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Le mt = ÿ ce: TT ,» Rene" > ‘ i L » s » { v \ Ù Ro Ra ER 9 1 À À > TS 2 ) Æ F > RUE \ \ ” » \ \ \ | 5 \ à Ÿ Et Se, il si - # ’ Ê | l CINE . | L (l ï \ AT , ; f x | a \ ; { \ i Pa \ \ \ | net] ; | | x \ ? qe À ' À "< M _ Es RE , CS ne ; ; \ NC. mate | « . 0 ACTE, LS IATIÈRES GÉNÉRALES. . 7? es © | HISTOIRE sidi NATURELLE Par BUFFON, DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, 4 MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. F 7 AÉ; 71 ie MATIERES GÉNÉRALES. TOME SECOND. VW. 2 F4 2e st LS s* niz n Insti en xn80 ins / ns a Stlturg {{ Ÿ RICHMOND COLLECT JON, A PARTS Nom uns A LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE . - DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, £x Firmin DIDOT,ruE DE THIONVILLE, n° 116, AN VII. — 17099. | Ki ARNO RS ju Fr à *” PE L » L | R kr. à « Ÿ s* ra LUS PHISTOIRE NATURELLE. PREUVES DE CU 4 THÉORIE DE LA TERRE. A LAICLE.: VII. Sur la production des couches ou lits de terre. N ous avons fait voir dans l’article premier, qu’en vertu de l'attraction démontrée mu- tuelle entre les parties de la matière et en vertu de la force centrifuge qui résulte du mouvement de rotation sur son axe, la Terre Mat, gén, 11. 1 Pr THÉORIE | " a nécessairement pris la forme d’un sphé- roïde dont les diamètres diffèrent d’une 23ome partie, et que ce ne peut être que par les changemens arrivés à la surface et causés par les mouvemens de l'air et des eaux, que cette différence a pu devenir plus grande, comme on prétend le conclure par les mesures prises à l'équateur et au cercle polaire. Cette figure de la Terre, qui s'accorde si bien avee les lois de l’hydrostatique et avec notre théorie, sup- pose que le globe a été dans un état de liqué- faction dans le temps qu’il a pris sa forme, et nous avons prouvé que le mouvement de projection et celui de rotation ont été impri- més en même temps par une même impul- sion. On se persuadera facilement quela Terre a été dans un état de liquéfaction produite par le feu, lorsqu'on fera attention à la na— ture des matières que renferme le globe, dont la plus grande partie, comme les sables et les glaises , sont des matières vitrifiées ou vi- trifiables, et lorsque d’un autre côté on reflé- chira sur l’impossibilité qu’il y a que la Terre ait jamais pu se trouver dans un état de fluis dité produite par les eaux, puisqu'il y a infi- niment plus de terre que d’eau, et que d'ail- DE LA TERRE. 3 leurs l’eau n’a pas la puissance de dissoudre les sables, les pierres et les autres matières dont la Terre est composée. | Je vois donc que la Terre n’a pu prendre sa figure que dans le temps où elle a été li- quéfiée par le feu ; et en suivant notre hypo- thèse, je conçois qu’au sortir du Soleil, la Terre n’avoit d'autre forme que celle d’un torrent de matières fondues et de vapeurs en- Hlammées ; que ce torrent se rassembla par l'attraction mutuelle des parties, et devint un globe auquel le mouvement de rotation donua la figure d’un sphéroïde; et lorsque la Terre fut refroidie , les vapeurs qui s’étoient d'abord étendues, comme nous voyons s’é- tendre les queues des comèêtes, se conden- sèrent peu à peu, tombèrent en eau sur la surface du globe, et déposèrent en même temps un limon mêlé de matières sulfureuses et salines, dont une partie s’est glissée par le mouvement des eaux dans les fentes perpen- diculaires, où elle a produit les métaux etles minéraux , et le reste est demeuré à la sur- face de la Terre et a produit cette terre rou- geätre qui forme la première couche de la ‘Ferre, et qui, suivant les différens lieux, est LL: DT 77e un , J 4 THÉORIE | plus où moins mêlée de particules animales : ou végétales réduites en petites molécules dans lesquelles l’organisation n’est plus sen- sible. + Ainsi, dans le premier état de la Terre, le globe étoit , à l'intérieur , composé d’une ma- tière vitrifiée, comme je crois qu’il l’est en— Core aujourd hui; au-dessus de cette matière Vitrifiée se sont trouvées les parties que le feu aura le plus divisées, comme les sables, qui ne sont que des fragmens de verre; et au- dessus de ces sables, les parties les plus lé- gères, les pierres ponces, les écumes.et les scories de la matière vitrifiée, ont surnagé et out forme les glaises et les argilles : le tout étoit recouvert d’une couche d’eau * de 5 ou 600 pieds d'épaisseur, qui fut produite par la condensation des vapeurs , lorsque le globe commença à se refroidir; cette eau dé- posa par-tout une couche limoneuse, mélée de toutes les matières qui peuvent se subli- mer et s’exhaler par la violence du feu, et * Cette opinion, que la Terre a été entièrement couverte d’eau , est celle de quelques philosophes an- Gens , et même de la plupart des pères de l’église, Se . DE LA TERRE. 5 Jair fut formé des vapeurs les plus subtiles qui se dégagèrent des eaux par leur ar ; et les surmontèrent. Tel étoit l’état du globe, lorsque l’action du flux et reflux, celle des vents et de la chaleur du Soleil, commencèrent à altérer la surface de la Terre. Le mouvement diurne, et celui du flux et reflux, élevèrent d’abord les eaux sous les climats méridionaux : ces eaux en- trainèrent et portèrent vers l'équateur le limon , les glaises, les sables; et en élevant les parties de l’équateur, elles abaissèrent peut-être peu à peu celles des poles, de cette différence d'environ deux lieues dont nous avons parle : car les eaux brisèrent bientôt et réduisirent en poussière les pierres ponces et les autres parties spongieuses de la ma- tière vitrifiée qui étoient à la surface; elles creusèrent des profondeurs et élevèrent des hauteurs qui, dans la suite, sont devenues des continens; et elles produisirent toutes les inégalités que nous remarquons à la surface de la Terre, et qui sont plus considérables vers l'équateur que par-tout ailleurs : car les plus hautes montagnessontentre les tropiques et daus Le milieu des zones tempérées; et les L 7 6 | THÉORIE plus basses sont au cercle polaire et au-delà, puisque l’on a , entre les tropiques, les Cor- dillières et presque toutes les montagnes du Mexique et du Bresil, les montagnes de l'A- frique; savoir, le grand et le petit Atlas, les . monts de la Lune, etc. et que d'ailleurs les terres qui sont entre les tropiques, sont les plus inépales de tout Le globe, aussi-bien que les mers, puisqu'il se trouve entre les tro- piques beaucoup plus d’iles que par-tout ail- leurs; ce qui fait voir évidemment que les plus grandes inégalités de la Terrese trouvent en effet dans le voisinage de l’équateur. ‘ Quelqu’indépendante que soit ma théorie de cette hypothèse sur ce qui s’est passé dans le temps de ce premier état du globe, j'ai été bien aise d’y remonter dans cet article, afin de faire voir la liaison et la possibilité du système que j'ai proposé, et dont j'ai donné le précis dans l’article premier : on doit seu- lement remarquer que ma théorie, qui fait le texte de cet ouvrage, nepart pas de si loin ; que je prends la Terre dans un état à peu près semblable à celui où nous la voyons, et que je ne me sers d'aucune des suppositions qu’on est obligé d'employer lorsqu'on veut raison- ’ DE LA TERRE. , mer sur l'état passe du globe terrestre: mais, “comme je donne ici une nouvelle idée au su- jet du limon des eaux, qui, selon moi, a for- mé la première couche de terre qui enveloppe le olobe , il me paroit necessaire de donner aussi les raisons sur lesquelles je fonde cette opinion. Les vapeurs qui s'élèvent dans l'air, produisent les pluies , les rosées, Les feux aériens , les tonnerres et les autres météores; ces vapeurs sont donc mêlées de particules aqueuses , aériennes , sulfureuses, terres— tres , etc. et ce sont ces particules solides et terrestres qui forment le limon dont nous voulons parler. Lorsqu'on laisse déposer de l'eau de pluie, il se forme un sédiment au fond; lorsqu’après avoir ramassé une assez grande quantité de rosée , on la laisse déposer et se corrompre, elle produit une espèce de limon qui tombe au fond du vase: ce limon est même fort abondant, et la rosée en pro- duit beaucoup plus que l’eau de pluie; il est gras, onctueux et rougeûtre. La première conche qui enveloppe le globe de la Terre, est composée de ce limon mêlé avec des parties de végétaux ou d'animaux dé: truits, ou bien avec des particules pierreuses r 8 THÉORIE ou sablonneuses. On peut remarquer presque par-tout que la terre labourable est rougeâtre et mêlée plus ou moins de ces différentes ma- tières. Les particules de sable ou de pierre qu'on y trouve, sont de deux espèces, les unes grossières et massives, les autres plus fines et quelquefois impalpables : les plus grosses viennent de la couche inférieure, dont on les détache en labourant et en travaillant la terre; ou bien le limon supérieur, en se glissant et en pénétrant dans la couche infé- rieure qui est de sable ou d’autres matières divisées, forme cés terres qu'on appelle des sables gras : les autres parties pierreuses qui sont plus fines, viennent de l'air, tombent comme les rosées e les pluies, et se mêlent intimement au limon; c'est proprement le résidu de la poussière que l’air transporte, que les vents enlèvent continuellement de la surface de la Terre, et qui retombe ensuite, après s'être imbibé de l’humide de l'air. Lors- que le limon domine, qu'il se trouve en grande quantité, et qu'au contraire les par- ties pierreuses et sablonneuses sont en petit nombre, la terre est rougeätre, pétrissable et très-fertile ; si elle est en même temps mêlée x . je CALE P" DE LA TERRE. 9 d'une quantité considérable de végétaux où d'animaux détruits, la terre est'noirâtre, et souvent elle est encore plus fertile que la pre- mière : mais si le limon n’est qu'en petite quantité, aussi-bien que les parties vegetales ou animales, alors la terre est blanche et stérile; et lorsque les parties sablonneuses , pierreuses ou crétacées, qui composent ces terres stériles et dénuées de limon, sont mé- lées d’une assez grande quantité de parties de végétaux ou d'animaux détruits, elles for- ment les terres noires et légères qui n’ont au- cune liaison et peu de fertilité; en sorte que, suivant les différentes combinaisons de ces trois différentes matières, du limon , des par- ties d'animaux et de végétaux, et des parti- cules de sable et de pierre, les terres sont plus ou moins fécondés et différemment colo- rées. Nous expliquerons en détail, dans notre discours sur les végétaux, tout ce qui a rap- _ port à la nature et à la qualité des différentes ss terres; mais ici nous n’avous d'autre but que celui de faire entendre comment s’est formée cette première couche qui enveloppe le globe, et qui provient du limon des eaux. Pour fixer les idées, prenons le premier ro THÉORIE terrain qui se présente , et dans lequel on a SL | creusé assez profondément; par exemple, le terrain de Marly-la-Ville, où les puits sont très-profonds : c’est un pays élevé, mais plat et fertile, dont les couches de terre sont ar= rangées horizontalement. J'ai fait venir des échantillons de toutes ces couches, que M. Da- libard, habile botaniste, et versé d’ailleurs dans toutes les parties des sciences, a bien voulu faire prendre sous ses yeux ; et après avoir éprouvé toutes ces matières à l'eau- forte , j'en ai dressé la table suivante. État des différens lits de terre qui se trouvent a Marly-la-Ville, jusqu’à cent pieds de profondeur *. LE Terre franche rougeñtre, mêlée de beaucoup de Jimon , d'une très-petiie quantité de sable vitriñable, et d’une quantité un peu plus con- sidérable de sable calciniable, que pieds pouces. j'appelle Pt RAM 2 au 13 o * La fouille a été faite pour un puits, dans un terrain qui appartient actuellement à M. de Pommery, \ DE LA TERRE. IE MER pieds pouces. mr ou SN Mar at Te o IT Terre franche ou limon mêlé de plus de gravier et d’un peu plus de Se virihable. . : . 5, 1... 2 6 ERL Limon mêlé de sable vitrifiable en assez grande quantité, et qui ne fai- soit que très-peu d’effervescence avec 2). jte I V. Marne dure qui faisoir une grande effervescence avec l’eau forte. . ,.. 2 Y. Pierre marneuse assez dure . . . . 4 LES À Marne en poudre , mêlée de sable Re D ob V:I I: à Sable très-fin vitrifiable, : . : .. 7 6 ÉTRIDROERr, Dre à 0 0 UD D. 12 | ee ON pieds poucesé | De lautre-part.: en 4 0 800200 VII I. | Marne en terre, mêlée d’un peu.de RS. sable vitrifable. eo" w& © pe Le D! D70 to 6 3 6 nr ( 5 à Marne dure dans laquelle on trouve du vrai caillou qui est de la pierre à | fusil parfaite «. ........... 3 6 X. Gravier ou poussière de marne... 1 X I. Églantine , pierre de la duretéet du grain du marbre, et quiestsonnante 7 6 x IT. Gravier marneux. . «ee I 6 XIII. Marne en pierre dure, dont le grain est fort fin ............++ 7 6 LEVÉ | Marne en pierre, dont le grain west pas sifin..........ses 7 6 ee ces nm Profondeur « «+. « « «+. 40 pe DE L'ACT'ER KR EF. 13 ee, LE .W pieds pouces. à Cï-contre . s ‘»_ elle le lei e etlarie 45 (e2 LIN Marne encore plus grenue et plus Re ln OUR EN JET ne 2 6 JOUE, Séble vitrifiable très-fin, inêl£ de coquilles de mer fossiles, qui n’ont au- cune adhérence avec le sable, et qui ont encore leurs couleurs et leurs Vernis naëurels : .: 2: 13:20 x 6 IX VIT Gravier tres-menu, ou poussière Due de arnest) LME AN 2e Av 4 MVElE Marne en pierre dure... -.... 3 6 EL Marne en poudre assez grossière. r 6 X: X: Pierre dure et calcinable comme Us DE SNS TE Prpigudents : -°. d'ohousie 01107 De 2 PA LM * d'pu AN x4 THÉORIE | pieds pouces, | De l'autre part. ...... 57 o X XI. "Sable gris, vitrifiable, mêlé de co- quilles fossiles, et sur-tout de beau— coup d'huîtres et de spondyles, qui n’ont aucune adhérence avec le sable, et qui ne sont nullement pétrifiés . . 3 À D LL Sable blanc, vitrifiable, mêlé des mêmes coquilles . ee. ce 4 à 4102 X Z E EL. Sable rayé de rouge et de blanc, vitrifiable, et mêlé des mêmes co- . quilles . D, e8 1e. CRI. HN PL D EL TeT TT . © 4 X X I V. Sable plus gros, mais toujours vi- triable , et mêlé des mêmes co- quilles "à, TOUS £ CR OL | AY. Sable gris, fin, vitrifiable, et mêlé des mêmes coquilles. ........ 6 6 Profondeur. : + +‘. ° « 72p. 6p- À ÿ L s à 1 DE LA TERRE. 15 | | pieds pouces. Bones SNS LE maUTtre AMNME. Sable gras, très-fin, où iln'y a plus que quelques coquilles . . . . 4 3 LENAL EN DU ea IX VNFTT Sable vitrifiable, rayé de rouge et 7e à SUN 6 X X I X. Sable blanc, vitrifable . .. . .. 3 6 | X X X. Sable vitrifiable, rougeâtre 7188 CR 7 RER EN | 101 picds. Profondeur où l’on a cessé de creuser « eo J'ai dit que j'avois éprouvé toutes ces ma- tières à l’eau-forte, parce que quand l’ins- pection et la comparaison des matières avec d’autres qu'on connoit, ne suffisent pas pour qu'on soit en état de les dénommer, et de les ranger dans la classe à laquelle elles appar- tiennent, et qu’on a peine à se décider par la 16 THÉORIE simple observation, il n'y a pas de moyen plus prompt, et peut-être plus sûr, que d’é- prouver avec l’eau-forte les matières terreuses ou lapidifiques : celles que les esprits acides dissolvent sur-le-champ avec chaleur et'ébul- lition, sont ordinairement calcinables ; celles au contraire qui résistent à ces esprits, etsur lesquelles ils ne font aucune impression, sont vitrifiables. On voit par cette énumération , que le ter- rain de Marly-la-Ville a été autrefois un fond de mer qui s’est élevé au moins de 75 pieds, puisqu'on trouve des coquilles à cette pro- fondeur de 75 pieds. Ces coquilles ont été transportées par le mouvement des eaux en même temps que le sable où on les trouve; ét le tout est tombé en forme de sédimens qui se sont arrangés de niveau, et qui ont produit les différentes couches de sable gris, blanc, rayé de blanc et de rouge, etc. dont l'épaisseur totale est de 15 ou 18 pieds : toutes les autres couches supérieures jusqu’à la pre- mière, ont été de même transportées par le mouvement des eaux de la mer, et déposées en forme de sédimens, comme on ne peut en douter, tant à cause de la situation hori- DE LA TERRE. 17 gontale des couches, qu'à cause des différens hits de sable mêlé de coquilles, et de ceux de marne, qui ne sont que des débris, ou plutôt des detrimens de coquilles ; la dernière couche elle-même a été formée presque en entier par le limon dont nous avons parlé, qui s’est mêlé avec une partie de la marne qui étoit à la surface. . J'ai choisi cet exemple comme le plus désa- vantageux à notre explication, parce qu’il paroit d'abord fort difficile de concevoir que le limon de l'air et celui des pluies et des rosées aient pu produire une couche de terre franche épaisse de 13 pieds : mais on doit ob- server d’abord qu’il est très-rare de trouver, sur-tout dans les pays un peu élevés, une épaisseur de terre labourable aussi considé- rable ; ordinairement les terres ont trois ou quatre pieds, et souvent elles n’ont pas un pied d'épaisseur. Dans les plaines environ- nées de collines, cette épaisseur de bonne terre est plus grande , parce que les pluies detächent les terres de ces collines, et les en- trainent dans. les vallées; mais en ne suppo- sant 1c1 rien de tout cela, je vois que les der- nières couches formées par les eaux de Ia 2 18 THÉORIE mer, sont des lits de marne fort épais : il est naturel d'imaginer que cette marne avoit au commencement une épaisseur encore plus grande, et que des 13 pieds qui composent l'épaisseur de la couche supérieure, il y en avoit plusieurs de marne lorsque la mer a abandonné ce pays et a laissé le terrain à dé- couvert. Cette marne, exposée à l'air, se sera fondue par les pluies; l’action de l’air et de la chaleur du Soleil y aura produit des ger- çures , de petites fentes, et elle aura éte alté- rée par toutes ces causes extérieures , au point de devenir une matière divisée et réduite en poussière à la surface, comme nous voyons la marne que nous tirons de la carrière, tom- ber en poudre lorsqu'on la laisse exposée aux injures de l'air : la mer n’aura pas quitté ce terrain si brusquement qu’elle ne l’ait encore recouvert quelquefois, soit par les alterna- tives du mouvement des marées, soit par l’eiévation extraordinaire des eaux dans les gros temps, et elle aura mêlé avec cette couche de marne, de la vase, de la boue et d’autres matières limoneuses ; lorsque le ter- rain se sera enfin trouvé tout-à-fait élevé au- dessus des eaux, Les plantes auront commencé DELA TÉRRE. 19 ày croître, et c’est alors que le limon des pluies et des rosées aura peu à peu coloré et pénétré cette terre, et lui aura donné un premier degré de fertilité, que les hommes au- ront bientôt augmenté par la culture, en travaillant et divisant la surface, et donnant ainsi au limon des rosées et des pluies la facilité de pénétrer plus avant; ce qui à la fin aura produit cette couche de terre franche de 13 pieds d’epaisseur. - Je n’examinerai point ici si la couleur rougeätre des terres végétales, qui est aussi celle du limon de la rosée et des pluies, ne vient pas du fer qui y est contenu; ce point, qui ne laisse pas d’être important, sera dis- cuté dans notre discours sur les minéraux: il nous suffit d’avoir exposé notre façon de concevoir la formation de la couche superfi- cielle de la Terre; et nous allons prouver par d’autres exemples , que la formation des cou- ches intérieures ne peut être que l'ouvrage des eaux. La surface du globe, dit Woodward, cette couche extérieure sur laquelle les hommes et les animaux marchent, qui sert de magasin pour la formation des végétaux et des ani- t.: 1 20 THÉORIE maux, est, pour la plus grande partie, com« posée de matière végétale ou animale, qui est dans un mouvement et dans un changement continuel. Tous les animaux et les vésétaux qui ont existé depuis la création du monde, ont toujours tiré successivement de cette cou- che la matière qui a composé leur corps, et ils lui ont rendu à leur mort cette matière empruntée: elle y reste, toujours prête à être reprise de nouveau, et à servir pour former d’autres corps de la même espèce, successi- vement sans jamais distontinuer; car la ma- tière qui compose un corps, est propre et naturellement disposée pour en former un autre de cette espèce *. Dans les pays inha- bites, dans les lieux où on ne coupe pas les bois , où les animaux ne broutent pas les plantes, cette couche de terre végétale s’aug- mente assez considérablement avec le temps; dans tous les bois, et même dans ceux qu’on coupe, il y a une couche de terreau de 6 ou 8 pouces d'épaisseur, qui n’a été formée que par les feuilles, les petites branches et les écorces qui se sont pourries. Jai souvent “ Voyez Essai sur l'histoire naturelle, etc. page 136. DE LA TERRE. 27 observé sur un ancien grand chemin fait » dit-on , du temps des Romains, qui traverse la Bourgogne dans une longue étendue de terrain , qu’il s’est formé sur les pierres dont ce grand chemin est construit, une couche de terre noire de plus d’un pied d'épaisseur, qui nourrit actuellement des arbres d’une hauteur assez considérable; et cette couche n’est composée que d’un terreau noir, formé par les feuilles , Les écorces et les bois pourris. Comme les végétaux tirent pour leur nour- riture beaucoup plus de substance de l’air et de l’eau qu'ils n’en tirent de la terre, ïl arrive qu'en pourrissant ils rendent à la terre plus qu'ils n’en ont tiré. D'ailleurs une fo- rèt détermine les eaux de la pluie en arré- tant les vapeurs : ainsi dans un bois qu’on conserveroit bien long-temps sans y toucher, la couche de terre qui sert à la végétation, augmenteroit considérablement. Mais les animaux rendant moins à la terre qu'ils n’en tirent , et les hommes faisant des consomma- tions énormes de bois et de plantes pour le feu et pour d’autres usages , il s’éensuit que la couche de terre végétale d’un pays habité doit toujours diminuer et devenir enfin comme FT | k 22 THÉORIE le terrain de l'Arabie pétrée, et comme celui de tant d’autres provinces de l'Orient, qui est en effet le climat le plus anciennement habité, où l’on ne trouve que du sel et des sables; car le sel fixe des plantes et des ani— maux reste, tandis que toutes les autres par- ties se volatilisent. n Après avoir parlé de cette couche de terre extérieure que nous cultivons, il faut exa— miner la position et la formation des couches intérieures. La terre, dit Woodward, paroît, en quelque endroit qu'on la creuse, compo- sée de couches placées l’une sur l’autre, comme autant de sédimens qui seroient tom- bés successivement au fond de l’eau : les couches qui sont les plus enfoncées, sont or- dinairement les plus épaisses; et celles qui sont sur celles-ci, sont les plus minces par degrés jusqu’à la surface. On trouve des co- quilles de mer, des dents, des os de poissons, dans ces differentes couches ; ils’en trouve non seulement dans les couches molles, comme dans la craie, l’argille et la marne, mais même dans les couches les plus solides et les plus dures, comme dans celles de pierre, de marbre, etc. Ces productions marines sont DE LA TERRE. 23 incorporées avec la pierre; et lorsqu'on la rompt et qu’on en sépare la coquille, on ob- serve toujours que la pierre a reçu l'empreinte ou la forme de la surface avec tant d’exacti- tude , qu'on voit que toutes les parties étoient exactement contigués et appliquées à la co- quille. «Je me suis assuré, dit cet auteur, « qu'en France, en Flanare , en Hollande, en « Espagne, en Italie, en Allemagne, en Da- «nemarck , en Norvége et en Suède, la pierre «et les autres substances terrestres sont dis-, «posées par couches, de même qu’en Angle- « terre; que ces couches sont divisées par des « fentes parallèles; qu’il y a au dedans des « pierres et des autres substances terrestres et « compactes , une grande quantité de coquil- « lages, et d’autres productions de la mer, -« disposées de la même manière quedans cette « île *. J’ai appris que ces couches se trou- « voient de même en Barbarie, en Égypte, «en Guinée, et dans les autres parties de _«VAfrique, dans l’Arabie, le Syrie, la Perse, «le Malabar, la Chine, et lesautres provinces « de l'Asie, à la Jamaïque, aux Barbades, en « Virginie, dans la nouvelle Angleterre, au * En Angleterre, 24 THÉORIE « Bresil, au Pérou, et dans les autres parties « de l'Amérique *.» Cet auteur ne dit pas comment et par qué il a appris que les couches de la terre au Pérou contenoient des coquilles. Cependant, comme en général ses observations sonk exactes , je ne doute pas qu'il n’ait été bien informé; et c’est ce qui me persuade qu'on doit trouver des coquilles au Pérou dans les couches de terre, comme on en trouve par- tout ailleurs. Je fais cette remarque à l’occa- sion d’un doute qu’on a formé depuis peu sur cela , et dont je parlerai tout-à-l'heure. : Dans une fouille que l’on fit à Amsterdam pour faire un puits, on creusa jusqu’à 252 pieds de profondeur , et on trouva les couches de terre suivantes : 7 pieds de terre végétale ow. terre de jardin, 9 pieds de tourbe , 9: pieds de glaise molle, 8 pieds d'arène , 4 de terre , 10 d’argille, 4 de terre, 10 pieds d'arène:, sur laquelle on a coutume d'appuyer les pi lotis qui soutiennent les maisons d'Amster- dam ; ensuite 2 pieds d’argille, 4 de sablon * Essai sur l'histoire naturelle de la Terre, pages. , 4 4U5 423 ELCe DE LA TERRE. 29 blanc, 5 de terre sèche, 1 de terre molle, 14 d'arène , 8 d’argille inêlée d'arène, 4 d’a- rène mêlée de coquilles; ensuite une épais- seur de 100 et 2 pieds de glaise; et enfin 31 pieds de sable, où l’on cessa de creuser*. Il est rare qu’on fouille aussi profondé- ment sans trouver de l’eau, et ce fait est remarquable en plusieurs choses : 1°. il fait voir que l’eau de la mer ne communique pas dans l’intérieur de la Terre par voie de Hltration ou de stillation , comme on le croit vulgairement; 2°. nous voyons qu’on trouve des coquilles à 100 pieds au-dessous de la surface de la Terre, dans un pays extrême- ment bas, et que par conséquent le terrain de la Hollande a été élevé de 100 pieds par les sédimens de la mer ; 3°. on peut en tirer une induction que cette couche de plaise épaisse de 102 pieds, et la couche de sable qui est au-dessous, dans laquelle on a fouillé à 31 pieds, et dont l'épaisseur entière es£ iuconnue, ne sont peut-être pas fort éloignées de la première couche de la vraie terre an- cienne et originaire, telle qu’elle étoit dans * Voyez V'arenu Geograph. general. p age 46. 3 26 THÉORIE le temps de sa première formation, et avant que le mouvement des eaux eût changé sa surface. Nous avons dit, dans l’article pre- mier, que si l’on vouloit trouver la terre ancienne, il faudroit creuser dans les pays du Nord plutôt que vers l'équateur, dans les plaines basses plutôt que dans les montagnes ou dans les terres élevées. Ces conditions se : trouvent à peu près rassemblées ici; seule- ment il auroit éte à souhaiter qu’on eût con- tinué cette fouille à une plus grande profon- deur, et que l’auteur nous eût appris s’il n’y avoit pas de coquilles ou d’autres pro- ductions marines dans cette couche de glaise de 102 pieds d'épaisseur , et dans celle de sable qui étoit au-dessous. Cet exemple con- firme ce que nous avons dit , savoir, que plus on fouille dans l’intérieur de la Terre, plus on trouve des couches épaisses; ce qui s'explique fort naturellement dans notre théorie. Non seulement la Terre est composée de couches parallèles et horizontales dans les plaines et dans les collines; mais les mon- tagnes mêmes sont en général composées de la même façon : on peut dire que ces couches DE LA TERRE. 27 y sont plus apparentes que dans les plaines, parce que les plaines sont ordinairement recouvertes d’une quantité assez considérable de sable et de terre que les eaux y ont ame= nés ; et pour trouver les anciennes couches, il faut creuser plus profondément dans les plaines que dans les montagnes. J'ai souvent observé que lorsqu'une mon- tagne est égale, et que son sommet est de niveau , les couches ou lits de pierre: qui la composent sont aussi de niveau; mais si le sommet de la montagne n’est pas posé hori- zontalement , et s’il penche vers l'orient ou vers tout autre côté, les couches de pierre penchent aussi du même côté. J’avois ouï dire à plusieurs personnes que pour l’ordi- naire les bancs ou lits des carrières penchent un peu du côté du levant : mais ayant ob- servé moi-même toutes les carrières et toutes les chaines de rochers qui se sont présentées à mes yeux , j ai reconnu que cette opinion est fausse , et que les couches ou bancs de pierre ne penchent du côté du levant que lorsque le sommet de la colline penche de ce même côté ; et qu'au contraire, si lesommet s abaisse du côté du nord, du midi, du cou- "17 28 THÉORIE chant ou de tout autre côte, les lits de pierre penchent aussi du côté du nord, du midi, du couchant, etc. Lorsqu'on tire les pierres et les marbres des carrières , on a grand soin de les séparer suivant leur position na-— turelle, et on ne pourroit pas même les avoir en grand volume si on vouloit les cou- per dans un autre sens : lorsqu'on les em- ploie, il faut, pour que la maçonnerie soit bonne , et pour que les pierres durent long— temps, les poser sur leur /;f de carrière (c’est ainsi que les ouvriers appellent la couche horizontale). Si, dans la maçonnerie, les pierres étoient posées sur un autre sens, elles se fendroient et ne résisteroient pas aussi long-temps au poids dont elles sont chargées. On voit bien que ceci confirme que les pierres se sont formées par couches parallèles et ho- rizontales, qui se sont successivement accu- mulées les unes sur les autres, et que ces’ couches ont composé des inasses dont la résis- tance est plus grande dans ce sens que dans tout autre. Au reste, chaque couche, soit qu’elle soit horizontale ou inclinée, a, dans toute son étendue , une épaisseur égale ; c'est-à-dire, 4 DA LA (TRNAE | 234 chaque lit d’une matière quelconque , pris à part, a une épaisseur égale dans toute son étendue : par exemple , lorsque, dans une carrière, le lit de pierre dure a 3 pieds d’é- aisseur en un endroit , il a ces 3 pieds d’é- ; P paisseur par-tout ; s’il a 6 pieds d'épaisseur | 1 é en un endroit ; il en a 6 par-tout. Dans les carrières autour de Paris, le lit de bonne pierre n'est pas épais, et il n’a guère que 18 à 20 pouces d'épaisseur par-tout ; dans d'autres carrières, comme en Bourgogne, la pierre a beaucoup plus d'épaisseur. Il en est de mème des marbres : ceux dont le lit est le plus épais sont les marbres blancs et noirs, ceux de couleur sont ordinairement plus minces ; et je connois des lits d’une pierre fort dure, et dont les paysans se servent em Bourgogne pour couvrir leurs maisons , qui n'ont qu'un pouce d'épaisseur. Les épaisseurs des différens lits sont donc différentes ; mais chaque lit conserve la même épaisseur dans toute son étendue. En général, on peut dire que l'épaisseur des couches horizontales est tellement variée, qu'elle va depuis une ligne et moins encore, jusqu'à 1,10, 20; 30 et 100 pieds d'épaisseur. Les carrières d 30 THÉORIE : +. afñiciennes et nouvelles qui sont creusées ho» rizontalement, les boyaux des mines, et les coupes à plomb, en long et en travers, de plusieurs montagnes , prouvent qu'il y æ des couches qui ont beaucoup d’étendue-en tout sens. «Il est bien prouvé, dit l’histo— «rien de l'académie, que toutes les pierres «ont été une pâte molle; et comme il y a « des carrières presque par-tout, la surface _ « de la terre a donc été dans tous ces lieux , « du moins jusqu'à une certaine profondeur ; - «une vase et une bourbe. Les coquillages « qui se trouvent dans presque toutes les car- «xrières, prouvent que cette vase étoit une « terre détrempée par l’eau de la mer; et par « conséquent la mer a couvert tous ces lieux- « là, et elle n’a pu les couvrir sans couvrir « aussi tout ce qui étoit de niveau ou plus bas, «et elle n’a pu couvrir tousles lieux où ily a « des carrières, et tous ceux qui sont de ni- « veau ou plus bas, sans couvrir toute la sur- « face du globe terrestre. Ici l'on ne considère « point encore les montagnes, que la mer « auroit dû couvrir aussi, puisqu'il s’y trouve «toujours des carrières , et souvent des co- « quillages. Si on les supposoit formées, Le: DE LA TERRE. 3x «raisonnement que nous faisons en devien— «droit beaucoup plus fort. «La mer, continue-t-il, couvroit done « toute la terre; et de là vient que tous les « bancs ou lits de pierre qui sout dans les « plaines sont horizontaux et parallèles entre « eux : les poissons auront été les plus an- «ciens habitans du globe, qui ne pouvoit « encore avoir ni animaux terrestres, ni o1- « seaux. Mais comment la mer s’est-elle reti- «rée dans les grands creux, dans les vastes « bassins qu’elle occupe présentement ? Ce « qui se présente le plus naturellement à l’es- «prit, c'est que le globe de la Terre, du «moins jusqu'à une certaine profondeur, _«m’étoit pas solide par-tout , mais entremélé « de quelques grands creux dont les voûtes « se sont soutenues pendant un temps, mais «enfin sont venues à fondre subitement ; « alors les eaux seront tombées dans ces creux, « les auront remplis, et auront laissé à dé- « couvert uné partie de la surface dela’l'erre, « qui sera devenue une habitation convenable « aux animaux terrestres et aux oiseaux. Les « coquillages des carrières s'accordent fort «avec cette idée; ! è . TL me ah | 12 22: +7 ba THÉ O'ARIUE viscosum , eumdemque in sal virideConver- tendi, et hoc in oleum rubicundum , etc. Solius ignis et aquæ ope, specialiexperimento durissimos quosque lapides in mucorem resolvo , qui distillatus subiilem spiritum exhibet et oleum nullis laudibus prædi- cabile *. Nous traiterons ces matières encore plus à fond dans notre discours sur les minéraux, et nous nous contenterons d'ajouter ici que les différentes couches qui couvrent le globe terrestre , étant encore actuellement ou de matières que nous pouvons considérer comme, vitrifiées, ou de matières analogues au verre, quien ont les propriétés les plus essentielles , et qui toutes sont vitrescibles, et que d’ailleurs, comme il est évident que de là décomposi- ' 4 tion du caillou et du verre qui se faitchaque « jour sous nos yeux, il résulte une véritable … terre argilleuse, ce n’est donc pas une suppo- … sition précaire ou gratuite , que d'avancer , comme je l'ai fait, que les glaises, les arpgilles et les sables ont été formés par les scories et les écumes vitrifiées du globe terrestre , sur- > * Voyez Becher, Phys. sublars $ F  { DE LA TERRE. 53 tout lorsqu'on y joint les preuves & priori, que nous avons données pour faire voir qu’il a été dans un état de liquéfaction causée par le feu. ADDITIONS A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. Sur les couches ou lits de terre , en différens endroits. N ous avons quelques exemples des fouilles et des puits , dans lesquels on a observé les différentes natures des couches ou lits de terre jusqu’à de certaines profondeurs ; celle du puits d'Amsterdam , qui descendoit jus- qu'à 232 pieds ; celle du puits de Marly-la- Ville , jusqu'à 100 pieds ; et nous pourrions en citer plusieurs autres exemples, si les obser- 5 | je A JTE M 54 1 & À 0 MEN | vateurs étoient d'accord dans leur nomenclas ture : mais les uns appellent #a7r7e ce qui n’est en effet que de l’argille blanche ; les autresnomment cailloux des pierres calcaires arrondies ; ils donnent le nom de sable à du . gravier calcaire : au moyen de quoi lonne peut tirer aucun fruit de leurs recherches ni de leurs longs mémoires sur ces matières, parce qu’il y à par-tout incertitude sur la nature des substances dont ils parlent ; uous nous bornerons donc aux exemples sui— vans. | Un bon observateur a écrit à un de mes amis , dans les termes suivans , sur les couches de terre dans Le voisinage de Toulon : «Il existe ici, dit-il, un immense dépot « pierreux qui occupe toute la pente de la «chaine de montagnes que nous avons au «nord de la ville de Toulon, qui s'étend « dans la vallée au levant et au couchant, « dont une partie forme le sol de la vallée «et va se perdre dans la mer ; cette matière « lapidifique est appelée vulgairement safre , «et c’est proprement ce tuf que les natura— «listes appellent 7zarva tofacea fistulosa. « M. Guettard m'a demandé des éclaircisse- DE L À. (TE R:R E. h5, « mens sur ce saËre pour en faire usage dans | æses memoires , et quelques morceaux de | &æcette matière pour la connoître. Je lui ai «envoyé les uns et les autres : et je crois r qu'il en a eté content, car il m'en a remer- lccié ; il vient même de me marquer qu'il « da en Provence et à Toulon au men cement détnar: JS US UN à « Quoi qu'il en soit, M. Guettard n'aura «rien de nouveau à dire sur ce dépôt : car « M. de Buffon a tout dit à ce sujet dans « son premier volume de l’Æistoire natu- « relle, à l'article des Preuves de la Théorie « de la Terre; et il semble qu'en faisant cet « article , il avoit sous les yeux les mon- « tagnes de Toulon et leur croupe. « A la naissance de cette croupe, qui est « d’un tuf plus ou moins dur , on trouve « dans de petites cavités du noyau de la «montagne , quelques mines de très-beau « sable , qui sont probablement ces pelottes « dont parle M. de Buffon. En cassant en « d'autres endroits la superficie du noyau, « nous trouvons en abondance des coquilles .« de mer incorporées avec la pierre. . . « J'ai plusieurs de ces coquilles, dont l’émail OR REA 56 (THÉORIE » est assez bien conservé : je les el « quelque jour à M. de Buffon *,» M Guettard, qui a fait pe lui-même plus Di ” d'observations en ce genré qu'aucun autre Da turaliste, s'exprime pre les termes suivans en parlant des montagnes qui environnent Paris: « au plus que de deux ou trois pieds, est placé « un banc de sable, qui a depuis quatre et six « pieds jusqu’à vingt pieds , et souventmême «jusqu'à trente de hauteur : ce banc est com- «inunément rempli de pierres de la nature « de la piérre meulière... : Il y a des cantons «où l’on rencontre, dans ce banc sableux, « des masses de grès isolées. _« Au-dessous de ce sable, on trouve un tuf « qui peut avoir depuis dix ou douze jusqu'à « trente, quarante et même cinquaute pieds. « Ce tuf n’est cependant pas communément « d’une seule épaisseur ; 11 est assez souvent « coupé par différens lits de fausse marne, de « marne glaiseuse, de cos, que les ouvriers « appellent #ripoli, ou de bonne marne, ef * Lettre de M. de Boissy à M. Guenaud de Mont. beillard. Toulon, 16 april 1772 o nt « Après la terre labourable, qui n’est tout LS DE LA TERRE. 57 «même de petits bancs de pierres assez dures. « Sous ce banc de tuf commencent ceux qui « donnent la pierre à bâtir. Ces banes varient « par la hauteur; ils n’ont guère d’abord qu'un « pied. Il s’en trouve dans da cantons trois où « quatre au-dessus l’un de l’autre : ils en préce- « dent un qui peut être d'environ dix pieds, et « dont les surfaces et l’intérieur sont parsemés « de noyaux ou d'empreintes de coquilles ; il « est suivi d'un autre qui peut avoir quatre « pieds ; il porte sur un de sept à huit, ou « plutôt sur deux de trois ou quatre. Après « ces bancs, il y en a plusieurs autres qui sont « petits, et qui peuvent former en tout un « massif de trois toises au moins; ce massif « est suivi des glaises , avant lesquelles cepen- « dant on perce un lit de sable. « Ce sable est rougeûtre et terreux : il a d’e- « paisseur deux, deux et demi et trois pieds ; « il est noyé d’eau; il a après lui un banc de « fausse glaise bleuâtre, c’est-à-dire d’une « terre glaiseuse mélée de sable : l'épaisseur « de ce banc peut avoir deux pieds; celui qui « Le suit est au moins de cinq, et d’une glaise « noire , lisse, dont les cassures sont brillantes. « presque comme du jayet; et enfin cette PRES « glaise noire est suivie de la glaise b eu d « forme un banc de cinq à six pieds d’ép: «seur. Dans ces differentes glaises, on tro M4 « des pires blanchätres un jaune pâle « de pénétrer Je avant..... « Le terrain des carrières du canton de « Moxouris au haut du fauxbourg Saint-Mar- « ceau, est disposé de la manière suivante: pieds pouces. Li 10. La terre labourable, d’un pied d'épaisseur & + «shit sie eee UE o 2°, Le tu!, deux toises ... ..... 12 ñ 3°. Le sable, deux à trois toises . .« 19 # 4°. Des terres jaunâires, deux toises 12 (0 bo, Le tripoli, ’est-à-dire desterres # - blanches, grasses, fermes, qui se 1 durcissent au soleil, et qui mar- ; quent comme la craie, de quatre ra à Cinq. loiseée 2 2 Reel SR et { 6°. Du calloutage ou iélange de "ti sable gras, de deux toises . . ... 12 { 7°. De la roche ou rochette, depuis À uu pied jusqu'à deux. ....., 2. Ÿ OU ne. DE LA TERRE. 59 ; pieds pouces. ue a 187 8°. Une espèce de bas appareil ou e qui a peu de hauteur, d’un pied D aides Loue de. ul 02 9°. Deux motes de banc blanc, de chacune six, sept à huit pouces. x xo°. Le souchet, de dix-huit pouces jusqu’à vingt, en y comprenant nn ee à 43 mie aid + LE 6 ri°. Le banc franc, depuis quinze, ; dix-buit, jusqu’à irente pouces I 6 120. Le hais-ferault, de dix à douze 12 POMPES EPA 13°. Le banc verd , d’un pied jusqu’à on aeein ui à 6 x4°. Les lambourdes , qui forment deux bancs, un de dix-huit pouces, et l’autre de Ceux pieds ...... 3 6 15°. Plusieurs petits bancs de lam- bourdes bätardes, ou moins bon- nes que les lambourdes ci-dessus ; ils précèdent la nappe d’eau ordi- paire des puits : cette nappe est celle que ceux qui fouillent la terre à pots, sont obligés de passer pour SU ré | 99 ï NS: AL A 60 THÉOREE De l'autre part ....... 99 tirer cette terre ou glaise à poterie, laquelle est entre deux eaux , c’est + à-dire entre cette nappe dont Je viens de parler. .... et une autre beaucoup plus considérable, qui est au-dessous. En tout... eut RTS 99 Au reste, je ne rapporte cet exemple que faute d’autres; car on voit combien il laisse d’incertitudes sur la nature des différentes terres. On ne peut donc trop exhorter les observateurs à désigner plus exactement la . nature des matières dont ils parlent, et de distinguer au moins celles qui sont vitres-. cibles ou calcaires comme dans l'exemple suivant. Le sol de la Lorraine est partagé en deux à grandes zones toutes différentes et bien dis- tinctes : l’orientale, que couvre la chaîne des Vosges, montagnes primitives, toutes composées de matières vitrifiables et crystal- lisées , granits, porphyres, jaspes et quartz , | jetés par blocs et par grouppes, et non parlits et par couches. Dans toute cette chaîne, on Le DE LA TERRE. Gt ne trouve pas le moindre vestige de produc- tions marines , et les collines qui en dérivent sont de sable vitrifiable. Quandelles finissent, et sur une lisière suivie dans toute la ligne de leur chûte, commence l’autre zone toute calcaire , toute en couches horizontales, toute remplie ou plutôt formée de corps marins *. Les bancs et Les lits de terre du Pérou sont parfaitement horizontaux, et se répondent quelquefois de fort loin dans les différentes } montagnes : la plupart de ces montagnes ont deux ou trois cents toises de hauteur, et elles sont presque toujours inaccessibles ; elles sont souvent escarpées comme des murailles , et c'est ce qui permet de voir leurs lits hori- zontaux , dont ces escarpemens présentent extrémité. Lorsque le hasard a voulu que quelqu’une füt ronde, et qu’elle se trouve ab- solument détachée des autres, chacun de ces lits est devenu comme un cylindre très-plat et comme un cône tronqué, qui n'a que très- peu de hauteur; et ces différens lits placés les uns au-dessous des autres, et distingués * Note communiquée à M. de Buffon par M. abbé Bexon, le 15 mars 1777. 6 nn PRE NEO TENE : 1 x ù 62 THÉORIE par leur couleur et par les divers talus dé leur contour, ont souvent donné au tout la forme d’un ouvrage artificiel et fait avec la plus grande régularité. On voit dans ces pays- là les montagnes y prendre continuellement l'aspect d'anciens et somptueux édifices, de chapelles, de châteaux, de dômes. Ce sont quelquefois des fortifications formées, de longues courtines munies de boulevards. IL est diflicile, en distinguant tous ces objets et la manière dont leurs couches se répondent, de douter que le terrain ne se soit abaissé tout autour; il parojit que ces montagnes dont la base étoit plus solidement appuyée, sont res- tées comme des espèces de temoins et des mo- numens qui indiquent la hauteur qu'avoit anciennement le sol de ces contrées. La montagne des Oiseaux, appelée en arabe Gebelleir, est si égale du haut en bas l’espace d’une demi-lieue, qu'elle semble plutôt un mur régulier bâti par la main des hommes, que non pas un rocher fait ainsi par la na- ture. Le Nil la touche par un très-long espace, et elle est éloignée de quatre journées et de" mie du Caire, dans l'Égypte supérieure. Je puis ajouter à ces observations une re— CT. "DB LA TERRE.) 63 marque faite par la plupart des voyageurs : c’est que dans les Arabies le terrain est d'une nature très-differente; la partie la plus voi- sine du mont Liban n'offre que des rochers tranchés et culbutés , et c’est ce qu’on appelle l'Arabie pétrée. C’est de cette contrée, dont les sables ont été enlevés par le mouvement des eaux, que s’est formé le terrain stérile de l'Arabie déserte; tandis que les limons plus légers et toutes les bonnes terres ont été por- tés plus loin dans la partie que l’on appelle l’ {rabie heureuse. Au reste, les revers dans l'Arabie heureuse sont, comme par-tout ail- leurs, plus escarpés vers la mer d'Afrique, c'est-à-dire vers l’occident, que vers la mer Rouge, ape est à l’orient. HUE Sur la roche intérieure du globe. J'ai dit, page 40, que, dans les collines et dans les autres élévations, on reconnoft faci- lement la base sur laquelle portent les rochers; mais qu'il n'en est pas de méme des grandes montagnes; que non seulernent leur sommes _ 6) , NTHEÉOMEE est de roc vif, de granit, etc. mais que ces rochers portent sur d’autres rochers, à des pro- Jondeurs si considérables et dans une si grande étendue de terrain, qu’on ne peut guère S’as- surer s’il y a de la terre dessous, et de quelle nature est cette terre. On voit des rochers cou- pés à pic qui ont plusieurs centaines de pieds de hauteur; ces rochers portent sur d’autres qui peut-étre n’en ont pas moins. Cependant ne peut-on pas conclure du petit au grand? ef puisque les rochers des petites montagnes dont on voit la base, portent sur des terres moins pesantes et moins solides que la pierre, ne peut-on pas croire que la base des hautes mon- tagnes est aussi de terre? J'avoue que cette conjecture , tirée del'ana- logie, w’étoit pas assez fondée ; depuis trente- quatre ans que cela est écrit, j’ai acquis des , connoissances et recueilli des faits qui m'ont démontréque les grandes montagnes, compo- sées de matières vitrescibles et produites par l’action du feu primitif, tiennent immédia- . tement à la roche intérieure du globe, la- quelle est elle-même un roc vitreux de la mème nature: ces grandes montagnes en font partie, et ne sont que les prolongenrens ou Pr" \ DE LA TERRE. 65 eminences qui se sont formées à la surface du globe dans le temps de sa consolidation ; on doit donc les regarder comme des parties constitutives de la première masse dela Terre, au lieu que les collines et les petites mon- tagnes qui portent sur des argilles , ou sur des sables vitrescibles, ont été formées par un autre élément, c’est-à-dire par le mouvement et le sédiment des eaux dans un temps bien postérieur à celui de la formation des grandes montagnes produites par le feu primitif*. C'est dans ces pointes ou parties saillantes. qui forment le noyau des montagnes, que se trouvent les filons des métaux: et ces mon- tagnes ne sont pas les plus hautes de toutes, quoiqu'il y en ait de fort élevées qui contien-— nent des mines; mais la plupart de celles où * L'intérieur des différentes montagnes primitives que j'ai pénétrées par les puitset galeries dés mines, à des profondeurs considérables de douze et quinze cents pieds, est par-tout composé de roc vif vitreux, dans lequel 1l se trouve de légères anfractuosités irrégulières , d’où il sort de l’eau, des dissolutions vitrioliques et métalliques ; en sorte que l’on peut conclure que tout le noyau de ces montagnes est un roc vif adhérant à la masse primitive du globe, M 66 CT HÉ O'RE NN NN on les trouve, sont d'une hauteur po et toutes sont arrangées uniformément, c’est- à-dire par des élévations insensibles qui tien- nent à une chaîne de montagnes considerable , et qui sont coupées de temps en temps par des vallées. | Û IIL Sur la vitrification des matières calcaires. J'ai dit, page 47, que les matières calcaires sont les seules qu'aucun feu connu n’a pu jusqu’à présent vitrifier, et Les seules qui sem- blent, à cet égard, faire classe à part, toutes. les autres matières du globe pouvant étre ré- duites en verre. | Je n’avois pas fait alors les expériences par quoique l’on voie sur leur flanc , du côté des vallées, des masses de terre argilleuse, des bancs de pierres calcaires, à des hauteurs assez considérables : mais ces masses d’argille et ces bancs calcaires sont des résidus du remblai des concaviiés de la Terre, dans lesquelles les eaux ont creusé les-vallées , et qui sont de la seconde époque de la nature. (Note communi- quée par M. de Grignon à M. de Buffon, le @ août 1777) DE LA TERRE. 67 lesquelles je me suis assuré, depuis, que les matières calcaires peuvent, comme toutes les autres, être réduites en verre; il ne faut en effet pour cela qu’un feu plus violent que celui de nos fourneaux ordinaires. On reduit la pierre calcaire en verre au foyer d’un bon miroir ardent: d'ailleurs M. d’'Arcet, savant chimiste, a fondu du spath calcaire, sans ad- dition d'aucune autrematière , aux fourneaux à faire de la porcelaine de M. le comte de Lauragais : mais ces opérations ont éle faites que plusieurs années après la publica- tion de ma Téorie de la Terre. On savoit seulement que dans les hauts fourneaux qui servent à fondre la mine de fer, le laitier spumeux, blanc et léger, semblable à de la pierre ponce, qui sort de ces fourneaux lors- qu'ils sont trop échaufiés, n’est qu’une ma- tière vitrée qui provient de la castine ou ma- tière calcaire qu’on jette au fourneau pour aider à la fusion de la mine de fer : la seule différence qu'il y ait à l'égard de la vitrifica- tion entre les matières calcaires et les ma- tières vitrescibles , c'est que celles-ci sont im- médiatement vitrifiées par la violente action du feu, au lieu que les matières calcaires 68 THÉORIE DE LA TERRE. passent par l’état de calcination et forment de la chaux avant de se vitrifier; mais elles se vitrifient comme les autres, même au feu de nos fourneaux, dès qu’on les mêle avec des matières vitrescibles, sur-tout avec celles qui, comme l’aubuë, ou terre limoneuse, coulent le plus aisément au feu. On peut donc assurer, sans craindre de se tromper, que généralement toutes les matières du globe peuvent retourner à leur première origine em se réduisant ultérieurement en verre , pourvu qu'on leur administre le degré de feu néces- saire à leur vitrification. } PREUVES DE L A THÉORIE DE LA TERRE. ARTE LE V ETE Sur les coquilles et les autres productions de la mer, qu’on trouve dans l’intérieur de la Terre. J ’A1 souvent examiné des carrières du haut en bas, dont les bancs étoient remplis de coquilles ; j'ai vu des collines entières qui en sont composées , des chaînes de rochers qui en contiennent une grande quantité dans toute leur étendue. Le volume de ces pro- ductions de la mer est étonnant, et le nombre de ces dépouilles d'animaux marins est si no L:THÉORÆES SCENE prodigieux, qu’il n’est guère possible d’ima- giner qu'il puisse y en avoir davantage dans » la mer. C’est en considérant cette multitude innombrable de coquilles et d’autres produc- tions marines, qu'on ne peut pas douter que notre Terre n'ait éte, pendant un très-long- temps, un fond de mer peuplé d'autant de coquillages que l’est actuellement l'océan : la quantité en est immense, et naturellement on n'imagineroit pas qu’il y eût dans la mer une multitude aussi grande de ces animaux; ce n’est que par celle des coquilles fossiles et pétrifiées qu’on trouve sur la Terre, que nous pouvons en avoir une idée. En effet, il ne faut pas croire, comme se l’imaginent tous les gens qui veulent raisonner sur cela sais avoir rien VU, qu'on ne trouve ces Co— quilles que par hasard, qu’elles sont disper- sées çà et là, ou tout au plus par petits tas, comme des coquilles d’huiîtres jetées à la porte : c’est par montagnes qu'on les trouve, c'est par bancs de 100 et de 200 lieues de longueur; c’est par collines et par provinces qu’il faut Les toiser, souvent dans une épais _seur de 5o ou 60 pieds, et c’est d’après ces faits qu’il faut raisonner. De LA TERRE. de Nous ne pouvons donner sur ce sujet un exemple plus frappant que celui des coquilles de Touraine : voici ce qu’en dit l'historien de l’académie * : « Dans tous les siècles assez « peu éclairés et assez depourvus du génie « d'observation et de recherche, pour croire «que tout ce qu'on appelle aujourd'hut « pierres figurées, et les coquillages même « trouvés dans la terre, étoient des jeux dé « la nature, ou quelques petits accidens par-— « ticuliers, le hasard a dû mettre au jour une « infinité de ces sortes de curiosites , que les « philosophes mêmes, si c’étoient des philo- « sophes , ne regardoient qu'avec une sur— « prise ignorante ou une légère attention ; « et tout cela périssoit sans aucun fruit pour « le progrès des connoissances. Un potier de «terre, qui ne savoit ni latin ni grec, fut « le premier, vers.la fin du seizième siècle, « qui osa dire dans Paris, et à la face de tous «les docteurs , que les coquilles fossiles « étoient de veritables coquilles déposées au- « trefois par la mer dans les lieux où elles « se trouvoient alors; que des animaux, et * Année 1920, page B et suiv. m2 THÉORIE « sur-fout des poissons, avoient donné aux «pierres figurées toutes leurs différentes « figures , etc.; et il défia hardiment toute « l’école d’Aristote d'attaquer ses preuves : « c’est Bernard Palissy, Saintongeois, aussi «grand physicien que la nature seule en « puisse former un : cependant son système «a dormi près de cent ans, et le nom même «de l’auteur est presque mort. Enfin les « idées de Palissy se sont réveillées dans l’es- «prit de plusieurs savans; elles ont fait la « fortune qu’elles méritoient ; on a profité « de toutes Les coquilles, de toutes les pierres « figurées que la Terre a fournies : peut-être « seulement sont-elles devenues aujourd’hui « trop communes ; et les conséquences qu’on «en tire, sont en danger d’être bientôt trop « incontestables. « Malgré cela, ce doit être encore une chose «étonnante que le sujet des observations « présentes de M. de Réaumur, une masse «de 130,680,000 toises cubiques , enfouie «sous terre, qui n'est qu un amas de co-— « quilles, ou de fragmens de coquilles, sans «nul mélange de matière étrangère , ni « pierre, ni terre, ni sable : jamais, jusqu à — DAT A CPRMRME : ( 3 «présent, les coquilles fossiles n’ont paru « en cette énorme quantité, et jamais, quoi- «qu’en une quantité beaucoup moindre , « elles n’ont paru sans mélange. C’est en « Touraine que se trouve ce prodigieux amas « à plus de 36 lieues de la mer : on l'y con- « noit , parce que les paysans de ce canton « se servent de ces coquilles qu'ils tirent de «terre, comme de marne, pour fertiliser « leursécampagnes , qui sans cela seroient « absolument stériles. Nous laissons expli- « quer à M. de Réaumur comment ce moyen « assez particulier, et en apparence assez « bizarre , leur reussit; nous nous renfer- « mons dans la Re de ce grand tas de { « rognilie, « Ce qu on tire de terre, et qui ordinaire- « ment u’y est pas à plus de 8 ou 9 pieds de « profondeur , ce ne sont que de petits frag- «imnens de coquilles très - reconnoissables « pour en être des fragmens; car ils ont les « caunelures très-bien marquées : seulement « ils ont perdu leur luisant et leur vernis, « comme presque tous les coquillages qu'on « trouve en terre, qui doivent y avoir été « long-temps enfouis. Les plus petits frag- Mat, gén, IT. 7 74 THÉORIE «mens, qui ne sont que de la poussiéré , « sont encore reconnoissables pour être des « fragmens de coquilles, parce qu'ils sont « parfaitement de la même matière que les «autres; quelquefois il se trouve des co- « quilles entières. On reconnoît les espèces « tant des coquilles entières que des frag— «mens un: peu gros : quelques unes de ces « espèces sont connues sur les côtes de Poi- «tou, d’autres appartiennent à des côtes « éloignées. Il y a jusqu’à des fragmens de « plantes marines pierreuses, telles que des « madrépores, des champignons de mer, etc. « Toute cette matière s'appelle dans le pays «du alun. 1 « Le canton qui, en quelque endroit qu’on «le fouille, fournit du fa/un, a bien neuf _« lieues quarrées de surface. On ne perce ja- « mais la minière de falun ou fa/unière au- « delà de 26 pieds : M. de Réaumur en rap- « porte les raisons, qui ne sont prises que de « la commodité des laboureurs et de l’épargne . « des frais. Ainsi les falunières peuvent avoir «une profondeur beaucoup plus grande que « celle qu'on leur connoît ; cependant nous « n'avons fait le calcul des 130,680,000 toises DE LA TERRE. 75 « cubiques que sur le pied de 18 pieds de « profondeur , et non pas de 20, et nous «n'avons mis la lieue qu'à 2200 toises : tout «a donc été évalué fort bas, et peut-être « l’amas de coquilles est-il de beaucoup plus « grand que nous ne l’avons posé; qu'il soit « seulement double, combien la merveille « augmente-t-elle ! « Dans les faits de physique, de petites cir- « constances que la plupart des gens ne s’a- « viseroient pas de remarquer, tirent quel- « quefois à conséquence et donnent des lu- « mières. M. de Réaumur a observé que tous « les fragmens de coquilles sont, dans leur « tas, posés sur le plat et horizontalement: «de là il a conclu que cette infinité de frag- « mens ne sont pas venus de ce que, dans «le tas formé d'abord de coquilles en— « tières, les supérieures auroient , par leur « poids , brisé les inférieures ; car de cette « manière il se seroit fait des écroulemens « qui auroient donné aux fragmens une in- « finité de positions différentes. Il faut que « la mer ait apporté daus ce lieu-là toutes « ces coquilles, soit entières, soit quelques « unes déja brisées; et comme elle les appor- éd 'e., "2 w vi : 76 … PTE TO RAME PEN « toit flottantes, elles étoient posées sur le « plat et horizontalement; après qu'elles ont «été toutes déposées au rendez-vous Com «mun , l’extrême longueur du temps en «aura brisé et presque calciné la plus grande « partie sans déranger leur position: &IÏl paroît assez par-là qu’elles n’ont pu « être apportées que successivement ; et en « effet, comment la mer voitureroit-elle tout «à la fois une si prodigieuse quantité dé « coquilles, et toutes dans une position hori- « zontale? elles ont dû s’assembler dans un « même lieu, et par conséquent ce lieu a été « le fond d’un golfe ou une espèce de bassin. « Toutes ces réflexions prouvént que, «quoiqu'il ait dù rester et qu’il reste effec- «tivement sur la Terre beaucoup de vestiges « du déluge universel rapporté par l'Écriture «sainte, ce n'est point ce déluge qui a pro « duit l’amas des coquilles de Touraine ; « peut-être n'y en a-t-il d'aussi grands amas « dans aucun endroit du fond de la mer : « mais enfin le déluge ne les en auroit pas “«arrachées; et s’il l’'avoit fait, c'auroit été «avec une impétuosité et une violence qui «u’auroient pas perinis à toutes ces coquikles La e » = # DE LA TERRE. 27 « d'avoir une même position : elles ont dû « être apportées et déposées doucement, len-— « « tement , et par conséquent en un temps beaucoup plus long qu’une année. ? 2 Met « Il faut donc, ou qu'avant ou qu’aprés « le déluge la surface de la Terre ait été, du « « $ F. « « LC La) « { Le) « « # 2 CRE Se Ce D # a ” ON moins en quelques endroits, bien diffe- remment disposée de ce qu’elle est aujour- d'hui, que les mers et les continens y aient eu un autre arrangement, et qu'enfin il y ait eu un grand golfe au milieu de la Touraine. Les changemens qui nous sont connus depuis le temps des histoires ou des fables qui ont quelque chose d'historique, sont, à la vérité, peu considérables; mais ils nous donnent lieu d'imaginer aisément ceux que des temps plus longs pourroient amener. M. de Réaumur imagine com- ment le golfe de Touraine tenoit à Océan, et quel étoit le courant qui y charioit les coquilles ; mais ce n’est qu’une simple con- jecture donnée pour tenir lieu du véritable fait inconnu , qui sera toujours quelque chose d’approchant. Pour parler sûrement sur cette matière, il faudroit avoir des espèces de cartes géographiques dressées 7 8 THÉ ORNE PUR « selon toutes les minières de coquillages en « fouis en terre : quelle quantité d’observa- « tions ne faudroit-il pas, et quel temps pour « les avoir! Qui sait cependant si les sciences «niront pas un jour jusque là, du moins «en partie ? » Cette quantité si considérable de coquilles nous étonnera amoins, si nous faisons atten- tion à quelques circonstances qu'il est bon de ne pas omettre. La première est que les coquillages se multiplient prodigieusement , et qu'ils croissent en fort peu de temps ; l'abondance d'individus dans chaque espèce prouve leur fécondité. On a un exemple de cette grande multiplication dans les huîtres : on enléve quelquefois dans un seul jour un volume de ces coquillages de plusieurs toises de grosseur; on diminue considérablement en assez peu de temps les rochers dont on les sépare , et il semble qu’on épuise les autres endroits où on les pêche : cependant l’année suivante on en retrouve autant qu’il y en avoit auparavant; on ne s’apperçoit pas que la quantité d’huîtres soit diminuée, et je ne sache pas qu’on ait jamais épuisé les endroits où elles viennent naturellement: DE LA TERRE. -ÿ Une seconde attention qu'il faut faire, c’est que les coquilles sont d’une substance ana logue à la pierre, qu’elles se conservent très-long-temps dans les matières molles, qu'elles se pétrifient aisément dans les ma- tières dures, et que ces productions marines et ces coquilles que nous trouvons sur la Terre, étant les dépouilles de plusieurs siècles, elles ont dû former un volume fort consi- dérable. ‘ Il y a, comme on voit, une prodigieuse quantité de coquilles bien conservees dans les marbres , dans les pierres à chaux, dans les craies, dans les marnes, etc. On les trouve, comme je viens de le dire, par collines et par montagnes; elles font souvent plus de la moitié du volume des matières où elles sont contenues: elles paroissent la plupart bien _ conservées; d’autres sont en fragmens, mais assez gros pour qu'on puisse reconnoitre à l'œil l'espèce de coquille à laquelle ces frag- mens appartiennent, et c’est là où se bornent les observations et les connoissances que l'inspection peut nous donner. Mais je vais plus loin : je prétends que les coquilles sont l’intermède que la nature emploie pour for- 0e MN 1 k Di AGE 8... VTHLOREEN mer la plupart des pierres; je prétends que les craies, les marnes et les pierres à chaux ne sont composées que de poussière et de dé- ‘trimens de coquilles; que par conséquent la quantité des coquilles détruites est encore infiniment plus considérable que celle des coquilles conservées. On verra dans le dis- cours sur les minéraux les preuves que j'en donnerai; je me contenterai d'indiquer 1ci le point de vue sous lequel il faut considé- rer les couches dont le globe est composé. La première couche extérieure est formée du limon de l'air, du sédiment des pluies, des rosées, et des parties végétales ou animales, réduites en particules dans lesquelles l’an- cienne organisation n’est pas sensible; les couches intérieures de craie, de marne, de pierre à chaux, de marbre, sont composées de detrimens de coquilles et d’autres produc- tious marines, mêlees avec des fragmens de coquilles ou avec des coquilles entières : mais les sables vitrifiables et l’argille sont les ma- tières dont l’intérieur du globe est composé ; elles ont été vitrifiées dans le temps que le globe a pris sa forme, laquelle suppose né- ceésairement que la matière a été toute en _. DE LA TERRE. 8t _ fusion. Le granit, le roc vif, les cailloux et les grès en grande masse, les ardoises, doivent leur origine au sable et à l'argille, et ils sont aussi disposés par couches : mais les tufs, les grès et les cailloux qui ne sont pas en grande masse, Les crystaux , les métaux, les pyrites, la plupart des minéraux, les sou- fres, etc. sont des matières dont la forma- tion est nouvelle en comparaison des mar- bres, des pierres calcinables, des craies, des marnes , et de toutes les autres matières qui sont disposées par couches horizontales, et qui contiennent des coquilles et d’autres dé- bris des productions de la mer. Comme les dénominations dont je viens de me servir pourroient paroître obscures ou équivoques, je crois qu’il est nécessaire de les expliquer. J’entends par le mot d’argille non seulement les argilles blanches, jaunes, mais aussi les glaises bleues , molles, dures, feuilletées, etc. que je regarde comme des scories de verre, ou comme du verre decom- posé. Par le mot de sable j'entends tou- jours le sable vitrifiable ; et non seulement je comprends sous cette dénomination le sable fin qui produit les grès, et que je re- 2 ‘5 T'HÉORGE garde comme de la poussière de verre, ou plutôt de pierre ponce, mais aussi lé sable qui provient du grès usé et détruit par le frottement , et encore le sable gros comme du menu gravier, qui provient du granit et du roc vif, qui est aigre, anguleux, rou- geâtre, et qu’on trouve assez communément dans le lit des ruisseaux et des rivières qui tirent immédiatement leurs eaux des hautes montagnes, ou de collines qui sont compt- sées de roc vif ou de granit! La rivière d'Armanson , qui passe à Semur en Auxois, où toutes les pierres sont du roc vif, charie une grande quantité de ce sable, qui est gros et fort aigre; il est de la même nature que le roc vif, et il n’en est en effet que le débris, comme le gravier calcinable n’est que le débris de la pierre de taille ou du moellon. Âu reste, le roc vif et le granit sont une seule et même substance; mais j'ai cru devoir employer les deux dénominations, parce qu'il y a bien des gens qui en font deux matières differentes. Il en est de même des cailloux et des grès en grande masse: je les regarde comme des espèces de rocs vifs ou de granits, et je les appelle cailloux en LE] SONT ET ENS is < DE LA TERRE. 83 grande masse, parce qu'ils sont disposés , comme la pierre calcinable, par couches, et pour les distinguer des cailloux et des grès que j appelle en petite masse, qui sont les cailloux ronds et les grès que l’on trouve & la chasse, comme disent les ouvriers, c’est- à-dire, les grès dont les bancs n’ont pas de suite et ne forment pas des carrières conti nues et qui aient une certaine étendue. Ces grès et ces cailloux sont d’une formation plus nouvelle, et n’ont pas la même origine que les cailloux et les grès en grande masse, qui sont disposés par couches. J'entends par la dénomination d’ardoise non seulement l’ar- doise bleue que tout le monde connoît, mais les ardoises blanches, grises, rougeâtres, et tous les schistes. Ces matières se trouvent or- dinairement au-dessous de l’argille feuilletée, et semblent n'être en effet que de l’argille, dont les différentes petites couches ont pris corps en se desséchant, ce qui a produit les délits qui s’y trouvent. Le charbon de terre, la houille , le jais, sont des matières qui ap- partiennent aussi à l’argille, et qu’on trouve sous l’argille feuilletée ou sous l’ardoise. Par le mot de tuf j'entends non seulement Le {uf 84, :: MN THÉORNEEN | ordinaire qui paroît troué, et, pour ainsi dire, organise, mais encore toutes lescouches de pierre quise sont faites par le dépôt des eaux courantes, toutes les stalactites, toutes les incrustations, toutes les espèces de pierres. foudantes : il n’est pas douteux que ces ma- tières ne soient nouvelles, et qu'elles ne prennent tous les jours de l’accroissement. Le tuf n’est qu'un amas de matières lapidi- fiques, dans lesquelles on n’apperçoit aucune couche distincte : cette matière est disposée ordinairement en petits cylindres creux, irré- gulièrement grouppés et formés par des eaux gouttières au pied des montagnes ou sur la pente des collines, qui contiennent des lits de marne ou de pierre tendre et calcinable; la masse totale de ces cylindres, qui font un des caractères spécifiques decetteespèce de tuf, est toujours ou oblique ou verticale, selon la direction des filets d’eau qui les forment. Ces sortes de carrières parasites n’ont aucune suite : leur étendue est très-bornée en com— paraison des carrières ordinaires, et elle est proportionnée à la hauteur des montagnes qui leur fournissent la:matière de leur ac- croissement. Le tuf recevant chaque jour de } FE LA EE R RE. 85 nouveaux sucs lapidifiques, ces petites co- lonnes cylindriques qui laissoient entre elles beaucoup d'intervalle, se confondent à la fin , et avec le temps le tout devient com pacte: mais cette matière n’acquiert jamais la dureté de la pierre; c’est alors ce qu'Agricola nomme /2arva tofacea fistulosa. On trouve ordinairement dans ce tuf quantité d’impres- sions de feuilles d’arbres et de plantes de l'espèce de celles que le terrain des environs produit; on y trouve aussi assez souvent des coquilles terrestres très-bien conservées , mais jamais de coquilles de mer. Le tuf est donc certainement une matière nouvelle, qui doit être mise dans la classe des stalactites, des pierres fondantes , des incrustations, etc. Toutesces matiéresnouvelles sont des espèces depierresparasites qui se forment aux dépens des autres , mais qui n'arrivent jamais à la vraie pétriñicalion. ! | Le crystal , toutes les pierres précieuses, toutes celles qui. ont une figure régulière, même les cailloux en petite masse qui sont formés par couches concentriques , soit que ces sortes de pierres se trouvent dans les fentes perpendiculaires des rochers , ou par- Ô 86 THÉORIE tout ailleurs, ne sont que des exsudations des cailloux en grande masse ; des sucs concrets de ces mêmes matières, des pierres parasites nouvelles, de vraies stalactites de caillou ou de roc vif. On ue trouve jamais de rayée ni dans le roc vif ou granit , ni dans le grès ; au moins je n’y en ai jamais Vu , quoiqu'on en trouve, et même assez souvent, dans le sable vitrifiable duquel ces matières tirent leur origine : ce qui semble prouver que le sable peut s'unir pour former du grès ou du roc vif; que quand ilest pur , et que s’il est mêlé de substances d'un autre genre, comme sont les coquilles , ce mélange de parties qui lui sont hétérogènes , en empêche la réunion. J'ai observé, dans le dessein de m’en assurer, ces petites pelotes qui se forment souvent dans les couches de sable mêlé de coquilles, et je n'y ai jamais trouvé aucune coquille : ces pelotes sont un véritable grès; ce sont des concrétions qui se forment dans le sable aux endroits où il n'est pas mêlé de matières hétérogènes , qui s'opposent à la formatiow des bancs ou d’autres masses plus grandes que ces pelotes. DE LA TERRE. 87 Nousavonsdit qu’on a trouve à Amsterdam, qui est un pays dont le terrain est fort bas, des coquilles de mer à 100 pieds de profon- deur sous terre , et à Marly-la-Vilie à six lieues de Paris, à 75 pieds : on en trouve de même au fond des mines et dans les bancs des rochers au-dessous d’une hauteur de pierre de 50, 100, 200 et jusqu’à 1000 pieds d’épais- > seur, comme il est aisé de le remarquer dans les Alpes et dans les Pyrénées; il n’ÿ a qu’à examiner de près les rochers coupés à plomb, et on voit que dans les lits inférieurs il y a des coquilles et d’autres productions marines: mais pour aller par ordre , on en trouve sur les montagnes d'Espagne , sur les Pyrenees, sur les montagnes de France, sur celles d’An- gleterre , dans toutes les carrières de marbre en Flandre , dans les montagnes deGueldre, dans toutes les collines autour de Paris, dans toutes celles de Bourgogne et de Champagne, en un mot dans tous les endroits où le fond du terrain n’est pas de grès ou de tuf; et dans la plupart des lieux dont nous venons de par- ler, 1l y a presque dans toutes les pierres plus de coquilles que d'autres matières. J'entends 1c1 par coquiiles nonseulement les dépouilles 98 . : CT H'É 0 RME NS des coquillages, mais célles des crustacés , comme testet pointes d’oursin, ét aussi toutes les productions des insectes de mer; comme les madrepores, les coraux, lesastroïtes, etc. Je puis assurer , et on s’en convaincra par ses yeux quand on le voudra, que dans la plu- part des pierres calcinables et des marbres , il y a uue si grande quantité de ces produc- tions marines , qu’elles paroissent surpasser en volume la matière qui les réunit: Mais suivons. On trouve ces productions marines dans les Alpes, même au-dessus des plus hautes montagnes, par exemple, au-des- sus du mont Cenis ; on en trouve dans les montagnes de Gènes, dans les Apennins et dans la plupart des carrières de pierre ou de marbre en Italie; on en voit dans les pierres dout sont bâtis les plus anciens édifices des Romains ; il y en a dans les montagnes du Tyrolet dans le centre de l'Italie, au sommet du mont Paterne, près de Bologne , dans les mêmes endroits qui produisent cette pierre lumineuse qu'on appelle la pierre de Bo- logne ; on en trouve dans des collines de la Pouille, dans celles de la Calabre , en plu- sieurs endroits de l'Allemagne et de la Hon- A? ee re, r & 2 DE LA TERRE. 89 grie , et généralement dans tous les lieux élevés de l'Europe !. En Asie et en Afrique , les voyageurs en ont remarqué en plusieurs endroits : par exemple , sur la montagne de Castravan au- dessus de Barut, il y a un lit de pierre blan- che, mince comme de l’ardoise, dont chaque feuille contient un grand nombre ‘et une grande diversité de poissons ; ils sont la plu- part fort plats et fort comprimés, comme est la fougère fossile ; et ils sont cependant si bien conservés, qu’on y remarque parfaite- ment jusqu'aux moindres traits des nageoi- res , des écailles et de toutes les parties qui distinguent chaque espèce de poisson. On trouve de même beaucoup d'oursins de mer et de coquiMes pétrifiées entre Suez et le Caire , et sur toutes les collines et les hau— teurs de la Barbarie ; la plupart sont exacte- inent conformes aux espèces qu’on prend actuellement dans la mer Rouge?. Dans notre Europe on trouve des poissons pétrifiés en 7 Voyez sur cela Stenon, Ray, Wooward , etc. ? Voyez les J’oyages de Shaw , vol. 11, pages #0 et 04. 90 THÉORIE Suisse , en Allemagne, dans la carrière d'O+ À ningen "etc: La longue chaîne de so pl , dit M. Bourguet, quis’étend d’occidentenorient, depuis le fond du Portugal jusqu'aux parties les plus orientales de la Chine , celles qui s'étendent collatéralement du côté du nord et du midi, les montagnes d'Afrique et d'Amérique qui nous sont connues, les vallées et les plaines de l'Europe, renferment toutes des couches de terres et de pierres qui soné remplies de coquillages , et de là on peut conclure pour les autres parties du monde qui nous sont inconnues. Les îles de l'Europe , celles de l'Asie et de l'Amérique où les Européens ont euoccasion de creuser , soit dans les montagnes, soit dans les plaines , fournissent aussi des coquilles ; ce qui fait voir qu’elles ont cela de commun avec les continens qui les avoisinent *. En voilà assez pour prouver qu'en effet on trouve des coquilles de mer, des poissons pétrifiés et d’autres productions marines, * Voyez Lettres philosophiques sur la formation des sels, page 205. DU EM DENRE |, . d presque dans tous les lieux où on a voulu les chercher , et qu'elles y sont en prodigieuse quantité. _ «llest vrai, dit un auteur anglois *, « qu'il y a eu quelques coquilles de mer dis- « persees çà et là sur la Terre par les armées, « par les habitans des villes et des villages, «etque la Loubère rapporte dans son J’oyage « de Siam , que les singes au cap de Bonne- « Espérance s’amusent continuellement à « transporter des coquilles du rivage de la « mer au-dessus des montagnes; mais cela ne « peut pas résoudre la question pourquoi ces « coquilles sont dispersées dans tous les cli- « mats de la Terre, etjusque dans l’intérieur « des plus hautes montagnes , où elles sont « posées par lit, comme elles le sont dans le « fond de la mer. » En lisant une lettre italienne sur les chan- gemens arrivés au globe terrestre, imprimée à Paris cette année (1746), je m’attendois à y trouver ce fait rapporté par la Loubère ; 1l s'accorde parfaitement avec les idées de l’au- teur : les poissons pétriñiés ne sont, à son * Tancred Rokbinsou. r à 04 URL à ga THÉ O-RAMETEROUNES avis, que des poissons rares , rejetés de Ha table des Romains parce qu’ils n’éloient pas frais ; et à l'égard des coquilles , ce sont, dit-il, les pélerins de Syrie qui ont rapporté dans le tempsdes croisades celles des mers du Levant qu'on trouve actuellement pétrifiées en France , en Italie, et dans les autres états de la chrétienté. Pourquoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes et dans tous les lieux où les hommes ne peu- venthabiter? cela n’eüt rien gâté et eùt rendu son.explication encore plus vraisembiable. Comment se peut-il que des personnes éclai- rées et qui se piquent mème de philosophie, alert encore des idées aussi fausses sur ce sujet ? Nous ne nous contenterons donc pas d'avoir dit qu’on trouve des coquilles pétri- fiées dans presque tous les endroits de la Terre où l’on a fouillé , et d’avoir rapporté les témoignages des auteurs d'histoire naturelle: comme on pourroit les soupçonner d’apper- cevoir , en vue de quelques systèmes, des coquilles où il n’y en a point , nous croyons devoir encore citer les voyageurs qui en ont remarqué par hasard, et dont les yeux moins \ FT DE LA TERRE. 03- exercés n'ont pu reconnoitre que les coquilles entières et bien conservées; leur témoignage sera peut-être d’une plus grande autorité auprès des gens qui ne sont pas à portée de s'assurer par eux-mêmes de la vérité desfaits, et de ceux qui ne connoissent ni les coquilles ni les pétrifications , et qui , n’étant pas en état d’en faire la comparaison , pourroient douter que les pétrifñications fussent en effet de vraies coquilles, et que ces coquilles se trouvassent entassées par miklions dans tous les climats de la Terre. Tout le monde peut voir par ses yeux les bancs de coquilles qui sont dans les collines des environs de Paris, sur-tout dans les car- rières de pierre, comme à la Chaussée près de Seves, à Issy, à Passy et ailleurs. On trouve à Villers-Cotterets une grande quantité de pierres lenticulaires ; les rochers en sont même entierement formes, et elles y sont mélées sans aucun ordre avec une espèce de | mortier pierreux qui les tient toutes liées en- semble. À Chaumont on trouve une si grande quantité de coquilles pétrifiées , que toutes les collines, qui ne laissent pas d’être assez éleyées:, ne parcissent être composées d'autre SON 1. Ç Pi “ 94 THÉORIE chose ; il en est de même à Courtagnon près de Reims , où le banc de coquilles a près de quatre lieues de largeur sur plusieurs de lon- sueur. Je cite ces endroits, parce qu’ils sont fameux, et que les coquilles y frappent les yeux de tout le monde. % À l'égard des pays étrangers, voici ce que les voyageurs ont observe. « En Syrie , en Phénicie, la pierre vive > qui | « sert de base aux rochers du voisinage de « Latikea , est surmontée d’une espèce de « craie molle , et c’est peut-être de là que la « ville a pris son nom de Promontoire blanc. « La Nakoura, nommée anciennement Scala « PRTACMIE ou l'Échelle des T'yriens , est « à peu près de la même nature, et l’on y « trouve encore , en y creusant, quantité de « toutes sortes de coraux , de coquilles *. « On ne trouve sur le mont Sinaï que peu « de coquilles fossiles et d’autres sembla- « bles marques du déluge , à moins qu'on ne « veuille mettre de ce nombre le tamarin « fossile des montagnes voisines de Sinaï : « peut-être que la matière première dont leurs \ * Voyez les J’oyages de Shaw. VUE LT L''MER'R E. 05 « marbres se sont formes , avoit une vertu ._« corrosive et peu propre à les conserver ; « mais à Corondel, où le roc approche davan- « tage de la nature de nos pierres de taille, « je trouvai plusieurs coquilles de moules et « quelques pétoncles, comme aussi un héris- « son Ge mer fort singulier , de l'espèce de « ceux qu'on appelle spatagi, mais plus rond «et plus uni. Les ruines du petit village « d'Ain-el-Mousa , et plusieurs canaux qui « servoient à y conduire de l’eau, fourmil- « lent de coquillages fossiles. Les vieux murs « de Suez et ce qui nous reste encore de son « ancien port ont été construits des mêmes « matériaux qui semblent tousavoir été tirés « d’un même endroit. Entre Suez et leCaire, « ainsi que sur toutes les moniagnes , hau-— «teurs et collines de la Libye qui re sont « pas convertes de sable , on trouve grande « quantité d'hérissons de mer , comme aussi « des coquiiles bivalves et de celles qui se « terminent eu pointe , dont la plupart sont « exactement conformes aux espèces qu'on « prend encore aujourd’hui dans la mer « fiouge*. Les sables mouvans qui sont dans * Voyages de Shaw, tome 11, page 84. | ni’ 47 TARN C0 107 LS | RL AY ie v ; \ SU % MTHÉDREE « le voisinage de Ras-Sem dans le royaume « de Barca , couvrent beaucoup de palmiers « d’hérissons de mer et d’autres pétrifica- « tions que l’on y trouve communément sans « cela. Ras-Sern signifie /a téte du poisson «et est ce qu’on appelle le village pétrifié, « où l’on prétend qu’on trouve des hommes, « des femmes et des enfans en diverses :pos- « tures et attitudes, qui avec leur bétail, De PN « convertis en pierre. Mais à la réserve de «ces sortes de monumens du déluge dont «il est ici question, et qui ne sont pas « particuliers en cet endroit , tout ce qu'on « en dit , sont de vains contes et fable toute « pure, ainsi que je l'ai appris non seule- « ment par M. le Maire, qui dans le temps « qu’il étoit consul à Tripoli, y envoya plu- « sieurs personnes pour en prendre connois- « sance, mais aussi par des gens graves et de Ps «beaucoup d'esprit qui ont élé eux-mêmes « sur les lieux. « On trouve devant les pyramides certains « morceaux de pierres taillées par le ciseau « de l’ouvrier , et parmi ces pierres on voit « des rognures qui ont la figure et la grosseur leurs alimens et leurs meubles , ont éte U cd "4 \ DE LA TERRE. 97 « de lentilles ; quelques unes même ressem- «blent à des grains d'orge à moitié pélés : « or on prétend que ce sont des restes de ce « que les ouvriers mangeoient , qui se sont « pétrifiés ; ce qui ne me paroîtpas vraisem - « blable, etc !. Ces lentilles et ces grainsd’orge . «sont des pétrifications de coquilles connues «par tous les naturalistes sous le nom de « pierre lenticulaire. « On trouve diverses sortes de ces coquil- « lages dont nous avons parlé, aux environs -« de Mastreicht , sur-tout vers le village de « Zichen ou Tichen, et à la petite montagne « appelée des Huns ?. | « Aux environs de Sienne je n'ai pas man- « qué de trouver auprès de Certaldo , selon « l’avis que vous m'en avez donné, plusieurs « montagnes de sable toutes farcies de diverses « coquilles. Le Monte-Mario , à un mille de « Rome, en est tout rempli; j'en ai remarque « dans les Alpes, j'en ai vu en France et « ailleurs. Oléarius, Stenon, Cambden, Speed, : Voyages de Shaw, tome 11, page 84. 2 Voyez le Joyage de Misson, tome ITI, page 109. 9 98 THÉORDE ! | «et quantité d’autres auteurs tant anciens « que modernes , nous rapportent le même « phénomène !. s « Vis-à-vis le village d’Inchené et sur le « bord oriental du Nil, je trouvai des plantes « pétrifiées qui croissent naturellement dans « un espace de terre qui a environ deux lieues « delongueur sur une largeur très-médiocre: «c’est une production des plus singulières « de la nature; ces RARE ressemblent assez «au corail blanc, qu on trouve dans la mer « Rouge ?. « On trouvesur le mont Liban des pétrifica- « tions de plusieurs espèces, et, entre autres, : « des pierres plates où l’on trouve des sque- « lettes de poissons bien conservés et bien « entiers , et aussi des châtaignes de la mer « Rouge avec de petits buissons de corail de « la même mer $. «Sur le mont Carmel nous trouvämes ? Voyez le Foyage de Misson, tome IT, page 312. ? Voyage de Paul Lucas, tome 11, pages 380 et 30. 5 Idem , tome 111, page 326. DE LA TERRE. gg « grande quantité de pierres qui, à ce qu’on « prétend , ont la figure d'olives, de melons, « de pêches et d’autres fruits, que l’on vend « d'ordinaire aux pélerins , non seulement « comme de simples curiosités , mais aussi «comme des remèdes contre divers maux. « Les olives, qui sont les /apides judaïciqu’on «trouve dans les boutiques des droguistes , «ont toujours été regardées comme un spé- « cifique pour la pierre et ja gravelle ! ». Ces lapides judaïci sont des pointes d’oursins. « M. la Roche, médecin , me donna de « ces olives pétrifiées, dites Z/apis judaïcus , « qui croissent en quantité dans ces mon— « tagnes , où l’on trouve , à ce que l’on m'a « dit, d’autres pierres qui représentent par- « faitement au dedans des natures d'hommes : « et de femmes ? ». Ceci est l’hystérolithe. « En allant de Smyrne à Tauris, lorsque « mous fûmes à Tocat , les chaleurs étant fort « grandes , nous laissämes le chemin ordi- « naire du côte du nord , pour prendre par * Voyages de Shaw, tome Ir, page 70. ? Voyage de Monconys, première parue, page 334. 00 THÉORIE : | « les montagnes où il y a toujours de Vom=. « brageet de la fraicheur. En bien desendroits « nous trouvämes de la neige et quantité de « très-belle oseille , et sur le haut de quel- « ques unes de ces montagnes on trouve des « coquilles comme sur le bord de Ja mer, ce « qui est assez extraordinaire *: » | Voici ce que dit Oléarius au sujet des coquilles pétrifiées qu’il a remarquées en . Perse et dans les rochers des montagnes où sont taillés.les sépulcres près du village de Pyrmaraüs. « Nous fûmes trois qui montâmes jusque « sur le haut du roc par des précipices ef- « froyables , nous entr'aidant les uns les autres; nous y trouvâmes quatre grandes chambres , et au dedans plusieurs niches taillées dans le roc pour servir de lit : mais «ce qui nous surprit le plus, ce fut que La € Pan € Le € Le) € La) nous trouvèmes dans cette vote, sur le haut de la montagne, des coquilles de moules , et en quelques endroits en si orande quantité, qu'il sembloit que toute cette roche ne fût composée que de sable € Le) € Le) € PP « = * Tavernier. | \ 00 DE LA TERRE. 10T «et de coquilles. En revenant de Perse , « nous vimes le long de la mer Caspienne «plusieurs de ces montagnes de coquilles. » Je pourrois joindre à ce qui vient d’être rapporté, beaucoup d’autres citations, que je supprime pour ne pas ennuyer ceux qui n'ont pas besoin de preuves surabondantes, et qui se sont assurés, comime moi ,. par leurs yeux, de l'existence de ces coquilles dans tous les lieux où on a voulu les chercher. On trouve en France non seulement les coquilles de nos côtes, mais encore. des co- quilles qu’on n’a jamais vues dans nos mers. Il y a même des naturalistes qui prétendent que la quantité de ces coquilles étrangères pétrifiées est beaucoup plus grande que celle des coquilles de notre climat: mais je crois cette opinion mal fondée; car , indépendam— ment des coquillages qui habitent le fond de la mer et de ceux qui sont difficiles à pêcher, et que par conséquent on peut regarder comme inconnus ou même étrangers , QUOI- qu'ils puissent être nés dans nos mers, je vois en gros qu'en comparant les pétrifica- tions -avec les analogues vivans, il y en a plus de nos côtes que d’autres: par exemple, 9 JR SAM. VI TN OUR d 10% °THÉORME À tous les peignes, la plupart des pétoncles , les moules, les huîtres, les glands de mer, la plupart des buccins, les oreilles de mer, les patelles, le cœur-de-bæœuf, les nautiles , les oursins à gros tubercules et à grosses pointes, les oursins châtaignes de mer, les étoiles , les dentales, les tubulites, les as troïtes , les cerveaux, les coraux , les ma- drépores, etc. qu'on trouve pétrifiés en tant d’endroits, sont certainement des produc- tions de nos mers; et quoiqu'on trouve em. grande quantité les cornes d’ammon , les pierres lenticulaires, les pierres judaïques, les columnites , les vertèbres de grandes étoiles, et plusieurs autres pétrifications , comme les grosses vis, le buccin appelé abajour , les sabots, etc. dont l’analogue vi- vant est étranger ou inconnu, je suis Con vaincu par mes observations que le nombre de ces espèces est petit en comparaison de celui des coquilles pétrifiées de nos côtes : - d’ailleurs ce qui fait le fond de nos marbres et de presque toutes nos pierres à chaux et à bâtir , sont des madrépores, des astroïtes, et toutes ces autres productions formées par les insectes de la mer, et qu’ox appeloit autre- DE LA TERRE. 103 fois plantes marines. Les coquilles, quelqu’a- bondantes qu’elles soient, ne font qu’un petit yolume en comparaison de ces productions, qui toutes sont originaires de nos mers, eË sur-tout de la Méditerranée. La mer Rouge est de toutes les mers celle qui produit Le plus aboudamment des coraux, des madrépores et des plantes marines. Il n'y a peut-être point d’endroit qui en fournisse une plus grande variété que le port de Tor : dans un temps calme il se présente aux yeux une si grande quantité de ces plantes, que le fond de la mer ressemble à une forêt; il y a des madrépores branchus qui ont jusqu’à 8 et 10 pieds de hauteur. On en trouve beau- coup dans la mer Méditerranée, à Marseille, près des côtes d'Italie et de Sicile ; il y en a aussi en quantité dans la plupart des golfes de l'Océan, autour des îles, sur les bancs, dans tous les climats tempérés où la mer n’a qu'une profondeur médiocre. M. Peyssonel avoit observé et reconnu le premier que les coraux, les madrépores, etc. devoient leur origine à des animaux, et n'étoient point des plantes, comme on le croyoit, et comme leur forme et leur accrois- \ \ din 104 THÉORIE ti sement paroissoient l'indiquer. On a iroblid long-temps douter de la vérité de l’observa- tion de M. Peyssonel : quelques naturalistes ; trop prevenus de leurs propres opinions , l’ont même rejetée d’abord avec une espèce de dédain ; cependant ils ont été obligés de reconnoitre depuis peu la découverte de M. Peyssonel, et tout le monde est enfin convenu que ces prétendues plantes marines ne sont autre chose que des ruches ou plu- tôt des loges de petits animaux qui ressem— blent aux poissons des coquilles, en ce qu’ils forment, comme eux, une grande quantité de substance pierreuse , dans laquelle ils ha- bitent, comme les poissons dans leurs co- quilles. Ainsi les plantes marines que d’a- bord l’on avoit mises au rang des minéraux, ont ensuite passé dans la classe des végétaux, et sont enfin demeurées pour toujours dans celle des animaux. Il y a des coquillages qui habitent le fond _ des hautes mers, et qui ne sont jamais jetés sur les rivages : les auteurs les appellent pelagiæ , pour les distinguer des autres, qu'ils appellent Ziforales. 1 est à croire que les cornes d'ammon et quelques autres (à AUS SET, VERS TONNES . NATION | ET en ET 2 DE LA TERRE. 105 espèces qu'on trouve pétrifiées, et dont om n'a pas encore trouvé les analogues vivans, demeurent toujours dans le fond des hautes mers, et qu'ils ont été remplis du sédiment pierreux dans le lieu même où ils étoient : 1l peut se faire aussi qu’il y ait eu de cer- tains animaux dont l'espèce a péri; ces co- quillages pourroient être du nombre. Les os fossiles extraordinaires qu'on trouve en Sibérie, au Canada, en Irlande, et dans plu- sieurs autres endroits , semblent confirmer . cette conjecture; car jusqu'ici on ne connoit pas d'animal à qui on puisse attribuer ces os, qui, pour la plupart, sont d’une grandeur et d’une grosseur démesurée. On trouve ces coquilles depuis le haut jus- qu'au fond des carrières ; on les voit aussi dans des puits beaucoup plus profonds: il y en a au fond des mines de Hongrie !. On en trouve à 200 brasses, c’est-à-dire, à mille pieds de profondeur, dans des rochers qui bordent l'ile de Caldé, et dans la pro- vince de Pembroke en Angleterre ?. _ Non seulement on trouve, à de grandes 1 Voyez Woodward + Z Voyez Hay's Discourses >» Page 179. 106 © THÉORIE profondeurs et au-dessus des plus hautes montagnes, des coquilles pétrifiées , mais o1e en trouve aussi qui n’ont point changé de nature, qui ont encore le lnisant, les cou- leurs et la léséreté des coquilles de la mer: on trouve des glossopètres et d’autres dents de poisson dans leurs mâchoires ; et il ne faut, pour se convaincre entièrement sur ce sujet, que regarder la coquille de mer et celle de terre, et les comparer. Il n’y a per- sonne qui, après un: examen mème léger, puisse douter un instant que ces ARR {ossiles et pétrifices ne soient pas les mêmes que celles de la mer; on y TRAME les plus petites articulations, et même les perles que Vanimal vivant produit: on remarque que les dents de poisson sont polies et usées à Fextrémité, et qu’elles ont servi pendant le temps que l’animal étoit vivant. On trouve aussi presque par:tout , dans la terre, des coquillages de la inême espèce, dont les uns sont petits , les autres gros; les uns jeunes, les autres vieux ; quelques uns xamparfaits, d’autres entièrement parfaits : on en voit même de petits et de ie atta— chés aux. gros. DE LA TERRE. 107 Le poisson à coquille appelé purpura a une langue fort longue, dont l'extrémité est osseuse et pointue; elle lui sert comme de tarière pour percer les coquilles des autres poissons et pour se nourrir de leur chair : on trouve communément dans les terres, des co- quilles qui sont percées de cette façon; ce qui est une preuve incontestable qu’elles ren- fermoient autrefois des poissons vivans , ef: que ces poissons habitoient dans des endroits où 1l y avoit aussi des a pts de is qui s'en étoient nourris *. Les obélisques de Saint-Pierre dé Rome, de Saint-Jean #de Latran, de la place Navone, Viennent, à ce qu'on prétend, des pyramides d'Égypte; elles sont de granit rouge, lequel est une espèce de roc vif ou de gres fort dur. Cette matière, comme je l'ai dit, ne contient point de coquilles; mais les anciens marbres africains et égyptiens, et certains porphyres, sont remplis de coquilles. Le porphyre cal- caire est composé d’un nombré infini de pointes de l’espèce d’ourcin, que nous appe- ions châtaigne de mer ; elles sont posées assez Voyez Woodward, pages 296 et 300. | Le DAY Ç Ÿ 1 4, L NY PR % Le rc8 THÉORIE. près les unes des autres, et forment tous les petits points blancs qui sont dans ce por- phyre. Chacun de ces points blancs laisse voir encore dans son milieu un petit point noir; qui est la section du conduit longitudinal de la pointe de l’oursin. Il y a en Bourgogne, dans un lieu appelé Ficin, à trois lieues de Dijon, une pierre rouge tout-à-fait semblable au porphyre par sa composition , et qui n’en diffère que par la dureté, n'ayant que celle du marbre, qui n’est pas, à beaucoup près, si grande que celle du porphyre; elle est entiè- rement composée de pointes d’oursins, et elle est très-considérable par l’étendue de son lit de carrière et par son épaisseur: on en à fait de très-beaux ouvrages dans cette pro- vince, et notamment les gradins du piédestal de la figure équestre de Louis-le-Grand, qu'on a élevée au milieu de la place royale à Dijon. Cette pierre n’est pas la seule de cette espèce que je connoisse: 11 y a , dans la même province de Bourgogne , prés de la ville de Montbart, une carrière considérable de pierre composee comme le porphyre, mais dont la dureté est encore moindre que celle du marbre. Ce porphyre tendre est compose réa: D. DE LATERRE rog comme ce porphyre calcaire , et 1l contient même une plus grande quantité de pointes d'oursins, et beaucoup moins de matière rouge. | En Toscane, dans les pierres dont étoient bâtis les aneiens murs de la ville de Vola- terra, il y a une grande quantité de coquil- _ Jages, et cette muraille étoit faite il y a deux mille cinq cents ans *. Les marbres antiques et les autres pierres des plus anciens monu— mens contiennent donc des coquilles, des pointes d’oursins, et d’autres débris des pro- ductions marines, comme les marbres que nous tirons aujourd’hui de nos carrières. Ainsi on ne peut pas douter, indépendam- ment même du témoignage sacré de l’Écri- ture sainte, qu'avant le deluge la Terre n’ait été composée des mêmes matières dont elle l’est aujourd hui. Par tout ce que nous venons de dire, on peut être assure qu’on trouve des coquilles pétrifiées en Europe, en Asie et en Afrique, dans tous les lieux où le hasard a conduit Les * Voyez Stenon :n prodromo Diss. de solido 1n- tra solidum, page 63. Mat, vén, Il. 10 *10 THE ÉORIE observateurs : on en trouve aussi en Amé- rique, au Bresil, dans le Tucuman, dans les terres Magellaniques , et en si grande quan- tite dans les îles Antilles, qu’au-dessous de la terre labourable, le fond, que les habitans appellent la chaux, n’est autre chose qu'un composé de coquilles, de madrépores , d’as- troïtes, et d'autres productions de la mer. Ces observations, qui sont certaines, m’au-, roient fait penser qu'il y a de même des co- quilles et d’autres productions marines pétri- fiées dans la plus grande partie du continent de l'Amérique, et sur-tout dans les mon- tagnes , comme l’assure Woodward: cepen- dant M. de la Condamine, qui a demeuré pendant plusieurs années au Pérou, m'a as- sure qu’il n’en avoit pas vu dans les Cordil- lières; qu’il en avoit cherché inutilement, et qu’il ne croyoit pas qu’il y en eût. Cette exception seroit singulière , et les consé- quences qu’on en pourroit tirer le seroient encore plus : mais j'avoue que , malgré le témoignage de ce célèbre observateur, je doute encore à cet égard, et que je suis très- porté à croire qu'il y a dans les montagnes du Pérou, comme par-tout ailleurs, des co- [PRE DELA TERRE. TIE * quilles ‘et d'autres pétrifications marines , mais qu'elles ne se sont pas offertes à ses yeux. On sait qu'en matière de témoignage, deux témoins positifs qui assurent avoir vu suffisent peur faire preuve complète, tandis que mille et dix mille temoins négatifs, et qui assurent seulement n'avoir pas vu, ne peuvent que faire naître un doute léger : c’est pour cette raison , et parce que la force de l’analosie m'y contraint, que je persiste à eroire qu’on trouvera des coquilles sur les montagnes du Pérou, comme on en trouve presque par-tout ailleurs, sur-tout si on les cherche sur la croupe de la montagne, et non pas au sommet. Les montagnes les plus élevées sont ordi- nairement composées , au sommet, de roc vif, de granit, de grès et d’autres matières vitrifiables, qui ne contiennent que peu ou point de coquilles. Toutes ces matières se _sont formées dans les couches du sable de la mer qui recouvroient le dessus de ces mon- tagnes. Lorsque la mer a laissé à découvert ces sommets de montagnes , les sables ont coulé dans les plaines, où ils ont été entraî- mes par la chûte des eaux des pluies, eic. de ! nn DR + 112 THÉORIE sorte qu'il n’est demeuré au-déssus des mon- tagnes que des rochers qui s’étoient formés dans l’intérieur de ces couches de sable. A 200, 300 ou 400 toises plus bas que le som- met de ces montagnes, on trouve souvent des matières toutes differentes de celles du sommet, c’est-à-dire, des pierres, des mar- bres et d’autres matières calcinables, les— quelles sont disposées par couches parallèles , et contiennent toutes des coquilles et d’autres productions marines : ainsi 1l n’est pas eton- nant que M. de la Condamine n'ait pas ‘irouvé de coquilles sur ces montagnes, sur- tout s’il les a cherchées dans les lieux les plus élevés, et dans les parties de ces mon- tignes qui soni composées de roc vif, de grès ou de sable vitrifiable ; mais au-dessous de ces couches de sable et de ces rochers qui font le sommet, il doit y avoir dans les Cor- dillières, comme dans toutes les autres mon- tagnes , des couches horizontales de pierres, de marbres, de terres, etc. où 1l se trouvera des coquilles ; car dans tous les pays du moude où l’on a fait des observations, on en a toujours trouvé dans ces couches. . Mais supposons un instant que ce fait soit DE LA TERRE. 114 vrai, et qu’en effet il n’y ait aucune pro- duction marine dans les montagnes du Pe- rou , tout ce quon en conclura ne sera nullement contraire à notre théorie , et il pourroit bien se faire, absolument parlant, qu il y ait sur le globe des parties qui n'aient jamais été sous les eaux de la mer, et sur- tout des parties aussi élevées que le sont les Cordillières: mais en ce cas il y auroit de belles observations à faire sur ces montagnes ; car elles ne seroient pas composées de couches parallèles entre elles, comme toutes les autres le sont. Les matières seroient aussi fort diffe- rentes de celles que nous connoissions; il n’y auroit point de fentes perpendiculaires; la composition des rochers et des pierres ne ressembleroit point du tout à la composition des rochers et des pierres des autres pays ; et enfin nous trouverions dans ces montagnes l’ancienne structure de la Terre telle qu’elle étoit originairement , et ayant que d’être changée et altéree par le mouvement des eaux : nous verrions dans ces climats le pre- imier état du globe , les matières anciennes dont 1l étoit composé, la forme, la liaison et l’arrangement naturel de la Terre , etc. 10 rr4 THÉ O RES OC Mais c’est trop espérer , et sur des fonde 4 mens trop légers; et je pense qu’il faut nous borner à croire quon y trouvera des co— quilles , comme on en trouve par-tout ailleurs. À l’égard de la manière dont ces coquilles sont disposées et placées dans les couches de terre ou de pierre, voici ce qu'en dit Wood- ward : «Tous les coquillages qui se trouvent « dans une infinité de couches de terres et de « bancs de rochers, sur les plus hautes mon- « tagnes et daiïs les carrières et les mines «les plus profondes, dans les cailloux de _«cornaline, de calcédoine , etc. et dans les « masses de soufre, de marcassites et d'autres: « matières minérales et métalliques, sont « remplis de la matière mème qui forme les « bancs ou les couches, ou les masses qui « les renferinent, et jamais d'aucune matière « hétérogène *. La pesanteur specifique des « différentes espèces de sables ne diffère que « très-peu, étant généralement, par rapport « à l’eau, comme 25 ou 22 à 1; et les co- « quilles de pétoncle, qui sont à peu près de * Page 206, et ailleurs. | DE LA TERRE. 15 « ia même pesanteur, s’y trouvent ordinai- « rement renfermées en grand nombre, tan- & dis qu'on a de la peine à y trouver des « écailles d’huîtres, dont la pesanteur spéci- « fique n'est environ que comme 2+ à 1, « de hérissons de mer, dont la pesanteur n’est « que comme 2 ou 2-+ à 1, ou d’autres espèces « de coquilies plus légères : mais au con- « traire, dans la craie, qui est plus légère que « la pierre, n'étant à la pesanteur de l’eau « que comme environ 2-— à 1, On ne trouve « que des coquilles de hérissons de mer et « d'autres espèces de coquilles plus légères *. » Il faut observer que ce que dit ici Wood- ward ne doit pas ètre regardé comme règle générale; car on trouve des coquilles plus fégères et plus pesantes dans les mêmes ma- tières ; par exemple, des pétoncles, des huîtres et des oursins dans les mêmes pierres ét dans les mêmes terres; et mème on peut voir au cabinet du roi un pétoncle pétrifié en corna- line , et des oursins pétrifiés en‘agate: ainsi la différence de la pesanteur spécifique des coquilles n'a pas intflué, autant que le pré- * Voyez pages 17 et 18. 116 THÉOR pe 4 Ft tend Woodward, sur le lieu de leur positiôræ daus les couches de terre; et la vraie raison pourquoi les coquilles d’oursins, et d’autres aussi légères , se trouvent plus abondamment dans Les craies, c’est que la craie n’est qu'un détriment de coquilles, et que celles des our- sins étant plus légères, moins épaisses et plus friabies que les autres , elles auront été « aisément réduites en poussière €t en craie; en sorte qu’il ne se trouve des couches de craie que dans les endroits où il y avoit an- ciennement sous les eaux de la mer une grande abondance de ces coquilles lésères, dont les débris ont formé la craie dans laquelle nous trouvons celles qui, ayant résisté au choc et aux frottemens , se sont conservées tout entières, ou du moins en parties assez grandes pour que nous puissions les recon- noitre. Nous traiterons ceci plus à fond dans notre discours sur les minéraux; contentons-nous seulement d’avertir ici qu’il faut encore don- ner une modification aux expressions de Woodward : il paroit dire qu’on trouve des coquilles dans les cailloux, dans les corna- lines, dans les calcédoines, dans les minés, Ld e DE LA TERRE. 117 dans les masses de soufre, aussi souvent et eu aussi grand nombre que dans les autres - matières, au lieu que la vérité est qu'elles sont très-rares dans toutes les matières vitri- fiables ou purement inflammables, et qu’au contraire elles sont en prodigieuse abondance dans les craies, dans les marnes, dans les marbres et dans les pierres; en sorte que nous ne prétendons pas dire ici qu’absolu- ment les coquilles les plus légères sont dans les matières légères, et les plus pesantes dans celles qui sont aussi les plus pesantes, mais seulement qu'en général cela se trouve plus souvent ainsi qu'autrement. À la vérité, elles sont toutes également remplies de la subs- tance même qui les environne , aussi-bien celles qu’on trouve dans les couches horizon- tales, que celles qu’on trouve en plus petit nombre dans les matières qui occupent les fentes perpendiculaires, parce qu’en effet les unes et les autres ont été également formées par les eaux, quoiqu’en différens temps et de différentes façons , les couches horizontales de pierre, de marbre, etc. ayant été formées par les grands mouvemens des ondes de la mer, et les cailloux, les cornalines, les cal- 548 THÉORIE EU cédoines et toutes les matières qui sont dans les fentes perpendiculaires , ayant été pro duites par le mouvement particulier d’une: petite quantité d’eau chargée de différens sucs lapidifiques, métalliques , etc.; et dans les deux cas, ces matières étoient réduites en’ poudre fine et impalpable, qui a rempli l’in- térieur des coquilles si pleinement et si abso- lument, qu’elle n’y a pas laissé le moindre vide , et qu’elle s’en est fait autant de moules, à peu près comme on voit un cachet se mou- er sur le tripoli. Il y a donc dans les pierres, dans les mar- bres , etc. une multitude très-grande de co— quilles qui sont entières, belles, et si peu altérées, qu'on peut aisément les comparer avec les coquilles qu'on conserve dans les ca- , binets ou qu'on trouve sur les rivages de la: mer: elles ont précisément la même figure et la même grandeur; elles sont de la même substance, etleur tissu est le mème ; laimatière particulière qui les compose est la même ; elle est disposée et arrangée de la même ma- nière ; la direction de leurs fibres et des lignes spirales est la même, la composition des pe- tites lames formées par les fibres est la même + 1 ‘4 DE LA TERRE. 119 dans les unes et les autres: on voit dans le même endroit les vestiges on insertions des tendons par le moyen desquels l'animal étoit attaché et joint à sa coquille ; on y voit les mêmes tubercules , les mêmes ses, les mêmes cannelures; enfin tout est semblable, soit au dedans , soit au dehors de la coquille, dans sa cavité ou sur sa convexite, dans sa substance ou sur sa superficie. D'ailleurs ces coquillages fossiles sont sujets aux mêmes accidens ordinaires que les coquillages de la mer ; par exemple, ils sont attachés les plus petits aux plus gros; ils ont des conduits vermiculaires ; on y trouve des perles et d'autres choses semblables qui ont été pro- duites par l’animal lorsqu'il habitoit sa co- quille ; leur gravité spécifique est exacte- ment la mème que celle de leur espèce qu’on trouve actuellement dans la mer, et par la chimie on y trouve les mêmes choses; en un mot, 1ls ressemblent exactement à ceux de la mer*. J'ai souvent observé moi-même avec une espèce d'étonnement, comme je l’ai déja dit, * Voyez Woodward, page 13. RE r20 THÉORIE : sie. des montagnes entières, dés chaînes de ro . chers, des bancs énormes de carrières, tous composés de coquilles et d’autres débris de productions marines, qui y sont en si grande quantité, qu’il n’y a pas à beaucoup près autant de volume dans la matière qui Les lie: J'ai vu des champs labourés dans lesquels toutes les pierres étoient des pétoncles pétri- liés ; en sorte qu'en fermant les yeux et ra- massant au hasard , on pouvoit parier de ramasser un pétoncle : jen ai vu d’entière- ment couverts de cornes d’ammon, d’autres dont toutes les pierres étoient des cœurs de bœuf ou bucardites pétriñés; et plus on exa- inminera la terre, plus on sera convaincu que le nombre de ces pétrifications est infini, et ou en conclura qu'il est impossible que tous les animaux qui habitoient ces coquilles, alent existé dans le même temps. J'ai même fait une observation en cher- chant ces coquilles, qui peut être de quelque utilité; c’est que dans tous les pays où l’on trouve dans les champs et dans les terres labourables un très-orand nombre de ces coquilles pétrifiées, comme pétoncles, cœurs de bœuf, etc. entières, bien conservées , et DE L'AZVEIRR E "m0 totalement séparées , on peut être assuré que la pierre de ces pays est gélisse. Ces coquilles ne s’en sont séparées en si grand nombre que par l’action de la gelée, qui détruit la pierre et laisse subsister plus long-temps la coquille pétrifiée. | | | Cette immense quantité de fossiles marins que l’on trouve en tant d’endroits , prouve qu’ils n’y ont pas été transportés par un dé- luge ; car on observe plusieurs milliers de gros rochers et des carrières dans tous les pays où 1l y a des marbres et de la pierre à chaux, qui sont toutes remplies de vertébrés d'étoiles de mer, de pointes d’oursins, de coquillages, et d’autres débris de productions marines. Or, si ces coquilles qu'on trouve par-tout eussent été amenées sur la terre sèche par un déluge ou par une inondation, la plus grande partie seroit demeurée sur la surface de la Terre, ou du moins elles ne seroient pas enterrées à une grande profon- deur, et on ne les trouveroit pas dans les marbres Les plus solides à sept ou huit cents pieds de profondeur. Dans toutes les carrières ces coquilles font partie de la pierre à l’intérieur; et on en voit 11 | TNT UT | 4. id NTM L' K) 0 NP, ET THÉORIE quelquefois à l'extérieur qui sont recouvertes de stalactites qui, comme l’on sait, ne sont pas des matières aussi anciennes que la pierre qui contient les coquilles. Une seconde preuve que cela n’est point arrivé par un déluge, c'est que les os, les cornes, les ergots, les ongles, etc. ne se trouvent que très-rarement, et peut-être point du tout, renferimés dans les marbres et dans les autres pierres dures; tandis que si c’étoit l'effet d'un déluge où tout auroit péri, on y devroit trouver les restes des animaux de la terre aussi-bien que ceux des mers *. C’est, comme nous l'avons dit, une sup- position bien gratuite, que de prétendre que toute la Terre a été dissoute dans l’eau aw temps du déluge; et on ne peut donner quel- que fondement à cette idée, qu’en supposant un second miracle, qui auroit donné à l’eau la propriété d’un dissolvant universel ; mi- racle dont il n’est fait aucune mention dans l'Écriture sainte. D'ailleurs ce qui anéantit la supposition, et la rend même contradic- toire, c’est que toutes les matières ayant été * Voyez Hay s Discourses , page 198 et suiv. DE LA TERRE. 123 dissoutes dans l’eau, les coquilles ne l’ont pas été, puisque nous les trouvons entières et bien conservées dans toutes les masses qu'on prétend avoir été dissoutes : cela prouve évidemment qu’il n'y a jamais eu de telle dis- solution , et que l’arrangement des couches horizontales et parallèles ne s’est pas fait en un instant, mais par les sédimens qui se sont amoncelés peu à peu, et qui ont enfin produit des hauteurs considerables par la succession des temps; car il est évident, pour tous les gens qui se donneront la peine d’ob- server, que l’arrangement de toutes les ma- tières qui composent le globe, est l'ouvrage des eaux. Il n’est donc question que de sa- voir si cet arrangement a été fait dans\ le même temps: or nous avons prouvé qu'il n’a pas pu se faire dans le même temps, puisque les matières ne gardent pas l’ordre äe la pesanteur spécifique , et qu'il n'y a pas eu de dissolution générale de toutes les matières ; donc cet arrargement a été pro- duit par les eaux , ou plutôt par les sédi- mens qu'elles ont déposés dans la succession des temps : toute autre révolution, tout autre mouvement , toute autre cause, auroit pro— 124 THÉORIE f duit un arrangement très-différent. D'’ail- leurs un accident particulier , une révolu- tion ou un bouleversement, n’auroit paspro- duit un pareil effet dans Le globe tout entier ; et si l’arrangement des terres et des couches avoit pour cause des révolutions particu- lières .et accidentelles , on trouveroit les pierres et les terres disposées différemment en différens pays, au lieu qu’on les trouve par-tout disposées de même par couches pa- rallèles, horizontales , ou également incli- nées. Voici ce que dit à ce sujet l’historien de l'académie *. | « Des vestiges très-anciens et en très-grand «nombre d'inondations qui ont dû être « très-étendues , et la maniere dont on est « obligé de concevoir que les montagnes se € Fm" sont formées, prouvent assez qu’il est ar- « rivé autrefois à la surface de la Terre de _« grandes révolutions. Autant qu'on en a pu « creuser, on n'a presque vu que des ruines , Ca\ « des débris, de vastes décombres entassés « pêle-mêle, et qui, par une longue suite de * Année 1718, page 3 et suiv. DE LA TIEN RE. 125 «siècles, se sont incorporés ensemble, et «unis en une seule masse le plus qu'il a été possible: s’il y a dans le globe de la Terre quelque espèce d'organisation régu— lière, elle est plus profonde, et par consé- quent nous sera toujours inconnue , et toutes nos recherches se termineront à fouiller dans les ruines de la croûte exté-— rieure; elles donneront encore assez d'oc-— N, « Le) L< la) € CN L< Ps € Le) € La L< La cupations aux philosophes. « M. de Jussieu a trouvé aux environs de « Saint-Chaumont , dans le Lyonnois, une « grande quantité de pierres écailleuses ou feuilletées, dont presque tous les feuillets « portoient sur leur superficie l’empreinte « ou d’un bout de tige, ou d’une feuille, ou d’un fragment de feuille de quelque plante: les représentations de feuilles étoient tou- « jours exactement étendues, comme si on « avoit collé les feuilles sur les pierres avec « la main ; ce qui prouve qu’elles avoient été « apportées par de l’eau qui les avoit te- « nues en cet état; elles étoient en différentes. situations , et quelquefois deux ou trois se L< Le) Le Len € Le) € Le ra PEN € "ms « croisoient. « On imagine bien qu'une feuille 2ebobe J1 126 . THÉORIE Le « par l’eau sur une vase molle, et couverte « ensuite d’une autre vase pareille , imprime « sur l’une l’image de l’une de ces deux sur- « faces, et sur l’autre l’image de l’autre sur- « face; de sorte que ces deux lames de vase « étant durcies et pétrifiées, elles porteront « chacune l'empreinte d’une face différente. « Mais ce qu'on auroit cru devoir être, n’est « pas : les deux lames ont l'empreinte de la « même face de la feuille, l’une en relief, et « l’autre en creux. M. de Jussieu a observe, « dans toutes ces pierres figurées de Saint- « Chaumont, ce phénomène, qui est assez: « bizarre; nous lui en laissons l’explication, « pour passer à ce que ces sortes d’observa- « tions ont de plus général et de plus inteé- « ressanni. _ «Toutes les plantes gravées dans les pierres « de Saint-Chaumont sont des plantes étran- « sères; non seulement elles ne se trouvent « ni dans le Lyonnois, ni dans le reste de la « France ; mais elles ne sont que dans les « Indes orientales et dans les climats chauds «de l'Amérique : ce sont la plupart des « plantes capillaires, et souvent en parti- « culier des fougères. Leur tissu dur et serré me DE LA TERRE. _ 129 & les a rendues plus propres à se graver et à «se conserver dans les moules autant de « temps qu'il a fallu. Quelques feuilles de « plantes des Indes , imprimées dans des « pierres d'Allemagne, ont paru étonnantes « à M. Leibnitz* : voici la même merveille «infiniment multipliée ; il semble même « qu'il y ait à cela une certaine affectation «de la nature; dans toutes les pierres de « Saint - Chaumont on ne trouve pas une « seule plante du pays. «Il est certain, par les coquillages des « carrières et des montagnes, que ce pays, « ainsi que beaucoup d’autres, a dû autre- « fois être couvert par l’eau de la mer; mais « comment la mer d'Amérique ou celle des « Indes orientales y est-elle, venue? | «On peut, pour satisfaire à plusieurs phé- « nomènes , supposer avec assez de yrai- « semblance, que la mer a couvert tout le « globe de la Terre : mais alors 1l n’y avoit « point de plantes terrestres ; et ce n'est « qu'après ce temps-là, et lorsqu'une partie « du globe a été découverte, qu'il s’est pu * Voyez l'ÆHist. de 1706, page 9 et suiv. | D Un 128 THÉORIE CARE « faire les grandes inondations qui ont trans-. « porté des plantes d’un pays dans d'autres « fort éloignés. | «M. de Jussieu croit que comme le lit de «la mer hausse toujours par les terres, le « linon, les sables que les rivières y cha— « rient incessamment, des mers renfermées d'abord entre certaines digues naturelles sont venues à les surmonter, et se sont répandues au loin. Que les digues aient « elles-mêmes été minées par les eaux, et s’y « soient renversées, ce sera encore le mème € C Le) [ Ps € Las) Ps 2 : 2 effet, pourvu qu’on les suppose d’une gran- « deur énorme. Dans les premiers temps de « la formation de la Terre, rien n’avoit en-— Fra « core pris une forme réglée et arrêtée; 1l a «pu se faire alors des révolutions prodi- « gleuses et subites dont nous ne voyons plus .« d'exemple, parce que tout est venu à peu « près à un état de consistance, qui n'est « pourtant pas tel, que les changemens lents et peu considérables qui arrivent, ne nous donnent lieu d’en imaginer comme pos- ra ra rs (( PA ( Len € Len) sibles d’autres de mème espèce, mais plus grands et plus prompts. « Par quelqu'une de ces grandes révolu- € La) DE LA TERRE. 129 « tions, la mer des Indes, soit orientales, « soit occidentales, aura été poussée jusqu’en « Europe , et y aura apporté des plantes « étrangères flottantes sur ses eaux; elle les «avoit arrachées en chemin , et les alloit « déposer doucement dans les lieux où l’eau « n’étoit qu'en petite quantité, et pouvoit « s’évaporer. » MID DIEU I'O N'S ETF NOR er A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. I. Des coquilles fossiles et pétrifiées. Sur ce que j'ai écrit, page 92, au sujet de la lettre italienne , dans laquelle il est dit que ce sont les pélerins et autres qui dans le temps des croisades ont rapporté de Syrie les coquilles que nous trouvons dans le sein de la ni ARRS, joe 130 THÉORTVME terre en France , etc.on apu trouver, comme je le trouve moi-même, que je n’ai pastraité M. de Voltaire assez sérieusement ; j'avoue que j’aurois mieux fait de laisser tomber cette opinion que de la relever par une plaisanterie,’ d'autant que ce n’est pas mon ton, et que’ c'estpeut-être la seule quisoit dans mes écrits. M. de Voltaire est un homme qui, par la supeé- riorité de ses talens, mérite les plus grands égards. On m’apporta cette lettre italienne dans le temps même que je corrigeois la feuille de mon livre où il en est question; je ne lus cette lettre qu’en partie, imaginant que c’étoit l'ouvrage de quelque érudit d'Ita- lie, qui, d’après ses connoissances histori— ques ; avoit suivi que son préjugé , sans consulter la nature; et ce ne futqu’après l’im- pression de mon volume sur la théorie de la Terre , qu’on m'’assura que la lettre étoit de M. de Voltaire : j’eus regret alors à mes expres- sions. Voilà la vérité : je la déclare autantpour _ M.de Voltaire, que pour moi-même etpour la postérité, à laquelle je ne voudrois pas laisser douter de la haute estime que j'ai toujours , eue pour un homme aussi rare, et qui fait. tant d'honneur à son siècle. ne DE LA TER EF: 13r L'autorité de M. de Voltaireayant fait impression sur quelques personnes ,ils’en est trouvé qui ont voulu vérifier par eux-mêmes si les objections contre les coquilles avoient quelque fondement, et je crois devoir donner ici l'extrait d’un mémoire quim'a été envoyé, et qui me paroît n'avoir été fait que dans cette vue. À « En parcourant différentes provinces du « royaume et même d'Italie, j'ai vu, dit le « P. Chabenat, des pierres figurées de toutes « parts, etdans certains endroits en si grande « quantité et arrangées de façon qu'on ne « peut s'empêcher de croire que ces parties de «la Terre n’aient été autrefois le lit de la « mer. J'ai vu des coquillages de touteespèce, « et qui sont parfaitement semblables à feurs « analogues vivans. J'en ai vu de la même « Lis et de la même grandeur : cette obser- « vation m'a paru sufhsante pour me per- « suader que tous ces individus étoient de « différens âges , mais qu'ils étoient de la « même espèce. J’ai vu des cornes d’ammon « depuis un demi-pouce jusqu’à près de trois « pieds de diamèire. J'ai vu des pétoncles de « toutes grandeurs , d’autres bivalves et des NN M7" : « #: F FU 132 THÉORIE « univalves également. J’ai vu outre cela des « bélemnites , des champignons de mer, etc. « La forme et la quantité de toutes ces « pierres figurées nous prouvent presque in- « vinciblement qu’elles étoient autrelois des « animaux qui vivoient dans la mer. La co- «quille sur-tout dont elles sont couvertes, « semble ne laisser aucun doute , parce que, « dans certaines , elle se trouveaussi luisante, «aussi fraiche et aussi naturelle que dans les « vivans ; si elle étoit séparée du noyau , on «ne croiroit pas qu’elle fût pétrifiée. Il n’en « est pas de même de plusieurs autres pierres « figurées que l’on trouve dans cette vaste et « belle plaine qui s’étend depuis Montauban « jusqu’à Toulouse, depuis Toulouse jusqu'à «Alby et dans les endroits circonvoisins : « toute cette vaste plaine est couverte de «terre végétale depuis l'épaisseur d’un demi- « pied jusqu'à deux ; ensuite on trouve un « litde gros gravier , et de la profondeur d’en- « viron deux pieds; au-dessous du lit de gros « gravier est un lit de sable fin, à peu prés de « lamèmeprofondeur; et au-dessous du sable « fin , on trouve le roc. J'ai examiné atten- « tivement le gros gravier; je l'examine tous DE LA TERRE. 13% «les jours, j'y trouve une infinité de pierres « figurées de la même forme et de différentes | « grandeurs. J’y ai vu beaucoup d’'holothuries « et d’autres pierres de forme régulière , et « parfaitement ressemblantes. Tout ceci sem- « bloit me dire fort intelligiblement que ce « pays-ci avoit été anciennement le lit de la «ainer, qui, par quelque révolution sou « daine, s’en est retirée ef y a laissé ses pro- « ductions comme dans beaucoup d’autres en- « droits. Cependant je suspendois mon juge- « ment à cause des objections de M. de Vol- « taire. Pour y répondre, j'ai voulu joindre « l'expérience à l'observation. » Le P. Chabenat rapporte ensuite plusieurs expériences pour prouver que les coquilles qui se trouvent dans le sein de la terre, sont de la même nature que celles de la mer ; je ne les rapporte pas ici, parce qu’elles n’ap- prennent rien de nouveau , et que personne ne doute de cette identité de nature entre les coquilles fossiles et les coquilles marines. Enfin le P. Chabenat conclut et termine son mémoire en disant : «On ne peut donc pas « douter que toutes ces coquilles qui se & trouvent dans Le sein de la terre , ne soient 1 2 134: MT HÉU'RMRE « de vraies coquilles et des dépouilles des ani «maux de la mer qui couvroit autrefois «toutes ces contrées , et que par conséquent « les objections de M. de Voltaire ne soient mal « fondées. » I I. Sur les lieux où l’on a trouvé des coquilles, page 94. IL me seroit facile d'ajouter à l’énumé- ration des amas de coquilles qui se trouvent dans toutes les parties du monde, un très- grand nombre d'observations particulières qui m'ont été communiquées depuis trente- quatre ans. J'ai reçu des lettres des îles de l'Amérique, par lesquelles on m'assure que presque dans toutes on trouve des coquilles dans leur état de nature ou pétrifiées dans l'intérieur de la terre , et souvent sous la première couche de la terre végétale: M. de Bougainville a trouvé aux îles Malouines, des pierres qui se divisent par feuillets , sur lesquelles on remarquoit des empreintes de coquilles fossiles d’une espèce inconnue dans ces mers. J'ai reçu des letires de plusieurs DE E À VERRR E, 135 endroits des grandes Indes et de l'Afrique , où l’on me marque les mêmes choses. Don Ulloa nous apprend (tome 111, page 314 de son 7’oyage), qu'au Chili, dans le terrain qui s'étend depuis Talcaguano jusqu’à la Conception , l’on trouve des coquilles de dif- férentes espèces en très-srande quantité et sans aucun mélange de terre , et que c’est avec ces coquilles que l’on fait de la chaux. JL ajoute que cette particularité ne seroit pas si remarquable , si l’on ne trouvoit ces co- quilles que dans les lieux baset dans d’autres parages sur lesquels la mer auroit pu les cou- vrir ; mais que ce qu'il y a de singulier, dit-il , c’est que les mêmes tas de coquilles se trouvent dans les collines à 5o toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Je ne rapporte pas ce fait comme singulier, mais seulement comme s’accordantavec tous les autres, et comme étant le seul qui me soit conuu sur les coquilles fossiles de cette partie du monde , où je suis très-persuadé qu'on trouveroit, comme par-tout ailleurs , des pétrifications marines , à des hauteurs bien plus grandes que 50 toises au-dessus du miveau de la mer ; car le même don Ulloa | À HR 2 136 TH É'O R' HEIN a trouvé depuis des coquilles pétrifiées dans les montagnes du Pérou à plus de 2000 toises de hauteur : et, selon M. Kalm , on voit des coquillages dans l'Amérique septen- trionale, sur les sommets de plusieurs mon- tagnes ; 1l dit en avoir vu lui-même sur le sommet de la montagne Bleue. On en trouve aussi dans les craies des environs de Montreal, dans quelques pierres qui se tirent près du lac Champlain en Canada, et encore dans les parties les plus septentrionales de ce nouveau continent , puisque les Groenlandois croient que le monde a été noyé par un déluge, et qu’ils citent pour garant de cet événement, les coquilles et les os de baleine qui couvrent les montagnes les plus élevées de leur pays. Si de là on passe en Sibérie , on trouvera également des preuves de l’ancien séjour des eaux de la mer sur tous nos continens. Près de la montagne de Jémiséik , on voit d’autres montagnes moins élevées, sur le sommet des- quelles on trouve des amas de coquilles bien conservées dans leur forme et leur couleur naturelles : ces coquilles sont toutes vides , et quelques-unes tombent en poudre dès qu’on les touche; /a mer de cettecontrée n’en fournié DÉ LAVPERRE 1% plus de semblables ; les plus grandes ont un pouce de large, d’autres sont très-petites. _. Mais je puis encore citer des faits qu’on - sera bien plus à portée de vérifier : chacun. dans sa province n’a qu'à ouvrir les yeux, il verra des coquilles dans tous les terrains d’où l’on tire de la pierre pour faire de la chaux ; il en trouvera aussi dans la plupart des glaises , quoiqu’'en général ces produc- tions marines y soient en bien plus petite quantité que dans les matières calcaires. Dans le territoire de Dunkerque , au haut de la montagne des Récollets, près de celle de Cassel , à 400 pieds du niveau de la basse mer, on trouve un lit de coquillages horizon- talement placés et si fortement entassés, que la plus grande partie en sont brisés, et par- dessus ce lit , une couche de 7 ou 8 pieds de terre et plus; c’est à six lieues de distance de la mer , et ces coquilles sont de la même espèce que celles qu’on trouve actuellement dans la mer. Au mont Gannelon près d’Anet, à quelque distance de Compiègne , il y a plusieurs car- rières de très-belles pierres calcaires , entre les différens lits desquelles il se trouve du 12 NE 138 D SIT H É O'RIE M PNRN gravier mêlé d’une infinité de coquilles ow dé portions de coquilles marines très-légères et fort friables : on y trouve aussi des lits d'huîtres ordinaires de la plus belle conser= vation , dont l’étendue est de plus de cinq quarts de lieue en longueur. Dans l’une de ces carrières, 1l se trouve trois lits de co— . quilles dans différens états : dans deux de ces lits elles sont réduites en parcelles, et om ne peut en reconnoître les espèces , tandis que, dans le troisième lit , ce sont des huîtres qui n’ont souffert d'autre altération qu’une sécheresseexcessive : la nature de la coquille, l'émail et la figure sont les mêmes que dans l’analogue vivant ; mais ces coquilles onë acquis de la légéreté et se détachent par feuil- lets. Ces carrières sont au pied de la mon- tagne et un peu en pente. En descendant daus la plaine on trouve beaucoup d’huitres, qui ne sont ni changées, ni dénaturées , ni desséchées comme les. premières ; elles ont le même poids et le mêmé émail que celles que l’on tire tous les jours de la mer *. Auxenvironsde Paris, les coquilles marines * Extrait d’une lettre de M. Leschevin à M. de Buffon, Compiègne , le 8 octobre 1772 DE L'A TERRE, 138 ne sont pas moins communes que dans les endroits qu’on vient denommer. Les carrières de Bougival , où l’on tire de la marne, four- nissent une espèce d’huitres d’une moyenne grandeur : on pourroit les appeler Æuifres tronquées , aëlées et lisses , parce qu’elles ont le talon applati , et qu’elles sont comme tronquées en devant. Près de Belleville , où l’on tire du grès, on trouve une masse de sable dans la terre, qui contient des corps branchus, qui pourroient bien être du corail ou des madrépores devenus grès ; ces corps marins ne sont pas dans le sable même, mais dans les pierres , qui contiennent aussi des coquilles de différens genres , telles que des vis , des univalves et des bivalves. La Suisse n’est pas moins abondante en corps marins fossiles que la France et les autres contrées dont on vient de parler; on trouve au Az2ont Pilate , dans le canton de Lucerne , des coquillages de mer pétrifiés , des arêtes et des carcasses de poissons. C’est au-dessous de la corne du Dôme où l’on en rencontre Le plus ; on y a aussi trouvé du corail , des pierres d’ardoises qui se lévent aisément par feuillets, dans lesquelles on r40 TE ÉO RTE 000 trouve presque toujours un poisson. Depuis quelques années on a même trouvé des mâ- choires et des. crânes entiers de a £ saruies de leurs dents. , M. Altman observe que dans une des parties les plus élevées des Alpes aux environs de Grindelvald, où se forment les fameux Get- chers , il y a de très-belles carrières de mar- bre, qu’il a fait graver sur une des planches qui représentent ces montagnes : ces carrières de marbre ne sont qu'à quelques pas de dis- tance du Gletcher. Ces marbres sont de différentes couleurs; il yena du jaspé, du blanc , du jaune , du rouge , du verd : on transporte l’hiver ces marbres sur des. trai- neaux par-dessus les neiges jusqu'à Under- . seen, où on les embarque pour les mener à Berne par le lac de Thorne , et ensuite par la rivière d’Are. Ainsi les marbres et les pierres calcaires se trouvent, comme l’on voit, à une très-srande hauteur dans cette partie des Alpes. 1788 M. Cappeler , en faisant des recherches sur: le mont Grimsel (dans les Alpes), a observé .que les collines et les monts peu eleves qui confinent aux vallées, sont en bonne partie k DE LA TERRE. _ I4t composés de pierre de taille ou pierre mol- lasse , d’un grain plus ou moins fin et plus ou moins serré. Les sommités des monts sont composées , pour la plupart , de pierre à chaux de différentes couleurs et dureté : les montagnes plus élevées que ces rochers cal- caires sont composées de granits et d’autres pierres qui paroissent tenir de la nature du, granit et de celle de l’émeri; e’est dans ces pierres graniteuses que se fait la première génération du crystal de roche , au lieu que dans les bancs de pierre à chaux qui sont au-dessous , l’on ne trouve que des eoncré- tions calcaires et des spaths. En général , on a remarqué sur toutes les coquilles, soit fos- siles , soit pétrifiées, qu’il y a certaines espèces qui se rencontrent constamment en- semble , tandis que d’autres ne se trouvent jamais dans ces mêmes endroits. Il en est de même dans la mer , où certaines espèces de ces animaux testacés se tiennent cons- tamment ensemble, de même que certaines plantes croissent toujours ensemble, à la surface de la Terre *. * Lettres philosophiques de M. Bourguet. B:- bhothèque raisonnée, mois d'avril, mai et juin 17304 < 7: : : A "4 4 242 THE 6 BEN MW EU US On a prétendu trop généralement qu’il n'y avoit point de coquilles ni d’autres productions de la mer surlesplushautes montagnes. Il est vrai qu’il y a plusieurs sommets et un grand nombre de pics qui ne sont composés que de granits et de rochers vitrescibles , dans lesquels. on n’apperçoit aucun mélange , aucune em- preinte de coquilles ni d’aucun autre débris des productions marines ; mais il y a un bien plus grand nombre de montagnes , et même quelques-unes fort élevées , où l’on trouve de ges débris marins. M. Costa, professeur d’ana- tomie et de botanique en l’université de Per- pignan ,a trouvé, en 1774, sur la montagne _de Nas, située au midi de la Cerdagne espa- gnole , l’une des plus hautes parties des Pyrénées , à quelques toises au-dessous du sommet de cette montagne , une très-grande quantité de pierres /enticulées , c’est-à-dire, des blocs composés de pierres lenticulaires , et ces blocs étoient de différentes formes et de différens volumes ; les plus gros pou- voient peser quarante ou cinquante livres. El a observé que la partie de la montagne où ces pierres lenticulaires se trouvent, sem- bloit s'être affaissée ; il vit en effet dans cet DE LA TÉRRE . 2 endroit une dépression irrégulière , oblique, très-inclinée à l'horizon, dont une des extré- inités regarde le haut de la montagne , et l’autre le bas. Il ne put appercevoir distinc- tement les dimensions de cet affaissement à cause de la neige qui le recouvroit presque par-tout , quoique ce fût au mois d’août. Les bancs de pierres qui environnent ces pierres lenticulées , ainsi que ceux qui sont iinmé- diatemeut au-dessous, sont calcaires jusqu’à plus de cent toises toujours en descendant. Cette montagnede Nas, à en juger par le coup- d'œil, semble aussi élevée quele Canigou; elle me présente nulle part aucune trace de volcan. Je pourrois citer cent et cent autres exem- ples de coquilles marines trouvées dans une infinité d’endroits , tant en France que dans les différentes provinces de l’Europe: mais ce seroit grossir inutilement cet ouvrage de faits particuliers déja trop multiplies , et dont on ne peut s'empêcher de tirer la conséquence très-évidente que nos terres actuellement habitées ont autrefois été, et pendant fort long-temps , couvertes par les mers: Je dois seulement observer , et on vient Le de le voir, qu’on trouve ces coquilles marines AT Là Nes CS Y Fe 2 A due | fi 44 | THÉORIE dans des états différens : les unes pétrihées, c'est-à-dire , moulées sur une matière pier- reuse; et les autres dans leur état naturel, c'est-à-dire, telles qu’elles existent dans la mer. La quantité de coquilles pétrifiées qui ne sont proprement que des pierres figurées par les coquilles , est infiniment plus grande que celle des coquilles fossiles , et ordinaire- ment on ne trouve pas les unes et les autres ensemble ni même dans les lieux contigus. Ce n’est guère que dans le voisinage et à quelques lieues de distance de la mer , que Von trouve des lits de coquilles dans leur état de nature, et ces coquilles sont communé- ment les mêmes que dans les mers voisines : c’ést au contraire dans les terres plus éloi= gnées de la mer et sur les plus hautes collines que l’on trouve presque par-tout des coquilles pétrifiées , dont un grand nombre d'espèces n'appartiennent point à nos mers , et dont plusieurs mème n’ontaucun analogue vivant; cesont ces espèces anciennes dont nous avons parlé, qui n’ont existé que dans les temps de la grande chaleur du globe. De plus de cent espèces de cornes d’ammon que l’on pourroit compter, dit un de nos savans académiciens, A DE LA TERRE. 145 et qui se trouvent en France aux environs de Paris , de, Rouen , de Dive, de Langres et de Lyon, dans les Cévennes , en Provence et en Poitou, en Angleterre , en Alleniagne, et dans d’autres contrées de l'Europe, il n'y en a qu’une seule espèce nommée zautilus papyraceus , qui se trouve daus nos mers , et cinq à six espèces qui naissent dans les mers étrangères. LE. Sur les grandes volutes appelées cornes d’ammon , ef sur quelques grands osse- mens d'animaux terrestres. Jar dit, page 105, «qu'il est à croire que «les cornes d’ammon et quelques autres « espèces qu’on trouve pétrifiées , et dont on « n'a pas encore trouvé Les analogues vivans, « demeurent toujours dans le fond des hautes « mers, et qu'elles ont été remplies du sédi- « ment pierreux dans le lieu même où elles « étoient ; qu'il peut se faire aussi qu'il y ait «eu de certains animaux dont l'espèce a « péri, et que ces coquillages pourroient être Mat, gén. II. Page 13 A. x 46 THÉORIE « du nombre; que les os fossiles extraordi- « naires qu’on trouve en Sibérie, au Canada, «en Irlande, et dans plusieurs autres en-— « droits , semblent confirmer cette conjec- « ture; car jusqu'ici on ne connoît pas d'ani- « mal à qui on puisse attribuer ces os, qui, « pour la plupart, sont d’une grandeur et « d’une grosseur démesurée. » J'ai deux observations essentielles à faire sur ce passage : la première, c’est que ces cornes d’amimon , qui paroissent faire un senre plutôt qu’une espèce dans la classe des animaux à coquilles, tant elles sont diffé- rentes les unes des autres par la forme et la grandeur , sont réellement les dépouilles d'autant d'espèces qui ont péri et ne subsistent plus. J’en ai vu de si petites, qu'elles n’avoient pas une ligne, et d’autres si grandes, qu'elles avoient plus de trois pieds de diamètre. Des observateurs dignes de foi m'ont assuré en avoir vu de beaucoup plus grandes encore ; et entre autres une de huit pieds de diamètre sur un pied d'épaisseur. Ces différentes cornes d’'ammon paroissent former des espèces dis- tinctement séparées : les unes sont plus, les autres moins applaties ; il y en a de plus ou de DS DE LA TERRE. 47 moins cannelées, toutes spirales, mais diffé- remment terminées, tant à leur centre qu’à leurs extrémités : et ces animaux, si nom- breux autrefois, ne se trouvent plus dans au- cune de nos mers; ils ne nous sont connus que par leurs dépouilles, dont je ne puis mieux représenter le nombre immense que par un exemple que j'ai tous les jours sous les yeux. C’est dans une minière de fer en grain, près d'Étivey , à trois lieues de mes forges de Buffon; minière qui est ouverte il y a plus de cent cinquante ans, et dont on a tire depuis ce temps tout le minerai qui s’est consomme à la forge d’Aisy; c’est là, dis-je, que l’on voit une si grande quantité de ces cornes d’'ammon entières et en fragmens , qu'il semble que la plus grande partie de la minière a été modelée dans ces coquilles. La mine de Conflans en Lorraine, qui se traite au fourneau de Saint-Loup en Franche- Comté, n’est de même composée que de bé- iémnites et de cornes d’'ammon: ces der- nières coquilles ferrugineuses sont de gran- deur si différente, qu’il y en a du poids depuis au gros jusqu'à deux cents livres. Je pourrois æiier d'autres endroits où elles sont eégale- 148 THÉORIE ment abondantes. Il en est de même des bé= lemuites , des pierres leuticulaires , et de quantite d’autres coquillages dont on me re- trouve point aujourd'hui les analogues vivans dans aucune région de la mer, quoiqu’elles soient presque universellement repandues sur la surface entière de la Terre. Je suis persuadé que loutes ces espèces , qui n'existent plus, ont autrefois subsisté pendant tout le temps que la temperature du globe et des eaux de la mer etoit plus chaude qu’elle ne l’est aujour- d'hui; et qu’il pourra de même arriver, à mesure que le globese refroidira, que d’autres espèces actuellement vivantes cesseront de se multiplier, et périront comme ces premières ont péri , par le refroidissement. La seconde observation, c’est que quelques “uns de ces ossemens énormes, que je croyois appartenir à des animaux inconnus, et doné je supposois les espèces perdues, nous ont paru neanmoins, après les avoir scrupuleu- sement examines , appartenir à l'espèce de l’eléphant et à celle de l’hippopotame, mais, à la vérité, à des éléphans et des hippopotames plus grands que ceux du temps présent. Je ne connois dans les animaux terrestres qu'une DE LA TERRE, 249 seule espèce perdue; c’est celle de l’animal dont j'ai fait dessiner les dents molaires avec leurs dimensions (planches 1,11 et r1rr des Époques de la,/nature) : les autres grosses dents et grands ossemens que jai pu re- cueillir , ont appartenu à des élephans et à des hippopotames. [4 13 PREUVES" DE LA THÉORIE DE LA TERRE. À R DT EC L'E0T Sur les inégalités de la surface de la Terre. Lzss inégalités qui sont à la surface de la Terre, qu'on pourroit regarder comme une imperfection à la figure du globe, sont en même temps une disposition favorable et qui étoit nécessaire pour conserver la vége- tation et la vie sur le globe terrestre: 1l ne faut, pour s’en assurer , que se prêter un instant à concevoir ce que seroit la Terre, si elle étoit égale et régulière à sa surface ; on verra qu’au lieu de ces collines agréables d’où coulent des eaux pures qui entretiennent la THÉORIE DE LA TERRE. 15e verdure de la terre, au lieu de ces campagnes riches et fleuries où les plantes et les ani- maux trouvent aisément leur subsistance , une triste mer couvriroit le globe entier, et qu'il ne resteroit à la Terre de tous ses attri- buts, que celui d’être une planète obscure, abandonnée, et destinée tout au plus à l’ha- bitation des poissons. Mais indépendamment de la nécessité mo- rale , laquelle ne doit que rarement faire preuve en philosophie, 1l y a une nécessité physique pour que la Terre soit irrégulière à sa surface; et cela, parce qu’en la supposant même parfaitement résuliére dans son ori- gine, le mouvement des eaux, les feux sou- terrains , les vents et les autres causes exteé— rieures auroient nécessairement produit à la longue des irrégularités semblables à celles que nous voyons. Les plus grandes inégalités sont les pro- fondeurs de l'Océan, comparées à l'élévation des montagnes: cette profondeur de l'Océan est fort différente, même à de grandes dis- tances des terres; on prétend qu'il y a des endroits qui ont jusqu'à une lieue de pro- fondeur : mais cela est rare, et les profon- > DE 7 FA ds 4 152 THÉORIE deurs les plus ordinaires sont depuis 60 jus= qu'à 120 brasses. Les golfes et les parages voisins des côtes sont bien moins profonds, et Les détroits sont ordinairement les endroits de la mer où l’eau a le moins de profon- deur. Pour sonder les profondeurs de la mer, on se sertordinairement d’un morceau de plomb de 50 ou 40 livres, qu'on attache à une petite corde. Cette manière est fort bonne pour les profondeurs ordinaires : mais lorsqu'on veut sonder de grandes profondeurs , on peut tom- ber dans l’erreur, et ne pas trouver de fond où cependant il y en a, parce que la corde étant spécifiquement moins pesante que l’eau, il arrive, après qu’on en a beaucoup dévidé, que le volume de la sonde et celui de la corde ne pêsent plus qu’autant ou moins qu’un pa- reil volume d’eau; dès-lors la sonde ne des- cend plus, et elle s'éloigne en ligne oblique, en se tenant toujours à la même hauteur : ainsi, pour sonder de grandes profondeurs, il faudroit une chaîne de fer ou d'autre ma- tière plus pesante que l’eau. Il est assez pro- bable que c’est faute d’avoir fait cette atten- tion, que les navigateurs nous disent que la \ DE LA TERRE. 153 mer n’a pas de fond dans une si grande quan tité d’endroits. En general, les profondeurs dans les hautes mers augmentent ou diminuent d'une ma- nière assez uniforme ; et ordinairement plus on s'éloigne des côtes, plus la profondeur est grande : cependant cela n’est pas sans excep- tion, et il y a des endroits au milieu de la mer , où l’on trouve des écueils, comme aux Abrolhos dans la mer Atlantique ; d'autres où il y a des bancs d’une étendue très-con- siderable, comme le grand banc, le banc appelée le Borneur dans notre Ocean, les bancs et les bas-fonds de l'Océan indien, etc. De même le long des côtes les profondeurs sont fort inégales : cependant on peut donner comme une règle certaine , que la profondeur de la mer à la côte est toujours proportionnée à la hauteur de cette mème côte, en sorte que si la côte est fort élevée, la profondeur sera fort grande; et, au contraire, si la plage est basse et le terrain plat, la profondeur est fort petite, comme dans les fleuves où les rivages élevés annoncent toujours beau- coup de profondeur, et où les grèves et les bords de niveau montrent ordinairement : 58. MH É OR un gué, ou du moins une profondéur mé diocre. Mt Il est encore plus aisé de mesurer la hauteur des montagnes que de sonder les profondeurs des mers, soit au moyen de la géométrie pra- tique, soit par le baromètre: cet instrumeut peut donner la hauteur d'une montagne fort exactement, sur-tout dans les pays où sa va- riation n'est pas considérable, comme au Pérou et sous les autres climats de l’équa- teur. On a mesuré par l’un ou l’autre de ces moyens la hauteur de la plupart des eémi- nences qui sont à la surface du globe ; par exemple, on a trouve que les plus hautes montagnes de Suisse sont élevées d'environ seize cents toises au-dessus du niveau de la mer plus que le Canigou, qui est une des plus hautes des Pyrénées *. IL paroït que ce sont les plus hautes de toute l'Europe, puis- qu’il en sort une grande quantité de fleuves, qui portent leurs eaux dans différentes mers fort éloignées, comme le PG, qui se rend dans la mer Adriatique ; le Rhin, qui se perd dans les sables en Hollande; le Rhône, qui * Voyez lHist. de l'acad. 1708, page 24. DE LA TERRE. 155 tombe dans la Méditerranée; et le Danube, qui va jusqu'à la mer Noire. Ces quatre fleuves, dont les embhouchures sont si éloi- gnées les unes des autres, tirent tous une par- tie de leurs eaux du mont Saint-Godard et des montagnes voisines; Ce qui prouve que ce point est le plus élevé de l’Europe. Les plus hautes montagnes de l'Asie sont le mont Taurus, le mont Imaüs, le Caucase, et les montagnes du Japon. Toutes ces mon- tagnes sont plus élevées que celles de l’'Eu- rope; celles d'Afrique, le grand Atlas et les monts de la Lune sont au moins aussi hautes que celles de l'Asie; et les plus élevées de toutes sont celles de l'Amérique méridionale, sur-tout celles du Pérou, qui ont jusqu’à 3000 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer. En general, les montagnes entre les tro- piques sont plus élevées que celles des zones temperées , et celles-ci plus que celles des zones froides ; de sorte que plus on approche de l'équateur , et plus les inégalités de la sur- face de la Terre sont grandes. Ces inégalités, quoique fort considérables par rapport à nous, ne sont rien quand on les considère par rap- port au globe terrestre. Trois mille toises de * ‘156 THÉORIE | | HE différence sur trois mille lieues de diamètre, c’est une toise sur une lieue, ou un pied sur deux mille deux cents pieds; ce qui, sur un globe de deux pieds et demi de diamètre, ne fait pas la sixième partie d’une ligne : ainsi la Terre, dont la surface nous paroît traver- sée et coupée par la hauteur énorme des mon- tagnes et par la profondeur affreuse des mers, n'est cependant, relativement à son volume, que très-légérement sillonnée d’inégalités si peu sensibles, qu’elles ne peuvent causer au- cune différence à la figure du globe. Dans les continens, les montagnes sont continues et forment des chaînes ; dans les îles, elles paroissent ètre plus interrompues et plus isolées, et elles s'élèvent ordinaire- ment au-dessus de la mer en forme de cône ou de pyramide, et on les appelle des pics. Le pic de 'énérifte, dans l’île de Fer, est une des plus hautes montagnes de la Terre: elle a près d’une lieue et demie de hauteur perpen- diculaire au-dessus du niveau de la mer. Le pic de Saint-George dans l’une des Açores, le pic d'Adam dans l'ile de Ceylan , sont aussi fort élevés. Tous ces pies sont composés de rochers entassés Les uns sur les autres, et i DE LA TERRE. 157 ils vomissent à leur sommet du feu, des cendres, du bitume, des minéraux et des pierres. Il y a même des îles qui ne sont pré- cisément que des pointes de montagnes , comme l’île Sainte-Hélène, l’ile de l'Ascen- sion, la plupart des Canaries et des Açores ; et il faut remarquer que dans la plupart des îles , des promontoires et des autres terres \ f . avancées dans la mer, la partie du milieu est toujours la plus élevée, et qu’elles sont ordi- nairement séparées en deux par des chaînes de montagnes qui les partagent dans leur plus grande longueur, comme en Ecosse le ont Gransbain, qui s’étend d’orient en oc- cident , et partage l’île de la Grande-Bretagne en deux parties: 1l en est de mème des iles de Sumatra , de Lucon, de Borneo, des Célébes, de Cuba et de Saint-Domingue , et aussi de l'Italie, qui est traversée dans toute sa lon- ueur par l’Apennin , de la presqu'ile de Co- ree , de celle de Malaye, etc. Les montagnes, comme l’on voit, différent beaucoup en hauteur; les collines sont les plus basses de toutes; ensuite viennent les montagnes médiocrement élevées, qui sont suivies d’un troisième rang de montagnes | 14 58 THÉORIE AU y encore plus hautes , lesquelles, comme les précédentes , sont ordinairement chargées d'arbres et de plantes, mais qui, ni les unes ni les autres, ne fournissent aucune source , excepté au bas; enfin les plus hautes de toutes les montagnes sont celles sur lesquelles on ne trouve que du sable, des pierres, des cailloux et des rochers dont les points s’é- lèvent souvent jusqu'au - dessus des nues: c'est précisement au pied de ces rochers qu’il y a de petits espaces, de petites plaines, des enfoncemens, des espèces de vallons où l’eau de la pluie, la neige et la glace s'arrêtent, et où elles forment des étangs, des marais, des fontaines, d’où les fleuves tirent leur ori- piae *. | La forme des montagnes est aussi fort dif- férente : les unes forment des chaînes dont la hauteur est assez égale dans une très-longue étendue de terrain, d’autres sont coupées par des vallons très-profonds ; les unes ont des contours assez réguliers, d’autres paroissent au premier coup d'œil irrégulières, autant * Voyez Lettres philosophiques sur la formation des sels, etc. page 198. DE LA TERRE. 154 qu'il est possible de l'être; quelquefois on trouve au milieu d’un vallon ou d’une plaine un monticule isolé : et de même qu'il y a des montagnes de différentes espèces, il y a aussi de deux sortes de plaines, les unes en pays bas, les autres en montagnes : les premières sont ordinairement partagées par le cours de quelque grosse rivière; les autres, quoique d’une étendue considérable, sont sèches, et n'ont toutau plus que quelque petit ruisseau. Ces plaines en montagnes sont souvent fort élevées, et toujours de difficile accès : elles forment des pays au-dessus des autres pays, comme en Auvergne , en Savoie, et dans plu- sieurs autres pays élevés; le terrain en est ferme et produit beaucoup d'herbes et de plantes odoriférantes, ce qui rend ces dessus de montagnes les meilleurs pâturages du monde. Le sommet des hautes montagnes est com- posé de rochers plus ou moins élevés, qui ressemblent, sur-tout vus de loin, aux ondes de la mer *. Ce n’est pas sur cette observation Voyez Lettres philosophiques sur la formation des sels, page 196. \ AT RQ UN CE x60 THÉ O RP EM NUINES seule que l’on pourroit assurer , comme nous l'avons fait, que les montagnes ont été for- mées par les ondes de la mer, el je ne la rap- porte que parce qu’elle s’accorde avec toutes les autres. Ce qui prouve évidemment que la mer a couvert et formé les montagnes, ce sont les coquilles et les autres productions marines qu’on trouve par-tout en si grande quantité, qu'il n’est pas possible qu’elles aient été transportées de la mer actuelle dans des continens aussi éloignés et à des profondeurs aussi considérables. Ce qui le prouve, cesont les couches horizontales et parallèles qu'on trouve par-tout , et qui ne peuvent avoir été formées que par les eaux ; c’est la composition des matières, même les plus dures, comme de la pierré et du marbre, à laquelle on re- connoît clairement que les matières étoient réduites en poussière avant la formation de ces pierres et de ces marbres, et qu'elles se, sont précipitées au fond de l’eau en forme de sédiment ; c’est encore l'exactitude avec laquelle les coquilles sont moulées dans ces matières ; c’est l’intérieur de ces mêmes co- quilles, qui est absolument rempli des ma- tières dans lesquelles elles sont reufermées : { DE LA TERRE. 16€ et enfin ce qui le démontre incontestable ment, ce sont les angles correspondans des montagnes et des collines, qu'aucune autre cause que les courans de la mer n’auroit pw former ; c’est l'égalité de la hauteur des col- lines opposées et les lits des différentes ma- tières qu'on y trouve à la même hauteur; c’est la direction des montagnes, dont les chaines s'étendent en longueur dans le mème sens, comme l’on voit s’etendre les ondes de la mer. À l'égard des profondeurs qui sont à la sur- face de la Terre, les plus grandes sont sans contredit les profondeurs de la mer : mais comme elles ne se présentent point à Fœil, et quon n’en peut juger que par la sonde, nous n'entendons parler que des profondeurs de terre ferme, telles que les profondes val- lées que l’on voit eutre les montagnes, les précipices qu'on trouve entre les rochers, les abimes qu'on apperçoit du haut des monta- gnes, comme l’abime du mont Ararath, les précipices des Alpes, les vallées des Pyrenees. Ces profondeurs sont une suite naturelle de l'élévation des montagnes; elles reçoivent les eaux et Les terres qui coulent de la montagne; ‘14 4 à tbe: 1f de 162 THÉORIE le terrain en est ordinairement très-fertile et fort habité. Pour les précipices qui sont entre les rochers, ils se forment par l’affaissement des rochers, dont la base cède quelquefois plus d’un côté que de l’autre, par l’action de l’air et de la gelée qui les fait fendre et les sépare, et par la chûte impétueuse des torrens qui s’ouvrent des routes et entraînent tout ce qui s'oppose à leur violence : mais ces abimes, c’est-à-dire ces énormes et vasles précipices qu’on trouve au sommet des mon: iagnes, et au fond desquels il n’est quelque- fois pas possible de descendre, quoiqu’ils aient une demi-lieue ou une lieue de tour, ont éte formés par le feu ; ces abimes étoient autre- fois les foyers des volcans, et toute la maiière qui y manque, en a été rejetée par l’action et l’explosion de ces feux , qui depuis se sont éteints faute de matière combustible. L’abîime du mont Ararath, dont M. de Tournefort donne la description dans son 7’oyage du Levant, est environné de rochers noirs et brülés , comme seront quelque jour les abimes de l’Etna , du Vésuve et de tous les autres volcans , lorsqu'ils auront consumé toutes les matières combustibles qu’ils renferment. À DE LA TERRE. 163 Dans l’Æistoire naturelle de la province de Stafford en Angleterre, pax Plot, il est parlé d'une espèce de gouffre qu’on a sondé jusqu’à la profondeur de 2600 pieds perpendiculaires, sans qu'on y ait trouvé d’eau : on n’a pu même en trouver le fond, parce que la Le n'étoit pas assez longue*. . Les grandes cavités et les mines profondes sont ordinairement dans les montagnes, et elles ne descendent jamais , à beaucoup près, au niveau des plaines: ainsi nous ne connois- sons par ces cavités que l’intérieur de la montagne, et point du tout celui du globe. D'ailleurs ces profondeurs ne sont pas en effet fort considérables. Ray assure que les mines les plus profondes n’ont pas un demi- mille de profondeur. La mine de Cotteberg ; qui, du temps d’Agricola, passoit pour la plus profonde de toutes les mines connues, n'avoit que 2500 pieds de profondeur perpen- diculaire. IL est vrai qu’il y a des trous dans certains endroits, comme celui dont nous venons de parler dans la province de Staf- * Voyez le Journal des savans , année 1680, page 12 164 THE O RTE UN ford, ou le Poolshole dans la province de Darby en Angleterre, dont la profondeur est peut-être plus grande : mais tout cela n’est rien en comparaison de l'épaisseur du globe. | Si les rois d'Égypte, au lieu d’avoir fait des pyramides et élevé d'aussi fastueux mo numens de leurs’ richesses et de leur vanité, eussent fait la même dépense pour sonder la terre et y faire une profonde excavation, comme d’une lieue de profondeur, on auroit peut-être trouvé des matières qui auroient dédommageé de la peine et de la dépense, ou tout au moins on auroit des connoissances qu’on n’a pas sur les matières dont le globe est composé à l’intérieur; ce qui seroit peut- être fort utile. Mais revenons aux montagnes. Les plus élevées sont dans les pays méridionaux; e£ plus on approche de l'équateur, plus on trouve d’inégalités sur la surface du globe. Ceci est aisé à prouver par une courte énu- mération des montagnes et des îles. En Amérique, la chaîne des Cordillières, les plus hautes montagnes de la Terre, est precisément sous l'équateur, et elle s'étend DE'DA TÉÈRRE. 165 des deux côtés bien loin au-delà des cercles qui rènferment la zone torride. En Afrique, les hautes montagnes de la Lune et du Monomotapa, le grand et le petit Atlas, sont sous l'équateur, ou n’en sont pas éloignées. En Asie, le mont Caucase, dou la chaîne s'étend sous différens noms jusqu'aux mon taones de la Chine, est, dans toute cette éten- due , plus voisin de l’équateur que des poles. En Europe, les Pyrénées, les Alpes et Les montagnes de la Grèce, qui ne sont que la même chaine, sont encore moins éloignées de l'équateur que des poles. Or ces montagnes dont nous venons de faire l'énumération , sont toutes plus élevées, plus considérables et plus étendues en longueur et en largeur que les montagnes des pays sep- tentrionaux. À l'égard de la direction de ces chaînes de montagnes, on verra que les Alpes prises dans toute leur étendue forment une chaine qui traverse le continent entier depuis l’Es- pagne jusqu à la Chine : ces montagnes com- mencent au bord de la mer en Galice, ar— rivent aux Pyrénées, traversent la France LA A 166 THÉORIE. par le Vivarais et l'Auvetésls high Vltas lie, s'étendent en Allemagne et au-dessus de la Dalmatie jusqu’en Macédoine , et de là se joignent avec les montagnes d'Arménie, le Caucase, le Taurus, l’Imaüs, et s’étendent jusqu’à la mer de Tartarie. De mème le mont Atlas traverse le continententier de l'Afrique d’occident en orient depuis le royaume de Fez jusqu'au détroit de la mer Rouge. Les monts de la Lune ont aussi la même direc- tion. Mais en Amérique la direction est toute contraire, et les chaînes des Cordillières et des autres montagnes s'étendent du nord au sud plus que d’orient en occident. Ce que nous observons ici sur les plus grandes éminences du globe, peut s’observer aussi sur les plus grandes profondeurs de la mer. Les plus vastes et les plus hautes mers sont plus voisines de l’équateur que des poles, et 11 résulte de cette observation que les plus grandes inégalités du globe se trouvent dans: les climats méridionaux. Ces irrégularités qui se trouvent à la surface du globe, sont la cause d’une infinité d’effets ordinaires et extraordinaires ; par exemple, entre les r1= DE LA TERRE. 167 vières dé l'Inde et du Gange il y a une large chersonèse qui est divisée dans son milieu par une chaine de hautes montagnes que l’on appelle Ze Gate, qui s'étend du nord au sud depuis les extrémités du mont Caucase jus- qu'au cap de Comorin : de l’un des côtes est Malabar, et de l’autre Coromandel; du côté de Malabar , entre cette chaîne de montagnes et la mer, la saison de l'été est depuis le mois de septembre jusqu'au mois d'avril, et pendant tout ce temps le ciel est serein et sans aucune pluie; de l’autre côté de la mon- tagne , sur la côte de Coromandel, cette même saison est leur hiver, et il y pleut tous les jours en abondance ; et du mois d’avril au mois de septembre c’est la saison de l'été, tandis que c’est celle de l'hiver en Malabar; en sorte qu'en plusieurs endroits qui ne sont guère éloignes que de 20 lieues de chemin , on peut, en croisant la mon- tague, changer de saison. On dit que la même chose se trouve au cap Razalgat en Arabie, et de même à la Jamaïque, qui est séparée dans son milieu par une chaîne de montagnes dont la direction est de l’est à l’ouest, et que les plantations qui sont au midi de ces 168 LE H É 0 RENOM montagnes éprouvent la chaleur de l'été, tandis que celles qui sont au nord souffrent. la rigueur de l'hiver dans ce même temps. | Le Pérou, qui est situé sous la ligne et qui s'étend à environ mille lieues vers le midi, est divisé en trois parties longues, étroites , que les habitans du Pérou appellent Zanos, sierras, et andes. Les lanos, qui sont les plaines , s'étendent tout le long de la côte de la mer du Sud; les sierras sont des collines avec quelques vallées; et les andes sont ces fameuses Cordillières, les plus-hautes mon- tagnes que l’on connoisse. Les lanos ont 10 lieues plus ou moins de largeur; dans plu- sieurs endroits les sierras ônt 20 lieues de largeur, et les andes autant, quelquefois plus, quelquefois moins : la largeur est de l’est à l’ouest, et la longueur est du nord au sud. Cette partie du monde a ceci deremarquable : 1°. dans les lanos, le long de toute cette côte, le vent de sud-ouest souffle constamment, ce qui est contraire à ce qui arrive ordinaire- ment dans la zone torride; 2°. il ne pleut ni ne tonne jamais dans les lanos, quoiqu'il ÿ tombe quelquefois un peu de rosée; 30, il pleut presque continuellement sur les andes; > DE LA TERRE. 169 49, dans les sierras, qui sont entre les lanos et les andes, il pleut depuis le mois de sep— tembre jusqu'au mois d'avril. On s’est apperçu depuis long-temps que les chaines des plus hautes montagnes alloient d’occident en orient; ensuite , après la décou- verte du nouveau monde, où a vu qu'il yen avoit de fort considérables qui tournoient du nord au sud: mais personne n’avoit décou- vert avant M. Bourguet la surprenante réou- larité de la structure de ces grandes masses ; il a trouvé, après avoir passé trente fois les Alpes en quatorze endroits différens, deux fois l’Apennin, et fait plusieurs tours dans les environs de ces montagnes et dans le mont Jura , que toutes les montagnes sont formées dans leurs contours à peu près comme les ouvrages de fortification. Lorsque le corps d’une montagne va d'occident en orient, elle forme des avances qui regardent, autant qu'il est possible , le nord et le midi : cette regula- ritéadmirable est si sensible dans les vallons, qu’il semble qu’on y marche dans un chemin D , . couvert fort régulier; car si, par exemple, on voyage dans un vallon du nord au sud, on remarque que la montagne qui està droite 15 QE | CON BP) NME +70 THÉORIE : forme des avances ou des angles qui regardent _Jl'orient, et ceux de la montagne du côté sauche regardent l'occident; de sorte que néanmoins les angles saillans de chaque côté répondent réciproquement aux angles ren trans qui leur sont toujours alternativement opposés. Les angles que les montagnes for ment dans les grandes vallées , Sont moins aigus, parce que la pente est moins roide et qu'ils sont plus éloignés les uns des autres; et dans les plaines ils ne sont sensibles que dans le cours des rivières, qui en occupent ordinairement le milieu : leurs coudes natu- rels répondent aux avances les plus marquées ou aux angles les plus avancés des montagnes auxquelles le terrain où les rivières coulent, va àboutir. Il est étonnant qu’on n'ait pas apperçu une chose si visible ; et lorsque dans une vallée la pente de l’une des montagnes qui la borde, est moins rapide que celle de Yautre, la rivière prend son cours beaucoup plus près de la montagne la plus rapide, et elle ne coule pas dans le milieu *. * Voyez Letires philosophiques sur la forma- tion des sels, pages 18r et 200. DE LA TERRE. te On peut joindre à ces observations d’autres ebservations particulières qui les confirment: par exemple, les montagnes de Suisse sont bien plus rapides, et leur pente est bien plus grande du côté du midi que du côté du nord, et plus grande du côté du couchant que du côte du levant ; on peut le voir dans la mon- tagne Gemmi , dans le mont Brisé , et dans presque toutes les autres montagnes. Les plus hautes de ce pays sont celles qui séparent la Vallésie et les Grisons, de la Savoie, du Pié- mont et du Tyrol; ces pays sont eux-mêmes une continuation de ces montagnes, dont la chaine s'étend jusqu’à la Méditerranée , et continue même assez loin sous les eaux de cette mer : les montagnes des Pyrénées ne sont aussi qu une continuation de cette vaste montagne qui commence dans la Vallésie supérieure , et dont les branches s’étendent fort loin au couchant et au midi, en se sou-. tenant toujours à une grande hauteur, tandis qu'au contraire du côte du nordet de l’est ces montagnes s’abaissent par degrés jusqu’à de- venir des plaines ; comme on le voit par les vastes pays que le Rhin , par exemple , et le Danube arrosent avant que d'arriver à leurs x THÉORIE | embouchures, au lieu que le Rhône descend avec rapitite vers le midi dans la mer Médi- terranée. La mème observation sur le pen-— chant plus rapide des montagnes du côte du midi et du couchant que du côté du nord ou du levant , se trouve vraie dans les mon-— tagnes d'Angleterre et dans celles de Norvege: mais la partie du monde où cela se voit le plus évidemment, c’est au Perou etau Chili; la longue chaine des Cordullières est coupée très-rapidementdu côté du couchant, le long de la iner Pacifique , au lieu que du côte du levant elle s’abaisse par degrés dans de vastes plaines arrosées par les plus grandes rivières du monde *. M. Bourguet , à qui on doit cette belle observation de la correspondance des angles des montagnes , l'appelle avec raison, /a clef de la théorie de la Terre ; cependant 1l me paroit que s’il en eût senti toute l’impor- tance , il l’auroit employée plus heureuse- ment en la liant avec des faits convenables, et qu’il auroit donne une theorie de la Terre * Voyez Transact. philos. abrig, vol. VI, part IT, page 158. DE LA TERRE. 173 L plus vraisemblable , au Heu que dans son mémoire, dont on a vu l'exposé, il ne pré sente que le projet d’un systèmehypothétique dont la plupart des conséquences sont fausses ou précaires. La théorie que nous avons don- née roule sur quatre faits principaux , des- quels on ne peut pas douter après avoir exa- mine les preuves qui les constatent : le pre- mier est ,que la Ferre est par-tout, et jusqu’à des profondeurs considerables , composée de couches parallèles et de matières qui ont été autrefois dans un état de mollesse; le second, que la mer a couvert pendant quelque temps la Terre que nous habitons ; le troisième, que les marées et les autres mouvemenus des eaux produisent des inégalités dans le fond de la mer ; et le quatrième, que ce sont Les courans de la nrer qui ont donné aux mon- tagnes la forme de leurs contours, et la direction correspondante dont il est question. Ou jugera , après avoir lu les preuves que contiennent les articles suivans , si jai eu tort d'assurer que ces faits solidement éta- blis , établissent aussi la vraie théorie de la Terre. Ce que j'ai dit dans le texte au sujet de la formation des montagnes, n'a pas besoin #7f ‘ JTHÉORME se d'une plus ample explication; mais-comme on pourroit m'objecter que je ne rends pas raison de la formation des pics ou pointes de montagnes, non plus que de quelques autres faits particuliers, j'ai cru devoir ajouter icx les observations et les reflexions que j'ai faites sur ce sujet. J'ai tâché de me faire une idée nette et générale de la manière dont sont arrangées les différentes matières qui composent le globe, etilm'a paru qu'on pouvoit les considerer d'une manière différente de celles dont on les a vues jusqu'ici ; j'en fais deux classes générales, auxquelles je les réduis toutes : la première est celie des matières que nous trou- vons posées par couches, par lits ; par bancs horizontaux ou régulièrement inclineés ; et la seconde comprend toutes les matières qu’on trouve par amas , par filons, par veines per- pendiculaires et irrégulièrement inclinées. Dans la première classe sont compris les sables, les argilles , les granits ou Le roc vif, les cailloux et les grès en grande masse, les charbons de terre, les ardoises , Les schistes , etc. et aussiles marnes, les craies , les pierres calcinables , les marbres, etc. Danslaseconde, DE LA TERRE. 135 je mets les métaux, les minéraux, les crys- taux , les pierres hines,et les cailloux en petites masses. Ces deux classes comprennent géné- ralement toutes les matières que nous con- noissons : les premières doivent leur origine aux sédimens transportés et déposés par les eaux de la mer , et on doit distinguer celles qui, étant mises à l'épreuve du feu , se cal- cinent et se réduisent en chaux, de celles qui se fondent et se réduisent en verre ; pour les secondes , elles se réduisent toutes en verre, à l’exception de celles que le feu consume en tièrement par l’inflammation. Dans la première classe nous distinguerons d'abord deux espèces de sable : l’une , que je regarde comme la matière la plus abondante _ du globe, qui est vitrifiable , ou plutôt qui n'est qu'un composé de fragmens de verre ; l’autre, dont la quantité est beaucoup moin-. dre , qui est calcinable et qu'on doit regarder comme du débris et de la poussière de pierre, et quine diffère du gravier que par la grosseur des grains. Le sable vitrifiable est, en général, pose par couches comme toutes les autres matières : mais ces couches sontsouvent inter- rompues par des masses de rochers de grès, 176: (THÉORIE de roc vif, de caillou , et quelquefois, ces matières sont aussi des bancs et des lits d’une grande étendue. En examinant ce sable et ces matières vitri- fiables , on n’y trouve que peu de :coquilles de mer; et celles qu’on y trouve ne sont pas, placées par lits, elles n’y sont que parsemées et comme jetées au hasard : par exemple, je n’en ai jamais vu dans les grès; cette pierre, qui est fort abondante en certains endroits n’est qu’un composé de parties sablonneuses qui se sont réunies: on ne la trouve que dans les pays où le sable vitrifiable domine , et ordinairement les carrières de grès sont dans des collines pointues, dans des terres sablon- neuses. et dans des éminences entrecoupées. On peut attaquer ces carrières dans tous les sens; et s’il y a des lits, ils sont beaucoup plus éloignés les uns des autres que dans les carrières de pierres calcinables , ou de mar- bres : on coupe dans le massif de la carrière de grès des blocs de toutes sortes de dimen-— sions et dans tous les sens , selon le besoin, et la plus grande commodité ; et quoique le grès soit difficile à travailler , il n’a cepen- dant qu’un genre de dureté, c’est de resisier ee ii à + APE DEL A TERRE. 177 à des coups violens sans s'éclater ; car le frottement l’use peu à peu et le réduit aisé- menten sable, à l'exception de certains clous noirâtres qu'on y trouve, et qui sont d'une matière si dure, que les meilleures limes ne peuvent y mordre. Le roc vif est vitrifiable comme le srès , et il est de la même nature; seulementil est plus dur, etles parties en sont mieux lies : 11 y a aussi plusieurs clous sem- blables à ceux dont nous venons de parler, comme on peut le remarquer aisément sur les sommets des hautes montagnes, qui sont pour la plupart de cette espèce de rocher , et sur lesquels on ne peut pas marcher un peu de temps sans s’appereevoir que ces clous cou- pent et déchirent le cuir des souliers. Ce roc vif qu’on trouveau-dessus des hautes monta- gnes, et que je regarde comme une espèce de granit, contient une grande quantité de pail- lettes talqueuses, et il a tous les genres de dureté au point de ne pouvoir être travaillé qu'avec une peine infinie. J'ai examiné de près la nature de ces clous qu'on trouve dans le grès et dans le roc vif, et j'ai reconnu que c'est une matière métal- lique fondue et calcinée à un feu très-violent, 4 \.: 178 “THÉORIE et qui ressemble parfaitement à de certaines matières rejetées par les volcans, dont j'ai vu une grande quantité étant en Italie, où low me dit que les gens du pays les appeloient schiarri. Ce sont des masses noirâtres fort pesantes, sur lesquelles le feu, l'eau , ni la _ lime, ne peuvent faire aucune impression , dont la matière est différente de celle de la _ lave ; car celle-ci est une espèce de verre, au lieu que l’autre paroît plus métallique que vitrée. Les clous du grès et du roc vif ressem- blent beancoup à cette première matière; ce qui semble prouver encore que toutes ces ma- tières ont été autrefois liquéfiées par le feu. On voit quelquefois en certains endroits , au plus haut des montagnes , une prodigieuse quantite de blocs d’une grandeur considérable de ce roc vif, mêlé de paillettes talqueuses : Leur position est si irrégulière, qu'ils parois- sent avoir été lancés et jetés au hasard ; et on croiroit qu'ils sont tombes de quelque hauteur voisine , si les lieux où on les trouve n’étoient pas élevés au-dessus de tous les autres lieux: mais leur substance vitrifiable et leur fisure anguleuse et quarrée comme celle des rochers de grès , nous découvrent DE LA TERRE. 179 une origine commune entre ces matièrès. Ainsi dans les grandes couches de sable vitri- fiable il se forme des bancs de grès et de roc vif , dont la figure et la situation ne suivent pas exactement la position horizontale de ces couches : peu à peu les pluies ont entrainé du sommet des collines et des montagnes le sable qui les couvroit d'abord , et elles ont commencé par sillonner et découper ces collines dans les intervalles quisesont trouvés entre les noyaux de grès, comme on voit que sont découpées les collines de Fontainebleau ; chaque pointe de colline répond à un noyau qui fait une carrière de grès, etchaqueinter- valle a été creuse et abaissé par les eaux, qui ont fait couler le sable dans la plaine. De mème les plus hautes montagnes , dont les sommets sont composés de roc vif et ter- minés par ces blocs anguleux dont nous ve- nons de parler , auront autrefois été recou- vertes de plusieurs couches de sable vitri- fiable dans lequel ces blocs se seront formés ; et les pluies ayant entraîné tout le sable qui les couvroit et qui les environnoit , ils seront demeurés au sommet des montagnes dans la position où ils auront été formés. Ces blocs y à be‘ SAS 180 THÉORIE présentent ordinairement des pointes au= dessus et à l'extérieur : ils vont en augmen— tant de grosseur à mesure qu'on descend et qu'on fouille plus profondément ; souvent même un bloc en rejoint un autre par la base , ce second un troisième, et: ainsi de suite , en laissant entre eux des intervalles irreguliers ; et comme par la succession des temps les pluies ont enlevé et entrainé tout le sable qui couvroit ces différens noyaux, il ne reste au-dessus des hautes montagnes que les noyaux mèmes qui forment des pointes plus ou moins élevées, etc'est-la l’origine des pics ou des cornes de montagnes. Car supposons , comme il est facile de le prouver par les productions marines qu'on y trouve, que la chaine des montagnes des Alpes ait été autrefois couverte des eaux de la mer, et qu'au-dessus de cette chaîne de montagnes 1l y eût une grande épaisseur de sable vitrifiable que l’eau de la mer y avoit transporté et déposé , de la même façon et parles mêmes causes qu’ellea déposé et trans- porté dans les lieux un peu plus bas de ces montagnes une grande quantité de coquil- ages, et considérons cette couche extérieure DE LA TERRE. 18€ de sable vitrifiable comme posée d’abord de niveau et formant un plat pays de sable au dessus des montagnes des Alpes, lorsqu'elles étoient encore couvertes des eaux de la mer: il se sera formé dans cette épaisseur de sable des noyaux de roc, de grès, de caillou, et de toutes les matières qui prennent leur origine et leur figure dans les sables par une meca- nique à peu près semblable à celle de la crys- tallisation des sels ; ces noyaux une fois for mes auront soutenu les parties où ils se sont trouvés, et les pluies auront détaché peu à peu tout le sable intermédiaire , aussi-bien que celui qui les environnoitimmédiatement; les torrens, les ruisseaux , en se précipitant du haut de ces montagnes , auront entraîné ces sables dans les vallons , dans les plaines , et en auroñtconduit une partie jusqu’à la mer; de cette façon le somimet des montagnes se sera trouvé à découvert , et les noyaux dé+ chaussés auront paru dans toute leur hauteur. C’est ce que nous appelons aujourd’hui des pics ou des cornes de montagnes , et ce qui a formé toutes ces éminences pointues qu’on voiten tant d'endroits; c’est aussi là l’origme de ces roches élevées et isolées qu'on trouve à Mar, gén. TI, 16 182 : THÉORIE Ja Chine et dans d’autres endroits, comme en Irlande , où on leur a donné le nom de devil’s stones, ou pierres du diable, et dont la formation , aussi-bien que celle des pics des montagnes, ayoit toujours paru une chose difficile à expliquer : cependant l'explication que j'en donne est si naturelle , qu’elle s’est présentée d’abord à l'esprit de ceux qui ont vu ces roches, et je dois citer ici ce qu’en dit le père du Tartre dans les Leïtres édifiantes: « DeYan-chuin-yen nous vinmes à Ho-tcheou : «nous renuconträmes en chemin une ‘chose « assez particulière; ce sont des roches d’une «hauteur extraordinaire et de la figure d’une « grosse tour quarrée, qu’on voit plantées au « milieu des plus vastes plaines. On ne sait « comment elles se trouvent là , si ce n’est «que ce furent autrefois des montagnes, et « que les eaux du ciel ayant peu à peu fait « ébouler la terre qui environnoit ces masses « de pierre, les aient ainsi à la longue escar- « pees de toutes parts : ce qui fortifie la con- « jecture, c’est que nous en vimes quelques- « unes quigigrs le bas sont encore environ- «nées de terre jusqu'à une certainehauteur*.» -# Voyez Lettres édif. rec. IT , t. IT, pag. 155, etc. 2 DE LA TERRE. 183 Le sommet des plus hautes montagnes est donc ordinairement composé de rochers et de plusieurs espèces de granit, de roc vif, de grès, et d’autres matières dures et vitriñables, et cela souvent jusqu’à deux ou trois cents toises en descendant ; ensuite on y trouve souvent des carrières de marbre ou de pierre dure qui sont remplies de coquilles, et dont : la matière est calcinable, comme on peut le remarquer à la grande Chartreuse en Dau- puiné et sur le mont Cenis , où les pierres et les marbres qui contiennent des coquilles , sont à quelques centaines de toises au-dessous des sommets, des pointes et des pics des plus hautes montagnes , quoique ces pierres rem- plies de coquilles soient elles-mêmes à plus de mille toises au-dessus du niveau de la mér. Ainsi les montagnes où l’on voit des pointes ou des pics sont ordinairement de roc vitri- fiable , et celles dont les sommets sont plats contiennent pour la plupart des marbres et des pierres dures remplies de productions marines. Îl en est de même des collines lors- qu'elles sont de grès ou de roc vif : elles sont pour la plupart entrecoupées de pointes, d'éminences, de tertres et de cavités, de pro ] Had : ET 4 184 THÉORIE Né fondeurs et de petits vallons intermédiaires; * au contraire celles qui sont composées dé pierres calcinables sont à peu près égales dans toute leur hauteur , et elles ne sont inter—- rompues que par des gorges et des vallons plus grands, plus réguliers, et dont les angles sont correspondans ; enfin elles sont couron- nées de rochers dont la position est régulière et de niveau. Quelque différence qui nous paroisse d’a- bord entre ces deux formes de montagnes , elles viennent cependant toutes deux de la, même cause, comme nous venons de le faire -voir ; seulement on doit observer que ces pierrés calcinables n'ont éprouvé aucune alté- ration , aucun changement , depuis la forma- tion des couches horizontales , au lieu que celles de sable vitrifiable ont pu être altérées et interrompues par la production postérieure des rochers et des blocs anguleux qui se sont formés dans l’intérieur de ce sable. Ces deux espèces de montagnes ont des fentes qui sont presque toujours perpendiculaires dans ceHes de pierres calcinables, et qui paroissent être un peu plus irrégulières dans celles de roc vif et de grès; c’est dans ces fentes qu’on trouve # L DE LA TERRE. 185. les métaux , les minéraux, les crystaux, les soufres et toutes les matières de la seconde classe , et c’est au-dessous de ces fentes que les eauxse rassemblentpourpenétrerensuiteplus avant et former les veines d’eau qu’on trouve au-dessous de la surface de la Terre. ADDITIONS A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. L. Sur la hauteur des montagnes. Novs avons dit , page 164 de ce volume, que les plus hautes montagnes du globe sont les Cordillières en Amérique , sur-tout dans la partie de ces montagnes qui est située Sous l'équateur et entre les tropiques. Nos mathé- maticiens envoyés au Pérou , et quelques autres observateurs , en ont mesuré les hau- 16 MR * + 4 PPS NAT : Ÿ NM F4 n AY MER He. 1660 , MH É O RMEMM teurs au-dessus du niveau de la mer du Sud, les uns géométriquement , les autres par le _ moyen du baromètre, qui, n'étant pas sujet à de grandes variations dans ce climat, donné une mesure presque aussi exacte que celle de: la trigonométrie. Voici le résultat de leurs observations. Hauteur des montagnes les plus élevées de læ province de Quito au Pérou. toises, Cota-catché , au nord de Quito . . . « . 2570. Cayambé-orcou, sous l'équateur. . « .. 3050, Pitchincha, volcan en 1539, 1597 etr660 24304 ÂAntisana, volcan en 1590 . . . . . . « . 3020. Sinchoulogoa, volcan en 1660 . . . . .. 2570. Illinica, présunié volcan. . a be de RE Coto-paxi, volcan en 1533, 1542 et 1744 2950. Chimboraco , volcan : on 1gnore l’époque de sou ÉruDHon .J Lie salles en 0 640200 . Cargavi-raso, volcan écroulé en 1698 . . 2460. Tongouragoa, volcan en 1641. . .. .. 2620. El-alian, l’une des moniagnes appelées Cannes ee ei aile oi ele Eve eee RE Sangual, volcan actuellement enflammé à (CRDI MU une eo dis + 2 NRS RSS En comparant ces mesures des montagnes : , » DE LA TERR E. 187 ds l'Amérique méridionale avec celles de motre continent , on verra qu’elles sont en général élevées d’un quart de plus que celles de l'Europe ,; et que presque toutes ont été où sont encore des volcans embrasés ; tandis que celles de l’intérieur de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique , même celles qui sont les plus élevées, sont tranquilles depuis un temps immémorial. Il est vrai que, dans plusieurs de ces dernières montagnes, on reconnoié assez évidemment Fancienne existence des volcans , tant par les précipices dont les parois sont noires et brülées , que par la nature des matières qui environnent ces précipices , eË qui s'étendent sur la croupe de ces mon- tagnes : mais comme elles sont situées dans l’intérieur des continens, et maintenant très- éloignées des mers , l’action de ces feux sou- terrains, quine peut produire de grands effets que par le choc de l’eau, a cessé lorsque les mers se sont éloignées ; et c’est par cette rai son que , dans les Cordillières, dont les racines ‘bordeut, pour ainsi dire , la mer du Sud, la plupart des pics sont des volcans actuellement agissans , tandis que depuis très-long-temps les volcans d'Auvergne , du Vivarais, du : | A, ” 4 M Lu | 188 THÉORIE. e Languedoc, etceux d'Allemagne, de laSuisse, etc. en Europe, ceux du mont Ararath en Asie, et ceux du mont Atlas en Afrique, son£ absolument éteints. La hauteur:à laquelle les vapeurs se gla- cent , est d'environ 2400 toises sous la zone , torride ; et en France, de 1500 toises de hau- teur : les cimes des hautes montagnes surpas- sent quelquefois cette ligne de 8 à 900 toises , et toute cette hauteur est couverte de neiges qui ne fondent jamais ; les nuages( qui s'éle- vent le plus haut ) ne les surpassent ensuite que de 3 à 400 toises , et n’excèdent par conséquent le niveau des mers que d’envi- ron 3600 toises : ainsi , s’il y avoit des mon- tagnes plus hautes encore, on leur verroit sous la zone torride une ceinture de neige à 2400 toises au-dessus de la mer , qui finiroit à 3500 ou 3600 toises, non par la eessation du froid , qui devient toujours plus vif à mesure qu’on s'élève, mais parce que les vapeurs n’iroient pas plus haut. M. deKeralio, savant physicien ,a recueilli toutes les mesures prises par différentes per- sonnes sur la hauteur des montagues dans plusieurs contrées. | DE LA TERRE. 289 En Grèce, M. Bernoulli a déterminé la hauteur de l’Olympe à 1017 toises : ainsi la neige n'y est pas constante, non plus que sur le Pélion en Thessalie, le Cathalylium et le _Cyllenou ; la hauteur de ces monts n’atteint pas le degré de la glace. M. Bouguer donne deux mille cinq cents toises de hauteur au pic de Ténériffe, dont le sommet est toujours couvert de neige. L’Etna , les monts norvé- giens , l'Hémus, l’Athos, l'Atlas, le Caucase, et plusieurs autres ,telsque le mont Ararath, le Taurus , le Libanon, sont en tout temps couverts de neige à leurs sommets. toises, Selon Pontoppidam , les plus hauts monts de Norvése ont. DU IE E VSa00 Nota. Cette mesure , ainsi que la suivante, me paroissent exagérées. ; toises, Selon M. Brovallius , les plus hauts monts Mode ont... .: 1... 20. MDI Selon les Mémoires de l’académie royale des sciences (année 1718), les plus hautes montagnes de France sont Les suivantes : toises, Le Canul.. .,,,,.,......,.. 984 190 THÉORIE Lu DT DT . Le mont Ventoux, .. . es 0 + « ° 1036: Le Canigou des Pyrénées. . . . . . « « » 1441 Le Moussec. . . . .. ne see nie) 1253. Le Saint-Barthélemi, . , . . . . . .. . 1184 Le mont d'Or en Auvergne, volcan éteint, 1048. Selon M. Needham, les montagnes de Sa- voie ont en hauteur: toises, Le couvent du grand Saint-Bernard. « . 124r. Le Roc au sud-ouest de ce mont . . . . 1274. Le mont Sérébé.:, hu . 010 SERRES L'’allèc Blanche, O5 4 M SRE NES Le mont Toumé . "2 3 (OR EN 1683. Selon M. Facio de Duiller, le mont Blanc, ou la Montagne maudite, a . . 2213. IL est certain que les principalesmontagnes { . 4 de Suissesont plus hautes que celles de France, d’Espagne , d'Italie et d'Allemagne ; plusieurs sayans ont déterminé, comme il suit , la hauteur de ces montagnes. Suivant M. Mikhéli, la plupart de ces montagnes, comme le Grimselberg, le Wet- terhorn, le Schrekhorn, l'Eighess-schnéeberg, _le Ficherhorn , le Stroubel , le Fourke , le Louk-manier, le Crispalt , le Mougle , la L 2 } | DE LA TERRE. TO cime dù Baduts et du Gottard , ont de 2400 à 2750 toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer: maisje soupçonne que ces mesures données par M. Mikhéli sont trop fortes, d’au- tant qu’elles excèdent de moitié celles qu'ont données MM. Cassini, Scheuchzer et Mariotte, qui pourroient bien être trop foibles, mais non pas à cet excès ; et ce qui fonde mon doute , c’est que dans les régions froides et tempérées où l'air est toujours orageux , le baromètre est sujet à trop de variations , même incon- nues des physiciens , pour qu'ils puissent compter sur Les résultats qu’il présente. à I Sr la direction des montagnes. J'Ar dit, page 166 de ce volume, que Z& direction des grandes montagnes est du nord au sud en Amérique , et d’occident en orient dans l’ancien continent. Cette dernière asser- tion doit être modifiée : car quoiqu'il paroisse au premier coup-d'œil qu'on puisse suivre les montagnes de l'Espagne jusqu’à la Chine, en passant des Pyrénées , en Auvergne, aux Alpes, en Allemagne, en Macédoine, au Cau- AL RE +92 Air 6 0 PR case et autres montagnes de V'Asie j jusqu’ àla mer deTartarie, et quoiqu’ilsemble de même quele mont Atlas partage d’occident en orient le continent de l'Afrique, cela n'empêche pas que le milieu de cette grande presqu’ile ne soit une chaîne continue de hautes montagnes qui s'étend depuis le mont Atlas aux monts dela Lune, etdes monts dé la Lune jusqu'aux terres du cap de Bonne-Esperance ; en sorte que l'Afrique doit être considérée comme composée de montagnes qui en occupent le milieu dans toute sa longueur , et qui sont disposées du nord au sud et dans la même direction que celles de l'Amérique. Les parties de l’Atlas qui s'étendent depuis le milieu et des deux côtés vers l'occident et versl’orient, ne doivent être considérées que comme des. branches dela chaîne principale. Il en serade même de la partie des monts de la Lune qui s'étend vers l’occident et vers l’orient: ce son£ des montagnes collatérales de la branche prin- cipale qui occupe l’intérieur, c’est-à-dire, le milieu de l'Afrique ; et s’il n’y a point de volcans dans cette prodigieuse étendue de montagnes , c’est parce que la mer est des deux côtés fort éloignée du milieu de cette DE LA TERRE. +93 vaste presqu'ile ; tandis qu’en Amérique la mer est très-voisine du pied des hautes mon- tagnes , et qu'au lieu de former le milieu de la presqu’ile de l'Amérique méridionale, elles sont au contraire toutes situées à l’occident, et que l’étendue des basses terres esten entier du côté de l’orient. La grande chaîne des Cordillières n’est pas la seule, dans le nouveau continent , qui soit dirigée du nord au sud; car dans le terrain de la Guiane, à environ centcinquante lieues de Cayenne, il y a aussi une chaine d’assez hautes montagnes qui court également du nord au sud : cette montagne est si escarpée du côté qui regarde Cayenne, qu’elle est, pour ainsi dire , inaccessible. Ce revers à- plomb de la chaîne de montagnes semble andiquer qu'il y a de l'autre côté une pente douce et une bonne terre : aussi la tradition du pays, ou plutôt le témoignage des Espa- gnols , est qu'il y a au-delà de cette montagne. des nations de sauvages réunis en assez grand nombre. On a dit aussi qu'il y avoit une mine d’or dans ces montagnes et un lac où l’on trouvoit des paillettes d Or ; mais ce fait ne s'est pas confirmé. 17 r94 THÉORI E En Europe, la chaîne de montagnes qu commence en Espagne, passe en France, en Allemagne eten Hongrie » Se partage en deux grandes branches, dont l’une s’étend en Asie par les montagnes de la Macédoine, du Cau- case , etc. et l’autre branche passe de la Hon- grie dans la Pologne , la Russie , et s'étend jus- qu'aux sources du Wolga et du Borysthène; etse prolongeant encore plus loin , elle gagne une autre chaine de montagnes en Sibérie qui aboutit enfin à la mer du Nord à l'occiz dent du fleuve Oby. Ces chaines de montagnes doivent être regardées comme un sommet presque continu, dans lequel plusieurs grands fleuves prennent leurs sources : les uns, \ comme le Tage , la Doure en Espagne , la . Garonne , la Loire en France , le Rhin en Allemagne , se jettent dans l'Océan; les au- tres , comme l’Oder ; la Vistule, le Niémen, se jettent dans la mer Baltique ; enfin d’au- tres fleuves, comme la Doine , tombent dans la mer Blanche, et le fleuve Petzora dans la mer Glaciale. Du côté de l’orient , cette même chaine de montagnes donne naissance à l’Yeu-— car et l'Ebre en Espagne ,au Rhône en France, au P6 en Italie, qui tombent dans la mer DE LA TERRE. _ 195 Méditerranée ; au Danube et au Don , qui se perdent dansla mer Noire, et enfin au Wolga, qui tombe dans la mer Caspienne. Le sol de la Norvége est plein de rochers et de grouppes demontagnes. Il y a cependant des plaines fortunies de six, huitet dix milles d'étendue. La direction des montagnes n’est point à l’ouest ou l’est, comme celle des au- tres montagnes de l’Europe ; elles vont au contraire, commeles Cordillières, du sud au nord. | > | Dans l'Asie méridionale , depuis l'île de Ceylan et le cap Comorin , il s'étend une chaîne de montagnes qui sépare le Malabar de Coromandel , traverse le Mogol , regagne le mont Caucase, se prolonge dans le pays des Calmouks, et s’étend jusqu’à la mer du Nordà l'occident du fleuvelrtis: on en trouve une autre qui s'étend de mème du nord au sud jusqu’au cap Razalgat en Arabie , et qu'on peut suivre à quelque distance de la mer Rouge jusqu’à Jérusalem ; elleenvironne l'extrémité de la mer Méditerranée et la pointe de la mer Noire ,et de la s'étend par la Russie jusqu’au même point de la mer du Nord. On peut aussi observer que les montagnes : \ RE NY RTE NYPN Pre +96 THÉORIE de l’Indostan et celles de Siam courent du sud au nord , et vont également se réunir aux rochers du Thibet et de la Tartarie. Ces montagnes offrent, de chaque côté , des sai- sons différentes : à l’ouest on a six mois de pluie, tandis qu’on jouit à l’est du plus beau soleil. | Toutes les montagnes de Suisse , c’est-à= dire, celles de la Vallésie et des Grisons , celles de la Savoie, du Piémont et du Tyrol, forment une chaîne qui s’étend du nord au sud jusqu’à la Méditerranée. Le mont Pilate, situé dans le canton de Lucerne , à peu près dans le centre de la Suisse, forme une chaîne d'environ quatorze lieues qui s’étend du nord au sud jusque dans le canton de Berne. On peut donc dire qu’en genéral les plus grandes éminences du globe sont disposées du nord au sud, et que celles qui courent dans d’autres directions ne doivent être regardées que comme des branches collatérales de ces premières montagnes; et c’est en partie par cette disposition des montagnes primitives , que toutes les pointes des continens se pré- sentent dans la direction du nord au sud, comme on le voit à la pointe de l'Afrique, à DE LA TERRE. 197 celle de l'Amérique , à celle de Californie ; à celle du Groenland , au cap Comorin , à Suma- tra , à lanouvelle Hollande , etc. cequiparoît indiquer, comme nous l’avons déja dit, que toutes les eaux sont venues en plus grande quantité du pole austral que du pole boréal. Si l'on consulteunenouvelle mappemonde, dans laquelle on a représenté autour du pole arctique toutes Les terres des quatre parties du monde , à l’exception d’une pointe de l'Amérique , et autour du pole autarctique, toutes les mers et le peu de terres qui compo- sent l'hémisphère pris dans cesens, on recon- noîtra évidemment qu'ilyaeu beaucoup plus de bouleversemens dans ce second hémisphère que dans le premier , et que la quantité des eaux ya toujours été et y est encore bien plus cousiderable que dans notre hémisphère. Tout concourt donc à prouver queles plus grandes inégalités du globe se trouvent dans les par- ties méridionales, et que la direction la plus générale des montagues primitives est du nord au sud plutôt que d’orient en occident dans toute l'étendue de la surface du globe. 198 THÉORIE. | SNA "1 1 . Sur la formation des montagnes. L! Toures les vallées et tous les vallons de la surface de la Terre , ainsi que toutes les montagnes et les collines , ont eu deux causes primitives : la première est le feu , et la seconde l'eau. Lorsque la Terrea pris sa con- sistance , 1l s’est élevé à sa surface un grand nombre d’aspérités , il s’est fait des boursou— lures comme dans un bloc de verre ou de métal fondu. Cette première cause a donc produit les premières et les plus hautes mon- tagnes qui: tiennent par leur base à la roche intérieure du globe , et sous lesquelles, comme par-tout ailleurs, ila dû se trouver des caver- nes qui se sont affaissées en différens temps : mais , sans considérer ce second événement de l’affaissement des cavernes , il est certain que , dans le premier temps où la surface de la Terre s’est consolidée, elle étoit sillonnée par-tout de profondeurs et d’éminences uni- quement produites par l’action du premier refroidissement, Ensuite, lorsque les eaux se ' DA LA TAMRE . 10 sont dégagées de l’atmosphère , ce qui est arrive dès que la Terre a cessé d’être brûlante au point de les rejeter en vapeurs, ces mêmes. eaux ont couvert toute la surface de la Terre actuellement habitée jusqu’à la hauteur de 2000 toises; et, pendant leur long séjour sur nos continens , le mouvement du flux et du reflux ef celui des courans ont changé la disposition et la forme des montagnes et des vallées primitives. Ces mouvemens auront forme des collines dans les vallées , ils auront recouvert et environné de nouvelles couches de terre le pied et les croupes des montagnes ; et les courans auront creusé des sillons , des vallons, dont tous les angles secorrespondent. C’est à ces deux causes , dont l’une est bien plus ancienneque l’autre, qu'il faut rapporter la forme extérieure que nous présente la sur- face de la Terre. Ensuite, lorsque les mers se sont abaissées, elles ont produit des escarpe- mens du côté de l’occident où elles s’écou-— loient le plus rapidement, et ont laissé des pentes douces du côte de l’orient. Les éminences qui ont été formées par le . Sédiment et les dépôts de la mer , ont une ” structure bien différente de celles qui doivent 200 THÉORIE f L leur origine au feu primitif: les premières À sont toutes disposées par couches horizontalés et contiennent une infinité de productions marines ; les autres, au contraire, ont une structure moins régulière et ne renferment aucun indice de productions de la mer. Ces montagnes de première et de seconde forma- tion n’ont rien de commun que les fentes perpendiculaires qui se trouvent dans les unes comme dans les autres ; mais ces fentes sont un effet commun de deux causes bien différentes. Les matières vitrescibles, en se refroidissant , ont diminué de volume, et se sont par conséquent fendues de distance en distance; celles qui sont composées de matières calcaires amenées par les eaux , se sont fen— dues par le desséchement. À J'ai observé plusieurs fois sur les collines isolées, que le premier effet des pluies est de dépouiller peu-à-peu leur sommet et d’en entrainer les terres, qui forment au pied de la colline une zone uniforme et très-épaisse de bonne terre, tandisque le sommet est devenu chauve et dépouillé dans son contour ; voilà l'effet que produisent et doivent produire les pluies : mais une preuve qu'il y a-eu une DE LA TERRE, 20r autre cause qui avoit précédemment disposé les matières autour de la colline , c’est que, dans toutes et même dans celles qui sont iso- lées , il y a toujours un côté où le terrain est meilleur ; elles sont escarpées d’une part, et en pente douce de l’autre ; ce qui prouve l’action et la direction du mouvement des eaux d’un côté plus que de l’autre. T'Y Sur la duretéquecertaines matières acquièrent | par le feu aussi-bien que par l’eau. J'AI dit, page 177 de ce volume, qu’on trouve dans les grès des espèces de clous d’une matière métallique, noirdtre, qui paroït avoir éte fondue à un feu très-violent. Cela semble indiquer que les grandes masses de grès doi- vent leur origine à l’action du feu primitif. J'avois d’abord pensé que cette matière ne devoit sa dureté et la reunion de ses parties qu'à l'intermède de l’eau ; mais je me suis assuré, depuis, que l’action du feu produit le même effet , et je puis citer sur cela des expériences qui d’abordm’ont surpris, et que Abe ON pal L'URL MN PO TE ÉX fr . ' 4 202 THÉEOREE j'ai répétées assez souvent pour n’en pouvoir douter. EXPÉRIENCES. L! J'A1 fait broyer des grès de différens degrés de dureté, et je les ai fait tamiser en poudre plus ou moins fine pour m'en servir à cou— vrir les cémentations dont je me sers pour convertir le fer en acier: cette poudre de grès répandue sur le cément , et amoncelée en forme de dôme de trois ou quatre pouces d'épaisseur , sur une caisse de trois pieds de longueur et deux pieds de largeur, ayant subi l'action d’un feu violent dans mes fourneaux d'aspiration pendant plusieurs jours et nuits de suite sans interruption , n’étoit plus de la poussière de grès, mais une masse solide, que l’on étoit obligé de casser pour découvrir . Ja caisse qui contenoit le fer converti en acier boursouflé; en sorte que l’action du feu sur cette poudre de grès en a fait des masses aussi solides que le grès de médiocre qualité qui ne sonne point sous le marteau. Celam'a démontré que le feu peut, toutaussi bienque l'eau, avoir agglutiné les sables vitrescibles , DE LA TERRE. 203 ét avoir par conséquent formé les grandes masses de grès qui composent le noyau de quelques-unes de nos montagnes. Je suis .donc très-persuade que toute la matière vitrescible dont estcomposée la roche intérieure du globe , et les noyaux de ses grandes éminences extérieures , ont été pro- duits par l’action du feu primitif , et que les eaux n’ont formé que les couches inférieures et accessoires qui enveloppent ces noyaux , . et qui sont toutes posées par couches paral- lèles , horizontales ou également inclinées, et dans lesquelles on trouve des débris de coquilles et d’autres productions de la mer. Ce n’est pas que je prétende exclure l’in- termède de l’eau pour la formation des grès et de plusieurs autres matières vitrescibles ; je suis au contraire porté à croire que le sable vitrescible peut acquérir de la consistance, et se réunir en masses plus ou moins dures par lemoyen de l’eau , peut-être encore plus aisé— ment que par l’action du feu ; et c’est seu lement pour prévenir les objections qu’on ne manqueroit pas de faire , si l’on imagi- noit que j attribue uniquement à l’intermède de l’eau la solidité et [a consistance du grès \ À 204 . THÉORIE | et des autres-matières composées de sable “ vitrescible. Je dois même observer que les grès quise trouvent à la superficie ou à peu de profondeur dans la terre, ont tous été formés par l’intermède de l’eau ; car l’on remarque des ondulations et des tournoiemens à la surface supérieure des masses de ces grès, et l'on y voit quelquefois des impressions de plantes et de coquilles. Mais on peutdistinguer les grès formés par Le sédiment des eaux, de. ceux qui ont été produits par le feu : ceux-ci sont d’un plus gros grain , et s’égrènent plus facilement que les grès dont l’agrégation des parties est due à l’intermède de l’eau. Ils sont plus serrés , plus compactes; les grains qui les composent ont des angles plus vifs, et en général ils sont plus solides et plus durs que les grès coagulés par le feu. Les matières ferrugineuses prennent un très-orand degré de dureté par le feu , puis- qué rien n’est si dur que la fonte de fer; mais elles peuvent aussi acquérir une dureté con- sidérable par l’intermède de l’eau : je m’en suis assuré en mettant une bonne quantité de limaille de fer dans des vases exposés à la pluie ; cette limaille a formé des masses si DE LA TERRE. 205 dures, qu’on ne pouvoit Les casser qu’au mar- teau. | La roche vitreuse qui compose la masse de l’intérieur du globe est plus dure quele verre ordinaire ; mais elle ne l’est pas plus que certaines laves de volcans , et beaucoup moins que la fonte de fer , qui n’est cependant que du verre mêlé de parties ferrugineuses. Cette grande dureté de la roche du globe in- dique assez que ce sont les parties les plus fixes de toute la matière qui se sont réunies , et que, dès le temps de leur consolidation , elles ont pris la consistance et la dureté qu’elles ont encore aujourd'hui. L’on ne peut donc pas argumenter contre mon hypothèse de la vitriñication générale, en disant que les ma- _tières réduites en verre par le feu de nos fourneaux sont moins dures que la roche du globe , puisque la fonte de fer , quelques laves ou basaltes, et mème certaines porce- laines, sont plus dures que cette roche, et néanmoins ne doivent , comme elle, leur dureté qu’à l’action du feu. D'ailleurs les élémens du fer et des autres minéraux qui donnent de la dureté aux matières liquéfiées par le feu ou atténuées par l’eau , existoient 18 206 + THÉORIE" ainsi que les terres fixes dès lé temps de la consolidation du globe ; et j'ai deja dit qu'on ne devoit pas regarder la roche de son inté- rieur comme du verre pur, semblable à celui que nous faisons avec du sable et du salin , mais comme un produit vitreux mêlé des matières les plus fixes et Les plus capables de soutenir la grande et longue action du feu primitif, dont nous ne pouvons comparer Jes grands effets que de loin , avec le petit effet de nos feux defourneaux; et néanmoins cette comparaison , quoique désavantageuse, nous laisse appercevoir clairement ce qu'il peut y avoir de commun dans les effets du feu primitif et dans les produits de nos feux, etnous démontre en même temps que le degré de dureté depend moins de celui du feu que de la combinaison des matières soumises à son action. V.: Sur l’inclinaison des couches de La Terre dans des montagnes. Jar dit, volume 1, page 110 , que dans des plaines les couches de la terre sunt exac- DE LA TERRE. 207 tement horizontales , et qu’il n’y a que dans les montagnes ou elles soientinclinées, comme ayant été formées par des sédimens déposés sur une base inclinée , c’est-à-dire sur un terrain penchant. Non seulement les couches de matières calcaires sont horizontales dans les plaines, mais elles le sont aussi dans toutes les mon- tagnes où il n’y a point eu de bouleverse- ment par les tremblemens de terre ou par d’autres causes accidentelles ; et lorsque ces couches sont inclinées , c'estque la montagne elle-même s’est inclinée tout en bloc, etqu’elle a été contrainte de pencher d’un côté par la force d’une explosion souterraine , ou par l’affaissement d’une partie du terrain qui lui servoit de base. L’on peut donc dire qu’en général toutes les couches formées par le dépôt et le sédiment des eaux sont horizon- tales, comme l’eau l’est toujours elle-même, à l'exception de celles qui ont été formées sur uue base inclinée, c’est-à-dire , sur un ter- rain penchant, comme se trouvent la plupart des mines de charbon de terre. La couchela plus extérieure et superficielle de la Terre, soit en plaine, soit en montagne, \ FF ' U \ Gi L 1 208 THÉORIE : { n’est composée que de terre végétale , dont l'origine est due aux sédimens de l’air , au dépôt des vapeurs et des rosées , et aux détri- mens successifs des herbes , des feuilles , et des autres parties des végétaux décomposés. Cette première couche ne doit point ètre ici consi- dérée ; elle suit par-tout les pentes et les cour- bures du terrain , et présente une épaisseur plus ou moins grande, suivant lesdifférentes circonstances locales *. Cette couche de terre végétale est ordinairement bien plus épaisse * Il y a quelques montagnes dont la surface à la cime est absolument nue, et ne présente que le roc vif ou le granit, sans aucune végétation que dans les petites fentes, où le vent a porté et accumulé les particules de terre qui flottent*dans l'air. On assure qu'à quelque distance de la rive gauche du Nil, en remontant ce fleuve, la montagne compo- sée de granit, de porphyre et de jaspe, s'étend à plus de vingt lieues en longueur, sur une largeur peut-être aussi grande, et que la surface entière de la cime de cette énorme carrière est absolument dé. nuéc de végétaux ; ce qui forme un vaste désert, que ni les animaux , mi les oiseaux, n1 même les 1 insectes, ne peuvent fréquenter. Mais ces exceptions particu- hières et locales ne doivent point être ici considé- XÉESe DMRERD A TERME. | 260! dans les vallons que sur les collines ; et sa formation est postérieure aux couches primi- tives du globe , dont les plus anciennes et les plus intérieures ont été formées par le feu, et les plus nouvelles et les plus extérieures ont été formées par les matières transportées et déposées en forme de sédiméns par le mou- vement des eaux. Celles-ci sont en général toutes horizontales , et ce n’est que par des causes particulières qu’elles paroissent quel- quefois inclinées. Les bancs de pierres calcai- res sont ordinairement horizontaux ou lége- rement inclines ; et de toutes les substances calcaires , la craie est celle dont les bancs conservent le plus exactement la position horizontale : comme la craie n’est qu'une poussière des détrimens calcaires , elle a été déposée parles eaux dont le mouvement étoit tranquille et les oscillations réglées , tandis que les matières qui n’étoient que brisées et en plus gros volume, ont été transportées par les courans et déposées par le remous des eaux ; en sorte que leurs bancs ne sont pas parfaitement horizontaux comme ceux de la craie. Les falaises de la mer en Normandie sont composées de couches horizontales de 18 { craie si régulièrement coupées à plomb, qu’ om les prendroit de loin pour des murs dé forti- fication. L'on voit entre les couches de craie de petits lits de pierre à fusil noire , qui tranchent sur le blanc de la craie : c’est-là l’origine des veines noires dans les marbres blancs. Indépendamment des collines calcaires dont les bancs sont légèrement inclinés et dont la position n’a point varié, il y en a grand nombre d’autres qui ont penché pardiflérens accidens, et dont toutes les couches sont fort inclinées. On en a de grands exemples däns plusieurs endroits des Pyrénées , où l’on en voit qui sont inclinées de 45 , 5o et même 6o degrés au-dessous de la ligne horizontale; ce qui semble prouver qu’ils’est fait de grands changeinens dans ces montagnes par l’affais- sement des cavernes souterraines sur les- quelles leur masse étoit autrefois appuyée. VL 210 THÉORIE. k 4 Sur les pics des montagnes. J'ar tâché d'expliquer, page 181 de ce vo- f DELA: T'EMRIR E. 2rt lume, comment les pics des montagnes ontété dépouillés des sables vitrescibles qui les envi- ronnoientau commencement, et mon expli- cation ne péche qu’en-ce que j'ai attribué la première formation des rochers qui forment le noyau de ces pics à l’intermède de l’eau , au lieu qu’on doit l’attribuer à l’action du feu ; ces pics ou cornes de montagnes ne sont que des prolongemens et des pointes de la roche intérieure du globe , lesquelles étoient environnées d'une grande quantité de scories et de poussière de verre; ces matières divisées auront été entrainées dansleslieux inférieurs par les mouvemens de la mer dans le temps qu’elle a fait retraite, et ensuite les pluies et les torrens des eaux courantes auront encore sillonne du haut en bas les montagnes , et auront par conséquent achevé de depouiller les masses de roc vif qui formoient les émi- nences du globe, et qui, par cedépouillement, sont demeurées nues et telles que nous les voyons encore aujourd'hui. Je puis dire en général qu’il n’y a aucun autre changement à faire dans toute ma théorie de la Terre, que celui de la composition des premières mon- iagnes qui doivent leur origine au feu primi- 2172 THÉORIE DE LA TERRE. tif, et non pas à l’intermède de l’eau, comme je l’avois conjecturé , parce que j'étois alors persuadé , par l’autorité de Woodward et de. quelques autres naturalistes , que l’on avoit trouve des coquilles au-dessus des sommets de ioutes les montagnes ; au lieu que, par des observalions res récentes , il paroît qu'il n’y a pas decoquilles sur les plus hauts sommets, mais seulement jusqu'à la hauteur de deux mille toises au-dessus du niveau des mers, d’où il résulte qu’elle n’a peut-être pas sur— monté ces hauts sommets, ou du moins qu’elle ne les a baignés que pendant un petit temps, en sorte qu’elle n’a formé que les col- lines et les montagnes calcaires , qui sont ioutes au-dessous de cette hauteur de deux mille toises. PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. A'RUF.E CO LE. XX) Des fleuves. N ous avons dit que, généralement parlant, les plus grandes montagnes occupent le mi= lieu des continens, que les autres occupent le milieu des îles, des presqu’iles et des terres avancées dans la mer; que dans l’ancien con- tinent les plus grandes chaînes de montagnes sont dirigées d'occident en orient, et que celles qui tournent vers le nord ou vers le sud, ne sont que des branches de ces chaines principales : on verra de même que les plus grands fleuves sont dirigés comme les-plus grandes montagnes, et qu’il y en a peu qui HAL UT THÉORIE suivent la direction des branches de cès mon- tagunes. Pour s’en assurer et le voir en detail, il n’y a qu'à jeter les yeux sur un globe, et parcourir l’ancien continent depuis lEs- pagne jusqu’à la Chine; on trouvera qu’à commencer par l'Espagne, le Vigo , le Douro, le Tage et la Guadiana vont d’orient en oc- cident ,et l'Ébre d’occident en orient, et qu'il n'y a pas uue rivière remarquable dont le cours soit dirigé du sud au nord, ou du nord au sud, quoique l’Espagne soit environnée de la mer en entier du côté du midi, et pres- que en entier du côte du nord. Cette observa— tion sur la direction des fleuves en Espagne prouve non seulement que les montagnes de ce pays sont dirigées d’occident en orient, mais encore que le terrain méridional et qui avoisine le detroit, et celui du détroit même, .est une terre plus élevée que les côtes de Por- tugal; et de même du côté du nord , que les montagnes de Galice, des Asturies, etc. ne sont qu'une continuation des Pyrénées ; et que c'est cette élevation des terres, tant au nord qu'au sud , qui ne permet pas aux fleuves d'arriver par-la jusqu’a la mer. / On verra aussi, en jetant les yeux sur la p Le 2 D” DE LA TERRE. 215 carte de France, qu’il n’y a que le Rhône qui | soit dirigé du nord au midi, et encore dans près de la moitie de son cours , depuis les montagnes jusqu'à Lyon, est-il dirigé de l’orient vers l’occident ; mais qu’au contraire tous les autres grands fleuves, comme la Loire, la Charente, la Garonne, et même la Seine, ont leur direction d’orient en occi- dent. | | On verra de même qu’en Allemagne il n’y a que le Rhin qui, comme le Rhône, a la plus grande partie de son cours du midi au nord; mais que les autres grands fleuves, comme le Danube, la Drave, et toutes les grandes rivières qui tombent dans ces fleuves, vont d'occident en orient se rendre dans la mer Noire. ‘On reconnoîtra que cette mer Noire, que lon doit pluiôt considérer comme un grand lac que comme une mer, a presque trois fois plus d’étendue d’orient en occident que du midi au nord, et que par conséquent sa po sition est semblable à la direction des fleuves en général; qu’il en est de même de la mer Méditerranée, dont la longueur d’orient en occident est environ six fois plus grande TEK "FT FES ‘M » ML | 216 THÉORIE. " que sa largeur moyenne, prise du nord au t midi. | à À la vérité, la:mer Caspienne, suivant la carte qui en a été levée par ordre du czar. Pierre [*, a plus d’étendue du midi au nord que d’orient en occident ; au lieu que dans les anciennes cartes elle étoit presque ronde, ou plus large d’orient en occident que du “midi au nord : mais si l’on fait attention que le lac Aral peut ètre regardé comme ayant fait partie de la mer Caspienne, dont il n’est séparé que par des plaines de sable, on trou- vera encore que la longueur depuis le bord occidental de la mer Caspienne jusqu’au bord oriental du lac Aral, est plus grande que la longueur depuis le bord méridional jus- qu'au bord septentrional de la même mer. On trouvera de même que l’'Euphrate et le golfe Persique sont dirigés d'occident en orient, et que presque tous les fleuves de la Chine vont d’occident en orient. Il en est ‘de mème de tous les fleuves de l’intérieur de Y'Afrique au-delà de la Barbarie; ils coulent tous d’orient en occident , et d’occident en orient : il n’y a que les rivières de Barbarie et le Nil qui coulent du midi au nord. À la Nr: DE LA TERRE. 217 vérité, il y a de grandes rivières en Âsie qui coulent en partie du nord au midi, comme le Don, le Wolea, etc. : mais en prenant\la longueur entière de leur cours, on verra qu'ils ne se tournent du côté du midi que pour se rendre dans la mer Noire et dans la mer Caspienne , qui sont des lacs dans lPin- térieur des terres. On peut donc dire en général que dans l'Europe, l'Asie et l'Afrique, les fleuves et les autres eaux méditerranées s'étendent plus d’orient en occident que du nord au sud; ce. qui vient de ce que les chaines des mon- tagnes sont dirigées pour la plupart dans ce ‘sens, et que d’ailleurs le continent entier de l'Europe et de l'Asie est plus large dans ce sens que l’autre; car il y a deux manieres de concevoir cette direction des fleuves. Dans. un continent long et étroit, comme est celui de l'Amérique méridionale, et dans lequel 1l n’y a qu'une chaîne principale de mon- tagnes , quis’étend du nord au sud , les fleuves n'étant retenus par aucune autre chaine de montagnes, doivent couler dans le sens per- pendiculaire à celui de la direction des mon- tagnes, c’est-à-dire, d’orient en occident, ou Mat, gén, 11. 19 san LR L 218 THÉORIÉ 1 d’occident en orient: c’est en effet dans ce sens que coulent toutes les rivières de l'Amé- rique, parce qu’à l'exception des Cordillières, il n’y a pas de chaînes de montagnes fort étendues , et qu’il n’y en a point dont les directions soient parallèles aux Cordillières. Dans l’ancien continent, comme dans le nou- veau, la plus grande partie des eaux ont leur plus grande étendue d’occident en orient, et le plus grand nombre des fleuves coulent dans cette direction , mais c’est par une autre raison ; c’est qu'il y a plusieurs longues chaînes de montagnes parallèles les unes aux autres, dont la direction est d’occident en orient , et que les fleuves et les autres eaux sont obligés de suivre les intervalles qui se- parent ces chaînes de montagnes : par con- séquent une seule chaîne de montagnes, di- rigée du nord au sud, produira des fleuves dont la direction sera la même que celle des fleuves qui sortiroient de plusieurs chaînes de montagnes dont la direction commune seroit d’orient en occident ; et c’est par cette raison particulière que les fleuves d’'Amé- rique ont cette direction, comme ceux de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie. DE LA TERRE. 219 Pour l'ordinaire, les rivières occupent le milieu des vallées, ou plutôt la partie la plus basse du terrain compris entre les deux col- lines ou montagnes opposées. Si les deux col- lines qui sont de chaque côte de la rivière ont chacune une pente à peu près épale, la rivière occupe à peu près le milieu du vallon ou de la vallée intermédiaire. Que cette vallée soit large ou étroite, si la pente des collines ou des terres élevées qui sont de chaque côté de la rivière, est égale, la rivière occupera le milieu de la vallée. Âu contraire, si l’une des collines a une pente plus rapide que n’est la pente de la colline opposée, la rivière ne sera plus dans le milieu de la vallée; mais elle sera d'autant plus voisine de la colline la plus rapide , que ‘cette rapidité de pente sera plus grande que celle de la pente de l’autre colline : l'endroit le plus bas du ter- rain , dans ce cas, n’est plus le milieu de la vallée ; il est beaucoup plus près de la colline dont la pente est la plus grande, et c’est par cette raison que la rivière en est aussi plus près. Dans tous les endroits où il y a d’un côté de la rivière des montagnes ou des col- lines fort rapides, et de l’autre côté des terres ñ | iv LA 220 ter H É0 R'UEN ha. élevées en pente douce, on trouvera toujours À: que la rivière coule au pied de ces collines rapides, et qu’elle les suit dans toutes leurs directions, sans s’écarter de ces collines ; jus- qu'à ce que de l’autre côté il se trouve d’autres collines dont la pente soit assez considérable ‘pour que le point le plus bas du terrain se trouve plus éloigné qu’il ne l’étoit de la col- dine rapide. Il arrive ordinairement que par la succession de temps la pente de la colline dla plus rapide diminue et vient à s’adoucir, parce que les pluies entrainent les terres en plus grande quantité, et les enlèvent avec plus de violence sur une pente rapide que sur -une pente douce : la rivière est alors con- trainte de changer de lit pour retrouver l’en- droit le plus bas du vallon. Ajoutez à cela que comme toutes les rivières grossissent et débordent de temps en temps, elles trans- ‘portent et déposent des limons en différens endroits, et que souvent il s’accumule des sables dans leur lit: ce qui fait refluer les eaux et en change la direction. Il est assez ordinaire de trouver dans les plaines un grand mombre d'anciens lits de la rivière, sur-tout si elle estimpétueuse et sujette à de fréquentes DE LA TERRE 227 inondations, et si elle entraine beaucoup de . sable et de limon. Dans les plaines et dans les larges vallées où coulent les grands fleuves, le fond du lit du fleuve est ordinairement l’endroit le plus bas de la vallée: mais souvent la surface de l’eau du fleuve est plus élevée que les terres qui sont adjacentes à celles des bords du fleuve. Supposons , par exemple , qu'un fleuve soit à plein bord; c’est-à-dire, que les bords et l’eau du fleuve soient de niveau, et que l’eau peu après commence à déborder des deux côtés: la plaine sera bientôt inondée jusqu’à une largeur considérable, et l’on ob- servera que des deux côtés du fleuve les bords seront inondés les derniers ; ce qui prouve qu'ils sont plus élevés que le reste du terrain; en sorte que de chaque côté du fleuve, depuis les bords jusqu'à un certain point de la plaine, 1l y a une pente insensible, une es- pèce de talus qui fait que la surface de l’eau du fleuve est plus élevée que le terrain de la plaine, sur-tout lorsque le fleuve est à plein bord. Cette élévation du terrain aux bords des fleuves provient du dépôt du limon dans les inondations : l’eau est communément très- 19 : 108 PAS 222 THÉORIE VA, "4 bourbeuse dans les grandes crues des rivières ; k lorsqu'elle commence à déborder, elle coule très-lentement par-dessus les bords ; elle dé- pose le limon qu’elle contient, et s’épure, pour ainsi dire, à mesure qu'elle s'éloigne davantage au large dans la plaine: de même toutes les parties de limon que le courant de la rivière n’entraine pas sont déposées sur les bords; ce qui les élève peu à peu au-des- sus du reste de la plaine. Les fleuves sont, comme l’on sait, toujours plus larges à leurembouchure;àmesurequ'on avance dans les terres et qu'on s’éloigne de la mer , ils diminuent de largeur : mais ce qui est plus remarquable et peut-être moins con- nu, c’est que dans l’intérieur des terres , à une distance considérable de la mer, ils vont droit, et suivent la même direction dans de grandes longueurs ; et à mesure qu'ils ap- prochent de leur embouchure, les sinuosités de leur cours se multiplient. J’ai ouï dire à un voyageur, homme d'esprit et bon obser- vateur *, qui a fait plusieurs grands voyages par terre dans la partie de l’ouest de l'Amé- rique septentrionale, que les voyageurs, et * M. Fabry. E DE LA TERRE. 223 même les sauvages, ne se trompoient guère sur la distance où ils se trouvoient de la mer; que pour reconnoître s'ils étoient bien avant dans l'interieur des terres, ou s'ils étoient dans un pays voisin de la mer, ils suivoient le bord d’une grande rivière; et que quand la direction de la rivière étoit droite dans une longueur de quinze ou vingt lieues, ils jugeoient qu'ils étoient fort loin de la mer : qu'au contraire, si la rivière avoit des sinuo- sités, et changeoit souvent de direction dans son cours, ils étoient assurés de n'être pas fort éloignés de la mer. M. Fabry a vérifié lui-même cette remarque, qui lui à été fort utile dans ses voyages, lorsqu’il parcouroit des pays inconnus et presque inhabités. Il y a encore une remarque qui peut être utile em pareil cas; c’est que dans les grands fleuves, il ya, le lous des bords, un remous considé- rable, et d'autant plus considérable qu'on est moins éloigné de la mer et que le lit du fleuve est plus large; ce qui peut encore ser- vir d'indice pour juger si l’on est à de grandes ou à de petites distances de l'embouchure: et comme les sinuosités des fleuves se multi- plient à mesure qu’ils approchent de la mer, VER 224 0x A É O0 RENE À il n’est pas étonnant que quelques unes de ces sinuosités venant à s'ouvrir, forment des bouches par où une partie des eaux du fleuve arrive à la mer; et c’est une des raisons pour- quoi les grands fleuves se divisent ordinai- rement en plusieurs bras pour arriver à la mer. Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves se fait d’une manière fort différente de celle qu'ont supposée les auteurs qui ont voulu donner des théories mathématiques sur cette matière : non seulement la surface d’une rivière en mouvement n’est pas de ni- veau en la prenant d’un bord à l’autre, mais même , selon les circonstances , le courant qui est dans le milieu est considérablement plus élevé ou plus bas que l’eau qui est près des bords. Lorsqu'une rivière grossit subite- ment par la fonte des neiges , ou lorsque, par quelque autre cause , sa rapidité augmente, si la direction de la rivière est droite, le milieu de l’eau , où est le courant, s'élève , et la rivière forme une espèce de courbe convexe ou d’élévation très-sensible, dont Le plus haut point est dans le milieu du courant. Cette élévation est quelquefois fort considérable ; | DE LA TERRE. 225 et M. Hupeau, habile ingénieur des ponts et chaussées , m'a dit avoir un jour mesuré cette différence de niveau de l’eau du bord de l'Aveiron , et de celle du courant, ou du mi- lieu de ce fleuve, èt avoir trouvé trois pieds de différence; en sorte que le milieu de TlAveiron étoit de trois pieds plus élevé que l’eau du bord. Cela doit en effet arriver toutes les fois que l’eau aura une très-grande rapi- dité : la vitesse avec laquelle elle est empor- tée diminuant l’action de sa pesanteur, l'eau qui forme le courant ne se met pas en équi- libre par tout son poids avec l’eau qui est près des bords; et c’est ce qui fait qu’elle de- meure plus élevée que celle-ci. D'autre côté, lorsque les fleuves approchent de leur embou- chure, il arrive assez ordinairement que l’eau qui est près des bords est plus élevée que celle du milieu, quoique le courant soit rapide; la rivière paroit alors former une courbe concave dont Le point Le plus bas est dans le plus fort du courant: ceci arrive toutes les fois que l’action des marées se fait sentir dans un fleuve. On sait que dans les grandes ri- vières le mouvement des eaux occasionné par les marées est sensible à cent ou deux cents 226 THÉORIE - "+ AI lieues de la mer ; on sait aussi que le courant du fleuve conserve son mouvement au milieu - des eaux de la mer jusqu'à des distances con-— sidérables : il y a donc, dans ce cas, deux mouvemens contraires dans l’eau du fleuve ; le milieu, qui forme le courant, se précipite vers la mer, et l’action de la marée forme un contre-courant, un remous, qui fait remon- ter l’eau qui est voisine des bords, tandis que celle du milieu descend ; et comme alors toute l’eau du fleuve doit passer par le cou- rañt qui est au milieu, celle des bords des- cend continuellement vers le milieu, et des- cend d'autant plus qu’elle est plus élevée et refoulée avec plus de force par l’action des marées. Il y a deux espèces de remous dans les fleuves. Le premier, qui est celui dont nous venons de parler, est produit par une force vive, telle qu'est celle de l’eau de la mer dans les marées, qui non seulement s'oppose - comme obstacle au mouvement de l’eau du fleuve, mais comme corps en mouvement, et en mouvement contraire et opposé à celui du courant de l’eau du fleuve; ce remous fait un contre-courant d'autant plus sensible que DE LA TERRE. 227 la marée est plus forte. L'autre espèce de re- mous n’a pour cause qu'une force morte, comme est celle d’un obstacle, d’une avance de terre, d’une île dans la rivière, etc. Quoi- que ce remous n’occasionne pas ordinaire- ment un contre-courant bien sensible, il l’est cependant assez pour être reconnu, et même pour fatiguer les condücteurs de bateaux sur les rivières. Si cette espèce de remous ne fait pas toujours un contre-courant, il produit nécessairement ce que les gens de rivière ap- pellent une "norte, c’est-à-dire, des eaux mortes, qui ne coulent pas comme le reste de la rivière, mais qui tournoyent de façon que quand les bateaux y sont entraines, il faut employer beaucoup de force pour les en faire sortir. Ces eaux mortes sont fort sen— _ sibles dans toutes Les rivières rapides au pas- sage des ponts. La vitesse de l’eau augmente, comme l'on sait, à proportion que le dia- mètre des canaux par où elle passe diminue, la force qui la pousse étant supposée la même ; la vitesse d’une rivière augmente donc au passage d'un pont, dans la raison inverse de la somme de la largeur des arches à la lar- geur totale de la rivière ; et encore faut-il 228 THÉ ORMENO augmenter cette raison de celle de la lon | gueur des arches, ou, ce qui est le même, de la largeur du pont: l’augmentation de la vi-. tesse de l’eau étant donc très-considérable en sortant de l’arche d’un pont, celle qui est à côté du courant est poussée latéralement et. de côté contre les bords de la rivière; et par cette réaction, il se forme un mouvement de tournoiement quelquefois très-fort. Lors— qu’on passe sous le pont Saint-Esprit , les: conducteurs sont forcés d'avoir une grande. attention à ne pas perdre le fil du courant de: l’eau, même après avoir passé le pont; car s'ils laissoient écarter le bateau à droite ou à gauche, on seroit porté contre le rivage avec. danger de périr, ou toutau moins on seroit en- traîné dans le tournoiement des eaux mortes, d’où l’on ne pourroit sortir qu'avec beaucoup de peine. Lorsque ce tournoiement, causé par le mouvement du courant et par le mouve- ment opposé du remous, est fort conside- rable, cela forme une espèce de petit gouffre ;! et l’on voit souvent dans les rivières rapides, à la chûte de l’eau, au-delà des arrière-becs des piles d’un pont, qu’il se forme de ces pe- tits soulires ou FONCTOIEEM ENS d’eau, dont le: ; DE LA TERR E. : 229 milieu paroît être vide , et former une espèce de cavité cylindrique autour de laquelle l’eau tournoie avec rapidité. Cette apparence de cavité cylindrique est produite par l’action de la force centrifuge, qui fait que l’eau tâche de s'éloigner et s'éloigne en effet du centre du tourbillon causé par le tournoiement: Lorsqu'il doit arriver une grande crue d'eau, les gens de rivière s’en apperçoivent par un mouvement particulier qu'ils remar- quent dans l’eau; ils disent que la rivière mouve de fond , c’est-à-dire , que l’eau du fond de la rivière coule plus vîte qu'elle ne coule ordinairement. Cette augmentation de vitesse dans l’eau du fond de la rivière an- nonce toujours, selon eux , un prompt et subit accroissement des eaux. Le mouvement et le poids des eaux supérieures qui ne sont point encore arrivées, ne laissent pas d’a- sir sur les eaux de la partie inférieure de la rivière, et leur communiquent ce mouve- ment; car 1l faut, à certains égards, consi- dérer un ileuve qui est contenu et qui coule dans son lit, comme une colonne d’eau con- tenue dans un tuyau, et le fleuve entier comme un très-long canal où tous les mou- 20 ) } 5 ra) 27 230 THÉORIE NN. vemens doivent se communiquer d’un bout à l’autre. Or, indépendamment du mouve= ment des eaux supérieures, leur poids seul pourroit faire augmenter la vitesse de la ri- vière, et peut-être la faire mouvoir de fond; car on sait qu'en mettant à l’eau plusieurs bateaux à la fois, on augmente dans ce mo- ment la vitesse de la partie inférieure de la rivière, en même temps qu'on retarde la vitesse de la partie supérieure. La vitesse des eaux courantes ne suit pas exactement , ni même à beaucoup près, la proportion de la pente. Un fleuve dont la pente seroit uniforme et double de la pente ! d’un autre fleuve, ne devroit, à ce qu'il pa- roît, couler qu’une fois plus rapidement que ! celui-ci: mais il coule en effet beaucoup plus vite encore; sa vitesse, au lieu d’être double, est ou triple, ou quadruple, etc. Cette vitesse dépend beaucoup plus de la quantité d'eau et du poids des eaux supérieures que de la pente : et lorsqu'on veut creuser le lit d’un fleuve, ou celui d’un égout, etc., il ne faut pas distribuer la pente également sur toute la longueur; il est nécessaire, pour donner plus de vitesse à l’eau, de faire la pente beau- DE LA TERRE. 23x coup plus forte au commencement qu'à l’em- bouchure , où elle doit être presque insen— sible, comme nous le voyons dans les fleuves : lorsqu'ils approchent de leur embouchure, la pente est presque nulle, et cependant ils ne laissent pas de conserver une rapidité d'autant plus grande que le fleuve a plus d'eau ; en sorte que dans les grandes rivières, quand même le terrain seroit de niveau, l’eau ne laisseroit pas de couler, et même de cou- ler rapidement, non seulement par la vitesse acquise*, mais encore par l’action et le poids des eaux supérieures. Pour mieux faire sen- tir la vérité de ce que je viens de dire, sup- * C’est faute d’avoir fait ces réflexions que M. Kuhn dit que la source du Danube est au moins de deux milles d'Allemagne plus élevée que sonembouchure; que la mer Méditerranée est de 6 à milles d'Alle- magne plus kasse que les sources du Nil; que la mer Atlantique est plus basse d’un demi-mille que la Méditerranée, etc. ce qui est absolument con- traire à la vérité. Au reste, le principe faux dont M. Kubn tire toutes ces conséquences, n’est pas la seule erreur qui se trouve dans cette pièce sur lori- gine des fontaines, qui a remporté le prix de laca- démie de Bordeaux en 174r. | DU RE LE. À, Te E 232 (THÉOR I E À posons que la partie de la Seine qui est entre le pont Neuf et le pont Royal, fût parfaite- % ment de niveau, et que par-tout elle eût dix - pieds de profondeur; imaginons pour un ins- tant que tout d’un coup on püt mettre à see le lit de la rivière au-dessous du pont Royal et au-dessus du pont Neuf: alors l’eau qui seroit entre ces deux ponts, quoique nous layons supposée parfaitement de niveau , coulera des deux côtés en haut et en bas, et continuera de couler jusqu’à ce qu’elle se soit épuisée ; car, quoiqu'elle soit de niveau, comme elle est chargée d’un poids de dix pieds d'épaisseur d’eau, elle coulera des deux côtés avec une vitesse proportionnelle à ce poids ; et cette vitesse diminuant toujours à mesure que la quantité d’eau diminuera , elle ne cessera de couler que quand elle aura baissé jusqu’au niveau du fond. Le poids de l'eau contribue donc beaucoup à la vitesse de l’eau ; et c’est pour cette raison que la plus grande, vitesse du courant n’est ni à la sur- face de l’eau ni au fond, mais à peu près dans le milieu de la hauteur de l’eau, parce qu'elle est produite par l’action du poids de l'eau qui est à la surface, et par la réaction + LE | | DE LA TERRE. 233 du fond. Il y a même quelque chose de plus ; cest que si un fleuve avoit acquis une très- grande vitesse, il pourroit non seulement la conserver en traversant un terrain de niveau, mais même il seroit en état de surmonter uue éminence sans se répandre beaucoup des deux côtés, ou du moins sans causer une grande inondation. On seroit porté à croire que les ponts, les levées et les autres obstacles qu’on établit sur les rivières, diminuent considérablement la vitesse totale du cours de l’eau; cependant cela n'y fait qu'une très-petite différence. L'eau s'élève à la rencontre de l’avant-bec d’un pont : cette élévation fait qu’elle agit davantage par son poids, ce qui ausmente la vitesse du courant entre les piles, d’au- tant plus que les piles sont plus larges et les arches plus étroites; en sorte que le retar- dement que ces obstacles causent à la vitesse totale du cours de l'eau, est presque insensible. Les coudes , les sinuosités, les terres avancées, les iles, ne diminuent aussi que très-peu la vitesse totale du cours de l’eau. Ce qui pro- duit une diminution très-considérable dans cette vitesse , c’est l’abaissement des eaux, 20 Op 234 THÉORIE ME : 4 d comme au contraire l’ augmentation du vor lume d’eau augmente cette vitesse plus qu'au: cune autre cause. Si les fleuves étoient toujours à peu près également pleins, le meilleur moyen de di- minuer la vitesse de l’eau et de les contemir, seroit d’en élargir le canal : mais comme presque tous les fleuves sont sujets à grossir età diminuer beaucoup, ilfaut au contraire, pour les contenir, rétrécir leur canal, parce. que dans les basses eaux, si le canal est fort large, l’eau qui passe dans le milieu , y creuse un lit particulier, y forme des sinuosités ; et Jorsqu'elle vient à grossir, elle suit cette di rection qu'elle a prise dans ce lit particulier; elle vient frapper avec force contre les bords du canal, ce qui détruit les levées et cause de grands dommages. On pourroit prévenir en partie ces effets de la fureur de l’eau, en faisant de distance en distance de petits golfes dans les terres, c’est-à-dire, en enlevant le terrain de l’un des bords jusqu’à une certaine distance dans les terres : et pour que ces petits golfes soient avantageusement placés, il faut les faire dans l’angle obtus des sinuosités du fleuve; car alors-le courant de l’eau se dé- : ui DE LA TERRE. 235 tourne et tournoie dans ces petits golfes, ce qui en diminue la vitesse. Ce moyen seroit peut-être fort bon pour prévenir la chûte des ponts dans les endroits où il n’est pas possible de faire des barres auprès du pont: ces barres soutiennent l’action du poids de l’eau; les _golfes dont nous venons de parler en dimi- nuent le courant : ainsi tous deux produi- roient à peu près le même effet, c’est-à-dire la diminution de la vitesse. La mauière dont se font les inondations, mérite une attention particulière. Lorsqu'une rivière grossit, la vitesse de l’eau augmente toujours de plus en plus jusqu’à ce que le fleuve commence à déborder: dans cet instant la vitesse de l’eau diminue; ce qui fait que le débordement une fois commencé, il s’en- suit toujours une inondation qui dure plu- sieurs jours : Car quand mème il arriveroit une moindre quantité d’eau après le déborde. ment qu’il n’en arrivoit auparavant, l’inon- dation ne laisseroit pas de se faire, parce qu'elle dépend beaucoup plus de la diminu- tion de la vitesse de l’eau que de la quantité de l’eau qui arrive. Si cela n’étoit pas ainsi, on verroit souvent des fleuves déborder pour An +21. TAN MERE 236 THÉORI E ? une heure ou deux, et rentrer ‘ensuite dans k leur lit, ce qui n'arrive jamais: l'inondation dure au contraire toujours pendant quelques jours, soit que la pluie cesse, ou qu’il arrive une moindre quantité d’eau, parce que le débordement a diminué la vitesse , et que par conséquent la même quantité d'eau n'étant plus emportée dans le même temps qu’elle l’étoit auparavant, c’est comme s’il en arri- voit une plus grande quantité. L’on peut re- marquer à l’occasion de cette diminution, que s’il arrive qu’un vent constant souffle contre le courant de la rivière, l’inondatiomæ sera beaucoup plus grande qu’elle n’auroit été sans cette cause accidentelle, qui diminue la vitesse de l’eau; comme au contraire, si le vent souffle dans la mème direction que suit le courant de la rivière, l’inondation sera ebin moindre et diminuera plus prompte- ment. Voici ce que dit M. Granger du débor- _dement du Nil: .« La crue du Nil et son inondation a long- « temps occupé les savans ; la plupart n’out «trouvé que du merveilleux dans la chose « du monde la plus naturelle, et qu’on voit «dans tous les pays du monde. Ce sont les DA: | l DNLAITÉRR TE 237 ) « pluies qui tombent dans ? Abyssinie et dans « l'Éthiopie qui font la croissance et l’inon- Li « dation de ce fleuve : mais on doit regarder « le vent du nord comme cause primitive, « 1°. parce qu’il chasse lesnuages qui portent « cette pluie du côté de l’'Abyssinie ; 20. parce « qu étant letraversier des deux embouchures « du Nil , il en fait refouler les eaux à con— « tre-mont , et empêche par-là qu’elles ne se « jettent en trop grande quantite dans la mer: « on s'assure tous les ans de ce fait lorsque le « vent étant au nordet changeant tout-à-coup «au sud , le Nil perd dans un jour ce dont « il étoit crû dans quatre *. » Les inondations sont ordinairement plus grandes dans les parties supérieures des fleu- ves que dans les parties inférieures et voi- sines deleur embouchure, parce que, toutes choses étant égales d’ailleurs , la vitesse d’un fleuve va toujours en augmentant jusqu’à la mer ; et quoiqu'ordinairementla pente dimi- nue d'autant plus qu’il est plus près de son embouchure , la vitesse cependant est sou- vent plus grande par les raisons que nous * Voyage de Granger, Paris, 1745; pages 13 etr4. 1 SJ du NT \ 238 r HE 0 NET avons rapportées. Le père Castelli, qui a à écrit fort sensément sur cette matière, remarque très-bien que la hauteur des levées qu’on a faites pour contenir le Pô, va toujours en diminuant jusqu’à la mer , en sorte qu’à Ferrare, qui est à 50 ou 60 milles de distance de la mer , les levées ont près de 20 pieds de hauteur au-dessus de la surface. ordinaire du P6; au lieu que plus bas, à 10 ou 12 milles de distance de la mer , les levées n’ont pas 12 pieds , AA le canal du fleuve y soit aussi étroit qu'à Ferrare*. x Au reste, la théorie du mouvement du eaux courantes est encore sujette à beau- coup de difficultés et d’obscurités , et il est très-difficile de donner des règles générales qui puissent s'appliquer à tous les cas par- ticuliers : l’expérience est ici plus néces- saire que la spéculation ; il faut non seule- ment connoître par expérience les effets ordi- naires des fleuves en général , mais il faut encore connoître en particulier la rivière à laquelle on a affaire, si l’on veut en raisonner juste, et y faire des travaux utiles et dn- Voyez Racolta d’autori che trattano del moto dell acque, vol. I, page 123. 2” DE LA TERRE. 239 rables. Les remarques que j’ai données ci-des- sus , sont nouvelles pour la plupart: il seroit à desirer qu'on rassemblät beaucoup d’obser- vations semblables ; on parviendroit peut-être à éclaircir cette matière , et à donner des règles certaines pour contenir et diriger les fleuves , et prévemir la ruine des ponts, des levées , et Les autres dommages que cause la violente impétuosité des eaux. Les plus grands fleuves de l’Europe sont le Wolga, qui a environ 650 lieues de cours depuis Reschow jusqu’à Astracan sur la mer Caspienne ; le Danube , dont le cours est d'environ 450 lieues depuis les montagnes de Suisse jusqu’à la mer Noire; le Don, qui a 400 lieues de cours depuis la source du Sosna , qu il reçoit , jusqu’à son embouchure dans la mer Noire ; le Niéper , dont le cours est d'environ 350 lieues , qui se jette aussi dans la mer Noire ; la Duine, qui a environ 300 lieues de cours , et qui va se jeter dans la mer Blanche, etc. | Les plus grands fleuves de l’Asie sont le Hoanho de la Chine, qui a 850 lieues de cours en prenant sa source à Raja-Ribron, et qui tombe dans la mer de la Chine , au midi du nn 7 cd L «a 1 AT IN ÿ HN MAUR ‘ par Yeco, par le Japon, et s'étend jusqu'aux îles des Larrons, et même aux nouvelles. Philippines. La direction de ces chaînes de montagnes, qui paroissent être les anciennes limites de la mer Pacifique, est précisément du nord au sud; en sorte que l’ancien couts nent étoit borné à l’orient par l’une de ces chaînes, et le nouveau continent par l’autre” Leur séparation s’est faite dans le temps où les eaux arrivant du pole austral, ont com mencé à couler entre ces deux chaînes des montagnes qui semblent se réunir, ou du moins se rapprocher de très-près vers le contrées septentrionales, et ce n’est pas le seul indice qui nous démontre l’ancienne réunion des deux continens vers le nord.… D'ailleurs cette continuité des deux conti=. nens entre Kamtschatka et les terres les plus Ê occidentales de l'Amérique, paroît mainte= \ 4 La DE LA TERRE. 355 mant prouvée par les nouvelles découvertes des navigateurs qui ont trouvé sous ce même parallèle une grande quantite d’iles voisines les unes des autres ; en sorte qu’il ne reste que peu ou point d'espaces de mer entre cette partie orientale de l’Asie et la partie occiden- tale de l'Amérique sous Le cercle polaire. 11, Sur le double courant des eaux dans quelques endroits de l'Océan , page 315. J'AT dit trop généralement et assuré trop positivement, qu'i/ ze se trouvoitpas dans la mer des endroits où les eaux eussent un cou- rant inférieur opposé et dans une direction contraire au mouvementdu courantsupérieur: j ai reçu depuis des informations quisemblent prouver que cet effet existe et peut même se démontrer dans de certaines plages de la mer; les plus précises sont celles que M. Deslandes, habile navigateur , a eu la bonté de me com- muniquer par ses lettres des 6 décembre 1770 et 5 novembre 1773, dont voici l'extrait : « Dans votré Théorie dela Terre, axt. XI, ; CR ARE 356 | THÉORIE | « Des mers et des lacs, vous dites « que que « ques personnes ont prétendu qu’il y avoi «dans le détroit de Gibraltar, un doubl «courant, supérieur et inférieur, dont l’effe «est contraire ; mais que ceux qui ont eu de « pareilles opinions auront sans doute pris « des remous qui se forment au rivage par Le « rapidité de l’eau , pour un courant Vér ie « table , et que c’est une hypothèse mal fon- « dée. C’est d’après la lecture de ce passag «que je me determine à vous envoyer me « observations à ce sujet. È « Deux mois après mon départ de France,“ &je pris connoissance de terre entre les caps” « Gonsalvez et de Sainte-Catherine ; la force « des courans, dont la direction est au nord-" « nord-ouest, suivantexactementle gisement « des terres qui sont ainsi situées, m'obligea M « de mouiller. Les vents généraux, dans cette N «partie, sont du sud-sud-est , sud-sud-ouests « et sud-ouest : je fus deux mois et demi dans}à | « l'attente inutile de quelque changement ,M « faisant presque tous les jours de vains efforts « pour gagner du côté de Loango, où j'avois « affaire. Pendant ce temps, j’ai observé que | {. « la mer descendoit dans la direction ci-dessus "4 LE" 4 DHEA TÉRRE. : 355# _&avec sa force, depuis une demie jusqu’à «une lieue à l'heure , et qu'à de certaines _« profondeurs , les courans remontoient en « dessous avec au moins autant de vitesse « qu'ils descendoient en dessus. « Voici comme jeme suis assure de la hau- « teur de ces différens courans. Étant mouillé « par huit brasses d’eau , la merextrémement « claire, j'ai attache un plomb de trente livres «au bout d’une ligne; à environ deux brasses « de ce plomb , j'ai mis une serviette liée à « la ligne par un deses coins, laissant tomber « le plomb dans l’eau ; aussitôt que la serviette «y entroit, elle prenoit la direction du pre- « mier courant : continuant à l’observer, je « la faisois descendre ; d’abord queje m'apper- « cevois que le courant n'agissoit plus , j’ar- « rétois ; pour lors, elle flottoit indifférem— «ment autour de la ligne. Il y avoit donc « dans cet endroit interruption de cours. En- « suite, baissant ma serviette à un pied plus « bas , elle prenoit une direction contraire. « à celle qu’elle avoit auparavant. Marquant % la lisneà la surface de l’eau , il y avoit trois 2 >UYy G « brasses de distance à la serviette , d’où j'ai « conclu, après différens examens , que, sur 358 THÉOBEEX « les huit brasses d’eau , il y en avoit tro « quicouraienr enr Ron n « en sens contraire sur le sud-sud-est. « « Réitérant l’expérience le même jour « jusqu’à cinquante brasses , étant à la dis= « tance de six à sept lieues de terre , j'ai étés « surpris de trouver la colonne d’eau courant «sur la mer, plus profonde à raison de la ; «hauteur du fond ; sur cinquante brasses « j'en ai estimé de, douze à quinze dans læ « première direction : ce phénomenen’a pas « eu lieu pendant deux mois et demi que j'ai «été sur cette côte, mais bien à peu près ur « mois en différens temps. Dans les inter « rupiions, la marée descendoit en total dans’ «le golfe de Guinée. ; « Cette division des courans me fit naîtrew « l’idée d’une machine qui , coulée jusqu'au « courant inférieur , présentant une grande» « surface, auroit entrainémon navire contre «les courans supérieurs ; j'en fis l'épreuve «eu petit sur un canot, et je parvins à « faire équilibreentre l'effet de lamarée supé-" « rieure joint à l'effet du vent sur le canot . « et l'effet de la marée inférieure sur la mas" « chine. Les moyens me manquèrent pour Ê D'ÉLAUTERRE. %b « faire de plus grandes tentatives. Voilà, « Monsieur, un faitévidemment vrai , et que « tous les navigateurs qui ont été dans ces « climats peuvent vous confirmer. « Je pense que les ventssont pour beaucoup « dans les causes générales de ces effets, ainsi « que les fleuves qui se déchargent dans la & mer le long de cette côte, charroyant une « grande quantité de terre dans le golfe de « Guinée. Enfin le fond de cette partie, qui « oblige par sa pente la marée de rétrograder « lorsque l’eau, étant parvenue à un certain « niveau, se trouve pressée par la quantité « nouvelle qui la charge sans cesse , pendant « que les vents agissent en sens contraire sur « la surface, la contraint en partie de con- « server son cours ordinaire. Cela me paroit & d'autant plus probable, que la merentre de « tous côtés dans ce golfe , et n’en sort que « par des révolutions qui sont fort rares. La « lune n’a aucune part apparente dans ceci, « cela arrivant indifféremment dans tous ses « quartiers. « J'ai eu occasion de me convaincre de plus « en plus que la seule pression de l’eau par- « venue à son niveau, jointe à l’inclinaison L 36 THÉORIE à « nécessaire du foud , sont. les seulés et. un « ques causes qui produisent,ce phénomè: « J'ai éprouvé que ces courans n’ont lieu qu’ « raison de la peñte plus ou moins rapide d | « rivage, et j'ai tout lieu de croire qu’ils ne « se font sentir qu’à douze ou quinze lieues «au large, qui est Péloignement le, plus « grand le long de la côte d’Angole , où l’on. «puisse se promettre avoir fond... Quoique Ÿ «sans moyen certain de pouvoir m ue « que les courans du larger éprouvent pas un « pareil changement, voict.la raison qui: « semble l’assurer. Je prends pour exempl «une de mes expériences faite par une hau= « teur de fond moyenne, telleque M « brasses d’eau : j'éprouvois jusqu’à la hauteur «de cinq à six brasses , le cours dirigé dans « le nord-nord-ouest; en-faisant couler da-“ _‘« vantage comme de deux à trois brasses, ma «ligne tendoit au ouest-nordæouest ; ensuite « trois ou quatre brasses de profondeur de * «plus me l’amenoient au ouest-sud-onestis « puis au sud-ouest et au sud; enfin, à vingt=n «cinq et vingt-six brasses, au sud-sud-est, «et jusqu’au fond, aû sud-est et à est-sud-est#" «d'où j'ai tiré les conséquences suivantes, L DE LA TERRE. 36r & que je pouvois comparer l'Océan entre l'A: _«frique et l'Amérique, à un eraud fleuve _« dont le cours est presque continuellement « dirigé dans le nord-ouest ; que, dàäns son « cours, il transporte un sable ou limon qu'il « dépose sur ses bords , lesquels se trouvant « rehausses, augmentent le volume d’eau, ou, « ce quiest la même chose, élèventson niveau, «et l'obligent de retrograder selon la pente « du rivage. Mais il y à un premier effort « qui le dirigeoit d’abord: ilne retourne donc «pas directement; mais, obéissant encore «au premier mouvement, ou cédant avec « peine à ce dernier obstacle , il doit néces- « sairement décrire une courbe plusou moins « alongée, jusqu'à ce qu’il rencontre ce cou-— « rant du milieu avec lequel il peutse réunir «en partie, ou qui lui sert de point d'appui .« pour suivre la direction contraire que lui «impose le fond : comme il faut considérer « la masse d’eau en mouvement continuel, _« le fond subira toujours les premiers chan- « gemens comme étant plus près de la cause « et plus presse, et il ira en sens contraire « du courant supérieur , pendant qu'à des « hauteurs différentes il n’y sera pas encore Mat. gén. 11. 31 s nc « parvenu. Voilà, Monsieur , quelles s «mes idées. Au reste, j’ai tiré parti plusieur « fois de ces courans inférieurs ; etmoyennan «une machine que j'ai coulée à différentes” « profondeurs , selon la hauteur du fond où «je me trouvois, j'ai remonté contre le ou «rant supérieur. J'ai éprouvé que, dans un « temps calme, avec unesurface trois fois plus « grande que la proue noyée du vaisseau, on « peut faire d’un tiers à une demi-lieue,par « heure. Je me suis assuré de cela plusieurs « fois, tant par ma hauteur en latitude que « par des bateaux que je mouillois, dont je « me trouvois fort éloigné dans une heure ;: «et enfin par la distance des pointes le long « de la terre. » ; cl Ces observations de M. Deslandesmeparois- sent décisives, et jy souscris avec plaisir; je! ne puis même assez le remercier de nousavoir démontré que mes idées sur ce sujet n’étoient justes que pour le général , mais que, dans quelques circonstances , elles souffroient des exceptions. Cependant 1l n’en est pas moins certain que l'Océan s’est ouvert la porte dû détroit de Gibraltar , et que par conséquent l'on ne peut douter que la mer Méditerranée DE LA TERRE. 363 n'ait en même temps pris une grande aug mentation par l’éruption de l'Océan. J'ai appuyé cette opinion , non-seulement sur le courant des eaux de l’Océan dans la Méditer- xanée , mais encore sur la nature du terrain et la correspondance des mêmes couches de terre des deux côtés du détroit, ce qui a été remarque par plusieurs navigateurs instruits. « L'irruption qui a formé la Méditerranée est « visible et évidente , ainsi que celle de la «mer Noire par le détroit des Dardanelles, « où le courant est toujours très-violent , e£ « les anglessaillans et rentrans des deux bords, « très-marqués , ainsi que la ressemblance « des couches de matières qui sont Fe mêmes « des deux côtés *. » Au reste, l’idée de M. Deslandes , qui con- sidère la mer entre l'Afrique et l'Amérique comme un grand fleuve dont le cours est dirigé vers le nord-ouest , s’accorde parfaite- ment avec ce que j'ai établi sur lemouvement des eaux venant du pole austral en plus grande quantité que du pole boréal. * Fragment d’une lettre écrite à M. de Buffon en 1772. MP AA Pitsle : At Fr 364 h THÉORIE à 1IL Sur les parties septentrionales de la me . Atlantique. À la vue des îles et des golfes qui se mul=" tiplient ou s’agrandissent autour du Groen-» land ; il est difhcite, disrrt dat * pour ainsi du des y vers l’ équateux À qui peut autoriser cette conjecture, c’est que le flux qui monte jusqu’à dix-huit pieds au cap des États, ne s’elève que de huit pieds à la baie de Bisko, c ’est-à-dire, à dix degrés plus haut de latitude nord: à ur de l ati née tlele send conf mer encore ce mouvement des mers depuis les régions australes aux septentrionales, où | elles sont contraintes, par l’obstacle des ‘terres, de refouler ou rEMUeTIN vers les plages du Midi. K) Dans la baie de Hudson, les vaisseaux ont, à se préserver des montagnes de glace aux quelles des navigateurs ont donné quinze à 1 DE LA TERRE. 365 dix-huit cents pieds d'épaisseur , et qui étant formées par un hiver permanent de cinq à six ans dans de petits golfes éternellement remplis de neige, en ont été détachées par les vents de nord-ouest ou par quelque cause extraor- dinaire. | Le vent du nord-ouest, qui règne presque continuellement durant l'hiver , et très-sou- vent en ete, excite dans la baie même des tempètes effroyables. Elles sont d'autant plus à craindre, que les bas-fonds y sont très-com- muns. Dans les contrées qui bordent cette baie , le soleil ne se lève, ne se couche jamais sans un grand cône de lumière : lorsque ce phénomène a disparu , l'aurore boréale en prend la place. Le ciel y est rarement serein; et, dans le printemps et dans l’automne, l'air est habituellement rempli de brouillards épais , et, durant l'hiver , d’une infinité de petites flèches glaciales sensibles à l'œil. Quoi- que les chaleurs de l'été soient assez vives durant deux mois ou six semaines , le ton- nerre et les éclairs sont rares. La mer le long des côtes de Norvégse, qui sont bordées par des rochers, a ordinairement depuis cent jusqu’à quatre cents brasses de x: 51 366 - THÉORIE profondeur , et les eaux sont moins salé que dans les climats plus chauds. La quantit de poissons huileux dont cette mer est rem. plie la rend grasse au point d’en être Fret ‘inflammable : le flux n ’y est FORM considé= rable ; et la plus haute marée n’y est que de. huit pieds. $ On a fait , dans ces dernières années , _ quelques observations sur la température des" terres et des eaux dans les climats les plus voisins du pole boréal. . « Le froid commence dans le Groenland à « la nouvelle année , et devient si perçant» «aux mois de février et de mars , que les « pierres se fendent en deux , et que la mer «fume comme un four, sur-tout dans les « baies. Cependant le froid n’est pas aussi. «sensible au milieu de ce brouillard épais « que sous un ciel sans nuages : car, dès qu'on « passe des terres à cette atmosphère de fumée « qui couvre la surface et le bord des eaux, & on sent un air plus doux et le froid moins «vif, quoique les habits et les cheveux y «soient bientôt hérissés de bruine et de « glaçons. Mais aussi cette fumée cause plu- « tôt des engelures qu’un froid sec ; et, dès F4 DE ELA TERRE \. 367: « qu’elle passe de la mer dans une atmos- « phère plus froide , elle se change en une «espèce de verglas , que le vent disperse « dans l'horizon , et qui cause un froid si. « piquant, qu'on ne peut sortir au grand air & sans risquer d’avoir les pieds et les mains « entièrement gelés. C’est dans cette saison « que l’on voit glacer l’eau sur le feu avant « de bouillir : c’est alors que l’hiver pave un « chemin de glace sur la mer, entre les iles « voisines , et dans les baies et les deétroits...…. « La plus belle saison du Groenland est « l'automne ; mais sa durée est courte, et « souvent interrompue par des nuits de gelées « très-froides. C’est à peu près dans ces temps- « là que , sous une atmosphère unoircie de « vapeurs, on voit les brouillards qui se « gèlent quelquefois jusqu’au verglas, former «sur la mer comme un tissu glacé de toile « d'araignées , et dans les campagnes charger « l'air d’atomes luisans , ‘ou le herisser de « glaçons pointus , semblables à de fines « aiguilles. | «On a remarqué plus d’une fois que le « temps et la saison prennent dans le Groen- « land une température opposée à celle qui | 360 | THÉORIE | « rêgne dans toute l’Europe; en sorte ques _« l'hiver est très-rigoureux dans les climats « tempérés , 1l est doux au Groenland ; etih « très-vif en cette partie du Nord, quand dl «est le plus modéré dans nos contrées. A law « fin de 1739, l'hiver fut si doux à la baie « de Disko , que les oies passèrent , au mois, 7 « de janvier suivant , de la zone tempérée « dans laglaciale, pour y chercher un air plus, « chaud , et qu’en 1740 on ne vit point dem « glace à Disko jusqu’au mois demars, tandis « qu'en Europe elle régna constamment dem « puis octobre jusqu’au mois de mai..... « De mème l'hiver de 1763, qui fut extré-" «mement froid dans toute l’Europe, se fit «si peu sentir au Groenland, qu’on y a vu « quelquefois des étés moins doux. » Les voyageurs nous assurent que, dans ces. mers voisines du Groenland, il y a des mon- tagnes de glaces flottantes très-hautes , et d'autres glaces flottantes comme des radeaux,, qui ont plus de deux cents toises de longueur sursoixante ou quatre-vingts de largeur; mais ces glaces qui forment des plaines immenses sur la mer, n'ont communément que neuf à douze pieds d'épaisseur : il paroit qu’elles } DE LA TERRE. 369 se forment immédiatement sur la surface de la mer dans la saison la plus froide, au lieu que les autres glaces flottantes et très-élevées viennent de la terre, c’est-à-dire, des envi- rons des montagnes et des côtes, d’où elles ont été détachées et roulées dans la mer par les fleuves. Ces dernières glaces entrainent beaucoup de bois , qui sont ensuite jetés par la mer sur les côtes orientales du Groenland: il paroît que ces bois ne peuvent venir que de la terre de Labrador , et non pas de la Norvége , parce que les vents du nord-est, qui sont très-violens dans ces contrées ol repousseroient ces bois, comme les courans qui portent du sud au étroit de Davis et à la baie de Hudson , arréteroient tout ce qui peut venir de l'Amérique aux côtes du Groenland. La mer commence à charroyer des glaces au Spitzherg dans les mois d’avril et de mai; elles viennent au détroit de Davis en très- grande quantité, partie de la nouvelle Zem- ble , et la plupart le long de la côte orientale du Groenland , portées de l’est à l’ouest, suivant le mouvement general de la mer. L'on trouve, dans le Voyage du capitaine Phipps , les indices et les faits suivans. 1 AT 370 THÉORIE. .« Dès 1527, Robert Thorne , marchand « « Bristol , fit naître l’idée d’aller aux Ind « orientales par le pole boréal. ...... Cepen _ «dant on ne voit pas qu’owait formé aucune. « expédition pour les mers du cercle polaire «avant 1607, lorsque Henri Hudson fut en « voyé par plusieurs marchands de Londres « à la découverte du passage à la Chine et « au Japon par le pole boréal... .... Il pénétra « jusqu'au 804 23’, et il ne put aller plus « loin..... «En 1609, sir Thomas Smith fut sur la « côte méridionale du Spitzberg, etilapprit, « par des gens qu’il avoit envoyés à terre ,” « que les lacs et les mares d’eau n’étoient pas” « tous gelés { c’étoit le 26 mai), et que l’eau «en étoit douce: il dit aussi qu’on arriveroit « aussitôt au pole de ce côté que par tout «autre chemin qu’on pourroit trouver, parce «que le soleil produit une grande chaleur « dans ce climat , et parce que les glaces ne « sont pas d’une grosseur aussi énorme quê « celles qu’il avoit vues vers le 73° degré. « Plusieurs autres voyageurs ont tenté des « voyages au pole pour y découvrir ce pas+ « sage , mais aucun n'a réussi. . .. . à di Pa) DE LAMETORAME |! 3 Le 5 juillet, M. Phipps vit des glaces en quantité vers le 794 34’ delatitude ; letemps étoit brumeux ; et, le 6 juillet , il continua ‘sa route jusqu'au 794 59/ 39’, entre la terre du Spitzberg et les glaces : le 7 , il continua de naviguer entre des glaces flottantes , en cherchant une ouverture au nord par où il auroit pu entrer dans une mer libre : mais la glace ne formoit qu'une seule masse au nord-nord-ouest , et au 8od 36/ la mer étoit entièrement glacée ; en sorte que toutes les tentatives de M. Phipps pour trouver un passage ont été infructueuses. « Pendant que nous essuyions , dit ce « navigateur, une violente rafale le 12 sep- « tembre , le docteur Irving mesura la tempé- « rature de la mer dans cet état d’agitation , ‘ «et il trouva qu'elle étoit beaucoup plus « chaude que celle de l’atmosphère. Cette « observation est d'autant plus intéressante, | « qu’elle est conforme à un passage des Ques- « tions naturelles de Plutarque, où il ditque « la mer devient chaude lorsqu'elle est agitée « par les flots... « Ces rafales sont aussi ordinaires au prin- « temps qu'en automne ; il est donc probable 476 À 372 THÉORIE Li «que si nous avions mis à la voile plu 14 «nous aurions eu en allant le temps aus « mauvais qu’il l’a été à notre retour ». Ef comme M. Phipps est parti d'Angleterre à 1& fin de mai, il croit qu’il a profité de la saisom la plus favorable pour son expédition. 4 « Enfin , continue-t-il ; si la navigatiomæ «au pole étoit praticable, il y avoit la plus « grande probabilité de trouver , après Ie « solstice , la mer ouverte au nord ; parce « qu'alors la chaleur des rayons du soleil « produit tout son effet , et qu’il reste d'ail « leurs une assez grande portion d’été pout « visiter les mers qui sont au nord et à l’ouest « du Spitzherg. » L Je suis entièrement du même avis que cef habile navigateur, et je ne crois pas que l'expédition au pole puisse se renouveler ave@ succès , ni qu’on arrive jamais au-delà du 82% ou 83° degré. On assure qu'un vaisseau du port de Whilby , vers la fin du mois d'avril 1774 , a pénétré jusqu'au 80€ depte sans trouver de glaces assez fortes pour gèner la navigation ; on cite aussi un capitaine Ro- binson, dont le journal fait foi qu’en 1773 il a atteint le 814 3o/ ; et ent on cite un vais=. De LA TERRE 23 seau de guerre hollandois qui protégeoit les pêcheurs de cette nation, et qui s’est avancé, dit-on ,ilya cinquante ans jusqu'au 88° degré: Le docteur Campbell , ajoute-t-on , tenoit ce fait d’un certain docteur Daillie, qui étoit à bord du vaisseau , et qui professoit la médecine à Londres en 1745. C’est probable- ment le même navigateur que j'ai cité moi- même sous le nom de capitaine Mouton ; mais je doute beaucoup de la réalité de ce fait, etjesuis maintenant très-persuadé qu'on tenteroit vainement d'aller au-delà du 82 ou 83° degré , et que si le passage par le nord est possible , ce ne peut être qu’en prenant 1a route de la baie de Hudson. | Voici ce que dit à ce sujet le savant et ingé- nieux auteur de l’ÆHistoire des deux Indes: « La baie de Hudson a été long-temps regar- « dée et on la regarde encore comme la route « la plus courte de l’Europe aux Indes orien- «tales et aux contrées les plus riches de « l'Asie. : « Ce fut Cabot qui le premier eut l’idée « d'un passage par le nord-ouest à Ia mer du « Sud. Ses succés se terminèrent à la décou- _ « verte de l’ile de Terre-Neuve. On vit entrer 32 374 THÉORIE « dans la carrière après lui un dé: vol | « de navigateurs anglois...... Ces mémora « bles et hardies expéditions eurent plus de « pas la moindre conjecture sur le but qu'on «se proposoit..... On croyoit enfin quee ‘ « toit courir après des chimères, lorsque la « découverte de la baie de Hudson ranima lea} Ï « espérances prêtes à s’éteindre. r « À cette époque une ardeur nouvelle fait. « recommencer les travaux , et enfin arrive « la fameuse expédition de 1746 , d'où l'on « voit sortir quelques clartés après des té « nèbres profondes qui duroient depuis deux" « siècles. Sur quoi les derniers navigateurs « fondent-ils de meilleures espérances? D'a=" « près quelles expériences osent-ils former « leurs conjectures ? C’est ce qui mérite une « discussion. < L « Trois vérités dans l’histoire de la nature « doivent passer désormais pour démontrées." « La première est que les marées viennent «de l'Océan , et qu'elles entrent plus ou « moins avant dans les autres mers, à pro « portion que ces divers canaux communi=" « quentavecle grand réservoir par des ouvers | ni ù Sn “it, dd, DE LA TERRE. 375 «tures plus ou moins considérables : d’où «il s'ensuit que ce mouvement périodique « n'existe point ou ne se fait presque pas « sentir dans la Méditerranée , dans la Bal- «tique , et dans les autres golfes qui leur « ressemblent. La seconde vérité de fait est «que les marées arrivent plus tard et plus « foibles dans les lieux éloignés de l'Océan , « que dans les endroits qui le sont moins. La « troisième est que les vents violens qui souf- « flent avec la marée , la font remonter au- « delà de ses bornes ordinaires , et qu'ils la « retardent en la diminuant, lorsqu'ils souf- « flenut dans un sens contraire. « D’après ces principes, il est constant que « si la baie de Hudson étoit un golfe enclavé « dans des terres, et qu’il ne füt ouvert qu’à « la mer Atlantique, la marée y devroit être « peu marquée , qu'elle devroit s’affoiblir en « s’éloignant de sa source , et qu’elle devroit « perdre de sa force lorsqu'elle auroit à lutter « contre les vents. Or il est prouvé, par des « observations faites avecla plus grande intel- « ligence , avec la plus grande précision, que « la marée s'élève à une grande hauteur dans « toute l'étendue de la baie; il est prouvé VA: 376 ‘TH É O'R 1 ONE « qu’elle s'élève à une plus grande hauteur aù « fond de la baie que dans le détroit même «ou au voisinage; il est prouvé que cette" « hauteur augmente encore, lorsque les vents” | « d’autres communications avec l'Océan que « celle qu’on a déja trouvée. « Ceux qui ont cherché à expliquer des faits « si frappans en supposant une communica= « tion de la baie de Hudson avec cellede Baffin, «avec le détroit de Davis, se sont manifes- « tement égares. Ils ne balanceroiïent pas à « abandonner leur conjecture, qui n’a d'ail" « leurs aucun fondement , s'ils vouloient À « faire attention que la marée est beaucoup &« plus basse dans le détroit de Davis, dans « la baie de Baffin, que dans celle de Hudson. «Si les marées, qui se font sentir dans le” « golfe dont il s’agit , ne peuvent venir ni « de l'Océan Atlantique, ni d'aucune autre. « mer septentrionale, où elles sont toujours « beaucoup plus foibles , on ne pourra s’em- « pêcher de penser qu’elles doivent avoir . «leur source dans la mer du Sud. Ce système « doit tirer un grandappui d'une véritéincons DE LA TERRE. 377 « testable ; c’est que les plus hautes marées «qui se fassent remarquer sur ces côtes , «sont toujours causées par les vents dunord- « ouest qui soufflent directement contre ce « détroit. À « Après avoir constaté, autant quela nature « le permet, l'existence d’un passage si long- « temps et si inutilement desiré , il reste à « déterminer dans quelle partie de la baie 1l « doit se trouver. Tout invite à croire que le « welcome à la côte occidentale doit fixer « Les efforts dirigés jusqu'ici de toutes parts « sans choix et sans méthode. On y voit le « fond de la mer à la profondeur de onze « brasses : c'est un indice que l’eau y vient « de quelque océan , parce qu’une semblable «transparence est incompatible avec des dé- « charges de rivières, de neiges fondues et « de pluies. Des courans dont on ne sauroit «expliquer la violence qu’en les faisantpartir « de quelquemer occidentale , tiennent celieu « débarrasse de glaces, tandis que le reste du « golfe en est entièrement couvert. Enfin les « baleines qui cherchent constamment dans « l’arrière-saison à se retirer dans des climats « plus chauds , s’y trouvent en fort grand | se 3-8 THÉORIE TR «nombre à la fin de l'été ; ce qui parc « mad Lee un chemin pour se rendre , non « à ouest SEP LERTE mais à la mer du. « Sud. «Il est raisonnable de Me + que le. « passage est court. Toutes-les rivières qui se: « perdent dans la côte occidentale de la baié“ « de Hudson , sont foibles et petites; ce qui f « paroit prouver qu’elles ne viennent pas de. « loin, et que par conséquent les terres qui « séparent les deux mers, ont peu d’étendue : À « cet argument est fortifié par la force et la « régularité des marées. Par-tout où le flux «et le reflux observent des temps à peu près « égaux, avec la seule différence qui est occa= Ë « sionnée par le retardement de la lune dans «son retour au méridien, on est assure de la « proximité de l'Océan , d’où viennent ces » «marées. Si le passage est court , et qu’il ne « soit pas avancé dans le nord , comme tout « l'indique, on doit présumer qu’il n’est pas « difficile ; la rapidité des courans qu'on « observe dans ces parages, et qui ne permet- « tent pas aux glaces de s’y arrêter , ne peut" « que donner du poids à cette conjecture.» M Je crois , avec cet excellent écrivain, que DE LA TERRE. 379 s’il existe en effet un passage praticable , ce _ne peut être que dans le fond de la baie de Hudson , et qu’on le tenteroit vainement par la baie de Baffin, dont le climat est trop froid, et dont les côtes sont glacées, sur-tout vers le nord : mais ce qui doit faire douter encore beaucoup de l'existence de ce passage par le fond de la baie de Hudson, ce sont les terres que Behring et Tschirikow ont décou- vertes , en 1741 , sous la même latitude que la baie de Hudson ; car ces terres semblent faire partie du' grand continent de l'Amé- rique, qui paroît continu sous cette même la- titude jusqu’au cercle polaire : ainsi ce ne seroit qu'au-dessous du 55° degré que ce passage pourroit aboutir à la mer du Sud. EM: Sur la mer Caspienne , page 335. | À tout ce que j'ai dit pour prouver que la mer Caspienne n’est qu’un lac qui n’a point de communication avec l'Océan, et qui n’en a jamais fait partie, je puis ajouter une réponse que j'ai reçue de l'académie de Péters- AUS AS TIER TE AL _Astrachanensis cancellaria die 13 Mart. 1749, 2 LA S: 380 THÉORIE bourg, à quelques questions que j'a vois au sujet de cette mer. -. SISTER EUR Augusto 1748, octobr. 5, efc. Cancellaril academiæ scientiarum mandavit ut Astra" chanensis gubernii cancellaria respondereln | sequentia : 1. Sunt-ne vorlices in MATE Fe nec ne? 2. Quæ genera piscium illud marini tantèm aut et fluviatiles ibidem repe= riantur? 3. Qualia genera concharum, quæ species ostrearum ef CAnCrOTUM OCCUTTUNÉ LL | 4. Quæ genera marinarum avium in ipsO mari aut circa illud versantur ? Ad quæ sequentibus respondit. # Ad 1,in mari Caspico vortices occurrunt 4 nusquam : hinc est, qudd nec in mappis 4 marinis exstant, nec ab ullo officialium rec navalis -visi esse perhibentur. Ad 2, pisces Caspium mare inhabitant ; acipenseres, sturioli, Gmelin siluri, cyprini clavati, bramæ, percæ, cyprini ventre acuto, ignoti alibi pisces, tincæ , salmones, qui, u£ è mari fiuvios intrare , ita et in mare & flu= « viis remeare solent. Ad 3, conchœ in litioribus maris obviæ à DE LA TERRE. 38£ quidem sunt, sed parvæ, candidæ , dut ex una parte rubræ. Cancri ad liftora obser-. vantur magnitudine fluviatilibus similes ; ostreæ autern et capita Medusæ visa sunt nusquam. Ad 4, aves marin® quæ circa mare Cas- pium versantur sunt anseres vulgares ef rubri, pelicani, cycni, anates rubræ et nigricantes aguilæ, corvi aquatici, grues, plateæ, ardeæ albæ , cinereæ et nigricantes , ciconiæ albæ gruibus similes, karawaiïiki (ignotum avis . nomen), larorum variæ species, sturni nigTE “ et lateribus albis instar picarum , phasiant, anseres parvi nigricantes, tudaki ( ignotum avis nomen ) albo colore præditi. Ces faits , qui sont précis et authentiques, confirment pleinement ce que j'ai avancé; savoir , que la mer Caspienne n’a aucune communication souterraine avec l'Océan , et ils prouvent de plus qu’elle n’en a jamais fait partie, puisqu'on n’y trouve point d’hui- tres m1 d’autres coquillages de la mer , mais seulement les espèces de ceux qui sont dans les rivières. On ne doit donc regarder cette mer que comme un grand lac formé dans le milieu des terres par les eaux des fleuves , 382 THÉORIE et les mêmes coquillages qui habiten | fleuves , et point du tout ceux qui penple 2Ë Y Océan ou la Méditerranée. "CR V. “ Sur les lacs salés de l'Asie. Z : Das la contrée des Tartares Ufiens, ainsf appelés, parce qu'ils habitent les bords de 1 rivière Uf, il se trouve, dit M. Pallas, des lacs, dont l’eau est aujourd’hui salée, et qui 14 V'étoit pas autrefois. Il dit la même chose d’un lac près de Miacs , dont l’eau étoit ci-devant, douce , et qui est actuellement salée. L'un des lacs les plus fameux par la quan=* tité de sel qu’on en tire, est celui qui se trouve vers les bords de la rivière Isel, et que Von nomme Soratschya. Le sel en est en général amer : la médecine l’emploie comme un bon purgatif ; deux onces de ce sel for- ment une dose três-forte. Vers Kurtenegsch, les bas-fonds se couvrent d’un sel amer, qui s'élève comme un tapis de neige à deux pouces de hauteur ; Le lac salé de Korjackof | DE LA TERRE. 383 fournit annuellement trois cent mille pieds cubiques de sel *; le lac de Jennu en donne aussi en abondance. Dans les voyages de MM. de l'académie de Pétersbourg , 1l est fait mention du lac salé de Jamuscha en Sibérie; ce lac, qui est à peu près rond , n’a qu'environ neuf lieues de circonférence. Ses bords sont couverts de sel, et le fond est revêtu de crystaux desel. L’eau est salée au suprême degré ; et, quand le soleil y donne , le lac paroît rouge comme une belle aurore. Le sel est blanc comme neige , et se forme en crystaux cubiques. Il y en aune quantité si prodigieuse, qu’en peu de temps on pourroit en charger un grand nombre de vaisseaux ; et dans les endroits où l’on en prend, on en retrouve d'autre cinq à six jours après. Il suffit de dire que les provinces de Tobolsk et Jéniséik en sont approvisionnées , et que ce lac sufhiroit pour fournir cinquante provinces semblables. La couronne s'en est réservé le commerce, de même que celui de toutes les autres salines. Ce sel est d’une bonté parfaite ; il surpasse * Le pied cubique pèse trente-cinq livres, de seize onces chacune. sn LE: .LE'PRRA LA Dans le midi Fr l'Asie , on trouve lil si d lacs salés ; un près de l'Euphrate, un au! re près de Barra. Il y en a encore, à ce qu on dit , ve d'Halep et dans File de Chypre à x vallée de sel de Barra, n ’étant pas loin dll l'Euphrate , pourroit être labourée , si l’on” en faisoit couler les eaux dans ce fleuve 4 que le terrain fût bon ; mais à présent cette terre rend un bon sel pourlacuisine, etmèmen en si grande quantité, que les vaisseaux de Bengale le chargent en retour pour lest. Fin du tome second. AS £ k a MUR LE | Des articles contenus dans ce volume. Prvves DE LA THÉORIE DE LA TERRE. — Article VII. Sur la production des couches ou lits de terre, page x. | — Article VIIT. Sur les coquilles et les autres pro= ductions de la mer, qu’on irouve dans l’inté- rieur de la Terre, 69. — Article IX. Sur les ue de la surface de la Terre, 150. — Arucle X. Des fleuves, 213. — Article XI. Des mers et des lacs, 280. ) DE L’IMPRIMERIE DE PLASSAN. LS Tr Le A nn Den ce a L 146) # t Y #nÀ MC ' » A8 6" FA | à AT N Ù ( CAE | «à a AU 17 Fes NAN ET 9 | F8 4336 LOST ET CE ER * x : } \ Le j ; Qu (Q | " i " u | à 2 # 4 IN - 21 LA si * 6 SL LR CRUE er er ES Pace MANEINT 4 ' J U +, * Ve RUE ARTE ONCE oe MUC sy ‘ ! À Ÿ? Ÿ SR, À É ‘ nat ; F, . À FA Get UE CT CEA v 187 : ! ; fi PAS \ ct 1e 7 - à 74 | DAT CA k , AR je or | < \ À } È ARE PLU $ ï Ta 4 a ÿ k « Vi 554 + à / 4 { X (Ke f 3 À } { } LU een ovine 2 PIE do ne {Y : 4 : LS WuRÉ f * , pr = s' 1 AN 1 k CDR € LE ALU Ji FAR) ARC DER PIC Mur VE À il : ] * Y { y r \ #1 0 en du ; , \ Ë f , V [1 3 9088 00770 6625