DES AN T 1S LES o HABITEES PAR LES FRANÇOIS. Enrichie de Cartes & de Figures. ° TOME IV- DANS LE QJJEL IL E S T TRAITE’ De tout ce qui s cil pâlie de plus confiderable dans les Ant-Isles de 1 Amérique, depmsle commen- cement de cette dermere guerre, jufqu 'à la paixde Var ie R. P. Jean Baptiste du Tertre, de l’Ordre des FF. Prefi sheurs de U Province de J. Louis Mijponmire Apoflolique duns les Ant- Isles. * * * 5(C A P A R I S, Chez Thomas Jouz , au Palais . en la Salle des Merciers an rom J, r, Gallcm des prifonniers, à la Palme , & aux Armes d’Hollande & en ion Magafin rue S. Jacques, entre les Egides S. Severin & s. ïves, a 1 Enfeigne des Armes d’Hollande. M. DC. L X X I. AFEC PR JP ILE CE. A M O NS El G NE VR THEODORIC BIGNON» CONSEILLER DV ROY EN SES Confeils d'Eflat &C Privé 5 Maiftre des Requedes, Prefîdenc au Grand Confeil. oNseicjsievRj Les me fine s fentimens & les me fines raifort s qui mont porte' a pre /enter la troifiéme partie de mon Hijlom generale des Ant-ijles de l’ Amérique E P I S T R E. a Mon ftigncur vofire Fr en , m’engagent a 'vous dédier ce quatrième Volume : Et afin MO N- S E IG NE V R, que 'vous ne fiyetv pas fur pris du choix que je fais de Vüpfire per firme pour trou- ver une protection avant agéufe à mon Livre, dai - gnefi vous reffo avenir de cette obligeante bonté que vous me témoignages lors au un de me s amis me procura (honneur d’efire connu de vous . je nay pu m’empêcher a en tirer de bons augures pour mon deffeîn , O* faj cru me fine que je m en de ^ vois faire cette occafïon de vous témoigner mare- connmffance. je vous Jupplie donc MONSEIGNEUR , d’approuver que fans divifir ces deux parties de mon Ouvrage, je les unifie dans une mefime famil le s & que comme vous efies tous deux les heri- tiers de ce (grand homme qui fut l’Ornement , le Miracle , l’ Amour & l’Exemple dejbnfiecle, je publie a toute la terre , quec’efi en vofire perfionne aufiibien qu en celle de Mon fiigneur vofire Frere, que l’on doit chercher les vives images, d’un Tere fi dccomply % ■' J Jb | ■ v Chacun fiçait M O N S E IG N E V R, que vous aveZj exercé la charge de (fonfieilîer au Par- lement de Taris, avec honneur , & que vous vous faites encore admirer tous les jours dans les fon- ùtions de celle de filai Etre des Requefiesjque vofire E P I S T R E. leaugenie vous fait pénétrer dans ce qu'il y a de plus profond dans la Jurifprudence 3 & y dé- couvrir les vérité s les plus cachées y qu enfin fa Majefié ne vous a élevé à la Charge de Prefidtnt dune des plus illufires Compagnies du Royaume , que pour marquer l'eftime qu il fait de v offre inté- grité. Jefcay bien MO NSEIGNEV R9 que mon Ouvragena rien qui correfponded tant £il- luftres qualités >f ofe néant moins efpererqu ayant autrefois pris plaifir a m entendre parler des Ant- IJles de l Amérique } vous en pourrelf encore rece- voir dans la lecture de ce livre j puis qu il en con- tient les plus belles particularités tant de politique que de guerre. zAïnfi MO N SE IG N EV R, je me promets que voftre generofité fera moins de reflexion fur la petiteffe de mon Ouvrage , que fur la difiofition du cœur de celuy qui vous l’offre , qui s’eftimerafort heureux fi fonpnfint vous agrée \ & qui fera gloire d’effre toute fa vie , monseignevr, Vofbe tres-humble, & très- obligé ierviteur , F. J. B. du Tertre, de l’Ordre des FreresPrcfcheurs, ixilvt-V. I iiŸ ’ • ' ' ^ J * Q I pjl/TSS syRVBNyES DANS L IMPRESSION de cette quatrième Partie, -r-M TR E les fiUtes qui fe fonr gliflées dans cette quatrième Partie il 7 Een a une auieft d'autant plus fîdheufe, qu’ellç eft puis, apparente , cft.nt 'une Lettre qui cR à la page cent qu ure - vmg deux ou a< « heu de Ces mots Le diitx d- S etttmhr*, wilfia-Ce*t ptxtatefi* , .wx fia "«*'■*'* fi, laiu-vt*» , H faut lire : Lt-vtvgt-un de Novtmi't tfff. -»,*»* fi,l>u le ?re' dë DâCÇTTibfS , fbil JîOPt'VC otü • . . , Esfnnois pag. 14. lig *3 Itfe^û^-yin gts. pag. /î.lig. Ance. pag. li^ 10. E/fR, qu’un plus, pag. 67 au titre lig. i°- l‘Je*- Meffieurs de lame Laurent. pag. 8a. lig. a9. Ufiü de la Marnmque & de la Guadeloupe, pag. 8,. lig! g li/Fm friponneries! pag. 8t. lig. *1. /^Saintes- page 94. lig. *■ /£*«*• tarife pasr. 140. lig. f. liiez. François. Fag. i«8. lig. jo./^quela rre.pag. ?«PIii!vV^P« * jeu. pag. 141. 1=8- u. b/^defbarquer. pag. }77.kg. '9.*» lieu des Mémoires de Monfieur de la Batre /^la Relation impr.mee &c pag. jg lig 8 l‘JeX Decembrepag. 18, lig i. /'K Décembre pag. x 8/. lig. 14* 18/. lig. l'h *««• P3 S’ T^..l>g- aj.AKiW7.pag. W lig. derniere />/«*, trois mille, pag. n* bg 3- ;'M navaI: Pa8- jl+^lg.^r4: Ficmie pas 117 lit» ré. 8c 1 j.lfiz. Capitaine au Régiment de Navarre, pa^. ?,? lig baril de ton mariné, pag. a34. «la lettre fuivante. pag. »} autres Gouverneurs s’écrk virent mutuellement, pour s’encourager à combarre géné- ré u fera en t , & à fe préparer diligemment à la guerre comJ me fi elle euftefté infaillible. Chacun d’eux fit dans fon Gouvernement, tout ce que des gens de cœur, d’experience, de tels que je les ay dépeints dans ma T roifiéme Partie, pouvoient faire pour recevoir de corn- batre un ennemy , auquel le nombre donnoit quelque avanl tage , de le mettoit pluftofl en eftat d’attaquer que de i’é- L’Ifle de Saint Chriftophle capitale de toutes les Ant- LC les Françoifes gouvernée par l’iJluftre Commandeur de Sales" quoy que la plus importante de toutes les Lies , eftoit néant! moins la plus expofée, & environnée de toutes parts des plus grandes forces de fon ennemy. Les quatre frontières des deux quartiers François luy faifoient quatre faces, de Iuy ©uvroient quatre portes qu’il eftoit impoffible de fermer { outre que toute la cofte luy ofFroit des debarquemens fi fa vorables , qu’il euft efté inutile de s’y vouloir oppofer pour luy en dilputer la defeente. r ,r fi bien que ee Brave Chevalier fut obligé de fe conten ter des anciennes fortifications de fon Isle, qui eftoient alors en très- bon eftat ; & il n’eut point de plus fortes deiïenfes apres la protection de Dieu , que celle de fa bonne condui! te, de fa valeur, de de celle de nos braves infulaires Fran ^ois. C’cft ce que je remarque dans la derniere lettre qu’il écrivit à Monfieur de Ciodoré avant le combat & avant fa mort. 5 A ij ÿ tiifloire générale Nous avons , dit. il , ratifié 6c ligne nos Concordats e$ - cette Isle- mais cela n’cmpéche pas de me difpofer & me préparer à tout , comme fi cela neftoit pas : non point par aucune fortification que celles qui font dans 1 Isle, par* , ce que nous aurions trop d’endroits à garder a mefme _ temps, tant du coftc de la mer, quedeceluydc la terre de 'nos voifmsjoù les forces débarqueront aufli- bien pour nous attaquer • Tellement que nous avons refolu de ne pâme "combatte feparé , fmon pour bailler du temps de fe trouver ** au rendez-vous, pour enfuite attaquer où il paroiftra le 'plus de monde j cardés lors qu’il y aura ade d’hoftiiitc , il faut qu’une Nation chafle l’autre de i’isle. *' Monfieur.de Clodoré Gouverneur de la Martinique, fit promptement achever les batteries commencées au moüillaee de cette Isles iefquelles battans en efearpe avec le fort , deffendoient l’abord delà Radeaux ennemis. Plus de vingt s autres tant batteries -que redoutes , furent con- flruites en divers endroits de cette Isie, où il y avoir p.us de foixante pièces de canon en boneftat, Il fit faire des re- tranchemens avec des parapets dans tous les lieux ou lesen- nemis pourroient defeendre. Il multiplia les corps de Gar- de iufqu’au nombre de quarante, 6c mit toutes chofesen fi bon eftat dans toutes les avenues de fon Isle , que 1 on y pou- voir difputer l’entrée à quelque ennemi qui s’y puit pré- senter. Monfieur du Lion Gouverneur de la Guadeloupe pour, veut aufii avec beaucoup de zelc à lafeureté de fon Isle. Il fit faire une belle baterie à la Riviere aux herbes, qui eltoit tres-neceflaire à cette pointe, 6c il fît defeendre tout le beau canon que Monfieur Hoüelavoit fait guinder fur cette hau- te roche, du Mont Hoüel, où il ne fer voit qu a faire du bruit , 6c à barre de l’air , pour les placer fur des batenes, dans des lieux plus neceffaires. Monfieur de Chambré Agent General n obmettant nea de tout ce qui eftoit en fonpouvoir , pour affiiter toutes les Is- les dans cette occafion, leur envoyoït du Canon .désarmés Ap* rnnnîtisns mais elles y eftoient fi rares, qu il n y avosf V is Ant-lfles de T Amérique. j pas dans toutes les Islcs dequoy fouflcnir un combat de deux heures* 5c lTsledeMarigalandcn’euflpaseudequoy tirer*, coups de'fufiis , fur les ennemis , fi un Hollandois n’en avoir apporté huit cens livres à la Guadeloupe, dont il en envoya deux cens à Monheur deThemericourt, qui fans ce fecoura n’eftoir pas en eftat de deffendre Ton Gouvernement; Monheur Vincent Gouverneur de l’Isle de la Grenade , fe Tentant foibie d’hommes , n’en trouvant dans toute Ton isîe qu’environ foixante en eflat de combatre, 5c dont il Te puft afTeurer * reTolut de faire retirer tout le refte dans les plus hautes montagnes avec leurs femmes 5c leurs enfans, 5c leurs principaux meubles, 5c ordonna qu’aux trois pre- miers coups de canon tirez du Fort Royal , ceux qu’il avoic choifi pour fouftenirle choc, s’y rendroient * 5c queles au- tres qui n’eftoient point capables de fe defïendre, Te retire- roient dans les montagnes : 5c comme il y avoir fort peu de choTe à piller dans cette isle , 6c que le Gouverneur 5c les habitans efloient fort unisavec les Tauvages , ils s’y croyoient plus enafîèurance qu’en pas une des Isles * 5c nous les vomi- rons bien-toft reüfîîr dans une entrepriTeaufïi hardie qu’il s’en foit faite dans l'Amérique, eu egard à leur foiblefTe 9 5c à leur petit nombre. Monfieur d’Ogeron Gouverneur de la Tortue , garda preTque la meTme conduite dans les terres de fon Gouver-' nement. Il avoir déplus dangereux 6c déplus puifTans en- nemis pour voifins , qui efloient les Anglois de la Jamaïque 5 6c il fçavoit fort bien qu’ils ne viendroient jamais à luy , à moins de quinze ce ns ou de deux mille hommes pour le com- batre * 6c qu’il luy feroit impoffiblede leur rehfler } à cau- fe de la defunion de fes forces : le peu d’habitans qu’il y avoic dans la Tortue eflant tellement difperfez , qu’il Te trouvoit afTez Touvent réduit à quarante ou cinquante hom- mes pour deffendre la Rade, 5c Tepr ou huit lieues de co- lles , où l’on pouvoir par tout defeendre fort facilement. Gela l’obligea à commander à tous les marchands ms- gafiniers, 6c auxprincipaux habitans de lTsledetranfporter • dans la grande terre de Saint Domingue , tout ce qu’ils & A iij % Btfioire generale r avoientdeplus précieux, commençant le premier pour les y exciter par fon exemple. 11 fît conftruire un réduit fur le haut de la montagne de la Tortue, pour y faire retirer les moins difpos, &. incapables de courir dans les bois 5 & dé- clara enfuite , que fi les Anglois les venoient attaquer fî forts qu’il ne leur puft tenir tefte, qu’il mettroit le feu dans les magafîns , feretireroit avec feshabitans dans les bois, ôefe- roitfî bonne guerre aux Anglois par des embufcades, &L des furprifes, pendant qu’il auroit de quoy manger, qu’il les obligeroit de fe retirer : parce quelachafîfe qu’il avoit def- fenduëdans cette Isle long-temps auparavant la guerre, s’y eftoit tellement multipliée, qu’elle pouvoir lesnourir plus de temps qu’il n’en faloit pour les enchaffer. Il fe fit encore une chofe toute particulière dans I’Isle de îa Martinique : car le fieur de Clodoréchoilit entre tous les negres de cette isle , ceux qui avoient plus de mine, & la réputation d’eftre les plus vaillans. lien compofa des Com- pagnies , & les armadedemy piques & fpoutons , leur don- na des Officiers j de eftablit General de cette bande noire, ce puiflant negre nommé Fabulé, dont j’ay parlé dans la Jtroifieme Partie. Il le fît veflir, luy fît porter un Sabre, luy donna un chapeau avec des plumes -, de luy commanda que dans lesalarmes, il fe tinft preft pour fervir lors qu'on i’empioyroit. Quelques- uns m’ont écrit des Isles que cet- te horrible troupe ne faifoit ^ueres moins de peur qu’une bande de démons : mais d’autres m'ont afiTeuré que bien qu i! s’en trouvait quelques-uns de braves parmi eux , que leur condition d’efclave dans laquelle on les tient toujours bas Se miferables , fait qu’ils donnent pour le moins autant de pitié & de compaffion , que de peur. Cela ne s’eft fait dans pas une des isles , fi ce n’eit dans Saint Chriftophle le joui du premier combat , comme jediray bien-toft. Quoy- que la refolution de bien combatre fuft generale dans toutes nos Ant- Isles, de que la fierez orgueilleufe morgue des Anglois enflez par le grand nombre de leurs fol- dais caufaftune genereufe impatience à tous nos François Dés Ant-hles de T Amérique. y de venir aux mains avec eux } n’eftant neanmoins venu que frcs- peu de vivres , & bien moins de munitions$ Iemurmure eftoit encore general dans toutes les Isîes contre la Compa- gnie , fans que neantmoins cela diminuai! en rien l’ardeur du defir que les chefs 6c les habitans avoient d’eftre fidelles au R.oy , 6c défaire merveille de leurs personnes des que la guerre feroit déclarée, ou que les Anglais fe feraient ren- dus aggreffeurs. Voila le véritable eftat auquel fc trouvèrent toutes les Ant'Isles Françoifes avant la déclaration delà guerre : mais il me femble qu’iln’efl: pas horsdcproposd’examincr la con- duite , tant des François que des Anglois dans cette con- joncture , afin que le Le&eurpuifie mieux juger de la fince-* rite ou de la malice des uns 6c des autres. § il. Preuves manifefles de la mauvaije intention des Anglois > Ê55 delà reçhmhe fincere que les François ont fait de la neutralité PEndanpque nos François flotent dans l’incertitude de ce qui doit arriver , 6c que la foy jurée dans les concor- dats faits à Saint Chriftophle, le vingtième de lanvier mil fix cens foixante- fix, 6c ratifié Je dix-feptiéme Mars, arre- fta l’envie qu’ils avoient de combatre , 6c que neantmoins la contenance des Anglois les obligeant de fe tenir préparez à tout evenement , le Milord W'illougby Lieutenant ge- neral pour faMajefté Britannique dans les Lies, qui avoit des nouvelles plus certaines que nous de l’infaillibilité de la guerre , tâchoit par des lettres civiles mais ambiguës , à en- dormir le Commandeur de Sales , 6c les autres Gouverneurs François, pendant qu’il travaillent dans la Barbade à la Ie3 ! Vf flaire generale vcede huit cens hommes pour les joindre aux Anciens de Saint Chriftophle, afin d’y exterminer la Nation Fran çofie, Tous les antres Gouverneurs Anglois «anoient ue grands préparatifs pour prendre par: à cette fanglante tragédie , Sc ielafi fecretemént , que nousn’en pouvions avoir que de (im- pies foupçons. Mais Dieu qui improuve,&fe moque des mi- quesdefreins des hommes , fit voir en ce rencontre que les pechezdesAngloiseftoientplus grands que les noftres, en nous découvrant leurs intrigues par des avis secrets & par quelques transfuges qui avertirent Monfieur le Comman- deur de Sales de cette entreprife , au moment qu’clie s al- l-o it executer : & apres nous avoir odroyé une victoire d au- tant plus glorieufe, que nos ennemis ktenoient infaillible pour eux ; Il voulut que toute l’Europe fut juge de noftre fin- hérité & deleurmalice : car il permit qu’apres la mort au Gouverneur \Tats, l’on trouvai! dans fes poches, neuf ou dix litres , qui font autant de pièces decifives de leur mauvaife fov auffi- bien que de noftre franchife, dans la recherche de la neutralité. !*en mets icy des fragmens , dont les originaux V font confervez à Pans > afin de faire voir, que c eft fans xaifon qu’ils fe plaignent dans leurs imprimez , de ce que les ftzncàs les ont égorgez , $C traitreufement chafFez de leurs £errf 3 Dans une lettre du fleur fcouflel Gouverneur de Piste Nieve dattée dudïx-fept Avril ,fti!e François, mil fix cens foixante-fix, adrefTéeau finir Wats Gouverneur de Saint Chriftophle pour la Nation Angloife, en reponfe d une ic- condelettre à luy écrite 5 il luy mande ; du il exécutera pou? f,n Rov & le fetvice de fa Nation, tout ce qu'il pourra four lajn~ fle de faim Chriftophle i quil tiendra fes gens fins les armes, ^ en ordre pour ce dejfein ; & demande quels feront les avantages qu'au* tant fes zens, prompte refikHm& reponfe. 2 Dans une autre lettre fans nom , mais que 1 on juftifia cftrc une minute de la propre main du fleur Vvats Gouver- neur des Anglois de Saint Chriftophle , il mande au Gou. verneur de Nieve , en reponfe de la precedente, Qja.n français s'eft fattvé d'ms chaloupe 9 qui a donné avis a [a //<*«**» Dés Ant Ijîes de t Amérique. y du fe cours qui venait : qu'il fera fous les arrhes , qu'il fa fie fin pcfli- ble d'envoyer des gens , (y que tout le butin fera feparè egalement j & qu il envoyé le fecours a la pointe des palmifes , pour y mettre pied à terre. 3. Un avis de la main du me fine fleur wats , par lequel il ordonne , pour entrer dans les terres Françoifes , de prendre le chemin d'en haut , d'empe [cher les negres François d’entrer dans les quartiers Anglais , & que les chaloupes aillent mouiller à la Bafer * ve ou font les navires François ; où s’ il vient des infidelles ( c’efl ain- ü qu’il nous appelle ) qu'on ne leur donne point de quartier. ' 4- Deux autres ordres , par iefqueis le mefme fleur wars commande aux chefs des Paroijjes 3 de saffembler fur les frontières- ils font du dixième Avril , qui félon lenofrc ef le vingtième. f- Vne autre lettre fans datte du Gouverneur’ de Nieve par laquelle il mande au fleur vats , quil luy envoyé deux cens hommes fous le commandement de Guillaume F remont , avec un par- ty de volontaires , fj- le Capitaine Aîazciray , avec un parly de gens de Jervice (fi braves. “ 6. Dansune autre lettre dattée du 17. Avril, flile Frarn: cois, le Colonel Reyms de Saint Chriftophle , avertit fon Gouverneur wats , qu il areceu deux avis d'un Flamend , qu'il y a fept chaloupes pleines d’hommes bien armeg à Saint Euftache preftes à partir pour aller à Saint Chriftophle , en difpofition de ne point efpargner les François : que jamais on ne pouvoit mieux pren- dre fon temps pour les combatre : qu’ils font fables & eux forts-, & que ceux de Saint Eufîache e fl ant prefls , on les devait faire venir pour les renforcer. La reponfe du fleur vats de fa propre main cftaudosde cette lettre 5 & il demeure d’accord de tout ce qu’elle contienr. 7* Une autre lettre du mefme Colonel Reyms , elle eftdu Lundy ii. ftile François-, par laquelle il mandeau fieur Wars que fi l’avis qu’a donné Laurent rfl véritable , qu’il faut donner le matin avec les boucaniers, dont le feul nom fait peur & de bons ef fets. Au dos de la mefme lettre efl la reponfe du fieur wats minutée de fa main : où il demeure d'accord , de donner le matin 3 & que Jt l’on fat t refijlance , défaire tout afle d’hoflE. Cite. J J to B'îfloire gênmîe 8. Le fieur Vvats dans vne lettre qu’il écrivit fans datte, au Capitaine Hudfon, il luy mande, qu'il efi fiche qu'il ef forti de La rade faps fonavis , acaufe qu'il attendait qu'il emmenaji à ï'Auquille les bateaux qu'il anroit pris furies François & HcUan- dois & qu'il aüajl pendre des gens de Saint Martin : & il luy donne efprance du pillage de Saint Chnfiopble qui fera confiderable , & le pu fie de revenir. ■ . . r ,r , o Dans une autre lettre delà- roâin du fieur Vvâts^ du dix- fcpc Avril ililc François , écrite au fieur Rouffel Gou- verneur de Nieve, fur laquelle il luy mande en apolhlie, quilfajje de [cendre [es gens à la baye de Btgby. Cette lettre eft conforme aux autres minutes ae Vvats io. Dans une lettre du fieur Vvats fans datte, adreiiee au Colonel Reyms, il luy donne avis de faire ajfembler en fort quartier les gens pour U déclaration de la guerre , é ^ prie de luy donner avis de ce qu'il y aurait k faire : que le Colonel Morgan Gouverneur de Saint Eufache defire de donner 3 ou s en aller avec [es gens , & qù Ane veut pas que l'on avertife les François de la rupture j il ordonne k ce Colonel de tenir le tout fecret. Toutes ces preuves font plus que fuffifantes pour faire voir que le Milord Vvillougby, &les autres Gouverneurs An- gloisonteu des deffeins directement oppofez a ceux de nos François, qui n’ont refpiré que la paix , l’union , & la neu- tralité entre les deux Nations. Cela fe juftifie par les foins qucMeffieurs de Sales & de Chambré prirent pour faire re- nouvelé les anciens Concordats* & les empreffemens qu’ils témoignèrent pour en avoir la ratification du fieur Vvats, laquelle ils n’obtinrent avec aflez de peines, que le dix- feptiémede Mars. n , Les ordres de la Cour 8c de la Compagnie eftoient fi ex- près aux Gouverneurs deslsles Françoifes pour la neutralité, qu’ils s’en tenoient affeurez comme d’une affaire de-ja conclue 5 & dans cette penfée Monfieur PoqucJm , 1 un des Directeurs de la Compagnie fit partir le deuxieme de May mil fix cens foixante-fix , le Capitaine l’AnguiIIet, avec un navire nommé la Sainte Claire, charge de vin pour alier à i’isle de la Barbade,6c pour y traiter comme il nr,libre. Des Ant-Isles de T Amérique. m?nt, 8c en revint le quatrième de Iuiller à la Martini- que. Mais voicy deux Lettres : lune de Monfieur Colbert , 8c l’autre du Roy, adreflees à Monfieur de Clodoré pour la déclaration de la guerre, qui font fi clairement voir l’inten- tion de Sa Majefté fur cette affaire , qu’il n’y refte aucune répliqué. C/SCO OVZS9 Lettre de Monfieur Colbert à Monfieur de Clodoré ’ ONSIEVR, „ Le Roy ayant efté obligé de déclarer la guerre à l’Angle- „ terre, en execution du traité d’alliance renouvellée par Sa » Majefté avec Meilleurs les Eftats de Hollande , apres avoir ,, tenté toutes les voyes pofïïbles pour ajufter leurs diffcrens - „ vous connoiftrez quelles font Tes intentions dans cette conl ,, jonfture , par les Lettres que vous recevrez de fa part. Et ,, comme elle m’a fait l’honneur de me confier le foin des co- „ lonies de fes fujets qui feront formées dans les pays eftran- >>§ersi je ne puis me difpenfer de vous dire, qu’il importe ,, que vous employiez d’abord toute voftre induftrie 8c voftre „ expérience, pour eflayer de conferver la neutralité avec ,, celles des Anglois qui font dans l’Amerique : en vous met- ,, tant cependant en eftat de vous bien deffendre , fi vous é- ,,tiez attaqué 8c même vous préparant par toute forte de » voYes & de moyens , à porter l’offenfive dans leurs Ifles & ,, leurs Habitations , fi vous ne pouvez convenir de cette ,, neutralité, en cas que la Compagnie , qui fera toujours ,, precifemcnt infonriée des volontezdu Roy , vous en cn- ,, voye les ordres -, en conformité defquels Sa Majefté defire ,,que vousagiftiez, particulièrement dans une occafion corn- „ me celle qui fe prefente , où la ponduaJité & l’exa&icude Bij - \£ tiiftoire generale s, font beaucoup plus neceffaires que dans d’autres. Je me 9> promets du choix qui a cfté fait de voftre perfonne , qu’on ^aura lieu de s’en loüer, par la bonne 6c judicieufe conduire ” que vous tiendrez , & fur tout par une vigilance extraordi- M naire à pourvoir à tous les évenemens qui pourront fur- „ venir dans le cours de cette guerre. ] e fuis , MûNSIEVR, Voftre très humble &: très- affe- ctionné ferviteur , COLBERT. A S. Germain le 6, Février 1666 . Lettre de Cachet de Sa Maiefié , adrcjjee au Gouverneur de la Martinique , pour la déclaration de la guerre , (dp pour la neutralité MOnsievr de Clodore’, Apres avoir inu- tilement effayé par tous les moyens qui eftoienc 5,en mon pouvoir , d’affoupir par un bon accommode- Il ment , la guerre qui s'alluma il y a un an entre l’Angle- ll terre gc la Hollande -, j’ay enfin pris refolution d’affifter * les Hollandois , & en ay fait publier ma Déclaration le ” vingt- lixicme du mois paflé : Surquoy je vous écris cette 3^ Lettre pour vous en donner avis 5 êc vous diray que mon „ intention efl que dans une pareille conjoncture, vous re- doubliez voftre zele & voftre application pour la confer- dation de l’Isle dont je vous ay confié le commandement * # que vous vous mainteniez en neutralité avec les An- ÎVglois, en cas que vous le puiffiez faire-, finon vous vous 91preparie^ a VÜUS bien deffendre , & mefme à les atta- quer , s’il eft ainfi jugé à propos , fuivanc en cela lesor- dr.es qui vous feront donnez par les Directeurs generaux Des Ant- Jsîes de T Amérique. ï$ de la Compagnie des Indes Occidentales. A quoy vous4* ne ferez faute. A Saint Germain en Laye, le deuxieme de Février, mil fix censfoixante-fix. N Et plus bas, Di Lionne. § ni. JLa déclaration de la guerre entre les François & Anglois% dans les Ant- 1 s les. Après plufieurs actes d’hoftilitez fai As en pleine pais contre le droit des gens, les invafions des Isles Fran- çoifes , les brigandages 6c les pilleries des barques , & des vaiffeaux appartenants à la Compagnie des Indes Occi- dentales, dont les pertes faites avant la guerre, tant dans l’Europe , que dans PAmerique, font eftiméesà plus de trois millions de livres, fans que jamais l’on ait pû obtenir aucune juftice de cette Nation, quoy-qu’on l’ait follicitée avec inltance : la patience de nos François fe trouvoit prefque épuifée, 8c leurs courages irritez, n’eftoient plus retenus dans le devoir que parla foumifiion aux ordres cle leur fupe- rieur^ lorsque le deteftabîe deifein du Milord Vvillougby, du Gouverneur de Saint Chriftophle , 6c des autres de cette Nation, parut preft à s’éclore. Les Gouverneurs Anglois receurent la déclaration delà guerre dés la my-Avril , au lieu que la Compagnie des In- des Occidentales , peut.eftre empecliée par les corfaires Anglois , fit fi peu de diligence pour en informer nos Gou- verneurs, que le Capitaine Forant , commandant le navire appelle le Saint Nicolas , dans lequel eftoient les depefches 34 Hifloire generde de la Cour, ne partirent de France , qu»au mois de Mars • de- forte que M. le Commandeur de Sales a eftétué, comme je diray biemtoft , fans fçavoir de la part de la France , lanou- velîe de la déclaration de la guerre. Le Feur Vvats Gouverneur de Saint Chriftophle n’en eut pas pluftoft l’imprimé entre les mains, que le Vendredy dix- huitième du mefme mois, il l’envoya en fa propre lan- gue ,fans le faire traduire , à Moniteur le Commandeur de Saies, par le Colonel Lauvréne, accompagné d’un inter- prète. Il arriva le mefme jour â la Bafterre des François de Saint Chriftophle, & fît offreà MonFeur de Sales des fer- rices de fon Gouverneur, luy mit entre les mains cet impri- mé , qui contenoit la déclaration de la guerre, & le pria en mefme temps de vouloir entretenir les Concordats jurez &: lignez par les deux Nations. Monfieur le Commandeur de Sales qui nerefpiroit que la paix , receut cet offre avec beaucoup de joye, &C luy promit quedela part des François, ils feroient inviolablement gardez 5 pourveu que de la leur ils ne receullent aucune atteinte. Mais comme il ne fe Foie que de bonne forte aux Anglois, il fe tint foigneufement fur jfes gardes , tout de mefme que fi cette priere d’entretenir les Concordats , euft efté une continuation de leurs fourbes. I! en eftoit d’autant plus fortement perfuadé , qu’un Fran- çois dés le ieudy dix feptieme d’ Avril s’eftant échapé de Lis- le de Nie ve, le vint avertir que les François y eltoient dé- jà traitez comme ennemis : que l’on y faifoit de grands pré- paratifs militaires, & que l’on n’attendoit plus que l’arrivée du neveu du Milord Vvillougby avec feptouhuit censhom- meSde fecours , pour détruire la Nation Françoife. Il fut enfuite averti, que le Colonel Morgan Gouver- neur de Saint Euftache, s'eftoit débarqué au quartier de la grande Rade des Anglois avec deux cens foixante bouca- niers j & que cent autres qui eftoient venus des Barbades, y avoient pareillement mis pied à terre. La nuit du Dimanche au Lundy , l'on vit paffer neuf grandes chaloupes ou bateaux portans cinq ou Tix cens foi- Des Ant-Ifles de V Amérique. ïy üâts venans de l’Isle de Nieve, éloignée feulement de deux licuës de celle de Saint Chriftophle, Jefquels debarquerenc à la pointe des Palmiftes, dans le quartier de la grande Rade des Anglois, nonobfhnt quelques coups de canon, qui leur furent tirez de nos forts, pour les faire arriver 6c dire qui ilseftoient» Monfieur de Sales qui en fut incontinent averti, fit don- ner l’alarme par toute l’isle , 6c les quatre Compagnies de îa Bafterre l’ayant joint au rendez-vous fuivant fes ordres, auprès du grosarbre appellé le Mapou j il les fit marcher à la pointe du jour vers la frontière de la grande Rade des An- glois, où il les pofta le long de la riviere de la Pcntecofte , 6c les tint en eftat defedeffendre, ou d’attaquer en cas qu’il y fût obligé. Lace brave Chevalier ne doutant plus que les Anglois n’euflenc conjuré fa perte, ôe celle de rous fes habitans, fe refolut de les prévenir. Il communiqua fon defîein au Chevalier de Saint Laurent fon meilleur ami , 6c tousdeux conclurent que pour le faire avec une furabondance de droit 6c dejuftice, il faloit députer un Gentilhommeau Gouver- neur Anglois, pour apprendre de luy-mefme le defiein qu’il avoie^, en faifant venir des troupes de toutes parts, au pré- judice des Concordats , & delà parole que luy avoir donné leColonel Lauvren. Il choifit pour cet effet le fleur du Hamel Aide Major de cette Isle, le fit accompagner du fleur Michel Officier , 6c d’un trompette , & l’envoya vers le Gouverneur Anglois, 6c luy donna ordre de le remercier de ce qu’il luy avoir en- voyé donner avis de la declararion de la guerre entre les deux couronnes , 6c de luy dire qu’il s’eflonnoit de ce qu’au préjudice delapriere que luy avoir fait le Colonel Lauvren de fa part , il faifoit venir des troupes de dehors. Le Gouverneur Anglois répondit brufquement , qu’il s’é . tonnoit de cette demande, veu qu’il avoit envoyé avertir Monfieur de Sales de la déclaration de la guerre , il y avoit plus de trois fois vingt- quatre heures, 6c qu’il eftoic obligé le, tlifioke generale de fervir Ton Prince. Le fieur du Hamel répliqua, que le Ce* lonelLauvren quielloitlà prefent , n’avoit demandé que ia paix : ôc déplus il eftoit dit dans le Concordat , qu’il fa- loir attendre un nouvel ordre d’un des deux Rois, èc en- fuiteen avertir de bonnefoyfon voifin trois fois vingt-qua- tre heures avant que de faire aucun a&ed’hoftiiité, Le Gou- verneur Anglois repartit , qu’il n’y avoit point de remede, Sc qu’il faloit fervir fon Prince. Lefieur du Hamel le pria de luy donner fa reponfe par écrit, Sc 1 Anglois répliqua qu’d n’eftoit plus temps d’écrire, & qu’il faloit combattre. Toutcecy eft ciré d’une lettredu fieur du Hamel, qui m’a efté donnée par Monfieur du May, marchand tres-confide- rable dans Rouen. Nos députez n’ayant pu tirer d’autre reponfe du Gouverneur Anglois, s’en revinrent le mefme jour trouver Monfieur de Sales qui les attendoit fur la fron- tière 5 & luy rendirent compte de leur Légation, êc de la conférence qu’ils avoient eu avec le fieur Vvats. Mais a- vant que nous faffions venir aux mains les deux Nations, il eft à propos de mettre icy les déclarations de la guerre fai- tes par les deux Rois, afin que l’on voye les raiïons qu’ils prétendent avoir eu de la déclarer. Déclaration Des Ant-Jslcs del Amérique, ^ C®C^C3)C0vîK3BG8CaDGÊGa G$C$Ci}(^CS3C$C$)0 D BCLAKAT 10 N DB SA M AI EST B * /iff Anglais. DE PAR LE ROY S^Æ^iss&rssss nffi°-dre a fei.Amba^acleurs ordinaires, de paflér tous les Offiuers neeeiïajresen fonnom, pour efîayer d’etouffer cet- te divifton en fa naiflance j & ayant appris avec depJaifir" de! S ^ aigries j ti fc^u'au point qued’en^enir à des acbes dhoftihtez : fa Majefté auroit envoyé vers Je Roy de la Grand'Bretagne, des Ambafladenrs extraordi «aires, pour tenter par de nouveaux Offices , den arrefter le cours , & compoferces difRrens par quelque accomm dement. Mais la médiation n’ayant pas euYeffet qu’ellé s en eftoit promis j les fteurs Jes Eftats Généraux des Pro vinces des Pays bas ont continué avec empreffiement leurs inftances auprès de fa Majefté, d’executer le trafté de li gue deffenfive qu’elle a conclu avec elle le dix fennén^ Avril mil fix cens foixante.fix : Et fa Maiefté fe Cme obligée defatisfaire àfa parole rovale Tv ‘ trouvant dans lefquels elle eft entrée par un^mue fol^nefT"1'"* temps que l’Angleterre & la Hollande eftoient en bo'nne correfpondance, fans aucune apparence de runture a? jefte a déclaré & déclaré par la prefente fanée de’ fa avoir arrerte & refolu de fecourir iefdits fleurs Mars r a Il' 4 • m i Ttl'S M ^ 'Hîftoire gmnh les Ângiois , tânt par mer , que par terre. Enjoint pour ce* effet tres-expreffement fa Majefté à tous fe$ îujets, vau faux êc ferviteurs de coure fus aufdits Ang'ois ^ & leur der- f<*nd d*ayoir cy-apres avec eux aucune communication m intelligence , à peine de la vie : & à cette fin , fa Majefte a dés à prefent révoqué 8c révoqué toutes permiffions.pal- •fe. ports, fauve-gardes, ou fauf-condu.ts qui pourvoient avoir efté accordez par Elle , ou parfes Lieutenants Gene- raux , 8c autres Officiers, contraires a la prelente , & les a déclaré nuis Sc de nulle valeur : 8c dtffend a qui que « fort d'y avoir aucun égard. Mande & ordonne fa Majefte àMonfieur le Duc de Beaufort, Pair de France, Grand Mar- tre Chef & Surintendant Générai de la navigation & com- merce de ce Royaume , aux Maréchaux de France, Gou- verneurs, 8c Lieutenants Generaux pour fa Majefte en fes Provinces 8c armées, Marefchaux de Camp Colonels Maiftresde Camp , Capitaines, chefs & condudeurs de fes sens de guerre, cantdeeheva! que.de pied, François E- frangere 8c tous autres fes Officiers qu’il appartiendra , QueSce contenu en la prêtante, ils faffent executer chacun àfon égard dans, l’eftenduc de leurs Provinces 8c ïurifdi- ûions. Cas. tel est la V olonte' dv Roy, ôcc. Fait à Saint Germain en Laye, le vingt, fi*^melan- vier mil fix cens foixante.fix. Signe Lovys.Lc plus bas, LE TeLUEK. mmm Des Ant-ïsles de £ Anurique. DECLAMATION DE SA MAJESTE ’ Angloi/e contre les François. CHARLES ROY. ATrendu que le Roy des François prétendant l’execu- tion d’une ligue deffeniîve avec les Effiats Generaux des Provinces unies, &c pour laquelle il nous attribue d’eftre lesaggreffburs, ëi de vouloir uîurper leurs biens & domai- nes, le contraire de quoy eft tout notoire à tout le monde, a déclaré le vingt- fixiéme Janvier dernier la guerre contre nosfujecs, fe faifant ainfi luy- mefme l’aggrefîeur , & a par cesmoiens, rendu la paix avec lefdits Eftats que Nous avons toujours defirée , plus difficile -, pour la continuation d’icelle paix, rAmbalîadeur du Roy des François n’ayant jamais of- fert aucune fatisfadion pour des injures faites à nos fujets parle paffé}ni un bon reglement pour le commerce avenir: Nous rcpofant fur l’aidcêc l’affifbnce de Dieu tout puiiTanr, & à lajufticede noftre caufe , & eftantafteurez delà valeur & affedionde nos fujets en la défenfe fufdice -, Avons jugé à propos de déclarer, comme nous faifons par ces prefentes que nous nous voulons oppofer au Roy des François, & vi- goureufement pourfuivre cette guerre, laquelle d à fiinju- ftement commencée, aveenos plus grandes forces parmer ôc par terre, pour le maintien & dcfFenfede nos fujets. En- joignant pour cela à noftre plus cher & entier bien aimé Frère, noftre Grand Amiral , &ànoftrc bien fîdelle & en- tièrement aimé Coufin & Confeillcr, George Duc d’Ab- dcrmale, General de nos forces par terre, pour oppofer à toutes attaques du Roy des François & de Tes fujets de C ij -zo H 1 Boire generale faire Sc executer tous actes d’hoftilité à la pou rfuite de cet te guerre contre le Roy des François, fes vafTaux êc fujets. Vou- lant 6C requérant tous nos fujets, de remarquer les chofes cy- devant dites ; aufquels nous deffendons abfolument, 6c fur peine de mort , dorénavant tenir aucunes correfpondan- ces, ou communication avec ledit Roy des François , ou fes fujets; excepté ceux qui font en neceffité pour cela ; vou. lant retirer 6c cranfporter leurs perfonnes 6c tous leurs biens hors de France. Et à caufe que plufieurs perfonnes fujets du Roy des François , comme auffi des Eftats Generaux des Provinces unies demeurent 6c fe retirent dans noftre Royau- me } Nous déclarons 5c donnons noftre parole Royale , que tous ceux , foit Flamans ou François de Nation , qui fe com- porteront loyalement envers Nous, fans avoir correfpon- dances avec nos ennemis , feront confervez libres de leurs perfonnes 6c tous leurs biens, 6c libres de toutes molefta- tions 6c troubles , en quoy que ce foit. Et de plus décla- rons que s’il y a quelqu’un des.François ou des Pays bas , foie par l’affe&ion qu’ils pourroient avoir pour Nous, ou pour noftre Gouvernement, ou à caufe de quelque oppreffion qu’ils rencontrent chez eux , viendront dans nos Royaumes, feront par Nous protégez en leurs perfonnes êc tous leurs biens, fpeciaiement ceux qui feront de la Religion reformée, l’intereft defquels fera par N ous plus particulièrement en re- commandation. Donné en noftre Gourde Whvtehale, le neufviéme Fé- vrier en ladix-fepciéme année de noftre Règne, mil fix cens foixante fix. A Des Ant-Ifles de / Amérique] îf $ xv. JL es deux Chefs des deux "Nations prennent des reJolu-J, tions differentes pour combatte. LE fieur du Hamel ayant fait entendre à Monfieurde Sales , les réponfes du fieur Vvats Gouverneur des An- glois, il fitaflembler fon Confeil, où la mauvaife intention des Anglois ayant cfté prouvée par le rapport du fieur du Hamel, par celuy du François venu de Niéve, & par l'arri- vée clandeftine des troupes dans le quartier des Anglois ; il y fut refolu de les prévenir , & de leur faire voir ce que peut une petite troupe de perfonnes animées par la juftice de leur caufe & conduite par de braves Chefs, fur fix fois autane d’ennemis refradaires de leur foy , mal conduits, écqui a- voient plus de defir de butiner , que de combatre genereufe- ment pour la querelle de leur Prince. Les Chefs des deux Nations prirent des refolutions dire- dement oppofées pour Y attaque & la defFaice de leurs en- nemis. Car le fieur Vvats , Chef des Anglois, dans la pen- fée que l’on n'abandonneroit jamais la Bafterre, qui eft la demeure des Gouverneurs, d’une grande partie des plus bra- ves de cette Iffë , & le quartier le plus peuplé & le plus fort j Scellant d’ailleurs fort perfuadé que tout ce que les Fran- çois pouvoient faire , eftoit de fe tenir fur la deffenfive , 6c d?attendre qu’on les attaquait * fe refolut de laifler le long de cette frontière, feulement mille foldats fous les armes, avec defïenfe de rien entreprendre furies François , jufqu’à ce qu’il fuft de retour de l'expédition qu’il avoit projettéc pour leur delFaite. L’Imprimé fait à Paris porte qu’il ne devoit attaquer que le Mercredy. Mais il y a lieu de croire , que la fuirre de cc Ciij H H ivoire generdè François de fille de Nieve qui avoir découvert la mèche & le ferrer de l’affaire à Monfieur de Sales , luy fit changer de deffeim Car lors que la fumée qui paffoit par deflus les montagnes, luy fit connoiftre que les François avoient com- mencés luy, le Colonel Morgan, la Nobleffe Anglotfe, Sc mille ou douze cens de fes meilleurs foidats eftoient preits a partir pour aller combacre Monfieur de Poincy a la pointe de Sable, où il n’yavoit au plus que trois cens hommes de combat : & de là paffer à la Cabfterre , où il y en avoir en- core environ zoo. & apres les avoir vaincus, fe joindre à quinze ou feize cens hommes , qui habitoient leur quar- tier de la Cabfterre , & tous enfembie venir attaquer les François delà Bafterre & de Cayonne par les deu* coïtez en mefme temps , & en avoir auffi bon marche qu ils le 1 e- toient promis, , „ Monfieur de Sales prit vne refoluuon toute contraire a celle du Gouverneur Anglôis : car afin de réunir toutes es forces Françoifes divifées par le partage de cette lsle , U ré- solut de commencer l’attaque de fes ennemis par la Ravine de Cayonne tirant vers le Nord , & de donner ordre a Monfieur de Poincy de luy venir à la rencontre avec les t» ou- pes de la pointe de Sable , 8c celles du fieur Sannors , qui feu foient tout enfembie cinq cens hommes y 6c donner furies Anglais de la Cabfterre i dans le mefme temps qu rl combatroit ceux de Cayonne -, afin qu’apres avoir vaincu les deux quartiers , ils allaient tous unanimement comba- tre les principales forces des Ànglois , qui eftoient a la gran- de Rade de cette lsle, , , . Cette refolution prife , il fit partir le navire nomme .a Concorde * pour en porter les ordres à Monfieur de 1 oin- cy qui commandoit à la pointe de Sable, & envoya des ha- bitansparles montagnes au fieur du Sannois a la Cabfterre ,■ pour l’informer de fou deffein : mais le navire n’ayant pii arriver à temps,, à caufe du vent contraire, & les habu tans ayant efté empefchez de paffer, parce que les Anglois cardoient foigneuferoenc tous les pa liage s $ ils combati- rent chacun de leur cofté fans tes avoir receus< Dés Ant-ljles de î Amérique. ïf tîomme les forces inégalés des deux parties rendoicnc Pevenementde ce combat douteux 5 l’on fit partir pour al- ler en France, le navire nomme i’Orenger appartenant A la Compagnie, dans lequel on permit A quelques ftmmes des principaux Officiers, 6c des plus richeshabitans de s’y em- barquer avec leurs enfans , leurs papiers , 6c ce qu’ils avoienc deplusprecieux j 6c l’on demanda à la femme de ce brave Guillou , dont tout le monde parle comme d’un Héros, fi elle fe vouloir embaç-quer avec les autres* mais cette ge- nereufe femme digne d'un tel mari , répondit courageufe. ment que non, qu’elle vouloit luivre fonmari* 6c que s’il eftoit tué , elle vouloit vangerfa mort. Moniteur de Sales qui avoit fait bonne mine tout le long du jour, tenant fes quatre Compagnies en bataille fur une hauteur, le long de la rivierede la Pentecofte, doùil pou- voit eftre veû des Anglois* en partit à nuit fermée avec le Chevalier de Saint Laurent , 6c toutes les troupes , iaif- fantfur cette frontière où il ayoit fait allumer quantité de feux, une centaine d’hommes les moins en eftat de comba- tre, avec ordre de tirer alternativement tout le long delà nuit, 6c aux tambours qu’il y fit auffi demeurer, de batre la retraite, l’alarme de temps en temps, 6c la Diane à la pointe du jour * afin de tenir les Anglois occupez dans la creance que nos principales forces eftoient encore çn ce lieu. Environ deux heures apres leur départ , ils arrivèrent à Cayonne , 6c fe joignirent aux deux Compagnies de ce quar- tier , qui eftoient fous les armes, attandanr a tous mo. mens d’eftre attaquées par les Anglois. Ils y paflerentle refte de la nuit à prendre un peu de repos , tel que des gens qui doivent attaquer des ennemis qui les tiennent de-ja pour vaincus, le peuvent goufter: La plus grande partie le pré- parèrent à cette aébon , en fe confeflant, 6c en recevant le corps facrédu Fils de Dieu. Les RR. PP. Iefuites , 6c les deux Preftres feculiers qui fe trouvèrent en ce quartier, em- ployèrent tpure la nuit à les entendre, 6c à les encourager à combatre d’autant plus vigoureufemenc , qu’ils y eftoient 24 Hifloire generale obligez par le double motif de la Religion & de 1 Hflat| celuy de leur intereft leur eftanc fi connu , qu’il n’efloit pas necefiairede leur en parler : 8c ils y reiiffirent fi bien , que toute cette troupe fut enfuite au combat auffi gayement, que s’ils eufient efté à la conquefte des palmes du martyre. M. le Commandeur de Sales apres avoir fait un vœu à fon grand oncle S. François de Sales ( qui fut invoqué de tous les habitans , comme un patron particulier en ce combat } offrit à Dieu fa vie, comme une viélirne pour le falutde tout le peuple. J’ignore les préparations qu’apportèrent les Angîois pouf fe préparer à la morti mais il eft aifc à croire, qu’ils pen- foient pluftofl à la donner à leurs ennemis , qu a fe pre- parer à la recevoir j Si que fi ils firent quelques prières lors qu’ils furent avertis du combat par la fumée, parla flâ- nie 8c leseftincelles qui pafibient par deffus les montagnes , auffi- bien que par les fuyards, qui crièrent au quartier de la Bafterre , qu’il pleuvoit des François du Ciel pour les dé- truire 5 elles furent remplies de terribles diftraffions. Le Mardy n. à la pointe du jour |vlonfieur le Comman- deur de Sales à la telle de toutes les troupes, déclara en cas de mort, M. le Chevalier S. Laurent fon fucceffeur, ôc fe- parâ fa petite armée en deux bandes,afin d’attaquer par deux endroits * 8c prit pour la première attaque qu’il devoir faire à gauche, les Compagnies des fieurs de la Guarigue, Se de la Montagne, qui faifoient environ 350. hommes. Il en détacha jo. pour des enfans perdus, defquels il donna la conduite à un Officier nommé Guillou, que tomes les relations cou- ronnent de Lauriers } 8c l’on afîeure qu’il fe jetca à ge- noux devant M. le Commandeur de Sales pour obtenir cet employ. Il le fit fuivre par vingt negres portans des demy piques ou fpoutons d’une main, & des grands flambeaux allumez de l'autre , pour mettre le feu par tout. Monfieur de Sales marchoit à la telle de ce petit corps , accompa- gné des fieurs du Mouchet , de la Grange, des deux de Saint Marc freres, du Defan, de Priaumontj de Conta- mine WfiS «f/V #,V©;&'''% i L_ "■ üf. ctciScil&f jIV ^Français ^ Çaycntrïü feiâîj T>es Am- Jjles de V Amérique '. Le fécond corps qui eftoit commandé par le Chevalier de Saine Laurent, 8c qui devoir faire l'attaque à droit, fut compofc de la Compagnie Colonelle, de celle de la Rofie- re, delà pemeeofte , & de cellede Cayonne, qui fanaient environ troiscCLAS hommes , defquelstrcnte furent auffi dé- tachez pour enfants perdus, 8c mis fous la conduite du fieur d'Aigremontenfeigne de la Colonelle, CHAPITRE SECOND. De ce qui s’eft pafTe dans les quatre combats don- nez entre les François & Anglois de llsle de S. Chriftophle. Mejjîeurs les Chevaliers de Sales (gr de Saint Laurent la pointe du jour la priere fut faite 8c Pabfolution donJ née par un Pere lefuite, 8c Monfieur de Sales ayant fepare ces deux petits corps , qui ne failotent au plus que fept cens hommes, par une petite intervalle, ils marchèrent cou rage u fe ment ver> la Ravine de Cayonne , qui faifoit la feparation entre les Français 8c les Anglois, 8c dont la pen- te denoftrecofté en eft allez douce , mais rude 8c efearpée en quelques endroits du ci fté des ennemis. N os deux chefs donnèrent prefque en mefme temps, 8c le heur Guillou qui marchent avec les enfans perdus à la telle de Factaquç § I. attaquent & défunt les Anglois a la vivier e de Cayonne. D tJiftoire generde oueMonfieurde Sales faifoit far la gauche, rencontra an défilé qu’il faloii tenir pour monter fur la terre ennemie deux, Compagnies Angloii'es qui firent fur iuy & fur les deux Com- pagnies qui le fouftenoient , une furieufe déchargé ; laquel- le ayant efté effuiée ayec une mervciüeufe fermete ils firent enfuîte la leur d'une fi belle manière 8c avec un fi heureux fuccez, que les ennemis en furent enranlez ; & le b.ave Guillou aptes avoir forcé le corps de Garde les vint char- ger en flanc .leur fitlâcher lepied, & ainfi facilita le paffa- ce du défilé; lequel eftant franchi, nos François ponrfm. virent les ennemis l’épée à la mam, 8c firent dans .a cha- leur de ce premier combat, une terrible tuerie des fuyards fans y avoir perdu que le fieur Michel, Enfeigne & d » la Pe- relie 8c un a fils z petit nombre d’habitans mettez. Monfieut le Chevalier de Saint Laurent , qui mente au- tant de loüange qu'on en peut, donner a un homme plem de cœur 8c de vertu , fit la fécondé attaque fur la droite, 8c eut “abord l’nbftacle d’un défilé Sc d’une montée fi rude que le fieur d’Aigtemont aveefes enfans perdus , qnoy-qup très- braves , forât repouffez pat les ennemis qm comba rent d'abord en 2ens qui fçavoient le mefiter. Le fieur de la Fortune y fut longuement blcffé , 8c les Compagnies qudes fouttenoient plièrent, 8c fe «-etfoient « unsfu les autres •• mais auffi.toft que ce braye Chevalier vit le defordre de fes vens, ü defeendit de cheval, fe rait a lent tefte l’épée à la main, 8c les anima ‘f ence ten! & par la parole, que tous honteux davouflech. en ce ren contre ils redoublèrent leurs courages * ôc le fieur d A gfe mont grimpant le premier la montagne avec tous fes enfans oerduf & tout le rette les avant fuivi avec la mefme vi- fueut l’épée à la main, ils pouffèrent les ennenus, en firent carnage, &. les mirent en déroute , ~ poincet T ac R -verends Peres Valener , la Borde, oc i o.ncec , Tefiaites les fieursGirou & Martin P reAres feçu ters , & un H ’rrmte qui fuivoient les troupes , & q,u Pour 3üin re H,rmite qva ni o où eUes cftoient , avoient p'luftcft ^ tr u oauche, tombèrent maihe% pris un chemin plus court lur a gaucnc , Des Ant fs les de F Amérique. 17 ïsafem^nt dans l’cmbufcade d’une Compagnie , qui fans les reconnoiftre , fit une décharge i'ur eux , donc le Reverend Pere de la Borde 6c le fieur Girou furent tuçz , 6c leurs corps rapportez au quartier de Cayonne. Le Pere de la Borde fut bielle d’un coup de monfquet dont il mourut deux ou trois heures apres , témoignant tant de joye de mourir dans une fi bonne occafion, que quel- ques-unsde leurs Peres luy ayant donné quelque fcrupule de mourir fi content 6c avec fi peu de douleur } il en de- manda plufieurs fois pardon à Dieu , 6c mourut en le priant qu’il augmentait fes douleurs* C’eftoit un des bons Ier fuites que j6aye connu, humble, fervent, auftere 6c cha. titable : Il n’alloit jamais à cheval , comme font prefenre mentprefque tous les Miffionaires des Islcs, à caufe de b chaleur extreme. le l’ay trouvé quelquefois grimpant le" mornes de la Martinique avec fon petit b.iffac fur fon dos, lafie 6c fatigué , 6c neantmoins auffi guay , que s’il eufi: efté le plus content du monde; 6c quoÿ. qu’il fuft homme de bonne maifon, jamais on ne vit rien de plus humble. L’on garde dans Saint Chriftophie comme une relique, une ima- gede Saint François de Sales qu’il portoic au col, qui fut teinte, de fon fatig. Les fuyards s’eftant ralliez 5c joints à cette Compagnie qui n’a voit pas encore combaru , firent ferme proche d’un temple à un quart de lieue de la terre ennemie. Toutes nos troupes marchèrent en bataille vers eux, 6c les atta- quèrent vigoureusement , 6c ceux-eyies receurcnt de mef- me; mais apres avoir fait quelques décharges, fe voyant pouffez par les noftres l’épée à la main ; ils tournèrent le dos , 6c tous en defordre , s’efforcèrent de gaigner les montagnes : 6c ce fut alors que nos François s’eftendirent dans la terre de leurs ennemis, les pourfuivans comme des Lvons, toujours précédez de ce brave Guillou avec fes en- fans perdus, tuans . tous ceux qu’ils rencontroient , 6c fui. vis des uo. negres brufians les cannes de fucre , ies cafés 6c les maifons des Angloi» , 6c faifant défi terribles cris , 6c D\ j ïiifloire gênerait un fi horrible fpe&acle, qu’il fembloit que ce fut autant de Démons» § II- Çornhat des cinq combles , ou hlonJleuY le Commandeur de Sales fut tué. TOutes nos troupes vi&orieufes continuèrent leur che- min vers le quartier de la Cabfterre Françoiie , efpe- rant de trouver les François de ce quartier vainqueurs ou aux mains avec les ennemis. Ils eftoient les maiftres de la cam- pagne, 6c fis continuèrent leur route fans aucun obltacle Julqu’à la Ravine d’Amüeton, bruflants à droit 8c à gau- che, fans s'arrefter au butin. Monfieur de Sales apres avoir paflé cette Ravine, ielen- tant proche de l’ennemy , fit faire halte pour rallier toutes fcs troupes, 6c les mettre eneftatde combatte j 6c apres que nos François fatiguez jufqu’à l’excès , eurent repris un peu d’haleine* en ce lieu, ils marchèrent vers celuy des cinq combles , où il y a un temple 6c une place d’armes , dans laquelle il y avoit quatre ou cinq cens hommes qui n a- voient pas encore combatu , lefquels eftoient poftez fur le bord d’une grande 8c profonde Ravine , 6c derrière des brouflailles ; de. forte que les no ft res eftact tombez dans cette embufcade, effuierent leur déchargé avant que de les avoir apperceû 6c alors un nommé Saint Amour , chéri 6c eftimé de Monfieur de Sales comme un des plus braves 6c des plus vaillants delà troupe, s’eftant détaché lur la droite avec quelques Cavaliers pour en attaquer d autres, Y fut incontinent invefti de plufieurs, qui nonobftantla va- leur 6c fa vigoureufe refiftance , le maltraitèrent, &^a- voient réduit à ne pouvoir fe tirer de leurs mains. Moniteur ' -, /l / J ■ î I I Jr \ I w Ves Ant-îsles de T Amérique. «le Sales l’ayant appcrceu, & ne pouvant fouffrir que ce Cavalier perift fi malheureufement, il appella fes volontai- res, ÔC courut à route bride pour le fecourir : & sVftant méfié parmi les Cavaliers Anglais, & en avoir tué deux ou trois de fa main * efhnt accablé par le grand nombre, & frappé de deux coups de moufqueton, il tomba mort, apres avoir prononcé les facrez noms de lefus 6c de Ma- rie. Les fieurs du Moucher, & de Contamine , Commis General , qui l’avoient fuivi, furent bieffez à fes codez. La mort de cet illuftre Commandeur confterna tellement nos François , que perfonne ne vouloir avancer 5 & Mon- fleur le Chevalier de Saint Laurent, que Dieu avoir deftmë pour Ton tres-digne fucceffeur , voyant toutes les troupes confternées , diffimulant la perte qu’il faifoit de ion meilleur amy , mit pied à terre -, 6c ayant promptement mis le corps à quartier, fe mit pour une fécondé fois à leur tefte l’épée à la main , les priant avec tant de tendreffe de fe joindre à luy, pour l’aider à venger la mort d’un fi excellent perfonnage , que tout d’un coup ils reprirent cœur , 6ç le fuivirent tous l’épée à la main avec tant de force 6c de courage, qu’ils pouffèrent les ennemis jufqu’au delà delà Ravine , tuans 6c rougiffans 1a, terre du fang de ces mal- heureux , qui avoient épanché celuy d’un des plus braves Chevaliers du monde. Les Anglois qui échaperent de leurs mains, fe b lotirent dans des haziers , ou gagnèrent le haut des montagnes. Le ficur de la Guarigue , qui fie en cette occafionaulîi bien que dans les precedentes , tout ce qu’un brave Capitaine, 6c un homme de grand cœur peur faire, fut grièvement blefie, & à fon grand regret hors d’eftat de pouvoir contribuer à l’achevement de la victoire. Apres ce malheureux combat, 6c cette funefte victoire, toutes les troupes continuèrent leur route portant avec eux le crifte cadavre de ce grand perfonnage , fans rencontrer aucun obftacle qui les empefehaft de fe joindre aux troupes de la Cabfterre , qui avoient tout frefchemenc combatu , 6ç avoient glorieufcment triomphé de leurs ennemis, en la manier que je vais le dire. 3° Bifloire generale te Z> & *-p te & ^*r> C? " *> te %c? t? C? tp te- mj> V> 'jp&te'pZptpteie? f ?t?f ? $ ? t tf f t ? ff fHf ? tîtî ? tf t 1 fff^f tff. 1 1 1. Xétr Anglais attaquent les François a la £ ahflerre , (gf y font défaits fous la conduite des feurs du Sa- mis î$ du Poyet Capitaines, LE fieur du Sanois qui commandoit à la Cabfierr®! Françoife, fur la frqntiere des Anglois de ce quar- tier , eftoit depuis quelques jours fous les armes avec fa Compagnie , 6c celle du fieur, du Poyec , faifant envi- ron 150, hommes, attendant les ordres de Moniteur le Commandeur de Sales, qui ne luy vinrent point non plus qu’à Moniteur de Poincy -, tors que ce mefme jour à huit heuresdu matin , le Colonel Reyms fondit fur eux comme un Lion avec quatre cens foldats, penfant les emporter d’embleye : mais nos deux Capitaines du Sanois & du poyec, fouftinrent vigoureufement leurs efforts , fans leur lâcher un pouce de terrain 5 6c fe bâtirent avec tant de courage, qu’il y demeura quatre-vingt Anglois fur la place, fans un plus grand nombre de bleflez. Ce pauvre Colonel voyant la tuerie Ôc le defordre qui eiloit parmi fes ioldats,. fît tout ce qu’il put pour les re- mettre j mais n’y ayant pûréülfir, il fut contraint de pren- dre la fuite avec eux, 6c de gagner pardeiîus les monta- gnes le quartier du Gouverneur \yats , comme avoient fait les fuyards des trois premiers combats. Nous ne perdîmes dans celuy-cy que le fieur Roger, Commis de la Compa- gnie , 6c deux ou trois habitans. Le fieur du Poyet Ca- pitaine de ce quartier y fut grièvement blefïe , aufli- bien que plufieurs habitans. N os troupes vifforieufes qui eftoient refoluës de faire ïe tour de l’Xsle > e fiant arrivées au quartier de ia Jàafterre T) es Ant ïfies de ï Amérique. $î ITanÇoifes » furent agréablement furpris de voir la terre jonchée de cadavres des Anglois , & les fieur du Sanois U du poyec triomphants. lis déchargèrent en ce lieu le corps de feuMonfieurle Commandeur de Sales 5 il y futenfeve- h dans un fac de greffe toile, U fix heures apres fa mort enterré fans aucune pompe funebre dans une Eglife de ce quartier , par un Reverend Pere Carme, accompagné du fieur de Saint amour, qui avoir efté la caufc innocente de fa mort. Jenefçay Ci les amis de cet illuftre Commandeur ont fait mettre fur fon tombeau quelque Epitahe , pour en conferver la mémoire. En cas que cela ne foit pas enco- re, en voicy un ( quoy qu’au deffous de ce qu’il mérité ) que l’on y pourra mettre Ci on le juge à propos. EPITAPHE de fev mon sievr le commandevr. de Sales Gouverneur General des Isles de Saint Chriftople, 6c autres en dépendantes, qui fut tué dans la première défaite des Anglois de i Isle de Saint Chriftophle , le u. Ayril 1666. S Aies que Ion a, erances qui les arrefta tout court, par une furieufe d@- D es Ânt- J fies de î Amérique. $ y charge , laquelle fie tomber une grande partie de Ces bou- caniers. Il fefic en cet endroit un très- rude combat, qui dura plus d’une greffe demie heure, où !a feule Compa- gnie du fieur de i’Efperance , fouftint tous les efforts des ennemis avec une vigueur digne d’admiration. Dix ou douze de ces boucaniers , 6e un Cavalier franchirent la baye de ra- quettes par une petite breche, 6e vinrent hardiment char- ger les bataillons des fieurs le Duc & de Rebrouffàrd , tuè- rent de leur décharge le fieur de la Fond Enfeigne , 6e bluf- fèrent Monfieurde Pomcy d’une moufquetadeau genouïl, qui le mit hors de combat -, mais ils y furent tous tuez, fans avoir le temps de faire une fécondé décharge. Vne trentaine des plus braves, pouffèrent le long de la haye jufque proche de la maifon du fieur de l’Efperance, où il y avoit une piecede canon que l’on avoit tiiéede dt ffusun mé- chant affu de marine , 6e élevée fur un cabrotiet , afin qu’el- le eufl plus de prife fur les ennemis : on l’avoit chargée de mitraille jufqu’à la gueule. Elle fut tirée fi à propos fur eux, qu’elle en fit un carnage fuffifant pour ralentir les ef- forts des ennemis de ce cofté là 5 & la Compagnie du fieur de i’Efperance fort diminuée par fes morts, 6c fes bluffez , fe rejoignit aux deux autres bataillons, qui combatoient aufli en mefrne temps , ainfi que je vais dire. Le choc fut fi furieux en cet endroit, Se nos François y combatirent fi vaillamment , que d’environ trois cens foi-, Xante boucaniers , il n’y en eut que dix-fept qui n’y mou- rurent , ou qui n’y furent bieffe-z. Le Colonel Morgan y receut deux coups de fufil dans les deux aifnes, dont il mou- rut fept jours apres dans l’Isle de Nieve, où il s’effoit fait porter apres le combat. Il y perdit aufîi trois braves Capi- taines nommez Loivct , d’Arcy , & Fîaikin. Nous y avons perdu Monfieur de Poincy, qiu mourut trente jours apres fa blefléure. Il avoit donné des marques de ion coura- ge & de fa conduite, dés la prife des Isles de Sainte Mar- guerite, fous le commandement de Monfieur le Cheva- lier de Poincy fon oncle 3 6c avoit efté Gouverneur de S. Çhriffophle, jufqu’à l’acquifition qu’en firuif les Cheva- ^ Wiftotre generale üers de Makhe : 8c depuis le Gouvernement ' ayant efté don- né à un Chevalier , le commandement du quartier, où il faifoit fa refidence , luy eftoit demeuré. Le fils du fieur de l’Efperance fut suffi du nombre des morts , 8c 8 . ou 10, fol- dats de fa Compagnie , & un plus grand nombre de bleflez. Le Gouverneur N^ats qui avoir deflein avec fes 1400. hommes, d’environner les 350. François qui leur faifoienç telle, pendant que le gros combatoit contre les deux batail- lons des heurs le Duc & de RebroufTard * vint l’épée au poing, 8c lepiftoletde l’autre, avec quelques Officiers 8c volontaires par un petit chemin , le long d’un petit pré , pour gaigner au- deffious delà maifondu heur de l'Efperan- ce : mais ce Capitaine qui commandoit apres la bléfTeure du heur de Foincy , détacha quelques fuhliers, qui luy lu- rent à la rencontre , 8c le receurent avec tant de vigueur , qu’il y perdit la vie avec quatre Capitaines , 8c la plus gran- de partie de fes volontaires. Deux ou trois braves fe font vantez de l’avoir tué : Mais l’on tient pour certain que ce fut un Enfeigne nommé Belle telle, qui avoit proteflé qu’il fiefefoucioit pas de mourir , pourveu qu’il tuall ledeteffia- ble auteur de cette guerre. Dans ce dehein il luy fuf à la rencontre, 8c en receut un coup de piholec au m.heu du front , 8c en mefme temps il tira le hen dans la telle de ce v Gouverneur , qui tomba mort fans dire une feule parole. L’attaque & la refillance de ce dernier choc, dura prés dédeux heures. Les uns 8c les autres combatirent avec une valeur qui paffe la croyance. Les Anglois hrenr un h grand feu , 8c tirèrent tant de coups perdus , que la café du heur dei’Efperance qui couvroit les François fut percée déplus de deux mille balles. Enfin nos François s’eftant lalFez de ti- rer, ou pour mieux dire, n’ayant plus de poudre, s’écriè- rent tous d’une voix, l'épée à la main , l'épée à la main , èc fur le champ coururent l’épée au poing comme des lions fur les Anglois , qui prirent incontinent la fuite tous en de- fordre. Les noftres les pourfuivirent tuans fans donner au- cun quartier jusqu'à leur premier Fort , qui effc à un grand quart de lieue dans leurs terres 5 i’efFroy 8c le defordre effianç T) es Ant-lslesàe t Amérique. 39 fî grand parmi eux, que pouvant ailé ment arrefter les noftres en ce lieu, s’y rallier, 6c y attendre le fecours ; ils enclolierenc leurs canons, abandonnèrent lâchement le Fort, 6c s’en- fuyrent vers la grande Rade, oùlerefte des boucaniers ne futpas pluftoft arrivez, qu’ils pillèrent la maifon du Gou- verneur Wats, comme celle d’un traître ; quoy-quele pau- vre homme eufteu des penfées fort éloignées du defaftre qui luy arriva , auffi-bien qu’au Colonel Morgan, 6c à ceux de fa Nation. Pendant que nos François pourfuivirent les fuyards, le Reverend Pere Boulogne qui s’eftoit travefti afinden’ê- tre diftingué entre les autres, par les Anglois, 5c retiré proche de la café de M. de l’Efperance attendant I’jfTuë du combat, quitta fon habit feculier , reprit ceîuy de Reli- gieux, 5c s’appliqua à fecourir les plus blefléz , à leur ad- miniftrer les Sacremens, à les affilier à lamort. Il eft una- nimementloüé des charitables fecours qu’il rendit tant aux mourans , qu’à tous les blelTez en cette occafion. Ce que la Relation produite par Cloufier , ditaulujetde ce dernier combat, de l'avantage qu avoient nos François qui efîantau bas du terrain , & tirant furies ennemis nef oient pas oblige ^ àebourer leurs armes , & ctinft iiroient deux coups contrôles ennemis un , eft une pure figure : car le lieu du combat eftanc tout uni, les uns ni lesautres n’ont pu en particulier fe prévaloir de cet avantage pourgaigner du temps : ce qu’elle dit aulïï des corps de Garde avancez^ & attaquezppar les ennemis , & les en- nemis repoujjez^par les François , les ennemis gagna ns les pofles & la reprife de ces pofles , font autant de belles imaginations inconnues à ceux qui eftoient dans ce combat : 5c cette fé- condé attaque donc elle parle, fe fit dans le commence- ment du combat; 6c ce Relateur en compofe l’hiftoire comme il fe heft imaginée , 6c non corne elle a efté en effet, y failant commander le fils du fieur de l’Efperance , qui avoit efté tué par ceux qui franchirent la baye de raquet- tes , â mefme temps que Moniteur de Poincy fut bielle. Cette victoire eft fans doute une des pics fignalée 6c 40 Hiftoire generale des plus accomplies de ce llecle : caries François avec envL fon 8. ou 900. hommes , en ont tué plus de 1000. defarmé ou firt prifonniers plus de 3000. gagnez cinq drapeaux, con- quis une des plus belles des Aot-Isles avec cous les fortSi Elle eft encore plus remarquable en ce que quatre Gou- verneurs y font morts ,deux de chaque Nation, fçavoir le heur v/ats Gouverneur des quartiers Anglois de cette Lie, 6c le Colonel Morgan Gouverneur de t’isle de Saint Eufta- chc pour fa Majefté Britannique * 6c du cofté des François , Moniteur le Commandeur de Sales Gouverneur General de Saint Chriftophle , 6c autres en dépendantes , 6c Mon. fieur de Poincy qui avait efté Gouverneur de Saint Chrifto- phledu temps du Generalat de Monfieurle Baillifde Poin. cy fon oncle. Toutes les Relations ont donné des éloges aux braves qui fe font fignalezdans cette bataille , que je ne puis taire fans leur ravir l’honneur qui leur eft deû. I’eftimc que la pieté, la valeur, 6c la conduite deM. le Commandeur de Sales eft h connue , que tout ce que j’en pourrois dire, n’ajoufteroic rien à la gloire qui luy eft deuë j Sc je crois que Dieu feul , fait aujourd’huy fa récom. penfe dans le Ciel. Il faut dire nettement que l’on eft redevable à Moniteur le Chevalier de Saint Laurent du la lu c de cette Lie $ car nos François ayant plié deux fois, il les ranima, 6c les conduilit avec tant de valeur 6c de prudence, qu’il ouvrit le chemin â la vi&oire qui auroit infailliblement demeu- ré aux Anglois, fans l’admirable fermeté qu’il témoigna en cette oecafion : 6c les lettres que je mets à la fin de ce paragraphe , en' font des témoignages irréprochables. Le fieur Guillou y acquit le titre de brave de F Améri- que , le fieur d’Àigremont l’imita de fort près, le fieur de la Guarigue Capitaine y fut blclTé, le fieur de la Fortune Lieutenant tué , 6c le fieur delà Perelle b le fie à mort , tous cornbatans en gens de cœur 6c d’honneur 5 le fieur de la Montagne Capitaine, Ls fleurs de la Rofiere Major, Au- gerde la Mote Lieutenant, du Hamel ayde Major, Rofii- Des Ant-Jsîes de T Amérique. T* gnoî Enfeigne , & tous les autres Officiers y ffient tous à l’envie merveille de leurs perfonnes, pour emporter la vi- ctoire; le fieur Marefchal y eut trois chevaux tuez de bief- fez lotis îuy A l’attaquede la Cabfterre, le fieur du Poyet Capitai- ne, fut b 1 e il e d’une moufquetade qui îuy perça le col 6c la mâchoire : le fieur du Sannois Capitaine comman- dant ce quartier, y fit également remarquer fon coura- ge 6c fa conduite j 6c l’on dit du fieur Roger Commis de la Compagnie, qu’il y perdit la vie en monftrant qu’il eftoit plus foldat que marchand. Quant à ceux de la pointe de Sable , Monfieur de Poincy Gouverneur du quartier y fur mortellement bleffié, y fai- fant tout ce que i’on pouvoit attendre d’un grand Capitai- ne; mais i’on admire particulièrement la confiance de ce gé- néreux vieillard le Capitaine del’Efperance, qui vit tomber dans ce combat un fils unique qu’il aimoit, un gendre 6c un beau frere , de s’en eftonna auffi peu , que fi c’eufficnt efté des moucherons : de Monfieur de Poincy qui commandoic dans ce quartier , ayant efté bleffié de mis hors de combat, il prit le commandement, donna tous les ordres neceffaires, avec une prefenced’efprit admirable , 6c ne laiffa pas de fe batre à coups de fufil avec autant de valeur que le plus jeune 6c le plus brave de la troupe , 6c fton Iuy eft infiniment rede- vableen ce que la pondre ayantabfolument manqué^! en fit apporter un baril qu’il avoir pour fa provifion , qu’il mit à la diferetion deshabitans , de fans laquelle les ennemis euf. fent infailliblement emporté la victoire. Les fieurs le Duc 6c de Rebrouffiard Capitaines , 6c tous les Officiers de ce quartier, y donnèrent des preuves invincibles de leur va- leur. Tous les haffitans y firent de mefme , 6c tous les me. moires que j’ay fur ce combat , affieurenc qu’il ne s’y trou- va point de lâches. Le Roy , M. Colbert , toute la Cour, de les Seigneurs de la, Compagnie, furent fi farisfaits de la conduite de Mon- fieur le Chevalier de Saint Laurent, qu’ils Iuy témoignè- rent leur reconnoiffiance dans des lettres que je nepuis&dé- tuer au public , fansfaire tort à fon mérité. Je n’ay pu re- 2t Bifloire generde c ouvrer celles de fa Majefté, mais j'ay eu celles de Mon- fieur Colbert, des Directeurs de Ja Compagnie, 6e de Monfieur de Bechameil qui en font mention , & deiqueu les je ne tire que ce qui fert preciftment à mon fujec. Article d'une lettre de Monfeigneur Colbert , écrite à Mon- fieur le Chevalier de Saint Laurent , le Jeizjéme J uillet mil Jix cens foixante-fîx. * LE R.oy ayant efté informé du fuccés favorable du com~ bat de l’Isle de Saint Chriftophle , entre fes fojets 6c les Anglois qui en habitoient une partie , & qu apres le fe- ” cours du Ciel , la fage & valeureufe conduite de feu MP ” le Commandeur de Saies , le prix de cette viÆoire eft prm. ci paiement deû à voftre courage & d la fermeté avec la- ” quelle vous avez fouftenu les efforts de cette Nation , ainfî ’ qu’à voftre prudence , dont vous vous eftes heureufemenc fervi pour ménager toujours vos avantages dans 1 expul- sion entière des ennemis. Sa Majefté a efté bien aife d’ap- 5> prendre que le Gouvernement de llsie vous ay t efte defere du contentement unanime de tous les habitans* parce que “non feulement elle vous le confirmera par fes proviens * ” mais mefme die vous donnera des marques de Ion cfttme “dans les gratifications qui pourront s’offrir ; vous en rece- ” vrezune en mefme temps que ceile-cy , par une gratification de mille écus qu’elle a ordonné à Monfieur Colbert du “Terronde vous faire tenir qu’elle s’affeure que vous em- ,, pioyerez utilement pour le bien defon fer vice. 'Article d’une lettre de Mefaurs les Dire fleurs de U Compagnie du vingt- un Septembre mdjix cens Joixante- Jîx. Ayffi-toft que nous avons appris 1 heureux fucces du combat que vous avez eu contre les Anglois à Saint Chriftophle 6c la perte que nous avons faite de Monfieur "le Commandeur de Sales qui en eftoit Gouverneur j nous '"ayons crû que perfonne ne pouvoir mieux que vous , rem- Des Ant-îsles de T Amérique. ^ s, plir cette place , 6c vous avons nommé au Roy , qui a ap. 5, prouvé le choix de la Compagnie * nous en avons fait ex- „ pedier les provifious que nous avons envoyé à Monfieur d e „ Chambré pour vous les mettre entre les mains ^ fi nous 5î avions moins de fujet de nous affliger de la mort d’un fi „ brave Gentilhomme qu’eftoit ledit fieur de Sales , nous au- ,, rions plus de joye d’avoir rencontré une occafion comme „celle-cy, pour vous témoigner l’eflime que nous avons SJ toujours eu pour voftre mérité , ne pouvant douter de l’af- „ fedion que vous avez pour l’intereft de la Compagnie , 5 > aPre* ^s marques que vous avez données dans cette mémo. ,, rable occafion ,dont Monfieurde Chambré nous a envoyé ,,la relation. Monfieur de Bechameil qui efioit en ce temps l’amede la Compagnie, luy en écrit auffien ces termes fur le fujet des drapeaux conquis , & prefentez au Roy. L impatience ou nous eftions d’apperendre par vous- mef- 3, me la confirmation de ce qui s’eftoit paffé à Saint Chrifto- 3, phle ne pouvoit eftre plus agréablement terminée, que 3, par ces marques glorieufes que vous nous avez envoyées , jjlefquelles Monfieur Auger a eu l’honneur de prefenter au ,, Roy quil a fort informé de toutes les particularitez de „ cette adion, où vous avez eu beaucoup départ. Mon. „ fieur Colbert vous en marque les fentimens delaMajefté, ,, par fa lettre que je vous envoyé, & je vous puis afleurer ,3 que tout le bien , que 1 on a publie de vofire perfonne , a ,, fair oublier la perte de Monfieur le Commandeur de Sales „ que vous reparerez afiTuremenr. Monfieur de Turenne 6c „ Monfieur le Commandeur deSouvré en ont parlé fi avan- j, tageufement que je dois vous l’écrire, & je crois qu’ils ,, vous feront connoiftre auffl de quelle maniéré je me fuis ,, porté a vous faire recevoir la jufte récompenfe que meri- , , toit le fervice que vous avez rendu en cette occafion. . Dans une autre lettre , il dit ces mots dignes de tenir icy une placer La conduite que vous avez tenu dans toute cette guerre P ij° r44 B ivoire generale les belles a&ions que vous y avez faites , mentent beau- coup d’éloges. Ce que je puis dire fur cela , eft que le Roy en a efté informé par Monfieur Colbert 5 &: que fi l’efti- Ce que vous vous elles acquis dans l’efprit de fa Majefté , j'pouYoit vous fatisfaire, vous avez lieu d’en eftre content. 'Articles ctune lettre écrite de Paris a Monfieur le Chevalier de Saint Laurent 3par Monfieur Auyer quiïavoit envoyé por- ter au Roy les drapeaux conquis. ÏtfAy donné aux Meilleurs de la Compagnie, celle qui leur eftoit adrefiee, & celle de Monfeigneur Colbert , je la #,luy baillay en main propre, à qui je fis connoillre quel hon- neur 6c le gain del’lsle vous eftoit deû , & luy fis le détail ” des belles a&ions que vous y filles * ce que je fis auffi con- , noiftreauRoy. Vn peu plus bas, il dit. Lors que je dis au Roy que par la capitulation, il eftoit permis aux habitans Anglois de demeurer , en preftant le \\ ferment de fidelité , il fut un peu fâché , mais je luy fis voir que fur ce precexte honocfte 5 vous leur feriez de temps 35 en temps renouveler ce ferment, que comme vous leur j, donniez permiffion d’enlever quelques efclaves,ils aimoîent mieux fe retirer , que de demeurer -, de- forte q.u’.en un mois 3îl’on pourroit en eftre debaraf ez. Le Roy fut fort fa- ** tisfait de cela , & il dit , voila un homme comme il le faut pour ze pays là , parce que qu'il a autant d'efiprit & de conduite que de courage. § V. Les Anglois capitulent (dr fe vendent a contpojition , Monfieur le Chevalier de Saint Laurent prendpojpf- fion de leur terre. MOnfieur le Chevalier de Saint Laurent s’eflant joint fur lefoiravec fes troupes à celles de la pointe de Sa- ble , il les mit en bataille, Sc les fit camper cette nuit , dans la refoludon d’aller le lendemain dés la pointe du jour , atta- quer toutes les forces Angloifes rétinies au nombre d’environ 3000. à la grande Rade des Anglois i comme nos Fran- çois fatiguez julqu’à 1’extremité par le travail d’une fi gran- de journée, n’eftoient pas attendus dans ce quartier, où tout ce qui s’y trouva n’eftoitpas fuffilant de rafiafier un fi grand nombre deperfonnes , ils y furent fort mal repus- Sc il fe falut contenter d’y prendre un peu de repos pour eftre le lendemain en eftat de combatre. Ilsavoient à peine com- mencé à goufter le repos , lors que fur les dix heures , un trompette Anglois accompagné d'un inrerprere , parut fur la frontière Françoife , demandant de parler à celuy qui commandoit. Il fut incontinent conduit au Chevalier de Saint Laurent , auquel il dit, qu’il efloit venu demander la permiffion d’enlever le corps de fon Gouverneur , ce quiluy fut aufli-toft accordé : mais voyant qu’il ne s’en metroit guereen peine $ l’on jugea qu’il n’eftoit venu que pour é- pier la contenance de nos François, de-forte qu’il fut ar^ reftéaufîi bien que fon interprète. Pendant que nos troupes prenoient un peu de repos, le Chevalier de Saint Laurent , & les Officiers s’occupoienc àdifpoferleschofes nécefiaires pour cette importante atta- que qu’ils dévoient faire le lendemain j & bien que chacun F iij 46 Hifloire generale s'efforça de ramaffer toutes les munitions qu’ils avofcnt en leur particulier , & que Monfieur de Poincy fit arracher le plomb defes fuccreries pour faire des balles * la poudre s’y trouva fi rare , que l’on avoir bien du fujet de douter du fuc- cez de cette entreprife. • Lemercredy dés la petite pointe du jour, comme l’on efloit preft à partir , & le Reverend Pere Boulogne ayant repris fon habit feculier pour accompagner les troupes , un Officier Anglois vint demander fl l’on leur vouloit faire queL que propoficion d’accommodement, 11 fut conduit à Mon- fieur le Chevalier de Saint Laurent , qui apres l’avoir écou- té, fit aflembler fon Confeil , dans lequel ( fur ce que l’on manquoic de poudre ) il fut conclu de dire à cet Officier que fi l’on vouloit inceffammeut envoyer desperfonnes deûmenc autorifées , que l’on leur feroit les propofitions aufquelles l’on vouloir qu’ils fe foumifTent. Il s’en retourna en diligen- ce, de le Colonel Reyms qui avoir commandé & avoit efté défait àla Cabfferre , arriva vers le midy , & prefque en mef- me temps, les trois Capitaines des crois frontières Angioi- fes, pourveus de pouvoirs autentiques pour capituler au nom de la Nation Angloife de cette isl-e, Monfieur le Chevalier de Saint Laurent, Monfieur de Poincy quoy- que blefTé, auffi bien que lefieurdela Guari- gue, & tous les autres Capitaines Se Officiers, a flirtèrent à ce Traité. Le R. P* Boulogne s’y trouva auffi conférant fou vent avec Monfieur de Saint Laurent , fur lesinrerefts de la Religion Catholique. Apres une afïez courte conférence, les quatre Capitaines Anglois convinrent avec Monfieur le Chevalier de Saint Laurent , Sc tous les Officiers François de cette Isle , des articles fuivans. Des Arst-Jfles de l Amérique. - 4 y i£S r Articles de la capitulation faite entre les deux Nations Françotfe & Angoife , apres les quatre combats don- * - ne^ dans l'Isle de Saint chriflophle . r. QVe les Anglois livreront inceflamment tous les Forts, les canons , armes & munitions. 1 1. Que tous vagibons & gens fans habitations forciront fans delay de l'Isle. 1 1 1. Que ceux qui eftoient eftablis pourront demeurer èn preftant le ferment de fidelité au Roy, & à la Compa- gnie des Indes Occidentales. 1 v. Qifilneleur fera permis de porter aucun arme, non pas mefme l’epée. v. Que ceux de la Nation Angloifequi ne voudront pas de- meurer dans l’Isle , auront la lib erté de fe retirer , & de ven- dre leurs habitations & meubles aux François, & d’en retirer le payement. vr. Qufils auront la liberté de confidence, à condition qu’ils n’en feront aucun exercice ni aflemblée publique. v 1 1. Que s’ils n’acceptoienttous ces Articles, & donnoient des oftages dans quatre heures, on les attaqueroir. Le Colonel Reyms & les trois Capitaines s’en retour- nèrent furlefoir avec les Articles dont ils eftoient convenus. Bîflolre generale promettant de retourner à l’heure préfixé : mais comme ïé defordre 6e l’efFroy eftoit fi grand dans le quartier des An- glois , que la plus grande partie ne fongeôient qu’à s’enfuir dansTlslede Nieve,ces Officiers furent retenus 6c retardez, afin de gagner un peu de temps pour charger un grand navi- re dans lequel les principaux voûtaient le fauver avec leurs efdaves , 6c ce qu’ils avoient de plus précieux y 6e cela fut caufe qu’ils ne revinrent qu’à fix heures du matin , lors que l’on eftoit tout preft A partir pour les aller attaquer , 6e jouer à qnite ou à double avec-eux. Ils apportèrent les Articles touts fignez -, de-forte que l’on ne parla plus de combatte , mais feulement de prendre poiïeffion de la terre ennemie 6e de leurs forts, 6e particu- lièrement deceluy de Saint Charles, fitué àia grande Rade des Ang’ois. _ ' A . , A Monfieur de Saint Laurent marcha incontinent a la celte déroutes les troupes Françoifes en bel ordre vers la grande îlade-, 6e parce qu'il eftoit arrivé à le pointe de Sable fans Ecciefiaftiques , il pria le Révérend Pere Boulogne de noftre Ordre de l’accompagner dans cette a dion qui devoir cou- ronner toute l’oeuvre. Il prit pofleffion du Fort Charles „ àvecles ceremonie* accouftumées , 6c apres que le pavillon d’Angleterre en fut ofté , il y fit arborer celuy de la France & y mit une Compagnie de deux cens hommes pour le gar- der. . \ » Auffi toft que l’on fe fut afteuré dés forts 6c de l’îsle 3 lé Reverend pere Boulogne fit drefter un Autel dans un grand magafin , 6c y célébra la première mefte qui fefoirfoiemnel- lement dite dans cette terre heretique,6c ce qui eft remar- quable, le ïeudy Saint , qui eft le jdur de l’inflitution du tres- auo-ufte Sacrement du Corps 6c dufang du Fils de Dieu.. A Ta fin de cette Mefte , le Pere entonna le Te Deum , qui fut chanté conjointement avec tay par toutel’armée qui eftoit là prefente , rendant joyeufement grâces au Dieudes armées d’une fi fignalée vidoire. . La Relation imprmée à la.Rochelie porte que lept jôurs auparavant le combat l’on vit des prefages de la perte des r An g! ois , T) es Ant- J fies de î Amérique. 49 Anglois , 6c qu’une petite riviere que jamais homme n’avoic veu tarir, fécha abfolument 8. jours avant fe combat, 6c coula dés le lendemain , quoy-qu’il n’y eut aucune pluye $ 6c qu’un fantofme veftu à la Françoife s’eftoit apparu à un Kaker, 6c luy avoir dit tout ce qui eftoit arrivé depuis à leur Nation dans cette Isle • je m’en rapporte à ce qui en eft. D és que Monfieur le Chevalier de Saint Laurent fut ar- rivé à la grande Rade , il eut avis que le retardement des Officiers Anglois n’avoitefté fait que pour donner du temps à la pauvre Gouvernante Angloife , qui avoit à grande peine échapé d’eftre mile en pièces par les boucaniers , comme un A&eon par fes chiens, 6c à quelques-uns des principaux Officiers d’embarquer ce qu’ils avoient de plus précieux dans deux navires , & fe fauver à l’Isle de Nieve. Mais avec toute leur diligence, ils ne purent éviter que Monfieur le Chevalier de S. Laurent ne trouvait encore un grand na- vire à la Rade, dans lequel il y avoit plus de quatre cens negres , qu’il fit débarquer pour rcconnoiftre ceux qui ap- partenaient aux Anglois tuez dans le combat , ou qui s’en eftoientfuys, ou qui n’eftoient pas dans l'Isle, èc qui par confequent ne dévoient pas joüir du privilège de la capi- tulation* Il faut icy avotier ingénument , que fi les Anglois fe fuf- fentfervis de toutes leurs forces dans ce dernier combat, 6c que le Gouverneur Wats , qui fe croyoit trop fort avec 1400 pour vaincre les François de la pointe de Sable, qui n’eftoient que trois cens cinquante, eut ammené avec luy les 1000. hommes qu’ilavoit pofté à la pointe des Palmiftes* qu’il les eut accablé, 6c auroit infailliblement vaincu les troupes de Monfieur de faine Laurent, qui ne confiftoienc qu’en fix ou fept cens hommes fi fatiguez par le travail du chemin, par les efforts des combats rendus , 6c affoibiis par la faim 6c par lafoif, qu’ils n’eftoient plus en eftat de fouftenir le choc d’un fi grand nombre d’ennemis : outre quen’ayam plus de poudre , 6c les Anglois en ayant de rc- fte , iis auroient par necefficé fuccombé dés la première ou féconde décharge. G /j0 Biftoire generale Les Anglois avoient fix temples dans cette îsfe fort bien baftis de bonnes pierres à chaux 8c à fable 5 dont deux du cofté du Nord, furent bruflez par les negres François dans le premier combat , 8c les trois autres fu- rent quelques jours apres la prife de poflèflion bénis par, les-Reverends Peres Boulogne 8c du Bois denoftre Ordre premier qui eft a la grande Rade , fous le nom de Saint Louvs Roy de France * le fécond à la pointe de Sable, fous celuy de Saint Iean Baptifte* le troifiemeà la rivière de la Pentecofte, fous celuy de Sainte Thercfe, 8c un autre fous le nom de faint François de Salcs.^ Les Reye- rends Peres Boulogne 8c du Bois ont par Tefpace d'un an fervi ces trois Eglifes avec afîcz de peine, particulicre- ment au commencement , autour des Irlandois Catholi- ques, qui furent par apres tranfportez aux Isles de Saine Martin , de la Guadeloupe 8c de la Martinique. Apres que l’on eut pris pofîeffion des principaux Forts des Anglois, 8c que M. le Chevalier de Saint Laurent fe vit maiftre abfolu de toute l'Isle , il renvoya les troupes de la Cabfterre , 8c delà pointe de Sable dans leur quar- tier. le vous invite à les fvivre pour affifter avec eux , à la fepulture du fleur ^^ats Gouverneur des Anglois, 8c ds tous les foldats morts avec luy : quoy -qu’ils foient héréti- ques nous n’encourrerons aucune cenfure. ftîîtt Sépulture du peur Vvats , & de tous les Anglois morts dans le combat de la pointe de Sable. IE ne fçay pas bien quelle fepulture l’on donna aux corps des Anglois tuez aux combats de Cayonne, des cinq com- bles, & de la Cabfterre; mais je me perfuade que parce qu'ils eftoienc heretiques l’on fe garda bien de les mettre en terre fainte ^ & que l’on fe contenta de leur donner , nofl .pas la fepulture de l’ame, mais de les couvrir de terre, lly en eut plufieurs qui furenc confommez dans les bois, & dans les cannes de lucre , dont l’on trouva les carcafïes lono-. temps apres le combat. LaifTons tous ceux là dans l’eftac qu’ils font, avec le regret de ce que leur herefie nous empê- che de dire pour eux un requis fcant in pace -, 6c voyons qu’el- le fepulture 1 on a efte contraint de donner au Gouverneur Anglois, ôc à fes foldats, apres que ceux de cette Nation leur ont dénié ce dernier office. L on avoit accorde au trompette qui vint demander le corps du Gouverneur Vvats, non feulement de l’enlever* mais encore tous les autres corps de ceux qui furenc tuez à ja pointe de Sable, où tous ceux qui mirent le pied fur la terre Françoife demeurèrent : mais les Anglois les ayant la.iFé fur la terre jufqu au Vendredy Saint ,1a puanteur en devint intolérable : de-forte que l’on fut contraint de les mettre dans un lieu ou. ils n mcommoderoient perfonne 8c où les Anglois i^s pourront trouver quand il leur plaira.' L’on commença cette fepulture par les corps de fept ou buit beaux GuilJins d Angleterre tous noblement péris dans ce combat, lefquels( pour épargner la peine de faire Gij wmm w ^ Hiftoire generale une fi grande foffe) boujettadans le fond d'une grande ra.1 vine^es beaux chevaux lervirent comme de ht au corps du Gouverneur Vvats , que ion jetta dans cette folTe, ôc fur luy enfuite la charge de vingt-deux chariots à vingt ou vingt-deux corps chacun , de leurs foldats tuez en ce combat , lefquels furent couverts d’un peu de terre. Ce Gouverneur Vvats eftoit de baffe nailïance, il a- voit exercé la Chirurgie , ôc palToit pour un homme four- be & avare. fia efté également detefté des deux Nations, pour avoir préféré fon intereft particulier au bien commun, & pour avoir dans l'efperance du butin & de la dépouille des François , manqué de parole & de foy , apres avoir jure 8c fiané une neutralité fi avantageufe aux Nations fujettes aux couronnes de France & d’Angleterre dans l’ Amérique. VnPoëtedece temps fit des vers fur fa lepulture , qui luy pourroient fervir d’Epitaphe. EPITAPHE Cl j gifl entre les morts qui par trifle avanture , f Abandonné des fiens lefpace de trois iours -y Auroit eflé mangé des chiens (df des vautours , S* Un av oit des François receulafepulture, mm; n . pafantcefi bien afie^qu un homme fans honneur, Déclaré par les fiens l'Auteur de tous leurs maux , Soit icy inhumé fur vn tas de chevaux , & couvert de cadavres par les mains du vainqueur. Mon fleur le Chevalier de Saint Laurent efl fecouru par Meffîeurs de Ciodoré , du Lion , & de chambré. MOnfieur le Chevalier de faint Laurent apres s’eftre mis en poflefiion des deux quartiers conquis fur les Anglois dansl’Iflede faint Chriftophle, ne fe trouvoit gue- res moins en péril qu’auparavant la v;doire. Il avoir dans l’Ifle non feulement les Anglois qui en dévoient fortir, 6c dont l’expulfion n’en pouvoir eftre faite en peu de temps j mais encore ceux qui en vertu de la Capitulation y dévoient demeurer , 6c qui bien que defarmez furpafToient encore Je nombre des François , 6c n’attendoient que du fecours 6c des Armes de dehors , pour eftre en eftat de vanger le mal- heur de leurs Compatriotes. L’honneur du Milord Wil- lougby fe trouvoit engagé à ne pas fouffnr une perte fi con- fiderable , fans faire tous fes efforts pour la reparer. Et parcé qu’apparamment les I fies de la Guadeloupe 6c de la Martinique ne dévoient pas être attaquées qu’avec une puif- fante efcadre venue de l’Europe , ce judicieux Chevalier creut que tous les efforts de ce Milord dévoient fondre fur celle de Saint Chriftophle , dont le feul recouvrement pou- voir reparer fon honneur 9 6c enfevelir la honte de fa Na- tion. Toutes ces confiderations firent refoudre Monfieur le Chevalier de faint Laurent à demander du fecours à Mon- fieur de Ciodoré , Gouverneur de la Martinique, qui fur la priere que M. de Sales avoir faite à Monfieur de Chambré avant le combat , de Iuy en envoyer, s’eftoit déjà mis en peine de le faire , 6c avoir fait partir dans des barques de la G üj £4 Hifloire generale Compagnie, les Compagnies des fieursde Praille & duVafi. for avec plufieurs braves volontaires. Mais comme cette Isleeft éloignée de Saint Chriftophle, il nereceutla lettre de Moniteur de Sales, qu’apres le combat , & fon fecours n’y arriva que trois ou quatre jours apres celuy de Moniteur du Lion & de Chambré. Moniteur de Chambré Intendant de la Compagnie , qui eftoit alors à la Guadeloupe , receut à mi-nuit entre le Di- manche de Pafque , & leLundy , la nouvelle de la vidoire emportée fur les Anglois de Saint Chriftophle. Il éveilla incontinent Moniteur du Lion Gouverneur de la Guadelou- pe , luy communiqua cette bonne nouvelle , & luy rendit les lettres du Chevalier de Saint Laurent, par lesquelles il le prioit de luy envoyer du fecours. Moniteur de Chambre, -auquel M. de Sales avoir mandé avant le combat qu’il eftoit fi prefle, qu’il ne pouvoir plus différer d’en venir aux mains avec les ennemis, qu’il luy envoyait du fecours, avoir dé jà fait partir le navire nomme la Concorde, équipé en guerre, lur lequel il avoir mis quarante hommes delà Com- pagnie ‘auxiliaire , en attendant queplus grand fecours qu'il Juy préparoit, fut en eftat de partir. De forte que ce fecours eftant dé jà tout preft ( pendant que Monfteur du Lion vifi- toic tout les corps de Gardes de fon Gouvernement ) Mon. fieur de Chambré fit embarquer fix vingrs hommes de guer- re , tant de la Compagnie auxiliaire que des gens tirez de la Guadeloupe, fur les vaiftèaux nommez l’Armonie , le fatnt Sebaftien, & le faint Nicolas-, & dés la petite pointe du jour il monta ce premier vaifteau, fit lever l’ancre , prit la route vers Saint Chriftophle* & fut fi heureux qu’ellenedu- ra que vingt-quatre heures , quoy-qu’il euft donné la challe à un navire ennemi , qui fe fau va fous le fort del IsledeNie- ve5 où tous leshabitans qui eftoient dans la derniere con- fternation, prirent les armes penfant qu’on les alloit atta- ^M on fieu r le Chevalier de Saint Laurent ayant apperceû ces trois gros vaifieaux , qui defcendoientà toute voile du coite de Nieve vers faine Chriftophle , fit mettre quelques trou- Dés Ant-lsles de T Amérique. ^ pes Tons les armes, 6c fe rendit à leur telle au bord delà mer • mais fa joye fut extreme , lors qu’il fçeut que ces navires eftoient François, que Monfieur de Chambré y eftoit en perfonne, 6c qu’il luyamenoit un fecours confidcrable. Il le receut fur le rivage , l’embraffa tendrement , & apres quelques complimens , le mena à l’Eglife pour y ren- dre grâce à Dieu, parle Te Deum qui fut chanté tant pour la vidoire obtenue, que pour fon heureufe arrivée. Il le conduifit enfuiteau Chafteau delà grande montagne, où ils s’enfermèrent, pour conférer enfemblefur les affaires pré- sentés, Ôc y prendre les refolutions necefiaires pour le bien commun 6c la côfervationde toutes les Ant-lsles Françoifes. Monfieur l’Intendant qui connoiflbic Je mérité de et Che. valier, qui fçavoit la déclaration queM. le Commandeur de Sales avoir laite de fa perfonne pour fon fuccefieur, ce qu’il avoit fi genereufement exécuté pour le bien commun de toutes les Ant Isles Françoifes , 6c le choix unanime que tous les Officiers avoient fait de fa perfonne pour leur Gou- verneur, luy témoigna qu’il en avoir toute la joye poffible • 6c que quand bien on n’auroit pas jet té les yeux fur luy , il l’auroit fupplié, comme il faifoit prefentemenr au nom de la Compagnie , de continuer la fondion de Gouverneur de cette Isîe, en attendant que la Compagnie l’eut prefenté au Roy , 6c que Sa Majefté l’eût honnoré de fes provifions 5 6c qu’il ne doutoit nullement de l’une ni de l’autre. La mode- ftiedece Chevalier luy fit refufer cet honneur, & fupplier Monfieur de Chambré de fe vouloir charger de la condui- te & du commandement de cette Isle } 6c il y eut un combat rcfpedueux entre ces deuxMefficurs qui dura long-temps, & qui ne put eftre terminé qu’en convenant d’agir tous deux de concert, 6c que les ordres fe donneroient au nom de M. le Chevalier de fai nt Laurent , comme tenant la place de Gouverneur, 6c de M. de Chambré, en qualité d Inten- dant ou d’Agent General de la Compagnie. Tous ces fecours mirent cette Isle en eftat de refifter à. tous fes ennemis, 6c de travailler non feulement à fe forti- fier t mais encore à plnfieurs chofes abfolument neceflaires ^6 ' Hifloire generale pour fa confervation , ainfi que je diray cy-apres. VIII. Mejfîeurs de Saint Laurent & de Chambré font partir des waijfeaux & des barques , pour Iran/ porter les habitans des Jfles de Saint Barthélémy & de Saint Martin , dans Saint Chrifiophle , & pour quelque expédition de guerre. LE Navire nommé la Concorde, que Monfieur le Com- mandeur de Sales avoir envoyé la nuit de devant le combat pour porrer Tes ordres à Monfieur de Poincy a la pointe de fable où il ne pût aborder , & pour aller en luitte quérir les habitans de faine Barthélémy qui eftoient le plus en effet de combatte , en eftoit revenu avec les plus braves de cette Ifle le jour de la capitulation , ht Meilleurs de iaint Laurent & de Chambré fe voyant un nombre de forts vaiL féaux & de barques , craignant que ces deux pentes lsies de feint Martin 5c de feint Barthélémy ne devinrent la proye des Anglois , fe résolurent d’en retirer tous les Habitans, a- £a d’en remplir les places des Anglois qui eftoient de ja fortis, & des autres qui dévoient fortir dans peu de jours de cette ïsle. . _ I’ay des mémoires qui portent que Monfieur le Comman- deur de Sales manda avant le combat à M. du Bois, Gou- verneur del’Islede feinte Croix,que n’ayant pas affez de for- ces pour défendre" fon Isle, il valoir mieux l’abandonner, que des’expofer à un malheur qui fembloit luy eftre inévita- ble « 5c qu’il repartit qu’il en répondoir fur fe telle : ôc en ef- fet ï\ avoit tellement aguerry & exercé fes habitans, A h bien Dûf Ant-hles Je T Amérique. fortifiée cette Isle , qu’il eftoit en eftat de la deffendre contre les Anglois. le fçay auffi que quelque temps apres l’on fit la mefine propofition a Monfieur de Xhemericourt Gouverneur de ris le de Marigalande, St qu’il fit la mefine reponfe j St le temps a fait voir quel’un St l’autre avoienc ra:fon. Le lendemain de l’arrivée de M. de Chambré, ces deux Meilleurs firent partir les navires nommez le Saint Iean Bap- tise commandez par le fieur Clofneuf, avec deux barques pour aller quenr le rcfte des Habitans delaint Barthélémy St tous leurs effets. Les vaiffeaux nommez I’Armonie St la Concorde , avec trois barques commandées par le fieur du Vigneau , furent envoyées à faint Martin pour garendr cet- te 111e des infultes des Anglois pendant l’évacuation de les habitans , St pour aller piller l’Isle de l’Anguille habitée parles Anglois. Nos Melîîeurs ne voulant laifïer aucun de leurs vaiffeaux inutiles non plus que leurs fo!dats,firent partir Je mefine jour le navire nomme le faint Sebaffien , équipé en guerre , com- mandé par le Capitaine Bourdet , pour allée en courfe , St croifer autour de l’IOe deNieve,pour commencer à pren- drependant la guerrefur ces grans preneurs, qui avoient tant pris St piilé lur nous pendant la paix. Son voyage ne fut que de trois jours, pendant lefquels il prit un navire de 80. ou. ce ne tonneaux, qui venoit de la nouvelle Angleterre, St eftoit chargé de vivres, qui vinrent fort à propos à des gens qui en avoient befoin. lien fît échoüer un autre un peu plus grand à la cofte de Nieve, St qu’il brifa de coups de canons , afin que les ennemis ne s’en puflent fervir. Ces Melîîeurs firent partir le fixieme de May , des bar- ques pour porter leurs avis en divers lieux , qui ne furent pas également heureufes ; car il y en eut une qui tomba mal- heureufement dans la flore du fieur Henry willougby ,dont nous allons parler incontinent. Cependan t le fieur des Rofies qui commandoit dans rifle de S. Martin, St I un des plus braves de nos Ameriquainst fe fei vit de 1 oceafion des barques que nos Melîîeurs avoient H j g Hifiotre generale envoyées pour quérir les habitons de cette T {le, Bc futâveg 3 oo. hommes attaquer l’ifle de l’ Ai guille habitée par les An* glois, qui à la veuë de nos vaiüeaux , au- lieu deiturreGder comme ils le pouvoient faire , abandonnèrent leurs cales Sç leurs habitations , mirent le feu par tout , & le retirèrent dans les bois &z dans les montagnes j & il ed certain qu il fe firent eux-mefmes plus de mal , que nos François n a- voient envie de leur en faire, Et comme les ordres qt» ils ^voient ne portoient point de faire plus de tort aux Anglois , qu’ils s’en edoient fait eux-mefmesj ils s'en revinrent avec deux prifonniers 2c trois pièces de canon. Ence meftne temps, Monfieur d’Ogeron ayant fait fça; voir à Monfieur l’Intendant que les Elpagnols de 1 lsle.de faint Domingue , alarmez du pafiage de Monfieur deTra- cy en cette code,avoient fait de grands préparatifs pour enchafler les François 5 îuy manderont que s’il croyoïtap- paramment edre enlevé par lesEfpagnols ,qu il feroit mieux de venirà faint Chridophleavec fix ou fept cens bonshom- mes, & qu’en quatre heures, ilferoir Gouverneur de 1 Isle deNieve. Mais comme Monfieur d’Ogeron edoit coiffe delà code de faint Domingue, & qu’il i’.eftimojt mieux que le Gouvernement de Nieve , il n’y voulut pas entendre , ,8c je croy aulîî que les habitans de cette code n y au r oient jamais confenti, . . A , . Comme ce n’edoit pas affez d’avoir vaincu les Anglois dans l’Is le de faint Chridophlc , il faloit affermer la conquer ite de cette Isle , Sc la mettre en edatdé refider aux efforts que les Anglois fe preparoient de faire pour avoir leur re- vanche. Nos deuxMeffieurs commencèrent des le i. jour de May, à amaffer un grandnombre d’artifans , comme mat- fons, charpentiers, charons, & forgerons * & leur joignirent quanritéde negres, quffous la conduite de gens entendus, éleverent en tres peu de temps fept ou huit bateries de pier- res, de bois & de terre en divers endroits , &. des retran- chemens dans tous les lieux où Ton pouvoir defeendre: & bien que les forts & les bateries des Anglois fudent en allez edat pour /en contenter 5 l’on fit encore tout ce que Des Ant-Jsle s de T Amérique. ^ l*on put pour les rendre plus fortes. Ils y firent enfuiteavec une merveilleufe diligence , monter foixante ou quatre-vingt pièces de canon , tant des Anglois que des noftres, qui avoient eftë négligées , & les placèrent fur les bateries, & mirent cette lfie en eftat de refifter aux ennemis de dehors- & nous les verrons fe debarafler des ennemis intérieurs* apres que nous aurons dit quelque chofe de la flore de Mon- lieurwillougby , Lieutenant General & neveu du Milord , qui vint trop tard pour commencer la guerre de concert avec le fieur wats. § IX. JW. Henry V'villougby part avec une flote {mais un pet* trop tard ) pour commencer U guerre & détruire les François dans F h le de faint Chriftophle. Bien que la ruine de la Nation Françoife dans les Ant- illes euft efté conclue entre le Milord wiilougby , &C le fieur wats Gouverneur de faint Chriftophle , & que tous deux euftVnt pris des mefures, & mefme convenu du temps pour Entreprendre , & rendre leur entrepnfe infaillible par i union de toutes leurs forces ^ î humeur arrogante êc avare du fieur wats , îuy fit manquer de parole à ce Milord & précipiter cette affaire , dans l'apprehenfion que le fieur Henry willougby qui devoir commander ces troupes au- xiliaires, ne lu y ravift la meilleure part delà gloire & du bu- tin qu’il attendoit de la défaite des François. Le Milord exécuta ponctuellement fa promefle , Sc fit partir dans le temps convenu, Morfieur Henry willougby ion neveu, & fon Lieutenant General, avec fept ou huit cens , quelques unsdifent jufqu’à 1000. hommes levez dans h Barbade^ avec ordre d’en tirer autant qu’il pourroit dans H ij éo mfloîre .... les Iflss d’Antigoa 6c de Nieve-. Ce qui auront fait environ deux mille hommes , lefqueiseftant joints aux troupes 6e aux habitans Angîois qui eftoient dans ccrtelfle, auroient indu- bitablement accablé le petit nombre de François qu’ils avaient à eombatre» Le Milord fit embarquer fon Lieutenant 6c les trou- pes fur vingt fi* navires * quelques- uns les ayant contez deux fois les font monter jufqu’à quarante , de diverfe grandeurs la plufpart eftoient marchands qui dévoient pafler à la nou- velle Angleterre , &c en Europe-, 6c le refte eftoit une efca- dre ce Frelates, qui dévoient demeurer dans les ïsles. 11 ne partir cetf e flote au commencement de May, & elle parue à Marina lande le trois ou le quatre de ce mois , 6c y demeu- ra deux jours & demi, tantoft unie , rantoft ieparee par eu cadres tournoyant autour de i’ifle ,faifant des maneuvres 6c des fignaux qui faifoient croire qu'ils avoient deflem d atta- quer 1 mais s’eftant approché piufieurs fois fore pies de ter- re 6c ayant reconnu les fortifications de la descente j ou Monfieur de Themerieourt avoit fait faire un beau retran- chement fraifé 6c pallifTadé, couvert d’unfoffede huit pieds* 6c la contenance de fes gens, elle n y voulut pas mordre. Toute la flote fedivifa, 5c le General avec fix ou fept vaif- feâux prit la route de laDefirade, & îe ^efte paffa a la Ba. fterre de la Guadeloupe, 6c ivy fit qu'exercer les foins 6c la vigilance de Monfieur du Mon , à mettre toutes lesavenues delonlsle en eftat de les recevoir, . , L'efcadre de ce General defeendant entre Antigoa & la Guadeloupe, attrapa une barque que Monfieur oeTheme- rfeour envoyoit à faint Chriftophle pour avertir Ce Ge- neral fut foie furpris d’apprendre de ceux qur la condui- foYent U méchante nouvelle de la défaite des Angîois dans faint Chriftophle , & le fecours que Monfieur [ Intendant v avoir amené. Jamais homme ne fut plus eftonne que luy: de forte que voyant le mal fans remede, 6c qu ilnyavoit four luyTdans flsle de faint Chriftophle que des coups a £lener fl refolut de débarquer une parue de fes troupes dans f Tle de Nieve pour la fortifier & la deffendre contre les as- D es Ânt- Ijles de l Amérique. 61 taques des François , & defe pofter avec le refte, dans cel- le d'Anrigoa , 6 c y attendre les ordres du Milord. Tous les navires marchands continuèrent leur route: mais l’efcadrede ce General croifant aux environs de nos Is- les Françoifes, nous prirent encore deux barques , dans l’u- ne defquelles eftoit le (leur Barry Médecin de la Guadeloupe, & fix ou fept matelots : mais l'on fut beaucoup plus affli- gé de la fécondé , à caufe de la prifedu Reverend Pere Si- mon Jefuite, qui apres avoir efté fort mal traité de cette Nation, fut dégradé dans une Isle des Grenadins. Ils luy prirent un jeune fauvage Chreftien , fort fpirituel êc fi-bien inftruit , que l’on efperoit qu’il ferviroit infiniment à lacon- verfion des autres fauvages : mais ce pauvre garçon ayant efté conduit dans l’Isle de Mont-Sarra , & s’eftant voulu fauver fur u n piper y , il fe noya , au grand regret de ce bon Pe- re , de tous les fauvages , & particulièrement de fes parens, qui le font venus demander plufieurs fois à Monfieur de Clodoré. § X. De tout ce qui s'eft pajfé tant dans l'expulfîon des An - glcis , que dans la recompenfe de tous les vain- queurs. APres que nos deux Meilleurs eurent fuffifamment pour- vcû à lafeuretéde la cofte & de la ceinture de cette Isle , il eftoit de leur prudence de la garantir des atteintes & des fecoulles qu’elle pouvoir reft'entir dans fes entrailles- El- le fetrouvoit remplie des véritables ennemis Angîois, qu’il H iij 6l Hiftoire generale en faloit faire fortir, 6c des habitans tirez des deux Isles, aufqueis il faloit donner des terres & des habitations en la place de celles qu’on leur avoir fait quiter -, 6e enfin de tous les braves Habitans , qu’il faloit recoropenfer fur les effets &c furies terres conquifes fur les ennemis par le iang de ceux qui eftoient morts encombatant , 6e par l’épée & la valeur de ceux qui avoient vaincu. L’expulfion des vrais ennemis fembloit aidez facile, 6c il ne faloit qu’un peu de peine 6c de temps pour en venir a bout. Mais comme il efl fort difficile de contenter des gens qui font toujours perfuadez qu’il leur effiplus deuquel on ne leur en peut donner •, il y avoir lieu de craindre que ces amis mal fatisfaics ne devinlTent des ennemis domefhques , 6c ne mif- fentMsledans un eftat pire qu’elle n’eftoit entre les mains des ennemis. Le huitième de May , nos deux Meilleurs commencèrent à travailler à faire fortir les Anglois , qui n’ayant pas voulu prefter le ferment de fidelité, ne dévoient point demeurer dans I’Isle 5 6c pour cet effet ils partagèrent les foins de cette expédition entre-eux. Monfieur le Chevalier de faint Lau- rent fe chargea de l’cxpulfion de cinq ou fîx cens Anglois va- gabons , 6c apparamment les plus à craindre j 6c Mon- fieur de Chambré de la Nation Irlandoife : 6c pour ne m’étendre fur un détail ennuyeux de ce qui fe paüa cians cette expédition -, je me contenteray de dire, que depuis le huitième de May jufqu’au huitième de Juin, l’on fit embar- quer 6c forcir de cette Isle , prés de quatorze cens per- fonnes tant IrUndpis qu’ Anglois * 6c ce qui en e t lom enfuitc, fait monter ce nombre ( fans y comprendre les ne- ttes ) à plus de huit mille perfonnes. & Une grande partie de ces peuples furent envoyez dans des terres de leur Nation félon leur defir , à Nieve , à Monc- Sarra , 6c à Antigoa, ouïes Anglois les réfutaient, 6c fai- foient des protections de n’en plus recevoir * d’autres du- rent envoyez à la Jamaïque , à la Virginie, à la Vermude 6c en terre neuve : quelques-uns demandèrent d aller a laine , Des Ant-Jsles de ï Amérique. 6$ Domingue 6c y furent envoyez * fept à huit cens Irlandois Catholiques furent mis dans l’Isle de faine Barthélémy, fur les habitations que les François avaient quittées , 6c ceux-cy h aillant les Anglois, receurent un Officier François dont je qe fçay pas le nom, pour leur commander. Trois ou quatre cens de ces Irlandois Catholiques furent auffi envoyez dans la Marriniqueêc dans la Guadeloupe. Nos deux Meffieurs obferverent fort prudemment d’é- loigner autant qu’il leur fut poffible, les jeunes gens les plus robuftes 6c les plus vigoureux : 6c le Gouverneur del’Isle de Nieve qui avoitreceu beaucoup de ces peuples inutiles, en- voya dans un bateau fept François à faine Chriftophle , avec des députez, qui apres avoir fort civilement remercié nos Meffieurs de leurs civilitez, les prièrent de leur renvoyer les jeunes hommes qui n’eftoient pas encore partis. Mais comme ils a voient affaire à des gens auffi fins qu’eux , ilsluy renvoyèrent incontinent onze familles , compofées de dix vieillards, 6c de 70. femmes 6c enfans. Nos deux Meffieurs gardèrent fi exactement les articles de la capitulation, que les Anglois en furent également fur- pris 6c fatisfaits. L’on leur fournit des vaiffeaux pour les tranfporter , au refus du Gouverneur de Nieve, qui en ayant plusieurs à la Rade , ne leur en voulut jamais prefter unfeul. Trois de nos navires furent vendus aux plus riches, 6c ils en eurent trois autres de la Compagnie, pour tranf- porter les pauvres 6c les neceffiteux. L’on vendit auffi des vi&uailles aux riches, 6c il en fut donné aux pauvres par pu- re charité, autant qu’ils en eurent befoing pour leur voya- ge. Comme il avoir efté permis aux Anglois par le traité de vendre leurs habitations aux habitans François ; il fc trouve chez les Notaires de cette Isle , quatre cens contrats de vente d’habitations , 6c pour le moins autant fous feings privés , par lefquels il fe juftifïe que les Anglois avoient re- ceu plus de trois millions de livres de fucre ou la valeur , qui n’eftanteftime qu’à quinze livrés le cent, fe monte à 450000. ^4 Hifloire generale livres monnoye de France. L’on leur permit auffi fort genereufement , d’enlever un grand nombre de negres , leurs marchandées , leurs meu- bles, leurs joyaux, leur vaiflelle Ôc argent monnoyé,fans que les François en ayent fouillé un feui j 6c il efl confiant qu'ils ont emporté de cette Isle, la valeur de fix â fept cens mille livres d’argent monnoye de France : 6c les Anglois ont grand tort, apresavoir receuun traitement plus humain que celuy que l’on pouvoit attendre d eux, d avoir publie & fait imprimer que l’on les avoit ehafîez lebaflon blanc à la main. Toutes ces chofes achevées , les Commiflaires defignez par Meilleurs le Chevalier de Saint Laurent ôc de Chambre pour la difkribution des biens 6c des terres conquifes ôccon- fifquées fur les Anglois tant fugitifs que morts dans le com- bat , en donnèrent des petites portions aux habitans de faint Martin 6c de faint Barthélémy. Mais ces habitations ayant eflé ou bru fié es dans le combat , ou ruinées par les Anglois enragez de leur perte 5 ces pauvres habitans s’y font établis avec des peines 6c des miferes inconcevables , 6c ce qui leur tenoit lieu de recompenfe , n’a fervi qu’à les faire plus mal- heureux qu’ils n’efloient auparavant. Tous les braves qui s’efloient rendus recommandables par leur valeur , s’impatientans des longueurs que 1 on ap- portoit à fatisfaire aux promefîes de bouche ôf par écrit que Mon fleur l’Intendant leur avoit faites de les recompen- fer, fe mutinèrent 6c firent tant de bruit, que l’on fe vid à la veille d’une fedition d’autant plus dangereufe , que la con- jon&ure de la guerre luy auroit eflé favorable, ôc que les habitans fe trouvoient réduits à une extreme mifere , par le peu de feeours qui leur efloit venu de France. Mais Mon. fleur de faint Laurent 6c tous les principaux Officiers eflant fort perfuadez des bonnes intentions de Monfieur l’Inten- dant, qui ne pouvoit pas tout faire à la fois * deux de ceux qui avoient fait plus de bruit , furent arreflez , ôc le refie Méfiant payé de raifon , Ils furent enfuice recompenfez 1 » chacun Des Ant-lsles de t Amérique. 6 y chacun félon fon mérité, 6c à proportion des effets qui avoient eftépris fur les Anglois. Monfieur l’Intendant pourfuivit en Cour de^ lettres de Jslobleffe pour les fieurs de l’Efperance, du Poyet ,Guil- lou , & de Contamine , qui s’eftoient fignalez entre tous les autres dans ces combats, &. les obtint en telle forme qu’il les defira, le n’en fçay pas les dattes, mais je fçay bien, qu'elles ont eu leur entier effet à l’égard de ces quatre Melîieurs, pour la recompenfe de leur mérité. CHAPITRE TROISIEME I DE QVELQVES ENTREPRISES DE guerre faites par les Fra(nçois dans les autres Isles lur la Nation Angloife , ou ils ont heureufement réüfïi. LA multitude des chofes qui fe font paffées en diverfes Isles prefqu’en mefme temps , m’obligent à les entre- laffer affez fouvent les unes dans les autres ; &. les divers evenemens qui s’y rencontrent, m’obligent à les conduire quelquefois filoing, que je fuis par après contraint de re- prendre des chofes qui ont devancé celles que j’ay dé- ja écrites : mais je croy que le foin que j’ay de - marquer au- tant qu’il m’eft poffible , les dattes de chaque chofe, pour- ra fuppléer au defaut de l’ordre que le Le&eur pourroit de- firer en cette occalion, I m 3 lliftoire generale <36 i&Li ‘T'Tl § I- Capture impreveu'è de Vvaetnard , Gouverneur pour les Anglais , /«y les fauvages de la Dominique . I’Ay fait mention dans le premier livre qui précédé celuy- çy , d’un certain metif nommé Waernard , que le Milord Vvillougby avoir honoré d’une commiffion de Gouverneur dans l’Isle de la Dominique pour fa Majefté Angloifè, avec pouvoir de fe faire obéir , mefme de ch^ftier 6c punir demort les mutins 6e lesfedirieux qui s oppoferoient à ion autorité". Ce Gouverneur s’eftoit eftabli à la Bafterre de cette Isle, 8c avoit adroitement ménagé une paix entre les Anglois & une grande partie des lauvages de ce quartier, & employé toute leur induftrie 6c toutes leurs forces, pour obliger les autres fauvages ( qui haïffoient mortellement Waernard 8e tous les Anglois ) à Ouvre fon party, juf- qu ’à y commettre plufieurs meurtres , 8e â manger la chair des autres fauvages qui ne le vouloient point reconnoiitre. Cela dura affez long- temps, 6c les pauvres fauvages qui tenoient le parrv des François , eftoient dé- ja venus implo- rer noftre affiftance pour fe délivrer de ce cruel, lors que neuf piraugues pleines de fauvages arrivèrent a la Guadelou- pe defquelles quatre s’en allèrent à AnFigue , faire la guer- re k leur mode-, 6c les cinq autres s’en retournèrent fur leurs pas pour furprendre Waernard , qui les ayant veu par- tir pour aller à la guerre, dormoit en feurete. Ceux-cy ioints aux autres fauvages leurs amis, attaquèrent Waernard à l’improvifte , 6c le pouffèrent fi vigoureuiement , que fans un corfaire Anglois qui lereceutdans fon bord , il au- roit infailliblement efté rofti , boucane , 6c mange a fon cour par ces barbares» D es Ant- J fies de î Amérique. 67 Les Gouverneurs de la Marrinique 8c de îa Guadelou- pe, aulïi- bien que l'Intendant , qui avoienr receu centplain. tes de cetEfpiegle, defiroient fort de le pouffer à bout ou de le prendre 8c pour cet effet , l’on fe fervit de l’occa- ffon du navire du Capiraine Bourdet équipé en ouerre, 8c fur lequel eftoit Monfieur de Momville Lieutenant de la Compagnie auxiliaire, avec quarente braves foldats de cet- te Compagnie. Il alioit à la Martinique par ordre de Monfieur l'Intendant, 8c s’eftoit arrefté quelques jours à la Guadeloupe, pour y débarquer quelques Irlandois. le ne fç ay pas bien de quelle maniéré l’on s’y devoit prendre pour l’attraper , maisjefçay bien que ce Capitaine avoit ordre de M. de Chambré, de faire une tentative en paflant -, 8c qu’au cas qu’elle euft eftéinutile, d’avifer avec Monfieur de Clodoré fur les moyens que l’on devoit tenir pour arrefter les cruautez de ce Barbare : fi- bien que le vingtième de May ou environ, le Capitaine Bourdet eftant par le travers de la Dominique , apperceut un navire Anclois de cent ou fix vingt tonneaux, armé en guerre de neuf pièces de canon , 8c monté de 75. foldats, auquel il donna incontinent la chaffe , 8c luy ferra le vent de fi prés , qu’en uneheuredetemps, il fut à la portée du moufquet de luy, mais ce corfaire qui eftoit plus fort de monde que luy, eftant à la portée de la voix, fans attendre qu’on luy tiraft un coup de moufquet, demanda quartier } qui luy fut accordé,, à con- dition que luy 8c tous fes gens feroient prifonniers de guerre. Il y eut fort peu de pillage à faire dans ce navire : car commeil eftoit équipé en guerre, tout fon butin confiltoit en quelques coffres 8c paquets de foldats , quelques muni- tions, 8c un bon nombre d’armes à feu en très, bon eftat: mais la conquefte en fut confiderablc , en ce que iors qu’on voulut s’affèurer de tous les prifonmers , le R. Pere Beaumont de noftre Ordre, apperceut ün fauvage parmy eux; 8c l’ayant un peuconfideré, il reconnut que c eftoit l’oyfeau que l’on alioit chercher , c'eft-à-dire waernard qui s’eftant veu pouffé à bout par les autres fauvages s’é* * U ’ g6 Hiftoire generale toit fauvé dans ce navire, de peur de tomber entre leurs mains, Il en avertit aufîi-tofl le Capitaine Bourdet , qui bien joyeux de cette prife , le fit enferrer 6c garder très, foigneufement , & retourna bien vifle à la Guadeloupe , pour le mettre auffi-bien que les autres prifonniers , entre les mains de Monfieur du Lion , qui le fit incontinent chauffer de la meilleure paire de fers qu’il euft dans fes prifonsj 6c luy donna pour braflelets, une forte paire de menottes, 6c le mit dans un cachot , d’où à moins que d un miracle , qui ne fe font point pour de telles gens , il iuy eftoit imposa- ble de s’échaper. L’on trouva auffi dans cette prife, le fleur Bary Méde- cin de la Guadeloupe, avec les 5. matelots qui avoient efle pris dans une barque quelques jours auparavant. Peu de jours apres la capture de waernard, les quatre pirogues de fauvages que Monfieur du Lion avoir fait aller à Antigue , retournèrent à la Guadeloupe avec un butin Confiderable de negres 6c d’armes qu’ils avoient pris furies. Anglois • apres avoir furpris 6c forcé le corps de Garde , encloüé?le canon , tué, rofli , 6c mangé plufieurs Anglois, fefquels ils avoient encore z.mains toutes roflies 6c (eches comme du bois. Ils -firent tout ce qu’ils purent pour avoir waernard 6c luy en faire autant * 6c quelque diligence que l’on fifl pour les empêcher , l’un d'eux s’eflant approche de luy luy donna un foufflet avec une des mains Angloiies boucanée fur le coflédela telle, dont l’on vk incontinent rejallir le fang, 6c luy dit , Tien, voila un foufflet d’un de res amis, waernard endura cecoupavecune gravité 6c upe con- fiance toute Stoïque j 6c fans s’émouvoir luy dit en fa lan- gue avec une mine dédaigneufe -, Tu es un lâche, 11 tu avois quelque chofe à me dire, il falloir me venir trouver $n mon carbet , 6c non pas me frapper en l’eflat ouje luis. Il dit enfuite parlant à Monfieur de Malaffis : Ces gens font des beftes, des canailles 6c des miferables , indignes de mov : 6c je ne me fuis retiré avec eux , que pour éviter la perfecution de Madame waernard. Au refie je uis Gou- verneur, j’ay une carte , voulant dire fa Comnuüion j Dûs Ant-Jfles de î Amérique. 6$ Monfieur du Lion a torede me traiter comme ii fait, puif. que je fuis prifonnier de guerre : & eflant interrogé fi les gros fers ne l’incommodoient pas, ii repartit : j’y fuis accou- tumé , je les ay eu deux fois fort long-temps à Saint Chri- flophle -, mais je fortiray bientofi d’icy , & fçauray bien me vanger. Monfieur du Lion avoir efté d’avis de l’envoyeren France , & qu’on kiy fift gagne r fa vie dans une gaiere qu’il n’avoit que trop mérité. Mais Monfieur delà Barre eftanç arrivé quelque temps apres, il le conferva jufqu’à la fin de la guerre, auquel temps il fut répété & rendu, à condition qu’il vivroit comme Anglois, 6e non comme Careybe. M. du Lion témoigne affez dans une lettre écrite à M. de Cré qu’il fe laffoit fort de la garde d’un tel oyfeau , ce Drolle là, dit 'il , efi caufe que je ne dors pas un bon fommeil : car encore qu'il J oit enferré des mains & des -pieds , & dans un cachot fous l'œil d'une fentinelle -, quand je penfe qu'un Careybe a fauté du haut d'un châ- - te au en bas , de cinquante- deux pieds , & qu'il fe porte bien \ je crois que Vvaernard en fer oit autant s' il efi oit deferré. L’affaire de cet habile fauteur de Sauvage duquel Mon- sieur du Lion parle en cet endroit , arriva au commence- ment de Septembre 1665. lors qu’une pirogue pleine de fau, vages vint à la Guadeloupe, où s’t fiant fou lé,à leur ordinaire, d’eau de vie , rencontrèrent une femme Franqoife aflez bien mife, laquelle ils traifnerent à l’écart, luy déchirèrent fes habits, & la voulurent forcer : mais elle jetta de fi hauts cris que fon mari Si quelques François vinrent à fon fecours, épouflerent nos fauvages en enfans de bonne maifon , reti- rèrent celuy dont elle fe plaignoit le plus, &. l’amenerent à Monfieur du Lion , qui l’ayant fait enfermer avec quelques gardes tour au haut du chafleau , il attendit qu’ils fuffenc endormis , & fe confiant en fop mabouya , fauta à bas d’une feneftre la hauteur de cinquante-deux pieds : mais fon diable ne l’empécha pas de fe faire un trou à la telle: de- forte que Vvaernard eflant tout un autre homme que cetuy-çy , Monfieur du Lion avoit fujet d’en avoir de l’in- I üj quiétude f ' 70 Biftoire generale § il Acüon héroïque cï'un Avanturiev François , que Mort- fieur cCOgeron récompenje gcneuufement. TOut au commencement de la guerre avant mefme que les François en eurent aucune eonnoiiïance dans la Tortue, 6c dans la cofte de faint Domingue , nous y a- viens un fameux Avanturier François, nommé Champagne* qui a voit couru ces mers fur une fregate d’environ cent ton- neaux nommée la Fortune , armée de huit canons , 6c mon- tée de quarante-cinq bons hommes , tant en équipage qu’en foldats. Les Anglois qu’il avoir fort fréquentez dans la Ja- maïque, connoilFant ia valeur 6c fa conduite, 6c craignant d’en faire l’experience à leurs dépens , réfolureut de le cher- cher , 6c de le prendre traitreufement avant qu’il feeuft rien de la rupture entre les deux Couronnes, Ii leur fut fort aifé de le découvrir : Car comme il ne fe deffioit nullement d’eux , 6c qu’il ne penfoit pas mefme à la guerre , il auroit efté aulïi franchement dans leurs ports qu’il î’avoit fait auparavant. Il eftoit alors dans les Kayes du cul de fac de Mile de Couve, ou de la Havane * où les Anglois l’ayant découvert, ils en donnèrent avis au General de la Jamaïque , qui choific promptement 140. loldats des plus déterminez de cette Ifle , 6c les mit fur deux bons vaiflèaux , pour l’aller prendre, comme j’ay dit, ou le faire périr dans le combat , fçacliant bien qu’ils ne l’auroient jamais en vie. , Le plus grand des deux vaiffeaux ^Anglois, qui eitoit le meilleur voil lier 6c commande par le Capitaine Maurice , qui paffoit pour homme vaillant parmy les Anglois , fut moüilt Des Ant-Isles de ï Amérique. y t fer au détroit ou à l'embouchure de Kayes, qui font une façon de port environne de roches, dans iequel eftoit la petite fregarede noftreavanturier , qui nefçachanc rien de la déclaration de la guerre, crut quec’étoit quelque navire Efpagnol qui avoit envie d’en découdre. Cela l’obligea à l’envoyer reconnoiftte par onze de fes meilleurs loldats dans un canot, qui s’eftant approché de ce navire Artglois , y virent plulieurs foldats de leur connoilïance'qui les invi- terenc à s’aller rafrefehir 6c à boire avec eux dans le navire5 $C ayant efté alfez lîmples pour les croire , ils ne furent pas pluftoftfur le Tillac, qu’ils fe virent prifonniers de guerre, liez , garrotez, & jertez dans un fond de calle. Noftre Avanturier qui s’attendoic à un prompt retour de fes gens , vit bien par leur retardement qu’ils avoient efté dupés, & que ce pavire eftoit Efpagnol ou que la guerre eftoit déclarée aux Anglois, 6c voyant que le fécond na- vire qui à caufe du vent contraire, ne pouvoir joindre le premier, luy envoyoit fes meilleurs foldats dans une Cha- loupe , afin de rendre le combat plus inégalé; il leva l’an- cre, & vint avec fes trente-cinq ou trence ftx hommes at- taquer Maurice qui luy bouchoit le paftage , 6c qui avoit fur fon navire 78. foldats déterminez,. Il le combatif par l’efpacede deux heures avec tant de conduite, de courage & de bonheur jufqu’à ce que voyant le fang ruilTeler de tous les collez de ce navire, Sc les Anglois ne fe voulant pas rendre, il fauta le premier le couftelas à la main dans le na- vire, 6c contraignit Maurice de fe rendre, apres luy avoir tué cinquante hommes, 6c bielle tout le relie à la referve de douze; 6c n’ayant eu qu’un feul homme de tué, 6c cinq ou fix de blelTez dans tout ce grand chamaiily. Monfieurd'Ogeron ôc tous ceux qui m’ont écrit de ce Combat, difent qu’il ne s’eft rien vcû de plus vigoureux ni de plus brave pendant cette guerre. Cependant Champagne voyant fa prife route fracafTée, êc en eftat de ne pouvoir plus fervir, la brulla, apres en avoir tiré ce qu’il y avoit de meilleur, 6c ramena à laTor- ji Hïfloire generale lue fa pauvre petite fregate ,en te! eftat qu’elle fie püt jâ mais eftre raccommodée. Mais le bon Monfieur d’Ogeroiï en recompenfe d’une action fi genereufe , vuida fa bource , &: luy donna en par don huit cent pièces de huit, qui font huit censefcusj le mit fur une fregate qui luy appartenoit , &. l’envoya en courfe : mais apres qu’il euft couru & batu la mer fans rien prendre , il Fut luy-mefme pris par deux na- vires Efpagnols* § in* Protêt pour F attaque de F J s le de Nieve différé tuf qu'à l arrivée de Monjïeur de la Barre. v * ’ X , MOnfieurde Clodoré Gouverneur de la Martinique^ avoit apris par des lettres interceptées dans desbar^ ques prifes fur les Anglais, que le Lieutenant General, Henry Vvillougby avec fa dote, venu trop tard pour la première entreprise faite fur faine Chriftophle, avoir déchargé fes troupes dans i’isle de Nieve&c d'Antigoa ; qu il avoir per- mis aux navires marchands de continuer leur route vers la nouvelle Angleterre & vers l’Europe $ & qu’il s’eftois arrefté avec quelques navires de peu de deffenfe dans l’Is- le d’Antigoa. 11 (cavoit auffi que routes les Ant Isles An- o-loifes ne pouvoient efperer aucun fecours condderable d’Angleterre , attendu que les deux dotes Angloifes & Hol- landoifes, eftoient preftes à en venir aux mains; & que IC Milord V villougby eftoit malade au li Navires. Comman- Duport Armez Equipages, dez par de de Soldats. LMrmonie. DuVigneau. 300 tonn. 1 6 canons. jo La Concorde. Jamain. 300 18 jo aj Le S. Jean. Defclofncuf. 300 8 j© Il y avoit encore quelques médiocres Navires , entre lef. quels eftoient la prife dans laquelle Vvaernard fut pris, & plufieurs barques. L’on devoir faire cinq cens palliffades de lix pieds de haut, pour fe retrancher à la deffenfe, & porter toutes les chofes neceffaires pour une telle entreprife. Les trois Capitaines Hollandois convinrent qu’ils au- roient part au butin, à compagnon bon lot, & que cha. eun en profîteroit fuivant fa force. Us demandèrent parts la terre , ce qui leur ayant efté refufé , ils prièrent qu'au moins on leur accordai!: la permiffion du cômerce dans les Isles conquifes avec leur feconrs 3 & il leur fut répondu , que cette affaire regardant Meffieurs de la Compagnie* qu’il n’en faloit parler qu’à eux-mefmes, & qu’ils auroienc laconlideration telle que le fervice rendu le meriteroit. Ce projet avec toutes les raifons qui le pouvoient ap- puyer, fut envoyé à Monfieur du Lion pour le faire tenir apres l’avoir examiné, à Meffieurs de Saint Laurent & de Chambré qui eftoient à faint Chnftophle , où ils tinrent confeil pour délibérer fur cette affaire. Mais tous les Confeillans eurent des raifons & desfentimens dire&cment oppofez à cecte entreprife. Bien-que Monfieur du Lion femble dans quelques-unes de fes lettres approuver ce projet , il ne s’y voulut pas nean- moins engager fans en avoir des ordres exprès du Roy, K ij ■jé Hïftoïre generale g a de la Compagnie -, parce que l’ordre qu’il avoit receu de fa Majdlé &, de Monfieur Colbert , luy commandent^ fs mettre en ejiat de fs de fendre contre les Anglais , & de porter ïoffenfive dans leurs habitations & lsles , en cas qu'il luy fait or- donné de le faire parles Directeurs , Meilleurs de faim: Laurent êc de Chambré qui avoifnt aufli les mefmes ordres , le contentèrent d'afleurerîa con- quefte de faint Chriftophle par l’exputfion des Angiois,ôC er fe fortifiant ; 5c comme les Dnecleurs Generaux man- doient , que Monfieur de la Barre menoiîle fe cours que le Roy en- voyait dans les isles , & celuy de la Compagnie 5 qu il avoit une connoifjance parfaite des volonte^de fa Ma je fié pour le cours de la guerre prefente -, & quil devoit conférer avec le Gouver- neur Jur ce quil y aurait à faire j route cette entreprife fut remife jufqu’à l’ariivée de Monfieur de la Barre. Tous ces Meilleurs écrivirent leurs fentimens en Cour fur cette affaire , 6c je trouve une lettre de Monfieur Colbert , dans laquelle il approuve abfolument ce deffein , 5c en donne des loüanges à Monfieur de Clodoré. Elle efl écrite à Vin, cenne le quinzième Septembre mil fix cens fcixante.fix. Bay , dit-il , veu par toutes les lettres que vous averq pris la peine de m'écrire , les foins particuliers que vous apportezjrour vous bien acquiter du commandement qui vous a efiè confié ; le fe cours que vous avesq donné à propos a faint Chriftophle , & le fentiment oà vous efiierg) qu’apres la défaite des Anglois , fans leur laifier le temps de fe reconnoiftre & de fe fortifier , il fqloit attaquer Nicve , que p on aurait vrayfemblablement emportée , en faifant Iss détachement de tontes les J des , ainjï que vous l’aviesg ptopofé j le n'ay pas manqué de rendre compte du tout au Roy , qui m a témoigné d'efire fort fatisfait de vofire zele & de vofire conduite. LaiTons un peu repofer cet-te affaire jufqu’à ce que M, de la Barre à fon arrivée k réveille, 6c la remette fur lè lapis , avec auffi peu de fuccés que Monfieur de Clodoré* T> es Ant-Isles de F Amérique. 77 § iy. La prtfe de Beauroum , en terre ferme , pendant laquelle Monfieurdu Lion & de Chambré envoyent reconnut- tre F ls le de Jamt Euflache. C^Etre belle entreprife manquée , le Gouverneur de j la Martinique qui ne cherchoit que les occafions de courir lus aux ennemis, eut avis, que prdqu’en mefme temps que les Anglois avoient pris l’isle de Tabac fur les Hollandois , ils s’eftoientaufïi emparé du Fort de Beauroum en terre ferme , qui efloit de cette mefme dependence : qu’ils n’y avoient laiffe qu’une médiocre garnifon , & que bien qu’ils l’eufTent pillé , il y avoit encore quelque chofe à gagner pour ceux qui auroient allez de cœur pour entre- prendre de la forcer. Son humeur toute difpofée à bat- tre les Anglois , luy fit écouter cette proportion j & au- près en avoir meurement confideré toutes les circonftan- c es, il s’y refolut, 6c donna pour cet effet fa commifïïon 6c fes inflru&ions aux fieurs Paviot, Sergeant, 8t des Ma- rets , îefquels choifirent cinquante bons avanruriers de cette Isle, 6c les mirent fur deux barques que les fieurs Chappelle,le Roy, 6c Roflelan, aufquels elles appartenoienÊ, avoient offert pour cette entreprife. Ils partirent de la Mar- tinique le vingtième jour de luin , 6 c arrivèrent en peu de temps dans la riviere -de Beauroum , où ayant mis pied à terre , 6c reconnu le fort, ils trouvèrent que ce n’eftoic pas une piece à prendre par cinquante hommes : car c’é- toit une forte maifon de pierre, flanquée par deux grofles tours avec fept bonnes pièces de canon , 6c defenduë par fui xante- dix foldats Anglois 6c quarante Mores, :Cela leur Kiij H i flaire generale fit prendre le party de l'affamer 5 8c pour cet effet , ils Vin* veftirent , 8c fc portèrent en divers endroits, qui en ©- toient toutes les avenues j 8c ainfi en huit jours de temps 9 ils les mirent en eftat de compofer, 8c de fe rendre : 8c la compoficion faite de bonne foy ne contenant que deux ar- ticles, fut fidèlement executée. Le Gouverneur, fon Lieu- tenant & quelques autres , furent prifonniers de guerre, 8c les autres qui voulurent abandonner cette terre , furent portez dans une piraugue de faùvages a l’Isle de T. abac , la- quelle nous verrons bien- tort: fe rendre auiïi honteufemens que ceux-cy. Nos avanturiers butinèrent dans ce fort 8c dans cette terre , 8o. pièces de negres, 8c huit équipages de chaudiè- res à fucre, 8c plufieurs équipages de moulins, 8c d’au- tres nipes & meubles qu’ils apportèrent a la Martinique, avec le pavillon Anglois, qu’ils mirent , avec la permiffion du Gouverneur, dans PEglife des Reverends peres Jacobins : 8c ce qui eft remarquable, un navire Anglois capable de ba- tre ces deux barques , eftant arrive dans cette riviere pen- dant ce hege, n’ofa jamais les attaquer -t q-uoy-qu’elles fuf- fent fi petites, que Pon n’y pût embarquer que deux piè- ces de canon , 8c l’on fut contraint de jetter les autres dans la riviere. Cependant Meilleurs de, faint Laurent 8c de Cham- bré apres s’eftre débarafîèz de leurs ennemis oomeftiques, croyant le porte de Plsle de faint Euftache neceffaire pour la feureté de celle de faint Chriftophle, J’enyoyerent re- connoiftre le huitième de Iuin, par quarante loldats choi- fis, qu’ils mirent dans une barque. La forme de cette Is-, le prefque efearpée tout à l’entour, rendoit cette entrepri- fe difficile : mais y eftant arrivez à minuit, douze foldats defeendirent à terre , montèrent par un lieu apparam- ment inacceffible 8c fi difficile, qu’ils furent contraints de s’aider les uns les autres à monter avec le bout de leurs fu- ftls, jufqua ce qu’ils fuffent parvenus avec des peines in- croyables, au haut de la montagne fans eftre découverts. Ils y firçnt neuf prifonniers qu’ils amenèrent à faint Chri- T) es Ant- J fies de î Amérique. 7 9 Hophle, & ils afleurerent ces Meilleurs, que fi ils avoienc eftéfoûtenus par cent hommes, ils s'en feroient infaillible- ment rendus les maiftres. Mais ces Meilleurs s’eftant con- tenté de cette découverte,remirent la partie à une autre fois, pour de certaines raifons , que je ne fçay pas. Elle fut glorieufemenc forcée peu de temps apres , comme je diray bien- toit. § v. Les /aunages font la guerre aux Anglais Ame maniéré cruelle , lâche brutale. PEndant toutle mois de Iuin , les fauvages des deux Isle» de faint Vincent & de la Dominique firent une tres- cruelle guerre aux Anglois des Ant- Isles, les furprenans dans divers quartiers , bruflans, pillans de tuans , fans don., ner aucun quartier aux hommes , & en mangeant plufieurs , enlevant leurs plus belles femmes & tuant les autres , & fai- fant des cruautez &. des dégâts fi eftranges, cjue les Anglois en eftoient au defefpoir. Il faut icy remarquer, que Monfieur de Clodorc avoic efié averty par lettre exprelîe de Monfieur du Lion , de la difpofition en laquelle les Kareibes fe trouvoient d’aller à îa guerre contre les Anglois, pourveu qu’on leur donnait des François pour les accompagner & combarreavec eux. Sur cet cet avis Monfieur de Clodoré députa promptement vers les fauvages de la Dominique & de laint Vincent , deux fauvages nouvellement convertis , nommez Pierre Moulin, & Milet qui parloient tous deux bon François, pour les conduire. Ils n’eurent gueres de peine à les y re- foudre , parce que le Baba de faint Vincent ayant cité pris gD Ht (luire generale par les Angiois, Tes deux fils qui vouloient ravoir îeuf pè- re, foûleverent incontinent quatre ou cinq cens fauvages, . les mirent fur onze piraugues, 6c s’en vinrent avec eux a la Martinique, où le Gouverneur les receut , les careffa, 6c les traita le mieux qu’il luy fut poffible , pendant le temps qu’ils y furent & pour leur tenir la parole qu’il leur avoir envoyé porterai jetra les yeux entre tous les bra- ves de fon Isle fur les fieurs de faine Amour 6c de la Borde, lefquels fuivant fon ordre choifirent quarante- cinq ou cinquante braves foldats^qui feavoient la langue & la maniéré de vivre des fauvages. Moniteur de Clodoré avant que les biffer partir , tint fon Confeil dans la Sale de l’audianee, où les fauvages furent admis, 6c leurs avis receus comme ceux des François : ôc il y fut refolu qu’ils iroient à Antigue , 6c tâcheroierrt d’y enlever quelque quartier , 6c iroient enfuite porter quel» que lettre à faint Chriftophle. Monfieur du Lion qui avoir promis à Monfieur de Clo- doré de les favorifer, 6c de leur donner toute forte de pro- tection , les receut comme des gens que l’on devoir ménager èc conferver pouf amis * de peur que fe mettant du party contraire, ils ne fident fur nous ce qu’ils faifoient fur nos en- nemis, Mais pendant qu’on les regaloit avec d’affez grandes dépenfes, qui tomboient fur le dos de la Compagnie , une barque Angioife arriva, portant un Trompette du Lieute- nant General Henry Vvillougby , qui venoit demander à traiter des Prifonniers de guerre. Auquel Monfieur du Lion -répondit , qu’il ne pouvoit traiter par rançon j mais bien par échange , Capitaine pour Capitaine , Officier pour Of- ficier , & a in fi du refte. Les Careybes qui ne font b guerre que comme des Loups , des Tigres ou des Léopards , fans aucune humanité, 6c qui ignorent les loiiables coutumes des pourparlers & des conférences des Europeans avec leurs ennemis , par des trompettes $c des dépurez , s’imaginè- rent qu’ils choient trahis par les François * parce qu’ils n’a- voient point tué ce trompette, 6c tous les autres Angiois qui eftoient dans 1a barque avec eux. Ces brutaux furent 51 incontinent T) es Ant-lsles de /’ Amérique. 81 incontinent trouver le Reverend Pere Beaumon pour luy faire entendre leur grief -,&quoy que cePerepût dire pour les delabufer, il ne les latisfit qu’à demy : de-forte que le Trompette eftant preft à fe rembarquer , ils coururent comme des chiens enragez au bord de la mer, criants, heurlans 8c luy difans mille injures, luy jettant des roches, & voulant malgré Monfieur du Lion , mettre leurs pirau- gues en mer, pour le luivre, le tuer 8c manger tous ceux qui eftoient dans la barque avec luy. Cependant Monfieur du Lion qui fçavoit que les An- glois s’eftoient fervis des fauvages pour prendre l’Isle de jfainte Lucye, qui les avoit envoyé depuis peu combatre les Anglois à Antigoa, 8c qui s’en eft fervi depuis au combat des Sanitesj conceut en ce rencontre tant d’horreur delà maniéré d’agir de ces brutaux, 8c peut eftre pouffé par quel- que autre motif qui ne m’eft pas connu, qu’il arrefta les cinquante François que Monfieur de Clodoré leur avoit baillé , 8c les envoya à S. Chriftophle, où il les croyoit plus utiles , 8c écrivit à Monfieur de Clodoré que de fa fart y il ne donneroit iamais de fes gens pour faire la guerre conjoin- tement avec ces animaux y qui la font avec des cruaute\quc les Eu~ r ope ans , ffi particulièrement les Chre (liens doivent abhorrer : outre que files Anglois en avoient connoifiancey ils auroient droit de re- prefaille & d’executer les mefmes cruauté^ fur les François , Cependant les fauvages voyant que M. du Lion ne leur avoitpoint voulu donner de barques pour les accom- pagner, s’en offenferent , & s’en allèrent par dépit 8C fans dire adieu, à l’isle d’Antigue ,pour y faire leur degaft ordinaire j nonobftant la priere que Monfieur du Lion leur avoit faite d’aller dans uneantre Isle. IL' furent découverts en chemin par deux barques Angloifes qui efcarmoucherent long temps contre eux, & fe retirèrent pour donner avis aux habitans de la venue des Careibes5 8c peut eftre qu’ils avoient dé jà efté avertis par le trompette. Tous ces fauvages partirent tout mutinez & murmu- rans, de ce qu’on leur avoit ofte les François . 8c s’eftanc feparez en chemin , ceux de S. Vincent ne laifferent pas de Hifloire generale defcendre dans l’isle d’Ântigue-, fans vouloir attendre ceux de la Dominique, dans l’efperance d’avoir les meilleurs pillages. Mais ils eurent les meilleurs coups : car les Angloisqui les jattendoient de pied ferme , les froterent d importance , leur tuerent deux fauvages , en blefferent plufiturs, êc les pouffèrent en force que ceux delà Dominique arrivans Jes^ trouvèrent fuyants vers leurs piraugues j 6c comme ce n e(t guère leur couftume de fe ralier , & de faire face a des en- nemis qui leur refiftent $ ceux de la Dominique tournèrent auffi le dos , 6c les uns êc les autres furent fi confus d’avoir efté batus, qu’ils ne revinrent pas voir Monfieur du Lion en gros 6c comme triomphants comme ils avoient accou- tumé j mais feulement piraugue à piraugue, 6c ils s en re- vinrent à la Martinique a demi defefperez , crians qu on les avoit trahis j de forte que le Gouverneur de cette Isle eut toutes les peines imaginables pour les remettre, 6c il ne les appaifa qu’à force de prefens 6c de boiffon. Cela pen- fa caufer une guerre qui auroit effe de la derniere conie- quence, eu égard à la conjon<£fure du temps ^ êc les deux Gouverneurs de la Martinique fe brouillèrent fur cette af- faire , 6c furent affez long-temps mal enfembie, § yi. Grande /édition dans la Martinique reprime e par la force] par la mort de plufiturs habit ans. PEndant toutes les profperitez de nos guerres étrangè- res, les miferes de nos pauvres habitans, les rendant prefque auffi malheureux que leurs ennemis batus êc vaincus déroutes parts ; 6c le Gouverneur de la Martinique 6c les Officiers qui fe rendoient redoutables aux ennemis avec les forces 6c le courage de fes habitans , fe vont voir par Des Ant-lfles de î Amérique . 85 un infigne malheur, obligez de s’oppofer à leurs fouleve- mens, 6c répandre le fang de ces pauvres malheureux que la neceflité& la miferejectent dans le précipice. La Compagnie qui avoir encrepris défaire tout le com- merce de toutes les Isles tout à la fois, mettant pas capa- ble d’en faire la moitié, IailTant manquer d’une infinité de chofes necefiTaires ,faifoit gémir les habitans de toutes les Isles j 6c ceux de la Martinique qui ont toujours porté leurs maux avec plus d’impatience que les autres, nono- bftant les exemples des chaftimens faits depuis peu dans cette Isle, recommencèrent tout de nouveau une fedition qui fait répandre bien du fang , 6c perdre la vie à plufieurs pauvres habitans de cette Isle qui s’y eftoienc imprudem- ment engagez. Un Mardy treiziéme de Iuillet , Monfieur de Clodoré receut une lettre du fieur de Verpré Capitaine , par laquelle il luy mande, qu’ayant fait publier fes ordonnances pour quelques redoutes , leshabitans avoient cric tous d’une voix, qu’ils ne vouloient point faire d'augmentations, mais feu- lement entretenir celles qui y font ; feplaignans qu’ils n’a- voient pas de quoy manger, 6c difant qu’on les vouloir fai- re mourir de faim j ôc déclarant qu’à l'avenir ils ne vou- loient plus faire de gardes le jour mais feulement la nuit. Ce Capitaine prie enfuirc ce Gouverneur de les faire aflîfter de quelque nouriture, 6c l’afleurc que la faim 6c lamifere les obligent à faire ce qu’ils font. Un quart d’heure apres la réception de cette lettre un autre negre arriva portant un billet du fieur Perner Lieute- nant qui contient ces mots 5 le vous àonne avis que tous les ha - bilans de la Cabflene ont pris les armes , & 'vont par le MacoubA frendre les autres , pour delà aller au prefeheur où e fi leur rendez* vous, ils nous ont tous pris prifonniers , fans excepter un feul Offi- cier : donne y ordre s' il vous plaifl. Voftre tres-humble ferviteur , Pniuiit, Au Marigot le 13. de Iuillet à midy. L ij g 4 Hiftoire generale Quoy-quele negre qui portoit ce billet euft huit grandes iieuës à faire , il ne laiffa pas de la rendre quatre heures apres au Gouverneur , qui voyant qu’il y alloit du tout en cette affaire , donna ordre aux Officiers de tous les quartiers, de reprendre les armes, aflembler toutes les Compagnies, & de fe tenir en eftat jufqa’à nouvel ordre : 8c comme fur les prenantes inftancesde Meilleurs de faint Laurent 8c de Chambré, il avoir envoyé quatre jours auparavant fa Compagnie à faint Chriftophle , menacé d’eftre attaqué par les Anglois jil commanda au fieur de la Calle, Com- mis General , qu’ilavoit fait Capitaine d’une Compagnie de foixante hommes de commis, fous commis 8c , d’autres gens appartenans à la Compagnie, de la faire entrer dans le fort, qui n’eftoit encore élevé que jufqu’au cordon. Il pria à mefme temps le Reverend Pere Forcade Pré- fet des Miffionaires des Religieux de faint Dominique , qu* eftoit un homme acredité, eftimé 8c aimé deshabitans de la Cabfterre , de partir fans delay , de marcher toute la nuit iufqu’à ce qu’il fuft arrivé au Heu où eftoient les îou- levez &. de faire fon poffible pour les remettre dans le devoir de leur promettre toute affiftance de la part du Gouverneur j mais qu’il ne s’engageait à nul pardon pour les Chefs : qu’il ne les en defefperaft pas * mais que fi les ex- hortations ne fervoient de rien, qu’il vfaft de menaces, 6C qu'il leur dift que Dieu n'abandonneroit pas le Gouver- neur, ni les gens de bien qui viendraient reprimer leur ré- bellion. „ . , j « • Ce bon Pere marcha toute la nuit a travers des Bois & des montagnes avec une peine incroyable , 8c il les trou- va dé-ja avancés jufquà la baffe pointe , où ils avoient mis des fentinèlîes. Il parla aux deux Chefs , nommez la Ri- vière, & Daniel Jouffelin, qui eftoit un torqueur de pe- Sun , mutin 8c infolent jufqu’a 1 excès, 8c celuy qui 3.vÇie commencé 8i fomenté cette révolté. Il les prefeha & les exhorta en prefence de tout le peuple qui les avoit fui vis » &: n’obmit rien de tout ce qu'il leur pouvoit remontrer pour les remettre dans le devoir s fans les pouvoir fléchir ^ Des Ant-Jslesde t Amérique. S5 Bc les deux Chefs prenans la parole pour tous les autres, luy dirent qu’ils vouloient tous périr , ou qu’il faloit que la Compagnie fuft chaffee : qu’ils eftoient aïïeurez de tous leshabitans delà Bafterre, ôc qu’ils envoyroient parler au Gouverneur ; Le Reverend Pere Forcade leur répliqua avec beaucoup de fermeté , ôc leur dit qu’ils s’alloicnt fai- re pendre, ôc que dans huit jours il les verroit tous fugi- tifs dans les bois, implorant une mifericorde qui leur feroic déniée. Ils luy repartirent fort infolamment, ôc luy dirent qu’ils vouloient tous périr, ou qu’il faloit que la Compa- gnie fuft chaflce : qu’ils eftoient afteurez de tous les habi- tans de la Bafterre , ôc qu’ils envoyroient parler au Gou- verneur. Ce Pere parla aufli aux Officiers détenus prifon- niers, particulièrement aux fieurs Perrier ôc Bouïilon, car ils avoient renvoyé les autres à caufe de leur âge ou de leurs incommoditez : mais ces deux cy les fuivirent jufqu’à combat, ôc témoignèrent à ce Pere qu’ils avoient bien du regret d’eftre détenus , ôc den’eftrepas eneftat defervir le Roy & la Compagnie. Le Pere Forcade fe rendit le lendemain à midy au fore de la Bafterre, où il rendit compte au Gouverneur de tout? ôc l’afleura qu’ils eftoient mutinez jufqu’à vouloir tous périr ouchafîer la Compagnie. Le Gouverneur tint incontinent Confeil avec les Offiî-’ ciers qui eftoient auprès de luy j mais voyant que leurs opi- nions alloient à donner contentement aux révoltez , ôc à temporifer j il les empecha de continuer, ôc leur remon- tra que c’eftoit tout perdre, ôc mettre l’Isle en compro- mis dans le temps d’une guerre étrangère , ôc que fi l’on donnoit du temps davantage à ces mutins, qui alloient de café en café menacer du feu ôc du poignard ceux qui neprendroient pas les armes, qfûe tous leshabirans fe trou- veroientdegré ou de force avec eux-, ôc que le peu d'ami- tié qu’ils avoient pour la Compagnie leur feroir parler un mefme langage : ôc il conclut qu’il re faloit point mar- chander d’aller à eux pour les dompter, ôc qu’il fe faifoit fort de les batte, pourveu qu’il euft cinquante hommes bien g g Bifloire generale refolus avec luy , quoy-qu’ils fuffent prés de trois cens. Il ajoûtaquefi l’on neprenoit ce party, toutes les perfonnes accommodées alloient eftre pillées , ôc très- malmenées } 8c que pour luy il eftoit refolu de marcher droit à eux , 6c que ceux qui l’aimoient ôc leur devoir , le fuivroient. Sur l’affeurance que le Reverend Pere Forcade avoir donnée au Gouverneur que les révoltez pafferoient par def- fus la montagne pelée pour fe joindre à ceux du quartier du Prefcheur 5 il marcha de ce cofté-là, ôc envoya ordre aux deux Compagnies de ce quartier, de le venir trouver au fond de Canouvile. Mais les efpions qu’il avoitenvoyés fur la montagne, n’ayant point découvert les rebelles, il s’en retourna au Fort à Soleil couché. Là il prit le party de divifer fes troupes en deux , & en mit deux cens cin- quante commandez par leurs Officiers , fous la conduite de Monfieur de Valmenier Capitaine de Cavalerie , fore cftimé des habitans , 6c en retint autant pour luy , entre lefquels eftoit la Compagnie de Cavalerie compofée des plus honneftes gens de l’Islc. * Il donna ordre à Monfieur de Valmenier de palier par deffus la montagne pellée , 6c d’auffi loin qu’il verrou les révoltez, de faire tirer deffus, fans permettre aux habitans ( defquels il n’eftoit pas affeuré ) d’avoir aucun entretien avec eux, de- peur qu’ils ne devinffent de roefme fenti- ment. Cela fait, Monfieur de Valmenier prit la route de cette montagne, 6c le Gouverneur s’en alla par un autre chemin à la Cabfterre, afin d’enveloper les revokez , & les prendre tour d’un coup de filet dans la penfee que fi ils fie voyoient chargez , ils ne manqueroient jamais de retour- ner vers leur pofte, 6c qu’ainfi ils tomberoient entre fes mains. A Ces deux Meilleurs s’eftant mis en chemin le quinzième désla pointe du jour, Monfieur de Valmenier arriva fur les dix heures au haut de la montagne pellée , 6c trouva que les révoltez en svoient dé-ja gagné le lommet j ce qui leur dorinoit un fi grand avantage , que l’on ne pouvoit aller a eux , que pâf un défilé d’un à un , 6c grimpant fur un ro5 T) es Ant Jfles de ï Amérique . $7 cherefcarpé. Monfieur de Valmeniere les ayant aperceufur un porte fi avantageux, au-lieu de les charger d’abord, prie le parti de leur faire perdre cet avantage , 6c pendant que les révoltez criaient de toute leur force , Avance, avance , il tournoya autour delà hauteur avec tout Ion monde en ba- taille , jufqu’à ce qu’il fe vit dans un lieu plus commode, cnlorte que les mutins avoient lèvent au nez. Cependant deux Officiers nommez Periere 6c Bouil- lon , que les révoltez tenoient prifonniers , ayant adroite- ment gagné une vingtaine des meilleurs garçons ,joiUrent adroitement leurs perfonnages , §c perfuaderent aux ré- voltez que ces troupes eftoient leurs bons amis du quartier - du Prêcheur qui les venaient joindre. Ceux-cy ayant crû ces Officiers, les taillèrent aller parler à eux: ils ne man- quèrent pas de dire à Monfieur de Valmeniere, l’eftat de ces révoltez , qu’une grande partie eftoit ébranlée, 6c qu’ils quiteroientles armes, lors qu’il en faudroir venir aux mains. M onfieur de Valmeniere les renvoya vers ces murins, qi i à la veuë d’un combat prochain, prenoient dé-ja l’épouven- tc. Ils leur dirent que Monfieur de Clodoré n’y eftoit pas, que c’eftoit Monfieur de Valmeniere, 5c qu’ils pouvoient s’approcher de lu y , 6c luy parler en afteurance. Nos révol- tez les ayant crû, quittèrent allez fotement leur porte, 6C lors qu’ils furent defeendus , ces deux Officiers faifant fem- blantde les mettre en bataille par Compagnies , feparerent ceux qu’ils avoient gagné, 6c demandèrent aux révoltez, s’ils ne les reconnoiflbient pas pour leurs Officiers , 6c criè- rent en mefme temps, vive le Roy , 6c Monfieur de Clodo- ré. Cecry eftonna ces pauvres malheureux plus qu’un coup de foudre, de-forte que la plus grande partie crièrent de mefme. Le fieur Periere fe jetta fur Daniel Joufieiin, au- teur de tout ce defordre , luy donna un coup d’eftramaçon fur l’oreille, 6c le coleta. Les gens de Monfieur de Valmeniere marchèrent 6c fe meflerent parmy les révoltez criant , Bas les armes } 6c fur la refiftance de quelques- uns , l’on tira , 6c il y eutquinze pu feize des révoltez qui tombèrent roides morts, 6c un grand nombre de bleftez. L'épouvante fc mit parmy \ §$ H ivoire generale eux , 6c chacun s’enfuit qui deçà qui delà ; 6c l'on eft tuâ te bleffa encore plufieursen les pourfuivanc. Daniel Joufle- lin s’échapa tout bleflc , 6c fon compagnon en fit de mef- meà la faveur des brouillards qui font ordinaires fur cette montagne 6c fi épais, que 1 on n y voit quelquefois pas un homme à quatre pas de diftance. Monfieur de Valmeniere ne perdit dans ce combat que deux habitans qui furent tuez , 6c deux autres bleflez. Ces pauvres fuyards fe jettans dans les bois , 6c dans les précipices, fans fçavoir où ils alloient, douze ou quinze fe trouverentau milieu des troupes de Monfieur de Clodoré* 6c le bruit que l’on fit en les prenant, en fit fauver plufieurs qui prenoient la mefme route. La prife de ces prifonniers fut caufe d’un grand malheur * car une des armes du fieur Re- naudot qui en prenoit un , lâcha , 6c tua roide mort un brave Gentilhomme nommé Hurault , frere de Monfieur de Gour- felay , qui fut fort regretédans cette Isle. 1 Monfieur de Valmeniere eftant venu avec fes troupes joindre le Gouverneur, luy remit tous les prifonniers entre les mains, lefquels il envoya chez eux, apres leur avoir dit qu’ils meritoient tous la mort ,6c que c’eftoit au Roy ou à la Compagnie à leur faire grâce , ou leur donner la puni- tion qu’ils avoient méritée, fl en retint neantmoins fix des plus coupables pour les punir. Le Gouverneur eftant de retour , fit publier qu’il don- nerait deux negres à ceux qui prendraient un des princi- paux auteurs de la (édition * 6c ces pauvres malheureux apres avoir efté quelque temps dans les bois , fe vinrent mettre en- tre les mains de quelques habitans , qui pour avoir les negres 9 les livrèrent au Gouverneur. M. de Clodoré avoir refervé les deux principaux Au- teurs de cette fedition , pour en referer le jugement à Mon- fieur de la Barre : Mais Daniel Jouflelin s’eftant trouvé fi mal dans la prifon que l’on crût qu’il alloit mourir y Monfieur de Clodoré luy fit faire le mefme jour fort procès, 6c le fit pendre. Monfieur de la Barre eftant arrivé, con- T) es Ant-Ifles de /’ Amérique. damna la Riviere à eftre roüévifj & quelques autres à fer- Vir trois ans la Compagnie , d’autres à une grolîe amande, qui fervir à payer tous les frais & les avarys que cette fedil tion a voit caufc, Un autre auhi coupable que les deux pre- miers courant long-temps comme un pauvre malheureux dans les bois , y fut mordu par un ferpent , & y mourut mi- ferablement fans aucune afliflance. Voila bien des malheurs caufez par la tromperie des Commis , 8c par la chereté des marchandifes envoyées par la Compagnie j 8e il faut avoüer ingénument qu’elle a efté heureufe en cette occafion , d avoir eu un Gouverneur aflez aimé 8c accrédité parmi les habitans, pour les obliger à combatre8e à détruire leurs Confrères, qu’ils ne croyent dans le malheur de la révolté, que pouffez par des motifs qu’ils ne pouvoient eux-mefmes condamner. Le deitcin de ces mai-contens eftoit , apres avoir joint ceux du quartier du Prefcheur , de venir au fort faint Pierre, où ils dévoient commander au Gouverneur, de leur appor- ter fa commihion , de chaffer la Compagnie , 8c de l’é- tablir Gouverneur fous Monfieurdes Nabuc , pourveu qu’il permift le commerce aux Hollandois. Ils efloient nean- moins my partis fur le fait du Gouverneur } quelques-uns voulans quece fut Moniteur de Valmeniere ; d’autres M. de Clodorc : mais Dieu en difpofa autrement qu’ils ne l'avoiess projettez. M Hiftoire generale go § vu. Metteurs de faint Laurent , du Lion & de Chambre, fur un avis du Gouverneur de la Martinique , donnent ordre à la feureîè des navires de la Compagnie , & luy envoyent du Jecours , L E feptiéme de Juillet , le Capitaine nomme 1 An. ■ .guillet qui avoir traité à la Barbade (fur un vieux pal e. ^duRoyd- Angleterre, 8c avec permiffion de quelques niredeurs de la Compagnie ) arriva à la Martinique, £4 donna avis à Monfieur de Clodoré , que le cinquième , il eftoit arrivé à la Barbade deux grandes frégates du Roy d Angleterre efcortant une flote, fur laquelle .1 y avec troupes du mefme Roy. Cela l'obligea à équiper la bar nr.mmée l’Angelique, pour en donner avis a Meffieu ^efamtLaurenf afde Ch’atLé, leur confei.lant denvoyer aupluftoft tous les vaiffeaux de la Compagnie au carénage de Pla Martinique , où ilsferoient hors de péril de tomber entre les mains de ce Milord, & à l'abry des ouragans qui arrivent ordinairement en cette faifon. 11 les a vertit en met me temps de l'eftat auquel il fe trouvoit par ce dernier foule, vement 8c les prioit de luy renvoyer fa Compagnie de foi- Xante hommes , qui eftoit depuis un mois ou environ a laine r'hrîftoDhle avec fix- vingt habitans de Ton Isle. Cette barque qui devoir paHerau vent de la Guadelou- ce fans y aborder, fut obligée par le mauvais temps , d y relâcher , où le Capitaine donna avts de tout a Monfieur du Lion - qui ne voulant pas croire la venufc des vaifleaux du Rov d'Angleterre 8c de fes troupes, ne voulut pas en. voy« les vaiffeaux de la Compagnie an carennage de la Mar- Des Ant- îfles de î Amérique. 9 1 •tinique ^ & croyant qu’ils feroicnt fuffifamment en afïeu- rance dans trois petites Isles à deux licuës de la Guadelou- pe, nommées les Saintes, iefquelles forment un port que î’ona toujours eftimé allez feur contre les tempeftes , il y envç^a les Capitaines Barons & de Reauville, comman- dans deux vailfeaux de quatorze & de 18. pièces de ca- non , avec ordre en cas qu’ils fuflent attaquez & ne fulTent pas les plus forts , de brufler leurs navires , pluftoft que de fe rendre aux Angloisrôc afin qu’il ne manqua rien de fa part , il leur donna vingt cinq foldats de fa Compagnie, qui joints aux habitans de cette Isle, & à l'équipage des vaif- feaux, outre l’avantage du Fort & de deux bonnes bate- ries de feizepiecesde Canon , luy faifoic croire qu’ils ne pou- voient eftre forcez que par une flote confiderable , la- quelle fe trouva plus proche de luy qu’il ne la croyoit. Monfieur de Chambré ayant appris cette nouvelle, en fit incontinent partir de faint Chriftophle deux , qui elloient chargez pour aller en F rance s & un autre qui ne l’eftoit pas encore eftantrefté, fut en grande rifque de fe perdre dans Je ouragan qui arriva comme nous allons dire , & qui le mit en mauvais eftat. Monfieur du Lion craignant que la barque de Monfieur de Clodoré, qui alloit quérir fes gens de guerre de la folde de la Compagnie lefquelsil avoit envoyé au fecours de S. Chri. ftophle, ne fût prife par les Anglois , ou ne tardait trop long- temps , luy depefeha la barque du Capitaine Boivin , avec ordre de luy porter les vingt- cinq foldats qu’il avoit aux Sanites, fous la conduite du fieur du Vigneaux , & de met- tre en leur place trente foldats de la jeunelTe de la Guade- loupe. Meilleurs de faint Laurent & de Chambré ayant aufii a- prisla ledition de la Martinique, firent incontinent partir le Capitaine Bourdet, qui cornmandoit le navire nommé le lainr Sebalhen, équipé en guerre & excellent voil!ier,pour reporter à la Martinique la Compagnie de Monfieur de Clodoré , commandée alors par le fieur de la Roque qui en eftoit enfeigne, & le Capitaine de Genito. Mij ^ j, Uiftoire generale Ce navire arriva la nuit du vingt-cinquième à la Marti- nique, où il trouva quatorze navires 6c trois barques lou- voyans comme pour aborder la terre j 6c l’obfcurité de la nuit l’empêchant de les reconnoiftre , 6c croyant que ce fût la flote de Monfieur de la Barre, il le fourra parmi eu^ 6c ayant demandé au premier navire en Anglois, d’où-itt le navire les Anglois luy donnèrent le mot, 6c répondirent Zoudon Withaït. Bourdet fort furpris , mit promptement la cap à l’autre bord , fe fauva à la faveur de la nuit 6c à l’aide de fes voiles j 6c en porta la nouvelle à Monfieur du Lion, qui plaignant Monfieur de Clodoré5 s’écria, ha ceft trop qu'une [édition & une fiote ennemie jur les bras : 6c voulant mettre ce navire en afleurance, 6c le tirer hors de la route de la flote Angloife, il commanda au Capitaine Bourdet de le conduire promptement à la Cabflerre , fous le fort de fainte Marie • mais le vent contraire , 6c les courans de ma- rées le jetterent proche de la Dominique, entre trois gran- des frégates Angioifes , qui luy donnèrent la chafle, 6c le pouflerent jufques devant cette Isle. Il arriva à la Marti- nique le quatrième d’Aouftjour de laint Dominique , 6c y fit un trille naufrage, comme je diray bien-toft : mais le Ca. pitainede Genito commandanc un petit navire de la Com- pagnie ne put échaper , 6c fut pris par quelques navires de sewe flote devant la Dominique» b es Ant- Jsles de T Amérique. 3La malheureufe entreprifc du Milord Willougby, SA Majefté Britannique fort mortifiée , de ce qu’apreé toutesles belles promettes du Milord V^illougby, 6c les afleurances qu’il luy avoit données de la défaite prochaine des François dans l’Isle de faint Chriftophle , 6c que tout au-contraire ils s’en eftoient rendus les maiflres, 6c en a. voient chaflé honteufement fes fujets $ dés la première nou- velle qu’il en eut , donna ordre d’équiper deux de fes fréga- tes armées de vingt-fix 6c de quarante pièces de canon, 6z montées par fix Compagnies de fes meilleures troupes, les fit partir avec une flote de quinze ou feize navires marchâds, qui alloient à la Barbade, pour fe vanger des torts qu’il pretendoit que les François avoient faits à fes fujets. Pendant que cette flote fe preparoit à l’ordre, il fit donner avis au Milord du fecours qu’il luy alloir envoyer , 6c luy commanda de ne rien épargner pour le recouvre- ment de cette Isle, d’y aller en perfonne, de prendre dans fou Gouvernement tous les vaifîeaiix dont il auroit befoin^ pour le recouvrement de l’isle de faint Chri- Mllord Müj Eifaire generale 5c de faire marcher jufqu’au dernier homme capable de Te fervir en cette prife 5 de-forte que cette flore arrivant à la Barbade, le M ilord eftoit dé-ja en eftat de partir avec prés de deux mille hommes choifis , la plufpart Officiers gen- tilshommes, & la fleur de cette belle îsle. Le Milord s’embarqua avec tous fes braves fur les quator- ze navires , fur les trois barques, S c fur une cache qui com- posent cette fl ote * partit le vingt-huit de Juillet de la Barbade, &-fe rendit à la Martinique le trentième. Il y parut à deux lieues du fortfaint Pierre, du coftédu midy , tous les navires de fa flore portans le pavillon blanc à leurs mats. Son deflein eftoit de furprendre & de faire ( en paf- fant ) raffle de tous les vaifleaux qu’il trouveroit aux rades de la Martinique &: de la Guadeloupe, pour s’en fervir à trans- porter les foldats qu’il devoir prendre dans les Islesd’Anti- goa, de Mont-Sarra 6c de Nieve , pour détruire la Nation Françoife dans l’Isle de faine Chriftophle , 5c enfuite dans toutes les autres. Par ce moyen il auroit auffi réduit tous ces Gouverneurs dans l’impuiflance de iuy donner en queue, & de fecourir l’Isle de laint Chriftophle , lors qu’il l’auroit attaquée : 5c il faut avouer ingénument, que eu égard à l’eftat miferable où fe trouvoic alors cette Isle, au mécon- tentement des Officies & des peuples, qu’ils s’en ferment infailliblement rendus les maiftres 5 Ôc fi ce que l’on afleure dans les Isles qu’il avoit refolu de faire périr jufqu’aux fem- mes Seaux enfans, eft vray ; il y a toutes les apparences imaginables que Dieu s’eft manifeftement oppofé à fes ini- ques defleins } ôc tout ce que je vais dire en eft autant de preu- ves évidentes. L’attente oùl’on eftoit à la Martinique de Monfieurde îa Barre, fit croire aux habicans auffi-bien qu’au Gouver- neur, que c’eftoit iuy : de-forte que l’on fut fort long-temps fans tirer les deux coups de canon que le Gouverneur avoic donné ordre de tirer dans les quartiers où les Angîois paroî, croient , afin de donner l'alarme par tout 5 fi bien que perfonrtene prit les armes , qu’apresque l’on fut averti que trois chaloupes bien armées , avoienc efté au quartier du Des Ant- J sic s de T Amérique. Fonâcapot, oùi/savoient pris une barque dont l’équipage s*eftoit fauve à terre 5 & qu’en un autre lieu nommé le Pon- teau de mer, les foldats des mefmes chaloupes y avoient mis pied à terre , bruflé une café, ôc pris prifonnier un vieil habitant, qui neputcourirafftzvifte pourfe fauver. Le Gouverneur voyant que le nombre de fix navires qu’il avoit découvert au commencement, croifloit, fit donner l’alarme, prendre les armes, & donna tous les ordres necef- fairesàfes Officiers. Il envoya auffi commander aux Capi- taines des vaiffeaux nommez le Lys couronné , la Juflice 6c le faint Antoine , venus de Hollande avec trois autres navi. decette Nation deux jours avant l’arrivée de la flote An- gloife, de s’approcher de terre entre les deux bateries de faint Robert & de faint Sebaftien , £c leur fit mettre fix piè- ces de canon à terre pour garnir celle de faint Sebaftien, afin qu’ils en puffent cftre defifendus. Tous ces ordres ain- fi donnez * il fut en diligence vers le carbet , ôc rencontra en fon chemin l’équipage de la barque qui avoit efté prife, ôc plufieurs femmes nues en chemife, portant des hardes ôc criant que les Anglois eftoient defccndus, ôc qu’ils met- toientlefeu par tout. Cela le fit hafter ôc pouffer fon che- val à toute bride , jufqu’à la grande Ance, où les chalou- pes ennemies s’eftoient prefei tées : mais le fieur du Gas Lieutenant de ce quartier s’y eftant rencontré avec vingt habitans, fit faire quelque décharge fur eux, qui les firent re- tirer vers leurs navires. Toute la flote cftoit alors en route comme tenant Con- feil j Ôc Monfieur de Clodoré ayant fait partir une barque pour avertir Monfieur du Lion , la flote ne fit ce jour là autre chofe que de luy couper chemin, & la contraignirent par quelques coups de canons 6c de moufquet, d’échoîier au fond de Canouville. Le lendemain au matin , le Milord tint Confeil , ôc avant que de partir , il détacha quelques-uns de fes meilleurs voil- lierspour éprouver fi les navires qui eftoient fous les bare- nes eftoient de prifes * mais apres les avoir canonné, de nos ôé Bîftoire generale navires s’eftant bien deffcndus, ils fe rejoignirent à la note* qui continua fa route vers la Guadeloupe pour aller cher,, cherfon malheur, U la perte de fa flore. m m ii. Ce que fit U flot e Angloife k la Guadeloupe & aux Sam* tes fiujqu a J on naufrage. LA flote du Milord Vvillougby ayant quitté la Marti- nique le premier jour d’Aouft , arriva à la Guadelou- pe le deuxième, êc délivra le Gouverneur & les habitans de cette Isle , de l’apprehenfion quVis avrnent que les révol- tez delà Martinique n’eullent appeliez les Anglois a leur le- cours. Toute la flote abordant cette Isle, voguoit en bel ordre les chaloupes en queue, louvoyant bord fur bord tout le lourde la code, faifant quelquefois mine de vouioir des- cendre dans les endroits où il n’y avoir point de canon continuant cette maneuvre jufqua la nuit, pendant te- quelle Monfteur du Lion n’obmk rien de tout ce qu un vigilant Gouverneur qui croyoit eftre attaqué le lendemain ^°l Le lendemain troifiéme d’Aouft , la flote continua tout le long du jour ce qu’elle avoir fait le joiir precedent -, Si Monfieur du Lion qui avoir mis toute la code en eftat de s’onpofer à la defcente , couroit avec fa Compagnie de Cavalerie de cent maiftres des plus braves de fon Isle , de pofteenpofte, félon les maneuvres Sc les contenances des ennemis , faifant paroiftre auffi. bien que tous fes braves,, une genereufe impatience de fe voir aux mains avec les Aoglüis< Des Ant- Isle s de f Amérique. te Milord donc la principale penfée eftoit la conquerte de l’Isle (aine Chriftophle, fe contenta d^donner un peu d’e- xercice à les Gouverneurs; ôc le lendemain 4. d’Aoufliour defaint Dominique , il fie aflembler Ton Confeil , lequel eftant fini fur les huit heures, trois grandes frégates, une chache 6c une barque commandées par le Vice-Admiral monré fur une defes frégates de 16. pièces de canon, fe fc- parerent de la flore , 6c prirent la route des Saintes avec un vent tres-favorable , en forte qu’avant onze heures, l’on commença à entendre le tonneredu canon des navires qui ertoient aux prifes avec iesnortres. A ce bruit toute la flore luivic, & Moniteur du Lion marcha aulfi avec fa Compa- gnie de Cavalerie, Ôc cent hommes de pied, vers la grande Ance, d’où il apperceuten arrivant le navire du Capitaine Baron tout en feu dans le havre des Saintes; ce Capitaine y ayant luy mefme mis le feu , 6c s’eiianc retiré avec fon équi- page dans un fort de palliflade où commandoit le fleur Des Meuriers : le Capitaine Reauville s’eflanr opiniâtré à com- bacre, fut pris parles Anglois, avec fonvaifleau 6c tout fon équipage. Cependant le feu du navire du Capitaine Baron s’eftant pris aux voiîles 6c aux hauts bants d’une frelate Angloife la mit en tel defordre , qu’il fa lut du temps pSur la raccom! moder , durant lequel les Anglois mirent pied à terre bru lièrent des cafés, 6c attaquèrent le fort de palliflade, où les Capitaines des Meuriers ôc Baron avec leurs aens fou tinrent une première attaque , avec alfez de vigueur’ tuè- rent huit Anglois , 6c en bleflerent plulieurs : mais voyant quel eau leur manquoit, ilsabandonnerenc ce porte & fe retirèrent fur le haut d’une montagne, dans un fort de ro- chers qu il fembloir que la nature leur avoir préparé y ayant tout auprès une petite ravine d’eau fuffifante pour les en fournir; ôc ils y tinrent courageufement , fans que les An- glois les y puflent forcer. v Cependant le Milord qui ertoit avec le refte de fa flore entre la Guadeloupe 6c les -Saintes , qui crt un détroit qui N g Bifloîre generale •n’eft raug„« rempb d’autant de monde qu’ils enpouvoient porter eut lèvent fi favorable qu’elle arriva en deux heures a 1 A P fit feuler où Monfieur du Lion fit débarquer fpn monde & obligea les équipages des canots de gagner a force e mmes C du grand figuier, pour y débarquer les muni- tfons de euerre 8c de bouche plus commodément. Cependant il s’artefta en ce lieu , où il difna avec les fe vases ^»n attendant le refte des troupes, lefquelles s y eftant débarquées avec cinquante Hommes de Mangalande . con- duits oarfe S de Surmont ,Ü marcha vers le heu ou ,1 devo.t mettre fon camp eftant obligé de paffer plus de 1000. pas a découvert fous le canon des ennemis qui ne mïquerentpas a luv fnfo er quelques volées, mais fans autre effet que la bief- fee dù foldat qui fut frapéàla tefte par l'éclat fait aun atb e i/rnnhou’et de canon. La barque de Mangalande aporti fes deux pièces de canon de fonte , qui félon les mémoires du Pere Cafbonter qui y eftoit , furent les feuls qui y parurent f nuoy-quelesautres Relations en ayent mis quatre ^ Monûeut du Lion eftant arrive au lieu ou il devoir Des Ant-Isles de T Amérique. mettre Ton camp, fut d’abord reconnoiftre les retranche- mens des ennemis , qui furent trouvez flanquez d’un double rang de paliifiade de cinq pieds de diftance , garnis de faflî- nes depuis 6c de terre • le rang de dehors eftant à hauteur d’homme,. 6e celuy de dedans plus élevé Se percé de douze embrazures avec autant de canon. La face du retranche- ment de ce premier fort , eftoit d’environ fix toifes , 6c cha- que flanc de quinze; 6e le derrière eftoit une faîaife efcarpée de la hauteur d’une pique. Les Anglois qui avoient fait ar- borer plufieurs beaux pavillons Anglois, faifoient retentir les fanfares des trompettes, 6c de temps en temps de cris comme s’ils euflent efté dans l’impatience deK venir aux mains. Monfieur du Lion ayant bien reconnu l’eftat de ce fort, & la contenance des ennemis, retourna au lieu où il avoit deftiné de mettre fon camp. Il y fit devant toutes chofes élever un Autel, 6e enfuite marquer les pofies que ehaques Compagnies y dévoient occuper, -6c fit élever une baterie où il fit mettre deux petites pièces de canon , qui commen- cèrent à dix heures du foir à tirer dans le fort des Anglois , queleclair delà Lunedécouvroitcomme en plain jour; 6e il n’en falut pas davantage pour les obliger à plier bagage, à fe retirer dans le fécond fort, Liftant leurs pavillons dans ceîuy cy. ^ Lorsque l’on commença de batre ce premier fort, cin- quante Anglois fe glifterent fil à. fil à la faveur du bois jufques proche du pofte de Monfieur du Lion : mais la fentineüe les ayant découvert & tiré deflfus, Monfieur du Lion & fes gens , les repouflerent avec beaucoup de vigueur , & les fieurs de la Boifiiere 6c quelques autres volontaires les pour- fuivirent l’épée à la main jufques dans leur fort. Le quinzié- me , jour de l’Aflompcion de la Vierge, Monfieur du Lion ayant reconnu l’eftat du fécond fort 6c des ennemis, refo- lut de lesattaquer le loir, 6c le Pere Carbonier dit la Méfié dans le camp , & exhorta les foldats à bien faire dans un jour de bonne augure pour ceux quicombatoient contre des heretiques. Oij 1 0$ Hifloire generde Le foîreftantvenu, l’on commença l’attaque du fécond ■fort avec. tant de courage & de fi prés, que les Anglois fe deffendoient à coups de dem) pique : & le combat dura tou- te la nuit, 6c il s’y fit un feu prefque continuel , tant des ca- nons des navires, que des noftres, 6c delà mouiqueterie de parc 6c d’autre } Ôc c’eft une merveille de voir que l’on ayt tant tiré , 6c perdu fi peu d’hommes : car les Anglois n’en perdirent que trente- trois , 6c n’eurent que quatre-vingts blefiez 5 6c* de noftre part , il n’y eut que fix ou fept hom- mes tuez, 6c vingt- fix blefiez. A la pointe du jour. Mon- iteur du Lion fit retirer fes troupes , pour les porter dam un lieu plus à couvert 6c plus avantageux * d'où ayant recom- mencé à batre les ennemis , 6c eux n’ofant plus paroiftre dansleur retranchement, prirent le parti de demander quar- tier , 6c aux premiers coups de canon qui leur furent tirez, ils arborèrent le pavillon blanc auprès du rouge -, 6c comme l’on continuait aies batre, ils ofterent le pavillon Anglois, 6c firent batre la chamade pour parlementer : ce qui leur ayant efté accordé , ils envoyèrent deux Capitaines vers Monfieur du Lion, qui receut leurs foumiflions proche d’u- ne baterie où il avoit fait arborer le pavillon François , 6c àlatefte de toutes les troupes rangées en bataille. L’un des Capitaines qui parloit François , demanda de la part du Vice- Amiral & des autres Officiers, qu’il leur fuir permis de fe retirer en leurs Isles avec leurs armes , leurs mu- nitions 6c leur bagage : mais Monfieur du Lion repartit, que les navires s’eftanc échoüés dans les terres du R.oy , iis ertoient dés lors fes prifonniers^ 6c qu’enfuire ayant efté réduits par les armes à l’extremite, il ne leur pouvoit ac- corder la vie, 6c les recevoir prifonniers de guerre, à caufe qu’ils s’eftoienc bien défendus, qu’il ne leur donnoiç que deux heures de temps pour y penfer. Ce Capitaine retourna à l’heure prefcripre, 6c appor- ta cet écrit figné des principaux Officiers Anglois. Monfieur , nous avons receu de voftre grâce & faveur vos condi- tions , & nous nous remettons abfolument i vofire difpofition , dans ïefgerance que vous ne voudrez^ rien exiger de nous en cette affaire Des Ant- ïfles de V Amérique. ï0^ 'qui ne foit honorable. Donne J ans nos feings aux Saintes , le fei^ième d Aouji , fi tl François , mil fix cent Joixante Jïx. Signe Guillaume Hill, Iean Staples on , Jean Gardyes , J. Dixxviell , Richard Fier wv- fon% Florence OJhdhvaut , Edouard Bar à? II prefentacet écrit à Monfîeur du Lion, & en mefme temps luy remit fon épée entre les mains 5 6c ce Gouverneur laluy rendit fur le cbamp &Iuy demanda pourofhgeie Vi- ce-Amiral de la ilote , avec les Capitaines des Compagnies d’infanterie, les armes des foldaes 6c des mateiors, les En- seignes des Compagnies , & les Pavillons des navires. Cet Officier promit toutes ces chofes, à la refervedes Enfeignes & des Pavillons que lesfoldats 6c les matelots avoient dé- chiré, de douleur de fe voir vaincus. Vne heure apres, il revint avec toutes ces chofes, & le Gouverneur fit chanter la Mcfie en leur prefence dans le camp , 6c ayant fait entrer cent hommes dans le fort, il y entra avec cent autres, 6c y fît chanter le Te Deumy 6c les prières pour le Roy , par Je Reverend Pere Carbonieade mon Ordre. Monfîeur du Lion eut un grand foin d’empêcher le de- fordre dans le pillage ,faifantrenverfer les banques d’eau de vie, qui efloient defonçées dans ce fort, 6c faifant enfer- mer les autres. Il ordonna qu’une partie des troupes feroit le pillage pendant un temps, 6c l’autre enfuite, pour éviter la confufion , & leur abandonna ce qui luy pouvoir appar- tenir. Le dix-huit d’Aouft, Monfîeur du Lion commença de faire embarquer ceiyc dont il s’efloit fervi dans cette a&ion , pour s’en retourner chez eux , envoyant parmy eux une par- tie des Officiers prifônniersj 6c apres avoir donné les or- dres neceffaires pour le refie de l’embarquement, il en partit le dix. neuf, dans une barque avec les Capitaines des fréga- tes 6c des Compagnies Angloifes, pourfe rendre à la^Guade- loupe. Monfîeur du Lion fut receu au bord de la mer par le fleur JnfTelin, avec les troupes en bataille, au bruit de l’artillerie O iij jio . Hiftoire générale avec un grandi concours de peuple 6c des acclamations de îoye qui raccompagnèrent jufqu’au chafteau, apres qu’un Pere Carme l’euft efié haranguer au bord de la mer , le plu- vial fur le dos , 6c luy donnant de I encens. Il y a une infinité d’autres chofes dans la relation delà Guadeloupe, qui me font croire que fi M. du Lion euft efté un homme à fe repaiftre de vent & de fumée ,il en auroiteujufqii a ia gorge. Mais l’on m’afleure qu’il receut tous ces applaudifiemens avec beau- coup de modeftie , 6c mefine en refufoit quelques uns. Monfieur du Lion en reconnoiflance de cette vi&oire,. a fait une fondation aux Peres Iacobins de deux mille livres de fucre de tente, pour les obliger à chanter un Te Deum touslesans, le jou/de l’Affomption. Le contra* en aefté pafie avec le Pere Carboniere le vingt-un de Iuillet mil 4îx cent foixante-huit. ; La Relation de la Guadeloupe donne des louanges par- ticulières au fieur de la Roque, fils du maiftre des Couners de Picardie-, mais je fçay de plufieurs perfonnes dignes de foy qu’un jeune Gentilhomme de Bretagne, nommé Tre- veo-at ne s’y laiflà vaincre de perfonne en bravoure. La Compagnie du fieur de Clodoré qui porta les plus grands efforts, fut auffi la plusmal menée 5 car outre plufieurs lo*- dats tuez , la Fleur Sergent ,6c fon Caporal ,y furent eitro- ^ C Monfieur du Lion fit rafer le fort d’en-haut, 6c îailFa dans celuy d’en bas qui eftoit le meilleur , le fieur de la Forge avec fix- vingts hommes fous fa conduite. Des Ant-Jjïes de t Amérique. in § vr. Le Neveu du Milord Vviilougby fuient avec une Vlom pour délivrer les Anglois des Saintes y laquelle efi battue (gf dijfpée , (§r il nefchappe qu'avec peine . BIen que les Anglois fuiTent les maiftres du fort & de la terre des Saintes j la veuë de leurs vaifleaux échoüez en defordre , 8c en eftat de ne pouvoir reprendre la mer de long-temps, les obligea d’envoyer un bateau à M. Henry Wiilougby , Neveu du Milord 6c fon Lieutenant general, qui depuis quatre mois eftoit dans rifle d'Antigue, pour Ravoir des nouvelles du Milord 6c de fes vaifleaux , 8c pour luy demander du fecours } craignant avec raifon d’eflre atta- quez parles François delà Guadeloupe, avant que d’avoir fait raccommoder fes vaifleaux. Ce Lieutenant general qui fçavoit dé-ja la mort de fon Oncle 8c ledefaftrede fa Flotte, 8c que par confequentil é- toit le maiftre de toutes les Ant-Ifles qui font au vent des au- tres 5 refolut de fecourir fes Compatriotes , 8c fit diligence pour ramafler tous les vaifleaux , caches , Sc barques qu’il trouva auxlsles de Mont-Sara, d’Antigue, ëcdeNievej 8c apres les avoir munis de toutes chofes 8c remplis de folda.ts, il partit d’autant plus librement, que le bateau qui luy avoir apporté la nouvelle , l’avoit afleuré qu’il n’y avoit aucun na- vire à la code de la Guadeloupe quand il avoit paflé , 6c ce- la eftoit véritable,, Mais par un rencontre aflez remarquable, Monfieur du Lion craignant que les Anglois ne racommodaflent leurs na- vires 8c ne luy échapaflent avant que de les pouvoir forcer, envoya prefque au commencement de l’attaque du premier ut Eifloire generale Fort , une barque à Moniteur de Clodoré luy porter uné lettre, par laquelle il le prioit de luy envoyer d*'ux navires de guerre, pour boucher le paflage des Saintes, afin d'em- pécher que les Anglois qu’il y tenoit affiégez, ne reprilTent la mer , èc ne luy filFent perdre la vidoire , dont il le tenoic tout affeuré. Mais ce Gouverneur qui ne fqavoit pas allèurement ce qu’eftoit devenu la Flotte du Milord fit alTembler un Con- feil,, compofé de Meilleurs de Laubiere, de Valmeniere, de Dalou , de quatre Capitaines de Navires , &, de quelques autres , dans lequel il fut refolu de faire partir les quatre na- vires qui effoient dans le cul de fac , de les bien armer , & de les faire devancer par deux barques , donc l’une partiroit in- ceflamment pour avertir Moniteur du Lion du lecours &. re- rourneroit vers les navires , & l’autre les precederoit de deux ou troislieuës, afin de les venir avertir de ce qu’elle decou- vriroitfurla route. La diligence que fit M. de Clodoré dans cet armement fut fi grande, que n'ayant recea la lettre de Moniteur du Lion que le fixiéme à quatre heures, les quatre navires de guerre eftoient le foir enfuivant en Rade , 6 c prefts à faire voille. Ce Gouverneur y fit embarquer près de quatre cens hommes commandez parles fieurs de Laubiere, Lieutenant au Gouvernement de la Martinique , & le fieur d’Aloü Ca- pitaine d’une Compagnie du Régiment de Poidou, il y avoir auffi quelques Capitaines St Officiers de la Martini- que , ©c plusieurs braves volontaires , entre lefquels fe trouva Moniteur Giraul de S. Chriftophle. Ces vaifieaux partirent à minuit du fept au huit * ê£ le neuf au matin comme ils cherchoient le paiTage pour entrer dans les Saintes , un navire apperceut la bar- que qui reportoit Moniteur du Lion , èc luy donna la chafie comme à un ennemi '• mais l’ayant reconnu, il fut fa- lué du canon & de la moufqueterie des navires -, &; Mef- fieurs de Laubiere & d’AIou , accompagnez des Officiers, & de quelques volontaires, le vinrent faluerSc le congratu- ler du bon fuccwz de fon entreprife. Il ordonna , comme j’ay Des Ant-lslûs de T Amérique. u$ dit, aux navires delefuivre, 6i ils arrivèrent avec luy à ia Guadeloupe, & furent témoins de Ton triomphe. Il faut icy remarquer, que prefque en mefme temps que nos navires arrivoient par un bourde l’Ifle de la Guadelou- pe , conduifant les François victorieux 6c les Anglois prifon- niers, M. Henry VTillougby, Lieutenant general du Milord fon Oncle, paroiflbit à l’autre bout de cette Ifle, allant ten- ter la délivrance de fes Compatriotes , defquels il ignoroit la caprure5 6c fans y penfer , venoic chercher fon malheur oit fon Oncle avoit rencontré fa mort. Mais il eft certain que fi le foir auparavant il n’euft cfté arrefté par le calme, il fe feront trouvé le lendemain matin aux Saintes au départ de Monfieur du Lion , 6c fe ferait par fa capture , recompenfé de toutes les pertes des Anglois. Pendant que tout eftoit en joye dans la Guadeloupe, Monfieur du Lion eut avis que l'on découvroit huit voiles à la pointe des vieux habitans , qui venoient de devers Mont- Sarra ; 6c cela l’obligea à donner ordre aux Capitaines de nos navires de fe tenir prefts : jugeantbien que cette ilote pendant la nuit s’approcheroit des Saintes. Le vingtième au marin ,cliefe trouva devant la Rade à trois lieuës en mer- êcaufli-toft les quatre navires levèrent l’ancre, 6c fondirent fur eux, comme le Milan fur les poulets. Le pauvre Lieutenant General des Anglois qui s’en api. perceur , fit incontinent afletmbler fa petite flore , compo- fee de trois navires prefque de mefme force , dont le plus grand n’eftoir que de douze pièces de canon, d’une cache de foixante tonneaux, 6c de quatre moyennes barques • le tout monté par 300. foldats : 6c voyant bien qu’il n’eftoic pas capable de prefter le colet à nos quatre navires , dont le plus fort eftoit de trente huit pièces de canon , 6i le moin- dre de quatorze, il dit adieu à fes gens; 6c s’eftant jette dans une barque qui alloit à voile 6c à rame , il gagna J llsle de faint Vincent, 6c enflure la Barbade, pendant que Nos navires choififfbient les meilleurs baftimens de fa fl0te, Celuy qu’il avoir quiré , fut attaqué par le navire du Capi- taine d Elbéé , ou eftoit Monfieur d’Alou , qui fe jetta çlans P l n4 Hifloire generale la chaloupe avec quelques foldats pour l’aborder , pendant que le Canon du noftre , donnoit dans les maneuvres 6c dans fes deffenfes: mais apres qu’il euft rire huit ou dix vol ees de canon , il guargua Tes voiles, 6c fe rendit au Capitaine Del- bée, qui commandoit le Lys couronné. Dans le me me temps, le Capitaine Seguin qui commandoit le iaint Cnru ftophle , où eftoic Monfieur de Laubiere 6c les habitans de la Martinique , prit la cache Angiome* & le Capital- qeGauvin qui commandoit la troifieme fregate, prit un autre navire qu’il amena à la Martinique : de-lorte qu il nous eft demeuré trois navires de cette flote,6c deux ce?s prifonniers j les autres petits bâtimens qui eftoient bonsvoil- liers, s'échaperent. . — . " Le Capitaine du navire dernier pris, qui eft un Efcoiiois, afleu raque le Milord fe haftoit avec des empreffemens étran- ges , pour aller attaquer faint Chnftophle avec fix mille hommes, dont il en devoit prendre deux mille a Antigue , s ioo. à Nieve, 6c trois ou -quatre cens à Mont- barra, lei- quels il devoit joindre avec z8oo. qu’il avoir fur fa flote - par- ce qu’il apprehendoit l’arrivée de la flote de Monfieur delà Barre : 6cajouftoit, que ia jaloufie qui eftoit entre eM- lord 6c le Vice-Roy de la Jamaïque, avoit fort contri- bué à cette précipitation 6c à fon malheur : car ayant apns que ce Vice- Roy preparoit une ftote de dix-huit navires , en- tre lefquels il y en avoir de trente à quarante pièces de ca- non pour lay ravir la gloire de cette entrepnfe, ,1 précipi- ta fon voyage , fans avoir égard i la faifon des Ouragans s , deDeur de manquer à lapromeffe qu'il avoir faite a fon dépérir ou de reprendre l’isle de Saint Chnftophle fur les ^Monfieur du Lion n’ayant pas de lieu pourenfermer tous les Officiers Anglois, ni de fond pour les ^refubftfter les dillribtia chez tous les fucriers , qui font les meillÇ“r“ bles de fon I sle , pour y eftre nourris a raifon de dut .livres de fucre pour chaque jour i leur donnant 1 eftendue delhabita- tioo pour prilon , avec deffenfe d’en (ornr .mdeparra -autun autre pnionuicr, fans permiffion de fon hofte. lire. Des Ànt J fie s de T Amérique. iij tintneantmoinsle Vice-Àmiral & les Capitaines de l’Infarî- terie,& les fie manger à fa table. I! remercia enfuite les troupes de la Martinique, ren- voya les vaifllaux à la Martinique & à S. Chriftophle , où il les croy oit eftre necefl'aires. Il fe fit dans toutes les Isles , des feux & des réjouïflances publiques, & ie7V Deum fut chanté dans toutes les Eghfes en a&ion de grâce de tant de bons fuccez. Les Capitaines Bourdet ôede Reauville qui avoient perdu leurs navires, entreprirent avec la pernuiïion de Monfieur du Lion , de remettre à flot la fregate nommée les armes d’Angleterre, & la flûte nommée la bergere} &; y travail- lèrent fi heureufement avec leurs gens, qu’ils y réüffirent; & ainfi ces deux braves Capitaines furent remontez. ït 6 Bifioire generale A 4 4 A 4 4 4 4 4 A 4 4 4 4> 4 4 4 4 <& 4 4 4 ,1 GæGBeæeæeæc® GfieæcêGf) c^c^c^gsgiîosg^gsc^g^ T R A ITE' S EC O ND DE TOVT CE QV1 S’EST PASSE' DANS LES de la Barre, jufqu’àla paix conclue à Breda, entre la France , l’Angleterre, & les Eftats des Provinces unies, J) a Gouvernement de Monfieur de la Barre , iufqua la Les foins de la Cour (df de la Compagnie 9 pour fe courir les Jsles„ LA Compagnie bien infimité par les conférences que fes Directeurs avoienteuës avec Monfieur de Laubie- re, & parles inftrudions&: mémoires que les Gouverneurs Sc l’Intendant leur avoient envoyez j refolut de remedier à plufieurs abus qui s’eftoicnt glifTez malgré elle, dans la di- rection de fes affaires , tant en France que dans l’Amerique. Le peu de retour ( comme j’ay dé ja dit j des marchandées qu’elle avoir envoyé aux Isles , 6c les grandes dépenfes qu’el- le avoit faites pour leur fubfiftance3 la mettoient prefque Ant-lsles de. F Amérique, depuis l’arrivée de M. CHAPITRE PREMIER. çonquefîe de l' 1 s le d’ An tigo a. § l Des Ânt-Ijles de î Amérique'. \\j dans l’impuifiance de continuer le commerce quelle y avoit entrepris, & l’apparence prefque certaine d’une guerrecon- tre un puifiantennemy , luy faifoit appréhender avec fujer, que la plus grande partie des frais venans à tomberfur elle, n’abifmaffent toutes fes belles efperances, & ne la fifienc fuccomberâvant mefme que les ennemis euiïent aucun avan- tage fur les habitans. Toutes ces confiderations obligèrent les Directeurs à rappellcr Monfieur delà Barre un de leurs principaux afio. ciez , qui efloit alors en Hollande occupé à quelques affai-1 res de la Compagnie, afin d’avifer avec luy aux moyens de rétablir leurs affaires j & pour prendre des mefures affeu- rées pour la deffenfede ces Isles , en cas que les Anglois ne vouluffent pas ratifier la neutralité conclue dans le dernier concordat fait à S. Chriftophle. Les Directeurs en a voient receu la nouvelle, & avoient appris les foins que les Gou- verneurs & l’Intendant prenoienr pour le faire ratifier par le Milord V villougby j & ils s’en tenoient fi afieurez , qu’ils a- voient refolu de n’envoyer que deux ou trois navires de guerre pour la deffenfe de la colle, 5e des pilleries de quel- ques fribuftiers &: corfaires , qui n’auroient pas Jaiffé d’y j oüer de la grippe , s’ils n’en avoient efté e/npécliez par quel- ques navires de guerre. Monfieur delà Barre fe rendit inceffamment à Paris, fuie vant la priereque les Directeurs luy en avoient faite. Et comme il connoiflbit l’humeur du Milord V villougby , pour avoir eu quelque affaire à démefler avec luy pendant fon fejour à Cayenne, il ne fut point d’avis que l’on fift au- cun poids fur les negotiations que l’on avoir eu avec ce Mi- lord, au lujet de la neutralité entre les deux Nations des Ant-Isles } affeurant qu’elle ne ferviroit qu’à luy donner l’a- vantage de fe préparer à la rompre avec plus de feureté • 5c que fans fe lai fier endormir par fes promeffes, j{ falloir faire un puifiant effort pour fecourir les Isles, 5c les mettre en eftarde fe deffendre contre les Anglois, qui fe voyant fix contre un dans les Ant-Isles , n’attendoient que i’occafion de cette guerre ,pour regner feulsdans les Ant. Isles apres Hiftoire generale enavoir chafle laNation Françoife. Tout cet article eft da manufcrit de fon livre , que j’ay veu avant que Cioufier l’eût imprimé. Les Dire&eurs balançans encore dans l’incertitude de ce qui arriveroit de cette affaire , refoiurent neantmoins de faire équipper une Flotte de huit navires , dont voicy les noms & les forces. Navires, Commandez par Forces. Le Saint George, Monté d’abord. 26. Canons, par M. de la Barre Le S. Chriftophle, Monté d’abord. 2 6. par M, de S. Leon. Ces deux VaifTeaux ne firent point le voyage avec M.deîa Barre , comme vous verrez cy-apres. Le Mercier. Tardonneau. 14. Canons. L’Irondellc. Malet. , 14. Le Lion d’or, L’Efcuier, 14. La Dorothée. Boulanger, 8. Le Cher Amy. ..... 10. LaPucelle. Lefcouble. . . Tous ces VaifTeaux furent fuffifamment chargez de tou- tes les choies neceffaires pour le foulagement des Habitans , êd pour la confervation du Païs ; ôc il eft certain que fi cec embarquement euft efté fait avec un peu plus de diligence, & conduit plus à propos dans les lsles, qu'il y auroit produit des effets autant avantageux pour les affaires de la Compa- gnie } que pour celles des Habitans. Mais la lenteur de ceux qui en avoient la charge , & les difgraces qui arrivè- rent à cette maïheureufe Flotte* ont apurement privé les Isles de plufieurs bons fuccez qu’elles en pouvoient at- tendre * qui fans doute auroient foulagé les Habitans, Sc auraient remis les affaires de la Compagnie fur un meilleur Des Ant- Isles de F Amérique. n9 Pendant que l’on équipoit cette flore vers la mi Mars, les Directeurs furent avertis parles fleurs de Clodoré& de Chambré du procédé peu finceredu Milord Willougby j 8c de ce que l'on avoir perdu dans toutes les Isles, l’efperan- ce d’une neutralité dont l'on s’y eftoit flaté. Cela obligea la Compagnie à fupplier fa Majefté de leur accorder quel- ques troupes, pour mettre les Isles en eftat de refifter aux premières infultes des Anglois, ou pour les attaquer en cas de befoin. Le Roy acquiefçant à leurs jufles prières , leur fit expedier quatre Commiflîons en faveur des fleurs d’Orvil- liers, d’Aloü, de Rougemont, 8c deMarquefl, pour lever quatre Compagnies de cent hommes chacunes, lefqueiles furent incorporées au Regimentde Poitou. Elles furent le- vées autour delà Rochelle, telles que l’on les put rencon- trer j 8c bien que les Officiers fuflent des gens de cœur 8c de conduite, les foldats furent aflez malchoifis , 8c n’ont pas fait tout ce qu’on en pouvoit efperer dans les Isles. M. defaint Leon , fécond Capitaine au Regimentde Navarre, eut auffiordrede partir fur cette flote, pour aller aux Isles, 8c d’y commander en qualité de Marefchal de bataille ; ainfl qu’il paroift par cette lettre de eachet expediçeen fa faveur. M Onfieur de Clodoré , dyant refolu d'envoyer quelques trou- pes d' Infanterie dans les Isles de / Amérique pour leur feureté , mef- me dans l lsle de la Martinique , dont je vous ay donné le Gou- vernement j f ay cboifi pour commander lefdites troupes , le fleur de faint Leon , C apitaine d'une Compagnie en mon Régiment de Na- varre , & Sergent de bataille en mes armées : ce que / ’ay bien voulu vous faire Ravoir par cette lettre , & vous dire que ledit fleur de faint Zeonfe tr an f portera dans ladite lsle avec les hommes qui feront defii- nezjpour y fervir comme je luy ay ordonné de vous reconnoifre , & de s'employer fous vos ordres à faire agir lefdites troupes , à tout ce qui fe- ra k faire pour mon fervice , pour la feureté de ladite lsle. Mon intention e(l que vous le confieriez^ comme une perfonne de capacité & <£ expérience , & en qui i'ay particulière confiance. Sur ce te prié ii o Hiftoire generale Dieu tfu'il vous aye , Monfieur de Clodorè > en fa faint e garde* Ecrit à Fontaine - Bleau } le feptiéme iour de Juin mil fix cent foi - xante- fept. Signé L O V Y S s Et plus b a si t e Telli é r. Les troupes Sc tous les Paffagers furent embarquez fur les principaux navires de la Flotte ^ Monfieur de S. Leon monta le faint Chriftophle , Sc Monfieur de la Barre commandant les troupes 6c toute la Flotte , monta le navire nommé lé S, George, qui devoir edre Amiral de laidotte. Elle fie voile v le i 6. de May avec un vent afièz favorable 5 mais qui s’eftant le mefrne jour , changé Semis au Sud-Eft, luy donna une fi rude fécondé , qu’elle fut contrainte de relâcher : & le navire nommé le faint George que Monfieur de la Barre montoit , en fut tellement endommage , qu’il fe trouva dans l’impuifTance de faire le voyage, à caufe delà grande quan- tité d’eau qu’il faifoit : mais il fut afTez heureux dans un fi fâcheux rencontre, pour trouver proche de la Rochelle un navire de vingt-huit pièces de canon,nomméle fiorifiant, appartenant à la Compagnie, dans lequel il fit décharger tout ce qui eftoit dans le faint George, & fefervitde cefio- rillant pour le tranfporter aux Isles. Des Ant-Jfles de l Amérique. § ii. De ce quifepafia en France depuis le rehfihement de Mon - fieur de la Barre : fin voyage, 3>? fis av amure s , iufqua fion arrive V à U Martinique. PEndant que Monfieur de la Barre eltoit occupé à chan- ger de navire , celuy qui fe nommoit l’Oranger , portant les femmes & les enfans des Officiers de l’Isle de faine Chri- ftophle,&, la nouvelle du combat commencé , fans en dé- terminer le fuccés, arriva à la Rochelle : & ce fut alors que les Directeurs perdans toute efperance de neutralité dans les Isies , redoublèrent leurs foins de leurs diligences pour remettre Monfieur de la Barre en eftat de partir , & déporter promptement ce fecoursà nos infolaires, aufqùels on le faifoitefperer dés le commencement de l’année ; & qui leur eltoit d autant plus neceffiaire, qu’ils eftoient dans une p us grande indigence, particulièrement de poudre, donc .Y a joûjours eu une fi grande difette, que fi les ennemis s en eftoient apperceus, ils en auroient tiré de très orands avantages. ° Cependant Moniteur Colbert du Terron & les Dire.’ deurs de la Rochelle, dépefeherent un Courier à la Cour pour informer le Roy de ce qui fe palîoit dans les Ant- Isies* de recevoir les ordres qu’il luyplairoit de donner dans une conjoncture fi facheufe. le ne fçay pas les motifs qui portè- rent Monfieur de la Barre à partir devant le retour de ce Courier , qu apparemment il devoir attendre : mais je fçay qu’apres avoir conféré avec Monfieur Colbert du Terron & les Directeurs de la Rochelle,il fut arrefté qu’il chan- Q. Vlïflom geneule geroit Tes premiers ordres de paffer par i’isle de Cayenne , 8c qu’il iroic droit aux Isles pour les fecourir. Cette refol ution prife, Monfieur de la Barre tenue en mer avec toute fa flote pour une ieconde fois , le huitième de Iuin, de dés le lendemain , le navire nommé le faiot Chriftophle , qui portoit Monfieur de faint Leon Marefchal de bataille, fut abordé en plein midy par une grande flûte de la flote avec tant de violence, qu’elle le penfa couler a fond5 fut obligé de relâcher à la Rochelle , pour s’y raccom- moder. . r Cependant Monfieur de la Barre continua fa route vers Llsle de Madere , où nous l’irons prendre pour le conduire aux Isles, apres que nous aurons fait partir les troupes que faMajeftécres Chreftienne envoyeaux Isles, apres avoir ap- pris que les Anglois n’y avoient point voulu de Neutralité, & que la guerre y eftoit commencée. Pendant que Monfieur de la Barre fait fa route vers les Is- îes la Cour à l’arrivée du Courier qui portoit la nouvelle du combat commencé à faint Chriftophle , p^t re 0 ution d’envoyer un fecours plus confiderable à nos Infulaires Fran- çois, & l'on choifit jpour cet effet quatre Compagnies du Régiment de Navarre , commandées par Ses fieurs de faint Leon, de la Noue, Sanfon, & Beaumont, Capitaines de cemefine Régiment* & quatre autres du Régiment de Nor- mandie, commandées par les fieurs de la Boifiiere, des Fon- taines, de la Giraudiere de l’Ecoffois ,tous Capitaines de me- rite, accompagnez de braves Officiers fu bal ter nés j les huit Compagnies faifant en tout quatre cens bons foldats effedifi; de le fout fut mis fous la conduite de Monfieur de faint Leon , Marefchal de bataille , fécond Capitaine du Régiment de ^ ^Ceshuit Compagnies furent embarquées fur une efqua- dre de cinq navires , dont les quatre premiers appartenoieng au Roy , 6c le cinquième eftoit un navire a rrec. Des Ant-lsles de l' Amérique, uJ Navires. Commandez par Armez de les Sieurs Le Saint Sebaftien. De Pas de Jet. 28. Canons. L’Aille d'or. Du Maine. 26. Canons. L’Aurore. Du Pre. 16. Canons,. Le Cher Amy. Jullien, 8. Canons. L’Eglife. Acar. 16. Canons. Deux ou trois antres navires de la Compagnie fe joigni- rent à cet efcadre. Les navires nommez laluftice & la Concorde, équippez en guerre , eftoienr arrivez aux Isles au milieu de la faifon du Ouragan, auffi bien que le flûnt Chriflophle , 8c y avoient dé ja rendu tous les fervices dont j’ay parlé cy. devant : 8C cette derniere efcadreayant fait voile de la Rochelle le 27. de luillec , arriva heureufement à la Martinique le 1 5. de Se- ptembre. Les troupes furent mifes à terre dans cette Is!e, 6c logées dans les magaflns , où ils eurent l’elpace de dix- huit jours leurs eftapes, confinant en pain de farine de France, bœuf 6c lard , vin 6c eau de vie raifonnablement -, 6c elles fu- rent en fuite à faine Chriftophle , où eftoit leur rendez- vous. M onfieur Blondel , l’un des principaux Ingénieurs de fa Majefté 6c des plus expérimentez de l’Europe, arriva auiîi fur cette flotte -, ayant pouvoir du Roy de faire conflruire des ports 6c badins pour retirer les Navires en feureré , 8c de faire baftir des forts tels qu’ii le jugeroir à propos. Il fue par toutes les Isles, en tira des plans , 6c je croy mefme qu’il a mis la main à ceux qui m’ont efté communiquez par d’au- tres. Il traça des Forts par toutes les Isles : mais le fond que le Roy luy avoir donné n’eftant pas fuffifant pour les bâ- tir , la plus grande partie font demeurez en papiers? § III. Suite du voyage de Monfieur de la Batte , fies infortunes 9 fin arrivée fi réception dans l' Isle de la Marti- MOnfieur de la Barre eftant arrivé àMadere le vingt- huit de Iuin, fut auffi-toft averti par le Conful des François , qu’une Bote Angloife , compofée d'un grand navire de quarante-quatre pièces de canon, & de quatre autres moyens navires de vingt fix 6c de vingt , & defept autres petits baftimens quarrez , eftoient partis de cette Ra- de le fixiéme de Iuin , pour aller aux Isles , apres avoir at- tendu douze jours l’efcadre de Monfieur de la Barre pour le combatre. . _ . Monfieur delà Barre ayant receu cet avis lans taire au- cune diligence pour joindre fa flore aux navires £c aux forces qui eftoient dé-ja dans les Isles 6c qui n’attendoient que les munitions & les troupes qui eftoient fur cette flore , pour pouffer leurs victoires plus loin , changea la refoiunon qu’il avoir prife avec Monfieur Colbert duTerron, & les Dire- cteurs, & prit le parti de s'arrefter dix jours à Madere, pour y prendre quelques provifions, & enfuite d’allera Cayenne: &. il s’arrefta encore à l’Islede Yaguel’efpace de dix jours, pour y prendre des beftiaux , dont il vouloir peupler l’Islede Cayenne. lien partit enfuite le vingt-cinq , pourfuivitfa route avec tant de malheur, qu’il femble que Dieu fe fott manifeftement oppofé à fes deffeins. L inclination qu 1 avoir de pafTer à l’Islede Cayenne , Iuy fit faire des efforrs extraordinaires pour y arriver j mais il fut traverie par des courans de marées, ôc fi long- temps combatu par des vents Des Ant-Jftes de î Amérique. uj contraires, qu’apres quarante jours de navigation tres-fâ- cheufe, il perdit la flote* 6c s’eftant veu réduit à n’avoir plus d’eau que celle du Ciel , il quica la route de Cayenne, 6c prit celle des Isles avec l’on feul vaifleau : 6e les autres na- vires continuèrent leur roui e vers l’Isle de Cayenne, où ils arrivèrent fort endefordre, 6c prefque toutes les Marchan- difesdela Compagnie, des Gouverneurs 6c des Habitans , fe trouverent gaftées ôc corrompues, pour avoir efté trop long-temps fur mer. Cela a caufé de grandes pertes dans les Isles, dont on n’a voulu tenir aucun compte à ceux qui les ont perdues. Les Gouverneurs des Isles fe font plaints hautement , de ce que îa plus grande partie des armes 6c des munitions deftinées pour le fecours des Isles , y furent dé- barquées. Monfieur de la Barre qui eftoit parti de la Rochelle le huitième de Iuin , à la telle d’une efcadre de huit navires, parut ( comme j’ay dé-jadit ) à la Rade de la Martinique, le premier d-O&obre, avec fon feul navire , nommé le Flo- riflanc , dans lequel' les Directeurs mandoient aux Gouver- neurs des Isles 6c à l’Intendant, qu’ils leur envoyoient tou- tes chofes necellaires pour les faire fubfifter, & fe deffen- dre contre leurs ennemis. Comme ce fecours eftoit impa- tiamment attendu depuis huit mois, le Gouverneur de la Martinique crut incontinent que ce navire eftoit un égaré de la flote de Moniteur de la Barre, 6 C dans cette pen'ée, il envoya le lieur le Breton , Aide de Camp, dans un efquif, pour aller reconnoiftre ce navire ; h en cas que ce fuft Monfieur de la Barre , luy faire fe s civilitez , 6c fcpivoir de luy de quelle manière il defiroit eftre receu, 6e l’a figurer que de là parc, il eftoit aifpofé à luy rendre tous les hon- neurs qu’il defireroit , ôc le prier de faire tirer trois coups de canon de fon bord , pour le rendre afteuré de fa venue. Toutes ces chofes furent exécutées , 6c auffi-toft que les trois coups de canon furent tirez , le Gouverneur le fie fa- luërau remerciement de fept coups de canon. Le fièur le Breton eftant de retour , dit au Gouverneur, 12,6 Hïftoïre generale _ . que Monfieur de la Barre vouloir eftre receu fans aucune ce- remonie , 6c qu'il le prime mefme de ne point faire pren- dre les armes aux habirans -, mais le navire s’eftant un peu approché de ia Rade , Monfîeur de la Barre defcendit , ôc fin: receu fur le rivage par le Gouverneur , avec tous les témoignages d’amitié 6c d’honneur qu’il pouvoit defirer, lesfoldatsious les armes , tambour batant , 6c au bruit de vingt-deux coups de canon. Tout fon train logea chez Mon- fieur le Vafieur 5 vivant neantmoins chez le Gouverneur , Sc en allez bonne intelligence avec luy. Il luy donna en arrivant cette lettre de cachet du Roy , qui marque le pouvoir que fa jMajefté defiroit qu’il euft dans les Isles. ^ t Onfîeur de Çiodorê , La Compagnie des Indes Occidentales ayant donne au fleur de la Barre , G onfeiller en mes G on fais , & mon Lieutenant General en la terre ferme de l' Amérique , le Com- mandement des vaiff eaux de guerre que ie luy ây permis d'armer çf envoyer aux Ant- Isles >pour les deffendre contre les ennemis de l' Eftat j Et ledit fleur de la Barre ayant les ordres & infruclions de ladite Compagnie , de es qui efi a faire dans lefdites Isles y à l' occafîon de la guerre pre fente avec /’ Angleterre : le vous fais cette \ lettre pour vous dire, que Juivant ce que ie vous ay cy-devant écrit j mon intention, e(l que vous donniegenüere creance audit fleur de la Barre , & le re * connoifflexp^faÿlezyeconnoifire par tous les Officiers de l'Jsle oh vous Commandez^ v en ladite qualité , & agi.ffczfe concert avec luy , pour la dejjenfe defdites Isles , & en toutes autres chofesqul feront du bien de mon fervice & utilité de ladite Compagnie. Ecrit à faint Ger- main en Laye le vingt’ deuxième iour de Mars f mil fix cent fo ix an- te-fx. Signé L O V Y S : Et plus bas , D E LîONNE. Moniteur de la Barre eut d’abord une grande conférence avec Monfienr deCIodoré, fur l’eftat du Gouvernement , de la guerre 6c du comme rce * êc Monfieur de la Barre fur ce dernier article . ayant témoigné au Gouverneur , qu’il eftoit refolu de changer & d’abolir tout ce que Monfieur Des Ant-îsles de l Amérique. ' uf de Tracy avoit fta tué &: réglé dans les Islespour Je bonheur des peuples , le Gouverneur luy remontra que cette manié- ré d’agir eftoit non feulement prejudiciable aux inreufts'de la Compagnie 6c des peuples, mais encore tres-dangereufe à l’Eftac, dans un temps de guerre , où tout frefchement cette Isle avoir efté à la veille de fa perte, par une grande fedi- tion, qui n’a voit eu d’autre pretexte que quelques nouveaux reglemens delà Compagnie , contraires à ceux qu’il preten- doit de détruire. Toutes ces raifcns ne firent que l'échauffer Strenouveiler les reffentimcns qu’il avoit contre Monfieur deTracy; &c sluuroit apparamnaent fait ce qu’ü avoit pro. jette, fi le Gouverneur ne luy euftdit, que puifqu’il eftoit invincible fur cet article, il luy alloit remettre fon Gou- vernement entre les mains. Cela le fit changer de pensée, &C promettre au Gouverneur, de ne plus parler de cette affai- re; de d’agir de concert avec luy en tout, pour le bien com- mun.S of comme les pouvoirs , tant de fa Majefté que de la Compagnie, expediez en faveur de Monfieur de la Barre, font conceus dans des termes , qui pris precifement (comme ils le font d’ordinaire ) ne luy donnent l'autorité abfoluë que fur la mer, c’eft-à-dire aux vaiffeaux & aux troupes qui s’y trouveront avec luy 5 1 aidant les Gouverneurs & les Officiers des troupes Royales, &mefme l’Intendant de là Compagnie, dans un plein 6l entier exercice de leurs fondions, fans les o- bliger à autre chofe ,qu’à agir de concert avec luy : l’ay crft eftre obligé d’inferericy les principales pièces dont il a efté autorifé dans les Isles, comme des pièces abfolument ne- ceffaires à mon Hiftoire» fi Utfiotre generale Procuration pajfée par Mefjieurs les T^irecleurs des In- des Occidentales , a Monfîeur de U Barre. LA Compagnie des Indes Occidentales ayant refblu, pour laYeureté 6c ccnfervation des Isîes de PAmeri- que d’efquiper en guerre nombre de Tes vaiffeaux , 6c les y envoyer inceilammeot , fous la conouite de Monfieur de la Barre , Lieutenant general pour le Roy , 5c Gouverneur de la terre ferme, intereflé en ladite Compagnie -, Auquel el- le donne le commandement general de fçs vailTeaux : Et ayant trouvé à propos que ledit lieur defTa Barre eftant lut les lieux , prenne connoifiance de les affaires , 8c y r^le nom de ladite Compagnie, toutes les chofes qui concer- nent le Gouvernement des Isles , la luftice &c Police, le commerce 8c les revenus de la Compagnie, fuivant que le bien , Sc la neceffité de fes affaires le pourront requérir* 6c é- tantpour ce neceflairede donner and, fieur de la Barre un pouvoir fufKfant pour agir au nom de ladite Compagnie : Novs Duectevrs Generaux de ladite Compagnie, en confequence de la délibération d’icelle du feptieme Jan- vier dernier, Avons à iceluy lieur de la Barre, donne plein pouvoir , §c en tant que befoin ,1 avons nomme 5c commis, nommons ôc commettons pour commander les vaiffeaux Ô£ forces maritimes delà Compagnie , qu’il mènera ou qui ie- ront envoyées dans lefdites Isles, èc y régir en iôn nom toutes les choies qui font de fon autorité , 5c qui luy ont efle accordées par l’Edit de fon eftabiiflement , tant fur le fait du Gouvernement, la Iuffice 5c Police des Isles, que du commerce 5c revenu de la Compagnie * voir 5c examiner i’effatde fes affaires, dont il fera informé par Monfîeur de Chambré fon Agent General , faire les xcglemens ne- ce flaires ëeffaires pour la diftribution de la juftice , la Police & la feureté dudit commerce 4 & revenus de la Compagnie} enforte queles habita'nsen reçoiventdu foulagemenc , qu’ilî foientbien traitez par les Officiers & Commis, & queles interefts delà Compagnie y foient confervez . & finalement, agir & ordonner en toutes chofes au nom de ladite Com- pagnie , fuivant ce qu’il jugera eftre neceflaire pour le bien & avantage d'icelle. Donne’ à Paris le vingt- dixiéme de Février mil fix cent foixance -fix, Signé Bechameil, Bibaulr Ménager , Dalibert , Berthelot , Landais, Thomas, Et plus bas, par Mcfdits fleurs les Directeurs , Dauiier. Et fcellé desarmesde ladite Compagnie: Signé par collation , P r e- t il, Greffier. Inflru Liions au feu? de la Barre ^ Confeiller ordinaire du KoyenfesConfetls , Gouverneur (e$r Lieutenant Gene - rai pour fa Maicfïé en L Isle de Cayenne , (dfr* terre fer* me de l Amérique. SVr l’avis qu’a eu fa Majefté , qu’en cotifequence de la de- claration de la guerre contre les Anglois, les habitans de l’isffi de faint Chriftophle* de l’une & de l’autreNation qui l’ont partagée jufqu’à prefent, ont pris les armes, & en lont de ja venus aux mains , nonobftant les concordats cy* devant arreftez & accordez entrc-enxj enforte qu’il y a lieu d’apprehender que cette guerre ne s’eftende dans toutes les Isles & Colonies de l’Amerique : & fa Majefté voulant pré- venir toutes les entreprifes que Pourront faire les Anglois dans ledit pays , & pourvoira ce qui eft neceffiaire , non feu- lement pour la deffenfe des Isles , mais encore pourfe mer- tre en eftat d attaquer celles qui font occupées par lefdits Anglois. R i.p Uïftoire generale i EUearefoIu à cet effet d’y envoyer inceffamment deux de fes vaiffeaux de guerre, ôc quatre cens hommes de Tes meilleures troupes, pour avec pareil nombre, embarqués fur les navires de la Compagnie des Indes Occidentales, que commande ledit fieur de la Barre , compofer un corps de gens de guerre confiderable , foit pour jetter les renfors neceffaires dans les Isles Françoifes , ou faire defcente dans çellesquifont occupées par lefdits Anglois. ii. Sa Majefté entend que ledit fieur de la Barre ait le com- mandement fur lefdits deux vaiffeaux, auffi -toft qu’ils feront jpints à ceux de la Compagnie , fuivant la commiffion qui luy en a efté expediée, & les lettres de fa Majefté qu’on luy doit adrefferàcet effet* & les Capitaines des vaiffeaux fe- ront tenus de luy obéïr en tout ce qui leur fera par luy or? donné pour le fervice du Roy. f 1 f. Lefdits vaiffeaux de guerre de fa Majefté , 6c les quatre censhommes des vieilles troupes qu’elle a refolu d'envoyer auxjsles, ne pouvant partir dans le mefme temps que ledit fieur de la Barre, qui eft preft de mettre à la voile avec les yaiffeaux de la Compagnie * ils auront ordre de le fuivre inceffamment pour le joindre aufdite$ Isles, au rendez-youp qui leur aura eftç donnée IV. Ledit fieur de la Barre fera toute diligence pour fe rendre iuy-mefmeaufdites Isles , fans faire efcale qu’à Madere , où il laiffera ceux des vaiffeaux de la Compagnie , qui font defti- pez pour y charger du vin qu’elle y fait achepter , pour por- ter aufdites Lies. v. Sa Majefté entend q.ueleclit fieur de la Barre ait le com- mandementfur tous les gens de guerre qui feront fur lefdits vaiffeaux, jufqu’à ce qu’ils ayent efte mis à terre dans les Jsles qui en auront befoin, & alors les Gouverneurs ou Des Ant- Isles âe ï Amérique. ijï Commandans defdires Lies auront le commandement defdi- tes troupes, pour les employer félon qu’ils l’eftimeront à propos» V r. Que s’il arrivoit qu’il fut jugé neceiïaire de faire décente dan., aucune des Isles occupées par lesAn^Iois , foit pour les attaquer, ou y faire le degaft . le commandement de la- dite attaque, fera donné au fieur de faipt Leon, fécond Capitaine du Régiment de Navarre, que fa Majefté fait palier avec lefdites troupes pour les commander en qualité de Sergent de bataille s & enfonabfence ou empêchement au plus ancien Capitaine» vi î. Le fieur de la Barre eftant arrive aufdires Isles, rendra aux Gouverneurs les lettres de fa Majefté, par Iefquelles elle leur explique fes intentions fur le fait de ladite guerre • & concertera avec lefdits Gouverneurs & Officiers defdites troupes , ce qui fera expédient de faire , foit pour le renfort des Isles Françoifes /ou pour l’attaque des ennemis, afin que toutes les chofes fe fallent dans l’union que requiert le fervicedefa Majefté, & la confervation defdites Isles. VIII. Que fi en arrivant aufdites isles, le fieur de la Barre trou.’ ve que les Anglois fe foient rendus maiftres de la partie de -celle de faint Chriftophle , qui appartient aux François, ii verra avec lefdits Gouverneurs & Officiers, fi les troupes qu il aura amenées, & qui le doivent fuivre , jointes à cei es qu’on pourra tirer defdites Isles, feront fuffifantes pour Jes en chaflcr,ou attaquer quelques autres des leurs A quoy fa Majefté ne doute pas que lefdits Gouverneurs & Officiers, ainfi que ledit fieur de la Barre, ne fe portent avec tout le zele & le courage qu’elle en doit attendre. i x. Et au contraire , s il eftjugé à propos d’attendre pour cela quelque nouveau fccours de France } il prendra foin de dé- pefeher en toute diligence quelque barque ou autre petit bâ*. Rij i3 1 Bîftoire generale timent , pour informer le Roy de i’eftat des chofes- x. Remettant fa Majefté le furplus de ce qui fera a faire pour l’execution de fes ordres, à la prudente conduite dudit fieur delà Barre. Fait à Fontaine- B leau, le feptiémejour de Iuil- let , mil fix cens foixante- fix. Signé L O V Y S : Et plus bas , d e Lionne. Tous ces pouvoirs eftoient appuy ez par des lettres de ca- chet, aux Gouverneurs, aux Officiers des troupes Roya- les, Ôc aux Capitaines des navires de fa Majefté -, confor- mes à fes intentions exprimées plus au long dans les in» ftru&ions de Moniteur de la Barre , 6c dans la procu- ration qu’il avoit receuë des Directeurs. L'on s’eftonna dans les Isles, de ce qu’il n’eftoit point Lieutenant General j Sc que meftne ion pouvoir nes’eftendoit point fur les Gouver- neurs ni fur les Officiers des troupes Royales, non pas mef- mefurun feul foldat eftantà terre. La Cour a eu fés raifons fur cela , que je ne veux pas approfondir. § Difpofition des Gouverneurs , de t Intendant , & des Offi- ciers , a l arrivée de Mon fieur de la Barre , (èfi les pre- miers reglemens quil fit a la Martinique . Bien que je ne veuille pas entreprendre d’approfondir en détail les différends de Moniteur de la Barre , des Gou. verneurs, de l’Intendant, Se des Officiers des troupes Roya- les j je ne puis neantmoins me difpenfer de dire un mot de la d.ifpofttion dans laquelle eftoient tous ces Meftieurs entre- Des Attt-ïsles de F Amérique. fjj £ii x à l’arrivée de Monfieur de la Barre , fans toutefois ju- ger ni condamner perfonne jrmais feulement pour ne pas tai- re des chofes infeparables de l’hiftoire. le ne fçay fi quelques Gouverneurs, l’Intendant & les Officiers des troupes avoient d’autres motifs d’averfion con- tre Moniteur de la Barre que celuy du defaut d’une commif- fion de la parr du Roy pour leur commander en qualité de Lieutenant General ; maisjefçay bien qu’ils eftoient égale- ment fort peu difpolez à le reconnoiftre , 6c à luy obéir } 8c j'ay en mes mains de quoy juftifier que plufieurs aimoient mieux quitter leurs emplois 6c leslsles, que de s'y foûmet- tre. Le Chevalier de faint Laurent qui avoit efié déclaré par Monfieur de Salesfon fuccefleur, avant le combat, & par, un confentement unanime reconnu pour tel par tous les Of- ficiers de l’Islede faint Chriftophle , en reconnoifiance de fon mérité 6c de fa valeur j futneantmoinsméconnu par les Officiers des troupes Royales, à caufe qu’il n’avoic pas en- core fes provifions du Roy , 6 c quelques-uns d'entre-eux luy firent des infultes, mefme dans PÉglife, qui auroient poufieâ bout une ame moins genereufe, moins Chrétienne, ôf moins zelée pour le fervicedefon Roy, que la fienne. Monfieur de Clodoré efboic afiez mal avec Monfieur du Lion , à caufe de quelque différence de fentimens , dans quelques expéditions de guerre, 6c particulièrement à cau- fe delà diftribution du butin des Saintes, dans laquelle M. de Clodoré pretendoit que fes Officiers 6c fes foldats qui y avoient combatu en gens d’honneur, 6c dont plufieurs a- voienteffétuez, effropiez 6c bleffez , avoient efié Jes moins recompenfez. il avoit auffi eu quelque démeflé avec Monfieur de la Barre, qui avoir blâmé l’entreprife d’un reduit.que ce Gou- verneur faifoitconftruire dans la Martinique j 6c il fembîoit que toutes ces brouïlleries menaçaffent toutes les Isles de quelque chofe de funefie. Mais Monfieur de Clodoré ayant receuune lettre de Monfieur de Turenne, dans laquelle il R iij 154 Hiftoive generalê iuy mandoir que Monficur de la Barre avoif paHé fort àvairi tageufement de luy an Roy * II s’en fentit fi fort fon obligé j quemalgré quelques-uns qui l’animoient contre Monfieur de la Barre, il fe lia avec luy par une Ci étroite aminé, qu’il fembloit qu’elle ne devoir finir qu’avec la vie de l’un ou dô l’autre. Ce Gouverneur confeilla à Monfieur de la Barre de dif- limuîer tout ce que l’on' difoit , 6c qui eftoit vray de la dif- pofition des Gouverneurs, de l’Intendant 6c des Officiers des troupes Royales j 6c de leur écrire amiablement 3 6c avec toutes forces de civilitez, fegardanc bien de rien dire qui pût aigrit les efprits ; luy marquant mefme les intcrefts d’un chacun afin de fe les acqueriravec plus de facilité. M. delà Barre le crut, 6c ils écrivirent conjointement à ces Mef- fieurs 5 6c celaréüifit fi heureufement , que Monfieur delà Barre ne receut d’eux quedesmarquesd’honneur ,de civilité 6c de foûmiffion. Il écrivitauffi à Monfieur de Chambré qui eftoit à faine Chriftophle, 6 C le pria de le venir trouver à la Martinique avec tous les navires de la Compagnie qui pourroient fervir à la guerre : ce qu’il exécuta ponctuellement , 6c fe rendit à la Martinique avec plufieurs navires de la Compagnie le 15. d’Oclobre. Les Dire&eurs de la Compagnie, furies frequentes re- montrances faites par les Gouverneurs en faveur des habi tans irritez , tant à caufe que l’on leur avoir ofté la liberté dis commerce 3 qu’à caufe de quelque contravention faite aux promefiesde Meffieursde Tracy, de Clodoré 6c de Cham- bré, l eur avoient toujours fait efperer que Monfieur de la Barre à fon arrivée remediroit à tout j de- forte qu’il eftoie attendu dans la Martinique comme un homme qui y dévoie apporter tou,s les fecours necefTaires , regler tous les diffe- rens ? 6C contenter tout le monde : fi bien qu’à la premie» reafîemblée qui fut tenue pour faire enregiftrerla procura- tion de Monfieur de la Barre , la noblefle, les Officiers tant de milice que de juftice, 6c les principaux habitans desquar- Des Ant-If es de I Amérique. tiers de cette Is le firent les demandes quiiuivent, à Mon- sieur delà Barre. Demandes tres-humbles que font la Noblejfe , les Officiers tant de milice que Iuftice , principaux habitans de chaque quartier de l'ifle Martinique : A Monpeur Le Febvre , Seigneur de la Barre , Confeiüer du Roy en tous fes Confèils , Lieutenant general pour Sa Maiejlé par mer (djr par terre es Indes Occidentales , (ÿ Gouver- neur de la terre ferme de £ Amérique , ou France Equi- noxiale. I QV'il leur foit fourny des Ecclefiaftiques pour admini- ftrer les faints Sacremens , &. faire les fondions necef- faires de I’Eglife pour le foulagement du public, & de faire baftir des Eglifes aux lieux neceffaires. II. Que la Noblefie , Officiers Sc Habitans privilégiez j oüy— ront de leurs droits , privilèges 6c dignitez , ainfi qu’ils en ont joiiy cy-devant. III. Que les Articles faits par Monfieur de Tracy en l’année mil fix cens foixante-cinq , foient continuez aux Habitans. IV. Sur la Propofition , que le Commerce foit permis aux E- trangers a efté acceptée par toute l’affiemblée , avec tres- humbles remonftrances que les droits qui feront mis fur les marchandifes defdits Etrangers, foient modicques, afin de faciliter le commerce 5 les luppliant autant que faire fe pou,- ra , de nous continuer leur affiftance. V. Sur* la proportion die l’intradu&ion de l'argent dans!®’ pays a eflé pareillement acceptée par les habitans , fuivans 5c conformement à l’ordonnance faite par mondit fieur de h Barre pour Cayenne. VI. Sur la propoficion qu’il fera mis taxe fur les marchandî- fes arrivants pour traiter en cette Isle félon la qualité U bon- té d’icelles, félon l’occurrence des temps. VIL * Làtaxeâefté refoluë fuivant 5c conformement comm® il a eflé ufité avant l’arrivée, deMeffieurs de la Compa- gnie en cette Isle. viit Demande très humblement ladite affemblée pour le pu- blic 3 que les habitans traiteront pour le fret de leurs fucres i îndigots & petuns, à la meilleure compofition qu’ils pour- ront î 5c pour ledit fret, qu’il ne foit payé au plus que dix deniers monnoye de France pour livre defdites marchandi- fes, fur peine d’amende, fans que lefdits habitans foient obligez de demander permiffion aux Commis de Mefîieurs de la Compagnie d’embarquer leurs marehandifes , ne leur devans rien. ÏX. Demandent pareillement que les Capitaines de navires qui chargeront en cette îsle, pour un port de France ou au- tres lieux , ne pourront porter les marehandifes ailleurs qu’à celuy de ïeurconnoifTernentj à peine de payer lefdites mar- chandifes fur le prix qu’elles pourroient valoir dans ledit heu, attendu que c’a eflé la ruine totale de ceux qui ont chargé dedans plufieurs navires, pour n’avoir eflé aux lieux de leurs connoiffernens. X. Que les Commis de Nofdits Seigneurs de la Compagnie feront obligez de bailler Receu des marehandifes qu’ils rece- vront des Habitans, à la mefure qu’il leur en fera livré pat' chacun d’iceux* XL Des Ant'lfles de t Amérique. ny XL Que les marchandifes qui viendront en cette ïsle , feront délivrées dans tous les quartiers à des Commis pour les diftri- buer à tous les habitans chacun en fon égal; lefquels Com- mis feront obligez de mettre en veuë dans leur magafin, une copie de la taxe lignée par collation du Greffier. xn. Qu'il fera établi deux vifiteurs dans chaque quartier pour voir ôc vifiter les marchandifes, fi elles font de la mefme qualité portée par les taxes qui en feront faites 5 attendu que la viande qui a efté apportée dans le navire du Capitaine Hen- dris , s’eft trouvée viciée 6c gaftée , dont la plufpart des barils n’ont pefé que cent trente ou cent quarante livres. XIII. Qu’on prendra le tabac de tous les habitans dans toutes faitons de l’année, pourveu qu’il foit bon 6c vificé bien 6c deuëment,.6c lailîe le temps dans le poids qu’il a efté cy- de- vant ordonné. Quelques-unes de ces demandes furent conteftées , 6c mefme rejettées, comme il fe peut voir par les reglemens fui- vans: mais Moniteur de la Barre n’ayant accordé aux habi- tans , la liberté du commerce , qu’à condition que l’on pren- droic deux 6c demypour cent d’entrée, 6c autant de fortie fur les marchandifes Françoifes, 6c le double fur les étran- gères, pourfubvenir aux frais de la guerre * la liberté qui leur fut accordée de faire venir des marchandifes pour leur compte fans payer aucun droit ,ne put empêcher quelques- uns des principaux habitans de fe plaindre , de ce que l’on vouloit introduire des nouveautez; qui ayant pour but un prerexte allez fpecieux , feroit dans la fuite du temps perpé- tué; 6c que tout cela tomboit fur le peuple, qui eftoic dé- jà afiez pauvre : Mais le Gouverneur leur ayant parlé avec fa force 6c vigueur ordinaire, ils furent obligez de fe con- tenter de ce que l’on leur avoit accordé, comme il s’enfuit. S CE $vi a ESTE' REPRESENTE' .EN ï Ajfemblée tenue ceiourdhuy , compofée de la plus grande partie des Officiers & aucuns des bons habitant de cette ïsle , par Monfieur le Febvre {leur de la Fane , pour & au nom de la Compagnie des Indes Occidentales , quelle avait eu bien du déplaifir d'apprendre les plain v tes continuelles des habitant de cette J s le 3 tant de la qualité des marchandées quelle leur fiifiit fournir , prix gf payement d icelles , que du fret des marchandées qu ils font embarquer dans les navires , autres ch of es con- cernantes fin commerce ; quelle avoit envoyé enfuit e ' des ordres du Roy , pour en prendre une exacte & par- faite connoiffiance , &y apporter tous les remedes pof- fibles , eu egard au temps prefent , & à te fiat des af- faires de ladite Compagnie fur quoy ayant e fié faites diverfes profitions par lefdits Officiers & Habit ans ^ ledit peur de la Barre , & Meffieurs de Clodoré & de Chambré font demeurez.d accord au nom de ladite Com- pagnie des ch :o fies qui enjuivent . PREMIEREMENT. , • • 'V QUE lefdits habitans pourront faire venir de France par lesvaideaux de la Compagnie , le nombre de Prê- tres neceiTaire pour defervir les Eglifesdu cul de fac marin, du crenage, de la Café pilote, du Carbet, du Prefcheur , de la J3aiTe pointe , du Marigot , de du cul de lac de la Trinité^ Des Ant-Ijles de V Amérique. fin cas que la Compagnie n’y pourvoye allez promptement: & pour l’entretien defdits Preftres fera paycfix mil livres de fucre par an , avec les frais du pafTage defdits Preftres qui viendront de France , par le foin defdits habitans. II. Qu’ils pourront pareillement faire venir leurs proviflons & celles de leurs habitations , de France ou d’autres lieux de fon alliance, en ladite Isle de la Martinique, fans qu’ils foient tenus d’aucuns droits envers ladite Compagnie 5 mais feulement le fret d’icelles , en cas qu’ils fç fervent de fes vailTeaux. Uh Que tous Françoisaurontle trafic libre en ladite Isle de la Martinique , où ils feront venir telles marchandifes que bon Ie*ï femblera , dont ils pourront remporter le produit en marchandifesdu pays , en tel lieu qu’ils voudront de l’allian*. ce Françoife , en payant feulement à ladite Compagnie deux & demy pourcent de l’entrée defdites marchandiles , 6c deux Zi demy pour cent de la fortie du produit. 1 V° Qu’il fera permis aux étrangers qui font en paix & alliez de la France, de faire auffi le mefmè commerce en ladite Isle, êc aux mefmes conditions , excepté qu’ils feront tenus payer à ladite Compagnie cinq pour cent d’entrée de leurs marchandifes, & cinq pour cent du produit d’icelles. y. Que les habitans traiteront de gré à gré pour le fret de Ieurfdites marchandifes, avec ceux qui leur en feront le tranfporc j mais n’en pourront embarquer aucunes, qu’au préalable ils n’ayent fait apparoir qu’ils ne doivent rien à la Compagnie. VL Que les Commis dsicelle feront tenus de fournir recepifîez des marchandifes qu’ils recevront des habitans , au fur 6e à mefure qu’il leur en fera par eux livré .. qu’il fera éleû des Officiers & marchands qui viftteront les marchandifes ,lef- quels en feront le prix 6c taxe de gré à gréavec les marchands s y Ï40 H i poire generale en Cas qu’ils ne conviennent, lefdits marchands auront U liberté de lever l’ancre, ôc porter vendre les marchandées ailleurs* VII. Que les taxes qui feront faites ainfi qu’il eft dit en l’article precedent, feront affichées au Greffe, lieux principaux & ma- gafins de l’Isle 5 ôc que le petun fera taxé félon fa qualité, par ceux qui feront à ce commis, V 1 1 1. Toutes lefquellesçhofes demandées par lefdits Officiel & habitas leur ont efté très agréables, fe font fournis à L’exe- eution d’icelles. Enjoint au Procureur du Roy de faire regi- ftrer ces prefentes fur les regiftres du Greffe du Confeil Sou- verain de cette Isle, & icelles faire publier 6c afficher où be- soin fera, afin qu’elle foit notoire à un chacun. Fait 8c arrefté à la Martinique , le dix- huitième Octobre mil fix cens foixan- te-fix : Signé le F ev r e d ela Barre ,de Clodore’, 8c PE Chambre', avec Paraphes, Et plus bas eft écrit , collationé 6c ligné Ivetil Greffier | Et au dos eft écrit, leprefentplacart aefté publié 6c affiché par tous les quartiers de cette Isle Martinique , à la diligence de Moniteur le Procureur du Royj 6c ce du lendemain de la datte d’iceluy jufqu’à prefent , ce que je certifie. Fait ce troifiéme Février mil fix cens foixante- huit ; Signél vet i £ Greffier, avec Paraphe, Des Ant-Isles de T Amérique, ï4r CHAPITRE SECOND. Conqucftc de l’isle d’Antigoa. § i. Meffieurs de la Barre, de Clodoré & de Chambré fur les infiruolions des deux tranffuges , refolvent d'aller tenir Confeil à Saint Chriftophle , pour entreprendre fur les ennemis . APres que Meilleurs de la Barre, de Clodoré & dé Chambré, eurent donné ordre aux affaires de la Po- lice & du commerce par lesreglemeris donrj’ay parlé cy-def. fus , ils mirent les affaires de la guerre fur le tapis: Mais a- vant que.de m’y engager, je me trouve obligé de commen- cer cet article par une digreflion , qui outre que je la crois neceffaire à cette Hiftoire , ne déplaira peut.eftre pas an Ledeur. Avant que la guerre fut déclarée, plufieurs François s’eftoient retirez par divers motifs , diverfes avantures dansl’Isle d’Antigoa voifine de la Guadeloupe. Ils y fub- lîfterentôc vécurent paifiblement avec les Anglois , chacun dans leur fervice &: dans leur vacation ,jufqu’à l’arrivée du fieur Henry W'illougby , lorfqu’eftant venu trop tard pour attaquer S. Chriftophle, il fut obligé de fe barquer ! dans cette Isle : Et comme fon déplaifir alloit jufqu’àlarage, il en fit incontinent reffentir les effets aux François qu’iJy t\ S nj ,14* Hiftoive générale rencontra , leur faifant defFenfè de fe communiquer & dé fortirde leurs habitations à peine delà vie ; 8c les voulant obliger à prefter ferment de fidelité à fa Majefté Britanni- que , une grande partie par crainte ou par intereft , s’y fou- rnirent allez lâchemetj 8c d’autres qui avoient le cœur mieux placé , n’en voulurent jamais rien faire. Il fe trouva alors dans cette Isle un jeune Chirurgien nommé Grand-maifon , qui depuis a efté long. temps va- let de Chambre de M. de la Barre, qui nonobftant îerefus, ,avoit un peu plus de liberté que les autres , à caufe de fon art qui le rendoit neceffaire. Il s’aboucha avec un jeune Fran- çois nommé Bafton adroit fur mer 8c fur terre, courageux 8c fi brave, que nous le verrons bien, toft mourir en faifant admirer fe fermeté 8c fa confiance. Celuy-cy portant im- patiammentces outrages, tourna fes penfées à fe délivrer de cette fervitude ; 8c ayant trouvé Grand-maifon de mefme fendaient, drefolut d’enlever une petite chaloupe qui eftoit attachée avec une chaine de fer à unpyü i 8c comme l’on en avoir retiré les avirons , ils gagnèrent un menuifier Fran- çois qui fe chargea d’en faire d’autres , dans quelque lieu en- carté du bois, où il neferoitapperceûdeperfonne. Grand-maifon qui fervoit un maiftre fort riche , prit le foin de tirer en cachette des vicluailles de chez luy j 8c tous trois enfemble amafTerent cinq fufils , quelques paires depi- ftolets , quelques coutelats, vingt- cinq ou trente livres de poudre, 8c du plomb à proportion : Mais ne fefentantpas allez forts pour conduire cette chaloupe , Grand-maifon qui eftoit aimé des negres, en gagna deux des plus forts 8c des plus propres à îarame, fans lefquels il leur eftoit impofîible de venir à bout de leur entreprife. • Toute l’affaire eftâtainfiarreftée chacun d’eux exécuta ce dont il s’eftoit chargé, 8c tout eftant préparé ils fè dérobèrent h nuit de chez leurs maiftres , apportèrent piece à piece leur petit équipage au bord de la mer j 8c l’ayant embarqué , le menuifier feya à petit bruit le pyü qui tenoit la chaloupé" attachée, & partirent de cette Isle pour aller à la Guade- loupe ; mais après avoir. fait inutilement tous leurs efforts Dés Ant-lsles de T Amérique. pour vaincre les vents & les marées contraires, après avoir relâché plufieurs fois mefme dans cette Isle, après avoir fait des efforts extremes , & couru mille rifques de vie , ils chan- gèrent de refolution,& tirèrent vers l’Isle de Saint Chrifto- phle, paflerentau vent de l’Isle de Nieve, & arrivèrent à îa Gabfterre de faint Chriftophle , juftement dans le temps queMonfieur de Chambré eftoit tout preft à partir pour al- ler trouver Monfieur de la Barre à la Martinique, avec tous les vaiffeaux qui pouvoient fervir à la guerre, Lefieur du Sannois Capitaine de ce quartier les accueillit & les traita fort humainement j & apres qu’ils fe furent re- pofez & rafraifchis , il envoya Bafton & Grand-maifon à M. de faint Laurent , qui les ayant trouvés fort inftruits du fort &; du foibie de l’isle d’Antigoa, ayant mefme tracé un plan des lieux où l’on pouvoir décendre , &; quê Bafton qui eftoit un vaillant foldat , s’offroit de fervir de guide pour conduire les troupes aux lieux où l’on pou voit faire quelque refiftance, & d’eftre partout à leur tefte, il refolut de les envoyer tous deux fur les navires qui portoient Monfieur de Chambré , à Monfieur delà Barre. Je reviens apres cette digreffion ( quoy.qu’un peu lon- gue , mais neceffaire ) au Confeil de nos trois Meilleurs qui ayant examiné Baftcn ôf Grandrmaifon ,& trouvé leurs raports dignes d’y faire poids & des reflexions folides • Mon- fieur de Chambré Intendant de la Compagnie , dit fran- chement, que les Officiers des troupes Royales fembloient eftre refolus de fe contenter de conferver la conquefte de Msle de Saint Chriftophle, &: de ne rien entreprendre de nouveau , fans avoir des troupes plus nombreufes que cel- les qui eftoient dans les Isles ; qu’il croyoit neantmoins que fi Monfieur de Saint Laurent avoit entendu les raifons puif. fantesqu’allegueit Monfieur de Clodoré, qu’il romberoit dans fonfentiment d’attaquer les ennemis-, & que mefme il ne croyoit pas Monfieur de Saint Leon ni les autr es Officiers invincibles dans leur refolution, apres qu’ils l’auroient en- tendu j &. demanda fur le champ à Monfieur de Clodoré, s’il ne fer oit pas d’humeur à venir jufqu’à Saint Chriftophle *44 Uiflotre generale pour eflayer à les perfuader. il repartit qu’il efloit tout praft , pourveu que Monfieur de la Barre l’en requift par écrit , ce qu'il fit auffi toft de fort bonne grâce. Sur cette re- folution, l’on fin voille le ving- cinquième d’O&obre avec tous les vaiffeauxque jemertray avant que les faire partir de la Guadeloupe, où ces trois Meilleurs arrivèrent le vingt- fept de ce mefme mois, . § il. Refilution du Confeil tenu a la Guadeloupe , enfuite du* quel ces Mejfeurs ne voulant que reconnoiftre l lsle d'Antigoa , emportent les forts de la Rade ^ & prennent le Gouverneur prifonnier . MEfîieursdela Barre , de Clodoré , du Lion & de Cha- bré bien informez par les deux transfuges Sc par quel- ques prifonniers Anglois , de lafoiblefTe de i’isle d’Antigoa , caufée tant par les dérâchemens que le Lieutenanc General Henry Willougby y avoir fait , que par la conflernation où tant defunefles fuccez avoient jetté celles de Nieve & de Mont-Sarra -, Ilfutrefolu, parce que le Gouverneur de S, Ghnftophle &; les Officiers des troupes Royales eftoient tropvoifinsde l’ lsle de Nieve , pour quiter cette lsle , qu’il fatoit aller tenir Confeil avec eux, fur ce que Ton avoir à faire pour attaquer les .ennemis, qui pour lors paroifToienc fort en eflat d’eflre batus. Et fur ce que le fieur de Clodoré avoit perfuadé à Mon- fieur de la Barre , qu'il falloir avant que d’arriver à Saint Chriffophle , vifiter de fi prés les Isles de Nieve, de Mont- Sarra ôe d'Antigoa, que l’on en pût remarquer les difficuL tez& les facilitez de les attaquer 5 II futrefolu que Ton co- menceroit Des Ant-îsles de f Amérique. menceroit parMsle d’Antigoa, 8c que fi l’on trouvoit de la facilité à la defcente, l’on mettroit pied à terre pour prendre des prifonniers , 8c brufler un quartier , afin de faire voir aux Officiers des vieux corps , que les Anglois dans ces Isles , n’é- toientpas fi difficiles à barre comme ils fe l’efloient perfua- dez. Sur cette conclufîon Monfîeur de Clodoré pria Mon- fîeurde la Barre plufieurs fois de prendre cent cinquante ou deux cens hommes de la Guadeloupe j mais je ne fçaypar quel motif il n’en voulut rien faire, 8c au contraire il tira de deflus les vaiffeaux une Compagnie du Régiment de Poitou, qu'il envoya à Marigalande fans en rien dire à Monfîeur de Clodoré. Le deuxieme de Novembre, les huit navires tous appar- tenants à la Compagnie des Indes Occidentales , fe trouvè- rent en eflat de partir * voicy les noms 8c les forces des vaif- feaux. Navires. Commandez par Armez de Le FiorifTant. Admirai. Le Lys. La Juflice. Le Saint Sebaftien. La Vierge. La Bergere. L’Afriquaine. Tous ces vaifTeaux eftoient montez par Monfîeur de la Barre commandant fur toute la flote, par Meilleurs de Clo- doré , Gouverneur de la Martinique , par Monfîeur du Lion Gouverneur de la Guadeloupe, par Monfîeur de Chambré Intendant des affaires de la Compagnie, & par 1 30. hommes du Régiment de Poitou , commandez par le fleur d’OrviJ- lier Capitaine de ce Régiment, 8c deux Compagnies d’in- fanterie, entretenues pour le fervice de la Compagnie des Indes Occidentales, 8c les équipages des navires. Mon- lleur de la Barre lai fia à la Guadeloupe une fregate nommée les armes d’Angleterre , montée de vingt-quatre pièces de T a8 pièces de canos 40. 32- 16. 18. 8. *4* I4Ô Hiftoire generale canon, 6c un petit navire nommé le Pigeon , monté de iïx pièces, pour apporter M. deThemericour, qui devoir affifter au Confeil qui Ce devoit tenir â Paint Chriftophle. Cette flore voguoit du fort bon vent vers l’Isle d’Antigoa, lorfque Monfieur de Clodoré dit à Monfieur de la Barre, qu’il eftoit temps de difpofer les chaloupes 6c les gens, pour en cas que l’occafion parût favorable, faire la décente-, 6c quepeur-eftre fondant à l'improvifte fur les ennemis, l’on pourroit brufler un quartier &. faire des prifonniers. Mon- fleur delà Barre qui s’en rapportoit fort à ce Gouverneur pourees fortes de chofes , le pria d’en flrefler luy-mefme les ordres, ce qu’il fit auffi toft, 6c ils furent incontinent en- voyez à. tous les vaifleaux. Le quatrième de Novembre cette flote portant le pavil- lon Angloispour ne pas épouvanter, aborda l’Isîe d’Anti- goa, rengeant la terre de fort prés, 6c faifant effort pour arrivera la grande Rade* mais en ayant efté empêchée par le vent contraire, elle revira 6c tira vers le cul de fac des cinq Isles , quieft une grande ba^é couverte par cinq peti- tes ïsles qui font un fort bon 6c beau port, lequel eftdef- fendu par deux bateries, une de huit & l'autre de fix pièces de canon. Les vaifleaux y entrèrent en louvoyant & la fon- de à la main * de-forte que les navires nommez le faine Chriftophle & la Vierge qui mouillèrent les premiers fous la ^ baterie , efluyerenc les premières décharges , 6c le Saint Chriftophle eut plufieurs coups de canon en bois fans perdre un feul homme. La Vierge en perdit un .• mais aufli-toft - qu’ils furent mouillez , ils firent fi beau feu , 6c leurs canons furent fi bien fervis que ceux qui défendoient cette baterie, qui n’a voit ny parapet, ny gabion, ny embrazure, l'aban- donnèrent. Pendant que ces deux premiers vaifleaux effuyoient les pre- mières décharges des deux bateries , le navire nomme la Iu- ftice fuivj de fort près par le FloriiTant qui eftoit 1 Amiral, où eftoient nos quatre Meffieurs , pafferent fous le fécond fort, qui eftoit une bonne demy Lune de pierre , où les An- glois avec un grand payillon rouge , bleu 6c blanc, failoieoÊ Des Ant-Jfles de î Amérique. î 47 grande mine de fe bien défendre: mais ces deux navires leur ayant donné leur bordée , 6c ayant efluyé quelques coups de canon, mouïllerent à la portée dupiftolet , 6c les Anglois n’ayant pas le courage d’attendre une fécondé dé- charge , abandonnèrent ce fort avec tant de précipitation, qu’ils y Iaifferent le pavillon Royal. Monfieur de Clodoré qui s’apperçeut de leur fuite par- defïous des arbres , en avertit Monfieur de la Barre 6c luy dit, qu’il eftoit temps de mettre le lignai de la defcente , 6c il luy repartit : Il le faut faire. Monfieur de Clodoré en parla aulfi à Monfieur du Lion 6c au fieur d’Orvillier , qui en demeu- rèrent d’accord j 6c aufil toffcla flamefut mifeau maft d’Ar- timon qui eftoit le lignai, 6c tous les navires difpoferenc leurs gens 6c leurs chaloupes. Monfieur d’Orvillier Capitaine au Régiment de Poitou à receuc les ordres de Monfieur de Clodoré, qui furent de s’âl- Ier promptement faifir de la batene d’en bas comme la plus prochaine, y mettre du monde en bataille , envoyer à bord de l’Amiral le pavillon Anglois, mener des gens avec luy pour encloüer le canon en cas qu’il fut repouftéj 6c enfuire aller en diligence avec une chaloupe gagner un endroit que Ballon luy montrait pour couper chemin aux fuyards g#' prendre des £>rifonniers : 6c fur tout de ne brufler pa;5 maifon , puifqu’on le feroit toujours aifement quavid^on feroit contraint. J Les chaloupes fe détachèrent en mefme terrine rW féaux , 6c le fieur d’Orvillier defcendit dans le.s deux chaLu pes de l’Amiral , avec quarante hommes ta.nt foldats que va’ lontaires , 6c quarante autre foldats des troupes de la Com pagme le finvirent dans les chaloupes de la Juftice 6c col Quatre-vingts hommes furent loûrenus par cent autresqui fe débarquant de. chaloupes du Lys, du faint Chriftophle & de la V.erge Eftantdefcendu à terre, il exécuta ponctuel lement fes ordres , à la referve du brûlement , car en moins dune heure de temps, l’on vit tour ce quarlier en feu & d aller couper le chemin aux ennemis, par „„ endroit que Bafton gui les guidon, leur avoir montré. ' q .Tij Uifloire générale Monfieur de Clodoré craignant que le fieur d’Orvillier ne s'engageait par trop, n'ayant en tout qu’en viron deux cens foldats 8c quelques valets , propofa à Meffieurs delà Barre 6c du Lion de defcendre pour faire faire la retraite , 8c pour faire embarquer le canon. Ces Meffieurs en eftant de- meurez d’accord, ils defcendirent à terre, 8c trouvèrent d’étranges defordres j tout ayant paflfé parle pillage 8c par lefeu, 8c Moniteur de la Barre fit batre la retraite. Le fieur d’Orvillier eftant de retour, propofa d’aller à une fucrerie du Gouverneur , quieftoit à une demy lieue de là, croyant l’y trouver. Moniteur delà Barre l’ayant trouvé bon, il y fut conduit par Ballon qui marchoitpar tout en telle, 8c combatant comme le plus brave de la troupe: mais n’ayat trouvé perfonne en ce fieu, le fieurd’Orvillier revint ànuit fermée au bord delà mer j & fur ce que Ballon dit que le Gouverneur feroit dans une forte maifon de pierre à une de- my lieuëde là 5 il futrefolu que le fieur d’Orvillier partiroit iT heures avant le jour pour y aller, afin de ne leur pas donner le temps defereconnoiftre. Il y fut à la telle de deux cens hommes, 6c conduit par Ballon qui fçavoit parfaitement toutes les routes de cette ïsle. A la pointe du jour ils fe trouvèrent fi proche de cette maifon, que le Gouverneur qui y efkoit avec environ deux cent les découvrit , 8c les Anglois firent incontinent reten- tir les cris de vive le Roy , batre le tambour , 8c faire la con- tenance de gens qui ne refpiroient que le combat. N os Fran- çois en firent de mefinc , 8c le fieur d’Orvillier lans perdre un moment, fit faire la priere, donner l'abfolution à fes gens, détacha fes volontaires qu’il mit fous la conduite des lieurs Giraud 8c de Vïllars, 6c monta tout le premier graviffans par un petit défilé afièzafpre, un petit tertre fur lequel étoic fa maifon, eftant obligé d’effuier tout en defordre, 8c à la portée du piftolet, la première décharge des ennemis, qui netuerent nea-tumoins qu’un foldat 8c en blelïèrentcinqou fix autres. Mais le Gouverneur 8c fes gens voyant venir les François somme des Lions furieux , qui n’ayant pas encore tiré un leuS Des Ant- Ijles de T Amérique. coup ,alIoientjetter une bonne partie des Anglois parterre, chacun s’enfuit quide-çiqui de- là } & le Gouverneur fe re- tira dans la maifon avec le Colonel Moük & une trentaine d’Officiers, & des plus bravest,oùi!s ne firent- qu’une foible réfiftance, qui ne laififapas de coûter la vie à quelques-uns des leurs. La maifon fut forcée , pillée & bruflée enmefme temps ^ le Colonel Mouk & une vingtaine d’Officiers , fu- rent faits prifonniers de guerre, & le fieur d’Orvillier revint triomphant aux bateries , d’où l’on avoit dé-ja fait enlever le canon. m fin. Mejfieursles Gouverneurs delà Martinique (gr delà Gua- deloupe achevé fit la violâtre (efr la première conquefte de cette Isle. T O us ces fuccés avantageux firent croire à ces Meilleurs,; qu’ils n’avoient qu’à pouffier leur pointe, &: qu Infailli- blement les Anglois voyant des troupes plus nombreufçs re- mettroient l'Isle entre les mains des François 5 & Monfieur du Lion dans le Confeil , propofa à Monfieur de la Barre que F il letrouvoitàpropos, le fieur de Clodoré & luy ache. veroient cette expédition. Il y confentit fur le champ; mais Monfieur de Clodoré craignant qu’on ne s’engageait mal à propos dans une Isle fans avoir des troupes fuffifantes, demà- da que l’on leur fournift 300. hommes effe&ifs pour cette expédition : &; qu’en cecasileiloittoutpreftdepartir. Ce- la luy fut accordé , & il fut au ffi refol u que Monfieur de Clo- doré 6c du Lion auroient le commandement des troupes: & comme ces Meilleurs n’avoient aucuns corps de leurs Gouvernemens, &c que le fieur d’Orvillier eiloit Chef de celuy du Régiment de Poitou dans les Jsies , il céda à cas yifloire generde Meilleurs toutes Tes prétentions pour le bien du fervice à la priereque luy en fit Moniteur de la Barre Ton Beau-pere. IL y reftoit encore une difficulté à regler en cette occahonj carie rang entre les Gouverneurs n’ayant encore efté réglé commeil l’a elle du depuis par fa Majefté, qui donna à M. de Ciodoré la qualité de premier Colonel entre les Gouver- neurs j ilfalut tirer au fort pour voir quiauroic la droite 5c le premier jour de commandement, 6c il écheutà Mon- iteur du Lion Gouverneur de la Guadeloupe. Toutes ces chofes ayant efté conclues , l’on remit la partie au lende- main 5 & comme l’on s’y difpofoit, Monfieur de Ciodoré demanda encore à Moniteur de la Barre deux chaloupes ar- mées avec desmuffitions de bouche, ôc deux petites pteces de canon 3 mais tout cela luy fut refufé fur des raifons que Moniteur de la Barre allégua, 5c qui penferent brouiller ces Meilleurs, 6c nuire à une fi belle entreprife. Le Lendemain à la pointe du jour, l’on defcendit à ter- re, 5c il ne fe trouva au lieu de trois cens hommes effeélifs que l’on avoit promis , que 140. hommes foldats volontai- res, matelots ôc valets , Iefquels furent feparez en deux corps, dont le premier eftoitcompofé du heur d’Orvillier commandant les troupes de fon Régiment, 5c d’une partis des volontaires defquels Monlîeur du Lion donna la conduL te aux heurs Garnier 5c deVilars : Monheur de Ciodoré qui devoir commander la gauche , avoit un petit corps com- paré des troupes de la Compagnie, commandées par les Leurs delà Grange 5c de Praiile leurs Capitaines, 5c l’autre moitié des volontaires commandez par les heurs Giraud 5c de Rofe cy-devant Gouverneurs de faint Martin. Cemefme jour hxiéme , Monheur du Lion marcha eftant Conduit par Bafton, jufqu’à lamaifonqui avoit efté brullée le jour auparavant : où l’on vit quelques Cavaliers qui é- îoient venus reconnoiftre , 6c l’on apperceut en mefmô temps à trois quarts de lieue de là , une grande maifon de pierre fur un haut, 5c en demy coftiere, une forte 6c longue palilFade, dont les deux extremitez ^niftoient à un grand bois, La grands fumée qui fonpic de cet endroit Le Des Ant-lsles de l Amérique. jjt croire qu’indubitablement les ennemis y eftoient, & l’on continua la marche en bon ordre à travers d’un grand bois, jufqu’à ce que l’on apperceut à une bonne portée de mouf- quet, la maifon 6c la palliflade. Les troupes furent aufii-toft mifes en bataille, 6c l’on envoya unTrompette pour fom- mer les ennemis de fe rendre à fa Majefté. Ce Trompette leur portoit auffi une lettre que le Colonel Cardens leur Gouverneur écrivoit à fa femme, par laquelle il luy man- doit qu’il eftcit bien traité, •& que les habitans n’attendif- fent pas à fe rendre à la derniere extrémité. Us receurent le Trompette 6c la lettre, ÔC répondirent qu’ils eftoient obligez du bon traitement que l’on faifoit à leur Gouver- neur, mais qu’ils eftoient refolus de faire leur devoir. Sur cette réponfe , l’on fe refolut de les atraquer j les troupes furent mifes en bataille , & les Religieux , qui étoienE les Reverends Peres Barthélémy , Carme , Brion Jefuite, Fourcade 6c du Bois de mon Ordre , firent les prières , don- nèrent l’abfolution aux foldats , 6c les exhortèrent à bien fai- te y &c cela fait les hommes détachez des deux corps mar- chèrent. Monfieur du Lion les fuivit avec fes gens, & Mon- sieur de Clodoré avec les fiens, marchans quatre à quatre par un chemin de charrete, 6c ayant d’un çofté un tailly , 6C de l’autre des grands bois abatus. Il avoit efté refolu qu?en arrivant fur la prairie, ces deux Meilleurs fe mettroient en bataille, l’un à droit, & l’autre à gauche du chemin , ayant leurs gens détachez devant leurs bataillons, & qu’ainfi ils marcheroieot tous enfemble aux ennemis. Mais les fieurs Garnier 6c de Vilars s’eftant un peu avancez avec les volontaires , 6c les fieurs de Rofe 6c Giraud en ayant fait autant fur la gauche , Monfieur du Lion fut o- bligé de les fuivre avec fes gens j 6c avant que Monfieur de Clodoré fuft arrivé fur la prairie , les ennemis qui eftoient portez au nombre de 400. tant derrière la palliflade qu’aux environs de la maifon, firent un fi grand feu fur ces gens avancez qui monroient aux ennemis tout à découvert, qu’ils furent renverfez 6c mis en defordre. M. du Lion y futblefiTé d’un coup de moulquet qui luy perça la jambe, & le mit hors ici Bifloire generale de combat : la plus grande partie du Régiment de Poitdu , qui efioient peu aguerris, gaignerent ies bois, nonobftant la diligence que faifoit le fieur d’Orvillier pour les r’allier* Ce malheur ht voir que les deux pièces de canon demandées à Moniteur delà Barre eulTent elle fort utiles en cette oc- calion , 8c eufienc fauvé la vie à bien du monde qui la per- dirent à cette attaque* Cependant Moniteur de Glodoré fuivant à la ferre- fille de Moniteur du Lion approchant de la prairie, 6c trouvant le chemin jonché des corps de la droite, fit doubler le pas}5C y e fiant arrivé, il en découvrit le defordre. Il mit auffi toft l’épée à la main , encouragea fes gens par fa parole 8c par fon exemplej 6c fans attendre qu’ils fufient tons arrivez fur la prairie, il courut au fieur de Monville, foûcenant fes hommes détachez , qu’il trouva à cinquante pas de la pallif- fade legenouïi en terre , combatant genereufement avec le refte de fes volontaires , fes deux Sergens ayant efté tuez , le Maiftre d’Hoftel de-M. de IaBarre, êcplufieurs de fesdo- meftiques j 6c luy mortellement blelTé de deux moufque- tades. Monfieur de Clodoré voyant avec douleur tous ces def- ordres, commanda à ceux qui eftoient avancez d’aller à la paîlifiade : mais l’épouvante y eftoit fi grande , que perfon- ne ne bran fia. Cependant fes foldats en arrivant , 6c faifant une longue traînée fur la gauche fe tirant vers le bois ou les ennemis firent deux décharges fur luy 6c fur eux qui en jet- terent plufieurs à terre, 6c voyant que fes gens s’eftonnoienc du grand feu des ennemis , apres avoir fait tout ce qu’un grand Capitaine peut pour les raffeurer , il s’écria, A moy, à moy , allons mes Camarades, plus vifte que le pas , 6c cou- rut l’épée à la main à la paîlifiade , où il fut devancé de $, ou 4. pas par te fieur de Rofe, qui appliqua le bout de fon fufilfur le ventre d’un Officier Ânglois 6c le tua tout roide mort j 6c un nommé Soutiîlon , Chirurgien du fieur Gi- raud , en fît autant que le fieur de Rofe. Plufieurs volontaires 6cfoldats s’efhnt joints à Monfieur de Clodoré, tirèrent au travers de la paîlifiade fur les en- nemis Des Ant-ljles dû ? Amérique. ijj nemis qui lâchèrent le pied 6c s’enfuirent à droit 6c à gau- che , 6c Monfieur de Clodoré qui eft un homme fort , fe jet- ta à la paliflade , 6c en arracha deux pyüs, & à l’aide de quelques volontaires , fit une ouverture fuffifante, par la- quelle il fit entrer fes gens 3 &. entra avec eux j 6c les ayant mis en bataille , fit charger en flanc les ennemis fur la droire, lefquels fe voyant tuez, blefiez 6c forcez, voulurent ga- gner la maifon , 6c ils y furent pourfuivis j mais un bataillon enneœy qui eftoit fur la hauteur , s’av ança jufques fur le bord de la pente, 6c y fit une décharge qui tua 6c bk-fla plufieurs François . 6c alors Monfieur de Clodoréayant gagné le haut avec une trentaine de foldats à travers des brouflailles , 6c faifant tirer fur eux , les mit en defordre 5 6c enfui te les pouf- fa luy-mefme plus de trois cent pas au de: là de la maifon, où voyant qci’on ne les pourfuivoit plus, ils y formèrent un bataillon, 6c s’y arrefterent. Pendant que Monfieur de Clodoré forçoit la palîiflade, lefieur d’Orvillier ayant fait tout fon poflible pour rallier fes troupes, quelques Officiers & plufieurs braves volontai- res s’eftant joints à luy , entrèrent dans la palîiflade, 6carri- verentau bas de la maifon juftement commele bataillon fai- foit fa décharge } 6c ce fut là que plufieurs volontaires qui l’accompagnoient furent blefiez à fes coftez. Lefieur de Rofeavec plufieurs braves volontaires 6c fol- dats , s’eftans tous joints au fieur d’Orvillier pendant que Monfieur de Clodoré poufioit les ennemis, 6c les mettoic en fuite, montèrent droit à la maifon, d’où l’on tira plu- fieurs coups fur eux : mais comme cette maifon n’eftoit pas bien flanquée , 6c n’vaoit aucun fofle, fis gagnèrent aifement la porte , la rompirent avec une pince de fer, 6c entrant dedans , trouvèrent dans la première fàlle, le Colonel Quefts environné de plufieurs braves Anglais. Il eftoit aflîs dans fon fauretiil , écprefentant un piftolet tout bandé , il demanda à ceîuy qui entroit le premier, s’ilyavoit quartier ■1 6c il luy fut répondu d’un coup de fufii qui le perça au travers du corps , 6c l’on fit enfuice main balle fur tous ceux qui eftoient avec luy. y 154 Hifyoire generale Cette tuerie dura quelque temps, pendantlaquelle îe fieur d’Oiviilier vint à la rencontre de Monfieurde Clodo- ré qui retournoit pour faire attaquer la maifon. Il luy dit , qu’elle eftoit forcée, & que l’on y faifoit main baffe fur tous les Anglois : cela luy ayant fait horreur, il commanda au heur d’Orvillier de prendre les cinquante loldats qu’il avoir poftéàune barrière , £e d’aller pouffer îe relie des Anglois qui fembloient fe vouloir rallier , jufqu’à un bois qu’il Juy montra •> 6c cependant courut à la maifon , pour arrefter ce maffacre. Il en trouva une trentaine de tuez dans deux Chambres, 6c donna quartier à cinquante autres qui é- toient enfermez dans les autres, 6c qui fans luy n’auroient pas évité la mort. Il les fît tous enfermer dans une Chambre, 6c mit un Sergent avec des foîdats à la porte pour les gar- der. Pendant que ces chofes fe paffenr, plufieurs foîdats du Régiment de Poitou ( qui n’avoient rien fait qui vaille ) for- tirent du bois ou ils s’eftoient ralliez , 6c voyant nos foJdats autour delà maifon , croyant quec’eftoientdes ennemis, fi- rent une grande décharge fur eux 5 mais par bonheur ils en effoient fi loin , qu’ils ne leur firent aucun mal. T putes ces chofes eflant achevées , Monfieur de Clodoré donna fes ordres pour faire rallier tout le monde, 6c ayant veu les foîdats attachez au butin 6c à la boiffon , il fit defFon- cer les barils 6c renverfer toutes les eaux de vie, de- peur qu’ils ne s’enyvraffent 5 6c apres les avoir mis eneftat de ne pouvoir eftre forcés ni furpris , il prit îe foin des bleffez , en- tre lefque's effoient le fieur de Mon ville , le fils du Capitaine d’Ebée commandant un petit corps tiré des équipages des navires, 6c le fieur de Vilars , qui moururent à Saint Chri- ftophlede leurs blefferes j aufibbien que iepauvre Bafton qui apres avoir marché en tefte des troupes pour les condui- re , receut un coup de moufquet au travers du corps à la palliffade, dont il mourut à faine Chriftophle avec tant de fermeté ôc deconftance, que ceux qui l’ont veû mourir mien ont parlé avec étonnement,, r T>es A fit- ifles de l Amérique. r . . Iî ne demeura fur la place que deux Sergens, & dix ou douze tant fo dats que volontaires : mais il y eut cinquante ou foi xante bleffiez, lefquels il falut porter d coljuTou'an bord de la mer, avec des peines incroyables , & comme on les por ton, un Officier de confîderation envoya dire à M' de Clodore que le Colonel Queftseftoit fi niai ,1 que l’on auroit trop de peine à le porter 5 &quefi il Juy vouloir per mettre il le feroit achever : mais ce Gouverneur deceftant unefi horrible cruauté, luy manda qu'il Te gardait bien de faire ; & fut incontinent luy. mefme prendre lefoindeluv donner des foldats pour le porter le plus commodément qu’il Juy fero.t poffible au bord de la m"er, & le fit em avec les autres, pour aller à faint Chnftophle , où il mou rut peu de jours apres. * * raou' ,n “°.D,fl-u,r de Clodorè maoda â Monfieur de la Barre qui eftoit dans fou navire pendant le combat, qu’il luy avoit le ma„n réfute deux chaloupes, & que preïentement il il c i demandoïc trois ou quatre pour porter aux navires les Oflf" ’ T fe efc!Uels cftoit Monfcar d“ Lion , plufieurs Officiers & volontaires : que le combat avoir eftLrand mais que Dieu leur en avoit donné la vidoire. Par malheur’ Monfieur de la Barre ayant envoyé les chaloupes à la petite uerre, il manda a Monfieur de Clodoré qu'à leur retour « envoyroit, 6c que cependant fon avis, celuy de M deThemericourt 5c de Monfieur de Chambîc eftoit q“î fe renraftau pluftoft. M.du Lion l'en ayant auffi preffié il fit fa retraite , apres avoir fait bru/ler la maifon & fus les’ iftimens d alentour qui eftoienr très- beaux bien battis de p.erre de taille & couverts dethuile, comme’auffi les mou lins, les fucreries 6c les magafins pleins de fucre 5c de tabac pour apprendre aux ennemis à ne pas attendre à iadernierê tes leTmaiffi[erendre S & i ne Pas fi"e des deffenfes à tou. tes les mailons qui peuvent refifter nuif'L' n'7Pec Cftant a"ivées * "«f ■ o» àix heures de nuit les blelTez furent conduits par mer aux navire, «t, ^eux piecetd^cr d°rffiVa Uff‘ embar “res" pour traitci , qu il n’y devoir avoir aucune difficulté - kn i fi Monfieur de la Barre le vouloir croire, il l'arrefteroir r>n & olhge ainfi qu’il avoitefté conclu da’ns le SK encore plufieurs autres chofes affiez rudes fané , fîeur delà Barre dift un feul mot. * ^ Mon- Le lendemain Monfieur de là Barre renvoya le Colonel Garden qu il renoit prifonnier & Colonel n » > terre, afin qu’ils difpofaflent les habitans & les foldat^ l Xij ’ j 5^ Hiftoire generale recevoir les conditions du traité, pour dire aux Officiers $ç auxhabicans , que fi dans dix jours ils ne fe «nettoient en eftat d’executerie traité en tous ces poin&s, ils ne dévoient at- tendre aucun quartier. Mais Monfieur Giraud premier Ca- pitaine de faint Chriftophle voyant le Colonel Boncley , 6c ne fçachant point les intentions de Monfieur de la Barre , il le ramena de ion propre mouvement à bord de 1 Amiral , où Monfieur de la Barre ayant changé d’opinion , l’arreftapour £ervir d’oftage. , r " Monfieur de la Barre fit lever l’ancre le mefme jour qui eftoic le quatorzième , 6c fut fi heureux qu’il fit ce trajet en vingt- quatre heures, fans reconnoiftre les Islesde Mont- Sarra 6c de Niéve, comme il avoit efté refolu , fans que Meffieurs de la Barre 6c de Ciodoré fe parlaient; ce der- nier eftant choqué, de ce que Monfieur delà Barre avoit donné laliberté au Gouverneur Garden prifonnier de guer- re fans iuy en communiquer. Mais Monfieur de la Barre dans le befoin qu’il avoit de luy a faint Chriftophle , fit re- chercher fon amitié par le Reverend Pere Brion Jefuite , de par le fieur d’Orvillier fon gendre. Lai fions les dans cette Is - le où nous les irons reprendre apres que nous aurons dit quelque chofe de ce qui fe pafiè dans quelques expéditions de guerre qui fe font faites dans d’autres Isles, Des Ant Ifles de l Amérique . 1 6 y CHAPITRE TROISIEME. Diverfes entreprifes de guerre fur les Ennemis pair les Habitans des autres Ifles Françoifes. § i. La plaijante prife de 1 Jfle de Tabago , par Us Habitans de /’ ifle de la Grenade . PEV de temps avant l’arrivée de Monfieur de la Barre dans les Ifles, Monfieur Vincent , Gouverneur de l’Isle de la Grenade , qui effcoit la plus foible quoy que la meiiieure de toutes les îsies habitées par les François 5 fit une en:re- prife fur l’Isle deTabago , que les Angîois avoient conq ufe depuis environ un an iur les Hollandois , Si y avoient laiflç une garnifon d’environ 50. hommes, apres l’avoir entière- ment pillée, comme j’ay dit dans ma Troifiéme Partie. Ce Gouverneur apprenant tous les bons fuccez de nos principales Isles Françoifes , voulut auffi tenter de cueillir quelques-unes des palmes &: des lauriers dont nos François fe couronnoient de toutes parts dans nos Ant- Isles. Il fervit à cet effet de la barque d’un nommé Gilles Gafpart qui eftoit dans fon Havre fur la fin d’Aoufl 1666. Il y fie em- barquer un Officier, dont je n’ay pu apprenvlre le nom , a. vcc 25. braves volontaires de fon Isle, bien armez , avec des iéê ïiifiotre generale munitions de deux Tambours. Il les envoya à I’ïsîe deTaJ bago tenter fortune, de voir s’il n’y avoir point moyen d’en dénicher les Anglois. Ils arrivèrent heureufementfans eftre découverts, Remi- rent pied à terre dans un quartier nommé l’Ance de Cour- land j êf laiffant dans leur barque neuf de leurs hommes avec l'equipage pour Iagarder , l’Officier ayec iy. hommes de un tambour , marchèrent vers le fort, de fur le decîin du jour, ils arrivèrent à la belle fucrerie du fieur Lamps qui eftoit le Seigneur de cette Isîe, lorfqu’elle appartenoit aux Holian- dois» llsavoientconfervé cette place , pour en tirer des vi- vres, de y faire des eaux de vie de canne-, de quoy-qu’elle ne fut qu aune portée de fufil du fort , il y avoit neantmoins un corps de garde de quinze hommes. Noftre petite troupe futdivifée en chemin par une forte pluye qui en fit arrefter une partie dans une maifon pour remétre leurs armes en état5 de-forte qu’ils ne fe trouvèrent que fept pour forcer ce corps de garde. Ils tuerent d’abord la fentinelle , mais ne s’eftant pas apperceû qu’il y avoit deux portes à cette maifon, les quatorze Anglois fans faire aucune refiftance , s’enfuyrenc versle fort , & y donnèrent l’alarme. Le lendemain à la pointe du jour , l'Officier fit batre la diannepar les deux tambours, de en envoya un fommer le Commandant de fe rendre à l’armée Françoife fans aucun delay, parce que s’ils nelefaifoiept , que l’on les alloit for- cer fur le champ, de qu’on ne donneroit point de quartier ■ parce que l'armée Françoife qui eftoit à cinquante pas delà, ayant d’autres entreprifes plus confiderables à faire , elle ne fe vouloir point arrefter dans cette Isle, de que les navi- res eftoient à l’autre cofté de l’Isîe qui n’attendoient que leur retour pour faire voile. Le tambour qui eftoit un galand homme qui meritoirun aurre employ que de battre laçai fie ,s’y en alla contre les formes delà guerre s’approcha delà porte avec fcn fufil- fur fon épaule , il le mit auprès de Iuy , bâtit la chammade , de fie fon appel. Le Commandant fut allez fot pour venir en Des Ant-îsles de î Amérique . 167 perfonnne, fans autrçs armes que fon épée, recevoir la fom- mation du tambour , qui la luy fit avec fierté & refolution. Le commandant apres luy avoir donné un oftageafïn d’a- voir du temps pour capituler, il demanda au Tamboureu eftoit cette armée Françoife ; le Tambour luy repartit qu’elle eftoit à cinquante pas de là, 6c que s’il vouloir venir fur une petite éminence voifine, qu’il la pourroit voir. Le Com- mandant continuantfa première fotife accompagna ieTam. bour fur cette hauteur, d’où il luy fit voir l’Officier 6c fes quatorze volontaires, fous des bannaniers tous preffs à bien fairej & luy dit, la voila. Le pauvre Commandant fe voyant duppé, voulut reprendre le chemin de fon fort : leTambour changeant auffi-toft de figure jetta fa caiffe par terre , 6c luy appliquant le bout du fufil fur le ventre, luy dit qu’il é- toit mort s’il ne luy rendoit fon épée ; Il fut promptement obéy ,& ce Commandant fut fait prifonnierde guerre. Se voyant pris , il demanda d’aller dire à la garnifon qu’el- le fe rendift aux François 5 mais il y fut accompagné de toute la bande qui le tenoit feurement gardé. Le Tambour qui marchoit devant, s’approcha de lafentinelle, & l'ayant couché en joü, luy fit mettre les armes bas. L’Officier 6c fes gens entrèrent dans le fort, & tous les Anglois q..ui é- toient fous les armes , croyant que ce fût une partie des troupes qui venoit prendre poffeffion,donnerent toutes leurs armes àu Tambour , qui les faifoic renger les uns apres les au- tres dans un petit coin du fort. Ainfi cette petite troupe s’empara du fort de Tabago qui efloit capable de foûtenir un fiége, y firent cinquante prifon- niers de guerre, prirent tout le canon, plufieurs belles 6c bon- nes armes de toutes façons, chargèrent leurs barques, & s’en revinrent avec les prifonniers & le butin. M. Vincent y entretint une petite garnifon jufqu’au mois de Mars de l’an- née l66j. 6c en la retirant , il fit mettre lefeu par tout. Cette Hiffcoire a efté donnée au public d’une maniéré bien differente de cellc-cy , à laquelle je ne donne point d’autre garand que Monfieur Vincent Gouverneur de i’Isle Hiftoire generale delà Grenade qui fitl’entreprife 8c qui m*en a donnelesme- nioires de fa propre main, lefquels je çonferve, auffi bien que les autres , pour juftifier tout ce que j’écris. f I. Conquefle de î J (le de Saint Eufiache , attaquée par les Hollandais paries François , mais rendue aux François . L’Isle faint Eu Hache quia toujours efté confiderée par les Nations de l’Europe , qui ont habité les Ant-Islesa { à caufe de fa ficuation & de fa force ) comme un polie con* fiderabîe , avoit efté honteufement conquife par les Anglois furies Hollandois un peu auparavant que les François fuflens entrez dans cette guerre , 8c eulïent pris les armes contre les Anglois , 8c avoit déjà fait fentir aux François de S. Chri- ftophle , combien ce polie leur eftoit dangereux par les ren - forts qui en fortirent lorfque le lîeur W ats entreprit d y dé- truire la Nation F rançoife. Cela avoir dé- ja fait penfer Mei- lleurs de faint Laurent 6c de Chambre a s arracher cette 6- pine du pied a 8c les avoit oblige dés le mois de Juin prece- dent , de l’envoyer reconnoiftre par quarante avanturiers, qui l'eu lient prife s’ils avoient efté foutenus par cent bons foldats , comme je l’ay dit ailleurs, Cette entrepnfe qui avoit efté remife à un temps plus cc>- mode,fut faite parmi Fribuflier Holadois, quiayant pris une cômiffiondu Gouverneur de Caraliol pour la reprendre, vint vers la fin d’Od >bre , ou au commencement de N ovembre , à Saint Chriilophle * 8c communiqua fon delTein à Monfieur de Saint Laurent , qui luy permit de ramafter dans cette Isle tous "Des Ant- J fie s de î Amérique. i g j tous les Hollandois qui s’cftoient fauvez de faint Martin & de faine Eufiache, & luy donna pour les conduire le lîeur de V andelbourg Aide-Major de la Cabfterre,avec cinquante bons foldats François , qui joinrs aux Hollandois faifoienc environ cent cinquante hommes au plus. Tout cela fut embarque fur q.. ou y. tant navires que barques, qui les furent débarquer à la Cabfterre de l’isle de faint Eu (tache , qui eftoit le feul lieu où ils pouvoient dé- cendre ; & néant-moins afiez mal gardé par les Anglois . car fesatcaquans les forcèrent, leur lirent quitter ce porte* & entrèrent dans l’Isle fans perdre un feul homme. Ils fe cantonnèrent dans cette Isle , & prenant le fort afTez mol- lement , s’arrefterent quelques jours à faire bonne chere des beftiaux qui elloient en abondance dans cette Isle. Mon fieur de la Barre eftant arrivé à la my Novembre* famt Chriftophle, de ayant eu avis de cette entreprife envoya en diligence le'ficur d’Orviliier fon Gendre fur un navire de fa Majefté, nommé le faint Sebaftien corn mandé par Iefîeur Padieu, & fur le faint Chriftophle’ avec cent cinquante hommes. Ces va idéaux partirent de’ faint Chriftophle le quinziéme, & arrivèrent à faint Euftache le me; me jour , où apres avoir joint fes troupes avec celles du ”-ur Vandelbourg, il apprit de luy que les Hollandois a- voient commencé à traiter avec les Anglois, & que cela tiroir trop en longueur. Sur ce rapport, il fit avancer tous les François jufqu/à la portée du moufquet du fort, & ayant Hic les derachemens , alloit donner un a lia ut vigoureux pour emporter le fort d’embleye. Cela étonna fi fort bs Anglois , qu’iJs envoyèrent promptement le Lieutenant mro- o- ^eebroug, demanda à capituler avec le fieur d (J r vil li ers , & ne voulut jamais entendre parler des HoI~ iandois , nv faire aucun traité avec eux. Lés conditions du traité furent que les Anglois fortiroienc dei isle, fans armes ny munirions de guerre ; mais feulement avec leurs hardes & équipages i Si que Monfieurd’Orv.llier mur teroit fournir un navire pour les tranfporter droit à la Y 170 Biftoire generale Le dix-feptiéme, Monfieur delà Barre en ayant eu avis , leur envoya un petit navire nommé le Pigeon , apres en avoir ofté le canon & le grand hunier , pour les empêcher de lou- voyer, 6c de regagner les Isîes du vent. Trois cens cinquan- te personnes Angloifes furent embarquées fur ce navire, en- tre lefquelles il y en avoir environ cent cinquante de foldats' j & apres leur fortie, le heur d’Orviliier prit pofleffion du fort , où il trouva feize pièces de canon , un mortier de fon- te, douze bombes , & cent cinquante bonnes armes à feu en bon eftat 3 mais très peu de munitions. L’on tint Confeilà faine Chriftophle, pour fçavoir fi î’ondevoitabandonnercepofte,ouleconferver3 Scies opi- nions ayant efté partagées , Monfieur de la Barre jugea à propos d’y laifier une fuffifante garnifon pour conferver ce fort, qui entre ceux qui ne font baftis quede terre dans i’A- merique, paffe pour le mieux fitué , & pour le plus fort. Il chofir pour cet effet lefieurde Rofe, allez recommandable par fa valeur-, mais particulièrement par Piîluftre témoignage que M. de Tracy en donne à Monfieur Colbert , dont j’ay fait mention dans ma troifiéme Partie. Il luy donna quatre-vingts foldats tant du Régiment de Poitou , que des troupes de fa Compagnie pour le garder, avec ordre de fe fervir des negres conquis dans cette Isle , pour les faire tra- vailler à le reparer. Des Ant-]Jles de î Amérique. 171 § in. Entre prife de Marecaye , faite par quatre cens Av an tu ^ tiers François , portant commijjion de Portugal. I’Avouë ingenuement , en traitrant de l’entrepriTe de Marecaye, que les mémoires qui m’en ont elle donnez par Mon fieu r d’Ogeron , Gouverneur de la Tortue & de la co fie de Saint Domingue , ne m’ayant pas fpecifié le temps aufli bien que piufieurs circonfiances de la route des Avan- turiers & de l’attaque de ce porte * je m’eftois relolu de n’en rien écrire , ne me Tentant pas artez inftruit pour fatisfaire pleinement f avec certitude le Lecteur. Mais mes amis m ayant prie de donner au public ce que ce bon Gouverneur m’en avoir communiqué 5 je me fuis laide aller à la mettre en ce lieu , quoy que je me fois perfuadé que cette entrepri- Te ait erté Taire ou un peu auparavant , ou au commencement de cette guerre. Moniteur d’Ogeron arteure dans ces mémoires, qu’envi- ron quatre cens Aventuriers François entreprirent fur une commilîïon de Portugal , d’aller piller la ville de Marecaye 9 qui eft un lieu de grand commerce , fitué en Terre Ferme dans un grand Golfe nommé Marecabo , à environ dix de- grezauNord de la ligne Equinoxiale , &: quafi en parallèle de la ville de S. Domingue en i’Irte HiTpagnola , Tous la do- mination du Roy d’ETpagne. Moniteur d’Ogeron, duquel ils dépendoient en partie, ayant beToin de Tes gens , fit tout ce qu’il pût pour les en dilfuader 5 mais ne les pouvant plus retenir, il trouva à pro- pos de leur do? ner des Officiers, & de mettre à leur telle le Heur d Artigry Ton Majorj & apres avoir fourny les vaifleaux Y.j iyi Hifioire genevale de vivres 8c de tout ce qu’ils eurent beïoin pour fe mettre eneftatde faire cette entreprife) il les laifla aller. Les Efpagnols qui avoient eu quelques avis fecrets de leur deffein , abandonnèrent Marecaye , 8c fe retirèrent avec tout ce qui leur appartenoit à 32. lieues plus haut dans la ri- vière, ôcfe fortifièrent dans un lieu que l’on appelle G ilba- tar -, 6c comme ils eftoient cinq ou fix cens bons hommes , ils faifoient bonne garde , fort refol us de fe bien deffendre contre les Ladronnes > c’eftainfi qu’ils appellent nos Avantu- riers. Les avantures que le fieur d’Artigny 8c les gens couru- rent en chemin ,aufli bien que les circonstances de 1 attaque 6c tout ce qui fepaffa dans ce combat, auroientfort enrichy cette hiftoire ; mais tout ce que j’en ay pu apprendre eft que le combat fut grand 6c fort opiniaftré , avec carnage de part 8c d’autre, 6c que les Efpagnols fuccomberent, que Giiba- tar fut pillé ; 6c l’on peut juger du refte du pillage par deux feuis Articles que j’en ay dans mes mémoires , dont le pre- mier eft de quatre-vingt mille pièces de huit d’argent mon- noyé , 6c l’autre pour 32000. livres de toilles , furie pied qu’elles furent venduës , c’eft à dire à la moitié : Jugez de tout le refte des autres richeftes qui furet trouvées en ce lieu. Nos Fribuftiers s’en retournèrent à la Jamaïque, 6c une par- tie des François revint a la Tortue avec une pi ne de cacao, dont l’on fait la chocolaté : 6c cette marchadife n’eftant pas encore fort connue dans cette Isle , M. d’Ogeron 1 eut a grand marché , 6c y a bien gagné. \ , - Des Ant-lsles de V Amérique. S ^ <3* c; «'i o ^ e s Ant- J fies de V Amérique. fe rendre à la Guadeloupe, iuivant Je projet fait avec Mon. Heur de la Barre. Mais avant le départ des Gouverneurs , comme fi M, delà Barre eût preveû ce qui luy devoit arriver , iî requit par écrit Monfieur de Clodoré de vouloir prendre la conduite de cet- te entreprife. Voicy les copies du Requifitoire & des ordres qu’il luy donna pour cette entreprife. C opie du requifisoire de Monfieur de la Barre, NOus requierons Monfieur de Clodoré , Gouverneur de la Martinique , de fe tranfporter à la Guadeloupe em toute diligence, pour y prendre les troupes qui doivent eftre arrivées de fon Gouvernement , &fe rendre fans perdre de temps , en l’Isle d’Antigoa pour l'execution de nos ordres: ledix- neuf Novembre mil fix cens foixantefix. Signé le F E V RE DE L A B A RRE. Copie des ordres de Monfieur de la Barre a Monfieur de. Clodoré. MOnfieur de Clodoré partant d'icy fur le navire nommé le Lys, iraâla Guadeloupe, où il prendra les trou- pes, vaifleaux ÔC barques venues de la Martinique, & où iî fera joint par les troupes de la Guadeloupe & la Compagnie du fieur d’Aloü , Capitaine au Régiment de Poitou , de Ma- rigalande , de là ira avec tous les vaifleaux £c baftimens àAn- tigoa. Y eftant arrivé, ilferafommer les habitans d’executer le traité qu’ils ont fait avec nous, dont il porte l’original- & encasqu’ils s'y accordent , travaillera en mon a b fonce à fon execution, ainfi que je pourrois faire citant prefent. Et en cas de difficulté ou inexecution de leur part , rom- pra ledit traite , & les foumettra par la voie des armes • em- ployant à cet effet toutes les troupes & vaiffeaux qu’il’ aura avec luy en la forme & maniéré qu’il trouvera le plus con- ij6 'Hifloire generale venable j ordonnant à tous les Capitaines des vaiffeaux, 8c Officiers des troupes , mefme à ceux de la Guadeloupe , de luy obéir en l’ablence de Monfieur du Lion , Sc executer les ordres qui leur feront par luy donnez. Que fi Monfieur du Lion pouvoit fe tranfporter audit Heu d’Antigoa , ce que nous ne croyons, ils agiront de concert pour l’execution de ce que deflus, en noftre abfence avec plein &. entier pouvoir , félon leur prudence 8c leur expé- rience. Monfieur de Themericourteftant fur les lieux , Monfieur de Clodoré luy communiquera toutes chofes , 8c concertera avec luy fur les entreprifes à faire 5 l’execution defquelles je ne doute pas que Monfieur de Themericourt n’ait agréable de ceder à fon e^perience. Fait à S. Chriftophle le 18. de Novembre mil fix cens foixante-fix Signé, le F £ bv g ï DE L A B A & R. E, Monfieur de Clodoré cffant arrivé à la Guadeloupe , y trouva les troupes de fon Ifle ; qui par les ordres qu’il y avoit donnez 8c par la vigilance du fieur de Laubiere , s’eftoienc embarquez au nombre de fix à fept cens hommes, avec les Compagnies de Praille 8c de Rougemont , tous en refolution de bien faire. Mais en rnefme temps Monfieur de Laubiere apporta un avis , qui partagea les foins des Gouverneurs , 8c les obligea à en prendre un peu plus pour la prote&ion deleurlsle, que pour féconder ces beaux defleins. Car il les a fleura que les cha fleurs de l’ifle de la Martinique avoient pris un peu avant fon départ , dans l’Isle de fainte Lucie , les Anglois d’un canot qui y avoit eflé pouffé par les vents 8c parles marées v& qu’apres les avoir interrçgez en particulier, ils avoient tous affleuré qu’une puiffante flotte de 48. navi- res , entre kfquels il y avoit fix grandes frégates du Roy d’Anglererre , de 50. & de 60. pièces de canon , fe prepa- roit àla Barbade pour paffer à la Martinique 8c à ia Guade- loupe, 8c aller en fuitte fondre fur Msle de Saint Chriffo- jphle. Sur Des Ant-îsles de V Amérique. 177 Sur cet advis , qui fut confirmé d’ailleurs, Monfieur de Clodoré ne renne que 350. hommes avec lu y , & renvoya M de Laubiere avec le refte de fesgens, pour conferver Ton Gouvernement en attendant fon retour. Monfieur du Lion aans la mefme penfée , fe referra suffi , & fe contenta de luv donner 150. hommes, fous la conduite de M . HinfTelin fon Lieutenant, & ayant mandé cette nouvelle à M.deTheme- ricourc , il n’y voulut envoyer perfonne* de forte que M de Clodore fut contraint de partir de la Guadeloupe avec*fix ou (epe cens hommes , au lieu de 1300. ou plus qu»il devoit a vo)r pour cette expédition. Ils furent mis fur huit navires* & trois barques, 6c il partit incontinent pour Antieoa où il arriva le dernier de Novembre. & s Meffieurs de la Barre 6c de S. Leon fe dévoient rendre à Anngoa avec les troupes Royales & les hommes dcflachez de S. Chriitophleauffi toft que M. de Clodoré. U y eut de petites intrigues , dont M. de la Barre parle dans fes Mémoi- res imprimez chez Cloufier , dont M. de Clodoré ne tombe pasdaccord, &c’eft une affaire entre eux de laquelle je ne me veux pas mefler : Mais il me fuffit de dire que le Navire nomme e S. Sebaftien , le meilleur de tous les vaiffeaux Françms 5 qui portent Meffieurs de la Barre 6c de S. Leon, re- lâcha a S. Chrirtophle, apres avoir appris en chemin la non. yelle de la flotte qui fe preparoit à la Barbade, 6c que les au- tres vai fléaux qui eftosent les plus pefans , arrivèrent à Anti- goa , comme nous dirons cy.apres ; 6c que mefme M. de la Barre retint le fleur de N a bon, qui luv avoit apporté lanou- ycllede la flotte Angloife , fans luy permettre de retourner a la rencontre de M. de Clodoré , pour Juy déterminer ce ordre" fpicial! 6 occurrence> comrae 11 en ayoit Z 17S Utfloire generale § iî- Monfieur de Clodorè fait fommer les Habitans d AntU goA d’exécuter le traité, & fur leur refus , il fut fa de fente & les contraint de fe rendre . MOnfieur de Clodoré qui s’eftoit fournis ( ^ourlebieu du fervice du Roy , fans en avoir aucun ordre de fa Maiefté ny de la Compagnie ) d'obeir à Monfieur de la Bar- re fur mer èc fur terre , trouva en arrivant a Antigoa que les affaires y-avoient changé de pofture, que les Anglois y avaient receu du renfort de la, Barbade , & que le Colonel Fifche y avoir efté envoyé de Nieve par le Lieutenant ge- neral Willougby , pour y commander en qualité de Gou“ verneur en la place du Colonel Garden 5 qudls eftoient neuf cens hommes effectifs , retranchez dams leur propre pays, fort de fa nature, ôcfaifamt grande mine de fe vouloir bien deffendre. Ils donnèrent tout d’abord avis au Colonel Boncley , qui eftoit en oftage dans le Navire de Monfieur de Clodoré , qu’ils attendoient à tous momens cette puilian- te flotte dont nous avons parlé. ■ , , Toutes ces chofes mirent Monfieur de Clodoré dans une Grande perplexité. Les ordres qu’il avoir de Monfieur de la Barre portoient expriment de forcer les ennemis , en cas qu’ils euffent rompu le traité, mefme dans fonaMerice; lup- pofant toujours qu’il devoir avoir douze ou treize cens hom- mes effectifs. Il n’en avoit neantmoms que fix ou lept cens: il n’avoit aucune nouvelle de Monfieur de la Barre , qui de- vait arriver aufli- toft que luy à Antigoa avec quatre ou cinq cens hommes des meilleures troupes. La nouvelle ae 1 arri- Des Ant Ifles de l' Amérique. \yq vée de la flotte le prefloit de diligenter l’execution, ou de s’en retourner honteufement. D’ailleurs le bon fuccez de cette entreprife eftoit autant glorieux aux armes de la Fran- ce, que la retraite fans rien faire luy en auroic efté honteu- fe5 & tous les accidens qui y pouvoient arriver menaçoienc fa perfonne, & n’a voient point d’autre garand que fa tefte : fi bien que le trouvant feul à démefler cette mauvaife fufée il eut recours à Monfieur Blondel , Ingénieur de fa Majefté* envoyé aux Isles pour les fortifier , homme plein de lumiè- re & de grande expérience dans les affaires delà guerre , au- quel apres avoir expofé fincerement toute cette affaire il en tira cette judicieufe réponfe , Que de deux partis égale- ment périlleux , il falloir toujours prendre le plus honora- ble, ôc qu’il faloit continuer avec vigueur l’execution de cet- te entreprife. Monfieur de Clodoré foutenu de l’avis de Meilleurs Blon- del & Hinfcelin , drefla auffi-tofl: la fommation fuivante } & apres l’avoir communiquée à ces Meffieurs , il l’envoya le lendemain matin par un Trompette au Gouverneur Gar- den , qui la receut en prefence de quelques Officiers , par Jefquels il fut la nuit fuivante arreflé prifonnier par ordre du Colonel Fifchej & la pauvre Femme du Gouverneur Garden penfant que Monfieur de la Barre fuft prefent en cette flotte, luy écrivit la Lettre fuivante, & fon Mary é- crivit auffi un Billet à Monfieur de Clodoré. Je mets icy toutes ces pièces en leur ordre, comme neceffaires à cette Hiftoire. Coppie de la Sommation* LE fieurde Clodoré , Gouverneur pour le Roy de I’Is- le de la Martinique , ayant les ordres de M. de la Barre Confeiller du Roy en tous fies Confeils , & fon Lieutenant general en toute i’Amerique tant par mer que p^r terre» Zij 180 ' Bifioire generale Nous fommons les Officiers, Habitans 6c foldats de PIs- le a Antigoa , de remettre ladite Isle entre nos mains , fuivant le traité 8c la capitulation faite 6c arrefiée le dixiéme du mois de Novembre paffé , figné êc ratifié de tous les Officiers 6c principaux Habitans de ladite Is!e, pour lequel effet iis ayent à nous remettre ( en cette Rade des cinq Isles ) dans Jeudy matin deuxième du prefent mois de Décembre, les armes, canons 6c munitios de guerre : à faute de quoy leur déclarons qu’ils y feront forcez par la voye des armes , ians avoir égard audit traité. Enjoignons au Colonel Gardem, Gouverneur de ladite Isle, 6c aux autres prifonniers qui ont effé remis en liberté fous leur foy , ferment êc parole , Ôc en execution dudit traité 6c capitulation, de fe venir remettre prifonniers : 6c que tous les députez qui ont figné Iedittraité, 6c ceux qui leur en ont donné le pouvoir fe rendent auffi à noftre bord, finon feront traitez comme gens fans foy , qui ont manqué à leur feing 8c parole. Et afin qu’il foit notoire à un cha cun que nous avons fait la prefente fommation , nous l’a- vons fait figner en double par le Colonel Boncley demeuré en oftage prés de nous, par un article dudit traité , dont nous avons envoyé l’un par noftre Trompette, 6c l’autre gardé par devers nous pour fervir 6c valoir ce que de raifon, 53 Fait au moüillage des cinq Isles d’Antigoa, le premier jour dé Décembre mil fix cent ibixante-fix. Signé de C l o- doke’, 6c I. Boncley. Lettre de Madame Qarden à Monfienr de la Barre . Mon mary cette nuit a e(tè enlevé dl auprès de moy pat deux Of- ficiers & deux foldats , & ce qàjls prétendent faire de moy & des miens , jufqu’d prefent ienen f\ay encore rien $ mais ie crains quil ne 'nous en arrive mal , le vous fuptdie très- humblement , M o N- s t E v k j voyant que moy , les miens , dr ma f amitié efl delaijjee T) es Ant-Jsles de t Amérique. ifo abandonnée de nofire Nation 5 qtt il vous plai fe nous prendre fous vo- tre protection , nous qui ri avons levé la main ni le cœur contre vous • & moy & les miens , & beaucoup d'autres prieront pour vofre profi- périt é , & ie prend la hardie/Je de me qualifier , MON SIEVR, Voftre tres-humble & tres-obeifTante fervante , Marie Gardin, 2. Novembre , vieux difi 1 666. s Il paroifl: par cette lettre, que les femmes Angloifes pren- nent le furnom de leurs maris. Cemefmejour le Colonel Garden écrivitde faprifon, ce billet à Monfieur de Cîodoré. N S 1 FV R , l'aurois eu l'honneur de vous aller trouver , mais ïay efiè intercepté par ordre de Monfieur le Gou- verneur Fi fiche , & il ne m'a pas efiè permis de for tir. l'efpere , Monsievr, que ne croire ^ , ni ne iugere^ autre chofie de celuy qui prend la liberté de fie fiouficrire. Voftre tres-obeïllant & plus humble ferviteur, Robert Garden. Deux heures apres que le Gouverneur Garden eut en- voyé ce billet , il fie une action allez rare entre ceux de cette Nation: car pour ne point manquera fa parole , il fe déro- ba adroitement de fes gardes , 6c vint au bord du navire de Monfieur de Cîodoré, 6c fe remit volontairement entre fes mains. Il luy confirma tout ce qu’on luy avoit écrit, 6c a- joûta que les Officiers, les foidats 6c les habirans avoient prefté le ferment au nouveau Gouverneur Fifche , qu’ils eftoient tous campez au quartier de Fopfede, bien armez & tous en refolution de périr pluftofi: que de fe rendre. Mon- fieur de Cîodoré fie incontinent lever l’ancre, 6c palis, tout le jour à louvoyer pour aller mouiller tout proche de leur camp , 6c eftanc arrivé la nuit , il receuc le matin ces deux lettres,. it& Hifloire geneuk JL £> iiJLJL Sb &,JLJi£L,JL JLàjJL Jl. JL JL JL &£££'£.£ Copie de h lettre écrite cl Monfieur de Clodoré , par Mef. Jtetws les Colonels & Officiers Anglais df Antlgoa , le deux Septembre mil fix cent foixante-fix) vieux fille , trente* im ftile nouveau, '^/±02ÏSIErR, ]sl o us avons receu vos fe mon ce s de venir abord délivrant en vè* fire poffeljîon nos armes (fi munitions de guerre, laquelle chofe , le chan- gement de nos affaires eft tel depuis voftre départ ,■ qu’il ne vous la peut pas permettre. Monfieur le Lieutenant General de noftre Roy ayant envoyé icy le Colonel Daniel F 'ifche pour fon Gouverneur luy a don- ne pouvoir fur toute la milice de cette lsle fi- bien , Monsievr, que nous finîmes devenus tout~d fa.it incapables de vous donner aucu- ne reponfe faits fa cioirc y (fi Jur l’ esc amination des affaires pajjèes , a trouvé qtt elles efioient beaucoup à no ftr e pre indice -f (fi en particulier envoyant les Caretbss deux fois fur nous contre l’obligation devos Ar- ticles , (fi les loix des Nations , desperfonnes qui font cruels , tout- à fait barbares & ignorans de Dieu (fi défont es civilité 2^ : Neanmoins M o n s 1 e v R, j nous vous fup plions faivant ce que nous avons dé* iafait , d’en faire vos demandes à noftredit Gouverneur ÿ qui eft uni- quement expérimenté en matière de guerre- En attendant nous de- meurons. MONSIEVR, Vos tres-humbîes fervireurs^ Bàstién Bayard, PhilipeWa er- nard, Richard Baraston, S a- mvel Vvintrop, Gilbert G r e~ GOR1E, HARNEY, KEINEL. Ils en joignirent à celle cy une autre pour le Colonel Boncley , qui eftoiten oftage, & qui leur écrivit pour les obliger à garderie craicé dont üelkutl’oftage &; le garandj M Des Ant-Jfles de î Amérique] ïï* ONSlEVR , Nous avons receu la voflre , k laquelle nous ne pouvons à pvc- fent faire aucune reponfe , finon qu’il neft pas en no (ire pouvoir de convenir a vos femonce s , ni à aucunes cbofes cy-devant faites } parce que depuis voflre départ d’icy , eff arrivé le Colonel Daniel Fifche , avec commiffion de Monfleur le Lieutenant General , pour Gouver- neur en vertu d’un mandement du Roy , lequel a eflé publié : c'eft- pourquoy ces affaires- U font entièrement demeurées entre les mains du- dit Gouverneur , auquel vosfemonces & demandes doivent e/lre fai- tes , comme e(iantfeul Commandant de la milice. Nous trouvons que nous avons receu grand preiudice à la rupture des Articles conccr- nans les Careibes , qui ont deux fois attente Jur nous a leur maniéré accoutumée , qui cruelle & barb arienne. Nous ferions efoüts de vous voir fi le foubaitte ^ car on attend icy quwzp navires de la Barb a de , dont il y en a cinq de trente pièces de canon chacun , &deux de fixantes & huit navires marchands de vingt à trente pièces de canon , avec mil foldats du Roy veflus de cafaques rouges , avec quantité d’armes : vous prefentant vous rendrezjèrvice. Nous demeurons. MONSIEVR, Vosaflèurez amis & fervîteurs B ASTI EN B O Y ER, PHILlPE VvAIR- kard, Richard J^a reston , S a- MVEL VVINTROP, GlLBERT GRE- G O R 1 E, He NE Y, K.EINE L. Ces deux lettres ayant efté receu ës en me fine temps9 Monfieur de Clodoré voyant bien qu’il en faudrok venir à la force pour punir les Anglois qui fe foucioient fi peu de vio» 1er un traité fi authentique , tint un Confeil dont voicy le refultat. Refait ut du Confeil tenu entre Meffieurs de Clodorê , Blondel , (djr le Chevalier Hinfcelin , fur la repm- fe des Colonels , Officiers , (dfhâbitans d' Antigoa , far la fommatïon qu on leur a faite. SV R ce cjue les ennemis n’ont fait aucune réponfe à la fommation qui leur a efté faite il y a trois jours , de fa- tisfaire aux conditions du traité qui a efté fait avec eux ; 8c qu’au contraire ils ont envoyé ce matin une Lettre, par la- quelle apres avoir cherché de vains prétextes de rupture , ils déclarent r/eftre point en volonté de le tenir } qu’au mef- me temps ils ont difpofé des Corps de garde au long des c ô* tes, & fait paroiftre diverfes perfonnes armées pour s’op- pofer à la defcente : lia efté trouvé bon d’accepter la rupture qu’ils ont faite du traité, Sc apres leur avoir tiré un coup de canon à balle, defcendreàterrepour les mettre dans le devoir, fans avoir égard à la lettre qu’ils ont envoyée : 8c d’autant qu’en l’ab- fencedeM.de la Barre , 8c damlanecefïité prefente qu’il y a derenvoyer promptement les troupes deslsles à la Martini- que 8c à la Guadeloupe , pour s’oppofer aux ennemis qui félon les avis, font preftsd’y arriver par mer, il eft iropof- fible de pouvoir prefentement conferver l’îsle d’Antigoa pour le Roy il a efté j ugé à propos apres la defcente de cher- cher les ennemis pour lescombatre, &en cas de bon fuccés mettre ladite Isle eneftatqueles ennemis n’en puffent tirer aucun avantage. Fait de concert entre nous fouftïgnez , à la Rade d’Antigoa, le troifiéme de Décembre mil ftxcent foi- xante- fix. deClodore', Blondel, Hinsselin. Pendant que l’on tenoit ce Confeil plufieurs bendes de foldats Des Ant-Jsles de t Amérique. jg, loldits armez, impatiens defçavoir la réponfe que l’on fe roit à leurs lettres, parurent lut le rivage, & le coup de ca- non a balle que l’on avoir dé ja refolu de leur tirer fut lâché & du depuis perionne ne parut qu'avec le pavillon blancàla mains & avant que l’on eut fini le Confeil , un Officier del Isle apporta cette lettre à Monfieur de Clodorc. M . » ONSJEmX, Nom vous avons envoya matin telle reponfe que nous posions ejlant fous le commandement & autorité de Moniteur U Gouverneur au pouvoir duqueln ejlions pas capables de refifter-, mais depuit au, nous luy avons fait votr amplement la raijon de noftre premier Traité & noftre refus de rompre , avons tant fast qu',1 en eft demeuré d’ac- cord , moyennant qutl y fini compris comme le refte des habitants ledit 'parLuUriut^ poAtMmm ,aüfé é effeüuè m toutes f, s MONSIEVR. , i A Antigoale vingt, trois Novembre vieux fhie. Vos très. humbles ferviteurs Bastien Bayart, Philipe ^aernard , Samvel Bara- ston, Jeremie Vvathier Mais fans.avoir aucun égard à cette lettre, Monfieur de Clodore leur écrivit celle-cy. M ES SI Er RS, fay, fié fort futpris , lorfque tay veb que vous n'avetpas ré- pondu a la (ommatton que ie vous ay fait faire, & encore davanta- g lo’fo*c ‘ Vf*1* l,nrt V‘‘™us m'aveK envoyée ce matin oA vou nous accufe^de vous avoir traité avec riouL , pour cherche, prétexté de r ornprc comme vous ave^fait , en manquant à vofirefoy & avofireparolle. le defeends A titre & vous vais trouver i l vous mettre avojlte devoir par la voye des armes : ceux qui leîpo. rêé Hiftotre generde feront 3 auront de rnoy bon quartier , & les autres feront traite ^ félon la rigueur delà pierre. Voftre ferviteur de Clodore*. Ala Rade d’Antigoa le 3. Décembre 1667 ilile nouveau. , Incontinent apres , Meilleurs de Clodoré 8c Hinfcelin defcendirent , 8c toutes les chaloupes tirant vers la terre en fort bel ordre -, 5c toutes les troupes témoignant tant d'im- patience d’en venir aux mains que les Anglois en prirent l’é- pouvante , 8c le témoignèrent par un pavillon blanc qu’ils mitent fur une petite éminence voifine de leur camp , 8c deux Cavaliers vinrent le pavillon blanc à la main , dire que tout le monde eftoit preft à pofer les armes , pourveu que l’on comprift le Gouverneur Fifche dans le traité. Cependant Moniteur de Clodoré qui n’écoutoit plus toutes ces proposions , pria le lîeur de Gomofar Lieute- nant au Régiment de Champagne, de faire la charge de Major de fa petite armée , 8c il s’en acquita avec une con- duite qui corefpondoit à la bonne opinion qu’on avoit de fon expérience. L’on marcha enfuite pour aller combatre ce nouveau Gouverneur 8c ces huit ou neuf cens hommes -, 8& deux coups de moufquets furent tirez par les ennemis à l’en- trée d’un bois fur un Sergent François , mais li maladroite- ment, qu’ils tuerentunede leurs fentinelles -, 8c ce fut tout lefangquifut répandu dans cette conquefte5 car tous les Îiauvres habitans mirent les armes bas fans y eftre forcez : 8c e Gouverneur Fifche ayant appris que Mondeur de Clo- doré marchoit vers luy avec toutes les troupes 8c quatre piè- ces de canon, fe fauva dans une barque avec le Colonel Vvaernard 8c quelquesautres, fans dire autre chofe à fes foL dats que ces paroles , Dieu foitaveemoy & aveevous. Voyons ce qui fe paffa enfuite dans cette réduction 5 avant que de par- ler de la conquede de l’Isîe de Mont-Sarra par M. de la Bar- re , Monlîeur de faint Laurent * Moniteur de faint Leon % les troupes Royales, 8c les habitans de faint Ghridoph le. T>cs Ant-lfles de î Amérique, jgy § in. O qui se@ pajfé depuis U réduction de cette lsle tuf. qu’à U conqttefte de l lsle de Monts an». ' ~ APrçs que le Gouverneur Fifche eut abandonné cette lsle , tout ce qu'il y avoir d'Officiers , de foldats & d natmans poferent les armes, & fe fournirent à la difcre tion de Monfieur de Clodoré. Il leur ordonna de s'alTem- b a-Dnm,k^e f“‘vant> croyant qu'elhnt un lourde priè- re & d affemblee, ,1 leur pourvoit plus facilement faire fa dé- claration. Mais ces i miferabies ne faifant aucune diftindion de ce lour pour s aflembler , n'y ayant ny Eglife , ny Tem- pie , ny Preftre , ny Mimftre , ny aucune marque de la Reli- g,on Chreftienne dans toute i’isle, ils ne s’alTemblerent que fur le loir, Sc avec affez de peine. Monfieur de Clodoré les voyant affemblez , leur déclara que leur manque de foy meritoit un traitement plus rieou veux que celuy qu'on leur vouloir faire , qu'ils en avoienf l'o. bl'ganon a fa Majefte qui commandoitâ tous fes Officiers d ellre mdulgens & de pardonner facilement à ceux qui fc foumettroient a fes armes , qu'ils eftoient tous prifonniers de guerre tous leurs biens acquis au Roy & à la Compagnie des Indes Occidentales ; mais que tous ceux qui voudrofenc prefter le ferment de fidelité à fa Majefté très. Chrellienne ferment remis dans la pofleffion de leurs biens , reputez Fran’ |°” ’ ¥i |!?rn'e"r deS mrefnles privilèges que les fujetsdu R' y. I leur deciara en fuite qu'ils dévoient payer les frais de la guerre & fe redimer du pillage , en baillWt g0“ Ne- grès & qu ils fourmroienc des vivres à toute la flotte -, que les Colonels Garden&fioncley.enconfidctationdeleof fi! Aa ij 3$g l iiftoire generale déliré à garder leur parole 6c de leur charge , feraient ex- empts de cette contribution , à la charge qu’ils ne pren- draient point les armes contre fa Majefté , qu’ils ne fuflTent remis en liberté } & que les habitations , meubles 6c immeu- bles des abfens fugitifs demeureraient confifquez au profit de la Compagnie des Indes Occidentales» Du 5. de Décembre 1666. ftil nouveau. Afâc de ferment fait par les Officiers , chefs de famille ; (ÿ* hahitans de l ifle dû Antigoa , ajfemble?. prefente- ment au camp de la maifon du Capitaine Vvintrop , quartier de Maerfon : Rntre les mains de Nous peur de Cio doré , Gouverneur pour le Roy de l'ifle de U Martinique , & commandant les troupes & vaifeaux - de fa Maiepé , pour la çonquefie de Plfle dé Antigoa, NOVS Officiers , chefs de famille , 5c Habitans de ris* le d’ Antigoa , J urons 5c promettons devant Dieu & fur les faintes Evangiles , de tenir 6c garder la foy , fidelité 6c obciiïance au Roy de France , lequel nous reconnoifions pour noftre Maiftre 6c Seigneur , fous la feigneurie de Mef- iieurs de la Compagnie des Indes Occidentales , &. de ne rien attenter, 6c fouftrir qu’il ne foit rien attenté diredement , ouindiredement, ny prendre jamais les armes contre fon fervice t fupplians tres-humblement fa Majefté , de ne vou- loir nous obliger à prendre les armes contre le Roy d’Angle- terre , pendant le cours de cette guerre feulement. Et en confequence du prefent a,de, nous avons approuvé 8c con- lënty , approuvons 6c confentons unanimement , que les fouffignez par nous députez , aufquels ayons donné pouvoir Des Ant - Ifles de l Amérique. 1 verbal de ligner ledit a&e pouf nous, qui validera tout ainfl que ft nous l'avions ligné. Et nous fieur de Clodorc déclarons au nom de fa Maje- fté , que fous fon bon plaifiravons accordé aufdits Officiers, chefs de familles 6c habitans, qu’ils ne feront point côtraints pendant le cours de cette guerre, feulement de porter les aj-mes contre le Roy d’Angleterre. Fait 6c arrefté double entre nous au camp fufdit, ledit jour 6c an que defTus, Signé de C l o d o r. je , 6c quatorze des principaux de ladite Isle. Enfuire du ferment , les habitansde cette Isle quieftoienc defarmez, 6c qui (e voyoient expofez aux infultes de toute forte de Nation , particulièrement des Careibes, demandè- rent à Moniteur de Clodorc une garnifon 6c un Gouver- neur François : mais ne fe trouvant pas en eftat de le faire, il fe contenta de leur laifler la fauve- garde fuivante , 6c une centaine de fufils pour fedefFendre contre les Careibes. Saisie- garde de Monteur de Clodoré aux habitans d' An* tigoa. Le fieur de Clodoré Gouverneur pour le Roy en l’Is- le de la Martinique , fous l'autorité de la Royale Compagnie des Indes Occidentales, Comman- dant les troupes & la flore pour la conquefte d’Antigoa. NOus mettons fous la protection 6c fàuvegarde de fa Majefté, tous les biens, perfonnes ôc familles de tous les Officiers 6c habitans de l’Isle d’Antigoa , les ayant conquis 6c fait prefter ferment d’eftre fidels fujets de fa Majefté trés- Chreftiennc $ 6c en cette confédération , leur permettons A a iij Uifloire generale d'avoir cent armes à feu pour leur défenfe contre les Carri- besj défendant à tous ceux fur qui noftre pouvoir s5 ftend , & prions tous les alliez de fa Majeftc,de ne leur faire aucun tort : voulant que la prefente ordonnance foit enregiftrée au Greffe de cette Isle , pour y avoir recours, 6c que foy foit ajouftée aux copies collationnées d’icelle, pour tous ceux qui les délireront. En foy de quoy , avons fait ap pofer le fceau de nos armes , 6c ligné de noftre main , contrdi- gné par noftre Secrétaire , à ce qu’elle fait plus authentique. Signé de Clodoré', Et par mondit fieur , G o N T i e r , avec fceau. Mais apres toutes ces précautions, cette pauvre Isle ne futguere plus heurenfe que fi elle avoir efté ruinée de fond en comble. L'on retint tous les foldats prifonniers de guer- re, 6c les pauvres habitans n’ayant pas 800. negres dans toute Flsie , n’en purent fournir que cinq cent, toutes les armes, 6c tout ceque l’on put emporter de canon furent enlevez, comme auffi les engins 6c les chaudières à faire du fucre, atiffi-bien que tous les meubles 6c beftiauxdes habitations confifquez. Moniteur de Cîodoré commanda au lleur dé Praiîle, 6c à quelques Officiers avec des troupes, d’aller à la grande Ra- de, faire embarquer 16. pièces de canon : mais il n'en fit em- barquer que cinq des plus petites, 6c luy 6c fçs troupes s’at- tachèrent au pillage 6c au butin, 6c firent tant de defordre en celieu , que Moniteur de Clodoré en ayant efté informé, il lefufpenditde fa charge. Mi 'de Clodoré ayant efté obligé de retourner à fon navire pour donner ordre à diverfes chofes , laifta le fieur de Rou. gemontavec cent foldatsau logis du Colonel Oüintrop,avec ordre de le conferver 6c de faire retraite le lendemain ; mais audieudelefaire, luy 6c fes loldats pillèrent la maifon de ce Colonel, 5c il s’en revint le mefme jour pour mettre fon bu- tin à couvert. Les troupes du Régiment de Poitou com- mandées parle fieur d’Orvillier, fâchées de ce que l’on ne les avoit pas attendues , pillèrent la maifon du Colonel Garden, Des Ant-lfles de î Amérique . r^0 auquel Monfieur de la Barre avoit donné la liberté & la jouïf- /ance de Tes biens & de fes Negres , nonobstant la Sauve gar- de de Monfieur de Clodoré > & outre tous ces maux , il faluc que les habitans fourmflent des vivres pour toute la flotte : Et bien que Monfieur de Clodoré fe fuit plaint à Monfieur de la Barre de tous ces defordres faits contre fa volonté 8c contre fes ordres * Monfieur de IaBarre , je ne fçay par quel motir , fans avoir aucun égard à fes plaintes , reftablic ce Ca- pitaine dans la charge, & ne fit aucune juftice des autres La jaloufie & ttntcreft particulier , qui ont tant de fois gaite & broüillé les meilleures affaires, Se qui ont minéôc empefehé le iucccs des plus belles entreprifes par mille divi- fions des Chefsqui les conduifoient, fe gliffa en cette occa- fion parmy les noftres * 8c tous les vaiffeaux de Monfieur de ASarrC cfta?C arrivez d Antig°a » à la referve du fien , les Officiers parlèrent d’aller attaquer Mont-Sarra. Mais tous ces Meflieurs ne s’eftant pu accorder pour le commande ment, Monfieur Blondel confeilla à Monfieur da Clodoré d attendre que Monfieur de la Barre fuft prefent dans la flo- te, & de fe retirer dans fon Gouvernement. Monfieur de Clodoré creut le confeil de Monfieur Blon : del; 8c apres avoir fait avec des foins & des peines incroval blés raporter autant de butin qu’il put à la ma ffe, il écrivit a M. de la Barre , l'informa de tout ce qui s’eftoit pafle 8c luy en envoya toutes les pièces , à la referve de la Sauve- gar. de. Il fit incontinent lever l’ancre pour s’en retourner à fon Gouvernement -, ôc les Officiers des troupes , & les vaiffeaux du Roy firent auffi voille pour retourner à Saint Chrifto- phle. Monfieur de Clodoré en pafTant par la Guadeloupe , y it débarquer la partie du butin qui devoit eflre diflribuée ans cette Isle , 8c la, mit en depoft entre les mains du Com- mis de la Compagnie : Et eftant arrive dans la Martinique 1 rerr*,c auffi le refte entre les mains du Commis en attendant que Monfieur de la Barre y fuft , pour en faire h i,i Hifioire générait Cependant les Diredeurs de la Compagnie , qui furent informez de quelle maniéré Monfieur de Clodore s eftoïc conduit dans cette conquefte, luy en témoignèrent leur re- connoifîance en ces termes s V O /ire dernier voyage k Anùgoa n a pas ejie inutile , puifqu il a fervik U prendre pour U fécondé fois , & vous afourny une hile occafion pour faire paroijire vofire courage & vofire c™dmte. Za Relation que vous enavez^ècrite > a efie veue du Roy & e M on- fleur Colbert ; nous l avons fait imprimer , auffi-bitn que celle de la première attaque que Monfieur de la Barre avoit très- bien ecnte, afin que de libelles allions fient connues de tout le monde. Vous avez, bienfait défaire part du butin que vous avez^ gagne fur les ennemis , kceux quije font trouvera cette expédition , en y confervant les ter élis de U Compagnie \ fi l’on en eût ufe de la forte dans les autres eccafons 3eüe s en fer oit mieux trouvée » & n aurait pas laifie de ren- dre à un chacun la iujlice qu il eût mérité. La Compagnie efi fi fais. faite de vofire bonne conduite en cettr rencontre comme par ailleurs, qu'elle vous fait prefent de zo. nègres à prendre fur ceux qui luy reviennent de ce butin dont vous fer ezje choix: vous priât de les recevoir comme une marque de fa re connoiffance^ & de leflime qu'elle a pour vofire mérité , & attendant occafion de vous Omette lettre eft du feize Avril mil fix cens foixante- fix. Cependant les Officiers destroupes Royales malconten- tes de ce qu’ils aveient trouvé la befogne faite fans leur par- ticipation, quoy.que M. de Clodore euft fait vom a Mon- fieur d’ Or viller l’ordre exprès qu’il en avoit de Monfieurde la Barre , firent tant de bruit fur cela , 6c fur ce qu ils ne s e. toient pu accommoder avec luy pour le commandement, que Monfieur de la Barre pour les appaifer , leur offrit 1 au*, que de l’Isîe de Mont-Sarra, fansle fecours 6c la participa- tion des Gouverneurs des autres laies Françoifes. Cette pro- pofition ayant efté bien receuë de ces Officiers .Mon- fieur de te Barre donna ordre au retour en France, de 1 ei- cadrç des vaiffieaux de fa Majefté commandez par le fieur de Dès Ant- Isle s de V Amérique. Iaf Padjeu, ^partit le 18. Décembre pour aller à la Guade> loupe & a la Martinique. uc’ En paflànrpar la Guadeloupe , il y recel, t des Lettres de Woufeur de Clodore , & la copie de la Sauvegarde donnée a Antigoa qu il avoic oubliée à luy envoyer II la com mu mqua fur le champ à Monfieur du Lion /qui s'en off/n« & d,t to"c,h^ut - <1»' P™ qu’elle n'eftoir pas faire en f/n nom, qu il alloit envoyer fes fol dars piller'; tout de nouveau 1 cette Isle & tous les habitans. Il eft à croire que MonfieuJ Monfieur de la Barre citant arrivé à la Martinique, apres quelque conférence avec Monfieur de Clodoré , il lùv d?r que cette (auve-garde en (on nom avoit penfé eau fer bien du bruit ; & fur cela Mon fient de Clodoré luy en demanda fon fentiment, &,l luy dit, Il auroit efté mieux de la faire en mon nom , & Monfieur de Clodoré luy répliqua Én quelle qualité vous mettre à la telle d'une fLvePgarde>E& Monfieurde la Barre repartit, en qualité de Lieutenant rf neral ; Monfieur de Clodoré dit Jufim’icv il point paru que vous le foyez. Il repartit qu'il l’eftoit " J autre luy répondit qu'il faloit le faite voir , & qu'il n'avo^ ■:z ;;;r u?iorrdfe î° Ro? ^ ,u> e dans les Isles. Ils fe fâchèrent tous deux, & en vinrent iuf q.) aux paroles piquantes & à de groflis inveélives rann! " I ans tous les fujets de mécontentcmentqu'ilsavoienteuP/~ ienible ; & (ur ce que Monfieur delà Barre dit i Moufle"' de Clodore qu ,! avoir pouvcjr, en vertu de fa procurât I lu/ dt s,Ucelaeeft ^“vernement, Monfieu/ de Clodoré Phenr , , je quite mon Gouvernement tout à heure 3 & je n en voudrons pas pour quoy que ce fuit à cet-* condition: maiste doute que leRovrrlIai c.etlC quittafleainfi, cela m’obhgera à J’en éclairci^”] 1^ ^ ^ Vitaux Direâeurs , qui lu/éctivirTnt q„e cela II ajouta que jufqu'.cyH luy avoit rendu toutes les déferen ces poffibles pour le bien du fervice & n.iM Uc i e,re“" ».«, àtelSSStÜ Bb Wfiolre générale , t ■ . q-oes’ilprecendoir le contraire , qu’il ne Iuy rendrait queric ?ric ce qui iuy eftoit deûa II y eut encore plufieurs chofes aflezfâcheuies que je n’ofe ni ne dois approfondir. 11 km- bloit que cette rupture ne deuit finir que par quelque gran malheur * Mais les fleverends Peres Bnon 8c Gridet Jelm- tes travaillèrent avec tant de charité 8c d’empreffemeot a les reünir . qu’en trois ou quatre jours ils en vinrent a bout , & les remirent apparamment dans une bonne intelligence. Ils concertèrent enfembie d’envoyer des yaiflcaux croifcr vers la Barbade pour avoir des nouvelles des ennemis , ÔC conclurent qu’enfuite ils renoüeroient la ■ partie pour atta- que de Mont Sarra , êc mefme pour celle de Nieve pour- veu que l’on y puft engager les troupes Rjayales ^nfieur du Lion & Monfîeur le Chevalier de faint Laurent : & Mon fieurde la Barre en partant de la Martinique , promit a M? de Clodoré de venir faire Carefme. prenant av_ec Iuy :mais les tnauvaifes fuites de ces démêlez, ont bien fait voir que cette réunion n’avoit point pénétré jufquau cœur? CHAPITRE CINQVIEME. La conqueftede ITsle de Mont-Sarra par Monfïeur de la Barre. § i. Monfïeur delà Barre , apres avoir reconnu l J s le de Mont- Sarra , fait une armée navale , (dp- la vient attaquer. MOnlîeur delà Barre qui (avant Ton départ de l'Islede faine Chriftophle ) avoir refolu avec les Officiers des troupes Royales, l’attaque de l’Isle de Mont-Sarra, fans la participation des Gouverneurs des autres Isles, nekiffa pas échaper l’occafion de la reconnoiftre en paflant5 car eftan tparti le quinziéme de Janvier mil fix cens foixance- fept de la Guadeloupe, il arriva le feiziéme à la première pointe de cette Isle. Il rengea la terre de fort prés jufqu a la première batterie , Sc nonobftant deux décharges des ca- nons des 2. forts, defquels il receut quelques-uns en bois il prit le loifir de confiderer pendant deux heures tous les re- tranchemens des ennemis , leur contenance & leurs forces & de déterminer les lieux des attaques qu’il y devoit faire. Il continua enfuite fa route vers ITsle defaintChriftophle,oùil arriva le dix-feptiéme de ce mefme mois. Bbij 1^6 Uifioive generale Ilmir âufiï-toftles fers au feu ,6c parla tout de bon à Mef- fîeurs de S. Leon & de S . Laurent , d’aller attaquer Ils le de Mont-Sarra} 8c ces *. Meneurs ayacreceu cette propofition aveejoye , refolurentde l’executcr arec toute la vigueur 6ç le zele que le fervice du Roy le rcqueroit. Dix jours furent employez aux préparatifs de cet arme- ment , pendant lefquels Moniieur le Chevalier de faint Lau- rent receuc fes provifions du Roy pour le Gouvernement de FIsledeTainc Chriftophle, 6c y fut reconnu en cette qualité avec un applaudiflement general de tout ce qu’il y avoic d’honnefles gens dans cette Jsîe. Moniieur de la Barre fit en cette expédition, la charge de Lieutenant General par mer êc parterre, 6c Monfieur de faint Leon , celle de Maréchal de bataille , fans confequence avec Monfieur le Chevalier de faint Laurent qui ne fe fournit àluy que pour certaines con- iîderations. Ces Meilleurs avec toutes les troupes Royales 6c cinq cens hommes delà milice de I’Isle de faint Chriftophle , s em- barquèrent furîj. navires tant de haut bord, que barques 6c brigantins , dont mes mémoires ne fpecifient ni les noms ni les forces, 6c firent voile le vingt®neufviéme de Janvier, pourfç rendre dans la baye du petit Isletau Goyaves de la Guadeloupe, ou Monfieur de la Barre avoic donné le ren- dez-vous } afin quittant au vent de l’Isle de Mont-Sarra , il puft venir fondre, vent arriéré , fur les ennemis 5 êc fans leur donner temps.de fe reconnoiftre, faire fa defeente dans les lieux qu’il avoir projette. Monfieur de la Barre fut aufii malheureux dans cette rou- te , qu’il i’avoit efié fix iemaines auparavant j car les vent? 6c les marées luy furent fi contraires, que toute la ilote fut feparée, 6c pas un des vaiflTeaux ne put gagner le rendez* vousaflîgné fi bien qu’apres avoir batu la mer quatre jours entiers, ïl fut contraint de mouiller l'ancre le vingt-quatre de Février à une pointe de Mont-Sarra qui s’avance vers rOeft , où il fut joint fur le foir par trois autres navires , deux barques 6c un brigantin. Il envoya en diligence le brigan- cin au rendez-vous porter fes ordres a tous les vaifieaux qui Des Ant-îsles de T Amérique. efloient relâchez à faint Chriftophlej & leur dire qu’en cas que les navires ne pulTent gagner cette pointe, qu’ils Iuv en- voyaient les troupes dans des barques qui pouroient mieux tenir le vent. Le mefmejour trois navires & trois barques fe joignirent à la flote , & Monfieur de la Barre fe voyant allez fort pour attaquer les ennemis , fit lever l'ancre , & donna ordre à tous les vaiffeaux, d’aller mouîl 1er à la portée du moufquet du fort, quin’eftoit qu’une baterie de pierre, avec des Am- brazures pour le canon. Les Capitaines Gauvin , comman- dant la Juftice ; & la Jaunayle FleurifiTant , mouillèrent les premiers, &: efluyérentdeux ou crois décharges de tout le canon du fort , avant que l’Amiral fut mouillé. Ils receurent chacun dix ou douze coups de canon en bois, fansautre per- te que de deux hommes : mais l’Amiral ayant aufii moüilié avec quatre autre navires, ils firent tout enfemble un fi grand feu de leurs canons, que les ennemis furent contraints de ceffer le leur , & Monfieur de la Barre les fit enfuite canno* ner tout à fon aife. La nuiteftant venue, Monfieur de faint Leon voulut voir la pofture des ennemis qui eftoient retranchez dans un mé- chant fofie , dont ilsavoient jetté la terre du codé de la mer, &fi mal à propos, qu’elle nous pouvoit aufii bien fervirde parapet comme à eux. Il détacha fon Lieutenant avec plu- Leurs moufquetaires dans une chaloupe, fui vie de deux autres remplies de volontaires de là milice de faint Chriftophle. Il avoir ordre de mettre un Sergent avec quelques foldats à ter- re , pour reconnoiftre le polie des ennemis : mais ils ne leur en donnèrent pas le temps ; car ils firent feu fur eux , à coups de moufquets, leur blefiTerent quelques matelots, & les obligèrent de le retirer. Cependant Monfieur de la Barre voyant cette nuit fore claire, fe refolut de ruiner cette baterie à coups de canon } & quoy-quela poudre fût allez rare , il fut tiré plus de 1200. coups de canon fur cette muraille , fans en abatre une feule pierre. Les ennemis firent aufii grand bruit & grand feu de leur part, & l’on tient qu’il y eut deux ou trois cent B b iij 1 Uiflo'm genenk voilées de canon fort inutilement de part Sc d’autre. Le lendemain Monfieur de la Barre perfiftant dans fa re* folution de continuer 6c d’attaquer i’Isle , Monfieur defaint Leon , de S. Laurent, & les Officiers des troupes qui avoient veû tant de feu , 6c entendu tant de bruit avec II peu de fuc- cés , nefurent point de fon fentiment 5 6c il fut refoluque l’on attendroit la jondion de toutes les troupes , afin de con- tinuer cette entreprife avec plus defeüreté. Pendant que l’on tenoit ce Confeil, trois navires paru-’ rent à la pointe du vent , lefquels furent d’abord eftimeÉ François , Ôc des égarez delà dote 5 mais ayant peu de temps apres efté reconnus pour ennemis , Monfieur delà Barre fe refolut de leur donner la chafle. 11 commanda à trois des meilleurs navires de lefuivre, 6c au refte de fa Bote de l’al- ler attendre à la pointe d’Oefl où l’on avait mouillé le pre- mier jour, 6c y attendre-le refte des navires 6c des trou- pes. M. de la Barre fit jufqu’au foir force de voilie pour at- traper les trois navires Anglais , fans les pouvoir approcher que de quatre lieuës j 6c fut contraint de s’en revenir fana rien prendre. Pendant que Monfieur delà Barre donnoit la chafTe aux trois navires Anglois, les autres vaifleaux reftez, décou- vrirent qu’une cache Angîoife s’eftant gliffée la nuit parmy nos vaifieaux, avoir mouïilé fous le fort pendant qu’on le batoir, y ■'voit déchargé des provifions de bouche 6c de guer. re ôeplufieurs armes. Elîefut pourfuivie de tousles navires j mais en vain : car elle eftoit fi bonne voilliere, qu’à moins de rien ils la perdirent de veuë. Cemefmefoir Meilleurs de la Giraudiere , Sanfon 6c des Fontaines , Capitaines de Normandie avec leurs troupes qui avoient reîâchéà faint Chnftophle fort en defordre , 6c ies hunieres de leurs navires brifez, furent par la diiigëce de Hn- tendant mis en eftat de repartir fur d’autres barques 6c navi- res qui arrivèrent à Mont-Sarraprefqu’en mefme temps que Monfieur de la Barre, qui voyant tontes fes forces reünies, refolut de ne plus différer i’atuque de cette Isk. § II. Monfieur de la Bme attaque ï Ifle de Mont -San a , & s'en rend le maiflre. LE an matin Monfieur de la Barre commanda à tous les Capitaines des Navires & des Barques de lever l’ancre & d’aller mouiller à une portée de fufil du fort dans une pe! cite Ance , où il avoit déterminé de faire la defcente , & où les ennemis s’eftoient retranchez , comme j’ay dit cy-deffùs. Tous les Navires & les Barques fe rendirent a leur pofte, à là referve de trois vailTeaux que Monfieur de la Barre îaifia dans ce premier porte avec quelques troupes commandées parle fleur de Prailie , pour y faire diverfîon & une faulîe attaque. Il y eut encore un autre Navire qui ne s'ertant pu rendre avec les autres , fut caufeque l’attaque fut differee jufqu’au lendemain. ‘ Cependant Monfieur de la Barre envoya un Trompette fommer le Gouverneur de fe rendre aux mefmes conditions de ceux de l’Isle d’Antigoa. Il fit réponfe que luy & fes ha. bilans eftoient trop ferviteurs de leur Roy . qu’ils n’eftoient point traiftres à leur patrie ; qu’ils s’afteuroient fur la jurti- ce de leur caufe -, 8c qu’ils fe croyent afiVz forts pour s’op- pofer a nos attaques. Un peu apr.es le retour du Trompet- te , un Irlandois fe vint rendre à bord de l’Amiral , qui afiu- xa que les ennemis n’eftoient que neuf cens hommes , la piuf- part de fa Nation, qui avoient efté forcez de prendre les ar- mes, & qu’on en auroit bonne compofuion. Le foir auparavant la defcente l’on difpofa les attaques qui furent réduites à trois , fans comprendre la fa u fie que devoit faire le fieur de Prailie. Les hommes deftachez de la 2.00 Hiftoire generale première, dévoient eftre commandez par le fleur Sanfbn Capitaineau Régiment de Navarre, & les fleurs d’Afîls 6c d’OfFremont Lieutenants 6c Enfeignes de ce mefme Régi- ment. Us eftoient foûtenus par les fleurs delà Noüe 6c par le fleur d’Orvillier Capitaine du Régiment de Poitou qui ba- taillonoitavec Navarre , 5c tenoient la droite des attaques. Les hommes détachez de la fécondé, eftoient comman- dez par le fieur l’EcofTois Capitaine de Normandie, avec les fieurs du Mefnil 6c Veignon Lieutenant 6c Enfeigne. Ils é- toient foûtenus des fleurs de la Boifîlere, des Fontaines, 5c de laGiraudiere Capitaines de ce Régiment , 5c tenoient la gauche des attaques. Les hommes détachez de la troifîéme attaque , eftoient commandez par le fleur Giraud premier Capitaine de faint Chriftophle , 6c les fleurs Geoffroy 6c de faint Amour Lieu- tenant 8c Enfeigne $ êc eftoient foûtenus par le Cheva- lier de fainr Laurent Gouverneur de cetre Isle , 6c des fleurs Guillou , Preciamont , 6c d’Aigremont Capitaines j 6c ce ba- taillon de milice de faint Chriftophle qui faifoit environ cinq cens hommes , devoir faire l’attaque du milieu. Celuy de Navarre eftoit d’environ trois cens 8c celuy de Normandiede deux cens hommes ; 6c Monfleurde faint Leon qui conduifoit soutes ces troupes, faifoit la charge de Marefchal de Bataille. Le lignai de la defcente ayant efté donné par un pavillon rouge mis au mats d’Artimon de l’Amiral , les barques 6c les chaloupes chargées de leur monde, partirent les unes de leur bord , les autres de leurs poftes pour aller à terre $ 6c Mon- fleur de Saint Laurent les voyant parties, dit à Meilleurs de la Barre 6c de Saint Leon : Hé nous j que faifoais- nous icy ? & fe jetta incontinent dans un efquif ; 8c le fleur de faint Leon en ayant fait autant , ils furent à terre aufïi roft que les troupes. A l’approche de nos troupes , les ennemis firent la plus belle contenance du monde , 6c attendirent qu’elles fuffent à la portée du piftoiet fans tirer unfeul coup. Le brigantin où sftoicie fieur delà Boifhere qui commandoit les détachez « T) es Ant - 1 fie s de î Amérique. êe la droite, mouïlla à un jet de pierre de la terre, & fie un fi grand feu de fon canon & de fa moufqueterie, qu’il délo- gea les ennemis d’un boyau qu’ils avoienc en cet endroit du" quel ils voyoientlefort à découvert : mais les autres barques ayant mouillé un peu trop loin pour favorifer de leur feu les chaloupes, les ennemis firent une fi furieufe décharge fur celles qui avoient devancé les hommes détachez de Navar- re , que s’eftant arrefté un moment pour les laiffer paiTer" cela donna le temps aux ennemis de fe préparer à une leçon * de déchargé qui penfa nous arracher la vidoire des mains Ls tuerent quelques matelots , & eftonnerent fi fort les au- tres que ces braves détachez eurent toutes les peines ima* gmables a faire avancer leurs chaloupes. Dés que les chaloupes furent à dix ou douze pieds de la terre, deux bravesjeures Gentilhommes , Lieutenant & En, le.gne de Navarre , nommez d’AlTy ôc d’Offremont , apres a^crie t3u’on Ies foûtinft , fauterent à terre, & le fieur d O Irremont qui y fut le premier , tira fon coup de pifiolet & ayant mis l’épée à la main, rcfiftaaux Anglois , &fe bâtit comme un Cefar : mais accablé par la multitude, il tomba mort a quatre pas de la mer. Le fieur d’Affy qui avoir dé- jà elte blehe au bras, fauta auffi-toft à terre , & pouffa avec la mefme vigueur jufqu’à l’entrée du retranchement tira fon coup de piftolet, mit l'épée à la main, & comba’ tant avec autant de valeur que fon compagnon, tomba mort apres avoir receû vingt coups de fabre , tant fur fa tefte que lur ion corps: cela fe fit à la veuë de routes les troupes , fans que perfonne les puft fecourir , tant le defordre eftoit grand parmy les matelots. ° Dans ce mefme temps , le fieur d’Orvillier qui eftoit dans unepente feute avec le Major de Poitou, & deux. autres Officiers fe jetta a terre , où ayant trouvé trois fol- dats de Navarre, entra luy .feptiéme dans la tranchée & ayant tue le Major de cette Isle qui la défendoit le fabre d la main, & qui avoir donné le dernier coup au fieur d'Affy les hommes détachez des corps l’y fuivirent , & firent un plo- ton avec lequel ils pouffèrent les ennemis hors du fond de la Ce iot H iftoire generale tranchée ; 6c Cependant toutes les troupes mirent pied a terre , où elles furent mifes en bataille devant le retranche^ ment, gelés ennemis ne parurent plus devant eux pour les cornbatre. Durant cette expédition , le fieur de Fraille qui avoit efté commandé avec fa Compagnie St quelques habitans de faine Chriftophle pour faire une fauffe attaque à deux lieu ës de là, y mit pied à terre , pouffa galamment les ennemis , les mit en déroute, 5c n’y eut que trois hommes de bleffez. Toutes les troupes ayant efté mifes en ordre, le batail- lon de Normandie fut droit au fort , celuy de Navarre gagna une éminence pour empêcher les ennemis de fe retirer chez le Gouverneur , celuy de faint Chriftophle fuivit la roure des ennemis; 6c Monfieur de la Barre eftant defeendu ôc ayant ralié le refte des troupes les dernieres débarquées , tint le mefmechemin, 6c joignit le Chevalier de faint Laurent qui eftoitàla telle du bataillon de faint Chriftophle. Il ferefo- lut de camper, 6c ayant luy-mefme cherché un lieu propre pour cet effet ,choifitune éminence ,où il fut joint félon fe$ ordres , par toutes les troupes, lefquelles il fît mettre en ba- taille, 6c l’on paffa le refte du jour 6c toute la nuit fort en repos. Pendant que bon eftoit en ce lieu, les trois navires que Monfieur de la Barre avoit envoyé croifer, arrivèrent avec deuxjprifes, 6c mirent à terre i/o. hommes du Régiment de Pokou ; de- forte 'que la petite armée de Monfieur de la Barre fe trouva de douze cens hommes effeftifs. L’on apprit des Capitaines qui furent croifer , qu’ils avoient approché de la ville de Pont dans la Barbadeàla portée du canon, 6c ^l’avoient ved en cette Rade , que deux navires d’environ trente pièces de canon, 6c plufieurs autres qui eftoient fort petits : mais les lettres interceptées portaient, qije l’on at- tendait une Bote. Des Ant-Jfles de î Amérique. z o j f® $8 % $$g$$ § ni. Suite de ce qui se (l p& fié pour l Accomplijfement de cette conquefle, A Peine les troupes a voient pris un peu repos en ce lieu lorique Monheur de ia Barre eut avis que les ennemis* avoientparuau coin d’un bois , à un quart de iieuë du camp, cequ. l obligea à détacher quelques Capitaines & des troi* pes pour les pouiler ; mais ils ne les attendirent point. Le lendemain 1 on eut avis que les ennemis au nombre de hx a fept cent , s’eftoient retirez dans un lieu appelé les Jardins entre deux montagnes. Monheur delà Barre fc mit a la telle de toutes les troupes avec le heur de faint Leon & le Chevalier de faint Laurent } & s’efhnt fait précédée par trente hommes détachez de tous les corps , commandez parle fieur de la Tour Lieutenant de Navarre, il marcha par im long défilé dans un bois fort épais, & ayant faitune bonne Iieuë de chemin , Ion découvrit environ foixante hommes qui s'eftoænt porté fur une montagne prefque inac- ccffib.e. Monficur de la Barre jugea à propos de camper en ce lieu , 8c y demeura deux jours, pendant Iefquels il en voya divers partis qui ne trouvèrent pas un ennemi, finon quelques I rois qui (e venoient rendre, Iefquels Monficur de la Barre railoit traiter fort humainement. Ils luv dirent que le Gouverneur cftoitd la Cabfierre luy quinziéme qui ne demand u,- que le bon quartier pour fe rendre. & Mon fieur le la Barre luy envoya aufli-toft un Tambour pour Cependant les fauvageseftint arrivez le quinziéme avec «ix piraugues , Monlicur de ia Barre commanda au fiCU| Ce ij £04 B flaire generale d’Orviilier Reprendre cent bons hommes, & de s*en aller avec eux dans les quartiers les plus éloignez pour les fou* mettre * & ces forces de gens qui font redoutez des Anglois comme des Démons , & qui broutent dans les bois comme des loups, le fêrvirent fi bien, qu’il prit la femme du Gou- verneur prifonnicre avec plus de quatre vingts Anglois, obligea le Gouverneur & la meilleure partie de fe venir ren- dre avec plus de deux cent Anglois, que l’on fit prifonmers de o-uerre -, & toutes ces choies fc firent en fix jours. La conclufion de cette affaire eft , que les ennemis onç perdu dans la première atcaque environ trente hommes, fans un grand nombre de bleffez, 6c que de noftrepart, nous y avons perdu lans comprendre ces deux braves Officiers de Navarre d’Oftremont 6cd’Affy , qui furent en cette occa^ fion les deux vj&imes de la generofité Françoife 3 le fieur Geoffroy Lieutenant de la milice defaint Chriftoplile, 15. ou feize foldats , habitans 6c matelots * 6c J eut environ une vingtaine de bleflez. Tout y fut mis en feu , hormis ce qui appartenait aux Ir- landois : il y eut plus de quarante fucreries de bruflées, où des truittes êc plufieursmagafins remplis derichesmarchan- difes ( qui auroient fort augmenté le butin ) furent bruflées par nos foldats , -fa ns qu’ils fijeufffent ce qui efloit dedans s plus de trois cent Anglois furent faits prifonniers de guerre, avec le Gouverneur, la femme, & toute fa famille ££ p ufieurs Officiers : l’on y prit feize pièces de canon, un grand nom- bre de nesres, de chevaux,. êc d e belles a cornes. Monfieur de la Barre laiffa dans cette Isle 500. hommes Irlandois, apres leur avoir faitprefler le ferment de fidélité , lefqueis avec leurs femmes 6c enfans faifoient plus de deux mille per- fonnes. Il y laiffa auffi en partant le fieur de P raille avec 80. hommes pour accommoder les affaires des Irlandois , 6c luy donna deux bonnes fregares pour faire fa retraite, apres ea avoir fait retirer les fauvages, 6f empêche qu’ils ne fiffent tort à ces pauvres gens. Toutes ces choies achevées , Monfieur de la Barre partie deçettejsle, Ôt arriva à iaict Chriffophle le dix-neuf toue T)âs Ant- Isles de f Amérique. iof triomphant. Sa flore chargéedes prifonniers 6c des dépouil- les des ennemis, y eftinr arrivée , il y fur receu au bruit du canon des forts 6c des vaifleaux, 6: yreceut tous les honneurs deus au conquérant d'une ïsle. Pendant que l’on eftoit encore à Mont-Sarra, un navire nommé l’Hercule arriva à la Martinique, 6c apporta pour nouvelle que les Directeurs ne pouvoient tenir le: reglemms q1 e Meilleurs de la Barre , de Clodoré 6c de Chambre avoient fait pour la liberté du commerce, d’autant qu’ils eftoient convenus avec les Hollandois , qui avoient pris leur permilïion pouraller traiter aux Isles Francoifes , qu’ils don- ncroient dix pour cent de toutes les marchandées qu’ils por- teroient aux Isles , 6c autant de toutes celles qu’ils en rap- porteroient, payables au départ 6c au retour des vaslfcaux ^ ou à leur option dans les Isles j 6c qu’ils avoient convenu avec les marchands François particuliers, qu’ils ne pay croient que la jufte moitié de ce droit. Cela caufa de la rumeur dans la Martinique , où ces re* glemens avoient efté faits, 6c Monfieur de Clodoré fâché d’y avoir engagé fa parole 6c fon feing , en écrivit à Monfieur delà Barre pour l’engagera fouftenir 6c faire valoir ces regle- tnens. Mais Monfieur de la Barre ne s ’e fiant pas voulu op« poferaux volontez des Directeurs, le Gouverneur 6c les ha- bitans de la Martinique furent contraints de ronger leur frain, 6c de s’en tenir là. Les premiers foins de M. de la* Barre eftant arrivé à S. Chriftophle, furent de faire embarquer tous fes prifonniers de guerre ( à la referve du Gouverneur , fa femme, & quel- ques Officiers ) dans un navire pris par nos croifeursfur les Anglois , 6c les envoya à la Jamaïque. Le vingt-quatrième de Février , lefieur de Praille revint àfaint Chriftophle avec les deux frégates fur lefquelles ii a- voit encore foixante prifonniers Anglois 5 6c rapporta à Monfieur de la Barre qu’il y en avoir bien autant de tuez dans les bois , 6c qu’ils avoient perdu plus de cinq cens hommes. Monfieur de la Barre fit de grandes iargefles du butin , 6c en diftnbua genereufement une grande partie à "Ce nj 2,06 Uifloire generale ceux quis’eftoient les plus fignalez en cette aéb’on : mais h pauvre Compagnie fur laquelle tomboient tous les frais de ces armemens de mer qui font des abifmes de bien , fe plai. gnoit de ce qu’on ne luy en faifoit point de part qui puft rem- placer une partie de fes dépenfes, Laiflons un peu repofer tous nos braves Infulaires à babry de leurs palmes & de leurs lauriers, & allons voir ce qui fe paffe en Angleterre & en France à i'égard de nos Isles. Je n’en feray qu’un Chapitre , & puis nous remettrons tous nqs guerriers en campagne. Des Ant- 7/les de V Amérique. CHAPITRE SIXIEME. De ce qui le pafle dans l’Europe à l’égard des Ant- illes , pendant que toutes les Nations qui les habitent , y font la guerre. § i* De ce que le Roy de la Grande-Bretagne fait pour fi~ courir les Ifles Anglotjh . LES nouvelles de tous les bons fuccez dont Dieu avoic manifeftement favorifé les armes de la France dans les Ant. IOes eftant arrivées à Londres , & particulièrement cel le du naufrage du Milord François Willougby & du defor. 7 c eAfl°;tejGommeauirides Prifes des Isles dcTabaeo" de S. Eultache , de Beauroum en terre ferme , & de la cSn* quete ci Antigoa affligèrent étragement fa M. Britannique,' & luy firent appréhender avec fujet , que toutes ces inforn^ ces ne iulFent Suivies de la perte de toutes les Isles qui font fous fonauthonte dans l’Ameriquej & par conlequent d’un commerce tres-confiderable & tres-utile à une grande par. ue de fes fujets , qui y envoyent tous les ans plus de 200 Navires chargez de toutes fortes de marchandées, & dont les retours enriçhifTent 6c font les fortunes d’une infinité de perfonnes en Angleterre, aog Hlftoire generale Cesconfiderations firent refoudre ce Roy à faire des ef- forts pour arrefter les progrès des armes Françoiles , 6c pour réparer tous les dommages que fes fujets avoient foufïerts, en reprenant fur nous ce que nous avions conquis fur eux. Mais appréhendant que le temps qu’il faudroit neceffaire- ment employer à un armement allez puilïant pour venir a bout de fon deffein , ne donnai!: lieu aux François de pouffer leurs victoires 6c d’étendre leurs conqueftes fur le refte des Isles Angîoifes-, il donna ordre d’équiper mceffamment 4. de fes frégates , nommées le Glocefter , la bonne Avanture, le Quakers , 6c la Coronnation , toutes de quarante à cin- quante pièces de canon. Ces quatre grands vaiffeaux de guerre furent chargez de foldats , d’armes ÔC de munitions de guerre 6c de bouche 6c il y eut ordre exprès de les faire partir iocclïammeot pour fe rendre à la Barbade, en attendant que le Milord Guil- laume Willougby fût en eftat départir avec quatre grandes frégates du Roy d’Angleterre , 6c plufieurs autres navires, furîefquels devoir eftre embarqué le Régiment de Breifis, pour fe joindre à toutes les troupes Angîoifes qui eftoient dé jà dans les Isles , pour rendre aux Frar. çois ce qu ils leur ^voient prefté, La diligence que l’on fit à Londres pour equiper cet* te première Efcadre fut telle , qu’elle fe trouva en eftatde partir vers la fin du mois de Février mil fix cent foixante- lèpt , comme elle fit efR&ivement , 6c arriva au commen- cement de Mars à la Barbade, où elle trouva tous les An- glois dans là plus profonde confternation qu’ils furent ja- mais. L’arrivée de ce fecours les réveilla comme d’un pro- . fond fommeil , 5c leur fit efperer( ainfi qu’ils le témoignè- rent hautement fur l’heure ) qu’auffi toft que le Milord fej roit arrivé, non feulement ils reprendroient tout ce qu’ils ^voient perdu $ mais qu’ils chalïeroient les François détou- rés les Isles. Laiffons-îes préparer à cette belle expédition, & voyons ce que Ton fera en France pour s’y difpofer. § 1 1. Ce que le Roy de France fait pour foutenir les wiftoL res de f es fuiets dans les Ant-lfles de l Amérique. SU R les avis que Ton eut à la Cour de France , des grands préparatifs qui fe faifoient en Angleterre pour envoyer combatre les François des Ant-Isles , pour les deftruire ou les chalîer des Is les de J’AmerIque 3 fa Majcfté très - Chré- tienne refolut de fa part d’y envoyer des forces fuffifantes pour rendre les fecours de l’Angleterre inutiles dans ce païs , pour affei rair fes conqueftes , & pour a fleurer ie repos de les fuiets. L’ordre fut auffi- tofl donné à Monficur l’Amiral de détacher de fon Armée navale huit de fes vaifleaux, & au iieui Colbert du Terron de prendre ie foin de les faire équi- per & fournir de toutes les chofes necefïaires, Sc de faire en forte qu’ils furent en état de partir dans trois femaines ou un mois apres l’expedition de fes ordres. Vingt Compagnies de fes meilleures troupes qui fetrouvoient alors dans diverfes places en garnifon aux environs de la Rochelle, receurenc auffi ordre d’en fortir & de fe rendre inceflamment en ce port pour eflre embarquées fur cctre flore , auffi toft qu’elle feroit prefte pour aller en l’Amérique. Sa Majcflé je tta auffi les yeux fur un de fes anciens Lieu- tenants Generaux de fes armées nommé de Baas & fit expe dier en fa faveur la commiffion de Lieutenant General pour commander abfolument par mer & parterre dans routes les Isiesdel Amérique * & mefme dans la terre ferme : & pour couler ver Monfieur delà Barre dans le rang & l’honneur deû a fon mérité ôc à fa qualité. Ii iuy fit expédier une commit- 110 Hiftoire générait fion de Lieutenant General, pour en l’abfence de Monfieur de Baas , 6c en fa prefence fous Ton autorité , commander dans toutes les Ant-Isles & dans la terre ferme comme il eft fort amplement porté par fa commiffion que je mets cy-apres avec les ordres de fa Majefté, envoyés aux Gou- verneurs & aux Officiers des troupes Royales, pour le faire reconnoiftre 6c luy obéir en cette qualité. Et comme les Diredeurs virent bien qu’il faloit un peu plus de temps pour l’execution des ordres de fa Majefté , 6c pour l’équipement de cette flote, que la neceffité des affai- res de nos Ant-Isles ne l’exigeoit-, ils donnèrent ordre aux Diredeurs delà Rochelle, depreffer l’équipement de trois grands vaifleaux de trente à trente-deux pièces de canon, & une grande flûte de huit pièces, lefquels on avoir com- mencé d’équiper. L’on n’obmic aucune diligence pour l’ex- écution de cet ordre -, 6c ces vaifleaux furent en tres.peu dç temps chargez de toutes, fortes de munitions- de guerre 6c de bouche , remplis de monde ? 6c envoyez aux Ant-Isles, Il y eut un ordre particulier pour faire charger vingt- mil- le livres de poudre, par deffus celles qui eftoienc neceffair.es aux navires : mais je nefcay pourquoy il ne fut pas exécuté. Je ne veux pas fouftenir l’imagination des habitans des Isles , qui ont toujours crû que la Compagnie vouloir éviter I a- bondance des poudres dans le pays, de-peur qu’iis ne s’en fervi fient contre elle-mefme dans leurs foûlevemens : mais il eft confiant que les Diredeurs ont laifleles Isles pendant cette guerre dans une fi grande difette de poudre, que files ennemis l’eufFent connue , ils s’en Ment indubitablement prévalu. ’ * _ Les Diredeurs faifant de leur parc tout leur pofiiole atm que les Isles ne maquaflent d’aucunes chofes neceflaires dans cette conjoncture , envoyèrent des ordres en Hoiande pour faire charger une grande flûte de mats, deplanches defapin, goudron 6c d’autres chofes neceflaires pour le radoubement des navires, félon ce que Monfieur de la Barre leur avoic mandé 5 6c elles arrivèrent fort à propos à la Martinique , SC Des Ant- Isles de V Amérique. 2 1| c # ent à reparer les navires, apres le combat qui fut donné à la Rade de cette Isle, dont nous parlerons cy apres. r Voicy diverfes pièces qui fembleront un peu longues • mais elles m’ont fembié fi necelTaires à mon hiftoiref que j’ay crû ne les devoir pas obmettre : ceux qui ne les voudront pas lire paieront par delTus. Lettre de Cachet a Monsieur de la, Barre pour le reglement des rangs & du commandement . MOnfieur de la Barre , J’ay efté bien fatisfait'd’appren- drele luccés qu’ont eûmes armes dans l’Amerique par la prife de l’Isle d’Antigoa, faint Euftache & Tabac • 6c je vous fais cette lettre pour témoigner le gré que je vous Içay de la bonne conduite &c diligence que vous avez ap portée en cette expédition -, d’autant plus que les va, feux 6c troupe qui eftoient part, s avec vous des ports de mon Royaume, vous eftiez arrivé avec voftre feul va, feu : mais a prefent que le tout vous aura joint , je ne doute point que vous n’ayez attaque l’Isle de Niéve, que les Antfois t,en nent encore a la veuë de celle de faint Chnftonlfe afin d’af furer cette Isle, & réduire les Anglois dans celle de la Bar’ , 5 CaS que CeCCe acta que ne fuft Polnr encore fa, te’ par la différence davis des Officiers de mes troupes & Com * mandans dans les Isles, qui font fur les lieux [je vous fais cette etrre pour vous dire, que mon intention eft , qu’aufiî, toit que vous l’aurez receuë, à moins que tous les Officiers unanimement n’en fufTent point d’avis , ou que vous y vif! fiez des d-fficultez infurmontables , vous ayezàfaire l’atra que de ladite Isle, &en chafe les ennemis à force ouverte’ Cependant je vousdonne avis que j’ay refolu d’envoyer lé Dd ij tl i Biftoïre generale üear de Baas , Lieutenant General en mes -armées * pour commander toutes mes troupes, tant par mer que par ter- re dans ce pays * quej’envoye avec luy cînqoufix vaifieaux de guerre, avec vingt Compagnies d’infanterie des meil- leures troupes de mes armées , & que toute cette flote parti- ra dans 15. jours ou 3. fepmaines * que je luy donne ordre de fe rendre à la R.ade delà Martinique , ou je veux que vous faffiez aflembler tous les vaifieaux & les troupes qui font dans lefdites Isles, auffitoft que vous aurez fait l’attaque decelledeNieve. Et afin de vous donner d’autant plus de. moyen de bienfervir en des occafions fi importantes au bien de mon fervice 5 je vous envoyé mes ordres pour fervir en qualité de Lieutenant General en mes armées , fous le commandement dudit fieux Baas , en fa prefence $ 6c mef- me pour le reglement des rangs, du commandement tant du fieur de faint Leon , que de tous les Gouverneurs des Is- les, afin que vous ne receviez aucune difficulté dans l’exc* cution des ordres que vous leur donnerez pour le bien de mon fervice. Sur ce , je prie Dieu qu’il vous ait , Monfieur delà Barre, enfafain te garde. Ecrit à faint Germain en Laye le trente-un Janvier mil fix cent foixante fept, Signé L O V Y S : Et plus bas , de Lyonnl Comrmjfîon de Lieutenant General fur les Ant-Jfles de l Amérique , expedïée en faveur de Monfieur de U Barre y le premier de Levrier 1 667. LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU, ROY de France 6c de Navarre : A cous ceux qui ces prefen- res Lettres verront , Salut. Dans la refolution où nous fouî- mes de ne rien obmettre de ce qui eft en noftre pouvoir , non feulement pour maintenir 6c conferver ce que nos Armes ont acquis dans l’Amerique 5 mais auffi pour y faire de nouveaux progrez , & y étendre noftre domination autant qu’il fe pourra , en répondant les forces barbares , ôc autres qui voudront s’oppofer à nos juftes dedans , qui n’ont pour but que l’accroiftement du Chriftianifme , l’avantage & aug- mentation du commerce : Nous avons donné nos ordres pourfaire palier audit pays un bon nombre de troupes , ou- tre celles qui y font déjà ; enfernble une armée navale, 6c tout ce que nous avons cru. neceiïaire pour l’execution de nos entreprises : Et nous avos fait expedier noftre pouvoir au fieur de Baas l’un de nos Lieutenants Generaux en nos ar- mées, pour en ladite qualité commander à tous nos gens de guerre , tant de cheval que de pied , François £c Etrangers eftans 6c qui ferot cy-api es dans lefdites Isles de l’Amerique , 6c dans la terre ferme 6c autres païs de noftre obeiiïance de ce cofté-Ià i aux Officiers qui y commandent pour nous 6c aux habitans defdites Isles 6c pays, comme auffi à noftre armée navale, 6c aux vaifteaux de la Compagnie des Indes Occidentales. 'Et considérant que dans les occupations qu’un ernploy fi confiderable 6c de fl grande eftenduë don- nera au fieur de Baas , il eft neceiïaire de le faire foulager par un Lieutenant General qui puifTe s’employer 6c agirfous Ddiij 2,t 4 blîfloire generale Les ordres, 5c par tout où il pourra fe trouver en perfonne* & à tout ce qui fe fera à faire pour le bien de noftre fervice, Sc 1* employ utilde nos armes ^ Nous avons jette les yeux fur la perfonne du Heur de la Barre , Gouverneur Sc noftre Lieu- tenant General en l’isle de la Cayenne Sc terre ferme de l’A- msrique 5 fçachant que nous ne pouvons pour cette fin , faire un meilleur choix, parce qu’outre la connoiftànce qu’il a du pais Sc de fa ficuation , il a toutes les bonnes quaîitez neceffaires pour s’en acquiter dignement $, ayant auffi une confiance particulière en fa valeur, courage, diligence, prudence Sc bonne conduite -, Se en fa fidelité Sc affection à noftre fervice , donc il a donné des marques en diverfes charges Sc employs, mefmedans les commandemens qu’il a exercez depuis qu’il eft audit pays; ce qui nous donne lieu de croire qu’il s'acquitera de celuy-cy. Sçavoir faifons que mous pour les caufes Sc autres confédérations à ce nous mou- vantes, avons ledit fieur de la Barre fait, conftitué ordon- né Sc eftably , faifons, confticuons, ordonnons Sc eftablif. fons par cesprefentes lignées de noftre main , noftre Lieu- tenant General leprefentant noftre perfonne , pour en i’abfence dudit fîeur de Baas ; Sc fous fon autorité , en fa prefence commander à tous nos gens de guerre tant de che- val que de pied , François Sc Eftrangers qui font àprefent Sc quiferont cy-apres efdires Isles Sc pays de l'Amérique •. comme auffi à noftre armée navale qui y fera envoyée-, Sc aux vaiffeaux delà Compagnie des Indes Occidentales, or- donner aux Gouverneurs Sc à nos Lieutenants Generaux par nouseftabhs aufdites Isles Sc pays, aux Gouverneurs parti- culiers des villes , places Sc forts , Sc aux habitans eftans en îceux , tour ce qu’ils auront à faire pour noftre fervice • exploiter Sc faire agir nofdites troupes Sc noftredite armée navale, meme les vaiffeaux de ladite Compagnie des Iodes Occidentales , par rout Sc en la maniéré qu’il verra eftre-à pr opos pour le bien & avantage de nos affaires Sc fervice, Sc l'effet de nos intentions; entrer dans les pays Sc forts des ennemis , affieger Sc faire battre les fores , villes Sc châteaux, Des Ànt- Isles de T Amérique i ry Bourgs & autres places qui refuferonc de nous obéïr , v don- ner a Haut, les emporter par force, s’il eft poffible, ou les prendre a compofition j combatre nos ennemis tant par terre que par mer, leur livrer bataille, rencontre, efcar- mouches , 8c faire tous autres aétes 8c exploits de ^uerre que bsfoin fera pour le bon fuccés de nos defTeins , faire for- tifier les places qui feront réduites en noftre obéiftance , y laifîer des garnifons fuffifantespour leurconfervation 5 faire faire conduire & exploiter des pièces d’artillerie par toutou befoin fera, 8c où l’importance des lieux le requierera , 8c eftablir noftre autorité dans les pays qu’il pourra conquérir, allujetir 8c foumettre a noftre obeyftance les peuples d’iceux, les conferver par nos forces, faire faire les monftres 8c reveuës de nofdits gens de guerre , par les Commiffiiires & ControoL leurs ordinaires de nos guerres , 8c en leur abfence, en com- mettre d extraodinaires j faire vivre lefdits gens de ^uerre en police 8c difeipline, fuivant nos reglemens 8c ordonnan- ces, les faire entretenir 8c garder inviolablement en tous lieux où nofd. armées feront employées , faire punir 8c châ- tier fevercment ceux qui y o feront contrevenir j ordonner les payemensdenosgens de guerre tant de cheval que de pied, fuivant nos Eftats 5 comme au di déroutes les autres dépen- fes ordinaires qui feront à faire prés lefdites troupes , 8c ex- pédier toutes les ordonnances neceftaires > 8c generalement faire 8c ordonner par ledit fieur delà Barre en ce que defths circonftances 8c dépendances r 8c en l’abfence dudit fieur de Baas , 8c fous fon autorité en fa prefence , ce que nous- mefmes ferions ou faire pourrions , G nous y eftions prefent en perfonne ; Jaçoit que le cas requift mandement plusfpe- cial qu’il n’eft porté par lefdites prefentes. SI Donnons en mandement à tous nos Officiers defdites Isles, 8c ter- re ferme de 1* Amérique, aux Gouverneurs particuliers des villes, places 8c forts defdits pays, aux habitans d’iceux, aux Marefchaux 8C maiftres de nos Camps , Colonels , Capitaines Chefs 8c Officiers commandans 8c conduifans nofdits o-ens de guerre , Officiers d’artillerie , 8c autres de noft red. armée • comme auffi au Lieutenant General , chef defdites cfçadres* Ht foire générale Capitaines de nos vaiiîeaux & autres de noftre armée nav4.' le, enfemble aux Capitaines des vaifTeaux de ladite Compa- gnie des Indes Occidentales, de reconnoiftre ledit fieur de la Barre, 6c luy obeïr 6c entendre en tout ce qu’il leur com- mandera 6e ordonnera pour noftre fervice, 6e pour l’exe- cution de nos deïïeins , tout ainfi qu’ils feroient à noftre propre perfonne , en i’abfence ( comme dit eft ) dudit fieur deBaas, 6c fousfon autorité en faprefence : Car tel est nostre plaisir. En témoin de quoy , Nous avons fait mettre noftre fcei à cefdites prefentes. Donné à faint Germain en Laye , le premier jour de Fé- vrier mil fix cent foixante-fept j 6c de noftre Régné le vingt- quatre. Signé L O V Y S ; Et plus bas , le f ellie r. / Lettre de Cachet a Monjïeur de Clodoré , pour faire re- connût fire Monpeur de U Barre. MOnfieur de Clodoré , Ayant donné au fieur de Baas la charge de mon Lieutenant General , pour comman- der à toutes les troupes tant d’infanterie que de cavalerie é- tant 6c qui feront cy-apres és fries de l’Amerique, terre fer- me, 6c autres pays de ces quartiers-là, comme auffi à tous les Offi ciets generaux 6c particuliers eftant audit pays 6c aux habitans d’iceux 5 enfemble à l’armée navale que j’y envoy- ray , Seaux Vaiftéaux appartenants à la Compagnie des In- des Occidentales : J’ay au mefme temps fait expedier un pouvoir au fieur de la Barre, mon Lieutenant General en l’Amerique , pour en i’abfence dudit fieur de Baas, 6c fous fon aut'liorité en faprefence commander à mefdites troupes tant fur terre que fur mer. Et voulant leur donner moyen de fe bien acquitter de leur employ 6c de faire agir ucile- mçnE Des Ant-Isles de / Amérique. iiy lement mefdites troupes. Je vous fais cette lettre pour vous dire que mon intention efl , que vous ayez à reconnoiftre les ueurs de £c de lâ B^rre 5 5c obeïr audit iieur de Baas & en fon abfence, 6c fous ion autorité en fa prefence audit Heur de la Barre efdires qualitez de mes Lieutenants Gene raux 5 voulant que vous commandiez & fuyez reconnu tant dedans les Lies tenu espar mes armes, qu’autres où mes trou- pes feront enfembie, comme Colonel d’infanterie ; que hors de celles de voftre Gouvernement, vous ferviez fous les ordres defdirs fleurs Baas & de la Barre , fous ceux du fieur de laint Leon Sergent de bataille en mes armées - & que ors que mefd^es troupes feront employées, & agiront dans J Lie de la Martinique ou vous commmandez , foit pour la de renie d icelle ou autrement-, vous obeïffiez feulement aux^rdres defdirs fieurs de Baas & de la Barre, & com- mandiez à tous autres 3 vous afleuranr que les fervices que vous me rendrez dans les occafions qui fe prefenteront me feront en particulière confideration. Sur ce je prie Dieu qu’il vous ait, Monfieur de C l o d o r e' en fa laintegarde. ’ Ecrit afairt Germain en Laye , Je premier de Février mil Jîx cent foixante.fept. Signé L O V Y S : Et plus bas* i-£ X Elue r , avec paraphe. r a De tout ce qui s’eft pafle dans les Ant-Isles , jus- qu’au combat navale de 1 Isle de Nieve. f '*• Sur l'avis d’vne puijfante flote Angloife , Monfieur de la Barre & les Gouverneurs je préparent a la recevoir . PEndant que l’Angleterre de Ton codé fait des préparatifs pour reparer les pertes de les dommages que ics armes Françoifes luy avoient caufez dans les Ant-Isles de A- merique : êc que la France du ficn travaille a fe mettre en eftat de s’y oppofer , un Corfaire Flaiffingois, nomme la Glace , natif de Calais, fe fignale dans les Ant-Isles par plu (leurs prifes qu’il y fait fur les Anglois. La premie- re qu'il y ne fut une flûte de deux cens cinquante ton- neaux, chargée demille barils de bœuf d’Irlande , ^ une grande quantité de farine, qui vint fort a ProPos* fleur du Lion Gouverneur de la Guadeloupe , 6c a les ha- bitans qui pour lors en avoient grand befotn, Moniteur du Lion apprit, tant par des lettres interceptées que P« dépofuion des prifonniers, que l’on armoit a laBarbade deux grands navires de guerre de foixance pièces de canon j — — Des Ant-lfles de î Amérique] uà qu’it y eftoit arrivé quatre frégates du Roy d’Angleterre de mefme force , aufquels fe dévoient joindre 70. navires mar chands de toutes grandeurs > & qu’iJs attendoient onze grands navires de guerre commandez par le Milord Guil- laume yillougby qui devoir avec les deux flores jointes enlemble , fe rendre le quinziéme du mois de Mars à la Barbade j & en cas qu’ils n’y fuflent arrivez en ce temps cette première flore defeendroit inceflTamment à Niéve * ou eifcoit fon rendez vous. * r ■ CeP“^anc M°nfiear de la Barre qui eftoitpour lors i ”j C„r:°?,le > ,ayanï cu avis que quatre grandes freea. tes du Roy d Angleterre, & deux autres navires équipez en guerre , dévoient bien tort arriver i la Barbade , refolut d envoyer fept des vaiffeaux de la Compagnie équipez en gueire, cronerau vent de la Barbade fur la route de l’Euro pe pour tacher à rencontrer ce fecours, le combatte & le défaire s il cftoirpoflible, avant qu’il pu il joindre les forces Angloifes qui eftoient à la Barbade & à Nieve. Mais par- ce que Monfieurde la Barre ne pouvoir tirer de l’IsledeS. Chriftophle, alfez de monde pour monter ces croifeurs, il fe contenta de leur donner deux cens hommes du Régiment de Poitou, SC manda au Gouverneur de la Martinique d’v faire embarquer au moins cent cinquante hommes de fon Ide , a compagnon bon lot , c’eft à-dire , avoir fa part du butin , ou b’en a deux cens livres de fucre par ftiois.P II luy donna auffi ordre de livrer quinze cent livres de poudre aux Capitaines de fes navires, qui n’en avoientpasfuffifarament pour une telle enrreprife. c Monfieur de CJodoré par deux premiers Dimanches Confecutifs , fie publier aux portes de toutes les Eglifes que s il y avoir des habitans qui vouluflent aller en courte ace prix , ils n avoient qu'à donner leurs noms i l’Aide Maior Ma,s comme les peuples de cette lsle eftoient affez ma/fal tisfaits du partage dubutm d'Antigoa , où on les avoir trai. tecommelesPoldats des troupes quiontpayedu Roy auf ;infraaiondes de de la Barre faits a leur avantage pour la liberté du com- £e jj 2.2,6 Hiftoire generde merce , il ne s’en prefenta que trois * ôc je trouve dans les mémoires de Meilleurs de la Barre 6c de Clodoré, qu’ils eu. renc quelques petits démêlez à cette occafion, lefquels je ne veux pas approfondir. Les Capitaines des vaiffeaux , nommez le Lys , la Juftice, & les armes d’Angleterre, eftant arrivez le quinziéme de Mars à la Guadeloupe , ôc y ayant appris les nouvelles trou- vées dans fa prife du Capitaine la Glace, pouffèrent jufqu a la Martinique , 6c mandèrent à Monfieur de la Barre , qu ils n’en partiroient point fans un nouvel ordre de fa part : ôc M» du Lion Gouverneur de la Guadeloupe luy envoya àmefme temps toutes les dépolirions des prifonniers , 6c les lettres interceptées qui eonfirmoient cette nouvelle. .Monffeurde Clodoré luy manda aulli qu’il ne doutoit point que cette nou- velle ne le fift venir en diligence avec tous les vaiffeaux de la Compagnie à la Martinique , afin de les mettre à couvert dans le Carennage, qui eftoit le feul lieu où ils pouvoienc eftre en feureté contre toutes les forces d’Angleterre-, ôc que félon ce que Ton apprendroit de l’eftat des ennemis, il pouroitdefcendre à eux quand il luy plairoit, Monfieur de la Barre quiavoit dé-ja receu la nouvelle de l’arrivée de cette flore à la Barbade, tint un Confeil à faint Chriftophle ; 6c fur la pluralité des avis, qui alloienrà faire revenir tous les vaiffeaux de la Compagnie pour les mettre à couvert fous la baterie de faint Chriftophle , dé- pécha un brigantin pour leur porter cet ordre, fur lequel tous les vaifleaux prirent auffi-toft cette route , 6c quelques- uns pouffèrent jufqueslà. Mais Monfieur delà Barre ayant receu une lettre de Monffeurde Clodoré, qui luy mandoit qu’il n y avoir aucune feureté fous cette baterie , 6c qu’ils le- roient incomparablement mieux dans le carennage de la Martinique-, il fit affembler un autre Confeil, où il fut ré- solu de dépécher une barque pour faire retourner tous les vaiffeaux à la Martinique. Ceux qui receurent cet ordre en chemin, revinrent, ôc cinq arrivèrent à la Martinique ; mais les autres qui n’eftoient pas fi bons voilliers , tombèrent à vaut le vent, &. furent jufqu’à la Grenade * ôc fans T) es Ant-ïjles de V Amérique] zij bienheureux malheur qui les déroba delà veuë de la flote An- gloife , ils ne bauroient pu éviter. Monfieur de la Barre donna ordre à Monfieur de Clo- doré , de faire affèmbler tous les Capitaines des navires de la Compagnie, & de refoudre avec eux, en quel lieu de cette Isle les navires feroient plus en aflurance. Lors que cet ordre fut apporté à la Martinique , il n’y avoit encore que cinq des navires arrivez , dont Monfieur deClodoré fit aulïï-toft aflèmbîer les Capitaines, qui refo- lurent avec luy ce qui s’enfuit dans cerefuitat, qui fut nean- moins changé comme je diray cy-apres. Refultat du premier Confeil tenu à la Martinique , pour mettre les waijfeaux de la Compagnie en feureté. Aüjonrd’huy vingt- quatrième jour de Mars mil fixcens foixante fept , Nous fieur de Clodoré , Gouverneur pour le Roy en l’isle de la Martinique fous l’authorité de la Compagnie des Indes Occidentales , & en confequence de la Lettre de Monfieur de la Barre, Confeillerdu Roy en tous fes Confeils , & Lieutenant en Amérique tant par mer que parterre, ladite Lettre du dixiéme du mois courant , p tr laquelle il nous donne avis d’aflembler les Capitaines des na- vires de Meilleurs de ladite Compagnie , pour a vifer entre eux en quel lieu de cette Isle les navires feroient le plus en feureté contre la flotte Angloife, que Ion tient fe préparer a la Barbade Apres avoir fur ce oüy les fleurs Capiraines d’Elbée , Tadburneau , Mallet , & Ferrand , qui font tous tombez d’accord qu’attendu la foiblefle des batteries qui font à prefent au carennage , & l’impoffibilité d’y mener du canon de force, faute de chaloupe, celle du Capitaine Ta- dourneau eftant rompue ce matin en voulant y décharger, ni Hiftoire generale &, le peu (5e vaifTeaux de force qu’ils font , les autres n'eftanE pas arrivez , qui font apparamment tombez à vault le vent j & le bon eftat auquel fc trouve la Rade ordinaire, tant par les trois bateries de fort canon qui y font conftruites , la difficulté de fon abord, la bonté du mouillage , 6c la proxi- mité de la terre , où ils peuvent mettre leurs Navires, qui feront defîendus des habitans qui font en plus grand nombre qu’a-u cul de faeq Royal. Sur ce ouy le fleur de la Cale, Commis general defdits Seigneurs de la Compagnie , N ovs ordonnons, conformement aux raifons cy-defiùs , que tous les vaiffieaux fe rendront incelfamment en cette Rade, & fe pofterôt entre nos bateries le plus proche qu’il fe pour- ra, pour fe deffendre les uns les autres en cas d’attaque, 6c que tous les Capitaines defdits Navires tiendront leurs cha- loupes preftes ôc armées , pour deftourner les brûlots qui pourroient leureftre envoyez par les ennemis. En foy de quoy nous avons tous ftgLé le prefent Efcrit , fait double, dont l’un demeure entre nos mains, 6c l’autre defdits Capif taines , pour fervir 6c valoir ce que de raifon. Fait les jour 6c an que deffus. Signé , de Clodoré , la Cale , d’Elbée , Pier- re Mallet , Ferrand , 6c Tadourneau. Mais tous les Navires s’eflant rendusà la Martinique a- pres que la flotre dont je vay parler incontinent, fut pafl'ée , Monfieur de Clodoré fit affembler tous les Capitaines 6c les principaux Officiers de fon Isle , 6c à la pluralité des voix fut conclu ce qui s’enfuit. Aujourd'huy douzième jour, d’Avril mil Ex cens foixan- te-fept, Monfieur de Clodoré Gouverneur delà Martinique, ayant afiemblé tous les Capitaines des navires de la Compa- gnie des Indes Occidentales, prefentement mouillez en ia Rade du fort S. Pierre, à ce prefent, Monfiéùr de Laubiere Lieutenant audit Gouvernement , Monfieur du Guery interefie en ladite Compagnie , 6c les fleurs de Ville 6c de la Calle , Commis Generaux de ladite Compagnie , pour avi- Des Ant- Ifles de t Amérique. % * j fer avec eux du lieu de l’Isle où lefdics ^ia vires feront plus en feureté, fçavoir de ladite Rade, ou dû carennage, afin de les mettre là où la pluralité des voix avifera • il a requis tous les fufnommez de donner leurs lentimens par écrit luy- mefme le premier a efté d’avis que tous les navires allaftent audit cul de fac, comme au lieu le plus affeuré : Meilleurs de Laubiere , Seguin , Gauvin , faint Léger, Garnier, Pa- Jigny, San Ion , L’Efcouble , Ferrand , & Mallet, avec les fleurs de Ville , & de la Calle , ont efté du mefme fentiment en prefence de Monfieur du Guery. Le fieur du Vignau , difant qu’ils ne connoifloit pas le carénage, n'a pu donner fon avis. Et les fieursd’Elbée, la Jaunaye& Tadourneau ont efté d’avis contraire, &; de demeurer à la Rade. Et la chofe réglée comme eft dit cy-deftus, fur la plurali- té des voix , il a efté arrefté que lefdics navires partiront tous demain matin pour fe rendre enfemble audit lieu du caren. nage, où l’on fera deux bateries nouvelles pour leur plus grande feureté , & où il fera mis des canons par lefdics Ca- pitaines des navires ; a efté auftî conclu qu’on accommode- roic inceftàmmenten brullot , les deux navires le Soucy& le cheramy. Fait & arrefté lejour & an que defius , & ont tous figné. Etau bas eft écrit j Je fuis, bien d’avis que nous allions au cul de fac : mais je déclare ne confentirque le cheramy foit mis pour brûlot. Signé, F r a n c o i s l’Escovble. Dés le lendemain de ce dernier Confeil Monfieur de Clodoré fit partir tous les navires pour aller au carennage , où une grande partie des Capitaines qui aimoient un peu le beau monde , n’avoient pas grande envie d’aller. Bien que tous les avis portaient que cet armement n’a- voit point d’autre fin que le recouvrement de l’Isle de faint Chriftophle , tous nos Gouverneurs ne laifterenr pas de fe te- nir fur leur garde , & de fe préparer à recevoir & à combatre cette floce ennemie, comme fi elle n’euft efté préparée que 2.2,4 Hifloire gênerde pour chacun d’eux ^ n particulier. On les vit tous allertés auffi-bien que l’intendant à faire agrandir les chemins , à faire de nouveaux retranchemens , redoubler les corps de Garde & les redoutes, ôc faire travailler les prifonniers Anglois & tous les negres fans excepter ceux des Reli- gions & des Officiers. Moniteur de Clodoré prit à tâche de rendre le carenna- ge du cul de facq Royal de cette Isle, inacceffible à toutes les forces des ennemis. Il fit achever les bateries qui avoiet efté refoluës par Monfieur Blondel , Ingénieur du Roy , ou- tre celles que l’on avoit commencées avant la guerre. Il fit boucher l’emboucheure de ce carennage par une baume, ou ftecade composée de mats de Navires, enchaînées & liées avec un gros cable, &ii fit degréer une grande flûte , pour la couler bas dans l’emboucheure du Canal, en cas que les ennemis fuflentaffez forts pour franchir la baume ou fteca- de de mats-, ce qu’apparamment les ennemis n’auroient ja- mais tenté , parce qu’ils n’y pouvoient venir qu’en lou- voyant & les uns apres les autres, & en efluyant le feu de foixante pièces de canon. Ce Gouverneur fit encore faire deux bruflots avec une merveilleufe diligence , &: une peine incroyable, eftanc contraint de faire chercher dans les bois une efpece de gomme Elecuye , qui brufle melme dans l’eau , &. d’envoyer tirer du foufre dans les mines de l’Isle de la Dominique : & il cfttres certain qu'il n’oublia rien de tout ce qu’il crut eftre neceflairepour mettre tous lesnavires à couvert, SceneflaE de fervir à l'arrivée de Mo-nficur de la Barre. S il Des Ant-Jsles de T Amérique . 115 $ il. MonÇeur de laBarre combat & coule à fond avec fa pe- tite patache , une grande fregate du Roy d'Angleterre . PEndancquel’on fe préparé dans toutes les Isles à rece- voir les ennemis, & à les combatre avec la mefme vi- gueur qu’on les avoit batu par le patte* & que Monfieur de la Barre eftoit arrefté à faint Chriftophle pour quelques affaires particulières , les ennemis parurent au vent de la Martinique, le premier d’Avril , au nombre quinze voilles . & fans s’y arrefter, baiiïerent vers l’Isle de Niéve.-on les vit auffi à la Guadeloupe dans le mefme jour, faifant cette mefme route. Le deuxieme de ce mois, Monfieur de la Barre futaverti que l’on avoir découvert fur la hauteurde faine Chriftophle douze grands navires & quelques barques , qui tiroienî vers I Isle de Nieve. Ce jour H s'eftant néant-moins pâlie fans quel onleseuftapperceû, l'avis fut traité de chimère • mais le lendemain fur les dix heures du matin une grande freoate du Roy d Angleterre ayant mouillé à la Rade de Nieve l’on ne douta plus que l'avis ne fût vray , & que ,es A |oj fl\ f_ fent delîein d attaquer Isle de faint Chriftophle. L’arri- vee de cette frégate fit retentir tous les canons du fort de Nieve 8Ç de tous es navires qui eftoient mouillez dans la Rate i & les Anglois ne ceflerent de tirer cette matinée &de témoigner la joye qu'ils avoient de la venue de leur I» rC croiftreledefir à Monfieur de la Barre d aller joindre la fienne , qui eftoit en afleuranr* dans le carennage de la Martinique , & de la mettre en èftac Ff ii6: Hiftoire generale de s’oppofer aux ennemis , il refoiut de partir le mefme jour fur une petite patache, nommée les armes d'Angleterre, ar- mée de vingt- quatre petites pièces de canon de trois, quatre, & de fix livres déballés, laquelle il avoitrefervé exprès com- me bonne voilliere , pour le tranfporter à la Martinique. MdEeurs de faint Laurent, de Chambré, 6c plufieurs autres ne purent entrer dans ce fentiment, ni confentir à le voir rifquer fa perfonne, & les affaires des Islesàun péril fi évident. Le Capitaine Bourdet , l’un des plus braves & plus expérimentés Capitaines delà mer qui commandoit la pata- che fur laquelle il devoit s’embarquer, fit auffi tout ce qu’il put pour lediffuader : maisil palïa pardelïus tous leursavis, & traita mefme de peureux, ceux qui n’eftoient pas de fon fentiment. li ne voulut pasmefmeattendre la nuit pourn’é- tre point apperceû des ennemis , qui vray-femblablementne le dévoient pas lailîer palier fans le combatre. Sa refolution eftant prife , il choilît fix . vingts hommes prefquetous volontaires, gens de mérité 6c de courage j 6c s’eftantembarqué avec eux furcette patache le troiliéme d’Avril entre trois 8c quatre heures apres midy, i! fie voille 5 fe faifant fuivre d’un brigantin d’environ foixante tonneaux. En partant , il fit ferrer le vent autant qu’d put , rengeant la pointe des falines, & approcha fi prés des ennemis, que l’on voyoitee que l’on faifoit dans la fregate Angloife ,quiefl:oic trois foisaulïï grande queia patache. Ils le laifferent palier fans faire aucun femblant : mais un peu apres qu’il euft dou- blé la pointe de Nieve , 8c qu’il n’y avoir plus de moyen de regagner faint Chriftophle, la fregate Angloife appareilla 6c luy donna la chalTe à toute voille , 6c la petite patache éprouvant fes voilîes contre celles de la fregate, n’y gagna rien.* l’on abandonna mefme la chaloupe qu’elle trainoic en queue , 6c qui la retardoir : mais tout cela n’empécha pas que la fregate ne la joignill à moins de rroisheures- de. for- te qu’il eftoit environ huit heures quand le combat com- mença. Le Capitaine Ânglois qui avoic fait embarquer les quatre* Des Ant- lsh s de V Amérique. vingt volontaires du Capitaine Hoîman, qui croyoit enlever ce petit navire, comme un faucon fait une aloüete, dédai- gna de fe fervir de fon gros canon de bas, 6c fans en ouvrir ies fabors, vint aborder la parache , fe fervant feulement1 de fes petits canons de haut & delà moufqueterie. Il fîtd’abord une furicufe décharge de fes canons de haut & de fa mouf- queterie , dans laquelle M. de la Barre qui efloit fur la du- nette, fut bieiTé de deux coups de fufils à la main & à la cu'fîe , 6c mis hors d’eftat de combattre, 6c porté â fond de calle pour y eftre fecouru 8c penl'é. Apres cette première décharge , nos François firent U leur avec tant de vigueur, cj’adrdTe £c de fuccés, & le ca- non fut tiré fi a propos Toujours à double charge, que les ennemis en furent troublez , le Capitaine de la fregate qui s cftoi t jette le premier aux hauts bans, fut tué de deux coups depiltolets confecutifs par le fieur de la Noue, Capitaine au Régiment de Poitou j & tous les volontaires firent fi va- Jeureufementleur devoir, tque les ennemis furent repoufiéz dans leurs bords ; la fregae s’eftant rangée le long du petit un ^econd abordage par les hauts bans du Bea-upré, ou leld. fieurs de la Noue & de Colombier avec leurs gens effuycrcnt encore une furieufe décharge de moufquererie, de’ pots& de lances à feu , 6c quelques coups de canons chargez de mitraille qui tuerent quelques foldats & volontaires, entre leiquels les fieurs Picot 8c B o-fleve perdirent la vie apres avoir fait des merveilles de leurs perfonnes. Ce premier avoir efieValer de Garderobe du Roy • 6c le fécond Cor- nette dans le Régiment de la Milleraye. Le brave Capitaine Bourdet ,quï ne fe voulut jamais ren- dre nonobftant la priere qui luy en fut faite, mit fin à ce com- bat, prenant la mèche d’un foldat , & mettant. Ci à propos Je feu a quatre greffes pièces de canon de fon avant char- gées de p.ncesde fer 6c de balles à deux telles, que la frÇaa_ te déborda incontinent , 6c il s’y fit un profond fiience , tSus les Ang^is courant aux efcoutilles pourremedier à l’eau qui les gagnoïc ; 6c comme U faifoit beau claire de Lune , l’on Ff ij n8 Hiftoirê générale vit Ton grand mats tomber à la mer , & la fregate qui n’eftoit pasforc éloignée delà patache difparut. Quelques- uns di- fenc qu’ils la virent couler à bas -, & quoyque plufieursAn- gloisayent fouftenu le contraire, & dit qu’elle a efté veuë depuis à l’Isle de Nieye, l’opinion la plus commune dans toutes les Isles, eft qu’elle périt dans ce combat, Iaiflanc ce petit navire vi&orieux de cette grande fregate, qui Sau- rait pû embarquer toute entière. 11 ne fefauva pasunfeul homme, quoy*qu’en apparence il y eût prés de trois cens hommes delTus. Nous y avons perdu dix ou douze hom- mes j & outre Moniteur de la Barre , il y eut encore vingt- quatre ou yingt-cinq blelTez. Il eftoft plus de neuf heures quand ce combat finit, & le Capitaine Bourdet fit pendant la nuit tout ce qu’il put pour remettre fon navire qui eftoit fort endefordre ,encfl:at de retourner à faipt Chriftophle & gagner la pointe de fable : mais ayant apperceû la fiote ennemie qui y portoit , & n’y pouvant arriver devant elle , il relâcha à l’Isle de fainte Croix , où Monfieur du Bois Gouverneur de cette Isle , traita pendat trois femaines Monfieur de la Barre avec tant de foin & de generofité , que l’on peut dire qu’il luy en eft fort redevable. Il le faut un peu [ailler dans cette Isle pour y faire penfcr fes blelTures & y radouber fon vaif. /eau : cependant allons voir ce quifepafie dans les autres. Des Ant-Jftesde î Amérique, § iii. Toute la flote Angloife arrive à t Jsle de Nieve , & com- bat trois navires particuliers a la Rade de Saint Chrijïophle . ? - LE lendemain du deparr 8c du combat de Monfieur de la Barre quatrième d’Avril au matin, il parut à la pointe de l’islede Nieve , une flote de treize vaiileaux , donc neuf eftoientéquipez en guerre, l’Amiral monté de cinquâte-deux pièces de canon ,6c les autres de trente cinq 6c de quarante, avec deux bruflots 6c deux caches. Leur arrivée donna l’a- Jarme dans l’Isle de Saint Chriftophle, 6c par le comman- dement du Gouverneur, tout le monde fe mit fous les armes; 6c chacun fe rendit à Ion porte , 'pour y fouftenir çn cas de befoin. Il y avoitalors deux vaiflfeaux de la Compagnie, com- mandez par les Capitaines Mancel 6c l’Ecuyer , à la grande Rade de la Bafterre , qui voyant venir la flote Angloife 6c fondre fur eux , le vent en poupe 6c portant le pavillon blanc, levèrent l’Ancre , 6c mirent à la voille pour fe fauver à la pointe de fable. Le Capitaine l’Ecuyer qui avoit un navire plus leger que fon compagnon, s’y fauva, 6c le Capitaine Mancel fut contraint de mouiller fous le morne , où îlreceut commandement de fuivre fon compagnon , 6c de fe fauver à la pointe de fable : mais s'eftantmis en chemin , fept des plus grands navires le preflèrenc de fi prés, qu’il fut con- traint de mouiller à la pointe des Paimifles , fous le fort, & tout proche de terre. Là il fut incontinent inverti par fept grandes frégates, F f iij îjd Hiftoire generale dont quelques- unies mouillèrent tout proche de luy , & le can- nonerent fi furieusement , qu’ils luy envoyèrent plus de trois cent volées de canon. Il fe deffendit allez long- temps , eftant fort bien fou fienu de la bateriedu fort, qui endommageoic fort les vaiiïeaux ennemis , ne tirant prefque pas un coup perdu : mais Mancel s’eftant effrayé , fit échoüer fon navi- re, ou le feu fe mit incontinent aux poudres, fans que l’on aitfceûau vray comme la chofes’eft pafFée. Il fut réduit en cendre j & il eft vray que fans cet accident , il ne pouvoic eftre perdu. Pendant queces fept navires cannonoient ceîuy de Man- cel, trois grandes frégates ayant changé le pavillon blanc en ceîuy d’Angleterre, Iouvoyoient toujours devant la Rade, pour empêcher que l’on ne jetraft quelque fecours dans faine Chnftophle. Un autre navire Hoîlandois qui eftoit arrivé à la Rade de la Bafterre deux jours avant l’arrivée des ennemis, lés ayant apperceû, fe rengea fous la pointe du vieux fort, où il croyoit eftre fort en feureté : mais dés le lendemain il fut at- taqué parla flote Angloife, dont il efluyales bordées de cha- que navire, 6c leur rendit vigoureufement chacun la fienne, & comme il eftoit fort bien fouftenu des canons du fort , 6c de la plate-forme, le combat dura toute la journée , fans que les Anglois puftent avoir aucun avantage fur luy , & ils furent contraints de reprendre le large pour raccommoder leurs vaiiïeaux , dans lefquels ils avoient quantité de morts r & ils mouillèrent leurs ancres hors de la portée du canon , faifant undemy cercle qui environnoit la Rade , de-peur ée perdre cette proye, qu’ils croyoïent ne leur pouvoir écha- per. Pendanttout le combat & durant la nuit, ce Capitaine déchargea prefque toutes fes marchandifes , & fe difpofa g^nereufement pour le lendemain à recevoir les ennemis, de à les combatre comme il avoir dé ja fait. Le lendemain fur les dix heures ,rrois"des plus grandes frégates s'approchèrent du navire 64 du fort , tirant de toutes leurs forces fur l’un 6c T) es Ant J/les de l Amérique. , . t fur l'autre, & le fort & Je navire faifant de mefme : mais JcsAnglois ayant a la faveur du feu & de la fumée, attaché Malice?0'^ * iIfutreduic en cendre comme celuy de Ce Capitaine dont je n’ay pû apprendre Je nom efluna nimement loüc pour avoir fait paroiftre autant de’couraeê en iedefFendant, que de conduite pour fauver le bien de L marchands } deux defquels avec un matelot furent brufle/ dans le navire : mais le Capitaine n’en fortit qu'apres avoir feecouruaVlretOUC Cufeu> & fans eflperancede pouvoir ertre Apres cela la flore Angloifefe retira vers beau Iaiflanr neantmoms Jufqu’auneufviémed'Avri^cinq, quatre, trois & finalement deux frégates louvoyant devant la Rade de cette Isle , la tenant comme invertie 5 en forte qu’il n’v oou voit rien arriver. ; * Leio.dA.vriI jour de Pufques, le Capitaine Lincourc Commandant un beau navire de Fleffingue, nommé la prof pente du pais arrivant i la pointede fable de l’Isle de faint C iriltophle fut pour fui VI de prés par deux grandes frégates Anglo.lcs. 1 moüilla tout proche deterre fous le fort faint .Louis, ou îlfutfurieufement cannoné & batu prefque tout Je long dujourpar ces deux navires, qui n’éparanereiit rien pour le bruflerou le mettre en morceaux : mais luy & fes gens ;e bâtirent fi genereufement, & furent fi bien deffen dus du fort , qu’une des frégates ayant receû fix coups de canins a eau & l’autre ayant efté dématée . ils furent c,01. ■ de fe retirer avec deux hommes morts & quantité de bleflcz. Depuis ce temps les frégates n’en voulurent plus goutter, & fis fe contentèrent de tenir toujours deux trois ou quatre frégates à louvoyer devant la Radede faine Chriftoph!e,pour tenir cette Lie bloquée, & empêcher qui! ny entraft aucun fecours. Laiffons un peu repofer la flote Angloife , apres tant de vains efforts U voyons pafler celle d’Efpagnedans les Isies. ^ H foire generale § iv. la flou d'Efpagne pafîe & fe rafraîchit a la Martini- que. PEndant que nos François Sc Hollandois fe chamaillent d’une belle maniéré contre les Anglois, une flote de ir. navires, dont la plus grande partie étoient prodigieux , parut à rOrifon , faifant effort pour gagner la Rade de la Martini- que. Elle fut d’abord prife pour une flote Angloife : mais le Gouverneur l’ayant envoyé reconnoiflre, l’on trouva que c’eftoit la flote des gallions du Roy d’Efpagne qui alloit a Cartagene & à Portobelle. Elle eftoit commandée par le Prince de Monte Sarachio, qui écrivit une lettre de com- pliment toute galante au Gouverneur, qui mérité bien d oc- cuper iey une place. La lettre du Prince. NSI EVP, Lei foldats de fortune ont U hardiejje £ incommoder en toutes o(- cafiow *, & qttoy-queie naye pas le bonheur de connoiflre vojlre ex- cellence , neantmoins fui [que i ay celuy de pajjcr pat ces J des , te ne veux pas laiffer de luy b ai fer les mains par ces lignes, ne le pouvant faire enpefonne. V envoyé ces barques chercher un peu de rafraîchi f- fement ; c'efi-pourquoy ie fupplie voftre Excellence , d ordonner d quelques- ms de [es gens , d'affifer en cela mon Mai fît e d'Hofiel, afin qu’il foit promptement dépêché. P envoyé aujji à vofre Excel - Des Ant-Isles de ï Amérique. iy} lence un peu de nos fruits d' Efpagne j la priant de me pardonner la li- berté que ie prends j comme aufji de me commander beaucoup de cho - [es pourfon fervice 3 ïajjeutant que par la maniéré dont ie les exe- culeray , elle connoijlra mon affeclion , & que dans cette occafion comme en toute autre , z'auray beaucoup de ioye que vojlre excellence me mette â l'épreuve , luy efant ires-acquis, le prie Dieu quil conferve vojlre Excellence longues années *. De celte Capitane le quinzième Le très, humble ferviteur à' Avril milfix cent foixante fix. de voftre Excellence , qui luy Au bas efl écrit. baife les mains , Monjteur le Capitane des Isles Dom Andres d’Ana- de Barlovento. Los, Prince dé Monte- S A R CH 1 O. Il accompagna cette lettre d’un beau prefent compofé de parmefans, de quatre Jares d’un tres-excellent vin d’Ef- pagne , de deux barils d'olives, &: dJun baril de bifcuit : & le Gouverneur pour ne fe paslaifler vaincre par fa courtoifie, luy en fît un autre d une grande quacité de tous les plus beaux fruitsdu pays , & d’un bon nombre de gros poulets d’Indes, de chapons & de volailles, qui font les chofes dont l’on re- gale ordinairement ceux qui abordent les terres apres de longs voyages.- Ce Prince Sc ce Gouverneur s’écrivirent réciproque- ment plufieurs lettres : mais il ne voulut jamais mettre pied à terre, ni le Gouverneur aller à fon bord , fe contentant l’un l’autre de fe faire des civilitez par des Officiers & des Gentilshommes envoyez de leur parr. Le jour mcfme que ce Prince arriva à la Martinique, un Avanturier, compagnon de la Glace nommé Lonbardon, fit vers la Barbade , une prifed’un petit balliment Anglois char- gé de negres. Apres qu’il s’en fur afTeuré,& qu’il eut mis des François fuffifamment pour conduire fa prife à la Martini- que, la joye le tranfporcanr , il la quita, &; s’en vint de- vant à la Martinique en avertir le Gouverneur, qui luy de- GS 2.3-4 Hiftoire generale manda aufïi.toft s’il avoïc laide dans cetre prife , la com- million qu’il luy avoit donnée } & celuy-cy luy ayant répon- du que non il luy répliqua , Ta prife eft en rifque de tom- ber entre les mains des Efpagnols. Elle n’y manqua pas 5 car ayant efté prife le mefme jour , 8c ce Prince ayant aprisque les François réclamaient Monfieur de Clodoré, il luy écri„ vit cette lettre. Vn de me s vaijjeaux a air efté une bellandre avec quelques nè- gres , ayant trouvée fans ton vmjjion : & comme il y avait quelques François deffus , que te ne fcay -point fi ce jont forbans ou cor [aires ; î ay trouve k propos de vous dépêcher cette barque en diligece , afin que vous me faljiegfçzvoir s ils ont une patente de vous, defirant s'ils en ont une j à' entretenir une bonne correfpondance : atnfi quand i auray re~ ceu rèponfe de vous , ie la relàcheray Jï elle a commifTion de vous -, m d fleurant que fi elle n’en a point , vous m' en fer ex^f avoir la vérité . Dieu vous conferve longues années. De cette Capitane le feize V offre ferviteur. Avril , mil Jîxcent foixante-fepl. Dom Andr.es d’Ana- Au bas eft écrit. LOS , Prince de Montesab.- Monjîeur le Gouverneur de chiq. Clodoré „ Cependant Lombardon envoya promptement fa patente au Prince, ‘qui relâcha la barque, 8c écrivit cette lettre à Monfieur de Clodoré : maisia barque ayant efté emportée par les vents 8c les marées , le corfaire apporta ia patente du Gouverneur au Prince , qui relâcha incontinent la prife, 8c la renvoya à Monfieur de Clodoré , apres en avoir pris quelques negres dont il avoit befoin , 8c quelques civettes qu’il paya un peu moins qu’au jufte prix. Cependant le Prin- ce ignorant le retardement de la barque que Monfieur de Clodoré n’avoit point veuë , fe fâcha , 8c écrivit cette let- tre au fkur de Clodoré : mais leschofei ayant efté connues , ils fe feparerent bons amis. Des Ant- Jjles de i Amérique. * ^ j Toute la fîote fe rafaifchit durant quatre ou cinq jours à cette Rade, achetant tout ce qui leur efloit neceffaire : & apres qu’iis y eurent pris du bois & de l’eau , ils continuèrent Jeur route vers Carchagene, fans pafier dans les autres Isles. M O NSJEVR , le fuis fort fâche que le retardement de la h arque cmpeche que ie reçoive vofire reponfe 5 & certainement ie ne voudrois que ce fut far aucune défiance , fui fque ie vous ay écrit que fi la belandre avait une commiftion de vous , ie relâcherois cette prtfe . le ne pouvais pas avoir une autre intention : car déférant garder home correfpondance , fui. v ant ce que le Roy mon maiftre me commande , ie dépêcher ay aufsi - tofl pour vous donner davis. Et afin que vous reconnoifsiez que ie n av ois pas d autre defjein , i ay exécuté le relâchement aufsi- tof que le Capitaine m'a montré vofire patente , ayant fait rendre la bel - landre par les mains de t écrivain-, afin que don ne puifje pas dire en au- cun temps que ce fait , que les miniftres du Roy mon Maiftre , n en- tretiennent pas la bonne correfpondance qu ils doivent. Mais ie ne puis pas m' empêcher de vous faire connoftre le refentiment que i’ay du retardement de la barque , parce qu'il fuppofe une deffiance. Dieu vous conferve longues années , De cette Capitane , le dix- fé~ Vofire ferviteur fticme Avril mil fix cent foi- D o m And res d'Ana. xantefept. Los, Prince de M o n T e- Je vous Jupplie d envoyer le sarchio, paquet cy ioint â Madrid. siu bas e(l écrit Monfieur le G ouverneur de Glodore. Hïftoire generale § v. Mejfteurs de Clodoré & du Lion , ie tient du monde dans l lsle de Saint Chriftophle , nonob fiant le blocus des Anglois. m rOnficur le Chevalier de faint Laurent St Moniteur JVl de Chambré auffi-bien que rous les autres Gouver- neurs affeurez du combat de Moniteur de ta Barre, parle bri^antin qui s’eftoit fauve , mais fort incertains du fucces, fartaient toutes les diligences imaginables, St envoyent des banques detouscoftez pour en apprendre des nouvelles: St cette inquiétude dura jufqu’au quinziéme d Avril , que la barque retournant de l’Isle de fainte Croix , apporta des let- tres de luy, St la relation de tout ce qui s’eftoit parte. Pendant cet intervalle , Meilleurs de faint Laurent St de Chambré fe voyant accablez par les frégates de la ilote An- gloife , qui bouchaient toutes les avenues du fecours qui leur pouvoir venir St les menaçoient tous les jours de les atta- quer, écrivirent à Meilleurs de Clodoré St du Lion Gouver- neurs de la Martinique St de la Guadeloupe, St les prièrent défaire quelques efforts pour les fecourir, en attendant que l’on euft des nouvelles de Moniteur de la Barre , qui pourroit faire de plus grands efforts , St chaiTer tous les ennemis qui les avoient invertis. Moniteur de Clodoré fur cette nouvelle, ht prompte- ment équiper un brigantin St deux barques ,jfur lefquels il fit embarquer cent cinquante hommes choifis, commandez par le fieurde la Vallée de fon lsle , remplit les barques de virtuelles , St donna ordre à ee Capitaine de psfler à la Des Ant-Ijîes de î Amérique. %yj Guadeloupe , pour fe joindre au feccurs que Monfieur du Lion voudroir envoyer. Monfieur du Lion fit aufli embarquer fur deux barques en- viron cent bons hommes commandez par lefieur Dcfprez , lefquels fuivant les ordres que leur avoi; donné Monfieur de Clodoré,pafiTerentauventdeNieve arriveront heureufe- menr à fainr Chriftoph'e, fans eflre découverts des enne- mis. Ce fecours confola fort les habitans de cette Isle: mais il ne les délivra qu’en partie deladifette& delà faim. M. de Clodoré ayant receu des nouvelles de Mon- fieur de la Barre, iuy dépécha une petite fregate nommée la Noftre Dame , de bon port } excellente voilliere, pour lepafTer à la Martinique. Elle eftoit venue de France en trente jours, & avoit apporté une ccmmiffion à Monfieur de la Barre pour commander fous Monfieur de Baas,qui devoit commander abfolument fur toute l’Amerique meri- dionalle, de y devoit amener comme j’ay dé-ja dit, une efeadre de huit navires du Roy de vingt Compagnies des vieux corps, afin d’achever la conquefte entière de toutes les Isles Angloifcs. Mais le peu de foin que prit la Compa- gnie de folliciter ce fecours. & enfuitele traité de paix qui fe faifoit à Breda ayant fait changer les affaires , cet ar- mement qui fefaifoit à la Rochelle , fut différé , de peu de temps apres entièrement rompu , comme je dùay cy- apres. & Jeurs na*ires fort endommagez du canon des Hoilandoisj & on les vit revenir Je douzième à la Rade de Nieve, au nombre de treize navires. C’eft unedes plus grandes conqueftes qu’ils ayent fait dans les Isles pendant toute cette guerre. r Hiftoire generale CHAPITRE H VITIEME. Combat Naval donne par Monfieur de la Barre contre la Flotte Angloife devant Pille de Niéve. Monfieur de la Barre arrive a la Martinique , ou il lie la partie avec les Hollandois , pour combatre la Flotte Angloife . PEndant que Moniteur de Clodore eftoit dans des inquié- tudes continuelles , à eaufe de la longueur du temps que mettoic Monfieur de la Barre à venir joindre à la Martini- que les vaifleaux 'de la Compagnie , qui par Tes foins eftoient en e&at d’eftre employez contre les ennemis -, trois beaux navires des Eftats , commandez par les fieurs CriÆen , Cuve- lard , & Lickembérg, qui venoient de prendre Surinafme fur les Anglois , arriverent-à la Martinique. Le (leur Crilfen envoya auffi toft quelques-uns de Tes Capitaines avec |e Gouverneur au carennage, où eftoient lesnaviresdela Com- pagnie j 6c ils les trouvèrent fi-bien poftez, qu’ils protefte- rent que' toutes les forces de l’Angleterre ne leur pouvoir nuire en cet endroit, Anres qu’il les eut bien eonfideré , il A c’affar Des Ant Ifles de ï Amérique. 2 au Gouverneur de rejoindre avec eux pour aller combattre la note Angioife en quelque lieu qu’elle pur eftre Le Gouverneur tint Confeil iur cette proportion : mais la pluralité des voix conclud avec luy,, qu’,1 ne faloit point fur 1 evenement d un combat douteux, commettre toutes les Isles , & particulièrement celle de la Martinique oui dans ce rencontre devoir fe dégarnir de fes poudres pour en fournir les vaiffeaux , aulîî bien que de fes meilleurs hom mes pour les monter, & qu’il faloitattendre lefecours & J-ef' cadre de Monfieur de Baas , ou qu’un pius grand nombre des" vaiffeaux delà Compagnie que l’on attendoit de moment en moment, fuflent arrivez. Dés le lendemain neuvième de May, Monfieur de la Barre arriva dans cette Isle avec lesdeux frégates nommées les Armes d’Angleterre & la Nollre. Dame de bon voyage cVunbngantm. Il futreceû du Gouverneur & de tout le’ peuple qui témoignèrent toute la joye imaginable de le voir delivre du péril où il s’eftoit rencontré, & apres les ci. vi irez &les complifnens faits , le Gouverneur luy prefenta une lettre du Chevalier de S. Laurent , par laquelle il luv mandoit que ’lsle de f.int Chnftophle eftoit bloquée depuil paa r0te A°Slo,i'e> & Dieu nous fcvorife v;fib!cment ; Parlez s'il vous plaift aux Capitaines de Meilleurs des Eftats , 8c convenez de tout M de la Barre parla au fieur Crinffen , 8c aux Capitaines de fbn efcadre , qui convinrent avec luy que les deux flores Ftançoife & Hollandoife jointes enfemble avec les hom- mes détachez des Gouvernements de la Martinique & de la Guadeloupe, iroient chercher 8c combatre la flore An- gloife, 8c en melme temps fecourir fatnt Chriftophle. S Cela ayant efté arrefté , Monfieur de la Barre avec les plus expérimentez Capitaines de la flore , dreffa un ordre Fort exa& de tout ce qui fe devoir faire 8c garder, tant la route de cette flore, que dans le combat : mais comme .1 me femble un peu trop long , je le mettray a la fin de cet ar- ticle , où ceux qui defireront de le ire , le trouveront s mais les autres pourront fe contenter de ce qui fuit. Noms des n , 8c dura un peu trop de temps } enforte que Je Vice- A mirai s’impatientant , cria au Capitaine Seguin, A 'ions à l’abordage , & l’on fe mit en devoir de le Lire. Toute l >. flore dans ce moment, fit. vent arriéré vers les ennemis juiqu’à demi portée de canon mais une Grande O i“i ' Hifioire generale partie des vtitfeaux n’ayant pas a fiez avancé , l’Amiral remit encore en panne pour les attendre. Cependant a es navires des Eftats qui faifoient la fécondé efeadre , confus de tant dcm&uvaifcs truneuvres, crurent que nos CM$ eftoiem plus grands Capitaines fur terre que fur mer , éc cinglèrent à toutes voiles fur les ennemis. Noftre Amiral reprit ie vent : mais le navire, du Vice- Amiral ne s’eftanc pû rabatre» & ayant eftë contraint de faire le tour, fut précédé par celuy de -Monfieur de la B^rre. Toute la flote fuîvoit alors , ayant ie vent fur les ennemis , qui voyant qu’on alioit à eux pour les aborder , tournèrent le cap pour s’approcher de leurs forts où il y avoit deux bruflots. L’on fecannonoic alors de bonne forte., 6c l'Amiral Crinflen vou- lut aborder l’Amiral Angîois jmais ayant eu peur d’un brû- lot qui fondoit fur luy , il prit ie de flous de l’Amiral Anglois, & perdit l’avantage du vent que l’autre ne manqua pas de prendre» revirant promptementà l’autre bord. - Toute noftre flore avoit jufqu’âlors pourfuîvi la flote An - gloifèjcdmbatant avec l’avantage du vent jufques vers leurs forts 6c batteries , qui commençoient dé-ja à les défendre de leurs canons: mais Monsieur delà Barre ayant veu que l’Amiral Crinflen eftoitdéchû defon avantage, 6c que l'A- miral d’Angleterre i’avoitpris } fansk vouloir opimârrerau combat, flr. vent largue vers les falincs de faine Chciftophle. Ce futalors que les ennemis profitant de leur avantage, pourfuivirent noftre flote à grands coups de canons, Scia noftre luy répondant de fa part aftez vigoureufement. M. de Clodoré qui fui voit de fort prés noftre Amiral , ïoy cria de toute fa force , Qu’il eftoic honteux de fuir ainfl devant les ennemis, & qu’il fa loi t revirerfur eux • & il luv fut répon- du, qu’il alloit reprendre le vent pour retourner avec plus d’avantage fur eux * 6c c’tftok à-dire qu’il flaloit faire une bonne lieu;ë £c demie avec un peu defavantge. Peu de temps apres l’Amiral & toute fa flots revira , & les -ennemis céfle- rent incontinent leur chafle, & fe tinrent fermes Se ferrez au vent de noftre flote * êc comme les vaiflëaux Anglois Des Ant-Ifles de ï Amérique. 2 eftoient incomparablement meilleurs voillicrs que les noftrcs, Us coafrrverent fi bien cet avantage, qu’il fut impoffiblede le regagner iur eux, 6c cek fit ccfler le combat. Ils avoient détaché deux navires les unsapres les autres, pour prendre une flûte Hollandoife qui avoir pris le Jarcre pendant le combat , ôc elle auroit apparemment tombé en- tre leurs mains 3 mais l’Amiral Angiois ayant veu eue le no- tre avec l'on Vice- Am uv.î lescotipoit , tira deux coups deca- non pour faire revenir les deux frégates, 6c aiafi cette flû- te fut fauvée. Pendant tout ce combat qui dura prés de trois heures, cai il commença apres huit heures, 6c finit autour de onze, Je feu prit aux poudres d’un navire de la flore Angloife’ & le fi', faurer en 1 air avec tout fon monde. Quelques uns difen t qu un autre séchoüalur lesKayes, 6c quil y en eut un qui coula a fond : mais cela n’a pas cfté unanimement crû dans noftreflote. Monficurde la Barre perdit en certe occafion un Secrecaire nomme Rivey , qui fut tuéd'un coup de canon tout proche deluy* fon Maiftre d’Hoftel y futaul- fi biciïc a mort , un foldat , cinq matelots , & un laquais ne- gre , j perdirent auffi la vie. Le ficur Capagnc volontaire & quinze autres y furent aulîî bleflez • & il y eut dans les au- tres v ai fléaux , vingt ou vingt, cinq bleflVz. La Relation imprimée chez Cloufier dit , que les ennemis y perdirent quatre-vingts hommes , maisjcn’en ay nen d’afléurc d’ail- leurs. La nuit eftant venue, toute la flote vint moüiller à la Rade de faine Chriftophle , où quelques barques s’cftoienc de- ja rendues , & avoient faiî la relation au Gouverneur 5c a 1 Intendant , de tout ce qui s cftoit pafle dans ce com- bat. Il efleerrain que noflre armement navale eftoit capable de combatre la flote Angloife , & de prendre l’jsle de Nie- ve , fans les mauvailcs mincurrcs qui y furent faites. Les Angiois ne le connurent que trop, 6c le ferv.rcnt prudem- ment de 1 avantage du vent 6c de la iegereré de leurs vaif- leaux, pour 11e pas retourner au combat. L’Amiral Cnnflen li iij sj4 Bifloire generale qui fi: un peu mieux que les noftres , ne le put difiîmuler , & dit hardiment à faint Chriftophleen prefence des principaux de cette Isle , que fi elles avoient efté faites par des gens de fa Nation , il y en auroit eu de punis. Monfieur de la Barre en fon particulier, a toujours eftc fiperfuadéque cette vi&oireluy eftoit échapëe, qu’eftant de retour à la Martinique , comme ie diray bien-toft, il en voulut jecter léchât aux jambes au Capitaine Jamain com- mandant le navire nommé la Concorde contr’ Amiral , fur lequel eftoit monté Monfieur du Lion j & je trouve un ex- trait imprimé des faits fur lequel ce Capitaine fut interrogé par le fleur Turpin , Juge de l’Isle de la Martinique, par Tordre de Monfieur de la Barre , eonceu en ces termes. L S'il rieft pas vray que le iour du combat contre les Anglois le vingtième May à leur veue , le fleur de la Barre Lieutenant Ge- neral , luy fit commandement de [a bouche de le fuivre de près au combat , niant de ces mots , Voftre beaupré fur ma poupe. II. S'il neft pas vray qu allant aux ennemis , ledit fieurde la Barre fit mettre le vent fur les veilles d’ avant , fur ce qu'il vit que ledit na- vire la Concorde , eftoit non feulement fort éloigne de luy , mais rete- nait les trois contre vaijjeaux. III. S’il neft pas vray qriau-lteu de fuivre ledit fieur de la Barre fon Amiral pour aller aux ennemis , il fit mettre le vent fur les voit- les d’ avant comme il fut ven de toute la fiole , retint parce moyen toute l' arriéré Garde prés de luy , & l empêcha de fuivre ledit fieur de la Barre au combat fuivam l ordre qu'il en avoit .■ IV. Qui le peut avoir obligé à faire cette méchante maneuvre qui a ofê la ville ire entière des mains des François] fi ceft par intelli- gence qu’il a eue avec les ennemis , ou par quelque raifon . V. S'il ri fi pas vray quil a receu les ordres de Monfieur de la Barre tant Pour le combat que pour la routes & s' il ri a pas fieu Des Ant - J fies de î Amérique, % y j quil luy devoit obéir en tout & pal tout. Mais Monfieur deClodoré % qui eftoit alors le grand amy de Monfieur de la Barre , luy ayanr reprefenté que cette pourfuitte eftoit d’une dangerciil’e confequen e, parce qu’- elle refle^hifloit indirectement fur Monfieur du Lion , qui eftoit fur le Vaifteau de Jamain -} il cefia fa pourfuitte. Celuy qui a donné des mémoires à Clouficr pour faire la Relation qui traite de ces combats , s’eft avifé d’en vouloir jetter toute la faute fur Monfieur de Clodoré , l’accufanc d’avoir par ies mauvaifes maneuvres , arraché la victoire des mains des François. Cela obligea Monfieur de Clodoré qui avoit fujet de croire que Monfieur de la Barre eftoit l'Au- teur de ce Livre , de fe plaindre de luy aux Ducs & Pairs de France , qui avoient efté arbitres de leur different , de ce qu’au préjudice deleur jugement , il luy avoit ravi l’honneur: mais Monfieur de la Barre déteftant les faufletez de ce livre, fit une déclaration qui non feulement met l’honneur du fieur de Clodoré à l’abry , mais aulfi fait voir clairement quelle foy l’on doit ajouter à tout le refte de ce livre. Hiftoire générale i<6 § ni. Monfieur de la Barre apres avoir combatu la F lotte Angloife (êfi fè couru ïl[le de Saint Chriflophle , reconduit fa Flotte aux Jfles du Vent. LE Samedy u . de May Monfieur de la Barre & Meilleurs les Gouverneurs , accompagnez de piufieurs Capitaines & Officiers tant des Isles que des Vaiffeaux, dépendirent à à terre. L’Amiral Crinflen , avec les Capitaines & Officiers, de fon efcâdre, dépendirent auifi , & ils furent tous receus par Meilleurs de Pin t Laurent & de Chambré, qui firent tout ce qui leur fut poffible pour les régaler jufqu’au.quinzié- mc.. Ces quatre jours furent employez en diverfes confe- rencesfur l’occurrence des affaires, à jetter quelques trou- pes du Régiment de Poitou dans cette ïsle, à rafrachir cel. le des Isles de la Martinique & de la Guadeloupe qui y fer- aient utilement depuis quelque temps, à faire débarquer avec allez de peine à caufe de la rudeile de la mer, des vi- duailles que l’on y avoit apporté qui n’eftoient pas capables de les faire fubfiftcr long temps* Cependant l’Amiral Crinfien ayant trouvé à faint Cri- ftophle une petite fregate qu’il attendoit de barbarie, pref- fapourfon départ afin d’aller vers la nouvelle Angleterre executerlesordresqu’davoit receus de Meilleurs des Efiats • êc Monfieur de la Barre fut obligé, quoy qu’à regret, d’y confenxir. Il falut enfuite délibérer fur ce que l’on feroit de no lire ilote , qui par cette feparation alloit eftre fort af- faiblie* &c comme U n’y avoir point d’apparence de pou- voir avant la feparation des Hollandois, engager les enne- Des Ant-jfies de V Amérique. zeo eftoient une fois emparez , ils divifoient toutes les forces de cette Isle, qui venoienr à droit & à aau. che, ne leur laifhnt que desdefilez tres-defavanta<*eux& ôc quoy.que l’on ait voulu dire de i’a&ion héroïque que fit le Chevalier de faint Laurent en cette oceafion, il eft con- fiant que lefalut de faint Chriftophle 6e de toutes les Isles en dépendoir. Les ennemis s eftant veus fi vigoureufement repouffez de cette attaque, s’eftëdirent à droit & à gauche, 6c fe fourerenc partie fous la falaife, où on les accabloit à coups de pierre. Les plus forts de leurs troupes entrèrent dans la rivière Pelan fur la gauche, dont l’entrée efl affez large, quoy.que fort embaraffée de pierres 6c de greffes roches. Mais' comme ils eftoient fur le point d'entrer dans la terre decouverte le fi ur d’Orviilier arriva à la tefte de no. hommes du Régi- ment de Poitou. Monfieur de faint Laurent luy fut au de vant, Pembrafla, & luy commanda d’aller charger les en- nemis dans cette Ravine 3 & en mefme remosce^ Capitaine fut charger les Anglois en ce lieu avec tant découragé que nonobftant la vigoureufe refiftance qu’ils firent fl les en de logea 's’empara de l’entrée, & s’y porta avec fes gens pour la defendre. Il ne perdit en certe a&ion , qu’un Ser- genr6c fept de fes foldats , 6c quelques autres qui y furent bleflez. J L 1 ij 2,68 flaire generale Les ennemis qui s’étoient suffi avancés fur la droite, 8c eftoientauiîl entres jufque fur une indigoterie , y furent auf. fi batus ëc défaits par Mcnfieur de laint Laurent à la tefte d’une partie de la Cavalerie qui I’eftoit venu joindre, 8c pendant qu’il eftoit aux prifas avec les ennemis en ce lieu, il y fut joint par quatre Conopsgmes de Navarre commandées par les Heurs Samfon & de Beaumont : Ce premier ayant eu de grands dérnélez avec Monfieur de faint Laurent, fut en arrivant luy demandée pardon, de ce en quoy il lepouvoit avoir ©frenlé ; & apres que Monfieur de faint Laurent l’eut tendrement embraffe 8c baiié, il s’en alla l'épée à la main, comme un lion donner fur les ennemis : mais à peine eut il donné quelques coups , qu’il fut tué d’un coup de monfquer. Monfieur de Saint Laurent qe jugeant pas que Monfieur d’Orvillicr euft allez de monde pour deftendre l’entrée de la riviere Pelan , que les ennemis tâchaient toujours de forcer , luy envoya promptement cinquante hommes du Régiment de Navarre, commandez par le Heur delà Vauguyon, Lieu- tenant de ce Régiment , pour le renforcer : Mais ce pauvre Lieutenant marchant à la tefte de fes gens fut couppé en deux d’un coup de canon ; & les cinquante foldats ne laifle- rent pas de fs joindre au Heur d’Orviliier , 8c de l’aider vi- goureufement à defFendrc ce pofte , qui eftoit celuy où les Ânglois s’attachoient le plus. Cependant deux Compagnies des Milices de Saint Chri- ftophfc, & ceux des troupes auxiliaires de la Guadeloupe 8c delà Martinique cftant arrivées au lieu de l’attaque , non- obftant le feu que les canons des navires faifoient fur eux, Monfieur de $amt Laurent fe voyant ainfi fecouru renforça promptement tous les lieux qui eftoient attaquez : 8c ce fut alors qu’il fe fit un horrible chamailly de part &; d’autre j 8c nos François firent un fi grand feu tant fur (es Anglois def- cendus à terre que fur ceux qui eftoient encore dans les bar- ques ( qui fe battoient en braves gens , mais dont plus de la moitié furent tuez dans ces mefmes barques , ) que les enne- mis commencèrent à s’ébranler, & à fe ranger fous la falsi- fie -, nefaifant plus que fie defffindre à droit 8c à gauche, 8c Des Ant- Ijîes de î Amérique. 2 e{tanf battus paries deux flancs 6c par le haut de îa falaifr, d'où Ton leur faifoit tomber des pierres, qui leur faifoient preîque autant de tort que les baies des moufqucts. Cependant M. de Saint Leon , M-'rcfchal de bataille, qui avoit avec luy quatre Compagnies de N ormandie , deux de Poitou, 6c deux de^^lices de faint Chriftophle , fit faire halte à toutes ces triées à la grande Rade, d’où il enten- doit les coups , 6c voyoit le feu de l’attaque } dans la pen- fee que les ennemis ne fer oient qu’une tentative à la Rivière Pelan, 6c qu’ils viendroient faire leur principale décente à Ja grande„Rade. Mais ayant veû que ce feu 6c ce grand bruit continuoit trop long, temps , il marcha à grande baffe avec toutes fes troupes , vers le lieu du combat , 6c y arriva a/Tez dtemps pour avoirpartàia gloire desautres, 6c aider àache- ver la victoire. Pendant le plus fort de ce combat, trois grandes chalou- pes chargées de foldats Anglais, fe prefemerent pour met- tre à terre fur la droite, un peu écartez du lieu du combat, afin de le faire avec moins de péril : mais piufieurs foldats tant des troupes Royales , que de cette îsle , de la Guadeloupe 6c delà Martinique les ayant apperccu, fans attendre d’eftre commandez, y coururent comme des lions, efluierent les décharges des Anglois , firent la leur 5 6c voyanr qu’ils ivap- prochoient pasaffez vifte,ils jetterent leurs fuflls , entrèrent dans la mer jufqu’àla ceinture, 6c les paflerent tous au fil de l’epëe , fans qu’il en rcchapafl un feul • 6c les chaloupes avec ce qui cftoit dedans, leur demeurèrent. Cependant les Officiers des troupes conduites par Mon- •fleur de faint Leon, 6c les dernières venues au combat ,mor- r fiées dé n’avoir point eu de partàrant de belles a&ions qui s’y eftoienc faites , preflerent Mon fleur de faint Laurent de faire donner l’épée à la main fur les Anglois qui s’eftoienr retirez fous la falaife, 6c qui fe batoient toujours en gens de cœur, afin de terminer le combat, 6c d’achever la victoi- re. L’on délibéra fur cerrepropofltion j 6c tous ces Officiers s’y eftanj aheurtez, Monfleurde faint L«urent quoy qu’a- vec beaucoup de répugnance , s’y laifla aller. Les dcrache- L 1 iij 2-70 Hifioire gêner de mens furent faitsde tous les corps , & les ennemis eftant ve. nus efcarmoucher à la Ravine Pelan, le S de la Boufquette, Lieutenant , à latefte des hommes détachez de Normandie ’ pouffa les ennemis l’épée à la main jufque fur le bord de (a mer : mais il y recent tant de coups de fabre , qu’il tomba comme mort. Les Angiois qui eftcûent fous la falaife efhnc venus au fecours, repoulfercnt les n^resjufque dans la Ra- vine : mais un Capitaine nommé la Giraudiere , s’eftanc avancé avec quelques autres , tua d’un coup de piflolec l’Officier Angiois , les repoufla jufques fous la falaife . & ayant trouvé le heur de la Boufquette qui n’eftoit pas mort , il le fît rapporter parmy les François. Ce Capitaine ailoit retourner une fécondé fois à la char- ge mais Moniteur de faint Laurent qui n’avoit confenti qu’à regret à cette entreprife , ne voulant point facrifier tant de braves gens à des ennemis qui ne luypouvoient échaper, fitdefFendre à tous les François de quitter leurs pofies, leur ordonna feulement de tirer fur les ennemis quand* ils paroiftroienr. Tous les navires Angiois, qui pendant tout le combat qui avoir duré prés de cinq heures, avoient tiré un nombre in. croyablede coups de canons, s'eflant apperceû que le plus fort de nos troupes cftoit porté dans la Ravine Pelan , quel- ques-unes de leurs frégates fe mirent à l’emboucheure, & y cannonerent d’une telle furie, qu’ilsy tuerent & blcfTerent plufîeurs François , & y mirent prefque tout en defordre. Il y avoit prés de fîx heures que ce combat duroic , lors qu’un foldat Angiois, que ceux qui ertoient fous la falaife avoienc envoyé à l’Amiral , revint à la nage leur dire , qu’ils ne pouvoient ertre fecourus ni retirez d’entre les mains des François. Jufqu’alors ils n’avoient ofé implorer la clémen- ce des François , fe doutant bien qu’ils avoient connoifîance de l’ordre que leur General avoir donné de ne leur faire aucun quartier : nuis ne voyant aucune refïource à leurs maux , ils fe refolurent de tenter s’ils le pourroient obtenir, ils en firent le fignal avec. des mouchoirs au bout de leurs ar- mes 3 bc auffi-tort Monfieur de faint Laurent defRüdk de I Des A nt- Jjles de /’ Amérique. 1 - r tirer davantage fur eux } ce qu’ayant reconnu, ilsjetterent leurs armes , & vinrentau nombre de cinq cent cinquante dont plus de la moitié cftoient grièvement blefficz , implorer la mifericorde. r Le General Henry WiJIougby qui eftoit yvre & qui avoit demeuré prefquetout le temps du combat endormi eltoitalorsappuyé furie bord de ion navire } & nonobftanc qu’il feeufi: & vift le quartier que ion faübic aux Anelois defcendus donc il y en avoir quelques-uns qui le valaient bien , 11 ne laifla pas de faire tirer (ur eux & fur nos François mcüez parmy eux , plus de cinq cent coups de canon . & un procédé lî barbare, mit tous les foldats dans une telle colere , que fans les Officiers, ils eulTent fait main baffe fur tous les prifonniers. C e fut neantmoins une chofe furprenante de voir un G «range changement parmy les François, qui de Lions fu- rieux devinrent tout à coup des agneaux , carelTant les loups qui les avoicnt voulu devorer. Le bon Chevalier de faine Laurent embraffa tous les Officiers & gens de qualité dont nous verrons les noms cy-apres, & defqueis il eut autant de min que de fes proches. L’on vit en mefme temps tous les François s’empreffer à eiïiiyer leurs playes, d les loaer à les fecourir, & à les confokr avec tant de douceur, our les relever , & qu’ils y reiifîirent fî heureufement , qu’à a referve des vaifleaux bruflez, il n’y eut qu’une cache de perdue. Il ne falut pas dire deux fois à Monfleur de la Bar- re de les envoyer au carennage pour les mettre enfeureté-. l’ordonnance qu’il fît à cet effet en eft le témoignage afleuré: elle efl datcée du douzième de Iuillet : 6c je crains que mon copifle ne fefoit trompédedeux ou trois jours j caries navi- res ne pouvoient pas eftre encore relevez. En voicy la teneur. Il Est Ordonne’ aux vaiffeaux de la Compagnie qui font en ejlat de partir de cette Rade , défaire incejfamment voiilc pour le cul de fac Royal , où ils fe mettront dans le carennage , & feront une ftecade pour en fermer l'entrée , garniront les batenes de canons , & difpoferont toutes chofes four une bonne dejfence. Les Capi- taines commanderont chacun huit jours tour k tour . Le (leur Gau vi n comandera les 8. premiers jours , & en fui te les fleurs de la J aun a ye, Pingault & J am Ai n j puis les autres à leur rang ob fer- meront en allant audit cul de fac , de ne point fe defalher des terres & s'ils eflojtènt pris de calme , de fe faire nager par leurs chaloupes pour fe foujïcnir contre la marée : moyennant cela ils ne peuvent cou- rir rifque de tomber h vaut le vent. Fait à la Martinique , le vingt cinquième de Iuillet , mil fix cent fixante fept. Signé le Fevre de la Barre. Cependant toutes les Isles Françoifes dans le plus fort de leurs miferes , receurent des fecours inefperez d’Europe qui les confolerent en routesfaçons 5 car dés le dix huitième de Juillet fix beaux vaifleaux remplis de tout ce qu’ils pouvoient defirer , arrivèrent à la Martinique. Le premier eftoit une fluteapparrenante au Roy , commandée par le fieurdu Pré, & eftoit chargée de vivres 6c deveftemens pour les troupes pp ij 3oo Hïjîüire generale Royales qui eftoient à faint Chriftophle, aufli bien que les troupes auxiliaires des autres Ifies , aufquels il faloic fournir tous ies jours plus de mille rations de pain. Cette flûte ap- porta la nouvelle delà révocation des ordres donnez à Mon. fleur de Baas pour le fecours des Ries donc j’ay parlé cy-def- lus : mais elle fit efperer en mefmetemps une prompte con- clufion de là paix , qui depuis le vingtielme May fe xraitoit à Breda par les Plenipotenuers de tous les Eftats incereflez. Entreles autres navires qui fuivirent cette flûte, il y en avoit un de Ja Compagnie , deux autres de Bordeaux , 6c un de la Rochelle, tous chargés de vivres , de munitions , 6c de toutes fortes de marchandées neceflaires dans les Isles ; 6c un autre qui venoit de Canarie chargé des meilleurs vins de ces Isles. L’on fit promptement mettre tous ces vaifleaux en feureté dans le carennage , 6c Monfieur de la Barre fie partir en diligenceia premierebarque qui fut en eflac, char- gée de vin , de viande 6c de farine , 6c de foixante foldats 6c volontairespour fecourir l’Isle de faint Chriftophle , en at- tendant que les autres barques fuflént raccommodées pour leur en faire pafler davantage. Toutes les autres Isles eurent aulli leur : part de ce fecours, qui arriva dans le temps le plus opportun que l’on peuft dcfirer. II arriva auffi en ce me fine temps , une grande flûte de Norvergue , chargée par les loins de Meflienrs les Diredeurs de la Compagnie, de mats, de planches, de goudrons , 6c de toutes les chofes propresaux radoubemens des vaifleaux , Iefquels furent en peu de temps reparez 6c mis en eftat de fervir , s’ils euflent eu des poudres neceflaires , ôc dont I on n’a jamais fourni le quart de ce qu’il enfaloit. Monfieur de Clodoré confeilla à Monfieur delà Barre de renvoyer en France une partie des navires qui eftoient en eftat , 6c une autre partie à Coroflol , l’autre au Cap verd , 6c l’autre à faint Domingue , pour en apporter des beftiaux aux Isles, 6c ainfi les rendre utiles à la Compagnie. M. delà Barre conclud bienpourles voyages du Cap verd, de Coroflol , 6c de faint Domingue : mais il ne put tomber d’ac* cord d’en envoyer en France , parce qu’il manquoit de Des Ant - Isles de î Amérique. 30 1 poudre pour les armer, craignant auffi que s’il les renvoyoït en France fans eftre chargez , que la Compagnie feroitobli- çée de payer des équipages, c’eft-à dire les gages des Capi- taines, des Officiers, des pilotes & matelots , aufqucls il eftoit beaucoup deû j,6c que ces navires n apportant aucun retour, elle feroit en peine de le pouvoir faire : ainfi tous les navires de la Compagnie qui avoienteftéfiheureufemenc remis à floc 6c fi bien reparez, pour n’avoir pas efte envoyez en France ou en quelques autres lieux pour y gagne r les frais des équipages , furent fi long- temps dans le carennage , que l’air mal fain y fit mourir une partie des équipages, es vi- duaillesdela Compagnie y furent mal ménagées , 6c les na- vires par un trop long fejour en ce lieu , y furent percez des vers - en- forte que l'on en a tiré auffi peu de profit que de fervice : 6c cela n’eft pas une des moindres caufes des de- {ordres des affaires de la Compagnie. § IL Les Anglais font en vain me nouvelle tentative pour rentrer dans l Isle de faint Chnjlophle • LEs Ancdois animez par l’avantage qu ils pretendoient avoir obtenu fur les navires de la Compagnie, refolu. rent aufli-toft une nouvelle entreprife fur l’isle de faint Chn- ffophle dont la perte les affligeoit incomparablement plus que toutes celles qu’ils avoient faites dans l'Amenque Le Milord ’W'illougby y donna auffi- toft les mains , 6c fiun- ceffiamment embarquer fur cette fregate qui luy en avoit ap- porté la bonne nouvelle, 6c fur deux autres navires , trois cens hommes du Régiment d’York , plufieurs braves volon. raires, 6c une grande quantité de poudre , de boulets 6c de 30z Uifioire generale toutes fortes d’armes. Il envoya tout cela à Me. Henry VFil- Jougby fon Lieutenant General , qui eftoit à I’Islé de Nieve avec toute fa flote, commandée par le Chevalier Armanr. Ces rrois navires paflerenc tout proche de la Rade delà Martinique , 8c ceux qui eftoient deffus , furent fort furpris at ne voir aucun des navires de la Compagnie échoüez à la colle , ni coulez bas comme l”on leur avoit a fleuré. Dés que ce renfort fur arrivé à Msle de Nieve, le Lieu- tenant General Henry Wiüougby,, apres avoir ( de gré ou derorce ) ramafTé tant dans cette Isle que dans les au- tres, tous ceux qui le pouvoient fervir en cette occafïon fit une reveue generale, où il fe trouva trois mille hommes effectifs, vingt deux grands navires, 6c plufîeurs barques é- quipees en guerre , dont le Chevalier Armant eftoit Amiral. Le Confeil de guerre fut enfuite tenu, 6c Patraque de i’Islê de Saint Chriftophle y ayant efté refoluë, le Chevalier Armant fe difpofa à l’executer. Cependant Monfieur Je Commandeur de faint Laurent ayant efté averti par un transfuge de l’Isle de Nieve , de tous les préparatifs que l’on faifoit danscette Isle, pour le venir attaquer, fie en diligence fortifier les endroits de cette Isle qui luy paroifToient les plus foibles. Il fur merveilleufement affilié dans ce travail parle ficurde la Fontaine, Capitaine au Régiment de Normandie, très habile, 6c qui pendant 1 incommodité du Commandeur de faint Laurent , prit le foin cie tous les ouvrages neceflaires, y fie travailler incef- fammentfix cens prifonmers Anglois avec tant de diligence , que rout eftoit en eftat de recevoir les Anglois avant qu'ils fuilent en cftat de nous venir attaquer. Pendant que l’on fe fortifioit à faint Chriftophle, le Lieutenant Henry WMougby y envoyaun Officier Anglois redemander les prifonniersde fa nation 6c leur apporta quel- queargenr. Cet Oîficicr çkrmanda effrontément au Cheva- lier de faint Laurent que l’on leur rendift leur terre, fi J’on vouloir épargner bien du fang . 8c dit que fi l’on ne leur ren- doit par amitié , ils l’auroient par force , 8c mefine toute 1 Isie. il offrit aufîi à ce Chevalier de luy rendre le fieur de î> . Ww Des Ant-lfles de / Amérique. 5© $ Nouël , Gouverneur de Sammary proche de Cayenne qu’ils avoientfurprispar trahifon, pour le Colonel Stapleton* 6c ditinlobmmcnt que fi Monfieur de la Barre avoit ellé dans fon Amiral comme il y dévoie eftre, qu’ils l’auroieut pris, 6c l’auroient rendu pour ce Gouverneur. L’Officier An- glois dit tout cecy avec tant d’arrogance, que le Chevalier de faine Laurent fut contraint de le maltraiter de parole & de luy dire , que peu's’en faloit qu’il ne le fift jetter en mer, 6c que ni luy ni d’autres n’y revinrent plus pour parler de la for- te à moins que d’y vouloir eftre jettez : 6c qu’aurefte il n’avoit point de fujet de fe vanter de l’avantage qu’il difoit avoir eu fur nos vaifleaux à la Martinique , que cela n’eftoic point deuà leur bravoure, n’ayant iamais oie aborder les navires-, mais que ce bonheur eftoit feulement deû au vent de midy , qui avoir porté leur bruflot fur nosvaifleaux. Cet Officier s’en retourna auffi mal fatisfait des François, que les François l’eftoient de luy ; 6c ayant fait fon rap- port tel qu’il le voulut au Lieutenant Henry villougby , les vai fléaux deftinez pour cette entreprile, fe mirent à la voi- le le jour de fainte Anne , vingtfixiéme de Juillet ,pour venir à la conqueftcde faint Chrillophle, 6c pour faire ce grand épanchement de fang dont l’Envoyé de ce Lieutenant Ge- neral avoit menacé les François. Ils les virent venir, 6c fe difpoferent avec une joye mcrveilleufc, non feulement à con - ferver leur fang mais à triompher des Anglois comme ils avoientdé-jafait fi glorieufement par deux fois dans cette Isle. Ils parurent fur les dix heures proche de la Rade , aunom. bre de onze grands vaifleaux 6c une cache, chacun des navi- res ayant fa chaloupe en queue , comme tous difpofez à la décente. Ils raferent toute la colle depuis la Bafterre jufqu’à la pointe de Sable, foudroyant toute lacofte|à(coupsde ca- non ^ 6c particulièrement où ils voyoient l’Infanterie en ba- taille , 6c cinq cens Cavaliers , ayant le valeureux Com- mandeur de faint Laurent à leur telle , qui fuivoient les vaifleaux tout le long de la colle , mourans d’impatience de fe voir encore une fois aux mains avec les ennemis : mais ,19 $ j o 4 B i flaire generale Mcffieurs les Angiois craignants que ce grand épancîiemerït defangdonc iis nous avoient menacez , nefe'tiraft de leurs veines , n’oferent jamais mettre pied à terre , Si ilsfe retirè- rent fans avoir aucun avantage, linon d’avoir rompu le roicl d’une maifon , Si avoir eu pour récompenfe deux de leurs vaifleaux percez à jour par le canon de nos bateries. Le Lieutenant General Henry wiîlougby , auffi bien que le Chevalier Armant ayant perdu toute efpcrance de rentrer victorieux dans l’Isle de faine Çhriftophle , refo lurent d’al- ler chercher fortune ailleurs , & tournèrent toutes leurs penféesau recouvremenrde Surinâmes en terre ferme, que l’Amiral Criffen Zelandois leur avoir pris , & à la conque- fte de l’isle de Cayenne, dans laqueliel’on leur avoir dit que Monlieurdela Barre &fon gendre avoient mis tout ee qu’ils avoient butiné fur eux pendant cette guerre, Monfteur de faint Laurent fut encore averti par des rras. fuges, que le fixiéme d’Aouft ftx grandes frégates accom- pagnées d’un bruflor , eftoient parties de fa Rade de l’Isle de Nieve, Sc que le dixiéme deux aurres grands Navires a* voient pris la melme route , n’eftant demeuré en cet- te Rade, que trois grands navires de guerre, quelques barques, Sc quelques caches. Ils dirent auffi qu’ils aîloient à Surinâmes, ôc qu’ils s’attendoient de prendre l’Isle de Cayenne en paffisnr. Cette flote pafta à la Martinique au commencement de Septembre, lors queMcffieurs de la Barre & de Clodoré eftoient dans une grande di vifion , furvenuë à l’occafion d’un domeftquc de M. de la Barre, qui avoir. grièvement bleffé de deux coups d’épée un Capitaine d’un navire du Roy fur la place d’armes en prefen ce deM. de Clodoré, qui Payant fait mettre prifonnier , il en fur tiré de haute lute par Mon- iteur de fa Barre : & quoy-que cebeuft broiiillé ces deux Meffieurs jufqu^à l’excès , auffi. toft qu’ils virent les ennemis, ils mirent bas leurs differents particuliers , s’uniftant tous deux pour le bien du fervice, & faifan t avecbeancoup d’ar- deur toutes les chofes qu’ils crurent neceftaires pour fe def- fendre : Des Ânt-iftes de V Amérique. 30 j fendre. Mais la Flotte paffa fans entreprendre aucune cho- fe , tira vers la terre ferme , & arriva à l’ifle de Cayenne le 21. ou le 21. de Septembre j où nous l’ironstrouver apres que nous aurons dit un mot d’un effroyable Houragan qui arri- va à faint Chriftophle le premier de Septembre mil fix cens foixante-fept. < - $ iii. Vn grand Houragan defole tlfte de Saint Chriftophle . L’ifle de faint Chriftophle fe croyoit au defTus de toutes fes affaires, fes habitansavoient glorieufement conquis les quartiers poffedez par les Anglois , ils les avoient def- faitsavec beaucoup de bonheur à la pointe des Palmiftes lors qu’ils y voulurent rentrer, ôcils leur avoient enfin fait per- dre toute efperance d’y pouvoir jamais rentrer par la force. Ils fe voyoient fecourus par plufieurs navires chargez de tou- tes les chofes necefïaires j & il fembloit qu’ils n’avoient plus qu’à triompher de la guerre melme, à faire des marchandi- fes pour s’enrichir , & à fe tenir fur une fimple deffenfïve, qui pouvoit faire échouer tous les efforts de leurs enne- mis. Ils avoient acquis tontes les plus belles habitations des Anglois, lefquels apres les premiers combats rendus à faint Chriftophle, pouvoient en vertu de la capitulation, vendre leurs terres, leurs negres, leurs meubles , leurs beftiaux, & généralement tout ce qui leur appartenoit , & en fuite fè re- tirer où il leur plairoit. Ilseftoient perfuadez par de tres- bonnes raifons , que les Anglois n’y pouvoient jamais ren- trer j parce qu’ils avoient acquis de bonne foy toutes ces CLâ 3C6 Hifioire generale choies, & qu’il fe trouvoit chez les Notaires plus de trois censcontra&s de vente en bonne forme , & pour le moins autant fous feings privez, dont les payemens faits contens en fucre & en petun , font eftimez à 474009- l. d’argent m onnoye de France. Chacun de nos François qui dans cette conjoncture a. voient eu toutes leurs habitations à un fort jufte prix , dans l'efperance d’y devenir riches en les cultivant , y avoient fait de grandes dépenfes pour les faire valoir , lors que le premier de Septembre Dieu qui avoir humilié les Anglois par leurs mains , les voulut chaftier par les fiennes ; leur envoyant dans cette Iile &; aux environs , un épouvantable Houragan , qui renverfa toutes les belles efperances de nos pauvres Habi- tans , & qui fut tel , que les plus anciens de cette lsle prote- fterent n’avoir encore rien veu de femblable. L’article de la Gazette de Hollande qui parle de ce Hou- ragan, dit qu’il commença à neuf heures du matin par un vent du Nord qui dura julqu’àcinq heures du foir , & qu’- une heure apres il recommença par un vent de Sud avec une telle impetuofité, qu’il renverfa toutes les maifons& les ca. fes , & caufa une telle frayeur aux Habitans qu’ils fe cou. cherent dans la campagne, ne croyant pas pouvoir eftre ail- leurs en feureté. Et je croiray fuffifamment appuyer cet- te vérité , par l’extrait d’une Lettre que Moniteur le Cheva- lier de faine Laurent en écrit à Moniteur Colbert, où il en parle ainii: ,, Il a fait icy le plus horrible coup de vent qu’il eut jamais „fait } & j’ay créa eftre obligé de vous faire fçavoir que 9) cette lsle eftdans l’eftat le plus déplorable qu’on put fe fi- , , gurer , & que les habitans ne pou voient faire une plus grade „ perte ny fe voir plus malheureux , à moins que d’avoir efté „pris par les Anglois; Il ne leur refte plus ny maifon ny fu- ,,crerie debout, & ne peuvent efperer de faire du fucre de ,, plus de quinze mois. Pour le manioc, qui eftlepain du npays , il n’en eft pas refte un feul , &. il eft plus d’un an à Des Ant-Isles de T Amérique. 30 7 j, venir. Je ne puis, Monfeigneur , vous defcrirela miferc de „ cette pauvre Me , fans en avoir le cœur navré , de la voir ,, comme un lieu où le feu a pafle. Je vous affeure que fi „ la paix ne fe fait, ou que l’on n’envoye des navires de ,, guerre en ce pays pour faciliter le moyen d’y apporter ,,de la Cafta ve des autres Ifles, les habitans 6c les troup- ,,pes mourront de faim. Je feray tout mon poflible pour „ donner courage aux habitans, qui font interdits comme „des gens qui ont tout perdu, 6c n’efpargneray ny mes „ foins , ny mes peines pour le maintien de cette ifie , 5e pour ,,remedier à ce mal , qui eft fans remede s’il ne vient de „ dehors. Six ou fept jours avant cette horrible tempefte, il arriva à la Martinique une barque Françoife avec un Gentilhom - me Anglois, portant un paffeporten faveur de Madame de Bayencourt, cy- devant femme de feu Monfieur de Poiocy Gouverneur de faint Chriftophle , Sc des autres Damoifelles que feu Monfieur le Commandeur de Sales avoit fait partir de faint Chriftophle la veille du premier combat. Il y avoit déjà long-temps que cette Dame 6c les autres Damoifelles eftoient de retour à la Martinique, & elles n’avoient ofc fe rifquer au paftage , de peur d’eftre prifes par les Anglois. La mefintelligencede Meilleurs de la Barre & de Clodoré qui continuoit toujours , fut augmentée en cette occafion. Monfieur de la Barre ayant reçeu fort civillement celuy qui porroir le paftTeport, luy permit pendant fon fejour , decon- verfer librement avec tous les prifonniers Anglois , def- quels il pouvoit apprendre en détail, tout Pcfiat du Gou- vernement : 5c lorsqu’il fut temps de partir, il renvoya avec la Dame & les Damoifelles Françoifes par pure courtoifie , plufieurs Damoifelles Angloifes , 5c mefme des Officiers 6c Soldats Auglois , fans en rien dire au Gouverneur • qui eftant déjavlceré, eut aftez de peine à digerer ce morceau. Cette barque ficvoilie le 31. me d’Aouft : mais elleeut à peine gagné le travers de la Guadeloupe , qu’elle fut Qd'j w*i m: SPhk jjÉf 5r j' Hl>j J » 1 Jir ijjt -if ■ 308 Uiftoive generale repoufleé par un rude coup de vent de Nordoeft , qu’elle eut bien de la peine à relâcher à la Martinique , où coures ces pauvres Dame &. Damoifelles furent mifes à terre à demy mortes. Le pilotte alTeura qu’il avoit trouvé la mer fi grof- fe vers la Guadeloupe , qu’il falloit neceffairement qu’il y euft un furieux Ouragan à faint Chnftophle , parce que d’au- tant plus qu’il s’en eftoit éloigné , il l’a'voit trouvé plus pa- cifique. L’on efperoit que cet Houragan auroit fait périr cinq grandes frégates de guerre Angloifes , qui tenoient toutes les avenues fermées à tous les lecours qui pouvoient venir de dehors dans cette Ifle : Mais ils prévinrent fi a propos cette tempefte , qu’ils eurent le temps de prendre le large de la mer j & l’on fut autant furpns qu’affligé de les voir deux jours apres mouillez à la Rade de l’Ifle de Nieve, quoy que defmattez & en defordre. La Fregatte nommée l’Yrondelle , chargée de toutes fortes de vi&uailles par les foins de Monfieur de la Barre, arriva quelques jours apres cet Houragan à l’Ifle de faint Chriftophle , dans un temps auquel les pauvres Habirans eftoient réduits au defefpoir , & crioient famine. Elle mouilla à la Pointe de Sable, où elle fut auffi-toft apper- ceuë par deux Fregattes Angloifes qui eftoient à la Rade de Nieve , & qui la vinrent auffi toft canonner. Mais Mon. fieur le Commandeur de faint Laurent y ayant accouru a- vec des troupes, la fit décharger, nonobftant le grand feu des ennemis j qui voyant des chaloupes remplies de monde pour la deffendre , s’en retournèrent à la Rade de Nieve retrouver la plus grande de leurs Frégates, qui n’eftoit pas encore remartée. Ils ne tuerent qu’un feul homme dans l’Yrondelle : Mais le canon du Fort de la Pointe de Sable leur tua le Lieutenant de la Fregatte , nommé le Douvre , & cinq ou fix matelots. Cependant Monfieur de la Barre fort perfuadé de l’extrê- me miferè à laquelle le Ouragan avoit réduit les pauvres Habitans de rifle de faint Chnftophle , fit auec beaucoup Des Ant-Isles de T Amérique. 309 de zele tout ce qui luy fut poflîble pour les fecourir. Upafia mefmeà la Guadeloupe, pour le faire avec plus de facili é & moins de rifque, donnant défi bons ordres &. prenant fi bien fon temps pour faire pa (Ter les barques qu’il y envoyoic par derrière, & au vent de l’ifle de Nieve , qu’elles arrivoient toujours heureufement pour le fouiagement de cette lfle * qui fans ce fecours auroit efté réduite aune derniere extré- mité. § IV. Les Anglois prennent P fie de Cayenne , la pillent , & l' abandonnent* IE ne fuis pas moins furpris de voir que l’Auteur de la Re. lation imprimée chez Cloufier mette l'ifle de Cayenne dans un fi piteux eftat à l’arrivée de la Flotte ennemie , que de ce qu’il en veut imputer le blâme à Meilleurs de la Compa- gnie des Indes Occidentales : Eftant véritable que cette Compagnie n’avoit jufqu’alors eu rien de plus cher que l’If- le de Cayenne , & qu’elle avoit confumè une grande par- tie de fes finances pour la faire valoir, fans en avoir jamais tiré aucun profit. Cet Auteur fait neanmoins négliger cet- te lfle par ces Seigneurs , & dit hardiment qu’ils n’y envoyè- rent aucun Navire depuis le mois d’O&obre de l’année mil fix cens foixante fix, quoy que d’ailleurs il confcfiTeque la flotte de Monfieur de la Barre , où eftoit le fecours de tou- tes les Ant-lfles , arriva à Cayenne en O&obre , & n’en re- partit que fur la fin de Novembre, apres y avoir déchargé la meilleure partie des vivres, des armes, & des numt ons deguerre : Et je fçay de plus que pendant cet inter v4e el- 3 ï o Hijloire generale le fut encore fecouruë par les vaiffeaux des Capitaines Baron & Lucas, qui y furent envoyez par Meilleurs les Directeurs de la Compagnie. Ainfi il ne faut pas dire que le mauvais eftat de cette I fle vienne de la négligence de ces Seigneurs ; mais pluftoft de la mauvaife adminiflration de leur bien, ou au moins de la mauvaife température de l’air de cette Ifle qui à abifmé une grande partie de leurs effets, & y a enfel vely un fi grand nombre de François , quejenepuis com- prendre pourquoy on ne l’a pas encore entièrement aban- donnée. Les fix Fregattes qui eftoient parties de rifle de Nieve le fixiéme d'Aouft , s’eftant jointes à un autre grand Navire de guerre , & à deux caches, parurent à la veuë de Cayenne le vingr- deuxième de Septembre mil fixem foixante fepr • & Monfieur le Chevalier de Lezy qui en efloit Gouverneur’ ne s’attendant à rien moins que d’eftre artaqué par les An! gîois , creut que c’eftoit Monfieur de la Barre fon frere qui venoit vifiter fa Colonie. Il partit fur le champ de* Mahury , 8c vint en diligence à Remire, où eftant encore dans le doute, il ne laifla pasdy faire donner l’allarme, Sc continua fa route jufqu’au fort de Ceperou : où eftanr arri- vé fur le foir , il trouva que Monfieur de la Barre fon frere ayant efté perfuadé par le Gouverneur de la Martinique que cette flotte pourroit bien aller à Cayenne , avoir dépefché fon brigantin chargé de viétuailles, de vin de Madere , & de tout ce qu’il avoir creu neceflaire pour aider ce Chevalier & tous fes Habitans , à fe deffendre contre la Flotte An gloife. Ce brigantin eftant arrivé prefque en mefme temps que la floue Angioife , Monfieur le Chevalier de Lezy le trouva mcuïHé fous le Fort de Ceperou , & apprit des premiers qui dépendirent , que cette flotte efloit ennemie. Il fit auffi- toft donner i’allarme par tout ; 8c ayant s malle environ deux cens hommes. Il marcha de nuir en diligence du cofté de R e mire , pour fe joindre au fleur d’Eftienne fon Major , qhi y efloit avec environ cent hommes. Il les fit tous mettre en Des Ant-Ifles de / Amérique. bataille, & attendit la pointe du jour, qui luy fit découvrir q ue les ennemis Ce difpofoient à la defcente , St que quator- ze grandes chaloupes chargées de foldats, s’eftoient defta- chées , St eftoient venues mouiller leurs grapins à l’iflettc aux cabrites , voifine de la terre de Cayenne. Ce Gouverneur les voyant peu de temps apres tirer vers Je Havre de Cayenne , les fuivic le long du rivage , St rnefme les devança : mais les ennemis ayant fiait une bonne demye lieuë , ils revirerent tout à coup vers Armire. Le Gouverneur retourna auffi fur fes pas j mais afTez mal fuivi de fes gensj St quelque diligence qu’il pût faire, eftant obligé de faire un long défilé à caufedes arbres , St du bord d’une ravine , il trouva que trois chaloupes avoient déjà mis cinquante ou foixante hommes à terre , St qu’ils avoient planté vn drapeau fur le fable,. Ce Chevalier fut d’abord courageufement à eux , & rira fon coup de piftollet d’aflez proche. Quinze ou vingt fol- dats tirant auffi fur les ennemis : mais en défilant les uns a- près les autres, & d’aflez loin & fans effet 5 6c les ennemis ayant auffi confufement tiré fur eux, Monfieur le Gouver- neur fut bleffé à l’efpaule , St le fieur d’Eftienne à la hanche : St comme ces deux Meffieurs , le virent fort mal foute- nus, ils Ce retirèrent fur une petite hauteur, où ayant tâché de remettre le cœur aux foldats St aux habitans , le Gouver- neur croyant qu’il falloir promptement deftruire ce petit nombre d’ennemis qui eftoient à terre , fans attendre le refte qui le feroit infailliblement fuccomber , il leur cria * Allons l’épée à la main. Mais la plus grande partie n'étant armés que de fufil,il fe trouva prefque feul qui l’euft tirée hors du fouteau, St il vit bien dés là que n’ayant que peu de fol- dats afTez mal armés , cette Ifle qui avoir tant coûté , alloit eftre en proye aux ennemis. Il commanda à tous ceux qui eftoient en cet endroit, de le venir trouver au fort, St en prit à rnefme temps le chemin j St les Habitans & les foldats s’y rendirent peu de temps après fans que les ennemis les en empechaflent , ny 3ii Hifioire generale fuient aucun fembîanc de lesfuivre. Auffi-roft que ce Gouverneur fat arrivéau Fort , il envoya quelques foldats pour defeouvrir fi les ennemis ne venoient point. Mais pendant qu’ils eftoient en chemin , voyant les habitans fi effrayez qu’ils negligeoient deffe mettre en def- fenfe , il prit une refoîution furprenanté, qui futdequiter l’ifle, &le Fort , qui eftoir capable de fouftenir un fiege. Il y eut mefme avant Ton départ , fix pièces de canon en- cioüées. Quelques-uns difent qu’il donna ordre à Tes Ha- bitans & aux foldats de le venir trouver en terre ferme, à cinq lieuës de Cayenne , avec une barque & fix canots qui eftoient échouez furie fable, afin de fauver la Colonie par., my les Indiens. D’autres difent qu’il dit feulement à fes Habitans : Mes enfans je vous Iaiffe une barque pour vous fauver comme vous pourrez } & qu’apres ces paroles la cha- loupe où il eftoit avec le fieur d’Eftienne blefTe & fort foi- b!e, te fix ou fept autres Officiers, partit , fans attendre les foldats qu’il avoit envoyé , lefquels revinrent incontinent apres fon départ , difanr que les ennemis ne branfloient point du tout de leur pofte. Apres le départ du Gouverneur & des Officiers , m Sergent nommé Ferant , Suiffede nation , homme de cœur, & qui meritoit quelque chofe de plus qu’il n’étoit, fit tout ce qu’il put pour remettre le cœur aux habitans & aux fol- dus, que la frayeur leur avoit ofté. Il en affembla & con- duit une centaine au fort , où ils élurent un certain Offi. cier , nommé la Buchotterie pour leur Capitaine : mais le. cœur luy ayant manqué il abandonna tout le premier -, Si alors le Sergent Ferant voyant une fi grande lâcheté, ex- horta les Habitans détenir bon avec luy, de fe deffen- dre courageufement * leur remontrant que le fort pouvoit eftre deffendu avec cent hommes , qui ayant un peu de cœur îven feroient jamais debufquez par tout ce qu’il y avoit d’Anglois à la cofte * qu’il y avoit dans ce fort des vivres & des munirions plus qu’il ne faloit pour tenir jufqu’à ce qu’ils fuffent fecourus : qu’il y avoit fept cens grenades toutes Des Ant-Jjles de t Amérique. ^ toutes chargées , 6c fept cens autres qui ne l’eftoient pas, mais qui le pouvoienr eftre en quatre ou cinqjheures : qu’ii y avoit cent cinquante bons fufils en eftat , fans ceux des ha. bitans , onze belles pièces de canon bien monrées , & 3500. de poudre. Mais la plus grande partie des habitans effrayez ne l’ayant pas voulu écouter, s’embarquèrent à dix heures au foir, 6c fe fauverent auffi bien que le Gouverneur 6c les Officiers, 6c s’eftant retirez à Suriname , ils fejetterent dans le Fort avec les Holiandois. Le pauvre Sergent Ferant qui meritoit îe Gouvernement de cette Ifle, fe voyant abandonné des habitans & de la plus grande partie des foldats, fut réduit à demander la compo. fition d’un homme qui n’avoit prefque perfonne avec iuy qui fe vouluft battre. Elle luy fut accordée , à condition que luy 6c environ quarante ou cinquante foldats qui eftoierrt dans le Fort ferment prilonniers dé guerre 5 ne biffant dans l’Me qu’environ cent perfonnes , tant femmes qu’enfans. Il eftoit plus de quatre heures apres midy, c’eft à dire trente heures apres le départ du Gouverneur , lors que l’on deman- da la capitulation aux ennemis,, qui n’avoient encore ofé faire une feule démarche pour s’approcher du Fort. Les ennemis entrèrent dans le Fort avec fix ou fept cens foldats , dont ils détachèrent des corps particuliers poux aller prendre poffeffion des autres portes de l’Me. Les Anglois refterent 15. jours dans cette Me , Jefquels ils employèrent à piller tout ce qu’il y avoit de meilleur. Ils arrachèrent tous les vivres , êc les emportèrent dans leurs vaiffeaux. Ils en enlevèrent tout le canon , les armes 6c les munitions; mais le butin qu’ils y firent ne fut pas fi confi- rable que l’on l’a creû. Car la chaloupe 6c la barque où fe fauverent le Gouverneur 6c les Habitans emportèrent tout ce qu’il y avoit de plus pretieux. Les ennemis en partant brûlèrent toutes les cafés , les mai Tons , 6c les fucreries , n’efpargnant pas mefmes les Ègli- fes. Ils brûlèrent auffi le pontievydu Fort, en démolirent routes les fortifications , 6c s’en allèrent vers Suriname , pour y travailler à une conquefte plus avantageufe, K,x V ji4 Hifiotre generale Cependant le Chevalier de Lezy avec fa chaloupe païïa à Suriname, & avertit les Holiandois de la venue du Che- valier Armant avec fa flotte. L’allarme fut mife aux quartiers ,& les deux cens François qui y arrivèrent avant la flotte Angloife , y furent parfaitement bien receus par le Gouverneur , quieftoit un digne homme, brave jufqu’au dernier point, & refol u de mourir plufteft que derendrela place qui luy avoit efté confiée. Je fuis marry de n’en pas fçavoir le nom 3 parce qu’il mérité bien d’eflre nommé icy. Je ne me fouviens pas bien des circonftances de l’attaque du Fort de Suriname, ne les ayant leu qu’une fois dans une petite Relation écrite à la main par un jeune Gentilhomme volontaire de Monfieur de la Barre : Mais il me femble que voicy à peu prés ce qu’il rapporte de cette affaire } qui efi: , que le Chevalier Armant ayant attaqué & battu un jour en- tier ce fort,' fans y pouvoir faire aucune brelche , fes gens mirent pied à terre fans que l’on s’oppofaft à leur defeenre 5 & que les François de l’Ifle de Cayenne joints au Gouver- neur firent merveilles de leurs perfonnes pour deffendre le Forr dans les aflauts qu’y donnèrent les Anglois : mais que le Major de la place ayant trahy & traité avec les Anglois , le Gouverneur voyant que la plus grande partie des Hollan- dois ne vouloient plus combatte S t fe rangeoient du codé du Major, courut aux François de Cayenne, leur criant : Mes braves Camarades, fauvez-moy l’honneur que ces traiftres me veulent ravir : nous pouvons encore nous deffendre fans eux. Ils fe mettoient en eftat de le faire, lors qu’ayant ap- perceu que le Major avoit livré une porte , par laquelle les Anglois efloient entrez, & qu’il n’y avoit plus de remede* ils rompirent toutes leurs armes, déchirèrent leurs drapeaux, & furent faits prifonniers de guerre. Le Chevalier Armant voyant la vigoureufe refiftance que le Gouverneur avoir faite avec les François de Cayenne , luy fit toutes les carefles ôc les civilicez imaginables 5 ôduy dit, que fi fes François s’eftoienc auffi bien deffendus à Cayenne qu’à Suriname, cette Ifle n’auroit point changé de main. Il < Des Ant-lsles de ï Amérique. y a cent autres belles particularitez dans ceite Relation tou- chant la Colonie de Cayenne : Mais je n'en ay rien voulu prendre ; parce que ce Gentilhomme me témoigna la vou- loir faire imprimer. Cependant Monfieur le Chevalier de Lezy qui ne fça voit ce qu’eftoit devenu toute fa Colonie , & qui fçavoit avoir en queue la flotte Angloife , ne s’arrefta pas à Suriname, mais il pafla en diligence avec fes Officiers à la Guadeloupe , où Monfieur de la Barre prefque au defefpnir du peu de refiftan- ceque Ton avoit fait à Cayenne, fit difficulté de le voir } 5c ce Chevalier iuv prefenta une requefte , a fin qu’il informa de fa conduite. Elle fut renvoyée à Monfieur du Lion , Gou- verneur de la Guadeloupe } qui ayant trouvé par la depofi - tien des Officiers 5c de quelques autres , que le Chevalier a- voit payé de fa perfonne en brave, ôc jufqua l’efFufion de fon fang , 5c auroit continué, fans l’épouvante 5c la lâcheté de fes Officiers 5c de fes gens ; il en fit fon rapport à Mon- fieur de la Barre, lequel s’appaifa d’autant plus volontiers, qu’il vit ce Chevalier touché jufqu’au defefpoir de ce mal- heur , 5c preft à y retourner perdre la vie s’il eftoit neceflai- re , 5c faire tout fon polfible pour reftablir cette pauvre Co- lonie , qui eftoit tout en defordre. Monfieur de la Barre 6c ce Chevalier, fur un avis qu’ils receurentdu R. P. Meorelet Jefuite , qui s’eftoit réfugié a- vcc plufieurs habitaos de Cayenne chez les Indiens, firent tout ce qu’ils purent pour rallier les débris de cette Colonie, Monfieur de Chambré y contribua auffi de fa part tout ce qui luy fut polfible v 6c le Chevalier de Lezy rerourna à Cayenne en Novembre, avec environ deux cens hommes , 5c plufieurs negres * 5c les h a b ira ns qui s’cftoient retirez par- my les Indiens s’eflant rejoints à luy , cette Colonie fut ré- tablie. C’cft ce que j’en ay pu apprendre de divers Habi- tans des Ifles 5c de Cayenne. Le Chevalier Armant apres ces deux derniers avantages, avec lefquels il ferma cette guerre, s’en retourna à la Bar_ bade „ fa flotte chargée du butin de Cayenne 5c de Surina- Rnj ff iiflltlU jp' jj®» ¥ ' ti 6 ik. * J- Hp; jcLp », tL ïf Jf;/ n 316 Hiftoire generale me. Les prifonnicrs François y furent mis 1 terre , & le Milord Wdliougby f qui avoir déjà quelque nouvelle de la paix conclue à Brcda, les renvoya à la Martinique, où ils dépoferent une grande partie des chofes que j’ay dites cy- delTus. C’eft allez faire paroillre toutes nos Ifles en feu, tein- tes de fang , & fans commerce : Il eft déformais temps de les remettre dans la paix , & finir ce Livre par ce qui s’eft paffc dans 1’execurion du Traité de la paix fait à Breda en- tre les Nations Françoife , Angloile , & Hollandoife. 3 *7 Ant-lsles de t Amérique. CHAPITRE DOVZIEME. Ce qui s’eft paflfé dans les Ant-Ifles , touchant la publication & l'execution du traité de la paix faite à Breda , en l'année 1667. § 1. La paix ejî concln'è à Breda entre les trois Nations y Vrançoife , Angloife , (gf Hoüandoif?. PEndant que nos ïnfulaires François , Anglois , & Hol- landois eftoient dans la plus grande chaleur d’une guer- re , qui fembloit ne devoir finir dans les Ant Ifles que par la ruine de quelques-unes de ces trois Nations, le Sereniflirne Roy de Suede s'eftant rendu le médiateur entre ces trois grandes puiffances defunies j tous les Ambafladeurs ou Plé- nipotentiaires des Rois & des Eftats intereflez dans cette guerre fe rendirent à Breda, où apres beaucoup de travail ia paix fut heureufemenr ^conclue & lignée par tous les ln- terelTcz le 31.de Juillet ftile nouveau, & le 11. ftile ancien de l’année mil fix cens foixante-fept. Mais comme il y eut des Articles particuliers qui regardent feulement les affaires de l’ Amérique, & que ce font ceux-là qui ont fait naillre Rr iij 3iS Hifloire generale les diiKcultez qui fe font rencontrées à l’execution du traité dans ces Ifles} j’ay creu eftre obligé de les mettre icy. Les Articles de la paix entre la France & î Angleterre qui regardent t Amérique. I. QUe la Paix foie univerfelîe , perpétuelle , 8c vraye St àncere Amitié, entre le Sereniffîme 6c très- piiifïanc Kuv Tres-Chreftien , 6c le Serenifîime 8c tres-puifïant Roy de la Grande Bretagne, 8c leurs Heritiers Ôc Succeifeurs ? leurs Royaumes, E fia ts 8c fujets * & qu’elle fe garde & s’ob- ferve fi ferieiifemenc qu’ils fe procurent, l’un à l’autre uti- lité , honneur 8c commodité , & que de toutes parts fe renou- velle & refleurifïe un bon voifinage , 8c un parfait foin de cul- tiver la paix 8c l’amitié. II. Toutes inimiriez , hoftiliiez , difeorde & guerre entre le- dit Seigneur Roy Tres-Chrdtien , & ledit Seigneur Roy de la Grande Bretagne * 6c leurs fujets , cefTent ôc foient abolis 5 de forte que l’un 6c l’autre s’abftimnent à l’avenir de toute déprédation , lezion , injures , 6c incur fions quelconques, tant par terre quépar mer , 6c rivières , en quelque lieu, pays 6c Nations que ce puiffe eflre , principalement dans toute Pcftenduë des Royaumes 6c dominations de l’un 6i de l’autre, de quelque nature 6c qualité qu’ils foient. HL Toutes oftenfes , injures 6c dommages que ledit Seigneur Roy de la Grande Bretagne, 6c fes fujets , durant cette guer- re auront receu l’un de l’autre , foient mifes en oubly : de force que ny à caufe d’icelles,, ny fouspretexce de toutes au- Des Ant-Jsles de î Amérique, 519 très chofes , l’un l’antre, ou leurs fujers , ne feront , ou fe- ront faire, ou fouft riront eftre fait par cy-apres aucun a de d’hoftilitc , d'inimitié , ou empefchemcnt ôc traverfe, par eux ou par autre, en cachette ou à découvert, dircdement ou indiredement , fous couleur de droit, ou par voye de fait. IV. Que la navigation 5c commerce foit libre entre les fujets defdits Seigneurs Rois , comme il eftoit au temps de la paix 5c auparavant la dénonciation de la guerre * de forte que chacun d’eux pourra fans empéehemens , aller 5c négocier en pleine liberté , dans les Royaumes de l’un 5c de l’autre, leurs Provinces, foires, ports, ôc rivières , avec leurs mar~ chandifes. V. Tous prifonniers généralement de part 6c d’autre , de quelque qualité 5c condition qu’ils foient , feront remis en liberté, fans rançon ou autre prix de leur rachapt ; pour- veu qu’ils payent ce qu’ils devront pour leur nourriture, ou autre caufe légitimé. VL Tous Edits & Arrefts qui à caufe de cette guerre ont efté publiez de part 6c d’autre , au préjudice de la liberté de la navigation 6c du commerce , feront abrogez. VII. Que le Roy Très- Chreflien reftituë au Roy de la Grande Bretagne, ou aux porteurs de fes ordres, deuëment fcellez du grand fceau d’Angleterre , ou qui les auront obtenus pour cet effet , cette partie de l’Ifle de faint Chriftophle que les Anglois poffedoient en Janvier de l’année 1665. auparavant la dénonciation de la demiere guerre , & au pluftoft que faire fe pourra , ou au moins dans fix mois , à compter du jour de la fignature du prefent T raité : Er à cet effet ledit Seigneur Roy Tres-Chreftien auflï roft apres la ratification du prefent Traité , baillera audit Seigneur Roy delà Grande Breragne, ou fera bailler à ceux qui par luy 3*.o Hiftoire generale feront commis, tous Inftrumens 8c mandemens neceflaires pour ladite reftitution , en bonne forme. VIII. Si toutefois quelqu’un defdits fujets dudit Seigneur Roy de la Grande Bretagne avoir vendu les biens qu’iîpofledoie en cette Ifle , 8c reçeu le prix de la vente $ il ne pourra en vertu du prefent traitté , eftre remis en lapoflefiion defdits biens, qu'il n’ait auparavant payé le prix, ou reftitué la foin me qu’d a receuë. IX. S’ilarrivoit ( dont neanrmoins jufques à prefent on n’a aucun avis) que les fujets dudit Seigneur Roy Tres-Chrê- tien, auparavant ou depuis la fignarure du prefent traité, euflent efté chaflez de ladite Ifle de faint Chriftophle pat les fujets dudit Roy de la Grande Bretagne } neantmoins les chofes feront reftablies en Teftat qu’elles eftoienc au commencement de l’année 1 665. C’eft-à-dire devant la dé- nonciation de cette guerre ceflee : Et ledit Seigneur Roy delà Grande Bretagne , aufli-toft que l'on aura connoiflàn- ce de lachofe, fans aucun delay ny retardation baillera , ou commandera de bailler audit Seigneur RoyTres-Chrétien, ou fes miniftres par luy pour ce commis, tous inftrumens 8c mandats neceflaires pour ladite reftitution , expédiez en bonne forme. X Comme ledit SeigneurRoy de la Grande Bretagne reftitue- ra audit Seigneur RoyTres- Chreftien , ou à ceux qui auront üs ordresfcellés du grand fceau de France précis & exprès pour cela ,1e pays nommé Acadie, fitué en l’Amerique Sep- tentrionale, à cet effet ledit Seigneur Roy de la Grande Bretagne immédiatement après la ratification du prefent traitté bailiera ou commandera de bailler au Seigneur Roy Très- Chreftien , tous inftrumens & mandats neceflaires pour la reftitution , deuëment expediez xr. Et fl quelques Habitans de ce pays qui s’appelle Acacie, aiment Des Axt-ifles de V Amérique. 311 âhîïent mieux à l’avenir eilre fujets du Sereniffime Roy de la Grande Bretagne $ il leur fera libre d’en foltir dans un an 5 à compter du jour de la refhtution dudit pays, 6c de vendre, aliéner &difç>ofer en telle maniéré qu’lis a viferonr, leurs fonds 6c tous biens, tant meubles qu’immeubles * 6c ceux qui auront contradé avec eux, feront tenus & obligez à l’execution de leurs faits & contrats, par l’authoriré du Seremifime Roy Très Chreftien : Que s’ils aiment mieux emporter avec eux leur argent , uftenciles , vafes, & tous biens meubles , qu’il leur foie permis fans aucun empêche- ment. XII. Que le R.oy Tres-Chreftien re (limera en la maniéré fufdu te au Roy de la Grande Bretagne , Jes Ides d’Antigoa, 6c Montîarra ( fi elles font encore en fa puiflance ) comme auf- fi routes les autres Ides, pais, fortereftes St colonies qui au. ront pu eftre conquifes par les armes dudit Seigneur Roy Tres-Chreftien avant ou apres la fignature du prefent Trai- té, 6c lefquelles ledit Seigneur Roy de la. Grande Bretagne pofledoit avant que la guerre qui finit par ce prefent Traité, fuft déclarée aux Seigneurs generaux des Eftats confederez. Etau contraire en la maniéré fufdite , toutes les Ides, forte- reftes &c colonies fituées en quelque pais que ce foit, qui ont edé conquifes par les armes dudit feigneur Roy delà Gran- de Bretagne, avant ou apres la fignature de ce prefentTrai- té , & lefquelles auparavant Janvier de l’année mil fix cens foixante cinq ledit feigneur Roy Très Chreftien podedoit, lu y feront reftituées. XHI. Si quelqu’un des fierfs ou eiclavesqui feront aux Angîois en cette partie de l’ide faint Chriftophle qurappartenoic au- dit feigneur Roy delà Grande Breragne, comme auifi aux Ides nommées Antigoa & Montfarra lors qu’elles ont elle occupées par les armesdujit Roy Très- Chreftien , veulent retourner fous le pouvoir des Anglois ( fans toutefois aucune force ni contrainte) que ceia leur fi it ibre 6c permis dans S s / 3 il H iftaive generale le temps de fixmois, à compter du jour que lefdites Ifles feront reftituées. Et fi les Anglois auparavant qu’ils for- tifient defdites 1 fîes , ont vendu quelques ferfs & receu le prix, lefdits ferfs ne feront reflituez, fi le prix n’efi: rendu & recompenfé. X1Y. Pareillement fi quelques uns des fujets dudit Roy delà Grande Bretagne { qui refont point du nombre des ferfs & efcîaves ) fe font engagez aux fervices comme foldats , la- boureurs , ou de quelque autre façon que ce foit audit fei- gneur Roy Tres-Chreflien, ou â quelques-uns de fes fujets habitans defdites Ifles, moyennant falaires à l’année, au mois, ou au jour 5 apres la reftitution des Ifles ou del’Ifle, ceflera tel Ioüage ou obligation -, prenant le faiaire au pro- rata des fervices rendus j êt luy fera fibre de retourner en fon pays, pour vivre fous la domination du tres-ferenifiime Roy de la Grande Bretagne. , XV‘ Tout ce qui a efic réglé pour lefdites Ifles & les fujets lef- quels y habitent , fe doit entendre réglé de la mefme façon j pour toutes les autres Ifles , forterefies , païs & colonies , les fujets & ferfs lefquels y demeurent, dont ledit Roy Tres- Chreftien s’efl: faifi par les armes , ou fe faifira avant ou apres la fignaturedu p relent Traité ; poorveu que ledit feigneur Roy delà Grande Bretagne les ait poffedees auparavant qu’il euft commencé la guerre ( qui finit par ce Traité ) avec les Seigneurs des Eftats generaux confederez : Comme aulïi le mefme s'entend réglé & arrefté à l’égard des Ifles , païs, for- terefies & colonies , fujets & ferfs y demeurants, quiontap- partenu audit feigneur Roy Tres-Chreftien auparavant Jan- vier 1665. & que ledit Roy delà Grande Bretagne aura occu- pées, ou occupera auparavant ou apres la fignature de ce Traité. 1 XVI Que toutes Lettres, tant de rcprefaille que de marque & contre marque , qui ont efte pour quelque caufc que ce foit D es Ant - Ifles de î Amérique. ^ concédées de parc 8f d’autre , demeureront caflees & feront tenues pour nulles5 6c aucunes pareilles Lettres ne feront à l’avenir concédées par l’un defdits feigneurs Rois contre des fujets de l’autre , fi auparavant il n’apparoift clairement du deiïein de juftice , 6c qu’il ne foit juftific par la requefte de celuy qui veut obtenir des Lettres de reprefailie, adrdlée au Roy des fujets contre lefquels on demande lefdices Jertres, 6c prefentée à l’Officier demeurant fur les lieux ; afin que dans le temps de quatre mois, oupluftoft , il puifTe s’infor- mer au contraire, ou prononcer que de la part dudeffendeur il foit promptement donné fatisfa&ion au demandeur: Et fi nul Officier du Roy contre les fujets duquel on demande les Lettres de reprefailles , ne refide , lefditcs Lettres ne feront concédées fi ce n’e.ft apres les quatre mois , à compter du jour auquel la Requefte aura efté prefentée au Roy contre les fujets duquel on pourfuit les reprefailles , ou à fon Confeil Privé. XVII. Et pour prévenir tout fujet de conteftation qui pour- roic naiftre à la reftitution des navires marchands 6c au- tres biens meubles , que chacune des parties fe pourroit plaindre avoir efté pris en des païs éloignez apres la paix re- foîuë, 6c auparavant qu’on en euft connoilîance 5 tous les navires, marchandiles , 6c autres biens meubles qui apres la fignature 6c publication de ce prefent Traité pourront eftre faifis de part 6c d’autre, dans le temps de fix femaines depuis lefdires mers jufqu’au Promontoire de Saint Vincent, dans le temps de dix femaines depuis ledit Promontoire jufques par delà la Ligne Equino&iale , ou l’Equateur , tant l’Océan 6c mer Mediterranée, que par tout ailleurs -, 6c finalement dans le temps de fix mois outre ladite Ligne , par toute la terre , ils appartiendront 6c demeureront propres aux occu. pans , fans aucune exception ou diftinftion de temps 6c de lieu plus reculé , 6c fans avoir aucun égard aux reftitucions 6c compenfations prétendues. S s ij ' .il :|if mr ». - V'n Jjï'', H 3jf ¥ K ntj m m»: W‘ 8t‘^' r m a' yp, iifil it'l ;T w 3 1 4 Hiftoire generale XVIII. Et fi ( ce que Dieu ne veuille permettre ) il arrivoit nou- velle rupture entre lefdits feigneurs Rois , & qu’ils en vinf. fient à guerre ouverte 5 les Navires, marchardifes, &tous meubles des uns & des autres qui fc trouveront dans Les ports & Eftats du’ parti contraire , ne feront confifiquez ny deftournez en aucune façon , mais fera donné fix mois en- tiers aux fujets defdits feigneurs Rois , pendant iefquels ils pourront retirer leurfdits biens , 8c les cranfporter où ils avh- feront , fans aucun empêchement. XIX. Sous ce prefent Traité de Paix feront compris ceux le’f- quels auparavant l’échange des ratifications , ou dans fix mois apres feront nommez de parc 8c d’autre d’un commun confentement. Cependant toutefois comme les parties qui traitent reconnoiflenc autant qu’il fe peut les offices finceres êcles foins continuels du fereniffime Roy de Suède, par la médiation duquel ce falutaire ouvrage de la paix avec l’aide de Dieu a elle conduit à fa perfedion ; auffi pour témoi- gner pareille afifedion , du confentement commun de routes Fes parties il a efté convenu & arrefté , que la facrée Maje, dé Royale de Suede , avec tous fes Royaumes , dominations, Provinces & Refforts , foit entendue mentionnée dans ce Traité 3 & comprife dans cette prefente pacification de la meilleure forte qu’il le peut. XX. Enfin que les Ratifications foîemnelles 8c en bonne forme de ce preient Traité & confédération feront dans le temps de quatre femaines, à compter du jour de lafignature, ou pkî- toft fi faire fe peut, apportées de part 8c d’autre "à Breda, 8c réciproquement échangées. En foy de quoy 8c ce. Baie à Ikeda le trente- unième, ftile nouveau, 8s le vingt- Dis Ant-Isles de î Amérique. 52.5 ünicme ftile ancien du mois de Juillet mil fx censfoixan- te fept. Ainfi ligné , Georgivs Flemmingj d’Est rade , Ho lus. •Christopkorvs Delphicvs, CovpvTin , Henricvs Co- de Dhona. ventry Collationné à l’Original ligne de Monfïeur de Lionne Se- crétaire d’Eftat , par Nous Sieur de la Barre, Lieutenant General du Roy & de les Armées par mer & par terre es Illes &. Terre Ferme de l’Amcrique. A la Guadeloupe le quinziéme d’Octobre 1667. Le Fevre de la Barre. § II. Monfïeur de la Barre ayant receu les Articles de la Paix faite a Breda , s'en Jert adroitement pour ravitailler ï Ifle de Saint Chriftophle , fait en fiitte publier la paix dans toutes les Ant-Jfles Françofes. Bien que quelques Particuliers François, Anglois, 6c Hollandois eulTcnt eu des nouvelles de la paix , & que les Articles duTraitté de Breda euffent déjà paru en crois Langues dans Tille de faint Chriftophle dés le douzième de Septembre 5 Monfïeur de la Barre ne les receut neantmoins que le quinziéme d’Oâobre , par nn petit navire que les Directeurs luy dépêchèrent de la Rochelle à cet effet : mais fans aucunes pièces neceffaires pour la ceffarion des actes 5i 6 Hiftoirs generale d’hoftüfté, & pour la publication de la Paix-, Iefquels il ne receur, comme je diray bien-toit, que le dix-huitiéme de Décembre. Il fe trouvoit alors fort embaraffiç : Car quel- ques foins qu’il prift pour jetter des vivres dans TI fie de faine Chriftophle, le peu qu'il en pouvoir faire pafîer à la déro- bée & à la mercy des Ennemis qui eftoient les maiftres de la mer, ne pouvoir garantir cette lile de fe voir bien. toft ré- duite à la famine , à une derniere extrémité. Cela le fit refoudre à tenter le Commandant des vaifTeaux ennemis qui eftoient a la Rade de Nieve , 6c qui eftoient tlans la derniere neceffiré de vivres suffi bien que les François de faint Chri- ftophle-, en luyfaifant fîgnifîer les Articles delà paix, pour l’engager à une ceffarion d’armes, en attendant les ordres de la publier 5 luy faifant en me fine temps connoiftre que par ce moyen ils pourroient eftre foulagez, par l’abondance de toutes fortes de vivres que la Compagnie avoic envoyez aux I fies de la Martinique & de la Guadeloupe y iefquelles n ayant pas efté defolées par leHouragan, pouvoient leur faire part des biens que Dieu leur avoit Iaiffez fur la terre, pourveu qu’ils iaiffaffent paflef librement les vaifTeaux qui porteroient des vivres à S. Chriflophle. Le 20. d’Octobre il fît partir dans un brigantin un Gen- tilhomme & un Trompette, portant les Articles de la Paix faite à Breda entre les deux Rois , 6c les Hollandois 5 avec ordre de les fîgnifîer tant au Commandant delà Hotte An- gloife, qu’au Gouverneur de I’Ifle deNieve* & y eftant ar- rivez, ils fîgnifierent ces Articles , & en fuite infîfterene pour la cefD tion des a&es d’hoftiliré 5 5c ces MefTieurs bat. tant froid fur cette propofîtion, protefterent qu’ils n’en a- voient aucune nouvelle. Mais celle de les affiler de viyres Si de ra fraie hiffemens leur paroiffant toute d'or dans l’exrre- me neceffiré où ils eftoient , fut écoutée 6c receuë du meil- leur de leur cœur ^ 6: apres avoir comblé ce Gentilhomme de civilité 6c de carreftes, ils luy donnèrent parole qu’au cas qu’on les vouluft sffifter de vivres , en bien payant , ils laiffier oient psffer tous les vaifTeaux que l’on voudrait en- Des Ant-Jsles de T Amérique. 317 voyer pour le ravitaillement de rifle de faint Chriftopble j à condition qu'ils pafleroient de nuit, ou de jour un peu au large hors de la veuë de -leurs vaifleaux , afin que l’on ne leur peu A rien imputer, ny les taxer de connivence. Monfieurdc la Barre fort joyeux de cette réponle , fit promptement charger une barque de toutes les choies qu’ils «voient demandées & fit en mefme temps remplir une fre- gatte Françoife, deux grands navires de Hollande, Se un de Hambourg , de vivres Se de rafraichiflemens , &. les en- voya à faint Chriftophie. La barque arriva à rifle de Nie- ve , & y réjouit fort les Anglois qui mourroient de faim & de mifere } & les vaifleaux pafferent la nuit fans que les An- glois les en cmpéchaflent ainfi cette Ifle fut ravitaillée, & tirée de l’extreme neceflkc où elle efloit. Plufieurs baftimens furent en fuitte traiter avec les An- glois : Et quoy que Monfieur de la Barre fufi le mieux in- tentionné du monde , & que l’Ifle de faint Chriftophie euft efté foulagée par ce ftratagefme -, fes ennemis ne la;fîcrenc pas de le biafmcr d’avoir envoyé des vivres aux Anglois , Sc d’avoir beaucoup profité par ce commerce , aux dépens de la Compagnie. Pendant ce petit commerce , le Milord Vvillougby ayant eu avis que Monfieur de la Barre en ufoit bien avec fa Na- tion j fur les afleurances qu’il avoit de la paix , n’en citant pas moins certain que luy, pour l’obliger à relâcher les pri- fonniers de guerre que nous tenions , commença le premier à luy renvoyer quatre-vingt perfonnes de ceux qui aveienc efté pris à Cayenne , & dont j’ay parlé cy-deiTus. Mais Monfieur de la Barre ayant remarqué qu’il ne luy avoit en- voyé que des malades , ou des bleflez , il choifit parmy les prifonniers de la Guadeloupe les languiftants te les plus foi- blés , & les luy renvoya * payant fes complimens par une let- tre pleine de civilitez. Cependant Monfieur de la Barre ayant eu advis que le Milord avoit receu les ordres neceflaircs pour la publica- tion de la paix , & qu’il faudroit bien- toit parler de mettre 32.3 Bifioire generale la main à l’execution da Traité, crut qu’il efloir neceflairC pour y vacquer avec plus déclatSc de fucces , de fe tranf- porcerd faine Chriftophle. Il receut cette nouvelle le pre- mier de Décembre, & auffi-toft il s’embarqua fur le'navire nommeiefaint George, 6efutfuivyde deux autres navires de la compagnie 6c de plaideurs navires étrangers. Avant que de parrir.ii envoya ordre à tous les Capitaines des vaiffisaux de la Compagnie qui eftoient à la Martinique, de le venir trouver en diligence à faint Chriftophle5 &: il fut fi ponctuel- lement obey , que quatre jours apres fon arrivée , il fe trou- va à la rade de laine Chnftop’nle, quatre vajfleaux de haut bord. Ce qui ne fervit pas peu à reprimer la fierté des An- glois , qui pretendoieot faire exeeuter le Traitté à leurfan, taifie. Dés que Moniteur de la Barre vit tous ces vasfieaux à la Rade, il en fit promprement defeharger toutes les vi- duaiiles & toutes les autres denrées necdïaires aux Habitans de cette Ifle , 6c en fit 11 bien remplir les magafins, que cet- te Lsle en demeura fournie pour fix mois, & luy en eftaede foûtenir dans l’execution de ce Traitté , les droits de la France t avec des avantages égaux aux Anglois. Monfieurde la Barre voyant de grandes difiïcuitez à l’exe- cution des Articles , fit ce qu’il put pour tirer les affaires en longueur , traittant neantmoins le Milord avec toutes les ci- vilitez imaginables y & afin de fe le rendre plus commode Sc traitable dans les négociations qu’il avoit à faire avec luy , il luy envoya les Officiers Anglois prifonniers , fans leur faire payer leurs debtes , conformement à l’Article cinquième du Traitté , fe contentant de tirer leur parole de le faire par. a- pres : l’ Intendant neantmoins & plusieurs autres n’en furent point d'avis : mais Monfieur de la Barre crut le devoir faire pour un plus grand bien. Toutes choies eftant en cet eftat, Monfieur de la Barre fit publier la Paix à Saint Chriftophle le i6. Decçmbre mil fix cens foixmt-fept avec les folemnitez ordinaires. Mais la joye de nos François de cette lsle ne fut pas entière , à eaufede la dureté des Articles , dont l’execution eftoit infe- Des Ané-Jsks de l'Amérique. parable de leur ruine , comme je feray voir cy-apres. Et comme j’aymisau commencement de ce Livre les de. for- mes de la déclaration de la guerre entre les deux Rois je croy devoir mettre icy les deux formes de la publication de la paix, £e en fuitte l’ordre que Monfieur de la Barre don- na au Sieur deClodorcde la faire publier dans la Martini- que. H y eut auffi des Lettres de Cachet pour tous les Gouverneurs pour la publication de la paix : Mais il fuffic d’en mettre icy une , qui eft la feule que j’ay pû rencon- trer. ^^Onsi eve. de Clodor.e’, La Paix ayant efté heureufement (ignée & conclue À Breda le 31. du mois de Iuillec der- nier entre mey & le Roy de la Grande Bretagne , & les Ratifications de noftre Traité y ayant e(lè efehangées le zy. du courant $ je vous fais cette lettre pour vous en donner avis , & vous dire que mon in- tention eft que vous ' vous conformiez „ ponctuellement a tout ce qui eft contenu audit Traité , qui vous fera communiqué par les Direfleurs delà Compagnie des Indes Occidentales , tant au fujet de la ceffa- tion d’hoftihtez^ , qu'en tous les autres Articles qui regardent voftre Charge. Sur ce je prie Dieu qu'il vous ait , Monfieur de Qloâo- rè , en fa Jainte garde. Efcrit au camp devant i 1 fie le zy. jour d'Aouft mil fisc cens fixante fept. LOVIS. Et plus bas De Lionne 33® Uifloire gêner de Proclamation de la Paix entre le Roy de France , (d?~ le Roy d Angleterre. DE PAR LE ROY ON Fait aflavoir que paix, alliance , éc bonne confé- dération a efté conclue 6c lignée le trente- unième du mois de Juillet, félon le nouveau ftile, 6c le vingt-uniéme du mefme mois félon le ftile ancien, entre très-haut, très- ex- cellent , & tres-puifîant Prince , LOUIS par la grâce de Dieu , Roy de France ôc de Navarre , noftre fouverain Sei- gneur ; Et très-haut, très- excellent, 6c très- puiflant Prin- ce , CHARLES par la mefme grâce de Dieu , Roy de la Grande Bretagne * leurs fujets , Royaumes , païs , 6c terres de leurs obcïÆànces : la liberté du commerce reftablie en- tre les fujets defdits Royaumes, ainfi qu’il eftoit avant la déclaration de la demiere guerre 5 6c que la prefente publi- cation faite d’un commun consentement, fervira de réglé à l’avenir pour commencer les termes , pendant lefquels fui- vant la difpofition du dix-feptiéme Article dudit Traité de paix, il n’y aura point de réparation pour les vaifteaux qui auront efté pris : Defquels termes le premier écherra le cin. quicme Septembre, fuivantle nouveau ftile, 6clevingt.fi- xiéme Aouft fuivant le ftile ancien de l’année prefente , dans les mers prochaines 5 ce qui s’entend du canal de la mer entre l’Angleterre 6c l’Irlande , 6c de la mer Septentriona- le 6c Balthique 5 le quatrième O&obre du nouveau ftile , 6c le vingt-quatrième Septembre du vieux depuis icfdites mers prochaines jufques au Cap de Saint Vincent j le premier de Des Ant- J 'fies de ï Amérique. 231 Novembre, du nouveau , 6c le vingt- deuxiefme d’O&obre de l’ancien ftiie, depuis ledit Cap de Saint Vincent jufques à h Ligne Equinoxiale * tant dans la mer Oceanne que dans Ja Mediterranée j le vingt quatrième Février, félon le nou- veau ftiie, ou la quatorzième félon l’ancien , au delà de la- dite Ligne Equino&iale , 6c dans tout le refte du monde. Faftà Bredale vingt-quatrième d’Aouft fuivantle ftiîe nou- veau , 6c le quatorzième fuivant le ftiie ancien , l’an mil fix cens foixante- lept. Signé , d'Estrades. Covrtln Collationné à l’original, par Nous Lieutenant General pour Sa Majefté le vingt-feptiéme Décembre mil Ex cens loixanre-fepr. Signé, Le Febvre de la Barre. DE PAR LE ROY. Proclamation pour publier la paix entre Sa Maie (lé y (&r le Roy des François. CHARLES ROY LA Paix ayant efté conclue 6c traictée à Breda entre Sa Majefté , ôc le Roy des François, 6c les Ratifications d’icdle échangées , 6c la publication faite ie quatorzième du Tc >j * Hiftoirê generale prcfénc mois d’Àouft : Sadite Majefté , en confequence de ce, a crcu qu’il eftoit befoin que ladite Paix fuit publiée par tous les EfUcsfc Terres de fa domination. De plus , Sa M^jefté déclaré que tous yaiiTeaux , & au- tres biens mobiles tels qu’ils foient , lefqucls fe trouveront avoir eflé pris des fujets du Roy des François apres le vingt-fixiéme du prcfent mois d’Aouft, dans les mers voifi- ncs j fçavoir le Canal , celle d’Angleterre U d’Irlande * comme auffi celie du Nord & la mer Balthique apres le vingt- quatrième de Septembre prochain * le voifinage des mers de Saint Vincent apres le vingt-deuxiefme Odobre prochain • depuis le Cap Saint Vincent jufques à la Ligne Equinodiale , dans l’Océan Se la Mediterranée , Sc par tout ailleurs dans les fufdites Mers. Enfin apres le quatorzième Février prochain , au delà de la Ligne , &. par tout le mon- de i fans aucune exception de temps ny de place , ny for- me de procez , feront immédiatement Sc fans aucuns dom- mages, reftituez à ceux à qui ils appartiennent, ainfi qu’il a eflé accordé par ledit Traitté. Veut &l ordonne Sadi- dite Majeflé que tous les fuiets en prennent connoiffance, 6c fe conforment à fa volonté. Donné en Noftre Cour de Vvhitehall, le quatorzième jour d’Aoufl, & de noftre Régné le vingt fixiefme. DIEV BENISSE LE ROY, Des Ant-Jjles de î Amérique. u} Ordre de Monfieur de U Barre , pour la publication de la Paix à la Martinique. LE Sieur le Febvre, Seigneur de.la Barre , Con- feillcr du Roy en tousses Confeils , fon Lieu- tenant General & de fès Armées par mer 6c par ter- re, e's Ifles & terre Ferme de F Amérique. Ayant receu les a des de la proclamation de la Paix pu- bliée en Angleterre le troiliefme Septembre dernier. Hile nouveau • & cftant neceflaire , en attendant que nous rece- vions les’ ordres de Sa Majeftc pour l’execution d’icelie, d’empécher qu’il ne fe fade aucune hoflilité de la part des François contre les lujetsdu Roy d Angleterre. i NOVS Ordonnons à tous Capitaines de navires, bar- ques , & autres baftimens , tous Officiers & foldats des trou- pes de Sa Majefté , tous Habitans des 1 fks 6e autres qui font » fous noftre charge, de vivre 6e agir dorénavant avec les fujetsde fa Majcïlé Britannique comme avec amis & con- federez : Leur faifant deffenfes de leur faire aucun tort ny dommage , à peine delà vie. Et afin qu aucun n en igno- re , fera la prefente veuë , leuë , &' publiée dans toutes les Ifles dépendantes de Sa Majeftc. Fait à faint Chriflopme, le dix-neuviefme de Décembre mil fix cens foixante- neuf. §jgné } Le Febvre de la Barre. Il eft Ordonné à Monfieur de Clodore , Gouverneur de la Martinique, de faire publier 6e exécuter la p^Hme Or- 3)4 Uïfloire generale - dormance dans j eftenduë de ion Gouvernement, Fait à fainr Chriflcphic ce vingtiefme de Décembre mil fix cens loixaüîe-fept. Signé, Ie Febvre de la Barre- Je fouffigné Sergent Major de l’Ifle de la Martinique, certifie à tous qu’il appartiendra , avoir publié & affiché ce que deffijs , les Compagnies de la Cale , du Vaflbr , de Def- caverie fous les armes de en bataille fur la. place du fort faine Pserre, au fon du tambour, à, Midy le dixième jour de Jan- vier mil fix cens foixante-huir. Signé , De la Lande. Ce mefme ordre fut envoyé par toutes les Ant-Ifles Fran- çoi es, de la puoîicarîon y fut faite de ja mefme maniéré ■ mais avec un peu plus de fatisfaéfcion des habitans que dans l’ifkde faint Chriflophle. Le 28. de Décembre le Milord Vviliougby arriva dk Ra- de de l’Isie de Nieve avec trois grands Navires de guerre, où il fut falué de tous les canons, tant des Forts que des vai fléaux $ 6c apres avoir fait publier la paix le vingt-neu- vième avec de grandes réjoüiflances , il envoya le lendemain complimenter Monfieur de la Barre par le Major du Régi- ment de Brigeis, & le Colonel des milices de laBarbade nommé Quadrintin. Ils le remercièrent de toutes fes civi- iitez , & des courtoifies dont il avoir ufé envers les Officiers qinl luy avoir renvoyez, 6c iuy demandèrent l'ékrgiflemènt du refis des prifonniers Anglais j le priant de remettre à par- ler de leurs debtes 5 c de leur dépenfe , jufquk ce qu'on eufl: regié cette affaire en Angleterre , ayant rcceu ordre du fleur Auington Secrétaire d’Eftat, d’en différer Ja négocia- tion quelque temps. D - Monfieur de la Barre n’obmit rien pour correfpondre aux avilirez de ce Mslord. Il luy renvoya dés le lendemain plus de trois cens prifonniers-, & ayant efté invité parle Mb iota d aller difner a fon bord , il y fut franchement , pour “ - Des Ant-lfles de î Amérique. ^ l'obliger à prendre une pleine 6c entière confiance en fa per- fonne. Il y fut magnifiquement régalé par ce Milord. Mais avant que de s’en retourner à la Barbade, il luy en- voya demander par le Colonel Stapleron , un certain metif nommé waernard, que fon predeceffeuravoù fait Gouver- neur des Sauvages de la Dominique, comme j’ay dit ailleurs. Il avoit eflé pris au plus fort de la guerre â 6c avoir Mé en- voyé par Monfieurdu Lion à Monfieur de la Barre, dout l’envoyer expier fes crimes 6c fes cruautez dans les Galères de France, Ce Colonel voyant que les principaux Officiers n’eftoient nullement d’avis de le rendre, fit tant d’inllance, que Monfieur de la Barre pour ne fe pas brouiller avec ce Milord , luy renvoya ce V vaernard , 6c luy manda qu’il faloit qu’il le fift vivre dorefnavant comme un Anglois , 6c non comme un fauvage. Mais le Milord luy fie une réponfe dont il ne fut pas fatisfait, & rétablit Vvaernard dans fon préten- du Gouvernemenr. Cependant les demeflez de Monfieur de la Barre 6c de Monfieur de Clodoré s’eftant accrus jufques à une ruptu- re ouverte, Monfieur de Ja Barre retourna à la Martini- que , où il fe paffa des chofes afiez confiderables , pour n’eftre pas obmifes par un Hiftorien } ayant efté jufques aux oreilles du Roy , 6c ayant caufé de l’attention aux Miniftres, donne de l’occupation aux Maréchaux de Fran* ce j & qui ont enfin cfté jugées par l’arbitrage des Ducs 6c Paires de France. Mais comme l’on m’a impofé le fi- lence fur ces fortes d’affaires , je m’y fouinas d’autant plus volonriers , que je ne les fçaurois eferire fans renou- velîer tous les mécontentemens de ces Meffieurs. L’on rencit alors dans toutes les Mes, que la Compa- gnie des Indes Occidentales eftoic ruinée , qte tous les efforts qu’elle pourroit faire pour fe reftablir , n’iroient qu’à la ruine des Habit&ns -, 6c les Amis des Seigneurs dépofiédez tenoient pour rout affeuré , que l’on verroit bien-toft Monfieur Hoüel à la Guadeloupe, & Meffieurs du Parquet à ia Martinique. Mais la nouvelle que l’on 336 Hifloire generale rcceut , que le Roy avoit affidé la Compagnie d’un rnif- lion de livres , 6c qu’il l'avoir rembourfée d’une grande partie des frais de la guerre , fit changer de fenrimenr. Sur k fin de Mars Monfieur de U Barre fe traofporta à faint Chriftophle pour y regler les affaires des Troupes Royales, 6c les faire partir pour la Francefelon les ordres de Sa Majedé. Une partie furent cailéesà leur arrivée , 6c l'on eur Ben mieux fait de les cafier dans i’Àmerique , donnant la liberté à ceux qui n’y voudroient point de- meurer, de repaffier fans payer leur pafFage. Car il eft certain qu’une grande parue de ces Soldats qui eftoient dé- jà faits à l’air du pays, y auroient demeuré, 6c auroient efté de bons Habitant § III. * i» Le Milord Vvillougby vient à Nieve : il fait en p af- fût la paix avec les Sauvages 3 (efr reçoit en che- min les ordres des deux Rois , pour ï execution du Traite de Breda. • TOus les Chefs de nos Ânt-Ifîes Françoifes & Anglor. fes qui avoient receu les Articles de la paix , 6c les or- dres de les faire publier 5 apres y avoir fatisfait , comme j’ay dit , attendoient des ordres précis pour l’execution en. tiers des Articles du Traité , dont les difficultez avoient dé- jà paru de telle confequence , que Sa Majefté Très. Chré- tienne avoit envoyé exprès le fieur de Ruvigny en Angle- terre , pour les rçgler avec fa Majeflé Britannique 3 6c pen- dant \ . • • Des Ant - Jfles de î Amérique. - ■> y dant cette intervalle , chacun tachoit de fe mettre en eftat de joüir des fruits de la paix , par le reflablifTcment du com- merce. Au commencement de Février le Milord Vvillougby fe mit en mer avec quatre grandes frégates du Roy d’Ângle- terre, fur lefqueîles il avoit fait embarquer un grand nom- bre d'habitans tirez de Suriname, d’Irois, & deKoaxiers, pour reftablir les Colonies d’Antigoa & de Montfarra , que les François avoient toutes defoiées pendant la guerre. Il pafïa à rifle de faint Vincent , & en fuitee à celle de la Dominique , & fe fervit avec fuccez de l’enrreraife de ce Vvaernard que Monfieur de la Barre luv avoit rendu , pour faire la paix avec les Sauvages. Il les obligea à luy rendre tous les pnfonniers 5c prifonnieres qu’ils avoient pris dans les Ifles Angloifes pendant la guerre , & reftablit tout de nouveau ce Vvaernard Gouverneur de tous les Sauvages, fous l’authoritc du Roy d’Angleterre j mais fansluy donner aucun Anglois avec luy. Le Reverend Pcre Beaumont de mon Ordre, qui s’efl: fa- crifîc à l’inftrudion de ces Infidèles, eferit dans une petite Relation qu’il adrefle à Monfieur Chafteau du Bois , que le Milord les furprit à faint Vincent, qu’il y fît defeente, brû- la plufieurs carbcts £c quelques piraugues 5 mais qu’eftant venu à la Dominique pour en faire autant , il y trouva des Sauvages préparez à le recevoir à la Françoife, qui ayant chargé fur les chaloupes aflez rudement à coups de fufils les obligèrent à retourner vers les vaifTeaux , 6c qu’ils ne purent mettre à terre qu’au Carbet de Vvaernard : 6c il adjoufle que l’on difoit que Vvaernard s’eftoit embarqué avec queL ques-uns de fon party pour aller demeurer à Antigoa p/army les Anglois, qui leur avoient accordé un quartier de cette Ifle où les Sauvages faifoient leurs plus frequentes incur- fions j afin qu’ils s’y oppofafîent, Scieur fcrTiffénc comme de rampart. Mais je n’ay aucun de mes Mémoires qui en parle, à la referve de ce Pere. Le Milord pafîa en fuitee le 9. ou 10. à la Martinique, Vu Hiftoire genevde penfant y trouver Monfieur de la Barre ; mais ne l’y ayant pas rencontre, il continua fa route vers les I fies d’Antigoa, de Momfarra 5cde Nieve , pafiant le douzième à la Guade- loupe fans y defcendre, U fe contentant d’efcrire une lettre allez fiere à Monfieur du Lion qui en eftoit Gouverneur , 5c qui luy fit une réponfe en mefme ftiie que celle qu’il avoit receuë. II arriva à Mlle de Nieve le quatorzième, & apres avoir employé jufqu’au 4. May à rétablir les defordres que la guer- re Sc le houraganavoient fait dans ces Ifîes, il fe mit à la voi- le pour aller à Montfarra, 5c rencontra en chemin un Navi- re , qui luy apportoit Jes ordres qu’il attendoit du Roy d’An. gleterre , pour la reftitution de la partie de 1*1 fie de faine Chriftophlc que les Anglois avoient poffedée avant la décla- ration de la guerre. Il revira auffi-toft 9 6c apres avoir bien confulté à Mlle de Nieve ce qu’il avoit à faire , il envoya le Colonel DraeK 5c le Lieutenant Colonel Stapleton au Com- mandeur de faine Laurent Gouverneur de faint Chriftophle, luy demander cette partie de faint Chriftophle, 5c Pafleurer qu’en s’en retournant , il avoit receu de fa Majefté Britan- nique tous les ordres neceftaires pour cet effet , 5c eftoit preft de les luy faire voir , pourveu qu’il fuft difpofé à s’y foumectre. M. le Commandeur de S. Laurent receut fort civilement ces députez, 5c écrivit une lettre au Milord, dans laquelle il ic prioit d’avoir patience deux ou trois jours au plus ^ parce que Monfieur de la Barre Lieutenant General pour fa Maje- fté Très. Chreftienne dans les Ifles, eftoit inceflamment at- tendu j l’affeurant qu’à fon arrivée il le mettroic infaillible- ment en pofTeiftôn de ce qu’il demandok. Mais ce delay n’ayant pas cofitemé le Milord , il refoluc d’y venir en per- fonns , de prefter l’affaire , 5c de tenter toute forte de voye pour en venir à bout. Et comme fa negotiation fera un peu longue, j’ay yreu en devoir faire deux Articles , afin d'e ne pas ennuyer le Ledeur, Des Ant-ïsles de ï Amérique. 339 § iv. Le Milord Vvillougby fuient tramer avec le Gouver- neur de Saint Chrifiophle , ï Intendant de la Compagnie. LE Milord voyant bien qu’une longue negotiation ne fèrviroit qu’à faire naiftre de nouvelles difficultez dans l’execution des Articles duTraitté , 6c que d’ailleurs le Com- mandeur de faint Laurent , fans luy en faire paroiftre aucu- ne , luy demandoit feulement un delay de deux ou trois jours pour eftre mis en pofïeffion par Monfieur de la Barre * il crut qu’en prdTant le Gouverneur 8c l’Intendant de la Com- pagnie , les ordres des deux Rois à la main , il les obligeroic à le IailFer prendre poffeffion , fans réfléchir fur les inconve- niens de l’advenir. Il prétendit auffi apparemment de les eftonner 8c de leur donner de la crainte. Car fçachant bien que depuis la publication de la paix l’on avoit renvoyé les troupes Royales en France, que Ton avoit licencié la Com- pagnie auxiliaire 8c renvoyé les troupes de la Martinique 8c de la Guadeloupe , 8c qu’il y avoit encore un grand nombre d’Anglois dans l’Ifle de faint Chriftophle, qui s’eftant fou- rnis au ferment de fidelité par la contrainte, le violeroienn avec joye dans une femblablê occafion : De forte que fe prévalant de tous ces avantages , il parut à fept heures du matin fur fes quatre grandes frégates de guerre remplies de foldats 8c de volontaires. Il mit pied à terre à la Bafterre , 8c Monfieur de faint Laurent Gouverneur , Monfieur de Chambré Intendant de Vu ij 34© lïiftoire générale Ja Compagnie, Scies principaux Officiers le receurent fur le rivage au bruit de tout le canon , ôc Iuy rendirent tous les honneurs 6c toutes les avilirez deuës â fa qualité. II fut conduit par ces Meilleurs dans un grand pavillon qui eft proche du bord de la mer , & aufii toit qu’il fut dans la falle , il prefenta à Monfieur le Chevalier de faine Lau~ rentune lettre du Roy de France, dance du vingt-feptiéme d’Aoufl mil fix cens foixance fept , & une autre à Monfieur de Chambre de mefmc datte , adrefTée aux Diredeurs de Ja Compagnie des Indes Occidentales. Il en prefenta auf. û une du Roy pour Monfieur de la Barre , difant que s’il efloit dansl’lfle, il la Iuy donneroit, 6c fanant quelque re- proche de ce que y devant eftre , il n’y eftoit pas. Il fit en fuitte mettre fur la table les Patentes du Roy d’An- gleterre , fcellées du grand fceau , 6c il demanda en ver- tu de ces pièces, la reflitution des terres pofTedées par les Anglois dans cette Ifle en l’année mil fix cens foixante- cinq j 6c cela dés le mefme jour, ou dans le lendemain pour le plus wrd. Lettre de Cachet envoyée de France , au Chevalier de Saint Laurent, MOnficur le Chevalier de fdint Laurent , La Faix ayant eftè heureufement fignèe & tondue â Brecla le trente- unième du mois de Juillet , entre Mcy& le Roy de U Grande Bretagne , & la ratifications de noflre Traité y ayant ejlè ef changée s le vingt - quatrième du courant j je vous fais cette Lettre pour vous en don- ner advis „ &vous dire t que mon intention ejl que vous vous con- formiez^ ponlhellement à tout ce qui efi contenu audit Traittè , qui vous fera communiqué par les Directeurs de U Compagnie des Indes Occidentales y tant au fujet de la ceffatïon des a fies d'bojîilitè , quen tous les autres Articles qui regarderont vofire charge . Sur es je prie T)êi Ant- J fies de l Amérique . 3 4 1 Dieu qu il vous ait. Monsieur le Chevalier de faint Laurent , en fa fainte garde. Efcrit au camp devant l'Jfie , le vingt* feptiefme jourd'Aoufi mil fia cents foixante-fept. Signé , LOUYS } Et plus bas , de Lionne. Lettre de Cachet apportée par le Milord Vvillougby au Chevalier de Saint Laurent . MOnfieur le Chevalier de faint Laurent 3 Ayant Jlipulè & pro- mis de ma part, par le T raitté de Paix fait à Breda le quin- zième de r autre mois , entre Moy & le Roy de la Grande Bretagne , JMonfieur mon Frere , que je luy fe ray rcfiituer la partie de l’Jsle de faint Chrijiophle qu il poffedoit & fe s fnjets au mois de Janvier de l'année mil fix cens fixante cinq avant la dénonciation delà guer- re j j envoyé mes ordres au \ fleur de la Barre mon Lieutenant General aux lsles de l Amérique , comme au fi aux Dire&eurs delà Compa- gnie des Indes Occidentallcs , de faire rejhtaer audit Roy , ou au por- teur de fes ordres deüement feelezf du grand fceau d'Angleterre , la- dite partie de l Isle faint Chrijiophle : Et f ay voulu vous en donner aujji advis par cette lettre $ affin qu ejiant informé démon intention , vous vous y conformiez^ fans delay ny difficulté 3 en tout ce qui dépen- dra de l'authorité de vojlre charge : Et Méfiant la pre fente a antre fin , ie ne vous la feraynlus exprsffe : Priant Dieu qu'il vous ait , Mou- fleur de faint Laurent , en fa fainte garde. Ecrit au Camp devant l'isle le vingt- huiûefme mr à' Aon!} mil fix cents foixante-fept Signé, Lours. de Lionne. Vu iij Et plus bas , Hifioire generale Ï4Z Copie de la Lettre du Roy aux Direcîiufs de la Compa- gnie , pour la refyitutïon de Saint Chriflophle , TRES Chers 6c bien Amez, Nous vous avons déjà fait fçavoir par deux autres voyes, Ieconclufion de la ,, Paix qui s'eft heureufement traittée à Breda , 6c lignée ie trente-uniéme de l’autre mois, entre Nous, 6c noftre très- ,,cher Frere & Coufin le Roy de îa Grande Bretagne , 6c ,, que ‘nos Ratifications auroient efté échangées au mefme ,, lieu de Breda le vingt- quatrième du courant: Nous vous ,, avons adrefTé en mefme temps des copies de noftre Trai- ,, té } vous ordonnant de vous conformer entièrement à ce „ qu’il contient pour ce qui concerne nos pais , vaifteaux , 6c ,,fujets, tant des I fies de l’Amerique que de Terre Ferme, ,, Maintenant Nous vous faifons de nouveau cette Lettre, 5) laquelle vous fera adrelTée par ledit Sr Roy , auquel ,,Nous l’avons fait remetere en conformité duTraitté, ,, pour vous dire que noftre intention eft, qu’auffitoft que „ vous l’aurez receuë, vous donnerez les ordres qui feront ,, neceflaires , 6c qui dépendront de l’authorité de voftre „empîoy , pour faire reftituer fans deiay , ny difficulté au- ,.,dit P^oy , ou au porteur de les ordres deuëment fcellez du „ grand fceau d’Angleterre , la partie de l’Ifte de faine „ Chriftophîe que les A "glois poftédoient au mois de Jan- vier mil fix cens foixantecinq , avant la dénonciation de „ la guerre 3 6c que vous procédiez en cela fincerement 6c dont le Milord V^villougby eftoit porteur . Des Ant-ljles de î Amérique . 343 „de bonne foy j vous conformant au furpius à ce qui eft por- îSté par les Articles 8. & 13. dudit Traitté. Nous vous di- rons auffi qu’envoyant le fieur de Ruvigny en Angleterre , J}pour y traitter en roftrc nom diverfes affaires , 6c que „ rayant charge entre plufieurs autres , de concerter & d’a- ,Jüfter s’il eft polfible, avec ledit Roy , que les heftilitez „ceITcnt entre nos vaflàux 6c fujetsde l’Amerique, R nos ,,vaiflcâux , dans un temps plus court , s’il fe peut , que ce- 5) luy qui eft preferit par ledit Traitté 5 a£n que reprenant „pluftoft leur commerce 6c vivant en borne amitié, les ,,uns 6c les autres en retirent plus d’avantage : noftre in- tention eft que vous conformiez là deflus à ce que ledit ,, fieur de Ruvigny pourra vous mander d'avoir ajufté 6c ar- ,,refté avec ledit Roy, touchant une plus prompte ce fra- ction de toute hoftilité. Car tel eft noftre plaifir. Don- ,,né au Camp devant l’Ifle, le vingt-huitième jour d’Aouft })mil fix cens foixante-fept. LOUIS. Toutes ces pièces furent examinées par Meilleurs de faint Laurent 6c de Chambré : Ce premier ayant remarqué que les lettres du Roy fe referoient aux ordres que Moniteur de la Barre avoir defaMajefté pour cette reftitution, 6c n’a- voient rien de pofitif pour luy : 6c le fieur de Chambré ayant aufli remarqué que cette lettre adreftee aux Diredcurs Ge- neraux delà Compagnie 6c non à luy en leur abfence, por- toit exprelîement que lesDirdcurs fe dévoient conformer à ce que le fieur de Ruvigny pourroit mander avoir ajuftéa. veclc Roy d’Angleterre, dont le Milord ne faifoit aucune mention : ces deux Meilleurs prièrent encore une fois le Mi- lord , de fc donner un peu de parience jufqu’à l’arrivée de Monfieur delà Barre j d’autant que depuis le départ du Colonel Braek , il luy avoit depelché une barque , avec des letttres qui le feroient infailliblement venir. 344 Hifioire generdé Le Milord repartit allez fièrement : le défit e une réponfe fofitive , & nos Meilleurs la luy promirent apres qu’il auroic di-fné au Château de la grande Montagne, où on le pria de vouloir monter. Il l’accepeta, dans l’efperance de quelque réponfe plus favorable , ÔT il y fut porré luy & toute fa iuicte, fur des chevaux qui valoient bien les guildins d’An- gleterre. Il y futtrairté le mieux que l’on pût, pour le peu de temps que l’on avoit eu à s’y préparer : &. fur la deman- de qu’ü fit de quelques Anglois prifonniers au Chateau, le Chevalier de faint Laurent les luy fit incontinent amener : & pour luy faire voir jufques où alloit la generofité Fran- çoife , il les luy remit libres entre les mains , quoy qu’ils fuflent coupables de mort. Apres dilné , le Gouverneur & l'Intendant luy firent chacun leurs xéponfes par eferit , dont voicy la fubftance en peu de mots. Le Gouverneur répondit, que pour prendre poffeffîon de la partie de faint Qhrijiopble que Monfieur le Milord pretendoit , il fallait qit il attendit Monfieur fie la Barre , attendu que l'ordre du Roy pour cela , s adrefjoit à luy : & que fi neanmoins au retour de la barque qui luy avait efiè envoyée , il n’en avoit point de nouvelles , il luy laifjeroit prendre pofiefjîon de cette partie de l’Isle appartenants aux Anglois auparavant la guerre. Le fieur de Chambré, Inten. dantde la Compagnie repartit , qu’il èftoit naturellement fou- rnis à la volonté du Roy fon Maifire , & tout prejz d'y fatisfaire lors quelle luf apparoifiroit par [es ordres. Et quant fia lettre de fa Majefié qu'il avoit receüe , quelle n efioit point adrefiée à luy direclement , ny indirecîeraent ; mais bien aux I) ire (leurs Generaux de U Compagnie , dont il n'y en avoit aucun dans les lsks , que Monfieur de la Barre Lieutenant General pour le Roy en l Améri- que , qui devant arriver à faint Chri(tophle dans trois ou quatre iours , en execution des lettres que l'on luy avoit envoyées , avec les ordres de fa Ma]e[é pour cette refhtution j ilauroit fans doute la fatis fa- thon qu'il en pouvoit defirer : que s'il en ufoit autrement , il commet- trait une faute notable , en faifant une chofe qui ne feroit point de [on pouvoir . Le Des Ant-Isles de F Amérique. 34; Le Milord paroiffantaffez fatisfaic de ces deux réponfes, s’cn retourna à Ton bord. M^is ce ne fut que pour y prendre duconfei],& des mefures fur ce qu’il avoir à faire pour parvenir à la fin. § V. Le Milord va mouiller au quartier de la grande Ra- de y & tente de nouveaux moyens pour venir a bout de Jes defleins, Bien que le Milord WiIIougby fufi retourné dans fom bord en apparence allez fatisfait -, il fie bien conno*. tre dés le lendemain , que la feule reftirution des terres An- gloifes de faint Chnftophle , fans condition , le pouvoir contenter. Car il envoya dés le lendemain au matin dire au Gouverneur, qu’il alloic lever l’anchre , pour aller avec tous fes Navires mouiller à la grande Rade, autrefois pof- fedée par les Anglois. Le Gouverneur qui ne fe fioit que de bonne forte au Milord , donna par tout les ordres ne- ceffaircs pour n’cftre furpns en nulle part -, & pendant qu’il fadoic fon devoir l’Intendant fe rendit par un chemin plus court à la grande Rade , 6c il y arriva juftement lors que le Mdord mettoit pied à terre avec le Colonel Srapleton, ôc quinze ou vingt Officiers. Il les reccur le plus civile- ment qu’il luy fut poffible, 6c le pria de fe venir rafraîchir dans une habitation qu’il avoir achetée des Anglois dans ce quartier. Le Milord l’ayât accepté , il luy fit amener un che- val, 6c chacun un à cinq ou iix autres des principaux de fa troupe H fut plus de deux heures à fe divertir en ce lieu, fans parler d’aucune affaire. ' Apres qu’il fe fut bien diverty , il defeendir à la grande Rade avec Monfieur de Chambré, 6c y rencontra le Che- valier de Saint Laurcnc , accompagné d’un bon nombre Xx 34 6 Hifloire generale d’Officiers, de Gentilshommes , 6c de volontaires 5 & apres les civilitez & les compliments faits de part 6c d’autre , le Milord fit toutcequ’d put, pour perfuader au Gouverneur & à l’Intendant , qu’ils dévoient venir difner à Ion bord. Mais comme il avoir à faire à des gens pour le moins aufii a . droits que luy * le Gouverneur s’en exeufa fur la confe- quence j 6c l’Intendant , qui n’en voyoit point en fa perfon- ne , l’accepta pour complaire au Milord. Le difner Ce pafia affez jayeufement . mais incontinent apres le Milord die franchement à l’Intendant , qu’il n’é- toit point content des réponfes qu’on luy avoir faites. Ce- la furprit Moniteur de Chambré , &. il luy repartit, que le Gouverneur 6c luy feroient toujours toutes les choies qu’ils pourroient pour le contenter , pourveu qu’elles ne fufTent point contre leur devoir , 6c le fervice du Roy de France , 8c que fi il luy plaifoit d’en eferire au Gouverneur , il en auroit , fans doute, une Réponfe qui feroit claire ôt nette. Il écrivit au Gouverneur, & le prefla avec des termes qui fembloient le taxer de n’avoir pas agi avec luy de bonne foy dans la réponfe qu’il luy avoir faite -, parce qu’elle n’a- vançoit en rien la reünion des deux Nations : 6c le prioit de luy faire une réponfe qui luy donnai! plus de fatisfadion. La réponfe du Gouverneur fut , que pour luy faire connoi- tre qu’il agiffoit de borne foy , & qu il fou'haiteiî faire toutes les a- varices pour l’union des deux Nations $ il déclarait outre ce qu’il a- voit de fa avance par fa première refponfe , que d'abord que U bar- que envoyés h Monfeur de la Barre feroit de retour, fans l’avoir trouve ) qutl luy laifferoit prendre pcffefjîon de la partie de S. Chri - / lophle autrefois poffedèe par les Anglais , quoy que l'ordre qutl avoit pre fente pour cet effet , s' adrefjaft directement à Monfeur de la Barre , Ô' non pas d hy ; pourveu qu'il fifi exécuter tous les points dont Sa Maie fie , les Directeurs de la Compagnie , (ff ceux qui avoient trai- te de cette affaire e fiaient convenus : & que cependant il luy permet- te it de mettre des gens à terre , pour ob fer ver fi l'on enlever oit quel- que chefs fur les Terres Angloifes , & mefmé de vif ter les Vaifieaux , pour les empefehst de rien emporter qui leur appartinfi. Le Milord confidera fort cette lettre, &ilen donna un Des Ant jjîes de ï Amérique. ^y Receu , {igné de fa main, fur la reqmfmon qui luy en fut faite par le fieur Giraud , qui la luy avoit prefentée. Toutes ces advances dévoient contenter le Milord : mais il ne lailfa pas de continuer fes inftances avec tant d'em. prellement le dixiéme du mefme mois, que le Chevalier de Saint Laurent fut encore obligé de faire une démarche pour le contenter , ôc de luy promettre par eferit , que dans le Lundy quatorzième , la barque venant fans Mon [leur de la Bar- re ou ne revenant point , il le laijjeroit prendre poffefion des Terres autrefois poffedèes par les B n gloi s dans Saint Chnjïopkle : d condi- tion quil ne fer oit rien fait outre la feule pnfe de 'pojfeffïon , fait pour l' inter ef des particuliers , ou autrement, que par les Commiff .li- res dé pu te f par les deux Rois : Et qu'en cas qu'il y enft quelque traite fait pour raifon de cette partie de terre de Saint ChrifophÛ a- vec fa M Aie [te d' Angleterre de la part de fa Maieftè Très- Chré- tienne , que la pnfe de pofjejhon ne pourrait nuire ny preiudicïer au traité qui ferait fait entre les deux Rois. Le Milord garda cet écrit vingt quatre heures pour l’exa, miner; mais Payant en fuirte rendu comme une propofition qui ne le pouvoir fatisfaire , il fouhaita de voir Monfieur de Chambré ; &aufli toftqu’il fut à fon bord, il luy prefenta un écrit en Anglois, remply d’ambiguirez , d 'équivoques &; de deflours; où entre autres chofes il demandoit, Que ces Meffieurs s' obligea ffent à luy rendre fins aucune condition ^ cette par- tie de Saint Chriftophle dont il s' agifjoit , & cela fans aucun delay " & qu apres cela il voiroit ce qu'il aurait à faire , qui font des te rl mes menaçans : 5c il pria l’Intendant de le ligner, & de le faire ligner au Gouverneur. L’1 nrendant eftant de retour, & avant fait voir cet eferit au Gouverneur , il ne luy voulut faire aucune reponfe croyant en avoir déjà fait les plus civiles qui fe pulfe t faire’ & mefme quelques-unes qui paifoient fon pouvoir , afin de le contenter. Le Milord ne cTemordant point de fes prétentions ren voya le 12. le Colonel Stapleton faire encore quelques nouvelles propofuions. Mais le Gouverneur la (Te des ma. X x ij «Iki4 ’li’l " • iii I» : fÇ ' M ; VI;! ! •fil Ml cë'i il» 34§ Hifioire gêner de mcres d’agir du Milord , luy fie fa derniere déclaration en ces termes ; Le Chevalier de Saint Laurent, Gouverneur pour le Ray de l lfle de Saint Chriftophie , & autres en . dépendantes , Déclarons dans un mot a Monfieur le Milord W il- lougby , Capitaine General pour le Roy d' Angleterre en î Amérique , ri avoir autre chofi a luy dire fur toutes fis demandes , que ce que te luy ay marqué par ma lettre du neuvième du prefint mois ; de quoy ïay copie , ou eflfon Receu de l original. Fait d la grande Rade de Saint ChnHophle , le douzième de May mil Jïx cens foixante- huit . Le Chevalier de Saint Lavrent. Cette déclaration mit le Milord dans une terrible coîere, Si le fît refondre à lever l’ancre , & 1 s’en aller fans dire d’au- tre Adieu que par cette protection. Prctefiation faite par h Milord Vvillougby , trois iours apres fin départ , i. May vieux fille 166S. PAR CET INSTRVMENT PVBLIC, OV PROTEST OUil foit feeu Si minifefte à tout le monde, quemoy Guillaume Seigneur de Wiiloughy de Parham , Capi- taine general Si Gouverneur en chef de Barbade , Si des If- Dès Ant-Jsles de V Amérique. 34* les de l’Eft des Carraybes * ôc par vertu d’une Commiffion de mon Maiftre Sa Majcfté , Charles Second , Roy d*An- elererre , Efcoffe , 5cc. à raoy adrcftée avec d’autres , fous le grand fceau d’Angleterre , eftantdattée à Oucfmùfter le treiziéme jour de Février mil fix cens foixame-fept , 6c la vingtième année de fon Régné, donnant pouvoir à un ou plusieurs , de demander 6c recevoir cette parue de Saint Chriftophle laquelle eftoit pofTedéc par les fujets de fadire Majefté en Janvier mil fix cens foixante-cinq 5 conforme- ment au Traité & Articles de paix 6c alliance fane entre fa- ditcMajefté, 8c le Roy Très- Chreftien Louis XiV. 6c con- clue à Breda, Scainfi agreée, avec divers ordres dudit Roy Très- Chreftien ( à moy envoyez ouverts fous fon fceau vo- lant par mondit Maiftre ) adreftez au Chevalier de Saint Laurent, Gouverneur de l’Ifle de faint Chriftophle, com- me auffi aux Directeurs de la Compagnie des Indes Occiden. talcs eftant datée du vingt, huitième Aouft mil fix cens foi- xantc-fcpcde fon Camp devant l’Ifle : J’ay au vingt- huitiè- me jour d’ Avril dernier paffé, en l’Ifle de faine Chriftophle, délivré de ma propre main les deux fufdits ordres , l’un au Chevalier dcSaint Laurenr , 6c l’autre à Monfieur de Cham- bré, Surintendant de la Compagnie des Indes Qccidenta- Jèsj'ôc au mefme temps je leur ay montré 6c produit ma fuf- dite Commiffion , leur permettant d’en tirer copie ; ce qu’ils ont fait conforme : Auffi à mefme temps je leuray montré un autre ordre de la fufdite datte ( comme les deux autres ) fous le fceau volant dudit Roy : Et en rant que mondit fieur de la Barre eftoit alors abfcnt de ladite Ifle, eftant party de là en un voyage fur mer. Auquel temps 8c lieu, conformement au propos de ladite Commiffiorrôc les fufdits ordres dudit Roy Très- Chreftien , j’ay en maniéré folemnelle demandé audit fieur de Saint Lau- rent , 6c audit fieur de Chambré, la poiïcffion defdites ter- res de mon Maiftre. Lefquels delais de la délivrance d’icelles pofez fur la pré- tention , confideration , 6c exemption de recevoir ordres de Xx iij 35° Hifloire generale la part dudit Moniteur de la Barre, ailegant qu’il eftoiràla Guadeloupe, à laquelle place j ’ay dépeiché une chaloupe pour chercher mondit ficur de la Barre , & pour luy délivrer un pacquet pour les fins fufdites. Madite chaloupe retour nant îcy , m’a fait entendre que ledit Monfieur de ia Barre n eltoit point ià , ny ne fçavoit où il eftoit. J ay encore pour cela au 29. & 30. Avril dernier paffé de- mande en maniéré folemneile, la polTeffion defdiîes terres pour le fervice dudit Roy mon Maiftre. Mais au lieu de cela ayant receu réponfe de delay & re- fus abfoluë &: politive de fe conformer aux fufdits Articles de paix : pour cet effet je fais au n.om de mon Roy mon Maiffre , icy publiquement proteft , & eft proteffe ( par mon Secrétaire François Samfon, Efcuyer,} à l’encontre dudit Roy Très- Chreftien , & fon fufdit Miniftre, de tous détri- mens , dommages , pertes & empirances quelconques lef. quelles font efcheuës & efeherront cy-apres à mondit Maî tre & les fujets. Et pour raifon dudit refus de délivrer d une abfoluë & pofitive pofteffion defdites terres , en la ma niere & forme portée par lefdits Articles de paix , d’eftre re- ceus en temps & par voye convenables; ledit proteft eftanê ( par mondit Secrétaire ) délivré entre les mains dudit Che vaher de Saint Laurent, & de Monfieur de Chambré fur les terres du Roy mon Maiftre, eftantfcellé démon fcèau & figné de mon feing le fécond jour de May mil fix cens foixante huit ; & ce en la prefence des perfonnes fous, nom mées, comme témoins conftituez de ma parc pour cela an" pointez. Signé , * ^^iLL. 1 LL O VG B Y. Eftant prefens comme Témoins, Et plus bas , will. Stapleton. Ch. Payne. Par Samson, Secrétaire. V entas non quœrit angulos. Des Ant-Jjles de t Amérique. 351 Plufieurs de fes Officiers s’échaperent jufqu’à proférer des menaces, qui ne fervirent qu’à faire connoiftre leurs mauvaifes intentions, Ôc leurmauvaife foy dans toute cette negotiation. Car ils dirent hautement, qu’ils auroient de gré ou de force leurs negres , leurs meubles , leurs bafti- mens , leurs beftiaux & leurs habitations , fans en rembour- fer le prix , non plus que les impenfes 6c ameliorations utiles & neccffaires 5 6c que mefme ils ne payeraient point lanou- riture de leurs prifonniers. Toutes ces menaces, & les difcours feditieux des Anglois qui dcmeuroient dans faint Chriftophle joints a la maniéré d’agir du Milord , qui. depuis la paix publiée 6c le départ des troupes Françoifes avoir amené des troupes réglées dans l’ifle de Nieve, firent croire au Chevalier de faint Laurent, que le Milord pourroit bien avoir quelque mauvais deflein , & cela l’obligea à faire publier dans toute l’ifle de faint Chriftophle, que file Milord tentoit autre voye que celle de la bonne foy 6c de la paix pour fe mettre en pofTeffion de ce qu’il pretendoit , qu’il commenceroit à faire main- bafle furies Anglois qui eftoient dans l’ifle, & qu’en fuitte il fe démefleroit avec le Milord comme il avoir fait par le pafTé , dans les Combats qu’il avoir eu avec les Anglois. Le Milord leva l’ancre le deuxième de May, félon leur ftile , 6c le douzième félonie noftre, apres avoir fait ligni- fier le même jour fa proteftation à Meilleurs de faint Lau- rent 6c de Chambré, qui luy firent auffi lignifier chacun la leur: 6c Monfieur de la Barre qui s’eftoit mis en mer pour ve- nir trouver le Milord 5c traitter avec luy de toutes ces cho- fes, efhnt tombé avant le vent, ne put arriver à faint Chri- ftophle qu’au mois de Juin enfuivant , 5c ayant efté informé de rout ce qui s’eftoit paiïé, il en fit auffi quelques-unes. Mais comme toutes ces pièces font un peu troplongues poureftre inférées icy , il fuffit de dire que toute cette affaire confifte , en ce que les Anglois veulent rentrer dans la partie de faint Chriftophle qu’ils pofledoient avant la guerre , comme il eft expreflement porté par IcTraittc de Paix fait aBreda, Hiftoire generale le trente- uniefme de Juillet , ftile nouveau , & vingt-uniéme ftile ancien. Les F rançois demandent de leur part, avant que de les met- tre en pofTdfion de leurs terres, que conformement auTrait- tédeBreda, ils fouferirent au rembourfement du prix payé pour les habitations achetées par les François , suffi bien qu’- aux impenfes & ameliorations utiles Ô£ necedaires qu’ils ont faites fur ces habitations , particulièrement depuis le Oura- gan ; qu’ils payent comptant en fucre ou eu argent , la nouri- turede leurs prifonniers Si les debtes qu’ils ont contradées pendant la guerre. Ils demandent encore , quecomme les Anglois qui ont finy la guerre comme ils Font commencée , par des Actes- d’hoftiiiré& des pirateries en pleine Paix, ils reparent tous les torts qu’ils nous ont faits depuis la Paix publiée. Premièrement ils demandent trente-neuf nègres, & pour plus de trois mille livres de vaiflelle d’argent , bagues 8c ioyaux , & plufieurs autres meubles pris dans l’iOe de Cayen- ne , depuis la Paix, par le nommé Pitre v/raft , Anglois de nation, fous U commiffionde Henry wdlougby, Lieutenant du Milord fon pere. Item douze Negres rerenus par le Gouverneur de Mont- farra, appartenons au Chevalier Hinfcelin Lieutenant du Roy au Gouvernement de la Guadeloupe. Item huit Negres, enlevez à la Martinique par le Capi- taine des deux caches Angloifes , arrivé à la Martinique de- puis le départ du Milord willougby 6c la Paix publiée. Item une barque appartenante à Meffieurs de la Compa- gnie des Indes Occidentales, retenue par le fieur willopool Capitaine d’un navire du Roy d’Angleterre nommé la Cou- ronne : toutes lefqueîles ehofes font prouvées par de bons actes authentiques, 6c mefmes advoüées par les Anglois» Or comme ce rembourfement juftemenc prétendu par les Frarçois, 6c toutes les ehofes cy-ddfus mentionnées , va- lent pour le moins deux fois autant que ce qu’ils demandent en l’eliac où il elt, il y avait lieu deiperer que cette affaire Des Ant-lsles de ï Amérique, 5^5 ne fe terminèrent que par un échange de quelque autre ter- re que l’on abandonnèrent aux Anglois poyr cette partie de faint Chriftophle qui leur appartenoit devant la guerre. Mais j’apprends que fa Majefté a fait regler toutes ces diffi. cultez 5 & qu’ila tout de nouveau donné des ordres pour la reftitution de cette partie de l’Isle de faint Chriftophle autrefois pofTcdée par les Anglois , aux conditions portées pour le traité : & il eft à croire que l’on aura fi prudemment réglé toute chofe , quci’on aura évité tous les inconveniens que l'on apprehendoit avec afTez de raifon. Neantmoins les principaux Officiers & Habitansde S. Chriftophle voyant que les Articles de paix de Breda particuliers aux Ant Lies, leur eftoient fort dommageables, prefenterent des raifons aux Seigneurs de la Compagnie , pour leur faire connoiftre les difficultez qui fe rencontroient dans leur execution, afin qu’ils follicitaffient fa Majefté d’y apporter le remeae. Les voicy telles qu’elles m’ont efté communiquées. 'Wtf- 1 É m lr#U ff ■ I- I J ii Ü. ' }K' ili S:“! Yy Hifloire generale MEMOIRES Que les principaux Officiers & Habitans de l’Isîe de feint Ghriftophle , prennent la liberté" de prefen- ter à Meilleurs delà Compagnie des Indes Occi- dentales pour s’.en fervir envers fe Majcllé , afin de l’obliger à deffendreles habitans de cette Isle contre les prétentions que les Anglois ont de ren- trer dans la pofïeffion de la partie qu’ils polïe- doient dans Î lsîe de feint Chriftophlc en l’annee mil hx cerit foixante-cinq. I’Obmets icy toutce que j’ay tiré de ce grand mémoire, &dontjemefui.sfervi au commencement de ce livre pour prouver que les Anglois n’ont jamais voulu confentir à la neutralité recherchée avec empreffement par les François j qu’ils nous ont manqué de parole * qu’ils ont violé les con- cordats 5 qu’ils ont efté les premiers aggreffeurs , & par con. fequent la caufe de la perte de la partie de cette Isle qu’ils redemandent aujourd’huy. Ce qui fuit marque les inconve- niens infeparables de cette reftitution. w m? / 3/5 Des Ant-Isies de l Amérique. Raijons qui prouvent quil efi impojfible que les deux Nations F tan qoi Je Cf AngLotfè puijjent vivre en paix. I. LA haine eft telle entre ces deux Nations, & ils font fi animez l'une contre l’autre, 8c particulièrement la Nation Angloife quieftaltiere 8c orgueilieufe naturellement, & qui ayant toujours efté batué des François dans faine Chriftophle, ne pourra jamais eftre contente qu’elle ne fe foit vengée d’une façon ou d’une autre. Les François qui ne font pas fort endurans, fe voyant morguez 8c injuriez par les Anglois félon leur coufturne, 6c fe trouvant obligez de rendre ce qu’ils ne croyoient pas apparamment devoir faire , auront infailliblement peine de fe contenir; 8c les perfon- nes timides particulièrement les femmes voyant tous les jours qu’on fera à la veille de s’égorger , ne manqueront de defer- terl’Isle, 6c d’obliger leurs maris d’en faire autant, 8c cela arrivant , la colonie fera entièrement détruite. II. Le Ouragan ayant Je premier de Septembre i66y. tû- fé rez-pieds rez-terre toutes les maifons, cafés, fuccreries & moulins ; déraciné ou rompu les arbres, gafté les vivres 6c les cannes de fucreàfaint Chriftophle; 6c ainfi ruiné tous les Habitans pour plus de fix ans ; 6c ces mefmes Habitans eftant réduits dans l’impuiflance & dans ledefefpoir, & ne fe pouvant jamais refoudrenà fouftrir les demandes injuftes des Anglois, dont l’on pefit dire qu’ils n’auront paspeine à avoir cette Isle toute entière, 6c qu’ils auroient dé ja fi l’on n’avoir empéché les embarquemens de ceux qui (evou- loient retirer en Europe depuis le traité , lefquels n’ont efté Y y ij js 3'.: .Z* , ■ ■nwmn 356 Hifloire generale retenus que par l'efperance que l’on leur donne quefaMa- jefté en reconnoifTance de ce qu’ils fe font batus en gens de cœur & d’honneur , les fera affifter pour les aider à fe réta- blir. nr. Quand bien ce peuple ne feroit pas miferablede la der- nière mifere comme il efb, il n'y auroit point de juflice qu’il deuft reftituer à fes ennemis , ce qu’il a acquis au prix de fon fang 8c félon les loix de la guerre j 6c apres avoir eilé dix-huit mois fous les armes pour le deffendre de leurs entreprifesj qu’il n’a pu cultiver fes terres, ni faire une once de fucre pendant tout ce temps -y que les cannes furan- néesontefté mangées de rats j que fes efclaves ont journel. lement travaillé aux retranchemens , 6c qu’ils ont foufFert du defordre 6c de la licence des foldats venus de France. Mais li ce traité fe doit executer , comment rendre une ■terre , un bœuf, un cheval , un nègre omd’âutres chofes fem- blablesqui ont paiTé en commerce, 6c confequemment en dix ou douze fortes de mains -, Sur qui le refbtureur aura-t-il fon recours? fans doute ce feroit fur un garand infolvable , celuy-Cy fur un autre j 6cainfidefuite jufqu’à la fource, qui feroit le véritable moyen de mettre tout en defordre 6c en combuftion. 111. D’ailleurs la capitulation accordée aux Anglois, leur ayant donné le pouvoir de réfider à faint Chriflophle , 6c jouir de leur bien en preftant le ferment de fidelité au Roy , avec libertés ceux qui voudroient demeurer de les vendre^ Cette derniere condition fit que plufieurs Anglois vendirent aux François 6c aux Flamands , leurs habitations, negres , beftiaux 6c meubles 5cc. Ce fut pour la plus grande partie par bons contracte , de grc à/ignbêc fans contrainte : 6c il faut remarquer que la pUisgfancte partie de ces habitations ayant efbé brûlées 6c démolies au premier combat n’eftoient pas de grande valeur : 6c comme enfuitc ces habitations ont efté refbtblies 6c replantées à grands frais par les François, J Des Ant-lsles de ï Amérique. $57 que depuis elles ont efté entièrement détruites par le Oura- gan 6ç encore apres quelque cetnps rétablies, foit en bafti- mens, vivres , 6c cannes de fucre -, ainfi ileft ce fembîe rai- fonnable de dire qu’il feroit bien rigoureux que des perfon- nesépuifées fuflent contraintes d’abandoner tous leurs tra- vaux Ôc leurs efperances fans autre rembourfement que de la huit ou dixiéme , 6c peut-eftre de la vingtième partie de ce qu’ils auroient payé pour le prix del’achapc , 6c celuy des ameliorations -, 6c qu’ils n’euireut autre recours que celuy dont ileft parlé dans l’article precedent, pour lequel il fau- droicpoilÎDlc faire dix ou douze difeuffions, pour avoir pafte en dix ou douze mains. V. De plus, les Habirans des Ifles de faint Martin 6c faint Barthélémy, au nombre de fcptàhuit cens dont la mifere eft au dernier degré , ayant de l’ordre de feu Monfieur le Commandeur de Sales, quitté & abandonné leurs habita- tions defdites Ifles, pour venir au fecours de faint Chnfto- phle , les Commiflaires à la diftribution des terres confift quées des fugitifs Anglois 6c de ceux de cette Nation qui moururent au combat , leur en ont donné de petites por- tions , pour aucunement les récompenfer , où ils fe font éta- blis 6c fait de grandes dépenfes que le houragan a auflï dé- truit, 6c les Anglois ayant ravagé, brûlé 6c gafté entière- ment celles qu'ils avoicntdélailTécs en leurs Isles, il feroit ce femble bien cruel qu’il leur faiût reftituer ces terres , 6c de- meurer ainfi fans bien 6c fans reftource, d'où s’en fuivroit qu’ils mourroient infailliblement de faim. VL Plufieurs braves garçons engagez, s’eftant fignalcz aux combats ayant obtenuliberté, 6c quelquecoin de ces terres leur ayant efté diftribuées pour recompenfe de leur valeur, ce feront autant de gens delcfperez ou perdus pour l’Isle de faint Chriftophle , 6c qui feront plus miferables que jamais, s’ils en font depoftedez. Y y iij Hifloire generale VII. Cette reftitution ne fe pouvant apparamment faire avec juftice, 5c les Anglois ayant fujec de craindre le defefpoir des François , l’on ne doit point douter ( voyant de i’impof- lîbih te à leurs prétentions) qu’ils ne fe reftraignent â leur demander la preftation de ferment de fidelité au Roy d’Angleterre j à quoyilfemble qu’ils fe voyoient bien fon- dez, puifque ces François fort fur leur terre, 5c dans la Seigneurie de leur Roy, Sc que la mifere des François les oblige à ce faire, ce quidiminuroit la moitié des fujets delà Majeftétres- Chreftienne dansl’Isle defaint Chriftophle. VIII. Il eft encore à confiderer que des gens qui ont bien fer- vi Sc fait merveille en tous les combats qui fe font donnez , 5c dans lefquels plufieurs femmes ont perdu leurs maris , plufieurs enfans leurs peres, plufieurs peres leurs enfans , le tout pour la gloire du Roy , de la Nation Françoife , 5c la défenfe de l’Isle , que l’on les abandonne à l’orgueil de la Nation Angloife , ne voudroient jamais s’expofer d’eftre Colons des Isles à ce prix , ni jamais palier les mers pour au- cune entreprife. IX, Les Anglois eftant les ennemis des François au point qu’ils le font, 5c leurs interefts ôc l’apparence mefme lespoulfanc aux^ntreprifes 5c aux pilleries , ainfi qu’ils ont fait aupara-^ vantla guerre, l’on ne doit point douter que lors qu’ils fe- ront à faint Chriftophle , que voyant 5c connoifiant plu- fieurs negres qui leur ont appartenu, ou quelqu’un de leur Nation, qu’encore qu’ils ioient paflez en commerce, ou vendus , n’nfcnt déroutes fortes d’artifices pour les débau- cher du fervice de leurs maiftres, les faifant rendre marons ou deferieurs, ÔC qu’ils ne les pafient dans leurs barques aux I les de Nieve , de Mont Sarra , 5c autres, pour les dc- payferSc les vendre à leur profic ; s’ils en ont ainfi ufé par le p tfTé à l’égard des negres appartenants fimplement aux .François , l’on peut bien penfer qu’eftant ulcerez contre Des Ant- Ijles de î Amérique. 9 eux, pour les affronts qu’ils ont receu dans leurs combars , & que fefervant de ce méchant prétexté, que ces negres ont efté à eux, qu’ils en uferontainfi j & cela arrivant, ce fera autant de fujetde querelle & de terribles difîenfîons $ par- ce que les François ruinez n’ayant plus de reflource que celle de leurs negres , le feu! bien qui leur refte, en leur oftanc, c’eft les priver de tout, & confequemmenc les réduire au defefpoir. X. Les Reverends Peres Jacobins ayant efté eftablis par MefTeigneurs de la Compagnie dans les temples des terres des Anglois confïfquées, ayant fait beaucoup de dépenfes dans l’elperancc que leurs établifTemens feroient permanens, ayant auffi efté entièrement ruinez parle Ouragan, ainfi que leurs Eglifes démolies , fans qu’il leur foie refté pierre fur pierre : fi la reftitution dont il eft queftion fe devoir fai- re, ils fetrouveroient ainfi que les autres dansle nombre des malheureux. XL Monfîeur le Commandeur de faint Laurent ayant eu don des Seigneurs de la Compagnie, de l’habitation d’unnom- , mé Euret, avec les meubles & beftiaux , pour aucunement Jerecompenfer des dépenfes faites dans la guerre de faine Chriflophle, & pour reconnoiflance des ferviees qu’il 3 ren- dus, fe trouve par cette reftitution ( s'il la faut faire) dans la mcfme cathegorie que le moindre habitant, c’eft-à-dire que le Chevalier de faint Laurent qui s’eft facrjfic tant de foispourlefalutdel’Isle , qui s’eft fignalé partant de belles adions, qui a fait fi bien combarre les peuples & fl bien payé de fa perfonne, fe verra condamné aux dépens, & participant de la mifere des autres. XII. On ne parle pas icy desinterefls de la Compagnie à la con- fervation de i’Islede faint Chriflophle, ils en font fî fçavans que ce feroit perdre le temps que de leur en dire quelque chofe. Tout ce qu’on en peut raifonner pour les chofes de 360 Hifîoire gener de deçà , c’eft que s’ils «voient ce qu’ils ont payé 8c advancé pour la confervation de cette Isle, ils courent rifque de per- dre de notables Tommes qui leur font deuës à faint Chru ftophle, s’il arrive que les habicans foient ruinez 6c obli- gez de quitter l’Isle comme il arrivera enfuite de cette re- ftitution. XII* Aurefte lesAnglois ne peuvent pas dire fans impofture, qu’on les ait traitreufement égorgez à faint Chriftophle, ainfi qu’ils ont fait courir le bruit en Angleterre, 6c félon qu’il eft imprimé } puifqu’il fe juftifie clairement qu’ils ont efté les aggrefteurs fans avoir averti les François , ainfi qu’ils y eftoient obligez par le nouveau concordat fait entre les deux Nations, le vingt-ftxiémede Janvier 1666. 6c qu’ils ne peuvent pas difeonvenir que l’on ne leur ait accordé une ca- pitulation avantageufe , dont les François fe feroient bien difpenfez s’ils avoient voulu, 6c s’ils n’euflent pas efté d’un naturel débonnaire 6c courtois comme ils font j qui eft telle qu’ils leur ont permis de vendre leurs biens , dont l’execution s’en voit par plus de 380. contra«ftsde vece paflez pardevant Notaires de gré à gré, fans autant faits fous feings privez, pouraurant ou plus d’habitatious grandes 6c petites, dont ils ont receu le prix comptant, fe juftifiant par le calcul des contrats, qu’ils ont touché prés de trois millions de fucre ou la valeur, qui eftant eftimé à quinze livres le cent, fe monte à quatre cent cinquante mil livres monnoye de France. XIII. De plus, la bonté & generofiré des François s’eft portée à tel excez , qu’on leur a fait fournir des vaifeaux pour les embarquer, au refusée ceux de Nic've, qui ne les en vou- lurent point affifter ; ilsen eurent me (me trois des Meilleurs de la Compagnie en pur don 6c par charité pour les pau- vres j l’on leur permit l’enlevement de plulieurs negres 6c marchandifcs, fans qu’ils fuflenc jamais fouillez -, on les affi- fta de vivres pour leur voiage , aux riches en payant , 6c aux pauvres on leur en donna gratis. / XIV. Des Ant-Jjles de £ Amérique. $si XIV. Toutes ces chofes confiderées , Sc cet enlcvement joint à quatre cent cinquante mille livres d’argent qu’ils ont tou, chë , il fe trouvera que bien loin d’eftre partis le bafton blanc à iamain , ils ont tiré de cette Isle en cfFets ou en argent, la valeur de plus de 650000. livres d’argent monnoye de France j ce qui eft refté des terres eftant peu confiderable, 6c ne confiftant pas en douze habitations pa {Tables de ceux qui s’en font luis ou quioncefté tuez au combat 5 6c il n’y a pas lieu de reclamer avec tant d’ardeur les biens des Anglois del’Isie de laint Chriftophle, XV. Ceux qui fe font embarquez pour fortir de î’Isîe , ont efté conduits ou envoyez où bon leur a fcmblé , foit à Mont- Sarra, à Nieve , à Antigoa , où on les refufoic pour la plufpart* d’autres à la Jamaïque^d la Virginie, & à la nou. velle Angleterre : 6c pour faire connoiftre que c’cftà tort que l’on accufeles François de les avoir égorgez , l’on juftifie qu’on a embarqué pour lefdirs lieux plus de huit mille hom- mes, femmes 6c enfans, fans conter les negres : ourre qu’il rfy eut que peu de gens tuez dans la chaleur du combat, ainfî qu'il fe peut voir par les Relations imprimées , où l’on n’eft pas d’humeur à celer les morts, pour faire connoiftre à toute la terre l’extreme débonnaireté des François. Et il ne faut quejetter lesyeux fur l’Islede faint Barthélémy qui leur ap„ partient : l’on verra qu’ils y ont mis cinq à fix cens Irois quipoftedent les habitations des François qui y habitoient auparavantle combat, 6c qui font maintenant les malheu- reux eftant à fai it Chciftophle , 6c que J’onr vcutdépouïl- ,1er des terres que l’on leur a données dans le quartier des An- glois que l’on repette en vertu des articles delà paix. XVI. Toute TAmerique fçaitencore, 6c les Anglois n’en peu- vent difeonvenir, qu’au dernier combat de faint Chnfto. phle , il y fut pris cinq ou fix cent prilonnierS Anglois, qui apres avoir demandé quartier , 6c l’avoir obtenu des Zz 3 6i Hifloire generale François , Iesvaifieaux Anglois, comreiesloix delà guerre, cirèrent encore plus de cinq cens coups de canon fur les François, êc que ce procédé lespoufians à faire main baf- fe fur les prifonniers , ils ne le firent pourtant pas -, 6c au con- traire ils furent tous les premiers à efiuyer ieurs piayes , les faire panfer, 6c leur faire tous les bons traitemens pofiibles 5 ce qui s'eft toujours continué plus de trois mois. Un chacun fçaitque les Anglois n’en ufent pasde mefme, 6c que le Mi- lord W’illougby avoit donné ordre à fesgensde n’accorder aucun quartier aux François. Par toutes ces chofesl’on peut juger quels font les Fran. çois, 6C quels font les Anglois $ 6c fi les François de l’Isle de faint Chriftophle fe peuvent afieurer de vivre en paix avec une Nation qui n’a point tenu de parole , dont l'orgueil eft infupportable , 6c dont l’inhumanité eû: telle , qu’ils ne vouloient donner aucun quartier à ceux qui le leur ont fi çenereufement accordé, — eOS0S0S25OS030.S080 8980SOS030K)K3®ioloM _~Æ. w ^ ^ - - - - i < TABLE DES TRAITEZ, DES CHAPITRES, ET des Paragraphes contenus dans cette quatrie'me Partie de l’Hiftoirc generale des Ant-Isles de i’A- merique. TOME QUATRIEME. Eftat des Ant-Isles pendant U guerre entre les deux Na- tions Françoi/e Angloife. TRAITE' PREMIER. Eftatde toutes les Ant-Isles jufqu ’à l'arrivée de Monfieur de la Barre pour y commander. CHAPITRE PREMIER. £/?ai de toutes les Ant-Isles avant le premier combat donné par Mon feu* le Commandeur de Sales dans l’Isle de faint Chrfiophle contre les Anglais , j § i . Des préparatifs qui fe firent dans toutes les Islss Françoifes fur les apparences de la guerre entre les deux Couronnes , § z. Preuves manife/îes de la mauvatfe intention des Anglois & de la recherche fncere que les François ont fait de la Neutralité 4 Zz ij * TABLE . lettre de Monfieur Colbert à Moniteur de Clodorè pour la Neutralité^ 11 lettre de Cachet de fa Majeftè 3 adrefèe au Gouverneur de la Martinique , four la déclaration de la guerre & peur la N entra, litèy , ™ § 3. La déclaration de la guerre entre les François & Anglais dans les Ant-lslesfde l* Amérique , 13 Déclaration de a Majeftè très -Chrétienne contre les Anglais , i 7 Déclaration de fk Majeftè Anglaife contre les F rançon , 1 9 § 4. deux chefs des deux N ations-prennent des refolutions differentes pour combatte , 21 CHAPITRE SECOND . De ce qui s' eftpaffè dans les quatre combats donner^ entre les F re- çois ftft les Anglois de l' 1 s le de faini Chriftophle . 25 § 1. Meffteurs les Chevaliers de Sales & de faint Laurent , at- taquent & défont les Anglois à la Rivière de Cayenne , § 2. Combat des cinq Combles ou Monfieur le Commandeur de Sales fut tué , 28 § 3. Les Anglois attaquent les François à ta Cabfterre , gh ^ font défaits fous la conduite des fteurs du Sannois. & du P dy et Ca- pitaines. J© § 4. Combat d’ecifif entre les deux Nations , 0# les Gouver- neurs V vais & Morgan font tue leurs troupes défaites par les François , & Monfieur de Poincy bleftè a mort , 33 Articles d'une lettre de Monfteur Colbert écrite à Monfteur le Chevalier de faim Laurent , le [sixième de Juillet milfix cens fixan- te-fisc. ' 42. Articles de Me //leurs les Directeurs de la Compagnie du vingt ~ un de Septembre 1666. 42 Article d’une lettre écrite de Paris à Monfteur le Chevalier de faint Laurent par Monfteur Auger , qu il av oit envoyé porter au Roy les drapeaux conquis , 44 § /. Les Anglois fe rendent k compofition , & Monficur le Chevalier de faint Laurent prend poffeftion de leur terre , 45 TABLE. Articles de capitulation faite entre les deux Notions Françoife & Angloife , apres les quatre combats donne z^dans l' Isle de faine Chnfiophle , 47 § 6. Sépulture du feur Vvats , & de tous les Anglais morts dans le combat de la pointe de Sable , 51 § 7. Monfcur le Chevalier de faint Laurent ejl fe couru par JMe/iteurs de Clodoré , du Lion & de Chambré , 53 § 8. Mefflcurs de faint Laurent $ de Chambré font partir des vaiffeaux & des barques pour tranfporter les habitans des ides de faint Barthélémy & de faint Martin dans faint C bnftophle , & pour quelque expédition de guerre , f6 § 9 Mon fleur Jrîenry Vvtllouby part avec une flote ( maïs un peu trop tard ) pour commencer la guerre & détruire les François dans l Isle de faint Chrtfiophle , /9 § 1 o » T)e tout ce qui s' ejl paffé tant dans l'exptdfon des Ar.glois, que dans la récompenfe des vainqueurs. 61 CHAPITRE TROISIEME. De quelques entreprifes de guerre faites par la Nation Françoife dans les autres Isles fur la Nation Angloife , oit ils ont beurenfe- mentreüffi, 6 5 § 1 . Capture impreveue de . Vvaernard , Gouverneur pour les Anglais fur les Sauvages de la Dominique , 6 6 § 2. Aclion herotque d'un avanturier François que Monfeur aOgeron recompenfe genereufement , 70 § 3. Projet pour l'attaque de l* Isle de Nicve différé jufquà f arrivée de Mon feur delà Barre , 7 2 § 4. La prife de Beauroum en terre ferme , pendant laquelle Mc fleurs du Lien & de Chambré envoyant reconnoifire ï Isle de S. Eujtacbe , 77 § y. Les Sauvages font la guerre aux Anglais d'une manière cruelle , Ikchc & brutale , 79 § G. Grande fedition d la Martinique réprimée par la force y & par la mort de plufleurs habitans , 8 2 Z 2 iïj TABLE . $ 7. JVf efiicuis de faim Laurent , du Lion & de Oh ambré fur un avu du Gouverneur de la Martinique 3 donnent ordre a la feuretè des navires de la Compagnie , (fl Iny envoyent du je cours 3 90 CHAPITRE QUATRIEME. La malheur eufe entreprife du Milord Vvillongby pour le recou - vrement de l’Jsle de faint Chrifiophle , § 1. Paffage de la flote du Milord Vviüougfiy a la Mar ? tinique , § 1. Ce que fit la flote tes , -jufqu’a fon nauf rage § 3. Nn Ouragan fait périr le Milord Nvillougby avec toute fa f°te , & fait de grands défit dres dans les h le s , 9 g § 4. Monfieurdu Lion bien informe tant de défiât de fes gens que de celuy des Anglais dans les Saintes , y envoyé du monde (fl fie difpofe k les fe courir enperfinne , 10z § y. Monfieurdu Lion va attaquer les Anglois aux Saintes , Ce les force de fe rendre a compofition , IO<£ § 6. Le Neveu du Milord Vviüougfiy vient avec me flote pour délivrer les Anglais des Saintes , laquelle e fi bat uè (fl difflpée 3 (A il nèchape qu'avec peine , m traite* second. De tout ce qui s*eft pafTé dans les Ant-Islesde I'Ameri- que, depuis l’arrivée de Monfieur de U Barre jufqu’à la jîaix conclue à Breda entre la France , l’Angleterre, & le§ Eftats des Provinces unies. 9 3 A ngloife à la Guadeloupe (fl aux Sain- > 9 chapitre second. Du gouvernement de M onfieurde la Barre iufquk la conauede de -disk rfiAntigoa. 1 § 1. Les foins delà Cour (fl de la Compagnie , pour ficourir les 2jles > 116 TABLE . § 2. De ce qui fe paffia en France depuis le relâchement de Mon- fieur de la Barre : [on voyage & Jes avantures jufqu'à fon arrivée à la Martinique , ni $ 3. Suite dn voyage de Mmfieur de la Barre , [es infortunes , [on arrivée & [a réception à laMartinique , 124 Procuration pafjèe pai Meffieurs les Directeurs des Indes Occi- dentales à Monfieurde la Barre , 128 I nftr uftions audit fieur de la Barre 3 Concilier ordinaire du Roy. en fesConfeils , Gouverneur (fi Lieutenant General pour fa Maje- fi'e en l'Jsle de Cayenne (fi terre[erme de C Amérique y 129 § 3. Dispofition des Gouverneurs , de l'Intendant (fi des Officiers à l'arrivée de Monficur de la Barre 5 (fi les premiers reglemens qu'il fit à la Martinique , 1/2 Demandes tres-humbles que [ait la nohhjje , les Officiers , tant de milice que de juflice (fi principaux habitans de chaques quartiers de l'isle de la Martinique , à Mon [leur le Fevre de la Barre , Con- fit lier du Roy en tous fis Confiils , Lieutenant General pour [a Ma- je fl épar mer (fi par terre es Indes Occidentales , (fi Gouverneur de la terre ferme de l' Amérique ou Francs Equinoxiale , 134 Reglemens de Monfieur de U Barre à la Martinique } 138 chapitre second . C onquefie de l’isle d' Antigoa , § 1. Meffieurs de la Barre , de Cloàoré (fi de Chambré fur , les inf ruinons des deux transfuges , refolvent d'aller tenir Confiil à f tint Chrifophle , pour entreprendre fur les ennemis , 141 § 2. Refolutior.s du Confiil tenu à la Guadeloupe , enfuite du- quel ccs Meffieurs ne voulant que reconnoijlre l' Isle d Ann go a , em- portent les forts de la Rade y & prennent le Gouverneur pnfinnier 3 144 § j>. Meffieurs les Gouverneurs de la Martinique (fi de la Guadeloupe y achèvent la vifloire (fi la premiers c onquefie de cette lsle y 149 § 4. De tout ce qui s'ef} paffé pendant la capitulation , (fi jufqu'à l'arrivée de Monfieur de la Banc d faint Chrifiophle , I TABLE. Articles de la capitulation a Antigoa. CHAPITRE TROISIEME. Diverfes entreprifes de guerre fur les ennemis par les habitant des autres Isles Françoifes , § i. La plat jante prife de blsle de Tabago par (es habitant de bide de la Grenade , i(,j § i. Conque fie de l'Isle defaint En fâche , attaquée par les H eüandois fi par les François , mais rendue aux François , 1 68 § q. Entre prife de Marcaye faite par quatre cent Avantu- riers François , partant commiffton de Portugal , \qi CHAPITRE QUATRIEME Prife de l'Isle d* Antigo a , § i. La reduHion de l'Isle et Antigoa ayant efiè re foins dam le Confeil , Moniteur de Cio dore , par l'ordre de Monfeur de la Barde y fe dijpofe a cette entreprife , Copie du Requiftoire de Monfeur de la Barre 3 j6j Copie des ordres de Monfeur de la Barre à Monfeur de Clo- aore y 17^ § i. Monfeur de Cio doré fait fdmmer les habitant à' Antigoa. d'executer le traité’, fi fur leur refus U fait fa décente y fi les con- traint de fe rendre s j^g Copie de la fommat ion , ■' Lettre de Madame Garden a Monfeur de la Barre , 1 8o Copte de U lettre écrite far les Officiers d* Antigoa ci Monfeur de Clodorè , j g2 lie fuit at du Confeil tenu entre Meflieurs de Clodorè y Blondel , (fi U chevalier Hmfcehn , fur la réponfe des Colonel y Officiers fi habitant d' Antigoa fur la fommation qu'on leur, a faite , 184, § 3. Ce qui défi paffè depuis la reduchon de cette Isle jufqu à la conque (te de 1 1 de de Mont- Barra , igq Afe le ferment de fidelité fait par les Officiers fi habitant de i'isk d' Antigoa entre les mains de Monfeur de Clodorè y 188 chapitre TABLE . CHAPITRE CINQUIEME. La conquefie de Mont-Sarra par Monfieur de la Barre , 5 i. Monfieur de la B aire apres avoir reconnu l'isle de Mont - Sarra fait une armé e navale (fi la vient attaquer , 195 § 1. Monfieur de la Barre attaque l'isle de Mont-Sarra (fi s en rend le maifire , 199 § 3. Suite de ce qui s' e fi pafjê pour t accomphfjcment de cette Conquête t 103 CHAPITRE SIXIEME. De ce qui se fi pafie dans ! Europe k l'égard des Ant. Isles 3 pendant que toutes les Nations qui-les habient y font la guerre , § 1. De ce que le Roy de la grande Bretagne fait pour fecourir les isles Angloifes , 207 § 2. Ce que le Roy de France fait pour foutenir les viHoires de fes fuiets dans les Ant- Isles de I Amérique , 109 Lettre de cachet a Monfieur de la Barre pour le reglement des rangs (fi du commandement , 2 1 1 C ommifiion de Lieutenant General furies Ant- Isles del‘ Amérique expedièe en faveur de Monfieur de la B arre , le premier de Février , 1667 213 Lettre de cachet a Monfieur de Clodorè pour faire reconnoifire M onfieur de la Barre 3 1 16 CHAPITRE SEPTIEME. De tout te qui s e fl pafie dans les Ant-isks , iufqu du combat na- ' avale de l'isle de Nieve , § 1. Sur lavis d'une puiffante flote Angloife 3 Monfieur delà Barre (fi les Gouverneurs fe préparent a la recevoir , 21g R e fuit a t du premier Confeil tenu a la Martinique , pour mettre Aaa les va i fléaux de la Clomh/ifmip py> Conv-tl TABLE . tite patache , une grande fregate du Roy d' Angleterre y §;. Toute U flot e arrive k Fis le de Nieve y & navires particuliers k la Rade de faim Çhriflophie , § 5* Me (peurs de Clodoré & du Lion , jettent du monde dans l’isle defaint Çhriflophie , nonobfiant le blocus des Anglais , 236 $ 6, Vne Ef cadre dû la flote Angloifè combat & s empare de cinq vaiffeaux Hoüandois dans le cul de fie de la Guadeloupe , 23 8 Angloifè devant l'isle de Nieve , § 1. Moniteur de la Barre arrive a la Martinique , oit il lie partie avec les Hoüandois pour combatte la flote Angloifè , 2^0 Ordre què tiendra l a flote tant pour fa route & marche , que pour le combat . , . , * ^ ^ § z. Le récit tant du combat de 27ieve} que de tout ce qui le concer- ne jufqu au retour de Monfleur delà Barre k la Martinique ^50 § 3. Monfleur de la Barre apres avoir combatu la flote A n- glotfe & fe couru F tsle defaint Çhriflophie , reconduit fa flote aux ls~ les du vent , trÇ Les Anglois attaquent l'isle de faint Çhriflophie t & y font glo- rienfement défaits par les François y * § 1. Ce qui fe pa(Ja de part & d autre avant le combat , zé>i § 1. De tout ce qui s efipajjé depuis le commencement de ce com- bat iufqu'k la fin de cette glorieufe vi&oire > x6e que , Chapitre hfitieme , Combat naval donne par Monfleur de la Barre contre la flote CHAPITRE NEVFF1EME. TABLE . CHAPITRE DIXIEME. Zeî combats delà flote Angloife contre les vai fléaux de la Com- pagnie k la Rade de la Martinique , § i. Ce qui fe pafla depuis ï arrivée de la flote Angloife , wf qu'au premier combat , § i. Premier combat , 2^g § 3. Second combat , r 2gj 4* Ce qui fe pafla dans le troifème combat , ^ enfuit e jus- qu'au quatrième combat , 2 g ^ $ /. Ce qui fe pafla dans ce quatrième combat iufquau Septiè- me de \uillet , 2gy $ 6. Ce qui fe pafla dans la cinquième & dernier combat , 290 § 7 . Ce qui s' eflpafl ? enfuit e de ces combats , 2 c, ^ Lettre du Chevalier H armant , Vice -Amiral de la flote Angloife k Monficur de la Barre Lieutenant General aux isles de 1‘ Amérique *93 J Reponfe de Mon feu/ de la Barre au Chevalier H amant 3 9 / 5 Ch AP JT RE O N ZI E M E. De ce qui s eflpaflè dans /’ Amérique Méridionale pendant le reftc de cette guerre iufquk la publication de la paix , § 1. Miferes des \sl es Je courue de l Europe fort k propos , & les v*ifleaux rcnflouèzfléperiflent dans le carennage de la Martinique , § 2. Les Knglois font en vain une nouvelle tentative pour r en trcr dans L \sle de faim Chrifophle , § Vn grand Ouragan defole l’hlc de faint Chrifophle , }o j § 4- Pes Anglois prennent /’ Isle de Cayenne , U pillent & l'a - bandonnent , ^ * 200 Aa ij TABLE. CHAPITRE LOVZlEME. Ce qui s'ef pafè dans les Ant-lsles , touchant la publication dr F execution du traite de la paix faite a Breda en l'année mil fixcent fixante- fept. 3ll § i. La paix efi conclue à Breda entre les deux Hâtions Fran - çoifc & Angloife y Ibidem Articles de la paix entre la France & l' Angleterre qui regardent 1‘ Amérique y 3^ % 2. Monfeur de la Barre ayant receu les articles de la paix faite à Breda , sen fert fort adroitement pour ravitailler Fisle de faint Chrifophle , & fait enjuite publier la paix dans toutes les Ant- illes F rançoifes y 3-25 Proclamation de la paix entre le Roy de France & le Roy d'An- gleterre y 3 3° Proclamation pour publier la paix entre fa Maiefiê & le Roy des François , 33 1 Ordre de Monfeur de la Barre pour la publication de la paix à la Martinique y 333 % g. Le Milord Vviüougby vient d Nieve : il fait en pajfant la paix avec les Sauvages , dt* reçoit en chemin les ordres des deux Rois pour l'execution du traité de Breda , 33& § 4. Le Milord Vvï üottgby vient traiter avec le Gouverneur de faint Chrifophle & P Intendant de U Compagnie des Indes Occi- dentales y f 3 39 Lettre de cachet envoyée de France au Chevalier de faint Lau- rent y Sf° Lettre de cachet apportée par le Milord Vviüougby au Chevalier de faint Laurent , 341 Copie de la lettre du Roy envoyée aux BiieBeurs delà Com- pagnie y pour la re finition de l’isle de faint Chrifophle , dont le Milord Vviüougby efoit porteur y 34l § 5. Le Milord Vviüougby va moüiüer au quartier de la gran- de Rade , & tente de nouveaux moyens pour venir d bout de fes dcffeinSy 34/ TABLE. Déclaration dernier e du Chevalier de faint Laurent au Milord yvillougby , 348 Protefiation du Milord Vviüouyby, 348 Mémoires que les principaux Officiers & Habitans de ïisle de faint Chrifiophlc , prennent U liberté de prefenter â M effteurs de la Compagnie des Indes Occidentales pour s'en fervir envers fa Majefe , afin de l' obliger à défendre les habitant de cette L le contre les prétentions que les Anglois ont de rentrer dans la pofjcQion de la partie qu'ils poffedoient dans l'isle de faint Chrifophle en l'année mil fix cent fixante- cinq , 354 Rai fins qui prouvent qu'il efi impofiîble que les deux Nations Prançoife & Angloife puifjent vivre en paix , 355 * ' - - ; FIN DE LATABLE. Aaâ iij "PRIVILEGE DV ROT. LOUIS PAR LA GRACE DEDIEVROY de France & de Navarre , à nos amez Féaux Con- léiliers les gens tenans nos Cours de Parlement, & Maî- tres des Requeftes de noftrc Hoftel , Prevoft de* Paris ou ion Lieutenant , Bailiifs, Sénéchaux , Prevofts, leurs Lieu, tenans, & tous autres nos Jufticiers & Officiers qu’il appar- tiendra, Salut. Le Reverend Pere Je an Baptiste dv Tertre, Jacobin Reforme, Nous a crcs-humblcment fait remontrer qu’il auroit compofc La fuitte de l'Hifloire ge- nerale des Ant Isles , qui a eftèlcue parle pem Me^eray de T Acade- mie Francoije , & noftre Concilier & Hiftoriographc , qu’il de- fîreroit faire imprimer & ^donner au public , s’il nous plaifoit luy en accorder la permiüîon , & icelle interdire à tous autres pendant le temps qui luy fera accordé , & requérant nos Let- tres à ce neceffaircs. A ces cavsis, voulant favorablement traiter l’Expofant, N ous luy avons permis & permettons par ces prefenres, d’imprimer ou faire imprimer la fuite del’Hr- ftoirc generale des Ant-Isles, par tels Imprimeurs que bon luy femblera du nombre des referve en telle marge , gran- deur, forme 6c cara&ere, esc autant de fois que bon luy femblera , pendant l’cfpace de 7. années entières & con- fecutives j à commencer du jour que le livre de ladite Hi- ftoirefera achevé d’imprimer pour la première fois. Faifant très exprefTes inhibitions & défenfes à tous Imprimeurs, Libraires, & autres perfonnes de quelle qualité & condition qu’elles foient , de l’imprimer , faire imprimer , vendre ni dé- biter durant ledit temps, en aucun lieu de noftrc Royaume fans le confentement de l’Expofant , ou de ceux qui au! root droit de luy, fous prétexte d’augmentation , corredion, changement de tirre, faufîes marques ou autrement, en quel! quelorteôc maniéré quecefoir-, à peine de trois mil livres d'amende, payables fans déport par chacun des contreve- nans , applicable un tiers à Nous, un tiers à l’Hôpital general de noftre ville de Paris, & l’autre tiers à l’expofant, dccon- fiicatio des Exemplaires contrefaits , & de tous dépens dommages & inccrefts: à la charge qu’aupaarvant qu’il foie expo lé en vente, il en fera mis deux exemplaires en noftre Bi- bJiothequ c, un en celle du cabinet de Noftre Louvre & un en celle de noftre amc & féal Chevalier Chancelier de France , le fieur Seguier. Si vovs mandons que du con- tenu en cesprefentes , vous faiîiez jouir & ufer l’Expofanr & ceux qui auront droit deluy , plainement &paiflblement•, ceflant êc faifant cefler tous troubles & empechemens au cô- traire. V oulons qu’en inférant ces prelences ou extraits d’icel- les en chacun des exemplaires, elles foient tenues pour bien & deuemenc lignifiées. Commandons au premier noftre Huiffier ou Sergent fur ce requis, faire pour l’execution des prclentes tous exploits à ce nece flaires , fans demander au. trepermiffion : Car tel nostre plaisir. Donne à Paris le onzicmejour de Juin, l’an de grâce milfïx centfoixante- d1X Et de noftre regnele vingt-huitième. Signe par le Roy en fon Confeil .Laborie. * v 1 &cvercnd Pffre Jean Baptiste dv Tertre a cede fon droit du prefent Privilège IThomas J c Marchand Libraire i Paris, pour en jouir fuivanc i raie entre- eux. » l l Y, accord 'Repflrs C*r Livre de U Communauté des Imprimeurs & Marchands Libraire, de Paris , fuivant P Arrêt ie la Cour de Parlement du g. Avril idéaux charges & condition, portées és Syndu! L'“r“'l‘26-Jmni6ll- Signé , Lovys Sivestkz, Achevé d'imprimer pour la première fois le ji. jour de Juillet