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L ,- - É L ; $ * L L - . à ue CR * 460 atensiat 2 : L 8. 4 sh 5 Le + 3 : à m. ss al: 4 à - te “ CRE NE : L EtA» : L e s L . . PS \ Heads . . me +. : mt RES PRES ... " . + . ra ‘ = ‘ sus À L 2% Ds PR : « = + + En L . tes cbr - ECTS . . L « ; = : s. : : L : _ Le : . _ 27 nue à .. - : . nt ta a : : nn ç : $ 2 <- : : : è 4 , ." = L L a . : # . L She LE À « s . : L L Fe . £ . . : ë x . . . : ï D L L : = - .* + ue re . L . : : : L \ L | È . « n L " - - Ê _.…. . ;s s be lente . D n a 06. = it = ‘ PE : L n £ : à + . , _ ” a - E 2 , 0 « e +." es È N 27 . ; S 0 a € Ê | d a . | _ _ ÿ ’ É + 1 ae p . . L F. » è LA 12 pot » 7 “ …. s 2 S ë N « -. i .. à à n_" 1e = J ÉNISTOIRE ATU R TÉRE. MATIÈRES GÉNÉRALES, _ TOME TROISIÈME t Lirrad md Le. HISTOIRE p 27%. NATURELLE Par BUFFON, DEDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. MATIERES GÉNÉRALES. TOME TROISIEME. v,3 | 254267 ansonian | ns Are LECTION. Fi useut À PARIS bn 2 A LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE |. BE P. DIDOT L’AÎnNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, ET FIRMIN DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116. AN VII — - 1799. HISTOIRE NATURELLE. PREUVES DE LA _ THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE XIL . Du flux et reflux. ; L'sav na qu'un mouvement naturel qui lui vient de sa fluidité; elle descend toujours * des lieux les plus élevés dans les lieux les plus bas, lorsqu'il n’y à point de digues ou ‘ Mat, gén, LIL. Li) # "FR 2 THÉORTEN TR ‘d'obstacles qui la retiennent ou qui s opposent à son mouvement; ét lorsqu'elle est arrivée au lieu le plus bas, elle y reste tranquille et sans mouvement, à moins que quelque cause étrangère et violente ne V’agite et ne l'en fasse sortir. Toutes les eaux de l’Océan sont rassemblées dans les lieux les plus bas de la superficie de la Terre ; ainsi les mou- vemens de la mer viennent de causes exté- rieures. Le principal mouvement est celui du flux et du reflux, qui se fait alternativement en sens contraire, et duquel il résulte un mouvement continuel et général de toutes les mers d’orient en occident; ces deux mou- vemens ont un rapport constant et régulier avec les mouvemens de la Lune. Dans les pleines et dans les nouvelles lunes, ce mou- vement des eaux d’orient en occident est plus sensible, aussi-bien que celui du flux et du reflux ; celui-ci se fait sentir dans l’intérvalle de six heures et demie sur la plupart des rivages, en sorte que le flux arrive toutes Les fois que la Lune est au-dessus ou au-dessous du méridien, et le reflux succède toutes les fois que la Lune est dans son plus grand’ éloignement du méridien , c’est-à-dire , toutes 1! PA. DE LA TERRE. à _ Jes fois qu’elle est à l'horizon, soit à son cou- cher, soit à son lever. Le mouvement de _ Ja mer d’orient en occident est continuel et constant, parce que tout l'Océan dans le flux se meut d’orient en occident, et pousse vers l'occident une très-grande quantité d’eau, et que le reflux ne paroît se faire en sens con- traire qu’à cause de la moindre quantité d'eau qui est alors poussée vers l'occident; car le - flux doit plutôt être regardé comme une in- tumescence, et le reflux comme une detu- mescence des eaux, laquelle, au lien de trou- … bler le mouvement d’orient en occident, le produit et le rend continuel, quoiqu’à la vérité il soit plus fort pendant l’intumes- cence, et plus foible pendant la détumes- cence, par la raison que nous venons d’ex- poser. | Les principales circonstances de ce mouve- ment sont, 1°. qu'il est plus sensible dans les nouvelles et pleines lunes que dans les qua- dratures : dans le printemps et l'automne ik est aussi plus violent que dans les autres temps de l’année, et il est le plus foible dans Je temps des solstices; ce qui s'explique fort _ naturellement par la combinaison des forces HS FER 4 THÉORIE TE de l'attraction de la Lune et du Soleil *. \ 2°, Les vents changent souvent la direction et la quantite de ce mouvement , sur-tout les vents qui soufflent constamment du même côté; il en est de même des grands fleuves qui portent leurs eaux dans la mer, et qui y produisent un mouvement de courant qui : s'étend souvent à plusieurs lieues ; et lorsque la direction du vent s'accorde avec le mou- vement général, comme est celui d’orient en occident, il en devient plus sensible : on en a un exemple dans la mer Pacifique, où le mouvement d’orient en occident est constant et très-sensible. 3°. On doit uen que lorsqu'une partie d’un fluide se meut , toute là masse du fluide se meut aussi : or, dans le mouvement des marées, 1l y a une très- grande partie de l'Océan qui se meut sensi- blement: toute la masse des mers se meut donc en même temps, et Les mers sont agitées par ce mouvement dans toute leur étendue et dans toute leur profondeur. Pour bien entendre ceci, il faut faire at- tention à la nature de la force qui produit le * Voyez sur cela les démonstrations de Newton. DE LA TERRE. 5 flux et le reflux, et réfléchir sur son action et sur ses effets. Nous avons dit que la Lune agit sur la Terre par une force que les uns appellent attraction, et les autres pesanteur : cette force d'attraction ou de pesanteur pé- nètre le globe de la Terre dans toutes les par- ties de sa masse; elle est exactement propor- tionnelle à la quantité de matière, eten même temps elle décroit comme le quarré de la dis- tance augmente. Cela pose, examinons ce qui doit arriver en supposant la Lune au méridien d’une plage de la mer. La surface _ des eaux étant immédiatement sous la Lune, est alors plus près de cet astre que toutes les autres parties du globe, soit de la terre, soit de la mer; dès-lors cette partie de la mer doit - s'élever vers la Lune, en formant une émi- nence dont le sommet correspond au centre de cet astre : pour que cette éminence puisse se former, il est nécessaire que les eaux, tant de la surface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent; ce qu'elles font en effet à proportion de la proxi- mité où elles sont de l’astre qui exerce cette action dans la raison inverse du quarré de la distance. Ainsi la surface de cette partie de * l 6 THÉORIE la mer s'élevant la première, les eaux de l4 surface des parties voisines s’éleveront aussi; mais à une moindre hauteur, et les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet et s’éleveront par la mème cause; en sorte que, toute cette partie dé lamer de venant plus haute et formant une éminence} 1l est nécessaire que les eaux de la surface et du fond des parties éloignées et sur lesquelles cette force d'attraction n’agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer les eaux qui se sont élevées : c’est-là ee qui produit le flux, qui est plus ou moins sensible sur les différentes côtes, et qui, comme l’on voit, agite la mer non seulement à sa surface; mais jusqu'aux plus grandes profondeurs. Le rez flux arrive ensuite par la pente naturelle des eaux; lorsque l’astre a passé et qu'il n’exerce plus sa force, l’eau qui s’étoit élevée par l'ac- tion de cette puissance étrangère, reprend son niveau et regagne les rivages et les lieux qu'elleavoitété forcée d'abandonner : ensuite, lorsque la Lune passe au méridien de l'an tipode du lieu où nous avons supposé qu'elle a d’abord élevé les eaux, le même effet ar— rive: les eaux dans cet instant où la Lune est D E: EL A -TER:R E. 7 absente et la plus éloignée, s’élèvent sensi- blement, autant que dans le temps où elle est présente et la plus voisine de cette partie de la-mer. Dans le premier cas, les eaux s'é- lèvent, parce qu’elles sont.plus près de l’asire que toutes les autres parties du globe; et dans le second cas c’est par la raison contraire , elles ne s'élèvent que parce qu’elles en sont plus éloignées que toutes les-autres parties du globé;; et, l'on voit-bien que cela doit pro duire le méême-effet: car. alors les eaux de : cette partie-étantsmotns attirées que tout le reste; durglobe, elles.s'elorgneront nécessai- rement-du reste du globé;-et formeront une éminencé dont:le sommet répondra au point de lasmoimidre action, c'est-à-dire, au point du ciel directement opposé à celui où se trouvela-Lune , ou, ce qui revient au même, au point-où elle étoit treize heures aupara- vant, lorsqu'elle avoit élevé Les eaux/,la pre- mière fois : car lorsqu'elle est parvenue à J'horizon, le reflux étant arrivé , la mer est alors dans son état naturel, et les eaux sont en équilibre et. de niveau; mais quand la Lune est au méridien opposé, cet équilibre ne peut plus subsister, puisque les eaux de gr - … “REPÉO NE 7 la partie opposée à la Lune étant à la plus grande distance où elles puissent être decet astre, elles sont moins attirée#que le reste du globe, qui, étant intermédiaire, se trouve être plus voisin de la Lune, et dès-lors leur pesanteur relative, qui lès tient toujours em équilibre et de niveau, les pousse vers le _ point opposé à la Lune, pour quetcet équi- libre se conserve. Ainsi dans les’ deux cas }; lorsque la Lune est au méridien d'un lieu ou au méridien opposé, les eaux doivent s'élever à très-peu près de la même quantité, et par conséquent s’abaisser et refluer aussi de la même quantité lorsque la Lune est à l'horizon , à son coucher ou à son lever. On voit bien qu’un mouvement dont la cause et V'effet sont tels que nous venons de l’expli- quer, ébranle nécessairement la masse entière des mers, et la remue dans toute son étendue et dans toute sa profondeur ; et si ce mouve- ment paroît insensible dans les hautes mers, et lorsqu'on est éloigné des terres, il n’en est cependant pas moins réel : le fond et la sur- face sont remués à peu près également ; et même les eaux du fond, que les vents ne peuvent agiter comme celles de la surface, DE LA TERRE. 1:01 éprouvent bien plus régulièrement que celles de la surface cette action, et elles ont un mouvement plus réglé et qui est toujours alternativement dirigé de la même façon. De ce mouvement alternatif de flux et de reflux , il résulte, comme nous l’avons dit, un mouvement continuel de la mer de l’orient. vers l'occident, parce que l’astre qui produit l’intumescence des eaux, va lui-même d’o- _ rient en occident, et qu’agissant successive- ment dans cette direction, les eaux suivent le mouvement de l’astre dans la même di- rection. Ce mouvement de la mer d’orient en occident est très-sensible dans tous les dé troits: par exemple, au détroit de Magellan, le flux élève les eaux à près de vingt pieds de hauteur , et cette intumescence dure six heures, au lieu que le reflux ou la détumes- cence ne dure que deux heures*, et l’eau coule versl’occident; ce quiprouve évidemment que le reflux n'est pas épal au flux, et que de tous deux il résulte un mouvement vers l’oc- cident , mais beaucoup plus fort dans le temps du flux que dans celui du reflux, et c’est * Voyez le LA oyage de Narbrougk. + La 10 THÉORIE pour cette raison que, dans les hautes mers éloignées de toute terre, les marées ne sont sensibles que par le mouvement général qui en résulte, c’est-à-dire, par ce mouvement d’orient en occident. Les marées sont plus fortes et elles font hausser et baisser les eaux bien plus consi= dérablement dans la zone torride entre les tropiques, que dans le reste de l'Océan ; elles sont aussi beaucoup plus sensibles dans les lieux qui s'étendent d’orient en occident, dans les golfes qui sont longs et étroits, et. sur les côtes où il y a des iles et des promon- toires : le plus grand flux qu’on connoisse, est, comme nous l’avons dit dans l’article précédent, à l’une des embouchures du fleuve Indus, où les eaux s'élèvent de trente pieds; il est aussi fort remarquable auprès de Ma- laye, dans le détroit de la Sonde, dans la mer Rouge, dans la baie de Nelson, à 55 degrés de latitude septentrionale, où 1l s'élève à quinze pieds, à l'embouchure du fleuve Saint: Laurent, sur les côtes de la Chine, sur celles du Japon, à Panama, dans le golfe de Ben- gale, etc. Le mouvement de la mer d’orient en occi- DE LA TERRE. 12 dent est très-sensible dans de certains en- droits; les navigateurs l’ont souvent observé en allant de l'Inde à Madagascar et en Afrique; il se fait sentir aussi avec beaucoup de force dans la mer Pacifique, et entre les Moluques et le Bresil: mais les endroits où ce mouve- ment est le plus violent, sont les détroits qui joignent l’Ocean à l'Océan; par exemple, les _ eaux de la mer sont portées avec une si grande force d’orient en occident par le détroit de Magellan, que ce mouvement est sensible même à une grande distance dans l'Océan Atlantique, et on prétend que c’est ce qui a fait conjecturer à Magellan qu'il y avoit un détroit par lequel les deux mers avoient une communication. Dans le détroit des Manilles et dans tous les canaux qui séparent les iles Maldives, la mer coule d’orient en occident, comme aussi dans le golfe du Mexique entre Cuba et Jucatan ; dans le golfe de Paria, ce mouvement est si violent, qu'on appelle le détroit la gueule du Dragon; dans la mer de Canada, ce mouvement est aussi très-vio- lent, aussi-bien que dans la mer de Tartarie et dans le détroit de Waigats, par lequel l'Océan, en coulant avec rapidité d’orient r2 THÉORIE en occident, charie des masses énormes de … glace de la mer de Tartarie dans la mer du Nord de l’Europe. La mer Pacifiqué coule de même d’orient en occident par les détroits du Japon; la mer du Japon coule vers la Chine; l'Océan Indien coule vers l’occident dans le détroit de Java et par les détroits des autres iles de l'Inde. On ne peut donc pas douter que la mer n’ait un mouvement cons- tant et général d’orient en occident , et l’on est assuré que l'Océan Atlantique coule vers l'Amérique, et que la mer Pacifique s’en éloigne, comme on le voit évidemment au cap des Courans entre Lima et Panama *. Au reste, les alternatives du flux et du re- flux sont régulières et se font de six heures et demie en six heures et demie sur la plupart des côtes de la mer, quoiqu’à différentes heures, suivant le climat et la position des côtes : ainsi les côtes de la mer sont battues continuellement des vagues, qui enlèvent à chaque fois de petites parties de matières qu’elles transportent au loin et qui se dé- posent au fond, et de même les vagues # Voyez Farenit Geogr. general. page 119. DE LA TERRE. 13 portent sur les plages basses des coquilles, . des sables qui restent sur les bords, et qui, s’accumulant peu à peu par couches horizon: tales, forment à la fin des dunes et des hau- teurs aussi élevées que des collines , et qui sont en effet des collines tout-à-fait sem- blables aux autres collines, tant par leur forme que par leur composition intérieure; ainsi la mer apporte beaucoup de productions marines sur les plages basses , et elle emporte au loin toutes les matières qu’elle peut en- lever des côtes élevées contre lesquelles elle agit , soit dans le temps du flux, soit dans le temps des orages et des grands vents. Pour donner une idée de l'effort que fait la mer agitée contre les hautes côtes, je crois devoir rapporter un fait qui m'a été assuré par une personne très-digne de foi, et que j'ai cru d'autant plus facilement, que j'ai vu moi-mème quelque chose d’approchant. Daus la principale des îles Orcades il y a des côtes composées de rochers coupés à plomb et perpendiculaires à la surface de la mer, en sorte qu'en se plaçant au-dessus de ces ro- chers, on peut laisser tomber un plomb jus- qu'à la surface de l’eau, en mettant la corde 2 rh THÉORIE ‘4 au bout d’une perche de neuf pieds. Cette î opération , que l’on peut faire dans le temps que la mer est tranquille, a donné la mesure de la hauteur de la côte, qui est de deux cents” pieds. La marée dans cet endroit est fort con- sidérable , comme elle l’est ordinairement dans tous les endroits où 1l y a des terres avan cées et des îles: mais lorsque le vent est fort, ce qui est très-ordinaire en Écosse, et qu’en même temps la marée monte, le mouvement est si grand et l'agitation si violente, que l’eau s’élève jusqu’au sommet des rochers qui bordent la côte, c’est-à-dire à deux cents pieds de hauteur, et qu’elle y tombe en forme de pluie; elle jette même à cette hauteur , des sraviers et des pierres qu’elle détache du pied des rochers, et quelques unes de ces pierres, au rapport du témoin oculaire que je cite ici, sont plus larges que la main. J'ai vu moi-même dans le port de Livourne, où la mer est beaucoup plus tranquille, et où il n’y a point de marée, une tempête au mois de décembre 1731, où l’on fut oblige de couper les mâts de quelques vaisseaux qui étoient à la rade, dont les ancres avoient quitté; j'ai vu, dis-je, l’eau de la mer s'élever au-dessus DE LA TERRE. 15 des fortifications , qui me parurent avoir une élévation très-considérable au-dessus des eaux ; et comme j'étois sur celles qui sont les plus avancées, je ne pus regagner la ville sans être mouillé de l’eau de la mer beaucoup plus qu'on ne peut l'être par la pluie la plus abondante. Ces exemples suffisent pour faire entendre avec quelle violence la mer agit contre les côtes; cette violente agitation détruit, use, ronge et diminue peu à peu le terrain des côtes ; la mer emporte toutes ces matières, et les laisse tomber dès que le calme a succédé à l'agitation. Dans ces temps d'orage, l’eau de Ja mer, qui est ordinairement la plus claire de toutes les eaux, est trouble et mêlée des différentes matières que le mouvement des eaux détache des côtes et du fond: et la mer rejette alors sur les rivages une infinité de choses qu’elle apporte de loin, et qu’on ne trouve jamais qu'après les grandes tempêtes, comme de l’ambre gris sur les côtes occiden- tales de l'Irlande, de l’ambre jaune sur celles de Poméranie, des cocos sur les côtes des Indes, etc. , et quelquefois des pierres ponces et d’autres pierres singulières. Nous pouvons 6... | AFHEORRE citer à cette occasion un fait rapporté dans les nouveaux Voyages aux iles de l'Amérique: « Étant à Saint-Domingue, dit l’auteur, on me « donna entre autres choses quelques pierres « légères que la mer amène à la côte quand «il a fait de grands vents du sud : il y en «avoit-une de deux pieds et demi delong sur « dix-huit pouces de large et environ un pied « d'épaisseur, qui ne pesoit pas tout-à-fait «cinq livres; elle étoit blanche comme la « neige, bien plus dure que les pierres ponces, « d’un grain fin, ne paroissant point du tout « poreuse, et cependant, quand on la jetoit « dans l’eau , elle bondissoit comme un ballon « qu’on jette contre terre; à peine enfonçoit- «elle un demi-travers de doigt. J’y fis faire «quatre trous de tarière pour y planter «quatre bâtons, et soutenir deux petites « planches légères qui renfermoient les pierres « dont je la chargeois : j'ai eu le plaisir de « lui en faire porter une fois cent soixante _ «livres, et une autre fois trois poids de fer « de cinquante livres pièce. Elle servoit de « chaloupe à mon nègre, quise mettoit dessus «et alloit se promener autour de la caye *». * Tome V, page 260. PE LARCEERR EE) . 17 Cette pierre devoit être une pierre ponce d'un grain trés-fin et serré, qui venoit de quelque volcan , et que la mer avoit transportée, comme elle transporte l’ambre gris, les cocos; la pierre ponce ordinaire, les graines des plantes, les roseaux, etc. On peut voir sur cela les discours de Ray: c’est principalement sur les côtes d'Irlande et d'Écosse qu’on a fait des observations de cette espèce. La mer par son mouvement général d’orient en occident doit porter sur les côtes de l'Amérique les productions de nos côtes; et ce n’est peut-être que par des mouvemens irréguliers et que nous ne connoissons pas, qu'elle apporte sur nos rivages les productions des Indes orien- tales et occidentales ; elle apporte aussi des productions du Nord.Il y a grande apparence que les vents entrent pour beaucoup dans les causes de ces effets. On a vu souvent dans les hautes mers et dans un très-srand éloigne- ment des côtes , des plages entières couvertes de pierres ponces : on ne peut guère soupçon- ner qu'elles puissent venir d’ailleurs que des volcans des iles ou de la terre ferme, et ce sont apparemment les courans qui les trans- portent au milieu des mers. Ayant qu’on 2 18 THÉORIE | connût la partie méridionale de l'Afrique} et dans le temps où on croyoit que la mer des Indes n’avoitaucune communication avec motre Océan, on commença à la soupçonner par un indice de cette nature. Le mouvement alternatif du flux et du reflux, et le mouve- ment constant de la mer d’orient en OCCi- dent, offrent différens phénomènes dans les différens climats ; ces mouvemens se modi- fient différemment suivant le gisement des terres et la hauteur des côtes : il y a des en- droits où le mouvement général d’orient en occident n’est pas sensible; il y en a d’autres où la mer a même un mouvement contraire, “comme sur la côte de Guinée: mais ces mou- vemens contraires au mouvement général ‘sont occasionnés par les vents, par la posi- tion. des terres, par les eaux des grands fleuves, et par la disposition du fond de la mer; toutes ces causes produisent des cou- rans qui altèrent et changent souvent tout- à-fait la direction du mouvement général dans plusieurs endroits de la mer. Mais comme ce mouvement des mers d'orient em occident est le plus grand, le plus général et le plus constant, il doit aussi produire Les NE HASTIORSET 1 plus grands effets, et, tout pris ensemble, la mer doit avec le temps gagner du terrain vers l'occident, et en laisser vers l’orient, quoi- qu’il puisse arriver que sur les côtes où le vent d'ouest souffle pendant la plus grande partie de l’année, comme en France, en An- gleterre, la mer gagné du terrain vers l’o- rient: mais, encore une fois, cés exceptions particulières ne détruisent pas l'effet de Ia cause générale. PREUVES. D E LA | Ç THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE XIII Des inégalités du fond de la mer et des COUTANS. Rss O N peut distinguer les côtes de Ia mer en trois espèces : 1°. les côtes élevées, qui sont de rochers et de pierres dures , coupées ordi- nairement à plomb à une hauteur considé- rable , et qui s'élèvent quelquefois à sept ou huit cents pieds : 2°. les basses côtes, dont les unes sont unies et presque de niveau avec la surface de la mer , et dont les autres ont une élévation médiocre et sont souvent bor- dées de rochers à fleur d’eau, qui forment des AUS : L THÉORIE DE LATERRE. »r brisans et rendent l’approche des terres fort difhcile : 3°. les dunes , qui sont des côtes formées par les sables que la mer accumule , ou que les fleuves déposent ; ces dunes for- ment des collines plus ou moins élevées. Les côtes d'Italie sont bordées de marbres et de pierres de plusieurs espèces, dont on distingue de loin les différentes carrières ; les rochers qui forment la côte paroissent à une très grande distance comme autant de piliers de marbres qui sont coupés à plomb. Les côtes de France depuis Brest jusqu à Bor- deaux sont presque par-tout environnées de rochers àfleur d’eau qui forment des brisans ; il en est de mème de celles d'Angleterre, d'Espagne, et de plusieurs autres côtes de J’Océan et de la Méditerranée , qui sont bor- _ dées de rochers et de pierres dures, à l'excep- tion de quelques endroits dont on a profité pour faire les baies , les ports et les havres. La profondeur de l’eau le long des côtes est ordinairement d'autant plus grande que ces côtes sont plus élevées , et d'autant moin- dre qu’elles sont plus basses ; l'inégalité du fond de la mer le long des côtes correspond aussi ordinairement à l'inégalité de la surface 22 THÉORIE du terrain des côtes. Je dois citer ici ce qu’en dit un célèbre navigateur. « J'ai toujours remarqué que dans les en- « droits où la côteest défendue par des rochers « escarpés , la mer y est très-profonde , et «qu’il est rare d’y pouvoir ancrer; etaucon- « traire, dans les lieux où la terre penche du L « côté de la mer, quelqu’élevée qu’elle soit : « plus avant dans le pays, le fond y est bon, « et par conséquent l’ancrage. À proportion « que la côte penche ou est escarpée près de «la mer , à proportion trouvons-nous aussi « communément que le fond pour ancrer est « plus-ou moins profond ou escarpé : aussi « mouillons-nous plus près ou plus loin de « la terre, comme nous jugeons à propos ; « car il n’y a point , que je sache , de côte «au monde, ou dont j'aie entendu parler, « qui soit d’une hauteur égale et qui n'ait « des hauts et des bas. Ce sont ces hauts et « ces bas, ces montagnes et ces vallées, qui « font les inégalités des côtes et des bras de « mer, des petites baies et des havres , etc. « où l’on peut ancrer sûrement , parce que « telle est la surface de la terre , tel est « ordinairement Je fond qui est couvert DE LA TERR_E.. 23 æ d’eau. Ainsi l’on trouve plusieurs bons «havres sur les côtes où la terre borne la « mer par des rochers escarpés , et cela parce « qu’il y a des pentes spacieuses entre ces « rochers : mais dans les lieux où la pente « d’une montagne ou d’un rocher n’est pas « à quelque distance en terre d’une montagne « à l’autre, et que, comme sur la côte de « Chili et du Pérou, le penchant va du côté « de la mer, ou est dedans , que la côte est « perpendiculaire ou fort escarpée depuis les « montagnes voisines , comme elle est en ces « pays-là depuis les montagnes d’Andes qui « règnent le long de la côte , la mer y est « profonde, etpour des havres ou bras de mer «1l n’y en a que peu ou point; toute cette « côte est trop escarpée pour y ancrer , et je «ne connois point de côtes où il y ait si peu « de rades commodes aux vaisseaux. Les côtes « de Galice, de Portugal , de Norvége , de « Terre-Neuve , etc. sont comme la côte du « Pérou et des hautes iles de l’Archipélague, « mais moins dépourvues de bonus havres. Là « où il y a de petits espaces de terre, il y a de « bonnes baies aux extrémités de ces espaces « dans les Lieux où ils s’avancent dans la mer 24 T H É ORIE k « comme sur la côte de Caracos, etc. Les îles « de Jean Fernando, de Sainte-Hélène , etc+ « sont des terres hautes dont la côte est pro- « fonde. Généralement parlant , tel est le « fond qui paroit au-dessus de l’eau , tel est « celui que l’eau couvre : et pour mouiller « sûrement il faut ou que le fond soit au «niveau ; ou que sa pente soit bien peu « sensible ; car s’il est escarpé, l’ancre glisse «et le vaisseau est emporté. De là vient que « nous ne nous mettons jamais en devoir de « mouiller dans les lieux où nous voyons les « terres hautes et des montagnes escarpées « qui bornent la mer : aussi, étant à vue des « îles des États , proche la terre del Fuego, «avant que d'entrer dans les mers du Sud, « nousnesongeâmes seulement pasà mouiller «après que nous eùmes vu la côte, parce qu'il « nous parut près de la mer des rochers es— « carpés; cependant il peut y avoir de petits __ «havres où des barques ou autres petits bâti- _« mens peuvent mouiller, mais nousne nous « mimes pas en peine de les chercher. « Comme les côtes hautes et escarpées ont « ceci d'incommode qu'on n'y mouille que « rarement, elles ont aussi ceci decommode, DE LA TERRE. "35 « qu'on les découvre de loin , et qu'on n’en « peut approcher sans danger ; aussi est-ce « pour cela que nous les appelons côtes ar- «dues, ou, pour parler plus naturellement, _« côtes exhaussées : mais pour les terres basses | « on ne les voit que de fort près, et il y a plu- « sieurs lieux dont on n’oseapprocherde peur « d'échouer avant que de les appercevoir ; « d’ailleurs il y en a plusieurs des bancs qui « se forment par le concours des grosses ri- « vières, qui des terres basses se jettent dans « la mer. ‘ « Ce que je viens de dire , qu’on mouille « d'ordinaire sûrement près des terres bas- « ses , peut se confirmer par plusieurs exem- « ples. Au midi de la baie de Campêche les « terres sont basses pour la plupart : aussi « peut-on ancrer tout le long de la côte, et il «y a des endroits à l’orient de la ville de « Campêche , où vous avez autant de brasses « d’eau que vous êtes éloigné de la terre, c’est- « à-dire, depuis neuf à dix lieues dedistance, « jusqu'à ce que vous en soyez à quatre lieues; « et de là jusqu’à la côte la profondeur va « toujours en diminuant. La baie de Honduras « est encore un pays bas , et continue de 3 RUE Ne 26 THÉORIE « même tout le long de là aux côtes dePorto- « Belloetde Carthagène, jusqu’à ce qu’on soit | « à la hauteur de Sainte-Marthe ; de là le « pays est encore bas jusque vers la côte de « Caracos , qui est haute. Les terres des envi- « rons de Surinam sur la mème côte sont « basses, et l’ancrage y est‘bon ; il en est de « même de là à la côte de Guinée. Telle est « aussi la baie de Panama , et les livres de « pilotage ordonnent aux pilotes d’avoir tou- « jours la sonde à la main et de ne pas appro- « cher d’une telle profondeur , soit de nuit, « soit de jour. Sur les mèmes mers depuis les « hautes terres de Guatimala en Mexique jus- « qu'à Californie, la plus grande partie de la « côte est basse : aussi peut-on y mouiller « sûrement. En Asie la côte de la Chine, les « baies de Siam et de Bengale , toute la côte « de Coromandel et la côte des environs de « Malaca, et près de là l’ile de Sumatra du « même côté , la plupart de ces côtes sont « basses et bonnes pour ancrer: mais à côté «de l'occident de Sumatra les côtes sont « escarpées et hardies; telles sont aussi la « plupart des Îles situées à l’orient de Suma- « tra, comme les îles de Bornéo, des Célèhes, DE ŒAAO TERRE. om « de Gilolo , et quantité d’autres îles de moin- « dre considération qui sont dispersées par-ci -« par-là Sur ces mers, et qui ont de bonnes « rades avec plusieurs fonds bas : mais les « îles de l'Océan de l’Inde orientale, sur-tout « l’ouest de ces îles, sont des terres hautes et « escarpées ; principalement les parties occi- « dentales , non seulement de Sumatra , mais « aussi de Java, de Timor , etc. On n’auroit « jamais fait si l’on vouloit produire tous les « exemples qu’on pourroit trouver ; on dira « seulement en général, qu'il est rare que les « côtes hautes soient sans eaux profondes , «et au contraire les terres basses et les mers «peu creuses se trouvent presque toujours « ensemble *. » | On est donc assuré qu’il y a des inéoalités dans le fond de la mer, et des montagnes très-considérables , par les observations que les navigateurs ont faites avec la sonde. Les plongeurs assurent aussi qu'il y a d’autres petites inégalités formées par des rochers, et qu’il fait fort froid dans les vallées de la * Voyage de Dampier autour du monde , LIT, page 476 el sulv. 28 THÉORIE. mer. En général, dans les grandes merslespro- fondeurs augmentent, comme nous l'avons dit, d’une manière assez uniforme, en s'é- loignant ou en s’approchant des côtes. Par la carte que M. Buache a dressée de la partie de. l'Océan comprise entre les côtes d'Afrique et d'Amérique, et par les coupes qu’il donne de la mer depuis le cap Tagrin jusqu'à la côte de Rio-Grande , il paroît qu’il y a des inégalités dans tout l'Océan comme sur la terre; que les abrolhos où il y a des vigies et où l'on voit quelques rochers à fleur d’eau, ne sont que des sommets de très-grosses et de très-srandes montagnes , dont l'ile Dau- phine est une des plus hautes pointes ; que les îles du cap Verd ne sont de même que des sommets de montagnes; qu'il y a un grand nombre d’écueils dans cette mer, où l’on est obligé de mettre des vigies , qu’en- suite le terrain tout autour de ces abrolhos descend jusqu’à des profondeurs inconnues, et aussi autour des îles. À l’égard de la qualité des différens terrains qui forment le fond de la mer, comme il est impossible de l’examiner de près , et qu'il faut s’en rapporter aux plongeurs et à la ‘" ë > DELA TÉRRE. 29 sonde , nous ne pouvons rien dire de bien précis : nous savons seulement qu’il y a des endroits couverts de bourbe et de vase à une grande épaisseur , et sur lesquels les ancres n’ont point de tenue ; c’est probablement dans ces endroits que se dépose Le limon des fleuves : dans d’autres endroits ce sont des sables semblables aux sables que nous con- noissons , et qui se trouvent de même de dif- férente couleur et de différente orosseur , comme nos sables terrestres : dans d’autres ce sont des coquillages amoncelés , des madré- pores , des coraux et d’autres productions animales, lesquelles commencent à s'unir , à prendre corps et à former des pierres : dans d’autres ce sont des fragmens de pierre, des graviers, et même souvent des pierres toutes formées et des marbres ; par exemple , dans les iles Maldives on ne bâtit qu'avec de la pierre dure que l'on tire sous les eaux à quelques brasses de profondeur ; à Marseille on tire du très-beau marbre du fond de la mer , jen ai vu plusieurs échantillons : et bien loin que la mer altère et gâte les pierres et les marbres , nous prouverons dans notre: discours sur les minéraux , que c’est dans la | 5 30 THÉORIE mer qu'ils se formentet qu’ils se conservent, | au lieu que le soleil, laterre, J'airet l’eau des pluies les corrompent et les détruisent. Nous ne pouvons donc pas douter qué le fond de la mer ne soit composé comme la terre que nous habitons , puisqu’en effet on y trouve les mêmes matières , et qu’on tire de la surface du fond de la mer les mêmes choses que nous tirons de la surface dé la terre ; et de même qu'on trouve au fond de la mer de vastes endroits couverts de coquil- lages , de madrépores , et d’autres ouvrages des insectes de la mer, on trouve aussi sur la terre une infinité de carrières et de bancs de craie et d'autres matières remplies de ces mêmes coquillages , de ces madrépores, etc. en sorte qu'à tous égards les parties décou- vertes du globe ressemblent à celles qui sont couvertes par les eaux , soit pour la compo- sition et pour le mélange des matières, Soit ‘par les inégalités de la superficie. C’est à ces inégalités du fond de la mer qu'on doitattribuer l’origine descourans; car ‘on sent bien que si le fond de l’Océan eétoit égal et de niveau, il n’y auroit dans la mer d'autre courant que le mouvement général = DE LA TERRE. 713 d'orient en occident, et quelques autres mdu- __vemens qui auroient pour cause l’action des vents , et qui en suiyroient la direction : mais une preuve certaine que la plupart des courans sont produits par le flux et le reflux , et dirigés par les inégalités du fond de la mer, c’est qu'ils suivent régulièrement les marées et qu'ils changent de direction à chaque flux et à chaque reflux. Voyez sur cet article ce que dit Pietro della Valle, au sujet des courans du golfe de Cambaie , vol. vx, | page 363, et le rapport de tous les naviga- teurs, qui assurent unanimement que dans les endroits où le flux et Le reflux de la mer est le plus violent et le plus impétueux , les courans y sont aussi plus rapides. Ainsi on ne peut pas douter que le flux et le reflux ne produisent des courans dont la direction suit toujours celle des collines où des montagnes opposées. entre lesquelles ils coulent. Les courans qui sont produits par les vents , suivent aussi la direction de ces mêmes collines qui sont cachées sous l’eau ; car ils ne sont presque jamais opposés direc- tement au vent qui les produit, non plus que ceux qui ont le flux et le reilux pour cause, s& THÉORIE ne suivent pas pour cela la même direction. Pour donner une idée nette de la produc- 1 tion des courans , nous observerons d’abord qu'il y en a dans toutes les mers , que les uns sont plus rapides et les autres plus lents, qu'il y en a de fort étendus tant eu longueur qu'en largeur, et d’autres quisont plus courts et plus étroits ; que la même cause , soit le vent, soit le flux et le reflux , qui produit ces courans , leur donne à chacun une vitesse et une direction souvent très-difiérentes ; qu’un vent de nord , par exemple , qui de- vroit donner aux eaux un mouvement géné ral vers le sud , dans toute l’étendue de la mer où il exerce son action , produit au con- traire un grand nombre de courans séparés les uns des autres et bien différens en éten- due et en direction: quelques-uns vont droit au sud , d’autres au sud-est , d’autres au sud ouest; les uns sont fort rapides, d'autres sont lents ; il y en a de plus et moins forts ; de plus et moins larges , de plus et moins éten- dus , et cela dans une variété de combinai— sons si grande, qu'on ne peut leur trouver rien de commun que la cause qui les pro- duit ; et lorsqu'un vent coutraire succède, | DE LA TERRE. 33 comme cela arrive souvent dans toutes les mers, et régulièrement dans l'Océan Indien, tous ces courans prennent une direction opposée à la première , et suivent en sens contraire les mêmes routes et le même cours, en sorte que ceux qui alloient au sud vont au nord, ceux qui couloient vers le sud-est vont au nord-ouest , etc. et ils ont la même étendue en longueur et en largeur, la même vitesse, etc. et leur coursau milieu desautres eaux de la mer se fait précisément de la même façon qu’il se feroit sur la terre entre deux rivages opposés et voisins , COMME ol le voit aux Maldives et entre toutes les iles de la mer des Indes, où les courans vont, comme les vents, pendant six mois dans une direction, et pendant six autres mois dans la direction opposée. On a fait la même remar—- que sur les courans qui sont entre les bancs. de sableet entre les hauts-fonds ; et en général ous les courans , soit qu'ils aient pour cause le mouvement du flux et du reflux , ou l’ac- tion des vents , ont chacun constamment la même étendue , la même largeur et la même direction dans tout leur cours , et ils: sont très-différens les uns des autres en lon- Le er © RATE a ci se dir _ f ." ) - 54 THÉORIE gueur , en largeur , en rapidité et en direc- tion ; ce qui ne peut venir que des inégalités des collines, des montagnes et des vallées qui sont au fond de la mer, comme l’on voit qu'entre deux îles le courant suit la direc- tion des côtes aussi-bien qu'entre les bancs de sable, les écueils et les hauts-fonds. On doit donc regarder les collines et les monta- gnes du fond de la mer comme les bords qui contiennent et qui dirigent les courans, et dès-lors un courant est un fleuve, dont la largeur est déterminée par celle de la vallée dans laquelle il coule , dont la rapidité dé- % x MR 1 } / * pend de la force qui le produit, combinée | avec le plus ou le moins de largeur de lin- tervalle par où il doit passer, et enfin dont la direction est tracée par la position des collines et des inégalités entre lesquelles il doit prendre son cours. Ceci étant entendu , nous allons donner une raison palpable de ce fait singulier dont nous avons parlé, de cette correspondance des angles des montagnes et des collines, qui se trouve par-tout , et qu’on peut observer dans tous les pays du monde. On voit, en jetant les yeux sur les ruisseaux , les rivières DE LA TERRE. 35 ei tontes les eaux courantes , que les bords qui les contiennent , forment toujours des angles alternativement opposés ; de sorte que quand un fleuve fait uu coude, l’un des bords du fleuve forme d’un côté une avance ou un angle rentrant dans les terres , et l’autre bord forme au contraire une pointe on un angle saillant hors des terres , et que dans toutes les sinuosités de leur cours cette correspon— dance des angles alternativement opposés se trouve toujours : elle est en effet fondée sur. les lois du mouvement des eaux et l'égalité de l’action des fluides, et il nous seroit facile de démontrer la cause de cet effet ; mais il nous sufñt ici qu’il soit général et universel- lement reconnu, et que tout le monde puisse s'assurer par ses yeux que toutes les fois que le bord d’une rivière fait une avance dans les terres, que je suppose à main gauche, l’autre bord fait au contraire une avance hors des terres à main droite. | Dès-lors les courans de la mer, qu’on doit regarder comme de grands fleuves ou des eaux courantes, sujettes aux mêmes lois que les fleuves de la terre , formeront de même, dans l'étendue de leur cours , plusieurs si. nl. » … RO RE, 0 LOL" FM | LL À ñ L \ Le xd re 36 THÉORIE. _nuosités dont les avances et les angles seront rentrans d’un côté et saillans de l’autre côté; et comme les bords de ces courans sont les collines et les montagnes qui se trouvent au-dessous ou au-dessus de la surface des eaux , ils auront donné à ces éeminences cette même forme qu'on remarque aux bords des fleuves. Ainsi on ne doit pas s’étonner que nos collines et nos montagnes , qui ont été autrefois couvertes des eaux de la mer, et qui ont été formées par Le sédiment des eaux, aient pris par le mouvement des courans cette figure régulière , et que tous les angles en soient alternativement opposés : elles ont été les bords des courans ou des fleuves de la mer, elles ont donc nécessairement pris une figureet des directions semblables à celles des bords des fleuves de la terre; et par con- séquent toutes les fois que le bord à main gauche aura formé un angle rentrant , le bord à main droite aura formé un angle sail- Jant, comme nous l’observons dans toutes les collines opposées. Cela seul , indépendamment des autres preuves que nous avons données , sufhroit pour faire voir que la terre de nos continéns DE LA TERRE. 37 a été autrefois sous les eaux de la mer: et Vusage que je fais de cette observation de la correspondance des angles des montagnes et la cause que j'en assigne , me paroissent être des sources de lumière et de démonstration dans le sujet dont il est question : car ce n’étoit point assez d’avoir prouvé que les couches extérieures de la terre ont été for- mées par les sédimens de la mer, que les montagnes se sont élevées par l’entassement successif de ces mêmes sédimens , qu’elles ‘sont composées de coquilles et d’autres pro- ductions marines : il falloit encore rendre raison de cette régularité de figure des col lines dont les angles sont correspondans, et en trouver la vraie cause que personne jusqu’à présent n’avoit même soupçonnée, et qui ce- pendant, étant réunie avec les autres, forme un corps de preuves aussi complet qu’on puisse en avoir en physique, et fournit une théorie appuyée sur des faits et indépendante de toute hypothèse , sur un sujet qu’on n'a _ voit jamais tenté par cette voie, et sur lequel il paroissoitavoué qu’il étoit permis et même nécessaire de s’aider d’une infinité de suppo- sitions et d'hypothèses gratuites , pour pou Mas gén His A” Ne « LT 38 THÉORIE voir dire quelque chose de conséquent et de systématique. Les P'ERRORRAUEE courans de l’Océan sont ceux qu’on a observés dans la mer Atlantique près de la Guinée ; ils s'étendent depuis le cap Verd jusqu’à la baie de Fernandopo : leur mouvement est d’occident en orient, et il est contraire au mouvement général de la mer, qui se fait d’orient en occident. Ces courans sont fort violens , en sorte que les vaisseaux peuvent venir en deux jours de Moura à Rio de Bénin, c’est-à-dire, faire une route de plus de cent cinquante lieues , et il leur faut six ou sept semaines pour y retourner ; ils ne peuvent mème sortir de ces parages qu’en pro- fitant des vents orageux qui s'élèvent tout-à- coup dans ces climats : mais ily a des saisons entières pendant lesquelles ils sont obligés de rester, la merétantcontinuellement calme, à l'exception du mouvement des courans, qui est toujours dirigé vers les côtes dans cet en- droit ; ces courans ne s'étendent guère qu'à vingt lieues de distance des côtes. Auprès de. Sumatra il y a des courans rapides qui cou- lent du midi vers le nord , et qui probable- ment ont formé le golfe qui est entre Malaye UN % DE LA TERRE. 39 et l'Inde. On trouve des courans semblables entre l’ile de Java et la terre de Magellan. Il y a aussi de très-grands courans entre le _ cap de Bonne-Espéranceet l’île de Madagascar, _ et sur-tout sur la côte d'Afrique, entre la terre de Natal et le cap. Dans la mer Paci- -fique, sur les côtes du Pérou et du reste de l'Amérique, la mer se meut du midi au nord, et il y règne constamment un vent de midi qui semble être la cause de ces courans, on observe le mème mouvement du midi au nord sur les côtes du Bresil, depuis le cap Saint-Augustin jusqu'aux îles Antilles, à l'embouchure du détroit des Manilles, aux Philippines et au Japon dans le PUR de Ki- buxia *. £ Il y a des courans très-violens dans la mer voisine des îles Maldives, et entre ces iles ces courans coulent , comme je l’ai dit, cons- tamment pendant six mois d’orient en occi- dent, et rétrogradent pendant les six autres mois d'occident en orient; ils suivent la di- rection des vents moussons , et il est probable qu'ils sont produits par ces vents, qui, comme * Voyez Vareni Geograph. general. pag. 1404 St PE l’on sait, soufflent dans cette mer six mois de l’est à l’ouest, et six mois en sens contraire. Au reste, nous ne faisons ici mention que des courans dont l'étendue et la rapidité sont fort considérables : car il y a dans toutes les mers une infinite de courans que les naviga- teurs ne reconnoissent qu'en comparant la route qu'ils ont faite avec celle qu'ils au- roient dû faire, et ils sont souvent obligés d'attribuer à l’action de ces courans la dérive de leur vaisseau. Le flux et le reflux, les vents et toutes les autres causes qui peuvent donner de l'agitation aux eaux de la mer, doivent produire des courans, lesquels seront plus ou moins sensibles dans les différens en- droits. Nous avons vu que le fond de la mer Ve 40 THÉORIE ANT NETE } est, comme la surface de la terre, hérisse de montagnes, semé d’inégalites et coupe par des bancs de sable : dans tous ces endroits montueux et entrecoupés, les courans se— ront violens; dans les lieux plats où le fond de la mer se trouvera de niveau , 1ls seront presque insensibles : la rapidité du courant augmentera à proportion des obstacles que les eaux trouveront, ou plutôt du rétrécis- sement des espaces par lesquels elles tendent : DE LA TERRE. 4x à passer. Entre deux chaînes de montagnes qui seront dans la mer, il se formera néces- sairement un courant qui sera d'autant plus violent que ces deux montagnes seront plus voisines ; il en sera de même entre deux bancs de sable ou entre deux îles voisines: aussi remarque-t-on dans l'Océan Indien, qui est entrecoupé d’une infinité d’iles et de bancs, qu’il y a par-tout des courans très- rapides qui rendent la navigation de cette mer fort périlleuse ; ces courans ont en géné ral des directions semblables à celles des vents, ou du flux et du reflux qui les pro- duisent. | Non seulement toutes les inégalités du fond de la mer doivent former des couranus, mais les côtes mêmes doivent faire un effet en partie semblable. Toutes les côtes font refou- ler les eaux à des distances plus ou moins considérables : ce refoulement des eaux est une espèce de courant que les circonstances peuvent rendre continuel et violent: la posi- tion oblique d’une côte, le voisinage d’un golfe ou de quelque grand fleuve, un pro- montoire, en un mot tout obstacle parti- culier qui s’oppose au mouyement général, 5 È A À 42 THÉORIE. produira toujours un courant:or commerien n’est plus irrégulier que le fond et les bords de la mer, on doit donc cesser d’être surpris du grand nombre de courans qu'o on y trouve presque par-lout. Au reste, tous ces courans ont une largeur déterminée et qui ne varie point : cette lar- geur du courant dépend de celle de l’inter- valle qui est entre les deux éminences qui lui servent de lit. Les courans coulent dans la mer comme les fleuves coulent sur la terre, et ils y produisent des effets semblables; ils forment leur lit; ils donnent aux éminences entre lesquelles ils coulent, une figure régu- lière, et dont les angles sont correspondans : ce sont en un mot ces courans qui ont creusé nos vallées, figuré nos montagnes, et donné _à la surface de notre terre, lorsqu'elle étoit sous l’eau de la mer, la forme qu’elle con- serve encore aujourd'hui. Si quelqu'un doutoit de cette correspon-— dance des angles des montagnes, j’oserois en appeler aux yeux de tous les hommes, sur- tout lorsqu'ils auront lu ce qui vient d’être dit: je demande seulement qu’on examine,en voyageant, la position des collines opposées, PAPA ITERÉE 7 4 et les avances qu'elles font dans les vallons, on se convaincra par ses yeux que le vallon étoit le lit, et les collines les bords des cou- rans; car les côtés opposés des collines se correspondent exactement, comme les deux bords d’un fleuve. Dès que les collines à droite du vallon font une avance, les collines à gauche du vallon font une gorge. Ces col- lines ont aussi à très-peu près la même élé- vation; et 1l est très-rare de voir une grande inégalité de hauteur dans deux collines op- posées et séparées par un vallon : je puis as- surer que plus vai resarde les contours et les: que p ] 8 hauteurs des collines, plus j’ai été convaincu de la correspondance des angles, et de cette ressemblance qu’elles ont avec les lits et les bords des rivières; et c’est par des observa- tions réitérées sur cette régularité surpre- nante et sur cette ressemblance frappante, que mes premières idées sur la théorie de la Terre me sont venues. Qu'on ajoute à cette observation celle des couches parallèles et horizontales, et celle des coquillages répandus dans toute la terre et incorporés dans toutes les différentes matières, et on verra s’il peut y avoir plus de probabilité dans un sujet de cette espèce. ; ANA \ A DDITIONS. ET CORRECTIONS A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. I, Sur la nature et qualité des terrains du fond de la mer, page 28. M. s'asst DIcQUEMARE, savant physicien, a fait sur ce sujet des réflexions et quelques observations particulières, qui me paroissent s’accorder parfaitement avec ce que j'en ai dit dans ma Téorie de la Terre. « Les entretiens avec des pilotes de toutes « langues; la discussion des cartes et des « sondes écrites, anciennes et récentes; l'exa- «men des corps qui s’attachent à la sonde; « l'inspection des rivages, des bancs; celle « des couches qui forment l’intérieur de la « Terre, jusqu’à une profondeur à peu près « semblable à la longueur des lignes des THÉORIE DE LA TERRE. 45 «sondes les plus ordinaires; quelques ré- « flexions sur ce que la physique, la cosmo- « graphie et l’histoire naturelle ont de plus «analogue avec cet objet, nous ont fait « soupçonner, nous ont mème persuadé, dit « M. l’abbé Dicquemare, qu'il doit exister, « dans bien des parages, deux fonds difé- « rens, dont l’un recouvre souvent l’autre par « intervalles : le fond ancien ou permanent, « gu’on peut nommer fond général, et le fond « accidentel ou particulier. Le premier, qui « doit faire la base d'un tableau général, est « le sol même du bassin de la mer. 1l est « composé des mêmes couches que nous trou- «vyons par-tout dans le sein de la Terre, « telles que la marne, la pierre, la glaise, « le sable , les coquillages , que nous voyons « disposés horizontalement, d’une épaisseur « égale, sur une fort grande étendue... ici. « ce sera un fond de marne: là un de elaise, « de sable, de roches. Enfin le nombre des « fonds généraux qu’on peut discerner par la « sonde, ne va guère qu’à six ou sept espèces. « Les plus étendues et les plus épaisses de ces « couches, se trouvant découvertes ou cou- « pées en biseau, forment dans la mer de 46 THÉOMWGE NT « grands espaces, où l’on doit reconnoître le L: « fond général, indépendamment de ce que « les courans et autres circonstances peuvent « y déposer d’étranger à sa nature. Il est en- « core des fonds permanens dont nous n’avons « point parlé: ce sont ces étendues immenses « de madrépores, de coraux, qui recouvrent « souvent un fond de rochers, et ces bancs « d’une éuorme étendue de coquillages, que «la prompte multiplication ou d’autres « causes y ont accumulés ; ils y sont comme «par peuplades. Une espèce paroît occuper «une certaine étendue, l’espace suivant est « occupé par une autre , comme on le remar- « que à l’égard des coquilles fossiles , dans « une grande partie de l’Europe, et peut-être « par-tout. Ce sont même ces remarques sur « l’intérieur de la Terre, et des lieux où la « mer découvre beaucoup, où l’on voit tou= « jours une espèce dominer comme par can- «tons, qui nous ont mis à portée de con-— « clure sur la prodigieuse quantité des indi- « vidus, et sur l’épaisseur des bancs du fond « de la mer, dont nous ne pouvons guère « connoître par la sonde que la superficie. « Le fond accidentel ou particulier... . . « 1 4 dm UNS DAPTIRRE, : 49 «est composé d’une quantité prodigieuse de ? « pointes d'oursins de toute espèce, que les « marins nomment pozsntes d’aleines ; de frag- «mens de coquilles, quelquefois pourries 7 « de crustacées, de madrépores, de plantes « marines, de pyrites, de granits arrondis « par le frottement, de particules de nacre, « de mica, peut-être même de talc, auxquels « ils donnent des noms conformes à l’appa- « rence ; quelques coquilles entières , mais en « petite quantité, et comme semées dans des « étendues. médiocres ; de petits cailloux, « quelques crystaux, des sables colorés, un « léger limon, etc. Tous ces corps, dissémi- « nés par les courans, l'agitation de la mer, | «etc. provenant en partie des fleuves, des « éboulemens de falaises et autres causes ac- «cidentelles, ne recouvrent souvent qu’im- « parfaitement le fond général qui se repré- « sente à chaque instant, quand on sonde « fréquemment dans les mêmes parages ... « J'ai remarqué que depuis près d’un siècle «une grande partie des fonds généraux du « golfe de Gascogne et de la Manche n’ont «presque pas changé; ce qui fonde encore &« mon opinion sur les deux fonds. 48 THÉORIÉ I I. 7 Sur les courans de la mer, page 27. Ox doit ajouter à l’énumération des cou rans de la mer le fameux courant de Mosckæ, Mosche ou Male, sur les côtes de Norvége, dont un savant Suédois nous a donné la des- cription dans les termes suivans : «Ce courant, qui a pris son nom du rocher «de Moschensicle, situé entre les deux îles « de Tofode et de Woeræn, s'étend à quatre « milles vers Le sud et vers le nord. | «Ïl est extrêmement rapide, sur-tout entré « le rocher de Mosche et la pointe de Lofæde; «mais plus il s’approche des deux îles de « Woeræn et de Roest, moins il a dé rapi- « dité. IL achève son cours du nord au sud en « six heures, puis du sud au nord en autant « de temps. « Ce courant est si rapide, qu’il fait un « grand nombre de petits tournans, que les « habitans du pays ou les Norvegiens ap « pellent gargamer. « Son cours ne suit point celui des eaux de « « « « : > «ç DE LATERRE. 49 la mer dans leur flux et dans leur reflux: il y est plutôt tout contraire. Lorsque les eaux de l'Océan montent, elles vont du sud au nord, et alors le courant va du nord au sud : lorsque la mer se retire;'elle va du nord au sud, et pour lors le courant ya du sud au nord. « Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est «que tant en allant qu'en revenant, il ne « « « décrit pas une bone droite , ainsi que les autres courans qu'on trouve dans quelques détroits, où les eaux de la mer montent et descendent; mais il va en ligne circu- laire. NES « Quand les eaux de la mer ont monté à moitié, celles du courant vont au sud-sud- est. Plus la mer s’elève, plus il se tourne vers le sud; de là il se tourne vers le sud- ouest, et du sud-ouest vers l’ouest, « Lorsque les eaux de la mer ont entière ment monté, le courant va vers le nord- ouest, et ensuite vers le nord : vers le mi-- lieu du reflux, il recommence son cours, aprés l’avoir suspendu peudant uses momens. ;.. _«Leprincipal phénomène qu on y observe F 5o THÉORIE « est son retour par l'ouest du sud sud-est « vers le nord, ainsi que du nord vers le sud- «est. S'il ne revenoit pas par le même che- « min, il seroit fort difficile et presque im- « possible de passer de la pointe de Lofæde «aux deux grandes îles de Woeræn et de « KRoest. IL y a cependant aujourd’hui deux « paroisses qui seroient nécéssairement sans. « habitans, si le courant ne prenoit pas le « chemin que je viens de dire; mais, comme il le prend en effet, ceux qui veulent passer « de la pointe de Lofæde à ces deux îles, « attendent que la mer ait monté à moitié, « parce qu’alors le courant se dirige vers « l’ouest : lorsqu'ils veulent revenir de ces « Îles vers la pointe de Lofæde, ils attendent « le mi-reflux, parce qu’alors le courant est « dirigé vers le continent ; ce qui fait qu'on « passe avec beaucoup de facilite.... Or il «n’y a point de courant sans pente; et ict « l’eau monte d’un côté et descend de l’autre. « Pour se convaincre de cette verite , ilsuf- « fit de considérer qu’il y a une petite langue « de terre qui s'étend à seize milles de Nor- « vége dans la mer, depuis la pointe de Lo- « fœde , qui est Le plus à l’ouest, jusqu'à celle "mn [mn] Le "mn La) DE LA TERRE. br « de Loddinge, qui est la plus orientale. Cette « petite langue de terre est environnée par la « mer; et soit pendant le flux, soit pendant «le reflux, les eaux y sont toujours arré- « tées, parce qu'elles ne peuvent avoir d’issue «que par six petits detroits ou passages qui « divisent cette langue de terre en autant de « parties. Quelques uns de ces détroits ne sont « larges que d’un demi-quart de mille, et « quelquefois moitié moins ; ils ne peuvent « donc contenir qu'une petite quantité d'eau. « Ainsi, lorsque la mer monte, les eaux qui « vont vers le nords’arrètent en grande partie « au sud de cette langue de terre : elles sont « donc bien plus élevées versle sud que vers le «nord. Lorsque la mer se retire et va vers le « sud, ilarrive pareillement que leseaux s’ar- « rêtent en grande partie au nord de cette « langue deterre, et sont par conséquent bien « plus hautes vers le nerd que vers le sud. « Les eaux arrêtées de cette manière, tan- « tôt au nord,-tantôt au. sud, ne peuvent « trouver d’issue qu'entre la pointe de Lofæde «et de l'ile de Woerœn, et qu'entre cette île « et celle de Roest. « La pente qu’elles ont lorsqu'elles des- 52 THÉORIE L . L ‘ F * « cendent, cause la rapidité du courant; et « par la même raison cette rapidité est plus « grande vers la pointe de Lofæde que par- « tout ailleurs. Comme cette pointe est plus « près de l'endroit où les eaux s'arrêtent, la « pente y est aussi plus forte; et plus les eaux « du courant s'étendent vers les îles de Woe- « rœn et de Roest, plus il perd de sa vitesse... « Après cela, il est aisé de concevoir pour- « quoi ce courant est toujours diamétrale-. « ment opposé à celui des eaux de la mer. «Rien ne s’oppose à celles-ci, soit qu'elles _« montent, soit qu'elles descendent; au lieu « que celles qui sont arrêtées au-dessus de la « pointe de Lofæde ne peuvent se mouvoir ni « en ligne droite, ni au-dessus de cette même « pointe, tant que la mer n’est point descen- « due plus bas, et n’a pas, en se relirant, em- « mené les eaux que celles qui sont arrêtées « au-dessus de Lofæde, doivent remplacer... « Au commencement du flux et du reflux, « les eaux de la mer ne peuvent pas détour- « ner celles du courant; mais lorsqu'elles ont « monté ou descendu à moitié, elles ont assez « de force pour changer sa direction. Comme « 1l ne peut alors retourner vers l’est, parce N DE LA TERRE. 53 & que l’eau est toujours stable près de la pointe « de Lofæde, ainsi que je l’ai déja dit, il faut « nécessairement qu'il aille (vers l’ouest, où « l’eau est plus basse ». Cette explication me paroit bonne et conforme aux vrais principes -de la théorie des eaux courantes. Nous devons encore ajouter ici la description du, fameux courant de Charybde et Scylla, près de la Sicile, sur lequel M. Brydone a fait nouvellement des observations, qui semblent prouver que sa rapidité et la violence de tous ses mouvemens est fort diminuée. « Le fameux rocher de Scylla est sur la côte «de la Calabre, le cap Pelore sur celle de « Sicile, et le célèbre détroit du Phare court «entre les deux. L’on entend à quelques « milles de distance de l'entrée du détroit, le « mugissement du courant; il augmente à « mesure qu'on s'approche, et, en plusieurs « endroits, l’eau forme de grands tournans, « lors même que tout le reste de la mer est « uni comme une glace. Les vaisseaux sont « attirés par ces tournans d'eaux; cependant « on court péu de danger quand le temps est « calme : mais si les vagues rencontrent ces « tournans violens, elles forment une mer 5 54 ECTS ÉCRIN « terrible. Le courant porte directement vers «le rocher de Scylla : il est à environ um « mille de l’entrée du Phare. Il faut convenir « que réellement ce fameux Scylla n’approche « pas de la description formidable qu Homère en a faite; le passage n’est pas aussi prodi- « gieusement étroit ni aussi difficile qu'il le « représente : il est probable que depuis ce « temps il s’est fort élargi , et que la violence «du courant a diminué en même propor- «tion. Le rocher à près de deux cents pieds « d'élévation; on y trouve plusieurs cavernes « et une espèce de fort bâti au sommet. Le « fanal est à présent sur le cap Pelore. L’en- « trée du détroit entre ce cap et la Coda di « Volpe en Calabre, paroît avoir à peine un « mille de largeur; son canal s’élargit, et ïl «a quatre milles auprès de Messine, qui est «éloignée de douze milles de l'entrée du « détroit. Le célèbre gouffre ou tournant de « Charybde est près de l’entrée du havre de « Messine : il occasionne souvent dans l’eau «un mouvement si irrégulier, que les vais- «seaux ont beaucoup de peine à y entrer. “Aristote fait une longue et terrible descrip- ‘« tion de ce passage difficile. Homère, Lu- DONRRE, LES EAN. « crèce, Virgile, et plusieurs autres poëtes , « l'ont décrit comme ,un objet qui inspiroit « la plus grande terreur. Il n’est certaine «ment pas si formidable aujourd’hui , et il «est très-probable que le mouvement des «eaux depuis ce temps a émoussé les pointes « escarpées des rochers, et détruit les obs- « tacles qui resserroient les flots. Le détroit « s’est élargi considérablement dans cet en- « droit. Les vaisseaux sont néanmoins obli- « gés de ranger la côte de Calabre de très- « près , afin d'éviter l'attraction violente oc- « casionnée par le tournoiement des eaux; « et lorsqu'ils sont arrivés à la partie la plus «étroite et la plus rapide du détroit, entre « le cap Pelore et Scylla, ils sont en grand « danger d’être jetés directement contre ce « rocher. De là vient le proverbe, | Incidit in Scyllam cupiens vitare Charybdin. « On a placé un autre fanal pour avertir « les marins qu'ils approchent de Charybde, « comme le fanal du cap Pelore les avertit « qu is approchent de Scy Ha.» ONE RU EU: cut 36 THÉORIE } nuosités dont les avances et les angles seront rentrans d’un côté et saillans de l’autre côté; et comme les bords de ces courans sont les collines et les montagnes qui se trouvent au-dessous ou au-dessus de la surface des eaux , ils auront donné à ces éminences cette même forme qu’on remarque aux bords des fleuves. Ainsi on ne doit pas s'étonner que nos collines et nos montagnes , qui ont été autrefois couvertes des eaux de la mer, et qui ont été formées par le sédiment des eaux, aient pris par le mouvement des courans cette figure régulière , et que tous les angles en soient alternativement opposés : elles ont été les bords des courans ou des fleuves de la mer, elles ont donc nécessairement pris une figureet des directions semblables à celles des bords des fleuves de la terre; et par con- séquent toutes les fois que le bord à main gauche aura formé un angle rentrant , le bord à main droite aura formé un angle sail- lant, comme nous l’observons dans toutes les collines opposées. Cela seul , indépendamment des autres preuves que nous avons données , sufhroit pour faire voir que la terre de nos continéns DE LA TERRE. 37 a été autrefois sous les eaux de la mer: et l'usage que je fais de cette observation de la correspondance des angles des montagnes et la cause que j'en assigne , me paroissent être des sources de lumière et de démonstration dans le sujet dont il est question : car ce n’étoit point assez d’avoir prouvé que les couches extérieures de la terre ont été for- mées par les sédimens de la mer, que les montagnes se sont élevées par l’entassement successif de ces mêmes sédimens , qu’elles sont composées de coquilles et d’autres pro ductions marines : il falloit encore rendre raison de cette régularité de figure des col lines dont les angles sont correspondans, et en trouver la vraie cause que personne jusqu’à présent w’avoit même soupçonnée, et qui ce- pendant, étant réunie avec les autres, forme un corps de preuves aussi complet qu’on puisse en avoir en physique, et fournit une théorie appuyée sur des faits et indépendante de toute hypothèse, sur un sujet qu’on n'a- voit jamais tenté par cette voie, et sur lequel il paroissoit avoué qu’il étoit permis et même nécessaire de s’aider d’une infinité de suppo- sitions et d'hypothèses gratuites , pour pou- Mat, gén, ITL. ÿ & 38 THÉORIE voir dire quelque chose de conséquent et de systématique. : Les PERIGAMEE courans de l’Océan sont ceux qu'on a observés dans la mer Atlantique près de la Guinée ; ils s’étendent depuis le cap Verd jusqu’à la baie de Fernandopo : leur mouvement est d'occident en orient, et il est contraire au mouvement général de la mer, qui se fait d’orient en occident. Ces courans sont fort violens , en sorte que les vaisseaux peuvent venir en deux jours de Moura à Rio de Bénin, c’est-à-dire, faire une route de plus de cent cinquante lieues , et il leur faut six ou sept semaines pour y retourner ; ils ne peuvent mème sortir de ces parages qu’en pro- fitant des vents orageux qui s'élèvent tout-à- coup dans ces climats : mais ily a des saisons entières pendant lesquelles ils sont obligés de rester, la merétantcontinuellement calme, à l'exception du mouvement des courans, qui est toujours dirigé vers les côtes dans cet en- droit ; ces courans ne s'étendent guère qu’à vingt lieues de distance des côtes. Auprès de. Sumatra il y a des courans rapides qui cou- lent du midi vers le nord , et qui probable- ment ont formé le golfe qui est entre Malaye ANA % DE LA TERRE. 39 et l'Inde. On trouve des courans semblables entre l’ile de Java et la terre de Magellan. Il y a aussi de très-grands couräns entre le cap de Bonne-Espéranceet l'ile de Madagascar, _ et sur-tout sur la côte d'Afrique, entre la terre de Natal et le cap. Dans la mer Paci- fique, sur les côtes du Pérou et du reste de l'Amérique, la mer se meut du midi au nord, et il y règne constamment un vent de midi qui semble être la cause de ces courans, on observe le même mouvement du midi au nord sur les côtes du Bresil, depuis le cap Saint- Augustin jusqu'aux îles Antilles, à l'embouchure du détroit des Manilles, aux Philippines et au Japon dans le PR de Ki- buxia *. ÿ Il y a des courans très-violens dans la mer voisine des îles Maldives, et entre ces iles ces courans coulent , comme je l’ai dit, cons- tamment pendant six mois d’orient en occi- dent, et rétrogradent pendant les six autres mois d’occident en orient; ils suivent la di- xection des vents moussons, et il est probable qu'ils sont produits par ces vents, qui, comme * Voyez Parent Geograph. general. page 1404 40 THÉORIE RUN l’on sait, soufflent dans cette mer six mois de l’est à l’ouest, et six mois en sens contraire. Au reste, nous ne faisons ici mention que des courans dont l’étendue et la rapidité sont fort considérables : car il y a dans toutes les mers une infinite de courans que les naviga- teurs ne reconnoissent qu'en comparant la route qu’ils ont faite avec celle qu'ils au- roient dû faire, et ils sont souvent obligés d'attribuer à l’action de ces courans la dérive de leur vaisseau. Le flux et le reflux, les vents et toutes les autres causes qui peuvent donner de l'agitation aux eaux de la mer, doivent produire des courans, lesquels seront plus ou moins sensibles dans les differens en- droits. Nous avons vu que le fond de la mer est, comme la surface de la terre, hérissé de montagnes, semé d’inegalités et coupé par des bancs de sable : dans tous ces endroits montueux et entrecoupes, les courans se— xont violens:; dans les lieux plats où le fond de la mer se trouvera de niveau, ils seront presque insensibles : la rapidité du courant augmentera à proportion des obstacles que les eaux trouveront, ou plutôt du rétrécis- sement des espaces par lesquels elles tendent » » liege 5 DE LA TERRE. 4x à passer. Entre deux chaînes de montagnes qui seront dans la mer, il se formera néces- sairement un courant qui sera d'autant plus violent que ces deux montagnes seront plus voisines ; il en sera de même entre deux bancs de sable ou entre deux îles voisines: aussi remarque-t-on dans l'Océan Indien, qui est entrecoupé d’une infinité d’iles et de bancs, qu’il y a par-tout des courans très- rapides qui rendent la navigation de cette mer fort périlleuse ; ces courans ont en géné ral des directions semblables à celles des vents, ou du flux et du reflux qui les pro- duisent. | Non seulement toutes les inégalités du Fond de la mer doivent former des courans, mais les côtes mêmes doivent faire un effet en partie semblable. Toutes les côtes font refou- ler les eaux à des distances plus ou moins considérables : ce refoulement des eaux est une espèce de courant que les circonstances peuvent rendre continuel et violent; la posi- tion oblique d’une côte, le voisinage d’un golfe ou de quelque grand fleuve, un pro- montoire, en un mot tout obstacle parti- culier qui s’oppose au mouvement général, Ç ; k tt, 42 THÉORIE produira toujours un courant: or commerien n’est plus irrégulier que le fond et les bords de la mer, on doit donc cesser d’être surpris du grand nombre de courans qu’on y trouve presque par-tout. ti 8 Au reste, tous ces courans ont une largeur déterminée et qui ne varie point : cette lar- geur du courant dépend de celle de l’inter- valle qui est entre les deux éminences qui lui servent de lit. Les courans coulent dans la mer comme les fleuves coulent sur la terre, et ils y produisent des effets semblables; ils forment leur lit; ils donnent aux éminences entre lesquelles ils coulent, une figure régu- lière, et dont les angles sont correspondans : ce sont en un mot ces courans qui ont creusé nos vallées, figuré nos montagnes, et donné _à la surface de notre terre, lorsqu'elle étoit sous l’eau de la mer, la forme qu’elle con- serve encore aujourd'hui. Si quelqu'un doutoit de cette correspon-— dance des angles des montagnes, j’oserois en appeler aux yeux de tous les hommes, sur- tout lorsqu'ils auront lu ce qui vient d'être dit: je demande seulement qu’on examine, en voyageant, la position des collines opposées, DE DAOTERRE 0 4 et les avances qu'elles font dans les vallons, on se convaincra par ses yeux que le vallon étoit le lit, et les collines les bords des cou- rans; car les côtés opposés des collines se correspondent exactement, comme les deux bords d’un fleuve. Dès que les collines à droite du vallon font une avance, les collines à gauche du vallon font une gorge. Ces col- lines ont aussi à très-peu près la même éle- vation; et il est très-rare de voir une grande inégalité de hauteur dans deux collines op- posées et séparées par un vallon : je puis as- surer que plus j'ai regardé les contours et les hauteurs des collines, plus j'ai été convaincu de la correspondance des angles , et de cette ressemblance qu'elles ont avec les lits et les bords des rivières; et c’est par des observa- tions réitérées sur cette régularité surpre- nante et sur cette ressemblance frappante, que mes premières idées sur la théorie de la Terre me sont venues. Qu’on ajoute à cette observation celle des couches parallèles et horizontales, et celle des coquillages répandus dans toute la terre et incorporés dans toutes les différentes matières, et on verra s’il peut y avoir plus de probabilité dans un sujet de cette espèce. | ANT \ “À D D I TT'OUNUS ET CORRECTIONS A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. I, Sur la nature et qualité des terrains du fond de la mer, page 28. M. r'anst DICQUEMARE, savant physicien, a fait sur ce sujet des réflexions et quelques observations particulières, qui me paroissent s’accorder parfaitement avec ce que j'en ai dit dans ma Tléorie de la Terre. « Les entretiens avec des pilotes de toutes « langues; la discussion des cartes et des « sondes écrites, anciennes et récentes ; l'exa- « men des corps qui s’attachent à la sonde; « l'inspection des rivages, des bancs; celle « des couches qui forment l’intérieur de la « Terre, jusqu’à une profondeur à peu près « semblable à la longueur des lignes des THÉORIE DE LA TERRE. 45 « sondes les plus ordinaires; quelques ré- « flexions sur ce que la physique, la cosmo- « graphie et l’histoire naturelle ont de plus «analogue avec cet objet, nous ont fait « soupçonner, nous ont mème persuadé, dit « M. l'abbé Dicquemare, qu'il doit exister, « dans bien des parages, deux fonds diffé- « rens, dont l’un recouvre souvent l’autre par « intervalles : le fond ancien ou permanent, « qu’on peut nommer fond général, et le fond « accidentel ou particulier. Le premier, qui « doit faire la base d'un tableau général, est «le sol mème du bassin de la mer. Il est « composé des mêmes couches que nous trou- «vyons par-tount dans le sein de la Terre, « telles que la marne, la pierre ; la glaise, « le sable , les coquillages , que nous voyons « disposés horizontalement, d’une épaisseur « égale, sur une fort grande étendue... ici « ce sera un fond de marne; là un de elaise, « de sable, de roches. Enfin le nombre des « fonds généraux qu’on peut discerner par la « sonde, ne va guère qu’à six ou sept espèces. « Les plus étendues et les plus épaisses de ces « couches, se trouvant découvertes ou cou- « pées en biseau, forment dans la mer de 46 T H É O RDEUEENENS « grands espaces, où l’on doit reconnoître le « fond général, indépendamment de ce que « les courans et autres circonstances peuvent « y déposer d’étranger à sa nature. Il est en- « core des fonds permanens dont nous n’avons « point parlé: ce sont ces étendues immenses « de madrépores, de coraux, qui recouvrent « souvent un fond de rochers, et ces bancs « d’une énorme étendue de coquillages, que «la prompte multiplication ou d’autres «causes y ont accumulés ; ils y sont comme « par peuplades. Une espèce paroît occuper «une certaine étendue, l’espace suivant est « occupé par une autre , comme on le remar- « que à l’égard des coquilles fossiles , dans « une grande partie de l’Europe, et peut-être «par-tou t. Ce sont même ces remarques sur « l'intérieur de la Terre, et des lieux où la « mer découvre beaucoup, où l’on voit tou « jours une espèce dominer comme par can- «tons, qui nous ont mis à portée de con- « clute sur la prodigieuse quantité des indi- « vidus, et sur l’épaisseur des bancs du fond « de la mer, dont nous ne pouvons guere « connoître par la sonde que la superficie. « Le fond accidentel ou particulier... .... DE LA TERRE, 47 west composé d’une quantité prodigieuse de / « pointes d'oursins de toute espèce, que les « marins nomment pointes d’aleines ; de frag- «mens de coquilles, quelquefois pourries 7 « de crustacées, de madrépores, de plantes « marines, de pyrites, de granits arrondis « par le frottement, de particules de nacre, « de mica, peut-être même de talc, auxquels « ils donnent des noms conformes à l’appa- « rence ; quelques coquilles entières , mais em « pelite quantité, et comme semées dans des « étendues médiocres ; de petits cailloux, « quelques crystaux, des sables colorés, un « léger limon, etc. Tous ces corps, dissémi- « nés par les courans, l’agitation de la mer, «etc. provenant en partie des fleuves, des « éboulemens de falaises et autres causes ac- « cidentelles, ne recouvrent souvent qu’im- « parfaitement le fond général qui se repré- « sente à chaque instant, quand on sonde « fréquemment dans les mêmes parages ... « J'ai remarqué que depuis près d’un siècle «une grande partie des fonds généraux du « golfe de Gascogne et de la Manche n’ont « presque pas changé; ce qui fonde encore & mon opinion sur les deux fonds. 48 THÉORIÉ II. 7 Sur les courans de la mer, page 27. ON doit ajouter à l’énumération des cou rans de la mer le fameux courant de Mosckæ, Mosche ou Male, sur les côtes de Norvége, dont un savant Suédois nous a donné la des- cription dans les termes suivans : «Ce courant, qui a pris son nom du rocher « de Moschensicle, situé entre les deux îles « de Tofode et de Woeræn, s'étend à quatre « milles vers Le sud et vers le nord. «il est extrêmement rapide, sur-tout entre … « le rocher de Mosche et la pointe de Lofæde; «mais plus il s’approche des deux îles de « Woeræœn et de Roest, moins il a de rapi- « dité. Il achève son cours du nord au sud en « six heures, puis du sud au nord en autant « de temps. « Ce courant est si rapide, qu'il fait un « grand nombre de petits tournans, que les « habitans du pays ou les Norvégiens ap « pellent gargamer. « Son cours ne suit point celui des eaux de DE LATERRE. 49- «la mer dans leur flux et dans leur reflux: «il y est plutôt tout contraire. Lorsque les « eaux de l'Océan montent, elles vont du « sud au nord, et alors le courant va du nord «au sud : lorsque la mer se retire;'elle va « du nord au sud, et pour lors le courant va « du sud au nord. ; « Ce qu'il y a de plus remarquable; c’est «que tant en allant qu'en revenant, il ne « décrit pas une ligne droite, ainsi que les « autres courans qu’on trouve dans quelques « détroits, où les eaux de la mer montent «et descendent; mais il va en ligne circu= « laire. 0 « Quand les eaux de la mer ont monté à « moitié, celles du courant vont au sud-sud- «est. Plus la mer s'élève, plus il se tourne . « vers le sud; de là il se tourne vers le sud- « ouest, et du sud-ouest vers l’ouest. « Lorsque les eaux de la mer ont entière «ment monté, le courant va vers le nord- « ouest, et ensuite vers le nord : vers le mi-- « lieu du reflux, il recommence son cours, « aprés l'avoir suspendu pendant queues « momens. ;.. _«Leprincipal phénomène qu "on y observe, | 5 a . ' | NN * 5o THÉORIE | « est son retour par l'ouest du sud-sud-est … « vers le nord, ainsi que du nord vers lesud- «est. S'il ne revenoit pas par le même che- «min, il seroit fort difhcile et presque im- « possible de passer de la pointe de Lofæde «aux deux grandes îles de Woeræn et de « Koest. IL y a cependant aujourd’hui deux « paroisses qui seroient nécéssairement sans. « habitans, si le courant ne prenoit pas le « chemin que je viens de dire; mais, comme « il le prend en effet, ceux qui veulent passer « de la pointe de Lofæde à ces deux îles, « attendent que la mer ait monté à moitié, « parce qu’alors le courant se dirige vers _« l’ouest : lorsqu'ils veulent revenir de ces « îles vers la pointe de Lofæde, ils attendent «le mi-reflux, parce qu’alors le courant est « dirigé vers le continent ; ce qui fait qu'on « passe avec beaucoup de facilité.... Or il «n’y a point de courant sans pente; et ici « l’eau monte d’un côté et descend de l’autre. « Pour se convaincre de cette vérité , ilsuf- « fit de considérer qu'il y a une petite langue « de terre qui s'étend à seize milles de Nor- « vége dans la mer, depuis la pointe de Lo- «& fœde , qui est Le plus à l’ouest, jusqu'à celle DE LA TERRE. ne. « de Loddinge, qui est la plus orientale. Cette « petite langue de terre est environnée par la « mer; et soit pendant le flux, soit pendant «le reflux, les eaux y sont toujours arré- « tées, parce qu'elles ne peuvent avoir d’issue «que par six petits detroits ou passages qui « divisent cette langue de terre en autant de « parties. Quelques uns de ces détroits ne sont « larges que d’un demi-quart de mille, et « quelquefois moitié moins; ils ne peuvent « donc contenir qu'une petite quantité d'eau. « Ainsi, lorsque la mer monte, les eaux qui « vont vers le nords’arrètent en grande partie «au sud de cette langue de terre : elles sont « donc bien plus élevées versle sud que vers le «nord. Lorsque la mer se retire et va vers le « sud, ilarrive pareillement que leseaux s’ar- « rêtent en grande partie au nord de cette « langue delerre, et sont par conséquent bien - « plus hautes vers le nerd que vers le sud. « Les eaux arrêtées de cette manière, tan- « tôt au nord,-tantôt au sud, ne peuvent « trouver d’issue qu'entre la pointe de Lofæde «et de l'ile de Woeræœn, et qu'entre cette île « et ceile de Roest. « La pente qu’elles ont lorsqu'elles des- 52 THÉORIE «cendent, cause la rapidité du courant; et « par la même raison cette rapidité est plus « grande vers la pointe de Lofæde que par- « tout ailleurs. Comme cette pointe est plus « près de l'endroit où les eaux s'arrêtent, la « pente y est aussi plus forte; et plus les eaux « du courant s'étendent vers les îles de Woe- « rœn et de Roest, plus il perd de sa vitesse. « Après cela, il est aisé de concevoir pour2 « quoi ce courant est toujours diamétrale-. « ment opposé à celui des eaux de la mer: « Rien ne s’oppose à celles-ci, soit qu'elles _« montent, soit qu’elles descendent; au lieu ce que celles qui sont arrêtées au-dessus de la « pointe de Lofæde ne peuvent se mouvoir ni « en ligne droite, ni au-dessus de cette même « pointe, tant que la mer n’est point descen- « due plus bas, et n’a pas, en se relirant, em- « mené les eaux que celles qui sont arrêtées «au-dessus de Lofæde , doivent remplacer... « Au commencement du flux et du reflux, « les eaux de la mer ne peuvent pas détour- «ner celles du courant ; mais lorsqu'elles ont « monté ou descendu à moitié, elles ont assez « de force pour changer sa direction. Comme «il ne peut alors retourner vers l’est,.parce N DE LA TERRE. b& & que l’eau est toujours stable près de là pointe « de Lofæde, ainsi que je l’ai déja dit, il faut « nécessairement qu'il aille vers l’ouest , où « l’eau est plus basse ». Cette explication me paroit bonne et conforme aux vrais principes de la théorie des eaux courantes. Nous devons encore ajouter ici la description du, fameux courant de Charybde et Scyila , près de la Sicile, sur lequel M. Brydone a fait nouvellement des observations, qui semblent prouver que sa rapidité et la violence de tous ses mouvemens est fort diminuée. « Le fameux rocher de Scylla est sur la côte «de la Calabre, le cap Pelore sur celle de « Sicile, et le célèbre détroit du Phare court «entre les deux. L'on entend à quelques « milles de distance de l'entrée du détroit , le « mugissement du courant; il augmente à « mesure qu'on s'approche, et, en plusieurs « endroits, l’eau forme de grands tournans, « lors même que tout le reste de la mer est « uni comme une glace. Les vaisseaux sont « attirés par ces tournans d'eaux; cependant « on court péu de danger quand le temps est « calme : mais si les vagues rencontrent ces « tournans violens, elles forment une mer 5 54 PE É OC RUPE | « terrible. Le courant porte directement vers «le rocher de Scylla : il est à environ um « mille de l'entrée du Phare. Il fant convenir « que réellement ce fameux Scylla n’approche « pas de la description formidable qu Homère «en a faite; le passage n’est pas aussi prodi- « gieusement étroit ni aussi difficile qu'il le « représente : il est probable que depuis ce « temps il s’est fort élargi , et que la violence «du courant a diminué en même propor- «tion. Le rocher à près de deux cents pieds « d'élévation; on y trouve plusieurs cavernes « et une espèce de fort bâti au sommet. Le « fanal est à présent sur le cap Pelore. L’en- « trée du détroit entre ce cap et la Coda di « Volpe en Calabre, paroit avoir à peine un « mille de largeur; son canal s’élargit, et il «a quatre milles auprès de Messine, qui est «éloignée de douze milles de l'entrée du « détroit. Le célèbre gouffre ou tournant de « Charybde est près de l’entrée du havre de « Messine : il occasionne souvent dans l’eau «un mouvement si irrégulier, que les vais- «seaux ont beaucoup de peine à y entrer. «Aristote fait une longue et terrible descrip- «tion de ce passage difcile. Homère, Lu- ORNE CEA TERRE 55 « crèce, Virgile, et plusieurs autres poètes , « l'ont décrit comme ,un objet qui inspiroit « la plus grande terreur. Il n’est certaine «ment pas si formidable aujourd’hui , et il «est très-probable que le mouvement des «eaux depuis ce temps a émoussé les pointes « escarpées des rochers, et détruit les obs— _« tacles qui resserroient les flots. Le détroit « s’est élargi considérablement dans cet en- « droit. Les vaisseaux sont néanmoins obli- « gés de ranger la côte de Calabre de très- « près , afin d'éviter l'attraction violente oc- « casionnée par le tournoiement des eaux ; « et lorsqu'ils sont arrivés à la partie la plus «étroite et la plus rapide du détroit, entre « le cap Pelore et Scylla, ils sont en grand « danger d’être jetés directement contre ce « rocher. De là vient le proverbe, | Incidit in Scyllam cupiens vitare Charybdin. « On a placé un autre fanal pour avertir « les marins qu'ils approchent de Charybde, « comme le fanal du cap Pelore les avertit « qu is approchent de Scylla.» PREUVES! DE LA THÉORIE DE LA TERRE. ART TC D'E EN Des sents réglés. Ru EN ne païoit plus irrégulier et plus va- riable que la force et la direction des vents dans nos climats ; mais il y a des pays où cette irrégularité n’est pas si grande , ef d’autres où le vent souffle constamment dans la même direction, et presque avec la même force. Quoique les mouvemèns de l'air dépen- dent d’un grand nombre de causes , il y en a cependant de principales dont on peut . THÉORIE DE LA TERRE. 5; estimer les effets: maisil est difficile de juger des modifications que d’autres causes secon— daires peuvent y apporter. La plus puissante de toutes ces causes est la chaleur du soleil, laquelle produit successivement une raréfac- tion considérable dans les différentes parties de l'atmosphère ; ce qui fait le vent d'est , ue souffle constamment entre les tropiques , où la raréfaction est la plus grande. La force d'attraction du Soleil , et même celle de la Lune, sur l’atmosphère , sont "des causes dont l'effet est insensible en compa- xaison de celles dont nous venons de parler. Il est vrai que cette force produit dans l’air un mouvement semblable à celui du flux et du reflux dans la mer : mais ce mouvement n'est rien en comparaison des agitations de V’air qui sont produites par la raréfaction ; car il ne faut pas croire que l'air, parce qu'il a du ressort et qu'il est huit cents fois plus léger que l’eau , doive recevoir par l’action de la Lune un mouvement de flux fort con- sidérable. Pour peu qu’on y réfléchisse , on verra Que ce mouvement n’est ouère plus considérable que celui du flux et du reflux des eaux de la mer; car la distance à la Lune 58 THÉORIE LÉTAONE étant supposée la même, une mer d’eau où d’air , ou de telle autre matière fluide qu’on voudra imaginer, aura à peu près le même mouvement , parce que la force qui produit ce mouvement penètre la matière, et est pro- portionnelle à sa quantité. Ainsi une mer d’eau, d’air ou de vif-argent , s’eleveroit à peu près à la même hauteur par l’action du Soleil et de la Lune, et dès-lors on voit que le mouvement que l'attraction des astres peut causer dans l’atmosphère , n’est pas assez considérable pour produire une grande agi- tation * ; et quoiqu’elle doive canser un léger mouvement de l'air d’orient en occident , ce mouvement est tout-à—fait insensible en comparaison de celui que la chaleur du Soleil doit produire en raréfiant l'air ; et comme la raréfaction sera toujours plus grande dans les endroits où le Soleil est au zénith, il est clair que le courant d’air doitsuivre le Soleil et former un vent constant et général d’o- rient en occident. Ce vent souffle continuel- * L'effet de cette cause a été déterminé géomé- triquement dans différentes hypotheses, et calculé par M.d’Alembert. Voyez Réflexions sur la cause générale des vents. Paris. \ ( | DE LA TERRE. Eg lement sur la mer dans la zone torride, et dans la plupart des endroits de la Terre entre les tropiques : c’est le même vent que nous sentons au lever du Soleil, et en général les. vents d’est sont bien plus fréquens et bien plus impétueux que les vents d'ouest; ce vent général d'orient en occident s’étend même au- delà des tropiques, et il souffle siconstamment dans la mer Pacifique , queles navires qui vont d’Acapulco aux Philippines, font cette route, qui est de plus de deux mille sept cents lieues, sans aucun risque, et, pour ainsi dire , sans avoir besoin d'être dirigés. Il en est de même de la mer Atlantique entre l'Afrique et le Bresil ; ce vent général y souffle constam- ment. Il se fait sentir aussi entre les Philip- pinesetl’Afrique, mais d’une manière moins constante , à cause des iles et des différens obstacles qu’on rencontre dans cette mer = car il souïfle pendant les mois de janvier, février, mars et avril, entre la côte de Mozam- bique et l'Inde, mais pendant les autres mois 1l cède à d’autres vents ; et quoique ce vent d'est soit moins sensible sur les côtes qu'en pleine mer , et encore moins dans le milieu des continens que sur les côtes de la mer, CA ’ j à dit 60 _NTHÉORME HE cependant il y a des lieux où il souffle pren” . que continuellement , comme sur les côtes . orientales du Bresil , sur les côtes de Loango | en Afrique , etc. Ÿ Ce vent d’est, qui souffle continuellement sous la ligne , fait quelorsqu’on part d'Europe pour aller en Amérique , on dirige le cours du vaisseau du nord au sud dans la direction des côtes d’Espagne et d'Afrique jusqu’à 20 degrés en deçà de la ligne , où l’on trouve ce . vent d'est qui vous porte directement sur les côtes d'Amérique : et de même dans la mer Pacifique l’on fait en deux mois le voyage de Callao ou d’Acapulco aux Philippines à la faveur de ce vent d'est , qui est continuel ; mais le retour des Philippines à Acapulca est plus long et plus difficile. À 28 ou 3a degrés de ce côté-ci de la ligne, on trouve des vents d'ouest assez constans, et c’est pour cela -que les vaisseaux qui reviennent des Indes occidentales en Europe , ne prennent pas la mème route pour aller et pour revenir : ceux qui viennent de la nouvelle Espagne font voile le long des côtes et vers le nord jusqu’à ce qu'ils arrivent à la Havane dans , . l'ile de Cuba, et de-là ils gagnent du côté n _ DE LA TERRE. 6t du nord pour trouver les vents d'ouest, qui lesamènentaux Açores et ensuite en Espagne. De même dans la mer du Sud ceux qui revien- nent des Philippines ou de la Chine au Pérou ou au Mexique, gagnent le nord jusqu’à la hauteur du Japon , et naviguent sous ce parallèle jusqu'à une certaine distance de Californie , d’où , en suivant la côte de la nouvelle Espagne , ils arrivent à Acapulco. Au reste, ces vents d’est ne soufflent pas tou- jours du même point; mais en général ils sont au sud-est depuis le mois d'avril jusqu’au mois de novembre , et ils sont au nord-est depuis novembre jusqu’en avril. Le vent d'est contribue par son action à augmenter le mouvement général de la mer d'orient en occident : il produit aussi des courans qui sont constans et qui ont leur direction , les uns de l’est à l’ouest, les autres de l’est au sud-ouest ou au nord-ouest, suivant la direction des éminences et des chaines de montagnes qui sont au fond de la mer , dont les vallées ou les intervalles qui les séparent, servent de canaux à ces courans. De même les vents alternatifs quisoufflent tantôt de l'est et tantôt de l’ouest, Li aUSSÉ 62 THÉORIE des courans qui changent de direction en même temps queces vents en changent aussi. Les vents qui soufflent constamment pen—. dant quelques mois, sont ordinairement sui- vis de vents contraires , et les navigateurs sont obligés d'attendre celui qui leur est favo- rable ; lorsque ces vents viennent à changer, il y a plusieurs jours et quelquefois un mois ou deux de calme ou de tempêtes dangereuses. Ces vents généraux causés par la raréfac- tion de l’atmosphère se combinent différem- ment par différentes causes dans différens climats. Dans la partie de la mer Atlantique qui est sous la zone tempérée , le vent du nord souffle presque constamment pendant les mois d'octobre , novembre , décembre et jauvier ; c’est pour cela que ces mois sont les: plus favorables pour s’embarquer lorsqu'on veut aller de l'Europe aux Indes , afin de: passer la ligne à la faveur de ces vents, et l’on sait par expérience que les vaisseaux qui partent au mois de mars d'Europe, n'ar- rivent quelquefois pas plutôt au Bresil que: ceux qui partent au mois d'octobre suivant. Le vent du nord règne presque continuelle- ment pendant l'hiver dans la nouvelle Zemble “e ! re | DE LA TERRE. 63 et dans les autres côtes septentrionales. Le vent du midi souifle pendant le mois de juillet au cap Verd : c’est alors le temps des pluies, ou l’hiver de ces climats. Au cap de Bonne- Espérance le vent de nord-ouest souffle pen- dant le mois de septembre. À Patna dans l'Inde , ce mème vent de nord-ouest souffle pendant les mois de novembre , décembre et janvier , etil produit de grandes pluies : mais les vents d’est soufflent pendant les neuf au- tres mois. Dans l'Océan Indien, entre l’Afri- que et l'Inde, et jusqu'aux îles Moluques, les vents moussons règnent d'orient en occident depuis janvier jusqu'au commencement de juin, et les vents d’occident commencent aux mois d’août et de septembre, et pendant l’in- tervalle de juin et de juillet il y a de très- grandes tempêtes , ordinairement par des vents de nord : mais sur les côtes ces vents varient davantage qu’en pleine mer. Dans le royaume de Guzarate et sur les côtes de la mer voisine , les vents de nord soufflent depuis le mois de mars jusqu’au mois de septembre , et pendant les autres mois de l’année il règne presque toujours des vents de midi. Les Hollandois, pour revenir (AREA 64 THÉORIE D de Java , partent ordinairement aux mois de janvier et de février par un vent d’est qui se fait sentir jusqu’à 18 degrés de latitude aus trale , et ensuite ils trouvent des vents de midi qui les portent jusqu’à Sainte-Hélène *, Il y a des vents réglés qui sont produits par la fonte des neiges ; les anciens Grecs les ont observés. Pendant l’été les vents de nord- _ ouest, et pendant l'hiver ceux de sud-est, se _ font sentir en Grèce , dans la Thrace, dans la Macédoine , dans la mer Égée, et jusqu’en Égypte et en Afrique; on remarque des vents . de mème espèce dans le Congo , à Guzarate, à l’extrémité de l'Afrique , qui sont tous : produits par la fonte des neiges. Le flux et le reflux de la mer produisent aussi des vents réglés qui ne durent que quelques heures , et dans plusieurs endroits on remarque des vents -qui viennent de terre pendant la nuit, et de la mer pendant le jour , comme sur les côtes de la nouvelle Espagne, sur celles de Congo, à la Havane, etc. _ Les vents de nord sont assez réglés dans js climats des cercles polaires : mais plus on € ” * Voyez Varen. Geograph. gener. CAPa 20e DE LA TERRE. 65 approche de l'équateur , plus ces vents de nord sont foibles ; ce qui est commun ar“ deux poles. Dans l'Océan Atlantique et Ethiopique il y a un vent d'est général entre les tropiques , qui dure toute l’année sans aucune variation considérable , à l'exception de quelques petits endroits où il change suivant les circons— tances et la position des côtes. 1°. Auprès de la côte d'Afrique , aussitôt que vous avez passé les iles Canaries, vous êtes sûr de trou- ver uu vent frais de nord-est à environ 28 de- grés de latitude nord: ce vent passe rarement Je nord-est ou le nord-nord-est, et il vous accompagne jusqu’à 10 degrés latitude nord, à environ cent lieues de la côte de Guinée, où l’on trouve au 4me degré latitude nord les calmes et tornados. 2°. Ceux qui vont aux iles Caribes trouvent, en approchant de l’A.- mérique, que ce même vent denord-est tourne de plus en plusà l’est, à mesure qu’on appro- che davantage. 3°. Les limites de ces vents variables dans cet Océan sont plus grandes sur les côtes d'Amérique que sur celles d'Afrique. Il y a dans cet Océan un endroit où les vents de sudetde sud-ouest sont continuels; savoir, 6 4 66 THÉ O R'TEPUIIENNE tout le long de la côte de Guinée dans w#x espace d'environ cinq cents lieues , depuis Sierra-Leona jusqu'à l'ile de Saint- Thomas. L'endroit le plus étroit de cette mer est depuis la Guinée jusqu’au Bresil, où il n’y a qu'en- viron cinq cents lieues : cependant les vais- seaux qui partent de la Guinée, ne dirigent pas leur cours droit au Bresil ; mais ils des- cendent du côté du sud , sur-tout lorsqu'ils partent aux mois de juillet et d'août , à cause -des vents de sud-est qui règnent dans ce temps !. | Dans la mer Méditerranée le vent souffle de la terre vers la mer au coucher du Soleil, et au contraire de la mer vers la terre aw lever, en sorte que le matin c’est un vent du levant , et le soir un vent du couchant. Le vent du midi, qui est pluvieux, et qui souffle ordinairement à Paris , en Bourgogne et en Champagne au commencement denovembre, et qui cède à une bise douce et tempérée,, produit le beau temps qu’on appelle vulgai- rement l’été de la Saint-Martin ?. ‘1 Voyez Trans. phil. abrig'd. tome II, pige 229. 3 Voyez le Traité des eaux de M. Marictte. DE LA TERRE, 67 + Le docteur Lister , d’ailleurs bon obser- vateur, prétend que le vent d’est général qui se fait sentir entre les tropiques pendant toute l’année , n’est produit que par la respi- ration de la plante appelée lentille de mer, - qui est extrêmement abondante dans ces cli- mats , et que la différence des vents sur la terre ne vient que de la différente dispost- tion des arbres et des forêts, et il donne très- sérieusement cette ridicule imagination pour eause des vents, en disant qu’à l’heure de midi le ventest plus fort parce que les plantes ont plus chaud et respirent l'air plus sou- vent, et quil souffle d’orient en oceident, parce que toutes les plantes font un peu le tournesol, et respirent toujours du côté du Soleil *. | D'autres auteurs , dont les vues étoient plus saines , ont donné pour cause de ce vent constant le mouvement de la Terre sur son axe : mais cette opinion n'est que spé- _cieuse , et il est facile de faire comprendre aux gens méme les moinsinitiés en méca- nique, que tout fluide qui environneroit la . Terre, ne pourroit avoir aucun mouvement * Voyez Trans. philos. n° 156. 68 THÉORIE : FES particulier en vertu de la rotation du globe, | que l’atmosphère ne peut avoir d'autre mouz vement que celui de cette même rotation , et que tout tournant ensemble et à la fois, ce mouvement de rotation est aussi insensible dans l’atmosphère qu’il l’est à la surface de la Terre. \ ARR La principale cause de ce mouvement cons- tant est, comme nous l’avons dit, la chaleur du Soleil ; on peut voir sur cela le traité de Halley daus les Transactions philosophiques; et en général toutes les causes qui produiront dans l’air une raréfaction ou une condensa- tion considérable , produiront des vents dont les directions seront toujours directes ou op- posées aux lieux où sera la plus grande rare- faction ou la plus grande condensation. La pression des nuages , les exhalaisons de la terre, l’inflammation des météores , la réso- lution des vapeurs en pluies , etc. sont aussi des causes qui toutes produisent des agita= tions considérables dans l’atmosphère ; cha- cune de ces causes se combinant de différentes | façons , produit des effets différens : il me paroït donc qu'on tenteroit vainement de donner une théorie. des vents , et qu'il faut | D'E LA TERRE |} 69 sé borner à travailler à en faire l'histoire : c'est dans cette vue que j'ai rassemblé des faits qui pourront y servir. Si nous avions une suite rations sur la direction, la force et la variation des vents dans les différens climats ; si cette suite d’ob- servations étoit exacte et assez étendue pout qu'on pût voir d'un coup d'œil le resultat de ces vicissitudes de l’air dans chaque pays, je ne doute pas qu'on n’arrivât à ce degré de connoissance dont nous sommes encore si fort éloignés, à une méthode par laquelle nous pourrions prévoir et prédire les differens états du ciel et la différence des saisons: mais -il n’y a pas assez long-temps qu’on fait des observations météorologiques , il y en a beau- coup moins qu'on les fait avec soin, etil s’en - écoulera peut-être beaucoup ayant qu’on sa- che en employer les resultats, qui sont cepen- dant les seuls moyens, que nous ayons pour arriver à quelque connoissance positive sur ce sujet. Sur la mer les vents sont plus réguliers que sur la terre, parce que la mer est un espace libre , et dans lequel rien ne s’oppose à la direction du vent ; sur la terre au contraire { no THÉORIE : les montagnes , les forêts , les villes , ete forment des obstacles qui font changer la direction des vents, et qui souvent produi= “ sent des vents contraires aux premiers. Ces vents réfléchis par les montagnes se font sen- tir dans toutes les provinces qui en sont voi- sines , avec une impétuosité souvent aussi grande que celle du vent direct qui les pro- duit; ils sont aussi très-irréguliers, parce que leur direction dépend du contour ; de la hauteur et de la situation des montagnes qui les refléchissent. Les vents de mer soufflent avec plus de force et plus de continuité que les vents de terre ; ils sont aussi beaucoup moins variables et durent plus long - temps. Dans les vents de terre , quelque violens qu’ils soient, il y a dés momens de rémission et quelquefois des instans de repos ; dans ceux! de mer le courant d’air est constant et conti- nuel sans aucune interruption : la différence de ces effets dépend de la cause que mous venons d'indiquer. En général, sur la mer les vents d’est et ceux qui viennent des poles , sont plus forts que les vents d'ouest et que ceux qui viennent de l'équateur; dans Les terres au contraire les » DE LA TERRE. JE vents d'ouest et de sud sont plus ou moins violens que les vents d’est et de nord, suivant la situation des climats. Au printemps et en automne les vents sont plus violens qu’en été _ ou en hiver, tant sur mer que sur terre ; on peut en donner plusieurs raisons : 1°. le prin- temps et l’automne sont les saisons des plus grandes marées, et par conséquent les vents que ces marées produisent , sont plus violens daus ces deux saisons ; 2°. le mouvement que l’action du Soleil et de la Lune produit dans l'air, c’est-à-dire le flux et le reflux de l’at- _mosphère, est aussi plus srand dans la saison des équinoxes; 3°. la fonte des neiges au printemps, et la résolution des vapeurs quele Soleil a élevées pendant l'été, qui retombent en pluies abondantes pendant l'automne, produisent où du moins augmentent les vents; 4°. le passage du chaud au froid, ou du froid au chaud, ne peut se faire sans augmenter et diminuer considérablement le _ volume de Pair, ce qui seul doit produire de très-grands vents. | On remarque souvent dans l'air des courane contraires : on voit des nuages qui se meu— vent dans une direction, et d'autres nuages 5 , :"THÉORIE X plus élevés où plus bas que les premiers, | qui se meuvent dans une direction contraire; _ mais cette contrariété de mouvement ne dure pas long-temps , et n’est ordinairement pro- duite que par la résistance de quelque nuage à l’action du vent, et par la répulsion du vent direct qui règne seul dès que l'obstacle est dissipé. | Les vents sont plus violens dans les lieux élevés que dans les plaines; et plus on monte dans les hautes montagnes, plus la force du vent augmente jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la hauteur ordinaire des nuages, c’est-à-dire à environ un quart ou un tiers de lieue de hauteur perpendiculaire : au-delà de cette hauteur le ciel est ordinairement serein , au moins pendant l'été, et-le vent diminue; on prétend même qu'il est tout-à-fait insensible au sommet des plus hautes montagnes : ce- pendant la plupart de ces sommets, et même les plus élevés, étant couverts de glace et de. neige, il est naturel de penser que cette re- gion de l'air est agitée par les vents dans le ‘temps de la chüûte de ces neiges; ainsi ce me peut être que pendant l’été que les vents ne, y font pas sentir. Ne pourroit-on pas dire DE LA TERRE. 73 qu’en été les vapeurs légères qui s'élèvent au sommet de ces montagnes, retombent en rosée, au lieu qu'en hiverelles se condensent, se gèlent et retombent en neige ou en glace , ce qui peut produire en hiver des vents au dessus de ces montagnes, quoiqu'il n’y en ait point en ete? / Un courant d'air augmente de vitesse comme un courant d'eau, lorsque l’espace de son passage se rétrécit : le même vent qui ne se fait sentir que médiocrement dans une plaine large et decouverte, devient violent en passant par une gorge de montagne, ou seulement enfre deux bâtimens élevés, et le point de la plus violente action du vent est au-dessus de ces mêmes bâtimens ou de la gorge de la montagne; l'air étant compri- mé par la résistance de ces obstacles a plus de masse, plus de densité; et la même vitesse subsistant, l’effort ou le coup du vent, Le 770- mentum en devient beaucoup plus fort. C’est ce qui fait qu'auprès d’une église ou d’une tour les vents semblent être beaucoup plus violens qu’ils ne le sont à une certaine dis- tance de ces edifices. J’ai souvent remarqué que le vent réfléchi par un batiment isolé ne Mar, gén. TITI. ; 7 | 4 THÉORIE . RE laissoit pas d’être bien plus violent que le vent direct qui produisoit ce vent réfléchi ; et lorsque j'en ai cherché la raison, je n’en ai pas trouvé d'autre que celle que je viens de rapporter : l'air chassé se comprime contre le bâtiment et se réfléchit non seulement avec la vitesse qu’il avoit auparavant, mais encore avec plus de masse; ce qui rend en effet son action beaucoup plus violente. À ne considérer que la densité de l'air, qui ést plus grande à la surface de la terre que dans tout autre point de l'atmosphère, on seroit porté à croire que la plus grande ac- tion du vent devroit être aussi à la surface de la terre, et je crois que cela est eu effet ainsi toutes les fois que le ciel est serein: mais lorsqu'il est chargé de ruages, la plus violente action du vent est à la hauteur de ces nuages, qui sont plus denses que l'air, puisqu'ils tombent en forme de pluie ou de grêle. On doit donc dire que la force du vent doit s’estimer non seulement par sa vitesse, mais aussi par la densité de l’air, de quelque cause que puisse provenir cette densité, et qu'il doit arriver souvent qu'un vent qui n'aura pas plus de vitesse qu'un autre vent, DE LA TERRE. _ 76 me laissera pas de renverser des arbres et des édifices, uniquement parce que l'air poussé par ce vent sera plus dense. Ceci fait voir l’imperfection des machines qu'on a imagi- nées pour mesurer la vitesse du vent. Les vents particuliers, soit qu'ils soient directs ou réfléchis, sont plus violens que les vents généraux. L'action interrompue des vents de terre dépend de cette compression de l'air, qui rend chaque bouffée beaucoup plus violente qu'elle ne le seroit si le vent soufloit uniformément; quelque fort que soit un vent continu, il ne causera jamais les désastres que produit la fureur de ces vents qui soufflent, pour ainsi dire, par accès : nous en donnerons des exemples dans l’article qui suit. On pourroit considérer les vents et leurs différentes directions sous des points de vue généraux, dont on tireroit peut-être des in- ductions utiles: par exemple, il me paroît qu'on pourroit diviser les vents par zones; que le vent d'est, qui s’étend à environ 25 ou 30 degrés de chaque côté de l'équateur, doit être regardé comme exerçant son action tout autour du globe dans la zone torride: le vent 76 TRE Oo RER SAT de nord souffle presque aussi constamment dans la zone froide, que le vent d’est dans la zone torride, et on a reconnu qu’à la terre de Feu et dans les endroits les moins éloignés du pole austral où l’on est parvenu, le vent vient aussi du pole. Ainsi l’on peut dire que le vent d’est occupant la zone torride, les vents de nord éccupent les zones froides ; et à l’égard des zones tempérées, les vents qui y règnent ne sont, pour ainsi dire, que des courans d'air, dont le mouvement est com- posé de ceux de ces deux vents principaux qui doivent produire tous les vents dont la direction tend à l'occident; et à l'égard des vents d'ouest, dont la direction tend à l’o- rient, et qui règnent souvent dans la zone tempérée, soit dans la mer Pacifique , Soit dans l'Océan Atlantique, on peut les regarder comme des vents réfléchis par les terres de VAsie et de l'Amérique, mais dont la pre- mière origine est due aux vents d'est et de nord. Quoique nous ayons dit que, généralement “parlant, le vent d'est règne. tout autour du globe à environ 25 ou 50 degrés de chaque côté de l'équateur, il est cependant vrai que E Ps PK = « DE LA TERRE. 77 dans quelques endroits il s'étend à une bien moindre distauce, et que sa direction n’est pas par-tout de l’est à l’ouest; car en deçà de l'équateur il ést un peu est-nord-est, et au- delà de l'équateur il est est-sud-est; et plus on s'éloigne de l'équateur , soit au nord, soit au sud, plus la direction du vent est oblique: l'équateur est la ligne sous laquelle la direc- tion du vent de l’est à l’ouest est la plus exacte. Par exemple, dans l'Océan füdien te vent sénéral d’orient en occident ne s'étend guère au-delà de 15 degrés : en allant de Goa au cap de Bonne-Espérance on ne trouve ce vent d’est qu'au-delà de l'équateur, environ au 12m degré de latitude sud, etilne se fait pas sentir en deçà de l’équateur; mais fors- qu’on est arrivé à ce 12€ deoré de latitude sud, on a ce vent jusqu'au 28€ degre de la- titude sud. Dans la mer qui sépare l'Afrique de l'Amérique, il ÿ a un intervalle qui est depuis le 4me degré de latitude nord, jusqu’au 10m€ ou 11€ degre de latitude nord, où ce vent général n’est pas sensible: mais au-delà de ce 10m ou 11€ degré, ce vent règne et s'étend jusqu'au 30€ degré. Il y à aussi beaucoup d’exceptions à faire 7, ’ -B THÉORIE au sujet des vents moussons, dont le mouve- ment est alternatif : les uns durent plus ou moins long-temps, les autres s'étendent à de plus grandes ou à de moindres distances ; les autres sont plus ou moins réguliers , plus ou moins violens. Nous rapporterons ici d’après Varenius , les principaux phénomènes de ces vents. « Dans l'Océan Indien , entre l'Afrique «et l'Inde jusqu'aux Moluques, les vents « d’est commencent à régner au mois de jan- « vier, et durent jusqu'au commencement de « juin ; au mois d'août ou de septembre com- « mence le mouvement contraire, et les vents « d'ouest règnent pendant trois ou quatre « mois; dans l'intervalle de ces moussons, « c'est-à-dire à la fin de juin; au mois de « juillet et au commencement d'août, il n'y «a sur cette mer aucun vent fait, et on « éprouve de violentes tempêtes qui viennent « du septentrion. «Ces vents sont sujets à de plus grandes « variations en approchant des terres; car les « vaisseaux ne peuvent partir de la côte de « Malabar, non plus que des autres ports de &la côte occidentale de la presqu'ile de « l'Inde , pour aller en Afrique, en Arabie, » L DE LA TERRE. 79 «en Perse, etc. que depuis le mois de janvier « jusqu'au mois d'avril ou de mai : car dès « la fin de mai et pendant les mois de juin, « de juillet et d’août, il se fait de si violentes « tempêtes par les vents de nord ou de nord- «est, que les vaisseaux ne peuvent tenir à « la mer; au contraire, de l’autre côté de « cette presqu'ile, c'est-à-dire sur la mer qui « baigne la côte de Coromandel, on ne con- « noît point ces tempêtes. « On part de Java, de Ceylan et de plu- « sieurs endroits au mois de septembre pour « aller aux îles Moluques, parce que le vent « d’occident commence alors à souffler dans « ces parages; cependant, lorsqu'on s'éloigne « de l'équateur à 15 degrés de latitude aus- « trale, on perd ce vent d’ouest'et on retrouve « le vent général , qui est dans cet endroit un « vent de sud-est. On part de même de Co- «chin, pour aller à Malaca , au mois de mars, « parce que les vents d'ouest commencent à « souffler dans ce temps. Ainsi ces vents d’oc- « cident se font sentir en différens temps «dans la mer des Indes : on part, comme « l’on voit, dans un temps pour aller de Java « aux Moluques, dans un autre temps pour 80 THÉ ORAE UN « aller de Cochin à Malaca, dans un autre. « pour aller de Malaca à la Chine, et encore 4 « dans un autre pour aller de la Chine au « Japon. \ « À Banda les vents d’occident finissent à « la fin de mars; il règne des vents variables «et des calmes pendant le mois d'avril; au « mois de mai les vents d’orient recommen— «cent avec une grande violence. À Ceylan «les vents d'occident commencent vers le «milieu du mois de mars, et durent jusqu’au «commencement d'octobre que reviennent «les vents d’est, ou plutôt d’est-nord-est. À « Madagascar depuis le milieu d'avril jusqu’à .« la fin de mai on a des vents de nord et de « nord-ouest; mais aux mois de février et «de mars ce sont des vents d’orient et de «midi. De Madagascar au cap de Bonne-Es- « pérance le vent du nord et les vents colla- « téraux soufflent pendant les mois de mars «et d'avril. Dans le sotfe de Bengale le vent «de midi se fait sentir avec violence après « Le 20 d'avril; auparavant il règne dans cette « mer des vents de sud-ouest ou de nord-ouest. « Les vents d'ouest sont aussi très-violens « dans la mer de la Chine pendant Les mois NE DE LA TERRE. 8r « de juin et de juillet; c’est aussi la saison la « plus convenable pour aller de la Chine au « Japon : mais pour revenir du Japon à la -« Chine, ce sont les mois de février et de «mars qu'on préfère. parce que les vents « d'est ou de nord-est règnent alors dans cette « mer. « Il y a des vents qu’on peut regarder. à! « comme particuliers à de certaines côtes: « par exemple, le vent de sud est presque « continuel sur les côtes du Chili et du Pérou: « il commence au 46m degré ou environ de «latitude sud , et il s'étend jusqu’au-delà de « Panama; ce qui rend le voyage de Lima à « Panama beaucoup plus aisé à faire et plus « court que le retour. Les vents d’occident « soufflent presque continuellement, ou du « moins très-fréquemment, sur les côtes de «la terre Magellanique, aux environs du « détroit de le Maire; sur la côte de Malabar « les vents de nord et de nord-ouest règnent « presque continuellement; sur la côte de « Guinée le vent de nord-ouest est aussi fort _ «fréquent, et à une certaine distance de « cette côte, en pleine mer, on retrouve le «vent de nord-est; les vents d’occident 82 THÉORIE: "ie « règnent sur les côtes du Japon aux mois de « novembre et de décembre,» | Les vents alternatifs ou périodiques dont nous venons de parler, sont des vents de mer; mais 1l y a aussi des vents de terre qui sont périodiques, et qui reviennent ow dans une certaine saison , ou à de certains jours, ou même à de certaines heures : par exemple, sur la côte de Malabar, depuis le mois de septembre jusqu'au mois d'avril, souffle un vent de terre qui vient du côté de lorient; ce vent commence ordinairement à minuit et finità midi, etiln’est plus sensible dès qu’on s'éloigne à douze ou quinze lieues de la côte; et depuis midi jusqu’à minuit il règne un vent de mer qui est fort foible, et qui vient de l'occident: sur la côte de la nou- velle Espagne en Amérique et sur celle de Congo en Afrique, il règne des vents de terre pendant la nuit, et des vents de mer pendant le jour : à la Jamaïque les vents soufflent de tous côtés à la fois pendant la nuit, et les vaisseaux ne peuvent alors y arriver sûre- ment, ni en sortir avant le jour. En hiver le port de Cochin est inabordablie et il ne peut en sortir aucun vaisseau, parce ne DE LA TERRE. 83 que les vents y souflent avec une telle im-- pétuosité, que les bâtimens ne peuvent pas tenir à la’mer, et que d’ailleurs le vent d'ouest qui y souffle avec fureur, amène à l'embouchure du fleuve de Cochin une si grande quantité de sable, qu'il est impossible aux navires, et même aux barques, d'y en- trer pendant six mois de l’année; mais les vents d’est qui soufflent pendant les six autres mois repoussent ces sables dans la mer, et reudent libre l’entree de la rivière. Au dé- troit de Babel-Mandel, il y a des vents de sud-est qui y règnent tous les ans dans la même saison , et qui sont toujours suivis de vents de nord-ouest. À Saint-Domingue il y a deux vents différens qui s'élèvent régu- lièrement presque chaque jour : Fun, qui est un vent de mer, vient du côté de l’orient, et il commence à dix heures du matin; l’autre, qui est un vent de terre, et qui vient de l’oc- cident, s'élève à six ou sept heures du soir et dure toute la nuit. Il y auroit plusieurs autres faits de cette espèce à tirer des voyageurs, dont la connoissance poufroit peut-être nous conduire à donner une histoire des vents, qui seroit un ouvrage très-utile pour la navi- gation et pour la physique. Æ ADDITIONS À L'ARTICLE PRECÉDENT. dt Sur le vent réfléchi, page 73. J # dois rapporter ici une observation qui me paroit avoir échappé à l'attention des physiciens, quoique tout le monde soit en état de la vérifier; c’est que le vent réfléchi est plus violent que le vent direct, et d’au- tant plus qu’on est plus près de l'obstacle qui le renvoie. J’en ai fait nombre de fois l'expérience, en approchant d’une tour qui a près de cent pieds de hauteur, et qui se trouve située au nord, à l'extrémité de mon jardin , à Montbard : lorsqu'ilsouffle un grand vent du midi, on se sent fortement poussé jusqu’à trente pas de la tour; après quoi il y a un intervalle de cinq ou six pas où l’on cesse d’être poussé, et où le vent, qui est réfléchi par la tour, fait, pour ainsi dire, : THÉORIE DE LA TERRE. 85 équilibre avec Le vent direct : après cela, plus on approche de la tour, et plus le vent qui en _est réfléchi est violent; il vous repousse en arrière avec beaucoup plus de force que le vent direct ne vous poussoit en avant. La cause de cet effet, qui est général, et dont on peut faire l'épreuve contre tous les grands bâtimens , contre les collines coupées à plomb , etc. n'est pas difhcile à trouver. L'air dans le vent direct n’agit que par sa vitesse et sa masse ordinaire ; dans le vent réfléchi, la vitesse est un peu diminuée , mais la masse est considérablement augmentée par la com- pression que l'air souffre contre l’obstacle qui Le réfléchit; et comme la quantité de tout mouvement est composée de la vitesse mul- tipliée par la masse, cette quantité est bien plus grande après la compression qu'aupara- vant. C'est une masse d’air ordinaire, qui vous pousse dans le premier cas, et c’est une masse d'air une ou deux fois plus dense, qui vous repousse dans le second cas. DER d'OS TR: A 86 THÉORIE I L “Sur l’état de l'air au-dessus des hautes montagnes. IL est prouvé, par des observations cons- tantes et mille fois réitérées, que plus on s’élève au-dessus du niveau de la mer ou des plaines, plus la colonne du mercure des ba- romètres descend, et que par conséquent le poids de la colonne d’air diminue d’autant plus qu’on s’élève plus haut; et comme l’air est un fluide élastique ét compressible, tous les physiciens ont conclu de ces expériences du baromètre, que l’air est beaucoup plus comprimé et plus dense dans les plaines qu’il ne l’est au-dessus des montagnes. Par exemple, si le baromètre, étant à vingt-sept pouces dans la plaine, tombe à dix-huit pouces au haut de la montagne, ce qui fait un tiers de différence dans le poids de la co- lonne d’air, on a dit que la compression de cet élément étant toujours proportionnelle aû poidsincumbant, l'air du haut de la mon- tagne est en conséquence d'un tiers moins ) k DE LA TERRE. 87 dense que celui de la plaine, puisqu'il est comprimé par un poids moindre d’un tiers. Mais de fortes raisons me font douter de la vérité de cette conséquence, qu'on a regardée comme légitime et mème naturelle. Faisons pour un momeñt abstraction de cette compressibilité de l'air que plusieurs causes peuvent augmenter, diminuer, dé- truire où compenser; supposons que l’atmos- phère soit ésalement dense par-tout : si son épaisseur n’étoit que de trois lieues, il est sûr qu'en s’élevant à une lieue, c’est-à-dire de la plaine au haut de la montagne, le baromètre, étant charge d’un tiers de moins, descendroit de vingt-sept pouces à dix-huit. Or l'air, quoique compressible , me paroit être égale- nent dense à toutes les hauteurs, et voici les faits et les réflexions sur lesquels je fonde cette opinion. | 19. Les vents sont aussi puissans, aussi violens au-dessus des plus hautes montagnes que dans les plaines les plus basses; tous les . observateurs sont d'accord sur ce fait. Or si l'air y étoit d’un tiers moins dense, leur ac- tion seroit d’un tiers plus foible, et tous les vents ne seroient que des zéphyrs à une lieue 88 THÉORIE | ù de hauteur, ce qui est absolument contraire à l'expérience. _ 2°, Les aigles et plusieurs autres oiseaux non seulement volent au sommet des plus hautes montagnes, mais même ils s'élèvent encore au-dessus" à de grandes hauteurs. Or je demande s'ils pourroient exécuter leur vol ni même se soutenir dans un fluide qui seroit une fois moins dense, et si le poids de leur corps, malgré tous leurs efforts, ne les rame- neroit pas en bas. 30. Tous les observateurs qui ont grimpé au sommet des plus hautes montagnes, con- viennent qu'on y respire aussi facilement que par-tout ailleurs, et que la seule incommo- dité qu’on y ressent, est celle du froid, qui augmente à mesure qu’on s'élève plus haut. Or si l’air étoit d’un tiers moins dense au sommet des montagnes, la respiration de l’homme et des oiseaux qui s'élèvent encore plus haut, seroit non seulement gênée, mais arrêtée, comme nous le voyons dans la ma- chine pneumatique dès qu'on en a pompé le quart ou le tiers de la masse de l’air contenu dans le récipient. 4, Comme le froid condense l'air autant d DE LAIÏTERRÉ. 89 squé la chaleur le raréñe, et qu'à mesure qu'on s'élève sur les hautes montagnes, le froid augmente d’une manière très-sensible, n'est-il pas nécessaire que les degrés de la condensation de l’air suivent le rapport du degré du froid? et cette condensation peut égaler et mème surpasser celle de l’air des plaines, où la chaleur qui émane del'intérieur de la terre, est bien plus grande qu’au som- met des montagnes, qui sont les pointes les plus avancées et les plus refroidies de la masse du globe. Cette condensation de l'air par le froid dans les hautes régions de l’at- mosphère, doit donc compenser la diminu- tion de densité produite par la diminution de la charge ou poids incumbant, et par conséquent l’air doit être aussi dense sur les sommets froids des montagnes que dans les plaines. Je serois même porté à croire que l'air y est plus dense, puisqu'il semble que les vents y soient plus violens , et que Les” oiseaux qui volent au-dessus de ces sommets de montagnes semblent se soutenir dans les airs d'autant plus aisément qu’ils s'élèvent plus haut. De L je pense qu'on peut conclure que l’air 8 go THÉORIE libre est à peu près également dense à toutes les hauteurs, et que l'atmosphère aérienne ne s'étend pas à beaucoup près aussi haut qu’on la déterminée, en ne considérant l’air que comme une masse élastique, comprimée par le poids incumbant : ainsi l'épaisseur totale de notre atmosphère pourroit bien n'être que de trois lieues, au lieu de quinze ou vingt comme l'ont dit Les physiciens *. Nous concevons alentour de-la Terre une première couche de l'atmosphère, qui est * Alhazen, par la durée des crépuscules, a pré- tendu que la hauteur de l’atmosphère est de 44,33r toises. Kepler, par cette même durée, lui donne At. 100 lOISOES | M. de la Hire, en parlant de la réfraction hori- zontale de 32 minutes, établit le terme moyen de la hauteur de l’atmosphère à 34,585 toises. M. Mariotte, par ses expériences sur la com- pressibilité de Pair, donne à l'atmosphère pFue de 30,000 toises. : Cependant, en ne prenant pour l atmosphère que Ja partie de l'air où s'opère la réfraction, ou du moins presque la totalité de La réfraction, M. Bou- guer ne trouve que 5158 toises, c’est-à- de deux lieues et demie ou trois lieues ; et je crois ce résultat plus certain ei mieux fondé que tous les autres. LT » + DE LA TERRE. gx remplie de vapeurs qu’exhale ce globe, tant par sa chaleur propre que par celle du Soleil. Dans cette couche, qui s'étend à la hauteur des nuages, la chaleur que répandent les exhalaisons du globe, produit et soutient une raréfaction qui fait équilibre à la pression de la masse d'air supérieur, de manière que la couche basse de l’atmosphère n’est point aussi dense qu’elle le devroit être à proportion de la pression qu’elle éprouve : mais à la hau- teur où cette rarefaction cesse, l'air subit toute la condensation que lui donne le froid de cette région où la chaleur émanée du globe est fort atténuée, et cette condensation paroît même être plus grande que celle que peut imprimer sur les régions inférieures, soute- nues par la rareéfaction , le poids des couches supérieures; c’est du moins ce que semble prouver un autre phénomène qui est la con densation et la suspension des nuages dans la couche élevée où nous les voyons se tenir. Âu-dessous de cette moyenne région, dans laquelle le froid et la condensation com- mencent , les vapeurs s'élèvent sans être vi- sibles , si cen’est dans quelques circonstances où une partie de cette couche froide paroit se 92 THÉORIE rabattre jusqu’à la surface de la Terre, etoù, la chaleur émanée de la Terre, éteinte pen- dant quelques momens par des pluies, se xanimant avec plus de force, les vapeurs s’épaississent alentour de nous en brumes et en brouillards : sans cela elles ne devien- nent visibles que lorsqu'elles arrivent à cette région où le froid les condense en flocons, en nuages , et par- -là même arrète leur ascension; leur gravité, augmentée à proportion qu “elles sont devenues plus denses, les établissant dans un équilibre qu’elles ne peuvent plus franchir. On voit que les nuages sont géné- ralement plus élevés en été, et constamment encore plus élevés dans les climats chauds; c'est que, dans cette saison et dans ces cli- mats, la couche de l’évaporation de la Terre a plus de hauteur : au contraire, dans les plages glaciales des poles, où cette évapora- tion de la chaleur du globe est beaucoup moindre, la couche dense de l’air paroiït tou- cher à la surface de la T'erre et y retenir les nuages qui ne s'élèvent plus, et enveloppent ces parages d'une brume perpétuelle. DE LA TERRE. 93 et.) 1IL Sur quelques vents qui varient régulièrement. Iz y a de certains climats et de certaines contrées particulières où les vents varient, mais constamment et régulièrement ; les uns au bout de six mois, les autres après quel- ques semaines, et enfin d’autres du jour à la nuit, ou du soir au matin. J’ai dit, page 83 de ce volume, qu'a Saint-Domingue il y a deux vents différens, qui s'élèvent régulière- ment presque chaque jour; que l’un est un vent de mer qui vient de lorient, et que l’autre est un vent de terre qui vient de l’oc- cident. M. Fresnaye m'a écrit que je n’avois pas été exactement informé. «Les deux vents « réguliers, dit-il, qui soufflent à Saint-Do- « mingue, sont tous deux des vents de mer, « et soufflent l’un de l’est le matin, et l’autre « de l’ouest le soir, qui n’est que le même « vent renvoyé; comme il est évident que «cest le Soleil qui le cause, il y a un mo- « ment de bourrasque que tout le monde re. , marque entre une heure et deux de l’aprés- CL. * »,* TOR | >. Le 6 / Ÿ } uv | >: * 94 THÉORIE « midi. Lorsque le Soleil a décliné , raréfiant «l'air de l’ouest, il chasse dans l'est les « nuages que le vent du matin avoit confinés « dans la partie opposée. Ce sont ces nuages « renvoyés qui, depuis avril et mai jusque « vers l’automne, donnent dans la partie du « Port-au-Prince les pluies réglées qui vien- «nent constamment de Fest. II n'y a pas « d’habitant qui ne prédise la pluie du soir « entre six et neuf heures, lorsque, suivant « leur expression, /a brise a élé renvoyée. Le « vent d'ouest ne dure pas toute la nuit, al «tombe répulièrement vers le soir; et c'est « lorsqu'il a cessé que les nuages poussés à « l'orient ont la liberté de tomber, dès que « leur poids excède un pareil volume d'air: « le vent que l’on sent la nuit est exactement « un vent de terre qui n'est ni de l’est ni de « l’ouest, mais dépend de la projection de la «côte. Au Port-au-Prince, ce vent du midi «est d’un froid intolérable dans les mois de « janvier et de février : comme il traverse la « ravine de la rivière froide , il y est modifié*.» * Note communiquée à M. de Buffon par M. Fres- waye, conseiller au conseil supérieyr de Saint-Do mingue, en date du 10 mars 1777. D DAUTENRRME ‘ . kW: Sur les lavanges. Daxs les hautes montagnes , il y a des vents accidentels qui sont produits par des causes particulières, et notamment par les lavanges. Dans les Alpes, aux environs des glacières, on distingue plusieurs espèces de lavanges. Les unes sont appelées /avanges venteuses, parce qu’elles produisent un grand vent; elles se forment lorsqu'une neige nou- vellement tombée vient à être mise en mou- vement , soit par l'agitation de l'air, soit en fondant par-dessous au moyen de la chaleur intérieure de la terre : alors la neige se pelo- tonne, s’accumule et tombe en coulant en grosses masses vers le vallon; ce qui cause une grande agitation dans l'air, parce qu’elle coule avec rapidité et en très-srand volume, et les vents que ces masses produisent sont si impétueux, qu’ils renversent tout ce qui s'oppose à leur passage, jusqu’à rompre de gros sapins. Ces lavanges couvrent d’une neige très-fine tout le terrain auquel elles à à dé) THÉORIE 4 peuvent atteindre, et cette poudre de neige … voltige dans l’air au caprice des vents, c’est. à-dire, sans direction fixe; ce qui rend ces neiges dangereuses pour les gens qui se trou- vent alors en campagne, parce qu’on ne sait pas trop de quel côté tourner pour les éviter, car en peu de momens on se trouve enveloppé et même entièrement enfoui dans la neige. Une autre espèce de lavanges, encore plus. dangereuse que la première, sont celles que les gens du pays appellent sc//aglauwen, c’est-à-dire /avanges frappantes; elles ne surviennent pas aussi rapidement que les premières , et néanmoins elles renversent tout ce qui se trouve sur leur passage, parce qu’elles entraînent avec elles une grande quantité de terres, de pierres, de cailloux, et mème des arbres tout entiers, en sorte qu’en passant et en arrivant dans le vallon, elles tracent un chemin de destruction en écrasant tout ce qui s'oppose à leur passage. Comme elles marchent moins rapidement que les lavanges qui ne sont que de neige, on les évite plus aisément : elles s’annoncent de loin; car elles ébranlent, pour ainsi dire, Jes montagnes et les vallons par leur poids et à k 1 A DE LA TERRE. 97 leur mouvement, qui causent un bruit égal à celui du tonnerre. | Au reste, il ne faut qu’une très-petite cause ‘pour produire ces terribles effets ; il suffit de quelques flocons de neige tombés d’un arbre ou d'un rocher, ou même du son des cloches, du bruit d’une arme à feu, pour que quelques portions de neige se detachent du sommet, se pelotonnent et grossissent en descendant jusqu’à devenir une masse aussi grosse qu'une petite montagne. | : Les habitans des contrées sujettes aux la- vanges ont imagine des précautions pour se garantir de leurs effets ; ils placent leurs bà- timens contre quelques petites éminences qui puissent rompre la force de la lavange : ils plantent aussi des bois derrière leurs habi- tations ; on peut voir au mont Saint-Godard une forêt de forme triangulaire, dont l’angle _aigu est tourné vers le mont, et qui semble plantée exprès pour détourner les lavanses et les éloigner du village d'Urseren et des bâtimens situés au pied de la montagne; et il est défendu , sous de grosses peines, de tou- cher à cette forêt, qui est, pour ainsi dire, la sauve-sarde du village. On voit de même, 9 LL r ‘ TRES pe ) te LAS g8 THÉORIE DE LA TERRE. dans plusieurs autres endroits, des murs dé précaution dont l’angle aigu est opposé à la montagne , afin de rompre et détourner les Javanges ; il y a une muraille de cette espèce à Davis, au pays des Grisons, au-dessus de l'église du milieu, comme aussi vers les bains ‘de Leuk ou Louache en Valais. On voit dans ce mème pays des Grisons et dans quelques autres endroits, dansles gorges de montagne, des voûtes de distance en distance, placées à côté du chemin et taillées dans le roc, qui servent aux passagers de refuge contre les lavanges. PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. t ANPTIOCLE XV: Des vents irréguliers, des ouragans , des trombes, et de quelques autres pénomènes causés par l’agitation de la mer et de l’air. Lzs vents sont plus irréguliers sur terre que sur mer, et plus irréguliers dans les pays élevés que dans les pays de plaines. Les montagnes non seulement changent la direc- tion des vents , mais même elles en produi- - sent qui sont ou constans ou variables suivant les différentes causes : la fonte des neiges qui _ 1œ®9 THÉORIE rt USE sont au-dessus des montagnes , produit ordi nairement des vents constans qui durent quel- quefois assez long-temps ; les vapeurs qui s'arrêtent contre lesmontagnes et qui s’y accu- mulent, produisent des vents variables , qui sont très-fréquens danaous les climats, et il y a autant de variations dans ces mouvemens de l'air qu'il y a d’inégalités sur la surface de la terre. Nous ne pouvons donc donner sur cela que des exemples, et rapporter les faits qui sont avérés ; et commenous man-— quons d'observations suivies sur la variation des vents, et même sur celle des saisons dans les différens pays , nous ne prétendons pas expliquer toutes. les causes de ces différences, et nous nous bornerons à indiquer celles qui nous paroitront les Rite naturelles et les plus probables. | Dans les détroits , sur toutes les côtes avancees , à l’extrémité et aux environs de tous les promontoires , des presqu'iles et des caps , et dans tous les golfes étroits, les orages sont fréquens ; mais il ya outre cela des mers beaucoup plus orageuses que d’autres. [Océan Indien , la mer du Japon , la mer Magella- æmique, celle de la côte d'Afrique au-delà des 21 ee cites MEUDA TERRE.) 188 Canaries , et de l’autre côte vers la terre de Natal, la mer Rouge, la mer Vermeille, sont toutes fort sujettes aux tempêtes. L'Océan At- lantique est aussi plus orageux que le grand Océan, qu’on a appelé, à cause de sa tran- quillité, 2er Pacifique : cependant cette mer Pacifique n’est absolument tranquille qu’en- tre les tropiques , et jusqu’au quart environ des zones tempérées ; et plus on approche des poles , plus elle est sujette à des vents variables dont lechangementsubit cause sou- vent des tempêtes. Tous les continens terrestres sont sujets à des vents variables qui produisent souvent des effets singuliers : dans le royaume de Cachemire, qui estenvironne des montagnes du Caucase , on éprouve à la montagne Pire- Penjale des changemens soudains ; on passe, pour ainsi dire , de l’été à l’hiver en moins d'une heure : il y règne deux vents directe- ment opposés , l’un denordetl’autre de midi, que , selon Bernier , on sent successivement en moins de deux cents pas de distance. La position de cette montagne doit être singu- lière, et mériteroit d’être observée. Dans la presqu'ile de l'Inde, qui est traversée du nord 9 te THÉORIE. au sud par les montagnes de Gate, onal'hiver d’un côté de ces montagnes , et l’étéde l’autre côté dans le même temps , en sorte que sur la côte de Coromandel l’air est serein et tran- quille , et fort chaud , tandis qu’à celle de Malabar, quoique sous la mème latitude, les pluies, Les orages , les tempêtes, rendent l’air aussi froid qu'il peut l'être dans ce climat; et au contraire lorsqu'on a l'été à Malabar , on a l'hiver à Coromandel. Cette même diffé- rence se trouve des deux côtés du cap de Rasalgate en Arabie : dans la partie de la : mer qui est au nord du cap, il règne une grande tranquillité, tandis que dans la partie quiest au sud on éprouve de violentes tem- pêtes. IL en est encore de même dans l’ile de Ceylan : l’hiver et les grands vents se font sentir dans la partie septentrionale de l'ile, tandis que dans les parties méridionales il fait un très-beau temps d’été; etau contraire quand la partie septentrionale jouit de la douceur de l'été , la partie méridionale à son tour est plongée dans un air sombre, orageux et pluvieux. Cela arrive non seulement dans plusieurs endroits du continent des Indes, mais aussi dans plusieurs îles : par exemyile, DE LA TERRE. _ 163 à Céram, qui est une longue île dans le voisinage d'Amboine , on a l'hiver dans la partie septentrionale de l’île , et l'été en même temps dans la partie méridionale , et l’inter- valle qui sépare les deux saisons n'est pas de trois ou quatre lieues. En Égypte il règne souvént pendant l'été des vents du midi qui sont si chauds, qu'ils empêchent la respiration ; ils élèvent une si grande quantité de sable, qu’il semble que le ciel est couvert de nuages épais ; ce sable est si fin et il est chassé avec tant de violence , qu'il pénètre par-tout , et mème dans les coffres les mieux fermés : lorsque ces vents durent plusieurs jours, ils causent des mala- dies épidémiques , et souvent elles sont sui- vies d’une grande mortalité. Il pleut très- rarement en Égypie ; cependant tous les ans il y a quelques jours de pluie pendant les mois de décembre , janvier et février. Il s’y forme aussi des brouillards épais qui sont plus fréquens que les pluies , sur-tout aux environs du Caire : ces brouillards commen- cent au mois de novembre , et continuent pendant l'hiver ; ils s’élèvent avant Le lever du soleil : pendant toute l’année il tombe ol (5 SU 104 THÉORIE une rosée si abondante , lorsque le ciel es£ serein, qu'on pourroit la prendre pour une petite pluie. | | Dans la Persel’hiver commence en novem- : bre et dure jusqu’en mars ; le froid y est assez fort pour y former de la glace, et il tombe beaucoup de neige dans les montagnes , et souvent un peu dans les plaines ; depuis le mois de mars jusqu'au mois de mai il s'élève des vents qui soufflent avec force et qui ramènent la chaleur ; du mois de mai au mois de septembre le ciel est serein , et la chaleur de la saison est moderée pendant la * nuit par des vents frais qui s'élèvent tous les soirs , et qui durent jusqu’au lendemain ma- tin , et en automne il se fait des vents qui, comme ceux du printemps , soufflent avec force ; cependant, quoique ces vents soient assez violens, il est rare qu’ils produisent des ouragans et des tempêtes : mais il s'élève souvent pendant l’été le long du golfe Persi- - que, un vent très-dangereux que les habitans appellent Samyel, et qui est encore plus chaud et plus terrible que celui d'Égypte dont nous venons de parler; ce vent est suflocant et mortel ; son action est presque semblable DE LA TERRE. zo0b à celle d’un tourbillon de vapeur enflammée, et on ne peut en éviter les effets lorsqu’on s’y irouvemalheureusement enveloppe. ILs’élève aussi sur la mer Rouge, en eté , et sur les terres de l'Arabie , un vent de même espèce qui suffoque les hommes et les animaux, ef qui transporte une si grande quantite desable, que bien des gens prétendent que cette mer se trouvera comblee avec le temps par l’entasse- ment successif des sables qui y tombent : il y a souvent de ces nuées de sable en Arabie, qui obscurcissent l'air et qui forment des tourbillons dangereux. À la Vera-Cruz, lors- que le vent de nord souffle, les maisons de la ville sont presque enterrées sous le sable qu'un vent pareil amène : il s'élève aussi des vents chauds en été à Négapatan dans la pres- qu'ile de l'Inde, aussi-bien qu’à Pétapouli et à Masulipatan. Ces vents brûlans qui font périr les hommes , ne sont heureusement pas de longue durée , mais ils sont violens ; et plus ils ont devitesse, et plusilssontbrülans, au lieu que tous lesautres vents rafraichissent d'autant plus qu’ils ont plus de vitesse. Cette différence ne vient que du degré de chaleur de l'air : tant que la chaleur de l’air est moindre TA MOEA 106 THÉORIE | que celle du corps des animaux , le mouvez ment de l'air est rafraîchissant ; maïs si la chaleur de l'air est plus grande que celle du corps , alors le mouvement de l’air ne peut qu'échauffer et brûler. À Goa l'hiver , ou plutôt le temps des pluies et des tempêtes, est aux mois de mai, de juin et de juillet ; sans cela les chaleurs y seroient insupportables. Le cap de Bonne-Espérance est fameux par ses tempêtes et par le nuage singulier qui les produit : ce nuage ne paroit d'abord que comme une petite tache ronde dans le ciel , et les matelots l'ont appelé æ/ de bœuf; j'imagine que c’est parce qu'il se soutient à une très-grande hauteur qu’il paroît si petit. De tous les voyageurs qui ont parlé de ce nuage , Kolbe me paroît être celui qui l'a examiné avec le plus d'attention ; voici ce qu'il en dit, tome \ page 224 et suivantes. « Le nuage qu'on voit sur les montagnes de _« la Table, ou du Diable, ou du J’ent , est « composé, si je ne me trompe , d’une infi- « nité de petites particules poussées premié- « rement contre les montagnes du cap, qui « sont à l’est, par les vents d’est qui règnent « pendant presque toute l'année dans la zone DE LA TERRE. To7 « torride; ces particules ainsi poussées sont « arrêtées dans leur cours par ces hautes « montagnes , et se ramassent sur leur côté « orieïtal ; alors elles deviennent visibles , « et y forment de petits monceaux ou assem- « blages de nuages, qui, étant incessamment « poussés par le vent d'est, s'élèvent au som- « met de ces montagnes. Ils n'y restent pas « long-temps tranquilles et arrêtés ; contraints « d'avancer , ils s’engouffrent entre les col- « lines quisont devant eux, où ils sont serrés «et pressés comme dans une manière de « canal : le vent les presse au-dessous, et les « côtes opposes des deux montagnes les re- « tiennent à droite et à gauche. Lorsqu’en « avançant toujours ils parviennent au pied « de quelque montagne où la campagne est «un peu plus ouverte, ils s'étendent , se « déploient et deviennent de nouveau invi- « sibles ; maïs bientôt ils sont chassés sur « les montagnes par les nouveaux nuages qui « sont poussés derrière eux , et parviennent « ainsi, avec beaucoup d’impétuosité , sur « les montagnes les plus hautes du cap, qui « sont celles du ent et de a Table, où règne « alors un vent tout contraire : làil se fait un APTE CA, TÉRIARUR 168 THÉORIE « conflict affreux , ils sont poussés parderrière «et repoussés par devant; ce qui produit des | & tourbillons ‘horribles, soit sur les hautes « montagnes dont je parle, soit dans la vallée « de Za Table, où ces nuages voudroient se «précipiter. Lorsque le vent de nord-ouest «a cédé le champ de bataille , celui de sud- « est augmente el continue de souffler avec « plus ou moins de violence pendant som « semestre ; il se renforce pendant que le « nuage de l’œilde bœuf est épais , parce que « les particules qui viennent s’y amasser par « derrière, s’efforcent d'avancer ; il diminue « lorsqu'il est moins épais , parce qu'alors « moins de particules pressent par derrière ; «il baisse entièrement lorsque le nuage ne « paroît plus , parce qu’il n’y vient plus de « l’est de nouvelles particules , ou qu'il n‘en « arrive pas assez ; le nuageenfin nese dissipe « point, ou plutôt paroit toujours à peu près « de même grosseur, parce que de nouvelles « matières remplacent par derrière celles qui « se dissipent par devani. | « Toutes ces circonstances du phénomène « conduisent à une hypothèse qui en explique «si bien toutes les parties : 1°. Derrière la DE LA TERRE. 109 « montagne de /& Table on remarque une « espèce de sentier ou une trainée de légers « brouillards blancs, qui, commençantsur la « descente orientale de cette montagne, abou- « Lit à la mer , et occupe dans son étendue « les montagnes de Pierre. Je me suis très- « souvent occupé à contempler cette traînée, « qui, suivant moi, étoit causée par le passage « rapide des particules dont je parie, depuis « les montagnes de Pierre jusqu’à celle de « la Table. 1 ë « Ces particules, que je suppose , doivent « être extrêmement embarrassées dans leur « marche par les fréquens chocs et contre- « chocs causés non seulement par les mon- « tagnes, mais encore par les vents de sud et « d'est qui règnent aux lieux circonvoisins « du cap ; c’est ici ma seconde observation. « J'ai déja parlé des deux montagnes qui sont. « situées sur les pointes de [a baie Fa/zo ou « fausse baie : l’une s'appelle /a Lèvre pen- « dante , et l'autre Norvège. Lorsque les par- « ticules que je conçois sont poussées sur ces « montagnes par les vents d'est, elles en sont | « repoussées par les vents de sud , ce qui les « porte sur les montagnes voisines ; elles y Mat. gén. LIT. 10. \ 210 THÉORIE LA OT “ YU « sont arrêtées pendant quelque temps et y « paroissent en nuages , comme elles le fai « soient sur les deux montagnes de la baie « Falzo, et mème un peu davantage. Ces « nuages sont souvent fort épais sur la Æo/- « lande Hottentote , sur les montagnes de « Stellenbosch, de Drakenstein et de Pierre; « mais sur-tout sur la montagne de /a Table «et sur celle du Diable. « Enfin ce qui confirme mon opinion , est « que constamment deux ou trois jours avané « que les vents desud-estsoufflent, on apper- _«çoit sur /a Téte du lion de petits nuages «noirs qui la couvrent ; ces nuages sont, « suivant moi, composés des particules doné « j'ai parlé : si le vent de nord-ouest règne « encore lorsqu'elles arrivent, elles sont ar- « rêtées dans leur course ; mais elles ne sont « jamais chassées fort loin jusqu’à ce que le « vent de sud-est commence. » | | Les premiers navigateurs qui ont approché du cap de Bonne-Espérance , ignoroient les effets de ces nuages funestes , qui semblent se former lentement , tranquillement ét sans aucun mouvement sensible dans l'air, et qui tout d’un coup lancent la tempête , et causent DE LA TERRE. TIE wn orage qui précipite les vaisseaux dans le fond de la mer, sur-tout lorsque les voiles sent déployées. Dans la terre de Natal il se forme aussi un petit nuage semblable à /’œiZ de bœuf du cap de Bonne-Espérance , et de ce nuage il sort un vent terrible et qui pro- duit les mêmes effets. Dans la mer qui est entre l'Afrique et l'Amérique, sur-tout sous l'équateur et dans les parties voisines de l’é- quateur , il s’élève très-souvent de ces espèces de tempêtes. Près de la côte de Guinée il se fait quelquefois trois ou quatre de ces orages en un jour : ils sont causés et annoncés , comme ceux du cap de Bonne-Espérance, par de petits nuages noirs ; le reste du ciel est ordinairement fort serein , et la mer tranquille. Le premier coup de vent qui sort de ces nuages est furieux, et feroit périr les vaisseaux en pleine mer , si l’on ne prenoit pas auparavant la précaution de caler les voiles. C’est principalementaux mois d'avril, de mai et dejuin, qu’on éprouve ces tempêtes sur la mer de Guinée, parce qu'il n’y règne aucun vent régle dans cette saison; et plus bas , en descendant à Loango , la saison de £es orages sur la mer voisine des côtes de ve m1 ‘ 112 THÉORIE Loango, est celle des mois dejanvier, février’, mars etavril. De l’autre côté de l'Afrique , au cap de Guardafu , il s'élève de ces espèces de tempêtes au mois de mai , et les nuages qui les produisent sont ordinairemont au nord , comme ceux du cap de Bonne-Espérance. Toutes ces tempêtes sont donc produites par des vents qui sortent d’un nuage, et qui ont une direction , soit du nord au sud , soit du nord-est au sud-ouest , etc. : mais il y a d’autres espèces de tempêtes que l’on appelle des ouragans , qui sont encore plus violentes que celles-ci, et dans lesquelles les vents sem— blent venir de tous les côtés ; ils ont un mou- vement de tourbillon et de tournoiement auquel rien ne peut résister. Le calme pré- cède ordinairement ces horribles tempêtes , et la mer paroïîtalors aussi unie qu’une glace; mais dans un instant la fureur des vents élève les vagues jusqu'aux nues. Il y a des endroits dans la mer où l'on ne peut pas aborder, parce qu'alternativement il y a toujours ou des calmes ou des ouragans de cette espèce: les Espagnols ont appelé ces endroits calmes etéornados. Les plus considérables sontauprès de la Guinée à deux ou trois degrés latitude DE LA TERRE. 113 nord : ils ont environ trois cents ou trois cent cinquante lieues de longueur sur autant de largeur , ce qui fait un espace de plus de cent mille lieues quarrées. Le calme ou les orages sont presque continuels sur cette côte de Guinée , et il y a des vaisseaux qui y ont été retenus trois mois sans pouvoir en sortir. Lorsque les vents contraires arrivent à la fois dans le même endroit, comme à un centre , ils produisent ces tourbillons et ces tournoiemens d’air par la contrariété de leur mouvement , comme les courans contraires produisent dans l’eau des gouffres ou des tour- noiemens : mais lorsque ces vents trouvent en opposition d’autres vents qui contre-balan- cent de loin leur action , alors 1ls tournent autour d'un grand espace dans lequel il règne un calme perpétuel ; et c’est ce qui forme les calmes dont nous parlons , et desquels il est souvent impossible de sortir. Ces endroits de la mer sont marqués sur les globes de Senex, aussi-bien que les directions des différens vents qui règnent ordinairement dans toutes les mers. A la vérité, je serois porté à croire que la contrariété seule des vents ne pourroit pas produire cet effet , si Ja direction des côtes 19 tr4 THÉORIE et la forme particulière du fond de la mer | dans ces endroits n'y contribuoient pas; j'imasgine donc que les courans causés en effet par les vents , mais dirigés par la forme des côtes et des inégalités du fond de la mer; viennent tous aboutir dans ces endroits , et que leurs directions opposées et contraires forment les {orrados en question dans une plaine environnée de tous côtés d’une chaine de montagnes. . Les gouffres ne paroissent être autre chose que des tournoiemens d’eau causés par l’ac- tion de deux ou de plusieurs courans opposés. L’Euripe, si fameux par la mort d’Aristote, absorbe et rejette alternativement les eaux sept fois en vingt-quatre heure: ce gouffre est près des côtes de la Grèce. Le Charybde , qui est près du détroit de Sicile, rejette etabsorbe les eaux trois fois en vingt-quatre heures. Au reste, on n’est pas trop sûr du nombre de ces alternatives de mouvement dans ces gouffres. Le docteur Placentia , dans son traité qui a pour titre /’Ægeo redivivo , dit que l'Euripe a des mouvemens irréguliers pendant dix- huit ou dix-neuf jours de chaque mois, et des mouyemens réguliers pendantonze jours; DE LA TERRE. 115. gwordinairement il ne grossit que d’un pied ei rarement de deux pieds : il dit aussi que les auteurs ne s'accordent pas sur le flux et le reflux de l'Euripe; que les uns disent qu'il se fait deux fois , d’autres sept, d’autres onze, : d’autres douze, d’autres quatorze fois en vingt- quatre heures ; mais que Loirius l'ayant exa- miné de suite pendant un jour entier , il avoit observé à chaque six heures d'une manière évidente et avec un mouvement si violent, qu’à chaque fois il pouvoit faire tour- ner alternativement Les roues d'un moulin. Le plus grand gouffre que l’on connoisse est celui de la mer de Norvése ; on assure qu'il a plus de vingt lieues de circuit : 1l absorbe pendant six heures tout ce qui est dans son voisinage , l’eau, les baleines, les vaisseaux, et rend ensuite pendant autant de temps tout ce qu'il a absorbe. Il n’est pas nécessaire de supposer dans “A fond de la mer des trous et des abîmes qui æengloutissentcontinuellement les eaux, pour. rendre raison de ces gouffres ; on sait que quand l’eau a deux directions contraires, la composition de ces mouvemens produit um tournoiement circulaire , et semble former x16 THÉORIE un vide dans le centre de ce mouvement , comme on peut l’observer dans plusieurs en- droits auprès des piles qui soutiennent les arches des ponts, sur-tout dans les rivières rapides : il en est de même des gouffres de la mer, ils sont produits par le mouvement de deux ou de plusieurs courans contraires ; et comme le flux ou le reflux sont la principale cause des courans , en sorte que pendant le flux ils sont dirigés d’un côté , et que pen- dant le reflux ils vont en sens contraire , àl n’est pas étonnant que les gouffres qui résul- tent de ces courans, attirent et engloutissent pendant quelques heures tout ce qui les envi- ronne, et qu’ils rejettent ensuite pendant tout autant de temps tout ce qu'ils ont ab- sorbé. Les souffres ne sont donc que des tournoie- mens d’eau qui sont produits par des courans opposés, et les ouragans ne sont que des tourbillons ou tournoiemens d'air produits par des vents contraires : ces ouragans sont communs dans la mer de la Chine et du Japon , dans celle des îles Antilles, et en plu- sieurs autres endroits de la mer , sur-tout auprès des terres avancées et des côtes éle- DE LA TERRE. Ir7 -vées ; mais ils sont encore plus fréquens sur la terre , et les effets en sont quelquefois pro- digieux. «J'ai vu , dit Bellarmin , je ne le « Croirois pas si je ne l’eusse pas vu, une fosse « enorme creusée par le vent, et toute la « terre de cette fosse emportée sur un village, « en sorteque l’endroit d’où la terre avoit été « enlevée , paroissoit un trou épouvantable, « etque le village fut entièrement enterré par « cette terre transportée * ». On peut voir dans l'Histoire de l’académie des sciences et dans les Transactions philosophiques le détail des eflets de plusieurs SHAEARS qui paroissent inconcevables , et qu’on auroit de la peine à croire, si les faits n’étoient attestés par un grand nombre de témoins oculaires, véri- diques et nd in pi (0 IT en est de même des trombes, que les na- vigateurs ne voient jamais sans crainte “ sans admiration. Ces trombes sont fort fréquentes auprès de certaines côtes de la Méditerranée, sur-tout lorsque le ciel est fort couvert, et que le vent souffle en même temps de, plu- sieurs côtés; elles sont plus communes près des caps de Laodicée, de Grecgo et de Carmel, * Bellarmimus, de ascensu mentis in Deurm, Rae: rrB THÉORIE. que dans les autres parties de la Méditerra- née. La plupart de ces trombes sont autant - de cylindres d’eau qui tombent des nues, quoiqu'il semble quelquefois, sur-tout quand | on est à quelque distance, que l'eau de la mer s'élève en haut *. Mais il faut distinguer deux espèces de trombes. La première , qui est la trombe dont nous venons de parler, n’est autre chose qu’une nuée épaisse, comprimée, resserrée et : réduite en un petit espace par des vents op- posés et contraires, lesquels soufflant en même temps de plusieurs côtés, donnent à la nuée la forme d'un tourbillon cylindrique, et font que l’eau tombe tout à la fois sous cette forme cylindrique; la quantité d'eau est si grande et la chüte en est si précipitée, que si mal- heureusement une de ces trombes tomboit sur un vaisseau, elle le briseroit et le sub— mergeroit dans un instant. On prétend, et, cela pourroit être fondé, qu’en tirant sur la trombe plusieurs coups de canons chargés à boulets, on la rompt, et que cette commo- tion de l’air la fait cesser assez promptement: * Voyez les J'oyages de Shaw, tome 11, page 56 DE LA TERRE. EtY cela revient à l’effet des cloches qu’on sonne pour écarter les nuages qui portent le ton- nerre et la grêle. - L'autre espèce de trombe s appelle typhon; et plusieurs auteurs ont confondu le typhon avec l'ouragan, sur-tout en parlant des tem- pêtes de la mer de la Chine, qui est en effet sujette à tous deux : cependant ils ont des causes bien différentes. Le typhon ne descend pas des nuages comme la première espèce de trombe ; il n’est pas uniquement produit par le tournoiement des vents comme l’ouragan : il s'élève de la mer vers le ciel avec une grande violence; et quoique ces typhons res- semblent aux tourbillons qui s'élèvent sur la terre en tournoyant, ils ont une autre ori- gine. On voit souvent, lorsque les vents sont violens et contraires , les ouragans élever des tourbillons de sable, de terre, et souvent ils enlèvent et transportent dans ce tourbillom les maisons, les arbres, les animaux. Les ty- phons de mer, au contraire, restent dans la même place, et ils n’ont pas d'autre cause que celle des feux souterrains; car la mer est alors dans une grande ébullition , et l’air est si fort rempli d’exhalaisons sulfureuses, Le " EL 120 NT HE ONE * "ARE que le ciel paroît caché d’une croûte couleür … de cuivre, quoiqu'il n’y ait aucun nuage et qu’on puisse voir à travers ces vapeurs le soleil et les étoiles : c’est à ces feux souter- . rains qu’on peut attribuér la tiédeur de la Î mer de la Chine en hiver, où ces typhons tont très-fréquens *. | Nous allons donner quelques exemples de la manière dont ils se produisent. Voici ce que dit Thévenot dans son 7’oyage du Le- van£t: «Nous vimes des trombes dans le golfe « Persique entre Les îles Quésomo, Laréca et « Ormus. Je crois que peu de personnes ont « considére Les trombes avec toute l’attention « que j'ai faite dans la rencontre dont je « viens de parler, et peut-être qu’on n’a ja- « mais fait les remarques que le hasard m'a « donné lieu de faire; je les exposerai avec « toute la simplicité dont je fais profession « dans tout le récit de mon voyage, afin de «rendre les choses plus sensibles et plus « aisées à comprendre. «La première qui parut à nos yeux étoit « du côte du nord ou tramontane, entre nous * Voyez Acta erud. Lips. supplem. tom. I, ” DE LA TERRE. 12 & et l'ile Quésomo, à la portée d’un fusil du « vaisseau; nous avions alors la proue à grec « levant ou nord-est. Nous apperçüimes d’a- « bord en cet endroit l’eau qui bouillonnoit « et étoit élevée de la surface de la mer d’en- « viron un pied ; elle étoit blanchâtre, et au- © « dessus paroissoit comme une fumée noire « un peu épaisse, de manière que cela res- « sembloit proprement à un tas de paille où « l’on auroit mis le feu, mais qui ne feroit « encore que fumer : cela faisoit un bruit « sourd, semblable à celui d’un torrent qui « court avec beaucoup de violence dans un « profond vallon; mais ce bruit étoit mêlé «d'un autre un peu plus clair, semblable «à un fort sifflement de serpens ou d’oies. « Un peu après nous vimes comme un « canal obscur qui avoit assez de ressem-— « blance à une fumée qui va montant aux « nues en tournant avec beaucoup de vitesse, «et ce canal paroissoit gros comme le doigt, « et le même bruit continuoit toujours. En- «suite la lumière nous en ôta la vue, et nous «connûmes que cette trombe étoit finie, « parce que nous vimes que cette trombe ne « s'élevoit plus, et ainsi la durée n’avoit pas 11 122 THÉORIE « été de plus d’un demi-quart d'heure. Celles « là finie, nous en vimes une autre du côté du « midi, qui commença de la mème manière « qu'avoit fait la précédente ; presque aussi= « tôtil s’en fitune semblable à côté de celle-ci « vers le couchant, et incontinent après une « troisième à côté de cette seconde : la plus « éloignée des trois pouvoit être à portée du « mousquet loin de nous; elles paroissoient « toutes trois comme trois tas de paille hauts « d'un pied et demi ou de deux, qui fumoient « beaucoup, et faisoient même bruit que la « première. Ensuite nous vimes tout autant « de canaux qui venoient depuis les nues sur « ces endroits.où l’eau étoit élevée, et chacun «de ces canaux éloit large par le bout qui « tenoit à la nue, comme le large bout d’une « trompette , et faisoit la mème figure (pour « l'expliquer intelligiblement) que peut faire « la mamelle ou la tette d’un animal tirée « perpendiculairement par quelque poids. « Ces canaux paroissoient blancs d’une blan- « cheur blafarde, et je crois que c’étoit l’eau « qui étoit dans ces canaux transparens qui « les faisoit paroître blancs: car apparemment « ils étoient déja formés avant que de tirez LS DE LA TERRE. 123 « l’eau, selon qu'on peut juger par ce qui « suit; et lorsqu'ils étoient vides, ils ne pa- « roissoient pas, de même qu'un canal de « verre fort clair, exposé au jour devant nos « yeux à quelque distance, ne paroît pas s’il «n’est rempli de quelque liqueur teinte. Ces « canaux n'étoient pas droits, mais courbés « en quelques endroits; même ils n’étoient « pas perpendiculaires : au contraire, depuis « les nues où ils paroissoient entés jusqu'aux « endroits où ils tiroient l’eau, ils étoient « fort inclinés; et ce qui est de plus parti- « culier, c’est que la nue où étoit attachée la « seconde de ces trois, ayant été chassée du « vent, ce canal la suivit sans se rompre et « sans quitter le lieu où il tiroit l’eau, et « passant derrière le canal de la première, « ils furent quelque temps croisés comme en « sautoir, ou en croix de saint André. Au « commencement ils étoient tous trois gros « comme le doigt, si ce n’est auprès de la nue «qu'ils étoient plus gros, comme j'ai déja « remarque; mais dans la suite celui de la « première de ces trois se grossit considéra-- « blement : pour ce qui est des deux autres, « je n'en ai autre chose à dire , car la dernière AS UU A + L 124 IT H f ORI E « formée ne dura guère davantage qu’avoié « duré celle que nous avions vue du côté du « nord. La seconde du côté du midi dura en- « viron un quart d'heure : mais la première de « ce même côte dura un‘peu davantage, el cé « fut celle qui nous donna le plus de crainte; «et c’est de celle-là qu'il me reste encore « quelque chose à dire. D'abord son canal étoit « gros comme le doigt; ensuite il se fit gros «comme le bras et après comme la jambe, «et enfin comme un gros tronc d'arbre, au- «tant qu’un homme pourroit embrasser. « Nous voyions distinctement au travers de «ce corps transparent l’eau qui montoit en «serpentant un peu, et quelquefois il di- « minuoit un peu de grosseur, tantôt par « haut et tantôt par bas : pour lors il ressem- « bloit justement à un boyau rempli de quel- « que matière fluide que l’on presseroit avec « les doigts , ou par haut pour faire descendre « cette liqueur, ou par bas pour la faire mon- «ter ;'et je me persuadai qué c'etoit la vio- « lence du vent qui faisoit ces changemens, .« faisant monter l’eau fort vite lorsqu'il pres- « soit le canal par le bas, et la faisant des- « cendre lorsqu'il le pressoit par le haut. c* ; ? DE LA TERRE. 12 « Après cela il diminua tellement de gros- « seur, qu'il étoit plus menu que le bras, « comme un boyau qu'on alonge en le tirant « perpendiculairement; ensuite il retourna « gros comme la cuisse; après il redevint fort ‘ « menu : enfin je vis que l’eau élevée sur la « superficie de la mer commençoit à s’abais- « ser, et le bout du canal qui lui touchoit, « s’en sépara et s’étrécit, comme si on l’eût «lié, et alors la lumière qui nous parut par. « le moyen d’un nuage quise détourna, m'en « Ôta la vue. Je ne laissai pas de regarder «encore quelque temps si je ne le reverrois « point, parce que j avois remarqué que par «trois ou quatre fois le canal de la seconde « de ce même côté du midi nous avoit paru «se rompre par le milieu, et incontinent « après nous le revoyions entier, et ce n'€- « toit que la lumière qui nous en cachoit la « moitié: mais j’eus beau regarder ayec toute « l'attention possible, je ne revis plus celui- « ci, et il ne se fit plus de trombe, etc. « Ces trombes sont fort dangereuses sur « mer; car s1 elles viennent sur un vaisseau, « elles se mêlent dans les voiles, en sorte que quelquefois elles l’enlèvent, et, le laissant. 11 À | + NET 1 VOTRE +26 THÉORIE | « ensuite retomber, elles le coulent à fond’, «et cela arrive particulièrement quand c’est « un petit vaisseau ou une barque : tout au | « moins, si elles n’enlèvent pas un vaisseau, «elles rompent toutes les voiles, ou bien « laissent tomber dedans toute l'eau qu’elles «tiennent; ce qui le fait souvent couler à «fond. Je ne doute point que ce ne soit par « de semblables accidens que plusieurs des « vaisseaux dont on n'a jamais eu de nou « velles, ont été perdus; puisqu'il n’y a que _« trop d'exemples de ceux que l’on a su de « certitude avoir péri de cette manière. » Je soupçonne qu’il y a plusieurs illusions d'optique dans les phénomènes que ce voya- geur nous raconte; mais j'ai été bien aise de rapporter les faits tels qu’il a cru les voir, afin qu’on puisse ou les vérifier, ou du moins les comparer avec ceux que rapportent les autres voyageurs. Voici la description qu’en donne le Gentil dans son 7’oyage autour du monde : « À onze heures du matin, l'air « étant chargé de nuages, nous vimes autour «de notre vaisseau, à un quart de lieue en- « viron de distance, six trombes de mer qui « se formèrent avec un bruit sourd, sem DE LA TERRE. 127 « blable à celui que fait l’eau en coulant dans « des canaux souterrains ; ce bruit s’accrut _ «peu à peu, et ressembloit au sifflement que « font les cordages d'un vaisseau lorsqu'un «vent impétueux s’y mêle. Nous remar- « quàmes d'abord l’eau qui bouillonnoit et « qui s’élevoit au-dessus de la surface de la « mer d'environ un pied et demi; il parois- « soit au-dessus de ce bouillonnement un « brouillard, ou plutôt une fumée épaisse, « d’une couleur pâle, et cette fumée formoit « une espèce de canal qui montoit à la nue. « Les canaux ou manches de ces trombes «se plioient selon que le vent emportoit les «nues auxquelles ils étoient attachés; et « malgré l'impulsion du vent, non seulement «ils ne se détachoient pas, mais encore il « sembloit qu'ils s’alongeassent pour les «suivre, en s’étrécissant et se grossissant à « mesure que le nuage s’élevoit ou se baissoit. «Ces phénomènes nous causèrent beaucoup « de frayeur, et nos matelots, au lieu de s en- | « hardir, fomentoient leur peur par les contes « qu'ils débitoient. Si ces trombes , disoient- «ils, viennent à tomber sur notre vaisseau, « elles l’enleveront, et, le laissant ensuite 28 THÉORIE | « retomber, elles le submergeront. D'autres « (et ceux-ci étoient les officiers) répondoient «d'un ton décisif qu’elles n’enleveroient pas «le vaisseau, mais que venant à le rencon- «trer sur leur route, cet obstacle romproit «la communication qu'elles avoient avec « l’eau de la mer, et qu’etant pleines d’eau, «toute l’eau qu'elles renfermoient tombe- «roit perpendiculairement sur le tillac du « vaisseau et le briseroit. « Pour prévenir ce malheur, on amena les « voiles et on chargea le canon, les gens de «mer prétendant que le bruit du canon, agi- «tant l'air, fait crever les trombes et les « dissipe: mais nous n’eûmes pas besoin de «recourir à ce remède; quand elles eurent « couru pendant dix minutes autour du vais- «seau , les unes à un quart de lieue, les autres «à une moindre distance, nous vimes que «les canaux s’étrécissoient peu à peu, qu'ils « se détachèrent de la superficie de la mer, « et qu’enfin ils se dissipèrent *. » Il paroit par la description que ces deux voyageurs donnent des trombes, qu’elles sont produites, au moins en partie, par l’action * Tome I, page r9r. DE LA TERRE. 129. d'un feu ou d’une fumée qui s’élève du fond de la mer avec une grande violence , et qu'elles sont fort différentes de l’autre espèce de _ frombe qui est produite par l’action des vents contraires, et par la compression forcée et la resolution subite d’un ou de plusieurs nuages, comme le décrit M. Shaw : « Les « trombes, dit-il *, que j'ai eu occasion de « voir, m'ont paru autant de cylindres d’eau « qui tomboient des nuées, quoique par la « réflexion des colonnes qui descendent, ou «par les gouttes qui se détachent de l’eau «qu'elles contiennent et qui tombent, 1l « semble quelquefois, sur-tout quand on en « est à quelque distance, que l’eau s'élève de « la mer en haut. Pour rendre raison de ce « phénomène, on peut supposer que les nuées « étant assemblées dans un même endroit « par des vents opposés, ils les obligent, en « les pressant avec violence , de se condenser « et de descendre en tourbillons. » Il reste beaucoup de faits à acquérir avant qu'on puisse donner une explication com- plète de ces phénomènes ; il me paroît seu- lement que s’il y a sous les eaux de la mer * Tome IT, page 56. 30 .__ THÉORIE des terrains mélés de soufre, de bitume et : de minéraux, comme l’on n'en peut guère douter, on peut concevoir que ces matières venant à s’enflammer, produisent une grande quantité d’air * comme en produit la poudre à canon; que cette quantité d’air nouvelle- ment généré et prodigieusement raréfié s’é— chappe et monte avec rapidité, ce qui doit élever l’eau et peut produire ces trombes qui s'élèvent de la mer vers le ciel: et de même; si, par l’inflammation de matières sulfureuses que contient un nuage, il se forme un cou- rant d'air qui descende perpendiculairement du nuage vers la mer, toutes les parties aqueuses que contient le nuage, peuvent suivre le courant d’air et former une trombe qui tombe du ciel sur la mer. Mais il faut avouer que l’explication de cette espèce de trombe, non plus que celle que nous avons donnée par le tournoiement des vents et la compression des nuages, ne satisfait pas en- core à tout; car oh aura raison de nous de- mauder pourquoi l’on ne voit pas plus souvent * Voyez l_Analyse de l'air de M. Hales, et le Traité de l'artillerie de M. Robins. DE LA TERRE. 13 sur la terre,comme sur la mer, de ces espèces de trombes qui tombent perpendiculaire- ment des nuages. L'Histoire de MN à année 1727, fait mention d’une trombe de terre qui parut à Capestan près de Béziers : c'étoit une colonne assez noire qui descendoit d’une nue jusqu’à terre, et diminuoit toujours de largeur en approchant de la terre, où elle se terminoit en pointe; elle obéissoit au vent qui souffloit r de l’ouest au sud-ouest; elle étoit accompa- gnée d’une espèce de fumée fort épaisse et d’un bruit pareil à celui d’une mer fort agi- tée, arrachant quantité de rejetons d’olivier, déracinant des arbres et jusquà un gros noyer qu'elle transporta jusqu'à quarante ou cinquante pas, ét marquant son chemin par une large trace bien battue, où trois carrosses de front auroient passé. Il parut une autre colonne de la même figure, mais qui se joi- gnit bientôt à la première; et après que le tout eut disparu, 1l tomba une s#rande quan- tite de grêle. Cette espèce de trombe paroît être encore différente des deux autres : il n’est pas dit qu'elle contint de l’eau, et il semble, tant par 132 THÉORIE ce que je viens d’en rapporter, que par ROUTE n l'explication qu’en a donnée M. Andoque, lorsqu'il a fait part de l’observation de ce phénomène à l’académie, que cette trombe m’étoit qu’un tourbillon de vent épaissi et rendu visible par la poussière et les vapeurs condensées qu'il contenoit *. Dans la même histoire, année 1741, il est parlé d’une trombe vue sur le lac de Genève: c’étoit une colonne dont la partie supérieure aboutissoit à un nuage assez noir, et dont la partie infé- rieure, quiétoit plus étroite, se terminoit un peu au-dessus de l’eau. Ce météore ne dura que quelques minutes; et dans le moment qu’il se dissipa, on apperçut une vapeur épaisse qui montoit de l'endroit où il avoit paru, et là même les eaux du lac bouillon- noient etsembloient faire effort pour s'élever. L'air étoit fort calme pendant le temps que parut cette trombe; et lorsqu'elle se dissipa, il ne s’ensuivit ni vent ni pluie. « Avec tout «ce que nous savons déja, dit l'historien de « l'académie, sur les trombes marines, ne * * Voyez l'Hist, de l'acad. année 1727, page 4 et sulv. * DE LA'TERR E. 133 «seroit-ce pas une preuve de plus qu’elles ne «se forment point par le seul conflict des «vents, et qu'elles sont presque toujours « produites par quelque éruption de vapeurs « souterraines , ou même de volcans, dont on «sait d’ailleurs que Le fond de la mer n’est « pas exempt ? Les tourbillons d’air et les «ouragans qu'on croit communément être « la cause de ces sortes de phénomènes, pour- «roient donc bien n'en être que l'effet ou « une suite accidentelle *. » | U AD DL TL N°5 A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. KR Sur la violence des vents du midi dans quelques contrées septentrionales. Less voyageurs russes ont observé qu’à l’en- trée du territoire de Milim , il y a sur le bord. de la Lena, à gauche, uné grande plaine * Voyez l'Hist. de l'acad. année 1741, page 20. 12 5: NTHEURNS HS entièrement couverte d'arbres renversés, et que tous ces arbres sont couchés du sud au nord en ligne droite, sur une étendue de plu- sieurs lieues; en sorte que tout ce district, autrefois couvert d’une épaisse forèt, est au- jourd’hui jonché d’arbres ans cette même direction du sud au nord. Cet effet des vents méridionaux dans le nord a aussi été remar— qué ailleurs. Dans le Groenland, principa- lement en automne, il règne des vents si impétueux, que les maisons s’en ébranlent et sé fendent; les tentes et les bateaux en sont emportés dans les airs: Les Groenlan- dois assurent même que quand-ils veulent sortir pour mettre leurs canots à l'abri, ils sont obligés de ramper sur le ventre, de peur d’être le jouet des vents. En été, on voit s’élever de semblables tourbillons , qui bouleversent les flots de la mer, et font pi- rouetter les bateaux. Les plus fières tempêtes viennent du sud, tournent au nord et s’y calment : c’est alors que la glace des baies est enlevée de son lit, et se disperse sur la mer en monceaux. DE LA TERRE. 135 FD 1 Sur les trombes. M. de la Nux, que j'ai déja eu occasion de citer plusieurs fois dans mon ouvrage, et qui a demeure plus de quarante ans dans l’île de Bourbon, s’est trouvé à portée de voir un grand nombre de trombes, sur lesquelles 1l a bien voulu me communiquer ses obserya- tions, que je crois devoir donner ici par extrait. Les trombes que cet observateur a vues, se sont formées, 1°. dans des jours calmes et des intervalles de passage du vent de la partie du nord à celle du sud, quoiqu'il en ait vu une qui s’est formée avant ce passage du vent à l’autre , et dans le courant même d’un vent de nord, c'est-à-dire, assez long-temps avant que ce vent eût cessé; le nuage duquel cette trombe dépendoit, et auquel elle tenoit, étoit encore violemment poussé; le soleil se mon- troit en même temps derrière lui, eu égard à la direction du vent : c’étoit Le 6 janvier, vers les onze heures du matin. 2°. Ces trombes se sont formées pendant le 136 . THÉORI 6 | jour, dans des nuées détachées, fort épaisses vé en apparence, bien plus étendues que pro- fondes , et bien terminées par-dessous pa- rallèlement à l’horizon , le dessous dé ces nuées paroissant toujours fort noir. 3°. Toutes ces trombes se sont montrées d’abord sous la forme de cônes renversés, dont les bases étoient plus ou moins larges. 4%, De ces différentes trombes qui s’annon- coient par ces cônes renversés, et qui quel- quefois tenoient au même nuage, quelques unes n'ont pas eu leur NN, 73 : les unes se sont dissipées à une petite distance du nuage ; les autres sont descendues vers la surface de la mer, et en apparence fort près, sous la forme d’un long, cône applati, très- étroit et pointu par le bas. Dans le centre de ce cône , et sur toute sa longueur, régnoit un canal blanchâtre, transparent, et d’un tiers environ du diamètre du cône, dont les deux côtés etoient fort noirs, sur-tout dans le commencement de leur apparence. Elles ont été observées d’un point de 1 ile de Bourbon élevé de cent cinquante toises au- dessus du niveau de la mer, et elles étoient, pour la plupart, à trois, quatre‘ou ciuq lieues DE LA TERRE. Ke de distance de l’endroit de l’observation , qui étoit la maison même de l’observateur. Voici la description détaillée de ces trombes. Quand le bout de la mancke, qui pour lors est fort pointu , est descendu environ au quaré de la distance du nuage à la mer, on com- mence à voir sur l’eau, qui d'ordinaire est calme et d’un hlanc transparent , une petite noirceur circulaire, effet du frémissement (ou tournoiement) de l’eau : à mesure que la pointe de cette manche descend, l’eau bouillonne, et d'autant plus que cette pointe approche de plus près la surface de la mer, et l’eau de la mer s'élève successivement en tourbillon , à plus ou moins de hauteur, et d'environ vingt pieds dans les plus grosses trombes. Le bout de la manche est toujours au-dessus du tourbillon, dont la grosseur est proportionnée à celle de la trombe qui le fait mouvoir. Îl ne paroît pas que le bout de la manche meigrie jusqu’à la surface de la mer, autrement qu'en se joignant au tourbillon | qui s'élève. in) On voit aelage fois sortir du même nuage de gros el de petits < cônes de trombes ; il y en oissent que comme des filets, 12 C ÿ RO FER \ 138 THÉORIE d’autres un peu plus fort. Du même nuage on voit sortir assez souvent dix ou douze petites trombes toutes complètes , dont la plupart se dissipent très-près de leur sortie, et remontent visiblement à leur nuage : dans ce dernier cas, la manche s’élargit tout-à- coup jusqu'à l’extrémité inférieure, et ne pa- roit plus qu’un cylindre suspendu au nuage, déchiré par en bas, et de peu de longueur. Les trombes à large base, c’est-à-dire les grosses trombes, s’elargissent insensiblement dans toute leur longueur, et par le bas, qui paroit s'eloigner de la mer et se rapprocher de la nue. Le tourbillon qu'elles exeitent sur l’eau diminue peu à peu, et bientôt la manche de cette trombe s’élargit dans sa par- tie inferieure et prend une forme presque cylindrique : c’est dans cet état que des deux côtés élargis du canal, on voit comme de l’eau entrer en tournoyant vivement et abon- damment dans le nuage; et c’est enfin par le raccourcissement successif de cette espèce de cylindre que finit l'apparence de la trombe. Les plus grosses trombes se dissipent le moins vite, quelques ui sc dés. plus grosses durent plus d’une demi-heure bis DE LA TERRE. 139 : On voit assez ordinairement tomber de fortes ondées, qui sortent du même endroit du nuage d’où sont sorties et auxquelles tien nent encore quelquefois les trombes : ces on- dées cachent souvent aux yeux celles qui ne sont pas encore dissipées. J'en ai vu, dit M. de la Nux, deux le 26 octobre 1755, très-dis- tiuctement, au milieu d’une ondée qui de- vint si forte, qu’elle m'en déroba la vue. Le vent, où l'agitation del’airinférieur sous la nuée, ne rompt ni les grosses ni les petites trombes; seulement cette impulsion les dé- tourne de la perpendiculaire : les plus petites forment des courbes très-remarquables, et quelquefois des sinuosités ; en sorte que leur extrémité qui aboutissoit à l’eau de la mer, étoit fort éloignée de l’à-plomb de l’autre ex- iremité qui étoit dans le nuage. On ne voit plus de nouvelles trombes se former lorsqu'il est tombé de la pluie des nuages d’où elles partent. « Le 14 juin de l’année 17956, sur les quatre « heures après midi, j'étois, dit M. de la Nux, « au bord de la mer, élevé de vingt à vingt- « cinq pieds au-dessus de son niveau. Je vis « sortir d'un même nuage douze à quatorze ‘= TAN CR 2 : : r Le A L 140 THÉORIE de % « trombes complètes, dont trois seulement « considérables, et sur-tout la dernière. Le « canal du milieu de la manche étoit si trañs- « parent, qu'à travers je voyois les nuages «que derrière elle, à mon égard, le soleil «éclairoit. Le nuage, magasin de tant de « trombes, s’étendoit à peu près du sud-est ‘au nord-ouest, et cette grosse trombe, dont «il s’agit uniquement ici, me restoit vers le « sud-sud-ouest : le soleil étoit déja fort bas, « puisque nous étions dans les jours les plus « courts. Je ne vis point d’ondées tomber du «nuage : son élévation pouvoit être de cinq «ou six cents toises au plus. » Plus le ciel est chargé de nuages, et plus il est aisé d’observer les trombes et toutes les apparences qui les accompagnent. M. de la Nux pense, peut-être avec raison, que ces trombes ne sont que des portions vis- queuses du nuage , qui sont entraînées par différens tourbillons , c’est-à-dire , par des tournoiemens de l'air supérieur engouffre dans les masses des nuées dont le nuage total est composé. Ce qui paroiît prouver que ces trombes sont composées de parties visqueuses , c'est leux L 1 | », < De L'ACTERIR EE; * rar ténacité , et, pour ainsi dire, leur cohérence ; car elles font des inflexions et des courbures, même en sens contraire, sans se rompre : Si cette matière des trombes n’étoit pas vis- queuse , pourroit-on concevoir comment elles se courbent et obéissent aux vents , sans se rompre ? Si-toutes les parties n’etoient pas fortement adhérentes entre elles, le vent les dissiperoit , ou tout au moins les feroit chan- ger de forme ; mais comme cette forme est constante dans les trombes grandes et petites, c'est un indice presque certain de la ténacité visqueuse de la matière qui les compose. Ainsi le fond de la matière des trombes estune substance visqueuse contenuedans les nuages, et chaque trombe est formée par un tourbillon d'air qui s’engouffre entre les nua- ges , et boursouflant le nuage inférieur , le perceet descend avec son enveloppe dematière visqueuse ; et comme les trombes qui sont complètes descendent depuis le nuage jusque sur la surface de la mer , l’eau frémira, bouil- lonnera , tourbillonnera à l'endroit vers lequel le bout de la trombe sera dirigé par l'effet de Pair qui sort de l’extrémité de la trombe comme du tuyau d’un soufilet : les effets de Et Pan | | ( | «142 THÉORIE ce soufflet sur la mer augmenterontàmesure | qu'il s’en approchera, etque l’orifice de cette espèce de tuyau, s’il vient à s’élargir, laissera sortir plus d'air. On a cru mal-à-propos que les trombes enlevoient l’eau de la mer, etqu’elles en ren- fermoient une grande quantité : ce qui a for- tifié ce préjugé , ce sont les pluies, ou plutôt les averses qui tombent souvent aux envi- xons des trombes. Le canal du milieu de toutes les trombes est toujours transparent ; de quelque côté qu’on les regarde : si l’eau de la mer paroit monter , ce n’est pas dans ce ‘canal, mais seulement dans ses côtés; pres- quetoutesles trombes souffrent desinflexions ; et ces inflexions se font souvent en sens con- traire, en forme d’S, dont la tète estau nuage et la queue à la mer. Les espèces de trombes dont nous venons de parler, ne peuvent donc con- tenir de l’eau, ni pour la verser à la mer, ni pour la monter au nuage : ainsi ces trombes ne sont à craindre que par l’impétuosité de air qui $ort de leur orifice inférieur ; car il paroitra certain à tous ceux qui auromt occa- sion d'observer ces trombes, qu’elles ne sont composées que d'un air engouffré dans un " D L'ANT EÏRR E. 143 nuage visqueux , et déterminé par son tour- noiement vers la surface de la mer. M. de la Nux a vu des trombes autour de l'ile de Bourbon dans les mois de janvier, mai, juin, octobre, c’est-à-dire , en toutes : saisons ; il en a vu dans des temps calmes et pendant de grands vents : mais neanmoins on peut dire que ces phénomènes ne se mon- trent que rarement, et ne se montrent guère que sur la mer, parce que la viscosite des nuages ne peut provenir que des parties bitu- mineuses et grasses que la chaleur du soleit et les vents enlèvent à la surface des eaux de Ja mer , et qui se trouvent rassemblées dans. des nuages assez voisins de sa surface ; c'est par cette raison qu’on ne voit pas de pareilles trombes sur la terre, où il n’y a pas, comme sur là surface de la mer , une abondante quantité de parties bitumiseuses et huileuses que l’action de la chaleur pourroit en deta- cher! On en voit cependant quelquefois sur la terre, et même à de grandes distances de la mer ; ce qui peut arriver lorsqueles nuages visqueux sont poussés rapidement par un vent violentde la mer versles terres. M. deGrignon a vu au mois de juin 1768, en Lorraine, près \ 144 THÉORIE de Vauvillier, dans les côteaux qui sont une suite del'empiétement des Vosges, unetrombe très-bien formée ; elleavoitenviron cinquante toises de hauteur ; sa forme étoit celle d’une colonne , et elle communiquoit à un gros nuage fort épais, et poussépar un ou plusieurs vents violens , qui faisoient tourner rapi- dement la trombe, et produisoient des éclairs et des coups de tonnerre. Cette trombe ne dura que sept ou huit minutes, et vint se briser sur la base du côteau, qui est élevé de cinq ou six cents pieds*. Piusieurs voyageurs ont parlé des trombes de mer, mais personne ne les a si bien .ob- servées que M. de la Nux. Par exemple, ces voyageurs disent qu’il s'élève au-dessus de la mer une fumée noire, lorsqu'il se forme quel- ques trombes ;: nous pouvons assurer que cette apparence est trompeuse , et ne dépend . que de la situation de l’observateur ; s’il «est placé dans un lieu assez élevé pour que .le tourbillon qu’une trombe excite sur l’eau ne surpasse pas à ses yeux l'horizon sensible, il ne verra que de l'eau s’élever et retomber en * Note communiquée par M. de RE à M. de Buflon, le 6 août 1777. | DE LA TERRE. 145 pluie, sans aucun mélange de fumée , et on le reconnoitra avec la dernière évidence , si le soleil éclaire le lieu du phénomène. Les trombes dont nous venons de parler, n’ont rien de commun avec les bouillonne- mens.et,les fumées que les feux sous-marins excitent quelquefois, et dont nous avons fait mention ailleurs; ces trombes ne renferment ni n’excitent aucune fumée. Elles sont assez rares par-tout : seulement les lieux de la mer où l’on en voit le plus souvent , sont les plages des climats chauds, et en même temps celles où les calmes sont ordinaires et où les vents sont le plus inconstans ; elles sont peut-être aussi plus fréquentes près lesiles et vers les côtes que dans la pleine mer. \ Mat. gén. 111. 13 | d vel pb : : L 7 PRE DM | | YAi3 Hatoz : DELAT | THÉORIE DE ELA TERRE. GS RUE el CEE Des volcans et des tremblemens de terre. 4 . 2 as he | L> s montagnes ardentes qu’on appelle 07» cans , renferment dans leur sein le soufre , lebitume et les matières qui servent d’aliment à un feu souterrain , dont l'effet , plus violent ‘que celui de la poudre ou du tonnerre , a de tout temps étonné , effrayé les hommes , et désolé la terre. Un volcan est un canon d'un volume immense, dont l’ouverture a souvent plus d’une demi-lieue : cette large bouche à feu vémit des torrens de fumée et de flammes, _ des fleuves de bitume , de soufre et de métal THÉORIE DE LA TERRE. 1:47 fondu , des nuées de cendres et de pierres, et quelquefois elle lance à plusieurs lieues de distance des masses de rochers énormes , et que toutes les forces humaines réunies ne pourroient pas mettre en mouvement. L'em brasement est si terrible , et la quantité des matières ardentes , fondues , calcinées, vitri— fées, que la montagne rejette, est si abon- dante, qu’elles enterrent les villes, les forêts, couvrent les campagnes de cent et de deux gents pieds d'épaisseur, et forment quelque- fois des collines et des montagnes qui ne sont que des monceaux de ces matières entassées. L'action de ce feu est si grande , la force de l’explosionest si violente, qu’elle produit par sa réaction des secousses assez fortes pour ébranler et faire trembler la terre, ägiter la mer , renverser les montagnes , détruire les villes et les édifices les plus solides , à des distances même très-considérables, Ceseffets, quoique naturels ,ontétéregardés : comme des prodiges; et quoiqu’on voie en petit des effets du feu assez semblables à ceux des volcans, le grand, de quelque nature qu’il soit, a si fort le droit de nous étonner, que je ne suis pas surpris que quelques auteurs 148 THÉORIE. à | aient pris ces montagnes pouriles baies d’un feu central, et le peuple pour les bou- ches de l'enfer. L’étonunement produit la crainte , et la crainte fait naître la supersti— tion : les habitans de l’ile d'Islande croient que les mugissemens de leur volcan sont les cris des damnés , et que leurs éruptions sont les effets de la fureur et du désespoir de ces malheureux. Tout cela n’est cependant que du bruit; du feu et de la fumée : il se trouve dans une montaone des veines de soufre, de bitume et d'autres matières inflammables ; il s’y trouve en même temps des minéraux , des pyrites, qui peuvent fermenter, et qui fermentent en effet toutes les fois qu’elles sont exposées à l'air ou à l'humidité : il s’en trouve ensem- ble une très-srande quantité ; le feu s’y met et cause une explosion proportionnée à la quantité des matières enflammées , et dont _ les effets sont aussi plus ou moins grands dans la même proportion : voilà ce que c’est qu'un volcan pour un physicien , et il lui est facile d’imiter l’action de ces feux souterrains, em mêlant ensemble une certaine quantité de soufre et de limaille de fer qu'on enterre à DE LA TERRE. 149 une certaine profondeur , et de faire ainsi un petit volcan dont les effets sont les mêmes, proportion gardée, que ceux des grands; car il s’enflamme par la seule fermentation , 1 jette la terre et les pierres dont 1l est couvert, et il fait de la fumée, de la flamme et des explosions. NE Il y a en Europe trois fameux volcans, le mont Etna en Sicile , le mont Hécla en Islande, et le mont Vésuve en Italie près de Naples. Le mont Etna brûle depuis un temps immémo- rial; ses éruptions sont très-violentes, et les matières qu’il rejette si abondantes , qu’on peut y creuser jusqu'à soixante-huit pieds de profondeur , où l’on a trouvé des pavés de marbre et des vestiges d'une ancienne ville qui a été couverte et enterrée sous cette épais- seur de terre rejetée , de la même façon que la ville d'Héraclée a été couverte par les matiè- res rejetées du Vésuve. IL s’est formé de nou- velles bouches de feu dans l'Etna en 1650, 1669 et en d’autres temps. On voit les flam- mes et les fumées de ce volcan depuis Malte, qui en est à soixante lieues : il s’en élève continuellement de la fumée , et il y a des temps où cette montagne ardente vomit avec : +3 x50 THÉORIE impétuosité des flammes et des matières de toute espèce. En 1557 il y eut une éruption de ce volcan qui causa un: tremblement de terre dans toute la Sicile pendant douzejours, et qui renversa un très-grand nombre de maisons et d'édifices ; il me cessa que par l'ouverture d’une nouvelle bouche à feu qui brûla tout à cinq lieues aux environs de la imoutagne ; les cendres rejetées par le volcan étoient si abondantes et lancées avec tant de force, qu’elles furent portées jusqu’en Italie, _et des vaisseaux qui étoient éloignés de la Sicile en furent incommodés. Fazelli décrit fort au long les embrasemens de cette mon— tagre , dont il dit que le pied a cent lieues de circuit. Ce volcan a maintenant deux bouches prin- cipales : l’une est plus étroite que l’autre. Ces deux ouvertures fument toujours , mais on n’y voit jamais de feu que dans le temps des éruptions : on prétend qu'on a trouvé des pierres qu’il a lancées jusqu’à soixante mille pas. | En 1683 il arriva un terrible tremblement en Sicile, causé par une violente éruption de ce volcan ; il détruisit entiérement la ville \ DÉ LA TERRE. 15t de Catanea, et fit périr plus de soixante mille personnes dans cette ville seule, sans compter ceux qui périrent dans les autres villes et villages voisins. L'Hécla lance ses feux à travers les glaces et les neiges d’une terre gelée ; ses éruptions sont cependant aussi violentes que celles de l’Etna et des autres volcans des pays méridio- naux. Il jetie beaucoup de cendres , des Pier- res ponces , et quelquefois , dit-on, de l’eau bouillante ; on ne peut pas habiter à six lieues de distance de ce volcan ; et toute l’île d’Is- lande est fort abondante en soufre. On peut voir l’histoire des violentes éruptions de l'Hé- ela dans Dithmar Bleffken. | Le mont Vésuve , à ce que disent les his- toriens,n'a pas toujours brûle , étiln’a com- mencé que du temps du septième consulat de Tite Vespasien et de Flavius Domitien : le sommet s'étant ouvert , ce volcan rejeta d’a- bord des pierres et des rochers, et ensuite du feu et des flammes en si grande abondance , qu’elles brülèrent deux villes voisines, et des fumées si épaisses, qu’elles obscurcissoient la lumière du soleil. Pline, voulant considérer cet incendie de trop près, fut étouffé par la | | St Sr: PANNES 55 : ‘THÉORERA "1e fumée *. Dion Cassius rapporte que cette - éruption du Vésuve fut si violente , qu'il jeta des cendres et des fumées sulfureuses en si . grande quantité et avec tant de force, qu’elles furent portées'jusqu’à Rome, et mêmeau-delà de la mer Méditerranée en Afrique et en Égypte. L'une des deux villes qui furent couvertes des matières rejetées parce-premier incendie du Veésuve , est celle d’'Héraclée, qu'on a retrouvée dans ces derniers temps à plus de soixante pieds de profondeur sous ces matières, dont la surface étoit devenue, parla succession du temps, une terre labourable et cultivée. La relation de la découverte d'Héra- clée est entre les mains de tout le monde : il séroit seulement à desirer que quelqu'un : versé dans l’histoire naturelle et la physique, prit la peine d'examiner les différentes ma- _tières qui composent cette épaisseur de ter- rain de soixante pieds ; qu’il fit en même temps attention à la disposition et à la situa- tion de ces mêmes matières, aux alterations qu'elles ont produites ou souffertes elles- mêmes, à la direction qu’elles ont suivie, à la dureté qu’elles ont acquise, etc. -* Voyez l’épitre de Pline le jeune à Tacite. ! DE LA TERRE. 153 . Il y a apparence que Naples est situé sur un terrain creux et rempli de minéraux brü- lans, puisque le Vésuve et la Solfatare sem-— blent avoir des communications intérieures : car quand le Vésuve brûle , la Solfatare jette des flammes ; et lorsqu'il cesse, la Solfatare cesse aussi. La ville de Naples est à peu près à égale distance entre les deux. Une des dernières et des plus violentes éruptions du Vésuve, a été celle de l’année 1737 ; la montagne vomissoit par plusieurs bouches de gros torrens de matières métalli- ques fondues et ardentes, qui se répandoiïent dans la campagne et s’alloient jeter dans la mer. M. de Montealègre ; qui communiqua cette relation à l’académie des sciences, ob- serva avec horreur un de ces fleuves de feu, et vit que son coursétoit de six ou sept milles depuis sa source jusqu'à la mer, sa largeur de cinquante ou soixante pas, sa profondeur de vingt-cinq ou trente palmes, et, dans cer- tains fonds ou vallées, de cent vingt ; la matière qu’il rouloitétoit semblable à l’écume qui sort du fourneau d’une forge , etc. x, * Voyez l'Hist. de l'acad, année 1737, pages 7 et 3. re nf 154 (THÉORIE À La En Asie , sur-tout dans les îles de l'Océan 4 Médien , il y a un grand nonibré de voleans l'un des plus fameux est lé mont Albours auprés du mont Taurus à huit lieues de : Hérat : son sommet fume continuellement > à et 1l jette fréquemment des flammes et d’au- tres matières en si grande abondance , que toute la campagne aux environs est couverté de cendres. Dans l’île de Ternate il y a un volcan qui rejette beaucoup de matière sem- blable à la pierre ponce. Quelques voyageurs prétendent que ce volcan (+4 plus enflammé et plus furieux dans le temps des équinoxes que dans les autres saisons de l’année, parce qu'il règne alors de certains vents qui con tribuent à embraser la matière qui nourrit cé feu dépuis tant d'années *. L'ile de Ter- nate n’a quesept lieues de tour, et n’est qu’un sonimet de montagne ; on monte toujours depuis le rivage jusqu’au milieu de l'ile; où le volcan s'élève à une hauteur très-consi- dérable et à laquelle il est très-difficile de parvenir. Il coule plusieurs ruisseaux d'eau * Voyez les Foyages HN AE 3 tome J, page 21, 2) | DE LA TERRE. , 155 douce qui descendent sur la croupe de cette même montagne; et lorsque l'air est calme et que la saison est douce ,ce gouffre embrasé est dans une moindre agitation que quand il fait de grands vents et des orages *. Ceci con firme ce que j’ai dit dans le discours précé- dent, et semble prouver évidemment que le feu qui consume les volcans , ne vient pas de la profondeur de la montagne, mais du som- met , ou du. moins d’une profondeur: assez petite, et,.que le foyer de l’embrasement n’est pas éloigné lu sommet du volcan ; car si cela n ’étoit pas ainsi , les grands vents ne pourroient pas contribuer à leur embra- sement. Îl y a quelques autres volcans dans les Moluques. Dans l’une des îles Maurices, à, soixante-dix lieues des Moluques , :il:y à un volcan dont les effets sont aussi violens que ceux dela-montagne de Fernate. L'ile de Sorca , l’une des Moluques, étoit autrefois habitée ; il y avoit au milieu de cette île ur volcan ; quiétoit une montagne très-élevée. En 1693 ce volcan vomit du bitume et des matières enflammées en si grande quantité, * Voyez le F'oyage de Schouten. 156 THÉORIE | %.4 qu’il se forma un lac ardent qui s'étendit pe 1" à peu , et toute l’île fut äbiméeet disparut *. | Au Japon il y a aussi plusieurs volcans | et dans les îles voisines du Japon les navigateurs ont remarqué plusieurs montagnes dont les sommets jettent des flamimes pendant la nuit et de la fumée pendant le jour. Aux îles Phi- lippines il y a aussi plusiétrs montagnes ardentes. Un des plus fameux volcans des îles de l'Océan Indien , et en 1nême temps un.des plus nouveaux , est celui qui est près de la ville de Panarucan dans l’île de Java : il s’est ouvert en 1586 , on n’avoit pas meé- moire qu’il eût brûlé auparavant ; et à la première éruption il poussa une énorme quantité de soufre , de bitume et de pierres. La même année le mont Gounapi dans l’île de Banda , qui brloït seulement depuis dix£ sept ans, s’ouvrit et vomit avec un bruit affreux des rochers 'et des matières de toute espèce. IL:y a encore quelques autres volcans dans les Indes , comme à Sumatra et dans le nord de l’Asie au-delà du fleuve Jénisca et de la rivière de Pésida : mais ces deux derniers volcans ne sont pas bien reconnus. * Voyez Phil. Trans. abr. vol, IX, p. 39r. | DE LA TERRE. 157 … En Afrique il y a une montagne, ou plutôt une caverne appelée Beniguazeval, auprès de Fez,quijette toujours de la fumée, et quelque- fois des flammes. L'une des iles du cap Verd, appelée l’ile de Fuogue, n’est qu’une ei montagne qui brûle continuellement : ce volcan rejette , comme les autres, beaucoup _de cendres et de pierres; et les Portugais, qui ont plusieurs fois tenté de faire des habita- tions dans cette ile, ont été contraints d’aban: donner leur projet par la crainte des effets du volcan. Aux Canaries le pic de Ténériffe, autrement appelé la montagne de Teide, qui passe pour être l’une des plus hautes mon- tagnes de la terre, jette du feu , des cendres et de grosses pierres : du sommet coulent des ruisseaux de soufre fondu du côté du sud à traversles neiges ; cesoufre se Un et forme des veines dans la neige, qu’on peut distinguer de fort loin. | En Amérique il y a un RE nombre de volcans , et sur-tout dans les montagnes du Pérou et du Méxique : celui d'Aréquipa est un des plus fameux ; il cause souvent des ivemblemens de terre plus communs dans le Pérou que dans aucun autre pays du monde. 14 158 : THÉ RI SORT at Le volcan de Carrapa et celui de Mélaballo sont, àu rapport des voyageurs , les plus considérables après celui PARA mais il y en a beaucoup d’autres dont on n° a pas une connoissance exacte. M. Bouguer , dans la relation qu'il a donnée de son voyage au Perou , dans le volume des Mémoires de l'académie de V'année 1744 ; fait mention de deux volcans , l’un appelé Cotopaxi , et l’autre Pichincha ; le premier est à quelque distance etd’autre est très- voisin de la ville de Quito: ila même été témoin d’un incendie” de Cotopaxi en uyée, etide l'ouvérture qui se fit dans cette montagne d’une nouvelle bouche à feu ; cétté éruption:ne fit cependant d'autre mal que celui: de fondre. les neiges de la montagne et de produire ainsi des tor- rens d’eau si abondans,-qu’en moins de trois heures ils inondèrent un ‘pays de dix-huit lieues d’eétendue, et renversèrent tout ce qui se trouva sur leur passage. Au Mexique ily a plusieurs volcans dont les plus considérables sont Popochampèche:et Popocatepec : ce fut auprès de ce dernier vol= can que Cortez passa pour aller au Mexique, et il y'eut des Espagnols qui montèrent jus- s LA # ° D DUR LA. CTERUE EE, 159 qu'au sommet, où ils virent la bouche du volcan qui a environ une demi-lieue de tour: On trouve aussi de ces montagnes de soufre à la Guadeloupe , à Tercère et dans les autres îles des Açores ; et si on vouloit mettre au nombre des volcans toutes les montagnes qui fument ou desquelles il s'élève même des flammes , on pourroit en compter plus de soixante : mais nous n'avons parlé que de ces volcans redoutables auprès desquels on n’ose habiter , et qui rejettent des pierres et des matières minérales à une grande dis-. tance. US Css volcans, qui sont en si grand nombre dans les Cordilliéres, causent , comme je l'ai dit , des tremblemens de terre presque conti- nuels, ce qui empêche qu'on n’y bâtisse avec de la pierre au-dessus du premier étage ; et, pour ne pas risquer d’être écrasés ; les habi- tans de ces parties du Pérou ne construisent les étages supérieurs de leurs maisons qu'avec des roseaux et du bois léger. IL y a aussi dans ces montagnes plusieurs précipicesétde larges ouvertures dont les parois sont noires et brü- lées, comme dans le précipice du mont Ara- rath en Arménie, qu'on appelle ? Æbime; ces buts © [ERA sd LA v, +, 4 Er L\C?A 160 THÉORIE NA abimes sont ste bouches des abus Te L qui se sont éleints. “FRE Yi 7 Il y a eu dernièrement un 1 tremblement de terre à Lima dont les effets ont été ter- ribles ; la ville de Lima et le port de Callao ont eté presque entièrement abimés , maïs le mal a encore été plus considérable au Callao. La mer a couvert de ses eaux tous les édi- fices , et par conséquent noyé tous les habi- tans ; 1l n’est resté qu’une tour. De vingt-: cinq vaisseaux qu il y avoit dans ce port, il y en a eu quatre qui ont été portés à une lieue dans les terres, et le reste a été englouti par la mer. À Lima, qui est une très-grande ville, il n’est resté que vingt-sept maisons sur pied ; il y a eu un grand nombre de per- sonunes qui ont été écrasées , sur-tout des moines et des religieuses , parce que leurs édifices sont plus exhaussés, et qu'ils sont construits de matières plus solides que les autres maisons. Ce malheur est arrivé dans le mois d'octobre 1746 pendant la nuit : la secousse a duré quinze minutes. Il y avoit autrefois près du port de Pisco au Pérou une ville célèbre située sur le rivage de la mer : mais elle fut presque entièrement DE LA TERRE. 16 zuinée et désolée par le tremblement de terre qui arriva le 19octobre 1682; car lamer,ayant quitte ses bornes ordinaires , engloutit cette ville malheureuse, qu’on a tâché de rétablirun peu plusloin à un bon quartdelieue dela mer. Si l’on consulte les historiens et les voya- geurs , on y trouvera des relations de plu- sieurs tremblemens de terre et d’éruptions de volcans , dont les effets ont été aussi ter- ribles que ceux que nous venons de rapporter. Posidonius , cité par Strabon dans son pre- imier livre , rapporte qu’il y avoit une ville en Phénicie située auprès de Sidon, qui fut engloutie par un tremblement de terre , et avec elle lé territoire voisin et les deux tiers mème de la ville de Sidon , et que cet effet ne se fit pas subitement , de sorte qu’il donna le temps à la plupart des habitans de fuir ; que ce tremblement s’étendit presque par toute la Syrie et jusqu'aux iles Cyclades, et en Eubée , où les fontaines d’Aréthuse tarirènt : tout-à-coup et ne reparurent que plusieurs jours après par de nouvelles sources éloignées des anciennes ; et ce tremblement ne cessa pas d’agiter l'ile, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, jusqu’à ce que laterre = URIENOR ; w +62 THÉOR I E se fût ouverte dans la campagne déLiépante w et qu elle eût rejeté une grande. quantité de terre et de matières enflammées. Pliné, dans son premier livre , chap. 84 ; rapporte que sous le règne de Tibère il arriva un trem-— blement de terre qui renversa douze villes d'Asie ; et dans son second livre , chap. 85, il fait mention dans les termes suivans d’'um prodige causé par un tremblement de terre: . Factum est semel ( quod equidem in Etruscæ disciplinæ voluminibus inveni) ingens terra- run portentum, Lucio Marcio, Sex.Juliv coss. in agro Mutinensi. Namque montes duo inter se concurrerunt, crepitu maximo adsultantes, recedentesque , inter «eos flamm& fumoque in cœlum exeunte interdiu, spectante è via Ærnilia magné equitumRomanorum, fami- ‘liarumque et viatorum multitudine. Eo con- cursu villæ omnes elisæ ; animalia permulta, guæintràfuerant,exanimatasunt, etc. Saint- Augustin ( de Miraculs, lb. 17, cap.3), dit que par un très-grand tremblement de terre il y eut cent villes renversées dans la Libye. Du temps de Trajan la ville d'Antioche et une grande partie du pays adjacent furent abimés par un tremblement de terre; et du DE LA TERRE. 163 femps de Justinien, en 528, cette ville fut une seconde fois détruite par la même cause avec plus de quarante mille de ses habitans; et soixante ans après, du temps de saint Gré- goire, elle essuya un troisième tremblement avec perte de soixante mille de ses habitans. Du temps de Saladin, en 1182, la plupart des villes de Syrie et du royaume de Jérusa- lem furent détruites par la même cause. Dans la Pouille et dans la Calabre il est arrivé plus de tremblemens de terre qu’en aucune autre partie de l’Europe : du temps du pape Pie IT , toutes les églises et les palais de Naples furent renversés; il y eut près de trente mille personnes de tuées; et tous les habitans qui restèrent furent obligés de de- meurer sous des tentes jusqu’à ce qu’ils eus- sent rétabli leurs maisons. En 1629 il y eut des tremblemens de terre dans la Pouille, qui firent périr sept mille personnes ; et en 1638 la ville de Sainte-Euphémie fut engloutie, et il n’est resté en sa place qu’un lac de foré mauvaise odeur; Raguse et Smyrne furent aussi presque entièrement détruites. Il y eut en 1692 un tremblement de terre qui s’éten- dit en Angleterre, en Hollande, en Flandre, r64 THÉORIE | en Allemagne, en France, et qui se fit sen— tir principalement sur les côtes de la mer et auprès des grandes rivières; il ébranla au moins deux mille six cents lieues quarrées; il ne dura que deux minutes; le mouvement étoit plus considérable dans les montagnes que dans les vallées *. En 1688, le io de juillet, il y eut un tremblement de terre à Smyrne qui commença par un mouvement d’occident en orient. Le château fut renversé d'abord, ses quatre murs s'étant entr'ouverts et enfoncés de six pieds dans la mer. Ce chà- teau , qui étoit un isthme, est à présent une véritable île éloignée de la terre d'environ cent pas, dans l’endroit où la langue de terre a manque: les murs qui étoient du couchant au levant sont tombés ; ceux qui alloient du nord au sud sont restés sur pied. La ville, qui est à dix milles du château, fut renversée presque aussitôt; on vit en plusieurs endroits des ouvertures à la terre, on entendit divers bruits souterrains : il y eut de cette manière cing ou six secousses jusqu’à la nuit; la pre- _ mière dura environ une demi-minute : les LA * Voyez Ray’s Discourses, pag. 272. A4 AWELATERRE 165 vaisseaux qui étoient à la rade furent agités, le terrain de la ville a baissé de deux pieds; il n’est resté qu'environ le quart de la ville, et principalement les maisons qui étoient sur des rochers : on a compté quinze ou vingt mille personnes accablées par ce tremble- ment de terre !. En 1695, dans un tremble- ment de terre qui se fit sentir à Bologne en Italie, on remarqua, comme une chose particulière , que les eaux devinrent troubles un jour auparavant ?. «Il se fit un si grand tremblement de terre «à Tercère le 4 mai 1614, qu’il renversa en -& la ville d'Angra onze églises et neuf cha- « pelles sans les maisons particulières; et «en la ville de Praya il fut si effroyable, qu'il n’y demeura presque pas une maison « debout; et le 16 juin 1628 il y eut un si « horrible tremblement dans l’ile de Saint- « Michel, que proche de là la mer s'ouvrit « et fit sortir de son sein, en un lieu où il y «avoit plus de cent cinquante toises d’eau; « une île qui avoit plus d’une lieue et deinie “= ” € "ms Can) La) Le) * Voyez l'Hist. de l'acad. des scienc. année 1688, 2 Ibid, année 16096. { D SN 166 THÉ ORIE. FAR «de ions et plus de soixante toises sde es « IL s’en étoit fait un autre.en 1591 qui com « mença le 26 de juillet et dura dans Vile de « Saint-Michel jusqu'au 12 du mois suivant; « Tercère et Fayal furent agitées le lende— « main avec tant de violence , qu'elles parois- « Soient tourner : mais ces affreuses secousses «n’y recommencèrent que quatre fois, au «lieu qu'à Saint-Michel elles ne cessèrent _« point un moment pendant plus de quinze « jours; lesinsulaires, ayant abandonné leurs «maisons qui tomboient d’elles-mêmes à ne «leurs yeux, passèrent tout ce temps expo- « sés aux injures de l’air. Une ville entière «nommée Villa-Franca fut renversée jus- «qu'aux fondemens, et la plupart de ses « habitans écrasés sous les ruines. Dans plu- « sieurs endroits les plaines s’élevèrent en « collines , et dans d’autres quelques mon- « tagnes s’'applanirent ou changèrent de si- «tuation:; il sortit de la terre une source « d’eau vive qui coula pendant quatre jours, « et qui parut ensuite sécher tout d’un coup; « l'air et la mer, encore plus agités, retentis— * Voyez les 77 oyages de Méndelslo. DENLA TERRE. 167 «soient d'un bruit qu'on auroit pris pour le « mugissement de quantité de bêtes féroces ; « ru personnes mouroient d’ effroi; il «n’y eut point de vaisseaux dans les ports « même qui ne souffrissent des atteintes dan- « gereuses, et ceux qui étoient à l'ancre ou « à la voile à vingt lieues aux ‘environs des « îles ; furent encore plus maltraités. Les « tremblemens de terre sont fréquens aux « Açores; vingt ans auparavant il en étoit «arrivé un dans l'ile de Saint-Michel, qui «avoit renversé une montagne fort haute*. «IL s’en: fit un à Manille au mois de sep- « tembre! 1627 qui applanit une des deux « montagnes qu on appelle Carvallos, dans la « province de Cagayan. En 1645, la troisième « partie de la ville fut ruinée par un pareil ac- « cident, et trois cents personnes y périrent ; «l'année suivante elle en souffrit encore un «autre. Les vieux Indiens disent qu’ils étoient «autrefois plus terribles, et qu’à cause de « cela on ne bâtissoit les maisons que de bois, «ce que font aussi les Espagnols, depuis le « premier étage. * Voyez Hist. génér. des voyages, tomel, page 325. 168 1THÉORIET EU « La quantité des volcans qui se ti ) | « dans l’île, confirme ce qu'on a ditjusqu'à « présent, parce qu'en certains temps ils vo- « missent des flammes, ébranlent la”terre, «et font tous ces effets que Pline attribue à « ceux d'Italie, c'est-à-dire, de faire changer « de lit aux rivières et retirer les mers voi- « sines, de remplir de cendres tous les envi- «rons, et d'envoyer des ‘pierres fort loin « avec un bruit semblable à celui du canon.» « L'an 1646, la montagne de l’île de Ma- « chian se fendit avec des bruits et un'fracas « épouvantables, par un terrible tremble- « ment de terre, accident qui est fort ordi- « naire en ces pays-là : il sortit tant de feux «par cette fente, qu'ils consumérent plu- « siéurs négreries avec les babitans et tout «ce qui y étoit. On voyoit encore l’an 1685 « cette prodigieuse fente, et apparemmentelle « subsiste toujours; on la nommoit l’ornière « de Machian, parce qu’elle descendoit du «haut en bas de la montagne, comme um « chemin qui y auroit été creusé, mais qui * Voyez le 7 oyage de Gemelli Cärreri, page 1 29e DE LA TERRE. 16y «de loin ne paroissoit être qu’une oruiére*. » _ L'Histoire de l'académie fait mention, dans les termes suivans, des tremblemens de terre qui se sont faits en Italie en 1702 et 1703 : « Les tremblemens commencèrent en-Italie «au mois d'octobre 1702, et continuèrent « jusqu’ au mois de juillet 1703 : les pays qui «en ont le plus souffert, et qui sont aussi « ceux par où ils commencèrent, sont la ville « de Norcia avec ses dépendances dans l’État « ecclésiastique, et la province de l’Abruzze. « Ces pays sont contigus et situés au pied « de lApennin, du côté du midi. . « Souvent les tremblemens ont été accom- « pagnés de bruits épouvantables dans l'air, « et souvent aussi on a entendu ces bruits « sans qu’il y ait eu de tremblemens, le ciel « étant même fort serein. Le tremblement « du 2 février 1703, qui fut le plus violent « de tous, fut accompagné , du moins à «Rome, d'une grande sérénité du ciel et « d’un grand calme dans lair : il dura à « Rome une demi-minute, et à Aquila, capt« * Voyez VEist. de la conquête des Moluques tome IIT, page 318. Éd: 15 x 70 THÉORIE | HE «tale de l'Abruzze, trois heures. Il ruina « toute la ville d’Aquila, ensevelit cinq mille « personnes sous les ruines, et fit un grand « ravage dans les environs. | ud Coté nee les balanéément) de la « terre ont été du nord au sud, ou à peu « près; ce qui a été remarqué par le mouver « ment des lampes des églises. « Il s’est fait dans un champ deux ouver- « tures , d’où il est sorti avec violence uné « grande quantité de pierres qui Font entiè= & rement couvert et rendu’stérile; après les « pierres il s’élança de ces ouvertures deux « jets d’eau’ qui surpassoient beaucoup ‘en « haüteur les arbres de‘cette éampagne, qui « durérent un quart d’ heure , et inondèrent « jusqu'aux campagnes voisines. Cette eau est blanchâtre, semblable à de l’eau de sa- & von, et n’a aucun Soût. ? : « Une montagne qui ‘est près de Sigillo , « bourg éloigné d'Aquila de ‘vingt- “ae « milles, avoit sur son sommet une plaine asséz grande, environnée de rochers qui lui servoient comme de murailles. Depuis le & tremblement du 2 février, il s’est fait , à la « place de cette plaine, un gouffre de largeur À < Pa { Len DE LA:TERRE. 17E « inégale, dont le plus grand diamètre est « de vingt-cinq toises, et le moindre de vingt: « on n’a pu en trouver le fond, quoiqu’on ait « été jusqu’à trois cents toises. Dans le temps « que se fit cette ouverture, on en vit sortir « des flammes, et ensuite une très-grosse fu= «mée, qui dura trois jours avec quelques «interruptions. | « À Gênes, le premier et le 2 juillet 1703, «il y eut deux petits trémblemens; le der- «nier ne fut senti que par des gens qui tra- « vailloient sur le môle : en même temps la «mer dans le port s’abaissa de six pieds, en « sorte que les galères toucherent le fond , et «cette basse mer dura près d’un quart « d'heure. L « L'eau soufrée qui est dans le chemin de « Rome à Tivoli, s’est diminuée de deux « pieds et demi de hauteur, tant dans le bas- « sin que dans le fossé. En plusieurs endroits « de la plaine appelée Ze Testine, 1l y avoit « des sources et des ruisseaux d’eau qui for- « moient des marais impraticables ; tout s’est « séché. L’eau du lac appelé /’Æn/er a dimi- « nue aussi de trois pieds en hauteur : à la « place des anciennes sources qui ont tari, 4 \ L 172 THÉOR ei E | «en est sorti de nouvelles environ à une ; «licue des premières ; en sorte qu'il : ya « apparence que ce sont les mêmes EUR qui « ont changé de route !. » Le même tremblement de terre qui en 1538 forma le Monte di Berre auprès de Pouzzol, remplit en même temps: le Tac Lucrin de pierres, de terres et de cendres ; de sorte qu’actuellement ce lac est un terrain marécageux ?. # Il y à des tremblemens de terre qui se font sentir au loin dans la mer. M. Shaw rapporte qu'en 1724, étant à bord de /a Gazelle, vais- seau algérien de cinquante canons, on senti trois violentes secousses l’une après l’autre, comme si à chaque fois on avoit jeté d’un endroit fort élevé un poids de vingt ou trente tonneaux sur le lest : cela arriva dans un endroit de la Méditerranée où il y avoit plus de deux cents brasses d’eaa. Il rapporte aussi que d’autres avoient senti des tremblemens de terre bien plus considérables en d’autres endroits, et un entre autres à quarante lieues ouest de Lisbonne 5. 1 Page ro, année 1704. \ + Voyez Ray's Disobe page r2. 5 Voyez les Foyages de Shaw, vol. I, page 303 DE LA TERRE. 173 Schouten , en parlant d’un tremblement de terre qui se fit aux îles Moluques, dit que les montagnes furent ébranlées , et que les vaisseaux qui étoient à l’ancre sur trente et quarante brasses, se tourmentèrent comme s'ils se fussent donné des culées sur le rivage , sur des rochers ou sur des bancs. « L’expe- « rience, continue-t-il, nous apprend tous « les jours que la même chose arrive 'en pleine «mer où l’on ne trouve point de fond, et « que quand la terre tremble, les vaisseaux « viennent tout d'un coup à se tourmenter « jusque dans les endroits où la mer étoit « tranquille! ». Le Gentil, dans son Foyage autour du rronde, parle des tremblemens de terre dont il à été témoin , dans les termes suivans : «J'ai, dit-il, fait quelques remar- « ques sut ces tremblemens de terre. La pre- « mière est qu'une demi-heure avant que la « terre s'agite, tous les animaux paroissent « saisis de frayeur; les chevaux hennissent, « rompent leurs licous et fuient de l’écurie ; « les chiens aboient ; les oiseaux, épouyantés « et presque étourdis, entrent dans les mai- 4 * Voyez tome VI, page 103. 15 | ENT CT 174 e 0 0 PRE C0 « sons; les rats et les souris sector lletcrel) « trous, etc. La seconde est que Les vaisseaux « qui sont à l'ancre sont agités si violem— «ment, qu'il semble que toutes. les parties « dont 1ls sont composés vont se désumir; «les canons sautent sur leurs affüts , etles «mâts, par cette agitation, roimpent leurs « haubans : c’est ce que j'aurois eu dela «peine à croire, si plusieurs témoignages «unanimies ne men avoient convaincu. Je « conçois bién que le fond de la mer est une « continuation de la terre ; que si cette terre «est agitée, elle communique son agitation «aux eaux qu'elle porte : mais ce que je ne « conçois pas, c’est.ce mouvement irrégu— « lier du vaisseau, dont tous les membres.et « les parties prises séparément participent à « cette agitation, comme si tout le vaisseau « faisoit partie de la terre, et qu’il ne nageât « pas dans une matière fluide; son mouve- « ment. devroit être tout au plus semblable à « celui.qu'il éprouveroit dans une tempête. « D'ailleurs, dans l'occasion où je parle, la. « surface de la mer étoit unie , et ses flots « nétoient point élevés; toute l'agitatiow « étoit intérieure ; parce que le veut ne se | DE LA TERRE 117$ æiméla point au tremblement de terre. La « troisième remarque est que si la caverne « de la terre où le feu souterrain est ren- « fermé, va du septentrion au midi, et si la « ville est pareillement située dans sa lon- « oueur du septentrion au midi, toutes les « maisons sont renversées ; au lieu que si « cette veine ou caverne fait son effet en pre- « nant la ville par sa largeur, le tremblement « de terre fait moins de ravage, etc. ?» Il arrive que dans les pays sujets aux trem-' blemens de terre, lorsqu'il se fait un nou- veau volcan, les tremblemensde terre finissent et ne se font sentir que dans les éruptions vio- lentes du volean , comme on l’a observé dans l'ile Saint-Christophe ?. Ces énormes ravages produits par les trem- blemens de terre ont fait croire à quelques naturalistes que les montagnes et les inéga- lités de la surface du globe n’étoient que le résultat des effets de l’action des feux sou terrains, et que toutes les irrégularités que 1 Voyez le Nouveau Voyage autour du monde de M. le Gentil , tome Ï, page 172 et suiv. : 3 Voyez Phil. Trans. abr, vol, IX , page 392; Y°6 T HÉ ÉOR L E nous remarquons : sur la terre, devoient êtré attribuées à ces secousses violentes et aux bouleversemens qu’elles ont produits. C’est, par exemple, le sentiment de Ray; il croit que toutes les montagnes ont été formées par des tremblemens de terre ou par l’explosion des volcans, comme le mont di Cenere, l'ile nouvelle près de Santorin, etc. : mais il n'a pas pris garde que ces petites élévations formées par l’éruption d’un volcan ou par l'action d’un tremblement de terre, ne sont pas intérieurement composées de couches ho- rizontales, comme le sont toutes les autres montagnes ; car en fouillant dans le mont di Cenere on trouve les pierres calcinées, les cendres, les terres brülées , le mâchefer ; les pierres ponces, tous mêlés et confondus, comme dans un monceau de décombres. D'ailleurs, si les tremblemens de terre et les feux souterrains eussent produit les grandes montagnes de la terre, comme les Cordil- lières , le mont Taurus, les Alpes, etc. la force prodigteuse qui auroit élevé ces masses énormes, auroit en même temps détruit une grande partie de la surface du globe, et l’éf fet du tremblement auroit été d’une vio- . DE LA TERRE vr7y lence inconcevable, puisque les plus. fameux tremblemens de terre dont l’histoire fasse mention , n'ont pas eu assez de force pour élever des montagnes : par exemple, il y eut, du temps de Valentinien premier, un tremblement de terre qui se fit sentir dans tout le monde connu , comme le rapporte Ammien Marcellin * , et cependant il n'y eut aucune montagne élevee par ce grand tremblement. 2 Il est cependant vrai qu'en calculant on pourroit trouver qu’un tremblement de terre assez violent pour elever les plus hautes mon- tagnes , ne le seroit pas assez pour déplacer le reste du globe. Car supposons pour un instant que la chaîne des hautes montagnes qui traverse l’Amé-— rique méridionale depuis la pointe des terres Magellaniques jusqu'aux montagnes de la nouvelle + et au golfe de Darien , ait été élevée tout à la fois et produite par un tremblement de terre, et voyons par le calcul l'effet de cette explosion. Cette chaîne de montagnes a environ dix-sept cents lieues -* Lib. XXVE, cap. 14. se THÉORIE 4 de longueur , et, communément, quarante | lieues His largeur, y compris les Sierras , qui sont, des, montagnes moins élevées. que Les Andes ; la surface de ce terrain ,estidonc de soixante- huit mille lieues quarrées. Je sup- pose que l'épaisseur de la. matière déplacée par le tremblement est d’une liene , :c'est- à-dire, que la hautenr moyenne de ces mon- taones, prise du sommet jusqu'au pied, ou plutôt jusqu'aux cavernes qui, dans cette hy- pothèse, doivent les supporter, n’est que d'une _lieue; cequ’on m ’accordera facilement : alors je dis que la force de l’explosion ou du trem- blement de terre aura élevé à une lieue de hauteur une quantité de lerreëégaleà soixante- huit mille lieues cubiques; or, l’action étant égale à la réaction, cette explosion aura com- muniqué au reste du globe la même quantité de mouvement : mais le globe entier est de 12,310,523,807 lieues cubiques , dont ôtant 68,000, il reste 12,310,455,801 lieues cubiques, dont la quantité de mouvement aura été égale à celle de soixante-huit mille lieues cnbiques élevées à unelieue; d’où l’on voit que la force qui aura été assez grande pour déplacer soixante-huit mille lieues cubiques et les ; | | | i) DRE CONTOUR EU t79 “pousser à une lieue, n'aura pas 7. d'un pouce le reste du globe. db JL n’y auroit donc pas d'impossibilité abso- lue’à supposer que les moñtagnes ont été élevées par dés tremblemens de terre, si leur composition intérieure, aussi-bien que leur forme extérieure ; n'étoient pas évidemment l'ouvrage des eaux de la mer. L'intérieur est composé de couches régulières et parallèles , remplies de coquilles ; l'extérieur a unéfigure dont les angles sont par-tout correspondans : est-il croyable que cette composition uni- forme et cette forme réoulière aient été pro- duites par des secousses et des explosions subites ? (PAGES LIN : Mais comme cette opinion a prévalu chez quelques physiciens , et qu’il nous paroît que la nature et les éffets des tremblemens de terre ne sont pas bien entendus , nous croyons qu’il est necessaire de donner sur cela quel ques idées qui pourront servir à CÉRAPPOLE cette matière. La terre ayant subi de grands changemens à sa surface, on trouve, même à des profon- deurs considérables , des trous , des cavernes, des ruisseaux souterrains et des éndroits vides à 6 nd V Le 0 180 :: THÉORIE © | } <2l qui se communiquent quelquefois par des. fentes et des boyaux. Il y a de deux espèces | de cavernes. Les premières sont -celles qui | sont produites par l’action des feux souter- rains et des volcans ; l’action du feu soulève, ébranle et jette au loin les matières supé— rieures , et'en même temps elle divise, fend et dérange celles qui sont à côté, et produit ainsi des cavernes, des grottes , des trous ef des anfractuosités : mais cela ne se trouve ordinairement qu'aux environs des hautes montagnes où sont les volcans, et ces espèces de cavernes produites par l’action du feu sont plus rares que les cavernes de la seconde espèce, qui sont produites par les eaux. Nous avons vuqueles différentes couches qui com- posent le globe terrestre à sa surface, sont toutes interrompues par des fentes perpen- diculaires dont uous expliquerons l’origine dans la suite ; les eaux des pluies et des va- peurs, en descendant par ces fentes perpen- diculaires , se rassemblent sur la glaise , et forment des sources et des ruisseaux; elles cherchent par leur mouvement naturel toutes les petites cavités et les petits vuides, et elles tendent toujours à couler et à s'ouvrir des | TURC DE LA TERRE. 18r routes , jusqu'à ce qu’elles trouvent une issue ; elles entrainent en mème temps les sables , les terres, Les : graviers et les autres matières qu'elles peuvent diviser, et peu à peu elles se font des chemins; elles forment dans l'intérieur de la terre des espèces de petites tranchées ou de canaux qui leur servent de lit ; elles sortent enfin, soit à la surface de la terre , soit dans la mer, en forme de fon- taines : les matières qu’elles entraînent, lais- sent des vides dont l'étendue peut ètre fort considérable , et ces vides forment des grottes et des cavernes dont l’origineest, commel’on voit, bien différente de celle des cavernes produites par les tremblemens de terre. Il y a deux espèces de tremblemens de terre : les uns causés par l’action des feux souterrains et par l’explosion des volcans, qui ne se font sentir qu'à de petites distances et dans les temps que les volcans agissent, où avant qu’ils s'ouvrent : lorsque les matières qui forment les feux souterrains , viennent à fermenter, à s’échauffer et à s’enflammer , le feu fait effort de tous côtés; et s’il ne trouve pas naturellement des issues , il soulève la terre et se fait un passage en la rejetant , ce Mat. gén, 111. 16 A Le Fr 20 LATE v, À M4 ME Fe "2h 12.4. 182 THÉORIE qui produit un volcan dont les effets se répée | tent et durent à proportion de la quantité des. matières inflammables. Si la quantité des matières qui s’enflamment est peu consi- dérable , il peut arriver un soulèvement et une commotion , un tremblement de terre, sans que pour cela il se forme un volcan : l'air produit et raréfié par le feu souterrain peutaussi trouver de petites issues par où àl s’échappera, et dans ce cas il n’y aura encore qu'un tremblement sans éruption et sans volcan ; mais lorsque la matière enflammée est en grande quantité, et qu'elle est resser- tée par des matières solides et compactes, alors il y a commotion et volcan : mais tou- tes ces commotions ne font que la première espèce des tremblemens de terre, et elles ne peuvent ébranler qu’un petit espace. Une éruption très-violente de l’Etna causera, par exemple, un tremblement de terre dans toute l'ile de Sicile ; mais il ne s’étendra jamais à des distances de trois ou quatre cents lieues. Lorsque dans le mont Vésuve 1l s’ést formé quelques nouvelles bouches à feu , il s’est fait en même temps des tremblemens de terre _à Naples et dans le voisinage du volcan : DE LA TERRE. 183 mais ces tremblemens n’ont jamais ébranlé les Alpes , et ne se sont pas communiqués en France ou aux autres pays éloignés du Vésuve. Ainsi les tremblemens de terre pro- duits par l’action des volcans sont bornés à un petit espace, c’est proprement l'effet de la reaction du feu : et ils ebranlent la terre, comme l'explosion d’un magasin à poudre produit une secousse et un tremblement sen- sible à plusieurs lieues de distance. Mais il y a une autre espèce de tremble- ment de terre bien différente pour les effets et peut-être pour les causes : ce sont les tremblemens qui se font sentir à de grandes distances, et qui ébranlent une longue suite de terrain sans qu'il paroisse aucun nouveau volcan ni aucune éruption. On a des exem- ples de tremblemens qui se sont fait sentir” en même temps en Se ‘en France, en Allemagne et jusqu’en Hongrie : ces trem- blemens s'étendent toujours beaucoup plus en longueur qu'en largeur ; ils ébranlentune bande ou une zone de terrain avec plus ou moins de violence en différens endroits , et ils sont presque toujours accompagnés d’un bruit sourd, sembiable à celui d’une grosse Yoiture qui rouleroit avec rapidité. j\ DCE l'agy LINE THÉORIE Le © Pour bien entendre quelles peuvent êtré | les causes de cette espèce de tremblement, il faut se souvenir que toutes les matièresinflam- mables et capables d’explosion produisent, « comme la poudre, par l’inflammation, une grande quantité d'air: que cetair produit par le feu est dans l’état d’une très-grande raré- faction, et que par l’état de compression où 1l se trouve dans le sein de la terre, il doit produire des effets très-violens. Supposons donc qu’à une profondeur très-considérable , comme à cent ou deux cents toises , il sé trouve des pyrites et d’autres matières sulfu- reuses , et que par la fermentation produite par la filtration des eaux ou par d’autres causes elles viennentàs’enflammer, et voyons ce qui doit arriver : d’abord ces matières ne ,sont pas disposées régulièrement par couches horizontales , comme le sont les matières anciennes qui ont été formées par lesédiment des eaux ; elles sont au contraire dans les fentes perpendiculaires, dans les cavernes au pied de ces fentes, et dans les autres endroits où les eaux peuvent agir et pénétrer. Ces ma- tières, venant à s’enflammer, produiront une grande quantité d’air , dont Le ressort com 184 DE LA TERRE. 185 primé dans un petit espace comme celui d'une caverne , non seulement ébranlera le terrain supérieur , mais cherchera des routes pour s'échapper et se mettre en liberté. Les routes qui se présentent, sont les cavernes et les tranchées formées par les eaux et par les ruisseaux souterrains; l’air raréfié se précipi- tera avec violeuce dans tous ces passages qui lui sont ouverts, et il formera un vent furieux dans ces routes souterraines, dont le bruit se fera entendre à la surface de la terre, et en accompagnera l’ébranlement et les secousses ; ce vent souterrain produit parle feu s’étendra tout aussi loin que les cavités ou tranchées souterraines, et causera un tremblement plus ou moins grand à mesure quil s'éloignera du foyer, et qu'il trouvera des passages plus ou moins étroits ; ce mouvement se faisant en longueur, l’ébranlement se fera de même, et le tremblement se fera sentir dans une longue zone de terrain ; cet air ne produira aucune éruption , aucun volcan , parce qu’il aura trouvé assez d'espace pour s'étendre, ou bien parce qu'il aura trouvé des issues, et qu'il sera sorti en forme de vent et de vapeur; et quand même on ne voudroit pas convenir 16 | | | AVAST 186 THÉDORTMEIN de qu'il existe en effet des routes souterraines | par lesquelles cet air et ces vapeurs souter- raines peuvent passer ; on conçoit bienque, daus le lieu mème oùse fait la première ex- plosion , le terrain étantsoulevé à une hauteur considérable , il est nécessaire que celui qui avoisine ce lieu se divise et se fende horizon— talement pour suivre le mouvement du pre- mier , ce qui suffit pour faire des routes qui de proche en proche peuvent communiquer le mouvement à une très-grande distance. Cette explication s'accorde avec tous les phé- nomènes. Ce n'est pas dans le même instant ni à la même heure qu'un tremblement de terre se fait sentir en deux endroïts distans parexemple, de cent ou de deux cents lieues ; il n’y a point de feu ni d’éruptiou au dehors par ces tremblemens qui s'étendent au loin, et le bruit qui les accompagne presque tou- jours, marque le mouvement progressif de ce vent souterrain. On peut encore confirmer ce que nous venons de dire , en le liant avec * d'autres faits : on sait que les mines exhalent des vapeurs ; indépendamment des vents pro- duits par le courant des eaux, on y remarque souvent des courans d'un air mal-sain et de DE LA TERRE. 187 vapeurs suffocantes : on sait aussi qu'il y a sur la terre des trous , des abimes , des lacs profonds qui produisent des vents, comime le lac de Boleslaw en Bohème, dont nous avons parle. Tout ceci bien entendu, je ne vois pas trop comment on peut croire que les tremblemens de terre ont pu produire des montagnes, puisque la cause même de ces tremblemens sont des matières minérales et sulfureuses quine se trouvent ordinairement que dans les fentes perpendiculaires des montagnes et dans les autres cavités de la terre , dont le plus grand nombre a été produit par les eaux ; que ces'matiéres en s’enflammant ne produi- sent qu'une explosion momentanée et des vents violens qui suivent les routes souter- raines des eaux; que laduréedes tremblemens n'est en effet que momentanée à la surface dé la terre, et que par conséquent leur cause n'est qu'une explosion et non pas un incendie durable ; et qu'enfin ces tremblemens qus ébranlent un grand espace, et qui s'étendent à des distances très-considérables , bien loin d'élever des chaines de montagnes, ne soule- vent pas la terre d’une quantité sensible , et 188 THÉORIE. ne produisent pas la plus petite colline dans | toute la longueur de leur cours. Les tremblemens de terre sont, à lavérité, bien plus fréquens dans les endroits où sont les volcans qu'ailleurs , comme en Sicile et à Naples : on sait par les observations faites en différens temps, que les plus violens trem- blemens de terre arrivent dans le temps des grandes éruptions des volcans ; mais ces trem— blemens ne sont pas ceux qui s'étendent le plusloin ,etils ne pourroient jamais produire une chaîne de montagnes. On a quelquefois observé que les matières rejetées de l’Etna, après avoir été refroidies pendant plusieurs années, et ensuite humec- tées par l’eau des pluies, se sont rallumées et ont jeté des flammes avec une explosion assez violente , qui produisoit même une espèce de petit tremblement. En 1669, dans une furieuse éruption de VEtna, qui commença le 11 mars, le sommet de la montagne baissa considérablement , comme tous ceux qui avoient vu cette mon- tagneavant cette éruption s’en apperçurent*; * Voyez Transact. philosoph. abr. vol. If, page 387. | | ’ \ » DE LA TERRE. 189 ce qui prouve que le feu du volcan vient plu- tôt du sommet que de la profondeur iuté- rieure de la montagne. Borelli est du mème sentiment, et il dit précisément « que le feu « des volcans ne vient pas du centre ni du « pied de la montagne, mais qu’au contraire « il sort du sommet et ne s'allume qu’à une « très-petite profondeur *. » Le mont Vésuve a souvent rejeté, dans ses éruptions , une grande quantité d’eau bouil- lante : M. Ray, dont le sentiment est que le feu des volcans vient d’une très - srande profondeur, dit que c’est de l’eau de la mer qui communiqueaux cavernes intérieures du pied de cette montagne; il en donne pour preuve la sécheresse et l’aridité du sommet du Vésuve, et le mouvement de la mer, qui, dans le temps de ces violentes éruptions, s’é- loigne des côtes, et diminue au point d’avoir laissé quelquefois à sec le port de Naples. Mais quand ces faits seroient bien certains, ils ne prouveroient pas d’une manière solide que le feu des volcans vient d’une grande profon- deur ; car l’eau qu'ils rejettent est certaine- * Voyez Borelli, de Incendiis montis Etnæ. r90 THÉORIE A ment l’eau des pluies qui pénètre par les Ÿ fentes, et qui se ramasse dans les cavités de la montagne : on voit découler des eaux vives et des ruisseaux du sommet des volcans, comme il en découle des autres montagnes élevées ; etcommre elles sont creuses et qu'elles ont été plus ébranlées que les autres mon- tagues , il n’est pas étonnant que les eaux se ramassent dans les cavernes qu’elles con- tiennent dans leur intérieur, et que ces eaux soient rejetées dans le temps des éruptions avec les autres matières : à l'égard du mou- vement de la mer, 1l provient uniquement de la secousse communiquée aux eaux par l’ex- plosion; ce qui doit les faire affluer ou re- fluer , suivant les différentes circonstances. Les matières que rejettent les volcans, sortent le plus souvent sous la forme d’un torrent de minéraux fondus, qui inonde tous les environs de ces montagnes : ces fleuves de matières liquéfiées s'étendent même à des distances considérables ; et en se refroidissant, ces matières qui sont en fusion , forment des couches horizontales ou inclinées, qui pour la position sont semblables aux couches for- mées par les sédimens des eaux. Mais 1l est DE LA TERRE. ET: Fort aisé de distinguer ces couches produites, par l'expansion des matières rejetées des vol- cans, de celles qui ont pour origine les sédi- mens de la mer: 1°. parce que ces couches ne sont pas d’égale épaisseur par-tout; 20°. parce qu'ellesnecontiennent que des matières qu’on reconnoit évidemment avoir été calcinées, vitrifiées ou fondues; 39. parce qu’elles ne s'étendent pas à une grande distance. Comme il y a au Pérou un grand nombre de volcans, et que le pied de la plupart des montagnes des Cordillières est recouvert de ces matières rejetées par ces volcans, il n’est pas étonnant qu’on ne trouve pas de coquilles marines dans ces couches de terre; elles ont été calcinées e£ détruites par l’action du feu : mais je suis persuadé que si l’on creusoit dans la terre argilleuse qui, selon M. Bouguer, est la terre ordinaire de la vallée de Quito, on y trouve- roit des coquilles, comme l’on en trouve par- tout ailleurs; en supposant que cetle terre soit vraiment de l’argille , et qu'elle ne soit pas, comme celle qui est au pied des mon- tagnes, un terrain forme par les matières rejetées des volcans. | On a souvent demandé pourquoi les vol- TOUL UE AA N L'POR y) VE : AS 1% 192 THÉORIE cans se trouvent tous dans les hautes mon= 1 tagnes. Je crois avoir satisfait en partie à | cette question dans le discours précédent ; mais comme je ne suis pas entré dans un assez grand détail, j'ai cru que je ne devois pas finir cet article, sans développer davan- tage ce que j'ai dit sur ce sujet. Les pics ou les pointes des montagnes étoient autrefois recouvertes et environnées de sables et de terres que les eaux pluviales ont entrai- . nés dans les vallées ; il n'est resté que les ro- chers et les pierres qui formoient le noyau de la montagne. Ce noyau, se trouvant à décou- vert et déchausse jusqu'au pied, aura encore été dégradé par les injures de l'air; la gelée en aura détache de grosses et de petites parties qui auront roulé au bas ; en même temps elle aura fait fendre plusieurs rochers au sommet de la montagne; ceux qui forment la base de ce sommet se trouvant découverts, et n'étant plus appuyés par les terres qui les environ- noient, auront un peu cédé; et en s’écartant les uns des autres ils auront formé de petits intervalles : cet ébranlement de rochers infé- rieurs n’aura pu se faire sans communiquer aux rochers supérieurs un mouvement plus D E LATERRE - zx93 grand ; ils se seront fendus ou écartés les uns des autres. Il sesera donc formédans cenoyau de montagne une infinité de petites et de grandes fentes perpendiculaires, depuis le sommet jusqu'à la base des rochers inférieurs; les pluiesauront pénétré dans toutes ces fentes, et elles auront detache, dans l’intérieur de la montagne, toutes les parties minérales et toutes les autres matières qu’elles auront pu enlever ou dissoudre ; elles auront forme des pyrites, des soufres et d’autres matières com- bustibles ; et lorsque , par succession des temps, ces matières se seront accumulées en graude quantité, elles auront fermenté, et en s’enflammant elles auront produit les explosions et les autres effets des volcans. Peut-être aussi y avoit-il, dans l’intérieur de la montagne, des amas de ces matières mi- nérales déja formées, avant que les pluies pussent y pénétrer; dès qu'il se sera fait des ouvertures et des fentes qui auront donné passage à l’eau et à l’air, ces matières se se- ront enflammées et auront formé un vol- can. Aucun de ces mouvemens ne pouvant se faire dans les plaines, puisque tout est en repos, et que rien ne peut se déplacer, il n’est 17 194 THÉORIE DE LA TERRE. pas surprenant qu'il n’y ait aucun volcan dans les plaines, et qu’ils se trouvent tous en effet dans les hautes montagnes. { Lorsqu'on a ouvert des minières de char- bon de terre, que l’on trouve ordinairement . dans l’argille à une profondeur considérable, il est arrivé quelquefois que le feu s’est mis à ces matières; il y a même des mines de charbon en Écosse , en Flandre, etc. qui brûülent continuellement depuis plusieurs an: nées : la communication de l'air suflit pour produire cet effet. Mais ces feux qui se sont allumés dans ces mines, ne produisent que de légères explosions, et ils ne forment pas des volcans, parce que tout étant solide et plein dans ces endroits, le feu ne peut pas être excité, comme celui des volcans, dans lesquels il y a des cavités et des vides où l'air pénètre; ce qui doit nécessairement étendre l’embrasement, et peut augmenter l’action du feu au point où nous la voyons lorsqu'elle produit les terribles effets dont nous ayons parlé. PDT TT NOLN,S A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. é I. Sur les tremblemens de ferre. IL y à deux causes qui produisent les trem- blemens de terre : la première est l’affaisse- ment subit des cavités de la terre; et la seconde, encore plus fréquente et plus vio- lente que la prenne est l'action des feux souterrains. Lorsqu'une caverne s’affaisse dans le mi- lieu des continens ‘elle produit par sa chüûte une commotion qui s'étend à une plus ou moins grande distance, selon la quantité du mouvement donné par la chüûte de cette masse à la terre; et à moins que le volume n’en soit fort grand et ne tombe de très-haut, sa chûte ne produira pas une secousse assez vio- lente pour qu’elle se fasse ressentir à de grandes distances : l'effet en est borné aux 196 THÉORIE environs de la affaissée ; et si le mou- vement se propage plus loin, ce n’est que par de petits trémoussemens et de légères trépidations. Comme la plupart des montagnes primi- tives reposent sur des cavernes, parce que, dans le moment de la consolidation , ces éminences ne se sont formées que par des boursouflures, il s’est fait, et il se fait encore de nos jours, des affaissemens dans ces mon-— tagnes toutes les fois que les voûtes des ca vernes minées par les eaux on ébranlées par quelque tremblement, viennent à s’écrouler : une portion de la montagne s’affaisse en bloc, tantôt perpendiculairement , mais plus sou-— vent en s’inclinant beaucoup, et quelquefois même eu culbutant. On en a des exemples frappans dans plusieurs parties des Pyrénées, où les couches de la terre, jadis horizontales, | sont souvent inclinées de plus de 45 degrés ; ce qui démontre que la masse entière de chaque portion de montagne dont les bancs sont parallèles entre eux, a penché tout en bloc, et s’est assise, dans le moment de l’af- faissement, sur une base inclinée de 45 degrés: c'est Ja cause la plus générale de l’imclinaison DE LA TERRE. 197 des couches dans les montagnes. C’est par la même raison que l’on trouve souvent entre deux éminences voisines, des couches qui des- cendent de la première et remontent à la seconde , après avoir traversé le vallon. Ces couches sont horizontales , et gisent à la même hauteur dans les deux collines oppo- sées , entre lesquelles la caverne s’étant écrou- lée, la terre s’est affaissée, et le vallon s’est forme sans autre dérangement dans les cou- ches de la terre que le plus ou moins d’incli- naison , suivant la profondeur du vallon et la pente des deux côteaux correspondans. C’est-là le seul effet sensible de l’affaisse- ment des cavernes dans les montagnes et dans les autres parties des continens terrestres : mais toutes les fois que cet effet arrive dans le sein de la mer, où les affaissemens doivent être plus fréquens que sur la terre, puisque l'eau mine continuellement les voûtes dans tous les endroits où elles soutiennent le fond de la mer ,.alors ces affaissemens non seule- ment dérangent et font pencher les couches de la terre , mais ils produisent encore un autre effet sensible en faisant baisser leniveau des mers; sa hauteur s’est déja déprimée de 17 TU | AU ax Tr RENE - 198 THÉORIE : deux mille toises par ces affaissemenssucces- sifs depuis la première occupation deseaux; et comme toutes les cavernes sous-marines ne sont pas encore à beaucoup près entière= ment écroulees , il est plus que probable que l'espace des mers s’approfondissant de plus en plus, se rétrécira par la surface, et que par conséquent l'étendue de tous les conti-- nens terrestres continuera toujours d'aug— menter par la retraite et l’abaissement des eaux. Une seconde cause, plus puissante que la première, concourt avec elle pour produire le même effet; c’est la rupture et l’affaisse- ment des cavernes par l'effort des feux sous- marins. Il est certain qu’il ne se fait aucun mouvement , aucun affaissement dans le fond de la mer, que sa surface ne baisse; et si nous considérons en général les effets des feux souterrains, nous reconnoîtrons que , dès qu’il y a du feu, la commotion de la terre ne se borne point à de simples trepi- dations , mais que l'effort du feu soulève, entr'ouvre la mer et la terre par des secousses violentes et réitérées, qui non seulement rxenyersent et détruisent les terres voisines, . ! / | RRET PROTERR E, 19% mais encore ébranlent celles qui sont éloi- gnées , et ravagent ou bouleversent tout ce qui se trouve sur la route de leur direction. Ces tremblemens de terre, causés par les feux souterrains, précèdent ordinairement les éruptions des volcans et cessent avec elles, et quelquefois même au moment où ce feu renfermé s'ouvre un passage dans les flancs de la terre, et porte sa flamme dans les airs. Souvent aussi ces tremblemens épou- vantables continuent tant que les éruptions durent : ces deux effets sont intimement liés ensemble; et jamais il ne se fait une grande éruption dans un volcan, sans qu’elle ait été precédée ou du moins accompagnée d'un tremblement de terre, au lieu que très-sou- vent on ressent des secousses même assez violentes sans éruption de feu. Ces mouve- mens où le feu n’a point de part, pro- viennent non seulement de la première cause que nous avons indiquée, c’est-à-dire, de l’écroulement des cavernes, mais aussi de l’action des vents et des orages souterrains. On a nombre d'exemples de terres soulevées ou affaissées par la force de ces vents inté- xieurs. M. le chevalier Hamilton , homme Fi Je MR LD PQnT A! (] de 200 THÉORIE. aussi respectable par son caractère , qu'admi* rable par l’étendue de ses connoissances et de ses recherches en ce genre, m'a dit avoir vu entre Trente et Vérone, près du village de Roveredo, plusieurs monticules composés de grosses masses de pierres calcaires ; qui ont été évidemment soulevées par diverses explosions causées par des vents souterrains. Il n'y a pas le moindre indice de l’action du feu sur ces rochers ni sur leurs fragmens : tout le pays des deux côtés du grand chemin, dans une longueur de près d’une lieue, a été bouleversé de place en place par ces prodi- gieux efforts des vents souterrains. Les habi- tans disent que cela est arrivé tout-à-coup par l’effet d’un tremblement de terre. Mais la force du vent, quelque violent qu’on puisse le supposer , ne me paroît pas une cause suffisante pour produire d'aussi grands effets ; et quoiqu'il n’y ait aucune apparence de feu dans ces monticules soulevés par la commotion de la terre, je suis persuadé que ces soulèyemens se sont faits par des explo- sions électriques de la foudre souterraine, et que les vents intérieurs n’y ont contribué qu’en produisant ces orages électriques dans Mr gt Patent DE LA TERRE. 208 les cavités de la terre. Nous réduirons donc à trois causes tous les mouvemens convulsifs de la terre : la première et la plus simple est l’affaissement subit des cavernes ; la se-— conde , les orages et les coups de foudre sou- terraine; et la troisième, l’action et les efforts des feux allumés dans l’intérieur du globe. II me paroit qu'il est aisé de rapporter à l’une de ces trois causes tous les phénomènes qui accompagnent ou suivent les tremblemens de terre. Si les mouvemens de la terre produisent quelquefois des éminences, ils forment en- core plus souvent des gouffres. Le 15 octobre 1773, il s’est ouvert un gouffre sur le terri- toire du bourg Induno , dans les états de Modène, dont la cavité a plus de quatre cents brasses de largeur , sur deux cents de profon- deur. En 1726, dans la partie septentrionale de l'Islande , une montagne d’une hauteur considérable s’enfonça en une nuit par un tremblement de terre, et un lac très-profond prit sa place : dans la même nuit, à une lieue et demie de distance, un ancien lac, dont ow ignoroit la profondeur, fut entièrement des- séché, et son fond s’éleya de manière à for- 2020 THEORIE mer un monticule assez haut, que l'on voif : PAR \ Le, encore aujourd'hui. Dans les mers voisines de la nouvelle Bretagne , les tremblemens de terre, dit M. de Bougainville, ont de ter- ribles conséquences pour la navigation. Les 7 juin,12et 27 juillet 1768, il y en a eu trois à Boëéro, et le 22 de ce même mois un à la nouvelle Bretagne. Quelquefois ces tremble- mens anéantissent des iles et des bancs de sables connus; quelquefois aussi ils en créent où il n’y en avoit pas. Il y a des tremblemens de terre qui s’é- tendent très-loin, et toujours plus en lon- gueur qu'en largeur : l’un des plus considé- rables est celui qui se fit ressentir au Canada en 1663; il s’étendit sur plus de deux cents lieues de longueur et cent lieues de largeur, c'est-à-dire, sur plus de vingt mille heues superficielles. Les effets du dernier tremble- ment de terre du Portugal se sont fait de nos jours ressentir encore plus loin : M. le che- valier de Saint-Sauveur, commandant pour le roi à Merueis, a dit à M. de Gensanne qu’en se promenant à la rive gauche de la Jouante, en Languedoc, le ciel devint tout- à-coup fort noir, et qu'un moment après xl F DE LA TERR E. 203 apperçut au bas du côteau qui est à la rive droite de cette rivière, un globe de feu qui éclata d’une manière terrible. Il sortit de l'intérieur de la terre un tas de rochers con- sidérable, et toute cette chaine de montagnes se fendit depuis Merueis jusqu’à Florac, sur près de six lieues de longueur : cette fente a, dans certains endroits, plus de deux pieds de largeur , et elle est en partie comblée. Il y a d’autres tremblemens de terre qui semblent se faire sans secousses et sans grande émotion. Kolbe rapporte que, le 24 septembre 1707, depuis huit heures du matin jusqu'à dix heures, la mer monta sur la contrée du cap de Bonne-Espérance, et en descendit sept fois de suite, et avec une telle vitesse, que d’un. moment à l’autre la plage étoit alternative- ment couverte et découverte par les eaux. Je puis ajouter, au sujet des effets des tremblemens de terre et de l’eboulement des montagnes par l’affaissement des cavernes, quelques faits assez récens et qui sont bien constatés. En Norvège, un promontoire ap- pelé Hammers-fields tomba tout-à-coup en entier. Une montagne fort élevée, et presque . adjacente à celle de Chimboraco, l’une des 204 THÉORIE plus hautes des Cordillières, dans la province de Quito, s’écroula tout-à-coup. Le fait avec ses circonstances est rapporté dans les Mé- moires de MM. de la Condamine et Bouguer. | Il arrive souvent de pareils éboulemens et de grands affaissemens dans les îles des Indes méridionales. À Gamma-canore, où les Hol- landois ont un établissement , une haute montagne s’écroula tout-à-coup en 1673, par un temps calme et fort beau; ce qui fut suivi d’un tremblement de terre qui renversa les villages d’alentour, où plusieurs milliers de personnes périrent. Le 11 août 1772, dans l'ile de Java, province de Czeribou , l'une des plus riches possessions des Hollandois, une montagne d’environ trois lieues ‘de cir- conférence s’abima tout-à-coup, s’enfonçant | et se relevant alternativement comme les flots de la mer agitée : en même temps elle laissoit échapper une quantité prodigieuse de globes de feu qu'on appercevoit de très-loin, et qui jetoient une lumière aussi vive que celle du jour ; toutes les plantations et trente- neuf négreries ont été englouties, avec deux mille cent quarante habitans, sans compter les étrangers. Nous pourrions recueillir plu- DE LA TERRE. 205 sieurs autres exemples de l’affaissement des terres et de l’écroulement des montagnes par la rupture des cavernes, par les secousses des tremblemens de terre , et par l’action des volcans : mais nous en avons dit assez pour qu'on ne puisse contester les inductions et les conséquences générales que nous avons tirées de ces faits particuliers. I I. Des volcans. LEs anciens nous ont laissé quelques no- tices des volcans qui leur étoient connus, et particulièrement de l’Etna et du Vésuve. Plusieurs observateurs savans et curieux ont de nos jours examiné de plus près la forme et les effets de ces volcans : mais la première chose qui frappe en comparant ces descrip- tions , c'est qu'on doit renoncer à trans- mettre à la postérité la topographie exacte et constante de ces montagnes ardentes ; leur forme s’altère et change, pour ainsi dire, chaque jour ; leur surface s’élève ou s’abaisse en différeus endroits; chaque éruption pro- PRE 206 THÉORIE. duit de nouveaux gouffres ou des éminences nouvelles : s'attacher à décrire tous ces chan= semens, c’est vouloir Suivre et représenter les ruines d’un bâtiment incendié. Le Vésuve de Pline et l’Etna d'Empédocle présentoient une face et des aspects différens de ceux qui nous sont aujourd'hui si bien représentés par MM. Hamilton et Brydone; et, dans quelques siècles, ces descriptions récentes ne ressem— bleront plus à leur objet. Après la surface des mers, rien sur le globe n'est plus mobile et plus inconstant qué la surface des volcans : mais de cette inconstance même et de cette variation de mouvemens et de formes on peut tirer quelques conséquences générales en réunissant les observations particulières. IIL Æxemples des changemens arrivés dans les volcans. L'A bäse de l’'Etna peut avoir soixante lieues de circonférence, et sa hauteur per- pendiculaire est d'environ deux mille toises au-dessus du niveau de la mer Méditerranée. DE LAITERRE. 207 On peut donc regarder cette énorme mon- tagne comme un cône obtus, dont la super ficie n’a guère moins de trois cents lieues quarrées : cette superficie conique est parta— gée en quatre zones placées concentrique- ment les unes au-dessus des autres. La pre- mière et la plus large s’étend à plus de six lieues, toujours en montant doucement, de- puis le point le plus éloigne de la base de la montagne; et cette zone de six lieues de lar- geur est peuplée et cultivée presque par-tout. La ville de Catane et plusieurs villages se trouvent dans cette première enceinte, dont la superficie est de plus de deux cent vingt lieues quarrées. Tout le fond de ce vaste ter- rain n'est que de la lave ancienne et mo- derne, qui a coulé des différens endroits de la montagne où se sont faites les explosions des feux souterrains ; et la surface de cette lave, mêlée avec les cendres rejetées par ces différentes bouches à feu, s’est convertie en une bonne terre actuellementsemée de grains et plantée de vignobles, à l’exception de quelques endroïts où la lave, encore trop récente , ne fait que commencer à changer de nature, et présente quelques espaces dénués 208 THÉORIE déja plusieurs cratères ou coupes plus ou moins larges et profondes, d’où sont sor- ties les matières qui ont forme les terrains au-dessous. La seconde zone commence au-dessus de six lieues ( depuis le point le plus éloigné daus la circonférence de la montagne). Cette seconde zone a environ deux lieues de lar- geur en montant: la pente en est plus rapide par-tout que celle de la première zone; et _cette rapidité augmente à mesure qu’on s’é- lève et qu’on s’approche du sommet. Cette “seconde zone, de deux lieues de largeur, peut avoir en superficie quarante ou quarante- cinq lieues quarrées : de magnifiques forêts couvrent toute cette étendue, et semblent former un beau collier de verdure à la tête blanche et chenue de ce respectable mont. Le fond du terrain de ces belles forêts n’est " Le néanmoins que de la lave et des cendres con- . verties par le temps en terres excellentes; et ce qui est encore plus remarquable, c’est. l'inégalité de la surface de cette zone : elle ne présente par-tout que des collines, ou plutôt des montagnes, toutes produites par nf DE LA TERRE. 209 les différentes éruptions du sommet de l’Etna et des autres bouches à feu qui sont au-dessous de ce sommet, et dont plusieurs ont autre- fois agi dans cette zone, actuellement cou- verte de forêts. _ Avant d'arriver au sommet, et après avoir passé les belles forêts qui recouvrent la croupe de cette montagne, on traverse une troisième zone, où il ne croit que de petits végétaux. Cette région est couverte de neige en hiver, qui fond pendant l'été; mais en- suite on trouve la ligne de neige permanente qui marque le commencement de la qua- trième zone, et s'étend jusqu'au sommet de l'Etna. Ces neiges et ces glaces occupent en- viron deux lieues en hauteur, depuis la ré- gion des petits végétaux jusqu'au sommet, lequel est également couvert de neige et de glace : 11 est exactement d’une figure co- nique , et l’on voit dans son intérieur le grand cratère du volcan, duquel il sort con- tinuellement des tourbillons de fumée. L’in- ierieur de ce cratère est en forme de cône renversé, s’élevant également de tous côtés : il n’est composé que de cendres et d’autres matières brülées , sorties de la bouche du 18 30 THÉORIE : volcan, qui est au centre du cratère. L'ex= térieur de ce sommet est fort escarpé; la neige y est couverte de cendres, et il y fait un très-grand froid. Sur le côté septentrional de cette région de neige, il y a plusieurs petits lacs qui ne dégèlent jamais. En géné- ral, le terrain de cette dernière zone est assez égal et d’une même pente , excepté dans quelques endroits; et ce n’est qu’au-dessous de cette région de neige qu'il se trouve un grand nombre d'inégalités, d’éminences et de profondeurs produites par les éruptions, et que l’on voit les collines et les montagnes plus ou moins nouvellement formées, et composées de matières rejetées par ces diffé- rentes bouches à feu. | Le cratère du sommet de l’Etna , en 1770, avoit, selon M. Brydone, plus d'une lieue de circonference , et les auteurs anciens et modernes lui ont donne des dimensions très- différentes : néanmoins tous ces auteurs ont yaison, parce que toutes les dimensions de cette bouche à feu ont changé ; et tout ce que l’on doit inferer de la comparaison des différentes descriptions qu'on en a faites, c'est que le cratère, avec ses bords, s’est Se Bu 1 14 À 4 f Et "2 IDE LA TERRE 2r£ éboulé quatre fois depuis six ou sept cents ans. Les matériaux dont il est formé re- tombent dans les entrailles de la montagne à d'où ils sont ensuite rejetés par de nouvelles éruptions qui forment un autre cratère, lequel s’augmente et s'élève par degrés, jus- qu'à ce qu'il retombe de nouveau dans le même gouffre du volcan. Ce haut sommet'de la montagne n’est pas le seul endroit où le feu souterrain ait fait éruption; on voit , dans tout le terrain qui forme les flancs et la croupe de l’Etna , et jusqu'à de très-grandes distances du sommet, plusieurs autres cratères qui ont donné pas- sage au feu, et qui sont environnés de mor- ceaux de rochers qui en sont sortis dans diffé- rentes éruptions. On peut même compter plusieurs collines, toutes formées par l’érup- tion de ces petits volcans qui environnent le grand ; chacune de ces collines offre à son sommet une coupe ou cratère , au milieu duquel on voit la bouche ou plutôt le souffre profond de chacun de ces volcans particuliers. Chaque éruption de l’Etna a produit une nouvelle montagne; et peut-être , dit M°Bry- done , que leur nombre serviroit mieux que 212 THÉORIE | toute autre méthode à déterminer celui des éruptions de ce fameux volcan. | La ville de Catane , qui est au bas de la. « montagne , a souvent été ruinée par le tor- rent des laves qui sont sortis du pied de ces nouvelles montagnes , lorsqu'elles se sont formées. En montant de Catane à Nicolosi ;, on parcourt douze milles de chemin dans un terrain formé d'anciennes laves , et dans le- quel on voit des bouches de volcans éteints , qui sont à présent des terres couvertes de blé, de vignobles et de vergers. Les laves qui forment cette région proviennent de l’érup- tion de ces petites montagnes qui sont répan- dues par-tout sur les flancs de l’Etna ; elles sont toutes sans exception d’une figure régu- lière , soit hémisphérique , soit conique : chaque éruption crée ordinairement une de