tous au- tres prisonniers par eux détenus de part 6 c d’autre pour ce regard. Enjoignant fa Majefté audit fieur de Poincy de rece- voir dans ladite Ifle Saint Chriftophe tous les particuliers ha- bitais aux Ant-IJles de l'Amérique. $$$ bitans d’icelle qui en font fortis , ou qui sen font retirez par Tes ordres depuis l’empefchement fait audit fieur de Thoify, & pour raifon d’iceluy, &: fpecialement les Officiers & Com- mis de leur Compagnie, & leur rendreou leur faire rendre les meubles fur eux pris de quelque qualité qu’ils foient , Negres, bcffiaux, ôc autres meubles qui fe trouveront en nature, ou le prix d’iceux , au dire de preud’hommes refidens fur les lieux, en cas que le prix defdits meublesaye tourné àfon profit ; en- femble de les rcftablir en la pofieiîion & joiiyfrance de leurs biens immeubles, ou en cas qu’ils voulurent transférer leur habitation és autres Ifles, leur permettre la difipofmon défaits biens immeubles, enfemble defdits meubles, ainfi que bon leur femblera, fans leur donner aucun trouble, ny empefche- ment, & auparavant faire droit fur les demandes faites par ledit fieur de Poincy, & défcnfes au contraire, & demandes par ceux de ladite Compagnie; Sa Majefié oraonne qu’il fe- ra envoyé urt Commifiaire fur les lieux , pour dire par luy fait enquelles de la venté du contenu cfciits faits, pour lef- dites Enquelles veué's & rapportées pardevant ia Majefié, eftre fait droit fur lefdites demandes, par tels Commifi'aires qu’il plaira à fadite Majdlé commettre de fon Confeil, fans qu’en cas que ledit Commifiaire envoyé par fadire Majdlé neufi tait lefdites cnqudlcs dans ledit temps d’un an accor- dé -audit fieur de Poincy, il puifie fous ce pretexte prétendre d’exercer plus long-temps ladite Charge de Lieutenant Ge- neral, & cependant luy enjoint de recevoir dans ladite Ifie Saint Chrifiophe , ioit ledit fieur de Thoily , ou ceîuy nom- mé par luy, tous le bon plaifir de ladite Compagnie, pour exercer ladite Charge de Gouverneur & Senefchal en ladite Ifie, durant une année que ladite Charge de Lieutenant Gene- ral luy eft prolongée Se concédée, & les Officiers^ Commis de ladite Compagnie, pour y exercer la Infirme en leurs noms, & recevoir les dioits à eux appartenais, ainfi qu’ils ont efté cy-devant levez; à quoy faire il tiendra la main., à peine d’en répondre en Ion propre & privé nom, les mettant ladite Ma- jefté en la garde dudit fieur Commandeur de Poincy; & à faute par luy de fatisfaire aai preient Arrefi , & apres ledit I. Partie. Ccc 2g6 EflaUiJfement des François temps d’un an paffé , en cas que ledit fleur de Poincy ne re- çoive ledit de Thoify en ladite ïfle Saint Chriftophe en la qualité de Lieutenant General pour fa Majefte, & de Gou- verneur Particulier dans ladite Me, & luy laifle 1 exercice li- bre defdites Charges. A fadite Majefté ordonné & ordonne, qu’il fera informé par ledit Commiflaire de la defobeïflance qui fera rendue par ledit fleur de Poincy, pour ce fait & rap- porté, élire procédé contre luy ainfi que de raifon , avec de- fenfeaux habitans de ladite Me Saint Chriftophe de le re- connoiftre ny luy obéir en ladite qualité de (on Lieutenant General, à peine d’eftre traitez comme defobeiflans & rebel- les: Et en cas d’obeïflance par ledit fleur de Poincy, fa Ma- jefté luy a permis & permet de demeurer fl bon luy temblc dans lefdites lfles, comme Particulier , ainfi qu’il pourroit tai- re és autres Provinces & Villes fujettes à fa Majefte, fansque par ledit fleur de Thoiiy luy foit fait ou apporté aucun trou- ble ny empelchemcnt. Et d’autant que ledit fleur de Thoi y P atrocics n’aura pas pleinement joüy iufques au iour d icelle demiflion de ladite Charge de Lieutenant General, ny des émolumens d’icelle qui y ont efté accordez dez 1 annee 1645. Sadke Majefté à la prefentation & requefte defdits lieurs de la Compagnie, luy proroge pour trois années la Commiflion, à compter du iour qu’il entrera en pleine pofleflïon de ladite Charge de Lieutenant General defdites Mes de l Amérique, y compris celle de Saint Chriftophe, & à cette fin toutes Let- tres neceftaires luy feront expédiées en vertu du prefent Ar- reft. Fait au Confeil d’Eftat du Roy, fa Majefte y eftant, la Reyne Regente fa Mere prefentc j tenu à Paris le 1 5. iour de Février 1647. Signe, de Lomenie. Lettre de Cachet à M. le Commandeur de Poincy. „ \ * Onfieùr le Commandeur de Poincy, l'Arreft de mon M Confeil d'Eftat du 15. du môis paffé, mtervenu fur le „ fujet des différais qui font entre-vous, ceux de la Compa- aux Ant-ljles de l' Amérique. 387 », gnic des Ifles de l'Amérique, & le fleur de Thoily Patro- „cles, a elle donné avec tant de connoiiTance de caufe, que «cela me fait défier qu’il foit obfervé entousfes points. C’eft ,;pourquoy ie vous écris la Prefente par l'âvis de laReyne Re- vente Madame ma Mere, pour vous dire que vous ayez à „executer ledit Arrcft en ce qui vous touche pon&uellement ,, &c félon fa forme & teneur, (ans y apporter aucune difficul- té ny retardement , .fur peine de delobeiflance : la prefente „n’eftant à autre fin 5 ie prie Dieu qu’il vous ait, M. le Corn- „ mandeur de Poincy, en fa Sainéte garde. Efcrit à Paris le „z6. îour de May 16 47. Signé Lovys, & plus bas, de „Lqmenie. M. le grand Prévoit donna en mefme temps une nouvelle Commiffion au fleur de Boisfaye, qui fut confirmée par les Lettres Patentes de fa Majeftéi mais comme elle eft toute femblable à celle que nous avons mis cy-devant,& que les Lettres Patentes font conformes à ladite Commiffion , ie me dilpen- fe dé les mettre icy , maisie ne puis obmettre l’Aéte de deli- beration des Seigneurs delà Compagnie qui réglé les pouvoirs tant des fleurs de Thoify & Hoüel, que des fieurs de Bois- faye & des autres luges de la Guadeloupe. Extrait des T^eçiftres des deliberations des Sei- gneurs, des ljles de ï Amérique. Du Aiardy •vingt -fixicfme Aiars 1647. LEs Seigneurs des Ifies de f Amérique voulant remédier aux divcrles plaintes qui leur font faites des diffcrens quinaif- fent journellement çntre les fieurs de Thoify & Hoüel fur la fonétion de leurs Charges, & entre 'les Officiers & luges de l'Illc de la Guadeloupe, & le fieur de Boisfaye & autres dé- nommez en la Commiffion obtenue- de M. le grand Prévoit, pour exercer les Charges de fes Lieutenans, Exempts, & Archers efdices Ifles , ont refolu que par le premier Vaifleau qui partira de Francepour aller efditcs Ifles. 11 fera écrit à Meilleurs de Thoify & Hoüel que la Com- Ccc ij j 88 Efiablijfement des François million dudit fleur grand Prevc-ft ne fe peut d’orefnavant exé- cuter efdites Ifle.s parle fleur de Boisfaye les dénommez eu icelle contreles habitans, fi non en ceqm concerne la révolté de Saint Chriftophe 6c habicans de ladite Ifle, contre lelqucls la- dite Commilfion a efté expédiée pour les obliger à obeïr aux ordres du Roy, fans toutesfois y comprendre aucuns habitans delà Guadeloupe, contre ldqueisen ce cas il fera informé & le procez fait par les luges ordinaires de ladite Ifiede la Guade- loupe. Que ledit fieur de Thoify en qualité de Lieutenant General pour le Roy eidites Mes, pendant Ion fe jour en ladite Ifle de la Guadeloupe, où il s’efloit retiré du conlëntemétdefdits Seigneurs porté par leurs Lettres audit fieur Hoùel du 1 6. AouA 1645. pour un temps à prefent expiré : 6c ne pou\ ant encore à prefent en fortir, lefdits S eigneurs de la Compagnie . rouvent bon qu’il y refide encore pendant le temps porté par l’Arreltdu Confeildu iy Février 1647. 6c aux conditions portées par le Traité fait avec luy. Prefidera neantmoins pendant ledit temps aux Confeils de Guerrequi retiendront en ladite Ifle, tant pour empefeher les entreprifes des ennemis fur lefdites Ifles 6c pourvoir à leur feure- té,que pour tenir les Caraïbes en devoir 6c le conlerver contre les mauvais defleins qu’ils pourraient avoir , 6c feront leur poflible lefdits fleurs de Thoify 6c Hoflel d’entretenir une ferme paix 6C bonne correlpondance avec lefdits Caraïbes. Que le Gouverneur 6c Senefchal de laditelflede la Guade- loupe fera les fondions qui luy font attribuées, par eux dites, en la Iufiice 6c Police: Prefidera au Confeil Souverain par luy efia- bly conformément à la Déclaration de la Majefié, portant création dudit Conleil Souverain en ladite Ifle, 6c donnera feul lescongez aux habitans de ladite Ifle félon qu’il jugera expé- dient pour le fervice de la Compagnie. Pourra neantmoins le- dit fleur de Thoify entrer une fois feulement dans ledit Con- feil Souverain, 6c en ce cas tenir la première place fans prendre les voix , ny prononcer ; 6c ce par honneur , ainfi qu’il fe pratique en France. Que les luges fubalternes nepourronc continuer finfirudion. aux Ant-Ifles de P Amérique. des procez efquels ils auront efté pris à partie, jufqucs à cc que ladite prife àpartie foit jugée audit Confeil Souverain, con- formément à l’ufage de France. Que l’Ediét de Mars 1642. accordé par fa Majelïé aufdits Sei- gneurs des Ifles, & le Traité tait entre-eux &: ledit S. de Thoify le 16. Décembre 1 644. feront obfervées par Iefditsfieurs de Thoify & Hoüefqui font priez de vivre d’orefnavant en bonne amitié &C pariai te intelligence, ainfi qu’ils le promirent aufdits Seigneurs,&: qu’il leur eft tres-neceffaire pour leur feureté, & le doivent pour lefervice du Roy, le bien defdits Seigneurs & confervation des habhans. Fait «5c arreftéen I'AfTemblée defdits Seigneurs, tenue au logis de M. d’Aligre , Confeiller d’Eftat, l’un d’iceux , les jour Scan fufdits. Signé, de Beavvais. M.du Parquet eftant forry de prifon , apres avoir receu milles car elles de M. de Pomcy, partit de Saint Chriftophele fixiéme de Février 1647. pour retourner à la Martinique; il fut receu de tout Ion peuple avec des acclamatiôs & des rcjoüyflances incroya- bles; &r Madame fa femme qui n’avoit pas encore efté reconnue pour telle, & dont le mariage avoir efté tenu fecret pour quelques confiderations, en eût une joye toute extraordinaire. Pendant qu ils vivent en paix,& que l’Ilîe de la Martinique s’embellit, le peuple, recommence d elfre fréquentée des Vaiffeaux,retouinons à Saint Chriltophe pour y voir la délivrance & l’embarquement de M. de Thoily. Le bruit de la maniéré douce & obligeante donc Mon- lieur le General avoir ulé envers les peuples des autres Illes , pendant qu’il y avoir exercé fa Charge, s’eftoit répan- du dans Saint Chnfïophe, &: avoir defabufé leshabicansdcs im- prellions qu’on leur avoir donné de Iuy; & la trop grande feve- > nté deM. dePoincy ayant engendré ie ne fçay quel dégoult de fa per Ion ne dans les efprits , leur fit defirerde voir leur vérita- ble General en fa place; ce fut cc qui loûle va mille ou douze cens habitans, qui lans qu’il en peut avoir aucune connoilfance, fe pinent a crier vive le Roy (y* Ad. le General deThoify. Au premier advis qu’il eut de ce foûlevement, il fit afTembler f on Confeil, donc la plus grande partie conclut à faire tuer M. de» Thoify , afin d’oflcrà ce peuple toute l’dperance de k pofieder C c c iij „ _ Efiablijfement des François jamais : mais les fleurs Giraud & Aubert prévoyant bien que cet attentat porteroit les affaires à de fâcheufes extrémitez , don- nèrent un expédient plus doux , & luy perfuaderent de le ren- voyer en France & de le faire embarquer fur l’heure-mefme dans un navire qui efloit tout prefl a faire voile» efperant que pendant ce temps les affaires fe pourroient accommoder. Cette propofition ayant pieu àM. de Poincy , on refolut de l’executerdez lanuift fuivante > & au cas qu en le conduifantau navire qui le devoit emmener» quelqu’un Ce prefentat pour le délivrer» la Forefl eut ordre de luy donner un coup de piflolet dans la telle. Son embarquement ayant ainfi eflé conclu » on difpofa toutes chofes pour l’execution i les gardes furent redou- blées au tour de la prifon, & fur le loir le fieur de Boisfaye fut feparé de M. le General, lequel Ce voyant feul, comme s’ileût eu quelque preirentiment de ce qui devoit arriver, ne voulut point fe des habiller. ^ La prifon ayant eflé ouverte fur la minuit, 1 un des Officiers fuivy de quinze ou vingt foldats , luy fit commandement de le fui vre > la Forefl pour executer fon ordre, silenefloit befoin, fe mit a collé de luy , ôc il fut conduit par trois cens hommes, & par une partie des Gardes de M. de Poincy , jufques fur le bord de la Mer ; & ces troupes faifoient alte de trente pas en trente pas , pour découvrir s’il n’y avoir point quelque embuf- cade. Apres qu’ils eurent cheminé quelque temps, la Forefl re- ceut un ordre de Ml de Poincy , & au rnefme moment deux puif- fàns Nègres ayant chargé M.Ie Generalfur leurs épaulés , ils le portèrent dans une Chaloupe , dans laquelle il efloit attendu par le refie des Gardes de M. de Poincy. La Forefl y entra avec M. le General, qui fut tout le refie de la nuiét dans des frayeurs mortelles, ignorant le lieu où l’on le conduifoit, &nefçachant fi l’on avoit deffein de le noyer ou de le dégrader en quelque pays perdu. , A Soleil levant la Chaloupe arrefla à la Pointe de Sable, ou le navire du Capitaine Manfel efloit moüillé» qui futexprefle- ment choifiî parce qu’ayant eflé cy-devant mal-traité de M. c General pour avoir contrevenu à fês ordres , 1 on crût qu il ne aux Ant-JJles de l'Amérique. 391 manquèrent pas de s’en' reflentir. Le fleur de Lonvilliers luy donna un ordre de M. de Poincy, de porter M. le General en France, & un autre billet par lequelilluy mandoit qu’il avoir beau fe venger de luy M. le General eut la confblation dans fa difgrace de trou- ver dans ce navire, le fieurde la Ramée Capitaine de la Gua- deloupe, & le fieur de la Fontaine fon Lieutenant, quelcfïeur Hoüeî en avoir chafîez,quiluy rendirent toute forte de fervi* ce, &Iuy aidèrent beaucoup à fupporter le changement defes affaires. A peine eurent- ils levé l’anchre, qu’un grand oyfeau vint voltiger autour du navire fur M. le General , lequel le voyant approcher de fort prez , avança le bras, ôc cét oyfeau fè vint percher par deux fois (ur fa main, & fe laiffa prendre, d’oû il tira un bon augure de fon voyage. On ne luy avoir laiffé pour tout équipage que deuxehemifes qu’on luy donna en forçant de prifon, & un gros manteau de campagne qui luy fervic de couver- ture durant letrajed. M. le General fçaehant que le Capitaine qui le conduifoit effoit la créature du fieur de Poincy, il luy perfuada qu’il s’eftoit accordé avec luy ,& qu’ils alloient agir de concertpour per- dre le fieur Hoüel, comme le feul autheur du defordre deslfles; ce que ce Capitaine ayant crû, il le traita affez civilement pen- dant la traverfee; fon équipage mefme qui avoir toujours dés- approuvé la conduite de Manfel , &c qui n’avoic pas voulu trem- per dans fa rébellion, luy rendit à l’envy fes refpeétsSf fes fou- rni fiions. Le trajet fut affez heureux jufques au cinquième iour de May, qu’ils fouftrirent pendant deux iours une furieufe cempefte, d’au- tant plus à craindre, que le navire ayant trois membres. /rom- pus plioit fous les vagues; mais, apres avoir fait un vœu à Dieu, on jettaune particule de la Croix enMer,&auffi*toft l’orage ceiïà. Le 1 z. iour du mefme mois, ayant rencontré trois navires Efpa- gnols,&Iun d’eux s’eftant détaché pourles venir attaquer, les paf- fagers prièrent M . le General de les commander , il accepta l’hon- neur qu’ils luy faifoient,& ayant difpofé toutes chofes avec autât d’addreffe que de valeur , on commença le combat, 8ç ils fe 39 1 Eftablijf ornent des Franç ois battirent fi vaillamment , qu’apres avoir tue plufieurs hommes dans le Vaifîeau Efpagnol,il fut contraint d aller rejoindre les deux autres , qui voyant la refolution & le courage des François, fe retirèrent avec leur perte. Le 17. de May le navire arriva à Saint Malo, où M. le Ge- neral s a'rrefta pendant fix femaines à pourfuivre le Capitaine Manfel, 6 i les autres complices de M. de Poincy : mais comme toutes ces procedures qui ont duré plus de fix ans ne font point de mon faiétv c’elfaffez de dire quelles luy ont elfe toutes ad- vantageufes, & que M. de Poincy apres avoir fait fa paix avec la Cour , par l’entre-mifede M. l’Ambaffadeur de Souvre & de la Religion de Maltbe,a elfe contraint avec tous les Officiers & les habitans de Saint Chriffophe, de tranfiger avecM. le Gene- ral le 2.5. Aoulf 1651. moyennant la fomme de 90000 .livres, avec referve contre Iefieur Hoüel, & ians le defifter de fes adtions jufqu’àfion entier payement Depuis ce temps-là, ces deux Mefi- fieurs ont vécu en une parfaire intelligence , comme il paroit par les Lettres envoyées de part d’autre apres leur accord, dont voicy les deux premières. „ Ta y beaucoup de jpyeque les affaires font en un effat que „ vous ne douterez plus desprotelfationsqueie vous ay faitau- ,, tresfois avant que de partir pour les llles, fur lalfeurance de ,, voffre demilfion que Mellicurs delà Compagnie m avoient mi- ,3 fie entre les mains, puifique vous pouvez connoilfre à prefent „ qu’avec toute la julfice & la proteéfion quon peut fouhaiter, „ j’ay différé le plus qu’il m’a efté polïible de palier outre, & de „ porter leschofies àladerniere extrémité , pour vous donner le „ temps & à vos amis de faire celïer les troubles que linterelf de „ quelques per fionnes màl-intentionccs avoit fufeité. Il elf vray ,, qu’il n y avoifpérfionne au monde capable d’en veniràboutà „ voffre advantagè & pour lé bien des lfles, comme M. Giraud ,, ayant fait icy tout ce qu’il a voulu de moy, mais il n importe, jp c5me vous pouv ez bien juger que ie ne me releveray jamais de aux Ant~IJles de l' Amérique. »Ia perte que ie fais de toutmon bien que j’ay mis dans cette j; affaire , j auray au moins cét advantage que vous ferez perfua- ^>dé que ie nay effé pouffé d’aucun intereff, principalement » quand vous verrez par noffre tranfaffion, queie me fuis con- ,, tenté d affeurer feulement ceque je dois à mes créanciers , ôc , j que ie me fuis . refervé pour moy, de vousdemander voffre ami- ” tlé> en vous réi térant une nouvelle proteffation d’oublier tout ^ce qui seft paffé, & de chercher toutes les occafions poffî- ,> blés de me dire, . r — MONSIE VR, Voffre très -humble ôc très - obeïffant ferviteur, de T h o i s y. m ONSIEVR, « 1>ay reccu celle qui! vous a plû m’écrire par M. Giraut, la- quelle méfait paroiffre que vous defîrez que nous vivions en 3, bonne intelligence, l’accepte cét offre très- volontiers, ôc vous „ proteffe que j’ay du regret de tant de troubles qui font arrivez ,, éntre-vous & moy. Iefçay que vous n’eff es point autheur de „ tous ces defordres, font de malicieux efprits qui vous ont plon- 33 gé dans ce labyrinthe , qui nelaiffe de vous effre préjudiciable, ,3 auffj bien qu’à moy. le travaille par toutes fortes de voyes pour „ vous faire fatisfaire , touchant les accordsqui ont effé faits avec ,3 vous par M. le Bailly deSouvré; &rpcur vous le témoigner, 3, ie ccde les droits ordinaires au peuple de cette Ifle, ôc leur ,3 permets défaite levée fur eux pour voffre payement ; vous en „ verrez les effets promptement > Dieu aÿdant,ainfî que vous „ le mande M. Giraut, en atrtneant s’il s’offre occaflon deYous „ rendre fer vice , ie le feray de pareille affeffion que ie fuis , MONSIE VR, \A Saint Chrijiophe ceiy.iour Voffre tres-obeïffantferviteuiy de Décembre i CHEVALILR DT PoiNCY. h D dei 394 Efiablijfement des François Le fieur Hoiiel s’eft défendu plus long-temps des pourfuit&s de M. le General j mais voyant qu’il n’y avoit plus moyen de reculer ny d’éviter une condamnation, il luy fit parler d’accom- modement, & choifit M. de Mégrigny pour fon Arbitre , qui ayant efté agréé de M. le General qui n’en voulut point d’autre, l’accommodement fut bien-toft fait, & le fieur Hoüel fut con- damné à luy payer en trois années 61715. livres depetun; à quoy il acquiefça. Madame la Generale ayant apris le départ de M. fon mary, nefongea plus qu’à le fuivre ; elle mit tout l’ordre qu elle pût à fes affaires, &le2o. Iuin de l’année 1647. Pai'tic del’lfle de la Martinique, pour aller à l’I fie d’ Antigoa, où elle fut fort bien re- ceuë des Anglois; d’où eftant partie le lendemain, le Lundy 24. elle débarqua à l’Ifle de Saint Luftache, d’où apres fept fe- maines de fejour, elle s’ébarqua dans le navire de Michel Riiyter, (aujourd’huy Admirai d’Holande ) auquel Hle confia tous fes papiers de confequence. Il n’oublia rien des ci vilitez qu'il devoit à ^.condition, & luy fit prendre terre à Boulogne, Ville Ma- ritime de Picardie, le quatorzième Septembre, d’où elle prit la route de Paris. Ferfecution univerfelle dans les IJles , apres l em- barquement de le GeneraL §. xiv. PEndantque M- de Thoify réüfTit heureufement en France dans les procez civils & criminels qu’il intente contre les fe- .ditieux , qui l’avoientinjurieufementexpulfé des Ifles , elles de- viennent le théâtre d’une horrible perfecution , ôc d’une infi- nité de maux, dont Les playesfaignenr encore aujourd’huy, par- la ruine de plufieurs Particuliers qui gemiffent dans la mifere:: pour n’avoir pu rentrer dans la joiiyfiance des biens, dont on les a injuftement dépouillez dans ces temps de defordc.es &c de •çonfufion. . . Jncontinent apres Le d,épait de M.. le Gcnpral, la perfecutioa aux Ant-IJle s de l 'Amérique. 5 ^5 s’augmenta contre ceux quiauoient tenu Ion party, & le nom des Patrocles, c’eft ainfi qu’on les qualifioir, devint fi odieux, qu’il n’y a voit point de quartier pour ceux qui en étoientfoupçon- nez ; c’eftoit aflez d’eftre tenu tel pour fe voir chargé de coups de ballon, mis aux fers, pillé, ruiné , & banny honteufemenc de l’Ifle : Il n’y a voit point d’azile afleuré dans les bois; car l’on donnoit lachafleà ceux qui s’y refugeoient , comme à des en- nemis publics; & cette violence fut fi grande, qu’elle en contrai- gnit plufieurs de fe fauvcr fur des Tiperis , & d’cxpofer leur vie a mille dangers pour fe délivrer de ces oppreflions. Nousavonsdéja veula Guadeloupe agitée de cette tempeftc, en voicy encore quelques fuittes allez fâcheufes ; il y avoit à la Capfterre de cette Ifle un Lieutenant appellé- la Fontaine pied d’Orion, àcaufe qu’il eftoit eftropié, & portoit une jambe en écharpe avec une bande de cuir ; ce la Fontaine qui avoit efié au commencementfort zélé pour Monfieur Hoüel contre Monfieur de Thoify, & qui depuis avoit changé de fentiment, ayant un iour rencontré Mademoifelle Trefel qui alloit voir M. Hoüel aflez matin', ne fe put empefeher de luy faire quel- que raillerie , dont n’eftant pas contente elle avertit fon mary, qui fût aufll-tofl: faire fes plaintes à M. Hoüel, apres quoy il fit courir le bruit qu’il en avoit obtenu permiflion de donner cent coups de bafton à la Fontaine; cét homme citant eftropié, couvert de blefliires, & fort incommodé, n’eut pas plûtoft le vent de cette menacé, qu’il alla trouver M. Hoüel, &Ie pria d’empefeher Trefel de mettre la main fur luy, parce qu’il ne fe pourroit pas empefeher de luy donner un coup de fufildans la tefte; il s’en revint content, difant qu’il avoir ordre de tuer1 Trelel,s il-fe m étroit en devoirde luy donner des coups de bafton, à quoy line manqua pas; car quelques iours apres Trefel venant à luy la canne levée pour le Laper devant la maifon, la Fontaine courut à un fufil, & le prefentant à Trefel luy dit, que s’il avançoit il eftoit mort, mais Trefel niépri- fant cette menace s’avança fi prez de luy, qu’il luy mit la pou- dre & le plomb dans le corps, &le tua fur la place II s’enfuit auffi-toft dansles bois; d’où eftant revenu quelques iours apres, fe mettre entre les mains de la. lufticc, ilfut condamné à eftr© Dddij 5 $6 Eftablijfement des François paflc par les armes. Il demanda que le Pere Raymond le con- feflât & l’afiiftât à la morr, mais cetre grâce luy fut refufée; neançmoins comme on le conduifoit au fupplice, il ne voulut jamais pafler noftre Chapelle qu’il ne luy eût parlé, & luy de- manda publiquement pardon de tous les tors qu’il nous avoit faits, Sc particulièrement d’avoir fouvent tué des animaux do- meiliques de l’habitation, déclarant devant tout le peuple qu’on le luy avoit commandé ,enfuite il fut exécuté, & le bruit eftoitrout commun, qu’on s’eftoit voulu défaire de l’un & de l’autre pour des fujets bren differens. M. Hoüels’eftant délivré par divers moyens de tous ceux qui luy déplaifoient à la Guadeloupe, n’avoit plus que M. de Sa- boiiilly qui luy pût donner de l’ombrage, il fçavoit qu’il avoit l’approbation de tous leshabitans, & que luy-mefme, aufli bien queM.de Poincy, avoit écrit aux Seigneurs de la Compagnie en fa faveur, &: qu’ils l’a voient recommandé comme un homme rare, le plus capable de commander, qui fût dans les Ifles ; cela luy faifant appréhender avec fujet que la Compagnie ne jettât les yeux fur luy pour reftablir les affaires de la Guadeloupe, il le fit prier de le retirer en France voyant qu’il ne s’y diipo- foit pas, il luy en fit faire commandement; mais ce Gentil- homme n’ayant pas fait femblant de l’écoûter, cela obligea M. Hoiicl de luy envoyer dire qu’il prît garde à luy, & que fa vie n’éftoitpas en^ffeurance dansl’ïïle; dequoy ayant fait peude cas» & cette menace ne l’épouvantât nullement, le bruit courut aufli- tofl: dans l’Ifle , que les Gardes de M. Hoüel avoient ordre de le tuer;dontM.de Saboüilly ayant eu le venr,illuy voulut faire voir qu’ilne le craignoitpas;car l’ayant/rencontré dans un chemin affez eifroit, précédé defes Gardes , il énappella un qui avoit eilé ion V alet de chambre, & luy ayant parlé quelques temps, ilpaffa au mi- lieudesautres, & fut droit à M. Hoüel, quile voyant approcher hlqfmit,& fit une démarche hors du chemin, pour le laiffer pafler, fans ofer luy dire mot, M. de Saboüilly fut encore quelque- temps idans l’Ifle 1 d’où apres, il fe. retira en France ? où il efl: mort glorieufemént les armes à la main pour le fervfce du R°y. >■ ’ " r : p * Rien que la Martinique aye efté la moins agitée de ■ i b* b aux Ant-Tfles de l'Amérique. 39 j troubles par la conduite du Sieur du Parquet, neantwnoins el- le n’en a pas efté tout à fait exempte; on y a veu des banniffe- mens & des proferiptions comme dans Saint Chriftophe &r dans la Guadeloupe iepuis dire que comme une mer fort agitée ,eft encore quelque temps dans l’émotion , apres mefme que les vents qui avoielit excité l'élévation de fes flots ont ceffé : les Ifles ont elfe long-temps à Ce remettre dans leur premier eftat apres tant de (oûlevemens & de feditions , on ne travailloit plus, beaucoup d’habitations demeuraient defertes , Iaplufpart eftoient prefque ruinées par les mauvai fes herbes, fi bien que les habitans y faifant peu de marchandifes, le commer- ce eftoit interrompu , de forte qu’ila fallu pluheurs années pour le reftablir. La pîufpart du peuple durant ces mutineries eftoit devenu audacieux & peu refpeélueux aux Ecclefiaftiques, c’eft pour- quoy on ne fçauroit exprimer les peines que nos Peres & les autres Millionnaires ont enduré pour remettre les peuples dans le devoir, particulièrement à la Guadeloupe, ouïe Gouverneur faifànt tout ce qu’il pouvoit pour les perdre de réputation , les libertins de fille prenoient à tâche de les perfêcuter,& de mé- dire de leur conduite pour Iuy complaire. La licence des Gouverneurs avoit tellement accoûtumé le peu- ple a crier contre la Compagnie , & contre les droits qu’on eftoit obligé de luy payer, qu’encore que les Sieurs du Parquet & HoüelfiiïentleurpoflibIe,ou du moins quelque femblant, pour les ranger ôc leur faire payer, ils n’y réiillircnt qu’à demy. Pour Saint Chriftophe on y avoit tellement fecoüé le joug, que les Seigneurs de la Compagnie n’eftoient plus Seigneurs que de nom , le lieur Hoüel les en avoit avertis par une de fes Let- tres dez 1 année 1646. par laquelle il leur mandoit que Ienom de la Compagnie eftoit aux habitans ce que la tefte de loup cft aux enfans, qui fait peur aux timides, & qui met en fureur les plus hardis, & les plus relolus. i -, D d d iij 39 8 Efiablijfement des François La Compagnie tafche en vain de remeâier a tous ces maux , & de favori fér les exilez, > en leur donnant permiffion d'habiter l'Ijle de Ada~ riegalante , $, x v. LEs lïeurs de la Fontaine &i Camo , Capitaine proferits de Saint Chriftophe, s’eftant fauves delaperfecution eftoient ■ arrivez en France , auparavant que M.le General eut efté livre à M. de Poincy. Ils remonftrerent aux Seigneurs le pitoyable eftat auquel ils eftoient réduits , les maux qu’ilsavoient foufferts, & les grands biens qu’ils avoient perdus pour le fer vice du Roy delà Compagnie; ils leur reprefenterent l’eftrange perfe- cution qu’avoient enduré les gens de bien, qui les avoient fui- vy dans leurs bonnes intentions, & comme ils eftoient mifera- blement difperfez, les uns en Hollande, quelques -autres en France, & la plufpart dans les Ifles voifines, Angloifes, & Flamandes, aftèurant que c’eftoient tous anciens habitans , gens d’honneur , &: fort expérimentez dans les manufactures du pays, capables de compofer une tres-bonne Colonie, s’ils eftoient raflemblez. Ils demandèrent en meftne temps aux Seigneurs la permît fion de les ralfcmbler, & d’en former une Colonie pour habi- ter l'Iflc de Mariegalante. Les Seigneurs delà Compagnie bien-aifes de trouver le moyen - de recompenfer en quelque façon les fieurs de la Fontaine SC Camo, & les autres perfecutez, fans qu’il leur en coûtât rien , s’af- femblerent extraordinairement le hui&iéme iour de Février p bc firent cette Déclaration. aux iAnt-IJles de l Amérique. 599 Déclaration de la Compagnie des ÎJles de l' Amé- rique en faveur des Exilez À Vf ourd’huy huitième Février 1647. en confequence des Requeftes 5c mémoires fignez 5c prefentezàla Compa- gnie des Seigneurs des Ifles de l’Amerique > par les fieurs Hauf- fier, dit de la Fontaine, & Antoine Camo, Capitaines en Ia Cap- lierre de Flfle de Saint Chriftophe , pour l’habitation de Marie- galante en l’Amerique , dans l’eftenduë de la concelïion faite auf- dits Seigneurs par i’Ediét de Mars 1641. tant pour leur fervir de retraite 5c à leurs familles exilées de ladite Ille, que pour nombre d’habitans aulfi chaffez 5c bannis dudit Saint Chrifto- phe. La Compagnie ayant donné pouvoir à Melfieursles Directeurs de traiter avec lefdits lîeursla Fontaine 5c Camo , l’habitation de ladite Ille, par deliberation de l’Aftemblée dudit jour huiétiémc Février, il a efté convenu 5c accordé entre lefdits fieurs Dire- éteurs, 5c lefdits fieursla Fontaine , 5c Camo. I. Que les Seigneurs permettent & donnent pouvoir aufdits fieurs la Fontaine & Camo en vertu de celuy qu’ils ont de là Majefté, d’occuper & prendre poflelfion de ladite Ille de Marie- géante, au nom du Roy, & des Seigneurs, dans l’année pre- lente. 1 1. Qu* ils leurs accordent le Gouvernement de ladite Ille pour quatre années, dont ils leurs feront prefentement expédier Com- mifiions, enfin delquelles ils feront continuez en ladite Charge de Gouverneurs, par autre Commillion qui leur fera envoyée par quatre années fuivantes. III. Que pour favorifer ladite habitation, & attirer de nouveaux habitans en ladite Ille, lefdits Seigneurs ne lèveront aucune cho- fe des droits accoûtumez, 5c eftablis aux autres Ifles, fur lefdits nouveaux habitans, pendant les quatre premières années, com- mençant au lourde Saint Iean-Baptiftc de la prefente année pendant les quatre années fuivantes , lefdits droits feront modé- rez à la moitié de zoo. livres , quife lèvent par telle dansI’IHe d© 4° o Eflabltjfement des François Saint Chriftophe , du payement defquels lefdits fleurs la Fontaine & Camo auront 30. hommes de leurs familles exempts, qui eft 15. pour chacun d’eux. IV. Ne feront compris en ladite exemption de droits, ceux defdits habitans , qui fuivant la permiffion generale de pafTer des Ifles aux autres, transféreront leur domicile des autres Ifles,oii ils font demeurans, en celle de Mariegalante, en laquelle ilspaye- ront les mefmes droits, qu’ils pay oient aux Ifles dont ils font lor- tis, excepté les familles, particulièrement habitans dudit Saine Chriftophe, qui en ont efté chalïez, & contrains de s en retirer de- puis deux ans , & encore quinze familles de celles qui font prefen- tement audit Saint Chriftophe, lefquelles joüyront de ladite exemption , comme ceux qui commenceront à habiter ladite Ifle de Mariegalante. V. Lefquels Gouverneurs pourvoiront aux Charges de Milice* toutainfi qu’il eft pratiqué dans les autres Ifles. Les Officiers de Iuftice, & autres, demeureront à la provifion defdits Sei- gneurs. V I. Moyennant ce, lefdits fleurs la Fontaine & Camo, promet- tent aufdits Seigneurs de faire habiter ladite Ifle dans la première année prochaine , ô£ y faire palier le nombre de 60 . François de la Religion Catholique, Apoftolique, & Romaine, avec deux Ec- clefîaftiques, ayant million fuffifante, pour les fondions Ipirituel- îes en ladite Ifle. VII. Qu’ils continueront de faire pallier & habiter en ladite Ifle pareil nombre de 60. perlonnes de melme condition par chacune année des quatre fui vantes. VIII. Qu’ils feront conftruire à leurs dépens un Fort fuffifant pour la feureté de l’Ifle, & des habitans, & qu’ils ménageront en forte l’affedion des peuples Sauvages, qu’ils n’auront point de guerre avec eux. 1 X. Lefquels fleurs entretiendront intelligence & bonne cor- relpondance avec les Gouverneurs des autres Ifles, & Officiers defdits Seigneurs, & particulièrement avec M.Houel, Gouver- neur de la Guadeloupe & l’un des Seigneurs. X. Etau cas que l’entreprife de ladite habitation ne leur lucce- dât comme ils ont efperé, ils ne pourront prétendre contre la _ __ Corn- aux Ant-IJles de lAmerique. q.0] Compagnie aucun dédommagement ny rembourfement de frais &c avance. Fait & arrelléle iour & an que deflus. Signé, Berrvyfr CAMOT, & H A VSSIER. Le me fine iour de cette deliberation , on leur expédia leurs Commiffions , mais un peu d’argent leur auroit bien mieux fervy que ces belles pencartes; car nos pauvres exilez cherchè- rent par tout de 1 argent a emprunter, fans que jamais perfon- ne leur voulût prefter un fol pour Icftabliflement de cette pré- tendue Colonie; de foi te qu ayant mange les 2.000. livres que Madame de Patrocles leur avoir obtenu de la Reyne Merc quand ils arrivèrent à Paris, Je fieur Carnot fut contraint de s’en retourner à la Martinique, où M. du Parquet le receut à bras ouverts, & iafïifta de toutes chofes; & l’autre pritpar- ty avec M. le Baron d’Ormeil, qui luy confia la conduitte d’u- ne petite Colonie qu il envoyoit a Orenocy où ayant mis pied a terre avec le R. P. Pacifique de Provins Religieux Capu- cin, & 11. hommes , on n a jamais £çeu apprendre depuis, ce qu’ils eftoienr devenus. r ^ Etranges avantures de quelques François releguez , à i IJle des Vierges . Les dangers quils couru- rent {ur Mer & fur terre , iufquà ce qutls fu- rent f courus far les Sfpagnols . §. XVI. M> ■ : 1 ! Onfieur de Poincy ayant appris par plufieurs Lettres de fes amys de France , que la Reyne Regentc Mere du Roy avoit favorablement reccu les plaintes de Monfieur de Thoifv, & quelle avoir paru fort irritée du mépris qu’on avoir fait de fa Gommifiïon , crut qu’il eftoit de fa Politi- que,( pour éviter de nouvelles feditions dans fbn Ifle , en at- tendant que la Religion de Malthe eut fait fa paix avec la Cour , & moyenne quelque accommodement avec M. de Thoi- ï. Partie. £ee 402. EJiabliJfement des François (ÿ ,) d’en chaffer les principauxde ceux qui s’eft oient montrez les plus affeéiionnez à fes interefts. Mais nofant les renvoyer en France de peur qu’ils n’y témoignaffent contre luy>,6C qu’ils ne fe ioigniffent aux (leurs Carnot 6c de la Fontaine , no- fant pas auftï les bannir de rifle comme des Criminels , de peur que cette violence ne rendit fa conduitte plus odieufe , 6c fa caufe plus mauvaife en France , il fe fervit d’un prétexte plus fpecieux , 6c fit courir le bruit qu’il avoit deffein d envoyer habiter l’Ifle des Vierges. Il choifit pour cét effet foixante hommes qui luy eftoient les plus fufpeds , dont l’un nomme Vincent Veiller, autrement dit la Haye , avoit exercé long- temps l’Office de Greffier à Saint Chriftophe; vn autreavoit efté pefeur General de 1’Ifle, ôc prefque tous les autres avoienr efté Officiers de Milice. On vit bien d’abord qu’on avoit deffein de les reléguer dans quelque Ifle deferte , quand on fçeut que Monfieur de Poincy avoit eftably Chef 6c Capitaine de cette prétendue Colonie vn nommé le Verrier , homme fans efprit , fans et- tres , ÔC fans expérience , 6c qui avoit efté autrefois condamne d’eftre pendu , pour avoir pris les armes contre le Service de fa Majefté dans lafeditionque BurgaudlaMarche ôcquclqu au- tres mutins avoient excitée à S. Chriftophe ; mais Ion nen douta plus , quand on vit que peu de iours apres leur em- barquement on confisqua leurs biens , ôc qu on onna leurs habitations à ceux qui avoient tenu le parti de Monfieur de Poincy. , , _ , , Ils partirent de S. Chriftophe au mois de Septembre l'année 1647. dans la barque de Iean Pinart , qui ayant fait plufieurs Voyages aux Vierges > avoir remarqué dans la plus grande terre , vne fpacieufe habitation découverte par les An- glois , fur laquelle il y avoit quantité de Patates , ôc de May nyoc plantez. u Nos foixante-fix habitans abordèrent heureulement a cet- te Ifle, ôceftans defeendus à terropendirenrpromptement leurs lits de Coton aides arbres poiit dormir , ôc pour fe repoler, es fatigues qu’ils avoient fouffert en mer , 6C des inquiétudes dont ils avoient efté depuis tres-longtemps agitez a S. Chri- aux Ant-IJle s de t 'Amérique. 403 fïophe -, Mais le nombre infiny des Marin gains & Moufkûjues, qu’ils y trouvèrent, ne leur donnèrent pas un moment de re- pos. Le lendemain de leur defeente à terre , plufieurs des plus curieux vifiterent fille pour voir fi elle étoit propre pour ha- biter ; mais allant de cofté & d’autre dans l'habitation que les Anglois y avoient decouverte, ayant trouvé quantité de corps morts, tant hommes que femmes veltus de leurs habits : cét horrible fpe&acle leur ictta la frayeur dans le cœur , & leur fit croire qu’on avoir choifi ce lieu comme vn coupe-gorge fa- vorable pour les faire périr , pareeque cette Ille eftant proche de celle de Saint lcan de Portric habitée par les Efpa- gnols , i!s n’auroient point de repos qu’ils ne les euflent chaf- fez , & ainfi c’eftoit les expofer à la boucherie. En effet , les Efpagnols de S. Ican de Portric ayant apris les defordres & les divifîons qui eftoient arrivez à S. Chri- ftophe,& que M.de Poincy enavoit chafle quantité d’habitans, qui s’elloient emparez de cette Ille, ils armèrent cinq Navi- res en guerre , qu’ils chargèrent de quelque Infanterie pour venir reconnoiftre le lieu où nos François s’efloient placés, ô£ leur faire le mefrae traittement qu’ils avoient fait vn peu au- paravant aux Anglois. Ayant moüillé l’anchre , ils remplirent cinq Chaloupes de Soldats , & tirèrent vers le lieu où efloient nos François, qui les ayant appcrçeus coururent à leurs armes ; & fçaehant qu’il n’y avoit aucun quartier pour eux , refolurenr de fe battre iufqu’àl’extremité. Lé’quipage de la Barque au nombre de ij. hommes fc ioignit à eux , &: tous enfemble ils combattirent vaillamment les Efpagnols, dent le feul nombre les devoir ac- cabler -, le Neveu du Gouverneur de Portric , qui conduifoit cette entreprife,futblefîé d’vncoup defufil, duquel il mourut un peu apres fon retour dans cette îfle , nos gens fe battant en defef- perez tuèrent fi grand nombre d’EfpagnoIs, qu ’ils contraignirent les autres de fe retirera vne grande Anfc, que les hibuans- ap- pelaientdu Marne, où apres avoir tenu Confeil, ils re- tournèrent à la charge, & fondirent couvageufement furlcsFran- çoisavec des lances, des Sagayes, Sc des armes à feu. Le choc fut E e e ij 404 Efiablijfement des François furieux , trois François y perdirent la vie , cinq autres furent blefTez,aufquels neantmoins les Efpagnols firent tres-bon quar- tier. Les autres voyant leurs forces inégales à celles des enne- mys,abandonnerent le Champ de Bataille , ôc fe retirèrent dans les Montagnes, doü ils ne décendirent qu apres avoir veu par- tir les Navires Efpagnols , qui en partant mirent le feu à la Café , 8c pillèrent tout ce qui appartenoit aux François , de for- te qu’ils demeurèrent dans cette Ifle fans barque , fins lid , fans café , ôc fans aucun outil pour travailler , y menè- rent vne vie très - miferable , l’elpace de 3. ou 4. mois , ne vivant que de quelques Crables qu’ils trouvoient dans les bois, & de quelque Burgaots qu’ils ramaflbient au bord de la mer. Plufieurs y moururent de pauvreté. Scies autres fevoyoient à la veille de périr de femblable mifere , lorfque cinq des plus .hardis refôlurent de fauverleur vie, 8c de s’expofer à toute for- te de périls pour fortir de cette Ifle ; ils firent vn Pj/pen pour aller en mer chercher quelque Ifle habitée des Chreftiens de quelque nation qu’ils fuffent ; 8c l’un d’eux ayant trouvé heu- reufement une cognée fur la fouche d’vn Acomxs , ils cherchè- rent du bois de Mxhot 8c de Trompette. Qui font les plus lé- gers du pays , 5c travaillèrent avec tant de diligence qu’en 3. jours de temps ils afiemblerent ces morceaux de bois les uns avec les autres, 8c fiinsmortoife/ansclouds, fe fer vant feulement de grofies ÔC fortes lianes , ils accommodèrent leur Pjperi. I Ipor- toit onze pieds de large fur 14. de long , 8c afin qu’il coupât mieux l’eau , ilsluy firent vne pointe 8c vn mats de 15. pieds qu’ils plantèrent au milieu. Deux de ces cinq, dépouillèrent leurs chemifes pour faire une voile ; 8c apres les avoir découfues, les attachèrent enfcmble avec de grofies éguillettes d’écorce de Mahot , où ils lièrent deux efeoutes de la mefrne efcorce pour ferrer au vent, ou pour larguer quand il feroit befoin. Le iour venu pour s’embarquer fur ces morceaux de bois, ils firent leurs prières à Dieu avec les autres Compagnons de leur mal- heur , ils mangèrent enfemble de ce qu’ils avoient pu trouver le iour precedent pour vivre ; 8c s’eftant tous em- feraflez avec pleurs ôc gemiflemens , ils defeendirent au bord aux Ant-ljles de F Amérique. 40 ç de la mer. On ne fçauroit dire qui furent les plus affligez fur le point de cette cruelle feparation. Ceux qui alloient for tir de l’ifle , pleuroient ceux qu’ils y lailloicnt comme des gens qui dévoient bjen-toft périr de maladiesSc de miferes ,Iapluf- part eifant déj a enflez & tous boufis; ceux qui eftoient donnoient déjà des larmes à la mort de ceux qui en fortoient, fçaehant bien qu’ils ne pourroient aller loin fans mourir de faim,ouTans eflrre engloutis des vagues de la Mer au moindre mauvais temps. Apres s’eftre embraffez & dit vn dernier adieu, plus par l’a- bondance de leurs larmes , que par leurs paroles, nos cinq avan- turiers pouffèrent leur Pyperi à l’eau , fur lequel ils s’aflirent tous, deux fur le devant,deux à barrière, 8c vn au milieu. Les deux de f arrière tenoient vn aviron en forme de gouvernail pour lesguider où la divine Providence lesconduiroit , les trois autres tenoient chacun un aviron fait en forme de pailette , & ramant à la façon des Sauvages des Ifles,c’eftà dire devant eux, ils arri- vèrent extrêmement fatiguez à une petite Ifle afiez éloignée de- là grande Vierge, appelléecoinmunémenr virginoGoarda. Eftant décendus dans cette petite Ifle avec leur tifondefeu, qu’ils confervoient foigneufement allumé fur leur Pypen pour pe- tuner , ils firent du feu fur vne anfe de fable , pour cuire quelques Burgots, 8c quelques Crables qu’ils y avoient trouvez. En fortant de cette Ifle, ils la nommèrent ClJledelaViolette , parce qu’en y arrivant ils y avoient trouv é vn Corps enterré dans le fable qui paroifloit remüé depuis peu, 8c une Croix de bois fi- chée dedans,fur laquelle il y avoit écrit , Celuy qui oijl icy fe nomme U Violette, habitant de Saint Chrijlophe. L’un de ces cinq qui efl: prefentement en France, m’a dit que c’eftoit un de ces habitans qui avoient eflé mis avec le Pere de la Trinité Irlandois , dans vne Chaloupe fans pain & fans eau à la mercy des ondes. Nos af- fligez Navigateurs apres eftrefortis de cette Ifle, firent tant à force d’avirons,qu’ils gagnèrent l’ijle de S. T bomas.Où ayant trou- vé du rafraîchiflement dont ils avoient extrêmement befoin , comme Oranges, Citrons*, Limons, Goüyaves , Bananes 8c Fi- gues, ils y féjournerent cinq iours. De l’Ifle de S. Thomas ils continuèrent leur route jufqu a la bande du Sud de Porterie , où ils débarquèrent fur une gran- E e e iij 4© 6 Efiabhjfementdes François de Sable: Apres avoir marché dans i’Ifie environ lieues, ils connurent par le grand nombre de Boeufs , de V aches & de Ports qui y étoient Sauvages, &c dont perfonnc n’avoit foin, que c’étoit fille de Saint lean de Porterie ; & appréhendant de rencontrer les Mateurs qui ne- donnent quartier à perfon- ne,ils retournèrent à leur Pyper'i, qu’ils relièrent tout de neuf, afin d’atteindre une autre petite Ifle éloignée de deux lieues, & au vent de celle de Porterie. Ils ramerent trois iours fans la pouvoir aborder, à caufe que la Marée portoit inceflammentà la grande terre. Mais apres vu grand travail , ils gagnèrent une autre petite Anfe de Sable blanc, ou eflans décendus, ils y trouvèrent heureufement deux puits , crcufcz par des Matelots , dont l’eau étoit aufli bonne qu’il y en ait en France : Ils y trouvèrent aufli des Ramiers, des Poules, des Pmtardes, & autres bons oy féaux en fi grande abon- dance , & fi privés, qu’ils lestüoient le foir fur les arbres avec de grandes perches. Toutes ces commoditeziointes aux vefliges d’hommes qu’ils y trouvèrent, leur firent croire qu’elle eftoit fré- quentée par des barques de Pefcheurs, & que fans doute il y en viendroit bien -toit quelqu’une, qui les pourroit porter a ans une terre Chrcftienne. C’elf pourquoy ils y bâtirent une pe- tite café , où ils demeurèrent prés de trois mois , faifant tous les iours le tour de cette Ifle qui n’a que deux lieues de cir- cuit, fans voir perfonne à terre, ny aucun Vaifleau fur la Mer, dont ils peuflent efperer fecours. Enfin vnDimache au matin corne ils faifoient leurs prières ordi- naires,ayant apperçeu une barque qui venoit du cofté du Nord &c rangeoit la colle decettelfle,ilsluy firent promptement un lignai avec un linge au bout d’vn baron, & firent tant par leurs cris reïte - rez, que le Capitaine commanda à fes gens de ferler fa gran- de voile, &c de baiffer le Hunier pour aller droit à terre. Ne voyant que cinq hommes nuds , èc fans armes, il fit décendre cinq de fes Matelots dans fon bafteau , un defquels eftoit Vvav lon , lequel ayant reconnu à leur langage qu’ils eftoient Fran- çois ,que quelque naufrage ou quelqu’autre accident avoir jet- té à la colle de cette Ifle , ils les reçeurent charitablement dans leur bateau, & les menèrent à la barque. Parle moyen de aux Ant-IJles de l Amérique. 407 ce truchement Vvalon,ils expoferent au Capitaine leur pays,, leur fejour dans les Ifles, leur employ , le fujet de leur fortie, les miferes effroyables qu’ils avoient enduré fur mer , &:fur terre depuis leur départ des Vierges. Vnli pitoyable récit le toucha fi fenfiblemcnt , qu’il leur donna des chemifes &. des calçons , les fournit de pain , de vin , & d’eau de vie , &. leur promit que dans quinze iours la Pefche e fiant achevée, il les viendroit prendre, & les palferoit à S. Iean de Portric. 11 exé- cuta ponctuellement fa parole ; car apres avoir fait fa Pefche à Couleuvre , au bout de quinze iours il les vint prendre en paf- fânt , & les porta à Saint Iean de Porterie ; & pour confervcr la mémoire d’une fi eftrange avanture , il fît attacher le Pyperi qui leur avoit fervy , à la proue de fa barque, pour le faire voir à Dom Francifco Maldonado qui efloit pour lors Gouverneur pour fa Majefté Catholique de fille & de la Ville Capitale de S. Iean de Portric. Comme ils eftoient à quatre ou cinq lieues en mer, le Pilote Efpagnol regardant de fa dunette du collé des Vierges, apper- ceutàune lieue quelque chofe en mer qui remiioit fur un mor- ceau de bois; mais le trop grand éloignement fempefchantde diflinguer ce que s’eftoit, il s’approcha davantage, & reconnût que c’cfloient des hommes quiflottoientfur un Ptpery tout fem- blable à celuy qui eftoit attaché à la proue de fa barque. C’efloient fîx hommes qui faifoient le refie de fes pauvres rê- legués, qui s’eflant animez à fuivre leurs Compagnons pour éviter la mort, avoient accommodé un Pyperi pour forcir de l’4flc des Vierges, afin d’aller chercher ailleurs une vie plus fuppor table, ou une mort qui terminât leur extrême mifere. Ces pau- vres François ayant reconnu que s’efloientleurscamarades, fup- plierent le Capitaine de les attendre , & de leur fauver la vie aufli bien qu’à eux. Il les receut aulïi charitablement que les autres, les amenai Portric, & les prefenta tous onze au Gou- verneur , qui les receut humainement, apres avoir eflé informé desmiferes extrêmes qu’ils a voient fouffert, & des dangers qu’ils avoient évité ; il leur fît donner à chacun un habit de toile, leur donnant la Ville pour prifon, avec liberté d’y demander leur vie. j 408 Efiablijfement'ides François Ils n’eurent pas beaucoup de peine à y fubfifter , chacun les regardoit comme des perfonnes extraordinaires, & dans ce commencement c’eftoit à qui leur donneroitleplus. Ceuxqui fçav oient .quelque meftier en travaillaient , & l’un d’eux fça- chant parfaitement bien joiier du violon, gagnoit allez luy feul pour affilier les autres , il leur faifoit part &c de l’argent qu’on luy donnoit & desfeftins aufquelsil fe trouvoit prefque tous les jours, ne croyant pas pécher contre la civilité Fran- çoife d’en rapporter quantité de bonnes viandes, pour foula- ger fes chers Compagnons. Quand ils eurent amaffé unefom- me d’argent capable de payer leurs paffages pour retourner en l’Europe, chacun prit party dans les V aideaux d’Efpagne, ex- cepté un qui fe maria dans cette Ifle. Encemefmetempsles Efpagnols laffez de la grande dépenfe qu’ils eftoient obligez de faire depuis dix ans , pour la conferva- tiondu Fort, & pour l’entretien delà Garnifon de fille de Saint Martin, qui le montoità plus de iooooo. efeuspar an, fe.rc- folurent de le dellruire , de ruiner les citernes , d’arracher les vivres, & de mettre l’Me dans un tdeftat, que les autres Na- tions n’eulfent plus d’envie de l’habiter. Ils ramalfcrent pour cér effet tous les manœuvres de la Ville de Portnc, &les menèrent à Saint Martin, dont ils démolirent le Fort , enfondrerent les citernes, & firent tout le dégât qu’ils purent. Comme ils fe dif- pofoient à retourner chez eux, un nommé Fichot &. trois au- tres François, qui s’elloient rencontrez parmy ceux qu’ils avoient menez à Saint Martin, s’enfuirent dans les bois , &: at- tendirent leur départ pour defeendre de la Montagne, d’oii eftans defeendus, Fichot 8c fes trois Compagnons ayant fait ren- contre d’un mculatre qui fe donna à eux, arrivant au bord de la mer, ils y trouvèrent cinq Holandoisqui en avoient fait au- tant qu’eux , avec lefquels s’ellant entretenus quelques temps, ils refolurent d’un commun accord, de donner advis aux Chefs les plusvoifins desdeux Nations Françoife & Holandoife, de l’a- bandonnement del’Ifle S. Martin fait parles Efpagnols -,8c com- me l’Me de Saint Euftache eftoida plus aifée à gagner, les cinq Holandois s’offrirent d’y paffer fur un Pyperi, afin d’en advertir le Gouverneur Holandois , avec promelfe d’aller dez le lende- main aux Ânt-IJle s de h Amérique. 409 main à Saint Chrittophe en avertir autti M. le General de Poin- cy , & l’inviter de venir prendre potteflïon de fa part de cette I fie, qu’ils avoientlaittee en déport & en garde àFichot & à Tes qua- tre Compagnons. Ce qui fut exécuté de la maniéré que nous di- rons maintenant. Ejlablîjfement des François dans les IJles de Saint Martin & de Saint Barthélémy. CHAPITRE XII. LEs F rançois & les H olandois refolus d’avertir les Gouver- neurs des deux Nations à Saint Chrittophe & à Saint Euttache , comme nous venons de dire, battirent un Pypert fur lequel les H olandois s’embarquèrent, avec promette à Fichot & aux trois François qui demeurèrent à la garde de l’Ifle, daller trouver M. de Poincy, apres qu’ils auroient eftéà Saint Euttache. Le Gouverneur H olandois n’eut pasplûtoftadvisquelesEf- pagnols avoient abandonne Saint Martin, qu’il leva prompte- ment du monde pour en envoyer prendre potteflion au nom de Mettieui s les Eftats, & députa pour ce fuj et le ficur Martin T bo- rnas, auquel il donna la Commiflion fuivante. • rjJ. . . t. vu.!’ • ' Comvnijjion au S leur Martin T homas pour aller en HJle de Saint Aiartîn pour les Holandois. . i . ; - ”XT ^us Abraham A drienfen, Gouverneur de l’Ifle de Saint » -L^l Euttache, en vertu 8c authorité de noftre Cprnmjttion »ÿde feHautcttele.PL'ihçe d’Orànge, Comte deNaflau:, Sec. à „tou$ Generaux , Gouverneurs, Commandeurs, Capitaines, & « Officiers qui ces prefenres verront ou liront, falut. Comme I. Partie. " Fff 410 Eftablijfement des François „ noftre bien-amé le Capitaine Major Martin Thomas» nous a „reprefenté que rifle de Saint Martin eftoic tres-propreàhabi- „ tuer au profit des Seigneurs ,Maiftres & Patrons de cette Ifle: „ & nous ayant fupphéde luy délivrer noftre prefente Commif- fion à ce neceffaire , pourfervir audit Capitaine Major Martin „ Thomas , lequel nous eftant bien connu , Nous l’avons commis, „ eftably , commettons & eftabliffons par la prefente , pour & „ comme Gouverneur la régir & commander, fans faire chofe ,, audefavantage defdits Noffeigneurs& Maiftres, & fe régler „ félon les Vs & Ordonnances de cette Ifle de Saint Euftache, ,,&fuivant& conformément à noftre inftruétion, de laquelle 3, nous luy avons donné une Copie. Donné fous noftre main &c ,, figné en l’Ifle deSamt Euftachedans le Fort d’Orange, le 14. 3, Février 1648. Fichot voyant ces Holandois fans recevoir aucune nouvelle de M. de Poincy, fe douta bien de l’infidélité de ceux qui en avoient porté les premières nouvelles, &c ne manqua pas à la première occafion de l’informer de* l-eftat des affaires, & du droit que la France avoit fur cette Ifltf aufli bien que les Ho- landois. M.de Poincy qui ne chercboit que l’occafion d entreprendre quelque chofe de glorieux, & d’eftendre les Colonies Françoifes, cmbraffa celle-cy avec chaleur , ôc commanda du monde pour s’y aller eftablir, appuyant la juftice de fbn droit , fur la conven- tion faite entre Fichot & fès trois Compagnons d une part , & les cinq Holandois del’autre,& fur la première prife de poffeflion que le fleur de Saint Martin en avoit faite dez lannee 1658. en vertu d’une Commiflion du Roy dontileftoit depofitaire. Les Holandois s’y eftoient eftablis dez ce temps -là par furprife» & y avoient conftruit un Fort ; qui ayant donne de la jaloufie aux Efpagnols , ils avoient fait un corps d’armée de neuf mille hom- mes , avec lequel apres un fiege de fix femaines , ils 1 avoient pris fur les Holandois, qui ainfi avoient èftélacaufedel expul- flon des François dé cette Ifle. M.de Poincy ayant donc refolu de reftublir les François dans cette Ifle à laquelle ils avoient tant dé dfhit , y envoya première- ment le fleur de la Tour ave£ trente hommes , necroyant pas aux Ant-IJJes de l' Amérique. 4 1 1 que les Holandois euffent deffein d’épefcher leur eftabliflement, mais contre fon attente ils le refuferent & ne voulurent jamais fouffrir qu’il mit un feul homme à terre pour y demeurer, pre- tendans qu’ils avoient pris pofleffion de cette lfle, en vertud’u- ne Commiffion du Gouverneur de Saint Euftache , qui les y avoit envoyez pour s’en emparer comme-d’une terre inhabitée, qui appartient au premier occupant. Leheur de la Tour eftant retourné àSaint Chriftophe avec la copie de la Commiffion, en vertu de laquelle les Holandois pretendoient eftre les feuls maiftres de l’Ifle de Saint Martin, M.dePoincy y renvoya 300. hommes fous la conduite de M. de Lonvilliers fon neveu , Gouverneur de ITfle de Saint Chrifto- phe, avec ordre de les y eftablir & de combatreles Holandois, en cas qu’ilsfemiflentenefl:atdelesenempefcher;&: pourl’autho- rifer davantage à prendre pofleffion de la moitié^dc rifle qui appartenoit aux François , il Iuy donna cét ordre. Ordonnance au Sieur de Lonvilliers, pour aller en IVjle Saint tAMiartm* LE Chevalier de Lonvilliers Poincy, de 1 Ordrede Saint Iean de Ierufalem, Commandeur d’Oyze- mont & de Coulours, Chefd’Efcadre des Vaifleaux du Roy en Bretagne , & Lieutenant General pour fa Ma/efté ez Ifles de l’Amerique. Ayant euadvis certain que les Efpagnols quipof- fedoient l’Ifle de Saint Martin l’ont quittée, nous ordonnons au fleur de Lonvilliers noftre neveu , à qui nous avons donné Com- miffion en qualité de Gouverneur, d’aller reprendre pofleffion de ladite lfle pour y conferver l’intereft du Roy, tel que S. M. I’a- voit, lorsque lefdits Efpagnols prirent le Fort conflruit par les Holandois: Et pareeque nous fômmcs affleurez que quelques Holandois ou Zelandoisfe font jettez dans ladite lfle , fous pré- texte de quelques pretenfions, qui s’expliqueront par S. M. & fon Confeil, avec Meilleurs desEftats des Provinces unies; fuivant ce qui en fera refoîu par lefdites Puiffimces , le tout fe- ra effe&ué conformément à leurs volontez. Nous defflendons, audit fleur de Lonvilliers de les attaquer ny faire attaquer Fff ij 4ii " EfiabUjfement des François ainsles laiffer libres : ' mais fi les fufdits Holandoisou Zelandois cntreprenoient de faire ade d’hoftilité, ioit en leur refufande débarquement dans ladite lfle, ou autre ade de guerre, en ce cas ledit fieur de Lonvilliers repouffera leurs mauvaifes inten- tions par la force. Enfoy dequoy nous avons ligné les Prefen- tes de noftre main, a-icelles fait appofcr le cachet de nos Ar- mes, 5c contrefignerpar noftre Secrétaire, en noftre Hoftelde la grande Montagne de la Baffe-terre en Fille de Saint Chri- stophe, ce 1 6. Mars 1648. Signé , le Chevalier de Poincyj &c plus bas, par mondit Seigneurie General, de Merle, 5c Icelle. ■: M. de Lonvilliers eftant arrivé avec fes 300. hommes à la rade de cette Illeffe ly . Mars 1648. depelcha un de les Officiers au Co- tnandeur Holandois,pour luy fignifier l’ordre qu’il avoitdes’y cftablir, 5c le prier en mefme temps que les chofes fe fiffent dans la douceur , pour n’eftre pas obligé d’en venir aux mains. Le Holandois voyant nos gens en eftat de fe faire donner par force, ce qu’ils demandoientavec civilité, leur permit la defcen- te î quelques iours apres les Officiers des deux Nations s’eftant affemblez fur une montagne, qui depuis àcefujet aefté nommée la Montagne.des Accords, ils convinrent enfemble des Articles fui vans. Articles accordez, entre les Commandons pour le Roy en ïljle de Saint cFMartin , les Holan- dois demeurons dans ladite Ijle. AVjourd’huy 13. Mars 1648. font convenus Meilleurs Ro- bert de Lonvilliers Efcuyer , fieur dudit lieu, Gouverneur de fille de Saint Martin, pour fa Majefté Très - Chreftienne, &: Martin Thomas , aufli Gouverneur de ladite lfle ,pour Mef- fieurs le Prince d’Orange 5c Eftats d’Holande; Si Meilleurs Henry de Lonvilliers Efcuyer, fieur de Bennevent, 5c Savi- nien de Courpon Efcuyer , fieur de la Tour, Lieutenant Co- lonel en ladite lfle, 5c Meilleurs David Coppin, Lieutenant d’une Compagnie Holandoife, 5c Pitre Van Zeun-Hus, aufli aux Ant-IJles de lAmenque. 4^ Lieutenant ci une Compagnie des fufdits, qui de part & d’au- tres ont accordé, & par.ces Prcfentesaçcordent. I. ~ Que les François demeureront dans le quartier où ils font à prefent habitez , & habiteront tout le collé qui regarde l’anguille. II. Queles Hoîandois auront le quartier du Fort, 5C terres qui font à l’entour d’iceluy du codé du Sud. II L Que les François &c Hoîandois habituez dans ladite IHe vivront comme amys 5c alliez par enfembie , fans qu’aucuns ny de part ny d’autre fe puilfent moleller, à moins que de con- trevenir au prefent Concordat, & par confequent punillable par les ioix de la guerre. IV. Que fi quelqu’un foit François , foit Hoîandois, fe trouve en délid, ou infra&ion des conventions, ou par refus aux commandemens de leurs Supérieurs, ou quelqu’autre genre de faute, fe retiroit dans l’autre Nation, Iefdits licurs Accordans s obligent à le faire arrefler dans leur quartier, 8c le reprefenter à la première demande de fon Gouverneur. V. Que la chalTe, la pefche, les falines, les rivières, ellangs, eaux-douces, bois de teinture, Mines , ou Minéraux, Ports & rades, &autres commoditez de ladite Ifle feront communes, & & ce pour fubvenir àlanecelïité deshabitans. VI. Permis aux François qui font à prefent habituez avec les Hoîandois, de fe ranger 8c mettre avec les François, fi bon leurfemble, & emporter leurs meubles, vivres, moyens 5c autres uftencilles , moyennant qu’ils fatisfalTent à leurs debtes , ou don- nent fuffifante caution : 8c pourront les Hoîandois en faire de mefme aux mefmesconditions. VU. Que s’il arrive des ennemis pour attaquer l’un ou l’autre quar- tier , Iefdits fleurs Concordants s’obligent à s’entre-aider 8c prê- ter fecours l’un à l’autre. Fffiij 4*4 EJlabliJfement des François VIII. Que les limites &: partition de ladite Ifle, qui fe doivent faire entre les deux Nations, feront remiles pardevant Mon- feigneur le General des François, &M. le Gouverneur de S. Euftache, & les députez qui feront envoyez pour vifiter les lieux, & apres leur rapport fait, divifer leurs quartiers, & y procéder comme dit eft. IX. Que les prétentions que l’on peut avoir de part & d^autre, feront remifes pardevant le Roy de France & Meiîieursdc fon Confeil, & Meneurs le Prince d’Orange, & les Eftats d’Ho- lande. Cependant ne pourront lefdits Concordans fortifier ny d’une part ny d’autre , à moins de contrevenir audit concordat, & de foufifir tous dépens, dommages & interelts, vers l’autre partie. Ce fut fait &:paflc les an &iour que defiiis au mont furnom- mé des ^Accords dans ladite-I lie : & ont lefdits fleuri Accordans figné les Prefentes, où afliftoit le fleur Bernard delà Fond, Efi* cuyer, ficur de I’Efperance , Lieutenant d’une CompagnieFran- çoife à Saint Chriftophe. Ainfi figné, de Lonvilliers, M a r tin - Thomas, H enry de Lonvilliers, de Covrpon, David Coepin, de l’Esperange & Pi- ter Van Zevn-Hvs. L'on peut juger de ce que ie viens de dire , &. des pièces que j’ay rapportées de la fidelité des mémoires du fleur de Roche- fiort , qui dans la page 551. de la fécondé Edition de fon Li- vre, nous reut perfiaader que l’habitation de cette Ifle faite par les Holandois fut un cas fortuit, &que ce fut par hazard queM.Riiyter côtoyant les colles de cette Ifle, apperceutque les . Elpagnoïs l’avoient abandonnée ; car bien qu’il foit vray que M Rüyter y porta les hommes dellinez par le Gouverneur de Saint Eultache pour l’habiter.,il n’ellpas vray pourtant, ny qu’il air levé ces hommes,, ny qu’ilen aitpris poflefîîon pour Meflieurs les Eftats Generaux des Provinces unies comme il elt aifé de juger parla Commilîion donnée par le Gouverneur de Saint Eullache au ûeur Martin Thomas, rapportée cy-defliis, &par les Articles paflez entre luy &M, de Lonvilliers, qui partage*»- aux Ant-IJles de l' Amérique. Aij r-ent Tlfle, non pas depuis comme il i écrit au mefme endroit, mais dans le mefme temps que les François en prirent poflef- fîon. Quoy "que ie n’aye rien adiré du détail de ce qui s’eft patte depuis cét eftablifi'ement ; neantmoins ie ne fçaurois omettre une a&ion allez tragique qui s’y patta entre M.dela Tour 6c fi femme, en 1 annee 1^55* Gette Damoifelle affez connue dans les Ifles fous le nom de la Baronne de Savigny,autrementdeLau- noy , qui avoit époufé JeS.de laTourdez auparavant qu’il fût Gouverneur de Saint Martin , avoit un efprit altier , 6c une fier- té qui tenoit plus du foldat que de fon fexe ; elle eftoit apparem- ment de fort bonne maifon, 6c M. de Poincy qui n’eftoit pas fiomme àfe laifïer tromper, l’a toujours honorée comme une perfonne de qualité; elle avoit jufqucs-là fi bien vécuavecfon mary, qu’ayant apris qu’il avoit elle pris des Turcs, 6c vendu pour eftre efclave, elle vint en France, 6c fit tant par fes follici- tations & fes prières, que le Roy luy en accorda la liberté, or- dônant que l’on en fit un échange cotre un fameuxCorfaire,pour lors détenu dans les prifons de Marfeille. Ayant fi bien réüfïï dans fa négociation , elle retourna bien joyeufe à Saint Martin, ou elle fut bien-toft fuivie du fieuu de la Tour, mais accom- pagné d’une femme débauchée dont il abufoit impunément, la faifànt coucher dans fon lift en prefence de fa femme. Ma- dame de la Tour fit tout ce que peut faire une femme d’honneur dans un fi fâcheux rencontre, pour regagner l’affe&ion de fon mary, à quoy ne pouvant réüflîr,elle fe laifîa tellement emporter àlajaloufie & àfonrelîentimenr, quelle relolut de le tuer. Mais comme c’eftoit un homme fort 6c puiffant, elle ne fçavoit de quelle façon elle s y, de voit prendre, appréhendant que fi elle manquoit fon coup, il ne fe jettât fur elle 6c luy oftât la vie, afin donc qu’il n’eut point de prife fur fes habits, elle fe dépoüilla toute nue , & prenant l’occafion qu’il eftoit yvre 6c endormy, elle entra dans fa chambre, où toute tremblante elle luy donna foiblement un coup de bayonette dans la gorge, dont il eut la veine jugulaire coupée; s’eftant éveillé à ce coup, il fauta hors du lift, 6c courut à elle fans fçavoir qui c’eftoit, mais comme elle eftoit nue elle luy échapa 6c gagna la porte, où il la pour- 4 1 6 E ftablijf ornent des François fuivit; & l’ayant attrapée par les cheveux, il l’arrefta & la mit aux fers, & peu de joursapres la fit condamner d’avoir latefte coupée. On iuy confeilia d’appeller au Confeil Souverain de Saint Chnfiophe , où infailliblement on eut modéré ou commiié fa peine, mais on ne pût jamais l’y faire refoudre, difant quabfolu- ment elle vouloit mourir: ayant donc reconnu fa faute , elle fepre . para conftamment à la mort; & n’ayant point de Préfixé à qui elle pût déclarer fes pechez, elle fit une aifiion plus pieufe que necefi faire, fe confeffant à un Chirurgien, & le chargeant de recon- fefier fes pechez au premier Préfixé qu’il rencontreroit ; apres quoy elle fut décapitée. Apres l’efiablifiemcnt de cette Colonie Françoife dans Saint Martin, M. de Poincy refolut d’habiter rifle de S. Barthélémy. La commodité du Havre de cette Ifle,ô£ levoifinage de Saint Chnfiophe , dont elle n’eft qu’à fix lieues , l’invitoient à en pren- dre poffcffion; mais fur tout, la crainte que quelque Nation eftrangere ne s’en emparât , l’y obligea- C’eft pourquoy cet- te rnefme année 1648. ily envoyalefieur lacques Gente, avec quarante ou cinquante hommes pour s’y eftablir. Cette petite Colonie s’accrut parles foins de quelques habitans de Saint Chrifiophe, &c particulièrement du fieur Bonhomme, quiy prirent des habitations, fur lefquelles ils mirent des Fran- çoise des Negr es, fous la conduite de quelques Commandeurs: . mais comme c’efioitplûtoft pour complaire à M. de P oincy , que pour en tirer du profit, fine faut pas s’eftonner fi elle n a jamais efté bien peuplée. Ce fut aufli ce qui dona envie aux Sauvages d’en chafifer les F ra- çois, car ils yfirent un fi horrible carnage en l’ânée 16^6 .quelle fut abfolument abandonnée ; ceux qui échaperent de lafureurdeces barbaresn’y voulurent plus retourner , les maifixes ne pûrentfe refoudre d’y renvoyer leurs gens, jufques en l’année 1659. que la paix eftant faite avec eux , M. de Poincy y renvoya quelques 30. hommes, qui fe font infenfiblement multipliez, en forte qu’en i&6 4. ©n en comptoitqufques à cent. aux Ant-IJles de l 'Amérique. 417 Ejlablijfement des François dans les IJles des Saintes, & de (AhCariegalande. Divers combats con- tre les Sauvages. Fefte aux IJles . Naufrage du F. Coliard. CHAPITRE XIII. IL y abiendufujetdes’eftonnerdece quelefieur de Roche- fort à dit dans fon Livre, que les petites Ifl es des Saintes, font demeurées defertes & inhabitées jufques à prefent, puifqu il il y a 18. ansque M. Hoiiel craignant que les Anglois ne vinf. fent s’y établir , y en voya le fieur du Mé avec trente hommes pour en prendre poflcflion , au nom du Roy & des Seigneurs de la Compagnie. Le R. P. Mathias du Puys Religieux de noftre Ordre, y arbora laCroix le dix-huidiéme d’Oétobre 1^48. I en ay trouvé l’a de dans nos Archives delà Guadeloupe, con- çeu en cestermes: R. P. Mathias du Puys , diffusas, loanne , Cru- icm Rederr/ptionis nojlrœ in infula Guadalupœ adjacente, qù£ les Saintes •vol atur , jixit ,in Comitaru Demi ni du Me ,qui etufdem wfuhe fuerat gu bernât or eleffus & éelegatus. ' 1 Il eft vray que d’abord cette habitation ne fubf/lapas long- temps; & que dans une grande fechereffe ceux qui l’avoient commencée furent contrains de l’abandonner, & de lailïèr l’ha- bitation en friche : mais il eft aulïi véritable, que dez le commen- cement de l’année 1651. un nommé du Buiiïonle Hazier, y fut envoyé avec un bon nombre d’hommes, qui depuis ont cul- tivé cette Ifle, où quelques. autres ont aullî pris des habita- tions. Cette mefme année M. Hoüeî qui avoit eu depuis long- temps de grandes inclinations pour l’Ifle de Mâriegalande, & qui 1 avoit int ime demandée aux Seigneurs de la Compagnie., en prit poïïelîion le huidié me Novembre , au nom de S. M. tres. meftienne, &■ fous le bon plaifir de la Compagnie. I. Partie.. Ggg 41 8 Eftàbüjfement des Trançois Il choifit pour commander fa nouvelle Colonie, qui n’exce- doit pas quarante ou cinquante hommes , te Sieur le Fort, qui de- puis peu de temps a voit quitté la Martinique, pourquelque mé- contentement.Ce Commandant fit aufïi-toft baftir un petit Fort de peu de défenfe, 8c travailler à une grande habitation qu’il culti- vafefpace dedixdiuid: mois, apres le fquels il déferta 8c s’enfuit à la Martinique avec quelques habitans. Comme il y fut bien re- ceu de Monfieux du Parquet, il fut foupçonné de l’avoir débauché, pour s’en fervir dans la Colonie qu’il alloit mettre dans la Gre- nade. Depuis ce temps-là M.Hoüel ne laifla dans cette Ifie que vingt-cinq ou trente hommes au plus, feulement pour dire que l’ille eftoit occupée, ôc de peur que quelques eflrangers ne s’en emparaflent. Ce petit nombre donna occafion au mal-heur qui y arriva l’an- née 1653. Caries Sauvages de la Capfterrede l’Ifle de la Domi- nique ayant fait une entreprife fur rifle d’Antigoa, apres y avoir -maflac^é un grand nombre d’Angîois , pillé 8c brûlé la^ plufpart dps maifons : eftans retournez par Mariegalande victorieux 8c chargez de butin, le Commandant ne manqua pas de les fcien recevoir St de les loger avec beaucoup de franchife jufque dans le Fort : d’où efians partis, apres avoir obfervé le peu de défiance des noftrcs, au/U bien que leur petit nombre, ils ar- rivèrent dez le mefine jour chez eux. Mais à peine furent-ils entrez dansleur Ifle, que la joye de leur viétoire, fe changea en pleurs , en cris, 8c en heurlemens effroya- bles, parce qu’ils aprirent qu’un canot de la Martinique remply de méchans garnemens, y eftoit arrivé pendant leur abfence, lefi quels avoient non feulement pillé leurs lifts de coton, St pris ce qu’il y avoit de meilleur, mais auflïfait mille infolences à leurs filles & à leurs femmes. Ces barbares irritez de cette infuttefôe n’eftans pas affez forts pour décharger leur rage fur la Martinique, refbîurent de fe venger fin ies habitans de Mariegalande, qu ils e-floient afleurésdefurprendre, Scde vaincre, a caufe de leur petit nombre. Ils y vinrent en effet 6c fous prétexte de traiter , al- lèrent de café en café 6c aflommerent tous les François a coups de boutou ; apres quoy ils mirent le feu au Fort êc aux cafés, 6c ce feu fut fi grand, qu’il fut apperceu de la Guadeloupe. Comme aux §Ant-IJle$ de l* Amérique. 419 l’on attendoitdes nouvelles de ce qui êtoitarrivéà Mariegalande, les Sauvages delà Bade-terre de la Dominique , vinrent donner advis à M. Hoüeldecemaffacre,&protefterenmefme temps qu’ils n’y eftoient point, & qu’ils eftoient prefts de fe joindre avec les François pour venger cette cruauté fur leurs compatrio- tes^ qui fut caufe que l’on ne fit la guerre qu’à ceux qui demeu- roient à la Capfterre delà Dominique. M. Hoiiel quoy que tres-affligé de cette infortune, nedefifta point du deffein qu’il avoit d’habiter cette Me qu’il regardoit comme le but defes grands deffeins, c’eft pourquoy il y envoya promptement M.le Chevalier fonfrere,aveccenthommes,& Juy donna l’ordre fuivant. M. le Chevalier Hoiiel mon frere, fetranfportera en l’Ifle de Maiiegalande avec cent hommes que nous avons commandez pour cét effet, lefquds feront embarquez dans les barques & bâ- teaux neccffaires. Pallera par les habitations de Maiffre François la Verdure, la Ramée, & autres qui ont effé maffacrezpar les Sauvages, & renvoyera à terre le fieur de Blagny avec vingt fuzeliers, pour voir en quel effat elles font, faire enterrer les corpsquiy feront, &: faire amaffer les armes & uftencillcs qu’ils trouveront, dont fera fait inventaire dans chacune café; & apres que lefdits fleurs de Blagny & autres feront embarquez, s’en ira avec le plus de diligence qu’il pourra à l’entrée des baffes avec tout fon mon- de & bâteaux : où il fera aufii-toft travailler fur une pointe de Roche qui fait l’entrée des baffes , du cofté de la terre, pour abbatre du bois, tant qu’il jugera neceffaire, & jufques à la fa- vanne ; pour fur ladite pointe faire la maifon ou fortereffe de pierres félon le plan & deffein que ieluy ay mis entre les mains. Fera auffi faire la clofture d’une cour de cent pieds entre la maifon & le bord de 1a Mer. r En cas qu’il renvoyé de deçà quelque bâteau , il fo rtifiera fon équipage jufquau nombre de fept ou huiét hommes. Sur tou- tes chofes fera faire bonne garde, ne fe fiera point aux Sauvages, &: ne permettra qu aucun d’entre-eux, dorme avec les Fran- çois , fans toutefois leur faire aucun aéled’hoftilitény mauvais traitement. Fait à la Guadeloupe à Sainte Marie, le vingtié- Gggij 4io Eflablijf ment des François med’O&obre 16^53. Hoüel, Seigneur & Gouverneur delà Gua- deloupe &Mariegalande. A Ton arrivé les Sauvages qui s’eftoient maintenus dans cette Ifîe prirent la fuite , & ce Chevalier trouvales corpsde ceux qui avoienc efté mafiacrez eftendus , & tous pourris fur le fable, les telles calTées à coups de boutous , & feparées de leur corps fur des pieux, qui eft oient fichez dans le fable. On rapporte une chofe fort remarquable de la fidelité d’un chien , qui ayant efté prefent à cet horrible carnage , demeura auprès du corps de fon maifrre, jufques à ce que les Fran- çois reuffent enterré ; car il conferva depuis une fi effrange averfion contre les Sauvages, qu’il fe jettoit furieufement fur ceux qu’il voyoit,jufques-Ià mefme qu’en efiant empefchéfil mor- doitla terre fur laquelle ils avoient marché, il fut impoffible de- puis,de le faire coucher dans le Fort, mais faifoit la garde à l’en- tour, pendant la nuid. Le Chevalierfepoftaà deux lieues des premières habitations, dans un lieu que l’on nomme Uf ointe des Bajfes y où il fittravaillet avectant de vigueur&dc diligencc,qu’avec cent hommes il baftit en moins de 3. mois une forterefle de pierre à quatre grands corps de logis, qui environnoient une cour, avec une demy-lune à l’entrée. Pendant tout ce temps-là il tint toujours la moitié de fes hommes fous les armes; & il n’eft pas vrayqu’ily avoit un navire à la cofte où le monde fe retiroit durant la nuiét, comme l’écrit le fieur de Rochefort. Pendant que l’on travailloit au Fort , le Chevalier fit brûler toutes les cafés & carbets des Sauvages, pour les empefeher d’y revenir; & tout efiant achevé, il y tailla le fieur Blagny pour commander la garnifbn. Plufieurs hâbitans ayant pris des places autour du Fort, il s’en retourna à la Guadeloupe, & f ut depuis confideré comme Lieutenant de M. Hoüel fur la con- duite de cette Ille. Le Chevalier efiant de retour, M. Fîoiiel fe difpofa à faire la guerre aux Sauvages, & à venger par le fer Se par le feu, un fi deteftable attentat commis en pleine paix. Il envoya pour cét effetle Capitaine du Me, à la Dominique, avec. plufieurs bar- ques & Chaloupes, dans lefquels il mit cent des plus vaillans auxAnt-TJles de l'Amérique. 41 ^ hommes de fon Ifle. Dix ou douze Sauvages de la BafTft-terrc de la Dominique, quil avoir obligés en diverfes occasions, & qui fe difoient hautement fcs comperes &fesbons amys, vou- lurent efire de la partie; ils fervirent de guides à nos François, & fe battirent vaillamment contre leurs compatriotes, préfé- rant leur utilité à toutes les alliances de l’amitié & du/ang. II s’y fit pluficurs combats, & les Sauvages témoignèrent autant d’a- euë de plusieurs grands Seigneurs qui honnorerent cette action de leur prejence , ÔC qui fut nommé Louys. Ez l’an 16,8. M. de Poincy refolut de prendre pofief- jr fion de cette Ille , fur les rapports advantageux du fieur de Bonnefoy , qui y avoit palTé à Ion retour de la terre cher fit naufrage. Ce bon Pere âgé de plus de foixante ans fçaehant bien nager, fe jetta dans la mer, elperantde gagner la terre; mais une planche qui avoit elle pouflee rudement contre les rochers l’ayant rencontré , luy frappa le vifage & luy cafia la telle; le F. Charles Poncet qui l’accompagnoit périt ds la Grenade . CHAPITRE XIV. ferme. Mais la multitude des Sauvages quil’habitoicnt, &fon éloignement de celle de Saint Chnllophe, luy firent changer de delléin. I. Partie. H h h 4 16 Efiablijfement des François Depuis le fieur. Aubert fe voyant prefl: d’effre débuiquépar M. Hoüel, y avoit envoyé le fieur Poftel, l’un des mieux en- tendus des lfles en faiét d’habitation , pour en découvrir U qualité , 6c pour connoiftre fur les lieux la vérité des avanta- ges qui donnoient à cette Ifle une fi haute réputation; 6c fur Ton rapport, auquel ie me trouvé prefent,il y fût allé pour s’y efta- blir j fi les mauvaifes affaires qu'il eutavecle fieunHoLiel ne l’cn euflent empefehé. Enfin la Compagnie, fin* le récit qu’on luy fit des bonnes qualitez de cette Ille, le dixiéme Iuillet de l’année 1645. pour- veutle fieur de Noailly d’une ample Commiflïon pour l’habi- ter, 6c pour y commander en qualité de Gouverneur; mais n’ayant pu fe mettre en eftatde l’executer, elle ratifia IaCom- milfion quelle avoir donnée, 6C en pourveut l’onzième de Iuillet de l’année d’apres , le fieur de Bcaumanoir, que Noailly avoit choifi pour fon Lieutenant. Mais cette Commiflïon n’ayant pas effé exécutée, non plus que l’autre ,ilfemble que la gloire de cette belle entreprife cftoit re- fervée à M. du Parquet. Ils’eftoit comporté fi vaillamment & avec tant de prudence, non feulement avec les Sauvages de la Martinique, où il commandoit, mais encore avec ceux de la Grenade , qu’eux-mefmes le prièrent de venir prendre place avec eux. Les voyant donc fi bien difpofez à le recevoir, il le prépara à cette expédition fans perdre de temps, depeur queces barbares , qui font fort inconftans, ne changeaffent de volonté, 6c 11e s’oppofaffent à fon deffein. Il fit à ce fujet publier dans Ion Ifle exemption de droits à tous les habitans qui voudroient l’y fervir. La plulpart s’eftans prefentez pour l’accompagner, il en choifit zoo. qu’il connoif- loit gens de cœur, 6c fort expérimentez dans la culture des vivres 6c des marchandifes du pays; entre ceux-là il y avoit des Maçons, Charpentiers , Serruriers, & autres Artifansneceffÿres pour l’eftabliflement des Colonies. Il prépara de la Caffave ( qui efi: le pain du pays ) pour les nourrir l’elpace de trois mois; &fans s’attendre ny à la chaffe ny àda pefche, il fit provifion de lard 6c de viandes falées* comme û la Grenade eut effé l’Ifle la plus dépouryeue du aux Ant-IJles de t Amérique. 42.7 monde, de ces commoditez neceffairesà la vie; il ama/Ta des pois , des fèves de brefil , & toutes fortes de graines pour femer. Apres; quoy il choifit Mellieurs le Comte fes coufms , le fieur le Fort, le Marquis, & quelques-autres braves defonlfle, pour l'accompagner à cette expédition; il arma tous fes gens de fufils & de bons piftolets, &: leur diftribua à tous allez de munitions pourfe battre une journée entière, s’il en eftoitbe- foin, fans la poudre qu’il fit porter dans plufieurs barils. II fit aufiî embarquer trois barriques d’eau de vie, deux pipes d’ex- cellent vin de Madere , & tous les outils necelîaires pour cultiver la terre ; il fe munit auffi de quantité de Raf- fades , & autres merceries , pour traitter avec les Sauva- §CS\ N’ayant pû avoir de Religieux, il mena fon Aumofnicr avec luy, en attendant que noftre R. P. Raymond Iuy en envoyât quelqu’un , félon la promefle qu’il luy en a voit faite , & qu’il exé- cuta depuis. M. du Parquet ayant ainfi difpofé toutes chofes pour l’eftâ- bliffement de la Colonie dans llfle de la Grenade, traita les navires du Capitaine Lormicr& du Capitaine le Pas, qui eftoient à fa rade , avec deux barques qui luy appartenoient ; & apres avoir fait entendre la Melle à tout fon monde , s’embarqua, & fit voile au mois de Iuin de l’année 1650. & arriva à la Grenade qua- tre iours apres. > Le fameux Ka'ieroüane , Capitaine de tous les Sauvages de rifle, l’y rcceur, 5c luy témoigna beaucoup de joye, foitvraye ou feinte , de fon arrive e. M.du Parquet commençant cette prifede polfellion par une a6te.de pieté , fit planter la Croix par fon Aumofnier ; & l’ayant -adorée avec tous les gens, il pria Dieu qu’il bénit fon entreprifej il abora enfuitteles Armes de S.M au bruit du canon des deux Vailleaux, &: par une falve generale de la moufquetterie. Son premier foin fut défaire promptement monter une mai- fon de charpente qu’il avoit fait faire à la Martinique , & d’oc- cuper tous fes gens à couper les bois, pour l’environner d’une forte pallilfadc à fiuiét ou dix pieds de dilbnce. Il y fit met Hhh ij 418 Efiablijfement des François tre deux pièces de canon, & quatre pierriers, fi Bien qu’en hui& iours de travail , il la rendit aflez forte , non feulement pourrefifter aux Sauvages, en cas qu’il leur prît fantaifie de le venir attaquer , mais encore aux Nations eftrangeres qui voudroient entreprendre de le chafier. Bien que ce Capitaine Kdieroüane eût fi bien reeeu Monfieur du Parquet, il luy dit neantmoins fort franchement, que s’il vouloit avoir leur Ifle & s’en rendre maiftre-, il falloir qu’il leur donnât de la traitte en échange. M. du Parquet ayant reeeu cette propofition âVec bien de la j oy e, convint avec luy, au nom de tous les autres, deleur donner une certaine quantité de ferpes, de Raffades, de Criftaux, de Couteaux, & d'autres merceries qu’ils luy demandèrent , avec deux quarts d’eau de vie , qu’il luy mit entre les mains; & par ce moyen les Sauvages luy co- dèrent de bon cœur tout le droit qu’ils a voient dans cette Ifle, s’y refervant tousjours leurs Carbets & leurs habitations. Cét accord &: cette celfion volontaire des Sauvages de l’Ifle , font bien voir que le fleur de Rochefort a efté fort mal informé de fa priée de pofleflion, quand il a dit que les François curent a leur arrivée beaucoup a demeler avec les Ka~ raibes, qui leur en contefierent quelques mois far la force des armes la fai Cible pojjeffion. M. du Parquet s’eftant ainfl eftably avec Pagre ementmçfme des Sauvages, ordonna qu’on défrichât la terre , le long de la montagne , proche de l’ellang , ou il fit commencer une gran- de habitation , fur laquelle il ne voulut pas d abord planter des marchandifes, mais feulement des vivres pour la fubfiftance de ces nouveaux habitans. Il donna des places à tous ceux qui luy en demandèrent, a condition que ceux quin’avoient point deferviteurss emmat- teloteroient , c’eftà dire, s’aftbeieroient trois enfemble, ou du moins deux, de peur de quelque furprife du collé des Sauva- ges. Les habitations furent données le long del’eftang, & pro- che du Fort; fur lefquelles chacun femit à travailler dansl’ef- perance d’y faire de bonnes marchandifes. Apres avoir fl heureufement eftably fa Colonie, il retourna à la Martinique, Iaiflant M. le Comte fon coufin pourGouver- aux Ànt-IJles de l* Amérique. 419 neur (ous Iuy. Ce Gentil-homme eftoit fort bien fait, d’un port martial, d’un belefprit, d’une humeur affable, & qui avoit toutes les qualitez & l’experience neceffaires à la con- duite d’une Colonie. Il gouvernoit fon monde avec douceur, il vivoir en bonne intelligence avec les Sauvages, & nos Fran- çois avoient déjà fait une levée de petun, qui fut trouvé fi excellent,qu’une livre en valoit trois de celuy des autres Ifles, lors que les Sauvages pouffez d’un mauvais genie , huidt mois apres la prife de poffefiîon , s’aviferent de leur faire la guerre. Ces traîtres s’eftansmis en campagne, maffacroient autant de Françoisqu’ils en trouvoient à l’écart dans les bois, mais cette per- fidie ayant effé reconnue des habitans , ils fe mirent fur la dé- fenfive, Sz ne travaillèrent plus qu’en troupe & les armes toû» jours preftes. A la nouvelle qu’en donna le fieur le Comte à M- du Par- quet, il luy envoya promptement 30 o. hommes de renfort, avec ordre de faire main baffe fur tous les Sauvages qu’ils rencontrc- roientj&à la moindre refiffance , de leur porter la guerre dans leurs carbets, & de les obliger à quitter fille. Ce fecours arrivé, les Sauvages qui ne croy bien t pas qu’on fçeut les maffacres qu’ils avoient fait, vinrent en troupe chez le fieur Imbaut Parifien* & beuvant avec luy, & luy témoignant leurs careffes accoutu- mées, le tuèrent avec fon matelot. Ce dernier attentat ayât fait refoudre le fieur Comte à leur faire la guerre, il fe difpofa de les attaquer dans un de leurs carbets qui étoit au deffus d’une montagne, efcarpceprefque de toutes parcs. Les Sauvages eftans venus au devant de luy furie bord de laMer, s’oppoferent autant qu’ils purent à fa defeente , failant pleuvoir une grefie de flèches (ur tous ceux qui fortoiét de fa barque, & des canots , dont ils blefferent quelques-uns; mais nonobftantleurre- fiftance, les noftres ayant mis pied à terre, ils furentpouffezjuf- ques lur la montagne , où ils s’eftoient fortifiez: neantmoins com- me il n’y aVoit qu’une avenuëqu’ils défédoient courageufement, faifant rouler de gros tronçons d’arbres fur les noffres, ils furent contrains de fe retirer. Quelque -temps apres les Sauvages de la Dominique & de Saint V incent s’eftan; joins à ceux de la Grenade , tous enfemblc H h h iij 4$o EfiabliJfement des François vinrent attaquer les François , qui les ayant receus avec beaucoup de cœur, apres un combat allez rude où plufieurs Sauvages furent tuez,ils les poufferét dans les bois, &les obligèrent de fe retirer fur cette montagne, où ils penfoient cftre en feureté : mais nos Fran- çois en ayant découvert le chemin les y furprirent, & firent main baffe fur tout ce qui fe trouva devant eux. Ceux qui échaperent coururent vers le précipice, oùfe voyant vivement pourfui vis , apres avoir mis leursmains devant leurs yeux, ils fe jetterent- de cette haute montagne dans la mer , où ils périrent miferablement, au nombre de quarante , outre qua- rante qui eftoient demeurez fur la place; une jeune Sauvage affez belle, âgée de douze à trêze ans , fut quelque- temps lefujet dclaconteftation de deux Officiers : mais pendant qu’ils difputoientà quil’auroit, untroifiéme arriva, qui ayant donne un coup depiftolet dans la telle de cette pauvre fille; & l’ayant fait tomber morte à fes pieds, les mit d’accord. Lamontagne d’où les Sauvages feprecipiterent dans l’eau, a efté appellée depuis ce temps-là, le Morne des Sauteurs. Les Fran- çois ne perdirent qu'un feul homme dans cette expédition , apres laquelle ils brûlèrent toutes les cafés, détruifirent les jardins , ar- rachèrent le Manyoc , enlevèrent tout ce qu’ils trouvèrent chez les Sauvages,& s’en retournèrent bien joyeux, ne croyant pas que ceux qui étoient échapez fuffent affez téméraires p our entre- prendre un fécond combat. Ils fe trompèrent pourtant ; car quelques-temps apres les Sau- vages qui efloient cantonnez en grand nombre à la Capfterrc, prirent refolution dans un vin general qu’ils firent, d’avoir leur revanche des François; ils ne l’entreprirent pas néanmoins ouvertement; mais s’eftans divifez par bandes, tuoient fansmi- fericorde tous ceux qu’ils trouvoient à la chaffe dans les bois , ou tant loitpeu écartés du Fort, par ce moyen ils en maffacrercnt plu- fieurs fans qu’on s’en apperceut, ny qu’on les pourfuivit; mais leur rufè ayant efté découverte., cela obligea le fieur le Cont- re de reprendre les armes, & d’aller avec 150. hommes à la Capfterre pour leur faire la guerre, & tâcher de les y furprendre, comme il avoir fait au Morne des Sauteurs. Comme il fut proche de leurs carbets,il fit faire alte àfes aux Ant-Ijles de t Amérique. ioldatsj & les ayant furpris à la pointe du iour,iI les mit en dé- route , puis allant de carbet en carbet il tua tout ce qu’il ren-. contra, fans pardonner aux femmes, ny aux enfans. Il fit faire enfuite les mefmes aétes d’hofiiilitéqu’auparavant, car il fit brû- ler les cafés & arracher tous les vivres ; mais ce qui rendit fa vi&oire plus complettc, ce fut qu’ayant trouvé toutes les pirogues & tous les canots dans une riviere , il s’en faifît, &c leur ofta par cette prife le moyen d’aller implorer le fecours des Sauvages des Ifles de Saint Vincent , & de la Martini- que. Cette vidoire neantmoins ne fut pas moins funefte aux Fran- çois qu’aux Sauvages , par la mort déplorable de M. le Com- te ; car comme il s’en retournoit par mer à la B afle- terre, tout glorieux de l’avantage qu’il venoit de remporter fur fes en- nemys , le canot où il eftoit tourna & fe renverfa dans la mer ; tous ceux qui eftoient dedans fe mirent à nâger de toutes leurs forces pour regagner la terre; luy-mefme s’y efloit déjà firnvé, mais appercevant un Officier appelle du Plef fisfon intime amy, qui fenoyoit, il fe rejettaàla mer pour le fecourir ; celuy-cy qui avoit déjà prefque perdu connoiflance , entendant remuer à fes coftez,faifit M. le Comte, & le tint fi fort, que luy oftant la liberté de nâger & de le fecourir , ils fe noyèrent tous deux. M. du Parquet ayant eu advis de la mort de M. le Comte, appréhendant que le fieur le Fort qui eftoit un homme fier, brutal & haut à la main, ne s’emparât du Gouvernement, par- ce qu’il eftoit premier Capitaine & Major de l’Ifle, y en- voya le fieur de Valminiere avec la Commifiion de Gouver- neur. II ne s’eftoit pas trompé dans là penfée ; car le Fort qui avoit aflez bien fervy dans l’Ifle, crut que de droit le Gou- vernement luy eftoit deû, &c que l’on de voit donner fa Charge de Major au fieur le Marquis fon amy intime >• de forte que le fieur de Valminiere ayant fait lire fa Commifiion, le Fort dit tout haut qu’il honnoroit la Commifiion, mais qu’il ne pou- vait le reconnoiftrepour Gouverneur , & que {ans injuftice, cet- ce Charge ne pouvoit eftre donnée à un autre qu’à luy: ce- 43 1 EJlabliJfement des François pendant le fleur de Valminiere s’empara de la ForterelTe, Si fut fuivy de plufieurshabitans, & le Fort accompagné du Marquis Ce retira dans fa maifbn, qui avoit efté fortifiée pour Ce défendre contre les Sauvages. Toute rifle fe trouvant pour lors dans une épouvantable divifion, & tous les habitans prefts à s’entrecouper la gorge, M. de Valminiere en écrivit à M. du Parquet, qui envoya aufli- toft ordre aux fieuts le Fort Si le Marquis de reconnoiftre M. de Valminiere pour Gouverneur; auquel il envoya aufli en mefme temps une Compagnie de ioo. foldats Brafiliens, la plufpart walons , qui ayant efté au fervice des Eftats de Holande dans le B refil, & en ayant efté chaffez par les Portugais, s eftoient louez a M. du Parquet, Si ne le fervirentpas moins dans cette affaire, qu’à deffendre cecte Ifle contre les Sauvages. Le ;fieur le Fort Si le fleur le Marquis n’ayant point vou- lu déférer aux ordres de M. du Parquet, ny reconnoiftre le fleur de V alminiere , firent prendre les armes à leurs Compagnies, &C fe cantonnèrent dans l’habitation du fleur ie Fort, quieftoit fortifiée. La barque du grand du P leffis arrivant pour lors du Kayêman , & contre l’aàvis de M.Valminiere,eftantalléedans uipe riviere prochedu fleur le Fort pour prendre des eaux, il s’en empara, Si y mit du monde pour la garder. Le fleur de Val- miniere en ayant eu ad vis, luy envoya le Capitaine des Bra- filiens avec fa Compagnie, lequel ayant demandé à parler àfluy & à entrer dans fa maifbn, le Fort ayant répondu qu’il y pou- voir entrer luy deuxieme, Si non autrement , le Capitaine Braft- filien voulant y entrer de force, le Fort lâcha un coup de pifto- let, dont un Officier fut bleffé. Aufli-toft tout le monde mit la main aux armes; Si le combat s’échauffa fl fort, qu’il y en eut plufieurs de tuez Si de bleffez de part Si d’autre; dont le nombre auroitefté bien plus grand, fl IeFort n’eut efté griève- ment bleffé au pied ; car ayant efté pris prifonnier avec le Marquis, ils furent tous deux conduits au fort, pendant quoy ceux qui a voient pris la barque fe furent rendre aux Efpagnols, M. du Parquet ayant eu advis de tout ce qui s’eftoit paffé , y envoya M, du Coudrayfon luge , pour faire le procez aux cou- pables; Si le bruit coiirut que le Fort voyant fa mort inévi- table, aux Ant-IJle s de £ Amérique. ’ 435 table s’eftant fait donner du poifon par une Sauvage qui eftoit à fon fervice, il en mourut , fans vouloir pardonner à M. de Y alminiere. Le Marquis fut condamné à eftrependu; mais ayant appelle de la Sentence au Confeil de la Martinique , elle fut mo- dérée à un bannilfement &. confifcation de fes biens , que M. du Parquet luy fit rendre. Quelque-temps apres M. de Valminiere gouvernant cette Ifle avec allez de paix, les Sauvages attaquèrent encore quel- ques cafés, où M. de la Neufviüe & quelques - autres furent tuez. Et cette petite guerre s’eftant renouvellée de temps en temps, tandis que M. du Parquet en a efté le Seigneur Sz le Proprietaire -, cette Colonie a épuifé la meilleure partie de fon bien; car ayant efté obligé d’entretenir beaucoup de gens, une barque, bc quelquefois deux, pleines de matelots & de fol- dats, qui ne faifoient qu’aller bc venir de la Martinique à la Grenade, pour y porter toutes les chofes necefTaires aux habitans & à la garnifon , bc pour en rapporter les marchandifesqui s’y fai» foient: il n’eft pas croyable combien il adépeiifé de bien à toutes ce$ chofes; car comme cette Ifle cft fort éloignée de la route des VaifTeaux, & qu’on y faifoit fort peu de marchandée, elle ne droit aucun fecouts que de luy ; fi bien que la Grenade & Sainéfe Aloufie , ont efté les deux fangfuës qui ont épuifé le plus clair de fon bien; & Meilleurs fes En fans auroient au- jourd’huy un million de bien en France , s’il y avoit en- voyé ce qu’il a dépenfé pour la confervatio n de ces deux Co- lonies, 1. Partie* Iii 4341 Cé? | Ejlab iijfem^ent des François Eftdblijfcment des François dans l'Jjle de Saincte Aluuzjs, CHAPITRE XV. LEs Angîois s“eftoient eftablis dans cette Iiledez Tannée 16351. 6c y avoient demeuré plus de dix huidt mois fans que les Sauvages euflenc rien entrepris contre leur Co- lonie; mais Tannée 1640. un Vaifleau Angîois ayant cflé pus du calme devant la Dominique ; quelques Sauvages cioyant que ce lut un navire François , furent dedans à leur ordinaire; les Angîois les y receurcnt avec carrelle, & leur firent boire quantité d’eau de vie; mais pendant que ces pauvres Sauva- ges ne fongeoient qu’à le bien divertir, le Capitaine fit lever l’anchre ; les Sauvages s eitansapperceus de Ton mauvais de lîcin, voulurent defeendre dans leurs canots pour retourner chez eux, mais les Angîois s’eftanc mis en tftat de les empelcher , ils fu- rent obligez de fe jetter à la nage pour regagner leur lile; ils ne pûrent pourtant empelcher que les Angîois ne retinlEnt quatre de leurs Compagnons qu’ils lièrent, ôc emmenerenc pri. fonniers avec eux pour les faire elclaves. Ce fut là 1 occaüon du trouble que les Angîois receurent dans cette Ifle; car les Sauvages qui s’efioient fauvez à la na- ge s’efians plains de la perfidie des Angîois, 6c en ayanc don- né advis à ceux de la Martinique 6c de Saint Vincent, ils re- folurent de les aller tous afiommer dans Sainéte Alouzie;ayant pris jour , ils fe trouvèrent tous à point nommé au rendez-vous; êc au mois d Aoufi de l’année l6 40. ils firent une horrible ir- ruption fur les Angîois, mirent tout à feu 6c à fang , mafia- crerent le Gouverneur, afiommerent la plulpart des habstans, pillèrent les magazins, biuierem les cafés, gafterent tous les vivres, 6c firent tout le .dégât qu’ils pûrent pour venger le aux Ant-IJIes de l'Amérique. 435 tort qu’ils en avoient receu; ceux qui échapercnt de cetcc boucherie abandonnèrent i’Ifle,&:ferefugierent à celle d eMont- far,ra. Les Anglois pour couvrir leur lâcheté & leur négligence, en imputèrent la faute à M. du Parquet, croyant qu’il avoic animé les Sauvages de fon Ille à cette expédition; leur Gene- ral en fit fes plaintes à M. de Poinc.y; mais M. du Parquet fit évidemment connoiftre la fauflecé de cette plainte, enfaifant voir qu’il les avoic. irait avertir du deffein des Sauvages , fi-toÆ qu’il en avoir eu la nouvelle. Cette irruption des Sauvages jetta une telle frayeur dans lame des Anglois, qu’ils 11e penlerent plus à s’y reftablir, à caufe que cette Ifle eftant éloignée de celles qu’ils habitaient, ils n’en pourroient pas eftre fecourus dans- une pareille ren- contre. M. du Parquet eftant fur le poind de venir enFrancepour traiter avec la Compagnie, de l’acquifition des Ifles de la Mar- tinique & delà Grenade, & voyant cette Ifle abandonnée par les Anglois, refolut d’en prendre poftefïïon auparavant que de partir; pour cét effet, il fit embarquer trente-cinq ou qua- rante hommes, bien munis de- toutes les chofes neceflaires à cette expédition, fous la conduite du fieur de Rouffelan , hom- me vaillant, & que la longue expérience dans les I fies avoic rendu digne de cét employ. A fon arrivée il fît baftir un Fort, Y' mit de bons canons avec des pierriersde bronze, qu’on ap- pelle ramberges , l’environna de fortes palhffades, & dans la crainte de quelque furpnfe , défendit à fes gens de s’écar- ter du Fort, voulant qu’ils cultivaftent une belle habitation tout à l’entour, pour y planter des vivres & pour y faire dupetun. Il fu b fi f ta fort paifiblement dans Flfle jufqu’en l’année 16^4. les Sauvages faymoient &: avoient pour luy un refped tout particulier, à caufe qu’il avoit époufé depuis long-temps une Sauvage, qui fcrvit beaucoup à entretenir leur bonne intelli- gence &c leur petit commerce. Le fieur de la Riviere homme fort riche , & que M. du Parquet Lieutenant General pour fa Mqefté furies Ifles qu’il avoit acheptées, aymoit beaucoup , eut le commandement apres I i i ij 4)6 .EfiÆijfement des François lcTicur de Rouflelan ; comme les Sauvages témoignoient avoir beaucoup de confiance en luy, il demanda permiilion à M. du Parquet de s’ellablir en un tres-bel endroit éloigné du Fort , où apres avoir fait une fort belle habitation, il mena fa famille; mais c’eft ce qui fut caufe de fa perte: car les Sauvages, qui ne fouffrent qu’avec impatience la demeure des François dans leurs Mes, le voyant en un lieu feparé des autres , auquel ilne pourroit pas facilement eftre fecourm, formèrent leddTemdc le tuer : pour mieux réüflir dans l’execution, de leur deffein , ils commencèrent à le venir voir dans fa nouvelle habitation ; &: luy qui ne fe défioit point d’eux , les recevoit fort libre- ment dans fa café; fi bien qu’un iour qu’ils beuvoient enfem- ble ôc fe divemlïoient, ils l’afîommerent d’un coup de bouton avec dix de fes gens. Ils firent cette execution avec tant de pré- caution & de concert, que pas un delà café n’eut le temps de pren- dre les armes , chaque Sauvage sellant alleuré de rhomme qu’il devoit aflommer ; apres ils enlevèrent fa femme , deux de fes en* fans,& uneNegre que l’on n’a jamais pu retirer de leurs mains. M. Haquct parent fort proche de M. le General duParquct, Gentilhomme d’vn grand efprit &c d’vn grand courage luy fucce- da. II fubfilla deux ans dans l’Iflc avec toutes les précautions ne- ceflaires pour éviter les malheurs où fes predeceffeurs s’étoient expofez, neantmoinsilne pût éviter les embufehes de ces infideî- les; car vers la findumois d’Oétobre de l’année 16^6. eftans ve- nus dans deux Pirogues fous pretexte de traiter du Caret avec les François , le Sieur Haquet eftantallé avec trois ou quatre de fes Soldats pour leur parler, ils l’attirerent infenfiblement fur une roche; oc l’un d’eux faifant mine de luy vouloir donner du Caret, le tira à quartier; & aufli-toft les autres Sauvages l’ayant environné, le jetterait dans la Mer; d’où il fe releva fi ville, qu’il ne reçcut aucun tort d’une grelle deFléches qu’ils dé- cochèrent fur luy ; ne perdant point courage dans cette extrémi- té, il prit un de fes P iftolets, & quoy qu’il fut moüillé, ayant fait fèmblant de le tirer fur eux , à la veuë de cette arme à feu, ilsfe jetterait le ventre contre terre ; il ne manqua pas de fe fervir de leur crainte , Ôc tenant toufiours fon Pifloler , il tafehoit de rega- gner le Fort, d’où île toit encore éloigné de 2.0 o. pas; mais com- mx ’Ânt-IJles àe t 'Amérique: 457 ■-sme il feretiroic,il reçoit vn coup de Flèche dans le flanc, qui Tayanc mis hors de deffenfe, il cria à Tes Soldats, Enfans à moy, à moy ; eftant fortisdu Fort pour le fecourir, les Sauvages en ayant appcrçcus s’enfuirent, le laiflant fort blefle. Il fut porte à la Martinique chez M. le General, où la gangreinc s’eftanc mife dans Ta playe , il mourut trois iours apres 6 c fut enterré dans TEglife du Fort S. Pierre. M. du Parquet craignant que les Soldats de la Garnifon no perdiffent courage, y envoya promptement le Sieur le Breton, Parifien de naiflance. Celuy»cy bien que brave de faperfonne, ne fut pas aymé de fes Soldats, qui l’avoient veu autrefois La- quais de Madame la Generale du Parquet ; ( quoy qu’ils fçeuf- fent qu’il eftoit d’une très bonne famille de Paris) ilsnelailîe- rent pas delemefpriferj & ne pouvant fc foumettre à uneper- Tonne qu’ils avoient autrefoisveu dans cette condition , prirent Toccaflon d’vne Barque Angloife qui eftoit à leur rade pour s’enfuir. On ne fçait pas s’il lesavoit mal-traittés; mais aupara- vant que de forcir de rifle, ils tirèrent fur luy pour le tuer; s’é- tant enfuy dans les bois pour fauver fa vie, ils deferterent le Fort, emportèrent tout ce qu’il y avoir de meilleur, fe mi- rent dans cette barque, 6c s’en allèrent à-vaut le vent, fans qu’on ait iamais pû découvrir le lieu de leur retraite. Le Fort fut abandonné pendant onze jours. Le Capitaine la Burlotte y pafl'ant à fon retour de la Grenade, fut fort eftonné de n’y trouver perfonne : neantmoinsy trouvant en- core les canons, les pierriers , 6c les pallifladcs en bon eftat , il ymit 4. matelots de fon équipage , aufquels il donna de la poudre, de la mèche, des balles & des vivres poul ie garder, iufqu’à ce qu’il en eut averti M. le General. Comme il appareilloit pour partir , le fleur le Breton l’apperceut de deflùs une pointe, 6c luy fit li- gne de l’attendre, il luy raconta la conspiration 6c la fuite do Tes gens, 6c s’eftant embarqué avec luy il s’en retourna à la Martinique. M. du Parquet fe doutant bien que les foldats n’avoient deferté que par l’averfion qu’ils avoient de la perfonne du fleur le Breton, qui avoir le bruit de commander avec trop de hau- teur, envoya le fleur Couds en fa place, avec vingt-cinq fol- Iii iij EJlabliJfement des François dats de fa garde 6 c crêze autres, aufquels il donnoit loool livres de petun par an, &; les entretenoit de toutes xhofes, en attendant que le fleur d’Aygremont, jeune Gentil-homme de ttes-belle efperance , qui ne faifoit que d’arriver aux Ifles, fe fut un peu accoutumé à fait du pays, pour luy en donner la conduite 6c le gouvernement. Ce Gentil-homme y fur envoyé un an apres le fleur Cou- tis; mais il ne pût éviter la trahilbn des Sauvages qui l’aflafli- nerent d’un coup de couteau dans le fein. Quelques mois apres _ fon arrivée, les Anglois firent un effort pour rentrer dans rifle; mais avec le peu de monde qu’il avoit, il fe bâtit s’y vaillam» ment,qu’illes obligea de s’en retourner d’où ils elloient venus, avec leur courte honte, Cette Ifle à encore eu deux Gouverneurs , le fleur de la Lande 6c le fleur Bonnard , propre frere de feu Madame la Generale du Parquet, qui meritoit affeur émeut. une au- tre condition., LEs diviflons arrivées dans les Mes, 6c l’interefl: parti» culier des Gouverneurs , furent, fans doute les deux cau- fes principales de là ruine de la Compagnie. Car ceux- cy ne fongeant qu’à fe rendre Maiftres 6c Proprietaires des Mes dont ils avoient le Gouvernement, ne fe mirent pas fort fommes confiderables qu’elle avoit avancées , elle fe trouva enfin tellement preflée par fes créanciers, que pour ne pas en peine de maintenir fon authprité ; & les peuples profitant de la diviflon, refuferentde payer les droits qu’ils dévoient à la Compagnie; fl bien que ne recevant aucun profit des aux \±Ant-lfle$ de F Âmeriquê: 439 fficcomber entièrement, les Dirc&curs qui Te voyoicnt atta- quez en leur propre & privé nom , convoquèrent une Affem- blce extraordinaire , dans laquelle il fut refolu que l’on tra- vailleroit efficacement à appaifer les troubles des Mes, & que îc procez commencé contre le ficur de Poincy au fujet de là revoke feroit inceffamment pourfuivy; & que pour remedier ■aux necdîirez prefentes , chacun des intereffez fournir oit au moins 4000. livres, pour chacune des parts qu’il avoit en la Compagnie. Cette deliberation faifant connoiftte l’cftat au- quel elle efton pour lors, je la donne telle que iel’ay eue des .papiers de M. Fouquet, Refait a t de U Compagnie touchant les affaires de QlJïC. de Rowcy. Du Vendre dy quinziè- me ÇjftCœy 1648. au logis de cJtyT. cCAUgre^ C on f aller d’EJlat. O Ne efté affemblez Iefdits Seigneurs, d’AIigre, Fouquct; Ricoiiart Maiftre des Requeftes, l’Advocat Maiftre des Comptes, Berruyer, de Loynes & Gazct, tous Affociez ez Mes de l’Amerique. Sur ce qui a elfe reprefentê que le Procez Criminel corn,, mencé au grand Confeil , à l’encontre du Commandeur de Poincy, ell demeuré depuis long- temps fans aucune pourfuite, -ce qui caufe un grand dommage à la Compagnie, en ce quelle cft par ce moyen dépouillée de tout le revenu qu’elle devoit tirer de Mlle de Saint Chnftophe r outre qu’il eft important que la Reynefoit informée de la vérité de ce qui s’y eft palîé, & des violences qui y ont efté eommilesà l’encontre des Offi- ciers de la Compagnie, pour y apporter enfuite les remedes aeccflaires. A efté refolu que ledit procez fera pourfuivy inceftam- ment fans perdre temps, pour cét effet les procedures remi- fes entre les mains de M. Berruyer, qui eft prié d’en pren- dre le loin fans aucune diicontmuauon , julqu’au jugement, & 440 Eftabüjfemeni des François donner advis à la Côpagnie de temps a autre de l’eftat du Procez< Sur ce qui a efté remonftré par les Dire&eurs de la Com- pagnie, que le hui&iéme du mois padé à f Ademblée ordinai- ie qui fut tenue, ils auroient demandé que tous les Adoriez fuflent convoquez par billets exprez , pour leur faire entendre le mauvais eftat auquel eftoient les affaires, ce qui auroit efté ordonné : mais nonobftant la diligence qui en fut faite , fort peu d’entre-eux s’y eftant trouvez , ils fe voyent obligez en- core aujourd’huy de reprefenter que les defordres arrivez dans les Ifles les dernieres années, ont empefehé que l’on ait tiré aucun revenu d’icelles pour acquitter ce qui avoir efté emprun- te pour l’eftabliffement fait en fille delà- Guadeloupe : au con- traire, les Lettres de change tirées par M. Hoiiel, autres dé- pendes par Iuy faites, ayant obligéde prédre de l’argent de diverfes- perfonnesà gros interefts, outre les gages des Officiers & fervi-.. teursjles debtes fe font accumulées juqu’à des fbmmcs exceffi vesa en forte qu’il n’y a plus aucune efperance d’en fbrtir qu en contri- fcuant au moins 4000. 1. pour chacune des parts que les Adoriez ' ont en icelle; à quoy il eft neceffaire de pourvoir, ne pouvant plus lefdits Direéleurs, qui fe trouvent pourfui vis en leurs noms pour aucunes des debtes , laifter plus long-temps les affaires en1 ce defordre, fans y apporter les remedes convenables, ce quL ne fe peut que par une Ademblée generale de la Compagnie, la plufpart des Adoriez d’icelle négligeant de fe trouver aux Ademblées ordinaires, A efté arrefté que tous les Adoriez de ladite Compagnie, feront invitez de fe trouver à F Ademblée generale qui fera tenue le premier Vendredy du mois de Iuin, a deux heures de relevée , en la maifon de M. d’Aligre , Confeiller d Eftat, pour eftre délibéré fur lefdites affaires; ôtquà cét effet, copie de la prefente deliberation fera donnée ou envoyée à chacun defdits Adoriez , afin qu’ils fe puident trouver ou envoyer leurs Procurations à tel autre defdits Adoriez qu ils adviferont; au- trement &: à faute de ce faire , que ce qui fera arrefte en la- dite Ademblée feraexecuté, tant en prefence, qu abfence com- me fi tous lefdits Adoriez y a voient affidé. Signé d’A l i g R E, Eovqvet, EerryyeRj Gazet, l’Advocat, de Lqynes. aux Ant-IJles de l' Amérique. 4 4 1 ÎI y a bien de l’apparence que les Affociez n’ayant prefque rien tiré depuis l’eftabliflement des Colonies , ne voulurent pas contribuer à un nouveau fond pour la confervation des Ifles; & que les troubles n’effant pas encore appaifez, ils jugèrent bien que ce feroit perdre l’argent qu’ils fourniroient de nou- veau. La Lettre qu’ils receurent en mcfme temps de M. Hoüel, contribua beaucoup à les confirmer dans cette refolution ; car répondant aux plaintes que la Compagnie luy avoit faites de fes grandes dépenfes , & de ce qu’il ne luy envoyoit rien de la Guadeloupe : il luy fait connoiftre d’une maniéré haute, que laneceflité des affaires l’a voit obligé à ces dépenfes; &que s’il n’a rien envoyé pour le compte de la Compagnie, qu’il n’a aufli rien envoyé pour le fien , au contraire qu’il a employé tour le petun qui luy appartenoit, pour faire réüffir leurs af- faires: & qu’il refte toujours engagé de quinze mille livres de petun pour l’achapt de foixante Negres qu’lia acheptez pour la Compagnie, fans compter ce qu’il doit dans rifle, à des PamculicrSjpour les vivres qu’il a efté obligé d’achepter, & dont il eff garand. Il leur mande enfuite , qu’il ne compte pas les réparations, & les augmentations qu’il faut faire tous les iours par des ouvriers de dehors, dont la peine eff bien chere, non plus que les gages qu’il a payé de fon argent, aux ouvriers qu’il a 3mené de France, fur le refus que la Compagnie a fait de les fatisfaire. Il dit déplus, que ces raifons rirent à des confequences plus dommageables à la. Compagnie , que la per- miflion qu’elle luy a refufée de faire une habitation pour luy, fur laquelle il feroit travailler à fon compte les foixante Ef- claves qu’elle ne veut pas payer. Enfin il finit fa Lettre, en de- mandant que puifque la Compagnie refufe les moyens qu’il luy a propofé de fe recompenfer des peines qu’il a pris dans l’ifle, elle luy donne la propriété de fille de Mariegalande, aux me fin es droits qu’elle la, tient de faMajefté, à la charge qu’il relèvera d’elle ,& qu’elle ne prendra que des droits fort mé- diocres fur les habitans , & que pour cela il luy foit permis d’y faire tranfporter les, foixante Negres qu’elle ne veut pas payer. f I. Partie. Kick 44^ Ejlablijfement des François La Compagnie voyant bien par là que les Gouverneurs s’eftoient rendus maiftres abfolus des Mes; que leurs Officiers n’y av oient plus d’authorité , & que plus elle s’interelferoit à les maintenir, plus elle s’engageroit dans des dépenfes dont el- le auroit peine de fe relever ; refolut enfin dans une Aiïem- blée generale, defe dépouiller du Domaine dont le Roy l’avoic revellué, Scdevendre à des Particuliers, les Iflesô£ tous les effets quelle y pouvoit avoir. Elle avoir déjà eu deffein dez l’année 1^47. de vendre rifl-e de Saint Chriftophe au frere du Commandeur de Poincy; car foit quelle craignit que Monfieur de Poincy ne perfiftât dans le refus de recevoir ceux quelle prefenteroit à fa Majefté, &c qu’ainfi elle ne pouvoir pas efperer d’en tirer un fol de re- venu : ou quelle fe vit extraordinairement preflee par fes créan- ciers , elle fit cette deliberation. Deliberation de la Compagnie pour vendre ïljle de Saint Chriflophe y du premier Aoujl 1647. EN l’Aflemblée generale des Ifles de PÂmeriquc, convo- quée par billets particuliers au logis de M. d’AIigre Con- feiller d’Eftat, pour délibérer fur diverfes propofitions faites parM.de Poincy, d’acquérir defdits Seigneurs au nom de M- fon Pere la propriété, tant de l’Ifle de Saint Chriftophe, que de tout ce qui y appartient aufdits Seigneurs. A efté refolu que Meilleurs d’Aligre , de Ricoüart, & Ber- ruyer, traiteront avec ledit fieur de Poincy, fondé de P rocu- ration dudit fieur de Lonvilliers fon pere , pour la propriété de ladite Ifle Saint Chriftophe, en la meilleure forme, &aux conditions plus avantageufes qu’ils pourront : promettant ladi- te Compagnie d’approuver & ratifier toutesfois & quantes , ce qui aura efté par eux fait avec ledit fleur de Poincy, pour rai- fbn de la vente & alienation de la propriété , Seigneurie, Sc ven- te des parts qui Iuy appartiennent dans ladite Ifle Saint Chrifto- phe,, Signé , d’Aligre , Fovqvet , Desriel, de Ricoüart, Berrvyer, l’Advocat, de Fllcelles, Gazet, de la Covr» m Loynes. aux Ant-IJle s de t 'Amérique. 44 ç La crainte pourtant qu’eut la Compagnie,que le ficur de Tfioify qui efloit de retour en France , ne fit faifir les deniers provenans de la vente de l’Ifle, pourfe dédommager des dépcnles ex- cefîives qu’il avoir faites pour lefervice de la Compagnie ,em- pelcha long-temps l’effet de cette deliberation: mais Made- moifeile ce l’Olive ayant gagne un proccz de confequen- ce contre la Compagnie, prrfTa fi fort les Allociez , que pour la fitisfaire aulli bien que les autres créanciers qu’ils avoient fur les bras , elle refolut de vendre toutes les Iflcs. M. Hoiieî n’eut p3s plûtoft ad vis de la deliberation de la Compagnie , qu'il envoya promptement en France une Procu- ration au ficur de Boillerct Ion bcaufrere,en datte du trêzié- me Novembre 1648. & de peur qu elle ne luy fut pas rendue par quelque mal-hcur aflez commun fur la mer, il luy en en- voya une fécondé du quatorzième Mars 1649. pour achepter conjointement avec luy rifle de la Guadeloupe, & les troisaucres dont il avoit le Gouvernement. Comme il fçayoïr fort bien ce que valloient ces Ifles, il conjura fon beau-frere de les avoir à quelque prix que ce fût, pour eux deux feulement; auquel cas il luy promet départager avec luy tous les profits qui en proviendront , les droids mdme du Gouverneur compris , à la charge que fa dé- penfe de bouche, celle de fes domoftiques, & leurs gages, fe- ront payez furies effets de la Communauté, ainfi qu’il luy avoir elle accordé par la Compagnie. Et afin de l’obliger de ne rien épargner pour faire réiifîir cét achapt, il conclut cette Lettre t qui clf du quatrième Iuillet 1649. ) par ces paroles, cette affaire i-Jl detclle corJt(juence &fia,uantageuje , pue l’ejpere d en faire delà terre U fojsé , & nepas débourferttn Jolpour payer laiompa- gm e, en vous envoyant tous les ans des marchand! fes , ou des effetsypour des Jommes cot Jîdtrables. Et pour l’engager encore davantage , il luy promet de faire cette année là^ocoo.l. de fucre , fans compter le petun qu’il lèvera fur fes places, & qu’il recevra des droits; que l’année fuivante i6<;o. il fera au moins 100000. livres de fucre à fixfols la livre, qui monteront à la fom'me de 30000. livres, & que Kkkij 444 EftabljjJ'e ment des T r an ç ois pourveu quil aie trois ou qüatre années pour le payement, Si qu’il ne faille que vingt ou trente. mille livres chaque année , il ne faudra pas mettre la main à la bourfe. Enfin il l'exhorte d’achepter ces Ifies quoy qu’on les veuille vendre ; & au cas qu ils changeât de deflcin , il prie Madame fa mere d’en trait- ter pour Iuy feul, 8i qu’il efperc mettre la Guadeloupe en une haute eftime devant dix ans. Monfieur de Boifferet perfuadé de ces belles promeffes , ayant efté trouver la Compagnie, Iuy fit des propofitions d’achepter la Guadeloupe Si les autres petites Ifies adjacentes , 6c le mar- ché en fut conclu dans la première AfTemblée; mais les Sei- gneurs ne voulurent jamais confentir que M. Hoiiel fût nom- mé dans les deux Contrats de vente, qui en furent pafTez pardevantOger & Morel Notaires , entre la Compagnie Si le iieur de Boifferet, le quatrième Septembre mil fix cens qua- rante-neuf. Le premier Contrat fut celuy de îa vente des quatre Ifies, fçavoirla Guadeloupe, la Defirade, Mariegalande,& les Saintes, pour le prix de .6000 o-»- livres, Si 600. livres de fiacre fin, par chacun an. Le fécond Contrad eft celuy de la vente des meubles Si des efclaves , outre Si pardeflias le fond Si propriété defdites Ifies comprifes audit Contrad, toutesles Maifbns, Forts^afii- mens, Machines, Inftrumens, Armes , Canons, Munirions, Beftiaux , Outils, Marchandifes, Si generalement toutes au- tres chofes, meubles Si immeubles , appartenantes à ladite Compagnie en ladite Ifle de la Guadeloupe: a la refervefeu- lement de quatre pièces de canon, à la charge de payer 11500. livres au fieur Rofêe Marchanda Roiien, 6c la fomme de J500. 1, en deniers comptans , pour le rachapt 6c amortifiement defdites 600. livres de fucre. Le fieur de Boifferet s obligeant de payer Si acquitter toutes les debtespafiives de ladite Com- pagnie en ladite Ifle , à caufe des gages Si appointemens des hommes employez à leur fervice. M. Hoiiel ayant apris avec bien de la douleur , que fes Pro- curations n’a voient pas eu l’effet qu’il s’en eftoic promis, 'crut d’abord que M. de Boifferet fon beau-frere , l avoit joiie dans aux Ant-ljles\de F Amérique. 44 5- Facquifition qu’il avoit fait des Ifiesdont il eftoit Gouverneur, &: qu'il s’eftoit fervy des lumières qu’il luy avoit données pour procurer ce bien à fa famille , {ans fe foucier de luy ; ce qui l’ayant outré extraordinairement, il fit tant de bruit par fes Let- tres pleines de menaces, que Madame fa fœur pria inftam- ment M. de BoifTeret fon mary , del’aflocicr , par un Contraét particulier à l’acquifition qu’il avoit faite. M. de BoifTeret prévoyant le mal-heur qui luy eft arrivé, eut bien de la peine à s’y refoudre, mais enfin il donna cette fatisfaétion à fa fem- me. M. Holiel ravy de cette affociation, appliqua tous fes foins à faire battit une maifon proche de la principale rade de la Bafle-ter- re: il la fit d’une ftruéture toute nouvelle £4. faces, &: à qua- tre ettages. Dans chaque ettage il y a quatre chambre de plein- pied, les murs font de tres-belles pierres, de trois pieds d’efpaif- feur, &c elle eftfortifiée d’une terratte à huid pointes, dont qua- tre couvrent les quatre coins du logis, & les quatre autres les quatre faces. Chacune de ces pointes fait une cour où l’on peut mettre des foldats pour la deffendre, & l’on ne peut ve- nir à cette maifon, que deux à deux, par une chaufïée de pier- re, au bout de laquelle ily aun portail quarré, où l’on fetrou- ve toujours pris entre deux portes, fans qu’on s en donne de garde. Au bas de cette maifon du cofté de la Mer , il y a une batterie de fix pièces de canon, qui commandent la rade , & qui la peuvent deffendre de l’abord des V aif- feaux. M. Hoüel ayant ainfi obligé la Compagnie de fe défaire des Ifles dont il eftoit Gouverneur; & fe voyant affranchy de fon joug, qu’il luy pefoit beaucoup, ne longea plus qu’à réduire M. Boifferet à la necettité de luy vendre fa part. II l’obligea pour ce fujet à de grandes ic d’exceûîves dépenfes ,ne luy tint aucune des paroles qu’il luy avoit données; & n’executa pas une des promettes qu’il luy avoit faites. Mais pendant qu’il travaille à faire réüttir fon dettein, qu’il eft prefque arrivé a fon but , & que tout le monde le regarde déjà comme le Seigneur abfolu de la Guadeloupe; il reçoit un advis de France qui le déconcerte eftrangcment , & qui Kkk îij 44 ^ EJtabtiJfemcnt des François trouble infiniment fon repos j car il appren d que Madame lâ Marefchale de Gutbriant 8c M. le P.nnce d’Aubigny traitent avec M. de Boifferct de l’achapt de la Guadeloupe, qu’ils en offrent une femme confiderable , que le fieur Bartetefl allé cxprez à Honfleur pour en faire le marché ; 8c qu’en cas de refus de la part du fieur Boifleret , ils prétendent employer l’aiuthorité du Roy pour eftre fubftitués en fa place , au marché qu’il en a fait avec la Compagnie. Il n’efi: pas croyable de combien d’inquietudes fon atne fut lors troublée , 8c de combien de firatagémes il ufa pour rompre ce deffein, ou du moins pour le rendre inutile. 11 fit ce qu’il pût pour gagner l’amitié des' peuples, qui avoient beaucoup d’averfion pour luy, car il leur accorda les remifes des diousacrcûtumez, 8c fit des dépenfes extraordinaires pour gagner les Officiers Scies obligera le maintenir. Se défiant neantmoins des uns 8c des autres, apres avoir mandé à fa me- - re, qu’ils efhoicnt tous rtfeîus de mourir pour le deffeiidre ; il la prie d’obtemr un Arrcil eu Conieil, par lequel il foit dé- fendu au Prince d’Aubigny 8c à tous autres, de rien attenter au préjudice de l’f-ojâ ce l’année 1^41. 8c en cas de contra» vendon , qu’il luy for permisde fe défendre, de tenir bon, 8£ de le combatre Et afin de joindre la rufe à la force, il luy mande qu’il faut faire courir ie bruit, qu’on arme pour fa dé- fenfe, &: que rifle de Saint Chriftopheéquippe pour cét effet deux navires chacun de quarante pièces de canon , montez de z'& l’euft bien voulu re- parer en trouvant marchand pour s’en deffairc;il me le témoigna, & me pria mcfme de faire fçavoir en France le deffein qu’il avoit de la vendre, comme s’il eut pré veu ce qui Iuy devoir arriver fur la fin de l’année fuivante 1657. car ^es habitans ayant ellé fort long-temps fans voir ny barque ny vaiffeau, &: voyant avec re- gret leurs marchandées dépérir &:fe gafte^po’#: n’ellre pas enle» Vccs dans le temps, refolurent de tout abandonner, & de s’enfuir quand ils en trouveroient quelque occafion. Dans ce mefme temps Monfieur de Poincy y envoya le Chevalier delà Mothe dans un Navire remply de toute forte de marchandées, & de mu- nitions, avec un Religieux Carme pour adminiftrer les Saere- mens. Les habicans luy firent bon accueil , &: fe réjouirent ap . paremment de fon arrivée ; mais voyant l’occafion fauorablc d’e- xecuter leur refolution, iis fc faifirent en mefme temps de fa perfonne , &duNavire, luy mirent les fers aux pieds ,& l’obli- gerent par force à leur figner un congé, dans la forme qu’ils vou- lurent, pour fortirdc rifle: ils s’embarquèrent dans ce Navire avec les munitions & les marchandées , au nombre de deux cens hommes, Sc firent voile fans qu’on ait pû apprendre aflurément le lieu de leur retraitte , quoy qu’on ait toujours ereu qu’ils avoient gagné le Brcfil. Monfieur de Poincy attendit quelque temps le retour de fon Navire; mais comme il ne paroiéoit point , appréhendant qu’il ne luy fut arrivé quelque accidenté envoya une barque à Sainte Croix, pour fçavoir la vérité deschofesde Capitaine trouva l’Ifle dans une étrange confternation,leChevalier delà Mothe malade -d’affliélion,de ce quiluy eftoit arrivé, & le relie des habitans, qui aux A nt-IJles de l Amérique. 4 j j îî ’avoient pû s’embarquer, dans la refolution de tout abandonner. Il les confola le mieux qu’il pût, ôc les pria d’attendre qu’il eut informé M.dc Poincy du véritable état de fa Colonie, ôc qu’affeu- rément il leur donneroir toute forte de fatisfa&ion : ôc apres leur avoir diflribué libéralement les rafraifchiffemens qu’il a voit dans fa barque, il revintà Saint Chriflophe avec le Chevalier de la Mothe &le Religieux Carme. On ne fçauroit croire combien M. de Poincy fut touché de cette trille nouvelle, neantmoins il s’efforça de diffimuler fon afflidion , reçeut fort bien le Chevalier de la Mothe, le fit traiter avec grand loin dans la maladie , & renvoya quelques nouveaux habitans, permettant à tous les Capitaines d’y aller en traître com- me dans lesautres Ifles : s’il n’eufk levé la défence qu’il leur en av oit faite, il n’euft jamais trouvé de volontaires qui le fulfent re- lolus d’y aller, mais par ce moyen les affaires fe rellablirent un peu julques en l’année \6fî. qu’il y envoya un jeuneGentilhomme ap- pelle du Bois, dont 1 efprit, le courage & l’affabilité, remirent toutes chofes dans leur premier eflat. le ne fçay pas le fecours qu’il reçeut de M. de Poincy , pour relever cette Colonie prefque ruinée ; mais il cfl certain quelle changea de face ôc de réputa- tion, fi-tofl qu’il en eutpris le Gouvernement. Il tranfporta lés habitans du lieu où ils efleient, en un autre quartier plus commo- de & plus fain, les traita avec tant de douceur , &les gouverna avectant de prudence, que Meilleurs les Chevaliers de Malte le confideranc comme le Reflaurateur de cette Colonie, après la mort de M. de P oincy.Iuy confirmèrent le Gouvernement qu’il luy avoit donné. Il n’y eut pourtant aucuns Religieux Millionnaires eflablis dans cette Ifle,jufqu’cn 1659. ôc l’on fe contentoit d’y envoyer de temps en temps, tantofl les uns, tantofl les autres , pour adminiflrer les Sacrcmens aux habitans j mais M. de Poincy pria pour lors avec tant d inflance le R. P. Pierre Fontaine , Prefeél Apofiolique de la Miffion de noflre Ordre, de luy donner de fes Religieux, qu’il luy endeflina deux dignes de cét employ .-fçavoirle R. P. du Bois ôc le R. P. le Clerc. Ce dernier fe voyant dans la nccefiité d’Or- nemens d Autel , pour la célébration du Service divin, paffa dans une barque à Saint Iean de Portric , où nous avons un célébré 45 6 EJlabliJfèment des François Couvent de plus de foixante Religieux. Ilfutreçeude ces bons Peres Efpagnols avec mille carelTes , aprefquoy ils luy donnèrent . un Calice , une Croix, des Encenfoirs, des Burettes d’argent, avecplulieurs Nappes d’Autel,& des Chafubles,qui luy fervirent . beaucoup dans ces commencemens. Cette vifite donna occalion àM, Dubois de permettre à fes habitans d’aller travailler avec les Efpagnols, ce qui leur apporta un profit incroyable, M.Ie Bailly de Poincy ayant fait fa paix avec la Cour, apres fon . accommodement avec M. de Thoify , nefongea plus qu’àl’efta- blifTement de fa famille ; & comme. fon eftat de Religieux le met- toit dans fimpuiffance de pouvoir tefter en faveur de fes parens,&r de leur faire part des grandes acquifitions qu’il avoir fait àSainc Chriftophe, il rraitta avec le Grand Mailtre de Malte, & fe dé- mit en faveur de la Religion, de tout ce qu’il avoit dans fille , & de fes deuxCommanderies, à condition qu’il luy fut permis de difpofer du relie de fon bien; ce qui luy fut accordé. La Religion de Malte eftant devenue Proprietaire decesHles5 , par la demilïion volontaire de M. de Poincy; le Grand Mailtre fit folliciter Sa Majefté pair fon AmbalTadeur ordinaire M. le Bailly de Souvré, de leur en donner le plein Domaine ,1a Sei- gneurie direde de la propriété incommutable. Ce que le Roy leur ayant accordé, il leur en fit expédier les Lettres fuivantes au mois de Mars 1653. C on ce fi on da Roy des I fies S. Chriflèfhe çg Sainte - Croix , en faveur des Chevaliers de Àd ait e. LOvYS.PaRI.AG.RaCE DeDiE V,RoY DE Fr A N C I ; et de Na v a r r e ; A tous prefens &: à venir , Salut, L’Ordre de Saint Iean de Hierulalem s’eft montré li utile à l’Eglife par fes fervices , & fa continuelle refiltance aux entre- prifes des Mahometans ennemis delà Foy, dont les vidoires frequentes qu’il a remporté fur eux en tant de combats , font des marques certaines , efquels grand nombre de Chevaliers , ont épanché leur fang , & prodigué leur vie pour le falut com- mun ; & les Hofpitaux ont elté lî dignement & charitablement adminiftrez 0ux An t-IJle s de ï Amérique. a ^’edit Ordre, s en peut dire dés àprefent ie vray Pro- priétaire, fans attendre qu’ils luy reviennent apres le deceds, par droit de dépouille ; à quoy noftredit Coufin le Grand Maiftre a deürc joindre la Propriété entière defdites Ifles de Saint Chrifto- phe, pari acquifition d’icelles, pour laquelle noftredit Coufina envoyé fes ordres 5c pouvoir auditfieur deSouvré , afin de trai- ter avec ceux de la Compagnie defdites Ifles fous noftre bon plai- nt, & fous iefperance que nous aurions le Traité agréable, & que nous y joindrions en outre , ce qui nous appartient efdies I. Partie. Mmm 45B Eftablijfement des François Mes , afin de pouvoir par noftrcdit Coufin & fon ordre, y for- mer un eftablifiement, pour le fervice & la defenfc de la Chreftienté , &. pour la converfion des Sauvages a la Religion Catholique. A CE s cavses, & apres avoir fait voir en no- tredit Confeil, les Lettres de conceflion par Nous cy-devanc faite, a la Compagnie des Mes de l’Amérique du mois de Mars \6j\z. L’aéte de deliberation de l’Aflemblée de ladite Compa- gnie de l’Amerique pour la cefiion, vente ôt aliénation de tout ce qu’ils pourraient prétendre en icelles , fous noftre bon plaifir, aux charges &c conditions portées par le refultat du deuxieme May i5ci . le Traité fait par ledit fleur de Souvré avec ceux de la Compagnie le vingc-quatriéme defdits mois & an , attachez fous le contre-fcel de noftre Chancellerie. De l’advis de noftrcdit Confeil, où eftoientla Reyne noftre tres-honnorée Dame & Me- re, noftre tres-cher Frere le Duc d’Anjou, plufieurs Princes, Ducs , Pairs , &: Officiers de noftre Couronne , &: autres Grands & Notables Perfonnages de noftre Royaume ; Nous defirant fa- vorablement traiter noftredit Coufin le Grand Maître & fon Or- dre, &: témoigner à toute la Chreftienté l’eftime que nous en faifons , & que comme fils aifné de l’Eglife nous ne laiffons echa- per aucune occafion , pour le bien &: augmentation de la Reli- gion Chreftienne, &c par ce moyen inviter les autres 1 rinces Chreftiens de faire le femblable, & de contribuer de leur part ainfi que nous faifons, à la manutention & propagation de la Foy. De noftre grâce fpeciale , certaine fcience , pleine puilian- ce .& authoritê Royale, avons loüé, agréé , ratifie , louons , agréons , ratifions, & confirmons par ces Prefentes fignees de noftre main, la Commiffion cy-devant faite à ladite gnie des Mes de T Amérique du mois de Mars 164.Z. enlemble ledit Contrat du vingt-quatrième May 1^51. portant aliena- tion, vente &: ceftion des droits de ladite Compagnie dans les Mes de l’Amerique, à eux accordez au profit de noltredit Coufin le Grand Maiftre, & dudit Ordre de Saint lean de le- rufalem; & adjoûtant aux concelïions faites par cy-devant, avons de nouveau donné ôtodroyé à noftredit Coufin & a Ion Ordre, donnons &: oftroyons par cefdites Prefentes ladite Me de Saint Chriftophe, & autres en general, en dépendantes cqn- aux ^ént-îjles de 1‘ 'Amérique. 455? fermement audit Contrad du vingt- quatrième May, avectou- tes leurs confiftances, à la refervedes Ifles contenues & fpeci- fiées aux Contrads de vente, des quatrième Septembre 1649. tte vingt-feptiéme Septembre 1650. pour ladite lile de Saint Chriftophe, 8c autres Ifles de l’Amérique en general, à Iarefer- vc cy-deflus, eftre tenues par noftredit Coufin le Grand Mai- tre &. fo.n Ordre en plein Domaine , Seigneurie direde., & uti- le, Propriété incommutablc : enfembleles places & Forts eftant en icelles, droit de Patronage laïque, de tous les] bénéfices & dignitez Ecclefiaftiques, qui font ou qui pourront eftre cy-apres fondez , & qui nous peut de prefent &: pourroit appartenir : avec tous droits Royaux, 8e pouvoir de remettre. Se commiier les peines, créer, inftituer 8e deftituer Officiers Se Miniftres de Iuftice, 8£ Iurifdidion , tant volontaires que contentieufes, pour pafler tous ades, juger toutes matières tant Civiles que Crimineles en première inftance, 8e par appel en dernier reflort, Se en tout cas, le tout à perpétuité , en plein fief Se amortv, Se fousteltiltre, Se y faire tels eftabliflemens, que bon luy femble- ra, à la feule referve de la Souveraineté , qui confifte en l’hom- mage d’une Couronne d’or de redevance à chaque mutation de Roy, de la valeur de mille efcus, qui fera prefentée par l’Ambafladeur dudic Ordre vers cette Couronne, ou par autre Officier d’iceluy, en fon abfence, à la Charge que noftrcdit Coufin le Grand Maiftre, & l’Ordre, 11e pourront mettre lefdi- tes Ifles hors de leur main, ny y donner commandement à d’autres qu’aux Chevaliers de langues Françoifes nos fujets, fans nous le faire fçavoir, Se pris fur ce noftre confenrement. Si donnons en. mandement à nos amez Se féaux Confeil- lers, les gens tenant noftre Cour de Parlement de Paris, Cham- bre de nos Comptes, Se autres nos Officiers qu’il appartiendra, que ces Prefentes ils faflent regiftrer, Se du contenu en icelles, faire joiiyr noftredit Coufin le Grand Maiftre, Se ledit Ordre, pleinement , paifiblement Se perpétuellement , fans fouffrir qu’il luy foit fait, ny donné aucun trouble, ny empefehement au con- traire. Et d’autant que des Prefentes l’on peut avoir befoinen mefine temps en plufieurs lieux; Nous voulons qu’aux copies deuëment collationnées; foy foitadjoûtée comme à l’Original Mmm ij 460 Efiablijfement des François des Prefentes. Car tel efl noflre plaifir; Sc afin que ce foit cho- fe confiante pour toûjours , Nous avons fait mettre noflre fcel à ces Prefentes , fauf en autres chofes noflre droit , 5c l’autruy entoures. Donné à Paris au mois de Mars, l’An de grâce 1653. 5c de noftre Régné le dixiéme. Signé L o v y s , Sc fur le reply, par le Roy, de Lomenie, Visa Mole , ôc fcellées du grand îceau de cire verte fur lacs de foye. Les Holandois chajfe^ du Récif, & des autres pla- ces du Br e fil , far les Torturais tfe réfugient à la cjïtarî inique , & à la Guadeloupe c S- 1. Bien que l’expulfion des Holandois du Récif, Sc de tout le Brefil , ne foit nullement du fujet de cette Hifloire,jene puis pourtant pafferfous fîlenee la déroute de ces pauvres exi- lez, & leurarrivéeaux Ifles de la Martinique, Sc delà Guade- loupe- Les Portugais s’eflans donc rendus Maiflres du Récif, l’une des plus fortes places du monde , à l’ayde de quelques traîtres, obligèrent non feulement les Holandois Sc tous ceux qui relc- voient d’eux, defortir de cette place, mais encore de tousles autres endroits du Brefil, avec pouvoir pourtant d’emporter leurs richeffes, 6c leurs meubles, Sc d’emmener leurs efclaves. S’eflans donc embarquez avec tout ce qu’ils avoient.de meilleur Sc de plus précieux , toute la Flote qui portoit ces pauvres bannis à la referve d’un navire de 1400. tonneaux, fit voile vers nos Mes, Sc aborda à la Martinique au commencement de l’année 1654. où les Chefs ayant mis pied à terre, ils vinrent faire la revcrcnce à M. du Parquet, Sclefupplierentenmefme temps, d’agréer qu’ils habitafîent dansfon Me, aux mefmes conditions 5c redevances que les habitans François. M. du Parquet y eflant tout difpofé , en avoit donné quelque parole ; mais les RR. PP. Iefuites îuy ayant remonflré, qu’il n’y avoit rien de plus aux Ant-îjles de l Amérique . 461 contraire aux intentions du Roy, & qu’en introduifanc ces gens dans Ton Ifle, dont la plufpart efloient Iuifs & les autres heretiques, il y alloit introduire l’hcrcfic &Ie judaifme, le per- suadèrent û bien , qu’il fe refolut , quoy qu’avec bien de la peine, de les refufer, ôc les congédia le plus civilement qu’il pût. 1 Dez le vingt- Septième Février, un Flibot venu des coftesde Barbarie, avoir apporté à la Guadeloupe la nouvelle du Sié- gé du Récif par les Portugais, &que les Holandois eftoient tellement preflez quil leur leroit impo/îible de relifter, & que mefme il croyoit qu’ils s’eftoient déjà rendus, ou fiiu- Vez dans* leurs Vaiffeaux, parce quele jour precedent, il croyoit en avoir veu quelques-uns Iouvner, pour gagner la Martini- que. Cette nouvelle avoit bien rejoüy M. Hoiiel , parce que le dou- tant bien que M. du Parquet ne pourroit pas recevoir dans fon Ifle, cous ccs eftrangers, il elperoitauflidc profiter de ce débris, & que le refte viendroit infailliblement à la Guadeloupe. II ne fut pas trompé dans £bn e/perance ; car dez le lendemain on vit paroiftre ün grand Vaifleau, remply des habitans de i’Ifls deTamayica,&c de leurs efclaves, qui vint moüiller àja rade de fon Ifle. Auflî-toft quatre des principaux de ce Vaifleau vinrent luy demander permiflion d’habiter dans fon Ifle avec leurs familles, & leurselclaves ,aux conditions des autres habi- tans. M. Hoiiel les ayant fort bien receus , leur accorda leur de- mande avec beaucoup de joye. Deuxautres grands navires vinrent moüiller lanuiél fuivan- tc au clair de la lune à la mefinerade. C’eftoit une fregate Ho- landoife avec une riche prife faite fur les Anglois proche l’Iflc des Barbades; à la pointe du jour la fregate falüa le Fort, de plufleurs coups de canon félon la coutume ; mais au premier coup que fa prife tira à mefine deflein, le leu s’eftant pris à fes poudres, emporta toutfarriere, jufqu’au grand maft, ce qui la fit coulera fond, fans que perlbnne ofât la fccourir, à cau- fe quelle efloit tout en feu. On n’a pas fçeu au vray, combien il y eut de penonnes perdues : mais il eft vray qu’ilne s’enfauva que fept , quoy que ce Vaifleau qui efloitde 400. tonneaux, eût Mmm îij 4^1 Efiablijfement des François paru tout plein en abordant. On l’eftimoit riche de plus de ijoooo. livres. Le mefme jour deux autres grandes navires abordèrent en- core à la rade; dont le premier eftoit une belle frcgatequipor- toit le Colonel Oftein, Admirai de la cofte du Brefil, & l’au- tre un Vaiffeaudes grandes Indes de 1400. tonneaux, qui avoir relafché au Brefil, ce Vaiffeau portoit tous les habicans de la riviere Varéiba ; mais ayant perdu en mer, la compagnie des autres navires n’aborda pas à la Martinique. Le Mercredy fuivant , il arriva à la mefme rade un grand navire des Eftats qui portoit les garni fins de Tamarica & de Vareiba, qui n’ayans pu s’embarquer avec les autres , s’eftoient retirez au nombre de 400. hommes dans le Fort d Orange, juf- qu’à l’arrivée de ce Vaiffeau. Le Lieutenant Colonel du Récif nommé Clas, auquel les Portugais n’avoient point voulu donner de quartier, eftoit dans ce V aiffeau , il s’eftoit fauvé fur un cPingarde ou Pjpm, avec deux Nép-res, qui le conduifirent le long de la cofte jufques dans rifle de T aman cet , que les Hoîandois n’avoient pas encore quittée. On 11e fçauroit croire les biens que ces eftrangers rédigiez apportèrent à la Guadeloupe, car ils y arrivèrent & y dépendi- rent plus de 900. perfonnes , tant libres qu’efclaves, avec des richeffes immenfes; &: comme iis n’avoient que de l’or & de l’argent monnoyé, des chaifiies d’or, des pierreries &c de la Vaif- felle d’argent, ils donnoient toutes ces chofes pour achepterce qu’ils avoient debefoin.M. du Parquet en fut bien-toftinformé, &: conçeut un fi fenlible déplaiftr de les avoir laiffé paffer, qu’il ne le pût diffimuler, & en fit de grands reproches aux RR. PP. lefuices, donc le Supérieur eftant, venu à la Guadeloupe pour diffuader M. Hoiiel de retenir d’avantage ces eftrangers dans fon Lie, il luy répondit fêchement qu’il fe mêlât de fes affai- res , fi bien qu’il s’en retourna à la Martinique fans rien faire. Peu de temps apres un grand navire qui portoit le refte du débris de cette Colonie H olandoife, arriva à la Martinique; il portoit plufieurs familles Flamen.des, bon nombre d’efclaves, & fçpt ou huiéf Iuifs, le tout faifant bien 500. perfonnes: M.. aux Ant-Ijles de l'Amérique. 463 du Parquet receuc ceux-cy à bras ouverts, leur fit toutîebon accueil imaginable, ôc leur donna le grand cul defiic Royal defon Ifle pour habiter. Ils s’y retirèrent plus de deux cens, ôc s’y fufientpuifTammenteflablis, s’ils eu fient eu plus de refolution; la terre y e fiant allez mal faine, plufieurs y tombèrent ma- lades ; mais .ce qui les découragea entièrement, furent quel- ques irruptions que les Sauvages firent lut eux ; car ces barba- res s’eflant afiemblés de plufieurs Ifles, vinrent pendant la nmd fondre fur ces pauvres gens, mirent le feu à leurs cafés, en affommerent quantité à coups de boutou, en tuerent plufieurs à coups de flèches, & pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent. Quand ie paffay à la Martinique en l’année 16^6. le bruit efloit tout commun qu’ils avoientporté tout vendre à la Guadeloupe, & par- ticulièrement deux grands coffres, où 1 on tient qu efloient les plus grandes riehefles. Apres ce defordre , qui ne leur fût pas arrivé s’ils euffent vou- lu recevoir quelques Officiers que M. du Parquet leur avoit of- fert pourles garder , ils abandonnèrent le Cul de fàc, devinrent demeurer à la Baffe-terre, où quelques-uns fe logèrent dans les magazins,en attendantlacommoditéde repafferen Holan- de , les autres y ayant pris des habitations. Il en demeura d’avantage à la Guadeloupe ; car quand ils y arrivèrent îlsefloient iioo.hommesjdontjioo. defeendirent à terre, parrny lefquels oncomptoit troiscensbons foldatswa- îons ôc Flamens , tous accoûtumez à l’air du pays ; le refie efloient maillres de Café qui avoient trois cens enclaves 6c deux cens femmes. Il y en avoic plufieurs de ceux-là qui en- tendoient parfaitement la conduite desfucrcries : 6c il s y ren- contradeux Negres, dont l’un fçavoit faire les formes ,( qu on efloit auparavant obligé de faire venir de Holande a grands frais ) ôc l’autre préparer la terre des fucreries pour blanchir le fucre. M. Hoüel leur fit mille careffes, 6c la meilleure chere quil pût, il mena les principaux à fa ménagerie delà Capflerre ; 5c apres qu’ils en eurent bien cofidcré la terre, ils l’affeurerent qu el- le efloit merveilleufe pour les cannes à fucre , 6c luy promi- rent de luy en faire de plus beau que dans le Brefil. 4^4 EJlabliJfement des François Sur ces belles promelles , il traita avec un Maiftre d’engins à fucre, & Iuy avança dix bœufs, douze vaches, deux cava- les, deux charettes neuves, &: luy promit douze Negres des premiers qui viendroient dans l’Iflej à la charge qu’il luypaye- roit les Negres, les bœufs , les vaches, & les cavales à raifon de cent livres de fucre pour piece, moicié blanc, moitié rouge. Il luy donna environ la moitié defon habitation de Sainéte Ma- rie pour vingt ans , ce qui efloit planté deffus , &: une certaine quantité de terre, contigirë àcette habitation, pour toujours: à condition que les terres feroient k Labrados , de fon moulin à fucre , à Ja façon commune du Brefil , c’eft à dire qu’il nepour- roit difpofer de cette terre fans fon confentement. II efloit encore obligé par ce Contrad de planter defliis vingt tarifles de cannes mefure du Brefil , le tarifle ayant vingt thoifes en quarré, qui font les deux tiers de ce qu’un moulin acoûtume de moudre en un an au Brefil : moyennant quoy il auroit les trois cinquièmes de tout le fucre ; &: les deux autres cinquièmes, &: tous les firops& panellesdemeureroient au profit des heurs de Boifferet & HoiieL Cespromeflescftoientlespîusbellesdumonde, & M. Hoiiel avoit fujet de mander à Madame fa mçre, que h cette affaire réiifïiffbic , la Guadeloupe vaudroit infiniment mieux que tou- tes les autres Ifles ; mais tous les principaux Holandois s’eftant retirez, tout cela s’évanoiiit, fans qu’il enparoiffe aujourd’fiuy aucun veftige, ny dans la Martinique, ny dans la Guadeloupe. Les autres Holandois &: Iuifs, retirèrent infenfiblement tout, par le moyen de certaines gargoteries qu’ils y eftablirent à la fa- çon du Brefil. I’en ay veu une à la Martinique chez un Ho- landois appelle Foppe , où il s’eft confumê des fournies itn- menfes; car pendant qu’ils virent de l’argent dans rifle, ils n’y voulurent jamais donner à boire & à manger pour du petunril falloir des pièces d’orquarrées, ou de l’argent; & comme les habitans en faifoient moins d’efiimeque de leur tabac, filon excepte quelques vaiflelles qui font demeurez dans les cafés, & l’argent que quelques-uns ont apporté en France pour faire leur voyage, les Holandois ont épuifé les Ifles, de tout l’ar- gent que cette flotte y aVoit apporté;, fi bien qu’en l’année aux Ant-IJle s de l'Amérique. 465 1657. il n’y a voit pas deux ccnsefcusdc relie en argent monnoyé dans routes les bourfes de la Martinique. J Nouvelle Guerre des Sauvâtes contre les ù> François. §. 11. AV commencement de cette annee 1(3 5 4-IesSauvages de tou- tes les Mes commëcerent une nouvelle guerre,qui ayant du- ré un temps afiez confiderable, a fait nager danslefangôe le carna- ge prefque toutes leslfles que nous polfedôs.Le veritablefujet de cette guerre nefutautre que lellabliffement des François dans Manegalande,Sainte Alouzie,& la Grenade;5c files Sauvages ne s’y oppoferentpas dez le commencement déroutés leurs forces, c’ell qu’ils elperoiet toujours que les François n’y demeureroient pas long- temps On a crû que quand ils malfacrcrentzo. François dans Mariegalande > la guerre elloit déjà conclue. Mais fi dez ce temps- là cous les Gouverneurs des Iflcs Françoifes fe fu fient incerefiez dansla perte que receur M. Hoiiel, comme ils le dé- voient faire pour la caule publique, les Sauvagesauroient ellé humiliez, ôc n’auroient jamais ofé entreprendre d’attaquer les habicansde la Martinique, de la Grenade, & de Sain&cAlouzie. Ceux qui ont dit que les Sauvages avoient pris lujçt de faire la guerre, à caufe de l’eau de vie empoifonnée qu’on leur donna, & dont plulieurs crevèrent, fe trompent; car elle ne leur fut envoyée qu’aprcsla guerre commencée, 6c quelle elloit déjà bien allumée. Ils prirent le traitement qui fut fait par lemaiftre d’un bat- teau,à un Sauvage de fille de Saint Vincent, pour prétexte de leurs violences-.carceluy -là coyant qu’il avoir tué un de fes hom- mes,îlfit attacher ceSauvage au mail defon batteau,&le firfoiie- ter par les matelots avec tant de cruauté , qu’ils Iuy déchirèrent tout le corps : celuy-cy sellant échappé de leurs mains , apres ce traitement dont ilportoit les cicatrices & les playes encore tou- tes fanglantes, fe fit voir aux autres Sauvages, afin de les ani- mer à la vengeance. Bien qu’ils ne fuflent déjà que trop difpo- I. Partie. - Nnn 4 66 Efiabüjfement des François lez à la guerre, 5c qu’ils eufTent defïein de ruiner les nouveaux Eftabliffemens des François qui leur faifoienc ombrage ; néant- moins cct outrage fait à un de leur Nation, lesy confirma , 5c leur fit prendre fur Je champ la refolution de s’en venger, 5c de faire la guerre aux François. Au mefrne temps un François pris de vin 5c deau de vie, ayant eu querelle avec un Sauvage de llfle de Saint Vincent, leur conteftation alla fi avant, qu’il l’eût tué , fi fon piftolct n’eûc pas manqué fur Iuy ; dequoy ce Sauvage ayant averti les au- tres Sauvages, ils vinrent aufli-toft en troupe au heu où il eftoit, & l’afTommcrent dans fon lidt. Ceux-cy ayant commis ce meur- tre, crûrent qu’il n’en falloir pas demeurer là ; c’eft pourquoy ils furent de carbcts encarbcts avertir les Sauvages qu ils a voient commencé la guerre, qu’il falloir la pourfuivre, 5c tuer ceux qui eftoient pour lors dans leur 1 fie. Les plus animez le joigni- rent à eux, & furent à la café des RR. PP.Iefuittes, où ilsaf- fommerent le R. P. Aubergeon, qui célébrait actuellement la Meffe , & le R . P . Guêimu qui eftoit proche l Autel, avec deux jeunes garçons qui les fervoientj 5c le mefrne jour ils s em- barquèrent pour aller à SainCtc Alouzie , ou ils maffacterent le Peut de la Riviere, avec dix de fes gens, comme j’ay déjà dit en parlant de l’eftablifïemcnt des François dans cette Ifie. ' ' * ... M. du Parquet prévoyant bien que toutcêtorage viendrait fondre fur les Ifles dont il eftoit Seigneur 5c Proprietaire , don- na les ordres pour faire tenir tous les habitans fur leurs gardes, de peur de furprife : envoya des munitions de bouche 5c de guerre à la Grenade, 5c à Sainéte Alouzie : encouragea fon mon- de, 8C n’oublia rien de fon devoir, non feulement pour fe dé- fendre delà violence de ccs barbares, mais encore pour les al- ler attaquer. 5 Il compofa une petite armée navale , du navire d un Capitaine Flamendde dixoutz. pièces de canon, de la barque du Capitai- ne B alliardet, de quatre de deux pierriers , delà fienne, e deux petites pièces de canon de fonte > 5c quatre pierriers, 5c u batteau de la Bourlottc ? aufîi de deux pierriers ; puis ayant choifi cent cinquante des plus braves hommes de fon Illc , dont aux Ant~IJles de t Amérique. 467 il donna la conduite au fieur de laPierricre Ton Lieutenant : il les mit fur ce navire, dans ces barques, te fur ce batteau, &Ies envoyai Saint Vincent, avec ordre de faire main-baffe fur tous les Sauvages , &: de ne pas épargner mefmc les enfans au berceau. Cette petite flote eftant arrivée à Saint Vincent, ils y trouvèrent tous les Sauvages retranchez , derrière des canots te des pirogues qu’ils avoient rnis bout à bout, & rem- pli de fable ; d’abord la barque de M. du Parquet, le grand na- vire & la barque de B alliardet, firent grâd feu, te tirèrent plufieurs coups de canons fans aucun effet, parce que tous les Sauvages ciloient couchez tous plats derrière leur retranchement; mais auffi-toft que les barques, la chaloupe, te le batteau mirent le bout à terre pour defeendre, tous les Sauvages fc levèrent, & firent leurs grands cris &: leurs heurlemens ordinaires. En mefme temps Iespierriers des barques, chargés de bal- lesde moufquet te de mitrailles , ayant tiré leurs coups , quantité en furent tués te plufieurs blcffez. Nos François furent huit jours dans cette Ifle, brûlant te ravageant tous les carbets,& tuant autant de Sauvages qu’ils en rencontroient, juiqua ce que ces barbares ayant gagné les montagnes te la Capfterre , nos François furent contraints de s’en retourner à la Martini- que. Peu de temps apres les Sauvages ayant tué furies Ances<;. oufix François; & incontinent apres huiét ouio. dés-leurs ayant cfté pris te amenés par le Capitaine la Bourlore à M. du P arquer, il leur fit faire leur procezpar fon Confcil, où ils furent condamnez a eftre afïbmmcz à coups de hache, de la mefme maniéré qu ils avoient tuez plufieurs François; les RR. PP. Iefuites ayant de- mandéàM. du Parquet permifliô de les inftruirc, elleleur fut ac- cordée ; apres quoy ces Sauvages ayant demandé le Baptefme on leur adminiftta ce Sacrement, te puis ils furent exécutés. Le plus jeune demanda la grâce de mourir d’un coup depiftoIet;ce qui Iuy ayant cfté accordé, il prefenta fa telle avec un vifage auffi gay, que fi il n’eut pas elle preft de mourir. Cette execution ne fervit pourtant qu’à fomenter la guerre te l’allumer d’avantage;Car lcsSauvages l’ayant apprife, ils devinrét plus furieux qu’auparavatj&nc fe croy âtpas allez forts pour veiv* N n n i j 4^8, Eflabhjf ornent des François ger la mort de leurs Compatriotes, folliciterent ceux de tou- tes les Ifles. Quelques-uns afleurent qu’ils en prirent mefmc de la terre ferme pour l’execution de leur deflein. Quoy qu’il en foie, ils vinrent quelque-temps apres, plus de 20 o o . inveftir la maifon de M. du Parquet,furlaquelleiis firent pleuvoir une hor- rible greffe de flèches; Madame duP arquet fe fauva fous l’efcorte de quelques foidats au Fort Saint Pierre; mais elle fut faille d’une fi grande frayeur, quelle accoucha avant terme. M, du Parquet fe battit en Lion , foûtint toutes leurs attaques, 5c fit encette occafion tout ce que peut un grand courage; mais comme il avoir peu de munitions, il fut contraint de les ménager, ce qui donna fujet aux Sauvages ( ne voyant plus fi grand feu,) de croire qu’il n’en pouvoir plus ; neantmoms ils n’oferent avan- cer à caufedes grands chiens qu’il nourrifloit chezluy, 5c qu’on avoir drefle à courir apres eux; à quoy ils elloient fi bicnfli- lez, qu’il ne leur en échapoit aucun, qu’ils n’éventaffent,ne cou- ruffent apres, 5c qu’ils nedéchiraïïenren plulieurs endroits. L’ap- prehenfion de ces animaux r’allentit l’ardeur des Sauvages, & ils le fuflent retirez fansquelquesNegrcsmarons ( c’eflà dire fugi- tifs ) qui fe joignirent à eux. Ces efclaves fugitifs firent bien plus de tort que les Sauva- ges, car ils fe mirent avec eux à courir de quartier en quartier, brûlèrent une vingtaine de cafés, tuèrent tout ce qu’ils y trou- vèrent, hommes, femmes 5c enfans, 5c ces barbares acharnez au meurtre allèrent jafqu’à ce point de cruauté, que d’ouvrir le ventre à plufieurs femmes groffes , en arracher les enfans , & leur cafTcrla telle contre des rochers. L’Ifle de la Martinique efloit dans un defordre 5c dans une confufîon tout à fait horrible , les Officiers ne trouvoient plus d’obeïffance , ils ne pouvoient r’allierles habitans , chacun s’en- fuyoit deçà & delà, tous ayant oublié ccqu’ils dévoient à la con- fervation publique, ne fongeoient qu’à la leur particulière; ceux qui ne fè croyant pas affeurez dans leurs cafés furent fe cacher dans les bois: oùles Sauvages &: les Negresmaronsles tuerent à coups de flèches ou de boutou, 5c l’Ifle efloit à la veille de fuccomber fous la fureur brutallc de ces barbares 5c de ces ef- claves révoltez, fl Dieu ne Peut fecourue par une voye aflez aux Ant-IJles de l'Amérique. 469 extraordinaire. Car quatre grands Vaiffeauxde Holande ar- mez en guerre, arrivèrent pour lors à la rade, qui d’abord ayant appe'rçeu le feu en quantité d’endroits de rifle , 6c les habitans courans en confufîon de cofté 6c d’autre , comme des gens faifis de frayeur 6c de crainte, ils fe doutèrent auffi-toft qu’il y avoit quelque defordrc, êc que fans doute s’eftoient des Sauvages, ou des Negres révoltez -, 8c comme ils avoientM. du Parquet en vénération particulière, ils firent defeendrede leurs navires trois cens foldats bien armez, qui ayant apris l’ir- ruption des Sauvages, qui tenoient opiniâtrement Monfieur du Parquet affiegé dans fa maifon, furent trois fois à eux tefte baillée, en tuer en t plufieurs, 8c à la première décharge firent lâcher le pied aux Sauvages qui s’enfuirent dans leurs carbets de la Capfterre. Monfieur du Parquet ayant acheptê de la poudre 8c du plomb des Holandois, les fit pourfuivre ôc attaquer chez eux. le ne fins pas bien informé du détail de ce qui fe paffa dans cette guerre, mais /ayoüy.dire à M. du Parquet, qu’ayant en- voyé un nommé d’Orange avec plufieurs autres foldats, dont la plufpart l’abandonnèrent dans le combat , ce d’Orange apres s’eftre battu comme un lyon contre les Sauvages, fe fentant percé de cinq flèches empoifonnées , fut contraint de fe fervir de l’occafion de la nuiét pour s’écarter du chemin, 8c fe cacher fous un buifion, où ayant demeuré quatre jours, apres s’efire arraché luy-mefme les flèches, 6c ayant fait des incifions avec un couteau pour en faire fortir le pus, il fut trouvé par ceux que M. du Parquet avoit envoyé pour le chercher , ôc fi bien follicité, qu’il rechapa à la joye de toute l’Ifle de la Martini- que, 6c il me difoit à ce fujet qu’il auroit mieux aymê avoir- perdu un bras que d’Orange. Les Sauvages voyant qu’on les pourfuivoit de fi prez allèrent à la Grenade , où ils furent fort bien receus, comme nous avons dit en parlant des guerres de cette Ifle. Enfin leur ayant donné la chaffe avec quelques bâteaux , 5c remporté fur eux plufieurs avantages en diver- fes rencontres, ils furent obligez de demander la paix l’an- née fuivantc. N lin iij 47° Efiablijfement des François Hoüel vient en France . U laijfe le Che- valier Hoüel & C de Boifferet , four com- mander dans la Guadeloupe. L armée An- gloife commandée far le General Pen>y paff?> Majfacre des Enfans du Capitaine Baron3 Sau- vage y a JMariegalande . §. i ï i. Bien qucM. Hoüel fe vît Seigneur de la moitié de la Gua- deloupe par Ton Traité avec M. Boifferet Ton beau- frère,, il ne crût pas pourtant fa fortune fuffifamment eftablie , pen- dant qu’il l’auroit pour Afîocié, c’eft pourquoy il fongea effi- cacement aux moyens de l’obliger de fe défaite de fa part y comme il avoit obligé la Compagnie de vendre & aliéner le tout. Croyant qu’il réiiffiroit mieux dans ce deffein qu’aucun autre à qui il en pût commettre l’execution, il refolut de ve- nir en France, &: prit quelques affaires de famille pour prétex- te de ce voyage : Il déclara ce voyage au fieur Chevalier Hoüel Ion frere, & au fieur de Boifferet fon neveu, & leur dit quil leur laiffoit le Gouvernement de leurs Iflesjufquà fon retour. Le navire qui le devoir porter eftant preftà faire voile , il mit l’ordre fùivant entre les mains de M. le Chevalier fon frere. „JPLufîeurs affaires tres-confidcrables m’obligeant de faire ,, voyage en France, je laiffe à M. Hoüel monfrere, le coin- ,, mandement de nos Mes, fousluy, & en fon abfence à M.de „ Boifferet mon neveu , lefquels feront leur refidence , fçavoir „ mon frere à la Capfterre dedans le Fort, oc mon neveu a „ SairMe M trie, fous lequel en fon abfence commandera, à la „ Capfterre, le fieur du Pont Major, & fous mon frere à la „ Baffe-terre le fieur de l’Efpine Lieutenant de ma Compagnie; ,, apres leur avoir recommandé la bonne intelligence, je les „prie d’avoir un foin particulier Atari eg tant pour y aux Ant-IJles de l 'Amérique. 471 j, donner fecours contre les Sauvages, s’ils en ontbefoin, que j, pour les alfifter de vivres, en forte qu’ils n’en manquent point. „ Auront foin mon frere & mon neveu , mefrne tous les „ Officiers, de faire planter force vivres par les habitans. Fait „ au Fort de la Baffe-terre, le huitième de Iuillet 1654. „ Signé, H O ù EL. A fon départ il n’y a voit dans l’Illc que 1100. hommes por- tans armes, dont trois cens eftoient Brefiliens, defquels on n’eftoitpas trop affeurc : il Iailfa tres-peu de munitions dansles magazins, les priions & les Corps de Gardes elloient remplies de prifôniers,& les habitans étoient fort mat-farisfaits de fa coduite. Monfieur le Chevalier commença fon Gouvernement par la liberté qu’il donna à tous les prifonniers ; &c il fe comporta avec tant de prudence & de conduite envers les habitans, aulfi bien que M. de Boifferet , qu’eux aulfi bien que les Chefs au- roient vécu dans une merveiileufe tranquilité, li deux chofes n’euffent troublé leur repos. La première, fut l’arrivée de Iaflotc du General Major Pen, compofée de 70. voiles, fur laquelle il y avoit 10000. com- battans; ce General fe failit en arrivant de tous les navires Holandois qu’il rencontra en chemin, à la referve d’un qui en vint apporter la nouvelle à la Martinique, adjoûtant que le deffein de ce General cftoit de chaffer non- feulement les Fran- çois de Saint Chriftophe, mais mefrne de toutes les Illes ; cet- te nouvelle effraya les habitans de toutes nos Illes, St donna fi bien l’alarme aux Gouverneurs , que M. du Parquet envoya fa barque exprez en donner advis au Chevalier Hoüel,qui dez le lendemain en fit partir une autre pour en avertir M. le General de Poincy ; St apres plufieurs conférences par lettres, tous ces Gouverneurs ayant reconnu qu’ils ne fe pouvoientfe- courir les uns les/ autres, refolurent de faire chacun dans fon Ifle, tout ce que l’on pouvoir cfperer de gens d’honneur, St tout ce que l’on devoit attendre delà generofité des Fran- çois. Le Chevalier Hoüel fit incontinent celïer tous les travaux de fon Iflci ÔC travailler à fortifier tous les endroits où les 47 1 Eftablijfemeni des François Anglois pouvoient y descendre , il fie abbatre des arbreslelong du bord de la mer, pour en boucher touces les avenues, laif- fant des chemins par derrière, d’où les habitans fe pouvoient battre à couvert. Il fit monter du canon fur des affûts de Campagne, 6c éleva, des batteries le long .de la mer : il pofa deux Corps de Gardes, l’un fur la pointe du Fort, & l’autre fur la pointe des lezars,pour defcouvrirtoutlelong^de la cofte ; 6c ayant donné pour fignal deux coups de canon tirez du Chafteau, il ordonna à tous les habitans de fe rendre chacun fous fon dra- peau lors qu’ils les entendroient. La fioce Angloife qui eftoit arrivée dez le mois de Février, ne parut que laderniere Feftede Pafque vers la pointe du Fort. L’alarme ayant efté aufli-toft donnée par toute rifle , tout le monde fe trouva au rendez-vous, refolu de fe bien défen- dre. Le lendemain matin toute la flote parut à deux petites lieues de la rade ; mais comme il faifok peu de vent, il eftoit plus de dix heures avant quelle en fut à la portée du canon j ils firent mine de vouloir mouiller ,mais voyant tout le riva- ge bordé de gens de guerre bien retranchés 6c plufieurs batte- ries, dont il falloit efluyer la décharge, ils fe contentèrent de border toute la cofte, 6c M. le Chevalier Fïoüel les fit fuivre par tout fon monde, jufqu’à ce qu’ils fuffent paflez les lieux où ils pouvoient defeendre î nous parlerons incontinent de ce qui fe paffa à Saint Chriftophc aufujet de cettearmée. Le mal-heur qui arriva àMariegalande, Sc quipenfa rejoin- dre les Sauvages de la Baffe-terre , de la Dominique, avec ceux de la Capfterre, pour recommencer tous enfemble une guerre plus dangereufe que la première, contre la Guadeloupe &Ma- riegalande, fut la fécondé chofe qui troubla le repos que la douceur du Gouvernement , du Chevalier & dufieur Boiflcret auroit procuré à ces habitans. Le Capitaine Baron, de tout temps grand amy deM. Hoüel, eftant venu avec fa pirogue pleine de Sauvages à Manega- lande; foie que le Commandant crût que la défenfe delaii- fer entrer aucun Sauvage dans le Fort, ne s’eftendit pas au Baron, foit qu’il defirât profiter feul du caret 6c de quelque autre traite que lq Baron a vpit apporté > il le laiffa entrer, 6c beut aux Ant-IJles de t Amérique. 473 fl bien avec Iuy qu’il l’enyvra; le Baron cftant forty fur le foir pour quelque neceflitc,& voulant rentrer , la fentinelle qui avoit efté changée ne le connoiffantpas, & voulant l’empêcher, en rcceut un fouflet; ce qui fit un fi grand vacarme, que le Ba- ron fut arrefté prifonnier & mis aux fers. Le Commandanc voulant faire de cette adion une affaire d’importance, la fit paf- fèr pour un attentat, & en écrivit au Chevalier, avec beaucoup d’exagération ; lequel craignant que la détention du Ba- ron n’eût desfâcheufes fuites , donna ordre à ce Commandant de le mettreen liberté, & de le Iuyenvoïer par la première cha- loupe;.ce qui fut exécuté aufli-toft. Cependant les enfans du Baron & les autres Sauvages; en- nuïez de n’avoir point de fes nouvelles, refolurent d’en aller apprendre à Mariegalande ; mais ils n’y furent pas plûtoff ar- rivez, que trois de cette bande furent- arreffez & paffez par les armes, entre lefquels efioit Marivet, le plus jeune des enfans du Baron. Cette nouvelle en efeant venue à la Guadeloupe, l’on ne pût empêcher que le Baron ne la fçeut, & qu’il n’apprit que l’un de fes fils avoit efté tué à Mariegalande. Il en témoigna d’a- bord un extrême regret, mais le Chevalier l’ayant un peu ap- paiféjil luydit,que pourveu que ce ne fut pas fon cadet qu’il aymoit plus que luy-mefme, il le confoîeroit ; mais ayant apris que c’efioit luy-mcfme que l’on avoit fait mourir, il devint in- confolable. 11 fe )ettoit par terre s’arrachant les cheveux, heur- loit comme un taureau, & faifoit cent autres chofes qui mar- quoient l’excez de ia douleur. Il fit tout ce qu’il pût pours’ê-. chaper, afin d’aller exciter les autres Sauvages à venir venger la mort de fon fils. Le Chevalier eut toutes les peines imagi- nables à remettre fon efprit , mais enfin luy ayant promis qu’il fe- roit en fa prefence une iuftice exemplaire de celuy qu’il l’a- voic Fait mourir j il fe confola en attendant l’execution de cette promeffe. Le Chevalier fut pour ce fifjct à Mariegalande, fe faifir du Commandant, l’amena à la Guadeloupe, & luy fit mettre les fers aux pieds en prefence du Baron. Ce Capitaine attendant toûjours à la Guadeloupe pour voir mourir le meurtrier defen L Partie, Ooo «t 474 Eflablijfement des François fils, preffoit de temps en remps le Chevalier dexecuter la’ pro- mette; mais la mort d'un Commandant luy parodiant de trop -grande coniequence, il refolut d’attendre le retour de Ion frère, & fit tant qu’il perfuada au Baron , qu’il ettoit expédient d’en.ufcr de la forte, fi bien qu’il s’en retourna à la Domini- que. M. le Chevalier, dont le naturel eft fort doux de fort débonnai- re , eut compaflion de ce criminel, le fit délivrer de luy donna fi café pour prifon , avec ordre de fc remettre en eftat au retour de M„ Hoüel fon frere. Mais le Baron eftant retourné i la Guadeloupe , de trouvant fon criminel hors des fers de en plei- ne liberté , crût qu’il ettoit abfous , de que l’on s’eftoit moqué de luy : ce qui le fit rentrer dans fa première frénéfie. Mais le Chevalier , de tous les habitans, ne pouvant le rédui- re à entendre aucune raifon , cela obligea le Ghevalier de changer de conduite; de au lieu de s’addreffer d’avantage au Baron, s’eftudia de perfuader aux autres Sauvages que la guerre leur feroit defavantageufe , à quoy il 1 éiittit fi heureu- fement, qu’il les appaifa, Scies obligea de refufer au Baron, de fe joindre à luy pour recommencer la guerre : ainfi toute cette affaire quel’îfle apprehendoit aveefujet, s’évanoüit par la pru- dence du Chevalier. L armée du General Major F en va a S. Chriflo- phe y ou F alliance efl renouvelée , cntieles Fran- çois y & les dnglois. §. iv. Bien qu’il n’y ait rien de fi fiirprenant,ny déplus connu que la déroute de l’armée du General P en , envoyé dans l’ Amé- rique par le Tyran Cromwel jneantmoins parce que la caufe de ce défordre a eftê connue de peu de perfonnes , avant que de parler de ce qui luy arriva à Saint Chriftophe, iela donne icy telle que ic l’ay apprifè du Duc de Boucqumghant. aux Ant-IJles de l' Amérique. q.-j La lézine feule, d’un coufin de Pen,fit périr cette armée de 70. voiles & de dix milles combattans. Car ce Coufin s’efianc lai/fé perfuader par fa femme, de faire les vüitailles de cette ar- mée, la pailîon du gain les poffedafi fort , que pour avoir bon marché des denrées, ils prirent eux-mefmes foin cie faire fai- re les fromages à la campagne, & d’envoyer au loin pour avoir les autres chofes ncceffaires à vil prix; fi bien que lors que l’ar- mée fut- prefte à partir, deux flûtes de fixeens tonneaux cha- cune, dont l’une devoit porter les vivres, & l’autre les muni- tions les armes , n’eftant pas preftes, elles ne partirent que trois femaincs apres l’armée : & ayant fait naufrage fans qu’on en ait jamais entenduparler, le General Pen eflant arrivé aux Barboudes dez le mois de Février , il y paffa tout le Ca- rcfme à les attendre, & non feulement ruina parce fe jour, les habitans de cette Ifle , mais encore y perdit par les maladies une partie de fes foldats. Apres quoy ayant perdu l’efperan- ce de recevoir fes armes & fes munitions , & voyant que fon armée déperilfoit tous les jours, il défarma tous les habitans de cette Ifle, pour armer fes foldats, ôc partit fort peueneflat de faire réüffir fon deffein. Eflant arrivé à Saint Chriftophe, ou lun des quartiers des Anglois ,11’avoit pas encore reconnu l’authorité de Cromwel: il envoya prier M. le General de Poincyqui avoir faitmettre tous les habitans fous les armes, de Iuy permettre depaffer au travers des François, pour s’aller faire reconnoiflre à la Cap- flerre.Les députez Iuy firent de grandes civilitezdelapartdeleur Generafmais M. dePoincy connoihant trop Iaperhdie de cet- te Nation, ne leur voulut jamais accorder aucune chofe qu’a- pres que l’on fut convenu de renouvelîer l’alliance entre les deux Nations par un nouveau Traité; donc voicy les Articles. Ooo i; 47*» EfiabUJfement des François Articles çef Accords conclus & faits ^ entre les deux Nations , refidentes O* habituées dans /’ îjle de Saint Chrijlophe. ENtre Frère Philippes de Lonviiîicrs, Bailly de Poincy * ConfeilleL-defa Majefté de France, en fes Confeils d’Eftat &Piivé, Gouverneur & Lieutenant General pour fa Majeftéez Iiles de l’Amérique, Territoire 8c Confins dépendantes de la domination Françoife. Et honnorable Colonel Clément Ewrard , Gouverneur do la Nation Françoife en ladite Ifie, par l’authorité de fon AI- tefie le Seigneur Protedeur d’Angleterre, d’EcofTe SC d’Irlan- de., affiliez de part & d’autres des Officiers Commiffionnaires, fous-fignez. Premièrement jqueles Articles faits entre les Gouverneurs, Capitaines d’Enambuc& du Rofiey , ôde fieur Thomas ^aê'r- nard le vingt-huidiéme Avril 1617. ceux du troifiéme Odo- bre 1(338. entre le fieur de la Grange Fromenteau & ledit iieur 'y'vaërnards Ceux d’entre lefdits Seigneurs de Poincy 8c de Vvaërnard du quatorzième Septembre 1644. Comme auffi entre lefdits Seigneurs de Poincy & honnorable Roland Rich Gouverneur, le dix-huidiéme Odobrc 1649. tiendront leur pleine force & vertu félon leur contenu , excepté ce qnieft , cy-apres refervé. Pour maintenir l’union entre les deux Nations , il eil accordé que les Articles qui fuivent feront par foy obfer- ■WCZo I. Que nullemédifancene fera prononcée d’aucun de la Nation Angloife touchant lerelped & l’honneur de S. M. de France , de fon Gouvernement & Gouverneurs. Comme auffi nul de la Nation Françoife ne prononcera nulle médifance touchant le refped & l’honneur de fa gran- deur d’Angleterre, le Seigneur Protedeur d’Angleterre, de fon Gouvernement ny des Gouverneurs, ny des Nations en general. aux Ant-ÏJles de £ Amérique. 4 77 II. Que les vieilles marques, réparations U partages des terres feront renouvellées. II L Que les frontières de la rade de la Pointe de Sable, feront re- connues par une droite ligne tirée du Figuier, droit à la Mer;- entre Iefquels Figuier & la Mer, fera tiré unpillier à droiteli- gne, &. les limites de la haute terre feront pris, comme diteft, à eJI quart Sudejl & Bjl enbiflüs tout droit fur le coupeau de la Montagne. IV. Que nul navire, s’il n’eft François ou Anglois, ou fretté par l’une des deux Nations, ne pourra mouiller plus haut de vingt-quatre heures, à ladite rade de la Pointe de Sable , fans per million du Gouverneur Anglois; aufti ne fouffrira le Gou- verneur Anglois aucun navire y mobilier , fur tout, enne- my de la Nation Françoife, fans permiftion du Gouverneur François. V. Que la Nation Françoife à jufte titre, a la moitié des Mi- nes tk louphrieres : Comme aulîi la Nation Angîoifc à jufte titre, a la moitié des (aimes, dont fera faite égale feparation, divifion , ou partage , & des terres adjacentes , quandil fera trou- vé à propos. VI. Que la liberté de couper du bois, & la chafle ne fera ■.plus commune, chacun en prendra , & chaftera lur les terres. VII. Que fi quelque ferviteur ou efclave fe fauve de fon Maî- tre , & fe retire dans l’autre Nation, & qu’il foitfuffifamment prouvé qu’il ait efte employé plus de vingt-quatre heures par aucun habitant, ou envoyé hors de Tille, ledit habitant fera oblige envers fon maiftre, à tous dommages interdis, con- damné à telle amande que le Gouverneur de fa Nation leju- gera à propos, outre deux mille livres de Tabac, au profit du maiftre de qui il aura retenu le ferviteur oul’efclave : lesGou- Ooo nj 4/8 Efiahlijfement des 'François verneurs des deux Nations s’obligeans de contraindre par la force ceux qui contreviendront à cette convention. VIII. Qu’aucun homme, quoy que libre, des deux Nations, ne fe- ra retenu par aucun habitant de l’autre, pour travailler, fans P aile- port du Gouverneur delà Nation où il demeure , à peine de mille livres de petun par les contrevenans, payables chacun! fa Nation. IX. Que les grands chemins dans les terres de l’une & l’antre Nation > foit pour aller aux Salines , Mines & Souphrie- res , feront communs pour y palier aux deux Nations, à pied i à cheval , & à cabroüet, comme loccafion feprefen* tera. X. Que Ci les peuples des deux Nations , Chreltiens ou efcla-*' ves, font quelque larcin, ou choie injufte, ou ufent de force fur aucune perfonne , il fera appointé quatre pcrlonnes d’hon- neur de chaque Nation pour vérifier le faiét, &e puis renvoyé à douze perfonnes, fçavoir fix de l’une & fix de l’autre Na- tion , par Iefquels le délinquant fera abfous ou condamné ; &£ s’il eft condamné & trouvé coupable, il recevra punition en la terre de fa Nation, fur les lignes & frontières d’entre les deux 4J* Nations. XI. Que les Marchands ne refuferont des marchandifes qu’ils auront, foit fur la terre Françoife, ou fur la terre Angloife, au mefme prix qu’ils les vendent à la Nation ,lur laquelle ils demeurent, à peine, par le contrevenant, de deux mille livres de petun d’amande, pour le Marchand qui aura vendu plus que le prix; & de mille livres à l’habitant qui aura payé plus que le prix , payables à la Nation où la faute fera com*- mife. . ( xir. Qu’il fera fait une publication de commandement de ren- dre les ferviteurs ou enclaves qui le rencontreront dans une Na- tion appartenant à l’autre, parce que huiét jours apres, s’il s’en irencontrc, fercnc les délinauans punis comme à l’Article Que tous les Articles qui ne feront compris dans le pre- fent Accord 5c Ratification, feront tenus pour nuis. Et les Prefentes feront publiées comme efiant conclues pour l’a- mitié des deux Nations, pour eftre inviolabicment obser- vées de part 5c d’autre, comme faits d’accord 5c fans con- trainte. Ce que lefdits Seigneurs de Poincy, 5>c Ewrard, avec I es Commifiionnaires fous-fignez , ont promis 5c juré mainte- nir 5c obfervcr fur leur foy 5c honneur chacun pour fa Na- tion. L’alliance efiant renouvellée entre les deux Nations par ce nouveau Traitté; M. de Poincy permit à l’Admiral Pen de pafTerfur les terres de fa domination ,5c le traita fplendidement dans fon Hoficl de la Montagne ; ce General pafia au milieu des habitans François qui efioient fous les armes , fi bien rangés, qu’a- ptes une Compagnie d’infanterie, on en voyoitune de Cava- Iei ie;ôc l’on m’a afieuré, que M . de Poincy pour faire paroiftrefes troupes plus nombreufes, avoit donné ordre à fix - vingt Ca. valiers , de regagner les de vans, par des chemins écartés,aufII-tofi que l’Amiral Anglois auroit palfé devant eux: fi bien qu’en cinq ou fix rencontres il vit toujours les mefmcs différem- ment rangez, fans les reconnoiftrc, ce quiluy fit croire qu’il y avoit beaucoup plus de François dans l’Ifie, qu’on ne luy avoir dit. xnr. Eftablijfement des V ranç oh Embarquement d’une Colonie pour la Terre-Fer- me de (Amérique Méridionale, Son fejour k la çdMjart inique, Elle ejl ruinée par les Espagnols ù* les -Sauvages 3 cinq Semaines apres [on ejla~ , dans la riviere Donanatigo* chapitre xviil CE n’eft pas par un deffein de groffir mon Livre, que id* parle icy de la déroute de la Colonie Françoife de la.* terre-ferme de l’Amenque Méridionale, ilfaudroitque j’euffe des mémoires plus amples fur ce fujet:la feule occafion , defonpalfage & de fon fejour dans nos Ifles, & fa déroute donc elles ont receu le débris, m’oblige de parler dune chofe donc p eut- e lire on ne parlera jamais, &tquieft bien éloignée de mon fujet, ie n’en diray rien pourtant que fur les mémoires de ceux qui y eftoient intérdîez. Le mauvais fiiccez de Fentreprife de Cayenne qui avoit rui- né tant de familles, confirme tant d argent, fait périr tant de braves gens , & épuifc le fond ci une des plus fameufes Com»» pagnies qu’on ait jamais veu en France, n épouventa pas les fieurs de la Potherie & de la Vigne Advocat en Parlement j Au contraire i croyant fe faire Pages aux dépens de tant de mal- heureux, •& prendre leurs mefures furies fautes qui avoienc caufc la ruine d’une fi éclatante entreprifc, ils formèrent le deffein d’une nouvelle Compagnie pour la Terre-Ferme. Pour échauffer les gens fort refroidis , par ce qui eftoit ar- rivé à l’Ifle de Cayenne, ils imprimèrent quelques feuilles vo- lantes, qui furent diftribuées par Paris & en d autres Villes de France , pour inftruire le public de la fertilité du pays où ils vouloienc s’effablir, & des grands profits qu on pouvoir efpe- aux Aht-IJle s de l 'Amérique. 481 rer par l’eftablifTcment d’une Compagnie, qui en faifantladéperi- fe en meriteroit auffi la 'gloire. Us reprefentoient ce pays au peuple comme une terre de prô- mifïion, qui neftoit éloigné que de dix lieues de celle des Ga- libis, où on trou voit toutes chofes en abondance, Sc pour la vie 6c pour y faire fortune. Plufieurs éblouis de ces belles promeffes , s’y engagèrent avec beaucoup de facilité, 6cil leur tardoit déjà de ne pas aller en ce païs ,, enchanté, où on leur faifoit efperer de trouver fur la terre, des „ Vaches, des ManipoIis,des Cerfs de 2.fortes,des Sangliers auffi „de 2. fortes, 2. ou 3 efpeces de Lapins, des Cochons, des Oülanas ,, des Tatous.Dans les bois une infinité d’oy féaux bons à rnan- „ ger, Sc d’un tres-beau plumage: comme Poules, Pintardes, Fai- sans, Perdrix de trois fortes, Ramiers, Tourterelles , Grives, „ Ortolans , Perroquets de cinq ou fix efpeces, ôc de plus de „ cinquantes fortes d’autres Oyfeaux bons à manger. Enfin ,,des rivières regorgeantes de poiffons tres-excellens , comme „ Turbots, Rayes, Dorades, Bonites Sc Mulets, 6c fur tout de „ Lamantin , duquel ( outre la chair qui eft aufïi délicate que ccl- „le du Veau, ) on tire de l’huille plus douce que la meilleure „ de Provence. La Tortue y eftoit fi commune ( à leur dire) „que c’effoit le plus ordinaire manger des moindres habiransj on eut dit qu’il n’y avoir plus qu’à mettre la nappe pour faire bonne cherc , outre les avantages que l’on pouvoit tirer du trafic , capable en peu de temps d’enrichir un homme toute fa vie. Sur ces riches 5c agréables proportions, on forma une Com- pagnie, où d’abord chacun avança mille efeus, 6c au mois de Ianvier de l’année 1 6)6. les Intereffez pafferent unade de So- ciété pour cét eftablifTemenc. On n’attendit pas que cette prétendue Compagnie fut con- firmée par les Lettres Patentes de fa Majefté pour faire l’em- barquement -, il fut fait à Nante avec beaucoup de précipita- tion ; Et le fieur delà Vigne, eut le foin de la conduite 6c de l’Eftabîi Bernent de la Colonie. Il écrit fi en détail toutes les particularitez de fon voyage à la Compagnie, auffi bien que les fautes qui fe commirent pour cét EftablifTement: qu’encc^ I. Partie. ~ Ppp 481 EJlablïJfement des François re que fa Lette foit; un peu longue , ie croy pourtant que fe Leéteur curieux, ne fera pas ennuyé de cette longueur, puif- que c’eft plûtoft une Rélation de fon voyage qu’une Lettre; 5c les cbofesyfont fi naïvement écrites, que iene fçaurois mieux faire que delà donner telle qu’il l’envoya de Saint Chriftophe le vingtième Ianvier <1657. Lettre du Sieur de la Vigne aux Seigneurs de la Compagnie de la Terre-Ferme , dans laquel- le il leur rend compte du voyage & de l'EJla - blijfement de la Colonie , dont elle luy avoit çonpé la conduite. Messieurs, ri Puifque la Compagnie m’a fait l’honneur de me confierla ,, conduite de fon entreprife en ces quartiers , ie luy rendray „ compte le plus fuccintement que je pourray^de tout ce qui „ s’eft pafle depuis mon . départ de France qui fut le 15. Iuin ,, 1 6\6. ,, Le lendemain nous vifmes deux navires qui vouîoient chaf- „fer fur nous : Nous nous préparafmes à les recevoir, & „mifmes nos pavois : mais fur le foir ils s’écartèrent, 5c nous ,, .continuafmes nofhe route. Tout ce que ie puis remarquer, que prefque tous les Ieudis ont elté remarquables. Nous ,, partifmes un Ieudy de Paimbeuf, iourdu Saint Sacrement, ,, apres que la grande Melfe eut eftê chantée dans le navire, la Proceflâon faite. Le Ieudy fuivant on fit iuftice d’un „ fripon qui blalphcmoit le Nom de Dieu, auquel on fit dom- iner la calle, 5c un autre fut mis aux fers, pour avoir ouvert „ l’écoutille 5c beu de l’eau de vie. Le troifiême Ieudy fut la ,,Fefte de Saint Pierre, qui nous amena abord tant depoif- „fons, que huiét jours durant nos gens ne mangèrent autre ^chofe, il en fut pris plus de trois barriques. Le quatrième aux èÂht-Ifles de l’ Amérique., jjlèudÿ nous paffafmes le T rapiqüe > & fut faite la ceremonie « du Baptelme. Nous iommes arrivez à la Martinique le dix- ayiieufiéme Juillets fi bien que nous avons fait noltre traver- 33 fée en vingt- quatre jours cres-heureufcment , n’ayant eu que s, deux malades ; l’un , un volontaire de Tours nommé M. de la „ Lande, lequel eft pillé avec trois hommes; l’autre, unenga. ,, ?é nommé la Roche. ,7 Aulîi-toft que îe fus arrivé iefus faliier M. du Parquet, au- „quel le rendis les Lettres de leurs Maj citez Sz celles de la „ Compagnie. Le R. P. Pelléprat eltoit avec moy; nous fuf- „mes receus allez froidement. Dans la fécondé vilite nous 3, parlalmcs de nofhe entreprife, laquelle ledit heur dit eltre „impoflible, & contefta audit R. P. tout ce qu’il luy en pût „ dire; ie pris la liberté deluy répondre,qu’effant venu expiez, ,, j’dVoisréfoIudepalTerenperfonne, & d’experimenter hl’Effa- „ blilfementque nous délirions faire , eftoit impolTible ou non; que ce que j’avois à luy demander effcoit la permillion de „ mettre noflre monde à terre pour les rafraifehir , & de les „ y tenir iufqu’à ce que noltre barque fût montée; il me le ,, permit , ôz dez ce moment ie mis la main à l’œuvre. „ Chacun a parlé de cette entreprife félon fon fens ôz imagi- nation, ôz pluheurs habitansfe font eftudiez à intimider nos „gens. le n’ay pas eu peu d’affaire à faire monter nolfre bar- „que, un- de nos Charpentiers ayant toûjours efté malade, & n’en ayant trouvé que quatre dans l’Ille; enfin voyant toute „ mon affaire prefte, ie fus prendre congé de M. du Parquet, „ lequel me témoigna qu’il ne defelperoit point de noffre en- „treprife, veu l’union dans laquelle il nous i veu vivre, &rles ,,foins que nous prenons de l’entretenir ôz pourvoir de choies ,,neceffaires, ôz m’a accordé de bonne grâce que iepriffe huit » hommes de fon Ifle, Iefquels m’eltoient necélîaires. M. de „Maubray eftoit avec luy, il le quitta & route fa compagnie „ pour me venir recevoir, il me donna quantité de bons ad- 33 vis; il a aufîi rcccu M. de Saint Michel, ayant fçeu fonme- 33 rite par le fleur de Maubray , cy-devant Secrétaire d’Fffat ,3 en Efcoffe, qui le connoît, & qui a traité avec M. du Par- „ quec delà Grenade à trente mille efeus pour M. le Baron di Ppp ‘i y 55 5 5 55 B 4 Eflablijfement; des François Cérillac, & pourluy, iufqu’à noftre départ, qui fut le vingt- troifiémed’O&obre, nous n’avons perdu qu’un homme nom- mé Iolycœur , d’une maladie qu’il avoit apporté de France., & qu’on découvrit par le chemin dez la première nuiét de „ noftre départ. ,, Nous avons trouvé le vent contraire, en forte qu’apres „ avoir battu la Mer quatre iours, nous fuîmes contrains de „ relafcher à Sainde Alouzie , où nous fufmcs receus & rafraif- ,,chis par Je Gouverneur avec tous les témoignages poffibles ,,de bonne volonté. Nous partifmes le Vendredy vingt-fept, ,, doublafmes Saint Vincent, & gagnafmes Tabago,& delà ,, la coite de la Trinité, le long de laquelle nous voguafmes „ iufqu’à la bouche du dragon: Sz comme nous y arrivafmes „ tard ,nous demandafmes à noftre guide où il y avoit moiiilla. ,, ge, pour ne pas hazarder la nuid l’entrée de l’embouchure : „ ce guide nous mena dans une Anfe pleine d’écueils ou de „ rochers, où noftre perte eftoit indubitables arrivant Iemoin- ,, dre gros temps, noftre Pilote le blafma fort ôz nous tira delà; „Nouseftantrendusà l’embouchure, ce meiîne guide nousen- ,, gagea de paffer par l’embouchure la plus difficile, ce qui fut ,, impoffible. „ Le lendemain il nous mena par une autre qui ne valloit ,, gueres mieux, où nous paflafines à peine ;& noftre batteau „ dans lequel il y avoit un matelot qui y avoit efté, entra dans ,,la grande embouchùrefans aucune difficulté. Il fallut moiiil- „ler ëz prendre de l’eau doueequi nous manquoit; apres quoy „nous allafmes au Paria, pour apprendre d’eux l’eftat du gol- „ phe; Et comme les Sauvages eftoient affemblez, afin de ne „les pas épouventer par la quantité de noftre monde, nous y ,, envoyafraes le batteau 6 z quinze hommes feulement, &z la ,, barque fut faire aiguade pour leretourner joindre deux iours „ apres j ce que nous fifmes , & trouvafmes lefdics Sauvages fort „ civils; ils eftoient deux cens hommes aftemblées pour faire ,,un vin, nous parlafmes à eux deux fois, & apprifmes de l’im ,, d’entre eux qu’il connoiflbit le Pere Mellan, &z qu’il eftoit ,, cinquante lieues par delà Saint Thomas dans une Nation de „ Sauvages fort peuplée , aymé d’eux, ëz à prefent ptefque nud. mx Ant-IJles de t Amérique. 485 s? il nous téiftoigna avoir grande affe&ion pour luy , nous dit j, quil luy avoir appris à connoiflre & prier Dieu, pria le R. P. „ Bojfleverd& Pellépratde defcendre à terre, & y dire IaMef- „fe, & nous offrie cftabliffement avec les Paria; ce quenous „ ne iugeafmes à propos, à caufe que noflre deffein eftoir dt ,,nous eftablir chez les Galibis d’Oüarabiche, & fans différer „nous mifmes à la voile pour chercher ladite riviere d’Oüara- „ biche. „ Nous nous trouvafmes furies fept heures du matin au droit „ de fou embouchûre; mais noffre guide qui voguoit devant „avec fou batteau, paffa fans y entrer &: nous mena fur un „banc de fable, où luy ôc nous demeurafmes efchoüez, A la „ haute mer ledit guide menale batteau dans une crique , qu’il „ dît cflre la riviere d’Oüarabiche, fi effroite qu’à peine y pou- ,, voit-il tourner, & y demeura échoüé , & nous ayant pris la bar- „que fufmes pareillement cchoüez à trois lieues de terre. En- ,, fin ceux du batteau voyant que nousprenions la barque pour ,, forcir de ces vazes, obligerentledit guide de nous fuivre;Sc „ apres avoir effé joints &; convaincu, ledit guide de perfidie „ou d’ignoranc0,nousdécouvrifmes les Ifles d’Orenoc &l’em- ?,bouchûre de la riviere d’Oüanaba, qui les divife de Terre- „ Ferme. „ Le guide nous affeura que c’cffoit Oüarabiche, nous nous „y rcndifmes & entrafmes dans ladite rivière , à rentrée de la- quelle nous trouvafmes des baffes, fur Iefquelles nous toù'chaf- ,,mes en defeendans, &: le batteau s’y échoiia. Nous entrafmes ,vdcux lieues avant, au bout dcfquelles il demeura confiant que „ ce n’efloitpoint Oürabiche : &c comme nous fortifmes les pre- :>, miersavec la barque, &: que le batteau Ce trouva à l’ébouchûre, ,,nous noustrouvafmesavancezen merde deuxou trois lieues ,,plus que noflre batteau ;& ayant moüillc pour l'attendre, il fut ,, abordé par fix pirogues d’Oyadesqui efloient bien deux cens „ hommes ; nos interprètes parlèrent à eux , & fe hazarderenc „ d’aller à leurs pirogues, & firent fi bien que leur Capitaine, qui „ efloit Aroüague, vint parler audit batteau, nous affeura que la „ riviere d’Oüarabiche efloit celle pardevant l’embouchure de Ia- ,, quelle nous avions paffé ; promirent de s’y rendre le lendemain, P pp iij 486 Ffiahlijfement des “François ?3& nous apporter du poiflon &: ce qu’ils pourroient avoir. Cs 3 ? qu iis firent & traitèrent avec nous, puis nous entrafines de corru jjpagnie &allafines jufqu’au carrefour d’une riviere qui vient de jiSttüoutjî, où nous moüillaimes, « Le lendemain nous connnuafmes noftre route dans la riviere jjd’Oüarabiche, & moüiliafmes le foir au carrefour qui divife 3, d avec la riviere des Saimagotes avec la barque, mais le guide » nous relia derrière avec le batteau au lieu de nous fuivre le long du grand canal , s alla mettre dans une crique , où ayant trouvé des Sauvages Arotes , ils fe mocquerent d’eux, & les remirent j, dans le canal pour nous joindre : nouslesattendifmes une nuit & le lendemain iufqu a dix heures i & commeleR. P. Pefléprat j, ne fe pût rcconnoiltrc , nous fifmes route dans la riviere des 33 Saymagotes, dontle canalelt de beaucoup plus grand , ôtallaf- „ mes tant que nous trouvafmes paffage libre, c’eft à dire, envi- >, ron vingtlieuës, apres Iefquelles nous ne trouvionsplus quedes 3, criques fi eftroites, que la barque ri y pouvoit palier àcaufe des 3, arbres où nos maftss’embaralïoient, &penfafmeslesy rompre3 35 pourquoy nous revinfm.es fur nos pas , & trouvafmes le batteau 3, qui avoitpaffé devant ledit carrefour, fans que le guide fere- 3, connut j nous retournafmes , & efiant rentrez dans ladite ri vie? 3,re deux cens pas elle fut reconnue par tous ceux qui y^avoient: 3, efté. » H.yaunepetite crique du collé du Sud, où il y a trois carbeîS 3, d’Arotes; où ayant envoyé un interprète avec l’efquif, il les 33 obligea de venir à bord. Nous convifmes avec eux pour nous 33 mener aux Galibis , ils promirent de le faire dans trois jours , ,3 en attendant nous apportèrent quelques viétüailles; mais au „ bput des trois jours ils changèrent de delTein , &: deux d’entre- 33 eux nous dirent que leur Capitaine leur avoir dit que nous 3, efiions fâchez ,c’eft à dire en delTein défaire guerre aux Sau- 3,vages, &: depuis nous ne vifmesplus nos gens: mais il nous vint 33 un vieil Arote& Ces enfans qui voulurent bien nous guider aux >3 Galibis, & nous montre r où on peut habiter ; on le prit au mot, ,3 & fur le champ il s’embarqua dans l’efquif. I’eftois allé au devant „dans un autre pour le mefme delTein, & pour reconnoillre la ri« 3, viere , & iufques où les terres efioient inondées s ie me trouva^ aux Ant-Ijles de l Amérique. 487 *>à la rencontre dudit Saunage, qui nous dit que noftre efquif »ne pouvoitpafter outre, ôcquc iufqu’à trois lieues plus haut »; toutes les terres eftoient noyées , de forte que nous vifmes l’im- v pojSibilité de nous y eftabhr , j oint qu’en abbattant un arbre au » travers delariyiere, onpouvoit,fcrmcrIe paffage tant elle eft ,, eftroite , & ainfi nos gens demeureroient à la mifericorde des „ Sauvages. » Nous nous trouvafmesen une eftrange extrémité , voyant » qu’en toutes les rivières il n’y a pas un pouce de terre habitable, j, tout y eftant noyé, 5c qu’il nenousreftoit du pain que pour 3> trois jours, ayant efté dans le voyage 5c dans tous les fufdits s, lieux prez de cinq Semaines : enfin nous communiquafines j> avec noftre Arote , qui nous promit de nous mener au lieu ou », nous fommes, 5c que nous y trouverions de belles terres 5c », de bonne eau. Nous prifmes ledit Arote, le gratifiafines tant wque nous pufines, en forte qu’il s’embarqua dans noftre bar- aque.. w Le lendemain nous defeendifines la ri viere ; 5c eftant proche „ de (on habitation , fa femme 5c fes enfans luy apportèrent 5c à >3 nous des vitüailles, mais témoignèrent à leur mine qu’ils „avoient peur pour fiperfonne. La nui& luy firent huiTer Tes „ hardes à bord pour le mieux obliger à retourner. Cependant ar- rivé qu’il fut à terre ,ilfe jettaà travers des racines deParétu- j, vier s, où les autres ne le pouvant fuivreil s’en fauvafans vou- j, loir répondre, quelques cris que l’on pût faire pour le rappelle^ ,, de forte qu’à noffre réveil nous n’eufmes pas matière de joye, „ 5c moy moins qu’aucun autre, parce que ie vis tout noftre mode ,, en refolution de s’en retourner aux Ifîes ; ie fus contraint, apres tout ce queie leur pus dire pour les faire changer d’ad vis, de „ m’emporter, 5c leur dire quec’eftoit une lâcheté infiipportable „ de laquelle ie n’eftois point capable, mais refolu de reconnoiftre „ toute la code , 5c de périr plûroft que de defemparer, à moins „ que j’euffe veu une impoffibilité toute entière de faire l’eftablik - 5, le menti' ’ „ Enfin ie.les fisrefoudre.de continuer à chercher la terre donc „noftre Arotenous avoir parlé, duquel iero’eftois mftruittant „quej’avoispû par lignes. Enfin Dieu nous fit la grâce qu ayant „ chafifé toute la nuid , nous nous trouvafmes le matin à 1 entrée ,, d’Oüanatigo, 5c dans la première marée nous noustrouvaimes „ dans une nouvelle difficulté à l’ embouchure d une autre rivière „ qui vient du S adoucit dans ladite riviere d’Oüanatigo. Enfin ,, ie fus d’avis que nous priffions à gauche, parce que ledit Sauva- ,, ge me l’avoit comme montré;&. Dieu nous affilia évidemment, ,,carnousy trouvafmes un canot d’ A rote s qui pefehoient ,auD „ quels ayant parlé & fait quelques prefents, ils nous donnè- rent de leur poilTon;& leur ayant demandé s’il n’y avoit point ,, de fontaines, 5c quelques courant d’eau douce, où nouspuffions „nousrafraifchir, ils nous conduifirent droit au lieu où 1 ancien- „ Arotenous vouloit mener, qui ell le heu où nous avons fait „ noftre eflrabliflemenr. „ C’ellun Morne qui eft une peninfule environnée d eau de >3.1, coilez:en haute marée il y a trois braffes deauiulquau pied du aux Ànt-IJle s de /’ Amérique, 489 sj-du Fort, & tous Vaiffeaux peuvent y monter, & s’attacher à «terre en deux endroits, & fe décharger avec une planche; « mais à baffe mer ils demeurent à fec fur la vafe, & ny a point « d’eau pourfloter plus prez dudit Fort que la portée du canon, ce « qui cil bien avantageux , &c. 3> l’ay laiffé un bon baftiment de trente pieds de long, & «dix-huid de large, palliffadéde pieds de Palmiffcs bienfîan- « qué, & dans lequel on fepeut bien défendre; quatre pièces «de canon & deux pierriers , & quatre-vingts Arquebufes ou «moufquets, y comprifes celles des volontaires, les lignes du w-Port tracées, un baffion commencé ,& plusde trois censpieds «de palmiffes coupez & portez à la place. I’ay laiffé nos gens « en parfaite intelligence avec les Arotes & Aroiiagues qui nous « ont donné toute lotte d’inftrudions;& ces deuxNations vivent ,,en une celle confiance avec nous, qu’il ne s’eff pafféaucun iour « qu’ils ne nous ayent apporté leur pcfche & leur chaffe,&ce qu’ils « ontpû faire de caffave avec les fruits & racines du pays, &c. « le luis party du Fort de Saint Anne le douzième Decem- sj brc 1656. nous n’avons pris que pour quinze iours de vivres, «afin de ne pas dégarnir nos gens, nous femmes allez droit à ,, Saint Chriftophe. 11 y arriva en effet, & y trouvale navire de la Compagnie qu’il fit partir pour la France , & apres fon départ il revint à la Martinique , d’où il fit promptement partir fa Barque ? avec le refte de fon monde, ôedes provifions dont ils avoient befoin. Le fixiéme iour de Février, le Capitaine la Bourlotce qui commandoit la barque de M. le General du Parquer, effant retourné de la Grenade, apporta la nouvelle affeurée de la dé- faite totale cle la Colonie Françoife effabiie à Oiianatigo. Mais le fieur de la Vigne n’en voulant rien croire, & attri- buant ce bruit à ceux qui avoient blafmé fon entreprife; il fut défabulé le dix-huiétiéme Mars enfui vant, par ccluy qui commandoit fa barque , qui en retourna, &luy apprit qu’il n’a- voit trouvé perfonneau Fort, que tout y effort démoli & rom- pu, & les canons abandonnés. Le fieur Ofmont effant retourné quelquei-temps apres à la L. Partie. “ Qqq 490 Efiablijfement des François Martinique dans le navire du Capitaine Grégoire, qui l’avoit pris au Kaymans , rendit compte de tout ce qu’il en fçavoit,éc dépofa iuridiquement devant M. de la V i gne de la maniéré dont £out s’efloit paffé. L’on apprit donc, par fa dépofitio,que quelques Semaines après le départ du fleur de laVi gne, ayant elle advertispar les Sauvages du quartier, du deflein qu’avoient les Efpagnols de venir atta- quer les François, ils furent obligez de fe tenir fur leurs gardes pendant la nuid, & qu’âpres plufieurs famTes allarmesque les ennemis leur donnèrent pour les furprçndre , n en ayant pu venir à bout ils fe retirèrent, mais qu’un vieil Sauvage qui efioit forti de grand matin , du Fort -, ayant dit à l’Interprete que les Efpagnols cftoient proches , & que fon bout de petun le Iuy nvoit dit, cette maniéré de parler ayant fait négliger fon avis, tout le monde fut au travail, & il ne demeura que dix hommes pour la garde du Fort. L’advis de ce Sauvage fe trouva pourtant véritable, car fut les neuf heures & demie du matin les Efpagnols attaquèrent le Fort, & mefme firent trois brefehes dans la palliffade , aupara- vant que les foldats qui citaient dehors peufTent rentrer ; ce com- bat dura plus d’une heure, &c les plus grands efforts fe firent dans le Fort mefme 5 d’où les ennemis furent pourtant chaffez par les nôtres,avec perte de 18 .dés-leurs,& foixante bleffez,dont la pluf- part font morts de leurs bleffures. Nous y perdifmes dix hom- mes, &: nous y en eufmes trente bleffez; tout le refie du jour fe paffa en efcarmouches , à la faveur defquelles les ennemis fe retirèrent avec leurs bleffez ■& leurs morts. Le combat fini, on trouva dans la poche d’un des ennemis, mort dans la palliffade : la lifte des Efpagnols combattans qui citait, au nombrede cinquantehommes,portans prefque tous, qualité d Of- ficiers, Iefquels eftoient fuivis de cinqàfix cens hommes, tant Mulâtres, Nègres, que Sauvages de pays éloigné, portant la barbe àl’Efpagnole , appeliez par les autres Sauvages Oü*y niqmres. Le lendemain matin les Sauvages du quartier vinrent an Fort pour offrir leur fervicc,S£ quelques-uns d entre-eux reflè- tent,.pour aider à reflablir la Palliffade, & en faire une dou- aux Ant-IJles de l* Amérique. 491 Mé aux endroits ncceffaires ; ce qu’ayant efié achevé en moins de huift jours, ds continuèrent d'apporter des vivres au Fort, & de traiter à i ordinaire. La Nation des Galibis y choit ve- nue un peu auparavant , & l’on avoit conclu avec eux touchant leur commerce : mais les Eipagnols pour détourner les Sauva- ges de l’inclination qu’ils avoient pour nous, les ayant fait me- nacer de revenir avec plus de force pour nous enlever , & de brûler tous leurs carbets , & de les taire enclaves s’ils continuoient de nous fréquenter &affiûers cette crainte les empefeha de re- venir au Fort. Alors le fieur de Saint Michel ayant dit à tout le monde qu’il avoit ad vis que la barque de la Compagnie avoit cftépri- fe, & qu’il n’y avoit point d’efperance d’avoir h- toil du fecoursi les volontaires luy prefenterent certaines requefics qu’il cor- rigea, & fit refaire à diverfes fois, jufqu’à ce que la requefte chant dreifée à fa fantaifie , il envoya de Café en Café la faire fgner aux foldats, difant publiquement qu’il ne la re- cevroit pas qu’elle ne fut fignée : dont quelques-uns fi- rent refus, jufqu’à ce que les RR. PP, lefuites l’eufienc fignée.. Les deux mois dans lefquels la barque devoit revenir & ap- porter du fecours, efians expirez, le fieur de Saine Michel fit préparer le batteau , le fit charger 2C partir du Fort le trêzié- mc Février; 6c parce qu’il ne pouvoir pas contenirtoutlemons de, il prit un canot que les Sauvages avoient prefié pour por- ter des pallifiadcs, dans lequel il embarqua douze hommes, de la traite pour les Sauvages, des munitions de guerre, deux quarts de farine, de la caifave & de la viande. Le batteau fut chargé de tout ce qu’il y avoit de refie dans le Fort, foit de vivres , foit de munitions , excepté les canons qu’ils laifi. fercnt fans les encloüer, ne voulant pas s’y arrefier, de peur d’efirc furpris par les Eipagnols , qu’ils croy oient fort pro- ches. Comme ils furent tous embarquez, le fieur de Saint Mi- chel déclara hautement qu’on ne luy pouvoitpas imputer cet- te retraite, quil n’en avoit pasefte F autheur ,& qu’à fon égard il eftoitprcft de refier avec quinze hommes, &fu figner un aéte dq cette déclaration.:. Ç)qq ij 49 t Eftahlijfement mes Frdnçots Eftant forty du Golphe, il fut obligé défaire jetter lapîufL part des chofes qu’il avoir fait mettre dans le batteau pour l’alleger, Le canot s’en efiant fcparé prit fa route vers rifle de Tabaco pour regagner le vent des Iiles, le batteau fut jufquà deux lieues fous le vent de la Grenade, qu’on auroit facile- ment gagnée à force de rames fi on avoir voulu, àcaufe d’un calme qui furprit; mais ayant perdu cette occafion, la brife s’eftant levée pouffa le batteau à vaut le vent, de forte que n’ayant pu gagner l’Ifle de Sainéte Croix, il arriva aux vaches proche de l’Xfle de Saint Domi ligue, où l’on prit de l’eau. On. propofa au fieur de Saint Michel d’aller au cul de fac de cette Xfie où il y a des François, ce qu’il ne voulut pas faire, mais fit tourner le cap vers la Iamaiquc droit à la Bande du Nord: cù eftant arrivé le Pilote y defcendit, mais le fieur de Saint Michel fans attendre fon retour, fit lever l’Anchre pour aller mouiller à deux lieues plus loin-, 8c comme l’Anchre fut mal jettée, 8c qu’on fila trop peu de cable. Ta brize jettale batteau à la colle , où apres avoir lauvé ce qui eftoic dedans il fut aban- donné, plufieurs fe perdirent dans les bois,&: les autres ayant continué leur chemin pendant cinq Semaines, fe trouvèrent à fept lieues delà, dans unAnce, où le Flibot du Capitaine Lortioche faifoit fes viandes, qui les receutdans fon bord,& les ramena aux Cayemans: où îe fieur Ofmont ayant trouvé le Capitaine Grégoire, de Dieppe , il fe mit fur fon navire qui le ramena à la Martinique.Le navire appelle le Soleil, du port de trois cens cinquante tonneaux monté detrente-fix pièces de canon, commandé par le Capitaine du Pré, y arriva aufii de Nantes le vingtième Iuin. La Compagnie l’avoit chargé de farines 8c de toutes les chofes neceffaires pour la conferva- tionde la Colonie, 8c donnoit advis au fieur de la Vigne d’un prompt embarquement, dans lequel la Pélagie leur porteroit le fieur de la Grange Fromenteau , Gouverneur de Saint Chriftophe en l’année mil fix cens trente -huiét , eftably Chef 8c Gouverneur General de la Colonie , avec quelques Aflbciez de la Compagnie , 8c plus de cent cinquante hom- mes. Cét advis n’empefcha pas pourtant le fieur de la Vigne de aux Ant-Ijles de T Amérique. 493 vendre toutes les farines te les provifions qu’on Iuy avoit en- voyées de France ;car au lieu de les garder pour entreprendre quelque nouvel eftabliffement, avec les hommes qu’il avoit te ceux qu’on luy de voit envoyer , il entreprit une fucrerie où il ht fortement travailler les hommes de la Compagnie, fi bien qu’on crût qu’il avoit quelque aifeurance fecrerte qu’on luy en apporterait en allez grande quantité pour la fubfiftance du monde qu’il attendoit. Mais 011 le vit bien furpris à l’arrivée de la Velagic , qui moüilla l’Ancre le quatrième Septembre au quartier delà Café Pilote. Monfieur de la Grange qui avoit -toujours confervê une forte inclination pour l’Amérique depuis fa fortie de Saint Chriftophe , venait dedans pour gouverner la Colonie avec Meilleurs d’Augeron, le Baron de Pont Cheuron Imbert, te quantité d’autres particuliers, qui avoient tous des hom- mes. Iamais on ne vit des gens plus eilpnncz que lors qu’ils apprirent que la Colonie avoir échoiié. L’on tint Confeil pour voir s'il y avoit lieu de faire une fécondé tentative, mais le fieur de la Vigne leur ayant dit qu’il n’avoit plus les vivres que la Compagnie luy avoit envoyées, dans la croyance quelle auroit receu les Lettres, par lefquellesil TavertiiToit de larui- ne de l’eftabliffement , ceux qui en avoient précifement pour leurs hommes, ne voulant pas les confier aux Commis de la Compagnie, qui les auraient indifféremment diftribuez à tout le monde, il fut reiolu de ne rien entreprendre d’avantage j cnfuite dequoy on déclara à tous ceux qui eftoient venus dans le navire, de fe pourvoir où ils pourraient, te qu’il n’y avoit plus à boire ny à manger pour eux. On peur iuger de leur cftonnementpar la différence des chofes qu’on leur a voit promifes en France, te de ce qu’ils trouvoient à la Martinique, Ion eût dit de gens tombez des nues, car les uns ayant cinq hommes, d’autres dix, quelques-uns vingt j quelques-uns mefrnes ayant tout vendu ce qu’ils avoient en France , pour en avoir pour travailler pour eux , pas unnefçavoit où fe retirer, ny où mettre fes gens te fon baga- ge. C ’eftoit en effet une chofe pitoyable , de voir des gens 4 dix-huid cens lieues de leurs pays , fans habitude, fans con- 494 Efiablijfement des Français noiftance , te qui ne trouvant point d’hoftellcrie pour allc£- difner, elioient dans la dernicre confternation , au milice, de la place , fans fçavoir où aller, ny ce qu’ils devieo- droient. Plus d’vn mois auparavant le départ du Vaiffeau de la Ri- vière de Nantes, les Seigneurs de la Compagnie te plufieurs particuliers de Paris, avaient eu divers advis de la déroute, de la Colonie, te de la dillïpation de letablifTement ; mais ils firent courir le bruit par tout, pour ne pas décourager leurs gens, que ces nouvelles eftoient vn artifice de M. le Comte de Cerillac;qui les faifoit débiter , afin que ceux qui eftoienc fur le point de s’embarquer , pxiflent party avec luy pour la Grenade, qui eftoit vn eftablilfement afieuré. Deux choisies empefeherent d’avouer la vérité de cesnouv velies. La première eftoit l’obligacion de rendre 3000 liures * à M. Daugeron, autant à M.le Baron de Pontchevron, te tout . l’argent qu’ils avoient touché de plufieurs particuliers, qui f® montoità des fournies confiderablcs, qu’il leur eût fallu ren* dre , puis quils i’avoient touché depuis la ruine de la Co-< Ionie. La fécondé eftoit laffront qu’ils rece vroient de ne pas poulfcr à. bout une entreprife pour laquelle il n’y avoir que 3 . mois qu’ilf , avoient obtenu desLettresPatentes de fa Majefté:car lur laLettr© du fieur de la Vigne , remplie d’vne infinité de belles choies qu’il difoit de ce pays, que je n’ay pas rapporté pour éviter la longueur, & dont on informa toute la France par des imprimez* la Compagnie foîlicita des Lettres Patentes, que le Roy luy ac^ corda au mois d’ Avril 1657. Bien que toute cette entreprife ait efté conduite fans juge*^ ment , & que depuis fon commencement jufqu’à fa déroute* l’on y ait fait des fautes tres-confiderables; j’en remarque pour-} tant cinq qui ont efté les principales caulês de fa ruine. La première , d'avoir eu delfein de faire- le rendez-vous à la Martinique , te d’y baftir des magazins.fans eftre alfeurés de M. du Parquet, Seigneur te Proprietaire de Fille, qui en agit fore civilement avec eux, mais qui auroit toutchalfé de fon îfte , Il géc éubljlTegiçnc eut lubfifcfxar en prévoyant les çonfequen^ -- aux-Ant-Ifles de l'Amérique. 495 •ces, il les diiïïmula avec adrefic , pour ne Ce pas faire ennemis les principaux auteurs de cette entreprife, qui n’y ont point paru,& que fort peu de perfonnes connoilfent. La fécondé faute, c’eft d’eftre partis de France fans fçavoir où aller. La troifiémc , de n avoir mené avec eux , ny Chirurgien , ny interprète de la lan- gue, ny guide qui fçeût la cofte , de la terre qu ils a voient delfein d’habiter. La quatrième , d’avoir fait vn très-long fejour à la Martinique , ou leurs engagez le débauchèrent , par les rap- ports qu’on leur fit des miferes de ce pays-là -, & par le travail qu’on leur y fit faire , qui elloit extrêmement rude, & fur le* quel ils jugèrent de celuy qu’ils auroient en Terre- Ferme. La dernierc, enfin, 8C la plus confiderable, eft d’avoir confié tou- te la Colonie à vn homme qu’ils ne tenoient qu’à gages , & qui n’y trouvant pas fon compte , ne manqua pas de tout aban- donner. Ainfi cette grande entreprife dont on difoit tant de ftierveilles en France , fe ruina , & il eft arrive a cette Compa- gnie Ephémère , ce qui arriva à la plufpart des autres. Car les Particuliers s’y font ruinez , les Afibciez ont tout perdu leur fond, les feuls Directeurs 6e les Commis s y font enrichis : car le ficur de la Vigne, avec les effets & les hommes de la Compagnie, s’eftant puifiamment eftabli à la Martinique, il y eut fait vne riche maifon , fi la mort n’euftpas interrompu le cours de Ces «çtefieins, 45 )6 Efiablijfement d.es François Ouragan furieux à la Guadeloupe , qui y eau fi la famine. ‘ Tremblement de terre d la GlfyCar^ Unique. Revoit e & fuite des Negres en lune, & en [autre } Accord avec les Sauvages. . ) CHAPITRE XIX. ’Eflabliflement & la ruïfie de la Colonie de la Terre-fermé nous ayant un peu détournez de la fuite de noftre Hiftoü re ; avant que d’en reprendre le fil , ie fuis obligé de dire icy deux ou trois chofes fort extraordinaires qui arrivèrent dans les Iflcs, avant la conclufion de la paix avec les Sauvages. La première , fut un Ouragan le plus épouventable qui fe foit iamais veu, &c qui auroit fait périr la Guadeloupe, fans le fecours qu’elle receut des autres Mes, & particulièrement de la Martinique, où cetre tempefte ne fut pas fi violante. En quinze mois la Guadeloupe en fouffrit trois, mais on eût dit que le dernier efloit deffiné pour achever de ruiner & deperdres ce que la violence des deux premiers avoir épargné. 11 commença par un broüiffement dans les bois , comme û on eut entendu de loin ,descharettesqui rouloientdes pierres. Ce bruit ayant duré l’efpace de trois heures, les tourbillons de vents, commencèrent fi violemment à fix heures du foir, qu’il eft impoffible d’exprimer leur, fureur, car l’on eût dit que toute l’Ifle alloit abyfmer. Les Forefts furent renverfées, les maifons abbatuës, & il n’y eût que celles qui eftoient bafties de pierres , qui furent épargnées , lefquelles neantmoms no- nobffant leurs fortes murailles ne biffèrent pas d’en eflre ébranlées. Apres ces tourbillons qui durèrent long-temps, le Ciel s’en- îreprit univerfelleinent 3 . changea de couleur, &: devint cm» brazd dUX Ant-IJles de l'Amérique. qny Èk azé , comme du fer qui fort de la fournaife ; on entendit un craquement continuel de tonnercs, les elclairs eftoient li fie- quens qu’on eftoit contraint de fermer les yeux , & de fc jetter le vifage contre terre, perfonne n‘en pouvant plus fouffrir 4 lueur importune. Sur les dix heures du foir le vent changea tout d’un coup ? & faifant fou tour vers la Baffe-terre de la Guadeloupe, il jetta à la cofte tous les navires qui eftoient à la rade, qui n’ayant paseule temps de gagner la haute mer, parce que ce vent a voittourné toutd’un coup, furent tous brifez fur les rocher st & la plufpart des matelots noyez. A quatre heures du matin le grand Ouragan commença, 5c en cinq ou fix heures de temps il fit des ravages fi horri- bles , que c’eff allez en exprimer la violence, que de dire, qu’il arracha prefque tous les arbres, à la refervede quelques gros ^cornas 5c de quelques Courbants , qui demeurèrent ébranchez comme; des mafts de navire : que la plus grande partie des oyfeaux, des poules communes 5c les poulets-d’indes furent tuez aulli bien que les autres animaux domeffiques, comme lapins, chiens & cochons, 5c que les Manyecs furent arrachez fur toutes les habitations, ce qui caufiunc grande famine dans la Guadeloupe. Apres ect Oüragan il demeura une certaine infedion dans l’air , qui engendra une telle quantité de chenilles, que la ter- re en eftoit toute couverte ; elles eftoient fi prodigieusement longues 5c grofies, que jamais on n’en a veu de pareilles dans l’Europe; elles broutoient les habitations en fi peu de temps 5c dune fi déplorable manière , qu’on eut crû que le feu y avoit paffé. M. Hoüel en écrivit en France le dix-huidiéms „Mars 1657. en ces termes. Le Oüragan ne nous a pas laifiTé ,,dequoy nourrir un homme, les vents extraordinaires Scbrû- *,lans, ont ruiné toutes les pièces de pois toutes entières , & fait ^mourir ce que les chenilles ne mangèrent pas ; fi les autres habitations avoient efté aufii mal traittées que la noftre , 4, il auroit fallu abandonner l’Ifle , faute d’avoir dequoy man- ager; à moins que de l’avoir veu , 011 ne le fçauroit croire. M. le General du Parquet permit à quantité d fiabitansdf I. Partie. RrÇ 49 8 Efiahlijf ment des François la Guadeloupe, de venir achepter les vivres dont ils ayoienè ■befoin, comme caffave, pois, fèves & viandes, &T à fes habi- tans d’en envoyer telle quantité qu’ils voudraient à leurs émis. Bien que la Martinique eût efté exempte de la fureur de 'fOüragan, dont.Ia Guadeloupe avoitefté fiépouventablement cnal-traittée , telle eut néanmoins auffifon fléau : car l’année fui- 'Vante elle fut agitée d’un tremblement de terre , que ie ne fçau- ïois mieux décrire qu’en donnant la Lettre que m’en écrivit le R. P.Feüillet, Religieux de noftre Ordre , qui y eftoitpour lors Millionnaire Apoftolique. ;”X70tls eufmesicy ces iours paffez un tremblement de ter- re, qui jetta une épouvante generale dans famé de nos -s,habitans; ie n’en fus failî que par les pitoyables cris dequan- •*,tité d’hommes, de femmes &: d’enfans de noftre fond, qui accoururent à noftre Chapelle; comme ie ne m’eftois îa- «5, mais trouvé dans ces occaftons , ie fouffris les premières vio- lences de ce tremblement de terre fans m’en appercevoir. En ,5, écrivant il mefembla que la tefte me tournoit , 8c que noftre café s’alloit renverfer fans deffus deffous ; cela recommençan t 3, quatre ou cinq differentes fois par diverfes reprifes, ie crus ^ que cela me venoit de quelque ébloüiffement, ie me jette 5, fur mon liéfc , mais la terre trembla fi fort que j’en tombé par terre; m’eftant relevé ie ne me pouvois tenir de bout, ie .5, chancellois de cofté & d’autre, comme font les yvrognes : ie m’apperceus pour lors qu’il yavoit en celaquelque chofedex- ,,traordinaire, principalement quand /entendis craquer tous „Ies pilliersde la café, 8r que ie vis les chevrons fe heurter les .^uns contre les autres ; eftanc feul /en fortis pour allerchez M. „ d’Orange noftre bon amy; en y allant /entendis les cris de -5, ceux qui avoient accouru à noftre Chapelle ; de loin qu’ils m’apperceurent ils me crièrent en pleurant que tout eftoit 3, perdu, que ce tremblement de terre alloit aby.fmer l’Ifle: ,, jufques-là ie n’avois pas eu peur, mais quandilsme parlèrent „ de tremblement de terre , & que ie vins à faire réflexion w aux agitations que j’en avois fouffert, &: qui recommençoient auxAnt-IJles de t Amérique. 499 l,de temps en temps par de rudes fecoufïes ;ie vous avoue mon „foiblc , j’eus auffi peur qu’eux. le les exhorcay à implorer la Milericorde de Dieu & à faire des aétes de condition. Pen- dant que nous chantions le Pfalme Mtferere met Deus, la ter* 3,re trembla fi fort, que nous fuîmes prefque tous renverfezi „nous pouffafmes un grand cry, croyant fermement quelle „s’alloit ouvrir pour nous engloutir, toute la Chapelle demeu^ „ra courbée &C penchante extraordinairement l’efpace d’un boni „demy quart-d’heure, qu’une autre fecoufTe auffi violente lare- ,,leva, ce fut la dernierejee tremblement dura bien deux bon* „nes heures. „ Tout eftant paffé,ie fus promptement à la Montagne, 0$ ,,tout clfoitencore dans une effrange conffernation ; M. leGo- „ neral du Parquet, qui n’efl pas un homme à s’effrayer, &qui „ en a bien veu d’autres depuis qu’il eft aux Ifles, m’avoiia qu'il „ n’en avoit jamais fouffert un fi rude; il efîoit couché fur ca „ petit liéf que vous avez veu dansfafalle, extraordinairement ,, tourmenté de fes gouttes , quand il s’apperceut de ce tremble- „ ment; il avoit bien la penfée de fe faire tranfporter ailleurs, ,, mais il n’eut pas le temps d’attendre que fes- gens fuffent à „luy, car une fecoufTe ébranfla fi puiffamment fon baftiment 3, de pierre de tailles, que croyant que les planchers alloient „ tomber fur luy pour l’écrafer, il s’enfuit feul nud en chemi- „ fe plus de cent pas dans fon jardin, fans fongerà fesgouttes „ny aux emplaffres dont il efloit couvert. Madame &: tou- „te fa. maifon le fuivit; il ne faifoit que rentrer quand /ar- rivé. „ Ce qui vous eftonnera -, c’efî: d’apprendre que ce tremble-; „mcnt n’a pas eff é moins rude à la Mer que fur la terre. Tous les Capitaines affeurerent M. le General en ma prefence,que „ leurs Vaiffeaux avoient fourfert d’effroyables fecouffes ; deux 3, laifferent leurs Anchres èc fe mirent à la voile pour gagner la ,, haute Mer, maisils n’en furent pasquittesà meilleur marché ,,, qucles autresjils fouffroient fous eux des boüillonnemensd’eau, „ qui fe retirant imperceptiblement de deffouseux, le navire „tomboittout d’uncoup avec un craquement de tous fesmeni- ^bres, comme s’ils euffeut fouffert une rude tempcfle. Rrr ij. 5 o o ' * Efiabüjf ment des T r an çoïs Sur la fin de Vannée 16^6. il fie fie un foûlevement desefcîa- ves de la Guadeloupe , qui fembloit d autant plus dangereux, qu’il fie faifoit par des gens qui combattoieiit pour leur liber- té, 5c que* M. Hoiiel qui avoit plus de confiance en fies cfcla- Ves, qu’en fies habitans,leur avoit appris à manier les armes, à tirer les fufils, ôc quecesefclaveseftoient en plus grand nom- bre que les habitans. Deux médians Negres, Fmi appelle Pedre, 5c l’autre lean !e Blanc , difpoferent de longue main & fort fecrettement. tous les Nègres d’Angoïc, à maffacrer tous les Maiftresde ca- fes , à garder leurs femmes, 5c à créer deux Roys de leur Nation dans l’Iflc, l’un à la Baffe-terre , & l’autre à la Cap- fterre. Le iour ayant efté pris, le rendez-vous fut donné à la cfer-' miere café de la Capfterre , pour commencer cette fanglan- te execution: neantmoins les Negres de la Baffe.terre, qui eftoient preique tous du Cap-verd , ne fe fiant pas tout à fait à ceux d’Angole ( avec Iefquels ils font en guerre perpétuelle en leur pays ) manquèrent de parole. Les autres pourtant fe trouvèrent à point nommé au rendez-vous, au nombre de qua- rante des plus déterminez j où ayant attendu ceux delà Baffe- rerre iufqu’au foir, comme ils virent qu’ils ne venoient point, Fimpatience les prie fi bien qu’ils commencèrent l’execution , fi- rent main baffe dans cette habitation quieftoit grande & plei- ne de monde, fe faifirent des armes qu’ils donnèrent aux plus adroits d’entre -eux ; 5c apres avoir mangé tout ce qu’il y avoit de meilleur en attendant leurs Compagnons, gagnèrent les bois. M de Boifferet qui eommandoit à la Capfterre en ayant eu avis , fit armer tout le quartier pour leur courir fus ; mais le Ser- gent qui fut commandé pour les pourfuivre , appelle la Berge- re, fut fort blâmé de s’eftre contenté de mener les habitans & les loldats^dans la café ouïe maffacre avoit efté commis, fans fe mettre en peine de pourfuivre ces fuïars , dans les bois où ils s’eftoient retirez. Pendant douze ou quinze iours ces efclaves fugitifs firent des courfes le long des habitations, pillant tout ce qu’ils pou- mx Ant-ljles de T Amérique. joî ÿôicnt attraper, tuant tous les François qui tomboient entre leurs mains, &: menaçant de mettretoute I’Ifle à feu & àfang. La confternation fut fi grande, qu’on ne fçavoit quelle voye prendre pour les ranger à leur devoir, chacun craignoit la pre- mière furie de ces defefperez; mais un Gentil-homme Valon, nommé Defpinay, s’eftant offert de les attaquer , & fa proposi- tion ayant eftéreceué , ilchoifit vingt hommes dont la valeur & la refolution Iuy eftoient connues, &c quelques efclaves Bre- filienspour porter les vivres ;il en prit un entre-autres, dont l’odorat eftoit fi fubtil qu’il diffinguoit le veffige d’im Negre d’un François en fentant la terre fur laquelle ils a voient mar- ché. Les Negres Maronsfe doutant bien qu’on ne tarderoit gue- res à faire un effort pour les combattre, avoient déjà pris la route des Montagnes pour n’eftre pasfurpris, de pour aller à la Salle-terre joindre les autres Negres & les faire révolter, cfperans que ceux qui n’avoient ofé fe déclarer, les voyant unis pour une caufc commune , embrafleroient leur party , &: for- meroient tous enfemble un gros allez puiffantpour executerce qu’ils avoient conclu. Mais le Negre Brefilien les ayant éventés, & ayant reconnu leur route : M. Defpinay Iesfuivit défi prez, qu’ils euffentefté furprisSe chargezfans pouvoir fe reconnoiftre fiun Frâçois ayant marché fur une branche féche, cette branche s’eftant rompue fous Les pieds n’eut fait un bruit qui fit découvrir nos gens. Iean le Blanc qui devoit effre Roy à la Capfferre , ayant enten- du ce bruit, fit faire halte à tousces révoltez : mais comme il commençoit à les encourager, M. Defpinay ayant couru -bruf- que ment à eux avec tout fon monde, criant tuë tuë ; il fit fai- re une décharge fi à propos tout au travers de ces mal-heureux, que penfant avoir tous les habitans fur les bras , ils s’enfuirent &: s’écartèrent fi bien que iamais depuis ils ne fe purent rejoindre. On ne prit pourtant pour lors qu’un homme, huiét femmes, & trois en fans ; cette déroute neantmoins relevant le courage des habitans, ils leur firent de temps en temps fi bien la chafié que prcfquc tous furent pris, les deux Roys prétendus furent écar- Jctcz, quelques-uns furent rompus tous vifs, d’autre pendus, R rr iij 5©2» Ejlablijfement des François & pour les plus jeunes on fe contenta de leur couper les oreilles 5s de les bjen foüetter. M. Hoüel fit payer à tous les fiabitans les Negres qu’on exécuta, afin que les particuliers à qui ils appar* tenoient n’en fouffrilTent pas-toute la perte. Si les habitans de la Martinique ne furent pas atraquez par ' leurs Negres à force, ouverte, leur fuite neieur fut pas moins dommageable^ car dans le temps que les révoltez cle la Gua- deloupe faifoient des outrages à leurs Mailires, mafiacroienc impitoyablement ceux qui tomboient entre leurs mains, ceux de la Martinique s’enfuyoïent les uns apres les autres, & lors qu’on y penfoit le moins, un. mary revenoit quérir la femme & une femme fon enfant un mois apres fa fuite , & il ne fe trou-» voit prefque point de Café ou l’on- n’eut fait quelque perte de Negre. L’affii&ion en elioit commune, ôc la perte particulière* les fugitifs venoient la nuit furtivement débaucher ceux qui clioient reliez, &: tous fe redroient chez les Sauvages, quiles recevoienc bien d’abord., maisqnipeu de temps apres les alloiens vendre aux Ifles Efpagnols, fi bien qu’on elioit hors d’elperan=* ce de les avoir. Le vingt-neufiéme Novembre, comme l’on eue reconnu fur les Mornes dumoüillage une conlpiratiô de plufieurs Negrcsqui vouloient s’enfuir, lefieur Chevrolier enmit quatre des liens aux fers , les autres habkans en firent de mefine; mais avec tout cela on elioit fort en peine d’apporter quelque reme- de à ce mal , qui comme un chancre gagnoit les parties les plus fai-’ nés, c’elià dire, les Negres les plus fidèles ; &Ics rigueurs ne fer- voient qu’à ksirriter d’avantage & les obliger àfuivreleurs Com* pa gnons,. S i-toli pourtant qu’on feeut qu’ils fe retiroient à la Caplterr» avec les Sauvages, on commanda 25. hommes pour y aller, !el- quels eltans retournez le mefme iour , donnèrent advis qu’ils avoient découvert un chemin fort, fpackux par la Montagne Pelée. M. du Parquet y envoya le premier Décembre enfuir vant un nommé BeaufoleiL, avec plufieurs foldats qui furent iufqu’aux carbets des Sauvages, fans y rencontrer aucun Ne- gre. Eliant retournez, M. le General y renvoya dans fa Barque la fieur de la Fontaine Héron Capitaine de fes Gardes , avec le iieiir d’Qrange & quelques-autres volontaires, pour apprendra aux Ânt-îjles de TAmeriqué. 50$ des Sauvages le lieu ou elloient les Negres , mais ils répondirent qu’ilsnelesavoient pas veus. Les Sauvages fc fer virent quelque-temps apres de ces Ne- îgres pour recommencer leurs irruptions. Ils les armèrent de flèches &c de boutous ; &c afin qu’ils ne fuffent pas reconnus, ils les rocoüerent comme eux, les Negres mar choient toûj ours les premiers comme les plus hardis, le flambeau en une main pour brûler les Cafés, &Ie boutou de l’autre pour aflommer ceux qui viendraient à la rencontre; ce defordre dura prezd’unan, ■6c ils furent jufqu’à ce point d’infolence que devenir forcer les dafes en plein iour: ayant paru midyle vingt-neufiéme Aoufl: de l’année 1657 . fur le Morne de Riflet, avec les N egres rocoiiez,iIs brûlèrent plufleurs Cafés, & tuerent quelques perfonnes à coups de flêchesrmais l’alarme ayant eftéaufli-toft donnée au Fort & au Carbet, on y courut de toutes parts; mais quoy que les Offi- ciers fuffent à la telle des habitans, pour les repouffer, on ne pût empêcher que deux Negres qui appartenoientau fleur de la Planche, n’entraflent dans fa Café , &que pour fevanger des mauvais traitemens qu’ils en avoient reeeu,ilsne letuaffentà coups de ferpes. On remarqua une grande fidelité dans les Negres du fleur d’Orange, car ils fe battirent comme desLyons contre les fu- gitifs Sc les Sauvages, & quelques promeffes qu’ils leurspuflent faire, jamais ils ne leur pûrent faire quitter fa Café , qu’ils leur empêchèrent de brûler. Cette fuite des Negres dura prez de deux ans , jufqu’à ce que les François voyant bien qu’ils n’en pourraient jamais confer- ver tandis que les Sauvagesleur donneraient retraite , ouleurs prêteraient leurs pirogues pours’en aller ailleurs, chaflerent ab- solument tous les Sauvages de la Capfterre, comme iediray en -fon lieu. Les Sauvages pourtant ennuyez de laguerre,demandcrentla paix,& le dix-huiéliéme Octobre il en vint une pirogue, dans la- quelle eftoit un des plus conflderez d’entre-eux appelle Nicolas. Ilfutfuiuy de quantité d’aurres,fiirla parole du R. P. Desjansle- fuite , qui les avoit affeurez qu’ils feraient lesbiens venus , & que Jes François n’effoient plus fâchez contre- eux. M. le General du 5^4 Efiablijf ornent des François Parquet fe fit apporter au Fort dans un lid de coton par feS Nègres, tout malade qu’il eftoit, les receut avec joye, leur fit beaucoup de carefies , leur donna quantité de prefens» fçavoir Haches , Toiles , Couteaux , & Raflade , apre$ quoy ayant laifîe un petit Sauvage en oftage , & pris en fa place un petit François , ils s’en retournèrent le mefmç iour. Dez le lendemain plufieurs habitans furent à la Capfterre, avec la mefme liberté que fi l’on n’eut jamais efté en guerre avec eux; & le fieur d’Orange, qui eftoit l’homme du mon- de qu’ils redoutoientleplus, &c qui les avoit le plus pouffez, alla boire & manger en leurs carbets, & l’on obtint d’eux qu’ils ne recevroient plus les Nègres Marons : depuis quoy ces Nègres nç s’enfuirent plus fi fréquemment qu auparavant». JM. le Comte de Cérillac fait aehepter U Grenftii a dtjfem de s’y efiabUr. CHAPITRE XX, DEz l’année 1&55. M. de Cérillac m’eftoit venu trouve#* fans me dire ny fôn nom, ny (a qualité, & ra’avoit propofé fon defiein pour l’Amérique, fous le nom d’u- ne tierce perfonne de fes amis, qui avoit pris la refolution de s’y eftablir ; ce defiein me parut fi extraordinaire & fi fin-prenant* que bien loin de l’y engager, ie l’en deftournay autantqu’il me fut pofiible. Mais un de fes amis, qui m’eftoit aufii très- intime, fayant trouvé inflexible , dans fa refolution , me pria inftamment dç l’aiïifter dans ceftc entreprife. le me Iaifle gagner un peu trop facilement à fon or- dinaire, & à fa priere j’entrepris de le fervir & de faire tout mon pofiible pour faire rciiflir un defiein fi périlleux. Dans h COililojifiance que j’avois des diflieuîtez effroyables qui fc ren- contrent aux AntAJles de l'Amer} que. 50 ^ contrent dans les Eftabliffemens de nouvelles Colonies dans des terres inhabitées, qu’il faudroit défricher, dont les pre- miers Entrepreneurs fe ruinent ordinairement, ou n’ont pas aflez etc vie pour goûter avec plaifir le fruid de leurs travaux: ie luy confeillay d’acheptcr une terre déjà habitée, & où Ion eut déjà efiuyé toutes ces cufficultez; afin que d’abord il n’eut qu’à la faire valoir , peur en tirer dez la première année une partis des dépends qu’il luy faudroit faire pour l’achapt, & pour rem- barquement. ie jettay les yeux fur l’ifle de la Grenade, com- me fur la meilleure de toutes celles dont on pouvoit traitter en ce temps-là ; il agréa cette propofition , & me pria d’aller fur les lieux avec un Gentil-homme de ces quartiers, auquel il donneroit Procuration pour en traiter avec M. le General du Parquet qui en cfiroit Proprietaire, apres que nous l’aurions veuë, que nous en aurions examiné la nature & ce qui en dépendoit. Mon voyage a la Martinique 3 les hasards que je courus . §• 1. IL femble qu ayant deffein de parler de mes voyages au;? Ifles, &: de mes retours en France , dans la fécondé Partie de cette Hiftoire, ie mette icy hors de propos, celuy que ie fis pour M. le Comte de Cérillac; non- feulement parce qu’il eff pollerieur aux autres, mais auiïi parce qu’il femble que tous ces voyages fa fient partie de l’Hiftoire naturelle. C’eftoit de vray mon deffein; mais ce dernier voyage enfermant certaines avantures, fi particulières à mon H iftoire , qu’elles en font in- fcparables , cela m’oblige abfolument d’en faire icy le récit, & de tout ce qui m’y efi: arrivé. M. de Cérillac m’avoit bien adverti plufieurs fois qu’il ïencontroit ordinairement d’horribles difficultez dans toutes fes entreprifes ; mais qu’il ne laiffoit pas en fe roidifiant con. rre ^ de les furmonter & d’en venir à bout. le commençayde I. Partie. Sff 5 o 6 'Eftablijf ? ment des François - - l’experimenter dez la France -, car eftant arrivé à Nante'L pour m’embarquer, le navire du Capitaine Robillard , dans le- quel le devois paffer, fut enlevé en plein midy par des fréga- tes de Dunkerque, qui entrèrent dans la riviere & le -prirent à la barbe de tous leshabitans de Saint Lazare, de forte qu’il fallut attendre quatre ou cinq mois jufqu’à ce qu’un autrena- pire fut preft. M. de. Cérillac avoir donné fa Procuration à un fort brave iGentil-homme du Maine nommé des Marets,qui avoir quitté une Compagnie dans le Régiment de Borglio,pour le fervir dans cette occafion: & luy avoir affocié pour Compagnon de Ion voyage & pour eftre fubrogéenfaplace en cas de mort, tin nommé Meline. Nous nous embarquafmestous trois dans tin grand navire que Monfieur Gaffant avoit frété; le Capi- taine & tout l’équipage eftoit Holandois, fur qui les Anglois payant point droit de reprefailles, l’on a crû que nous effions vendus avant que de fortir de la riviere de Nantes, puifqu’en cftans partis l’onzième Iuillet, le douzième nous fufmes pris par une fregate d’AngIeterre,& menez prifonniers à Plimout. V n Pilote de Dieppe, Huguenot, m’accufa d’avoir animé quelques Gentils-homes à fe foule ver côtre ceux qui nous a voient pris, St rnefmede leur avoir donné des bayonnettes & à d’autres jeunes gens du navire, pour poignarderles Anglois. Sur cette fauffe accufation, ie fus interrogé plus de deux heures fur la felccte» Zc onne parloit de rien moins que de me faire pendre ;neant- •înoins mon innocence ayant efté reconnue , iefus envoyé dans un Hofpital, où on retiroir les matelots bleffez. Iy demeu- ray fix Semaines en attendant que les recommendations de mes amis de France m’obtinffent la liberté ,& me fiffent rendre tout ce que les Anglois m’avoient volé , &: qui fe montoit en Calice, Ciboire, Ornemens d’Eglifes; Livres autres choies neceffai- res à nos Millions , à plus de quinze cens livres. M. le Duc d’Elbeuf à la priere de mon frere, eut la bonté d’écrire à M. le Prefident de Bordeaux Ambaffadeur de France; qui a la eonfideration de ce genereux Prince, obtint des Lettres Pa- tentes de Milord Protecteur , pour me faire rendre tout ce qu’on m avoit pris ; mais comme l’on ne fçait ce que c’eff que de rendre aux An t-JJle s de l' Amérique. 507 erace pays-là, mes voleurs voyant que j’eftois las d’un fi ennuyeux fe;our,& preft à tout abandonner, retinrent lesLettres& n’en par- lèrent qu’a'pres mon départ. M. de Cérillac au lieu de fe rebuter de ce fâcheux accident, fit bien voir qu’il elloit accoutumé à faire des efforts genereux contre tous les obfiaclesquis’oppofoient à fesdefiems, il n’at- tendit pas queie le confolafie > il me confolaluy-mefmc , &me pria d’entreprendre un fécond voyage dans la Compagnie da M. de Maubray fon amy, capable d’une négociation de cette importance. Le R. P. Iean-Baptifte Feuillet, Religieux de nô- tre Ordre, Millionnaire Apoftolique dans les Ifics, qui s’y en retournoir, pour foûtenir l’eftablifiemcnt que le R. P.Ieandc Boulongue avoir fait depuis un an& demy à la Martinique, m’y accompagna. . * Nous prifmes la route de Holandc pour n’eftre plus ex^ polez aux pirateries cruelles des Anglois : & apres un fe- jour de fix Semaines , nous partifmes du Texel au commen- cement du mois de Iuillet. Par un nouveau mal-heur nous fufmes douze Semaines en chemin ( ce qui efi: fort extraordi- naire ) & fufmes contraints par les mauvais temps de relâcher deux fois en Angleterre: fi bien que nous n’arrivafmes à la Martinique que le 28. Septembre mil fix cens cinquante- fix 5 ie lailfe à parler de l’achapt que Monfieur de Maubray & moy fîfines de la Grenade, dans la Lettre que j’écrivis de Zelande à Monfieur de Cérillac, pour l’informer de tout ce que nous avions fait aux I fies pour fon fervice , pour m’ar- refter à un combat que nous eufmes contre les Sauvages en allant à Saint Chnfiophe’, dans la barque de Monfieur le General du Parquet , chercher un Navire pour retourner en France. jo 8 Ejlahlijfement des Fr an fois Combat contre les Sauvages. Mon retour en France avec Ai. de Aiaubraj . §. ïi. L . CEs barbares à la perfuafio'h d’un vieil Sauvage, qui avoir appartenu, à Mademoifelie delà Montagne , & qui precen - doit en avoir receu quelque déplaiflr, avoienc fait une entre - prife fur fille de Saint Barthélémy , dans laquelle il leur fervy de guide & les conduiflt de Café en Café ,où ils maïTacrerent feize perfonnes , & en blellerent plufieurs à coups de flèches; delà ils furent à l’Iflede f Anguille habitée parles Anglois, où ils tuerent prefque tous les hommes , pillèrent & bridèrent les Cafés, fe refervant lesfemmes 5c les Ailes pour en faire des efcîa- yes , & pour en abufer. Nous ne fongions gueres ny à cette entreprife des Sauva- ges, ny à les rencontrer, lors que nous nous miflnes dans la barque de M. du Parquet pour aller à Saint Chriftophe, dans Pefperance d’y trouver quelque Navire preft à faire voile pour France ou pour Holande ; outre l’équipage de cette barque, dont les matelots eftoient tous bonslbldats; nous avions le fleur de la Fontaine Héron Capitaine de fes Gardes, & le R. P. Bou- longne qui avoitaffaire à Saint Chriflophe. Cettebarque efloit montée de deux canons, & de deux pierriers; mais elle efloit fl embaraffee par la quantité des rafraifehiflemens, que la gene- rofité de M. duParquet y avoit fait embarquer, qu’elle efloit fort peu en eftat de combattre : aufli ne fongeoit-on gueres à s’y préparer ; car outre que nous ignorions finfulte des Sauva- ges, il y avoit peu de fujet de les appréhender , proche de Saint Chriflophe au milieu de trois Ifles remplies d’Anglois , leurs plus grands ennemis , & dans le paflage de tous les navires , aufli ie ne crois pas que depuis vingt ans les Sauvages eu lient paru dans I’eftat auquel nous les trouvafmes. Nouspartifmes donc delà Martinique le fiziéme Novembre, & le hmétiéme à la pointe du iour nous eulmes comme un pre~ aux tAnt-IJles de P Amérique . 509 fage de ce qui nous devoir arriver; ce fut un Mecheore qui s en- flamma vers la ponpe dé noftre barque , & qui paflant avec grand bruit à la hauteur de nos mafts , comme un dragon de feu , s’alla diffiper & fe perdre vers le lieu où les Sauvages parurent un quart-d’heure apres. le les apperceus le premier au nombre de neuf pirogues, qui ne paroifloient de loin que comme des morceaux de bois ilottansjfur l’eau ; j’en advertis le Capitaine la BourIotte,quime dit apres les avoir confiderées ; monPere, finous eftions autre part, ie croirois que ce feroit une armée de Sauvages, qui iroient à quelque expédition ; mais un moment apres les ayant veu revirer , il s’écria pare pare le canon, ce font des Sauvages. Comme ils eftoient encore à une grande lieue de nous , nous euf- mes le temps de nous préparer au combat, 5e défaire quelques prières ferventes 5e courtes. La principale des pirogues biffant les huiét autres à quartier, vint hardiment nous reconnoiltre. Noftre Capitaine fit ce qu’il pût pour la prendre de travers 5e palier pardeffus, maisilsef- quiverent adroitement le coup, 5e fe tinrent toujours cap à cap de noftre barque. Nous avions fait braquer le canon pour pren- dre la pirogue de bout en bout , 6e il fut chargé d’un gros boulet, d’une chaifne de fer, de deux lacs de mitrailles 6 e de balles de moufquet. La moitié des Sauvages delà pirogue ra- rnoit , tous les autres tenoient chacun deux fl èches dans la cor- de de l’arc preftes à décocher ; comme ils furent à vingt pas de nous, ils firent de grands cris 5e de grandes huées en venantfur nous pour nous attaquer; mais comme nous allions à eux vent derrière, la grande voile denoftre maftdel’avantnouscouvroit fi bien , qu’ils ne prirent faire leur décharge fur nous ; 5e noftre Canonier les voyant proches, prit fi bien fon temps, 5e mit îe feu fi à propos à fon canon, que le coup emporta plus de la moitié des Sauvages; 6c fi l’arricredela pirogue n’eut baiffé,il n’en feroit pas échapéun feul. Il y en eutplus de vingt de tuez de ce coup, dont la Mer devint toute fanglante autour de noftre barque, 5e la pirogue fut fendue 5e toute remplie d’eau : elle ne Iaiffi pas pourtant de s’accofter de la barque ;5 e ccuxqui eftoient léchapcz de ce coup nous voyant à découvert, tirèrent quan- > Sffiij 5îo Ejlablijfement des François rite de flèches, qui bîefferent deux de nos foldats , lun au doigt, qui en fut quitte pour le perdre le lendemain, & l’au- tre à ia.cuifle, qui en mourut à la Martinique quelques iours ap; es.. Nos deux Capitaines & nos foldats firent leur décharge parce qu'ils tiroient leurs fuflls de fort prez, il n’y eut prefque point de coup qui 11e portât & qui ne tuât un Sauvage: des fuïïî$ on vint aux piftolets, dont les coups ne furent pas moins heu- reux. Pendant qu’on fe battoit vaillamment de part & d’autre;, vn vieil Capitaine Sauvage* voyant M. de Maubray fur bar- rière, luy tira un coup de flêcheavec tant de violence, quel- le cafla la clochette de la barque , fans laquelle il auroit eflé tué , mais il ne le porta loin : car fur le champ, M. de Maubray luy tira un coup de fufil dans le coflé , qui le perça de part en parti & le voulant achever avecfon piftolet, le Sauvage efqub va & fè jetta à la mer avec fon arc & fes flèches, où tous les autres , bien que bleflez , ne Iaiflerent pas de le fui- vre. Si-tofl: qu’ils furent à la mer nous tâchafmesde fauver quel- ques prifonnierS ’ qui eftôient dans la Pirogue , nous en tirafmeS aifément deux jeunes François; mais nous eftans mis eneftat d’en retirer une fille Angloife, une vieille Sauvage la mordit â l’épaule, & luy enleva autant de chair, que fa bouche en avoit pu mordre; mais en mefme temps un Sauvage Chreftien que nous avions dans noftre barque, & enncmy iuré de ceuxdefa . Nation, luy porta un coup de demy pique dans le col qui luy fit lâcher prife : cette bleflure pourtant n’empefcha pas qu’elle nefejettât derechcffur elle , &>ne la mordit une fécondé fois à la fefie, auparavant que nous 1’eulïions tirée delà pirogue, dans laquelle un Nègre à quinofire coup decanonavoit coupé les deux jambes , refufa la main qu’on luy prefenta pour le fauver; puis s’eftant levé fur le. bord delà pirogue, il fe jetta la telle devant dans la Mer ; mais fes pieds n’eftant pas enco- re tour â fait feparez de fes jambes, il demeura acroché avec fesos,&fe noya miferabiement. L’on fit aulîi tout ce que l’on pût pour fauver une jeune Damoifelle Angloife, qui efloit la IdaifirelTe de cette fille qu’on avoit tirée dans la barque,- mais . aux Ànt-JJle s de ï 'Amérique. yn la pirogue s’eflant feparée de la barque, nous la vifhiCS quel- que-temps fur un coffre qui nous tendoitles mains; mais com- me nous allions à elle le coffre tourna, &nous ne la revifmes plus. Pendant que nous eflions occupez à fauver ces pauvres mi- ièrables, noftre vieil Capitaine Sauvage tout bleffé qu’il efloit vint à nous, ôc Portant .à demy corps hors de l’eau comme un [Triton, tenant deux flèches dans la corde defonarc, les tira 'dans la barque , & fe plongea en mefine temps dans l’eau ; il revint ainfî genereufement cinq fois à la charge, & les forces luy manquant plûtofl que le courage, nous le vifmes renverfer & couler à fond; un autre vieillard, qui s’eftoit tenu au gou- vernail de la barque , ayant lâché prife , fe mit à crier & à nous prier qu’on ne le tuât pas, j’en prié inftamment le Capitaine laBourlote,quipour me contenter luy jetta un bout de corde, mais fi loin qu’il ne la pût attraper; ôc voyant qu’il faifoittous fes efforts pour regagner la barque , il luy tira un coup de mous- queton dans le vifage, qui le fit couler à fond. Au commen- cement du combat j’avois veu un petit Sauvage fur l’eau, qui ne- pouvoir avoir que deux ans,remuansfes petites mains, mais il fut impoffible de le fauver. Si les huiét autres Pirogues fuffent venues à nous avec la tnefme réfolution que ceux-cy , nous y ferions infailliblement demeurez; mais ayant veu le feu que nous avions fait fur la première, & s’appercevant que nous allions à eux à toutes voi- les, ils prirent l’épouvante; & ayant gagné le vent à force de rames, fe fauverent en une petite Ifle appelle e la Rotonde. Quin- ze ou vingt Sauvages qui s’efloient jettez à la mer tous blef- fez, s’y retirèrent auflî apres avoir demeuré fur l’eau, les uns iufqu’au foir , & les autres iufqu’au lendemain. La vieille Sau- vage qui avoir receu un coup de picque dans le col, &un au- tre au deffous de la mammelle,s’y fauva aufli à la nâge; & la première chofe quelle y fit pour contenter fa vengeance & fa rage, ce fut de prendre un petit François âgé de douze ans, de le lier par le milieu du corps , &: de le traifner le long de la colle parmyles rochers ,iulqu’à ce qu’il mourût dans cetour- faent. 5n Ejlablijfement des François Le Capitaine la Bourfotte qui a toujours efté l’ennemy irré- conciliable de cette Nation, voyant tant de pirogues échaper de fes mains, penfa rompre Tes mafts à force de porter fes voiles trop prez du vent, pour en gagner le deffus ; mais les Sauvages firent de fi prodigieux efforts de rames qu’ils en furent les ma litres, non pas pour combattre , mais pour fe fauver. Deux heures apres ce combat nous arrivafmes à Saint Chriflophe, ou nous apprîmes à M. de Poincy l’irruption des Sauvages à Saint Barthé- lémy, & le détail de noftre combat avec eux. Monfîeur. le General y envoya aufïi - toft une chalou- pe qui rapporta ceux qui s’efloient fauvez de ce maffacre, en- tre lefquels il y en avoir plufieurs de bleffez, defquels j’en vis penfer un qui avoit un coup de flèche furie derrière de la tefte, dont le venin s’cfloit coulé fur los , tout autour du crâne. Le fleur deMénigant, Chirurgien de Monfîeur de Poincy, luy fit une incifîon depuis la nucque du col îufqu’au front, & une fé- conde depuis une oreille iufquesà l’autre, de forte que les qua- tre coftezde fa tefte luy pendoient comme des oreilles de bar- bet; ie le confeffay , & deux iours apres qu’il eut efté penfé, il devint fourd, iele laiffay pourtant en affez bonne difpofition, mais ie ne lçais s’il mourut depuis mon départ. Les flèches des Sauvages ayant efté trouvées armées defer3 nouvellement forgées dans quelque Ifle Françoife, cela fâcha fi fort M. de Poincy, qu’il me dit en colere; mon Pere, ie fuis fort tenté de rendre la charité àceluy qui me l’a preftée , parlant de M. Hoiiel, comme il me l’expliqua dans la fuitede fondif- cours; M. H oüei pourtant qui s’entretenoit toujours en paix avecles Sauvages, retira d’eux quelques femmes & dix ou douze- petits enfans, qu’il renvoya à M. de Poincy. le laiffay à mon départ, les 1 fies en affez bon eftat, les ha bi- lans commençoient à réparer les dommages que l’Ouragan leur avoit fair,&le commerce s’y reftabliffoitcomme auparavant. La feule îfle de Sainéte Croix eftoit fort décriée , & tenue pour fi mal- faine, que perfonnen’y vouloit aller; ie confeffay à Saint Chnftophe un jeune Gentil-homme appcllé M. de Vancé, un peu avant fa mort;iIme tira les larmes des yeux en me racon- tant l’eftat pitoyable des habitans de cette Ifle; il y avoit efté ‘ Par aux Ant-IJles de î Amérique. 513 par pure complaifance pour obliger M. de Poincy pour animer les autres a y aller à fon exemple. Apres donc que nous eufmes demeuré fept ou huiét iours à Saint Chnftophe, nous nous embarquafmcs dans le navire du Capitaine Linccur; &c apres un voyage a/fez heureux, nous arriva fm es à Flefingue, d’où l’écrivispromptcment cette Let- tre à M. de Cérillac, pour luy rendre un compte exact de tour ce que nous avions fait. PVl ON S I E V R > 3, Voicy le temps qu’apres tant de dépenfes fans avancer af- faires, tant de peines fouffertes par nos amis, tant de périls fvitez, & tant d’obffacles furmontez, vous elfes arrivé au ter- mine &i à l’accompliffemenr de vos defirs, nous avons faittout „ ce que vous avez fouhaité , nous avons parcouru & veu fort ,, exactement toutes les Illes, & nous nous fommes informés avec „des foins incroyables de toutes les perfonnes les plusfinceres3 „ les moins fufpe des & les plus expérimentées de tous les lieux ,,où nous avons paffé; ôc apres tout cela, nous avons effé obli- gez de nous attacher au premier confeil que îe vousay don- „né, &. M. de Maubray a elté contraint d’avoiier que dans „ toute l’Amérique il n’y avoit prefentement rien de plus aC feulé, de plus utile, & dont Ton pût plus efpcrer, que de l'af- faire que nous avons contractée; fi bien qu’ayant refoju en- ,,tre nous deux, de nous en retourner fans rien faire, ou de „ traiter pour la Grenade; nous avons adroitement fait fonder „M. du Parquet, & apres avoir connu qu’il effoit en quelque ,, rcfoîution de vendre la Grenade, nous nous y fommes tranf. „ portez, Sc l’avons prefque vifitée par tout, aulTi bien que les ,, autres Grenadins, mais particulièrement Kayrioiiacou, qui eft „unc belle &: bonne terre avantagée d’un tres-beau Havre, „ qui eft capable de foutenir une bonne Colonie : pour l’ifle ,, de la Grenade, elle effc une fois aulli grande que Saint Chri- „ ftophe ; fon terroir efl un peu coupé de montagnes le long ,3 du rivage de la Baffc-terrc aux environs du Havre, o£~ I. Partie» T te 514 * Ejlabliffement des 'François fj.fcnt les habitations, mais tout le refte eft un tres-beau & 5 > tres-agreabie pays, où les chevaux 6c les caraïbes pourront maller partout, lors quelle fera découverte; l’on ne fçauroit »prcfque faire une lieue de^bemin, excepté vers ltsfalines, où b l’on ne trouve une, deux 6c trois rivières ou fourccs d eau ;> vives; le Sol y eft ft fécond, que tous les arbres qui le cou- « vient font plus beaux, plus droits, plus hauts 6c plus gros que dans les autres' Ifles où j’ay efté : la pefche 6c la chatte y font :> incomparablement plus abondantes que dans toutes les autres Ifles; lift trouve une grande quantité de petits animaux’ ?jque l’on nomme ^Armadille ou Tatou , dont la chair vaut celle 1? du mouton, Sc les habitons en font leur principale nourritu- ?)ïc. Nous avons fondé le Havre, 6c l’avons trouvé fort net )j Sc capable de contenir cinquante navires ou barques à cou- ?, vert de toutes les tempeftes ; proche du Havre il y a un grand >.>Eftang rond, fort creux, qui n’en eft fcparé que par une di- ngue de fable, large comme la chauffée de voftre Eftang, la- 5, quelle eftant coupée, TEftang pourrait contenir un très- grand P) nombre de navires 6c débarqués , enclofes comme dans une iîboéte ; le Fort qui eft feitué entre l’Eftang 6c le Havre, eft 5, un baftiment de charpente d’environ vingt-cinq pieds en î, quarté, tout reveftu de planche 6c couvert deffente ou bar- reau ; il eft environné à huidt ou dix pieds du baftiment d u« .,11e forte palliffade faite d’arbres tous entiers, aux deux coins ,,qui regardent la mer il y a deux petits pavillons de charpente, „ dans l’un defquels demeure M. le Commandant. L habitu- ation de M. du Parquet eft un grand defcrtqui contient tou- rte la montagne prochaine du Havre, au bas de laquelle font ,,les magazins,qui font cent ou cent vingt pieds de baftimens „ de briques 6c de charpente. L’Eglilè eft feituée fur cette ,, place à environ trois cens pas du Fort, mais elle n’eft que „de fourches 6c de rofeaux, 6c tout le dedans fort pauvre; 33 toute cette place eft couverte de Magnioc, de patates 6c de 3, pois 6c plantée d’orangers, 6c d’autres fruicts >■ il y a fur cette s, place douze grand Negres 6c plufîeurs petits qui ne font pas encore mis au travail, comme aufîi vingt ou vingt-cinq en- ^,,gagez pour trois ans, qui n’ont pas encore accomply le premier; aux Ànt-JJles de l' Amérique. 515 ^îîy a clans i’Ifie trois cens perfonnes habituées, & toutes tcller 3 T nient placées, que de fix en fix Cafés, il y a un petit Fort ou „ baftiment de charpente, à deux cftages couvert de barreau, „ où. les habitans des fix habitations fe retirent la nuid pour ^éviter les incurfions & furprifes des Sauvages; car deiour ils „ne les craignent pas, il y a dans quelques-unes de les habi- „ tâtions plufieurs moufqucts, & dans le Fort quelques fufils, „ qui font àM. du Parquet; il y a douze belles pièces deçà- non de fer, depuis huid iufqu’à douze livres de balles, tou- rtes les uftencillcs rieceflaires pour une telle habitation def- ,, quelles nous avons pu avoir le mémoire, avant que de partir. ,,M. Renaudin que nous avons commis de voftre part pour „ avoir le foin de tout, nous mandera le détail de ces petites „chofcs, c’eft un jeune homme de probité connue, tres-fage fort expérimenté, tant au travail du pays qu’au trafic; il „ a du bien , & prend une habitation dans Fille de la Grenade, 3, OÙ il fera une Indigottcrie ; il aura je foin de faire travailler „tant vos c fclaves que les engagez, félon les mémoires que _,3 nous lu y avons donné; cela fuffit prefentement pour ce qui ,, regarde l’Ifie, venons au marché & au Traité qui en a elfe „ le plus contcfté , le plus rompu & renoué, & le plus de fois „ dcfefperé qu’autres Traitez que j’ay veu faire. M. du Par* „quet me dit d’abord qu’il ne vouloir ny terre ny rente, ny „ papiers ny debtes en payement, mais de l’argent comptant ,3 clair & net, qu’il commençoit à cueillir les fruits de ce qu’il „avoit femé dans la Grenade, & qu’il avoir advis par le Ca- pitaine Balliardct qu’il y avoit une pefche de perle fur un „banc qui dépendoit de cette Ifie, & qu’en un mot il en vou- ,,loit avoir cent mille livres; la prudence de M. de Maubray „ parut extraordinairement dans la conduite de cette affaire , Sc „ie crois rermement que tout autre que !uy ( & M. du Parquet „ l’advoüe) ne I’auroit jamais fait venir au but où il eft arrive. ,, Les Claufcs principales du Contrad font, que M. du Par- „qitet vous vend le fondée le très- fond & Seigneurie de Flfia „ de la Grenade & Grenadins, l’habitation, tous les efclaves „&r engagez, rous les canons , fufils ôc moufqucts, munitions de guerre , baftimens, uftencillcs, & généralement toute? Tu «j -ji 6 - EJlabUjfement des "François les chofes à luy appartenantes dans l’Ifle de la Grenade, il ?> fe demet auffl encre vos mains, fous le bon plaiflr du Pvoy, 5, de la -Lieutenance generale: tant les efclaves; qu’engagez tra- vaillent dez la première nouvelle de la vente" à voflre pro- 3? fit, & font des viures pour 1000. perfonnes avant que vous arriviez. Vous devez dans la Saint Iean prochaine prendre «pofïcflîon par vous ou un envoyé de vofrre part, & pendant tout ce temps M. du Parquet doit entretenir rifle de toutes j, chofes, & la deffendre contre tous ennemis; fl vous tardez 3, davantage, les frais raifonnables pour la fubflftànce de la gar- ,,nifon, ou pour la défenfe dcflfle, feront à vos dépens ,tout 3, cela moyennant la fout me de trente mille efeus , dont vous 3, devez mettre la moitié entre les mains de M. de Mtromé- j, nil avant la prife de polleflion, & le relie dans un an ; voila les principales conditions du C on tract , tout le refte des cir- 3, confiances font à voflre avantage, ou;de peu de confequen- ce : la cherté du prix ne vous doit pas eflonner ; car ie vous 5, puis bien affleurer que fl vous croyez le confeil de vos amis, „vous ferez non feulement une chofe tres-conflderable , mais 3, avant trois ou quatre ans, vous tirerez fans le principal dix 3, fois autant que vous y aurez mis. M. de Poincy & les au- 3, très Gouverneurs regardant cét affaire comme la plus belle „ chofe qui fefoit encore faite dans les Iflespar noflre Nation, j,prefque tous les habitans des lieux où nous avons pafle fe 3,difpofoient à fe retirer dans la Grenade, mefme desperfon- , s, nés très- riches, en un mot, on vous attend comme un Seigneur 3, fous lequel l’on efpere de refpirer un air tout autre que ce- ,3Iuy qu’on a goûté iufques à prefent dans les Ifles, particu- 3>lierement dans la Grenade, où tous les habitans font des 3, vœux pour voflre venue , pendant que j’en fais icy pour voflre s, proflpenté Sc vous prie de croire que ie fuis , Voflre tres-humble &tres-affeélion- « ^ Fie fwgue ce quinze- né ferviteur,F. I. B. dv Tertre, ,pie lannjieriSf/ . de l’Ordre des Frétés Pfefcheurs. aux Ant-IJles de F Amérique. 97 çASC. de Cêrillac va en perfonne four prendre pofjefsion de la Grenade 5 Son embarquement au Havre de Grâce \ & les mal - heurs qui ï obligèrent de retourner en France y a ou en- fin il alla dans les Ifies. §. ni. MOnfeur le Comte de Cêrillac ayant receu ma Let- tre , difpofa toutes chofes pour aller luy-mefme pren- dre poffeffion de la Grenade , & fit de grandes dépenfes, tant pour amaffer prez de quatre cens hommes , que pour faire fes provifions , qui eftoient plus que fuffifantes pour faire réüfîir fon entreprife * fi le Marchand avec lequel il contraria à mon infceu, pour le fret d’un VaifTeau de quatre cens tonneaux , appelle le S. Antoine , ne Iuy eut manqué de Car ce navire qui de voit eftre preftpourle feptiémc d’Oéto- bre, fe trouva auffi avancé lors qu’il arriva au Havre avecfon monde, comme le jour qu’il en party , li bien qu’il fut obligé de mettre tous fes hommes dans deux heux, qui effoient à la rade, où le Marchand ayant eflé obligé de les nourrir pen- dant deux mois , ils y fouffrirent plus de miferes qu’ils n’auroient fait dans trois voyages à I’Amerique. M de Cêrillac s’eftant arreffé à HontHeur avec les principaux de fa fuite, & quelques familles de ces quartiers qui s’alloient eftablir à la Grenade, ils y mangèrent iufqu’au dernier fol -,SC n’ayant plus dequoy fubfiif er,ils vendirent leurs hardes, s’em- barquèrent h gueux & fi dépourveus de provifions, que la moi- tié biffent morts de miferes en chemin auparavant que de re- gagner les Illes, fi nous euffions continué le voyage. Le Marchand fe plaignant d’avoir efté trompé dans le mar» ché qu'il avoir fait ne feprcffoit nullement .M. de Cêrillac pour- T tt îij 518 Ejlablîjfement des François tant fe fut delivre de ce furieux embarras, s’il eût voulu fui- vre mon confeil, & celuy des plus fameux Marchands du Ha- vre, qui s’eftoient offerts â moy de luy fournir trois beaux Vaiffeaux^&: mefme d’envoyer quantité d’hommes à la Gre- nade avec luy pour y cultiver des habitations; mais il alla paffer un marché avec le fieur. Pape, qui a effé la caufe de tous les mal- heurs qui luy arrivèrent depuis. Enfin fon Marchand ne pouvant plus reculer, accommoda fon navire, apres avoir encore receu quelque argent de luy, ôc fit femblant de vouloir mettre en mer apres avoir donnéle mot à fon Pilote de le faire périr , auffi bien ne valoit-il pas grand chofe : cela parut clairement aux yeux de tous les bour- geois du Havre ; car il fit déployer la grand voile dez le mi- lieu du canal, ce qui ne fe fait iamais, 6c vint à pleines voi- les heurter un fi grand coup contre la digue, quil fut entendu de Hontfleur;& le Pilotte croyant que le navire en avoit affez, fauta à terre de l’autre coftc & fe fauva. Le fils du Marchand qui eftoit le Capitaine de ce navire, le pouffa en mer iufqu’à -la portée du moufquet; 6c voyant qui! fai (bit beaucoup d’eau, il retourna à pleines voiles, &don* na par trois fois du beaupré contre la Tour; ce qui nous obîR gea de retarder encore plus dun mois , 8c M. de Cérillac d’a- vancer encore de l’argent pour raccommoder le navire. Pendant ce temps M. de Céiïllac fe laiffa perfuader par le Capitaine de fes Gardes, de prendre certains Religieux Ca- pucins, qui luy promettoient de luy fournir autant d’hommes quil en faudroit; j’appris qu’il avoit traité avec ces bons Peres, &C quau préjudice du contraét qu’il avoit paffe à Paris avec nos Supérieurs, & de tous lesfervicesconfiderables que ieluy avois rendu, il alla au Havre trouver le R. P. General des Capucins, pour traiter avec luy, 6c pour luy demander de ces Religieux qui luy avaient fait de fi belles offres; il les luy re- fufa pour cette année , avec promeffe de luy en fournit l’an- née prochaine, autant qu’il en demanderoit. Mes amis de Pa- ris qui feeurent auffi-toft qué moy cette negotiation, mecom feillerent par leurs Lettres de le quiter 6c de me retirer; ie 1 aurois fait s’il eut eu d’autres Religieux pour raccompagner^ Aux A nt-Jjles de l Amérique. 5 1 9 ferais n’cn «ayant point:, quoy que rembarquement de certaines créatures qui dévoient faire le voyage, fut un prétexté allez fpecieux pour m’en difpenfer ; ie crus qu’il y auroit quelouc forte de Iafcherc de le quiter, & ie refolus de mourir plûtoft que de l’abandonner dans un temps où il auroit befoin de moy. Il fut pourtant depuis ce temps-là toujours en défiance de moy , & fes gens qui connoiffoient bien la difpofition de fon elprit , mq firent plufieurs infultes, que ie diftîmulay avec adreffe de peur d’eftre obligé de m’en plaindre; dez-Iors iene me mélay plus d’aucune affaire, biffant «agir M. de Cérilbc à fafantaifie. Enfin tout fon monde ayant effe embarqué avec affez de confufion, & ayant mis le Chevalier du Bois fur un Flibot qu’il avoit fierté à Dieppe, pour «aller à la cofte de Guinée, le navire fortit du Havre; & dans la crainte que le Marchand du navire, ou fon fils qui en eftoit Capitaine, ne luy fiffent quelques nouvelles friponneries qui l’en pût retarder, il demeura toûjours à bord. Ehfuite de cét embarquement il fit un coup d’un homme qui n’entendoit nullement la mer ; car le premier Dimanche de Décembre de l’année 1 657. ayant veu un grand navire de Bayonne qui fe mettoit en mer, il fit tirer un coup de canon, & commanda qu’on levât l’Anchre, le vent eftant contraire, de durant la tempefte : il me biffa à terre avec fon Lieutenant, quatre ou cinq de fes principaux matelots, calfadeurs, &, quel- ques-autres: & il fallut nous mettre en danger de pdr dre mil- le fois la vie pour regagner le navire qui eftoit déjà fous yoile. La nui-ét venue, le Chevalier du Bois voyant que la tem- pefte s’augmentoit, & les vents tout à fait contraires, s'appro- chadc nous, & cria qu’il falloir relâcher; mais M. de Cénlbc toûjours dans l’apprehenfion que fon Marchand ne luy fùfci- tât quelque nouvelle occafion de retarder dans le Port, refo- lut de tenir la mer, contre le fentiment de tout le monde; en- fin la tempefte devint fi furieufe pendant la nuiét, qu’on eut bien voulu relâcher, mais il n’eftoit plus temps; le timon eu qavire fortit du gouvernail, & quelques fabords s’eftans eu- 5ZO EJlablijfement des "François verts, l’eau entra de trois pieds de haut dans le navire, tourte monde fe crut perdu, môy-mefniè voyant cette quantité d’eau, ie tcnïbay dans leur tendraient, ne croyant pas que les pompes puflent fuffire à la vuider ; je n’ay jamais rien veu de plus pi- toyable, car on rom boit les uns fur les autres , tout nâgeoitdans l’eau, les canons qui n’efloient pas bien amarez rouloient d’un bord à l’autre ; les uns cnoient qu’en les étou-ffoit, des pauvres malades demandoientmifericorde, & la confufion eftoitii hor- rible qu’on ne fe rcconnoifloit point; fi bien que dans l’horreur de la nuid, & l’apprehenfon delà mort; quelques-uns ccnfcfTe- rent tout haut leurs pechez. Cette tempefle dura trois jours, pendant laquelle il mourut quinze ou vingt perfonnes que nous jettafmes à la mer; &tout ce que nous pulmes faire apres mille peines, ce fut de gagner la code d’Angleterre, & d’aborder à Portf'mouthe, où le navi- re fut dégradé , & toutle monde mis a terre, plulieurs mouru* rent de miferes, la plufpart des autres deferterent , le fils mefme de M . de Cénllac s’enfuit, mais il fut ratrappé. M. de Cérillac s’e fiant broiiillé avec le Capitaine du navi- re, s’en alla à Londres plaider contre luy, où il demeura fort long-temps fans nous donner aucune de fes nouvelles; fi bien que n’ayant pas dequoÿ fubfiflcr avec mes Religieux, & que d’ailleurs les Angloisefloienttous les jours fur lepoind de m’af- fafhner , ie meretiray en France, accompagné du Sieur le Moy- ne Médecin. Enfin apres avoir bien eu de la peine à rellablir fes affaires , il envoya fon Lieutenant prendre poiTeiîion delà Gre- nade, & y conduire les hommes rechapez de fon débris; ie ne fçay pas de quelle maniéré il s’efl comporté dans les ffles, ny les crimes dont il fut accufé , mais les habitansluy firentfon pro- cez , & il fut tiré par les armes.. M. de Cérillac y fut l’annéei^S. apres avoir encore effuyê des mal-heurs inconcevables, desquels n’eflans pas fuffifamment in- formé, non plus que de la façon dont il s’y efl gouverné, j’ay me •mieux n’en rien dire, que d’a vancer quelque chofe de douteux, que ie ne fçay que fur de fimples rapports. aux Ànt-IJles de l'Amérique, Mort Chrefiienne de M. du "Parquet , çf fa Pompe funebre , Réfutation des Calomnies avancées contre fa mémoire par l'autheur du voyage de Cayenne . X«X | # CHAPITRE XIX. CEtte année \6 j S. fut funefteà îa Martiniqucpar Iamort de M. du Parquer; Ces gouttes y contribuèrent beaucoup; mais le déplaifir qu il receut de fon peuple } qu’il a voit tant aymé :& qu’il avoit eu plus de foin d’enrichir que fes propres en- fans, Iuy fut fi fenfible, qu’iî a fans doute notablement avancé fes iours. La fuite des Negresl ayant obligé de mettre une barque en mer pour faire la guerre, aux Sauvages qui les retiraient , il ne donnoit point de repos à fes Gardes, & les en voyoït tous les iours en parti ; mais les voyant accablez par l’excez du travail , &que d’ailleurs il falloir déplus grandes forces pour arrêter les Negres; & pour faire peur aux Sauvages, ilpropofaau peuple de lever de petits droits, qu’il leur permit de tirer eux-mefmes par les Syndics qu ils dellineroiétpour ce fujet,& qui ieur en tiendraient compte. Bien quecette demande fut d’autant plus jufte qu’elle regardoit le bien de tous ks habitans, qui avoient plus à perdre que Iuy dans la perte des Negres , ayant affezde gens pour confervcr les liens, neantmoins il futrefufé tout d’une voix ; &quoy qu’il leur pûtreprefenter, il Iuy fut impollible de les faire entrer dans fonfentiment. Sa grande Barque commandée par le Capitaine la Bourlote ayant elle brifee à la Colle; quelques iours apres la propofition qui! avoit faite au peuple, toute l’Iflc fut en proye aux incur- iions des Sauvages; on n’entendoic que plaintes par toute rifle, 8c I. Partie. ~ Vvy j-it Eflabhjfement des François chacun perdoit fes Negresj mais M. le General ne rêpondoit autre chofe à leurs plaintes, fmon qu’il fe voyoit dans l’im- puiffance de faire tout feul une fi grande dépenfe ; & qu’il payè- rent volontiers la moitié de tous les frais necefiaires à pouffer les Sauvages, ce qui fit qu enfin ils refolurent de fe cottifer 6c de payer quelques petits droits pour lever du monde ôc monter une galiotte qui feroit inceffamment le tour de lifte. M. de fa Vallée Capitaine du quartier delà Cafe-Pilote, pria dans le mefme temps M. le General & Madame fa femme de luy faire l’honneur -cie tenir fur les Fonds de Baptefine l’enfant dont Dieu avoir oeny fon mariage. Le lendemain de la Ce- remonie comme il eftoit dans la grande place à vingt pas du Corps de Garde, un habitant nommé Bourlet luy vint direin- folammentdelapart de tous Iesautres, qu’ilsne ne payeroienc pas les petits droits, & qu’ils eftoient refolusde tuer ceux qui luy en avoient infpiré le confeil , en mefme temps il vit bien deux cens hommes fous les armes au bout de la place; tout icftropié qu’il eftoit des mains il voulut tirer fon épée pour tuer cêt infolent ,• mais n’en pouvant venir about, il fe retira au Corps de Garde avec fes gens en refolution d’aller attaquer ces mutins ; mais en mefme temps fongeant à Madame, quil aymoit tendrement, &C qui eftoit prefte d accoucher , il ré- prima toutes les faillies de fon reffentiment , ôc diflimula fa fâ- cherie ; ce qui l’ayant faifi, luy caufa un mal de cœur.qui luy dura iufqu’à la mort. Deux iours apres fçaehant que ces rebelles avoient dépefi ché un homme au quartier du Prefcheur , pour donner advis de ce qu’ils avoient fait, &pour animer leshabitansà fuivre leur exemple , il monta à cheval ôc y fut , fans eftr e fuivi que de fes Gardes &: de quelques Officiers, où il fit payer ces petits droits auffi bien qu’au Fort Saint Pierre au Carbet ; mais avec une hauteur qui épouventa tellement les plus feditieux,que pas un n’ofa branfler : Neantmoins, quoy’que fon grand courage luy fît digerer cette affîiétionà l’exterieur,ilenfutfi fenfîblement louché , qu’eftant allé quelques jours apres chez nos P eres , en qui feuls il avoit une entière & véritable confiance, illeur dit qu’il eftoit mort , 6 1 que l’infolence de Bourlet 1 avoit frappé au, aux Ant-IJles de l’ Amérique. 523 cœur. II fut bien trois heures feul avec eux dans leur Café où il leur déchargea Ton cœur, leur dit beaucoup de fujetsde mécontentement qu’il avoit de certaines perfonnes qu’il avoit infiniment obligées, apres quoy il s’alla metere au liét en £a mai- fon , où il mourut le troifiéme Ianvier à une heure apres mi- nui#. Sa fin efl fi admirable &: fi Chreflienne, que ie ne puis me dif* penfer d’en faire part au public , & de mettre icy une copie de la Lettre que le R. P. Ican - Baptifle Feüillct , qui luy ferma les yeux, auec le R. P. Bonin Iefuite, m’en écrivit le lendemain. N REVEREND PERE, • Vax Cbrijli. „ le reviens des funérailles de M. le General, le cœur fi affli-î „ gé & lefprit fi rempli des cris, des gemiffemens & deslar- , , mes de nos pauvres habitans, que ie ne fçay comment vous „ en écrire la mort. Quelques iours apres la {édition arrivée „«i la Café Vilote , il paffatoute une matinée chez nous pour dé- „ charger fon cœur au R. P. Boulongne fon ConfefTeur , en qui ,, il avoit la dernicre confiance, apres luy avoir déclaré le dé- „plaifir qu’il avoit de l’ingraritude d’un peuple qu’il avoit ay^ „ me avec tant de tendreffe ; il s’en retourna à la Montagne „avec unedouleur de telle , qui l’obligea de fe mettre ai* „Iiét. . ^ n . ,, Le lendemain la fièvre, qui n’avoitque fortpeu paru,de^ ,, vint tres-violente; trois iours apres les goûtes joignirent leurs „ douleurs aux ardeurs de la fièvre, & le reduifirent en un eflat „ qui nous faifoit pitié; le trentième Novembre fes goûtes „remonterent; ace prefage de mort il demanda les Sacremens,- ,, qu’il receut avec une dévotion qui nous tiroit les larmes; il „ voulut abfolument que les Valets de chambre le mifTent à ter-' „ re , afin, nous dit-il, d’adorer avec plus de refpeét le tres^ „ Saint Sacrement, &de faire nud en chemife amende honno- „ rable à Iefus-Chrifl , de tousles pechez qu’il avoit commis dans ,,le cours de fa vie. - „ Le quatrième iour qui précéda celuy de fa mort , fentant V v v ii 5 1 4 Ejlabhjf )ment des V ram ois „ affaiblir fes forces, il voulut fe débaraffer l’efprit de toutes >ï chofes de la terre pour ne plus penfer qu’à Dieu leul. «.Apres avoir fait fon teftament, il pria Madame la Generale « d’agréer qu’il luy dit le dernier adieu, afin qu’il nepenfât plus 3) au monde. Quelque violence que Madame fouffrît à fepri- « ver de la conlolation de le voir iufqu’à la fin, elle y confen- tit; mais ce fut avec une fi grande affliction d’efprit, quelle „ en tomba pafmée en (a prefence; eftant revenue, M.luy don- „nale dernier baifer, que Tertulicn appelle la confolation du- » ne' fainéte amitié, Vietatis fariéïaJoUtium, & la benediétiona j, fes enfans; ils fe quittèrent les larmes aux yeux, pour ne fe s, plus revoir que dans le Ciel. >» Apres avoir dégagé fon cœur de ce qu’il aimoit le plus au monde, il fit appeller M. Fournier, luge Civil & Criminel, 3, & l’obligea de brûler en fa prefence les .informations qu’il. a voit fait contre Bourlet ( lequel les principaux Officiers & ,,fiabitans vouloient qu’on fit mourir comme un feditieux ) « avec cette parole Chreftienne , qu’encore qu’il fut la caufede s, fa mort, qu’illuy pardonnoied’auffi bon cœur, qu’il fouhaitoir „ que Dieu luy pardonnât fes fautes. s) Il chargeale R. P. la Borde lefuite , d’aller trouver le fieur «Foppe Marchand Zelandois, pour retirer la permiffion qu’il „ avoir extorquée de luy à force de prières , d’achepter une ha- ?,bitation dans fon Ifle , voulant que la Ioy eftablie dans „ fille, qui défend aux heretiques d’y avoir aucune place, fub- „ Allât. ,, Pendant tous ces trois iours il ne penfa plus qu’à Dieu, de „ moment en moment nous luy difions les uns apres les autres, ,, quelque parole de l’Ecriture qu’il rumirioit en luy-mefme, & dont il produifoit des aétes, tantoll de penitence, tantofl: „ d’amour de Dieu, quelquefois de confiance, 5 c fort fouvent „ d’une parfaite rcfignation aux volontez de Dieu. Le R. P. 3, Bonin luy ayant demandé s’il nes’ennuïoit point de fouffrir, „ il luy répondit; non monPere, ie ne voudrois pas que Dieu ,, avançât ma mort d’un inftant pour m’en délivrer , ie voudro/s „ en fouffrir mille fois davantage. La veille defa morde I’ex- o hortai à prononcer le Sacré Nom de Iefus, pour gagner fin* aux Ànt-IJles de l'Amérique. 51 j ss diligence Pleniereque tes Souverains Pontifes ont accordée «aux Adoriez de la Confrairie du Saint Nom de Iefus, que «javois eftablie depuis un an dans l’Ifle, te dans laquelle il «seftoit mis avec toute famaifoii; il le prononça quantité de jj fois avec des affedions incroyables, exhortant hautement fes «Officiers d empêcher les blafphémes, te en les affeurant qu’il « voudroit que Dieu le punît dans le Purgatoire, autant de «temps qu’il Iuy plairoit ,pourveu que les habitans ne juraffent s, jamais: Enfin, apres avoir confirmé le refte de fa vie dans «tous les a êtes de toutes les vertus Chreftiennes, il rendit fa 5> fainde ame à Dieu à une heure apres minuid, le troifiéme « iour de Ianvier. 5, Il fut ouvert fur les fix heures du matin ; comme ils eftoic j, plaint dungrandmal de cœur pendant fa maladie, on en fie ,,la diffedion, il en fortit un grumeau de fang à demy caillé, «gros comme un œuf de pigeon. Il eftoit venu une pirogue «de Sauvages la mefrne nuid, jamais ils ne voulurent croire «que M. le General fut mort, il fallut leur montrer : ils furent «faifis d’une fi horrible frayeur, qu’ils s’enfuirent en heurlant « comme fi on les eût pourfuivis ; apres qu’on eut enfeveli le « corps, on le porta dans fa Chapelle, où le R. P. la Borde, le R. P. « Boulongne te moy celebrafmes la fainde MefTe, en attendant ,, qu’on le portât pour l’enterrer. 3, Les Compagnies de M. de la Garenne, du Fort Saint Pier- „re, te les deux du Carbct efloient fous les armes; à dixheu- s, res du matin on commença à fortir pour aller à I’Eglife, toute „Ia Milice marcha en bel ordre, les moufquets baiffez te les «picques traifnantes, les tambours couverts de ferge noire fom jj noient un fon lugubre, qui marquoit l’afflidion publique. ,, La Compagnie du fleur la Garenne marchoit la première, ,, celle de M. d Enambuc conduite par le fleur le Vaffeur En- «feigne, alloit apres; une du Carbet alloit enfuite, &M.deIa ,, HoufEiye conduifoit la Colonelle; ces quatre Compagnies ,, fa 1 foi en t au moins fix cens hommes ; le Clergé compofe de ,, trois Preftres feulement, des RR. PP. Iefuites, te du R. P. j, Boulogne te de moy, marchoit enfuite chantant l’Office des «Morts; Immédiatement devant le corpsmarchoit M. de la S ff iij 516 Ejlàblijfément des François 3, Fontaine Héron Capitaine des Gardes de feu Monfieur, a la > s, telle de douze Gardes reveflusde leurs Cafaques d’écarlate - 3, avec la Croix blanche, tous avec le moufqueton 5c la ban-: s, doüilliere. Quatre Capitaines tenoient les quatre extrémitez 3, du Drappeau de la Colonelle, de tafetas blanc parfemé de fleurs \ „ de lys d’or en broderie, 5c enrichy d’une Image de la Vier= ,,ge, qu’on avoit mis fur le drap mortuaire? un Officier por- „toit le Cafque apres le corps; un autre fes Gantelets; 5c un' 3, troifiéme fôn épée envelopée d’un crefpe; huid des pluscon- 3, fiderables habitans portoient le corps, apres lequel umGentiî- „ homme portoit le j eune M. du Parquet, fils puis-aifné du Dé- „ fund. Depuis la Montagne iufqu’à l’Eglifele chemin efloit 3, . bordé de femmes , d’enfans 5c d’efclaves qui efloient venus de1 ,, tous les quartiers de Fille ; ie n’ay rien entendu de plus pi< „ toïable au monde, ce n’eftoit que pleurs &gemiffemens ,les* „uns foupiroient, les autres pleuroient; ie vis mefme desNc-1 „ gres fe frapper le corps 5C s’arracher les cheveux, pour témoi-»' „ gner leur extrême afflidion. Apres la grande Meflè on enter- ,,ra le corps au bruit de tout le canon du Fort, & de la Moufquete*; „rie, qui fit trois falves pour honnorer.la mémoire del’Illuflre; ,,Défunéfc „ Tout le peuple eft icy dans une conflernation effroyable, „ chacun à perdu en la mort de Monfieur; l’Eglife y a perdu' „ fon Protedeur, nous y avons perdu noflre bien-fadeur, le' ,, peuple y a perdu fon appuy, les pauvres y ont perdu leur „Pere. II n’y a que voflre arrivée qui nous puiffe confoler. „En vérité M. de Cérillac tarde beaucoup, les affaires en dés „ pendent à la Grenade: iene recommande point à vos prières „ I’ame de feu Monfieur , vous l’aymiés trop pour l’oublier des „ vant Dieu , ie ne doute point que nos Peres ne luy rendent „ les me fmes affi fiances. Adieu, mon tres-cher Pere, venez „ promptement confoler par voflre preferice celuy quiefl dans ,,la charité de Iefus-Chrift, MONTRE VER END PERE, la Martinique ce qua- Voflre tres-humble 5c tres-obeïfïant trié me lancier 1 658 . ferviteur, F, I. B. Fe ii 1 L l e T,v j aux a Ant-Ifiesde l'Amérique. jij L’autheur de la Relation du voyage de Cayenne a traité la me - moire de M.du Parquet avec tant d’outrage, qu’cncore que iene me charge point de taire Ton Apologie, ie me fens obligé par le de- voir de l'amitié, de réfuter les calomnies dont il talche à noircir fa réputation* Iram, difoit Sénecquc, nonnifi cri mina loquitur}le reff Sentiment qu’il a confervé contre M. du Parquet de ce qu’il ne luy avoit pas permis de defcendre en fon Ifle à fon retour de Cayenne, eft le fujet des médifances atroces qu’il avan- ce contre luy. Il le traitte de Tyran , & fe compare à un Martyr dans la Lettre qu’il dit luy avoir écrite du Vaiffeau; luy qui eft Preftrc ne devoir pas ignorer que ce n’eft ny la • douleur ,ny les fupplices, qui font l’eflence du Martyrejmais le fu- ' jet pour lequelon cnàmc, Martyrem non facitp&nafed caufa-, En vé- rité c’eft traiter un Lieutenant General pour S - M. avec bien peu de refpe en Avignon & à Metz. Voyage du R . P* lean « Baptifie Feuillet y en France , pour demander au Roy la Charge de Lieutenant General pour Al. d'Enamkuc$ ) fils aifiié de AL. du Far que t. Ez le lendemain des funérailles de M.du Parquet, Madamô- la Generale fufpendantla douleur pour fonger aux affaires prenantes de Meilleurs fes Enfans,tint confeil:auqueI elle appella le R. P. de Boulogne, Supérieur de noftre Miffion, &: le R» P. Bonin Supérieur de celle des RR. PP. Iefuires, avec tous les Officiers & les principaux habitans, pour prendre leurs avis , fur les moyens qu’il falloir tenir pour demander au Roy la con- tinuation des Charges pour fbn fils aifné. Apres une meure délibération, onrefolut d’envoyer un Of- ficier en France, & le heur le Vaffeur fut choifipour ce ffijet; mais ayant fait connoiftre le danger qu’il y avoir qu’il ne fût arrefté à Saint Chriffophe, l’on jugea plus à propos de prier un Religieux de faire ce voyage. Le R. P. Bonin Iefuite s’eftant excufê de le faire, à caufe du petit nombre de Re- ligieux > Madame du Parquet pria le R. P. de Boulogne de liiy rendre ce fervice ; mais fes affaires ne Iuy permettant pasdequitei*rifle,illuy offntle R. P. Feüillet, quelle accepta, II fe chargea d’autant plus volontiers de cette Commiffion, , qu’il aimoit &c qu’il honnoroit particulièrement feu Monfieur du Parquet : & il partit dez le lendemain pour aller chercher à S. Chriffophe un navire quipaffâten France ou en Holande. Si-toft qu’il fut parti , Madame du Parquet fut receue à h tefte des Compagnies de tous les quartiers, & reconnue pour Dame & Gouvernante de fbn Ifle : on Iuy preffa le ferment de fidelité avecles ceremonies ordinaires, de avec autant deiré- joüiffance aux Ant-Ifles de t Amérique. 52.9 jouîftance que l’cftat preïent de fa douleur en pouvoir fouf- frir. Le R.P. Fcüilleteftant arrivé à Saine Chriftophc, donna les Lettres dont il eftoit chargé à Monfieur de Pomcy, & demeura trois Semaines dans Ton Chafteau, en attendant que le Capitaine Ariance Scutrefof, qui commandoit un navire de Flcftingue, fut preft à faire voile. Il en partit à la fin de Ianvier : & apres avoir rcceu la Lettre fuivante de Madame la Generale du Parquet, par un Garde nommé la Folfe , qu’elle luy avoit en- voyé exprès, avec tous les Duplicata des papiers dont il eftoit chargé; il luy donna ordre de s’embarquer dans le navire du Capitaine Beliard, qui devoit partir le lendemain. LePercpaf- fa par Saint Euftache & par Saint Martin, où le Capitaine prit quelques marchandifcs ; ôe aprésune tres-fâchcufe Navigation, il arriva le vingt- un Mars à Fleftingue, St le vingt- fept àPa-^ ris, trois mois devant le Garde, qui n’y arriva qu’au mois de Juillet, MON TRES-REVEREND PEP^E, ,, I’ay receu celle que vous m’avez fait l’honneur de m’écrie ,,1'c, qui fans doute m’euft pu confoler, fi la violence de ma ,, douleur qui ne m’en rend pas capable , euft efté moindre. En „ vain je m’efforcerois de l’exprimer, n’eftant pas en mon pofi. ,,fible : auffi fçay- je bien que ce n’eft pas ce que vous deman- ,,dcz de moy , puifque vous avez cfté témoin oculaire de mes „ mal heurs, de ma perte, &dc mon affli&ion. l’avoue que ,, moiv efprit s’égare en la grandeur démcfurce de ces conftdcra- „ rions, & qu’infenfiblement iemc laifte emporter à mapalüon; „ bien qu’en effet elle 11’cft que trop jufte : Mais îleft raiionnable „auftiqueic vous rende mes reconnoiftances pour toutes vos. „bontcz,lefqucllesfontpour moy infinies. Au refte (Mon très. „ cherPere)ic vous regarde comme la perfonuc dumonde dqui „ ic fuis la plus obligée ; non feulement moy , mais Audi mes En- cans, puifque pour afteurer leurs biens, repos fortune, vous ayez bien voulu faire ce yoyage où il y a tant de rifque:Et COiffi-, I. Partie 5J o EJlabliJfement des François jjmcc’cft une a&ion autant gencrcufc que charitable , j’elpcre 5iaulîi que Dieu faVorilèra voftre entreprife en fécondant vos >,bons dcffeinsi &: que le progrez en fera avantageux, comme la. ,, efté le commencement, &c. II ne me refte plus qu’à vous prier „ (Je croire , que ie chereheray toute ma vie les accafions de vous „ pouvoir témoigner que ie vous fuis par devoir, mais pluspar », inclination, MON TRES-CHER PERE, Voftre tres-humble, très obeïfTante& \A U Martinique ce tres-affe&ionnée fervante , Marie xo. Janvier i6fî. Bonnard, Generale du parquet, Cette affaire fut fort traverfée à Paris par Meilleurs les Che- valiers de Malthe » à la follicitation de Moniteur de Poincy, qui deliroit reiinir cette Charge de Lieutenant General à la licnne. Certaines perfonnes donnèrent quelques advis à Monficur de Frej us, qui cauferent bien de la peine à ceux qui s’en méloient; 5 c fans une fomme d’argent qu’on donna à l’on n’en fût jamais venu à bout. Meilleurs de Miromenil & des Hameaux , parens de Monfieur du Parquet , travaillèrent aulîi puilfamment à la faire réiiffirj Sc ils reprefenterent fi fortement au Roy &: à fon Eminence les fervices que Monfieur du Parquet avoit rendu s dans les Ifles, que fa Majefté par une bonté toute Royale, accorda à l’Aifné de la maifon,&àfonCadeten cas de mort, les Charges quefeu leur Pere avoit remplies avec tant de gloire. Les Lettres Patentes en furent expédiées à Fontaine-bleau le quinziéme Septembre 1658. par lefquellesfâMajeftéenattendantquecesdeux jeunes Seigneurs euflent atteint l’âge de vingt ans, donne le Sieur de Vauderoque leur Oncle paternel, pour commander àleur pla- ce, &pour maintenir la Mere & les Enfans dans les droits & les prérogatives qui leur eftoient accordées avec tant de jufti- ce; ces Lettres font trop avantageufes à îa memofte du Défund, & trop glo rieufes à fa Veuve & à fes Enfans, pour ne les pas donner icy, Aux Ant-IJles de F Amérique, 5.31 Lettres Patentes de fit çdftCajeJlé, pour les Gou- 'vernemens de la ïû&arùmque autres JJles de £ Amérique , à Ad. d'Enambuc. LOuys par la grâce de Dieu, Roy de France & de Navar- re : A tous ceux qui ces prefentes lettres verront. Salut . Le feu Roy d’heureufe mémoire, noftre tres-honnoré Seigneurôc Pere, ayanr permis 5codroyé à quelques Particuliers nosfujets, d’eftablir fous fon Authorité des Colonies, tant ez Ides que Terre-Ferme de l’ Amérique , afin de réduire lefdits Pays fous fon obeïffance, travaillera la converfion des peuples, 6c y planter noftre Sainde Foy : Le Sieur d’Enambuc, qui le pre- mier les avoit reconnues 5C découvertes , s’y feroit employé avec tant de vigueur 5c de zele, qu’il y auroit fait tous lespro- grez , 5c ciré tous les avantages que l’on pouvoir efperer d’une telle entreprife ; aux pourfuites de laquelle il feroit décédé, apres s’y eftre fignalc pendant plufieurs années defervices continuels. Et depuis le fîeurdu Parquet pourfuivantles traces dudit fient d’Enambuc fon Oncle, 5c pouffé des mcfmcs motifs, fe feroit rendu fi recommandable parmy les peuples qui fe font habi- tuez efdites Ifies, que par fes fomsafiidus, 5c par unefouffran- ce de fatigues continuelles; apres avoir expofé fa vie en toutes les occafions qui fe font prefentées pour noftre fcrvice , 6c la con- fervation de nos fujets: Il auroit acquis des Sieurs de îa Com- pagnie des Ifies de l’Amerique, la Seigneurie 5c propriété des Ifies de la Martinique, de Sainde Alouzie, 6c de la Grenade 6c Grenadins fituées en ladite Amérique , par Contrat du vingt- feptiéme Septembre i6$o. en confequence duquel, 6c de nos Lettres Patentes du mois d’Aouft 1651. pertans confirmation d’iceluy : Nous Iuy en aurions donné 6c odroyé le Gouverne- ment, 6c iceluy eftabli noftre Lieutenant General cfditeslfles, par nos Lettres Patentes du vingt-deuxième Odobre 1651. Ec ayant beaucoup contribué pour la propagation delà Foy parmy les Infidelles, 5c foûtenu mefme plufieurs guerres contre-eux, pour défendre nos fujets contre leurs entreprifes, fortifié les Xxxij r> 1 EJlabliJfement des "François places de gens & de munitions de guerre, nollre AutfioritésV «ouve pleinement affermie, & le? habitant y joüyffent d'un greable repos, & d une tranqulllté affeurée, qui font autant e fervices confiderablcs qui méritent de Nous unereconnoif fance proportionnée à ces travaux. Et d’autant que par le de vez d“ non 1 “l rqUCt arrr é depU'S peU ’ NouE fo™« pri- vez d. pouvoir les recompenfer en fa perfonne ; Voulans nefnt “T,? qU1S "e dcrac“rentPas mfruftueux; Nous avons crû M lmPorEanl: dc pourvoir au Gouvernement defdites Mes, Nous ne pouvons témoigner plus avan tageufement pour f Famille Pentiere fatisfoaion qui’ Nous relie Wes fervfccs qu en conferyanc ledit Gouvernement à Ces Enfansdefquels com ’ dites Wes'T & Et" Ce ye" Seigneuls Proprietaires def. dites Ifles, feront obligez a les conferver fous nollre obeïffan- ,d autant -plus que fous la bonne conduite de la Dame Veufve dufieur du Parquet leur Mere &Tutricc, & ayantla cTtde! Noble d iceux Us feront élevez dans les mefmesfentimensd-af- tZar- IedltpflCur du Panluet leur Pere a toujours eue pour nollre ferv, ce. PoyR cEs cavses, & autres à ce Nous mouvant i A v O Ms ledit Sieur d’Enambüc Fils aifné dudit Sieut Ægné«qdrnoftrftltUé’ 0td0nné &eftab,i> & par ces Prefentes J giees denollie main, conilituons, ordonnons & eflabliffons Gouverneur & nollre Lieutenant General efdites Mes de k coXnâT^ d'inad A'OUZiCm Amenât confiances & dépendances: Pour en ladite qualité y comman dei, tant aux PcrfonnesEcclefialliqucs que qeculieK, ce qui fera du bien de nollre fervice : défendre lefdits lieux de tou ■fon pouvoir: avoir foin de faire inllruire les peuples àk Refi- lons d’icelÙT0 ’ , APoIlohcluc & Romaine : faire vivre les ha- bitans d icelles en bonne vmon & concorde les uns avec les au. rr,C°rir es Gcns de guerre qui y font & feront cy. apres, en forte n^i’ ei’rbon ordre & Policc fu‘vant nos Reglemens, foire &„?/ nefe eol?1IaletEeaucun delordre : & generalement taire & ordonner par . lcd, cfieur d’Enambuc en ladite qualité eeo„eNeraCU1' Lieutenant General efdites Ifle?, tout nr 5“ « ous-mefmes ferions ou pourrions faire, fi Nous y ellions P lens eu Perfonnej encore que le casreguift Mandementplus aux Ant-IJle s de l Amérique. o? fpecial qu’il neft contenu par cefdites Prcfentcs. Et de tout î contenu cy-defliis joùir par Iuy aux Honneurs, Autho ™CrZ> Preiogatmes, Prééminences, Droits, Fruits, Revenus hmolumens appartenans à pareilles Charges , & tout ainfi quen a joüy ou deu joiiir ledit heur du Parquet fon-Pere Et pour d’autant plus témoigner à la Famille dudit heur du Par- -quet le défit que Nous avons de la gratifier: Nous en cas de oecez dudit fieur d’Enambuc filsaifné dudit fieurdu Parquet- A^s/rconft;tuJé & cftabIl> & ^ ^s mefmes confiituons & cltabliffons ledit fieur du Parquet fon frère. Gouverneur 5c îioftre Lieutenant General efdites Ifles, pour en joüir par luy aux mefmes Honneurs, Droits, Fruits, Profits, Revenus & Lmolumens defius dits, fans qu’il foit befoin d’obtenir autres Lettres que les Prefentes. Et comme ledit fieur d’Enambuc fils aifnc dudit fieurdu Parquet, &Jcdit fieur du -Parquetpuif- nc, ne font encore capables d’exercer ladite Charge, & qu’il emporte pour nofire fervice, au bien & utilité de fa famille, c eftabhr pour la garde 5c feureté defdices Ifles, quelque Per* Tonne dont la fidelité & fuffifance Nous foit connue, 5c qui puifle aflifter & maintenir ladite Dame Veufvc du feu Sieur du Parquet & fes Enfans : Pour cét effet, Nous avons jettéles yeux fur le fieur de Vauderoque, Oncle paternel defdits fleurs d’Enambuc 5c du Parquet, lequel Nous avons eftabli 5c effa- •bliflons par cefdites Prefentespour veiller à la confervation def- dites Ifles fous noflre obeïflancc, iufques à ce que ledit fieur a E nam bue, ou en cas de fondecez ledit fieurdu Parquet fon frere, ayent atteint l’âge de vingt ans. Si Mandons à nô- ■tre tres-cher 5c tres-amé Oncle le Duc de Vendôme , Pair , Grand Maiflrre, Chef 5c Sur-Intendant General de la Naviga- tion te Commerce 4e France, que fur cefdites Prefentes il donne aufdits fleurs d’Enambuc 5c du Parquet frères, fon At- tache 5c les Expéditions qui leur font ncccffaires , afin qu’ils loicnr reconnus ezfufdits lieux en Ieurfdites qualitez : Voulans que les Navires , Vaifleaux, Barques, Chaloupes , Frégates qui leur appartiendront , puiflent aller 5c venir efditcs Terres de 1 Amérique, avec les Marchandées dont elles feront charo-ées, ^ Ies Sommes & femmes qu’on y voudra tranfporter, fans^qu’rl Xxx iij Ejlabhffement des François leur foie fait, mis ou donné aucun trouble ny empefehemenc. Mandons auffi à noftre tres-cher &bien-amé Coufinle Due Damville , Pair de France, Viceroy & noftre Lieutenant Ge- neral, reprefentant noftre Perfonne dans toutes les Ifles, Coftes. &: Terre Ferme de l’Amerique, que fur cefdites Prefentes il donne aufdits Leurs, d’Enambuc & du Parquer frétés, ion A t+ tache & les Expéditions ncceflaires aux fins d’icelles. Mandons commandons en outre à tous Officiers & Gens de guerre. Capitaines ou Patrons de Navires, Barques Sc Vaifteaux , S£ tous autres qu’il appartiendra, de reconnoiftre & obeïr aufdits heurs d’Enambuc ôcduParquet freres, tout ainfi qu’ils feraient à noftre propre Perfonne : C ar tel eft noftre plaifir. En té- moin dequoy Nous avons fait mettre noftre Scel à cefdites . Prefentes. Donné à Fontaine-bleaule quinziéme jour de Se- ptembre , l’An de grâce mil fix cens cinquante - huid ; & de noftre Régné le feiziéme. Signé, Lovys, & fur le reply. Parle Roy, DE Lo RENIE, ôc fcellé du grand Sceau d® erre jaune. Sédition a la Martinique. Emfrifonnement de Madame du Parquet. Sa liberté . §\ I T. FEndant que l’on travailloit à Paris pour obtenir de fa Ma-i- jefté la furvivance des Charges de M. du Parquet à l’aifné de la maifon , il fe forma un parti de mécontens à la Martini- que, qui fe fervant del’occalion des affaires ^portèrent les cho- fes à des extrémitez fi fâcheufes, que l’Ifle fovit à la veille de fa ruine. Les véritables autheurs de cette confpiration ont fi bien fccu fe cacher, qu’apres un foin fort exaét que j’ay pris pour les apprendre éc pour m’en informer deceux qui fçavoient le fin des affaires, ie n’en ay pCi rien découvrir. U eft vray que les Sigalis , Plainville Sc les Vigeons, ont' cfté ceux qui ont paru les plus échauffez dans cette affai- re, ôç qu’à inger des çhofes par, l’apparence. 6c par le de-- MX Ant-Ijle s de l'Amérique. 555 Tfors , ont efté les véritables autheurs de cette révolte; mais il elt pareillement véritable qu’ils n’ont iamais paffé que pour des inftruments des certaines caufes fccrettcs qui les ont fait agir , de qui leur ont infpirc tous ces mouve- mens. le ne diray pourtant rien de ce qu’on a foupçonné , de xne contenterai d’écrire ce qui cft venu à la connoiflancc de tous les habirans , c cft ce qui m’obligera de remonter iufqu’au temps de M. du Parquet, pour trouver dans laprote&ion que Madame fa femme donnoitaux Parifiens de l’Ille , le premier motif ou plütoft le premier pretexte de cette (édition. Madame duParquet quieflroitParifienne,avoitune fi grande in- clination pour les Parifiens, que dans tous les rencontres ou el- le les pouvoir obliger, elle s’y cmploïoit avec desempreffemens incroyables auprez defon mary , & l’obligeoic de les élever aux Charges les plus confiderables de l’Ifle; les Parifiens aufli n’é- pargnant rien pour reconnoiftreune fi grande bonté, faifoient ordinairement au premier iour de l’An & au iour de la Fefle de Madame duParquet, des Cavalcades de des réjoiiifTances extraordinaires , de paroiiïoient dans des équipages aulîi Zeftes que le pays le pouvoit permettre. Les Normands qui cfloient du pays de M. duParquet, piquez de jaloufîe, en vou- lurent faire autant, fi bien quil y avoir une émulation entre ces deux Nations à qui ferait le plus de dépenfe ; mais la rail- lerie fe méfiant avec l’émulation , on en vint aux brocards, te enfin aux querelles de aux combats particuliers. M. du Par- quet craignant que cette diftin&ion de pays ne jettât de la divifîon dans les efprits defes habitans, défendit toutes les ca- valcades de les affemblées aux lins de aux autres, mais îln’ofta pas l’aigreur de l’efprit des Normands, qui voyantque toutes les grâces eftoient pour ceux du pays de Madame, de qu’iln’y avoit rien à efperer pour eux, fe déclarèrent ouvertement fes ennemis, de conferverent cette rancune jufqu’apres la mort de M. du Parquet. L’arrivée de M. de Maubray fut la fécondé chofe qui fervit de motif de de prétexte au foûlevement de ces fediticux. Ce Gentil- homme avoir déjà fait un voyage à la Martinique au mois de Septembre de l’année 1656. de avoit traité comme nous 5 3 6 Efkablijfement des François avons dit de lifte de la Grenade pour M. le Comte de CériL Iae-, mais s’eflant mis en eftat dé partir aveeiuy, ils fe broiiil- lerent fi bien enfembleau Havre de Grâce , qu’il le quitta 8c partit dans le navire du Capitaine Edmeavec Mademoifellefa fœur pour la Martinique , dans le defïein d’offrir ton fervice a M. du Parquet. Il y arriva peu de temps apres fa mort, 8c il y fut receu de Madame du Parquet avec tous les témoignages de la joye quelle devoit concevoir de la venue d’un homme d’efprit, dont elle efperoit tirer des confeils falutaires dans toutes fes affaires. Elle luy fit tous les honneurs dont elle pût s’avifer 6 depuis fon arrivée ne fit aucune affemblée publique ou particulière, ou elle ne l’appellât &ne l’obligeât de dire fou, avis. " M. de Courcelas, que M. du Parquet avoit fait fon Lieute- nant General, par de certaines confîderations & contre fes piopres fentimens,ne le croyant pas amis de fa famille, fit bien» toft connoiflre le déplaifir qu’il avoit de voir fon crédit parta- ge auprez de Madame du Parquet, &rne fe peut empêcher de murmurer avec les mecontens 8c de la blâmer de fe confier trop à, un ellranger.Les méc5tenspafrerentoutre,&prirentlaliberténon feulement de blâmer la conduite de cette Dame, mais encore de dire des chofes tres-honteufes d’elle 8c de M. de Maubray. Elle en fut advertié, mais l’humeur hautaine de ce Gentil-homme ne la portant pas à fléchir, elle méprifa tout ce que l’on luy en pût dire. L execution d une Ordonnance que feu M. du Parquet avoir faire un peu avant famort, 8c, à laquelle quelques-uns avoienc malicicufement refifte, fervit d un nouveau pretextepour broiiil» - 1er ; car ayant voulu faire marquer les rolles de petun quifor- toient de 1 Ifle, ainfiqu il avoit elle ordonner bien que cette Ordonnance fût neceffaire autant pour le bien du public que poui celuy des particuliers, tous les mecontens en prirent occa- fron de faire éclater laverfion qu’ils avoienc conceuë contre Madame du Parquet. Ils s affemblerent tumultuairement au quartier du Prefchcut? &prefenterent une requcffc,par laquelle ils demandèrent que le- fîeuje ■ aux Ant-TJle s de ï Amérique. 53 -r fieur de Maubray fût chalfé de fille comme un perturbateur du repos public. Neantmoins M.de Gourfelas eftant allé trou- ver ces mécontens avec le R. P. Bonin, ils moyennerent un accommodemenc , &leur firent mettre les armes bas, à condi- tion que le fieur de Maubray fe retireroic ( pour deux mois feu- lement ) à la Cafe-Ptlote, à quatre lieues du logis de Madame du Parquet, apres lefquels il fortiroit de fille , & cependant ne fe méleroit. d’aucune affaire. L’Ordonnance fut révoquée, non pas comme mauvaife , mais parce quelle procedoit du gé- nie de M. de Maubray. Cér accommodement devoit ce femble reftablir la paix dans fille ; mais M. de Maubray n’ayant pû s’empêcher d’é- crire à Madame du Parquet, fes Lettres ayant efté interprétées par les feditieux, qui avoient des elpions par tout; quoy que con- tinflent ces Lettres, l’on prétendit pourtant jullifierpar ce moyen une intelligence fecrette de M. de Maubray avec les Anglois de la Barbade, &r un deflein d’en faire venir du fecours à Ma- dame du Parquet. Sur cela on fit aulfi-toft courir le bruit dans fille que M. de Maubray vouloir s’en emparer , & la fouftraire de l’authorité du Roy. Les mécontens coururent tout de nouveau aux armes, furent chez Madame du Parquet, la contraigni- rent de ligner la lortie de M. de Maubray, &: fans perdre de temps 1 embaïquerent avec fil fleeur fon neveu , dans un na- vile qui alloit à Saint Chriflophe, où pourtant il ne voulut pas defeendre ; parce qu’ayant toûjours efté dans' les interefts du Roy de la grande Bretagne , îln’eut paseftébien reccu par- my ceux quitenoientleparty de Cromwel. S eftant retiré à Antigoa , il continua d’écrire à Madame du Parquet; & fes Lettres ayans efté de nouveau interceptées, firent foûle ver toute l’Ifle. Plainville & Sigaly fe mirent à la telle des mutins, & fe dé- clarèrent Chefs du parti, renoncèrent publiquement au fer- ment de fidelité qu’ils avoient prefté à Madame du Parquer, & ne reconnurent plus que les Officiers qui leur promirent pro- teélion & fidelité. On ne fçavoitde quel parti eftoitM.deGourfe- las; car bien qu’il fe trouvât dans toutes leurs alfemblées,&fienât I. Partie. Yyy & Ejlablijfement des François toutes leurs deliberations, ces révoltez neantmoins créèrent de nouveaux Officiers, &. fi obligèrent à en recevoir le ferment. Enfin leur mlolence paffa fi avant , qu’ils envoïerent fai- re commandement i Madame du Parquet de les venir trou- ver au Confie il, M. de Gourfelasluy-mefme l’alla quérir, & luy promit de la ramener ; mais la pauvre Dame ne fut pas pfû- tofi: arrivée, qu’un d’eux entra mafiqué, & levant le mafque luy dir que le maique efioit levé , & aufTi-toft elle funfaifie & emme- née prifior.niere au quartier du Preficheur, où elle fiouffrit tout ce que l’infolence pût infipirer à ces fiedirieux. L’on fit inventaire de fes meubles ; & les fieditieux y ayant rencontré les Oeuvres de Machiavel , prefienterent requefte au Confieilpour les faire brûler par les mains du Bourreau, comme la réglé de fa conduite. Pour donner quelque couleur à leurs entreprifies, ils firent îa délibération fui vante, dans laquelle ils ordonnent la dépoli - tion ôe l’emprifionnement de cette Dame, & font divers R.é- glemens pour le Gouvernement de fille; le Ledeur curieux ne fiera pas marry de les voir, ie les dpnnetels qu’ils ont elle tirez des Regiftres du Confieil de la Martinique. V Mardy fixiémeAoufi: 1658. le Confieil affembïé en l’Illc de la Martinique, où a préfidé Mederic Roolle fieurdc Gourleîas, exerçant la charge de Lieutenant General en l’ab- fence de M- d’Enambuc. Sur la plainte desfiept Compagnies de ladite Ifle,de lamau- vaife conduite ôe entreprifie faite par Madame la Generale fur tous lefiditshabitans, qui ont efté découvertes & fie découvrent tous les iours de plus en plus, ledit Confeii a refiolu ôc a or- donné que ladite Dame fera démifeSe dépoffedée detout pou- voir &: commandement dans cette Ifle, Se que pour cét effet elle aura pour fia demeure aétuelle lesMagazins au quartier de la place d’armes du Preficheur, fans qu’elle fie puiffe retirer faire aux A nt-IJles de F Amérique. j 3 9 fa demeure en fon logis de la Martinique , ny en aucun autre lieu que celuy cy-defïus. Que défenfes font faites à toutes perfonnes quelconques de luy parler 8c communiquer fans permiffion de l’Officier de Garde. Que la Damoifelle de Francillon, attendu fa faétion intelli- gible avec le fieur deMaubray , menacez contre les habîtans & delobeïflanees au public , aura fi café pour prifon jufqu'à ordre. Que les poudres feront amenées dans l’Àrcenalde cette Ifle, 8c' miles cz mains du Commandant du Fort S. Pierre : Com- me auffi les quarts de poudre deubs 8c payez pour l’ancrage des navires. . Que défenfes font faites aux Officiers dépofez de fortirde leurs habitations fans ordre : Comme auffi de porter auçunc arme à feu,&: où ils feront trouvez trois enfemble permis aux habîtans de leur tirer fus. Qifil eft fait défenfes à telle perfonneque ce foit de les fré- quenter pour quelque caufe quecepuifte eftre, fans permiffion de l’Officier du quartier. Que défenfes font faites à qui que ce foit d’aller à bord d’aucun navire ou batteaux , fuivanr les anciennes Ordon- nances , 8c auffi fans permiffion du Capitaine du quartier, ou de 1 Officier de Garde, à peine de punition corpo- reile. Que les Officiers de nouvelle création, joüiront desmefmes privilèges que leurs devanciers. . Que les habîtans payerontpour tousdroics, cinquante livres de petun, ainfi qu’il eft porté parles Articles de la Commiffion; 8c pour le regard de l’Article qui traite de la guerre, leshabitans feront leur poffible pour entretenir la paix avec les Sauvages, êc où il fera befoin de guerre ils fe garniront cîe vivres 8c de munitions, 8c auffi l’Article des 50. livres pour la guerre, de- meurera nul. i . Qu’il eft fait commandement à Charles Bailîardet de re- mettre cz mains des habîtans, & pour eux ez mains du fieur de Plaffiville leur Syndic, U barque nommée le Saint tacques, Yyy 5 40 Efiablijfement des François 6c tout ce qui en dépend, comme à eux appartenante, & que Madame remplacera le batceau commandé par Iacques Adam à eux appartenant , attendu que lefdits deux bafli- mens ont elle payez 6c acheptez de cinquante livres de pe- tun par telle , mile fur eux en l’année mil fix cens cinquan- te-cinq. Que les parens des enfansde feu M. le General du Parquet d’beureufe mémoire, poferont un Intendant pour la conferva- tion de leurs biens, &pour avoir foin de ce qui fera neceffaire à 'ladite Dame 6c à Meilleurs fes Enfans. Et pour ordonner au Fort Saint Pierre 6c aux munitions, canons dudit Arcenal , de la place , 6c autres chofes 6c exploits neceflaires , le fieur de Plainville Syndic defdits habitans, eli commis, 6c pôle 6c dfabli en ladite qualité, fera à l’advenir reconnu 6c obey , le tout neantmoins fous l’authorité du fieur Gourfelas 6c defdits habitans ; qu’il fera fait inventaire de l’Artillerie 6c munitions qui fe trouveront dans ledit Fort de Saint Pierre, &: autres lieux de ladite Ifle, pour en dif . pofer, ainfi qu’il fera iugé à propos par le confeil defdits ha- bitans. Qifil fera mis ordre que l’Audiance & Salle du Confeil fera parachevée , 6c que les planchez , feneftres , portes , 6c autres cho- fes nece flaires feront achevées, en forte qu’elle puifle fervir d’Hoflel de Ville 6c lieu d’aflemblée. Que les amendes , foit de ceux qui feront défeétuéès dans leurs Gardes, que de ceux qui n’entretiendront point les che- mins, 6c généralement de toutes celles qui feront impofées, ( à l’exception de celles qui feront ordonnées 'par le luge ordinai- re, ) feront appliquabies au public. Signé, de Gourfelas, de Plainville, du Vivier, Sigaly, Beaufoleil, fieur Didier, Iean Dautruis, Chaillon, Gobert, Guillaume Sauvage , Barbulo, Iean Richemont , Golaifon, Vigeon, Renault, l’Hermitte, Blain, Iean Biflon, l’Evêque, 6c plufieurs autres. Dudit iour de relevée, continuant le Confeil fufdit, les Compa- gnies aflemblées fous les armes, en prefence dudit fieur Gourfelas fufdit, ont prefié le ferment de fidelité entre les mains defdits Officiers defdites Compagnies; & promis de bien fervir le Roy aux Ant-IJles de ï 'Amérique. 541 8c luy eftre fi déliés , & à M. d’Enambuc, qu’ils efperentque fa Majefté leur donnera pour Gouverneur, 8c audit fieur Gour- felas en la qualité qu’il poftcde, &: de fe comporter entre-eux dans une parfaite union pour le bien public: Dont Aéle eft figue, Govrselas, Plainville, 8c de tous les autres* comme deftus. Quelque-temps apres le fieur de Gourfelas &: de la Vigne,' homme rufé, firent femblant de pacifier les choies; 8c fous prétex- te d’accommodement, firentadroitement ligner un écrit à Mada- me du Parquet prifonniere , par lequel elle confentoit qu’on fit le procez à ceux qui fe trou veroient coupables dudelfein d’aflaf- finer les habitans, 8c renonçoit au Gouvernement, qu’elle re- mettoit entièrement entre les mains de M. de Gourfelas, juf- qu’à ce que le Roy y eûtpourveu , 8c promettoit encore d’é- crire pour obtenir de fa Majefté l’amniflice de tout ce qui s’eftoit pafle, fe contentant d’eftre remife en fes biens 8c hon- neurs. Cét Aéle ayant efté figné 8c mis entre les mains de M. dp Gourfelas, la fedition fut incontinent appaiféeôc les armes mi- fe bas, avec autant de facilité qu’on les avoit prifes; mais un nommé des Marets , domeftique de cette Dame, plus avifé qu’elle, eftant venu crier dans la place publique, qu’elle avoit efté forcée , quelle s’en plaindroic au Roy, 8c qu’elle vouloit dire juftifiêe. Les feditieux reprirent aufli-toft les armes, 8c crièrent tout haut qu’il falloit l’embarquer, 8c tous ceux qui avoient entrepris avec elle d’aftafîiner les habitans;mais tout cela aboutit à prendre dix ou douze des principaux Officiers, 8c créatures de défunét M. du Parquet, qu’ils privèrent de leurs Charges, & les chaflerent de l’Ifie. Ils en euflent infailliblement fait autant à Madame du Parquet, fi les Autbeurs fecrets de cette confpiration, cjffi-'gnant d’eftre dé- couverts, n’eulîent adroitement empêché fa fortie. Car apres ce -tumulte elle futmife enliberté, à la caution des RR. PP. Iefui- tes, de M. de Gourfelas, 8c des parens de feu M. le General, 8C toutes choies reprirent leur train ordinaire. Y yy iij 5 4 1 S 'fkàblijfement des Fr an cois Maffacre de quelques Sauvages a la Martinique i Combat contre - eux àlaC apfiere de cette IJle : dot * on les ch afp: . Madame 4u Tarquet . §. 1 1 1. QVelque -temps avant îa mort de M. le General du Par- quet, on avoit fait une paix telle quelle avec les Sauvages* comme nous avons dit; &quoy que l’on vit bien quelle ne fe- roit pas de longue durée, les Habitans François de la Marti- nique ne Iailferent pas pourtant de fehazarder d’aller à la Cap- fterre, les uns pourlapefche, & les autres pour la chafle. Ces Barbares qui n ont aucune fidelité dans leurs parolîes , & oui dans la plus profonde paix ne laifTent échaper aucune occafion de faire infulce aux Europeans ,lors qu’ils les trouvent à leur ad- vantage , ayant découvert qu’un équipage de François fe divi- foit tous les marins , & qu’une partie alloit à la ch allé pendant qu’il n’en demeuroit que trois à la garde du Boucan ; refolu- rent de maffaçrer ceux-cy qui ne penfoient nullement à fe deftém dre contre ces perfides, qui traittoient tous les jours aveceuxi Ils executerent leur refolution, de le fieur Belin habitant des plus confidetables, y fut affommé avec deux autres , à coups de Bouton. Le canot qui avoit apporté nos François fut mis en pièces , fi bien que ceux qui efloient à la chafï’e eftans revenus, ayant trouvé leurs compagnons morts : de peur d’ellre trai- tés comme eux, ils gagnèrent promptement les bois, ou ils fu- rent quatre jours avant que de pouvoir atteindre le quartier de laGafe-Pilote. Les Sauvages fe doutans bien qu’on ne laiffetoit pas cét at- tentat impuni, envoïerent quelques jours apres une pirogue plei- ne de leurs gens au Fort, pour taire leurs exeufes ordinaires, de afTeurer qu’ils n’avoient point trempé dans cemafïacre, de qu’il avoir effé fait par ceux de faint Vincent ou de la Dominique! Comme ils vinrent au plus fort de la (édition* de dans un temps rmx Ânt-TJles de l’ Amérique. 543 qu’ott ne fe connoiffoit prefque pas l’un l’autre dans I’ïfle :on fur contraint de diflimuler , defe contenter de cette exeufe , &: de leur dire qu’on ne leur vouloit point de mal. Cette réponfe les contenta fi bien,queles affaires nfc furent pas plûtoff pacifiées à la Martinique, Madame la Generale remifedans fonauthorké & dans fes droits , que l’on vit arri- ver Nicolas , leplus fameux, le plus vaillant , &: le plus redouté Capitaine de tous les Sauvages. Il defcenditluy dix-feptiéme au Fort faint Pierre, vint dans la place , &: femît à boire de l’eau de vie avec quelques François. Beau-Soleil homme cruel, S>C furieux , Chef de la fedition qui venoit d’effre appaifée , les ayant apperceus, refolut auffi-toff de venger (ur Nicolas , &fur ccu*xde fa trouppe, l’injure qui avoit elle faite aux François. Ilcourut promptement partousles Magazins (qui font aufli les Cabareftsdes Ifles ) &amafla 60. ou 80. hommes qui le fuivi- rent d’autant plus volontiers que l'intereft de la vengeance de leurs compatriotes effoit commun. L’on fit apporter pour cét effet toutes les armes par les portes de derrière des Maifons & des Magazins qui font autour de laplace. Nicolas &: les autres Sau- vages beuvoient dans le Magazin de Monfieur le Maiffre , fans fe douter dece qui le tramoit contre eux, lors que Beau-Soleil ceux de fa trouppe l’ayant environné , afin que pas un ne Ce fauvaft, les fie charger à coups de moufquetons & de fu- fils , cinq furent tuez dans la grande Place, fept dans la fucre- rie de Madame du Parquet, un autre dans les cannes , & trois furent arreftés prifonniers &: rnis dans le cachot du Corps de Garde. Nicolas fe fauvantvers la Pirogue, reccut un coup de moufqueton dans le corps, maisilnelaiffa pas de fe ietter dans l’eau, où ayant effé pourfuiui delà plufpart des François, ils tirè- rent tous fur luy ; mais il plongeoir avec tant d’adreffe, qu’il évita la plufpart des coups, Sé autant de fois qu’il revenoit fur l’eau il rapportoit des roches qu’il jettoit courageufement à lateftede Ceux qui eftoient les plusavacezjainfi bien que la mer fût autour de luy toute rouge de fon fang,nosFrançois efloientau defefpoir dele pouvoir achever, fi un habitant ne luy eût donné un coup de moufqueton dans l’œil .■ car on le vit en melmctemps flotter fur l’eau. Quelque diligence pourtant & quelque foin que prif- 544 Ejlablijfement des François fendes François, ils ne purent empêcher qu’il ne s’en fauvât deux, qui furent porter la nouvelle de cemaflacreà leurs Com- patriotes. Beaufolei! &: fes Compagnons enflez par le fuccez de cét ex ploift , exécuté fans ordre d’aucun Commandant, 5c dans lequel pourtant tous les habitans s’eftoient intereflez comme dans une caufe commune, fongerent incontinent à uneentre- prife de plus grande confequence, qui eftoit de chalfer tous les Sauvages de la Capfterreôc de toute riflejôe croyant qu’ils difpoferoient de tous les habitans dans cette entreprise , com^ me ils avoient fait dans cette première execution, ils com- mencèrent à crier tout haut qu’il n’en falloit pas demeurer là, qu’il efloit temps depoufîerles Sauvages àbout, &deleschaf- fer de l’Ifle. Tous les Offlciers aufll bien que les habitans en eftoient d’avis, mais l’appuy fecret de Beaufoleil & defes Compagnons venant à manquer, il fe trouva fort éloigné d’avoir la condui- te de cette entreprife comme il le pretendoit; car Monfieur de Gourfelas qui coinmandoit dansl’Ifle en qualité de Lieutenant, 5c agifloit fans compétiteur auprez de Madame la Generale, ayant arrefté les fougues de ces feditieux, luyen fut faire la propofltion. Elle convoqua aufli-toft le Confeil General des Officiers & des principaux habitans de l’Ifle, où ayant bien confideré le tort que ces barbares faifoient par l’enlevement des efclaves, 8c que mefme depuis la paix conclue avec eux, ils en avoient retiré plufieurs,& traitreufementaflaffinés des habitans qui ne leur faifoient aucun tort, la gu erre fut déclarée & l’cntreprife conclue. M. de Gourfelas choifit promptement dans toutes les Com- pagnies de l’Ifle fix cens hommes , dont la plufpart eftoient Maiftres de Cafés, & tous trüs-vaillans , l’on en mit deux cens fur cinq barques commandées par M. de Loubiere, & les quatre cens autres qui dévoient aller par Terre, furent divifezen deux bandes, dont l’une eut ordre d’aller par la Montagne Pelée , 5c ï autre de pafler par le Morne des Gommiers. Monfieur de Loubiers envoya Beaufoleil dans une de fes barques, avec or- aux Ant-IJles de t 'Amérique . 545 dix de paficr par le quartier du Prefcheur, & de Te trouver au rendez-vous; mais foit qu’il fe fût mépris, ou c l’on iuy eut donné de faux ordres pour avoir un prétexté de fe défaire de Iuy, il s’en revint fur fes pas , proteflantquiiln avoit veuperfon- ne à la Capfterre. Le R. P. Bonin Supérieur des Icfuites, fut parMeravec Monfieur de Loubiere, te le R. P. de Boulongnc Supérieur de nos Religieux , fut par terre avec les aucres foldats, qu’il allîfta avec une charité incroïable, iufqu a porter lesmouf- quets des habitans qui furent blefïcz dans la première efear- aaouche. Les Sauvages ayant découvert par leurs efpions l’entrcpri- fe des François, te fe doutant bien du chemin qu’ils dévoient tenir, ils y firent une grande quantité de trous ronds , dans lef. quels ils fichèrent des flèches empoifbnnées les bouts en haut, qu’ils couvrirent de branchages & d’un peu de terre par défiais,' apres quoy s’eflant avancez comme pour faire tehe, te ayant rencontré les noflres, ils firent leurs cris & heurlemens ordi- naires. Il y eut quelque legere efcarmouche de part & d’autre, apres laquelle les Sauvages feignirent de lâcher le piecl&s’en- fuirent fort loin, afin d’attirer nos François dans les picçes qu’ils leurs aveient dreffez, te de les combattre dans le dé/or- dre où ils auroient infailliblement eflé; mais la nuiél eflanc furvenué, un nommé Nicolas Lcvefquefe doutant de leur ru fe, conieilla à fes Compagnons de changer de route te de mar- cher la nuiél pour les aller attaquer dans leurs Carbets. Cette adrefle produifit deux bons effets; car outre que nos François évitèrent ces piégés, les Sauvages les ayant veu defeendre par- mi autre chemin , te de meilleure heure qu’ils ne les attendoient, crûrent que s’enefloit encore une autre bande; te celuy qu’ils avoient mis en fentinelle aïant couru vers eux, te jette plein fes deux mains de fable par deffus fa telle , pour leur faire entendre que les François efloient en très-grand nombre, ils prirent l’épouvante , 5e s’enfuirent tout en defordre vers leurs Carbets, où ils jetrerent h bien la terreur, qu’ils euffent tout abandonné fans rendre aucun combat, files plus hardisne les eufient encouragez te fait refoudre à foûtenir le choc .-peut;- I. Partie. Zzz j 46 EjlabhJfement des François dire pour avoir fe temps de faiid embarquer leurs femmes 6c leurs enfans. En effet, les plus hardis Capitaines des Sauvagesayantfaitun gros de tout ce qu’ils avoient de gens refolus, 6c sellant prefentez pour refifter aux François, Ion fe difpofa au combat de part& d’autre, 6c le R. P. Boulogne apres une petite exhortation aux foldats leur donna l’abfolution. L’on ctoyoit rencontrer une plus grande refiftance que celle que firent ces mal-heureux; car apres la première décharge, nos François coururent à eux Fépce à la main avec tant de fureur, qu’ils s’enfuirent tout en defordre dans les bois , 6c coururent vers les lieux où ils avoient cache leurs Pirogues. Nos François au lieu de les pourfiiivre s’arrelferent à brûler les Carbets, tuans fans au- cune confide ration de l’âge ny du fexe tous ceux qu’ils rem contrôlent. Cependant ceuf^ qui fe purent fiauver de ce de- faflre s’embarquèrent avec les autres dans leurs Pirogues, 6c fe retirèrent les uns à Saint Vincent, les autres à la Domi- nique, 6e la paifible poffelTion de toute fille de la Martini- que demeura aux François vers la fin de l’année mil fix cens cinquante -huiét. Le P. R. Boulogne de noflre Ordre y planta la Croix: 6c les Armes de fa Majeflé tres-Chrefiienney furent mifeenfuite, apres quoy l’on chanta le Tc Deum en aétion de grâces d’un fi heu- reux fuccez. M. de Loubiere avec les deux cens hommes qu’il conduifoir par Mer dans les barques, ayant trouvé à fon ar- rivée les François viélorieux, 6c en pofTelfion de la Capflerre, { que les Sauvages s’efioient toujours refervée depuis fan 163$. que M. d’Enambuc s’elfoit emparé de cette îfle,) fitprompte- ment drefler un baflimcnt de charpente qu’il avoit apporté dans une barque, poury fervir de Fort: en cas que les Sauva- ges vouluflent attaquer les noflres. Le R. P. Boulogne y fut arrelfé par le fentiment commun des habitans, qui jugèrent raifonnable que ce bon Pere qui avoit effuïé toutes les fati- gues , couru tous les dangers de cette entreprife, 6c affidé avec beaucoup de charité tous les habitans, eût la conduite fpi- . rituelle de ce nouveau quartier. Madame la Generale luydon- que .place, pù ilbafiic une Chapelle, qu’il bénit fous lenom aux ^Ant-JJles de l' Amérique. 547 de Saint Iacqucs, àcaufe que feu Monfieurle General portoit ce nom. Beau-foleil ne s’efhnt point trouvé au rendez-vous qui Iuy avoit eflé donné, cutprife avec M. de Loubierc-. lequel apres l’avoir traité de broiiillon , de perturbateur &: de traître, le fit an citer, puis il fut chaffé de i’Ifle avec les deux Vigeons&Plain» ville; l'on ne fit pourtant aucun tort à leurs biens , qu’ils eurent la liberté de retirer. Bien que toutes les chofes eufïent repris leur premier train, que Madame du Parquet fût dans une pleine liberté, ayant’efté remife dans tous fes bicns& honneurs ; que le luge eutrecommencé ci exercer fa Charge, ôc que les Officiers exilez par les mutins, euf. fent efté rappeliez; neantmoins l’extrême riiflefTe ôtles maux qu’avoit fouffert cette panure Dame , Payant rendue paraliti- que , elle refolut de venir chercher le remede de fon mal dans les eaux de Bourbon. Elle attendit fort long-temps M. de Vauderoque fon beau- frère , qui venoie commander dans PI fie pendant la minorité de fes Enfans ; mais voyant quiltar- doit trop , & que fes maux augmentoient tous les jours, elle s’embarqua dans un navire de Saint Maîo avec fes deux peti- tes filles , Mademoifelle de Francillon fa coufine , &: quelques Officiers de fa maifon. Mais fa maladie s’augmenta fur la mer; & comme elle n’y avoit pas le fècours qu’elle eût trouvé à terre, elle traifna un mois entier foünrani des douleurs extremes avec beaucoup de patience, & une grande refignation auxvolontcz de Dieu iuf- qu’à fa mort. Le Sieur Coutis fit faler fon corps , afin de la faire enterrer avec les anccflres de fon mary ; mais fix jours apres, une furieufe tempefie sellant levee , & ayant dure trois iours, quelques Portugais fuperflitieux ne cefTcrent décrier, que le corps de cette Dame en cfloit la caufe , de forte quil fe fit une- fedition dans le Navire, qui obligea le Capitai- ne & les Matelots de le jetter dans la mer. On aprit cette nouvelle en France auparavant que M. de Vauderoque fût parti; ce qui l’obligea d’avancer fon voyage, & de s’embarquer à Dieppe au mois d’Oélobre de l’année 16 59. bc fix Semaines apres il arriva à la Martinique, où il fut ■ "• Zzz ij Ejlablffement défErançols receu avec la joye de tous les habitans, Iefquels ne trouvant rien en fa conduite des excellentes qualités de feu fon frère, eu- rent fort peu d’inclination pour luy , &il mourut fortpeu regreté le 24. Octobre 1661. Apres fa mort tous les habitans s’afTemblérent, & drefie- rent une requefte qu’ils envoyèrent prefenter au Roy , pour Je fupplier de conlerver le Gouvernement à M. d’Enambuc, 5c d’agréer qu’un des quatre qu’ils iuy prefentoient , exerçât la Charge de feu M.de Vauderoque fon oncle, pendant fa mi- norité. Les quatre prefentez furent M. de Gourfelas ( qui eftoit à Paris, à caulë des mauvais traitemens qu’ii avoit re- ceus de feu M. de Vauderoque ) le licur de Loubiere, lefieur de la Forge, & le ficur de Vaîmemere, qui fur député en Cour pour folliciter cetre affaire ; mais M. des Hameaux croyant que M. de Clermont ellant proche parent des Enfans, auroiî plus de foin de leurs interdis qu’aucun autre, obtint defaMa* jefté quil fut pourveu de cette Charge. mus m Different de Monfieur Hoüel Avec Monfieur & Madame Bofferet, g? leurs Enfans. CHAPITRE XXL SI ie n’eftois autant à l’épreuve de la crainte, que ie luis éloigné de la fiaterie, les menaces que l’on m’a fait faire par un Médecin de mes amis au fujet de ce que ie vas écrire, m’arrellcroient tout court, & me feraient garder le iilencc , fur une affaire , dont toutes les perfonnes interefTées font actuellement refidentes à Paris, dcfquelles quelques-unes auront peut-eftre de la peine à louffrir lesvericez que ie fuis obligé de dire, pour ne pas priver le public d’un des plus beaux endroits de cette H i foire. Au relie, ie protelle de ne prendre point de parti, de dire fimplement la vérité des choies, qui mtt Ant-Ifees de F Amérique. 54 9 font venues à ma connoifiance, & qui ont éclaté aux yeux de tout le monde; &: comme ie ne pretens flater perfonne, il ne faut pas s’eftonner fiie n’épargne aufli perfonne. Ai. .Hoüel prie A4. Boifseret de luy vendre fk pari de la Cjuadeloupe. M. B 01] fret le refit- fe meurt de déplat fer. A4. Hoüd retourne a U Guadeloupe. Il renvoie en France M . le Chevalier [on frere Çÿ fis neveux. Re- MOnfieur Hoüel ayant époufé pendant fonfejour à Paris; la fille de M. Hinffelin; apres les réjoüiffances desnop- ees, eftant fur le point de retourner à la Guadeloupe, propo- sa à M. Boiiïerct la vente de la part qui luy appartenoit dans les Ides, •& luy offrit de l’achepter. Ce bon vieillard qui fai- foit un capital de ce bien qui luy avoittant coûté, & dontM. Hoüel luy avoir donné de fi belles efperanccs, fut effrange* ment furpris de cette propofition , ô£ refufa abfolument d y en- tendre; ce qui ayant fait naiflre entre-eux de grandes con- tcfhtions , les chofes en vinrent à telle extrémité, qu’apres quoM. d’Ormcffon j parent commun, eût tâché de les accom- moder; M. Hoüel entra un .iour dans de fi grands emporte- mens, que M. Boifferet s’en eftant faifi en mourut lemefme Cet accident ayant affligé Madame de Bo.iTeret dans 1 ex- cez, & augmenté la divifion entre elle & M. Hoüel fon rre- re; leurs parens neantmoins le voyant fur le pc:n£t de s en re- tourner à la Guadeloupe , oû Madame BoifTeret avoit fes en- fans, s’emploïerent pour les accommoder , & firent fi bien envers elle , qu’elle confentitdele voir, & de fe reconcilier avec luy. Monfieur Hoüel fe fepara d’elle fort fon amy en ap- aune Dixme . iour.. Z z z iij j)0 Eftablijfement des François patence , mais toûjours dans le d elfe in de n’avoir point de Compagnon ,& defe rendre le Maiftre abfolu de Ton Me. II donna des marques de Ton deffein, Iftoff qu’il fut arrivé à la Guadeloupeavec Madame fa femme , en trouvant à redire à tout ce qu’avoient fait pendant fon abfence M. le Cheva- lier Hoüel fon frère & M. de Boifferet fon neveu. Il s’en prit premièrement au Chevalier, & apres Iuy avoir dit qu’eftant marié il fe pafferoit bien des fervices qu’il Iuy avoient rendus jufques alors; comme le Chevalier Iuy eut reprefenté que ce- la effoit fort éloigné des belles promeffes qu’il luyavoit faites, de I’affocier à un tiers de la Propriété du pays, enrecompen- lè dcsfervices qu’illuy avoir rendus depuis onze ans, M. Hoüel pour n’effre pasexpofé à fes plaintes, le renvoya en France fans argent & tres-mccontent. Il ne fut pas long-temps fans attaquer M. Boifferet, &: prit fujet de la révolté des Nègres pour le quereller, le blâmant du peu de foin qu’il avoit eu de prendre garde à eux, de ne s’eftre pas oppofé à leur defïcin dez le commencement , 5c de ne les avoir pas pourfuivis Iuy-mefme, apres le maffacre com- mis dans la dernierc Café de la Capfferre, & il paffa iufqu’à le traitrer de lâche & d’homme de peu de cœur. Ces repro- ches ayant outré M. de Boifferet, il Iuy répondit qu’il n’avoit jamais commis de lâcheté, & qu’il avoit affez de cœur pour le voir lepéc à la main ; mais n’en ayant point pour lors, par- ce qu’il fc divertiffoit au jeu, ayant fait ce qu’il pût pour prendre la lienneffl en fut cmpêchépar M. Galand, &: quelques-autres, qui sellant mis entre l’Oncle & le Neveu, ne purent pourtant fi bien faire qu’outre les paroles outrageufes, M. Boifferet ne receut quelques coups de M. Hoüel; lequel eftant forci delà chambre envoya prendre fon Neveu par le Caporal qui effoit de Garde, SHe fit mettre aux fers, où ayant demeuré quelques jours, apres avoir fait quelque fatisfa&ion à fon Oncle, il fut mis en liberté. Cette efpece de réconciliation pourtant, ne dura pas long- temps; car M. Hoüel ayant donné une Requeftc, tendante à faire vendre tous les effets appartenans à la Communauté de feu M. Boifferet fon beau-frere & de Iuy, l’ayant fait lignifia aux Ânt-Jfies de l Amérique*. /y 1 à fon Neveu, celuy-cy s’y oppofa abfolumcnt, ce qui les fi rompre de nouveau, &: en venir aux reproches & aux injure plus qu’auparavant. Quelque refffianec pourtant que M. Boifferet put apporter.» • M. Hoiiel fit pafTcr outre à la vente qu’il a voit refoiuë , fai- {ant adjuger les chofes à des perfonnes qui luy eftoient affidées, & mefmc en fit achepter beaucoup au nom de fa fille qui na- voit que huiéfc jours. Cette vente fc monta à un million cinq cens vingt-neuf mil livres de petun: pendant laquelle M.Boifk- ret n’ayant pu S’empêcher d’éclater en quelques menaces : ces menaces ayant eflê rapportées à M. Hoüel, il le fit embarquer & le renvoïa en France. Bien que le retour de M. le Chevalier Hoüel, & celuy de M.de Boiffierrt , euffient tout à fait choqué Madame de Boif- feret , il n’y eut rien pourtant qui la dcfobligeât davantage que la Lettre que M. Hoiiel écrivit à M. Harvier, fon Pro- cureur au Parlement , un iour avant la fignification de la ven- te dont nous venons de parler ; car voyant par cette Lettre quelle ne devoit plus rien attendre de luy , pour la conferva- nonde fes interefb dans les Ifles, elle prit la refolution la plus gencrcufe & la plus hardie dont une femme fût capable, nous en parlerons dans le paragraphe fuivant, apres que j au- ray donné cette Lettre qui en fut l’occafion , Se quej’auray dit ce quife paffioit pour lors à la Guadeloupe. M ONSIEVR, le vous prie de me mander dans quelle refolution eft nu ,, fœur pour nos difficultez ; carie ne fuis pas en déficha de me „ mêler d’avantage de nos Domaines n y chant pas obligé ic o, me contenteray de faire la Charge de Gouverneur, ie nay de ma fœur aucune réponfe pertinente ; c’ert pourquoy ie vous ,, prie de me mander fon deflein , fi vous le connoiffez, nous „ jouons à un jeu où elle perdra plus que naoy , & fa perte fe 3, rendra irréparable fi elle n’y remédie promptement, parce 3, qu’abandonnant tous les interefts où elle prétend avoir part 55 1 EJlabhJfement des François },avec moy , elle ne perdra pas feulement le revenu, mais îè 3, fond mefme fe perdra avec le temps. Vous pouvez l’enaver- tir charitablement, afin que plûcoff que plus tard elle y ap- 33 porte le remede. Vu F on de la Baffe -terre de la Gua* V offre très- affectionné. delo-pe ce 8 . tanvier 16 57. fer VI t eu r, Hüüel. Pendant que Madame de Boifféret employé tous fesjbins^ & confulte tous fes amis pour prendre des mefures juftes, afin ., deconferver fon bien & celuy de fes enfans dans les Ifles; M. Hoiiel fe fit une affaire dans la Guadeloupe, qui n’a pas peu con- tribue a fa ruine ; car tous prétexté d’exempter les habitans de la garde, seftant avifé de doubler les droits Seigneuriaux, & de mettre à deux cens dix*huiét livres de petunce quin’ê- toit quà cent neuf, les ayant encore augmentez de foixante livres ( peut-effre pour faire payer les droits qui effoient deûs à M. de Thoify ) tous les habitans prirent les armes &c la re-- volte fut fi grande, que s’il ne leur eût accordé la fuppre/ïion ^ entière de tous les droits Seigneuriaux, des corvées, la moi- tié ae ce qu’ils avoient coutume de payer pour la garniion , & une amniftie enticre pour cette révolté qu’ils pretendoienr faite^ec raifori, ils fauroient infailliblement affommé, ou du t moins chaffé de fon Ifle. La faute qu il fit enfuite, ne fut pas moins confîderable ^ car fur ce que les habitans avoient propofé pendant leur foû- levement deffablir M. de Temericour fon neveu en fa place, il ne les eut pas plûtoff appaifez, qu’il le renvoya à Madame fa mere auffi mécontente que les autres ; & afin de n’avoir perfonne qui le pût contredire , Se d’effre le maiffre abfo- lu de fon Ille, il chaffa iufques à plus cent chefs de famille, qui avoient trempé dans la derniere révolté, Âpies cela , pour n avoir pas le démenti de ce qu’il avoir en- trepris, ayans attire à Iby les Officiers & les habitans qui luy avoient le plus d obligation, il leur propofa le deffein qu’il avoit de changguje droit de capitation , en une Dixme qui ferait levee fur tous les biens du pays ; & leur prefènta pour aux Ant-IJles de l* Amérique. 553 ce fu jet à tous en particulier uneRequefte, par laquelle ils le prioient de faire ce changement. Quinze ou feize la fignerent apres qu’il leur eut promis de les en exempter, ceux-cy pro- mirent la mefme chofe à leurs amis, te les Officiers eftans ah lez de Café en Café à mefme defTein , tous la fignerent , par- ce qu’ils nettoient pas en ettat de s’y oppofer ; deforte que lors que l’on voulut faire la levée de cette Dixme, les ha- bitans s’en eftans plains, Monfieur Hoüel leur fit voir qu’ils avoient tort , puifqu’elle n’avoit elle eftablie qu’à leur re- quette. Vn procédé fi artificieux éloigna l’affe&ion de la plufpart des habitans , & le manquement de parole à ceux aufqucls il avoir promis l’exemption de cette Dixme, (qui furent con- trains de la payer comme les autres,) aliéna fi bien les efprirs, que ce fut fans doute ce qui donna un fuccez tout autre que l’on n’efperoit en France , à l’entreprife de fon frere & de fes ne- veux, dont nous parlerons apres que nous aurons veu les pré- paratifs de leur voyage. ^Madame de Boijferet envoie fes En fan s a la Guadeloupe , fous la conduite de (AM,. le Che- valier Hoüri fon frere. Leur embarquement leur arrivée aux IJles . §. 1 r. APres la Lettre dont nous avons parlé, Madame de Boitte- rct ne doutant plus de la mauvaife volonté de fon frere, refolut d’envoïer les plus âgez de fes Enfans à la Guadelou- pe, pour fe mettre en potteffion de ce qui leur appartenoit, te pour obliger leur Oncle d’en venir à un partage. Elle n’eut pas de peine à les faire entrer dans fes fentimens, n’ycn ayant pas un qui ne voulut confcrver le bien que fcuM. leur Pere leur avoir acquis avec tant de dépenfe, te qui luy avoir mefme coûté la vie. I. Partie. Aaa a 55 4 EJlabliJfement des François Elle eftoit également informée de la bonne volonté des Peu- ples envers fesEnfans,&de l’averfion que tous leshabitans avoienc conceuë contre M. Hoüel: mais comme cette affaire eftoit du- ne dernière confequence ,& quelle avoitbefoin d’un Chef qui eût les qualitez ncceftaires pour la faire réüfllr; elle jetta les yeux fur le Chevalier Hoiielfon frere, qui eftoit pour le moins aufli mécontent quelle , de M. Holiel. Il avoit des amis à là Guadeloupe, ôc il avoit trouvé le fecret de fe faire aimer de tout le Peuple, n’ayant fait payer aucun droitpendant le temps qu’il avoit gouverné. Madame de Boifteret, qui a de l’efprit Infiniment, voyant bien quelle ne pourroit iamais trouver un homme plus propre pour faire réüftir fon entreprife que ce Chevalier, iugea qu’il falloit l’engager eftroitement dans fes interefts, afin qu’ihfût obligé d’en faire fon affaire propre. C’eft: pourquoy elle paffa un Contraél avec Iuy le douzième Avril 1 6j9' par lequel elle luy céda la moitié, en celle qui Iuy ap- partenoir & à fes enfans , c’eft à dire un quart fur le total de tous les meubles,' Negr es , Efclaves, Beftiaux, Immeubles, habitations défrichées avec leur cftenduë & le refte , pour la fomme de trente mil livres, à condition qu’il payeroit la moi- tié des frais de l’embarquement qu’il falloit faire, pour ranger Monfieur Hoüel à la raifon , & pour fe mettre en poffefiion de l’Ifle. Le Chevalier Hoüel engagé avec Madame fà feeur par ia-i clination , pariuftice, & parintereft,neperditpoint de temps, &: travailla aufii-toft à préparer toutes chofes pour fon embar- quement: & comme le fecret eft lame des affaires, il ne vou- lut point faire fon équipage à Dieppe, ny au Havre, ny dans les Ports, où l’on fait ordinairement les embarquemens des Iiîes, de peur que M. Hoüel n’ayant le vent de fon delfein, ne fe mit fur la deffenfive, ce qui auroit rendu l’entreprifc plus difficile dans fon execution ; c’eft pourquoy il choific un Havre écarté, fçavoir la riviere de Somme en Picardie, dans laquelle il ne fe fait prefque iamais d’embarquement pour les Ifles , & ménagea fi bien fon affaire, que fon monde eftoit embar- qué fans que l’on fçeut dans le pays de quel cofté iroit fon Navire : qu’il avoitmonté de cent bons foldats, pour joindre aux habitans, en cas de. rcfiftance. aux Ant-îjles de l'Amérique. 5 5 5 Auparavant le départ du VailTeau, Madame de Boifferet écrivit à M, Hoüel à la Guadeloupe, & luy manda qu’elle cn- voïoit f es enfans pour faire le partage qu’il avoit témoigné fouhaiterj elle accompagna fa Lettre de celles de Meilleurs d’Ormçffon , de Chanut, &: de plufieu-rs autres perfonnes do qualité leurs païens communs, qui l’exhortoicnt à traiter les chofes à l’amiable &: à bien recevoir fes Neveux, I’afTeuranc qu’ils auroient pour luy de l’amitié &: du refpeft; quelque re- cherche^ que j’aye fait, ie n’aypû recouvrir de toutes ces Let- tres que les deux fuivantes , qui font de Meilleurs Chanut & d’Ormeflon. ALonsievr, '» I’attendoisToccafion du départ d’un VailTeau pour me don»* „ner l’honneur de vous écrire 5c de répondre aux Lettres que „M. Hinlleîina pris la peine de me rendre de voftre part, en- duite defquelles j’avois veu plufteurs fois M. d’Omeflon,qui ,, me connoiffant ancien ferviteur de voftre maifon , avoit bien „ voulu que nous eufions diverfes conférences fur les moyens „de prévenir les differens qui commencent à naiftre dans une „ famille , lors que nous avons efté l’un & l’autre fort furpris „de la refolution que Meffieurs d’Hcrblay & de T emericour, 3, vos neveux , ont prife de paffer à la Guadeloupe. Il eft vray, » Moniteur, que la propoiition faite de voftre ordre à Madame „deBoiITeretparM. Hinftelin, pourl’achaptde fa part en ladite „Ifle, n’a pas efté agréée de la plufpart de fes amis aux con- ditions qu’elle portoit, &quc M. d’Ormefton & moy qui dé- clinons paftionnémcntla paix entre !Vous,n’cftimans pas que „nous la d’eufïions prefler d’y confenrir , nous nous trouvions „merveilleufemcnt empêchez à chercher quelque voye d’ac- ,, commodément d’une commune fatisfaétion. Le deftein que ,,ces Meilleurs ont pris a terminé toutes nos deliberations lur „ce fujetj & comme il a efté formé fans noftrc participation, „ne nous ayant efté déclaré que fur le poinéf de l’execution, & lors qu’il n’y avoit plus lieu de s’en départir, nous ne pou- 5 j 6 Ejîabhjfément des François >, vons y interpoler naître jugement Iz moins y mêler nos of- „ lices' autrement qu’en priant Dieu., qu’il Iuy donne un bon s, fuccez & tel qu’on lepcutelpcrer, fi de leur part ils Te con- ,, duifent avec le refpect qu’ils vous doivent , ôz que delavoltre » vous y eonfideriez la jufcice que vous leur devez. Ils font 3, perluadez qu’il ne leur rcltoir que cette maniéré de vous la „ demander: maisquoy qu’il en Toit ie vousfuppiie, Monfieur, ,, de regarder plûtolt le fonds &: laraifon, dz leurs prétendons, „que ce procédé un peu lurprenant auquel ils fe croient re- 3,duitsj pour moy ie me figure que le principal motif qui les a portez à ce voyage a cité l’opinion qu’ils ont, que voftre „ prefence fur les lieux, vous donne un très-grand avantage dans toutes les ouvertures qui fe peuvent faire pour unaccom- modemenc, &: que celle mefine du partage leur feroit inuti- „le, s’ils ne fe mettoienten eftat de faire valoir lapait qui leur ,, échêroit. S’citant donc déterminez eux-mcfmes à traiter ce ,, partage, & n’elperanr plus d’autre accommodement : Il refte, „ Monfieur, que comme bon frété &: bon oncle', vous tempe- 3, riez fi équitablement tout le procédé qui fera à tenir pour s, venir à cette divrficn, quelle ne divife point voselpnts, êz „ que vous conferviez toujours l’intelligence qui vous efttres- 3,necefiaire pour vous défendre des ennemis au dehors, ôz au „ dedans pour vous maintenir contre les révoltés. Peut eftre ,, que levenement fera voir que vos travaux & vos foins eftant î, recueillis dz plus attachez au particulier de ce que vous en- 3, treprendrez pour faire valoir voftre bien, i5 reliez avec vous pour augmenter & faire valloir voftre s, Ifle. >> La feule chofe que ie fôuhaite comme d une extrême im- ^porrance, eft que ce partage & cette divifion d’heritages & w de biens ne divife point vos efprits, ôc que vous demeuriez 5, parfaitement ùnis lesuns avecles autres. Comme cette bon* a,ne intelligence eft la feule chofe qui m’air donné inqtfietu- 3, de, lors que ma Coufine m’a dit fa refolution j’ay pris de fon cofté toutes les précautions pofiibles pour luy faire voir „ l’importance de eette bonne intelligence , Se ien’y ay pas eu „ grande peine, l’ayant trouvée dans desfèntimens fur ce point a, tels queic pouvois fbuhaiter , elle n’a rien tant recommandé J, à fes deux enfans que d’avoir pour vous tout le refpeét Se 3,& la déference qu’ils vous doivent» Se parce qu’elle s’eit aux Ant-ÏJles de l’ Amérique. 5^9 v, imaginée qu’eftant fort jeunes, ils pourroient peut-eftre fe «laiffer emporter à quelque promptitude, elle a prié M.Hoüel «voftre frere de faire ce voyage avec eux, ôc elle Iuya don- « né quelque part en fa moitié pour l’obliger à s’interefferplus «particulièrement en leur conduite. le fçay encore que M. «Hoüel voftre frere s’engage à ce voyage avec des fenennens «fi raifonnables pour vous, 5c ft pleins d’amitié, que ie puis «vous dire que le bon fuccez de cette affaire dépend abfolu- «ment de vous 5c de voftre conduite; c’eft ce qui me fait « bien efperer du voyage de M> voftre frere ôc Meilleurs vos «neveux, ôc qu’en faifant le partage de vos Domaines ôc de «ce qui vous appartient en commun, vous vous réunirez tous «enfemble avec une telle liaifon, qu’il n’y aura plus entre vous «aucune alteration, ny mes-intelligence; 5c ie ne doute point «que vous n’y concouriez chacun de voftre cofté en tout ce « qui vous fera poftible , puifque vous pouvez tous fort aifé- « ment prévoir les maux que voftre divifton peut vous pro- « duire ; ie n’en connois point qui ne foient extrêmes , ôc qui « n’apportent avec foy la ruine 5c la perte entière de voftre «eftabliffement. Ainfi, mon cher Coufin, comme vous eftes «le Chef de la famille , le plus (âge, ôc le plus éclairé; ie vous ,, conjure aufïï de vouloir eftrc le plus modéré, le plus rete- »,nu ôc le plus patient; 5c il me femble que dans ccs fortes ,, d’affaires il ne faut pas s’arrefter à peu de chofe pour lesbien «finir, il faut fe relâcher de fes interefts, 5c perdre quel- «quefois, pour gagner la paix ôc l’amitié des voftres; enfin ic «finiray avec ce mot qui eft de l’Evangile. Tout Royaume di- , , MON CHER C O V SI N, Voftre très -humble & très- de la Guadeloupe, avec la peniée que vous ne leur auriez pas fait coure la iuftice qu’ils devoienc efperer , fans appréhender w que leschofesnefepaflaftent pas avec toute la douceur & la 33 bonne intelligence qui doit eftre entre des perfonnes fi pro- elles prévoir que le moindre mal qui enpourroit arriver jj-cauferoic la ruine des uns & des autres, & la perte entière du 33 pays, laquelle vousferoit 5c aux voftres plus préjudiciable qu’à 33 eux qui ne font pas chargez de femme d’enfans, & qui Ce 33 trouveroienten brefeinq ou fix garçons tous trop vnis par le 3J fang ôd’intereft, pour ne pas embrafter avec chaleur les rnef- j3 mesfentimens, quiallegueroient toujours pour iufiifier leur 33 procédé, quece (croit pour Ce mettre en pofielfion d’un bien que î3fleur Pere leur a acquis. Enfin ne pouvant donc voir des per- 3* fonnes qui me touchent de fi prés, pour qui j’ay tant d’efiime 33 &: d’amitié, à la veille d’en venir aux dernières extrcmitez,&: j, ce pays , pour l’eftablifiement duquel j’ay pris tant de peines, 33 & qui me coufte fi cher , puifquc j’y ay employé les années qui 3,m’eftoient lesp[us precieufes, Ci prés de fa ruine j ie n’ay pu 3, m’empécher d’abandonner les douceurs èc les plaifirs qu’un 33 homme comme moy trouve dans Paris, & preferervos inte- j, refis à ma propre fatfsfa&ion. Icn’alleguepas l’eftabliflement 35 que ie pouv ois avoir a la Cour, parce que le long-temps que „ j’auoispafiféà la Guadeloupe, ( pendant lequel j’avois perdu les os deux perfonnes qui me pouvoient fer vir le plus, ) ne m’ayant „ pas permis d’y trouver aucuns amis, ny mefme de connoifiTan-r „ ce. ( qui font les chofes neccfiaires pour s’y avancer, ) ie n’ay pu „ y en prétendre qu’vn fort médiocre pour ma condition. I’ay „ donc , mon cher Frere, entrepris ce voyage dans la penfee », de vous y eftre plus vtile qu’aux autres, quoy qu’il femble que „iefois plus dans leurs interefts que dans les voftres, à caufe de i,l’acquffition que j’ay faite du tiers de la moitié de ma Sœur , en «Opérant faire détourner ce monftre de divifion qui menace aux isdnt-IJles de l'Amerique. 65 3 ,j'noftre Famille. l’a y fait cette ac qui ficion fur ce que vous m’a- ,, veztoufiours dit que vous feriez bien-aife que j’cuffc part à la „ Seigneurie & propriété de la Guadeloupe , & que vous me fc- „ riez la mefme compofition fur voftre moitié que mon Beau- „ frcrc &c ma Sœur me feroienc fur la leur. Vous vous fouvenez bien que vous m’avez réitéré cette parole l’efpacc defix ou 7Jfept ans, que fur cela ie luis demeuré auec vous en contribuant „dcmes foins & de mes peines, comme fi le tour avoir cfié à >, moy ,( vousfçavez ce qui encft) & que ie vous ay plusieurs „ fois dit (lors que vous aviez la bonté de me promettre , que „ fi mon beaufrerene me vouloir vendre vne portion de fa parc, „vousm’cn donneriez en pur don , pour reconnoifîâncedc mes „ ferviccs,une plus confiderable que ne pourroitefire aucune de „ celles de vos enfans en vous c-n remerciant) que fi ie croyois „ qu’il me le refulaft ie ne demeuterois par une heure dans le .. „pays. Vous pouvez iugerle tort que ce fejour m’a fait, c’efl: „ pourquoy ie ne vous en parleray , ne doutant pas que „ vous ne foyez dans les fentimens où vous eftiez pour lors, „ ayant encore la mefme tendrefTe que vous aviez. Ien’yaurois „ pourtant pas pensé ü cette occafion de vous fervir tous ne s’e- „ ftoit prefentéc , qui m’a fait croire que vous feriez bien-aife „ de me tenir v offre parole, & d’attacher auprès de vous une per- sonne qui vous eft tout a fait affc&ionnce. Vous ne pouvez „ plus douter que ce ne foit cette confideration feule qui m’ait y, engagé à cette affaire , puifque depuis mon départ d’auprès de „vous ie n’y ay pas pcnfé.quoy que j’en aye toufiours eu les „ mefmcs moyens ; ie me ferais donné l’honneur de vous aller „ porter le Contra que j’ay paffé avec ma fccur , & vous de- ,, mander de quelle maniéré vous defirez que nous traittions de ,, nos affaires, s’il peut appartenir quelque dédommagement audit 3, Seigneur Gouverneur , & qu’ils confcntent Jefdits Seigneurs «Hoiiel 5c de Boifferet Frétés & Neveu , que par toutou ilsafi. „ fémbleront leurs armes avec leur Oncle pour la deffenfecom- „mune defdites lfl.es , ledit Seigneur leur Oncle commandera „ en chef les troupes par eux affemblées. Fait ce premier jour 3 ,d’Aoul"t mil fix cens cinquante-neuf II y a au bas de ce Coin- wmisunereconiioiifanceDardevaütIes Notaires. aux Ant-Jjles de l'Amérique. 567 Lots &C Partages de la Guadeloupe Sc autres Illes. Premier Lot écheu à cAkConfîeur d'Herblay. S Es Bornes feront du coftédu Nord de la Riviere Saint Char - Les i autrement grande Riviere aux Goiiyav es . Du collé d Orient une ligne imaginaire qu’on déterminera en coupant en long les Montagnes de l’Ifle. Du codé du Sud , la Riviere du Bailly. Dans ledit Lot eft compris tout le grand Cul de Sacy avec tous les Iflets, fes pefehes, à la referve de la Café aux Lamen- tins. r Y eft pareillement comprife Mariegalande avec fes dépen- dances, la Defirade Petite- terre , l habitation des vieux habitant , ou demeure à prefent M. Galand, 8c celle de Samcle Marie de la Capfterre dans toute fon eftenduë , à fçavoir depuis la Riviè- re de la ïïequeterie ou du Morne rouge dans l'homme iufquà laRi- (inere dite du Lorrain,2i.c[\3i&t. iufqu au fomniet desMontagnes av ec toutes fes appartenantes, en Seigneurie ôc mouvante du Roy, en plein Fief, conformément à I’Ediét du Roy , fans y compren- dre ncantmoins les mobiles; aux conditions que les vivres qui font à prefent dans lafufdite place pendans parles racines, fe- ront communs aux parties , que les habitans y pourront fins aucuns impofts, violences, 5c oppofirions , embarquer 5c des- embarquer leurs perfonnes. Auront le grand chemin libre, 5 c en cas de querelles qui pourront iubvenir hors de ladite habi- tation de Sainte Marie, elles feront iugees par la Iuftice du Sei- gneur, dans le Lot duquel fera compris le pays 5c Seigneurie de la Capfterre. A efté pareillement refolu par les Arbitres en faveur de ce premier Lot, que le Seigneur auquel il écherra, aura tout droit de pefche devant les terres de la fuldite habitation de Sainfte Marie. Aura pareillement le Seigneur de la Capfter- re Iurifdiftion de tous les Dclrds qui pourroient fc commet- 5^8 EJiabliJflementdes François tre fui' le grand chemin, & lieu d’embarquement. Lequel prê- tent Lot a elle arrefté& clos du contentement des parties, par la Compagnie aflemblée le vingt- troiftéme Aouft mil lix cens cin- quante-neuf. Second Lot , échm a Mon fleur Houel. Comprend les autres terres de l’Ifle non mentionnées dans le premier, comme font les Montagnes de Saint Louys, de Betle-veue, de Beau-foleil , de l'Efierance , de Saint Châties. Le Fort de la Baftc-terre & autres, tant Terres que Domaines non expri- mez .clans l’autre Lot: Montagne de Tourfou , la P ointe du Fort, grande Xnce , à la referve de l’habitation appartenante aü Sei- gneur Chevalier Hoiiel, &dc la moitié d’une autre habitation, qui autrefois appartenoit aux RR. PP. Carmes, & que M. le Gouverneur avoit vendu à M. De/prez, ledic Seigneur Che- valier Hoüel en ayant acquis de M. de Boifteret ce qui luyen pouvoir compctcr & appartenir, avec les privilèges mentionnez dans les Contrats, dont ledit Seigneur Gouverneur a eu com- munication. Dans le meftne Lot eft aufil compris la Capfterre , la gran- de Terre , les Xaintes , la pefche de la Café aux Lamentins . Les Bornes du fécond Lot font du coftéduNord, la Rivière duBaiU ly. Du colfé d’Oüeft, une ligne imaginaire qui doit eftre tirée coupant en long les Montagnes de l’ifle. Du codé du Sud, U g ande Riviere aux Goüy ave s , autrement appellée la Riviere Saint Charles ; lequel prefent Lot a efté arrefté & clos du contentement desparties:parIaCompagnicaffembIéeIe vingt-troiftéme Aouft 1659. Aura le Seigneur delà prefente Lotie droit delurifdidion dans les grandschemins cfe ladite habitation de SainSîe Marie ; & iuf- qu’aulieu de l’embarquement ;■ pour les delifts qui pourroient eftre commis. A efté d’enchere faite par les Sieurs Hoüel & d’Herblay de la Montagne de Saint Louys , pour en joiiir à l’advenir , adjugée audit heurHoüel pour lafomme-de trois cens livres de rente, rachepta- ble de la fomme de 34000 .livres , pour laquelle fomme eft inter- venu aux Ant-IJle s de l'Amérique. 569 venu caution pour M. Hoiiel , Pierre le Fébvrc Marchand ha- bitant de ladite Ifle i & fur ce que le fieur d’Herblay avoit de- mandé encore audit fieur Hoiiel une autre caution plus forte, a elle donne pardefTus ledit le Fébvre, la perfonne d’Ifaac du Guerry Marchand, le vingt-huidiéme Aoull mil fix cens cin- quante-neuf. Il y eut encore une Sentence Arbitrale rendue le trêziéme S eptembre mil fix cens cinquante-neuf , apres laquelle toute fille croïoit avoir la paix, & nos Peres en chantèrent le Te Deum en adion de grâces. Nouveau démêlé entre les Seigneurs de la Cjua- deloupe . Le Chevalier Hoüel jf) le Sieur HinJJelin } Je battent. M. de Toincy les met d'accord. Lettre du Roy d ce Jujet . §. in. A Peine le peuple commençoit de goûter les douceurs de la paix, que M. Hoiiel , qui n’avoir confenty à l’accom- modement que par contrainte, fufeita de nouvelles difficultez qui les broüillerent & le mirent plus mal avec Ion Frere&fes Neveux qu’il n’clloit auparavant- Car fes gens , loir par fon ordre ou pour faire les bons valets , leur firent plulîeurs in- fultes, défarmerent mefme leurs domeltiques , & leur in- terdirent l’ufage des chemins qui eftoicnt demeurez com- muns. M. Hinlfelin aufli prit li à cœur l’injure qu’il croïoit avoir efté faite d M. Hoiiel fon beau-frere, qu’il trouva enfin l’oc- c a fîon de fe battre contre le Chevalier Hoiiel ; mais comme ils elloient tous deux fort braves de leurs perfonnes, ayantfaic en cette rencontre tout ce qu’on pouvoit attendre de leur va- leur, ils furent (eparez. M.le Bailly de P oincy ayant elle aver- ti de leur querelle, crût qu’en qualité de Lieutenant General pour fa Majefté fur les Lies, il eftoit de fon devoir d’en era- I. Partie. - C cc c 570 EJlabliJfe ment des François pêcher les fuites, c’efl pourquoy il leur envoya un homme ex* prez avec cette défenfe. ,, Ayant eftê averti que les fieurs Chevalier Hoiiel &c Hinf- ,, félin, par un fâcheux rencontre auroienttiré l’épée l’un con- tre l’autre; & fçachant de pîufieurs endroits qu’ils auroient „ fait en cette aétion , tout ce qu’on peut attendre de gens pleins „ d’honneur & de valeur; Nous leur ordonnons de la part du ,,Roy de demeurer bons amis à l’avenir, proteftant d’écrire „ contre celuy des deux ou contre tous, s’ils fe portoient à «quelque extrémité, ou contrevinlfent aux Ordonnances de «fa Majellé. Fait en noltre Hoftel de la grande Montagne le «quinziéme Février mil fix cens foixante. Signé, le Che- 3, VALIEZ DE PoiNCY. Leurs amis communs de France appréhendant quelque fui- te fâcheufe, &C croïant qu’il n’y avoir qu’une puilïànce Royale qui pût obliger M. Hoiiel à vivre en paix avec fes Neveux, eurent recours à fa Majefté , qui ne travaillant qu’à procurer le bien de fes fujets, écrivit à M. le Bailly de Poincy qu’il eut à conferver la paix dans la Guadeloupe, & à empêcher lesen- treprifes du fieu r Hoiiel , contrela Dame de Boilferet fa Sœur, fes Enfans. Lettre du Roy à 2\4. le Bailly de Boincy fon Lieutenant General ezj IJles de l’ Amérique. Æf OnfieurleBaillyde Poincy,j’ay bien voulu vous recom- ,, l y £ mander d’avoir l’œil .fur ce qui fe paffera en l’îfle de h «Guadeloupe, afin d’y conferver la tranquilité, ufantdupou- ,, voir que îe vous ay confié fur toutes ces Colonies, & pour «obliger lefieur Hoiiel à Iailfer joüir en paix la Dame de Her- « blay , fes Enfans , & ceux qui y feront de fa part , du parta- « ge que vous leuravez procuré , & qu’ils ont accepté , fans en* «treprendre las uns furies autres par aucunes voyes. Cdqu’ê- «tant aifeuré que vous ferez, ie prie Dieu, Moniteur le Bail- „ly de Poincy, qu’il vous tienne en fa fainéte Garde. Efcrit «à Saint Iean de Luz ce vingt-cinquième May mil fix cens aux Ant-Iflesde F Amérique. 571 ,, foixa nte. Signé , Lovys; 8c plus bas, de LomeNie. Cependant M. le Chevalier Holiel 8c fes Neveux fe dé- fendirent des entreprifes deM. Hoüel; 8c leshabitans prenant parti pour les Seigneurs, dans le partage defquels ils eftoient écheus, époufoient leurs interdis avec tant de chaleur, qu’on apprehendoit une guerre civile qui effoit tous les jours fur le point d’éclore. I’ay entre les mains des mémoires tirez des Procez verbaux de quantité de violences & de mauvais traite- niens faits à des Particuliers, capables de remplir l’Ifle de meur- tre 8c de fang,fi M. d’Herblay 8c fes Freres ne les eulfent diffi- mulés , de peur d’aigrir les chofes. Ces infultes 8c ces violences ne produifant pas l’effet que M. Hoiiel en efperoit, il vint en France, où M. le Chevalier fon Frere le fuivit auffi-tofl pour répondre aux chofes qu’il pourroit avancer. L’affaire de leur parrage fut encore mife en Arbitrage entre les mains deM. le Duc de B our non ville Gou- verneur de Paris, de Mefïieurs de Megrigny , Chanut, 8c Mi- romenil Confeillers d’Eftat, 8c deM. ci’Ormeflon Maiflredes Réqucftes, qui donnèrent le dix-hui&iefme Oéfobre mil fix cens foixante, une Sentence Arbitrale au gré des deux par- ties. M. Hoiiel fe reconcilia avec Madame fa Sœur , 5c fe fepara d’elle en bonne intelligence, 8c eftant arrivé aux Ifles il fut vi- fité par fes Neveux i la paix paroifïoit bien affermie, 5C tous leshabitans y prenant part en firent des réjoüiffances extraordi- naires. Mais à peine deux mois s’efloient-ils écoulez, que M. Hoiiel fe plaignit que fes Neveux l’avoicnt voulu a fi affiner, 5c enjoi- gnit aux habitans en cas que les fieurs d Hcrblay , de 1 cme- ricourt 6c de la Potherie, leurs complices, ou aucun defdits ac- eufez marchaffent avec port d’armes, fur les terres dépendan- tes de fa jurifdiélion , de fenner letoxin, &de leur courir fus, les faifir 8c arreifer, 8c conduire en fes prifons : t: afin que perfonne n’en prétendît caufe d’ignoiance, il ordonna que ce jugement feroitleu, publié 8c affiché aux lieux publics oel I fie. Cette Sentence caufa bien des deiordres, 6c mit tant d ai- greur dans Us efprits , que cette pauvre Ifl® a efté long-temps Cccc ij S/i Efablijfement des François le théâtre d’une infinité de mal-heurs qui ont ruiné les uns & fait perdre la vie aux autres , entre lefquels on a beaucoup re- greté M. DesPrez, l’un des plusconfiderésde l’Ifle, qu’on aflafi faflina à ce que quelques-uns ont dit en forçant de noftre Egli- fe, bien que d’autres afteurent que ce fut une rencontre, où ayant mis l’épée à la main il fut tué. Ces cruelles divifions n’ont pas peu contribué à la refoîution de faMajefté, d’envoyer M. de Tracy fur les lieux pour y met- tre la paix, & pour ranger les Gouverneurs à leur devoir, dont les querelles ruïnoient les peuples, & les EftabliiTemens faits dans les Ifles. Faix generale aux IJles entre les Nations Fran~ çoife , Angloife y les Sauvages. Les Habit ans de la Martinique par Centremfe de Mon - fieur Hoüel font compris dans ce Traité. Mort du R. F. Fontaine y Fréfeffi Apoflo- U que de nojlre Mi f ion. §. i v. ' / , - - L’Année 1660. ne fut pas moins favorable aux Ifles par une paix generale avec tousles Sauvages, qu’elle le fut à la France, par le Traité de Paix avec l’Efpagne. M. le Gene- neral de Poincy & le General desAngloisla traitèrent en/em- bIe,aunomde toutes les Ifles de l’une ôtde l’autre Nation dez le mois de Ianvier, dont M. Hoüel donna advis à Monfieur de Vauderoque, Lieutenant General pour fa Majefié à la Mar- tinique. Les habitans de la Martinique délirant d’effcre compris dans ce Traité general, M. de Vauderoque aflembla extraordinai- rement le Confeil Souverain de HAe, & l’on y rcfolut d’en- voyer le fieur de Loubieres Capitaine, & le fieur Renaudot habitant, vers M. Hoüel Gouverneur de la Guadeloupe, pour mxAnt-IJles de l'Amérique. 575 ïc remercier de la parc de M. le Générai, des Officiers, &dc tous les habitans de la Martinique, des foins qu’il avoit pris de leur procurerla paix, de pourle fupplier deles vouloir con- tinuer, & faire en force qu’ils Biffent receus àl union generale de toute la Nation ; Voicy l’Aéte de la deliberation qui en fut faite, tel qu’lia efte tiré du Greffe du Confeii Souverain delà Martinique. Extrait des Re fifres du greffe du Confeii Sou- verain de cette ljle Martinique . DV Mereredy vingt-quatrième iour de Mars 16 6 q. le Con- feil Souverain de cette Me de la Martinique affemblé extraordinairement, ou a prefide Monfeigneur le General de Vauderoque, y citant ML deFrancillon Capitaine dune Corn- pao-nie, M. de Loubieres auffi Capitaine d’une Compagnie en cette Ille, Meilleurs de Vertpray de du Bois auffi Capitaines, M. de la Vigne , Meilleurs Deslardins &dela Verdure Lieu- tenans,De la Ieuneffe, de Bouillon & Saint Aubin Enfei- gnes. Le Confeii affemblé, &oüy les Députez des Compagnies, lùr le rapport fait par lefdits Sieurs de Loubieres , Capitaine d u- ne Compagnie en cette Ille, 5e Renaudot habitans , envolez vers M. le General de Poincy 5l Meilleurs les Gouverneurs des Ides Françoifes 5e Angîoifes furie fujeede la paix avec les Ca- raïbes, & de l’union des Mes Françoifcs & Angîoifes, pour la maintenir ou faire la guerre à frais communs en cas de ruptu- re par lefdits Caraïbes; pour parvenir à laquelle union, il eft préalable que cette Ille conclue la paix avec lefdits Caraïbes. A cité refolu par ledit Confeii, que lefdits de la Dominique, St de ceux qui avoient efté chaflez de celle de la Martinique. T out s’y paifa fort pailiblement 8t au contentement des deux partis; j’ay re- couvert le verbal de la maniéré dont tout futarrefté8t conclu, queie fuis obligé de donner icy, parce qu’il exprime avec bien de la naïveté comme tout fcpaffa pour cét accommodement. MOnfieur Hoüel, Chevalier, Seigneur 5 t Gouverneur des Ifles de la Guadeloupe, ayant heureufement traité de la paix entre Meilleurs les Gouverneurs St habitans des Ifles de Monfarra, Ancigoa, St Nieves de la Nation Angloife,& les Ca- raïbes Sauvages , habitans des Ifles Saint Vincent, la Domi- nique , & ceux qui ont cy-devant habitué l’Ifle Martinique, lefdits fleurs Gouverneurs Anglois ayant prié ledit heur Hoüel de vouloir pour le maintien St confervation de ladite paix, fai-j re union avec luy St la Nation Françoife offenfive St défenfi* ve, à caufe du peu d’afTeurance qu’il y a en leurs paroles, SC qu’ils n’ont aucune difeipline, ny Chefs qui ayent commande- ment. Dequoy ayant ledit Seigneur communiqué avec M. le Bailly de Poincy, Lieutenant General peur le Roy,8t donné iour audit fieur Gouverneut Anglois de fe trouver en ladite Ifle de Saint Chriftophe en l’Hoflel dudit Seigneur de Poincy, où eftans tous affemblez, l’union St ligue offenfive St défen- five auroit efté faite fous le bon plaifir du Roy entre lefdites Nations Françoife & Angloife pour le maintien de lapaixavec lefdits Caraïbes. Mais parce qu’auparavant ledit Seigneur Hoüei avoit donné advis à M. de Vauderoque, Gouverneur St Lieu- tenant General pour le Roy en Y Ifle de la Martinique de ladite Aflemblée, lequel n’ayant pû y envoïer fes Députez au temps qu’on traitoit ladite union, peu apres feroient arrivez en ladite Ifle Saint Chriftophe , François Roble , Efcuyer Sieur de Loubiercs , Capitaine d’une Compagnie en ladite Ifle Martini- que , Chriftophe Renaudot habitant d’icelle, lefquels ayant expofé leur Commiflion audit Seigneur de Poincy St deman- 57 6 EJlablijfement des Tran fois de d’eftre receu &c encrer en ladite union, il les auroit renvoyez audit Seigneur Hoüel qui auroit efté prié de vouloir prendre le foindesaffaires qui concernoient ladite union, tant pour la paix que pour la guerre, 6c parce que ladite Me Martinique eftoit en- gagée dans la guerre aveclefdks Sauvages il y a plus de fix ans, qui a caulé de très grands malheurs parles meurtres, incendies &enleuement de Negres, fait par Iefdits Sauvages,, en quoy le fervice du Roy a receu un notable préjudice ; ledit Seigneur Gouverneur auroit fait réponfe aufdits fleurs de Loubieres 6c Renaudot, quedevantqu’iîs peuffent entrer en ladite union, il elloit préalable de faire la paix avec Iefdits Sauvages, leur dé- clarant qu’il a toujours eu pour le fervice du Roy , le bien 6c repos de Fille Martinique , tous les bons fentimens poffibles, & qu’il y a long-temps qui! travaille à düpofer >es efpnts defdits Caraïbes à traiter de la paix que pour y parvenir, il donneroit ordre de faire trouver en ion Chafteau de la Baffe-terre de cette 1 lie , les principaux defdits Sauvages; furquoy Iefdits Sieurs de Loubieres. &c Renaudot l’ayant remercié, 6c prié d’en vouloir prendre la peine, dit que du tout ils en alloient communiquer audit Sei- gneur deVauderoque, Officiers 6c habitas de lad. Ifte Martinique, pour a voir î-esprovifions necdlaires; à cêt effet fe feroient rendus audit Chaffeau delà Baffe -terre chargésde pouvoir, oùeftans,fe feroient trouvez ju.fques au nombre de quinze desplus notables, ëc recommandés entre les Caraïbes de édites I fies de S. Vincent, îa Dominique, 6c ceux qui ont cy-devant habitué lifte Martini- que, 6c qui en ont efté chaftez pendant le cours de ladite guerre, A tous lefqueîs Sauuages, ledit Seigneur Gouverneur fai- fant ouverture de paix, feroient entrez audit Chafteau le R. P, Beaumont de l’Ordre des Freres Prefcheurs , & Millionnaire Apoftolique, reftdant depuis quelques temps avec Iefdits Sau- vages, &Ie R. P. du Vivier de la Compagnie delefus, Supérieur des Miffions dudit Ordre dans ces î fies de l’Amerique, en prefen- ce defquels auroit efté par ledit Seigneur Gouverneur, fait porter parole par Iean Iardin François de nation, parlant 6c entendant la langue des Sauvages, s’ils vouloicnt entendre 6c traiter de la Paix avec ledit Seigneur deVauderoque & habitans de ladite Ifle Martinique, qui auraient fait réponfe par la bouche dudit lar- aux Ant-IJles de l’ Amérique. 577 din , qu’ils efloientprefts d’entendre à ladite Paix, fait auffi de- mander aufditsCaraïbes s’ils avoient pouvoir de traiter pour eux> &au nom de tous les autres defdites Ides S. Vincent, & la Do- minique yauroient faitréponfequ’ils fefaifoient fort pour tous, ayantparlé à laplus grande partie defdits Sauvages qui y con- fentoient ; & que fi apres le T raité fait & arrefié , il y avoit quel- qu’vn qui voulufl: aller au contraire, ils promettoient d’en aver- tir ledic Seigneui^Hoüel,& travailler i leurs poffibles pour les faire forcer d’accepter la Paix. I. •Enfin apres pfufieurs propofitions , demandes & exce- ptions a efté accordé, que toutes Iefdites Nations Françoifesôc Angloifes,babitans des Ifles Monferrat , Antigois 8c Nieves, & lefdks Caraïbes des Ifles Saint Vincent, la Dominique, 8c qui ont cy-devant demeuré en ladite Ifle Martinique , demeu- reront en Paix , toutes a&ions d’hoftilitésceflantes ; Que de part & d’autre toutes aétions commifes demeureront afl'oupics 5c efleintes fans s’en pouvoir refiou venir ; Que tous prifonmers de part & d’autre feront rendus de bonne foy. U. Ontlefdits Caraïbes promis de faire de leur part garder & en- tretenir ladite Paix , & où ils ne pourroient de leurpurechef demander aide 8c protection pour y parvenir, -8c de faire faire juftice & leur pofliblc contre les Prévaricateurs , pourveu qu’ils n’entreprennent aucunement par l’une ou l’autre Nation d’habi- tuer les deux Ifles de Saint Vincent 8c la Dominique., qui feule leurreflepourtetraitteiCequileuraefté promis par ledit Sei- gneur Hoiiel d’empefeher, autant qu’il fera en fon pouvoir, 8c fous le bon plaifir du Roy.Et de la part defdits Députés de ladite Ifle Martinique, a efté auffi promis entre les mains dudit Sei- gneur Gouverneur, de faire garder 8c entretenir ladite Paix* 8c s’il arrivoit qu’il fut par quelques-uns des habirans de la- dite Ifle Martinique , fait, dit , ou commis actions au contraire, de les faire punir8c chaftict fuivant la rigueur des loix, 8c d’en certifier ledit Seigneur Hoiiel, afin que par fa médiation lefdits Sauvages reconnoiflent la fidelité 8c la candeur avec laquelle on traitte de ladite Paix. Sur ce a fait demander aux Caraïbes I. Partie. Dddd 57 8 Ejlablijfement des François s’ils ne defiroient pas apprendre à prier Dieu à noftre imitation , / & fouffrir que lefdits Pères Millionnaires ies aillent inftruite* II L Auroient répondu qu’ils en font très contcns & le défirent & ceùxdeladite Ifle Dominique auroient dit eftre fatisfaits du , ditRcverendP.Beaumont,qui en eft de retour depuis huitqours- IequeladitàTAITemblée, que pendant le tcmpsqufil afejour-; né en ladite Ille , il a veu partie des principaux S auvages } qui tous Iuy ont demandé avec inftance que lefdits Chreftiens n’ha- bitalîentpointlefditeslfles Saint Vincent & la Dominique r&c que lefdits François eufîènrà les protéger contre ceux qui vou- drojent s’en emparer à leur préjudice. IV.* A ledit Baba a demandé qu’en confidëration de fes peines êc foins il luyfoit rendu par les habitans de la Martinique fes Neveux qui ont elle pris parle nommé Paillarde de ladite Ifle; furquoy a effcé reprefenté par lefdits Peres Millionnaires, qu’il eft non feulement jufte, mais neceftaire de faire ladite refti- tution, qui fera un moyen de confirmer & entretenir la paix, & d’achever la converfion defdits Sauvages $ dequoy ledit Sei- gneur Gouverneur a aufti prié lefdits fieurs de Loubriere & Re- naudot, les chargeant d’en faire inftance audit Seigneur de Vau- doroque & habitans ; ce qui a efté accordé Sc'arrefté & figné par ledit Seigneur Gouverneurde R. P. Beaumont & lefdits Dé- putez, ce iourd’huy dernier Mars mil fix cens foixante. Âinfi ligné , Pierre Fontaine, Prefed & V icaire General de la Million defdirs Freres Prefeheurs, Hoüel, F. Pbilippes de Beavmont, Lovbriere, F. Mamme's le Clerc, . ET Renavdot, avec paraphe. Le R. F. Fontaine Prefed de noftre Million, qui s’eftoiten- tierement devoiiéà la converfion de ces peuples barbares, n’eut pas le temps d’effeduer fes bons defteins , nous apprifmcs en France là mort prefquc auïïi-coft que ce Traité de paix. Le R. P. la Forcade qui remplit aujourd’huy là place, en écriyjf le deuxiefme Iuillet, en ces team es, au R. P. Iean-Baptifte Feuillet. 9i La trille nouvelle de la mort du R, P, Fontaine, ne fur- aux Ant-IJles de l’ Amérique. 579 ,, prendra pas moins voftre Reverence, qu’elle Iuy caufera de ;,) la douleur 5c de l’affliétion: Nous avons efté privez cesiours „pafiez de ce Saine Homme, qui eftoit le vray modelle d’un ,,parfait Millionnaire &: homme Apoftolique, par un accident; ,,il s’efi: noyé à la lame 5c au bord de la mer, s’eftant embar- » quê dans un canot pour aller de la Capfterre de la Guade- loupe à la Baire-terre; le Canot fut lubmergé entre deux ,v Moutons. 11 y avoir dedans neuf ou dix perfonnes , defquel- „Ies cinq ont pery, les autres s’eftant fauve z ; entre ceux qui ,, ont elle noyez , il y avoit unefœur du tiers Ordre appelléeMa- ,,demoifelleFidelin,qui a elle generalement regrettée pour fa „ pieté & pour 'fa vertu. Il y avoir dix ans que ce bon Pere travailloit fans relâche dans cette Vigne de Noftre-Seigneur , avec un fruit fi admira- ble, qu’il avoit prefque fanétifié tout fon quartier, la dévotion y eftoit fi publique , qu’il n’y avoit point de Café où on ne re- citât tous les iours le Chapelet à un certain fignal de cloche auquel on s’aflembloit pour faire les prières. Sa vie eftoit une pénitence continuelle , fes mortifications alloient iufqu’à des ex- cez qu’on ne peut concevoir :Noftre Saint Pere le Pape Alexan- dre VII. l’cftablit Prefeét de la Milfion de noftre Ordre dans l’Amerique, le vingt-cinquième Iuillet mil fix cens cinquante- huit. Iufques alors Rome n’avoit fait que biaifer,& n’avoit iamais voulu exprimer dans fes Brefs, le droit que fa Majefté tres- Chreftienne avoit dans l’Amerique, de peur de déroger à la Bullequ’Alexandre Vl.avoit envoyée auxRoys de Caftille Fer- dinand^ Ifabelle en l’année 1493. dans le premier Brefadrefle au R. P. Pélican, le Pape Vrbain VIII. netraitoitle Roy de Fran- ce que comme Proteéteur des Religieux François Millionnai- res, Protefhs k Chrifhaniffimo tfege Galliœ-, mais dans le Bref adrelîé au R. P. Fontaine, le Pape reconnoît le Roy comme Souverain des Conqueftes 5c des Colonies que fes Sujets ont faites 5c eftablies dans l’Amerique. Facultates concej]& k SS. D. iV. D. sAlexandro Divina Prvvidentia Papa V II. Fratït PetroFort - taine Ordmis Pr&dicatorum, pr&feFlo Mijfionis eiujdem Ordtnis tn Infula Guaddlup&& alijs adjacentibus w America Régi Christia- nIssimo SvbIectis. D ddd ij 580 Efiâbliffement des Français Le Lecteur ne fera pas fâché de voir les fentimens de la Congrégation^ Propagande fide , cÿii font, entièrement con^ formes à ceux de fa Sâinçteté touchant la Souveraineté de fa Majedé tres-Chrediejine fur toutes Ieslflesdc l’Amérique , qui font occupées par fes Sujets, dans le Decret quelle envoya au. s mefme Pere. s4d Relationem Eminentiffwu D. Cardinales ^Alxolini , Sacra Congre gatio Pr généreux dans les occafions, affectant de paroiffre magnifique dans Tes feftms&s dans les baftimens, oien-faifant a Tes amis ô£ à les domeftiques donc il a fait les fortunes, fujet à prévention &fevere jufques à 1 excezj envers ceux qui n’efloient pas dans fesinterefts. Il a commandé zi. an dans les Mes, 6. ans avec la commiffion de Lieutenant General fur toutes les Mes, a. ansidans celles de Saint Chriftophe , pendant les différends qu’il eut avec Monfieur de Toify Patrocle,environ5.ans,en vertu de lA’rreft du Confeil qui le reftablifToit pour vnan feulement , &Ie refte avec lau- thoricé de fon Eminence de,Malthefur les Ifles de SaintChri- ftophe, Sainte Croix, Saint Martin & Saint Barthélémy. Il fut enterré dans la Paroiffede IaBafterre; le n’aypû ap- prendre le détail de fes funérailles: mais il eft croyable que Monfieur de Sales n’y aura rien obmis pour la rendre auflipom- peufeque l’exigeoit fa qualité. Monfieur le Commandeur de Sales, tres-digne Neveu de Saint François de Sales, autant recommendable.pour toutes les belles qualitez d’un brave Gentil-homme, que pour la pratique des vertus les pIuschrefHennes,Iuyfueceda, & au lieu delà qua- lité de Lieutenant General pour faMajefté, il prit celle ef^dmi- n/Jlrateur de la Seigneurie de Saint Chnflophe , & Chef de la Nation Françoife , établie pa>' fa Majejlé pour fon Eminence de Malthe. Bien quece Cheualiereuft vécu dans Saint Chriftophe d’une maniéré qui de voit faire defirer fa conduite par tous les habitans de l’Ifle, il s’y trouva neantmoins des efpritsaflez broiiillons&r mutins pour traverfer fa reception,&pour mefler de l’amertume dans la joye que receuoient les habitans de fe voir fousla con- duite d’un fi exellent perfonnage , qui n’a que trop peu vécu, pour leur bon-heur. Monfieur de Poincy ne fut pas plus-toft couttert de terre, que les habitans vinrent fupplier Monfieur de Sales defupprimer les Droits nouveaux, & de reftablir les anciens: il les contenta le mieux qu’il pût de paroles, , & leur promit d’y avifen fî-toffc qu’il feroit débarrafTé des grandes affaires qu’il avoir pour lor$ fin- ies bras, & plusieurs s’en retournerét chez eux aucc desfentimens de confiance, tels qu’ils dévoient avoir de la bontéde leur Gou- aux Ant-IJles de F Amérique. $85 verneur; Mais vn nommé du BifFomCapitaine d’une Compagnie dans l’Kle, homme brutal, y vrogne, de d’un efpritfort médiocre, fit vne Caballe de 30 . ou 40. hommes de Ton humeur, de fe fer- vantdu prétexté, qui avoit autrefois fait dire aux habitans qu’il ne vouloient point d’autres Maiftres que le Roy,ni de Comman- dant Chevalier, aufli bien que des Droits nouueaux, eut l’im- pudence , non feule meut de faire des affemblées feditieufes chez luy , mais ( à ce que quelques-uns difent, ) de faire battre le tambour, de mettre fa Compagnie fous les Armes, de de tenter de faire foûlever toute l’ïfle contre le nouueau Gouvernement. Cela donna une allarme generale dans toute l’Ide, de M011- fiéur de Sales en ayant eu avis, fit mettreroutes JesCôpagmes fous les Armes, & envoya dire à du Bidon qu’il le vint trouver pour luy rendre compte de fon foûleuement ; mais du Biflon feignant d’eftreindifpofé fe contenta de luy écrire de de luy demander la fupprelfion des Droits nouveaux, de audi-tofl Monfieur de Sales commanda au Sieur de Roflignol, Capitaine de fes Gardes, de le luy amener par amitié ou par force.il y fut accompagné de plu- fîeurs Gardes, & du Sieur la Garigue fon gendre aufli Capitaine. A leur arriuée ceux qui eftoienc auec luy fe cachèrent qui deçà qui delà dans les Manioûs, & Monfieur Roflignol de fon gendre le falüerent daus fa court auffi civilement que s’ils n’euflent rien feeu de fa confpiration, , S i-toft que ccs Meilleurs furent en chemin,Monfieur de Sales croyant que cette affaire effoitafTez importante pour y paroiffre en perfonne, monca à cheual de fut fuivi de plufieurs Gentils- hommes* 3c 'des principaux Odiciers de 1 Ifie, jufqu a la Café de du Biflon quife promenoir dans fa court, de Monfieur de Sales luy commanda de luy dire ce qui fe pafloic, il luy répondit avec fi peu refpcd, qu’il fut obligé de commander qu’on l’arreftaft , de aufli - tofi: du Biflon voyant que l’on fe vouloir faifir de luy, entra dans fà café de prit vn piftolet qu’il tira fur le premier qui fe présenta à fa porte qui fut par mal-heur Mr. de Sales, dont le cheval s eftantca- bré,le coup qui luy auroif infaliblement donne dans le corps ne le frappa que dans la cuiffe, de la luy perça de part en part ; En fuitte ce mal-heureux cherchant d’autres Armes pour continuer a fe dçffendre, fut frappé par le Sieur de la Guarigue d un coup de S 84 Efiablijfement des François piftoletdans le corps, & conduit enprifontout blcfïe. Pendant qu’on fe mettoit en peine de fecourirMonfieur de Sa- les, dangereufementblefféjla lufticefit leprocez de du BifTon, 5c le condamna à eftre pendu 5c en fuitte écartelé, fesqua- tre quartiers attachez à des arbres, fa telle mife furvn poteau dans la place publique, pour fervir d’exemple aux mutins 5c aux feditieux, dont toutes les Ides n’ont que trop fouventredenti les defordresSe les mal-heurs qui redondent ordinairement lur les Habitansqui n’en font point- coupables. Cependant la Iuflice.êt de grandes perquiütionspoux décou- vrir ceux qui a voient contribué à ce fôulevement; mais comme laplufpart ne s’eftoient affemblés que tumultuairement, lans fça- voir ce qu’ils dedroknt,ils fe retirèrent de bonne heure fans faire femblant d’y avoir pris aucune partdes deux nômez le Boeuf feu- lemét en furent con vaincus, 5c bien qu’ils meritaftent Iamort l’on fe contenta du. Bannidement 5C de laconfifcation de leurs biens. La punition de du Bidon, l’exil des deux le Bœuf,ôc la recherche de leurs complices, retinrent les plus mutins dans leur devoir 5c la fumidion; 5c les plus modérez aymerent mieux foudfir cette pe- tite furcharge de droits que de s’expôfer à de fi Yifibles mdî- heurs. Cette augmentation fubfida,quoy qu’elle ne fuft qu’une conti- nuation des exorbitantes exactions que l’on a fait depuis 15 ou 16. ans dans Saint Chriflophe , fous prétexté d’indemnifer le Sieur de Soify 5c le payer delà Comme convenue entre luy, Mon- sieur de Poincy 5c les Habitans : &quoy que cette fommenc foitque de 510000, livres, le Sieur de Toiiy n’en eft pas encore Satisfait > Ce fuis neantmoins tres-adeuré qu’il a efté levé dans Saint Chriftophevingt fois autant qu’il en falloir pour le ■ Satis- faire. Les meurtres, les dépoüillemens des biens, les exils, la diminution d’un tiers des Habitans n’ont pû ellre le terme des maux caufez par ceux qui ont preftéles mains au fôulevement qui s’ed '-fait en 1645. contre les ordres du Roy, & ila fallu que ceux qui y ont paru les plus échaudez ayent efté jufqu’auj our- d’huy prefque riiynez, îiiccez pour enrichir ceux pour kfquels ils ie font déclarez en cette occadon ; 5c plût à Dieu que nos Habitans fuffentbien perfuadez de cette vérité, 5c qu’ils prifîént d’oref- aux Ant-IJles de l'Amérique. 5 85 d’ores- enavant des voyes plus douces pour fe délivrer des op- preffions , puis que celles des foule vemens ne leur a jamais rciif- fy j 5c qu’lis en onr toûjours payé les frais par leurs vies, par leur fang, ou par la perce de leurs biens. Les Habitans de la Guadeloupe de vroieat en eftre tout perfua- d.ez par leurs propres expériences, puifque tant d augmentations de droits, &: mcmeceluydeladîme de tous les biens , n’ont ja- mais eu déplus beaux prétextes que celuy du payemenedu Sieur deTpify PatrocIe , Sc bien que l’on ait levé des fommes immen- fes qui ont caufédes foûlevemens qui ont penfé perdre fille, & qui font caufc de f exil ou de la ruine & deiaperte de les meilleurs Habitans : la dette duSicur de Soify s’eftreduire àunefomme tr.es- modique, dont il Dell pas encore payé. Cependant Monficur de Sales gouverne les Habitans de S. Chnftophe plus en Pere qu’en Gouverneur ; II y termina tous leurs différends avec tant d’équité, que l’on a effé contraint da- voüer qu’il ne s y effoit rien fait de femblabîe ; nymefme d ap- prochant par tous fes devanciers. îlrappellaceuxque la violen- ce defon predeceffeur avoir exilés, tant à caufe qu’ils s’elloienc déclarez pour le Sieur de Toify, que le. Roy avoir envoyé en fi u]ace,que pour d’autres raifons particulières, mais injuftcs,&: leur fit rendre leurs habitations qui avoient efté données aux créa- tures de Monficur IeGeneral dePoincy,icur fit payer toutes leurs dettes, rendre leur beftail, ou leurs meubles qui fe rrouverent en fiibftance, ou leur fit payer la valeur de ce qui avoir cité diiîi- pé : l’on, dit me fine qu’il en fit recompcnfer quelques-uns avec les propres biens de la Seigneurie de Malthe. Pluficurs. perfonnesdignesde foy m’ont affeuré qu’apres un Htm ra o- an qui avoit caufe une famine dans Saint Chriftophe, il fit une fi ample diffribution des vivres qu’il avoir confcrvés chez luy, qu’il fe vit réduit à en avoir autant dedifettcqueceux aufquels il les avoit charitablement diftnbucz ; C’eft avec re- gret que je me vois obligé de parler d’un homme firare, ôc (i accompli, fans avoir eu le temps de rechercher les plus belles a étions de fa vie. le fuis obligé de dire feulement, que tous les honneffes gens. qui ont eu le bon-heur de le connoiftre>&: aufquels je m’en fuis enqius .. n’en parlent qu’avec des éloges qui ne fe I. Partie,.. Ee ce 5 8 <5 EJlabliJfemtnt des François donnent qu aux plus vertueux de ce temps : les Religieux ! e {liment comme un Saint, & ies habitansi appellent leurPcre, 5c dffenc hardiment qu il n a point eu de pareil devant luy, 5c- qae c eft vn ven cable Chevalier fans reproche -, 5c en effet, tout Ion Gouvernement s’eff paffe avec tant de paix &: de bon- heur, que lifie de Saint Chriftophe ne s’eft jamais veuë fi fleuriffante que pendant là vie. L année 166$. il arriva une chofe tout â fait remarquable dans cette Me, qui fut un embrafement de tous les magazins des Marchands Hollandais qui effoient à kBafterre de Saint Ch ri flophe > il y en eut plus de 6 o. de confemmez avec les M archâdifes, & la perce en fut eflimee a plus de 20000 o o. livres, 6 il faut remarquer que ce fut dansle mefme temps que f on pro- jettoit en France de leur ofrer le commerce. des Mes. L Me de Saint Chriilophe fouffrit beaucoup pendant 4. ou 5. mois; parce que toutes les viandes. falées, comme Bœuf, Lard, les Huiles, les Vins &.les eaux de Vie, 5c les Farines, les Eftof- fes, les Toiles & les autres Merceries, furent cntierementcon- fommées ; de forte que ITfle fe trouva en un mefme iour dé- vpourveuë de toutes ces chofes, & obligée d’attendre le fecours des Holandois, qui ont toufioursœfté leur refuge dans toutes leurs neccftités. Us ne manquèrent pas nonobftant leur perte de îesfecourir; des aulii-toft qu’ils en eurent la première nouvelle, ils char- gèrent une h grande quantité de Vaiffeaux de toutes les Mar- chandées, qu ils creurent leur dire neceffaires qu’il arriva dans cette Me, ce qui ic rencontre alfez fouvent dans Paris , lors quelesCerifes font rares; parce que tons ceux qui en ont dans 1 efperance de les bien vendre , en apportent une fi grande quantité, qu’ils font bien fouvent contraints , ou deleéperdre, ou de les donner à un tres-vilprix aufii; tous ces pauvres Mar- chands Hollandois qui avoient apporté quantité de Viande, de Vin & d eau de Vieiqui nefe peuvent pas garder long-temps dans les Ifles, furent contraints de les donner à un tiers de per- te pour en avoir le débit. I ay encore depuis peu de iours appris de quelques habitans de 1 H le ce Sainte Croix, que Monlîcur du Bois Gouverneur de cette Hle , qui eft un efprit éclairé , 5c qui ne laiffe rien „ aux tAnt-IJle s de t Amérique. 587 échapper de tout ce qui peut contribuer à la perfc&icn des choies qu’il entreprend; ayant eu avis de la Paix faite entre les deux Couronnes de France & d’Efpagne , tâcha de lier quelque commerce avec le Gouverneur de fille de Saint leande Porterie; pour cét effet il y envoya une Barque avec un de nos Religieux , charge d’une lettre écrite en Elpagnol pour le Gouverneur de cette Ifle; la Barque fit d’abord lem- blant de pefeher, iufques à ce qu’un bateau e liant venu à el- le, le Religieux demanda permiffion d’aller trouver lesPeres de nollre Ordre ; & e liant arrivé à terre, il prefenta la lettre au Gouverneur, qui fc biffa fi bien perfuader par l’éloquence de Moniteur du Bois, que quoy qu’il deffendiftà la Barque d’approcher de terre , il ne biffa pas de faire traitrer fes ha- bitans avec les François. Ge commerce dura prés d’un an , ôe MonficurduBois s’y icroit, fans doute enrichy, aulfi bien que les habitans de fon Hic; car il y avoit à gagner 5- ou 6. pour un fur les denrées que l’on leur pertoit. Mais le Roy d Ëipa- gne en ayant eu avis, manda ce Gouverneur, & l’on croit qu’il le fit mourir, car fon Succeffeur refufa de continuer ce com- merce , affeurant qu’il y allok de fa telle , 6e menaça mefmc les François de les traitter de mefrae , fi ils fe ptefentoient pour le continuer. * Voicy deux copies de deux Originaux qui font tous deux importans à THiftoire, ils ont tous deux elle fi cachés , que c’eft une merveille que îe les aye pû découvrir j Monfieur le General dePoin- cy s’eft toujours defFeiidu du premier, à caufe du premier article ; & fi vous prenez la peine de li- re l'Hiftoirc de l’établilfemcnt du Sieur le ValTeur dans rifle de la Tortue , vous trouverez que cette pièce devroit cftre à la page 170. 6e la fécondé a la page 176. ôe que toutes deux eftoient neccfffaires à cette Hiftoire ; mais comme le ne les ay rcceuës quapres l’imp reflion, de ce Livre , je fuis contraint 5 88 Eflablijfement des François de les mettre icy, afin que le Ledbeur en piaffe ti- rer les lumières neceffaires pour fa fatisfa&ion. Articles accordez, entre Mon fleur le C omman - deur de Poincy , Lieutenant General pour fa Ma je fié des IJlesde l 'Amérique > & Monsieur le Vaffeur Gouverneur de l If e de la LLonue, pour iefablijfement delà Colonie de ladite Ife . L I b £ r t e/ de confciencecgale aux deux Religions, 1 1. Quand il y aura des peuples, l’on lèvera des droits à difcre- tion fur ceux qui fabriqueront des Marchandées ,*& non fur les autres habitans volontaires qui pourront fe paffer du tra- vail. ; I II. Les Conquerans feront exempts , & à chacun deux hom- mes s’ils les font venir. V. Les Capitaines auront d’exempts douze hommes, les Lieu- tenans huit , les Enfeignes quatre, les Sergens deux , fi tous en ont autant. V. L’on tiendra un Magazin fourny de toutes les chofes nc- ceffaires aux habitans , leur vendant à cent pour cent, & de plus un quart pour l’entretien dudit Magazin & œuvres publi- que} laquelle dépence de la fourniture, fe fera aux dépens & utilité de la Compagnie. VI. Si un Navire, la provifion de quelque habitant particulier, il, fera foulfert fans excès , pour éviter l’abus ; & en Cas qu’il en aye plus qu’il ne luy en faut, le connoiffant, il fera mis au Magazin, le payantà cinquante pour cent. 'aux Ant-Jjles de t Amérique. 5 $9 Vil. Il fera bon d’entretenir vne Garnifon aux dépens publics, ■pour ne deftourner les habitans de leur travail, eftant obligez, , & neantmoins de les fournir de bonnes armes. VIII. ' Le partage des droits fe partagera delà forte 5 l’on lèvera le dixiéme du tout pour laCommiffion du Roy, ôc le refte leia ^partagé en deux , pour la Compagnie une moitié, & 1 autre 'pour le Gouverneur & les Officiers. De la moitié deftinée pour les Officiers, le Gouverneur en -aura deux tiers, & le Lieutenant General l’autre tiers. poür l’Enfeigne & trois Sergens, il les faudra gratifier de quelque ehofe , en attendant qu’ils ayent des hommes pour leur donner des exemptions. ÏX. Pour IesBeftiaux vivans que Ion pourra recouvrer al adve- nir par prife ou par achapt, feront nourris pour la Commu- nauté des Intereffés à la Compagnie, au lieu dit la Plaine. X. Il ne fera créé de Compagnie nouvelle que le nombre des Jiommes n’excede fix cent, pour éviter la dépence des Om- Sera fait des Maifons & des Forts, aux lieux qu’on îugera -cftre utile pour la confervation de I’Ifle,cn attendant que 1 on la puiffie fortifier plus amplement. En cas qu’il fe trouve dans ladite Ifle quelque bois de prix •qui puifleeftre vendu, ou que daris icelle il fepuilfe faire quel- que Manufadure de Salpêtre , ou autre choie de plus grande confequencc qui fe pourroit tirer dedans la terre , les l épen ces qu’il conviendroit faire , l’utilité qui en proviendra iera pour les Aflociés de la Colonie. xm. Et quand ce qui concerne les achapts qui feront faits aux dépens de la Communauté , foit Negres ou Negrefies , Be- ftiaux ou Marchandées, telles quelles puiffcnt eftre, propres à E e e e iij » 59° Eftablijfement des François eflre diftribuees, (oit aux habitans ou autre qu’il conviendra, îe fieur le Vafîeur en fera note, comme aufli le fieur deLou- vitlier , ou autre perfonnç qu’il nommera de noftf e part , & ce poui éviter aux mauvais rapports qui ,fe pour roi csat faire à 1 avenir, & continuer la bonne union & correfpon dance qu’il convient en pareil affaire. ~ Les prefens Articles paffées pardevant Simon Merle, No- taire & Secietaire de Monfieur le General* pour les expreffes affaires du Roy , en prefence de mondit Sieur le Général, & de Monfieur le Vafïeur , lefquels ils onttenuspour bons&agrea^. blés, & promettent n’aller iamais au contraire, &en a efté de- livre par moy dit Notaire &: Secrétaire trois, copies : Sçavoir une à Monfieurde General , une autre à Monfieur le Vaffeur, & 1 autre à Monfieur de Lpuvillier , Neveu de mondit Sieur le General ; outre la Minutte qui eft demeurée entre mes mains , en foy Qequoy ils les ont lignées de leurs mains , en 1 Hofïel de la Montagne de mondit Sieur le General en l’Ifle de Saint Chriftophe, le deuxième de Novembre mil fix cens -, quarante un. Le Chevalier de P-bincy*. LE VASSEVR*. Par mondit Seigneur. DE MERLE: 0 Cét Original ejl écrit de U. main de Monfieur le Gênerai de Vomcy. 59i aux Ant-IJle s de I Amérique, COPIE des Concordats entre JMonfeigneur le General de P oincy & le Sieur le Chevalier de Pontcnay. Du deuxiejme Novembre mil fix cens quarante & un, LE Seigneur Chevalier de Louvillier Poincy, de l’Ordre de Saint lean de Hierufalem, Confeiller du R.oy en fes Confeils , General pour fa Majeflé és Ifles de l’Amérique, Seigneur & Proprietaire de celles de Saint Cbriftophc Vautres qui fout fous le vent d’icellcs ; Et le Chevalier de Fontenay defirant faire une affociation pour le fervice du Roy & pour l’augmentation des Colonies Françoifes-.comme aulli pour répri- mer les infolcnces commifes par le- Sieur le VafTeur,foy difant Gouverneur de rifle de la Tortue fans aveu, tant à fa perfon- ne qu’aux Capitaines des Navires, à qui il a donné commiflion en fon nom fans ellre foûtenu d’aucune authorité. Nous nous fommes accordez que les prifos des vaifleauxquî fe trouveront en Mer, il en fera fait inventaire de ce qui fe trouvera dans iceux en particulier, & mefme de ceux qui fe rendront à la rade de ladite Ifle de la Tortue, lors que ledit Sieur Chevalier de Fontenay y fera eflably en pleine poftef- fion , puis fera cftimer les Droits qui appartiennent ordinaire- mentà la Commiflion, defquels Droicsledit Seigneur Gouver- neur General a remis & remet la moitié du profit audit Sieur Chevalier, & l’autre moitié ledit Sieur Chevalier en tiendra compte audit Seigneur General. Pour ce qui concerne la terre, ledit Seigneur General con- fient que ledit Sieur Chevalier prenne pofieffion de la place nommée la Roche, ou autrement le refuge de la Tortue, lo- gement duditle VaPeur , & qu’il s’en affirme, conformement à ce qu’il jugera efire à propos pour le fcrvice du Roy & la confervation de l’authorité dudic Seigneur General, par tout où il fera ncceffaire. Pour ce qui concerne la difpofition & jouïfiancedes terres 59*2 Efiablijfement dés François de ladite Ifle de la Tortue , ledit Chevalier fera poflefieur* de îa moitié d’icelles-) tant 5c fi long-temps qu’il plaira à Dim le biffer vivre, pourveu qu’il continue dans le fervice du Roy, de l’Ordre de Saint Iean de Hierufalem , 5c de noflre bonne correfpondance; Il pourra difpofer de tout en tenant compte audit Seigneur Gouverneur General de la moitié du provenu, comme auffi des Droits que payent ordinairement les Habitans de ladite Ifle, qui fe montent à cent livres de petun par telle par chacun an,leiquels Droits nous biffons à la diferetion dudit Sieur Chevalier, attendu qu’il faut ufer des voyes de douceur pour in- duire & attirer les peuples, fous lefquelles conditions ledit Sei- gneur General a remis 5c remet audit Sieur Chevalier toute ladite Ifle, dans l’affeurance que ledit Seigneur General a de la probité ôeaffe&ion que ledit Sieur Chevalier a au fervice du Roy, 5c delà bien-veillance que ledit Seigneur General efpete delà bonne volonté dudit Sieur Chevalier, en se qui, concerne les interdis fufdks 5c les ficus. Pour ce qui effc-de l’ Artillerie, comme audi .de toutes fortes de munitions de guette , il en fera fait inventaire en bonne 5c deuë forme, afin qu’il en fait délivré une coppie au Sieur de Trevnlpour eftte apportée audit Seigneur General, & l’autre qui demeurera auditSieur Chevalier ; comme auffi.de tout ce qui fe trouvera' dans fes magazins-, me fine des V ai fie aux 5c Bar- ques qui appartiendront audit Sieur le Vafiçur, & généralement de tous les meubles fie immeubles qui luy peuvent appartenir* Pour le regard de la prife dudit . le Vafieur, Nous confen- tons quêtons fes biens, or, argent, foie, en barre ou monnoyé3en quelque forte que ce foit, pierreries , joyaux, terres, enginsà fucre, infiniment à faire cau.de vie, meublesuantpourfaper- fonnc que pour fon -ménage,, efclaves , §c généralement août ce qui luy peut competcr ^appartenir , foit partagé par la moi- tié; fçavoirfune pour ledit Seigneur.GeneraI,& l’autre pour le- dit Chevalier de Fontenay, à la refeuve neantmoiqs de ce qui efl neceffaire de laiffer pour faire valoir les travaux 5c manu- fa dures ja commencées dans ladite Ifle. Sur tout, après la prife d’iceluy le VafTeur, il convient que ledit Sieur Chevalier fafie faire information de tous lesdeli&s com- aux Ant-ljles de l'Amérique. 935 commis par ledit Sieur le VaiTeur , & que ladite information bicn&: deüemcntauthcntique & en bonne forme, dont coppie fera au/ÏÏ envoyée audit Seigneur Gouverneur General. Et en cas qu’il arrivai! le deceds dudit Sieur Chevalier, le Gouvernement de ladite Ifle retournera audit Seigneur Gene- ral ou à ccluy quiluy fliccedera en qualité de Proprietaire de ladite Ifle, de toutes Iefquelles chofes lefdirsSieursfontdcmcu- rez d’accord &ront /igné en prefence des fous-fignez; Fait au Bourg de la Bafterre de rifle de Saint Chriftophe, le vint-neufic- me jour de May 1651. Ainfl /igné la Chevalier de Poincy, le Chevalier de Fontenay de Louvillier Poincy, & plus bas c/l éprit par mondit Seigneur le General DAVID, Secrétaire.' Novs ordonnons au Sieur de Trevalde bienexaéfcementob- ferver les claufes Contenues au concordat cy-deflus, comme aufli d’eftre prefent aux inventaires qui fe doivent faire comme dit eft ; Fait en noftre Hoflel de la grande Montagne de la Bafterre de l’Ifle de Saint Chriftophe le vingtième jour deluillet 1651. Le Chevalier de P O IN G Y. Tin fur l'Original figne de U main de Mon fieur de Toincj, Ffff ?*-î*-*p-i* ï*'i*'*À**t*ii»'i*‘l* tî**t* ■i*t 6 6 . & de noftre Régné le vingt - trois. Par le Royj en fon Confeil. Eovchet. Regifirt furie Livre de la Communauté des Marchands Libraires de Paris -, fumant l* Arrtjl £ Parlement, en datte du, 8. Avril iSj). F ait à Paris ce quatrième Septembre nul fix. cens foi xante- fix. S. PIGET , Syndic. . Et ledit R.P. Iean Baptiste dv Tertre^ cédé le droit de fon prefent Privilè- ge rThomasIolly, Marchand Libraire à Paris , pour par luy en jouir fuiyanE Faccord fait entr’eux. Achevé d’imprimer pour la première fois le dernier Février 16 6q* Fautes furvcnues à l’Impreflion. 3. ligne 13. qui font deus lifez. qui cftoicnt deus p. 4.I. 14- il arriva lif. il y arriva p. y.l. n. qui peut lif qui pût. p. 10. l.z. 80000. livres lif. 8000. livres. Ibidem 37. l’advorcat lif l’Avocat.' p. 13. 1. 9. flotte qui eftoit /«/.flotte eftoit. p. 17. 1. 16. avant le vent . lif. avau le vent, p- 4i. 1- 17. vérité lif Religion. Ibid. 37. jufqu’à refcm/*/. jufqu’à prefent. p. 47 1- r- fcror> /*/. feront, p. 48. 1. 15. en toute inftance lif Iuftice p. 57. 1. X9.fingé lif. figné. p. 38. 1. 13. il y gtaude/*/. il y agrande. p. 7Z. 1. 7. confiantes/*/, conftanter. ibid. il. hyacinthus hf.¥. Hyacinthus.. ibid. 1 y. Aichivir lif. Archive, p. 77/I. 14. ce qui ne pall'a lif ce qui ne fe paffa pas. p. 84.I. zz. faifoit croire lif. faifoit accroire, p. Stf.l.zj. Marincc lif. Marivet. p. 94. 1. 35-luy différer lif lu y fit différer, p. 9 6. 1. zy. Capiucin lif. Capucin, p. 107. 1. 9. Berruer /*/.. Berruyer. p. 108. 1. 30.ouM.de l’Olive lif. fous M. de l’Olive, p. 119. Chapitre V- /«/. î-6. p. ni. Chapitre VI. /«/.Chap.V.p 1 z. t .p. 114. 1. yo.fignées lif. figné. p.n8. dede lif. de p. 131. 1- zz. appelle Bellctrs lif. Bclleteftc. p. 131. 1. 3- changer de face lif changer de face aux affaires. Ibid, I. 33. Ballc-tefte lif. Kelletefte. p. 134. 1. 7. ne la lif. ne le. p. 137. 1. 17. de ce a lif de cela. p. 139. 1. 33. arricle lif article, p. 141. 1. 54. mou- vements /«/.murmures, p. 144- 1. H- car ainfi lif par ainfi. p. 149. 1. z8. rempli ces Sauvages de fang lif rempli les pirogues de ces Sauvages de fang. p. tyo. 1. 8. p. 151. 1. x j. trouvafmeat’/»/. trouvafmcs. p. 1)7.1. z. d'Augole/*/. d’Angole. p.itfi.l. 37. n’ayant appris lif. n’ayant jamais appris, p. 164. 1. 14. avoir demandlé lif avoir demandé le. p. 165. 1. zi. des magazins lif les magazins. p. 171. 1. iy. cinq ou fix pas /«/.cinq ou fix cent pas. p. 173. 1. 3 fl. le tenoit lif les tenoit p. 177. 1. 11. fe ddfcndroient /«/. deffendiflént. p. 181. 1. 1 9 . demeuroieut lif demeu- rèrent. p. 198. 1. 19. à converflon lif. converfion. p.199. 1.31. 1641. lif 144Z p. zoi. 1. donnera y lif donne. Ibid.l. iy. receu lettre lif xeceu cette lettre. Ibid. 1. zi. ordre d.e retourner lif ordre au R. Pere Raymond & à fon Compagnon de re- tourner. Ibid. 1. ztf.à la vérité lif à la venue, p.ioz. 1. 31. reélle megere. lif vieille megere. p.103.1. i9.baux/«/ beaux p.zo4. l.z 6. peau fur les os lif. peau collée fur les osHbid.l. 37. fafehez /«/touchez. p.zo<5.1.z3. attirât/*/ n’attirat. p. 107.1.8. de leur faire/*/, de leur en faire, p. zzi.l. 17. ils rivoient lif ilvivoÿ Ibid.l. 17. niouurrcnt lif moururent, p. 135. 1. 17. 1646./*/ 1643. P- • § • 4. /• §.1. p- Z74.I, z8. Archer/. Agrcz. p. 178.1. 6. fi ny faite. /. & ny faite, p. 193. l.ytf . vaguent/, vo- guent. p. 307.I. 3. d’un Capitaine/, du Capitaine, p. 317. 1. îz-d’un de ce/, d’un de ces braves Capitaines, p. 334 • 1. 9- deftiné poid /. deftiné pour iour de poids, p. 3 41. 1. 14. Iuillc t. Z. 14. Aouft. p. 343. $• XI. /• $. X. 33 t. 1. ié. l’Ifle aux Gouyares l. l'iflct aux Goiiyavcs. p. 363. 1. 37. la defobeïflance /. fa delobeïflance. p. . 5. iz. XI. P- 370. §■ XIII./. §.XlI. Ibid. 1.30. fans la conduite /.fous la conduite. p. 378. 1. 9.X0ÏJO. lieues/. 1800. lielics.p. 387. 1. 3.defier /. defiret p. 391. 1. 31 . particule de- là Croix /. particule de la vxayc Croix, p. 39 4. § . XIIll- /. $ • X I II. p. 398 $ . XV./. XlV.-p. 401. §. XVI. /. $• XV. p. 403- 1. 37. fur une gran/. fut une grande. p. 42.9- 1. 14. le S. Comtc'W.e S . le Comte p.44t. 1. 16. quinze mille livres de petuuZ. quinze mille francs, p. 446- 1. zo. Ediét de l’année 1643. /. Edi&dc l’année lé^z.p. 431. 1. 7. quatre carre /.quatre jarres, p.436.1. 6. d’aller travailler/, d’aller traitter. p, 47°- 1. jz. à la Capfterrc /. à la Bafterre. 47 6. 1. 10. Nation îrançoife / Nation Angloife p. 481. 1. zy. toute’ fa vie/, pour toute fa vie. p. 491. 1. 18. les poulets d-Inde /. des poulets d’Inde, p. 300. 1. 31. la Berger çl. la Bergerie, p. yoz. 1. 18. Efpagnols. /. Efpa- gnoles.Ibid. linca 36. 5c faepe alibi, ibid, fontaine héron /. fontaine Hcroii. p.503. 1 ■ ii. paru midy /. paru en plain midy. p. 504.!. 34. à fan ordinaire J. à mon ordinaire, p- 505. 1. 11. de ces quartiers/. de fès quartiers, p. 509.1.1. la pompe Ma poupe, p. 501. t. 36. héron/, herou. p. 501. linea 56. 508.516. j'47. d. 511». 1. 13. poira loin /. porta pas loin. p. 5J1. 1. 15. Meniganti. Menigaut.p. 513. nos amis /.vos àmis.p. 513. 1. tf.de fcs/.deccs.p, 5:7. Lu. ces quartiers /.fes quarticrs.p.5i8.1.î,7.qu’il en faudroit .lif, qu’ihen rojadroit. Ibid. L30.il alla /.il eftoit alle.ibidl.3x.de ces. /.de fcs.p. 519. 1. 17. put retarder /. pufient retarder. p.520. 1. 15. Portfmouthe /.Portshemeure. p. 511. Chapi- tre XIX. Z. Chapitre XXI. p. 511. 1. 1 4. qu’ils ne ne/, qu’ils ne luy. p. 53.I.31. les valets /. fes valets, p. 518. 1. 8. la douleur /. fa douleur, p. 536. 1. 15. de Coutfelas î.’de Gourfelas. Ibid. 1. 17. pas amis/, pas amy. p. 537.1. 13. interprétées /.interceptées, p. 539.I.7. menacez /. menaces Ibid J. 9. jufqu’à ordre/, jufqu’à nouvel ordre. p. 540. t. 4. de cinquante /. des cinquante. 54S.Chap. XXI. /.Chapitre XXII. Ibid. & fæpc alibi. Boilîcret /• de Boifleret. p. 551. 1. 1 l’en fi /. l’en fit.p. 566. §. 1. /. §. 3. 1. ■^4. porte/, portent. Ibid. 1. 14. & 15. Commis/. Compromis. 568, 1. 36. trois cent li- vres, /.3000. livres, p. 584. 1. 15. Soify /, Toify. i i