HISTOIRE GENERALE A N T ÏL LES HABITEES PAR LES FRANÇOIS- DIVISEE EN DEVX TOMES , Et enrichie de Cartes & de Figures, TOME I CONTENANT T O V T CE QV I s’eft pafle dans reftabliüement des Colonies Françoifes. par le R. P. D V T E RT R E3de l'Ordre des FF.Prefcbeurs, A PARIS, Chez Thomas ï o l ly, au Palais, en la Salit des Merciers, à la Palme, &: aux Armes d’HolUnde. m. d’c. lTTv I I. AVEC PRIVILEGE. A MONSEIGNEVR achiledeharlay, PROCVREVR GENERAL. 0NSE1GNEVR, - ) ' Trouve? bon s’il vous plaifi , que te mette en- core vne fois vofire Nom tllufire à la tefte de mes 'Ouvrages, afin que ces deux Livres [oient partiel - a ù j / . E P I S T R E. pans du bon fiucce fi que le premier a reçeu de fia protection: Ce n en efoit que le projet; mais levoi- cy dans fin dernier accompli ffement 3 remplyde tou- tes les chofies les plus remarquables qui fi f oient pafees dans les Jnt-Ifiçs , habitées parles François depuis environ trente-ans; & fofie dire , MON- S E IGNE FR, que le ny ay apporte aucune pafi fion que celle de firvir ma Patrie ? & fe fiere quelle ' fera utile a la confervation des Colonies'' Franco fies, puf que celle qui s y établi fient de nouveau y appren- dront comme elle fi doivent maintenir > en confiât- ranf les accidens & les écueils que les premières n ont pu éviter : Les Gouverneurs dp prendront par la conduite de ceux qui les ont précédés s i éviter et qui défié la ruine de quelques-uns > & a pratiquer ce qui a relevé la fortune des autres , N les peu- ples connoitront quil h ont jamais e fié plus heu - reux que lors quils fi f ont confervefi dans leur devoir . Enfin j A4 O N S E 1 G NE FR , vous Jerefi perfuade que cette Hiftoire efi fincere vérita- ble 3 quand vous fit dur efi que te finis témoin ocu- laire de la plus grande partie des chofies qu elle contient s é) que le refie efi fondé fur des origi- naux des pièces digne de foy ; De forte que fi il y . avoit quelqu'un a fie^ hardy pour la con ~ E P I S fr R E. te fier y te vous fupplie tres-humblement de fioufi frir que te les avertijfe , qu encore bien que vo- tre Nom illufire ne paroifiè pas icy avec tout les éloges & l’éclat qui luy efi du , & que vont ma - vez, interdit , il ne laijfi pas de s’y trouver au- + tant que la jufiice le demande , pour fouflenir pmjfamment les interefts de la vérité s Ce H MO N SE IG N EVR , la grâce que ie vous demande s & fi éofie en defirer une autre , c efi que vous me fafiteZj l’honneur de croire que ie fuis avec tout le refie ât que k vous dois , M 0 NS E IG N EVR, y oftre tres-humble , & trcs-obligc fcrvkcur, F. I. B. dv Tertre, de l’ Ordre des Freres jprefchcurs. Lyaenviron quinze ans que les prières de plufieurs personnes de qualité m’oblige- rent à mettre en ordre quelques remar- ques que i’avois faites dans mes premiers voyages & fèjours auxAnt-Ifles de l’Amerique; Ôc ie n’eus pas plutoll: fatisfait à leurs inclinations , que le Livre que îeaavois fait , & donné à Monfieur deHarlay, fut fi curieufement recherché , que quel- que diligence que iefilfe pour en conferver une co- pie aifez imparfaite qui m’eftok demeurée , ie ne pu emnefcher qu’elle ne me fut dérobée , & que trois ans apres ie n’appriiîe que l’on parloir de la faire imprimer fous un autre nom que le mien , cela m’obligea à la mettre fous la Preffe , & à la faire pa- roiftrc en l’année 1,654. telle que vous l’avez veue, fous le titi;& d’Hiftoire generalle des Ant-Ifles; bien que ce ne fut encore que le projet de ce qu’elle con- tient maintenant. Pendant que ielafaifois imprimer à Paris, leR. P. Raimond Breton fut prié delà p^rt déMonfieur le Çcneral de Poincy, dedonncr ion Vocabulaire, de PREFACE. de laLague des Sauvagcs,&quelques mémoires à une perfonne inconnue, qui en ramalîoit pour faire une Relation des Ant-Ifles. l’ay appris depuis que c’é- toit le (leur de Rochefort Mimllre de Roterdam, qui ayant elle deux fois aux Ifles avoir conceu le mcfme deffein que moy. Il receut en m efme temps le vocabulaire de ce bon Pere, 8c la nouvelle de Pim- prelïion de mon Livre^de forte que le fen fut arrêté iufquen 1 année 165B.cn laquelle il parut fous le nom d' H ivoire Naturelle des Antilles de l' Amérique. Ce Livre fut incontinent prefenté à Meilleurs de rAdembléedesPbifîciens, Mathématiciens, & A- ftronomes, qui apres en avoir loiié le difeours, re- marquèrent qu’excepté les difgrefïions qu’il a fai- tcs,tres- peu convenable à Phi (taire- des Ant-Ifles, le vocabulaire de ce bonPere , 8c les belles Antithefes de fes Amis, prefque tout le refie eftoit fi fldelle- ment tiré de mon Livre , qu’il n’a pasmefme obmis les fautes que i’y avois faite. Quelques-uns de ces Meilleurs me prièrent d’écri- re , de reclamer mon travail, &de faire en mefme temps connoiftrela faufleté de plufieurs mémoires dont il s’eftoit fervi pour compoîer fon Liure.Mon- heur de Montmore,chez qui ces Meilleurs s’alTem- bloient , 8c dont il étoit un des Principaux Or- nemens , s’offroit de faire imprimer en Hollande, à fes frais tout ce que i’aurois écrit, 8c m’en pria avec tant d’inftance, que ie l’euffe fait de ce temps, lî mes Supérieurs ne m’en eulFent diverty par des occupa^- PREFACE. tiens plus prenantes » Mais tant s'en faut que i’en quitta (Te le dedein , ayant eu l’occafion de faire un voyage aux I (les en l’année 1656. qui me donna lieu de voir toutes les 1 lies que ie n’avois pas encote veuë. l’y fis plufieurs belles remarques que i’ay mis aux mémoires que i’avoisramade,&: ay compofé ces deux Volumes que ic mets prefentement au iour. . Le premier contient l’Hiftoire de tous les Efta- blidemens des Colonies Françoifes dans les Ant- Ifl es de l' Amérique, & bien que i’aye écrit allez exa- ctement tout ce qui s’eft pafle dans chacune de fes Ifl esjtant dans la paix que dans la guerre.Ie ne doute pasqu’il ne me foit échapé quelques, circôltances qui feront connues de quelques particulierspuais ie fçay aulli qu’il y a peu d’homme en France capables de ramader3& de donner au public les chofes que i’ay recueillies lefquelles n’auroient iamais veu le iour, fans les foins que i’ay eu de les mettre dans cette HL ftoire. le n’ay pu me difpenfer de mettre dans le premier Volume plufieurs Concédions, LettresPatentes,Let- très de Cachet, Commiffion du Royj deliberations de la Compagnie, & quantité d’autres pièces que i’ay confiderées comme le fondement folide.fur lequel ie devois appuïer mon Hiftoire. Ceux aufquels elles fembîeronc ennuyeufes , pourront les obmettre 8c fuivre le cours de l’Hiftoirc, qu’il trouveront rem- plie de belles avantures capables de les fatisfaire. Le fécond Volume eft l’HiftoireMaturelKque ie P R E f A ’C -E. rùivois fart qu?ébauchcr dans mon premier Liurefie l’ay a u cr mente des^deux tiers, par les curieufes remar- ques que i’ay faite dans mes derniers voyages, & de celle que le R.P. Feuillet m’a fort libéralement com- muniquez’^ l’ay aulfi enrichi de plufieurs belles Fi- gures, qui font les plus conformes aux chofes q.u elle reprefentent, que toutes celles qui fe font faites iuf- ,ques àprefent. La gr odeur du premier Volume m’a obligé de mettre plufieurs chofes dans le fécond , qui fem- bloient devoir eftre placées dans le premier, comme dans leur propre lieu j & iefupplie le Ledteur de ne fe pas tant arrefter aux lieux que i’ay efté contraint de leur donner qu’aux chofes curieufes que i’ay écri- te pour fa fatisfacftion. Toutes les chofes que contiennent ces deux Livres fe rapportent à celles dont i’ay efté témoin oculaire, &L qui n’ont point d’autre garand q ne ma foy & mon honneur, ou aux originaux & pièces autenuques qui m’ont efté communiqués qui fe cautionnent d’elle- mefmeJou aux mémoires que i’ay recueillis de plu- fieurs anciens babitans dupais, & bien queie ne me fafie pas abfolument le garand de celle-ci comme des autresje puis affeurer que 1 y eu un foin particu- lier de rejecter tout ce qui m’a paru douteux , & de n’avancer que ce qui me femble le plus probable. le me perfuade enfin quel’on trouvera dans ces deux Livres, tout ce qui peut contribuera la parfaite con- noi fiance du pays que ie décris, qui eft le but queie PREFACE. me fuis propofé enle compofant -, û ic n'y ay pas reiiffi , ie prie Dieu quil en fufcite un autre qui le faile plus hcureufement que moy. le prie le Ledeur d’avoir recours à l’Errata , lors qu’il trouvera des fautes d’inipreffion , quel on na. pu éviter, quelque foin que l’on y ait peu prendre. L1CENTIA REVEREND ISS I M I PATRi S THOMÆ Tuici , totius Ordinis FF. Prædicatorum Magilhi Generaüs.' Nos Fréter Thomas Turcus facraTheologix Profe]for,totikfque Ordlms FF-.Pra- dic.it. 7vl agi fier Gener ali s c ÿ* h terni lis feruus. H Arum ferie noftrique authorirate offieij tibi R.P.F. Ioanni Bapri- ftæ du Tertre, licentiam facimus impreffioni mandandi librum à re editumdeInfulaGuadalupa,inAmftica,modôprius à R. P.Admod. P. PrioPe &Le table DES CHAPITREES ET DES PARA- graphcs contenus en cette première Partie. | Hapitre I.De l’ctablif- Anglois dans leurs limites ancien- flifement de la Colonie nés, apres un grand combat, 25 ^^Françoifedans lifte de §.7. Dora Federic de ToledeaL '■ S.Chriftophe, , 1 ,-r 1 / É 1 Voyage deM.d'Enambuc.Ca- phe avec une paillante armce pour p’tain: du Rov fur les Mets du en chaffer les François & les An- Ponant, en l' Amérique. J glois , lent combat, & a mort glo- c 2. Arrivée de M. d’Enambuc a rieufe de M.du Parquet. 2g l’i fie de S.Chriftophe: les François $.8. La Colonie Françoife ayant les Anglois défont les Sauvages, efte mifeen defotdre pat ^larmce qui a-voient complotté de lesadaf- d’Elpagne, abandonne 1 lfle de S. ]iner 4 Chriftophe pour fe réfugier dans Retour de M. d’Enambuc en celledAntigoa.M.duRolfeyre- France , ou il procure Peftabliffe- tourne en France, 31 ment d’une Compagnie pour 1 lfle §•■ 9* Retour de la Colonie Fran- ce S.Chriftophe.Le8 Traité d* Affo- çoife en lllle de S. Chriftophe, ou dation , & la Commifflon qui fut elle fe remet enpoffefflon de fes donnée aux fîeurs d’Enambuc & du quartiers , malgrc la refiftance des Roftey. 7 Anglois. , 34 01 § 3. M. d’Enambuc eftablit M.du Parquet fon Neveu, Gouverneur de la Martinique. Sa bonne conduite y attire quantité d’habitans. La Com- pagnie lu y en envoyé la Commit fon. jq4 §. 4 . M de Poincy lotie la conduite de M.du Parquer, qui écrit aux Sei- gneurs de la Compagnie en faveur de fes habit-ans. §,7. Prudence de M.du Parquer pour conferver la paix avec les Sau- vages. Vn accident fafeheux les ani- me à la guerre. M. du Parquet s’y préparé fuivant les ordres de M. le General de Poincy. EtablifTemefic Table des des le fuites dans la Martinique. 113 §.6. M. d’Enambuc meurt à faint Chriftophc. Le Sieur de Halde fon Lieutenant eft eftably Gouverneur en fa place. l'i9 CHAP. V. M. de la Grange eft choift pour Gouverneur des Ifles. Il propofe Monfieut le Commandeur de Poincy à la Compagnie , qui le prefente à M. le Cardinal , & luy au Roy. Ses Commiffions. ui §. 1. M. de Poincy fait partir M.de la Grange fon Lieutenant, pendant qu’il met ordre à fon embarquement. Son arrivée & fa.conduiteà SsÇhri- ftophe. î né ~ §.z.M de Poincy s’embarque pour les Ifles. Son arrivée & fa récep- tion. u7 §.3. BroüillerieS de M. le General de Poincy avec M.de la Grange fon Lieutenant. 119 §. 4. Différend de M. de Poincy avec les Anglois. Il les contraint de traitter d’accommoctçynent , qui n’ayant pu eftre conclu , il -trouve un moyen de conferrer la paix avec eux. 133 §. 5. Monfieur & Madame de la Grange font a -reftez prifonniers , de onze mois apres font mis en liberté, & renvoyez en, France. 14Ï §.6. M. de Poincy & le General des Anglois s’accolent de ne .point faire de Perun durant 17. mois. Le Gouverneur de la Guadeloupe refu- fe d’entretenir cét accord : il eft arre- fté avec, fa femmeà S. Chriftopbe. 14} §. 7. M. d- Poincy ayantdelTein de s’emparer de la Guadeloupe , ,y en- voyé à la priere des habitans Mef- fiears de,Sahouilly & de la Vervade, Chapitres avec zéo. hommes. Ils en repoufTent les Sauvages. En mefme temps fix de nos Religieux arrivent de France pour affifter le peuple. 146 §. 8. M.de Poincy fait pourfûivte & punir les Efclaves fugitifs. Il for- tifie S. Chriftophc contre les Efpa- gnols & les Anglois , de met tous fis foins à l’embellir. 153 ,§.9. Les Habitans & les Officiers de S. Chriftopke font mécontens de M- de Poincy. Ils propofent trois chefs d’accufatioa contre iuy , dont il fe iuftifie , & fe plaint des droits exigez par la Compagnie. 157 §.10. Le Roy la Compagnie continuent M.de Poincy pour trois ans dans fes Charges. A la nouvelle de ces Commiffions on en fit courir une faufle dans l’ifle qui retranchoit de fon authorité. Le Sieur des Ma- rets en eftant cru l’autheur, eftmis aux fers : fon evafion , le chaftiment de fes Gardes,, fa reprife & fa mort. 160 *ï.§. ii. Le peuple murmure contre M.de Poincy: Sédition de Clemenc Burgaud diffipée par Monfieur de Saboüilly. i£j CHÂP.VI. Eftabliftement d’une Colonie Fran^oife dans l’Ifle de la -Tortue. $.1. Les Anglois font défaits par les Efpagnols dans l’Ifle de la Tor- , tue , où M. le Vaftèur eft envoyé par M. de Poincy, qui en chaflc quelques Anglois réfugiez, s’y cftablit de re- poufle les Efpagnols. 1 6? §. z. La mauvaifo-conduitte de M. le Vafleur, qui fe rend odieux à fës habitans , eft defauoüc par M. de Poincy, Se aflaffiné par deux Capi- taines qu’il avoit adoptez. 17} S 3. c & des Paragraphes, §. 3. Le Chevalier deFontenay ar- §.3. Le R. P. de laMare Supérieur rive à S. Chriftophe. Eft fait Chef de noftre Million, envoyé le R, P, de l’encrcprifc de M. de Poincy fur Raymond Breton prefeher l’Evan- la Tortue contre le Sieur le Vafleur; gilc aux Sauvages. M. Aubert prie fe rend maiftrede cette Ifle, oàil fait M, de Poincy de luy écrire pour le venir M» Hotman Con Frere. Vifible rappellera ce qui luy arriva, ôc la punition de Dieu fur l’aflàflin du difpofition qu’il remarqua dans les Sieur le Vaflèur, iy$ Sauvages pour eftreinftruits, 198 §.4.. Entreprife des Espagnols fur §. 4. Deux de nos Religieux arri- i’Ifle de la Tortue. Leur defeente "vent à la Guadeloupe , leur mort, dans rifle. Ils dreflent une batterie Celledu R P.delaMareSuperieur, fur la Montagne, d’où ils battent les M, Aubert défait IesMarons de loti Afliegcz, qui font contraints d’aban- Ifle,M, Hoüel paflèà laGuadelou- donner la Roche. M. Hotman fait pe, ic>î une fortie. La révolté des habttans CHAP. VIII. La Compagnie paf- çblige M. de Fontenay à capituler, le un nouveau Contrat avec M, le ;8o Cardinal. Sa Majeftc le confirme 5 5. La Tortue eft rendue aux Ef- avec celuy de l’année 55. par un pagnols. Le Sieur Hotman demeure Edit vérifié au grand Confeil. M. enoftage durant laTrefve. Eftant de Berruyer fait hommage au Roy retour , la moitié du peuple eft don- de la propriété deslfles aux noms des née aux aflàffînsdu Vaflèur, qui font Adoriez, Lettres de fa Majeftéafa une ariion barbare. Les deux frères Chambre des Comptes pour y enre- eftant fecourus attaquent la Tortue» giftrer cét Âéte. Monfieur de Clercc- cette Ifle cftantfccourue, ils s’enre- lier eft eftably luge & Intendant tournent en France. 184 General. Horrible Ouragan, 208 CHAP.VII. La Compagnie pour- CHAP. IX. La Compagnie pour- voit d’un Gouverneur à la Guade- voit M. Hoüel du Gouvernement de loupe pendant la détention dcM.de la Guadeloupe, 213 l’Oliveà S. Chriftophe. 188 $ /. Arrivée Sc réception deMon- §.1. M. Aubert eft pourveu de la fleur Hoüel à la Guadeloupe, où il chargede Lieutenant General de la reçoit Madame la Fayolle avec les Guadeloupe ; il traitte de la paix Filles de l’Hofpital de S. Iofcph. Il avec les Sauvages; il va à S. Chrifto- va à S, Chriftophe , & refufedeprê- phe , prefte le ferment à M. de Poin- ter Je ferment à Monfieur de Poin- cy; il retourne à la Guadeloupe, & c y, -u 2.24 s’y fait Recevoir: une Barque où il §.a.M. Hoüel demande iufticcà eftoir, fait naufrage, d’où il fe fauve, M, de Poincy contre M. Aubert, plufieurs y perdent la vie, 18$ qu’il accufe de l’avoir voulu met.rr' § 2. Arrivée des Sauvages à 1* mal avec les Sauvages. M^ Guadeloupe. M. Aubert conclut la cy envoyé un Commilh1^ a paixaveceux. Cette paix y attire des deloupc, il eft te**10 P11 ^0l1 ieu^ habitans, 195 Hoüel, • w t Table des Chapitres Hoüel amène du-Rivage Sieur Marivet. Sentence contre le J* J! *. ivw*-. - U cnFrance, onle condamne auxGal- leres, &M. Aubertàmort par con- tumace , M. de Poincv envoyé de nouveaux griefs an Confeil duRoy contre M. Hoiiel, *3^ §.4, Apres le départ de M.Hoüel, Moniteur le General envoyé Mon- iteur l’Intendant àla Guadeloupe en qualité de Gouverneur. Onlerefu- fe, Grands defordres, Emprifonne- ment du Sieur Marivet Lieutenant Capitaine Paul, qui avoit emmené* les François de rifle de fainte Croix. Trois Lettres de cachet pour la ré- ception de Monfleur deThoify dans S. Chriftophe, a6j §.4. Monfleur deThoify obtient plufleurs choies de la Compagnie pour faciliter fa réception a laint Chriflophe. Com million du grand. Prévoit de France au Sieur de Bois- Fayé-, 6c du Duc de B-rezé à Mon- de Monfleur Hoiiel , par ceux de.lT_C- fleur deThoify pour lefait de la Ma le, Z4Z CHAP. X. Le Roy eftablit Made Thoify Patrocles Ion Lieutenant Ge?- neral és. Ifles de T Amérique, & la Compagnie le fait fon Sénéchal dans faint Chriflophe, Monfleur de Poin- cy en eft averty par une Lettre de fa Majefté, 6c par une autre duSieur deThoifl,. i5° §.1. Moniteur de Poincy ayant ap- pris la nomination de Monfleur de Thoify en fa place, fe préparé à la defFenfe, s’ a fleure de quelques Offi- ciers, chaflè de l’Ifle ceux qui luy font fufpeéts , 6c interefle le Gene- ral des Anglois dans fon party, 258 §. t. Monfleur Hoüel n’ayant pu obtenir la Charge de Lieutenant de fa Majefté és Ifles de TAmerique, lie amitié avec Monfleur de Thoify* la Compagnieûnformée des defor- dresde la Guadeloupe, fait , écrire a M . Hoüel , & luy ordonne de punir lesfeditieux, ' 162 §. j. Monfleur Hoüel nfoxecutt point les ordres de la Compagnie con-o [cs fgditieux. Le Sieur Lam- bert prêtai pofleffion de la Charge de Lieutenani General au »om de Monfleur de Thoif; Difgrace du rine. 27%- CHAP. XI. Voyage de Monfleur, de Thoify fécond Lieutenant Gene- ral pour fa Majefté és Ifles de 1 A- m cri que.. • §, i. DcTcente & réception de- Monfleur de Thoify dans l’Ifle de- Madere. . z$7 §, i . Arrivée de Monfleur de Thoify . à la Martinique & à la Guadeloupe,. Ifles de.fon Gouvernement , où il eft receu avec bien de Jaiovc; 289, §. 3. On refufe Monfleur leGe-, neral à faint Chriftophe ; fes Offi- ciers ne peuvent obtenir permiflion d’y defeendre pour, y flgnifler les or- dres du Roy. Les Anglois ne veu- lent pis recevoir une Lettre de la Rcyne d’Angleterre à leur General* 2Ç)2 §. 4. Entreprile de Monfleur du Parquet fur lTflede faint Chrifto- phe. Il y de fcc nd & fait prifonniers les Neveux de Monfleur, dc^Poin- c y .Td.eft défait;, fe fauve dans les bois , il fe remet eqtre les mains du General des Angloisqur lequel il eft livré a 'Moniteur de Poincy. Mon-, fleur Hoüel mené du feçours à M. deThoify. &des Paragraphes. §.5. Expulfiondes PP. Capucins. §. 10. Monfieur le General era- On mal- traite tous ceux qu’on foup* pefche un Capitaine Hollandois çonne du party de Monfieur de d’enlever une Caravelle Portugai- Thoify. Eftrange fupplice d’un fe qui s’eftoit réfugiée à fa rade. Le François 8c de quelques Efclaves. Sieur Hoüel fait tant par la fedirion Les Sieurs de la Fontaine 8c Camo qu’il excite, qu’il l’oblige defe fau- fe fauvent 5 C rcpalîent en France, ver de la Guadeloupe , où on le 3 ©5 §. 6. Monfieur Hoüel jaloux de Pauthorité de Monfieur le General fc brouille avec luy, il fc reconcilie peur obtenir de luy la Déclaration du Roy pour l’eftabliflement de la Iufticc Souveraine. 3°8 §.7. Nouvelles broüilleries à la Guadeloupe. Le Capitaine Bou- vouloittuër. 345 §. it. Perfecution à la Guadelou- pe contre ceux qui avoient appuyé l’aurhoritéde Monfieur le General. 3 66 §. 12. Monfieur le General eft ar- rêté par les habitans de la Martini- que, 8c livré à Monfieur de Poincy, en échange de Monfieur du Par- 22 d’un Manifefte fedi- quet. IlelcoBduitprifonnieràfaint tieux! eft fait prifonnier. Ordrede Chriftophc , d’où il eft envoyé en Monfieur le General de faire fou France pour appaifer une émotion procez, le Confcil Souverain corn- du peuple qui vouloir ,e reftabhr, pofé par le Sieur Hoüel , donne fon & chaftier Monfieur de Poincy. premier Arreft contre le Lieutc- 370 . . (.m 1 liant du grand Prevoft. Quelques §. rj. Perfecution umverfellc dans mutins prefentent Requefte pour les Ifles apres l’embarquement de eftre exempts de Droits. M. le General. 394 § 8 Monfieur le General offenfé §.14* La Compagnie talch en delà lignification de l’ Arreft fait à vain de remédier à tous ces maux, faperfonne. eftablic unConfeil de U de favonfet les E»lra Guerre , fait une Déclaration con- donnant permiffion d habiter 1 me tre cét Arreft, 8c fait faire quelques de Mariegaîande. . 3V propofitions au Sieur Hoüel. Arri- §. 15. Eftranges avanturesde quel- vcc dcsDamoifclles la Fontaine & ques François reléguez a Mlle des Armand. On enleve un Navire 5c Vierges. Les dangers qu ils couru- auclques Barques à Monfieur le Ge- rent fur mer 5c fur terre , )ulqu ace ncraf 3 21 qu’ils furent fecourus par les ttpa- §. 9. Soulèvement à la Martini- que par un nommé Beaufort. Maf- facre des feditieux. Les habitans de- mandent une abolition > ÔC 1 é- changc de leur Gouverneur avec les Neveux (du Sieur de Poincy. 328 gnols. - 401 CHAP. XII. Eftabliff ment des François dans les Ifles de faint Mar- tin ôc de faint Barthélemy. 4®9 CHAP. XIII. Eftablilfement des François dans les Ifles des Xaintes r ij j Tahle des Chapitres . & de Mariegalànte. Divers com- CH AP. XVIII. Embarquement bats contre les Sauvages. Perte aux Ifles. Naufrage du R. P. Coliavd. 417 CHAP. XIV. Eftabliflèment des François dans l’Iflc de la Grenade. 4M d’une Colonie pour la Terre-fer- me de l’Amerique Méridionale. Son fejour à la Martinique. Elle eft ruinée par les Efpagnols Sc les Sauvages cinq femaines apres fon eftabliffement dans la Riviere CHAP. XV. Eftabliflemenr des, Doiianatigo. 48° François dans lTflc de fainte Alou- _ CHAP. XIX' °üragan /u,rie?x zie. 434 CHAP. XVI. Decadence de la Compagnie des Ifles de l’Amerique. 43J CHAP. XVII. Entreprifede Mon fleur de Poincy fur I’iflc de à la Guadeloupe qui y caufe la fa- mine. Tremblement de terre à la Martinique. Révolté 6c fuite des 1 Negresen l’une 6c en l’autre 5 ac- cordavec les Sauvages. 49$ -CHAP. XX. Monfieur le Com- fainte Croix. Eftabliffement des te de Cerillac fait achepcer l’Ifle de François dans cette Ifle. Nos Reli- la Grenade à deflein de s’y établir. gieux font choifls pour en avoir foin. Don de f\ Majefte de cette Ifle , 5c de celle de faint Chrifto- phe à la Religion de Malthc. 448 §. 1. Les Hoilandois chaflèz du Récif 6c des autres places du Brc- fll par les Portugais , fe réfugient à la Martinique Ôc à la Guadeloupe., 46© §.2. Nouvelle guerre des Sauva- ges contre les François. 4M §.3. Monfieur Hoüel vient en France, lllaiflè le Chevalier Hoüel SC Monfieur de Boiflèret pour commander dans la Guadeloupe. L’Armée Angloife commandée par le General Pen y pafie. Mafla- cre des enfahs dix Capitaine Ba- ron Sauvage , à Mariegalante, 470 §. 4. L’Armée du General Ma- jor Pen va à faint Chriftophe , 911 l’alliance eft renouvellée entre les François 8c les Anglois. 47 4 5°4 §.1. Mon Voyage à la Martini- que, 8c les hazards que ie courus. 5® J §.j. Combat avec les Sauvages. Mon retour en France avec Mon- fieur de Maubray. 508 §. 3. Monfieur de Cerillac va en perfonne pour prendre pofleffion de la, Grenade ; Son embarque- ment au Havre - de-Grace ; 6c les mal -heurs qui l'obligèrent de re- tourner en France » d’où enfin il al- la dans les Ifles. 5*7 CHAP. XXI. Mort Chteftien- ne de Monfieur du Parquer , 6c fa Pompe funèbre. Réfutation des ca- lomnies avancées contre fa mémoi- re , par l’aütheur, du Voyage de Cayenne. î21 §. 1. Voyage du R. P. Iean Ba- ptifte Feuillet en France, pout de- mander au Roy la Charge de Lieu- tenant General pour Monfieur d E- nambuc , fils aîné de Monfieur du & Paragraphes. Second lot échcu à M. Hoiiel. Parquet. §. x. Sédition à la Martinique. 568 jz8 Emprisonnement de Madame du §. 4. Nouveau dcmeflé entre les Parquet. Sa liberté. 534 Seigneurs de la Guadeloupe. Le §. v Mafiacre de quelques Sau- Chevalier Hoüel ÔC le Sieur Hinf- vages à la Martinique. Combat félin fc battent. Monfieur de Poin- contrcceux de la Cap- ftcrré decet- cy les met d accord. Lettre du Roy te Ifle , d’où on les chafle. Mort à cefujet. 569 de Madame du Parquet. 54* §• 5- Pa^ generale aux Mes, C H A P. X XI I. Différend de entre les Nations Françoifes , An- Monfieur Hoiiel avec Monfieur 8c gloifes ôc les Sauvages. Les habi- Madame deBoiffêret, 6c leurs en-, tans de la Martinique par l’entre- fans> J4S tr.ifede Monfieur Hoiiel fontcom- §.x. Monfieur Hoiiel prie Mon- pris dans ce Traitté. Mort du R. fieur de BoilTerct de luy vendre fa P. Fontaine , Prefet Apoftoliquede part de la Guadeloupe. Monfieur noftre Million. 57* de Boifieret le refufe 8c meurt de déplaifir. Monfieur Hoiiel retour- Continuation de ce qui s’eft paf- ne à la Guadeloupe. Il renvoyé fé dans les Ant-Mcs , depuis la dé- Monfieur le Chevalier 6c fes Ne- cadence de la première Compa- veux en France. Révolte généra- gnie , jufqucs à la création de la fê- le dans cette Me. Eftablilîcment conde. 580 d’une Dixme. 549 CHAPITRE I. Monfieur le Gc- §. 3. Madame de Boifieret en- lierai de Poincy meurt, 6c a pour voye Meilleurs f:s enfans à la G ua- Succefieur Monfieur le Comman- deloupe fous la conduite de Mon- deur de Sale , contre lequel du Buif- fieur le Chevalier Hoiiel fon frété, fon fe fouleve ; 8c apres avoir blcf- Leur embarquement, ôc leur arri- ■ fé Monfieur de Sale, eft pris , con- véeaux Mes. ;S3 damné à mort , 5 c exécute. Con- § .3. Compromis pafle entre Mon- fuite de Von fieur de Sale. Embra- fieur Hoüel ôc Meilleurs le Cheva- fement des Magazins. Commerce lier Hoiiel fon frère 8c Monfieur avec res Elpagnols. j8i d’Herblay , pour le partage des terres ÔC des biens de la Communau- Articles accordez entre Monfieur tét 566 le Commandeur de Poincy , Lieu- tenant General pour fa Majefté Lots& Partages delaGuMafifc des Mes de l’Amérique ; ôc Mon- & autres J fies. ficur le Vafièur Gouverneur de l’If- lc de la Tortue , pour l’eftablifie- Preipier lot écheu à Monfieur ment de la Cplonic de ladite Me. d’Herblay. 567 58* / { - ; J ... lûU&tl / JQE.f ytNGLOIS ?m4içmc du ûatrct. Cap Ettrcuji Otàjfttc/- ranclc ouuï Awglois UES Tort , Charles gpiR Tiüjt Mine Je SoiJphrv J\lnrJ OucJh 1 HISTOIRE GENERALLE D E L'E STABLI S SEMENT D E S COLONIES F RA N COIS ES s DANS LES ANT- ISLES .DE L’AMERIQVE. PREMIERE PARTIE T)e [ Efiablt filment de la Colonie Françofie dans t [fie de S ainrChrifiophe. ' ' Chapitre Premier... E r/elt pas d’aujourd’huy que For &. l’argent ont fait de fortes impreffions furl’efprit des hommes, & que le defir de poffeder des richdfes, leur a fait méprifer les plus grands dangers, &: entre- prendre Ieschofesles plus difficiles. Quelque vio- lente pourtant qu’ait efté cette pailion, il faut avoüer qu’elle n’a jamais agy E puifiamment fur le cœur des Habitansde l’Eutope que depuis l’an 1493. auquel Chriftophe Colomb ayant découvert l’Amerique, les richcfies immenfes de ce' nouveau monde, animèrent toutes les Nations à leur I. Partie.. A » 1* S P z EftdbUJfement de. :ranç ois conquefte, &: il n’y en eut pas une qui ne voulût partageravec les Efpapmols, un butin fi riche Se fi précieux. Le Pape Alexandre VI. par fa Bulle de l’an 1493 ayant donné tout ce grand pays aux Roys Catholiques Ferdinand èc Ifabelle, les Roys d’Efpagne en vertu de cette donnation prétendirent en eftre les feuls poffeffeurs légitimés; & fous ce prétexté traitterent comme des Corfaires tous ceux qui furent trouvez entre les deux Tropiques. Mais ny la conceffion du fouverain Pontife, ny la cruauté barbare des Efpagnols, ne purent empefeher les Eftrangers défaire voile en L’Amerique, pour tafeher de s’y enrichir. Plufieurs Particuliers de nos Codes équipèrent divers Vaif- feaux à cetteffin; bien que nos François courufient allez fouvent auffi bien le mauvais bord, que le bon bord,ilsnelaif~ ferent pas dereüflir Eeureufement en diverfes rencontres , ou nos Avanturiers firent de riches prifes, & les Efpagnols des pertes tres-confiderables. Car ceux^cy ayant efté attirez au fonds du Pérou par l’avidité infatiable de l’or ,&• de. 1 argent, & d’ailleurs manquant de monde pour peupler tout ce vafte Pays , laifTerent imprudemment derrière eux, comme une chofe inutile, les Ant-lfles de l'Amerique, qui depuis fetvi- rent de retraitte & de logement à toux ceux qui s enrichirent de leurs dépoüilles; & ces certes abandonnées, quils nom- moient par mépris Kayts, font aujourd’huy fi bien peuplées, & fi tien fortifiées; quelles font en eftat, non feulement de refifter aux Efpagnols, mais encore d’entreprendre la con- quefte des riches Pays que cette Nation ambitieufe poüede dans l’Amerique. . , Ces dift'er ense ftabliftemens ferviront de matière a la pre- mière partie de cette Hiftoire, dans laquelle je prétens re- prefenter les difficultés dont ils ont efté acompagnez, les manquemens qui s’y font commis, les obftacles qui s y font rencontrez , les Compagnies qui les ont entrepris, les divers Traictez qui ont efté faits, tant avec lesHabitans,qu avec les Sauvages , les combats qui s’y font donnez ; Enfin tout ce qui s’eft paffê de particulier, foit en paix , foie en guerre, dans toutes les Ant-Iffos habitées maintenant par les François • ■ ' - aux Ant-Ijles de lr Amérique. $ Mais parce que l’eftabliflement dans llile de Saint Chrifto- phe , a efté comme le fondement de tous les autres Eftabliftc- mens, & que cette Ifle a efté comme la pepiniere qui a four* ny toutes les autres Ifles, c’eft ce qui m oblige de commencer par leftabliflement qui s’y fit l’an \6ij. fous la conduite de Monfieur d’Enambuc. Voyage de Monfieur dïEnambuc , Capitaine du Roy fur les Mers du P onant , enl Amérique . r. i. CE Gentil-hommejqui eftoit un Gadet de la maftoii de Va u- droc quES -Diel en Normandie, s’eftant rendu fa- meux fur la Mer par beaucoup de combats , & ayant mérité par fes belles aétions d’eftre couché fur l’Eftat , en qualité de Capitaine de Roy lur les Mers du P onant ; Se voyant néant- moins privé des avantages qui font deus à fa naiftance & à fa qua- lité , par la rigueur des loix de fon P ays, refolut de ftiivre 1 exem- ple de quantité de braves Capitaines, qui par leur valeur &■ leur courage, avoient fait une fortune avant ageufe dans cette opulente partie du monde. Dans cette rcfolution il partit de Dieppe en lannee 162 fur un Brigantin monté de quatre pièces de canon , & de quelques pierriers, avec trente- cinq ou quarante hommes , tous braves foldats, bien aguerris, & bien difeiplinez. Eftant arrivé aux Kaymans , il fut découvert par un Gallion dElpa- gne de quatre cent tonnéaux, monté de trente -cinq pièces d’Artillerie , qui le furprit à fon avantage dans une Baye, & l’attaqua fi preftement à coups de canon, qu’à peine iuy don- oa-t’il le temps de fe reconnoiftre. Cette fafeheufe furprifo ne fit point perdre cœur à noftre Capitaine , au contraire ti- rant des forces de fon courage il fe battit fi vaillamment,, qu’ayant fouftenu le choc avec une opiniaftreté incroyable du- rant trois heures, l’Efpagnol defefperant de le pouvoir pren- dre ou de le couler à fond, fut contraint de 1 abandonner âpre? mm il!! 4 Eftablijfement des François la perte de la moitié de Tes meilleurs foldats. Cette rencontre j quoy que glorieufe, fut funefte à nô- tre Cadet, il voit apparemment fon entreprife avortée; fon vaiffeau a demy fracalTé de ce combat, ne peut prelque plus tenir la Mer; fes voiles font toutes percées de coups , fes cordages font rompus , huiét ou dix de fes hommes ont efté tuez, & la plufpart des autres font couverts de bleffures Ne fçaehant à quoyfe refoudre dans cette fafeheufe extrémi- té, il fut infpiré de Dieu, qui l’avoir choifi pour eftre le Pe- re &: le Fondateur des Colonies Françoifes dans les Ifles Can- nibales, d’aller à l’Ifle de Saint Chriftophe, pour fe mettre en eflat de chercher une fortune plus heureufe; ayant donc en- couragé fes gens, .& raccommodé fon Brigantin le mieux qu’il pût, apres quinze jours de navigation il arriva heu- reufement pour fc remettre en eflat, Ec pour y faire plus commodément penfer fes blelfez par le Chirurgien qu’il avoir dans fon bord. Arrivée de Monfieur d'Enambuc a l’IJle de Saint Chriftophe : Les François & les Anglois dejfont les Sauvages , qui avoient comploté de les aft faftiner . S. 2. IL rencontra dans cette Ifle plufieurs François réfugiez eh divers temps & par differentes occafions, qui vivoient en bonne intelligence avec les Sauvages, fe nourriffant des viures qu’ils leur fourniffoient fort libéralement. Son arrivée avec fes gens leur apporta une confolation infinie , ils le receurent comme un Ange du Ciel, & vécu- rent avec luy l’efpace de fept ou huiét mois, l’aymant comme leur Pere, l’honorant comme leur Chef , & luy obeïffant com- me à leur Maiftre. Pendant qu’on travaille à fon Brigantin, il vifite une partie de l’Ifle, il en obferve la feituation, il en confidere la fertili- té, il en admire l’excellent Petun, qui vailoit pour lors en aux Ant-IJles de l Amérique. 5 France huiét ou dix francs la livre ; & voyant qu’elle efloit une des plus belles, èc des plus commodes de toutes les Ant-Ifles, ilia regarda délors comme un polie très - avanta- geux pour s’y eltablir. Il fonda l’efprit des François qu’il y a voit rencontrez ; &: les ayans trouvez très - difpofez à y demeurer fous là conduitte , ils refolurent enfemble de l’ha- biter. Monlîeur d’Enambuc apres les avoir fortifiez dans ce defTein , leur promit de fe rembarquer pour la France , fi-roffc que fon Brigantin feroit mis en eltat, pour aller quérir des hommes , & pour demander au Roy la permiffion de tra- vailler à l’ellabliirement d’une Compagnie qui peut fubve- nir aux François de la Colonie qu’il y ameneroit, & leur don- na parole d’y retourner mourir avec eux. Par une admirable conduite de la Providence de Dieu, dans le mefme temps que Monfieur d’Enambuc arriva à Saint Chrillophe, un Capitaine Anglois nommé "^aërnard , qui avoit efté aulîi mal-traité que luy par quelques Efpagnols, y efloit defeendu en un autre quartier i cét Anglois vivoit dans la mefme intelligence avec les Sauvages que nos François; mais le Diable ne pouvant foufrir une fi grande union , per- fuada aux Sauvages par un de leur Boyex, dans un Vin ge- neral qu’ils firent , que ces Nations Etrangères n’efloient venues de fi loing dans leur Ifle , que pour les y maffacrer cruellement, comme elles avoient exterminé leurs anceflres par le fer &par le fang , dans toutes les terres fermes les Ifles qu’elles occupent à prefent par toute l’Amerique. Cét efprit de menfonge n’eut pas beaucoup de peine à les porter à s’en defFaire j & comme l’entreprife n’efloit pas moins perilleufe que difficile, ils députèrent vers tous les autres Sau- vages des Ifles voifmes pour demander leur afliftance; ceux- cy approuvèrent leur refolution , & leur promirent un puif- fant fecours, leur donnant parole de fe trouver fans faute à Saint Chrillophe , à la plaine Lune prochaine. Ils euflent in- failliblement exécuté cette refolution barbare > fi D ieu n’eut détourné ce mal -heur de deflus la telle de ces innocens ré- fugiez par le moyen d’une Sauvage appellée Barbe, qui ayant découvert aux François & aux Anglois le cruel fecret de fes A iij \ f Éftabiijfement des François Compatriotes, attira fur eux le mal-heur quils pretendoient faire' tomber fur les autres j car nos François de les Ang ois deteftant une fi horrible confpiration, les prévinrent chacun dans Ion quartier auparavant qu’ils fuffent fecourus, ils les poignardè- rent prefque cous dans, leurs lifts en une mefme nuift, ne îc- fervant que quelques-unes de leur plus be les femmes, pour en abufer de pour en faire leurs efclaves; il y en eut ioo. ou Ug^e^emportoit fur Tes Enne- merce que par les Vi plaifir > & luy promit denpar- mis, l’écouta plufieuis , ft P .exaaCment informé des lcr au Roy. Enfin âpre, sefacw ^ ^ lfles élolf ées, avantages que la bran p Son Eminence refolut de fi on y eftabliffoic le :cor™\ paire dépenfe d’un pre- former une Compagnie q ■ -P ' prais ueCeffaires pour Ie- mier embarquement & . on ^ à Saint Chriftophei II ver les hommes qui for ^ aJientle pluS d’accez auprès en communiqua auec ceux q • eft0ient le plus cm- de fa P erfotme , & a que q ^ ^ fon zele , approuvèrent ployez dans les Financ • rent part dans cette Com- fa refolution , plu ie^s ^ deffein qui devoit eftre fiavanta- pagnie , pour contribuer a ce dellein qui geux à la France. , Cardinal} ayant fait ve- ë Sur cette refolunon Monfiem le Cardan ^ ^ ^ fol._ nir dans fon Palais ceux^qui ^ afferent flafte de leur af- mer la Compagnie é ’^odobre!^^. dans lequel ils fe i« = Es eftoient convenus. ABeiMocianon des -Seigneurs delaComfagme des lfles & /' Amérique. XTOus fous-figneZ,reconnoiironv JN] & faire par ces prefentes “^“^aambuc 8c du pour envoyer fous la conduire quebon nous Rofley > Capitaines de Manne, ou vels ^ autres q^ & ^ femblera de chorfir K “^V.’ P ^ Barbai}e) K autres pler les lfles de Sam P fc unziême iufqu’audix- fcituees a lentree du 1 eioi , P-nri/a.iaie qili ne font point huitième degré de la igné ^ & ce tant afin de faire nar des Princes Cnreltiens, inOmire aux Ant-IJles de ï Amérique. ç re inftruire les habitans defdites Ides en la Religion Catho- lique, Apoftohque & Romaine, que pour y trafiquer & né- gocier des deniers & marchandifes qui fe pourront recueil- lir & tirer defdites Ides & de celles des lieux circonuoifins, les faire amener en France au Havre de Grâce piivanvemcnt à tout autre j pendant le temps & efpacc de vingt années, ainfi qu’il eft plus particulièrement porté par la Commidion & pouvoir qui en fera donné auldits d’Enambuc &duRof- fey par Monfeigneur le Cardinal de Richelieu, grand Maillre, Chef& Sur- Intendant du Commerce de France, lefquels Sieurs d’Enambuc & du Roffey ont Fut leur déclaration par - deuant de Beaufort Se de Beauvais Notaires, que tout ce qu’ils ont fait , & feront, ed & fera pour & au profit de Nous Affociez, aufquels ils ne font que prefter leurs noms pour l’execution de ladite entreprife, le contenu en laquelle déclaration fera fuiuy ; pour i’effed & execution duquel de- fan , d iera fait fond de la fournie de quarante-cinq mille Ii- lircs qui fera fournie & payée par Noufdits fous- lignez , pour les parts ôc portions qui feront écrites de nos mains , au deflous des feings que Nous ferons au pied de la prefente A donation, le tout itilqu à la concurrence de ladite fomme de quarante-cinq mille hures, fans que Nous puidions eltie tenus ny engagez d’y mettre puis grand fond 6c capital, ficw ïi’eft ' de noftre volonté & confentement, à laquelle raifon dudit premier fond que Nous y mettons , Nous participe- rons au profit Sc à la perte quil plaira a Dieu dy envoya, tant par Mer que par terre : Laquelle fomme de quarante- cinq mille liures , fera employée tant a 1 aedapt de tiois Na- vires, qui feront achcptez leur jufte valeur, félon 1 cflat & équipage auquel ils feront, eft.rnt neantmoms convenus de l’achapt du V aideau nommé la Vidoire, en l’eftat qu’il ed du port de deux cens cinquante tonneaux ou environ , avec les a^rez SC munitions & autres dependans diceluy ,eflanc a part, tant dans ledit V aideau quen Magazins au Porc Saint Louys en Bretagne où ed: ledit Navire, qui fera délivré à Nous Adociez, ou à celuy qui aura charge &: pouvoir de Nous, dans le premier iour de Décembre prochain, apres 1 Partie. ® lequel iour la garde, nique, en fera pour le compte de Nous Àifociez, le tout pourlafomme de quatre-vingts mille liures. Et pour les deux V aideaux, ils feront fournis & délivrez dans le temps par duquel iour ils feront demeurez en la garde de Nous AfTociez, fuivant l’dlimation qui en aura efté faite de gré à gré ou par perfonnes , dontles parties au- ront convenu ; que pour aviétailler, armer, de équiper lefdits Vaideaux d’hommes & de pro vidons necedaircs pour faire ledit voyage & habitation defdites ïdes, enfembîe achepter Marchandifcs qu’il conviendra & feront jugées utiles pour porter aufdites Ides, la conduite & difpofkion de laquelle entreprife fera faite de l’ordre de Noufdits Aifociez, ou de ceux qui auront charge & pouvoir de Nous en la Ville de Paris, & l’execution de tout ce qu’il y aura à faire, tant au- dit Havre que Port Saint Lcuys & autres lieux que befoin, fera faite parle Sieur de Hartelay Canelet, auquel Nous don- nons pouvoir & Commiflion de ce faire, & de pourvoir aux chofes qui feront necedaires , tant en France qu aufdites Ides, félon la Commiflion qu’il en aura entre les mains ; Auquel pour cét cffeét tout le fond difdit, qui fera fait par Noufdits Aflociez, fera mis & dépofé pour en faire, ainfi qu’il eft dit cy-dcdiis, & félon les' occurrences des affaires qui arriveront: à la charge de rendre bon compte, de tout payer le reliquat, quant, & à qui befoin fera, aux frais & dépens de Noufdits Adociez , mefme de Nous envoyer à Paris un edat fommai- _re de tout ce qui aura eflé fait, & fera rapporté au retour de chacun voyage pour en partager le profit entre Noufdits Aflociez 5 tous frais déduits félon nos parts de portions ou auan- ces, & en difpofcr ain.fi queNous adviferons bon edre. Fait à Paris le dernier iour d’Odobre 1 6z6. Signé. Et au deflbusj Signé, Armand Cardinal de Richelïev, pour dix mille livres; Sçavoir deux mille en argent, ôdiuiét mille en un Vaifleau. D’Effiat pour deux mille livres, Ma- rion pour deux mille livres , de Flecelles pour deux mille li- vres, Morand pour deux mille livres,- de Guenegaud pour deux mille livres , Bardin Royer pour deux mille livres, LadtHcat pour . raille livres , Ferrier pour mille livres. aux Ant-Ifes de ï Amérique. n te Canelet pour quatre mille livres, fçavoir deux mille livres pour Monfleur Camille , de deux mille livres pour moy, Martin pour deux mille livres , Cornuel pour deux mille livres, Le mefme jour on délivra une ample Commiflion à Mef- fi eurs d’Enambuc & du RoiTey , par laquelle fon Eminence en qualité de Chef, Grand Maiftre , & Sur-Intendant du Commer- ce de France , leur permet daller eftablir vne Colonie Fran- çoife dans rifle de Saint Chnftophe, ou dans quelqu’antre qu’ils jugeront, la plus commode pour cet elîeét , depuis le onzicfme jufqu’au dix -huiétiefuie degré de la ligne Equi- noxiale. Commision de Monfieur le Cardinal de Riche- lieu aux Sieurs EEnambuc & du Rojfey , Ca- pitaines de Roy dans les Mers du Ponanty pour cfiabhr une Colonie Françoife dans les Ant - If es de r Amérique. ARmakd Iean dv Plessis de Ri^heliev Car- din a L, Confeiller du Roy en fes Confeils, Chef, Grand Mautrc, & Sur-Intendant du Commerce de France i à tous ceux qui ces prefentes verront, falut. Sçavoir faifons que les Sieurs d’Enambuc & du Rofley Capitaines , entretenus de la Marine du Ponant, Nous ayant fait entendre que depuis quinze ans fous lescongcz du Roy & fufdit Admirai de Fran- ce , ils auroient fait de grandes dépendes en équipages & ar- mures de Navires &c Vaifleaux, pour la recherche de quelques terres fertiles 6 c en bon climat, capables d’ellre pofledées de & habitées par les François, & ont fait telle diligence que de- puis quelque temps ils ont découvert les Ifles de Saint Chrifto- phe 6 c de la Barbadc, I’vne de trente-cinq, & l’autre de qua- rante-cinq lieues de tour, & autres Ifles voifines toutes fcituces â l’entrée du Pérou , depuis l’onzième jufqu’au dix-hui&ié- rac degré du Nord de la ligne Equinoxiale, faifant partie des r 1 z Eftablijfemtnt des François Indes Occidentales, quine font poftedées par aucun Royny Prince Chreftien, auf quelle s ayant pris terre 8c léjourné l’ef- pace d’un an pour en avoir plus parfaite 8c particulière connoif- fance, ils ont veu 8c reconnu p£ v efreâ; l’air y eftre très-doux 8c tempéré, 8c lefdites terres fertiles 8c de grand rapport, def- quelles il fe peut tirer quantité de commoditez utiles pour l’en- tretien de la vie des hommes, mefme ont advis des Indiens qui habitent lefdites Illes, qu'il y a des mines d’or 8c d’argent en icelles, ce qui leur auroit donné iujet de faire habiter lefdites Ifles par quantité de François pour inftruire les habitans en icelles en la Religion Catholique , Apoftoliquc, 8c Romaine, 8c y planter la Foy Chreftienne à la gloire de Dieu 8c l’honneur du Roy, fous l’authorité 8c puiftance duquel ils defireroient lefdits habitans vivre 8c conferver lefdites Mes en l’obeïllan- ce de fa Majefté. Pour cét effedt, en attendant qu’il plût à la Majefté en ordonner-, lefdits Sieurs d’Enambuc 8c du Roffey auroient fait conftruire 8c baftir deuxForts 8c Havres enFIfle de Saint Chriftophe, 8c lailfé quatre-vingts hommes avec un Chapelain pour celebrer le Service Divin, 8c leur adminiftrer les Sacremens, 8c des Canons 8c autres munitions de. guerre pour leur deffeiafe 8c confcrvation , tant contre les Indiens ha- bitans defdites Mes, que tous autres qui voudroient entre- prendre fur eux pour les chalfer d’icelle, 8c promis qu’ils yre- tourneroient promptement pour y conduire le fecours 8c les choies dont ils auroient befoin , ou pour les retirer félon le bon plailîr de la Majefté, Nous requérant qu’il nous plût fur ce les pourvoir, attendu la charge de Chef 8c Sur - Intendant du Commerce, dont il a plû à fa Majefté nous honorer. Pour ce eft-il que nous, délirant l’augmentation de la Religion 8c Foy Catholique, 8c l’eftabliffement du négoce 8c commerce autant que faire fe pourra , 8c attendu que lefdites Mes font au delà desamitiées-, Nous avons donné 8c donnons congé 8c pou- voir aufdits d’Enambuc 8c du Roffey, d’aller peupler privati- vement à tous autres, lefdites Mes de Saint Chriftophe 8c de la Barbade, 8c autres circonvoifines, icelles fortifier, y mener 8c conduire nombre de Preftres Sc de Religieux, pour inftrui- re les Indiens 8c habitans d’icelles, 8c tous autres, en la Reli- aux Ânt-Jjles de t A merique. H o-ion Catholique, Apoftolique, & Romaine, y celebrer le Ser- vice Divin, & adminiftrer les Sacremens, y faire cultiva les terres , & faire travailler à toute forte de mines & de métaux, •moyennant les droits de dixiéme de tout ce qui proviendra & Je re- tirera d’icelles , mils feront tenus rendre au Roy , franc & quitte, & dÔnt ,ls rapporteront bons certificats, le tout pendant le temps & efpace de vingt années , & à la charge de tenu ef- dites Ifles fous l’authonté & puiffance du Roy, & réduire les habitons en l’obeïffance de fa MajeftÉ» & pour cet efFed te- nir en eftat & apprêt de deffenfe tel nombre de Vanleaux, Navires, & Patachesque befoin fera, les armer & équiper d hom- mes, canons, vivres, & munitions requifes & neccflaires pour faire lefdits voyages, & fe pourvoir contre forts, & incurfions des Pirates qui infectent la Mer & depic- dent les Navires Marchands, aufquels en quelque heu qui s fe rencontreront, ils pourront faire U guerre. Enfemble a tous ceux qui empêcheront le trafic & la liberté du commerce aux Navires Marchands François & alliez; feront leurs cffoits &: diligence de les combattre , pourfuivre , aborder, & vaincre, faifir , & prendre par toute voye d armes & dhofti- iité; lefquels Vaiffcaux partiront du Havre de Giace & ‘ \ S. Louys en Bretagne, où ils feront tenus faire leur déclara- tion du nombre des Vaiffcaux quils mettent en Mer pour lcf- dits voyages, Se de tout ce qui fera dedans ; de garder ê tai- re garder par ceux de leur équipage durant leur voyage, es Ordonnances de la Marine, & de faire leur retours avec leurs Navires audit Havre de Grâce : & rapporteront ce quils au- ront pris & recouvert fur les Pirates & gens fans aveu, & fur ceux qui empefehent aux Marchands François 6c alliez la na- vigation du cofté du Sud au delà du Tropique de Cancer, &. P^i“ Méridien des Efforts du codé de l'OIieft. Et avant le déchargement des Navires qu’ils auront amenez, ils nous feront rapport de tout ce qui fera fait & patte, pour fm ce en ordonner ce que nous jugerons utile & neceiTaue auRr ce du Roy & à l’avantage de fes fujcts&de la choie pubuque. Si Prions & Requérons les Roys & Princes, Potentats, li- gueurs, & Républiques, leurs Lieutenans Gcneiaux, Acu 14 Eflabltjfement des François raux, 8c Vice- Admiraux, Gouverneurs de leurs Provinces, Chefs 8c Conduéteurs des Gens de guerre, tant par Mer que par terre, Capitaines, Gardes des Ports 8c Havres, V ai fléaux. Codes & pafl'ages maritimes, Vautres leurs Officiers &fujets. Mandons Cordonnons aux Intendans, Lieutenans Generaux 8c Particuliers des Sieges de l’Amirauté, 8c autres Capitaines êc Garde-Codes, Commilfaires, & autres Officiers de la Ma- rine eftant fous noftre pouvoir 8c enl’eftenduë de noftre char- ge & jurifdi&ion,laifrer librement pafler, aller , venir , de feen- dre & féjourner lefdits d’Enambuc 8c du Roffey, avec leurs Vaiffeaux, Navires, 8c Pataches, leurs hommes, armes, mu- nitions, vivres 8c marchandifes ,8c tout ce qu’ils auront pu ga- gner 8c conquérir fur les Pirates, Corfaires, 8c ennemis du pu- blic 8c de la France , avec leurs prifonniers , s’il y en a , fans leur faire empefehement ny fouffrir leur eftre fait , mis 8c donné, ny à ceux de leur équipage, aucun trouble , ennuy , dérourbier ny empefehement , avec toute faveur , retraite 8c afhftance. Comme auffi Nous mandons 8c enjoignons aux Lieutenans, Gens de commandement, 8c tous loldats 8c matelots qui vou- dront aller audit voyage fous la charge defdits Sieurs d’Enam- buc 8c du Rofley , de leur prefter 8c rendre tout refped 8C ©beïflance comme à leurs Chefs & Capitaines, fous les peines portées par les Ordonnances -y 8c que nul ne loit receu pour al- ler à ladite entreprife, qu’il ne s’oblige pardevant lefdits Lieu- tenans de l’Amirauté, ou autres luges en leur abfence, des lieux où fe feront lefiits embarquemens, de demeurer trois ans avec eux ou ceux qui auront charge & pouvoir d'eux pour fervir fous leur commandement, le tout en vertu des prefentes ou vidimus d’i- celles , qtie nous avons ligné de noftre main, fait contrefgner par l’vn de nos Secrétaires , 8c fait mettre 8c appofer le feelde nos Armes. Donné à Paris le trente & unième Octobre 3 616. Signé, Armand Cardinal de Richelieu , 8C fur le replis, par mondit Seigneur Martin , 8c fcellé en double queue de cire rouge. La Compagnie ayant délivré cette Commiffion à nos deux Capitaines , ils partirent de Paris. M. D’Enambuc alla au Ha- vre de Grâce , 8c pendant que les Commis de la Compagnie aux lA nt-ljles de /’ Amérique. ij faifoicntéquipperfon vaiffeau appelle la Catholique, du port de 250. tonneaux , il leva 322. hommes pour mener dans les Ifles» M. du Roffey alla en Bretagne, où ayant levé 210. hommes, il les mit dans les deux Vaiffeaux appeliez la Cardinale Sc la Victoire , fçavoir foixante-dix hommes dans le premier, Sz cent quarante dans le fécond. M.Mabire Preftre fe mit avecluy en qualité d’Aumofnier,moyénant deux cens livres de gagesjfon entretien aux Mes &>celuy d’un valet. Sur la fin de Ianvier M. d’Enambuc partit du Havre, & ayant joint M. du Roffey, cetto petite flotte compoféepour la plupart de pauvres gens ramaffez, & peu accoutumez aux fatigues de la mer, fit voile le 24. Fé- vrier 1627. 5 4 Retour de Æejîieurs d'Enambuc & du Roffey a Saint Chrifiophe , pour y eftabhr la Colonie Françoije : & le partage qu Us firent de l'Ifie avec les Anglois. ~~ ; «s L S. 4* LE s quarante-cinq mil livres avancées pour cét embar- quement furent fi mal ménagées, qu’ils ne furent pas deux cent lieues en mer que les vivres commencèrent à manquer , fi bien que l’on fut contraint de retrancher l’eau & le pains ce qui caufa tant de pauvreté & de maladie, que la plufpart mou- rurent en chemin; Leur trajet fut fi mal-heureux, que depuis que les Ifles font habitées l’on a peu veu de voyage fi plein de miferes &: de neceffité. Apres plus de deux mois de navi- gation , ils arrivèrent le 8. de May à S. Chrifiophe, au quar- tier delà jointe de Sable. Defbixanteôc dix qui eftoient dans le bord de M. du Roffey, il n’en réchappa que feize. On dé- barqua cette Colonie avec tant de confufion, & dansvn fi pi- toyable eftat, que la plufpart eftoient à demy morts , & fi foi- blcs, qu’à peiné pouvoient-ils fefoûtenir. Les François qui at- tendoient du renfort avec cane d’impatience, furent fort efton- nez de les voir fi peu capables d’appuyer le deiiein quils a voient pris avec M. d’Enambuc d’habiter cette Ifle. La com- paffion qu’ils reflentoient de leurs extrêmes maieres crour- fcit toute la joye qu’ils avoient conceu de les voir arriver. Us leur rendirent neantmoins toute la0iftan.ee quils purent dans çette extrémité. . . Nos deux Capitaines ayant divife le relie des hommes, qu’une forte conftitution avoir fauve de la mon , Monfieur d’Enambuc fut prendre fon quartier à la Capfterre avec fon monde, biffant le relie à la miiencorde de Dieu fous la con- duis de M. du Roffey ; Il en mourut plus de la moitié, tant des uns que des autres. Vn bon Preftre qui eftoit depuis quel- ques mois avec nos gens dans Saint Chriftophe , voyant tant de miferes , & craignant d’en éprouver encor de plus rai- cheufes,s’en retourna en France , lardant vue partie de cette pauvre Colonie , autant ou plus defolee pour le Spirituel que pour le temporel. ,.r r . Le Capitaine Vvaernard ayant trouve plus de difpoùtion en Angleterre au fuccezdefon deffein, que Monfieur d Enam- buc n’en avoir trouvé en France , eut bieiv-toft fo™ae uns Compagnie , de laquelle Milord Karlay fe déclara Chef , de forte qu’il eftoit déjà arrivé à Saint Chriftophe , & avoir pris fonpofte l la grande R*dc , avec quatre cens hommes , fains, gaillards , & bien munis de toute forte de provifions. Il re- ceut nos deux Capitaines avec beaucoup de joye &: de civi- lité , & quelques jours apres ils partagèrent la terre de i üe de Saint Chriftophe pour en jouir au nom des Roys de Fian- ce & d’Angleterre , félon les Commiftions qu’ils en avaient apportées. Partage aux t Ant-Jfles de /’ Amérique] 17 T art âge des Terres de ïljle de Saint Chrifiophe , " '-fait entre les Steurs d'Enambuc du Rojfiey, pour & au nom de fa MaJefiéTres-Chrefiien- ne y & le Sieur Vvaernard , pour & au nom du Roy de la Grande Bretagne . PRemierement pour la Baffe-terre, les limites dudit Capi- taine Vvaernard audit nom., prendront depuis la riviè- re qui fait la moitié du chemin depuis l’habitation de Mero- nar , & celle qu’a fait autrefois le Sieur Chantal , jufqu’à U f ointe de Sable au vallon du jardin de Samiiel vers le Sud» Et pour les Sieurs Capitaines d’Enambuc & du Roffey au- dit nom , leur partage fera depuis ladite Riviere qui fait fc- paration defdites habitations allant vers l’Eft jufqu 'aux S aimes. Pour la Caps-terre le partage dudit Sieur Capitaine Vvaêr- nard audit nom , fera depuis le collé de la riviere Saint Chrt~ jiophe allant vers l’Oüeft, jufqu a la Café ât: Piftolet. Et le partage des Sieurs Capitaines d’Enambuc & duRof- - fey audit nom , fera depuis l’autre C'fté Ar la Calé de Saint Chrifiophe allant vers t’Elt jUfqu’rf«x Salines , & depuis U Café du Piftolet jufqu’à la pointe de Saldf allant vers 1 Oüeft- Deplüs, cuelque partage qu’il foit fait cy- deffus , eft en- tendu que Iachaffe, la pefche , les falines , & les Rivières, la mer, les Rades , les min**, les bois de teinture & de prix, s’il y en a , & chemins , feront communs entre les François & les Anglois , ôc s’eu pourr lut lervir , lilcr , & accommo- der en commun. „ -• _ ^ Lefquels partages léfdits Sieurs uEnambne < du Roliey & Vvaernard on - promis , juré & yrotefte édiles Saintes Evan- giles, de fuivre , maintenir êC entretenir fous iis bons plaifirs du Roy de Fravicc & du Roy d'Angleterre; & lefdits Sieurs feront tenus obligez en faire avertir leurfdites Mai elles , chacun de leur parc, pour fur iceux en avoir la ratification > volonté .& confenteuient de leurfdites Majdlez. 18 Eftahlijfement des François Et en outre lefdits Sieurs d’Enambuc, du Rofley &Vvaè’r- nard aux noms de leuiTdites Majeftés te Compagnie , s’obli- gent de fortifier te munir ladite Ifle de Saint Chriftophe de tout leur pouvoir , contre tous efforts , defeentes , te incur- fions de leurs ennemis publics te autres qui voudroient leur donner détourbier te empefehement en ladite pofleflîon. {■ Fait en l’Ifle de Saint Chriftophe ce 13. May 1627. en pre- fence de Maiftre Frafïy Miniftre de la parole de Dieu pour la Compagnie dudit Vvaernard, Philippes Salomon Interprè- te , te Antoine Halton , Iacques Vftrey > Iean Golin Ser- gent , te Meilleurs de Flumar , le Febure Chambaut , le Breiül , la Barre , te Picot, pour la Compagnie des Indes Oc- cidentales de France , & ont ligné. Et afin de vivre dans la paix te l’union qui font abfolu- ment neceflaires pour la conservation des Colonies , te qui pourraient s’alterer par la diverfité de deux nations, ces trois Chefs dreflèrent quelques articles pour fomenter la paix te l’amitié cftablic entre cux& leurs fujets , les ayant propofé dans la mefmc affemblée , ils les lignèrent le mefme jour à la confblation de tous leurs habitans , qui s’en promettoienc un repos perdurablc. Articles faits & accordez, entre les François & les Anglois de l'IJle de Saint Chriftophe , par les Sieurs dEnambuc & du FoJfej y & le Ca - pitàine Vvaèrnard. I. Vifque les François te les Anglois ont conquis parenlêm- ble l’Ifle de Saint Chriftophe fur les Indiens , te que les R oys de France te d’Angleterre ont avancé te donné leur commiflions , les vns te les autres demeureront Gouverneurs pour lefdits Roys , chacun en leur quartier , fuivant le parta- ge qui en a efté fait entre eux , te porteront les uns te les autres la qualité de Gouverneurs chacun en leur quartier. 19 aux Ant-Ijles\ de l'Amérique. n. Tous les François qui feront dans 1’Ifle ne recevront ordre & ne relèveront que du Roy de France , & des Gouverneurs prç- pofez par fa Maj efté ; &c les Anglois du Roy d’Angleterre ôc îës Generaux prepofez. ; ni. Nul Navire ne pourra traitter en rifle que par la permit lion defdits Sieurs Gouverneurs , s’il elt Anglois , le Gou- verneur Anglois donnera l’ordre 6c le prix aux Marchandifes: s’il eft François , le Gouverneur François donnera aufli l’ordre & le prix aux marchandifes ; s’il eft Flamend , tous les deux enfemble donneront permiflîon. 1 V. Lefd/ts Sieurs Gouverneurs ne pourront retirer aucuns hom- mes ou efclaves dans leurs habitations qui ne leur appartiendra, ains s’en tiendront faifis julqu’à ce qu’ils le foient donné advis defdits hommes ou efclaves. V. S’il y a courfc à faire dans l’Iflc contre les Indiens, chacun contribuera d’hommes , de bafteaux & d’armes à leur polli- blc. VI. S’il fe faifoit defeente dans l’Ifle par les Elpagnols , au lieu de la defeente vn chacun fera tenu d’y envoyer du fecours plus puifîant que faire fc pourra , &c s’entre-fecourir de tout leur pouvoir. VU. S’il arrive different entre les compagnons des uns ou des autres , querelles ou combats , les délinquants feront jugez par les François &: Anglois , & puis renvoyez chacun en fou quartier. VI IV S’il arrive guerre en l’Europe entre les François & Anglois, pour cela ne pourront Iefdits Sieurs fe faire la guerre , s’il ne leur eft expreflement commandé par leurs Princes ^ &: en cas de tel commandement , feront obligez de s’entre-avertir au- paravant de faire aucun aéte d’hoftilité*. . ' • ,c M - fïï if 2.0 Efiabliffement des François Fait & accordé en Tlfle Saint Chriftophe cetreifiême May i6ty. en prcfence 6cc. comme aux partages, avec les mefmes ferments , 6 c obligation de les faire agreer aux Roys leurs Souverains. Si ces deux Colonies font fi diftemblables dans leur efta- bliflement , elles ne le font pas moins dans leur progrez.il efo vray que toutes deux trouverentl’Ifle également dépourveuë de vivres 6c couverte de bois ; mais les Anglois qui avoient efté mieux nourris que les noftres dans leurs vaiffeaux pen- dant les voyage , ufoient encore de cette fage précaution d e ne defcendre jamais de leurs gens à terre, quils ne leur don- nafient en mefine temps des vivres pour les faire fiibfifter juf- qu’à ce que les patates 6c les pois qu’ils plantoient , euflent atteint leur maturité parfaite: au contraire nos François eftant arrivez dans l’Ifie tous malades 6c extrêmement fatiguez du travail, de la famine, 6c desmiferes, qu ils avoient fouffertdans ce fafcheux trajet , 6c eftant contrains par la violence de leurs Commandans, de travailler au fort de la Chaleur , à dé- fricher la terre pour y planter au pluftoft du Manioc, des pa- tates 6c des pois , dont il falloit neceftairement attendre la maturité pour en tirer quelque foulagement , mouroicnt de mifere 6c de faim , pendant que les Anglois regorgeoicnt de toutes chofes 6c ne reftentoient aucune incommodité. Et il e.ft tres-conftant que la lczine honteufe des Capitaines, des Navires , 6c mefine des Seigneurs de la Compagnie, ou au moins de leurs Commis , a fait plus mourir de monde à Saint Chriftophe dans ces commencemens , qu’il n’y en a mainte- nant dans les Ifies. JVLonfieur du Rojfey vient chercher du fecours en France four faire fuhflfer la Colonie. N' Os deux Capitaines autant affligez que le peuvent eftre des perfonnes qui voyent apparament leur fortune rui- née , 6c qui font à la veille d’eftre chargez de tout le blâme aux A nt-IJles de t Amérique . li que meritoit une fi mauvaife conduire , firent promptement repartir les vaiffeaux, chargez de tout ce qu’ils purent amaf* fer de petun , & d’autres marc'handifes. Monfieür du Roffey fut deftiné pour les conduire en France , de pour informer la Compagnie de Mat pitoyable où la Colonie fe trouvoit re- duitte , afin d’implorer quelque nouveau fecours. Il arriva heureuièment à Rofcou en Baffe Bretagne , n- toft que Monfieür le Commandeur de Razilly eut appris qu il effoit defeendu â terre , il luy écrivit deux lettres de Mire- beau du n. de du 14. Octobre de cette mefme année 1617. par lclquelles il le conjuroit par tous les plus tendres fentimencs de l’amitié, defe défaire de tout ce^qu il auoit, de vendre les ca- nons , le petun , & les autres marchandifes qui appartenoient à- la Compagnie , & de le venir promptement trouver pour quelque expédition importante de fecrette qu’il avoit a faire dans les Mers d’Irlande : dans l’vne de fes lettres ^ que j ay Ieuë , il l’avertit , qu’ayant efté fenfiblement touché au récit qu’on luy avoit fait des miferes qu’il fouffroit à Saint Chri- ftophe , il avoit fait partir vn petit Navire chargé de farines: Ce Navire y effoit effedivement arrivé ; mais par un mal- heur affez fafeheux , toutes ces farines furent fi gaffées, que nos pauvres habitans n’en receurent que fort peu de fecours. Monfieür du Roffey oubliant les befoins de les miferes de la Colonie, qu’il avoir laifféefurle borddefaruï ne , fe 1 aiüa ga- gner aux preffantes follicitations de Monfieür le Commandeur de Razilly: Ce qui fut caufe quelle fouffrit extrêmement. Quelque mois apres effant retourné de cette expédition , foie v quil eut fait fa paix avec les Seigneurs de la Compagnie, ou qu’on le crût neceffaire , il fut renvoyé à Saint Chriftophe dans le mefme vaiffeau fur lequel U effoit venu , appelle a' Cardinale , avec un autre Flibot équippé aux frais de la Compagnie , laquelle employa la fomme de 3500. livres a cet embarquement. . Ce renfort de cent cinquante hommes qu elle envoyoït aux Ifies, & qui effoit preft à partir de France dés le mois de Fé- vrier , n’arriva à S. Chriftophe que vers la Pentecofte , une partie de ce fecours mourut en chemin , 6 e prefque tous les . C îij ii Efiablijfement des François autres defcendirent des vaifleaux fi malades 6C il fatiguez qu’on n’en tira que fort peu de fer vice. Cependant la Colonie Angloifè s’augmentoit notablement & comme une ruche trop pleine jette les effeins dehors, ainfi les Anglois envoyèrent une petite Colonie dans rifle des Nieves, voiflne de celle de Saint Chriftophe , tandis que la plufpart de nos François perifloient par la faim 6c par les ma- ladies , eftans réduits à deux cens hommes , de cinq cens 6c plus qu’ils dévoient eftre dans l’Ifle. Ils ne fe contentèrent pas pourtant de ce nouvel établiflè- tuent, mais prenant occaflon de profiter des mal-heurs Scdesrui-, nés d’vne Colonie fi affligée 6c fi dépourveuë d’hommes 6c de fe cours , ils murmurent , ils fe plaignent, 6c crient tout haut qu’il n’eft pas raifonnable qu’vne fi chetivc Colonie les em- pefche de s’étendre au de- là des bornes qui leur eftoient preC- criptcs par le partage ; Monfieur d’Enambuc ne pouvant en- tièrement s’oppofer à leur violence, fit tout ce qu’il pût pour adoucir les chofes , il leur reprefenta que les Ordres du Roy Ion Maiftre Fempéchoient de confentir à cette infra dion ma- nifeffe du traitté paflc entre les deux Nations , qu’il y alloit de fon honneur de ne le pas fouffrir , 6c qu’il periroit plûtofl: avec fes gens que de permettre qu’ils avançaflent d’un poulce fur les terres du partage des François. Mais les Anglois faifant inffance fur le petit nombre d’hom- mes qui luy reftoient, lefquelsfans un prompt fecours alloient miferablement périr aufli bien que les autres , il fe comporta avec tant de prudence dans cette affaire , 6c ménagea fi adroi- tement ces efprits altérez , qu’il leur fit promettre de ne rien attenter fur fes limites , jufqu’à ce qu’il eut fait un voyage en France, pour propoferau Roy &: aux Seigneurs delà Com- pagnie l’eftat déplorable où fa Colonie eftoit reduitte,&pour apprendre là deffusleur volonté ôdeur refolution. Surlaparoi- le qu’ils luy donnèrent, il s’embarqua pour la France, laiflant le gouvernement de toute la Colonie aux foins de Monfieur du Rofley, ~ -- - -- . aux AntAJles de l* Amérique, 15 Monfieur d'Enambuc vient en France expofèrles miferes de fa Colonie , doit Monfieur de Cu - fac conduit a Saint Chrifiophe un fecours très - confiderable , lequel les François repoujfent les Anglois dans leurs limites anciennes apres un grand combat, s. 6. A Peine fut-il debouqué des Ifles, que les François recou- rent un fecours inefperé par l’arrivée d’un Navire doZe- îande , chargé de vivres, d’étoffes , & de toute forte de den- rées necefïaires dans les Ifles ; le Capitaine de ce vaiffeau y ayant trouvé que le Tabac eftoit excellent & bien condition- né , traitta avec eux de fes marchandées, leur en donna mef- me quelque partie à crédit , les encouragea au travail , les con- fola dans leurs miferes , & les pria de luy préparer quantité de tabac , leur engageant fa parolle de retourner dans fix mois, & de leur apporter des vivres , & toutes les chofes dont ils avoient befoin. Nos François fe voyant fecourus fi à propos dans leur ne- ceffité par les Eftrangers , reprennent courage , fe remettent à défricher la terre planter des vivres , à cultiver quanti- té de petun , & à baftir des Cafés. Tous foibles qu’ils font , ils fe maintiennent le mieux qu’ils peuvent contre les ufurpa- tions violentes des Anglois , qui fe fervant de l’occafion & de leur petit nombre , s’étendirent infenfiblement en plufieurs endroits au de-là des bornes & des limites qui leur elloient marquées dans le partage , contre la parolle donnée à Mon- ficur d’Enambuc , à fon départ pour la France; mais nous les verrons bien-tofl contraints de fè retirer chez-eux à leur hon- te , & à leur confufion. P endant que Monfieur d’Enambuc eft en mer , noflre Co- lonie receut un nouveau fecours, par un Flibot François com- 2,4 Eflablijfementdes François mandé par le Capitaine Volard, que la Compagnie avoir fait partir avec fix-vingts hommes levés des neuf rml.es livres qu’elle fourmt par une deliberation du vingt-neuf Mars. Ce fecours ne les réjouit pas beaucoup , car les perionnes quon débarqua n’eftoient pas en meilleur eftat que ceux que . Mon- fieurdu Roffey leur avolt amenez; plus de trente qmeftoienc comme agonifans , n’ayant pas la force de fe «aifner an quelque café , furent rnconfiderement laiffez fur le bord de la mer; & perfonnene s’eftant mis en peine de les aller quérir le foir , ils y furent mangez par les C«H«, qui eftoient pour lors defeendués des montagnes en une fi prodigieufe quantité . qu’il y en avoit des monceaux aulli haut que des cafés p deffus ces pauvres miferables : & huit jours apres il ny eut perfonne qui ne fut faifi d’horreur en voyant leurs os fur e fable , tellement nets, que les Crables. ny avoient paslaiffeun feul morceau de chair. , c , , s Monlieur d’Enambuc arrivé en France fit un narre fidele a Monfieut le Cardinal de Richelieu , & aux Seigneurs de 1 Compagnie, de tout ce qui fe paffoit a Saint Chriftop e > il leur rlptefenta fortement que fi la Comme 11 eftoit puiff - ment afliftée , que tout ce qu'ils avoient avance pour eta feroit aifeurément perdu; il leur fit voir quil y alloit de la gloi- re de la France de maintenir fa Colonie dans la mefmefplcn- deur que ^Angleterre entretenok la benne, que leur extreme foibleffe leur faifoit fermer les yeux à une infinité d infolences qu’ils foudroient de cette orgneilleufe, Nation, qui tiroitavan- “ Monfiemle Cardinal touché au vif des infultesdes Anglois. & fur i’advis fecret qu’il receut que le Roy dEfpagne avoit donné drdre à DomFcderic de Tolede, Admirai, dunepuiffan- te flotte qu’il envoyoit au Brezil, de palier pai l ïfle de S Chriftophe, pour en chaffer par force la Colonie Fianço , apres plufieurs aflemblées , refolut avec la Compagnie dy envoyer un puiffanc renfort êt d’hommes & de Vaiirçaux, ca- pable non feulemeht de conferver la Colonie, de la deffendre & de la maintenir ; mais encore de dompcet les Anglois , les ré- duire par les armes aux termes du Traite de lannce 16x7- * 2-5 aux Ant-IJles de /’ Amérique. de les repouffer dans leurs limites anciennes. Pour cét effed, il ordonna qu’on équipait promptement fix grands Navires du Roy, la P a tache àppellée la Cardi- nale, montée par Monfieur d’Enambuc , une fecondePatache de cinquante tonneaux appartenante à Monfieur de Pompier- re commandée par luy-mefme , 8c un Vaiffcau marchand armé en guerre, fe joignit à eux. Trois cens hommes levez aux frais de la Compagnie pour dire débarquez à Saint Chriflo- phe, furent mis fur les Navires. Cette flotte qui eftoit comman- dée par Monfieur de Cufac Chef d’Efc a dre, que fa valeur 8c fon expérience rendoient digne de cette Commiflion.Mais com- me tous les embarquemens traifnent pour l’ordinaire en de grandes longueurs j à caufe qu’ils dépendent de beaucoup de perfonnes 8c d’une infinité de chofes differentes , cette flot- te ne fut en eftat de partir qu’au mois de Iuin de l’année 162.9. 8c n’arriva à fille de Saint Çhriftophe que fur la fin d’Aouft. On peut mieux concevoir, qu’exprimer, la joyeque toute la Colonie reffentit à l’arrivée d’un fi pu 1 Tant fecours ; nos Fran- çois fe trou vans en eftat parce renfort de recogner les Anglois jufques dans leurs limites, coururent aux armes , reprefentant à leurs Chefs qu’il falloir avoir raifon des outrages qu’ils avoient receusde cette nation. On a beau leur remontrer que les enne- mis font deux fois plus forts en nombre d’hommes ôc de Na- vires qu’eux ; ils répondent qu ils ne le font pas en armes 8c en valeur; en effed, les Colonies Angloifes font pour l’ordinaire composes de pauvres ferviteurs 8c fervantes engagées pour fept ans , plus propres à farder des jardins, à emonder le Co- ton, & à éjamber le Petun , qu’à manier des armes. Monfieur de Cufac voyant la genereufe refolution desfiens, 8C ne voulant pas laiffer ralentir l’ardeur de leur courage , en- voya fbmmer le Capitaine Vvaernard par un Trompette, quil eut inceffamment à ratifier le Traitte fait en lan 1 6iy. entre les deux Nations , à retourner dans fes limites , 8c à rendre aux François toutes les terres qu’on avoit ufurpe fur eux depuis le départ de Monfieur d’Enambuc. L’Anglois demande trois jours pour délibérer fur fa propofition, c’eftoit pour gagner temps^ I. Partie. D 16 EJlabliJfement des François afin d avertir les Capitaines de dix Navires de fa Nation qui eftoient a la raie, de luy donner fecours. Mais Monfieur de Cufac, qui fedoutoit de /on defTein, répondit qu’il n’a voit pas un quart-d’heure de temps à luy donner, qu’il luy déclarait promptement fa volonté , & que s’il tardoit un moment à luy accorder ce qu’il luy demandoit, il alloit livrer combat à dix Navires qui elloient à la coite. Vvaërnard différant un peu trop à faire Içavoir là refo- lution, Monfieur de Cufac level’anchre, fait arborer fon pa- villon de combat, & ayant donné le lignai à faflotte delefui- vre, alla furieufement attaquer les Navires Anglois, ils ne furent pas furpris de fa refolution , mais le receurent en gens de cœur ;& ces deux petites armées s’ellant mellées l’une dans 1 autre, elles commencèrent un combat fi fanglant & fi opinialtre, qu’elles furent trois heures entières aux mains, fans qu’on pût difeerner parmy la fumée & les tonnerres de leurs canons, au- quel des deuxpartis la viétoire demeureroit.Enfin apres un grand carnage des Anglois, Monfieur de Cufac s’eltant rendu mailtre de trois de leurs Navires , trois autres s’eltant allez échouer à la coffe, &: le rclte s’eltant fauvé par la fuite, noltre Admi- rai demeura pleinement victorieux, n’ayant perdu quefortpeu de gens , entre lefquels Monfieur de Pompierre fut extrême- ment regretté de coûte la flotte & de toute la Colonie, pour fes rares vertus; c’elloitun Gentil-homme d’un bel elprit, d’un grand courage , &: fort entendu au faiét de la Marine. Les Anglois voyant avec douleur le delà vantage que leurs Navires avoient receu, s’imaginèrent qu’ily avoit plus dehuiét cens hommes dans les Vailîèaux François, & craignant avec raifon, qu’ils ne pouflaffent trop avant leur viétoire , & qu’ils ne fe joigniffent à ceux qui elloient à terre pour leschallerde llfle, cederenc à la neceflité& à la force; ils envoyèrent le fils de leur Capitaine "Vvacrnard , jeune Gentil-homme bien né, & fort ayme des François, à Monfieur de Cufac, l’affeurer qu’ils luy alloient donner toute forte de fatisfadion , que les Anglois feretireroientdans leurs anciens polies, qu’ils reftitueroient les terres qu’ils avoient empietées , avec protellation de ne les in- quiéter jamais dans la pofleflion de ce qui leur elloit écheuen aux tAnt-IJles de l' Amérique. vj partage par le traitté fait entre les deux Nations, ce qu’ils exé- cutèrent avec autant de promptitude que de fidelité. Monficur de Cufac ayant hautement remis les François dans lapoflelfion paifible de leurs terres, renouvelle l’rncicn Traitté avec les Anglois, & pacifié toutes chofes, prit refolution d'al- ler habiter Tille de Saint Etjîache , qui n’eft qu a trois lieues de Saint Chriftophe. C’eft une petite Ille la plus forte d’alfieftc que j’aye veuë dans les Ant-Illes de TAmerique : il y fut, U Ta confidera , & jugeant ce pofte très -avantageux à la Nation Françoife, il fit baftir un fort en fa prefence ,qui eftceluy que les Hollandois polfedent aujourd’huy, à Tentour duquel il fit faire par lès gens une fort belle habitation. Enpalfant dans cet- te Ille, j’y ay trouvé des vieux habitans François qui eftoient avec Monfieur de Cufac quand il l’habita. Il eft probable que nos François l’ont abandonnée à caufe qu’elle n’a aucune riviè- re , ny fontaine d’eau douce , les Hollandois y ont remédié en y fnilant d’excellentes cifternes. Pendant que Monfieur de Cufac faifoit travailler à fon ha- bitation, l’impatience prit à un de fes Capitaines, nommé Gi- ron, homme violent & difficile à retenir, il appareilla la nuiét, &. quitta TAdmiral fans fon congé pour aller chercher fortune} cette dangereufe defobeïflance mit Monfieur de Cufac tout à fait en colere. Ncantmoins luy-mefme quelques jours apres voyant que cette flotte d’Efpagne pour laquelle il avoit efié principalement envoyédansles Ifles, neparoifloit point , crut qu’infàilliblement elle avoitpairé avant le vent, ôcqucparcon- fequent il n’efloitplus neceflaire à Saint Chriftophe ; dans cet- te penféeil permit aux autres Capitaines de lonEfcadre de cou- rir le bon bord , & Iuy-mefmc alla chercher fortune vers le Gol- phe de Mexique. Di) Dom Federico de ‘T'oie de allant au Brejil , pajfe far Saint Chrifiophe avec une puijf mte armée , pour en chajfer les François & les Anglois. Leur combat & la mort gloneufe de Alonfieur du Farquet. §. VII. (Endant que cetce flotte difperfée croife la Mer , & cherche bien loin les Efpagnols pour s’emparer de leur ri ch-efles ;nos François de la Colonie vivant en bonne intelligence avec les Anglois, croyoient n’avoir plus d’ennemis à craindre; chacun ne fongeoit plus qu’à planter des vivres & du Petun fur fon ha- bitation, lors qu’à la fin d’Oétobre, Dom Federic de Tolede Admirai d’une Armée Navale compofée de trente- cinq gros G allions & de quatorze Navires marchands armés en guerre, que le Roy d’Efpagne envoyoit au Brefil contre les Hoilandois, arriva à Sainét Chriftophe- Enpaflant à l’ifle des Nieves, ilavoit enlevé d’emblée trois ou quatre Navires Anglois ; & comme il eut détaché un de Tes Galbons pour en pourluivreun autre, celuy-cy fie trouvant trop foible pour un fi puiflant ennemy, fe vint échouer fous la forterefle des François , queMonfieur du Rofley avoit conftruite au commancement qu’ri arriva dans l’Ifle. Sur Ip foir toute la flotte d’Efpagne moiiilla l’ancre à deux portées de canon de la forterefle & l’ Admirai la falüa de cinq vo- lées de canon fans balles , & en mefme temps il fit partir la bar- que avec le pavillon blanc. Soit que Monfieur du Roflèy prit cette civilité pour une bravade Elpagnole , pour une in fui- te faite aux armes de France ; foit qu’il jugeait qu’il devoittout craindre d’un ennemy puiflant , il fit tirer fur elle trois coups de canon à balle, & dépefcha un homme exprès à Mon- fieur d’Enambuc qui commandoit à la Capfterre , & un autre au Capitaine Vvaërnard General des Anglois, pour les avertir de l’arrivée de cette flotte ennemie, écdu preffant danger où aux Jnt-IJles de t Amérique. 1 9 les deux Nations fe trouvoient expofées, afin que l’un & 1 autre luy envoyai!: quelque puiffant renfort. Le focours quil en rcccut fut bien different. Monfieur d E- nambuc ne voulant pas tout à fait dégarnir fon quartiei , ne luy envoya que cent ou fix vingt-hommes fous laconduitede Mon- iteur du Parquet fon Neveu 3 Capitaine dune Compagnie . Les Anglois, qui eftoient en beaucoup plus grand nombie luy en envoyèrent fept ou huiét cens. Avec ce lecours, Monfieur du RofTey travailla toute la nuiétà fe retrancher le long de la c ofte, & en palla une partie à dilpofor fe s gens au combat pour le len-* demain. A huiéf heures du matin , DomFcderic de Tolede voulant executer l’ordre du Roy fon Maiftre; qui portoit quil eut a faire fortifies François &c les Anglois de 1 1 fie de Saint Chnfto - phe, fit defeendre une partie de les foldats dans des chaloupes pour mettre pied à terre, fous la conduite d’un Capitaine Ita- lien fort eftimé, & tenu pour le plus expérimenté à faire des defeentes, qui fut dans fon Armée : ildefcendit avec fes fol- dats à deux portées de moufquet du retranchement des habi- tans, il s’y fortifia auffi-tolf ;& ne trouvant perfonne qui s ’op- pofafi: à fon delfein, il travailla à un fécond retranchement, gagna pied à pied jufqu a celuy des noftres. L’Admirai qui s’apperceut de fon Vailfeau d’un fi heureux fuccez , fit par- tir trois chaloupes de chaque Gallion , chargées de les meilleurs foldats pour defeendre à terre à la faveur de cette terralfe. . ' - Monfieur du Parquet honteux de l’irrefolution deMonlieur du Rolfey , qui lailfoit avancer les -ennemis fans les combatte, voyant que fa crainte décourageoit tous les foldats , creut qu’elfant neveu du grand d’Enambuc, il y alloit de fon honneur, de s’oppofer aux Efpagnols, quand mefmeil devroit perdrôla vie en cette occafron. Tout embrazé de ce beau feu, il abor- da Monfieur du RdlTey avec ces paroles que j’ay fouvent oùy repeter à un de fes foldats qui le fuivit partout. Qupy, Mon- fieur, endurerons-nous que ces ennemis triomphent de nous fans les combatre ? Souffrirons -nous quils nous égorgent lans faire refiftance? fera-t’il dit que les Efpagnols attaquent ies D nj ■ : H 3(0 LjûabliJfement des François François fans éprouver leur valeur; Allons , Mon fi cur -mourons avec honneur, ou cmpe.'chons qu’ils ne nous chaffent. Mon- fieur du RolTey encouragé par la genereufe refolurion de ce jeune Capitaine, Iuy commanda daller attaquer i’ennemy ,luy promettant de le féconder de toutes fes forces :1a Compagnie de Monfieur du Parquet fuivit fon Capitaine, mais ce futavec un regret d’autant plus juffe qu’ils voyoient fa mort inévita- ble. Avec cét ordre il fortit de fon retranchement, & mit le pied fur la terrafle des ennemis, &c fondant fur eux telle bailTée, apres avoir tiré fon moufqueton , il le jetta à la telle de ceux qui fe prelenterent à luy: fes deux piftolcts luy ayant manqué, il mit la main à l’épée, faifant main baffe partout , il tué autant de foldats qu'il en rencontre;& voyant plier les plus hardis, il fe pro- roettoit déjà dechaffer les Efpagnolsj eneffed fffon inonde n’eut pas manqué de cœur, il leur eut fait abandonner leur poffe j mais fes gens furpris de la terreur panique, qui avoir tellement faifilcs^ AngIois,que leurs Officiers ne Jes purent jamais faire avâcer, s’en- fuirent honteufement,en force qu’il ne luy refia que trois homes, un defquels nommé la Chénaye , qui efloit fon Caporal, fut tué à fes coftez.il ne perdit point courage en cette extrémité, & voulat fe fignaler par quelque adion c5ffderablc,auparavât quede mou- rir, il attaqua le Capitaine Italien , qui conduifoit les Efpagnolsj & apres quelques eftocades portées de part & d’autre > noftrc jeune Héros luy paffa fon épcc au travers du corps & le tua fur la place. Enfin apres avoir fait tout ccqu’vn Alexandre auroit pu fai- re en pareille rencontre, les forces luy manquant avec le fang, plûtofi: que le courage, il tomba par terre percé de dix-huid coups, dontlc dernier fut un coup de pertuifane danslecoflé. Il fut tiré de la tranchée ennemie avec les crochets des halle- bardes de deux Sergens, & porté dansle Gallion deDom Fe- deric de Tolède , où il vécut dix-huid jours , comme celuy qui rapporta fon Teftament l’a déclaré depuis. Ce généreux Ad- mirai luy rendit pendant ce peu de vie toutes les afliftances qu’il crut devoir à fa valeur , il le fit foigneufement penfer; mais le coup de pertuifane luy caufoit de fi exceflives douleurs. / aux Ant-If es de l' Amérique. ^ que jamais il n’y pût fouffrir d’cmplaftrc, il les arrachoic auffi- toft quelles eftoient appliquées ; Apres fa mort il fit faire Tes obfequcs avec les mefmes ceremonies qui s’obfervent parmy ceux de fa Nation, à l’endroit des Admiraux & des perfonnes les plus confiderables. LaColonieFrançoife ayant eflé mife en defordrepar l'Armée d'EJpagne , abandonne l'IJle de Saint Chriflophe pour fe réfugier dans celle d'Antigoa. JMonfeur du Fojfey retourne en France. §. iv. MOnfieur du Roiîcy voyant Monfieur du Parquet, qui eftoit les délices du peuple, tombé tout couvert de bief- fures ; que fa Compagnie î’avoit abandonné , que les Anglois vouloient s’enfuir, craignant que l’Efpagnol leur rcfufaft quar- tier; ayant pris le premier l’épouvante, eftonna fes foldats par fa frayeur, & criant tout haut qu’il fe falloir fau ver, s’embar- qua avec une partie de fes Officiers & fe fauva à la Capfterre, biffant fur le Fort le pavillon François. Tous les foldats lefui- virent par terre , & s’enfuirent avec tant de crainte & de pré- cipitation, qu’ils jetterait leurs bandoüillieres & leurs moufqucts parles chemins, afin de mieux courir. A leur arrivée ils crièrent que tout eftoit perdu, que I’Efpagnol les pourfuivoit, qu’il fe falloir promptement embarquer dans les deux Navires qui eftoient à la rade, & abandonner l’Ifle. M. d’E- nambuc tafeha de les rafteurer, leur remontrant l’avantage de fon pofte, & le peu d’apparence que les ennemis entrepren- nent jamais de faire huiét lieues de chemin difficile, &au trà- vers des bois , où on leur pourroit dreffer de fafeheufes embuf- ches, & pour conclufion il leur reprefenta qu’il leur feroitplus honnorable &plus advantageux d’expofer genereufement leur vie pour le fervicedu Roy, que de faire une fi honteufe rctrai- ^ i Efiablijf ornent [des François £c. Moufieur du Roffey demanda qu’on affembla le Confeil de guerre fur u'ne affaire de cette confèquence , fa brigue ayant eflé la plus forte , il fut résolu quon abandonneroitl Iflc de Saint Chriftopbe pour aller habiter celle d’^ntigoa , & qu’on poignarderoit Moniteur d’Enambuc au cas qu’il n’y voulut pas confentir. Cet affligé Gouverneur disant contraint de ceder à la force de ces timides, & aux larmes defesamis qui apprehen- doient quelque chofe de fanglant pour fa pcrfonne, toute la Colonie compofée d’environ quatre cens hommes s’embarqua dans les Navires du Capitaine Rofe & du Capitaine Liot ,qui eftoient pour lors à la rade de la Capllerre. Les Anglais voyant que les Efpagnols s’eftoient faifis de la forterefl’e & du quartier des François, compoferent avec eux, s’offrirent à quitter l’Ifle, pourveu quon leur fournit des Na- vires pour les tranfporter ailleurs. Dom Federic en fit em- barquer le plus qu’il pût dans les quatre Navires qu il leur avoir pris en arrivant, & les fit partir en fa prefence pour l’Angle- terre > le reffe promettant d’en faire autant au premier joui. Les Efpagnols ayant vifité tous les quartiers de 1 Ifle, recon- nu que les François favoient abandonnée, prirent les huiél piè- ces de canon qui leur appartenoient, s embarquèrent fur leur Galbons, menaçant les Anglois de ne leur point donner quar- tier s’ils les tronvoient dans fille à leur retour. Retournons à noflre pauvre Colonie qui flotte fur les eaux de la Mer, comme Moyfe dans fon berceau fur celles du NiR elle eft conduitte par les foins d’une eternelle Providence, qui la retirera de fes mal-heurs par desévenemens inefperez , ôda fera furgir à bon port. Commecêt embarquement avoit eftê précipité 8c impreveu, ces quatre cens hommes embarquez dans deux Navires q'ui n a- voient des vivres que pour leur équipage , furent en peu de temps réduits à cette rigoureufe extrémité que de n auoir plus qu’vn verre d'eau, & la pefanteur d une balle de moufquet de bifcuit, par jour. Ils furent trois fem aines en Mer dans ce pi- toyable eftat, battus de vents contraires, deux fois expofez à d’horribles tempeftes, fans pouvoir atteindre l’Ifle dli4ntigo.t qu’ils voüloicnt habiter ; mais Dieu qui en avoit autrement or- donné. aux Ant-Ifles de ï Amérique. 5$ donné dansles decrets de fa Providence, permit qu’ils fettouve- rent dans l’Ifle de Saint Marcin, éloignée de huid lieues de celle de Saint Chriftophe , lors qu’ils penfoient avoir fait quatre- vingts ou cent lieues. S’eftantreconnusilsgagnerentcette Ifle;&: comme ils eftoient preffez delà derniere neceffité, chacun alla promptement cher- cher à boire 2c à manger : par mal-heur ils eftoient defccndus à l’endroit le plus fec 2c le plus fterile , 2c n’y trouvant ny ri- vières ny fontaines, ny marrés d’eau-douce pour fe défait crer, ils creuferent des puits dans le fable , d’où ils tirèrent de l’eau à moi- tié falée : telle quelle eftoit chacun en but avec delice ; 2c quel- ques-vns qui en prirent un peu davantage que les autres, creverent 2c moururent fur les puits. Nos deux Capitaines eftoient demeurez dans le Navire du Capitaine Rofe , extrêmement affligez de voir périr une Co- lonie qui leur avoit coufté tant de fueurs& de peines. Monfieur duRolfey ne voyant aucun remede pour empefeher fa perte, fe refolut de tout abandonner ; il débaucha quelques Officiers, 2c contre le gré de Monfieur d’Enambuc, il fit appareiller le Ca- pitaine Rofe pour revenir en France, où fi-toft qu’il fut arrivé, Monfieur le Cardinal de Richelieu le fît mettre à la Baftilfc, où il a demeure long-temps. Les pauvres habitans voyant le Capitaine Rofe party , cru- rent qu’ils eftoient tout à fait abandonnez de leurs Chefs, s’i- maginant qu’ils s’eftoient tous deux embarquez dans lemefme V aideau. Ils eurent recours aux larmes 2c aux regrets, &: pafferent toute la nuiét dans une rriftefle qui n’eft pas concevable. Le jour venu, ils furent furie bord de la Mer continuer leurs plcin- tes, où par bon-hcurils découvrirent la barque du Capitaine Liot, qui eftantallé chercher des vivres s’eftoit échoiiée fur u-i banc proche de terre: le Pilote de cette barque les confola, 2c les affeura qu’iln’y avoit que Monfieur du Roffey de party , 2c que Monfieur d’Énambuc eftoit dans le Navire de fou Capi- taine en refolution de mourir avec euxi la joye qu’ils conceurent de cette agréable nouvelle fut fi grande, qu’ils fe mirent tous à tirer leurs piftolets 2c leurs fufils en l’air, pour témoigner leur fa- tisfa&ion, car ilsaymoient tendrement ce brave Gentil-homme. L Partie. E j 4 Efiablijf °ment des François Monlîeur d’fnambuc affeura leur joye par fa prefence; 8d apres avoir relevé le courage abbacu de ces pauvres defefperez, il affembla fon Confeil, où il fut encor une fois refolu daller habiter Hile d '^Antigoa. II s’embarqua avec cent cinquante hommes dans le Navire du Capitaine Liot ,laiffantle relie de la Colonie dans Saint Martin , kl' Anguille®* k Saint Barthélémy, avec promelfe de les envoyer quérir aufïi-toft qu’il auroit pris terre dans fille d ’Antigoa. Apres trois ou quatre jours de navi- gation allez fafeheufe , ils y abordèrent heureufement, & par un trait de la Providence ils y rencontrèrent le Navire duCa^ pitaine Giron qui y prenoit des eaux. Us viliterent cette Ifle de tous collez, & l’ayant trouvée mal faine, marefeageufe, & difficile à habiter, ils prièrent inflamment ce Capitaine deles conduire à fille de Monferrat , habitée des Sauvages qui y avoient abondance de vivres.- ce qu’il fit tres-volontiers, bien- aife de trouver occafion de rendre quelque ferviee à la Colo- nie ( pour laquelle il elloit party de France ) qui pût effacer la faute qu’il a voit commife abandonnant fon Admirai fans fa permiffion. Retour de la Colonie Françoije en l’ifle de Saint Christophe , ou elle fe remet en pojfefion de Jes quartiers mal-gré la refijtance des Anglois. §. ix. LE Capitaine Giron ayant déjà rendu ce bon office aux habitans de la Colonie, crut qu’il n’en falloit pas demeu- rer là, mais qu’il devoir achever la chofe d’auffi bonne grâce qu’il l’avoit commencée. Il partit donc pour aller recon- noillre en quel ellat elloit fille de Saint Chriflophe ; à fon arrivée il trouva que les Anglois , relblus de le moc- quer de la parole qu’ils avoient donnée à l’EfpagnoI , en elloient demeurez lesmaillres , ne liant relié avec eux que vingt -cinq ou trente François, qui s’efloient fauvez dans - aux Ant-îfles de ï Amérique. $5 les bois lors de la déroute de la Colonie. Auffl-toft qu’ils i eurent reconnu , ils envoyèrent vn Capitaine dans une Chalouppe, luy -deffendre de mettre pied à terre 8C d’y defcendre perfonne* Giron qui ne manquoiL point de coeur , répondit puis quiis le traittoicnt d’enncmy, il alloit commencer luy-mefine les acte d’hoftilité; Sc en mefme temps il attaqua deux Navires Anglois qui eftoient à la rade, fans leur donner le loifir defe recon- noiftre; Sc après les avoir fort mal-traittez à coups de canon, il s’en rendit maiftre : avec ces deux pnfes il vint mouiller l’ancre proche d’un troifiéme VaifTeau beaucoup plus grand que les deux autres , jurant & menaçant que s’il tiroit un leul coup de canon , il. le couleroit à fond. Enfuitte de cette petite viftoire, il envoya promptement une de fes prifesà l’Ifle de Monferrat , 8c l’autre aux Iflcs de Saint Martin, de Lan*uilleScàc Saint Berthelemy , pour ramener tous les François dans l’Ifle de Saint Chriftophe. Cette bonne nou- velle furprit agréablement nos habitans, quin’attendoient rien moins qu’un fl heureux fuccez d’une affaire en fi mauvais eftat Sc fl defefperoe. Iis en pleurent de joye , 8c apres mille aétions de grâce rendues à Dieu, iis partent de Monferrat 8c des- au- tres Ifles, pour retourner à Saint Chriftophe, aufli contensque les Ifraëlites quand ils fortircnt d’Egypte. Giron voyant fes deux Navires arrivez, chargez de toute la Colonie , qui eftoit encor compôféc de trois cent cinquante hommes , tous bons foldats 8c bien armez , parla plus haut qu’auparavant i 8C Monfieur d’Enambuc fit avertir les An- elois, qu’ils euflent à laifler defcendre fon monde, avec me- naces de leur pafler furie ventre s’ils faifoient la moindre re- fiftance. Quoy que les Angloisfuflent en beaucoup plus grand nombre que lesnoftres, neantmoinsn’eftant pas aguerris, 8c la plufpart n’ayant point d’armes, fe fournirent à tout ce que les François voulurent ; Si bien que Monfieur d’Enambuc relta- blitla Colonie dans Saint Chriftophe, trois mois apres quelle en eftoit fortie. Il fe faifit de fes anciens poftes , 8c tous les p articuliers rentrèrent dans leurs habitations : ils y trouvèrent beaucoup de vivres plantez, une partie de leurs cafés en on eftat, fournies de meubles ôc d’outils propres à cultiver a ter- E ij p 6 EJlabliffëment des François re, d’autant que les Efpagnols n’ayant pas deffein de s’efH- blir dans TIflp, mais d’en chaffer ceux qu’ils y trouveraient, s’eftoient contentez de brûler quelques cafés, 5c d’emporter , ce, qu’ils jugèrent de plus rare, & de plus précieux/-. La Colonie affligée de la famine , efl Je courue par un Navire de Zélande . Sic de d'or des Habitans. Fendant les entreprijes dés A riglois, cZJïConfieur '.affres avec leurs S erviteurs , çeg déterminé.. le temps , de. leur engagement , §£ Xc. MOnfieur : d’Enambùc jugeant bien que la Compagnie ne voudrait, plus faire les avances neceffaires pour con- - ferver la Colonie, Se qu’elle, ne fie mettoit plus en peine de leur envoyer d’autres feconrs? pour fie deffendre des infultes des Anglois, aufquelîes il prevoyoit qu’on ferait; expofé tous . les jours auffi bien qu’aux deïceiites des Efpagnols , par le frequent paffage de, leurs .flottes au Pérou, refoîüt avec fes ha- bitans de tout abandonner ; pour cet effet on négligea de replan- .. ter des vivres, chacun ne travaillant qu’à cultiver le tabac pour en faire une bonne levée pour s’en retourner en France ; ils eftoient fi découragez de tant de mal-heurs, qu’il y en eut quell ques-uns qui arrachèrent leurs vivres pour avoir plus de terre à planter du petun. Mais ayant tous changé de refolution fix mois apres, ils com- mencèrent à manquer de vivres , à fouffrir plus que jamais; Sc la famine cftoit déjà fi grande * qu’ils fuffent tous, péris, fi la Divine Providence n’y eut amené ce Capitaine Zelandois qui avoir traitté avec eux Tannée d’auparavant ; il leur vendit de la farine , du vin , de la viande, des chemifes , des eftoffes, dEnambuc appaije le différend des aux Ant-Ijles de l Amérique. 37 &£ generalement tout ce qui leur eftoit necellaire a fix mois de crédit, fe contentant pour le prefent dupetun qu il trouva fait dans l’Ifle; il le vendit fi bien en Zeîande, que pluficurs. Marchands de Flelfingue & d’Hollande prirent deffein deve- nir trafiquer en Tille de Saint Chriftophe ; ce qu’ils ont tous- jours continué depuis , non feulement là, niais encore dans les autres Ifles ; Ils y ont envoyé tant de Vaiüeauxqu on n’y a manqué de rien* 8cil eftvray de dire que fans le fecours que nos Colonies ont receu des Hollandois, elles n eulient ja- mais fubfifté; mais au lîi il faut avoüer quils en ont tiré toute la crcfine & le profit, & que tous les grands biens prove- nus du commerce qui devoir enrichir la France leur font de- meurez. ,v r , ■ Les habitans avec ce fecours ne fongerent plus qu a le bien cflablir ; vivant fous lafage conduite de Monfieur d’Enambuc, Vavec tant d’union & dans une fi parfaite intelligence, que tout eftoit commun parmy eux; ils avoient un bon Preftre vérita- blement louable pour fon zele &: pour fia pieté , qui Pren°iC beaucoup de peine à lecourir les malades , a leur a rumi les Sacremens; maiseftant feuldans Fille , il ne pouvoir fuffir pour les deux quartiers, comme il auroit erté neceffaire pour leurs befoins & leur conlolation. Les François eftoient divifezpar Compagnies , chacun dans fon quartier travailloit à réparer les forts, &c en conltruire de nouveaux, & à faire des marchandées, qui confiftoient en ce temps-là en Petun, en Coton , en Roiicou , & en Piment , perlon- ne n’ayant ny les forces ny l’invention d’y faire du fucre , de V Indigo , ou du Gingembre. Il ny avoit point de luge dans l’Ifle, Monfieur d Lnambuc terminoit Iuy feul les differens qui pouvoient naiftre , avec tant de prudence , que tous fe foûmettoient à fes Ordonnan- ces avec autant de joye que de refpeét. Ceux de la Colonie vivoient dans une fi parfaite union les uns avec les autres, quon n’avoit pas befoin de Notaires , de Procureurs, nyde Sergens : on croyoit autant a la parole d un homme, qu’à toutes les écritures aes Notaires &: es lions, _ E îij j5 EJlablijfement des François Les Anglois portant envie au bon-heur de nos fiabitans, s’ef- forcèrent deux ou trois fois de les inquiéter: leur petit nom- bre ( eftans pour lors réduits à trois cent foixante hommes ) le Convenir de l’affront qu’ils avoient receu de Monfieur de Cufac, 3c la neceffité de s’ellendre ( fe voyant cinq ou fix mil- le perfonnes dans d étroites limites ) frirent les fujets des en- treprifès qu’ils firent; mais nos François les repoufïerent avec tant de vigueur en une furieufe rencontre , qu’ils leur firent perdre la volonté d’empieter fur eux : I’ay mefme apris du Sieur d’Orange , qui y ehoit pour lors , que les François de la BafFeterre efiant obligez d’aller à la Capfler- re fecourir les autres François contre les Anglois qui Iesinquie- toient par mille violences , brûlèrent une pille de petun de quarante mille livres pefant, qu’ils contraignirent les Anglois de leur payer, ne voulant recevoir aucune propofition d’ac- commodement, qu auparavant ils ne leseuffent recompenfés de cette perte, qu’ils leurs avoient fait faire en entreprenant fur eux. Cependant nos François attendant que le temps rendit leur condition meilleure, fe maintinrent en gens defefperez; ils ne fortoient jamais de leur habitation qu’ils n’euflent fur eux qua- tre ou cinq piflolets pendus à une ceinture de cuir, 3c un fii- lil fur l’épaule; fî bien qu’ils imprimèrent une fi grande ter- reur de leurs perfonnes dans l’efprit des Anglois , que les plus hardis avoiioient ingenuëment qu’ils aymoicnt mieux avoir a faire à deux diables , qu’à un habitant François. Environ l’année 1631. la prudence de Monfieur d’Enam- buc parut dans un e rencontre extrêmement fâcheufe , 3c qui eut eu de tres-mauvaifes fuittes , s’il n’eut promptement pacifié toutes chofes. Plufieurs Officiers 3c quelques-uns des plus ri- ches habitans avoient malicieufement engagé tous leurs fervi- teurs à leur infeeu pour cinq ans, à l’imitation des Anglois, qui engagent ordinairement les leurs pour fix ou fept ans. La plufpart de ces pauvres engagez voyant qu’apres quatre années de fervice on ne parloit point de leur donner congé, 3c qu’on ne leur accordoit pas la permiffion de travailler pour eux, commencèrent à fe plaindre, à faire des affembîées tu- multueufes; 3c comme leur nombre efloit plus grand queceluy aux Ant-Ijles de l'Amérique. 39 de leurs Maiftres, & qu’ils n’eft oient pas moins vaiîlans qu’eux, ia plufpart ayant porté les armes, on ne parloir rien moins que de rendre les Serviteurs Maiftres, &: les Maiftres Serviteurs; ft bien que la Colonie, qui s’eftoit confervéeavec tant de cou- rage contre les entrepnfes violentes des Angîois , fut fur le point de fe deftruire elle-mefme , n’ayant pueftre vaincue pat tous fes ennemis. Monfieur d’Enambuc, comme Pere commun des uns & des autres, trouva d’abord tant d’aigreur dans les efprits, quil les vit fur le point déterminer leur different par le fer & le meur- tre ; mais fe fervant de cette affabilité naturelle qui luy ga- gnoit facilement les cœurs , & de cette douce authorité qui leur imprimoit du refped pour fa perfonne , il les contenta tous ; ordonnant que tous les Serviteurs quiavoient accomply leur trois ans de fervice auroient leur liberté, conformément à l’Eftabliffement de la Compagnie ;& que files Maiftres vou- loient s’en fervir, ils les payeraient comme Serviteurs libres; & que d’orefnavant perfonne , pour quelque pretexte que ce fut, ne feroit plus engagé que pour trois ans; ce qui s’eft tous- jours inviolablcment obfervê depuis ce different. La Compagnie trouve mauvais que les Habitans traficquent ave clés Etrangers : apres avoir in- utilement ufé de violence , elle interpofe l'au- thon té du Roy, qui leur en fait dejfenfe par fa Déclaration. §. xi. \ LE grand profit que les Hollandois retiroient de cette Ifie, & le puiflànt fecours qu’en rece voient les habitans, ayant eftably infenfiblement le commerce , ils ne fongerent qu à faire de bonnes marchandifes, pour les y attirer, ne fe mettant plus en peine de rien envoyer en France: Ce qui obligea la Com- pagnie de leur en faire des plaintes , leur remonftrant qu ayant 40 Eflablijfement des François P^ufieurs fois avancé des fommes confiderables pour I’ellablif fe ment de cette Colonie , il n’efloit pas raifonnable que les1 , Eflrangers en euffent tout le profit. Les habitans répondirent qu’il y avoit de l’injuflice dans les conditions du Traite qu ils, a voient paffé} & que s’ils efloient obligez de les garder dans toute la rigueur 3 il ne leur relleroit pas une chemife apres qu ils l’auroient payée , & que la Compagnie ne les fecourant qu’à moi- tié des chofes dont ils avoient befoin 3 il leur elloit impoifible de fubfifter dans cette Ifle éloignée, fans le feCours des Hollan- dois qui leur apportoient abondamment les chofcs necef- faires. Ces raifons firent refoudre Meilleurs de la Compagnie à leur envoyer fur la fin de l’année 1631. la Patache appellée la Cardinale} elle leur porta pour tout fecours un P relire,, deux Capitaines, deux Lieutenans , deux Enfcignes, deux Sergens, deux Caporaux , deux Anfpefades ,' deux femmes , deux en- fans , & deux Commis, pour connoilfre de tous ces difierens, avec puilTance de modifier les droits que leur payoient les habitans, félon qu’ils le jugeroient utile & neceffaire. II y avoit encor dans cette Patache quelques munitions de guerre, des vivres, Sc des marchandifc } mais en fi petite quantité , que les habitans croyant par ce procédé qu’on fe moquoit d’eux, ne lailferent pas , quoy que les Commis eulTent réduit les droits perfonels à cent livres de petun , defe fortifier plus que jamais dans larefolution de recevoir du fecours de quelque collé qu’il leur vint} ils en vinrent mefine à cette extrémité, de porter leur petun en Angleterre & en Hollande , fans fe mettre en peine d’en faire une feule livre pour la Compagnie. Le petun avoit alors un fi grand cours, qu’un nomméPitre cotté tira fix mil- le Iacobus de fix mille livres de petun qu’il porta en Angleterre. Avec cét argcnt.que les habitans recevoient de la vente de leurs marchandifes, ils venoient furtivement d’Hollande &C dAngîe- terreen France lever des hommes, qu’ils repafloient avec eux pour les fervir dans l’Iflc. Cette mauvaife intelligence dura prés de trois ans. Les Seigneurs de la Compagnie fe voyant dans l’impuiflan- cc de réduire les habitans dans le devoir, & qu’ils recevoient tous dUxAnt-If.es de C Amérique. . 41 tous les jours de nouveaux rafraichiffemens, 6c mefme des hommes , dont ils avoient grande neceftité , 6c que pîufieurs Navires François leur portoient des engagez, des vivres , 6c toutes les chofes dont ils avoient befoin, ce qui les mettoit en eftat de fe paffer de la Compagnie , s'avisèrent d’un ftra- tageme qui leur réiilîit aufti peu que leurs plaintes} car auheu d’envoyer de bons VaifTeaux chargez de marchandées, 6c de faire tout ce que faifoient les Hollandois , pour tirer le profit qu’ils remportoient chez eux, qui eftoit un expédient necef- faire 6c facile. Ils fe plaignirent au Roy, & obtinrent de fa Majefté une Déclaration, par laquelle il eftoit deffendu à tous les Capitaines de Navires qui alloient enl’Ameriquc, de trai- ter aucune marchandifc dans l’Ifle de Saint Chriftophe, fans le confentement de la Compagnie } 6c pouffant les chofes a bout, ils firent faifir les marchandées des habitans dans les Havres, 6c emprisonner pîufieurs particuliers, que la neceftite de leurs affaires avoir fait venir en France. Voicy la teneur de la Déclaration. DE PAR LE ROT. SVr ce qui Nous a eftê reprefenté par les Intereftez de fa Compagnie , formée fous noftre authorité , tant pour efta- blir une Colonie de nos fujets 6c des habitations de François dans l’Ifle de Saint Chriftophe, fcituce aux Indes Occidenta- les, 6c inftiuire les habitans d’icelle de la vérité Catholique, Apoftolique 6c Romaine, de laquelle les Indiens n’a voient au- cune connoiflance ; que pour la faire valoir 6c en îetirer les commoclitez qui y naiffent , afin d cftablir un commerce qui foit utile à nos fujets. Ladite Compagnie auroit fait de grands frais 6c dépenfe pour y faire porter nombre d’hommes , en - femble des vivres, marchandées , matériaux, 6c ouvriers pour y baftir , 6c autres chofes neceftaires pour s’y cftablir , 6c con- tinué de faire de grandes avances de temps en temps pour les faire fubfifter , comme ils ont fait depuis I eftabliffement d’icelle jufqu’à prefent : dequoy elle ne peut efperer de reti- I. Partie. ' ? 4 i EJlàhliJfement des François rer aucune chofe pour l’indemnifèr , fïnon du tabac ou petun, ou Rocou & Coton, que lefdits babitans y font venir par leur labeur & travail, à la charge d’en rendre annuellement certaine part & portion de leur revenu, qu’ils dévoient ren- voyer au Havre de Grâce, fuivantles conventions faites avec eux , ou la plufpart , avant que de les y faire paffer, avec dé- fenfe à tous autres de les y troubler: mais au lieu de ce faire» lefdits habitans de ladite Ifle , à toutes les commoditez qui s’offrent , vendent aux Etrangers , &: principalement aux Fran- çois qui ne font de ladite Compagnie, toutes les marchanda fes, ou les envoyant en France en des Ports détournez, pour les vendre & en retirer Jeprix, fanspayer que fort peu de cho- fes de ce qui eft deu à ladite Compagnie; Tellement que la grâce que nous leur avons faite, deluy donner ladite Ifle pour la faire valoir, ne luy a fervy jufques à maintenant, qu’à fai- re de grands frais & dépenfes, qui luy ont efté, & feraient encor à l’avenir inutiles , ce qui contraindrait ladite Compa- gnie de quitter tout, & abandonner ladite Ifle, fi il ne nous plaifoit fur ce luy pourvoir. A CES C AV S E S , Nous dé- lirant conferver ladite Compagnie en la gratification & don que nous luy avons fait de ladite Ifle , &empefchcr quelle ne foitfuftrée dulegitime revenu qui luy appartient, félon les conventions qu’elle en a faite, tant avec ceux qu’ils y ont en- voyez pour l’habiter, que les autres qui y font allez depuis volontairement, font obligez d’entretenir , fi autrement ils n’en conviennent avec ladite Compagnie ou les Directeurs d’icel- le. AV O N S fait & faifons exprelîes inhibitions & deffen- fes à tous nos fujets & autres , qui partiront de nos Ports & Havres, foit qu’ils paffent pour aller aux Indes Occidentales, foit qu’ils aillent exprès en ladite Ifle de Saint Chnftophe ôc autres circonvoifines , d’y achepter ou faire achepter, ou en rapporter le Tabac, Rocou , & Coton qui y croillent , fans I’exprcs vouloir & confentcment par écrit des Directeurs de ladite Compagnie, ou que ce ne foit pour le compte d’icelle, à peine de mille livres d’amende , &: de confifcarion tant des VaifTeaux que dudit Tabac & autres marchandifes qui feront apportées dedans. Si mandons & ordonnons à noftre tres^ cher & bien me le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftre, Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation & Commerce de France, que cette noftre prefente Ordonnan- ce il falle obferver & entretenir de poind en poind félon la forme ôc teneur, & aux luges & Officiers de l’Admirauté qui font aux Villes & Ports, & Havres de noftre Royaume, que lefdites Prefentes ils faffent lire, publier, & enregiftrer , & afficher où befoin fera, & falfent executer, fur peine de répondre en leurs propres ôc privez noms. Et d’autant que l’on aura affaire des Prefentes en plufieurs lieux; Nous vou- lons qu’aux Coppies d’icelles deuëment collationnées par le Se- crétaire General de la Marine , ou l’un de nos Confeillers & Se- crétaires, foy foit adjuftée comme au prefent Original. Car tel eft noftre plailir. Donné à Saint Germain en Laye le vingt-cinquième jour de Novembre , l’an de grâce 1654. & de noftre Régné le vingt-cinquième. Signé, Louys. Et plus bas Bouthilker , & Icelle. Attache de Monfleur le Cardinal de Richelieu, four l’execution de ladite Déclaration. Rmand Cardinal Duc de Richelieu & de Fronfac , Pair de France , Commandeur de l’Ordre du Saint Efpnr, Gouverneur ôe Lieutenant General pour là Majefté en Breta- gne, & Grand Maiftre , Chef & Sur-Intendant General de la Navigation & Commerce de ce Royaume. Veupar Nous l’Ordonnance du Roy, en datte du jourd’huy figné Louys , & plus bas Bouthillier , par laquelle &: pour les caufes y contenues, te Majefté; fait tres-expreiïes inhibitions & deffenfes à tou- tes perfonnes de quelque qualité & condition qu’elles foient, tun, ou coton du crû dudit pays, fans l’aveu de ladite Com- fa Majefté fur les remonftranecs qui luy ont efté faites par les Intereffez en la Compagnie, formée fous l’authorité defadi- d’aller , envoyer , ou faire palier exprès en fille de Saint Chriftophe , aucuns V aiffeaux pour y prendre & achepter pe- l ÿ 44 Eftabhjfement des François pâgme , ou des Directeurs d’icelle, à peine de confifeat/ondef- difes marchandées 6c des Vaiffeaux qui les apporteront, alc- xecution de laquelle faditc Majeftê nous enjoint de tenir la main. Nous en vertu du pouvoir à Nous donné par ladite Mas cité; avons en tant qua nous eft, ordonné 6C ordonnons que ladite Ordonnance de fa Majefté, fera gardée & obfer- vce de poind en poind fous les peines y contenues, ôc que les Officiers de la Marine la feront lire, publier, ôc regiftrer, afficher où befoin fera , à ce qu’aucun n en prétende cau- fe d’ignorance , 6c l’entretenir félon fa forme ôc teneur, a peine d’en répondre en leur propre ôc prive nom. Fait a Ruël le vingt- cinquième Novembre 1Ù34. Signé le Cardinal de Richelieu : ôc plus bas , par mondit Seigneur Martin, ôc {'celle Les habitai* offenfez d’un procédé fi violent , refolurent de ne plus rien envoyer dans les Havres de France, mais de faire tranfporter toutes leurs marchandifes en Hollande; ce qu’ils firent avec tant d’opini affrété depuis cette rigueur, que les Seigneurs de la Compagnie, qui depuis quatre ou cinq mois ne fongeoient plus à la Colonie que comme a une affai- re ruinée , voyant le grand profit qu en retiroient les Eltran- gers, commencèrent à changer de fentiment , 6c a croire le- rieufement que le progrez de cét eff abliffement, qui leur avoit paru fi defefperc , auroit quelque jour des fuccez très - avanta- geux, 6c qu’ils pourroient recueillir un jour avec bien de la joye les fruifts de la femence qu’ils eftimqient perdue dans les terres de cette Me. aux Ant-IJles de /' Amérique. 4> Refiablijfement de la Compagnie, dite autrefois de Saint Chnflophe , & far l' ampliation de Jes privilèges, la Compagnie des IJles de l Ame- rique. -, chapitre ii. IL cft à croire qu’il y eut des pourparlers emre les Seigneurs de la Compagnie &les Gouverneurs S £ Habitansde Hile de Saint Chriftophe , dcfquels je n’ay point de mémoires, & que les uns laffez de perdre ce qu’ils avoient avance, J*1 ’ autres de n’avoir plus de commerce, ny de ’ firent quelqu accommodement , puifquc les g ? ST délibéré plufieurs fois de ces affaires chez Men eur Martin un des Affociez, s’affemblerent une d?'n‘'rc^blffre. Monfieur le Cardinal, pour paffer le Contra* dur. eftat x ment de la Compagnie. I’ay fujet decioucq y quantité de perfonnes de condition .parce que depui ^ ^“L il i’ay remarqué dans quantité de deliberations de b Compa- gnie fdefqueUes on m’a donné la communication, les noms de Monfieur le Prefident Fouquet , de Monfieur Chanu, qui a efté depuis Ambaffadeur en S“cdc de Confient Monfieur Ricouar, de Monfieur de Luynes , de ^ Betruyer, de Monfieur Gazer, de Monfieur de Herbelay fc quantité d’autres, qui d’un commun accord. lie confiderable d'argent, afin de fecourir Cofomc, &de la rendre auffi heureufe par de puiflans fecour , q efté miferable pour l’avoir négligée. Fiij Contrad du H.eJldbliJJ'epnelit de la Compagnie des IJles de l* Amérique, avec les Articles accorde par fa Adajejie aux Seigneurs -dfociez,. lArdevant Gabriel Guerreau & Pierre Parque, Notaires Gar- denottes du Roy noftre Sire, en Ton Chaftelet de Pans, foû-fignez j Futprefcnt Monfeigncur l’Eminentiiïime , Armand Iean du Plelîis, Cardinal Duc de Richelieu & de Fronfac, Commandeur de l’Ordredu Saint Efprit, Pair, Grand Maiftre' Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation & Com- merce de France ; lequel fur ce qu’il luy a efté reprefenté par Iacques Berruyer Efcuyer, Sieur de Mantelmont, Capitaine des Ports de Mer de Veulette & petite Dalle en Caux, l’un des Affociez delà Compagnie, cy-devant de Saint Chrifto- phe, &c Illes adjacentes, tant pour luy que pour les autres Adociez de ladite Compagnie, que pour l’Eftabliflement d’i- celle Compagnie, cy-devant contracté dés le mois d’Odobre 1616 . eft comme abandonnée au moyen de ce qu’aucun des Affociez ne s’eft donné le foin d’y penfer, joint que les Con- cédions accordées à ladite Compagnie n’eftoient fuffifantes pour les obliger de s’y appliquer ferieufement, s’il plaifoit à fa Majellé leur accotder de nouvelles & plus grandes Concef- fions & Privilèges, ils pourroient non feulement reftablir la- dite Compagnie , mais mefme la porter à de plus grands def- feins & entreprifes pour le bien de l’Eftat, quelle n’avoit pro- jette du commencement j furquoy ayant efté fait diverfespro- pofitions , ledit Seigneur Cardinal, pour & au nom de fa Ma- jefte &c fous fon bon plaifir, a accorde à ladite Compagnie, ce acceptant par ledit Sieur Berruyer prefent efdits noms, les Articles qui fuivent. I. C’eft à fçavoir que lefdits Affociez continueront la Colo- aux A nt-IJles de /’ Amérique. 47 nie par eux eftablie dans rifle de Saint Chriftophe, &:feron tous leurs efforts d’en eftablir aux autres Ifles principales dc l’Amérique, fcituées depuis le dixiéme jufqu’au trentième de“ gré , au deçà de la ligne Equinoétiale , qui ne font occupée5 par aucun Prince Chreftien ; & s’il y en a quelques-unes ha- bitées par aucuns Princes Chreftiens, où ils puiflent s’efta- blir avec ceux qui y font à prcfent , ils le feront pareille- ment. II. Que és Ifles qui font dans ladite eftenduë , qui font occu- pées à prcfent par les Sauvages, lefdits Aflbciez s’y habituans, feront leur poflible pour les convertir à la Religion Catholi- que , Apoftolique & Romaine : & pour cét efFeét en chacune habitation , lefdits Aflbciez feront entretenir au moins deux ou trois Ecclefiaftiques pour adminiflrer la parole de Dieu, & les Sacremens aux Catholiques, &: pour inftruire les Sau- vages : leur feront conftruire des lieux propres pour la célé- bration du Service Divin, &Ieur feront fournir des ornemens, livres, & autres chofes neceflaires pour ce fujet. III. Que lefdits Aflbciez feront pafler aufdites Ifles, dans vingt ans, du jour de la ratification qu’il plaira à fa Majeftê défai- re defdits Articles, le nombre de quatre mille perfonnes au moins, de tout fexe, ou feront en forte que pareil ou plus grand nombre y pafle dans cedit temps , duquel ceux qui fe- ront à prefent à Saint Chriftophe feront partie: Et pour fça- voir le nombre de ceux qui y font, Sc qu’on fera pafler à l’a- venir efdites Ifles; lefdits Aflbciez fourniront un a&e certifié du Capitaine de Saint Chriftophe, du nombre des François qui y font à prefent, & les Maiftres des Navires qui iront à l’avenir à ladite Ifle , ou autres affeétez à ladite Compagnie, apporteront un aéte certifié du Capitaine ou Gouverneur de l’Ifle où la defcente aura efté faite, du nombre des perfonnes qui y auront pafle à la décharge defdits Aflbciez, qui ferare» giftré au Greffe de l’Admirauté. IV. Qiuls ne feront pafler efdites Ifles, Colonies & Habitations 4$ Eftablijfement des François aucun qui ne foit naturel François, & ne faffe profeffion de la Religion Catholique , Apoftolique , & Romaine: & fi quel- qu’un d’autre condition y paffoit par furprife, onlen fera for- tir aufli-toft qu’il fera venu à la connoiffance de celuy qui com- . mandera dans ladite Ifle. V. Que lefdits Affociez pourront faire fortifier des places, & conftruire des Forts , & eftabliront des Colonies aux lieux qu’ils jugeront les plus commodes pour l’affeurance du commerce & la confervation des François. VI. Et pour aucunement les indemnifer de la dépenfe qu’ils ont cy-devant faite, & qui leur conviendra faire à l’avenir, Sadi- te Majeflé accordera, s’il luy plaift, à perpétuité aufdit s Affo- ciez, & autres qui pourront s’afiocier avec eux, leurs hoirs, fuc ce fleurs & ayant caufc, la propriété defdites Ifles en toute Inflance bc Seigneurie, les Terres, Rivières, Ports, Havres, Fleuves, Eflangs, Ifles, mefinement les Mines &c Minières; pour joüir defdites Mines conformément aux Ordonnances, & du fur plu s des chofes defufdites, Sadite Majeflé ne s’en re- fervera que le reflort, la Foy & Hommage , qui luy fera fait bc à fes Succefleurs Roy s de France, par l’un defdits Affociez au nom de tous, à chacune mutation de Roy, & la provifion de la luftice Souveraine, qui luy feront nommez prefentez par lefdits Affociez, lors qu’il fera befoin d’y en eftablir. VIT v Sa Majeflé permettra aufdits Affociez d’y fondre canons & boulets : forger toute forte d armes offenfives ôc deffenfivcs, faire poudre à canon, & toutes autres munitions neceflaires pour la confervation defdits lieux. t VIII. Pourront lefdits Affociez améliorer & ménager Iefdites chofes à eux accordées en telle façon qu’ils aviferont pour le mieux, & diftribuer les terres entre-eux , & à' ceux qui habiteront fur les lieux avec refervedetels droits & devoirs, & à telle charge qu’ils le jugeront à propos. Pourront +9 aux Ant-îjles de l’ Amérique. IX. Pourront Iefdits Aflociez mettre tels Capitaines & gens de guerre que bon leur fcmblcra, dans les Forts qui feront con- ftruits efdites Ifles , & aufli fur les Vaifleaux qu’ils y envoyè- rent, fe refèrvant neantmoins fadite Majefté de pourvoir de Gouverneur General fur toutes lefdites Ifles, lequel Gouver- neur ne pourra s’entremettre du commerce , ny de la diftri- bution des terres defdites Ifles. X. Que pendant vingt années nul des fujets de fa Majefté, au- tre que lcfdits Aflociez , ne pourra aller trafiquer efdites Ifles, Ports, Havres, & Rivières d’icelles, que du confentement par écrit defdits AfTociez, & fous les congéz qui leur feront accordez fur ledit confentement, le tout à peine de confifca- tion des Vaifleaux & marchandifes de ceux qui iront autre- ment, applicable au profit de ladite Compagnie ; Grand Maî- tre de la Navigation &: commerce, & fes Succefleurs en ladi- te charge, ne donneront aucun congé pour aller aufdites Ifles, flnon à fadite Compagnie, laquelle s’intitulera d’orefnavant la Compagnie des Isles de l’Ameriqve. XI. Et pour convier Iefdits fujets de fa Majefté à une fi glo- rieuie entreprife, & fi utile pour l’Eftat, ladite Majefté ac- cordera que les defeendans des François habituez efdites Ifles, & les Sauvages qui feront convertis à la Foy &en feront pro- fellion , feront cenfez ôc reputez naturels François, capables de toutes charges , honneurs, fucceflions , donations , ainfi que les Originaires &c Regnicoles, fanseftre tenus de prendre Let- tres de déclaration ou naturalité. XII. Et d’autant que le principal objedt des Aflociés & de ceux qui fe pourront aflocier, eft pour la gloire de Dieu & l’hon- neur du Royaume, fa Majefté déclarera que les Prélats & au- tres Eclefiaftiques, les Seigneurs & Gentils-hommes, & les Officiers, foit du Confeil de fa Majefté, Cours Souveraines, ou autre qui feront aflociez, ne diminueront en rien de ce qui eft de leur noblefle, qualitez, privilèges & immunitez. I. Partie. G so Eftablijfement des François x n l Que les artifans qui paiTeront efdites Ifles, 5c y fejourneronE pendant fix années confecutives ,5c y exerceront leur meftier, foient reputez Maiftres de Chef-d’œuvre, 5C puilfent tenir boutiques ouvertes en toutes les Villes du Royaume, a Iare- ferve de la Ville de Paris, en laquelle ne pourront tenir bou- tique ouverte que ceux qui auront demeuré 5c pratiqué leur meftier efditçs ifles pendant dix années. X I V. Et que s’il arrivoit guerre Civile ou Eftrungerequi empef- ehât lefdits AfTociez d’executer ce à quoy ils font obligez par les prefens Articles , il plaira à fadite Majefté leur prolonger le temps pour l’execution d’iceux. XV. Et au cas que lefdits AfTociez manquaient en quelque poinét à ce à quoy ils s’obligent, fadite Majefté pourra donner liber- té à toutes perfonnes de trafiquer efdites Ifles , 5c difpofer des terres non occupées par ladite Compagnie, ou autres Fran- çois ayant droit d’eux, ainfi qu’il Iuy plaira, fans que lefdits AfTociez puiffent eftre tenus d’aucun dommage & intereftpour le deffaut d’execution. XVI. vSa Majefté fera expedier 5c vérifier és lieux qu’il appartien- dra, toutes Lettres neceflaires pour l’entretenement de ce que deflus ; 5c en cas d’oppofition à ladite vérification, fa Majefte s’en refervera la connoifTance à foy 5c à faPerfonne- Ce faiét 5c accordé 5c accepté en l’Hoftel de mondit Sei- gneur le Cardinalà Paris, rue Saint Honoré, l’an 16 35. le Lun- dy douzième de Février apres midy, 5c ont mondit Seigneur le Cardinal de Richelieu &le Sieur Berruÿer, ligné la minute des prefentes, demeurée audit Parque Notaire. Le lendemain treiziéme Février , Monfieur Berruyereftant venu rendre compte à la Compagnie , qui s’eftoit extraordi- nairement afTemblée, de fa négociation du jour precedent, çes Meilleurs propoferent quantité d’ Articles entre eux pour rendre le reftabliftement plus durable : les uns furent agréez, les autres furent rejettez; enfin apres une longue de- aux lAnt-Ijles de l'Amérique. 51 libération, la Compagnie s’arrefta aux Articles fuivans. Articles accordez, entre les AJfociez, de la Com- pagnie des îjles de l’ Amérique. POur le reftabliffement de la Compagnie de lllle de Saint Chriftophe, & Ifles adjacentes, contra&ez cy- devant en- tre nous, ou ceux defquels aucuns de nous ont droit dés le mois d’Oétobre i<,26. qui eft comme abandonné, au moyen de ce qu’aucun defdits Affociez ne s’eft donné le foin d’y penfer: joint que les Commilïions accordées à la Compagnie n’eftoient fuffilantes pour l’obliger de s’y appliquer ferieufement, nous avons eltimé qu’il eftoit à propos d’obtenir de fa Majefté , de nouvelles & plus grandes Concédions & Privilèges , ce que Monfeigneur le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftre, & Sur-Intendant de la Navigation & Commerce de France, nous ayant accordé au nom delà Majefté ,& fous fonbonplai- fir , pour empefcher qu’à l’avenir ladite Compagnie ne déchée encor faute de foin & bon reglement, nous avons accordé en- tre nous les Articles linvans, à Texecution defquels Nous nous fournies fournis & y avons obligez les parts & portions que cha- cun de nous a en ladite Compagnie. PREMIEREMENT. Nous avons advifé qu’il y aura d’orefnavant quatre Di- re&eurs de ladite Compagnie &: Société, qui auront le foin entier maniement des affaires d’icelle , tant es Ifles de l’A- merique qu’en France, avec plein pouvoir de nommer les Com- mis, Fadeurs, Efcrivains , leur donner les ordres neceffaires à garder, tant efdites Ifles, que dans les Ports, &: Havres de France, pour la réception, voiture, vente, ou troque des marchandées de la Compagnie : pourront traiter avec les Ca- pitaines Maiftres de Navires, pour paffer efdites Ifles de l’A- merique, &: nourrir les perfonnes que ladite Compagnie y voudra envoyer, ou en faire revenir; & pour le fret des mar. chandifes de ladite Compagnie, ne pourront toutefois lefdits Dire&curs obliger la Compagnie que jufqua la concurrença Eftallijfement des François du fond d’icelle, ny rien ordonner, qu’ils ne foicnt du moins deux pour ligner les Ordonnances. IL Que tous les premiers Mercredis des mois , lefdits Diredeurs s’alTembleront à deux heures apres midy, au logis deMonlîeur Fouquet, Confeiller du Roy en fon Confeil d’Ellat, l’un des A/rpciez , pour avifer à ce qui fera à faire pour le bien de la Compagnie; à laquelle alfemblée tous lefdits AlTociez fe pour- ront trouver , fi bon leur femble, pour fçavoir les affairesqui s’y propoferont, bc en dire leur advis. m. Qffjl fera faite une alfemblée generale de la Compagnie tous les ans, le premier Mercredydu mois de’ Décembre apres midy, au logis dudit Sieur Fouquet, où tous lefdits AlTociez feront obligez de fe trouver, ou envoyer leur Procuration à Tun des AlTociez, & non à d’autre, pour apprendre des Di- redeurs, ce quife fera palTé pendant le cours de l’année, con- cernant ladite Société, bc pour y propofer ce que chacun ju- gera utile pour le bien de la Compagnie : bc les AlTociez qui ne s’y trouveront, ou n’envoyeront leur procuration , ne laif- feront d’eftre obligez aux refolutions qui auront ellé prifes en ladite Allèmblée generale. IV. Que tous Iefdirs AlTociez éliront domicile en cette Ville de Paris, auquel ils puiffent ellre avertis de fe trouver aux affem- blées extraordinaires qu’on pourra ellre obligé de faire , pour pourvoir aux affaires d’importance , fi aucunes fur viennent pen- dant le cours de Tannée. V. Que tout ce qui lèra propofé efdites Affemblées generales Ou particulières, fera décidé par la pluralité des voix des Affo- ciez qui s’y trouveront; &le Secrétaire de la Compagnie tien- dra regiftre des refolutions , qu’il fera ligner aux Diredeurs qui y auront affilié. V I. Ceux qui auront manié les affaires de ladite Société & biens d’icelles, tant du paffé que pour favenir , foit efdites Mes ou aux -Ant-IJles de F Amérique. jj en France , feront obligez d’en envoyer l’eftat ou compte aux Directeurs , lors qu’ils le demanderont, pour enarreiter la re- cepte & dépenfe , en leur affemblée des premiers Mercredis d’un chacun mois ; & pour le reliquat defdits comptes , la Com- pagnie en rAffembléeJgenerale en ordonnera. Comme auffi ladite Compagnie fc referve de nommer les Capitaines des Ifles, cfquelles on eftablira Colonie, les Capi- taines des Navires, quelle aura en propre; & les Officiers de Iuftice, qu’il conviendra eftablir efdites Ifles: &c de faire les Traitez & Concédions à perpétuité ou à temps, d’aucune déf- aites Ifles. VIII. Qrf efdites AfTemblées generales du premier Mercredy dit mois de Décembre de chacun an, ce qui reviendra de bon des marchandifes vendues, les frais préalablement payez, fe- ra partagé entre les AfTociez , félon les parts & portions qui appartiennent à chacun de nous en ladite Compagnie , fi par ladite Affemblée autrement n’en eft ordonné. IX. En ladite Affemblée generale du mois de Décembre, ilfera nommé par chacun an deux nouveaux Directeurs, en la place de deux des quatre anciens: Et apres que les quatre, qui fe- ront cy-apres nommez , auront eftê changez , les deux plus an- ciens des quatre feront tousjours changez , s’ils ne font nora-‘ inez de nouveau pour deux autres années. X. Ladite Compagnie nomme pour Directeurs jufqu au mois de Décembre prochain, les Sieurs de Guenegaud, Confeillerdu R oy en fon Confeil d’Efht & T reforier de fon Efpargne ; Mar- tin Sieur de Maunoy , auffi Confeiller du Roy en fon Confeil d’Eftat; B ardin Confeiller audit Confeil, & Prefident en la Chambre des Comptes de Bourgongne; & Berruyer Efcuyer Sieur de Manfelmont, Affociez de ladite Compagnie. ' xr. Et en cas que par cy-apres il arrivât telle perte à la Compa- gnie ( ce qu’à Dieu ne plaife ) qu’il fut neceffaire de faire un G iij 54 Efiablijfement des François nouveau fond , ii fera loifible à ceux qui ne voudront contri- buer leur cotte part, de renoncer à la Société ; & ce faifant ils perdront leur part de la propriété defdites Ifles , ôt des mar- chandifes, & autres chofes qui feront en icelles, mefme des Vaiffeaux , fi aucuns y a, qui appartiennent en propriété à la Compagnie ; prendront neantmoins leur part des marchandes & effeds de ladite Société, qui feront lors en France. XII. Aucuns des Aflocicz ne pourra prendre fa part desmarchan- difes en efpece, &. feront toutes les marchandifes vendues en Commun au profit de la Compagnie. xm. Aucun de nous ne pourra vendre la part qu’il a en la Société, à autre qu’à l’un des Affociez ; & en cas qu’il la vende à un autre que de la Compagnie , il fera au pouvoir de la Compa- gnie de rembourfer celuy qui l’aura achepté , du prix qu’il en aura donné , ou de le recevoir dans la Compagnie , s’il Iuy eft agréable. Sera neantmoins permis aufdits Alfociez, d’afiocier à leurs parts telles perfonnes que bon leur femblera, fans que , que pour ce lefdits Sous-Aflbciéz puiflent avoir entrée és af- femblées de la Compagnie , ny voix délibérative. XIV. Arrivant le deceds d’aucuns de nous, les Vcufves & Heri- tiers feront obligez de déclarer dans deux mois du jour du de- ceds , s’ils entendent renoncer à ladite Société , ou la continue r; &: en cas de continuation , de nommer quelqu’un au lieu du deffunét , qui foit agréable à la Compagnie, lequel n’aura en- trée és Alfemblées, qu’apres avoir fait enregiftrer fon pouvoir par le Secrétaire de la Compagnie , de l’Ordonnance des Aflo- ciez: Et en cas de renonciation, lefdites Veufves & Heritiers pourront prendre leur part des effeétsde la Societé'qui feront en France ; & pour le furplus , tant la part qu’ils auront en la propriété defdites Ifles , marchandifes qui y feront , bt V aif- feaux qui appartiendront à ladite Compagnie , par le moyen de ladite renonciation , retournera au profit de ladite Compa- gnie -, bc jufqu’au jour de ladite renonciation, ou acceptation, & nomination d’une perfonne, tout ce qui aura cffcé fait par aux Ant-Jfies de l* Amérique. 55 l’AlTemblée, ou Direéteurs, aura le mefme effeét que s’ils y a voient donné confentement. XV. Aucuns Créanciers des AiTociez, ne pourront demander compte des effets de la Société, ny pourfuivre la Compagnie, ny les Direéteurs par Iuftice ; ains feront tenus fe contentér de la clolture des comptes, &: de recevoir ce que pourroit fai- re leur Debiteur, fans eltre admis à diltraire le fond, ny pré- tendre entrée en la Compagnie , pour affilier à l’examen des comptes, qui ne feroient rendus. XVI. Lefdits AiTociez fe refervent la faculté d’ajouter d’autres Ar- ticles ou d’en changer, félon qu’il fera jugé avantageux à la Compagnie, par la pluralité des voix des AiTociez. Fait à Paris ce treiziéme de Février 1635. Signé Fouquet, ayant charge de Moniteur le Cardinal Duc de Richelieu, en mon nom} de Fleçelles, Martin, tant pour Moniteur le Com- mandeur de la Porte, que pour moy; de Guenegaud, tant pour la part de feu Moniteur Marion, que pour moy; Bardin; Berruyer; Morant; Cavelet; tant pour Moniteur de Cauville que pour moy; Launoy Razilly; Pradines Ceffionnaire de la moitié de la part de Madame la Marefchale d’Effiat; & l’Avo- cat. La minute elt demeurée vers Confiner, l’un des Notai- res fous-figncz. La Compagnie obtient un Arrefi du Confeil d'Eflat , & des Lettres Patentes de fa M.ajeflê , qui confirment lefdits Articles > elle envoyé un grand renfort a Saint Chnfiophe , avec des RR. PP. Capucins. §. 11. LA Compagnie avoitveu par de trop fenlibles expériences, que toutes les affaires de la Colonie s’eftoient ruinées, faute d’une perfonne particulière qui s’y attachait, ÔC qui en Eflablijfsment des François Pjfit le foin ( e fiant bien difficile qu’une Compagnie compofée de tant deperfonnes de qualité s’aifemblait dans mille rencon- tres particulières où il falioit agir. ) Pour ne pas tomber dans le mefme inconvénient; & pour ne pas rendre cm reitabliiïe- nient delà Compagnie , aulli inutile qu’avoir e fié fon eilablifi- foment, pour lequel elle avoit empîoyé'des foaimes confidera- blés, elle nomma quatre Directeurs, dont Moniteur Berruyer a tousjours eilé comme le Principal. C’eit pourquoy avec fou Eminence , ils ne s’appliquèrent plus qu’à le faire vérifier; ilsne le voulurent pas prefenter au Parlement, foit qu’ils en appre- hendaifentles trop grandes longueurs, qui font fou vent la ruine des plus belles entreprifes, foit qu’ils craigniiïent qu’il n’y ap- portait trop de difficulté. La Cour eilant pour fors à Senlis où le Confeil l’avoit En- vie, Monfieur Berruyer y fut, &: par le moyen des recom- mandations puiifantes qu’il avoit de Monfieur le Cardinal, il en obtint fans peine cét Arreil de vérification. Extrait des Registres du Confeil d’Efiat. VE v par le Roy eftant en fon Confeil, le Contraét paifê par Monfieur le Cardinal de Richelieu, Grand Maiflre, Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation & Com- merce de France, au nom de ia Majefté, ayec le Sieur Ber- ruyer, tant en fon nom que des autres Aifociez de la Compa- gnie des Mes de l’Amerique, le douzième Février de lapre- fente année, pardevant Guerreau & Parque, Notaires au Cha- flelet de Paris, par laquelle entre autres chofes, ledit Sieur Cardinal , au nom de fa Majeilé &fibus fon bon plaifir, accor- de à ladite Compagnie aux charges & conditions appofées au- dit Contraét, la faculté de continuer la Colonie de fille de Saint Chriilophe, d’eilablir des Colonies aux autres Iiles de l’Amerique, depuis le dixiéme jufqu’au vingtième degré delà ligne Equinoétiale; le pouvoir de confiruire des Forts efditcs Iiles; la propriété defdites Iiles en toute Iuilice & Seigneurie; la. permiffion de faire forger toute forte d’armes; déménager, améliorer, &: diftùbuer les terres, à telles conditions que la Cam- aux Ant-Ifies de l' Amérique. y Compagnie avifera; mettre des Capitaines &c gens de guerre dans les Forts; Ô£ pendant vingt années le trafic efdites Ides à l’exclufion de tous autres fujets de fa Majeflé, fi ce n’eftdu confentement de la Compagnie, à peine de confification des Vaiffeaux& marchandifes au profit de ladite Compagnie :que les Affociez &: autres qui s’afiocieront à ladite Compagnie, de quelque dignité, qualité, & condition qu’ils foient, ne dimi- nueront en rien de ce qui eft de leur nobleffejdignitez ,qua- litez, privilèges, prerogatiues, & immunitez: que les Artilans y acquereront Maiftnle. Le Roy efiant en ion Confeifara- tifié, confirmé, &: validé ledit Centrait du douzième Février dernier, veut & entend qu’il forte ion plein &: entier effeét, & que les Affociez de la Compagnie des Illes de l’Amerique, & autres qui s’y affocieront à l’avenir, leurs Hoirs & Succefi- feurs &c ayant caufe, joiiiffent du contenu en iceluy. Ordon- ne fadite Majeftc ,qua cette fin toutes Lettres neceffaires leur feront expédiées en vertu dudit prefent Arreft. FaitauCon- feil d’Ellat, le Roy y effcant, tenu à Senlis le fiuiétiéme iour de Mars 1635. Siqgé , Bouthiüier . Lettres Latentes de fa Ma je fié en forme de Com- mifiion , portant vérification du Contra ci de refiahliffement & de fies Articles . LOvyS PAR LA GRACE DE DlEV, Roy DE FrANCE et de Navarre.- A tous ceux, &c. falut. Le deffein que nous avons de reltablir le Commerce de la Mer , ne fe pouvant mieux executer que parles Societezqui fe contractent à cét effeét ,• les particuliers 11’eftant capables d’entreprifes des voyages de grande dépenfe, 5 c encor moins de conduire des Colonies de nos fujets en des terres éloignées; nous oblige de favorifer les Compagnies qui fe forment pour aller à la Mer, autant qu’il nous eft pofiibîe; Sc efperant que la Compagnie des Ifles de l’Amerique pourra réülîir à quelque chofe d’avan- tageux pour le bien de I’Eftat : par noftre Arreft de ce jour, nous avons ratifié , confirmé , & validé le Contraét paffé pour I Partie. H 5$ EJlabliJfe ment des François cét effeét fous noftre bon plaifir, par noftre tres-cîier & amê coufin le Cardinal Düc de Richelieu, Pair, Grand Maiftre, Chef, & Sur-Intendant General de la Navigation & Com- merce de France, cy-attachéfous le contrefeel de noftre Chan- cellerie, voulons & nous plaift qu’il forte fon plein 6c entier effed, èc que les Aflociez de ladite Compagnie , & autres qui s’y aftocieront , leurs Hoirs, Succefleurs, & ayant caufe,joùif- fent du contenu en iceluy. si donnons en mandement ànoftredit Coufin le Cardinal Duc de Richelieu, & à tous nos Officiers de la Marine , 6c autres luges quelconque , que du contenu au- dit contrat, ils faffenr joüir & ufer pleinement &paifiblement ladite Compagnie des Ides de Y A merique , faifant celTer tous troubles 6c empefehement generalement quelconque , & à tous Huiffiers 6c Sergens, de faire tous exploits neceftaires en vertu des Prefentes, nonobftant clameur de Haro Chartre Nor- mande, & autres chofes à ce contraires'. Car tel eft noftre plai- iir. Donné à Senlis le huiétiéme iour de Mars 1 635. & de nô- tre Régné le vingt-cinquième. Signé Louys , 6c fur le reply, de par le Roy , Bouthiüier , 6c fcellé du grand fceau de cire jaune. le n’ay pu fçavoir le détail du fecours qui fut envoyé à Saint Chriftophe, par les Seigneurs de cette Compagnie reftablie, depuis ce nouveau Traité j mais il y grande apparence qu’il fut confiderable, 6c qu’on leva beaucoup de monde à Dieppe 6c au Havre de Grâce. Les Seigneurs de la Compagnie fe voyant tous les jours en peine de trouver des Aumofniers à gage, pour la confolarion fpirituelle 6c l’édification des habitans de la Colonie, cftoient contraints de prendre les premiers Preftres qui feprefent oient à eux pour ce pauvre pays, encore eftoient-ils fi rares , qu’ils n’examinoient pas s’ils avoient les qualirez requifes pour un fi digne employ. Pour aller jufqu’à la racine de cernai, & pour témoigner à fa Majefté qu’ils fiiivoientfes pieufes inclinations ( la principale intention du R oyeftant qu’on travaillât àeften- dre la Religion Catolique, Àpoftolique, 6c Romaine, 6c qu’on en infttuifit les Sauvages ) 6c pour faire voir aux habitans le grand foin qu’ils prenoient de leur confolation , ils crurent qu’il aux Ant-Ijles de t Amérique. 59 n’y avoit point de gens plus capables pour fe bien acquitter de ces pénibles &C importantes fondions que les Religieux; c’eft pourquoy la Compagnie pria le R. P. Provincialdes Capucins de Normandie, de luy donner de fes Religieux pour envoyer à Saint Chriftophe. Le fort tomba heureufement fur les RR. PP. Ierome, Marc, &: Pacifique, & fur quelques autres dont jenefçay pas les noms , qui pafierent avec ce renfort que la Compagnie envoyoit à Saint Chriftophe. Ces bons ouvriers de la vigne de Dieu y travaillèrent avec beaucoup de fuccezpar leurs ferventes Prédications & par leur vie exemplaire : & cette gloire leur eft deue, qu’ils ontefté les premiers qui ont prefché l’Evangile à Saint Chriftophe : Car les Preftres, qui y faifoient la fondion d’Aumofniers auparavant , fe contentoient de dire la Méfié &: d’aftifterles malades. Ils bafiirent un petit Convent proche la grande Montagne , à lafa çon du pays , avec des fourches & des feüilles de palmiftes , & un autre prés de l’habitation de Monfieur d’Enambuc, & ils y ont travaillé juf- ques à leur fortie comme de véritables Apoftres. L’on y envoya un luge , appelle le Sieur Boitier , duquel on difoit communé- ment aux Ifles, quil jugeoit les procez à cheval. En cemef- me temps les habitans receurent un fecours tres-confiderable; Le Capitaine Pitre cotté ayant fait une riche pnfe de quanti- té de Negres fur les Eipagnols, il les amena vendre à Saint '> Chriftophe, avec ce puifiant fecours d’Efclaves. L’Iflecomman- ça à changer de face, les habitans croilfoient en nombre , elle fe découvroit en divers endroits , il s’y faifoit d’excellentes marchandifes , & en quantité, la Compagnie tiroir des four- nies confiderables de fes droits; & bien quelles n’égalafient pas encor les frais quelle avoit avancez, & qu’il luy falloit faire pour mettre PJ lie dans fa perfedion; il y avoit lieu d’efperer, qu’elle en rccevroit un jour plus de profit, quelle n’en retiré en effed. a Effabliffe ment des François ififi Grand démejlé entre les deux lSfations , appelle communément le different du Figuier : où Mon- fieur d’Enambuc contraignit les Anglois de ren - dre aux n offre s les terres quils avoient ufùr- pées. §. il r. PEndantque toutes chofes fembloient contribuer àlaprolpe- rité & à la gloire de nqftre Colonie , il arriva une con- tellation entre les deux Nations , qui penfa faire nâger toute l’Ifle dans des fleuves de fang. En voicy le fujet. Il y avoit lur le bord de la Mer, au quartier de la pointe de Sable , un Fi- guier d’une grandeur demefurée, qui fervoit comme d’une borne vivante pour feparer ces deux Nations de François d’Anglois.Il fe trouva par fucceflion de temps que ceux-cy tirant leur alignemens de ce Figuier jufqu’au cinquième efiage, avoient fi bien gauchy, qu’ils avoient empiète plus de deux cent cin- quante habitations fur le partage écheu à nos François. Moniteur d’Enambuc qui avoir trop de cæur pour fouffrir cette ufurpation, fit alfembler fon Confeil, dans lequel outre fe s Officiers j il fit entrer Monfieur Boitier luge, le Sieur de Bonnefoy Procureur Fifcal, le Sieur le Merle Commis des Seigneurs de la Compagnie, & quelques autres des plusconfide- rables de 1’Ifle. L’affaire ayant efté mife en deliberation , 2c meurement confiderée dans fes circonflances &c dans fes fuites dangereufes, on refolut d-3envcyer les Sieurs de Bonnefoy 2c le Merle vers le Capitaine Vvaërnard ,qui commandoit la Co- lonie Angloife, pour le prier civilement de rendre aux Fran- çois,les terres que les liens avoient inj uftemet empietéts fur eux. Ces députés s’acquiterent courageufement de leur Commif- fion , ils preflerent l’Anglois fur l’inévitable neceflité de trou- ble, de maffacre & de confufion où il alloir mettre fille, s’il refufoit de reftablir les François dans la poffeflion des ter- res qui leur effoient éefieues ; mais ils le trouvèrent fi aheurté aux Ant-IJles de [‘Amérique. 6 1 à fe maintenir dans cette uliirpation, 5c fi relbiu de sexpofer plûtoft à un combat deffinitif, que de relâcher de ce qu il avoir pris, qu’ils n’apporterent à F Alfemblee qu une trifte rêponfe, qui eftoit le prefage d’une cruelle guerre. Sur leur rapport, Moniteur d’Enambuc commanda auffi-toffc à tous Tes habitans de prendre les armes-, il dépêcha un de les Officiers à Moniteur de l’Olive Ion Lieutenant , avec ordre d’en faire faire autant à ceux de Ion quartier. Il enjoignit en- fuitte à tous les Maiftres desCafes qui avoient des Efclaves Mores, de les envoyer avec un flambeau de rofeaux à la main, ôc un grand coutelas dans l’autre, pour aller par les Montagnes fondre fur les habitations des Anglois 6c y met- tre tout à feu ôc àlang, pendant que nos François feroientaux prifes avec eux. Au premier lignai, chacun fe rendit fous fon Drappeau, les RR.. PP. Capucins ne purent abandonner ce cher troupeau, ils marchèrent avec les troupes, l’un d’eux portant une gran- de Croix , ôc les autres animant le peuple à bien combattre contre des herctiques , qui ne les haïflbientque par 1 antipatio de leur Religion. Les Corps de Gardes ayant elle renforces, nos deux Commandans marchèrent en fort bel ordre vers les frontières des Anglois, qui de leur part seftoient mis en e- fenfe , relolus de fe bien battre ôc de le rendre feulS les maî- tres de toute l’Ille, par la défaite entière des François, qui leur fembloit d’autant plus aifée, qu’ils eftoient quatre contre un, s’imaginans les vaincre par leur nombre. LesNegres Efclaves qui eftoient bien au nombre de cinq ou lîx cens, conduits par des Officiers François, gagnèrent le haut des Montagnes, bordèrent les lizieres des bois, quitre- gardoient les habitations des Anglois, ôc parurent auffi effroya- bles que des démons avec leurs ferpes Iuifantes ôc leurs flam- beaux allumez, menaçant de mettre le feu par tout,ôcdemaf- fàicrer ceux qu’ils verroient s’enfuir , pour éviter les flammes. On les avoit encouragez à bien combattre, fous 1 efperance de leur donner la liberté, pour reconnnoilfance du bon fer vice qu’ils rendroientà la Colonie danscette rencontre, oùil s agil- foit de fon eftabliffementoude fa ruine. Si Ejiablijfement des François Cependant Monfieur d’Enambuc pour ne rien oublier des formalités de la guerre, envoya fommer le Capitaine Vvaër- nard qu’il eut à rendre aux François, fans différer, les terres que ceux de fa nation avoient empiété fur eux. Il tint eon- feil , Se il cft à croire que la genereufe refolution des noftres l’épouvanta, parce qu’il dépefeha auffi-toft le Miniftre Iachon & quelques Officiers àMonffeur d’Enambuc, pour traiter avec luy d’accommodement. Monffeur d’E nâmbuc refufa de les en- tendre, Se leur fit dire que fi leur Capitaine General vouloir venir en perfonne fous le Figuier , dont il eftoit queftion , il ccouteroit fes propofitions, Se qu’à moins qu’il y vint en per- fonne, fes Compagnons Se luy efloient prefts à donner. Aces menaces , qui euffent infailliblement effé fiiivies de leur efFeét, le Capitaine V vaërnard fe rendit fous le Figuier, accompagné des principaux de fa nation Se de fes Officiers. Monfieur d’Enambuc fàlüa ce Gouverneur avec une fierté qui têmoignoit le reflentiment qu’il avoit de cet outrage , puis paf. fant du coffé des Angiois , il ficha dans terre une greffe can- ne qu’il tenoit à fà main, Se monftrant fon alignement vers la Montagne, il luy dit, par le corbleu , c’effoit fa façon de jurer, zen veux avoir parla, ce qui luy fut accordé fans conteftation. Les Angiois font trop fiers pour eeder fi facilement leurs pré- tentions,* mais ils furent forcez à cela par la terreur que les Negres j etterent dans l’efprit du petit peuple Se des femmes Angloifes, qui furent tellement effrayées de l’abord decesEf- daves, qu’on n entendoir par tout chez les Angiois, que cris Se que lamentations, tout y eftoit en larmes Se en defordre. Se le Capitaine Vvaërnard ne vit point d’autre expédient de raffeurer ces femmes Se fes foldats , qu’en accordant fans delay à Monfieur d’Enambuc tout ce qu’il demandoit. Le Figuier qui contient un grand tour, demeura tout entier aux Fran- çois, jufqu’à la grande Montagne, Se ainfi les François re- couvrèrent par leur courage plus de terres qu’ils n’en avoient perdu. L*accommodementfut fait Se ligné fous le Figuier. Nos Fran- çois y creuferent un puits, qui fut nommé pour ce fujet le puits 4e f accommodement delapomte de Sable. Les eaux en furent trou- aux Ant-IJles de /’ Amérique, 6$ vées fi bonnes que les Navires en rapportent en France fans au- cune corruption, 8c mefme on la trouve auffi bonne a Dieppe, apres un fi long trajet , que celle des fontaines. Les deux Gouverneurs 8c leurs Officiers beurent les fancez des Roys de France 8c d’Angleterre, 8c on fit des réjoüiflances publiques dans les quartiers de chaque Nation. Lvnion sellant eftablie par cette paix , les François 8c les Anglois recommencè- rent à trafiquer les uns avec les autres, àfe vifiter, 8c à traiter fi familièrement enfemble , que nos François qui avoient pour lors fort peu de femmes en leurs quartiers , emmenoient libre- ment chez eux les femmes des Anglois. On a parlé fort diffé- remment de ce deteffable commerce, les uns ont dit que les Fran- çois ufoient de force, 8c qu’ils alloient à main armée enlever les femmes 8c les filles de leurs voifîns,qu’ils leurs renvoyoient apres avoir affouvi leur brutales pallions; d’autres m’ont affeuré que les Anglois effoient eux-mefines fi lâches que de preffer leurs femmes 8c leurs lervantesâ nos gens pour quelque bon repas ou pour quelques marchandifes. Ma penfée eft qu’il y avoit autant de faute du cofté des uns que des autres ; l’humeur boüillante des François leur a fait quelquefois ufer de violence , mais la lubrici- té honteufe des Angloifes eftoit la principale caufe de ce deregle- ment, elles venoient effrontément chez les François, & on en a veu apres avoir demeuré les 15. 8c les zo.j ours chez des Officiers, s’en retourner impunément chez elles , difant impudemment que leur maris effoient des lâches, 8c qu’ils feroient trop heureux de les recevoir fans leur ofer rien dire. Ce defordre fcandaleux auroit indubitablement caufe une nouvelle guerre, fi les RR. PP. Capucins, à quiles Anglois fe plaignoient de ce déreglement, n’y euffent apporté le reme- de , faifântdeffendreparM.d’Enambuc, à tous les François de la Colonie , d’arr effet 8c de retenir aucune femme Angloife dans leur Café , fous peine de la vie. ' La Colonie s’augmentoit tous les jours par le commerce 8c la fréquentation des Navires François 8c Hollandois qui amenoiet quantité de nouveaux habicans , ôc quelquefois des efclavcs Mores, qu’ils alloient achcpter en Guynée, ou qu’ils prenoient iur les Efpagnolslelong des coffes du Brcfil; Ec comme ces Negres t 6\ Eflablijf ? ment des François \ fidk. font toute laforce Sdaricbefle des Illes, la Compagnie en retiroir déjade grands revenus. EnfinHflefe trouva fi peuplée, que fon: prit refolution de faire de nouueaux établiflemens dans les Mes voifines. Moniteur de l’Olive Lieutenant de Moniteur d’Enam- buc , entreprit celuy de la Guadeloupe , que nous allons dé- crire. TE ne fçay fur quels mémoires Moniteur de Rochefort a écrit , que les premiers d’entre les François qui occupèrent L’ijle de la Gua- efté communiquez par Meilleurs de la Compagnie, je trouve que ces Marchands de Dieppe , n’ont jamais traitté de l’établilFe- mentdela Colonie, & que le traitté qu’ils fifent avecMeilteurs de l’Olive & du Pledis , regardoit feulement le trafic ; auffi tous les Gouverneurs qui ont commandé dans cette Ille, ne l’ont fait qu’au nom des Seigneurs de la Compagnie de Paris , & en vertu des Commilfions quelles leur avoir données c’eft ce qui fe verra ' clairement dans la fuite de cette Hiftoire. Eflablijfement d’une Colonie Françoife dans 11 fie de la Guadeloupe. CHAPITRE IIL Grand \Oceam lSLE DE LA % VADF.I.OVl’l t'cüuce a 16 JDçyre^ dcL at, Septentrional! , loupjjcsl CjrandcP . VE an x Çouyaucs ÇraadeH, (jrand Cfofic 'Islc Jlohilc JR.JaFla B z. Café du Barytuz ~a profitât fo rt&m^à Saincte jQric aurfs Petite Saline latte lui ni orna ^yfnca a ta baratte u A ?• Jef^k - a|M Pointe des vieux habituas Ccmuent des Pc res (Jacob iïïs — -4 Petite riutcrc Çrand. Carlctr EA Js B. dOrasupi fft Première Saline ~ Forf-JeLl JijijJe gjj laine ° onuent des Porcs ^ 'tlacclins, . du. trou au Chien PetitForC^ I.alax\ \iChe „ _ J ^^Fort S. P terre E 1 ■** d Chrflof^ | ^ABES, ^ ^a.aSoul aux Ant-Jfes de ï Amérique. 65 Monfieur de l'Olive vient en France , pour ob- tenir Commifsion d'habiter l'IJle de la Gua- deloupe. // ajfocie Monfieur du P lefis , Gr ils pajfent con jointement un Contrat avec les Sei- gneurs de la Compagnie . §. 1. Bien que l’Experience des miferes qui avoknr accompagné rétablilfement dans l’Ifle de S.Chriftophe,& les fautes qu’on y avoir commifes, deufïent rendre Monfieur de l’Olive, plus circonfped 6c plus avifé , U qu’ayant e-fté témoin oculaire de tous les manquemens qui en avoient penfê caufer la ruine, il fuft obligé de prendre fes mefures fi juftes, qu’il ne tombait point dans les accidens defquels l’on avoit eu tant de peine de fe tirer; cepen- dant , je ne fcais par quel mal-heur il éprouva les mefmes dif- graccs que les precedentes , & fe vid engagé en deplusgran- d es • Ce Gentil-homme, Lieutenant General de Monfieur d’Enam- buc , dans Saiat Chriftophe , & l’vn des plus riches 8£ des mieux accommodez de rifle , ayant refolu de faire un étabhflcment dans quelqu’une des Ifles voifines , bien qu il en eut une connoif- fance parfaite meantmoms afin de n’eltre pas trompé, il achepta vn flibot fur lequel il mit le fiéur Guillaume d’Orange, & quelques autres de fes amis, avec ordre de confiderer exactement les Mes de la Dominique, de la Martinique, & de la Guadeloupe, & de Iuy faire un rapport fidele, de celle qu’ils jugeroient la plus propre pour y établir une Colonie. . Le fieur d’Orange fort expérimenté en ces fortes d affaires, ayant confidences trois Mes avec toute l’exaditude pofhble, Iuy rapporta que la Guadeloupe Iuy fembloit la plus facile, & la plus commode pour habiter. N ~ . Sur cette R elation s’eltant embarque pour la France , a deflein Obtenir des MelTieurj de U Compagnie une Commiffion pour J. Partie- ~ 66 Efiabltjfement des François l'établi fiera eut qu’il avoitrefolu,ilarrivaà Dieppe fur la fin de l’année 1Ù34. où il fit rencontre d’unbrave Gentil-homme nom- mé du P le dis , qui avoit fait le voyage de Saint Chriftophe, avec Monfieur de Cufac en i 619. Ce Gentil-homme qui effoit fur le point d’y retourner avec des hommes & des marchandifes pour s’y établir , entendant parler Monfieur de l’Olive, de l’Ifle de la Guadeloupe, dont il rele voit la beauté, & la fertilité, par deffus celle de toutes les autres Mes , s’engagea avec luy pour fon entre- prife,& s’offrit d’eftre le côpagnon de fa fortune. Monfieur de l’O- live ayant accepté fes offres, ils vinrent enfemble à Paris,où ayant communiqué leur deffein aux Seigneurs de la Compagnie, &: leur ayant reprefente la grandeur , la beauté, & les autres avanta- ges des Mes de la Dominique, de la Guadeloupe, & de la Martinique; Ces Meilleurs qui ne cherchoicnr que loccafion favorable, de faire de nouveaux Eftabliffemens dans les Ant- Mes de l’ Amérique, pafferent un Contrad avec eux, le qua- torzième Février de l’année 1635. & leur firent délivrer une Commifiion, pour commander enfemble dans Fille qu’ils ha- biteroicnt, ou pour commander fêparémenr, s’il ai ri voit qu’ils en habitalTent deux. le n ay pû trouver ny le Contrad, ny la Commifiion , mais feu- lement un Original de l’Extraid de ce Contrad , Ligné de Beau- vais, qui en contient les conditions réciproques que je mets icy. Extrait du Contre et de lu Compagnie avec les Sieurs de l Olive duPleJtts, le 14. Février 1655. La Compagnie promet. 1. DEux mille livres comptant : & trois mille livres en armes qui demeureront à la Compagnie. IL Le Commandement pendant dix années conjoindement ou feparémenr, fi deux Mes font par eux habitées. HI. Preference pour le commandement des Mes voifines , dont ils feront l’occupation. aux Ant-IJle s de t Amérique. 67 IV. Le dixiéme des frui&s que les François receiiilleront dans ladite Ifle. V. La Compagnie ne prendra que foixante livres de petun des hommes qu’ils feront paffer pendant fix années , ou quarante livres de coton quand on ne fera poinc de petun. VI. Lefdits Sieurs de l’Olive &c du Pleffis, feront exempts de tous droits avec vingt quatre hommes, pourveu qu’ils ne foient defdits deux cens. VII. Les Efcrivains Commis n’auront que fcpt valets d’exempts, V I I I. Les Femmes , Filles, &. En fans, ne payer ont rien les fix pre- mières aimées : les garçons à feize ans pafieront pour hommes. IX. La première année , ne fera payé que le vingtième de ce qui aura efté fait de petun, X. Elle leur donne le tiers de fes droiéts fur les mines. Les Sieurs de l'olive & du plcfsis , promettent. I. F Aire paffer dans trois mois deux cens hommes en la Do- minique, Martinique, ou Guadeloupe, s’y loger & for- tifier , & y feront un fort la première année , fi£ un autre la fécondé,. & des magazinî. II. Feront paffer quatre Religieux, ou Preftres } nommez par la Compagnie. III. Sur le dixiéme payeront les Officiers, & fourniront aux Preftres, nourriture, logement, fie ornemens. IV. Pafieront un Commis fie deux Efcrivains s avec deux hommes chacun, ' I ij 6g Ëflabliffemmt des François V. Les cinq années fuivantes , feront pafTer cent hommes cha- cune, en forte qu’il yen aitfix cens: te les quatre autres fùi- vantes cinquante hommes , en forte qu’il y en ait huiét cens, non compris les Femmes te les Enfans. v L Ne pourrontfaire pafTer que des François te Catholiques, & tous feront obligez de fervir trois ans. VII. Ne pourront tirer de rifle de Saint Ghriftophe, que quaram te hommes y compris leurs Domeftiques. VUE La Compagnie y paflera tel nombre deperfonnes quelleavx- fera, aufquels les Sieürs de l’Olive te du Plefsis, donneront terres, logemens, te vivres pendant une année , lefquels n en- treront dans le nombre des huiéfc cens. ÏX. Ne démoliront à la fin de leur temps aucuns Forts, habita- tions, jardins; &laifleront le tout à la Compagnie en bon eftat, X. Tous les Habitans payeront le dixiéme des fruiéts , autre qu4 du petun te coton. XL Apres fix années, les quatre fuivantes lefdits hommes paye- ront cent livres de petun, ou cinquante de coton, te le dixiè- me des autres marchandifes. XI L Le petun ne fê fera continuellement , te particulièrement les quatre dernieres années , il fe fera alternativement. XIII. Chacun ne pourra faire en un an plus de neuf cens livres de petun. ' XIV. Ne traitteront avec les Eftrangers. XV. Les terres inutiles pendant deux années reviendront à la Com- pagnie feront dilhibuées à des particuliers à cette condition. aux Anf-Ijles de l’Amen que. 6 ? j Ceux qui fe retireront ne pourront dégrader leurs habita- tions, mais feulement les vendre ,ou à de nouveaux venus cic- puis deux mois , ou à d’autres en France, qui y iront dans trois mois. r , v , z. Aux ventes defdites habitations, le dixième fera paye a la Compagnie. ^ y ^ Le Commis aflîftera au Confeil de l’îfle, l’un des Efcn- vains fera le Greffier, qui écrira les noms de ceux qui y au- ront affilié. XVII. Pour le reglement des nouveaux ftabitans &: de leurs terres, bailleront fix livres ( cefi à dire de fétu» ) au Commis ■ quatre à chacun des Secrétaires & pareil droit pour l’cnregiftrement des congez en fortant. 6 xviii. R apporteront dans rifle les Vaifféaux qu’ils fréteront , les mar- -chandifes de la Compagnie, à mefme prix qu’ils payeront des leurs, & particulièrement fi les Navires leur font propres; mais au rifque de la Compagnie. . , Nos deux nouveaux Capitaines qui dévoient recevoir deux mille liurcs comptans, n'e receurent que quinze cens livres, dont ils achepterent quatre pièces de canon de Breteueil , cent moufquets, cent picques, & cent corps de cuirafles, quilsdc- voient -également .partager à leurs gens, a leur ainvee da l’ifle. Cette entreprife neantmoins eftant plus grande que le Sieurs de l’Olive & du Pleffis, ne s’eftoient perfuades, ils lu- rent obligés pour fub venir aux frais, d’affocier a leur Contuét quatre ou cinq Marchands de Dieppe; ils en écrivirent a h Compagnie, qui agréa leur affiliation , 8ten paffa Contrat aux conditions propofées parlefdits Marchands ;1 Original de l’Extraiét figné de Beauvais, que j’ay eu ^ffibien quclepic- cedent, des papiers de feu Monfcur le Prefidcnt Fouquet, porte pour titre. Iüj yo Eftablijfementdes François Extrait du Contrat entre la Compagnie & les Marchands de Dieppe , AJfociez, avec les Sieurs de ly Olive & du F le fis. Les Marchands promettent. t DE faire pafTer à leurs frais deux milles cinq cens François Catholiques, pendant fix années, non compris les fem- mes & les Enfans. Cinquante femmes feront comptées pour hommes; outre celles que le Sieur de l’Olive devoit faire pat- fer, & celles que la Compagnie y aura fait paffer. II. Lefdits deux mille cinq cens hommes feront obligez trois ans, & payeront mefine droiét pendant les me fine s années qu’au Contra# du Sieur de l’Olive. La Compagnie promet. • ï. LE droit de la T raitte à l’exclufion de tous autres , tel que la Compagnie l’a du Roy. ~ II. Ne pourra permettre ladite Traitte , à peine de dix mille livres. III. Pourront lefdits Marchands prendre de leurs hommes aufdi- tes Ifies, vingt livres de petunou coton, pendant ledit temps, outre les droits de la Compagnie. IV. Fera comprendre lefdits Marchands en l’exemption des droits lur le petun, fi elle le peut obtenir. Et voila fans doute ce qui a donné fujet au Sieur de Roche- fort d’écrire que Meilleurs de l’Olive & du Plefils, comman- doient dans llflc fous l’authorité & au nom des Marchands de Dieppe. aux a Ant-IJÏes de l' Amérique. 7i Monfîeur le Cardinal de Richelieu ch oifit le s Re- ligieux de Saint Dominique pour la Guade- loupe 3 le pouvoir qui leur ejl accordé par le Pape. 5. II. MOnfieur le Cardinal de Richelieu 11 ayant pas moins à coeur la con ver lion des Sauvages, & le falut des Fran- çois qui alloienc habiter les Ifles de l’Amérique, que le com- merce qui s’y eftablifloit fous fon authorité , crût qu’il efloit obligé de contribuer également à l’un & à l’autre , & qu’ainli iî ne devoit point Iaiffer partir les Sieurs de l’Olive & du Plef- fis, fans leur fournir des hommes capables de féconder fes bon- nes intentions , par l’exemple de leur vie, de par la fohdité de leur doétrine. Il prefenta pour ce fujet , aux Seigneurs de la Compagnie, les Religieux Reformez de l’Ordre de Saint Dominique, &ces Meilleurs ayant approuvé fon choix; Monfîeur Fouquet eue Commiflion de s’adrelïer au R. P. Carré , Supérieur du Con- vent du Faux-bourg Saint Germain, de duquel il avoir entre- pris rEftabliirement,aydé des liberalitez de Monfîeur le Car- dinal. Ce bon Pere ravy de ce que cette occafîon prefentoit aux Religieux de fon Ordre, le moyen d’agir conformément à leur vocation , deflina pour la Million de l’Amérique les RR. PP. Pierre Pélican, D odeur de Sorbonne; Raymond Breton, Bachelier de Iamefme Faculté; Nicolas Bruchy, de Pierre Gryphon. Le choix de nos PP. pour la Million delà Guadeloupe, fut fans doute l’effed dune Providence particulière de Dieu; cet- te terre fembloit appartenir à l’Ordre de Saint Dominique, & le fang de fes Bien-heureux Enfans qui avoir cûé répandu, ayant eflé comme la femence du ChrifHanifme qu’on y alloit cftablir , ( pour parler auec T ertulien ) il eftoit jufte que le fruit Palma £dei rtïdic. Concert. Te die. ; if: y 2 Eflablijfement des François fût recueilly, par ceux qui avoient fourny la femence. Nos Hiffiv riens nous 'marquent les noms & la Nation de douze Religieux qui furent martyrifez dans la Guadeloupe és années 1603. ôc i^oq.Malpeus parle desfix premiers, en ces termes. Anno Do- mini M- DC. I Il.menfe Decembri: m infula Gvadalvpæ, Sex e nofiris ad Philippinas profici fientes , pro Chrijhfide martyrium confiantes fibiere. Inter quos à P . Petro Caluo lib. i- de lachrymis Pelicon— rventus Valentini, vti & c&teri fubfiquentes , alumnus. CENTIVS Palav. F IoanNEs Martines, natus w Atcm%enft> tenu Ar*go»i*. HYACINTHVS Ci STERNES. F. &c. horum agones, deficripfit. A dm. R. P. F.Ioaknes de N AXA) Natione Aragonenfis, ex oppido de AlqueXyr , tejns oculatus& in focietate Martyrum duabusfagittis vulneraus&c. Exut eius defiriptio i» Archiva Convenus S. Petn Metrtyris Calatayu- bien fis. & le Pcrc Alphonfe Fernandez appuyé de 1 authorite du Chapitre General tenu à Paris en 1611. qui. en fait mention dansfes aftes , faitainfi le récit de la mort des hx autres F. Petrvs M ORENYS, N atione Hifianus , ex oppido Viualva^ delRey , Convenus Segobienfis alumrns, ad vneam Dominijapo- nenfem & Chinenfim excolendam Navigant , m itinere ad InJulam Gv AD A LV FEN s EM, vna cum qmnque fidaltbus Ordinis, Bar - barorum fagittis , annoDomim M.DC. IV. oc cubuit.Chri (liants ver» corpora eorum colUgentibus , caterijque qui meaclaffe vhebantur, tl- lufiria figna apparuerunt, qu & Martyrum fanfhtatem con/picue de- monfbrarent. r ,, _ - . • II y a encore des Sauvages dans fille ae laDomimque, qui fçavent le lieu, où ces Religieux furent martyrifez, & qui ont fouvent affinité au R. P. Raymond Breton, quils ont veu plu, lîeurs fois des lumières en cét endroit. Les RR. PP- deftinez pour l’Amérique, ayant receu la Be- nediaion de leur Supérieur, partirent de Pans, & allèrent at- tendre à Dieppe, le départ de la Flotte, qui dévoie faire voile pour la Guadeloupe. r • . * Cependant Moniteur le Cardinal écrivit au Pape, & obtint de luy un Bref pour la Million de nos Religieux , par lequel £ Sainétçtéj leur commet le foin des Colonies effibhes, au nom aux Ant-IJles de l'Amérique. 7$ & fous la prote&ion de fa Majeftc T res-Chrcftiennc, & les éta- blit Pafteurs , tant des François , habitans de la Guadelou- pe , que des Sauvages qui fe convertiroient ; je me con- tenteray de rapporter icy les faculcez qui y font accordées à nos Millionnaires. Facultates conceffæ à San&ifTimo D. N. D. Vr- bano, divina Proviclentia Papa VIII. Fratn Fetro Feüicano ,& Tribus alijs eius Socijs Ordinis Fredicatorum , deftinatis Mifiona- rijs ad Indos frûtettos a Chnftianifiimo Rege (t adia • 1. A Dminiflrandi omnia Sacramenta , etiam Varochiaha , ex- Jr\^ceptis Confrmatione & Ordine. z. yîbjol'vendi ab H&refi & Schifmate Indos > etiam Relapfos. 3. yébfol'vendi in foro eonfcientia k Cafbus refervatis per quafeum - que Conjlitutiones ^Apojlolicas , & in fpecie per Buttant in C &na Do- mini , miunfhs tniungendis. 4. Dijpenfandi in tertio & quarto fimplici & mixto conftngurnita- tis/vel affnitatis, in matnmonijs contraôhs-, nec non dijpenfandi cum o-entilibus & infdehbus plures vxores habentibus ■> vt pojiernwt con- C retinere pojjint , ni fi prima évoluent converti < ç. Declarandi Prolem leftimam,inpr&fatis matnmonijs de prxteri- to contraEîis , fufeeptam. 6. Dijpenfandi in quacumque irregulantate ex deltcio occulto , pr&- terquam ex homicidio voluntano contracta, & Relaxandi f Jpen fo- nt s quale feumque kReligiofs , fccularibus , vel Rcgularibus, pr&ter- quam ab homme impofitas > & intun£lis tmungendis. 7. Commutandi 'vota fimplici a t exceptisvotisCafhtatis &Relijrionis . 8. Relaxandi iuramenta tujlas ob caufas. 9. Vtendi oleis & Chrifmate veteribus > quando nova de faah ha w bere non potuerwt. I. Partie. ~ 74 Efiablijfement des François 10. Confecrandi Calices , Patenas , & Altaria portatilia , oleo tan* tum ab Epifcopo, benediffio: necnon benedicendi P aramenta , Camélias & cetera qu& ad cultum Dmnum fpeBant. 11. Ce U brandi fliiffa quocumque loco decenti , etiam ftb dto & fub terra ante lucem , & hyeme aut cum Reliquijs, rvelfine, quoi de alijs ait aribu s tnteüigatur. i z. Bis in die celebrandi , ubi neceffitas pojbla'vent , iuxta facros ca~ nones , coram Harcticis ,infdelibus Excommunicatis 3 dummoda minifer non fit hareticus 3 & in cafà necefftatis. 13. Deponendi habitum} vbi necejfitas pojlulavent. 14. Recitandi Rojarium Beatiffmi njirgim, loco Breuiarij , quand & non habuertnt , & les munitions de guerre, ce qui ne palfa pas beaucoup de bruit & fans querelle entre ces deux Capitaines. Moniteur de l’Olive fe plaça à la droiteavec fo" R.P. jours ap J Monfieut de l'Olive ttç baftirun petit Fort, qu’il nommait Fart SamrPin™, P fl 1 avoir pris polïellion de rifle, & aibore les Armes de France U veille de là Fefte. Monfieur du PlelTistint la gauche , fon habitation & celles de fes gens, environ , a trois P°"ees moufquet de fon Compagnon , en eftant fepate pi P-j tite riviere. Horrible famine dont UColonie efi affligée, deux mois apres fon eftabhjfement. §. iv. L faudrait que j’empruntaffe icy ce que miftotien Iofeph A nous a biffé par écrit de la famine horrible qui fit Ç ^ fleurs milliers d'hommes dans IeruCdem, P°“ dm miferes effroyables, où la Colonie Ftançoife fe ™ cdmCC’ 1 7 $ EJlahliJfement des François peu de temps apres Ton dlabliffement , dans rifle de la Guade-é loupe : fi vous n y voyez pas des meres barbares manger leurs propres enfans , & leur donner pour tombeau les mefines en- trailles, où ils ont receu la vie , vous verrez des hommes af- famez, brouter l’herbe comme des belles, manger leurs pro- pres excremens; & fe voyant empefchez de fe procurer quel- que nourriture pour ralfafier leur faim, s expofer volontaire- ment à la feverité des fupplices, aymant mieux finir leurs mi- fei es par la main dun Bourreau, que de traîner plus long- temps une vie que la famine leur rendoit plus cruelle que la mort. On peut dire que les miferes de cette Colonie commencèrent dez le Navire, les, viandes & Iesmoluës elloient toutes pour- ries; &: l’on avoit embarqué fi peu de Cidre, qu’au milieu du voyage Ion fut contraint d’y mettre la moitié d’eau de Mer: ce qui caufa une alteration incroyable à tous les pafiagers , &: une chaleur d entrailles lî violente, que plufieurs en moururent ii-tofit qu’ils furent à terre. Cette cruelle iezine, elH’effeét de 1 avarice des Marchands, & des Commis des V ai!Teaux, qui ne cherchant que leur profit, n’avicaillent les Navires que de ce qu ils trouvent à bon marché, ce qui fait périr la pîulpart -es François qui paflent dans les Ifies: car ces mauvaifes nour- ritures leur corrompant le fang, les fatigues &: les miferes quils fouffrent pendant un fi long trajet, leur font [trouver la mort fi-toll qu’on les a mis à terre. Cette faute de Meilleurs de l’Olive & du Plcflis, fut fuivie d une fécondé qui fit périr plus de la moitié de leur monde. Car les Seigneurs delà Copagnie, dans l’apprehenfio qu’ils eurent,qu’ils ne trouvafient point de vivres, dans les Ifies qu’ils dévoient habi- ter; leur ayant ordonné de palier par Mlle de la Barboude habitée par les Anglois , pour s’y fournir de vivres , &: des chofes necefïai- respour faire fiibfillerleur Colonie, foitque le Pilote ne voulut pas y aller, comme quelques-uns ont dit, foit autrement, il n’y abordèrent pas. Si bien que deux mois apres leur defeentea la Guadeloupe , ils fe trouvèrent au milieu des bois , fans Patates n y Manyoc pour planter, fans poix ôzfansfebvespourlemer: & com- me ils n avoient apporté des vivres que pour deux mois ( qui cfl: aux Ârit-IJles de l'Amerique. 79 un défaut que tous les Etrangers reprochent à noftre nation) nos deux Capitaines Generaux fe virent obligez de retrancher les vivres, & de réduire tous les gens de leur Colonie à une livr e de parte par jour; & la farine ayant manqué , Ianecertiré les ayant obligez de manger de la tortue toute fraiche, fans pain, cette nourriture caulà des flux de ventre, & de iang , qui en fi- rent mourir plufieurs. Ces miferes les obligèrent dallera rifle de S .Chriftophe, pour en rapporter du bois de Patates & de Manyoc pour planter, & de la CaffaveySc d’autres vivres pour foulager leurs gens, en attendant le fecours qu’on leur avoir promis de leur envoyer de Fiance ; on embarquaquelques malades, dans Telperance qu’ils pourroient s’y refaire, mais ils ne Iaiflerentpas de mourir dans l’abondance, aufli bien que leurs miferables compagnons , qui eftoient demeu- rez dans la neceflité. Voyant donc que leurs gens s’affoibliflbient de jour en jour jufqu’à ne fe pouvoir plus foûtenir, ils refolurent de leur per- mettre d’aller fur les Anfes y tourner_des Tortues , dont ils leur avoient deffendu de manger à caufe du flux de fang qu’el- les leur avoient caufe ; mais ces pauvres art'amez ne pûrent s’em- pefeher d’en manger fans diferetion, ce qui leur ayant caufe leur premier mal, plufieurs en moururent, ôdes autres devin- rent fi maigres bc fi décharnez , qu’ils fembloient pluftoft des fquelettes , que des corps animez. le ne fçay de quel aveuglement ces deux Chefs ertoient frappez, car quoy qu’ils euflent pris prétexté d’aller enfemble à Saint Chriftophe pour y chercher, & des vivres & du plan: cependant ils retournèrent à la Guadeloupe aufli peu chargez de l’un que de l’autre ; fi bien qu’il fallut réduire la livre de parte, qu’on diftribuoit tous les jours à chaque perfonne, à cinq onces, encor on ne leur en faifoitia diftributionqu’apres avoir travaillé jufqu’àmidy. Quelques François qui s’eftoient enfuis dans un canot, ayant efté repris a Saint Chriftophe, eulfent cfté pendus, fi la mauvaife intelligence de Meflieurs de l’O- live &. du Pleflis ne leur eut fauve la vie. Quelques-uns des plus forts, voyant leur Compagnons mourir fl miferablement, & craignant avec fujet d’eftre bien-tort réduits aux mcfmes y go Eflablijfement des François extrémitez, Te retirèrent parmy les Sauvages, qui les re ce ti- rent avec humanité , & les traitèrent avec abondance, ne le pouvant faire avec delicatelfe. La famine fut fi grande, qu’on mangea les chiens, les chats & les rats, comme de friands morceaux. Depuis qu’on eut déclaré la guerre aux Sauva- ges, nos gens n’ofant plusfortir du Fort , mangèrent jûfques à l’onguent des Chirurgiens , &: au cuir des baudriers, qu’ils fai- {bient boüillir pour le réduire en colle. On en a veu quelques- uns brouter l’herbe , d’autre manger les excremens de leurs camarades, apres s’eftre remplis désieurs : on a mefme ci-mqu’un certain jeune homme de Dieppe, avoit mangé de la chair d’un lien Compagnon, & qu’à ce delfein il Iuy avoit coupé le bras auparavant que de / enterrer : l’on dit en effeét que l’on apper- çeut fa bouche enfanglantée , 8c que l’on vit toutes les marques qu’il avoit mordu à belles dents, dans ce bras qu'il avoitfepa- ré du corps. L’on a fouvent veu la terre des folfes , où nos Peres avoient enterré les morts, toute boulverfée le matin, avec beaucoup d’apparence qu’on les avoit fouillées , pour dé- terrer les corps , Se pour en couper quelque membre pour vi- vre. Tout ce pauvre peuple eftoit réduit au defefpoir, Se la plus grande occupation de nos Religieux neffoit pas feulement de confoler ceux qui en effoient capables , mais d’empefeher les uns de fe précipiter dans la Mer, ôc d’arracher aux autres les cordes qu’ils avoient dérobées pour fe pendre. Ceux qui effoient affez hardis de prendre quelque morceau de pain , effoient chaîniez comme criminels; quelques-uns furent attachez au carcan ; d’autres furent foué’tez , &c il y eut ùn homme fi defef- peré parla faim, qu’encor qu’il eut fouffert deux Fleurs de Lys fur les épaules , ôc que. le R. P. Raymond l’eut arraché de la potence, ayant obtenu fà grâce à force de prières & de larmes de Mefïieurs de l’Olive & du Pleffis , qu’il ayma mieux dérober une cinquième fois pour eftre promptement pendu , que de vivre davantage expofé aux rigueurs infupportables de la faim.. - y Lajoyeque ces pauvres affamez concernent le feiziéme Septembre de l’année 1635. fut bien courte, ce jour-là ayant apperceu. aux Ant-IJle s de l Amérique. 81 apperceu en Merle navire duCapitaine l’Abbé,frettéparles Mar- chands de Dieppe, ils crurent qu’ils eftoient à la fin de leurs maux, 5c qu’infailliblement ce navire eftoit chargé de vivres, mais ils fc troiiverent bien loin de leurs efperances, lorsqu’ils virent que ce Capitaine, ayant mis à terre prés de fept-vingts hommes, il ne leur avoit pas donné dequoy fiibfifter un mois* proteftant qu’il n’en avoit pas allez dans fon bord pour retour- ner en France ; ce fut pour lors qu’on vit une défolation ge- nerale dans l’Iflc, elle fur encore augmentée par ces nouveaux venus, qui bien-toft apres ayant elle réduits à l’extrémité com- me les autres, ne fervirent qua les rendre plus miferables. Cette famine qui dura prés de cinq ans, 5c de laquelle je feray encore obligé de parler, lors que je traitteray de ce qui fe pilfa en 1640. fut fuivie d’une mortalité prefque generale, à laquelle outre la famine , deux chofes contribuèrent parti- culièrement. La première , fut une certaine maladie qu’on nomme communément dans les Illès, le coup deBarre , ellecau- fc ordinairement à ceux qui en font furpris , un mal de telle fort violent, accompagne d’un battement d’arteres aux tem- pes, &c d’une grande difficulté de relpircr, avec une Iaffitudc & douleur de cuiffes, comme fi l’on avoit elle frappé de coups de barre, ce qui a donné fujet au nom qu’on luy a impofé. Elle attaque ordinairement ceux qui défrichent les terres des Ifles, à caulè des vapeurs veneneufes , qu’elles exhalent : la cruauté des Commandans qui préfidoient au travail, fut l’autfc caufe de la mort de la plulpart de la Colonie; car bien que ces pau- vres engagez , tant aux Seigneurs de la Compagnie qu’aux Marchands de Dieppe, fulfent extraordinairement affoiblis par la mifere 5c par la faim, on les traittoit plus mal que des elclaves, & l’on ne les poufloit au travail, qu’à coups de bâtons &de halle-bardes ; fi bien que quelques-uns d’eux qui a voient efté captifs en Barbarie , maudifloient l’heure qu’ils en elloient lortis, invoquant publiquement le diable, 5c fe donnant à luy, pourveu qu’il les reportait en France; 8c ce qui eft de plus hor- rible , quelques-uns font morts, avec ces paroles exécrables en la bouche. L Partie. L Efiahlijfementdes François Mort de Monfeur du F le fis , apres laquelle Mon fîeur de l'Olive fait la guerre aux Sau- vages, Majfacres de part & d autre . Es miferes que je viens de décrire continuant & s’aug-* mentant de jour en jour, Monfieur de l’Olive voyant quo la plufpart de fon monde eftoit moit,& que ce qui lu y reftoic ne pouvoir pas fubfifter long-temps, s’il n eftoit fecouru, ne voyant d’ailleurs nulle efperance de fe cours j prit refolution, non feulement contre les intentions des Seigneurs de la Com- pagnie,mais encore contre toute forte de j uftice,de faire la guer- re aux Sauvages, pour avoir un prétexté de s’emparer de leurs vi- vres , & faire ainfi fubfifter les pitoyables reftes de la Colonie. II n’ofa pourtant l’entreprendre fans en communiquera Monfieur du Pleffîs; Une luy eneutpas plûtoft parlé, que ce brave Gentil- homme luy témoigna qu’il n’y pouvoir confentir, & qu’il ay- moit mieux périr avec tout fon monde , que de fe fauver par une voye fi injufte & fi contraire aux intentions de fa Ma- jesté, & aux deffeins des Seigneurs de la Compagnie. Cela arrefta pour quelques temps l’effeift de fa refolution, mais ne changea pas fa volonté; au contraire perfiftant tousjours dans fon mauvais delfein , & ne voyant point de lieu d y faire con- defeendre Monfieur du PIeffis.,il s’embarqua pour Saint Chrifto- phe, dans le navire du Capitaine l’Abbé, pour fonder Mon- fieur d’Enambuc, & pour tâcher à l’engager dans fon entre- prife ; il employa tout ce qu’il pût pour le perfuader, SC il fe fervit de toutes les raifons les plus fpecieufes qu’il pût trouver, pour y réiilîir. Mais ce genereux Gentil-homme , prévoyant figement les mal-heurs inévitables, danslefquels l’injuftice de cette guerre, al- loit précipiter Monfieur de l’Olive, & toute la Colonie, n’y vou- lut jamais confentir; & apres luy avoir fait voir par des raifons 'aux Ant-JJles de F Amérique. 8$ tres-fortes tous les inconveniens qui en pouvoient arriver , il luy reprefenta qu’il n’y avoit rien de plus contraire aux ordres du Roy, & des Seigneurs de la Compagnie, qui ayant pour but principal la convcrfiôn de ces infidèles , vouloient fur tout qu’on entretint la paix avec eux, pour faciliter ce deffein. Mais voyant que toutes cesraifons nefaifoient point d impref- fion fur i’efprit de Monfieurde l’Olive , il le menaça d’en écri- re en France, & de faire connoiftreà fa Majefiéle peuderef- ped qu’il avoit pour fes ordres. Pendant cette abfence Monfieur de 1 Olive , Monfieut du Pleflis tomba malade d’un excez de melancholie , cauiée tant par la mort de h plufpart de fon monde , que par la dé- fection des autres , qui l’abandonnoient pour fe retirer au quar- tier de Monfieur de l’Olive : elle fut augmentée par le danger où Mademoifelle du Pleflis tomba; car ayant efié faifie fur le poinét de fes couches, dune fièvre fi violente que l’on n’en attendoit plus que la mort, & celle de 1 enfant quelle portoit, ce Gentil homme qui faymoit tres-tendrement, s’en affligea fi fore, que la maladie eftant notablement augmentée, l’on defefpera de fa guérifon II fe prépara a la mort avec cette confiance qu’il avoit fait paroiftre en tantdoccafions, ôcilre- ceut les Sacremcns avec toutes les marques d’une pieté vray- ment Chrefiienne. Il fcmble mefme qu’il eut connoiflance du jour de la mort; car Monfieur Giraud qui eftoitpour lors Ion Domeftique, voulant le veiller cinq ou fix jours devant qu il expirât, il ne le voulut point fouffrïr ,1’alleurant qu il ny avoit encor rien à craindre, & quiîl avertiroit quand il feroit temps. En eff'eét le quatrième Décembre de l’année 1635. jour de Sain éie Barbe, qu’il honnoroit avec une dévotion très - particu- lière, il luy dit qu’il eftoit temps , & qu’on prit garde à luy , parce qu’il mourroit ce jour-là, comme il fit fur les neuf heures du foir. C’efioit un Gentil-homme fort craignant Dieu , g enereux, affa- ble^ liberal il communioit ordinairement tous Icshuiét jours, SC il efioit doiié de tant de belles qualitez, qu’il lut regretté, non feu- lement du refile des François de la Colonie , mais encor des Sau- vages de l’Iflè de la Dominique , qu’un Bojé , c’eftà dire , un de L x) 84 EJlabliJf'e ment des François lem'sforciers,avoicaverty précifement du jour de Cm trépas; du- quel ils témoignèrent autant dedeüil que s’ils euftent perdu un des plus confiderables d’entre eux. Monlieur de l’Olive ayant efté averty de la mort de Ton Collègue, retourna promptement à la Guadeloupe, où il s’em- para de tout le peuple; ce fut pour lors qu’il crut queperfonne ne s’oppofcroit àfes dcffeins, & qu’eftant maiftre abfolu ,tout le monde flechiroit fousdes volontez.il ne perdit point de temps, & il ménagea fi bien les elprits que le vmgt-fixiéme Janvier de l’année Clivante 1 6\6. il fit refoudre la guerre contre les Sau- vages. II l’a commença le mefme jour; car ayant apperceu en Mer un Canot de Sauvages à une lieue du Fort , il comman- da des hommes pour les aller maflacrer , mais à leur arrivée ils trouvèrent qu’ils s’eftoient retirez. Nos François qui ne cherchofent que l’occafton de faire des a&es d’hoftilité contre les Sauvages, en trouvèrent une qui fervit de pretexte pour couvrir la refolution cruelle qui avoit efté prife de les exterminer; Quelques Sauvages eftant allez au cul de fac, prirent un lid de coton que des Varreurs y avoient Iailfé, au lieu duquel ils mirent un porc & des fruifts; c’eftoitplus que le lid nevaloit , & mefme ceux qui y eftoient intereftez m’ont afleuré qu’on le leur faifoit croire; mais quand cela auroit efté, c’eftoit une fimplicité de Sauvages qu’il fal- loir diflimuler, neantmoins ce fut l’unique pretexte dont on co- lora le deifein de cette guerre, qui a coûté tant de fang aux uns & aux autres. Sur la refolution fanglante de perdre les Sauvages, Mon- fieur de l’Olive fit monter le Sieur de la Fontaine fur fa Cha- loupe bifcayenne, avec quinze defes meilleurs foldats , Iuy com- mandant de faire le tour de lifte , de reconnoiftre les habita- tions des Sauvages, de retirer à l’amiable quelques Fran- çois fugitifs, qui s’eftoient retirez par my eux , depuis deux ou trois mois. Les Sauvages qui ne fe deffioient de rien, receu- rent le Sieur de la Fontaine & Ces gens avec bien de la joye, les regalerent de ce qu’ils avoient de meilleur; leur remirent fort genereufement les François entre les mains , & leur don- nèrent ad vis qu’il y avoit au bord de la Mer une Chaloupe aux Ant-Ijles de l’Amérique. 85- Angloifc , qui avoit mis des hommes à terre pour aller à la chalTe: que ces Anglois elloient venus pour traiteer avec eux;, mais qu’ils ne l’avoient pas voulu faire , de peur de délobliger Monfieur de l’Olive leur bon Compere, qui leur en avoit fait dé- fenfe. Le Sieur delà Fontaine profitant de leur advis, fe rembar- qua promptement, chalTa fur cette Chaloupe Angloifc, la prit, & l’amena à Monfieur de l’Olive. Trois jours apres le retour du Sieur de la Fontaine, lors qu’on ypenfoitle moins, &que noftre R. P. Raymondeftoit occupé auprès des malades, dont le nombre augmentait tous les jours, Monfieur de l’Olive s’embarqua avec les Authcurs de cette conlpiration ; & fous pretexte de chercher une place plus faine & plus commode , s’en alla vers les habitations des Sauvages , qui demeuraient où efi: à prefent le fort Royal. Les Sauvages , quiavoient eu le vent de leur defiein , s’eftoient déjà dilpolez à la fuitte , ils avoient mis le feu à leur Çarbets, & emporté tous leurs vivres. Les François ne trouvèrent à leur arrivée qu’un bon vieillard nommé le Capitaine Tance , , âgé de plus de fix-vingts ans, avec trois de fes fils deux au- tres jeunes Sauvages; il eftoit fur le poinét de s’embarquer -, mais comme il vit les François venir à luy , il leur cria plu- ficurs fois, France non point fafche , ne fe pouvant mieux expli- quer: on Iuydit qu’il n’avoit qu’à venir avec fes enfans en tou- te afieurance , &. qu’il ne luy ferait fait aucun tort. Sur cette promefiè il y vint auffi-toft. Quand on fe fut fiiifi de la perlonne & de lès fils , Monfieur de l’Olive changea de face & de difeours , l’appella pîufieurs fois, traître , luy reprocha que luy & tous fes Compatriotes avoient confpirc contre la Colonie, & refolu d’égorger tous les François,: cepauvre vieillard luy fit entendre que cela n’eftoir point, qu’il n’y avoit jamais penfé, au contraire qu’il n’y avoit pas un Sauvage qui ne voulut obliger les François : comme il nioit tousjours cette prétendue conjuration avec cette ferme- té, que la vérité infpire à ceux qui la deffendent, Monfieur de l’Olive tira une montre de la poche, & luy dit, Tiens,' voila le Maboya de France ( c’efi: à dire le diable ) qui me l’a alfcuré . Ce Sauvage tout furpris de voir les mouvemens & les raiforts 86 EfiablijfemeHt des François de cette montre, crut que Monfieur de l’Olive luy difoit vray;. il commença à inve&iver avec chaleur contre ce diable fup- pofé t à l’injurier , 8c à luy dire qu’il eftoit un impofteur 8c un méchant, que ny luy, ny les autres Sauvages, n’avoient jamais penfê à faire aucun dêplàilir aux François. Monfieur de l’Olive luy commanda d’envoyer un de fes en- fans pour arrefter les femmes qui nettoient qu’à cent pas de là. Ce bon vieillard obéît auffi-toft; mais celuy qui fut envoyé, au lieu de s’acquitter de cette committion, donna l’épouvante aux femmes, & leur ht avancer chemin vers U Lafe du Borgne ( qui eft aujourd’huy le Fort de SainFie M~tne J 8i leur fervant de guide, il s’enfuit avec elles; dequoy Monfieur de l’Olive fut tellement irrité, qu’il fit lier le vieillard ,& le fit monter dans fa Chaloupe avec un de fes Fils, lequel on poignarda un moment apres aux yeux de ce pere afflige. Cela fait, cesafiaf- fins, les mains reugies de fang, s’acharnèrent fur ce pauvre vieil- , lard, qu’une cruauté fi barbare avoir également faifi&; de crain- te 8c d’horreur; & apres luy avoir furie ufemenr enfoncé cinq ou fix coups d’épees bc de coûteaux dans l’ettomach 8c dans le ventre, ils le jetterait lié, la tette en bas dans la Mer: mais comme il eftoit d’une forte conttitution pourfon âge,& qu’il faifoit encor quelque effort pour fe fauver, s’eftant délié un bras par fon agitation, il nagea vers la Chaloupe, implorant par fes larmes&fescrislamifericordedecesimpitoyables ;mais ces tygres au lieu de s’amolir,par cruauté horrible 1 abom- inèrent à coups d’aviron. Ils lièrent les deux autres Sauvages, plus morts que vifs,& leur firent commandement de les conduire au lieu où les fem- mes avoient fait leur retraitte; l’un des deux appellé Mxrmeu fils du Capitaine Boiron, fi connu dans les Ifles par fine filiation qu’il a tousjours eu pour les François, jugeant bien qu’il ne feroit pas plus favorablement traité que les autres, qu’il avoit veu maffacrer, prit l’occafion d’une falaife, d’une hauteur pro- digieufe , de laquelle il fe précipita en bas dans des hazier s,8c dans des ronces, fans fe rompre aucun membre. Quoy qu’il" fe fut déchiré tout le corps, il nelaiffa pas defe rendre lemef- me jour à cinq lieues de là, où eftoient les autres Sauvages AUX Ant-TJles de l’ Amérique. %/ avec les femmes & les enfan -, il les avertit de ce qui s’efloit paffé, & de la refolution furieufe des François, qui ne les cher- choient que pour les mettre à mort. le ne puis oublier la douceur & la bonté naturelle de ce jeu- ne Sauvage , qui montre bien qu’ils ne le font que de nom, &que le dérèglement de Iacholere rendoit nos gens plus fau- vages & plus barbares qu’eux. Ayant rencontre au milieu de tous ces Sauvages un garçon François} il ne luy témoigna au- cun reflentiment de l’outrage qu’il avoit receu de ceux de fa nation; & au lieu de fe venger fur luy, du fang qu’ils avoient h cruellement répandu, il fe contenta de luy dire dans fonba- raguoin , o lacunes, France mouche fâche, l’ymatté Karatbes, c’efl à dire, ô Iacques, les François font extrêmement fâchez , ils ont tué les Sauvages. Cependant nos François, marchoient à pas aidez vers le lieu où choient les femmes Sauvages, dans l’efperance d’en jouir, d’alïouvir leur brutalles paillons. Mais Dieu qui avoit un foin particulier de ces innocentes , les garantit de leur violen-. ce ; car ehansiurpris de la nuiét , bz fatiguez du travail , du long chemin qu’ils avoient fait, ils furent contrains de fe coucher fur le bord d’une riviere pour repofer un peu, mettant au mi- lieu d’eux le Sauvage qu’ils avoient lié, & qui leur fervoit de guide. Ils s’y endormirent fi profondément, que ce pauvre jeune homme eut le temps de fe délier, & de fe fauver à la faveur des hois& de la nuiét; & à leur réveil fe voyant fruffrez d e leur ef per ance, ils furent obligez de s’en retourner fanscon- duéteur,à travers les bois, apres avoirvifité toutes les habita- tions des Sauvages. Les Sauvages qui furent avertis du mauvais deffein des François par le premier qui s’en effoit fuy , s’aviferent d’une rufe qui coûta bien cher aux habitans : car voyant qu’ils avoient une grande quantité de Manyoc meut dans leurs jar- dins du petit Ccirbet , ils le coupèrent au raz de terre, de forte que nos gens enrageoient de faim , fur les vivres qu’ils fou- Ioient aux pieds fins les connoiitre. Les François eftant retournez, s’emparèrent des habitations des Sauvages, déchargèrent tout ce quils avoient, bc ylailTc» 88 Eftablijfement des François rent quelques hommes pour les garder, en attendant quon y ameneroit toute la Colonie. Ils revinrent apres au Fore SciiYit Pitrre lame noircie de ces fânglans mafïacres, animer leurs Compagnons, à pourfuivre avec courage ce qu’ils avoient fi mal-heureufement commencé. Si-toft que le bruit de cette guerre U des meurtres qu’on y avoir déjà commis, fut venu aux oreilles du R. P . Ray- mond, il alla trouver le Gouverneur, & le reprit aigrement de cette aétion cruelle, & Iuy remontra qu’il n’avoit pas lau- thorité de faire la guerre fans fujet, à une nation libre,- qui! ne luy effoit pas permis de luy ravir in juflementfes biens s quil contre venoit aux ordres exprez de fa Ma j elle, bc à ceux des Seigneurs de la Compagnie, qui vouloient fur toutes chofes qu’on vécut en paix avec les Sauvages, qu’on ne leur fit au- cun tort, ny en leurs perfonnesny en leurs biens, & quon tra- vaillait efficacement à leur converfîon. Auffi -toft la Ca- bale des furieux qui avoient porté Monfieur de l’Olive à une aétion fi injufte, &: de laquelle il a eu tout le temps de fe re- pentir, commença à crier contre ce Pere, & ils tâchèrent de perfuader à ce Gouverneur qu’il eftoit Efpagnol, & quil s’en falloit défaire, ou du moins le reléguer dans un autre Ifle que la Guadeloupe. L’apprehenfion qu’eut Monfieur de l’O- live que le peuple, qui honnoroitîa vertu de ce Religieux, ne prît les armes pour empefeher fa fortie, fut caufe que Ion ne luy ht aucun mal & qrfil ne fut pas chaffé de l Ifle. Il n’eft pas croyable combien ils firent pâtir nos Peres pen- dant ces defordres rmais Dieu quinelaifferiend’impuny j com- mença bien-toft à leur faire reffentir le chafliment deû à de femblables crimes. Avant ce démeflê , les Sauvages ne venoient jamais voir les François les mains vuides; & comme ils les voyoientdans la neceffité, ils leur portoient tousjours quelques vivres. Leurs Tirogues eftoient fouvent chargéesde tortues, d,e lézards, de cochons, de lamcntin, de patates, de bananes-, dehgues,& des autres fortes de fruiéts que produit le pays ; & il elt vray de dire que fans ce fecours, la Colonie eut miferablcmcntpery : de forte que les Sauvages n’yallant plus, la famine recommença plus vi plente que jamais. aux tAnt-Ifies de l’ Amérique. 89 Iis refolurent encore de faire une guerre ouverte aux Fran- çois, de venger par le venin de leurs flèches les outrages qu’ils en avoient receu. Pour cét effeét ils abandonnèrent 1 ’lfle de la Guadeloupe , & fe retirèrent dans celle de la Dominique, qui n’en efl: éloignée que de fept ou huid Iieuè's, fe conten- tant d’y laifler les plus induftneux d’entre eux , pour épier les François , obferver leur conduite, reconnoiftre leur foi- ble. ' Ils firent plufieurs courfes fur eux, dans lefquelles ils tuè- rent foixante ou quatre-vingts hommes à diverfes fois, & firent quelques prifonniers , ôc ils ménagement fi bien les occafions, qu’ils lurprenoient ordinairement les François , Ôe fortoient rarement de l’Ifle fans avoir remporté quelque avan- tage fur eux. Continuation de la guerre avec les Sauvages, Cf les miferes quelle attira fur les François de la Colonie .. §. vi. DEpuis le vingt- fixiéme Ianvier 163G jufqu’en l’année 16^9. les Sauvages firent fur les François tous les aftes d’hoiH- lité qu’ils purent, &: fe fervant de l’occafionde la famine , des miferes, &c de la mortalité qui aftbibliflbit de jour en jour la Colonie , ils firent quantité de partis avec ceux de la Domi- nique & de Saint Vincent , pour venir fondre fur nos gens, qu’ils mafiacroient fans mifencorde quand ils les trou- voient à l’écart: il eft vray aufli que les François ne Ieurdon- noient point de quartier , ainfi la guerre s’échauffoit par les avan- tages, que les uns remportoient fur les autres. Vn mois apres la guerre déclarée, les Sauvages ayant dé- couvert que Mon fieur de l’Olive faifoit travailler des hom- mes à une habitation éloignée de fon fort, ils armèrent deux ou trois cens hommes, dans treze Pirogues pour les furpren- dre. Ils auraient exécuté leur defiein s’ils n’eulfent eflé dé- . I. Partie. M 9o Eflablijfement des François couverts par nos François, maisceux-cy les ayant apperceus de loin, Monfieur de l’Olive eut allez de temps pour venir avec Tes gens , & leur dreiTer une embufeade allez prés de la Mer. Les Sauvages n’y découvrant perfonne, fauterenr gaillardement à terre, &c s’avancèrent julqu’au lieu de l’embulcade, dod ayant efté faltiés a coups de fufil, plufieurs d entre eux tom- bèrent par terre. Bien que cette faive impreveiie les fiirprit? elle ne les eftonna nullement, & ne leur fit point perdre cœur; au contraire ils Ce mirenc en deifenfe, firent pleuvoir une fi prodigieuse grelle de flèches fur nos gens, que s ils n enflent efté couvert du bois & deshaziers ou ils s eftoient mis en em- bulcade , tous en auroient efté percés. Le combat fut fort opi- niâtré par les Sauvages, mais les armes n’ citant pas égales, &C nos François fe battant à couvert , à la fin ils furent contrains de lâcher le pied, & de gagner leurs Pirogues pour fe rem- barquer. Ils fe battirent pourtant tous jours en retraitte, &c c’elt une chofe digne de remarque , qu’ellant chaudement pour- fuivis par les noflres, ils n’abandonnerent jamais qu’un dés leurs; car s’eltant divifez en deux bandes, l’une ramafîoit les morts & les blelfez , pendant que l’autre faifoit ferme , & foû- tenoit le choc. Ils perdirent en cette occafion vingt-cinq ou trente hommes outre les bleflez,&les viétorieuxy gagnèrent deux Pirogues remplis de liéts &: d’autres meubles de Sau- vages. Cette viétoire fut fiiivie d’une autre que les François rem- portèrent fur les mefmes Sauvages, à la fin d’Odobre de la fnefine année 16)6. car ayant remarqué que trente hommes de la Colonie, travaüloient à une habitation à ïa Capfterre, ils compoferent une petite armée navale de quinze Pirogues, fur Iefquelles ayant mis fept à huiét cens hommes, tirez des Illes voifines, à deflein de prendre nos gens à l’improvifire, pendant qu’ils feroient au travail; un pauvre malade en ayant rencontré quelques-uns dans les bois, la crainte luy infpira tant de force, qu’il arriva au Fort allez à temps , pour avertir nos gens de la defeente des Sauvag.esV Sur l’avis de ce malade tous les François fe retirèrent pour fe mettre à l’abry d’un petit fort de paliflades , bafty exprès pour fe mettre à couvert aux Ant-ïjles de [Amérique. 9l de ces fortes d’incurfions; mais les Sauvages ayant cftê plus habiles qu’eux, en tuerent quatre, & en blelferent fixou fcpt à coups de flèches. Tout le refte le deffendk fl bien, qu ayant tué & bleflé plufieurs Sauvages, ils furent obligez de faire re- traite, pendant laquelle pourtant ils fe bâtirent fort long-temps, remportèrent leurs bleffez & leurs morts; à lareferve d un, qui fut aflommê dans le Sable, où il s’eftoit enfevely : entre ceux qui furent tuez du collé des Sauvages, Ion a crû qu’il y avoir un François renegat, qui apres avoir pillé nos ornemens apres avoir mis en pièces un tres-beau Crucifix, & roule aux pieds un précieux Reliquaire, ayant pris un tifon allume pour brûler la Chapelle, fut tué ce tifon à la main Ces avantages neantmoins ne guenffoient point les habitant d’une certaine terreur, panique , qui s’eftoit emparée de leur cœur; car toutes chofes leur faifoient peur; les feüdles rouges du bois leur fembloicnt des Sauvages qui les pourfuivoient , & leur faifoient donner l’alarme à toute fille: ils prenoient un morceau de bois flottant, pour une Pirogue chargée de leurs en- nemis; &: durant la nuid n’ayant point de repos, ils ne fça- v oient quel lieu choifir, pour y cftrç en affeurancc pendant le |0UMonfleur de l’Olive mettant tous fes foins pour fecourir cet- te Colonie affligée , divifa tout le peuple en deux bandes, qu il envoyoit bien armé alternativement, &c de femaine en l - maine tourner des tortues fur les anfes. Celaréüflit durant quel- que temps, & deffendk la Colonie delà famine; mais ^Sauva- ges citant toujours aux aguets, & dreffant continuellement des embufeades , d’où ilstuoicnt fouvent des François, Ion fut contraint de fe renfermer dans le fort , 2c de n en fortir que rres-rarement, ce qui ayant augmenté la famine , la plufpart moururent de neceflité & de mifere. Ceux qui le hazarderent d’aller dans les bois chercher dequoy raifafler leur faim , y pé- rirent miferablement , & mefme l’on en a trouvé plufieurs mangez par leurs chiens, autant, ou plus affamez que leurs maiftres. * L’abondance qui eftoit pour lors dans llfle , comme nous verrons cy-aprcs , montre bien que cette famine eftoit un c ra i ^ 31 M ij vengeance ç 2, Eflablijfement Aïs r ranems ment j dont Dieu puniffoic ce peuple , &. un qu’il prenoit du fang des Sauvages , qui a voient cité cruel- lement maffacrez. En effed toutes chofes fembloient fervir à lajultice que Dieu excerçoit contre ces coupables. Le Na- vire du Capitrine Barbeau équippéaux frais delà Compagnie, chargé de vivres pour la Guadeloupe , fut affligé de toute forte de mal-heurs pendant le voyage ; car les Pilotes citant arrivez à la hauteur de quinze degrez, & n’ayant plus qu’à linvre la route de l’Eft , à l’Oüelt, c’elt à dire, de l’Orient à l’Occident, fe trompèrent li lourdement, qu’ils allèrent abor- der la coite de la Floride, diltante au moins de cinq cens lieues de la Guadeloupe. Erreur li effrange, qu’il ne s’en eft point veu de femblable, depuis qu’on frequente les Mes: Ce qui fit que ce V aideau citant demeuré fix mois en Mer, prefi- que tous les vivres dont il eltoit chargé furent confumés ou gaîtés. Cét erreur fut fuivy de deux autres difgraces. La première fut que Monfieur de l’Olive ayant fait charger une barque, des vivres qu’il avoit à Saint Chriltophe, cette barque citant à la veuë de la Guadeloupe , apperceut à la pométe de fille, la Flotte d’Efpagne, ce qui l’ayant obligée de relâcher à Saint Chriltophe, ces miferables affamez n’eurent que la veuë de ce qui pouvoit foulager leur mifere. La féconde difgrace ne leur fut pas moins fenfible, car Monfieur de l’Olive ayant mis une troupe de fes meilleurs hommes, dans une autre barque, pour aller chercher du pain à Saint Chriltophe, ces mal-heu- reux préférant leur confervati on , à celle de tous les autres, s’enfuirent avau le vent avec la barque, & depuis n’ont jamais paru. aux Ânt-Jjles de l'Amer: que 9} Retour du R. P. Pélican en France , ou il ob- tient une place pour les Religieux dVhfwnnaire s, une nouvelle Commision pour Aionfieur de l'Olive. Embrafement de nojlre Eglife & de nojlre Café. cloues foins que prît Monficur de FOlive pour empef- V4»cher la ruine entière de la Colonie; bien qu il employait tout le revenu de l’habitation quil avoir à Saint Chili op c pour ayder à la faire fubfillev» on ne laifloit pas de Ie^ aire autheur de tous les mal-heurs qui l’accabloicnt ; & Ion diloit en France que luy ieul lavoit réduite a 1 extrémité , oue e u trou voit, par la guerre qu’il ay oit entreprife contre les Sauva- ges ; ce qui luy failant appréhender, ou quon ne uy onnat un Collègue à la place de feu Monfieur du Pleffis, ou quon révoquai? fa Commiffion, il pria le R. P. Pélican, Supérieur delà Miffion, de faire un voyage en France, & le chargea de reprefenter à Meilleurs de la Compagnie, les horribles miferes de la Colonie, & le befoin extrême quelle avoir d'un puii- fantfecours, pour la faire fubfifter , d’exeufer fa conduite en- vers ces Meffieurs, & d’obtenir deux qu’il fut maintenu , leul Gouverneur de la Guadeloupe. Nos Religieux qui avoient déjà écrit aux Seigneurs de la Compagnie, afin qu’ils leur fiiïent donner par le Gouverneur & leurs Commis, quelque lieu feparé, pour vivre dans la re- colledion conforme à leur eftat, prièrent le R. P. 1 elican de les folliciter en France de cette grâce , &: de leur reprefenter que depuis leur arrivée dans l’Ifle , ils demeuraient au Fort parrny des foldats & des habitans , dont les maximes & la a- çon de vivre, font tout à fait oppofées à la retraite, &: audience, propres àl’eftat Religieux. , Le R. P. Pélican eftant en France, saquita fidèlement de ce qu’il avoit promis à Monfieur de 1 Olive Se à les reies. La Compagnie dans fa première Affiemblee écrivit au ou. 94 jEflablijfement des François verncur & à fes Commis d’affiffer nos Pères dans leurs beloins, de leur fournir les chofes neceffaires , &c de leur baftir quelque logement , dans lequel ils puffent vivre fcparez du commerce du monde. La Compagnie trouva plus de difficulté pour l’affaire de Moniteur de l’Olive, elle ne pût fe refoudre de Iuy laiffer la conduite d’un eftabliffement qu’il avoit prefque ruiné par fon imprudence, en faifant la guerre aux Sauvages, dcfqueïs ilde- voit conferver l’amitié &: cultiver l’alliance &le commerce, à caufe du fecours que la Colonie en ciroit tous les jours dans fa neceffité. L’impuiffance où Moniteur de l’Olive fe trouva de fecourir nos Religieux, &: la crainte qu’il eut que les Sauvages ne les înaffacraffent, liils demeuroient éloignez du Fort , l’empcfchc- renr d’executer les ordres prelfans qu’il receut de la Compa- gnie : Si bien que nos Peres voyant Ion refus, furent obligez de députer enFrance le R. P. Gryphon pour en inftruire le R. P. Carré leur Supérieur. Ce bon Pere fcnfiblement touché des miferes de fes enfans , qui n’avoient pas un morceau de pain, & qui eftoient contrains de vivre defeüilles de Patates Scde pourpier , cuit avec de l’eau de Mer, fut trouver les Di- vc&eurs de la Compagnie pour les prier de les fecourir & de les affilier dans cette extrême neceffité; ces Meilleurs fe con- tentèrent de Iuy dire qu’ils en eftoient bien fâchez , ôc que cela ne dépendoit plus d’eux, que Moniteur de l’Olive s’en eltoit chargé dans le Contrad qu’il avoit paffê avec la Compa- gnie, & qu’ils en écriroient à leurs Commis pour obliger Mon- lieur de l’Olive à s’acquitter de cette obligation. Le R. P. Carré les voyant li peu dilpofez à Iuy accorder une demande fi julle , commanda à fes Religieux de retourner en France dans lepremier Vaiffçau qui y feroit voile. Quand le R- P. Raymond receut cét ordre, il eltoit fcuîde Preftre dans la Guadeloupe. ( Le R. P. Nicolas Brechet eftant à S. Chriltophe) la neceffité dans laquelle pour lors il alloit laif- fer les habitans , Iuy différer l’execution de cette obeïffance; mais l’apprehenfion de ne pas luivre la volonté de fes Supé- rieurs le fit enfin refoudre à venir en France. Si-toft que Je peuple en eut le vent, ils le vinrent prier les larmes aux yeux de ne les pas abandonner, ils employèrent les prières bc les menaces auprès du Gouverneur pour le retenir, on en vint me A par les liens de la Charité, qui l’a voit- porté à confacrerfa vie au falutde ce peuple, y confentitde bon cœur; & pourn’eftre plus à charge à Monlieur de l’Olive ( qui julques alors raavoit point exécuté les ordres des Seigneurs de la Compagnie pour ce qui nousregardoit ) il leur écrivit & leur fit connoiftrc , que cette inexecution de leurs ordres, ne procedoit d’aucun mé- pris , mais de l’impuilfance dans laquelle eftoit Moniteur de l’ Olive de les effectuer , & que le moyen le plus court de pourvoir à nos befoins , c’eftoit de luy ordonner de nous donner de la terre, bc des hommes pour la cultiver, bc qu’avec cela nous pourvoirions nous-mefmes à nos nccelïitcz. trouvèrent aucune difficulté aux propofitions du R. P. Ray- mond, bc donnèrent ordre à Monlieur de l’Olive bc à leurs Commis , de nous donner de la terre , & d’en palier Contrat en leur nom avec nos Peres, ce qui fut exécuté le vingt-fixic- me Ianvier de l’année 1657. comme il paroîtpar le Contraéfc dont voicy la teneur. Contrat de Donation de terres aux Religieux de l’Ordre des FF. Prefcheurs , Adiflionnaires Apo* jloliques en l'IJle de la Guadeloupe , parAion - fleur de l'Olive , au nom des Seigneurs de l& L’An 1637. le vingt-fixiéme jour de Ianvier , furent prelens en leurs perfonnes Charles Lienard, Efcuyer Sieur de l’O- live , Capitaine bc Gouverneur de fille de la Guadeloupe , SC les RR. PP. Nicolas Brechet, dit de Saint Dominique, Vi- caire de la Million de l’Ordre des FF. Prefchcurs és Mes de me jufques à l’arrcftcr de force. Ce bon Pere déjà arrefté La terre pour lors ellant à fi grand marché , qu’on la donnoit à ceux qui en vouloient, les Seigneurs de la Compagnie ne £)6 Efiabtijfement des François l’ Amérique , & P. Raymond Breton, Procureur de la mcfiîie Million, &c forcis du Noviciat General dudit Ordre de la Vil- le de Paris , ayant cherché dans ladite Ille , une plare Se lieu commode pour y faire leur refidence a&uelle, ce y celebrer le Service Divin, ils en auraient rencontré une {cituée à la -Bande du Oüefi , dont iis auraient fait demande audit Sieur de l’Olive , ce quil leur a oétroyé fous le nom Se authorité de Nolfeigneurs de la Compagnie des ifles de F Amérique : Le- dit lieu 6c place e liant fcitué à ladite Bande du Oüejî, joignant d’un codé à une grande rivière , appeliée la nvicre delapoinële des Galbons , d’autre à une autre petite riviere appeliée La peti- te Riviere, d’un bout à la'Mer, 8e d’autre bout aux Montagnes . Lcfquelles nvieres ferviront de limites des deux codez, ainfi qu’li a cité fait. Se borné icelles, par ledit Sieur de 1 Olive, en prefcnce de Henry Tireüil Se Iacqjes Vole r y. Commis Se Secrétaires de Nolfeigneurs de la Compagnie des. Ifles de l’ Amérique, ledit jour Se an que defius ; Se pareille- ment en prefencede Charles Phil bert, Efcuyer Sieur de la Grange, Se l’un des cent Gentil-hommes de Monfieur, Se Lieutenant General dudit Sieur de 1 Olive, Nicolas Svillard Se Iacqves Belin, Sergens. Nos Peres en avoient pris pofîeftion dés le trezicme No- vembre de l’année 1656. mais l’abfence du R. P. Nicolas Bre- chet , qui aftiftoit les habitans de S aint Chriftophe, pendant l’ab- fence du R. P. Hyacinte de Caen, Religieux Capiucin, avoir retardé la paffalfion du Contrat , qui fut agréé par les Sei- gneurs de la Compagnie : lelquels par trois aétes de ratifica- tion données en divers temps, confirmèrent cette donation,, par eux faite à noftre Ordre. Nonobftant quoy, & unepoffef- fion de quatorze -ans, Monfieur Hoüel n’a pas lailfé de nous en conteiter la propriété, 8s d’employer la voyede faiét pour nous en ofter la joüyflance; mais la Majeftépar Arreft de fon Confeil donné en i66z. nous a reftably dansl’une Ss dans l’au- tre; Ss parce que cette affaire a fait beaucoup d’éclat à Paris, je feray obligé d’en éclaircir le public dans la fuitte de cette Hiftoire;8s de faire connoiftre l’innocence de noftre conduite, &: l’equitê de noftre caufe. Les aux Ant-Ijles de l 'Amérique. ■ Les retardemens que Monficur de l’Olive avoit apportés à l’execunon des ordres de la Compagnie, ayant été ( comme nous avons dit) des effeds de fon impuilla»ce, ne rallentirent point le zcle du R. P. Pélican , il follifcitapuiflammênt les Sei- gneurs à Paris, & n’en tirant que des promefles , il en avertit- le R. P. Carré, & le pria de rendre ce bon office 3u Sieur de l’Olive auprès de Monficur le Cardinal d# Richelieu. Il le fit avec fuccez ; car quelque temps apres, Monfieur le Pre- fident Fouquet , avertit la Compagnie dans une de fes Aflem- blées, que fon Eminence fouhaitoit quelle favorilàt le Sieur de l’Olive , & quelle le confcrvat feul , dans fon Gouvernement. Sur cette recommandation la Commiffion fuivante luy fut ex* Commifiion de la Compagnie au Sieur de l'Olive, LA Compagnie des Ifîes de l’Amerique au Sieur de l’Oli- ve faiut. Par Contrad pâlie du quatorzième Février 1655. la Compagnie vous ayant accordé pour dix ans le comman- dement de l’une des trois Mes de la Guadeloupe , d’Antigoa, ou de la Dominique, que première vous occuperiez ,5e en la- quelle vous vous établiriez : & ayant choifi l’Ifle de la Gua- deloupe, qu’avez commancé d habiter & défricher, & ayant fait des Forts, avec refolution d’y demeurer, & la garder pour le fervice du Roy, 5: de la Compagnie, & y établir une Co- lonie de François,aux claufes &: conditions portées par ledit Contrad. A ces Caufes , la Compagnie defirant de fa part fatisfaire au contenu audit Contrad, vous a etably, commis & député j établit, commet, & député, Capitaine General de l’Ifle de la Guadeloupe, pour le temps qui rete à expirer des dix années contenues audit Contrad , avec pouvoir de com- mander à tous les Capitaines, Officiers, Gens de guerre, 5c autres Habitans de ladite Ifle, tout ce que vouis jugerez nc- I. Partie. N par laquelle il efi confirmé & continué Gou- verneur 9 8 Efiabüjft ment des François ceftaire 6c vtilc pour le lèrvice de fa Majefte, eftablilîemcîsv de la Colonie , & peut le bien & avantage de la Compagnie, aux dronfts portez par ledit Contrat. Mandons a tous Capitai- nes, Officiers, Gens de guerre, 6c autres H abitans de ladite Ifle, qu’ils ayent à vous obéir en ce qui dépend de ladite Charge : De ce faire vous donnons pouvoir , en vertu de ce- lu y à nous donné par fa Majefte. Fait à Paris le deuxième de Décembre 1(337* Signé, Martin. Monficur de l’Olive eftoit à Saint Chriftophe lors qu’il rc- ceut cette Cotnmiffion , 6c les Lettres des Seigneurs de la Com- pagnie , par lefquelles ils l’avertifloient des peines & des foins que le R. P. Pélican avoir pris à fon occafion, &c l’encoura- geoient de fe maintenir dans la Guadeloupe , 6c d’y avoir grand foin de la -Colonie, TafTeurant de le fecounr puiftam- ment, d’hommes 6c de vivres, par le premier Vaiffcau. Il s’em- barqua dés le lendemain, avec tout ee qu’il pût trouver de vi- vres fur fon habitation , pour la Guadeloupe. Si-toft qu il eut mis pied à terre , il envoya quérir le R. P. Raymond , pour luy faire part de ces agréables nouuelles , 6c pour 1 affleurer qu’il conferveroit chèrement toute fa vie, le fouvenir des obli- gations qu’il avoit à nos Peres de France, qui lavoient fervy avec tant d’affeétion. Pendant qu’on faifoit la iedure de cette nouvelle Commif- fton, en prefence des Capitaines, des Officiers, 6c des princi- paux habitans de Tille, un ferviteur arriva tout hors d’haleine, criant que l’Eglife 6c la Café des Peres eftoient en feu. La P. Raymond à cette affligeante nouvelle leva les yeux au Ciel, &: dit tout haut i Mon Dieu, vous nousl’aviez donné, vous nous l’avez ofté , foyez beny à jamais. Apres ^ cét a&e de refigna- tion à la pure volonté de Dieu, il courut a fon habitation pour apporter quelque remede, ou pour fauverau moins IcsOrne- mens d’ Autel ; il trouva la Chapelle, la Café, 6c tous les Or- nemens de l’Eglife brûlez , les Calices fondus, quatre muids pleins de livres, réduits en cendre : tous les meubles 6c les ha- bits des Religieux confumez par le feu ; cette perte monta à plus de fix mille livres , 6c fans quelques Ornemens, 6c un Calice, que le R .P, Brechet gardoit à la Chapelle du Fort, 99 où il demeuroit encor, nos Pères fe fuflent trouvez dansl’im- puifianec de celebrer la Sainéte Méfié ; ils ne fauverent ny li- vres ny papiers de cét embrafement, Iefus-Chriff en Croix fut le feul livre qui leur refta, pour y puifer les veritez ce- leftes qu’ils prefehoient tous les Dimanches au peuple. N’ayant plus d’habits ny de tuniques que celles de toile, jufqu’à ce que Monfieur le General de Poincy, envoya au R. P. Ray- mond un habit complet , qui avoit efté pris à quelque Reli- gieux de noftre Ordre, dans un Navire d’Eipagne. IL y a bien de la différence entre les Colonies qu’on en- voyé de l’Europe , pour peupler les Ant-Ifles de l’Ameri- que , celles qu’on tire des Ifies déjà habitées ; pour les transporter dans une autre Ifle voifine, L’hiftoire de l’Efta- bliffement dans les Ifies de Saint Chrifiophe, & de la Gua- deloupe, fait afiez connoifirc combien il y a de difiicultez à efiuyer , quand il fautlever cinq ou fix cens hommes à grands frais; la peine qu’il y a à les garder, de peur que la plufpartnc fe dérobent , fie n’échapent avant que d’effre embarquez , un trajet de dix-huiél cens lieues pour aller défricher & cul- tiver une terre toute couverte de bois , & fort mal faine , ou il n’y a ny pain, ny pafte, ny maifon, ny hoftelleric, fie où. il fc fait une fi effrange révolution d'humeurs par ce grand changement de nourriture & de climat, que la plufpart tombe malade quelques jours apres leur arrivée, & plufieurs y meurent faute de fecours , fort par l’abfence des Médecins, foit pour le peu d’experience des Chirurgiens, dont la pluff. parc ne fçavent autre çhofe que faigner fie razer. ’UiJfement de la Colonie Françoife dans ïljle de la Martinique. CHAPITRE I V. Nij i oo Efiablijfement des François Déplus il eft aifé de concevoir combien il faut fouffrir, lors qu’on eft réduit à attendre du fe cours de France de per- fonnes, lefqôelles ayant avancé cinq fols, en efpcrenr vingt de profit à la fin de l’anîiée , & qui fe rebutent & abandon* tient tout, lors que les affaires n’ont pas un fi prompt, & un ff heureux fuccez, que ceux qui les ont porté à ces fortes d’en- treprifes , leur ont fait efperer. Delà vient qu’il ne fe faut pas eftonner fi l’EftablifTement de la Colonie Françoife dansl’Ifle de la Martinique, a fi heureufementréüfïi, quelle ayt déjà en- fanté de nouvelles peuplades dans les Ifles de la Grenade , & de Sainéte Alouzie; puis que l’Aùtheur de cette entreprife a efté le Grand d’Enambvc, Pere & Fondateur de la Co- lonie Françoife en celle de Saint Chriftophe, qu’il gouver- noit pour lors. Comme il eftoit puiffant, riche, aymé de tout le peuple ,& fort expérimenté à faire des EftablifTemcns, il a fagement évité les écueils, contre lefquels plufieurs autres au- roient fait naufrage. Mr d'Enambuc apres avoir fait l'EfiabliJfe - ment d'une Colonie dans l'IJle de la Marti~ nique , y laijfe le Sieur du Font pour com- mander, §. i. ÏL y avoit long-temps que Monfieur d’Enambuc méditoit d’habiter rifle de la Guadeloupe, comme la plus prochaine de celle où il commandait, qui eftoit plus à fa bien-feance , 5c de laquelle il connoiffoit parfaitement la qualité & les avan- tages : Mais fe voyant fiipplanté par Monfieur de l’Olive fon Lieutenant, auquel il avoit communiqué fon deflein, & qui in avoit obtenu le Gouvernement des Seigneurs de la Com- pagnie , appréhendant que quelqu’autre ne lu y en fit au- tant de Flfle de la Martinique, ilrefolut de ne plus différer d’en prendre poflcflion, & de l’habiter fous le nom de faMajefté, 5c fous l’authorité de la Compagnie. I. de Caerman DEMEVRE S/Zntagne Pelle a tort Oru le aux YKs* /V 4T ' f A'v S%- V| d &*ïc9 ues V. yKaifon de jffj'duJPanjuetr G 01 lucmc m'- orne (Q irî (3 Q 9 ca Cachet j Lieu ou les Car ut 6 es * _fout leurs affûinblees Ijle des damiers Cul de Si Cap de S aie moi LISLE DE LA k MARTINIQUE », S eut uc a a î^Dcgrc^ 30 jUÎnutcs _de Lotit iule Septentrionales j Salines l 4fCj. yfnec du Diamant- jF Cap du Diamants. O ijle du 'Diamant- . (ter Salines . D, se ne tic de quatre Dieu.es Suée priuid. du Roy. aux Ant-IJles de t 'Amérique. i o r Pour réüflir dans cette entreprife , il prit environ ccnthom- mes des vieux habitans de rifle de Saint Chnftophe', tous gens de main, accouftumez à l’air, au travail, & à la fatigue du pays, & qui eftoient tres-habiles à défricher la terre, à la cultiver & y planter des vivres, &: fort adroits pour y dreffer des habitations. Chacun de ces habitans fit provifion de bonnes armes, de poudre , de balles , de toute forte d’outils , comme ferpes , houes, haches, platines, & autres vfiencilles. Ils fe fournirent de plan de Manyoc & de Patates pour y planter, de pois, de feb- ves, & d’autres graines pour y femer. Monfieur d’Enambuc efiantparty de rifle de Saint Ch ri fto- phe, au commancement du mois de Iuillet de l’an 1635. défi- cendit à la Martinique cinq ou fix jours apres. Il fit prompte- ment baflrir un fort fur le bord de la Mer, quil munit de Ca- nons , & de tout ce qui eftoit neceflaire pour le bien deffen- dre. Le Fort fut nommé le Fort Saint Pierre y foi t pour fatisfai- re à la dévotion particulière dont il honnoroit ce Prince des Apoftres, foit à caufè qu’il avoit mis pied à terre & qu’il avoit prispofleflxon de l’Iflc, le jour de l’O&ave des Saints Apoftrcs, Saint Pierre & Saint Paul. Enfuite ayant fait travailler enfà prefenceà une grandeha- bitation, apres l’avoir fait planter de Patates & de Manyoc , il c’en retourna à Saint Chriftophe, laiflant le Sieur du Pont, homme de mérité &: de courage, pour commander fous Iuy en qualité de Lieutenant , avec ordre exprès de confervcr au* tant qu’il luy feroit pofiible la paix avec les Sauvages. >vr. ün 2 •- .'b lifta K iq 101 Ejlablijfement des François Guerre des Sauvages contre les François , avec lefquels ils font la faix , apres avoir efié bat-> tus. JMr du Font retournant à Saint Chriflo ~ a vau le vent , ■ Efpagnols . §\ i r.- LEs Sauvages, qui, nefouffrent jamais le voifinage des Eu^ ropeans que contre leur volonté , commancerent bien-tofE apres à murmurer ; & quelques-uns d’entre eux ( car ils n’ê- toientpas tous d’unmefme fentiment ) ayant eu different avee les François, il y en eut de tuez de part &. d’autre. Ce- fut là le commancement de la guerre qu’ils firent aux: noftres ; car ayant pris refolution d’empefeher noffre Eftablif- jfemeïîî ? ils n’épargnerent rien pour rétiflir en ce defTein. Ils ne trouvoient point de François à l’écart , fur lequel ils ne fiffent main baffe, & ils paroiffôient tous les jours armez à: la veuë du Fort pour les furprendre; ce qui fit beaucoup; fouffrir nos gens, qui n’ofoient sJen éloigner de peur d’eftre fùrpris, ,& cruellement maffacrez. Il eft vray que les Sauva-i ges y laiffoient fouvent dés leurs; car les François ne for tant j amais que. bien armez , ne donnaient . aucun . quartier,! ceux qui tomboient entre leurs mains. . Les Sauvages pourtant ne fe croyanspas affez forts, crurent que pour chaffer entièrement les François de fille , il falloir avoir recours à leurs voifîns. Pour ce fujet ils appellerent a leur fecours, ceux de la Dominique, de Saint Vincent, ôr de la Guadeloupe; & ayant compofé un corps de quinze cens hommes , ilsfe prefenterent fous le Fort, faifanr mine d’y vou- loir defeendre. Monfieur du Pont qui avoir efte averty de cette entreprife, avoir fait retirer tousfes foldatsdans le Fort, fait charger trois pièces de canon, de balles de moufquet, the> tombe nier par le aux Ant-ÎJles de l'Amérique. 103 ■de- doux, & de mitraille, jufqua remboucheure , & défendu que pas un de les gens parût hors le Fort ; ce qui ayant ren- du les Sauvages hardis, qui fe perfoadoient,queles François épouvantez de leur nombre n’ofoient paroifhre, ils s’en vin- rent en foule & en confufion proche le Fort ; mais le Sieur du Pont ayant pour lors, fait mettre le feu à l’un de Ces canons, il fit un carnage fi effrange de ces barbares , que croyans que tous les Maboyas de France eftoient fortis de la gueule de ce canon pour les deffruire , ils coururent avec une viftclfe in- croyable, vers leurs Pirogues & regagnèrent la Mer, fi épou- vantez de l’effeâ: de ce canon , que contre leur couftume, iis ne s’amu forent point à ramaffer, ny leurs morts, ny leurs blefo fez- . Pendant que la terreur des armes FranÇoifes épouvante les Sauvages, nos habitans s’eflablilfent de plus en plus, ils ne fe contentent Npas des places que ces barbares avoient abandon- nées, ils en font de nouvelles , ils abbatent dubois , &ils plan- tent en mefme temps des vivres & du petun. Les Capitaines des Navires ayant appris cét EftablifTement , & l’excellence du tabac qu’on commançoit à faire, y conduiferent leurs Vaif- feaux, & les habitans de Saint Chriftophe les fecoururent de toutes choies fi à propos, que les Sauvages perdant fefperan- ce depouvoir empefcherleurprogrez, parlèrent d’accommode- ment. Monlieur du Pont les receut avec beaucoup de douceur &c d’affabilité , & leur fit entendre par fon Interprète , que s’il les avoitrepoulfés par la force des armes, ce n’avoir cité qu’à re- gret, & qua deffein' de les porter à la paix, pour vivre en- femble en bonne intelligence : qu’il eftoitrefolu de vivre avec eux comme leur frere , & de porter hautement leurs interelh en toutes fortes de rencontres : les Sauvages en ayant fait au- tant de leur collé , la paix fut conclue fur la fin de l’année, avec une joye réciproque des deux Nations. Le Sieur du Pont extrêmement fatisfait de cét accord; qui mettoit fes gens en eflat de s’ellablir, & d’occuper les plus beaux quartiers de l’Ille, partit aufTi-toll de la Martinique pour en porter luy-mcfme les heureufes nouvelles à Moniteur ïo4 Efiablijfiement des François a Enambuc ; mais à peine eut-il appareille, que fou Navire fut furpris d’une violente tempefte, qui le porta à la cofte de fille d’HifpanioIa, que nous appelions communément Saint Vomingue, où il fut fait prifonnier par les Efpagnols avec tout féquipage ; & comme il paroilfoit quelque chofe de grand en fa perlonne, ils le feparerent des autres , & renfermerait dans une obfcure prifon, où il demeura l’efpace de trois ans, fans qu’on en pût fçavoir aucune nouvelle , ce qui fit croire qu’il •eftoit pery en Mer- Cét accident fit beaucoup xoufFrir les ha- bitans, aufquels ilavoit promis d’apporter des vivres de Saint Chriftophe , ceux qu’ils avoient n’eftans pas encore meurs. Monfieur d’Enambuc voyant donc qu’il n’apprenoit aucune nouvelle du Sieur du Pont, envoya Monfieur du -Parquet fion neveu, Capitaine d’une Compagnie dans fille de Saint .Chriftophe, pour y commander. Mr dbEnatnbuc efiablit Mr du Parquet fin neveu , Gouverneur de la Martinique. Sa bonne conduitte y attire quantité d' habi- tant. La Compagnie luy en envoyé la Çom~ mi filon. §. ni. MOnlïeur d’Enambuc fe Tentant cafte de maladie, & pro- che de la fin, & voulant maintenir l’Eftabliftement de la Martinique qu’il regardoit comme fon ouvrage, jetta les yeux fur Monfieur du Parquet fon neveu, coufindece jeune Gentil- homme, qui fut tué à Saint Chriftophe, lors que Dom Fedc- ric de Tolede en chafla les François. Ce jeune Gentil-homme élevé lous la difeipline de Ion on- cle, vint à la Martinique, avec quinze vieux habitans, & quel- ques ferviteurs ; il y fut receu aux acclamations de tout le peuple, qui voyant revivre Monfieur d’Enambuc leur cher Gouverneur, dans la perfonne de fon n*yeu, fe promettoient aux Ant-IJles de l'Amérique. ioj une conduitte auffi heureufe fous le Gouvernement de celuy- cy à la Martinique, qu’ils l’avoient éprouvée à Saint Chrifto- phe , fous le commandement de celuy-là. Monfieur du Parquet appliqua tous fes foins à pourfuivre cét E fia b li fie ment; Ton affabilité, 8l l’inclination qu’il avoit d’obliger tous Tes habitans, luy gagnèrent le cœur de fonpeu- ple : Et je puis afïeurer apres ce que j’ay appris moy-mefmc des habitans qui cftoient à la Martinique quand il y arriva, que fa conduite , 8c la familiarité avec laquelle il fe compor- tât avec eux, a efté l’aymant qui y a attiré tant de monde, 8c ce qui fait qu’elle eft devenue aujourd’huy la plus peuplée des Ifles Françoifes. Lesferpens dont cette Ifle eft pleine rebutoient les plus hardis , perfonne n’yofoit aller, 6e elle eftoitfî décriée que les Capitaines des Navires qui paffoient pour allerà Saint Chriftophe leur vendoient bien quelque traite, mais ne vou- îoient pas que les matelots y mifTcnt pied à terre. Plus on défri- choit de terre, 8c plus les habitans perdoient courage, parce que n’ayant pas en ce temps-là de remedes contre les morfu- res des lerpens, aufti-toft qu’un homme en eftoit mordu, il moutoit un jour ou deux apres. Mais la douceur du Gouvernement de M. du Parquet, ar- refta les uns 8c attira les autres. Trois mois apres fon arri- vée un Navire François de deux cens cinquante tonneaux vint mobilier à la rade; une vingtaine des plus hardis paffageres méprifant le péril dont ceux du Vaiffeau les menaçoient, def- ccndirent à terre, M. du Parquet les receut avec tant de civilité , leur fit fi bonne chere , 8c leur gagna fi bien le cœur, qu’eftant retournez au Navire, 8c ayant parlé aux au- tres, foixante 8c deux hommes refolurent de ne palier pas plus avant. Ils furent le lendemain tous enfemble le faliier 8c le prier d’agréer qu’ils habituafient avec luy , il accepta leurs offres, les embraffa, leur promit qu’il les regarderoit toute fa vie comme les Compagnons de fa fortune , 8c qu'il les confi- dereroit tousjours comme fes bons amis. I’ay oüy dire à M. du Parquet que lors que les vingt premiers defeendirent à terre il n’ avoit qu’un quart d’eau de vie , qu’il leur offrit ge- nereufement. Cét excez de civilité, contribua fans doute I Tarde. O io6 Efiablijfement des François à la refolution qu’ils prirent de demeurer dans l’Ifîe, ce qui fervit beaucoup à TEltablilTement de la Colonie, perfonne de- puis ce temps-là n’ayant fait difficulté de s’y habituer. Le choix d’un fi brave Gouverneur fut approuvé des Sei- gneurs de la Compagnie, 5c parce que la mort de Monlieur d’Enambuc les empelcha de reconnoiftre lesfervices conlide- rables, qu’il leur a voit rendu pendant dix ou onze années, ils témoignèrent à Monlieur du Parquet fon neveu, 5c heritier de fon courage 5c de fa bonne conduite, en l’eftabliffiint Ca- pitaine General, c’ell à dire, Gouverneur de la Martinique, combien la mémoire de fon Oncle leur eftoitchere &précicu« fc. La première Commiffion que la Compagnie luy en en- voya , cil conceuë en ces termes. Commision de Lieutenant General dans l’IJle de la Martinique , donnée a Jld. du Far que t far Me fieurs de la Compagnie. LA Compagnie des Iiles de l’Amérique, au Sieur du Par- quet, Salut. Eftant necelfaire d’eftablir dans Tille déjà Martinique des perfonnes d’authoriré pour la confervation des François qui y font à prefent en bon nombre , 5c les faire vi- vre en paix 5>c union félon les loix de France : 5c l’employ que vous avez eu dans Tille de Saint Chriltophe, fous le Sieur d’Enambuc vollre oncle, Capitaine General de ladite Ifle , ayant fait voir vollre courage 5c conduite; A ces caufes, la Compagnie alTeurée de voftre affeétion au fervice du Roy, 5c au bien de la Compagnie, vous a eftably , commis, 5c dé- puté ; eilablit , commet , &c députe fon Lieutenant General en Tille de la Martinique; pour le relie de cette année 5c les trois fui vantes, qui commanceront au premier Ianvier 1639- pour en l’abfence du Capitaine General de ladite Ille , qui fera nom- mé par ladite Compagnie, 5c lors qu’il y fera par fes ordres, faire tout ce que vous jugerez necelfaire pour le fervice du jRoy , EEablilfement de la Colonie des François, bien 5c uti- lité de la Compagnie, aux droits de trente livres de petun. aux Ant-Ifles de l'Amérique. io 7 a prendre fur chacun des habicans de ladite Ifle, non exempté par la Compagnie , és années que l’on fera dupetun : & és an- nées que l’on n’en fera point, du trentième des marchandifes de traite qu’ils feront. Mandons à tous Capitaines , Officiers, Gens de guerre, &: autres habitans de ladite Ifle de la Mar- tinique, qu’ils ayent à vous obcïr en ce qui dépend de ladite charge: De ce faire vous donnons pouvoir, en vertu de celuy à nous donne par fadite Majeflé. Fait à Paris le deuxième Décembre 1637- Signé, Martin, Berrver. Comme j’ay feulement entrepris d’écrire uns hiftoire & non pas de faire dès Annales, je ne m’attacheray pas aufli ferupu- leufcment à fuivre l’ordre du temps auquel les chofes fontar- rivées; c’efl: pourquoy, afin de n'cftre pas oblige de fauter continuellement d’Ifle en Ifle, je poufleray I’Hiftoire des chofes qui font arrivées dans rEftabliffement de la Martini- que jufqu’en l’année 11340. & ainfi le Ledeur verra ce qui m’o- blige de parler des Commiflions données par M. le General de Poincy, avant que je l’aye fait arriver à Saint Chriftophe. Aionfieur de Poincy loue la conduite de Ai. du Par- quet, qui écrit aux Seigneurs de la Compagnie en faveur de fes habitans. §. IV. MOnfieur du Parquet ayant receu fa Commiffion; n’eut rien plus à cœur, que de maintenir fa Colonie, & de rendre cét Eftabliflement, l’un des plus floriflans de l’Ameri- que. Pour réüflir dans ce deflein, il forma fon Gouverne- ment fur celuy de M. d’Enambuc fon oncle , il en obferva la méthode, & il ajufta fi bien fa conduite à celle de cét Illuftrc Fondateur des Colonies Françoifes, qu’il fcmbloit qu’un mefl. me efprit animait ces deux corps. Pour ce fujet il exempta, comme avoit fait M. d’Enambuc, les premiers habitans de toute forte de droits pendant trois Oij io 8 Efi'MiJfement des 'François ans, ce qui joint à la douceur de fon Gouvernement, luy at- tira la louange de tout le monde, l’approbation des Seigneurs de la Compagnie , & a rendu fon Ifle la plus peuplée de tou- tes les îfles habitées par les François. Voicy comme en parle . M. le Commandeur dePcincy à M.le Prefident Fouquet dans Fa Lettre du feiziéme Aouft 1639 . „ Pour les affaires de biffe de la Martinique elles font en „tres-bon eilat, &: M. du Parquet mérité de grandes loiian- „ges pour les foins 5c diligences qu’il y apporte , afin que tout ... „y aille d’ordre. Il a fait faire des habitations proche du Fort ,, Royal : d’autres à fon imitation y en ont pris, de forte qu’ils „commancent fort de s’élargir. Il y a environ fept censhom- „mes capables de combattre, mais s’il falloir qu’ils fulTent at- taquez, ils n’ont pas de poudre pour tirer chacun quatre ,, coups. Il a fait renouveller toutes les Pallifades dudit Fort ^Royal : tous leurs canons font démontez , autant vaut-il , puis „que les afufts ne vallent rien. Il n’y a qu’un Charpentier en „toute l’Ifle; 5c entre leurs autres neceflitez, celle-là n’eft'pas „des moindres, 5c à laquelle fpecialement vous devez pour- „voir 5c leur envoyer quelqu’un. Voila quand au temporel ; 5c „pour le fpirituel, eftant éloignez les uns des autres, comme „ils font, ils n’ont que deux Preftres Séculiers, qui me trom- peront, auffi bien que les deux que nous avons icy, s’ils „ font jamais Chanceliers en Sorbonne, leur incapacité eff; déplo- „ table. La Compagnie, qui voyoit proiperer fes affaires à la Mar- tinique, fous la bonne conduite de M. du Parquet, pendant que celle de la Guadeloupe , où elle avoit confumé tant d’ar- gent 5c envoyé tant d’hommes , déperiffoit à veuë d’œil, où M. de l’Olive , écrivit à M. du Parquet, afin qu’il portait fes habitans à recevoir un luge, à édifier un Hofpital , 5c à. baftir une ville, 5c luy recommanda d’appliquer les amandes aux ne- ceflltez des pauvres 5c des malades : il receut cette Lettre à Saint Chriffophe, par laquelle il vît bien que la Compagnie s’imaginoit déjà que biffe regorgeoit 5c d’hommes 5c de ri- chefles : mais connoiffant que les chofes quelle pretendoit pour- voient aliéner l’efprit des habitans de la foûmiffion & du refo aux Ant-IJles de l'Amérique. i o 9 ped- qu’ils dévoient à Tes ordres, il fe comporta avec tant de fâgefïc, qu’il conferva fon peuple dans la liberté ( qui doit eftre afl'eurément plus grande à des Colonies naifTantcs, qua des peuples qui naiffent fous les loix ) &. perffiadafi efficacement les Seigneurs qu’ils luy lâiflèrent abfolument la conduite du peuple &c des affaires de leur Compagnie. I’ay trouvé l’Ori- ginal de cette Lettre dans les papiers de feu M. le Prefident Fouquet, que je n’ay pu me difpenfer de mettre icy, parce qu’elle nous fait connoiftre l’eflat de la Colonie , & la fermeté de M. du Parquet à foûtenir l’intereft de fon peuple. M ONSIEVR, „ I’ay receu trois de vos Lettres, lune par M. Chirard,! au- tre par Trefel, & une troifiéme dattée du troifiéme Avril ,,1639. par laquelle vous me mandez que vous envoyez le „ Sieur Chirard pour luge à la Martinique : ce qui m a e lionne, ,,veu les Lettres que je vous ay écrites. Nous fommes allez „exprés ledit Chirard &. moy à Saint Chriftophe trouver M. „le General, ne pouvant recevoir de luge à la Martinique > ,,que premier il n’y ayt fortification & garnifon, m’a condi- tion n’eftant pas de commander à des Bourgeois. Ce qui ma „fait venir icy exprès pour voir mondit Seigneur le General, „& fçavoir fa refolution, & fi il defire qu’il y ayt un luge à „Ia Martinique , qu’il me donne mon congé de me retirer en „France. „ Fay efié bien aife de l’arrivée du Sieur Trefel, & j’efperc „qu’avec l’aydede Dieu, il pourra réüffir à faire du fucre. Pour „les deflénfes que vous me mandez, que perfonne n’ait à en „faire , il n’y a point lieu.de les faire, attendu qu’il n’y aper- „fonne qui foit affez fort pour cela : fi par hazard il fe trou- toit quelqu’un, à qui il prit envie d’en faire, je leur feray „deffenfe fur l’heure mcfme. „ Il elt permis pour le prefent aux habitans des Ifies de „s’aller habituer à la Martinique , ce qui me fait beaucoup ef- „pcrer de monde. i:0 EftMijfement des François „ Pouu ce qui eft des artifans & leurs femmes, que devez en- voyer avec leurs oucüs, ils feront extrêmement neceffaires, , mais il faudra leur faire deffenfe de travailler au petun, ro- j,cou, coron, & autres marchandifes, mais fimple ment de leurs j,meftiers. „ Pour l’Hofpital que vous me mandez que l’on falle , ce 5,feroit une chofebien necelfaire, mais les habitans eftans pau- vres, ils ne le peuvent pas entreprendre. Pour les deux mille „livres de petun , que vous me mandez y donner, ce ne fe- ,,roit pas pour entretenir un homme : faifant un Hofpital, il „faudra un Chirurgien bien garny d’un bon coffre , plein de „médicamens, ferremens, ôc quantité derafraîchilfemens pour ,, les malades. „ Pour ce qui eft desfoldats de la garde , on n’en peut tirer j, aucuns que pour le fervice du Fort. „ Pour les amendes que vous me mandez que l’on employé „pour ledit Hofpital, il fera impoftible encore pour cette ali- gnée de payer aucune amende , à caufe que la plufpart des „habitans doivent plus qu’ils n’ont vaillant y & quand il y en „a quelqu’un qui fait faute , on l'cnvoye aux fers pour puni- tion. „ Pour ce qui eft de faire une ville , comme vous me man- ,,dez de commencer, ilfaudroit que vous m’en voyafliez quan- tité de maffons, briquetiers, tailleurs de pierre, faifeurs de „chaux , Charpentiers, Menuifiers, Serruriers, Taillandiers, „Cloutiers , Couvreurs , & autres ouvriers garnis de leurs ou- „tils, & autres chofes neceffaires pour la conftruêtion de ladi- te Ville, qui ne fe rencontrent pas en ce pays; & eftant „arrivez , je ne manqueray fur l’heure d’executer vos or- dres. „ Pour le Chirurgien que vous avez envoyé, nous l’avons ,, placé dans le plus fort quartier des habitans, & il eft le fc- „cond Chirurgien del’Ifte, à caufe que deffunt mon oncle „Monfieut d’Enambuc,avoit promis la majorité au Sieur Bou- gon, veu fà fcience & expérience, & moy luy ay réitéré la ,,promefïe , voyant les grands travaux qu’il prend journelle- „ment dans rifle. Il a fervy plus d’un an dans le fort fans •. aux lAnt-IJles de ï Amérique. tn «jamais avoir rien receu. Deffimt M. d’Enambuc mon On- „de , luy avoir promis de Iuy faire donner fix mille livres «de petun , pour Je temps qu’il a efté dansledit Fort. II vous «plaira ordonner quelles luy foient payées, 6c que Ion droit «Iuy foit confervé , ayant fèrvy fidèlement. « Pour ce qui eft de la deffenfe que vous m’avez faite d’aï- «1er à Saint Chriftophe, je vous promet, fi Dieu me fait la «grâce de refter à la Martinique, que je n’en fortiray fi ccn’eft «par un commandement exprès, appréhendant qu’il n’arrive «quelque choie en mon ablcnce. „ Nous n’avons point eu connoillance cette année des Eipa- «gnols, je crois qu’ils font palfez au vent des I fies. ,, Nous avons reccu la poudre, la mèche, 6c le plomb, qu’il «vous a plû nous envoyer; ce qui m’a fort réjoüy,à caufedu «peu qui eftoit dans fille: je vous prie de continuer à nous «envoyer par tous les Navires qui viendront, cela n’eftant «pas capable de durer trois heures dans une neceffité' ,, M. de la Vallée a receu la Commilfion qu’il vous a plu Iuy «envoyer, il m’a prefté le ferment avec les ceremonies accoû- «tumées, je vous envoyé une requefte à moy prefentée par «les Officiers, où vous verrez leurs plaintes. ,, Nous avons fait faire un magazin pour NolTcigneurs , qui «eft feulement couvert de feüilles & à la mode du pays, n’ayant «aucun ouvrier qu’un Charpentier fans outils. Nous n’avons «point fait faire de magazin d’armes, attendu qu’il n’y a rien «à y mettre; il n’eft point encor arrivé de Navire qui aitbail- ,,Ié des moufqucts, ils vont tous à Saint Chriftophe, 6c au- «cun Navire François ne nous affifte, qu’un navire de Saint «Malo. ,, Les Sauvages ont tué un François à la Martinique, &plu- «lieurs à la Guadeloupe; cela n’a pas empefehé que nous «n’ayons tousjours vécu en bonne intelligence avec eux, 6C «qu’ils ne viennent journellement parmy nous : il y enaquel- «ques-uns qui fouhaitent y prendre habitations, mais ceux des «autres Mes les en empefehent. « Pour ce qui eft du nommé Gafté,qui eftoit venu de voftre «part pour vifiter le petun, on ne l’a point fait recevoir à eau* Xî2, Efiablijfement des François . „fe qu’il n’a point amené de Charpentier, ny de Menuifiet, 3, comme vous nous l’avez mandé. Le Capitaine Grégoire a ,,féj ourné quinze jours à la Martinique, où on n’a pû embar- „quer de petun pour la Compagnie , à eaufe de la maladie du ,, Sieur Marchand, ôcdela négligence qu’av oit eu le Sieur Mo- „rin, qui eft à prefent aux fers, pour avoir commis les fautes, „que vous pourrez voir dans fon procez, queM. le General ,, vous envoyé. " 1 . ' r 3, Pour ce qui eft des papiers que Lefperance vous a envoyé 3, par le Sieur Gentil, dont il a tiré un recepiffé de luy, quife 3,monte à fix mille & tant de livres de petun; ce n’eft pas le 3, tiers delà dépenfe faite , tant par feu M. d’Ênambuc mon «Oncle, que par moy ; mais ceux feulement dont ledit Lefpe- j, rance à pû trouver les acquits fignez des payemens faits, at- „tendant qu’il en puiffe trouver davantage, le vous prie , M. «d’avoir un foin particulier de cette affaire; jugeant bien qu’il „n’eft pas raifonnable que /employé ma vie, mon honneur , &: 3, mes biens, fans en eftre rembourcé. le vous prie d’exeufer „ff je parle avec tant de liberté ,* mais ayant croyance que . 9, vous n’aymez que la vérité, les chofes naïfues , je parle de „la forte, ne pouvant flatter ceux que je connois eftre de vô- 3,tre mérité, à qui rien ne doit eftre celé . „ Lefperance me veut quitter , ayant veu les reproches qu’on „ luy fait dans mes Lettres, & mefme lesdeff'enfes qu’onafai- „ tes de le laiffer habiter dans Saint Chriftophe &dans laMar- «tinique: je nç fçay pourquoy, n’ayant jamais rien connu en „luy contre vos interefts; au contraire, je l’ay veu difputer „plufieurs fois contre Fougeron , pourfoûtenir ce qui vousap- „partient; il efpere vous voir à la fin de l’année , difant ne „ plus vouloir revenir, le ne vous ennuïray pas davantage, je «fuis, me difant pour jamais , M ON SI E Y R, TDe'VojlrelJle S* Chrftophe y ce Voftretrcs-humble&tres-obeïk fantferviteur, dv PaRqvet. aux A nt-Ifes de P Amérique. îij II eft à croire qu’il exprima Tes fentimens à M. de Poincy avec la mefme liberté qu’il les écrivoitàla Compagnie, &que* ce General autant politique & adroit, que M. du Parquet eftoit franc & genereux, lit tout ce qu’il pût pour le conten- ter de paroles, &■ pour l’obliger à recevoir ce luge : mais voyant qu’il eftoit inflexible, il fit commandement au Sieur Clîirard de la part du Roy d’exercer cette Charge, &; d’achever le pro- cèz de Morin convaincu de rapt, d’adultere, & de crime de leze-Majelté divine & humaine. Cét ordre de M. le Gene- ral fut lcû le quatrième Septembre 16 39. à la telle des Com- pagnies. M. du Parquet qui voyoit que le peuple eftoit re- fblu de périr, plutoft que de recevoir ce luge , ne fit aucune inftancepour lesy obliger; au contraire, il fouftiit que le Sieur de la Vallée s’y oppofaft au nom de tous les habicans; néant- moins pour le refped qu’ils portoient à leur cher Gouver- neur, ils fouffrif eut qu’il continuait le procez ,& qu’il condam- nait Morin à la mort, le vingt-neufiéme Odobre de la mef- me année 1639. Apres quoy voyant qu’il n’avoit plus que faire dans fille ayant achevé fa Commiflion , ils Iuy firent tant de piè- ces qu’il fut contraint d’en fortir. Prudence de Ai. du Parquet , four conferver la faix avec les Sauvages. Vn accident fâcheux les anime a la guerre. Ai. du Parquet s'y fréfare fuivant les ordres de Ai. le General de Poincy. §. v. CO mine la mauvaife intelligence de M. de l’Olive avec les Sauvages , au fentiment des plus judicieux, a efté un invincible obftacle au progrez de la Colonie Françoile dans l’Ifle de la Guadeloupe: M. du Parquet pour évirer ce mal- heur mit tous fes foins pour conlèrver l’amitié ,de ces Barba- res, fuivant les ordres exprès qu’il en avoir receu des Seigneurs de la Compagnie. I. Partie. P n Efiablijfement des François C’cft ce qu’il témoigne à ces Meilleurs dans la Lettre qu’il leur écrivit le vingt-cinquième Iuin 16)6. où il parle en ces ter- mines. Touchant l’intelligence que vous me mandez d’avoir j, avec les Sauvages, elle ne fe peut meilleure que nous i’a- «vons : nous vivons enfemble comme h nous eltions tous Fran- çois -, mais ce n’cft pas fans grands frais, qu il faut que je faffe j, pour leur faire de continuels prefens, nous venant voir jour- nellement. Pour leurs enfans, ils ne trouvent pas agréable „qU’on les leur demande , ce qui m’oblige à faire la garde «plus exaétc. I’ay fait deffenfc fur peine delà vie de leur faire «aucun tort. Ses foins ne purent pourtant empefeher que les Sauvages ne témoignaient par des aftes d’hoftilité , le déplaifir qu’ils avoienu dans le coeur, de voir les François seflablir chez eux, & le rendre les maiffcres de leur pays. Le Sieur Chirard informa M. le Prefident Fouquet de deux fiijets, qui penferent rom- pre la bonne intelligence que M. du Parquet avoit confervée avec les Sauvages ; il parle ainli dans là Lettre du huiéfiéme „Novembre 1659. En palïantpardevantllflede la Dominique, j, les Sauvages nous tirèrent des fléchés en noftre barque , ou mcftoit M. du Parquet, qui n’en fit que rire; mais citant ar- rivez à la Martinique, il y apprit qu’ils avoient enlevé deux «Sauvages de la Café du Sieur de Lefperance; auffi-toft M; „du Parquet a fait arrefter le Capitaine Kayerman, Chef de «tous les Garaibes , âgé au moins de izo. ans , 6 c luy a fait met- tre les fers aux mains & aux pieds, avec menace de nen «point fortir, jufqu’à ce qu’il eut rendu les deux Sauvages, que «ceux de fa Nation avoient enlevé fur les François. Quatre «ou cinq jours apres, il rompit fes fers, & s’eftant fauvé dans «les bois, il y fut mordu d’un ferpent à l’épaule, & le lende- «main il mourut de là blelfure.* Nous n attendons pas mieux ^ tous les jours, que d’eltre airaflinez &: brûlez par les Sauva- «ges, que l’on dit s’affembler pour cela de toutes les Mes. M.du Parquet jugeant bien que cette mort rallumeroit dans Fefprit ' des Sauvages des fentimens de guerre & de vengean- ce , fe prépara à les bien recevoir ; neantmoins comme la cho- fe cfloit de confequence , il en informa M. le Commandeur aux Ant-IJles de ly Amérique. de Poincy , & luy fit connoiftre la diligence qu’il avoit appor- tée à découvrir leur deftein , le priant de luy permettre de les prévenir &c de leur porter la guerre jufques dans leurs Car- bets , eftant moralement afleuré que les Sauvages ne manque- roient point de venger cette mort du plus confiderable de leurs Capitaines , far U fer & far le feu, il luy en écrivit en ces termes le 14 Novembre 1639 „ Le Capitaine Pitre eftant venu Ce crener icy, je l’ay prié « d’aller à la Capftcrrc afin d’éventer le deflein des Sauvages, ,,1’a où il m’a rapporté que les Sauvages dégradent leurs jar- «dins , & qu’il y a des Sauvages de toutes les Ifles, qui eft chofe «afleurée , pour nous faire la guerre; je vous fupplie, fi vous „le defirez, que nous les attaquions les premiers, ils ne nous «feront pas grand mal ; mais fi nous attendons qu’ils nous vien- nent attaquer, ils furprendront infailliblement quelque quar- tier. le trouve dans les mémoires Originaux fignez de la main de M. de Poincy, envoyez en France le vingt-cinquième I an» vier de l’année fui vante 1640. l’ordre qu’il envoya à M. du Parquet, de combattre les Sauvagesen cas qu’ils l’attaquaftent. Voicy ce qu’il en écrit à la Compagnie. „ Quant à la Martinique , il n’y a point de nouvelles que les «Sauvages ayent encor rien attenté: Neantmoins pour ne rien «obmettre de tout ce qui eft , ou peut eftre utile & neceffai- «re pour la confervation de l’Ifle , j’ay envoyé une Commif- «fion à M. du Parquer qui en eft Gouverneur, de la teneur «fui vante. Commision à M. du Tarquet , Gouverneur de U Martinique , de combattre les Sauvages, s ils le viennent attaquer. «T E Chevalier de Lonvilliers de Poincy, »>.Lde l’Ordre de Saint Iean de Ierufalem, Commandeur «d’Oyfcmont, Chef d’Efcadrc des Vaifleaux du Roy enBre- «tagne , Gouverneur de l’Ifle de Saine Chriftophc , pour les P ÿ n 6 Efiablijfementdes François -^Seigneurs de la Compagnie des Mes de £ Amérique , & Lieu- tenant General pour Sa Maj elle defdites Mes. Sur les certains „avis à nous donnez, que les Sauvages de i’Me de la Martinique, jjfont en refoîution d’entreprendre la guerre contre ceux de „noftrc Nation, fous prétexte de la mort arrivée au nommé wKayerman leur grand Capitaine ; la caufe de laquelle ils at- tribuent aux François de ladite Me : & que fi on différé à „s’oppoferà leurs efforts de violences qu’ils fe font mis en de- voir d’exercer , icelle Me eft en danger d’eftre ruinée fans „efpoir de remede , qu’avec de tres-grandes difïicultcz &deff „penfcs : Pour à quoy obvier, de prévenir le mal , il eft ordon- „néau Sieur Du Parquet Lieutenant General pour lefdits Sei- gneurs en ladite Me, s’oppofer de toutes fes forces aux défi- pleins dcfdits Sauvages, fe mettre en eftat d’eftre hors defur- „prife , empefeher leurs progrez ; de en cas qu’ils fe rendent ,,agreffeurs, faire contre eux tout afte d’hoftilité , mefme les „chafier de l’Ifles’il peut, &: ce à toute extrémité , de ne pou- vant faire autrement , d’autant que iceux Sauvages eftans „chaffez ( veulepeude monde que ledit Sieur Du Parquet „peut avoir, qui n’eft capable d’occuper de de conferver toute „la terre ) d’autres qui font toujours aux aguets, fepourroient „fervir de cette occafîon pour s’emparer de la Caps-terre , où „Iefdits Sauvages font habitans, ce qui feroitun plus grandmal „que le premier , de de plus difficile remede. Mais afin qu’il „nefoit rien obmis pour la feureté de ladite Me, avancement „des affaires de Sa Majefté , defiits Seigneurs , bien , re- ,jpos j & tranquillité publique ; enfemble pour reprimer l’in- „folence de ces Barbares , faire par ledit Sieur Du Parquet , „tout ce que par fa prudence de bonne conduitte , il jugera „aux occurrences,, de mieux de de plus convenable Donné en „noftre Hoftel dè la grande Montagne de la Baffe -terre , en ,,1’MeSaint Chriltophe ,1e zo. lanvier 1640. Signé le Chevalier „DE PoiNCY. M. Du Parquet ayant receu cét ordre , fe conrenta de re- doubler les Gardes du Fort, de renforcer de monde les Ca- fés les plus écartées , de de Ce préparer à une deffenfe vigou- £eulè contre les Sauvages : mais comme ilsavoient des efpions 'aux Ant-IJles de l 'Amérique. 117 dans l’Ifle, ils s’aperçeurent bien que tous ces préparatifs n’ê- toient que contre eux , 3c qu’ayant affaire à un vaillant Gou- verneur , il en coûteroit la vie à la plus grande partie des Sauvages -, fl bien qu’ apres avoir - délibéré entre eux , ils re- folurent de ramener les deux Sauvages enlevez , 3c de prier M. Du Parquet de vivre avec eux comme auparavant, en paix 3c en bonne intelligence. Ainfl toute cette allarmc fe diflipa, les Habitans s’eftendi- rent fans trouver aucune refiflance de la part des Sauvages, ils continuèrent leur travail interrompu , ils firent d’excellent Petun, qui y attira les Marchands : ce fut pourtant toujours avec les précautions , telles qu’on les doit prendre avec des gens qui n’ont aucune foy, 3C qui fe vengent quand ils eu trouvent l’occafîon favorable. M. de Pomcy ravy de la fage 3c prudente conduite de M. Du Parquet, le fit premier Capitaine des nouvelles Compa- gnies qu’il créa à Saint Chriflophc j 3c comme cette charge paroifîoit incompatible avec celle de Lieutenant General qu’il exerçoit à la Martinique, il manda aux Seigneurs de la Com- pagnie, qu'il avoit crû le devoir honnorerde cette nouvelle di- gnité, & qu’elle ne prejudicieroit en rien aux devoirs de li pre- mière : voicy ce qu’il en écrivit à feu M. le PrcfidentFouquet, le 4. Iuillet 1640. „ I’ay donné à M. Du Parquet Lieutant General pour lefdits „Seigneurs à la Martinique, la première Compagnie des nou- velles créées à Saint Chrifiophe , de laquelle j’ay crû le de- ,, voir gratifier, pour luy donner encore plus de courage de bien ,,fervir -, mefme n’y ayant point d’incompatibilité ny d obliga- tion , à quitter la place à luy commife , ayant de bons Lieute- „nans, comme je l’enay pourveu d’un -, &c de vouloir empefi- „cher luy 3c les autres qui commandent , d’aller 3c venir lors „qu’ils ont à pourvoir à des affaires abfolûment neceffaires, ce „feroit trop les gefner ; il n’y a point d’inconvenienr de leur „permettre, mais rarement, pourveu qu’à leur départ ils laif- „-fent bon ordre. Non feulement M. le Commandeur de Poincy à Ioüc fa conduite 3c l’a honoré de charges , afin de l’arre fier aux IflesA - - ° p m 318 Efiahlijfement des François comme il difoit fouvent, n’ ayant jamais connu un plus brave Gentil-homme ; mais encore la Compagnie a eflé fi fatisfaite de Ton Gouvernement, quelle l’y a tousjours maintenu par de nouvelles Commifiions : je trouve dans Tes registres quelle le fit Gouverneur 6c Senefchal le douzième May 1643. 6C qu elle le confirma dans la mefme charge le fixiéme Septem- bre 1647. fi bien qu’il a tousjours gouverné l’Ifle depuis l’an 1637. jufqu’à fa mort. 31 ne manquoit plus- à la félicité du Gouvernement de M. du Parquet, & à la perfedion de ce nouvel EflablifTement, que des Religieux qui portaient les peuples de cette Ifle à la pieté, qui leur adminiftrafTent les Sacremens, ôc leur prefi. chaffent la parole de Dieu ; ce fut aufii le premier foin deM. du, Parquet qui en écrivit aux Seigneurs de la Compagnie, Scieur demanda des Religieux de noftre Ordre, ou des PP. Capu- cins : mais M. le Prcfident Fouquet qui aymoit la Compagnie* des PvR. PP. Iefuites,fit en forte que ces Seigneurs traitaffent avec eux. Le s R R. P P. B outon 6c Empteau 6c un Fr ere Coadju- teur furent les premiers députez pour travailler à cette vigne du Seigneur. Ils arrivèrent à la Martinique au commencement de l’année 1540. le jour du Vendredy Saint; le Gouverneur qui ne les avoir pas demandé, fè trouva d’abord fort peu diT pofé à les recevoir; les habitans mefme y avoient de la répu- gnance, mais le R. P. Bouton homme de mérité 6c excellent Prédicateur, les ayant touchez par fes prédications , les fit fi bien changer de fentiment, que fix fem aines apres le Gou- verneur fit travailler en fit prefence à défricher la terre de l’ha- bitation ou ils font maintenant eftablis, 6c incomparablement mieux baftis que tous les autres Religieux des Ifles. Ils ont travaillé tres-utilcment, non feulement dans cette Ifle pour y ellablirla pieté parmy les habitans, qui dans ces premiers com- mencemens eftoient fort débauchez, mais encore dans les Ifles de Saint Vincent 6c de la Dominique % habitées par les Sau- vages, où deux de leursPeres ont eflé mafïacrez dans les fon- dions aduelles de leur miniflere : j’enparleray enfonlieu, laifi- fânt icy à part tous les progrez de leurs Millions , dont l’hifloire a eflé amplement décriteparles RR. PP. Bouton 6c Peleprat» aux Ànt-IJles de l'Amérique. quoyque ce dernier fe foit trompé , en mettant cét eftablifFe- ment en l’année 1638. M. dïEnambuc meurt a Saint Chriflophé. Le Sieur de Halde fin Lieutenant ? efl ejlablj G ou * *verneur en fia place. CHAPITRE V. APres que IesHab/tansdeTIfle de S.Chriftophe , eurent vaincu les Sauvages , &c dompté la fierté des Anglois* dans toutes les rencontres, comme iis commençoient à] joiiyr du fruiét de leurs travaux, &: qu’ils vivoient dans l’abôdan- ce & dans la paix, fous Ta dmirable conduitte de M. d’Enambuc,ils eurent le déplaifirdele voirfortir de ce monde fur la fin de l’an- née 1636. parmy IesgemifTemens ôdes foûpirs de toute fa famille. M.Ie Cardinal de Richelieu , qui avoit un parfait difeerne- ment des efprits, qui ne donnoit fon approbation qu’à ceux qui s’en eftoient rendus dignes par leur fidelité & leurs belles aétions, s’affligea de fa mort, &: dit hautement, quand il en, apprit la nouvelle, que le Roy avoit perdu un des plus fideles ferviteurs de fon Eftat. Ce qui furpafïe toutes les louanges que je Iuy pourrois donner de la part de tous les habitansdes Ifles; parmy lefquels fon Illuftre mémoire fera tousjours en vénération, & demeurera plus long-temps gravée dans leurs cœurs , par le fouvenir de fes vertus &: de fa bonne conduite» quelle n auroit duré fur les marbres de quelque fuperbe Mau- folée. La pauvreté du pays n’a pas encore permis qu’on luy ayt drefle aucun tombeau, & le changement d’Eftat qui s’y eft fait depuis peu, ne fait pas cfperer qu’on Iuy en baftifie; l’éclat de tes vertus n’a pas befoin de cette rcconnoiffance pu- blique pour rendre le nom du Grand d’Enambvc im- mortel, &c je puis dire de luy ce que Virgile difoit au grand Cæfar. 110 Efiablijfement des François ln Fréta dum flwvij currenty dum montibut umbrté Ltijbabunt convexa ; Voius dum JyderapaJcet , Semper honos ■> nomenque tuum , laudejque manebtmt. Les habitans l’ont pleuré comme leur Per e, les Ecclefiafti- ques comme leur Proteéteur , 8c les Coloniesde S.Chnfiophe,. de la Guadeloupe , 8c de la Martinique, l’ont regreté comme leur Fondateur. M. du Halde, Gentil-homme Gafcon, que les Seigneurs de la Compagnie avoient eftably Ton Lieutenant par une Com- mifiion particulière dattée du leptiémc Mars 16^5. luy fucceda dans le Gouvernement. C’eftoit un brave, qui avoir perdu un bras au fervite du Roy ; les habitans rappelloient commu- nément bras de fer, parce qu’il en avoit un artificiel à la place de celuy qu’il avoit perdu fi glorieufement au fervice de fon Prin- ce. Iln eut pas de peine à maintenir les choies que M.d’Enambuc avoit eftablies pour la milice, pour la police, 8c pour le commerce. Les rapports avantageux qu’on fit de luy à la Compagnie, portèrent les Seigneurs à luy envoyer une Commiflion de Ca- pitaine General, pour commander dans Saint Chriltophe en la mefime qualité qu’avoir exercée feu M. d’Enambuc. le ne la rapporteray pas icy, parce qu’elle elt femblable aux autres qu’elle avoit envoyées à M. de l’Olive pour la Guadeloupe , 6c à M. du Parquet pour la Martinique. Mais foie qu’il te déplût aux Illes, ou que fes infirmitez l’o- bligeaficnt d’en Partir, il fit de grandes inllances au Roy, 8c aux Directeurs de la Compagnie, pour en eltre rappellé. Les Seigneurs de la Compagnie craignant qu’il n’arrivait quelques révolutions fafeheufes pendant fon abfence , non feu- lement luy refulerent la pcrmilïion de revenir en France, juf- qu’à ce qu’ils y eufient envoyé un autre Gouverneur; mais en- cores obtinrent de S. M. urte deffenfe pour fortifier la leur, par laquelle le Roy luy deffendoit exprelferacnt d’en fortir fans un nouvel ordre de fa part. Ic l’ay trouvée chez M. le Prefident Fouquet, en ces termes. DE PAR LE ROY. CApitaine du Halde, nous avons efté avertis parles Di- recteurs de la Compagnie des Illes de l’Amérique, qu’el- " - - y aux Ant-IJles de I Amérique. m le vous avoic pourveu de la charge de Capitaine General de l’Ifle de Saint Chriftophe en l’Amérique , vacante par le de- ceds du Capitaine d’Enambuc : & d’autant que cette Ifle eft tres-importante pour noftre fervice, & qu’elle efl: à prefent remplie de nombre denoslujets, nous voulons que vous ayez a y demeurer, du moins l’année prefènte, fl voflre fanté &: vos affaires domeftiques ne vous permettent d’y demeurer les trois ans portez par voftre Eftabliffement. Vous fai- fant tres-exprefles deffenfes d’en .defemparcr fans noftre confentement exprès , ou que la Compagnie ayt pourveu d’un Capitaine en voftre place , fous peine de defobeïflan^ ce. Car tel cft noftre plaiflr. Donné à S. Maur des Foflez le neufviémc Septembre 1637. Signé, Lovys, plus bas, de Bovthillier. Ai. de la Grange efl choifi four Gouverneur des IJles. Il propofe Ai. le Commandeur de Poincy a la Compagnie , qui le prefènte a Ai. le Car - dînai, & luy au Roy. Ses Commuions. CHAPITRE VI. NOus voicy enfin arrivez en l’année 1638. fous un nou- veau Gouvernement , ou plutoft fous de nouveaux Gouvcrnemens, qui nous vont fournir pendant douze années: plus de revolutions,plus de révoltés , plus d’intrigues, plus de perfecutions contre l’Egiife , plus d’innocens oppri- mez , plus de criminels abfous , &c plus d’hiftoires tragiques, qu’un grand empire, n’en déplore quelquefois pendant un flecle entier. Pendant que M. du Halde demeure à Saint Chriftophe con- tre fa volonté , & par le feul refpeét qu’il doit aux ordres de S. M. Les Seigneurs de la Compagnie cherchent par tout un I. Partie. “ ~ nz Efiablijfement des François homme de mérité, de courage, & d’experience pour gouver- ner , non feulement l’Ifle de Saint Chriftophe , maisencore tou- tes les autres; à deffein de le prefenter au Roy, &C d’obtenir pour luy la Charge de Ton Lieutenant Generalfur les Mes, fé- lon le droit que S. M. s’eftoit refcrvée dans fes Lettres Patentes accordées à la Compagnie pour Ton reftabliffement. M.dela Grange Fromenteau fe prefenta pour remplir cette Charge ; comme c’eftoit un fortbon Gentil-homme, d’une pieté exemplaire, d’une humeur affable, & qui avoit toutes les qualitez neceffaires à un bon Gouverneur, il fut agréé de la Compa- gnie, qui luy promit de le prefenter au Roy. Mais parce qu’il falloir faire de grandes avances, tant pour fubvenir aux frais d’un embarquement de cette confequence, que pour s’eftablir avec honneur dans rifle de Saint Chrifto- phe ; M. de la Grange ne fe (entant pas en eftat de fournira ce s dépenfes , refolut de fe contenter de la Lieutenance , d’un homme qui fûtaffez puiflant en crédit .& en biens, pour foûte- nir avec éclat cette importante Charge. Il jetta pour cela les yeux fur M.le Commandeur de Poin- c y, qui eftoit pour lors à Pans fans aucun employ , àuaufede quelque démeflé qu’il avoit eu avec M.l’Archevefque de Bour- deaux qui commandoit l’armee navale. C’eftoit un ancien Commandeur de Malte, d’une très- îlluftrenaiffance, qui pof- fedoit en bénéfices de fon Ordre au moins 20000. livres de rente ;& qui s’eftoit également fignalé dans les combats con- tre les Turcs fur les Galeres de Malte, & contre les ennemis delà France dans les armées du Roy. Sa Majefté bien informée de fa valeur, l’avoit plufieurs fois honoré de la qualité de Vice- Admiraldans fes armées navales. En un mot, c’eftoit un guer- rier confommé , un grand Politique , un homme puiflant en ri- cheffes & en amis, & une des bonnes telles de l’Europe. M. de la Grange luy communiqua fon affaire avec beaucoup de fincerité , & le pria en mefme temps d’accepter cette Charge, dont il fe demetroit tres-volontiers en fa faveur, pourveu qu’il fût fon Lieutenant, & qu’il le voulût ayder de la Comme de quatre mille livres, dont il avoit befoin pour fon embarque- ment. aux Ant-IJles de l’Amer i que. 113 M. de Poincy , qui avoit l’efprit pénétrant, fit un juge- ment avantageux de la qualité de cét employ : il 1 accepta de tout Ton cœur , remercia M. de la Grange , luy offrit fa Lieu- tenance , & luy promit de l’affifier de tout ce qu’il auroit befoin. La Compagnie eftant informée des mérités de M. dePoin- cy, fe tint fort obligée de fa refolution, & agréa d’autant plus volontiers la dcmiflion de M. delà Grange en fa faveur , quel- le crût que ce fameux Chevalier gouverneroit les Ifies avec la mcfine prudence & la me fine douceur, que M. le Cheva- lier de Montmagny gouvernoit le Canada. Elle luy fitexpedier une Comm illion de Capitaine General dans 1 Ille de Saint Chriftophe , que j’ay trouvée en original, dattée du fixiéme jour de Ianvier i6>$8. mais je ne la rapporte pas îcy , parce quelle efi: conceuë dans le fiyle ordinaire des autres. Il n’accepta cette Charge , qu’il jugeoitau deffous de luy, apres- les einploys confiderables qu’il avoit eu en France , que com- me une difpofition à la Lieutenance de Roy fur toutes les Illes, que les Seigneurs delà Compagnie a voient promis de luy procurer. En effeét, aulli-toft qu’ils en eurent parlé àM. le Cardinal de Richelieu, il fut bien aife de trouver cette oc- çafion d’obliger M. de Poincy : &c il ne tarda pas long-temps à luy donner des marques de Ion ellime; car le mois fiiivant il luy envoya cette nomination qu’il avoit faite au Roy delà perfonne. M. le Cardinal de Richelieu prefeitte an Roy M. le Commandeur de Poincy y pour Lieutenant General de Ja Majejlé aux ljles de l Amérique. ARrnand Iean du Pleffis , Cardinal Duc de Richelieu SC de Fronfiic, Commandeur de l’Ordre du Saint Efpnr, F air , Grand Mai lire , Chef & Sur-Intendant General de la Navigation &: Commerce de France. La Charge de Gouver- neur &, Lieutenant General de S. M. fur touces les Illes de Qâ ii4 Eftablijfement des François l’Amérique nous appartenant à caufe de noftre Charge de Grand Maiftre, Chef, & Sur-Intendant de la Navigation &c Commerce de France ; & n’eftant poflible de pourvoir à tout ce que defirons , & qui feroit neceffaire pour la confervation des François qui fontaufdites Ifles, ny les faire vivre fous les loix de la France , s’il n’y a quelque perfonne de conlideration fur les lieux , qui par fa conduite & authorité de fa charge, les contienne & reprime félon les occafions, & ne pouvant faire choix d’une perfonne plus capable , pour s’en acquitter di- gnement, que du Sieur de Lonvilliers de Poincy, Chevalier de l’Ordre de Saint Iean de Ierufalem , Commandeur d’Oyze- mont, Chef d’Efcadre des Vailîeaux du Roy en Bretagne, pour les preuves qu’il a données de fon courage & fidelité au lervice de S M. & grande expérience tant fur Mer que fur terre , lequel nous a efté nommé par la Compagnie des Mes de f Amérique , pour exercer la charge de Lieutenant General de S. M. pendant trois 'ans, ou tel autre temps qu’il plai- ra à S. M. fur toutes lefdites Mes de l’Amerique concédées à ladite Compagnie -Nous pour ces caulès avons nommé & prefenté, nommons & prefentons à S. M, ledit Sieur de Lon- villiers de Poincy , Commandeur d’ O zemont, pour Lieutenant General, de S. M. pour trois années, aufdites Mes de l’Ame- rique, avec pouvoir authorité dont joüylfent les Lieute- nans Generaux de S. M. es Provinces de France, aux droits émolumens à Iuy accordez par ladite Compagnie des Mes de l’Amerique. Suppliant tres-humblement S. M. d’avoir agréa- ble noftre prefente Nomination, & fur icelle faire expédier audit Sieur de Poincy toutes Lettres à ce necefiaires. En té- moin dequoy nous avons lignées ces prefentes, &c faitappofer le feel de nos Armes, & contrefigner par noftre Secrétaire or- dinaire de la Marine, à Ruelle 14. Février 1638. Signé le Car- dinal DE Ri cheliev, & fur le reply, par mondit Sei- gneur r»E Loynes, a fcellé fur double queue de cire rouge. S. M. ayant eu cette Nomination très - agréable à caufe du mérité de la perfonne qui Iuy efioit prefentée , luy fit expé- dier la Commilfion fuivante. aux tAnt-IJles de l* Amérique. 12.5 Commision de Lieutenant General de S. M. aux IJles de ï Amérique 7 donnée à M. de P oincj. wj r * . 1 ■ j . j "j , C î . > ; ' » r • ' } _ »r .1 , j i v r e LOuys par la grâce de Dieu, Roy de France 8c de Navar- re; à noftre tres-cher 6c bien -amé le Sieur de Lonvilliers ,pour l’avoir envoyé à la Capfterre. Quelques paroles du Sieur de la Grange , furent la fécondé cau- fie de leur mef-inteliigcnce , car les Seigneurs delà Compagnie à defléin d’augmenter la Colonie , & d’arrcfterlcs François , ayant Fut amalfer plufiicurs filles dans Paris &: ailleurs , ils en char- gèrent un Navire qu’ils envoyèrent à Saint Chriftophe. Le Sieur delà Grange croyant que la plulpar teftôi en t débauchées, permit feulement que celles qu’il jugea les plus fiages fuffent mariées à des Officiers , faifiant chafifer les autres. L’on rap- porta à M. de Poincy, qu’il avoit dit tout haut, que c’eftoient les avantcouriers de Poincy, qui en vouloit faire unSerrail, ce qui l’ayant aigri extraordinairement contre le S . de la Grange, il n’y eut plus entre-eux que delà froideur. Mais ce qui acheva de les divifer, fut l’arrivée de la fille d’vn riche habitant appelle Bellette, parfaitement belle, &tres-capable d’infpircrde l’amour .-car foit que les yeux de cette icune perfonne euflent porte leur venin juf- que dansle cœur de M. de Poincy, ou que le pretexte qu’il prit de la tirer du logis de fon pere fût véritable, il l’en fit fbrtir, difant qu’eftant un débauché &c un yvrogne , il n’en auroit aucun foin , & la mit chez Madame de la Grange , ou fes trop frequentes vifites donnèrent lieu de parler à tout le peuple; Madame de la Grange fe fervant de l’occafion, blafîna fa con - duite , & fous pretexte de couvrir l’honneur de cette fille , dit indiferetement plufieurs chofes qui firent plus de tort à fa ré- putation, que toutes les vifites de M. de Poincy. Ce procédé fâcha tout à fait M. le General, & pour en té- moigner les reffientimens, il envoya M. de la Grange demeu- rer à la Capfterre. Si-toft qu’il fut party il fit démolir le Fort qu’il avoit faitbaftir , appellé le Fort Saint Pierre , &T en fit confirui» R ü i $ i Efiablijfement des "François re un autre, qu’il fit nommer le Fort delà B ajje-tene , il travailla en fuite à gagner les efprits des principaux habitans,& à fe faire des créatures dans tous les quartiers de fille , on vit bicri-tort changer de face: car il créa de nouueaux Officiers, caflâ les anciens, Se l’on remarque entr’autres chofes, qu’il s’afleura d’un luge nommé du Renou , qui avoit efté Braffeur à Dieppe , 8c d’un Lieutenant Civil appelle Giraut, que M. du Pleffis avoit amené de France à la Guadeloupe en qualité de Chirurgien. M. de la Grange fe vid bien-tort feul & abandon- né de ceux qu’il croyoit fes amis , excepté des PP. Capu- cins, qui le croyant tres-innoccnt, luy continuèrent tousjours leur amitié : Mais bien qu’ils ne priflent point de party dans les differens qu’il avoit avec M. de Poincy , on ne laifla pas rte les perfecutcr M. de Bonncfoy , homme de probité, & Procureur Fifcal rte flfle en écrivit à M. le Prefident Fouquet le 14. Odobre «1639. en ces termes : Pendant que les PP. Capucins font 5,de grands progrez pour la dévotion , plufieurs flateurs font des ^rapports à M. le General de Poincy contre eux, accufant 5, fauffement leurs adions, blâmant & interprétant finiftre- „,ment leurs prédications : ce qui acaufé un grand refroidifle- „mcnt envers ces bons Pcres, & la chofe ert venue fl avant, 8, que fans le R. P. Marc ilsfc fuflent refolus d’abandonner l’Ifle. Il le porte enfuite à les protéger , & dit un peu plus bas : Il „eft tres-necertaire d’empefeher la fortie des Capucins: car la „plufpart des Prertres qui font tant dans Saint Chrirtophe, „que dans les autres Ifles , font gens fans aveu de leurs Evef- 9, qucs, &c la plufpart, fauf leur Caradere, des fripons plus at- tachez au lucre que les mondains. M. le General fit bannir de l’Ifle le Sieur Tillart, Preftre Aumofhier rte M. de la Grange, parce qu’il blâmoit fos vi- fltes, &C parloir avec trop de liberté de luy &: de la fille du fleur Balle-tefte. Quelques autres, comme les fleurs de Saint Amand & des Rochettes , furent auiîi chalfez fans aucune for- malité de jufticc, parce qu’ils eftoienp (es amis intimes. Pendant ces démeflez on fit courir par toute l’Ifle un libelle diffamatoire intitulé, U Nymphe Chriflopkorine Profipopée. Voi- aux Ânt-Ijles de l'Amerique. 133 cy cc qu’en mande M. de Poincy à M. le Prcfident Fouquet-' «Le Sieur Quérolan, parent de la femme du fieur de la Gran- ,}gc, 6c Lieutenant de fa Compagnie, a compoféunmanifefte «contre moy intitulé , Profopopée de U Nymphe ihnjlopbori* 9)ne, au fçeu 6c approbation dudit fieur de la Grange, plein «d’impoftures ôcd’invc&ives. La Dame fa femme a fait faire «des vers contre 6c au préjudice de la réputation de cinq ou „fix femmes ou filles , 6c principalement elle s’addrefle à la «pauvre Damoifelle Quignot, la Damoifelle de la Fuye, 6c «contre la fille de Belletefte. Lefdits vers font fi diffamatoires „& fi fatyriques, qu’il n’y a rien de femblable. Non contente «de cela, elle s’en alla fanscongé voir la Generale des Anglois «6c le fieur de Quéfurefon , Lieutenant General de fon mary, «leur difant des médifances atroces de ces pauvres créatures, „ôc où je ne fus pas oublié, ny elle n’obmit pas de leur faire «entendre la mauvaife intelligence qui commençoit à naiftre «entre fon mary 6 c moy. ,, Ayant appris la vérité de toutes ces procedures, je n’ay pu «moins faire que de leur témoigner à tous deux , qu’au degré «où je fuis conftituc ; je ne fuis point infénfible, évitant toutc- «fois la violence, 6c me ièrvant des voyes de la Iufticc, en «vertu dcfquelles je leur ay fait faifir tous leurs meubles 6C «immeubles pour les fommes que je luy ay fait prêter, avec «les interefts que demandera le Banquier, du jour qu’il les a «preftées à ma confideration. Iay repris avec les formalitez de «Iuftke, vingt-deux Negres ou Negreffesqueje pretensm’ap- «partemr. « Fay fait conftituer la femme prifonnierc entre les mains de «fon mary, luy donnant fon logis pour prifon, attendu qu’elle «eft autrice 6c caufc principale de tout ce que ledit Quéro- «lan a fait, qui n’agit que comme infiniment pour ces Poëfies, pource quelle aefté divulguer a ux Anglois, toutes Iefquel- „les a&ions ne tendent qu’à une fedition ; 6c à troubler noftrq «petit eftat& repos public. M. de la Grange offrit à M. de Poincy de le payer, 6c dé- faire partir fa femme dans le premier Y aiffeau qui retour- neroit en France ; cç qui luy ayant efte refufé , elle écrivit R iij i34 Eflablijfement de s François une Lettre aux Seigneurs de la Compagnie , dont j’ay trouvé un fragment parmy les mémoires écrits de la main de M. Ic General de Poincy, que je crois eflre obligé de donner au public. „ Plût à Dieu qu’il eut auffi bien confervè fon efeime ( elle «parle de M. de Poincy ) que moy , &. le repos où il a trouvé vos «habitans: les cris & les clameurs publiques , ne la char- «geroient de tant de maledidions, voftre pays ne feroit j, dans le hazard d’une révolte, qui l’a penfé jetter dans le pre- «cipice, fi M. de la Grange n’avoit fait fes efforts pour arrcfler «cette populace; les prix exeeflifs aufquels il a mis les dernie- «rcs traites, dont il trafique en ces lieux, ont tellement eflon- „né tout le monde, qu’il n’y eutperfonne qui n’en aye dit fon «fentiment, les Eflrapades, les cordes, les coups de ballons, &c «les exiles dont il les menace , n’ont pu arrefler leur mouve- «rnent; & il efl conflantque fans l’efperanceque vou&y mér- iteriez ordre, il fè feroit autant répandu de fang , qu’il s’efl ré- pandu de larmes. M. de Poincy pourfuivit fî vivement le fleur QuéroIaK,que ne trouvant plus de fèureté dans Saint Chriflophe, il s’ènfiii-t chez les Hollandois. C’eft ce, que je trouve dans les mémoires qu’il addreffa fur ce fujet à M. le Prefident Fouquet , dattez du «hui&iéme Décembre 1659. Le Sieur deQuérolan Autheurdu «manifefle de U Nymphe Chrifiophorme ( duquel nous avons «recouvré l’Original écrit de fa propre main ) avoit par le «moyen de Madame de la Grange gagné les bois, depuis ne «s’y trouvant pas affez a fleuré , il fc réfugia en l’Iflc de Saint «Euflache, & en ayant eu advis, j’en écrivis au Gouverneur „ qui y efl pour Meilleurs les Eflats d’Hollande, lequel avec «beaucoup de courtoifieme répondit qu’il efloit vray qu’il y «avoit un Gentil-homme François , mais qu’il fetenoit caché, «duquel neantmoins il me rêpohdoit«& s’obligeoit de me le «rendre, en confirmation dequoy il m’envoya deux Députez, «fçavojr fon miniflre de mefine nation, & un des principaux «habitans nommé Marchand, François , qui efl Secrétaire du «Confeil, avec Lettre de créance, qui me promirent affirma- «tivement de me mettre le perfonnage en mes mains &de me. aux Ant-Ijles de l’ Amérique. 135 ^l’envoyer , avec mille proteftations de fe tenir fort honnoré ,, d’avoir ma correfpondance. le les receus le plus favorable- ment & honnorablement qu’il me fut poflible , dont quelque „temps apres il me remercia. „ Cependant la Dame de la Grange remue Ciel &' terre, & „par les intelligences quelle à chez les Anglois, elle renverfa j, la refolution dudit Gouverneur, auquel ( voyant qu’il tenoit „en longueur l’execution de la promelfe, qu’il m avoit fi reli- . „gieufement & folemnellement faite) je m’avifay que poffi- „ble il faifoit difficulté de l’envoyer & qu’il faloit l’aller que- „rir; à cet effet j’y envoyay le Sieur de la Vernade , qui pour „toute fatisfaétion m’apporta un refus en termes affez grof- „ficrs. II y avoit en ces entrefaites en la grande Rade, vn „navire Anglois qui apparcilloit , dans lequel on fit embarquer 3, ladite perfonne, &c. Quoy voyant, & que ledit Quérolan ,, avoit évadé , obier vces les formalitez de 1 avoir affigné en ,,cas de ban, Se fait crier à trois briefs jours, & autres requi- „fes ôe necelfaires, il a efté condamné d avoir la telle tranchée, les biens confifquez , & n’ayant pû effectivement faire exe- „cuter la Sentence, elle l’a elle en effigie. 'Différend de M. de Foincy avec les Anglois. Il les contraint de trai.tter d accommodement , qui noyant pu efire conclu , il trouve un moyen de conjerver la paix avec eux. §. iv. L E premier lujet de ce différend vint dun loldat nommé la Barre, qui s'eftant fauve de la prifon & des fers, où M. de Poincy l’avoit fait mettre pour quelque faute, alla trou- ver le General des Anglois qui le prit en fa protection, fous un faux fie malicieux advis qu’il luy donna, que M. de Poincy le vouloit empoifonner au premier feftin qu il luy feroit : fui ce faux rapport F Anglois commança deflors à mâl-traiter les no lires en toutes rencontres. M. de Poincy averty de lafroi- i3é EJlabliJfement des François deur de TAnglois & de fes a&ions qui choquoient fon autho- ritc j pour prévenir les defordres qui en pourroient naillre , tint un Confeil general de tous les Capitaines & Officiers de Fille où il reprefenta que leur courage & l’honneur delà France eftoient choquez par les boutades des Anglois , &: qu’il y alloit de la. gloire de noftre nation de ne rien Ibufffir d’eux , mais que ne voulant pas commencer une guerre fans leuradvis, il lesprioit de luy dire leur fentimenr , & de trouver quelque expédient pour eftouffer cette broiiillerie fans faire tort à leur réputation aux interefts du Roy. Tous conclurent qu’il falloit envoyerun Officier au Gene- ral Anglois, redemander le foldat ôt fçavair de luy s’il vouloir la paix ou la guerre, & qu’il expliquait nettement fes intentions: que s’il deliroit la guerre, nous eftions prefts de la luy faire de la bonne forte ; qu’au contraire, s’il vouloit la paix, que nous y eftions difpofez :que s'il vouloit la guerre, qu’il ren- voyait noltre Officier feuh mais que s’il recherchoit la paix, qu’il le fit accompagner par un des liens, qui en portait parole. Vn grand delordre arrivé aux falincs entre les deux nations- fut un fécond fujet,qui obligea M. de Poincyôt fon confeil de prendre cette refolution. Car bien que ces falines foient li abondantes quelles foient quelquefois capables de charger juf- quesà trente navires eltrangers de fel , apresque les François & les Anglois en. ont fait leur provifion ; neantmoisil y a cer- taines années fi Iteriles, que bien loin d’en fournir aux Eliran- gers, elles, ne fuffifent pas pour en donner auxhabitans. Telle fût l’année 16^9. en laquelle Monfieur de Poincy vint aux Mes; car il y eut li peu de fel, que les habitans des deux nations s’entrebatt irent pour faire leur provilion plus abondante, & il y en eut pîufîeurs de tuez & de blelfez de part &: d’autre.M. de Poin- cy fuivanr la refolution de fon confeil, fit prendre les armes à tous les François, il envoya ordreàtous lesOfficiers de Fille de fe retrancher promptement le long des frontières , & de tenir leur troupes en eftat de recevoir les Anglois, en gens de cœur, & de les repoulfer vigoureufement : avec deffenlc de les attaquer fans nouvel ordre. Il fut luy-melme par toute la Baflc-terre dilpofer les foldars; & afin que laCapfterrenefut p as aux Ant-IJles de t Amérique. pas furprife . il envoya céc ordre à M. de la Grange qui y elloit j) pour lors: 11 eft ordonné au Sieur delà Grange, Lieutenant „ General dans Fille de Saint Chriflophe, démettre ordre aux ,,deux Frontières Françoif'es, afin que lesennemys attaquant, s? de les recevoir comme il fe doit ,& dehors qu'ils auront com- „ mencé , de faire toute forte d’hoftiîité. Fait en la Montagne „ce z8. Avril i6yp. le ne puis obtnettre icy ce queMonfieur de Poincy écrivit a la Compagnie le iy Aoufl de la mefme année, touchant la maniéré dont il prétend que M. de la Grange le comporta en „ cette aétion: Ayant receucét ordre, au lieu de faire enten- ,, dre à nos troupes la vérité de mes droites intentions, il a C- ,, fembla les Chefs de fon quartier , &; apres avoir blafmé fort 3, ma perfonne & mes actions, il les arraifonna comme s'enfuit: ,, Meilleurs , confiderez que ect homme ( parlant de moy ) n’a „rien à perdre icy ny en France, c’elt une phanthailie &une „ témérité qu’il a dans Fefprit d’attaquer les Anglois fans fu- „ jet; pour moy ie me lave les mains dufang qui fera répan- „du aujourd’huy entre les deuxNations, je n’en fuis pas la „caufe, fi on me vouloit croire je ferois bien la paix, maisc’eft ,, un Chevalier de Malthe, un Moine qui nous veut mettre en „ proye aux ennemys. Ce difeours eftonnalcs Chefs qui cftoient Jà prefens. Mais il n’en demeura pas là , car les troupes eflant fpus les armes, & Iuy à la telle defdites troupes, il commença le mefme dilcours. M. de la Grange ne tombe pourtant pas d’accord de ce a: au contraire, il fe plaint dans fon faétum de ce que M. de Poincy Iuy a refufé des poudres, Se mefme le lignai du combat dont il avoitfaitpartaM.de SabouilIy,qui commandoit à la pointe de fable.. M. de Poincy félon le refultat du Confeil envoya u n T rompette au General Anglois, pour fçavoir fa refolutio : & auili-tolt celuy- cy envoya Ion truchement dire qu’il vouloit la paix, & demanda à mefme temps un député pour la traiter. M. de Saboiiilly y fut en- voyé avec un pouvoir ablolu delà côclure; maisapres une longue conférence fans eftre pu tomber d’accord , on fe refoiut au com- I. Partie. S I3S Eflablijfement des François bat. M. de Poincy envoya Tes ordres aux Officiers dans les polies dont ils s’cftorent faifis, de fe tenir prefls pour donner au premier fignal; l’Anglois de Ton collé dreffa Tes bataillons ; èc comme on n’attendoit que l’ordre pour attaquer, on vit pa- roiftre un Tambour Anglois qui demanda à parler au fieur de Saboüilly. Le Tambour luy dit de la part de Ton General, qu’il avoit ordre de donner une heures demye, pour prendre nos refolutions , & fans attendre la réponfe , prit le chemin de fon Gamp. Vne affaire de cette importance ne pouvant eflretefolue en fi peu de temps, M. de Poincy creut dire infailliblement obli- gé à la guerre, d’autant plus qu’il voyoit deux grands navires Anglois, montez chacun de 40. pièces de canon, moiiillez pro- che du lieu où la bataille s’alloit donner. A peine neantmoins M. de Saboüilly efloit -il de retour, que GévrefTon Lieutenant du General Anglois, demande à parlementer avec luy. Apres plufieurs conteflations, ils propoferent enfin quelques Articles-* auffi-toft on fùfpendit tout a£te d’hoflilité , il y avoit lieu, d’efperer une bonne paix, fi les uns & les autres ne fe fuffent rendus opiniâtres à la decifion d’un feul Article. Articles propofeZj entre les François & les Anglois . I, LEs anciens articles feront ratifiez par les Seigneurs Gene- raux en toutes leurs parties, appartenances, & dépendan- ces; à la referve de l’article qui fait mention de la chaffe, au- quel fera dit accordé, que pour ladite chaffe, qui efloit commu- ne aux deux nations, nul ne pourra chaffer fur les terres de l’autre, ains chacun chez foy: &en cas de contravention, le contreve- nant fera faifi & fait prifonnier, fi appréhendé peut- dire, fans toutefois dire molellé, battu, ny frappé; mais il fera conduit à fon General, qui en fera le châtiment convenu en public. I I. Et pource qu’aucuns s’ingèrent d’aller les uns fur les autres couper du bois propre à bâtir, feüilles &rofeaux; ce quia eau- aux Ânt-IJles de ï Amérique. 139 fc plu ficurs batteries, & defordres entre les deux nations: A l’avenir nul ne pourra prendre ny enlever aucun bois propre à baftir, fcüilles ny rolèaux, fi ce n’eft dans les terres de fa Nation. III. Il n’y aura qu’une feule entrée 8c ilfuë en chaque quartier, pour entrer 8c fortir les uns 8c les autres, 8c lefdits Seigneurs Generaux, chacun en droit foy, feront condamner le lurplus defdits chemins. IV. Quant aux falines, mines d’argent, 8c foulphriere, Iefdits Sei- gneurs 8c leurs fuccelfeurs, au nom qu’ils procèdent, demeure- ront proprietaires: Sçavoirledit Seigneur Vvaërnard des mon- tagnes, des mines 8c loulphrieres, 8c ledit Seigneur de Poincy des terres 8c montagnes joignantes aux falines ; 8c en fuitte pourront 8c auront lieu de baftir toutes 8c quantesfois que bon leur femblera, une café fuffiiante 8c magazin; fçavoir ledit Seigneur Vvaërnard aufdites falines, 8c ledit Seigneur de Poincy aux mines 8c foulphriere , avec tel nombre d’hommes qu’ils verront bon eftre , lefquels feront protégez relpedtivement, les François travaillais aufdites mines par ledit Seigneur Vvaër- nard, & les Anglois aux, falines femblablement par ledit Sei- gneur de Poincy/ leurs fuccelfeurs. Ce dernier article des mines 8c falines rendit le traitté im- parfait, & les vns 8c les autres n’ayant pu en demeurer d’ac- cord, les Députez fefeparcrent fans décider cette queftion. Mais pour éviter la guerre, qu’ils dévoient également appréhender; M. de Poincy trouva cét expédient, qu’on ne feroit aucun aéle d’hoftilité de part 8c d’autre-, qu’on deftendroit les paroles qui pourroient allumer le feu, 8c que toutes chofes demeureroienc en leur premier eftat, jufques à nouvel ordre de leurs Majeftez tres-Chreftienne, 8c Britannique. M. de Poincy parlant de ce dernier arricle aux Seigneurs de la Compagnie dans fa Lettre du 15. Aouft 1639. montre que l’opiniâtreté vient de la part des Anglois. Pour vuider ce dif- „ ferend { dit-il ) nous leur avions propofê qu’aux falines on „ leur donneroit place pour faire une café &un magazin à fai- 140 Ejlablijfement des François „ re & tirer du fei ( puifque c’eft la feule fin pourquoy elles „ font communes) éc que Nous & nos fucceifeurs prendrions „ en voftre protection & fauve-garde ceux de leur nation, qui „ habiteroient ladire café, & feroient travailler au fei : Que ,, de mefme ils feroient en noftre endroit pour ies mines, le- „ quel expédient eftoit tres-raifonnable , & vray moyen d’ex- „ taper les inconveniens, qui ne font que trop ordinaires par „ le rencontre des deux nations en ce lieu; ce qu’ils n’ont voulu „ accepte!, s’obftinanr de devoir avoir des habitations aufdi- „ tes falines : Et quant aux mines que leur General nous per- „ mettait d’y faire habitations ( s’il le trouvoit à propos ) la- „ quelle reftriétion devroit eftre réciproque ; mais qu’il nous „ feroit loifible de faire un lieu fur le bord de la mer, pour y „ tranfporter les matereaux que nous ferions fortir defditcs „ mines, fans faire .mention delà protedion mutuellement re- }, quife. Cette affaire eft demeurée indecife, & nous ne fom- „ mes pas refolus de leurceder ce point, fans préalablement les „ ordres exprès des Seigneurs de la Compagnie. Cette difficulté n’empefcha pas pourtant que la paix ne fut conclue le lendemain , & les anciens articles paffez entre les deux nations, renouvelez, à la referve des falines & des mines, qui ont toujours efté la pierre d’achoppement ; car eftant dit dans lefdits articles, que les mines & les falines feront commu- nes, les Anglais prétendent que non feulement les falines, mais encor tout le terroir compris fous le nom des falines, doit effre j, commun : Nous au contraire ( dit M. de Poincy dans IameP- ,, me Lettre, & fur le mefme fujet ) car les termes font ex- j, prés, que les mines, rivières, falines, mers, & chemins font „ communs; de forte que fi leur explication avoit lieu, le ter- ,9 ntoire adjacent aux mines, aux rivières, & aux chemins, fe- „ roit commun; mais pour détruire leur confequence, il eft „ certain que les petites falines font comprifesdans le mot ge- », neral de falines ; neantmoins elles font habituées des Fran- „ cois, & imitais les Anglois n’y ont rien prétendu, ny fait 99 femblant d’y prétendre ; la fin auffi pour laquelle les falines s; font communes, qui n’eft autre que pour avoir du fei, eft t, fort confiderabLc aux Ant-Ifles de l' Amérique. r^i M. & Madame de la Grange font arrejlc z* pri- sonniers, & onz>e mois apres font mis en liber- té & renvoyez* en France. §. v. Bien que M. le General dé Poincy euft des raifons fuffi- Tantes pour faire arrefter M. & Madame de la Grange, le fujet pourtant qui l’y porta fut la jaloufic qu’il prit de ce Gen- til-homme, je le collige de là lettre du feptiéme Décembre 1659. à M, le Prclident Fouquet, où il dit : Que le brevet de „ Gouverneur en chef de Tille de Saint Chriftophe, qui avoit „ efté donné aulieur de la Grange, a fervy de foufletpour al- ,,lumer le feu de Ton ambition & de fa femme, voulant par „unc extrême précipitation avancer le temps, & voyant qu’ils ?, n’y pou voient parvenir quemoy deffaillant, ou abandonnant „mon entreprise , ils ont premièrement fait leur polfible de „me faire rebuter &: obliger à m’en retourner ; ce qui ne leur „ ayant réiifli , ils ont eu recours à l’artifice , pour aliéner les „voIontez du peuple & me rendre le but de Ion indignation; „ à cet effet outre les pratiques fecrettes & immédiates, il „ avoit d’autres brigues par le moyen de ceux qu’il avoit gagnez. Ces plaintes font bien voir ce qui porta M. de Poincy à faire expédier une Commilïion au lîeurRenou, pour faire le procez à M. de la Grange & à fa femme, qui ne l’ayant point voulu reconnoiltre pour juge , parce qu’il eftoit Ton infe- rieur à caufe de fa qualité de Lieutenant General de la Com- pagnie, le prit à partie deflors : Mais ce luge prétendu ne lailfa pas de paffer outre, de donner un deffaut contre euxr8c leur fit perdre plus de 1500. livres : tous leurs efclaves leurs fu- ïent enlevez , nonob liant les plaintes des PP. Capucins & les mouvemens de tous les habitans; ôc le iiLOdobre de lamcf. me année 1639. ce luge les déclara criminels de Ieze-Majeitc, Apres cette condemnation, Monficur de Poincy les fit con- duire fous bonne &: feure garde , prifonniers à la Baffe-terre 142. EJiablijfement des François avec leur fils âgé de huiétans. Mais bien qu’on leur perfuadaft, de qu’il leur fût ayfé de s’enfuir de laprifon, la crainte qu’ils eurent qu’011 leur eut drefle desembufehes pour les aiïaiTm erj les en empefeha. Ils fe conrenterenr d’interjetter appel de la Sentence qui avoir elle rendue contre eux , & par Arrcft du Confeil de l’ifle donné le 18. du me fine. mois, leur procezfut renvoyé au Roy de à la Compagnie ; Enfin apres avoir eftê onze mois dans la prifon , apres y avoir fouffert mille indigni- tcz , ils furent mis en liberté de renvoyez chez eux ; ils y fu- rent aufli-toft vifitez par les PP. Capucins, par leurs amis , de par plufieurs autres mécontens de la conduite de M. de Poin- cy , qui ne manqua pas d’écrire aux Seigneurs de de fe plain- dre de leurs nouvelles intelligences avec les Anglois. Pendant qu’ils fe difpofoient à retourner en France par le premier V aifteau qui y feroit voile , une chofe faillit à leur taire perdre la vie. Deux de leurs Domeftiques ayant elle trouvez â minuit proche du magazin des poudres , auprès de la maifon de M. de Poincy furent arreftez.Mais quelques ar- tifices dont on ufiift pour leur faire avouer quils avoient efté envoyez par M. de la Grange &tpar Madame fa femme pour mettre le feu aux poudres , l’on n’en pût venir à bout , de ils foûtindrent toujours qu’ils eftoient venus là fans deftein. Se par promenade apres avoir mis leur Maiftre au lié! , ce qui obligea M. de Poincy de les relâcher : mais il fit en mefrne tempspartir M. de Madame de laGrange, de par le mefme navire écrivit aux Seigneurs delà Compagnie, qu’il leur eut fait trancher la telle , fi leurs Domeftiques fe fuflent trouvez cou- pables du crime donc ils eftoient foupçonne;z. ^ aux §Ant-Ijles de l'Amérique. 143 Jld. de Toincy & le General des Anglois s'accor- dent de ne faire point d,e petun ^ durant 17 . mok\ le Gouverneur de la Guadeloupe refufe d'entre- tenir cét accord : Il efl arrefié avec fa femme a Saint Chnflophe. §. v 1. QVclques jours apres cette réconciliation , Meilleurs Icsk~ Generaux des deux dations ayant renoüé leur première amitié , refolurent dans une conférence , d’empefcher leurs fu- jets de faire du petun pour remettre cette marcihandife dans fon premier prix , la quantité prodigieufe qui s’en faifoit dans les Mes l’avoit rendue fi méprifable , qu’il y avoit à craindre qu’onla rebutai!; dans l’Europe, 8c qu’ainfi tout le trafic cédait, 8c que les navires ne vaillent plus aux Mes : c’eft ce que je trouve dans une relation originale de M. de Poincy. M. de Poincy fit publier 8c afficher aux portes de toutes les Eglifes Françoifes & le General Vvaérnard dans tous les tem- ples de la Iurifdiétion l’Ordonnance qui fuit. Il eft ordonné „ & enjoint à tous les habitans ôc Maiftres de Café de la pre- •5-, fente Me de Saint Chriftophe, de quelque qualité &condi- 5, tion qu’ils foient , d’arracher tout le petun qui fe trouvera fdr j, les terres de leurs habitations, fans en referver une feule „ plante, à la fin d’Odobre prochain venant, qui efl: félon le ftyle „àe Meffieurs les Anglois le dixiéme Novembre, 8c n’en re- planter ny faire en aucune façon, ny maniéré ny fous quel- „ que pretexte que ce foit, decftx-huiét mois apres 8c nondc- ,,vantj à peine de confifcation des habitations où fe trouvera ,,du petun fait pendant ledit temps, contre la teneur despre- ,, fentes de ff’enfes ; 8c tous les hommes & femmes foient blancs, „ noirs ou Sauvages y fer vaut enfemble d’amende arbitraire, „ qui fera déclarée au contrevenant 8c de tenir pnfon un an ,, durant. Fait à. la Montagne de la Baffe-terre en 1 Me Saint . O 4 4 Eflabüffement des François jChriftophc le vingt-fixiéme May mil fix cens trente-neuf. Elle fut auffi envoyée à Moniteur de 1 Olive Gouverneur de la Guadeloupe; mus il ne s’y voulut point fou mettre, & prétendit que par leTraité qui! avoir fait avedes Marehandsde Dieppe, du confentement de la Compagnie, il eltoic difpcn- fé d’obeïr en cette rencontre à M. de Poincy : car comme par ce Traité il eft dit que les Marchands prendront à dix fols la livre, tout le petun qui fe pourra faire dans fon Ifle pendant fix années , il crut qu’il n’eftoit pas oblige à fouft'nr une perte fi confiderable, fi bien que M. de Pomcy ne le pût jamais flé- chir, ny par fes prières, ny par Tes menaces. IL en écrivirent tous deux à la Compagnie, & déduifirent fort amplement leurs raifons dans des lettres dontj’ay veu les Originaux : mais pen- dant qu’ils en attendoient les réponfes & la déciflon de leurs differens, M. de l’Olive tomba malade, & fut contraint d’aller à l’Ifle des Niéves pour chercher dans les bains falutaires de cet- te Ifle le recouvrement de fa fanté. La maladie qui obligea M. de l’Olive d’aller aux Niéves vint de melancholie, de ce que tous les hommes engagez qu’il avoit amenez de France avoient flny leur temps, & deman- doient leur liberté , avec menaces de la prendre eux-mefmes au cas qu’on la leur refufaft. Vn autre fujet de trifteffe, fut la refolution que prirent les Marchands de Dieppe ( laffez de faire des avances ) de né pas envoyer le refie des hommes qu’ils s’eftoient obligez par leur Traité défaire palier, carainfi fes habitations & tous fes jardins remplis de vivres s’alloient perdre faute de gens pour les farder & les entretenir. Il écri- vit plufieurs fois à la Compagnie de Paris, Sc a fes Aflbciez de Dieppe pour leur demander du fecours; mais ne recevant aucune réponfe favorable des uns ny des autres, il tomba dans une melancholie fieftrange, quelle paffa jufquàla phrenefie. On luy voyoit rouler les yeux a la tefte, grinçant les dents, & tous fes membres changez de pofture par des convulfions épouvantables. 11 fut un peu foulage parle fleur de Bufac, tres-excellent Operateur, qui l’eut indubitablement guerry , fl fon Chirurgien ignorant , ne luy eut fait unè faignée & applique un cautere fl mal à propos, quil en perdit la yeuë. Mais aux Ant-Tjles de /’ 'Amérique. Mais bien qu’il prie ccs bains avec un régime tres-cxaél, ce fut neanmoins fort inutilement ; de forte que fè Tentant fort foi- ble, il fe refolut d’aller à Saint Chriftophe, pour tâcher de reprendre fes forces fur fon habitation , & d’exciter par la pre- icnce M. de Poincy à avoir quelque com p'alîî on de luy : des qu’il fut arrivé, M. de Poincy le fut trouver chez luy, mais l’ayant trouvé fi foibîe , qu’il n e pouvoir remuer ny bras ny jam- bes, il ne le voulut pas faire arrefter, ny mcfmeluy parler d’aucu- ne affaire fâcheuie , mais il le fit enfiiite obfervcr de fi prés qu’il reconnut incontinent , quoy qu’on ne le traitait pas de pnfonnicr, qu’il l’efioit en effet, 8c cela l’obligea d’en écrire en ces ter- mines à M. rouquet. Mes incommoditez m’ayant contraint „ d’aller prendre les bains aux Niéves , j’eflois venu trouver „M. de Poincy pour luy demander deux choCcs. La premiè- re, un fecours de quelques hommes pour maintenir monlfle „ contre les incurfions des Sauvages, qui depuis peu avoient „ tué quelques habitans , qui fans ordre s’eftoient imprudem- 3,ment trop écartez , & non feulement il empefeha ceux qui „ avoient bonne volonté d’y aller, mais moy-mefme d’y retour- ner ; & dans la fuite de cette lettre il dit qu’il fe jette aux pieds des Seigneurs de la Compagnie, il leur expoia au long tous les fervices qu’il avoit rendus depuis quinze ou feize ans, toutes fespeines, les hazards qu’il avoit courus, les pertes qu’il afouf- ferte 8c fon aveuglement; & apres avoir dit mille cho fes qui font pitié, il finit (a lettre par la très humble priere qu’il leur fait, qu’on luy envoyé un Lieutenant qui dépende de luy, ou qu’au moins on le recompcnfc, 8c qu’il quittera tout: mais tout cela inutilement. I. Partie. T 146 Ejlablijfement des François JH. de Foincy ayant dejfein de s emparer de la Guadeloupe , y envoyé a la priere des habitans J\4ef leurs de Sabomlly & de la Vernade avec 260. hommes. Ils en repoujfent les Sauvages. En mefme temps fix de nos Religieux arrivent de, France pour afifler le peuple. §. VT I. DE z que M. le General de P oincy fc fut alfeuré de là perfonne de M. de l’Olive Gouverneur delà Guadelou- pe , il ne fongea plus quà executer le deffein qu’il avoir con- çeu de rendre cette Ifle la Capitale de toutes les autres, de s’y aller ellablir, &: d’y faire fa fortune & celle de tous fes habitans. Dans cette refolutionil dépelchaM. Aubert en France vers les Seigneurs de la Compagnie , pour leur faire la propofition de vendre aux Anglois tout ce que les François polledoient d’immeuble dans fille de Saint Chriftophe, & de tranfporter tous les habitans & leurs efclaves dans fille de la Guade- loupe. M. Renou luge à Saint Chriftophe, & confident deM. de Poincy, écrit quelque chofe de ce projet dans fa lettre à M. Fouquet , dattée du 28. Décembre 1639. où il luy dit fom- „mairement que M. le General de Poincy voyant la Guade- „ loupe la plus belle & la plus fertile de toutes les Ijlcs fur le „ penchant de fa perte, a formé desdelfeins &fait des propo- „ Etions qu’il a mifes entre les mains d’Aubert pour les porter aux „ Seigneurs ; il dit , quelles font infaillibles , & qu’il importe peu „ aux Seigneurs de quel collé viennent leurs droits: joint que „ c’ell le moyen de faire retentir le nom du Roy en ces quar- tiers, en fe feparant au plûtoll de nos ennemys voifins, de „ faire vivre vos fujets en repos & en aireurance,parlapolIe£fion „ de cinq ou fix Ifiesprefque contiguës, nous rendre imprenable „ & invincibles. aux Ant-JJles de l' Amérique . M. Volery Commis de la Compagnie, voyant n/le aban- donnée de fon Gouverneur , & dans un eftat de ne pouvoir plus fubfifter, fit aficmbler les principaux habitans, qui unani- mement l’obligcrent d’écrire à M. le General de Poincy , ôc de Iuy demander au nom de Tes Maiftres , des munitions & des hommes, pour les deffendre contre les incurfions des Sau- vages : il le fit dans des termes les plus preflans qui luy fut pof- fible ; & fa negotiation eut un fuccez plus heureux qu’il ne l’ayoit efperé. M. de Poincy n’eut garde de Iaiffcr échaper une occafion fi favorable à fon defiein : la mauvaife intelligence qui eftoir entre Iuy & le General des Anglois,ny ladifette des poudres où la Compagnie I’avoit IaifTé, ne le purent empefcher d’en-, voyer du monde à la Guadeloupe, nyde v.uider fon magazin pour les fournir de munitions : il fit publier aux portes des Eglifes, & dans toutes les places publiques, que l’on donne- roit des habitations à tous ceux qui y voudraient aller, qu’ils auraient leur paffage franc, & qu’on leur fournirait des vi- vres pour îeitr fubfiftance, jufques à ce que les manyocs & les pa- tates, qu’ils planteraient euftent atteint leur entière maturité, à la charge neantmoins ft’cn replanter d’autre fur les places, où ils lesauroientpris. Mais tous ces avantages auraient efté inutiles, s’il ne fe fut avifé d’un expédient qui luy réüftit félon fon def- fein : il fit une deffenfe aux habitans des Montagnes, d’y faire du petun, parce qu’il n’y valoit rien ; de forte que les habitans de ces Montagnes furent contrains de fc débander & de fe venir offrir pour aller à la Guadeloupe^ il s’en trouva 131. qui partirent avec M. de Saboüilly le 14. de Ianvier 1640. mais comme il eftoit dans une tres-mauvaife barque , & fort mal équipée, un vent violent ayant rompu fa grande voile, il fut contraint de relafcher. M. de Poincy qui avoit priscét affaire à cœur , fut fortem- baraffé, parce qu’au tetour de cette barque, il ne fc trouva pas une aulne de raille chez luy , ny~ dans le magazin de la Compagnie , pour la remettre en eftat de pbrter le fecours donc cette Ifle avoit tant de befoin : Il ne fe pût empefcher d’en faire reproche aux Seigneurs delà Compagnie , dans une lettre ï 4 % FjEahlijfement des François ,, qu’il leur éqïvip en ces termes. Les Seigneurs delaCompa- „ gnie me pardonneront , fi je dis qu’ils n’ont pas tout le foin d qui feroit requis pour la confervation & advancement de „ leurs affaires, ne faudroit-il pas qu’il y eut dans le magazin ,, quelque petite choie de çeferve , pouf fervir en femblable ,, rencontre, ce font vos affaires, c’efi: à vous autres Meilleurs ,, d’y pourvoir, c’eft neantmoins faire bien peu d’effat des perfon- „nes, de les engager dans des lieux fi éloignez , & les Iaiffer „dcpourveus de tous moyens de fe conferver. Neantmoins il fit tant de diligences, qu’il rencontra dans diverfes maifons, dequoy racommoder les yoiles de cette barque, & la fit repartir le 28. du mefme mois pour la Guade- loupe, où elle arriva trois jours apres. Pendant que l’on attendoit des nouvelles de l’arrivée de cet- te barque, M. de bpmey travailloit à amaffer d’autres hom- mes, pour les faire partir avec M. de la Vernade; mais ils’en prefentoit fi peu , qu’il fuc contraint de fe fervir d’une autre invention , qui Iuy réüffit auilî heureufement que la premiè- re. II y avoit dans l’Iile de Saint Chriffophe un bon nombre d’habicans, qui avoient achepté des habitations fi cheres, que fe trouvant infol vables, ils eftoient fiirle point d’effre engagez au fervice de leurs Créanciers jufques à l’entier payement de leurs debtes. M. de Poincyppur attirer tous ces mal-heureux, fit déclarer nuis tous les marchez de ces Acquereurs infolva- bies, pourveu qu’ils vouluffent aller à la Guadeloupe, ou le Roy & la Compagnie avoit befoin de leur fervice ; fi bien qu avant que l’on eut nouvelle de l’arrivée de M. deSaboiiilly, M. de la Vernade fut en eftat départir avec pareil nombre d’homme que Iuy. Ce puiffant fecours arriva heureufement à la Guadeloupe, au commencement de l’année 1640. & fut receu des anciens babitans avec de grandes demonffrarions de joye & de recon- noiflance ; M. de Saboüiliy fe pofta à la Capft erre, ouïes Sau- vages faifoient le plus de defordre ; M. delà Vernade fe plaça à la Baffe-terre. Ils. prirent toute l’authonté dans l’Iffe, & dif- poferent de tout comme s’ils en euffent effé les Gouverneurs; apres avoir logé leurs gens, ils leurs diftribuerent des vi- aux Ant-IJles de l'Amérique. 149 vr es, tant des jardins de M. de l’Olive, que des anciens ha- bitans : enfuitc M. de Saboüiliy fe difpofa à chalfer les "'Sau- vages & à leur faire benne guerre ; il mit à ce deiïein feize defes meilleurs hommes dans une clialouppe, avec lefqueîs il refolut de faire la ronde autour de fille; mais il ne fut pas plu. tofl arrivé dans le Grand Cul de fac , qu’il vit une de leurs Pi- rogues dans un petit Illet; cette rencontre l’obligea de chalfer delfus, & ne fe contentant pas de la voile de fa Chaloupe , il fit encore border les avirons : Mais comme il alloit à voiles &C à rames , il apperçeut à un de lès collez deux autres piro- gues de Sauvages, qui s’alloient faiiïr d’un petit canot, où ü y avoir quatre François; cecy l’obligea de fairerevirer fa Cha- loupe lur eux & de les pourluivre , mais il fut contraint de s’arreller tout court pour repefeher ces pauvres gens , qui dans la crainte de tomber entre les mains de ces antropophages, s’elloient jettez à la Mer. Pendant que M. de Saboüiliy s’oc- cupoit à les fecouiir, il fut environné par les trois pirogues ennemies ; d’où les Sauvages firent pleuvoir une li grande quan- tité de flèches dans fa Chaloupe , que fes foldats crurent qu’ils elloient perdus. M. de Saboüiliy ne fut nullement ellonnê de cette attaque, il fe difpofa à la deffenfe, 5c commanda à quatre de fes Ibl- dats de charger continuellement les vingt fuflls qu'il avoit dans fa Chaloupe , 5c aux autres de le conduire où il leurcom- manderoit ; il fe bâtit feul durant une heure entière contre tous ces Sauvages: 5c comme il elloit parfaitement bon tireur, il ne lâcha pas un coup que l’on ne vifl tomber un Sauvage dans la mer , ou dans les pirogues. Ses continuelles décharges ayant remplis ces Sauvages defling &de morts, -ils furent con- trains de prendre la fuite, 5c de gagner le vent à force dera- mes, apres avoir jette des cris c c des hurlemens, qui mar- quoient la triflefle qu’ils avoient de leur déroute. Il y eut 30. Sauvages de tuez dansce combat,& quantité de blefl fez, &j’enay veu depuis quelques-uns qui portoient encore des marques de leurs blelîures. Deux des gens de M. de Saboüiliy moururent de leurs blelîures, & je fauvay lavieàuntroifiéme nommé Bouline, en luyfailant couper le bras qu’il avoit gangre- né jufques à l’os. T iq îjo Eflablijfement des François Les Sauvages honteux de cette défaite, furent quelques temps apres, décharger leurrage Si leur dépit, fur les Anglois de rifle d’Antigoa, ils y tuerent cinquante hommes, en priè- rent huid prifonniers, & enlevèrent la femme du Gouverneur qui eftoit enceinte, fes deux en fans avec trois autres fem- mes. Ce petit avantage leur enfla le cœur, 8i croyant qu’ils emporteroient les François avec la mefme facilité, ils refolurent ' à leur retour de donner la venue à la Guadeloupe. M. de Saboüilly ayant efié.averty de leur deffein fe prépa- ra à la deffienfe, & donna -rendé vous à M. de la Vernade eiv un certain lieu le long de la colle : ce Gentil-homme équippa quelques canots, avec lefquels il partit pour fe rendre au lieu ordonné ; mais il eut fi mauvais temps , qu’il fut contraint de - relâcher. M. de Saboüilly pourfuivant fon chemin , pour fe trouver au lieu convenu, fit rencontre le feiziéme May de treze grandes pirogues chargées de fix à fept cens S-ïuvages, qui venoient à Iuy avec un fi bel ordre, qu’il n’y a point d’ar- mée navale en Europe, qui en. pût obferver un meilleur. M. de £aboüiIly qui n’avoit que vingt -quatre Arquebuziers, fe ■ voyant hors d’eflat de refifler en Mer à de fi grandes forces, fit échouer fa Chaloupe, &: mit pied à terre à un petit Iflec , où ilfe barricada le mieux qu’il pût, pour foûtenir leur effortr ils l’attaquerent courageufement, & ils firent tout ce qu’ils puè- rent pour mettre pied à terre ; mais bien qu’ils fiiffent vigou- reufement repouffez par lesnoflres, ils ire fe rebutèrent point- pour cela, &: redoublèrent leurs efforts pour defeendre; ces- efforts pourtant furent mutils-, &c M. de Saboüilly fe compor- ta avee.tant de prudence* que durant les trente heures que- ce combat fût opiniâtré , il leur fut impofîible de venir à Iuy, ny d’endommager- que trois des fiens qui furent lege-rement- bieffez. Les ennemysy perdirent 2,5. ou 30. hommes, &c entr’au- tresun de leurs plus grands Capitaines, dont ils furent eftrange- ment mortifiez. Peu de temps apres le fieur de la Vernade ayant paru avec quelques canots, acheva de déconcerter les Sauvages; car l’ayant apperceu, Si le- croyant bien plus fort qu’il n’efloit , ils prirent l’épouvante , levèrent îe fiege Si s’en allèrent , avec me* nacesdexçYenir avec 30. pirogue s, Si de les boucanner tous» aux Ant-IJles de i Amérique, J}1 Cette cntreprife ayant fi mal réüffi aux Sauvages, ils ritf- fèrent plus rien attenter contre la Guadeloupe, M.de Saboiiilly leur devint redoutable, & plus defix mois apres on ne vie pa- roiftre ny canot ny pirogue de Sauvages autour de rifle. Quelques-uns des habitans témoignèrent à M. de Poincy leur reconnoiflance de ce fecours , luy donnant le titre de R eftau- ratcur de leur Colonie; mais il en cfonna publiquement la gloire à M. de Saboüilly , & dans fa lettre du cinquième No- vembre 16 40. aux Seigneurs de la Compagnie, il leur ditque le titre de Reftaurateur delà Colonie qui luy a eltê donné par „ les habitans, appartient au Sieur de Saboüilly, qui par fa va- leur, par fa bonne conduite, & fage expérience la leur a jjconfervée. Cét avantage pourtant faillit à dire fuivy d’une guerre ci- vile, beaucoup plus dangereufe que celle des Sauvages, par- ce que les Officiers de ces Meilleurs qui avoient amené lefc- cours, opprimant les anciens habitans, & prenant leurs vivres par force, fans épargner les Ecclefiaftiques, Iaplufpart des ha- bitans commança à maudire le fecours ; & bien que tousl’euf- fent defiré , il n’y en eut prefquc pas un , qui ne defaprouvaft le confeil qu’on avoit pris de le demander. Le lendemain que M. de Saboüilly defeendit à la Guade- loupe pour en fecourir par les armes les pauvres habitans, le fecours fpirituel y arriva compofé de fix Religieux, fçavoir du R. P. Nicolas de IaMare, Doéleur de Sorbonne, du R. P. Iean de Saint Paul ; des trois Freres Convers, & de moy. Nous trouvafment à noftre arrivée que le P. Raymond Breton fupportoit depuis deux ans & demy tous le faix de cette Miffion , travaillant infatigablement luy feul au foulage- ment de nos François , où trois ou quatre autres auroient trouvé allez d’employ, pour exercer leur zele. Il eftoit temps de l’affifter, car il eftoit réduit dans une ft grande mifere, qu’il n’eftoit plus couvert que d’un méchant ha- bit de toile: II eftoit dans une neceffité fi abfoluë de toutes chofes, & fouffroit des fatigues fi eftranges, que je me fuis mille fois eftonné de ce qu’un homme ayt tant enduré fins mourir. O V)% Eftablijfement des François Il nousreceut comme des Anges defeendus du Ciel j apres nous avoir mené dans noftre Chapelle de N dire -Dame du Rofaire, qu’on eut chanté le Te Deum en aéticn de g vice de noftre heureufe arrivée, il envoya chercher de la c ajfi-ve pour nous donnera manger, n’en ayant pas un morceau dans fa café; nous fufmes tous plus confoiezde cette pauvreté, que fi nous euflions trouvé toutes les mines d’or des Indes , cha- cun de nous s’ eftimant heureux defouftrir quelque chofe pour la gloire de Iefus-Chrift, en recourant les membres. Le R. P. de la Mare apres s’eftre informé de la difpofition des habitans, nous diftribua à chacun un quartier de cette vi- gne de noftre Seigneur pour y travailler, & y faire ce que nous jugerions neceflaire ,pourluy faire porter des fruits dignes de la vie eternelle. Nous mifmes tous la main à l’œuvre avec beaucoup de fer- veur, & nous commençafmes àprefeher* catechifer, & admi- niftrer les Sacremens, & à folliciter les malades, qui eftoient en grand nombre par toute Fille. Plus des trois quarts de ce fecours nouvellement arrive de Saint Chriftophe avec Meilleurs de Sabouilly Se delà Verna- de moururent, quelques-uns en attribuent la caufe aux Chefs, qui les retenoient par force dans leurs habitations, quoy qu ils n’y fuilent nullement obligez -, les autres au mauvais air de 1 Ille, qui pour lorsn’eftoit pas encore découverte des bois ; enfin il y en a qui attribuent ces maladies cette mortalité à la difette des vivres. le penfe qu’il y avoit un peu de 1 un & de 1 au- tre: fur tout je crois que la trifteffc,que les nouveaux venus de Saint Chriftophe eurent de fe voir empefehez de faire leur profit , comme on leur avoir promis , en fit plus mourir que toute autre chofe. Cependant c’eftoit la chofe la plus pitoyable du monde a voir. Ily avoit prefque îoo. malades au logis deM. de la Ver- nade, tous couchez fur la terre, ou au plus fur des rofeaux, dont plufieurs eftoient réduits aux abois, veautrez dans leurs ordures, & fans aucun fccoursde perfonne. le n’avois pasplu- toft fait à l’un qu’il falloir courir à l’autre. Quelquefois pen- dant que j’encnfe.velifîois un dans des feuilles de Bananier ( il ne aux Ant-Ifies de l' Amérique . ne falloitpas parler de toile en ce temps-là ) je n’entendoispar toute la café que des voix mourantes quidifoient, MonPere, attendez un moment, ne bouchez pas la foffe, vous n’au- rez pas plus de peine pour deux ou pour trois que pour un feul: & le plus fouvent il «rivait ainlî, car j’en enterrois allez communément deux ou trois dans une mefme foffe. Ces ma- ladies & cette mortalité durèrent jufques à l’arrivée de M. Au- bert , dont je parleray.cn Ton lieu. Ai. de Poincy fait pour future punir les efcla - ‘ves fugitif. Il fortifie Saint Chrifiophe contre les èfpagnols & les Anglois , & met tous fies foins a l'embellir. V IH. AV mois de Novembre de l’année 1639. plus de 60. Ne. grès du quartier de la Capflerre IaiTez de leur fervitude, ou comme plufieurs ont crû , ennuyez des rudes traitemens qu’ils reccvoicnt de leurs Commandans, fe rendirent Marons > c’eftà dire, fugitifs , avec leurs femmes & leurs enfans, dans les bois de la Montagne de la f>oin£î-e de 5*^/f,d’oùilsdefcen- doient tous les jours > pour exercer impunément toute forte de brigandage & de violence furies habirans qui palloient , juf ques à les tirer à coups de flèches dans le chemin. Les aflaiïinats qu’ils y commirent, obligèrent M. le Gene- ral de Poincy d’arrefter ce mal dez fon commencement, pour cét effet il commanda cinq cens hommes pour leur donner la .challTe; mais comme ces nnlerablcs fe doncoient bien qu’on ne lairroit pas leurs crimes impunis * &: qu’infailliblement on courreroit apres eux , pour les reprendre, ils balfirent une café au plus haut de la montagne , en un lieu tres-propre à fe bien deft'endre; d’un collé ils elloient deffendus par un précipice épouvantable, Si de l’autre il n’y avoir devant eux qu’un paf- fage fort eftroitpoury aborder. Ils s’y deffendirent allez long- I. Partie.. V. ï54 Ejlablijfement des François temps en gens defefpçrez mais eftant trop foibks en nom- bre, ils y furent forcez.; quelques- uns fe fauverent par la fui- te; plufieurs furent brûlez tout vifs dans leurs cafés aufquelles on avoir mis le feu , & les autres furent pris & conduits au Fort, où quelques jours apres ils furent écartelez & leurs membres expofez fur des pieux , afin de donner de la terreur aux au- tres, Negres & de les empefeher de fe rendre Marons. M. de Poincy pourtant crût n’avoir rien fait, Vil ne faifoir attraper un efclave fugitif depuis trois ans, qui appartenoit à M. de Marfeillç, & qui s’eftoit rendu redoutable aux fiabitans par quantité de meurtres. On avoir plufieurs fois elfayé de le pren- dre , mais il s’eftoit toujours defFendu avec tant de courage qu’il avoit évité fon mal-heur; mais comme il ne cefloit de débaucher les autres, & que fon exemple cendoit les Negres fi infolens qu’au moindre fujet de déplaifir ils fe rendoienr Mi- rons > M. de Poincy refolut de le faire prendre à quelque prix que ce fut. . Ce fugitif avoit cette précaution , qu’encore qu’il fur bien ai- fe d’attirer plufieurs Negres à fon party, il ne vouloir point fouffrir que pas un demeurait avec luy , il fe retir, cir ieul en un quartier , depeur que quelque Negre ne le trahir écne le tuaft par furprife pour avoir fa liberté qui avoir efté promife àceluy qui apporteroit fa tefte. M. de Poincy en parle comme d’un homme fort, &. déterminé, qui épouventoit par fa feule voix tous ceux qui l’approchoient , bien qu’il n euft pour toutes ar- mes , qu’une méchanre épée courte. 11 envoya fix hommes pour tafeher de le prendre; ceux-cy l’ayant rencontré &: ne le pouvant joindre, fe mirent en de- voir de décharger fur luy leur moufquetons & leurs fufils, mais pas un ne prit feu; de forte que faifant face il courut fur eux avec fa feule épée, les mit en deroute, & eux un fufil & un chapeau , .qu’ils avoient laiffe tomber en fuyant. On a toujours crû qu’il ufoitde charmes contre les ar- mes à feu , parce qu’en d’autres rencontres aufti bien qu’en cel- le-cy on l’avoit toûjours manqué. . . Le lendemain M. de Poincy fâche du defordre des liens, renvoya d’autres oliats fous la conduit e du fie tir de la Rofie- aux tAnt-lfies de £ Amérique. 1 re, Sergent d’une Compagnie: l’ayant trouve au mefme en- droit où les autres Favoient rencontré, ils luy tirèrent quatre coups de fufil à brûle-pourpoint fans le blefier; mais s’efiant baillé pour éviter un coup de piftolet de poche , le fîeur de la Rofiere luy appuya le lien fi à propos contre la telle, com- me il fereîevoit, qu’il tomba roide mort fur la place: (ans Ce- la jamais ils n’enferoient venus à bout, car comme l’écrit M. de Poincy aux Seigneurs de la Compagnie, il cftroit d’un cou- rage intrépide, &: une douzaine d’hommes ne l’auroient pas fait avancer d’un pas plus qu’à l'ordinaire, fon corps fut mis par quar- tiers, qui furent attachez à des arbres aux lieux de i’Ifle les plus fréquentez. Deux nouvelles que M. dePoincy receut en mefme temps; le firent fonger àfe deffendre desefirangers, apres s’eftre ainfi défait des ennemis domeftiques. 11 receut la première de M.de Saboüilly, qui eftant allé vifiter la Martinique, apprit en ce voyage que les Roys d’ElpagneSc d’Angleterre j parun traité particulier efioient convenus, que ce!uy-cy fourniroit dix-huit V aifleaux chargez d’Irlandois,qui fe joindroient à vingt- c nq Navires Efpagrols, avec lefquels ils iroient chalfer les Hollando’S-dc Fernambouc, à condition qu’au retour les Ef- pagnolsleur ayderoientà chaflerles François de Saint Chrifto- phe, pour y eftablir les Irhndois en leur place. Cette nou- velle fut confirmée par le Gouverneur de Saint Euftache , qui en écrivit à M. de Poincy toutes les particularitez qu’il avoit apprifes de ceux qui efioient fur la flotte Hollandoife. Il receut le mefme advis d’un Irlandois, mary de Màde- moifelle de la Fuye , qui luy fit fçavoir que le Comte deKar- lay Chef des Anglois, efioir attendu à Saint Chriftophe, avec une flotte de vingt Navires, chargez de quatre ou cinq mille hommes, pour y débarquer; & qu’il y devoit mettre en pof- feflion des Ifles, un Milord auquel il avoit cédé fon droit, moyennant lafomme de quatre cens mille livres. Sur ces nouvelles M. de Poincy fongea ferieufement à fe deffendre. Il écrivit d’abordaux Seigneurs de la Compagnie, & leur demanda des armes & des munitions , dont il avoit également befoin, il les pria de luy envoyer par le premier Vi) *5 6 Eflablijf ment des François Vaiffeau 50 o o. I. de poudre fine & cinq mil 1. de poudre à mouf- quet, mille moufquets detampagne bien éprouvez , avec des bandoulières, millepiques 3c zoo. halebardesbienchoifies. Et parce que le fort de la Baffe- terre effoit en très-mauvais eftat 3c mal feitué , il en baffir un autre plus fort , plus régulier, Sc dans un lieu plus avantageux pour deffendrela rade: II fit plus avant dans la Mer une plate forme fur laquelle ilmitqua- tre pièces de canon pour de ffendre l’entrée aux Vaiffèauxen- nemys. II fit faire les mefmes travaux à U poinfte de Sable, 3c à la CapJ}ene-y apres quoy il commença à fortifier laMontague pour la rendre Ja Citadelle de Fille. Le 15. jour d’ Avril de l’année fuivante 1640. un Capitaine HoIIahdois venant de Fernambouc arriva à Saint Chriftophe, 3c rapporta à M. de Poincy que l’armée Efpagnole dont îlap- prehendoit le retour, avoit cité entièrement défaite, 3c qu’il y en avoit foixante Vaiffeaux de perdus. le ne puis obmet- tre une particularité qu’il luydit, pour faire voir la feveritéde la difeipline que les Hollandois gardent dans leurs armées. C’eft que quelques Capitaines ayant opiné un peu lâchement dans le confeil de guerre fur ce fùjet-, deux furent décapitez apres la viétoir.& mefme M. de Poincy, Déplus un certain jour de l’année tous ceux qui font fous l’au- thorité des Anglois, tant hommes, femmes, que. petits enfans fans exception, luy payent un chapon ou une poule, 5 c ce en confideration des dépenfes extraordinaires, qu’il eft obligé de faire: par ce moyen il luy eft fort aifé de paroiftre 6c d’eftre - effeétivement tres-lplendide en fes dépenfes à la gloire -de {on Roy & du Comte, duquel ilelt Lieutenant General. M. de Poincy voulut bien faire voir par là, qu’il confiimoit fen bien 6e le revenu de fes Commanderies ; &que s'il paroif- foit aulîi Iplendide que l’ Anglois, c’eftpit avec des dépenfes ; qui dévoient obliger la Compagnie à le traiter plus favora- blement, & à ne pas exiger des droits de fes Efciaves & de - fèsdomeftiques, puis que tous fes appointemens n’eftoient pas capables d’entretenir fon monde & la table l’elpace de fix mois. Le Roy (g la Compagnie continuent 3d.de Poin~ cy p our trois ans dans fes Charges. A la nou- velle de ces Commi fiions > on en fit courir une:: faujfe dans l’Ific qui retranchoit de fon autho - rite. Le Sieur des fyîarets en e fiant cru l'autheur efimis aux fers : fon évafion , le chafiiment de fes gardes ? fareprife & fa mort » §. x, g • > * r; ; : . : : ÇOit que la Compagnie fut plainement fàtisfaite des raifbns ^iuftificatiYes de M. le Commandeur de Poincy, ou quelle apprêt- aux Ant-IJles de t Amérique. i6i appréhenda qu’il ne fe portaft à quelque extrémité , qui ruine, roit la Colonie, fi elle neluy donnoit fatisfaftion furies plain- tes, elle le continua encore Capitaine General de S. Chriftophe, pour trois ans, à commencer aumoisdclanvier 1641. Sa Com- miffion fut expédiée à Paris le premier May 164 r. La Compa- gnie ht enfuite tout ce quelle pût, pour obtenir de S. M. la mefme grâce en fa faveur. Le Roy le continua ion Lieutenanc General aux Ifles de l’ Amérique : ilenreceutles Lettres Paten- tes avec la Commiiîion de la Compagnie. Au mois d’Aouft de la mefme année 1641. la nouvelle de cette Commiiîion Ce répandit à Saint Chriftophe; & comme on vit que M. de Poincy ne la faifoit point lire â la* teftedes Compagnies félon la couftume , les mécerntens , qui ne fçavoicnt pas quelle 11e deyoit commencer qu’au mois de Ianvier de l’année fuivante, s’imaginèrent qu’il y avoit quelque modifi- cation qui lu y retranchoit de fon authorité, ôe que IesSeigneurs de la Compagnie ayant conhderéla qualité de leurs accufations, l avoientmis dans i impuiftance de Iestraitter avec tant de hau- teur. II y en eut mefme de il médians , qu’ils contrefirent une Commiiîion , par laquelle le Roy diminuoit tellement fon authorité, qu’il ne Iuy reftoitprefque que le nom de General de fa Majefté. M. de Poincy en ayant eu le vent, crut facile- ment que le heur des Marets en feroit l’autheur ou le depo- litaire. r C’eftoit un ancien Capitaine de l’Ific , homme de peu d’ef- prit, brutal en fa conduite, & propre à s’engager dans toute iorte de mauvaifes affaires fans difcretion. M. de Poincy qui en avoit déjà eu de grandes plaintes n’attendoitque l’occafion dune nouvelle faute pour le punir de toutes les paftees. Il en- voya chez Iuy quelques-uns de fes confidens, qui avoient quel- que habitude avec des Marets , pendant qu’l 1s eftoient à table , 6c qu’il leur faifoitla meilleure chere qu’il peut, d’autres faifant fem- blant de badiner trouvèrent cette fauffe Commifiion dans le liét de coton où il couchoit ordinairement: on Iuy demanda cequil y avoit dans ce parchemin, il leur dit qu’il ne lefçavoit pas , 6c que n’ayant appris à lire ny à écrire, il ne fe chargeoit I. Partie. - X i6i Eftabhjfement des Trançois point de ces fortes d’écritures, il la defavoüa êc protefta que ceux qui i’avoient tiré du lid de Coton , l’y avoierit mifeeux- niefme. Sur cela il fut arrefté, conduit chez M. le General, qui l’envoya fous bonne garde dans le Fort, 6c luy ayant fait mettre les fers aux pieds 6c aux mains , il donna ordre au Sieur de Renou fon luge, de travailler inceffamment à ion procez. Tous les témoins ne dépofercnt contre luy que ce que 1 on rcuvoit attendre d’un homme de l’humeur de des Marets. Us dirent qu’il blafphêmoit fouvent le nom de Dieu, qu’il a voit dit aux magazins que fi le Pape eftoit fur la Montagne de Saint Chriftophe , qu’il luy feroit payer bonne rançon ; qu il avoir parlé fans refpeft de la Vierge, ôc dit des choies contre M. le General de Poincy qui tendoient à fedition. Tout cela pouvoir eftre vray; car des Marets difoit fans retenue 6c fans précaution tout ce qui luy venoit à la bouche, j en parle pour l’avoir bien connu pendant un voyage que je fis avec luy aux ïfles. _ . n r Sur ces dépofitions M. de Poincy fait prefler fon procez, il fait venir le luge de la Guadeloupe -, 6c ayant trouvé neuf alfelfeurs qui fuiv oient abfolûment fes inclinations, il le fit con- damner à la mort, quoy qu’il perfevera dans fes proteftations qu’il eftoit innocent de cette fauffe Commilîion , eftant incapa- ble de l’avoir faite, puis que tous les habitans fçavoient quil ne pouvoir ny lire ny écrire. Les PP. Capucins qui le vifitoient tous les jours, le con- noiffant julques au fond de famé, croyant qu il n eftoit nulle- ment coupable du crime dont on l’accufoit , firent leurs efforts pour luy fauvcr la vie , ils firent mefme avouer au luge qu il ne trouvoit pas dequoy le faire mourir; 5c à leur priere il tut à la Montagne trouver M. de Poincy, pour luy dire franche- ment qu’il ne pouvoir condamner des Marets à la mort : cette libre deliberation mit M. de Poincy dans une fi grande cho- ïere qu’il le menaça de le perdre luy- mefme , s’il ne concluoit à la mort: & il fut tellement épouvanté de ces menaces , qu il vint dire en pleurant au R. P. Hierofme Capucin, quil eftoit perdu s’il ne fajfoit mourir des Marets. aux Ant-Jjles de l Amérique. 16$ Ses amys n’ayant pû flc-chir M. de Poincy, non plus que fa femme , dont il avoit méprifé les prières & les larmes , ils refolurent de le fauver. On a voulu dire que les PP. Capu- cins s’en efloient meflez , pour les rendre odieux j ma/s ce fut fa femme qui Iuy donna une lime lourde :& le mefme jour quel- le le fut voir, elle fit porter au Fort plulîeurs flacons d’excel- lent vin d’Efpagne , pour regaler les foldats qui gardoientfon mary, qui s’endormirent en ayant bû avec excez, & pendant leur fommeil des Marets lima fcs fers ; ayant achevé, il éveilla fes gardes &: les pria de l’accompagner fur la terrifie du Fort, fous pretexte de quelque necefliré naturelle qui le prefloit, &C s’eflant un peu écarté d’eux, il laifla tomber fes fers, fe jetta dans le folié, & fe fauvaà la faveur des haziers & delanuid. Il demeura trêze jours caché, pendant lefquels il fut condam* né par contumace d’avoir la telle tranchée, ce qui fut exécuté en effigie. Aufli-toft qu’on fçeut que des Marets s*efloit fauvé, on don- na l’allarme par toute fille. M. de Poincy perdit beaucoup do fa modération dans cette rencontre , & fe laifla aller à desem- portemens de cholere & de fureur , qui ont terny la gloire des belles adions qui l’avoient rendu confiderable. Il courut Iuy- mefme au Fort, il mal-traita les gardes, il commanda qu’on mit aux fers le Caporal nommé Semonville , &: l’Anfpefade qui avoit accompagné des Marets fur la terrafle. Il aflembh precipitament cinq ou fix Officiers avec fon Iuge,& ayantte- nu confcil de guerre , où fa paflion fut la prédominante , il fit condamner ces deux inriocens à la mort : on leur trancha la telle fur un billot de bois une heure apres leur fentenee ; l’un d’eux ne Iuy voulut jamais pardonner. Les fleurs Mariage & Meline Sergens , qui efloient de garde , furent envoyez en exile à la Guadeloupe, & tous leurs biens furent expofez au pillage. Il n’y eut point d’invention qu’on ne mit enufage,nydc foin qu’on ne prit pour découvrir où eftoit des Marets; fi bien que le tréziéme jour de fonévafion, M. de Poincy, ayant eu ad vis qu’il s’eftoit retiré dans le quartier des Anglois, fit prendre les ar- mes à plus de 4000. François, & fe mettant à leur tefte en- . . - - - x ij 1^4 Eflablijfement des "François vironné de Tes Gardes & de quantité de Cavaliers , marcha vers la grande Rade & frontière des Anglois. Il fie fommer leur General par un Trompette, de luy rendre des Marets mort ou vif, avec menace , que fi on differoit de le luy mettre entre les mains , qu’il l’iroit quérir Iuy-mefme jufques dans fa maifon. L’Anglois ne voulant point prendre party dans cette affaire , ny rompre la bonne intelligence qui cftoit entreles deux nations, luy envoya le fugitif. On le renvoya au Fort chargé de chaifnes fous la garde de .cent hommes, & fon procez ayantefté reveu bc achevé, il fut condamné d’avoir la telle tranchée, fon bien confifqué au, Roy , pris au préalable 2,000 0. livres de petun pour des œuvres pies. Des Marets avoit demandle R. P. Hierofme Capucin, pour fc confeffer & pour l’afTillcr à la mort. Ce bon Pere, qui ne croyoit pas que M, de Poincy en viendroit à cette extré- mité de faire périr un des premiers Capitaines de fille fur de fimples ombrages , cftoit bien aife de fe fervir de cette occa- fion pour le remettre bien avec Dieu; mais quand il vit que M. de Poincy eftoit inexorable aux prières de tout un peuple qui luy demandoit fa grâce, & qu’on le conduifoit au fupplicc pour le faire mourir, il fe tailla tranfporter à l’ardeur de fon zele avec tant de violence qu’il dépouilla fa robbe , fe mit fa corde au col, & commença à crier qu’il eftoit plus coupable que des Marets, que c’eftoit grande pitié, qu’on alloit faire périr un innocent, bc dit cent chofes de cette nature pour ex- citer le peuple àcompaflion. Le luge craignant quelque fedi- tion courut à luy, le frapa d’un coup de canne à l’eftomach, ■bc le fit chaffer de la place, apres luy avoir dit une infinité d’injures; fi bien que des Marets fut privé de la confolation qu’il attendoit de ce Religieux, bc M.Augef luy rendit ce bon office le mieux qu’il pût. Il fut décapité avec une ferpe fur vn billot le feptiéme Septembre 1641. apres avoir fait amende honorable , nud en chemife bc la torche au poind devant la Chapelle delà Baffe-terre , comme criminel de leze-Majefté divine bc humaine. aux 4nt-IJles de /’ Amérique. 16$ Le peuple murmure contre JH. de Voincy : [édi- tion de Clément Bugaud difiipée par JH. de §. xr. a&ion fi tragique épouvanta le peuple , mais elle ne pût eftouffer fes murmures, on parloit hautement contre M. de Poincy , on blafmoit fes violences dans toutes les com- pagnies, il y avoit fujet. de craindre quelque émotion popu- laire qui aurait perdu Tille , & donné lieu aux Anglois de pro- fiter de ces divifions. M. de Poincy vit bien qu’il avoit perdu l’eftime & Taffeétion de la plulparc des habitans ; c’elt pour- quoy fine fongea plus qu’à Te maintenir par la crainte te par la force. Il avoit déjà fait mettre des grues de fer dans tous les Corps de gardes , avec des chevalets , te certains inftrumens pour donner la genne d’une façon nouvelle qui épouvantoient tout le monde avec fujet , car il en ufoit tres-fouvent pour de legeres fautes. Cette rigueur n’empefelu pas une fedition , dont la fuitte neantmoim ne fut pas dangereufe par la prudence de M. de Saboiiilly , qui la difiipa fans efïufion de fang. Pour en bien fçavoir l’origine, il eft à remarquer que dez Tan 1640. M. do Poincy ayant bafty des magazins des Seigneurs de la Compa- gnie , il en fit faire un pour luy , afin d’y defeendre toutes les ■marchandifes des Capitaines ellrangers te François, fous pré- texte que quelques particuliers alloient eux-mefmes aux na- vires achepter ce qu’ils avoient befoin, ce quicaufoit la cher- té dans rifle. Le Commis de Meilleurs de Ruberque, de Mildebourg luy en donna Toccafion : Ces Meilleurs s’elloient engagez à M. de Poincy de fournir Saint Chriftophe de tou- tes les chofes necefTaires aux habitans ; pour faciliter ce com- merce il trouva bon qu’ils envoyaient un Commis dans fille, auquel il permit d’achepter une habitation à la poinétede Sa- ble.; mais au lieu de fe contenter de vendre precifement ce Xiij 1 66 Efiablijfement des François qu’il recèvoit de Zelandede la parc de Tes Maiftres, il prenoic la liberté daller abord de tous les Vaificaux qui arri voient, fan* en avoir congé : il y acheptoit toute forte de marchandifespour les revendre , &: par fes artifices il cmbouchoit fi bien les Ca- pitaines, qu’il leur faifoit tenir leurs denrées à un prix excefiif. Quelques-uns en ayant fait plainte à M. de Poincy , il con- filqua les marchandées qu’il avoit traité fans congé, le condam- na à une grofle amende, il luy fit commandement de vendre fon habitation & de Ibrtir de Tille. L’accident qui penfa embrazcr le navire du Capitaine Lab- bé, fut un lècond pretexte qui porta M. de Poincy àdeffen- dre à tous les habitans de Tille , de quelque condition qu’ils fufient, d’aller à bord des Navires nouvellement moüillezaux rades fans fon congé exprès. Car quelques Officiers allant al- lez dans le VailTeau de ce Capitaine, pendant qu’ils faifoient la débauche , on mit le feu à un baril d’eau de vie, qui eut fa ns doute brûlé & le navire & les gens, fi Dieu n’y eut mis la main & fait miracle ( à ce que dit M. de Poincy dans fa let- tre ) fans lequel ,1e fecours humain, qu’on y apporta, eut elle inutile. Les plus éclairez jugèrent que ces deffenfes d’aller à bord, n’efioient qu’un artifice de M.dePoincy, qui ne recevant aucun droit des habitans pejadanrd’interruption de faire du petun , s’a- vila de prendre luy-f'mefme toutes les marchandifes des Fla- mans & des François dans fon magazin pour les revendre au peuple. 11 ellablit pour fes Commis les fieurs Doüin, Poulin, Belle-tefie, Fremon, Breton, Bonhomme, & Moyfe fon Afio- cié. Il prenoit quatre pour cent de toute la traitte qui fedifiri- buoit dans Tille, & y mettoit telle taxe qu’il luy plaifoit.Ceux qui ont fréquenté les Mes, fçavent le revenu excefiif où cela peut monter, aufii M. le General de Poincy & fes Commis devinrent tres-riches aux dépens du pauvre peuple qui gemifi. foit de -tant de Monopole: Si bien que les vieux habitans fe voyant privez de la liberté, qu’ils avoient toûjours eue lous Meilleurs d’Enambuc & du Halde leurs premiers Gouverneurs, daller traiter à bord avec les Capitaines, commencèrent à regret- ter leur condition pafîee, & à fe plaindre de la prefente. aux Ant-IJles de l* Amérique. i6j Vn nommé Clement Bugaud futleChefdu foule vement qui £ b fit au quartier de la Poinffe de Sable , par un grand nombre de vieux habitans,qui prirent les armes, difant tout haut qu’il falloit remettre les choies dans le mcfme eftat auquel elles eftoient au temps de M. d’Enambuc. Le ploton grollifloit de jour en jour, on craignoit avec grande apparence que cet- te petite étincelle n’alluma le feu de la divifion dans toute rifle. M. de Saboüilly, pour qui le peuple avoit toute forte derefpeft, ménagea les efprits; & allant de café en café, il promettoit aux habitans que M.de Poincy leur donneroit la mefme liberté qu’ils avoient auparavant , d’aller traiter dans les Navires, & que ce qu’il en avoit faitn’avoit eftéque pour leur bien,& que pour empelcher les concuflions effroyables que les Commis des S cigneurs de la Compagnie exerçoient impuné- ment dans I’Ifle. Ayant calmé l’efprit du peuple, il prit quelques foldats avec Juy pour découvrir où eftoit Bugaud ce Chef de party, afin d’armer ce qu’il avoit de gens, & les gardes de M. de Poincy pour le prendre} il le rencontra par hazarddans le bois accom- pagné d’une trentaine des plus mutins. Il leur demanda dune voix fiere & tonnante, qui leur avoit donné permiflion de prendre les armes} ils luy répondirent que c eftoit pourluypre- fenter une requefte au nom de tout le peuple , afin qu’il pria M. le General de leur permettre la traite dans les Vaifîeaux comme auparavant : Il leur répondit, hé quoy, prefente-t’on des requeftes les armes à la main ? en mefme temps feignant d’eftre bien fuivy, il fe mit à crier, à moy M. delà Vernadc, M. de la Fontaine à moy, faites avancer vos Compagnies ;ces pauvres révoltez croyant avoir toute la milice de I’Ifle furies bras, prirent la fuite-, ainfi cette levée de bouclier futdiflipée, Clement Bugaud & quelques autres révoltez fortirent de I’Ifle, & s’en allèrent en terre ferme, où je crois qu’ils ont donne commencement à la Colonie de l’Ifle de la Kaycnne. 4 68 Ejtablijf ment des François Efiablijfement d'une Colonie Françoife dans l'IJle de la Tortue. CHAPITRE VI. S’il cil vray que tous les enfansqui font fortis d’une mef- me merc, font fi diffemblables , qu’il ne s’en trouve ja- mais deux de pareils; cette proportion ne fe vérifié pas moins dans les differentes peuplades, qui ont efté tirées des Illes de Saint Chriftophe , de la Guadeloupe, SZ de la Martinique, que je puis nommer les trois Meres qui ont enfanté toutes les. Colonies de nos Ant-Iflcs. L’Ifle de Saint Chriftophe avoit produit en l’année 1655. Colonie delà Martinique, qui apres avoir fi glorieufement furmonté une infinité d’obftacles, vi- voït dans une entière foûmifiion à l’Eglifc Romaine , au Roy ôc à la Compagnie. Mais je fuis maintenant obligé de luy fai- re produire une fécondé peuplade qui va dénier la foumiffion à rEgJife, au Roy dz à la Compagnie , d’où vient qu’il ne fe faut pas eftonner fi elle eft défàvoüée de M. de Poincy, qui eu avoit efté l’autheur: & fi elle a rencontré une aufti mal- heureufe fin que fon commencement &C fon progrez ont efté pernicieux. H y avoit fort long-temps que Mile de la Tortue eftoit muquetée comme un pofte,qui eftoit devenu confidcrable, non feulement parles grands avantages, dont je parleray dans la defeription que je feray de cette Ifle dans la fécondé partie de mon!>livrc; mais encore pour le trafic des cuirs avec les Bou- canniersy pour la quantité du petun qui eft autant eftimé que celuy du brefil , & particulièrement pour la retraite des Avanturiers ; dont les riches prifes faites fur les Efpagnols, peuvent en peu temps enrichir les habitans, auffi bien que le Gouverneur. tes I. > J W». 1 1 ■* 1 1 liH.'I.VlVf < Ifil • -V. î V.‘- . • r’A ^UGDILENE DAVS LA GVADLI-' nË TQJMcr. I aux Ant-ïfles de l'Amérique, jgp Lés Anglois font défaits -par les Efpagnols dans l Lfe de la LJl ortue , ou L\d, le Vafeur ejl en- voyé par M. de Poincy , qui en chajfe quel- ques Anglois réfugiez, >7 sy ejtablit 5 & repoujfe les Efpagnols. ê §. i. IL y avoit déjà quelques années que les Anglois s’efioient efiablis dans Lille de la Tortue , & s’y eftoient tellement aug- mentez qu’ils donnèrent de la jaloufie aux Efpagnols , qui apprehendoient avec fujet , que l’augmentation des Anglois dans cette Ifle ne fut un jour la ruine de la belle llle de Saint Domingue : de forte qu’ils fe refolurent de les en chaf- fer à qu elque prix que ce fut j le General de L’armée Efpagnol- îc y fut avec toute l’armée en l’année 163 8. & les ayant pris au dépourveu, palfa au. fil de l’épée tous ceux qui tombèrent entre fes mains : Il fit melmc pendre ceux qui fe vinrent ren- dre à Iuy apres le combat : il en êchapa un fort petit nombre qui fe réfugièrent dans les bois ôc dans, les montagnes; de for- te que cette Ifie demeura allez longtemps comme delèrte, fans que perfcnnc y ofaft aller ; mais peu à peu quelques An- glois fi eftant remis & y ayant attiré quelques François bou- caniers, fis fetrouverent julques au nombre de 300. de/quels un Anglois s’efioit fait le chef. > Vn Aventurier virit avertir M* de Poincy de tout ce qui s eftoit pallé a la Tortue,. & l’alïeura que ce chef prétendu efioit fans adveu, & qu’y ayant un grand nombre de Fran- çois p arm y les Anglois, fi Iuy leroit tort aifé de s’en rendre le Maiftre. En ce temps- la Monfieur le ValTeur Compagnon de for- tune oe M. d Enambuc, revint de France à Saint Chnfiop he, C efioit un homme d’efprit,& dont la valeur Iuy avoit me* rite quelque commandement dans l’armée naualle , & d’eftre I. Partie. ?" ' Y jyQ Eftabliffement des "François Capitaine à Saint Chriftophe. M. de,Poincy fit tant d’eftime de là perfonne, qu’il fembloit ne prendre confeil que de luy : Il s’en (ervit dans la vifite qu’il fit de tous les quartiers de ion Ifle, pour apprendre de luy non feulement les lieux où il de- voir bafiir des fortereffes, mais encore la maniéré de les con- ftruire. Mais comme il eftoit huguenot, les ennemys de M. de Poincy prirent de là occafion del’accufer d eftre fauteur des heretiques. . Les Seigneurs de la Compagnie en ayant efte avertis, Juy en firent des reproches, dont j’ay déjà parlé en un autre endroit. M. de Poincy fe voulant délivrer de toutes ces calomnies, & faire fortir avec honneur les heretiques & M- le Yaifeur, Iuy propofa de s’aller eftablir dans rifle de la Tortue & d’en tenir le Gouvernement de Iuy, à condition de quelques rede- vances, dont je n’ay pu apprendre les particularitez. M. le Vafleur tres-inftruit des advantages de cette Ifle, aufii bien que du petit nombre des Anglois, accepta l offre de M. de Poincy, & fe refolut d’en chafler les Anglois, comme ils en avoient chaffé par deux fois quelques boucaniers François, qui s’en eftoient voulu rendre les Maiftres. Il amaffa promptement quarante ou cinquante hommes, tous huguenots, qu’il mit dans une barque , qui appartenoit à Moniteur de Poincy &: à luy, car tous les frais de cette entreprife furent communs entre- eux. Leur première défi, cente fut dans une petite Ifle appellée le Port à Margot, ou ils féjournerent prez de trois mois ,pour amafler encore envi- ron quarante ou cinquante hommes , qu’ils prirent des barque s des pefeheurs , qui eftoient aux environs de l’Ifle de Saint Do- mingue, &: avec ce renfort il defeendit vers la fin dAouft de l’année 1640. dans l’Ifle de la Tortue. Dez qu’il fut à terre, il envoya dire au Commandant An- glois, qu’il eftoit venu dans cette Ifle, pour venger la mort de quelques François, & le tort qu’il avoit fait aux autres, en les chaflant par deux fois de cette Ifle : & que fi dans vingt-qua- tre heures , luy & tous les Anglois n’en fortoient , il ne donne- roit quartier à perfonne. Les François qui eftoient parmy eux, fe fouleverent incontinent ; & les Anglois appréhendant quils aux Ant-TJle s de l'Amérique. \?i ne fe joignifîènt à M. le Vafteur pour les perdre, s’embarquè- rent tout en defordre dans un Vaifteau qui eftoit à la rade, n’emportant avec eux que ce qu’ils avoient de plus précieux: fi bien que le lendemain M. le Vafteur fe vit maiftre de l’Ille delà Tortue, fans avoir rendu aucun combat. Les François pillèrent le peu de ebofes que les Anglois avoient laifte dans les cafés & dans leur fort, où l’on trouva une petite pièce de canon de fonte & deux de fer, qu’il fallut tirer du fable, où elles avoient efté enfoncées. M- le Vafteur fe voyant Mailîxe abfolu de cette Ifle, & fe fou venant de la camifàde que les Efpagnols avoient donné aux Anglois , fongea incontinent à fe fortifier & à fe mettre en eftat de n’en pouvoireftrechafte; & ‘comme il eftoit fort bon Ingénieur , il choifit le lieu le plus avantageux de l’Ifle pour placer fon fort, à cinq ou fix pas de la Mer; c’eftoit une Ro- che en plate forme, autour de laquelle il fit des terraftes régu- lières, capables de loger trois ou quatre cens hommes à leur aife ; du milieu de cette plate forme s’élève une grande roche haute environ de trente pieds efearpée de toutes parts. Il y fit faire quelques degrez dans la mefme roche , qui n’alloient que jufques à la moitié, & il falloir monter le refte avec une échelle de fer , que l’on retiroit fur la roche , lors que M. le Vaf- feur eftoit couché. Il y avoit un foûpirail comme le tuyau d’une cheminée , par lequel l’on pouvoit defcendre avec une corde fur la terraffe. Du pied de cette roche couloitune four- ce d’eau-vive plus gvofle que le bras, qui ne pouvoit jamais eftre tarie ny arreftée. Il fitbaftirfur cette roche un logement confiderable pour fa perfonne & le magazin de fes poudres. II y fit au fti monter du canon , & en fit mettre plufieurs autres pièces en batterie fur la platte forme, qui deffèn- doient l’entrée du havre , & n’obmitrien de tout ce qu’un bon Ingénieur peut faire , pour rendre cette forterefte imprenable. Il fut incontinent fecouru de tous les Avanturiers , qui fré- quentent cette cofte, Iefquels voyant la maniéré dont il s’y prenoit, crûrent qu’il alloit faire un eftabliftement qui furpaf- leroit infiniment tous les autres , qui s’eftoient faitjufques àpre- fent dans l’Amerique par les François: de forte que M. de - ~ - Yij ij i y Efia blijf ment des François Poincy j qui eftoit bien informé de tout ce qui fe paftoit à li Tortue, y envoya M. de Lonvilliers fon neveu, 2c M. de la Vernade avec trente ou quarante hommes, pour les faire tra- vailler à une habitation, qu’il pretendoit faire dans- cette Ifie. le trouve dans les mémoires de M. le Prefident Fouquet , une vieille Lettre fans nom, où il eft dit, que ces Meilleurs y fi. rent quelque fejour, 2c qu’ils y commandèrent pendant que M. le Valfeur fut à Saint Chriftophe: Mais comme cela n’eft pas fort autentique, il me fuffit de dire que ces Metficurss’en retournèrent à Saint Chriftophe , fans tirer autre chofe de M. le Vafleur que de grandes civilitez 2c de bellesparoles. Cependant les Boucanniers de Saint Domingue, n’ayant qu’à apporter leurs cuirs dans cette Ifle, 2c en tirer en fort peu de temps de la poudre, du plomb, de leau de vie 2c tout ce qui leur eftoit neceftaire ; s’en rerournoient incontinent à S. Domingue, 2C y faifoient le double du dégaft, quils avoient accouftumé d’y faire. Dez que les Aventuriers avoient faite une prife, au lieu de l’emmener dans les Ifles, 2c d’eftre deux ou trois mois en chemin , ils la mettoient dans le Havre de la T or- tué, 8^ dez le lendemain ils eftoient rà l’emboucheure des ri- vières, -2c des ports de Saint Domingue. Si bien que les Es- pagnols fe trouvant par trop incommodez du voifinage des François , fe refblurent de les deftruire avant qu’ils s’augmen- taflent davantage. Ils armèrent fix, tant navires quebarques, fur lefquelles ils mirent fix cens foldats,fans les matelots ;& fc prefenterent devant le havre de la 1 ortuë. M. le V affeur les laifla approcher jufquesàl’emboucheureduhavre, &lors qu’ils firent mine d’y vouloir entrer, il commença à les battre à coups de canon : quelques-uns difent qu il coula a fond un de leur prin- cipaux navires : je ne le veux pas afteurer; mais il eft confiant quilles fracafta tellement, qu’ils furent contrains d’aller moüil- ler l’ancre -, 2c de defeendre à plus de deux lieues du Fort. Ils y mirent leur fix cens hommes à terre vinrent attaquer le Fort, d’où ils furent repoufiez avec perte de plus de-cent hom- mes. MX idnt-IJles de l’Amerique^ \y j la mauvaife conduite de M. le Vajfeur , qui Je rend odieux a Je s habitans y efl défavoüé par Ad. de Poincy , ajfafmé par deux Capi- taines, quil avoit adopte \Zj. §. il. MOnfieurleValfeur eftant ainfi élevé au de ITus des nues par" tant de bons fuccez, commença à Te méconnoiftre , &ufa a une feverité fi extraordinaire envers fes habitans , qu’il le perdit de réputation dans toutes les Ifles auili bien que dans la France. II s’en prit d’abord aux Catholiques, aufquels il ne permettoit aucun aéte- extérieur de leur Religion : Il fit brû- ler une Chapelle qu’ils a voient bafiie de leurs propre mains, pour prier Dieu, &: chafia un Prellre qui s’y eftoit réfu- gié, aulïi bien que le Pere Marc Capucin, qui fut oblige d’y relâcher par une tempefte. Il n’épargna pasmefme le fieur de Rochefort Ion Minijlre , lequel il difpenla du fervice qu’il Iuy devoit rendre en cette qualité, de la mefine maniéré qu’il dit que l’on a dilpenfé les Capucins de leur Minifiére dans Saint Chrifiophe. Les grandes richefles qu’il avoit acquifes & qu’il acquéroit tous les jours, ne luy fuffifant pas, il mit des taxes excellives fur chaque cuirs qui entroit dans Tonifie, & droit tout ce qu’il pouvoit fur les autres denrées qui s’y debitoient : de for- te qu’il devint en peu de temps fi riche, qu’il fe faifoit faire des fervices de vailfelle d’argent tres-magnifiques. II devint fevére jufques à punir les moindres fautes de fes habitans avec une grande grue de fer, dans laquelle il leur faifoit palier la telle , les pieds &c les mains : & cette fâcheufe machine fe baifi. foie toûjours, jufques à ce qu’un homme vint tout courbe, ce qui luy faifoit une peine incroyable. Il avoit nommé cette grue I enfer , £>c fon Fort , où il le tenoit en prifon , Le Purga- toire. Y üj i7 4 Efiablijf \ment des François M. de Poincy voyant qu’ilne vouloit reconnoiftre perfonnej que tout le monde munnuroit contre luy comme contre un Tyrant qui vouloit faire de fille de la Tortue une petite Gè- ne uc, commençai le defadvoüer hautement: 5c il protefte dans une lettre qui! écrit à M . Fouquet > que le V alfeur luy a feu- lement demandé une Commilfion pour aller contre les ennemis de la France, qu’il a pris 40. homme dans l’Ille de S Eullachetous Religionaires , 5c que fille de S .Chriftophe n’y a rien contribué. M. de Poincy neantmoins fit tout ce qu’il pût pour l’attirer dans Saint Chriftophe. Il y employa fes civilitez, les carelfes, 5c tous fes amis : mais M.le ValTeur paroît toujours finement à toutes les adreftes de M. de Poincy , 5c quelquefois il Ce moc- quoit de luy ouvertement; comme il fit lors qu’il luy deman- da une grande Noftre Dame d’argent, quiavoit eftéprife dans vn Navire Efpagnol: il luy en envoya une de bois de lamef* me grandeur, 5c luy écrivit que les Catholiques eftoient trop fpintuels, pour S’attachera la matière, mais que pour luy il aymoit un peu le métail. Apres que M. le V alfeur eut commandé dans la Tortue , plutoft en R oy qu’en Gouverneur, f efpace de iz. ou 13. ans, il y fut aflaf- finé d’une façon toute tragique. Il aymoit fi tendrement deux Capitaines nommez Tibault 5c Martin , qui avoient efté les Compagnons de toute la fortune, quen’ayantpointd’enfans,iI les adopta pour fes fils 5c les déclara fes heritiers . L’un d’eux, qui eftoit f aifné 5c fe nommoitT ibaut , entretenoit une tres-bel- lc garce; dont M. le ValTeur ayant abufé plufieurs fois, ce Ti- bauten conceutune telle rage, qu’il refolut aveefon compagnon de faire mourir celuy qui les avoit adoptez, 5c de fe mettre en poficfîion de fille 5c de tout Ion bien. Ils fe perluaderent que faifant mourir un homme décrié comme l’eftoitM. le Vaft- feur, le Rcy feroir encore trop heureux de leur donner une abolition generale, & la Compagnie bien aife de fefervir d’eux, pourveu qu’ils remilfent fille entre leurs mains. M. le ValTeurnepenfantà rienmoins qu’à cette conjuration, delcendit un jour de fa Roche en fon beau magazin , où les deux Parricides bien refolus defairedeurcoup, le vinrent trouver ac- compagnez de 7. ou 8. autres. Trois 0U4. de cesperfides ayant aux Ant-lfles de l' Amérique. iy) apperceu par la feneftre la reprefenration ou figure du S. le Vaf- feur dans un miroir , tirèrent 3. ou 4. coups de moulquccon dans ce miroir,penlant tirer fur luy-mefme. Aiifii- tofr Tibiuc citant entré dans le magazin , & voyant que le Valfeurn’eltoit point ofFenlé , luy déchargea un coup de moufqueton .dont n’ayant ellé que legerement bleflfé , il courut à Ton Negre qui portoic Ton épée , mais il fut pourfuivy de li prez par ce Tibault, qu’il n’eut pas le temps de la prendre : de forte qu’il fut con- traint de fe retourner vers luy, pour parer avec le bras un coup de poignard qu’il luy portoit : & l’ayant reconnu ,il s’écria com- me autrefois Cæfar à Brutus, hé c'ejl donc toy T 1 bâtit, qui me tué. Puis le voyant prelfé par tous les deux à coups de poignard & d’épée, il s’écria: Ha\ cétajpz y que l'on m'amène un Prejtre,ie'veux mourir Catholique. Et tomba mort en achevant ces paroles. Ces deuxparricides, qui avoient déjà gagné les inclinations des habitans par de grandes promelTes de les biffer vivre dans toute forte de liberté , le mirent en polfellion de la forterelfede fille, & de tout le bien que M. le Valïeur y polfedoit : Mais la Iulti- ce de Dieu ne permit pas qu’ils eulfcnt long-temps la joüylfancc d’un bien, dont ils avoient pris polfelfion par une adion li énorme. Le Chevalier deFontenay arrive a S. Chriflophe > Efi faitC h ef de /’ entreprise de2H.de Poincy fur la ortuè , contre le S. le Vajf mr fe rend maifire de cette Ifle , ou il fait venir Ai. Hotman fon frere, Vifible punition de Dieu fur l’affafin du Sieur ' le Vaffeur. §. lu. PEndant que cette fanglante tragédie fejoiioit dans fille de la Tortue, M. le Generaldc Poincy, laffc & irrité de fevoir ainfi joué par un homme qui s’elloit fervy de fon bien , de fon nom & defon authorité, pourufurper & le mettre en polfellion de cette Me , ne fongeoit plus qu’aux moyens de l’en dépolfeder . M. le Chevalier de Fontenay arriva fort à proposen ce temps- h 7 6 Eftablijfement des François ■ • à à Saint Chriftophe fur une frégate montée de vingt - deu^ pièces de canon , pour y chercher des foldats: parce qu’il avoie perdu la plus grande partie des Tiens dans un combat, qu’il avoit eu entre la Gomer &C Sain^leXroix.^ contre deux -grandes frégates. C’eftoit un Chevalier , d’une maifon- illuftre > d’un cfprit excellent, adroit, courageux, 8c qui depuis fes pre- mières caravannes s'eftoit fort fignalé en plufieurs combats 88 rencontres fur laMer; mais particulièrement en celuy qui fut donné le z8. Septembre 1644. aftez proche de, Rhodes parle General des Galcres de Malte &M.le Commandeur de Neuf- chéfes , contre les Turcs : où les Turcs furent vaincus , leurs Vaiffeaux pris avec la Sultanne 8c fon fils. Le Prince Ofman Othoman , fils d’ibrahim , Empereur des Turcs , alors âgé de deux à trois ans , qui depuis eftant parvenu à l’âge de 34. à 16. ans ambrafla la Religion Catholique , 8c fit profefiion dans l’Ordre de Saint Dominique à Malthe: auquel combat noftre Chevalier ayant eftê jette jufqu.es à fept fois dans la Mer, 6 c eftant retourné autant de fois à l’ennemy , fe com- porta fi genereufement , que le Commandeur de Neufchéfes voulut luy donner de l’employ , quoy qu’il fut encore aftez jeu- ne. Il continua depuis fi bien l’exercice des armes fur la Mer, qu’il devint un parfait 8c achevé Capitaine, 8c fe rendit éga- lement redoutable 8c fur l’Océan 8c fur la Méditeranée. M. de Poincy n’eut pas long-temps la converfation de ce Chevalier, qu’il en conçeut une haute eftime, 6c crût qu’il n’aurok jamais un homme plus capable,, de débufqucr'fon en- nemy, 8c(de gouverner cette Ifie que ce Chevalier, qufieftoit arrivé tout à propos , lors qu’il -minutoie de faire- un arme- ment confiderable , pour tâcher de réduire le V afieur à fon devoir. Il découvrit fon deffein à ce Chevalier, & le pria en m cime temps d’en vouloir prendre la conduite, l’afleurant qu’il l’aft fifteroit de Vaiffeaux, d’hommes, de munitions, 8c de tout ce qu’il luy fèroit neeeftaire. Bien que l’execution de cette entreprife parut tres-difficile à M. de Fontenay, le defir nean- moins qu’il avoit de fe fignaler dans une fi belle occafion , la ïuy fit accepter avec joye, 8c promettre à M. de Poincy qu’il y periroit , ou qu’il en fortiroit à fon honneur. - - T ont aux Ant-IJle s de t Amérique. iyj Tout lefuccez de cette affaire fembloit dépendre du fecrct : car fi le Vaffeur eut efté en vie , & qu’il en eut eu le moin- dre vent, toutes les forces de M. de Poincy ne renflent jamais tiré de fa roche. Et ce fût ce qui obligea M. de Poincy de dire au Chevalier qu’il amaffafl: promptement tous les volon- taires qu’il pourroit trouver dans Tille , fous prétexte d’aller courir le bon bord vers la code de Cartagéne , & qu’il levait l’ancre le plûtoflqu’illuy feroit poJfible , avec ordre de fe trou- ver à jour prefix au rendévous , qui cftoit le Porta l'Efcit dans fifie de Saint Dominique, où il rencontreroit M de Tréval. Pendant que le Chevalier de Fontenay croifoit le long de la,code de Cartagéne, 5c qu’il y faifoit des prifes alfez confi- derables : M. de Poincy preparoit toutesles chofes necelfaires pour affieger le Fort du Vaffeur, s’il elloit necelfaire , 5c fit: embarquer autant d’hommes , qu’en avoir M. de Fontenay, dans une fiegatte, dont il donna le commandement à M. de Tréval fbn neveu, qui fe rendit au jour dont il avoit efté con- nus au rendé vous. Là ils eurent tous deuxadvis de Tairairmatdu S. le Vaffeur: 5C~ apprehenderent avec raifon que les deux criminels , qui ne dé- voient attendre aucune mifericorde , fe deffendroient avec plus de courage que M. le Vaffeur, auquel Ton auroit ouvert une porte toute d’or, s’il euft voulu fortir ; de forte que ces Meilleurs fe refoîurent de vaincre ou de mourir plûtoft que de retourner à Saint Chriftophe fans- avoir exécuté ce qu’ils avoient promis, lis fe prefenterent le mefmc jour à l’embou- chûre du Havre, où ils furent incontinent chargez à coups de canons de la forterelle, & contrains d’aller mouiller l'Ancre à une autre rade appellée Kayenne , un peu au deffous du vent du port, & y mirent prés de 500. hommes à terre fans aucune refiflance de la part des habitans. Les deux affaflins avoient taflc le poux aux habitans ; & ne les ayant pas trouvez difpofczà Iesdeffendre , ils s’efloicnt îefolus de capituler & de remettre l’Ifle 5c la fortereffe entre les mains de ces Meilleurs, pourveu qu’on leur promit de ne les rechercher jamais de la mort de M.Ie Vaffeur, 5c que Ton I. Partie. Z iy8 Eflablijfement des François leur Iaiffaft la paifible poffelTion du bien qu’il leur avoir donné. Tout ce que ces afFaflins demandèrent leur fut accordé, Sz ils mirent M. le Chevalier de Fontenay en poffefïionde lafor- tereffe Sz du gouvernement de Tille : La Commidion qu’il avoit de M. de Poincy fut leuë,&: Ton fit de grandes réjoiiyf- fanccs dans la forterelTe 6 c par toute Tille. Dez que M. de Fontenay fût en polTclTion de cette Me, la Religion Catholique, Apoftoîique Sz Romaine y fut reftablie. II y fit baftir une Chapelle, où fon Aumofnier célébra laMef- fe, qui en avoit efté bannie depuis iz, ans. Les habitans y ve- noient de toutes parts , dans la croyance que cette Me ayant changé de Gouverneur, Tony vivroit avec plus de douceur. Ce Chevajjer y fit aufii conftruirc deux grands battions de pier- re de taille, qui environnoient toute la plate forme, Sz qui s’accoftoient contre une montagne de roche , que Ton croyoit inacceifible. Bien-toll apres, TMe de Saint Domingue commença à fe fentir extraordinairement opprimée par les François : Car com- me ce Chevalier avoit paffé toute fa jeunelîe en des courfes continuelles avec les Chcualiers de Malthe ; fon inclination n’eiloit qu’à faire équipper des VailTeaux, pour aller faire la guerre aux environs de Tille de Saint Domingue &fur la colle de Cartagene, où il prenoit tout ce qui fortoit, ou qui vou- loir entrer dans les Havres: de forte que le commerce y eflant entièrement celfé , les Elpagnols furent contrains décrire en Efpagne, pour avoir une permiffion d’allieger la forterelTe de la Tortue, & d’en chalîer les François. M. de Fontenay avoit un jeune frere nommé M. Hotman, homme d’efprit, de belle taille, robulle , difpos & vaillant com- me un Cæfiir. Il luy écrivit ,& le pria de venir prendre parta toutesfes belles entreprifes. Ce jeune Gentil-homme avoit déjà quelque charge dans un vieux Régiment, mais cela ne le pût empefcher de partir incontinent apres qu’il eut receu la lettre de Ion frere. Il arriva heureufement à la Tortue avecunVaif- feau plein de toutes les chofes les plus neceffaires aux Mes ; à fon arrivée, Ton recommença les ré] oüy fiances. Jet le Chevalier de Fontenay, qui aymoit tendrement ce aux Ant-IJles de l’ Amérique. 179 jeune Gentil-homme, plus pour fes belles qualitez, que parce qu’il ettoit Ion frere , fit largette des bottions qu il avoit appor- tez: Mais tandis qu’on beuvoit dautant, &que tout trelfailloit de joye dans Tille , un Boucannier parût, qui dit qu’il avoit veuune armée navale Efpagnolle, qui dans toutes les aparen- ces du monde , avoit dettein fur Tille de la Tortue. Le Che- valier, qui ettoit un homme tout de feu , mit auiïi-tott Ton monde en ordre, comme li lesElpagnols eulïent ettépre- fens : & plulieurs s’éprouverent à jetter des grenades au bas des battions. Tibaut qui avoit évité la juftice des hommes , Se qui ne penfoit guère à celle de Dieu, dont il alloitcftrc frapé, prit une grenade, à laquelle il mit le feu; & la voulant jetter en l’air, le bras luy demeura comme immobile: de forte qu’elle Iuy creva dans lamain, dont il avoit poignardé M. IcValfeur: c’ettoit un fpedacle horr.ble à voir , car Ton m’a alfeuré que les quatre doits & le pouce luy pendoient, par les nerfs où ils cttoient attachez, plus d’un grand pied au dettous de lamain. Il tomba en pamoilon, & y demeura plus de deux heures, pendant Iefquelles on luy couppa le poing. Eftant revenu à luy, il s’écria que la main luy faifoit grand mal, & la garce qui ettoit auprez de luy, luy répondit :Oüy vrayment, Mr. vottre main ? la voila dans une ferviette : ce qui le fit encore cvanoüir de nouveau, & Ton crût qu’il ettoit mort. II guérit neantmoins, mais ce fut pour fevoir perdre plus mal-heureufe- ment avec tout ce qu’il avoit acquis par une voye fi mauvaife & fi deteftable. 180 Eftabliffement des François Ertreprife des Efpagnols fur l'Ife de la Tortue . Leur defcente dans cette Ifle. Ils drejfent une bat- terie fur la montagne , d'où ils battent les afie- gez>, qui font contrains £ abandonner la roche : & qui font un épaulement , d'où les Efpagnols les chaffent par une fécondé batterie. A4. Hotmanfait une fortie. La révolté des hab£ tans oblige A4. Fontenay a capituler . §. î-v. LE Gouverneur de Saint Domingue, ayant receu ordre du Roy d’Efpagne, dçchafler les François de Tille de iaTor- tué , fit affembler fon confe.il le fîxiéme Novembre de Tannée 1 6tf. dans lequel il fut arrefté que Dom Gabriel Roxas deVal- le Figueroa, commanderoit l’armée qu’on y devoit envoyer; ce General choilît dans toutes les trouppes de l’Ifle 180. foi- dats, dont il connoiffoit la valeur & le courage : qui furent tous embarquez fur cinq grands navires, & fur quelques bar- ques & batteaux, pour aller auyendévous, qui efloit à Bahaia, où le General & les principaux Officiers efloient allez parter- re. Cette petite armée faifant fa route vers Sahara, fit ren- contre de trois bafteaux de Boucanniers François. Ils le urs don- nèrent la chafîe ; & en ayant pris deux, une frégate pourfui- vant le troifiéme donna fur un banc , où elle fe perdit, fans que Ton en pût rien fauver que les hommes : de forte que ce bateau échappa, &: vint donner advis au Chevalier de Fonr tenay de ce qu’il avoir rencontré : & le Capitaine Iuy chr, qu’il n’auoit qu’à fe préparer à les recevoir & à fe bien déffendre. Sur cét advis le Chevalier de Fontenay, fit incontinent ap- porter toutes les munitions de guerre & de bouche dans fon Fort, & tous les habitans eurent le Ioifir de retirer tout ce qui leur apparrenoit dans la forterefTe. aux Ant-IJles de l'Amérique. 181 Le Samedy dixiéme jour de Ianvier de l’année 16^4. l’ar- mée Efpagnoic parut au vent de la Tortue, & l’on ne douta plus que l’advis du Boucannier ne fut très- véritable. Peu de temps apres toute la flotte fit mine de vouloir entrer dans le Havre: &: aufli-toft M. Hotman, par l’ordre du Chevalier fon frere, defeendit fur le rivage avec cinquante ou foixantehom- mes pour s’oppofer à leur defeente; mais ces Vaifleaux, ayanr eflé un peu rudement (alliez par le canon de la forterefle, fu- rent contrains d’aller mobilier l’ancre à la rade de Kayenne, à une grande lieue du Havre , où le fleur Hotman les fut ren- contrer parterre. Ce Gentil- homme ne jugeant pas la re- trairte facile , à caufe des montagnes &: des bois, & fe voyant trop peu de monde pour s’oppofer à la defeente d’un fi grand nombre de foldats, qui eftoient à l’abry du canon de leurs Vaifleaux, fe contenta de fe pofler fur une colline, d’où il fit efcarmoucher fes foldats fort long-temps, fur les ennemys qui Le metroient en bataille : mais la partie n’eftant plus foutena- blc, il fut contraint de fe retirer au fort, laiflant les ennemys campez dans une plaine bien éloignée du fort, où ils demeu- roient trois jours, pendant lefquelsle Chevalier & fon frere les attendoient de pied ferme, dans la refolution de fe biendeffen- dre. Les deux grands baftions de la forterefle efloient appuyez (ainfi que j’ay déjà dit ) contre une grande montagne de ro- che, fi efearpée de toute parts, qu’à grand peine deux hommes y pouvoient monter de front. L’on ne s’efloit jamais précau- tionné de ce cofté-là ; parce que l’on croyoit, que ce que firent les Efpagnolsefroittoutà fait impofiible : Ils s'avisèrent de faire at- tacher un’canon (ur une longue pièce de bois, à laqu lie ils liè- rent plufieurs baftons en travers, fous Icfquels ils mirent un grand nombre d’efclaves deux à deux, 2c firent fi bien qu’en trois jours, ils éleverent fur cette montagne une batterie de huit ou dix pièces de canon, & commencèrent dez la pointe du jour à battre furieulement jufquis dans le logis du Gou- verneur, qui eftoit fur cette roche, que l’on croyoit imprena- ble : quelques-uns furent tuez , d’autres efhopiez, &: tous con- trains d’abandonner la roche. igi Efiabhjfement des François M. le Chevalier qui eftoit homme d’efpric ne manqua pas de remédier à ce defordre: Il fit travailler tout fon monde pendant toute la nuiét, à faire un épaulement compofé d’un double rang de groffes pièces de bois revefluës de planches bien cloüées. Il y avoit entre ces deux rangs fix pieds de diftance qui furent remplis de terre : par cét expédient labat- teriedela montagne fut rendue inutile, parce que tout le mon- de qui eftoit forty de la Roche , s’eftoit mis à l’abry fous cét épaulement; mais les ennemis ayant reconnu que leur batte- rie n’incommodoitplus Icsaftiegez , ils en firent une fécondé à demy cofte fur une autre montagne qui battoir à découvert d’un bout à l’autre de cette épaulement; fi bien que le Che- valier ne fe pouvant plus garantir de cette batterie , fe refo- lut de faire une fortie pour la faire abandonner aux ennemys. M. Hotman dont la generofité ne trouvoitrien de difficile, fut choifi par fon frere , pour cette entreprife fi hazardeufe. Il Iuy donna trente fiifeliers qui eftoient foûtenus par trente autres, & le fit partir à neuf heures du foir, c’eft adiré en ce pays-là, à trois heures de nuiél clofe: mais les ennemys ayant efté avertis par un traître d’cfclave , qui dans l’efperance d’ob- tenir fa liberté , fe coulaft par une brèche pour aller à eux, ar- refta le fuccez que les armes de ce brave Gentil- homme dé- voient avoir fans la perfidie de ce traître. Eftant tout pro- che de cette batterie il apperçeutle fecoursqui arrivoit àmef- me temps que Iuy : cela l’obligea de les charger telle bailfée, fans leur donner le temps de fe reconnoiftre. Il les repouffa, & ayant gagné une hutte, où eftoient toutes les poudres , il y mit le feu & les fit fauter en l’air : Mais voyant que le nom- bre des Efpagnols groffiffoit toûjours, il fe retira apres avoir tué dans ce combat 16. E fpagnols, fans y avoir eu qu’un homme de tué & qu’un autre bleffe. Cependant les ennemys firent encore quelque batterie , qui incommodoient tellement lesailiegez, que M. le Chevalier ayant reconnu quelque confternation dans 1 efprit des habi- tans, il leur fit prendre les armes, & leur demanda s’ils ne vouloient pas eftre fideles au Roy & fe deffendre julques àla derniere extrémité : T ousluy ayant répondu, qu’ils le youloient aux Ant-JJlês de t Amérique. 185 a'injj, il leur en fit prefter le ferment de nouveau; & en mef- me temps l’on fit retentir les canons & plufieurs décharges de moufqucts , qui firent croire aux ennemis que les François avoient receu du fecours. Les ennemis comrrtençoient à fe lafïer, & les pluyes les avoient tellement incommodez , que la plufpart de leurs fol- dalts, ôc mefme des Officiers,eftoient malades. Ilsmettoient déjà en deliberation s’ils dévoient lever le fiege,Iors qu un traiftre d’habitant fe fauva du Fort, 5e les fut avertir quil fe tramoit quelque choie entre les habitans, quiobligcroit bien- toll Mon ficur le Chevalier a fe rendre. Il fe fit encore une fécondé fortie pour deftruire les batte- ries des ennemis ; mais l’Enfeigne qui conduifoit cinquante fufeliers , fut toute la nuid à- tournoyer dans les bois fans y pouvoir parvenir. T Depuis ce temps il ne fe fit rien de confiderable; & les ha- bitans fê trouvans à l’abry des terralîes , commencèrent à con- fpirer contre 1g Gouverneur 5e le Sieur Flotman fon freie, à caufe qu’ils ne vduloient pas rendre la place, llsfe plaignoient qu’ils n’en pouvoient plus de fatigue, qu une partie des habi- tans avoient efté tuez, qu’il y en avoit plufieurs qui avoient perdu les bras & les jambes, ôe qui efioient demeurez eftro- piez pour toute leur vie, 8e qu il leur en arriveroit aurant;& que puifque les Efpagnols leur offroient une bonne compo- fition, il falloir obliger le Gouverneur à la prendre ; ils pri- rent tous lesarmes, & vinrent un matin trouver le Chevalier: Vn nomme Nc'él Bedtl, luy dit de la part des habitans, qu’il fai- loit rendre la place aux Efpagnols , à la meilleure compofition que l’on pourroit. Ce Chevalier offenfé d’une telle propofi- tion tira vn piftolct,dont il tua ce BedcU en luy difant:Ha ! Traî- tre, fi je rends la place, tu n’auras pas la fatisfadtion de lavoir aux ennemis : puis il parla aux autres avec tant de vigueur & deprefence d’efprit, qu’il leur fit pofer les armes, & ils luy promirent tous qu’ils feroient mieux qu auparavant. Ce ne tut pourtant qu’un feu de paille : car des le lendemain la conjura- tion recommençai, 5e la nuit fuivante Ion tira trois coups de fufi's lut M.Hotman, lorsqu’il faiioit fa ronde’; 5c un de ceux Eflabliffement des François qui avoit tiré fe fauva parmy les Efpagnols, & les afleura qu’il avoit tué le Frere du Gouverneur} fi bien que le lendemain le- General Efpagnol envoya un Trompette, pour en fça voir la vé- rité, eftanc refolu de faire pendre le traître à la veuë, .de tous les - François. Cependant les Efpagnols qui eftoient avertis par tant de traî- : très de la mauvaifedifpofition deshabitans, redoublèrent leurs- efforts, & les battirent fi chaudement, queies habitans oblige^, rent le Gouverneur à capituler. La T ortuè efl. rendue aux. Efpagnols , le Sieur Hotman demeure en o fl âge durant la trêve: . Eflant de retour , la moitié du peuple efl. donnée -< aux affaflins du Eafflur, qui font une action barbare Mes deux frere s eflantfecourus attaquent la 'Tortue , ou ils donnent plu fleur s combats. La Tortue efl fe courue, & les deux fibres s en re- tournent en France , ... , Siy V.-. A Prés que le' Chevalier de Fontenay eut- employé inuti- lement toute fâ politique , pour remettre fes foldats ôC fes habitans dans le devoir : il confentit enfin, les voyant tous unanimement refolus de fe rendre, que l’on fit des articles, 2c que l’on envoya demander an General Efpagnol une fuC penfîon d’armes pour^capituler : ce qui luy fut auffirtoft ac- cordé par les Efpagnols , qui eftoient autant laffez du fiege, que luy de le foûtenir. Les François demandèrent de fortir de 1a Forterefic, l’En» feigne déployée, balle en bouche , 5c le tambour battant, avec tout leur bagage. Queies Efpagnols leur donneroient du.temps pour, remettre à flot deux navires qui eftoient coulez bas dans le Fort, 2c pour le remettre en eftat. de les conduire en France. Tout aux Ant-JJles de P Amérique. i s ; Tout cela leur fut accordé {ans aucune contellation. Le Che- valier, Ion frere, quelques-uns des principaux Officiers, & quelques foldats fortirent en fort bel ordre": l’on permit mef- me au Chevalier d’enmêner fes dix efclaves: mais les Espa- gnols ne tinrent point leur parole à l’égard des habitans qui seftoient foûlevez contre leur Gouverneur: ils les traitte- rent de traîtres , &: leur ollcrent leurs armes & tout leur ba- gage- Tous les François fc mirent à vuider l’eau des deux Vaif- feaux qui leur avoient efté accordez : mais comme cela n’al- loit pas auffi ville que les Elpagnols le dcliroient , ils firent di- re aux François, que fi dans trois jours ils ne fe mettoient à la voile, ils les pafferoient tous au fil de Fépée. Tous nos pau- vres François furent fort eflonnez de cette menace , ils firent des efforts plus qu’humains , & mirent les deux Navires en ejfiat de faire voile, avant que les trois jours fuffent expirez. Lors que le General Elpagnolvit que les François s’alloienc mettre en Mer, il fit refle&ion que les Vaiffeaux de l’armée sellant retirez, il ne Iuy relloitplus que des barques pour re- paffer , &: appréhenda que ce Chevalier ne tint la Mer, & ne 1 attendit au paflàge pour fc venger s fi bien qu’il luy propofa de laiffer fon frere avecluy enollage,à condition que départ & d’autre, tout aéle d’hollilité ceffcroient jufques à ce que le Sieur Hotman fuit remis entre les mains de Ion frere, & que pendant ce temps-là, les Elpagnols leur fournil oient libérale- ment des vivres & tout ce qu’ils auroient befom. Tour cela fut exécuté : Et quelques temps apres le General Efpagnol Croa- te la Nobleffe qui l’avoit accompagné s’en retournèrent à Saint Dominguejoù il leur fut faite une Entrée aulfi magnifique, que s’ils euffent conquis un Royaume. M. Hotman cjui elloit un jeune Gentil-homme bien mis, adroit, de bonne humeur, & fort Iellement ajullé, gagna le cœur de ce venerable Vieil- lard, qui elloit Gouverneur de Fille, qui l’ayma comme fi il eut clic fon propre fils, il vécût cinq ou fix mois avec les Ef- pagnols chery de tous, & avec autant de liberté que s’il eût elle Efpagnol naturel. Le temps ellant venu de renvoyer M. Hotman au Chevalier I. Partie. A a i8é Efiablijfementdes François fon frère» qui mouroic d’impatience de le voir; le Gouvcr* neur le fit efeorter par cinquante hommes, & commanda à ce- !uy qui le conduifoit de luy en rendre compte fur peine de iâ vie. Dez qu’il fut arrivé tout le peuple fut feparé, la moitié fut mife dans un des deux V aideaux avec les Capitaines Mar- tin & Tibaut , affaflins du Sieur le Vaffeur» & l’autre moitié fut biffée au Chevalier & à fonfrere avec l’autre Vaiffeau. Tibaut St Martin firent encore une action pour le moins au- tant cruelle St barbare que celle qu’ils avoient commife en la perfonne du fieur le Vaffeur : Car ayant fcparez les plus robuftes foldats, ils dégradèrent toutes les femmes ôc les perfonnes foi- blés & inutiles, dans les lfles des Kayemens, & au péril prefqu© inévitable d’eftre ■ dévorez par ces horribles belles. Les deux frétés s’eftant rejoints, St fe voyant dans un navire dépourveu de voile, de cables, & de munitions, refolurenc d’attendre quelque bonne fortune qui les mit en cftat de faire le voyage de France » ou d’entreprendre quelque chofe de confiderable : Si bien que quelques jours apres , com- me ils eftoient occupez à crener leurs navires , un grand Vaiffrau Hollandois chargé de toutes fortes de traittes pour les François de la Tortue, vint moüiller l’ancre proche de leur navire: & ayant apris leur defaftre,Ic Capitaine leur donna {es hommes pour les ayder à racommodcr leur navire, un cable, des voiles, & des munitions, pour s*en retourner en France. Dez que le Chevalier St fon frere furent remontez, ils refo- lurcnt de mourir ou de fe venger des Efpagnoîs ; ils propofe- rent à prés de 300. hommes qui leur reftoient de retourner à la Tortue, & de s en rendre les maiftres , iln’y en eut que cent qui en tombèrent d’accord. Le Chevalier prit la conduite de cinquante hommes, êc donna le reffe à fon frere » 6c apres s’eftre juré de ne s’abandonner & de ne fe rendre jamais aux Efpagnoîs, ils fe prefenterent hardiment au lieu mefme où les Efpagnoîs avoient defeendu .Soixante hommes s’oppofêrentàleur defeen- ce i mais ayant cité chaudement repouffez , ils leur diffé- rent une embufeade fur le chemin de la fortereffe. Il leur fut impoffible de l’éviter , mais un chien ayant fçiity les Efpagnoîs aux Ant-IJles de ï Amérique. 1 87 & s’eftant mis à aboyer, ils eurent le temps de faire préparer trente ou quarante Boucaniers: dont l’addrefte eft admirable à tirer lé fufil. Si bien qu’avant que lesElpagnoIs fe fuftentmis en ©ftat de tirer fur les noftres , ils firent une décharge de fufîls qui en jetta bien 18. roydes morts fur la place, 5c en blefta ij. ou 16 ■ autres: 5c le relie effrayé d’un tel échec, prit la fuite vers la Fortereiïe. Le Chevalier fonfrcrc, & leurs foldats match ans à grand pas vers la place, IcsEfpagnoIs crûrent que comme il faifoitune chaleur exceffive, ils iroient infailliblement fe rafraîchir aune fontaine qui eftoit fur le chemin; & que là, les prenant en de- fordre, il leur feroit aifé de les défaire. Mais nos Me/Tieurs fe doutant bien de ce qui arri veroit , feparerent leurs gens en deux bandes, dont l’une eftoit en bataille pendant que l’autre fera- fraîchiiïoit. Les Efpagnols les attaquèrent ; mais ils furent fi bien foûtenus, qu’ils y perdirent plus de quarante hommes, 5c furent contraints de fe retirer dans le Fort fans ofer attaquer davantage les François. Les Efpagnols avoient fait un Fort fur le haut de la mon- tagne, d’où ils avoient battu la Roche, où il y avoit encore cinquante hommes qui gardoient le canon. Ce Fort n’eftoiï qu’un réduit de grands arbres mis les uns fur les, autres, dans un lieu -a fiez difficile à grimper. Nos deux Meilleurs jugèrent que le plus court chemin pour emportera Forterefte, eftoit, de fe rendre maiftresde ce Fort; d’où ils batteroienr les ennemis, 5c les obligeroient à fe ren- dre. Ils l’attaquèrent en plein midy avec tant de courage, qu’ils l’emportèrent d’emblée, fie pafterent au fil de Tcpce tous les Efpagnols, à la refer vc d’un feul qui en fut porter la nouvel- le à la Forterefte. Ces Mefieurs ayant trouvé des poudres dans ce Fort,cômencercnt à battre fi rudement la Forterefte, que fans un fe cours de aoo. Efpagnols qui leur arriva, ils s’en fuflént ren- dus les maiftres. Mais le Chevalier ayant veu arriver ce fecours; 5c d’ailleurs fes poudres luy manquant, il refolut de fe retirer après avoir fait tout le dégaft qu’il pût dans l’Ifle. Il s’embar- qua avec tout Ion monde dans fon navire , qui ne valoitprefque rien, & vint avec bien delà peine échoüc.r aux Efores , d’où il re- palîa en France.. A .a ij - i88 Eftablijfement des François I’ày appris en faifant imprimer cette feüille que cette Ifte eft retournée, je ne fçay comment, entre les mains des François, &: que Mcnfieur d’Ggeron,quieft un fort brave Gentil-hom- me que j’ay connu, y commande pour la nouvelle Compagnie. La Compagnie pourvoit d'un Gouverneur a la Guadeloupe , pendant la détention de M, de P Olive a Saint Chrijlophe . CHAPITRE VIL A Prés cette digreflion que j’ay elle obligé de faire pour mettre rétabliiTement de la Colonie Françoife dans 1 111e de laT ortuë,dâs fon popre lieujil faut aller rechercher M„ Aubert, que M.Ie General de Poincy avoit envoyé enFrance,&: qui s’aquittant foigneufement à Pans auprès des Seigneurs de 1-x Compagnie des deux Commilïions principales dont il l’a voit chargé; fe trouva, fansypenfer, plus heureux dans fes propres affaires que dans celles de M. le General qui 1 avoit député. Nous avons déjà parlé des deux principales affaires dont M. de Poincy l’avoit chargé. La première effoit, de faire agréer à la Cour & à la Compagnie, le.tranfport de toute la Colo- nie Françoife de rifle de Saint Chriftophe en celle de la Gua- deloupe. La fécondé effoit , pour demander à la Compagnie le Gouvernement delà Guadeloupe pour M. de Saboîiilly , non pas en Chef, maislous M. de Poindy , Lieutenant General de Sa Majcffé fur routes les Illes. Il ne reüffirny en Tune ny en l’autre. Lai Compagnie don- tfaGommiflion à M. de Loynes dans une de fes Affemblécs, d’é- crire à M. de Poincy que l’intention de S. M. Se de fon Emi- nence effoit qu’on ne quittait point l’Ifle, mais quon la gar- dait foigneufement pour en tirer les forces 6c les commodi- tez neeeifaires pour les peuplades, tant des liles habitées, aux tAnt-IJles de l'Amérique. 189 que de celles que la Compagnie pourrok faire habiter. La Compagnie déjà bien informée des violences de M. de Poincy, craignant qu’il ne fe rendit trop puiflant, fi on Iuy accordoit M. de Saboüilly ( qui eftoit une perfonne toute atta^ chée à Tes interefts ) pour Gouverneur de la Guadeloupe , chok fit M. Aubert, de l’honora de cét employ. Ces deux nouvelles furent envoyées à Saint Chriftophe à M. le General, qui difïimulant fon reffentiment, continua à exécuter exactement les volontez du Roy& de la Compagnie; mais on a remarqué depuis ce refus, qu’il ne s’appliqua plus qu’à amafier du bien, qu’à fe faire des créatures , de qu’à fe fortifier. Il communiqua cette nouvelle à M. de Saboüilly, quieftoic pour lors à la Guadeloupe ; il ne pût fi bien cacherfon déplai- lir, qu’il n’éclattall en quelque reproche contre la Compagnie, l’accufant d’ingratitude ,& de ne pas reconnoiflre lesperfonnes de mérite , ny le fervice qu’il venoit de Iuy rendre en la con- fervation d’une Ifle qui feroit perie fans fa prudence & fa va* leur ; fon reffentiment le porta à ramaffer une partie de fes gens , & à s’en retourner avec eux dans fà Chaloupe à Saint Chriflophe. 2\d. Aubert efi pourveu de la Charge de Lieüte* nant Gerieral de la Guadeloupe ? il traite de la paix avec les Sauvages s il va à Saint Chri - Jlophe , prefle le ferment a M. de Poincy s il retourne a la Guadeloupe & s'y fait recevoir ; une barque ou il efloit fait naufrage }d' où il fe J au - ve qplufeurs y perdent la vie. 1 ' ’ . ’ i! * ' 1 <$ ' ‘ " > ‘ i. ■. !b.'v fi ' 1: • . oÇ r*o ■ : [ : ■:'§• L * •. cdr.'t *1 n aldicn ? fq în 1 t&b b MAdemoifelIe du Pleflis, apres la mort de M, fon mary. Gouverneur de U Guadeloupe , s’ effort à A a iij z û o Ejbablijft ornent des François Chriftophe avec (es deux enfans & M. de l’Olive auprez de M. d’Enainbuc 3 elle fe difpofoit à retourner en France, lors que M. Aubert, qui avoit efté Chirurgien, & qui avok obtenu une Lieuten ance dans l’Ifle par Tes bons fervices , la recher- cha en mariage, tant pour fon extraordinaire beauté , que pour Tarare vertu. II fit fi bien par le crédit deM. d’Enambuc, quil réüflît dans fon defïein , & qu’il i’époufa à Saint Chri- ftophe. Apres le deceds de M. d’Enambuc Ton Bien-fadeur , il achepta tout Ton bétail , & par le ménage de fa femme il de- vint en peu de temps un des plus accommodez de l’Ifie, & quelque temps apres il fut fait Capitaine. M. de Poincy layant trouvé homme d’efprit & de courage, l’ayma autant que fon Fredeccfïeur; &c quand il l’envoya en France, il le chargea de lettres pour la Compagnie, pleines de les louanges; Si bien que les Seigneurs de la Compagnie eftant ravis de l’occafion de témoigner à Madcmoifelle du Pldfis, l’eftime particulier© qu’ils faifoient d’elle, à caufedes mérités de feu fon mary , & la joyc qu’ils avoient de pouvoir reconnoiftre en fa perfonne les fervices qu’il avoit rendus à la Compagnie , gratifièrent à fà confideration M. Aubert fon mary de la Charge de Lieutenant General dans l*Ifle delà Guadeloupe. Ilsluy en firent expedier cette Commiffion. Commifion de la Compagnie à M . Aubert. T A Compagnie des Ifles de l’ Amérique au Sieur Aubert, -^-'Capitaine d’une Compagnie de l’Iflc de Saint Chriftophe, Salut. Eftant deuëment avertis qu’apres le deccds du Sieur du Plefïïs, l’un des Capitaines dei’IOe de la Guadeloupe, le fieur de l’Olive refte feul pour commander en ladite Ifle , au- roic efté affligé de plufieurs longues maladies, qui luy ont Iaif- fé des incommoditez telles que d’orcfhavant il eft difficile qu’il fatisfafle entièrement au devoir de fa Charge, donc la fon- flion fe rend dautant plus pénible, que l’abondance & fertili- té de la terre y appellent tous les jours grand nombre de nouveaux habitans , qu’il faut .protéger contre les incur- t kux Ant-ÎJles de t Amérique. j 9 r fions des Sauvages & contenir en paix (bus lobeïfiànce du Roy par fobfervance des loix de France: & ayant eftéaf feurez par M. Ic Commandeur de Poincy, Capitaine General en l’Ifle de Saint Chriftophe, & Lieutenant General pour le Roy ezlflesde l’Amérique , de voftre valeur, courage, 6 c fidelité au fer vice de S. M. & utilité des affaires de la Com- pagnie. A ces Caufès , la Compagnie vous a eftably , com- mis & député le reffe de cette année, & les trois années fui vantes, qui commenceront au premier delanvier 1641. pour en l’abfence du Capitaine General, & lors qu'il y fera, faire par fes ordres tout ce que jugerez neceffaire pour le fervicede S. M. Eftabliiïemcnt de la Colonie des François, bien futi- lité de la Compagnie, aux droits qui vous feront attribuez & rcglez par ladite Compagnie à prendre fur chacun des habitans de ladite Ifle, non exemptez par icelle. Et outre ce , ladite Compagnie exempte vingt de vos ferviteurs domeffiques , fi tant en avez dans voffre habitation , des droits deus à la Com- pagnie. Laquelle mande à M. de Poincy, quapres avoir pris le ferment de vous en tel cas accouftumé , il vous fafle obeïf en tout ce qui dépendra de ladite Charge. Mandons en ou- tre à tous Capitaines, luges. Officiers, Gens de guerre, f autres habitans de ladite Ifle de la Guadeloupe, qu’ils ayentà vous obéir cz chofesqui concerneront le fervicedu Roy, bien f utilité de la Compagnie, & confervation de ladite Ifle, fans y apporter aucun refus ny difficulté: De ce faire vous don- nons pouvoir, en vertu de celuyà Nous donné par S. M. Fait à Paris ce quatrième Avril 1640. Signé, Berrvyer, de Loynes, Fovqvet, de Ricoüart, Chanv. Avec cette Commiflion il partit du Havre de Grâce * f apres uneheureufe navigation , il arriva au commencement do Septembre de la mefine année 1640. à fille de la Martinique. M. du Parquet, qui en eftoit Gouverneur pour la Compa- gnie,’l’y rcceutavec beaucoup de civilité, f entr’autres ad vis qu’il luy donna pour fe bien effablir à la Guadeloupe, il luy confeilla de faire la paix avec les Sauvages, luy offrant fa mé- diation auprez d’eux; il l’accepta avec beaucoup de reconnoif fonce, & luy promit d’cxecucer en cette affaire les ordres qu’ff Efiablijf ornent des Fr an fois luy voudroit prefcrire. Ce qui m’oblige de corriger icyce que j’avois avancé dans la première édition de mon Livre, tou- chant la maniéré dont M. Aubert fe comporta à faire la paix avec les Sauvages; car j’ay appris de la propre bouche de M. du Parquet , dans le dernier voyage que j’ay fait en l’année jéj6. qu’il fut le Médiateur de cette paix tant defirce des gens de bien , & fi neceffaire à la Guadeloupe : il promit à M. Au- bert d’y difpofer les Sauvages, & de les luy envoyer fi-toft qu’il feroit arrivé à la Guadeloupe pour marque afïeurée qu’ils demandoientla paix, la Pirogue qui en iroit traiter avec luy, mettroit un Sauvage à la nage qui l’iroit trouver feul, qu’apres tous les autres defceniroient à terre ; il le pria aufli de donner l’ordre par tout qu’on ne leur fit aucun tort. M. Aubert tout confolé de l’afîeurance de cette paix, s’em- barqua pour la Guadeloupe, en pafiant devant Fille de la Do- minique, les Sauvages vinrent à fon navire. 11 les receut avec de grandes démonllrations d’amitié, les careffa, leur fit des prefens; & apres les avoir bien fait boire, il leur fit entendre qu’il alloit eftre Gouverneur delà Guadeloupe, & que M.du Parquet leur bon amy les affeureroit du defir qu’il avoir de vivre avec eux en bonne intelligence. Ils luy demandèrent plu* fleurs fois fi les Capitaines des François de l’Olive & de Sa- boüilly, efioient encore dans l’Ifle: pour les affeurer davan- tage , il leur répondit qu’ils en fortiroient fi-tofi: qu’il y feroit arrivé, & qu’il les empefeheroit bien de leur faire la guerre. Apres plufieurs proreftations de part & d’autre, ils luy promi- rent d’en parler à M. du Parquet, &c de le venir retrouver dans peu de temps pour traitter la paix. Il arriva à la Guadeloupe le quinziéme Septembre ; & croyant avoir apporté aux habitans la plus agréable nouvelle qu’ils puffent attendre, il leur raconta ce qu’il avoitprojette àlaMar- tinique avec M. du Parquet, & devant la Dominique avec les Sauvages pour faire une bonne paix avec eux. Nous la re- ceufmes avec la plufpart des habitans comme un effet de la mifericorde de Dieu: Mais ceux qui avoientefte les boutefeux de cette guerre, ne la purent goufter: ils dirent qu’il effoit impoflibîe d’avoir jamais la paix avec des gens fans foy & fans aux Ant-Jjles de /’ 'Amérique. $ Religion qu ils fe fèrviront de ce prétexte pour les venir fur- prendre 2c les aflaffiner avec moins d’obftacles ; 2c que quand ils auroient égorgé des François, ils en rejetteroient la faute fur ceux de fille de Saint Vincent! que pour eux ils ne fef ie- roient jamais à leurs paroles , 2c que s’ils venoient fe prcfcntei* au Fort, qu’ils ne les recevroient qu’à coups de moufqueton. M. Aubert jugeant bien qu’il auroit mauvaife grâce de s’em- porter contre eux, à fon arrivée dans fille, leur dit qu’il ne vouioit rien faire fans en prendre confeii de M. de Poincy, Lieutenant General pour S. M. fur toutes les Ifles ; qu’il s’en alloit exprellement à Saint Chriftophc pour Iuy déclarer leurs intentions 5c les lîenncs , qui eftoient celles de cous les gens de bien qui ne foûpiroient qu’apres la paix , les menaçant que fi on faifoit quelque tort aux Sauvages pendant fon abfence , qu’il s’en prendroic à eux, 2c qu’ils en répondraient en leur propre 2c prive nom. II s’embarqua dans le navire du Capitaine Brafdefer, 2c le cinquième d’Ô&obre, il mit pied à terre à Saint Chriftophc. Il alla rendre fes civilitez à M. le Commandeur de Poincy 32c luy donna les lettres des Seigneurs de la Compagnie! quelque relfentiment que M. de Poincy eut conçeu contre luy > dans la croyance qu’il avoit négligé les affaires dont il l’avoit charge pour faire les Hernies , il ne Iaiffa pas de le bien recevoir & de luy faire prefter leferment de fidelité. Il fut mefine allez gé- néreux , dans fefperance qu’il conçeut de s’en fervir quelque jour dans fes defteins, de luy faire avancer 15000. livres de pétrin par le fieur Merlin, Commis General de la Compagnie, fur la parole qu’il luy donna , que la Compagnie fen avoit gratifié, tant pour fes voyages à aller, venir, 2c retourner., que pour tr an {porter à la Guadeloupe tout ce qu’il avoit befoin : 2c afin de l’obliger plus fenfiblcment il luy permit, comme une grâce très -particulière, d’emmener à la Guadeloupe autant d’hommes avec leurs- armes qu’il en pourroit trouver de difpo- fez à l’y accompagner. Ce ne fut pas fans de grands frais, car il dépenfa à Saint Chriftophe plus de quarante mille livres de petun aux préparatifs de fon voyage, comme M. de Poincy le témoi- gne à la Compagnie dans une de fes relations. I. Partie. 3 b i^4 Efiablijfement des François Apres s’eftrc acquitté de ces devoirs, & fait approuver fà négociation avec les Sauvages à M. de Poincy, il revint prompte- ment à la Guadeloupe avec Made-moifelle fa femme. Le 25. Novembre, il fit lire faCommiffionà Ia-telledes Compagnies de la Baffe-terre, ô£ le deuxième, jour de Décembre, il en fit autant au quartier de la Cap lierre devant tous les Officiers tous les habitans. Son principal foin fut de faire monter une barque qu’il avoit apportée de France en fagot, & de fe -loger dans une maifonde charpente à deux ellages, qu’il fit promptement ballir, 2c qui a elle fort long- temps la plus belle de Fille. Les anciens Officiers qui elloient créatures de M. de l’Oli- ve ne le receurent qu’à regret. Le luge, le Heur delaRiviere, & quelques-autres formèrent un party contre luy. Lefieurde la Ramée murmuroit contre luy, de ce que n’eftant que Lieu- tenant de M. de l’Olive , il trenchoit du Gouverneur en chef; le luge fe plaignoit de ce qu’ff anticipoit fur fon autho- rité; M. Aubert eut befoin de toute fa prudence dans ces fâ- cheux rencontres; 2t quelque foin qu’il prît de les contenter, il ne put jamais adoucir l’efprit du luge, avec lequel il eut tou- jours quelque different pendant fon fejour à la Guade- loupe. M. de l’Olive que M. de Poincy y avoit renvoyé, voyant fon deffein avorté, 2c que fa prefcnce ne fervoit qu’à aigrir les choies, &broüiller fes amis, s’en retourna à Saint Chriffo- phe; quelques-uns ont crû qu’il avoit eu un ordre fecretdeM- de Poincy pour y retourner. La barque de M. Aubert citant montée, il commanda tous ceux qui avoient des Canots pour aller faire une pefohe gene- rale de tortues 2c de lamentins dans le grand Cul de Sac de la Guadeloupe, pour le foulagement des habitans qui fouffroient beaucoup. La pefche achevée, il arrefta ceux qui vouloient l’ac- compagner à Saint Chrillophe où il devoir aller. C’eftoit une bonne partie de ceux qui s’eftoient mutinez, & qui croyoient la paix avec les Sauvages impoffible; mais il leur arriva la mefi- mc chofe qu’à ce Prince, qui doutant du renvitaillement de Samarie , fut écrafé fous les chariots qui portoient le fecours; car M. Aubert ayant chargé fa barque de lamentai 2e de tor- aux An rifles de t Amérique. 19 y me ; SC y eftant monté luy vingtième, elle fut furprife d’un coup de vent , qui la fit {ombrer fous fes voiles , &: couler à fonds, & entraifna 13. de ces mal-heureux au fond de la Mer, & peut-eftre au fonds de l’enfer ; car un moment auparavant, on n’entendoit dans la barque que d’horribles blaphefmes. Mi Aubert fe fauva par bon-heur fur un faiffeau de picques, d’autres fur des barils, &: deux fur le foyer: on vit bien que la Iuftice de Dieu prefidoità ce naufrage , parce que tous ceux qui furent noyez nâgeoient parfaitement bien, au contraireM. Aubert & les autres réchappez n’aYoient aucune habitudeàcét exercice. Ce mal-heur qui arriva le troifiéme Février 1641. fut caufe de la réünion de M. Aubert avec le ficur de la R améercar M. Aubert eftant retourné dans un petit canot , à la Pointe de. Saint Iofèph , ou celuy-cy commandoit, il alla loger dans la café d’un, pauvre Gentilhomme nommé duPIeflis, qui n avoir pas du pain, à luy offrir. Le heur de la Ramée en eftantaver- ty par un de fes domeffiques , eftant touché de {a dilgracc & poulie par un fentiment de generofité , il y courut., 5c trouva fon Gouverneur eftrangement affligé de ce defaftrc, il Tenu brada avec beaucoup de tendreffe , & pleurant cordialement avec luy un fi grand mal-heur , il le pria de fi bonne grâce avec tant d’inffance de venir chez luy , que M. Aubert l’ac- cepta; il l’y régala le mieux qu’il put, 5c lia une fi effroitte amir- tié avec luy , qu’elle a duré jufqaes à ce que la perte de l’un, ay t cfté la ruine de l’autre, comme nous verrons en fon lieu. Arrivée des Sauvages à la Guadeloupe 0 Ai, Aubert conclud la paix avec eux. Cette paix y attire des habitans de toutes parts. §. LL. PEndant que M. Aubert effoit à Saint Chriftophe, les Sau- vages furent rendre compte à M. du Parquet, Gouver- Bbij ipô Efiablijfement des François neur de la Martinique, des promelfies que M. Aubert, nouveau Gouverneur de la Guadeloupe leur avoir fait, il les exhorta d y retourner & de faire la paix avec Iuy , les afteurant qu’il les recevroità Bras ouverts comme fes bons amys, il leur don- na le lignai dont il eftoit convenu avec M. Aubert. Sur fa parole ils équipèrent une pirogue qu’ils remplirent d’ananas, de tortues, & de cochons , & vinrent aborder à la grande Anfe ; ou s’eftant informés du logis de M. Aubert , quand ils furent devant fa cale, on ne vit jamais des gens plus cir- confpe&s ôt plus défians. En effet c’eftoit un peu trop fe ba- zarder : car fi M. Aubert eut efté aufli violent que M. de l’Olive, on leur auroit jotié un mauvais tour. Apres que les Sauvages eurent long-temps confiderc toutes les avenues , épié les gelf es & les mouvemens des François, qui les attendoient fans armes furie bord delà Mer, un d’eux vint à la nage a terre, pendant que la pirogue eftoit à flot ; il demanda d’eftre mené à M. Aubert, qui le receut avec de fi fenfibles marques d’amitié , que. ce barbare vaincu deees civi- litez, courut aux autres pour les. avertir de la difpofition où il l’avoit trouvé, afin qu’ils vinifient tous chez Iuy. Ils tirèrent leur pirogue fur le fable furent tous enfemble au logis de M. Aubert, qui les attendoit pour les bienregaler : Il leur fit gran- de chere , particulièrement d’eau de vie , dont ils font fort friands; Et apres beaucoup d’entretiens , tels qu ouïes pût avoir avec des gens qui s’expriment plus par Agnes que par paroles, & qui n’ont guéres plus de railbns que des brutes; La paix fut conclue, & promelfies furent réciproquement faites de part &: d’autre, de ne fe faire jamais aucun tort, 8e de fe traiter d’o- refnavant comme bons amys ; la paix eftant ainfi conclue , ils s’en retournèrent les mains chargées de prefens ,le ventre plein d’eau de vie , & l’efprit tres-content. Ce bon accueil fut plus que fuffifant pour attirer les autres ( les Sauvages ayant cela, qu’ils feront cent lieues , &c s’expofe- ront à toutes fortes de périls pour fe trouver à la débauche de quelque bouteille d’eau de vie ) outre que les neceflitez qu’ils avoient des denrées de nos François, comme haches, ferpes, coûteaux, toiles pour leurs canots, & autres chofes femblables, les pre fiaient d’y venir. aux Ant-Ijles de l'Amérique . tjy Ils recommencèrent leurs anciennes vifitcs au grand profit des habitaws ; car outre qu’ils nourriffoient prefque toute rifle de Tortue j de cochons, de lézards, depoiflons bou cannez, & des fruifts du pays, ils apportoient de riches dépoüilles de ca- ret, des lifts de coton , ôc tout plein de petit butin qu’ils rap- portoient des défaites des Anglois , & donnoient toutes ces cho- ies pour des bagatelles. le me rencontray à la defcente de la fécondé pirogue, qui vint dans I’Ifle pour affermir la paix. Le premier Sauvage qui mit pied à terre, vint droit à moy, comme s’il m’eut connu depuis long-temps; & me prenant parle poing, il fitun figne de Croix fur ma manche, &: la baifà plufieurs fois. Il me de- manda un Chappeict en langue Efpagnolleï & l’ayant interro- gé ce qu’il en vouloit faire , il me répondit que c’eftoit pour prier Dieu, quoy qu’il n’eut autre defîein que de le pendre à fon col comme les autres, & en faire parade. I’ay fçeu depuis que ce mal-heureux avoir efté dix ans efclave en Efpagne, qu’il y avoit efté inftruit & baptifé ; & qu’ayant trouvé moyen de fe fauver , il avoit apoftafié de la Foy en les quittant. II ne faut cfperer autre chofedes Sauvages qui font tant foitpeufur l’âge, ôc qui fc font déjà comme naturalizés dans la faineantifle &: le libertinage de leurs compatriotes. Le bruit de cette paix s’eftendit par toutes les Ifles circon- voifines, ôc mefme jufques en France, ce qui attira beaucoup de monde à la Guadeloupe pour y prendre des places. L’Iile fc pleuploit, fe découvroit, s’embelliiloit, &: devenoitmeilleu- re de jour en jour. Les habitans commencèrent dehors à tra- vailler en toute feuretc. Les navires qui ne font attirez que par la marchandife , &: le bon Gouvernement, commencèrent à la frequenter, mefme quelques Capitaines de navires re- connoiflant la bonté &c la beauté de l’Ifle y prirent des habita- tions, fur lefquelles ils amenèrent quantité de monde pour travailler. Le peuple s’augmentant , nos travaux redoublèrent, Sc je m’eftonne que nous n’ayons fuccombé fous l’excez des fatigues: car outre les peines que nous prenions auprez du peuple, nous citions contrains de baftir nos cafés , d’aller nous-mefmes que- Bb iij ï c) 8 Efablijfc )ment des Fr an çois rir le bois de nos petirs baftimens fut nos épaules, à plus d’une grande demie lieue dans la montagne ; Nous coupions encore le bois de nos habitations. fans l’afliftancc de perfonne, quieft un rude travail, aveccesfatigues ilnous falloit cultiver la terre & planter nos vivres , fi nous en voulions- avoir . Quoy que nous eftimaffîons jufques alors nos travaux, &C mefme nos vies bien employées au fervice des habitans pour maintenir dans cette Ifle la foy Orthodoxe , laquelle fe feroit tout à fait abolie fans nos foins & nos veilles, par le mélange des heretiques que les Gouverneurs y ont toujours foufiert, con*- tre les intentions de S. M. qui corrompoient la pureté de la foy par leurs erreurs , & de la morale Chreftienne par leur vie déréglée., Cependant nous avions toujours une douleur fecrette dans famé , de ne pouvoir exécuter nollre premier defTein qui elloit d’annoncer Iefus-Chrift aux Sauvages, &: de les inftruire des Myfteres adorables de nollre Religion. Nous demandions tous les jours ;cette grâce à Dieu,quifembloitne nous avoir appelle de France que pour nous confacrer à la aconverlion de ces pauvres infidèles, & qui elloit Ia.fin de nollre Million Apodolique. Le R . P. de la Mare , Supérieur dé nojtre Mif Jïon efant empefehé d'aller préfets er l'Evangile aux Sauvages ; , y envoie le R. P. Raymond îBreton. M. Aubert prie M. le General de de Poincy de luy écrire pour le faire rappeller a ce qui luy arriva , & la difpoftion qu il remar^ qua dans les Sauvages pour ejl.re infruits. . §. 1 1 K LE R. P. de la Mare, voyant la paix s’afFermir de jour en jour, la grande familiarité des Sauvages avec les François, & que meüne ils faifoient inftancc d’emmener un de nos R g- ftux Ant-Ifle s de 'l Amérique. 199 ligieux à la Dominique, crût qu’il n’auroit jamais une occa- iion plus favorable j & partant qu’il ne la devoit pas biffer cC- u1 dcffem d’y aIIer iuy-mefme , il le communiqua a M. Aubert, qui pour Iuy complaire témoigna l’approuver, & Iuy promit de l’y favoriferen toutee qui dé pendroit de Ton autnonte, quoy qu’il n’eut aucune envie de le faire , & que bien au contraire il fut refolu de l’empefchcr. Car le R. P. de la Mare apres avoir fait piomettre au Capitaine d’une pirogue de Sauvages de le porter à la Dominique, il me prit une nuiét pour fon Compagnon avec un de nos freres Convers; Nous ayant fait embarquer dans un peut canot, il fe fit conduire chez M. Aubert pour le prier d’exécuter fa promefte. Son arrivée éclatta, eftant une chofe fort rare de le voir en campagne, doü M. Aubert prit occafion de s’exeufer, di- fant qu’il ne pouvoit plus Iuy permettre d’aller à la Domini- que ; qu’il auroit fécondé fon deffein de tout fon pouvoir, s’il le fut embarqué en cachette, mais que le peuple cftant tç- moin de ce qu’il approuvât /a fortie, s’il arrivoitque les Sau- vages Iuy fiffent du tort , on ne chercheroit point d’autre ga- rand que fa telle. II l’afTeurancantfnoins qu’il Iuy permettroit de fortir quand il Iuy plairoit, pourveu qu’il fe comportait ft adioit.emcnt , que le peuple ne pût foupçonner qu’il Iuy eût permis. 1 J Toutes ces belles affeurances n’eftoient que des défaites, car le lendemain il en donna advis à Monfieur le General de Poincy , & Iuy fit entendre qu’il eu pourroit arriver des in- conveniens capables de rallumer la guerre qu’il venoit d’eftein* dre avec tant de peines, le priant d’enuoyer promptement vu ordre au P ere,pour Iuy dcff'endre de -fortir de fille : Mais le R. P. de laMare voyant que M. Aubert le remettoit tous les jours, Ce feruit del’occafion d’une autre Peroguc, 6c le 17. Ianvieri^i. il fit fccrettement partir le R. P. Raymond Breton, &: le F. Charles Pouzct, deux Religieux véritablement dignes de cette Com- milfion , auec ordre de rechercher curieufemenr ce qu’il y au- îoit à faire parmy les Sauvages ;de quelle façon il fe faudroit comporter en leur endroit, avec ordrede Iuy en rendre compte aupluftoft : Les ayant fait partir, il le fit fçavoiràM. de Poincy. 10o E (îablijfement des François M Aubert en ayant efté avertysen offença , & en écrivit tout en cholere à M. de Poiçcy,qui entrant dans fesfentimens envoya 3e mois fuivant cette Lettre au R. P . de la Mare , pour 1 obliger de faire revenir ces deux Religieux. Au tres-R. P. de la Mare , D odeur de Sorbonne, çef Supérieur des RR. PR. Iacobms de la Guadeloupe. MON REVEREND PERE, „ Fay un extrême dcplaifir de ce que Voftre Rcverence n aug- „ mente en fanté j on vous accufe de contribuer au déperifte- „ ment de vos forces , dans l’obfervance tres-étroite que vous „ faites de voftre Réglé, qui vous empefehe de prendre la nour- „ riturc qui vous feroit neceftaire pour voftre meilleure fubfi. ,, ftance. le fuis certain que vous permettez aux autres qui 3J font dans l’infirmité , d’ufer des viandes neceffaires à cét ef- „fet,& pour vous la feverité ordinaire continue. Pardonnez- „moy fi ie vous dis que Voftre Reverence eftant neceftaire „ ou elle cft , elle devroit en ufer d’autre façon ; c’eft mon ad- „ vis. l’ay veu par voftre derniere , que vous avez envoyé le „P. Raymond Breton en Million aux Sauvages de l’Ifle de la „ Dominique. le loué voftre zele;mais il me fembleque vous „ne prenez pas le temps, car nous n’avons point de Vaifteaux „ à prefent capables de donner de la terreur aux Sauvages de „ cette Ille, qui font fort brutaux. l’appréhende qu’il n’arrive 3, quelque mal-heur : puifqu’il y a long-temps qu’ils confentent 3, de donner de leurs enfans parmynous ,ilme femblequcceft „ beaucoup obtenir d’eux ; ôe fi vous me voulez croire , vous „ retirerez ledit Pere Raymond & fon Compagnon , pour évi- „ter que cela n^e nous engage à une guerre contre eux-, ce qui „ feroit pour le prefent tres-prejudiciable pour les Ifles de la „ Martinique & de la Guadeloupe , & mefme pour toute la Na- tion , attendu que la bonne correfpondance que nous avons avec aux Ant-ljles de F Amérique. 2oi 3>âvec les Sauvages, nous rend tres-rcdoutables aux Anglois, „quoy que nous foyons icy petit nombre. De force que fi on „ peut éviter cette rupture , ce fera grand bien pour le „fervice du Roy , & de route la Nation j j’efpere qu’apres „que vous aurez confideré les inconvénients qui en pourroient „ arriver, voftre Reverence y remédiera. le vous donnera^ „ avis du deceds de M. Martin , arrivé la nuit du ai. au zz. „du courant ; je m’imagine que vous raymiezaffez pour avoir „ mémoire de luy en vos prières j je vous ie recommande &â „ vos Confrères , à qui je fouhaite une parfaite fanté,' & que „me continuiez l’honncar de voftre amitié. Cependant croyez „que je fuis, MON REVEREND PERE, \ ■ i‘ ' * :■ ■ - - - i. u S. Chnjiophc te Z}. Février 1641. Voftre très, humble & affe&ionné ferviteur. Le Chevalier, de P o inc y. Le R . P. de la Mare ayant receu lettre , vit bien qu’on fe- rait de cette entrepriie une affaire d'eftat en France ,& qu’on le blafmeroit d’indiferetion , fi par. la mort de fes Religieux on venoit à rompre la paix avec les Sauvages i cette confidera- tion jointe au refpeét qu’il portoit à M. le General de Poincy, dont il eftimoit beaucoup l’amitié , l’obligerent à envoyer un ordre de retourner à la Guadeloupe dans le navire du Capitaine Boulanger, que M. Aubert avoit prié d’aller exprez à la Do- minique pour les ramener. Mais auparavant que je parle de leur retour, voyons ce qui leur arrivera, & ce qu’ils firent l’efpace de deux mois qu’ils de- meurèrent avec ces Barbares. A la. vérité, de ces deux Reli- gieux, leur Beyé ou Sorcier , ufa de tous lès artifices pour les faire maffacrer, ou au moins pour les faire fortir. 11 donna à entendre aux Sauvages qu’il avoit oüy de la Bouche de leurs Rioches ( qui font certaines Idoles ou Marmoufecs de Coton ). loi . Ejlabltff *mmtâes François que les François avoient de Hem de leur faire le me fuie traire- ment qu’ils avoient fait fur les autres Caraïbes dans les autres Mes , dans lefquelles ce# Nations’ eftrangeres s’étoient infi- nuées par de petits commencements r s’étant accrues, elles les ayqicnt eh ade de leur pays natal, privé de leurs terres , 2>C cruellement mafilicré. Le Capitaine Baron, qui avoir mené nos Religieux , en- tendant les murmures de fes Compatriotes , en avertit le R. P. Raymond , l’alTeurant qu’il le protégerait autant qu’il luy ferait poifible , quoy qu’il fcrnbla prefque convaincu luy-mef me par les apparantes raifons des autres Sauvages ; mais ce bon Pere l’ayant defabufé, ce Capitaine Sauvage conuoqua tous les autres à un vin General, ( qui ell une débauche de laquelle je parleray en Ton lieu. ) Les plus conliderables de l’Hle cftant alfemblez chez luy, il prit la parôlle en faveur de fes Hofles , defquels il tirait déjà plu fienrs petits prefents-, & afin d’haranguer avec plus d’autho- rité , & fe rendre le peuple plus attentif, il fe velîit de la jup- pc d’une Dame Angloife qu’il avoir butiné à la guerre, en for- te que ce qui devoir eftre attaché fur les reins, eftoir lié au tour de fon col ; & ainfi ajuffcé, il monta fur une petite emi- .nence de terre, commança à crier à pleine telle , à les ha- ranguer avec tant de prolixité, que la plu fpart ennuyez de fon difeours , s’en allèrent en murmurant ; les autres qui avoient .plus d’inclinations à la paix , goûtèrent fes raifons, & témoignè- rent à nos Religieux qu’ils elloient lies tres-bien venus, & qu’ils n avoient qu a demeurer avec eux en toute affeurance. Le Diable ayant manqué fon coup en cette occafion,fe fervit d’une autre invention d’autant plus dangereufe qu’elle eftoit dans une méchante telle , c’elt à dire, la telle d’vne . femme. Ceftoit une des femmes du Capitaine Baron, ou pour mieux dire, une reelle Megere, à laquelle le Démon perfuada de tuer nos Religieux-, elle leur découvrit ingenuëment fon detella- ble delFein , & fe mit incontinent en devoir de l’executer ; mais un de fes propres enfans,qui avoir conçeu quelque bonne vo- lonté pour le R. P. Raymond , voyant fa mere poufiee d’un fi mauvais génie, prit une fclle à trois pieds, & luy en frotta fi aux Ànt-Ifles de t Amérique. 203 bien la telle & Je corps, qu’il la guérie aune fi cruelle mala- die. Tout le temps quclc R. P. Raymond demeura à la Domi- nique, il s’appliqua à apprendre la langue des Sauvages ; il en afieiwloit tous les jouis le plus grand nombre qu’il pouvoir, leur enfeignoir l’Oraifon Dominicale , le Symbole des Apô- tres, &: leur prclchoit l’Evangile le plus intelligiblement qu’il luy cftoitpofiible, fc fervantdu jargon dont les Sauvages nient avec les François, pour s’en faire mieux entendre. Lois qu’il leur parloir du bon-heur dont Dieu tccompenfoit les jullcs , & des tourna ens étemels qu’il préparoit aux impies; ils entroient dans de profonds cflonncmcns, ■ & s’cnqueroienc fou vent de luy, s’il ne mentoit point, fi ce qu’il leur enfeignoit cfioir véritable ; &: ltcoutoicnt avec grande attention. Mais M. Aubert ayant envoyé un fécond Navire, donc le Capitaine avoit ordre exprez de ramener, à quelque prix que ce fut le R. P. Raymond, il fut contraint de s’en retourner à la Gua- deloupe, &: de laifier tous ces baux commenccmens impar- faits. Deux de nos Religieux arrivent à la Guadeloupe. Leur mort. Celle du R. P. de la Mare. Supé- rieur. M. Aubert défait les Marons de fon Ife. M. Houel paffe à la Guadeloupe. §. v. LE cinquième d’Oétobre decette année 1641. le R. P. Vincent Michel, &lc R. P. Dominique de Saint Gilles, envoyez de Francepour nous fccourir, arrivèrent heureufement à la Gu a* dcloupe. Le premier eftoic eonfideré parmy nous comme un Saint ; nous n’eufmes pas le bon-heur de le pofleder long-temps ; car à. peine fût-il arrivé dans l’ifle, qu’il fut atteint d’une courte halene,, àc mal d’eftomach du pays, qui luy fit. faire en peu de C c ij 2.04 Efiablijfementdes François jours, le voyage des Indes Occidentales en Paradis. Ce bon Pere nous prédit precifement le jour & l’heure de fa mort , il s’y difpofa par les Sacremens qu’il reçeut avec une incroyable dévotion. Apres avoir refpondu Iuy-mefme aux recomman- dations que nous failions à l’entour de luy , les yeux fici&z au Ciel, le vifage riant, & tenant le Crucifix étroitement collé fur fa bouche, il rendit lame a Dieu le 18. jour de Novembre de la mefme année. Le R. P. Dominique de Saint Gilles voyant fôil Compagnofi décédé, s’employa de toutes Tes forces à nous foulager; 6c bien quil fut le plus toible de toute la troupe ,-il faifoit autant que pas un de nous, en ce qui regardoit le fal-ut des âmes , avec tant de confiance, qu’apres avoir travaillé fans relafche prés de cinq ans, il mourut dans le Champ, comme un brave foldat de Ie- fu-Chrifl. Sa vie exemplaire, & le zele ardent qu’il avoir pour convertir les âmes , 1 ont fait regretter de tous les Habitans apres fa mort. Àu mois de Décembre de "l’année 1641. le R. Pt de la Mare atténué de jeufnes, d’aufleritez, & de pénitences, tomba dans fa maladie mortelle , ou pour mieux dire , fa maladie contra- étée dés le premier iour qu’il arriva aux Indes , redoubla pour le faire mourir. Ce bon Religieux fut réduit en un eflat capable d’infpirer de la compaflion aux plus barbares; les extrêmes mortifications qu’il ayoit faintement pratiqués , l’avoient tellement extenué, qu’il n’avoit plus que la peau fur les os , &: mefme ils la per- çoient en pluficurs endroits de fon corps. Il elloit couché fur une pauvre paillaffe, fans lift & fans matelas, veflu de fes ha- bits, fans pouvoir rcmiier ny bras ny jambes, à moins que de fentir de violentes douleurs. Il fut prés de trois mois dans ce pitoyable ellat , Tans pour cela defifler de l’exercice de la Prédication ; tout malade à mourir quil efloit , il fe faifoit porter fur le marche-pied de l’Autel les Dimanches & les Fefles ; il y prefehoit le peuple d’une maniéré fi touchante, qu’il y en a voit peu dans l’afrem- blée qui ne verfaffent des larmes , & qui ne s’en retournaffent fenfiblemcnt fafehez d’avoir offensé Dieu. aux ±Ant-IJles de l* Amérique. ioj Il avoit un Religieux qui Iuy recitoit tous les iours les Sept Pfeaumes Penitentiaux au pied de fon grabat » pendant lef- quels il verfoit une telle quantité de larmes , que cela cfloit prodigieux. Il avoit inceffamment les yeux levez au Ciel , 6c ion efprit tellement uny à Dieu par la priere , quil fomblok avoir abandonné le loin de fon corps. Enfin, apres avoir vsé le relie de fos forces au falut des âmes, auquel il s’elloit dévoilé avec tant de ferveur , apres avoir lavé fos fautes (dont les plus jufles ne font pas exempts ) avec tant de larmes , cetre fainte ame quitta la terre pour aller recevoir de la main de Dieu dans le Ciel , la couronne de Iullice , qu’il avoit préparée aux mérités d’une vie fi fainteôc fi crucifiée. Il mourut le pre- mier iour de Mars 1^41. Sa foience l’avoit rendu célébré dans les aHemblées de Sorbonne ; foh mérité l’avoit élevé aux plus éminentes charges de l’Ordre, fa Régularité l’avoit porté à reformer plufieurs Couvents de la Province , fa capacité Iuy avoit fait remplir les plus fameufes Chaifes de France , où il avoir excellé par fos Prédications. Enfin , fon humilité ôc fon zele Iuy firent palier les mers pour y vivre inconnu 6c pour Ce facrificr au falut des âmes. 11 s’efloit fait donner l’habit de Frère Convers un peu avant fa mort , fo jugeant indigne de mourir dans celuy de Clerc. II nous enjoignit tres-étroitement de l’enterrer trois heures apres fa mort fous le foiiil de la porte de I’Eglifo fans aucun appareil , 6c fins en avertir le peuple , craignant qu’on lie Iuy rendit quelque forte d’honneur. Apres fa mort nous ne refiions plus dans l’Ifie que trois Preflrcs & trois Freres. Nous Iuy rendifmes les derniers de- voirs , 6c nous nous affemblâmes tous dans la maifon de No- tre-Dame du Rofaire à la Baffe-terre, où il efloit décédé, 6 c un de nous fut éleu Supérieur. Le iz. de Mars, le R. P. Ray- mond, que la nouvelle de la maladie mortelle du R. P. de la Mare avoit fait partir de la Dominique , revint à la Guade- loupe avec fon Compagnon , pour Iuy rendre compte du pro- grez qu’on pourroit faire aux Sauvages. Nous conclûmes tous, veu les neceffitcz preffantes de noflrc Million, qu’il falloit re- tenir le R. P. Raymond * remettre le voyage des Sauvages à Ce iij 2 o 6 E ftablijf ment des François *in autre temps, &: envoyer un Religieux en France pour ame- ner des Religieux, dcfqucls nous avions grand befoin. Ic fus choifi pour cét effet. Quelques -temps apres mon départ des Ifles , il arri va une chofe à la Guadeloupe digne de cette Hiftoire. Certains mecontens, conduits par un nomme la Cane , prirent refoluuon d’enlever une Barque 6e de s’ en aller courir le bon bord. Ayans elle découverts, üss’en fuirent dans les bois pour éviter le chaltimcnrquc meritoit leur crime. Ils eftoient neuf bien munis de poudre, de plomb , &: de bonnes armes à feu. Ils faifoient des maux incroyables au quartier de la Capllerrc fils venoient effrontément dans les Cafés le piffclet à la main , enlevant ce qu’ils avoient befoin , 6c tuoient fans mifericorde ceux qui leur refiiloient. M. Aubert tenta toutes les voyes de la douceur pour les, rappcller dans le devoir , êc pour leur faire reconnoiffrc leur faute, leur engageant la parole de leur faire venir de Saint Chriffophe une abolition de M le General de Poincy. Com- me cesmiferables lehaïffbienc à mort, il ne les put jamais flé- chir, ils continuèrent quelque temps leurs brigandages, parce que perfonne ne vouloir aller combattre ces defefpercz, qui. témoignoienteffre dans la refolution de vendre leur peau bien chcre à ceux qui les attaqueroiênt. Ileftoit à craindre que cét impunité attirail quelqu’au très mc- .contcns, ceft pourquoy M. Aubert ferefolut d’y aller en per- fionne; il prit M. de la Ramée avec foy, deux ou trois Offi- ciers & fept volontaires, 2e tous n’excedoicnt que d’un feul le: nombre de ces mutins. Us les fuivirent à la pille, 6e les attra- pèrent dans une raviné, à l’abry d’une roche qui leur fcrvic de- parapelj.ils furent furpris, 6e ils entendirent les coups de fufils qui leur fffloient aux oreilles, auparavant que d’avoir décou- vert ceux qui les tiroient. Us fe mirent en deffenfe, 6e le. battirent avec un courage que leur dcfefpoir rendoit terrible, un nommé la Pleur , Sergent d’une Compagnie fut tué, ayant le menton fur l’épaule de M. Aubert, ce qui Iuy fit crier -, quoy, coquins, vous tirez fur voffre Gouverneur? ces paroles leur, firent croire qu’il efroit fuivy de toute la milice delà Bafle-tcrre,, fi bien que voyant quelques-uns de leurs Camarades tuez.,, fftx Ant-îflcs de l' Amérique. 207 Se quelques-uns bieirez , ils demandèrent quartier & la vie * •ce qui leur lue accordé, à condition qu’ils {croient envoyez à M. de Poincy , pour en obtenir unfc Amniftie ou quelque châtiment à fa volonté. Cette année 1641. M.Hoüelun des Seigneurs de la Com- pagnie, dt un voyage aux Iflcs par l’ordre des Seigneurs, pour prendre une connoiflance parfaite de tout ce qui s’y palfoit afin de leur faire une Relation fincere à fon retour en France, mais particulièrement pour choifir une Ific , dans laquel- le il pût s’eftablir. La Compagnie eftant bien aife d’avoir un de fon corps fur les lieux , que l’intereft & l’honneur obli- gerait à veiller à la confervation des Mes , & à fon profit, Monfieur Aubert, qui gouvernoit la Guadeloupe avec tou- te la fatisfidion imaginable des Habitans , ayant apris fa qualité , fans loupçonner fon deffein , le reçcut comme il au- roit fait un Prince, & le regala avec tant de magnificence tout le temps qu’il y fut, qu’il m’a juré que le paflâge deM. Hoiiel luy avoit coûté plus de 7000. livres de petun. Il luy fit voit avec beaucoup de franchife & de fimplicité ce qu’il y avoit dé plus beau dans l'Ifle, luy communiqua avec confiance le grand defiein qu’on avoit d’y faire du fucre , dont Me/fieurs de la Compagnie luy avoient promis la conduite , fans penfer qu’il n’eftoit venu que pour découvriras moyens de le pouvoir dé- bufquer bien-toft, & le frullrer par fon crédit & par fes artifi- ces, de fes grands fervices & de fes efpcrances. io8 E flablijf ment des François La Compagnie pajfe un nouveau Contrait avec M. le Cardinal. Sa Majeflé le confirme avec celuy de l'année 16)$. par un Edi SI vérifié au GrandConfieil. Ad. B erruyer fait Hommage aw Roy , de la propriété des Ifies , au nom des Ajfio- cieZj. Lettres de fia Majejlé d fia Chambre des Comptes pour y enregijlrer cétAAe. M. deCler- fielier efl efiably luge & Intendant General.^ CHAPITRE VIII. LEs Seigneurs de la Compagnie voyant les Iflesentrainde profperer , que S. Chriftophe regorgeoic d’hommes, que la Martinique fleuriffoic par la fage conduite de M. Du Par- quet, bi par l’excellent petun qui y attiroit les .Marchands, & que depuis la paix que M. Aubert avoit faite ayec les Sauva- ges, on alloit de tous les Havres de France habiter la Guade- loupe , drefferent quelques articles entre eux qu’ils prefente- rent à M. le Cardinal de Richelieu, lequel les ayant jugé uti- les au biçn des Colonies , & des Afïociez les ratifia , &: le 2.9 . Ianvier 1641. en pafla Contrad au nom ?du Roy avec le S. Berruyer un des Diredeurs , pour les AfTociez en la Compa- gnie des Ifles de l’Amerique. Pour les rendre plus authentiques, ils refolurent dans une de leurs afïemblées generales de les faire confirmer par un Edid de fa Majeflé, laquelle ils fupplierent tres-humblement de leur accorder cinq chofes principales. 1. La confirmation du , Traité qu’ils avoient paffé en fon nom avec fon Eminence le iz. Février 1635. La permiflion de poffeder leurs eflabliffe- ments jufqu’au 30. degré , fa Majeflé ne leur ayant accordé que aux Ànt-IJles de l'Amérique. 1Q^ qüe jufques au vingtième?. VnedefFenferéïterative delapre- mierc à tous marchands François d’aller traiter aux Ifles fans leur congé pendant vingt années. 4. Vne exemption des droits d’entrée pour toute force de marchandife provenante defdites Ifles. 5. L’évocation à fon grand Confeil, de tous les diffe- rens que la Compagnie pourreit avoir , en oftant la connoif- fance & la Iurifdi&ion à tous autres luges, mefme aux Cours Souveraines. Ce que fa Majefté tres-portéc à les favorifer dans leur elta- blillement & leur commerce , leur accorda par fon Edi& du mois de Mars 1641. Edi cl du Roy en j'u^ucur de lu Compagnie des IJles de l 'Amérique. LOvYS FAR LA GRACE DE DlEV, Ro Y DE FraNV ce et de Navarre: A tous prefens & à venir, Sa« lut. Quelques-uns de nos iujets expérimentez aux Naviga- tions éloignées , &: portez d un loüable defir de former des Co- lonies de François dans les Indes Occidentales , ayant recon- nu qu en plufieurs Ifles ez colles de lAmeriqûe, on pouvoir cllablir un commerce fuffifant à l’intention de quelques peu- plades, auroient dez 1 année 1 616. pris Commiflion de nollie trcs-cher &C bien-amé Coufin le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftre, Chef, &: Sur-Intendant General de la Navi- gation & Commerce de France , pour peupler & habicer fous noflte authoute llfle de Sainét Chriflrophe, & autres circon- voifines ; a quoy ayant travaille avec un médiocre luccez en ladite Ifle de Sainéf Chrillophe, &à caufe des pertes & gran- des dépenfes qu'ils avoient faites, ne pouvant continuer leur deflein, avec efperance d’un notable progrez, s’ils nettoient fecourus, fe feroient retirez par devers nottredit Couiin, qui auioit accorde de nouveaux privilèges , & plus grandes concef- uons a la fociete formée pour cette entreprilè, fous le nom de la Compagnie des Ifles de 1 Amérique , que nous aurions agréez & confirmez par noftre Arrctt du huitième Mars 1635, au)?- L Partie, ~ " ~ Dd- " no Efiablijfement des François charges de conditions portées par les articles defdites concef- fions, depuis lefquelles par les travaux j dépenfe de bonne con- duitte de ladite Compagnie , la Colonie des François s’eft tel- lement accrue, qu’au lieu de l’Ifle de Saint Chriftophe, feule habitée par un petit nombre d’hommes, il y en a maintenant trois ou quatre peuplées , non feulement de quatre mille per- Tonnes que ladite Compagnie eftoic obligée d’y faire pafler en vingt années, mais de plus de lept mille habitans, avec bon nombre de Religieux de divers Ordres, de des Forts con- fiants de munitionnez pour la deffenfe du pays de feureté du commerce., en forte qu’il y a lieu d’efperer que ladite Com- pagnie continuant fes foins, nous procurera le fruid que nous en avons principalement defiré en la converfîon des peuples barbares à la Religion Chreftienne, outre les avantages que noftre Royaume peut tirer de ces Colonies avec le temps de les occafions: Et pour reconnoiftre les fervices agréables que les Aftociez en ladite Compagnie nous ont en ce rendus , les recompenfer aucunement des dépenfes qu’ils ont faites, les en- courager à l’avenir, de exciter autres de nos fujets à pareille entreprife -, S ç avoir faisons, qu’ayant fait examiner en noftredit Confeil , où cftoient plufieurs Princes, Officiers de noftre Couronne, de principaux de noftre Confeil, les Con- trads du douzième Février 1633. de vingt- neufiéme Ianvier 164Z. faits par noftre tres-cher de bien améCoufin le Cardi- nal Duc de Richelieu, Grand Maiftre,Chef, de Sur-Inten- dant General de la Navigation de Commerce de France , avec le fieur Berruyer pour les Aflociez en la Compagnie des Ifles de l’Amerique. Nous avons ratifié, confirmé, de validé, &par ces prefentes ratifions , confirmons dt validons Iefdits Contrads; voulons de nous plaift qu’ils fortent leur plein de entier effet ; de que les AfTociez en ladite Compagnie, leurs hoirs, fuccef- feurs , de ayant caufe , joüy fient du contenu en iceux, de con- formément aufdits Contrads avons ordonné de ordonnons que les AfTociez de ladite Compagnie continueront de tra- vailler à l’eftabliftement des Colonies ez Ifles de l’Amerique, fcituces depuis le dixiéme jufques au trentième degré, inclu- fivement au deçà de la ligne Equinoxiale, qui ne font à pre- aux Ant-Ifles de l’ Amérique. 211 fient occupées par aucuns Princes Chrellicns, ou qui font te- nues par les ennemis de cét ellat, ou qui fie trouveront polie - dées par autres nos lujets fans conceffion par nous approuvée & ratifiéej & mcfme dans les Ifles occupées, par nos alliez, au cas qu’ils le puiflent faire de leur confcntemcnt. Et advenant que ladite Compagnie veiieille entreprendre furies Ifles c liant en l’obeïHance de nos ennemis, nous promettons l’afliller de Vaiffeaux & foldats , armes, munitions, félon les occurences l’ellat de nos affaires. Et d’autant que le principal objet defditcs Colonies doit effre la gloire de Dieu,lefdits Affociezne fouffriront danslcfi- dites Ifles ellre fait exercice d’autre Religion que dé la Ca- tholique, Apoflolique Se Romaine, & feront tout leur poffi- ble pour en obliger les Gouverneurs, & Officiers defditcs Iiles à y tenir la main, & pour travailler inceffamment à laconver- fiondes Sauvages, tant des Ifles qu’ils auront occupées, que des autres voifines , tenues par les anciens peuples de l’Ameri- que, lcfdirè Affociez auront en chacune des Colonies un nom- bre luffifant d’Eçclefiafliques pour i’adminillration de la paro- le de Dieu, & célébration du Service Divin, feront conftruire des lieux propres à cét effet , fourniront des Ornemens, livres & autres chofes neceffaires. Nous avons accordé &C accordons à perpétuité aux AlTo- ciezde ladite Compagnie, leurs hoirs fuccefleurs, & ayant cau- fe, la propriété defdites Ifles feituées depuis le dixiéme jufques au trentième degré , inclufi vem eut au deçà de la ligne Equinoxiale, ez colles de l’Amerique, en toute Iullice & Seigneurie, les Terres, Forts, Rivières , Ports, Havres, Fleuves, Eltangs, 8r mefmementles Mines & Minières, pour joiiyr defdites Mines, conformément aux Ordonnances; de toutes lefquelles chofes fufdites, Nous nous refervons feulement le reffort, la foy &C hommage qui nous fera fait, & à nos Succeffeurs Roys de France, par l’un dcfdits Affociez au nom de tous, à chaque mutation de Roy, & la provifion des Officiers de Iullice Sou- veraine, qui nous feront nommez &prefentez par lefditsAlïo. ciez , lors qu’il fera befoin d’y en ellablir. Pourront lefdits Affociez faire fortifier des places, &: con- D d i) lit Efiablijf iment.de s François ftruire des Forts aux lieux qu’ils jugeront les plus commp- dcs pour la , confervation des Colonies , 8c feureié du coin- xnerce. Leurs avons permis d’y faire fondrexanons &: boulets, forger •toute forte d’armes ofFenlîves 8c deffenfives , faire poudre àfca- •non, 8c toutes autres munitions. Mettront lefdits Affociez tels Capitaines &: gens de guerre .que bon leur femblerar dans lefdites Mes , 8c fur les Vailfeaux qu’ils y envoiront , nous refer vant neantmoins de pourvoir d’un . Gouverneur General fur toutes lefdites Illes, lequel ne pourra en façon quelconque s’entremettre du commerce , diftnbution des terres , ny de l’exercice de la Inftice ; ce qui fera expreffe- ment porté par fa Commifiion. Lefdits Affociez difpoferont defdites chofes à eux accordées .de telle façon qu’ils aviferontpour le mieux, diftribueront les -terres entre-eux, &:à ceux qui s’habitueront fur les lieux , avec referve de tels droits 8c devoirs, 8c à telles charges 8c condi- tions quais jugeront plus à propos 8c mefme en fief, 8c avec haute, moyenne 8c baffe Iuftice;& en cas qu’ils défirent avoir tiltres de Baronneries , Çomtez 8c Marquifats, fe retireront -par devers Nous pour leut.efi:re pourveu de Lettres necef- faires. Pendant vingt années, à commencer de la datte des Pré- sentes, aucun de nos fujets ne pourra aller trafiquer aufditcs Mes, Ports, Havres &: rivières d’icelles , que du confentement par écrit defdits Affociez, 8c fous les congez qui leur feront accordez fur ledit confentement; le tout à peine de confifca- tion des Vaiffeaux Se marchandées de ceux qui iront fans le- dit confentement, applicable au profit de ladite Compagnie: Et pour cét effet ne pourront eftre délivrez aucuns congez pour aller aufdites Mes, par noftrc tres-cher 8C bien-ame Cou- fin le Cardinal Duc de Richelieu, Grand Maiftre,& Sur-In- tendant General de la Navigation 8c Commerce de France, 8c fes fucceffeurs en ladite Charge, que fur le confentement defdits Affociez, Se apres lefdites vingt années expirées, pour- ront tous nos fujets aller trafiquer librement aufdites Ifles,com- yne ez autres pays de noftre obeïffance. . aux Ant-IJles de l'Amérique. Et s’il arrivoit guerre civile ou cftrangere qui empefchalef- dirs Afiociez de joiiyr librement des privilèges à eux accordez par ces prefentes pendant lefdites vingt années, nous promet- tans de leur proroger le temps à proportion du trouble 5c em- pefehement qu’ils auront fouffert. Et en cas qu’il fe trouve des Ifles dans ladite efienduë du dixiéme au trentième degré, qui ne foient habitées par les François apres lefdites vingt années. Nous nous refervons l’entiere difpofition defdites Mes non habitées, pouries accorder à relies perfonnes que bon nous femblera. Et pour indemnifer Iefdits Afiociez des grandes dépenfes defdits eftablifiemens , 5c favorifer le commerce 5c les manu- factures qu’ils pourront introduire efdites Mes , nous leur avons accordé 5c accordons exemption de tous droits d’entrée pour -toute forte de marchandées provenantes defdites Mes, appar- tenant aux Alfociez de ladite Compagnie , en quelque Porc de noftre Royaume qu’elles puilîent eftre amenées pendant vingt années feulement, dont fera fait mention exprefie dans les baux à ferme de nos droits, qui fe feront pendant ledit .temps. . i \ Pour convier nos fujets à une fi glorieufe entreprife 5c fi -utile à cét efiat, nous promettons à ladite Compagnie de fai- -re expédier quatre Letcresdc Noblefie , dont elle difpoferaen ■faveur de .ceux qui occuperont & habiteront à leurs frais quel- qu’une defdites Mes fous Fauthorité de ladite Compagnie, 5c y demeureront deux années avec cinquante hommes au .moins. Et d’autant qu’aucuns de nos fujets pourroient faire difficul- té de transférer leur demeure efdites Mes., craignant que leurs enfans perdiflent leur droit de naturalité en ce Royaume; Nous voulons 5c ordonnons que les defeendans des François -habituez efdites Mes, 5c mefmeles Sauvages qui feront con- vertis à la Foy Chreftienne, 5c en feront proreffion, feront cenfez 5c reputez naturels François , capables de toutes char- ges, honneurs, fucceffions 5c donations, ainfi que les Origi- naires 5c regnicoles ,fans eftre tenus de prendre Lettre de De- laration ou naturalité. D d iij H4 Efiablijfement des François Que les artifans qui pafleront efdites Ifles, 8c y exerceront leurs mcftiers pendant ftx années confecutives, lerontreputez maiftres de chef-d’œuvre, 8c pourront tenir boutique ouverte en toutes les Villes de noftre Royaume, à la refer ve de noftre Ville de Paris , en laquelle ne pourront tenir boutique ouverte, que ceux qui auront pratiqué leurdits meftiers efdites Ifles pen- dant dix années. Pour ce que le principal objet defdits Aflociez a efté la gloire de Dieu , & l’honneur de noftre Royaume;/ 8c qu’en formant ladite Compagnie pour l’eftabliflement défaites Colo- nies, ils ont bien mérité de cét eftat. Nous déclarons qu’eux, leurs fucceffeurs 8c ayant caufe , de quelque qualité qu’ils foient. Prélats, Seigneurs, Gentils-hommes, Officiers de noftre Con- feil, Cours Souveraines ou autres, pourront eftablir 8c faire tel commerce que bon leur femblera aufdites Ifles, fans dimi- nution de leur nobleffe, dignitez, qualitez, privilèges préro- gatives 8c immunitez. Et d’autant que ladite Compagnie pourrait en execution des privilèges à elle accordez, avoir plufieurs procez 8c diffe- rens en divers lieux de ce Royaume , où le retour de fes Vaiffeaux, 8c le débit defdites marchandifes fe feront , 8c qu’il ne feroit pas raifonnable qu’elle fut travaillée en diverfes Iu- rifdiétions, ce qui la confumeroit en frais, 8c retarderait l’a- vancement de fes affaires. Nous avons évoqué 8c évoquons à Nous 8c à noftre perfonne, tous les procez 8c differens, eC- quels ladite Compagnie eft, ou fera d’orefnavant partie, ou cfquels il s’agira de la confervation de fes privilèges , 8c iceux avec leurs circonftances, 8c dépendances à nous évoquées, 8c ren- voyées, renvoyons en noftre grand Confcil, auquel à cét effet Nous avons attribué toute Cour , Iurifdidion, 8cconnoift fance, 8c icelle interdite 8c deffenduë à tous autres luges. Si donnons en mandement à nos amez 8c féaux Confcillers les Gens tenans noftredit grand Confeil , 8c tous nos autres Officiers qu’il appartiendra, que ces Prefentes ils faffent lire, publier, 8c enregiftrer, 8c du contenu en icelles joiiyr plainement 8c paifiblemcnt, lefdits Aflociez delà Com- pagnie des Ifles de l’Amcrique. Car tel est nostre PLAI si R , nonobftanttous Ediéts , Ordonnances , Déclarations, Mandemens, & autres chofes à ce contraires, aulquelleS;, & aux dérogatoires des dérogatoires y contenues, nous avons pour ce regard, & fans tirer à confequencc dérogé & dérogeons par ces preientes, Jefquelles nous voulons fbrtir leur plein ôc entier effet, nonobffant oppofitions ou appellations quelcon- ques, Clameur de Haro, Chartre Normande prife'à partie, ôz Lettres à ce contraires, pour Iefquelles ne voulons eftre dif- féré. Et d autant que de ces prefëntes on pourra avoir affai- re en plulîeurs & divers lieux, Nous voulons qu’au Vidirttus ou coppic d’icelles deuëment collationnée par l’un denosamez féaux Confeillers, Notaires, & Secrétaires, foy {bit adjoû- tée comme au prêtent Original: Et afin que ce foitchofc fer- me & ffable à toujours, Nous avons fait mettre noftre feelà cefdites prefentes, faufen autres chofes noftre droic, & l’au- truy en toutes. Donné à Narbonneau mois de Mars, l’an de grâce 1642. &: de noftre Régné le trente -deuxième. Signé, Lovys, par le Roy, Bovthillier, & fcellécs dccire verte en lacs de foye rouge & verte. Extrait des Regijlres du Grand Confeil SVr la Requefte prefentée au Conteil par les Affociez en la Compagnie des Iflcs de l’Amerique, tendant afin que les Lettres du mois de Mars 1542. {oient enregiftrées ez Regiftres dudit Confeil, pour joiiyr par lefdits Affociez,leursfucceffeurs & ayant caufe, du contenu en icelles félon leur forme & teneur. Vev par le Confeil ladite Requefte, lefdites Lettres par lef- quelles le Roy auroit ratifié & confirmé les Contrats des 12. Février 1635. &: 29. Ianvier 1642. faits entre Meftire Armand Iean du Pleftis Cardinal Duc de Richelieu &deFronfac,Pair, Grand Maiftre, Chef, & Sur-Intendant General de la Navi- gation de France, au nom de fa Majefté, &:Iacques Berruyer Efcuycr, fieur de Manfelmont, Capitaine des ports de Mer, de Veulettes,& petites Dalles, l’undefdits Affociez, tantpour 2i 6 Eftablijfement des François iuy que pour les autres Affociez , pour la liberté de ladite Na- vigation , entreprifc d’eftablir des Colonies Françoifes , efdites Mes, depuis le 10. jufques au 30. degré par deçà la ligne, dif- pofer des terres par eux conquifes pendant vingt années, à la charge de les relever toutes du Roy & de la Couronne; exem- ption de tous péages pour les marchandifês qui viendront def- dites Mes*, en quelque Port que ce loir de la France ; le droit de naturalité, fans qu’ils ayent befoin d’autres Lettres, à tous les Sauvages qui feront convertis à la Foy & Religion Catho- lique, Apoftolique & Romaine , par lefdits EcclefiaftiqueS’ que lefdits Affociez mèneront efdites Mes , avec attribution de Iu- rifdidion au. grand Confeil, déroutes les affaires concernantes ladite Affoci^tion & Commerce; lefdits Contrads, Arrefts du Confeil d’Eftat du Roy des huidiéme Mars 1635. & 29- ^ars 164$. par lefquels Ieldis Contrads auroient efté confirmez 3. 66 ladite Compagnie eftablie de confirmée : Concîufions du Pro- cureur General du Roy. Le Con seil ayant égard à ladite Requefte, a ordonné & ordonne que Iefdites Lettres feront ïeuës, publiées en l’Audiancc, de enregiffr éesez Regiftres du-- dit Confeil pour eftre gardées &: obfervées, de joüyr par lef- dits Affociez, leurs fucceiRurs & ayant caulè, du contenu eff dites Lettres félon leur forme & teneur. Le prefent Arreft a efté mis au Greffe dudit Confeil, montré au Procureur Ge- neral du Roy, de prononcé à Paris le 28. May 1644. Signé Roger, La Compagnie fut obligée ds"attendre le retour de la Cour pour prefter.. le ferment à fa Majefté, ce quelle fit le 23. jour de Décembre ,1642. & Ie Roy ordonna par fes Lettres fuivan- tes, adrefféesà la Chambre des Comptes, que cét Adedefoy de hommage y fut entegiftré. LOvys par'- la grâce de Die v, R oy-d e Fran- ce et de Navarre: A nos amez de féaux Confcillers • les Gens de nos Comptes à Paris, Salut. Sçavoir faifons que noftre cher de bien-amé Iacques Berruyer, fieur de Manfelmont, l’un des Diredeurs de la Compagnie des Mesde l’Amerique, Nous a ce jourd’huy fait ez mains de noftre tres-cher de féal Chevalier le Sieur Seguier, Chancelier de France, au nom de aux éÂnt-TJles de l Amérique. ny tous les Directeurs de Iadice Compagnie, les foy & homma- ge, & fervices de fidelité, qu’ils eftoient tenus de nous faire, pour raifon de la propriété des Ifles,fcituées depuis le io./ulqu’aii 30. degré inclufivement au deçà de la ligne Equinoxiale, ez coites de l’Amérique, en tout* juftice &: Seigneurie, & des ter- res. Forts, Rivières, Ports, Havres , Fleuves , Eftangs , &mef- mement des Mines & Minières, que nous leur avons accor- dées par noftre Ediét du mois de Mars dernier, pour en joüyr conformément à nos Ordonnances, aufquels foy & hommage nous les avons receus & recevons, aux charges & conditions portées par noftredit Ediét, fauf en autre choie noftre droit, & l’autruy en toutes. Si vovs mandons et enioi- c NO N s faire rcgiltrer ces prefentes, & de leur contenu joüyr & ufer lefdits Directeurs pleinement &: paifiblement , ceftant & Enfant cefTer tous troubles & empefehemens au contraire:' Car tel eft noftre plaifir. Donné à Paris le *3. jour de Dé- cembre, l’an de grâce 164a. te de noftre Régné le 33. Signé par le Roy Ceberet, te fcellé fur ftmple queue de cire jaune. Pendant que la Compagnie eftoit occupée à folliciter l’ex- pédition de ces Arrefts, elle apprit la mort aftez tragique du heur Renou, luge de Saint Chriftophe, qu’un des Officiers qu’il condamna à mort au mois d’Aouft 1641. pour avoir laide f au ver des Marcts, cita à comparoiftrc dans l’an, au Tribunal de Dieu, pour y venir rendre compte de la Sentence injufte qu’il avoit prononcée contre luy. II mourut fept mois apres fànsSacremensjce qui joint auxaccidens funeftes qui accablè- rent fi famille, ai fait croire que c’eftoient des chaftimens delà Iuftice Divine. La Compagnie voulant remplir cette Charge d’une perfon- ne d’une hauceprobité, & qui eut la fcience req uCc pour s’en acquiter avec honneur , choifit M. CIcrfclier fleur de Leumont, ConfèiLer & Secrétaire du Roy. LaCommiffion luy en fut ex- pédiée le 1 ç. jour de Iuin 1541. Par cecte Commilfion, la Com- pagnie leftabliffoir luge Civil & Criminel en l’ifle de Saine Chi iftophe pour î exercer au nom de la Compagnie, confor- mément aux Ordonnances de France, aux gages ordinaires, I. Partie. £ © ii 8 Efiablijfementdes François avec pouvoir d’avoir feize hommes en Ton habitation, exempts de tous droits perfonnels , Se de la garde , le relie de cette an- née prefentc & pendant les trois fuivantes, fans pouvoir pren- dre aucun prefenc ny falairedes parties, devant ny apres le ju- gement, bien qu’il fut offert librement & fans contrainte. Les defordres &: les excez des Commis de la Compagnie dans les Ifles, auffi bien que la corruption de ceux qui y ad- miniftroient la Iuftice, furent un autre motif qui l’obligea d’y envoyer M» Clerfelier en qualité de luge ; & afin qu il eut en» core plus d’authorité fur eux , & qu’il pût mieux les regler, il fut fait Intendant fur tous les Commis èc Officiers des Ifles j Or comme il n’y en a point eu depuis luy qui ayt eu cette qua- lité, pendant que les Ifles ont relevé de l’ancienne Compagnie, je ne puis me difpenfer de mettre icy la Commiffiou qui luy fut donnée à cét effet. Commision d'intendant General dans toutes les JJles de l' Amérique, à M. de Clerfelier. LA Compagnie des Isles de l’Ameriqve : A tous ceux qui ces prefentes lettres-verront , Salut. Sça- voir faifons qu’ayant reconnu par l’experience de plufieurs an- nées, & particulièrement en la rencontre dudeceds des Com- mis Generaux; qu’il eftoit neceflaire d avoir dans Iefdites Ifles un Officier avec authorité fuffifante pour maintenir 1 ordre dans la perception de fes droits, ôz prévenir- les inconvcniens qui arrivent d’ordinaire au changement des Commis, entretenir correfpondance entre les Commis defdites Ifles , ô£ par ce moyen donner à la, Compagnie des avis certains des chofes dont elles auront befbin d’eftre fecouruës, & que 1 eioigne- ment rendant l’examen des comptes defdits Commis tardif & difficile, ils en devenoient moins exaéts ôc diligens à la fon- ction de leur charge, & obmettoient fbuvent une partie de leur devoir , faute d’avoir fur lés lieux une perfonne qui les obfervaff , & qui dans les occafions leur pût donner des ordres & des refolutions promptes : bien informez des bonnes vie. eiux Ant-IJles de l'Amérique. 2 r ^ mœurs, Religion Catholique , Apoffolique & Romaine, de Maiffre Claude Clerfelier fleur de Leumont, Confeiller & Se- crétaire du Roy, Maifon &. Couronne de France & de Tes Fi- nances, fuffifance, probité & expérience ; à iceluy avons donné &: accordé la Charge d Intendant General des affaires de la- dite Compagnie és lfles de l’Amcrique, avec pouvoir & An- thorité fur tous les Commis efdites ides, tant Generaux que Particuliers, pour veiller fur leurs déportemens & conduite, au faiét de leurfditcs Commiflions , les obliger de tenir de bons & fideles Regiffres, cottez par feuillets &: paraphez, &: fe les fai- re reprefenter toutes & quant es fois qu’il jugera à propos pour s’informer de l’effat des affaires, em'pefcher que lefdits Com- mis ne faffent aucune vexation aux habitans en la levée def- dits droits de la Compagnie, donner aux fleurs Diredcursdc la Compagnie fes advis fur les chofcs qu’il verra necefïaires pour la fu bfi fiance des Colonies, afin qu;il y foit pourveu par ï’envoy d’icelles, arreffer au commancement de chacune an- née l’eftat general des Charges de chacune Ifle, dont il en- voira le double aufdits fleurs Directeurs, fans qu’autres dé- penfès puiffent eftre allouées dans les comptes dcfdits Commis, s’il n’y a Ordonnance dudit Intendant General, en vertu def. quelles elles auront efté faites ; faire compter par eftat tous Iefdits Commis de fix mois en fix mois, Ôc à la fin de l’année arreffer les comptes des Commis particuliers définitivement, & envoyer aufdits fleurs Directeurs ceux des Commis Gene- raux apoffillez de fa main, pour effre jugez & clos en ladite Compagnie. Pour cét effet fe tranfporter dans lefdites lfles au temps qu’il jugera convenable, ou mefme mander lef- dits Commis Generaux & Particuliers en celle où ilfe trouve- ra, pour luy rendre raifon de leur adminiflration. Et en cas de négligence , divertiffement d’effets de ladite Compagnie, mal-verfation , ou autres deffauts defdirs Commis Generaux ou Particuliers, leur clore la main, & les fufpendre de l’exer- cice de leur charge jijufqu’à ce qu’autrement par la Compagnie en ayt effé ordonné : Et* cependant commettre perfonne capa- bles pour exercer lefdites Charges par provifîon:& généralement faire &: procurer en toutes chofes, ce qui fera de Iufficc ôc Ec ij xio Ejlablijfement des François raifon pour la confcrvation des interdis de ladite Compagnie^ fuivant les inftruCtions qui luy en feront baillées ; pour exercer par ledit fleut Clerfclier ladite Charge pendant le refte de l’an- née prefente de les trois fui vantes confecuti veinent, avec pou- voir d’avoir jufqu es à feize hommes en fon habitation, exempts de tous droits perfonnels & de la garde, aux honneurs & pri- vilèges deûs à ladite Charge , de fceance en tous Confeils au de fl us des luges ordinaires efdites Ifles. Mandons au fleur de Poincy, Commandeur d’Oyzcmont, Chef d’Efcadre des Vaiffcaux du Roy en Bretagne, Gouverneur de Saint Chri- ftophe, de Lieutenant General pour fa Majefté efdites Mes de l'Amérique, Gouverneurs, Lieutcnans de luges defditesMes, de vous prefteirtoutc afliftance, de tenir la main à l’execution des preientes ; de à nos Procureurs Fifcaux de faire en Iufticc telles requifltions que vous jugerez à propos pour le bien de utilité de nos affaires. Mandons en outre i tous nos Com- mis Generaux de Particuliers de vous obcïr, de entendre au faiCt de leurs Charges, de à tous Officiers de habitans defdi- tes Mes de vous reconnoiftre en tout ce qui dépendra de vo- tredite Charge. En témoin dequoy nous avons fait flgnerces prefentes par noftre Secrétaire, de fait appofer à icelles Icfcel de ladite Compagnie. A Paris le premier Octobre 1641. de plus basparmefdits Seigneurs, DE Beavv aïs , avec paraphe, de fcellé en placard de cire rouge du Sceau de ladite Compa- gnie. II arriva à Saint Chriftophe au mois de Décembre , chargé de cette Commiflion. M. le General de Poincy le receut avec hon- neur , de luy fit de grandes carefles -, ils vécurent dans une étroite union, & furent bien enfemble jufqu a ce que M. de Poincy ayant reconnu qu’il faifoit trop exactement fa charge, qu’il fe me- loif de toutes les affaires des habitans , qu’il trouvoit à redire à fes aétions , qu’il obfervoit de prez les domeftiques ,& qu’il donnoit des advis fecrets à la Compagnie, qui luy efloicnt defavantageux, par tous les Vaifleaux qui retournoient en France ou en Hollande ; il changea fon amitié en haine, fon efti- me en mépris, de conçeut une fl grande averfion contre Iuv, qu’il luy eftoit infupportablc. aux Ant-IJles de l* Amérique. m La maifon de M. le General & le Magazin de la Compa- gnie, commencèrent à s’entrefaire la guerre, non pas parles ar- mes, mais par des médiflrnces pires que le fer ôc le feu. On reprochoit à M. l’Intendant que la cafc de la Compagnie n’c- toic plus qu’un lieu de débauche ôc de divertiflement, où il Ce confumoit plus de bien par l’exccz des Commis, que la Compagnie n’en retiroit de rifle. On s’attaqua mefme à la perfonne; ôc fous pretexte qu’il clfoit d’une humeur enjouée ôc fort agréable , on difoit qu’il conièrvoit dans un corps ufc par fon grand âge , les galanteries & le feu d’un jeune hom- me. Luy qui eiloitaufli fage ôc aufli éclairé que M. de Poin- cy, diflïmuloit ces outrages, ôc le battoir en ruine par les Let- tres qu’il écrivok à la Compagnie. Durant ces contcftations; le fleur Marivet eftoit Commis an Magazin de la Compagnie. La douceur de fon naturel luy ayant acquize les bonnes grâces de ces deux Meilleurs, ilfçeutles me.- nager avec tant d’adrefle , qu’au moins à l’exterieur, ils vivoient avec eux en quelque forte de bonne intelligence: mais enfin quel- que foin qu’il apportai!: pour conferver l’amitié deM. de Poincy, ilia perdit , ôc encourut la mefme difgracc que M. l’Intendant. Il y eut cette année 1641. trois houragans, dont le fécond fut fl horrible, que ceux qui font veu m’ont afl'euréqu’ilscroyoient que rifle allai! abyimcr,à caufe de la violence extraordinaire des vents , de l’abondance despluyes, ôc des tonnerres effroya- bles, dont les coups multipliez dans les montagnes, faifoient des échos qui jettoient la terreur ôc la crainte dans l’ame des plus refolus. 11 dura 24. heures, pendant Iefquelles 23. navires ( entre lefquels eftoit ccluy de Riiyter à prefent Admirai de Hollande) tous chargez ôc prefts à faire voile pour l’Europe, forent brifez à lacofte; ôc les hommes qui cftoient dedans furent noyez. Il ne rechapa de ce débris que le Vaifleau du Capitaine Volery, qui prévoyant 'cette tempefte, ayant cou- pé promptement fon cable fur lécubicr, pour gagner la Mer; fut porté par la violence des vents à 200. lieues plus bas que Saint Chriftophe. Toutes les maifons que nous appelions ca- fés furent renverfées, les plus gros arbres déracinez , ôc les fo- refts abbatués; les volailles mouurrent aufli bien qu’une grau- E e iij 2.11 Efiablijfement des François de partie des oyfeaux de l’air , par l’abondance des pluyes , qui furent fi excdlives, qu’on croyoit que Dieu allait faire périr rifle par un nouveau déluge. C’eftoit une chofe horrible de voir l’Ifle apres cette violente tempefte; cen’efioitque defolation partout ; onnevoyoit rien qui ne portait l’image de la mort; tout eftoit arraché , il n’eitoïc pas demeuré une plante de Manyoc enterre, les vents n’avoient pas laiiïe une feule plante de petun entière, elle avoir tellement découpé & mis toutes lcsfeüeilles en pièces, que tout fut per- du; on ne fauva pas un feui arbrifleau de coton : & tout le long de la coite de la Bafleterre, on ne voyoit que des corps morts que la tempefte avoir à demy enfoüis dans le fable , & de grands tas de poiifons échoüez fur le rivage, foit que la Mer les y eut jettés par la violence de forage , foit que ces poiifons en fuflent fortis d’eux-mefmes pour éviter la mort dans leur propre élément. Comme toutes les cafés avoient_ efté renver- fées par les vents, aufli les pluyes avoient gafté tous les meu- bles, & tout nâgeoit dans l’eau. Le grand baftiment de M. de Poincy fouftnt une terrible fecoufle, I’efcallier en fut crevé M. fendu jufqu’en haut. On ne fçauroit dire combien onfouffrit dans Saint Chrifto- phe, & dans la Guadeloupe le refte de l’année , faute de vi- vres; perfonne ne fut exempt de ce mal-heur commun; les plus accommodez fe virent réduits à la condition des plus mi- îerables, jufquesà l’arrivée des Vaiifeaux: où on courait plùtoft pourachepter dubifeuit &des viandes, quepour avoir d’autres marchandifes. Les falines ayant efté rompues parcetteeipece de déluge , le fel fut fi rare à Saint Chriftophe, que les Anglois n’en venoient chercher qu’à main armée, chacun en apprehen» doit de grands deiordres ; mais M. le General de Poincy y don- na fi bon ordre, qu’il ne fe pafia rien au defavantage ny de Tune ny de l’autre Nation. - • “ - 2.1$ aux Ant-IJles de l' Amérique . La Compagnie pourvoit Jid. Hoüel du Couver* ne ment de la Guadeloupe. C H A P ITRE IX. M On fleur Hoüel eftant de retour en France de Ton voya- ge de l’Amérique, rendit un compte fort exad à la Coin - pagme de tout ce qu’il y avoir remarqué de bien & de mal, & de ce qu’il jugeoit neceflaire d’y eftablir, pour conferver les Colonies, qui fe rendoient déplus en plus confiderables par le nombre des habitans, qui s’augmentoit de jour en jour, & par la bonté des marchandées qui y attiraient quantité de Vaiffeaux de France & de Hollande. Et comme de toutes les Ifles habitées par les François, il n’en avoit point trouvé de plus agréable que celle de la Guadeloupe, ilrefolutde s’y efta- blir. Il employa pour ce ftijet tous les amis auprez des Sei- gneurs de la Compagnie & fit tant par leur crédit , qu’il en fut fait Gouverneur , & qu on luy confia la conduite des lucres qui avoit efté promife à M. Aubert, & fur laquelle il avoit fondé 1 efperance de fa fortune. La qualité de Lieutenant Ge- nei?-l fous M. Hoüel fut confe-rvée audit fieur Aubert. M. Hoüel ayant apris que j’eftois en France à folliciter les affaiies de noftre Million, me fit l’honneur de me venir voir, & de me diic que les Seigneurs de la Compagnie l’avoicnt choifi pour commander à la Guadeloupe ; je luy en témoignay ma joye, & loüay le choix judicieux qu’ils avoient fait de fa perfonne pour gouverner une Mc qui demandoit un homme de fa naifïance, de Ion mérite, 5c de fa connoi fiance dans les affaires. Le mefme jour ayant receu une lettre de Dieppe qui m’obligeoit de partir dez le lendemain avec le R. P. Armand Iacqumot, dit de la Paix, Profeffcur en Théologie, que l’Or- dre avoit prefenté au Pape pour fucceder au R. P. delà Mare: z 14 E ftablijfement des François cette précipitation me priva de l’honneur d’aller rendre mes civilitez à M. Hoüel. Nous nous embarquafmcs pour la Guadeloupe au mois d’ Avril de l’année 1643 dans le navire du Capitaine Flamend» ayant fait voile en la compagnie du Capitaine du Qucfne* nous abordafmcs à Tille de Maderelur la fin du melme mois ( je diray ailleurs comme nous y fufmes receus ) & nous ar- rivafmes à la Guadeloupe le zj. May. On ne manqua pas ci. a- vertir M. Aubert que M. Hoüel avoir eu une Commillion pour commandera la Guadeloupe. lien fut extrêmement lur- pris, & Taffliéfion qu’il en eut fut ii grande, qu’il ne put s’em- pelcher d’en témoigner Ion rtfTentnnent, & de dire que M. Hoüel efioit un ingrat, & qu’il lavoir trahy. Ce bruit répan- du dans Tille , produifirencore un autre mauvais cflvr, parce que tous les ennemis delà fortune du fieuf Aubert, qum’avoienc veu qu’avec envie fon mérité recompenfé , ne fongerent plus qu’aux moyens de luy nuire dans l’efprit de M. Hoüel. [Armée & réception de Ad. Hoüel à la Guade - loupe , ou il reçoit Mademoifelle de la Fayol- le, auec les Filles de t H ofpital de Saint Iofeph . // je foufcriray à tout ce qu’il vous plaira d’en ordonner. Faites- jj moy , s il vous plaiffc , l’honneur de m’aymer , & de me j, croire plus que perfonne , MONSIEVR, Dm Fort de la BaJJe-terre de la Guadeloupe le 1 8 . V offre tres-humble & tres-obeïfc Février 1644. faut fer viteur, HoüEL. M. le General de Poincy ayant leu cette lettre regarda le R. P. Armand, & luy dit devant toute l’affiffance; Mon bon Pere, on vous joué aufli bien que les autres: ce fçavant Re- ligieux, qui effoit la /implicite mefme,& que fes belles quali- té* rendoient aymable à tout le monde, s’offenfa fort de la mauvaife conduite de M. Hoüel en fon endroit , ôc depuis ce temps-la, ne voulut plus fo mêler de les affaires; fon re- froidiffemenc obligea le fieur Marinet de le faire obfervcr de li prez, que pendant le temps qu’il fut dans Saint Chriffophe il ne difoit pas une parole qui ne fut remarquée. M. de Poincy perfuadé que tout cela n’effoit qu’une lùper- cherie malicieufe , fondée fur l’ambition de M. Hoüel, qui pre- n oit ce mauvais moyen pour chaffer de fille un Lieutenant General , dont I authorité faifoit ombre à la fienne, crut que le plus court moyen d’arreffer toutes ces violences c’eftoit d’évo- quer 1 affaire par devers luy , & de faire venir du Rivage à Saint Chriffophe, qui ne manqueroit pas dy défavoiier la aux tAnt-IJles de /’ Amérique. 23$ confeflïon qu’on avoit extorquée de luy à la Guadeloupe par la prifon, les menaces de la mort, & les promeffes de la vie. C’eft pourquoy fe fondant fur la demande que M. Hoücl faifoit par fes lettres , de commettre qui bon luy fcmblcroic pour prendre connoiffance de cette affaire , il choifit le fieur Toftain, & luy fit expédier cette Commiffion. Commiffion de M. le General de Poincj au /leur 5,'& de deux matelots de Ion équipage , &c. UeS.Evflache,ce Vobre tres-humble &tres-afFe'£tion- . 2.4. luin 1644. néferviteur R. Vandewoélyne. Le fécond avoit fait déplus grandes inbances contre le fleur Hoiiel ; comme en ebèt l’afiàire eboitbien plus conflderable ; car il feplaignoit qu’il recevoit indifféremment dansfon Ibe, quanti- té d’ Anglois & d’Hibernois fugitifs & banqueroutiers fans fon congé, cequieboit capable de rompre l’alliance entre les deux Nations, & de donner lieu aune fanglante guerre. I’aytrois let- tres latines du General Anglois à M. de Poincy fur ce fujet, mais je me contenteray d’en donner une à la curiobté des Leétcurs. Quotidie mih'ji OrnatiJJime & honorati ffrme F rater , in Incolas Gua- dalupa ccnqiujium ejl , qued Carina quædam decem impie ta. H ibe rnis & uno gallo omnibus ijhvs infttlœ habnatonbus , & tMc vivent! bus fepenimero hue conduéîa ejl , arque perfuajione ijlorum vel nautarum> vel Plantatorum , multos fecum ad wfuUm Guadalupx transferunt qui multum aux Ant-IJles de l 'Amérique. 1 4 r multùm admodum pluribus fub ditione mea vitam a vent i bus , oblivati Junt perfolvere. Supplt ci ter ergote ragoût (^cimbaifia, cum proximè xn h t/ce venent partes , detineatur 3& notumfacias gubematon ijbius tnfù/fi , tuum ejje mandatum, quod omnes tilt hyberni eam navigan- tes carinam , hue rcmittantuy. M'dti procul dubio reperientur & gli & Hiberni tn infula ijia, qui nulla àme impetratd licentid3 ijhrc femetipfos tranjlulerunt-, hoc etiam obfecro , ut gu berna tari ijlius in- fiU fignatum jxeri des , quod tnpojlerùm nullos vel Angles vel Hi- bernos in tutelam fuam rectpiat , qui non fecum libertatem mea fi*na- tam & firmatam manu afferent. Hoc multis erit vratum, & me tibl olfhndium reddes-, 0* ^4micum simantiffimum <& fervum obfer - vantijfimum. Die ip lulij 1644. Thomam Vvaernarb. M. de Poincy les envoya toutes en France avec Ces griefs, pour eftre prefentez avec ceux qu’il avoit déjà envoyés à Mef- fieurs du grand Confêil. Comme ce démêle eftoit de confe- quence , il écrivit cette lettre à M. des Marets un des fameux Advocats du Parlement, afin qu’il afliftaft fon neveu de fes confeils, dans les occafions ou ü auroic befeinde fes lumières. M O NSIE vr; „ Mon neveu de Poincy vous fera voir des affaires qui rti© ,, font furvenués , pour vouloir faire valoir l’authorité du Roy. „ La Compagnie des Ifles de l’Amerique a envoyé à la Gua- „ deloupe pour y commander , un jeune Jouvenceau qui 11c fçait » que c’eft que d’obeïfTance à fi Majefté, il a pris pofTeflion ,, dudit Gouvernement fansren^re obe’ffanceàla CommifTion „du Roy dont je Cuis porteur; &: dans toutes les occafions qui „ fe font prefentées pendant la refidence qu’il y a faite, il m’en ?, a donné la communication lors quelles eftoient effectuées. «Il eft parry de ladite Ifle fans mon congé, & a laide lecom- „ mandement en fon abfence , à qui il luy a plû, Iaiffant la- 1, dite Ifle au premier conquérant, puis qu’il n’a pouvoir de donner CommilFion. Il s’en va pour fe plamare au Roy & I. Partie. - *- H h ^ 2.42, Efiahlijf ment des Eranç ois „ fon Confeil ; difant que je Iuy commande avec trop d’autho- jj rite. le ne me fers nullement de mon nom, mais tout fc fait jj de par le Roy ôc confequent. Partant ainfij je ne mentens j, nullement à faire des civihtez , croyant qu’il feroit mal-fceant „ d’en ufer lors qu’il s’agit de l’authorite d un tel maiftre. Ic v vous fupplie de voir lefdites affaires j &c. Le Chevalier de Poinct. ^4 Saint Chrijlophe le 8. Septembre 1644. jdpres le départ de Ad. Hoüel , Ad. le General envoyé Ad. l'Intendant a la Guadeloupe en qualité de Gouverneur '. On le refuje. Grands dejordres. Evnp njb nnevnent du Jieur Adanvet9 Lieutenant de Ad. Hoüel ,par ceux delîjle. §. iv. ENviron un mois apres que M. de Poincy eut envoyé fe$ griefs en France contre M. Hoüel, craignant que rifle ne demeurait enproye aux cftrangers, ou quelle ne fe partageait en faftion, par l’ambition des Officiers qui envioient au fleur Manvet le choix que M. Hoiiel avoit fait delà perforine pour remplir la Charge de Lieutenant Generalde rifle, & la gou- verner en fon abfence ; il crut qu’il efloit du fervice du Roy 6 c de Meilleurs de la Compagnie , d’y envoyer un Gouverneur pour maintenir le peuple dans le devoir. II n’en jugea point de plus propre pour cét employ queM. l’Intendant, conflderable au peuple par fa Charge, & qui ne pouvoir eftre lufped aux habitans par les attachemens qu’il avoit avec la Compagnie: qui l’avoit envoyé aux Mes, pour avoir l’œil fur fes affaires i c’efl: pourquoy il Iuy fit expedier cette Coramiflion, dux Ant-Ifes de P Amérique. 243 Commision de Gouverneur de la Guadeloupe a Jld. I Intendant par Ad. de P otncy y Lieutenant General pour fa Adajefié ef If es. LE Chevalier de Lonvilliers de Poincy, de I Ordre de Saint Ieande Ierufalem , Commandeur d’Oy- zemont & de Couleurs , Chef d’Efcadre des Vaiffeaux du Roy en Bretagne, & Lieutenant General pour fa Majefté ez Mes de I Amérique. L’affeurance que nous avons à prêtent du par- lement qu a fait le fieur Hoiiel, pourveu par la Compagnie des Iflcs de l’Amenque,du Gouvernement de celle de la Gua- deloupe, de ladite Me pour France fans noftre congé, &fans nous en donner , ou faire donner aucun advis , qu’apres fondit départi & certain que nous fommes qu’il a pourveu à plufieurs Charges & Offices, tant de milice que de juftice, en faveur de quelques perfonnes peu expérimentées en l’exercice d’icel- les Ce qm a déjà caufé plufieurs defordres parmy les fujets du Roy refidens en ladite Me; Et mefme que les Sauvais de rifle de la Dominique lont tres-mal fatisfaits de la mort fubite arrivée à un dés-Ieurs dans le logis dudit fieur Hoüel, pour luy avoir fait boire de l’eau de vie par excez : ce qui a occafionné lefdits Sauvages de retirer tous leurs enfans & au- tres oftages qu’ils avoient en ladite Me parmy ceux de noflre Nation , témoignant par cette aétion avoir delfeinde déclarer a guenc. Confiderant les accidens qui en peuvent arriver qui prej udicieroient aux interefts du Roy, s’il \ fy elloit prompte- ment remédié; Et mefmeque ladite Me cft en proye àquila voudra conquérir, attendu que ledit heur Hoüel n’a pouvoir de donner Commiffion valable, 8c pour remédiera tout ce que de/fus. Au fieur de Lcumont Intendant des affaires de la Com- pagnie, Salut. L’expcrience, fidelité, & bonne affe&ion que vous avez au fervice du Roy &de ladite Compagnie , fait que nous vous ordonnons, en vertu du pouvoir à Nous donné par fa Majefté, par la Commiffion dont il luy a plu nous honnorcr, de laquelle copie cft cy attachée, de vous tranfportcr par la FI h.ij 2. 4 4 Efiablijft ment des François première commodité qui ieprefentera en ladite Me; & mefrae de fretter Vaiffeau exprezpour ce fujet,qui fera payé aux dé- pens de ladite Compagnie, pour commander en icelle Iile en qualité de Gouverneur de la part du Roy & de la Compagnie, & faire entièrement toutes les fondions qu’exerçoit ledit heur Hoüel, juiques à ce qu’il y foit autrement pourveù ; mainte- nir la Milice & la lulhce, faire vivre les lujets du Roy en bonne intelligence , les uns avec les autres, effayer de îenoüer l’amitié avec les Sauvages, que nous avions cy-clevant acqui- £c y & nous empcicher des iurprilcs ordinaires des ennemis de la Couronne. EnioigNONs de par le Roy, à tous les Officiers, tant de mince que de judicature; comme auffi a tous habitans de quelque qualité & condition qü. ils foienc, de vous obéît en ladite qualité de Gouverneur, 5c. de melme que fi nous y eftions en perfonne, à peine d effre déclarez criminels de leze-Majefté; & en cas que quelques-uns fuffent allez té- méraires d’y contrevenir, Nous vous ordonnons de nous les envoyer en bonne feure garde, pour eîire chaftiez félon leurs délits; Et commandons à tous Officiers & aimes fujets du Roy, de vous preffer main forte à cét effet fut les peines fufdites. Et parce que lcditlieur Hoüelou autre pourroit eftrc envoyé par la Compagnie , pour commander en ladite Ifle en ladite qualité, Nous vous deff’endons tres-expreffementdeles laiffer prendre poffeilion dudit Gouvernement, qu auparavant vous n’ayez receu nos ordres & eux noftre attache , ôc quils ayent rendu les devoirs qu’ils doivent à la Commiffion que nous auons du Roy; Et afin que perfonne ne prétende caute d’ignorance du contenu aux Prefentes, vous ferez lors de vo- tre arrivée en ladite Me , au plûtoft que faire le pourrez , a em- hier fous les aimes tous les fujets de S. M. refidans.en ic>. e, & en ferez faire lefture à la teft'e des Compagnies , recevrez d’eux le ferment de fidelité, ainfi que nous l’avons receu de vous, & les ferez enregiftrer ail Greffe de ladite Me; detout ce que deffus vous donnons pouvoir en vertu de celuy que nous avons de fadite Majefté. En foy dequoyNous avonslef- dites Prefentes fignées de noffre main, &: fait appofer le cachet de nps armes, & contrefigner par noffre Secrétaire en noffre ■ Y aux Ant-IJlc s de l Amérique. Hoftel de la grande Montagne de la Baffe-terre de l’Iflc de Saint Chriftophc, le 17. Oétobre 1644. hgné ; le Chevalier de P o inc y, plus bas, par mon dit Seigneur le General b Merles, 5c (celle. M. l’Intendant ainfi pourveu de la qualité de Gouverneur delà Guadeloupe, partit de Saint Chriilophe le 2.5. d’Odobre i£>44- 5c arriva à la Guadeloupe le troihéme Novembre. Trois jours apres (on arrivée il fe tranfporta à la Capfterre au quar- tier de Sainétc Marie, au logis de M. Hoiiel , où deme. roit le fleur Manvct, Lieutenant General de l’Ille en fonabfence. Il luy communiqua le fujet de fon voyage, &luy montra la Commiflion. Le licur Marivet répondit que pour luy il efloit preffi d’obeïr en toutes choies à M. de Poincy ; mais que plu- sieurs Officiers ayant conceu de mauvaifes imprellions de fon aruvée, a voient des fentimens bien différons des liens. Le Septième 5c le huiétiéme du mefme mois les fieurs du Mé Ca- pitaine , du Pont Sergent Major, des Fontaines Lieutenant dune Compagnie, le Normand Affclfeur Civil 5c Criminel, 5c Hedoüin Procureur Filcal de fille, l’eftans venus trouver, il les exhorta d’obeïr à fa Commiflion; dequoy ayant confé- ré enfemble , ils luy répondirent que fa Commiflion regar- dant tous les Officiers 5c habitans de fille, il efloit raifonna- ble qu’ils en euffent tous communication , 5c que tous enfem- blc deliberaffent 5c pnflent refolution fur cette affaire. Ce qui leur ayant efté accordé , neantmoins à caufcde la grande eflen- duë de fille, & des difficultcz des chemins, l’affemblée fut remi- fcauMercrcdy 16. du mefme mois. Les Officiers cy-deffus nommez , avec le fleur la Ramée Capitaine, 5c le heur de la Baziliere, Ayde- Major 5c Lieu- tenant d’une Compagnie , affiliez de quatre ou cinq des prin- cipaux habitans de chaque Compagnie, 5c des autres Officiers au nombre de cinquante, s’effans affemblez dans la fale du lo- gis de Mon fleur Hoüel, le heur le Normand leur ht Icélurc tant de la Commiflion de l’Intendant, que de celle par laquel- le le Roy avoit fait M. de Poincy fon Lieutenant General fur toutes les Ifles. La leélurc faite, M. l’Intendant les pria decon- fiderer qu’encore que les Seigneurs de la Compignic fuffent TIh ij 1 14 6 Ëjlahlijfement des François proprietaires deslfles , & y eudent toute juftice , en vertu des concédions à eux o&royées parles Lettres Patentes de fa Ma- jede, 6c que pour cela ils euffent eu raifon de reconnoillre le fieur Hoüel pour leur Senefchal ôc Gouverneur, en vertu de la Commilïion qu’il avoir des Seigneurs ; que neantmoins fa Majedé par les mefmcs concédions s’eftant refervé la Souve- raineté de toutes les Illes, &le pouvoir d’y edablir un Lieu- tenant General, & M. le Commandeur dePoincy, ayant elle choifi pour tenir cette place par les Lettres Patentes qui lu)r en avoienf edé expédiées; par lefquelles le Roy luy commet- toit toute fon authonté & le pouvoir de faire toutes les chofes que la Majefté pourroit faire, fi elle-mefme y eftoit prelentc en perfonne. M. Hoüel en cette qualité devant toute obeïf- fance à M de Poincy, a plus forte raifon eux &c tous les ha- bitons dévoient fe foûmettre à fes ordres avec re/ped , &: les executer fans contradi&ion. Apres qu’il eut achevé de parler , tous les Officiers luy di- rent d’une commune voix , qu’ils ne pouvoient délibérer ny luy rendre réponfe fur fa propodtion, qu’il ne fe fût retiré, afin d’elfre plus libres dans leurs fufFrages, luy protedant qu’ils fc retireroient eux mefmes ailleurs , s’il y avoir un autre lieu au logis de M. Hoüel capable de les contenir tous. Le fieur Intendant s’edant retiré dans une autre chambre voi- fine, apres y avoir attendu un bon quart - d’heure , l’Adem- blée députa deux Officiers pour le prier de retourner dans la falle. Où ayant repris fa place, le fieur Manvet comme Pre- fidantàcette Afiemblcc, luy dit qu’il edoit chargé de luy dire de la part de tous , qu’ils edoient les très - humbles fer- vitcurs du Roy; qu’ils avoient un très- digne Gouverneur, que Mefficurs de la Compagnie leur avoient donné , & qu’ils n’en pouvoient recevoir un autre, à moins qu’il leur fut en- voyé par leur ordre exprez; 6c apres s’edre un peu arredé, il adjoûta ces paroles : l’ay auffi à vous dire, Monfieur, de la part de l’Aflemblée, que puilque vous avez accepté cette Commiffion , elle a fuj et de croire que vous edes plus ade&ion- né aux intereds de M. le General, qu’à ceux de M. Hoüel, c’ed pourquoy elle ne peut prendre confiance en yous, & vous dux Ant-IJles de l Amérique. 2,47 prie & enjoint de vous retirer de cette Ifle dans vingt-quatre heures. ° ^ Quelque remontrance & quelque protection que M. ï’In, tendant leui fit, il ne put les fléchir, ny gagner autre choie fur eux, que quelques jours pour mettre ordre à fon embar- quement; mais comme il tardoit trop dans l’Iflç au dc ce choix, & joindre au défit que j’ayd’obeïr à S. Md’in- L Partie, " Kk ij8 Eftablijfement des François „ clination que j’ay prife de vous Servir plus qu aucun autre qui 3, auroit occupé cette place. I’en ay donné des afleurances de jj vive voix à M. de Lonvilliers voflre neveu chez M. d Ali— 3>gre > &C j’ay cru eftre obligé de vous les confirmer par ce mot, a, en attendant que vous envoyez bicn-toft les effets , foit de >j delà , en la conservation de vos interefls, & de ceux que jj vous defirez que j’y confidere > Soit icy en vous rendant tous ,j les offices que les occafions pourront offrir a une perfbnnc j, qui n’eft pas fans amis. le vous Supplie de recevoir ces offres î, qui partent d’une franchife qui n’eil point eftudiéej & de s, croire que je neffimeray jamais mon pouvoir mieux em- ,, ployé , que quand il s’eftendra julqucsà vous faire connoiStrc „ que je fuis , MONSIEVR, De Paris t ce u. VoSlrc tres-humble & tres-obeïSTant Mars 1645. ferviteur DE Thqisy, Pendant que M. de Thoify difpofe fon équipage, &C quil fc préparé un train digne de fon employ : pour foûtenir avec éclat l’honneur qu’il avoir reccu de S.M. voyons ce quiSépaf. fe à Saint Christophe, & à la Guadeloupe. M. de Foincy ayant apris la nomination de M. de E'hoijy en fa place, fi préparé a la dejfen~ fe > s' ajfeure de quelques Officiers , chajfe de Life ceux qui luy font Jufpeâs 9 & interef fe le General des jinglois dans fon party. 5. iv. LEs Seigneurs de la Compagnie n’avoient pu. diflimuler à M* Aubert, qu’ils fçayoïent eftre attaché aux interefls de aux Ant-IJles de t Amérique. M. de Poincy, lesjaftes plaintes qu’ils avoient receu de fa con- duire, de la part de M. l’Intendant, & de quantité d’autres pcrfonnes qui leur avoient mandé la vérité de toutes cho- ies. Monfieur Aubert qui Iuy avoit de grandes obligations, n’oublia rien pour le juftifier; & il y a de l’apparence qu’il pouffa les choies trop avant, puis qu’il irrita li fort quelques- uns de ces Meffieurs de la Compagnie , par fes difeours en fa- veur de M. de Poincy, qu’un d’eux s’emporta jufques à Iuy dire, qu’ils Iuy feroient couper la telle, s’ils le tenoient en France. M. Aubert prelquc defclperé de l’affront qu’il venoitdcre- cevoir ( ayant elle condamné par contumace d’avoir la telle tranchée ) fe fervant de la mauvaife difpolîtion de la Com- pagnie, pour fe vangerdu peu d’affillance qu’elle Iuy avoit don- né contre les pourfuitres de M. Hoiiel , rapporta avec beau- coup d’exageration à M. de Poincy,tout ce qu’il leur avoit oüy dire à Paris à fon defavantage , lavertiffant qu’il elloit perdu dans leurs cfprits j qu’ils avoient relolu de le dépoffeder avec honte, & qu’ainfi il n’y avoit point de mefure à prendre dans une fifâcheule conjon Ijles de l'A- mérique s lie amitié avec Ad. de \ThoiJy. La Compagnie informée des defordres de la Gua- deloupe j fait écrire a Ad. Hoüel , & luy or- donne la punition des feditieux . §. n. MOnfieur Hoüel avoit fait tout ce qu’il avoit pu pour par- venir au Generalat, il avoir employé le crédit de fes al- liez & de fes amis auprez des Seigneurs de la Compagnie, qui le leur refuferent abfolument; ilselloient déjà mal fatisfaits de fa conduite, 6c commençoient à douter de toutes les belles ef- pcrances qu’il leur avoit données , &: mefme quelques-uns fu- rent d’advis de ne le pas biffer retourner à la Guadeloupe. N’ayant pu réüffir dans fes pourfuites , & ayant apris que la Reyne avoit faonnoré M.de Thoify du Generalat des Ifles , il le fut trouver, luy fit tant de civilité , & tant d’offres de fervices , qu’il lia une cftroite amitié avec luy : & l’obligea de luy confier fa Commiffion: fe chargeant de la faire lire, & de le faire -recevoir dans fbn Me où il effoit fur le poinét de retourner; de îuy faire baftirun logement, & de préparer toutes chofespourfa defeente. p Sfeffant ainfi affeuré de l’affe&ion du nouveau General, fi aux A nt-Ijles de ^Amérique, 1 6 \ partit de Paris au moisd’Avril, pour aller s’embarquer lia Ro- chelle. Pendant qu’il eftoiten chemin , les Seigneurs delà Com- pagnie reccurcnt toutes les Lettres, qu’on leur écrivoit de la Gua- deloupe touchant la Commiflion deM. de Poincy donnée a M. l’Intendant, le refus qu’on en a voit fait, & I’emprifonnement du Leur Marivet , Lieutenant General de M.Hoiiel en fon abfence; commeils ne purent en conférer avec M.Hoüel, toute la Com- pagnie afïemblée chargea M. Fouquet de luy en écrire leur fenti- ment à la Rochelle ,au/îi bien que l’ordre qu’il devoir tenir pour rentrer dans la Guadeloupe, dans la crainte qu’ils avoicntque M. de P oincy ne s’en fût emparé. Cette Lettre donne un fi beau j our à l’Hiftoire,quc je me fens obligé de la rapporter icy tout au long. I’enay trouvé un duplicata de la propre main deM. Fouquet, dont voicy la teneur, ~ - — Monsievr, », Nous avons receu un tres-fcnfible déplaifir des fâcheufes », nouvelles que nous avons apprifes de la Guadeloupe, parles », Lettres qui vous eftoient addreflees ; non feulement à raifon „du mauvais traitement qui a efté fait à M. de Leumont S>c au lieur Marivet, mais auffipar les defordres qui en peuvent ,> arriver, & les dangereufes fuites que ces mauvais commen- „cemens auront fans doute produits depuis' ce temps-là. Vous „ apprendrez l’Hiftoire de ce qui s’eft paffépar les deux pièces ,, que nous vous envoyons en original, n’ayant pas eu le loilir de „ les faire copier. L’une cft la Lettre du luge le Normand, qui ®, vous fera connoiftre où va le zele indiferet qui a échaufé ces „efprits , 5 c les artifices avec lefquels ils ont voulu couvrir leurs » mauvais deffeins , & les vengeances de leurs querelles parti- culières j& l’autre qui eft l’interrogatoire de Marivet, vous „fera voir les deffenfes & les raifons qu’il a de fe plaindre de la „ violence de fes ennemis. ,, Ce que nous pouvons faire en ce rencontre dans la prefle „ de voftre départ, & dans l’incertitude de l’eftat auquel vous 5> trouverez les chofcs , cft de vous mander ce que nous jugeons 264 Eflabhjf ornent des t r ançois „ à propos que vous obferviez en arrivant fur les lieux. Nous ,, eflimcns donc nece.ffaire , fi quelquunsell empare de 1 Ifle, „ en forte que vous ayezraifonde douter quil fafïe difficulté „ de vous y recevoir, ce que vray-femblablemeut vousappren- „ cirez à la Martinique; en ce cas vous y demeurerez avec les „ hommes que vous jugerez ne devoir pas eflre envoyez, les „ autres avec le Commis delà famille iront, Sc auront ordre de ,, vous, d’aller droit à noflre habitation, fans parler de vous en fa- „ çon quelconque, mais feulement comme ayant Commiffion „ de la Compagnie, laquelle ils communiqueront a celuy qui „ commandera , fi il eft necellaire, en cette qualité iront don- ,, ner ordre au travail de nos ouvriers, confervation des Ne- „ grès, ôefom desbefliaux, fans fe mêler ny dire aucune chofe æ, qui puiffe les rendre fufpeéts , 6c leur attirer 1 inimitié de per- sonne au préjudice de nos interefts: 6c parce que M. du Par- „ quec pourroit faire quelque difficulté de vous recevoir dans „ fon ifle , nous vous envoirons des Lettres de la Compagnie,, ,, que vous luy délivrerez , file jugez a propos, 5c fejournerez „ à la Martinique tant 5c fi long-temps que vous foyezaffeu- 5, ré de ne trouver aucun empefebement à voflre eflabliflemcnt, „6 c que les difficultez foient furmontées,ouqueM Patrocles „ foit arrivé, ou jufques à nouvel ordre, furies advis que vous 3, nous en donnerez , 5c en cas que vous n appreniez rien en paf- ,, faut à la Martinique pour retarder vôtre voyage;& neantmoins „eflant arrivé à la" Guadeloupe trouvant quelque obflacle que „ vous n’aurez pas préveu, Nous entendons que fans bazarder „ voflre perfonne , que nous vous prions de conferver entres- ,, grande fanté , vous vous fer viez de i’occafion de quelque Vaif- „feau pour vous reporter à la Martinique? de convenir dez àpre?* „ fent avec le Capitaine Gaudoin pour cet effet. ,, Tout cela n’arrivant pas, nous avons jugé qu’il eff de très- „ grande importance 5c pour le fcrvice de la Compagnie, 5c pour „ vollre authorité,de reffablir les chofes en l’ellac qu’elles dé- voient eflre, 5c premièrement remettre Manvet, non feule- >, ment en liberté, mais dans l’exercice de fa Charge; 5C par 3, apres faire arrefler le Normand luge , Matburin Hedoiiin, >, Procureur FifcaG dont nous entendons dez à prefent revo- . , - -- - — • “ " quer aux Ant-îfies de t Amérique. z6$ » quer la Commifiion, 8c le nommé la Forge Lieutenant, afin ,, qu ils fervent d’exemple, de ne pas entreprendre téméraire - ,, ment, 8c fans raifon,lurla perfonne de celuy qui commande >, dans une Ifie, efrably par vous, reconnu par eux, 8c dont ,,ils ont deû executer les ordres, 8c non pas en examiner les >, actions. s, Nous voyons bien qu’ils allégueront pour excufe, que la paf- „fion quils ont eu pour vofire fervice, peut eftre le moufde ,, ce quils ont fait, 6c que ces chofes pourront toucher vofire „ efprit; mais apres avoir pefé ces confiderations,Nous avons paf. ,,fé pardefilis, & trouvé qu’une témérité de cette nature ne peut „ demeurer impunie, làns donner ouverture à de tres-dangcreu- „fes confequences contre vous-mefme, 8c contre tous les au- tres qui commandent, s’il efi permis à toute forte de gens, „ fans plaintes , fans information, fans decret, fans authorité „pour cét effet, 8c fans Commifiion , d’une perfonne fupe- „rieure , les arrefier, 6c mettre aux fers fur des foupçons mal j, fondez. ,, Ils pouvoient bien juger que Marivctvous eftoit affedion- „né, qu’il fçavoit vofire fecret 8C vos penfées, puifque vous ,, 1 aviez choifi, 8c luy aviez confié toutes chofes; que c’efioit „ à luy à répondre de fille, qu’il avoit autant à perdre qu’eux; „& que c’eftoit une imagination ridicule, que cét homme, qui ,,efioiten pofieflion de toute l’authorité, voulût trahir fon bien- „ fadeur 6c fes maifires, rifquer fon bien 6c fa vie fans aucun „ fruid , 6c pour s’ofter l’authorité à foy-mefme ; 6c que ce qu’il „ avoit fouffert M. de Leumont, cfioit une adion de pruden- „ce, puilqu’il fçavoit qu’il efioit vofire amy , homme depro- „ bité, attaché à nosinterefis, 6c à qui nous les avions tous „ remis: 6c d’ailleurs feul 8c fans forces pour vous nuire, s’il ,,eneut eu le defîéin, puifqu’ils vous efioient tous affedionnés „pour ne luy pas obéir en chofes qui vous euflent efté pré- „ judiciables ; Et quand ils eurent refufê la Commifiion de „M. de Poincy, pourquoy le chaffer de fille fous un pré- texte ridicule , luy qui a Commifiion de Nous , 6c qui „n’a pas manqué de leur faire entendre quelles efioient fes in- tentions. I. Partie. L1 1 66 Efiœblijfement des François „ Enfin il y a beaucoup d’apparence que l’ambition d’He- >,doüin, qui n ayant goûté le Gouvernement, s’cftanr fait des „ amis pendant la maladie de Marivet, & peut efire à nosdc- „ pens , n*a pu fouffnr au defiiis de luy des gens qui éclairaf- „fent Tes a&ions, & luy en pufient faire reproche. C’cftpour- ,, quoy il éloigne M. de Leumont; & ce qui nous le fait con- >, je&urer eft, que nonobftant les requifitions de Marivet de- „ vant le luge, par fon interrogatoire ; on nous a envoyé tout „ le procez, & on a obmis à deflein les Lettres qui ont efté a, trouvées fur luy, par lefquelles il nous faifoit plaintes de leurs „ mal-verfations. „ En un mot nous entendons que ces gens- là demeurent en „prifon, jufques à ce que vous e fiant informé de la vérité de „ toutes chofes, 6 C Marivet ayant fait les demandes qu’il veut „ former contre eux , l’affaire foit entièrement terminée ; ce ,,qui fe pourra ou par jugement militaire, fi le crime eft un „ complot contre le Gouvernement, ou lors que vous aurez ,, Commifiîon pour la Iufiice Souveraine, ou par Commif- „fion que Nous vous envoirons, ou à quelqu’un de l’ifie, „ s’il y en a quelqu’un de la qualité requife, pu en un befoin 3, par Commifiîon à celuy de la Martinique; pour raifon de- j, quoy, c’eft adiré delà forme du jugement , Nous attendons 3, voftre advis fi vous avez, quelque particulière connoiftance de „ quelqu’un qui foit fur les lieux, qui foit capable de le rendre en „une affaire de cette nature. Du furplus Nous nous remettons s, à voftre prudence, vous prions de nous croire. Vos tres-afFeétionncz,&c. Il receut cette Lettre , & s’embarqua dans la refblution ap- parente d’executer leurs ordres, à quoy neantmoins il manqua comme je diray enfuitte. r - - - ' ' J ■ aux itAnt-IJle s de t Amérique. i 6 y Al. Ho'ùel riexecute point les ordres de la Com- pagnie contre les fieditieux. Le Sieur Lambert prend pojfiefiion de la Charge de Lieutenant Ge- neral au nom de Al. de ‘Thoijy. Difgrace du fieur Aîarivet. Sentence contre le Capitaine Fauly qui avoit amené les François de Llfie de Sain Lie Croix. ‘Trois Lettres de cachet pour la réception de Al.de TShoiJj dans Saint Chrifiophe. §. ni. N Os Religieux, les Officiers, & tout ce qu’il y avoit de gens de bien à la Guadeloupe , attendoient avec impa- tience, le retour de M.Hoüel, dans l’efperance qu’il les tire- roit dé l’oppreffion, qu’il delivreroit ion Lieutenant de prifbn, & qu’il puniroit févérement ceux qui avoient elle fi hardis que de commettre un tel attentat; enfin qu’il apporteroit la paix, ou du moins qu’il donneroit fi bon ordre qu’il feroitcef- fer tous ces defordres. II arriva à la Rade de la Guadeloupe le vingt-neufiémeMay de cette année 1645. Comme il efioit à la portée du canon, Mathurin entra dans laprifon armé à Ton ordinaire , d’un mous- queton, de deux piftolets & de Son épée; & abordant le fieur Marivet, il luy dit d’un ton rude, vous vous réjoüyfiez, &: moy auffi; à quoy le fieur Marivet ayant répondu , il lira bien qui rira le dernier, Mathurin tout furieux de ces paroles, luy dit en blaiphémant le nom de Dieu, fi je fçavoiseftre blafmé de tout ce que j’ay fait, je te ruerois tout à l’heure ; ôc ne pouvant maiftrifer là paffion, il luy arracha la barbe, qui n’a- voit point efté coupée depuis le fixiéme Novembre qu’il fut emprifonné ; & il en fût venu à de plus grandes extrémi- tez, fi les Sieurs de l’Efpine & Beau-chafteau, ne l’en euflentem- pefché^ “ ' _ L1 ij z 68 - Eflablijfe ment des François M. Hoüel e fiant descendu dans ion logis, envoya Icmefme jour déchaifner fon Lieutenant, quilreceut avec beaucoup de froideur ; il le fitneantmoins feoir à fa table, & Iuv donna la pre- mière place en qualité déluge. Tous les Officiers de 1 Ifle s citant affemblez chez Iuy, il leur témoigna qu il avoitbien du regret de ce qui s’efloit pafTé pendant fon abfence ; mais que dans la difficulté de connoiftre qui avoit le tort , chacun ayant pris party d’un collé &£ d’autre, il les prioit d oublier tout le pafîe, & qu’à l’exemple de noftre Saint Perele Pape , qui avoit donne un Iubilé cette année à toute la Chrefliente , il donnoit une abolition generale, à ceux quipouvoient avoir manque dans ces remüemens. Il n’y eut perfbnne qui ne s en retournait chez foyj bien trille, & mal fatisfait, d’un procédé fi peu attendu, &: de voir qu’il ne donnoit aucune fatisfaélion , ny a un Lieutenant Ge- neral, outragé dans fa perfonne, dans fon honneur, & dans fes biens par des fadieux, ny au fieur Doyencourt, nyàplu- fieurs autres qui avoient elle mal- traitez a coups de ballon; on crut pour lors avec beaucoup d’apparence , que toute cette menée avoit eflé conduite par les ordres de M- Hoüel , &quil avoit donné des ordres fecrets au luge & a Mathurin, de trai- ter Marivct & les autres avec cette rigueur : ce qui efl d’au- tant plus vray-femblable qu’il rendit peu d’obeïfTance &: deref- ped aux ordres exprez des Seigneurs de la Compagnie, qui Iuy avoient enjoint de chaflier exemplairement les autheurs de la rébellion. Son premier foin apres fon arrivée, fut défaire IirelaCom- miffion de M. de Thoify dont il s’cfloit chargé, & de Iuy fai- re prendre pofTeffion dans la Guadeloupe par Charles Lambert fieur de Thilly, félon la procuration que Monfieur de Thoi- fy Iuy en avoit paflee à Paris pardevant Guerreau &C Oger Notaires, le quatrième Mars 1645. aux Ant-Jfes de t Amérique. Acte de la pnfe de pojfefton a la Guadeloupe > de la Charge de Lieutenant General pour fa Ada- jejlé ezj If es de l Amérique , par le fieur Lam~ hert j au nom de Ad. de fhoijy Patrocles. CE jotird’huy Vendredy deuxieme Iuin 1645;. nos Audian- ces ordinaires tenant, eft comparu enperfonne pardevant Nous Charles Hoiiel, Efcuyer, Seigneur de Petit-pré, Senef- chai, & Gouverneur de Ville de la Guadeloupe, & Seigneur en partie des Illcs de l’Amerique : où eftoit prefènt M. An- toine Marivet noftre Lieutenant General , Civil & Criminel en laSenefchauffée, M.Mathurin Hedoüin, Procureur Fifcal en cette Ifle, & des plus notables habitans d’icelle, Charles Lambert, Efcuyer fieur de Thilly, fondé de procuration de Meffire Noël de Patrocles, ChevalierSeigneur de Thoify,par laquelle ledit fieur de Patrocles luy a donné pouvoir de pren- dre pofleffion de la Charge de Lieutenant General pour S. M. dans toutes les Ifles de l’ Amérique, &cc. Requérant ledit fieur Patrocles qu’il luy foit donné A&e de pnfe de pofTeffion de ladite Charge de Lieutenant General pour S. M.de toutesles Ifles de l’Amérique, &: que l’enregifl:rement&: publication foit faite defdites Lettres; Nous, apres avoir veu Iefdites Lettres cy-dcffus datte es , 8c procuration dudit jour quatrième Mars dernier. Avons pour tous Iefdits Seigneurs des Ifles de l’A- xnerique , confenty & confentons la pnfe de poffelfion de ladi- te Charge de Lieutenant General pour le Roy en toutes les Ifles de VAmerique,pour & au nom de mondit fieur de Patro- cles, & ce fuivant & au defir defdites Lettres Patentes, lef- quelles feront Ieuës & regiftrées au Greffe de cette Ifle , à ce que perfonne n’en prétende caufe d’ignorance, furie reply defquelles fera fait mention de ladite publication &enregiflre- ment. Signe, dv Pont. Le zi. jour du mois d’Aoufli^y ces mefmes Lettres Paten- tes furent cnregiftrées à la Martinique, à la requefte du fieur L 1 nj zjo Efiablijfement des François de Saint André, Commis General de la Compagnie, rcpre- fentant le Procureur Filcalj apres qu’elles eurent effé publiées à la teffe des Compagnies le fix, le 13. & le zi. & ce en pre- fence de M. du Parquet, Sencfchal& Gouverneur de rifle, ô£ de M. Pierre Millet, Lieutenant Civile Criminel en icelle, qui ont ligné au bas dudit enregi fixement avec Montillet &c Chef- neau Greffiers. Le Sieur Mativer ne joüyt pas long -temps de la liberté ny de fa Charge de Lieutenant Civil & Criminel de la Gua- deloupe; car peu de jours apresfon reftabliffement, le fleur du Mé qui avoit eflé un des principaux chefs de la Caballe, le mal-traira dans la maifon mefme de M. Boüel, je crois quflly eut des coups de baftons donnez. M. Hoiieî efiant accouru au bruit, fans vouloir davantage s’éclaircir de l’affaire, fe mit dans fa barque & vint en diligence à la Baffe-terre, où il receut les plaintes de quelques-uns de ceux qui avoient eftê de cette confpi- raticn. Ils accuferent Marivet de les avoir menacez qu’ilfe ven- gerait des violences qu’il avoit receués d’eux, & le fleur du Mé le plaignit d’avoir receu un coup de bafton dans le dernier dé- meflé qu’il avoit eu avec Iuy: M. Hoüel croyant avoir affez de preuves pour le perdre, le priva honteufement de fa Charge de luge Civil & Criminel, & Iuy donna fa maifon pour pri- fon. Dans ce mefme temps, Ieshabitans prefenterent trois diffe- rentes requeffes à M. Hoüel ; Par la première , ils demandoient l’exemption des.droits de cette année 1645. parce qu’enfuitte du dernier hoüragan, il s’effoit formé certains petits vers de la groffeur d’une petite épingle , qui fe fourrans dans la fubftan- ce des feüeilles du tabac, couroient par tout comme des cirons, au deffous de la première pellicule , rongeans & gaftans toutes les feüeilles, en forte qu’il effoit impoffible de faire du petun; fur laquelle M. Hoüel leur accorda l’exemption des droits qu’il avoit coutume de recevoir, mais ne voulut point toucher à ceux de la Compagnie. Ils demandoient par la fécondé d’effre déchargez démonter la garde, qui leur effoit fâcheufc depuisun accident quejene puis paffer fous filence , parce qu’il a effé public. Le meurtre de aux Ant-Ijles de /’ Amérique . 171 la femme d’un nommé la Chapelle, arrivé peu de temps avant la fortie de M. Aubert de la Guadeloupe, donna occalionàla peine que lés habicans avoient d’aller en garde. Cette femme qui elloit paflablement belle , mais d’une fort mauvaife vie, ayant elle acheptée avec fon mary, Serrurier de fon meflier , par Mal-herbe fun des mieux accommodez de fille, parce qu’ils y efloient venus en qualité d’engagez, fut aimée de ce Mal- herbe, & l’on dit mefme qu’il en abufadez le premier j our qu’el- le fut à Ion fervice. Ce commerce adultéré ayant duré long- temps , la Chapelle s’en lalfa , & menaça plufieurs fois fa femme de la tuer, fi elle ne celToit cette pratique honteufe, dequoy n’ayant fait aucun cas : au contraire, en ayant pris fujet de le faire mal- traiter par fon Maillre ; Enfin la Chapelle les ayant furpris fur le faiét, illuy fut impolïible détoufer fon reflenti- ment ; & apres la fortie de Mal-herbe, ayant pris une hache de Charpentier, en deux ou trois coups il en coupa la telle à là femme; Apres quoy eflant revenu de fa paillon, il vint pleu- rant demander à M. Aubert en fon patois picard, qu’il le fit pendre, parce qu’il avoit coupé Iatelle àfa femme. M. Aubert l’ayant fait mettre aux fers, & obligé les habirans de le gar- der jour &c nuiét, cette corvée, jointe à la peine que les ha- bitans avoient de remplir les autres Corps de Garde de I’Ille, les obligea de donner cette requelle à M. HoüeJ, lequel fans Ce fervirdu pouvoir qu’il avoit des Seigneurs de la Compagnie, de les dilpenfer entièrement de la Garde moyennant zoo. livres de petun, comme il Ce pvatiquoit à Saint Chnflophe, ordon- na feulement qu’à l'avenir, il 11’y auroit quefept hommes à cha- que Corps de Garde. Par latroifiéme requelle , ils leprioicntde priver du Pont de la Charge de Greffier de fille , à caufe de fes malvcrfations; mais apres leur avoir promis de le dépolfedcr àc de lç punir ,il 11’en fit rien. L’affaire du Capitaine Paul arriva au commencement de luillet dccette année 1645. ce qui ayant fait tant de bruit dans les I fies» en France & en Angleterre, mérité bien que nous la rappor- tions icy j mais afin de Iuy donner tout fon jour, il faut repren- dre les chofes de plus haut. t7l Efiabhffement de s François Depuis plufieurs années les deux Nations AngIoifes& Hol- landoifes polïedoientl’Ifle de Sainde Croix, chacune eftoit gou- vernée par des Officiers Generaux eft ablis, par les Seigneurs de leur pays. Cette année 1645. & non Pas49- commeécritM. de Rochejort , une querelle e liant fur venue entre les Anglois &: les Hollandois, le Gouverneur pour Meilleurs lesEftats dHolIan- de, tua dans fa maifon M. de Brafebet, Gouverneur des An- glois. Auffi-toft les ceux Nations prirent les armes, en vin- rent aux mains, & dans un furieux corooat ; le Gouverneur Hol- landois fut fi griefvement bleffe, qu’il mourut peu de jours apres, defcs bklfurcs. Apres ce choc chacun des deux partis fc contentant du fang qui avoit efté répandu, fe retira dans^ fon quartier. Les Hollandois voyant leur Gouverneur mort en éleu- rent un autre; que l’Anglois, qui ne retirait que la vengean- ce, attira adroitement chez luy , fous prétexté d accommode- ment. L’autre y eftant venu fur fa parole, f Anglais le fit ar- refter, & le condamna d’eftre paflepar les armes, en punition de la mort de fon prcdcceffeur , ce qui fut exécuté. Il y avoit bien 100. ou 110. François dans la Colonie HoL îandoïfe, prefque tous défertcurs del’Ifle de Saint Chriftophe- Ceux-cy voyant les Hollandois prefts d’abandonner l’IHe , crai- gnans quelques mauvais traitemens desAnglois apres leur dé- part , demandèrent congé à leur Commandant de fe retirer dans quelque Ifle Françoife : ce qu’ayant obtenu , ils traitèrent de leur palTage avec un Capitaine de navire Anglois appelle Thomas Paul, & luy donnèrent quelques habitations pleines de Manyoc,ï condition qu’il les porterait dans une Ifle Françoife. Ils arrivèrent au mois de Iuillet a la Guadeloupe , & envoy èrent auffi-toft (altier M. Hoüel, & luy demander s’il leur vouloir per- mettre d’habiter dans fon Ifle. Cette p ropofition ne pouvant cftrc defagreable à un Gouverneur qui recevoir par ce moyen î 2,0. vieux habitans , faits à l’air & au travail du pays , tous armez & bien équipez ; non feulement M: Hoüel l’approuva & leur pro- mit de les recevoir , pourveu qu’ils payaflent les droits comme les autres; mais encore les affaira de faprotedion contre toutes les recherches que l’on pourrait faire contre eux, parce qu’ils eftoient fortis de S. Cbriftophe fàs c5gé, & leur promit de les en garantir. aux Ant-IJles de t Amérique. i?-> Ils le prièrent apres cela de faire arrefter le Capitaine Tho- mas Paul qui les avoir amenez, & de le rendre refponfable des torts qui leur a voient efré faits par les Anglois dans rifle de Sainte Croix j furquoy s’efïant informé d eux s’ils avoient congé de leur Commandant, il fit faifir le VaifiTeau avec tous Ces effets & arrefler le Capitaine avec tous les Officiers; il fut mis aux fers & attaché d une groffe chaifne ; il gémit long-temps en cet eltat , & je me fouviens que quand il nous voyoit pafler Il crioit apres nous P, dre , Padre , iujiice , Mlfencorde, avec des accents fi pitoyables, qu’il nous arrachoit les larmes des yeux. Le bruit courut dans l’Ifle qu’il y avoit des pierreries dans le Vaiffifau , une Corne de Licorne, & beaucoup de Coche- nille, je doute des pierreries, mais j’ay veu cette prétendue Corne de Licorne, qui n’eftoit qu’une corne de Rinoceros, & encore fort petite ; mais j’ay veu. pïufieurs des François qui cfr oient venus dans ce navire, leur poches pleines de très belle Cochenille. On fit tout ce que l’on pût, & on employa tous les tours de la chicane pour faire déclarer ce Capitaine Forban , dequoy l’on ne put venir a bout , & le fiçur Garderas , qui avoir efté l’inter- prete defon rcgillre & defaCommifiion, m’aditque c’effoit 1 homme du monde du plus bel ordre , & qu’il écrivoit chaque jour, avec une incroyable exaélitude,toutcequiluy arrivoit dans toutes les heures de fi vie. Neantmoins le morceau cftant tres-friand; on fe donna bien de garde de le laiffer échapper, & il fut dit & ordonné qu’à la requcllc du Procureur Fncal , le procez feroitextraordinaire- ment fait , & parfait, audit Capitaine Thomas Paul, comme n ayant point de Commiflion valable pour naviger, & cependant qu’il feroit mis en bonne &r feure garde, & dez à prefent déclaré rïn mc &C°nVainCU d’avoirfavoriré l’expulfion des François de 1111e Sainéte Croix ; d’avoir cftécaufc de ce qu’ils avoient efté Ipohcz des biens qu’ils avoient dans ladite /fie, & d’en avoir piofitc comme les auties Angîois habitans. Et pour faire droit fur la réparation, reprefailles, dommages, & interdis requis par ieldits François contre ledit Capitaine Paul & IesAnglois , qui L Part^- ' M m i74 Eftabliffement des François fei-ok envoyé aux SeISncur icP Etcependancparma- StVZfiou?quc le nav.ro ûififi» ledk Capitale Paul, ellànc de'prefenc moürllé à la «de de U Guadcbupc agrcz, munitions dïeeluy, autres marchandées & roicnt trouvez > fcroient vendus au plus o r an j j rüTcur, en la manière accoutumée , & les petuw prove dite vente, enfemble ceuxqui te, baillez & diftnbuezaux François expulfez de lad. te 11 il Sainûe Croix, à leur caution luraxoirc-,pour flbven r a leur, ncceffitez, Se à déduire fur les dommages & ‘‘«erete^ prétendus Cette Sentence ft. r«due k ChevroUier , Maraud! du Mc , du Porte , du Puys , & Gcndrel. Ce™ « à moy à juger delà nullité dont on «cuûeetre W tence parl’.ncompecence des luges , cette du fua de la Marine, ny .des «très SbXfar Su à^plus offrant , «Adjugé à undomeftique de M H^el qui l'acheta pour fou maiftre .0000. livres d. tabac, bien qâl est valLpls de rooooo.car tonneaux monté de quatre pièces de canon < n« dç»y d ce n font point quatre belles piecesde fonte verte que ) ay.veues lut la terrad'îde *' e leurs affûts, , 00. boulets, deux pietriers, ,0. moufq s’^’ PJV* ferrées, tous.Ies Furins, Arches Cables ,K fit conduire ce navire dans Ion Haviede a ap L_mo. avoir dépenfé huift ou 10000. livres de pecun Pou ; der, U donna du talon de la quille contre un roche., ceq 1 le mit eneftac de ne jamais fetvir , & il demeuia long- p dans ce Havre comme dit leProphete , n^ver- - ?” mJ,s, & V4h~* r*? u p.,,1 nc fe pouvant confoler dans la rigueur de fa pnlon, de 1 kquft.ee qu’on luy faifoit .perditl’efprit, & fut renvoyé fclen Angleterre. aux Ant-IJles de 1* Amérique. iy$ Il fe trouva deux Sauvages dans Ton navire qui affeurerent que la barque du nommé Boulaine partie dez Tannée 1644. avoit efté prife proche des Tcftigues par les Anglois, que tout le monde y avoit efté crüellement mafiàcré,& que le corps dudit Boulaine avoit efté reconnu fur le fable, parce qu’il n’avoit qu’un bras, ayant perdu l’autre en fe batàt côtte les Sauvages, avec M. de Saboüilly. Ces deux Sauvages affeurerent aufli M.Hoüel qu’ils a voient découvertune rivière dansla terre ferme, qui eftoit habitée par des Sauvages qui font la guerre aux Efpagnols , & que fur les bords de cette riviere, il y avoit de tres-beaux pafturages, & grand nombre de toute forte de beftail, &plufieurs efclaves,ce qui Iuy donna envie d’y envoyer fa barquepoury faire quelque profit, pour reconnoiftrc & pour rapporter fidèlement la vericc de ce qu’il y auroit à faire. Elle partit de la Guadefoupe le feptiéme Aouft 164^. en re- tourna le 25 . d’Oétobre , 3c rapporta trois efclaves , fçavoir une jeune femme d’environ 25. ans, ôc deux petites filles de cinq ou 6.ans,trcnte lids de coton, quelques cuirs de bœuf ôede veau pour échantillon : & 1000. livres de lamentin & de cochon, donc ceux qui la conduifoientavoiét traité avec lesSauvagcsde la Grenade en retournant. Ils rapportèrent qu’ils avoi eut bien fait 40. lieues dans cette ri viere, & que laNation qu’ils cherchoient, eftoit enco- re 8. ou 10. lieues plus hautf&: que proche de là il y a des Sauvages qui ontdes huid ou dix arpens de long, Sc autant de larges pleines de chevaux, & d’autre beftail , ces Sauvages leur offrirent de leur en fournir tant qu’ils en voudroient, & mefme un grand nombre d’efclaves à fort boncompte; qu’un efclave pris fur les lieux ne Iuy reviendroitpasà deux piftolles,& un cheval à deux efeus. Ces Sauvages leur firent bon accueil à caufc deleurtraitte &dcs denrées, qu’ils font obligez de traiter avec les Caraibes qui ont la paix avec les Elpagnols, contre Iefquels ceux-cy ont guerre per- pétuelle. M. l’Intendant & M. de Saboüilly fe fervirent du retour de cette barque pour aller voir M. du Parquet, Gouverneur de la Martinique qui les en avoit priés. Dans cette mefme Lettre que M. Hoüel addreffeaux Sei- gneurs de la Compagnie, il leur dit qu’il avoit receu parle Ca- Mm ij ! I. Efiablijfement des François pitaine Grout,une Lctrrede Cachet de faMajefté, pour M. le Commandeur de Poincy : par laquelle leRoyluy commandoit de revenir en France dans le premier Vaiiïeau, & qu’il l’avoir remife entre les mains ce ce Capitaine en prefcnce de témoins pour la livrer au Major de Tille de Saint Chriftophe, pour la rendre feurcment à M. de Poincy. En effet j’en trouve trois expédiées prcfque en mefme temps , dont la première s ad- dreffoit à M. le Commandeur de Poincy, la féconde à M<>de Louviüiers Ton neveu, & la troiliéme en forme de Comman- dement aux Officiers de la Milice de Saint Chriftophe. le les mets icy tout de fuite pour faire connoiftre combien S. M. avoir à cœur Teftabliffement de M. de Thoify. Lettre de Cachet a Ai. le Commandeur de „ v jr Un lieu r le Uommandeur de romey, je ne doute point „ xVJLque vous n’ayez receu mes Ordres portez par la Lettre „ dont j’ay chargé le fieur dcLonvilIiers, &que vous ne vous „foyez difpolez à partir au plûtoff de Tille de Saint Chrifto- „ phe ; mais dautant que j’ay appris que depuis fon arrivée plu- „ lieurs Particuliers ont femê de faux bruits contre mon fervi- „ ce & tendans à fedition , j’ay bien voulu vous en avertir, à ,,cc que pour ofter toute couleur à ceux qui voudroient abu- j, fer de voffre nom, vous ayez à partir de ladite Ille, auffi- „ toft la Prefente arrivée , nonobftant toutes les raifons que „vous pourrez alléguer, fous peine de defobeïffancc, & de „ demeurer réponfable de tous les delbrdres qui pourront ar- river en ladite Iflc-, ce que me promettant que vous exe- „ curerez fans retardement: le priray Dieu qu’il vous ayt,M. „Ie Commandeur de Poincy, en fa fainte garde. A Paris ce „dix-huidiefme Aouff 1645. Signé Lovys : Et plus bas j, de Lomenie. ' ~ aux Ant-Ifes de l' Amérique. z yj Lettre de Cachet a M. de Lonvilliérs ? G ouvert neur de Saint Chrijlophe. ,,T lOnfcur de Lonvilliérs, je vous ay déjà donné advis Î>IV1 comme j’avois refolu de retirer le fieur Commandeur î> de Poincy de la fonction quil a exercé de mon Lieutenant „ General aux Mes del’Amerique, & vous ay mefme addref- „{é des Lettres pour les luy faire rendre, portant ordre de re- tenir en France; & ayant fait choix de la perfonne du fieur „ deThoify Patrodes, pour eftrefon fùcccffeur en ladite Char* j, ge de mon Lieutenant General , dont je luy ay fait expédier „ mes Lettres de Commiflion, j’ay bien voulu vous en donner „ advis par celle-cy, que je vous écris par l’advis de la Reyne „Regente Madame ma Mere; pour vous dire que vous ayez à s, reconnoiftre leditfieur de Thoify en ladite qualité de mon » Lieutenant General , & Je faire reconnoiftre & obéir par tous „ ceux quil appartiendra, faifanteeffer dans toute l’cftenduc de „ voftrc Province, toutes fortes d’empefehemens à ce contraires, „à quoy m’afleurant que vous fatisferez félon mon intention: „ Iepnray Dieu quil vous ayt, M. de Lonvilliérs, en fa faintc „ garde. A Paris le zz. Aouft 16^45. Signé Lovys : Et plus ,, bas , de Lomé nie. Lettre de Cachet aux Officiers de là Milice de ïljle de Saint Chrijlophe. DEPAR LE ROY. ,,/^Hers & bien amez, ayant pourveu le fieur de Thoify Patrodes, de la Charge de noffre Lieutenant General „ez Mes de l’Amerique, te s’en allant pour en prendre polfef- î,fion, Nous voulons te vous mandons par l’advis delà Reyne » Regente noftre trcs-honnoréeDame &Mere, quevousayez ,, à reconnoiftre ledit fieur de Thoify en ladite qualité denô- M m il) 178 Efiablijfement des François „trc Lieutenant General, &: à Iuy obeïr ôe entendre ainfi qu’il „ appartiendra fans difficulté, & à ne plus déférer aux Com- 3,mandemens qui vous pourraient eftre faits par le fieur Com- „mandeur de Poincy, en la place duquel Nous entendons „que le fieur de Thoify foit eftably, à quoy vous tiendrez la 2, main, fi n’y faite point de faute, fous peine de defobeïfiance. 3, Car tel eft noftre plaifir. Donné à Paris le zz. jour d’Aoufi; ,,1645. Signé , Lovys; de plus bas, de Lomenie,&: au „ déifias eft écrit. A nos chers & bien amez les Officiers de la 3, Milice effcablis dans fille Saint Chriftophe. Ai. de Thoify obtient plu/leurs chofés de la Com- pagnie,pour faciliter fa réception a S.Chrifiophe. Commif tonde Lieutenant du grandPrevofl de France au Sieur de Boisfaye, & du Duc de B relf a Ai, de ‘Thoify , pour le faitt de la Aiarine. §. iv. TOutes ces chofcs eftant difpofees j M. de Thoify ayant fait toute la dépenfe de fon embarquement , & traité avec le fieur Bontemps, Capitaine du VaifTeaudu Roy appelle l’hom- me d’or , qui luy avoit efté donné pour le conduire ; plus de fix vingts de fes hommes & Officiersde fa maifon , eftans déjà dans le navire du Roy pour attendre le vent , il courut un bruit fourd , au Havre, & à Paris, que M. de Poincy avoit changé de refolution , & qu’il efloit dans le defiein d’empefeher la defeente dudit fieur de Thoify dans rifle de S. Chriftophe, & l’effet de fa Gom million. G’eft pourquoy M.de Thoify defirat prévenir les difficultez qui pourraient arriver & fe préparer à tout événement, fouhaita que Mefficurs de la Compagnie Iuy dônaffent pouvoir de traiter avec k fieur de Poincy, en cas qu’il obje&afl: quelque chofe pour les interefls, & pour la feuqetédes acquifitionsqu’ilavoit faites aux Ant-TJles de t Amérique. 1 7 9 for les lieux j & en raefme temps des remifes à tous les peu- ples pour leur faire voir le bien effectif que fa venue devoir produire dans les Ifles, contre les faufles imp reliions quoi* pourroit avoir données contre luy. Ce que Mdïieurs de la Compagnie trouvant fort à propos , Hsluy donnèrent premièrement la deliberation fuivante en for- me de Lettre au fleur Hoüel, pour le recevoir dans fou Mc juf- ques à ce qu’il fut receu dans Saint Chriftophc. i 'Deliberation de la Compagnie à Ai. Ho'ùel en forme de Lettre , pour la demeure de Ai. de [ ThoiJj a la Guadeloupe . M ONSIEVR» Les mauvais rapports qui nous ont efté faits de la difpofi- tlon des Efprits dans les Mes dcS. Chriftophc aufujct de l’en- trée de M. deThoify, en lapofleflion de la charge que le Roy luy a donnée , nous ont obligé de luy confeiller de ne pas def- cendre à S. Chnftophe , fans eftrc bien informé de l’ellat des affaires, & avoir donné les advis de fon arrivée, en quoy il fe conduira félon les particularitez qu’il apprendra de vous, & les confeils que vous luy donnerez en cette occafionqui peut avoir quelque choie d’impreveu , il avoit efté propolé d’apporter quelque modification dans le traité entre luy &: nous fur l’arti- cle concernant fon fejour à la Guadeloupe : mais ayant efté ju- gé inutile de prendre autre précaution pour luy , que ce que la raifon &c la juftice feront toujours agréer à la Compagnie, & que vous offririez de vous-mefme pour l’inrereft du feruicedu Roy. Ledit fieur de Thoifv n’a defiré autre chofe finon que nous vous écriviftions nos fentimens, qui font , Qu’arrivant empefehement à S. Chriftophc qui retardait fa réception , &ne pouvant demeurer en lieu plus propre pour préparer les affai- res , prendre les intelligences & autres promptes nouvelles qu en la Guadeloupe : il cft non feulement du droiét de fa charge. i8o JE flahlijfement des François mais de l’intereft de la Compagnie , qu’il y, foit confîdcré & obeï ainfi qu’il feroitdans S. Çhriftophe pendant le temps qu’il y feroit fejour ; fon intention & la penfée de la Compagnie n’eft pas qu’il eftabliffe fa refidenceà la Guadeloupe, n’y qu’il y demeure plus de temps qu’il en faut pour difpofer fa récep- tion à S. Çhriftophe : Et dans cêt interualle nous vous prions que vous le traitiez, non feulement comme Lieutenant de Roy* nuis comme affectionné à la Compagnie , & comme ayant lié en voftre particulier étroite amitié avec luy. De fa part nous avons fa parole qu’il fe comportera en forte que vous aurez toute fatisfaétion , & le defirerez plus long-temps en ladite Ifle que les affaires ne luy permettront d’y fejourner. Nous fouî- mes, MONSIEVR, ' "v - • Paris, ce 16. Vos tres-humbles, & tres-affe&ionnez fcrvi- 1645. teurs, les Seigneurs desIflesdel’Amerique. M. de Thoify accepta cette Lettre pour le fieur Hoüel, bien qu’il crût n’en avoir pas befoin , apres les proteflations d’amitié qu’il en auoit receuës en France. Et quoy qu’il euft deffein, en cas de refus de la part du fieur de Poincy , de te- nir les voyes delà douceur tant qu’il pourrait , il ne Iaifta pas de prendre fes précautions pour agir. Il obtint à cét effet une Commiffion du Grand Prevoft au fieur de Boisfaye , pour l’accompagner & faire valoir fon authonté ;& comme il n’y a encor eu jufqu’à prefent dans les Ifles que cette Commiffion, je ne la puis feparer du corps de cette Hiftoire. Commifion de Lieutenant de Ad. le Grand Fre - ‘vojl de France , au fieur de Boisfaye. \ ”X70vs Iean DV B°vchet, Chevalier, Sei- » JJVI CNEVR, Marqvis de Sovches, Confeiller du » j Roy en fes Confeils,Prçvoft de l’Hoftel de fa Majefté,& Grand Prevoft aux Ant-IJleS de l: 'Amérique . igi wPrcVoft- de France : S çavoir faifons ', que ïà'MajeÆê voulant 33 que Ton authorité paroifie avec éejat dans les Ifîcs deTAine- rique y e fiant fous {bn obeïfïance, tout ainfi que dans ce Royau- „mcde France j & qu’à cét effet il y ait des pérfonnes ayant „ qualité, & portant 1 es marques1 d’Officiers de fa Maifonfous >,noftre charge, pbur y adminiftfèr .la Iuftice & police, félon „ que Nous, & nos Lieutenans, & Excmpts,la rendent & admini- „ firent à la Cour & fuite de fa Majeâê 'j comme auffi pour efirc ,,prés laperfonne de Meffife Noël Patrocle , Chevalier Seigneur „ de Thoify , Confeiller du Roy en Tes Confcils y'k Lieutenant ,, General pour fa Majeflé aufdités Ifles , pour recevoir fès corn- „ mandements, ôdceuxmette en execution. A ce s cavses, „ apres avoir fur ce receu commandement delà propre bouche „ du Roy, en prefence & de l’advis de la ReyneRegentefaMere, 33 de donner & délivrer nofire prefente Commilfion pour les „ perfonnes cy-apres nommées audit fieur Patrocle, fur le bon „ & loüable rapport qui par Iuy, Nous a efié fait des perfonnes de „ Iean François de Boisfey Gentil-homme ordinaire delà Fau- connerie, Claude Meline, Nicolas Freflon, Pierre duFey, & „ Iacques S. Ange -, avons iceux commis , &: par ces prefentes „ commettons pour nofire perfonne reprefenter aufditcs Ifles , &: „ en icelles faire la charge &fondion d’Officiers du Roy fous „ nofire charge ; à fçavoir ledit fieur de Boisfey celle de Lieu- „ tenant, ledit Claude Mefline celle d’Exempt, lefciits Fref- „ Ion, du Fey, & $. Ange, celles d’Archers, aux mefmes droids, „ honneurs, & prérogatives, dont. jcüifTent nos Lieutenans, ,, Exempts, & Archers fervant prés la perfonne du Roy ; mef- „me de porter par Iefdits Lieutenans, & Exempts, chacun un bâ- 3, toû à pomme d’y voire, &c .par lefdits Archers vn Hoqueton „ aux Armes dé fà Majcfté, avec pifiolet, carabine , hallebarde, „& toute autre forte, d’armes; ce faifant fc tenir prés la perfon- >3 ne dudit fieur de Patrocles, pour recevoir fes ordres & coin- ,> mandements, & iceux exécuter, vaquer à l’adminifiration 3) de la IufHce& Police , informer par ledit Lieutenant ,, ôr en „fon abfence ou empefehement , par ledit Exempt, des con- „trauentions aux Ordonnances , &: jugements de Police, &: ,, autres; enfemble de tous delids te crimes iceux juger & pu- I. Partie, " ‘ Nn 1B2, Efiablijfement des François „nir félon la rigueur des loix faites par le Roy aufdites Ifles, ,} ou autrement, félon que par ledit fieur de Patrocles fera advifé; par le fdits Archers d’obeïr aufdits Lieutenant & Exempt, j, ou l’un deux, iceuxfuivre, ou aller feuI,oii commandé luy ,, fera , apres avoir.prealabiement.par eux prclEc le fçrment deu , , pour lefdites charges es mains dudit fieur de Patrocles, à cau- „ fe defquelles charges , ils joüiroqf. jies honneurs, préeminen- „ces , franchifes , libertez &: exemptions dans lefdites Ifles, „dont joüiffent çn France les Officiers Commenfaux de la „ M aifon du Roy. Enfemble des gages qui leur feront , affi- rmiez par ledit fieur de Patrocles , auquel avons délivré ces „ prefentes pour recevoir le ferment defdirs Lieutenant, Exempt, Archers, & icelles mettre en la main dudit Lieutenant, „ qui fournira Coppie d’icelles par luy certifiées aufiirs Exempt, „ & Archers , &: les aydera de l’Original quand befoin fera : „Et avons icelles prefentes fignées de nollre main , fait contre- ,, ligner par noftrc Secrétaire , & féeller du cachet de nos Ar- ômes. A Paris ,1e Roy y elhnt , le 19. jour d’Aouft 1645. „ Signé, De So vRCHES, Et fins bxs , par mondit Seigneur , „ GviTAPvD. La mifere & la iieceffité des habitans eftant extrême cette année 1645. à caufe de la quantité de vers & de chenilles, qui détruifoienr le Mtnyoc & le Petun .de telle forte , qu’ils n’en pouvoient pas retirer pour la fubfiftance de leurs familles lys Seigneurs de la Compagnie u eurent pas de peine d’accorder à Mrde Thoify la fécondé chofe qu’il leur demandoit ilscreu- rent facrement que pour s infînuer d avantage dans .1 efpnt de ces peuples, il falloir leur donner la remife de leurs droits pour cette année, & par cette petite libéralité „ fe les engager da- vantage. , ;r.r : Il obtint encore pourLl.de Lcumont Intendant, un pouvoir detraiter avecM dePoincy; par lequel les Seigneurs tuydon- noienr permiffion dobliger les effets de la Compagnie au payement des deux tiers , de ce qui feroit deu de relie à M.. de Poincy -, à caufe du cautionement qu’il avoit fait auxHollan- dois, pourveu que le fieur de Thoify s obligeai!: pour I autre aux Ant-Ifes de l’ Amérique. 2 g j tiers, au cas qu’il fuft receu dans l’Iflc , & qu’il y fût reconnu es qualitez de Lieutenant General pour le Roy , &de Séné- chal deS. Chnltophe pour Meilleurs de la Compagnie, à condi- A tion neantmoins, que les marchandifes fe trouvaient en natu- re dans les magazins communs de Tille * ou que les habitansre- copnuflTent en avoir eu la délivrance. Commandement fait a M. de Lonvilliers de la fart des S eigneurs de la Compagnie , de faire recevoir Ad. de Thoify. «TL eft ordonné au fleur de Lonvilliers Gouverneur de S. 3> JLChrillophe , de faire afTembler les Compagnies de ladite „Ifle, & les faire mettre fous les armes pour recevoir M. de „ Thoify Patrocles , Lieutenant General pour le Roy aufdites 33 Ifles de l’ Amérique ; executer les ordres que ledit fleur de 33 Thoify jugera ncccflfaires pour fon eftabliffement , fuivantôc „ conformément aux volontcz de fa Majefté , portées par fa „ CommilTion , fans permettre ny fouffrir qu’il luy foit fait ny „ donné aucun trouble, ou empefehemenr , tant à fon arrivée „ audit S. Chriftophe , qu’aux fondions de fa charge : au con- traire, de luy donner tout fecours& ayde, à peine audit fleur „ de Lonvilliers d’eflrc privé de fondit Gouvernement , ôc de „ répondre en fon propre & privé nom des defordres qui pour- ,, roient arriver aufdites Mes : Et en casdcdefobcïfTanccjpcr*- „mis au Leur de Thoifÿde commettrecn l’exercice de fachar- „ ge , au nom defdits Seigneurs des Ifles , telle perfonne qu’il „advifera, jufqu’à ce qu’aurrement par eux en ait eftéordon- „né. Fait Se arrefte en l'Aflemblte defdits Seigneurs, tenue à „ Paris le premier jour de Septembre 1645. Et plus bas eji écrit , „ par mefdits Seigneurs , B ea v v ai s , & fée lié de cire rouge. Comme jufqucs alors M.dePoincy Scies autres Gouverneurs des Ifles Françoifes avoient manqué d’authorité pour le fait de la marine ,M. de Thoify obtint une Commiflion de M. le Duc de Brezé , pour juger & régler toutes les affaires qui regau. doicnt les droids de l’Admirauté de France. Nn ij 2$ 4- Efiahlijfement des François- * • f- * . ' Commision de Ai. le Duc ide Brez^é , Grand Aiafre , Chef & Sur-Intendant de la Navi- gation <& Commerce 'de France , d Ai. derThoifyi Lieutenant General pour fà Aiajejlé aux If es de l Amérique. . i „ A R^and de Maille' Dvc de Fronsac, Mir- 3, Xi^quis de Brezé & de GraviIIe , Pair de France , Grand „ Maiftre, Chef, &: Sur-Intendant General de la Navigation Commerce de ce Royaume , Gouverneur & Lieutenant „ General pour le Roy, des Villes & Gouvernement de Broüa- ,, ges , Hles adjacentes, la Rochelle , 8£ pays d’Aulnis. A tous „ ceux qui ces prefentes verront, faîut : Sçavoir faifons, qu’é- „ tant neceffaire pour le fervice de fa Majefte de commettre „ quelque perfonne de condition , & expérimentée au fait de la ,, Marine, pour avoir l’œil à la confervation des droiéts de fa „ Maj efté & des noftres, és Ifles de l’Amerique ; commettre „ à la recepte d’iceux, faire compter les Commis, & autres qui „lcs ont cy-devant reçeus , & à tout ce qui concerne noftre „ charge efdits lieux pour nous en donner advis ; &: eftimant „ ne pouvoir faire meilleur & plus digne choix pour cét employ, que de la perfonne du heur Patrocles de Thoify , Lieutenant „ General pour fa Majefté- efdites Ifles : N o.vs pour ces cau- „ les , en vertu du pouvoir à Nous donné par fa Majefte, avons ,, commis , ordonné &: eftably, commettons, ordonnons, &: efta- „ bhffons par ces prefentes, ledit heur de Thoify , pour avoir „ l’œil à la confervation des droiéts de fa Maj efté & des noftres, „ efdites Ifles de l’Amerique, commettre telles perfonnes que „bon îuy femblera à la recepte defdits droiéts, tant de confis- cation , efchoué'ment , débris , naufrage , dixiéme de prifes, „ amendes ,& autres à fa Majefte & à Nous appartenant: faire ,, rendre compte à ceux qui ont cy-devant fait la recepte déf- aits droiéts : les contraindre au payement des fournies dont „ ils feront redevables, & les faire mpttrç es mains dune per- aux Ant-Ifes de l' Amérique. 185 pionne Tierce, pour nous en rendre compte ; en bailler tous ,, acquits de décharges neceifaires ; de généralement avoir l'œil „à tout ce qui concernera noiire charge de Grand Maiftre, „Chef de Sur-Intendant General de la Navigation > de Com- ,, merce defdits lieuse , pour nous en donner advis, à la charge ,,de nous faire rendre compte de tout ce qui fe recevra defdits „droids. Mandons à tous Capitaines , de Maiftres de Vail- ,, féaux & Barques, de autres qu’il appartiendra, de reconnoîrre „Iedit fieur de Thoify en ladite Commiilion , de luy obeïr de en- „ tendre , ainii qu’il appartiendra. En témoin dequoy nous „ avons ligné ces prefentes , fait contre- fï-gner par noiire Se- ,, cretaire ordinaire de la Marine, de à icelles mettre le feel de „ de nos Armes. A Paris le 9. jour de Septembre 16-45. Signé „Armand de Maille' Dvc de Breze', Et fur le re- ,,plj , par mondit Seigneur , de Loynes, de féellé en cire „ rouge. Voyage de M. de ‘Thoify , fécond Lieutenant Ge neral pour fa JM a je fié ezj If es de ï Amérique. CHAPITRE XL MOnfieur de Thoify ayant pris congé du Roy de delà Reyne Regente, qui luy recommanda fur tout d’ef- pargner le fang,ôc de fe comporter avec douceur , ayant rendu les mefmes refpeéts à la Reyne d’Angleterre, qui luy donna des Lettres , pour le General Anglois de Saint Chriftophe, apres avoir receu lescivilitez detoute la Cour-, il partit de Paris pour le Havre, où citant arrivé le iz. Septembre, apres y avoir rendu vifitei à M. le Duc de Richelieu, qui en c doit Gouver- neur ,& obtenu de luy que laporte delà Tour demeurait ou- verte jufquesà dix heures dufoir-, ilfortit delà Ville conduit par le fleur de Beauplan, premier Capitaine de la Garnifon, dç N n iij 2.8 £ EJlabliJfe ment des François monta avec Madame fa femme & les principaux de fa fuite dans la Chaloupe du V aideau duRoy , pourfe rendre dans ce Vaif. feau , où fon équipage d’environ fix vingts hommes, l’attendoit, depuis fix femaines. En entrant dans le Navire il mit entre les mains du heur Bontemps, qui en clloit Capitaine, cette Let- tre de fa Majehé. Lettre de Cachet au Capitaine Bontemps. /'“'lApitaine Bontemps, le heur de Thoify Patrocless’enal- « Valant fur le Vaiheau que vous commandez, pour prendre ,, terre dans les IileS de TArnerique , &: y prendre pohehiün de là „ Charge de mon Lieutenant General, pour fucceder au heur „ Commandeur de Poincy, qui doit retourner en France félon ,, l’ordre qu’il en a receu de ma part, j’ay bien voulu vous envoyer „celle-cy par l’advis delà Reyne Regentc Madame ma Mere, „ pour vous dire qu’eftant arrivé par delà;S’il fe prefente occahon „ de fervir à l’eftablifTement dudit S. de Thoify en ladite Charge „dc mon Lieutenant General, vous ayez à vous y employer de „ tout voftre pouvoir , félon la fidelité & affeétion que vous ,, avez toujours fait paroiftre , pour ce qui regarde le bien de mon „ fer vice. Aquoy m’affeurant que vous ne manquerez : Iepriray „ Dieu qu’il vous ait, Capitaine Bontemps, en fa fainte garde. „A Paris ce 11. jour d’Aouft 1645. Signé Lovysjôc plus bas, „ D E Lo MENIE. Le vent qui avoit toujours efté contraire depuis hx femaines fe tourna tout d’un coup, & fut propre pour appareiller, auhi- toit qu’il fut arrivé. Le trêziéme fur les dix à onze heures du matin, il ht lever l’Ancre pour faire fon voyage , accompagné de trois autres Vaif. féaux. Le 18. apres midy on apperçeuc deux grands VaifTeaux qui parurent ennemis dans la route qu’ils prirent, ce qui obligea M. le General de mettre fon monde en bataille pour les eom- fiattre -, mais eftans allez proches, & ayans rendu la civilité qu’ils dévoient au pavillon de France , ils furent reconnus Hollandois, apres quoy on continua la route. aux ^Ant-IJles de l 'Amérique. 287 Defeente & Réception de M , de Thoify dans l'IJle de Adadere. §. 1. LE 16. Septembre apres 13. jours d’une agréable navigation, on apperceut fur les 5. heures du matin fille de Porto Santto-, quelque temps apres on vi lies Dejèrtes , qui font certaines lfles proche delà fameufe Ijle de Madere , entre lefquelles onpaffa à cinq heures apres midy; & par la violence des marées on ne pût ce jour-là mouiller l’Anchre devant la Ville de Funzal, ce qui obligea le Capitaine Bontemps de faire tenir bord fur bord juf ques au lendemain. Le Mercredy xy. on mouilla l’Ancre à dix heures du ma- tin à larade de cette Ville, qui eft la Capitale de l’I lie de Ma- dere j M.Ie General envoya promptement à terre le heur de Boisfaye fon Capitaine des Gardçs,avec quelques Officiers de fa maifon pour faire civilité de fa part au Gouverneur Gene- ral de toute l’ifle. 11$ furent long-temps à aborder à caufe du calme , & on les obligea d’attendre dans laChaloupe, jufquesà ce qu’on eût adverty M. le Gouverneur; lequel envoya incon- tinent defes Gardes pour les conduire au Chahcau, ouïe heur de Boisfaye luy ht compliment de la part de M. le General de Thoify, & luy prefenta une Lettre de la part de l’Ambaf- fadeur de Portugal, qui rehdoit pour lors en la Cour de France. Le r8. le Gouverneur nommé Dom Manuel de SouzaMafca. renhas, Concilier de fa Majefté Portugaife Gouverneur de l’Ifle de Madere , demeurant au Funzal principale Ville , envoya vihter M. le General dans fon navire par fon fils aifné , avec offre defervice. Le vingt-neufiéme il luy envoya plufieurs grandes mânes pleines de fruits , fçavoir perfeques & fort beaux raihns-, dont unc'grappe fut trouvée pefer vingt-deux livres; quantité de confitures, marmelades, & écorces de citrons; une borre z88 Eflablijfement des François d’excellent vin, un bœuf, deux moutons & plufieurs poulles- d’Inde. Le mefmejour apres midy M.le General alla voir le Gou- verneur avec toute fa fuitte,qui eftoit fort lefte,&3o. de fes Gar- des revenus de leur cafaqucs d’efcarlatte avec des Croix blan- ches & des palfemens vers4 fans neantmoins marcher en ordre; en fortanc du VaifteauduRoyon tira plufieurs coups de canon, aufquels ceux de la Ville répondirent. Deux Capitaines Por- tugais le receurent à la delcente de fa Chaloupe; & apres Iuy avoir fait un compliment de civilité , ils le menèrent à la Ci- tadelle, où eftoit le Gouverneur. A l’entrée il fut faliié de tous les Officiers qui eftoient à la tefte de laGarnifon, dont partie eftoit au dehors de la Citadelle, & l’autre en dedans, fous les armes, & les tambours battans. II fut conduit dans une grande folle, à la porte de laquelle le Gouverneur, homme fort bien fait. & rres-confideré pour fa naiftance & ïbri'merite , le vint recevoir avec grand monde , 6c le fit feoir auprez de luy dans un fauteuil de velours crâmoify. Apres deux heures d’en- tretien, M. le General prit congé, & fe retira. En Portant on le fà- lüa de tout le canon de laCitadelle, & toute là moufquetterie fit une fàlve. Le Gouverneur le reconduifit jufques hors les por- tes de la Citadelle, marchant toûjours le premier félon leur coutume , 8t Iuy donna fon fils aifné pour Iuy faire voir la Ville. Ce Seigneurie conduifit premièrement au Couvent des P eres Cordeliers, puis à l’Eghfe Cathédrale dediée à Noftre-Damé, & aux Iefuites ; il y avoitune foule incroyable de peuple dans les rués, aux feneftre?, & dans ces trois Eglifes , qui eftoient extraor- dinairement parées à fon occafion. Il fut complimenté dans tou- tes; En la Cathedrallc ,1e grand Vicaire à la tefte de tout le Cler- gé ( n’y ayant point d’Eveique pour lors ) Iuy donna de l’eau-be- nifte en Ceremonie, & à toute fa fuitte. Les murailles & les pil- liers de cette Eghfefont tout dorez en dedans, les Autels fort ri- çhemens parez, & la Sacriftie magnifique. Apres avoir remercié le fils du Gouverneur de fa civilité , il le retira à bord au bruit des canons qui tirèrent inceftamment, tant de la Citadelle que du V aifteau , jufques à ce qu’il y fût monté. Le aux Ant-IJles de F Amérique. 2.89 Le 30. Ic Gouverneur par une confiance extraordinaire vint vifiter M. le General dans le navire du Roy , il y fut falüé de tout le canon & de la moufquetterie. Il s’eftoit fait fuivre par une Chaloupe remplie d’exccllens Muficiens,qui donnèrent un agréa- ble divertilfement à M. le General par l’harmonie de leurs har- pes, de leurs violes & de leurs violons, à cinq ou fix reprifes d’une maniéré tout à fait galante. Apres y avoir efté régalé d une fuperbe collation avec toute fa fuite , il fortit extrêmement facisfait de M. le General, au bruit du canon & de la mouf- quetterie. Le lendemain M. le General luy envoya prefenter uneépéo dont la garde eftoit de grand prix, & une paire de piftolets montez débeine & garnis d’argent, des plus beaux; ce qu’il re- ceut avec beaucoup de fatisfadion &: de reconnoifiancc, pro- teftant au Gentil-homme quilcsluy offrit, qu’il nauroit jamais plus de joye que quand il trouveroit l’occafion de s’en fervir pour M.le General. Le deuxième jourd’Odobrc, le Gouverneur envoya fonfils à M.le General, le remercier defon prefent, &: ce Seigneur luy renouvella de la part de fon Perefes offres de fervice , & le pria d’agréer quantité de mânes pleines d’excellens fruiéts de de toute lotte de confitures. Le cinquième on leva l’Anchre à dix heures du foir pour con- tinuer la route. Le vingt -troifiefme eftant arrivez fous le Tropique à la hauteur de vingt -deux degrez ^5. minuttes, M. le General, fuivant la coutume de la Mer, fut baptifé avec tout fon monde, (c donna iz. efeus d’or aux Matelots, pour boire à lafanté. Arrivée de MMe ‘Thoify a la Martinique & a la Guadeloupe , IJles de fon Gouuernementy ou il ejl receu avec bien de la joye. §. 11. LE i 6. Novembre d fept heures du matin on apperceut la terre , qui fut reconnue poflr cftrc l’Iflcde la Martinique I. Partie. Go 190 Eflahlijf ment des François fur les neuf heures on aborda une roche appellée l Ijle du Dut- mxntt & à fix heures du foir on moüilla l Anchre à la Baffe- terre. Aufli-toft M. le General envoya un de fes Gentil-hom- mes à terre porterdès ordres àM. du Parquet Gouverneur & Senefchal de cette Ifle. Eftant de retour à bord , il luy apprit que Meilleurs de Leumont, Intendant de la Compagnie , & de Saboüilly , Major General de toutes les Ifles, homme^ae mé- rité 8c de conlideration , avoient efté chaffez de Saint C rifto- phe par M. de Poincy , qui avoir le vêle mafque pour la rébellion, èc qu’ils eftoient depuis quelques jours à la Martinique attendant fa venue. _ Le 17. à huiét heures dumatin ,M. le General ayant envoyé fes Gardes à terre devant luy reveftus de leurs calaques , & ar- mez de leurs carabines , il y defeendit peu de temps apres, au bruit des canons du Fort, 8C de la moufquetterie , quile faâia par une falve generale. M. du Parquet Gouverneur de Hile, Meilleurs de Leumont & de Saboüilly le vinrent recevoir avec tous les honneurs deûsà fa dignité. M. du Parquet eüoit à la tefte de fes Compagnies fous les armes. Il conduifit M. le Ge- neral dans fa mailon, où l’on teint conleil, 8c où il fut refolu que M. le General fe prefenteroit à Saint Chriftophe. 11 dnna foupa chez M. du Parquet, 8c fut trairté des viandes du pays , qui font des cochons, volailles d’inde , ramiers , on-ohns, tor- tues, grenouilles, 8c lézards: le deffert eftoit de patates, de figues, melons, bannanes, Sc ananas. Et apres lavoir remer- cié , 8c toute la milice qui eftoit fous les armes , il partit a minuit pour la Guadeloupe. , , Le 19. le navire mouillai’ Anchre à la Baflc-terrc de la Guack- loupc, la B aziîiere 8c quclques-autres Officiers fe rendirent aufli- toft dans ion navire. Apresavoir rendu leursrefpeétsa M.le Ge- neral, ôc l’avoir affeuré de leur obeïffance, ils luy dirent que Hoüel leur Gouverneur étoit à dix lieues delà, 8c qu’il ne maque- roit pas de venir le lendemain pour le recevoir; neantmoins s il avoit agréable de defeendre, qu’ils feroient leur poflibie pour ren- dre les honneurs deûs à fa Commiffion. M. le General ayant ac- cepté leurs offres, defeendit à terre, précédé de fes gardes ,8c de plufteurs Gentils-hommes , 8c futreceu parles Compagnies aux Ànt-IJles de l'Amérique. i $ i commandées par le ficur de la Baziliere ; il loupa dans lcMa- gazin de la Compagnie, & fur le foir il retourna dansfonna- vire au bruit du canon &parmy les aclamations de tout le peuple qui le felicitoit de bon arrivée. Le n . fur les dix heures du matin , il defeenditune féconde fois à terre dans le mefme équipage, & avec la mefme efeor- te, M. Hoüel l’y receut à la telle de la milice fous les armes, avec tous les témoignages d’un profond refpeét& d’une amitié tres-eflroitte , luy prefta le ferment qu’il devoit à fa Commif- fion; & apres luy avoir fait rendre toute forte d’honneur, le conduifit dansfamaifonpourleregaler avec toute fa fuite, Plufieurs filles del’Hofpital de Saint Iofeph deParis eftoient venues dans fonnavire, fous la conduite d’une très- fage & tres- vertueufe Damoifelle nommée Iournée; elles defeendirent à terre, & apres avoir faliiéM. le Gouverneur, elles furent mifes entre les mains de Madamoifelle delà Fayolle. M. le General fut traité avec tout fon monde, pendant les trois jours qu’il demeura à la Guadeloupe aux dépens de la Com- pagnie, dont les Officiers n’épargnerent rien pour luy témoi- gner l’affedion de leurs Maiftres. Durant ce fejouron tint plu- ficurs fois confeil , pour refoudre avec ces Meilleurs fur ce qu’il y avoit à faire. Dez la fécondé fois M. de Saboüilly, fur l’advis qu’on luy donna que les Seigneurs de la Compagnie avoient promis à M le General, de donner à M. de Guinan la Lieutenance Generale de Saint Chnftcphe, ne voulut plus fetrouver au Confeil. M. Hoüel le pria d’y retourner , mais il n’en voulut rien faire, jufques à ce que M. le General l’en pria lu y- me fine , &. l’afTeura du confentemenc du fleur de Guinan, qu’en cas qu’il entrait dans Saint Chnftophe, M. de Poincy failant refiftance, & M. de Lonvilliers fon neveu Gouverneur de l’ille, fe trouvant complice, qu’il exerceroit la Charge de Lieutenant General en fa place , & joüyroit des honneurs & des droits qui y font attachez pendant les trois années de fa Commiflion. O o ij zji Efiabliffement des V rançon On refufe M. le General a Saint Chriftophe y fes Officiers ne peuvent obtenir permifiion d’y defcendre , pour y figmfier les Ordres du Roy. Les Anglais ne veulent pas recevoir une Let ; tre de la Reyne d’ Angleterre d leur General. ~ iii. CEütc affaire ayant efté ainfi accommodée , apres avoir conclu tout ce qu’il y avoit à faire, M. le General partit le zz. Novembre pour Saint Chriftophe, avec Meilleurs de Sa- fa oui lly & de Leumont, laiffant Madame fa femme dans rifle, avec M. de Beze & Mademoifelle fa fille , que M. Hoüelcon- duifit à la Capfterre, & les traita magnifiquement dans fa inai- fon; tafchant de divertir Madame la Generale des inquiétu- des continuelles où elle eftoit de ce qui arriveroit à M. fon mary. Il arriva le 15. à une heure apres rnidy, à une demie lieue de la rade de Saint Chriftophe, d’où il envoya le fleur de Bois- faye,fon Capitaine des Gardes , porter les Ordres du Roy pour fa réception : Eftant arrivé à cent pas de terre, il fut rencontré par un canot, duquel il apprit que M. le Commandeur de Poin- cy eftoit encore dans fille en refolution de ne point recevoir M. le General; à quoy Je Capitaine des Gardes faifant fem- blant de ne pas adjoùter foy, continua d’aller à terre; mais eftant fur le poinét d’y defcendre, il en fut empefehé par le fleur Aubert, qui paroiflant à la tefte de fa Compagnie fous les armes, luy fit deffenfe d’avancer, & 1 uy demanda ce qu’il vouloir :1e fleur de Boisfayeluy répondit qu’il venoit de la part du Roy, par ordre du Lieutenant General des Ifles, pour don- ner les ordres de fa Majefté au Commandeur de Poincy. Le fleur Aubert luy répliqua en l’interrompant, qu’ils ne vouîoienr point d’autre Lieutenant General que M. de Poincy, & qu’il ne recevroit aucun ordre de fa, Majefté; que neantmoins il a I» dux Ânt-Ijles de (Amérique. 29 5 Ioic afiembler le peuple , & que le lendemain il pourroit venir quérir fa réponfe. Le z6 . M. le General renvoya le fieur de Boisfayc en qua- lité de Lieutenant du grand Prévoit, affilié dun Exempt, & de deux Archers, pour Içavoir la reponfe : comme il eiloitprelt de mettre pied à terre, le fieur Aubert à la telle de trois ou quatre cens hommes fous les armes, luy dit que le peuple ne vouîoit point d’autre Lieutenant General que M. le Comman- deur de Poincy , & qu’il ne recevroit aucun ordre du Roy. Sur- quoy le Lieutenant du Grand Prévoit, tenant fon ballon à la main, luy dit quil avoit des Lettres du Roy adonner au peu- ple ; a quoy luy ayant répondu qu’il netIes pouvoir recevoir, & le peuple s approchant de trop prez pour entendre ce que le fieur de Boisfaye diloit, le fieur Aubert le fit retirer à c oups de ballon, & dit au Lieutenant qu’il eut à s’en retourner; ce- luy-cy apres luy avoir dit qu’il faifoit fa charge, qu’ils priffient garde à eux, qu’il les declareroit criminels deleze-Majefté, &: quil alloit faire Ion procez verbal de leur refus pour l’envoyer au Roy , retourna rendre compte à M. le General de l’ellac des affaires, &de tout ce qu’il avoit fait. M. le General fur le rapport du fieur de Boisfaye , ayant alïem- blé Ion confeil, apres quon y eut examiné tout le procédé des rebelles, & reconnu que M.de Poincy couvroit la defobcïlfan- ce du pretexte de la volonté du peuple, l’on refolut d’aller au quar- tier dcIaPo;«d?e de Sable, où commandoit Je fieur de Lonvil- liers , neveu de M. de Poincy & Gouverneur de l’IUe; &pour ce fujet, M. le General fit lever l’Anchrc fur les deux heures apres midy. E liant proche d’un quartier des Anglois nommé lavande Ra- de, il envoya le fieur Guinant dans la Chaloupe du Vailfeau du Roy, pour porter les Lettres de la Reyne d’Angleterre au General des Anglois de cette Ifie : en approchant il vit un Ca- valier avec hui 61 ou dix fufeliers -, & luy ayant demandé s’il y avoit feureté pour les François, l’ Anglois répondit par un tru- chement, qui fut reconnu domeftique deM.de Poincy ,qu*oü y, & qu il pouvoir defeendre en aff'eurance; comme il alloit met- tre pied à terre un autre Cavalier Anglois courant à toute bri- O o iij 294 Efiahlijfement des François de, luy vint demander où il alloit,& d’où efloit la Chaloupe. Le fieur Guinant luy répondit que la Chaloupe efloit du bord du navire du Roy de France, de qu’il le prioitde le faire parler à M. le General des Anglois, à qui il avoir ordre de remettre des Lettres de la Reyne d’Angleterre. Ce Cavalier luy deman- da s’il venoit de la part de M, de Poincy; le fleur Guinant luy ayant répondu que non, mais qu’il venoit parles ordres deM. de Thoify, Lieutenant General de fa Majeflé tres-Chreflienne e(z Mes de l’ Amérique, qui font fous fa domination, l’Anglois commanda à fes Moufquetaires de tirer fur luy, ils n’en firent pourtant que la mine, de auffi-tofls’en alla à un gros de Cava- lerie , qui efloit dans un fond à dix ou douze pas du bord de la Mer, dans lequel efloit le fieur de la Vernade, mary d’une nièce de M. de Poincy; d’où eflant de retour, il dit au fieur Guinant qu’il n’y avoit rien à faire s’il ne venoit de la part de M. de Poincy , ce qui l’obligea de fe retirer; de à peine fut-il à cinquante pas , que les Anglois tirèrent fur luy de fur une bar- que Françoife qui fuivoit le Vaifleau du Roy, en difant des paroles injurieufes de indolentes , qui obligèrent le Capitaine de cette barque de répondre par trois coups de canon ; dequoyM. le General luy fit reprimende , de le blâma d’avoir tiré fans fes ordres. Apres ces refus M. le General fut contraint de retourner à la Guadeloupe fans avoir rien fait. 11 y arriva le a8. Novembre avec M. I’Intendant&M. deSaboüilly, l’un & l’autre malades, de voir fi peu de fuccez de cette affaire. Mais outre la douleur que cesdefordres caufoient à M. de Saboiiilly, la perte de la Charge , de fon habitation , de fes efclavcs , en un mot de la for- tune qu’il avoit tâché d’eflablir dans ces Mes depuis fept ans, augmentoit notablement fon affli&ion de là maladie. Madame de Thoify n’eut pas plûtofl nouvelle de l’arrivée de fon mary , quelle revint de la Capfterre. Elle laiffa M. Hoüel fort malade, qui ne laifiapas ncnobflant fon indifpofition , de donner les ordres pour faire recevoir M. le General, qui luy efloit venu rendre vifite , avec les honneurs ordinaires, de d’a- voir foin de le faire traiter magnifiquement. I aux Ant-Ifes de t Amérique. i95 Entreprise de M. du Parquet fur l'Ifle de Saint Chnjlophe. Il y de (cent, & fait prifonniers les neveux de A4, de Poincy. Il efi défait , & fe fauve dans les bois. Ilfe remet entre les mains du General des Anglois , par lequel il ef li- vré a Ad. de Poincy. Ad. Houel mené du fs- cours d Ad. de fhoijj. §. iv. PEndant que l’on méprife ainfî l’authoritéduRoy en Iapcr- fonne de M. de Thoify, &: qu’il cherche tous les moyens pour la faire valoir , il fe prefenta une tres-belle occafion de réduire M. de Poincy à l’obeiffance. Trois Gentils-hommes nommés de S. Aubin & le Comte, coufins de M. du Parquet & Capitaines dans Saint Chriilophe, furent tres-mal-traittez,& receurent divers outrages, parce qu’ils n’efloient pas dans les intereflsde M.dc Poincy ;quclques-uns mefme parlent de coups de ballon ; de tous les outrages qu’ils receurent , il n’y en eut point de plus fcnfible que l’affront que leur fit M. de Poincy, les traitans de beaux Gentilshom- mes de neige; car cette injure, les obligea dequitter l’Ifle & de fe retirer à la Martinique auprez de M. du Parquet leur cou- fin, auquel ayant fait le récit de ce qui Ieurefloit arrivé, &fur tout tuy ayant exagéré l’injure qu’ils avoient rcceuë de M.de Poincy; tous trois prirent refolution de s’en venger, en em- ployant toutes leurs forces pour eflablir M. de Thoify dans Saint Chriflophe &en chafTerM.de Poincy. Ils partirent delaMar- tinique dans cette refolution, & vinrent à la Guadeloupe pro- pofer leur deffein , & les moyens de l’executer à M. le Ge- neral. Pendant qu’ils font en Mer , &: qu’ils vaguent vers la Guade- loupe, les heurs Houel, de Leumont & Saboüilly, parfaite- xT E Sieur de Patrocles , Chevalier Seigneur de Thoi- j Confeiller du Roy en les Confcils , Lieutenant „ General pour fa MajeÆé aux Ifles de I Amérique. Nous „ ordonnons à tous Q&ççiers & habitans de l’Ifle de Saint j, Chtiftophe , d’exeedïet les ordres que le fleur du Par- ,y quet Gouverneur & Senefchal de la Martinique , à qui «nous avons donné cette prefenteCommillîon, jugera necef- .faites pour le fervice du Roy , comme de faire lire les Lettres j) de faMajeflré aufïeur de Poincy 6c à la Milice, faire publier „nos Commifïïons; faire arrefter tous ceux qui s’oppoferont à 33 fes Commandemens ; commettre telles perfonnes qu’il vou- 33 dra pour s’affeurer des Corps de Garde, 6c generalement faire 33 tout ce qu’il jugera neceffaire pour nôtre efîrabliflement,jufques ,,à ce que nous foyonsprefens dans ladite Ifle, &que nous ayons „pourveu, fuivant le pouvoir que nousen avons, à la Charge 33 de Gouverneur, vacante par larebellion du fieur de Lonvil- „liers, lequel pour cét effet nous deffendons expreffement d „tous îefdits Officiers & habitans de plus reconnoiftre ; ainsleur „ enjoignons de prefhr la main à ce que luy & fes complices „foient arreftez, mis entre les mains dudit fieur du Parquet, & 33 par luy envoyez devers nous. Fartennoftre Hofteldela Baffe- „ terre à la Guadeloupe le 17. Ianvier 16 46. Signe de Thoisy. „ Et plus bas, par mondit Seigneur, Besnard. M. Hoüel fans s’offenfer deeequefonadvis n’avoit pas efté fui vy, retourna à la Capflerre pour faire cquipper fa barque & y faire mettre 2000. livres de cafïave , avec ordre au maifkequi la de voit conduire, de palier par le Cul de Sac y & de prendre tou- tes les tortues des varreurs pour la fubfiftance des foldats qui effroi en t à la fuite de M. le General. M. de Saboüilly qui fon- haitoit aveepaffion d’eflrre de cette belle entreprife,& d’en parta- ger la gloire avec M. du Parquet, monta dans cette barque pour l’aller joindre dans le V aifleau du Roy. I. Partie. p p 1 9 g Efia bUJfement des François Le 18. M. le General arriva à rifle des Niêvres, qui appar- tient aux Anglois & quieft voifine de celle de Saint Chrifto- phe, d’où il fit partir M. du Parquet avec les deux fleurs le Com- tek le fleur de Saint Aubin dans la Chaloupe du navire du Roy, commandée parle fleur Aubry, Lieutenant du Capitaine Bon- temps pour executer Ton entreprife. Eflant arrivez a la Pointe de sable fur les dix heures dufoir, M. du Parquet alla droit au Corps de Garde,où commandoit le S .de la Fontaine Capitaine de ce quartier, qui avoit déiatellement difpoféfon monde , que la Commiflion de M- le General y avoit efté leuë avec tant de fatisfa&ion des habitans qui eftoient de Garde , qu ils avoient tous crié, vive le Roy & M. le General de Thoify. Il envoya incontinent toutes les Lettres donc il eftoit chargé aux perfon- nes à qui elles s’addrcflbient, & particulièrement au R. I • Luc Capucin , qui fut avec le fleur de la Fontaine trouver M. Camo, & tous deux enfemblc amaflerent durant la nuid trois ou quatre cens hommes , que ce bon Religieux exhorta à fou- tenir avec courage l’authorité du Roy ,aufquels il donna ablolu- Pendant que les fleurs de la Fontaine &. Camo aflemblent du monde, M. du Parquet accompagné de fes trois confins, & des nommez T anneau & d’Orange, fut attaquer la maifon des ne- veux de M.dePoincy -, & ayant d’abord enfoncé la porte avec violence , les arrefta dans leurs lids , & les fit charger fur les épau- les de leurs propres Negres, pour les conduire dans la Chaloupe, qui eftoit prefte au bord de la Mer , pour les mener dans le navi- re du Roy : il ordonna aux deux Meflieurs le Comte , & aux luf- nommez d’Orange & T anneau de les y conduire, ne retenant avec foyqueM.de Saint Aubin, avec lequel fl retourna jl fon Corps de Garde pour y attendre ceux qui s’eftoient lou- levez. Mais M. de Poincy ( à qui le General des Anglois avoit pro- mis toute affiftance , jufquësà périr avec luy pour le deftendre) prit 2.000. Anglois , & ce qu’il put amafler de fes plus affidez ,at- taquaM. duParquet dans ce Corps de Garde ï& apres avoir tail- lé cnpieceço. ou 6 o. hommes qu’il avoit avec luy , le contraignit de gagner les bois;& enfuite il fit marcher fa petite armée vers aux lÀnt-Ijles de l* Amérique. 199 la Capfterre, où n’ayant pas trouvé beaucoup de refiftanccilmit tout en déroute j de forte que les fieurs la Fontaine & Camo fe virent abandonnez de leurs gens, 6c fe trouvèrent réduits à la mefme necelTité que M. du Parquet, defe fauverdans les bois pour guarantir leur vie. Quelque diligence que M. du Parquet pût faire four rejoin- dre les fierirs la Fontaine 6c Carnot, qui s’eftoient réfugiez dans les bois avec 300. hommes, il ne les pût jamais rencontrer, c’eft pourquoy ayant efté trois jours & trois nuiétsfans boire & fans manger, tout h a rafle ^u chemin 6c: à demy mort des fatigues in- croyables qu’il avoir fouffertes depuis le 1 8 . du mois , il crut qu’il n’y avoit perfonne dans rifle à qui il pût fe confier qu’aux PP, Capucins; mais dans la penfée qu’on auroit mis chez eux quel- que garnifon , il attendit la nui&,6c fur les onze heures du foir fe glifïant par des haziers alla par derrière leur maifongratter doucement à la feneftre du R. P. Gardien. Ce bon Pere fut fort réjoiiy de l’entendre ; mais voyant la grandeur du péril où il s’expofoit, apres l’avoir averty qu’on avoit mis desfoldats dans leur Couvent pour le furprendre ,M.de Vôincyfe doutant bienqu ily pourvoit venir, il le confefla , luy don- na à manger, l’inftruifit de l’ertat des affaires, 6c luy confeilla de fe retirer chez le General des Anglois, croyant qu’il le pren- droit fous fa proteéfion , 6c luy fourniroit une barque pour fe retirer à la Martinique. Quelque peine qu’il eut à s’y refoudre, l’extrême neceffité où il fe voyoit réduit, 6c les protertations d’a- mitié qu’il avoit cy-devantreceuës de f Anglois, l’obligerent de s’aller mettre entre fes mains pour fe garantir des violences de M.dePoincy. II le receut avec beaucoup de civilité, luy promit toute forte d’aiïiftance, 6c le traita en apparence avec tant de marques d’erti- me ôc d’amitié, que M. du Parquet commançoit à fe repentir des feupçons qu’il avoit eue de fafidelitc. Mais ce perfide envoya incontincntavertir M. de Poincy de ce qu’il tenoit chez luy le Gouverneur de la Martinique; aufli-toftM. de Poincy fit monter toutfon mondeà cheval, 6c les envoya en diligence au quartier du General Anglois, où citant arrivez ils invertirent la maifbn du General qui cftoit à table avec M. du Parquet, lequel Ce 3oo Eftablijfement des François voyant fi lâchement trahypar l’Anglois. , fe faifit d’un couteau pour Iuy» enfoncer dans le fein, mais ce perfide évita le coup, forcit de fa chambre , laifla emmener M. du Parquet à M. de Poincy, qui le fit mettre en une forte prifon dans la cour du chafteau, avec quatre foldats dans fa chambre , pofant deux Corps de Gardes au dehors de chacun foixante hommes. M. du Parquet avoit donné ordre à fes deux coufins qui conduifoient les neveux de M. de Poincy prifonniers , de dire â M. le General de Thoify , qu’il le vinttrouver à La Voinftede Sable i qu’il en eftoit le maiftre , ce qui l’obligea d’écrire cette Lettre à M. Hoüel Gouverneur de la Guadeloupe. M ONSIEVR, ,, Aufti-toft que nous femmes arrivez aux Niévres, nous avons ,, fait deux prifonniers ,MelIicursde Lonvilliers & de Trevaî, 3, c’eft le commancement des belles actions de M. du Parquet, 3, il y a eu neantmoins quelque mauvais bruit qui a couru qu’il 3) tient les bois dans la Poinéte de Sable; mais pour moy je crois 35 qu’il eft maiftre de tout le quartier , hors d’un Corps de Gar- 33 de qu’on a repris fur Iuy. le vous prie de faire venir M.' de 3,SaboüilIy. Vousfçavezce queje vousay dit, jefouhaite avec 33paflion qu’il foit icv pour ces raifonslà; il eft auffi important 3, que M. l’Intendant vienne ,& fi vous pouvez m’envoyer quel- 3, que nombre de braves hommes , c’eft à dire le plus que vous 3, pourrez , celafera fort bien. Cependant faite faire bonne gar- » de en voftre Ifle, &c.je ne vous mande pas que vous veniez, „ parce que je crois que s’il eft en voftre pofiible j vous vou- j, drez en avoir voftre part. le fuis, MONSIEVR, Voftre tres-humble & tres-affeftionné ferviteur,, DE T h O I s Y. M. Hoüel ayant confulté M. l’Intendant fur -cette Lettre , il aux Ànt-Ifles de l’ Amérique. 301 luy confcilla d’y aller en perfonne avec toutes fes forces , Iuy témoignant bien du regret de ce que fon âge & fa maladie l’em- pêchoient de (e trouver à cette cccafion,où il eutfouhaité defer- virle Roy au dépens de fa vie. 11 fui vit fonConfeil, donnant advis aux Officiers des quatre Compagnies, qu’il s’en alloit à Saint Chnftophe trouvcrM. le General, & ordre àceux de. la Bafîe-terre de commander izo. fufeliers & ioo. à ceux de la Capfterre, outre foixante hommes qu’il mcnoitdechez luy. Il avoir receu cette nouvelle dés le Mercredy; mais fes ordres n’ayant pû eftre exécutez pl û tofb , il ne partit quele Dimanche avec trois cens hommes qu’il embarqua, partie dans le navire du Capitaine Vollery , partie dans la Chaloupe du Capitaine Bon- temps , & il fe mit dans fa propre barque. Le 18. il arriva à la rade des Niévres, où d’abord il fc fai fit dune Chaloupe Angloifc , & apprit de celuy qui la çomman- doit, que le navire du Roy avoit levé i’Anchre depuis deux jours, & qu’il eftoit moüillé à la Poinfle de Sable, d’où il con- jectura que les affaires alloientmal. Il ne laiffa pas d’aller en ce quartier, où il apperçeut quatre navires à la rade, entre lef- quels il reconnut celuy du Roy: M. le General envoyale fieur Saint Efme, Enfeigne de fes Gardes, luy faire civilité, 8c luy dircenfccrct que M.dcPoincy tcnoitM. du Parquet prifonnier; incontinent M. Hoüel fort furpris de cette nouvelle, ayant effé trouver M. le General à fon bord, il le pria d’aller mouiller aux Niévres , où il ne manqueroitpas de fe rendre pour re foudre ce qu’ils auroientàfaireencette conjoncture. Si-toffquc M.de Thoify eut appris que le General des Anglois avoit violé la parole qu’il avoit donnée à M. duParquet,6cque contre la foy promife il l’avoit livré entre les mains de M. de Poincy ,ill’envoya fommer de la part du Roy par le Sieur Gre- nier, Lieutenant de fes Gardes, de le luy rendre ; mais la Garde Angloife l’ayant empefehé de defeendre, & M. de Thoify ne fçaehant à quoy fe refoudre , il pria les Sieurs de Lonvilliers & de T reval d’écrire au Sieur de la Vernade leur beau-frere, afin de porter comme d’eux-mefmes les chofesàun accommodement. „Dés le lendemain M.de la Vernade leurrépondit:Qffil n’y avoit „ point d’accommodement, & que le traitement qu’on faifoit à Ppnj 302, Efiabiijfement des François >, M. du Parquet qu’ils tenoient , égaloit bien lescivilitcz qu’ils „ recevoient de M. deThoify. Ce font les termes de fa Lettre. Cependant M. de Thoify ne laiffoit pas de tenir la mer , de de croifer, pour apprendre des nouvelles des réfugiez , afin de hffer le peuple qui eftoit jour de nuit fous les armes , de pour tenter quelque defeente ; ce qui ayant efté trouvé impoffible, il envoya le Sieur de Guynant dans vne Cfialouppe armée , de le Sieur de Saboüilly dans une Barque , pour reconnoiftre la garde de la Baffe-terre , de pour effayer d’y defeendre ; mais ils trouvèrent la cofte fi pleine de foldats, qu’ils ne purent iamais executer cét ordre. Le plus fenfible regret deM.Ie General, c’étoit de ne pou- voir apprendre de nouvelles certaines de M.du Parquet, qu’il fçavoit eftre entre les mains de fon ennemy; il eut encore re- cours au crédit de fes Prifonniers, qui en ayant prié le Comman- deur de Poincy leur Oncle, envoya le Capitaine Courpon à M. le General, luy dire de fa part qu’il n’empefeheroit pas qu’il écrivit à M. du Parquet, ny mefme qu’il l’envoyaft vifiter par quelqu’un de fes gens. M. le General fort réjoüy de cette ou- verture , fit partir le fieur Grenier , Lieutenant de fes Gardes, qui fut conduit dans fa prifon,oùil luydonnales Lettres dont il eftoit chargé; de apres luy avoir fait connoiftre la douleur que M. le General a voit de fa captivité , M.du Parquet luy dit qu’el- le luy effoit trop glorieufe, & qu’il l’affeuralt qu’il eftoit refolu d’achever avec autant de gloire comme il avoit commencé, quand il devroit demeurer dix ans dans les prifons , de qu’il avoit donné toutes fes Lettres au General des Anglais de aux au- tres. Cette liberté de l’envoyèr vifiter dura quelques jours; mais M- de Poincy craignant que ce commerce ne donnaft lieu à de nouvelles intelligences avec ceux de fon Ifte, empefeha quelques Gardes de un laquais que M. le General y avoit envoyé d’y def- eendre. Enfin M. le General ne voyant aucune apparence de réduire M. de Poincy dans le devoir, avec fi peu de forces , retourna aux Nié vres trouver M. Hoüel,oùilaffembIafon Confeil, de l’on y refblut de retourner à la Guadeloupe .Us y arrivèrent le troifiéme aux Ant-IJles de l’ Amérique . 3 o j Février ; Mais auparavant que de voir cette pauvre Ifleen com- buftion, par les foupçons & la jaloufieque le Gouverneur conccut de l’authorité de M. le General , arreftons-nous à Saint Chri- ftophe pour y confiderer les traitemens cruels quon fit à ceux qui n’eftoientpas dans lesinterefts de M. de Poincy. Expulfon des PP. Capucins. L'on mal -traite tous ceux que l'on foupçonne du party de AL. de P'hoify . Ejl range Jupplice d'un François Cf de quelques efclaves. Les Sieurs de la Fon- taine & Camofe fauve nt, & repajfent en France. §. v. DEux jours apres remprifonnemeiitde M.du Parquet; M. de Poincy fit arrefter les RR. PP. Capucins. Le Supérieur ne voulant pas laiiïer le tres-Sainét Sacrement expofêauxim- pietez d’une foldatefque ,ny à la fureur d’un peuple révolté, s’en faifit; ils furent tous conduits, le Pere Gardien tenantle Saint Sacrement à la main, jufques dans la maifon de la Compagnie à la veue des Anglois qui eftoient dans le Corps de Garde des François, lequel ils remplirent jufques auz5-jour du mois de Ian- vier. Le R. P. Hyacinthe parla courageusement à M. de Poin- cy en prefcnce du peuple; il luy reprocha fes violences, &, luy foûtint hautement qu’il l’avoit prié par trois fois de prefeher pour le reftabliftement des magazins, ce qui palfoit pour un mo- nopole odieux, &luy ditplufieurs autres chofes de cette force qui offenferent extrêmement M. de Poincy. E liant dans la prifon, iîremonftraau peuple qu’ils eftoient obligez de rendre obeïf- fance aux volontez du Roy, &: dit que M. de Poincy n’avoit plus de Commiftion, & que ceux qui embrafleroient fon par- ty contre M. de Patrodes,fe rendroient criminels de leze-Ma- jefté. Apres trois jours de prifon , ils furent chaflezde fille de Saint 4 r « À‘ A 304 EflabUJfement des François Chritophe, portant toujours le tres-faint Sacrement à la main, & chantant le Pfalme In exitu ifraël de zÆeypto. Ils vinrent à la Guadeloupe , où nos Peresles rcceurent avec toute la charité qui leur fut poilible. D’où l’on peut juger avec quelle finceri- té le Sieur de Rochefort a écrit , qu'ils furent di/penfe^ de cét emfày du commun advis des hxbitans qui les congédièrent civilement. Les boutefeux de la perfecution ne craignant plus les remontrances de ces bonsPeres, entreprirent ouvertement laperte & la ruine des Patrocles, c’etàdire, deceuxquiavoient foûtenu le party du Royjon menaça de jetter dans la mer les femmes & les enfans de ceux qui avoient été contraints de fe réfugier dans les bois. Le Capitaine Gremon,par ordre de M. de Poincy mit à prix les tetes des réfugiez , &: particulière- ment celles des Sieurs de IaFontaine & Carnot, qu’il mit cha- cune à 10000. livres de petun , payables à celuy qui les ap- porteroit. Antoine Marie âgé de 11. à 13 .ans, pauvre ferviteur du S .Carnot, fut pris & accufé d’avoir eu communication avec eux, &: de leur avoirporté des vivres, on le preifa pour l’obligera découvrir le lieu de leur retraites & comme on vit qu’il ne vouloit rien dire,on luy mit deux mèches allumées entre les doigts de chaque main, ce qu’iljfouffrit avec une patience invincible , & fe vit tomber les doigts fans fe plaindre & fans doner à ces bourcaux la fatisfa&ion d’apprendre le lieu où etoit fon maître & les autres fugitifs. Ces cruels n’en demeurèrent pas là, car attribuant fon admirable fide- lité à une opiniâtreté malicieufe, ils luy donnèrent le fronteau avec tant de violence, qu’en tournant les deux bâtons qui luy ferroient une corde à l’entour de la tete, on entendit craquer fon crâne, dont il mourut huiét jours apres , ayant été confef- fé parles RR. PP. Capucins , qui luy adminitrerent auft le S. V iatique avant leur départ. Tous ceux qui furent foupçonnez d’avoir été du party deM. de Thoify , furent bannis de l’Iile , apres avoir été battus à coups de canes. On pillales biens des réfugiez : & onlespourfui- vit avec tant de diligence, que ces pauvres mal-heureux voyant quon les faifoitqueter & éventerpar des chiensôc des Negres, ôc qu’on leur donn oit la chaffc comme à des betes, la plufpart aban- aux Ant-Ifles de l'Amérique. -># abandonnèrent leur vie à la mcrcy des oncles de la Mer, & Ce mi- rent fur des piperis, qui ne font autre chofe que 3. boifes attachées enfemble, avec des éguillettes de Mahor pour gagner les Ifles de Saint Eullache ou de Saint Martin, où quelques-uns arrivèrent, les autres ayant elle noyez en chemin , & le relie vint implorer la clemcnce de M. dePoincy, qui leur pardonnai mais à ces condi- tions, ou de le retirer en France dans le premier Vaille au, ou dans les Ijles des Vierges, qui clloient comme les Gallercs de Saint Criflophe, oùroncnvoyoit ceux qui eiloienclufpeds. L’un des premiers bannis fut un tres-eelebre Religieux de nô- tre Ordre, Hy b émois, &: Milïïonnaire Apollolique pour les peu- ples de fa Nation , nommé le Perc de la Trinité ; il arriva à Saine Chriftophe au plus fort de ces defordres; & comme il eftoittres- fçavant & de grande pieté, M. de Poincy Ielogca dans fa maifon, & fe fer vit de luy pour la- direction de fa confidence. Ce bon Re- ligieux fit tout ce qu’il pût pour modérer les violences qui le fai- foient dans l’Ille; mais ayant veu l’emprifonnement des PP. Ca- pucins,les outrages qu’on lcurfit,& leur cxpulfion injurieufe à I’Eglifc,nepouvantplusretenirfonzele ,il reprit aigrement M. de Poincy , & le pria de luy permettre de fe retirer à quelque Ifie Françoife; ce qui luy ayant cftércfufé , il fut traité de Patrocle & d’ennemy , & peu de temps apres il fut mis dans une Chaloupe avec dix ou douze autres, &: envoyé en exil aux Ifles des Vierges; mais ayant un peu floüé avautle vent , ils abordèrent à Saint lean de Port-ric , où ellans defeendus, fept ou huids’eltans avancez un peu dans la terre pour chercher à manger, ils furent rencontrez par quelques Efpagnols , qui n’eftanspasaffez forts pour les tuer, leur firent bon vifage, & les menèrent dans unematterie, quieft comme une ferme oumellairie,où leur ayant donné à manger, apres a voir receu du fecoursils les nacrent à coup de lances, ils en firent autant des autre s qu’ils trouvèrent fur le ri vage,fans don- ner quartier qu’au Pere de la Trinité, lequel ayant ellé ren- contré priant Dieu à genoux entre deux rochers, ils fut conduit à la Ville, & mis dans le Convent de noflre Or- dre. M. de Poincy fit embarquer dansle navire du Capitaine Lor- micr , V incent Avernay, Larcher & le Gaugeur , & nous ferons I. Patier. Qyj p 6 Eflablijfement des François bien-toft l’Hiftoire allez tragique des autres qui furent en- voyez dans ces Ifles des Vierges avec le nommé le Verrier > qui les y devoit commander. Ce mefme Capitaine Grenon qui a voit mis à prix la tefte des réfugiés, s’a vifa encore d’vn ftratagême horrible &: detefta- ble pour les attraper; car fçaehant qu’ils mouroient de faim, parce qu’ils n’ofoient fortir du lieu de leur azile, il fit mettre vn ba- ril de lard à l’entrée du bois avec des fentinelles qu’il fit ca- cher, pour tirer fur ceux qui paroiftroient. Vn de ces pauvres mal-heureux nommé IeanDuret, eftant venu à ce piege pour foulager la faim qui le prefloit , fut tué par ce Capitaine, qui luy fit couper la tefte avec le couteau d’vn nommé des Forges, qui l’apporta à M. de Poincy ; &: apres qu’on luy eut coupé le nés & les oreilles, on en joiiaà la boule , & celuy qui l’avoit apportée reçeut pour recompenfe 500. liures de Petun,des mains du fieur Vafto Receveur du public. \ Les Negres du fieur delà Fontaine ayans efté furpri s enpor- tant des vivres à leur Maiftre, furent battus avec outrage ;on leur déchira tout le corps à coups de Liannes , & on les mit tout en fang pour leur faire confefteç où ils elloient : ils demeurè- rent inébranlables dans leur fidelité ; & quoy qu’on les mena- çât de la roüe&du feu, ils ne voulurent jamais rien déclarer. Ce qui mit les Officiers en telle fureur, qu’ils leur firent cruel- lement couper les doigts des pieds , pour les empefeher d’aller continiier davantage ce charitable office , &: pour réduire ces deux pauvres Capitaines à apporter eux-mefmes leurs teftes à M. de Poincy. Ces deux mal-heureux Capitaines qui s’eftoient cachez dans un grand figuier, & qui s’eftoient reveftus dc.feüilles d’arbres, de peur d’eftre apperceus,ou éventez par les Nègres , ou par les chiens, n’eftant plus fecourus de leurs fidels efclaves, tom- bèrent malades , particulièrement le Sieur Carnot qui devint hydropique : tellement que l’un & l’autre ne pouvant plus fub- fifter dans ce pitoyable cftat , ils refolurent de gagner le bord de la mer à la faveur de la nuit; & que le Sieur de la Fontai- ne, qui nâgeoit parfaitement bien ,iroit feul implorer la mife- ricorde du Capitaine du premier Navire qu’il pourroit abor- der. aux Ant-IJles de t Amérique. Cela fut exécuté comme ils i’avoient conclu <, & par une Pro- vidence de Dieu tres-particuliere , ce Navire où il s’addreda pour ellre fecouru , edoit le Navire d’un Capitaine Breda deFledin- gue , fon meilleur & fon plus intime amy ;qui ayant entendu pa- toger à 1 entour de fonVaiffeau, & ayant reconnu que c’edoit un homme qui demandoit de I’affidance, il luy jctta une cor- de &Ie tira dedans. S’edant reconnus tous deux fur le Pont, ils s embraderent , & furent long-temps {ans fe parler que par leurs larmes. Ce Capitaine Zelandois ayant un peu eduyé les fiennes , luy dit ; Mon cher M. de la Fontaine , il faut que ie rifque pour- 1 amour de vous, ma vie , mon bien qui ed dans Saint Chriftophe,& celuy de mes Marchands; car M.dePoin- cy a fait deffcnfe à tous les Capitaines , tant François qu’E- trangers, d’avoir aucune communication avec vous , fur peine de la vie , vollre tede & celle du Sieur Camo font à ioooo. livres de petun ; fi mes gens qui dorment fous le tillac s’éveil- lent , nous fommes perdus tous deux ; c’ed pourquoy cachez- vous promptement dans ma Cabane , de peur que quelqu’un ne vous voye , & demain je leveray l’ancre , j’abandonneray tout ce que j’ay dans flfle , &: vous conduiray en Hollan- de. Le fieur de la Fontaine luy repartit ; Mon cher amy , vous fçavezquela fortune du fieur Camo edinfeparable de la mien- ne , il ed fi malade au bord de la mer , qu’il ne fe peut re- muer ; fi vous ne pouvez vous refoudre à l’aller quérir dans vodre efquif-, je me rejetteray à la mer pour aller au moins mourir auec luy. 11 eut bien de la peine à l’y faire condefcen- dre; &r comme la compaflionn’agilfoit pas fi puiflammentdans fon elprit envers le fieur Camo , que l’amitié envers le fieur de la Fontaine, il fit beaucoup de difficulté ; mais voyant (on amy pred à fe jetter en Mer , àc à s’aller expofer à de plus grands dangers , il luy dit ; Hé bien, puis qu’il faut tout perdre , perif- fons avec nos amys ; auffi-tod il defeendit dans fa chaloupe , & ayant edé quérir le fieur Camo à terre , il l’amena dans fon Navire, les cacha tous deux dans fa Cabane ; &: le lende- main feignant d’avoir affaire à rifle de S. Eudache , il fit ve- nir à bord tout fon équipage , embarqua ce qu’il avoit de pred, ij (o8 Efidblijfement des Français leva l’anchre, & laiffa rout ce qui! avoit dans S. Chriftophe à la diferetion de M. de Poincy , qui pourtant comme /ay fçeu depuis , ne luy fit aucun tort. Ils vinrent en France en vn équipage qui faifoit compaffion; êc ayant efté introduits aux pieds de la Reyne Mcrc , ils luy firent vn récit de la rébellion du fieur de Poincy , &.dcs vio- lences qu’on exerçoit-à S. Chriffophe contre tous ceux qui avoient témoigne s’interefferdansîe partydüRoy. Cette pieu- fe Princdïe leur donna zooo. liures à la Follicitation de Mada- me de Patrocles, mere de M. le General, en attendant que les affaires s’accommodaffent-, & que la Commiffion du Roy fut reconnue dans S. Chiiffophc , -comme elle-efioit dans les autres Ides. JH. H oüel jaloux de Fauthorité de JH* le Gene- ral, fe bromlle avec luy. U fe reconcilie four obtenir de luy la Déclaration du Roy, pour U Indice Souveraine. §. v i. SX-toff que le fieur Hoüel vit M. le General de retour dans fan Ifle , jugeant félon toutes les apparences qu’il y demeure- roit long-temps , il crut qu'il y rccevroit tous. les honneurs ; &: que par la grande affabilité qui luy eff naturelle , il gagneroit facilement les cœurs des habitans, & des effrangers, & qu’ainfi il n’auroir plus dans fon Iflc qu’une ombre d’authorité ; c’eft ce qu’il luy fit concevoir une fi effrange jaloufie, qu’il fut impoflï- ble à tous fies amis de l’en faire revenir, ce qui luy faifant pren- dre les moindres bagatelles pour des affaires de confequence , il portoit les chofes à de fâcheufes extrémitez. Nul la jides Regni foeÿs , ommfque potejlas Impatiens confortis erit . M. le General s’accommodant à fa foibleffe, ferma les yeux à beaucoup de chofespour ne le pas aigrir, & mefme luy en accor- aux Ant-IJles de l'Amérique. 309 da quelques-uncs,qu’il n’eut jamaisaccordées en un autre temps. Cette conduite ne pût guérir l’clprit deM. Hoüel, & dez-lors il forma larefolution de chaffcr de i’Ifle M. le General, ûedem- braffer toutes lesoccafions pour-en venir à bout. Trois jours apres leur débarquement à la Guadeloupe, M. Ic Generalluy envoya de fon consentement, en fon quartier de la Capfterrc , les fieurs de Lonvilliers & de Treval prifon- niers d’Eftat, conduits par deux Officiers & une brigade de fes Gardes pour demeurer avec eux fous fa garde, ne les croyant pas en feurcté dans fa maifon , qui eftoit à la Ra- de, & expolée aux premières violences queM.de Poincy au- roir pu faire pour recouvrer deux perfonnes quiluy effoient fi chères. Le mefmc jour fixiéme Février u Ç46. M. le General fui- vant lad vis de M..Hoüel,& l’intention de Meffieurs delà Com- pagnie , envoya ordre à la Martinique, pour obliger tous les V aiffeaux, tant François qu’effrangers, qui viendroient de Fran- ce, devenir à la Guadeloupe recevoir fes ordres ;& par la met- me voyc donna advis aux fieurs de la Pierriere & de la Forge, de la détention deM. du Parquet leur Gouverneur, & leur con- firma les Commiffions de commander dans l’Ifle enion abfence, qu’ils en avoient receu avant fbn départ. On ne perdit point de temps à faire le proccz aux deux pri- fonniers; le fieur dcBoisfey & le fieur deLeumontlnténdant de la Iufiice & des affaires delà Compagnie, y appliquèrent tous leurs foins : Pendant qu’ils l’inftruifoient, M. Hoüel eftant venu rendre vifite à M. le General} comme ils effoient enfemble, il le pafia une chofe qui penfa tout gaffer > car le fieur Man vet I li- ge del’Ifle, s’eftant venu plaindre à M. le General , des Charpen- tiers du Capitaine Bontcmps, avcclelqucls ilavoit eu quelque different, M. Hoüel qui ne cherchoitque l’occafionde brouiller, frappa ce luge à coups decane;M.le General, qui vit bien que cet- te entreprife ne procedoitque d’un cfprit irrité, qui cherchok à ro- pre avec Iuy &: à pouffer les affaires à toute extrémité , dilfimula cet affront, &: par politique feignit mefime de donner le tort au lu- ge, ayantplus d’égard dans cette conj onéture à l’intereft du Roy & 4e 1* ^^ptnpagnie qu’au ficn propre , qui en pouvoir foiiffrir» Le Qq;;> 310 Eflablijfement des François fieur Hoüel plus hardy par cette apparente approbation, lu y demanda s’il ne rrouvoit pas bon qu’il luy deffendit de fortir de fa café , & qu’il la luy donnai!: pour prifon jufques au départ du Vailfeau du Capitaine Valéry, dans lequel il lerenvoyroiten France ; àquoy M. le General luy ayant répondu, qu’il fit ce qu’il luy pîairoit-, il luy envoya faire ladefFenfe par un Sergent nommé l’Efpine ; prétendant par cét exemple ( comme il l’écrit ,, aux Seigneurs de la Compagnie) de fe retirer de la prclfe de „ceux qui croyoient avoir beaucoup avancé fur luy, enfaifant „ des plaintes à M. le General , quifembloit vouloir le réduire ,,à paroiftre devantluy pourfe deffendre ,& pour rendre raifon ,, de ce qu’il failbit , comme un fimple habitant. Le fieur de Guinant, homme de mérité & de condition, à qui les Seigneurs de la Compagnie avoient promis la Lieutenan - ce Generale de Saint Chriftophe, ayant veu l’a&ion hardie de M. Hoüel, ne pût contenir fon reffentiment, ny s’empefcherdc dire que s’il avoit cfté en la place deM. le General, il luy auroit: bien appris à garder le relpedt. Monfieur Hoüel eftrangement offenfé de ce diicours , dans toutes les rencontres prenoit la liberté de parler au defavantage, du fieur de Guinant qui en ayant eu advis;neantmoins pour eftre plus alfeuré delà vérité deschofes, envoya ce billet au fieur deBufsy Pafquier fon intime amy, qui eiloit proche de M. Hoüel. M ONSIEVR, Fay tant d’afleurance de voffre amitié qu’il ne me tombe pas „ dans lapenféeque vous puifiiez me defnierune grâce, quejc ,,vous demande par ces lignes, qui eftde me faire fçavoir, s’il „yous plaid , le plûtoft que vous pourrez , fi M. Hoiielnevous „ a jamais rien dit demoy qui peût m’offenfer. C’efi: unegra- wce que vous me ferez, dont vous ne devez appréhender au- 3,cune fuitte, puilque je fuis , M ONSIEVR, Ce deuxiefme Mars 1646. Voftre très - obeïflant fervi- teur, DE Gyinant. aux Ant-ïjles de l Amérique, 311 M.deBufsy communiqua cc billet Iejourmefme à M.Hoüel; qui en fit faire une copie, &: l’envoya dez le lendemain en diligen- ce à Monlieur le General, le priant avec inffance de faire ar- rêter le fieur de Guinant, ne tenant pas fa vie affirmée tandis quil {croit dans fon Ifle. M. le General la receut pendant fou fouper } 5c fans perdre de temps , il le leva brulquement de ta- ble, 5c monta feul dans fa chambre , où il fît venir le heur de Gui- nant, duquel ayant appris qu’il n’avoit aucun deffiein , apres luy avpir fait donner fa parole de ne rien faire de mal à propos , il répondit à l’inftant avec beaucoup de civilité au fleur Hoiiel, qu’il fe rendoit legarand de ce Gentil-homme, & qu’il pouvoit eftre en repos de ce coffé-Ià. Le fieur Befnard fon Secrétaire qui luy portoit cette Lettre, le rencontra à la grande Anfe à moitié chemin ;mais M. Hoüel n’ayant pas trouvé la fatisfa&ion qu’il cfperoit, s’en retourna fort irrité à fon quartier. M. le General voyant que ces fâcheufes difpofitions alloient perdre les affaires du Roy 5c ruiner les fiennes, tenta tous les moyens imaginables pour couper chemin à cette diffention, quhne menaçoit de rien moins, que delà ruine de l’un ou de l’au- tre, 5c peut-effre de tous les deux enfcmble fil deffendit à tous fes domeftiques fous de griefves peines, de dire quoy que ce fût au defavantage de M. Hoiiel, de fa conduite, ou de fes Officiers. Il écrivit au heur de Saboiiilly ,& particulièrement au fleur de Leumont Intendant des affaires de la Compagnie , 5c fe plaignit du procédé du fleur Hoiiel, de ce qu’apres avoir donné des coups de hafton chez luy, &en faprefence à un luge, ill’a- voit requis de faire arrefter le fieur de Guinant fur un fîmple foupçon, &tenu des paroles en prefence de fes Officiers , qui témoignoient l’exccz de fon tranfport 5c de fon aigreur, c’eft pourquoy ,il le prioit de venir en fon quartier avec le fieur de Saboiiilly pour conférer enfemble des moyens de pacifier ces diffentions domeftiques, fi préjudiciables aux intçrefts du Roy, & de la Compagnie , 5c de s’accommoder avec M. Hoiiel, de peur que leur ennemy commun ne prît avantage de leur divifion. Ces Meffieurs s’entremirent de leur accommodement ; mais 3 ii Ffiablijf ment des François M. Hoüel demeura fi fier & fi opiniâtre , qu’ils ne purent ja- mais tirer une bonne raifon de luy ; cela fut caufe que n en rendant pas eux-mcfmesà M. le General, il pria le Capitaine B on temps , de procurer une entreveuë entre luy &M. Hoüel. Î1 luy en donna parole; En effet M. Hoüel tirant avantage de ces avances de M. le General qui employoit toute forte de moyens pour le faire revenir, crut que cette entreveuë ne lu)r feroit pas inutile dans la pafîion quil avoir d’obtenir de luy la Déclaration du Roy, pour Pefta-blifTément de la Iuftice Sou- veraine dans leslftes, dont il avoir extrêmement befoin. Dansie- defTein d’obtenir cette pièce, il témoigna au Capitaine Bon- temps qu’il fc trouveroit par tout où il plairoiti M. le Gene- ral, pourveu que ce ne fut point chez luy, à caufe du fieur der Guinant. Il fut donc arrefté qu’ils difncroient enfemble dans- fon Vaifteau ;ils s’y embrafterent , & renouvelle rent toutes les anciennes proteftations de l’amitié qu’ils, s’eftoient promifes. On oublia tout le pafsé , & ils fe feparerent en apparence avec beaucoup de fatisfaétion, apres que M. Hoüel luy eut deman- dé l’eftablifiement de cette Iuftice, comme le ciment.de l’amie tié , qu’ils venoient de renoüer enfemble. Deux iours apres , qui fut le 2.8. Avril, M. le General tint fon Confeil ; & contre l’advis de phificurs , refolut de porter au Sieur Hoüel cette Déclaration du Roy pour la Iuftice Sou- veraine , popr le combler de civilité , & luy faire voir qu il n a- voit pointd’autre deftein que de vivre en bonne intelligence' avec luy ,puifqu’il luy donnoit par avance un titre qü il n eftoit oblige de luy mettre entre les mains qu apres fon eftablifle- ment dans Saint Ghriftophe , croyant qu’il en ufèroit avec la mefmc fincerité que luy -, Il partit fur le midy , arriva le foir au quartier de M. Hoüel, & le lendemain il' fit publier & en. regiftrer cette Déclaration. Déclaration du Roy pour lJ efiablijfement d une lufiiee Souveraine aux IJles de ï Amérique » LOvŸS PAR la GRACE DE DlEV, ROY DE FRAN- CE ET DE Navarre: A tous ceux qui, ces prefentes Lettres aux Ant-ljles de ï Amérique. 133 Lettres-verront , falut. Sçavoir faifons, que fur les remonftran- ces qui nous ont efté faites par les Seigneurs Proprietaires des Ifles de l’Amerique , qu’il cftoit neceflaire en confequence de noftre Ediét: du mois de Mars 1642,. de pourvoir de lugesqui puifient vuider &: Terminer fouverainementles procez &: diffe- rens, tant Civils que Criminels , qui naifTcnt journellement en- tre nos fujers leshabitans defdites Mes, furies appellations in- terjettées des Sentences ôtlugemensdes premiers luges, &: ob- vier par ce moyen à plufieurs grands abus & inconveniens qui peuvent jetter nofdits fujets en des confufions ôt defordres dont ils ne peuvent voir la fin , les crimes demeurans impunis , & les créanciers fruftrezdu payement de leur deub,nc fçaehant nof- dits fujets à qui s’àddreffer pour demander juftice en cas d’appel^ &laplufpart aymant mieux abandonner leurs légitimés preten- fions ,que desrêxpo(er auxrifques &: dangers de la Mer, & faire plufieurs voyages defdites Mes en France , pendant lefquels ou- tre le péril de leur vie , ils- perdent beaucoup de temps , St fe con- fument en frais & dépenfe extraordinaire; & lors qu’ils font repaffez ne trouvant aucune Compagnie Souveraine fondée de jurifdiétionpour juger & décider leurs differens : Etdautantquc par les trois Articles dudit Ediéfc , Nous nous fommesrefervez la provifion defdits Officiers de la Iultice Souveraine, qui nous doivent eftre nommez Stprefentez par lefdits Proprietaires def- dites Mes , lefquels nous ont déclaré que jufquesà prefent aucu- ne perfonne delà fuffifance & qualité requife ne s’eftprefentéc à eux pour lefditeS’ Charges,foitàcaufedela diftance des lieux, ou que nous n’avons peint deftiné de fond pour leurs gages, Nous requérant pour le bien St foulagement de nofdits fujets qu’il nous plût, en artendantque lefdites Charges fulfent rem- plies, commettre telles perfonnes que bon nous fembleroiten chacune defdites Mes, pour juger St terminer fouverainement & en dernier refTort les procez St differens meus St à mouvoir fur lefi lires appellations, corriger & infirmer Iefdites Sentences, ou les confirmer, fi befoin cft. A ces cavsls St autres bonnes confid’erations à ce nous mouvant, St defirant pourvoir au bien 8t foulagement de nofditsiujets iiiivant l’exigence des cas , Nous par ces prefentes fignées de noûre main , del advis I. Partie. Rt £ï4 Efiablijfement des François delà Reyne Regente noftre très -honorée Darne &"Mere, avons Déclare, Statué, & Ordonné,!) eclarons, Statuons, & Or- donnons, Voulon?-& nous plaift, que tons les procez & differens .tant Civils que Criminels , meus 8e à mouvoir entre, nofditsfu- jets les .habitons des Ifles de TAmerique , fur les plaintes & ap- pellations, interjertées des Sentences &c Iugemens rendus, ou . qui le rendront cy- apres parles luges defdires Iiîes, feront ju- gez & terminez refpeéfivement en. chacune defdites Ifles par ..celuy qui commandera pour lors en icelle-* appeliez -avec Iuy le nombre de graduez requis par. nos Ordonnances, fl tant y en a dans fon lfle i & au deffaut de graduez julques «au nombre de huiét des principaux Officiers ôc habitans dicelle chacun ! r ieur égard, ôc ce fans aucuns frais : Et pour cét effet, afin -que nofditsfujetsfçachent devant qui ils fe doivent pourvoir .- Vou- lons que huiétaine apres la publication &c enregiftrement des Prefentes au Greffe de la Iuftice ordinaire les Gouverneurs de chacune defdites Ifles nomment ceux qui les doivent aflifler en l’adminiftration de ladite Iuftice, pour s’affembler à certain competant jour &. heure, au lieu qui fera par eux ad vifé le plus commode, au moins une fois le mois, (ans qufli foit be- -fioin de prendre autre Procureur pour nous ou Greffier que ceux de la Iuftice ordinaire, qui feront tenus de faire regiftres diftinéts ôc feparez de ce qui fc traittera devant les premiers luges ou devant leditOonfeiI,-& le toucjufquesà ce que nous ayons pourveu aux Charges delà Iuftice Souveraine , & qu’au - trement en ait efté par Nous, ordonné. 1 Si DONNONS EH mandement à noftre amé & féal Lieutenant General, efdi- tes Ifles de l’ Amérique le fleur Patrocles deThoify, & autres ; Commandais, efdites Ifles, chacun en droit foy, que ces Pré- sentés ils faffent lire, publier, & reg.iftrerez Regiftres des lu- a'ifdiétions ordinaires d’icelles , à, ce queperfonne n’en préten- de caufe d’ignorance, &£ ayent de Ieurpart à executer le con~ tenu en icelles félon leur forme & teneur. Car tel eft noftre plaifir. Donné à Paris le premier jour d’Aouft ban de grâce 16 45. & denoftre Régné Ietroifléme. Signé Lovy s; & fur îe reply, par le Roy la Reyne Regente faMere prefente, DE . LpMENiE , fcellé du grand Sceau, de cire jaune fur double , bitans qui s’eftoient trouvez à ces AfTemblées feditieufes, en; fit venir feparément jufques à vingt dans fa maifon , où il leur fit ; une réprimandé animée de tant de zele, qu’ils Iuy confefferent leur delTein de prefenter re quelle à M Hoüel pour les taxes & la cherté extraoi'dinaire du fieur Bontemps, &pour les , droits de cette année; ils avouèrent que quelques-uns , dont . ils ne fçavoient les noms, s’eftoient emportez à des paroles < d’injure & de mépris, pour leïquels ils Iuy demandèrent très, humblement pardon. Il leur-deffendit de fe plus aftcmbler , les menaçant de châftier exemplairement ceux qui iroient contre cette deffenfe ; Ayant témoignéce regret de leur faute, il les' renuoy a, Sc commanda au fieur delà Bazilierede prendre gar- de à fon quartier , & qu’il répondrait en fon propre & prive Rr ij 3i 6 Efiablijfement des François nom de tout ce qui s’y teroiî contre le fervice du Roy ou de la Compagnie; neantmoins pour faire ccnnoiflre au peuple la part qu’il prcnoit dans leurs interdis, & 1 inclination avec la- quelle il eftoit venu de France pour les fervir & les obliger ,.il fit publier le zz. Aoult des remifcs d’une partie des droits , faifànt , vous faiflrez tant fondit V aiffeau , que les marchandifes autres denrées qui fe trouveront dans iceluy. Enjoignons audit fleur de la Pierriere , de tenir la main à l’execution des Prefentes. En foy dequoy nous les avons flgnées de noftre main , fait appofor le cachet de nos armes , ôc contrefigner par noftre Secrétaire, en noftre Hoftel de l’Me de la Guade- loupe , le quatrième May mil flx cens foixantc-ftx. Signé be Thoisy. A peine eut-il fait expédier cette Ordonnance, que le fleur de Leumont, Intendant de ialuftice & des affaires- de la Com- pagnie , îuy manda par lettre expreffe du feptiéme May. I’efpere que vous ne trouverez pas mauvaife une penfée qui ?,m’eû venue, àfçavoirfl vous jugeriez pas à propos d’envoyer dux Ànt-Tjles Je t Amérique. p 3,M. de Boisfey avec deux de Tes Archers à la Martinique, -« pour faire & inftruire le procez au Capitaine Boutain.coin- „ me criminel en effet de leze -Majefté , 6c ainfi jufticiablc >j des Officiers de fadice Majefté, dont M. le grand Prévoit J un des principaux en première inftance, 6c en crime „ d’Eftat. Cét advisfutcaufe d’une fécondé information contre ce Ca- pitaine Rochelois à la Martinique. On ne fçait fi cet advis ne fut point une pièce faite à la main, pour donner occafion à M. Hoüel de faire éclater fon refTen- riment; quoy qu-il en (bit, il donna injurieufement le fèptié- •me May, le premier Arrcft du Confèil Souverain, contre le fieur Lieutenant du grand Prévoit pour choquer M. le Gene- ral, duquel il regardoit toutes les aétions comme des entre- prifesTur fon authorité. Tout le monde s’eftonnade fon ingra- titude, n’y ayant perfonne dans rifle qui ne feeut qu’il tenoic la Iultice Souveraine de luy par une grâce particulière, ayant pu différer deleflablir jufquesà ce qu’il eût rangé M.dePoin- cy , & qu’il fûtrefident dans fille de S.Chriftophe. C’eftpour- quoy voyant qu il n’avoit plus de mefures à prendre avec le fieur Hoüel, A: d ailleurs eftant âverty de quelque entreprife de la part du fieur de Poiney,, il commença à fe fortifier ,6c à faire pallifader autour defa maifon. Trois' jours apres le fieur de Gumant, ayant deffein de re- tourner en France, demanda. à M. le General d’y porter les paquets du Roy , 6c les procez verbaux de la rébellion commi- ic à Saint Chriftopbe ; ceey donna ■ occafion à M. le General décrire à M. Hoüel, & de le prier avec beaucoup de civilité de vouloir le reconcilieravecGuinant; mais pour toute répon- fe, il luy manda que les habitans ne vouloient plus payer de droits, & qu’il craignoit qu’ils ne fuffent les plus forts, 6c qu’il, ne vouloit point du tout d’accommodement avec le fieur de -Guinant. On peut icy remarquer que les foûlevemens & les fe- ditions des Ifles ont toujours commencé par le refus de payer les droits à la Compagnie. Il eiEvray que les habitans de la Capfterre fçaehant que M. Hoüel difoit par tout, 6c mefmc qu’il l’avoic affcurc au 3*0 Efiahlijfementdes François Capitaine Anflot, qu’il ne croyoit pas que les habitans payaf- fent des droits cette année y cela fut caufè qu’ils prirent lahar- diefTede Iuy prefenter cette requefte. A M. le Gouverneur de cette Ijle de U Guadeloupe. «ÇVpplient tres-humblement les habitant de IaCapfterre, & vous remontrent que voyant les grandes & infignes pertes 3, qui leur font arrivées depuis trois ans, qui ont continué juf- „ques à cette prefente année à la fabrique des petuns, tant par 3,, les vers, que par les chenilles autres accidcns connus d’un 3.3 chacun, qu’il vous plaife,Monfieur, de les exempter cette an- >, née des droits qu’ils pourraient devoir, tant à vous qu’à Nof- sj feigneurs de la Compagnie. Voyant aufiique les habitans de », la Balle-terre de cette Me ont requis la mefme choie, & que. 3-3 lelditslupplians ne feront pas en leur année pour leur avoir des 3, hardes, &c. C’eft pourquoyil vous plaira avoir égard à noftre > , mifere. Cette requefte fut fignée & marquée de 41. habitans , à „quoy M. Hoiiel répondit en ces termes. Pour ce qui regarde ,3& concerne les droits des Seigneurs des Mes de l’Amerique; Nous avons envoyé les Supplians pardevers M.de Leumont, Intendant General des affaires defdits Seigneurs; &pournos 3, droits 3 nous leur promettons pareille remife que celle qu’ils 33 auront pour ceux defdits Seigneurs, le dixiéme May 1646. „ Signé Hoüé l. Le ii. May M. le General écrivit au Capitaine Bontemps à la Martinique, pour le prier de fe charger du navire de Boutain, & de Ieluy amener à la Guadeloupe ; comme il eftoit fur le poinét de débouquer des Mes, il ne luy fit point de rêponle» foit qu’il craignit de s’embaraffer dans quelque affaire qui re- tardât fon voyage, loit qu’il ne voulut pas rendre ce déplaifir à un homme de fa profeflîon; fon lilence obligea M. le Gene- ral d’envoyer à la Martinique les Sieurs de Saint Edme, le Comte , & Taraut dans le navire du, Capitaine Fiamend, pour dUxAnt-IJlcs de t Amérique. fu pour fe faifir du VaifTeau & des effets de Boutaim Le premier Iuin,le Capitaine Bontemps débouqua pour France, emmenant le (leur de Guinant charge des paquets du Roy, avec les fieurs Befnard, Ioly, & quelques autres qui s’em- barquèrent avec luy. Vn peu auparavant fon départ, on avoit appris ila Guade- loupe, que les Sauvages de Saindc Alouzie avoient cruellement maflacré trois équipages de François, habitans de la Martinique; le fieurde laPierrierc équippa promptement quelques canots, qui amenèrent au Fort trois pirogues de Caraïbes , lefquels fe voyant pris , dirent que les Sauvages de Cille de Saint Vin- cent avoient commis ces ades d’hoftilité ; mais on crut que M. de Poincy les. avoit envoyez. M. le General offensé de la fgnif cation de tAr - refi faite à fa perfonne , eflablit un Confeil de Guerre , fait une Déclaration contre cét Arrefl , & fait faire quelques propofi fions au Sieur Hoüel. Arrivée des Damai felles la Fon . faine & Armand. On enleve un Navire & quelques Barques à Ai. le General. e ;p <;7Üi. ! mü : , y §. VIII, ;V > ; , LE dixiéme jour de fuillet,I, vent encourir les autheurs dudit Arreft donné fous fauffe caufe „ & prétexté par attentat contre l’authoricé, Royalle, blclléeen >, noftre perfonne; 5c attendu qu’il eft de noftre Charge d’in- S f iij )2.6 Eftabliffemsnt des François «former fadite Majefté, de tels abus commis par ledit Cbnfëifc » dez le commencement de Ton eftablifïémcnt , outre que nous. > agirons félon noftre pouvoir contre telles entreprifes, Nous. »nous pourvoirons par devers fadite Majefté , pour eneftre par »elle ordonne furie tout, ainfi quelle verra boneftre; enfem- ble pour faire confirmer le pouvoir qui nous eft donné par >, fadite Majefté dansdadite Déclaration du premier Aouft 164^ & confentcment defdits Seigneurs deprefideren iceluy Con- jjfcil. Fak au Fort de la BafTeterre de la Guadeloupe , le pre- >, mier Aouft 164^ Signé de T h,o I s y, & eontrefigné par „ Loger, Secrétaire. Cette Ordonnance* fut lignifiée au> fieur Chevroîier, Procu- reur du Roy pour tous les luges, le.troifiéme Aouft, &c le pre- mier O&obreclle Iuy fut envoyée par duPont Greffier, avec cette Déclaration que Ms. le General fit mettre audefïous par le fieur de Boisfaye, pour obliger le Confeil à révoquer fon Aneft, &c pour entretenir la paix qu’il fbuhaitoit fur toutes, chofes. j? Nous Iean François Parifot fieur de Boisfaye , Delegué de- ”M. le grand Prevoft de l’Hoftel du Roy, demeurons d’ac- ,, cord de la Déclaration , dont copie eft cy-deffus tranfcrice> 3) fignée de Mondit Sieur le General de Tfaoify , &c notifiée i 33 fa requefte au fieur Chevroîier, Procureur du Roy au Con- 5>feil Souverain de la Iuftice Souveraine de cette Ifle, auquel 33 Confeil nous déclarons d’abondant que noftre intention n’a 33 j amais efté à l’execution de noftre Commiffion,que d’inftruire „les procez conecrnans les crimes de leze-Majefté par l’ordre „ des commandemens de mondit Sieur le General, pour lefi- 3, dits procez inftruits, eftre envoyez à fa Majefté pour les ju* „ger ou faire juger par tels luges qu’il Iuy plaira de commet- „tre. Fait au Fort de la Baffe-terre de la Guadeloupe, ce „premier iour d’O&obre 1646. Signé de Boisfaye ô£ j,Meline. Huid jours apres cette Ordonnance, M. lé General qui fbu- haitoit fur toutes chofes de vivre en bonne intelligence avec le fieur Hoüel, Iuy envoya le fieur de Leumont Intendant, avec, lin mémoire qui contenqit trois chofes fort raifomublcs. aux Arit-IJles de T Amérique, • 32.7 ^La première, qu’on lajflât agir le Lieutenant du grand P re- port contre le Sieur de P oincy & fês adficrans , feulement. La fécondé, que M. le General aurcit la liberté de préfider au ’Confcil Souverain , pendant qu’il demeureroit dans rifle, con- formément à la Déclaration du Roy &c l’intention des Sei- gneurs de la Compagnie, donc neantmoins fl promettoit ver- ballement de ne fc point fèrvir. La troifleme, qu’on fit lire la Déclaration de la Compagnie addreflec au fleur Hoiiel, depuis le Traité fait avec M' le Ge- neral , par laquelle il efioit enjoint au fleur Hoiiel, de luy obéir, & de le reconnoiflre dans la Guadeloupe, comme Lieutenant General pour le Roy , autant de temps qu’il fera ncccflairc qu’il y reflde pour faire fbn eftabliffcment à Saint Chriflo- phe. Ces rrois chofes furent accordées d’abord , & le fleur In- tendant dit dans une Lettre écrite le treziéme Aouft à M. Ic ,, General, que le fleur Hoüel luy a donné parole de le conten- ter fur fbn mémoire, 6 c qu’il luy envoyé le fleur Chevrolicr „ pour luy faire fèsfoûmiflions, mais le 18. par une autre Lct- . tre il fc dédit de tout ce qu’il avoir mandé. On vit en ce temps-là arriver à la Guadeloupe Mademoi- selle do la Fontaine, femme d’un de ce brave Capitaine qui "avoir fi glorieufement foûtenu les interdis du Roy au perd de fa fortune & de fà vie. Apres avoir cité dépouillée de tous Ces biens, qui éftoientconfîderablcs,clle y vint avec quatre pe- tits enfans, une fervante, & Mademoifelle Armand chez qui elle avoit elle long-temps prflonniere; elle afleura que fou mary sefloit fauve, & qu’on exerçoit des cruautez eftranges à Saint Chriflophe contre ceux qui s’eftoient déclarez pourM. ■de T hoify. M. le General parmy les déplaifirs du retardement de les affaires, receut encore un furcroît d’affli&ion par trois pertes allez conliderablcs. Il avoit mis quantité d’armes & de meu- bles dans le navire du Capitaine Boutain ; & lors qu’on y pen- foit le moins, fept Gallions d’Efpagnc l’enlcvcrent à la rade, avec ceux qui le gardoient. L’onzième jour d’Aoufl, trois Ma- elots enlevèrent fa Chaloupe, & s’enfuirent à Saint Chrifto- 32.8 * Efiablijfement des François phc, pour fc rendre à M. de Poincy ; Enfin onluy en enlevaunc fécondé, dans laquelle cfioient huiét ou neuf Officiers de a niaifon. Le fleur Hoüei envoya fa Chaloupe apres pour les rc- prcridre,mais on ne les pûc ratraper. C’eff affiez parler des divifions de ces deux Chefs dans la Guadeloupe, laifions le fieur Hoüei drfpofcr de toutes choies pour d’execution du deffein qu’il a formé de chaflcr M. le Ge- neral de fou Ille. » Soulèvement a la Martinique par le nomme Beaufort. Majfacre des feditieux. Les habi- tans demandent une abolition, & l échange de leur Gouverneur , avec les neveux du Séeur de Foincy . §. ix. LEmanifefte feditieux que le Capitaine Boutain avoit ap- porté de Saint Chriftophe, a la Martinique, fut la femence de la révolté qui s’y fit , & qui auroit fait nager 1 Ifle dans le fan g de tous les gens de bien, fi le fieur de la Pierriere qui y commandoiten l’abfcnce de NLdu Parquet, n y eut prompte* ment remédié. Car il tendoit particulièrement à deux chofcs-. La première, à fouftraire le peuple de la dépendance des Sei- gneurs de la Compagnie. Et la fécondé, à empefeher Ia iece- ption de M. de Thoify ♦ pour Lieutenant General des Ifles, en la place de M. de Poincy ; à cét effet il traitoit les droits de la Compagnie de joug infupportable , Sc tyraniquement impofe; & pour rendre Monfieur de Thoify odieux, & colorer d un fpe- cieux prétexté la rébellion de ceux qui refufoient d obéir aux ordres du Roy, il le reprefentoit comme le miniftre des vio- lences des ufiirpations delà Compagnie, a fleurant qu il n eftoit venu que pour appuyer fes vexations injuftes, eflablir le ving- tième pour les droits de lots Sc ventes, Se enfin pour mettre le droit de trois pourcent fur les marchandas E rançoiiês , Sc de huiét furies Eftrangeres. ~ . dux Ant-IJies de l Amérique . ^29 Mais bien qu’il n’y eut rien dé plus contraire àla vérité, cela ncantmoins alluma tellement les efprits , affez portez d’eux-m ce- rnes à la rébellion, quelle éclata dez le 2.6. luin au quartier Prefcheur, où pluficurs habitans apres avoir fait l’exercice crié- rent tumultuairement au fieur de la Pierrierc, qu’ils ne pre- tendoient plus en aucune façon payer de droits à la Compa- gnie. ' • L'arrivée de VaupanSc de Tiphane, habitans de la Guade- loupe i 5c comme on croit envoyez par M. de Poincy, ache- va le foûlevement; car ayant fait courir le bruit que les habitans de la Guadeloupe avoient pris les armes, fur ce qu’on leur a voit voulu fane payer les droitsi &que pour avoir montré du cou- rage on avoir efté contraint de les en exempter : ils furent telle- ment animez par ces difeours , que toute fille fe foûleva en mef- me temps* Il fe trouva neantmoins qu’ilyavoit deux partisdif- ferens, qui convenoicnt de vray en ce poinét de ne plus payer de droits à la Compagnie, difans quelle s’enrichi/foit de leurs fueurs, ny à M. le General qu’ils regardoient comme fon Emif. faire ; mais celuy de ces partis qui cftoit le plus fort ne vouloit plus reconnoiftre M. du Parquet prifonnier 4 Saint Chriftophepour Gouverneur, fous prétexté qu’il eftoit trop attaché aux interefts de la Compagnie. Le. Chef de. ces mutins Ce faifoit appeller le General Bcaufort, ce miferable avoir efté Gantier au Palais & dans Hile fa femme eftoit communément appcllée la belle Gantière. Le feptiéme Iuillct 16 46 . lafcditiotrfut^i fiirieufe qu’on ne fe connoiftoit plus l’unl’autre. Le fieur delà Pierriere, qui par pru- décene fedeclaroitpouraucun de ces partis, quoy qifil Iesfemblâc embraftèr tous deux , paroiftbit pourtant eftre du cofté de Beau- fort. Madcmoifellc de S. André qui n’eftoit pas encore déclarée publiquement femme de M. du Parquet, maintenoit autant quel- le pouvoir le party qui s’eftoit déclaré pour fon mary , & follici- toit fans celle tous les deux à demander fon échange avec les deux neveux deMonfieur de Poincy j il n’eftpas croyable corm bien la pauvre Dame fouffrir pendant ces defordres , de la bruta- lité d’un peuple feditieux. Les mutins du Prefcheur attaquèrent les magazins > 5c fans faire diftinétion de ceux des Marchands, L Partie. ~ Xt 33o Efiablijfement des François de ceux de la Compagnie pillèrent tout ce qu ils trouvèrent dans les uns & dans les autres. Le neufiéme pendant que le fieur delà Pierrierc mettoit la taxe à quelque Traitte dans un navire de Holande, cent cin- quante des plus feditieux, jetterent la café des Seigneurs de la Compagnie par terre, voulurent tuer le Commis; & le len- demain ce General Beaufort s’eftantmis à la telle de ceux de fbn party , fit brûler la maifondu fieur de 1 Efperance ôc tout ce qui eftoit dedans. Le fieur le Fort, amy de M. du Parquet, & fort attache pour lors à fesinte refis, s’entretenant avec Madame fa femme fur 1 ir- refolution du fieurdelaPierriere ,qui n’ofant fe déclarer ouver- tement pour aucun des partis , ne fervoitqu à nourrir la fedition par fon authorité, s’offrit à elle pour une entreprife des plushardies qui ait paru depuis long-temps, fç avoir de tuer tous lesChefs de la cabale du prétendu General Beaufort, mefme le fieur de la Pierriere qui eftoit ennemy couvert de Madame du Parquet, s’il ne fedeclaroit hautement contre ces révoltez. Cette Dame ayant approuvé fa relolution, il choifit dix-fept hommes defes plus affidez ,5c tels qu’il les falloir pour une aftion fi péril- leufe. Le cinquième jour d’Aoufi, le Fort efiant venu trouver le fieur de la Pierriere, il luy demanda hardiment pour qui il te- noit, s’il n’a voit pas une Commifiionde M. du Parquet, 6c s il ne vouloir pas défaire Plflc d un tas de coquins qui maiilri- foient les Officiers, qui difoient hautement qu’ils ne vouloient pas reconnoiftre M. du Parquet, ôc qui avoient eu linfolence d’eftablir des luges & des Confeillers pour gouverner l’ Ifle com- me s’ils en eufient efté les maiftres. Le fieur de Pierriere luy re- partit que n’eftantpas le plus fort pour dompter ces mutins ôc les ranger dans le devoir, il eftoit contraint de les laifter tout faire. Le fieur le Fort luy repartit, fi vous voulez me donner voftre parole, je vous donne la mienne que je vous deferay bien-toft de cette canaille ; ils doivent demain vous venir trou- ver pour vous faire figner leurs Articles, formez d’abord quelque difficulté , mais rendez-vous aux raifons qu’ils alleguerontpour juftificr leurs demandes, lignez tout, apres quoy vous forti- aux A nt-IJles de l'Amer i que . 3 ^ t rez de la cafc , demandez du vin pour les faire boire tousà-la fanté du Roy , tenant le moufqueton haut , baiflez-le & le dé- chargez dans la face du General Beaufort ; & ne vous mettez pas en peine ,j’aydes hommes tous pr'efts qui Ce déferont des autres. Le lendemain fixiéme d’Aouft, le prétendu General Beau- fort ne manqua pas de fc trouver aux Magazinsdu Fort Saint Pierre avec vingt . hommes, entre lcfquels efioient la Vigne, Capitaine au quartier du Prcfcheur, fci Tour fon Lieutenant, autrement appelle le Vinaigrier, la Ieuneflc, Bonvoulloir , la Varenne fon matelot, le fils de Thomas le Sueur, le fieur Patin; Boifle vé, Champagne, Lefpmc, Bureau, le petit Char- les & huid autres, tous armez d’un moufqueton & de qua- tre piftolets de ceinture; au nom defquels il demanda au fieur de la Pierrierc s’il eftoit refolu de fignerles Articles qu’ils Iuy avoient propofez ; à quoy lùy ayant répondu qu’il les falloit voir, & que pourveu que cela reftablit la paix dans rifle, iî eftoit refolu de tout faire, il les luy prefenra tels qu’ik s’enfuivent. Articles des Jeditieux prejentez* au Sieur de la Pierriere . CE font les Articles & Cahiers que prefentent les tres-hum- bles & tres-obeïfians Sujets & V aflaux du Roy tres-Chré- tien Louys XIV. Roy de France & de Navarre , les Habi- tans de l’Ifle de la Martinique en l’ Amérique, fuivant la de- liberation qui en a efté faite par les Députez ; enfemble fui- vant l’avis des habitans des quatre quartiers de ladite Ifle, que nous prefentons à vous M. Hierofine Sarra, Efcuyer Sieur de la Pierriere , Commandant en Chef le fervice du Roy en . l’abfencedeM. du Parquet, Gouverneur de ladite Ifle. PREMIEREMENT. Lefdits habitant ont accordé que M. le Gouverneur arri- vant en ce lieu ne fera reccu pour commander en cette Iflç^ 3 T t ir j 3 1 EJlailiJfement des François qu’au préalable il n’aye déclaré hautement 6c publiquement qu’il fo départ de toutes communications ou intelligences qu’il pourroit avoir avec lcfdits fleurs de la Compagnic-de l’Améri- que, &: proteftera en foy de Gentil- homme foldaç, de gou- verner lefdits habitans en vertu de Commifïïon du Roy , 6c de nous maintenir 6c protéger en nos libertez 6c franchifes centre lcfdits heurs de la Compagnie, ÔC les autres qu’il ap- partiendra au péril de fa vie: 6C pendant ion abfencc Nous vous reconnoifïbns Mondit Sieur de la Pierriere , pour nous gouverner 6c commander, vous Suppliant très - humblement d’accepter cette Charge, - nous foûmettant de vousobeïr per- pétuellement. IL Lefdits habitans défirent que tous les Officiers de Milice, tant créez qu’à créer, feront de nouveau ferment au Roy 6c en fidelité, 6c renonceront à tous interefts& intelligences qu’ils pourraient avoir avec lefdits ficurs de la Compagnie: & pour les Compagnies, ©ù il y~ a manque d’Offîciers, on vous fupplie M. d’en pourvoir. ni. Lefdits hahitans requerent qu’il vous plaifeà l’avenir neper- mettre à aucune perfonne Agent , Parafant, ou Commis, ny autres quels qu’ils foient, quils Ce diront ou avoüeront eftre ou appartenir à la Compagnie de l’Amérique de mettre pied à terre en cette Iflc, ny fojournerny retarder fur quel prétexte que ce foit, ains les empefeher par commandement abfolu , ou â force ouverte , fi befoin câ. IV. Lefdits habitans font auflî d’avis que la Iüftice foit adrnini- forée par quatre habitans de cette Ifle,un de chaque quartier, l’un des quatre qui ont efte nommez à cette deliberation, lef- quels habitans feront tenus Ce trouver au Fort Saint Pierre tous les Lundis à huid heures du matin, pour rendre la Iufticc aux parties requérantes où fora prefonr en qualité de luge, le foeur Millet qui aura fa voix délibérative. V. ■Sont auffi d’avis lefdits habitant que lefdits Députez luges V aux Ant-Ifles de T Amérique. 335 avec ledit fieur Millet , connoifTant de toutes les affaires con- cernantes l’adminitration de la jutice, 8c en cas qu’il fe trou- vait matière de crime il pafTera par le Confeil de Guerre, au- quel lefdits habitans feront appe!lez,pour ce avant que ledit fleur Millet faffe aucun exercice dé fadite Charge, jl fera le ferment de fidelité au Roy 8c aufdits ‘habitans ; & renoncera à toute in- telligence avecles fienrsdela Compagnie; comme aufii lefdits habitans prefteront le ferment defc porter fidellemcnt au faid de leur Charge qui durera le temps d’un an, 8c ledit temps expiré , en feront par les habitans des quartiers nommez d’autres. V I. Lefdits habitans font d’avis que pour l’etabliflement de la police, lefdits luges Commiffaires y établiront tel ordre qu’ils trouveront à propos, laifiant à leur conduite difpofer des affai- res publiques ai»fi qu’ils le jugeront neceffaire ; 8c les Iuge- mens qui feront par eux rendus feront exécutez félon la for- me & teneur. VII. ' -Et aufii délibéré par lefdits habitans quil ne fc pourra rien fai- re touchantla liberté publique , fans que les quatre Diredeurs y foient appeliez , qu’ils donneront leurs avis 8c les deliberations feront faitesà voix contées. W I 1 1. r XefditS habitans ont nommé pour Greffier 8c Notaire, à la charge qu’il prêtera ferment de fidelité aux habitans le fieur Montillec, qui fera tenu de délivrer de temps en temps extrait des aveüs 8c autres ades conccrnans le public, gratis, 8c pour le furplus de fes vacations , taxe luy fera faite .par les luges Directeurs. IX. Sont aufii d’avis que la Croix & Gantier faffent Iafondion de Sergens en cette Ifie, 8C en deffaut y fera pourveu. X. Défirent lefdits habitans que dorefhavant foit judiciers ou volontaires , foient paflez par cour relevante nuemenc du Roy. , Ttiij » 3^4 EJlabliJfement des François XI. Le Mcre fera continué pefeurau pois du Roy, jufquesà ce qu’autrementy ait efté pourveu par lefdits Direéteurs, ôc pé- fcra aux jours accoutumez. XII. Eft arrefté que ceux de la café du pilote auront un pois,.&:uii pefeur qu’ils nommeront , &. le Mercredy pour jour de pois, par- ce que ledit pefeur viendra pre (1er le ferment de fe porter fi- dèlement au faiét de fa Charge. XIII. Auront aufli un pois &un pefeur les habitans du quartier du Prefcheur, & le Vendredy deftiné pois en preftant le ferment comme deffus. XIV. Eft deliberéque lefdits luges Directeurs, ou l’un d^eux cha- cun en droit foy, fera tenu fe trouver une fois la femaine encha- cun pois pour voir pefer les petuns , afin de connoiftre la bonté ÔC qualité d’iceux ,& la jufteffe dudit pois. XV. Eft aufli arrefié que la petite chambre eftant à cofté du pois fervira pour l’exercice de la îuftice , à ces fins fera mifeeneftat. aux frais publics. XVI. Eft pareillement délibéré que la discipline militaire fera rigou- reufementobfervée & gardée enfon entier comme chofe Sainte. & Sacrée: à quoy vous fupplions M. tenir la main. XVÏI. Lefdits habitans ont pareillement arrefté qu’en cas qu’il fè trou- vait procuration defdits Officiers , foie de Milice ou de Iuftice , ÔC qu’ilfe trouvait coupable de Iafcheté, leurprocez leurfoit fait ÔC parfait parles Officiers de Iuftice ôc de Milice en concurrence. XVIII. Eft arrefté qu’il fera par lefdits luges procédé à la confifcation de tous les biens appartenans à ladite Compagnie de quelle natu- re qu’ils foient; enfembleceux del’Ffperance & de Gaffe , com- me biens ayans elle pris ôc pillez fur le peuple, fous faux pretexte pour lefdits biens eftrc employez aux œuvres pieufes ou autres aux \*Ant-Ijles de l'Amérique. 3^ keceffitez, ainfi qu’il fera par lefdits luges avifé, &: font &: demeu- rent lefdits habitans, qui eftoient debreurs d’aucuns biens de la- dite Compagnie , pour quelle caufe que cefoit , bien 6c valable- ment déchargez jugez quittes. XIX. Eft encore accordé que lors que les Marchands voudront traiter icy, lefdits luges Dire&eurs ou l’un d’iceux y feront appeliez, pour voir faire la taxe de leurs marchandées. X X. EtafinqueM. le Gouverneur, & vous M. à prefent comman- dant en fa place , ayez moyen de fubfiflcr fer vant le E oy & le pu- blic, lefdits habitans fe foûmettent à payer entre les mains du Receveur qui fera eftably, le nombre de trente livres de petun par chaque tefte defdits habitans,àlarefervedes Officiers & leurs Agens , des femmes 6c des enfansfous âgez de douze ans : Vous fupplians , Monficur , lefdits habitans avoir leur petun agréable, à prefent fâchez qu’ils nefe peuvent eflcndre à davantage par une rigoureufcneceffitécaufécdes opreffions 6c extortions qui leur ontefte faites parle paffé , vousfûppjiant en outre avoir agréable que l’année ne commence pour payement defdits droits qu’à la Touffain&sdela prefentc année. Ainfi figné d’ArnouI, Pierre Fourdrain fieur de la Marche, Saint Elfienne, Iafburianche, Rifiet, Franchcr, Philippes Lafîer ,Eftienne Leon, le Devin, Latin, Iean Larcher, Riviere le Bailleul , Louys Fournier, Iean Soyer, Fauveau, tous avec un paraphe. Le fieur delaPierriere ay ant leu ces Articles, y forma quel- ques difficultez, ainfi qu’il eftoit convenu avec le fieur le Fort; mais enfin apres quelques conteftations il les approuva, pro- mit de les entretenir, 6c garder; 6c pour ofter toutfujet de défiance à ceux qui les luy prefentoient, il leur donna l’A&cfui- vant. .i Nous Hierofme du Sarrat, Efcuyer fieur de la Pierriere, commandant pour le fervice du Roy en rifle de la Martini- que à l’Amerique, en l’abfenccdc M.du Parquet Gouverneur d’icelle , apres avoir veû, leû & meurement coafideré les Ar- ticles 6c Cahiers à moy prefentez par les habitans de la Mar- tinique. Avons iceux ( pour l’amour que nous leur portons. 6 Efiablijfe ment des François te pour le bien te fer vice du Roy ) accepté te acceptons, re- cevons te promettons en foy defoldat, tenir te garder, &: fai- re inviolablement garder, ainfi qu’ils font plus au long conte- nus fans dol ny fraude. Et en témoin de ce N pus avons ap- pofé noftre feing : Et d’autant que quelques - uns defdits habi- tans, fous quelques fpecieux prétextes, nont voulu ratifier la- dite deliberation ainfi faite par lefditshabitans, & qu’ils en ont attiré beaucoup à leur party qui pourroient caufèr grand de- fordre te apporter de l’alteration au bien te fervice du Roy, s’il n’y eftoit remédié promptement. C’efi: pourquoy par les prefentes Nous déclarons telles gens te leurs adherans-, privées- de l’abolition accordée aux autres habit-ans-, de ce que fait a efté , te iccux Criminels de Ieze-Majefté au premier chef, or- donnons qu’il fera cbntrc-cux procédé extraordinairement com- me perturbateurs du repos public, fi dans huiéfc jours apres la publication des prefentes, ils ne viennent ratifier ce que fait a efté, te fe mettre en leur devoir, auquel cas nous oublie- rons toutes chofespaftécs , comme fi jamais elles n’a voient elle faites. Fait ccdit jour te an. Apres avoir donné cét A été, pour leur ofter toute forte de foupçon, il forcit dans la place, te fit apporter du vin pour fai- re boire tout le monde à la fanté du Roy;. puis prenant un verre plein de vin, il leva le moufqueton comme pour tirer un coup en l’air, mais baiffant la main il tira dans le vifage de Beaufort; à ce lignai tous les autres choifHFant chacun fon homme, omme l’on eftoit convenu, déchargèrent leurs armes, & en jetterent tout d’un coup treze fur la place; car cette fanglantc execution fut fi bien concertée, que ceux qui en cftoient éloignez n’entendirent qu’un feul coup , chacun recharg ea en mefinc temps fon moufqueton , &on courut apres ceux qui fefauvoient de ce maiïacrc; on ne donna point de quartier à perfonne, on acheva mefrne ceux qui n’eftoient pas encore morts, te entre autres un vieillard apercé de dix ou douze coups, fut traifnc te jette à la Mer. Iufques icy c’eftoit un coup d’eftat que le fervice du Roy te la necefiitc des affaires fembloient rendre glorieux , mais il s’y méfia enfuitte des interefts te des vengeances particulières qui ont / aux Ânt-IJles de l’ Amérique. ont terny üne partie de la gloire de cette a&ion; car on tient que le fleur de la Pierriere accompagné de fept ou hui&hommes, s’en alla au quartier du Preftheur tua quatre ou cinq perlonnes en fon chemin qui s’eftoient entièrement retirez de cette cabale; & le fils d’un Charpentier âgé feulemét de 1 5. ans, fut tué entre les bras de Ton perc , pour avoir porté quelques Lettres de ce Gene- ral Beaufort. T rois jours apres ce maffacre,un nommé petit Char- les natif de Calais,ayanteftê pris, fut mené au logis de M. du Par- quet, où Madame fit tout ce qu’elle pût pour Iuy fàuverla viejmais ne pouvant fléchir le cœur de ces hommes de fang , elle pria au moinsqu’on ne le fit pas mourir fur fon habitation; comme on traifnoit dehors ce mal-heureux, quelqu’un l’exhorta de deman- der pardon à Dieu& defongeràfa confcience, maiscétimpie répondit ces paroles exécrables , fi Dieu ne me veut, que cinq cens mille diables m'emportent ', aufli - toftil fut tué à coups de moufqueton , & fon corps jetté à la Mer. Ieferois tort à ceux qui ont alîifté le fieur de la Pierriere à éta- blir la paix dans l’Ifle , fi je ne les faifois connoiflre au public. Le fleur Milet luge delà Martinique fait mention des principaux, dans la Lettre qu’il en écrivit le 10. d’Aouftà M. le Généra l,donc voicy les noms ; La Pierriere, le Fort, Saint Bon, la Fontaine, d’Orangc, le Sage, Mathieu Michel & l’Archer. Dez le lendemain le fieur de la Pierriere envoya Mathieu Mi- chel exprès a la Guadeloupe a M. le General, pour l’informer de tout ce qui s’eftoit paflé, avec cette Lettre. M ONSIEVR, „ Le fujet de la tragédie qui s’eft jouée depuis quelques femai- „ nés en cette Ifie de la Martinique , efl: trop long pour vous le „reprcfcntcr par le menu, le laide au porteur d’icelle à vous en „ faire le récit, comme témoin de tout ,& comment je m’y fuis „acquitédemon perfonnage: enfin nous nous fommes défaits ,, de tous les mauvais xfprits taétieux, ennemis & pertuibatcurs ,,du repos public ; enfuite dequoy jcpcnfc, fousvoflre meilleur „ adviSjMonfieur , qu’il nous cil befoin d’une abolition generale I. Partie. ” _ V v j3$ Efidhlijfement des François „ que vous nous pouvez oétroyer Sz envoyer > s’il vous pîaift, tei- x» le & en la façon que voftre bonté &: prudence le trouveraplus «à propos pour le maintien de cette Colonie au fervicc du Roy, „ Sz affeurer nos inlulaires des inquiétudes 6 i defljances que leur «caufe le remords des chofespaflees. En cela, Monfieur, je crois „ que vous ferez Un aéte de juftice, qui fera paroiftre avec „ éclat l’authorité Sz la qualité que vous avez en ces Iiles 4e «l’Amérique. Je fuis* MONSIE VR* U. la Martinique, ce Woffre tres-humb!e St très- obeïflànt y.sioufi 1646: fcrviteur, de la Pierriere. Pendant que M. le General confukeîe fleur de Leumont In- tendant, touchant la forme de cette abolition qu’il a voit def- fein d’envoyer au heur de la Pierriere, Tiphagne arriva à la Guadeloupe avec les fleurs du Couldray SZ l’Archer députez des hàbitans de l’Ifle, pour le prier en leur nom de traiter dele- change de M. du Parquet leur Gouverneur, avec les neveux de M. de Poincy. Cette demande qui avoit efté follicitée en par- tie parlatendrefleque les habitans avoient pour M. du Parquet, Sz en partie par Madame fa femme , qui ne fouhaitoit que fon re- tour , embarafla fort M.le General à caufe des inconveniens qu’il prévoyoit de cét échange. Voicy la lettre par laquelle il expli- que fes fentimens. SIEVRS, « Puifque les autheurs de la rébellion derniere â la Martin i- „que, ont tous efté facrifiez au public parla jufte punition de «Dieu, que doivent attendretels miferables, ilne me ferapas «beaucoup difficile de pardonner à ceux qui ne les avoient fui- «vis que par force, & quiontprotefté de ne fe départir jamais „ dcl’obeïflance Sz fidelité quils doivent au Roy. le vousen- î,voye donc dequoy raflurcr tons leurs cfprits, &auflipourcon- aux Ânt-JJles de ï 'Amérique. ^9 Vr filmer le fleur delà Pierricre dansleCommandementpendant „ l’abfence du fleur du Parquet. Voila pour le premier Article dy de voflre députation. s. Pour le fécond, je ne puis que jene loue extrêmement voflre » zele envers voflre Gouverneur, & mefmc que je n’excufc „le tort que vous me faites en m’excitant ce fembleàunecho- „fe que vous devez croire, que je paffionne plus moy feul, que „ vous tous cnfeirble. le diray déplus, que j’ay tant d’obliga- » tien à M du Parquet, qu’il m’efl avantageux d’effre fécondé j, pour y répondre, & que je ne porteray jamais d’envie aux ef- „fays que vous ferez pour avancer fon bien, puifque je m’offre , , derechef tout entierd’y contribuer, autant quemonhonneur „ me le pourra permettre; vous pouvez croire qu’il n’a pastenu „ à moy jufques à prefent , qu’il n’ait la liberté que vous deman- dez,puifque je Iuy ay offert l’échange dez S. Chriflophe, & que „ depuis avant que d’envoyer en France mes dépêches, j’ayre- „ cherché Iesoecaflons de traiter. M. de Poincy Je pourrait dire, „ c’efl à luy qu’il le faut demander. Tellement que je ne puis „ maintenant difpofer d’une partie ,fice n’elloit par un accom- » modement general , & en compofantdu tout autrement. Vous „.ne voudriez pas qu’en ternifïant la gloire que M. du Parauet „ a acquife par une aélion fî genereufe , j’expofaffe ma telle »en dilpofant de ce que jenepuis faire tout leul: Ievouspuis „ affeurer que fa confidcration & la voflre ont toujours eu grand „ pouvoir lur moy , &me feraient encore palier pardeffus beau- coup de confiderations, quey quece que vous demandez ne ,,puifTe manquer toit ou tard ; c’eft tout ce que je puis vous j, dire à prefent, vousproteflant |ufques-là, que fi j’avoisaffeu- „ rance telle que je la dois fouhaiter, & que fi je fçavois que „ M. de P oincy connut de quelle maniéré j’agis dans les affaires, avec quelle patience je les attends , je ne ferais aucune „ difficulté de vous donner encore la farisfaétion d’y envoyer, j, pour vous faire connoiftre corn me je fuisamy de M.du Parquet, comme je fuis & feray, tant que vous prendrez fesinterefh MESSIE V R S, V offre rrcs-affcéfionnc fervà- tcur, de Thoisy. Vvij 340 Eflahlijfement des François Le vingt-deuxième d’Aoufl il envoya le fieur de Boisfaye fon Capitaine des Gardes, porter cette Déclaration en forme d’abolition aux habitans de la Martinique. DE PAR LE R O Y3 Et Monfeigneur de Ehoijy, Chevalier, Confeil- Icr du Roy en Je s Confeils , Lieutenant General pour fa Jdajejlé dans les If es de l’ Amérique. „ O V r les advis que nous avons eus depuis quelques mois de „ ^ temps à autres, que certains Particuliers refidcns dans rifle „ de la Martinique, îufcitez par les pratiques & menées du „ fieur de Poincy te de fes complices criminels de Ieze-Ma- „jeflé, s’efforçoient de gliffer fous main dans l’efprit du peu- ple des confeils entièrement contraires au fervice du Roy, „à l’affedionde leur Gouverneur & au repos public; &ayanc „apris depuis peu que leur defTein pernicieux croilîant de iour ,, en iour, les avoit premièrement portez à fe déclarer haute- „ ment par des difeours feditieux, & enfin par des infolences des crimes qui feroient horreur de les repeter; dontils „ s’cllonnoient eux-mefmes, ne pouvant plus efteindre le feu „ qu’ils avoient allumé,, tiy elloufer le monflre qu’ils avoient ,, laiffé croiflre. Et comme le fieur de la Pierriere, qui com- ,, mande à prefent en l’abfence du fieur du Parquet, voyant „ les chofes en telle extrémité , qu’il ne pouvoit plus fauver ,„ces Illes que par un remede aulli extraordinaire que le mal „auroit elle contraint d’efteindre le feu avec le fang de tels „ furieux , & de couper la telle à ce monflre en failant périr „Ies autheurs d’une entreprife fi dangereufe & fi contraire au „ public. Nous apres avoir donné entière approbation à l’exe- ,, cution que ledit fieur de la Pierriere a eflé obligé de faire ,,à la Martinique-; & âpre? avoir remonflré à tous les habi- ,, tans d’icelle l’obligation qu’ils ont a fa prudence & bonne „ conduite , & les mal- heurs qu’ils encouroientparla malice des „ feditieux , reclamans la conduite d’un criminel de lcze-Ma- aux Ant-Jjles de /’ 'Amérique. $41 l, jefté, le fîeur de Poincy qui ne peut durer dans fa rébellion „8c qui les auroit engagez dans la mefme peine que les habi- i, tans de Saint Chriftophe ( quoy que ma1- gré eux ) de n’ofer ,,plus envover en France, de ne voir plus de navire, de n’a- voir plus d’honneur & de perdre leur liberté, leurs biens 8c „ leur vie; 8c ce qui eft de plus honteux , d’avoir le blâme de „s’eftre jettez entre les mains de leur ennemy , qui détient leur „ Gouverneur au lieu des avantages qu’ils pofledent, d’eftre „ Tous la proteétion de Jeur R oy qui ne peut manquer, de la jotiyfi. ,, Tance des navires &: du trafic, de Taftéurance de leur bien, de ,,leur liberté &de leur vie, 8c enfin l’honneur d’exciter par un ,,bon exemple ceux de Saint Chriftophe en confervant le nl- „trcdefidels Terviteurs du Roy, 8c en prenant les interefts de „Ieur Gouverneur qui leur a bien monftré à méprifer la vie ,,pour acquérir la gloire de Te lignai er par Tes Ter vices; Toutes „Iefquelles choTes, 8c plufteurs autres eftant mcurcment con- ,,fiderées,&: d’autant qu’il pouvoit refter peut-eftre quelque „ crainte dans l’cTprit de ceuxqui contre leur gré eftoient mêlez „ avec ces mal-heureux qui forçoient tout le monde, mefme les ,, Officiers de les Tuivre; ayant jugé à proposé neceftâire de les ,, rafteurcr, de remettre tout en Ion premier eftat, 8c d’eftablir „ la paix & union Ti avantageuTe pour le Tervi ce defaMajefté,&: fi ,, neceftâire pour le bien public. Nous en vertu du pouvoir à j, nous donné par Ta Majefté *, avons promis 8c promettons de ne ,, rechercher perTonne apres la publication de cette preTente Dc- ,, claration , concernant lcxecution derniere faite à la Martinique ,, par leditfteur delà Pierriere, 8c d’oublier tous les deTordrcs „ commis auparavant: Si'mandons audit Tieur de la Pierriere, que nous confirmons par eesiprefeutespour gouverner en l’ab- ,, fcnce deM. du Parquet chTlfle de la Martinique, qu’ilfafte a T- ,, fembler toutes les Compagnies, pour apres icelles leucs pu- ,, blices , affichées 8c rcgiftrées, leur faire à tous prefter nouveau ,, ferment, duquel il fera fait a&e au Greffe, figne par les princi- paux des habitansdonton nous enveyera autant. En foy de- ,,quoy nous avons figne ces prefentesde noftre main, fait appofer ,,le Tceaudenos armes, & contre-figner par noftre Secrétaire, „ au Fort de la Baftc-tcrrc de fille de la Guadeloupe, le ly A ouft S f ii j J4i Ejlablijfement des François }ii6/\6. ainfi ligné de Thoify, &: plus bas par mondit Seigneur s? du Val &fccllé,& de l’autre collé eli écçit, M.dç Tboily Lieu>- î3 tenant Generalpour le Roy aux Ifles de l'Amerique, a fait la » piefcnce Déclaration & remife cy-deflus, denoflrc avis&con- jjfcntement, comme Intendant des affaires de Meilleurs de la ,, Compagnie 4 Fait ce 24. Iuillct 1646. ainfi ligné, Levm ONT. 3j Du deuxième jour du mois deSeptembre 1646. fui vaut l’Or- ysdonnance dcM. de la Pierriere, commandant le fervice du 33 R oy en fabfence de M. du Parquet , Senefchal 5c Gouverneur 9>de cette Ifle Martinique , fuivant les ordres & mandemens jjdeM. le General de Thoify, dénommé en- la Déclaration de 3> 1 autre part écrite, à icelle elle Ieuë 5c publiée à haute & inteU sjligible voix , à la refte de toutes les Compagnies pour cét effet ), aflemblées, 5c fousles armes , 5c de tous les Officiers de Milice, „ & foldats effans, fous leurs eommartdemens reconnu mondit >, fleur le General en ladite qualité, & par tous unanimement a 3, efté fait &preftéle ferment de nouveau, de ne reconnoiflre 3, autre que ledit fleur de Thoify en ladite qualité de General 3> pour toutes les Iflès de l'Amérique, 5c fpecialement pour celle „ de la Martinique , 5c d’obcïr à fes ordres & commandemens; 3, & pour fo>y de ce, ont tous ligné. Fait ledit jour Scan , ligné la 3, Pierriere , de Querenquen , Millet , la Renardière, de la Haye, ,, la marque du lieur Vertpré, le Fort , la marque du Iteur „de la Houlfaye, Montillet Greffier ; Monfreiille ,1a MoiiTon- „niere, David, Iean Laifné , des Cottaux, Iean de Tournef- 3,1e, Saint Eftienne, Pauriel 5c Boucault, le tout avec para-*- 3,phe. Signé, encore Mathieu, Michel d’ArnouIr&: IeanLar- „ cher , rcgillrc au Greffe de l’Ille delà Martinique, le requé- rant Bcnoilt Baudoüin, Procureur Fifcal en cette Ifle Marti- 3, nique, apres avoir leuë & publiée judiciellement ladite De- ^clarationlej. de Septembre 1646. Signé Millet luge, Baudoüm 33 & Montillet Notaire, avec un paraphe Montillet Greffier . . - . r?.f; . i ’ aux Ànt-IJles de J' Amérique. M- le General empefche un Capitaine Hollan- dois d enlever une Caravelle P ortugaife qui seftoit réfugiée a fa rade. Le feur Hoüel fait tant par la fedition qu'il excite , qud l oblige de fe fauver de la Guadeloupe t ou on le vou - ' loir tuer . §• xi. LE \6. Septembre une Caravelle Portugaife chargée der8o. p^pesde vin de Madère arriva à la Guadeloupe; elle seftoit fauvée du BreftI , où elle avoit trouvé l’armée Hollandoile, dont quelques Vaifteaux luy avoient donnée la chafte ft vivement, quelle avoir rompu un de fes malts à force de porcer des voiles. Ayant mouillé l’ancre vis à vis le logis de M.Ic General, la Barque du Capitaine Bontemps eftant party pour Antigox* celuy qui la commandoit y ayant trouve le fleur Laurent Arnoult, Ca- pitaine dun navire de Hollande, l’avertit qu’il pouvoit faire une prife d’importance à la Guadeloupe de cette Caravelle. Ilappa- reilla promptement pour la venir enlever ; mais n’ofant l’attaquer aune rade de France fans la permiftion de ceux qui comimn- doient dans l’Ifle,il vint trouver M.le General pour le prier de luy permettre de l’attaquer & de la prendre; ce qu’il luy défendit, luy alléguant pour raifon quelle cftoitfous fa làuve-garde, 5c que l’alliance que la France entre tenoit avec le Portugal l’obligeoit de la protéger à une rade quelle avoit choifie comme appartenant à unalhé defonRoy. Le Holandois malfatisfait decetcerépon- fe, 5c fâche de perdre une fi belle occafion, perdit le refped, & dit hautement qu’il la prendroit en quelque lieu quelle fût, cet- te inlolencc obligea M. le General de commander qu’on l’ar- reftât ; mais s’eftant échappé, il courut à fon navire, leva l’an- cre àlapoin&e du jour ,& vint pour fondre fur la Caravelle qui cftoit prefque à terre ; ce qui ayant efté apperçeu de M. le 344 Eftablijfement des François General , il fe jetta promptement dans une Chaloupe avec hx ou fept de Tes gens, aborda hardiment le navire Holandois ;8£ chant entré dedans le fabre à la main, apres en avoir frappé, &: mis pluheurs par terre, &que le rehe fefut jetté à la Mer, il prit le Capitaine & le Pilote & les arreha prifonniers , jufques à ce qu’il eut pourveu àlafeureté de la Caravelle ôc du vin dont elle choit chargée, qu’il achepta depuis avec fes marchandifes, en- tre lefqueilcs il trouva pluheurs fuhls ôc moufquets qui n’avoient pas encore fervy. La jalouhe du heur Hoüel s’ehant augmentée par l’aéïion gê- ner eufe que nous venons de dire,&: la fedition delà Martini- que l’ayant rendu plus hardy, il recommença les broiiiileries dans la Guadeloupe, avec dehein de les continuer, jufques à ce qu’il eut obligé Monheur le General d’enfortir. Il ht di- verles Affcmblées à ce dehein, &c pour l’intimider il ordonna à pluheurs habitans de prendre les armes ; dequoy M. le Ge- neral ayant eu advis,il prît une conduite toute oppofée à la henne;caril ht défenlesà tous ceux de ion quartier de porter aucunesarmes; & pour Iuyohertoutpretextede foupçon&de déhance , il diminua fa Garde. Prefqu’en mefine temps Defmiers8£ du Pont Greffier, don- nèrent a M le General deux Déclarations, par la première def- quelles Defmiers reconnoilfoit qu’il n’avoit donné fa requefte contre le Lieutenant du grand Prevoh ,qu’à la prière du heur Hoüel ôe de l’Intendant ; Et par la fécondé , du Pont s’excu- foit fur la violence du heur Hoüel, &: protehoit qu’il l’avoir forcé de parler au Confeil de la maniéré qu’il avoir fait. Cette conduite du heur Hoüel fomentant les defordres de I’Ifle au lieu de les appaifer; M. le General pour les ahoupirôc pour y remedier crût qu’il feroit à propos de s’aboucher avec Iuys il luy en donna advis comme d’une chofe importante au fer- vice du Roy, aux interehs des Seigneurs de la Compagnie ÔC au bien general de l’ifle , & luy écrivit qu’il l’iroit trouver pour ce fujet. Comme il eftoithir le point de partir, le heur leNor- mand luge, eftant arrivé du quartier de M. Hoüel ht tout ce qu’il pût pour le dehourner de ce voyage , & l’aheura qu’il y avoir des embufeades fur le chemin pour l’ahaffincrj mais foit ~ que dux Ant-Ijles de ï 'Amérique. 3 45 que” cet advis fût véritable , foit qu’il eût un ordre fecret de M. Hoiiel de tâcher de l’intimider par ce moyen ; M. le General n’en fit point de cas;& fe levant du lieu où il eftoit aifis dans une allée de Citroniers , il luy dit, que pour fai- re voir qu’il ne craignoit point les embufeades, & pour ofter tout fujet à M. Hoücl de fe défier de luy, il partiroit dez le foir avec deux Gardes feulement, & le ficur des Martineaux, & qu’il luy alloit faire fçavoir le chemin qu’il tiendroit ; ce qu’ayant fait , il partit , &c alla coucher à la grande Ance. Le fieurHoüei qui n’efioit plus maifire defes fcntimens, luy écrivit la Lettre fuivante, qu’il reccut en chemin. „ Pour les bruits dont vous me parlez, je vous afieure n’a- „voir rien oiiy dire dans ce quartier qui foit de telle confe- „quence que voftre prefence y foit nccefLiire ,,&c. &f>lus bas-, „ mais apres vous avoir affeuré de mes refpeéts, je vouspriray ,, tres-humblement me permettre de vous dire, que plufieurs „perfonnes m’ont rapporté vous avoir oüy dire & à plufieurs „de voftre maifon, qu’il falloir que dans peu de temps je for- „ tiiïe de cette Ifle à quelque prix que ce fût, je n’y ay point „adjouté de foy, non plus qu’aux chofes outrageufcs,lefquel- „ les on m’a aïïeuré que plufieurs de ceux qui font auprez de „ vous ont dit &. fait contre moy. Mais les termesportez par vô- ,,tre Ordonnance du premier Aouft de cette année , par laquelle „ vous déclarez ceux qui afiiftent au Confeil de cette Ifle au- quel je prefidc , avoir attenté contre l’authorité Royalle, „ que vous agirez contre eux de tout voftre pouvoir, m’obli- ,,ge de vous dire avec tous les refpeéts que je vous dois, que ,, je ne me puis tenir en feureté où fera voftre perfonne, juf- „ ques à cc que le Rcy ait levé cette accufation , c’eft pourquoy ,,je vous fupplie trcs-humblement de ne vous point donner la „ peine de venir icy , 6cc. M. le General n’eftant encore qu’à moitié chemin de la Cap- fterre, ne voulut pas avancer davantage, &fe contenta de luy envoyer le ficur des Martineaux pour ledefabufer de ces faufi. fes impreftlons, &pour luy expliquer lafincerité&: l’mnocence de fes intentions; cet envoyé fit tout ce qu’il pût pour porter le ficur Hoiiel à la paix ; mais n’ayant nen avancé, il revint, fit I. Partie. ' Xx 34 6 Eftablijfement des François connoiftre à M. le General qu’il n’y avoir aucun accommode- ment à elperer avec luy; qu’il avoir parlé en homme defelperé, criant coût haut devant les Officiers 5c le peuple, 5c proche lesfe- neftres des Prifonniers d’Eftat , qu’il s’accommoderoit plû- toft avec le diable&aveclefieur dePoincy, qu’avec luy ; qu’il fe mocquoit de la Cômpagnie , qu’il effoit maiftre de rifle, 5c que les Seigneurs luy dévoient au delà de ce qu’elle va- loir. M.Ie General ne fut pas Iong-temps fans apprendre la résolu- tion que le fleur Hoüel avoir pniè de le chafler de l’Ifle à force ouverte ; car ayant donné fes ordres pour ce flflet par tous les quartiers de l’Ifle, 5c le fleur de la Ramée ayant eu comman- dement de fe rendre au Corps de Garde avec fa Compagnie,^ de bloquer IamaifondeM.leGeneral,iIrefufa d’obeïr,&: nncaulfl- toft luy en donner advis. Si-toft que feux appris ce foûlevement general, 5c que les Officiers les plus refolus de la Cap (terre ( où je faifois la fonétion de Curé) eftoient partis avec les plus déterminez deleurs Soldats,jefortis pourenfçavoirla verité& leflijet.Ietrouvay une conllernation generale dans toutes les cafés , les uns me difoient qu’on alloit brûler M. le General dans fa maifon, les autres qu’on vouloit avoir fa telle avec celle du fleur de Boisfaye, pour boire dans leur crâne ; 5c d’autres , qu’on ne vouloit que fi fortie. Apres leur avoir demandé qui leur commandoit,ô£ ayant appris que c’effoient le fleur du Mé Capitaine, duPont Major, la Forge Lieutenant, mais qu’on ne difoit pas de la part de qui; je leur remonftré avec allez de force que cette entreprife eftoit d’une effrange confequence ; 5c que quand mefmc elle auroit un fuccez tel que ceux qui en eftoient les Chefs le pou voient defirer, la vie 5c les biens des pauvres ha- bitans en répondroient un jour ; que Dieu ne laifferoit pas ce crime impiiny , & qu’il les chaftiroit comme les Violateurs du ferment de fidelité qu’ils avoient tant de fois réitéré à M. le General ; 5c qu’apres tout c’eftoit l’homme du Roy, chargé de fa Commiflion , ôcreprefentant fa perfonne , 5c que tous ceux qui prendroientpartàcét attentat fe rendroient criminels de le- ze-Majelté. aux &Ani-IJles de P Amérique. 347 ladjoutay que ceux qui les commandoient n’avoient aucun ordre du lieur Hoüel , Sc que fi l’affaire cftoit bonne il paroiftroit luy-mefmc ; je leur confeillé enfuitc pour ne fc point emba- raffer dans cette révolté, de demander à voir l’ordre de leur Gou- verneur ; & que fi l’on leur refufoit c’eftoit une marque infaillible ou qu’il n’y en avoit point, ou que Tes ordres ne valoienr rien, & qu’ainfi perfonne ne devoir fuivre les Commandans. Ie.paflay toute la matinée à aller de café en café , ce qui ayant donné temps aux fedirieux de faire fçavoir au ficur Hoüel que je deftournois fon monde , &: que perfonne ne vouloir plus fuivre. La Forge Lieutenant, vint de chez luy, &: m’ayant trouvé dans la café d’un habitant où j’eftois avec plufieurs autres, il me demanda, enjurantle Saint nom de Dieu , fi jen’avois pasveu un homme qui mecherchoit pour me donner un coup depilfo- lctdansla tefte; voyant neantmoins tant de monde auprez de moy , ilfe contenta de me pouffer aflez rudement la poignée de fon piftolet contre la joué, & prononçant une vilaine injure il médit en furie , viens dire dehors ce que tu dis icyj ie luy ré- pondis que ie le ferois très- volontiers, & que ic le fui vroispar tout fans aucune crainte. Eftant entré chez le fieur du Mé où cftoient les autres Chefs de lafedition, & environ 100. ou uo, habitans,ie l’y fui vis; du Mé qui eftoit affis dans une chaife environné des autres fur des ba- rils & fur des bancs , devint blefme en me voyant;& blafphemanc le nom de Dieu , me dit, Pere, allez dire voftre Bréviaire. le luy répondis queie m’étois acquité de ce devoir dez le matin, éc que toute mon occupation prefentc cftoit d’avoir foin de luy 8z des autres habitans, qui eftoicnt mes ouailles, & dont ie devois répondre à Dieu qui me les avoitconfiées.Ieluy demâday enfui- te de la part de ces habitans, quel ordre il avoit de leur faire prendre les armes & de les conduire hors de leur quartier, ayant fujet de croire qu’il n’en avoir point de M . H oüel, puifqu’il ne pa- roiffoit point en cette occafion , où fà prefence neantmoins eftoit : tres-ne'ceflaire. Cetre réponfe ne luy plaifant pas, il fc leva,& me dit on* continuant fes blafphemes, que je me mélafte de mes affaires, le luy repliquay que le foin de mon troupeau eftoit mon af- Xx ij 3 48 EJiablijfement des François faire, & qu’eftant chargé de tout le peuple de la Capfterre, fe vjoulois fçavoir deluyquel ordre il avoitdeles foûlc ver contre le Lieutenant General du Roy , ôe que c’cftoit mon affaire d’-eftre là pour en fçavoir la vérité. Le S. du Pont, & quclques-autres rebelles, feiettcrentfunnoy &me déchirèrent une partie de mes habits ; le peuple tout ican- dalizé de cét injurieux traitement-, ayant crié tout beau, tout beau; ils fe contentèrent de me pouffer hors de la café à coups de genoux ôz de pied dans les reins , dans un bourbier qui eftoit devant la porte, où mes .habits furent gaffez; m’effant relevé, ôz prenant lebaluffre qui fervoit de feneffreàla cale où.ilseff oient enfermez , j e leur parlay,& leur ar un Negre exprez. . t» jr *t:i ui ilr.' .. ■,v : v 1 M ONSIE Vit ■ ! - H 1 'ni il „ le vous fomme 6C interpelle de la part du Roy, de faire ,;ceffer tous ces troubles ôcallarmes, qu’il n’ell que trop évi7 „dent que vous avez allumé icy &. de delà; ie vous ay Suffi - ,,famment defabufé des caufes &C proteflacions que vous allé- guez, les chofes ne font pas encore à l'extrémité, vous avez Xx îij 3p. Efiablijfement des François ,V encore lieu de prendre les voyes d’accommodement qüe je s * vous ay proposes, prenez y garde, autrement je proteftc ,, contre vous, comme caule de tout ce qui pourroit arriver; ,, eflant refolu d’achever en homme d’honneur, je fuis comme Baffe-terre, eftoient campez à une portée de moufquet de la mailbn de M.Ie General, fur une éminence affez avantageux fe, en attendant les autres, pour executer ce qui avoir eflé re* foira. J' ■ v . Mv le General voyant là mailon ainlx bloquée ,-reloIüt de faire- une fortie avec environ vingt-cinq hommes & fes gens, & dal- lera leur telle affronter les feditieux, tant pour empelcher que leur troupe ne grofsît, que pour leur faire connoiftre fa ferme- té, & qu’il n’ehoit pas d’humeur à quitter prife, comme ils s’effôient imaginés; Cela luÿ fêüffir, car comme ils le crûrent; iuivy de bien plus de monde qu’il n’eftoic en effet ; la frayeur les lailît , le trouble fe mit parmy eux, lï bien que la Bazi- liere qui les commandoit , ne le trouvant pas trop alïeuré , & craignant que le murmure qui s’effoit excité parmy ce peu- ple s augmentant , il ne fut livré entre les mains de M. le Gene- ral, l’envoya fupplier de ne pas paffer outre, &qu on luy alloic envoyer des députez , ce qui l’obligea de retourner à la maifon pour les attendre. Pendant que ces chofes le paffoient au quartier de M. le Ge- neral, le heur Hoüel receut le billet , par lequelil le rendoit reff pon fable de tout ce qui arriverait; & voyant par là qu’au lieu de s’en aller comme ils’eftoir perfuadé, ilfaifoit ferme dans fa maifon, qui eftoit forte & environnée d’une bonne palliffade, munie de quatre pièces de canon Sc d’autant de pieniers, fça- chant d ailleurs qu il cil: oit a'ccompàgîié de prez de deux cens hommes, bien armez & bien tefolus de fedéfendre , qu îleftoit vous fçavez Lieutenant General pour le Roy eu ces Illes, Scf Voftrc très - affe&ionné fervi- teur, de Thoisy. '5 Ceux que le heur de la Baziliere avoir fait foûlever à la bienfourny de vivres ôc de munitions, & queplus de la moitié des habitans n’avoicntpris les armes qu’à contre cœur, & par-' tant qu’ils n attendoient que i’occafîon de tourner.. leurs armes contre luy, &: dé Ce vanger des mauvais traittemens qu’ils en avoientreceus; dans l’apprehenfion du fuccez de cette entrepri» Ce, il eut recours a nos Religieux, &les pria de s’employer pour arrefter le cours de ce foule vemen t , c’elt pourquoy il envoya dez le mefme jour un de fes gens au quartier de la Baffe- terre avec cette Lettre au R. P. Armand de la Paix , Supérieur ôc Prefedde noftre Miifion. 1) le viens prefentement de recevoir advis par la Bergerie,7 ,,que laplufpart de nos habitans de la Capfterre eftoienc partis „ce matin pouraller àla Baffe-terre trouver M. le General; je » n’ay pas voulu manquer de vous en donner advis, & de vous j, prier tres-humblement de vous tranfporter chez M. le Gcne- »ral, pour parvoûre prefence , empefehér qu’il ne luyfoit fait ,, aucun tort. le n écris point à M. le General, crainteque mes ,, Lettres ne luy fulfent pas rendues ; je ne doute pas quevoffre „ Reverence ne faife fonpoffible pour la fatisfadion de cous, c’eft î, dont je vousfupplie tres-humblement , & me croire Il m’envoya en mefme temps un autre billet, par lequel il me pri oit inftammentde le venir trouver pour des affaires très- im- portantes , j y fus contre le fentiment de la plufpart de mes amys, qui croyoient qu’il avoit deffeindeme mal-traiter; apres m’avoir faliie avec un vifage fort abbatu & fort mehneholique , il me dit; mon P ere,vous avez grand tort de vous eftré amufê dediffuader les habitans de marcher , au lieu de m’en donner a Vis, car j’yau- M ON REVEREND PERE j MON REVEREND PERE, ÏDuFort de Sainffle Marie de U Guadeloupe , ce 22. ■Novembre 1646. Voftre très - humble & tres-obeïfTant fervi- teur, Hoüel. Efiablîjfement des François rois donné ordre , 6c voila maintenant la maifon de M. le Ge^ aérai affiegée, fans que j’en aye rien fçeu, quineantmoins me fait refponfablc de tout , comme fi j’eûois faucheur de ce fou- îevement. le vous iupplie d’aller prefentement à la Balle-terre, porter vn ordre de ma part à tous ceux qui ont pris les armes, de Ce retirer. ' \ Quoy que je fuffe fortfurpris de ce difeours , je neluy dégui^ fay pourtant pasmesfentimens, & luy dis avec mafranchife or- dinaire : Monlieur , je n’iray point , car fi vos Officiers , qui n’a* voient icy que de l’eau , m’ont traité avec toute. forte d’outragesj maintenant qu’ils ont cent pipes de vin de Madère à la Balîe- terre, quel traitement en pourroy-je çfperÇr ? Si vous voulez véritablement la paix, donnez vos ordres au fieur de S aboüilly, , qui eft aymé ôc refpcdé de tous les habitans, & le- feul que jg connptlîe icy , capable de rétablir la paix dans voûrelûe. Pour ce qui regarde la plainte que vous me faites , de ne vous : avoir-pas averti dece qui fe paffoit dans voûte quartier, vous l’avez bien fçeu, moy-mêfme j’ay veu, vos Nègres porter de la mèche 6c vn jarre de poudre auxfeditieux, êcjefçay de bonne part qu’on vous a donné advisde ce que je faifois. Voyant bien que j’en fça vois trop jifbrifa là delTus, 6c me pria de faire enfior- tequeM.deSaboüillyy allaû, craignant qu’il n’en voulut rien faire s’il l’en prioit luy-mefme. le fus prier ce Gentil-homme de venir avec moyàlaBafic- terre pour empefeber le. carnage des pauvres habitans, defquels il eûoit fi tendrement aymé. Il me refufa d’abord, 6c me dit que e’eûoient de jeunes gens qui gaûoicnt les affaires du Roy , &C qu’il n’iroit point, mais je lepreffay tant qu’enfin il s’y accorda: nous partifmes la mefme nuit dans vn Canot, 6c nous fufmes à la pointe du jour chez M.le General. On avoir déjà commencé à faire quelques coups de piûolet furies fentinelles, mais la prefence dufieur de Saboüilly fufpen- dit ces ades d’hoûilitié, imprima de la terreur dans les efprits desfeditieux, 6c eau fa delà joye dans ceux de s gens de bien qui dcfiroientla paix. Il leur monûra l’ordre qu’il avoit de leur fai- re mettre les armes bas ; à quoy quelques mucins ayant-repondu qu’ils avoient un ordre figné delà mefme main, qu’ils pretem droient . aux Ant-ÎJles de l'ylmerique. ^3 Soient exécuter, le fieur de Saboüilly les menaça de fe jeter dans la maifonde M. le General , & qu’apres il leur feroitfentir ce que pouvoir une petite troupe bien conduite , contre une mul- titude de rebelles & de feditieux ; à cette menace chacun fe reti- ra chez foy, excepté les Chefs de la fedition quife crurent obligez par bien-feance , de venir rendre leur fourmilion à M. le General, & de luy faire quelque remontrance pour donner couleur a leur entreprife; mais on remarqua tant de contrain- te dans cette afhon de civilité, qu’on jugea bien dés-lors que cette paix ne feroit pas de longue durée. En effet pendant quelle dura, on n’entendit que plaintes 5e que menaces contrcM.lc General & fes gens; dont ayant aver- ty M. Hoüel afin qu il donnât: ordre pour les faire ceffer, & pour appaiferlafeditionquirccommençoit; il luy fit réponfe qu’on J etoit venu trouver de la part des habitans des quartiers de la V ointe de Saint lojepb & de l’ijle auxGouywes , quifcplaignoient par une Lettre commune écrite par le fieur de la Ramée & fous- ente par eux, que le dernier Dimanche on a voit voulu brûler la café du fieur Maillard Enfeigne, & celle del’Etoile Sergent, a quoyils leprioient unanimement de remedier & d’empefeher que par la continuation de ces defordres ils ne fuffent obligez de s’entretuer les uns les autres. A quoy il n’a voit pû répon- dre autie chofe, finonqu il iroit, ôc qu’il effayeroit de remettre le calme dans les elprits; mais qu’il apprehendoit beaucoup de n etre pas le maître d’un peuple émeu, qui connoiffant fes for- ces, leroit difficile à appaifer , fans luy accorder une partie de fes fedTcio^* 5 ^U1 Ia V°ye IaPlus orciinairc d’appaiferlcs grandes, M. le General ayant apris cecy, & que M. Hoüel fedifpo- loita le venir trouver, Ien pria. encore par une Lettre, & luy témoigna qu’il jugeoit fa prefence neceffaire à la Baffe-terre pour le fervicc du Roy & le bien de tout le peuple, & que cet- rl.entrcvcu^ fans doute &accommoderoit toutes les affaires. M. le General I attendant à ce deffein fut bien tirpris, quand au icu de venir fuivant la promeffe qu’il avoit faite , il luy écrivit une Lettre, par laquelle illuy mandoit, que les mefmes raifons I, Partie, ^ * Yv 354 Eflablljfement des Trdnçois quT râvoient obligé de le Fupplier tres-humblement de ne pas prendre la peine de venir à la Capfterre , Fempefchoient de fe donner l’honneur de l’aller voir , qu’il y auroic elle tres-volon- tiers s’il n'euft pas témoigné le vouloir obliger à une entreveuë, laquelle il pretendoit différer iufques à ce que le Roy eut annui- té la Déclaration qu’il avoir faite contre luy., pour avoir at- tenté à l’authotité Royalle. Et apresfoeaucoup de difeours, il le prioit de trouver bon qu’il luy envoyait les Prifonniers d’Eltac dont il effoit chargé ; S e en mefme temps fans attendre fes ordres, les mit en liberté. M. le General n’eftant que trop convaincu que IefieurHoüeJ effoit alors d’intelligence avec les rebelles , te qu’il effoit le premier moteur du foule ventent de fille, luy écrivit cette Lettre , qui donnant beaucoup de iour à ce qui fe pafla, ie la mets icy tout du long. M ONSIEVR, „ C’eft une effrange maniéré de procéder avec moy, me coti* ,, noiflant pôur ce que ie fuis icy, te apres les iuftes proteffa- „ tionsque vous avez receudc ma part, de me prier de recevoir „ des Prifonniers , te de me les envoyer tout enfemble ; ie ne ,, comprens plus rien à vos façons d agir avec moy ,te il faut que ,, vous en foyez venu à un effrange point, puifquc les bons >,advis que ie vous ay donnez, vous deviennent mauvais ; te ,, les propofitions franches que ie vous ay faites, vous paroifTent „ trompeufes , te vous élèvent fans railbn li vous avez cru que i© „ les ay faites par foibleffe. „ Vous m’avez envoyé le heur du Pont fans aucun ordre , &T „ luy avez dit feulement que ie n’avois point décrit de vous „ comme vous eftiez chargé de ces Meffieurs les Prifonniers; „ce qu’lia reconnu tout au contraire par les extraits de quei- „ ques-unes des voftres que ie luy ay donné , afin que vous voyez „le tort que. vous vous faites , ie luy ay donné un ordre ligne de ,,moy ôcfcellé, auquel il eft plus obligé qu à vos paroles. D ail- leurs tous les habitans m’ont prefenté requefte, afin queie ne _’#£ 355 & vous en énvoyentune 5 aux Ant-IJles a reçoive point ces Prifonniers , __ ... } j>afin que vous continuiez à les garder, fçaehant qu’ils ne « font pas en péril chez vous; 5c queftans icy, ils feront obli- j, gez à des Gardes continuelles , 5c à de perpétuelles allar- jjmes. j, Pour moy ic vous réitéré & vous déclaré que ie pro- » telle derechef contre vous de tous les évenemens de cette >, affaire; vous devez fçavoir qu’eftant icy Gouverneur , Se- „ nefchal, luge, 5c déplus l’un des Seigneurs de la Compa- jjgnic, il eft de voftre faiét d’avoir des priions, 5c d’en faira ,j conffruire en lieu de feuretc. Vous en avez fait une chez vous de voftre mouvement, pour garder ces Meftïeurs, donc il paroît que vous elles chargé par vos Lettres, &que vous m’avez mcfme fait contribuer des barres de fer pour fermer les feneftres , vous n’avez plus lien à dire apres cela ; Sc ft _ vous elles las à prefent, vous pouvez faire faire des pri- „fons autre part où bon vous femblera, Sc y elles obligé par „les tiltres que vous portez. Et déplus, il ne s’ell jamais veu „ qu’un Gouverneur oblige dans fon Gouvernement un Lieu- tenant General pour le Roy de faire des priions, principa- lement quand il s’agit d’un P rifonnier d’Eftat, que vous elles „ auffi bien obligé de garder que moy , fi vous elles bon François, „ & fi vous faites voftre Charge, qui déplus yous y aftraint par les „ Ordonnances. „ Pour la peine que donnent ces Meilleurs à ceux qui les gar- „dent, ic vous diray qu’il eft bien-aifé quand on veut ,d’cm- „ pefeber que des Prifonniers ne foient li difficiles ; mais il paroît „ beaucoup d’affeéfation à tout cela; la fin Sc la fuite de toutes ces chofes feront Iespreuves de ces procédez icy , qui font înoüys 5c lans exemple. Pour leur nourriture, cela s’entend qu’elle fera toûjours payée par ceux qu’il fera ordonné par là Maiefté; j’ay dit au fieur du Pont que j’efpere devant deux mois vous en dé- charger d’une façon ou d’autre, 5c que ie m’offrois mefme à vous envoyer quelques Gardes pour le foulagement des vô- tres, pour ne vous point donner prétexte de charger les ,,habitans de la Cap lierre , dont, j’ayme autant le repos, que Y y ij J3 J> J> 356 Efiahlijfement des "François „vous. Rentrez ie vous prie en vous-mefme, j’efpere, quand » vous y aurez bien penfé , que vous croirez queie fuis , M0NSIEVR, la Bajp-tene le 24. V offre tres-affeéïionné fervi- Decembrei6^6. teur, DE Thoisy. Pendant que toutesceschofesfepaffoientauxIfles,M. le Ge- neral avoit informé le Roy de la maniéré qu’il avoiteflé traité, desdifficultezqueM. dePoincy apportoitàfa réception,. 8c de l’emprifonnement de M.duParquet; A quoy S. M. voulant re- médier, il luy envoya les ordres fuivans , par lefquelsilluy or- donnoit de faire l’échange des fleurs du Parquet 8c Saint Aubîn, avec les neveux de M. de Poincy qu’il cenoit prifonniers,& deluy faire tenir la Lettre qu’il luy écri voit fur ce fujet: ilenenvoyaau- tant à M. de Poincy, avec ordre pareil de faire tenir à M le General, la Lettre qu'il luy .écrivait. Lettre de Cachet a Ad. de cThoiJy, Lieutenant General aux IJles de l'Amerique. \/f Qnfieu,: de Thoify ayant voulu prendre connoiffance de „ IVl ce qui s’eft pafîé dans les Ifles de Saint Chriftophc& la ,, Guadeloupe à voftre arrivée en icelles, pour y commander en „ qualité de mon Lieutenant General cfdites Ifles, 8c vous y efla- „ blir en la place du fieur Commandeur de Poincy , en attendant „ que j’aye iugé le different qui efl entre vous, mefme celuy qu’il „àavecles AfTociez en la Compagnie deslflesde l’Amerique, „ pour diverfes pretenfions, qu’il defire viiider avant que de fe re- „ tirer. le vous écris celle-cy par l’advis de la Reync Regente ,, Madame Mere,pour vous dire que vous ayez à remettre ez ,, mains du fleur Commandeur de Poincy les fleurs de Poincy fes ,, deux neveux , que vous retenez prifonniers ; 8c pour cét effet, „ vous les ferez conduire au lieu qui fera convenu entre vous, pour „ en faire l’échange avec les fieurs du Parquet 8c Saint Aubin, „ détenus prifonniers par ledit fieur Commandeur, auquel j’ay „ commandé de vous les rendre, ou à celuy qui aura charge de aux Ant-Tjles de t Amérique. $57 & voftre parc de les recevoir. Vous luy ferez tenir la Lettre que ,;ie luy écris fur ce fujet , afin qu’il y obeïfle defon collé, com- bine vous ferez du voftre. Aquoy m'affleurant que vous ne „ manquerez , ie prieray Dieu vous avoir , M. de Thoify, en fa „ Sainéte garde. Efcrit à Pansle 16. Q&obre 1646. Signé Lovys, plus bas, de Lomé nie. . .... \ ’ ' 1- ’ *• • Lettre de Cachet a M. le Commandeur de Pomcy. „ ■% r Onfieur le Commandeur de Poincy ayant voulu pren- „ iVxdre connoilfance de ce qui s’eft pafle dans les Ifles de „ Saint Chriftophe &: la Guadeloupe, à l’arrivée du fieur de „ Thoify en icelles pour y commander & s’y eftablir en voftre „ place, en qualité de mon Lieutenant General defdites Ifles, en attendant que paye iugé le different qui eft non-feule, ,,ment entre vous , mais auffi celuy que vous avez contre les „ Afîociez de la Compagnie des Ifles de l'Amérique. le voifs L „ écris celle-cy par l’avis de la Reyne Regente Madame ma „ Mere , pour vous dire que vous ayez à remettre entre les „ mains dudit fleur de Thoify , ou de celuy qui fera chargé de fa „ part, les fleurs du Parquet & Saint Aubin, que vous retenez „prifonniers; & pour cét effet vous' les ferez conduire au lieu „ dont vous ferez convenus entre vous , pour faire l’échange avec „ les fleurs de Poincy vos deux neveux, détenus prifonniers par ,, ledit fleurde Thoify, auquel j’ay commandé de les vousren- „ dre , ou à celuy qui aura charge de voftre parc de le s recevoir „ vous luy ferez tenir la Lettre que ie luy écris fur ce fujet, afin ,, qu’il y obeïfle de fon cofté comme vous ferez du voftre. A „ quoy m’affeurant que vous ne manquerezfle prieray Dieu vous 3, avoir, M. le Commandeur de Poincy , en faTain& montagnes, crainte de quelque mauvais traitement, i’ay >, re/blude vous écrire celle-cypar l’avis de la Reyne Regente « Madame ma Mere , pour vous dire, que lors que vous rendrez « les deux neveux , vous ayez à rendre en mefme tempseous les « autres prifonniers qui font en vos mains, ayant pareillement » commandé &: ordonné audit fieur Commandeur d’en» faire de «mefine ;& que ceux qui pour cette occafionfe font retirez dans « des bois &c montagnes , fbient en liberté defortir del’Ifle, ou y « demeurer en toute feureté à leur cboix,fans qu’ils foient inquié- tez ny moleflrez, au fiirplus ie.defire qu’il ne foit fait aucun „ Ade d’hoftilité $ ains que la tranquilitéidcmeure eflrablie dans « toutes les Ifles & m’afleurant que vous fatisferez à cette mien- ,, ne intentionné prieray Dieu qu’il vous ait, M. de Thoify Patro- «clés, en fa Sainde garde. Efcrità Paris le z8. Odobre 1646» «Signé Lovys, & plusbas, de.Tomenie. pour le Roy aux IJles de aux Ant-ïjles de £ Amérique, ■ ; J. J fJO r.Tû ï J-. ' . . ' ■' Ui <[ Lettre de Cachet a A4, le Commandeur de Poincy . . ... , ' lion - :t f i ^ / • >- -q ti^’p i :> >, * . Onfieur le Commandeur de Poincy, je vous uy écrit il jjjVxy. apeu dedours, que j’a vois voulu retenir la connoiffance „ dudifFerent qui eft entre vous, & ceux des Illes de l’ Amérique, „ pour le terminer amiablement, s’il fe peut, ou juger par rigueur „de iuftice, & que cependant j’avois trouvé à propos que les „ fieurs du Parquet Sc Saint Aubin , que vous detenez prifon- „niers, fuflent rendus cz mains du fieur de Thoify Patrocles, y> que j’ay pourveu de la Charge de mon Lieutenant General en ,, toutes les incs,auquel j’ay pareillement écrit de vous remet- „tre les fieurs de Poincy vos deux 'neveux qu’il détient prifonj „ niers,.& de convenir avec vous d’un lieu pour faire céc échange. „ Mais d’autant que j’ay feeu qu’ily a encore d autres perfonnes interelfées, qui ont accompagne les fieurs du P arquet , fç avoir „ les nommez la Fontaine Sc Carnot Capitaines , &c qu il y en a j, encore, quife font retirez dans les bois & dans les montagnes „ pouréviter quelques mauvais traitement. Fay refolu de vous ^écrire célle-cy par l’advis de là Reyne Regente Madame ma ,, Mere, pour vous dire que lors que vous rendrez Iefdits fieurs ,, du Parquet & Saint Aubin, vous ayez en mefme temps àren- ,, dre tous les autres prifbnniers qui font en vos mains, 8>c que „ ceux qui pour cette occafion fe font retirez dans les monca- „gncs, puiffent en toute feureté & liberté fortir de lllle-dc „ Sainr Chriftophe , ou y demeurer à leur choix , fans permettre „ qu’il leur foit fait aucun trouble que ce foity les mettantrn vô- „treproted:ion. l’écris prefentement audit fieur de Thoify de vous rendre non-feulement vos deux neveux , mais tous les „ autres prifôniers qu’il dctient,& que vous reclamerez, fi ce n eft ,, qu’ils déclarent vouloir demeurer dansTIfle delà Guadelou- pe, & ne point retourner en celle de S.Chriftophe.Et au furplus, s, îedefire qu’il ne foit point fait aucun Aéfce d’hoftilité , ôcquela tranquilité demeure eftablie dans toutes les I fles;&r m afieurant n que vous fatisferea à mon intétio; ie prierayDicu qu U vous ait, y6o EfiMijfçmnt.dés, François „M.Ie Commandeur de Poincy en fa Sainéfe garde. Efcrit a „ Paris le 28, iour d’Odobreiô^. Signé Lo vts, &plusbas M. ie General eut une joye toute extraordinaire de ces ordres, croyant que par ce moyen il verroit la fin de tous les differens’ U que par les échangés qui fe dévoient faire toutes chofes Ce rétablir oient en leur premier citât ; & qu’enfin le Roy eitant çbey , il feroit en paifible poffeffion de la Charge dont Sa Ma- îeité l’avoit honnoré. Mais ibfc trouva bien loin de fon com- pte jcar il appiit en mefmé: temps, que la fedition recommen- çoit plus fort que iamaisj qu’on avoit refolu de le tuer le pre- mier iour de l’An, lors que les Compagnies iroient pour le fa- Jüer; & que fi cela ne reüiTiiToitpas ,il devoir eilre embarqué, mal-gré, Iuy ,dans le Navire du Capitaine Grégoire, qui avoir eité gagné à cér effet , par les feditieux. Bien que ce deffeim fût fort fecret, M. le General en eut pour tant ad vis, &fçeut pré- cisément l’heure en laquelle le Sieur Hoüel s’eftoit rendu ait Navire du Capitaine Grégoire , pour le mettre à execution „ ceit pourquoy il refufa ce Capitaine qui le vint prier d’aller difner à fon bord , & refolut de fortir de l’Ifle , pour fuir le mal- heur que, vray-femblablement il ne pouvoir éviter , pendant une rébellion , qui comme une hydre renaiffoit tous les iours. Ayant donc refolu de quitter la Guadelouppe , il fît embar- quer la nuit du 31. Décembre une partie de fes principaux: meubles dans la Caravelle Portugàife, qu’il ayoit acheptée,8r demeura à terre jufqu’au iour ; apres quoy il envoya le Sieur de S. Edme porter la Lettre fui vante au Sieur Hoiiel, & le fom- mer de luy renvoyer les prifonniers, pour en difpofer confor- mément aux ordres de Sa Majeftc,de?j^.&z8. Oélobrc der- niers. . , ‘ VU ~fi •• tr •' V’; ' >:j ' 7 : - Monsievr, : • . '."j : ÿV Vous n auriez iamais cru que ie vous euffe envoyé telles » Etrenncs , & que le fond de toutes les chofes , que ie vous 3}ay dites cy-devant , fuff au poinât que ie vous l’ay fait pa- roiftre aux Ant-IJles de l’ Amérique, 3 61 >,roiflre aujourd’huy. Vous apprendrez ce que c’efl que de , , vous cftre jolie au Roy ; & fi vous échapez par là , ie vous „feray fentir ce que c’eft que de faire le gauffeur , & devant ,,peu de cemps. Au relie , quoy que vous ayez die que vous „ne receviez ordre de perfonne en ces Ifles, ie vous fais com- „ mandement de par le Roy , & de fon ordre que îay receu „dansîe Capitaine Béliard,que vous m’envoyiez le Sieur de „ Treval a & fi vous manquez , vous verrez comme ie vous „ fcauray faire obéir. le ne vous en diray pas davantage , fi- ,>11011 que j’attens prefentement voflre réponfe , pour refou- 3> dre ce que j’auray à faire. le fuis ce faifant, MONSIE VR> De mon bord à la rade de la Bajfiterre V ofixe tres-afïcétionné fèr- delaGuadelouppe}cei.[anvier i6^y. viteur, DE Thoisy. Il écrivit le mefme jour aux habitans ; &r apres avoir payé ceux à qui il devoir, & donné ordre aux Capitaines Béliard &. Grégoi- re, il partit pour la Martinique. A peine fut-il party que le fieur Hoüel,qui iuiques alors avoit agycouvertement, & en cachette, leva le mafquc , & non feule- ment empefeha ces deux Capitaines d’obeïr aux ordres de M. le General, mais encore permit à Béliard d’aller à Saint Chri- ftophe , & le chargea de faire fes recommandations à M . de Poin- cy ; & au préjudice desdeffenfes , il y envoya mefme fa barque qui n’yavoitpas efté depuis deux ans ;& l’on a crû que les Let- tres qu’il écrivit pour lors, furent la caufe de l’armement du fieur de Poincy pour la Martinique, dont nous parlerons cy- apres. M. le General arriva Ietroifiéme Ianvier à la Martinique, où ilfutreceu avec un applaudi Ifement general de touslcs habitans; &c ayant difné chez le fieur l’Efperance, il alla coucher chez les RR. PP- Iefuittes, qui Iuy rendirent tous les honneurs Se touslcs refpeéls défis à un Lieutenant General pour le Roy. Le neufiéme, il envoya faire itératives deffenfesaux Capitai- nes Béliard & Grégoire d’aller à Saint Chriftophe, & en mefme I. Partie. Zz 36 i Eftabliffcmen t des François tempsy dépefcha le fieur de Saint Edme avec les deux Lettres drivantes à Meilleurs de Poincy 8c du Parquet , 8c une troifiéme avec un ordre fut portée par l’un de fes Gardes àM. Hoiiel. Monsievr, jj Vousfçavez de quelle façon j’ay entrepris la Charge que le „ Roy m’a donnée dans ces Ifles, n’ayant iamais eu intention de „ vousdés-obliger, 8c ie ne doute pasmefme que vous n’ayez „ connu depuis les difpolîtions où j’ay toujours efté , tant par mon ,, procédé que par quelques Lettres que ie vous ay écrites. A pre- „fcntie fuis fort aife que les affaires ayent pris un chemin tel „ qu’on me mande de France ; c’eff pourquoy puifque vos amis „ font les noftrcs à la Cour, 8c qu’ils ont fait en forte que tout foit ,, traité à l’amiablej pour vous confirmer la franchife avec la- „ quelle j’ay toûjours ufé,ie ferai gloire de vous affeurer par celle- ,, cy qu il ne tiendra pas à moy que les parties n’avancent l’ac- „ cord que Meilleurs duFargis 8c Deftampes , qui ont efté choi- ,, fis pour Arbitres de nos différons, arrefteront ; ie n’apprehen- „ de pas la confequence de vous provenir contre l’advis mefime ,, de ceux qui en écrivent de France, fçaehant bien quand vous ,,fçaurezla vérité del’eftatoùiefuis, 8c l’avantage quej’ay dans mes affaires , que vous eftimeiczles advancesqueie vous faits, ,, ilfuffitde vous dire que leschofes eflant au poinét qu’elles font, ,, 8c nous remettant de part 8c d’autre auiugementde nos amis, ,,il fembie très-important 8c tres-advantageux en attendant la „refoIution de toutes chofes concernant nos interefts particu- liers, que nousfoyons dans une intelligence parfaite, pour re- „ mettre ceux du Roy , de la Compagnie & du peuple. „ Pour l’échange, ie croy que vous ne doutez pas( quand mefime ,,Ie fieur Hoüel qui nefe peut laver de fescrimesauroitcompo- „féavecvous del’évafion de M.de Lonvilliers ) que ce Traité „ne feroitpas certain ny folide comme celuy que vous ferez ,, avec l’homme du Roy, duquel pourveuque tous les priforu .,niers foient remis généralement en liberté départ & d’autre, Mifn’en peut revenir qu une paix univerfclle fondée fur l’autho- ) aux Ant-lfles de ï Amérique. 3 63 » té Royale une liberté à tous Icshabitans &aux Vaifieaux d’al- 3» 1er à Sainr Chriftophe déformais , & une iulfe punition des 33 autheurs des troubles de ces Ifles, corne ie le feray voir cvidem- 33 ment fi vous prenez les chofes comme vous le devez; outre 33 que j’y donneray la main, ie vous envoyrc M.dc Trevalainfi „ que vous le fouhaiterez; j’jay expédié à la Guadeloupe pour ,3 cét effet, & fi vous m’envoyez quelqu’un des vofi:res,j’endiray ,, davantage, pourveu que vous m’afifeuriez que j’y puiffe avoir „ confiâçe,commc vous en pouvez avoir au fieur de Saint Edme, „quivous donnera celle-cy de ma part, le tout pour le fervice ,;duRoy &fbus fonbon plaifir; ie m’offre mefme à une entre- ,,veué, où vous voudrez, & où il ne fera rien moins parlé que de „ nos interdis particuliers, que ie remets entièrement entre les „ mains de fa Maiefté , & de nos Arbitres; mais feulement des af- faires du Roy & de la Compagnie, & mefme de quelques-unes „ qui vous regardent, dans lefquelles ie croy pouvoir quelque ,,chofe; ie ne vous faits cette ouverture-que pour vous obli- „ ger à répondre à l’inclination que j’ay tousjours eu de vous „ fervir, &que j’ay redoublée particulièrement, depuis que j’ay „ appris la volonté, du Roy, & la bonne intention de nos amis « communs ; ie fuis , MONSIEVR,, Voflre très -humble & affeétipnné ferv.iteur , de T h o 1 s y. 3, VyT Onfieur, c’cft àprefent que vous allez connoiftre le.defir «IVJLque i’ay toujours eu d’avancer vollre liberté en vous con- fervant l’honneur qui vous efi: deub,puifquc ie vais au devant „ des moyens; je fuis venu à la Martinique, exprez pour con- férer avec vos Officiers, & leur faire connoiflre l’avantage que «vous avez d’eftre délivré par les ordres du Roy plûtofl que ,,par un échange précipité, auquel ie ne croy pas que vous euf- « fiez jamais confcnty. Pour le fieur Hoüel , il s’eft comporté de- ,, puis quelque temps en mon endroit comme un homme pofie- „dé,& a bienfait voir fon ignorance dans lemeftier; la defo- 364 Eftablijjfement des François „ beïflance au fcrvice du Roy, & Ton ingratitude envers vous> „en difpofant de M. de Lonvilliers qui ne dépendoit que du „ Roy, ce qu’il a plûtoft entrepris pour me faire déplaifir ( n’ayant „ jamais pu s’accorder avec perfonne ) que pour obliger M. de „ Poincy , ny M. de Lonvilliers, dont l’échange ne pouvoir man- „ quer, c’eft ce qui m’a obligé d’abandonner la Guadeloupe prin- „ cipalcment; & fi la chofe eft bien prife, elle ne peut que tourner „ à bien: le finis, vous afieurantqu’ilnc tiendra pas à moy que „ ie ne vous aille quérir moy-mefme aupremier jour, & que ic „ ne vous témoigne . comme ie fuis , W offre très - humble & affe&ionné ierviteur , .de Th dl s y . Monsievr, „ le vous écrivis le premier îanvicr,& vous fommoisfuivat Pois „ dre que j’ay receu du Roypar le V aideau du Capitaine Béliard, de m’envoyer le fleur de T reval, à quoy vous n’avez point fait ,, de réponfe; ie vous réitéré encore par celle -cy le Commande- „ ment que ie vous en ay déjà fait de la part dû Roy; qui eft „ accompagné d’un ordre qui vous fera notifié, & d’une voix „ generale de toute la Martinique; ie vous prie d’y fatisfaire au „ plûtoft, eftant très-important pour le fcrvice de fa Majefté* „pour la liberté de M. du Parquet, & pour le repos univerfel 3} des peuples, autrement ie protefte derechef contre vous de 3, toutes les fuittes & évenemens qui enpourroient arriver, fi 3, vous différez. Le refte de cette Lettre nctraittant que d’affaires particulières, ie l’ay iugcfiiperfiu, c’eft pour quoy ic me contente de joindre icy l’ordre qui l’accompagnoit, ôc la fignification qui en fut faite au licur Hoüel. Le fleur de T'hoijy Chevalier , Confleiller du Roy en Je s Confleils , Lieutenant General four fla Aiajejté auxljles de l'Amérique. Ous avons ordonné &: ordonnons par ces prefentes au. fieur Hoiiel, Gouverneur &c Senefchal delà Guadelou- pe, de nous envoyer & faire conduire à la Martinique incon- „ tincnr &c fans delay , fous bonne & feure-garde, le fieur de „Treval Prifonnier d’E fiat, pour lâtisfaire aux ordres que „ nous avons receus de laMajeÜé,àpeine de répondre parle- „ditfieur Hoiiel en fon propre &c privé nom, de tous les éve- ,,nemens qui pourroient arrivera faute d’obeïr au prefent >, ordre, qui fera notifié par le premier de nos Gardes, qui » nous rapportera ampliation d’iceluy , figné dudit Sieur », Hoiiel. En foy dequoy nous avons figné ces Prefentes, 6 c „faic contre -figner par noftre Secrétaire à la Martinique „ce neufiéme Janvier mil fix cens quarante- fept» Signé, „DE T H O I S Y. „ Et plus bas efi écrit, j’ay fous-figné Iean Bonjour, Gar- „ de ordinaire de Monfeigneur de Thoify, Lieutenant Ge- mmerai pour là Maicfté auxlfles de l’Amcrique, certifie avoir „fignifié à M. Hoiiel, Gouverneur en Fille de la Guadelou- pe, l’ordre de mondit Seigneur cy-dellus écrit, lequel ordre „ ie Iuy ay baillé & JaifTc copie en parlant audit fieur Hoiiel, », en fon domicile a la Guadeloupe, le vingt- troifiémc Ian- ,,vicr mil fix cens quarante - fept , fur les cinq heures du loir. „ Signé Bonio VR, & plus bas par mondit Seigneur, Signé d v Vax. Z z iij 3 66 EJlablijf 9 ment des François Perfecution a la Guadeloupe contre ceux qui aboient appuyé l’authorité de Monficur le General. §. xii. MOnfieurlc General ne fut pas plûtoft forti de la Guadeloupe, que les Séditieux entreprirent tous ceux qu’ils foupçonne- rent de fon party,&: attaches à fes interefts; & le R. P . Mathias du Puys, témoin oculaire, écrit dans faReIatio,que non feulement on fouffroit le pillage ; mais encore qu’il eftoit commandé. Pour moy ic veux croire que le fieur Hoüel ayant mis les armes à la main des feditieux, n’en eftoit plus le Maiftre,& qu’il fe com- mit bien des violences contre (on intention. Qiioy qu’il en foie , les meilleures Cafés furent expofées à ce defordre , les brigandages furent publics , & on outragea impunément de paroles & de coups ceux qui n’avoient pas aveuglément exécuté les ordres qui avoienc efté donnés pour l’expulfion de M. le General. Le fieur de la Ramée , premier Capitaine , homme d’vue in- tégrité, connue & d’une inviolable fidelité aufervicedu Roy, fut prelque roué de coups, pour s’eftre ietté chez M. le Gene- ral , & luy avoir donné avis des mauvais defteins qu’on avoit formé contre luy ; on ne fe contenta pas de l’avoir frappé avec les dernieres violences, on pilla fa Café, on luy enlevafes Nè- gres , on fit evader fes ferviteurs , on tua tout ion bétail , & on le chafia de rifle le bafton blanc à la main , fans qu’il luy fut permis d’emporter vn roolle de petun de la place qu’il oc- cupoic, pour payer fon pafiage. Ainfi du plus accommodé de l’Ifle, on le rendit le plus miferable, & il ne luy refta des tra- vaux incroyables qu’il avoit foufferts dans les îfles, & de tout ce qu’il y avoit pû amafler depuis 15. ans , que la gloire d’eftre perfecuté & réduit à la beface pour l’intereft du Roy. le le crois encore à Orléans, où il fait quelque petit trafic pour ga- gner fa vie. w %' 'aux Ant-Ijles de î Amérique' 3 67 Le fieur de la Roche, Aide-Major de rifle , fut condamné par le Confeil du fieur Hoüel à fervir dcfclave à la Compa- gnie l’efpace de vingt mois , pour avoir reccu quelque com- mandement de M. le General , & on Iuy prit tout fon bien qui montoit à plus de 40000 livres de Tabac. Comme il n’y eut que confufion pendant cette année, ceux dont le fieur Hoiiel s’étoit fervi pour le foûlevement , ne fu- rent pas plus heureux que les autres. Iay entre les mains vue Lettre en Original du fieur Garderas, enuoyée à Paris au fieur de la Ramée , où luy décrivant l’état pitoyable de la Guade- loupe pendant ces broiiilleries, il luy mande. Il vous fera >, pour advis que les affaires de la Guadeloupe font en tres- „ mauvais eftat, iufqu’à ce point que la plus grande partie des „habitans en voudroient eftre dehors , tous les jours ils fedé- „ robent , & enlèvent tous les Canots qu’ils peuvent attraper. >, Voftre grand amy le fieur de la Baziliere Capitaine de fille, „ a efté pendu &c étranglé par fon cou avec fon Coufm Rou- ,, let , & le beau-frerc de Roulet ; Ieân l’Efcolfois , qui a efté „le Bourreau, eftoit condamné aulfi bien que les autres , mais „ il en a été quitte par le moyen de fon office ; huiét autres ont ,,écc fuftigez, effampez de la marque de l’Iflc , & bannis. le „ n’en puis fçavoir le nom au vray, on tient que toute la Baf- „ie-terre étoit de la CabaUe i le fujet pourquoy on les a fait 3, mourir , n’eft autre , que M. Hoüel craignoit que la Baziliere ne ,, découvrit toutes fes rufes &. ftratagefmes qu’il avoit dreffées ,, à l’encontre de M. de Thoify ; ainfi cft le bruit & le com- mun dire des habitans de la Guadeloupe, &c. I’ay pourtant entendu dire en France apres mon retour, que la Baziliere qui avoit efté l’un des plus échauffez Chefs de la rébellion, avoit eu quelque mccontantement du fieur Hoüel; ôc que craignant qu’il ne luy arrivât pis, il fit deffein de s’enfuir de rifle dans vne barque qui eftoit à la rade , avec fes deux Coufins. Et que fon entreprife ayant efté découverte , il fut arrê- té & pendu comme deferteur, fupplice qui n’eftoit gueres con- forme à là qualité dù Capitaine & de l’un des premiers Officiers de l’Ifle. Le fieur du Pont Major , qui avoit fi exactement exécuté 3 6 8 EJlabliJfemenfides Vrdnçois ics volontez du fleur HoiicI dans cette fedition, n’évita pas le chaftiment de fon crime , car il fut exilé , & plufieurs autres chaf- fez avec Iuy Le Leur H oiiel entreprit particulièrement un nommé d’Oran- ge ancien habitant,qui avoit beaucoup fouffert dans l’eftablif- lementdes Colonies, aux Ifles de Saint Ghriftophe, & delà Guadeloupe. Sa café eftoit un azile commun, &. une vraye maifon d’Àbraham , où tous les paffans eftoient bien rcceus,. les pauvres bien nourris, & tous les malades afliftez fort cha- ritablement. Sa femme , dont la vertu eft connue 6 ç efti- mee, non feulement de tous les habitans des Ifles, mais aufli de tous ceux qui l’ont fréquentée , fervoit les pauvres avec au- tant d’afliduité & d’affeétion que fes propres enfans, ne fut pas , épargnée. Onpritpretextefur ce qu’il avoit dit que Noël eftoit pafle, mais qu’il reviendroit bien-toft ,faifant alluflon au nom de M. ie General, qui s’appelle Noël. Ce fut allez d’avoir témoigné; fonfentiment, on iuy donna fa café pour prifonj Ce bon hom- me qui ne fçavoiten ce temps-là, ny lire, ny écrire, pria nos Peres de Iuy chercher un homme de pratique quiluy putdref- fer une requefte pour contenter le fleur Hoiiel, dans laquel- le apres avoir expofé fon innocence, & mis fa famille à cou- vert , il demandoit permiflion de faire un voyage ci> France. P ar mal-heur, un nommé d’Elville fut choify pour drefler cette requefte, qui l’ayant la fut communiquer au fleur Hoiiel, lequel fitaufli-toft drefler une Déclaration à fa mode, dans laquelle il embroüilloit les Religieux, qui deftendoient avec zele l’inno- cence decét homme de bien. Cette Déclaration leur ayant efté apportée, & la trouvant remplie defaufletez quirendoient d’O- range criminel , ils la jetterentdans le feu. Mais le fleur Hoiiel croyant que d’Orange l’avoit fignée,& qu’il la gardoit fur Iuy fans la donner, feignit de le vouloir faire embarquer pour l’envoyer en France; il fut conduit pour ce fujet à IaBafle-terre par deux Offici ers qui Iuy firent mille queftions en chemin, pour le fur- jprendre en fes paroles. Eftant arrivé, le fieur Hoiielluy commanda deluy donner h Decla- œuxAnt-IJles de lAmerique. 369 Déclaration qu il avoir faite, à quoy d’Orange qui ne l’avoitj^- maisleuë luy ayant répondu ingenuëment qu’il n’en avoir point il luy donna plus de 200. coups de cannes, en forte qu’il en avoir le corps tout meurtry. Apres ce traitement, il fut mis dans un ca- not & mené au Corps de Garde , chargé de fers, aux pieds & aux mains. On commença fbn procez, dans lequel le Leur Hoiiel tafcha toujours denveloper nos Religieux} mais ne trouvant rien à blafmer dans leur conduite , linon qu’ils protegeoient d’Orange, qu ils fçavoient très- innocent, ils furent bien-toft les objeéfcs de faperfecution. Son averlïon contrc-eux luy faifant oublier les extrêmes obligations qui leur avoit pour les fer vices qu’ils luy avoient rendus, il en vintàcepoint de violence qu’il animales habitans contre eux, & fit ce qu’il pût pour les obliger àleschaf- ler de 1 I/Iei en effet huiét ou dix iours apres la Pentecofte, il fit affemblcr fon Confeil , où il mit en deliberation s’il n’eifoit pas à propos de mettre les* Religieux dehors, & de les faire embar- quer dansun Navire quieftoità la Rade. Comme ceux qui le compofoient eLoient des âmes fcrviles qui époufoient aveu- glément fes paflions, ils conclurent à leur fortie; mais dans It temps qu’on écn voit l’Arreft, un navire Efpagnol, quipor- toit le Pavillon Hollandois,tira 8 . ou dix coups de canon, & enle- va le navire dans lequel les Religieux dévoient eftre embar- quez , &dans lequel pour lors cftoit le ficur de Leumont, Inten- dant General des affaires de la Compagnie. Le bruit de ce canon, 5c la nouvelle de l’enlevement du Vaiffeau, eftonna fi fort le Leur Hoiiel qu’il quitta le Greffier r& ainfil’Arreft demeura fans eftre achevé. Le Leur d’Orange n’en fut pas quitte pour cela}car apres avoir fait mine dobfer ver quelques formalitez, il donna un Arreft, par lequel il fut privé d’un Negre qu’il avoit achepté de luy, condamné à payer 2000. livres de tabac, applicables a ce que le Leur Hoiiel trou veroit à propos, ôcie nommé Cordon que 1 on faifoit complice de fon crime, fut condamné à fervir trois ans les Seigneurs de la Compagnie. Cette mefme année 1647. L arriva un accident à la Guade- loupe qui apprefta à parler à bien du monde, &qui fut regardé I. Partie. Aaa 3/o Eftablijfement des François de z ce temps-là par les plus judicieux comme un préfage du changemet que nous y voyons aujourd’huy , car le tonnerre tom- ba fur un grand May , qui efloit planté devant la maifon du fleur Hoiiel i & le prenant parle haut , l’éclata & le brûla en forme de limaçon, iufques au lieu où les Armes du Roy , des Seigneurs de la Compagnie, & celle du fieur Hoiiel efloient attachées, &lai£ Tant celles du Roy toutes entières, brifa* brûla, &,reduiflt en cen- dre celles de la Compagnie & du fieur Hoiiel. Ceux qui feront réflexion fur cequiefl arrivé depuis à la Compagnie &au fleur Hoiiel, avoueront que ce n’eft pas tous jours fuperftitiort de tirer quelquesfois des augures , de ces lignes extraordinaires. Ai. le General eft arrejlé par les habitans de la ^Martinique , fp livré a GM*, de Fowcy en échange de Ci M. du Parquet. Il eft conduit pri- sonnier a Saint Chrjftophe , et ou il eft envoyé en France, pour appaiferune émotion du peuple qui vouloit le reftablir 3 & cbajfer M. de Poincj . §. XIII. LE Commandeur de Poincy ayant euadvis parla barque du fieur Hoiiel de la fortie de M. le General de l’Ifle de la Guadeloupe, refolut de le pourfuivre Se de le faire prendre en quelque lieu qu’il fe fut retiré. Il équippa promptement pour cela, cinq grands VaifTeaux qui efloient à la rade, fur lefquels il embarqua 800 .hommes fans laconduite des fieurs de la Verna- de, Giraud, Aubert & Grenon , principaux Officiers de Saint Chriflophe, qui voulurent eftre de la partie. Chaque navire de cette petite flotte traifnoit apres foy fa Chaloupe , & à toutes voiles voguant vers la rade de la Marti- nique arriva à la veuë de cette Ifle le 15. Ianvier 1647. or* en donna auffi-toff advis à M. le General qui entendoit la Mefle chez les RR.PP .Icfuites, lequel ayant apris que ceux qui avoienc aux Ant-IJles de F Amérique. 372 efté potïr la reconnoiftrc, avoient efte chargez à coups de fufils, & qu’un habirant avoiteffié tué dans un canot, il jugea auffi-toft que ces navires eftoient envoyez par M. de Poincy. Cét aéte d’hoftilité l’obligea d’affembler les principaux Officiers, & les plus confiderables d’entre les habitans, pour refoudre avec eux ce qu’il y avoir à faire dans cette rencontre ; ils furent tous d’advis qu’il fe falloir deffendrc, & il n’y en eut pas un qui ne luy offrit de mourir pour fonfervice. La deffenfeainfi refoluë il y difpofa toutes chofes , renforça les Corps de Gardes , & pour en. courager les foldats leur fit diftribuer quelques pipes de vind’Ef- pagne ,& les vifitoit de temps en temps. Cette bonne difpofition pourtant ne fut pas de longue durée, car quelques habitans ayant eupermiffion des Officiers, d’aller àjbord des Vaiffeaux de M. de Poincy , & la liberté de commu- niquer avec ceux qui lescommandoientpilsfelaifferentbiemtoff perfuader de livrer M . Ic General, pour avoir M. du Parquet Ieur Gou verne ur. Ceux-cy eftans de retour perfuaderent les autres, & tous s’af- femblerent aVec les Officiers, pour ddiberer fur cette propofi- tion, qui leur avoit effié faite par le fieur de la Vernade, & pour advifer aux moyens de la mettre à execution. Us firent l’aéte fuivâte de deliberation ; & pour donner quelque couleur à leur trahifon,refoIurent de faire des propofitions àM. le Gene- ral qu’il ne pourroit leur accorder, T>eliberation des Officiers de la Martinique. » iourd’huy quinziéme iour de Ianvier 1647. Nous Ie- P, V^rofme du Sarrat, Efcuyer fieur de la Pierriere, Comman- „dant le fervice du Roy en l’abfence de M. du Parquet Gou- vcrneur& Sénéchal en cette Ifle Martinique, ayant fait appe- j,ler en Noftre Confeil Louvs de Querengoan Eicuyer fieur ,, de Roffielan, Capitaine d'vne Compagnie, LouysMichel fieur „ de la Renardière, Lieutenant d’vne Compagnie , Claude de „ Beaujeu Efcuyer fieur de la Haye auffi Lieutenant , Yves „Ie Cerevcil fieur le Fort, enfeigne d’vne Compagnie Colo- „ncllë , Nicolas Je Chandelier, dit la Fortune , ôc Pierre Go- A a a ij Eftablîjfement des Françok „dcfroy fleur de la Houffaye Enfcignes, & à iceux remontre 4, comme M. de Poincy a fait armer & équipper nombre de ,, Navires, dont quatre font mouillez à la rade de cette Iflc , ,,equippez en guerre, témoignans mauvais defTein contre ccr- „ tains particuliers en apparence , entre-autres chofes deman- „ danti.ee quon ait à leur remettre entre mains la perfonne „ de M. de Thoify , fous promefïè_de tendre Mondit fleur du „ Parquet N offre Gouverneur , & de ne faire aucun mauvais „ traitement audit Seigneur de Thoify déclarant le fleur la ,, Vernade commandant lefdits VaifFcaux, à faute dece,d’em- „ ployer fes forces tant contre nous , que contre les habitans „ pour les avoir. Sur ce conféré, apres la déclaration qui nous „ a efté faite par tous les fufnommez , ôc que mefme efl venu „en noftre eonnoiffancc du murmure que font tous les habi- „tans ,qui hautement ne fe peuvent empefeher de dire, qu’ils „nc veulent prendre les armes, encore moins s’expofer. au pé- trit de la vie pour fintereft de deux perfonnes, craignans d’e- „ tre furpris en venans aux mains avec ledit fleur de la V er- „ nade , £c qu’au befoin les habitans ne fe roidiffent contre „nous , &c qu'enfin par vu malheur nous ne caufaffions la per- dre de l’ifle , &: celle de Mondif fleur fy Gouverneur, qui efl „ fouhaitté par tous les habitais , & que de ce m’en fuflions „ blâmables. Avons tous d’vn commun avis, & deliberation, „ trouué à propos défaire connoilhe ^uidic Seigneur de Thoify „ les fufdites intentions, & quand & quâd le prier de pourvoir aux „ difficulté z qui s’oppofent contre nous par les raifons fufdites, „ & à fe pourvoir le plus diligemment que faire fe pourra , pour „ obvier à quelque plus grand defordre qui pourroic arriver. „ Fait au Confcil lefdits iour & an^Ainfi figne la Pierriere, Louys ,,de Songuen la Renardière ;, de la Haye, le Fort, Nicolasle „ Chandelier, Marque du fleur de la HoufTaye , Montillc.t ,, Greffier. M. le General les ayant reçcus avec bien de la civilité, Les écouta fort paifiblement, puis leur dit qu’il ne pouvoit rendre de refponfe à leurs demandes, qu’il n’en eut reçeu fur la pro- pofition qu’il a voit envoyé faire au fieur de Poincy , confor- mément aux ordres que depuis peu il avoir reçeus du Royi i afiX Ànt-ïjles de L'Amérique. 375 qu’au ïefte s’ils prctendoientlc prefler, ils ne dévoient pas at- tendre qu’il fit rien, qui ne fût digne d’vn Lieutenant Genc- oral pour le Roy. Comme les propofitions que ces Officiers venoient de faire à M. le Generajme fervoient que de prétexté, pour couvrir le defiein qu’ils avoient, d’executer ce qui leur eiloit propolé de la part du fieur de Pomcy , fa refponfc ne les empefefia pas de conclure leur traitté avec le fieur de la Vernade,& de s’o- bliger à livrer M. le General, pour r’avoir M. du Parqueta pourveu que Giraud &: Grenon derneuraflent en oftage iul- qu’à fon retour. Le fieur de la Pierriere eut honte de paroiftre dans cette aétion ,qui dérruifoit la fidelité qu’il avoit iurée à M. le Ge- neral, c’eft pourquoy le Fort comme le plus brutal de l’Ifle fut choifi pour l’arrefter , bien qu’il n’en eût iamais reçeu que du bien , & que pour un témoignage d’affeétion particulière , il luy eût donné à la fefte des Roy s. Je billet de la Royauté. Le Ieudy 17. qui avoit efté pris pour cette execution, le Fort ayant faic en vironner la maifon desPP.lcfuitcs,où eftoit M.leGeneral,par deux Compagnies defuzeliers,illefurpritfous une allée de Ci- troniers(oùilfe promenoir avecmoy)lorlqu’iIy penfoit le moins, le le lendemain le livra entre les mains de fes ennemis. Madame la Generale obtint permiffion de dire adieu à M. fon Mary, qu’elle ne croyoit iamais revoir , elle l’embrafiTa , mais elle ne luy pur parler que par l’abondance de fes larmes, qu’elle avoit empefdlié de couler jufques alors. M. le General qui l’ay- moit tendrement, ne luy dit qu’un mot ou deux , ■& la quitta de peur de fe trop attendrir jmais quand elle le vit partir , la dou- leur s’empara fi puiflamment de fon amc, quelle demeura im- mobile. Il fut conduit entre deux Compagnies avec le fieur de Bois- faye Capitaine de fes Gardes, & le meûne jour on l’embarqua dans le navire du Capitaine Touzeaupoureftre conduit à Saint Chriftophe. 11 avoit une écharpe blanche à frange d’or, d’où pendoit un riche fabre, qui ne luy fut point ofte , non plus que I é- pée au fieur de Boisfaye. Le 2x. Ianvier, les navires qui conduiloient M. le General Aaa iij J74 Efiablijfementdes François eftant arrivez , devant la Guadeloupe, le fieur Hoüel fit tira Traitté avec 1« fieur delà Vernade, par lequel entre autres cho- fes, illuy remettoit le fieur de Lonvilliers, ôepromettoit de luy rendre le fieur de T ré val aufli-toft qu’il auroit receu M. du Par- quet, je le donne tel que M. Hoüel la produit auConfeil. Articles accordés entre les fieurs Hoüel & de U Vernade . LE il. lanvier 1647. entre M. Hoüel Senefchal & Gouver- neur de l’Ifle à la Guadeloupe. Et M. de la Vernade Commandant Pefcadre de Vaifleaux, eftant de-prefènt à la rade de ladite Ifle, que ledit fieur Hoüel mette en fes mains dudit fieur de la Vernade M. de Lonvilliers Gouverneur de Saint Chriftophe, &: que M. de Tréval frere dudit fieur de Lonvilliers demeurera entre les mains dudit fieur Hoüel, jufquesà ce qu’on ait amené à la Guadeloupe & mis en- tre fes mains M. du Parquet Gouverneur de la Martinique, lequel eft à prefent à Saint Chriftophe. I. Q11 aufli-toft que ledit fieur de la Vernade fera arrivé à Saint Chriftophe, il fera conduire à la Guadeloupe, & mettre entre les mains dudit fieur Hoüel ledit fieur du Parquet, & que dans le mefme üauire qui apportera le fieur du Parqueta la Guadelou- pe^ ledit fieur Hoüel fera embarquer le fieur de Tréval pour eftre porté à Saint Chriftophe. II. Qu apres 1 arrivée duditfieurde Tréval à Saint Chrifiôpfie, Ion mettra en liberté ceux de la Guadeloupe, ou de la Mar- tinique, lefquels àuroient ëfië ^ïrefiez prifonniers , & les ren^ vdyera-t’on où ils demanderont d aller. ■ PU Qu il 11e fera fait aucun déplàifir, empefehement ou arreft à SainrChriftophe dequelque façorrique ce foit, aux navires qui viendront de Saint Chriftophe. ■ 1 in •jy .• ' _ ' 375 aux Ant-ljles de l* Amérique . IV. Que les habitans tant de la Guadeloupe que de Saint Chriflo- phe, pourront en toute fcurcté 6c liberté aller dune Ifle en l’autre, pour yaquer à leurs affaires 6c voir leurs amis. V. Qu’à Saint Chriflophe la juflicc fera rendue aux habitans de la Guadeloupe, ainfi qu’aux habitans de Saint Chriflophe, avec liberté d’en tranfporter leurs effets. VI. Que la mefme liberté 6c juflicc fera rendue à la Guadeloupe aux habitans de Saint Chriflophe. VII. Que fi quelque habitantalloit d’une Ifîe en l’autre fans conge , il fera de part 6c d’autre renvoyé. VIII. Que ledit fieur delà Vernade auffi-tofl qu’il fera de retour à Saint Chriflophe fera ratifier les Articles cy-deffus à M.Ie Com- mandeur de P oincy, &: renuoyera audit fieur Hoüellefdits Arti- clesratificz parmondit fieur le Commandeur de Poincy, dans le mefme navire qui portera ledit fieur du Parquet à la Gua- deloupe. Ainfi ligné, H o üel 6c la Vernade. Suivant ce Traité, M. deLonvilliers futrendu au fieur de la Vernade, & embarqué dans I’Admiral de cette petite flotte, la- quelle ellantarrivée à la rade de Saint Chriflophe, M. le General écrivit la Lettre fui vante à M. de Poincy. Monsievr. ,5 Quand vous aurez veu la Lettre que ie vous envoyois , 6c que „ M. de la Vernade a trouvée en chemin de Saint Chriflophe en ,, venant ala Martinique, icne doute pas que vous ne trou- ,,viez effrange qu on m ait oflé la fatisfaélion de vous venir voir ,, de moy- mefme comme ie vous l’offrois, 6c qu’on m’ait vio- „ lente de m embarquer par un procédé que vous trouverez ,, d autant plus lafehe aux Officiers de la Martinique, qu’ils „ avoient connoiffance, que j’cflois porté à faire ce voyage de 37 6 Ejlablïffement des Tra^çols 3, ma Franche & pure volonté. Vn autre chofe dont ie croy 3, que vous aurez regret, eft que le FieurHoiiel quieftlaprm- 3, cipale cau(e& le premier infiniment de tous les defordres de 2, ces Mes, demeure triomphant de fesartifices & de Fes trahi» 3, fons qui crient vengeance contre Dieu,ayant eflé fi facile ce me- », femble d’en délivrer le pauvre peuple de la Guadeloupe^ », Outre que cette entreprife eût efté beaucoup plus jufte 8c »,advantageufe que les autres qui vous eftoientacquifes-d une », meilleure forteque vousnelesavez. Pour le premier, j’advouë », qüe M. de la V ernade eira ufé avec tant de civilité, que j’aurois », tort de me plaindre en mon particulier de fon traitement, file „ caradere que le Roy m’a donné dans ce Pais ne mavoitlaiffe », le déplaifir qui doit ellre Fcnfible à une perfonne qufavoit les >, intentions telles que les miennes, & un tiltre qui me doit tirer ,, du commun. Pour la Fécondé , ie ne fçay pas quelle compofi- „ tion le S.Hoiiel a pu faire , mais ifeft facile à connoiftre par fes », procédez & par fes propres paroles, que fesrccherches affeélees „ & pleines de Fon propre interell , n ont eflé faites que depuis* », Feulement qu’il à apris qu’il y avoit accommodement dans nos „ affairesfte deçà, & qu’il a iceu que j’avois envoyé en France un », des principaux dépositaires de Fes injuflices ô£ de Fes crimes le „ nommé du Pont Greffier, qui de fon bon gre Souhaita d y aller », pour décharger fa confidence ; T ellement que voyant la perte certaine de tous coflez, & fon heure venuëdeftre chaflie de „Dieu & des hommes , il ne faut pas douter que c’eft ce qui Fit „ obligé d’aller au devant de vous, connoifiant Iafoiblefle de Fa », caufe, c’efl auffi ce qui à fait qu’il a tafehé de vous prévenir par », des menfongesque vous connoiflrez à prefent très-faux tou- », chant le traitement de M. de Lonvilliers , c eft ce qui 1 a fait re- courir aux artifices, & auxconfeilsmcfme qu’illuy a donne de* ,»puis, pour irriter leschofes àcequ’iladvouëluy-mefme, àdef- », foin de ruiner les bonnes intentions du Roy, pour vousôc les », miennes , & afin d’eftablir Fa tyrannie & mettre Fes crimes a, „ couvert» Cette malice qui m’avoit efté cachée jufques a cette „ heure, eft à prefent tellement évidente, &: les chofes en Font ,, venues à tel point, que le remors >- la défiance Scia diftorde par- ,»my les fiensluy font commettre crimes fur crimes, & pouftent ' ' * Fes aux Ant-IJle s de l'Amérique. 377 «feshabitans à s’entrccouper la gorge, vous apprendrez cequi „ eft arrivé pendant les deux iours que les Vaifteaux ont efté «d la rade de la Guadeloupe, par la feule défiance quils eu- « rent les uns des autres dans ce rencontre; en fin c eft un «homme perdu, qui croit vous obliger beaucoup de vous of- frir Meilleurs vos neveux pour fe racommoder avec vous, ,, s’imaginant que vous aymerez mieux les tenir deluy qui n’y ,; à aucun pouvoir, que du Roy, dont l’intention eft que ie «vous les remette. La conjonéiure où j’eftois,& la joye que «ie reccus des nouvelles de France , me fit vous dépefeher «un des miens pour vous en déclarer l’eftat véritable fansdef- ,, fein de parler d’aucuns interdis , puifque ie les veux Iaiiïer «entre les mains du Roy, & de nos Arbitres. Le tiltre que «j’av m’empefehe d’en écrire d’advantage, mais ie vous puis ,, alîeurer que fi vous répondez à cequeie vous demandois par «ma precedente ( fans que ie fçeufte rien des defteins que «vous aviez pour lors) que vous verrez aufti-toft à quel point „ ie porteray les affaires, citant très-important pour le fervice «du Roy, pourvoftre bien, &pour le repos de tous ces peu- « pies. le vous prie d’eftimer ma franchise, puifqu’elle eft fon- ,, dée fur l’intention de faMajefté, fur le confeil de mes amis «qui font les voftres, & fur I’efperance que j’ay toujours eû d’eftre dans l’eftat qui paroîc proche , de me pouvoir dire ,, avec vérité , MO N S I E V R , De la rade de S.ChriJlopbe Voftre tres-humble & trcs-afteélionné le 24. Iani/itri6 47. ferviteur, DE Thoisy. Cette petite armée navale arriva triomphante à SaintChri- ftophe le 14. au bruit de l’Artillerie du Fort & des Vaiffeaux, rapportant le fieur de Lonvilliers qui en eft oit Gouverneur, & M. le General, dont la capture promettoit la fin de la guerre. Le lendemain de grand matin , il fut conduit à terre aucc îe fieur de Boisfaye, Capitaine de les Gardes ; & comme il I. Partie. B b b 37 8 Efkabhjfement des François approchoit de la grande allée de Monfieur de Poincy , Madc- moifelle Giraut âgée d’onze à douze ans, apporta vn ordre à fon pere pour defarmer le fieur de Boifayc", qui eut bien de la peine à le fouffnr. On eut ce reiped pour M. le General de luy lailTer Ton eipée ; ils furent mis dans vne prifon tout pro- che celle du fieur du Parquet Gouverneur de la Martinique, & les Gardes de ces deux pnfons furent redoublées. M.deThoify faifant pour lors réflexion fur fon eflat, retrou- vant à 1000. lieues de France, éloigné de fes amis , fans Con- feil que de luy mefme, & expofé aux refféntimqns de fon cn- nemy, fut tellement accablé, que ne trouvant plus rien au mon- de capable de le confolcr , il eut recours â Dieu , implorant fon fecours par de tres-ferventes prières ; pendant qu’il s’y oc- cupoit avec beaucoup de ferveur, il eut uncfecrette infpiration de chercher quelque fouiagement à fa douleur dans le petit â Kempis qu’il avoir dans fa poche , avec certain prefTentinjent qu’il y trouveroit la volonté de Dieu , & quelque affurance d’en eftre fecouru ; en effet, il tomba à l’ouverture du Livre fur ces paroles du 2,3. Chapitre de la troifiéme partie, Seigneur , ne vous éloignt^pas de moy , parce que te me trouve ajsiegé d'une fou- le de penfées & de or andes frayeurs , qui fe font élevées dans mon ame,qui l'affligent & la tourmentent. Comment pourrai-je paffr au travers de tant d'ennemys fans efire offert cé ? Comment pourrai-je les renvnfer les mettre en fuite ? le mareheray devant vous , dit le Sei- gneur, & /’ humilierai les puifljances de la terre j 1 ouvrir ay les portes delà prifon , & defeouvriray des chofes merveilleufes. Pi m’a alluré qu’il eut une confoîation fi particulière de ces parolles, qu’il ne douta plus de la prote&ion finguliere de Dieu , & de fa déli- vrance. Pendant 9. iours il ne vid que ceux qui avoient foin de luy, &: qui avoient ordre de le fervir fans luy parler. Le 10. iour il fut vifité par les fie tir s de la Vernade & Giraut qui l’entretin- rent long-temps, mais feulement de chofes indifférentes. Durant que toutes ces chofes fe paffent dans les Illes , le Roy voulant faciliter rétabliffénient de M. deThoify dans la qualité de fon Lieutenant General, dont il ignoroit l’emprifon- nement , fit rendre vn Arreft en fon Confeil , par lequel il aux Ant-IJles de l- Amérique . ^ 7 9 donnoit un an à Moniteur de Poincy pour mettre ordre d Tes affaires, pendant lequel il eftoit maintenu dans la qualité de Lieutenant G«neraldeS Christophe feulement; M. de Thoify demeurant aufîi pendant cette année Lieutenant General des Ifles de la Guadeloupe &: de la Martinique ; apres quoy il dé- çoit exercer la mefine charge fur toutes les Illes de l’Ameri- que , fuivant fa premi cre Commiflion , qui elfoir prorogée pour ce fujet ; fa Majefte écrivit d funSe à l’autre, pour les obli- ger d obéir à fon Arreft, &; de l’cxccuter félon fa forme & te- neur. le mets icy ctt Arreft, parce qu’il donne de réclaircifîement aux Gifferens des fleurs de Thoify & Poincy , qui ont beau- coup de part dans cette Hiftoire. Mais comme les deux lettres que le Roy écrivit à ces Mc/feurs ne contiennent que lameft me chofe, ie mecontenteray de donner la première adrcft'ce à M. de Poincy. Extrait des Regijires du Ccnftil â'EJlat. : ‘ f ; • ■ <1 0 • ' • d: ü lo i i V Eu par le Roy eftantenfon Cônfeil,la Rey’ne Regenre fa Mereprefente,lcs Requcftcs refpcéhvement prelcntées à fi Majefté par le fleur Commandeur de Poincy , d’une part , & le fieur de Thoify Patroclcs , d’autre. Celle dudit ficur de Poincy, contenantqu apres avoir bien ôc fidèlement fervy durantplus de fix années , fait de grandes depenfes dans les Ifles de l’ Amérique, en qualité de Lieutenant General de fa Majefte, quelques liens ennemis & envieux 1 ayant mal à propos calomnié , contre toute vérité & juftice , ils auroient fait que fa Majefté ayant efté furpri- fe, auroit nommé ledit fieur de Thoify Patroclcs pour fon Lieu- tenant General efditcs; Ifles , à fon grand préjudice, & contre fon honneur, & requérant qu’il pleuft à ladite Majefté révoquer ladite Commiflion de Lieutenant General donnée auditfieur de Thoify ,& continuer le Suppliant en la fon&ion & exercice de ladite Charge; finon, en cas que fa Majefte ne l’euft pas aereable, ordonner que la Compagme^es Ifles de l’Amenque , fut* tenue & obligée de prendre toutesles acquifmons, maifons &- hérita- ges que ledit Suppliant pqftede enl’IfledeSainr Chnftophe, en payer le prix fuivant l’eftimation qui enfêroit faite parExperts-. Bbbij 380 EJlabliJfement des François donc l’on conviendroit lur les lieux , Iuy rembourfer les frais qu’J a faits par ordre , 8c à la priere de ladite Compagnie , pour fecou- nrles habitans des Mes de la Guadeloupe 8c la Martinique, les advances qu'il a faites pour le payement de lagarnifon deslol- dats qu’lia toujours tenus dans ladite Ifle Saint Chriftophe, avec plufieurs autres dépenfes qu’il afaites pour ladite Compagnie, ioit pour le baftiment d’un Hofpital , qu’autres chofes neceflaires pour le bien de leur Société, & iufquesà ce queladite Compa- gnie euft fatisfait à fon rembourfenient , qd’il pleuft à fadite Mi- jefté le conferver 8c maintenir en ladice fonction de Lieutenant General efdnes Mes, 8c de Gouverneur Particulier eivcélîe de Saint Chriftophe, ôc cependant que fes ne veux qui font decenu-s prifonniers entre les mains dudit fleur de T hoify, feraient par Iuy mis en liberté, 8c envoyez en ladite Me Saint Chriftophe; Qtfil pleuft aufil à fidite Majefté ordonner qu’il fut envoyy d’autres Ecclefiaftiqucsenla place des Peres Capucins qui y eftoient cy- devant , 8c qui fe font depuis peu retirez; 8c permis au fteur de Lonvilliers Poincy fon autre neveu , 8c ayant foin de fes affai- res à la fuite de la Cour, d’envoyer au Suppliant les vivres,vefte- mens 8c chofesneceffaires pour la fubftftance, au bas de laquelle requefte eft l’Ordonnance du Confcildefa Majefté tenu à Fon- tainebleau, fa Majefté y eftant /la Reyne Regentefa Merepre- fente,du deuxième Septembre dernier, portant que ladite Re- quefte avec le Fat^um y énoncé, feront communiquez aux Di- re&eurs de ladite Compagnie des Ifles dûi’ Amérique, pour leur réponde veuë eftre ordonné ce que de raifon. Ladite requefte du- dit fieur de Thoify, tendante à ce qu’attendu que le temps pour lequel leditfieur de Poincy aefté pourveu de ladite Charge, eft expiré depuis deux ans , il foit tenu defe retirer de 1 Me de Saint Chriftophe, par Iuy violemment ufurpce,Sc contre l’obeïffance qu’il doit aux ordres de fa Majefté , 8c Iuy lailfer la liberté de 1 e- xercice de ladite Charge de Lieutenant General de fadite Ma- jefté dans lefdites Ifles, 8c de Gouverneur Particulier dans celle de Saint Chriftophe, conformément aux proviftons qu’il en a obtenues, tant de £1 Majefté que de ladite Compagnie. La ré- rponfe des Dire&curs de ladite Compagnie à la requefte dudit fieur dePokicy , 8c incidemment demandeurs , contenant que le- aux ^Ant-IJles de /’ Amérique. 38/ dit fieur de Poincy ayant par fa Lettre du feptiéme Avril 1644. témoigné à ladite Compagnie que fon temps eftant expiré il ne defiroitpluseftre continué en ladite Charge de Lieutenant Ge- neral j & demandé, en cas qu’il pleuft à la Maj eft é en pourvoir un autre, ils euffent agréable qu’il demeuraft comme Particulier en ladite Ifle. Ils auroient fur cette affeurance obey à la volonté de faMajefié,qui leur avoit commandé dénommer ledit fieur de Thoify pour Lieutenant General efdites Ifles , & cnfuite gratifie l’un des neveux dudit fieur de Poincy delà Charge de Gouver- neur de ladite Ifle Saint Chriflophe. Mais au lieu d’en eftre fatis- fait, & reconnoiftre cette grâce qu’il demandoitavec inftance, fans parler de rembourfement de frais , ny autre intereft, il auroic changé de refolution,ufurpé la domination de l’Ifle, refufé de recevoir ledit fleur de Thoify , & chafle tous les Officiers de la- dite Compagnie, s’emparant de tous les effets, & empefehant que les habitans de l’Ifle ne payaflent les droits qui leur font deubs , dont fie (entant coupable , & craignant la punition du cri- me de leze-Majefté par luy commis , il n’a point trouve de meil- leur expédient que de donner le change, en fe conftituant deman- deur contre lefdits Dire&eurs de ladite Compagnie , aux fins contenues en ladite'requefte, quoy qu’ils ne luy ayent iamais donné ordre de faire aucune des dépenfes dont il prétend le rem- bourfement , mais Amplement écrit, qu’illeur donnaft advis des fommes aufquelles Iefdites dépenfes qu’il propofoit faire pou- vaient monter ,& des expediens qu’il difoitavoir trouvez pour en faire le fonds. A quoy iln’aiamais fatisfait, ny fait aucunes dé- pends pour ladite Compagnie, que des deniers & des effets qui eftoient entre les mains des Commis deladite Compagnie, fou- tenant par Iefdites raflons & autres plus à plein contenues par Ieurfdites réponfes & defenfes , qu’il doit eftre condamne leur te- nir compte de tous leurs droits par luy ufurpez, leur reftituer tous les meubles &eifets par luy pris ou con(omez,&les rembour- fer des dommages par eux foufferts, tant pour lanon-joüyfl'ancc des droits à eux appartenais en ladite Ifle S. Chriflophe pendant les années 1645. & 1646. que pour la non- joüy fiance de pareils droits dans l’Ifle de la Martinique , où ledit fieur de Poincy a Tiflcité les habitans de fe foûlever contre ladite Compagnie, B b b iij 382, Efîabhjfementdes François ch allé les Officiers , 5c refufé de payer les droits accoutumez, confcntans lefdits Due&curs qu’il difpofe des choies par luy acquifes en ladite Ifle , 5c des maifons par Iuy baflies ainfi que bon luy femblera , 5c comme tout autre particulier de ladite Me pourroit faire. Ve v auffii copie des Lettres Patentes de fa Majefté , par lefquelles fur la nomination des Directeurs de la- dite Compagnie , prefentation du feu fieur Cardinal Duc de Richelieu 3 Grand Maiflre, Chef &c Sur-Intendant General de la Navigation 5c Commerce de France, en confideration des bons 5c agréables fervices rendus par ledit fieur de Poincy, tant en plufieurs autres lieux de ce Royaume, qu’efdites Ifles de l’Amerique; fadite Majeflé fauroit derechef pourveu de ladite Charge de fon Lieutenant General efdites Mes, pour dire par luy exercée pendant le temps de trois années, à com- mencer le premier Ianvieri^i. Lettre miffive dudit fieur de Poincy addreffée aufdits Directeurs de ladite Compagnie du- dit iour feptiéme Avril 1644. par laquelle il déclare ne plus defirer la continuation de ladite Charge 5 5c en cas qu’il plai- fc à fadite Majeflé yen commettre un autre, les prie d’agréer qu’il puiffe demeurer comme Particulier dans ladite Ifle Saint Chriflophe pendant quelque temps. Copie de Lettres Paten- tes de fa Majeflé du 20. Février 1645. par lefquelles fur la nomination du fieur Duc de Brezé, Grand Maiflre, Chef & Sur-Intendant General de la Navigation 5c Commerce de France, 5c des Dire&eurs de ladite Compagnie, 5c en confe- quencê des bons fervices rendus par ledit fieur de Thoify, fa Majeflé fauroit pourveu de ladite Charge de Lieutenant General efdites Mes, pour eflre par luy exercée pendant trois années, à commencer du premier Ianvier 1645. Procez ver- bal fait par le Lieutenant 5c delegué du grand Prevofl de France, en datte des iç. 5c 16. Novembre 1645. contenant le refus fait par ledit fieur Commandeur de Poincy de recevoir ledit fieur de Thoify en ladite Ifle Saint Chriflophe , la re- fiflance par luy faite à main-armée, affilié des Anglois de la- dite Me jenfemblela prife des fîeurs de Lonvilliers 5c deTrc- val, neveux dudit fieur de -Poincy par ledit fieur de Thoify, avec les retentions des fieurs du Parquet, Gouverneur pour aux Ânt~ljles de t Amérique. ^83 ladite Compagnie en ladite Ifle de la Martinique, Saint Au- bin 8c le Conte, mis entre les mains dudit fieur de Poincy par le Lieutenant General defdits Anglois refident en ladite llle Saint Chriftophe. Information faite par le fieur de Breteville, Confciller au grand Confeil des 23. Février, zy. Mars, zy. Juillet , 8c premier Septembre 1646. fur. lesplaintes renduësau- dit grand Confeil dudit refus, violences 8c rebellions coin mi- fes pai ledit fieur de Poincy. Mémoires non lignez des frais avancez par ledit fieur de Poincy pour ladite Compagnie, fc montans à plus de cent cinquante mil livres. Réponfe de la- dite Compagnie audit mémoire. Scieurs demandes. Copie de deux Lettres écrittes par ladite Compagnie audit fieur de Poincy en datte du zy. Mars 1641. 8c quatre Avril 1642. par la première defquelles il eft porté entre-autres cho fes, que la- dite Compagnie n a autre defir que de contenter ledit fieur de Poincy des. frais 8c advances qu’il avoit faites, tant pour les barques qu’il avoit employées au voyage de Saint Chnfto- phe, Martinique 8c Guadeloupe, 8c en mandant à quoy tou- tes fes prétendons fe monteraient, elle ferait en forte d’y fa- tisfaire, 8c de pourvoir au bafiiment 8c forterefie qu’il écri- rait eftre neceffaire à faire à la Baffe-terre ôc Pointe de Sa- ble de mefinc matière que fon Fort 8c habitation de la Bafle- terre, 8c que leur donnant advis combien coûterait chacun def- dits baftimens 8c forterefie, ils fatisferoient à toutes les dépen- fes , conftrudaon de magazins, 8c entretenement de deux cens foldats, afin de difpenfer les habitans de la Garde. Lefdites copies collationnées par le fieur de Leumont, Intendant des affaires de ladite Compagnie efdites I fies , 8c par de Brunaut, Notaire 8c Tabellion Royal à Saint Chriftophe. Extraiât des comptes rendus par les Commis à la perception des droits de ladite Compagnie cfdites Iflcs, depuis les années 1640. 1641. 8c 1642.. contenant les reponfes par eux faites, tant en la con- ftruftion des baftimens, Hofpitaux, Magazins, qu’achapts de vivres, armes 8c munitionspour lefdites Ifles. Autre extrait de Lettres miflives, tant dudit fieur de Poincy aufdits Di- recteurs, que d iceux audit fieur de Poincy. Et oiiy le rap- port des fieurs du Fargis, Comte de Bricnne 8c d’Eftampcs 584 Efiablîjfement des François Valançay, Confeillers de fa Majefté en fes Confeils d’Eftat &; Privé, commis pour cüyr les Parties: Et tout confédéré. LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL, LA REYNE REGENTE SA .MERE PRESENTE, pour certaines confédérations , a accordé &. accorde audit fleur Commandeur de Poincy de demeurer dans ladite Ifle Saint Chriftophe feulement, en, qualité defon Lieutenant General, -avec les honneurs, authoritez & droits attribuez à fa Charge par lcfdites Lettres de provifion pendant le temps d’un an , à compter du iour de la lignification du prcfent; Arreft. Et ordône que dans fix mois apres le fleur de Lonvilliers fon Neveu, remettra és mains des Directeurs de ladite Compagnie les provi- flons qui luy ont efté accordées de la charge de Gouverneur enla- ditelfle S. Chriftofle , pour en eltre ledit fleur de Thoify Patro- cles par eux pourveu , aux mefmes prérogatives & droits y attri- buez, que ledit de Lonvilliers, pour le temps qu’ils adviferont, eftre ladite charge exercée par ledit fleur de Thoify ^ou par tel au*- tre agréable à ladite Compagnie que ledit fleur de Thoify leur prefentera, pendant le temps que ledit fleur de Poincy demeure- raen qualité de Lieutenant General eniadite Ifle S. Chriftofle. Veut & ordonne fa Majefté, que lediofleur de Thoify {oit fon Lieutenant Generaldurantledittempsd’vn an efdites Ifles deTa Guadeloupe & delà Martinique, dans lefquellesil pourra faire re- fldence pendant ledit temps d’vn.an, & y exercer ladite charge, & iouyr des honneurs, authoritez & droits y attribuez par lefdites Lettres, & conformément aux Traittez particuliers par luy faits avec les Aflociez de ladite Compagnie , &c fans qu’il puifle empefl cher les Senefchaux & Gouverneurs eftablis parladite Compa- gnie efdites Ifles ,en la fonction de leurs charges , ny s’ingérer en l’adminiltration de la Iultice ordinaire & eftabliftement delapo-r lice efdites I fies à eux attribuée, ny entreprendre fur les droits ap- partenans à ladite Compagnie , &r feront Iefdits fleurs de Poincy & de Thoify tenus mettre refpeCtivement en liberté Iefdits du Parquet , de Lonvilliers & de Tréval, enfemble tous au^- tres prisonniers par eux détenus de part & d’autre pour ce regard. Enjoignant fa Majefté audit ficur'de Poincy de rece- voir dans ladite Ifle Saint Chriftophe tous les particuliers ha- bitais Aux Ant-ljles de l'Amérique. bitans d’icelle qui en font fortis, ou qui s’en font retirez par fes ordres depuis l’empefchement fait audit fieur de Thoify, & pour raifon d’iceluy, & fpecialement les Officiers & Com- mis de leur Compagnie, & leur rendre ou leur faire rendre les meubles fur eux pris de quelque qualité qu’ils foicnt , Negres, bcftiaiix, & autres meubles qui fe trouveront en nature, ou le prix diceux, au dire de preud’hommes rdîdens fur les lieux en cas que le prix defdits meublesaye tourné àfon profit; en- semble de les reftablir en la pofteffion & joiiyffiance de leurs biens immeubles, ou en cas qu’ils voulufteht transférer leur habitation es autres Ifies, leur permettre la difpoficion defdits biens immeubles, enfemble defdits meubles, ainfi que bon leur femblcra, fans leur donner aucun trouble, ny erapefehe- ment, & auparavant faire droit fur les demandes faites 'par ledit fieur de Poincy,& défenfes au contraire, & demandes par ceux de ladite Compagnie-, Sa Majcfié ordonne qu’il fe- ra envoyé un Commiflaire fur les lieux, pour cftre par luy fait enqueftes de la venté du contenu cfdns faits, pour lef dires Enqu cites veués & rapportées pardevant fa Majefté eibe fait droit fur lefdites demandes, par tels Commiffaircs qu’il plaira à ladite Majcfié commettre de ion Confeil, fans qu en cas que ledit CommiiTairc envoyé par ladite Majcftc n’euit tait lefdites enqueftes dans ledit temps d’un an accor- dé audit fieur de Poincy, il puiflc fous ce prétexte prétendre d exercer plus long-temps ladite Charge de Lieutenant Ge- neral, &. cependant luy enjoint de recevoir dans ladite Iflc Saint Chnftophe , ioit ledit fieur de- Thoify , ou celuy nom mé par luy, ions le bon plaffir de ladite Compagnie fi pour exercer ladite Charge de Gouverneur & Senefchal cri ladite lile, durant une année que ladite Charge de Lieutenant Gene- ral luy eft prolongée & concédée, & les Officiers& Commis de ladite Compagnie, pour y exercer laluftice en leurs noms, & recevoir les droits à eux appartenais , ainfi qu’ils ont efté cy-devant levez; à quoy faire il tiendra la main, à peine d’en répondre en fon propre & privé nom, les mettant ladite Ma- jefte en la garde dudit fieur Commandeur de Poincy; Sc à faute par luy de fatisfairc au prêtent Arreft , & apres ledir I. Partie. Ccc Efiablijfement des François temps d’un an pafle, en cas que ledit fieur de Poincy ne re- çoive ledit de Thoify en ladite Ille Saint Chriftophe en la qualité de Lieutenant General pour fa Majefté, &c de Gou- verneur Particulier dans ladite Ifle, & luy laiife l’exercice li- bre defdites Charges. A fadite Majefté ordonne ôc ordonne, qu’il fera informé par ledit Commiflaire de la defobeïfFance qui fera rendue par ledit heur de Poincy, pour ce fait & rap- porté, eftre procédé contre luy ainfi que de raifon , avec dé- fenfe aux habitans de ladite Ille Saint Chriftophe de le re- connoiftre ny luy obéir en ladite qualité de (on Lieutenant General , à peine d’eftre traitez comme defobeïflans & rebel- les : Et en cas d’obeïflance par ledit fieur de Poincy, fa Ma- jefté luy a permis & permet de demeurer fi bon luy femble dans lèfdites Ifles, comme Particulier, ainfi qu’il pourroit fai- re és autres Provinces & Villes fujettes à fa Majefté, fans que par ledit fieur de Thoify luy foit fait ou apporté aucun trou- ble ny empefehement. Et d’autant que ledit fieur de Thoify Patrocles n’aura pas pleinement joiiy iufques au iour d’icelle demiiîion de ladite Charge de Lieutenant General, ny des émolumens d’icelle qui y ont efté accordez dez l’année 164 5. Sadite Majefté à la prefentation & requefte defdits lieurs de la Compagnie , luy proroge pour trois années la Commiftion, à compter du iour qu’il entrera en pleine pofleflion de ladite Charge de Lieutenant General dfcfdites Ifies de l’Amerique, y compris celle; de Saint Chriftophe, & à cette fin toutes Let- tres neceflaires luy feront expédiées en vertu du prefent Ar- reft. Fait au Confeil d’Eftat du Roy, fa Majefté y eftant, la Rjgyne Regenre fa Mereprefentc ; tenu à Paris lfi 15. iour de février 1647. Signé, de Lomenie. ^ V £ UnilCIir iC ^OtfnlTianacUL u.cr j. uiuiy; inutu HIUÜ ^Mconfeil d’Eftat du 2.5. du mois pafle, intervenfi fur le n fujet des differens qui font entre-yous, ceux de la Cojnpa- . Lettre de Cachet a M. le Commandeur n aux Ant- Ifles de l' Amérique. 387 V, gnic des Ifles de l’Amérique, & le fleur de Tho ify Patro» „ des, a efte donné avec tant de connoiffiance de caufe, que », cela méfait défier qu’il foie obfervé en tous fes points. C’efl ,;pourquoy ie vous écris la Prefente par l’avis de laReyneRe- ,, genre Madame ma Mere, pour vous dire que vous ayez à „ executer ledit Arrcft en ce qui vous touche ponctuellement ,, &c félon fa forme &c teneur, fans y apporter aucune difficul- té-ny retardement, fur peine de delobeïfîance : la prefente „n’efi:ant à autre fin ; ie prie Dieu qu’il vous ait, M. leCom- „ mandeur de Poincy, en fa SainCte garde. Efcrir à Paris le „z6. iour de May 1647. Signé Lovys, & plus bas, de „Lomenie. M. le grand Prévoit donna en mefme temps une nouvelle Cqmmiffion au fieur de Boisfaye, qui fut confirmée par les Lettres Patences de fa Majefté; mais comme elle eft toute, femblable à celle que nous avons mis cy-devant,& que les Lettres Patentes font conformes à ladite Commiffion , ie me difpen- fe dfc les mettre icy , maisie ne puis obmettre l'ACte de deli- beration des Seigneurs delà Compagnie qui réglé les pouvoirs tant, des fieur s de Thoify & Ploüel, que des fleurs de Bois- faye & des autres luges de la Guadeloupe. Extrait des ‘Reçijïres des deliberations des Sei- gneurs, des Ifles de l' Amérique. Du Mardy vingt -fixte [me Mars 1647. LEs Scigncursdes Ifles de l’Amerique voulant remédier aux diverfes plaintes qui leur font faites des differens quinaif- fent journellement entre les fleurs de Thoify &. Hoiiel fur la fonCIion de leurs Charges, &c entre les Officiers & luges de fille de la Guadeloupe, & le fleur de Boisfaye & autres dé- nommez en la Commiffion obtenue de M. le grand Prévoit, po ur exercer les Charges de fes Lieutenans, Exempts, &: Archers efdites Ifles , ont refolu que par le premier Vaiffieau qui partira de France pour aller efdites Ifles. 11 fera écrit à Meilleurs de Thoify & Hoücl que la Com- Ccc ij j§8 EJlabliJfement des François million dudit fleur grand Prevoft ne fe peut d’orefnavant exé- cuter efdites Ifles parle fïeur de Boisfaye &ies dénommez en icelle contreles habitans, linon en ce qur concerne la révolté de Saint Chriftophe 2c habitans de ladite Ifle , contre Icfquels la- dite Corn million a efté expédiée pour les obliger à obéît aux ordres du Roy, fans toutesfois y comprendre aucuns habitans delà Guadeloupe, contre lelquelscn ce cas flfera informé & le procez fait par les luges ordinaires de ladite ifle de la Guade- loupe. Que ledit fleur de Thoify en qualité de Lieutenant General pour le Roy efdites Ifles, pendant fonfe.jour en ladite Iflede la Guadeloupe, otï il s’efloit retiré du confèntcmêtdeflditsSeigneurs porté par leurs Lettres audit fleur Hoiiel du 16 . Aou II 164J. pour un temps à prefent expiré : 2c nepouvan t encore à prefent enfortir, lefdits Seigneurs de la Gompagnie trouvent bon qu’il y reflde encore pendant le temps porté par l’Arrelïdu Confeildu 2-y Février 1(347. 6c aux conditions portées par le Traité fait avec îuy. Prefîdera neantmoins pendant ledit temps aux Confeils de Guerre qui retiendront en ladite Ifle, tant pour empefeher les entreprifes des ennemis fur lefditesl fies 2c pourvoir à leur fleure- te, que pour tenir les Caraibes en devoir & fe conferver contre les mauvais deffleins qu’ils pourroient avoir, & feront leur poiiïble lefldits fleurs de Thoify 2c Hoiiel d’entretenir une ferme paix 2c bonne correfpondance avec lefldits Caraïbes. Que le Gouverneur 2c Seneflchal de ladite Ifle de la Guade - loupe fera les fondions qui luy font attribuées, par eux dites , en b Iuftice 2c Police: Prefldera au Confeil Souverain par luy effs bly conformément à la Déclaration de fa Majeflré, portan création dudit Confeil Souverain en ladite Ifle, & donnera fou' les congez aux habitans de ladite Ifle félon qu’il jugera expe dient pour le fer vice de la Compagnie. Pourra neantmoins le dit fleur de Thoify entrer une fois feulement dans ledit Cou- foil Souverain, 2c en ce cas tenir la première place flans prendre les voix , ny prononcer ; 2c ce par honneur , ainlî qu’il fle pratiqua en France. Que les luges flubalternes ne pourront continuer I’inArudio* aux Ant-Ijles de F Amérique. 38^ quand vous verrez par noffre rranfaétion, queie me fuis con- „ tenté d’affeurer feulement ce que je dois à mes créanciers , & , , que ie me fuis refervé pour moy, de vous demander voffre ami- jj tie, en vous réitérant une nouvelle protelhtion d’oubiier tout jj ce qui s eff paffé , & de chercher toutes les occafions poffi- » bies de me dire, - .1 r - MONSIEVR^ Voffre très -humble & très - obeïffant ferviteur, b>e Thoisy. K1! ONS1EVR, „ l'ay receu celle qu’il vous à pîû m’écrire par M. Giraut, la- , , quelle méfait paroiftre que vous defirez que nous vivions en » bonne intelligence, l’accepte cét offre ires-volontier s, & vous jj proteffe que j’ay du regret de tant de troubles qui font arrivez ,, entre-vous & moy. le fçay que vous n’effes point autheur de ,j tous ces defordres, font de malicieux efprits qui vous ont plon- j, gé dans ce labyrinthe , qui nelaiffe de vous effre préjudiciable, ^ aufli bien qu’à moy. le travaille par routes fortes de voyes pour „ vous faire firisfaire , touchantes accords qui ont eff é faits avec j, vous par M. le Bailly de Souvré, &pour vous le témoigner, ,, ie cede les droits ordinaires au peuple de cette Ifle, & leur „ permets défaire levéefureux pour voffre payement ; vous en „ verrez les effets promptement. Dieu aydant,ainfi que vous j, le mande M Gn aut, en attendant s’il s’offre occaffon de vous j, rendre fer vice , ie le ferav de pareille affeétion que ie fuis , V offre très- obeïffant ferviteur.' IE CHEVALIER DE PoiNCY. Ddd MONSIEVR, \A Saint D t I a ' âa é. , ja ■rjtopbs ceij.iour de Vecemi re 1652. 3 94 Eflablijfement des François Le ficur Hoüel s’eft défendu plus long temps des pourfuite-s de M. le General* mais voyant qu’il n’y avoit plus moyen de reculer ny d’éviter une condamnation, il Iuy fit parler a accom- modement, & choifit M. de Mégngny pour Ton Arbitre, qui ayant efté agréé de M. le General qui n’en voulut point d’autre, l’accommodement fut bicn-tofl fait, & le fieur Hoüel fut con- damné à Iuy payer en trois années 617 15. livres depetumà quoy il acquiefça. Madame la Generale ayant apris le départ deM.fon mary* nefongea plus qu’à le fuivre ; elle mit tout l’ordre qu elle pût à fes affaires, & le 2,0. Iuin de l’année 1647. Partic del’Ifle de la Martinique, pour aller à l’Ifle d’Antigoa, où elle fut fort bien rc- ceuë des Anglois; d’où eftant partie le lendemain, le Lundy 24. elle débarqua à l’IfledeSaint Euftache, d’où apres fept fc- maines de fejour, elle s’ébarqua dans le navire de Michel Rùyter, ( aujourd’huy Admirai d’Holande ) auquel elle confia tous fes papiers de confequence. Iln’oublia rien des civilitez qu’il devoit à fa condition, & luy fit prendre terre à Boulogne, Ville Ma- ritime de Picardie, le quatorzième Septembre, d’où elle prit la Toute de Paris. Ferfecution univerfelle dans les IJles , apres /’ em- barquement de C ‘FïC. le General . §. xiv. PEndantque M. de Thoify réüfïit heureufement en France dans les procez civils & criminels qu’il intente contre les fe- .ditieux , quil’avoientinjurieu'fementexpulfé deslfles, elles de- viennent le théâtre d’une horrible perfecution , & d une infi- nité de maux, dont les playesfaignent encore aujourd huy, par la ruine de plufieurs Particuliers qui gemiffent dans la mifere: pour n’avoir pu rentrer dans la joüyflànce des biens, dont on les a injuftement dépouillez dans ces temps de defordres & de Cjonfufion. Incontinent apres le départ de M. le General., la perfecution aux A nt-IJles de l’Amérique. 3 95 s’augmenta contre ceux qui auoient tenu fon party , & le nom des Patrocles, c’ell ainfi qu’on les qualifioit, devint fi odieux, qu’il n’y avoir point de quartier pour ceux qui en étoientfoupçon- nez ; c’cfioit afièz d’eflrc tenu tel pour fe voir chargé de coups de ballon, mis aux fers, pillé, ruiné , & banny honteufement de l’ifle : 11 n’y avoit point d’azile afieuré dans les bois ; car l’on donnoit la chafife à ceux qui s’y refugeoient , comme à des en- nemis publics; & cette violence fut fi grande, qu’elle en contrai*, gnit plulîeurs defefauver fur des Piperis , de d’expofer leur vie a mille dangers pour fe délivrer de ces oppreflions. Nous avons déjà veula Guadeloupe agitée de cette tempcfle, en voicy encore quelques fuittes aflezfâcheufes; il y avoit à la Capllerre de cette Ifle un Lieutenant appellé la Fontaine pied d'or ion y àcaufe qu’il elloit ellropié, de portoit une jambe en écharpe avec une bande de cuir ; ce la Fontaine qui avoit ellé an commencement fort zélé pour Monfieur Hoüel contre Monfieur deThoify, de qui depuis avoit changé de fentiment, ayant lin iour rencontré Mademoilclle Trefel qui alloit voir M. Hoüel alfez matin , ne fe pût empefeher de luy faire quel- que raillerie, dont n’eftant pas contente elle avertit fon mary, qui fût auflî-tofl: faire fes plaintes à M. Hoüel, apres quoy il fit courir le bruit qu’il en avoit obtenu permiflion de donner cent coups de ballon àla Fontaine; céthomme ellant ellropié, couvert de bleflures, de fort incommodé, n’eut pas plûtoft le vent de cette menace, qu’il alla trouver M. Floüel, &le pria d’empefeher Trefel de mettre la main fur luy, parce qu’il ne fe pourroit pas empefeher de luy donner un coup de fufildans la telle; il s’en revint content , difant qu’il avoit ordre de tuer Trelel,sil fe mettoit en devoir de luy donner des coups de ballon, à quoy il ne manqua pas; car quelques iours apres Trefel venant à luy la canne levée pour le fraper devant là maifon, la Fontaine courut à un fufif & le prefentant à Trefel luy dit , que s’il avançoit il elloit mort, mais Trefel mépri- fant cette menace s avança fi prez de luy, qu’il luy mit la pou- dre Se le plomb dans le corps, ôde tua fur la place. Il s’enfuit aufli rofl Lnslcs bois; d’où ellant revenu quelques iours apres? fe mettre entre les mains de la Iuflice, il fut condamné à ellre Dddij 39 6 EfiaMtff ornent des François pafl'é par les armes. Il demanda que le Pere Raymond le cou- felfât l’aflTiftâc à la more, mais cette grâce luy lut refufée, neantmoins comme on le conduifoit au fupplice, il ne voulut jamais paffer noftre Chapelle qu’il ne luy eût parlé ; & luy ae^ manda publiquement pardon de tous les tors qu’il nous avoit faits, 2e particulièrement d’avoir louvent tué des animaux do- melliques de l’habitation, déclarant devant tout le peuple qu’on le luy avoit commandé, enluiteilfut exécuté, & le bruit elloitrout commun , qu’on s’eftoit voulu défaire de l’un & de l’autre pour desfujets bien differens. M. Hoûels’eftant délivré par divers moyens de tout ceux qui luy déplaifoient à la Guadeloupe, n’avoit plus que M. de Sa- boiiilly qui luy pût donner de l’ombrage , il fça voit qu’ü avoit l’approbation de tous leshabitans, &que luy-mefme, aufii bien queM. de Poincy avoit écrit aux Seigneurs de la Compagnie en fa faveur, & qu’ils l’avoient recommandé comme un homme rare, le plus capable de commander, qui fût dans les Ifles ; cela luy faifant appréhender avec fujet que la Compagnie ne jettât les yeux fur luy pour reftablir les affaires de la Guadeloupe, il le fit prier de fe retirer en France, & voyant qu’il ne s’y dilpo- foit pas, il luy en fit faire commandement; mais ce Gentil-, homme n’ayant pas fait femblant de l’écoûter, cela obligea M. HoLiel deluy envoyer direqu’il prît garde àluy,ô£ que fa vie n’efloitpas enafieurance dans l’ Ifle; dequoy ayant fait peu de cas & cette menace ne l’épouvantât nullement, le bruit courut aulîi- tofi: dans Pille , que les Gardes de M. Hoüel avoient ordre de le tuer;dont M. de Saboüilly ayant eu le vent, il luy voulut faire voir qu’il ne le craignoitpas;car l’ayant, rencontré dans un chemin allez élirait précédé defes Gardes, il en appellaun qui avoit ellé Ion V alet de chambre,& luy ayant parlé quelques temps;ilpalTa au mi- lieu desautres & fut droit àM. Hoüel, quile voyant approcher blefmit,& fit une démarché hors du chemin, pour le laifier pafier, làns ofer luy dire mot. M. de Saboüilly fut encore quelques temps dans fille, d’où apres il fe retira en France, où il ell mort glorieufement les armes à la main pour le fervice du R°y- . , , Bien que la Martinique aye elle la moins agitee de aux Ant-TJles de l* Amérique. 397 troubles par la conduite duSieur du Parquet, neantwnoins el- le n’ena pas efté tout à fait exempte ;on y a veudes banniffc- mens & des profcriptions comme dans Saint Chriftophe & dans la Guadeloupe ,& iepuis dire que comme une mer fort agitée ,eft encore quelque temps dans 1 émotion , apres mefmc que les vents qui avoient excité l’élévation de fes flots ont cefle : les Ifles ont efté long-temps à fe remettre dans leur premier eftat apres tant de foule vemens & de feditions , on ne travailloit beaucoup d’habitations demeuroient defertes , la plufpart -eftoient prefque ruinées par les mauvaifes herbes , fi bien que les habitans y faifant peu de marchandées, le commer- ce efloit interrompu , de forte qu’ila fallu plufieurs années pour le reftablir. La plufpart du peuple durant ces mutineries efloit devenu audacieux & peu refpedueux aux Ecclefiaftiques, c’elt pour- quoy on ne fçauroit exprimer les peines que nos Peres ôc les autres Milflonnaires ont enduré pour remettre les peuples dans le devoir, particulièrement à la Guadeloupe, ou. le Gouverneur faifant tout ce qu’il pou voit pour les perdre de réputation , les libertins de fille prenoient à tâche de les perfêcuter & de mé- dire de leurs conduite pour luy complaire. La licence des Gouverneurs avoit tellement accoutumé le peu- ple à crier contre la Compagnie, Se contre les droits qu’on efloit obligé de luy payer, qu’encore que les Sieurs du Parquet & HoüelfiffendeurpoflibIe,où du moins quelque femblant, pour les ranger & leur faire payer, ils n’y réiilîirent qu’à demy. Pour Saint Chriftophe on y avoit tellement fecoiié Iejougquc les Seigneurs de la Compagnie n’eftoient plus Seigneurs que de nom, le fleur Hoiiel les en avoit avertis par une de fes Let- tres dez l’année 1646. par laquelle il leur mandoit que Ienom de la Compagnie efloit aux habitans ce que U tefte de loup eft aux enfans, qui fait peur aux timides , & qui met en fureur les plus hardis, & les plus refolus. 3^8 EJlabliJfement des François La Compagnie tafche en vain de remedier a tous ces maux , & de favoriser les exilez,} en leur donnant permiffon d' habiter L'Ifle de Àda- riegalante. §. xv. LEs fleurs de la Fontaine te Camo, Capitaine proferits de Saint Chrilfophe, s’eftant fauves delaperfecution efhoient arrivez en France , auparavant que M.le General eut efté livré à M. de Poincy. Ils remonftrerent aux Seigneurs le pitoyable cftat auquel ils efloient réduits , les maux qu’ilsavoientfoufferts, te les grands biens qu’ils avoient perdus pour le fervice du Roy te delà Compagnie; ils leur reprefenrerent i’eftrange perfe- cution qu’avoient enduré les gens de bien, qui les avoienc fui— vy dans leurs bonnes intentions, te comme ils eftoient mifera- blement difperfez, les- uns en Hollande, quelques -autres en France, te la plufpart dans les lfles voifmes, Angloifes, te Flamandes, affeurant que c’eftoient tous anciens habitans , gens d’honneur , te fort expérimentez dans les manufaétures du pays , capables de compofer une tres-bonne Colonie, s’ils eftoient raffemblez. Ils demandèrent en mefme temps aux Seigneurs la permif- fion de lés raffembler, te d’en former une Colonie pour habi- ter Mlle de Maricgalante. Les S eigneurs de la Compagnie bien-aifês dé trouver le moyen* de reeompenfer en quelque façon les fieurs de la Fontaine te Camo, tC les autres perfecutez, fans qu’il leur en coûtât rien , s’af- femblerent extraordinairement le huitième iour de Février ? te firent cette Déclaration. C du May %J.du/7l<ÿ dutnafiacre coiiuc/y Once "} Crr. Jauano deüoiperei) ctncc B oifseret c ^ rhiinc d herbe lay P. oincc P ilnec C cLuJortpapc lJhehcl fL C Terne rusrur Surmcnt C t alaises /liane a la ! lut et alaToc t Hicerd lu Pont T LÜSLE VE n L UUGALAND. dci /na/a sis C de Fa- \ I. de laFontct Ions le/ le, du Diable JCltaCC a l§ au /lard de la \noctiale cjoiuiêrnee y ai |XMr^ Tcmencourt un fo rrati GrottcS ■ Jean G r. la T/lac/ delauu F. F tyjomic^ (cttÿ aux $Ant-IJles de l'Amérique. Déclaration de la Compagnie des IJles de l Amé- rique en faveur des Exilez ^ A Vfourd’huy huidiéme Février 1647. en confcquence des Requelles 6c mémoires fignez 6c prefentezàla Compa- gnie des Seigneurs des Iflesdel’Amerique,parlesfieursHauf- fier, dit de la Fontaine, 8c Antoine Camo, Capitaines enlaCap- fterre de fille de Saint Chriftophe , pour l’habitation de Marie- galante en l’Amerique , dans l’eltcnduë de la conceflïon faite aufi- dits Seigneurs par l’Edid de Mars 1642.. tant pour leur fervir de retraite 8c à leurs familles exilées de ladite Ifle, que pour nombre d’habitans aulTi challez 6c bannis dudit Saint Chrifto- Compagnie ayant donne pouvoir à MeflieursIesDircdeurs de traiter avec lefdits fieurs la Fontaine & Camo, l’habitation de ladite Ifle, par deliberation del’Aflemblée dudit |our huidiéme Février, il a efté convenu 6c accordéentre lefdits fieurs Dire- deurs, 6c lefdits fieurs la Fontaine , 6c Camo. I. Que les Seigneurs permettent 6c donnent pouvoir aufdits fieurs la Fontaine & Camo en vertu de celuy qu’ils ont de Ci Majefté , d’occuper 6c prendre poflefllon de ladite Me de Marie- ga’ante, au nom du Roy ,6c des Seigneurs, dans l’année pre- lentc. 1 1. Qif ils leurs accordent le Gouvernement de ladite Me pour quatre années, dont ils leurs feront prefentement expédier Com- miflions , enfin defquelles ilsferont continuez en ladite Charge de Gouverneurs, par autre Commillion qui leur fera envoyée par quatre années fuivantes. III. Que pour favorifer ladite habitation, & attirer de nouveaux habitans en ladite Ifle, lefdits Seigneurs ne lèveront aucune cho- fe des droits accoûtumez, 6c eftablis aux autres Mes, fur lefdits nouveaux habitans, pendant les quatre premières années, com- mençant au iour de Saint Iean-Baptiftede la prefente année -,Sc pendant lesquatre années fuivantes , lefditsdroits feront modé- rez à la moitié de zoo. livres, qui fe lèvent par telle dansl’Ifledo 4° o EJlabliJfement des François Saint Chriftophe , du payement defquels lefdits fieurs la Fontaine & Camo auront 30. hommes de leur s familles exempts, qui eft 15. pour chacun d'eux. • IV.. Ne feront compris en ladite exemption de droits, ceus defditshabitans , qui luivant la permilîlon generale de pafferd e Mes aux autres, transféreront leur domicile des autres Mes,oii ils font demeurans en celle de Mariegalante , en laquelle ils paye- ront les mefme droits, qu’ils pay oient aux Mes dont ils font for- tis, excepté les familles particulièrement habitans dudit Saint Chriflophe,quienont efté chaffez, 5c contrains de s’en retirer de- puis deux ans , 5c encore quinze familles de celles qui font prefen- tement audit Saint Chriftophe, lefquelles joiiyront de ladite exemption , comme ceux qui commenceront à habiter ladite Me de Mariegalante. V. Lefquels Gouverneurs pourvoiront aux Charges de Milice, foutainfi quil eft pratiqué dans les autres Mes. Les Officiers de luftice, 5c autres, demeureront à la provifton defdits Sei- gneurs. V I. Moyennant ce, lefdits fieurs la Fontaine 5c Camo, promet- tent aufdits Seigneurs de faire habiter ladite Me dans la première année prochaine , & y faire pafler le nombre de 60. François de Ia. Rehgion , Catholique , Apoftohque, 5c Romaine, avec deux Ec- clefiaftiques, ayant million fuffifante, pour les fonctions fpirituel- îes en ladite Me. VII. Qu’ils continueront de faire palier 5c habiter en ladite Ifle pareil nombre de 60. perfonnes de mefme condition par chacune année des quatre fui vantes. VIII. Qu’ilsferontconftruireàleursdépensunFortfuffifant pour la foureté de l’Ifle, & des habitans, & qu’ils ménageront en forte 1 affeétion des peuples Sauvages, qu’ils n’auront point de guerre avec eux. I X. Lefquels fieurs entretiendront intelligence 5c bonne cor- refpondance avec les Gouverneurs des autres Mes, & Officiers defdits Seigneurs, 5c particulièrement avec M. Hoiiel, Gouver- neur de la Guadeloupe 5c l’un des Seigneurs. X. Etau cas que l’entreprife de ladite habitation neleurfucce- dât comme ils ont efperé, ils ne pourront prétendre contre Ia^ aux Ant-Ijles de l 'Amérique. q.0I Compagnie aucun dedommagement ny rembourfement de frais 8c avance. Fait 8c arrefté le iour 8c an que deffus. Signé, Berrvyer, Camot, 8c Havssier. Le mefme iour de cette deliberation , on leur expédia leurs Commiflions , mais un peu d’argent leur auroit bien mieux fervy que ces belles pencartes; car nos pauvres exilez cherchè- rent par tout de laigent a emprunter, fans queiamais perfon- ne leur voulût prefter un fol pour l’cftablifTemcnt de cette pré- tendue Colonie; de foite qu ayant mange les aooo. livres que Madame de Patroclcs leur avoir obtenu de la Rcyne Alerc quand ils arrivèrent à Paris, le fieur Camot fut contraint de s’en retourner à la Martinique , où M. du Parquet le rcceut a bras ouverts, 8c lalïifta de toutes choies; 8c l’autre pritpar- ty avec M.le Baron d’Ormeil, qui Iuy confia la condurtte d’u- ne petite Colonie qu il envoyoit à Orénoc , où ayant mis pied à terre avec le R. P. Pacifique de Provins Religieux Capu- cin, & i i. hommes , on n aiamais fçeu apprendre depuis, ce qu’ils eftoient devenus. Ef ranges avantures de quelques François reléguez, a l Ijle des F serges, Ces dangers qu ils couru- rent fur Mer & fur terre , tufquà ce qutls fu- rent f courus par les Sfpagnols. w ifffl ; } , ! §. XVI. i e. > • MOnficur de Poincy ayant appris par pluficurs Lettres de fes amys de France , que la Reyne Rcgente Mere du Roy a voit favorablement reccu les plaintes de Monfieur de Thoifv, 8c qu’elle a voit paru fort irritée du mépris qu’on avoit fait de fa Commidion , crut qu’il eftoit de fa Politi- que,( pour éviter de nouvelles feditions dans fon Jfie , en at- tendant que la Religion de Malthe eut fait la paix avec la Cour , 8c moyenné quelque accommodement avec M. de Thoh- I. Partie, Ree #o.z EJlabliJjement des François 1 y ,) d’en challer les pnncipauxde ceux qui s’eftoienf montrez les plus affectionnez à les interdis. Mais n’ofant les renvoyer en France de peur qu’ils n’y témoignalfenc contre luy, 6cqu*ils ne fe ioigniflent aux heurs Camot & de la Fontaine , n’o- fant pas auffîles bannir de Hile comme des Criminels^ de peur que cette violence ne rendit fa conduitte plus odieufe , la caufe plus mauvaife en France , il fe fervit d’un pretexte plus Ipecieux , & fit courir le bruit qu’iL avoit dell'ein d’envoyer habiter l’ille des Vierges. Il choifit pour cét effet foixante hommes qui luy eftoie-nt les plus fufpeéfcs , dont l’un nomme Vincent Veillet, autrement dit la Haye , avoit exercé long- temps l’Office de Greffier à Saint Chriftophe; un autre avoit efté pefeur General de fille , 6c prefque tous les autres avoient elle Officiers de Milice. On vie bien d’abord qu’on avoit delïein de les reléguer dans quelque Ifle deferte , quand on fçeut que Mronfieur de Poincy avoit eftably Chef & Capitaine de cette prétendue Colonie vn nommé le Verrier , homme fans efprit ,’ fans let- tres , St fans expérience, 6c qui avoit efté autrefois condamné d’eftre pendu , pour avoir pris les armes contre le Service de fa Majefté dans la feditionquc Burgaud laMarche ôcquclqu’ au- tres mutins avoient excitée à S. Chriftophe ; mais l’on n’en douta plus , quand on vit que peu de iours apres leur em- barquement on confifqua leurs biens , ôc qu’on donna leurs habitations à ceux qui avoient tenu le parti de Moniteur de Poincy. Ils partirent de S. Chriftophe au mois de Septembre de l'année 1647. dans ^ barque de Iean Pinart , qui ayant fait plulieurs Voyages aux Vierges , avoir remarqué dans la plus grande terre , vne.fpacieufe habitation découverte par les An- glois , fur laquelle il y avoit quantité de Patates , & de Ma- yyec plantez. Nos foixante-fix habitans abordèrent heureufement à cet- te Ifle, Sceftans defeendus à terre pendirent promptement leurs lits de Coton à des arbres pour dormir, St pour fe repofer, des Fatigues qu’ils avoient fouffert en mer, St des inquiétudes dont ils avoient efté depuis tres-long-temps agitez à S. Chri- aux Ant-IJles de ï Amérique . 403 ffophe ; Mais le nombre infiny des Maringoins & Meufl/yuesy qu'ils y trouvèrent , ne leur donnèrent pas un moment de rc- pos. Le lendemain de leur defeente à terre , plufieurs des plus curieux vifiterent rifle pour voir fi elle étoit propre pour ha- biter ; mais allant de cofté 8c d’autre dans l’habitation que les Anglois y avoient découverte, ayant trouvé quantité de corps morts, tant hommes que femmes veftus de leurs habits : cét horrible fpe&acle leur ietta la frayeur dans le. cœur , &: leur fit croire qu’on avoit choifi ce lieu comme vn coupe-gorgefa- vorable ipour les faire périr , pareeque cette Ifle eftant proche de celle de Saint Iean de Portric habitée par les Efpa- gnols , ils n’auroient point de repos qu’ils ne les eufTent chaf- fez , 8c ainfi c’eftoit les expofer à la boucherie. En effet , les Efpagnols de S. Iean de Portric ayant apris les defordres 8c les divifions qui eftoient arrivez à S: Chri- ftophe,& que M.de Poincy enavoit chafîé quantité d’habitans, qui s’elloient emparez de cette Ifle, ils armèrent cinq Navi- res en guerre , qu’ils chargèrent de quelque Infanterie pour venir reconnoiftre le lieu où nos François s’efloient placés, 8C leur faire le mefme traittement qu’ils avoient fait un peu au- paravant aux Anglois. Ayant mouillé l’anchre , ils remplirent cinq Chaloupes de Soldats , 8c tirèrent vers le lieu où elloient nos François, qui les ayant apperçeus coururent à leurs armes; 8c fçaehant qu’il n’y avoit aucun quartier pour eux , refolurent de fe battre iufqu’à fextremité. L’équipage de la Barque au nombre de 15. hommes fe joignit à eux , 8c tous enfemble ils combattirent vaillamment les Efpagnols, dont le feul nombre les devoir ac- cabler ; le Neveu du Gouverneur de Portric , qui conduifoit cette cntreprife,fut bielle d’un coup de fufil, duquel il mourut un peu apresfon retour dans cette Ifle , nos gens fe battant en defef» perez tucrent fi grand nombre d’EfpagnoIs, qu’ils contraignirent les autres de fe retirer à une grande Ànfc, que les habitans ap- pelaientdu Morne, où apres avoir tenu Confeil, ils re- tournèrent à la charge, 8c fondirent courageufemcnt fur les Fran- çois avec des lances, dcsSagayes, ôc des armes à feu.. Le choc fut E e e ij 4° 4 Efiabhjfement des François furieux , trois François y perdirent la vie , cinq antres furent bleflez,aufqueIsneantmoins les Efpagnols firent tres-bon quar- Les autres voyant leurs forces inégales à celles des enne- ■mys, abandonnèrent le Champ de Bataille , 6c fe retirèrent dans les Montagnes, d’où ils ne dé cen dirent qu’aptes avoir veu par- tir les Navires Efpagnols , qui en partant mirent le feu à la Café , 6c pillèrent tout ce qui appartenoit aux François, de for- te qu’ils demeurèrent dans cette ifle fins barque , fans lift , fans café , 6c fans aucun outil pour travailler , y menè- rent vne vie très - mifcrable , l’efpace de 5. ou 4. mois , ne Vivant . que de quelques Crables qu’ils trouvoient dans les bois, & de quelque Burgaots qu’ils ramalfoient au bord de la mer. PJufieurs y moururent de pauvreté, & les autres fevoyoient a la veille de périr de femblable mifere r Iorfque cinq des plus hardis refolurent de fauverleur vie, & de s’expofer à toute for- te de périls pour fortir de cette Ifle ; ils firent vn Pyptrt pour aller en mer chercher quelque Ifle habitée des Chreftiens de quelque nation qu’ils fuflènt i Ôç l’un d’eux ayant trouvé heu- reufement une cognée fur la fofiche d’vn écornas , ils cherchè- rent du bois de Mxhot 8c de T rompett#. Qui font les plus lé- gers du pays, 8c travaillèrent avec tant de diligence qu’en 3. iours de temps ils aflemblerent ces morceaux de bois les uns avec les autres, 5c fansmortoife,fansclouds, Ce fervant feulement de grofles 8C fortes lianes , ils accommodèrent leur Pyperi. Il por- toit onze pieds de large fur 14. de long , 8c afin qu’il coupât «lieux l’eau , ils Iuy firent vne pointe 6c vn mats de 15. pieds qu’ils plantèrent au milieu. Deux de ces cinq,dépoüillerent leurs chemifes pour faire une voile ; 6c apres les avoir découfuës, les attachèrent enfomble avec de grofles éguillettes d’écorce de Mahot , où ils lièrent deux efeoutes de la mefme efcorcc pour ferrer au vent , ou pour larguer quand il feroit befoin. Le iour venu pour s’embarquer for ces morceaux de bois, ils firent leurs prières à Dieu avec les autres Compagnons de leur mal-h'eur , ils mangèrent enfemble de ce qu’ils avoient pu trouver le iour precedent pour vivre ; 6c s’eftant tous em- braflez avec pleurs 6c gemiflemens , ils defeendirent au bord aux Ant-ljles de l* Amérique. 40^ de la mer. On ne fçauroit dire qui furent les plus affligez fin- ie point de cette cruelle feparation. Ceux qui alloient fortic de l’Ifle , pleuroient ceux qu’ils y laifloienc comme des gens qui dévoient bien-tofl périr de maladies& de miferes ,laplufi- part elîrant déj a enflez & tous boufis; ceux qui eftoienc donnoient déjades larmes à la mort de ceux qui en fortoient, fçaehant bien qu’ils ne pourraient aller loin fans mourir de faim, ou fans eftrc engloutis des vagues de la Mer au moindre mauvais temps. Apres s’eftre embraffez & ditvn dernier adieu, plus par l’a- bondance de leurs larmes , que par leurs paroles, nos cinq avan- turiers pouffèrent leur Pyperi à l’eau , fur lequel ils s’aflîrent tous, deux fur le devant, deux à l’arriere, & vn au milieu.Les deux de l’arriéré tenoient vn aviron en forme de gouvernail pour lesguider où la divine Providence les conduirait, les trois autres tenoient chacun un aviron fait en forme de pallette , & ramant à la façon des Sauvages des Ifles , c’efl à dire devant eux , ils arri- vèrent extrêmement fatiguez a une petite IfleaiTez éloignée de la grande V ierge, appellée communément virgino Goarda. Eftant dccendus dans cette petite Ifle avec leur tifon de feu , qu’ils confèrvoient foigneufement allumé fur leur Pypn i pour pe- runer , ils firent du feu fur vne anfe de fable , pour cuire quelques Burgots, & quelques Crables qu’ils y a voient trouvez. En fbrtant de cette Ifle, ils la nommèrent l’ijle de la Violette , parce qu’en y arrivant ils y avoient trouv é vn Corps enterré dans le fable qui paroifloit remué depuis peu , & une Croix de bois fi- chée dedansjfur laquelle ilyavoit écrit, Çeluy qui »ifl icyfe nomme U Violette, habitant de Saint Chfijiophe. L’un de ces cinq qui cil prefentement en France, m’a dit que c’eftoit un de ces habicans qui avoient eflé mis avec le Pcre de la Trinité Irlandois , dans vne Cbaloupefans pain &: fans eau à la mercy des ondes. Nos af- fligez Navigateurs apres eflrefortis de cette Ifle, firent tant à force d’avirons,qu’ils gagnèrent l'ijlc de S. Thomas. Où ayant trou- vé du rafraîchiflement dont ils avoient extrêmement befoin, comme Oranges, Citrons-, Limons, Goüyaves , Bananes &: Fi- gues, ils y féjournerent cinq iours. De l’ifle de S. Thomas ils continuèrent leur route jufqu a la bande du Sud de Porterie , où ils débarquèrent furunegran- Ecc iij 40 6 Efiablijfement des François de Sable : Apres avoir marché dans rifle environ i. lieues , ils connurent par le grand nombre de Bœufs , de V aches & de Porcs qui y étoient Sauvages, &: dont perfonne n’avoit foin, ' que c’étoit l’Iile de Saint iean de Porterie ; & appréhendant de rencontrer les Mateurs qui ne donnent quartier à perfon- ne, ils retournèrent à leur Pyperi, qu’ils reherent tout de neuf, afin d’atteindre une autre petite Ifie éloignée de deux lieues^ &; au vent de celle de Porterie. Ils ramerent trois iours fans la pouvoir aborder,! caufe que la Marée portoit inceflâmmentàlagrande terre. Mais apres un grand travail , ils gagnèrent une autre petite Anfe de Sable blanc, où efians décendus, ils y trouvèrent heureufement deux puits , creufez par des Matelots , dont l’eau étoit aufii bonne qu’il y en ait en France : Ils y trouvèrent aufii des Ramiers, des Poules, des Pintardes, & autres bons oyfèaux en fi grande abon- dance , & fi privés, qu’ils lestiioient le foir fur les arbres avec de grandes perches.T outesces commoditez iointes aux veftiges d’hommes qu’ils y trouvèrent, leur firent croire qu’elle eftoit fré- quentée par des barques de Pefcheurs, & que fans doute il y en viendrait bien-toft quelqu’une, qui les pourrait porter dans une terre Chreftienne. C’eft pourquoy ils y bâtirent une pe* tite café , où ils demeurèrent prés de trois mois , faifimt tous les iours le tour de cette Ifie qui n’a que deux lieues de cir- cuit, fans voir perfonne à terre, ny aucun Vaiffeau fur la Mer> dont ils pouffent efperer fecours. Enfin vnDimache au matin corne ils faifoient leurs prières ordi- naires^yant apperçeu une barque qui venoit du cofté du Nord& rangeoit la cofte de cette! fie, ils luy firent promptement un fignal avec unlirige au bout d’vn bâton, & firent tant parleurs crisreïte» rez, que le Capitaine commanda à fes gens de ferlerfà gran- de voile, & de baiffer le Hunier pour aller droit à terre. Ne voyant que cinq hommes nuds , & fans armes, il fit décendre cinq de fes Matelots dans fon bafteau , un defquels eftoit Vva- Ion , lequel ayant reconnu à leur langage qu’ils eftoientFran- çois,que quelque naufrage ou quelqu’autre accident a voit jet- te à la cofte de cette Ifie , ils les reçeurent charitablement dans leur bateau, & les menèrent à la barque. Parle moyen de- aux Ant-TJle s de l' Amérique. 407 ce truchement Vva!on,ils expoferent au Capitaine leur pays, leur fejour dans les Ifles, leur employ , le fujet de leur fortie, & les mifercs effroyables qu’ils avoient enduré fur mer , &fur terre depuis leur départ des Vierges. Vn fi pitoyable récit le toucha fi fcnfiblement , qu’il leur donna des chemifes 6c des calçons , les fournit de pain , de vin, & d’eau de vie , Se leur promit que dans quinze îours fa Pefche eftant achevée, il les viendroit prendre, & les pafleroit à S. Iean de Portric. Il exé- cuta ponctuellement fa parole ; car apres avoir faitfa Pefche à Couleuvre , au bout de quinze iours il les vint prendre en paf fânt , 6c les porta à Saint Iean de Porterie ; 6c pour confcrvcr la mémoire d’une ff effrange avanture , il fit attacher le Pypen qui leur avoit fervy , à la proue de fa barque, pour le faire vq.ir à Dom Francifco Maldonado qui effoit pour lors Gouverneur pour fa Majeffé Catholique de l’Ifle & de la Ville Capitale de S. Iean de Porterie. Comme ils effoient à quatre ou cinq lieues en mer, le Pilot® Efpagnol regardant de fa dunette du cofté des Vierges, apper- ceut à une lieue quelque chofe en mer qui remiioit fur un mor- ceau de bois; mais le trop grand éloignement fempefchantde diffinguer ce que s’effoit, il s’approcha davantage, 6c reconnût que c’effoient des hommes quiflottoientfur un Pipery toutfem- blable à celuy qui effoit attaché à la proue de fa barque. C’eftoient fix hommes qui faifoient le reffe de fes pauvres re- légués, qui s’eftant animez à fuivre leurs Compagnons pour éviter la mort , avoient accommodé un Pyperi pour fort ir de l’Ifle des Vierges, afin d’aller chercher ailleurs une vie plus fuppor table , ou une mort qui terminât leur extrême mifere. Cespau- vies François ayant reconnu que s’eftoientleurscamarades, fup- plierent le Capitaine de les attendre , 6c de leur fauver la vie auffi bien qu’à eux. Il les receut auffi charitablement que les autres, les amenaà Portric, 6c les prefenta tous onze au Gou- verneur , qui les receut humainement, apres avoir cfté informé des mifercs extrêmes qu’ils avoient fouffert, ôc des dangers qu’ils avoient évité ; il leur fit donner à chacun un habit de toile, leur donnant la Ville pour prifon, avec liberté d’y demander leur vie. 408 Ejlabhjfement des François lis n’eurent pas beaucoup de peine à y fubfifter , chacun les regardoit comme des perfonnes extraordinaires, & dans ce commencement c’eftoit à qui leur donneroitfeplus. Ceux qui fçav oient .quelque meftier en travailloient , & l’un d’eux fça- chant parfaitement bien jouer du violon, gagnoit alfez luy feul pour affilier les autres , il leur faifoit part ôc de l’argent qu’on luy donnoit & desfeftins aufquels il fe trouvoit prefque tous les jours, ne croyant pas pécher contre la civilité Fran- çoife d’en rapporter, quantité de bonnes viandes, pour foula- ger Tes chers Compagnons. Quand ils eurent amafïe unefom- me d’argent capable de payer leurs pafîages pour retourner en l’Europe, chacun prit party dans les Vaiifeaux d’Efpagne, ex- cepté un qui fe maria dans cette Me. En ce mefme temps les Efpagnols Iaffez de la grande dépenfe qu’ils elfoient obligez de faire depuis dix ans , pour la conferva- tiondu Fort, & pour l’entretien de la Garuifon de fille de Saint Martin,, qui fe montoità plus de iooooq. efeuspar an, ferc- fblurent de le deflruire , de ruiner les citernes , d’arracher les vivres, Se de mettre l’Mc dans un tcleflat, que les autres Na- tions n’euffent plus d’envie de l’habiter, lis ramafTerent pour cét effet tous les manœuvres de la Ville de Portric, &les menèrent à Saint Martin, dont ils démolirent le Fort , enfondrerent les citernes, Se firent tout fe dégât qu’ils purent. Comme ils fe dife pofoient à retourner chez eux, un nommé Fichot & trois au- tres François, qui s’eftoient rencontrez parmy ceux qu’ils avoient menez à Saint Martin , s’enfuirent dans les bois , 5c at- tendirent leur départ pour defeendre de la Montagne,, d’ou e flans defeendus, Fichot & fes trois Compagnons ayant fait ren- contre d’un meulatre qui fe donna à eux, arrivant au bord de la mer, ils y trouvèrent cinq Holandoisqui en avoient fait au- tant qu eux , avec Iefquels sellant entretenus quelques temps, ils refolurent d’un commun accord, de donner advis aux Chefs fes plusvoifins des deux Nations Françoife 8£ Holandoife, de l’a- bandonnement de fille S. Martinfaitparles Efpagnolsi & com- me l’Ifle de Saint Euffachc efloi fia plus aifee à gagner, fes cinq Holandois s’offrirent d’y palier fur un Pyperi , afin d’en advertir fe Gouverneur Holandois, a veepromeffe d’aller dez le lende- main aux Ànt-IJle s de l'Amérique. 409 main à Saint Chriftophe en avertir au fti M. le General de Poin- cy , de l’inviter de venir prendre polTeflion de fa part de cette Me, qu’ils avoientlaifteeen dépoft&en garde àFichot de àfes qua- tre Compagnons. Ce qui fut exécuté de la maniéré que nous di- rons maintenant. Ejlablijfement des François dans les IJles de Saint Martin & de Saint Barthélémy. C H A P ITRE XII. LEs François & les Holandoisrefolus d’avertir les Gouver- neurs des deux Nations à Saint Chriftophe de à Saint Euftache, comme nous venons de dire, baftirent un pypert fur lequel les Holandois s’embarquèrent, avec promefte à Fichot de aux trois François qui demeurèrent à la garde de l’Ifle, d’aller trouver M. de Pomcy, apres qu’ils auroient eftéàSainc Euftache. Le Gouverneur Holandois n’eut pas plûtoft ad vis que les Es- pagnols avoient abandonné Saint Martin, qu’i) leva prompte- ment du monde pour en envoyer prendre pofteftion au nom de Meftieurs les Eftats, de députa pour ce fuj et le fteur Martin T ho- mas, auquel il donna la Commiflion fuivante. Commifjion au Sieur Martin T homas pour aller en l'IJle de Saint Martin pour les Holandois. ;N: Ous Abraham A drienfen, Gouverneur de rifle de Saint Euftache, en vertu de authorité de noftre Commiflion „de fàHauteflele Prince d’Orange, Comte deNaffau, &c. à „ tous Generaux , Gouverneurs , Commandeurs , Capitaines, de » Officiers qui ces prefentes verront ou liront, falut. Comme I. Partie. ~ Ff f 4*û Eflablijfement des François „ noftre bien-amé le Capitaine Major Martin Thomas, nous a „reprefenté que fille de Saint Martin eftoit tres-propreàhabi- „ tuer au profit des Seigneurs , Maiftres & Patrons decette Ifle: „ & nous ayant fupplié de luy délivrer noftre prefente Commif- ,, fionà ceneceffaire, pour fer vir audit Capitaine Major Martin J, Thomas , lequel nous eftant bien connu } Nous l’avons commis, „eftably, commettons &: eftabl liions par la prefente pour 8c j, comme Gouverneur la régir & commander , fans faire choie „audcfavantage defdits Noffeigneursôc Maiftres, & fe régler j, félon lesVs & Ordonnances decette Iile de Saint Euftache, j, & fui vaut & conformément à noftre inftru&ion, de laquelle a, nous luy avons donné une Copie. Donné fous noftre main 8c „ fignéenl’Ifle de Saint Euftache dans le Fort d’Orange, le 14. „ Février 1648. Fichot voyant ces Hoîandois fans recevoir aucune nouvelle de M. de Poincy, fe douta bien de l’infidélité de ceux qui en avoient porté les premières nouvelles, 8c ne manqua pas à la première occafion de l’informer de l’eftat des affaires, ôc du droit que la France avoir fur cette Iile aufli bien que les Ho- îandois. M. de Poincy qui ne chercboitque l’occafion d’entreprendre quelque choie de glorieux, & d’eftendre les Colonies Françoifes, embrafta celle-cy avec chaleur, 8c commanda du monde pour s’y aller eftablir, appuyant la juftice de fon droit , fur la conven- tion fiiite entre Fichot 8c les trois Compagnons d’une part, 8C les cinq Hoîandois de l’autre, & fur la première prife de poffeilion que le fieur de Saint Martin en avoit faite dez l’année 1658. en vertu d’une Commiiïïon du Roy dont il eftoit depofiraire. Les Hoîandois s’y eftoient eftablis dez ce temps -là par furprife, Sc y avoient conftruir un Fort ; qui ayant donné delà jaloufie aux Efpagnols, ils avoient fait un corps d’armée de neuf mille hom- mes , avec lequel apres un fiege de fix femaines , ils l’avoient pris fur les Hoîandois, qui ainfiavoient eftéla caufe dcl’expul- fion des François de cette Iile. M.de Poincy ayant doncrefolu de reftablir les François dans cette Iile à laquelle ils avoient tant de droit , y envoya première- ment le fieur de la Tour avec trente hommes, ne croyant pas aux Ant-IJles de ï Amérique. 4 1 1 que les Holandois cufient deflein d epefcher leur eftabliflement, mais contre fon artente ils le refuferent de ne voulurent jamais foüffrir qu’il mit un feul homme à terre pour y demeurer , pre- tendans qu’ils avoient pris poirelîion de cette 1 fle ^ en v ertu d u* ne Commiflion du Gouverneur de Saint Euftache , qui les y avoit envoyez pour s’en emparer comme dune terre inhabitée# qui appartient au premier occupant. Le heur de la Tour eftant retourné à Saint Chriftophe avec la copie de la CommiiTion, en vertu de laquelle les Holandois pretendoient eftre les feuls maiflres de rifle de Saint Martin# M.dePoincy y renvoya 300. hommes fous la conduite de M. deLonvilliers fon neveu# Gouverneur de fille de Saint Chrifto- phe, avec ordre de les y eftablir de de combatre les Holandois# en cas qu’ils fe miflentenefhtdelesen empefcher; & pourfautho- rifer d’avantage à prendre pofleflion de la moitié de l’Ifle qui appartenoit aux François , il luy donna cét ordre. Ordonnance nu Sieur de Lonvilliers , pour aller en l’IJle Saint cAM>artm» LE Chevalier, de Lonvilliers Poincy, de l’Ordre de Saint Iean de Ierufalem, Commandeur d’Oyze- mont &deCouIours,Chefd’Efcadredes Vaifleaux du Roy en Bretagne # 6e Lieutenant General pour fa Majefté ez Ifles de l’Amerique. Ayant euadvis certain que les Efpagnols quipofl- fedoient l’Ifle de Saint Martin l’ont quittée, nous ordonnons au fleur de Lonvilliers noftre neveu , à qui nous avons donné Com- miffion en qualité de Gouverneur, d’aller reprendre pofleflion de ladite îfle pour y conferver l’intereflduRoy, tel que S.M. l’a- voit, lors que Icfdits Efpagnols prirent le Fort conflruit par les Holandois: Et parceque nous fournies affleurez que quelques Holandois ou Zelandoisfe font jettez dans ladite Ifle, fous pré- texte de quelques pretenfions, qui s’expliqueront par S. M. de fon Confeil, avec Meflieurs dcsEftats des Provinces unies; de fuivantee qui en fera refolu par lefdites Puiflances, le tout fe- ra effleétué conformément à leurs volontez. Nous deffendons audit fleur de Lonvilliers de les attaquer ny faire attaquer#, Fff ij 4 1 L EfiaMiJfement des François ainsles laiffer libres : maisfiles fufdits Holandoisou Zelandols Çîitreprenoient de fane ade d’hoftilité, foit en leur refufantle débarquement dans ladite Ifle, ou autre adede guerre, en ce cas ledit fieur de Lonvilliers repoulTera leurs mauvaifes inten- tions par la force. Enfoy dequoy nous avons figné les P refen- tes de noftre main, a icelles ‘fait appofcr le cachet de nos Ar- mes, & contre ligner par noftre Secrétaire, en noftre Hoftelde la grande Montagne de la Baffe-terre en rifle de Saint Chri- Ifophe, ce 1 6. Mars 1648. Signé, LE Chevalier de Poincyj & plus bas, par mondit Seigneurie General, de Merle, Icelle. M. de Lonvilliers eftant arrivé avec fes3oo. hommes àlarade de cette Ifleffei/. Mars 1648. dépefcha un de Tes Officiers au Co- inandeur Holandois, pour luy lignifier l’ordre qu’il avoitdes’y cftablir, & le prier en mefme temps que les chofes fe fiffent dans la douceur, pour n’eftre pas obligé d’en venir aux mains. Le Holandois voyant nos gens en eftat de fe faire donnerpar force , ce qu’ils demandoientavec civilité, leur permit la defcen- ce » & quelques iours apres les Officiers des deux Nations s’eftant affemblez fur une montagne, qui depuis à ce fu jet aefté nommée la Montagne des Accords, ils convinrent enfemble des Articles fuivans. Articles accordez, entre les Commandans pour le Roy en i'IJle de Saint (ÆCartin , ft) les Holan- dois demeurans dans ladite IJle. A Vjourd’huy 23. Mars 1648. font convenus Meilleurs Ro- bert de Lonvilliers Efcuyer, fieur dudit lieu. Gouverneur de#I’Ifle de Saint Martin, pour fa Majefté Très - Chreftienne, ëe Martin Thomas, aufli Gouverneur de ladite Ifle , pour Mef- fleurs le Prince d’Orange & Eftats d’Holande; & Meilleurs Henry de Lonvilliers Efcuyer, fieur de Bennevent, & Savi- men de Courpon Efcuyer, fieur de la Tour, Lieutenant Co- lonel en ladite Ifle, & Meilleurs David Coppin , Lieutenant d’une Compagnie Holandoife , de Pitre Van Zeun-Hus, aufli aux Ànt-Ifles de l' Amérique. 415 Lieutenant d’une Compagnie des fufdits, qui de parc & d’au- tres ont accordé , 5c par ces Prcfentes accordent. I. Que les François demeureront dans le quartier où ils font à prefent habitez , & habiteront tout le collé qui regarde l’^nputlle. II. Queles Holandois auront le quartier du Fort, & terres qui font à l’entour d’iceluy du collé du Sud. III. Que les François 5c Holandois habituez dans ladite Ifle vivront comme amys 5c alliez par enfcmble , lans qu’aucuns ny de part ny d’autre fe puilfent moleller, à moins que de con- trevenir au prefent Concordat, 5c par confequenc punilîable par les loix de la guerre. IV. Que h quelqu’un foit François , foit Holandois, fe trouve en déliét, ou infraction des conventions, ou par refus aux eommandemens de leurs Supérieurs, ou quelqu’autre genre de faute, fe reciroit dans l’autre Nation, lefdits heurs Accordans s’obligent à le faire arreller dans leur quartier, &de reprefenter à la première demande de fon Gouverneur. V. Que la challe, la pefche, les falines, les rivières, ellangs, eaux-douces, bois de teinture, Mines , ou Minéraux, Ports 5c rades ,& autres commoditez de ladite IHe feront communes, & 5c ce pour fub venir à la necelïité des habitans. VI. Permis aux François qui font à prefent habituez avec les Holandois, de fe ranger 5c mettre avec les François, li bon leur femble , 5c emporter leurs meubles, vivres, moyens 5c autres ullencilles , moyennant qu’ils fatisfalTentà leurs debtes , ou don- nent fuffifante caution : 5c pourront les Holandois en faire de mehne aux mefmesconditions. VII. Que s’il arrive des ennemis pour attaquer l’un ou l’autre quar- tier , Iefdits heurs Concordants s’obligent à s’entre-aider 5c prê- ter fecours l’un à l’autre. Fffii) 41 4 Efiablijf ? ment des François VI IL Que les limites & partition de ladite Me, qui fe doivent; faire entre les deux Nations, feront remifes pardevant Mon- feigncur le General des François, &M. le Gouverneur de S. Euftache, Aies députez qui feront envoyez pour vifiter les lieux,. & apres leur rapport fait, divifer leurs quartiers, & y procéder comme dit eft. ÏX. Que les prétendons que l’on peut avoir de part & d’autre, feront remifes pardevant le Roy de France & Meflieursde fon Confeil, &: Meilleurs le Prince d’Orange, &: les Eftats d’Ho- lande. Cependant ne pourront lefdks Concordans fortifier ny d’une part ny d’autre , à moins de contrevenir audit concordat, de foufixir tous dépens, dommages & interefts, vers l’autre partie. Ce fut fait &pa/Fé les an &i.our que defiTus au mont furnom- mé des Accords dans ladite Me : & ont Iefdits fleurs Accordans ligné lesPrefentes, où aflîftoit le fleur Bernard delà Fond, Ef* cuyer , fieur del’Efperanee , Lieutenant d’une Compagnie Fran- çoife à Saint Chriftophe. Ainfi ligné, d e Lo.n vill.iers, Martin- Thomas, Henry de Tonvilliers, de Covrpoi^, David Coppin, de l’Esperance Fi- xer Van Zevn-Hvs. L on peut juger de ce que ie viens de dire , 2e des pièces que j ay rapportées de la fidelité des mémoires du fieur de Roche- fort , qui dans la page 59. de la fécondé Edition de fon Li- vre, nous veut perfuader que l’habitation de cette Me faite par les Hoîandois fut un cas fortuit, & que ce fut par hazard qneM.Rùyter côtoyant les colles de cette Me, apperceutque les Elpagnolsl’avoientabandonnée ; car bien qu’il foit vray que M. Rüyter y porta les hommes deftinez par le Gouverneur de Saint Euftache pour l’habiter , il n’eft pa-s vray pourtant , ny qu’iL ait levé ces hommes, ny qu’il en ait pris polfelfion pour Meilleurs les Eftats Generaux des Provinces unies, comme il eft aifé de juger par la Commiflion donnée par le Gouverneur de Saint Euftache au fieur Martin Thomas, rapportée cy-deffus, &par les Articles paffez entre luy &M. de Lonvilfiers, qui partage- aux Ant-IJles de t Amérique. 415 rcvnt rifle, non pas depuis comme i! l’écrit au me fine endroit, mais dans le mefme temps que les François en prirent pofléf- fion. Quoy queien’aye rien adiré du détail de ce qui s’eft pafîc depuis cét effabliffement; neantmoins îe ne fçaurois omettre une a dion aile z tragique qui s’y paffa entre M.de la Tour 5c l'a. femme, en l’année 1655. Cette DàmoifelleafTez connue dans les Ifles fous le nom de la Baronne de Savigny , autrement de Lau- noy,quiavoitépouié leS.de laTourdez auparavant qu’il fût Gouverneur de Saint Martin, avoir unefprit altier, & une fier- té qui tenoitpius du foldatque de fon fexe ; elle eftoit apparem- ment de fort bonne maifon, 5c M. de Poincy qui n’eftoit pas homme àfe biffer tromper, l’a toujours honorée comme une perfonne de qualité; elle avoit jufques-Ià fi bien vécuavecfon mary , qu’ayant apris qu’il avoir efté pris des Turcs, 5c vendu pour eftre efclave, elle vint en France, 5c fit tant par fes follici- tations 5c fes prières , que le Roy luy en accorda la liberté, or- dônant que l’on en fit un échange cotre un fameuxCorfaire,pour lors détenu dans les prifons de Marfeille. Ayant fi bien réiifli dans fa négociation , elle retourna bien joyeufe à Saint Martin,- où elle fut bien-toft fuivie du fieur de la Tour, mais accom- pagné d’une femme débauchée dont il abufoit impunément, la faifànt coucher dans fbn Ud en prefence de fa femme. Ma- dame de la Tour fit tout ce que peut faire une femme d’honneur dans un fi fâcheux rencontre, pour regagner l’affe&ion de fon mary, à quoy ne pouvant réüflir,elle fe lai fia tellement emporter à la jaloufie 5c à fbn reflentiment, qu’elle refolut de le tuer. Mais comme c’eftoit un homme fort 5c puiffant, elle ne fçavoit de quelle façon elle s’y devoit prendre, appréhendant que fi elle manquoit fon coup, il ne fe jettât fur elle 5c luy oftât la vie; afin donc qu’il n’eut point de prife fur fes habits, elle fe dépouilla toute nue , 5c. prenant l’occafion qu’il eftoit yvre 5c endormy, elle entra dans fa chambre, où toute tremblante elle luy donna fojblement un coup de bayonette dans la gorge, dont il eut la veine jugulaire coupée; s’eftant éveillé à ce coup, il fauta hors du Iiét, 5c courut à elle fans fçqvoir qui c’eftoit, mais comme elle eftoit nue elle luy échapa 5c gagna la porte , où il la pour- 416 Eftablijfement des François fiiivit; & .Payant attrapée par les cheveux, il l’arrella & la mit aux fers^ & peu de jours apres la fit condamner d’avoir la telle coupée. On luy confeilla d’appeller au Confeil Souverain de Saint Chrillophe, où infailliblement on eut modéré ou commué fa peine, mais on ne pût jamais l’y faire refondre, difant qu’ablblu- ment elle vouloir mourir: ayant donc reconnu fa faute , elle fe pre . para conflamment à la mort; &C n’ayant point de Preflreàqui elle put déclarer fes pechez, elle fit une aétion plus pieufe que necefi- faire, fe confeflant à un Chirurgien, & le chargeant de recon- felîér fes pechez au premier Préfixé qu’il rencontreroit ; apres quoy elle fut décapitée. Apres reftablilTenient de cette Colonie Françoife dans Saint Martin jM.de Poincy refolut d’habiter l’Ifle de S. Barthélémy. La commodité du Havre de cette Ifle, &: levoifinage de Saint Chrillophe , dont elle n’ell qu’à fix lieues , l’invitoient à en pren- dre pofieffion; mais fur tout, la crainte que quelque Nation eflrangere ne s’en emparât, l’y obligea- C’efl pourquoy cet- te mefmeannée 1648. il y envoya le fieur Iacques Gente, avec quarante ou cinquante hommes pour s’y eflablir. Cette petite Colonie s’accrut parles foins de quelques habitans de Saint Chrillophe, & particulièrement du fieur Bonhomme, quiy prirent des habitations, fur lefquelles ils mirent des Fran- çois Se des Negres, fous la conduite de quelques Commandeurs: mais comme c’elloitplûtofi: pour complaire àM. de Poincy ,quc pour en tirer du profit, il ne faut pas s’ellonner fi elle n’a jamais eflé bien peuplée. Ce fut aufii ce qui dona envie aux Sauvages d’en chalïer les Fra- çois, car ils y firent un fi horrible carnage en fanée 1656. quelle fut abfolument abandonnée ; ceux qui échaperent de la fureurde ces barbares n’y voulurent plus retourner, les maillres ne pûrentfe refoudre d’y renvoyer leurs gens, julques en l’année 1659. que la paix eflant faite avec eux, M. de Poincy y rçnvoy a quelques 30. hommes, qui fe font infenfiblement multipliez , enfortè qu’en 3 664. on en comptoit julques à cent. 47 aux Ant-IJles de t 'Amérique. EjlabliJJemcnt des François dans les IJlesdes Saintes, • C y de (Aktariegalande . Divers combats con- tre les Sauvages . Pefle aux JJles . Naufrage du P. Coliard. CHAPITRE XIII. ILyabiendufujetdes’eftonnerdece queLeficur de Roche- fort à dit dans fon Livre, que les petites Ifl es des Saintes,font demeurées defertes & inhabitées jufques à prefent, puifqu’il il y a 18. ansque M. Hoüel craignant que les Anglois ne vinf. fentsy eh:ablir,y envoya le heur du Me avec trente hommes pour en prendre poffejïion , au nom du Roy & des Seigneurs de la Compagnie. Le R. P. Mathias du Puys Religieux de noftre Ordre,y arbora laCroix le dix-hui&iéme d’Oétobre 1648. Ien ay trouvé Fade dans nos Archives delà Guadeloupe, con- çeu en cestermes: R. P. Mathias du puys , dtëïusàS. loœnne, Cru- ecm Redemptionisrwftrœ in in fui a Guadalupe adjacente de ces commoditez neceflaires à la vie ; il amafîa des pois , des fèves de brefïl , & toutes fortes de graines pour femer. Apres! quoy il choifit Meilleurs le Comte fes coufins , le fieur le Fort, le Marquis, & quelques-autresbraves de fon Me, pour 1’accompagner à cette expédition; il arma tous fes gens de fufils & de bons piftolets, & leur diftribua à tous allez de munitions pourfe battre une journée entière, s’il en elfoitbe- foin, fans la poudre qu’il fit porter dans plufieurs barils. Il fit aufiî embarquer trois barriques d’eau de vie, deux pipes d’ex- cellent vin de Madere , & tous les outils neceflaires pour cultiver la terre ; il le munit auffi de quantité de Raf- fades , & autres merceries , pour traitter avec les Sauva- ge, « r ^ N’ayant pû avoir de Religieux, il mena fon Aumofnicr avec luy, en attendant que noftre R. P. Raymond luy en envoyât quelqu’un , félon la promefle qu’il luy en avoit faite , & qu’il exé- cuta depuis. M. du Parquet ayant ainfi difpofé toutes chofes pour l’efta- bliffement de la Colonie dans rifle de la Grenade, traita les navires du Capitaine Lormier ôc du Capitaine le Pas, qui efroient à fa rade , avec deux barques qui luy appartenoient ; & apres avoir fait entendre la Méfié atout fon monde, s’embarqua, & fit voile au mois de Iuin de l’année 1650. & arrivai la Grenade qua- tre iours apres. Le fameux Kaïeroüatie , Capitaine de tous les Sauvages de rifle, l’yreccut, & luy témoigna beaucoup de joye, foitvraye ou feinte , de fon arrivée. M. du Parquet commençant cette prifè de pofleflion par une a&e de pieté , fit planter la Croix par fon Aumofnier ; & l’ayant adorée avec tous fes gens, il pria Dieu qu’il bénit fon encrcprife ;.il abora enfuîfFeles Armes de S. M. au bruit du canon des deux Vadïeaux, & par une ialve generale de la moufquetterie. Son premier foin fut de faire -promptement monter une mai- fon de charpente qu’il avoit fait faire à la Martinique , ôc d’oc- cuper tous fes gens à couper les bois, pour l’environner d’une forte palliflàdc à hui&.ou dix pieds de difiance. Il y fit met- Hhh ij 4i8 Eflablijfement des 'François cre deux pièces de canon, & quatre pierriers, fi bien qu’en huid iours de travail , il la rendit affez forte , non feulement pour refifter aux Sauvages, en cas qu’il leur prît fantaifie de le venir attaquer, mais encore aux Nations eftrangeres qui voudroient entreprendre de le chaffer. Bien que ce Capitaine Kdierouane eût fi bien receu Monfieur du Parquet, il luy dit neantmoins fort franchement, que s’il vouloit avoir leur Ifle 2z s’en rendre maiftre; il falloit qu’il leur donnât de la traitteen échange. M. du Parquet ayantreceu cette propofition a vec bien de la joy e, convint avec luy, au nom de tous les autres, de leur donner une certaine quantité de ferpes, de Raffades, de Griftaux, de Coûteaux, & d’autres merceries qu’ils luy demandèrent, avec deux quarts d’eau de vie , qu’il luy mit entre les mains; dz par ce moyen les Sauvages luyce- derent de bon cœur tout le droit qu’ils avoient dans cette Ifle, s’y refervant tousjours leurs Carbets Sz leurs habitations. Cét accord Sz cette cefiion volontaire des Sauvages de l’Ifle , font bien voir que le fleur de Rocheforta efté fort mal informé de fa priée de pofleflion, quand il a dit que les François eurent a leur arrivée beaucoup a démêler avec les Ka- raibes , qui leur en contejlerent quelques mois far la force des armes la paifible pofjeffion. M. du Parquet s’eftant ainfi eftably avecl’agréementmefme des Sauvages, ordonna qu’on défrichât la terre-, le long de la montagne, proche de l’eftang, où il fit commencer une gran- de habitation , fur laquelle il ne voulut pas d’abord planter des marchandifes, mais feulement des vivres pour la fubfiftance de ces nouveaux habitans. Il donna des places à tous ceux qui luy en demandèrent, à condition que ceux quin’avoient point defèrviteurss’emmac- teloteroient , c’eft à dire, s’aflocieroient trois enfemble , ou du moins deux, de peur de quelque furprife du collé des Sauva- ges. Les habitations furent données le long del’eftang, & pro- che du Fort; fur Ielquelles chacun femit à travailler dansl’ef- perance d’y faire de bonnes marchandifes. Apres avoir fi heureufement eftably fa Colonie, il retourna à la Martinique, biffant M. le Comte fon coufin pourGouver- aux Ant-IJle s de ï 'Amérique. 419 neur {bus Iuy. Ce Gentil-homme eftoit fort bien fait, d’un port martial , d’un bel efprit , d’une humeur affable , & qui avoit toutes les qualitez & l’experience necefTaires à la con- duite d’une Colonie. Il gouvernoit fon monde avec d uceur, il vivoit en bonne intelligence avec les Sauvages, &c nos Fran- çois avoient déjà fait une levée de petun, qui fut trouvé fi excellent, qu’une livre en valoit trois de celuy des autres I fies, lors que les Sauvages pouffez d’un mauvais genie, huiét mois apres la prife de poffefiion,s’aviferent de leur faire la guerre. Ces traîtres s’eftansmis en campagne, maflacroient autant de Françoisqu’ils en trouvoient à l’écart dans les bois;mais cette per- fidie ayant efté reconnue des habitans,ils fe mirent fur la dé- fenfive, & ne travaillèrent plus qu’en troupe & les armes tou- jours preftes. A la nouvelle qu’en donna le fieur le Comte à M- du Par- quet , il Iuy envoya promptement 300. hommes de renfort , avec ordre de faire main baffe fur tous les Sauvages qu’ils rencontre- roientj&à la moindre refiffance,deleur porter la guerre dans leurs carbets,& de les obliger à quitter l’Ifle. Cefecours arrivé, les Sauvages qui ne croyoient pas qu’on fçeut les maffacres qu’ils avoient fait, vinrent en troupe chez le fieur Imbaut Parifiea; & beuvant avec Iuy, & Iuy témoignant leurs careffes accoutu- mées, le tuèrent avec fon matelot. Ce dernier attentat ayât fait refoudre le fieur Comte à leur faire la guerre , il fe difpofàde les attaquer dans un de leurs carbetsqui écoit au deffu s d’une montagne, efcarpéeprefque de toutes parts. Les Sauvages eftans venus au devant de Iuy fur le bord de laMer, s’oppoferent autant qu’ils purent à fa defeente , faifant pleuvoir une grefle de flèches (ur tous ceux qui fbrtoiét de fa barque, & des canots , dont ils blefferent quelques-uns; mais nonobffant leur re- fiftance , les noftres ayant mis pied à terre, ils furent pouffez juf- ques fur la montagne , où ils s’eftoient fortifiez: neantmoins com- me il n’y avoit qu’une avenuëqu’ilsdéfédoientcourageufement, faifant rouler de gros tronçons d’arbres fur les noltres, ils furent contrains de fe retirer. Quelque -temps apres les Sauvages de la Dominique 6 c de Saint Vincent s’eftantjoinsà ceux de la Grenade, tous enfemblc H h h iij 43° EJlabhJfement des François vinrent attaquer ies François , qui les ayant receus avec beaucoup «de cœur, apres un combat allez rude où plu fleur s Sauvages furent tuezflls Iespouflferet dans les bois,ôdes obligèrent de fe retirer fur cette montagne, où ils penfoient effee en feureté : mais nos Fran- çois en ayant découvert le chemin les y furprirent, & firent mam baffe fur tout ce qui fe trouva devant eux. Ceux qui échaperent coururent vers le précipice , où fe voyant vivement pourfuivis , apres avoir mis leurs, mains devant leurs yeux , ils fe jetterent de cette haute montagne dans la mer, où ils périrent miferablement» au nombre de quarante , outre qua- rante qui eftoient demeurez fur la place; une jeune Sauvage affez belle, âgée de douze à trêzc ans , fut quelque- temps lefujet de la conteftation de deux Officiers : mais pendant qu’ils difputoientà quil’auroit, untroifiéme arriva, qui ayant donné un coup depiftolet dans la teftede cette pauvre fille; & l’ayant fait tomber morte à fes pieds , les mit d’atcord. - La montagne d’où les Sauvages fe précipitèrent dans l’eau , a eftéappellée depuis ce temps-là, le Morne des Sauteurs^ Les Fran- çois ne perdirent qu un feul hojnme dans cette expédition , apres laquelle ils brûlèrent tour es les cafés, détruifirent les jardins, ar- rachèrent le Manyoc , enlevèrent tout ce qu’ils trouvèrent chez les Sau vages,& s’en retournèrent bien joyeux, ne croyant pas que ceux qui étoient échapez fuffent aflez téméraires p our entre- prendre un fécond combat.. Ils fe trompèrent pourtant ; carquelques-tempsapres les Sau- vages qui eftoient cantonnez en grand nombre à la Capfterrc, prirent refolution . dans un vin general qu’ils firent , d’avoir leur revanche des François; ils ne l’entreprirent pas neantmoins ouvertement; maiss’eftans divifez par bandes, tuoient fànsmi- fericorde tous ceux qu’ils trou voient à la chaffe dans les bois ,ou tant foitpeu écartés du Fort, par ce moyen ils en maffacrercnt plu- fiearsfans qu’on s’en apperceut, ny qu’on les pourfuivit ; mais leur rufè ayant efté découverte , cela obligea le fleur ie Corrf- te de reprendre les .armes , & d’aller avec iço. hommes à la Capfterre pour leur faire la guerre, & tâcher de les y furprendre, comme il a voit fait au Morne des Sauteurs. Comme il fut proche de leurs carbets ,il fit faire alte à fies aux Ànt-IJles de l’ Amérique. feldats; & les ayant fiirptis a la pointe du iour,il les mit en dé- route , puis allant de carbet en carbet il tua tout ce qu’il ren- contra, fans pardonner aux femmes, ny aux enfans. Il fit faire enfuite les mefmesa&es d’hoftilitéqu auparavant, car il fit brû- ler les cafés & arracher tous les vivres ; mais ce qui rendit fa viéioire plus complettc, ce fut qu’ayant trouvé toutes les pirogues- & tous les canots dans une rivicre , il s’en faifit , leur ofta~ par - cette prife le moyen d’aller implorer le fecours des Sauvages des Ifles de Saint Vincent , & de la Martini- - que. Cette vi&oire ncantmoins ne fut pas moins funefte aux Fran- çois qu’aux Sauvages, parla mort déplorable de M. le Com- te ; car comme il s’en retournoit par mer à la Bafic-terre, tout glorieux de l’avantage qu’il venoit de remporter fur fès en- nemys , le canot où il eftoit tourna & fe renverfa dans la mer ; tous ceux qui eftoient dedans fe mirent à nager de toutes leurs forces pour regagner la terre; luy-mefmc s’y eftoit déjà fauve , mais appercevant un Officier appelle du Pleff fis fon intime amy, qui fenoyoit, il fe rejettaà la mer pour le fecourir; celuy-cy qui avoit déjà prdque perdu connoiffance , entendant remuer à fes caftez , faifit M. le Comte, & le tint fi fort, que luy oftant la liberté de nâger & de le fecourir ^ ils fe noyèrent tous deux. M. du Parquet ayant eu advis de la mort de M. le Comte, appréhendant que le fieur le Fort qui eftoit un homme fier, brutal & haut à la main, ne s’emparât du Gouvernement, par- ce qu’il eftoit premier Capitaine & Major de l’IHe, y en- voya le fieur de Valminiere avec la Commiffion de Gouver- neur. Il ne s’eftoit pas trompé dans la penfee ; car le Fort qui avoit affez bien fervy dans l’Iflc, crut que dé droit le Gou- vernement luy eftoit deû, &: que l’on de voit donner fa Gharge de Major au fieur le Marquis fon amy intime ; de forte que le fieur de Valminiere ayant fait lire fa Commiffion, le Fort dit tout haut qu’il honnoroit la Commiffion, mais qu’il ne pou- voit le reconnoiftre pour Gouverneur , & que fans injuftice, cet- te Charge ne pouvoir eftre donnée à un autre qua luy; ce- 431 Eftablijfement des François pendant le fleur de Valminiere s’empara de la ForterefTe, 8c fut fuivy de plufieurs habitans, 8c le Fort accompagné du Marquis fe retira dans fa maifon, qui avoit efté fortifiée pour fe défendre contre les Sauvages. Toute rifle fe trouvant pour lors dans une épouvantable divifion, 8c tous les habitans prefts à s’entrecouper la gorge, M. de Valminiere en écrivit à M. du Parquet, qui envoya aufli- toft ordre aux fleurs le Fort 8c le Marquis de reconnoiftre M. de Valminiere pour Gouverneur ; auquel il envoya aufli en mefme temps une Compagnie de ioo. foldats Brafiliens, la plufpart Walons , qui ayant efté au fervice des Eflats de Holande dans le Brefil, &c en ayant efté chaffez par les Portugais, s’eftoient loiiez à M. du Parquet, 8c ne le fer virent pas moins dans cette affaire, qu’à deffendre cette Ifle contre les Sauvages. Le fleur le fort 8c le fleur le Marquis n’ayant point vou- lu déférer aux ordresde M. du Parquet, ny reconnoiftre le fleur de V alminiere , firent prendre les armes à leurs Compagnies, & fe cantonnèrent dans l’habitation du fleurie Fort, quieftoit fortifiée. La barque du grand du Pleflis arrivant pour lors du Kayeman, & contre l’ad vis de M. Valminiere, eftant allée dans, une riviere proche du fleur le Fort pour prendre des eaux, il s’en empara, 8c y mit du monde pour la garder. Le fleur de Val- minière en ayant eu ad vis, luy envoya le Capitaine des Bra- filiens avec fa Compagnie, lequel ayant demandé à parler à luy & à entrer dans fa maifon, le Fort ayant répondu qu’il y pou- voir entrer luy deuxieme, 8c non autrement , le Capitaine Brafi- filien voulant y entrer de force ,1e Fort lâcha un coup de pifto- let, dont un Officier fut blefle. Auffi-toft tout le monde mit la main aux armes ; 8c le combat s’échauffa fl fort, qu’il y .en eut plufieurs de tuez 8c de bîeffez de part 8c d’autre; dont le nombre auroitefté bien plus grand, fl le Fort n’eut efté griève- ment bleffé au pied ; car ayant efté pris prifonnier avec le Marquis, ils furent tous deux conduits au fort, pendant quoy ceux qui avoient pris la barque fe furent rendre aux Efpagnols, M. du Parquet ayant eu advis de tout ce qui s’eftoit paffé , y envoya M. du Coudray fon luge , pour faire le procez aux cou- pables» 8c le bruit courut que le Fort voyant fa mort inévi- table. aux Ant-IJle s de F Amérique. ' 4^ table s’eftant fait donner du poifon par une Sauvage qui e/loi* à fon fervice, il en mourut, fans vouloir pardonner à M. de V alminiere. Le Marquis fut condamné à eftrependu; mais ayant appelle de la Sentence au Confeil de la Martinique, elle futmo- derée à un banmlfement & confifcation de fes biens , que M. du Parquet luy fit rendre. Quelque-temps apres M. de Valminiere gouvernant cette îfle avec alTez de paix , les Sauvages attaquèrent encore quel- ques cafés, où M. de la Neufville & quelques - autres furent tuez. Et cette petite guerre sellant renouvellée de temps en temps, tandis que M. du Parquet en a efté le Seigneur & le Proprietaire ^ cette Colonie a épuifé la meilleure partie de~ fon bien; car ayant eflé obligé d’entretenir beaucoup de gens, une barque, & quelquefois deux, pleines de matelots & de fol- dats, qui ne faifoient qu’aller & venir de la Martinique à la Grenade, pour y porter toutes les chofes neceflaires aux habitans & à la garnifon , & pour en rapporter les marchandifesqui s’y fai» foient: il n’eft pas croyable combien il a dépenfé de bien à toutes ces chofes; car comme cette Ifle efl: fort éloignée de la route des Vaifleaux, & qu’on y faifoit fort peu de marchandife, elle ne tiroit aucun fecours que de luy ; fl bien que la Grenade & Sainéle Aloufie, ont efté les deux fangfuës qui ont épuifé le plus clair de fon bien; & Meilleurs fes Enfans auroient au- jourd’huy un million de bien en France , s’il y avoit en- voyé ce qu’il a dépenfé pour la confervatio n de ces deux Co- lonies. «■ t -j Cti sels I. Partie. U 434 Eflablijfement des François I r* ■i$L: Eflablijfement des François dans L'JJls de S airitte Alonzje. CHAPITRE XV. LEs Anglois s’eftoient cftablis dans cette Ifledez Tannée 1(339. 6c y avoienc demeure plus de aix-huiét mois fans que les Sauvages euflenc rien entrepris contre leur Co- lonie i mais Tannée 1640. un Vaifleau Anglois ayant cité pris du calme devant la Dominique ; que ques Sauvages ci oyant que ce tut un navire François , furent dedans à leur ordinaire; les Anglois les y receuient avec carrelle, 6c leur firent boire quantité -d’eau de vie; mais pendant que ces pauvres Sauva- ges ne longe oient qu’à le bien divertir, le Capitaine fit lever l’anchre ; les Sauvages s clhnsapperceusde Ion mauvais ddfein. Voulurent dclcendrc dans leurs canots pour retourner chez eux, mais les Angiois s’elDnt mis en citât de les empelcher , ilstu- rcnt.dbligez de le jetrer à la nage pour regagner leur i lie ; ils ne purent pourtant empelcher que les Anglois ne recinlfcnt quatre de leurs Compagnons qu’ils lièrent > &: emmenerenc pri. lonniers avec eux pour les taire elclaves. Ce fut là 1 occafion du trouble que les Anglois receurcnt dans cette ifle; car les Sauvages qui s’eltoient làuvez à la na- ge s’eltans pla ns de la perfidie des Anglois, 6c en ayant don- né advis à ceux de la Martinique ôc de Saint Vincenr, ils re- folurent de les aller cous alfommer dans Sainéte Alouzie; ayant pris jour , ils le trouvèrent tous à pointnommé au reniez-vous; &c au mois d’ A ouït de l’année 1640. ils firent une horrible ir- ruption fur les Anglois, mirent tout à feu 6c à fang, mafîa- Crerent le Gouverneur, alfommerent la plulpart des hab* rans, pillèrent les magazins, b.ûlerent les cales, gafterent cous les vivres, & firent tout le dégât qu’ils purent pour venger le aux Ant-Ijles de l' Amérique. ^ tort qu’ils en avoient receu; ceux qui échaperent de cette boucherie abandonnèrent rifle,&ferefugierenc à celle d eMont- far.ra. Les Anglois pour couvrir leur lâcheté 6e leur négligence, en imputèrent la faute à M. du Parquet, croyant qu’il avoïc animé les Sauvages de fon Ifle à cette expédition; leur Gene- ral en fit fes plaintes à M. de Poincy; mais M. du Parquet fit évidemment connoiftre la faufleté de cette plainte, enfaifanc voir qu’il les avoir Lit avertir du deffein des Sauvages , fi-toÆ qu’il enavoit eu la nouvelle. Cette iiruption des Sauvages jetta une telle frayeur dans lame des Anglois, qu’ils ne penlerent plus â s’y reftabhr, à caufe que cette Ifle eifant éloignée de celles qu’ils habitoient, ils n’en pourroient pas eflre fecourus dans une pareille rem ' contre.- M. du Parquet eftant fur le poinét de venir en France pour traiter avec la Compagnie, de l’acquifition des Ifles de la Mar- tinique & delà Grenade, ôz voyant cette Ifle abandonnée par les Anglois, refolut d’en prendre pofleflîon auparavant que de partir; pour cét effet, il fit embarquer trente-cinq ou qua- rante hommes , bien munis de toutes les cho fes neceffaires à cette expédition, fous la conduite du fieur de Rouffelan , hom- me vaillant, ôz que la longue expérience dans les Ifles :avoit rendu digne de cét employ. A fon arrivée il fit baftir un Fort, y- mit de bons canons avec des pierriersde bronze, qu’on ap- pelle ramberges, l’environna de fortes palliffades, & dans la crainte de quelque furprife -, défendit à fes gens de s’écar- ter du Fort, voulant qu ils cultivalfentunc belle habitation tour à l’entour, pour y planter des vivres 6z pour y faire dupetun. Il fubfîfb fort paifiblement dans rifle jufqu’en l’année 16^4. les Sauvages l’aymoient Ôz avoient pour luy un refped tout particulier, à caufe qu’il avoir époufé depuis long-temps une Sauvage, qui fervir beaucoup à entretenir leur bonne intelli- gence ôz leur petit commerce. Le fleur de la Riviere homme fort riche, ôz que M. du Parquet Lieutenant General pour fa Majefté furies Ifles qu’il ayqitacheptces, aymoit beaucoup, eut le commandement apres lii ij / 4 y6 Efiablijfement des François le fieur de R ouflelan ; comme les Sauvages témoignoient avoir beaucoup de confiance en ltiy , il demanda permifïion à M. du Parquer de s’eftablir en un tres-bel endroit éloigné du Fore , où apres avoir fait une fort belle habitation, il mena fa famille; mais c’eft ce qui fut caufe de fa perte : car les Sauvages, qui ne foufffenr qu’avec impatience la demeure des François dans leurs lfles, le voyant en un lieu feparé des autres , auquel ilne pourrait pas facilement eftre fecouru , formèrent ledefleinde le tuer : pour mieux réiiflir dans l’execution de leur deflein , ils commencèrent à le venir Voir dans fa nouvelle habitation; 5 c luy qui ne fe déficit point d’eux , les recevoir fort libre- ment dans fa café; fi bien qu’un iour qu’ils beuvoient enfem- ble & fe divertifïoient, ils l’afîommercnt d’un coup de bouton avec dix de fes gens. Ils firent cette execution avec tant de pré- caution & de concert,quepasun delà café n’eut le temps de pren- dre les armes , chaque Sauvage s’eftant afleuré de l’homme qu’il devoit afîbmmer ; apres ils enleverentfa femme , deux de fes en* fans,& uneNegre que l’on n’a jamais pû retirer de leurs mains. M. Baquet parent fort proche de M. le General du Parquet, Gentilhomme d’vn grand efprit & d’vn grand courage luy fucce- da. II fubfifta deux ans dans rifle avec toutes les précautions ne- ceflaires pour éviter les malheurs où fes predecefleurs s’étoient expofez, neantmoinsilne pût éviter les embufehes de ces infidel- les; car vers la fin du mois d’O&obre de l’année 1656. eftans ve- nus dans deux Pirogues fous pretexte de traiter du Caret avec les François , le Sieur Baquet eftantallé avec trois ou quatre de fes Soldats pour leur parler, ils l’attirèrent infenfiblement fur une roche; & l’un d’eux faifant mine de luy vouloir donner du Caret, le tira à quartier; & aufli-toft les autres Sauvages l’ayant environné, le jetterent dans la Mer; d’où il fe releva fi vifte, qu’jl ne re'çeut aucun tort d’une grefle deFIéches qu’ils dé- cochèrent fur luy; ne perdant point courage dans cette extrémi- té , il prit un de fes Piftolets , & quoy qu’il fut moiiillé, ayant fait fcmbîantdele tirer fur eux, à la veuë decetrearmeà feu, ilsfe jetterent le ventre contre terre; ilnemanquapasdefefervir de leur crainte, & tenant toufiours fon Piftolet , il tafehoit de rega- gner le Fort, d’où.ilétoit encore éloigné de zoo. pas; mais coin- mx Ànt-JJles de t Amérique. fne il fe r e ti roi t, il reçieut vn coup de Flèche dans le Banc, oui Fayant nus hors de defFenfe, il cria à Tes Soldats, Enfans àmoy, à moy ; eftant fortisdu Fort pour le fecourir, les Sauvages eu ayant apperçeus s’enfuirent, le biffant fort blelTé. Il fut porte» à la Martinique chez M. le General, où la gangreine s’eftant mife dans fa playe, il mourut trois ioursapres 5c fut enterré dans l’Eglife du Fort S. Pierre. M. du Parquet craignant que les Soldats de la Garnifon ne perdiffent courage, y envoya promptement le Sieur le Breton, Parilîcn de naillancc. Celuv-cy bien que brave de fa perfonne, ne fut pas aymé de fes Soldats, qui l’avoientveu autrefois La- quais de Madame la Generale du Parquet ; ( quoy qu’ils fçeuG fent qu’il eftoit d’une très bonne famille de Paris) ils ne huilè- rent pas delemefprifer; 5c ne pouvant fe foumettre à une per- fonne qu’ils avoient autrefois veu dans cette condition, prirent l’occafion d’vne Barque Angloife qui eftoit à leur rade pour s’enfuir. On ne fçait pas s’il lesavoit mal-traittés ; mais aupara- vant que defortir del’IIle, ils tirèrent fur luy pour letuerjs’é* tant enfuÿ dans les bois pour fauver fa vie, ils deferterent le Fort, emportèrent tout ce qu’il y avoit de meilleur, fe mi- rent dans cette barque, 5c s’en allèrent à- vaut le vent , fans qu on ait iamais pu découvrir le lieu de leur retraite. Le Fort fut abandonné pendant onze jours. Le Capitaine la Burlotte y palTant à fon retour de la Grenade, fut fort eflonné de n’y trouver perfonne : neantmoins y trouvant en- core les canons,les pierriers , 5c les palliflades en bon eftat , il ymit 4. matelots de fon équipage , aufquels il donna de la poudre, de la mèche, des balles & des vivres pour le garder, iufqu’à ce qu’il en eut averti M. le General. Comme il appareilloit pourpartir , le iïeur le Breton l’apperceut de deffus une pointe, 5c luy fit li- gne. de l’attendre, il luy raconta la confpiration 5c la fuite do fes gens, 5c s’eftant embarqué avec luy il s’en retourna à la Martinique. M. du Parquet fe doutant bien que les foldats n’avoient defertéque par l’avcrlion qu’ils avoient de la perfonne du iicur le Breton, qui avoit le bruit de commander avec trop de hau- teur, envoya le fieur Coutis en fa place, avec vingt-cinq fol- lii iij EJlabliJfement des François dats de fa garde trêzc autres, aufqucls il donnoit iooov livres de petun par an , & les entretenoit de routes chofes, e« attendant que le fieur d’Aygremont, jeune Gentil-homme de ttes-belle efperance, qui ne faifoit que d’arriver aux Ides, fc fut un peu accoûtumé à l’air du pays, pour Iuy en donner la conduite & le gouvernement. Ce Gentil homme y fur envoyé un an apres le fieur Coa- tis; mais il ne pût éviter la trahifon des Sauvages qui raÏÏa/Ii- nerent d’un coup de coûteau dans le fein. Quelques mois apres fon arrivée, IesAnglois firent un effort pGur rentrer dans rifle; mais avec le peu de monde qu’il avoir, il fie bâtit s’y vaillam» . ment, quilles obligea de s’en retourner d’où ils cftoient venus, avec leur courte honte. Cette Ifle à encore eu deux Gouverneurs, le fleur delà Lande & le fieur Bonnard, propre frere de feu Madame U Generale du Parquet, qui meritoit affeurément une au- tre condition. LEs divifions arrivées dans les Ifîes, àC l’ihtereft partie culier des Gouverneurs, furent fans doute les deux eau- fes principales delà ruine de la Compagnie. Car ceux- cy ne fongeant qu’à fe rendre Maiftres & Proprietaires des îfles dont ils av oient le Gouvernement, ne fe mirent pas fort en peine de maintenir fbn autbprité; Sc les peuples profitant! de la divifion, rcfuferent de payer les droits qu’ils dévoient à la Compagnie; fi bien que ne recevant aucun profit des £bmmes confiderabks queîleavoit avancées, elle fe trouva l Amérique . CHAPITRE X V L jafin tcllejnent preflée par fes créanciers, que pour ne pas , aux ^Ant-îjles de £ Amérique* 455» luccomber entièrement, les- Directeurs qui fe voyoient atta- quez en leur propre & privé nom , convoquèrent une Affem- blce extraordinaire, dans laquelle il fut refolu que l’on tra- ■vaillcroit efficacement à appaifer les troubles des Ifles, & que Je procez commencé contre le fie ur de Poincy au fujet de là révolté feroit inc examinent pourluivy ; ôc que pour remédier aux neceffitez prefentes , chacun des intereffez fourmroit au moins 4000. livres, pour chacune des parcs qu’il avoit en -la Compagnie. Cette deliberation faifant connoilhe Te Hat au- quel elle cftoit pour lors, je la donne telle que le l’ay eue des papiers de M. Fouquet. Kefultat de la Compagnie touchant les affaires de C -JXC. de Tctncj. Du V tndredy quinziè- me du premier Aoujl 1647. N l’Affemblée generale des Ifles de l’Atnerique# convo- quée par billets particuliers au logis de M. d’Aligre Con- seiller d’Eftat, pour délibérer fur diverfes propofitions faites parM.de Poincy, d’acquérir defdits Seigneurs au nom de M. Ion Pere la propriété, tant de fille de Saint Chriftophe, que de tout ce qui y appartient aufdits Seigneurs. A efté refolu que Meilleurs d’Aligre , de Ricoüart , & Ber- ruyer, traiteront avec ledit ficur de Poincy, fondé de Procu- ration dudit fieur de Lonvilliers fon pere , pour la propriété de ladite Ille Saint Chriftophe, en la meilleure forme, &aux conditions plus avantageules qu’ils pourront : promettant ladi- te Compagnie d’approuver & ratifier toutesfois & quantes , ce qui aura efté par eux fait avec ledit fieur de Poincy, pour rai- fon delà vente & alienation de la propriété , Seigneurie, & ven- te des parts qui luy appartiennent dans ladite Ille Saint Chrifto- phe, Signé , d’Aligre, Fovqvet, Desriel, de Ricoüart, Berrvyer, l’Advqcat, de Flecelles, Gazet, de la Covr, DE LoyNES. aux Ant-Tfle s de l' Amérique. 44 ^ La crainte pourtant qu’eut !a Compagnie, que le fleur de Thoify quielloitde retour en France, ne fit faifir les deniers provcnans de la vente de fille, pour le dédommager des dépenles ex- celïives qu’il avoit faites pour lefervice delà Compagnie, em- pefcha long-temps l’effet de cette deliberation : mais Made- moifelle de l’Olive ayant gagné un proccz de confequen- ce contre la Compagnie, pr< ffa fi fort les Aflociez , que pour la fatisfaire auiTi bien que les autres créanciers qu’ils avoient fur les bras , elle refolut de vendre toutes les ïlles. M. Hoüel n’eut pas plûtoft advis de la deliberation de la Compagnie , qu’il env oya promptement en France une Procu- ration au fleur de Boilleict fon beau frere, en datte du ti êzié- me Novembre 1648. & de peur qu elle ne luy fut pas rendue par quelque mal- heur allez commun fur la mer, il luy en en- voya une fécondé du quatorzième Mars 1649. pour achepter conjointement avec luy Hile de la Guadeloupe, & les trois autres dont il avoit le Gouvernement. Comme il fçavoit fort bien ce que valloient ces Ifles, il conjura fon beau-frere de les avoir à quelque prix que ce fût, pour eux deux feulement; auquel cas il luy promet départager avec luy tous les profits qui en proviendront , les droi&s mefme du Gouverneur compris , à la charge que la dé- penfc de bouche, celle de fes domeftiques , & leurs gages, fe- ront payez furies effets de la Communauté, ainfi qu’il luy avoit elfe accordé par la Compagnie. Et afin de l’obliger de ne rien épargner pour faire réiiilir cet achapt, il conclut cette Lettre < qui cil du quatrième Iuillet 1649. ) p^: ces paroles, cette affaire ej} de telle confiât ence & fi avantagetfe , ijue t’ejpere d'en fane de la terre lefofse , & repas débourfèrun fol pour payer la Compa- cte, en 'vous envoyant tous les ans des marchandées, ou des effets, pour des Jommes cohfîdtrables. Et pour l’engager encore davantage , il luy promet de faire cette année là 50000. 1. de lucre, fans compter le petun qu il lèvera fur fes places, & qu’il recevra des droits; que l’année fuivante 1650. il fera au moins 100000. livres de lucre à flxlols la livre, qui monteront à la fomme de 3000c r. livres, & que Kkk ij <1 . 444 EftabHjfement des François pourvoi quil ait trois ou quatre années pour le payement, êc qu’il ne faille que vingt ou trente mille livres chaque année , il ne faudra pas mettre la main à la bourfe. Enfin il l’exhorte d’achepter ces Ifles quoy qu’on les veuille vendre j 6c au cas qu’ils changeât de deffem , il prie Madame fa mere d’en trait- ter pour luy feul, 6c qu’il efperc mettre la Guadeloupe en une haute eftime devant dix ans. Monfieur de BoifiTeret pcrfiiadé de ces belles promeffes, ayant efté trouver la Compagnie, luy fit des proportions d’achepter la Guadeloupe 6c les autres petites Ifles adjacentes, 6c le mar- ché en fut conclu dans la première Afifcmblée; mais les Sei- gneurs ne voulurent jamais confentir que M. Hoüel fût nom- mé dans les deux Contrads de vente, qui en furent paffez pardevant Oger 6e MorelNotaires , entre la Compagnie 6c le iieur de Boifferet, le quatrième Septembre mil flx cens qua- rante-neuf. Le premier Contrad fut celuy de la vente des quatre Ifles, fçavoirla Guadeloupe, la Defirade, Mariegalande,6d les Saintes, pour le prix de é’oooo. livres, :6c £oo. livres de fucre fin, par chacun an. Le fécond Contrad eff celuy de la vente des meubles 6C des efclaves, outre 6c pardeffus le fond & propriété defdites Ifles comprifes audit Conttad, toutesles Maifons , Forts, Bafli- mens, Machines, Inftrumens, Armes , Canons j Munitions, -Befnaux, Outils, Marchandifes, 5£ généralement toutes au- -tres chofes, meubles 6c immeubles , appartenantes à ladite Compagnie en ladite Ifle de la Guadeloupe: à la refervefeu- lement de quatre pièces de canon, à la charge de payer 11500. livres au fîcur Refée Marchand à Roiien , 6c la formate de 1500. 1. en deniers comptans , pour le rachapt 6c amortiffement defdites 600. livres de fucre. Le fleur de BoifiTeret s’obligeant de payer 6c acquitter toutes les debtespaflives de ladite Com- pagnie en ladite Ifle, à caufe des gages 6c appointerons des hommes employez à leur fervice. M. Hoüel ayant apris avec bien de la douleur, que fes Pro- curations n’avoient pas eu l’effet qu’il s’en eftoit promis, 'crut d’abord que M. de Boiflfcret fan bcau-frere, l’avoir joué dans aux Ant-ljles de î Amérique. 445* l'acquifition qu’il avoit fait des Iflesdont il eftoit Gouverneur, & qu’il s’efloit fcrvy des lumières qu’il luyavoit données pour procurer ce bien à fa famille , fans, fe foucier de luy ; ce qui l’ayant outré extraordinairement, il fit tant de bruit par fes Let- tres pleines de menaces, que Madame fa fœur pria inflam- ment M. de Boifleret fon mary , del’aflocier , par un Contraél particulier à l’acquifition qu’il ayoit faite. M. de Boifleret prévoyant le mal-heur qui luy eft arrivé, eut bien de la peine à s’y refoudre, mais enfin il donna cette fatisfa&ionà fa fem- me. M- Hûüel ravy de cette aflociation, appliqua tous fes foins à faire baftir une maifon proche de la principale rade de la Baffe-ter- re: il la fit d’une ftruéture toute nouvelle à 4. faces, & à qua- tre e liages. Dans chaque ellage il y a quatre chambre de plein- pied, les murs font de tres-beiles pierres, de trois pieds d’efpaif- feur, & elle eftfortifiée d’une terralïe à hui ét pointes, dont qua- tre couvrent les quatre coins du logis, les quatre autres les quatre faces. Chacune de ces pointes fait une cour où l’on peut mettre des loldats pour la deffendre , & 1 on ne peut ve- nir à cette maifon, que deux à deux, par une chauffée de pier- re, au bout de laquelle il y a un portail quarré, où l’on fe trou- ve toujours pris entre deux portes, fans qu on s en donne de garde. Au bas de cette maifon du collé de la Mer , il y a une batterie de fix pièces de canon, qui commandent la rade , & qui la peuvent deffendre de l’abord des Vaif- feaux. : M. Hoücl ayant ainfi obligé la Compagnie de fe défaire des Iflcs dont il efloit Gouverneur; & fe voyant affranchy de fon joug, qu’il luy peloit beaucoup, ne fongea plus qu a réduire •M. Boifleret à la ncceffité deduy vendre fa part. II 1 obligea •pour ce fujet à de grandes &c d’exceffives dépenfes ,ne luy tint aucune des paroles qu’il luy avoit données; & n exécuta pas une des promeffes qu’il luy avoit faites. Mais pendant qu’il travaille à faire reüffir fon deflein, qui! cil prefque arrivé a fon but , & que tout le monde le regarde déjà comme le Seigneur abfolu de la Guadeloupe ; il reçoit un advis de France qui le déconcerte cflrangcmcnt , & qui ' ' Kkkiij 44 ^ Efiablijf 'ment des François trouble infiniment fon repos; car il apprend que Madame U Marefcfiale de Gucbrianc & M. le Prince d’Aubigny traitent avec M. de Boifieret de l’achapt de la Guadeloupe , qu’ils ea offrent une femme confiderable , que le fieur Barteccft allé expiez à Honfieur pour en faire le marché; & qu’en cas de refus de la part du fieur Boifieret , ils prétendent employer l’authoritc du Roy pour eftre fublhcués en fa place, au marché qu’il en a fait avec la Compagnie. Il n’efi pas croyable de combien d’inquiétudes fon ame fut lors troublée , & de combien de firatagémes il ufa pour rompre ce defiein , ou du moins pour le rendre inutile. Il fit ce qu’il pût pour gagner laminé des peuples, qui a voient beaucoup d’averfion pour luy, car il leur accorda les remîtes des droits accoutumez, & fit des dépenfes extraordinaires pour gagner les Officiers & les obliger à le maintenir. Se défiant neanemoins des uns & des autres, apres avoir mandé à fa me» re, qu’ils efioient tous refoius de mourir pour le deffendre ; il la prie d’obtenir un Arrclt du Conleil,par lequel il foit dé- fendu au Prince d Aubigny & a tous autres', de rien attenter au préjudice de 1 Fdiét ce 1 année \6 4<. & en cas de contra» vend on, qu’il luy foit pci mis de fe défendre, de tenir bon, Se de le combatre. Et afin de joindre la rufe à la force, il luy mande qu’il faut faire courir le bruit, qu’on arme pour fa dé- fenfe , & que 1 Ifîe de Saint Chriftophe équippe pour cét effet deux navires chacun de quarante pièces de canon , montez de 2^0. hommes; que la Martinique S c la Guadeloupe en four» nifient chacune un, & quatre brûlots, Sc que les Gouverneurs de ces Iflcs s’intereflenc également dans fa défenfe. Pendant qu il s occupe de ces chimères, M. Berruyer l’un des principaux Directeurs de la Compagnie, ayant donné ad- vis à M. du Parquet qu’il avoir tellement difpofc les chofcs, qu on cftoit refolu de luy vendre plûtoft qu’à tout autre, les Iflcs dont il efloit Gouverneur, partit auffi-tofi de la Marti- nique pour venir en France, ou il traira de la Propriété S£ Sei« gneurie de ces Ifles, fçavoirla Martinique, Sainéte Alouzie, la Grenade & les Grenadins ;& parL^ontraét du vingt feptié- me Septembre 16^0. les achepta pour le prix de 60000. livres. aux Ant-Jjles de l'Amérique. 447 II obtint cnfuite des Lettres Patentes confirmatives de ce 'Contrat ; & comme il eut l’honneur de falüer fa Ma jette, 6c de l’entretenir de la qualité du pays, par trois differentes fois; !e Roy eftant bien informé de fa valeur, de fa bonne conduis te, de la prilbn qu’il avoit endurée pour fon fervice, 6c des grands travaux qu’il avoit fou fferts depuis quinze ans , pour faire réüffir l’effabliffement de la Martinique , luy en odroya le Gouvernement, & l’eftablit fon Lieutenant General ez Ifles qu’ii avoit acheptée s, parles Lettres Patentes , données au mois d’Aouft 1651. M. de Poincy fut le dernier à traiter de la vente de l’Ifle de Saint Chriftophe, &dequelques-autres qu’il avoit occupées. Il eft vray que fes affaires n’eftant pas encore terminées en France, il ne parut pas dans cette négociation, mais les fit achepter au nom de la Religion de Makhe par M. le Bailly de Souvré, qui en traita avec la Compagnie le vingt -quatriè- me de May 1651. pour la fomme de izoooo. livres. Le grand Maiftre del Ordre, en reconnoiftance de cette acquifition,honno- ïaM. de Poincy delà qualité de Bailly, l’une desplus confidera- £>Ic Charges, dont 1 Ordre reconnoiffe les grands 1er vie es 6c les ^mérités de fies Chevaliers. La Religion en prit poffeflîon , confirma Monfieur de Poincy dans fa Charge, 6c envoya Monfieur le Chevalier de Montmagny à Saint Chriftophe pour luy fucceder. L’arri- vée de ce Chevalier , qui avoir commandé dans la nouvel- le France avec tant de gloire , ne luy plut pas; ce que Mon- sieur de Montmagny ayant bien remarqué , il le retira avec Monfieur Ménager à Cayonnc , qui eft comme la ferme de laCommanderie,& y vécut en homme privé, en attendant la mort de Monfieur de Poincy , mais il mourut devant Iu^ en l’année 1657. fort regretté du peuple, qui elperoit beau- coup de fa conduite. II s’eftoit exercé pendant cette retraite à la pratique de toutes les vertus. Il fut enterré à la Paroifle de la Baffc-rerrc,&M. de Poincy luy fitrendre tous les honneurs deus à fa naiffance & à fes mérités. L Ordre envoya les Chevaliers de Saint Iure6c de Sales à mefme deffein -, mais quelque complaifance qu’eût le premier 44S Efiab'liff ornent des François pour M- tic Poincy, il ne pût s’accommoder à Ton humeurs & retourna en France. M. le Commandeur de Salles y demeura avec M. de Poincy, àc luy a fuccedé dans Tes Charges. Entreprife de JFÎ. de Poincy fur ilfle de Sainffiè Croix. Efiabltffsment.de s François dans cette IJle* Nos Pieiigicux font choifis pour en avoir foin* . Don de fa Majefié de cette (file & de celle de Saint Chriflophe } a la Religion de Aialthe» CHAPITRE XVXL LE s feuls Anglois eftàns demeurez les Maiftres de Fille de Sain&e Croix, apres le fanglant démêlé qu’ils eurent avec les Holandois en l’année 1646. dont j’ay parlé à l’occafion de la prifon du Capitaine Paul dans la Guadeloupe, leur nombre s’acrût li fort, qu’ils donnèrent fajet aux Elpa- gnols, qui ne peuvent foufprir de voilins puiflàns , de penfer deux, &: de lever douze cens hommes pour les en chalTer. Ils • les embarquèrent fur cinq Vaiffeaux le dixiéme d’Aoufl 1650. & defeendant dans rifle , à la faveur de la nuiét, ils chargè- rent les Anglois fi à Fi mpro ville , que ne leur ayant pas donné le temps de fe reconnoiftrc , ils en tuerent environ fix-vingt, & contraignirent les autres de fe fauver dans les bois. Celuy qui commandoit les troupes Efpagnoles , ayant fait quelques prifonniers Anglois , en envoya deux vers les fugitifs, leur dire de la part, que s’ils ne luy donnoient parole de fbrtir de Fille dans trois femaines, qu’il les alloit pourfuivre, fans donner quartier àperfonne, non pas mefme à leurs femmes. Les Anglois qui ne s’attendoient pas d’avoir une fi bonne com*. pofition des Eipagnolsja receurent comme une grâce, & envoyè- rent promptemet à S .Chriftophe prier le General des Anglois de •>' ° , £ AÏS?. ' T’ari/icn ° ibcallue o c ■ ^ •'*“ Vlerlan^- -# Æwf, ° 0 'X,« J % ^ /fl Fleur o i^ oW„ 0 Z^° SS? • Brunet ^ Boîdriy ° tpEfr1#: auturtcr r ÿ|. ‘•'i»îvV-.v.*.v..' ?.. v . . ^rn:; a Go\uueï*i * o«^.<*C^p , ^^Crvmèni C^rÇ iMfl-fl» du /lcr J est lllcnie rond. J/ilbas- tes b ou faune.; douce ' Gudhrmet — r ■ 1 „ taTaillc 4 'ucrvnc . j%asùr^^S 'itoifc An.Jneu c' — ;'=0_" ' Z espérance* d ,*.la GrandcrisP BT aux ^fiTattu Hôt el du fltitord '.acobitvs •&_— ,.»c" lia*-1 "A. „ ""'J» ' /ïhl SC ^ ■ niouckos » V • ? _*a. n /' Fui/bonnicre JOZ1), ^ i,,^îSfeSfaA- ,v Oreinacnc «£ Cahnts F de la. R S edet CanneiapSf Jllml.,. 1 SI*/; ’uÿ. îljL’ ’ii/fliiJ /r »><•«/ Ç=J Àlaucm du S? Croix Située a t8- dey/' 48 unutemeu foc/tuec a 18 ■ dccjr 48 minuW^m de lat fcptcnü fonallc Gouuernee ^ ywÀf t ^A/is par M07U leur duB ois. £ schcllc de le 2*. Jïoucs LapomK’J- / aux Ant-IJles de 1 Amérique* 449 leur Nation, de leur envoyer des barques pour y tranlporter leurs familles 8c leurs biens, apres quoy ils abandonnèrent rifle. Les Holandois ayant eu advis de la défaite des Angîois , 8c qu’ils avoient entièrement abandonne flfle , crûrent que les Efpagnols, qui n’eftoient venus dePortricquepourlesenchafi fer, s’en eftoient aufli retournez. Dans cette croyance, ils pri- rent refolution d’y envoyer de leurs gens peur fe remettre en poflelïion de leurs anciennes demeures, d’où ils avoienr efté injuftemcnc chaflez par les Anglois; & deux barques s’eftans trouvées preftes à larade de l’Iflede Saint Euftache, pourpor- ter du monde à Saint Martin, ils y mirent promptement quel- ques foldats , 8c les firent partir pour aller à l’Iflc de Sainde Croix, mais ils prirent fort mal leurs mefures; car fans avoir fait reconnoiftre s’il y avoit quelqu’un dansl’lfle, ils vinrent moüiller l’anchre directement fous la forterefle des Efpagnols, & defeendirent à terre avec autant d’alfeurance que s’il n’y eut eu perfonne jfoixante Efpagnols qui y eftoient, les y re- ceurent à coups de fufils,en prirentneufou dix qu’ils enefiaif- nerent, & contraignirent les autres de fe fauver en defordre dans les bois, où ils les fuivirent de fi prez à coups de mouf- quets, queplufieurs demeurerentfur la place. M. le General de Poincy, qui ne laifloit échaper aucune occafion d’eftendre les limites de la domination Françoife 8c d’augmenter la gloire de la Nation par de belles entreprifes, ayant receu le mefme advis que les Holandois, avoit conceu aufli le mefme deflein,mais l’executatout d’une autre maniè- re. II choifirccnt foixante hommes des plus braves de fon Ifle, qu’il mit dans un navire 8c dans une barque, fous la conduite du fleur de Vaugalan , avec ordre de s’aller eftablir dans l’Ifle de Sainéte Croix, de forcer les Efpagnols qu’ils y trou- veroient, & de prendre pofleflion de la Forterefle au nom du Roy. Bien que nos François ne fuiïent pas afleurez fi les Ef- pagnolselloient encore dans l’Ifle , neantmoirs comme ilss’en doutoient, ils fe donnèrent leur rendez-vous à une lieue delà for- terefle : mais par mal-heur la barque qui portoit trente-cinq ou I. Partie,. LU . . * ' 45° EfiabliJfemen t des Vrançois quarante hommes, s’eftant écartée du navire, fut pouftee par le vent, & contrainte d’aller palier devant le Fort &: de moiiil- 1er un peu au deffous. Lesfoldats croyant que le heur de Vauga- lan s’en eftoit approché, ils fe mirent en chemin pour l’aller join- dre : mais les Efpagnols qui les avoient veu paffer, fe doutant bien que c’eftoit une barque ennemie, mirent 80. hommesen embufeade , qui ayans pris nos François à dépourveu, firent fiir eux une furieufe décharge; neantmoins comme ils eftoient tous gens de cœur, qui ne s’entenaoient pas à reculer dans de femblables occasions,, ils firent face aux Efpagnols, le dé- fendirent vaillamment , en tuerent beaucoup, & tinrent jufqua ce qu’ils furent contrains de fuccomber fous le grand nombre des ennemis, aufquels il leur eftoit d’autant plus difficile de refifter , qu’ils avoient perdu douze ou tréze de leurs plus vaillans hommes à la première décharge qu’ils avoient faite dur eux. Ils furent tous caillez en piece * à la re- ferve de trois ou quatre , qui s’eftanc fauvez 'dans les bois, vinrent fe rendre au Fort avec les autres,. trois femaines apres. Le fleur de Vaugaîan ayant attendu durant trois jours cet- te barque, au rendez-vous qu’il avoit afîigné, n’en recevant aucune nouvelle, fe refolut d’aller attaquer les Efpagnols avec environ fix-vingts hommesquiluy refloient, compris l’équipage dunavirejilmitpiedàterre pour ce fuj et, & s’alla pofter environ à huiét cens pas du Fort , où ayant mis fon monde en bataille , il fit fommer les Efpagnols de la part du Roy & de M» le General de Poincy, dont le nom ne leur eftoit pas inconnu, de ren- dre la place, & de fortir de I’Ifle. Ils répondirent d’abord à cet- te fommation , qu’ils n’avoient point de place à rendre , & qu’en tout cas on leur donnât trois jours pour délibérer. Le Gentil- homme qui les avoit fommez, eftant de retour avec cette ré- ponfe, le fieur de Vaugaîan fit avancer fes gens en bel ordre juf qu’à deux cens pas du Fort ,à la faveur d’un petit morne qui le couvroic > & qui empefehoit que les ennemis ne l’apper- ceuftem: ; il avoir laifte dix ou douze hommes à fon pre- mier pofte avec plufieurs fufils & piftolets, avec ordre de tirer inceffamment , ê£ de faire grand bruit, pour donner aux Ant-IJle s de l’ Amérique. 451 Heu aux ennemis de croire, qu’ils cftoient en grand nom- bre. II fit fommer une fécondé fois la place, avec menace de ne donner aucun quartier en cas de refus. Le Commandant Ef- pagnol prenant celuy qui le fommoit pour quelque avanturier, qui avoit befoin de rafraifchifTemens ; Iuy envoya une vache & quatre carres de vin de Madere. Mais le fieurde Vaugalan ne comprenant rien à cette civilité, renvoya pour une troifié- me fois le fommer de rendre la place dans deux heures , à faute dequoy il luy iivreroit l’aflaut. Les Efpagnols eftonnez de ces menaces, & voyant les Fran- çois en bataille, & en difpofition de les forcer, capitulèrent , ôc rendirent la place au fieur de Vaugalan; ôc en fortirent avec armes &: bagages, & s’embarquerait dans un VaifTeau qui leur fut donne par la capitulation, pour s’en retourner à Pille de Saint Iean de Portric. Les Holandois plafonniers apperccvant les François entrer victorieux dans la place , fe mirent à crier & à implorer leurs feeours ; on fut à eux, on leur ofta.Ies fers, & quelques jours apres on les renvoya à Saint Euftache. Entre les Holandois qui eltoienc defeendus à terre, & qui fc fauverent dans les bois, pendant que les Efpagnols mettoient les autres aux fers , celuy qui portoit la Commiflion du Gou- verneur, appréhendant de tomber entre lcuis mains, s’expo- fafurun Pyperi pour regagner une des barques; mais ayant efté emporté en haute mer par la marée &: par les vents, ily demeura trois iours fans boire & fans manger, apres Icfquels ayant cité app.erccu de quelqu’un du Fort ; comme il eltoit fort loin en mer, on crut d’abord à voir le lignai quil faifoit de la main, que c’eftoit un poifTon; mais ayant connu que c’effoit un homme qui demandoit du feeours, le fieur de Vau- galan envoya une chaloupe pour le prendre; il fut trouvé à de- my mort fur ce bois , d’où on l’amena au Fort, où ayant efté affilié durant quelque-temps, fa fanté citant reltablie , il fut renvoyé à. Saint Eultache comme les camarades. M- de Poincy fort réjoüy d’apprendre les heùreux fuccez defes foldats, & la prife du Fort &: de Pille, lit partir trois cens lu ij 45 1 Ejlahlijfement des “François hommes pour yeftablirune Colonie, Françoife,aufquels fidon- na le heur Augerpour Gouverneur. Le pauvre fieur de Vauealaii ie voyant ainfi privé d’une Charge qui luy efloit deuë par tant de titres , & qu il avoit mérité par fa valeur, & fa bonne con- duite, en conceut tant de déplaifir, qu’il en mourut de regret au commencement de l’année mil fix cens cinquante - un ; trois Gouverneurs moururent auflï cette année : & l’air y eftok fi mal fain dans les commencemens , qu’il y eft mort plus de monde dUjtemps de M. de Poincy, qu’il n’y en a prefcntement dans M. de Poincy qui avoit enlevé cette Ifle à la barbe, & s’il faut amh dire, fur lamoufrache des Efpagnols, en conceut de grandes efperances, & crut que comme elle efloitune des plus grandes & des plus belles , des Ifles habitées par les François, il la verrait quelque jour la plus gonflante, la plus peuplée & la plus riche j il employa tous fes foins pour lapoufler au plus haut point qui pouvoir rendre fa Colonie célébré, il y fit d’exceflî ves dépenfcs, y envoyafesmcillcursamis; &fi on vouloic avoir" les bonnes grâces, il falloir dire merveilles de Sainde Croix, habitat^ aIle^, °U 3U m°inS d y C11VO>rer des Sens Y prendre Quelque paffion pourtant qu’il eûcpour l’avancement de fon dellein, & pour l’a grandifîe ment delà Colonie, il y fit des fau- tes fi confiderables, qu’outre les exceflî ves dépenfes ôdeseran- des pertes qu’il y fit, il faillit à laminer entièrement. Car bien qui! içeut que la défenfc qui avoit efié faite du temps de M. d hnambuc aux navires François &eftrangers,( autres que ceux de la Compagnie ) de trafiquer aux Ifles, avoit penféla ruiner,- j flddn ignorât pas que létaux qu’on avoir mis tant auxrnar- cnandiles quelle en tiroir, qu’à celles quelle y en voy oit, avoit irrite tous les habitans& les avoit tous mécontentez, non-feu- jement parce que la Compagnie mettoit les marchandifes quel- le tiroit a fort bas prix, & celles quelle en voyou à un prix exccliiti mais bien plus, parce quelle nenvoyoit pas la moi- n C v * 10feS ^U1 IeUr cftoient ncceflàircs, n’ayant pas affez de Yaifleaux pour cela; & qu’au lieu de deux & trois cens JNayires qui! y suroît fallu envoyer par an, elle n’y en en- aux Ant-ljles de l'Amérique. 45-3 voyoit que fore peu : 6c que d’ailleurs il fut perfuadé par fes expériences de la lezinc des Commis, de leurs longueurs à faire deicharger les marchandilès , ôc à fournir aux habitans les chofes dont ils avoicnc befoin; bienqu’ilfeeût aufîi que la liberté qu’on avoit donné à toute forte de Nations d’y trafiquer, avoir fait l’a- bondance dans les Ifl.es , en avoit contente ôc enrichi les habitans, ôcauroit produit infailliblement des avantages confiderables à la Compagnie, fans les divifions qui y citaient fur venues. Bien, dis-je, qu’il feeut tout cela, il ne laiffa pas de tomber dans les mê- me fautes qu’il avoit fi fouvent condânées,ôc dont il avoit veu de lî fâcheules fuites. Caril défendit Iatraitte avec fille de Sainte Croix, tant aux François qu’aux Eftrangers,êC fe chargea de faire fournir par fes Commis , toutes les chofes dont les habitans auroient befoin, Ôc d’en tirer en échange les marchandifes. Il avoit une fort belle Galiotte , commandée par le Capi- taine Manfel, qui n’eltait employé que pour la fecourir ; elle y portoit prefquc toute l’année les munitions, les hommes , ôc les vivres qu’il y falloir. Mais fille n’eftant pas encore de- couverte, 'l’air y eltait 11 corrompu par les vapeurs que la terre exhaloic , qu’il y mourut les deux tiers de ceux qui y furent envoyez. Ilelf vray qu’il a toujours fait de grandes dé- penfes pour conferver cet eltablilfemenr : maisquoy qu’il en ait tiré depuis que les habitans ont commencé à y faire du petun , je ne crois pas que ce qu’il en a receu, ait monté à la dixiéme partie de ce qu’il y a dépenfe. Ce commerce pourtant ne dura ‘pas long- temps fans exci- ter des plaintes.; caries. Commis n’envoyant que les relies des magazins, Sc les plu$ inauvaifescraitces qu’ils trouvoient à bon prix, les habitans qui faifoient d’excellences marchandifes., voyant qu’on ne leur envoyoitque le rebut de Saint Chriftophe, 6c qu’on le leur vendoit incomparablement plus cher que fi les marchandifes eulfcuc efté .bonnes, fc mut inerent,& on ne les pût jamais appaifer, qu’en donnant permiflion aux plus fedi- tieux de fe retirer, 6c en mettant quelques autres aux fers. Il ell vray que la delfenfe faite à tous les Capitaines de Na- vires d’y traitter , ne pût empefeher quelques-uns d’y cn- i. Ll.i iij 4 y 4 F fia h li f je ment des François voyet furtivement leurs baetcaux chargez de toiles, d’eau de vie, de fouiiers,*& d’eftoffes; mais ceux qu’on découvrir ayant elle feverement chaffiez par de grofles amandes, cela mit les h a bit ans au deftlpoir, avec d’autant plus de fujet , qu’ils Ce voyoienc comme abandonnez , & quil leur falloit tres-fou- vent brûler des piles de petun , faute de vaiffeau pour les venir quérir. Ce mauvais ordre aefté la cauledupeu de pro- grès qu’a fait cette Ifle, n’y ayant eu que des foule vemens jufqu a la mort du Sieur de Poincy. Il vid bien la faute qu’il avoic commife,& l’euft bien voulure- parer en trouvant marchand pour s’en deffaireffl me le témoigna,, Sc me pria mcfme de faire fçavoir en France le dclTein qu’il avoit de la vendre, comme s’il eut pré veu ce qui Iuy devoit arriver fur la fin de l’année fuivante 1657. car 1£S habitans ayant effcé fort long-temps fans voirny barque ny vaiffeau , & voyant avec re- gret leurs marchandées dépérir & le gafter,pour n’eftre pas enle- vées dans le temps, refolurent de tout abandonner, & de s’enfuir quand ils en trouveroient quelque occafîon. Dans ce mcfme temps Monfieur de Poincy y envoya le Chevalier de la Mothe dans un Navire rempîy de toute forte de marchandées, & de mu- nitions, avec un Religieux Carme pour adminiftrer les Saere- mens. Les habitans luy firent bon accueil , & Ce réjouirent ap- paremment de fon arrivée ; mais voyant l’occafionfauorablc d’«- xecuter leur refolution, ils fc faifirent en melmc temps de fa perfonne , & du Navire, Iuy mirent les fers aux pieds , & l’obli- gerent par force à leur fignerun congé, dans la forme qu’ils vour lurent, pour fortir de rifle: ilss’embarquerenc dans ce Navire avec les munitions &: les marchandifes , au nombre de deux cens hommes, & firent voile fans qu’on ait pu apprendre aflurément le lieu de leur retraitre , quoy qu’on ait toujours creu qu’ils avoient gagné le Brcfil. Monfieur de Poincy attendit quelque temps le retour de fon Navire; mais comme il ne paroifloit point , appréhendant qu’il ne luy fut arrivé quelque accidentjil envoya une barque à Sainte Croix, pour fçavoir la vérité deschofes :1e Capitaine trouva Pille dans une étrange confirmation, IcChevalier delà Mothe malade d’affliétion,de ce quiluy eftoit arrivé, & Le refte des habitans, qui Lit.. aux A nt-IJles de t Amérique. 4 j j n a voient pû s’embarquer, dans la refolucion de tour abandonner. Il les confola le mieux qu’il pût y & les pria d’attendre qu’il eue informé M.de Poincy du véritable état de (a Colonie, & qu’affeu- rément il leur donneroit toute forte de fatisfaéfion : & après leur avoir diftribué libéralement les rafraifehiffemens qu’il avoit dans la barque, il revint à Saint Chriftophe avec le Chevalier de la Mothe &lc Religieux Carme. On ne fçauroit croire combien M. de Poincy fuc touché de cette trille nouvelle , neantmoins il s’efforça de dilïimuler fon afflidion , reçeut fort bien le Chevalier de la Mothe, le fit traiter avec grand foin dans fa maladie, & renvoya quelques nouveaux habitans, permettant à tous les Capitaines d’y aller en traicte com- me dans lesautres Ifles : s’il n’euft levé la défence qu’il leur en avoit faite, il neuf! jamais trouvé de volontaires qui fe fulTent re- lolus d’y a lier: mais par ce moyen les affaires fe reftablirenc un peu jufques en l’année 1658. qu’il y envoya un jeuneGentilhomme ap- pelle du Bois, dont l’efprit, le courage ôc l’affabilité, remirent toutes chofes dans leur premier chat. le ne fçay pas le fecours qu’il reçeut de M. de Poincy , pour relever cette Colonie prefquc ruinée ; mais il cfl certain quelle changea de face & de réputa- tion, fi-toft qu’il en eut pris le Gouvernement. Il tranfporta les habitans du lieu où ils eff oient, en un autre quartier plus commo- de &plusfain , les traita avec tant de douceur , &: les gouverna avec tant de prudence, que Meilleurs les Chevaliers de Malte le confiderant comme le Reftaurateur de cette Colonie, apres la mort de M.de Poincy, luy confirmèrent le Gouvernement qu’il luy avoit donné. Il n’y eut pourtant aucuns Religieux Miffionnaircs chablis dans cette lfle,jufqu’cn 1659. & l’on fecontentoit d’y envoyer de temps en temps, tantofl les uns, tantofl les autres , pour adminiftrer les Sacrcmens aux habitans -, mais M. de Poincy pria pour lors avec tant d’inftance le R. P. Pierre Fontaine , Prcfcét Apoholique de la Mifîion de noffre Ordre, de luy donner de fes Religieux, qu’il luy endeflina deuxdignesde cét employ .fçavoirle R. P. du Bois &: le R. P. le Clerc. Ce dernier fè voyant dans la neceflité d’Or- nemens d’Autel , pour la célébration du Service divin, paffa dans une barque à Saint Iean de Portric , où nous avons un célébré 'liil :.v,j jâf! ! fMjtn !■(;, t*i' > ?f • 1:| : » ' ,1L ' ■ I k * i, : * 45 6 Eftabhjfement des François Couvent de plus defoixante Religieux. Il fut reçeu de ees bons . Peres Efpagnols avec mille cardTes, aprefquoy ils luy donnèrent un Calice , une Croix, des Encenfoirs, & des Burettes d’argent, avecplufieurs Nappes d’AuteI,& des Chafubles,qui luy fervirent beaucoup dans ces commencemens. Cette vifire donna occafion à M. Dubois de permettre à feshabitans d’aller travailler avec les Elpagnols, ce qui leur apporta un profit incroyable. M. le Bailly de Poincy ayant fait fa paix avec la Cour, apres fon accommodement avec M. de T hoify , ne fongea plus qu a l’efia- bliffement de fa famille ; & comme fon eftat de Religieux le met- toit dansi’impuiflance de pouvoir tefter en faveur de fes parens,ô£ , de leur fairepart des grandes acquisitions qu’il, avoit fait à Saint Chriftophe, il traitra avec le Grand Maiftre de Malte, & fe dé- mit en faveur de la Religion, de tout ce qu’il avoir dans I’Ifle , ôr de fes deux Commanderies , a condition qu’il luy fut permis de dilpoler du refte de fon bien; ce qui luy fut accordé. La Religion de Malte eftant devenue Proprietaire de ces Ifles, par la demiffion volontaire de M. de Poincy; le Grand Maiftre fit foiliciter Sa Majefié par Ion Ambafiadeur ordinaire M. le Bailly de Souvré, de leur en donner le plein Domaine ,1a Sei- gneurie direde & la propriété incommutable. Ce que le Roy leur ayant accordé, il leur en fit expedier les Lettres fuivantes ^ au mois de Mars 1653. Concefion da Roy des IJlesS . Chrjftophe & Sainte Croix , en faveur des Chevaliers de Malte. LO V Y S P A R La G R A C E DE D I E V, R O Y D E F R A N C R n et de Navarre; A tous prefens & à venir , Salut. L’Ordre de Saint lean de Hierufàlçm s’efl montré fi utile à lEglile par fes fervices , & fa continuelle refiftance aux entre- prit des Mahometans ennemis de la Fôy , dont les vidoires frequentes qu’il a remporté fiir eux en tant de combats , four des marques certaines , efquels grand nombre de Chevaliers . ont épanché leur fang , & prodigué leur vie pour le falut com- mun ;& les Holpitaux ont efié fi dignement ôc charitablement adminifirez. t aux Ant-IJles de l Amérique. adminiftrez par iceluy depuis Ton inftitution , qu’il feroic utile qui! eut Ion Siégé , non feulement en fille de Malte , mais audi en d’autres & plufieurs endroits , afin que ce fuffcnt au- tant de Hâtions , forterefles & remparts pour la Chreftienté , &: d aziles aux Fidels. Ces confiderations , & l’affedtion que les Roys nos piedecefifeurs , & Nous, à leur exemple, avons porté audit Ordre , Nous ont fait favorablement entendre aux fiip- plicacions qui Nous ont efté faites de la part de noftre trcs- cher Coufin, le Giand Maiftre dudit Ordre de Saint Iean de Hierufalem ,par noftre Ame & Féal Confeiiler en nos Confeils, Chevalier & Bailly d’iceluy , & Ambaftadeur de noftredit Cou- fin le Grand Maiftre, prés noftre Perfonne le Sieur de Souvrc; que le Sieur Bailly de Poincy Grand Croix dudit Ordre, apres plufieurs beaux exploits en France , auroit efté envoyé par Je feu Roy noftre tres-honnoré Seigneur &Pere, fon Gouver- neur & Lieutenant General ez Ifles de Saint Chriftophe , ôc autres Mes de l’Amérique peu connues pour lors, lefquelles de- puis fous fa conduite, font habitées de grand nombre de François, en quoy ledit fieur Bailly de Poincy n ’auroitrien épargné, pour y maintenir noftre authorite, &la dignité du nom François ; mef- me auroit fait baftir plufieurs Forts à fes dépens , & fo feroit auftî formé un revenu confiderable, par acquifitions qu’il a faites dans Iefdites Mes, ayant employé pour cét effet, le revenu de plufieurs années de deux des plus belles Commanderies dudit Ordre, deff quelles il joüiffoit en France, lefqucls Domaines par droit de pé- cul appartiennent à fon Ordre, auquel d’abondant ledit fieur Bailly de Poincy, comme bon Religieux, en a donné toutesles feuietez necelîaires , en forte que noftredit Coufin le Grand Maifti e, ledit Ordre , s en peut dire dés à prefent le vray Pro- prietaire, fans attendre qu’ils luy reviennent apres le deceds,par droit de dépoiiille; à quoy noftredit Coufin le Grand Maiftre a defiré joindre la Propriété entière defdites Mes de Saint Chrifto- phe, par l’acquifition d’icelles, pour laquelle noftredit Coufin a envoyé les ordres & pouvoir audit fieur deSouvré, afindetrait- ter avec ceux de la Compagnie defdites Mes fous noftre bon plai- fir, & fous 1 cfperance que nous aurions le Traitté agréable, & que nous y joindrions en outre , ce qui nous appartient cfditcs I. Partie. Mmm 458 EJlabliJfement des François Ifles, afin de pouvoir par noftredit Coufin &. fon ordre, y for- mer un eftabliflement , pour le fervice èc Ja défenfe de la Chreftienté, &. pour la converfion des Sauvages à la Religion Catholique. A ce s cavses, & apres avoir fait voir en nô- tredit Confeil, les Lettres de conceflion par Nous cy-devant faite, a la Compagnie des Ifles del’Amerique du mois de Mars 1641. L’a&e de deliberation dé l’Affemblée de ladite Compa- gnie de l’Amerique pour la ceflion, vente aliénation de tout ce qu ils pourroient prétendre en icelles , fous noftre bon plaifir, aux charges & conditions portées par le refultat du deuxième May 1651 . le T raité fait par ledit fieur de Souvré avec ceux de la Compagnie le vingt-quatrième defditsmois & an , attachez fous le contre-fcel de noftre Chancellerie. De ladvis de noftredit Confeil, où eftoientla Reyne noftre tres-honnorée Dame & Me- re, noftre tres-cher Frere le Duc d’Anjou, plufieurs Princes, Ducs, Pairs , & Officiers de noftre Couronne , &: autres Grands & Notables Perfonnages de noftre Royaume; Nous délirant fa- vorablement traiter noftredit Coufin le Grand Maître àc fon Or- dre, & témoigner à toute la Chreftienté l’eftime que nous en faifons , &: que comme fils aifné del’Eglife nous ne laiftons écha- per aucune occafion , pour le bien augmentation de la Reli- gion Chreftienne, &; par ce moyen inviter les autres Princes Chreftiens de faire le lemblable, &: de contribuer de leur part ainft que nous faifons, à la manutention & propagation de la Foy. De noftre grâce fpeeiale , certaine fcience , pleine puiflan- ce & autborité Royale, avons loiié, agréé, ratifié, louons, agréons , ratifions, & confirmons par ces P refentes fignées de noftre main, la Commifiîon cy-devant faite à ladite Compa- -* grue des Ifles de l’Amerique du mois de Mars 164a. enfemble ledit Contraéf du vingt-quatrième May 1651. portant aliéna- tion, vente & ceftion des droits de ladite Compagnie dans les Ifles de f Amérique, à eux accordez au profit de noftredit Coufin le Grand M.aiftre,& dudit Ordre de Saint Iean de Ie- rufalem; & adjoûtant aux conceflîons faites par cy-devant, avons de nouveau donné &oélroyé à noftredit Coufin & à fon Ordre, donnons ô£ oétroyons pat cefdites Prefentes ladite Ifle de Saint Chriftophe, àc autres en general, en dépendantes coiir aux ^Ant-îjles de l' Amérique. 4^ fermement audit Contrat du vingt- quatrième May, avec tou- tes leurs confiftances, à la refervedes Ifles contenues & fpeci- fiées aux Contrats de vente, des quatrième Septembre 1649. & vingt -fepticme Septembre 1650. pour ladite Ifte de Saint Chriftophe, &: autres IHes de T Amérique en general, à la refer- Ve cy-deiîus, eftre tenues par noftre dit Coufin le Grand Maî- tre &. fo.n Ordre en plein Domaine, Seigneurie, directe, 6c uti- le, Propriété incommutable : «nfembleles places & Forts eftant en icelles, droit de Patronage laïque, de tous lesj bénéfices 6c dignitez Ecclefiaftiques, qui font ou qui pourront eftre cy-apres fondez , 6c qui nous peut de prefent 6c pourroit appartenir : avec tous droits Royaux, & pouvoir de remettre, & commüer les peines, créer, inftituer & deftituer Officiers 6c Mini lires de luftice, 6C Iurifdi&ion , tant volontaires que contentieufes, pour palier tous aétes, juger toutes matières tant Civiles que Criminelcs en première inftance , 6c par appel en dernier reffort, & en tout cas , le tout à perpétuité , en plein fief 6c amortv, & fous tel tiltre, 6c y faire tels eftablilfemens, que bon Iuy femble- ra, à la feule referve de la Souveraineté , qui confifte en l’hom- mage dune Couronne d’or de redevance à chaque mutation de Roy, de la valeur de mille efeus, qui fera prefentée par l’Ambaffadcur dudit Ordre vers cette Couronne, ou par autre Officier d’iccluy , en fon abfence, à la Charge que noftrcdit Coufin le Grand Maiftre, & l’Ordre, ne pourront mettre lefdi- tes Ifies hors de leur main, ny y donner commandement à d’autres qu’aux Chevaliers de langues Françoifes nos fujets, fans nous le faire fçavoir, 6c pris fur ce noftre confentement. Si donnons Cil mandement à nos amez 6c féaux Confeil- lers , les gens tenant noftre Cour de Parlement de Paris, Cham- bre de nos Comptes, & autres nos Officiers qu’il appartiendra, que ces Prefentes ils falfent regiftrer, & du contenu en icelles, faire joiiyr noftredit Coufin le Grand Maiftre, 6c ledit Ordre, pleinement , paifiblement 6c perpétuellement , fans foufîrir qu’il lu y foit fait, ny donné aucun trouble, ny empefehement au con- - traire. Et d’autant que des Prefentes l’on peut avoir befomen mcfme temps ‘en plufieurs lieux j Nous voulons qu’aux copies deuëment collationnées ; foy foitadjoûtee comme à l’Original Mmm i j 4 6o Efiabliffèmènt des François des Prefentes. Car tel eft noftre plaifir; 6c afin quecefoitcho- fe confiante pour toujours , Nous avons fait mettre noftre fed à ces Prefentes , fauf en autres chofes noftre droit, 6c l’autruy entoures. Donné à Paris au mois de Mars, l’An de grâce 16^55. 6c de noftre Régné le dixiéme. Signé L o v y s , & fur le reply, par le Roy, de Lomenie, Visa Mole", 6c fcellées du grand fceau de cire verte fur lacs de foye. • Les Holandois chaffez^ du Récif, & des autres pla- ce s, du B refil, par les Torturais ,fe réfugient a la ÇÛôCart inique , & à la Guadeloupe . §. x. Bien que fexpulfion des Holandois du Récif, 6c de tout le Brefil , ne foit nullement du fujetdecettc Hiftoire,jene puis pourtant palier fous filcnee la déroute de ces pauvres exi- lez, & leur arrivée aux Iftesdela Martinique, 6c delà Guade- loupe- Les Portugais s’eftans donc rendus Maiftres du Récif, l’une des plus fortes places du monde, à l’ayde de quelques traîtres, obligèrent non feulement les Holandois 6c tous ceux qui rele- voient d’eux, defortir de cette place, mais encore de tousle.s autres endroits du Brefil, avec pouvoir pourtant d’emporter leurs richeffes, & leurs meubles, 6c d’emmener leurs efclaves. S’eftans donc embarquez avec tout ce qu’ils avoient de meilleur 6c de plus précieux, toute la Flote qui portoic ces pauvres bannis à la referve d’un navire de 1400. tonneaux, fit voile vers nos Illes, 6c aborda à la Martinique au commencement de l’année ié'54< où les Chefs ayant mis pied à terre, ils vinrent faire la revercnce à M. du Parquet, àlefupplierentenmefine temps, d’agréer qu’ils habitaffent dansfon Me, aux mefmes conditions 6c redevances que les habitans François. M. cluParquety eftant tout difpofé, en avoit donné quelque parole; mais les RR. PP. Iefuites Iuy ayant remonftré, qu’il n’y avoir rien de plus aux Ant-IJlcs de t 'Amérique. 461 contraire aux intentions du Roy, & qu’cn introdui/ânc ces gens dans Ton Ifle, dont la plufpart efloient Iuifs & les autres hérétiques, il y alloit introduire l’hcrefle &Ie judaifme,ieper- fuaderent fi bien , qu’il fe refolut , quoy qu’avec bien de la peine, de les refufer, & les congédia le plus civilement qu’il pût. Dez le vingt-feptiéme Février, un Flibot venu des colles de Barbarie, avoit apporté à la Guadeloupe la nouvelle du Sié- gé du Récif par les Portugais, &quc les Holandois choient tellement prefTez qu’il leur feroit impofîlble de refiler, ôc que mefme il croyoït qu’ils s’elloicnt déjà rendus, ou fiu- vez dans leurs VaifTeaux, parce quele jourprecedenr, il croyoit en avoir veu quelques-uns louvrier, pour gagner la Martini- que. Cette nouvelle avoit bien réjoüy M. Hoüel , parce que fe dou- tant bien que M. du Parquet ne pourroit pas recevoir dans fon Ifle, tousces eftrangers, il efperoitaufli de profiter dece débris, que le refie viendroit infailliblement à la Guadeloupe. Il ne fut pas trompé dans fon efperance ; car dez le lendemain on vit paroihre un grand VaifTeau, remply des habitans de Tille dcTamarica , & de leurs efclaves, qui vint moüiller à la rade de fon Ifle. Aufli-tofl quatre des principaux de ce VaifTeau vinrent luy demander permiflîon d’habiter dans fon Ifle avec leurs familles, & leurs efclaves ,aux conditions des autres habi- tans. M. Hoüel les ayant fort bien receus , leur accorda leur de- mande avec beaucoup de joye. Deuxautres grands navires vinrent moüiller lanuiét fuivan- te au clair de la lune à la mefme rade. C’efloit une fregate Ho- landoife avec une riche prife faite fur les Anglois proche Tlflc des Barbades; à la pointe du jour la fregate ialiia le Fort, de plufîeurs coups de canon félon la coutume ; mais au premier coup que fa prife tira à mefme deffein, le feu s’eflant pris à fes poudres , emporta tout l’arriéré, jufqu’au grand mafl, ce qui la fit coulera fond, fins que perfonne ofât la fecourir, à cau- fc qu’elle choit tout en feu. On n’a pas fçeu-au vray, combien il y eut de perfonnes perdues : mais il ell vray qu’il ne s’en fauva que fept , quoy que ce V aideau qui choit de 40 o . tonneaux , eût M m m îij 4^ EJlabliJfement des François paru tout plein en abordant. On l’eflimoit riche de plus de ijoooo. livres. Le mefme jour deux autres grandes navires abordèrent en- core à la rade j dont le premier elloit une belle frcgate qui poi> toit le Colonel Oftein, Admirai de la colle du Brelil, & l’au- tre un Vailîeaudes grandes Indes d e 1400. tonneaux, qui avoit relafché au Brelil , ce Vailfeau portoit tous les habitans de la riviere Paréiba mais ayant perdu en mer, la compagnie des autres na vires 11’aborda pas à la Martinique. Le Mercredy fuivant, il arriva à la raefme rade un grand navire des Edatsqui portoit les garni fons de Tamarica &c de Pare'iba, qui n’ayans pû s’embarquer avec les autres, s’eftoient retirez aunombre de 400. hommes dans le Fort d’Orange, juf- qu’à l’arrivée de ce Vaiffeau. Le Lieutenant Colonel du Récif nommé Clas, auquel les Portugais n’avoienr point voulu donner de quartier, elloit dans ce V aideau , il s elloit fauve fur une Pin^arde ou Pyperi , avec deux Nègres, qui le conduifirent le long de la code jufques dans l’Ide de Tamarica , que les Holandois n’a voient pas encore quittée. On ne fçauroit croire les biens que ces e étrangers réfugiez apportèrent à la Guadeloupe, car ils y arrivèrent & y dépendi- rent plus de 5100. perfonnes , tant libres qu’efclaves , avec des richçdes immenfes; &: comme ils n’avoient que de l’or & de l’argent monnoyé, des chailnes d’or, des pierreries & de la Vaif- feîle d’ argent, ils donnoient toutes ces chofes pour aehepterce qu’ilsavoientdebefoin.M.du Parquet en futbien-toft informé, & conçeut unli fenlible déplaiftr de les avoir laide palier, qu’il ne le pût difïimuler, & en fit de grands reproches aux RR. PP. lefuites , dont le Supérieur eftant venu à la Guadeloupe pour duTuader M. Hoiiel de retenir d’avantage ces eflrangersdans ion Ifle , il luy répondit fêchement qu’il fe mêlât de fes affai- res , fi bien qu’il s’en retourna à la Martinique fans rien faire. P eu de temps apres un grand navire qui portoit le relie du débris de cette Colonie Holandoife, arriva à la Martinique ; il portoit plu-.fi eurs familles Flamendes, bon nombre d’efclaVes* & fept ou huiét Iuifs, le coût faifant bien 500. perfonnes: M. aux Ant-IJles de l' Amérique. 4 du Parquée receut ceux-cy à bras ouverts, leur fit toutleboti accueil imaginable, & leur donna le grand cul de fàc Royal de fou Ifle pour habiter. Ils s’y retirèrent plus de deux cens, & s’y fuflentpuiffammenteffablis, s’ils euffent eu plus de refolution; la terre y effant afle z,mal faine, plufîeurs y tombèrent ma- lades ; mais ce qui les découragea entièrement, furent quel- ques irruptions queles Sauvages firent fur eux; car ces barba- res s’eftant a fie m blcs de plufîeurs Ifles, vinrent pendant la nuid fondre furccs pauvres gens, mirent le feu à leurs cafés, en aflommerent quantité à coups de boutou, en tuèrent plufîeurs à coups de flèches , & pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent. Quand ie paflay à la Martinique en l’année 16^6. le bruit cfloit tout commun qu’ils avoientporté tout vendre à la Guadeloupe, & par- ticulièrement deux grands coffres, où l’on tient qu’effoient les plus grandes riebefles. Apres ce defordre , qui ne leur fût pas arrivé s’ils euffent vou- lu recevoir quelques Officiers que M* du Parquet leur avoir of- fert pourles garder , ils abandonnèrent le Culde fac, & vinrent demeurer à la Baffe-terre, où quelques-uns fe logèrent dans les magazins,en attendant la commodité de repafleren Holan- de , les autres y ayant pris des habitations* Il en demeura d’avantage à la Guadeloupe; car quand ils y arrivèrent ilseffoient uoo. hommes; dont 900. defeendirent à terre, parmy Iefquels oncomptoit trois cens bons foldatswa- Ions & Flamens , tous accoutumez à l’air du pays ; le refte eff oient maiftres de Café qui avoient trois cens efclaves 6c deux cens femmes. H y en avoir plufîeurs de ceux-là qui en- tendoient parfaitement la conduite desfucreries ; 6c il s’y ren- contra deux Negres, dont l’un fç avoitfaire les formes, ( qu’on effort auparavant obligé de faire venir de Holande à grands frais ) 8c l’autre préparer la terre des fucreries pour blanchir le fucre. M. Hoiiel leur fit mille careffes, 6c la meilleure chere qui! pût, il mena les principaux à fa ménagerie delà Capfterre;6c apres qu’ils en eurent bien côfidcré la terre, ils l’affeurerent qu’el- le effoit merveilleufe pour les cannes à fucre , 6c Iuy promi- rent de luy en faire de plus beau que dans le Brefil. afi 4 EjlahhjJ tmenf des François Sur ccs belles promeffes, il traita, avec un Maiftre d’engins à lucre, &: luy avança dix bœufs, douze vaches, deux cava- les, deux charettes neuves, & luy promit douze Negres des premiers qui viendraient dans Hile; àla charge qu’il luy paye- rait les Negres, les bœufs , les vaches, & les cavales à raifon de cent livres de fucrc pour piece , moitié blanc, moitié rouge. Il luy donna environ la moitié defon habitation de Sainéte Ma- rie pour vingt ans, ce qui elloit planté deffus , & une certaine quantité de terre, contiguë à cette habitation, pour toujours:' à condition que les terres feraient k Labrados , de fon moulin à fucre , à la façon commune du Brefil , c eft à dire qu’il ne pour- rait difpofer de cette terre fans fon confentement. II citait encore obligé par ce Contrad de planter deflus vingt tarifles de cannes mefure du Brefil , le tarifle ayant vingt thoifes en quarré, qui font les deux tiers de ce qu’un moulin acoûtume de moudre en un an au Brefil : moyennant quoy il aurait les trois cinquièmes de tout le fucre ; & les deux autres cinquièmes, & tous les firops& panelles demeureraient au profit desfieurs de BonTeret & Hoüel, CespromefTeseftoientlesplusbelles dumonde, & M. Hoiiel avoit fiijet de mander à Madame fa mere, que fi cette affaire rciilliffoit , la Guadeloupe vaudrait infiniment mieux que tou- tes les autres Mes ; mais tous les principaux Holandois sellant retirez, tout cela s’évanoiiit, fans qu’il enparoifïe aujourd’huy aucun vcfiige, ny dans la Martinique, ny dans la Guadeloupe. Les autres Holandois &: Iuifs, retirèrent infenfiblemcnt tout, par le moyen de certaines gargoteries qu’ils y établirent à la fa- çon du Brefil. I’en ay veu une à la Martinique chez un Ho- landois appelle Foppe , où il s’efl confumé des fournies im- menfes; car pendant qu’ils virent de l’argent dans fille, ils n’y voulurent jamais donner aboirc & à manger pour du petun:il falloir des pièces d’orquarrées,ou de l’argent; & comme les habitans en faifoient moins d’eftimeque de leur tabac, fîl’on excepte quelques vaiffelles qui font demeurez dans les cafés, & l’argent que quelques-uns ont apporté en France pour faire leur voyage: les Holandois ont épuifé les Mes, de tout l’ar- gent que cette flotte y avoit apporté; fi bien qu’en l’année aux Ant-IJle s de l' Amérique. 1^7. il n’y avoitpasdeux cens efeus de relie en argent monnoyc A V commencement de cette année 16 5 4-lesSauvages de tou- ’*■ tes les Ifles commecerent une nouvelle guerre, qui ayant du- ré un temps allez confiderabIe,a fait nager dansle fang& le carna- ge prefque toutes lesllles que nous polTedôs.Le veritablefujet de cette guerre ne fut autre que l’eftabliflement des François dans Mancgalande, Sainte Alouzie,&; la Grenade;& fi les Sauvages ne s’yoppoferencpas dez le commencement déroutes leurs forces, c’ell qu’ils efperoiét toûjours que les François n’y demcurcroient pas long-temps On a crû que quand ils malTacrerentzo. François dans Mariegalande, la guerre eftoit déjà conclue. Mais fi dez ce temps-là tous les Gouverneurs des Ifles Françoifcs fe fuflent intereflez dans la perte que reccut M. Hoüel, comme ils le dé- voient faire pour la caufe publique, les Sauvagesauroient elle humiliez, & n’auroient iamais ofé entreprendre d’attaquer les habitansde la Martinique, de la Grenade, de SainéfccAiouzie. Ceux qui ont dit que les Sauvages avoient pris fujet de faire la guerre, à caufe de l’eau devie empoifonnée qu’on leur donna, & dont plufleurs crevèrent, fe trompent; car elle ne leur fut envoyée qu’apresla guerre commencée, & quelle eftoit déjà bien allumée. Ils prirent le traitement qui fut fait par Iemaiftre d’un bat- * teau,à un Sauvage de l’ifle deSaintVincent,pourpretextedc leurs violencesjcar ccluy-là croyant qu’il avoit tué un de fes hom- mes,ilfit attacher ccSauvageaumaft defon batteau,&le firfoüe-, ter par fes matelots avec tant de cruauté, qu’ils luy déchirèrent tout le corps : celuv ~cy s’eftanr échappé de leurs mains , apres ce traitement dont ilporroit les cicatrices & les playes encore tou- tes fanglantes, fe fit voir aux autres Sauvages, afin de les ani- mer à la vengeance. Bien qu’ils ne fuflent déjà que trop difpo- dans toutes les bourfes de la Martinique. Nouvelle Guerre des Sauvages contre les o François. §. 11. 1. Partie. Nnn j\.66 Eftabhjfement des François fez à la guerre, 8c qu’ils eufTentdeflcin de ruiner les nouveaux Efcablifïemens des François qui leur faifoient ombrage ; néant- moins cét outrage fait à un de leur Nation, les y confirma , 8c leur fit prendre fur le champlarefoiurionde s’en venger, ,& de faire la guerre aux François. Au mefîne temps un François pris de vin 8c d’eau de vie, ayant eû querelle avec un Sauvage de fille de Saint Vincent, leur c.onteftation alla fi avant, qu’il l’eû c tué, fi fon piltoler n’eûc pas manqué fur luy; dequoy ce Sauvage ayant averti les au- tres Sauvages, ils vinrent aufli-toft en troupe au lieu où il eftoit, & l’afTommerent dans fon Iid. Ceux-cy ayant commis ce meur- tre, crûrent qu’il n’en falloir pas demeurer là ; c’eft pourquoy ils furent de carbets encarbcts avertir les Sauvages qu’ils avoient commencé la guerre, qu’il falloit la pourfuivre, 8c tuer ceux qui efloient pour lors dans leur 1 fie. Les plus animez rejoigni- rent à eux, & furent à la café des RR. PP.Îefuittes, où îlsaf- jfommerent le R. P. Aubergeon, qui celcbroit actuellement la Melle, &lcR.P.Guéimuqui eftoit proche l’Autel, avec deux jeunes garçons qui les fer voient; &c le mefme jour ils s’em- barquèrent pour aller à Sa mùc Alouzie , où ils mafTacrerent le fieur de la Riviere, avec dix de fes gens, comme fay déjà dit en parlant de I’eflablifTemcnt des François dans cette Ifle. M. du Parquet prévoyant bien que tout cét orage viendroit fondre fur les Ifles dont il eftoit Seigneur 8c Proprietaire , don- na les ordres pour faire tenir tous les habitans fur leurs gardes, de peur de furprife : envoya des munitions de bouche 8c de guerre à la Grenade, 8c à Sainéte Alouzie : encouragea fon mon- de, 8c n’oublia rien de fon devoir, non feulement pour fe dé- fendre de la violence de ces barbares, mais encore pour les al- ler attaquer. Il compofa une petite armée navale , du navire d’un Capitaine Flamendde dix ou tz. pièces de canon, de la barque du Capitai- ne Balliardct, de quatre, 8C de deux pierriers , delà fienne, de deux petites pièces de canon de fonte , 8c quatre pierriers, 8c du batteau de la Bourlotte, aufïï de deux pierriers; puis ayant choifî cent cinquante des plusbravçs hommes de fon Ifle, dont f aux Ant-Jjles de t Amérique . 467 il donna la conduite au fieur de laPierricre fbn Lieutenant : il les mit fur ce navire, dans ces barques, 8c fur ce barreau, Scies envoyai Saint Vincent, avec ordre de faire main-baffe fur tous les Sauvages, 8e de ne pas épargner mefme les enfans au berceau. Cette petite floteeftant arrivée à Saint Vincent, ils y trouvèrent tous les Sauvages retranchez , derrière des canots 8c des pirogues qu’ils avoient mis bout à bout, 8c rem- pli de fable; d’abord la barque de M. du Parquet, le grand na- vire# la barque de Balliardet, firent grâd feu, Ôc tirèrent pluficurs coups de canons fans aucun effet, parce que tous les Sauvages eftoient couchez tous plats derrière leur retranchement:; mais aufli-toff que les barques, la chaloupe, 8c le batteau mirent le bout à terie pour defeendre, tous les Sauvages fc levèrent, 8c firent leurs grands cris 8c leurs heurlemcns ordinaires. En mefme temps lespierriers des barques, chargés de bal- lesdcmoufquct8cdemitrailles,ayanttiréleurs coups, quantité en furent tu es 8c pl a fieu rs blcffez. Nos François furent huit jours dans cette Ifle, brûlant 8c ravageant tous les carbets,8c tuant autant de Sauvages qu’ils en rencontroient, jufqu’à ce queces barbares ayant gagné les montagnes 8c la Capfterre , nos François furent contraints de s’en retourner à la Martini- que. Peu de temps apres les Sauvages ayant tué furies Ances 5. ou fix François; 8c incontinent apres huifb ou 10. dés-leurs ayant cfté pris 8c amenéspar le Capitaine la Bourlote à M. du Parquet, il leur fit faire leur piocezpar ion Confcrl, où ils furent condamnez à eftre affommez à coups de hache, de la mefme manière qu’ils avoient tuez plufieurs François; les RR. PP. Iefuitesayant de- mandé à M. du Parquet permifiiô de les inftruire , elleîeur fut ac- cordée ; apres quoy ces Sauvages ayant demandé le Baptefme on leur adminiftra ce Sacrement, ôc puis ils furent exécutés. Le plus jeune demandala grâce de mourir d’un coup depiftolet ;ce qui Iuy ayant cfic accordé, il prefenta fa telle avec un vifage aulfi gay, que fi il n’eut pas elle prcfl de mourir. Cette execution nefervit pourtant qu’à fomenter la guerre 8c l’allumer d’avantage;Car IcsSauvages l’ayant apprife, ils devinrét plus furieux qu’uuparavâtj&nc fe croy âcpas allez forts pour ven- N n n ij 4^8. rv Efiabhffement des François ger la mort de leurs Compatriotes, follicitercnt ceux de tou- tes les Ifles. Quelques-uns a fleurent qu’ils en prirent mefmc de la terre ferme pour l’execution de leur defTein. Quoy qu*il en foit, ils vinrent quelque-temps apres, plus de 20 o o . inveftir la maifon de M.du Parquet, fur laquelle ils firent pleuvoir une hor- rible grefle de flèches; Madame duParquet fe fauvafous l’efcorte de quelques foldats au Fort Saint Pierre; mais elle fut faille d’une fi grande frayeur, quelle' accoucha avant terme. M. du Parquet fe battit en Lion , foutint toutes leurs attaque?, & fit en cette occafion tout ce que peut un grand courage; mais comme il avoit peu de munitions, il fut contraint de les ménager, ce qui donna fujet aux Sauvages (ne voyant plus fi grand feu,) de croire quil n’en pouvoir plus ; neancmoins ils n’oferent avan- cer à caufedes grands chiens qu’il nourriffoic chezluy, & qu’on avoit drefle à courir apres eux; à quoy ils eftoient fl bien fri- iez, qu’il ne leur en échapoit aucun, qu’ils n’évcntaiïent, ne cou- mlTent apres, & qu’ils ne déchiraflent en plufieurs endroits. L’ap- prehenfion de ces animaux r’allentit l’ardeur des Sauvages , &ils fc fuffent retirez fansquelquesNcgresmarons ( ç’eft à dire fugi- tifs ) qui fe joignirent à eux. Ces efcîaves fugitifs firent bien plus de tort que les Sauva- ges, car ils fe mirent avec eux à courir de quartier en quartier, brûleront une vingtaine de cafés, tuerenttout ce qu’ils y trou- vèrent, hommes, femmes & enfans, & ces barbares acharnez au meurtre allèrent jufqu a ce point de cruauté, que d’ouvrir le ventre à plufieurs femmes groffes, en arracher les enfans , Scieur cafTcrla telle contre des rochers. L’Iflc de la Martinique eftoit dans un defordre & dans une confufion tout à fait horrible, les Officiers ne trouvoient plus d’obeïffance , ils ne pouvoient rallier les habitans , chacun s’en- fuyoit deçà & delà, tous ayant oublié cequ’ils dévoient àla con- fervation publique, ne fongeoient qu’à la leur particulière; ceux qui ne fe croyant pas afîeurez dans leurs cafés furent fe cacher dans les bois; ouïes Sauvages &: les NegresmaïQnsles tuerent à coups de flèches ou de boutou, Se fille efloit à la veille de fuccomber fous la fureur brutallc de ces barbares & de cesef- claves révoltez, fl Dieu ne l’eut fe courue par une voye aflez aux Ant-JJles de ï Amérique. ^ 69 extraordinaire. Car quatre grands Vaiffeaux de Holande ar- mez en guerre, arrivèrent pour lors à la rade, qui d'abord ayant apperçcu Je feu en quantité d’endroits de l’Idc, 6c les habitans courans en confufion de codé 6c d’autre, comme des gens faifis de frayeur 6c de crainte, ils fe doutèrent aufli-tod qu’il y avoit quelque defordre, & que fans doute s’edoient des Sauvages,ou des Negres révoltez ; 5c comme ils avoient M. du Parquet en vénération particulière, ils firent defeendrede leurs navires trois Cens foldats bien armez, qui ayant apris l’ir- ruption des Sauvages, qui tenoient opiniâtrement Monfîeur du Parquet afliegé dans fa maifon, furent trois fois à eux tede bardée, en tuèrent pîufieurs, & à la première décharge firent lâcher le pied aux Sauvages qui s’enfuirent dans leurs carbets de la Capderre. Monfîeur du Parquet ayant achepté de la poudre 6c du plomb des Holandois, les fit pourfuivre 6c attaquer chez eux . le ne fliis pas bien informé du détail de ce quife pafla dans cette guerre, mais j’ay oiiy dire àM. du Parquet , qu’ayant en- voyé un nommé d’Orange avec pludeurs autres foldats, dont la plufpart l’abandonnèrent dans le combat , ce d’Orange apres s’edre battu comme un lyon contre les Sauvages , fe fentant percé de cinq flèches empoifonnées , fut contraint de fe fervir de l’occadon de la nuid pour s’écarter du chemin, 6c fe cacher fous un buiflon, où ayant demeuré quatre jours , apres s’edre arraché Juy-mefme les flèches, 6c ayant fait des incidons avec un coûteau pour en faire forcir le pus, il fut trouvé par ceux que M. du Parquet avoit envoyé pour le chercher, ôc fi bien foilicité, qu’il rechapa à la joye de toute l’Ifle de la Martini- que, 6c il me difoit à ce fujet qu’il auroit mieux aymé avoir- perdu iin bras que d’Orange. Les Sauvages voyant qu’on les pourfuivoit de fi prez allèrent à la Grenade, où ils furent fort bien receus, comme nous avons dit en parlant des guerres de cette Ifle. Enfin leur ayant donné la chade avec quelques bâteaux , 6c remporté fur eux pîufieurs avantages en diver- fes rencontres, ils furent obligez de demander la paix l’an- née fuivante. 47^ Eflablijfement des François qM. Houel vient en France . Il laijfe le Che- valier Houel & C JxC. de Boijferet , four com- mander dans la Guadeloupe. L’armée An- glotfe commandée par le General P en, y pajfe. J\daffacre des Enfans du Capitaine Baron, Sau- vage j a MariegaUnde. §. ni. Bien queM. Houel fe vît Seigneur de la moitié de la Gua- deloupe par Ton Traité avec M. Boifferet Ton beau-frere, il ne crût pas pourtant fa fortune fuffifamment effablie , pen- dant qu’il l’auroit pour Affocié, c’eft pourquoy il fongea effi- cacement aux moyens de l’obliger de le défaire de fa part , comme il avoit obligé la Compagnie de vendre & aliéner le tout. Croyant qu’il réüffiroit mieux dans ce deffein qu’aucun autre â qui il en pût commettre l’execution, il refolut de ve- nir en France, ôc prit quelques affaires de famille pour prétex- te de ce voyage: Il déclara ce voyage au fieur Chevalier Hoüel fon frere, & au fieur de Boifferet fon neveu, & leur dit qu’il leur Iaiffoit le Gouvernement de leurs Iffesjufqua fon retour. Le navire qui le devoir porter eftant preftà faire voile , il mit l’ordre fuivant entre les mains de M. le Chevalier fon frere. ,,JPLiifieurs affaires tres-confiderables m’obligeant de faire „ voyage en France, je laiffe à M. Hoiiel mon frere, Iecom- ,, mandement de nos Ifles, fousluy, & e n .on^bfence à M. de „ Boifferet mon neveu, lefquels feront leur refidence , fçavoir « mon frere à la Capfrerre dedans le Fort, 6c mon neveu à „ S air. die Marie , fous lequel en fon abfence commandera à la ,,Capfterre, le fieur du Pont Major, & fous mon frere à la „ Baffe-terre le fieur de l’Efpine Lieutenant de ma Compagnie* apres leur avoir recommandé la bonne intelligence, je les „ prie d’avoir un foin particulier de Mariegaltnde > tant pour y aux Ant-IJles de l'Amérique. 47* >, donner fecours contre les Sauvages, s’ils en ont befoin , que „ pour les affilier de vivres, en forte qu’ils n’en manquent point. », Auront foin mon frere & mon neveu, mefme tous les „ Officiers, de faire planter force vivres par les habitans. Fait „au Fore de la Baffe-terre , le hui&iéme de Iuillet 1654. „ Signé, Hoüel. A fon départ il n’y avoit dans fille que uoo. hommes por- tans armes, dont trois cens eftoient Breliliens, defquels on neftoitpas trop affeuré : il îaiffa tres-peu demunitions dansles magazins, les priions & les Corps de Gardes eftoient remplies de prifôniers,&: les habitans étoient fort mal-fatisfaics de fa côduite. Monlîeur îe Chevalier commença fon Gouvernement par la liberté qu’il donna à tous les prifonniers.; 5c il fe comporta avec tant de prudence & de conduite envers les habitans, auffi bien que M.de Boifferet , qu’eux auffi bien que les Chefs au- roient vécu dans une merveilleufc tranquilitê, fi deux chofes n’euffent troublé leur repos. La première, fut l’arrivée de la Ilote du General Major Pen, compofée de 70. voiles, fur laquelle il y avoit 10000. com- battans; ce General fe faille en arrivant de tous les navires Holandois qu’il rencontra en chemin, à la referve d’un qui en vint apporter la nouvelle à la Martinique, adjoutant que le deffem de ce General elfoit de chaffer non-feulement les Fran- çois de Saint Chriftophe, mais mefme de toutes les Illes; cet- te nouvelle effraya les habitans de toutes nos Illes, &c donna fi bien l’alarme aux Gouverneurs , que M.du Parquet envoya fa barqueexptez en donneradvisau Chevalier Hoüel, qui dez le lendemain en 'fit partir une autre pour en avertir M. le General de Poincy ; 5c apres plufieurs conférences par lettres, tous ces Gouverneurs ayant reconnu qu’ils ne fe pou voient fe- courir les uns les, autres, refolurent de faire chacun dans fon Ifle, tout ce que l’on pouvoir cfperer de gens d’honneur, & tout ce que fon devoit attendre de la generofité des Fran- çois. Le Chevalier Hoüel fit incontinent ceffer tous les travaux de fon I fie i 5c travailler à fortifier tous les endroits où les 472. Efiablijfe ment des François Anglois pouvoient y defcendre, il fie abbatre des arbres le long du bord de la mer, pour en boucher toutes les avenues, laif- fant des chemins par derrière, d’où les habitans fe pouvoient battre à couvert. Il fit monter du canon fur des affûts de Campagne, &: éleva, des batteries le long de la mer: il pofa deux Corps de Gardes, b un fur la pointe du Fort, & l’autre fur la pointe des lezars, pour defeouvrir tout le long de la colle ; ô£ ayant donné pour lignai deux coups de canon tirez duChafteau, il ordonna à tous les habitans de fe rendre chacun fous fon dra- peau lors qu’ils les entendroient. La flore Angloife qui eftoit arrivée dez le mois de Février, ne parut que la derniere Feflede Pafque vers la pointeduFort. L’alarme ayant efté auffi-toft donnée par toute Fille , tout le monde fe trouva au rendez-vous, refolu de fe bien défen- dre. Le lendemain matin toute la flote parut à deux petites lieues de la rade; mais comme il faifoit peu de vent, il eftoit plus de dix heures avant quelle en fut à la portée du canon ; iis firent mine de vouloir moüiller , mais voyant tout le riva- ge bordé de gens de guerre bien retranchés &plufieurs batte- ries , dont il falloir efluyer la décharge , ils fe contentèrent de border toute la cofte, & M. le Chevalier Hoiiel les fit fuivre par tout fon monde, jufqu’à ce qu’ils fuffent palîez les lieux où ils pouvoient defcendre; nous parlerons incontinent de ce qui fe palfa à Saint Chriftophe au fujet de cette armée. Le mal-heur qui arriva à Mariegalande, Stquipenfa rejoin- dre les Sauvages de la Balle-terre , de la Dominique, avec ceux de la Capfterre , pour recommencer tous enfemble une guerre plus dangereufe que la première, contre la Guadeloupe ôc Ma- riegalande, fut la fécondé chofe qui troubla le repos que la douceur du Gouvernement, du Chevalier 6c dulîeur Boifteret auroit procuré à ces habitans. Le Capitaine Baron, de tout temps grand amy deM. Hoüel, cftant venu avec fa pirogue pleine de Sauvages à Mariega- lande; foit que le Commandant crût que la defenfe delaii- fer entrer aucun Sauvage dans le Fort, ne s’eftendit pas au Baron , foit qu’il defirât profiter feul du caret & de quelque autre traite que Iq Baron avoit apporté > il le lailfa entrer, & beut aux Ant-JJles de t Amérique. fi bien avec luy qu’il l’enyvra; le Baron ellant lorry fur le foir pour quelque nccdTkéJ& voulant rentrer , la fentinelle qui avoir elle changée ne le connoilïantpas, &: voulant l’empccher, en rcceur un foufietj ce qui fit un fi grand vacarme, que le Ba- ron fut arrefté prifonnier & mis aux fers. Le Commandant voulant faire de cette aélion une affaire d’importance, la fit pafi. fer pour un attentat, & en écrivit au Chevalier, avec beaucoup d’exagération ; lequel craignant que la détention du Ba- ron n’eut desfâcheufes fuites , donna ordre à ce Commandant de le mettre en liberté, & dele Iuyenvoïer par la première cha- loupe ce qui fut exécuté aulfi-toll. Cependant les enfans du Baron &: les autres Sauvages, en= nuïez de n'avoir point de fes nouvelles, refolurent d’en aller apprendre à Mariegalande ; mais ils n’y furent pas plutofi: ar- rivez, que trois de cette bande furent arre/lez & pafiez par les armes, entre Icfquels efloit Marivet, le plus jeune des enfans du Baron.' Cette nouvelle en ellant venue à la Guadeloupe, l’on ne pût empêcher que le Baron ne la fçeut, & qu’il n’apprit que l’un de fes fils avoir -elle tué à Mariegalande. Il en témoigna d’a- bord un extrême regret, mais le Chevalier l’ayant un peu ap- paifé,il luy dit, que pourveu que ce lie fut pas Ion cadet qu’il aymoit plus queluy-mefme, üfe confoleroit; mais ayant apris que c’efioit luy-mcfme que l’on a voit fait mourir, il devint in- confolable. llfcjettoit par terre s’arrachant les cheveux, heur- loit comme un taureau , & faifoit cent autres cho fes qui mar- quoient l’excez de fa douleur. Il fit tout ce qu’il pût pours’é* chaper, afin d’aller exciter les autres Sauvages à venir venger la mort de fonfils. Le Chevalier eut toutes les peines imagi- nables à remettre fon cfprit , mais enfin luy ayant promis qu’il fe- roit en fa prefcnce une milice exemplaire de celuy qu’il l’a- voit fait mourir, il fe confola en attendant l’execution de cette promefiTe. Le Chevalier fut pour ce fujet à Mariegalande, fe faifir du Commandant, l’amena à la Guadeloupe, & luy fie mettre les' fers aux pieds en prefence du Baron. Ce Capitaine attendant toujours à la Guadeloupe pour voir mourir le meurtrier de fon L Partie. Oop . « 474 Eft ablijfe ment des Français fils, preffoit de temps en temps le Chevalier d’executer fa- pro- mette; mais la mort d'un Commandant luy paroiffantaetrcp grande coniequence, il reloiut d’attendre le retour de Ion frere, & fit tant qu’il perfuada au Baron , qu’il eftoit expédient d’en ufer de la lorte, fi bien qu’il s’en retourna a, la Domini- que. M. le Chevalier, dont le naturel eft fort doux & fort débonnai- re jcutcompaffion de ce criminel, le fit délivrer luy donna fii café pour prifon , avec ordre de fe remettre en eftat au retour de M. Hoiiel fon frere. Mais le Baron eftant retourné à la Guadeloupe , & trouvant fon criminel hors des. fers & en plei- ne liberté, crût qu’il eftoit abfous, & que l’on s’eftoit moqué de luy : ce qui le fit rentrer dans fa première frénéfie. Mais le Chevalier , &c tous les habitans, ne pouvant le rédui- re à entendre aucune rai fon , cela obligea le Chevalier de changer de conduite; & au lieu de s’addreffer d’avantage au Baron, s’eftudia de perfuader aux autres Sauvages que la guerre leur feroit defavantageufe , à quoy il réüflit fi heurcu- fement, qu’il les appaifa, & les obligea de refufer au Baron, de fe joindre à luy pour recommencer la guerre: ainfitoutecette affaire que rifle apprehendoit .avecfujet, s’évanoiiitpar la pru- dence du Chevalier. L'armée du -General Major F en va a S. Chnfto- phe , ou l'alliance eft renouvelée , entre les Fran- çois 3 çf les Anglois . §. iv. Bien qu’il n’y ait rien de fi ftirprenant,tty déplus connu que la déroutede l’armée du General Pen , envoyé dans l’ Amé- rique par le Tyran Cronrwel jneantmoins parce que la caufe de ce defordre a effé connue de peu de perfonnes , avant que de parler de ce qui luy arriva à Saint Chriftophe, iela donne icy telle que ie l’ay apprife du Duc de Boucquinghajnt. aux Ant-IJle s de F Amérique. 475 La lézine feule, d’un coufinde Pen,fit périr cette armée de 70. voiles & de dix milles combattans. Car ce Coufin s’eflant laiffé perfuader par fa femme, de faire les vüitailles de cette ar* mée, la paffion du gain les pofledafi fort , que pour avoir bon marché des denrées , ils prirent eux-mefmes foin de faire fai* rc les fromages à la campagne, & d’envoyer au loin pour avoir les autres chofes neceffaires à vil prix ; fi bien que lors que l’ar- mée fut prefte à partir, deux flûtes de fixeens tonneaux cha- cune, dont l’une devoir porter les vivres, &: l’autre les muni- tions & les armes, n’eftant pas preftes, elles ne partirent que trois femaines apres l’armée : Zc ayant fait naufrage fans qu’on en ait jamais entendu parler, le General Pen eftant arrivé aux Barboudes dez le mois de Février , il y pafla tout le Ca- refme à les attendre, &c non feulement ruina parce fe jour, les habitans de cette Ifle , mais encore y perdit par les maladies une partie de fes foldats. Apres quoy ayant perdu l’elperan- ce de recevoir fes armes Zc fes munitions , &c voyant que fon armée déperifloit tous les jours, il cléfarma tous les habitans de cette Ifle, pour armer fes foldats, Zc partit fort peueneftat de faire réüffir fon deflein. Eflant arrivé à Saint Chriftophe , où l’un des quartiers des Anglois ,n’avoit pas encore reconnu l’authorité de Cromwel": il envoya prier M. le General de Poincyqui avoir faitmettre tous les habitans fous les armes, de luy permettre depafier au travers des François, pour s’aller faire reconnoiflre à Ja Gap- flerrc.Les dépurez Iuyfirent de grandes civilitez de la part de leur General; mais M. dePoincy connoiflanttrop la perfidie de cet- te Nation, ne leur voulut jamais accorder aucune chofe qu’â- pres que l’on fut convenu de renouveller l’alliance entre les deux Nations par un nouveau Traité; dont voicy les Articles, O 00 ij 4/& EJlahliJfement des François Articles pÿ Accords conclus & faits ^ entre les deux Nations , refidentes & habituées dans l IJle de Saint Chrijl&phe. ENtrc Frere Phîlippes de Lonvilliers, Bailly de Poincy* Confeiller de fa Majefté de France, en fes Confeils d’Eftat & Privé, Gouverneur & Lieutenant General pour fa Ma; eftéez Ifles de 1 Amérique, Territoire ëz Confins dépendantes de la domination Françoife. Et honnorabie Colonel Clement Ewrard, Gouverneur de îa Nation Françoife en ladite Ifle, par l’authorité de ion AL refTe le Seigneur Protedeur d’Angleterre, d’Ecoffe& d’Irlan- -de, affiliez de part,& d autres des Officiers Commiffionnaires, fous-fignez. Premieiement que les Articles faits entre les Gouverneurs, ■Capitaines d’Enambuc& duRofley , «de fieurThomas^aër- nard le vingt-huidiéme Avril 1617. ceux du troifiéme Odo- bre 1658. entre le ficur de la Grange Fromenteau & ledit lieur yvaè'rnard; Ceux d’entre lefdits Seigneurs de Poincy & de Vvaërnard du quatorzième Septembre 1644. Comme auiïi entre lefdits Seigneurs de Poincy ëz honnorabie Roland Rich Gouverneur, le dix-huidiéme Odobre 1649. tiendront leur pleine force .& vertu félon leur contenu , excepté ce quieft cy-apres refervê. Pour maintenir 1 union entre les deux Nations, il efl accoidé que les Articles qui fuivent feront par foy obfer- wez. I. Que nulle médifâncc ne fera prononcée d’aucun de la Nation Angloife touchant lerefped & l’honneur de S. M. de France , de fon Gouvernement & Gouverneurs. Gomme aufîi nul de la Nation Françoife ne prononcera nulle médifance touchant le refped ëz l’honneur de fa gran- deur d’Angleterre, le Seigneur Protedeur d’Angleterre, de ion Gouvernement ny des Gouverneurs, ny des Nations en general. aux Ant-ÎJles de t Amérique. il. 477 Que les vieilles marques, réparations &: partages des terres feront renouvellces. III. Que les frontières de la rade de la Pointe de Sable, feront re- connues par une droite ligne tirée du Figuier, droit à la Mer? entre Iefquels Figuier & la Mer, fera tiré unpillier à droiteli- gne, &. les limites de la haute terre feront pris, comme diteft, à eJI quart Sudejl & Eft enbiffus tout droit fur le coupeau de la Montagne. IV. Que nul navire, s’il n’eft François ou Anglois, ou fretté par l’une des deux Nations, ne pourra moüiller plus haut de vingt-quatre heures, à ladite rade de la Pointe de Sable , fans permi/hon du Gouverneur Anglois ; aufti ne fouffrira le Gou- verneur Anglois aucun navire y moüiller , fur tout, cnne- my de la Nation Françoife, fans permiflion du Gouverneur François. V. Que la Nation Françoife à jufte titre, a la moitié des Mi- nes & fouphrieres : Comme aulli la Nation Angloifc à jufte titre, a la moitié des faIines,dont fera faite égale feparation, divifion , ou partage , & des terres adjacentes , quand il fera trou- vé à propos. VI. Que la liberté de couper du bois, & la c-haiïe ne fera plus commune, chacun en prendra , S>c chafTcra fur fes terres. VII. Que fi quelque ferviteur ou efclave fc fauve de fon Maî- tre , & fe retire dans l’autre Nation, & qu’il foitfuffifamment prouvé qu’il ait cfté employé plus de vingt-quatre heures par aucun habitant, ou envoyé hors de fille, ledit habitant fera oblige envers fon maiftre, à tous dommages interefts , con- damné à telle amande que le Gouverneur de fa Nation le ju- gera à propos, outre deux mille livres de Tabac , au profit du maiftre de qui il aura retenu le ferviteur oufefclave : lesGou- Ooo iij 478 Ejlablijfement des François verneurs des deux Nations s’obligeans de contraindre par la force ceux qui contreviendront à cette convention. VIII. Qu’aucun homme, quoy que libre, des deux Nations, ne fe- ra retenu par aucun habitant de l’autre, pour travailler, fans Pafîe-port du Gouverneur delà Nation où il demeure , à peine de mille livres de petunpar les contrevenans, payables chacun à- fa Nation. IX. Que les grands chemins dans les terres de l’une 5c l’autrô Nation , foit pour aller aux Salines , Mines 5c Souphrie- res , feront communs pour y palier aux deux Nations, pied , à cheval, 5ç à cabroüet, comme l’occafion fepreferu tera. X. Qiie fi les peuples des deux Nations, Chreftiens ou elcfô.' ves, font quelque larcin , ou chofeinjufte, ou ufent de force fur aucune perfonne , il fera appointé quatre perlonnes d’hon* neur de chaque Nation pour vérifier le faiét, 5c puis renvoyé à douze perfonnes, fçavoir fix de l’une 5c fix de l’autre Na- tion, par lefquels le délinquant fera ablbus ou condamné -,&£ s’il efi: condamné 5c trouvé coupable, il recevra punition en la terre de là Nation, fur les lignes & frontières d’entre les deux Nations. XI. Que les Marchands ne refuferont des marchandées qu’ils auront, doit fur la terre Françoifc, ou fur la terre Angloife, au mefme prix qu’ils les vendent à la Nation ,(ur laquelle ils demeurent, à peine, par le contrevenant, de deux mille livres de petun d’amande, pour le Marchand qui aura vendu plus que le prix; 5c de mille livres à l’habitant qui aura payé plus que le prix , payables à la Nation où la faute fera corn- mile. xrr. Qu il fera fait une publication 5c commandement de ren- dre les ferviteurs ouefclaves qui fe rencontreront dans une Na- tion appartenans à l’autre, parce que huiél jours apres, s’ils’ea aux Ant-IJles de F Amérique. 47 9 ■ rcnconti'Cj feront les dchnquans punis comme à l'Article Que tous les Articles qui ne feront compris dans le pre- fent Accord &: Ratification , feront tenus pour nuis. Et les Prefentes feront publiées comme eftant conclues pour l’a- mitié des deux Nations, pour eftre inviolabîcment obfer- vées de part & d’autre, comme faits d’accord & fans con- trainte. Ce que Iefdits Seigneurs de Poincy, & Evrard, avec les Commiiïionnaires fous-fignez , ont promis & juré mainte- nir & obferver fur leur foy & honneur chacun pour fa Na- tion. L’alliance eftant renouvellée entre les deux Nations par cc nouveau Traitté; M. de Poincy permit à l’Admiral Pen de palier fur les terres de fa domination , & le traita fplendidement dans fon Hoftel de la Montagne ; ce General pafla au milieu des habitans François qui eftoient fous les armes , fi bien rangés, qu’a- pres une Compagnie d’infanterie, on en voyoitune de Cava- îerk$& l’on m’a affleuré, que M . de Poincy pour faire paroiftre fes troupes plus nombreufes, avoir donné ordre à fix - vingt Ca. valiers , de regagner les de vans, par des chemins écar tés,aufli-tofl: que l’Amiral Anglois auroit palfé devant eux: fi bien qu’en cinq ou fix rencontres il vit toujours les me fines différem- ment rangez, fans les reconnoiftre, ce quiluy fit croire qu’il y avoit beaucoup plus de François dans rifle, qu’on ne luy avoit dit. m -i. 4j. IP ',5l XIII. If 480 EJlahUjfement des François Embarquement d'une Colonie pour U Terre-Fer— me de [Amérique Méridionale. Son fèjour À la AACar Unique . Elle cjb ruinée par les Espagnols & les Sauvages, cinq Semaines apres fon blîjfement , dans la riviere Doüanatigo . CHAP ITRE XVIII. CE n’efl pas parmi defTéin de groflïr mon Livre, que le parle iey de la déroute de la Colonie Françoife de Isl terre-ferme de l’Amerique Méridionale, il faudroir que j’euffe des mémoires plus amples fur ce fujet:la feule occafion clefonpalfage & de fon fe jour dans nos Mes, & fa déroute donc elles ont receu le débris , m'oblige de parler d’une chofe donc peut- eftre on ne parlera jamais, & qui efl bien éloignée de mon fujec , ie n’en diray rien pourtant que fur les mémoires de ceux qui y eftoient intéreffez. Le mauvais fuccez de l’entreprife de Cayenne qui avoir rui- né tant de familles, confumé tant d’argent, fait périr tant de braves gens, & épuifé le fond d’une des plus fameufes Com- pagnies qu’011 ait jamais veu eu France, e’épouventa pas les feurs de la Potherie & de la Vigne Advocat en Parlement; Au contraire, croyant fe faire fages aux dépens de tant de mal» heureux, & prendre leurs mefures furies fautes qui avoient caufc la ruine d’une fi éclatante entreprife, ils formèrent le deflein d’une nouvelle Compagniepour la Terre-Ferme. Pour e chauffer les gens fort refroidis, par ce qui efloit ar- rivé à rifle de Cayenne , ils imprimèrent quelques feiiilles vo- lantes, qui furent diflribuécs par Paris & en d’autres Villes de France , pour infimité le public de la fertilité du pays oii ils Youioienc s’efhblir, & des grands profits qtfoîipoiiv oit efpe- aux A nt-IJles de ï Amérique, q g* j^erparleftabliffement: d’une Compagnie, qui enfaifantladépen- fe en meriteroit aufli la gloire. Ils reprefentoienr ce pays aùpeuplecomme une terre de pro- miflion, qui n’eftoit éloignéquede dix lieues de celle des Ga- Iibis, où on trou voie toutes choies en abondance, 3c pour I* vie 3c pour y faire fortune. Pluiièurs éblouis de ces belles promeiTes , s’y engagèrent avec beaucoup de facilité, &il leur tardoit déjà de ne pas aller en ce païs „ enchanté, où on leur faifoit efperer de trouver fur la terre, des 3, Vaches, des ManipoIis,des Cerfs de 2.fortes,des Sangliers aufli „ de 2. fortes, 2. ou 3 efpeces de Lapins, des Cochons, des Oiilanas ,, 3C des T atous.Dans les bois une infinité d’oyfeaux bons à man- „ ger, 3c d’un tre s-beau plu mage: comme Poules, Pintardes, Fai- „fans, Perdrix de trois fortes, Ramiers, Tourterelles, Grives, „ Ortolans , Perroquets de cinq ou fix efpeces, & de plus de , cinquantes fortes d’autres Qyfeaux bons à manger. Enfin 5, des rivières regorgeantes de poiffons tres-excellens, comme „ Turbots, Rayes, Dorades, Bonites & Mulets, &fur tout de „ Lamantin , duquel ( outre la chair qui eft auifi délicate que ccl- , ,1e du Veau, ) on tire de l’huiUe plus douce que la meilleure „ de Provence. La Tortue y eftoit fi commune ( à leur dire) ,,que çeftoit le plus ordinaire manger des moindres habitans; on eut dit qu’il n’y avoitplus qu’à mettre la nappe pour faire bonne cherc, outre les avantages que l’on pouvoir tirer du trafic, capable en peu de temps d’enrichir un homme toute fa vie. Sur ces riches 3c agréables propofitions, on forma une Com- pagnie, où d’abord chacun avança mille efeus, 3c au mois de Ianvier de l’année 1 6^6. les Intercffez pafïcrent unade deSo- cieté pour cét eftablifTemcnt. On n’attendit pas que cette prétendue Compagnie fut con- firmée par les Lettres Patentes de fa Majcfté pour faire l’em- barquement-, il fut fait à Nance avec beaucoup de précipita- tion , Et le fieur delà Vigne, eut le foin de la conduite & de 1 Effabliffement de la Colonie. Il écrit fi en détail toutes les particularitcz de fon voyage à la Compagnie, aufli bien que les fautes qui fe commirent pour cét Eftablifîenicnt: qu’enco, I. Partie. Ppp 4$z Ejlablijfement des François re que fa Lette foie un peu longue, ie croy pourtant que le Lecteur curieux, ne fera pas ennuyé de cette longueur, puif- que c’eft plûtoft une Relation de fon voyage qu’une Lettre; & les choies y font ii naïvement écrites , que iene fçaurois mieux faire que delà donner telle quil l’envoya de Saint Chriftophe le vingtième Ianvier 1657. Lettre du Sieur de la Vigne aux Seigneurs de la Compagnie de la Terre-Ferme , dans laquel- le il leur rend compte du voyage & de Ejla- blijfement de la Colonie , dont elle luy avok confie la conduite . M ESSIEVRS, Puiique la Compagnie m’a fait l’honneur de me confier la ,, conduite de fon entreprife en ces quartiers, ie luy rendray „ compte le plus fuccintement que je pourray , de tout ce qui „s’eft paifé depuis mon départ de France qui fut le 15. Iuin ,,i 6\6. Le lendemain nous vifmcs deux navires qui vouloient chaf- „fer fur nous : Nous nous préparafmes à les recevoir, & „mifmes nos pavois : mais fur le foir ils s’écartèrent, & nous „ contiuuafmes nofere route. Tout ce que ie puis remarquer, „eft que.prefque tous les Tendis ont eité remarquables. Nous ,,partifmes un îeudy de Paimbeuf, iourdu Saint Sacrement, ,, apres que la grande MeiTe eut efté chantée dans le navire, la Proceffion faite. Le îeudy fuivant on fit iuftice d’un „ fripon qui blafphcmeit le Nom de Dieu, auquel on fit dom- iner la calle, & un autre fut mis aux fers, pour avoir ouvert „ l’écoutille & beu de l’eau de vie. Le troisième Ieudy fut la ,,Fefte de Saint Pierre, qui nous amena à bord tant depoif- „fons, que huiét jours durant nos gens ne mangèrent autre „chofe, il en fut pris plus de trois barriques. Le quatrième aux & ént-Ijles de l’ Amérique. 4S3 jjleucly nous palfafmes le Trapique , & fut faite la ceremonie «du Baptelme. Nous fommes arrivez à la Martinique ledix- «•neufiéme Iuillet; fi bien que nous avons fait noltre traver- „ fée- en vingt-quatre jours tres-heureufement , n’ayant eu que ,, deux malades 5 l’un ; un volontaire de Tours nommé M. de la 3, Lande, lequel elt palféavec trois hommes; l’autre, un enga« ,, gé nommé la Roche. ,, Audi-toit que ie fus arrivé iefus faliier M. du Parquet, au- «quel ie rendis les Lettres de leurs Maj citez 6e celles de la ,, Compagnie. Le R. P. Pelléprat eltoit avec moy; nous fuf- «mes receus alfez froidement. Dans la fécondé vilite nous « parlalfnes de noltre entreprife , laquelle ledit heur dit eltre «impoflible, 5c contelta audit R. P. tout ce qu’il luy en put ,, dire; ie pris- la liberté deluy répondre, qu’eltant venu exprez, ,, j’eltois réfolude paffer enperfonne, 5c d’experimenter fi 1 ’Elta- «.blilfementque nous dehrions faire, eltoit impoüible ou non; s>que ce que j’avois à luy demander eftoit la permillion de ,, mettre noltre monde à terre pour les rafraifehir, & de les „ y tenir iufqu’à ce que noltre barque fût montée; il me le «permit, 5c dez ce moment ie mis la main à l’œuvre. « Chacun a parlé de cette entreprife félon fon fens 5c imagi- „ nation , 5c plufieurs habitansfe font eltudiez à intimider nos «-gens. le n’ay pas eu peu d’affaire à faire monter nofrre bar- ,, que, un de nos Charpentiers ayant toujours elté malade, ôc « n’en ayant trouvé que quatre dans l’Ille; enfin voyant toute „ mon alfaire prelte, ie fus prendre congé de M. du Parquet, „ lequel me témoigna qu’il ne defelperoit point de noltre en- 3,-treprife , veu i’umcn dans laquelle il nous à veu vivre, &les «foins que nous prenons de l’entretenir 5c pourvoir de chofcs ,,necciraircs, 5c m’a accordé de bonne grâce que ieprilfe huit «hommes de fon Ifle, lefquels m’eltoient neceffaires. M. de «Maubray eltoit avec luy, il le quitta & toute fa compagnie «pour me venir recevoir , il me donna quantité de bons ad- ,, vis; il a auffi receu M. de Saint Michel, ayant fçeu lonme- ,, rite par le lieur de Maubray , cy-devant Secrétaire d’Fltat „ en Efcolfe , qui le connoît, 5c qui a traite avec M. du Par- « quet delà Grenade à trente mille efcuspourM. le Baron de ' Ppp 484 Efiabliffement des François „CériIlac, & pourluy, iufqu’à noftre départ, qui fut le vingt- « troifiémed’O&obrc > nous n’avons perdu quun homme nom- jj-mé Ioiycœur , d’une maladie qu’il avoit apporté de France 3 a & qu’on découvrit par le chemin dez la première nuiél de „ noftre départ. ,, Nous avons trouvé le vent contraire, en. forte qu’apres „ avoir battu la Mer quatre iours, nous fufmes contrains de >, relafcher àSainéte Alouzie,où nous fufmes receus & rafraif- ,,chis par le Gouverneur avec tous les témoignages poifibles „de bonne volonté. Nous partihnes le Vendredy vingt-fept, „ doublafmes Saint Vincent, &; gagnafmes Tabago,& delà „ la cofte de la Trinité, le long de laquelle nous voguafmes }> iufqu’à la bouche du dragon: & comme nous y arrivafmes „ tard, nous dcinandafmes à noftre guide où il y avoit moiiilla. „ge, pour ne pas hazarder la nuiét l’entrée de l’embouchiireT „ ce guide nous mena dans' une Anfe pleine d’écueils ou de „ rochers, où noftre perte eftoit indubitable; arrivant lemoin- ,, dre gros temps, noftre Pilote le blafma fort & nous tira delà; » Nous eftant rendus à l’embouchure, ce mefme guide nousen- gagea de paffer par l’embouchûre la plus difficile, ce qui fut ,, împoffible. „ Le lendemain il nous mena par une autre qui ne valloit ,, gueres mieux, où nous paffafmes à peine ;& noftre batteau 53 dans lequel il y avoit un matelot qui y avoir efté, entra dans 33 la grande embouchure fans aucune difficulté. Il fallut moüil- „ler ôc prendre de l’eau doueeqm nous manquoit; apres quoy „ nous allafmes au Paria, pour apprendre d’eux l’eftat du gol- phe; Et comme les Sauvages eftoient aftemblez, afin de ne 3, les pas épou venter par la quantité de noftre monde, nous y „ envoyafmes le batteau & quinze hommes feulement, &: la „ barque fut faire aiguade pour le retourner joindre deux iours ,, apres; ce que nous filmes , trouvafmes lefdits Sauvages fort ,, civils; ils eftoient deux cens hommes aftemblécs pour faire ,,un vin, nous parlafmes à eux deux fois, & appriftnes de l’un ,,d entre eux quil connoilfoit le Pere Mellan, & qu’il eftoit ,, cinquante lieues par delà Saint Thomas dans une Nation de „ Sauvages fort peuplée , aymé d’eux, & à prefent prefque nud. aux Ant-IJle s de l Amérique. 48^ « il nous térhoigna avoir grande affection pour luy, nous dit j, qu’il luy avoit appris à connoi lire & prier Dieu, pria le R. P. 3) Bojfleverd& Pellépratde defeendre à terre, &y dire laMef- 3, fe, & nous offrie eftabliffement avec les Paria; ce quenous » ne iugeafines à propos, à caufe que noftre deffein eftoit de 33 nous effablir chez les Galibis d’Oüarabiche, ôc fans différer 33 nous înifmes àla voile pour chercher ladite riviere d’Oüara- „ biche. 33 Nous nous trou vafm es furies feptheures dumatin au droit 3, de fou embouchure; mais noffre guide qui voguoit devant 33 avec fou batteau, paffa fans y entrer & nous mena fur un 33 banc de fable, où luy & nous demeurafmes cfchoüez. A la „ haute mer ledit guide menale batteau dans une crique, qu’il 3, dît dire la riviere d’Oüarabiche, fi eftroite qu’à peineypou- „ voit- il tourner, & y demeura échoué , & nous ayant pris la bar- „que fufmes pareillement échouez à trois lieues de terre. En- ,3 fin ceux du batteau voyant que nousprenions la barque pour 33 for tir de ces vazes, obligèrent ledit guide de nous fuivre;& 3, apres avoir elle joints & convaincu, ledit guide de perfidie „ou d’ignoranco, nous découvrîmes les Iftes d’Orenoc &I’em- -3,boucIuire de la riviere d’Oüanaba, qui les divife de Terre- ,, Ferme. „ Le guide nous affeura que c’cffoit Oiiarabiche, nous nous „ y rendîmes & entrafmes dans ladite riviere , à l’entrée de la- quelle nous trouvafmcs des baffes, fur lefquellcs nous touchaf- „ mes en defeendans, 2c le batteau s’y échoiia. Nous entrafmes „ deux lieues avant, au bout desquelles il demeura conftantque „ ce n’eftoit point Oürabiche : &: comme nous fortifmes les pre- .,, miers avec la barquc,& que le batteau fe trouva à l’ébouchûre, „nous nous trouvafmes avancez en merde deuxou trois lieues ,, plus que noftre batteau ;& ayant moüillé pour l’attendre, il fut ,, abordé par fix pirogues d’Oyades qui eftoient bien deux cens „ hommes; nos interprétés parlèrent à eux, & fe hazarderenc „ d’aller à leur s pirogues, & firent fi bien que leur Capitaine, qui 33 eftoit Aroüague, vint parler audit batteaumous affeura que la „ riviere d’O üarabiche eftoit celle pardev ant l’embouchure de la- ,, quelle nous avions paffé ; promirent de s’y rendre le lendemain, P pp iij 486 EJlabliJfement des François 5> nous apporter du poifTon & ce qu’ils pourroient avoir. Cs 55 qu ils firent & traitèrent aveenous, puis nous entrafmes de com- 5>pagnie &allafmes jufqu’au carrefour d’une riviere qui vient de 55 Sudoüejl, ou nous înoiiillafmes. 55 Le lendemain nous continu afmes noPre route dans la riviere 55 d Oüarabiche, & moüillafmesle foir au carrefour qui divifç 55 d avec la riviere des Saimagotes avec la barque, mais le guide « nous relia derrière avec le batteau au lieu de nous fui vre le long 5> du grand canal, s’alla mettre dans une crique, où ayant trouvé 5, des Sauvages Arotes } ils fe mocquerent d’eux, & les remirent 5, dans le canal pour nous joindre : nous les attendîmes une nuit ,5 & le lendemain iufqu à dix heures; & comme le R, P.Pelléprat 55 ne fe pût reconnoiPre , nous fifmes route dans la riviere des ,5 Saymagotes, dont le canal ell de beaucoup plus grand , & alla P s, mes tant, que nous trouvafmes paffage libre, c’eP à dire, envi- 5, ron vingt lieues, apres lefquelles nous ne trouvionsplus que des 5, criques fîellroites, que la barque n’y pouvoitpafler àcaufe des ,, arbres où nos maPss’embaralToient, &penfafineslesy rompre» „ pourquoy nous revinlmes fur nos pas, & trouvafmes le batteau 5; qui avoitpaffé devant ledit carrefour, fans que le guide ferc- 5, connut ; nous retournafmes , & ellant rentrez dans ladite rivie-» 55i*e deux cens pas elle fut reconnue par tous ceux quiy avoient 5, elle, 55 II y a unepetice crique du collé du Sud, où il y a trois carbcts „ d’Arotes; où ayant envoyé un interprété avecfefquif, il les ssûbligeade venir à bord. Nous convifmes avec eux pour nous 55 mener aux Galibis, ils promirent de le faire dans trois jours , S£ ,5 en attendant nous apportèrent quelques viétüailles ; mais au „ bout des trois jours ils changèrent de delfein , & deux d’entre- „ eux nous dirent que leur Capitaine leur avoir dit que nous 5, eûions fâchez , c’eP à dire en deffein de faire guerre aux Sau- „vages, & depuis nous ne vifmesplus nos gens: mais il nous vint ,, un vieil Arote&: fes enfansqui voulurent bien nous guider aux „ Galibis, ôc nous montrer où on peut habiter ; on le prit au mot, », & fur le champ il s’embarqua dans l’efquif. I’ePois allé au devant „dans un autre pour le mefme deffein, & pour reconnoillre la ri» ,, viere , & iufques où les terres eftoient inondées ; ie me trouva * aux An t-ljle s de [ 'Amérique. L-â la rencontre dudit Sauvage, qui nous dit que noffre efquif ,> ne pouvoitpafTer outre, ôcque iufqu’à trois lieues plus haut » toutes les terres choient noyées , de forte que nous vifmesl’im- jjpofiibilité de nous y eflablir , joint qu’en abbactant un arbre an », tra vers de la riviere, on pou voit, fermer le paffage tantelle efl 3) eflroite , 5c ainfi nos gens demeureroientàla mifericorde des jj Sauvages. j> Nous nous trouvafmcs en une effrange extrémité , voyant jj qu’en toutes les rivières il n’y a pas un pouce de terre habitable, „ tout y eftant noyé, 5c qu’il ne nous reftoit du pain que pour », trois jours, ayant eflé dans le voyage 5c dans tous les fufdits 3, lieux prez de cinq Semaines : enfin nous communiquafmes j, avec noffre Arote , qui nous promit de nous mener au lieu od 33 nous fommes, 5c que nous y trouverions de belles terres 5c >,de bonne eau. Nous prifmes ledit Arote, le gratifiafhies tant j, que nous pufmes, en forte qu’il s’embarqua dans noffre bar- aque. ,j Le lendemain nous defcendifmes la riviere ; 5c efiant proche j, de fon habitation , fa femme 5c Tes enfans luy apportèrent 5c à « nous des vitüaillcs, mais témoignèrent à leur mine qu’ils j? avoient peur pour fa perfbnne. La nuiél fuivante effrmt moüil- ,j lez nous eufmes une allarme , ayant entendu comme deux v coups de canon , enfuite de grands cris de Sauvages, cela nous ,j obljgea de mettre tout noffre monde fous les armes , ce qui fit „ peur à noffre Arote ;neantmoins il nous voulut perfuader que x, cen’efloit rien, 5c qu’il parleroit enpaffant aux Sauvages qui „ avoient crié: 5c de fait, nous yeflant rendus à la pointe du „ iour, il parla à eux, &c nous dit que c’eftoient des arbres „ tombez qui avoient caufé ce bruit , 5c que c’eftoit la coûtu- „me des Sauvages de faire de tels cris, en femblable occa- „ flon. », Nous fortifines ce iour-là mefme de la riviere d’Oiiarabiche, „ 5c ledit Sauvage nous fit encrer dans une autre éloignée de »., trois lieues, qui va aboutir à la riviere d’Oiianatigo.Ily a deux ,, lieues de chemin, 5c ladite riviere qui va à peu prez du Sud „ au Nord , eh coftoyée à l’Eft d’une Ifle de pareille longueur „ que. font les falines , 5c àl’Oüch d’une grande terre inondée. 488 Efiablijfementdes François „ Ce Sauvage cherchant l’occafîon de nous quitter, voyant que.- >, M. de Saint Michel & moy répofions dans la chambre , deman- „ da à nos gens de le mettre à terre pour prendre des arables pour- 3, Ton feuper ; ils vinrent à la chambre, & nous trouvant allbupis, ,, ils ne voulurent pas nous éveiller, mais mirent le Sauvage à ter- „re avec trois hommes pour le ramener, & luy firent lailTer Tes „ hardessàbord pour le mieux obliger à retourner. Cependant ar- 3, rivé qu’il fut à terre , il fe jetta à travers des racines de Parêtu- 33 viers , où les autres ne le pouvant fuivre il s’en fauvafans vouk „ loir répondre, quelques cris que l’on pût faire pour le rappelles 5, de fortequ’à neftre réveil nous n’eufmes pas matière de joye* 3, & moy moins qu’aucun autre,parce que ie vis tout noftre môde 3, en refolution de s’en retourner aux Ifles ; ie fus contraint, apres.. tout ce queie leur pus dire pour les faire changer d’ad vis, de „ m’emporter, & leur dire quec’eftoit une lâcheté infupportable ,, de laquelle ie n’eftois point capable, mais refblu de reconnoiflre „ toute la cofte , 6c de périr plûcofb que de defemparer, à moins , 3, que j’euffe veuune impodibilité toute entière défaire l’eftablik 3, fement. 3, Enfin ie les fis refoudre de continuer à chercher la terre done ,3 noftre Arotenous avoir parlé, duquel iem’eftois mftruit tant „ quej’avoispû par lignes. Enfin Dieu nous fit la grâce qu’ayant . „ chaffé toute la nuid , nous nous trouvafmes le matin à l’entrée ,, d’Oiianatigo, & dans la première marée nous nous trouvafmes ,, dans une nouvelle difficulté à l’embouchure d’une autre riviere s, qui vient duSudoüelf dansladite riviere d’Olianatigo. Enfin „ ie fus d’avis que nous priffions à gauche, parce que ledit Sauva- ,, ge me l’avoit comme montré;&. Dieu nous aififta évidemment, 3, car nous y trouvafmes un canotd’Arotes qui pefehoient , auf- „ quels ayant parlé & fait quelques prefencs, ils nous donnè- rent de leur poiffon; & leur ayant demandé s’il n’y avoit point ,, de fontaines, & quelques courant d’eau douce, où nous puflions „nousrafraifchir,iIs nous conduifirent droit au lieu où l’ancien „ Arotenous vouloit mener, qui eft le lieu où nous avons fait „ noftre eftablifTemcnt. „ C’eff un Morne qui eft une peninfule environnée d’eau de 33 u codez :en haute marée il y a trois braffes d’eau iufqu’au pied du { fl aux Ant-IJle s de l'Amérique. 489 s*du Fort , tous Vaiff'eaux peuvent y monter, & s’attacher à «terre en deux endroits, & fe décharger avec une planche; j, mais à baffe mer ils demeurent à fcc fur la vafe , êc ny a point « d’eau pour floter plus prez dudit fort que la portée du canon, ce » qui eft bien avantageux , &c. 3> l’a y laide un bon baffiment de trente pieds de long, & „dix-bui& de large, palliffadéde pieds de Palmiffesbicnflan- 3, que, & dans lequel on fepeut bien défendre; quatre pièces „ de canon ôc deux pierriers , & quatre-vingts Arqucbufes ou 3,moufqucts, y comprifes celles des volontaires, les lignes du 3, Fort tracées, un baftion commencé plus de trois cens pieds 3>de palmiftes coupez & portez à la place. I’ay laiffé nos gens ,, en parfaite intelligence avec les Arotes 6z Aroüagues qui nous 3, ont donné toute forte d’in (lruéf|ons;& ces deuxN ations vivent 33 en une telle confiance avec nous, qu’il ne s’eft paffé aucun iour, qu’ils ne nous ayent apporté leur pefche & leur chaffe, 6tce qu’ils ,,ontpû faire de caffave avec les fruits & racines du pays, &c. 33 le fuis party du Fore de Saint Anne le douzième Decem- 3,bre 1 6^6. nous n'avons pris que pour quinze iours de vivres, î3afin de ne pas dégarnir nos gens, nous foinmes allez droit à „ Saint Chriftophe. Il y arriva en effet, & y trouva le navire de la Compagnie qu’il fit partir pour la France , & apres fon départ il revint à la Martinique , d’où il fit promptement partir fa Barque , avec le refte de fon monde, & les provifions dont ils a voient befoin. Le fixicme jour de Février, le Capitaine la Bourlotte qui commandoit la barque de M. le General du Parquer, effant retourné de la Grenade , apporta la nouvelle affeurée de la dé- faite totale de la Colonie Françoife cffablie à Oiianatigo. Mais le fieur de la Vjgne n’en voulant rien croire, 6z attri- buant ce bruit à ceux qui avoient blafmé fon entreprife; il fut défabufé le dix-huiélicme Mars enfui vant, par celuy qui coin m an doit fa barque , qui en retourna, &Iuy apprit qu’iln’a- voit trouvé perfonne au Fort, que tout y effoit démoli &: rom- pu, & les canons abandonnés. Le fieur OCmont effant retourné quelque-temps apres à la I. Partie. “ Qqq ,*• m 490 E flablijf ornent des François Martinique dans le navire du Capitaine Grégoire /qui Fa volt pris au K*ymans, rendit compte de tout ce qu’il en fçavoit,^: dépofa iundiquement devant M. de la Vigne delà maniéré dont jour s’eftoit paffé. L'on apprit donc, par fa dépofitio,que quelques Semaines apres le départ du fieur de laVigne, ayant eftê advertispar les Sauvages du quartier, du deffèin qu’a voient les Efpagnols de venir atta- quer lesFrançois, ils furent obligez de fe tenir fur leurs gardes pendant la nuid, St qu’apres plusieurs fauffes allarmesque les ennemis leur donnèrent pour les furprcndre, n’en ayant pu venir à bout ils fè retirércnt,mais qu’un vieil Sauvage qui èftoic forri de grand matin, du Fort; ayant dit à l’Interpretequeles Espagnols eftoient proches, St que fon bout de petun le Iuy avoir dit, cette maniéré de parler ayant fait n’égligerfon avis, coût le monde fut au travail ,&il ne demeura que. dix hommes pour la garde du Fort. Lladvis de ce Sauvage fe trouva pourtant véritable, car fur les neuf heures & demie du matin les Efpagnols attaquèrent le Fort, & mefme firenttroisbrefchesdanslapalIiffade,aupara- vant que les foldats qui eftoient dehors peuffent rentrer ; ce com- bat dura plus d’une heure, St les plus grands efforts fe firent dans le Fort mefme, d’où les ennemis furent pourtant chaffez par les nôtres,avec perte de 18. dés-leurs, Stfoixantebleffez, dont la pîuf- part font morts de leurs bleffur es. Nous y perdifmes dix hom- mes, & nous y en eufmes trente bleffez ; tout le refte du jour fe paffa enefcarmouches, à la faveur defquelies les ennemis fe retirèrent avec leurs bleffez St leurs morts. Le combat fini, on trouva dans la poche d’un des ennemis,morc dans la palliffade : la lifte des Efpagnols combattans qui eftoit, au nombrede cinquantchommes,portansprefque tous, qualité d’Of- ficiers , Jefqueis eftoient fui vis de cinqàfix cens hommes, tant Mulâtres, Nègres, que Sauvages de pays éloigné, portant la barbe àl’Efpagnole , appeliez par les autres Sauvages oiidi ni qui ns. Le lendemain matin les Sauvages du quartier vinrent an Fort pour offrir leur fervice,St quelquesrunsd’cntre-eux refte~ nt , pour aidera reftablir la Palliffade, St en faire une dou- aux Ant-JJles de l'Amen que. 43 r Bîe aux endroits nccefTaires; ce qu’ayant efié achevé en moins de huiét jours, ils continuèrent d; apporter des vivres au Fort, & de traiter à l’ordinaire. La Nation des Galibis y efioit ve- nue un peu auparavant , &. l’on avoit conclu avec eux touchant leur commerce: mais les Eipagnols pour détourner les Sauva- ges de l’inclination qu’ils avoient pour nous, les ayant faitme- nacer de revenir avec plus de force pour nous enlever , & de brûler tous leurs carbets, & de les faire efclaves s’ils continuoient de nous fréquenter & affûter 3 cette crainte les empefeha de re- venir au Fort. . Alors le heur de Saint Michel ayant dit à tout le monde qu’il avoit ad vis que la barque de la Compagnie a voit eftepri- fe> qu’il n’y avoit point d’efperancc d’avoir fi- toft du feccurs* les volontaires luy prefenterent certaines requefies qu’il cor- rigea , & fit refaire à diverfes fois, jufqu’à ce que la requefie çfiant drelfce à fa fantaifie , il envoya de Café en Café la faire ligner aux foldats, difanr publiquement qu’il ne la re- cevroic pas quelle ne fut fignée : dont quelques-uns fi- rent refus, jufqu’à ce que les P\R. PF. lefmces l’euflens lignée. • Les deux mois dans lefquels la barque de voit revenir & ap- porter du fecours, efians expirez , le fieur de Saint Michel fit préparer le batteau , le fit charger 6c partir du Fort le trêzié- mc Février; & parce qu’il ne pouvoir pas contenir toutle mon. de, il prit un canot que les Sauvages avoient p refié peur por- ter des palliffades, dans leauelil embarquadouze hommes", de la traite pour les Sauvages, des munitions de guerre, deux quarts de farine, de la caffayc & de la viande. Le barreau fut chargé de tout ce qu’il y avoit de refie dans Je Fort, foit de vivres , foit de munitions , excepté les canons qu’ils laifi ferent fans les endoüer, ne voulant pas s’y ar refier, de peur d’efire furpris par les Efpagnols , qu’ils croyoient fort pro- ches.'. Comme ils furent tous embarquez, le fieur de Saint Mi- chel déclara hautement qu’on ne luy pouvoit pas imputer cet- te retraite, qu'il n’en avoit pas efté faucheur , & qu’à Ion égard ilefioitpreft de relier avec quinze hommesj&fit ligner un aéfç d'* estee .déclaration. . Qqqjj 49 1 EfialJiJfemtnt des Trdnçôts Eftant forty du Goiphe, il fut obligé défaire jetter laplufl part des chofes qu’il avoit fait mettre dans le batteau pour lalleger. Le canoc s’en eftant fcparé prit fa route vers l’Ifle de Tabaco pour regagner le vent des Ifles, le batteau fut julqu’à deux lieues fous le vent de la Grenade, qu’on aurait facile- ment gagnée à force de rames fi on avoit voulu, àcaufe d’un calme qui furprit; mais ayant perdu cette occaiion, la brife s’eftant levée pouffa le batteau à vaut le vent, de forte que n’ayant pu gagner lifte de Sainde Croix, il arriva aux vaches proche de lifte de Saint Domingue, où l’on prit de l’eau. On propofa au fteur de Saint Michel d’aller au cul de fac de cette Ifle où il y a des François, ce qu’il ne voulut pas faire, mais fit tourner le cap vers la lamaique droit à la Bande du Nord: où eftant arrivé le Pilote y defcendit, mais le fteur de Saint Michel fans attendre fon retour, fit lever I’Anchre pour aller moüiller, à deux lieues plus loin; & comme l’Anchre fut mal )ettée, .& qu’on fila trop peu de cable, la brize jettale batteau à la cofte, où apres avoirfaiive .ee qui eftoit dedans il fut aban- donné, plufieurs fe perdirent dans les bois, & les autres ayant continué leur chemin pendant cinq Semaines, fe trouvèrent à fept lieues delà, dans un Ance, où le Flibot du Capitaine Lortioche faifoit fes viandes, qui les receuqdans fon bord,& les ramena aux Cayemans : où le fteur Ofmonr ayant trouvé le Capitaine Grégoire, de Dieppe, il fe mit fur fon navire qui îe ramena à la Martinique. Le navire appelle le Soleil, du port de trois cens cinquante tonneaux monté detrente-fîx pièces de canon, commandé par le Capitaine du Pré, y arriva aullî de Nantes le vingtième Iuin. La Compagnie l’avoir chargé de farines & de toutes les chofes neceffaires pour la conierva- tion de la Colonie, & donnoit advis au fteur de la Vigne d’un prompt embarquement, dans lequel la Pélagie leur porterait le fteur de la Grange Fromenteau , Gouverneur de Saint Chriftophe en l’année mil fix cens trente -huict , eftably Chef &: Gouverneur General de la Colonie , avec quelques Aflociez de la Compagnie, & plus de cent cinquante hom- mes. Cét advis n’empefcba pas pourtant le fteur de la Vigne de aux Ant-TJles de ï Amérique. 4 p 5 Vendre toutes les farines & les provifions qu’on luy avoit en- voyées de France ; car au lieu de les garder pour entreprendre quelque nouvel eftabliffement, avec les hommes qu’il avoir Se ceux qu’on luy devoit envoyer , il entreprit une fucrerie où il fit fortement travailler les hommes de la Compagnie, fi bien qu’on crût qu’il avoit quelque afieurance fecrette qu’011 îuy en apporterait en allez grande quantité pour la fubfiffance du monde qu’il attendoit. Mais on le vit bien furpris à l’arrivée de la Pélagie-, qui mouilla l’Ancre le quatrième Septembre au quartier delà Café Pilote. Monfieur de la Grange qui avoit toufiours confervé une forte inclination pour l’Amérique depuis fa fortie de Saint Chriftophe, venait dedans pour gouverner la Colonie avec Meilleurs d’Augeron, le Baron de Pont Cheuron Imbert, & quantité d’autres particuliers, qui avoient tous des hom- mes. Iamais on ne vit des gens plus eftonnez que lors qu’ils apprirent que la Colonie avoit échoüé. L’on tint Confeil pour voir s’il y avoit lieu de faire une fécondé tentative, mais le fieur delà Vigne leur ayant dit qu’il n’avoit plus les vivres que la Compagnie luy avoit envoyées, dans la croyance qu’elle aurait receu les Lettres, par lefquellesil Favertiffoit de la rui- ne ne l’eftablilfement , ceux qui en avoient précifement pour leurs hommes, ne voulant pas les confier aux Commis de la Compagnie, qui les auroient indifféremment diftribuez à tout le monde, il fut refoiu de ne rien entreprendre d’avantage; enfuite dequoy on déclara à tous ceux qui eftoient venus dans le navire, de fe pourvoir où ils pourraient , 8£ qu’il n’y avoit plus à boire ny à manger pour eux. On peur iuger de leur eftonnementpar la différence des chofes qu’on leur avoit promifes en France, & de ce qu’ils trouvoient à la Martinique, l’on eût dit de gens tombez des nues , car les uns ayant cinq hommes, d’autres dix, quelques-uns vingt; quelques-uns mefmes ayant tout vendu ce qu’ils avoient en France , pour en avoir pour travailler pour eux , pas unnefçavoit où fe retirer, ny où mettre fesgens & Ion baga- ge C’eftoit en effet une choie pitoyable , de voir des gens à dix-fiuiét cens lieues dç leurs pays , fans habitude, fans con- Qqq lij 494 Efiablijfement des François noiifance , & qui ne trouvant point d’hoftellerie pour al!e£ dilner, elioienc dans la derniere confternation , au milieu ; de la piace , fans fç avoir où aller, ny ce qu’ils deviez aboient. Plus d’vn mois auparavant le départ du Vaiffeau de la RL* _ vierc de Nantes, les Seigneurs de la Compagnie & plufieurs particuliers de Paris, avoient eu divers auvis de la détoure, de la Colonie, & de la diffipation de letabliliément ; mais ils firent courir le bruit par tout, pour ne pas décourager leurs gens, que ces nouvelles eftoienc vn artifice de M. le Comte de Ceriliaci qui les faifoit débiter , afin que ceux qui cftoienç fur le point de s’embarquer , priflent party avec luy pour U Grenade, qui eftoit vn eftabhffement afieuré. Deux choies les empefeherent d’avoücrla vérité de ces non- - velles. La première efioit l’obligation de. rendre 3000 liures à M. Daugeron, autantà M.le Baron de Pontcbevron, &: court l’argent qu’ils avoient touché de plufieurs particuliers, qui fe montoità des femmes confiderablcs, qu’il leur eût fallu rem» . dre , puis qu’ils l’a voient touché depuis la ruine de la Co* Ionie. La fécondé eftoit Iaffrontqu ils recevroient de ne pas pouffer à bout une cncreprife pour laquelle il n’yavoit que 5. mois qu’ils avoient obtenu desLcttresPatentes de fa Majeftéxar fur laLetcrc du fieur de la Vigne , remplie d’vne infinité de belles chofes . qu’il difoit de ce pays, que je n’ay pas rapporté pour éviter la longueur, & dont on informa toute la France par des imprimez; la Compagnie folîicitâ des Lettres Patences, que le Ray luy ac- corda au mois d’Àvrii 1657. Bien que toute cette entreprife ait elle conduite fans juge-i- ment , & que depuis fon commencement jufqua fa déroute5 l’on y ait fait des fautes tres-confiderables; j’en remarque pouro tant cinq qui ont ellé les principales caules de fa ruine. La première , d’avoir eu deifein de faire h rendez-vous à I3 Martinique, & d’y baftir des magazins,fanseftrealfeurés de M, du Parquet, Seigneur & Proprietaire de Fille, qui en agit fore civilement avec eux, mais qui auroit rputchafle de fon IHc , Il £ét étâblilTçflienc eue fubfifté y car en prévoyant les çonfequen* ame Ant-ljles de l'Amérique. cës , il les diiîiïnula avec adrelfc , pour ne Ce pas faire ennemis les principaux auteurs de cette cntreprife, qui n y ont point paru, & que fort peu de perfonnes connoiffent. La fécondé faute , c’eft (d’eflre partis de France fans fçavoir où aller. La troifiéme , de «avoir mené aveceux,ny Chirurgien, ny interprété de Ialan- gue, ny guide qui fçeût lacofte , de la terre qu’ils avoient deffein d’habiter. La quatrième, d’avoir fait vn très-long fejour à la Martinique , où leurs engagez Ce débauchèrent , par les rap- ports qu’on leur fit des miferes de ce pays-là; & par le travail qu’on leur y fit faire qui eftoit extrêmement rude , & fur le- quel ils jugèrent de celuy qu’ils auroient en Terre- Ferme. La dernierc, enfin, & la plus confiderable, cft d’avoir confié tou- te la Colonie à vn homme qu’ils ne tenoient qu a gages , & qui « y trouvant pas fon compte , ne manqua pas de tout aban- donner. Ainfi cette grande entteprifè dont on difoit tant de- Vnerveillesen France , Ce ruina , 5c il efl: arrivé à cette Compa- gnie Ephémère , ce quiarriva à la plufpart des autres. Car les Particuliers s’y font ruinez , les Adoriez ont tout perdu leur fond , les feuls Diredcurs &les Commis s’y font enrichis : car le ficur de la Vigne, avec les effets ôc les hommes de la Compagnie, s’eftant puiffamment eftabli à la Martinique, j] y eut fait vne riche maifon ,fi la mort n’euftpas interrompu le cours de fes deffeins.. 4 96 jEflabliffement des François Ouragan furieux à la Guadeloupe , qui y eau fi la famine. ^Tremblement de terre d la GhCar-*- Unique. Révolté O* fuite des Negres en [uns,: & en l autre > accord avec les Sauvages. CHAPITRE XIX. L’EftablifTement S i la ruine de la Colonie de la Terrc-fermdb nous ayant un peu détournez de la fuite de noftre Hiftoi— re ; avant que d’en reprendre le fil , ie fuis obligé de dire icy deux ou trois chofes fort extraordinaires qui arrivèrent dans les Ifles, avant la conclufion de la paix avec les Sauvages. La première, fut un Oüragan le plus épouventable qui fe foit iamais veu, & qui auroit fait périr la Guadeloupe, fans le fecours qu’elle receut des autres Ifles , & particulièrement de la Martinique, ou cette tempefte ne fut pas fi violante. En quinze mois la Guadeloupe en fouffrit trois , mais on eût dit que le dernier eftoit defliné pour achever de ruiner & deperdre3 , ce que la violence des deux premiers avoir épargné. 11 commença par un broùiirement dans les bois , comme fi on eut entendu de loin, des chareqtes qui rouloient des pierres. Ce bruit ayant duré l’efpace de trois heures, les tourbillons de vents, commencèrent fi violemment à fix heures du fbir, qu’il eft impoflible d’exprimer leur fureur, car l’on eût dit que toute l’îfle alloit abyfmcr. Les Forefls furent renverfées, les maifons abbatués, & il n’y eût que celles qui eftoient bafties de pierres, qui furent épargnées , lefquelles neantmoins no-* nobflant leurs fortes murailles ne laifTcrent pas d’en eflre ébranlées. Apres ces tourbillons qui durèrent long-temps, le Ciel s’en- treprit univerfellement , changea de couleur , &; devint em~ brazé / aux Ant-IJles de t Amérique . ^7 b'razé , comme du fer qui fore de la foumaife ; on entendit un craquement continuel de tonnercs, les efcJairs efioient fi fre, quens qu’on eftoit contraint de fermer Ies-yeux, & de fejecter le vifage contre terre, perfonne n'en pouvant plus fouffrir la lueur importune. Sur les dix heures du foir le vent changea tout d’un coup f & faifant fon tour vers la Baffe-terre de la Guadeloupe, il jettu à la cofte tous les navires qui efloient à la rade, qui n’ayant pas eu le temps de gagner la haute mer, parce que ce vent a voit tourné toutd’un coup, furent tous brifezfur les rochers» & la plufpart des matelots noyez. A quatre heures du matin le grand Oiiragan commença & en cinq ou fix heures de temps il fit des ravages fi horri- bles que c’efl allez en exprimer la violence, que de dire, qu’il arracha prcfque tous les arbres , à la referve de quelques gros ^Aconits & de quelques Courbants , qui demeurèrent ébranchez comme des malts de navire : que la plus grande partie des oy féaux , des poules communes & les poulcts-d’indes furent tuez aufli bien que les autres animaux domefbques, comme lapins, chiens & cochons, & que les Aianyecs furent arrachez fur toutes les habitations, ce qui caufâunc grande famine dans la Guadeloupe. } Apies cét Oiiragan il demeura une certaine infedbion dans l’air, qui engendra une telle quantité de chenilles, que la ter- îc en efioit toute couverte ; elles efioient fi prodigiculemcnt longues & greffes, que jamais on n en a veu de pareilles dans 1 Europe; elles broutoient les habitations en fi peu de temps & dune fi déplorable maniéré , qu’on eut crû que le feu y avoitpafle. M. Hoüel en écrivit en France le dix - huitième „ Mars 16^57. en ces termes. Le Oiiragan ne nous a pas laide j,dequoy nourrir un homme, les vents extraordinaires & bru - «,Ians , ont ruine toutes les pièces de pois toutes entières , & fait mourir ce que les chenilles ne mangcrcnc pas i fî les autres „ habitations avoient cfté aufîi mal traittées que la noftrc , î, il auroit fallu abandonner I’Ifle, faute d’avoir dequoy man» *>ger> * moins que de l’avoir veu , on ne le fçauroit croire. Al. le General du Parquet permit à quantité dhabitansdf J, Par tic. ^ Rri ■5 J 49 g Efiablijfemenî des François h Guadeloupe, de venir achepter les vivres dont ils avaient befoin, comme caflave, pois, fèves 8c viandes, & à fes habi- tans d’en envoyer telle quantité qu’ils voudroient à leurs amis. Bien que la Martinique eût efté exempte de la fureur de fOüragan, dont la Guadeloupe avoitefté fiépouventablement mal-traittée délié eut neantmoins auffi fon fléau : car l’année fui- vante elle fut agitée d’un tremblement de terre, que ie nefçau- rois mieux décrire qu’en donnant la Lettre que men écrivit le R. P.Feüillet, Religieux de noflre Ordre , qui y eftoitpour lors Miffionnaire Apoftoliquç. Ous eufmesicy ces iours paflez un tremblement de ter- ^ ^ _ rc, qui jetta une épouvante generale dans Famé de nos „habitans; ie n’en fus faifl que par les pitoyables cris dequa.11- tité d’hommes, de femmes 8c d’enfans de noflre fond, qui ,, accoururent à noflre Chapelle ; & comme ie ne m’eftois îa- =5, mais trouvé dans ces occaflons , ie fouffris les premières vio- lences de ce tremblement de terre fans men appercevoir. En écrivant il mefembla que la tefte me tournoit, 8c que noftre café s’a 1 loi t renverfer fans dttffus deflous ; cela recommença*! t quatre ou cinq differentes fois par diverfes reprifes, le crus 5> aue cêla me venoit de quelque ebloüiflement, ie me jette „ fur mon lift , mais la terre trembla fi fort que j’en tombé par terre; m’eftant relevé ie ne me pouvois tenir de bout, ie -3, chancellois de cofté & d’autre, comme font les yvrognes: ie m’apperceus pour lors qu’il yavoit en cela quelque chofe d ex- traordinaire, principalement quand j entendis craquer tous les piltiers de la café, 8c que ie vis les chevrons fe heurter les -tns contre les autres; eftant feul j’en fortis pour aller chez M. „ d’Orange noflre bon amy; en y allant j entendis les cris de -5, ceux qui avoient accouru à noflre Chapelle ; de loin quils a> m’apperceurent ils me crièrent en pleurant que tout eftoit .j, perdu, que ce tremblement de terre alloit abyfmer llfle-: „]ufques-là ie n’avois pas eu peur, mais quandilsme parlèrent ,,de tremblement de terre, 8c que ie vins à faire reflexion aux agitations que j’en avois fouffert, 8c quirecommençoienC aux A nt-îjles de £ Amérique. 49 9 ^cîe temps en ternpspar derudes fccouffes ;ie vous avoue mon „foible j j’eus auiîi peur qu’eux. le les exhortay à implorer 3, la Mifencorde de Dieu 6c à faire des aétes de contrition. Pen. 3>dant que nous chantions le Pialme Mtferere met Deus, later- ,,re trembla fi fort, que nous fufmes prefque tous renverfez* ,, nous pouffalmes un grand cry , croyant fermement qu’ellô ,,s’alloit ouvrir pour nous engloutir , toute la Chapelle demeu'- „ ra courbée 6C penchante extraordinairement l’efpace d’un bon ,,demy quart-d’heure, qu’une autre fecoufie auiîi violente lare- „ leva, ce fut la dernierejee tremblement dura bien deux bon* ,,nes heures. 3Î Tout effant paffé , ie fus promptement à la Montagne, ovï ,,tout efioit encore dans une effrange confiernation ; M. IeGe.- „ neral du Parquet, qui n’eft pas un homme à s’effrayer, &qui en abien veu d’autres depuis qu’ilefiaux Ifles, m’avoiia qu'il j, n’en avoit jamais fouifert un fi rude ; il efioit couché fur ca „ petit liét que vous avez veu dans fafalle, extraordinairement ,, tourmenté de fes gouttes , quand il s’apperceut de cetremble- ,, menti il avoit bien la penfée de fe faire transporter ailleurs, „mais il n’eut pas le temps d’attendre que fes gens fufient à „ luy, car une fecouffeébranfla fi puiffamment fon baftiment „ de pierre de tailles , que croyant que les planchers alloient „ tomber fur luy pour l’écrafer, il s’enfuit feul nud en chemr- „fe plus de cent pas dans fon jardin, fins longer à fes’gouttes „ny aux emplaftres dont il efioit couvert. Madame 6c tou-- „te fa maifon. le fuivit; il ne faifoit que rentrer quand j’ap- ,,rivé.. „ Ce qui vous efionnera -, c’eft d’apprendre que ce trenrMe- „menr n’a pas efié moins rude à la Mer que fur la terre. Tous „ les Capitaines aficurerentM. le General en ma prefence,que „ leurs Vaiffeaux avoient fouffert d’effroyables lecouifes ; deux „ laifferent leurs Anchres &fe mirent à la voile pour gagner la „ haute Mer, maisils n’en furent pasquittesà meilleur marche p queles autresfls fou ffroient fous eux desboüillonnemensd’eau, „qui fe retirant imperceptiblement de deffouseux, le navire „tomboittout d’uncoup avec un craquement de tous fesmer% ^.bres,. comme s’ils euffent fouffert une rude tempefte. h * joo Efiablijfement des François Sur la fin de l'année 1656. il fefit un foûlevement deselcb- •ves de la Guadeloupe, qui fembloit d’autant plus dangereux, qu’il fe faifoit par des gens qui combattoient pour leur liber- té, & que M. Hoüel qui avoit plus de confiance enfes efcla- Vc$, qu’en les habitans, leur avoit appris à manier les armes à tirer les fufils,.& quccesefclaycseftoient en plus grand nom- bre que les habitans. Deux mccfians Negres, Fun appelle Pedre, & l’autre lean le Blanc, difpoferent de longue main & fort fecrettement ■fous les Negics d Angolc, a mafiacrer tous les Maiftresde ca- fés , à garder leurs femmes, & à créer deux Roys de leur Nation dans i’Ifle, l’un à la Baffe-terre , & l’autre à la Cap- fferre. - Le iour ayant eilé pris , le rendez-vous fut donné à la deré niere cale delà Capfrerre , pour commencer cette fanglan- te execution: neantmoins les Negres de la Baffe-terre T qui effoient prelque tous du Cap-verd, ne fe fiant pas tout à fait à ceux d’Angole ( avec Iefquels ils font en guerre perpétuelle en leur pays ) manquèrent de parole. Les autres pourtant fe trouvèrent à point nommé au rendez-vous, au nombre de qua- rante des plus déterminez r où ayant attendu ceux delà Baffe- terre iufqu’au foir, comme ils virentqu’ils ne venoient point, Fimpatience les prit fi bien qu’ils commencèrent l’execution, fi- rent main baffe dans cette habitation quieffoit grande Si plei- ne de monde , fe làifirent des armes qu’ils donnerait aux plus adroits d’entre -eux ; & apres avoir mangé tout ce qu’il y avoit de meilleur en attendant leurs Compagnons, gagnèrent les bois. M de Boifferet qui commandoit à la Capfterreen ayant eu avis, fit armer tout le quartier pour leur courir fus ; mais le Ser- gent qui fut commandé pour lespourfuivre , appelle la Berge- re, fut fort blâmé de s’effre contenté de mener les habitans& les folaats dans la café où le maffacre avoit effé commis, fins fe mettre en peine de pourfuivre ces fiiïars, dans les bois où ils s’efioient retirez. P endant douze ou quinze iours ce s efclaves fugitifs firent des courfes le long des habitations, pillant tout ce qu’ils pou- aux Ant-ljles de 7 Amérique. jor Soient attraper > tuant tous les François qui tomboient entre* leurs mains j &: menaçant de mettre toute rifle à feu & àfimg. La confternation fut fi grande, qu’on ne fçavoit quelle voye prendre pour les ranger à leur devoir, chacun craignoit la pre- mière furie de ces defefperez; mais un Gentil-homme A^alon», nommé Defpinay, s’eftant offert de les attaquer , & fa propofi- tion ayant eftéreceuë , ilehoifit vingt hommes dont la valeur & la refolution Iuy efloient connues, & quelques efclaves Bré- siliens pour porter les vivres ; il en prit un entre-autres, donc l’odorat eftoit fi fubtil qu’il dillinguoit le veftige d’un Negre & d’un François en Tentant la terre fur laquelle ils avoientmar- -ché. Les Negres Maronsfe doutant bien qu’on ne tarderoit gue- res à faire un effort pour les combattre, a voient déjà pris la route des Montagnes pour n’eftre pas Surpris, & pour aller à la Baffe-terre joindre les autres Negres & les faire révolter, efperans que ceux qui n’avoient ofé fe déclarer , les voyant unis pour une caufc commune , embrafferoientleur party , &c for- meroient tous enfemble un grosaflez puiffantpour executerce qu’ils avoient conclu. Mais le Negre Brefilien les ayant éventés, & ayant reconnu leur route : M- Defpinay Iesfuivit défi prez , qu’ils enflent efté furprisSt chargez fans pouvoir fie reconnoiftre fi un Frâçois ayant marché fur une branche féche, cette branche s’eftant rompue fous fes pieds n’eut fait un bruit qui fit découvrir nos gens. lean le Blanc qui devoit eftre Roy à la Capfferre, ayant enten- du ce bruit, fit faire halte à tousces révoltez : mais comme il commençoit à les encourager, M. Defpinay ayant couru -bruR quemerït à eux avec tout fon monde, criant tue tue; il fit fai- te une décharge fi à propos tout au travers de ces mal-heureux, que penfant avoir tous les habitans fur les bras , ils s’enfuirent ■éc s’écartèrent fi bien que iamais depuis ils ne fe purent rejoindre. On ne prit pourtant pour lors qu’un homme , hui éfc femmes trois enfans ; cette déroute neantmoins relevant le courage des habitans, ils leur firent de temps en temps fi bicnlachaffe que prclque tous furent pris, les deux Roys prétendus furent ccar- jelez, quelques uns furenç rompus tous vils, d’autre pendus, R rr iii joi EJlablijfement des François & Pour plus jeunes on fe contenta de leur couper les oreilles SC de lesbien foüetter. M. Hoüel fit payer à tous Ies'habitans les Negies qu on exécuta, afin que les particuliers' à qui ils appar- tenoient n’en fouffriffent pas toute la, perte. Si les habitans de la Martinique ne furent pas attaquez par leurs Negres à force ouverte , leur fuite ne leur fut pas moins dommageable; car dans le temps que les révoltez de la Gua- deloupe faifoient des outrages à leurs Maiftres, mafTacroienc impitoyablement ceux qui tomboient entre leurs mains, ceux de la Martinique s’enfuy oient les uns apres les autres, & lors qu on y penfoit le moins, un mary revenoit quérir fa femme & une femme fon enfant un moisapresfa fuite, & ilne fetrou- voit piefque point de Café ou l’on n’eut fait quelque perte de Negie. L affliction en eftoit commune, Iaperte particuliers^ les fugitifs venoient la nuit furtivement débaucher ceux qui choient reftez, & tous fe retiroient chez les Sauvages, quileS lece voient biend abord, mais quipeu de temps apres les alloient vendre aux Ifles Espagnols, fibien qu’on ehoit hors d’cfperan- ce de les avoir. Le vingt-neufiéme Novembre, comme l’on eut reconnu fur les M ornes du moüillage une confpirario. de plufieurl Negres qui vouloients enfuir, lefieur Chevrolier enmit quatre des fiens aux fers , les autres habit-ans en firent de mcfmc ; mais avec tout cela on eftoit fort en peine d’apporter quelque reme* de à ce mal , qui comme un chancre gagnoitlesparties les plus fai-i nés , c eft a dire , les Negres les plus fidèles ; &Ies rigueurs ne fer- voient qu’à lesirriter d avantage & les obliger àfuivre leurs Com7 pagnons.. Sûtoft pourtant qu’on feeut qu’ils fe retiroient à la Capfterr® avec les Sauvages, on commanda 25. hommes pour y aller ,lei- quels eflans retournez le mefme iour , donnèrent ad vis qu’ils ayoient découvert un chemin fort fpacieux par la Montagne Pelee. M. du Parquet y envoya le premier Décembre enfui- Vant un nomme Beaufoleit, avec plufieurs foldats qui furent iufqu-aux carbets des Sauvages, fans y rencontrer aucun Ncj- gre. E fiant retournez, M. le General y renvoya dans fa Barque 1s fieur de la Fontaine Héron Capitaine de fes Gardes, avec Io Jjeur d Orange Se quelques-autres volontaires , pour apprendra aux A nt-ïjles de P Amérique. 5 oj desSauvagesIe lieu où efloient les Negres, mais ils répondirent qu’ils ne les avoient pas yeus. Les Sauvages fe fervirent quelque-temps apres de ces Nè- gres pour recommencer leurs irruptions. Ils les armèrent de flèches de de boutous ; de afin qu’ils ne fuflent pas reconnus, ils les rocoüerent comme eux, les Negres marchoient toujours les premiers comme les plus hardis, le flambeau en une main pour brûleries Cafés, &le boutou de l’autre pour aflommer ceux qui viendroient à la rencontre; ce defordre dura prezd’unan, 6e ils furent jufqu’à ce point d’infolence que devenir forcer les Cafés en plein iour: ayant paru midyle vingt-neufiéme Aouft de f a nnéc 1657 . fur le Morne de Riflet, avec les N egres rocoüez,iIs brûlèrent plufieurs Cafés, de tuerent quelques perfonnes à coups de flêches.mais l’alarme ayant eftê aufli-tofl: donnée au Fort & au Carbet, on y courut de toutes parts; mais quoy que les Offi- ciers fuflent à la tefte des habitans, pour les repoufler, on ne pût empêcher que deux Negres qui appartenoient au fleur de la Planche, n’entraffent dans fa Café, &que pour fevanger des mauvais traitemens qu’ils en avoient receu,ilsne letuaflentà coups de ferpes. On remarqua une grande fidelité dans les Negres du fleur d’Orange, car ils fe battirent comme desLyons contre les fu- gitifs de lesSauvages, de quelques promefTes qu’ils leurspuiïent faire, jamais ils ne leur pûrent faire quitter fa Café, qu’ils leur empêchèrent de brûler. Cette fuite des Negres dura prez de deux ans , jufqu’à ce que les François voyant bien qu’ils n’en pourroient jamais confer- ver tandis que les S auvages leur donneroient retraite , ou leurs prêteroient leurs pirogues pours’en aller ailleurs, chaflerentab- iblument tous les Sauvages de la Capfterre, comme iediray en fon lieu. Les Sauvages pourtant ennuyez de laguerre,demanderentla paix,& le dix-huiétiéme Oétobre il en vint une pirogue, dans la- quelle eftoitun des plus confiderez d’entre-eux appelle Nicolas. Ï1 fut fuiuy de quantité d’aurres,fur la parole du R. P. Desjans Ie- fiiite , qui les avoir afleurez qu’ils feroient lesbiens venus , de que |çs François n’efloient plus fâchez contre- eux. M. le General du. p -4 Efiahlijjfementdes'Frdnçois Parquet fe fit apporter au Fort dans un lift de coton par feâ Nègres, tout malade qu’il eftoit, les receut avec joye, leur fie beaucoup de car elfes , leur donna quantité de prcfenSj fçavoir Haches Toiles , Couteaux , & Ralfadc , apres quoy ayant laifie un petit Sauvage en ofiage , & pris cri fa place un petit François , iis s’en retournèrent le mefniq ipur. De z le lendemain plufieurs habitans furent à la Capilerre, avec la mefme liberté que fi l’on n’eut jamais cfté en guerr® avec eux; & le fieur d’Orange, qui cftoit l’homme du mon- de qu’ils redoutoientleplus, & qui les avoir le plus poulfcz, aLU- boire & manger en leurs carbets, & Ton obtint d’eux qu’ils ne recevraient plus les Nègres Marons : depuisquoy ces Nègres nçv s’enfuirent plus fi fréquemment qu’auparavant. un M. le C omît de C crillac fait accepter la Grenade d dêjfem de s y efidbltr. CHAPITRE XX, DEz l’année 1655. M* de Cérillac m’efloit yenu trouve^ fans me dire ny fonnom, ny fa qualité, & m’avoiç propofé fon delfein pour l’Amerique, fous le nom d’u- îie tierce perfonne de fes amis, qui avoir pris la rclblution de s’y eftablir ; ce delfein me parut fi extraordinaire & fi furprenant* que bien loin de l’y engager, ie l’en deftournay autantqu’il me fus poflible. Mais un de fes amis, qui m’eftoit auffi tres-intime/ay an£ trouvé inflexible, dans fa refoiucion, me pria inftamment dq l’alfifter dans cette entreprife. le me lailfé gagner un peu trop facilement à Ion or- dinaire, & à fa priere j’entrepris de le fervir & de faire tout mon poifible pour faire réüflir un deflein fi périlleux. Dans U coaaoilTaüçe que j’ayois des diflxcukcz effroyables qui fe ren- contrent / aux Ant-Ifles de l Amérique. e 0 ç contrent dans les Eftabliffemens de nouvelles Colonies dans des ccircs inhabitées, qu il faudroit défricher, dont les pre- miers Entrepreneurs fe ruinent ordinairement /ou n’ont pas allez de vie pour goûter avec plaifir le firuid de leurs travaux: le luy confeiilay dachepter une terre déjà habitée, & où l’on eut déjà efïuyé toutes ces difficultez ; afin que d’abord il n’eut qu’à la faire valoir, pour en tirer dez la première année une partie des depenfts qu il luyfaudroit faire pour l’achapt, &pourl’em- barquemenr. le jettay les yeux fur l’Ifle de la Grenade, com- me fur la meilleure de toutes celles dont on pouvoir traitter en ce temps-là ; il agréa cette propofition, & me pria daller lui es lieux avec un Gentil-homme de ces quartiers, auquel 31 r"eroit Procuration pour en traiter avec M. le General du 1 arquet qui en eftoit Proprietaire, apres que nous l’aurions dépend^t^ ^ aU11°nS exaramé & ce qui en M°n voyage a U Martinique, & les hasards que je courus* §• i. IL femble qu ayant defTein de parler de mes voyages aux Ifles , & de mes retours en France, dans la fécondé Partie de cette Hiftoire, ie mette icy hors de propos celuy que ie fis pour M. le Comte de Cérillac; non- feulement parce qu’il eff pofteneur aux autres, mais auffi parce qu’il femble que tous ces voyages faflent partie de i’Hiftoire naturelle, C’eftoit de vray mon deffein; mais ce dernier voyage enfermant certaines avantur es, fi particulières à mon H îffoire, qu’elles enfonriu- feparables, cela m’oblige abfolument d’en faire icy le récit, &c de tout ce qui m’y efi: arrivé. M. de Cérillac m’avoit bien adverti plufieurs fois qu’il rencontroit ordinairement d’horribles difficultez dans toutes fes enticprifes ; mais quil ne laifioit pas en fe roidiflant con* tre, de les furmonter & d’en venir à bout. le commençayde I. Partie. ' SIX 506 Ffiablijfement des François l'experimenter de z la France -, car eftanc arrivé à Nantei pour m’embarquer, le navire du Capitaine Robillard, dans le- quel îe devois paffer, fut enlevé en plein mid-y par des fréga- tes de Dunkerque, qui entrèrent dans la riviere & le prirent à la barbe de tous leshabitans de Saint Lazare, de forte qu’il fallut attendre quatre ou cinq mois jufqu’à ce qu’un autre na- pire fut preft. M. de Cérillac avoit donné fa Procuration à un fort brave -Gentil-homme du Maine nommé des Marets,qui avoit quitte une Compagnie dans le Régiment de Borglio , pour le iervir dans -cette occalion: &£ luy avoit affocié pour Compagnon de Ion voyage & pour eftre fubrogé en fa place en cas de mort, un nommé Meline. Nous nous embarquafmestous trois dans un grand navire que Moniteur Gaffant avoit frété-*, le Capi- taine Se tout l’équipage eftoit Holandois, fur qui les Anglois «ayant point droit de reprefailles, l’on a cru que nous ëftions vendus avant que de fortir de la riviere de Nantes, puifqu’en gitans partis l’onzième Iuillet, le douzième. nous fuîmes pris par une fregate d’Angleterre, .& menez prifonniers à Plimout.V n Pilote de Dieppe, Huguenot, m’accufa d’avoir animé quelques Gentils-homes à fe foule ver cotre ceux qui nous a voient pris, & mefmede leur avoir donné des bayonnettes &: à d’autres jeunes gens du navire, pour poignarderles Anglois. Sur cette fauffe accufation, ie fus interrogé plus de deux heures fur la felctte, __ &: on ne parloit de rien moins que de me faire pendrez néant- moins mon innocence ayant effé reconnue, iefus envoyé dans un Holpital, où on retiroir les matelots bleffez. ly demeu- ray lix Semaines en attendant que les recommendations de mes amis de France m’obtinffent la liberté , &. me fiffent rendre tout ce que les Anglois m’avoient voIé,8£ qui fe montoit en Calice, Ciboire, Ornemensd’Eglifes-, Livres autres choies neceffai- res à nos Millions, à plus de quinze cens livres. M. ie Duc d’Elbeuf à la priere de mon frere, eut la bonté d’écrire à M. le Preffdent de Bordeaux Ambaffadeur de France 5 qui a la confideration de ce gencreux Prince, obtint des Lettres Pa- tentes de Milord Protecteur , pour me faire rendre tout ce qu’on pfavoit pris ; mais comme l’on ne fçait ce que ce ff qu e de rendre 'aux An t-ljles de t Amérique. 507 crrce pays- là, mes voleurs voyant que j’eftois las d’un fi ennuyeux fejour,& prefl à tout abandonner, retinrent lcsLcttres&: n’en par- lèrent qu’apres mon départ. M. de Cérillac au lieu de fe rebuter de ce fâcheux accident, fit bien voir qu’il effoit accoûtuméà faire des efforts genereux contre tous les ebfiaclesquis’oppofoient à lesdtfieins, fin at- tendit pas queie.le confolaffe, il me confolaluy-mefine , &me pria d’entreprendre un fécond voyage dans la Compagnie do M. de Maubray ion amy, capable d’une négociation de cette importance. Le R. P. Iean-Baptifte Feiiillet, Religieux de nô- tre Ordre , Millionnaire Apollolique dans les Mes, qui s’y en retournoit, pour foûtenir l’efiablifiemenc que le R. P.Ieande Eoulongue avoit fait depuis un an & demy à la Martinique, m’y accompagna. Nous prifmes la route de Holandc pour n’effre plus ex> pofez aux pirateries cruelles des Anglois : apres un fe- jour de fix Semaines , nous partîmes. du Texel au commen- cement du mois de Iuillet. Par un nouveau mal-heur nous fu fines douze Semaines en chemin ( ce qui eft fort extraordi- naire ) & fufrnes contraints par les mauvais temps de relâcher deux fois en Angleterre: fi bien que nous n’arrivafmes à la Martinique que le z8. Septembre mil fix cens cinquante- fix ; ie laiffe à parler de l’achapt que Monfieur de Maubray & moy filmes de la Grenade, dans la Lettre que j’écrivis de Zclande à Monfieur de Gérillac, pour l’informer de tout ce que nous avions fait aux Mes pour fon fer vice , pour m’ar- refier à un combat que nous eufmes contre les Sauvages en allant à Saint Chnfiophe , dans la barque de Monfieur le General du Parquet , chercher un Navire pour retourner en France. Sffij 5o3 EJlabliJfement des "François Combat contre les Sauvages. M.on retour en France avec M. de Adaubray . §. n. CEs barbares à la perfuafion d’un vieil Sauvage, qui avofc appartenu à Mademoifeüe delà Montagne qui preten - doit en avoir receu quelque déplaifir, avoient fait une entre- prife fur fille de Saint Barthélémy, dans laquelle il leur fervy de guide &c les conduifit de Café en Café ,011 ils maflacrerent feize perfonnes , & en. bleflerent plufieurs à coups de flèches; delà ils furent à fille de l’Anguille habitée parles Anglois, où ils tuerent prcfque tous les hommes , pillèrent &: brûlèrent les Cafes,lêrefervant les femmes ôc les filles pour en faire des efcla- y es , & pour en abufer. Nous ne fongions gueres ny à cette cntreprifè des Sauva» ges , ny à les rencontrer , lors que nous nous mifmes dans la barque de M. du Parquet pour aller à Saint Chriftophe, dans Tefperance d’y trouver quelque Navire preft à faire voile pour France ou pour Holande ; outre l’équipage de cette barque, dont les matelots efioient tous bonslbldats; nous avions le fieurde la Fontaine Héron Capitaine de fes Gardes, & le R, P. Bou- longne qui avoitaffaire à Saint Chriftophe. Cette barque eftoit montée de deux canons , & de deux pierriers ; mais elle eftoit fi embaraftee par la quantité des rafraifehiflemens , que la gene- rofité de M. duParquet y avoit fait embarquer, qu’elle eftoit fort peu en eftat de .combattre.: aufli ne fongeoit-on gueres à s’y préparer ; car outre que nous ignorions l’infulre des Sauva» ges, il y avoit peu de fujet de les appréhender , proche de Saint Chriftophe au milieu de trois Ifles remplies d’Anglois , leurs plus grands ennemis , & dans le paflage de tous les navires , aufli ie ne crois pas que depuis vingt ans les Sauvages eu fient paru dans l’eftat auquel nous les trouvafmes. Nouspartifmes donc delà Martinique le fiziéme Novembre, & le hui&iéme à la pointe du iour nous eufines comme un pre- aux tAnt-IJles de 1' Amérique. 5-09 fage de ce qui nous devoit arriver; ce fur unMetheore qui s’en- flamma vers la ponpe de noftre barque , & qui paflant avec grand bruit à la hauteur de nos mafts , comme un dragon de feu , s’alla diflîper & fo perdre vers le lieu où les Sauvages parurent un quart-d’heure apres. le les apperceus le premier au nombre de neuf pirogues, qui ne paroiiToient de loin que comme des morceaux de bois flottansjfur l’eau ; j’en advertis le Capitaine la Bourlotte, qui me dit apres les avoir confiderées; mon Pere, finous eftions autre part, ie croirois que ce feroit une armée de Sauvages, qui àroient a quelque expédition; mais un moment apres les ayant veu revirer , ils ecria pare pare le canon, ce font des Sauvages. Comme ils eftoient encore à une grande lieue de nous , nous eufl- mes le temps de nous préparer au combat, & de faire quelques prières ferventes &; courtes. La principale des pirogues laiflant les huiét autres à quartier, vint hardiment nous reconnoiftre. Noftre Capitaine fit ce qu’il pût pour la prendre de travers & paffer pardeftus, maisilsef- quiverent adroitement le coup, & fo tinrent toujours cap à cap de noftre barque. Nous avions fait braquer le canon pour pren- dre la pirogue de bout en bout, & il fut chargé d’un gros boulet, dune chaifne de fer, de deux facs de mitrailles & de balles de moufquet. La moitié des Sauvages delà pirogue ra- moit , tous les autres tenoient chacun deux flèches dans la cor- de de larepreftes à décocher; comme ils furent à vingt pas de nous, ils firent de grands cris £>c de grandes huées en venantfiir nous pour nous attaquer; mais comme nous allions à eux vent derrière, la grande voile de noftre maft de l’avantnous couvrait fi bien , qu ils ne purent faire leur décharge for nous ; 5 c noftre Canonier les voyant proches, prit fl bien fon temps, & mit le feu fi à propos à fon canon, que le coup emporta plus de la •moitié des Sauvages;ôcfi l’arriercdela pirogue n’eut baiflc,il n’en feroit pas echapéun foui. Il y en eut plus de vingt de tuez de ce coup, dont la Mer devint coûte fanglante autour de noftre barque, & la pirogue fut fendue & toute remplie d’eau : ellene îaifla pas pourtant de s’accofter de la barque ;Sc ccuxqui eftoient rechapez de ce coup nous voyant à découvert, tirèrent quan- S ff iij 5io Bfiablijfement des François rite de flèches, qui bleflerent deux de nos foldats , l’un au doigt , qui en fut quitte pour le perdre le lendemain , & l’am- tre à la cuifle, qui en mourut à la Martinique quelques iours ap; es. Nos deux Capitaines & nos foldats firent leur décharge ; 6£ parce qu'ils tiroient leurs fufils de fort prez, il n’y eut prefque point de coup qui ne portât & qui ne tuât un Sauvage: des fufils on vint aux piftolets, dont les coups ne furent pas moins heit- reux. Pendant qu’on fc battoir vaillamment de part & d’autre, vn vieil Capitaine Sauvage, voyant M. de Maubray fur fat- riere, îuy tira un coup de flèche avec tant de violence, quel- le cafla la clochette de la barque , fans laquelle il auroit eftfi tué , mais il ne le porta loin : car fur le champ, M, de Maubray luy tira un coup de fufil dans le cofté , qui le perça de part en part; & le voulant achever avecfon pifloler, le Sauvage efqui- va & fe.jetta à la mer avec fon arc 6e fes flèches, où tous les autres , bien que bleflez , ne laiflerent pas de le fui- vre. Si-toft qu’ils furent à la mer nous tâchafmesde fauver quel- ques prifonniers qui eftoient dans la Pirogue , nous en tirafmes aifément deux jeunes François; mais nous eftans miseneftat d’en retirer une fille Angloife, une vieille Sauvage la mordit à l’épaule, & luy enlcvaautant de chair, que fa bouche en avoit pû mordre; mais en mefme- temps un Sauvage Chrefiien que nous avions dans noftre barque , & enncmyiurê de ceux de fa . Nation, luy porta un coup de demy pique dans le col qui luy fit lâcher pnfe : cette hleflure pourtant n’empefcha pas qu’elle nefejettât derechef fur elle , 6e ne la mordit une fécondé fois à la fefle, auparavant que nous l’euilions tirée de la pirogue, dans laquelle un Nègre àquinoAre coup de canon a voie coupé les deux jambes , refufa la main qu’on luy prefenta pour le fauver; puis s’eftant levé fur le bord delà pirogue , il fe jetta la tefte devant dans la Mer; mais fes pieds n’eftant pas enco- re tout à fait feparez de fes jambes, il demeura acroché avec fes os, &fe noya miferablement. L’on fit aufii tout ce que l’on pût pour fauver une jeune Damoifdle Angloife, qui elloit la MaüU'dTe de cette fille qu’on avoit tirée dans la barque ; mais aux Ant-IJle s de l’ Amérique. j n ïa pirogue s’eftant fcparée de la barque, nous la vifmes quel- que-tcinps fur un coffre qui nous tendoitles mains; mais com- me nous allions à elle le coffre tourna, 8c nous ne la re vifmes plus. Pendant que nous effions occupezà fauver ces pauvres mi- ferables, noftre vieil Capitaine Sauvage tout bleffé qu’ileftoit Vint à nous, 8c fortant à demy corps hors de l’eau comme un [Triton, tenant deux flèches dans la corde defonarc, les tira dans la barque , 8c fe plongea en mefme temps dans l’eau ; il revint ainfi genereufement cinq fois à la charge, 8c les forces luy manquant plûtoft que le courage, nous le vifmes renverfer 8c couler à fond; un autre vieillard, qui s’eftoit tenu au gou- vernail de la barque, ayant lâché prife,fe mit à crier 8c à nous prier qu’on ne le tuât pas, j’en prié inftamment le Capitaine la Bourlote, quipour me contenter luy jetta un bout de corde, mais fi loin qu’il ne la pût attraper; & voyant qu’il faifoittous t es efforts pour regagner la barque , il luy tira un coup de mous- queton dans le vifage, qui le fit couler à fond. Au commen- cement du combat j’avois veu un petit Sauvage fur l’eau, qui ne pouvoit avoir que deux ans,rcmuansfes petites mains, mais il fut impoflible de le fauver. Si les huidt autres Pirogues fuffent venues à nous avec la cnefme refolution que ccux-cy, nous y ferions infailliblement demeurez; mais ayant veu le feu que nous avions fait fur la première, 8c s’appercevant que nous allions à eux à toutes voi- les, ils prirent l’épouvante; 8c ayant gagné le vent à force de rames, fe fauverent en une petite Ifle appelle e la Rotonde. Quin- ze ou vingt Sauvages qui s’eftoient jettez à la mer tous blef- fez, s’y retirèrent aufli apres avoir demeuré fur l’eau, les uns iufqu’au foir, 8c les autres iufqu’au lendemain. La vieille Sau- vage qui avoit receu un coup de picque dans le col, &un au- tre au deffous de la mammelle,s’y fauva aufli à la nâge; 8c la première chofe qu’elle y fit pour contenter fa vengeance 8c fa rage, ce fut de prendre un petit François âgé de douze ans, de le lier par le milieu du corps , 8c de le traifner le long de la coffe parmyles rochers, iulqu’à ce qu’il mourût dans ce tour- ment. 5 ir __ Eflablijfement des François Le Capitaine la Bourlotte qui a toujours efté l’ennemy irre-» conciliable de cette Nation, voyant tant depirogues échaper de fes mains, penfa rompre Tes mafts à force de porter Tes voiles trop prez du vent, pour en gagner le deffus ; mais les Sauvages firent de fi prodigieux efforts de rames qu’ils en furent les maiftres, lion pas pour combattre , mais pour fe fauver. Deux heures apres ce combat nous arrivafmes à Saint Chriftophe, où nous apprîmes à M. de Poincy l’irruption des Sauvages àSaint Barthe» lemy , & le détail de noftre combat avec eux. Monfieur le General y envoya auffi -toft une chaloir pe qui rapporta ceux qui s’eftoient fauvez de ce malfacre , en- tre lefquels il y en avoit plufieurs de bleflez, defquels j’en vis penfer un qui avoit un coup de flèche furie derrière de la cefte, dont le venin s’eftoit coulé fur los, tout autour du crâne. Le fleur deMénigant, Chirurgien de Monfieurde Poincy, Iuy fit une incifion depuis la nucque du col mfqu’au front, & une fé- conde depuis une oreille iufquesà l’autre, de forte que les qua- tre coftez de fa tdfe luy pendoient comme des oreilles de bar- bet ; ie le confeffay., & deux iours apres qu’il eut efté penfé , il devint fourd, ie le laiflay pourtant en affez bonne difpofîtion> mais ie ne lçais s’il mourut depuis mon départ. Les flèches des Sauvages ayant efté trouvées armées defer,' , nouvellement forgées dans quelque Ifle Françoife , cela fâcha fi fort M. de Poincy, qu’il me dit en colere; mon Pere, ie fuis fort tenté derendre la charité à celuy qui me l’a preftée , parlant de M. H Quel, comme il me l’expliqua dans la fuite de fondiG coursj M. Hoiiel pourtant qui s’entretenoit toûjours en paix avec les Sauvages, retira d’eux quelques femmes &. dix ou douze petits enfans, qu’il renvoya à M. de Poincy. le laiffay à. mon départ, les Iflesen affez bon eftat, les ha bi- tans commençoient à réparer les dommages que l’Ouragan leur avoit fair&le commerce s’y reftabliffoit comme auparavant. La feule Ifle de Sainéte Croix eftoit fort décriée, & tenue pour fi mal- faine, que perforine n’y vouloit allen ie confeffay à Saint Chriftophe un jeune Gentil-homme appelle M. de Vancé, un peu avant fa mort; il me tira les larmes des yeux en me racon- tant l’eftat pitoyable des habitans de cette Ifle; il y avoit efté par , par pure complaifance pour obligerM. de Poincy pouranimer les autres a y aller à fon exemple. Apres donc que nous eufmes demeuré fept ou huid iours à Saint Chriltophe, nous nous ernbarquafmes dans le navir« du Capitaine Lincour; & apres un voyage allez heureux, nous arrivalfnes à Flelîngue, d’où j’écrivis promptement cette Let- tre à M. de Cérillac, pour luy rendre un compte exact de tout, ce que nous avions fait. „ Voicy le temps qu’apres tant de dépenfes fans avancer af- faires, tant de peines louffertes par nos amis, tant de péril? ,, évitez, & tant d’obltacles lurmontez, vous elles arrivé au ter- ,, me & à l’accompliflement de vos defirs , nous avons faittout „ce que vous avez fouhaité , nous avons parcouru & v eu fort ,, exadement toutes les Ifies, & nous nous lommes informés avec ,) des foins incroyables de toutes les perfonnes les pluslinceres, „ les moins fufpedes& les plus expérimentées de tous les lieux „ou nous avons paffé; & aptes tout cela, nous avons eltéobli- „gcz de nous attacher au premier confeil que ie vousay don- ,,né, & M. de Maubray a elle contraint d’avotier que dans „ toute 1 Amérique il n’y a\7oit prefentement rien de plus af- fleuré, de plus utile, & dont l’on pût plus efperer, que de l’af- ,, taire que nous avons contradée; fi bien qu’ayant refoju en- ,, tre nous deux, de nous en retourner fans rien faire, ou de ,, traiter pour la Grenade; nous avons adroitement fait fonder „ M. du Parquet, & apres avoir connu qu’il elloit en quelque ,, refelution de vendre la Grenade, nous nous y fommestranf. „portez, 5c lavons prefque vilitée par tout, aulli bien que les ,, autres Grenadins, mais particulièrement Kayrioütcou^ qui elt „une belle & bonne terre avantagée d’un tres-beau Havre, „ qui eft capable de foutenir une bonne Colonie : pour fille ,, de la Grenade, elle eft une fois aulli grande que Saint Cliri- fltopbc; fon terroir eft un peu coupé de montagnes le long „du rivage de la BalTe-terre &: aux environs du Havre, ojr M O N S I E V R , I. Partie. Ttt 5^4 r Ejlabhffement des François jjfont les habitations, mais -tout le refte eft un tres-beau de >> tres-agreable pays, où les chevaux 8e les carolîes pourront jj aller partout, lors qu’elle fera découverte; l’on ne fçauroit jjprefque faire une lieue de chemin, excepté vers lesfalines, ou » Tonne trouve une, deux &• trois rivières ou fources creau jj vives; le. Sol y eft fi fécond, que tous les arbres qui le cou- j> vient font plus beaux, plus droits, plus hauts 8e plus gros que j> dans les autres Ifles où j’ay efté: la pefche 8e la challey lont j> incomparablement plus abondantes que dans toutes les autres 9> Mes ; il h trouve une grande quantité de petits animaux jj que Ton nomme ^Armadille ou Tatou, dont la chair vaut celle jî du mouton, & les habitans en font leur principale nourritu- jjre. Nous avons fonde le Havre, 8e l’avons trouvé fort net jj 8e capable de contenir cinquante navires ou barques à cou- jj vert de toutes les tempeftes ; proche du Havre il y a un grand >jEftang rond, fort creux, qui n’en eft feparé que par une di- jjgue de fable, large comme la chauffée de voftrc Eftang, Ia- j> quelle eftant coupée, TEftang pourroit contenir un très-grand j, nombre de navires de de barques , enclofes comme dans une jjboëte ; le Fort qui eft feitué entre TEftang 8e le Havre, eft j,un baftiment de charpente d’environ vingt-cinq pieds en », quatre, tout reveftu de planche 8e couvert deffente ou bar- jjreau; il eft environné à huiét ou dix pieds du baftiment d u« .,ne forte palliflade faite d’arbres tous entiers, aux deux coins j, qui regardent la mer il y adeux petits pavillons de charpente, „dans l’un dcfquels demeure M. le Commandant. L habita- tion de M. du Parquet eft un grand dcfcrtqui contienttou- ,, te la montagne prochaine du Havre, au bas de laquelle font „les magazins,qui font cent ou cent vingt pieds de baftimens „ de briques 8e de charpente. L’Eglife eft feituee fur cette ?, place à environ trois cens pas du Fort, mais elle neft que 3, de fourches 8e de rofeaux, de tout le dedans fort pauvre; ÿj toute cette place eft couverte de Magnioc, de patates 8e de ?îpois & plantée d’orangers, 5c d’autres fruiéts; il y a fur cette p, place douze grand Nègres de plufieurs petits qui ne font pas 3, encore mis au travail, comme aulli vingt ou vingt-cinq en- ç, gagez pour trois ans, qui n’ont pas encore accomply le premier.; aux J nt-IJles de /’ Amérique. 515 j,Iïy a dans l’Idc trois cens perfonnes habituées, & toutes telle" ,, ment placées, que de fîx en fix Cafés, il y a un petit Fort ou „ baftiment de charpente, à deux cftages couvert de barreau, ,,-0U les habitans des fix habitations fe retirent la nuid pour „ éviter les incurfions & furprifes des Sauvages; car deiour ils «•ne les craignent pas, il y a dans quelques-unes de fes habi- tations plufieurs moufquets, &: dans le Fort quelques fufiis, «•qui font à M. du Parquet; il y a douze belles pièces deçà. » non de fer, depuis huid iufqu’à douze livres de balles, tou- tes les uftencilles neceffaires pour une telle habitation def- ,, quelles nous avons pû avoir le mémoire, avant que départir. ,, M. Renaudin que nous avons commis de voftre part pour „ avoir le foin de tout, nous mandera le détail de ces petites „cho fes, c’efi: un jeune homme de probité connue, tres-fage >r& fort expérimenté, tant au travail du pays qu’au trafic; il „ a du bien , 5 c prend une habitation dans FI fie de la Grenade, ,roù il fera une Indigotterie ; il aura le foin de faire travailler „tant vos cfclaves que les engagez, félon les mémoires que „nous luy avons donné; cela fuffit prefentement pour ce qui ,, regarde l’Iflc, venons au marché & au Traité qui en a efté j, le plus contcfié, le plus rompu & renoué, & le plus de fois „ dcfefperé qu’autres Traitez que j’ay veu faire. M. du Par - „quet me dit d’abord qu’il ne vouloit ny terre ny rente, ny „ papiers ny debres en payement, mais de l’argent comptant „ clair &. net, qu’il commençoie à cueillir Iesfruitsdc ce qu’il .,,avoit femc dans la Grenade, & qu’il avoir advis par le Ca- ,,pitaine Balliardet qu’il y avoit une pefche de perle fur un „ banc qui dépendoit de cette Ifie, & qu’en un mot ilcnvou- ,, loit avoir cent mille livres; la prudence de M. de Maubray j, parut extraordinairement dans la conduite de cette affaire, 8c 3, ie crois fermement que tout autre que luy ( & M. du Parquet ,,1’advoüe) ne I’auroit jamais faitvenir au but où il eft arrivé. ,,Les Claufes principales du Contrad font, que M. du Par- „quet vous vend le fondée le très- fond &: Seigneurie de l’Ijflç „ de la Grenade & Grenadins, l’habitation, tous les cfclaves «& engagez, tous les calions, fufiis & moufquets, munitions 3, de guerre , baftimens, uftencilles, & generalement toute? Tccjÿ **\6 EJlabhJfemeM des François „ les chofes à luy appartenantes dans rifle de la Grenadei il „fe demet aufli entre vos mains, fous le bon plaiflr du Roy, 3, de la Lieutenance generale: tant les efclaves; qu’engagez tra- ,, vaillent dez la première nouvelle de la vente à voftre pro- 3,fit j & font des viures pour iooo. perfonnes avant que vous ,3 arriviez. Vous devez dans la Saint lean prochaine prendre 3, pofleflion par vous ou un envoyé de voftre part, & pendant 3, tout ce temps M. du Parquet doit entretenir flfle de toutes 5, chofes, & la deffendre contre tous ennemis; fi vous tardez „ davantage, les frais rai fonnables pour la fubflftance de la gar- 55 mfon, ou pour la défenfe deflfle, feront à vos dépens ,tout 9, cela moyennant la fomme de trente mille efeus, dont vous 5, devez mettre la moitié entre les mains de M. de Miromé- 5, nil avant la prife de pofleflion. & le refte dans un an; voila 3, les principales conditions du Contrad , tout le refle des cir- confiances font à voftre avantage, ou;de peu de confequen- 3, ce : la cherté du prix ne vous doit pas eftonner ; car ie vous 3, puis bien affleurer que fl vous croyez le confeil de vos amis, 5, vous ferez non feulement une chofe tres-conflderable , mais „avant trois ou quatre ans, vous tirerez fans le principal dix „ fois autant que vous y aurez mis. M. de Poincy & les att- itrés Gouverneurs regardant cét affaire comme la plus belle s, chofe qui fefoit encore faite dans les Iflespar noftre Nation,. 3,prefque tous les habitans des lieux où nous avons pafflê fe 3, difpofoient à fe retirer dans la Grenade, mefme desperfon- 3, nés tres-riches, en un mot, on vous attend comme un Seigneur 3, fous lequel l’on efpere de refpirer un air tout autre que ce- 3, luy qu’on a goûté iufques à prefent dans les Ifles, particu- lièrement dans la Grenade, où tous les habitans font des 3,vœux pourvoftre venue , pendant que j’en fais icy pour; yoflrc p} profpenté ; & vous prie de croire que ie fuis , Voftre tres-humble ôetres-affedion- Flefwgut ce qvlnx^s- né ferviteur , F. I. B. dv Tertre, fne janvier i6^y. de l'Ordre des Frétés Prefchcurs. aux Ant-Ifiesde î 'Amérique. 517 ;ç^îr£. de Cérillac va en pet forme pour prendre pofjefsion de la Grenade 5 Son embarquement au Havre de Grâce ; fÿ les mal -heurs qui /’ obligèrent de retourner en France y a ou en- fin il alla dans les Ifies . §. ni. MOnfieur le Comte de Cérillac ayant receu ma Let- tre , diipofa toutes chofes pour aller luy-mefme pren- dre pofieifion de la Grenade , & fit de grandes dépenfes, tant pour amafier prez de quatre cens hommes , que pour faire fes provisions , qui eftoient plus que fuffi Tantes pour faire réüfiir Ton entrepriTe , fi le Marchand avec lequel il Contracta à mon infceu, pour le fret d’un Vaifieau de quatre cens tonneaux , appelle le S. Antoine, ne Iuy eut manqué de parole. Car ce navire qui de voit eftre prefipourle Tcptiéme d’Octo- bre, Te trouva aufli avancé lors qu’il arriva au Havre avecTon monde, comme le jour qu’il en party , fi bien qu’il fut obligé de mettre tous Tes hommes dans deux hcux, qui efioient à îa rade , où le Marchand ayant efié obligé de les nourrir pen- dant deux mois , ils y fouffrirent plus de miTeres qu’ils n’auroient fait dans trois voyages à l’Amerique. M .de Cérillac s’eftant arrcfté à Hontfleur avec les principaux de Ta fuite, & quelques familles de ces quartiers qui s’alloient eftablir à la Grenade, ils y mangèrent iufqu’au dernier Toi -,&c n’ayant plus dequoy fubfifter, ils vendirent leurs hardes, &: s’em- barquèrent fi gueux & fi dépourveus de provifions, que la moi- tié fuiTent morts de miTeres en chemin auparavant que de re- gagner les Ifies, fi nous eufiîons continué le voyage. Le Marchand Te plaignant d’avoir efié trompé dans le mar» ché qu’il avoit fait ne Te prcfioit nullement .M. de Cérillac pour- T tt îij 518 EJlabliJfement des François tant fc fut delivre de ce furieux embarras , s’il eut voulu fin- vre mon confeiL, 6c celuy des plus fameux Marchands du Ha- vre, qui s’eftoient offerts à moy de Iuy fournir trois beaux Vaiffeaux, 6c mefme d’envoyer quantité d’hommes à la Gre- nade avec Iuy pour y cultiverdes habitations; mais il alla paffer un marché avec. le fieur. Pape, qui a efté la caufe de tous les mal- heurs qui Iuy arrivèrent depuis. Enfin fon Marchand ne -pouvant plus reculer, accommoda: fon navire, apres avoir encore receu quelque argent de Iuyÿ . Sç fit femblant de vouloir mettre en mer apres avoir donnéle mot à fon Pilote de le faire périr , auiîi bien ne valoit-il pas^- grand chofe : cela parut clairement aux yeux de tous les bour- geois du Havre; car il fit déployer la grand voile dez le mi- lieu du canal, ce qui ne fe fait iamais, 6c vint à pleines voi- les heurter un fi grand coup contre la digue, qu’il fut entendu de Hontfleur;& le Pilotte croyant que le navire en avoir affez, fauta à terre de l’autre cofté 6C fe fauva* Le fils du- Marchand qui effoit le Capitaine de ce navire, le pouffa en mer mfqu’â la portée du moufquet; 5c voyant qu’il faifoit beaucoup d’e2u, il retourna à pleines voiles, & don- na par trois fois du beaupré contre la Tour; ce qui nous obîff. gea de retarder encore plus d’un mois , & M. de CénIIac d’a- vancer encore de l’argent pour raccommoder le navire. Pendant ce temps M. de Cérillac fe laiffa perfuader par Iô Capitaine de fes Gardes, de prendre certains Religieux Ca- pucins, qui Iuy promettoient de Iuy fournir autant d’hommes qu’il en faudroit; j’appris qu’il avoit traité avec ces bonsPeres, & qu’au préjudice du contrat qu’il avoir pafic à Paris avec nos Supérieurs, 6c de tous lesfervicesconfiderables que ieluy avois rendu, il alla au Havre trouver le R. P. General des Capucins, pour traiter avec Iuy, 6c pour Iuy demander de ces Religieux qui Iuy a voient fait de fi belles offres; il les luy-re- fufa pour cette année , avec promeffe de Iuy en fournir Fan- née prochaine, autant qu’il en demanderoit. Mes amis dePa- ris qui feeurent auffi-toff quê moy cette negotiation, mecon- feillerent par leurs Lettres de le quiter 6c de me retirer; ie 1 putois fait s il eut eu d’autres Religieux pour l’accompagner^ 0 aux Ant-TJles de l* Amérique. ^9 î*?aÎ5 n’cn ayant point, quoy que rembarquement de certaines créatures qui dévoient faite le voyage, fut un prétexté affez fpecieux pour m’en difpenfer; ie crus qu’il y auroit quelque forte de lafchetc de le quiter, & ie refolus de mourir plûtoft que de l’abandonner dans un temps où il auroit befoin de moy. Il fut pourtant depuis ce temps-là toûjours en défiance de moy , & fes gens qui connoiffoient bien la difpofition de fon efprit , me firent plufîeurs infultes, que ie di/Iîmulay avec adreffe de peur d’effre obligé de m’en plaindre; dez-lors iene me rnélay plus d’aucune affaire, biffant agir M. de Cérillac à fa fantaifie. Enfin tout fon monde ayant effé embarqué avec affez de confufion, & ayant mis le Chevalier du Bois fur un Flibot qu’il avoit fierté à Dieppe, pour aller à la coffe de Guinée, le navire forcit du Havre; & dans la crainte que le Marchand du navire, ou fon fils qui en eff oit Capitaine, ne luy fifoent quelques nouvelles friponneries qui l’en pût retarder , il demeura toûjours à bord. Enfuite de cét embarquement il fit un coup d’un homme qui n’entendoit nullement la mer ; car le premier Dimanche de Décembre de l’année 1657. ayant veu un grand navire de Bayonne qui fe mettoit en mer, il fit tirer un coup de canon, & commanda qu’on levât I’Anchre, le vent eftant contraire, & durant la tempefte : il me biffa à terre avec fon Lieutenant quatre ou cinq de fes principaux matelots, calfadeurs, &. quel- ques-autres: &: il fallut nous mettre en danger de perdre mil- le fois la vie pour regagner le navire qui effoit * déjà fous yoile. La nuiét venue, k Chevalier du Bois voyant que la tem- pefte s’augmentoit, & les vents tout à fait contraires, s’appro- chade nous, cria qu’il falloit relâcher; mais M. de Ccrillac toûjours dans l’apprchenfion que fon Marchand ne luy fufei- tât quelque nouvelle occafion de retarder dans le Port, refo- lut de tenir la mer, contre le fentiment de tout le monde; en- fin la tempefte devint fi furieufe pendant la nuiét, qu’on eut bien voulu relâcher, mais il n’cftoit plus temps; le timon du tjaYÎrc fertit du gouvernail, & quelques fabords s’eftans ou- 5io BJlabliJfement des François verts, Peau entra de trois pieds de haut dans !e navire, tourte mondeTe crut perdu, moy-mefme voyant cette quantité d eau, îe tombay dans leur fentiment, ne croyant pas que les pompes pufient fuffire à la vuiaer; ie fi’ay jamais rien veu de plus pi- toyable, carontomboit les uns fur les autres, tout nâgeoitdans. Peau, les canons qui n’efioicnt pas bien amarez rouloient d’un bord à i’autre ; les uns cnoient qu’on les érouffoit, des pauvres, malades demandoientmiiericorde, & la confufion efloitli hor-~ rible qu’on ne fe reconnoiffoit point ; fi bien que dans l’horreur delanuidf &: i’apprehenfion delà mort; quelques-uns confeffe- rent tout haut leurs pechez. Cette tempeile dura trois jours, pendant laquelle il mourut quinze ou vingt pcrfonnes que nous jettafmes à la mer ; &tout ce que nous pulmes faire apres mille peines, ce fut de gagner la cofte d’Angleterre, & d’aborder à Portfmouthc, où le navi- re fut dégradé, & tout le monde mis à terre, plufieuts mouru- rent demifères, la plufpart des autres deferterent , le fils mefme deM.de Cérillae s’enfuie, mais il fut ratrappé. M. de Cérillae s’eftant broüillé avec le Capitaine du navi- re, s’en alla à Londres plaider contre luy , où il demeura fort long-temps fans nous donner aucune de fes nouvelles-, fi bien que n’ayant pas dequoy fubfifter avec mes Religieux, & que d’ailleurslesÂngloiscfioienttous les jours furlepoind de m’afi. fafiiner , iemeretiray en France, accompagné du Sieur le Moy- ne Médecin. Enfinapresavoir bien eu de hpeine à reftablir fes aifaires, il envoya ion Lieutenant pren dre poifeilion de la Gre- nade , & y conduire les hommes rechapez de ion débris; ie ne fçay pasdequelle maniéré il self comporté dans les Mes, ny les crimes dont il fut accule, mais les habitansluy firent fon pro- cez , & il fut tiré par les armes. M.de Cérillae y fut l’année 16Ç&. apres avoir encore eifuyê des mal-heurs inconcevables, defquels n’eltans pas fuffiiamment in- formé, non plus que de la façon dont il s’y eft gouverné, j’ayme mieux n’en rien dire, que d’avancer quelque chofe de douteux, 8£ que ie ne fpay que fur de fimples rapports. aux Ant-Ifles de t Amérique. jir Mort Chreft terme de M. du Parquet , & fa Pompe funebre . Réfutation des Calomnies avancées contre fa mémoire par l'autheur du voyage de Cayenne . CHAPITRE XIX. CEtte année 1658. fut funefleà la Martinique par la more de M. du Parquet; Tes gouttes y contribuèrent beaucoup; mais le déplailir qu’il receut de fon peuple , qu’il avoit tant aymé: & qu’il avoit eu plus de foin d’enrichir que fes propres en- fans , Iuy fut il feniible, qu’il a fans doute notablement avancé fes iours. La fuite des Negres l’ayant obligé de mettre une barque en mer pour faire la guerre, aux Sauvages qui les retiroienc, il ne donnoir point de repos à fes Gardes, 6c les envoyoït tous les iours en parti; mais les voyant accablez par l’excez du travail , &aue d’ailleurs il falloir de plu s grandes forces pour arrefter les Negres; & pour faire peur aux Sauvages, îlpropofaau peuple de lever de petits droits, qu’il leurpermir de tirer eux-mefmes par les Syndics qu’ils deftineroiétpour ce fujet,& quileur entiendroient compte. Bien que cette demande fut d’autant plus jufte quelle regardoit le bien de tous Ieshabitans, qui avoicnt plus à perdre que Iuy dans la perte des Negres , ayant alTezde gens pour conferver les liens, ncantmoins il futrefufé toutd’une voix ; &quoyqu’iî leur pûtreprefenter, il iuy fut impolfible de les faire entrer dans fonfentiment. . Sa grande Barque commandée par le Capitaine la Bourlote ayant elfe brifée à la code; quelques iours apres la propofition quil avoit faite au peuple, toute l’IHe fut en proye aux incur- fions des Sauvages; on n’entendoit queplaintespar toutel’Illc3& I. Partie, ~ Vvv |.ii EJlabliJfement des Trdnçon chacun perdoit Tes Negres; mais M. le General' ne répondoft autre chofe à leurs plaintes, linon qu’il fe voyoit dans l’im- puiffimce de faire tout feul une fi grande dépenfe ; & qu’il paye- roit volontiers la moitié de tous les frais neceffaires à pouffer les Sauvages, ce qui fit qu enfin ils refolurent de fe eottifer 8c de payer quelques petits droits pour lever du mon de & monter une galiotte qui feroit inceffamment le tour de l’Ifle. M. de la Vallée Capitaine du quartier delà Cafè-P ilote, pria dans le mefme temps M. le General 8c Madame fa femme de luy faire l’honneur de tenir fur les Fonds de Baptefme l’enfant dont Dieu avoit beny fon mariage. Le lendemain de la Ce- remonie comme il eftoit dans la grande place à vingt pas du Corps de Garde, un habitant nommé Bourlet luy vint dire in- fdamment de la part de tous les autres, qu’ils ne ne payeroient pas les. petits droits, 8c qu’ils eftoient refblusdc tuer ceux qui luy en a voient infpiré le confeil , en mefme temps il vit bien deux cens hommes fous les armes au bout de la place; tout cftropié qu’il eftoit des mains il voulut tirer fon épée pour tuer cét infolent,- mais n’en pouvant venir à bout, il fe retira au Corps de Garde avec fes gens en refolution d’aller attaquer ces mutins; mais en mefme temps fongeant à Madame, qu’il aymoit tendrement , 8C qui eftoit prefte d’accoucher , il ré- prima toutes les faillies de fon reffentiment , 8c diflîmula fa fâ- cherie; ce qui l’ayant faifi, luy caufa un mal de cœur qui luy dura âufqu’à la mort. Deux iours apres fçachant que ces rebelles avoient dépef ché un homme au quartier du Prefcheur , pour donner advis de ce qu’ils avoient fait, & pour animer leshabicansà fuivreieur exemple , il monta à cheval 8c y fut , fans eftr e fuivi que de fes Gardes 8c de quelques Officiers, où il fit payer ces petits droits auffi bien qu’au Fort Saint Pierre 8c au Carbet ; mais avec une hauteur qui épouventa tellement les plus feditieux,que pas un îfofa branfler: Neantmoins,quoy®que fon grand courage luy ht digerer cette afflidionà l'exterieur, il en fut fi fenfibiement touché , qu’eftant allé quelques jours apres chez nos Peres , en qui feuls il avoit une entière 8c véritable confiance, il leur dit -qu’il eftoit mort, & que l’infolençe de Bourlet l’avoit frappé au aux Ant-IJle s de l Amérique. cœur. II fut bien trois heures feul avec eux dans leur Café où il leur déchargea fon cœur, & leur dit beaucoup de fujetsde mécontentement qu’il avoit de certaines perfonnes qu’il avoit infiniment obligées, apres quoy il s’alla mettre au lid en fa mai- fon , où il mourut le troifiéme Ianvier à une heure apres mi- nuiét. Sa fin efi: fi admirable ëc fi Chreftienne, que ie ne puis me dif. penfer d’en faire part au public, & de mettre icy une copie de la Lettre que le R. P. Iean - Baptifte Feüillct , qui Iuy ferma les yeux, auecle R. P. Bonin Iefuitc , m’en écrivit le lendemain. j\4oN REVEREND PERE, P«x cinjtï. 3r le reviens des funérailles de M. le General, le cœurfiaffli» „ gé & i’efprit fi rempli des cris, des gemilfemens & des lar- moies de nos pauvres habitans , que ie ne fçay comment vous „ en écrire la mort. Quelques iours apres la ledition arrivée la Café Pilote , il pafia toute une matinée chez nous pour dé- charger fon cœur au R. P. Boulongne fon Confefleur , en qui ,, il avoit la derniere confiance, apres Iuy avoir déclaré le dé- ,,plaifir qu’il avoit de l’ingratitude d’un peuple qu’il avoit ay- „ mé avec tant de tendrelfe ; il s’en retourna à la Montagne j, avec une douleur de telle , qui l’obligea de fe mettre au ,, Le lendemain la fièvre, qui navoitque fortpeu paru, de- >,vint tres-violente; trois iours apres les goûtes joignirent leurs „ douleurs aux ardeurs de la fièvre, & le reduifirent en unefiat „ qui nous faifoit pitié; le trentième Novembre fes goûtes ,, remontèrent; ace prefage de mortildemandales Sacremcns, „ qu’il receut avec une dévotion qui nous droit les larmes; il „ voulut abfolumentqueles Valets de chambre le milTent àter- „ re , afin> nous dit-il, d’adorer avec plus de refpeét le tres- „ Saint Sacrement, &de faire nud en chemife amende honno- ,> rable à Iefus-Chrifl: , de tousles pechez qu’il avoit commis dans 3,.le cours de fa vie. Le quatrième iour qui précéda celuy de fa mort , fentanc V v v i j nj j 2.4 Efiabhffement des François ,,affbiblir Tes forces, il voulue fe débaraffer Fefprit de toutes, „les chofes de la terre pour ne plus penfer quà Dieu feu h ,5 Apres avoir fait fon teffament, il pria Madame la Generale „ d’agréer qu’il luy dit le dernier adieu, afin qu’ai ne penfât plus „ au inonde. Quelque violence que Madame fouffrît à fepri- „ ver de la conlolation de le voir iufqu’à la fin, elle y confen- ,, tit s mais ce fut avec une fi grande affliction d’efprit, quelle 3) en tomba pafmée en fa prefcncci eftant revenue, M.luydon- s,naie dernier baifer, que Tertulien appelle la confolation du- 3, ne fainéte amitié , Pietatis janiï&JoUtium, 6c la benediétionà ,, fes enfans; ils fe quittèrent les larmes aux yeux, pour ne fe „plus revoir que dans le Ciel. „ Apres avoir dégagé fon cœur de ce qu’il aimoit le plus au monde, il fit appeller M. Fournier, luge Civil 6e Criminel, „ &c l’obligea de brûler en fa prefence les informations qu’il 3, avoir fait contre Bourlet ( lequel les principaux Officiers 6c 2, habitans vouîoient qu’on fie mourir comme un feditieux ) s, avec cette parole Chreftienne, qu’encore qu’il fut la caufede 5, fa mort , qu’il luy pardonnoitd’auffi boncœur, qu’il fouhaitoit s, que Dieu luy pardonnât fes fautes. „ Il chargea le R. P. la Borde Iefuite , d’aller trouver le fieur ?,Foppe Marchand Zelandois, pour retirer la permiffion qu’il 3, avoir extorquée de luy à force de prières , d’achepter uneha- 3,bitarion dans fon Ifle , voulant que la loy effablie dans ,, flfle, qui défend aux hérétiques d’y avoir aucune place, fub- s, fiftâr. 3, Pendant tous ces trois fours il ne penfa plus qu’à Dieu, de ,, moment en moment nousluy difions les uns apres les autres, „ quelque parole de l’Ecriture qu’il ruminoit en luy-mefme, ôc 3, dont il produifoit des aétes, tantoft de penitence, tantoft 3, d’amour de Dieu, quelquefois de confiance, 5c fort fouvent 9, d’une parfaite refignation aux volontez de Dieu. Le R. P. „ Bonin luy ayant demandé s’il ne s’ennuïoit point de fouffrir, 3, il luy répondit \ non monPere, ie ne voudrois pas que Dieu î, avançât ma mort d’un inftant pour m’en délivrer , ie voudrois s, en fouffrir mille fois davantage. La veille defa morcie l’ex- „ h or t ai àprononcer le Sacré Nom de Iefus, pour gagner l’in- aux Ant-IJle s de F Amérique. jij U dkilgence Plenicreque les Souverains Pontifes ont accordée ,, aux Affociez de la Confrairie du Sait*" Nom de Iefus, que jjj’avois eftablie depuis un an dans flû’, fit dans laquelle ü ?, s’eftoit mis avec toute famaifon ; il. le prononça quantité de i, fois avec des affections incroyables, exhortant hautementfes y, Officiers d’empêcher les blafphémes, & en les affeurant qu’il î,voudroit que Dieu le punît dans le Purgatoire, autant de „ temps qu’il luy plairait ,pourveu que les habitans ne juraffent ï, jamais; Enfin, apres a/voir confirmé le refte de fa vie dans s, tous les aétes de toutes les vertus Chreftiennes, il rendit fa j, fainéte ame à Dieu à une heure apres minuiét , le troifiéme p, iour de Ianvier. 3, Il fut ouvert fur les fix heures du matin; comme il s’effoit plaint d’ungrandmal de cœur pendant fa maladie, on en fit ?, la difleétion, il en fortit un grumeau de fang à demy caillé, gros comme un œuf de pigeon. Il cftoit yenu une pirogue ,,de Sauvages la mefme nuiét, jamais ils ne voulurent croire j, que M. le General fut mort, il fallut leur montrer : ils furent 3,faifis d’une fi horrible frayeur, qu’ils s’enfuirent en heurtant ?, comme fi on les eût pourfuivis -, apres qu’on eut enfeveli le 5, corps, on le porta dans fa Chapelle, où le R. P. la Borde, le R. P. j, Boulongne fie moy celebrafmes la fainéte Meffe, en attendant a, qu’on le portât pour l’enterrer. P Les Compagnies de M. de la Garenne, du Fort Saint Pier- „re, 5e les deux du Carbet eftoient fousles armes; à dixheu- ,,res du matin on commença à fortir pour aller à l’Eglife, toute ,, la Milice marcha en bel ordre, les moufquets baiffez fie les j,picques traifnantes, les tambours couverts de ferge noire fon- ,, noient un fon lugubre, qui marquoit l’affliéiion publique. js La Compagnie du fieur la Garenne marchoit la première, celle de M. d Enambuc conduite par le fieur le Vaffeur En- 3, feigne, alloit apres; une du Carbet alloir enfuitc, ficM.de la „Houlfaye conduifoit la Colonelle; ces quatre Compagnies ,,faifoient au moins fix cens hommes; le Clergé compote de „ trois Prefrres feulement, des RR. PP. Iefuites, fie du R. P. ,, Boulogne fi c de moy, marchoit enfuite chantant l’Ôffîce des „ Morts.- Immédiatement devant le corpsmarchoit M. de la S ff iij 5 16 Eftabliffement des Fr an fois „ Fontaine Héron' Capitaine des Gardes de feu Moniteur» Ht: 3, telle de douze Gardes reveftusde leurs Cafaquçs d’écarlate 3, avec la Croix blanche , tous avec le moufqueton &: la ban» 3>doüilIiere. Quatre Capitainestenoientles quatre extrémités 33 du Drappeau de la Colonelle, detafetas blanc parfemé de fleurs 3, de lys d’or en broderie , & enrichy d’une Image de la V ier- 3,ge, qu’on avoit mis fur le drap mortuaire? un Officier por- 3, toit le Cafque apres le corps; un autre fes Gantelets; & un 33 troifiéme fon épée envelopée d’un crefpe; huid des plus con- 3,fiderables habitans portoient le corps, apres lequelun Gentil» . 3, homme portoit le j eune M. du Parquet, fils puis-aifné du Dé-* 3, fund. Depuis la Montagne iufqu’à l’Eglifele chemin eftoit 3, bordé de femmes , d’enfans & d’efdaves qui eftoient venus d© 3, tous les quartiers de l’IHe; ie n’ay rien entendu de plus pi- 3, toïable au monde, ce n’eftoit que pleurs &gemiflemens ,Ies jvuns foûpiroient, les autres pleuraient ; ie vis mefme des Né-* 3, grès fe frapper le corps ÔC s'arracher les cheveux, pour témoin 3, gner leur extrême afflidion. Apres la grande Meflèon enter- „ ra le corps au bruit de tout ie canon du Fort, & de la Moufquete* „rie, qui fit trois falves pour honnorerla mémoire de l’Hludre ,, Dé fund: 3, Tout le peuplé ell: icy dans une conftèrnation effroyable 3, chacun à perdu en la mort de Monfieur; l’Eglife y a perdit „ fon Protedeur, nous y avons perdu noftre bien-fadeur, le 3, peuple y a perdu fon appuy , les pauvres y ont perdu leur 3, Pere. Il n’y a que voftre arrivée qui nous puiffe confoler. „ En vérité M. de Cérillàc tarde beaucoup , les affaires en dé- „periffentà la Grenade: iene recommande point à vosprieres . ,,1’ame de feu Monfieur , vouslaymiés trop pour l’oublier de» „ vant Dieu, ie ne doute point que nos Peres ne Iuy rendent „les mefmes-affiftânces. Adieu, mon tres-cher Pere, venez- ^promptement confoler par voftre prefence celuy quieft dans , „la charité de Iefus-Chrift, MON REVEREND TER E, *4 U Martinique ce qua- V oftre tres-humble &: tres-obeïffarït trime lancier 1658, ferviteur, F. I. B. Feüil let.:' J mix & Ânt-î]les de /’ Amérique. T’autheur de la Relation du voyage dcCayenneatraitélame- moire de M. du Parquet avec tant d’outrage, qu’cncore que iene nie charge point de taire Ton Apologie, ie me fens obligé par le de- voir de l'amitié, de-refuter les calomnies dont il tafehe à noircir la réputation; Iratus, difoit Sénecque, non nifi criminalcquitur,\Q ref- fentiment qu’il a conlervé contre M. du Parquet de ce qu’il lie luy avoir pas permis de defeendre en fon Ille à Ion retour <âe Cayenne, eft le fujet des médifances atroces qu’il avan- ce contre luy. Il le traitte de Tyran , & fe compare à un Martyr dans la Lettre qu’il dit luy avoir écrite du VailTeau; luy qui eft Preltre ne dévoie pas ignorer que ce n’elt ny la douleur ,ny les fupplices, qui font l’elTence du Martyre; mais le fu» jet pour Iequelon endure, Martyrem non facitpœnafed cmfr, En vé- rité c’elt traiter un Lieutenant General pour S - M. avec bien peu de relpeét;&ie me fens obligéde dire pou r faire connoiltre fon in- nocence au publie, qu’à la déroute de la Colonie de Cayenne, plu- fieurs ayant mis pied à terre à la Martinique, quelques-uns apres avoir rendu leurs civilitez àM. du Parquet, le plaignirent à luy de la conduite de cét Eccleliallique, &: mefmele voulurent en ve- loper dans le meurtre qui avoit efté commis en Iaperfonne de M. deRouville.M.du Parquet quihonnoroit infiniment tous les Ec- delialtiques,pourn’eftre point obligé d’écouter les plaintes qu’on luy faifoitcontrc le heur Biet, &: de recevoir les accufacions qu’on vouloit luy prefenter, envoya le S. la Fontaine Héron au VailTeau lefalüer delà part, luy offrir toute forte de rafraifchilfemés, & luy témoigner le déplailir qu’il avoit de ne luy pouvoir pas permettre de defeédre à terre. Ce refus plein de relpeét ôc de civilité,n’eftoit pas fans doute un fujet à M. Biet de traiter de tyran le Seigneur d’une Ille, le Gouverneur d’une place, & un Lieutenant General pourle-Roy , ôcdeluy reprocher qu’il pennettoit aux lui fs de te- nir leur Synagogue, pendant qu’un Preltre de I. C. eitoit dans les chaifnes: care’ell une impollure effroïable,& un menfonge énor- me, de dire qu’on ait jamais donné la liberté aux Iuifs de faire la moindre aétion de leurReIigion,tous les habitas font des témoins irréprochables de cette vérité, ôcily en a quantité à Paris qui le certifieront.M. du Parquet ne fefervoit des Iuifs qui choient ve- nus du Brefil en fon Ille, que comme d’efclavespour le bien de fon 5 1 8 Efiahlijfement des François peuple , ainfi que l’on s’en fert à Rome , en Avignon & à Metz. Voyage du R . P. Jean- Baptifie Feuillet , en France , pour demander au Roy U Charge de Lieutenant General pour Ad. düEnambuCy fils aifiié de Ad. du Parquet. DEz le lendemain des funérailles de M. du Parquet, Madame la Generale fuipendant la douleur pour fonger aux affaires ; prenantes de Meilleurs fes Enfans,tint confeihauquel elle appella le R. P. de Boulogne, Supérieur de noftre Million, & le R . P. Bonin Supérieur de celle des RR. PP. Iefuires, avec tous les Officiers & les principaux habitans, pour prendre leurs avis . fur les moyens qu’il Falloir tenir pour demander au Roy la con- tinuation des Charges pour Ion fils aifné. Apres une meure délibération;, pnrefolut d’envoyer un Of- ficier en France, & le fieur le Vaffeur fut choifipour ce lùjet; . mais ayant fait connoiftre le danger qu’il y avoir qu’il ne .fût arrefté à Saint Chriilophe, l’on jugea plus à propos de prier un Religieux de faire ce voyage. Le R. P. Bonin Iefuite s’eftant excufé de le faire, à caufe du petit nombre de Re- ligieux; Madame du Parquet pria le R. P. de Boulogne de luy rendre ce fervice ; mais fes affaires iie luy permettant pas de quiter Tille, illuy offritle R. P. Feiiillet, quelle accepta. II fe chargea d’autant plus volontiers de cette Com'miflion, qu’il aimoit & qu’il honnoroit particulièrement feu Mon fieur du Parquet : & il partit dez le lendemain pour aller chercher à S. Chriftophe un navire quipaflaten France ou en Holahde. Si-tofl: qu’il fut parti, Madame du Parquet fut receuë à fa - telle des Compagnies de tous les quartiers , & reconnue pouf Dame 8z Gouvernante de fon îfle : on luy prefta le ferment de fidelité avecles ceremonies ordinaires, Sc avec autant de ré- joüiffance aux Ant-ljles de ï Amérique. 52,9 jouïfîance que l’eftar prelent de fa douleur en, pouvoic fouf- frir. Le R. P. Feüilleteftant arrivé à Saint Chriftophc, donnales Lettres donc il eftoitchargé à Monfieur de Poincy, & demeura trois Semaines dans (on Chafteau, en attendant que le Capitaine Anance Seutrefof, qui commandoit un navire de Fieffingue, fur preft à faire voile. II en partit à la fin de Janvier : & apres avoir reccu la Lettre fuivante de Madame la Generale du Parquet, par un Garde nommé la Fofle , qu’elle luy avoit en- voyé exprès, avec tous les Duplicata des papiers dont ileftoic chargé i il luy donna ordre de s’embarquer dans le navire du Capitaine Beliard, qui devoit partir le lendemain. LePerepaf- fa par Saint Euftaçhe&: par Saint Martin, où le Capitaine prit quelques marchandifes ; bc apres une tres-fâcheufe Navigation, il arriva le vingt - un Mars à Fieffingue , & le vingt - fept à Pa- ris, trois mois devant le Garde, qui n’y arriva qu’au mois de Iuillet. ON TRES-REVEREND PERE, I’ay receii celle que vous m’avez fait l’honneur de m'écri- re , qui fans doute m’euft pu confoler , fi la violence de ma douleur qui ne m’en rend pas capable , euft efté moindre. Err yain je m’eftorcerois de l’exprimer, n’eftant pas en mon poL fible : auffi fçay-je bien que ce n’eft pas ce que vous deman* dezde moy , puifque vous avez efté témoin oculaire de mes mal heurs, de ma perte, &dc mon affli&ion. I’avouë que mon efprit s’égare en la grandeur démefurée de ces confidera- tions, & qu’infenfiblcment ieme laifte emporter à mapaffion» bien qu’en effet elle n’cft que trop jufte : Mais il eft raifonnablc auffi que ie vous rende mes rcconnoiiïanccs pour toutes vos bomtez,lefquelle$ font pour moy infinies. Au refte (Mon tres- cher Pere) ie vous regarde comme laperfonne du monde à qui ie fuis la plus obligée; non feulement moy , mais auffi mes En- fans, puifque pour affeurer leurs biens, repos &. fortune, vous avez bien voulu faire ce voyageoù il y a tant de rifque:Et com- I. Partie ' Xxx 5Jo Eflablijfement des François jjmcc’ell une adion autant genereufe que charitable, j'efperc «aufli que Dieu favorifera voftre cntrcprifcen fécondant vos » bons defleins; &: que le progrez en fera avantageux, comme l’a ,, efté le commencement , &c. Il ne me refte plus qu’à vous prier „ de croire, que icchercheray toute ma vielesoccafîons de vous „ pouvoir témoigner que ie vous fuis par devoir, mais pluspar ,, inclination, MON TRES-CHER PERE, Voflre tres-humble, très obeïffanteôi tres-affedionnée fervante , Marie Eonnard , Generale du parquet. Cette affaire fut fort traverfée à Paris par Meilleurs les Che- valiers deMalthe, à la Pollicitation de Monfieur de Poincy, qui defiroit reünir cette Charge de Lieutenant General à la fienne. Certainesperfbnnes donnèrent quelques advis à Monfieur de Fréjus, qui cauferent bien de la peine à ceux qui s’en méîoientj &c fans une fomme d’argent qu’on donna à . . Ion n’en fût jamais venu à bout. Meilleurs de Miromenil & des Hameaux , parens de Monfieur du Parquet , travaillèrent auffi puiffamment à la faire réüffiri SC ils reprefenterent fl fortement au Roy &: à fon Eminence les fervices que Monfieur du Parquet avoit rendus dans les Mes, que fa Majeflé par une bonté toute Royale, accorda à l’Aifné de la maifon , & à fbn Cadet en casdemort,Ies Charges que feu leur Pere avoit remplies avec tant de gloire. Les Lettres Patentes en furent expédiées à Fontaine-bleau le quinziéme Septembre 1658. par lefquellesfaMajeftéenattendantqueccsdeux jeunes Seigneurs euffent atteint l’âge de vingt ans, donne 1e Sieur de Vauderoque leur Oncle paternel, pour commander àleur pla- ce, &pour maintenir la Mere & les Enfans dans les droits êc lés prérogatives qui leur eftoient accordées -avec tant de juflri- cc; ces Lettres font trop âvantageufes à la mémoire du Défunét, & trop glorieufes à fa Veuve & à fes Enfans, pour ne les pas donner icy, lé U Martinique ce 20. Janvier 1658. aux Ant-JJles de C Amérique. 53* Lettres Fat eu tes de fit (AkCajtjlé, pour les G ou - 'verncmms de la d’eftablir fous fon Authorité des Colonies, tant ez Ifles que Terre-Ferme de l’Amerique, afin de réduire lefdits Pays fous fon obéi' /Tance, travailler à la converfion des peuples, 8c y planter noftre Sainéte Foy : Le Sieur d’Enambuc, qui le pre- mier les avoir reconnues 8c découvertes, s’y feroit employé avec tant de vigueur Se de zele, qu’il y auroit fait tous lespro*. grez, 8c tiré tous les avantages que l’on pouvoit efperer d’une telle entreprise ; aux pourfuites delaquelle ilferoit decedé,-apres s’y eftre fignalé pendant pluficurs années de fervices continuels-. Et depuis le fleur du Parquet pourfuivantles traces dudit fleur d’Enambuc fon Oncle, 8c pouffé des mefmes motifs, fe feroit rendu fl recommandable parmy les peuples qui fe font habi- tuez efdites Iflcs, que par Tes foins aflidus , 8c par unçfouffraiii ce de fatigues continuelles j apres avoir expofé fa viè en toutes les occaflons qui fe font prefèntées pour noftre fervice , 8c la con- fervation de nos Sujets.: Il auroit acquis des Sieurs de la Com- pagnie des Ifles de l’Amcrique, la Seigneurie 8c propriété des îfles de la Martinique, de Sainéte Alouzie, 8c de la Grenade 8c Grenadins Situées en ladite Amérique, par Contraétdu vingt- Septième Septembre 1650. en confequence duquel, 8c de nos Lettres Patentes du mois d’Aouft 1651. portails confirmation d’iceluy : Nous Iuy en aurions donné ôc oétroyclc Gouverne- ment, 8c iceluy eftabli noftre Lieutenant General efditeslflcs, par nos Lettres Patentes du vingt-deuxième Oétobre 1^51. Et ayant beaucoup contribué pour la propagation delà Foy parmy les Infidelles, 8c foûtenu mcfme pluficurs guerres contrc-cux, pour défendre nos Sujets contre leurs entreprises, fortifié les Xxxij 5 3 1 Ejlabhjfement des "François places de gens & de munitions de guerre, noftrc AuthoritéV» trouve pleinement affermie, 3c les habitans y joüyffent d’un agréable repos, & d’une tranquilité afleurée, qui font autant de fervices confîderables qui méritent de Nous une reconnoif. fance proportionnée à ces travaux. Et d’autant que par le de- cez du fîeur du Parquet arrivé depuis peu, Nous fournies pri- vez de pouv oir les recompenfer en fa perfonne ; Voulans néant- moins qu’ils ne demeurent pas infrudueux; Nous avons crû, qu eflant important de pourvoir au Gouvernement defdites îfles, Nous ne pouvons témoigner plus avantageufement pour fa Famille i’enticre fatisfadion qui Nous refte de fes fervices, qu en confervant ledit Gouvernement à fes Enfans;lefquelscom - me fes heritiers , & par ce moyen Seigneurs Proprietaires def- difes gifles , feront obligez à les .conferver fous noflre obeïfï'an- ce,. d’autant plus que fous la bonne conduite delà Dame Veufve du fîeur du Parquet leur Mere StTutricc , & ayant la Garde- N oble d’ice-ux , ils feront élevez dans les mefmes fentimens d’af- fedion que ledit fieur du Parquet leur Pere a toujours eue pour noftre fer vice. Pqvr ces c av s e s, & autres à ce Nous mouvans ; Avons ledit Sieur d’Enambuc Fils aifné dudit Sieur du Parquet , conftitué , ordonné & eftabli , & par ces Prefentes lignées de noftre main, conflituons, ordonnons 3c eftabliffons Gouverneur 3c noftre Lieutenant General efdires Ifles delà Martinique 3c Sainde Alouzie , fituées en ladite Amérique , cir- confiances 3c dépendances : Pour en ladite qualité y comman- der, tant aux Pcrfonnes Ecclefiaftiques que Séculiers, ce qui fera du bien de. noftre fervice : défendre Icfdits lieux de tout fon pouvoir : avoir foin de faire inflruire les peuples à la Reli- gion Catholique , Apoflolique 3c Romaine: faire vivre les ha- bitans d’icelles en bonne vnion 3c concorde les uns avec les au- tres: contenir les Gens de guerre qui y font & feront cy -apres, en Garnifon, en bon ordre 3c Police fuivant nos Reglemens, en forte qu il ne fe commette aucun defordre : & generalement faire 3c ordonner par ledit fîeur d’Enambuc en ladite qualité de Gouverneur 3c noftre Lieutenant Général efdites Ifles , tout ce que Nous-mefmes ferions ou pourrions faire, îî Nous y eftions ;|5refens en P erfonne ; encore que le cas requift Mandementplus aux A nt-ljles de l Amérique . y ^ 3 fpeciaî qu’il n’efl contenu par cefdites Prefenrcs. Et de tout le contenu cy-defius jouir par luy aux Honneurs, Autho- ntez, Prerogatiues, Prééminences, Droits, Fruits, Revenus & Emolumens appartenans à pareilles Charges, 8c tout ainfi quen a joiiy ou deu joiiir ledit fieur du Parquet fonPere. Et pour d’autant plus témoigner à la Famille dudit fleur du Par- quet le défit que Nous avons de la gratifier: Nous en cas de dccez dudit fieur d’Enambuc filsaifné dudit fieurdu Parquet; Avons conftitué & efiabli, 8c par ces mefmes confiituons 8c cflablifions ledit fieur du Parquet fon frere, Gouverneur 8c moftre Lieutenant General efiiites Ifies, pour en joüir par luy aux mefines Honneurs, Droits, Fruits, Profits, Revenus 8c Emolumens defiiis dits, fans quil foit befoin d’obtenir autres Lettres -que les Prefcntes. Et comme ledit fieur d’Enambuc fils aifiné dudit fieurdu Parquet, ô&lcdit fieur du Parquetpuif- nc, ne font encore capables d’exercer ladite Charge, & qu’il importe pour noflre fervice, au bien 8c utilité de fa famille, d’eflablir pour la garde 8c feureté defdites Ifies, quelque Per- sonne dont la fidelité 8c fuffifânce Nous foit connue, -8c qui puifie affilier 8c maintenir ladite Dame Veufve du feu Sieur du Païquet 8c les Enfaas: Pour cet effet, Nous avons jetté les yeux fur le fieur de Vauderoque, Oncle paternel defdits fieurs d’Enambuc & du Parquet, lequel Nous avons efiabli 8c efla- blifions par cefdites Prefcntes pour veiller à la confervation def- dites Ifies fous noflre obeïfiance, iufques à ce que ledit fieur d’Enambuc, ou en cas de fondecez ledit fieurdu Parquet fon Erere, ayent atteint l’âge de vingt ans. Si Mandons ànô- Cre ties-cher 8c tres-ame Oncle le Duc de Vendôme, Pair, Grand Maiflie, Chef 8c Sur-Intendant General de la Naviga- tion 8c Commerce de France, que fur cefdites Prefentes& il donne aufdits fieurs d’Enambuc 8c du Parquet frétés, fon Au tache 8c Es Expéditions qui leur font neccflaires, afin qu’ils Soient reconnus ezfufdits lieux en leurfdites qualitez : Voulans que les Navires , VaifTeaux, Barques, Chaloupes , Frégates qui leur appartiendront , puifient aller & venir efdites Terres de 1 Amérique, avec les Marchandifes dont elles feront chargées, §C les hommes & femmes qu’on y voudra tranfporter, fans&qu’il Xxx iij 5î4 Efiabhjfement des François leur foie fait, mis ou donné aucun trouble ny ctnpeifche mérité Mandons auffi à noftre tres-cher &bien-amé Coufinle Duc Damville , Pair de France, Viceroy & noftre Lieutenant Ge- neral, reprefentant noftre P erfonne dans toutes les Ifies, Codes 5c Terre Ferme de l’Amerique, que fur cefdites Prefentes d donne aufdits fieurs d’Enambuc 5c du Parquer frétés, fon Ad. tache 5c les Expéditions ncceffaires aux fins d’icelles. Mandons êc commandons en outre à tous Officiers 5c Gens de guerre. Capitaines ou Patrons de Navires, Barques 5c Vaiffeaux , 5c tous autres qu’il appartiendra, de reconnoiftre 5c obeïr aufdits fieurs d’Enambuc & du Parquet freres, tout ainfi qu’ils feroient à noftre propre Perfonne : Car tel eft noftre plaifir. En té- moin dequoy Nous avons fait mettre nofire Scel à cefdites Prefentes. Donné à Fontaine-bleaule quinziéme jour de Se- ptembre , l’An de grâce milfix cens cinquante -huid; 5c de noftre Régné le feiziéme. Signé, Lo vys, 5c fur le reply , Parle Roy, DE Lomé nie, 5c ficelle du grand Sceau d$ cire jaune. Sédition a la Martinique. Emprifonnement de Madame du Parquet. Sa liberté, §. I F. PEndant que Ton travailloit à Paris pour obtenir de fa Mâ~ jefté la furvivancc des Charges de M. du Parquet à l’aifné de la maifon, iL fie forma un patti de mécontens à la Martini- que, qui fe fervant del’occafion des affaires, portèrent les chau- les à des extrémitez fi fâcheufes, que flfle fevit à la veille de fa ruine. Les véritables autheurs de cette confjfiration ont fi bien feeu fie cacher, qu’apres un foin fort exad que j’ay pris pour les apprendre 5c pour m’en informer de ceux qui fça voient le fin des affaires, ie n’en ay pu rien découvrir. Il eft vray que les Sigalis, Plainville 5c les Vigeons, ont cfté ceux qui ont paru les plus échauffez dans cette affai- re* 5c qua iuger des çhofes par l’apparence 5c par le de-- mx Ant-lfles de l'Amérique. 555 "'hors, ont cita les véritables autheurs de cette révolte; mais il eh pareillement véritable qu’ils n’ont iamais pâlie que pour des inhruments des certaines caufes fecrettcs qui les ont fait agir , Si qui leur ont infpiré tous ces ’mouve- mens. le ne diray pourtant rien de ce qu’on a foupçcnné , Si me contenterai d’écrire ce qui elt venu à la connoillance de tous les habitans , c’elt ce qui m’obligera de remonter iuiqu’au temps de M. du Parquet, peur trouver dans laproreétion que Madame fa femme donnoitaux Parifiens de l’Hle , le premier motif ou plûtoft le premier pretexte de cette fedidon. Madame duParquet qui eftoitP-arifienne, ayoitune lî grande in- clination pour les Parifiens, que dans tous les rencontres oùel- le les pouvoit obliger, elle s’y cmploïoit avec desempreffemens incroyables auprez defon mary , Si l’obligeoit de les élever aux Charges les plus ccnfiderables de fille; les Parifiens aulli n’é- pargnant rien pour reconnoihre une 11 grande bonté , faifoient ordinairement au premier iour de l’An Si au iour de la Fehe de Madame duParquet, des Cavalcades Si des réjoüifTances extraordinaires , Se paroifToient dans des équipages aulïï lehes que le pays le pouvoir permettre. Les Normands qui cftoient du pays de M. du Parquet, piquez de jaloulîe, en vou- lurent faire autant. Il bien qu’il y avoir une émulation entre ces deux Nations à qui feroit le plus de dépenfe ; mais la rail- lerie fe mellant avec l’émulation , on en vint aux brocards, & enfin aux querelles Si aux combats particuliers. M. duPar- quet craignant que cette dihinélion de pays ne jettât de la divifion dans les efprits de fes habitans, défendit toutes les ca- valcades Si les alfemblées aux uns Si aux autres, mais iln’ofta pas l’aigreur de l’elprit des Normands, qui voyantque toutes ks grâces choient pour ceux du pays de Madame, Si qu’il n’y avoir rien à clperer pour eux, le déclarèrent ouvertement fes ennemis , §i conlèrverent cette rancune jufqu’apres la mort de M- du Parquet. L’arrivée de M. de Maubray fut la fécondé chofe qui fervit de motif & de pretexte au foûlevement de ces feditieux. Ce Gentil- homme avoit déjà fait un voyagea la Martinique au mois de Septembre de l’année 1656. Si avoit traité comme nous 5 ] ê Efiablijfement des François avons dit de l’Ifle de la Grenade pour M.Ie Comte de CériE lac ; mais s eftant mis en eftat départir avec luy, ils fe broiiil- Ierent fi bien enfemble au Havre de Grâce, qu’il le quitta &c partit dans le navire du Capitaine Edmeavec Mademoifellefa, fœur pour la Martinique , dans le deflein d’offrir Ton fervice à M. du Parquet. Il y arriva peu de temps apres fa mort, & il y fut receu de • Madame du Parquet avec tous les témoignages de la joye quelle devoir concevoir de la venue d’un homme d’efpriO) .. dont elle efperoit tirer des confeils falutaires dans toutes fes , affaires* Elle luy fit tous les honneurs dont elle pût s’avifer 6 depuis fon arrivée ne fit aucune affemblée publique oul particulière , où elle ne l’appellâç ôc ne l’obligeât de dire font s avis. M. de Courcclas, que M. du Parquet avoit fait fon Lieute- nant General, par de certaines confédérations & contre fes propres fentimens , ne le croyant pas amis de fa famille , fit bien, toft connoiftre le déplaifir qu’il avoit de voir fon- crédit partà^* gé auprez de Madame du Parquet, & ne fe peut empêcher de murmurer avecles mécontens & de la blâmer de fe confier trop à un effranger. Les mécôtenspafTerent outre, &prirentla liberté non feulement de blâmer la conduite de cette Dame, mais encore de dire deschofes tres-honteufesd’ellc & de M. de Maubray. Elle en fut advertie, mais l’humeur hautaine de ce Gentifhomme ne la portant pas à fléchir , elle, méprifa tout ce que l’on luy en pût dire. L execution d’une Ordonnance que feu M. du Parquet avoit faite un peu avant famort, ôt à laquelle quelques-uns avoienc malicieufement refifté, fervit d’un nouveau prétexte pour broüil- 1er; car ayant voulu faire marquer les rolîes de petun quifor- toient de llfle, ainfi qu’il avoit eflé ordonné; bien que cette Ordonnance fût neceffaire autant pour le bien du public que - pourceluydes particuliers P tous les mécontens en prirent occa- lion de faire éclater l’ayerfion qu’ils avaient conceuë contre Madame du Parquet. Ils s aflemblerenttumuîtuairement au quartier du P refeheuri Stprefenterentune requeffe,par laquelle ils demandèrent que 1© aux An t-IJle s de ï Amérique. y^ fîeur de Maubray fût chafle de l’Ifle comme un perturbateur du repos public. Neantmoins M.de G ourfelas effant allé trou- ver ccs mécontens avec le R. P. Bonin, ils moyennerent un accommodement , &leur firent mettre les armes bas, à condi- tion que le fieur de Maubray fie retireroit ( pour deux mois feu- lement ) à la Cafe-Pilote, àquatre lieues du logis de Madame du Parquet, apres Iefquels il fortiroit de fille , &C cependant ne fe méleroit d’aucune affaire. L’Ordonnance fut révoquée, non pas comme mauvaife, mais parce qu’elle procedoit du gé- nie de M. de Maubray. Cét accommodement devoir ce femble reftablir la paix dans Tille ; mais M. de Maubray n’ayant pû s’empêcher d’é- crire à Madame du Parquet, fes Lettres ayant effé interprétées par les feditieux, qui avoient des efpions par tout; quoy que con- tinuent ces Lettres, l’on prétendit pourtant juffifier par ce moyen une intelligence fecrette de M. de Maubray avec les Anglois de la Baibade, & un deffein d’en faire venir dufecours à Ma- dame du Parquet. Sur cela on fit auflî-toff courir le bruit dans rifle que M. de Maubray vouloir s’en emparer , & la fouftraire de l’authorité du Roy. Les mécontens coururent tout de nouveau aux armes, furent chez Madame du Parquet, la contraignis rent de figner la forde de M. de Maubray, & fans perdre de temps l’embarquerent avec fa fœur & fon neveu, dans un na- vire qui alloit à Saint Chriffophe, où pourtant il ne voulut pas defeendre; parce qu’ayant toûjours effé dans les intereffs du Roy de la grande Bretagne , il n’eut pas effé bien reccupar- my ceux qui tenoient le party de Cronrwel. S effant retiré à Antigoa, il continua d’écrire à Madame du Parquet; & fes Lettres ay ans effé de nouveau interceptées, firent jfoûlevcr toute l’Ifle. Plainville & Sigaly fe mirent à la teffe des mutins, 8c fede- clarerent Chefs du parti, renoncèrent publiquement au fer- ment de fidelité qu’ils avoient prefté à Madame du Parquet, & ne reconnurent plus que les Officiers qui leur promirent pro- tection & fidelité. On ne fçavoitde quel parti eftoitM.deGourlc- las: car bien qu’il fe trouvât dans toutes leurs aflcmblées,&fignât I. Partie. Yyy 5 3 8 Efiablijfe ornent des François toutes leurs deliberations, ces révoltez neantmoins créèrent de nouveaux Officiers, èi l’obligèrent à en recevoir le ferment. Enfin leur mfolence paffii fi avant , qu’ils envoïerent fai- re commandement à Madame du Parquet de les venir trou- ver au Confeil, M. de Gourfelas Juy-mefine l’alla quérir, &luy promit de la ramener ; mais la pauvre Dame ne fut pas plû- toft arrivée, qu’un d’eux entra mafqué , & levant le mafique luy dit que le maique efcoit levé , & auffi-toft elle fut faille & emme- née prifonmere au quartier du Prefcheur, où elle fouffrit tout ce que i’inioience.pût infpirer à ces fedirieux. L’on fit inventaire de fes meubles ; & les feditieux y ayant rencontré les Oeuvres de Machiavel, prefenterent requefte au Confeilpour lesfaire brûler par les mains du Bourreau, comme la réglé de fa conduite. Pour donner quelque couleur à leurs entreprifes, ils firent la délibération fiuvante, dans laquelle ils ordonnent la dépofi- tion & l’empnfonnement de cette Dame, & font divers Ré- glemens pour le Gouvernement del’Iflede Leéteur curieux ne fera pas marry de les voir, ie les donne tels qu’ils ont cité tirez des Regiltrcs du Confeil de la Martinique. ExtraiB des Regifires du Confeil , de l'JJle de la CFïCart inique, DV Mardy fixiémeAouft 1658. le Confeil afTemblé en l’Me de la Martinique, où a préfidé Medenc Roolle ûeurde Gourfelas, exerçant la charge de Lieutenant General en l’ab- fence de M- d’Enambuc. Sur la plainte des fept Compagnies de ladite Ille , de la mau- vais conduite Sc entreprife faite par Madame la Generale fur tous lefditshabitans, qui ont efté découvertes & fedécouvrcnc tous les iours de. plus en plus, ledit Confeil a refolu Se a or- donné que ladite Dame fera démifeSc dépoffiedée détour pou- voir & commandement dans cette Ifle, Se que pour cét effet die aura pour fa demeure actuelle IesMagazins au quartier de laplace d’armes du Prefchcur> fans quelle fc puilfe retirer & faire aux Ant-IJles de l Amérique. ^ fà demeure en Ton logis de la Martinique , ny en aucun autre lieu que celuy cy-deffus. Que défenfes font faites à toutes perfonnes quelconques de luy parler & communiquer fans permiffion de l’Officier de Garde. Que la Damoifelle de Francillon, attendu fa fanion intelli- gible avec le fieur deMaubray , menacez contre les habitans & defobeïffimces au public , aura fa café pour prifon jufqu a ordre. Qup les poudres feront amenées dans l’Arcenaldc cette IHe, & miles ez mains du Commandant du Fort S. Pierre : Com- me aulïi ies quarts depoudredeubs & payezpour l’ancrage de? navires. Que défenfes font faites aux Officiers dépofez de fortir de leurs habitations fans ordre : Comme auffi de porter aucune arme à feu , & où ils feront trouvez trois enfemble permis aux ftabitans de leur tirer fus. Qifil eft fait défenfes à telle perfonne que ce foie de les fré- quenter pour quelque caufe que ce puiife effirey fans permiffion de l'Officier du quartier. Que défenfes font faites à qui que ce foit d aller à bord d’aucun navire ou batteaux , luivanr les anciennes Ordon- nances , & auffi fans permiffion du Capitaine du quartier, ou de 1 Officier de Garde , à peine de punition corpo- relle. r Que les Officiers de nouvelle création, jouiront desmelmes- privilèges que leurs devanciers. Que les habitans payerontpour tous droits, cinquante livre? de petun, ainfiqu’il elf porté parles Articles de U Commiffion; poui le regard de 1 Article qui traite de la guerre, les habitans feront leur poffiblc pour entretenir la paix avec les Sauvages, êc où il fera befoin de guerre ils Ce garniront de vivres ô/dc munitions, & amfi 1 Aiticle des ^o. livres 'pour la guerre, de- Qu il cil fait commandement à Charles Baiîlardet de re- mettre ez mains des habitans, & pour eux ez mains du licur qc PlainvillcleuiSyndic^ la barque nommée le Saint lacques., y y y v r y 40 EJlabliJfement des François 6c tout ce qui en dépend, comme à eux appartenante, 6c que Madame remplacera le batreau commandé par Iacques Adam à eux appartenant , attendu que lefdits deux bafti- mens ont ellé payez 6c acheptez de cinquante livres de pe- tun par telle , mile fur eux en l’année mil lix cens cinquan- te-cinq. Que les parens des enfansde feu M. le General du Parquet d’heureufe mémoire, poferont un Intendant pour la conferva- tion de leurs biens, &pour avoir foin de ce qui fera neceffaire à ladite Dame 6c à Meilleurs les Enfans. Et pour ordonner au Fort Saint Pierre 6c aux munitions, canons dudit Arccnal,de la place, & autres chofes 6c exploits necellaires, le fieur de Plainville Syndic defdits habitans, effc commis, 6e pofé 6c ellabli en ladite qualité, fera à l’ad venir reconnu 6c obey , le tout neantmoins fous l’authorité du fieur Gourfelas 6c defdits habitans ; qu’il fera fait inventaire de l’Artillerie 6c munitions qui fe trouveront dans ledit Fort de Saint Pierre, 6c autres lieux de ladite Me, pour en dif. pofer, ainli qu’il fera iugé à propos par le confeil defdits ha- bitans. Quhl fera mis ordre quel’Audiance 6c Salle du Confeilfera parachevée , 6c que les planchez , feneftres , portes , 6c autres cho- * fes necellaires feront achevées, en forte qu’elle puilfe fervir d’Hoflel de Ville & lieu d’alfemblée. Que les amendes , foit de ceux qui feront défeéluées dans leurs Gardes, que de ceux qui n’entretiendront point les che- mins, 6c generalement de toutes celles qui feront impofées, ( à l’exception de celles qui feront ordonnées par le luge ordinai- re, ) feront appliquables au public. Signé, de Gourfelas, de Plainville, du Vivier, Sigaly, Beaufoleil, fieur Didier, Iean Dautruis , Chaillon, Gobert, Guillaume Sauvage , Barbulo, Iean Richemont , Golaifon, Vigeon, Renault, l’Hermitte, Blain, Iean Bilfon, l’Evêque, 6c plufieurs autres. Dudit iour de relevée, continuant le Confeil fufdit, les Compa- gnies afiemblé es fous les armesyen prefence dudit fieur Gourfelas lufdit, ont prellê le ferment de fidelité entre les mains defdits Officiers deldites Compagnies^ 6c promis de bien fervir le Roy aux Ant-IJles de l 'Amérique. 541 ôc luy eftre fidelles, & à M. d’Enambuc, qu’ils efperentque fa Majefté leur donnera pour Gouverneur, 8c audic fieur Gour- feîas en la qualité qu’il poffede, 8c de fe comporter entre-eux dans une parfaite union pour le bien public: Dont Aéfce eft figné, Govrselas, P l ain vill e, & de tousles autres, comme deffus. Quelque-temps apres le fleur de Gourfelas 8C de la Vigne, homme rufé, firent femblant de pacifier les chofes; 8c fous prétex- te d’accommodement, firentadroitement figner un écrit à Mada- me du Parquet prifonniere , par lequel elle confentoit qu’on fit le procez à ceux qui fc trouveroient coupables du deffein d’affaf- finer les habitans, 8c renonçoit au Gouvernement, qu’elle re- mettoit entièrement entre les mains de M. de Gourfelas , juf- qu’à ce que le Roy y eûtpourveu , 8c promettoit encore d'é- crire pour obtenir de fa Majefté l’amniftice de tout ce qui s’eftoit pafTé, fc contentant d’eftre remife en fes biens 8c hon- neurs. Cét Aéte ayant eflé figné 8c mis entre les mains de M. dp Gourfelas, la fedition fut incontinent appaiféeSc les armes mi- fe bas, avec autant de facilité qu’on les a voit prifes ; mais un nommé des Marets , domeflrique de cette Dame, plus avifé quelle, eftant venu crier dans la place publique, quelle avoic efté forcée , qu’elle s’en plaindroit au Roy, 8c qu’elle vouloit dire juftifiêe. Les feditieux reprirent auffi-tofl: les armes, 8c crièrent tout haut qu’il falloit l’embarquer, & tous ceux qui avoient entrepris avec elle d’afTaffiner les habitansjmais tout cela aboutit à prendre dix ou douze des principaux Officiers, 8c créatures de défunt M. du Parquet, qu’ils privèrent de leurs Charges,Si les chafferent de l’Ifle. Ils en euffent infailliblement fait autant à Madame du Parquet, fi les Autheurs fecrets de cette confpiration, alignant d’eftre dé- couverts, n’eufïenr adroitement empêché fa fortie. Car apres ce tumulte elle futmife en liberté, à la caution des RR. PP. Iefui- tes, deM. de Gourfelas, 8c desparens de feu M. le General, Si toutes chofes reprirent leur train ordinaire. Yyy iij 541 EftœMiJfement des François Maffacrede quelques Sauvages à la Martinique, Combat contre- eux à la Capjlere de cette IJle: d’où, on les cbaffi. Mon de Madame du Tarquet. §• III. QVelque-temps avant h mort de M. Te General du Par- quer, on avoir fait une paix telle quelle avec les Sauvages, comme nous avons dit 5 &quoy que l’on vit bien quelle ne fe- loit pas de longue durée, les Habitans François de la Marti- nique ne huilèrent paspourtant de fe bazarder d’aller à la Cap- J:aie, les uns pour la pefche, & les autres pour la chaffe. Ces- Bai baies qui n ont aucune fidelité dans leurs parolles , 5c oui- dans la plus profonde paix ne biffent échaper aucune occafion défaire inculte aux Europeans , lors qu’iîsles trouvent a leur ad- vantage, ayant découvert qu’un équipage de François fe divb loir tous les matins , & qu’une partie alîoit à la .chaffe pendant, qu il 11 en aemeuroit que trois à la garde du Boucan ; refolu- renr ae maffacrer ceux-cy quine penfoient nullement à fedefïèn- 4-ie contre ces perfides, qui traittoient tous les jours avec eux ■ Ils executerem leur refolution, 5c le fieur Belin habitant des* p.us confiderables , y fut alfommê avec deux autres, à coups ae Bouton. Le canot qui avoir apporté nos François fut mis en pièces, fi bien que ceux quieftoient àla chaffe eftans revenus, & ayant trouvé leurs compagnons morts : de peur d’elïre trai- tescommeeux, ils gagnèrent promptement les bois, où ils fu- rent quatre jours avant que, de pouvoir atteindre le quartier de la Café- Pilote. _ Lcs Sauvages fe doutans bien qu’on ne laifFeroit pas cét at- tentat impuni, en voïerent quelques jours apres une pirogue pleb ne de leurs gens au Fort, pour faire leurs exeufes Ordinaires, & alieurer qu ils n avoient point trempé dans cemaffacre 3 5c qu’il avoir efte fait par ceux de fainr Vincent ou de la Dominique, ommeils vinrent au plus fort de Iafpdjtion^ & dans un temps / àtix Ânt-ÏJles de l’ Amérique. 5 4 3 qu on ne fe connoiffoit prefque pas l’un l’autre dans rifle : on fut contraint de diflimuler , defe contenter de cette exeufe, 5c de leur dire quon ne leur vouloit point de mal. Cette réponfe les contenta fi bien,qucles affaires ne furent pas plûtoff pacifiées à la Martinique, 5c Madame la Generale remife dans fonauthorité 5c dans fes droits , que l’on vit arri- ver Nicolas-, le plus fameux, le plus vaillant , 5c le plus redouté Capitaine de tous les Sauvages. Il defcendkluy dix-feptiéme au Fort faint Pierre, vint dans la place , 5c femît à boire de l’eau de vie avec quelques François. Beau-Soleil homme cruel, ÔC furieux , Chef de la fedition qui venoit d’effre appaifée , les ayant apperceus , refolut auffi-toff de venger fur Nicolas , 6c fut ceux de fa trouppe, l’injure qui avoit elle faite aux François. Il courut promptement par tous les Magazins (qui font auiïi les Cabarefts des Ifles ) 8c amafla 60. ou 80. hommes qui le fliivi- rent d’autant plus volontiers que l’intereft de la vengeance de leurs compatriotes eftoit commun. L’on fit apporter pour cét effet toutes les armes par les portes de derrière des Maifons 5c des Magazins qui font autour de laplace. Nicolas & lesautres Sau- vages beuvoient dans IeMagazin de Moniteur leMaiftre , fans fe douter de ce qui fe tramait contre eux, lors que Beau-Soleil 5c ceux de fa trouppe l’ayant environné , afin que pas un ne fe fauvaft, les fit charger à coups de moufquetons ôc de fu- fils , cinq furent tuez dans la grande Place, fept dans la lucre- riedeMadame du Parquet, un autre dans les cannes ., 5c trois furent arreftés prifonniers 5c mis dans le cachot du Corps de Garde. Nicolas fe fauvanr vers la Pirogueyreceut un coup de moufqucton dans lecorps, mais il ne laifla pas defe ietter dans l’eau, où ayant effé pourfuiui de Iaplufpart des François, ils tire- ront tous fur luy ; mais il plongeoir avec tant d’adrefiè, qu’il évita la plufparcdes coups, 5c autant de fois qu’il revenoit fur l’eau il rapportoit des roches qu’il jettoit courageufement à Jateffede ceux qui eftoient les plusavacezjainfi bien que la mer fût autour de luy toute rouge de fon fang,nosFrançois effoient au defefpoir dele pouvoir achever, fi un habitant ne luy eût donné un coup de moufqueton dans l’oeil; car on le vit en mcfmetemps flottei fur l’eau. Quelque diligence pourtant 5c quelque foin que prif- 544 Efkabltjf ornent des François Tendes François, ils ne purent empêcher qu’il ne s’en fauvât deux, qui furent porter la nouvelle de cemaffacreà leurs Com- patriotes. Beaufoleil & fes Compagnons enflez par le fuccez de cét ex ploiêt, exécuté lans ordre d’aucun Commandant, 5c dans lequel pourtant tous les habitans s’eftoient intereffez comme dans une caufe commune, fongerent incontinent à une entre- prife de plus grande confequence, qui eftoit de chaffer tous les Sauvages de la Capfterreôc de toute l’IflejSc croyant qu’ils difpoferoient de tous les habitans dans cette entreprife , com- me ils avoient fait dans cette première execution, ils com- mencèrent à crier tout haut qu’il n’en falloir pas demeurer là, qu’il efloit temps de pouffer les Sauvages à bout, & de les chaf- fer de fille. Tous les Officiers auffi bien que les habitans en eftoient d’avis, mais l’appuy fecret de Beaufoleil & de fes Compagnons Venant à manquer, il fe trouva fort éloigné d’avoir la condui- te de cette entreprife comme il le pretendoit; carMonfieur de Gourfelas qui commandoit dansl’Ifleen qualité de Lieutenant, & agiffoit fans compétiteur auprez de Madame la Generale, ayant arreftéjes fougues de ces feditieux, Iuyen fut faire la propofition. Elle convoqua aufli-toft le Confeil General des Officiers SC des principaux habitans de l’ifle, où ayant bien confideré Je • tort que ces barbares fai foi ent par l’enlevement des efclaves, . & que mefme depuis la paix conclue avec eux, ils en avoient retiré plufieurs, & traitreufementaffaflinés des habitans qui ne leur faifoient aucun tort , la guerre fut déclarée & l’entreprifc conclue. M. de Gourfelas choifit promptement dans toutes les Com- pagnies de Flffe fix cens hommçs , dont la plufpart eftoient Maiftres de Cafés, &: tous tres-vaillans , l’on en mit deux cens fur cinq barques commandées par M. de Loubiere, & les quatre cens autres qui dévoient aller par Terre, furent divifezen deux bandes, dont l’une eut ordre d’aller par la Montagne Pelée, &C l’autre de paffer par le Morne des Gommiers. Monfieur de Loubiers envoya Beaufoleil dans une de fes barques, avec or- dre aux Ant-IJle s de t Amérique. 545 dre de pafler par le quartier du Prefcheur, &de fe trouver au, rendez vous; mais foi t quil fe fût mépris, ou qu’on luy eut donné de faux ordres pour avoir un prétexte de fe défaire de luy» il s’en revint fur fespas , proteftant quiiln’avoit veuperfon- ne à la Capfterre. Le R. P. Bonin Supérieur des Iefuires, fut par Mer avec Monfieur de Loubiere, 6c le R. P. de Boulongne Supérieur de nos Religieux, fut par terre avec les autres foldats, qu’il aflifta avec une charité incroïable, iufquaporter lesmouf- quets des habitans qui furent blefTcz dans la première efcar- mouche. Les Sauvages ayant découvert par leurs efpious l’entrepri»- fe des François, & fe doutant bien du chemin qu’ils dévoient tenir, ils y firent une grande quantité de trous ronds, dans lef, quels ils fichèrent des flèches empoifonnées les bouts en haut, qu’ils couvrirent de branchages & d’un peu de terre par deflus] aPrc? quoy s’eflant avancez comme pour faire tefte, & ayant rencontré les noflxcs, ils firent leurs cris & heurlemens ordi- naires. Il y eut quelque legere efcarmouche de part& d’autre, apres laquelle les Sauvages feignirent de lâchtr le pied & s’en- fuirent fort loin, afin d’attirer nos François dans les piégés qu’ils leurs avoient dreflez, 6c de les combattre dans ledéfor- dre où ils auroient infailliblement efié > mais la nui& efbnt furvenuë, un nommé Nicolas Le vefquefe doutant de leur rufe, confeilla à les Compagnons de changer de route & de mar- cher la nuiét pour les aller attaquer dans leurs Carbcts. Cette adrefle produifit deux bons effets car outre que nos François évitèrent ces piégés, les Sauvages les ayant veu defeendre par un autre chemin ,6c de meilleure heure qu’ils ne les atrendoient, crûrent que s’encftojt encore une autre bamdc; 4: celuy qu’ils avoient mis en fèntineile aïant couru vers eux» & jetté plein Ces deux mains de fable par defTus'fa tefte, pour leur faire entendre que les François cfloient en très-grand nombre, ils prirent l’épouvante , & s'enfuient tout en défordre vers leurs Carbëts , où ils jetrerent ii bien la t. rCfir, qu’ils eufient tout abandonné fans rendre aucun combat, fi plus hardisno les euflenr encouragez 6c fait refondre à foûtenir le choc: peuç- I. Partie. " ' Zzz V j 46 - Efiabhjfement des François cfhe pour avoir fe temps de fairejrmbarqucr leurs femmes SC leurs enfans. En effet, les plus hardis Capitaines des Sauvages ayant fait un gros de tout ce qu’ils avoient de gens refolus, & s’effant prefentez pour refffter aux François, l’on fe difpofa au combat de part d’autre, &Ie R. P. Boulogne apres une petite exhortation aux fnMats leur donna l’abfolution. L’on croyoit rencontrer une plus grande refiftance que celle que firent ces mal-heureux; car apres la première décharge, nos François coururent à eux l’épée à la main avec tant de fureur, qu’ils s’enfuirent tout en defordre dans les bois , & coururent vers les lieux où ils avoient caché leurs Pirogues. Nos François au lieu de les pourfuivre s’arrefferent à brûler les Carbets, tuans fans au- cune confide ration de l’âge ny du fexe tous ceux qu’ils ren- eontroient. Cependant ceux qui fe purent fauver de ce de- faftre s’embarquèrent avec les autres dans leurs Pirogues, &: fe retirèrent les uns à Saint Vincent, les autres à la Domi- nique, 6 c la paifible poffeffion de toute l’Ifle de la Martini- que demeura aux François vers la fin de l’année mil fix cens cmquante-huiét. Le P. R. Boulogne de noftre Ordre y planta la Croix: Sc les Armes de fa Majefté tres-Chreftienney furent mi fe en fui te, apres quoy l’on chanta le TeVeum ena&ion de grâces d’un fi heu- reux fuccez. M. de Loubiere avec les deux cens hommes qu’il conduifoit par Mer dans les barques, ayant trouvé à fon ar- rivée les François victorieux, & en poffeffion de la Capfterre, (que les Sauvages s’eftoient toujours refervée depuis l’an 1 6tf. que M. d’Enambuc s’eftoit emparé de cette Ifle>.) fit prompte- ment drefler un baftiment de charpente qu’il avoit apporté dans une barque, pour y fervir de Fort: en cas que les Sauva- ges voulurent attaquer les noftres. Le R. P. Boulogne y fut arrefté par le fentiment commun des habitans, qui jugèrent raifonnablc que ce bon Pere qui avoit eflùïé toutes les fati- gues , couru tous les dangers de cette entreprife, & affilié avec beaucoup de charité tous les habitans, eût la conduite fpi- rituelle de ce nouveau quartier. Madame la Generale luydon- jjja une place, pu il battit une Chapelle, qu’il bénit fous le nom aux tAnt-Ijles de i' Amérique. 5-47 de Saint Iacqucs, àcaufe que feu Monfieurlc General portoit ce nom. Beau-foleil ne s’eftant point trouve au rendez-vous qui luy avoit cfté donné, eutprile avec M. de Loubiere; lequel apres l’avoir traire de broiullon , de perturbateur 8c de traître, le fit arrellcr, puis il fut chalfé de fille avec les deux Vigeons 8c Plain » Ville; l’on ne fit pourtant aucun tort à leurs biens , qu’ils eur ent la liberté de retirer. Bien que toutes les chofcs euflent repris leur premier train, que Madame du Parquet fût dans une pleine liberté, ayant eftéremife dans tous fes biens 8c honneurs -, que le luge eut recommencé à exercer fa Charge, & que les Officiers exilez par les mutins, effi- lent efbé rappeliez,- neantmoins l’extrême triftelfc Scies maux qu’avoit fouffert cette pauurcDame, l’ayant rendue paraliti- que , elle refolut de venir chercher le remede de fon mal dans les eaux de Bourbon. Elle attendit fort long-temps M. de Vauderoque fon beau-frere , qui venoit commander dans fille pendant la minorité de fes Enfans ; mais voyant qu’il tar- doit trop ,8c que fes maux augmentoient tous les jours, elle s’embarqua dans un navire de Saint Malo avec fes deux peti- tes filles, Mademoifellc de Francillon fa coffiine, Sc quelques Officiers de fa maifon. Mais fa maladie s’augmenta fur la mer; 8c comme elle n’y avoit pas le fecoursqifelle eût trouvé à terre, elle traifna un mois entier fouffrant des douleurs extrêmes avec beaucoup de patience, 8c une grande relîgnation aux volontez de Dieu iuf- qu’à fa mort. Le Sieur Couds fit faler fon corps, afin de la faire enterrer avec les anceftres de Ion mary ; mais fix jours apres, une furieufe tempefte s’eftant levée, 8c ayant duré trois iours, quelques Portugais fuperftitieux ne cefierent décrier, que le corps de cette Dame en eftoit la eaufe , de forte qu’il fe fit une fedition dans le Navire, qui obligea le Capitai- ne Sc les Matelots de le jetter dans la mer. On aprit cette nouvelle en France auparavant que M. de Vauderoque fût parti; ce qui l’obligea d’avancer fon voyage, 8c de s’embarquer à Dieppe au mois d’Oétobre de 1 année 1 6\$. 8c fix Semaines apres il arriva à la Martinique, où il fut ' ~ 2ZZ Efiahlijfement des François rcccu avec lajoye de tous les habitans, lefquels ne trouvant rien en fa conduite des excellentes qualités de feu Ton frere, eu- rent fort peu d’inclination pour luy , &il mourut fortpeu regrcté le Z4. Octobre 1661. Apres fa mort tous les habitans s’aiTemblérent, & dreffé- rent une requefte qu’ils envoyèrent prefenter au Roy, pour le fupplier de confervcr le Gouvernement à M. d’Enambuc, &: d’agréer qu’un des quatre qu’ils luy prefentoient , exerçât la Charge de feu M. de Vauderoque fononcle, pendantfami- norité. Les quatre prefentez furenc M. de Gourfeîas ( qui eftoit à Paris, à caufe des mauvais traitemens qu’il avoir re- crus de feu M. de Vauderoque ) le ficur de Loubicre, lefieur de la Forge, Sc le ficur de Valmcnierc, qui fut député en Cour pour folîiciter cette affaire; mais M. des Hameaux croyant que M. de Clermont eftant proche parent des Enfans, auroit plus de foin de leurs interefts qu’aucun autre, obtint de fa Ma- |efté qu’il fut pourveu de cette Charge. SI ie n’effois autant a. l’épreuve de la crainte , que ie fuis éloigné de la flateric, les menaces que l’on m’a fait faire par un Médecin de mes amis au fujet de ce que ie vas écrire, m’arrefter oient tout court, & me feroient garder le filcnce, fur une affaire, dont toutes les perfonnes intereffées font a&uellement relidentes à Paris , defquelles quelques-unes auront peut-eftre de la peine à fouffrir les veritez que ie fuis obligé de dire, pour ne pas priver le public d’un des plus beaux endroits de ccttc Hiftoirc. Au refte, ie protefte de ne prendre point de parti, de dire fimplement la vérité des chofes, qui CHAPITRE XXI. MX Ant-IJles de t 'Amérique. 54 9 font venues à ma connoiffance, & qui ont éclaté aux yeux de tout le monde; & comme ie ne pretens flater perfonne, il ne faut pas s'eftonncr fiie n’épargne auffi perfonne. Ai. Hoüel prie Ai. Botfseret de luy vendre fa pan de U Cjuadeloupe. Ai. Boijfcret le refit- fe & meuït de dépUifir . Ai. Hoüel retourne À la Guadeloupe. Il r envoyé en France Ad. le Chevalier fon frere & ps neveux. Ré- volté generale dans cette JJle. EfiMiffement dune Dixme. §. 1. MOnfieur Hoüel ayant époufé pendant fonfejour à Paris; la fille de M. HmiTelin; apres les réjoüiffances des nop- ces, eflant fur le point de retourner à la Guadeloupe, propo- fa à M. BoilTeret la vente de la part qui luy appartenoit dans les Ifîes, & luy offrit de l’achepter. Ce bon vieillard qui fai- foit un capital de ce bien qui luy avoittant coûté, & dontM. Hoüel luy avoit donné de û belles efperances, fut effrange-, ment furpris de cette proportion , & refufa abfolument d’y en- tendre ; ce qui ayant fait naiflre entre-eux de grandes con- tcllations , les chofes en vinrent à telle extrémité , qu’apres quoM. d’Ormcffon, parent commun, eût tâché de les accom- moder; M. Hoüel entra un iour dans de fi grands emporte- mens, que M. Boifferct s’en eflant failli en mourut icmefine iour. Cét accident ayant affligé Madame de Boifferet dans l’ex- cez, & augmenté la diviflon entre elle & M. Hoüel fon frè- re; leurs parens neanemoins le voyant fur le poinét de sente- tourner à la Guadeloupe , où Madame Boifleret aveit fes en- fans, s'emploierait pour les accommoder ,& firent fi bien envers elle , qu’elle confcntitde le voir,& de fe réconcilier avec luy. Monfieur Hoüel fe fcpara d’elle fort fon amy en ap- Z z z iij 5 ) o Eftablijfement des Vran fois parence , mais toujours dans le deflein de n avoir point de Compagnon, & de Te rendre le Maiftrc abfolu de (on Ifle. II donna des marques de Ton deflein, fi-toft quil fut arrivé à la Guadeloupe avec Madame fa femme , en trouvant à redire à tout ce qu’a voient fait pendant fon abfence M. le Cheva- lier Hoiiel fon frère & M. de Boifleret fon neveu. II s’en prie premièrement au Chevalier, & apres luy avoir dit qu’eftant marié il fc pafleroit bien desfervices qu’il luy avaient rendus jufques alors; comme le Chevalier luy eut reprefenté que ce- la efloit fort éloigné des belles promefl'es qu’il Iuyavoit faites, de l’aflocicr à un tiers de la Propriété du pays, enrecompen- fe desfervices qu’il luy avoit rendus depuis onze ans, M. Hoiiel pour n’cftre pasexpofé à fes plaintes, le renvoya en France fans argent & tres-mécontcnt. Il ne fut pas long-temps fans attaquer M. Boifleret, & prit fujet de la révolté des Negres pour le quereller, le blâmant du peu de foin qu’il avoit eu de prendre garde à eux, de ne s’eftre pas oppofé à leur deflein dez le commencement , & de ne les avoir pas pourfuivis luy-mefme, après le malîacre com- mis dans la derniere Café de la Capfterre, & fl paffa iufqu’à. le traitrer de lâche &: d’homme de peu de cœur. Ces repro- ches ayant outré M. de Boifleret, il luy répondit qu’il n’avoic jamais commis de lâcheté, &C qu’il avoit aflez de cœur pour le voir l’épée à la main ; mais n’en ayant point pour lors, par- ce qu’il fedivertiffoit au jeu, ayant fait ce qu’il pût pour prendre lafiennefll en fut empêché par M. Galand, & quelques-autres, qui s’eftant mis entre l*OncIe& le Neveu, ne pûrent pourtant fi bien faire qu’outre les paroles outrageufes, M. Boifleret ne receût quelques coups de M. Hoiiel; lequel eflant forti delà chambre envoya prendre fon Neveu par le Caporal qui efloit de Garde, & le fit mettre aux fers, où ayant demeuré quelques jours, apres avoir fait quelque fatisfadion à fon Oncle, il fut mis en liberté. Cette efpece de réconciliation pourtant, ne dura pas long- temps; car M. Hoiiel ayant donné une Requeftc, tendante à faire vendre tous les effets appartenans à la Communauté de feu M. Boifleret fon beau-frere &£ de luy, -Bayant fait lignifier aux Ant-TJle s de l 'Amérique. yfi à Ton Neveu, celuy-cy s’y oppofii absolument, ce qui les fi rompre de nouveau, &: en venir aux reproches & aux injure plus qu’auparavanc. Quelque rcfiftance pourtant que M. Boifîeret pût apporter, M. Hoiiel ht palier outre à la vente qu’il avoit refoluë , fai- huit adjuger les chofes à des perfonnes qui luy eftoient affidées, & mefmc en fit achepter beaucoup au nom de fa fille qui n’a- voit que huiét jours. Cette vente fe monta à un million cinq cens vingt- neuf mil livres depetun : pendant laquelle M. Boific- ret n’ayant pu S’empêcher d’éclater en quelques menaces : ces menaces ayant efté rapportées à M. Hoiiel, il le fit embarquer & le renvoïa en France. Bien que le retour de M. le Chevalier Hoiiel, & celuy de M.de Boifîeret, enflent tout à fait choqué Madame de Boif- feret , il n y eut rien pourtant qui la defobligeât davantage que la Lettre que M. Hoiiel écrivit à M. Harvier, fon Pro- cureur au Parlement , un iour avant la lignification de la ven- te dont nous venons de parler ; car voyant par cette Lettre qu’elle ne devoit plus rien attendre de Iuy , pour la conserva- tion de fes interefls dans les Ifles, elle prit la refolution la plus gencreufe & la plus hardie dont une femme fût capable, nous en parlerons dans le paragraphe Suivant, apres que j’au- ray donné cette Lettre qui en fut l’occafion , & que J ’auray dit cc qui fe pafîoit pour lors à la Guadeloupe. M ONSIEVR, le vous prie de me mander dans quelle refolution efi ma ,, Soeur pour nos difficultez; carie ne fuis pas cndeflcin de me „ mêler d’avantage de nos Domaines n’y e fiant pas obligé ic j, me contcnteray de faire la Charge de Gouverneur, ie nay „ de ma Soeur aucune reponfe pertinente ; c’efi pourquoy ie vous ,,prie de me mander Son deflein, fi vous le connoiflez, nous „ jouons à un jeu où elle perdra plus que moy , & Sa perte Se „ rendra irréparable fi elle n’y remedie promptement, parce 3, qu’abandonnant tous les interefts où elle prétend avoir part 5 5 1 Efiablijf ornent des François ?» avec moy, elle ne perdra pas feulement le revenu, mais le j, fond mefme fe perdra avec le temps. Vous pouvez l’enaver- ?» tir charitablement, afin que plûtofi: que plus tard elle y a'p-- ?, porte le remedç. VaFortdeUBajJt-tsyye delaGu.t” Voflre très- affe&ionné deloips ce 8 . larmier 1.(357. ferviteur, H O ü E L.- Pendant que Madame de Boifleret employé tous fes foins* 6 coniülte tous fes amis pour prendre des mefuresjuftes, afin, deconferver fon bien & celuy de fesenfans dans les Ifles; M* Hoiiel fe fit une affaire dans la Guadeloupe, qui n’a pas peu con- tribué à fa ruine ; car fous prétexté d’exempter les habitans de la garde, s’efiant avifé de doubler les droits Seigneuriaux, & de mettre à deux cens dix-fiuid livres de petunce quin’ê- toit qu’à cent neuf, les ayant encore augmentez de foixante livres ( peut-eflre pour faire payer les droits qui eftoient deûs à M. de Tfioify ) tous les habitans prirent les armes & la ré- volté fut fi grande, que s’il ne leur eût accordé la fupprefliom entière de tous les droits Seigneuriaux, des corvées, la moi- tié de ce qu’ils avoient coutume de payer pour la garnifon,. & une amniftie entière pour cette révolté qu’ils prerendoient faite avec raifon, ils i’auroient infailliblement afiommé, ou du,: moins chafie de fon Ifle. La faute qu’il fit enfuitc, ne fut pas moins confiderablei, car fur ce que les habitans avoient propofé pendant leur fbû- levement d’effiablir M, de Temericour fon neveu en fa place, il ne les eut pas plûtofi: appaifez, qu’il le renvoya à Madame fa merc aufli mécontente que les autres ; 6c afin de n’avoir perfonne qui le pût contredire , 5c d’eftre le maifire abfb- ludc fon Ifle,, il chaflfa iufques à plus cent chefs de famille, qui avoient trempé dans la derniere révolté^ Âpres cela , pour n’avoir pas le démenti de ce qu’il a voit en- trepris, ayans attiré à foy les Officiers 5c les habitans qui luy avoicnr le plus d’obligation, il leur propofa le defleinqu’ii avoir de changer le droit de capitation , en une Dixme qui •feroit levée fur tous les biens du pays; & leur prefenta pour ce aux An t-IJle s de l’ Amérique. ce fu jet à tous en particulier une Requefte, par laquelle ils le prioient de faire ce changement. Quinze ou feize la fignerent apres quil leur eut promis de les en -exempter, ceux-cy pro- mirent la mefme chofe à leurs amis, 5c les Officiers eftans ali lez de Café en Café à mefme déficit! , tous la lignèrent , par- ce qu’ils n’eftoient pas en eftat de s’y oppofer ; deforte que lors que l’on voulut faire la levée de cecce Dixme, les ha- bitans s’cn eftans plains, Monfieur Hoüel leur fit voir qu’ils avoient tort , puifqu’clle n’a voit elle eftablie qu’à leur re- quefte. Vn procédé fi artificieux éloigna l’afiè&ion de la plu ip art des habitans , & le manquement de parole à ceux aufquels il avoir promis l’exemption de cette Dixme y (qui furent con- trains de la payer comme les autres,) aliéna fi bien les efprits, que ce fut fans doute ce qui donna un fuccez tout autre que Ton n’efperoit en France , à l’entreprife de fon frere 5c de fes ne- veux, dont nous parlerons apres que nous aurons veu les pré- paratifs de leur voyage. tAMéadame de Boijfcret envoie fes En fan s a U Guadeloupe , fous U conduite de (AMi. le Che- valier Hoüel fon frere. Leur embarquement Çf leur arrivée aux IJles. §• i u APres la Lettre dont nous avons parlé , Madame de Boiflc- ret ne doutant plus de la mauvaife volonté de fon frere, refolut d’envoïer les plus âgez de fes Enfans à la Guadelou- pe, pour fe mettre en pofteftion de ce qui leur appartenoit, 5c pour obliger leur Oncle d’en venir à un parcage. Elle n’eur pas de peine à les faire entrer dans fes fenrimens, n’ycn ayant pas un qui ne voulut confcrvcr le bien que feuM. leur Pere leur avoic acquis avec tant de dépenfe, 5c qui luy avoit mefme coûté la vie. I. Partie, Aaaa 554 EJlabliJjement des François Elleeftoit également informée de la bonne volonté des Peu- ples envers fesEnfans,&de i’averfion que tous leshabitans avoient conceuë contre M. Hoüehmais comme cette affaire eftoic du- ne dernière confequence ,& quelle avoir befoin d’un Chef qui eût les qualitez neceffaires pour la faire réüffir; elle jetta les yeux fur le Chevalier Hoüellon frere, quielloit pour le moins auffi mécontent qu’elle , de M. HoüeL II avoit des amis à la Guadeloupe, & il avoit trouvé le fecret de fe faire aimer de tout le Peuple, n’ayant faitpayer aucun droitpendant le temps qu’il avoit gouverné. Madame de Boifferet, qui a de le/prit infiniment, voyant bien qu’elle ne pourroit iamais trouverun homme plus propre pour faire réüffir fon entreprife que ce Chevalier, iugea qu’il falloit l’engager eftroitement dans fes interdis, afin qu’ibfût obligé d’en faire Ion affaire propre. C’effi pourquoy elle paffa un Contraâ: avec luy le douzième Avril 1659. par lequel elle luy céda la moitié, en celle qui luy ap- partenoit & à fes enfans, c’eft à dire un quart fur le total de tous les meubles, Negres , Efclaves, Bcftiaux, Immeubles, habitations défrichées avec leur elfenduë & le relie , pour la fomme de trente mil livres, à condition qu’il payeroic la moi- tié des frais de l’embarquement qu’il falloit faire, pour ranger Monfieur Hoiiel à la raifon , & pour fe mettre en poffeffion de Fille. Le Chevalier Hoüeî engagé avec Madame là fœur par in- clination , pariuflice, &: par intereff, ne perdit point de temps, Sc travailla auffi-toll à préparer toutes chofes pour fon embar- quement: & comme le fecret ell l’aine des affaires, il ne vou- lut point faire fon équipage à Dieppe , ny au Havre, ny dans les Ports, où Ton fait ordinairement les embarquemens des Ilîes, de peur que M. Hoiiel n’ayant le vent de fon deffein, ne fe mit fur la deffenfive, ce qui auroit rendu l’encreprife plus difficile dans fon execution; c’ell pourquoy il choifit un Havre écarté, fçavoir la rivicre de Somme en Picardie, dans laquelle il ne fc faitprefque iamais d’embarquement pour les Ides, & ménagea fi bien fon affaire, que fon monde elloit embaiv que fans que l’on fçeut dans le pays de quel codé iroit fon N avire: qu’il avoit monté de cent bons foldats, pour joindre aux habitans, en cas de, rcfillance. aux Ant-IJles de [Amérique. 5 5 y Auparavant le départ du V aideau, Madame de BoifTerct écrivit à M. Hoüel à la Guadeloupe, 5c luy manda qu’elle en- voïoit fes enfans pour faire le partage qu’il avoir témoigné fouhaiter; elle accompagna fa Lettre de celles de Meilleurs d’Ormeffon, de Chanut, 5c de plufieurs autres perfonnes de qualité leurs parens communs, qui l’exhortoient à traiter les chofes à l’amiable 5c à bien recevoir fes Neveux, l’afleurant qu’ils auroient pour luy de l’amitié & durefpeét; quelquere- cherche[que j’aye fait, ie n’aypû recouvrir de toutesces Let- tres que les deux fuivantes , qui font de Meftieurs Chanut 5c d’Ormefton. M ONSIEVR, >, Fattendoisl’occafion du départ d’un VailTeau pour me don* j, ner l’honneur de vous écrire 5c de répondre aux Lettres que „M. Hinffelina pris la peine de me rendre de voftrepart, en- „ fuite defquelles j’avois veu plufieurs fois M. d’OmefIon,qui „ me connoiffant ancien ferviteur de voftre maifon , avoir bien „ voulu que nous euflions diverfes conférences fur les moyens ,,dc prévenir les difîèrens qui commencent à naiftre dans une „ famille , lors que nous avons efté l’un 5c l’autre fort furpris „de la refolution que Meilleurs d’Hcrblay & de T emericour, „ vos neveux, ont piifedepafferà la Guadeloupe. Il eftvray, ,,Monfieur, que la proportion faite de voftre ordreàMadame „de BoifTeretparM. HinfTelin, pourl’achaptdefaparten ladite „Ifle, n’a pas efté agréée de la plufpart de fes amis aux con- „ dirions quelle portoit, &que M. d’Ormeffon 5c moy qui de- vrions pafiionnémentla paix entre .vous, n’eftimans pas que „nous la d’euffions prefler d’y confentir, nous nous trouvions „merveilleufement empêchez à chercher quelque voye d’ac- ,, commodément d’une commune farisfaétion. Le deffein que ,,ces Meilleurs ont pris a terminé toutes nos deliberations fur ,,ce fiijet; 5c comme il a efté formé fans noftre participation, 3, ne nous ayant efté déclaré que fur le poinét de l’execution, 3, 5i lors qu’il n’y avoir plus heu de s’en départir, nous ne pou- Aaaa ij y 6 EpMbhjfemcnt des François vons y interpofer naître jugement & moins y mêler nos of- „fices autrement qu’en priant Dieu, qu’il luy donne un bon „ fuccez 5c tel qu’on lepeutcfpcrer , fi de leur part ils Te con- 3, duifent avecle relpcd qu’ils vous doiv eut, & que de la voftre „ vous y conflueriez la juftice que vous leur devez. Ils font 5, periuadez qu’il ne leur reftoit que cettç manière de vous la j, demander : maisquoy qu’il en Toit ie vousfupplie, Monfîeur, SJ de regarder plûtoft le fonds Sc laraifon, 5c leurs prétendons, ,,que ce procédé un peu furprenant auquel ils fe croient re- 3,duitsj pour moy ie me figure que le principal motif qui les „ a portez à ce voyage a efté l’opinion qu’ils ont, que voftre „ prefence fur les lieux, vous donne un très-grand avantage „ dans toutes les ouvertures qui fe peuvent faire pour unaccom- modem eut, & que celle mefmc du partage leur feroit inuti- „le, s’ils ne fe mettoienren eftat de faire valoir la part qui leur „échêroit. S citant donc déterminez eux-mefmes à traiter ce ,, parcage, & n’efperant plus d’autre accommodement : Il refte, „ Monfîeur, que comme bon frère & bon oncle, vous tempê- „ riez fi équitablement tout le procédé qui fera à tenir pour ,, venir à cette divifîcn, quelle ne divife point vosefprits , 5c „ que vous conferviez toujours l’intelligence qui vous efttres- ,,necelfaire pour vous défendre des ennemis au dehors, & au >, -dedans pour vous maintenir contre les révoltés. Peut eltre ,, que Ievenement fera voir que vos travaux Se Vos foins eltant „ recueillis & plus attachez au particulier de ce que vous en* „ trep rendrez pour faire valoir voltre bien, le fuccez vous en „ fera plus fruélueux, mais fur tout ie ne me puis départir de „ la croyance que la Benediétion de Dieu, qui Icul fait les „ hommes véritablement riches , le répandra far vousplusabon- dammenc, quand vous ferez en pleine paix 5>C en parfaire „ amitié dans voftre famille, joint que nous devons toujours ,, p enfer que nous fommes mortels, & que nous ne pouvons „ point mieux pourvoir au bien Se à la leur été cle ceux que ,, nous taillons apres nous, qu’en leur procurant l’afFeétion 5c „ le fupport de leurs parens 5c de leurs amis. Ce font, Mon- sieur, les confiderations qui me paiïent dans l’cfprit, main- tenant que ie voy le confcil pris 5c les chofes refolucs , cçs ) aux Ant-ljles de F Amérique . ^7 ^Meilleurs eftant à la veille de leur départ. l’aurois fouhait© ,,de tout mon cœur que leur voyage eut effé prévenu par un „ Traité qui n’eut rien laiffé à décider furies lieux; maispuif- „quc la Providence Divine permet que les affaires prennent çe cours, ie vous conjure, Moniteur, d’y concourir par vô- „trc prudence, laquelle eftant fans comparaifon plus grande „ OU. plus exercée que celle de Meilleurs vos neveux, doitauffi. „fuppléer de fa part à ce qu’ils pourroient obmettre de leur „ collé, 6c en cela il ne nous ell pas d’un petit foulagement de „ voir que M- voffre frere s’eil engage à ce voyage que nous „ croyons qu’il entreprend avec la penfée de moyenner entre „ vous 5c Meilleurs vos neveux des conditions équitables, ^Ics "ramenant à leur devoir, fi leur jeuneffe les follicitoic à s’en "écarter, 6c vous reprefentant leurs interefts avec l’affection ", ôc la liberté de frere. Enfin , Monfieur, puifqu’il faut que les "choies foient traitées de delà fans fentremife de vos amis "communs en France; ie vous conjure derechef par voffre pro- " pire repos d’y apporter la fageffe , la juftice 6c la modération, "fans lefquelles il eft impoffible que ccttc affaire fe démêle hcv^n 5> reufement. le fuis, MONSIEVRj farts le dixié- me tAvril 165?. y offre tres-humble 6c tres-obeïf-, fan t fer vire ur , C h a N y Xk m ON S IE V R MON COVSIN, ' Comme il me fcmble avoir reconnu par toutes vos Let- très 6c par les conférences que j ay eues avec M. Hmffehn, fur vos affaires, que vousaymiez mieux faire le partage de „la Guadeloupe avec ma Coufine voffre fœur, que vous cn- traser à luy payer une grande Pomme d’argent, pour acquc- n nr fa moitié & demeurer feul Proprietaire de cette Iilc, ic me perfuade que vous avez apris avec beaucoup de joyc la *-• ~ ' /V a a a nj » 558 EJlabliJfement des François 3, refolution quelle a prife d’accepter ce parcage, & de vous ciî- sjVoyer Tes Enfans pour Je faire avec vous. » Je vous avoue que ; ayiufques àprefentfouhaité que vous 3> culïiez pu poiïeder toujours la Guadeloupe en commun avec p, elle & vos neveux, m’imaginant que voEre eEabliflement pj en auioic eEé plus fort & plus utile par l’union & le concours. 3, mutuel que vous vous fuiliez donne les uns aux autres ; mais „puifque vous avez eu fur cela d autres ientimens,& quecet~ 33 te union ôc cette Communauté ne fe peut plus relia - ppbhr, ie croy qu’il vous elt plus avantageux de partager v&- „tre Ifle avec Meilleurs vos neveux, que de vous en rendre „ feul Proprietaire , parce que bien que par cette divilion vos 3, intercEs feront feparez & differens dans la poireiîion de ce „ qui vous appartiendra a enacun en particulier, vous con- ,, viendrez ncantmoins toujours dans les mefines fentimens ,3 peur la confervation du total, & vous vous ferez tres-uti- ,, les les uns aux autres : au lieu que E vous e liiez feul vous 33 demcurciiez plus expofe aux mauvais dcileins, vous feriez 3, chargé de beaucoup plus de foins; & au moindre accident „ qui vous pouiroit arriver, vofirc famille ie trouveroit „ abandonnée & fans aucun fecours. Ainfi, mon Coufm, ie „ croy qu’il eE tres-avantageux que plufieurs perfonnes de va- ,3 ti e famille & qui vous loient proches , demeurent inte- j., reliez avec vous pour augmenter & faire valloir voEre s, Ifle. 3, La ;eule choie que ie iouhaite comme d’une extrême im- 3, poj tance, eE que ce partage & cette divilion d’heritages & „ de biens ne divife point vos efprits, & que vous demeuriez „ parfaitement unis lesuns avecles autres. Comme cette bon- y,ne intelligence eft la feule chofe qui m’ait donné inqctietu- „ de, lors que ma Coufme m’a dit fa refolution j’ay pris de „ fen coflé toutes les précautions poflibles pour luy faire voir „1 importance de cette bonne intelligence, *&: ien’y ay pas eu „ grande peine, 1 ayant trouvée dans desientimens fur cepoint 3, teis que ie pouvois fouhaiter , elle n’a rien tant recommandé 3, a fes deux enfans que d’avoir pour vous tout le refpeél & 3, 6^ la aélercnce quils vous doivent; & parce qu’elle s’eE MX Ant-ljles de l' Amérique. 5 j 9 s> imaginée qu’eftant fore jeunes, ils pourraient peut-eftre fe plaider emporter àquelque promptitude, elle a prie M.Hoiiel „ voftre frere de faire ce voyage avec eux, & elle luya dou- ane quelque part en fa moitié pour l’obliger à s’interefferplus „ particulièrement en leur conduite. le fçay encore que M. ,>Hoüel voftre frere s’engage à ce voyage avec des fentimens ,,fi raifonnables pour vous, 5c fi pleins d’amitié, que ie puis ,, vous dire que le bon fuccez de cette affaire dépend abiolu- ,3 ment de vous 5c de voftre conduite -, c’eft ce qui me fait „ bien efperer du voyage de M. voftre frere 5c Meilleurs vos î> neveux, 5c qu’en fai fant le partage de vos Domaines 5c de «ce qui vous appartient en commun, vous vous réünirez tous 33 enfemble avec une telle liaifon, qu’il n’y aura plus entre vous „ aucune alteration, ny mes-intelligence; &ie ne doute point „que vous n’y concouriez chacun de voftre cofté en tout ce ,3 qui vous fera poiïible , puifque vous pouvez tous fort aifé- 3, ment prévoir les maux que voftre divifton peut vous pro- ,3 duire; ie n’en connois point qui ne foient extrêmes, 5c qui .33 n’apportent avec foy la ruine 5c la perte entière de voftre ,, eftabliffement. Ainfi, mon cher Coufin, comme vous eftes „ le Chef de la famille , le plus fage, 5c 1e plus éclairé; ie vous ,, conjure aufti de vouloir eftrc le plus modéré, le plus rete- ,,nu 5c le plus patient; 5c il me femble que dans ces fortes ,, d’affaires il ne faut pas s’arrefter à peu de chofe pour lesbien ,, finir, il faut fe relâcher de fes interefts, 5c perdre quel- „ quefois, pour gagner la paix& l’amitié des voftres; enfin ie ,,finiray avec ce mot qui eft de l’Evangile. Tout Royaume di- , 33 que içpouvoisavoiràla Cour, parce que ie long-temps que 33 j’auois pafie à la Guadeloupe, ( pendant lequel j’a vois perdu les „ deux perfonnes qui me peuvoientfervir le plus, )ne m’ayant 3> paspermis d’y trouveraucuns amis, ny mefine de connoifian- ?3 ce.- ( qui font les chofes neceiïaires pour s’y avancer, ) ie n’ay pû 33 y en prétendre qu’vn fort médiocre pour ma condition. Pay 33 donc , mon cher Frere, entrepris ce voyage dans la penfee », de vous y eftre plus vtile qu’aux autres, quoy qu’il fcmble que „iefois plus dans leurs mterefis que dans les vofires,à caufe de ,,racquifition que j’ay faite du tiers de la moitié de ma Sœur , en ^ elperant faire détourner ce monfire de divifion qui menaeç aux iAnt-IJlss de l'Amérique. 653 J, noftre Famille. I’ay fait cette acquifïtion fur ce que vous m’a- jj vcztoufiours die que vous feriez bien-aife que j’euffe parta la jj Seigneurie 5c propriété de la Guadeloupe , 5c que vous me fe- » l'icz la mefme compofîtion fur voftre moitié que mon Beau- „ tterc 5c ma Sœur me feroient fur la leur. Vous vous fouvenez « bien que vous m’avez reïteré cette parole l’efpace deftx ou jjfcpt ans, que fur cela ie luis demeuré auec vous en contribuant » de mes foins 5c de mes peines, comme fi le tout avoir cfté à j, moy ,( vousfçavez ce qui en eft ) 5c que ie vous ay plulieurs j, fois dit (lors que vous aviez la bonté de me promettre , que j, iî mon beaufrcrenc me vouloir vendre vne portion de fa part, jj vous m’en donneriez en pur don , pour reconnoiffancedemes j, lervicesjunepîus confiderable que nepourroit eftre aucune de „ celles de vos enfans en vous cnremerciant; que ft ie croyois j, qu’il me le rcfufaft ie ne demeurerois par une heure dans le j, pays. Vous pouvez iugerle tort que ce lejour m’a fait, c’eft pourquoy ie ne vous en parleray , ne doutant pas que j, vous ne foyezdans les fentimens où vous efticz pour lors, j, ayant encore la mefme tendrefte que vous aviez. Ien’yaurois „ pourtant pas pensé fi cette occafion de vous fervir tous ne s’e- jjftoitprefentée , qui m’a fait croire que vous feriez bien-aile „ de me tenir voftre parole, 5c d’attacher auprès de vous uncper- „ fonne qui vous eft tout a fait affedionnée. Vous ne pouvez ai plus douter que ce ne foit cette confideration ieule qui m’ait „ engagé à cette affaire , puifque depuis mon départ d’auprès de , , vous ie n’y ay pas penfé,quoy que j’en aye toufiours eu les j, mefmes moyens ; ie me ferois donné l’honneur de vous aller ,, porter le Contra d que j’ay pafle avec ma fœur , 5c vous de- , , mander de quelle manière vousdefirez que nous traittions de „ nos affaires, & comment v,ons fbuhaitez que nous falîions les , , partages que vous luy avez demandez , fi ie n’a vois efté retenu „à caufe du peu de fejour que noftre Navire veut faire en certe j, Ille ,& de la quantité du monde 5c de marchandife que nous „ avons a débarquer , mais j’ay prié ccsRR.PP.de vous en aller ,, faire mes excufcs& vous rendre les Lettres de nos parc ns 5c „amis avec qui nous en avons conféré. Ce fonc des perfonnes â a, qui vous pouvez avoir toute confiance. Pour le Contrad,ic Bbbbij 5^4 EftMijfement des François ^vous îeporteray lors que vous m’aurez mandé voftre refoîu- tion : ce que nous vous fuppiionsmes neveux &: moy de nous „ faire fçavoirparlefdits RR. PP. d’autant que comme eux & „ moy feront obligez d’avoir toûjours des garni ions chacun chez nous, nous avons amené un nombre aidez confiderable de foi- n dats,àla nourriture dcfquels nous n’avons pourveu que pour „ peu de tcmps,dont nous ne pouvons pas attcn dre la fin pour ter- „ miner nos affaires. Pendant que ce bon Peres’acheminoitversM. Hoüelpour s’acquiter de cette Commiffion , ces MefTieurs mirent pied à, terre à la poin&e de noflre riviere , firent mettre tous leurs foldats en bataille , marchèrent tambour batant & Enfei- gnes déployées, s’emparèrent du paffage de laRiviere, Scfe poflerent fur le bord dans un lieu fort avantageux. Ils en- voyèrent en mefme temps leur manifcfle chez tous leurs amis pour les informer de leur deflein , apres quoy il vint un fi grand nombre d’habitans leur offrir leur fcrvice, qu’ils ne doutèrent plus du bon fiiccez de leur entreprife. L’on peut aifémcht iuger de l’eflonnement de M. Hoiicl » quandril feeut l’arrivée de fon Frere & de fes Neveux, qu’ils efloient refolus de le contraindre à partager l’ifle &: les effets dont il s’efloit abfolument emparé ; car il faut obferver qu’encore qu’il fit toutes les fondions de Gouverneur , il n’en avoir pourtant aucunes provifions du Roy , ce qui auroit for- mé un très- grand obflacle à cette entreprife; mais il fut bien plus furpris quand il feeut que la plufpart de fes habitans en* troient dans leurs interefts,& efloient refolus de féconder leurs deffeins. Il ne laiffa pas de faire commandement au peuple de prendre les armes pour leur courir fus; mais ils !uy répondirent par la bouche de leurs Officiers , qu’ils n’avoient ny poudre ny balles pour combattre leurs Seigneurs, qu’ils efloient les tres- bien venus dans leur Ifle, qu’il efloit jufle de leur rendre le bien qui leur appartenoit. Pendant que les créatures de M. Hoiicl alloient de Café en Gafe pour contraindre le peuple à prendre les armes, il fit affcmblcr fon Confeil compofé des fieurs Morel , du Çqudray, du Lys, duGuerry, le Brun & le Gris, &fitdonnc£ mx Ant-TJles de l'Amérique '. j 6$ un Arreft le vingt-neufiéme Iuillec 1659. par lequel les Sieurs Chevalier Hoüel 6c d’Herblay, furent déclarez criminels de leze-Majefté, comme perturbateurs du repos public, avec or- dre aux habitans de leur courir fus, 6c défenfes de forcir de leurs Cafés huid heures pallées , à peine d’eftre procédé contre-eux fuivant la rigueur des Ioix. Ces Meilleurs qui n’eftoient pas venus de France pour r’avoir leur bien par la plume 6c parles voyes delà chicane, ne s’efton- nérent point de cét Arreft , 6c luy firent dire, que s’il ne le leur rendoit d’amitié , ils le retireroient par la force. En effet, ils furent deux ou trois fois prefts d’en venir aux mains; & il y avoir bien de l'apparence que cette affaire nefe termineroit que par la force. C’eft ainfi que le R. P. Philip- pes de Beaumont nous l’écrivit, en ces termes. Ces Mef- ,, fleurs m’ayant fait le porteur de leurs Lettres, ie fus le pre- ,, mier Médiateur de la paix, en attendant le P. R. Fonça, ne „qui acheva heureufement ; enfin au huidiéme jour nous fif- 5, mes pofer les armes bas de part 6c d’autre , les ayant fait con- tenir à un compromis, qui fut de mettre tous leurs interefts „ de part 6c d’autre à huid Arbitres, quatre de chaque cofté, „lefquels huid cnchoifiroientunneufiéme.Le R, P. Fontaine, „le R. P. du Bois 6C moy , &un nommé M. Ponthelier, autre- ,,fois Iéfuite, fuîmes choifis de M. le Chevalier Hoüel 6c de „M. d’Herblay: 6c trois Peres Iefuites & un R P. Carme, „ de M. noftre Gouverneur : 6c pour neufiéme , fut choili 6C „ prié M. le Chevalier de Salles, digne Neveu du Bien -heureux ,, François de Salles, qui cftàSaint Chriftophe avecM. leGe- ,, lierai de Poincy, L’alfemblées’elf tenue chez nous, 6c a du- „ ré fept Semaines entières ; il y avoir Advocat de part 6c 3> d’autre; enfin pour conclure, fille a efté partagée, & fommes „ tombez dans la part de M. noftre Gouverneur, mais il luy „cn coufte 34000. livres. le vous afleurc que cette affaire nous „ a donné beaucoup de peine , tant dans les commencemens pour ,, empêcher qu'on en vint aux mains, à quoy on a efté preft ,,deux ou trois fois, que dans toute la fuite, 6c y avons efté ,, notablement interelfez, 6c fi ie ne vois pas que nous enpuif- 33 fions attendre d’autre rccompenfe que de Dieu,&c. Bbbb iij 5 66 EJlabliJfiement des François Compromis pajfiè entre Monfienr Ucüel & Menteurs le Chevalier Hoüel fin Frere ff Monfienr dtferblay , pour le partage des T er* res & des Biens de leur Communauté . §. ii. Auparavant que de travailler au partage de rifle & des E£ fets qui en dépendoicnt , les Arbitres firent pafifer à ces Meffieurs un Compromis le troificmc Aoufl mil fix cent cm quante-neuf, tel qu’il s’enfuit. » A elle accordé que les Seigneurs Hoüel 5e Boifleret , au* „ ront fur la part 5e portion qui leur écherra , mefme droit,. „authorité & privilège, tantenluftice que Milice, que leSei- „ gneur Gouverneur 5e Oncle à eu iufqu’à prefënt en ladite „Ifie, 5e aura à l’avenir en la portion qui luy écherra ; confen- ,3 tant ncantmoinspar le refped & l’amitié qu’il luy porte, qu’il „ retienne fa vie durant la qualité de Gouverneur de ladite „Ilîe de la Guadeloupe, fans que ladite qualité puille préjudi- ? ? cier à leurs droits, fauf à foûmettre au Jugement defdits Ar- 3> bitresy s’il peut appartenir quelque dédommagement audit a> Seigneur Gouverneur , 5e qu’ils confentent Iefdits Seigneurs „ Hoüel 5e de Boifleret Frères & Neveu , quepar toutou ilsaf» „iembleront leurs armes avec leur Oncle pour la deffenfecom- ,,mune defdites Mes, ledit Seigneur leur Oncle commandera. « en chef les troupes par eux alïemblées. Fait ce premier jour yjd’Aouft mil fix cens cinquante-neuf. II y aaubasdece Corn,. w mis uxierecomioiflance par devant les Notaires. " aux Ant-JJles de l Amérique, A? Lots & Partages de la Guadeloupe & autres liles. ^Premier Lot echeu a ^AhConfleur £Herblay . S Es Bornes feront du coRédu Nord de la Riviere Saint char • .es , autrement grande Riviere auxGoûyaves. Du codé d Orient une ligne imaginaire qu’on déterminera en coupant en long les Montagnes de fille. Du collé du Sud , la Riviere du Bailly. - Dans ledit Lot eft compris tout le grand Cul de Sac , avec tous les Mets, fès pefehes, à la referve de la Café aux Lamcn- tins. Y eft pareillement comprife Mariegalande avec fes dépen- dances ; la Defirade petite -terre , l'habitation des vieux habit ans , où demeure à prefent M- Galand, & celle de SainEîe Marie de la CapJlerre dans toute fon eftenduë, d fçavoir depuis la Rivie - re de la Bequeterie ou du Morne rouge dans l'homme iulqu’à la Ri- vière dite du Lorrain, à chalfer iufqu’au fommet desMontagnes avec toutes fes appartenantes j en Seigneurie & mouvante du Roy, en plein Fief, conformément d l’Edid du Roy , fans y compren- dre ncantmoins les mobiles; aux conditions que les vivres qui font d prefent dans lafufdite place pendans parles racines, fe- ront communs aux parties, que les habitans y pourront fans aucuns impolis, violences, & oppofitions, embarquer & des- embarquer leurs perfonnes. Auront le grand chemin libre, & en cas de querelles qui pourront fubvenir hors de ladite habi- tation de Sainte Marie, elles feront iugées par la Iufhce du Sei- gneur, dans le Lot duquel fera compris le pays St Seigneurie de ia Capjflerre. • A elle pareillement refolu par les Arbitres en faveur de ce premier Lot, qm le Seigneur auquel il écherra, aura tout droit de pcfche devant les terres de la fufditc habitation de Saincle Marie. Aura pareillement le Seigneur de la Caplter- rc Iurifdidion de tous les Deliéts qui pourroient fe commet- 5^8 EJiabliJfementdes François trc fur le grand chemin, & lieu d’embarquement. Lequel pre- fent Lot a eftéarrefté&closdu confentement des parties, par la Compagnie affemblée le vingt-troifléme Aoufl: mil flxcens cin- quante-neuf. Second Lot , êcheu a Monfieur Hoüel. COmprend les autres terres de fille non mentionnées dans le premier , comme font les Montagnes de Saint Louys , de Hdle-'veuëj de Beau-foleil , de /’ Ejperance , de Saint Charles. Le Fort de la Baffe-terre & autres, tant Terres que Domaines non expri- mez dans l’autre Lot: Montagne de Tourfou , la V ointe du Fort, grande *énce , à la referve de l'habitation appartenante au Sei- gneur Chevalier Hoiiel, &de la moitié d’une autre habitation, qui autrefois appartenoit aux RR. PP. Carmes, & que M. le Gouverneur avoir vendu à M. Defprez, ledit Seigneur Che- valier Hoiiel en ayant acquis de M. de Boifferet ce qui Iuy en pouvoir competer & appartenir, avec les privilèges mentionnez dans les Conrrads , dont ledit Seigneur Gouverneur a eu com- munication. Dans le mefmc Lot eft aufïï compris la Capfterre , la gran- de Terre , les Xaintes , la pefche de la Café aux Lamentins. Les Bornes du fécond Lot font du coftcduNord, la Ri'viere du Bail- ly. Du coffé d’Oiieff , une ligne imaginaire qui doit effre tirée coupant en long les Montagnes de rifle. Du coffé du Sud, la g ande Rivière aux Goüyaves , autrement appellée la Riviere Saint Charles s lequel prefent Lot a efté arrefté & clos du confentement despartiesipar la Compagnie affemblée le vingt-troifléme Aoufl; 1659. Aura le Seigneur de la prefente Lotie droit deîurifdiéfcion dans les grands chemins de ladite habitation de SainEîe Marie-, & iuf- qu’au lieu de l’embarquement ; pour les deli&s qui pourroient effre commis. A effé d’enchere faite parles Sieurs HoüeI& d’Herblay de h Montagne de Saint Louys , pour en joiiir à !’ advenir , adjugée audit flcurHoùel pour la fomme de trois cens livres de rentc,rachepra- fole de la Tomme de 34 000. livres , pour laquelle fomme eft inter- venu aux Ant-IJles de F Amérique. $6$ venu caution pour M. Hoüel, Pierre le Fébvre Marchand ha- bitant de ladite Ifle ; &: fur ce que le fieur d’Herblay avoir de- mandé encore audit fleur Hoüel une autre caution plus forte, a elle donné pardeflus ledit le Fébvre, la perfonne d’Ifiiac du Guerry Marchand, le vingt-huiétiéme Aoufl: mil fix cens cin- quante-neuf. Il y eut encore une Sentence Arbitrale rendue le trêziéme S eptembre mil fix cens cinquante-neuf, apres laquelle toute rifle croïoit avoir la paix, &c nos Peres en chantèrent le Te Deunt en aétion de grâces. Nouveau démêlé entre les Seigneurs de la Cjua - deloupe. Le Chevalier Hoüel ff) le Sieur HinJ]elin,fe battent. M. de Foincy les met d’accord. Lettre du Roy a ce füjet. §. iii. — A Peine le peuple commençoit de goûter les douceurs de la paix, que M. Ploüel, qui n’avoit confenty à l'accom- modement que par contrainte, fufeita de nouvelles difficultez qui les broüillerent & le mirent plus mal avec fon Frere&fes Neveux qu’il n’efioit auparavant- Car fes gens , foit par fon ordre ou pour faire tes bons valets , leur firent plufieurs in- fuites, defarmerent mefine leurs domeftiques , &c leur in- terdirent l’ufage des chemins qui eftoient demeurez com- muns. M. Hinflelin aufli prit fi à cœur l’injure qu’il croïoit avoir efié faite à M. Hoüel fon beau-frere , qu’il trouva enfin l’oc- cafion de Ce battre contre le Chevalier Hoüel; mais comme ils eftoient tous deux fort braves de leurs perfonnes, ayant fait en cette rencontre tout ce qu’on pouvoir attendre de leur va- leur, ils furent feparez. M. le Bailly de Poincy ayant efié aver- ti de leur querelle, crût qu’en qualité de Lieutenant General pour fa Majcfié fur les Ifles, il eftoit de fon devoir d’en cjn- I. Partie. ‘ - - Cccc yj o EJlabliJfement des "François pêcher les fuites, c’eft pourquoy il leur envoya un homme ex- prez avec cette défenfe. „ Ayant efté averti que les fieurs Chevalier Hoüel & Hinf- „ félin, par un fâcheux rencontre auroienctiré Iepée l’un con- tre l’autre; dz fçachant de plufieurs endroits qu’ils auroient „ fait en cette aétion , tout ce qu’on peut attendre de gens pleins j, d’honneur & de valeur; Nous leur ordonnons de la parc du ,,Roy de demeurer bons amis à l’avenir, proteftanc d’écrire „ contre celuy des deux ou contre tous , s’ils fe portoient à „ quelque extrémité, ou conrrevinlfent aux Ordonnances de „faMajefté. Fait en noftre Hoftel de la grande Montagne le „ quinziéme Février mil fix cens foixante. Signé* le Che- 5,valier de Poincy. Leurs amis communs de France appréhendant quelque fui- te fâcheufe , Sz croïant qu’il n’y avoïc qu’une puiiTance Royale qui pût obliger M. Hoüel à vivre en paix avec fes Neveux, eurent recours à fa Majeffcé , qui ne travaillant qu’à procurer le bien de fes fujets* écrivit à M. le Bailly de Poincy qu’il eut à conferver la paix dans la Guadeloupe , & à empêcher les en- trepriies du fieur Hoüel , contre la Dame de Boilferet fa Sœur, & fes Enfans. Lettre du Roy a Ai* le Bailly de Poincy fin Lieutenant General ezj JJles de i Amérique, A Onfieurlc Bailly de Poincy, j’ay bien voulu vous recom- „ I V 1 mander, d’avoir l’œil fur ce quife pafTera enl’Ifle de la „ Guadeloupe, afin d’y conferver la tranquilité, ufant dupou- „ voir que ie vous ay confié fur toutes ces Colonies, & pour „ obliger le fieur Hoüel à Iaifler joüir en paix la Damedc Her- î, blay , fes Enfans, & ceux qui y feront de fa part, du parta- „ ge que vous leur avez procuré , dz qu’ils ont accepté , fans en* „treprendre les uns furies autres par aucunes voyes. Cequ’ê- „tant alfeurê que vous ferez; ie prie Dieu, Monfieur le Bail- „ Iy de Poincy, qu’il vous tienne en fa fainéle Garde. Efcrit „à Saint îean de Luz ce vingt-cinquième May mil fix cens i « V Vil aux Ant-Tfles de ï Amérique. *,foixante. Signé, Lovys; 5c plus bas, de Lomenie. Cependant A4. le Chevalier Hoiiel 5c fes Neveux fe dé- fendirent des entreprifes deM. Hoiielj & leshabitans prenant parti pour les Seigneurs, dans le partage defquels ils eftoienc écheus, époufoient leurs interdis avec tant de chaleur, qu’on apprehendoit une guerre civile qui efloit tous les jours fut le point d’éclore. I’ay entre les mains des mémoires tirez des Procez verbaux de quantité de violences & de mauvais traite- mens faits à des Particuliers, capables de remplir Pille de meur- tre 5c de fing , fi M. d’Herblay & fes Frétés ne les euffent diffi- mulés, de peur d’aigrirles chofes. Ces infultes 5c ces violences ne produifanc pas l’effet que M. Hoiiel en efperoit , il vint en France, où M. le Chevalier fon Frere le fuivit auffi-tofi: pour répondre aux chofes qu’il pourroit avancer. L’affaire de leur partage fut encore mifeen Arbitrage entre les mains deM. le Duc de Bournonville Gou- verneur de Paris, de Mefïieurs de Megrigny , Chanut,&Mi- romenil Confeillers d’Eflat, 5c deM. d’Ormeffon Maiflredes Requeftes, qui donnèrent le dix -hui&iefme Octobre mil fix cens foixante, une Sentence Arbitrale au gré des deux par- ties. M. Hoiiel fe reconcilia avec Madame fa Sœur , 5c fe fepara d’elle en bonne intelligence, 5c eflant arrivé aux Mes ilfutvi- jfké par fes Neveux-, la paix paroiffoit bien affermie, 5c tous les habitans y prenant part en firent des réjoüifîances extraordi- naires. Mais à peine deux mo'is s’eftoient-ils écoulez, que M. Hoiiel fe plaignit que fes Neveux l’a voient voulu affafîiner, 5c enjoi- gnit aux habitans en cas que les {leurs d’Herblay, de Tcme- ricourt 5c de la Potherie, leurs complices, ou aucun défaits ac- eufez marchaffcnt avec port d’armes, fur les terres dépendan- tes de fa jurifdidicn, de fonner le toxin, & de leur courir fus, les faifir 5c arrefler , 5c conduire en fes prifons : 5c afin que perfonne n’en prétendît caufe d’ignorance, il ordonna que ce jugement feroit leu. publié & affiché aux lieux publics de l’Ifle. Cette Sentence caufa bien des defordres, 5c mit tant d’ai- greur dans les efprits, que cette pauvre Ifle a efté long-temps Cccc i j 5 7 1 Eflablijf ment des François îe théâtre d’une infinité de mal-heurs qui ont ruine les uns & fait perdre la vie aux autres , entre lefquels on a beaucoup re- greté M. DesPrez d’un des plusçonfiderésde rifle, qu on affat faflina à ce que quelques-uns ont dit en fortant de noftre Egli- fe, bien que d’autres a fleurent que ce fut une rencontre.où ayant mis l’épée à la main il fut tué. Ces cruelles di vifions n’ont pas peu contribué à la refolution de faMajefté, d’envoyer M. de Tracy fut les lieux pour y met- tre la paix, & pour ranger les Gouverneurs à leur devoir, dont les querelles ruïnoient les peuples, & les Eltabhflemens faits dans les Ifles. Faix generale aux JJles entre les Nations Fran~ çoije , Angloife , Çÿ les Sauvages. Les Hahitans de la Martinique par l'entremife de Mon - fieur Hoüel font compris dans ce Traité. Mort du R. F. Fontaine , Tréfefi Apoflo - tique de nojfre M if ion. §. iv. L’Année 1660. ne fut pas moins favorable aux Ifles par une paix generale avec tous les Sauvages, quelle le fut à la France, par le Traité de Paix avec l’Efpagne. M. le Gene- neral de Poincy & le General desAngloisla traitèrent enlcm- ble , au nom de toutes les Ifles de l’une ôc de 1 autre Nation dez le mois de Ianvier, dont M. Hoüel donna advis a Monfieur de Vauderoque, Lieutenant General pour fa Majefté à la Mar- tinique. Les habitans de la Martinique délirant d’ellre compris dans ce Traité general, M. de Vauderoque aflembla extraordinai- rement le Confeil Souverain de rifle, &: l’on y refolut d en- voyer le fieur de Loubieres Capitaine, & le fieur Renaudot habitant, vers M. Hoüel Gouverneur de la Guadeloupe, pour aux Ant-IJles de [Amérique. 57$ le remercier de la parc de M. le General, des Officiers, 8c de tous les habicans de la Martinique, des foins qu’il avoir pris de leur procurer la paix, 6c pour le fupplier de les vouloir con- tinuer, 6c faire en forte qu’ils fuffent receus à l’union général© de toute la Nation ; Voicy l’Aéte de la deliberation qui en fut faite, tel quila elfe tiré du Greffe du Confeil Souverain delà Martinique. Extrait des Re fifres duCjreffs du Confeil Sou- verain de cette Ifle Martinique. DV Mercredy vingt-quatrième iour de Mars i66o.\e Con- feil Souverain de cette Ifle de la Martinique affemblé extraordinairement, où a prefidé Monfeigneur le General de Vauderoque, y eftantM.deFrancillon Capitaine d’une Com- pagnie, M. de Loubieres auffi Capitaine d’une Compagnie en cette Ifle, Meilleurs de Vcrtpray 5c du Bois auffi Capitaines, M. de la Vigne , Meilleurs Deslardins 8c dé la Verdure Lieu- tenans , De la» Ieuneffe , de Bouillon 6c Saint Aubin Enfei- gnes. Le Confeil affemblé, 6c oûy les Députez des Compagnies, fur le rapport fait par lefdits Sieurs de Loubieres , Capitaine d’u- ne Compagnie en cette Ifle, 6c Renaudot habitans , envolez vers M. le General de Poincy 8c Meilleurs les Gouverneurs des Illes Françoifes 6c Angtoifes furie fujetde la paix avec les Ca- raïbes, 6c de l’union des Ifles Françoifes 6c Angtoifes, pour la maintenir ou faire la guerre à frais communs en cas de ruptu- re par lefdits Caraïbes-, pour parvenir à laquelle union, il eft préalable que cette Ifle conclue la paix avec lefdits Caraïbes. A effé refolu par ledit Confeil, que lefdits Sieurs de Lou- biercs 6c Renaudot, feront priez de retourner à la Guadelou- pe vers M. Hoüel, Seigneur 6c Gouverneur d icelle , pour le re- mercier de la part de M. le General, des Officiers, 6c de tous les habitans de cette Ifle, des foins 6c peines qu il a pris poui pi o~ curer la paix à cettedite Ifle, 6c le fupplier de vouloir conti- nuer afin de parvenir à l'union universelle de toute la Natioa Cccc iij j 74 Efiablijfementdes François qui luy fera gîorieufe ; & pour luy reprefenter que lefdits Ca- raïbes ayant rompu la paix , qui long-temps eftoit entretenue avec eux 3 affaffine pîufieurs notables habitant, qui dans la bon- ne foy de ladite paix fe font fiez à eux, Souffrait jufquesà cinq cens Negres qu’ils ont transportez ou bon leur a Semblé, & fait tous aétes dhofhlité; Ils ont contraint les François de cet- te Me, aies chaffer à force d armes hors d’icelle; de forte qu’il ne feroit pas feulement honteux , mais injufte de les réintégrer», qu auparavant ils n’ayent remis les choies au meftne efcat qu’el- les eftoient, & ainli qu’il eft neccffaire qu’ils fe déportent de toutes preteniions en cettedite Me, que premièrement ils n ayent rendus tous lefdits Nègres , auquel cas de reftitution on. leur y donnera delà terre, à la charge d’y vivre en paix & fans aucunes entreprifes. Et parce que quelques-uns entre lefdits Sauvages ont creance parmyeux, & peuvent beaucoup aidera, la conclufion de ladite paix, pour parvenir à laquelle il cftne- ceffaire de les gagner & faire quelques autres dépenfes. Ledit Confeil a donné & donne tout pouvoir aufdits fieurs de Lou- bieres & Renaudoc,d’en ufer comme ils jugeront à propos, St: ordonné que le payement ou remboursement eu fera fait fur le mémoire qu’ils en rapporteront.. Signé Vavberoqj e. Ces deux Députez ravis de ce pouvoir, arrivèrent à la Gua- deloupe au mois do Février. M. Hoüelles y receut avec bien de la civilité; mais comme toute la gloire de cette paix eftoit de u.é àM. le Bailly de Poincy , Lieutenant Generalpour le Roy fur les Ifîes de l’Amerique, il leur confeilla d’aller à Saint Chriftophe le prier au nom de tous les habitans de leur Ifle, qu’ils fuffent reccus à l’union &à laligue offenfive & défenfive avec ïes François & les Anglois, qui avoient conclu la paix avec tous les Sauvages. Mais M. le Bailly de Poincy les renvoya à M. Hotiel, qui avoit elle prié par les François &par les Anglois de vouloirpren- drele foin des affaires qui concernoient ladite union , tant pour la paix que pourlaguerrefil s’offrit fort genereufement de les Servir en cette occafion,c’eftpourquoy ils retournèrent promptement à la Martinique quérir les pouvoirs ne ceflair es pour traiter avec les Sauvages. 1 aux Ant-IJles de ï Amérique. j L’Aflemblce compoféc de nos Peres de des plus conftdera- bles de l’Ille, fe teint au logis de M. Hoiiel au quartier de la BalTe-terre, où il fe trouva quinze Sauvages des plus renom- mez des Illes de Saint Vincent j de la Dominique, de de ceux -qui avoient efté chaiïez de celle de la Martinique. T out s’y palfa fort pailiblement de au contentement des deux partis; j’ay re- couvert le verbal de la manière dont tout fut arrefté de conclu, que ie fuis obligé de donner icy , parce qu’il exprime avec bren de la naïveté comme tout fcpalTa pour cét accommodement. MOnfteur Hoiiel, Chevalier, Seigneur de Gouverneur des Illes de la Guadeloupe, ayant heureufement traité de la paix entre Mclfieurs les Gouverneurs de habitans des Illes de Monfarra , Antigoa, de Nieves de la Nation Angloife, & les Ca- raïbes Sauvages , habitans des Illes Saint Vincent, la Domi- nique , & ceux qui ont cy-devant habitué Tille Martinique, lefdits lîeurs Gouverneurs Anglois ayantprié ledit heur Hoiiel de vouloir pour le maintien & confervation de ladite paix, fai- re union avec luy de la Nation Françoife offenlive de défenft- ve, à caufe du peu d’alTeuraiice qu’il y a en leurs paroles, de qu’ils n’ont aucune difeipline, ny Chefs qui ayeiit commande- ment. Dequoy ayant ledit Seigneur communiqué avec M. le Bailly de Poiticy, Lieutenant General peur le Roy,& donné iour audit heur Gouverneur Anglois de fe trouver en ladite Ihe de Saint Chnhophe en TFfoftel dudit Seigneur dePoincy, où eftans tous aiïemblez , l’un ion de ligue olfenhve de défen- hve auroit efté faite fous le bon plaihr du Roy entre lefdites Nations Françoife de ^ngloife pour le maintien de la paix avec lefdits Caraïbes. Mais parce qu’auparavant ledit Seigneur Hoiiel avoit donné advis à M . de Vauderoque, Gouverneur de Lieu- tenant General pour le Roy en T I fie de la Martinique de ladite Aftemblée, lequel n’ayant pû y envoïer Tes Députez au temps qu’on traitoit ladite union, peu apres feroient arrivez en ladite Ilîe Saint Chriftophe , François Roble , Efcuyer Sieur de Loubiercs, Capitaine d’une Compagnie en ladite Illc Martini- que , Chriftophe Renaudot habitant d’icelle, lefquels ayann expolé leur Commiftion audit Seigneur de Poincy de derrnn- / i 576 Efiablijfement des François de d’eftrereceu&: entrer en ladite union , il les aurait renvoyez audit Seigneur Hoüel qui aurait eflé prié de vouloir prendre 1er foin des affaires qui concernoient ladite union, tant pour la paix que pour la guerre, 6c parce que ladite Ifle Martinique eftoit en- gagée dans la guerre aveclefdits Sauvages il y'a plus de fix ans, qui a caufé de très grands malheurs parles meurtres, incendier &enleuementdeNegres,faitparIefdits Sauvages, en quoy le fervice du Roy a receu un. notable préjudice; ledit Seigneur Gouverneur auroit fait réponle aufdits fleurs de Loubieres ô£ Renaudot, que devant qu’ils peuffent entrer en ladite union, il eftoit préalable de faire la paix avec lefdits Sauvages, leur dé- clarant qu’il a toujours eu pour le fervice du Roy , le bien 6c repos de l’Ifle Martinique , tous les bons fentimens poiïibles, 6c qu’il y a long-temps qu’il travaille à dilpofer les efprits defdits Caraïbes à traiter delà paix ; Se que pour y parvenir, il donnerait ordre de faire trouver en ion Chafleau de la Bafle-terre de cette Ifle ,leS' principaux defdits Sauvages; furquoy lefdits Sieurs de Loubieres & Renaudot l’ayant remercié, 6c prié d’en vouloir prendre la peine, dit que du tout ils en allouent communiquer audit Sei- gneur deVauderoque,Officiers&. habitas de lad.Ifle Martinique, pour avoir Iesproviflons neceflàires; à cét effet fe feraient rendus audit Chafleau de la Bafle-terre chargés de pouvoir, où eftans , fe feraient trouvez julqu es au nombre de quinze desplus notables, 6c recommandés entre les Caraïbes defditeslflesdeS. Vincent, la Dominique, & ceux qui ohïtfy- devant habitué rifle Martini- que, 6c qui en ont eflé chaffez pendant le cours de ladite guerre. A tous lefquels Sauuages, ledit Seigneur Gouverneur fai- fant ouverture de paix , feraient entrez audit Chafleau le R. P. Beaumont de l’Ordre des Freres Prefeheurs , 6c Millionnaire Apoftoiique, refidant depuis quelques temps aveclefdits Sau- vages , & le R. P. du Vivier delà Compagnie dé Iefus, Supérieur des Millions dudit Ordre dans ces Ifles de l’ Amérique, en prefen- ce defquels auroit eflé par ledit Seigneur Gouverneur, fait porter parole par Iean Iardin François de nation, parlant 6c entendant la langue des Sauvages, s’ils vouloient entendre 6c traiter de la Paix avecIeditSeigneur deVauderoque 6c habitans de ladite Ifle Martinique, qui auraient fait réponfe par la bouche dudit Iar- aux Arit-Ijles de l’ Amérique. 57 7 din, qu'ils efloientprefts d’entendre à IaditePaix, fait aufli de- mander aufditsCaraïbc s s’ils avoient pouvoir de traiter pour eux» &au nom de tous lesautres defdites Ifles S. Vincent, & la Do- minique ,auroient- fait réponfe qu’ils fefaifoient fort pour tous, ayantparléà la plus grande partie defdits Sauvages qui y con- fentoient; 5c que fi apres le Traité fait 5c arrelté , il yavoitquel- qu’vn qui vouluft aller au contraire , ils promettoient d’en aver- tir ledit Seigneut'Hoüel,& travailler à leurs poflibles pour les faire forcer d’accepter la Paix- I. Enfin apres plufieurs propoiitions , demandes 5c exce- ptions a cité accordé, que toutes Iefdites Nations Françoifesôr AngloifeSj babitans des Ifles Monferrat , Antigois 5c Nieves, 5c lefdits Caraïbes des Mes Saint Vincent, la Dominique , 5c -qui ont cy-devant demeuré en ladite Ifle Martinique , demeu- reront en Paix, toutes adions d’hoftilitésceflanres ; Que de part -5c d’autre toutes adions commifes demeureront affoupies 5c elleintes fans s’en pouvoir reflouvenir ; Que tous prifonniers de part 5c d’autre feront rendus de bonne foy. IL Ontlefdits Caraïbes promis de faire de leur part garder & en- tretenir ladite Paix , 5c où ils ne pourroient de leurpurechef demander aide &protedion pour y parvenir, 5c de faire faire juftice&: leurpoflible contre les Prévaricateurs, pourveu qu’ils n’entreprennent aucunement par l’une ou l’autre Nation d’habi- tuer les deux Ifles de Saint Vincent 5c la Dominique, qui feule leur refte pour retraitte j Ce qui leur a elle promis par ledit Sei- gneur Hoüel d’empefeher, autant qu’il fera en fon pouvoir, 5C louslcbon plaifir du Roy. Et de la part defdits Députés de ladite Ifle Martinique ,. a efté aufli promis entre les mains dudit Sei- gneur Gouverneur, de faire garder &: entretenir ladite Paix; 5c s’il arrivoit qu’il fut par quelques-uns des habirans de la- dite Ifle Martinique , fait , dit, ou commis adions au contraire, de les faire punir&chafticrfuivant la rigueur des loix, 5c d’en certifier ledit Seigneur Hoüel, afin que par fa médiation lefdits Sauvages reconnoiiïent la fidélités la candeur avec laquelle on traitte de ladite Paix. Sur ceafait demander aux Caraïbes I. Partie. Dddd 5 7 S Eftabliff ornent des Fr an fois s’ils ne delîroientpasapprendreàprier Dieuànoftre imitation ,, 6c louffrir que lefdits Peres Millionnaires les aillent inftruirc. Il I. Auroient répondu qu’ils en font trescontcns êc le défirent 5c ceuxdeladite Ifle Dominique auroient dit eftre fatisfaits du 7 ditReverendP. Beaumont, qui encft de retour depuis huit jours- IequeladitàrAfiemblée, que pendant le temps qu’il a fejour-; né en ladite Ifle, il a veu partie des principaux Sauvages , qui tous luyont demandé avec inftance que lefditsChreftiensn’ha- bitafîentpointlefditeslfles Saint Vincent 6c la Dominique, 6s que lefdits François euflent a ies protéger contre ceux qui voiu* droient s’en ennparer à leur préjudice. IV. A ledit Baba a demandé qu’en confîderadon de fes peines 5c foins il luyfoit rendu par les habitans de la Martinique fes Neveux qui ont efté pris parle nommé Baillarde de ladite Ifle; fiirquoy a efté reprefentépar lefdits Peres Millionnaires, qu’il eft non feulement jufte, mais neceflaire de faire ladite refti- tution, qui fera un moyen de confirmer 6c entretenir la paix, 5c d’achever la converfion defdits Sauvages, dequoy ledic Sei- gneur Gouverneur a auffi prié lefdits fleurs- de Loubriere 6c Re- naudot, les chargeant d’en faire inftance audit Seigneur de V au- doroque ~6c habitans ; ce qui a efté accordé 6c arrefté 6c ligné par ledit Seigneur Gouverneurfie R. P. Beaumont ôciefdits Dé- putez, ce iourd’huy dernier Mars mil fix cens foixante. Ainfi ligné, Pierre F o nt a i n e , Prefeél 5c Vicaire General de la Million defdits Fferes Prefcheurs , Hoüel , F. Phi lippes de -Beavmont, Lover iere, F. Mamme's le Clerc, et RenavdoT) avec paraphe. Le R. P. Fontaine Prefed de noftre Million , qui s’eftoit en- tièrement dévoilé à la converfion de ces peuples barbares, n’eut pas le temps d’effeétuer fes bons defleins, nous apprifmes en France fa mort prefquc aufli-toftque ce Traité de paix. Le IV. P. la Forcade qui remplit aujourd’huy là place, en écrivit le deuxiefme Iuillet, en ces terines , au R. P. Iean-Kaptifte Feuillet. », La trifte nouvelle de la mort du R. P. Fontaine, ne fur- aux Ant-IJle s de F Amérique. 579 »? prendra pas moins voftre Reverence, qu’elle Iuy caufèra de jj la douleur ôc de 1 affliction: Nous avons efté privez cesiours jjpaffez de ce Saint Homme, qui eftoit le vray modelle d’un jj parfait Millionnaire &: homme Apoftolique, par un accident} jj il sc fl: noyé à la lame & au bord de la mer, s’eftant embar- jj qué dans un canot pour aller de la Capfterre de la Guade- j5 loupe a la Baffe-terre} le Canot fut lubmergé entre deux jj Moutons. Il y avoir dedans neuf ou dix perfonnes , dcfquel- jj ies cinq ont pery, les autres s’eftant fauvez; entre ceux qui „ ont efté noyez , il y avoir une fœur du tiers OrdreappelléeMa- jj demoiléllc Fidelin , qui a efté generalement regrettée pour fa ,j pieté & pour fà vertu. Il y avoit dix ans que ce bon Pere travailloit fans relâche ans cette Vigne de Noftre-Seigneur , avec un fruit fi admira- ble, qU il avoir prefque fanétifié tout fon quartier, la dévotion y eftoit fi publique , qu’il n’y avoit point de Café où on ne ré- citât tous les îours le Chapelet à un certain lignai de cloche auquel on saffembloit pour faire les prières. Sa vie eftoit une pénitence continuelle , fes mortifications alloient iufqu’à des ex- cez qu’on ne peut concevoir : Noftre Saint Pere le Pape Alexan- le V 1 1. 1 eftablit Prefeét de la Million de noftre Ordre dans 1 Amérique, le vingt-einquiéme Iuillet mil fix cens cinquante- uit.Iufqucs alors Rome n avoit fait que biaifcr,& n’a voit iamais voulu exprimer dans fes Brefs, le droit que fa Majefté tres- reftienne avoir dans l’Amerique, de peur de déroger à la Bulle qu’Alexandre Vl.avoitenvoyée aux Roys de Caftille Fer- dinand,& Ifabelle en l’année 1493. dans le premier Brefadrefle au R. . Pélican , le Pape Vrbain VIII. ne traitoit le Roy de Fran- ce que comme Protecteur des Religieux François Miffîonnai- 1 jS ’ a Cbrijlianiffimo Rege GalUa-, mais dans le Bref adieffé au R. P. Fontaine, le Pape reconnoîc le Roy comme ouverain des Conaueftes & des Colonies que fes Sujets ont faites & cftablies dans l’Amerique. Facultates concefJ&œSS. D. N-. D. ^Alexandra Divina PrevidentU Papa Un, Fratri PetroFon - tame Crdwis Predicatorum , prxfctfo Miffionis eiufitm Ordinis in Inj'da Guad.rlupe & „ljjs adjacentibus in America Régi Christia- NlSSlMO SvbIECTIS. D d d d i j » 580 'Eftablijfement des François Le Lefteur ne fera pas fâché de voir les fentimens de la Congrégation de Propaganda pde > qui font entièrement com formes à ceux de fa Sainébeté touchant la Souveraineté de fa Majefté tres-Chreftienne fur toutes leshiesde l’Amerique , qui font occupées par fes-Sujets> dans le Decret quelle envoya au mcfme Pere. Ad Relationem Eminentiffimi D. Car dîna lis A Ixglim , Sacra Cwgregatio Vr&feftum Mijfionum Fratrum Ordinis Pr&dicatorum in Injiila GuadalupA & alijs adjacent! bus in America , REGI C H R 1 ST I a. NI SSIMO S v B I E C T I s , declaraw F. P etrum Fon? tainey eiufdem Ordinis Miffionarium.in ijfdem partibus d multis am, nis commorantem. Locus f Si 0 il li Cardin. A'NTONI VS Pr&feSliïs. M. Albericivs Secret. Continuation de ce qui s eftpajfté dans les Ant-JJles{ , depuis la décadence de la première Compagnie y iufques a la création de la féconde .. I’A Y recueilly fi peu de chofes de ec qui s’efi: pafiedans les» Ifies, particulièrement de Saint Chriftophe, depuis la deçà* dencede la première Compagnie, que cen’eftprefque rien, a l’égard des chofes qui s’y font faites , lefquellcs indubitablement auroient fort contribué àf l’ornement & à la perfection de ce Li- vre : le m’eftois mefme refolu de n’en rien dire , parce que ie me fentois trop peu inftruit du détailde ces .chofes, pour les mettre auiour dansun eftat fi imparfait;, mais ieme fuis enfin rendu, fil ay.acquiefcê aux confcjîs demes meilleurs amis., quiont creu que ie nedevois pas faire la clôture de ce Livre , fans faire parc au public de ce que i’ay pu apprendre, de ces matières ; &: com- me i’ay fort peu de chofe à dire, ie les renfermeray dansun- feul Chapitre ; i’y adioufteray auffi quelques Mémoires des Ifles. de Sainte Croix, 6c de la Tortue, qui m’ont efté donnéstrop:. tard pour efiro-placez dans leurs propres lieux» . aux Ànt-Ifle s de ï Amérique. 5 Si Monfaurle General de Voincy meurt , (f a pour Succejfeur Monfieur le Commandeur de Sa - le , contre lequel duBijfon fe fouleve ? & apres avoir blejjé Monfieur de Sale , ejl pris , con- damné a mort , & exécuté. Conduite de 2idon- Çieur de Sale. Gmbrafement des Àdagazjns. Commerce avec les Espagnols. CHAPITRE L MO N s IE vr le General de Poincy chargé d’années, tout cafle de vieillefie & de maladies , fit bien voir peu de iours avant fa mort, que cette avidité & paiïion d’ac- qoerir des richefïes, qui avoir efté la fource d’une infinité de maux dans les Ifles , ne travaille, iamais fi cruellement les hommes que lors qu’ils font fur le point de les abandonner; car il s’avifa au commencement de l’année 1660. de changer les droits Seigneuriaux ; de cent livres de Tabac en cent dix li- vres de Sucre; ce qui caufa une rumeur univerfclie dans cette Ifie, qui ncantnioins n’eut point de fuite pour lors, parce que les habitanSine de voient payer cesdroits qu’à lafin de l’année, & que le voyant proche de fa fin, ils crurent qu’il mourroit au- paravant, ou qu’en tout cas, il feroit afiez temps delesdifpu- ccr lors qu’on les exigeroit. Enfin ce Chevalier qui s’eftoit fait aymer de peu de gens, haïr deplufieurs, fie redouter de tous, mourut len.d’AvnIi<56o. âgé de 77. ans, Ilavoitcftéfait Baillif fie grand Croix de fon Ordre, peu de tempsapres l acquifition de l’Ifle de Saint Chnftophe;il eftoit Commandeur Doifcmont & de Coulours, Chef d’Efca- dre des, VafiTeaux de fa Majefié en Bretagne, Noble de naifi D ddd îij $§2, / Ejlablijfement des François lance , homme d’efpriL- , grand Politique , genereux dans les occafions, affeé?cant de paroiftre magnifique dans fesfeftins 8c dans fésibaftimens, bien -fai (an t à Tes amis Sc à fes domeftiques dont il a fait les fortunes, fiujet à prévention ôefevere jufques à l’excez, envers ceux qui n’eftoientpas dans fies interefts. Il a commandé zi. an dans les lfles,6. ans avec la commifiion de Lieutenant General fur toutes les Ifles, z. ansi dans celles de Saint Chriftophe , pendant les différends qu’il eut avec Monfieur de Toifiy Patrocle,environ3.ans,en verrudelA’rreft du Confeil qui le reftabhffoit pour vn an feulement , & le refie avec l’au- thorité de fon Eminence de,Maîthcfuu les Ifles de SaintChri- ftophe, Sainte Croix, Saint Martin 5£ Saint Barthélémy. 11 fut enterré dans la Paroiffede IaBafterre; le n’aypû ap- prendre le détail de les funérailles : mais il cft croyable que Monfieur de Sales n’y aura rien obrnis pour la rendre auffi pom- pe ufe que l’exigeoit fa qualité. Monfieur le Commandeur dé Sales, tres-digne Neveu de Saint François de Sales, autant recommendable pour toutes les belles, qualitez d’un brave Gentil-homme, que pour la pratique des vertus les plus çhreftiennes , luy fucceda, & au lieu delà qua- lité de Lieutenant General pour faMajefté, il prit celle cT^dmi- nijlrateur de U Seigneurie de Saint Chnjlophe , & Chef delà Nation Françoife , établie paV fa Majejlé pour fon Eminence de Malthe. Bien que ce Cheualiereuft vécu dans Saint Chriftophe d’une maniéré qui devoit faire defirer fa conduite par tous les habitans de' l’Ifle, il s’y trouva neantmoins des efprits affez broiiillons& mutins pour traverfer fa réception, Sé pour mefler de l’amertume dans la joye que receuoientles habitans de fe voir fousla con- duitte d’un fi exellent perfonnage , qui n’a que trop peu vécu pour leur bon-heur. Monfieur de Poincy ne fut pas plus-toft couuert de terre, que les habitans vinrent fupplier Monfieur de Sales defupprimer les Droits nouveaux, &; de reftablir les anciens : il les contenta le mieux qu’il pût de paroles, ,8c leur promit d’y avifer fi-toft qu’il feroit débarrafie des grandes affaires qu’il avoit pour lors fur les bras, &plufieurs s’en retournerét chez eux auec desfentimens de confiance, tels qu’ils dévoient avoir de la bonté de leur Gou- aux Ant-IJles de l'Amérique. 585 verneur-.Mais vn nomme du BiffomCapitaine d’une Compagnie dans l’Ifle, homme brutal, y vrogne, ôC d’un efp rit fort médiocre, fitvneCabaIlede3o. ou 40. hommes de fon humeur, & fe fer- vantdupretexte, qui avoit autrefois fair dire aux habitans qu’il 11e vouloient point d’autres Maiflres que le Roy, ni de Comman- dant Chevalier , aufli bien que des Droits nouueaux , eut l’im- pudence , non feulemeut de faire des aflemblées feditieufes chez luy , mais ( à ce que quelques-uns difent, ) de faire battre le tambour, de mettre fa Compagnie fous les Armes, & de tenter de faire foûlever toute l’Ifle contre le nouueau Gouvernement. Cela donna une allarme generale dans touce rifle , &: Mon- fieur de Sales en ayant eu avis, fit mettre routes lesCôpagnies fous les Armes, & envoya dire à du Biffon qu’il le vint trouver pour luy rendre compte de fon foûleuement ; mais du Biffon f eignant d’eftreindifpofé fe contenta de luy écrire & de luy demander la fuppreflion des Droits nouveaux, &auffi-toft Monfieur de Sales commanda au Sieur de Roffignol , Capitaine de fesGardes, de le luy amener par amitié ou par force. Il y fut accompagné de plu- fieurs Gardes, & du Sieur la Garigue fon gendre aufli Capitaine. A leur arriuée ceux qui eftoient auec luy fe cachèrent qui deçà qui delà dans les Manioéfs, & Monfieur Rofiignol & fon gendre le faliierent daus fa court auffi civilement que s’ils n’euffent rien feeu de fa confpiration, Si-toft quccesMefiïeurs furent en chemin, Monfieur de Sales croyant que cette affaire eftoitafiez importante pour y paroiftre en perfonne, monta à chenal &c fut fuivi de plufieurs Gentils- hommes^ des principaux Officiers de l’Ifle, jufqu’à la Café de du Biffon quife promenoit dans fa court, & Monfieur de Salesluy commanda de luy dire cequifepaffoit, il luy répondit avec fi peu refpcét, qu’il fut obligé de commander qu’on l’arreftaft , &: auffi- tofl du Biffon voyant que l’on fe vouloir faifir de luy,entra dans fa café & prit vn piftolet qu’il tira fur le premier qui fe prefenta à fa porte qui fut par mal-heur Mr. de Sales, dont le cheval s’eflantca- bré,lecoup qui luy auroif infaliblement donné dans le corps ne le frappa quedanslacuiffe, & la luy perça de parc en part ; En fuitte ce mal-heureux cherchant d’autres Armes pour continuer à fe deffendre , fut frappé par le Sieur de la Guangue d’un coup de I ^84 Efidbhjf îment des François piftolet dans le corps, &: conduit en pri Ton tout blede. Pendant qu5 on fe mettoit en peine defecourir Monfieur de Sa- les, dangereufementbleffé,Ia Iulticefk leprocez de du Bidon, & le condamna à eftre pendu & en fuitte écartelé. Tes qua- tre quartiers attachez à des arbres, & fa telle mife fur vn poteau dans la place publique, pour fervir d’exemple aux mutins & aux feditieux, dont toutes les Ides n’ont que trop fouventreffentiles defordres & les mal-heurs qui redondent ordinairement fur les Habitans qui n’en font point, coupables. Cependant la Indice fit de grandes perquifitions pour décou- vrir ceux qui avoient contribué à ce foulevement -, mais comme la pîufpart ne s’eftoientadcmblés que tumuJtuàiremenc, fans fça- voir ce qu’ils defiroient,ils fe retirèrent de bonne heure fans faire femblant d’y avoir pris aucune parrdes deux nômez le Bœuf feu- lemét eu furent convaincus, & bien qu’ils meritalfenc la mort l’on fe contenta du- Banniffement & de laconfifcation de leurs biens. La punition de du Bidon, l’e-xil des deux le Bœufiôda recherche de leurs complices3rctinrent les plus mutins dans leur devoir & la fumidion j& les plus modérez aymerent mieux fouffrir cette pe- tite furcharge de droits que de s’expofer à de d vidbles mal- heurs. Cerre augmentation fundlfa-quoy qu’ellene fitift qu’une conti- nuarion des exorbitantes exactions que l’on a fait depuis 15 ou 16. ans dans Saint Chriflophe , fous prétexte d’indeinnifer le Sieur de Soify & le payer delà Comme convenue entre Iuy,Mon- deur de -Poiney . 5c les Habitans :.&quoy que cette fommene foie que de ^0000. livres, le Sieur de Toily lien eft pas encore fatisfait; le fuis neantmoins tres-affeuré qu’il a efté levé dans Saint Chndophe vingt fois autant qu’il en falloir, pour le fatis- faire. Les meurtres, les dépoiiillemens des biens, les exils , la diminution d’un tiers des Habitans n’dnt pû ellre le terme des maux -eau fez par ceux qui ont prefté les mains au foulevement qui s’ed: fait en. 1645. contre les ordres du Ray, & il a fallu que ceux qui y ont parules plus échauffez ayent efté jufquaujour- d’huy prefque ruynez, fuccez pouf enrichir ceux pour lelquels ils fe font déclarez en cette oceadon ; & plût à Dieu que nos Habitans fu fient bien perfuadez de cette vérité, & qu’ils prident d’oref- aux Ànt-ljles de ï Amérique. 58; d’ores-enavant des voyes plus douces pour fe délivrer des op- preilions , puis que celles desfoûlevemens ne leur a jamais rciif- £y,& qu’ils en ont toujours payé les frais par leurs vies, par leur fang, ou par la perce de leurs biens. Les Habitans de la Guadeloupe de vroient en eftre tout perfua- dez par leurs propres expériences, puifque tant d’augmentations de droits, 6c meme celuy delà dîme de tous les biens , n'ont ja- mais eu de plus beaux prétextes que celuy du payement du Sieur deXoify Pacrcdc, &: bien que l’on ait levé des fommes immen- fes qui ont caufédes foule vemens qui ont penfé perdre I’Ide, &: qui four caufe de f exil ou de la ruine Ôc dclapertc de fes meilleurs Habitans : la dette duSicur de Soify s’eftreduite âunefomme très- modique, dont il n’eft pas encore payé. Cependant Moniteur de Sales gouverne les Habitans de S. Chriftophe plus en Pere qu’en Gouverneur ; Il y termina cous leurs différends avec tant d’équité, que l’on a efté contraint d’a- voiier qu’il ne s’y eftoit rien faitdefemblable; nymeftne d’ap- prochant par tous fes devanciers. Ilrappellaceux que la violen- ce defon predecelïeur avoit exilés, tant à caufe qu’ils s’eftoienc déclarez pour le Sieur de Toify, que le Roy avoit envoyé en fa place, que pour d’autres raifons particulières, mais injuftes,& leur lit rendre leurs habitations qui avoient efté données aux créa- tures de Monlieur IeGeneral dePoincy, leur fit payer toutes leurs dettes, rendreleur beftail, ou leurs meubles qui fe trouvèrent en fubftance, ou leur fit payer la valeur de ce qui avoit efté diili- pé : l’on dit mefrne qu’il en fit recompenfer quelques-uns avec les propres biens de la Seigneurie de Malthe. Plufteurs perfonnes dignes de foy m’ont affeuré qu’apres un Bouragan qui avoit caufe une famine dans Saint Chriftophe, il fit une fi ample diftribution des vivres qu’il avoit confervés chez luy, qu’il fe vit réduit à en avoir autant de difette que ceux aufquels il les avoit charitablement diftnbuez ; C’cft avec ter grct que je me vois obligé de parler d’un homme fi rare, & li accompli, fans avoir eu le temps de rechercher les plus belles aétionsde fa vie. le fuis obligé de dire feulement, que tous les honneftes gens qui ont eu le bon-heur de le connoiftre,& aufquels je m’en fuis enquis, n’en parlent qu’avec des éloges qui ne fe I. Partie. Eecc 1 , rir A !.. , j 86 Efiablijfement des François donnant qu’aux plus vertueux de ce temps : les Religieux l’eftiment comme un Saint, &Ies habitans l’appellent leur Pere, & dilent hardiment qu’il n’a point eu de pareil devant Iuy, 8c que c'cft vn véritable Chevalier fans reproche en effet, tout fon Gouvernement s’eff pafle avec tant de paix & de bon- heur, que fille de Saint Chriftophe ne s’eft jamais veuë fi fleuriftame que pendant fa vie. L’année 166 3. il arriva une chofe tout à fait remarquable dans cerreTffe, qui'fut-tm^cmbralement de tous les magazins des Marchands Hoîlandois qui effoienr-â la Bafferre cle Saint Chriftophe ; il y en eut plus de£o. de confommez avec les Marchàdifes, 8c la perte en fut eftimée à plus de 20000 00. livres, & il faut remarquer que ce fut dans le mefme temps que l’on pro- j étroit en: France de leur ofter le commerce des Mes. L’ifle de Saint Chriftophe fouffrit beaucoup pendant 4. ou j. mois; parce que toutes les viandes fâlées, comme Bœuf , Lard, les Huiles, les Vins. & les eaux deVie,& les Farines, les Eftof- fes, les Toiles 8c les aun es Merceries, furent entièrement con- fommées ; de forte que l’Ifîe fe trouva en un mefine iour dë- pourveue de toutes ces chofes, & obligée d’attendre le fecours desHolandois, qui ont touftours efté leur refuge dans toutes leurs neceftkés. Iis ne manquèrent pas nonobftant leur pertede Iesfecourir; dés auffhtoft qu’ils en eurent la première nouvelle , ils char- gèrent une fi grande quantité de Vaiffeaux de toutesIesMar- diandifcs, qu’ils creurent Ieureftreneceftaires qu’il arriva dans cette Me, ce qui fe rencontre affez fouvent dans Paris , lors queles Cerifes font rares; parce que tous ceux qui en ont dans I efperance de les bien vendre , en apportent une fi grande quantité, qu’ils fonr bien fouvent contraints , ou delesperdre, ou de les donner à un tres-vil prix aufii; tous ces pauvres Mar- chands Hoîlandois qui avoient apporté quantité de Viande, de Vin&deaude Vie,quinefe peuvent pas garder long-temps dans les Mes, furent contraints de les donnera un tiers de per- te pour en avoir le débit. l’ay encore depuis peu de ioiirs appris de quelques habitans de l’Ifle de Sainte Croix, que Monfieur du Bois Gouverneur de cette Ifle , qui eft un efprit éclairé , 8c qui ne laiffe rien aux iAnt-Ijles de l’ Amérique. 5 a y échapper de roue ce qui peut contribuer à la perfe&ien des choies qu’il entreprend ; ayant eu avis de la Paix faire entre les deux Couronnes de France & d’Efpagne , tâcha de lier quelque commerce avec le Gouverneur de rifle de Saint îeande Porterie ; pour cét effet il y envoya une Barque avec un de nos Religieux-, chargé d’une lettre écrite en Efpagnol pour le Gouverneur de cette Ifle: la Barque fit d’abord fem- blant de pefeher, îufques à ce qu’un bateau eftant venu à el- le, le Religieux demanda permiflion d’aller trouver les Peres de nodre Ordre; & eftant arrivé à terre, il prefenra la lettre au Gouverneur , qui fe 1 ai fia fi bien perfuader par l’éloquence de Mon heur du Bois, que quoy qu’il deffendiflà la Barque d approcher de terre , il ne laifTa pas de faire traitter les ha- bitans avec les François. Ce commerce dura prés d’ünan, 5c Moniteur du Bois s’y (croit, fans doute enrichy, auhi bien que les habitans de l'on Iflc; car il y avoit à gagner 5. ou 6. pour un fur les denrées que l’on leur portoit. Mais le Roy d’Efpa- gne en ayant eu avis, manda ce Gouverneur, & l’on croitqu’il le ht mourir , car fon SuccefTcur refufa de continuer ce com- merce , afleurant qu’il y alloic de fa telle , Si menaça mefme les François de les traitter de mefme , fi ils fe prefentoient pour le continuer. * Voicy deux copies de deux^ Originaux qui font tous deux importans à l’Hiftoire, ils ont tous deux efté fi cachés , que c’efl: une merveille que ie les aye pu découvrir 5 Monfieur le General de Poin- cy s’cfl roufiours defFcndu du premier, à caufc du premier article ; Sc fi vous prenez la peine de li- re i’Hiftoirc de PetablifTemcnt du Sieur le Vafleur dans l’!fle de la Tortue > vous trouverez que cette pièce devroit cftre à la page 170. Sc la fécondé à la page 176. Ôc que toutes deux eftoient neccflaires à cette Hiftoire ; mais comme ie ne les ay receucs qu apres l’imp refliqn de ce Livre , ie fuis contraint E e c e ij 5 88 Ejlablijfement des François de les mettre icy, afin que le Lecteur en. puiiTc ti- rer les lumières necefTaires pour fa £atisfa£tion. Articles accordez, entre MonÇieur le Comman- deur de Foincy , Lieutenant General pour fa Majefté des If es de ï Amérique s &Mon(leur le Vajfeur Gouverneur de l' If e de la Tortue, pour i ejlablijfement de la Colonie de ladite fie. ï. , > y \ 3 ert|* de confcience égale aux deux Religions. Quand il y aura des peuples, Ton lèvera des droits à difcrc- tion fur ceux qui fabriqueront des Marchandises , & non fur les autres habitans volontaires qui pourront le palier du tra- vail. III. Les Conquerans feront exempts , & à èhaeun deupt hom- mes s’ils les font venir. IV. Les Capitaines auront d’exempts douze hommes, les Lieu- tenans huit , les Enfeignes quatre, les Sergens deux , fl tous en ont autant. V. L’on tiendra un Magazin fourny de toutes les chofes ne- celïàires aux habitans , leur vendant à cent pour cent, & e plus un quart pour l’entretien dudit Magazin & œuvres pu i- que; laquelle dépence de la fourniture, le fera aux dépens utilité de la Compagnie. Si un Navire, la provifion de quelque habitant particulier, il fera fouffert fans excès , pour éviter l’abus ; &: en cas qui en aye plus qu’il ne luy en faut, le connoilfant, il fera mis au Magazin, le payant à cinquante pour cent. aux AntJjles de t Amérique. 589 va Il fera bon d’entretenir vne Garnifon aux dépens publics, pour ne deftourner les habitans de leur travail, cftanc obligez, & neantmoins de les fournir de bonnes armes. VIII. Le partage des droits fe partagera delà forte ; l’on Ievcra le dixiéme du tout pour la Commiilion du Roy, & le refte feia partagé en deux , pour la Compagnie une moitié, & l’autre pour le Gouverneur 8c les Officiers. De la moitié deftinée pour les Officiers, le Gouverneur en aura deux tiers, 8c le Lieutenant General l’autre tiers. Pour l’Enfeigne 5c trois Sergens, il les faudra gratifier de quelque choie , en attendant qu ils ayent des hommes pour .leur donner des exemptions. ' IX. Pour IesBeftiaux vivansque l’on pourra recouvrer à l’adve- ■ nir par pnlc ou par achapt, feront nourns pour la Commu- nauté des Interelfés a la Compagnie, au lieu dit la Plaine. X. Il ne fera créé de Compagnie nouvelle que le nombre des hommes n’exccde fix cent, pour éviter la dépence des Offi- ciers. XL Sera fait des Maifon* 6c des Forts, aux lieux qu’on iugera Æftre utile pour la conlervation de fille, en attendant que 1 on la puifle fortifier plus amplement. , XII. En cas qu’il fe trouve dans ladite Ifle quelque bois de prix qui puifle eftre vendu, ou que dans icelle il fe puifle fairequel- que Manufa&ure de Salpêtre, ou autre chofe de plus grande confequence qui fe pourroit tirer dedans la terre , les dépen- ces qu’il conviendroit faire , l’utilité qui en proviendra iera pour les Aflociés de la Colonie. XIII. Et quand ce qui concerne les achapts qui leront faits aux dépens de la Communauté , foit Negres ou Negrefles , Be- ftiaux ou Marchandifes, telles quelles puiflcnt eftre, propres à E e e e iij $So • Eftablijfement des François cftre diftribuees, foie aux habîcans ou autre qu’il conviendra, le fleurie Vaffeur en fera note, comme auffi le fieur deLou- * villier , ou autre perfonne qu’il nommera.de noffrepart, & ce poui éviter aux mauvais rapports qui fe pourraient faire à 1 avenir, & continuer la bonne union & correfpondance qui! convient en pareil affaire. ^ Les prefens Articles paffées pardevant Simon Merle, No- taire bc Sociétaire de Monfieur le General, pour les expreffes affaires du Roy ,en prefence de monditSieur îeGeneral, &de Monfieur le Vaffeur , Jefquels ils ont tenuspour bons & agréa- - bles^, & promettent n’aller iamais au contraire, &en a effé de- livre par moy dit Notaire & Secrétaire trois copies : Sçavoir une à Monfieur le General, une autre à Monfieur le Vaffeur, & lautie a Monfieur de Louvillier, Neveu de mondit Sieur v le General; outre la Minutte qui eft'dcmeurée entre mes mains ; en foy dequoy ils les ont lignées de leurs mains , eu ( I Hoftel de la Montagne de mondit Sieur le General en l’Ifîe de Saint Chriffophe, le deuxième de Novembre mil fbi cens -, quarante &: un. . Le Chevalier de Poincy. LE VAS S E Y K> Par mondit Seigneur. DE MERLE; Cet Original ejl écrit de Lt main de Monfieur le General de Voincy. ' - .1* J - i fi ' ■ • l i ‘ : * - > 59i aux An t-IJle s de l 'Amérique. COPIE des Concordats entre Monjeigneur le General de P oincy & le Sieur le Chevalier de Fontenay. Du dsuxiefme Novembre mil Jîx cens quarante un. LE Seigneur Chevalier de Louvillier Poincy, de l’Ordre de Saine lean de Hierufalem, Confeiller du Roy en fes Confeils , General pour fa Majefté és Ifl.es de l’Amerique, Seigneur Se Proprietaire de celles de Saint Chriftophe Se autres qui font fous le vent d’icelles ; Et le Chevalier de Fontenay délirant faire une affociation pour le fervice du Roy Se pour l’augmentation des Colonies Françoifes-.comme aufïi pour répri- mer les mfolences commifes par le Sieur le VafTeur,foy difant Gouverneur de fille de la Tortue fans aveu, tant à fa perfon- ne qu’aux Capitaines des Navires, à qui il a donné commifïion en fonnom fans eltre fbûtenu d’aucune authorité. Nous nous femmes accordez que les prifes des vaifTeaux qui fe trouveront en Mer, il en fera fait inventaire de ce qui fe trouvera dans iceux en particulier, &c mefrne de ceux qui fe rendront à la rade de ladite Ifle de la Tortue, lors que ledit Sieur Chevalier de Fontenay y fera eftably en pleine poffef- lîon , puis fera eflrimer les Droits qui appartiennent ordinnire- menrà la Commifîion, defqucls Droitsiedit Seigneur Gouver- neur General a remis •& remet la moitié du profit audit Sieur Chevalier,, 6c l’autre moitié ledit Sieur Chevalier en tiendra compte audit Seigneur General. o <,! Pour ce qui concerne la terre, ledit Seigneur General con- fent que ledit Sieur Chevalier prenne pofleflion de la place nommée la Roche, ou autrement le refuge de la Tortue lo- geme nc dudit le Vafièur , 6e qu’il s’en afleuL e, conlormoraent à ce qu’il jugera eftrc à propos pour le fcrvice du Roy de la confervation de fauthoiité dudit Seigneur General, par tout où il fera neceffaire. Pour ce qui concerne la difpofition Se jouiïlance des terres 59-2 Eftablijfement des François de ladite Ifle de la Tortue , ledit Chevalier fera pofTefTeur" de - là moitié d’i celles , tant & fi long-temps qu’il plaira à Dieu le Iaiffer vivre , pourveu qu’il continué dans le fervice du R oy, de l’Ordre de Saint Iean de H fondaient!', & de noffre bonne eorrefpondance; Il pourra difpofer de tout en- tenant compte audit Seigneur Gouverneur General de la moitié du.provenu, comme auffi des Droits que payent ordinairement les Habitans de ladite Ifle, qui fe montent à cent livres de petun partefte par chacun an,lefquels Droits nous laiffons à la diferetion dudfoSietu* Chevalier, attendu qu’il faut ufer des voyes de douceur pour in- duire & attirer les peuples , fous lefquelies conditions ledit Sei- gneur General a remis & remet audit Sieur Chevalier toute ladite Ifle, dans l’afTeurance que ledit Seigneur General a de la probité &affe&ion que ledit Sieur Chevalier a au fervice du Roy, & delà bien-veillance que ledit Seigneur General efpere de la bonne volonté dudit Sieur Chevalier, en ce qui concerne les interefts fufdits & les Tiens. Pour ce qui eft de l’Artillerie, comme auflï de toutes fortes de munitions de guerre , il en fera fait inventaire en bonne & dèuë forme, afin -qu’il en foie délivré une coppie au Sieur de T reval pour effcre apportée audit Seigneur General, & l’autre qui demeurera audit Sieur Chevalier ; comme auffi de tout ce qui fe trouvera dans fes magazins, mefrne des Vaiffeaux & Bar- ques qui appartiendront audit Sieur le VafTeur, & généralement de tous lesmeubles & immeubles qui luy peuvent appartenir. Pour le regard de la prife dudit le Vafleur, Nous confen- tons que tous fes biensj-or, argent, Toit en barre ou monnoyé, en quelque iorte que ce foit, pierreries , joyaux, terres, engins à fucre, inftrument à faire eau de vie , mcub!es,tant pour fa per- fonne que pour fon ménage, efclaves, généralement /tout ce qui luy peut competer& appartenir, foit partagé par la moi- tié; fçavoir l’une pour ledit Seigneur General, & l'autre pour le- dit Chevalier de Fontenay, à la referve neantmoins de ce qui eû neceffaire de Iaiffer pour faire valoir: les travaux & manu- fadures ja commencées dans ladite Ifle. Sur tout, après la prife d’iceluy le Vafleur, il convient que ledit Sieur Chevalier faffe faire information de tous Iesdclids , ~ - ■ — - com- aux Ant-JJles de l' Amérique . 935 commis par ledit Sic ur le Vaiïeur , & que ladite information len & deüement authentique & en bonne forme, dont coppie era aufli envoyée audit Seigneur Gouverneur General. Et en cas quil arrivaflle deceds dudit Sieur Chevalier, le oiiveinemenr de ladite Ifle retournera audit Seigneur Genc- ral ou à celuy quiluy fuccedera en qualité de Proprietaire de ladite Ifle, de toutes Ielquelles chofes Iefdits Sieurs font demeu- îez d accord &ont figné en prefence des fous-fignez; Fait au ouig de la Baflerre de 1 Ifle de Saint Chriflophc,le vint-neufié- me jour de May 1 651. Ainfi ligne le Chevalier de Poincy, le , evahcr de Fontenay de Louvillier Poincy, 8c plus bas eA ccnt par mondit Seigneur le General DAVID, Secrétaire. Novs ordonnons au Sieur de Trcvalde bien exactement obé lerver les claufes Contenues au concordat cy-defliis, comme aufli a ü Frc^cnt aux inventaires qui fe doivent faire comme dit a i ? nn11 J11 r°ftre de la grande Montagne de la Baflerre de ifle de Saint Chriftophe le vingtième jour deluillcti^z. Le Chevalier de POINCY. Tire fur l Original figne de la main de Monfieur de Voincj % •i* r u* -t* 1 vS- J) > ■ : T » ... . (' vV *i» 'i* =i ‘ *J’ 1* 'i* ‘i* PRIVILEGE DV ROY __ OVIS PAR LA GRACE DE DIE V, ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE: A nos Amcz 2c Féaux Confeillers , les Mai- ftres des Re.qaett.es ordinaires de nottre Hottel, Gens tenans nos Cou; s tri 1 de Parlement 5 Baillifs , Senefchaux » Prevofts& leurs Lieutenans , & J tous autres nos Iufticiers & Officiers qu’il appartiendra : Salut. Nottre cher Sc bien aymé le Pcre Iean Baptiste dv Tertre» Prettre Religieux Profés de la Congrégation de S. Louys, de l’Ordre des Frétés Prefcheurs > Nous a fait re- montrer qu’il aurait cy-dcvantcompofé & imprimé un Livre intitulé, L’Hfoire Ge- nerale des Jjles deS. Chnftophe, Guadeloupe , Martinique & autresde V. Amérique » &C. en- l ichy de plufieurs Cartes Figures & Images > lequel Livre il auroit depuis reveu» cor- rigé Sc augmenté de plus de lamoitie » 8c enrichy de plufieurs Titres» Originaux» Lettres, Remarques & Obfervations qu’il a faites au dernier voyage qu’il a fait auf- diteslfles de l’Àmerique, 2c recouvrées depuis ladite Edition , lequel il defireroit ainfi r’imptimer & mettre en lumière avec lefdites augmentations & corrections, s’il nous plaifoit luy accorder nos Lettres fur ce uccelfaires : A ce s cayses, Nous luy avons permis & oftroyé, & par ces prefentes, permettons & oétroyons audit Pe- re Iean Baptiste dv Tertre > de faire imprimer , vendre & débiter ledit Livre» avec lefdites Augmentations, Corrections, Cartes, Figures & Images neceflaires» en raille Douce ou autrement, comme il avifera bon eftre , par tel Imprimeur, Graveur» 2c Libraire qu’il voudra choifir , en un ou pluficurs Volumes, en telle forme, gran- deur, marges & caraéteres , & autant de fois que bon luy femblera» durant 1 cfpace de dix années , à compter du iour qu’il fera achevé d’imprimer pour la première fois» durant lequel temps Nôus faifons tres-exprefles inhibitions & dcffcnccsa tous Li- braires, Imprimeurs, & autres peifonnesde quelque qualité ou condition quelles ioient , d’imprimer ou faire imprimer , vendre & débiter ledit Livre en aucun lieu de nottre obeïflance , en quelque forte & maniéré que ce foit , fans le confentement- de l’Expofant , ou de ceux qui auront fon droit , à peine de deux mille livres d’amen- Ac > payables par chacun des contre venans > confïfcation des Exemplaires contrefaits* & de tous dépens , dommages & interefts j à la charge toutetois qu’avant d’expofer ledit Livre en vente , il en fera mis deux Exemplaires en nottre Bibliothèque publi- que , & un en celle de nottre Chafteau du Louvre , vulgairement appellé le Cabinet de nos Livres, & un en celle de nottre tres-cher & féal le Sieur Seguier , Chevalier Chancelier de France , à peine de nullité des prefentes : Si vous mandons , & a cha- cun de vous enjoignons que nottre prefent Privilège & Permiflïon, & du contenu cy-delfus , vous fartiez & fouffricz jouir pleinement & paifiblcment ledit Expotant. Sc ceux qui auront droit de luy , fans qu’il leur foit donné aucun empefehement • Voy- ions en outre qu’aux Copies ou Extrait des Prefentes , mis à la fin ou au commence- ment des Exemplaires foy foit ajouftée comme à l’Original: Commandons au premier nottre Huiflier ou Sergent fur ce requis faire pour l’execution des prefentes, tous Ex- ploits neceflaires , fans demander autre permiflïon : CAR tel eft nottre plaiiir. Don- ne’à Paris le vingt-deuxième iour du mois d’ Avril, l’an de Grâce 1666. & de nottre Régné le vingt - trois. Par le Royr en fon Confeil. B o v c h e t. -Revftré fur le Livre de la Communauté des Marchands libraires de Paris -, fumant l Arnfi dt Parlement, en datte du 8. Avril F ait à Pans ce quatrième Septembre mil fix cens foi Xante- fix. S. PIGET, Syndre. . , - _ n ■ ,, Et ledit R. P. Iean Baptiste dv Tertre, a cede le droit de fon prefent Privilè- ge à Thomas Iolly, Marchand Libraire à Paris , pour par luy en jouir luiyant; l’accord fait entr’eux. , . Achevé d'imprimer pour la première fois k dernier P evrjer l66j% Fautes furvcnuës à l’Imprcflion. I) Agc 3. ligne 13. qui font deus lifez qui cfloicnt deus p. 4.I. 14. il arriva lif il y arriva p. 3.I. n. qui peut lif qui pût. p. 10. l.z. Soooo. livres lif 8000. livres ibidem 37. l’advorcat lif. l'Avocat.' p. 13. 1. 9. flotte qui elioit lif. flotte effoit. p. 17- 1- 16. avant lèvent .lif avau le vent. p. 41. 1. 17. vérité lif. Religion. Ibid. 37. julqu’à refent lif. jufqu'à prefent. p. 47 I. 1. feron lif feront, p 48 1 en toute m fiance lif Iuftice p. 57. 1. rj.fingé lif figné. p. 38. I.13. il y giaude lif. il y a grande, p. 71. 1. 7. confiantes lif con flan ter. ibid.n. hyacinthus A/.f. Hyacinthus.. ibid. 1 3. A rchivir üf. Archive, p. 77. 1. 14.. Ce qui 11c pafla ItJ. ce qui ne te pafla pas. p. 84. 1. zz. faifoit croire lif. faifoit accroire. p. 84. 1. io. Majinct lif% Marner. p. 94. I- jy.luy différer lif lu y fît différer, p. 94. 1. 10 Capiucin hj. Capucin, p. 107. 1. 9. Berruer lif. Berruyer. p. 108. 1. 30.0UM de l’Olive lif fous M. de l’Olive, p. 119. Chapitre V. lif. g. 4. p. ui. Chapitre VI. Itj. Chap. V.p izz.p. IZ4.I. 3o.figuées lif. figné. p.118. de de lif de p. 131. 1. 21 appelle Belle tts lif Bclletefte. p. 134. I. 3. changer de face lif changer de face aux affaires. Ibid. 1. 33. Ballc-tefie lif. Bellctefte. p. 134. 1. 7. ne la lif ne le p 137. 1. 17 • decea lif de cela. p. 139. 1. 33. arricle lif. article, p. i4i. ). 3 + . rtioijl vements lif murmures, p. 144. 1 il- car ainfi lif par ainfi. p. i49. J. tg. rempli ces Sauvages de fang lif. rempli les pirogues de ces Sauvages de fane, p if0 1 5 p. 151. 1. 17. trouvafinent lif trouvafmcs. p. I37.I. z . d'Augofe lif à’ Angôle ' p.irtr.l. 37. n'ayant appris lif n'ayant jamais appris, p. 164. 1. 14. avoir dem?ndlé /y. avoir demande le. p. 1 63. 1. zi. des magazins lif les magazins p i7I \ u cmq ou fix pas lif cinq ou fix cent pas. p. i73. 1. 34. le tenoic lif. les tenoit p.' 177. 1. zz. fe deüendroient/// deffendiflent. p. 181. J. 1 9 . demeuroicut AT demeu- rèrent, p. 198. 1. 19. à converflon lif converfion. p. 199.I.31. iff4I. /,/ \6 p loi. 1. 4. donneray lif. donne. Ibid. 1. 15. receu lettre lif ieceu cette lettre Ibid 1 zi. ordre de retourner lif. ordre au R. Pere Raymond & à fon Compagnon de ici tourner. Ibid. 1. z 6. à la vérité lif. à la venue, p.zoz. 1. 3Z. reélle megere lif vieille megere p.z03.I x9. baux lif beaux p.zo 4. l.z2.. de ces quartiers/, de fes quartiers, p. 309. 1. i. la pompe Ma poupe, p. )Oi- 1- 36. héron /. htrou. p. joa. linea 36. 30g. 516. 317. d. 310. 1. 13. porta loin /. oorta pas loin. p,. 31a. 1. 13. Menigant/. Menigaut. p. 513. nos amis/. vos amis.p.313.1. 6 de fes /.de ces. p. 317.1.11. ces quartiers /.fes quarticrs.p.3i8.1.3 7.qu’ilen faudroit ,lif. qii’il-en voudroit.Ibid_l.30.il alla /.il eftoit allé.ibidl.31 .de ces./.de fes.p. 319. l.iy.put retarder /. puftent retarder. p. 310. 1. 13. Portfmouthe /.Portshemeure. p. 311, Chapi- tre XIX. /. Chapitre XXI. p. 311. 1. 14. qu’ils ne ne/, qu'ils ne luy. p. 313.1.31. les valets /. fes valets, p. 318. 1. 8. la douleur /.fa douleur, p. 336, 1. 13. deCourfelas /. de Gourfelas. Ibid. I.17 . pas amis/, pasamy. p. 337. 1. 13. interprétées/. interceptées, p. 539.I.7. menacez /.menaces Ibid 1. 9. jufqu’à ordre/, jufqu’à nouvel ordre.p. 540. ]. 4-.de cinquante /. des cinquante. 548, Chap. XXI. /. Chapitre XXII. Ibid. 8c fæpe alibi. Boill’eret /■ de Boiflerct. p, 551. 1. 1 l’en fi /. l’en fit.p. 566. J. i. /. §. 3. L ï 4. porte/, portent. Ibid. 1. 14. & 15. Commis/. Compromis. 5 <78. 1. 36. trois cent li- vres./. 3000. livres. p.;8 4, l.ij.Soify /, Toify.