HISTOIRE. PASURELLE | EE MATIÈRES GÉNÉRALES. LTOME QUATRIEME. NATURELLE” Par BUFFON, Sr DEDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, | MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. a] MATIERES GÉNÉRALES. TOME QUATRIEME V, à | 24207 ns #7 ANSON AN fnstj A ut, RICHMOND ce COLLECTION. À PARN ES 2 Ses À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPÉ ET p£ P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N°3, zt Frein DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116, AN VII. — 1500. - HISTOIRE NATURELLE PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE. XV LILI. De l'effet des pluies, des marécages, des bois souterrains, des eaux souterraines. Nov s avons dit que les pluies et les eaux courantes qu'elles produisent détachent con- tinuellement du sommet et de la croupe des Mat. gén. IV. 1 don THÉ O RTE TOP montagnes les sables, les terres, les gra viers, etc. et qu’elle les entraîne dans les plaines, d’où les rivières et les fleuves en charient une partie däns les plaines plus basses , et souvent jusqu’à la mer : les plaines se remplissent donc successivement et s’é- lèvent peu à peu, et les montagnes dimi- nuent tous les jours et s’âbaissent continuel- lement; et dans plusieurs endroits on s’est apperçu de cet abaissement. Joseph Blanca- nus rapporte sur cela des faits qui étoient de notoriété publique dans son temps, et qui prouvent que les montagnes s’étoient abais- sees au point que l’on voyoit des villages et des châteaux de plusieurs endroits d’où on ne pouvoit pas les voir autrefois: Dans la province de Darby en Anpgleterre, le clocher du village Craih m’étoit pas visible en 1572 depuis une certaine montagne, à cause de la hauteur d’une autre montagne interposée , laquelle s'étend en Hopton et Wirksworth, et quatre-vingts ou cent ans après on VOyoit ce clocher, et même une partie de l’église. Le docteur Plot donne un exemple pareil d’une montagne entre Sibbertoft et Ashby, dans la province de Northampton. Les eaux DE LA TERRE. 3 entraînent non seulement les parties les plus légères des montagnes, comme la terre, le sable, le gravier et les petites pierres, mais elles roulent même de très-gros rochers, ce qui en diminue considérablement la hauteur, En général, plus les montagnes sont hautes, et plus leur pente est roide , plus Les rochers sont coupés à pic. Les plus hautes montaynes du pays de Galles ont des rochers extrême- ment droits et fort nuds; on voit les copeaux de ces rochers (si on peut se servir de ce nom) en gros monceaux à leur pied : ce sont les gelées et les eaux qui les séparent et les entraînent. Ainsi ce ne sont pas seule- ment les montagnes de sable et de terre que les pluies rabaissent, mais, comme l’on voit, elles attaquent les rochers les plus durs , et en entraînent les fragmens jusque dans les vallées. Il arriva dans la vallée de Nantphran- con en 1685, qu'une partie d'un gros ro— cher qui ne portoit que sur une base étroite , ayant été minée par les eaux, tomba et se rompit en plusieurs morceaux avec plus d'un millier d’autres pierres , dont la plus grosse fit en descendant une tranchée consi= dérable jusque dans la plaine, où elle con= à THÉORIE : tinua à cheminer dans une petite präirie M et traversa une petite rivière , de l’autre côté de laquelle elle s'arrêta. C’est à de pareils accidens qu'on doit attribuer l’origine de: toutes les grosses pierres que l’on trouve ordinairement çà et là dans les vallées voi- _sines des montagnes: On doif se souveuir, à. l'occasion de cette observation , de ce que nous avons dit dans l’article précédent , Sa voir, qué ces rochers et ces grosses pierres dispersées sont bien plus communes dans les pays dont les montagnes sont .de sable et de grès , que dans ceux où elles sont de marbre et de glaise, parce que Le sable qui sert de base au rocher , est un fondement moins solide que la glaise. Pour donner une idée de la quantité de ter- res que les pluies détachent des montagnes , ét qu’elles entrainent dans les vallées , nous pouvons citer un fait rapporté parle docteur Plot : il dit, dans son Æistoire naturelle de Stafford , qu’on a trouvé dans la terre, à dix-huit pieds de profondeur , un grand nom- bre de pièces de monnoie abées du temps d'Édouard IV , c’est-à-dire ; deux cents ans auparavant, en sorte que ce terrain , qui est: 2 en KL. DELA TERRE. és marecageux , s’est augmenté d'environ un pied en onze ans, ou d'un pouce et un douzième par an. On peut encore faire une observation semblable sur des arbres enterrés. à dix-sept pieds de profondeur , au-dessous desquels on a trouvé des médailles de Jule César. Ainsi les terres amenées du dessus des montagnes dans les plaines par les eaux cou- rantes , ne laissent pas d'augmenter très- considérablement l'élévation du terrain des plaines. + Ces graviers, ces sables et ces terres que les eaux détachent des montagnes , et qu’elles entraînent dans des plaines, y forment des couches qu'il ne faut pas confondre avec les: couches anciennes et originaires de la terre. On doit mettredans la classe de ces nouvelles couches celles de tuf, de pierre molle , de gravier et de sable dont les grains sont lavés et arrondis; on doit y rapporter aussi les cou- ches depierres qui sesont faites par une espèce de dépôt et d’incrustation : toutes ces couches ne doivent pas leur origine au mouvement et aux sédimens des eaux de la mer. On trouve dans ces tufs et dans ces pierres molles et imparfaites une infinité de végétaux , de 3 | 6 TTC ORAN < feuilles d'arbres , de coquilles terrestres of luviatiles, de petits os d'animaux terrestres ; et jamais des coquilles ni d’autres productions marines ; ce qui prouve évidemment , aussi bien que leur peu de solidité, que ces couches se sont formées sur la surface de la terre sèche , et qu’elles sout bien plus nouvelles que les marbres et les autres pierres qui con- tiennent des coquilles, et qui se sont formées autrefois dans la mer. Les tufs et toutes ces’ pierres nouvelles paroissent avoir de la durété! et de la solidité lorsqu'on les'tire : mais si on vent les employer , on trouve que l’airet les’ pluies les dissolvent bientôt ; leur substance est même si différente dela vraie pierre, que lorsqu'on les réduit en petites parties , et qu'on en veut faire du sable, elles se conver- tissent bientôt en une espèce de terre et de boue. Les stalactites et les autres concrétions pierreuses que M. de Tournefort prenoit pour des marbres qui avoient végété , ne sont pas: de vraies pierres , non plus que celles qui sont formées par des incrustations. Nous avons déja fait voir que les tufs ne sont pas de l'ancienne formation , et qu’on ne doit pas les ranger dans la classe des pierres. Le * gots, avec des plantes, des herbes et plusieurs DE LA TERRE. an à taf est une matière imparfaite, différente de la pierreet dela terre, et qui tire son origine de toutes deux par le moyen dé: l'eau des. pluies, comme les incrustations pierreuses tirent la leur du dépôt des eaux dé certaines fontaines : ainsi les couches &e ces matièr es ne sont pas anciennes, et n'ont pas ete formées ;' comnre lés autres , par Le sédiment des aux | de:la mer. Les couches de 'tourbes doivent être aussi regardées comme des couches nou velles qui ont'été produites par l'éntassement suecessif des arbres et des autres végétaux à demi pourris, et‘qui ne se sont conservés que. parce qu'ils se sont trouvés dans des terres bitumineuses ; qui les ont empêchés de se corrompre en’entier. On né trouve dans tou—. tes ces nouvelles couches de tuf, ou de pierre molle , ou de pierre formée par des dépôts, ou de tourbes , aucune production marine ; mais on ÿ'trouve au contraire beaucoup de végétaux , d'os d'animaux terrestres , de co- ee fluviatiles et terrestres, comme on péut le voir dans les prairies de la pin ce de Northampton auprès d’Ashby , où l’on à trouvé un grand nombre de coquilles d’escar- KR 8 - 7H É O0 RE) | coquilles fluviatiles ,; bien conservées à quél ui ques pieds de profondeur sous terre, sans, au-! cune coquille marine *. Les eaux qui rou-, lent sur la surface de la terre, tout formé toutes: ces nouvelles couches en changeant souvent de lit et en se répandant de, tous côtés : une partie de ces eaux pénètre, à l'intérieur et coule à travers les fentes, des rochers et des. pierres ; et ce qui fait qu ’onne, trouve: point d’eau dans les pays élevés ,,nou plus. qu'au- dessus des collines , c’est parce que toutes les: hauteurs de la terre sont ordinairement com- posées de pierres et de rochers, sur-tout vers! le sommet. IL faut, pour trouver de J'eau., creuser dans la pierre et dans le rocher jusqu’à ce qu’on parvieune à la base , c’est-à-dire à la glaise ou à la terre ferme sur laquelle portent ces rochers , et on ne trouve poiné: d’eau tant que l'épaisseur de pierre n’est pas percée jusdu’au-dessous , comme,je l'ai ob-. serve dans plusieurs puits creuses dans les lieuxélevés ; et lorsque la hauteurdesrochers , c’est-à-dire l’épaisseur de la pierre qu'il faut percer , est fort considérable , comme dans * Voyez Trans. phil. abr, vol. IV, page 27Ta DE LA TERRE. 9 les hautes montagnes, où les rochers ont souvent plus de mille pieds d'élévation, 1l est impossible d'y faire des puits , et par consé- quent d’avoir de l’eau. Il y a même de grandes étendues de terre où l’eau manque absolu- ment , comme dans ?’ Arabie pétrée , qui est un désert où il ne pleut jamais, où des sables brülans couvrent toute la surface de la terre, où il n'y a presque point de terre végetale , où le peu de plantes qui s’y trouvent languis- sent : les sources et les puits y sont si rares, que l’on n’en compte que cinq depuis le Caire jusqu’au mont Sinaï ; encore l’eau en est-elle amère et saumâtre, Ç Lorsque les eaux qui sont à la surface de la terre, ne peuvent trouver d'écoulement, elles formentdes marais et des marécages. Les plus fameux marais de l’Europe sont ceux de Moscovie à la source du Tanaïs ; ceux de Fin- lande , où sont les grands marais Savolax et Énasak : il y en a aussi en Hollande, en West- phalie et dans plusieurs autres pays bas. En Asie on a les marais de l’Euphrate , ceux de la Tartarie , le Palus Méotide ; cependant en général il y en a moins en Asie et en Afrique qu en Europe ;: mais l'Amérique n’est, pour: « ro THÉORIE ainsi dire , qu'un marais continu dans toutes ses plaines ; cette grande quantité de marais est une preuve de la nouveauté du pays et du petit nombre des habitans , encore plus que du peu d'industrie. Il y a de très-sgrands marécages en Angle- terre dans la province de Lincoln près de la mer , qui a perdu beaucoup de terrain d'un côté, et en a gagné de l’autre. On trouve dans l’ancien terrain une grande quantité d'arbres qui y sont enterrés au-dessous du nouveau terrain amené par les eaux ; on en trouve de même en grande quantitéen Écosse, à l'embouchure de la rivière Ness. Auprès de Bruges en Flaïidre , en fouillant à quarante ou cinquante pieds de profondeur, on trouve une très-grande quantité d'arbres aussi près les uns des autres que dans une forèt : les troncs , les rameaux et les feuilles sont si bien conserves , qu'on distingue aisément les différentes espèces d'arbres. Il y a cinq cents ans que cette terre, où l’on trouve des arbres, éloit une mer, et avant ce temps-là on n’a point-de mémoire ni de tradition que jamais cette terre eût existé; cependant il est néces— saire que celà ait été ainsi dans le temps que’ DE LA TERRE. 0 ces arbres ont crû et végéte : ainsi le terrain qui dans les temps les plus reculés étoit une terre ferme couverte de bois, a éte ensuitecou- vert par les eaux de la mer qui y ont amené quarante ou cinquante pieds d'épaisseur de terre , et ensuite ces eaux se sont retirées. _ On a de même trouvé une grande quantité d'arbres souterrains à Youle dans la province d'York à douze milles au-dessous de la ville sur la rivière Humber : il ÿy en a qui sont si gros qu'on s en sert pour bâtir; et on assure, peut-être mal-à-propos , que ce bois est aussi durable et d'aussi bon service que le chêne : on en coupe en petites baguettes et en longs copeaux , que l’on envoie vendre dans les villes voisines ; et les gens s’en servent pour allumer leur pipe. Tous ces arbres paroissent rompus, et les troncs sont séparés de leurs racines , comme des arbres que la violence d’un ouragan ou d’une inondation auroit cas- sés et emportés. Ce bois ressemble beaucoup au sapin ; il a la même odeur lorsqu'on le brüle , et fait des charbons de la même es- pêce *. Dans l’ile de Man on trouve dans un * Voyez Transact. plulosoph. n° 128. 3 THÉORIE ; marais qui a six milles de long et trois milles de large, appelé Curragh, des arbres souter- rains qui sont des sapins; et quoiqu'ils soient à dix-huit ou vingt pieds de profondeur , ils sont cependant fermes sur leurs racines *. On en trouve ordinairement dans tous Les grands marais, dans les fondrières et dans la plupart des endroits marécageux, dans Les provinces de Somerset , de Chester , de Lancastre,, de Stafford. Il y a de certains endroits où l’on trouve des arbres sous terre, qui ont été coupés , scies , équarris et travaillés par les hommes : on y a même trouvé des cognées et des sérpes ; et entre Birmingham et Brumley dans la province de Lincoln , iky a des collines élevées de sable fin et léger , que les pluies et les vents emportent et transportent en laissant à sec èt à décou- vert des racines de grands sapins , où l’im- pression de la cognée paroit encore ausst fraiche que si elle venoit d’être faite. Ces collines se seront sans doute formées, comme, les dunes, par des amas de sable que la mer a apportés et accumulés , et sur lesquels ces * Voyez Ray's Discourses, page 232. DE LA TERRE. 13 sapins auront pu croître ; ensuite ils auront été recouverts par d'autres sables qui y auront été amenés, comme les premièrs, par des inondations ou par des vents violens. On trouve aussi une grande quautité de ces arbres souterrains dans les terres marécageuses de Hollande , dans la Frise et auprès de Gro- ningue, et c’est de là que viennent les tourbes qu'on brûle dans tout le pays. On trouve dans la terre une infinité d’ar- bres grands et petits de toute espèce, comme sapins , chênes, bouleaux , hêtres, ifs, aubé- pins, saules , frènes. Dans les marais de Lin- coln , le long de la rivière d'Ouse, et dans la province d'York en Hatfñeld-chace , ces ar- bres sont droits et plantés comme on les voit dans une forêt. Les chênes sont fort durs, et on en emploie dans les bäâtimens , où ils durent * fort long-temps; les frènes sont ten- dres et tombent en poussière, aussi-bien que * Je doute beaucoup de la vérité de ce fait : tous les arbres qu’on tire de la terre, au moins tous ceux que j'ai vus, soit chênes, soit autres, perdent, en se desséchant, toute la solidité qu'ils paroïssent avoir d’abord , et ne doivent jamais être employés dans les bätimens. 2 x4 THÉORIE les saules. On en trouve qui ont été équarris d’autres sciés, d’autres percés , avec des co- gnées rompues, et des haches dont la forme ressemble à celle:des couteaux de sacrifice. On y trouve aussi des noïsettes, des glands et des cônes de sapins en grande quantité. Plusieurs autres endroits marécageux de l'Angleterre et de l'Irlande sont remplis de troncs d'arbres, aussi-bien que les marais de France et de Suisse, de Savoie et d'Italie *. Dans la ville de Modène et à quatre milles aux environs , en quelque endroit qu'on fouille , lorsqu'on est parvenu à la profondeur de soixante-trois pieds , et qu'on a percé la terre à cinq pieds de profondeur de plus avec une tarière, l’eau jaillit avec une si grande force, que le puits se remplit en fort peu de temps presque jusqu'au-dessus : celte eau coule continuellement etne diminue nin'augmente par la pluie ou par la sécheresse. Ce qu'il y a de remarquable dans ce terrain, c’est que lorsqu'on est parvenu à quatorze pieds de profondeur , on trouve les décombremens et * Voyez Trans. phil. abr. vol, IV, page 218 ci suive 1 F4 OR AUOT NES RUE LA AE à Li | Ÿ DENT D 274 JL” À 6: À “ Y Ÿ Le DE LA TERRE. du ES les ruines d’une ancienne ville , des rues payées , des planchers, des maisons, diffe- rentes pièces de mosaïque , après quoi on trouve une terre assez solide et qu'on croiroit m'avoir jamais été remuée : cependant au-— dessous on trouve une terre humide et mêlée de végétaux , et, à vingt-six pieds, des arbres tout entiers, comme des noisetiers avec les noisettes dessus, et une grande quantité de branches et de feuilles d'arbres; à vingt-huit pieds on trouve une craie tendre mêlée de beaucoup de coquillages , et ce lit a onze _ pieds d'épaisseur , après quoi on retrouve encore des végétaux, des feuilles et des bran— ches; et ainsi alternativement de la craie et une terre mêlée de végétaux jusqu’à la pro- fondeur de soixante-trois pieds , à laquelle profondeur est un lit de sable mélé de petit gravier et de coquilles semblables à celles qu'on trouve sur les côtes de la mer d'Italie. Ces lits successifs de terre marécageuse rt de craie se trouvent toujours dans le même ordre , en quelque endroit qu'on fouille , et quelquefois la tarière trouve de gros troncs d'arbres qu’il faut percer ; ce qui donne beaucoup de peine aux ouvriers : on y trouve PR A 16 THÉORIE DE LA TERRE. aussi des os , du charbon de terre , des cail=. loux et des morceaux de fer. Ramazziui, qui rapporte ces faits, croit que le golfe de Venise: s étendoitautrefois jusqu’à Modèneet au-delà, et que par la succession des temps les riviè-" res , et peut-être les inondations de la mer, : ont formé successivement ce terrain. he Je ne m'’étendrai pas davantage ici sur les variétés que présentent ces couches de nou- velle formation ; il suffit d’avoir montré qu'elles n’ont pas d'autres causes que les eaux courantes ou stagnantes qui sont à la surface de la terre, et qu’elles ne sont jamais aussi dures ni aussi solides que les couches anciennes qui se sont formées sous les eaux de la mer. LITRES CESSE AE NIORT ANR RES SIENS TI ADDITIONS A L'ARTICLE PRECÉDENT. Sur l’éboulement et le déplacement de quelques terrains. La rupture des cavernes et l’action des feux souterrains sont les principales causes des * grands éboulemens de la terre, mais souvent il s’en fait aussi par de plus petites causes ; la filtration des eaux , en délayant les argilles sur lesquelles portent les rochers de presque toutes les montagnes calcaires , a souvent fait pencher ces montagnes et causé des éboule- mens assez remarquables pour que nous de- vions en donner ici quelques exemples. « En 1757, dit M. Perronet , une partie « du terrain qui se trouve situé à mi-côte « avant d'arriver au chäteau de Croix-Fon- « taine , s’entr'ouvyrit en nombre d’endroits 2 OA TA RSR ES ÿ 38 THÉORIE rs Écesr. = va «et s’éboula successivement par partie ; lé « mur de terrasse qui retenoit le pied de ces « terres, fut renversé, et on fut obligé de « transporter plus loin le chemin qui.étoit «établi le long du mur... Ce terrain étoit « porté sur une base de terre inclinée ». Ce savant et premier ingénieur de nos ponts et chaussées cite un autre accident de même espèce arrivé en 1733 à Pardines , près d’Is- soire en Auvergne : le terrain , sur envi- ron quatre cents toises de longueur et trois cents toises de largeur , descendit sur une prairie assez éloignée, avec les maisons, les arbres et ce qui étoit dessus. Il ajoute que l’on voit quelquefois des parties considérables de terrain emportées , soit par des réservoirs supérieurs d'eau dont les digues viennent à se rompre, ou par une fonte subite de neiges. En 1757 , au village de Guet , à dix lieues de Grenoble , sur la roûte de Briançon , tout le terrain , lequel est en pente , glissa et des- cendit en un instant vers le Drac, qui en est éloigné d'environ un tiers de lieue ; la terre se fendit dans le village, et la partie qui a. glissé se trouve de six, huit et neuf pieds plus: basse qu’elle n’étoit : ce terrain étoit posé sur DELA TERRE. +. 19 um rocher assez uni et incliné à l'horizon d'environ 40 degrés. Je puis ajouter à ces exemples un autre fait, dont j'ai eu tout le temps d’être témoin, eë qui m'a même occasionné une dépense assez considérable. Le tertre isolé sur lequel sont situés la ville et le vieux château de Mont- bard , est élevé de cent quarante pieds au-des- sus de la rivière, et la côte la plus rapide est celle du nord-est : ce tertre est couronné de rochers calcaires dont les bancs pris ensemble ont cinquante-quatre pieds d'épaisseur; par- ioutils portent sur un massifde glaise;, qui par conséquent a jusqu’à la rivière soixante-six pieds d’épaisseur. Mon jardin, environné de plusieurs terrasses , est situé sur le sommet de ce tertre. Une partie du mur, longue de vingt- cinqà vingt-six toises , de la dernière terrasse du côté du nord-est où la pente est la plus rapide, a glissé tout d’une pièce en faisant refouler le terrain inférieur ; et il seroit des— cendu jusqu’au niveau du terrain voisin de la rivière , si l’on n’eût pas prévenu son mouve- ment progressif en le démolissant : ce mur avoit sept pieds d'épaisseur , et il étoit fondé sur la glaise. Ce mouvement se fit très-len- 30: THÉ ORTE tement : jereconnus évidemment qu'iln’ étoilé | occasionné que par le suintement des eaux ;: toutes celles qui tombentsur la plate-formedu sommet de ce tertre, pénètrent par les fentes des rochers jusqu’à cinquante-quatre pieds sur le massif de glaise qui leur sert de base : om en est assuré par les deux puits quisont sur la plate-forme , et qui ont en effet cinquante-. quatre pieds de profondeur ; ils sont pratiqués: du haut en bas dans les bancs calcaires. Toutes. les eaux pluviales, qui tombentsur cette plate- forme et sur les terrasses adjacentes , se ras- semblent donc sur lemassif d’argille ou glaise auquel aboutissent les fentes perpendiculaires de ces rochers ; elles forment de petites sources en différens endroits qui sont encore claire- ment indiquées par plusieurs puits , tous abondans , et creusés au-dessous de la cou- ronne des rochers; et, dans tous les endroits où l’on tranche ce massif d’argille par des fossés , on voit l’eau suinter et venir d'en haut: il n'est donc pas étonnant que des murs, quelque solides qu'ils soient, glissent sur le prenrier banc de cette argille humide, s'ils ne sont pas fondés à plusieurs pieds au- dessous , comme je l'ai fait faire en les recons- DE LA TERRE. MO. truisant. Néanmoins la même chose est en- core arrivée du côte du nord-ouest de ce tertre, où la pente est plus douce et sans sources apparentes : on avoit tiré de l’argille à douze ou quinze pieds de distance d’un gros mur épais de onze pieds sur trente-cinq de hauteur et douze toises de longueur ; ce mur est cons- truit de très-bons matériaux , et il subsiste depuis plus de neuf cents ans : cette tranchée où l’on tiroit de l’argille et qui ne descendoit pas à plus de quatre à cinq pieds, a néan- moins fait faire un mouvement à ceténorme mur ; 1l penche d'environ quinze pouces sur sa hauteur perpendiculaire , et je n’ai pu le retenir et prévenir sachüte que par des piliers buttans de sept à huit pieds de saillie sur au- tant d'épaisseur , fondés à quatorze pieds de profondeur. | ti De ces faits particuliers, j'ai tiré une con- séquence générale dont aujourd’hui on ne fera pas autant de cas que l’on en auroit fait dans les siècles passés : c’est qu'il n y a pas un chäteau ou forteresse située sur des hauteurs , qu'on ne puisse aisément faire couler dans la plaine ou vallée , au moyen d’une simple tranchée de dix ou douze pieds NOR RE ENT “ta A ns Va af. ie Ho: 14 22 THÉORTE de profondeur sur quelques toises delargeur, | en pratiquant cette tranchée à à une petite dis- h | tance des derniers murs, et choisissant pour l'établir le côté où la pente est la plus rapide. 1 | Cette manière dont les anciens ne se sont pas 4 doutés , leur auroit épargné bien des beliers etd’autres machinesde guerre, etaujourd’hui même on pourroit s’en servir avantageuse ment dans plusieurs cas: jeme suis convaincu par mes yeux , lorsque ces murs ont glissé, que si la tranchée qu’on a faite pour les re- construire n'eüt pas été promptement rem— plie de forte maçonnerie, les müirs anciens et les deux tours , qui subsistent encore en bon état depuis neuf cents ans, et dont l’une a cent vingt-cinq pieds de hauteur , auroient coulé dans le vallon avec les rochers sur les- quels ces tours et ces murs sont fondes ; et, comme toutes nos collines composées de pier- res calcaires portent généralement sur un fond d’argille, dont les premiers lits sont tou- jours plus ou moins humectés par les eaux qui filtrent dans les fentes des rochers et descendent jusqu’à ce premier lit d'argille, il me paroïit certain qu’en éventant cette areille, c'est-à-dire, en exposant à l'air par DELA TERRE. 23 une tranchée ces premiers lits imbibés des eaux , la masse entière des rochers et du ter- rain qui porte sur ce massif d'argille, coule- roit en glissant sur le premier lit et descen- droit jusque dans la tranchée en peu de jours, sur-tout dans un temps de pluie. Cette ma- mière de démanteler une forteresse est bien plus simple que tout ce qu'on a pratiqué jusqu'ici , et l'expérience m'a démontré que le succès en est certain. A Nr Sur la tourbe , page 7. Ox peut ajouter à ce que j'ai dit sur les tourbes , les faits suivans : Dans les châtellenies et subdélégations de Bergues-Saint- Winox, Furnes et Bourbours, on trouve de la tourbe à trois ou quatre pieds sous terre; ordinairement ces lits de tourbes ont deux pieds d’épaissenr , et sont com- posés de bois pourris, d'arbres même entiers, avec leurs branches et leurs feuilles dont on connoit l’espèce , et particulièrement des coudriers, qu’on reconnoit à leurs noiseites 24 TEHYÉ 00 ART TU OR É encore existantes, entremélées de différentes R espèces de roseaux faisant corps ensemble. D'où viennent ces lits de tourbes qui sé À tendent depuis Bruges par tout le plat pays de la Flandre jusqu’à la rivière d'Aa, entre les dunes et les terres élevées des environs de Bergues, etc. ? Il faut que , dans les siècles reculés , lorsque la Flandre n’étoit qu'une vaste forêt, une inondation subite de la mer ait submergé tout le pays, et en se retirant ait déposé tous les arbres , bois et roseaux qu’elle avoit déracinés et détruits dans cet espace de terrain, qui est le plus bas de la Flandre, et que cet événement soit arrivé vers le mois d'août ou septembre, puisqu'on trouve encore les feuilles aux arbres , ainsi que les noisettes aux coudriers. Cette inon- dation doit avoir été bien long-temps avant la conquête que fit Jule César de cette pro- vince, puisque les écrits des Romains depuis cette époque n’en ont pas fait mention. Quelquefois on trouve des végétaux dans le sein de la terre , qui sont dans un état différent de celui de la tourbe ordinaire : par exemple, au mont Ganelon près de Com pièoene , on voit, d’un côté de la montagne, DE LA TERRE. 25 les carrières de belles pierres et les huîtres fossiles dont nous avons parlé, et, de l’autre côté de la montagne , on trouve à mi-côte, un lit de feuilles de toutes sortes d'arbres, et aussi des roseaux , des goémons , le tout mêlé ensemble et renfermé dans la vase ; lorsqu'on remue ces feuilles , on retrouve la mème odeur de marécage qu’on respire sur le bord de la mer , et ces feuilles conservent cette odeur pendant plusieurs années. Au reste , elles ne sont point détruites , on peut en reconnoitre aisément les espèces ; elles n'ont que Ge la sécheresse , etsont liées foible- ment les unes aux autres par la vase. « On reconnoît , dit M. Guettard , de deux « espèces de tourbes : les unes sont com- « posées de plantes marines , les autres de « plantes terrestres ou qui viennent dans les « prairies. On suppose que les premières ont « été formées dans le temps que la mer re- _« couvroit la partie de la terre qui est main- « tenant habitée : on veut que les secondes « se soient accumulées sur cellé-ci. On ima- « gine, suivant ce système , que les courans « portoient dans des bas-fonds formés par les « montagnes qui étoient élevées dans la mer, 3 26 THÉORTE « les plantes marines qui se détachoient des « rochers , et qui, ayant été ballottées par Les «flots, se déposoient dans les lieux pro- « fonds. « Cette production de tourbes n’est certai- «nement pas impossible ; la grande quantité « de plantes qui croisseut dans la mer, pa- «roit bien suffisante pour former ainsi des « tourbes : les Hollandois même prétendent «que la bonté des leurs ne vient que de ce « qu’elles sont ainsi produites, et qu’elles sont « pénétreées du bitume dont les eaux de IE « mer sont chargées. . ... « Les tourbières de Villeroy sont placées! « dans la vallée où coule la rivière d’Essone : « la partie de cette vallée peuts’etendre depuis « Roissy jusqu à Escharcon...... C’est même «vers Roissy qu'on a commencé à tirer « des tourbes. ..... Mais celles que l’on « fouille auprès d'Escharcon , sont les meil- « leures... « Les prairies où les tourbières sont ou= « vertes , sont assez mauvaises : elles sont « remplies de joncs , de roseaux, de prêles et « autres plantes qui croissent dans les mau- « vais prés : on fouille ces prés jusqu’à la pro: DE LATERRE. 27 « fondeur de huit à dix pieds. . .. Après la « couche qui forme actuellement le sol de la « prairie, estplacé un lit de tourbe d'environ « un pied : 1l est rempli de plusieurs espèces « de coquilles fluviatiles et terrestres. . .. « Ce banc de tourbe , qui renferme les « coquilles, est communément terreux : ceux « qui le suivent sont à peu près de la même « épaisseur, et d'autant meilleurs qu’ils sont « plus profonds ; les tourbes qu'ils fournis- « sent sont d’un brun noir, lardées de ro- « seaux, de joncs4 de cypéroïdes et autres « plantes qui viennent dans les prés ; on ne « voit point de coquilles dans ces bancs.... « On a quelquefois rencontré dans la masse « des tourbes , des souches de saules et de « peupliers , et quelques racines de ces arbres « ou de quelques autres semblables. On a dé- « couvert du côté d'Escharcon un chêne ense- « veli à neuf pieds de profondeur : il étoit noir « et presque pourri; ils’est consomme à l'air : « un autre a été rencontré du côté de Roissy « à la profondeur de deux pieds entre la terre « et la tourbe. On a encore vu près d’Eschar- « con des bois de cerfs ; ils étoient enfouis « jusqu’à trois ou quatre pieds... 28 TH Ë OR BEL IT y a aussi des tourbes dans les environs € CS CAR. A jx d'Étampes , et peut-être aussi abondam- ment qu’auprès de Villeroy : ces tourbes ne sont point mousseuses, ou le sont très-peu ; leur couleur est d’un beau noir , elles ont de la pesanteur , elles brülent bien au feu ordinaire , et il n’y a guère lieu de douter qu'on n’en pût faire de très-bon charbon... « Les tourbières des environs d'Étampes ne sont, pour ainsi dire, qu’une continuité de celles de Villeroy ; en un mot, toutes les prairies qui sont renfermées entre les gor- ges où la rivière d'Étampes coule, sont probablement remplies de tourbe. On en doit, à ce que je crois, dire autant de celles qui sont arrosées par la rivière d’'Es- sone ; celles de ces prairies que j'ai parcou- rues, m’out fait voir les mêmes plantes que celles d'Étampes et de Villeroy. » Au reste , selon l’auteur , il y a en France encore nombre d’endroits où l’on pourroit tirer de la tourbe , comme à Bourneuille , à Croué auprès de Beauvais , à Bruneval aux environs de Péronne, dans le diocèse de Troyes en Champagne, etc. et cette matière combustible seroit d’un grand secours , si ii DE LA TERRE. 29 l'on en faisoit usage dans les endroits qui manquent de bois. | IL y a aussi des tourbes près Vitry-le-Fran-— çois , dans des marais le loxg de la Marne : ces tourbes sont bonnes et contiennent une graude quantité de cupules de gland. Le ma- rais de Saint-Gon aux environs de Châlons n'est aussi qu'une tourbière considérable, que l’on sera obligé d'exploiter dans la suite par la disette des bois. LIL Sur les bois souterrains pétrifiés et charbon- nifies , page 10. «DAxs les terres du ducdeSaxe-Cobourg, « qui sont sur les frontières de la Franconie « et de la Saxe , à quelques lieues de la ville « de Cobourg même , on a trouvé , à une « petite profondeur , des arbres entiers pétri- « fiés à un tel point de perfection , qu’en les «travaillant on trouve que cela fait une « pierre aussi belle et aussi dure que l’agate. « Les princes de Saxe en ont donné quelques « morceaux à M. Schæpilin, qui en a envoyé « deux à M. de Buffon pour le Cabinet du roi: 3 30 LOT E'O AE: 7% «on a fait de ces bois pétrifiés des vases et! «autres beaux ouvrages *. » CA On trouve aussi du bois qui na point changé de nature , à d’assez grandes profon-, deurs dans la terre. M. du Verny , officier, d'artillerie, m’en a envoyé des échantillons, avec le detail suivant. «La villede la Fère ,où « je suis actuellement en garnison , fait tra- « vailler, depuis le 15 du mois d'août de cetté « année 1755, à chercher de l’eau parlemoyen . « de latarière : lorsqu'on futparvenu à trente- « neuf pieds au-dessous du sol, on trouva un « lit de marne, que l’on a continue de percer « jusqu'à cent vinot-un pieds : ainsi, à cent « soixante pieds de profondeur, on à trouve, « deux fois consécutives , la tarière remplie « d’une marne mêlée d'une très-grande quan- « tité de fragmens de bois, que tout lemonde «a reconnus pour être du chène. Je vous en «envoie deux echantiKons. Les jours sui- « vaus, on a trouvétoujours lamèmemarne, - « mais moins mêlée de bois , et on en a trouvé «jusqu'à la profondeur de deux cent dix. « pieds , où l’on a cessé le travail.» * Lettre de M. Schæpflin, Strasbourg, 24 sep tembre 1746. | DE LA TERRE. 3t « On trouve, dit M. Justi, des morceaux « de bois pétrifiés d’une prodigieuse grandeur « dans le pays de Cobourg , qui appartient à « une branche de la maison de Saxe ; et dans « les montagnes de Misnie, on a tiré de la « terre des arbres entiers , qui étoient entiè- « rement changés en une très-belle agate. Le « Cabinet impérial de Vienne renferme un « grandnombrede pétrifications en ce genre. g Un morceau destine pour ce même Cabinet « étoit d’une circonférence qui égaloit celle « d'un gros billot de boucherie. La partie qui « avoit été bois , étoit changée dans une très- « belle agate d’un gris noir; et au lieu de « l'écorce , on voyoit régner tout autour du « tronc une bande d’une très - belle agate « blanche. ..... « L'empereur aujourd’hui régnant. ... a « souhaité qu'on découvrit quelque moyen « pour fixer l’âge des pétrifications. .... Il « donna ordre à son ambassadeur à Cons- « tantinople de demander la permission de « faire retirer du Danube un des piliers du « pont de Trajan , qui est à quelques milles « au-dessous de Belgrade. Cette permission «ayant été accordée , on retira un de ces 32 CT HE O0 RP TRES «piliers , que l’on présumoit devoir être pétrifié par les eaux du Danube ; maison « € Le) « € Le € Ps « € La) « « L< Le) LQ Le « « [€ = € Le) € PN « « « LCA reconnut que la pétrification étoit très-peu avancée pour un espace de temps si consi- dérable. Quoiqu'il se fût passé plus de seize siècles depuis que le pilier en question étoit dans le Danube, elle n’y avoit pénétré tout au plus qu’à l’épaisseur de trois quarts de pouce , et même à quelque chose de moins : le reste du bois, peu différent de l'ordinaire, ne commençoit qu’à se calciner. « Si de ce fait seul on pouvoit tirer une juste conséquence pour toutes les autres pé- trifications , on en concluroit que la nature a eu besoin peut-être de cinquante mille ans pour changer en pierres des arbres de la grosseur de ceux qu’on a trouvés pétrifiés en différens endroits; mais il peut fort bien arriver qu'en d'autres lieux le concours de plusieurs causes opère la pétrification plus promptement..... « On a vu à Vienne une büûüche pétrifiée, qui étoit venue des montagnes Carpathes en « Hongrie , sur laquelle paroissoient distinc- « tement les hachures qui y avoient été faites « ayantsa pétrification; et cesmèmes hachures DE LA TERRE. 33 « étoient si peu altérées par le changement « arrivé au bois, qu'on y remarquoit quelles «avoient été faites avec un tranchant qui «avoit une petite brèche. .... « Au reste , il paroît que le bois pétrifié «est beaucoup moins rare dans la nature « qu'on ne le pense communément, et qu’en. «bien des endroits il ne manque , pour le « découvrir , que l’œil d'un naturaliste cu- « rieux. J'ai vuauprès de Mansfeld une grande « quantité de bois de chène pétrifié, dans un « endroit où beaucoup de gens passent tousles « jours sans appercevoir ce phénomène. Il y « avoit des büches entièrement pétrifiées, dans « lesquelles on reconnoissoit très-distincte- « ment les anneaux formés par la croissance « annuelle du bois , l’ecorce, l’endroit de la «coupe, et toutes les marques du bois de « chêne.» M. Clozier , qui a trouvé différentes pièces de bois pétrifié sur les collines aux environs d'Étampes , et particulièrement sur celle de Saint-Symphorien , a jugé que ces différens morceaux de bois pouvoient provenir de quel- ques souches pétrifiées qui étoient dans ces. montagnes : en conséquence , il a fait faire 34. TH: É1O RUE MU "'. des fouilles sur la montagne de Saint-Sym-— \ | phorien , dans un endroit qu'on lui avoit indiqué ; et, après avoir creusé la terre de. plusieurs pieds, il vit d’abord une racine de bois pétrifee , qui le conduisit à la souche d'un arbre de même nature. ss" Cette racine , depuis son commencement jusqu’au tronc où elle étoit attachee , avoit au moins, dit-il, cinq pieds de longueur ;. il y en avoit cinq autres qui y tenoient aussi, mais moins longues... He Les moyennes et petites racines n’ont pas été bien petrifiées ; ou du moins leur petri- fication étoit si friable, qu’elles sont restées dans le sable eù étoit la souche, en uneespèce de poussière ou de cendre. Il y a lieu de croire que lorsque la pétrification s’est communi- quée à ces racines , elles étoient presque pourries , et que les parties lisneuses qui les composoient, étant trop desunies par la pour- riture , n’ont pu acquérir la solidité requise. pour une vraie petrification..... La souche porte, dans son plus gros, près de six pieds de circonférence; à l'égard de sa hauteur , elle porte , dans sa partie la plus élevée , trois pieds huit à dix pouces ; son DE LA TERRE. us poids est au moins de cinq à six cents livres. La souche , ainsi que les racines , ont con- servé toutes les apparences du bois , comme écorce , aubièr , bois dur , pourriture , trous de petits et gros vers, excremens de ces mêmes vers ; toutes ces differentes parties pétrifiées , mais d'uue pétrification moins dure et moins solide que le corps ligneux, qué étoit bien sain lorsqu'il a été saisi par les par- ties pétrifiantes. Ce corps ligneux est changé en uu vrai caillou de différentes couleurs, rendant beaucoup de feu étant frappe avec le fer trempé, et sentaut, après qu'il a été frappé ou frotté , une très-forte odeur de soufre. . .. Ce tronc d'arbre pétrifié étoit couché pres- que horizontalement. . . . 1] étoit couvert de plus de quatre pieds de terre, et la grande racine étoit en dessus et n’etoit enfoncée que de deux pieds dans la terre. M. l'abbé Mazéas, qui a découvert à un demi-mille de Rome, au-delà de la porte du Peuple , une carrière de bois pétrifñié, s’ex- prime dans les termes suivans : - «Cette carrière de bois pétrifié, dit-il, « forme une suite de collines en face de à Monte-HMario, situé dé l'autré côté du à, V'LAVO TIME at TUPRE ET 36 : THÉ O0 RUE d Ebnen auS PSo ER morceaux de bois «entassés les uns sur les autres d’une ma- Pa « nière irrégulière , les uns sont simplement « sous la forme d’une terre durcie, et ce sont « ceux qui se trouvent dans un terrain léger, «sec, et qui ne paroit nullement propre à la « nourriture des végétaux : les autres sont « pétrifiés, et ontla couleur, le brillant et la « dureté de l'espèce de résine cuite,-connue « dans nos boutiques sous le nom de co/o- « phane; ces bois pétrifiés se trouvent dans «un terrain de même espèce que le précé- «dent, mâis plus humide : les uns et les «autres sont parfaitement bien conservés : « tous se réduisent par la calcination en une « véritable terre, aucun ne donnant de l’alun, « soit en les traitant au feu, soit en les com- « binant avec l'acide vitriolique. » | M. Dumonchau, docteur en medecine et très-habile physicien à Douai, a bien voulu m'envoyer, pour le Cabinet du roi, un mor- ceau d’un arbre pétrifié, avec le détail histo- rique suivant : « La pièce de bois re que j'ai l’hon- «neur de vous envoyer, a été cassée à un «tronc d’arbre trouyé à plus de cent cin= " DE LA TERRE. 3% « quante pieds de profondeur en terre. .., &« En creusant l’année dernière (1754) un « puits pour sonder du charbon à Notre- « Dame-au-bois, village situé entre Condé, « Saint-Amand, Mortagne et Valenciennes, « on a trouvé à environ six cents toises de «lEscaut, après avoir passé trois niveaux «d'eau, d’abord sept pieds de rocher ou de « pierre dure que les charbonniers nomment . «en leur langage fourtia; ensuite étant par- «venu à une terre marécageuse, on à rén= «contré, comme je viens de le dire, à cent « cinquante pieds de profondeur, un tronc « d'arbre de deux pieds de diamètre, qui tra- « versoit le puits que l’on creusoit, ce qui fit «qu'on ne put pas en mesurer la longueur; « il étoit appuyé sur un gros grès; et bien « des curieux voulant ävoir de ce bois, on «en deétacha- plusieurs morceaux du tronc. « La petite pièce que j'ai l'honneur de vous «envoyer, fut coupée d’un morceau qu’on « donna à M. Laurent, savant mécanicien. « Ce bois paroît plutôt charbonnifié que « pétrifié. Comment un arbre se trouve-t-il « si avant dans la terre? est-ce que le terrain « où on l'a trouvé a été jadis aussi bas? Si Mat, gén, IV. ‘4 ee 4 38 «THE O RDE « cela est, comment ce terrain anroit-il pe «augmenter ainsi de cent cinquante pieds? « d’où seroit venue toute cette terre ?:+ 1: » « Les sept pieds de fourtia que M. Laurent « a observés, se trouvant répandus de même « dans tous les autres puits à charbon , dedix « lieues à la ronde, sont donc une production « postérieure à ce grand amas supposé de terre. « Je vous laisse, monsieur, la chose à dé- «cider; vous vous êtes familiarisé avec la « nature pour en comprendre:les mystères « les plus cachés : ainsi je ne doute. pas que « vous n’expliquiez ceci aisément.» M. Fougeroux de Boudaroy, de:l’académie royale des sciences, rapporte plusieurs faits sur les bois pétrifiés, dans un:mémoire qui mérite des éloges, et dont voici l'extrait. « Toutes les pierres fibreuses et qui ont « quelque ressemblance avec le bois, ne sont « pas du bois pétrifié; mais il y en a beau- « coup d’autres qu’on auroit tort de ne pas « regarder comme telles, sur-tout si l’on ÿ « remarque l'organisation propre aux végé- « taux... «On ne manque pas d’observations qui « prouvent que le bois peut se convertir en DE LA TERRE. > «pierre, au moins aussi aisément que plu- « sieurs autres substances qui éprouvent in- « contestablement cette transmutation ; mais « il n’est pas aisé d'expliquer comment elle « se fait: j'espère qu’on me permettra de ha- « sarder sur cela quelques conjéctures que je tächerai d'appuyer sur des observations. « On trouve des bois qui , étant, pour ainsi « dire, à demi pétrifiés, s’éloignent peu de « la pesanteur du bois ; ils se divisent aisé- « ment par feuillets ou même par filamens, « comme certains bois pourris: d’autres, plus « pétrifés, ont le poids, la durété et l’opacité « de la pierre de taille; d’autres, dont la pé- « trification est encore plus parfaite, pren- « nent le même poli que le marbre, perdant -« que d’autres acquièrent celui des belles « agates orientales. J'ai un très-beau mor « ceau qui à été envoyé de la Martinique « à M. du Hamel, qui est changé en une « trés-belle sardoine. Enfin on en trouve de « convertis en ardoise. Dans ces morceaux,on « en trouve qui ont tellement conservé lor- « ganisation du bois, qu’on y découvre avec « la loupe tout ce qu’on pourroit voir dans « yn morceau de bois non petrifié. Le # # "ms 40 Er É O R 1E | « Nous en avons trouvé qui sont encroûtés F. « par une mine, de fer sableuse,.et d’autres : « sont pénétrés d’une substance qui ,-étant « plus. chargée de soufre et de vitriol, les « rapproche de l’état de pyrites.: quelques «uns sont, pour ainsi dire , lardes par une «mine de fer très-pure; d’autres sont trà- « versés par des veines d'agate très-noires. «On trouve des morceaux de bois dont «une partie est convertieen pierre, etl’autre «en agate : la partie qui n’est convertie qu'en « pierre est tendre, tandis que l’autre a la « dureté des pierres précieuses. « Mais comment certains morceaux, quoi- « que convertis en.agate très-dure , conser— « vent-ils des caractères d'organisation très- « sensible, les cercles concentriques , les in- « sertions , l'extrémité des tuyaux destinés « à porter la séve , la distinction de l'écorce, « de l’aubier et du bois ? Si l’on imaginoit «que la substance végétale fût entièrement « détruite ,ilsne devroient représenter qu'une «agate sans les caractères d'organisation « dont nous parlons ; si, pour conserver cettè « apparence d'organisation , on vouloit que « le bois subsistât , et qu'il n’y eût que les DE LA TERRE. 4t « pores qui fussent remplis par le suc pétri- « fiant , il semble que l’on pourroit extraire « de l’agate les parties végétales : cependant «je n'ai pu y parvenir en aucune manière. « Je pense donc que les morceaux dont il «s’agit ne contiennent aucune partie qui ait « conservé la nature du bois; et, pourrendre « sensible mon idée , je prie qu'on se rap- « pelle que si on distille à la cornue un mor- « ceau de bois , le charbon qui restera après « la distillation ne pesera pas un sixième du « poids du morceau de bois : si on brüle le « charbon , on n’en obtiendra qu’une très- « petite quantité de cendre , qui diminuera « encore quand on en aura retiré les sels lixi- « viels. « Cette petite quantité de cendre étant la « partie vraiment fixe, l’analyse chimique « dont je viens de tracer l’idée prouve assez « bien que les parties fixes d’un morceau de « bois sont réellement très-peu de chose, et « que la plus grande portion de matière qui « constitue un morceau de bois est destruc- « tible, et peut ètre enlevée peu à peu par l’eau, « à mesure que le bois se pourrit.…. « Maintenant si l’on conçoit que la plus 4 ms ca 43) THÉORIE « grande partie du bois est détruite, que lé « squelette ligneux qui reste est formé pat « une terre légère et perméable au suc pétri- « flant, sa conversion en pierre, en agâte, «en sardoine, ne sera pas plus difficile à « concevoir que celle d’une terre bolaire ; « crétacée, ou de toute autre nature : toute la « différence consistera en ce que cette terre « végétale ayant conservé une apparence d’or « ganisation, le suc pétrifiant se moulera « dans ses pores ; s’introduira dans ses molé- « cules terreuses, en conservant néanmoins « le même caractère. . . . » Voici encore quelques faits et quelques observations qu’on doit ajouter aux précé- dentes. En août 1773 ,à Montigny-sur-Braine, bailliage de Châlons , vicomté d’Auxonne, en creusant le puits de la cure, on a trouvé, à trente-trois pieds de profondeur , un arbre couché sur son flanc, dont on n’a pu décou- vrir l'espèce. Les terres supérieures ne pa- roissent avoir été touchées demain d'homme, d'autant que les lits semblent être intacts: car on trouve au-dessous du terrain un lit de terre glaise de huit pieds , ensuite un lit de sable de dix pieds ; après celd , un lit de DE LA TERRE. 43 terre grasse d'environ six à sept pieds, en- suite un autre lit de terre grasse pierreuse de quatre à cinq pieds, ensuite un lit de sable noir de trois pieds; enfin larbre étoit dans la terre grasse. La rivière de Braine est au le- vant de cet endroit, et n’en est éloignée que d'une portée de fusil; elle coule dans une prairie de quatre-vingts pieds plus basse que l'emplacement de la cure. M. de Grignon m'a informé que, sur les bords de la Marne , près Saint-Dizier, l’on trouve un lit de bois pyriteux , dont onre- connoît l’organisation. Ce lit de bois est situé sous un banc de grès, qui est recouvert d’une couche dé pyrites en gâteaux, surmontée d'un banc de pierre calcaire, et le lit de bois pyriteux porte sur une glaise noirâtre. Il a aussi trouvé dans les fouilles qu'il a faites pour la découverte de la ville souter- raine du Châtelet , des instrumens de fer qui avoient eu des manches de bois, et il a observé que ce bois étoit devenu une véri- table mine de fer du genre des hématites. L'organisation du bois n’étoit pas détruite; mais 1] étoit cassant et d’un tissu aussi serré que celui de l'hématite dans tonte son épais- nd 44 THÉORIE. seur. Ces instrumens de fer à manche. de bois avoient été enfouis dans la terre pen- dant seize ou dix-sept cents ans, et la con- version du bois en hematite s’est faite par la décomposition du fer , qui peu à peu a rem- pli tous les pores du bois. | I V. Sur les ossemens que l’on trouve quelquefois dans l’intérieur de la terre. &GDAXSs la paroisse du Haux, pays d’entre « deux mers, à demi-lieue du port de Lan- « goiran, une pointe de rocher haute de « onze pieds se détacha d’un côteau qui avoit «auparavant trente pieds de hauteur, et, « par sa chûte, elle répandit dans le vallon «une grande quantité d’ossemens ou de frag- « mens d’ossemens d'animaux, quelques uns « pétrifiés. IL est mdubitable qu'ils en sont; «mais il est très-difficile de déterminer à « quels animaux ils appartiennent : le plus « grand nombre sont des dents, quelques «unes peut-être de bœuf ou de cheval , mais « la plupart trop grandes ou trop grosses pour «en être, sans compter la différence defigure; DE LA TERRE. 45 «al y a des os de cuisses ou de jambes , et « même un fragment de bois de cerf ou d’é- « lan : le tout étoit enveloppé de terre com- « mune , et enfermé entre deux lits de roches. «Il faut nécessairement concevoir que des « cadavres d'animaux ayant été jetés dans «une roche creuse, et leurs chairs s'étant « pourries , il s’est forme par-dessus cet amas “« une roche de onze pieds de haut, ce quia « demande une longue suite de siècles. .... «MM. de l'académie de Bordeaux, qui ont «examiné toute cette matière en habiles phy- « siciens.....onttrouvé qu'un grandnombre « de fragmens mis à un feu très-vif sont . « devenus d’un beau bleu de turquoise, que « quelques petites parties en ont pris la con- « sistance , et que, taillées par un lapidaire, «elles en ont le poli. . . . Il ne faut pas ou- « blier que des os qui appartenoient visible- «ment à différens animaux, ont également « bien réussi à devenir turquoises *. «Le 28 janvier 1760, on trouva auprès de « la ville d'Aix en Provence, dit M. Guettard, « à cent soixante toises au-dessus des bains « des eaux minérales, des ossemensrenfermés * Hist, de l'acad. des scienc. année 1719, pag. 24. 46 THÉORIE « dans un rocher de pierre grise à sa superfi= «cie : cette pierre ne formoit point de lits, «et n’étoit point feuilletée ; c’étoit une masse « continue et entière. . . . « Après avoir, par le moyen de la poudre, « pénétré à cinq pieds de profondeur dans « l’intérieur de cette pierre, on y trouva une « grande quantité d’ossemens humains de « toutes les parties du corps , savoir, des « mâchoires et leurs dents, des os du bras, « de la cuisse; des jambes, des côtes, des. « rotules, et plusieurs autres mêlées confu- « sément et dans le plus grand désordre. Les « crânes entiers, ou divisés en pelites parties, « semblent ÿ dominer. «a Outre ces ossemens humains, on en a « rencontré plusieurs autres par morceaux, «qu'on ne peut attribuer à l’homme : ils « sont, dans certains endroits, ramassés par « pelotons; ils sont épars dans d’autres.... « Lorsqu'on a creusé jusqu’à la profondeur « de quatre pieds et demi, on a rencontré « six têtes humaines dans une situation in- « clinée. De cinq de ces têtes on a conservé « l’occiput avec ses adhérences , à l'exception a des os de la face : cet occiput étoit en par- / | DIMNHNCERRE. 4 « tie incruste dans la pierre; son intérieur «en étoit rempli, et cette pierre en avoit « pris la forme. La sixième tête est dans son « entier du côté de la face , qui n’a recu au- « cune altération ; elle est large à propor- « tion de sa longueur : on y distingue la forme « des joues charnues ; les yeux sont fermés, « assez longs, mais étroits : le front est un « peu large ; le nez fort applati, mais bien « formé, la ligne du milieu un peu marquée ; « la bouche bien faite et fermée, ayant la « lèvre supérieure un peu forte relativement « à l’inférieure : le menton est bien propor- «tionné, et les muscles du total sont très- «articulés. La couleur de cette tête est rou- « geätre, et ressemble assez bien aux tètes « de tritons imaginées par les peintres : sa « substance est semblable à celle de la pierre « où elle a été trouvée ; elle-n’est , à propre- «ment parler, que le masque de la tête « naturelle. . ...» La relation ci-dessus a été envoyée par M. le baron de Gaillard-Longjumeau à ma- dame de Boisjourdain, qui l’a ensuite fait par- venir à M. Guettard avec quelques morceaux des ossemens en question. On peut douter \ 48 THÉORIE avec raison que ces prétendues têtes humaines | soient réellement des têtes d'hommes: «car . « tout ce qu'on voit dans cette carrière, dit | « M. de Longjumeau, annonce qu'elle s'est « formée de débris de corps qui ont été bri- « sés, et qui ont dû être ballottés et roulés « dans les flots de la mer dans le temps que «ces os se sont amoncelés. Ces amas ne se « faisant qu’à la longue, et n’étant sur-tout « recouverts de matière pierreuse que succes- « sivement, on ne Conçoit pas aisément comt- « ment il pourroit s'être formé un masque « sur la face de ces têtes, les chairs n'étant A « pas long-temps à se corrompre, lors sur- « tout que les corps sont ensevelis sous les. «eaux. On peut donc trés-raisonnablement « croire que ces prétendues têtes humaines « n’en sont réellement point... il y a même « tout lieu de penser que les os qu’on croit « appartenir à l’homme sont ceux des sque-: «lettes de poissons dont on a trouvé les « dents , et dont quelques unes étoient en- « clavées dans les mêmes quartiers de pierre «qui renfermsient les os qu’on dit ètre « humains. {1 « Il paroit que les amas d'os des environs & : [ DE LA TERRE. 49 « d'Aix sont semblables à ceux que M. Bordt « a fait connoître depuis quelques années , et « qu'ila trouvés près de Dax en Gascogne. Les « dents qu’on a découvertes à Aix paroissent, «par la description qu’on en donne, être « semblables à celles qui ont été trouvées à - « Dax, et dont une màchoire inférieure étoit « encore garnie : on ne peut douter que cétte « mâchoire ne soit celle d’un gros poisson... « Je pense donc que les os de la carrièred’Aix « sont semblables à ceux qui ont éte décou- d verts à Dax. . : , et que ces ossemens , quels « qu’ils soient, doivent être rapportés à des « squelettes de poissons plutôt qu’à des sque- « lettes humains. ... « Une des têtes en question avoit environ « sept pouces et demi de longueur sur trois «de largeur et quelques lignes de plus; sa « forme est celle d’un globe alongé, applati à _« sa base, plus gros à l'extrémité postérieure « qu’à l'extrémité antérieure, divisé suivant « sa largeur, et de haut en bas, par sept ou «huit bandes larges depuis sept jusqu’à « douze lignes : chaque bande est elle-même « divisée en deux parties ésales par un léger « sillon; elles s'étendent depuis la base jus- 5 fa : : THÉORIE ni « qu'au sommet : dans cet endroit, celles : « d’un côté sont séparées de celles du côté «opposé par un autre sillon plus profond, «et qui s’élargit insensiblement depuis là « partie antérieure jusqu'à la partie posté- « rieure. US « À cette description, om ne peut recon- « noître le noyau d’une tête humaine : les «_ os de la tête de l’homme ne sont pas divisés «en bandes comme l’est le corps dont il « s'agit ; une tête humaine est composée de « quatre os principaux, dont on ne retrouve « pas la forme dans le noyau dont on a donné « la description : elle n’a pas intérieurement «une crête qui s’étende longitudinalement « depuis sa partie antérieure jusqu'à sa par= « tie postérieure, qui la divise en deux par- «ties égales, et qui ait pu former le sillon « sur la partie supérieure du noyau pierreux. « Ces considérations me font penser que ce «corps est plutôt celui d’un nautile que ce- « lui d’une tête humaine. En effet, il y a des «nautiles qui sout séparés en bandes'ou « boucliers comme ce noyau : ils ont un « canal ou siphon qui règne dans la longueur « de leur courbure , qui les sépare en deux, } DE LA TERRE. br « etquien aura forme lesillon pierreux , etc. » Je suis trés-persuadé, ainsi que M. le baron de. Longjumeau , que ces prétendues têtes n’ont jamais appartenu à des hommes, mais à des animaux du genre des phoques, des loutres marines , et des grands lions marins et ours marins. Ce n'est pas seulement à Aix ou à Dax que l’on trouve, sur les rochers et dans les cavernes , des têtes et des ossemens de ces animaux; S. À. le prince margrave d'Anspach , actuellement régnant, et qui joint au goût des belles connoissances la plus grande affabilité , a eu la bonté de me don- ner , pour le Cabinet du roi, une collection d’ossemens tirés des cavernes de Gaillen- rente , dans son margraviat de Bareith. M. Daubenton a compare ces os avec ceux de ‘Vours commun : ils en diffèrent en ce qu’ils sont beaucoup plus grands; la tête et les dents sont plus longues et plus grosses, et le mu- seau plus alonge et plus renflé que dans nos plus grands ours. Il y a aussi dans cette col- lection, dont ce noble prince a bien voulu me gratifier , une petite tête que ses natura- listes avoient désignée sous le nom de /éfe du petit phoca de M. de Buffon; mais, comme ARR EU, MID pr NE 4 | 12e À AE 5, THÉORIE DE LA TERRE. l’on ne connoîit pas assez la formeetlastruæ ture des têtes de lions marins , d'ours ma- rins, et de tous les grands et petits phoques, nous croyons devoir encore suspendre notre jugement sur les animaux auxquels ces osse- iwens fossiles ont appartenu. PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. AR TEC-L EX L'X Des changemens de terres en mers, et de mers en terres. ni à paroît par ce que nous avons dit dans les articles I, VIT, VII et IX, qu'il est arrivé au globe terrestre de grands changemens qu’on peut regarder comme généraux ; et1l est certain par ce que nous avons rapporté dans les autres articles, que la surface de la terre a souffert des altérations particulières. Quoique l’ordre, ou plutôt la succession de ces altérations ou de ces changemens parti- , 5 54 THÉORIE culiers , ne nous soit pas bien connue , nous en connoissons cependant les causes princi- pales; nous sommes même en état d’en dis- tinguer les différens effets ; et si nous pou- vions rassembler tous les indices et tous les faits que l’histoire naturelle et l’histoire civile nous fournissent au sujet des révolu- tions arrivées à la surface de la terre, nous ne doutons pas que la théorie que nous avons donnée n'en devint bien plus plausible. L'’unedes principales causes des changemens qui arrivent sur la terre, c'est le mouvement de la mer , mouvement qu’elle a éprouve de tout temps ; car dès la création il y a eu lesoleil, la lune, la terre, les eaux, l’air, etc. : dés-lors le tlux et le reflux , lemouvement d’orient en occident , celui des vents et des courans ,sesont fait sentir ; les eaux ont eu dès-lors les mêmes mouvemens que nous remarquons aujour- NU d'hui dans la mer : et quand même on sup-.. poseroit que l’axe du globe auroit eu une autre inclinaison , et que les continens ter- restres , aussi-bien que les mers , auroient eu une autre disposition, cela ne détruit point le mouvement du flux et du reflux , non plus que la cause et l’effet des vents ; il suflit que DE LA TERRE. 55 j'immense quantité d’eau qui remplit le vaste espace des mers , se soit trouvée rassemnblée quelque part sur le globe de la terre, pour que le flux et le reflux , et les autres mou- vemens de la mer, aient été produits. Lorsqu'une fois on a commencé à soup- çonner qu'il se pouvoit bien que notre con- tinent eût autrefois été le fond d’une mer, on se le persuade bientôt à n'en pouvoir douter : d’un côté ces débris de la mer qu’on trouve par-tout , de l’autre la situation hori- zontale des couches de la terre, et enfin cette disposition des collines et des montagnes qui se correspondent , me paroissent autant de preuves convaincantes ; car en considérant les plaines , les vallées, les collines, on voit clairement que la surface de la terre a été Hgurée par leseaux ; en examinant l’intérieur des coquilles qui sont renfermées dans les pierres , ou reconnoit évidemment que ces pierres se sont formées par le sédiment des eaux , puisque les coquilles sont remplies de la matière même de la pierre qui les envi- ronne ; et enfin en réfléchissant sur la forme des collines , dont les angles saillans répon- denttoujours aux angles rentrans des collines SP OMAN M 10 LR AM FA 56 THÉOR Ci DER opposées , on ne peut pas douter que cette direction ne soit l'ouvrage des courans de la mer. À la vérité , depuis que notre continent est découvert , la forme de la surface a un peu change , les montagnes ont diminué de hauteur, les plaines se sont élevées, les angles des collines sont devenus plus obtus , plu- sreurs matières entraînées par les fleuves se sont arrondies ; il s'est formé des couches de tuf , de pierre molle , de gravier, etc.: mais l'essentiel est demeuré, la forme ancienne se reconnoit encore, et je suis persuadé que tout le monde peut se convaincre par ses yeux de tout ce que nous avons dit à ce sujet , et que quiconque aura bien voulu suivre nos obser- valions et nos preuves, ne doutera pas que la terre n'ait été autrefois sous les eaux de la mer, et que ce ne soient les courans de la mer qui aient donné à la surface de la terre la forme que nous voyons. Le mouvement principal des eaux de la mer est, comme nous l’avons dit , d'orient en occident : aussi il nous paroit que la mer a gagné sur les côtes orientales, tant de l'an- cien que du nouveau continent , un espace d'environ cinq cents lieues ; on doit se sou- DE LA TERRE. Er. venir des preuves que nous en avons données dans l’article XI, et nous pouvons y ajouter que tous les détroits qui joignent les mers, sont dirigés d’orient en occident : le détroit de Magellan , les deux détroits de Forbisher, celui de Hudson , le détroit de l’ile deCeylan, ceux de la mer de Corée et de Kamtschatka, ont tous cette direction , et paroissent avoir été formés par l’irruption des eaux qui, étant poussées d’orient en occident, se sont ouvert ces passages daus la même direction , dans laquelle elles éprouvent aussi un mouvement plus considérable que dans toutes les autres directions ; car 1l y a dans tous ces détroits des marées très-violentes , au lieu que dans ceux qui sont situés sur les côtes occiden- tales , comme l’est celui de Gibraltar , celui du Sund , etc. , le mouvement des marées est presque insensible. Les inégalités du fond de la mer changent la direction du mouvement des eaux ; elles ont été produites successivement par les sédi- mens de l’eau et par les matières qu’elle a transportées , soit par son mouvement de flux et de reflux , soit par d’autres mouvemens : car nous ne donnons pas pour cause unique HTC Uudt ME -U EL TANT (1 F re Po VOLS OARLEX 58 \«THÉO R IE | de ces inégalités, le mouvement du flux et à du reflux ; nous ayons seulement donné cettè | cause comme la principale et la première, parce qu’elle est la plus constante et qu’elle agit sans interruption : mais on doit aussi admettre conime cause l’action des veñiis 3 ils agissent même à la surface de l’eau aveé une toute autre violence que les marées , et l'agitation qu’ils communiquent à la mer est bien plus considérable pour les effets exté- rieurs ; elle s'étend même à des profondeurs considérables , comme on le voit par les ma- tières qui se détachent , par la tempête, du fond des mers, et qui ne sont presque jamais rejetées sur les rivages que dans les nl d'orage. be avons dit qu'entre les tropiques, et même à quelques degrés au-delà ; il règne continuellement un vent d'est; ce vent, qui contribue au mouvement senéral de la mer d'orient en occident , est aussi ancien que le flux et le reflux, puisqu'il dépend du cours du soleil et de la raréfaction de l'air , pro- duite par la chaleur de cet astre. Voilà doné deux causes de mouvement réunies , et plus grandes sous l'équateur que par-tout ailleurs : | DE LA TERRE. 59 la première, le flux et le reflux , qui, comme l'on sait, est plus sensible dans les climats méridionaux ; et la seconde, le vent d’est, qui souffle continuellement dans ces mêmes cli- mais : ces deux causes ont concouru depuis la formation du globe à produire les mêmes effets , c’est-à-dire , à faire mouvoir les eaux d’orient en eccident , et à les agiter avec plus de force dans cette partie du monde que dans toutes les autres; c’est pour cela que les plus grandes inégalités de la suriace du globe se trouvententre les tropiques. La partie de l’A- frique comprise entre ces deux cercles n’est, pour aiusi dire, qu'un groupe de montagnes, dont les différentes chaînes s’étendent pour la plupart d’orient en occident , comme on peut s'en assurer en considérant la direction des grands fleuves de cette partie de l’Afrique; il en est de même de la partie de l'Asie et de celle de l'Amérique qui sont comprises entre les tropiques , et l’on doit juger de l'inégalité et de la surface de ces climats par la quantité de hautes montagnes et d’iles qu’on y trouve. De la combinaison du mouvement général de la mer d’orient en occident, de celui du lux et du reflux , de celui que produisent 6o (THÉO KI les couraus , et encore de celui que forment + les vents, il a résulté une infinité de différens effets tant sur le fond dela mer que sur les côtes et les continens. Varenius dit qu’il est très-probable que les golfes et les détroits ont été formés par l'effort réitéré de l'Océan con tre les terres ; que ia mer Méditerranée , les golfes d'Arabie, de Bengale et de Cambaye, ent été formés par l’irruption des eaux, aussi- bien que les détroits entre la Sicileet l'Italie, entre Ceylan et l'Inde ; entre la Grèce et l'Eubée , et qu’il en est de même du détroit des Manilles, de celui de Magellan, et de celui de Danemarck ; qu’une preuve des irruptions de l’Océan sur les continens , qu'une preuve qu’il a abandonné différens terrains, c’est qu'on ne trouve que très-peu d’iles dans le milieu des grandes mers ; et jamais un grand nombre d'iles voisines les unes des autres ; que dans l’espace immense qu'occupe la mer Pacifique, à peine trouve- t-on deux ou trois petites îles vers le milieu ; que dans le vaste Océan Atlantique entre l’A- frique et le Bresil, on ne trouve quelles pe- tites îles de Sainte-Hélène et de l’Ascension ; mais que toutes Les îles sont auprès des grands R DE LA TERRE. LT sontinens , comme les îles de l’Archipel au- près du continent de l'Europe et de l'Asie, les Canaries auprès de l’Afrique , toutes les îles de la mer des Indes auprès du continent oriental ; lés îles Antilles auprès de celui de l'Amérique , et qu’il n’y a que les Açores qui soient fort avancées dans la mer entre l'Eu- rope et l'Amérique. Les habitans de Ceylan disent que leur ile a été séparée de la presqu'ile de l'Inde par une irruption de l'Océan, et cette tradition populaire est assez vraisemblable. On croit aussi que l’ile de Sumatra a été séparée de Malaye ; le grand nombre d’écueils et de bancs de sable qu'on trouve entre deux, seim- blent le prouver. Les Malabares assurent que les iles Maldives faisoient partie du continent de l'Inde , et en général on peut croire que toutes les îles orientales ont été séparées des continens par une irruption de l'Océan *. Il paroît qu'autrefois l'ile de la Grande- Bretagne faisoit partie du continent , et que l'Angleterre tenoit à la France : les lits de * Voyez V’arenii Geograph. general. pag 203, 217 et 220. | 6 FAR UT PTE ME MEN RSS TRES éd … RP O MIE OS terre et de pierre, qui sont:les mêmes des deux côtés du pas de Calais, le pen de profon+ deur de ce détroit, semblent l'indiquer. En supposant , dit le docteur Wallis ; comme tout paroît l'indiquer , que l'Angleterre com muniquoitautrefois à la France parun isthme au-dessous de Douvreset de Calais; les grandes mers des deux côtés battoient les côtes de cet isthme par un flux impétueux, deux fois en vingt-quatre heures ; la mer d'Allemagne ;, qui est entre l'Angleterre et la Hollande ; frappoit cet isthme du côte de l’est, et la mer de France, du côté dé l’ouest : cela suffit avec le tempspouruseret detruire une langue de terre étroite, telle que nous supposons qu'étoit autrefois cet isthine. Le flux dela mer de France, agissantavec grande violence non seulement contre l’isthme, mais aussi contre les côtes ce France et d'Angleterre, doit néces- sairement, par lemouvement des éaux, avoir enlevé une grande quantité desable, deterre, de vase , de tous les endroits contre lesquels la mer agissoit : mais étant arrêtée dans sou courant par cet isthme, elle ne doit pas avoir déposé, comme on pourroit le croire, des sédimens contre l’isthme : mais elle les aura DE LA TERRE. 63 transportés dans la grande plaine qui forme actuellement le marécage de Romne , qui à quatorze milles de long sur huit de large : ear quiconque a vu cette plaine ne peut pas douter qu’elle n’ait été autrefois sous les eaux de la mer , puisque dans les hautes marees elle seroit encore en partie inoudée sans les digues de Dimchurcb. | CNE La mer d'Allemagne doit avoir agi de même contre l’isthme et contre les côtes d’Angle- terre et de Flandre , et elle aura emporté les sédimens en Hollande et en Zélande , dont le terrain , qui étoit autrefois sous leseaux ,s’est élevé de plus de quarante pieds. De l’autre côté sur la côte d'Angleterre, la mer d'Alle- : magne devoit occuper cette larse vallée où coule actuellement la rivière de Sture, à plus de vingt milles de distance, àcommencer par Sandwich, Cantorbery , Chatam , Chilham; jusqu’à Ashford , et peut-être plus loin; le terrain est actuellement beaucoup plus élevé qu’il ne l’étoit autrefois , puisqu’à Chatam on a trouve les os d’un hippopotame enterrés à dix-sept pieds de profondeur , des ancres de vaisseaux et des coquilles marines. Or , il est très-vraisemblable que la mer ! A 4 64 THÉ SORIE : | peut former de nouveaux terrains en Y ap. ù portant les sables, la terre, la vase, etc. ; ar nous voyons sous nos yeux que dans l'ile d'Orkney, qui est adjacente à la côte maré- cageuse de Romne , il y avoitun terrain bas | toujoursen danger d’être inondé par larivière | Rother : mais, en moins de-soixante ans , la mer a élevé ce terrain considérablement en y amenant à chaque flux et reflux une quantité considérable de terre et de vase; et en même temps ellea creusé si fort le canal par où elle entre, qu'en moins de cinquante ans la pro- fondeur de ce canal est devenue assez grande pour recevoir de gros vaisseaux, au lieu qu’au- paravant c’étoit un gué où les hommes pou- voient passer. La même chose est arrivée auprès de la côte de Norfolk , et c’est de cette façon que s’est formé le banc de sable qui s’étend obli- quement depuis la côte de Norfolk vers la côte de Zélande ; ce banc est l’endroit où les marées de la mer d'Allemagne et de la mer de France se rencontrent depuis que l’isthme a été rompu, et c’est là que se déposent les terres et les sables entrainés des côtes : on ne peut pas dire si ayec le temps ce banc de DE LA TERRE. 65 sable ne formera pas un nouvel isthme, etc. *. | ya grande apparence , dit Ray , que l'ile de la Grande-Bretagne étoit autrefois _ jointe à la France, et faisoit partie du conti- nent ; on ne sait point si c'est par un trem— blement de terre , ou par une irruption de l'Océan , ou par le travail des hommes , à cause de l’utilité et de la commodité du pas- sage , ou par d’autres raisons : mais ce qui prouve que cette ile faisoit partie du conti- nent , c'est que les rochers et les côtes des deux côtés sont de même nature et composées des mêmes matières , à la mème hauteur, en sorte que l’on trouve le long des côtes de Douvres les même lits de pierre et de craie que l’on trouve entre Calais et Boulogne ; la longueur de ces rochers le long de ces côtes est à très-peu près la même de chaque côte, c’est-à-dire , d'environ six milles. Le peu de largeur du canal , qui dans cet endroit n’a pas plusde vingt-quatre milles anglois de largeur, et le peu de profondeur , eu égard à la mer voisine, fontcroire que l'Angleterre a etésépa- rée de la France par accident. On peutajouter * Voyez Trans. philos. abr. vol. IV , page 227. ; | 66 THÉ OR PEL à ces preuves, qu'il y avoit autrefois des | loups et même des ours dans cette île ,iet il n’est pas à présumer qu'ils ÿ soient venus à la nage, ni que les hommes aient transporté ces animaux nuisibles ; ear en général on trouve les animaux nuisibles des continens dans toutes les iles qui en sont fort voisines, et jamais dans celles qui en sont fort éloi- guees , comme les Espagnols l'ont observé lorsqu'ils sont arrivés en Amérique *. Du temps de Henri I ; roi d'Angleterre , il arriva une grande inondation dans une partie de la Flandre par une irruption de la mer ; en 1446, une pareille irruption fit perte plus de dix mille personnes sur le territoire de Dordrecht , et plus de cent mrlle autour de Dullart, en Frise et en Zelande, et il y eut dans ces deux provinces plus de deux ou trois cents villages de suwbmergés ; on voit encore les sommets de leurs tours et les pointes de leurs clochers qui s'élèvent un peu au-dessus des eaux. | Sur les côtes de France , d'Angleterre, de Hollande, d'Allémagne , de Prusse , la mez * Voyez Raj's Discourses, page 208.” DE LATERRE. 67 s’est éloignée en beaucoup d’endroits. Hubert Thomas dit, dans sa description du pays de Liége , que la mer environnoit autrefois les murailles de la ville de Tongres , qui main- tenant en est élorgnée de trente-cinq lieues , ce qu’il prouve par plusieurs bonnes raisons; et entre autres il dit qu'on voyoit encore de son temps les anneaux de fer dans les mu- railles auxquelles on attachoit les vaisseaux qui y arrivoient. On peut encore regarder comme des terres abandonnées par la mer, en Angleterre les grands marais de Lincoln et l’ile d'Ély , en France la Crau de la Pro- vence ; et même la mer s’est éloignée assez considérablement à l'embouchure du Rhône depuis-l'anne 1665. En Italie, il s’est formé de même un terrain considérable à l’embou- chure de l’Arne ; et Ravenne, qui autrefois étoit un port de mer des exarques , n’est plus une ville maritime. Toute la Hollande paroit être un terrain nouveau , où la surface de la terre est presque de niveau avec le fond de la mer , quoique le pays se soit considera- blement élevé et s'élève tous les jours par les limons et les terres que le Rhin, la Meuse, étc. y amènent ; car autrefois on comptoit 68. THÉ OR 1e que le terrain de la Hollande étoit en. plu. k sieurs endroits de cinquante pieds plus bas que le fond de la mer. On prétend qu’en l’année 860, Ja mer dans une tempête furieuse , amena vers la côte une si grande quantité de sables, qu’ils fermèrent l'embouchure du Rhin auprès de Catt, et que ce fleuve inonda tout le pays, renversa les arbres et les maisons , et se jeta dans le lit de la Meuse. En 1421, il y eut une autre inondation qui sépara la ville de Dordrecht de la terre ferme, submergea soixante et douze villages , plusieurs chà- teaux , noya cent mille ames , et fit périr une infinité de bestiaux. La digue de l’Issel se rompit en 1638 par quantité de glaces que le Rhin entrainoit, qui, ayant bouché le passage de l’eau, firent une ouverture de quelques toises à la digue, et une partie de la province fut inondée avant qu’on eût pu réparer la brèche. En 1682, il y eut une pareille inondation dans la province de Zé- lande, qui submergea plus de trente villages, et causa la perte d’une infinité de monde et de bestiaux qui furent surpris la nuit par leseaux. Ce fut un bonheur pour laHollande 4 * DE LA TERRE. 69 que le vent de sud-est gagna sur celui qui lui étoit opposé; car la mer étoit si enflée, que les eaux étoient de dix-huit pieds plushautes que les terres les plus élevées de la province, à la réserve des dunes *. | e0 Dans la province de Kent en Angleterre , il y avoit à Hith un port qui s’est comblé, malgré tous les soins que l’on.a pris pour Fempècher, et malgré la dépense qu’on à faite plusieurs fois pour le vider. On y trouve une multitude étonnante de galets et de co-— quillages apportés par la mer dans l’étendue de plusieurs milles, qui s’y sont amoncelés autrefois, et qui, de nos jours , ont été re- couverts par de la vase et de la terre, sur laquelle sont actuellement des pâturages. D'autre côté 1l y a des terres fermes que la mer, avec le temps, vient à gagner et à cou- vrir, comme les terres de Goodwin, qui ap- partenoient à un seigneur de ce nom, et qui à présent ne sont plus que des sables cou- verts par les eaux de la mer. Ainsi la mer gagne en plusieurs endroits du terrain , et * Voyez les 7’oyages hustoriques de l'Europe, tome V, page 0. $o THÉORIE à en perd dans'd'autres : cela dépend dé Ja différente situation des côtes et des. endroits où le mouvement des marées s ’arrête, où les eaux: transportent d’un endroit à l’autre les terres, les sables , les coquilles, etc. ! Sur la montagne de Stella en Portugal, il y a un lac: dans lequel on a trouvé des débris de vaisseaux, quoique cette montagne soit eloignée de la mer de plus de douze lieues 7, Sabinius , dans $es commentaires sur les Métamorphoses d'Ovide, dit qu'il paroit, parles monumens del’histoire , qu’en l’année 1460 on trouva dans une mine des Alpes un vaisseau avec ses ancres. . /: | Ce n’est pas seulement en Europe quenous trouverons des exemples de ces changemens de mer en terre et de terre en mer; les autres parties du morïde nous en fourniroient peut- être de plus remarquables et en:plus grand nombre, si on les avoit bien observées. Calicut a été autrefois une ville célèbre et “ Voyez Plul. Trans. abrig'd.vol. IV , page 234. 2 Voyez la Géographie de Gordon, édiion de Londres, 1753, page 149 TE RE D AR + DE LA TERRE 7€ la capitale d’un royaume de même nom; ce. n'est aujourd'hui qu’une grandé bourgade mal bâtie et assez déserte : la mer, qui, depuis, un siècle, a beaucoup gagné sur cette côte ; & submérgé la meilleure partie de Fan- cienne villé ; avec une belle forteresse de pierre de taille qui y étoit. Les barques mouile lent aujourd'hui sur leurs ruines, et le port est rempli d'un grand nombre d’écueils qui paroissent dans les basses marées, et sur les= quels les vaisseaux font assez souvent nau= frage *. La province: de Jucatan , péninsule dans le golfe du Mexique:, a fait autrefois partie de la mer. Cette pièce de terre s’étend dans la mer à cent lieues en longueur depuis le conti- nent, etn'a pas plus de vingt-cinq lieues dans sa plus graude: largeur ; la qualité de l'air y est tout-a-fait chaude et humide : :quoi- qu'il n’y ait ni ruisseaux ni rivières dans un si long espace, l’eau est par-tout si proche, et l'on trouve, en ouvrantla terre ,unsi grand hombre de coquillages , qu'on est porté à regarder cette vaste étendue comme un lieu qui a fait autrefois partie de la mer. * Voyez Lettres édifiantes, rec. JT, page 187. 2 THÉORIE Les habitans de Malabar prétendent qu’ ani | trefois les îles Maldives étoient attachées au : continent des Indes, etque la violerice de la | mer les en a séparées. Le nombre de ces îles est si grand , et quelques uns dés Canaux qui | lés séparent sont si étroits, que lésibeauprés . des vaisseaux qui-y passent font tomber les feuilles des arbres de l’un et de l’autre côté ; et en quelques endroits un hommevigoureux se tenant à une branche d'arbre, peut sauter dans une autre île*. Une preuve que le con- tinent des Maldives étoit autrefois une terre sèche, ce sont les cocotiers qui sont au fond de la mer; il s’en détache souvent des cocos qui sont rejetés sur le rivage par la tempête: les Indiens en font grand cas, et léur attri- buent les mêmes vertus qu’au bézoard: : . On croit qu’autrefois l’île de Ceylan étoit unie au continent et en faisoit partie, mais que les courans, qui sont extrêmement ra- pides en beaucoup d’endroits des Indes , l’ont séparée, et en ont fait une ile. On croit la même chose à l'égard des îles Rammanakoïel | _ * Voyez les Foyages des Hollandois'aux T ndes ærtentales, page 274 DE LA TERRE. LE et de plusieurs autres *. Ce qu’il y a de cer- tain, c’est que l'ile de Ceylan a perdu trente ou quarante lieues de terrain du côté du nord- ouest, que la mer a gagnées successivement. Il paroît que la mer a abandonné depuis peu une grande partie des terres avancées et des îles de l'Amérique. On vient de voir que le terrain de Jucatan n’est composé que de coquilles ; il en est de même des basses terres de la Martinique et des autres îles Antilles. Les habitans ont appelée le fond de leur ter- rain /a chaux , parce qu'ils font de la chaux avec ces coquilles, dont on trouve Les bancs immédiatement au-dessous de la terre végé- tale. Nous pouvons rapporter ici ce qui est dit dans les Nouveaux Voyages aux iles de l'Amérique. « La chaux que l’on trouve par «toute la grande terre de la Guadeloupe, « quand on fouille dans la terre, est de même « espèce que celle que l’on pêche à la mer : « il est difficile d’en rendre raison. Seroit-il « possible que toute l'étendue du terrain qui « compose cette île ne fût, dans les siècles * Voyez les Voyages des Hollandois aux Indes orsentales, tome VI, page 485, Mat, gén, LV: M7 Y 74 - : THÉORTE, É « passés, qu'un haut fond rempli de plantes è « de chaux , qui, ayant beaucoup crû et x. «rempli les vides qui étoient entre elles | «occupés par l’eau, ont enfin haussé le ter- rain et obligé l’eau à se retirer et à laisser à sec toute la superficie ? Cette conjecture , toute extraordinaire qu’elle paroît d’abord, n’a pourtant rien d’impossible, et devien- « dra même assez vraisemblable à ceux qui « l'examineront sans prévention : car enfin, «en suivant le commencement de ma sup- « position , ces plantes ayant crû et rempli « tout l’espace que l’eau occupoit, se sont «enfin étouffées l’une l'autre ; les parties supérieures se sont réduites en poussière et en terre; les oiseaux y ont laissé tomber les « graines de quelques arbres, qui ont germë, «et produit ceux que nous y voyons, et la «nature y en fait germer d’autres qui ne « sont pas d’une espèce commune aux autres «endroits, comme les bois marbres et vio- «lets. Il ne seroit pas indigne de la curiosité des gens qui y demeurent de faire fouiller «en différens endroits pour connoître quel « en est le sol, jusqu'à quelle profondeur ô6n « trouve cette pierre à chaux, en quelle situa- mm € La) < # € La) L CN la) Le) € ”" L ” Lan) ” € " mn DE LA TERRE. 75 « tion elle est répandue sous l'épaisseur de « la terre, et autres circonstances qui pour- « roient ruiner ou fortifier ma conjecture.» Il y a quelques terrains qui tantôt sont couverts d’eau, et tantôt sont découverts , comme plusieurs îles en Norvége, en Écosse, aux Maldives, au golfe de Cambaye, etc. La mer Baltique a gagné peu à peu une grande partie de la Poméranie; elle a couvert et ruine le fameux port de Vineta. De même la mer de Norvége a formé plusieurs petites iles , et s’est avancée dans le continent. La mer d'Allemagne s’est avancée en Hollande auprès de Catt , en sorte que les ruines d’une ancienne citadelle des Romains, qui étoit autrefois sur la côte , sont actuellement fort avant dans la mer. Les marais de l'ile d'Ely en Angleterre, la Crau en Provence, sont au contraire, comme nous l’avons dit, des terrains que la mer a abandontiés ; les dunes ont été formées par des vents de mer qui ont jeté sur le rivage et accumulé des terres, des sables , des coquillages, etc. Par exemple, sur les côtes occidentales de France, d’Es- pague et d'Afrique , il règne des vents d'ouest durables et violens qui poussent avec ) 76 THÉORIE | _ impétuosité les eaux vers le rivage, sur lé- 1 quel il s’est formé des dunes dans quelques endroits. De même les vents d’est, lorsqu'ils durent long-temps, chassent si fort les eaux des côtes de la Syrie et de la Phénicie, que les chaînes de rochers qui sont couvertsd’eau pendant les vents d'ouest, demeurent alors à sec. Au reste, les dunes ne sont pas com- posées de pierres et de marbres, comme les montagnes qui se sont formées dans le fond de la mer , parce qu’elles n’ont pas été assez long-temps dans l’eau. Nous ferons voir dans le Discours sur les minéraux, que la pétrifi- cation s'opère au fond de la mer , et que les pierres qui se forment dans la terre sont bien différentes de celles qui se sont formées dans la mer. Comme je mettois la dernière main à ce traité de la théorie de la Terre, que j'ai com- posé en 1744, j'ai reçu de la part de M. Bar- rère sa Dissertation sur l’origine des prerres figurées, et j'ai été charme de me trouver d'accord avec cet habile naturaliste au sujet de la formation des dunes , et du séjour que la mer a fait autrefois sur la terre que nous habitons ; 1l rapporte plusieurs changemens DE LA TERRE. 77 arrivés aux côtes de la mer. Aigues-mortes, qui est actuellement à plus d’une lieue et demie de la mer , étoit un port du temps de saint Louis; Psalmodi étoit une île en 815, et aujourd'hui il est dans la terre ferme, à plus de deux lieues de la mer : il en est de même de Maguelone ; la plus grande partie du vignoble d'Agde étoit, il y a quarante ans , couverte par les eaux de la mer : et en Espagne la mer s’est retirée considérable- ment depuis peh de Blanes, de Badalona, vers l'embouchure de la rivière Vobregat , vers le cap de Tortosa , le long des côtes de Valence, etc. . La mer peut former des collines et élever. des montagnes de plusieurs façons différentes, d’abord par des transports de terre, de vase, de coquilles , d’un lieu à un autre, soit par son mouvement naturel de flux et de reflux, soit par l'agitation des eaux causée par les vents ; en second lieu par des sédimens, des parties impalpables qu’elle aura détachées des côtes et de son fond, et qu’elle pourra trans- porter et déposer à des distances considé- rables ; et enfin par des sables, des coquilles, de la vase et des terres que les vents de mer 7 ] / At ( 78 LIVE ORNE poussent souvent contre les côtes; ce qui pro duit des dunes et des collines que les eaux abandonnent peu à peu, et qui deviennent des parties du continent : nous en avons un exemple dans nos dunes de Flandre et dans . celles de Hollande , qui ne sont que des col- lines composées de sable et de coquilles que des vents de mer ont poussées vers la terre. M. Barrère en cite un autre exemple qui m'a paru mériter de trouver place ici. « L'eau de « la mer, par son mouvement, détache de « sou sein une infinité de plantes , de coquil- «lages , de vase , de sable, que les vagues « poussent continuellement vers les bords, « et que les vents impétueux de mer aident à « pousser encore. Or tous ces différens corps « ajoutés au premier atterrissement, y for- « ment plusieurs nouvelles couches ou mon- « ceaux qui ne peuvent servir qu’à accroitre « le lit de la terre, à l’élever, à former des « dunes , des collines, par des sables, des « terres, des pierres amoncelées ; en un mot, « à éloigner davantage le bassin de la mer, « et à former un nouveau continent. «IL est visible que des alluvions ou des « atterrissemens successifs ont été faits par le DE LA TERRE. 79 « même mécanisme depuis plusieurs siècles , « c'est-à-dire, par des dépositions réitérées de « différentes matières ; atterrissemens quine « sont pas de pure convenance : j en trouve « les preuves dans la nature mème, c'est-à- « dire, dans différens lits de coquilles fossiles « et d’autres productions marines qu'on re- « marque dans le Roussillon auprès du village «de Naffac, éloigne de la mer d'environ « sept ou huit lieues. Ces lits de coquilles « qui sont inclines de l’ouest à l’est sous dif- « férens angles , sont séparés les uns des «autres par des bancs de sable et de terre, « tantôt d’un pied et demi, tantôt de deux à «trois pieds d'épaisseur ; 1ls sont comme « saupoudres de sel lorsque le temps est sec, « et forment ensemble des côteaux de la hau- « teur de plus de vingt-cinq à trente toises. « Or une longue chaîne de côteaux si élevés « n’a pu se former qu'à la longue, à diffé- « rentes reprises et par la succession des « temps ; ce qui pourroit être aussi un effet « du déluge et du bouleversement universel « qui a dû tout confondre, mais qui cepen— « dant n'aura pas donné uue forme réglée à a ces différentes couches de coquilles fossiles \ S UE TION / AA ne à 80 THÉORIE NE « qui auroient dû être assemblées sans aucun «ordre. » Je pense sur cela comme M. Barrère; seu- lement je ne regarde pas les atterrissemens comme la seule manière dont les montagnes ont été formées , et je crois pouvoir assurer au contraire que la plupart des éminences que nous voyons à la surface de la terre ont été formées dans la mer même, et cela par plusieurs raisons qui m'ont toujours paru convaincantes : premièrement, parce qu’elles ont entre elles cétte correspondance d’angles saillans et rentrans qui suppose nécessaire ment la cause que nous avons assignée, c’est- à-dire le mouvement des courans de la mer; en second lieu , parce que les dunes et les collines qui se forment des matières que la mer amene sur ses bords, ne sont pas compo- sées de marbres et de pierres dures comme les collines ordinaires : les coquilles n'y sont ordinairement que fossiles , au lieu que dans les autres montagnes la pétrification estentière; d'ailleurs les bancs de coquilles, les couches de terre ne sont pas aussi hori- zontales dans les dunes que dans les collines composées de marbre et de pierre dure : ces DELA FERRE Gc bancs y sont plus ou moins inclinés, comme dans les collines de Naffac, au lieu que dans les collines et dans les montagnes qui se sont formées sous les eaux par les sédimens de la mer, les couches sont toujours parallèles et trés-souvent horizontales ; les matières y sont peétrifiées aussi-bien que les coquilles. J’es- père faire voir que les marbres et les autres matières calcinables, qui presque toutes sont composées de madrépores, d’astroïtes et de coquilles, ont acquis au fond de la mer le degré de dureté et de perfection que nous leur connoissons : au contraire les tufs, les pierres molles et toutes les matières pier- reuses, comme les incrustations , les stalac- tites , etc. qui sont aussi calcinables , et qui se sont formées dans la terre depuis que notre continent est découvert ,; ne peuvent acquérir ce degré de dureté et de pétrifica- tion des marbres ou des pierres dures. On peut voir dans l’Æstoire de l’aca- démie, année 1707 , les observations de M. Saulmon au sujet des galets qu'on trouve dans plusieurs endroits. Ces galets sont des cailloux ronds et plats, et toujours fort polis, gne la mer pousse sur les côtes. À Bayeux ei 82 THÉ O RE, à Brutel, qui est à une lieue de la mer, on * trouve du galet en creusant des caves ou des puits ; les montagnes de Bonneuil, de Broie , À et du Quesnoy, qui sont à environ dix-huit lieues de la mer, sont toutes couvertes de galets : il y en a aussi dans la vallée de Clermont en Beauvoisis. M. Saulmon rap- porte encore qu'un trou de seize pieds de profondeur , percé directement et horizon- talement dans la falaise du Tréport, qui est toute de moellon, a disparu en trente ans, c'est-à-dire que la mer a miné dans la falaise cette épaisseur de seize pieds. En supposant qu’elle avance toujours également, elle mi- neroit mille toises ou une petite demi-lieue de moellon en douze mille ans. Les mouvemens de la mer sont donc les principales causes des changemens qui sont arrivés et qui arrivent sur la surface du globe : mais cette cause n’est pas unique ; ilyena beaucoup d’autres moins considérables qui contribuent à ces changemens : les eaux cou- rantes, les fleuves, les ruisseaux, la fonte des neiges, les torrens , les gelées , etc. ont changé considérablement la surface de la terre ; Les pluies ont diminué la hauteur des: DE LAOTERRE." , 85 montagnes; les rivières et les ruisseaux ont élevé les plaines ; les fleuves ont rempli la mer à leur embouchure; la fonte des neiges et les torrens ont creusé des ravines dans les gorges et dans les vallons ; les gelées ont fait fendre Les rochers et les ont détachés des mon- tagnes. Nous pourrions citer une infinité d'exemples des différens changemens que toutes ces causes ont occasionnés. Varenius dit que les fleuves transportent dans la mer _ une grande quantité de terre qu’ils déposent à plus ou moins de distance des côtes, en raison de leur rapidité ; ces terres tombent au fond de la mer, et y forment d’abord de petits bancs , qui, s’augmentant tous les jours, font des écueils, et enfin forment des îles qui deviennent fertiles et habitées : c’est ainsi que se sont formées les îles du Nil, celles du fleuve Saint-Laurent, l’ile de Lan- da située à la côte d'Afrique près de l’em- bouchure du fleuve Coanza, les îles de Nor- vége , etc. !. On peut y ajouter l’ile de Tong- ming à la Chine, qui s’est formée peu à peu des terres que le fleuve de Nanquin entraine * Voyez V'arenii Geogr. general. page 214. 04 THÉORIE et dépose à son embouchure. Cette ile est fort k considérable ; elle a plus de vingt lieues de longueur sur cinq ou six de largeur *. Le P6 , le Trento, l’Athésis, et les autres rivières de l'Italie, amènentune grande quan- tité de terres dans les lagunes de Venise, sur- tout dans le temps des inondations, en sorte que peu à peu elles se remplissent : elles sont déja sèches en plusieurs endroits dans le temps du reflux, et il n’y a plus que les canaux que l’on entretient avec une grande dépense qui aient un peu de profondeur. À l'embouchure du Nil, à celle du Gange et de l’Inde, à celle de la rivière de la Plata au Bresil, à celle de la rivière de Nanquin à la Chine, ef à l'embouchure de plusieurs autres fleuves, on trouve des terres et des sables accumulés. La Loubère, dans son- l'oyage de Siam , dit que les bancs de sable et de terre augmentent tous les jours à l’em- bouchure des grandes rivières de l’Asie par les limons et les sédimens qu'elles y appor- tent, en sorte que la navigation de ces ri- . vières devient tous les jours plus difficile , et . * Voyez Lettres édifiantes, rec. XI, page 2344 DE LA TERRE. 85 deviendra un jour impossible. On peut dire la même chose des grandes rivières de l'Eu- rope, et sur-tout du Wolga , qui a plus de soixante-dix embouchures dans la mer Cas- pienne; du Danube, qui en a e dans la mer Noire, etc. Comme il pleut très-rarement en Égypte, l’inondation régulière du Nil vient des tor- rens qui y tombent dans l'Éthiopie ; il charie une très-grande quantité de limon : et ce fleuve a non seulement apporté sur le terrain de l'Éeypte plusieurs milliers de couches annuelles , mais même il a jeté bien avant dans la mer les fondemens d’une alluvion qui pourra former avec le temps un nouveau pays ; car on trouve avec la sonde, à plus de vingt lieues de distance de la côte, le li- mon du Nil au fond de la mer, qui rues mente tous les ans. La basse Égypte, où est maintenant le Delta , n’étoit autrefois qu'un golfe de la mer *. Homère nous dit que l’ile de ue étoit éloignée de l'Égypte d’un ; jour * Voyez Diodore de Sicile, liv. IIT; Aristote, li. I des Météores, chap. XIV ; Hérodote, parage EV, V;,ctc. | 8 36 PRÉ CPR ON et d’une nuit de chemin, et l’on sait qu'au- jourd’hui elle est presque contiguë. Le sol en Égypte n’a pas la même profondeur de . bon terrain par-tout; plus on approche de la mer , et moins il y a de profondeur : près des bords du Nil il y a quelquefois trentepieds et davantage de profondeur de bonne terre , tandis qu’à l'extrémité de l’inondation il n’y a pas sept pouces. Toutes les villes de la basse Egypte ont été bâties sur des levées et sur des éminences faites à la main !. La ville de Damiette est aujourd’hui éloignée de la mer de plus de dix milles; et du temps de saint Louis, en 1243, c’étoit un port de mer. La ville de Fooah , qui étoit, il y a trois cents ans , à l'embouchure de la branche ca- nopique du Nil, en est présentement à plus de sept milles de distance : depuis quarante ans la mer s’est retirée d’une demi-lieue de devant Roseite, etc. ?. Îlest aussi arrivé des changemens à l’embou- chure de tous les grandsfleuves de l'Amérique, 4 Voyez le J’oyage de M. Shaw, vol. IT, pag. 185 et 186. 2 Jbhid. pages 173 et 168. DE LA TERRE. ‘|. 64 et même de ceux qui ont été découverts nou- vellement. Le P. Charlevoix, en parlant du fleuve Mississipi, dit qu'à l'embouchure de ce fleuve , au-dessous de la nouvelle Orléans, le terrain forme une pointe de terre qui ne paroit pas fort ancienne, car pour peu qu’on y creuse, on trouve de l’eau; et que la quan- tite de petites îles qu'on a vues se former nou- vellement à toutes les embouchures de ce fleuve, ne laissent aucun doute que cette langue de terre ne soit formée de la même manière. [1 paroît certain, dit-il , que quand M. de la Salle descendit * Le Mississipi jusqu'à la mer, l'embouchure de ce fleuve n’etoit pas telle qu'on la voit aujourd'hui. Plus on approche de la mer, ajoute-t-il, , plus cela devient sensible; la barre n’a presque point d'eau dans la plupart des petites issues que lefleuve s’est ouvertes, et qui ne se sontsi fort multipliées que par le moyen des arbres qui y sont entrainés par le courant, et dont un seul arrêté par ses branches ou par ses racines dans un endroit où il y a peu de pro- fondeur, en arrête mille. J’en ai vu, dit-il, ) * Il y a des géographes qui prétendent que M. de la Salle n’a jamais descendu le Mississipi. 88 * THÉORIE Fi NE à deux cents lieues d’ici !, des amas dont un seul auroit rempli tous Les chantiers de Paris: rien alors n’est capable de les détacher; le limon que charie le fleuve leur sert de ciment et les couvre peu à peu; chaque inondation en laisse une nouvelle couche, et après dix ans au plus les lianes et les arbrisseaux com- mencent à y croître: c’est ainsi que se soné . formées la plupart des pointes et des îles qui font si souvent changer de cours au fleuve ?. Cependant tous les changemens que les fleuves occasionnent, sont assez lents, et ne peuvent devenir considérables qu'au bout d'une longue suite d'années : mais il est ar- rive des changemens brusques et subits par les inondations et les tremblemens de terre. Les anciens prêtres égyptiens, six cents ans avantla naissance de Jesus-Christ, assuroient, au rapportde Platon dans le Tirnée,qu'autre- fois il y avoit une grande ile auprès des çco- lonnes d'Hercule, plus ere quel'Asie et la Libye prises ensemble, qu’on appeloit Atian- 1 De la nouvelle Orléans. 3 Voyez les J’oyages du P. Charleboix, tome III, page 440. = DE LA TERRE. 69 ide; que cette grande ilefut inondée et abimée sous les eaux de la mer après un grand trem- blementde terre. Traditur Atheniensis civitas restitisse olim innumeris hosliurmn copiis quæ, ex Atlantico mariprofectæ,propè jam cunctam Europam Asiamque obsederunt. Tunc enim erat fretumm illud navigabile, habens in ore et quasi vestibulo ejus insulam quas Herculis Columnas cognominant : ferturque insula illa Liby& simul et Asi& major fuisse, per quam ad alias proximas insulas patebaf adi- 1us, atque ex insulis ad omnem Continentem è conspectu jacentermn vero mari vicinarn. Sed éntra os ipsum portus angusio sinu fuisse tra- ditur. Pelagus illud verum mare, terra quoque : illa verè erat continens, etc. Post hœc ingenri fcrræ molu Jugique diei unius et noctis illu- vione factum est, ut terra dehiscens omnes illos bellicosos absorberet, et Atlantis insula sub vasto gurgite mergeretur.(Plato ir Tinæo:) Cette ancienne tradition n’est pas absolu- ment contre toute vraisemblance : les terres qui ont été absorbées par les eaux, sont peut. être celles qui joignoient l'Irlande aux Açores, et celles-ci au continent de l'Amérique; car on trouve en Irlande les mêmes fossiles, les 8 90 THEORIE : mêmes coquillages et les mêmes productions marines que l’on trouve en Amérique, dont quelques unes sont différentes de celles qu’on trouve dans le reste de l'Europe, Eusèbe rapporte deux témoignages au sujet | des déluges , dont l’un est de Melon, qui dit que la Syrie avoit été autrefois inondée dans toutes les plaines ; l’autre est d'Abydenus, qui dit que du temps du roi Sisithrus il y eut un grand déluge qui avoit été prédit par Saturne. Plutarque de solertia animalium ; : Ovide et les autres mythologistes parlent du deluge de Deucalion, qui s’est fait, dit-on, en Thessalie , environ sept cents ans après le déluge universel. On prétend aussi qu'il y en a eu un plus ancien dans l’Attique, du temps d’Ogygès , environ deux cent trente ans avant celui de Deucalion. Dans l’année 1092 il y eut un déluge en Syrie qui noya une infinité d'hommes !. En 1164 il y en eut un si considérable dans la Frise, que toutes les côtes maritimes furent submergées avec plusieurs milliers d'hommes ?. En 1218 il y 1 Voyez Alfred, CAron. chap. XXV. 2 Voyez Kraok , liv, V, chap. 4. Êe) DE LA TERRE. gr eut une autre inondation qui fit périr près decent mille hommes, aussi-bien qu’en 1550. Ily a plusieurs autres exemples de ces grandes inondations , comme celle de 1604 en Angle- terre , etc. Une troisième cause de changement sur la surface du globe sont les vents impétueux. Non seulement ils forment des dunes et des collines sur les bords de la mer et dans le milieu des continens , mais souvent ils arrê- tent et font rebrousser les rivières ; ils chan-— gent la direction des fleuves; ils enlèvent les terres cultivées , les arbres; ils renversent les : maisons ; ils inondent , pour ainsi dire, des pays tout entiers. Nous avons un exemple de ces inondations de sable en France , sur les côtes de Bretagne : l'Histoire de l'académie. année 1722, en fait mention dans les termes suivans. | « Aux environs de Saint-Paul de Léon en « basse Bretagne , il y a sur la mer un can- « ton qui avant l’an 1666 étoit habité et ne « l’est plus à cause d’un sable qui le couvre « jusqu’à une hauteur de plus de vingt pieds, « et qui d'année en année s’avance et gagne « du terrain. À compter de l'époque marquée, ge AN A l'E 92 r. TL ÉO EDEN 4 «ila gagné plus de six lieues, et il n'est plus « qu’à une demi-lieue de Saint-Paul, de sorte « que, selon les apparences , il faudra aban— « donner cette ville. Dans le pays submergé « on voit encore quelques pointes de clochers «et quelques cheminées qui sortent de cette « mer de sable ; les habitans des villages en- «terres ont eu du moins le loisir de quitter « leurs maisons pour aller mendier *. « C’est le vent d'est ou du nord qui avance « cette calamite : ilélève ce sable qui est très- « fin, et le porte en si grande quantité etavec « tant de vitesse , que M. Deslandes , à qui « l'académie doit cette observation , dit qu'en « se promenant en ce pays-là pendant que le « vent chariot , 1l étoit obligé de secouer de « temps en temps son chapeau et son habit, « parce qu'il les seutoit appesantis. De plus, « quand ce vent est violent, il jette ce sable « par-dessus un petit bras de mer jusque dans « Roscof, petit port assez fréquenté par les « vaisseaux étrangers ; le sable s'élève dans «les rues de cette bourgade jusqu'à deux « pieds , et on l’enlève par charretées. On * Page”. DE LA TERRE. "33 « peut remarquer en passant, qu’il y a dans « ce sable beaucoup de parties ferrugineuses, « quise reconnoissent au couteau aimante. « L'endroit de la côte qui fournit tout ce « sable , estune plage qui s'étend depuis Saint- « Paul jusque vers Plouescat , c’est-à-dire «un peu plus de quatre lieues , et qui est « presque au niveau de la mer lorsqu'elle est « pleine. La disposition des lieux est telle, .« qu'il n'y a que le vent d'est, ou de nord-est, « qui ait la direction nécessaire pour porterle « sable dans les terres. Il est aisé de concevoir « LEE EN le sable porté et accumulé par le « vent en un endroit, est repris ensuite par « le même vent et porté plus loin , etqu’ainsi «le sable peut avancer en submergeant le «pays , tant que la minière qui le fournit « en fournira de nouveau ; car sans cela le « sable , en avançant, diminueroit toujours de « hauteur , et cesseroit de faire du ravage. « Or il n’est que trop possible que la mer « jette ou dépose long-temps de nouveau sable « dans cette plage d’où le vent l’enlève : il est « vrai qu'il faut qu’il soit toujours aussi fin « pour être aisément enlevé. « Le désastre est nouveau , parce que la 04 THÉORIE « plage qui fournit le sable , n’en avoit pas «encore une assez grande quantité pour s'é— « lever au-dessus de la surface de la mer,ou « peut-être parce que la mer n’a abandonné « cet endroit et ne l’a laissé découvert que « depuis un temps : elle a eu quelque mou- « vement sur cette côte ; elle vient présente- « ment dans le flux une demi-lieue en deçà « de certaines roches qu'elle ne passoit pas « autrefois. « Ce malheureux canton inondé d’une fa- « çon si singulière justifie ce que les anciens « et les modernes rapportent des tempêtes de « sable excitées en Afrique, qui ont fait périr « des villes, et mème des armées. » M. Shaw nous dit que les ports de Laodicée et de Jébilée , de Tortose , de Rowadse , de Tripoli, de Tyr, d'Acre, de Jaffa , sont tous remplis et comblés des sables qui ont été chariés par les grandes vagues qu'on a sur cette côte de la Méditerranée lorsque le vent d'ouest souffle avec violence *. IL est inutile de donner un plus grand nom- bre d'exemples des altérations qui arrivent * Voyez les Voyages de Shaw, vol. IT. DE LA TERRE. 95 sur la terre ; le feu, l’air et l’eau y produisent des changemens continuels , et qui devien- nent très-considérables avec le temps : non seulement il y a des causes générales dont les effets sont périodiques et réglés, par lesquels la mer prend successivement la place de la terre et abandonne la sienne ; mais il y a une grande quantité de causes particulières qui contribuent à ces changemens , et qui produisent des bouleversemens, des inonda- tions , des affaissemens : et la surface de la terre, qui est ce que nous connoissons de plus. solide , est sujette, comme tout le reste de la nature , à des vicissitudes perpeétuelles. À.D. DE. TT: ON A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. Av sujet des changemens de mer en terre, on verra, en parcourant les côtes de France, qu'une partie de la Bretagne , de la Picardie, de la Flandre et de la basse Normandie, ont été abandonnées par la mer assez récemment, puisqu'on y trouve des amas d’huîtres et 96 THÉORIE d’autres coquilles fossiles dans le même état qu’on les tire aujourd’hui.de la mer voisine: | Il est très-certain que la mer perdsur les côtes. de Dunkerque : on en a l'expérience depuis un siècle. Lorsqu'on construisit les jetées de ce port en 1670, le fort de Bonne-Espérance, qui terminoit une de ces jetées, fut bâti sur pilotis, bien au-delà de la laisse de la basse mer ; actuellement la plage s’est avancée au- delà de ce fort de près de trois cents toises. En 1714, lorsqu'on creusa le nouveau port de Mardik , on avoit également porte les jetées jusqu'au - delà de la laisse de la basse mer ; présentement il se trouve au-delà une. plage de plus de cinq cents toises à sec à marée basse. Si la mer continue à perdre, insensiblement Dunkerque, comme Aigues- mortes, ne sera plus un port de mer, et cela pourra arriver dans quelques siècles. La mer ayant perdu si considérablement de notre connoissance , combien n'a-t-elle pas dü per- dre depuis que le monde existe! Il suffit de jeter les yeux sur la Saintonge maritime , pour être persuadé qu'elle a été ensevelie sous Les eaux. L’Océan, qui la cou- vroit, ayant abandonnéces terres, la Charente LA UIDE LA TERRE. 97 lé suivit à mesure qu'il faisoit retraite, et for- ma dès lors une rivière dans les lieux mêmes où elle n’étoit auparavant qu'un grand lac ou un marais. Le pays d’Aunis a autrefois été submergé par la mer et par les eaux sta- gnantes des marais : c’est une des terres les plus nouvelles de la France ; il y a lieu de croire que ce terrain n'étoit encore qu'un marais vers la fin du quatorzième siècle. Il paroît donc que l'Océan a baissé de plu- sieurs pieds, depuis quelques siècles, sur toutes nos côtes : et si l’on examine celles de la Méditerranée depuis le Roussillon jusqu’en Provence, on reconnoîtra que cette mer a fait aussi retraite à peu près dans la même pro- portion ; ce qui semble prouver que toutes les côtes d'Espagne et de Portugal se sont, comme celles de France, étendues en circon- férence. On a fait la mème remarque en Suède, où quelques physiciens ont prétendu, d’après leurs observations, que dans quatre mille ans, à dater de ce jour, la Baltique, dont la profondeur n’est guère que de trente brasses, sera une terre découverte et aban- donnée par les eaux. Si l’on faisoit de semblables observations 9 98 THÉORIE DE LA TERRE. dans tous les pays du monde, je suis pèr- suadé qu'on trouveroit généralement que la mer se retire de toutes parts. Les mêmes causes qui ont produit sa première retraite et son abaissement successif, ne sont pas abso— lument anéanties ; la mer étoit dans le com mencement élevée de plus de deux mille toises au-dessus de son niveau actuel : les grandes boursouïlures de la surface du globe, qui se sont ecroulées les premières, ont fait baisser les eaux, d’abord rapidement ; ensuite, à mesure quê d’autres cavernes moins consi- dérables se sont affaissées, la mer se sera pro- portionnellement déprimée; et, comme il existe encore un assez grand nombre de cavi- tés qui ne sont pas écroulées, et que de temps en temps cet effet doit arriver, soit par l’ac- tion des volcans, soit par la seule force de l'eau, soit par l’effort des tremblemens de terre, il me semble qu’on peut prédire, sans craindre de se tromper, que les mers se reti- reront de plus en plus avec le temps, en s’abaissant encore au-dessous de leur niveau actuel, et que par conséquent l'étendue des continens terrestres ne fera qu'augmenter avec les siècles. PON'C'L Ù ST ON Ir paroît certain par les preuves que nous avons données (art. VII et VIII), quelescon- tinens terrestres ont été autrefois couverts par les eaux de la mer;il paroit tout aussi certain (art. XII) que le flux et le reflux, et les autres mouvemens des eaux, détachent con- tinuellement des côtes et du fond de la mer, des matières de toute espèce, et des coquilles qui se déposent ensuite quelque part, et tombent au fond de l’eau comme des sédi- mens, et que c'est là l’origine des couches parallèles et horizontales qu'on trouve par- tout. Il paroiît (art. IX) que les inégalités du globe n'ont pas d'autre cause que celle du mouvement des eaux de la mer, et que les montagnes ont été produites par l’amas suc- cessif et l’entassement des sédimens dont nous parlons, qui ont forme les différens lits dont elles sont composées. Il est évident que les courans qui ont suivi d’abord la direction AQ 100 THE ORAN | de ces inégalités, leur ont donné ensuite à | toutes la figure qu’elles conservent encore aujourd'hui (art. XIIT), c’est-à-dire, cette correspondance alternative des angles sail- lans toujours opposés aux angles rentrans. Il paroît de même (art. VII et XVIIT) que la plus grande partie des matières que la mer a détachées de son fond et de ses côtes, étoient en poussière lorsqu'elles se sont précipitées en forme de sédimens, et que cette poussière impalpable a rempli l’intérieur des coquilles absolument et parfaitement, lorsque ces ma- tières se sont trouvées ou de la nature même des coquilles, ou d’une autre nature analogue. Il est certain (art. XVIT) que les couches hori- -Zontales qui ont été produites successivement par le sédiment des eaux, et qui étoient d’a- bord dans un état de mollesse, ont acquis de la dureté à mesure qu’elles se sont desséchées, et que ce desséchement a produit des fentes perpendiculaires qui traversent les couches horizontales. Il n'est pas possible de douter, après avoir vu les faits qui sont rapportés dans les articles X, XI, XIV, XV, XVI, XVIE, XVIII et XIX, { DE LA TERRE. TOT qu'il ne soit arrivé une iutinité de reévolu- tions , de bouleversemens, de changemens particuliers et d’altérations sur la surface de la terre, tant par le mouvement naturel des eaux de la mer, que par l’action des pluies, des gelées, des eaux courantes, des vents, des feux souterrains, des tremblemens de terre, des inondations, etc. et que par consé- quent la mer n'ait pu prendre successive- ment la place de la terre, sur-tout dans les premiers temps après la création , où les ma- tières terrestres étoient beaucoup plus molies qu’elles ne le sont aujourd’hui. 11 faut cepen- dant avouer que nous ne pouvons juger que très-imparfaitement de la succession. des révolutions naturelles; que nous jugeons en- core moins de la suite des accidens, des changemens et des altérations; que le défaut des monumens historiques nous prive de la counoissance des faits : 1l nous manque de l'expérience et du temps; nous ne faisons pas réflexion que ce temps qui nous manque, ne manque point à la nature ; nous voulons rapporter à l'instant de notre existence les siècles passés et les âges à venir, sans consi- 9 dans Br ns des faits +. Fois INTRODUCTION k | L'HISTOIRE DES MINERAU X. \ DES ÉLÉMENS. PREMIÈRE PARTIE. De la lumière, de la chaleur et du feu. L>s puissances de la nature, autant qu’elles nous sont connues , peuventse réduire à deux . forces primitives, celle qui cause la pesanteur, . et celle qui produit la chaleur. La force d’im- . pulsion leur est subordonnée; elle dépend de la première pour ses effets particuliers, et tient à‘la seconde pour l'effet général. Comme RU is à f | su ei 1 x nie 104 MINÉRAUX. INTRODUCTION, l'impulsion ne peut s'exercer qu’ au Jovyca | du ressort, et que le ressort n agit qu ‘en vertu : de la force qui rapproche les parties éloi- gnées , il est clair que l'impulsion a besoin, pour opérer, du concours de l'attraction : car si la matière cessoit de s’attirer, si Les corps perdoient leur cohérence, tout ressort ne seroit-il pas détruit, toute communication de mouvement interceptée , toute impulsion nulle, puisque, dans le fait !, le mouvement ne se communique et ne peut se transmettre d’un corps à un autre que par l’élasticité ; qu'enfin on peut démontrer qu’un corps par- faitement dur, c’est-à-dire absolument in- flexible, seroit en même temps absolument immobile et tout-à-fait incapable de recevoir l’action d’un autre corps ?? 1 Pour une plus grande intelligence, je prie mes lecteurs de voir la seconde partie de l’article de cet ouvrage, qui a pour titre : De la nature, seconde DULEe 2 La communication du mouvement a toujours été regardée comme une vérité d'expérience, .et les plus grands mathématiciens se sont contentés d’en calculer les résultats dans les différentes circons- tances, et nous ont donné sur cela des règles et des LR \ PREMIÈRE PARTIE roi L’attraction étant un effet général, cons- lant et permanent, l'impulsion, qui, dansla plupart des corps, est particulière, et n’est ni constante ni permanente, en dépend donc formules, où ils ont employé beaucoup d'art: mais personne, ce me semble, na jusqu'ici considéré la nature intime du mouvement, et n’a tâché de se représenter et de présenter aux autres la manière phy- sique dont le mouvement se transmet et passe d’un corps à un autre corps. On a prétendu que les corps durs pouvoient le recevoir comme les corps à ressort ; et sur cette hypothèse dénuée de preuves, on a fondé des propositions et des calculs dont on a tiré une infinité de fausses conséquences : car les corps suppo- sés durs et parfaitement inflexibles ne pourroient récevoir le mouvement. Pour le prouver, soit un elobe parfaitement dur, c'est-à-dire inflexible dans touies ses partes; chacune de ces parties ne pourra par conséquent être rapprochée ou éloignée de la partie voisine , säns quoi cela seroit contre la supposition': donc, dans un globe parfaitement dur, les parties ne peuvent recevoir aucun déplacement, aucun chan- sement, aucune action; car si elles recevoient une action, elles auroïent une réaction, les corps ne pou- vant réagir qu’en agissant. Puis di que toutes les. parties prises séparément ne peuvent recevoir aucune action , elles ne peuvent en communiquer; la partie postérieure , qui est frappée la première, ne pourra 106 MINÉRAUX. INTRODUCTION, comme un effet particulier dépend d’un effet général; car au contraire , Si toute impulsion étoit détruite, l’attraction subsisteroit et n’en agiroit pas moins, tandis que celle-ci venant pas communiquer le mouvement à Ja partie anté- rieure, puisque cette partie postérieure, qui à élé l supposée inflexible, ne peut pas changer , eu égard aux autres pariles: CRE il seroit impossible de com- muniquer aucun mouvement à un corps inflexible: Mis l’expérience nous apprend qu'on communique le mouvement à tous les corps : donc tous les corps sont à ressort; donc il n y a point de corps parfai- tement durs et mflexibles dans la nature. Un de mes anus (M. Gueneau de Montbeillard) , homme dan. excellent esprit, m'a écrit à ce sujet dans les termes suivans : « De la supposition de l’immobilité absolue « des corps absolument durs, 1l suit qu'il ne faudroit a peut-êt re qu'un pied cube de cette mattre pour « arrêter tout le mouvement de l’univers connu : et « si cette immobilité absolue étoit prouvée, 11 semble « que ce n'est point assez de dire qu’il n'existe point « de ces corps dans la nature, et qu’on peutlestraiter « d'impossibles, et dire que la supposition de leur « existence est absurde ; car le mouvement prove « nant du ressort leur ayant été refusé, ils ne peu « vent dès lors être capables du mouvement prove « nant de l'attraction , qui est, par Phypothèse, la « cause du ressort, » \ ‘PREMIÈRE PARTIE ro7 à cesser, l’autre seroit non seulement sans exercice, mais même sans existence : C’est donc cette différence essentielle qui subor- donne l'impulsion à l'attraction dans toute matière brute et purement passive. | Mais cette impulsion, qui ne peut nis’exer- cer ni se transmettre daus les corps bruts qu'au moyen du ressort, c'est-à-dire, du secours de la force d'attraction, dépend en- core plus immediatement, plus séneralement, de la force qui produit la chaleur : car c’est principalement par le moyen de la chaleur que l'impulsion pénètre dans les corps orga- nises ; c’est par la chaleur qu'ils se forment, croissent et se développent. On peut rapporter à l'attraction seule tous les effets de la ma- tière brute, et à cettemème force d'attraction, jointe à celle de la chaleur, tous les phéno- mèênes de la matière vive. J'entends par matière vive, non seulement tous les êtres qui vivent ou vegètent, mais encore toutes les molécules organiques vi- vantes, dispersées et repandues dans les dé- trimens ou résidus des corps organisés : je comprends encore dans la matière vive celle de la lumière, du feu, de la chaleur ; eu un _108 MINÉRAUX. INTRODUCTION, mot, toute matière qui nous paroit être ac tive par elle-même. Or cette matière vive tend toujours du centre à la circonférence, au lieu que la matière brute tend au con- traire de la circonférence au centre; c’est une force expansive qui anime la matière vive, et c’est une force attractive à laquelle obéit la matière brute : quoique les directions de ces deux forces soient diamétralement oppo- sées, l’action de chacune ne s’en exerce pas moins; elles se balancent sans jamais se dé- truire, et de la combinaison de ces deux forces également actives résultent tous les PRRTE mènes de l’univers. Mais, dira-t-on, vous réduisez toutes les puissances de la nature à deux forces, l’une attractive et l’autre expansive, sans donner la cause ni de l’une ni de l’autre, et vous subordonnez à toutes deux l'impulsion, qui est la seule force dont la cause nous soit con- nue et démontrée par Le rapport de nos sens : n'est-ce pas abandonner une idée claire, et y substituer deux hypothèses obscures ? . À cela je réponds que, ne connoissant rien V1] que par comparaison, nous n’aurons jamais d’idée de ce qui produit un effet général, parce PREMIÈRE PARTIE: 109 que cet effet appartenant à tout, on ne peut dès lors le comparer à rien. Demander quelle est la cause de la force attractive, c’est exiger qu’on nous dise la raison pourquoi toute la matière s’attire : or ne nous sufit-il pas de savoir que réellement tonte la matière s’attire, et n'est-il pas aisé de concevoir que cet effet étant général, nous n’avons nul moyen dele comparer, et par conséquent nulle espérance d’en connoître jamais la cause ou la raison? Si l'effet , au contraire, étoit particulier comme celui de l'attraction de l’aimant et du fer, on doit espérer d'en trouver la cause, parce qu’on peut le comparer à d’autres effets par- ticuliers , ou le ramener à l’effet général. Ceux qui exigent qu'on leur donne la raison d’un effet général, ne connoissent ni l'étendue de la nature ni les limites de l'esprit humain:, demander pourquoi la matière est étendue, pesante, impénétrable, sont moins des ques- tions que des propos mal conçus , etauxquels on ne doit aucune réponse. Îl en est de même de toute propriété particulière lorsqu'elle est essentielle à la chose : demander, par exemple , pourquoi le rouge est rouge, seroit uxe interrogation puérile, à laquelle on ne Mat. gén, 1V. 10 110 MINÉRAUX. INTRODUCTION, doit pas répondre. Le philosophetest tout prés … de l’enfant lorsqu'il fait de semblables de- | mandes; et autant on peut les pardonner à la curiosité non réfléchie du dernier, autant Je premier doit les rejeter et les exclure de ses idées. Puis donc que da force d'attraction et la force d'expansion sont deux effets généraux, on ne doit pas nous en demander les causes; xl suffit qu'ils soient généraux et tous deux réels, tous deux bien constatés, pour que nous devions les prendre eux-mêmes pour causes des effets particuliers; et l'impulsion est un de ces effets qu’on ne doit pas regarder comme une cause générale connue ou dé- montrée par le rapport de nos sens, puisque nous avous prouvé que cette force d’impul- sion ne peut exister ni agir qu'au moyen de l'attraction qui ne tombe point sous nos sens. Rien n’est plus évident , disent certains phi- loscphes, que la communication du mouve- ment par l'impulsion; il suffit qu’un corps en choque un autre pour que cet effet suive: mais, dans ce sens même, la cause de l’at- traction n'est-elle pas encore plus évidente et bien plus générale, puisqu'ilsufht d'abandon | L" PREMIÈRE PARTIE rrr ner un corps pour qu il tombe et prenne du mouvement sans choc? le mouvement appar- tient donc, dans tous les cas, encore plus à l'attraction qu’à l'impulsion. | Cette première réduction étant faite, ilseroit peut-être possible d’en faire une seconde, et de ramener la puissance même de l'expansion à celle de l'attraction, en sorte que toutes les forces de la matière dépendroient d’une seule force primitive : du moins cette idée me pa- roitroit bien digne de la sublime simplicité du plan sur lequel opère la nature. Or ne pouvons-nous pas concevoir que cette attrac= tion se change en répulsion toutes les fois que les corps s'approchent d’assez près pour éprouver un frottement ou un choc des uus contre les autres? L’impénétrabilité, qu’on ne doit pas regarder comme une force, mais : comme une résistance essentielle à la matière, ne permettant pas que deux corps puissent occuper le même espace, que doit-il arriver lorsque deux molécules, qui s’attirent d’au- tant plus puissamment qu'elles s’approchent de plus près, viennent tout-à-coup à se heur- ter? cette résistance invincible de l’impéné- irabilité ne devient-elle pas alors une force 312 MINÉRAUX.. Leo active, ou. plutôt réactive, qui, dans le con— 1 iact , repousse les corps avéc autant de vitesse M qu'ils en avoient acquis-au moment! de se toucher? et dès lors la force expansive ne sera point une force particulière opposée à la force attractive, mais un effet qui en de- rive, et qui se manifeste toutes les fois que les corps se choquent ou frottent les uns contre les autres. J'avoue qu'il faut supposer dans chaque molécule de matière, dans chaque atome quelconque, un ressort parfait, pour conce- voir clairement comment s’opère ce change- ment de l'attraction en répulsion ; mais cela même nous est assez indiqué par les faits : plus la matière s’atténue, et plus elle prend de ressort; la terre et l’eau, qui en sont. les agrégats les plus grossiers, ont moins de ressort que l'air; et le feu, qui est le plus. subtil des élémens, est aussi celui qui a le plus de force expansive. Les plus petites mo- lécules de la matière, les plus petits atomes que nous connoissions sont ceux de la Iu- mière; et l’on sait qu’ils sont parfaitement élastiques, puisque l'angle sous lequel la lumière se refléchit est toujours égal à celua PREMIÈRE PARTIE 13 sous lequel elle arrive : nous pouvons donc en inférer que toutes les parties constitutives _ de la matière en général sont à ressort par- fait, et que ce ressort produit tous les effets de la force expansive, toutes les fois que les corps se heurtent ou se frottent en se ren- contrant dans des directions opposées. L'expérience me paroit parfaitement d’ac- cord avec ces idées : nous ne connoissons d’autres moyens de produire du feu que par le choc ou le frottement des corps; car le - feu que nous produisons par la reunion des rayons de la lumière, ou par l’application du feu déja produit.à des matières combus- tibles, n’a-t-il pas néanmoins la même ori- gine à laquelle il faudra toujours remonter, puisqu'en supposant l’homme sans miroirs ardens et sans feu actuel , 1l n’aura d’autres moyens de produire le feu qu’en frottant ou choquant des corps solides les uns contre les autres *? * Le feu que produit quelquefois la fermentation des herbes entassées, celui quise mamifeste dans les effervescences, ne sont pas une exception qu’on puisse m'opposer, puisque cette production du feu par là 10 FAGTEA FOOT SES st4 MINERAUX. INTRODUCTION , REC La force expansive pourroit donc nt \ n'être, dans le réel, que la réaction de la M force attractive; réaction qui s opère toutes les fois que les molécules primitives de l& matière, toujours attirées les unes par les autres, arrivent à son toucher immeédiate- ment: car dès lors il est nécessaire qu’elles 1 soient repoussées avec autant de vitesse qu’elles en avoient acquis en direction con- | traire au moment du contact *; et lorsque ces fermentation et par l’effervescence dépend, comme tout autre, de l’action ou du choc des parties de la matière les unes contre les autres. * Il est certain , me dira-t-on, que les molécules rejailliront après le contact, parce que leur vitesse à ce point, et qui leur est rendue par le ressort, est la somme des vitesses acquises dans tous les momens précédens par l'effet continuel de l'attraction , et par conséquent doit l’emrporter sur l'effort instantané de l'attraction dans le seul moment du contact. Mais ne sera-t-elle pas continuellement retardée, et enfin * détruite, lorsqu'il y aura équilibre entre la somme des efforts de l’attraction avant le contact, et la somme des efforts de l'attraction après le contact ? Comme cette question pourroit faire naître des doutes ou laisser quelques nuages sur cet objet, qui par Jui-même est difficile à saisir, je vais tâcher d'y e De « PREMIÈRE PARTIE #15 = molécules sont absolument libres de toute _ cohérence, et qu’elles n’obéissent qu’au seul mouvement produit par leur attraction, cette _ vitesse acquise est immense dans le point du contact. La chaleur, la lumière, le feu, qui sont les grands effets de la force expansive, _seront produits toutes les fois qu’artificielle- ment ou naturellement les corps seront divi- sés en parties très-petites, et qu’ils se ren— contreront dans des directions opposées; et satisfaire en m'expliquant encore plus clairement. Je suppose deux molécules, ou, pour rendre l’image plus sensible, deux grosses masses de matière , telles que la Lune et la Terre, toutes deux. douées d’un ressort parfait dans toutes les parties de leur inté« rieur : qu'arriveroit-1l à ces deux masses isolées de toute autre malière, si tout leur mouvement pro- gressif toit tout-à-coup arrêté, et qu'il ne restât à chacune d'elles que leur force d’attraction réci- proque? Ilest clair que, dans cette supposition, la Luneet la Terre se précipiteroient l’une vers l’autre, avec une vitesse qui augmenteroit à chaque moment dans la même raison que diminueroit le quarré de leur distance. Les vitesses acquises seront donc immenses au point de contact, ou, si l’on veut, au -moment de leur choc; et dès lors ces deux corps, que nous avons supposés à ressort parfait, et libres Ds _xr6. MINÉRAUX. INTRODUC: ION, 7 la chaleur sera d'autant plus sensible , a. lie 1 À mière d'autant plus vive, le feu d’ autantplas à violent, que les molécules se seront précipi- tées les unes contre les autres avec plus de vitesse par leur force d'attraction mutuelle. de tous autres empêchemens, c’est-à-dire, entière- ment isolés, rejailliront chacun, et s'éloigneront lun de l’autre dans la direction opposée, et avec la mème vitesse qu'ils avolent acquise au point du contact ; vitesse qui, quoique dhninuée contimuelle- ment par leur attraction réciproque (ne laisseroit pas de les porter d’abord au même lieu d où 1ls sont partis, mais encore infiniment plusloin, parce que la retardation du mouvement est 1ci en ordre inverse de celui de accélération, et que la vitesse acquise au point du choc étant immense , les efforts de l’at- traction ne pourront la réduire à zéro qu’à une dis- tance dont le quarré seroit également immense ; en sorte que si le contact étoit absolu , et que la dis- tance des deux corps qui se choquent, fût absolu- ment nulle , 1ls s’éloigneroient l'un de l’autre jusqu’à une distance infinie: et c'est à peu près ce que nous voyons arriver à la lumière et au feu dans le mo- ment de l'inflammation des matières combustibles ; car, dans l’instant/même , elles lancent leur lumière à une très-grande distance, quoique les particules qui se sont converties en lumière fussent auparavant très-voisines les unes des autres. - \ PREMIÈRE PARTIE. 117 De là on doit conclure que toute matière peut devenir lumière, chaleur, feu; qu'il suffit que les molécules d’une substance quel- conque se trouvent dans une situation de liberté, c'est-à-dire, dans un état de division assez grande et de séparation telle, qu’elles puissent obéir sans obstacle à toute la force qui les attire les unes vers les autres; car, dès qu’elles se rencontreront , elles réagiront les unes contre les autres, et se fuiront en s’éloignant avec autant de vitesse qu’elles en avoient acquis au moment du contact , qu'on doit regarder comme un vrai choc, puisque deux molécules qui s’attirent mutuellement, ne peuvent se rencontrer qu’en direction con traire.- Ainsi la lümière, la chaleur et le feu ne sont pas des matières particulières, des matières différentes de toute autre matière : ce n'est toujours que la même matière qui n’a subi d'autre altération , d'autre modifica- tion, qu’une grande division de parties, et une direction de mouvement en sens con- traire par l'effet du choc et de la réaction. Ce qui prouve assez évidemment que cette matière du feu et de la lumière n’est pas une substance différente de toute autre matière, | … (ax8 MINÉRAUX. INTRODUCTION, à c'est qu’elle conserve toutes les qualités: 1) | sentielles, et même la plupart des attributs \i | de la matière commune. 1°. La lumière, quoique composée de particules presque in- finiment petites, est néanmoins encore divi- sible, puisqu’avec le prisme on sépare les uns des autres les rayons, ou, pour parler. plus clairement, les atomes différemment colorés. 2°. La lumière, quoique douée en ap- parence d’une qualité toute opposée à celle de la pesanteur, c’est-à-dire, d’une volatilité qu'on croiroit lui être essentielle, est néan- moins pesante comme toute autre matière, puisqu'elle iléchit toutes les fois qu’elle passe auprès des autres corps et qu’elle se trouve à portée de leur sphère d’attraction; je dois même dire qu'elle est fort pesante, relative- ment à son volume qui est d’une petitesse extrême, puisque la vitesse immense avec laquelle la lumière se meut en ligne directe, ne l'empêche pas d’éprouver assez d’attrac- tion près des autres corps, pour que sa di- rection s'incline et change d’une manière très-sensible à nos yeux. 3°. La substance de la lumière n’est pas plus simple que celle de toute autre matière, puisqu'elle est composée N PREMIÈRE PARTIE. 11) de parties d’ inégale pesanteur, que le rayon rouge est beaucoup plus pesant que le rayon violet, et qu'entre ces deux ‘extrêmes elle contient une infinité de rayons interme- diaires, qui approchent plus ou moins de la pesanteur du rayon rouge où de la légereté du rayon violet : toutes ces conséquences dérivent nécessairement des phénomènes de l'inflexion de la lumière, et desa réfraction*, qui, dans le réel, n'est qu'une inflexion qui s’opère lorsque la lumière passe à travers les * L’attraction umiverselle agit sur la lumière ; il ne faut, pour s’en convaincre, qu'examiner les cas extrèmes de la réfraction: lorsqu'un rayon de lu- mière passe à travers un crystal sous un certain angle d'obliquité, la direction change tout-à-coup , et, au lieu de continuer sa route, 1l rentre dans le crystal et se réfléchit. Si la lumière passe du verre dans le vide, toute: la force de cette puissance s'exerce, et le rayon est contraint de rentrer et rentre dans le verre par un effet de son attraction que rien ne balance; si la lumière passe du crystal dans l'air, En . du crystal, plus forte que celle de l'air, la ramène encore, mais avec moins de force, parce que cette attraction du verre/esten par- üe détruite par celle de l'air qui agit en sens COn- traire sur le rayon de lumière; si ce rayon passe /. r20 TRE AU | INTRODUCTION, corps transparens. 4°. On peut. démontrér que la lumière est massive, et qu’elle agit , "4 dans quelque cas, comme agissent tous les À autres corps: car, indépendamment de son | effet ordinaire, qui est de briller à nos yeux, et de son action propre, toujours accompa- gnée d'éclat et souvent de chaleur, elle agit par sa masse lorsqu'on la condense en la réu- » nissant, et elle agitau point de mettre en mou- vement des corps assez pesans placésau foyer d'un bon miroir ardent: elle fait tourner : du crystal dans l’eau, l'effetest bien moins sensible, le rayon rentre à peine, parce que l’attraction du crystal est presque toute détruite par celle de l’eau, qui s’oppose à son action ; enfin , silalumière passe du crystal dans le crystal, comme les deux attrac- tions sont égales, l'effet s évanouit et le rayon con tinue sà route. D’autres expériences démontrent que cette puissance attractive, ou cette force réfringente, est toujours à très-peu près proportionnelle à la densité des inatières transparentes, à l'exception des corps onciueux et sulfureux, dont la force ré- fringente est plus grande, parce que la lumière.a "M d'analogie, plus de rapport de nalure avec | les matières inflammables qu'avec les autres ma- tières. Mais s’il restoit quelque doute sur cette attraction: \ PREMIÈRE PARTIE. 121 une aiguille sur un pivot placé à son foyer; elle pousse, deplace et chasse les feuilles d’or ou d'argent qu'on lui présente avant de les fondre. et même avant de les échauffer sen- siblement. Cette action produite par sa masse est la première et précède celle de la chaleur; elle s'opère entre la lumière condensée et les feuilles de métal, de la même façon qu’elle s’opèreentre deux autres corps qui deviennent contigus, et par conséquent la lumière a encore cette propriété commune avec toute de la lumière vers les corps , qu’on jette les yeux sur les inflexions que souffre un rayon lorsqu'il passe fort près de la surface d’un corps : un trail de lu- bière ne peut entrer par un très-petit trou dans une chambre obscure , sans être puissamment attiré vers les bords du trou ; ce petit faisceau de rayons se divise, chaque rayon voisin de la circonférence+ du trou se ‘phe vers cette circonférence , et cette inflexion produit des franges colorées, des apparences constantes, qui sont l’effet.de l'attraction de la Ju- mière vers les corps voisins. Îl en est de même des rayons qui passent entre deux lames de couteaux: es uns se phient vers la lame supérieure, les autres vers la lame inférieure ; il v’y a que ceux du milieu qui, souffrant une égale attraction des deux côtés, ne sont pas détournés, et suivent leur direction. 11 122 MINÉRAUX. INTRODUCTION, autre matière. 5°, Enfin on sera forcé de con: venir que la lumière est un mixte, c'està dire , une matière composée , comme la ma+ 4 tière commune, non seulement de parties plus grosses et plus petites , plus ou moins pesantes , plus ou moiris mobiles, mais en- core différemment figurées. Quiconque aura réfléchi sur les phénomènes que Newton ap- pelle /es accès de facile réflexion et de facile transmission de la: lumière jet sur les effets de la double réfraction du crystal de roclre et du spath appelé crystal d'Islande, ne pourra s ‘empêcher de reconnoître que les atomes de la lumière ont plusieurs côtés , plusieurs faces différentes , qui, selon qu'elles se présentent, produisent constamment des effets différens*. En voilà plus qu ‘il n’en faut pour Detrpe gi Chaque rayon de lbière a deux côtés opposés, doués origmairement d’une propriété d’où dépend la réfraction extraordinaire du crystal, et deux autres cûtés opposés, qui n'ôntpas cette propriété. (Optique de Newton, question XXFWT, traduction de Coste.) Cette propriété dont parle ici Newton , ne peut dé- pendre que de l’étendue ou de la figure de chacun des côtés des rayons, c’est-à-dire, des atomes de lumière. Voyez cet article en eutier dans Newton. PREMIÈRE PARTIE 123 trer que la linière n’est pas une matière particulière ni différente de la matière com- mune; que son essence est la mème, ses pro- _priétés essentielles les mêmes ; qu’enfin elle n’en diffère que parce qu'elle a subi dans le point du contact la répulsion d’où provient sa volatilité. Et de la même mauière que l’ef- fet de la force d'attraction s’étend à l'infini, toujours en décroissant comme l'espace aug- mente , les effets de la répulsion s'étendent et décroissent de même, mais en ordre in- verse; en sorte que l’on peut appliquer à la force expansive tout ce que l’on sait de la force attractive: ce sont pour la nature deux instrumens de mème espèce, ou plutôt ce n'est que le même instrument qu'elle manie dans deux sens opposés. Toute matière deviendra lumière dès que toute cohérence étant détruite , elle se trou— vera divisée en molécules suffisamment pe- tites, et que ces molécules etant en liberté, seront déterminées par leur attraction mu-— tuelle à se précipiter les unes contreles autres : dans l'instant du choc, la force répulsive ._ s’exercera , les molécules se fuiront en tout seusavec une vitesse presque infinie, laquelle LI 224 MINÉRAUX. INTRODUCTION, - néanmoins n’est qu'égale à leurvîtesse acquise ï au moment du contact; car la loi de l'attrac-:- tion étant d'augmenter commel’espacedimi- nue , il est évident qu’au contact l’espace, toujours proportionnel au quarré de la dis- tance, devient nul, et que par conséquent la vitesse acquise en vertu de l’attraction doit à ce point devenir presque infinie. Cette vi- tesse seroit mème infinie si le contact étoit immediat, et par couséquent la distance entre les deux corps absolument nulle: mais, . comme nous l'avons souvent répété, iln'ya rien d’absolu , rien de parfait dans la nature, et de même rien d’absolument grand, rien d’absolument petit, rien d’entièrement nul, rien de vraiment infini; et tout ce que j'ai dit de la petitesse z2/finie des atomes qui consti-, tuent la lumière, de leur ressort parfait, de la distance z4/le dans le moment du contact, ne doit s’entendre qu'avec restriction. Si l’on pouvoit douter de cette vérité métaphysique, il seroit possible d’en donner une cemons- tration physique, sans même nous écarter de notre sujet. Tout le monde sait que la lumière emploie environ sept minutes et demie de temps à venir du soleil jusqu'à nous. : PREMIÈRE PARTIE. 125 Supposant donc le soleil à trente-six millions de lieues, la lumière parcourt cette énorme distance en sept minutes et demie, ou, ce qui revient au même (supposant son mou- vement uniforme), quatre-vingt mille lieues en une seconde. Cette vitesse, quoique pro- digieuse , est néanmoins bien éloignée d’être infinie , puisqu'elle est déterminable par les nombres ; elle cessera nième de paroître pro- digieuse lorsqu'on réfléchira que la nature semble marcher en grand presque aussi vite qu’en petit : il ne faut pour cela que suppu- ter la celérité du mouvement des comètes à leur périhélie, ou mème celle des planètes qui se meuvent le plus rapidement, et l’on verra que la vitesse de ces masses immenses, quoique moindre , se peut néanmoins com parer d'assez près avec celle de nos atomes de lumière. Et de mème que toute mätière peut se con- vertir en lumière par la division et la répul- sion de ses parties excessivement divisées, lorsqu'elles éprouvent un choc des unescontre les autres , la lumière peut aussi se convertir en toute autre matière par l'addition de ses propres parties, accumulées par l'attraction . 11 » ( 1e SION _126 MINÉRAUX. INTRODUCTION , des autres corps. Nous verrons FE la si que tous les élémens sont convertibles; et si l'on a douté que la lumière, qui paroît être l'élément le plus simple, püût se convertir en substance solide , c’est que , d’une part, on n’a pas fait assez d'attention à tous les phé— nomènes, et que, d'autre part, on étoit dans le préjugé qu'étant essentiellement volatile, elle ne pouvoit jamais devenir fixe. Mais n'avons-nous pas prouvé que la fixite et la volatilité dependent de la même force attrac- tive dans le premier cas, devenue répulsive dans le second ? et dès lors ne sommes-nous pas fondés à croire que ce changement de la matière fixe en lumière , et de la lumière en matière fixe , est une des plus fréquentes opé- rations de la nature ? Après avoir montré que l'impulsion de pend de l'attraction , que la force expansive est la même que la force attractive devenue négative, que la lumière, et à plus forte raison la chaleur et le feu, ne sont que des manières d'être de la matière commune, qu’il n'existe en un mot qu'une seule force et une seule matière toujours prête à s’atti- rer ou à se repousser suivant les circons- D PREMIÈRE PARTIE. 127 tances, recherchons comment, avec ce seul ressort et ce seul sujet, la nature peut varier ses œuvres à l'infini. Nous mettrons de la méthode dans cette recherche ; et nous en présenterons les résultats avec plus de clarté en nous abstenant de comparer d’abord les objets les plus éloignés, les plus opposés, comme le feu et l’eau, l’air et la terre, et en nous conduisant au contraire par les mêmes degrés, par lesmèmes nuances douces que suit la nature dans toutes ses démarches. Comparons donc les choses les plus voisines, et tâchons d'en saisir les differences, c’est- a-dire les particularités, et dé les présenter avec encore plus d’évidence que leurs sénéra- lités. Dans le point de vue général, la lu- mière, la chaleur et le feu, ne font qu'un seul objet; mais, dans le point de vue parti- culier, ce sont trois objets distincts, trois choses qui , quoique se ressemblant par un grand nombre de propriétés, diffèrent néan- moins par un petit nombre d’autres proprié- tés assez essentielles pour qu'on puisse les regarder comme trois choses différentes, et qu'on doive les comparer une à une. Quelles sont d’abord les propriétés com À 2 LV ME VOUS x + …. à Ÿ } Fr En SA LL :28 MINÉRAUX. INTRODUCTION, DA À munes de la lumière et du feu ? quelles sont | aussi leurs propriétés différentes ? La lumière, dit-on, et le feu élémentaire, ne sont qu'une même chose , une seule substance. Cela peut étre ; mais comme nous n'avons pas encore d'idée nette du feu élémentaire , abstenons- nous de prononcer sur ce premier point. La lumière et le feu , tels que nous les connois- sons, ne sont-ils pas au contraire deux choses différentes , deux substances distinctes et composées différemment ? Le feu est, à la vérité, très-souvent lumineux; mais quelque- fois aussi le feu existe sans aucune appa- rence de lumière : le feu , soit lumineux , soit obscur, n'existe jamais sans une grande chaleur, tandis que la lumière brillesouvent avec éclat sans la moindre chaleur sensible. La lumière paroit être l’ouvrage de la nature; le feu n’est que le produit de l’industrie de l'homme : la lumière subsiste, pour ainsi dire, par elle-même, et se trouve répandue dans les espaces immenses de l'univers en- tier ; le feu ne peut subsister qu'avec des alimens , et ne se trouve qu'en quelques points de l’espace où l’homme le conserve, et dans quelques endroits de la profondeur ss dk, M "1 ? PREMIÈRE PARTIE. 7129 de la terre, où il se trouve également entre- tenu par des alimens convenables. La lu- mière, à la vérité, lorsqu'elle est condenseée, réunie par l’art de l’homme, peut produire du feu ; mais ce n’est qu'autant qu’elle tombe sur des matières combustibles. La lumière n'est donc tout au plus, et dans ce seul cas, que le principe du feu, et non pas le feu : ce principe même n'est pas immédiat ; il en suppose un intermédiaire, et c’est celui de la chaleur, qui paroît tenir encore de plus près que la lumière à l'essence du feu. Or la cha- leur existe tout aussi souvent sans lumière que la lumière existe sans chaleur : ces deux principes ne paroissent donc pas nécessaire— ment liés ensemble ; leurs effets ne sont ni simultanés , ni contemporains, puisque dans de certaines circonstances on sent de la cha- leur long-temps ‘avant que la lumière pa- roisse , et que dans d’autres circonstances on voit de la lumière long-temps avant de sentir de la chaleur , et même sans en sentir aucune. Dès lors la chaleur n’est-elle pas une autre manière d’être, une modification de la ma- tière, qui diffère, à la vérité, moins que toute néanmoins considérer à part, et qu’on de- vroit concevoir encore plus aisément ? car la facilité plus ou moins grande que nous avons à concevoir les opérations différentes de la nature dépend de celle que nous avons d'y appliquer nos sens. Lorsqu'un effet de la nature tombe sous deux de nos sens , la vue et le toucher, nous croyons en avoir une pleine connoissance; un effet qui n’affecte que l’un ou l’autre de ces deux sens nous paroît plus difficile à connoître, et, dans ce cas, la facilité ou la difficulté d’en juger dé- pend du degré de supériorité qui se trouve entre nos sens. La lumière, que nous n’ap-+ percevons que par le sens de la vue ( sens le plus fautif et le plus incomplet), ne devroit pas nous être aussi bien connue que la cha- leur, qui frappe le toucher , et affecte par conséquent le plus sûr de nos sens. Cepen- dant il faut avouer qu'avec cet avantage on a fait beaucoup moins de découvertes sur la nature de la chaleur que sur celle de la Iu- mière , soit que l’homme saisisse mieux ce qu'il voit que ce qu'il sent, soit que la Iu— mière se présentant ordinairement comme e ” N | PREMIÈRE PARTIE. 13 une substance distincte et différente de toutes les autres , elle a paru digne d’une considé- ration particulière; au lieu que la chaleur, dont l'effet est plus obscur , se présentant comme un objet moins isolé, moins simple, n'a pas été regardée comme une substance distincte , mais comme un attribut de la lumière et du feu. ‘} | Quand mème cette opinion, qui fait de la chaleur un pur attribut, une simple qualité, se trouveroit fondée ,1l seroit toujours utile de considérer la chaleur en elle-même et par les effets qu’elle produit toute seule, c’est- à-dire, lorsqu'elle nous paroît indépendante de la lumière et du feu. La première chose qui me frappe , et. .qui me paroit bien digne de remarque, c'est que le siége de la chaleur est tout différent de celui de la lumière : celle-ci occupe et parcourt les espaces vides de l’univers ; la chaleur, au contraire , se trouve généralement répandue dans toute la matière solide. Le globe de la terre , et toutes les matières dont il estcomposé, ont un degré de chaleur bien plus considérable qu’on ne pourroit l'imaginer. L'eau a son degré de chaleur qu elle ne perd qu’en changeant son 132 MINÉRAUX. INTRODUCTION , j état, c' 'est-à-dire, en perdant sa fluidité: FE air a aussi sa chaleur, que nous appelonssatem- | pérature , qui varie beaucoup, mais qu'il ne perd jamais en entier, puisque son ressort subsiste même dans le plus grand froid. Le feu a aussi ses différens degrés de chaleur , qui paroissent moins dépendre de sa nature propre que de celle des alimens qui lenour- rissent. Ainsi toute la matière connue est chaude ; et dès lors la chaleur est une affec- tion bien plus générale que celle de la lu- mière. La chaleur pénètre tous les corps qui lui sont exposés, et cela sans aucune exception, tandis qu'il n’y-a que les corps transparens qui laissent passer la lumière, et qu’elle est arrètée et en partie repoussée par tous les corps opaques. La chaleur semble donc agir d'une manière bien plus générale et plus palpable que n’agit la lumière ; et quoiqu'e les molécules de la chaleur soient excessive ment petites , puisqu'elles pénètrent les corps + les plus compactes , il me semble néanmoins que l’on peut démontrer qu'elles sont bien plus grosses que celles de la lumière : car om fait de la chaleur avec la lumiëre en la réu- PREMIÈRE PARTIE. 133 nissant en grande quantité. D'ailleurs la chaleur agissant sur le sens du toucher, il est nécessaire que son action soit proportion- née à la grossièreté de ce sens, comme la délicatesse des organes de la vue paroît l’être à l'extrême finesse des parties de la lumière: celles-ci se meuvent avec la plus grande vi- tesse, agissent dans l'instant à des distances immenses, tandis que celles de la chaleur n’ont qu'un mouvement progressifassez lent, qui ne paroît s'étendre qu’à de petits inter- valles du corps dont elles émanent. Le principe de toute chaleur paroît être l'attrition des corps : tout frottement, c’est à-dire tout mouvement en sens contraire entre des matières solides , produit de la chaleur ; et si ce même effet n’arrive pas dans les fluides , c’est parce que leurs parties ne se touchent pas d'assez près pour pouvoir être frottées les unes contre les autres, eë qu'ayant peu d’adherence entre elles, leur résistance au choc des autres corps est trop foible pour que la chaleur puisse naître ow se manifester à un degré sensible : mais, dans ce cas, on voit souvent de la lumière | produite par ce frottement d’un iluide sans 12 / x34 MINÉRAUX.. INTRODUCTION , sentir de la chaleur. Tous les corps, ‘soit oh | petit ou en grand volume, s'échauffent a qu'ils se rencontrent en sens contraire: la chaleur est donc-produite par le mouvement de toute matière palpable et d'un volume quelconque: au lieu que la production dé la lumière, qui se fait aussi par le mouvement en sens contraire, suppose de plus la divi- sion de la matière en parties très-petites ;ét comme cette opération de la nature esi la mème pour la production de la chaleur et celle de la lumière, que c’est le mouvement en sens contraire, la rencontre des corps, qui produisent l’un et l’autre , on doit en conclure que les atomes de la lumière sont solides par eux-mêmes, et qu’ils sont chauds au moment de leur naissance : maison me peut pas également assurer qu’ils conservent leur chaleur au même degré que‘leur lu- mière, ni qu ils ne cessent pas d’être chauds avant de cesser d’être lumineux. Des expeé- riences familières paroissent indiquer que la chaleur de la lumière du soleil augmente en passant à travers une glace plane,:quoi- que la quantité de la lumière soit diminuée considérablement par la réflexion qui se fait CI'PREMIÈRE PARTIE. ‘ 195 à la surface extérieure de la glace, et que la matière même du verre en retienne une cer- _taine quantité. D’autres expériences plus re. cherchées * semblent prouver que la lumière \ augmente de chaleur à mesure qu’elle tra- verse une plus grande épaisseur de notre atmosphère. * Un habile physicien (M. de Saussure, citoyen de Genève) a bien voulu me communiquer le résul- tat des expériences qu’il 4 faites dans les montagnes ; sur la différente chaleur des rayons du soleil, et je vais rapporter ici ses propres expressions. « J'ai fait « faire, en mars 1767, cinq caisses rectangulaires de « verre blanc de Bohème, chacune desquelles est la « moitié d’un cube coupé parallélement à sa base: « la première a un pied de largeur en tout sens, sur « six pouces de hauteur; la seconde, dix pouces sur « Cinq ; et ainsi de suite, jusqu’à la cinquième, qui « a deux pouces sur un. Toutes ces caisses sont ou- « vertes par le bas , et s'emboîtent les unes dans les « autres sur une table fort épaisse, de bois de poi- « rler noïrc1, à laquelle elles sont fixées. J’emploie « sept thermomètres à cette expérience : l’un suspen- « du en l’air et parfaitement isolé à côté des boîtes, et « à la même distance du sol; un autre posé sur la « caisse extérieure en dehors de cette eaïsse , et à peu « pres au milieu; le suivant posé de même sur la « seconde caisse ; et ainsi des autres, jusqu’au der- ’ +: PSN NT, ERA TENNIS RE NP ETAT mur ARE | 136 MINÉRAUX. INTRODUCTION, On sait de tout temps que la chaleur de- vient d'autant moindre, ou le froid d'autant ‘plus grand, qu’on s’élève plus haut dans les montagnes. IL est vrai que la chaleur qui provient du globe entier de la terre doit être moins sensible sur ces pointes avancées qu'elle ne l’est dans les plaines; mais cette cause «nier, qui est sous la cinquièmé caisse, et à demi « noyé dans le bois de la table. « I] faut observer. que tous ces thermomètres sont « de mercure, et que tous, excepté le dernier, ont. « Ja boule nue, et ne sont pas engagés, comme les « thermomètres ordinaires, dans une planche ou « dans une boîte, dont le plus ou le moins d'aptitude «à prendre et à conserver la chaleur fait entière- « ment varier le résultat des expériences. « Tout cet appareil exposé au soleil, dansun lieu « découvert, par exemple, sur le mur de clôture « d’une grande terrasse ; je trouve que le thermo- « mètre suspendu à l'air libre monte le moins haut « de tous ; que celui qui est sur la caisse extérieure , « monte uu peu plus haut; ensuite celui qui est sur « la seconde caisse ; ct ainsi des autres, en obser- « vant cependant que le thermomètre qui est posé « sur la cinquième caisse, monte plus haut que celui « qui est sous elle et à demi noyé dans le bois dela « table : j'ai vu celui-là monter à 70 degrés de Réau- «mur (en plaçant le O à la congélation et le 8o® “PREMIÈRE PARTIE. 137 n'est point du tout proportionnelle à l'effet : l'action de la chaleur qui émane du globe terrestre ne pouvant diminuer qu’en raison du“ quarré de la distance, il ne paroiît pas qu à la hauteur d'une demi-lieue, qui n’est .« degré à l’eau bouillante). Les fruits exposés à cette « chaleur s’y cuisent et y rendent leur jus. « Quand cet appareil est exposé au soleil dès le « matin , on observe communément la plus grande « chaleur vers les deux heures et demie après midi; « et lorsqu'on le retire des rayons du soleil, il em- « ploie plusieurs heures à son entier refroidisse- « ment. - «J'ai fait porter ce même appareil sur une mon- « tagne élevée d'environ cinq cents toises au-dessus « du lieu où se faisoient ordinairement les expé- « riences , et j’ai trouvé que le refroidissement causé « par l'élévation agissoit beaucoup plus sur les ther- « momètres suspendus à lair libre que sur ceux qui « étoient enfermés dans les caisses de verre, quoique « J'eusse eu soin de remplir les caisses de l'air même « de la montagne, par égard pour la fausse hypo= « thèse de ceux qui croient que le froid des mon- « tagnes tient de la pureté de l'air qu’on y respire. » Il seroit à desirer que M. de Saussure, de la sagacité duquel nous devons attendre d’excellentes choses, suivit encore plus loin ces expériences, et voulût bien en publier les résultats. 12 133 MINÉRAUX. INTRODUCTION, que la trois-millième partie du demi-dia= mètre du globe, dont le centre doitêtre pris pour le foyer de la chaleur; il ne paroît pas, dis-je, que cettedifférence, qui, dans cettesup- position, n’est que d’une unité sur neuf mil- lions, puisse produire une diminution de cha- leur aussi considérable , à beaucoup près, que celle qu'on éprouve en s’élevant à cette hau- teur: car le thermomètre y baisse dans tous les temps de l’année, jusqu’au pointde la congéla- tion de l’eau; la neige ou la glace subsistent aussi sur ces grandes montagnes à peu près à cette hauteur dans toutes les saisons. Il n’est donc pas probable que cette grande différence de chaleur provienne uniquement de la diffé- rence de la chaleur de la terre : l’on en sera pleinement convaincu si l’on fait attention qu'au haut des volcans , où la terre est plus chaude qu'en aucun autre endroit de la sur- face du globe, le froid de l'air est à trés-peu près le même que dans les autres montagnes à la même hauteur. On pourroit donc penser que les atomes de la lumière , quoique très-chauds au mo- ment de leur naissance et au sortir du soleil, _se refroidissent beaucoup pendant. Les sept LR PREMIÈRE PARTIE. 139 minutes et demie de temps que dure leur traversée du soleil à la terre, d'autant que la durée de la chaleur, ou, ce qui revient au même , le temps du refroidissement des corps étant en raison de leur diamètre, 1l semble voit qu'il ne faut qu'un très-petit moment pour le refroidissement des atomes presque infiniment petits de la lumiere ; et cela seroit en effet s’ils étoient isolés : mais comme ils se succèdent presque immédiatement, et qu'ils se propagent en faisceaux d'autant plus serrés qu’ils sont plus près du lieu de leur origine, la chaleur que chaque atome perd tombe sur les atomes voisins ; et cette Com- munication réciproque de la chaleur qui s’é- vapore de chaque atome entretient plus long- temps la chaleur générale de la lumière ; et comme sa direction constante est toujours en rayons divergens, que leur éloignement l’un de l’autre augmente comme l’espace qu'ils ont parcouru, et qu’en même temps la chaleur qui part de chaque atome comme centre, diminue aussi dans la même raison, il s'ensuit que l’action de la lumière des rayons solaires décroissant en raison inverse du quarré de Ja distance, celle de leur cha- r4o MINÉRAUX: INTRODUCTION, leur décroit en raison inverse du querh | quarré de cette même distance. | Prenant donc pour unité le demi-diamètre du soleil , et supposant l’action de la lumière comme 1000 à la distance d’un demi-dia- mètre de la surface de cet astre, elle ne sera 1000 k plus que comme à la distance de deux demi-diamètres , que comme — à celle de 1000 trois demi-diamètres , comme = à la dis- tance de quatre demi - diamètres; et enfin. en arrivant à nous, qui sommes éloignés du soleil de trente-six millions de lieues., c’est-à- dire d’environ deux cent vingt-quatre de ses demi-diamètres , l’action de la lumière ne sera plus que comme 2%, c’est-à-dire plus de cinquante mille fois plus foible qu'au sor- tir du soleil; et la chaleur de chaque atome de lumière étant aussi supposée 1000 au sor- 1000. tir du soleil, ne sera plus que comme } 81 256 ? 1000 comme ess» C'est-à-dire plus de deux mille cinq cent millions de fois plus foible Li au sortir du soleil. Quand même on ne voudroit pas admettre celte diminution de la chaleur de la lumière < 22, 7, à la distance successive de 1, vite 3 demi - diamètres , et en arrivant à nous, ‘PREMIÈRE PARTIE. 714 en raison du quarré-quarré de la distance au soleil, quoique cette estimation me paroisse fondée sur un raisonnement assez clair, il sera toujours vrai que la chaleur , dans sa propagation, diminue beaucoup plus que la lumière , au moins quant à l'impression qu'elles font l’une et l’autre sur nos sensz Qu'on excite une très- forte chaleur , qu’on. allume un grand feu dans un point de l’es-. pace, on ne le sentira qu'à une distance mé- diocre, au lieu qu’on en voit la lumière à de très-grandes distances. Qu'on approche peu à peu la main d’un corpsexcessivementchaud, on s’appercevra , par la seule sensation, que la chaleur augmente beaucoup plus que l’es- pace ne diminue ; car on se chauffe souvent, avec plaisir à une distance qui ne diffère que de quelques pouces de celle où l’on se brûle- roit. Tout paroit donc nous indiquer que la - chaleur diminue en plus grande raison que la lumière, à mesure que toutes deux s’é- loignent du foyer dont elles partent. Ainsi l’on peut croire que les atomes de la. lumière sont fort refroidis lorsqu'ils arrivent à la surface de notre atmosphère, maisqu’en traversant la grande épaisseur de cette masse 42 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | transparente , ils y reprennent par lefrotte ment une nouvelle chaleur. La vitesseinfinie avec laquelle les particules de la lumière: frôlent celles de l'air, doit produire une cha- leur d'autant plus grande que le frotiement est plus multiplie; et c’est probablement par celte raison que la chaleur des rayons solaires se trouve, par l'expérience , beaucoup plus grande dans les couches inférieures de l'at- mosphère, et que le froid de l’air paroît aug- menter si considérablement à mesure qu'on s'élève. Peut-être aussi que , comme la lu- mière ne prend de la chaleur qu’en se réu- nissant, il faut un grand nombre d’atomes de lumière pour constituer un seul atome de chaleur, et que c’est par cette raison que la lumière foible de la lune, quoique frôlée dans l'atmosphère comme celle du soleit, ne preud aucun deoré de chaleur sensible. Si, comme le dit M. Bouguer *, l'intensité de la lumière du soleil à la surface de la terre est trois cent mille fois plus grande que celle de la Iumièrede la lune, celle-ci ne peut qu'être presque absolument insensible , .* Essai d'optique sur la gradation de la lumière PREMIÈRE PARTIE. r43 mème en la réunissant au foyer des plus puissans miroirs ardens, qui ne peuvent la condenser qu'environ deux mille fois, dont Ôôtant;la moitié pour la perte par la réflexion ou la réfraction , il ne reste qu’une trois-cen- tième partie d'intensité au foyer du miroir. Or y a-t-il des thermomètres assez sensibles pour indiquer le degré de chaleur contenu dans une lumière trois cents fois pius foible que celle du soleil, et pourra-t-on faire des miroirs assez puissans pour la condenser da- vantage ? Ainsi l’on ne doit pas inférer de tout ce que j'ai dit que la lumière puisse exister sans aucune chaleur , mais seulement que les degrés de cette chaleur sont très-différens, selon les differentes circonstances, et tou- jours insensibles lorsque la lumière est très- foible *. La chaleur , au contraire, paroit * On pourroit même présumer que la lumière en elle-même est composée de parties plus ou moins chaudes : le rayon rouge, dont les atomes sont bien plus massifs et probablement plus gros que ceux du rayon violet, doit en toutes circonstances conserver beaucoup plus de chaleur, et ceite présemption me paroît assez fondée pour qu’on doive chercher à la : PAST EE MONTE à 144 MINÉRAUX. INTRODUCTION, exister habituellement , et même se faire sentir vivement sans lumière; ‘ce n’est ordi nairement que quand elle devient exCESSIVE que la lumière l'accompagne. Maïs ce qui mettroit encore une différence bien essentielle entre ces deux modifications de la matière, c’est que la chaleur qui pénètre tous les corps constater par l’expérience ; il ne faut pour cela que recevoir au sortir du prisme une égale quantité de rayons rouges et de rayons violets, sur deux petits miroirs concaves où deux lentilles réfringentes, et voir au thermomètre le résultat de la chaleur des uns et des autres. Je me rappelle une autre expérience, qui semble démontrer que les atomes bleus-de la lumière sont plus petits que ceux des autres couleurs ; c’est qu’en recevant sur une feuille très-mince d'or battu la lu- ‘mière du soleil, elle se réfléchit toute, à l’exception des rayons bleus qui passent à travers la feuille d’or, et peignent d’un beau bleu le papier blänc qu’on met à quelque distance derrière la feuille d’or. Ces atomes bleus sont donc plus petits que les autres, puisqu'ils passent où les autres ne peuvent passer. Mais je n'insiste pas sur les conséquences.qu’on doit tirer de cette expérience , parce que cette couleur bleue ,pro- duite en apparence par la feuille d’or, peut tenir au phénomène des ombres bleues, dont je parlerai dans un des mémoires suivans. PREMIÈRE PARTIE. 7:45 ne paroît se fixer dans aucun, et ne s’y arré- ter que peu de temps, au lieu que la lumière s’incorpore, s’'amortit et s'éteint dans tous ceux qui ne la réfléchissent pas, ou qui ne la laissent pas passer librement. Faites chauffer à tous degrés des corps de toute sorte: tous perdront en assez peu de temps la chaleur acquise ; tous reviendront au degré de la température générale, et n'auront par con-— séquent que la mème chaleur qu’ils avoient auparavant. Recevez de même la lumière en plus ou moins grande quantité sur des corps noirs ou blancs , bruts ou polis: vous recon— noîtrez aisément que les uns l’admettent , les autres la repoussent , et qu'au lieu d’être affectés d’une manière uniforme comme ils le sont par la chaleur, ils ne le sont que d'une manière relative à leur nature, à leur couleur , à leur poli; les noirs absorberont plus la lumière que les blancs, les bruts plus que les polis. Cette lumière une fois absor- bée reste fixe et demeure dans les corps qui l'ont admise ; elle ne reparoît plus, elle n’en sort pas comme le fait la chaleur : d’où l’on devroit conclure que lesatomes de la iumière peuvent devenir parties constituantes des Mat, gËn, LV. a 15 LENS OUT TRUE 0 y 7% D UE NA k 46 MINÉRAUX. INTRODUCTION, corps en s’unissant à la matière qui les com— pose ; au lieu que la chaleur, ne se fixantpas, semble empêcher au contraire l’union de toutes les parties de la matière, et nagir qe | pour les tenir séparées. | Cependant il y a des cas où la chaleur se fixe à demeure dans les corps, et d’autres cas où la lumière qu'ils ont absorbée reparoît et en sort comme la chaleur. Les diamans, les autres pierres transparentes qui s’imbibent de la lumière du soleil ; les pierres opaques , comme celles de Bologne, qui, par la calcina- tion , reçoivent les particules d’un feu bril= lant; tous les phosphores naturels rendent la lumière qu'ils ont absorbée, et cette restitu- tion ou déperdition de lumière se fait succes- sivement et avec letemps, à peu près comme se fait celle de la chaleur. Et peut-être la même chose arrive dans les corps opaques, en tout ou en partie. Quoi qu'il en soit , il paroit d’après tout ce quivient d’être dit, que l’on doit reconnoitre deux sortes de chaleur: l’une lumineuse, dont le soleil est le foyer immense ; et l’autre obscure , dont le grand réservoir est le globe terrestre. Notre corps, comme faisant partie du globe, participe à PREMIÈRE PARTIE. 147 cette chaleur obscure; et c’est par cette raison qu'etant obscure par elle-même , c’est-à-dire sans lumière , elle est encore obscure pour nous, parce que nous nenous en appercevons par aucun de nos sens. Il en est de cette cha- leur du globe comme de son mouvement: nous y sommes soumis, nous y participons, sans le sentiretsans nousen douter. Delàilestarrivé que les physiciens ont porté d’abord toutes leurs vues , toutes leurs recherches, sur la chaleur du soleil, sans soupçonner qu'elle ne faisoit qu'une très-petite partie de celle que nous éprouvons réellement: mais, ayant fait des instrumens pour reconnoître la différence de chaleur immédiate des rayons du soleil en été , à celle de ces mêmes rayons en hiver, ils ont trouvé, avec étonnement, que cette cha- leur solaire est en été soixante-six fois plus grande qu’en hiver dans notre climat, et que néanmoins la plus grande chaleur de notre éte ne différoit que d’un septième du plus grand froid de notre hiver ; d’où ils ont conclu, avec grande raison, qu'indépendamment de la chaleur que nous recevons du soleil, il en émane une autre du globe même de la terre, bien plus considérable, et dont celle du soleil (La PAU CS Ca x48 MINÉRAUX. INTRODUCTION, n'est que le complément ; en sorte qu'il est aujourd’hui démontré que cette chaleur qui s'échappe de l’intérieur de la terre , est dans notre climat au moins vingt-neuf fois en été, et quatre cents fois en hiver , plus grande que la chaleur qui nous vient du soleil: je dis au moins; car quelque exactitude que les physi- ciens, et en particulier. de Mairan, aient ap- . portée dans ces recherches, quelque précision qu'ils aient pu mettre dans leurs observations et dans leur calcul, j'aivu, enlesexaminant, quelerésultatpouvoiten être porté plus haut*. * Les physiciens ont pris pour le degré du froid absolu 1000 degrés au-dessous de la congélation : il falloit plutôt le supposer de 10,000 que de 1000; car quoique je sois très- persuadé qu’il n'existe rien d’absolu dans la nature, et que peut-être un froid de 16,000 degrés n'existe que dans les espaces les plus éloignés de tout soleil, cependant, comme il s’agit ici de prendre pour unité le plus grand froid possible, je l’aurois au moins supposé plus grand que celui dont nous pouvons produire la moitié ou les trois cinquièmes: car on a produit artificiellement 592 degrés de froid à Pétersbourg le 6 janvier r760, le froid naturel étant de 3r degrés au-dessous de la congélation ; et si l’on eût fait la même expérience en Sibérie, où le froid naturel est quelquefois de 70 degrés, on eût produit un froid de plus de 1009 | PREMIÈRE PARTIE. 149 Cette grande chaleur qui réside dans l’in- térieur du globe , qui sans cesse en émane à l'extérieur, doit entrer comme élément dans ) degrés, car on a observé que le froid artificiel sui- voit la même proportion que le froid naturel. Or 31 : 592 :: mo: 1336 +. Il seroit donc possible de produire en Sibérie un froid de 1336 degrés au-des- sous de la congélation; donc le plus grand degré de froid possible doit être supposé bien au-delà de 1000 ou même de 1336 pour en faire l’unité, à la- quelle on rapporte les degrés de la chaleur tant solaire que terrestre, ce qui ne laissera pas d’en rendre la différence encore plus grande. — Une autre remarque que j'ai faite en examinant la construction de Ja table dans laquelle M. de Mairan donne les rapports de la chaleur des émanations du globe ter- restre à ceux de la chaleur solaire pour tous les cli- mats de la terre, c’est qu’il n’a pas pensé ou qu'il a négligé d’y faire entrer la considération de l'épais- seur du globe, plus grande sous l'équateur que sous les poles. Cela néanmoins devroit être mis en compte, et auroit un peu changé les rapports qu’il donne pour chaque latitude. — Enfin une troisième remarque , et qui tient à la première, cest qu'il dit (page 160) qu'ayant fait construire une machine qui étoit comme un extrait de mes miroirs brulans ;, et ayant fait tomber la lumière réfléchie du soleil sur des thermomètres , il avoit toujours trouvé que si un miroir plan ayoit fait monter la liqueur, par :5o MINÉRAUX. INTRODUCTION, la combinaison de tous les autres élémens. Si le soleil est le père de la nature, cettechaleur de la terre en est la mère, et toutes deux se | | RE OA ein. ‘ \ FR L = "SAN exemple, de 3 degrés, deux miroirs dont on réu= nissoit la lumière, la faisoient monter de 6 degrés, et trois miroirs de 9 degrés. Or ilest aisé de sentir que ceci ne peut pas être généralement vrai; car la grandeur des degrés du thermomètre n’est fondée que sur la division en mille parties, et sur la sup- position que rooo degrés au-dessous de la congéla- üon font le froid absolu : et comme il s’en faut bien que ce terme soit celui du plus grand froid possible, il est nécessaire qu’une augmentation de chaleur double ou triple par la réunion de deux ou trois mi= roirs , élève la liqueur à des hauteurs différentes dé celle des degrés du thermomètre. selon que lexpé- rience sera faite dans un temps plus ou moins chaud ; que celui où ces hauteurs s accorderont le mieux où différeront le moins, sera celui des jours chauds de l'été, et que les expériences ayant été faites sur la fin de mai, ce n’est que par hasard qu’elles ont donné le résultat des augmentations de chaleur par les mi- roirs , proportionnelles anx degrés de. l'échelle du thermomètre. Mais j'abrége cette critique en ren- voyant à ce que j'ai dit près de vingt ans avant ce mémoire de M. de Mairan , sur la construction d un thermomètre réel , et sa graduation par le moyen de mes miroirs brûlans. Voyez les Mémotrés de l’a cadémie des sciences, année 1747: / PREMIÈRE PARTIE. 15 réunissent pourproduire, entretenir, animer les êtres organisés, et pour travailler , assi- _miler , composer les substances inanimées. Cette chaleur intérieure du globe, qui tend toujours du centre à la circonférence, et qui s'éloigne perpendiculairement de la surface de la terre, est, à mon avis, un grand agent dans la nature; l’on ne peut guère douter qu'elle n'ait la principale influence sur la perpendicularité de la tige desplantes, sur les phénomènes de l'électricité , dont la princi- pale cause est le frottement ou mouvement en sens contraire , sur les effets du magné- tisme , etc. Mais , comme je ne prétends pas faire ici un traité de physique, je me borne- rai aux effets de cette chaleur sur les autres élémens. Elle suffit seule, elle est même bier plus grande qu’il ne faut pour maintenir la raréfaction de l’air au degré que nous respi- rons : elle est plus que suffisante pour entre- tenir l’eau dans son état de liquidité; car on a descendu des thermomètres jusqu’à cent vingt brasses de profondeur , et, les retirant promptement , on a vu que la température de l’eau y étoit à très-peu près la même que dans l’intérieur de La terre à pareille profon- * | RE 152 MINÉRAUX. INTRODUCTION, deur, c’est-à-dire de dix degrés deux tiers; ef comme l’eau la plus chaude monte toujours à la surface, et que le sel l'empêche de geler, | on ne doit pas être surpris de ce qu’en général la mer ne gèle pas, et que les eaux douces ne gèlent que d’une certaine épaisseur, l’eau du fond restant toujours liquide , lors même qu'il fait le plus grand froid , et que les cou- ches supérieures sont en glace de dix pieds d'épaisseur. Mais la terre est celui de tous les élémens sur lequel cette chaleur intérieure a dü pro- duire et produit encore les plus grands effets. On ne peut pas douter , après les preuves que j en ai données * , que cette chaleur n’ait été originairement bien plus grande qu'elle ne l’est aujourd’hui : ainsi on doit lui rappor- ter , comme à la cause première , toutes les sublimations , précipitations , agrégations , séparations, en un mot tous les mouvemens qui se sont faits et se font chaque jour dans l'intérieur du globe, etsur-tout dans la couche extérieure où nous avons pénétré, et dont la * Voyez, dans cet ouvrage, l’article de la forma- tion des planètes, et les arucles des Epoques de la nalure: v PREMIÈRE PARTIE. 153 matière a été remuée par les agens de la na- ture , ou par les mains de l’homme; car, à une ou peut-être deux lieues de profondeur , on ne peut guère présumer qu'il y ait eu des conversions de matière, ni qu'il s'y fasse encore des changemens réels : toute la masse du globe ayant été fondue, liquéfiée par le feu , l’intérieur n’est qu’un verre ou concret ou discret , dont la substance simple ne peut récevoir aucune altération par la chaleur seule ; 1l n’y a donc que la couche supérieure et superficielle qui, étant exposée à l’action. des causes extérieures , aura subi toutes les modifications que ces causes réunies à celle de la chaleur mtérieure auront pu produire par leur action combinée, c’est-à-dire, toutes les modifications , toutes les différences , toutes les formes, en un mot, des substances minérales. | Le feu, qui ne paroïit être, à la première vue, qu'un compose de chaleur et delumière, ne seroit-il pas encore une modification de la matière qu'on doive considérer à part, quoi- qu’elle ne diffère pas essentiellement de l’une ou de l’autre, etencore moins des deux prises ensemble ? le feu n'existe jamais sans cha- - 154 MINERAUX. INTRODUCTION, à Teur, mais il peut exister sans lumière. Om verra , par mes expériences, que la chaleur seule et dénuée de toute apparence de lu- mière peut produire les mêmes effets que le feu le plus violent. On voit aussi que la lumière seule, lorsqu'elle est réunie, produit les mêmes effets ; elle semble porter en elle- même une substance qui n’a pas besoin d’ali- ment : le feu ne peut subsister au contraire qu’en absorbant de l'air , et il devient d’au- tant plus violent qu’il.en absorbe davantage, tandis que la lumière concentrée et reçue dans un vase purgé d’air agit comme le feu dans l'air, et que la chaleur resserrée, retenue dans un espace clos , subsiste et même aug- mente avec une très-petite quantité d’ali- mens. La différence la plus genérale entre le feu , la chaleur et la lumière, me paroît donc consister dans la quantité , et peut-être dans la qualité de leurs alimens. L'air est le premier aliment du feu, les matières combustibles ne sont que le second : j'entends par premier aliment celui qui est toujours nécessaire et sans lequel le feu ne pourroit faire aucun usage des autres. Des expériences connues de tous les physiciens - PREMIÈRE PARTIE, :55 nous démontrent qu'un petit point de feu, tel que celui d’une bougie placée dans un vase bien fermé , absorbe en peu de temps une grande quantité d’air , et qu’elle s'éteint aussitôt que la quantité ou la qualité de cet aliment lui manque. D'autres expériences bien connues des chimistes prouvent que les matières les plus combustibles , telles que les charbons, ne se consument pas dans des vais- seaux bien clos ,; quoiqu'exposés à l’action du plus grand feu. L'air est donc le premier, le véritable aliment du feu , et les matières combustibles ne peuvent lui en fournir que par le secours et la médiation de cet élé- ment , dont il est nécessaire , avant d’aller plus loin, qué nous considérions ici quelques propriétés. | Nous avons dit-que toute fluidité avoit la chaleur pour cause; eten comparant quelques fluides ensemble , nous voyons qu’il faut beau- coup plus de chaleur pour tenir le fer en fusion que l’or , beaucoup plus pour y tenir l'or que l’étain , beaucoup moins pour y tenir la cire, beaucoup moins pour y tenir l’éau, encore beaucoup moins pour y tenir l’esprit- de-vin , et enfin excessivement moins pour - : $- 7 F "+ ‘ i ‘ee | 7 \ 4 156 MINÉRAUX. INTRODUCTION, y tenir le mercure , puisqu'il ne perd sa flui- dité qu’au cent quatre-vingt-septième degré au-dessous de celui où l’eau perd la sienne. Cette matière, le mercure, seroit donc le. plus fluide des corps, si l'air ne l’étoit encore plus. Or, que nous indique cette fluidité plus grande dans l’air que dans aucune ma- tière ? IL me semble qu’elle suppose le moin- dre degré possible d’adhérence entre ses par- ties constituantes ; ce qu'on peut concevoir en les supposant de figure à ne pouvoir se toucher qu’en ‘un point. On pourroit croire aussi qu'étant douées de si peu d’énergie ap- parente , et de si peu d'attraction mutuelle des unes vers les autres, elles sont , par cette raison , moins massives et plus légères que celles de tous les autres corps : mais cela me paroît démenti par la comparaison du mer- cure , le plus fluide des corps après l’air , et dont néanmoins les parties constituantes pa- roissent être plus massives et plus pesantes que celles de toutes les autres matières, à l'exception de l'or. La plus ou moins brande fluidité n’indique donc pas que les parties du fluide soient plus ou moins pesantes , mais seulement que leur adhérence est d'autant PREMIÈRE PARTIE. :57 moindre, leur union d'autant moins intime, et leur séparation d'autant plus aisée. S'il faut mille degrés de chaleur pour entretenir la fluidité de l’eau , il n’en faudra peut-être qu un pour maintenir celle de l’air. L'air est donc de toutes les matières con- nues celle que la chaleur divise Le plus faci- lement , celle dont les parties lui obéissent avec. le moins de résistance, celle qu'elle met le plus aisément en mouvement expansif et _ contraire à celui de la force attractive. Ainsi l'air est tout près de la nature du feu, dont la principale propriété consiste dans ce mou- vement expansif; et quoique l’air ne l’ait pas “par lui-même , la plus petite particule de chaleur ou de feu suffisant pour le lui com- muniquer , on doit cesser d’être étonné de ce que l'air augmente si fort l’activité du feu , et de ce qu’il est si nécessaire à sa sub sistance : car étant de toutes les substances celle qui prend le plus aisément le mouve- ment expansif , ce sera celle aussi que le feu entrainera , enlevera de préférence à toute autre; ce sera celle qu'il s'appropriera le plus intimement , comme étant de la nature la plus voisine de la sienne ; et par conséquent 14 258 MINÉRAUX. INTRODUCTION, , l'air doit être du feu l’adminicule le plus puissant, l'aliment le plus convenable, l’arni le plus intime et le plus nécessaire. - Les matières combustibles, que l’on re- garde vulgairement comme les vrais ali- mens du feu , ne lui servent néanmoins, ne lui profitent en rien, dès qu’elles sont pri- vées du secours de l'air : le feu le plus violent ne les consume pas, et même ne leur cause aucune altération sensible, au lieu qu'avec de l’air une seule étincelle de feu les em- brase, et qu’à mesure qu’on fournit de l'air en plus ou moins grande quantité, le feu de- vient dans la même proportion plus vif, plus étendu , plus dévorant ; de sorte qu’on peut mesurer la célérité ou la lenteur avec laquelle le feu consume les matières combustibles, par la quantité plus ou moins grande de l'air qu'on lui fouruit. Ces matières ne sont donc pour le feu que des alimens secondaires, qu'il ne peut s'approprier par lui-même, et dont il ne peut faire usage qu'autant que J'air s’y mêlant, les rapproche de la nature du feu en les modifiant , et leur sert d’inter- mède pour les y réunir. Qu pourra (ce me semble) concevoir clai- PREMIÈRE PARTIE. :by rement cette opération de la nature , en con- sidérant que le feu ne réside pas dans les corps d’une manière fixe , qu'il n’y fait ordinaire- ment qu’un séjour instantané; qu'étant tou— jours en mouvement expansif , il ne peut subsister dans cet état qu'avec les matières susceptibles de ce même mouvement ; que l'air s’y prêtant avec toute facilité, la somme de ce mouvement devient plus grande , l’ac- tion du feu plus vive, et que dès lors les par- ties les plus volatiles des matières combus- tibles, telles que les molécules aériennes, hui- leuses , etc. obéissant sans effort à ce mou- vement expansif qui leur est communiqué, elles s'élèvent en vapeurs ; que ces vapeurs se convertissent en flamme par le même se- cours de l’airextérieur ; etqu’enfin ; tantqu'il subsiste dans les corps combustibles quelques parties capables de recevoir , par le secours de l'air, ce mouvement d'expansion, elles ne cessent de s’en séparer pour suivre l'air et le feu dans leur route, et par conséquent se consumer en s’évaporant avec eux. Il y a de certaines matières , telles que lé phosphore artificiel, le pyrophore, la poudre à canon , qui paroissent à la première vue faire x60o MINÉRAUX. INTRODUCTION, une Ge on à ce que je viens de dire; car elles n’ont pas besoin, pour s’enflammer etse consumer en entier, du secours d’un air renou- vele : leur combustion peut s’opérer dans les vaisseaux les mieux fermés ; mais c’est par la raison que ces matières, qu'on doit regarder comme les plus combustibles de toutes, con- tiennent dans leur substance tout l’air neces- saire à leur combustion. Leur feu produit d’abord cet air et le consume à l'instant ; et comme il est en très-grande quantité dans ces matières , il sufhit à leur pleine combus- tion, qui dès lors n’a pas besoin , comme tou- tes les autres, du secours d’un air étranger. Cela semble nous indiquer que la difference la plus essentielle qu’il y ait entre les matières combustibles et celles quinele sont pas, c'est que celles-ci ne contiennent que peu ou point de ces matières légères, aériennes, huileuses, susceptibles du mouvement expansif, ou que si elles en contiennent , elles s’y trouvent fixées et retenues , en sorte que , quoique volatiles en elles-mêmes , elles ne peuvent exercer leur volatilité toutes les fois: que la force du feu n’est pas assez grande pour sur- monter la force d'adhésion qui les retient PREMIÈRE PARTIE. . 166. unies aux parties fixes de la matière. On peut mème dire que cette induction , qui se tire immédiatement de mes principes , se trouve confirmée par un grand nombre d'observa- tions bien connues des chimistes et des phy- siciens : mais ce qui paroit l'être moins , et qui cependant en est une conséquence néces- saire, c’est que toute matière pourra devenir volatile dès que l’homme pourra augmenter assez la force expansiye du feu pour la ren- dre supérieure à la force attractive qui tient unies les parties de la matière que nous appelons fixes ; car , d’une part , il s'en faut bien que nous ayons un feu aussi fort que nous pourrions l'avoir par des miroirs mieux conçus que ceux dont on s’est servi jusqu à cejour ,et,d autre côté, nous sommes assurés que la fixité n’est qu’une qualité relative , et qu'aucune matière n’est d’une fixité absolue ou invincible , puisque la chaleur dilate les corps les plus fixes. Or cette dilatation n’est- elle pas l’indice d’un commencement de sépa- ration qu'on augmenteavec le desrédechaleur jusqu'à la fusion , et qu'avec une chaleur encore plus grande on ausmenteroit jusqu'à la volatilisation ? 14 j RNA k x62 MINÉRAUX. INTRODUCTION, . L La combustion suppose quelque chose de plus que la volatilisation: il suffit pour celle- ci que les parties de la matière soient assez divisées , assez séparées lés unes des autres , pour pouvoir être enlevées par celles de la chaleur ; au lieu que, pour la combustion, 1l faut encore qu’elles soient d’une nature ana- logue à celle du feu ; sans cela le mercure, qui est le plus fluide après l'air , seroit aussi le plus combustible, tandis que l'expérience nous démontre que , quoique très-volatil, il est incombustible. Or, quelle est donc l’ana- logie ou plutôt le rapport de nature que peu- vent avoir les matières combustibles avec le feu ? La matière , en général, est composée de quatre substances principales , qu’on ap- pelle élémens : la terre, l’eau, l’air et le feu, entrent tous quatre en plus ou moins grande quantité dans la composition de toutes les matières particulières ; celles où la terre et l’eau dominent seront fixes, et ne pourront devenir que volatiles par l’action de la cha- leur ; celles au contraire qui contiennent beaucoup d’air et de feu , seront les seules vraiment combustibles. La grande difficulté qu'il y ait ici , c’est de concevoir nettement "PREMIÈRE PARTIE. +63 eomment l’air et le feu , tous deux si vola- tils , peuvent se fixer et devenir parties cons- tituantes de tous les corps : je dis de tous les corps ; car nous prouverons que quoiqu 1l ÿ ait une plus grande quantité d'air et de feu fixes dans les matières combustibles , et qu’ils y soient combinés d’une manière différente que dans les autres matières, toutes néan- moins contiennent une quantité considérable de ces deux élémens ; et que les matières les plus fixes et les moins combustibles sont celles qui retiennent ces élémens fugitifs avec le plus de force. Le fameux phlogistique des chimistes ( ètre de leur méthode plutôt que de la nature) n’est pas un principe simple et identique, comme ils nous le présentent ; c'est un composé, un produit de l’alliage ;, un résultat de la combinaison des deux elé- mens , de l’air et du feu fixés daus les corps. Sans nous arrêter douc sur les idées obscures et incomplètes que pourroit nous fournir la considération de cet être précaire , tenons- nous en à celle de nos quatre élémens réels > auxquels les chimistes, avec tous leurs nou- veaux principes , seront toujours forcés de revenir ultérieurement, - — #64 MINÉRAUX. INTRODUCTION, 1 /- Nous voyons clairement que le feu en à | sorbant de l’air en détruit le ressort. Or il F0 n’y a que deux manières de détruire un res= # sort : la première, en le comprimant assez pour le rompre ; la seconde, en l’étendant assez pour qu'il soit sans effet. Ce n’est pas de la première manière que le feu peut dé- truire le ressort de l’air, puisque le moindre degré de chaleur le raréfie, que cette raréfac- tion augmente avec elle, et que l'expérience nous apprend qu’à une très-forte chaleur la Qu raréfaction de l'air est si grande, qu’il occupe alors un espace treize fois plus étendu que celui de son volume ordinaire : le ressort dès lors en est d'autant plus foible; et c’est dans cet état qu’il peut devenir fixe et s’unir sans résistance sous cette nouvelle forme avec les autres corps. On entend bien quë cet air transformé et fixé n’est point du tout le même que celui qui se trouve dispersé; disséeminé dans’ la plupart des matières , eë qui conserve dans leurs pores sa nature en- tière : celui-ci ne leur est que melangé;et non pas uni ; il ne leur tient que:par une très—-foible adhérence , au lieu ‘que l'autre leur est si étroitement attaché, si intimement : PREMIÈRE PARTIE. 165 incorporé, que souvent on ne peut l'en sé- parer. | Nous voyons de même que la lumière, en tombant sur les corps, n’est pas, à beaucoup près, entièrement réfléchie, qu'il en reste en grande quantité dans la petite épaisseur de la surface qu’elle frappe ; que par consé- quent elle y perd son mouvement, s’y éteint, s’y fixe, et devient dès lors partie consti- tuante de tout ce qu’elle pénètre. Ajoutez à cet air , à cette lumière, transformes et fixés dans les corps, et qui peuvent être en quan- tité variable; ajoutez-y , dis-je, la quantité constante du feu que toutes les matières, de quelque espèce que ce soit, possèdent égale- ment : cette quantité constante de feu ou de chaleur actuelle du globe de la terre , dont la somme est bien plus grande que celle de la chaleur qui nous vient du soleil , me pa- roit ètre non seulement un des grands res- sorts du mécanisme de la natüre, mais en même temps un élément dont toute la ma- tière du globe est pénétrée ; c’est le feu élé- mentaire, qui, quoique toujours en Imouve- ment expansif, doit, par sa longue résidence dans la matiere ; et par son choc contre ses “ NE LRANT GA 566" MINÉRAUX. INTRODUCTION , parties fixes, s’unir, s’incorporer avec. elles, k et s’éteindre par parties comme le fait la {u- 4 mière *. | Si nous considérons plus partiouliBee nt Ja nature des matières combustibles, nous verrons que toutes proviennent originaire- ment des végétaux, des animaux, des êtres en un mot qui sont placés à la surface du globe que le soleil éclaire , échauffe et vivi- fie : les bois, les charbons, les tourbes, les bitumes , les résines, les huiles, les graisses, les suifs, qui sont les vraies matières com— bustibles , puisque toutes les autres ne lesont. qu'autant qu'elles en contiennent , ne pro- viennent-ils pas tous des corps organisés ou de leurs deétrimens ? Le bois, et même le * Ceci méme pourroit, se prouver par une expé- rience, qui mériteroit d’être poussée plus loin. J'ai recueilli sut un miroir ardent par réflexion une assez forte chaleur sans aucune lumière , au moyen d'une plaque de tôle mise entre le boigier et le miroir ; une parte de la chaleur s’est réfléchie au foyer Ris miroir, tandis que tout le reste de la chaleur l’a pé- nétré : mais je n’ai pu im’assurer si l’augmentation de chaleur dans la matière du miroir n’étoit pas aussi grande que s’il n’en eüt pas réfléchi. PREMIÈRE PARTIE. 167 charbon ordinaire, les graisses , les huiles par expression , la cire et le suif, ne sont que | des substances extraites immédiatement des végétaux et des animaux; les tourbes, les charbons fossiles, les succins, les bitumes liquides ou concrets, sont des produits de leur mélange et de leur décomposition, dont les détrimens ultérieurs forment les soufres et les parties combustibles du fer , du zinc, des pyrites , et de tous les minéraux que l’on peut enflammer. Je sens que cette dernière assertion ne sera pas admise, et pourra même être rejetée, sur - tout par ceux qui n’ont étudié la nature que par la voie de la chi- mie : mais je les prie de considérer que leur méthode n’est pas celle de la nature; qu’elle ne pourra le devenir ou mêmes’en approcher qu'autant qu'elle s’accordera avec la saine physique, autant qu'on en bannira non seu- lement les expressions obscureset techniques, mais sur-tout les principes précaires, les êtres fictifs auxquels on fait jouer le plus grand rôle. sans néanmoins les connoître. Le soufre , ez chimie , n'est que le composé de l'acide vitriolique et du phlogistique :-+ quelle apparence y a-t1l donc qu’il puisse, * RS UT 2 Lt 20" : " OR ELA ER è TEE \ At * al < me 700 r68 MINÉRAUX. INTRODUCTION, comme les autres matières combustibles ; tirer son origine du détriment des végétaux. ou des animaux ? ‘À cela je réponds, même. en admettant cette définition chimique "que l'acide vitriolique , et en général tous les acides , tous les alcalis, sont moins des substances de la nâture que des produits de l'art. La nature forme des sels et du soufre ; elle emploie à leur composition, comme à celle de toutes les autres substances ; les quatre élémens : beaucoup de terre et d’eau, un peu d'air et de feu, entrent en quantité variable dans chaque différente substance saline ; moins de terre et d’eau, et beaucoup plus d’air et de feu, semblent entrer dans la composition du soufre. Les sels et les soufres doivent donc être regardés comme des êtres de la nature dont on extrait, par le secours de l’art de la chimie, et par le moyen du feu , les différens acides qu'ils contiennent ;. et puisque nous avons employé le feu, et par conséquent de l'air et des matières com-— bustibles, pour extraire ces acides , pouvons- nous douter qu'ils n'aient retenu et qu’ils ne contiennent réellement des parties de ma- tière combustible qui y seront entrées pen- dant l'extraction ? PREMIÈRE PARTIE r6g9 Le phlogistique est encore bien moins que l’acide un être naturel ; ce ne seroit même qu’un être de raison, si on ne le regardoit pas comme un composé d'air et de feu devenu fixe et inhérent aux autres corps. Le soufre peut en effet contenir beaucoup de ce phlo- gistique, beaucoup aussi d'acide vitriolique; mais il a, comme toute autre matière, et sa terre et son eau : d’ailleurs son origine indique qu’il faut une grande consommation de matières combustibles pour sa produc- tion; il se trouve dans les volcans, et il semble que la nature ne le produise que par effort et par le moyen du plus grand feu. Tout concourt donc à nous prouver qu’il est de la même nature que les autres matières combustibles , et que par conséquent il tire, comme elles, sa première origine du détri- ment des êtres organisés. Mais je vais plus loin : les acides eux-mêmes viennent en grande partie de la décomposi- tion des substances animales ou végétales, et contiennent en conséquence des principes de la combustion. Prenons pour exemple le sal- pêtre : ne doit-il pas son origine à ces matières ? n'est-il pas formé par la putréfaction des 29 170 MINÉRAUX. INTRODUCTION , végétaux, ainsi que des urines et des excré- mens des animaux ? IL me semble que l’ex= périence le démontre, puisqu'on ne cherche, on ne trouve le salpêtre que dans les habita- tions où l’homme et les animaux ont long- temps résidé ; et puisqu'il est immédiate- ment formé du détriment des substances ani- imales et végétales , ne doit-il pas contenir une prodigieuse quantité d'air et de feu fixes ? Aussi en contient -il beaucoup, et même beaucoup plus que le soufre, le charbon, l'huile , etc. Toutes ces matières combus- tibles ont besoin , comme nous l'avons dit, du secours de l’air pour brüler , et se con- sument d'autant plus vite, qu’elles en re- coivent en plus grande quantité. Le salpètre n’en a pas besoin dès qu’il est mêlé avec quel- ques unes de ces matières combustibles ; il semble porter en lui-même le réservoir de tout l'air nécessaire à sa combustion : en le faisant détonner lentement , on le voit souf- fler son propre feu comme: le feroit un souf- flet étranger; en le renfermant le plus étroi- tement, son feu, loin de s’éteindre , n’en prend que plus de force, et produit les ex- plosions terribles sur lesquelles sont fondés . PREMIÈRE PARTIE. z7r nos arts meurtriers. Cette combustion si prompte est en même temps si complète, qu'il ne reste presque rien après l’inflamma- tion , tandis que toutes les autres matières enflammées laissent des cendres ou d’autres résidus qui démontrent que leur combustion n'est pasentière, ou, ce qui revient au même, qu’elles contiennent un assez grand nombre. de parties fixes, quine peuvent ni se brüler, ni même se volatiliser. On peut de même démontrer que l'acide vitrioliqué contient aussi beaucoup d’air et de feu fixes, quoi- qu’en moindre quantité que l’acide nitreux ; et des lors il tire, comme celui-ci, son ori- gine de la même source, et le soufre, dans la composition duquel cet acide entre si abon- damment, tire des animaux et des végétaux tous les principes de sa combustibilité. Le phosphore artificiel, qui est le premier dans l’ordre des matières combustibles , et dont l’acide est différent de l’acide nitreux et de l'acide vitriolique , ne se tire aussi que du règne animal, ou , si l'on veut, en partie du règne végétal élaboré dans les animaux, c'est-à-dire des deux sources de toute matière combustible. Le phosphore s’enflamme de 172 MINÉRAUX. INTRODUCTION , lui-même, c’est-à-dire, sans communication de matière ignée, sans frottement, sans autre addition que celle du contact de l’air : autre preuve de la nécessité de cet élément pour la combustion même d'une matière qui ne pa- roit être composée que du feu. Nous démon- trerons dans la suite que l’air est contenu dans l’eau sous une forme moyenne , entre l'état d’élasticité et celui de fixité. Le feu paroit être dans le phosphore à peu près dans ce mème état moyen; car de même que l'air se dégage de l’eau dès que l’on diminue la pression de l’atmosphère, le feu se dégage du phosphore lorsqu'on fait cesser la pression de l’eau, où l’on est obligé de le tenir sub- mergé pour pouvoir le garder et empêcher son feu de s’exalter. Le phosphore semble contenir cet élément sous une forme obscure et coudensée , et il paroït être pour le feu obscur ce qu'est le miroir ardent pour le feu lumineux, c’est-à-dire un moyen de conden- sation. Mais sans nous soutenir plus long-temps à la hauteur de ces considérations générales, auxquelles je pourrai revenir lorsqu'il sera nécessaire , suivons d’une manière plus di- PREMIÈRE PARTIE. 1:73 recte et plus particulière l'examen du feu ; tâchons de saisir ses effets, et de Les présen- ter sous un point de vue plus fixe qu'on ne Va fait jusqu'ici. | L'action du feu sur les différentes subs- tances dépend beaucoup de la manière dont on l’applique ; et le produit de son action sur une même substance paroîtra différent selon la façon dont 1il est administré. Jai pensé qu'on devoit considérer le feu dans trois états différens : le premier, relatif à sa vitesse ; le second, à son volume; et le troisième, à sa masse. Sous chacun de ces points de vue, cet élément si simple, si uniformeen apparence, paroîtra, pour ainsi dire, un élément diffé- rent. On augmente la vitesse du feu sans en augmenter le volume apparent, toutes les fois que, dans un espace donné et rempli de matières combustibles , on presse l’action et le développement du feu en augmentant la vitesse de l’air par des soufflets, des trompes, des ventilateurs, des tuyaux d'aspiration, etc. qui tous accélèrent plus ou moins la rapidité de l'air dirigé sur le feu; ce qui comprend, comme l’on voit , tous les instrumens , tous les fourneaux à vent, depuis Les grands four- x74 MINÉRAUX. INTRODUCTION, neaux de forges jusqu'à la lampe des émail- leurs. R : LE LS On augmente l’action du feu par son vo- lume toutes les fois qu’on accumule une grande quantité de matières combustibles, et qu’on en fait rouler la chaleuretla flamme dans des fourneaux de réverbère; ce qui comprend , comme l’on sait, les fourneaux de nos manufactures de glaces, de crystal, de verre , de porcelaine, de poterie, et aussi ceux où l’on fond tous les métaux et les mi- néraux, à l'exception du fer. Le feu agit IC par son volume , et n’a que sa propre vitesse, puisqu'on n’en augmente pas la rapidité par des soufflets ou d’autres instrumens qui por- tent l’air sur le feu. Il est vrai que la forme des tisards, c’est-à-dire , des ouvertures prin- cipales par où ces fourneaux tirent l'air, contribue à l’attirer plus puissamment qu'il ne le seroit en espace libre; mais cette aug- mentation de vitesse est très-peu conside- rable en comparaison de la grande rapidité que lui donnent les soufflets. Par ce dernier procédé on accélère l’action du feu, qu'on aiguise par l'air autant qu'il est possible ; par lPautre procédé, on l’augmente en çon=- centrant sa flamme en graud volume. PREMIÈRE PARTIE. 775 Ily a, comme l’ou voit, plusieurs moyens d'augmenter l’action du feu, soit qu'on veuille le faire agir par sa vitesse ou par son volume; mais iln'y en a qu'un seul par le- quel on puisse augmenter sa masse, c'est de le réunir au foyer d’un miroir ardent. Lors- qu'on reçoit sur un miroir réfringent ou réflexif les rayons du soleil , ou même ceux d’un feu bien allumé, on les réunit dans un espace d'autant moindre, que le miroir est plus grand et le foyer plus court. Par exem- ple, avec un miroir de quatre pieds de dia- mètre et d’un pouce de foyer, il est clair que la quantité de lumière ou de feu qui tombe sur le miroir de quatre pieds se trou- vant réunie dans l’espace d’un pouce, seroit deux mille trois cent quatre fois plus dense qu'elle ne l’étoit, si toute la matière inci- dente arrivoit sans perte à ce foyer Nous verrons ailleurs ce qui s’en perd effective- ment; mais 1l nous suffit ici de faire sentir que quand même cette perte seroit des deux tiers ou des trois quarts, la masse du feu con- centré au foyer de ce miroir sera toujours. six ou sept cents fois plus dense qu'elle ne V'étoit à Ia surface du miroir. Ici, comme … 176 MINÉRAUX. INTRODUCTION, dans tous les autres cas, la masse accroît par la contraction du volume , et le feu dont om augmente ainsi la densité a toutes les pro- priéteés d’une masse de matière; car, indé- pendamment de l’action de la chaleur par laquelle il pénètre les corps , il les pousse et les déplace comme le feroit un corps solide en mouvement qui en choqueroit un autre. On pourra donc augmenter par ce moyen la densité ou la masse du feu d'autant plus qu'on perfectionnera davantage la construc- tion des miroirs ardens. Or chacune de ces trois manières d’admi- nistrer Le feu et d’en augmenter ou la vitesse, ou le volume, ou la masse, produit sur les mêmes substances des effets souvent très-dif- férens : on calcine par l’un de ces moyens ce que l’on fond par l’autre ; on volatilise par le dernier ce qui paroît réfractaire au premier : en sorte que la même matière donne des résultats si peu semblables, qu'on ne peut compter sur rien, à moins qu'on ne la travaille en même temps ou successivement par ces trois moyens ou procédés que nous venons d'indiquer; ce qui est une route plus longue , mais la seule qui puisse nous con— PREMIÈRE PARTIE. 177 duire à la connoissance exacte de tous les rapports que les diverses substances peuvent avoir avec l'élément du feu. Et de la mème manière que je divise en trois procédés géné- raux l’administration de cet élément, je di- vise de même en trois classes toutes les ma- tières que l’on peut soumettre à son action. Je mets à part, pour un moment, celles qui sont purement combustibles , et qui pro- viennent immédiatement des animaux et des végétaux , et je divise toutes les matières minérales en trois classes relativement à l’ac- tion du feu : la première est celle des matières que cette action long-temps continuée rend plus lésères, comme le fer; la seconde, celle des matières que cette même action du feu rend plus pesantes, comme le plomb; et la troisième classe est celle des matières sur les- quelles, comme sur l'or , cétte action du feu ne paroït produire aucun effet sensible, puis- qu'elle n’altère point leur pesanteur. Toutes les matières existantes et possibles, c’est-à- dire, toutes les substances simples et compo- sées, seront nécessairement comprises dans l'une de ces trois classes. Ces expériences, par les trois procédés, qui ne sont pas diffi- 158 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ciles à faire, et qui ne demandent que de | l'exactitude et du temps, pourroient nous decouvrir plusieurs choses utiles, etseroient très-nécessaires pour fonder sur des principes réels la théorie dela chimie: cette bellescience, jusqu’à nos jours , n’a porté que sur une no- menclature précaire, et sur des mots d’au- tant plus vagues qu’ils sont plus généraux. Le feu étant, pour ainsi dire, le seul ins- trument de cet art, et sa nature n'étant point connue, non plus que ses rapports avec les autres corps , on ne sait ni ce qu’il y met ni ce qu'il en ôte; on travaille donc à l’a- veupgle , et l’on ne peut arriver qu’à des ré- sultats obscurs, que l’on rend encore plus obscurs en les érigeant en principes. Le phlo- gistique , le minéralisateur , l’acide, l’alca- li, etc. ne sont que des termes créés par la méthode, dont les définitions sont adoptées par convention, et ne répondent à aucune idée claire et precise, ni même à aucun être réel. Tant quenous ne connoîtrons pas mieux la nature du feu, tant que nous ignore- rons ce qu’il ôte ou donne aux matières qu’on soumet à son action, il ne sera pas possible de prononcer sur la nature de ces mêmes ma PREMIÈRE PARTIE. 179 tières d’après les opérations de la chimie, puis- que chaque matière à laquelle le feu ôte ou donne quelque chose n’est plus la substance simple que l’on voudroit connoître , mais une matière composée et mélangée, ou denaturée et changée par l'addition ou la soustraction d’autres matières que le feu en enlève ou y fait entrer. | Prenons pour exemple de cette addition et de cette soustraction le plomb et le marbre. Par la simple calcination l’on augmente le poids du plomb de près d’un quart, et l’on diminue celui du marbre de près de moitié : il y a donc un quart de matière inconnue que le feu donne au premier, et une moitié d'autre matière également inconnue qu'il enlève au second. Tous les raisonnemens de 1a chimie ne nous ont pas démontré jusqu'ici ce que c'est que cette matière donnée ou en levée par le feu, et il est évident que lors= qu'on travaille sur le plomb etsur le marbre après leur calcination, ce ne sont plus ces matières simples que l’on traite, mais d'autres matières dénaturées et composées par l’action du feu. Ne seroit-il donc pas nécessaire, avant tout, de procéder d’après les vues que je viens 189 MINÉRAUX. INTRODUCTION, d'indiquer , de voir d’abord sous un même coup d'œil toutes les matières que le feu ne change ni n’altére , ensuite celles que le feu détruit ou diminue, et enfin celles qu’il aug- mente et compose en s’incorporant avec elles? Mais examinons de plus près la nature du feu considéré en lui-même. Puisque c’est une substance matérielle, il doit être sujet à la loi générale, à laquelle toute matière est soumise. Il est le moins pesant de tous les corps, mais cependant il pèse; et quoique ce que nous avons dit précédemment suffise pour le prouver évidemment , nous le de- montrerons encore par des expériences pal- pables , et que tout le monde sera en état de répéter aisément. On pourroit d’abord soup- çonner , par la pesanteur réciproque des astres, que le feu en grande masse est pesant, ainsi que toute matière; car les astres qui sont lumineux comme le soleil, dont toute la substance paroît être de feu , n’en exercent pas moins leur force d'attraction à l’ésard des astres qui ne le sont pas : mais nous de montrerons que le feu même en très-petit volume est réellement pesant; qu’il obéit, comme toute autre matière, à la loi géne- de : PREMIÈRE PARTIE. 18e Tale de la pesanteur, et que par conséquent il doit avoir de même des rapports d’affinité avec les autres corps, en avoir plus ou moins avec telle ou telle substance , et n’en avoir que peu ou point du tout avec beaucoup d’autres. Toutes celles qu’il rendra plus pe santes, comme le plomb ; seront! celles avec lesquelles il'aura le plus d’affinité ; et en le supposant appliqué au même degré et pen= dant un temps. égal, celles de ces matières qui gagneront le plus en pesanteur seront aussi celles avec lesquelles cette affinité sera la plus grande. Un des effets de cette affinité dans chaque matière est de retenir la subs— tance même du feu et de se l’incorporer; et cette incorporation suppose que non seu lement le feu perd sa chaleur et son élastii cité, mais même tout son mouvement, puis- qu'il se fixe dans ces corps et en devient par- tie constituante. Il y a donc lieu de croire qu'il en est du feu comme de l'air, qui se trouve sous une forme fixe et concrète dans presque tous les corps; et l'on peut espérer. qu'à l'exemple du docteur Hales * , qui a su * Le phosphore, qui n’est, pour ainsidire, qu’une Mat, gén. LV. 10 AUVEP TS P'OMPALORE IRL ATRRS VA FA MRAU TES é Ven # 182 MINÉRAUX. INTRODUCTION, dégager cet air fixé dans tous les.corps et én évaluer la quantité, il viendra quelque jour un physicien habile qui trouvera les moyens de distraire le feu de toutes les matières où il se trouve sous une forme fixe: mais il faut auparavant faire la table de ces matières, en établissant par l'expérience les différens rap- ports dans lesquels le feu se combine avec toutes les substances qui-lui sont analogues, et se fixe en plus ou moins grande quantité, selon que ces substances ont plus ou moins de force pour le retenir. TR de . Car il est évident que toutes les matières dont la pesanteur augmente par l’action dw feu , sont douées d’une force attractive, telle que son effet est supérieur à celui de la force expansive dont les particules du feu sont animées, puisque celle-ci s’amortit et s’é- teint, que son mouvement cesse, et que d’é- lastiques et fugitives qu'étoient ces parti ‘matière ignée, une substance qui conserve et con- dense le feu , seroit le premier objet des expériences qu'il faudroit faire pour traiter le feu comme M. Hales a traité l'air, et le premier instrument quil faudroit employer pour ce nouvel art. PREMIÈRE PARTIE. 183 cules ignées, elles deviennent fixes, solides, et prennent une forme concrète. Ainsi les matières qui augmentent de poids par le feu, comme l’étain, leplomb, lesfleursdezine, etc. et toutes les autres qu’on pourra découvrir, sont des substances qui, par leur affinitéavec le feu, l’attirent et se l’incorporent. Toutes les matières, au contraire, qui, comine le fer, le cuivre, etc. deviennent plus légères à mesure qu'on les calcine, sont des subs- tances dont la force attractive , relativement aux particules ignées , est moindre que la force expansive du feu; et c’est ce qui fait que le feu, au lieu de se fixer dans ces ma- tières, en eulève au contraire et en chasse les parties les moins liées, qui ne peuvent résister à son impulsion. Enfin celles qui, comme l'or, la platine, l'argent, le grès, etc, ne perdent ni n’acquièrent par l'application du feu, et qu'il ne fait, pour ainsi dire, que traverser sans en rien enlever et sans y rien laisser , sont des substances qui, n’ayant aucune affinité avec le feu, et ne pouvant se joindre avec lui, ne peuvent par conséquent ni le retenir ni l'accompagner en se laissant enlever. Ïl est évident que les matières des « x84 MINÉRAUX. INTRODUCTION, deux premières classes ont avec le feu un, certain degré d’affinité, puisqué celles de la. seconde classe se chargent du feu qu’elles retiennent, et que le feu se charge de celles. de la première classe et qu’il les emporte, au lieu que les matières dela troisième classe, auxquelles il ne donne ni n’ôte rien, n’ont aucun rapport d’afhinité ou d'attraction avec lui, et sont, pour ainsi dire, indifférentes à, -son action, qui ne peut ni les dénaturer n4& mème les altérer. Cette division de toutes les matières en trois classes relatives à l’action du feu, n’exclut pas la division plus particulière et moins absolue de toutes les matières en deux autres classes, qu’on a jusqu'ici regardées comme relatives à leur propre nature, qui, dit-on, est tou- jours vitrescible ou calcaire, Notre nouvelle. division n’est qu’un point de vue plus éleve, sous lequel il faut les considérer pour tâcher d'én déduire la connoissance même de l’ar- gent qu'on emploie par les différens rapports que le feu peut avoir avec toutes les subs— tances auxquelles on l’applique. Faute de comparer ou de combiner ces rapports, ainsi que les moyens qu’on emploie pour appli e - PREMIÈRE PARTIE. 185 quer le feu, je vois qu’on tombe tous les jours dans des contradictions apparentes, et même dans des erieurs très-préjudiciables *. * Je vais en donner un exemple récent. Deux habiles chimistes ( MM. Pott et d'Arcet}) ont soumis un grand nombre de substances à l’action du feu. Le premier s'est servi d’un fourneau que je suis étonné que le second n'ait point entendu, puisque rien ne m'a paru si clair dans tout l’ouvrage de M. Poit , et quil ne faut qu'un coup-d'œil sur la planche gravée de ce fourneau, pour reconnoîtré que, par sa construction , 1l peut, quoique sans souf= flets, faire à peu près autant d’effet que s’il en étoit garni; car au moyen des longs tuyaux qui sont adaptés au fourneau par le haut et par le bas, l'air y arrive et circule avec une rapidité d'autant plus grande’, que les tuyaux sont mieux propor- tionnés : ce sont des soufflets constans, et dont on peut augmenter l’effet à volonté. Cette construction est si bonne et si simple, que je ne puis concevoir que M. d’Arcet dise que ce fourneau est un pro- bléme pour lui. quil est persuadé que M, Pott æ& dà se servir de soufflets, etc. tandis qu’il est évident que son fourneau équivaut, par Sa Construction, à l'action des soufflets, et que par conséquent il n’a- voit pas besoin d’y avoir recours ; que d’ailleurs ce fourneau est encore exempt du vice que M. d’Arcet xeproche aux soufflets, dont 1l a raison de dire que 16 Gé MINÉRAUX. INTRODUCTION, On pourroit donc dire, avec les natura, listes, que tout est vitrescible dans la nature, à l'exception de ce qui est calcaire; que les Paction alterne, sans cesse renaissante et expi- ranle, jette du trouble et de l'inégalité sur celle du feu ; ce qui ne peut arriver ici, puisque, par la coustruction du fourneau, l’on voit évidemment que le renouvellement de l'air est constant, et que sou action ne renaît ni n’expire, mais est Continue et toujours umiforme. Ainsi M. Pott a employé l’un des moyens dont on se doit servir pour appliquer le feu , c’est-à-dire, un moyen pat lequel, comme par Le soufflets , on augmente la vitesse du feu, en le pressant incessamment par un air toujours renou- velé ; et toutes les fusions qu’il a faites par ce moyen, et dont j’ai répété quelques unes , comme celles du grès, du quartz; etc. sont très-réelles, quoique. M. d’'Arcet les nie: car pourquoi les nie-t-il ? c’est que de son côté, au lieu d'employer, comme M. Pour, le premier de nos procédés généraux, c’est-à-dire, le feu par sa vitesse accélérée autant qu'il est pos- sible par le mouvement rapide, de l'air, maÿAd par lequel il eût obtenu les mêmes résultats, il s’est servi du second procédé, et n’a employé que le feu en grand volume dans un fourneau, sans souf- flets ou sans équivalent, dans lequel par conséquent le feu ne devoit pas produire les mêmes effets, mais devoit en donner d’autres, que, par la même raison, PREMIÈRE PARTIE. 187 quartz , les crystaux , les pierres précieuses , les cailloux, les grès, les sranits, porphyres, agates, ardoises , gypses , argilles, les pierres le premier procédé ne pouvoit pas produire. Ainsi les contradictions entre les résultats de ces deux habiles chimistes ne sont qu’apparentes et fondées sur deux erreurs évidentes : la première consiste à croire que le feu le plus violent est celui qui est en plus grand volume ; et la seconde, que l’on doit obtenir du feu violent les mêmes résultats, de quel= que manière qu'on l’applique : cependant ces deux idées sont fausses. La considération des vérités con- traires est encore une des premières pierres qu'il faudroit poser aux fondemens de la chimie; car ne. seroit-1l pas très-nécessaire avant tout, et pour évie ter de pareilles contradictions à l’avemir, que les chimistes ne perdissent point de-vue qu'il y a trois moyens généraux , et très-différens l’un de l’autre, d'appliquer le feu violent? Le premier, comme je l'ai dit, par lequel on n’emploie qu’un petit volume de feu , mais que l’on agite, aiguise, exalte au plus haut deoré par la vîtesse de l'air, soit par des souf- flets, soit par un fourneau semblable à celui de M. Pott, qui tire l’air avec rapidité : on voit par l'effet de la lampe d’émailleur , qu'avec une quantité de feu presque infiniment petite, on fait de plus grands effets en petit que le fourneau de verrerie ne, peut en faire en grand. Le secogd moyen est. D: RIT ON MONTS 1#8 MINÉRAUX"INTRODUCTION, ponces, les laves , les amiantés avec toes les métaux et autres minéraux ; sont vitrifiables par le feu de nos fourneaux ; où par celui des. d'appliquer le feu, non pas en petit, mais en très- grande quantité , comme on le fait dans les four- neaux de porcelaine et de verrerie, où le feu n’est. fort que par son volume, où son action est tran= quille , et n’est pas exaltée par un renouvellement très-rapide de l'air. Le troisième moyen est d’ap- pliquer le feu en très-petit volume, mais én aug- inentant sa masse et son intensité au point de le rendre plus fort que par le second moyen, et plus violent que par le premier; et ce moyen de con- centrer le feu et d’en augmenter la masse par les miroirs ardens, est encore le plus puissant de tous. Or chacun de ces trois moyens doit fournir un certain nombre de résultats différens : si, par le premier moyen , on fond et vitrifie telles’et telles ma- üères, 1l est très-possible que ; par le second moyen, on ne puisse vitrifier ces mêmes matières , et qu'au contraire on eu puisse fondre d’autres qui n’ont pu l'être par le premier moyen; et enfin il est tout aussi possible que, par le troisième moyen; on ob Uenne encore plusieurs résultats semblables où dif= férens de ceux qu'ont fournis les deux prermers moyens. Dès lors un chimiste qui, comme M. Pott, m’emploie que le premier moyen , doit sé borner à sonner les résultats fournis par ce moyen; fque; PREMIÈRE PARTIE. 189. miroirs ardens ; tandis que les marbres , les albâtres , les pierres, les craies, les marnes, et les autres substances qui proviennent du comme 1l l’a fait, l’énumération des matières qu’il a fondues, mais ne pas prononcer sur la non-fusi- biliié des autres, parce qu elles peuvent l être par le second ou le troisième moyen ; enfin ne pas dire affirmativement et LR en parlant de son fourneau, qu’en une heure de 1emps, ou deux au plus, il met en fonte tout ce qui est fusible dans la nature. Et, par la même raison, un autre chimuste qui, comme M. d’Arcet, ne s’est servi que du se- cond moyen, tombe dans l'erreur, s’il se croit en contradiction avec celui qui ne s’est servi que du premier moyen, et cela parce qu’il n’a pu fondre plusieurs matières que l’autre a fait couler , et qu’au contraire 1l a mis en fusion d’autres matières que le premier n’avoit pu fondre ; car si l’un ou l’autre se fût avisé d'employer successivement les deux moyens, il auroit bien senti qu’il n’étoit point en contradic- tion avec lui-même, et que Ja différence des résul- tats ne provenoit que de la différence des moyens employés. Que résulte-t-1l donc de réel de tout ceci, sinon qu’il faut ajouter à la liste des matières fon- dues par M. Poitt celles de M. d’Arcet, et se sou- venir seulement que, pour fondre les premières , 1l faut le premier moyen, et le second pour fondre des autres? Il n'y a par consiquent aucune contra xgo MINÉRAUX. INTRODUCTION, détriment des coquilles et des madrépores , ne peuvent se réduire en fusion par ces moyens. Cependant je suis persuadé que si l’on vient à bout d'augmenter encore la fofce des four- neaux , et sur-tout la puissance des miroirs ardens ; on arrivera au point de faire fondre ces matières calcaires qui paroissent être d’une nature différente de celle des autres; puisqu'il y a mille et mille raisons de croire qu’au fond leur substance est la mème, et AA diction entre les expériences de M. Poit et celles de M. d’Arcet, que je crois également bonnes: mais tous deux, après cette conciliätion, auroïent encore tort de conclure qu’ils ont fondu par ces deux moyens tout ce qui est fusible dans la nature, puisque l’on peut démontrer que par le troisieme moyen , c’est-à- dire, par les miroirs ardens, on fond et vitrifie, on vo- Jatilise et même on brûle quelques matières qui leur ont également paru fixes et réfractaires au feu de leurs fourneaux. Je ne m’arrèlerai pas sur plusieurs choses de détail, qui cependant mériteroient ani- madversion, parce qu il est toujours utile de ne pas laisser germer des idées erronées ou faits mal vus, et dont on peut tirer de fausses conséquences. M. d’Ar: cet dit qu'il a remarqué constamment que la flamme fait plus d'effet que le feu de charbon. Oui sans doute, si ce feu n’est pas excité par le vent ; mais, "PREMIÈRE PARTIE. ryr que le verre est la base commune de toutes les matières terrestres. | Par les expériences que j'ai pu faire moi- même pour comparer la force du feu selon qu'on emploie, ou sa vitesse, ou son volume, ou sa masse, j'ai trouvé que le feu des plus grands et des plus puissans fourneaux de ver- rerie n’est qu’un feu foible en comparaison de celui des fourneaux à soufflets , et que le : toutes les fois que le charbon ardent sera vivifié par un air rapide, 1l ÿ aura de la flamme qui sera plus active et produira de bien plus grands effets que la flamme tranquille. De même, lorsqu'il dit que les fourneaux donnent de la chaleur en raison de leur é épaisseur, cela ne peut être vrai que dans le seul cas où les fourneaux étant supposés égaux , le feu qu'ils contiennent seroit en même temps animé par deux courans d'air égaux en volume et en rapidité- La violence du feu dépend presque en entier de cette rapidité du courant de l'air qui l’anime ; je puis le démontrer par ma propre expérience : j’ai vu le grès, que M. d’Arcet croit infusible, couler et se couvrir d’émail par le moyen de deux bons soufflets, mais sans le secours d'aucun fourneau et à feu ouvert. L'effet des fourneaux épais n’est pas d’augmenter la chaleur , mais de la conserver ; et ils la conservent d'autant plus long-temps qu'ils sont plus épais. r92 MINÉRAUX. UCTION, feu produit au st d'un hotiemivair ardent: est encore plus fort que celui dés plus grands fourneaux de forge. J’ai tenu pendant trente- six heures , dans l'endroit le plus chaud du fourneau de Rouelle en Bourgogne , où l’on fait des glaces aussi grandes et aussi belles: qu'à Saint-Gobin en Picardie , et où le feu est aussi violent ; j'ai temu, dis-je; péndäné, itrente-six heures à ce feu, de la mine dé fer, ete 2 elle se soit fondue, ni agglutinée : ni même altérée en aucune matière , tandis! qu’en moins de douze heures écre iii coule en fonte dans les fourneaux de ma forge 3 ainsi ce dernier feu est bien supérieur à l’autre. De même j'ai fondu ou volatilisé au miroir ardent plusieurs matières que ni le feu, des fourneaux de réverbère, ni celui des plus puissans soufflets, n’avoient: pu fondre , et je me suis convaincu que ce dernier moyen est le plus puissant de tous. Mais jé rénvoie à la partie expérimentale de mon ouyrage le détail de.ces expériences importantes, dt me contente d'indiquer ici le résultat général. Où croit vulgairement que la flamme est Ja partie la plus chaude du feu : cependant rien n'est plus mal fondé que cette opinion ; PREMIÈRE PARTIE. 193 car on peut démontrer le contraire par les expériences les plus aisées et les plus fami- lières. Présentez à un feu de paille ou même à la flamme d’un fagotqu’'on vientd’allumer, un linge pour le sécher ou le chauffer ; il vous faudra le double et le triple du temps pourlui donner le degré de sécheresse ou de chaleur que vous’ lui donnerez en l’exposant à un brasier sans flamme , ou même à un poêle bien chaud. La flamme a été très-hien carac- térisée par Newton, lorsqu'il l’a definie une fumée brülante( /amma est fumuscandens), et cette fumée ou vapeur qui brüle n’a jamais la même quantité , la même intensité de cha- leur que le corps combustible duquel elle s'échappe ; seulement, en s’élevant et s’éten- dant au loin, elle a la propriété de commu- niquer le feu, et dele porter plus loin quene s'étend la chaleur du brasier, qui seule ne suf- hroit pas pour le communiquer même de près. Cette communication du feu mérite une atteution particulière. J'ai vu, après y avoir réfléchi, que , pour la bien entendre , il falloit s'aider non seulement des faits qui paroissent y avoir rapport, mais encore de quelques expériences nouvelles, dont le suc: 17 r94 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | | cês ne me paroît laisser aucun doute sur la | manière dont se fait cette opération de Ja nature. Qu'on reçoive dans un moule deux ou trois milliers de fer au sortir du four- neau , ce métal perd en peu de temps son incandescence , ei cesse d’être rouge après une heure eu deux , suivant l’épaisseur plus’ ou moins grande du lingot. Si, dans ce m0 ment qu'il cesse de nous paroître rouge, on le tire du moule, les parties inférieures seront encore rouges, mais perdront cette couleur en peu de temps. Or, tant que le rouge sub- siste , on pourra enflammer , allumer les matières combustibles qu’on appliquera sur ce lingot : mais , dès qu’il a perdu cet état d’incandescence, il y a des matières en grand nombre qu’il ne peut plus enflammer ; et cependant la chaleur qu’il répand , est peut- être cent fois plus grande que celle d’un feu de paille quintanmoins communiqueroitlin- - flammation à toutes ces matières. Cela m'a fait penser que la flamme étant nécessaire à la communication du feu , il y avoit de la flamme dans toute incandescence; la coùuleur rouge semble en effet nous l'indiquer : mais, par l’habitude où l’on est de ne regarder PREMIÈRE PARTIE. 195 comme flamme que cette matière légère qu’a- gite et qu'emporte l’air , on n’a pas pensé qu'il pouvoit y avoir de la flamme assez dense pour ne pas obéir, comme la flamme com-— mune , à l'impulsion de l'air; et c’est ce que j ai voulu vérifier par quelques expériences , en approchant par degrés de ligne et de demi- ligne , des matières combustibles , près de la surface du métal en incandescence et dans l'état qui suit l’incandescence *. Je suis donc convaincu que les matières incombustibles et même les plus fixes, telles que l'or et l'argent, sont, dans l’état d’incan- descence , environnées d’une flamme dense qui ne s'étend qu’à une très-petite distance, et qui, pour ainsi dire , est attachée à leur surface ; et je conçois aisément que quand la flamme devient dense à un certain degré, elle cesse d’obéir à la fluctuation de l’air. Cette couleur blanche ou rouge qui sort de tous les corps en incandescence et vient frapper nos yeux , est l'évaporation de cette flamme dense quienvironnele corps en se renouvelant * Voyez le détail de ces expériences dans la pare, tie expérimentale de cet ouvrage, 1° “ Ni 196 MINÉRAUX. INTRODUCTION, incessamment à sa surface; et la lumiére du soleil même n'est-elle pas l’évaporation de cette flamme dense dont brille sa surface avec si grand éclat? cette lumière ne produit-elle pas , lorsqu'on la condense , les mêmes effets que la flamme la plus vive? necommunique- t-elle pas le feu avec autant de promptitude et d'énergie? ne résiste-t-elle pas, comme notre flamme dense, à l'impulsion de l'air? nesuit- elle pas toujours une route directe , que le mouvement de l’air ne peut ni contrarier ni | changer, puisqu’en soufflant , comme je l’af éprouvé, avec un fort soufflet sur le cône lu- mineux d'un miroir ardent , on ne diminuë point du tout l’action de la lumièredontilest compose, etqu'ondoitla regarder commeune vraie flamme plus pure et plus dense quetoutes les flammes de nos matières combustibles? C'est douc par la lumière que le feu se communique , et la chaleur seule ne peut produire le même effet que quand elle de- vient assez forte pour être lumineuse. Les métaux , les cailloux , les grès, les briques , les pierres calcaires, quel que puisse être leur degré différent de chaleur , ne pourront en- ilammer deux corps que quand ils seront \ , PREMIÈRE PARTIE 1:07 _ devenus lumineux. L'eau elle-même, cet élément destructeur du feu , et par lequel seul nous pouvons en empêcher la communica- tion , le communique néanmoins , lorsque dans un vaisseau bien fermé, tel que celui de la marmite de Papin *, on la-pénètre d'une assez grande quantité de feu pour la rendre lumineuse , et capable de fondre Le plomb et l'étain ; tandis que, quand elle n’est que bouillante , loin de propager et de com- muniquer le feu , elle l’éteint sur-le-champ. Il est vrai que la chaleur seule suffit pour préparer et disposer les corps combustibles à l’'inflammation , et les autres à l’incan- descence ; la chaleur chasse des corps toutes les parties humides , c'est-à-dire , de l’eau, qui, de toutes les matières, est celle qui s’op- pose le plus à l’action du feu ; et ce qui est remarquable , c’est que cette même chaleur qui dilate tous les corps, ne laisse pas de les durcir en les séchant : je l’ai reconnu cent fois , en examinant les pierres de mes grands * Dans le digesteur de Papin, la chaieur de l’eau est portée au point de fondre le plomb et V’étain qu'on y a suspendu avec du fil de fer ou de Haiton. | 17 198 MINÉRAUX. INTRODUCTION, fourneaux , sur-tout les pierres calcaires; elles prennent une augmentation de dureté , pro- portionnée au temps qu’elles ont éprouvé la chaleur: celles, par exemple, des parois exté- rieures du fourneau, et qui ont reçu sans interruption , pendant cinq ou six mois de suite , quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq degrés de chaleur constante , deviennent si dures, qu’on a de la peine à les entamer avec les instrumens ordinaires du tailleur.de pier- res; on diroit qu’elles ont changé de qualité, quoique néanmoins elles la conservent à tous autres égards ; car ces mêmes pierres n’en font pas moins de la chaux comme les autres, lorsqu'on leur applique le degré de feu néces- saire à cette opération. Ces pierres , devenues dures par la longue chaleur qu’elles ont éprouvée, den erL même temps spécifiquement plus pesantes * ; de là j'ai cru devoir tirer une induction qui prouve, et même confirme pleinement, que la chaleur , quoiqu'en apparence, toujours fugitive et jamais stable dans les corps qu’elle * Voyez sur cela les expériences dont Je rends compte dans la partie expérimentale de cet ouvrages PREMIÈRE PARTIE. 199 pénètre, et dont elle semble constamment s’efforcer de sortir, y dépose néanmoins d’une manière très-stable beaucoup de parties qui s’y fixent, et remplacent , en quantité même plus grande , les parties aqueuses et autres qu'elle en a chassées. Mais ce qui paroît con- traire , ou du moins très-diMficile à concilier ici, c’est que cette mème pierre calcaire qui devient spécifiquement plus pesante par l’ac- tion d’une chaleur modérée, long-tempsconti- nuée, devient tout-à-coup plus légère de près d'une moitié de son poids , dès qu’on la sou- met au grand feu nécessaire à sa calcination, et qu’elle perd en même temps non seule- ment toute la dureté qu’elle avoit acquise par Jaction de la simple chaleur, mais même sa dureté naturelle , c’est-à-dire , la cohérence de ses parties constituantes ; effet singulier, dont je renvoie l’explication à l’article sui- vant , où je traiterai de l'air, de l’eau et de la terre , parce qu’il me paroit tenir encore plus à la nature de ces trois élémens qu’à celle de l'élément du feu. | Mais c’est ici le lieu de parler de la calci- pation : prise généralement , elle est pour les corps fixes et incombustibles ce qu'est ja ET 200 MINÉRAUX. INTRODUCTION, combustion pour les matières volatiles a" inflammables ; la calcination a besoin , comme la combustion , du secours de l’air ; elle s’o- père d'autant plus vîte qu'on lui fournit une plus grande quantité d'air ; sans cela, le feu le plus violent ne peut rien calciner , rien enflammer que les matières qui contiennent en elles-mêmes, et qui fournissent, à mesure qu'elles brülent ou se calcinent , tout l'air nécessaire à la combustion ou à la calcination des substances avec lesquelles on les mêle. Cette necessite du concours de l'air dans la calcination , comme dans la combustion, in- dique qu’il y a plus de choses communes entre elles qu'on ne l’a soupçonné. L’applica- tion du feu est le principe de toutes deux; celle de l’air en est la cause seconde, et pres- que aussi nécessaire que la première : mais ces deux causes se combinent inégalement , selon qu'elles agissent en plus ou moins de temps, avec plus ou moins de force, sur des substances différentes ; il faut , pour en rai- sonner juste, se rappeler les effets de la calci- nation , et les comparer entre eux et avec ceux de la combustion. La combustion s'opère promptement , et » PREMIÈRE PARTIE. 2or quelquefois se fait en un instant; la calcina- tion est SE plus lente ; et quelquefois silongue, qu'on la croit impossible. À mesure EE les matières sont plus inflammables et qu’on leur fournit plus d'air , la combustion s’en faitavec plus de rapidité : et par la raison inverse, à mesure que les matières sont plus incombustibles , la calcination s’en fait avec plus de lenteur; et lorsque les parties consti- tuantes d'une substance telle que l’or sont non seulement incombustibles , mais parois- sent si fixes qu’on ne peut les volatiliser , la calcination ne produit aucun effet , quelque violente qu'elle puisse être. On doit donc considérer la calcination et la combustion comme des effets du même ordre, dont les deux extrèmes nous sont désignés par le phos- phore , qui est le plus ‘inflammable de tous les corps, et par l’or , qui de tous est le plus fixe et le moins combustible ? toutes les subs- tances comprises entre ces ‘deux extrêmes seront plus ou moins sujettes'aux effets de la combustion ou de la calcination , selon qu’elles s'approcheront plus ou moins de ces deux extrèmes : de sorte que , dans les points milieux , il se trouvera des substances qui 202 MINÉRAUX. INTRODUCTION, éprouveront au feu combustion et calcination en degré presque égal ; d’où nous pouvons conclure , sans craindre de nous tromper, que toute calcination est toujours accom- pagnée d’un peu de combustion., et que de même toute combustion estaccompagnée d’un peu de calcination. Les cendres et les autres résidus des matières les plus combustibles ne démontrent-ils pas que le feu a calciné toutes les parties qu’il n’a pas brülées, et que par conséquent un peu de calcination setrouve ici avec beaucoup de combustion ? La petite flamme qui s’élève de la plupart des matières qu'on calcine , ne démontre-t-elle pas de même, qu’il s’y fait un peu de combustion? Ainsi nous ne devons pas séparer ces deux effets , si nous voulons bien saisir les résultats de l’action du feu surles différentes substances auxquelles on. l’applique. Mais, dira-t-on , la combustion détruit les corps, ou du moins en diminue toujours le volume ou la masse, en raison de la quantité de matière qu’elle enlève ou consume ; la. calcination fait souvent le contraire, et aug mente la pesanteur d’un grand nombre de matières : doit-on dès lors considérer ces deux ’ POP TT PREMIÈRE PARTIE. 203 effts , dont les résultats sont si contraires, comme des effets du même ordre ? L’objec- tion paroit fondée , et mérite réponse , d’au- tant que c est ici le point le plus difficile de la question. Je crois néanmoins pouvoir y satisfaire pleinement. Considérons pour cela une matière dans laquelle nous supposerons moitie de parties fixes et moitié de parties volatiles où combustibles : il arrivera , par l'application du feu que toutes ces parties volatiles ou combustibles seront enlevées ou brûlées , et par conséquent séparées de la masse totale; dès lors cette masse , ou quan- tité de matière , se trouvera diminuée de moitié, comme nous le voyons dans les pierres calcaires qui perdent au feu près de la moitié de leur poids. Mais si l’on continue à appliquer le feu pendant un très-long temps à cette moitié toute composée de parties fixes , n'est-il pas facile de concevoir que toute combustion, toute volatilisation étant cessées , cette matière , au lieu de continuer à perdre de sa masse, doit au contraire en acquérir aux dépens de l’air et du feu dont on ne cesse de la pénétrer ? et celles qui, comme le plomb , ne perdent rien , mais a. | 204. MINÉRAUX, INTRODUCTION , Fa gagnent par l'application du feu , sont dés matières déja çcalcinées , préparées par nature au degré où la combustion a cessé, et susceptibles, par conséquent, d'augmenter: de pesanteur dès les premiers instans de Pap-! plication du feu.. Nous avons vu que la lu mièêre s’amortit et s'éteint à la surface dé. tous les corps qui ne la réfléchissent pas 3: nous avons vu que la chaleur , par sa longue résidence, se fixe en partie dans les matières) qu’elle pénètre; nous savons que l'air, pres que aussi nécessaire à la calcination qu’à la combustion, et toujours d'autant plus néces- saire à la calcination que les matières, ont plus de fixité , se fixe lui-même dans l’inté- rieur des corps, et en devient partie consti- tuante : dès lors n’est-il pas très-naturel.de! penser que cette augmentation de pesanteur ne vient que de l’addition des particules de lumière, de chaleur et d’air, qui se sont enfin, fixées et unies à une matière contre laquelle elles ont fait tant d'efforts , sans pouvoir n# l'enlever ni la brûler? Cela est si vrai, qué quand on leur présente ensuite une substance: combustible avec laquelle elles ont bien plus, d'analogie, ou plutôt de conformité denature; PREMIÈRE PARTIE. 205 elles s'en saisissent avidement , quittent la ‘ihatière fixe à laquelle elles n’étoient , pour ainsi dire, attachées que par force, repren- nent par conséquent leur mouvement, na- turel , leur élasticité, leur volatilité, et par- tent toutes avec la matière combustible , à laquelle elles viennent de se joindre. Dès lors. le métal ou la matière calcinée à laquelle: vous avez rendu ces parties volatiles qu’elle avoit perdues par sa combustion, reprend sa première forme, et Sa pesanteur se {trouve diminuée de toute la quantité des particules de feu et d’air qui s’étoient fixées , et qui vien- nent d’être enlevées par cette nouvelle com bustion. Tout cela s’opère par la seule lei des affinités ; et après ce qui vient d’être dit, il me semble qu’il n’y a pas plus de difficulté à. concevoir comment la chaux d’un métal se réduit , que d'entendre comment il se préci- pite en dissolution : la cause est la même, et les effets sont pareils. Un métal dissous par un acide se précipite lorsqu'on présente à cet acide une autre substance avec laquelle : il a plus d’affinité qu'avec le métal; l'acide le quitte alors et le laisse tomber. De même ce métal calciné , c’est-à-dire, chargé de par=. | 15 206 MINÉRAUX. INTRODUCTION, h parties d'air, de chaleur et de feu, qui 8 étant fixées le tiennent sous la forme d’une chaux if se précipitera, ou, si l'on veut , se réduira, lorsqu'on présentera à ce feu età cet air fixés, des matières combustibles, avec lesquelles ils ont bien plus d’affinité qu'avec le métal, qui reprendra sa première forme dès qu’il sera débarrassé de cet air et de ce feu superflus, et qu'il aura de LU aux dépens des matières combustibles qu’on lui présente, les parties volatiles qu'il avoit perdues. Cette explication me paroît si simple < et si clairé, que je ne vois pas ce qu'on peut y opposer. L’obscurité de la chimie vient en grande partie de ce qu’on en a peu généralisé les principes, et qu'on ne les a pas réunis à ceux de la haute physique. Les chimistes ont adopté les affinités sans les comprendre, c'est-à-dire , sans entendre le rapport de la cause à l'effet, qui néanmoins n’est autre que celui de l'attraction universelle; ils ont créé leur phlogistique, sans savoir ce que c’est , et cependant c’est de l'air et du feu fixes ; ils ont forme, à mesure qu’ils en ont eu besoin, des êtres idéaux , des z2inéralisateurs , des terres mercurielles , des noms, des termes PREMIÈRE PARTIE. 2o7 d'autant plus vagues que l’acception en est plus générale. J’ose dire que M. Macquer et M. de Morveau sont les premiers de nos chimistes qui aient commencé à parler fran- çois *. Cettescience vadoncnaître, puisqu'on commence à la parler; et on la parlera d’au- tant mieux, on l'entendra d'autant plus aisé— ment, qu'on en bannira le plus de mots techniques , qu'on renoncera de meilleure foi à tous ces petits principes secondaires tirés de la methode , qu'on s’occupera davantage de les déduire des principes généraux de la méca- nique rationnelle, qu’on cherchera avec plus de soin à les ramener aux lois de la nature, et qu'on sacrifera plus volontiers Ja com- modité d'expliquer d’une mauière précaire et selon l’art les phénomènes de la composition ou de la décomposition des substances à la * Dans le moment même qu'on imprime ces feuilles, paroît l'ouvrage de M. Baumé, quia pour titre, Chimie expérimentale et raisonnée. L’au- teür non seulement y parle une langue intelligible, mais 1l s y montre par-tout aussi bon physicien que grand chimiste, et j'ai eu la satisfaction de voir que quelques unes de ses idées générales s'accordent avec les miennes. 208 MINÉRAUX. INTRODUCTION, difficulté de les présenter pour tels qu'ils sont, c’est-à-dire, pour des effets particuliers dépendans d’effets plus généraux , qui sont les seules vraies causes , les seuls principes réels auxquels on doive s'attacher , si l’on veut avancer la science de la philosophie na- turelle. 1 Je crois avoir démontré * que toutes les petites lois des affinités chimiques, qui parois- sent si variables, si différentes entre elles, ne sont cependant-pas autres que la loi générale de l'attraction commune à toute la matière ; que cette grande loi, toujours constante, tou- jours la même, ne paroît varier que par son expression , qui ne peut pas être la même, lorsque la figure des corps entre comme un élément dans leur distance. Avec cette nou- velle clef, on pourra scruter les secrets les plus profonds de la nature , on pourra par- venir à connoitre la figure des parties primi- tives des différentes substances , assigner les lois et les degrés de leurs affinités, déter- miner les formes qu'elles prendront en se * Voyez, dans cet ouvrage, l’article qur a pour tire, De la nature, seconde vue. PREMIÈRE PARTIE 2o) réunissant , etc. Je crois de même avoir fait eñtendre comme l'impulsion dépend de l’at- traction , et que, quoiqu on puisse la consi- dérer comme une force différente, elle n’est néanmoins qu'un effet particulier de cette force unique et générale; j'ai présente la com- munication du mouvement comme impos— sible, autrement que par le ressort, d’où j'ai conclu que tous les corps de là nature sont plus ou moins élastiques, et qu'il n’y en a aucun qui soit parfaitement dur, c’est-à-dire, entièrement privé de ressort, puisque tous sont susceptibles de recevoir du mouvement; j ai tâché de faire connoître comment cette force unique pouvoit changer de direction, et d’attractive devenir tout-à-coup répulsive; et de ces grands principes, qui tous sont fondés sur la mécanique rationnelle , j'ai essayé de déduire les principales opérations de la nature, telles que la production de la lumière, de la chaleur , du feu, et de leur action sur les différentes substances : ce der- nier objet, qui nous intéresse Le plus, est un champ vaste , dont le défrichement suppose plus d’un siècle, et dont je n'ai pu cultiver qu’un espace médiocre , en remettant à des 13 VAR | MUNIE 2ro MINÉRAUX. INTRODUCTION. mains plus habiles ou plus laborieuses les ing ‘1 trumens dont je mesuis servi. Ces instrumens sont les trois moyens d'employer le feu par sa vitesse, par son volumeet par sa masse, en l’appliquant concurremmentauxtrois classes des substances , qui toutes , ou perdent , ou gagnent , ou ne perdent ni ne gagnent par l'application du feu. Les expériences que j’ai faites sur le refroidissement des corps , sur la pesanteur réelle du feu , sur la nature de la flamme , sur le progrès de la chaleur , sur sa communication, sa déperdition, sa concen- tration, sur sa violente action sans flamme, etc. , sont encore autant d'instrumens , qui épargneront beaucoup de travail à ceux qui voudront s’en servir, et produiront une très— ample moisson de connoissances utiles. DES ÉLÉMENS. SECONDE PARTIE. ( P De l'air, de l’eau et de la terre. N OUS avons vu que l’air est l’'adminicule nécessaire et le premier aliment du feu, qui ne peut ni subsister, ni se propager, ni s’aug- menter, qu'autant qu’il se l'assimile, le con- somme ou l’emporte, tandis que de toutes les substances matérielles l’air est au con- traire celle qui paroît exister le plus indé- pendamment, et subsister le plus aisément, le plus constamment, sans le secours ou la présence du feu ; car, quoiqu’il ait habituelle- ment la même chaleur à peu près que les autres matières à la surface de la terre, il pourroit s'en passer, et il lui en faut infiniment 3 “A = # 212 MINÉR AUX. INTRODUCTION, | moins qu’ à toute autre pour niet E . fluidité, puisque les froids les plus excessifs , "1 soit naturels, soit artificiels , ne lui fontrien perdre de sa nature ; que les condensations les plus fortes ne sont pas capables de rompre son ressort; que le feu actif, ou plutôt ac- tuellement en exercice sur les matières com- bustibles , est le seul agent qui puisse altérer sa nature en le raréfñant, c'est-à-dire en affoiblissant , en étendantson ressort jusqu’au point de le rendre sans effet et de détruire ainsi son élasticité. Dans cet état de trop grande expansion et d’affoiblissement ex- trême de son ressort, et dans toutes les nuances qui précèdent cet état , l’air est ca- pable de reprendre son élasticité à mesure que les vapeurs des matières combustibles qui l’avoient affoiblie s’évaporeront et s’en sépareront. Mais si Le ressort a été totalement affoibli et si prodigieusement étendu, qu’il ne puissé plus se resserrer ni se restituer , ayant perdu toute sa puissance élastique, l'air, de volatil qu'il étoit auparavant, devientune substance fixe qui s’incorpore avec les autres substances, et fait dès lors partie constituante de toutes celles auxquelles il s’unit par le ne le 2 PT SECONDE PARTIE. 2r3 contact, ou dans lesquelles il pénètre à l’aide de la chaleur. Sous cette nouvelle forme , il né peut plus abandonner le feu que pour s’u- nir comme matière fixe à d’autres matières fixes; et s’il en reste quelques parties inse— parables du feu, elles font dès Jors portion -de cet élément ; elles lui servent de base, et se déposent avec lui dans les substances qu’ils échauffent et pénètrent ensemble. Cet effet, qui se manifeste dans toutes les caicinations, est d'autant plus sûr et d'autant plus sen— sible, que la chaleur est appliquée plus long- temps. La combustion ne demande que peu de temps pour se faire, même Compléte- ment , au lieu que toute calcination suppose beaucoup de temps : il faut, pour l’accélé- rer, amener à la surface, c’est-à-dire présen- ter successivement à l'air, les matières que l’on veut calciner ; il faut les fondre ou les diviser en parties impalpables, pour qu’elles offrent à cet air plus de superficie ; il faut même se servir de soûfflets, moins pour aug- menter l’ardeur du feu que pour établir un courant d'air sur la surface des matières, si l'on veut presser leur calcination : et, pour la compléter avec tous ces moyens, il faut APE TEEN EN NE d CAE LM ul 214 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | souvent beaucoup de temps *; d’où l’on doit conclure qu'il faut aussi une assez longue résidence de l’air devenu fixe dans les subs- tances terrestres pour qu’il s’établisse à de- meure sous cette nouvelle forme. | Mais il n’est pas nécessaire que le feu soit violent pour faire perdre à l’air son élasti- ï cité; le plus petit feu, et même une chaleur $ très-médiocre , dès qu’elle est immédiatement et constamment appliquée sur une petite quantité d'air, suffisent pour en détruire le ressort : et pour que cetair sans ressort se fixe ensuite dans les corps, il ne faut qu'un peu plus ou un peu moins de temps , selon le * Je ne sais si l’on ne calcineroit pas l'or, non pas en le tenant, comme Boyle ou Kunckel, pendant un très-long temps, dans un fourneau de verrerie, où la vitesse de l'air n’est pas grande, mais en le mettant près de la tuyère d’un bon fourneau à vent, | et le tenant en fusion dans un vaisseau ouvert, où l'on plongeroit une petite spatule, qu’on ajusteroit de manière qu’elle tournefoit incessamment et re- mueroit continuellement l'or en fusion; car il n’y a _ pas de comparaison entre la force de ces feux, parce que l'air est ici bien plus accéléré Loue dans les journeaux de verrerie. 4 3 % SECONDE PARTIE. 215 plus ou moins d’affinité qu’il peut avoir sous cette nouvelle forme avec les matières aux- quelles il s’unit. La chaleur du corps des animaux, et même des végétaux, est encore _ässez puissante pour produire cet effet : les degrés de chaleur sont différens dans les dif- férens genres d'animaux ; et à commencer par les oiseaux , qui sont les plus chauds de tous, on passe successivement aux quadru— pèdes, à l’homme, aux cétacés, qui le sont moins ; aux reptiles , aux poissons, aux in= sectes, qui le sont beaucoup moins; et enfin aux végétaux, dont la chaleur est si petite, qu’elle a paru nulle aux observateurs, quoi- qu’elle soit très-réelle et qu'elle surpasse en hiver celle de l'atmosphère. J'ai observé sur un grand nombre de gros arbres coupés dans un temps froid, que leur intérieur étoit très- sensiblement chaud, et que cette chaleur duroit pendant plusieurs minutes après leur abattage. Ce n’est pas le mouvement violent de la cognée, ou le frottement brusque et réi- téré de la scie, qui produisent seuls cette cha- leur ; car en fendant ensuite ce bois avec des coins, j'ai vu qu’il étoit chaud à deux ou trois pieds de distance de l'endroit eù l’on SR DA ne ot. 216 MINÉRAUX. INTRODUCTION, avoit placé les coins, et que par conséqueré il avoit uu degré de chaleur assez sensible dans tout son intérieur. Cette chaleur n’est. que très-médiocre tant que l'arbre est jeune et qu'il se porte bien : mais dès qu’il com- mence à vieillir, le cœur s 'échauffe par la fermentation de la séve, qui n’y circule plus avec la mème liberté ; cette partie du centre prend en s’échauffant une teinte rouge, qui est le premier indice du dépérissement de. l'arbre et de la désorganisation du bois. J'en. ai manié des morceaux dans cet état, qui étoient aussi chauds que si on les eût fait. chauffer au feu. Si les observateurs n’ont pas trouvé qu’il y eût aucune différence entre la température de l'air et la chaleur des végé- taux, c’est qu'ils ont fait leurs observations en mauvaise saison, et qu’ils n’ont pas fait attention qu’en été la chaleur de l'air est aussi grande et plus grande que celle de l’in- térieur d’un arbre, tandis qu’en hiver c’est tout le contraire ; ils ne se sont pas souve- nus que les racines ont constamment aw moins le degré de chaleur de la terre qui les environne, et que cette chaleur de l’intérieur de la terre est, pendant tout l'hiver, considé- { SECONDE PARTIE. 217 rablement plus grande que celle de l'air et de la surface de la terre refroidie par l'air : ils he se sont pas rappelé que les rayons du soleil, tombant trop vivement sur les feuilles et sur les autres parties délicates des végétaux, non seulement les échauffent , mais les brülent ; qu'ils échauffent de même à un très-grand degré l’écorce et le bois dont ils pénétrent la surface, dans laquelle ils s’amortissent et se fixent : ils n’ont pas pensé que le mouve- ment seul de la séve, déja chaude, est une cause nécessaire de chaleur , et que ce mou- vement venant à augmenter par l’action du soleil ou d’une autre chaleur extérieure, celle des végétaux doit être d'autant plus grande que le mouvement de leur séve est plus ac- céléré, etc. Je n’iusiste si long-temps sur ce point qu'à cause de son importance ; l’uni- formité du plan de la nature seroit violée, si, ayant accordé à tous les animaux un degré de chaleur supérieur à celui des matières brutes, elle l’avoit refusé aux végétaux, qui, comme les animaux, ont leur espèce de vie. Mais ici l’air contribue encore à la chaleur animale et vitale, comme nous avons vu plus haut qu’il contribuoit à l’action du feu Mat, gén, IV. 19 218 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ; Fri dans la combustion et la calcination FE ma tières combustibles et calcinables. Les ani maux qui ont des poumons, et qui par con- séquent respirent l'air, ont toujours plus de chaleur que ceux qui en sont privés; et plus la surface intérieure des poumons est éten— due et ramifiée en plus grand nombre de cel- lules où bronches, plus, en un mot, elle présente de superficie à l’air que l’animal tire par l'inspiration, plus aussi son sang devient chaud , et plus il communique de chaleur à toutes les parties du corps qu’il abreuve ou nourrit; et cette proportion a lieu dans tous les animaux counus. Les oiseaux ont, rela- tivement au volume de leur corps, les pou- mons considérablement plus étendus que l’homme ou les quadrupèdes ; les reptiles, mème ceux qui ont de la voix, comme les grenouilles, n'ont, au lieu de poumons, qu'une simple vessie; les insectes, qui n’ont que peu ou point de sang, ne pompent l’air que par quelques trachées , etc. Aussi, en prenant le degré de la température de la terre pour terme de comparaison , jai vu que cette chaleur étant supposée de 10 degrés, celle des oiseaux étoit de près de 33 degrés, SECONDE PARTIE 219 celle de quelques quadrupèdes de plus de 31 - degrés, celle de l’homme de 50 : ou 31, 2 tandis que celle des grenouilles n’est que de 19 ou 16, celle des poissons et des insectes "de 11 ou12, c'est-à-direla moindredetoutes, et à très-peu près la même que celle des vé- gétaux *. Ainsi le degré de chaleur dans l'homme et dans les animaux dépend de la force et de l'étendue des poumons : ce sont les soufflets de la machine animale: ils em entretiennent et augmentent le feu selon qu'ils sont plus ou moins puissans , et que * Je ne sais pas s’il faut faire une exception pour les abeilles, comme l'ont fait la plupart de nos ob- servateurs, qui prétendent que ces mouches ont au- tant de chaleur que les animaux qui respirent, parce que leur ruche est aussi chaude que le corps de ces animaux : 1] me semble que cette chaleur de l’inté- rieur de la ruche n’est point du tout la chaleur de chaque abeille, mais la somme totale de la chaleur qui s’évapore des corps de neuf ou dix mille indivi- dus réunis dans cet espace où leur mouvement con- tinuel doit l’augmenter encore; et en divisant cette somme générale de chaleur par la quantité particu= bière de chaleur qui s’évapore de chaque individu, on trouveroit peut-être que l’abeille n’a pas plus de chaleur qu’une autre mouche. 220 MINÉRAUX. INTRODU C TION, leur mouvement est plus ou moins LME La seule difficulté est de concevoir comment ces espèces de soufflets ( dont la construction est aussi supérieure à celle de nos soufflets d'usage que la nature est au-dessus de nos - arts) peuvent porter l’air sur le feu quinous anime; feu dont le foyer paroît assez indé- terminé, feu qu’on n’a pas même voulu qua: lifier de ce nom, parce qu’il est sans flamme, sans fumée apparente, et que sa chaleur n’est que très-médiocre et assez uniforme. Cepen- dant, si l’on considère que la chaleur et le feu sont des effets et même des élémens du même ordre , si l’on se rappelle que la chaleur ra- réfie l'air, et qu'en étendant son ressort elle peut l’affoiblir au point de le rendresans effet, on pourra penser que cet air tiré par nos poumons, s’y raréfiant beaucoup, doitperdre son ressort dans les bronches et dans les pe- tites vésicules, où il ne peut pénétrer qu'en très-petit volume, et en bulles dont Le res- sort, déja très-étendu, sera bientôt détruit par la chaleur du sang artériel et veineux; car ces vaisseaux du sang ne sont séparés des vésicules pulmonaires qui reçoivent l'air que par des cloisons si minces, qu'elles laissent SECONDE PARTIE. 23T aisément passer cet air dans le sang, où il ne peut manquer de produire le même effet que sur le feu commun, parce que le degré de chaleur de ce sang est plus que suffisant pour détruire en entier l’élasticité des particules d'air, les fixer et les entraîner sous cette nou- velle forme dans toutes les voies de la circula- tion. Le feu du corps animal ne diffère du feu commun que du moins au plus ; le degré de chaleur est moindre : dès lors il n’y a point de flamme, parceque les vapeurs quis élèvent, et qui représentent la fumée de ce feu, n’ont pas assez de chaleur pour s’enflammer ou devenir ardentes, et qu'étant d’ailleurs mêlées de beau- coup de parties humides qu’elles enlèvent avec elles, ces vapeurs ou cette fumée ne peuvent ni s allumer ni brûler *. Tous les * J'ai fait une grande expérience au sujet de l’m- flammation de la fumée. J’ai rempli de charbon see et conservé à couvert depuis plus de six mois deux de mes fourneaux , qui ont également quatorze pieds de hauteur, et qui ne diffèrent dans leur construc- tion que par les proportions des dimensions en lar- geur, le premier contenant juste un tiers de plus que le second. J’ai rempli l’un avec douze cents livres de ce charbon , et l’autre avec Buit FE livres, ds Er RU IST, 1e MAUR OMAN Fe ni e22 MINERAUX. INTRODUCTION À autres effets sont absolument les mêmes : là respiration d’un petit animal absorbe autant d'air que la lumière d’une chandelle ; dans et j'ai adapté au plus grand un tuyau d’aspiration, construit avec un châssis de fer, garni de tôle , qui avoit treize pouces en quarré sur dix pieds de hau- teur ; je lui avois donné treize pouces sur les quatre côtés, pour qu’il remplit exactement l’ouverture su périeure du fourneau, qui étoit quarrée, et qui avoit treize pouces et demi de toutes faces. Avant de remplir ces fourneaux , on avoit préparé dans le bas une petite cavité en forme de voûte, soutenue par des bois secs, sous lesquels on mit le feu au moment qu'on commença de charger de charbon: ce feu, qui d’abord étoit vif, se ralentit à mesure qu’on char- geoit, cependant 1l subsista toujours sans s'étendre; et lorsque les fourneaux furent remplis en entier, j en examinaile progrès et le produit, sans le remuer €L sans y rien ajouter: pendant les six premières heures, la fumée, qui avoit commencé de s'élever au moment qu'on avoit commencé de charger, étoit très-humide; ce que'je reconnoïssois aisément par les gouttes d’eau qui paroïssoient sur les parties EX térieures du tuyau d'aspiration; et ce tuyau m'étoit encore au bout de six heures que médiocrement chaud , car je pouvois le toucher aisément. On laissa le feu, le tuyau et les fourneaux, pendant toute la muit dans cet état; la fumée, continuant toujours , SECONDE PARTIE. 23 des vaisseaux fermés, decapacités égales, l’a- nimal meurt en même temps que la chandelle s'éteint. Rien ne peut démontrer plus évi- devint si abondante, si épaisse et si noire, que le lendemain, en arrivant à mes forges, je crus qu’il y avoit un incendie. L'air étoit calme ; et comme le vent ne dissipoit pas la fumée, elle enveloppoit les bâtimens et les déroboit à ma vue: elle duroit déja depuis vingt-six heures. J’allai à mes fourneaux : je trouvai que le feu, qui n’étoit allumé qu’à la partie du bas, n’avoit pas augmenté, qu’il se soutenoit au même degré ; mais la fumée, qui avoit donné de l'humidité dans les six premières heures, étoit deve- nue plus sèche, et paroissoit néanmoins toute aussi noire. Le tuyau d'aspiration rie pompoit pas davan= tage ; 1l étoit seulement un peu plus chaud, et la fumée ne formoit plus de gouttes sur sa surface ex- térieure. La cavité des fourneaux , qui avoit quatorze pieds de hauteur, se trouva vide, au bout des vingt- six heures, d'environ trois pieds ; Je les fis remplir, l’un avec cinquante, et l’autre avec soixante quinze livres de charbon , et je fis remettre tout de suite le tuyau d'aspiration qu’on avoit été obligé d'enlever pour charger. Cette augmentation d’aliment n’aug- menta pas le feu ni même la fumée ; elle ne changea rien à l’état précédent. J’observai le tout pendant buit heures de suite, m’attendant à tout instant à voir paroître a flamme, et ne concevant pas pourquoi : Nr HAT 224 MINÉRAUX. INTRODUCTION, demment que le feu de l’animal et célui de la chandelle, ou de toute autre matière eom- bustible allumée, sont des feux non seule- cette fumée d’un charbon si see, et si sèche elle-même, qu’elle ne déposoit pas la moindre humidité, ne s’enflammoit pas d'elle - même après trente-quatre heures de feu toujours subsistant au bas des four- neaux ; je les abandonnaï donc une seconde fois dans cet état, et donnai ordre de n’y pas toucher. Le jour suivant, douze heures après les trente - quatre, Je trouvai le même brouillard épais, la même fumée noire couvrant mes bâtimens ; et ayant visilé mes fourneaux, je vis que le feu d en bas étoit toujours le même, Ta fumée la même et sans aucune humi- dité, et que la cavité des fourneaux étoit vide de trois pieds deux pouces dans le plus petit, et de deux pieds neuf pouces seulement dans le plus grand, au- quel étoit adapté le tuyau d'aspiration : Je le rem- plis avec soixante-six livres de charbon, et l’autre avec cinquante-quatre, et je résolus d'attendre aussi long-temps qu’il seroit nécessaire pour savoir si cette fumée ne viendroit pas enfin à s’enflammer. Je passai neuf heures à l’examiner de temps à autre ; elle étoit très-sèche, très-suffocante , très-sensiblement chaude, mais toujours noire et sans flamme au bout de €in- quante-cinq heures. Dans cet état, je la laissai pour la troisième fois. Le) jour suivant, treize heures après les cinquante-cing , je Ja retrouvai encore de mème, fe SECONDE PARTIE. 225 ment du même ordre, mais d’une seule et même nature, auxquels le secours de l'air est également nécessaire, et qui tous deux se le charbon de mes fourneaux baissé de mème; et, comme je réfléchissois sur cette consommation de charbon sans flamme, qui étoit d'environ moitié de la consommation qui s’en fait dans le même temps et dans les mêmes fourneaux lorsqu'il y à de la flamme , je commencai à croire que je pourrois bien user beaucoup de charbon sans avoir de flamme, puisque depuis trois jours on avoit chargé trois fois les fourneaux (car j’oubliois de dire que ce jour même on venoit de remplir la cavité vide du grand four- neau avec quatre-vingts livres de charbon, et celle du petit avec soixante livres); je les laissai néanmoins fumer encore plus de cinq heures. Après avoir perdu l'espérance de voir cette fumée s’enflammer d’elle= même , je la vis tout d’un coup prendre feu, et faire une espèce d’explosion dans l’instant même qu’on Jui présenta la flamme légère d’une poignée de paille; le tourbillon entier de la fumée s'enflamma jusqu’à huit à dix pieds de distance et autant de hauteur ; la flamme pénétra la masse du charbon, et descendit dans le même moment jusqu’au bas du fourneau , et conunua de brûler à la manière ordinaire ; le char bon se consumoit une fois plus vîte, Lo le feu d’en bas ne parût guère plus animé: mais je suis convaincu que mes fourneaux auroient éternellement NS L À SR TUE ST AURDOU PR, A: > nt Fa NS \ NAT 0 À 34 É 226 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Vapproprient de la même manière , Vab- sorbent comme aliment , l’entraînent dans | leur route, ou le déposent, sousuneformefixe, dans les substances qu’ils pénètrent. | Les végétaux et la plupart des insectes # n’ont, au lieu de poumons, que des tuyaux aspiratoires , des espèces de trachées par les— quelles ils ne laissent pas de pomper tout J'air qui leur est nécessaire ; on le voit passer en bulles très - sensibles dans la séve de la vigne : il est non seulement pompé par les racines, mais souvent même par les feuilles ; il fait partie, et partie trèsessentielle, de La nourriture du végétal , qui dès lors se l’assi- mile , le fixe et le conserve. Le petit degré de Ja chaleur végétale, joint à celui de la chaleur du soleil, suffit pour détruire le ressort de l'air contenu dans la séve , sur-tout lorsque cet air, qui n’a pu être admis dans le corps de la plante et arriver à la séve qu'après avoir passé par des tuyaux très-serrés, se trouve divisé en particules presque infiniment petites, que fumé, si l’on n’eût pas allumé la fumée ; et rien ne me prouva mieux que la flamme n’est que de la fu- mée qui brûle , et que la communication du feu ne peut se faire que par la flamme. SECONDE PARTIE 227 le moindre degré de chaleur suffitpour rendre fixes. L'expérience confirme pleinement tout ce que je viens d'avancer : les matières ani- males et végétales contiennent toutes une très-grande quantité de cet air fixe ; et c’est en quoi consiste l’un des principes de leur “inflammabilité. Toutes les matières combus- tibles contiennent beaucoup d’air ; tous les animaux et les végétaux, toutes leurs parties, tous leurs détrimens, toutes les matières qui en proviennent, toutes les substances où ces détrimens se trouvent mélangés, contiennent plus ou moins d’air fixe, et la plupart ren- ferment aussi une certaine quantité d’air élastique. On ne peut douter de ces faits, dont la certitude est acquise par les belles expé- riences du docteur Hales , et dont les chi- mistes ne me paroissent pas avoir senti toute la valeur : car ils auroient reconnu depuis Jong-temps que l’air fixe doit jouer en grande partie le rôle de leur phlogistique ; ils n’au- roient pas adopté ce terme nouveau, qui ne répond à aucune idée précise, et ils n’en auroient pas fait la base de toutes leurs ex- plications des phénomènes chimiques; ils ne l'auroient pas donné pour un être identique RS 228 NN RE INTRODUCTION, | et toujours le même, puisqu'il est composé a. d’air et de feu, tantôt dans un état fixe, et tantôt dans celui de la plus grande volatilité: et ceux d’entre eux qui ont regardé le phlo- gistique comme le produit du feu élémén- taire ou de la lumière, se sont moins éloignés de la vérité, parce que le feu ou la lumière produisent , par le secours de l’air, tous les effets du phlogistique. Les minéraux, qui, comme les soufres et les pyrites, contiennent dans leur substance une quantité plus ou moins grande des dé- trimens ultérieurs des animaux et des vé- gétaux , renferment dès lors des parties com- bustibles qui, comme toutes les autres, contiennent plus ou moins d’air fixe, mais toujours beaucoup moins que les substances purement animales ou végétales. On: peut également leur enlever cet air fixe par la combustion : on peut aussi le dégager par le moyen de l’effervescence ; et, dans les ma- tières animales et végétales, on le dégage par la simple fermentation , qui, comme la combustion , a toujours besoin d'air pour s’opérer. Ceci s’accorde si parfaitement avec l'expérience, que je ne crois pas devoir | SECONDE PARTIE. 229 insister sur la preuve des faits : je me conten- terai d'observer que les soufres et Les pyrites ne sont pas les seuls minéraux qu'on doive regarder comme combustibles, qu'il y en a beaucoup d’autres dont je ne ferai point ici l’'énumération, parce qu’il sufht de dire que leur degré de combustibilité dépend ordinai- rement de la quantité de soufre qu'ils con- tiennent. Tous les minéraux combustibles tirent donc originairement cette propriété, ou du mélange des parties animales et végé- tales qui sont incorporées avec eux, ou des particules de lumière, de chaleur et d'air, qui , par le laps de temps, se sont fixées dans leur interieur. Rien, selon moi, n’est combustible que ce qui a été formé par une chaleur douce, c’est-à-dire, par ces mêmes élémens combinés dans toutes les substances que le soleil éclaire et vivifie*, ou dans celles * Voici une observation qui ssmble démontrer que Ja lumière a plus d’affinité avec les substances com- bustibles qu'avec toutes les autres matières. On sait que la puissance réfractive des corps transparens est proportionnelle à leur densité: le verre, plus dense que l'eau, à proportionnellement une plus grande force réfringente ; et en augmentant la densité du à rh 230 MINÉRAUX. INTRODUCTION, que la chaleur interieure de la térre fomentk et réunit. ‘ | C’est cette chaleur intérieure iii globe de verre et de l'eau, l’on augmente à mesure leur force de réfraction. Cette proportion s’observe dans toutes les matières transparentes, et qui sont en même M temps incombustibles. Mais les matières inflam- mables , telles que lesprit-de-vin, les huiles trans M parentes, l’ambre, etc. ont une puissance réfrin= 4 gente plus grande que les autres ; en softe que l’at- traction que ces matières exercent sur la lumière , et qui provient de leur masse ou densité, est SRE 4 blement augmentée par l’affinité particulière qu’elles ont avec la lumière. Si cela n’étoit pas, leur force réfrimgente seroit, comme celle de toutes les autres matières, proportionnelle à leur densité; mais les matières inflammables attirent plus puissamment la lumière , et ce n’est que par cette räison qu’elles ont plus de puissance réfractive que les autres, Le dia- mant même ne fait pas une exception à cetteloi; on à doit le mettre au nombre des matières combustibles, on le brûle au miroir ardent. Il a avec la lumière au. tant d’affinité que les matières inflammables , car sa puissance réfringente est plus grande qu'elles de- vroit | être à proportion de sa densité. [la en même temps la propriété de s’imbiber de Ja lumière et de la conserver assez long- temps ;les phénomènes de sa réfraction doivent tenir en partie à ces propriétés, SECONDE PARTIE. 23r la terre que l’on doit regarder comme le vrai feu élémentaire ; et il faut Le distinguer de _celui du soleil, qui ne nous parvient qu'avec la lumière, tandis que l’autre , quoique bien plus considérable, n’est ordinairement que sous la forme d’une chaleur obscure , et que ce n'est que dans quelques circonstances, comme celles de l'électricité, qu'il prend de la lumière. Nous avons déja dit que cette cha- leur , observée pendant un grand nombre d'années de suite, est trois ou quatre cents fois plus grande en hiver, et vingt-neuf fois plus grande en été dans notre climat, que la chaleur qui nous vient du soleil. C’est une vérité qui peut paroître singulière, mais qui n'en est pas moins évidemment démontrée. Comme nous en avons parlé disertement , nous nous contenterons de remarquer ici que cette chaleur constante et toujours sub- sistante entre comme élément dans toutes les combinaisons des autres élémens, et qu'elle est plus que suffisante pour pro- duire sur l’air les. mêmes effets que le feu actuel ou la chaleur animale ; que par con- séquent cette chaleur intérieure de la terre détruira l’élasticité de l'air et Le fixera toutes | (RE TARA 4 D" Ag | à: as 232 MINÉRAUX. INTRODUCTION, les fois qu’étant divisé en parties très-petites, il se trouvera saisi par cette chaleur dans le sein de la terre; que, sous cette nouvelle forme , il entrera, comme partie fixe, dans un grand nombre de substances, lesquelles eontiendront dès lors des particules d'air fixe et de chaleur fixe , qui sont les premiers principes de la combustibilité : mais ils se. trouveront en plus ou moins grande quan- tité dans les différentes substances, selon le degré d’affinité qu’ils auront avec elles; et ce degré dépendra beaucoup de la quantité que ces substances contiendront de parties animales et végétales, qui paroissent être la base de toute matière combustible. Si elles y sont abondamment répandues ou foible- ment incorporées, on pourra toujours les dé- gager de ces substances par le moyen de la combustion. La plupart des minéraux mé- talliques, et même des métaux, contiennent une assez grande quantité de parties combus- tibles ; le zinc, l’antimoine , le fer, le cui- vre , etc. brûlent et produisent une flamme évidente et très-vive, tant que dure la com- bustion de ces parties inflammables qu ils ST ne bee en, ere A contiennent : après quoi, si on continue le SECONDE PARTIE. 233 feu, la combustion finie, commence la cal- cination , pendant laquelle il rentre dans ces matières de nouvelles parties d'air et de - chaleur qui s’y fixent, et qu'on ne peut en dégager qu’en leur présentant quelque ma-— tière combustible avec laquelle ces parties d'air et de chaleur fixes ont plus d’affinité qu'avec celles du minéral , auxquelles en effet elles ne sont unies que par force, c’est-à- dire, par l'effort de la calcination. Il me semble que la conversion des substances mé- talliques en chaux, et leur réduction, pour- ront maintenant être très-clairement enten- dues , sans qu'il soit besoin de recourir à des principes secondaires, ou à des hypothèses arbitraires, pour leur explication. La réduc- tion, comme je l'ai déja insinué, n’est, dans le réel, qu’une seconde combustion, par la- quelle on dégage les parties d'air et de chaleur fixes que la calcination avoit forcées d’en- trer dans le métal et de s’unir à sa substance fixe , à laquelle on rend en même temps les parties volatiles et combustibles que la pre- mière action du feu lui avoit enlevées. Après avoir présenté le grand rôle que l'air fixe joue dans Les opérations les plus ja 1 120 Le LOU En p lat ARLES i 234 MINÉRAUX. INTRODUCTION, secrètes de la nature, considérons-le pendant quelques instans, lorsque, sous la forme élas- tique, il réside dans Les corps : ses effets sont alors aussi variables que les degrés de son élasticité ; son action, quoique toujours la même , semble donner des produits différens dans les substances différentes. Pour en rame- ner la considération à un point de vue géné- ral, nous le comparerons avec l’eau et la terre, comme nous l’avons déja comparé avec le feu ; les résultats de cette comparai= son entre les quatre élémens s’appliqueront ensuite aisément à toutes les substances, de quelque nature qu’elles puissent être, puisque toutes ne sont composées que de ces quatre principes réels. Le plus grand froid connu ne peut détruire le ressort de Fl’air , et la moindre chaleur suffit pour cet effet, sur-tout lorsque ce fluide est divisé en parties très-petites. Mais il faut observer qu'entre son état de fixité et celui de sa pleine élasticité, il y a toutes les nuances des états moyens, et que c’est pres— que toujours dans quelques uns de ces états moyens qu'il réside dans la terre et dans l'eau , ainsi que dans toutes les substances . SECONDE PARTIE. 235 qui en sont composées ; par exemple, on ne pourra pas douter que l’eau, qui nous paroiïE une substance si simple, ne contienne une certaine quantité d'air qui n’est ni fixe ni élastique , mais entre la fixité et l’élasticité, si l’on fait attention aux différens phéno- mènes qu'elle nous présente dans sa congéla- tion, dans son ébullition, dans sa résistance a toute compression, etc. : car la physique expérimentale nous démontre que l’eau est incompressible ; au lieu de s’affaisser et de rentrer en elle-mème lorsqu'on la force-par la presse, elle passe à traversles vaisseaux les plus solides et Les plus épais. Or si l’air qu’elle con- tient en assez grande quantité y étoit dansson état de pleine élasticité, l’eau seroit compres- sible en raison de cette quantité d’air élastique qu’elle contiendroit et qui se comprimeroit. Donc l’air contenu dans l’eau n’y est pas sim- plement méléet n’y conserve pas sa forme élas- tique, mais y est plus intimement uni dans un état où son ressort ne s’exerce plus d’une manière sensible ; et néanmoins ce ressort n'y est pas entièrement détruit : car si l’on expose l’eau à la congélation , on voit cet air sortir .de son intérieur et'se réunir à Sa surface en bulles élastiques. Ceci seul suffiroif … pour prouver que l'air n’estpascontenudans l’eau sous sa forme ordinaire, puisqu’étant spécifiquement huit cent cinquante fois plus léger , il seroit forcé d'en sortir par la seule nécessité de la prépondérance de l’eau. Il est donc évident que l’air contenu dans l’eau n'y est pas dans son état ordinaire, c'est-à-dire, : de pleine élasticité ; et en mème temps il est démontré que cet état dans lequel il réside dans l’eau n’est pas celui de sa plus grande fixité , où son ressort , absolument détruit, ne peut se rétablir que par la combustion, puisque la chaleur ou le froid peuvent égale- ment le retablir ; il suffit de faire chauffer ou geler de l’eau pour que l’air qu’elle contient reprenne son élasticité et s’élève en bulles sensibles à sa surface : il s’en dégage de même lorsque l’eau cesse d’être pressée par le poids de l’atmosphère sous le récipient de la ma— chine pneumatique. Il n’est donc pas conte- nu dans l’eau sous une forme fixe, mais seu- lement dans un état moyen où il peut ai= sément reprendre son ressort : il n’est pas simplement mêlé dans l’eau, puisqu'il ne peut y résider sous sa forme élastique ; mais * SECONDE PARTIE. 237 anssi il ne lui est pas intimement uni sous sa forme fixe, puisqu'il s’en sépare plus ai- _sément que de toute autre matière. . On pourra m'’objecter avec raison que le Froid et le chaud n’ont jamais opéré de la même façon; que si l’une de ces causes rend à l’air son élasticité, l’autre doit la détruire; et j'avoue que, pour l'ordinaire, le froid et le chaud produisent des effets différens : mais dans la substance particulière que nous con- sidérons , ces deux causes, quoiqu'opposées, produisent le même effet; on pourra le con- cevoir aisément en faisant attention à la chose même et au rapport de ses circons- tances. L’on sait que l’eau, soit gelée, soit bouillie, reprend l'air qu’elle avoit perdu dès qu’elle se liquéfie ou qu’elle se refroidit. Le degré d’affinité de l’air avec l’eau dépend donc en grande partie de celui de sa tem- pérature ; ce degré, dans son état de liqui- dité , est à peu près le mème que celui de la chaleur générale à la surface de la terre: l'air, avec lequel elle a beaucoup d’afhinité, Ja pénètre aussitôt qu'il est divisé en parties très-ténues , et le degré de la chaleur élé- mentaire et générale suffit pour affoiblir ïe V2 PR AMC MR DICRIRES 238 MINÉRAUX: INTRODUCTION, | ressort de ces petites parties, au point de le rendre sans effet, tant que l’eau conserve cette température; mais si le froid vient à la pénétrer, ou, pour parler plus précisément, si ce degré de chaleur nécessaire à cet état de l'air vient à diminuer, alors son ressort, qui n'est pas. entièrement détruit, se rétablira par le froid, et l’on verra les bulles élastiques s'élever à la surface de l’eau prête à se conge- ler. Si au contraire l’on augmente le degré -de la température de l’eau par une chaleur extérieure, on en divise trop les parties in- tégrantes, on les rend volatiles, et l'air, qui ne leur étoit que foiblemeut uni, s'élève et s'échappe avec elles : car il faut se rappeler que quoique l’eau prise en masse soit incom- pressible et sans aucun ressort, ellé est très- élastique dès qu’elle est divisée ou réduite en petites parties; et en ceci elle paroïit être d’une nature contraire à celle de l’air, qui n’est compressible qu’en masse, et qui perd son ressort dès qu'il est trop divisé. Néan- moins l'air et l’eau ont beaucoup plus de rapports entre eux que de propriétés oppo- eées ; et comme je suis très - persuadé que toute la matière est convertible, et que les SECONDE PARTIE. 239 quatre élémens peuvent se transformer, je serois porté à croire que l’eau peut se chan- ger en air lorsqu'elle est assez raréfiée pour s'élever en vapeurs ; car le ressort de la va- peur de l’eau est aussi et même plus puissant que le ressort de l'air : on voit le prodigieux effet de cette puissance dans les pompes à feu; on voit la terrible explosion qu’elle produit lorsqu'on laisse tomber du métal fondu sur quelques gouttes d’eau ; et si l’on ne veut pas convenir avec moi que l’eau puisse, dans cet état de vapeurs, se transfor- mer en air, on ne pourra du moins nier qu'elle n’en ait alors les principales pro- priétes. L'expérience m'a même appris que la va- peur de l’eau peut entretenir et augmenter le feu comme le fait l’air ordinaire; et cet air, que nous pourrions regarder comme pur; est toujours mêlé avec une très-grande quan- tité d'eau : mais il faut remarquer, comme chose importante , que la proportion du mé- lange n’est pas, à beaucoup près , la même dans ces deux élémens. L’on peut dire en général qu’il y a beaucoup moins d’air dans l'eau que d’eau dans l'air; seulement il faut in 41 un: SM 240 MINERAUX. INTRODUCTION ; considérer qu'il y a deux unités très- diffé rentes, auxquelles on pourroit rapporter les termes de cette proportion : ces deux unités sont le volume et la masse. Si on estime la quantité d'air contenue dans l'eau par le volume , elle paroïtra nulle, puisque le vo- lume de l’eau n’en est point du tout aug- menté : et de même l'air plus ou moinshu- mide ne nous paroît pas changer de volume; cela n’arrive que quand'il est plus ou moins chaud. Ainsi ce n’est point au volume qu’il faut rapporter cette proportion ; c’est à la masse seule, c’est-à-dire, à la quantité réelle de matière dans l’un et l’autre de ces deux élémens, qu'on doit comparer celle de leur mélange; et l’on verra que l'air est beaucoup plus agueux que l’eau n’est aérienne, peut- être dans la proportion de la masse, c’est-à- dire, huit cent cinquante fois davantage. Quoi qu’il en soit de cette estimation, quE est peut-être ou trop forte ou trop foible, nous pouvons en tirer l'induction que l’eau doit se changer plus aisément en air, que l’air ne peut se transformer en eau. Les par- ties de l'air, quoique susceptibles d’être ex- trémement divisées, paroissent ètre plus f SECONDE PARTIE. 24e grosses que celles de l’eau , puisque celle-ci passe à travers plusieurs filtres que l’air ne peut pénétrer; puisque, quand elle est raré- fiée par la chaleur , son volume , quoique fort augmenté, n’est qu'égal, ou un peu plus grand que celui des parties de l'air à la sur- face de la terre, car les vapeurs de l’eau ne s'élèvent dans l'air qu’à une certaine hau- teur ; enfin, puisque l'air semble s’imbiber d'eau comme une éponge, la contenir en grande quantité, et que le contenant est nécessairement plus grand que le contenu. Au reste, l'air, qui s’imbibe si volontiers de l'eau, semble 1a rendre de même lorsqu'on lui présente des sels ou d’autres substances avec lesquelles l’eau a encore plus d’affinité qu'avec lui. L'effet que les chimistesappellent défaillance, et même celui des efforescences, démontrent non seulement qu'il y a une très - grande quantité d’eau contenue dans l'air, mais encore que cette eau n’y est atta- chée que par une simple affinité , qui cède aisément à une affinité plus grande, et qui même cesse d'agir , sans être combattue ou balancée par aucune autre affinité, mais par la seule raréfaction de l'air, puisqu'il se 81 \ 243 MINÉRAUX. INTRODUCTION, dégage de l’eau dès qu’elle cesse d’être pressée par le poids de l'atmosphère sous Le récipient de la machine pueumatiqué. Dans l’ordre de la conversion des élémens, il me semble que l’eau est pour l’air ce que l’air est pour le feu, et que toutes les trans- formations de la nature dépendent de celle: ci. L'air, comme aliment du feu, s’assimile avec lui, etse transforme en ce premier elé- ment ; l’eau, rareñee par la chaleur, se transe forme en une espèce d’air capable d’alimen- ter le feu comme l'air ordinaire. Ainsi le feu a un double fonds de subsistance assurée ; s'il consomme beaucoup d'air, il peut aussi en produire beaucoup par la raréfaction de l’eau , et réparer ainsi dans la masse de l’at- mosphère toute la quantité qu'il en détruit, tandis qu'ultérieurement il se convértit lui- même avec l'air en matière fixe dans les substances terrestres qu’il pénètre par sa cha- leur ou par sa lumiere. | Et de mème que, d'une part, l’eau se convertit en air ou en vapeurs aussi volatiles que l'air par sa raréfaction , elle se convertit en une substance solide par une espèce de condensation différente des condeusations | SECONDE PARTIE, 243 ordinaires. Tout fluide se rarefie par la cha- leur, et se condense par le froid; l’eau suit elle-même cette loi commune, et se condense à mesure qu’elle refroidit : qu’on en rem- plisse un tube de verre jusqu'aux trois quarts, on la verra descendre à mesure que le froid augmente , et se condenser comme font tous les autres fluides; mais quelque tempsavant l'instant de la congélation, on la verra re- monter au-dessus du point des trois quarts de la hauteur du tube, et s’y renfler encore considérablementense convertissanten glace: mais si le tube est bien bouché, et parfaite- ment en repos, l’eau continuera de baisser, et ne se gelera pas , quoique le degré de froid soit de 6, 8 ou 10 degrés au-dessous du terme de la glace, et l’eau ne gelera que quand on couvrira le tube ou qu'on le remuera. IL semble donc que la congélation nous présente d’une manière inverse les mêmes phéno- mènes que l’inflammation. Quelqu’intense, quelque grande que soit une chaleur renfer- mée dans un vaisseau bien clos, elle ne pro- duira l’inflammation que quand elle touchera quelque matière enflammée; et de même, à quelque degré qu’un fluide soit refroidi, id 244 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ne gelera pas sans toucher quelque substance déja gelée, et c’est ce qui arrive lorsqu’ on remue ou débouche le tube ; les particules de l’eau qui sont gelées dans l’air extérieur ou dans l’air contenu dans le tube, viennent, lorsqu'on le débouche ou le remue, frapper la surface de l’eau, et lui communiquent leur glace. Dans l’inflammation , l'air, d’a- bord très-raréfié par la chaleur, perd de son volume et se fixe tout-à-coup; dans la con- gélation, l’eau , d’abord condensée par le froid , reprend plus de volume et se fixe de même : car la glace est une substance solide, plus légère que l’eau , et qui conserveroit sa solidité si le froid étoit toujours le mème ; et je suis porté à croire qu’on viendroit à bout de fixer le mercure à un moindre degré de froid en le sublimant en vapeurs dans un air très-froid. Je suis de même très-porté à croire que l’eau, qui ne doit sa liquidité qu’à la chaleur , et qui la perd avec elle, deviendroit une substance d'autant plus solide et d’au- tant moins fusible, qu’elle éprouveroit plus fort et plus long-temps la rigueur du froid. On n’a pas fait assez d’ PÉTER surcesujet important. = _ SECONDE PARTIE. 245 Mais sans nous arrêter à cette idée , c’est- à-dire, sans admettre ni sans exclure la possi- bilite de la conversion de la glace en matière infusible ou terre fixe et solide, passons à des vues plus étendues sur les moyens que la _ mature emploie pour la transformation de l’eau. Le plus puissant de tous et Le plus évi- dent est le filtre animal. Le corps des ani- maux à coquille, en se nourrissant des par- ticules de l’eau , en travaille en mème temps la substance au point de la dénaturer. La coquille est certainement une substance ter— restre, une vraie pierre, dont toutes les pierres que les chimistes appellent ca/caires, et plusieurs autres matières, tirent leur ori- gine. Cette coquille paroît, à la vérité, faire partie constitutive de l'animal qu’elle couvre, puisqu'elle se perpétue par la génération, et qu’on la voit dans les petits coquillages qui viennent de naître, comme dans ceux qui ont pris tout leur accroissement ; mais ce n’en est pas moins une substance terrestre, formée par la secrétion ou l’exsudation du corps de l’animal : on la voit s’agrandir, s’é- | paissir par anneaux et par couches à me- sure qu il prend de la croissance; et souvent- , 21 246 MINÉRAUX. INTRODUCTION, cette matière pierreuse excède cinquante om soixante fois la masse ou matière réelle du corps de l'animal qui la produit. Qu’on se représente pour un instant le nombre des espèces de ces animaux à coquille, ou, pour les tous comprendre, de cesanimaux à trans- sudation pierreuse; elles sont peut-être en plus grand nombre dans la mer que ne l’est sur la terre le nombre des espèces d'insectes : qu'on se représente ensuite leur prompt ac- croissement, leur prodigieusemultiplication, le peu de durée de leur vie, dont nous sup- poserons néanmoins le terme moyen à dix ans *; qu'ensuite on considère qu il faut mul- tiplier par cinquante ou soixante le nombre presque immense de tous les individus de ce genre, pour se faire une idée de toute la ma- tière pierreuse produite en dix ans; qu'enfin : * La plus longue vie des escargots, ou gros lima- cons terrestres, s'étend jusqu’à quatorze ans. On peut présumer que les gros coquillages de mer vivent plus long-temps: mais aussi les petits , et les très-petits, tels que ceux qui forment le corail, et tous les ma- drépores, vivent beaucoup moins de temps ; et c’est par cette raison que J'ai pris le tèrme moyen à dix ans. SECONDE PARTIE. 247 on considère que ce bloc déja si gros de ma- tière pierreuse doit être augmente d'autant de pareils blocs qu'il y a de fois dix dans tous les siècles qui se sont écoulés depuis le com- mencement du monde, et l’on se familiari- sera avec cette idee, ou plutôt cette vérité d'abord repoussante, que toutes nos collines, tous nos rochers de pierre calcaire, demarbre, de craie , etc. ne viennent originairement que de la dépouille de ces petits animaux. On n’en pourra douter à l’inspection des ma- tières mêmes, qui toutes contiennent encore des coquilles ou des détrimens de coquilles très-aisément reconnoissables. Les pierres calcaires ne sont donc en très- grande partie que de l’eau et de l’air conte- nus dans l’eau , transformés par le filtre animal ; les sels, les bitumes, les huiles, les graisses de la mer , n’entrent que pour peu ou pour rien dans la composition de la co- quille : aussi la pierre calcaire ne contient- elle aucune de ces matières. Cette pierre n’est que de l’eau transformée, jointe à quelques petites portions de terre vitrifiable, et à une très-grande quantité d’air fixe qui s’en dé- gage par la calcination. Cette opération pro. \ #48 MINÉRAUX. INTRODUCTION 1 duit les mêmes effets sur les coquilles av on preñd dans la mer que sur les: pierres qu on tire des carrières ; elles forment également de la chaux, dans laquelle on ne remarque d'autre différence que celle d’un peu plus ou d’un peu moins de qualité. La chaux faite avec des écailles d’huître ou d’autres co- quilles est plus foible que la chaux faite avec du marbre ou de la pierre dure; mais le pro- cédé de la nature est le même, les résultats de son opération les mêmes : les coquilles et les pierres perdent également près de moi- tié de leur poids par l’action du feu dans la calcination ; l'eau qui a conservé sa nature en sort la première; après quoi l’air fixe se dégage , et ensuite l’eau fixe dont ces subs= tances pierreuses sont composées, reprend sa première nature et s’éléve en vapeurs pous- sées et raréfiées par le feu ; il ne reste que les parties les plus fixes de cet air et de cette eau, qui peut-être sont si fort unies entre elles et à la petite quantité de terre fixe de la pierre, que le feu ne peut les séparer. La masse se trouve donc réduite de près de moitié, et se réduiroit peut-être encore plus si l’on don- noit un feu plus violent; et ce quimesemble | SECONDE PARTIE. 249 prouver évidemment que cette matière chas= sée hors de la pierre par le feu n'est autre - chose que de l’air et de l’eau, c’est la rapi- dité, l’avidité avec laquelle cette pierre cal- cinée reprend l’eau qu’on lui donne, et la Force ayec laquelle elle la tire de l'atmosphère lorsqu'on la lui refuse. La chaux, par son extinction ou dans l’air ou dans l’eau, re- prend en grande partie la masse qu’elle avoit perdue par la calcination ; l’eau, avec l'air qu'elle contient , vient remplacer l’eau et l'air qu’elle contenoit précédemment : la _ pierre reprend dès lors sa première nature; car en mélant sa chaux avec des détrimens d’autres pierres, on fait un mortier qui se durcit, et devient avec le temps une subs-— tance solide et pierreuse, comme celle dont on l’a composée. | Après cette exposition , je ne crois pas qu'on puisse douter de la transformation de l'eau en terre ou en pierre par l’intermède des coquilles. Voilà donc, d’une part, toutes les matières calcaires dont on doit rapporter l'origine aux animaux , et, d'autre part, toutes les matières combustibles qui ne pro- viennent que des substances animales ou nn, |. ‘ ANCIEN SA /25o MINÉRAUX. INTRODUCTION, F: végétales : elles occupent ensemble un assez grand espace à la surface de la terre ; et l'on peut juger, par leur volume immense, com- bien la nature vivante a travaillé pour la nature morte, car ici le brut n’est que le mort. Mais les matiëres calcaires et les substances combustibles , quelque grand qu'en soit le nombre , quelqu'immense que nous en pa- roisse le volume, ne font qu'une très-petite portion du globe de la terre, dont le fonds principal et la majeure et très-majeurequan- tité consiste en une matière de la nature du verre; matière qu’on doit regarder comme l'élément terrestre, à l’exclusion de toutes les autres substances auxquelles elle sert de base comme terre, lorsqu'elles se formentpar ‘ le moyeu ou par le détriment des animaux, des végétaux , et par la transformation des autres elémens. Non seulement cette matière première, qui est la vraie terre élémentaire, sert de base à toutes les autres substances, et en constitue les parties fixes, mais elle est en même temps le terme ultérieur auquel on peut les ramener et les réduire toutes. Avant | de présenter les moyens que la nature et j ? SECONDE PARTIE 5 Yart peuvent employer pour opérer cette espèce de réduction de toute substance en verre, c’est-à-dire , en terre élémentaire, il est bon de rechercher si les moyens que nous avons indiqués sout les seuls par lesquels l’eau puisse se transformer en substance solide. Il me semble que le filtre animal la convertissant en pierre, le filtre végétal peut également la transformer, lorsque toutes les circonstances se trouvent être les mêmes : la chaleur propre des animaux à coquille étant un peu plus grande que celle des végétaux , et les organes de la vie plus puissans que ceux de la végétation, le végétal ne pourra produire qu'une petite quantité de pierres qu'on trouve assez souvent dans son fruit ; mais il peut convertir, et convertir reelle- ment en sa substance, une grande quantité d'air, et une quantité encore plus grande d’eau : la terre fixe qu’il s’'approprie, et qui sert de base à ces deux élémens, est en si petite quantité, qu'on peut assurer, sans craindre de se tromper, qu’elle ne fait pas la centième partie de sa masse; dès lors le végétal n’est presque entièrement composé que d’air et d’eau transformés en bois; subs- ” 252 MINÉRAUX. INTRODUCTIO 1 HER tance solide qui se réduit ensuite en PE par la combustion ou la putréfaction. | ‘4 doit dire la même chose des animaux; ils , fixent et transforment non seulement l'air et l’eau, mais le feu, en plus grande quan- tité que les végétaux. Il me paroît donc que les fonctions des corps organisés sont l’un des plus puissans moyens que la nature em- ploie pour la conversion des élémens. On peut regarder chaque animal ou chaque vé- gétal comme un petit centre particulier de chaleur ou de feu qui s’approprie l'air et l’eau qui l’environnent, se les assimile pour végéter, ou pour se nourrir et vivre des pro- ductions de la terre, qui ne sont elles-mêmes que de l’air et de l’eau précédemment fixés 5 il s’approprie en même temps une petite quantité de terre, et, recevant les impres= sions de la lumière et celles de la chaleur du soleil et du globe terrestre, il tourne en sa substance tous ces differens élémens, les tra- vaille, les combine , les réunit, les oppose, jusqu'à ce qu'ils aient subi la forme néces- saire à son développement, c’est-à-dire, à l’en. tretien de la vie et de l'accroissement de l'or- ganisation , dont le moule une fois donne "4 SEC OND E/PARTIE. AIM 253 + toute.la matière qu'il adnet et; de! bruté.qu’elle.étoit;:la rend-organisée, :;: 01: L'eau ; qui s’unit si volontiers:avec l'air,r et qui entre avec lui.en siigrinde quantité: dans les corps organises, s'unitaussi.tle ‘pré. férence avec quélques matières solides;, telles: que les, sels; :et c'est souvent par leur moyen qu'elle entre,dans la composition des miné-- raux. Le sel, au premier coup d’æil, ne pa= roit être qu'une terre dissoluble dans l’eau , et d’une saveur piquante; mais les chimistes, en recherchant sa nature, ont tres-bien re connu qu’elle consiste principalement dans la réunion de ce qu’ils nomment le principe terreux et le principe aqueux. L'expérience de l'acide nitreux , qui ne laisse après sa combustion qu'un peu de terre et d’eau, leur a même fait penser que ce sel, et peut-être tous les autres sels, n’etoient absolument composés que de ces deux élémeus : néan— moins il me paroît qu'on peut démontrer aisément que l'air et le feu entrent dans leur. - composition, puisque le nitre produit une grande quantité d'air dans la combustion, et que cet air fixe suppose du feu fixe qui s’en dégage en mème temps; que d’ailleurs toutes Mar. gén, IV. 22 Les die quo on Tant de tion ne peuvent selsoutenir ; à moins! qu elles n’adiettent’ deux forces opposées, 1” une at tractive:, et l’autre éxpansive ; et par consé: quent la présence des élémens de l'air et du feu, qui’ sont seuls doués de cette seconde force; qu’enfin céseroit contreltoute analogie que le sel ne se trouveroit composé que des deux élémens dela terre et de l’eau, tandis que toutes les autres substances sont Compo- | sées des quatre élémens. Ainsi l’on ne doit pas prendre à la rigueur ce que les grands chimistes, MM. Stahl et Macquer , ont dit à ce sujet ; les expériences de M. Hales démon- trent que le vitriol et le sel marin contiennent beaucoup d’air fixe , que le nitre en contient éncore beaucoup plus; et jusqu'à concur- rence du huitième de son poids , et le sel de tartre encore plus. On peut donc assurer que l'air entre comme principe dans la composi- tion de tous les sels, etque, comme il ne peut se fixer dans aucune substance qu’à l’aide de la chaleur ou du feu qui se fixent en même temps, ils doivent être comptés au nombre de leurs parties constitutives. Mais celan’em- pêche pas que le sel ne doive aussi être he n ee Ro “4 LA SECONDE PARTIE: 255 regardé comme la substance moyenne entre la terre et l’eau ; ces deux elemensentrent en proportion différente dans:les :différens sels ou substances salines, dont la variété et le nombre sont si grauds, qu’onnepeut en faire l'énumération, mais qui, présentées géne- . ralement sous les dénominations d'acides et d'alcalis, nous montrent qu’en genéral il y a plus de terre et moins d’eau daus çes der- niers sels, et au contraire plus d'eau etmoims de terre dans les premiers. . Néanmoins l’eau, ox intimement mé- lée dans les sels, n’y est ni fixée ni réunie par une force assez grande pour la trans- former en. matiere solide, comme dans la pierre calcaire: elle réside dans le sel ou dans son acide sous sa forme primitive;.et l'acide Je mieux concentré, le plus dépouillé d’eau, qu’on pourroit regarder ici comme de la terre liquide, ne doit cette liquidité qu’à la quan- tite de l’air et du feu qu’il contient : toute _ liquidité, et mème toute fluidité, suppose la présence d’une certaine quantité de feu ; et quand on attribueroit celle des acides à un reste d’eau qu'on ne peut en séparer, quand même on pourroit les réduire tous sous une 256 MINÉRAËX. NrRO BU ton, formeéoncrète , il n'en serdirétnoh vrai que Téurs saveurs , ainsi que les odeurs et les couleuYs , ont ‘toutes également pour prin- cipe Célui de la force expansive, c’ést-à-dire , la lumière et les émanations de la chaleur et du feu : car il n'y a que cés principes actifs . qui puissent agir sur nos sens, et les‘affecter d'une manière différente et diversifiée selon les vapeurs ou particules des différentes subs- tances qu'ils nous apporteñt ét nous pré- sentent. C’est donc à ces principes qu’on doit rapporter non seulement la liquidité des acides , mais aussi leur saveur. Une expe- rience que j'ai eu occasion de faire un grand nombre de fois, m'a pleinement convaincu que l'alcali est produit par le feu ; la chaux faite à la manière ordinaire, et mise sur la langue, même avant d’être éteinte par Pair ou par l’eau , à une saveur qui indique déja la présence d’une certaine quantité d’alcali. Si l’on continue le feu , cette chaux, qui a subi une plus longue calcination, devient plus piquante sur la langue; et celle que l’on tire des fourneaux de forges où la calcina- tion dure cinq ou six mois de suite, l’est encore davantage. Or ce sel n’étoit pas con- SECONDE PARTIE. 257 tenu dans la pierre avant sa calcination ; il augmente en force ou en quantité à mesure que le feu est appliqué plus violemment et plus long-tempsà la pierre;ilest donc le pro- duit immediat du feu et de l’air, qui se sont incorporés dans sa substance pendant la cal- cination , et qui, par ce moyen, sont deve- nus parties fixes de cette pierre, de laquelle ils ont chassé la plus grande partie des molé- cules d’eau liquides et solides qu’elle conte- noit auparavant. Cela seul me paroîtsufisant pour prononcer que le feu est le principe de la formation de l’alcali minéral, et l’on doit en conclure, par analogie , que les autres alcalis doivent egalement leur formation à la chaleur constante de l’animal et du végétal dont on les tire. À l'égard des acides , la démonstration de leur formation par le feu et l’air fixes, quoi: que moins immédiate que celledesalcalis, ne m'en paroit pas moins certaine : nous avons prouvé que le nitre et le phosphore tirent leur origine des matières végétales et ani- males, que le vitriol tire la sienne des py- xites, des soufres et des autres matières com bustibles ; on sait d’ailleurs que ces acides, 22 28 MINÉRAUX. INTRODUCTION, soit vitrioliques, ou nitreux, ou phospho*. riques , contiennent toujours une certaine quantité d’alcali : on doit donc rapporter leur formation et leur saveur au même prin- cipe, et, réduisant tous les acides à un seul acide , et tous les alcalis à un seul alcali, ramener tous les sels à une origine com— _mune , et ne regarder leurs différentes sa- veurs et leurs propriétés particulières et di- verses que comme le produit varié des diffé- rentes quantités de terre, d’eau , et sur-tout ï “ ° , { d'air et de feu fixes, qui sont entrées dans leur composition. Ceux qui contiendront le plus de ces principes actifs d’air et de feu , seront ceux qui auront le plus de puissance et le plus de saveur. J'entends par puissance, la force dont les sels nous paroissent dnimés pour dissoudre les autres substances : on sait que la dissolution suppose la fluidité; qu’elle ne s’opère jamais entre deux matières sèches ou solides, etque par conséquent elle suppose aussi dans le dissolvant le principe de la fluidite , c’est-à-dire , le feu : la puissance du dissolvant sera donc d'autant plus grande, que , d’une part, il contiendra ce principe actif en plus srande quantité, et que, d'autre \ 10 +" SECONDE PARTIE. 259 part, ses parties aqueuses et terreuses auroné plus d’affinité avec les parties de même espèce contenues dans les substances à dissoudre ; et comme les degrés d’affinité dépendent absolu- ment de la figure des parties intégrantes des corps, ils doivent, comme ces figures, varier à l'infini: on ne doit donc pas être surpris de l'action plus ou moins grande ou nulle de certains sels sur certaines substances , ni des effets contraires d’autres sels sur d’autres substances. Leur principe actif est le même, leur puissañcepour dissoudre la même: mais elle demeure sans exercice , lorsque la subs- tance qu'on lui présente repousse celle du dissolvant , ou n'a aucun degre d’affinité avec Jui ; tandis qu’au contraire elle le saisit avidement toutes les fois qu’il se trouve assez de force d’affinité pour vaincre celle de la cohérence , c'est-à-dire, toutes les fois que les principes actifs contenus dans le dissol- vant , sous la forme de l'air et du feu , se trouvent plus puissamment attirés par la puissance à dissoudre qu'ils ne le sont par la terre et l'eau qu’il contient; car dès lors ces principes actifs s’en séparent , se dévelop- pent ei pénètrent la substance, qu'ils divisent — Î NE FE 260 MINÉRAUX. INTRODUCTION; … et décomposent au point de la rendre suscep= | tible , par cette division , d'obéir en liberté à toutes les forces attractives de la terre et de l’eau contenues dans le dissolvant , et de s'unir avec elles assez intimement pour ne pouvoir en être séparées que par d’autres substances qui auroient avec ce même dis- solvant un degré encore plus grand d’af- finité. Newton est le premier qui ait donné les affinités pour causes des précipitations chimiques ; Stahl adoptant cette idée l’a trans- mise à tous les chimistes, et 1l me paroïit qu’elle est aujourd'hui universellement reçue comme une vérite dont on ne peut douter. Mais ni Newton ni Stahl ne se sont elevés au pointde voir que toutes ces affinités , en appa- rence si différentes entre elles, ne sont au fond que les effets particuliers de la force générale de l'attraction universelle; et, faute de cette vue , leur théorie ne pouvoit être ni lumineuse ni complète , parce qu’ils étotent forcés de supposer autant de petites lois d’affinités différentes qu'il y avoit de phé- nomènes différens ; au lieu qu'il n’y a réel- lement qu’une seule loi d’affinité, loi qui est exactement la même que celle de l'attraction SECONDE PARTIF 26r universelle , et que par conséquent l’expli- cation de tous les phénomènes doit être dé- duite de cette seule et même cause. Lessels concourent donc à plusieurs opéra- tions de la nature par la puissance qu'ils ont de dissoudre les autres substances; car, quoi- qu'on dise vulgairement que l'eau dissout le sel ; 1l est aisé de sentir que c’est une erreur d'expression fondée sur ce qu’on appelle com— munément le liquide , le dissolvant ; et le solide , le:corps à& dissoudre : mais dans le réel, lorsqu'il y a dissolution, les deux corps sont actifs et peuvent être également appelés dissolvans ; seulement regardant le sel comme le dissolvant, le corps dissous peut être indif- féremment ou liquide ou solide ; et pourvu que les parties du sel soient assez divisées pour toucher immédiatement celles des au- tres substances , elles agiront et produiront tous les effets de la dissolution. On voit par-là combien l’action propre des selset l’action de l'élément de l’eau qui les contient, doivent influer sur lacomposition des matières miné- rales. La nature peut produire par ce moyen tout ce que nos arts produisent par le moyen du feu : il ne faut que du temps pour que les 262 MINÉRAUX. INTRODUCTION, sels et l’eau opèrent sur les substances les plus compactes et les plus dures, la division la plus complète et l’atténuation la plus grande de leurs parties ; ce qui les rend alors suscep- tibles de toutes les combinaisons possibles et capables de s’unir avec toutes les substances analogues et de se séparer de toutes les autres. Mais ce temps, qui n’est rien! pour la nature, et qui ne lui manque pas , est de toutes les choses nécessaires celle qui nous manque le plus; c’est faute de temps que nous ne pouvons imiter ses procédés ni suivre sa marche : le plus grand de nos arts seroit donc l'art d'abréger le temps , c’est-à-dire , de faire en un jour ce qu’elle fait en un siècle. Quelque vaine que paroisse cette prétention, il ne faut pas y renoncer : nous n'avons, à la. vérité, ui les grandes forces nile temps encore plus grand dela nature; maisnous avons au- dessus d'elle la liberté deles employer comme il nous plait ; notre volonté est une force qui commande à toutes les autres forces, lorsque nous la dirigeons avec intelligence. Ne som- mes-nous pas venus.à bout de créer à notre usage l'élément du feu qu’elle nous avoit caché? ne l’ayons-nous pas tiré des rayons SECONDE PARTIE. 263 qu elle ne nous envoyoit que pour nous éclai- rer? n’ayons-nous pas , par ce même élé- ment , trouvé le moyen d'abréger le temps en divisant les corps par une fusion aussi prompte que leur. division seroit lente par _tout autre moyen ? etc. Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que la nature ne puisse faire et ne fasse réellement , par le moyen de l'eau , tout ce que nous faisons par celui du feu. Pour le voir clairement , il faut considérer que la decomposition de toute substance ne pouvant se faire que par la division , plus cette divi- sion sera grande , et plus la décomposition sera complète. Le feu semble diviser, autant qu'il est possible , les matières qu'il met en fusion ; cependant on peut douter si celles que l’eau et les acides tiennent en dissolu- tion ne sont pas encore plus divisées : et les vapeurs que la chaleur élève, ne con- tiennent-elles pas des matières encore plus atténuées ? [1 se fait donc dans l’intérieur de la terre, au moyen de la chaleur qu’elle ren- ferme et de l’eau qui s’y insinue , une infi- nité de sublimations , de distillations, de erystallisations , d'agrégations , de disjonc- 264 MINÉRAUX. INTRODUCTION, tions de tonte espèce. Toutes les substances peuvent être , avec le temps, composées et. décomposéés par ces moyens ; l’eau peut les diviser et en atténuer les parties autant et : plus que le feu lorsqu'il les fond ; et ces parties atténuées, divisées à cepoint , se join- dront, se réuniront de la même manière que celles du métal fondu se réunissent en se re- froidissant. Pour nous faire mieux entendre, arrêtonus-nous un instant sur la crystallisa- tion : cêt effet, dont les sels nous ont donné l'idée , ne s’opère jamais que quand une subs- tance, étant dégagée de toute autresubstance, se trouve très-divisée et soutenue par um fluide qui, n'ayant avec elle que peu ou point d’affinité , lui permet de se réunir et de former, en vertu de sa force d'attraction des masses d’une figure à peu près semblable à la figure de ses parties primitives. Cette opération , qui suppose toutes les circons— tances que je viens d’enuoncer , peut se faire par l’intermède du feu aussi-bien que par celui de l’eau , et se fait très-souvent par le concours des deux , parce que tout cela ne suppose ou n’exige qu'une division assez grande de la matière pour que ses parties l. SECONDE PARTIE. 268 ‘primitives puissent, pour ainsi dire, se trier et former , en se réunissant, des corps figures comme elles : or le feu peut tout aussi-bien, et mieux qu'aucun autre dissolvant, amener plusieurs substances à cet état , et l’observa- tion nous le démontre dans les régules, dans les amiantes , les basaltes , et autres pro- ductions du few, dont les figures sont regu- lières , et qui toutes doivent être regardées comme de vraies erystallisations. | Et ce degré de grande division, nécessaire à la crystallisation, n’est pas encore celui de la plus grande division possible ni réelle, puisque dans cet état les petites parties de la matière sont encore assez grosses pour cons— tituer une masse qui, comme toutes les autres masses, n’obéit qu'à la seule force attractive, et dont les volumes, ne se touchant que par. des points , ne peuvent acquerir, la force répulsive qu'une beaucoup plus grande divi- sion ne mauqueroit pas d'opérer par un con- tact plus immediat ; et c'est aussi ce que Von voit arriver dans les effervescences , où tout d’un coup la chaleur et la lumière sont produites par le mélange de deux liqueurs froides. Ce degré de division de la matière 23 266 MINÉRAUX. INTRODUCTION , est ici fort au-dessus du degré nécessaire à la crystallisation ; ét l'opération s’en fait aussi rapidement que l’autre s'exécute’ avec len- teur. ; ven SRE NT La lumière, la chaleur, le feu, l'air, l’eau , les sels , sont les degrés par lesquels nous venons de descendre du haut de l'échelle de la nature à sa base qui est la terre fixe; et ce sont en même temps les séuls prin- cipes qu’on doive admettre et combiner pour l'explication de tous les phénomènes. Ces principes sont réels, indépendans de: toute hypothèse et de toute méthode ; leur con- version , leur transformation est toute aussi réelle, puisqu'elle est démontrée par l’expé: rience. Il en est de même de l’élément de la terre : il peut se convertir en se volati- lisant, et prendre la forme desautres élémens, comme ceux-ci prennent la sienne en se fixant. Mais de la mème manière queles par- ties primitives du feu , de l'air ou de l’eau, ne formeront jamais seules des corps ou des masses qu’on puisse regarder comme du feu, de l'air ou de l’eau purs ; de même il me paroit très-inutile de chercher dans les ma- tières terrestres une substance de terré pure ; Re — SECONDE PARTIE. 267 la fixité, l'homogénéité, l’éclat transparent du diamant a ébloui les yeux de nos chimistes lorsqu'ils ont donné cette pierre pour la terre élémentaire et pure ; on pourroit dire avec autant et aussi peu de fondement que c’est au contraire de l’eau pure, dont toutes les parties se sont fixées pour composer une substance solide diaphane comme elle. Ces idées n’au- roient pas été mises en avant, si l’on eût pensé que l'élément terreux n’a pas plus le privilége de la simplicité absolue que les autres élémens ; que même, comme il est le plus fixe de tous , et par conséquent le plus constamment passif , il reçoit comme base toutes les impressions des autres: illes attire, les admet dans son sein , s’unit , s’incorpore avec eux, les suit et se laisse entraîner par leur mouvement ; et par conséquent il n’est m1 plus simple ni moins convertible que les autres. Ce ne sont jamais que les grandes masses qu'il faut considérer lorsqu'on veut définir la nature. Les quatre élémens ont été. bien saisis par les philosophes, même les plus anciens ; le soleil, l’atmosphère , la mer et la terre sont les grandes masses sur lesquelles ils les ont établis : s’il existoit un astre de se. het 2” TN JE AR QNE DCE LE CR 268 MINÉRAUX. INTRODUCTION, phlogistique, une atmosphère d’alcali, un océan d'acide , et des montagnes de diamant, on pourroit alors les regarder comme les principes généraux et réels de tous les corps; mais ce ne sont au contraire que des subs- tances particulières, produites, comme toutes les autres , par la combinaison des véritables élémens. ( Ù Dans la grande masse de matière solide qui nous représente l'élément de la terre , la couche superficielle est la terre la moins pure: toutes les matières déposées par la mer en forme de sédimens, toutes les pierres pro= duites par les animaux à coquille , toutes les substances composées par la combinaison des détrimens du règne animal et végétal , toutes celles qui ont été altérées par le feu des vol- cans, ou sublimées par la chaleur intérieure du globe , sont des substances mixtes et transformées ; et quoiqu'elles composent de très-grandes masses , elles ne nous représen- tent pas assez purement l'élément de la terre : ce sont les matières vitrifiables, dont la masse est mille et cent mille fois plus considerable que celles de toutes ces autres substances, qui doivent être regardées comme SECONDE PARTIE. 269 le vrai fonds de cet élément; ce sont en mème temps celles qui sont composées de la terre la | plus fixe, celles qui sont les plus anciennes et cependant les moins altérées ; c’est de ce fonds commun que toutes les autres subs- tances ont tiré la base de leur solidité; car toute matièrefixe, décomposée autant qu'elle peut l'être, se réduit ultérieurement en verre par là seule action du feu; elle reprend sa première nature lorsqu'on la dégage des ma- tières fluides ou volatiles quis’yétoient unies; et ce verre ou matière vitrée qui compose la masse de notre globe , représente d'autant mieux l'élément de la terre, qu'iln’a ni cou- leur, ni odeur , ni saveur, ni liquidité, ni fluidité ; qualités qui toutes proviennent des autres elémens ou leur appartiennent. Si le verre n’est pas précisément l’élément de la terre , 1l en est au moins la substance Ja plus ancienne ; les métaux sont plus récens et moins nobles; la plupart des autres miné- raux se forment sous nos yeux : la nature ne produit plus de verre que dans les foyers particuliers de ses volcans, tandis que tous les jours elle forme d’autres substances par la combinaison du verre avec les autres elé- 23 f 27o MINÉRAUX. INTRODUCTION, mens. Si nous voulons nous former une idéé juste de ces procédés dans la formation des minéraux, il faut d’abord remonter à l’ori= : gine de la formation du globe , qui nous dé- montre qu’il a été fondu, liquéfié par le feu ; considérer ensuite que de ce degré immense … MR de chaleur il a passé successivement au degré de sa chaleur actuelle ; que, dans les pre- miers momens où sa surface à commencé de prendre de la consistance, il a dû s’y former des inégalités, telles que nous en voyons sur la surface des matières fondues et refroidies ; que les plus hautes montagnes, toutes compo- sées de matières vitrifables, existent et datent de ce moment, qui est aussi celui de la sépa- ration des grandes masses de l’air, de l’eau et de la terre; qu’ensuite pendant le long espace de temps que suppose le refroidisse- ment , ou, si l’on veut, la diminution de la chaleur du globe au point de la température actuelle , il s’est fait dans ces mêmes mon- tagnes , qui étoient les parties Les plus expo- sées à l’action des causes extérieures , une infinité de fusions, de sublimations , d'agré- gations et de transformations de toute espèce par le feu de la terre, combiné avec Ja cha- SECONDE PARTIE. - 2wr Jeur du soleil, et touies les autres causes que cette grande chaleur frendoit plus actives qu’elles ne le sont aujoùrd’hui ; que par con- séquent on doit rapporter à cette date la for- mation des métaux et des minéräux que nous trouvons en grandes masses et en filons épais et continus. Le feu violent de la terre em- brasée, après avoir élevé et réduit en vapeurs tout ce qui étoit volatil , après avoir chassé de son intérieur les matières qui composent l'atmosphère et les mers , a dù sublimer en même temps toutes les parties les moins fixes de la terre , les élever et les déposer! dans tous les espaces vides , dans toutes les fentes qui se formoient à la surface à mesure qu'elle se refroidissoit. Voilà l’origine et la gradation du gisement et de la formation des matières vitrifiables , qui toutes forment le noyau des plus grandes montagnes et renfer- ment dans leurs fentes toutes les mines des métaux et des autres matières que le feu a pu diviser , fondre et sublimer. Après ce premier établissement ercore subsistant des matières vitrifiables etdes minéraux en grande masse qu'on ne peut attribuer qu'à l’action du feu , l’eau, qui jusqu'alors ne formoit avec Da t N 272 MINÉRAUX. INTRODUCTION, l'air qu’un vaste volume de vapeurs, com mença de prendre son état actuel dés quela superficie du globe fut assez refroidie pour ne la plus repousser et dissiper en vapeurs : elle se rassembla donc et couvrit la plus grande partie de la surface terrestre , sur laquelle se trouvant agitée par un mouve- ment continuel de flux et de reflux > par l'action des vents, par celle de la chaleur, elle commença d'agir surles ouvrages du feu ; elle altéra peu à peu la superficie des matières vitrifiables ; elle en transporta les débris, les déposa en forme de sédimens; elle putnourrir les animaux à coquille ; elle ramassa leurs dépouilles , produisit les pierres calcaires , en forma des collines et des montagnes , qui, se desséchant ensuite, reçurent dans leurs fentes toutes les matières minérales qu elle pouvoit dissoudre ou charier. Pour établir une théorie générale sur la formation des minéraux, 1l faut donc com- inmencer par distinguer avec la plus grande attentiou , 1.° ceux qui ont été produits par le feu primitif de la terre , lorsqu'elle étoit encore brûlante de chaleur ; 2.° ceux qui ont été formés du détriment des premiers par le je PEN s: ant 1 1 RE SECONDE PARTIE 273 moyen de l’eau ; et 3.° ceux qui, dans les volcans ou dans d’autresincendies postérieurs au feu primitif , ont une seconde fois subi l'épreuve d’une violente chaleur. Ces trois objets sont très-distincts , et comprennent tout le règne minéral : en ne les perdant pas de vue, et y rapportant chaque substance minérale, on ne pourra guère se trompér sur son origine et même sur les degrés de sa for- mation. Toutes les, mines que l’on trouve en masses ou gros filons dans.nos hautes montagnes , doivent se rapporter à la subli- mation du feu primitif : toutes celles au con- traire que l’on trouve en petites ramifica- tions , en filets, en végétations , n’ont été formées que du détriment des premières , entraîné par la stillation des eaux. On le voit évidemment en comparant , par exemple À la matière des mines de fer de Suède avec celle de nos mines de fer en grains. Celles-ci sont l'ouvrage immédiat de l’eau, et nous les voyons se former sous nos yeux ; elles ne sont point attirables par l’aimant ; elles ne contiennent point de soufre, et ne se trou- vent que dispersées dans les terres: les autres sont toutes plus ou moins sulfureuses, toutes 274 MINÉRAUX. INTRODUCTION. attirables par laimant , ce qui seul Sp, qu’elles ont subi l’action du feu ; ellés sont | disposées en grandes masses diiék et solidés; leur substance est mêlée d’une grande quantité | d’asbeste , autre indice de l’action du feu. Il en est de mème des autres métaux: leur ancien fonds vient du feu, et toutes leurs grandes masses ont été réunies par son action; mais toutes leurs crystallisations , végétations , granulations , etc. sont dues à des causes | secondaires où l'eau a la plus grande part. Je borne ici mes reflexions sur la conversion des élémens, parce que ce seroit anticiper sur celles qu'exige en particulier chaque subs- tance minérale , et qu’elles seront mieux pla- cées dans les articles de l’histoire naturelle des minéraux. DAME NT ON. S SUR LA LOIDE L’ATTRACTION. | L: mouvement des planètes dans leurs or- bites est un mouvement composé de deux forces : la première est une force de projec- tion , dont l'effet s’exerceroit dans la tangente de l'orbite, si l'effet continu de la seconde cessoit un instant: cette seconde force tend vers le Soleil, et, par son effet, précipiteroit les planètes vers le Soleil, si la première force venoit à son tour à cesser un seul ins- tant. La première de ces forces peut être regar- dée comme une impulsion dout l'effet est uniforme et constant, et qui a été commu niquée aux planètes dès la formation du sys- tème planétaire. La seconde peut être consi- dérée comme une attraction vers le Soleil, et se doit mesurer comme toutes les qualités qui partent d'un centre, par la raison in- verse du quarré de la distance, comme en 2%6 MINÉRAUX. INTRODUCTION, effet on mesure les quantités de lumière, | d’odeur , etc. et toutes les autres quantités - ou qualités qui se propagent en ligne droite ' et se rapportent à un centre. Or il est cer— tain que l'attraction se propage en ligne droite , puisqu'il n’y a rien de plus droit qu'un fil à plomb, et que, tombant perpen- diculairement à la surface de la Terre ‘il tend directement au centre dé la: force, et ne s'éloigne que très-peu de la direction du rayon au centre. Donc on peut dire que la . loi de lattraction doit être la raison inverse du quärré de la distance, uniquement parce qu’elle part d’un centre, ou qu'elle y sal ce qui revient au méme. Mais comme ce raisonnement prélimi- naire, quelque bien fondé que je le croie, pourroit être contredit par les gens qui font peu de cas de la force des analogies, et qui ne sont accoutumés à se rendre qu’à des démons- trations mathématiques, Newton a cru qu'il valoit beaucoup mieux établir la loi de l’at- traction par les phénomènes mêmes que par toute autre voie; et il a en effet démon- tré géométriquement que si plusieurs corps se meuvent dans des cercles concentriques ; SECONDE PARTIE 277 et que les quarrés des temps de leurs révolu- tions soient comme les cubes de leurs dis- tances à leur centre commun:,:les forces. centripètes de ces corps sont réciproquement: comme les quarrés des distances, et que si les: corps se meuvent dans des orbites peu diffe- rentes d’un cercle, ces forces sont aussi reéci- proquement comme les quarrés des distances, pourvu que les apsides de ces orbites soient immobiles. Ainsi les forces par lesquelles les planètes tendent aux centres ou aux foyers de leurs orbites , suivent en effet la loi du quarré de la distance; et la gravitation étant géuérale et universelle, la loi de cette gravitation est constamment celle de la rai— son inverse du quarré de la distance; et je ne crois pas que personne doute de la loi de Kepler , et qu’on puisse nier que cela ne soit ainsi pour Mercure, pour Venus, pour la Terre, pour Mars, pour Jupiter et pour Sa- turne, sur-tout en les considérant à part, et comme ne pouvant se troubler les uns les autres, et en ne faisant attention qu’à leur mouvement autour du Soleil. ; Toutes les fois donc qu’on ne considérera qu'une planète ou qu'un satellite, se mou 24 PAU} PE ET et tue js Ni 278 MINERAUX. INTRODUCTION; vant dans son orbite autour du Soleil où * d’une autre planète , ou qu'on n'aura is R deux corps .tous deux en mouveient , dont l'un est en repos et l’autre en pi te ment, on pourra assurer que la loi de V’at- traction suit exactement Ja raison inverse du _quarré de la distance, puisque, par toutes les observations, la loi de Kepler se trouve vraie, tant pour les planètes principales, que pour les satellites de Jupiter et de Sa turne. Cependant on pourroit dès ici faire une objection tirée des mouvemens de la Lune , qui sont irréguliers au point que M. Halley l'appelle sidus contumax, et prin- cipalement du mouvement de ses apsides,, qui ne sont pas immobiles, comme le de- mande la supposition géometrique sur la- quelle est fonde le résultat qu’on a trouvé de la raison inverse du quarré de la distance pour la mesure de la force d'attraction dans les planètes. À cela il y a plusieurs manières de ré- poudre. D'abord on pourroit dire que la loi s’observant généralement dans toutes les au- tres planètes avec exactitude, un seul phé- nomène où cette même exactitude ne se SECONDE PARTIE. 279 trouve pas, ne doit pas détruire cette loi; on _ peut le regarder comme une exception dont on doit chercher la raison particulière. En second lieu, on pourroit répondre, comme l'a fait M. Cotes, que quand même on accor- deroit que la loi d'attraction n’est pas exac- tement dans ce cas en raison inverse du quarré de la distance, et que cette raison est un peu plus grande, cette différence peut s'estimer par le calcul , et qu’on trouvera qu elle est presque insensible, puisque la rai- son de la force centripète de la Lune, qui de toutes est celle qui doit être la plus troublée, approche soixante fois plus près de la raison du quarre que de la raison du cube de la dis- tance. Responderti potest, eliamsi conceda- mus hkunc motum tardissimun exinde pro- Jfectum qudd vis centripetæ proportio aberret aliquantulüm à duplicata, aberrationem il- lam per computum mathematicum inveniri posse, et planè insensibilem esse : ista enim ratio vis centripetæ Lunaris, quæ omnium maximéè turbari debet, paululim quidem duplicatam superabit ; ad hanc verd sexa- ginta ferè vicibus propits accedet quàäm ad _#riplicatam. Sed verior erit responsio , etc. à EMA ns 230 MINÉRAUX. INTRODUCTION, (Editoris præf. in edit. 24" Newton. auctore Roger Cotes.) jy Et en troisième lieu , on doit répondre plis positivement que ce mouvement des apsides ne vient point-de ce que la loi d'attraction est un peu plus grande que dans la raison inverse du quarré de la distance, mais de ce qu'en effet le Soleil agit sur la Lune par une force d'attraction qui doit troubler son mou- vement et produire celui des apsides, et que par conséquent cela seul pourroit bien être la cause qui empêche la Lune de suivre exac- tement la règle de Kepler. Newton a calculé, dans cette vue, les effets de cette force per- turbatrice, et il a tiré de sa théorie les équa- tions et les autres mouvemens de la Lune avec une telle précision , qu'ils répondent très-exactement , et à quelques secondes près, aux observations faites par les meilleurs as— tronomes : mais, pour ne parler que du mou- vement des apsides, il fait sentir, dès la XLVme proposition du premier livre, que la progression de l’apogée de la Lune vient de l'action du Soleil ; en sorte que jusqu'ici tout s’accorde, et sa théorie se trouve aussi vraie et aussi exacte dans tous les cas les plus F. 4 SECONDE PARTIE. 28r compliqués, comme dans ceux qui le sont le ‘moins. ù ' Cependant un de nos grands géomètres* a prétendu que la quantité absolue du mou- vement de l'apogée ne pouvoit pas se tirer de la théorie de la gravitation, telle qu’elle est établie par Newton, parce qu'en em- ployant les lois de cette théorie, on trouve que ce mouvement ne devroit s'achever qu’en dix-huit ans, au lieu qu’il s’achève en neuf ans. Malgré l'autorité de cet habile mathé- maticien, et les raisons qu’il a données pour soutenir son opinion, j ai toujours été con- vaincu, comme je le suis encore aujourd’hui, que la théorie de Newton s'accorde avec les observations : je n’entreprendrai pas ici de faire l'examen qui seroit nécessaire pour prouver qu’il n’est pas tombé dans l’erreur qu'on lui reproche; je trouve qu’il est plus court d'assurer la loi de Flattraction telle qu'elle est, et de faire voir que la loi que M. Clairaut a voulu substituer à celle de Newton, n’est qu’une supposition qui im- plique contradiction. # M. Clairaut. 24 Eve A A A no A # | ds AUTRE MR PEN SA VER } 382 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Car admetions pour un instant ce que M. Clairaut prétend avoir démontré, que, par la théorie de l'attraction mutuelle , le mouvement des apsides devroit se faire en dix-huit ans, au lieu de se faire en neuf ans, et souvenons-nous en même temps qu'à l’ex- ception de ce phénomène, tous les autres, quelque compliqués qu’ils soient, s’accordent dans cette même théorie très-exactement avec les observations : à en juger d’abord par les probabilités , cette théorie doit subsister , puisqu'il y a un nombre très-considérable de choses où elle s’accorde parfaitement avec la nature; qu'il n’y a qu’un seul cas où elle en diffère, et qu’il est fort aisé de se tromper dans l’énumération des causes d’un seul phé- nomène particulier. Il me paroît donc que la première idée qui doit se présenter, est qu'il faut chercher la raison particulière de ce phé- nomène singulier ; et il me semble qu’on pourroit en imaginer quelqu'une : par exem- ple, si la force magnétique de la Terre pou-— voit, comme le dit Newtou, entrer dans le calcul, on trouveroit peut-être qu’elle influe sur le mouvement de la Lune,, et qu’elle pourroit produire cette accélération dans le ti SECONDE PARTIE. 263 mouvement de l'apogée; et c’est dans ce cas où en effet il faudroit employer deux termes pour exprimer la mesure des forces qui pro- duisent le mouvement de la Lune. Le pre- mier terme de l'expression seroit toujours celui de la loi de l'attraction universelle , - c’est-à-dire , la raison inverse et exacte du quarré de la distance , et le second terme représenteroit la mesure de la force magné- tique. Cette supposition est sans doute mieux fondée que celle de M. Clairaut, qui me pa- roit beaucoup plus hypothétique, et sujette d’ailleurs à des difficultés inviucibles. Expri- mer la loi d'attraction par deux ou plusieurs termes, ajouter à la raison inverse du quarré de la distance une fraction du quarré-quarré, au lieu de — mettre —— + ct) me paroit n'être autre chose que d'ajuster une expres= ‘sion de telle façon qu'elle corresponde à tous les cas. Ce n’est plus une loi physique que cette expression représente; car, en se per- mettant une fois de mettre un second, un troisième, un quatrrème terme, etc. on pour- roit trouver une expression qui, dans toutes les loistd’attraction , représenteroit les cas “ 284 MINÉRAUX. INTRODUCTION, dont il s’agit, en l’ajustant en même temps aux mouvemens de l’apogée dela Lune etaux autres phénomènes; et par conséquent cette supposition , si elle étoit admise, non seule ment anéantiroit la loi de l'attraction en rai- son inverse du quarré de la distance, mais même donneroit entrée à toutes les lois pos- sibles et imaginables. Une loi en physique n’est loi que parce que sa mesure est simple, et que l’échelle qui la représente est non seu- lement toujours la même, mais encore qu’elle est unique, et qu’elle ne peut être représen- tée par une autre échelle; or, toutes les fois que l’échelle d’une loi ne sera pas représentée par un seul terme, cette simplicité et cette unité d'échelle, qui fait l’essence de la loi, ne subsiste plus, et par conséquent il n’y a plus aucune loi physique. Comme ce dernier raisonnement pourroit paroître n'être que de la métaphysique, et qu'il y a peu de gens qui la sachent appré- cier, je vais tâcher de le rendre sensible en m'expliquant davantage. Je dis donc que toutes les fois qu'on voudra établir une loi sur l'augmentation ou la diminution d’une qualité ou d’une quantité physique, on est SECONDE PARTIE. 285 strictement assujetti à n’employer qu'un ‘terme pour exprimer cette loi : ce terme est la représentation de la mesure qui doit va- rier, comme en effet la quantité à mesurer varie; eu sorte que si la quantité, n'étant d’abord qu’un pouce , devient ensuite um pied, une aune, une toise, une lieue, etc. le terme qui l’exprime devient successive— ment toutes ces choses, ou plutôt les repré- sente dans le même ordre de grandeur ; et il en est de même de toutes les autres raisons dans lesquelles une quantité peut varier. De quelque façon que nous puissions donc supposer qu'une qualité physique puisse va- rier, comme cette qualité est une, sa varia= tion sera simple et toujours exprimable par un seul terme, qui en sera la mesure; et, dès qu’on voudra employer deux termes, on détruira l’unité de la qualité physique, parce que ces deux termes représenteront deux va- riations différentes dans la même qualité, c'est-à-dire, deux qualités au lieu d’une. Deux termes sont en effet deux mesures, toutes deux variables et inégalement varia- bles; et dés lors elles ne peuvent être appli- quées à un sujet simple, à une seule qualité ; / 286 MINÉRAUX. INTRODUCTION, et si on admet deux termes pour représentèr l'effet de la force centrale d’un astre, il est nécessaire d’avouer qu’au lieu d’une force il y en a deux, dont l’une sera relative au premier terme, et l’autre relative au second térme : d’où l’on voit évidemment qu’il faut, dans le cas présent , que M. Clairaut admette nécessairement une autre force differente de l'attraction, s’il emploie deux termes pour représenter l'effet total de la force centrale d'une planète. Je ne sais pas comment on peut imaginer qu’une loi physique, telle qu'est celle de l'attraction, puisse être exprimée par deux termes par rapport aux distances; car s'il y avoit, par exemple , une masse # dont la ertu attractive fût exprimée par “<< + À, vertu attractiv P par pes n’en résulteroit-il pas le mème effet que si cette masse éloit composée de deux matières différentes, comme, par exemple, de: HW, dont la loi d’attraction fût exprimée par ““", , . 2b et de : M, dont l'attraction fût + ? cela me paroit absurde. Mais, indépendamment de ces impossibi- lités qu'implique la supposition de M. Clai- SECONDE PARTIE 287 raut, qui détruit aussi l’unité de loi sur laquelle est fondée la vérité et la belle sim plicité du système du monde, cette suppo- sition souffre bien d’autres difficultés que M. Clairaut devoit, ce me semble, se propo- ser avant que de l’admettre, et commencer au moins par examiner d'abord toutes Les causes particulières qui pourroient produire le même effet. Je sens que si j’eusse resolu, comme M. Clairaut, le problème des trois corps, et que j eusse trouve que la théorie de la gravitation ne donne en effet que la moitié du mouvement de l’apogée, je n’en aurois pas tiré la conclusion qu’il en tire contre la loi de l'attraction; aussi est-ce cette _ conclusion que je contredis, et à laquelle je ne crois pas qu'on soit obligé de souscrire, quand même M. Clairaut auroit pu demon- trer l'insuffisance de toutes les autres causes particulières. Newton dit (pag. 547, t. IIT) : Zz his com- putationibus attractionem magneticam Terræ non consideravi, cujus itaque quantitas per- parva est et ignoratur; si quando verd kæc atiractio investigari poterit, et mensura gra- duum in meridiano, ac longitudines pendu- AC) Je) an Res 288 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | lorum isochronorum in diversis parallelis , legesque motuuim maris et parallaxis Luncæ cum diametris appürentibus Solis et Lunæ ex phœænomenis accuratis detérminatæ fue- zint, licebit calculum hunc omnem accura- zius repetere. Ce passage ne prouve-t-il pas bien clairement que Newton n'a pas pre- tendu avoir fait l’'énumération de toutes les. causes particulières, et n ’indique-t-il pas en effet que, si on trouve quelques différences avec sa théorie et les observations, cela peut venir de la force magnétique de la Terre ; ou de quelque autre cause secondaire? et par conséquent, si le mouvement des apsides ne s'accorde pas aussi exactement avec sa théorie que le reste, faudra-t-1il pour cela ruiner sa théorie par le fondement, en changeant la loi générale de la gravitation ? ou plutôt ne fau- dra-t-il pas attribuer à d’autres causes cette différence, qui ne se trouve que dans ce seul phénomène ? M. Clairaut a proposé une dif- ficulté contre le système de Newton; mais ce n’est tout au plus qu’une difficulté qui ne doit ni ne peut devenir un principe : il faut, chercher à la résoudre, et non pas en faire une théorie dont toutes les conséquences ne. SECONDE PARTIE. 289 sont appuyées que sur un calcul; car, comme je l'ai dit, on peut tout représenter avec un calcul, et on ne réalise rien; et si on se per- F4 met de mettre un ou plusieurs termes à la suite de l'expression d’une loi physique, comme l’est celle de l’attraction , on ne nous donne plus que de l'arbitraire , au lieu de nous représenter la realite. Au reste, il me suffit d’avoir établi les raisons qui me font rejeter la supposition de M. Clairaut; celles que j'ai de croire que, bien loin qu'il ait pu donner atteinte à la loi de l'attraction et renverser l’astronomie physique, elle me paroît, au contraire, de- meurer dans toute sa vigueur, et avoir des forces pour aller encore bien loin; et cela, sans que je prétende avoir dit, à beaucoup près, tout ce qu'on peut dire sur cette ma- tière, à laquelle je desirerois q&'on donnût, sans prévention, toute l'attention qu'il faut pour la bien juger. A DDITIO N. JE me suis borné à démontrer que la loi de l’attraction , par rapport à la distance, ne peut être exprimée que par un terme, © Mat, gén. IV. 25 # j ° : MAL 2 | pa PRE LR CES 299 MINÉRAUX, INTRODUCTION, non pas deux ou plusieurs termes ; que par conséquent l’expression que M. Clairaut a voulu substituer à la loi du quarré des dis- tances, n'est qu'une supposition qui ren- ferme une contradiction ; c’est-là le seul point auquel je me suis attaché : mais, comme il paroit, par sa réponse, qu’il ne m'a pas assez entendu, je vais tâcher de rendre mes raisons plus intelligibles en les traduisant en calcul ; ce sera la seule réplique que je ferai à sa réponse. La loi de l'attraction, par rapport à la dis- tance, ne peut pas é!fe exprimée par deux termes. | PREMIÈRE DÉMONSTRATION:: 2 I 1 , SuPPOSONS que—— + —— représente x2 xA | l'effet de cette force par rapport à la distance æ;ou, ce qui revient au même, supposons I 1 . , que — + 37 » qui représente la force ac- célératrice , soit égale à une quantité donnée A pour une certaine distance : en resolvant cette équation, la racine x sera ow ima- SECONDE PARTIE. 29€ ginmaire , ou bien elle aura deux valeurs différentes : donc, à différentes distances , l'attraction seroit la même, ce qui est ab- surde; donc la loi de l'attraction, par rap- port à la distance, ne peut pas être expri- mée par deux termes. Ce qu’il falloit dé- Inonéirer. DEUXIÈME DÉMONSTRATION. A . I À I = La même expression —— + ——, si x x2 = XA . Dot eh Mb Ur APM devient trés-grand, pourra se réduire à ——? et si x devient très-petit, elle se réduira à - : » l’ex- . I I ÿ de sorte que Si Si + — — 6 —— XA x2 posant z doit être un nombre compris entre 2 et 4; cependant ce mème exposant Z doit nécessairement renfermer x, puisque la quantité d'attraction doit, de façon ou d’au- tre, être mesurée par la distance : cette ex- pression prendra donc ‘alors une forme I I I I comme —— + = pm À ==" OÙ res donc BEUE— « xA FTLAE xtr une quantité, qui doit être nécessairement uu nombre compris entre 2 et 4, pourroit cependant devenir infinie, ce qui estabsurde ; 292 MINÉRAUX. INTRODUCTION , donc l'attraction ne peut pas être exprimée par deux termes. Ce qu’il falloit démontrer. On voit que les demonstrations seroient les mêmes contre toutes les expressions possibles qui seroient composées de plusieurs termes : donc la loi d'attraction ne peut être Es CE que par un seul terme. SECONDE ADDITION. Jr ne voulois rien ajouter à ce que j’ai dit au sujet de la loi de l’attraction, ni faire au- cune réponse au nouvel écrit de M. Clairaut : mais comme je crois qu'il est utile pour les sciences d'établir d’une manière certaine la proposition que j'ai avancée, savoir, que la loi de l'attraction, et même toute autre loi physique , ne peut jamais être exprimée que par un seul terme, et qu’une nouvelle vérite de cette espèce peut prévenir un grand nombre d'erreurs et de fausses applications dans les sciences physico-mathématiques , j'ai cherché plusieurs moyens de la démon- tirer. | On a vu, dans mon mémoire, les raisons métaphysiques par lesquelles j’établis que la mesure d’une qualité physique et générale PR SECONDE PARTIE. 203 dans la nature est toujours simple ; que Îa loi qui représente cette mesure, ne peut donc jamais être composée ; qu’elle n’est réelle- ment que l'expression de l’effet simple d’une qualité simple; que l’on ne peut donc expri- mer cette loi par deux termes, parce qu’une qualité qui est une, ne peut jamais avoir deux mesures. Ensuite, dans l'addition à ce Mémoire, jai prouvé démonstrativement cette même vérité par la réduction à l’ab- surde et par le calcul : ma démonstration est vraie; car il est certain en général que si l’on exprime la loi de l'attraction par une fonction de la distance, et que cette fonction soit composée de deux ou plusieurs termes, I I I comme —— 5 7 “A ——, etc. et que l’on ZT XT égale cette fonction à une quantité constante A pour une certaine distance; il est certain, dis-je, qu’en résolvant cette équation, la ra- cine x aura des valeurs imaginaires dans tous les cas, et aussi des valeurs réelles, dif- férentes dans presque tous les cas, et que ce n'est que dans quelques cas, comme dans I nu I celui de — x2 &s XA racines réelles égales , dont l’une sera posi- | de — À, où il y aura deux UT VOTE MP OU 2 ‘a 1 1 MAÉ 3 Ç A \] : 294 MINÉRAUX. INTRODUCTION, tive et l’autre négative. Cette exception par+ ticulière ne détruit donc pas la vérité de ma demonstration , qui est pour une fonction quelconque ; car si en général l’expression de AP ë I ; la loi d'attraction est — + 7 Le l'expo sant z ne peut pas être négatif et plus grand que 2, puisqu alors la pesanteur deviendroit infinie dans le point de contact : l’exposant z est donc nécessairement positif, et le coefh- cient 2 doit ètre négatif pour faire avancer l'apogée de la Lune; par conséquent le cas articulier — Eee" eut jamais re iculier — re = P sn à Le P ] présenter la loi de la pesanteur; et si on se permet une fois d'exprimer cette loi par une fonction de deux termes, pourquoi le second de ces termes seroit-il nécessairement positif? Il ya, comme l’on voit, beaucoup de raisons pour que cela ne soit pas, et aucune raison pour que cela soit. Dès le temps que M. Clairaut proposa, pour la première fois, de changer la loi de l'attraction et d’y ajouter un terme, j'avois senti l’absurdité qui résultoit de cette sup- position , et j'avois fait mes efforts pour la faire sentir aux autres : mais jai depuis SECONDE PARTIE. 295 trouvé une nouvelle manière de la démon- trer, qui ne laissera, à ce que j'espère, au- cun doute sur ce sujet important. Voici mon raisonnement , que j'ai abrégé autant qu'il m'a été possible. Si la loi de l’attraction , eu telle autre loi physique que l’on voudra, pouvoit être exprimée par deux ou plusieurs termes, le LI LA ï premier terme etant, par exemple rm xx 1l seroit nécessaire que le second terme eût un coefficient indéterminé, et qu'il fût, par exemple, ; et de même, si cette loi étoil exprimée par trois termes, il y auroit deux coefficiens indeterminés , l’un au se- cond , et l’autre au troisième terme , etc. Dès lors cette loi d'attraction, qui seroit I . ’ I exprimée par deux termes —— , Ten- Im X4 fermeroit donc une quantité 72 qui entre- roit nécessairement dans la mesure de la force. Or, je demande ce que c’est que ce coeffi- cient 727 :1l est clair qu’il ne dépend ni de la masse, ni de la distance; que ni l’une ni l’autre ne peuvent jamais donner sa 296 MINÉRAUX. INTRODUCTION, valeur : comment peut-on donc supposer qu'il y ait en effet une telle quantité phy- sique? existe-t-il dans la nature un coeffi- cient comme un 4, un 5, un 6, etc. ? et n'y a-t-il pas de l’absurdité à supposer qu'un nombre puisse exister réellement , ou qu'un coefficient puisse être une qualité essentielle à la matière? Il faudroit pour cela qu'il y eût dans la nature des phéno- mènes purement numériques, et du même genre que ce coefficient 72; sans cela, il est impossible d'en déterminer la valeur , puis- qu'une quantité quelconque ne peut jamais être mesurée que par une autre quantité de même genre. Il faut donc que M. Clai- xaut commence par nous prouver que les nombres sont des êtres réels actuellement existans dans la nature, ou que les coeffi- ciens sont des qualités physiques, s’il veut que nous convenions avec lui que la loi d'attraction , ou toute autre loi physique, puisse être exprimée de deux où plusieurs termes. Si l’on veut une démonstration plus par- ticulière, je crois qu’on peut en donner une qui sera à la portée de tout le monde; c’est ) { ( \ SECONDE PARTIE. 297 que la loi de la raison inverse du quarré de la distance convient également à une sphère et à toutes les particules de matière dont cette sphère est composée. Le globe de la Terre exerce son attraction dans la raison inverse du quarré de la distance; et toutes les particules de matière dont ce globe est composé exercent aussi leur attraction dans cétte même raison, comme Newton l’a dé- montre : mais si l’on exprime cette loi de l'attraction d'une sphère par deux termes, la loi de l’attraction des particules qui com- posent cette sphère ne sera point la même que celle de la sphère; par conséquent cette loi, composée de deux termes, ne sera pas générale, ou plutôt ne sera jamais la loi de la nature. | Les raisons métaphysiques, mathématiques et physiques, s'accordent donc toutes à prou- ver que la loi de l'attraction ne peut être exprimée que par un seul terme, et jamais par deux ou plusieurs termes; c’est la pro- position que j'ai ayancée, et que j'avois à démontrer. | a 4 73 INTRODUCTION À L'HISTOIRE DES MINÉRAUX. PARTIE EXPÉRIMENTALE. D EPUIS vingt-cinq ans que j'ai jeté sur le papier mes idées sur la théorie de la Terre, et sur la nature des matières minérales dont le globe est principalement compose, j'ai eu la satisfaction de voir cette théorie confirmée par le témoignage unanime des navigateurs, et par de nouvelles observations que j'ai eu soin de recueillir. Il m'est aussi venu, dans ce long espace de temps, quelques pensées neuves dont j'ai cherché à constater la va- leur et la réalité par des expériences : de nouveaux faits acquis par ces expériences ; 1 = MINÉRAUX. INTRODUCTION. 299 des rapports plus ou moins éloignés, tirés de ces mêmes faits ; des rétlexions en consé- quence; le tout lié à mon système général, et dirige par une vue constante vers les grands objets de la nature ; voilà ce que je crois de- voir présenter aujourd'hui à mes lecteurs, sur-tout à ceux qui, m'ayant honoré de leur suffrage, aiment assez l’histoire naturelle pour chercher avec moi les moyens de l’é- tendre et de l’approfondir. Je commencerai par la partie expérimen- tale de mon travail, parce que c’est sur les résultats de mes expériences que j'ai fondé tous mes raisonnemens , et que les idées même les plus conjecturales, et qui pour- roient paroitre trop hasardées, ne laissent pas d'y tenir par des rapports qui seront plus ou moins sensibles à des yeux plus ou moins attentifs, plus ou moins exercés, mais qui n'échapperont pas à l'esprit de ceux qui savent évaluer la force des inductions, et apprécier la valeur des analogies, PREMIER MÉMOIRE. Expériences sur le progrès de lachaleur dans Les corps. « À fait faire dix boulets de fer forge et battu : M pouces. Le premier d’un demi-pouce de diamètre. ra =. Le second d’un pouce 4... 844,4 eg Le troisième d'un pouce et demi . . . .. r 4 Le quatrième de deux pouces . . : . ,,. ‘2 Le cinquième de deux pouces et demi .. 2 & Le sixième de trois pouces. . .,,.,....: 3, Le septi-me de trois pouces et demi. ... 3 2 Le huitieme de quatre pouces. . . . . 4. : 14 Le neuvième de quatre pouces et demi. . 4 à x Le dixième de cinq pouces #14. Ce fer venoit de la forge de Chameçon, près Châtillon-sur-Seine; et comme tous les boulets ont été faits du fer de cette même forge, leurs poids se sont trouvés à très-peu près proportionnels aux volumes. SES MINÉRAUX. INTRODUCTION. 3or Le boulet d’un demi-pouce pesoit rgo grains, ou 2 gros 46 grains. Le boulet d’un pouce pesoit 1522 grains, ou 2 onces 5 gros 10 grains. I Le boulet d’un pouce £ pesoit 5136 grains , 2 ou 8 OnCEs 7 gros 24 grains. Le boulet de 2 pouces pesoit 12r73 grains, ou 1 livre 5 onces 1 gros E'orains. Le boulet de 2 pouces + pesoit 2378r grains, où 2 livres g onces 2 gros 2r grains. Le boulet de 3 pouces pesoit 41085 orains, ou 4 livres 7 onces 2 gros 45 grains. Le boulet de 3 pouces + pesoit 65254 grains, ou 7 livres r once 2 gros 22 grains. Le boulet de 4 pouces pesoit 97388 grams, ou 10 livres ÿ onces 44 grains, I Le boulet de 4 pouces + pesoit 138179 grains, ou 14 livres 15 onces 7 gros 11 grains. Le boulet de 5 pouces pesoit rgo2rr grains, ou 20 livres ro onces 1 gros 54 grains. Tous ces poids ont été pris juste avec de très-bonnes -balances, en faisant limer peu à peu ceux des boulets qui se sont trouvés un peu trop forts. 26 OL AOMENTES Fr « 4 302 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | Avant de rapporter les expériences, j'ob- serveral:. Ÿ 1°. Que, pendant tout le temps qu’on. les a faites , le thermomètre, exposé à l'air libre, étoit à la congélation ou à quelques degrés au-dessous *; mais qu'on a laissé refroidir les boulets dans une cave où le thermomètre étoit à peu près à dix degrés au-dessus de la congélation, c'est-à-dire au degré de la tem- pérature des caves de l'Observatoire ; et c’est ce degré que je prends ici pour celui de la température actuelle de la Terre. 20, J'ai cherché à saisir deux instans dans le refroidissement : le premier où les boulets cessoient, de brûler, c’est-à-dire, le moment .où on pouvoit les toucher et les tenir avec la main pendant une seconde , sans se brûler; le second temps de ce refroidissement étoit celui où les boulets se sont trouvés refroidis jusqu'au point de la température actuelle, c’est-à-dire, à dix degrés au-dessus de la con- gélation. Et pour connoitre le moment de ce refroidissement jusqu'à la temperature ac tuelle, on s’est servi d’autres boulets de coir- * Division de Réaumur. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 303 paraison de même matière et de mêmes dia mètres, qui n’avoient pas été chauffés , et que l’on touchoit en même temps que ceux qui avoient ëêté chauffes. Par cet attouchement immédiat et simultané de la main ou des deux mains sur les deux boulets, on pouvoit juger assez bien du moment où ces boulets étoient également froids : cette manière simple est non seulement plus aisée que le thermomètre, qu'il eût été difficile d’appli- quer ici, mais elle est encore plus précise, parce qu'il ne s’agit que de juger de l'égalité et non pas de la proportion de la chaleur, et que nos sens sont meilleurs juges que les instrumens de tout ce qui est absolument égal ou parfaitement semblable. Au reste, il est plus aisé de reconnoiître l’instant où les boulets cessent de brûler, que celui où ils se sont refroidis à la température actuelle, parce qu une sensation vive est toujours plus pré- cise qu une sensation tempérée, attendu que la première nous affecte d’une manière plus forte. 5°. Comme le plus ou le moins de poli ou de brut sur le même corps fait beaucoup à la sensation du toucher, et qu’un corps poli | ! 304 MINÉRAUX. INTRODUCTION, semble être plus froid s'il est froid, et plus chaud s’il est chaud, qu’un corps brut de même matière, quoiqu'ils le soient tous deux également, j'ai eu soin que les boulets froids fussent bruts et semblables à ceux quiavoient été chauffés, dont la surface étoit semée de petites éminences produites par l’action du feu. EXPÉRTENCESUUE I LE boulet d’un demi-pouce a été chauffé à blane en 2 minutes. | Il s’est refroidi au point de le tenir dans la main en 12 minutes. Refroïdi au point de la température actuelle en 39 minutes. I L. LE boulet d’un pouce a été chauffé à blanc en 5 minutes +. T1 s’est refroidi au point de le tenir dans la main en 35 minutes ?. Refroïdi au point de la température actuelle en 1 heure 33 minutes. | TITI. LE boulet d’un pouce et demi a été chauffé à blanc en 9 minutes, PARTIE EXPÉRIMENTALE. 5305 I] s’est refroïdi au point de le tenir dans la main en E8 minutes. —Refroidi au point de la température actuelle en 2 heures 25 minutes. I V. LE boulet de 2 pouces a été chauffé à blanc en 13 minutes. I] s'est refroidi au point de le tenir dans la main en x heure 20 minutes. Refroïidi au point de la température actuelle en 3 heures r6 minutes. | V. LE boulet de 2 pouces et demi a été chauffé à blanc en r6 minutes. I] s'est refroidi au point de le tenir dans la mainen 1 heure 42 minutes. Refroidi au point de la température actuelle en 4 heures 30 minutes. \'En 1 LE boulet de 3 pouces a été chauffé à blanc en 19 minutes à. T1 s’est refroidi au point de le tenir dans la mainen 2 beures 7 minutes. Refroïdi au point de la température actuelle en 5 heures 8 minutes. VrE LE boulet de 3 pouces et demi a été chauffé à blanc en 23 minutes ?, 26 306 MINÉRAUX. INTRODUCTION, I] s’est refroidi au point de le tenir dans lamainen 2 heures 36 minutes. do AA Refroidi au point de la température actuelle en 5 heures 56 minues. VIIL LE boulet de 4 pouces a été chauffé à blanc en 27 minutes + Lu I] s’est re‘roidi au point de le tenir Aude ‘la main en 3 heures 2 minutes. Refroidi au pcint de la température actuelle en 6 heures 55 minutes. | TX LE boulet de 4 pouces et demi a été chauffé à blanc en 3r minutes. | I] s’est refroidi au point de le tenir dans la main en 3 heures 25 minutes. Refroïidi au point de la température actuelle en 7 heures 46 minutes, X. LE boulet de b pouces a été chauffé à blanc en 34 minutes. | Il s’est refroidi au point de le tenir dans la main en 5 beures 52 minutes. Refroïdi au point de la température’ actuelle en & heures 42 minutes. La différence la plus constante que l'or. puisse prendre entre chacun des termes qui K. (i * ne ee — me PARTIE EXPÉRIMENTALE. 307 expriment le temps du refroidissement, de- puis l'instant où l’on tire les boulets du feu, jusqu'à celui où on peut les toucher sans $e brûler, se trouve être de vingt-quatre mi- nutes; car, en supposant chaque terme aug- mente de vingt-quatre, on aura 12/, 36/, 60’, 84/, 108/, 1392/, 156/, 180/, 204/, 298/. Et la suite des temps réels de ces reïroi- dissemens, trouvés par les expériences précé- dentes, est 12/, 35/ =, 58/, 8o/, 102/, 197/, 156”, 182/, 205/, 232/; ce qui approche de la première autant que l'expérience peut appro- cher du calcul. De même la différence la plus constante que l’on puisse prendre entre chacun des termes du refroidissement jusqu’à la tempé- rature actuelle, se trouve être de 54 minutes; car, en supposant chaque terme augmenté de 54, on aura 39/, 93/, 147/, 201/, 255/, 300), 363/, 417/, 471/, 525/. Et la suite des temps réels de ce refroi- dissement , trouvés par les expériences pré- cédentes , est 39/, 93’, 145/, 106/, 2487, 308/, 356/, 415/, 466/, 522/; ce qui approche aussi beaucoup de la première suite sup- posée. 303 MINÉRAUX. INTRODUCTION, J'ai fait une seconde et une troisième fois les mêmes expériencessurles mêmes boulets ; mais j'ai vu que je ne pouvois compter que sur les premières, parce que je me suis ap- perçu qu'à chaque fois qu’on chauffoit les boulets, 1ls perdoient considérablement de leur poids; car Le boulet d'un demi- pouce, apres avoir été chauffé trois fois, avoit perdu environ la dix-hui- tième partie de son poids. Le boulet d’un pouce, après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu environ la seizième partie de son poids. À Le boulet d’un pouce et demi, après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu la quinzième partie de son poids. Le boulet de deux pouces , après avoir été chaufté trois fois, avoit perdu à peu près la quatorzième partie de son poids. Le boulet de deux pouces et demi, après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu à peu près la trei- zième partie de son poids. Le boulet de trois pouces , après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu à peu près la treizième partie de son poids. Le boulet de trois pouces el demi, après avoir PARTIE EXPÉRIMENTALE. 3oy été chauffé trois fois, avoit perdu encore ün peu plus de la treizième partie de son poids. Le boulet de quaire pouces, après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu la douzième partie et demie de son liste 7 Le boulet de quatre pouces et demi, après avoir ÉLé chauñlé trois oïs, avoit perdu un peu plus de la douzième partie et denrie de son poids. Le boulet de cinq pouces, après avoir été chauffé trois fois, avoit perdu à tris-peu près la douzième partie de son poids ; car il pesoit, avant d’avoir été chauffé, vingt livres dix onces un gros cinquante-neuf grains * On voit que cette perte sur chacun des boulets est extrèmement considérable , et qu'elle paroiït aller en augmentant, à me- sure que les boulets sont plus gros; ce qui vient, à ceque je présume, deceque l’on est obligé d'appliquer le feu violent d'autant plus long-temps que les corps sont plus * Je n’ai pas eu occasion de faire les mêmes expériences sur des boulets de fonte de fer: mais M. de Monibeillard, lieutenant-colonel du régiment Roy al-Arullerie , m'a communiqué la note suivante qui y supplée parfaitement, On a pesé pAPIEUrE boulets, avant de les chauffer, qui se son! trouvés du poids de vingt-sept livres et plus, Après l'opération, 3ro MINÉRAUX. INTRODUCTION, grands : mais, en tout, cette perte de poids non seulement est occasionnée par le déta= chement des parties de la surface qui se ré- duisent en scories, et qui tombent dans le feu, mais encore par une espèce de dessé- chement ou de calcination intérieure qui di- minue la pesanteur des parties constituantes du fer; en sorte qu’il paroît que le feu vio- lent rend le fer spécifiquement plus léger à chaque fois qu’on le chauffe. Au reste, j'ai trouvé, par des expériences ultérieures, que cetle diminution de pesanteur varie beau- coup, selon la différente qualité du fer. Ayant donc fait faire six nouveaux boulets, depuis un demi-pouce jusqu'à trois pouces de diamètre, et du même poids que les pre- miers, j'ai trouvé les mêmes progressions tant pour l’entrée que pour la sortie de la chaleur, et je me suis assuré que le fer s’é- ils ont été réduits à vingt-quatre livres et un quart eu vingt-quatre livres et demie. On a vérifié sur une grande quantité de boulets, que plus on les a chauf- fés, et plus 1ls ont augmenté de volume et diminué de poids ; enfin sur quarante mille boulets chauffés et râpés pour les reduire au calibre des canons, on a perdu dix imille, c’est-à-dire un quart; en sorte qu'à tous égards cette pratique est mauvaise. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 3rr chauffe et se refroidit en effet comme je viens de l’exposer. Un passage de Newton a donné naissance: à ces experiences. Globus ferri candentis, digitum unum la- tus,calorem suum omnem spatio horæ unius, in aëre consistens , six amilteret. Globus autem major calorem diutius conservaret in ratione diametri, propterea quûd superficies (ad cujus ménsuram per contactun aëris amn- bientis refrigeratur) in illà ratione minor est pro quantitate materiæ suæ calidæ inclusæ; ideogue globus ferri candentis huic terræ æqualis, id est, pedes plus minus 40000000 latus , diebus totidem et idcirco annis 50000, vix refrigesceret. Suspicor tamen quod dura- tio caloris ob causas latentes augeatur in mi- nori ratione quam e@ diametri; et optarinz rationem veram per expertmenta investigart. Newton desiroit donc qu'on fit les expé- riences que je viens d'exposer; et je me suis détermine à les tenter, non seulement parce que j'en avois besoin pour des vues sém- blables aux siennes, mais encore parce que jai cru m'appercevoir que ce grand homme pouvoit s'être trompé en disant que la durée 3:2 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | de la chaleur devoitn'augmenter, par l'effet . A des causes cachées, qu’en #0indreraison qe celle du diamètre : il m'a paru au contraire, en y réfléchissant, que ces causes cachées ne pouvoient que rendre cette raison plus grande au lieu de la faire plus petite. IL est certain , comme dit Newton, qu'un globe plus grand conserveroit sa chaleur plus: long-temps qu'un plus petit, en raison du diamètre, si on supposoit ces globes compo- sés d’une. matière parfaitement permeable à la chaleur, en sorte que la sortie de la chaleur fût absolument libre, et que les particules ignées ne trouvassent aucun obstacle qui pût les arrêter ni changer le cours de leur direc- tion. Ce n’est que dans cette‘ supposition ma- thématique que la durée de la chaleur seroit en effet en raison du diamètre ; mais les. causes cachées dont parle Newton, et dont les principales sont Les obstacles qui résultent de la perméabilité non absolue, imparfaite et inégale de toute matière solide, au lieu dé diminuer le temps de la durée de la cha: leur , doivent au contraire l’augmenter. Cela 1 à a A ° r m'a paru si clair, même avant d'avoir tenté xues expériences, que je serois porté à croire, N PARTIE EXPÉRIMENTALE. 313 que Newton, qui voyoit clair aussi jusque dans les choses mêmes qu'il ne faisoit que soupçonner, n’est pas tombé dans cette er- reur , et que le mot 77:n07i rafione au licu de zzajori n'est qu'une faute de sa main ou de celle d’un copiste, qui s’est glissée dans toutes les éditions de son ouvrage , du moins dans toutes celles que j'ai pu consulter. Ma conjecture est d'autant mieux fondée, que Newton paroît dire ailleurs précisément le contraire de ce qu'il dit ici; c’est dans la onzième question de son Traité d’optique : « Les corps d’un grand volume, dit-il, ne « conservent-1ls pas plus long-temps (ce mot «plus long-temps ne peut signifier ici qu’ez « raison plus grande que celle du diamètre) « leur chaleur , parce que leurs parties s’é- « chauffent réciproquement ? et un corps « vaste, dense et fixe , étant une fois échaufflé « au-delà d’un certain degré , ne peut-il pas « jeter de la lumière en telle abondance, que « par l'émission et la réaction de sa lumière, « par les reflexions et les réfractions de ses « rayons au dedans de ses pores, 1l devienne « toujours plus chaud, jusqu’à ce qu’il par- « vienne à un certain degré de chaleur qui 27. _ 314 MINÉRAUX. INTRODUCTION, « égale la chaleur du soleil? et le soleil et les « étoiles fixes, ne sont-ce pas de vastes terres « violémment échauffées, dont la chaleur se « conserve par la grosseur de ces corps, et par « l’action et la réaction réciproques entre eux «et la lumière qu'ils jettent, leurs parties « étant d’ailleurs empêchées de s’evaporer « en fumée , non seulement par leur fixité, « mais encore par le vaste poids et la grande « densité des atmosphères, qui, pesant de « tous côtés, Les compriment tres-fortement, «et condensent les vapeurs et les exhalai- « sons qui s elèvent de ces corps-là ? » | Par ce passage, on voit que Newton non seulement est ici de ‘mon avis sur la durée de la chaleur , qu'il suppose en raison plus grande que celle du diamètre, mais encore qu'il rencherit beaucoup sur cette augmen- tation , eu disaut qu'un grand corps, par cela même qu'il est grand, peut augmenter sa chaleur. | Quoi qu’il en soit , l'expérience a pleine- ment conlirmeé ma pensee. La duree de la chaleur, ou, si l’on veut, le temps employé au refroidissement du fer, n’est pont en plus petite, mais en plus g'ande raison que PARTIE EXPÉRIMENTALE. 315 celle du diamètre; il n’y a, pour s’en assu— xer, qu'à comparer les progressions suivantes. DIAMÈTRES. 1,2, 3,4,5,6,7,8,9, 10 demi- pouces. Temps du premier réfroidissement, sup- poses en raison du diamètre : 12/, 24, 36/, 48! , 6o/, 72! , 84, 06/, 103/, 1207. Temps réels de ce refroidissement, trouvés par l'experience : 192/, 35/ +, 58/, 80/, 102’, 127/, 16/, 182/, 205’, 232/. Temps du second refroidissement, suppo- sés en raison du diamètre : 59/, 78/, 117/, 1567, 195, 9347, 2037, 322%, 31°. 3090". Temps réels de ce second refroidissement, trouves par l’experience : 39/, 93/, 145, 196/, 248/, 508/, 556/ , 415/, 466”, bao7. On voit, en comparant ces progressions terme a terme , que dans tous les cas la du- ree de la chaleur non seulement n’est pas eu raison plus petite que celle du diamètre (comme il est ecrit dans Newton ), mais qu'au contraire cette durée est en raison con- siderabiement plus grande. “ x PR: 316 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Le docteur Martine, qui a fait un bon ou 0 vrage sur les thermomètres , rapporte ce pas- sage de Newton, et il dit qu'il avoit com- mencé de faire quélques expériences qu'il se proposoit de pousser plus loin; qu'il croit que l'opinion de Newton est conforme à la vérité, et que les corpssemblables conservent en effet la chaleur dans la proportion de leurs diamètres ; mais que quant au doute que Newton forme, si, dans les grands corps, cette proportion n’est pas moindre que celle des diamètres, il ne le croit pas suffisamment fondé. Le docteur Martine avoit raison à cet égard; mais en même temps 1l avoit tort de croire, d'après Newton, que tous les corps semblables , solides ou fluides, conservent leur chaleur en raison de leurs diamètres. Il rapporte , à la vérité, des expériences faites avec de l’eau dans des vases de porcelaine, par lesquelles il trouve que les temps du refroidissement de l’eau sont presque propor- tionnels aux diamètres des vases qui la con- tiennent : mais nous venons dé voir que c’est par celte raison même que, dans les corps solides , la chose se passe différemment ; car l'eau doit ètre regardée comme une matière PARTIE EXPÉRIMENTALE: 317 presque entièremeut perméable à la chaleur, puisque c’est un fluide homogène , et qu’au- cune de ses parties ne peut faire obstacle à la circulation de la chaleur. Ainsi, quoique les expériences du docteur Martine donnent à peu près la raison du diamètre pour le re- froidissement de l’eau, on ne doit en rien conclure pour le refroidissement des corps solides. | | y Maintenant, si l’on vouloit chercher avec Newton combien il faudroit de temps à un globe gros comme la Terre pour se refroidir, on trouveroit , d’après les expériences précé- dentes , qu'au lieu de cinquante mille ans qu'il assigne pour le temps du refroidisse- ment de la Terre jusqu'à la température ac- tuelle, il faudroit déja quarante-deux mille neuf cent soixante-quatre ans et deux cent vingt-un jours pour la refroidir seulement jusqu’au point où elle cesseroit de brüler, et quatre-vingt-seize mille six cent soixante-dix ans et cent trente-deux jours pour la refroi- dir à la température actuelle. Car la suite des diamètres des globes étant 1, 2,93, 4, 5...., N demi-pouces, celle des temps du refroidissement, jusqu’à pou- 27 318 : MINÉRAUX. INTRODUCTION, voir toucher les globes sans se brûler, sera 12, 36, 60, 84, 108.40! . 24 N—12 min. et le diamètre de la Terre étant de 2865 lieues, de 25 au degré, ou de 6537930 toises de 6 pieds. En faisant la lieue de 2282 toises, ou de 39227580 pieds, ou de 941461920 demi-pou- ces, nous avons N—941461920 demi-pouces; et 24 N — 19 — 225950860068 min. c’est-à- dire, quarante-deux mille neuf cent soixante- quatre ans ét deux cent vingt-un jours pour le temps nécessaire au refroidissement d’un globe gros comme la Terre, seulement jus- qu’au point de pouvoir le toucher sans se brûler. Et de même la suite des temps du refroi- dissement jusqu’à la temperature actuelle , sera 39/, 03, 147/, 201/, 255/....... è 54 N—15/. Et comme N est toujours 26 rie demi - pouces , nous aurons 54 N—15—= 50838943662 minutes, c’est-à-dire, quatre- vingt-seize mille six cent soixante-dix ans ét cent trente-denx jours pour le temps ne- cessaire au refroidissement d'un globe gros comme la Terre, au point de la température actuelle. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 39 Seulement on pourroit croire que celui du refroidissement de la Terre devroit encore être considerablement augmenté, parce que l’on imagine que le refroidissement ne s’o- père que par le contact de l'air, et qu'il y a une grande difference entre le temps du re- froidissement dans l’air et le temps du re- froidissement dans le vide: et comme l'on doit supposer que la terre et l’air se seroient en même temps refroidis dans le vide, on dira qu'il faut faire état de ce surplus de temps : mais il est aise de faire voir que cette difference est très-peu considérable; car, quoi- que la densité du milieu daus lequel un corps se refroidit , fasse quelque chose sur la durée du refroidissement, cet effet est bien moindre qu'on ne pourroit l’imaginer, puisque dans le mercure, qui est onze mille fois plus dense que l’air , il ne faut , pour refroidir les corps qu'on y plonge, qu'environ neuf fois autant de temps qu’il en faut pour produire le même refroidissement dans l'air. | | La principale cause du refroidissement n’est donc pas le contact du milieu ambiant, mais la force expansive qui anime les parties de la chaleur et du feu, qui les chasse hors 320 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | des corps où elles résident , et les pousse di- | rectement du centre à la circonférence. | En comparant, dans les expériences pré- cédentes , les temps employés à chauffer les globes de fer avec Les temps nécessaires pour les refroidir, on verra qu’il faut environ la sixième partie et demie du temps pour les chauffer à blanc de ce qu’il en faut pour les refroidir au point de pouvoir les tenir à la main, et environ la quinzième partie et de- mie du temps qu'il faut pour les refroidir au point de la température actuelle *; en sorte qu'il y a encore une très - grande correction à faire dans le texte de Newton , sur l’estime qu'il fait de la chaleur que le Soleil a com- muniquée à la comète de 1680 ; car cette co mête n’ayant été exposée à la violente chaleur * Le boulet d’un pouce et celui d'un demi-pouce sur-tout ont été chauffés en bien moins de temps, et ne suivent point cette proportion de quinze et demi à un, et c’est par Ja raison qu ’étant uès-petits et placés A un grand feu, la chaleur les péné- troit, pour ainsi dire , tout-à-coup; mais, à COm- mencer par les boulets d'un pouce et demi de dia- mètre, la proportion que j’établis ici se trouve assez exacle pour qu'on puisse y Compter - PARTIE EXPÉRIMENTALE. 32r _ du Soleil que pendant un petit temps, elle n'a pu la recevoir qu’en proportion de ce temps, et non pas en entier , comme Newton paroit le supposer dans le passage que je vais rapporter. | … Est calor Solis ut radiorum densitas, hoc est reciprocè ut quadratum distantiæ locorurm à Sole ; ideogue, cûm distantia cometæ à cex- tro Solis decemb. 8, ubi in perihelio versaba- tur , esset ad distantiam Terræ à centro Solis ut 6 ad 1000 circiter , calor Solis apud cone- tam eo tempore erat ad calorem Solis œstivi apud nos uf 1000000 ad 36, seu 28000 ad 1. Sed calor aqguæ ebullientis est quasi tripld major guam calor quem terra arida concipit _ad æstivum Solem, ut expertus sum, etc. Calor Jferri candentis (si rectè conjector) quasi tri- pl vel quadrupld major guam calor aquæ ebullientis; ideoque calor quem terra arida apud cometarn in perihelio versantem ex ra- diis solaribus concipere posset, quasi 2000 vicibus major quam calor ferri candentis. Tanto auterm calore vapores et exhalationes, omnisque materia volatilis, statim consumi ac dissipari debuissent. Cometa igitur in perihelio suo calorem | ant 3 322 MINÉRAUX. INTRODUCTION, immensum ad Solem concepitetcalorem illum _ diutissimè conservare potest. ii KT Je remarquerai d’abord que Newton fait ici la chaleur du fer rougi beaucoup moindre qu’elle n’est en effet, et qu’il le dit lui- même dans un mémoire qui a pour ütre, Échelle de la chaleur, et qu’il a publie dans les Transactions philosophiques de 1701, c'est-a-dire , plusieurs annees après la publi- cation de son livre des Principes. On voit dans ce mémoire, qui est excellent, et qui renferme le germe de toutes les idees sur lesquelles on a depuis construit les thermo- mètres; on y voit, dis-je, que Newton; après des experiences très-exactes, fait la chaleur de l’eau bouillante trois fois plus grande que celle du Soleil d’ete; celle de l’etain fondant, six fois plus grande; celle du plomb fondant, huit fois plus grande; celle du regule fon- dant, douze fois plus grande; et celle d’un feu de cheminée ordinaire, seize ou dix-sept fois plus grande que celle du Soleil d’ete : et de la on ne peut s'empêcher de conclure que la chaleur du fer rougi à blanc ne soit encore bien plus grande, puisqu'il faut un feu constamment anime par le soufflet poux \ / PARTIE EXPÉRIMENTALE. 323 chauffer le fer à ce point. Newton paroît lui- mème le sentir, et donner à entendre que cette chaleur du fer rougi paroit être sept ou huit fois plus grande que celle de l’eau bouillante. Ainsi il faut, suivant Newton lui-même, changer trois mots au passage precedent, et lire : Calor ferri candentis est guasi triplo(septupld)vel quadruplo (octupld) Anajor quâm calor aquæ ebullientis ; ideoque calor apud cometam in perihelio versantem quasi 2000 (1000) vicibus major guûm calor Jerri candentis. Cela diminue de moitié la chaleur de cette comète, comparée à celle du fer roupi à blanc. Mais cette diminution, qui n’est que re- lative, n’est rien en elle-même, ni rien en comparaison de la diminution reelle et très _grande qui résulte de notre première consi- deration ; il faudroit, pour que la comète eût reçu cette chaleur mille fois plus grande que celle du fer rougi, qu'elle eût séjourne pen- dant un temps très-long dans le voisinage du Soleil, au lieu qu’elle n’a fait que passer tres-rapidement , sur-tout a la plus petite dis- tance, sur laquelle seule néanmoins Newton établit son calcul de comparaison. Elle étoit, — 324 MINÉRAUX. INTRODUCTION, le 8 décembre 1680, à — de la distance de la Terre au centre du Soleil ; mais la veille ou le lendemain, c'est-à-dire vingt-quatre heures avant et vingt-quatre heures après, elle étoit déja à une distance six fois plus grande ; et où la chaleur étoit par conséquent trente-six fois moindre. | 1 the Si l’on vouloit donc connoître la quantité de cette chaleur communiquée à la comète par le Soleil, voici comment on pourroit faire cette estimation assez juste, et en faire en même temps la comparaison avec celle du fer ardent, au moyen de mes expériences. Nous supposerons comme un fait, que. cette comète a employé six cent soixante-six heures à descendre du point où elle étoit en- core éloignée du Soleil d’une distance égale à celle de la Terre à cet astre, auquel point la comète recevoit par conséquent une chaleur égale à celle que la Terre reçoit du Soleil , et que je prends ici pour l’unité : nous suppo- serons de mème que la comète a employé six cent soixante-six autres heures à remonter du point le plus bas de son périhélie à cette même distance; et, supposantaussison mou- vement uniforme, on verra. que la comète. Le “ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 325. étant au point le plus bas de son périhélie, c'est-à-dire à —-{ de distance de la Terre au Soleil, la chaleur qu’elle a reçue dans ce mo- ment étoit vingt-sept mille sept cent soixante- seize fois plus grande que celle que reçoit la Terre : en donnant à ce moment une durée de 80 minutes, savoir, 4o minutes en descen- dant, et 4o minutes en montant, on aura : À 6 de distance, 27776 de chaleur pendant 80 minutes; À 7 de distance, 20408 de chaleur aussi pendant 80 minutes; À 8 de distance, 15625 de chaleur toujours - pendant 80 minutes; et ainsi de suite jus- qu’à la distance 1000, où la chaleur est 1. En sommant toutes les chaleurs à chaque dis- tance, on trouvera 363410 pour le total de la chaleur que la comète a reçue du Soleil tant en descendant qu’en remontant, qu’il faut multiplier par le temps, c’est-à-dire par + d'heure ; on aura donc 484547, qu’on divisera par 2000, qui représente la chaleur totale que la Terre a reçue dans ce même temps de 1332 heures, puisque la distance est toujours 1000, et la chaleur toujours = 1: ainsi l’on aura 242 27 pour la chaleur que 2000 Mat, gén, IV. 28 Rs 44 NN LR f: Va À 0 ! PEER £ a Ÿ- PT Fi ÿ » a : an" te, Mur: DU MURS 326 MINÉRAUX." INTROI UCTION, la comète a reçue de plus que la Terre pen dant tout le temps de son périhélie, au lieu -de 28000, comme Newtgn le suppose, parce. -qu'il ne prend que le point extrême , et sd} fait nulle attention à la très-petite durée du temps. Et encore faudroit-il diminuer cette cha- leur 942 #2, parce que la comète parcouroit, par son accélération, d'autant plus de che- min dans le même temps qu’elle étoit près du Soleil. Mais, en négligeant cette diminution, et en admettant que la comète a en effet. reçu une chaleur à peu près deux cent quarante- deux fois plus grande que celle de notre Soleil d'été, et par conséquent 17 4 fois plus grande que celle du fer ardent, suivant l’es- time de Newton, ou seulement dix fois plus grande, suivant la correction qu'il faut faire à cette estime, on doit supposer que, pour donner une chaleur dix fois plus grande que celle du fer rousi, il faudroit dix fois plus de temps, c'est-à-dire 13320 heures au lieu de 1332. Par couséquent on peut comparer à la comète un globe de fer qu’on auroit chauffé à un feu de forge pendant 13320 45179 PARTIE EXPÉRIMENTALE. 327 heures pour pouvoir le rougir à blanc. + Or on voit, par mes expériences, que la suite des temps nécessaires pour chauffer des globes dont les diamètres croissent, comme 1, 2,5, 4, 5....7n demi-pouces, est; à très- 7:53 2 peu prés, 2/, 5/21, 9, 12/2, 16/... min. Ro ÉL Ta D'où l’on tirera 7 = 228342 demi-pouces. Ainsi, avec:le feu de forge, on ne pourroit chauffer à blanc en 799200 minutes ou 13320 heures qu'un globe dont le diamètre seroit de 228342 demi-pouces, et par conséquent il faudroit, pour que toute la masse de la comète soit chauffée au point du fer rougi à blanc pendant le peu de temps qu’elle a été exposée aux ardeurs du Soleil, qu'elle n’eût eu que 228342 demi-pouces de diamètre, et supposer encore qu’elle eût été frappée de tous côtés et en même temps par la lumière du Soleil: d'où il résulte que si on la suppose plus grande , 1l faut necessairement supposer plus On aura donc — 799200 minutes. 7n--3 L ? de temps dans la même raison de z à en sorte, par exemple, que si l’on veut supposer la comète égale à la Terre, on 328 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | aura 7? — 941461920 demi-pouces, et EAN — 3295116718 minutes; c’est-à-direqu’au lieu. de 13320 heures il en faudroit 54918612, ou, si l’on veut, au lieu d’un an 190 jours, il -faudroit 6269 ans pour chauffer à blanc un globe gros comme la Terre; et, par la même raison , il faudroit que la comète, au lieu de n'avoir séjourné que 1332 heures ou 55 jours 12 heures dans tout son périhélie, y ‘eût de- meuré pendant 392 ans. Ainsi les comètes, lorsqu'elles approchent du Soleil, ne reçoi- vent pas une chaleur imimense, ni très-long- temps durable, comme le dit Newton, et comme on seroit porté à le croire à la pre mière vue : leur séjour est si court dans le voisinage de cet astre, que leur masse n’a pas le temps de s’échaufler, et qu'il n’y a guère que la partie de la surface, exposée au Soleil, qui soit brûlee par ces instans de chaleur extrême, laqueile en calcinant et volatilisant la matière de cette surface, la chasse au dehors en vapeurs ét en poussière du côté opposé au Soleil; et ce qu’on appelle la queue d’une comète, n’est autre chose que la lumière même du Soleil rendue seusible, comme dans uue chambre obscure, par ces PARTIE EXPÉRIMENTALE. 323 ätomes que la chaleur pousse d'autant plus loin qu’elle est plus violente. Maisuneautréconsidération bien différente de celle-ci et encore plus importante, c’est que , pour appliquer le résultat de nos expé- riences et de notre calcul à la comète et à la Terre , il faut les supposer composées de matières qui demanderoient autant de temps que le fer pour se refroidir ; tandis que, dans le réel , les matières principales dont le globe terrestre est composé , telles que les glaises, les grès , les pierres, etc., doivent se re- froidir en bien moins de temps que le fer. Pour me satisfaire sur cet objet, j'ai fait faire des globes de glaise et de grès; et les ayant fait chauffer à la même forge jusqu’à les faire rougir à blanc , j'ai trouvé que les boulets de plaise de deux pouces se sont re- froidis au point de pouvoir les tenir dans la main en trente-huit minutes , ceux de deux pouces et demi en quarante-huit minutes, et ceux de trois pouces en soixante minutes ; ce qui étant comparé avec le temps du refroi- dissement des boulets de fer de ces mêmes diamètres de deux pouces ; deux pouges et demi, et trois pouces, donne les rapports DL A D es 33o MINÉRAUX. INTRODUCTION , de 38 à 80 pour deux pouces ,. 48 à 102 pour deux pouces et demi, et 60 à 127 pour trois poutes , ce qui fait un peu moins de. 1 à 2 ; en sorte que, pour le refroidissement | de la glaise, il ne faut pas la moitié du os À qu'il faut pour celui du fer. J'ai trouvé de même que les globes de grès de deux pouces se sont refroidis au point de les tenir dans la main en-quarante-cing, mi- nutes , ceux de deux pouces et deimien cin— quante-huit minutes, et ceux de trois pouces en soixante-quinze minutes ; ce qui étant comparé avec le tempsdu refroidissement des boulets de fer de ces mêmes diamètres , donne les rapports de 46 à 8o pour deux pouces, de 58 à 102 pour deux pouces et demi, et. de:75 à 127 pour trois pouces, ce. qui fait à très-peu près la raison de 9 à 5 ; en sorte: que, pour le refroidissement du grès, il faut plus de la moitié du temps: qu'il faut pour celui du fer. | J'observerai, au sujet de ces expériences, que les globes de glaise chauflés à feu blanc ont perdu de leur pesanteur encore.plus que les boulets de fer, et jusqu’à la neuvième ou dixième partie de leur poids., au lieu que le, Re L A ET à y ro es rt TU ent © Ir af PARTIE EXPÉRIMENTALE. 35: grès chauffé au mème feu ne perd presque rien du tout de son poids, quoique toute la surface se couvre d’émail et se réduise en verre. Comme ce petit fait m'a paru singu- lier , j'ai répété l'expérience plusieurs fois, en faisant même pousser le feu et le conti- nuer plus long-temps que pour le fer; et quoiqu’ilne fallätguère que le tiers du temps pour rougir le grès, de cequ'’ilen falloit pour rougir le fer , je l’ai tenu à ce feu le double et le triple du temps pour voir s’il perdroit davantage , et je n'ai trouvé que de très-légères diminutions ; car le globe de deux pouces, chauffé pendant huit minutes, qui pesoit sept onces deux gros trente grains avant d’être mis au feu, n’a perdu que quarante-un grains , ce qui ne fait pas la centième partie de son poids ; celui de deux pouces et demi, qui pesoit quatorze onces deux gros huit grains , ayant été chauffé pendant douze minutes , n'a perdu que la cent cinquante- quatrième partie de son poids ; et celui de trois pouces , qui pesoit vingt-quatre onces cinq gros treize grains, ayant été chauffé pendant dix-huit minutes , c’est-à-dire , à peu près autant que le fer, n'a perdu que NOrS 0e 2 60: M OLT ANR PET EU) DER à . FANS ko de A RAT LE à EE cr à : 5 : D 332 MINÉRAUX. INTRODUCTION, soixante-dix-huit grains , ce qui ne fait qué la cent quatre-vingt-unième partie de son poids. Ces pertes sont si petites, qu’on pour- xoit les regarder comme nulles , et assurer en général que le grès pur ne perd rien de sa pesanteur au feu ; car il m’a paru que ces petites diminutions que je viens de rap= porter , ont été occasionnées par les parties ferrugineuses qui se sont trouvées dans ces grès , et qui ont été en partie détruites par le feu. Une chose plus générale et qui mérite bien d’être remarquée , c’est que les durées de la chaleur dans différentes matières exposées au même feu pendant un temps égal, sont tou- jours dans la même proportion, soit que le degré de chaleur soit plus grand ou plus petit; en sorte, par exemple , que si on. chauffe le fer , le grès et la glaise à un feu violent , et tel qu’il faille quatre-vingts mi- nutes pour refroidir le fer au point de pou- voir le toucher , quarante-six minutes pour refroidir le grès au même point , et trente- huit pour refroidir la glaise, et qu'à une chaleur moindre il ne faille , par exemple, que dix-huit minutes pour refroidir Le fer à ht "ff Sao. (are 279 PT À REF" PARTIE EXPÉRIMENTALE. 353 ée mème point de pouvoir le toucher aveé la main, il ne faudra proportionnellement qu’un peu plus de dix minutes pour refroidir le grès , et environ huit minutes et demie pour refroidir la glaise à ce même point. J'ai fait de semblables. expériences sur des globes de marbre, de pierre, de plomb et d'étain , à une chaleur telle seulement que l’étain commencçoit à fondre , et j'ai trouvé que le fer se refroidissant en dix-huit mi- nutes au point de pouvoir le tenir à la main, le marbre se refroidit au même point en douze minutes , la pierre en onze , le plomb en neuf , et l’etain en huit minutes. Ce n’est donc pas proportionnellement à leur densité, comme on le croit vulgaire- ment, que les corps reçoivent et perdent plus ou moins vite la chaleur, mais dans un rap- port bien différent et qui est en raison inverse de leur solidité, c’est-à-dire, de leur plus ou moins grande z207-fluidité;en sortequ'avec la même chaleur il faut moins de temps pour échautfer ou refroidir le fluide le plus dense qu'il n’en faut pour échauffer ou refroidir au même degré le solide le moins dense. Je donnerai , dans les mémoires suivans, le “ RQ A) Yu nor he 334 MINÉRAUX. INTRODUCTION, développement entier de ceprincipe, duquel dépend toute la théorie du progrès de la cha- leur; mais pour que inon assértion ne paroisse pas vaine , voici en peu de-mots le fondement de cette théorie. J'ai trouvé , par la vue de l’esprit, que les corps qui s’échaufferoient en raison de leurs diamètres , ne pourroient être que ceux qui seroient parfaitement perméables à la cha- leur, et que ce seroient en même temps ceux qui s’échaufferoient ou se réfroidiroient en moins de temps. Dès lors j'ai pensé que les fluides dont toutes les parties ne se tiennent que par un foible lien, approchotïent plus de cette perméabilité parfaite que les solides dont les parties ont beaucoup plus de cohésion que celles des fluides. En conséquence j'ai fait des expériences par lesquelles j'ai trouvé qu'avec la même chaleur tous les fluides, quelque denses qu'ils soient , s’échauffent et se refroidissenit plus promptement qu'aucun solide, quelqueléger qu'il soit; en sorte, par exemple, que le mercure, comparé avec le bois, s’échauffe béaucoup plus promptement que le bois ; phoiqu ’il soit quinze ou seize fois plus dense. PARTIE EXPÉRIMENTALE, 335 Cela m'a fait reconnoitre que le progrès de la chaleur :dans les corps ue devoit en aucun cas sé faire relativement à leur den- sité ; et en effet j'ai trouvé par l'expérience que, tant dans les solides que dans les fluides , ce progrès se fait plutôt en raison de leur fluidite , où , si l’on veut , en raison inverse de leur solidité. Comme ce mot- solidité a plusieurs accep- tious , il faut voir nettement le sens dans lequel je lemploic ici. Suéiwéc et solidité se disent eu géométrie relativement à la gran- deur , et se prennent pour le volume du corps ; solidité se dit souvent en physique relativement à la densite , c’est-à-dire, à la masse contenue sous un volume donne; so/i- dité se dit quelquefois encore relativement à la dureté, c'est-à-dire , à la résistance que font les corps lorsque nous voulons les enta- mer : or ce nest dans aucun de ces sens que. j emploie ici ce mot, mais dans une accep= tion qui devroit être la première , parce qu'elle est la plus propre. J'entends unique- ment par solidité la qualité opposée à la fluidité , et je dis que c’est en raison inverse de cette qualité que se fait Le progrès de la 336 MINÉRAUX. INTRODUCTION, chaleur dans la plupart des corps, et qu ls s’'échauffent ou se refroidissent d'autant plus vite qu’ils sont plus fluides, et d'autant plus lentement qu’ils sont plus solides, toutes les autres circonstances étant égales d’ailleurs. Et pour prouver que la solidité, prise dans: ce sens , est tout-à-fait indépendante de la densité ; j’ai trouvé, par expérience, que des matières plus dénses ou moins denses s’é- chauffent et se refroidissent plus prompte- ment que d'autres amatièics plus ou moins denses ; que , par exemple, l'or et le plomb, qui sont beaucoup plus denses que le fer et le cuivre , néanmoins s’échauffent et se refroi- dissent beaucoup plus vite, et que l’étain et le marbre, qui sont au contraire moins denses, s’échauffent et se refroidissent aussi beaücoup plus vite que le fer et le cuivre , et qu'il en est de même de plusieurs autres matières qui, quoique plus ou moins denses , s’échauffent et se refroidissent plus promptement que. d’autres qui sont beaucoup moins denses ou plus denses ; en sorte que la densité n’est nullement relative à l’échelle du progrès de Ja chaleur dans les corps solides. Et, pour le prouver de même dans les A PARTIE EXPÉRIMENTALE. 337 fluides , j'ai vu que le mercure, qui est treize ou quatorze fois plus dense que l’eau , néan- moins s'échauffe et se refroidit en moins de temps que l’eau ; et que l’esprit-de-vin, qui est moins dense que l’eau , s’échauffe et se re- froidit aussi plus vite que l’eau; en sorte que généralement le progrès de la chaleur dans les corps, tant pour l'entrée que pour la sor- tie, n’a aucun rapport à leur densité , et se fait principalement en raison deleur fluidité, en étendant la fluidité jusqu’au solide, c’est- à-dire , en regardant la solidité comme une non-fluidité plus ou moins grande. De là j’ai cru devoir conclure que l’on connoïtroit en effet le degré réel de fluidité dans les corps, en les faisant chauffer à la mème chaleur ; car leur fluidite sera dans la même raison que celle du temps pendant lequel ils rece- vront et perdront cette chaleur : et il en sera de même des corps solides ; ils seront d’au- tant plus solides , c’est-à-dire, d'autant plus non-fluides , qu'il leur faudra plus de temps pour recevoir cette même chaleur et la per- dre : et cela presque généralement, à ce que ‘je présume; car j'ai déja tente ces expériences sur un grand nombre de matières différentes, 338 MINÉRAUX. INTRO DUCTION. et j'en ai fait une table que j'ai tâché de rendre aussi complète et aussi exacte qu'il mra été possible, et qu'on trouvera dans le mémoire suivant. Pc Fiy du tome quatrième. FIN DL Des articles contenus dans ce volume, Pasvvss DE LA THÉORIE DE LA TERRE. — Article XVIII. De l’effet des pluies, des maré- cages , des bois souterrains, des eaux souter- raines, pPAge I. | — Article XIX. Des changemens de terres en mers, ‘et de mers en terres, 53. INTRODUCTION A L'HIisT. DES MINÉRAUX, Des élèmens. Première partie. De la lumière , de la chaleur et du feu, 103. Seconde partie. De l’air, de l’eau et de la terre, 2II. Partie expérimentale, 298. Premier mémoire. Expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps, 300. DE L’'IMPRIMERIE DE PLASSAN. HÉNACU . + ae SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES 3 9088 00770 6518