HISTOIRE PITURELLEÉ MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME SIXIÉME. RE . 9. HISTOIRE NATURELLE Par BUFFON, st! DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME SIXIEME. V, @ 254 207 a Instity}, # A LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, ET Firmin DIDOT, RUE DE THIONVILLE , N° 116. AN VII. — 1799. a en es A D te HISTOIRE MATURELLE HDI PE DU SIXIEME MÉMOIRE. ARTICLE SECOND, Réflexions sur Le jugement de Descartes au sujet des miroirs d’Archimède, avec le développement de la théorie de ces miroirs, et l'explication de leurs principaux usages. L A Dioptrique de Descartes, cet ouvrage qu'il a donné comme le premier et le prin- cipal essai de sa méthode de raisonner dans les sciences, doit être regardée comme un chef-d'œuvre pour son temps : mais les plus belles spéculations sont souvent démenties par l'expérience, ettous les jours les sublimes mathématiques sont obligées de se plier Mat, gén, VI. 1 > MINÉRAUX. INTRODUCTION, sous de nouveaux faits; car, dans l’applica- tion qu'on en fait aux plus petites parties de la physique, on doit se défier de toutes les circonstances, et ne pas se confter assez aux choses qu’on croit savoir pour prononcer affirmativement sur celles qui sont incon- nues. Ce défaut n’est cependant que trop ‘ordinaire, et j'ai cru que je ferois quelque chose d’utile pour ceux qui veulent s’occu— per d'optique, que de leur exposer ce qui manquoit à Descartes pour pouvoir donner une théorie de cette science qui fût suscep— tible d'ètre réduite en pratique. | Son T'raité de Dioptrique est divisé en dis discours. Dans le premier, notre philosophe parle de la lumière; et comme il ignoroit son mouvement progressif, qui n’a été dé- couvert que quelque temps après par Roëmer, il faut modifier tout ce qu’il dit à cet égard, et on ne doit adopter aucune des explica- tions qu'il donne au sujet de la nature et de la propagation de la lumière, non plus que les comparaisons et les hypothèses qu’il em- ploie pour tâcher d'expliquer les causes et les effets de la vision. On sait actuellement que la lumière est environ 7 minutes : à venir PARTIE EXPÉRIMENTALE. 3 du Soleil jusqu’à nous, que cette émission du corps lumineux se renouvelle à chaque instant, et que ce n’est pas par la pression continue et par l’action ou plutôt l'ébranle- ment instantané d’une matière subtile, que ses effets s’opèrent : ainsi toutes les parties de ce traité où l’auteur emploie cette théorie, sont plus que suspectes, et les conséquences ne peuvent être qu'erronées. Il en est de même de l'explication que Descartes donne de La réfraction; non seu- lement sa théorie est hypothétique pour la cause, mais la pratique est contraire dans tous les effets. Les mouvemens d’une balle qui traverse l’eau sont très-différens de ceux de la lumière qui traverse le même milieu; et s’il eût comparé ce qui arrive en effet à une balle, avec ce qui arrive à la lumière, il en auroit tiré des conséquences tout-à-fait opposées à celles qu’il a tirées. Et, pour ne pas omettre une chose très- æssentielle, et qui pourroit induire en er- reur, il faut bien se garder, en lisant cet article, de creire, avec notre philosophe, que le mouvement rectiligne peut se changer aaturellement en un mouvement circulaire: ï 4 MINÉRAUX. INTRODUCTION, cette assertion est fausse, et le contraire est démontré depuis que l’on connoît les lois du mouvement. | Comme le second discours roule en grande partie sur cette théorie hypothétique de la réfraction , je me dispenserai de parler en dé- tail des erreurs qui en sont les conséquences ; un lecteur averti ne peut manquer de les remarquer. Dans les troisième, quatrième et cinquième discours , il est question de la vision; et l’ex- plication que Descartes donne au sujet des images qui se forment au fond de l'œil, est assez juste : mais ce qu'il dit sur les couleurs ne peut pas se soutenir ni même s'entendre; car comment concevoir qu’une certaine pro- portion entre le mouvement rectiligne et un prétendu mouvement circulaire puisse pro- duire des couleurs ? Cette partie a été, comme l'on sait, traitée à fond et d’une manière dé- inonstrative par Newton; et l'expérience a fait voir l'insuffisance de tous les systèmes : précédens. À Je ne dirai rien du sixième discours, où il tâche d'expliquer comment se font nos: sensations : quelqu'ingénieuses que soient: PARTIE EXPÉRIMENTALE. 5 ses hypothèses, il est aisé de sentir qu’elles sont gratuites; et comme il n’y a presque \ rien de mathématique dans cette partie, 4l est inutile de nous y arrêter. Dans le septième et le huitième discours, : Descartes donne une belle théorie géomé- trique sur les formes que doivent avoir les verres pour produire les effets qui peuvent servir à la perfection de la vision; et, après avoir examiné ce qui arrive aux rayons qui traversent ces verres de différentes formes, : il conclut que les verres elliptiques et hyper- boliques sont les meilleurs de tous pour ras- sembler les rayons ; et il finit par donner dans le neuvième discours la manière de construire les lunettes de longue vue, et dans le dixième et dernier discours, celle de tailler les verres. Cette partie de l'ouvrage de Descartes, qui est proprement la seule partie mathématique de son traité , est plus fondée et beaucoup mieux raisonnée que les précédentes : cepen- dant on n’a point appliqué sa théorie à la pratique; on n’a pas taillé des verres ellip- tiques ou hyperboliques, et l’on a oublié ces _ fameuses ovales qui font le principal objet : 1 Y 6 MINÉRAUX, INTRODUCTION, du second livre de sa Géométrie : la différente réfrangibilité des rayons, qui étoit inconnue à Descartes, n’a pas été découverte, que cette théorie géométrique a été abandonnée. Il est en effet démontré qu’il n’y a pas autant à gagner par le choix de ces formes qu'il y a a perdre par la différente réfrangibilité des rayons, puisque, selon leur différent degré de réfrangibilité, ils se rassemblent plus ou moins près; mais comme l'on est parvenu à faire des lunettes achromatiques , dans les- quelles on compense la différente réfrangibi- lite des rayons par des verres de différente den- sité, il seroit très-utile aujourd’hui de tailler des verres hyberboliques ou elliptiques , si l'on veut donner aux lunettes achromatiques toute la perfection dont elles sont susceptibles. Après ce que je viens d'exposer, il me semble que l’on ne devroit pas être surpris que Descartes eût mal prononcé au sujet des miroirs d'Archimède, puisqu'il ignoroit un si grand nombre de choses qu’on a décou- vertes depuis : mais, comme c’est ici le point particulier que je veux examiner, il faut rapporter ce qu’il en a dit, afin qu’on soit plus en état d'en juger. PARTIE EXPÉRIMENTALE. » . « Vous pouvez aussi remarquer, par occa- « sion, que les rayons du Soleil ramassés & par le verre elliptique, doivent brûler avec « plus de force qu’étant rassemblés par l’hy- « perbolique : car il ne faut pas seulement « prendre garde aux rayons qui viennent du « centre du Soleil, mais aussi à tous les autres « qui, venant des autres points de la super- « ficie, n’ont pas sensiblement moins de « force que ceux du centre; en sorte que la « violence de la chaleur qu’ils peuvent cau- « ser, se doit mesurer par la grandeur du « corps qui les assemble, comparée avec celle « de l’espace où il les assemble..... sans que «la grandeur du diamètre de ce corps y « puisse rien ajouter, ni sa figure particu- «lière, qu'environ un quart ou un tiers « tout au plus. Il est certain que cette ligne « brûlante à l'infini, que quelques uns ont « imaginée, n'est qu’une réverie. » Jusqu'ici il n’est question que de verres brülans par réfraction : mais ce raisonne- ment doit s'appliquer de même aux miroirs par réflexion ; et avant que de faire voir que l’auteur n’a pas tiré de cette théorie les con- séquences qu'il devoit en tirer, 1l est bom K 8 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de lui répondre d’abord par l'expérience. Cette ligne brülante à l'infini, qu'il regarde comme une rêverie , pourroit s’exécuter par des miroirs de réflexion semblables au mien, non pas à une distance infinie, parce que l’homme ne peut rien faire d'infini, mais à une distance indefinie assez con sidérable : car supposons que mon miroir, au lieu d’être composé de deux cent vingt- quatre petites glaces, füt composé de deux mille, ce qui est possible, il n’en faut que vingt pour brüler à vingt pieds; et le foyer étant comme une colonne de lumière, ces vingt glaces brülent en même temps à dix- sept et à vingt-trois pieds : avec vingt-cinq autres glaces, je ferai un foyer qui brülera . depuis vingt-trois jusqu’à trente; avec vingt- neuf glaces, un foyer qui brülera depuis trente jusqu’à quarante; avec trente-quatre glaces, un foyer qui brülera depuis quarante jusqu'à cinquante-deux ; avec quarante glaces, depuis cinquante-deux jusqu’à soixante-qua- tre; avec cinquante glaces, depuis soixante- quatre jusqu’à soixante-seize; avec soixante glaces, depuis soixante-seize jusqu'à quatre— vingt-huit; avec soixante-dix glaces, depuis ” * PARTIE EXPÉRIMENTALE. 9 quatre-vingt-huit jusqu’à cent pieds. Voilà donc déja une ligne brûlante , depuis dix— sept jusqu’à cent pieds, où je n'aurai em- ployé que trois cent vingt-huit glaces ; et, pour la continuer , il n’y a qu’à faire d’abord un foyer de quatre-vingts glaces, il brülera depuis cent pieds jusqu'à cent seize ; et quatre-vingt-douze glaces, depuis cent seize jusqu'à cent trente-quatre pieds ; et cent huit glaces, depuis cent trente-quatre jus- qu’à cent cinquante ; et cent vingt-quatre glaces , depuis cent cinquante jusqu’à cent soixante-dix ; et cent cinquante-quatre glaces, . depuis cent soixante-dix jusqu’à deux cents pieds. Ainsi voilà ma ligne brûlante pro— longée de cent pieds , en sorte que depuis dix-sept pieds jusqu’à deux cents pieds, en quelque endroit de cette distance qu’on puisse mettre un corps combustible, 1l sera brüle; et, pour cela, il ne faut en tout que huit cent quatre-vingt-six glaces de six pouces ; et en employant le reste des deux mille glaces, je prolongerai de mème la ligne brü- : lante jusqu à trois et quatre cents pieds; et avec un plus grand nombre de glaces, par exemple, avec quatre mille, je la pralon- Pt, LAS ) L xo MINÉRAUX. INTRODUCTION, serai beaucoup plus loin , à une distance. indéfinie. Or tout ce qui, dans la pratique, _ est indéfini, peut être regardé comme infini dans la théorie; donc notre célèbre philo- sophe a eu tort de dire que cette ligne brü- lante à l'infini n’étoit qu'une rêverie. Maintenant venons à la théorie. Rien n'est plus vrai que ce que dit ici Descartes au sujet de la réunion des rayons du Soleil, qui ne se fait pas dans un point, mais dans un espace ou foyer dont le diamètre aug- mente à proportion de la distance : mais ce grand philosophe n’a pas senti létendue de ce principe, qu'il ne donne que comme une remarque ; car, s’il y eût fait attention , il n’auroit pas considéré, dans tout le reste de son ouvrage , les rayons du Soleil comme parallèles ; 1l n’auroit pas établi comme le fondement de la théorie de sa construction des lunettes, la réunion des rayons dans un point , et il se seroit bien gardé de dire afhir- mativement * : Nous pourrons, par cette in- vention, voir des objets aussi particuliers et aussi petits dans les astres, queceux que nous voyons communément sur la Terre. Cette * Page 131. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 5x assertion ne pouvoit être vraie qu’en suppo- sant le parallélisme des rayons, et leur reu- nion en un seuk point; et par conséquent elle est opposée à sa propre théorie, ou plutôt il n’a pas employé la théorie comme il le falloit : et eneffet, s’il n’eût pas perdu de vue cette remarque , 1l eüt supprime les deux derniers livres de sa Dioptrique ; car il auroit vu que, quand même les ouvriers eussent pu tailler les verres comme il l’exigeoit, ces verres n’auroient pas produit les effets qu’il leur a supposés , de nous faire distinguer. les plus petits objets dans les astres, à moins qu’il n’eût en même temps supposé dans ces objets une intensité de lumière infinie, ou, ce qui revient au même, qu'ils eussent, malgré leur éloignement, pu former un angle sensible à nos yeux. Comme ce pou d'optique n’a jamais été bien éclairci , j’entrerai dans quelques détails à cet égard. On peut démontrer que deux objets également lumineux, et dont les dia- mètres sont différens, ou bien que deux objets dont les diamètres sont égaux, et dont l’intensite de lumière est différente , doivent _ Être observés avec des lunettes difiérentes ; x2 MINÉRAUX. INTRODUCTION, que, pour observer avec le plus grand avan- tage possible, il faudroit des lunettes diffé- rentes pour chaque planète; que, par exem- ple, Vénus, qui nous paroît bien plus petite que la Lune, et dont je suppose pour un ins- tant la lumière égale à celle de la Lune, doit être observée avec une lunette d’un pluslong foyer que la Lune; et que la perfection des lunettes, pour en tirer le plus grand avan- tage possible , dépend d’une combinaison qu'il faut faire non seulement entre les dia- mèêtres et les courbures des verres, comme Descartes l’a fait, mais encoreentreces mêmes diamètres et l'intensité de la lumière de l’ob- jet qu'on observe. Cette intensité de la lu- mière de chaque objet est un élément que les auteurs qui ont écrit sur l’optique n’ont jamais employé; et cependant il fait plus que l’augmentation de l'angle sous lequel un objet doit nous paroitre, en vertu de la cour- bure des verres. Il en est de:même d’une chose qui semble être un paradoxe; c’est que les miroirs ardens, soit par réflexion, soit par réfraction, feroient un effet toujours égal, à quelque distance qu'on les mit du Soleil. Par exemple, mon miroir, brülant à cent LA PARTIE EXPÉRIMENTALE. 13 cinquante pieds du bois sur la Terre, brüûle- roit de même à cent cinquante pieds, et avec autant de force, du bois dans Saturne, où cependant la chaleur du Soleil est environ cent fois moindre que sur la Terre. Je crois que les bons esprits sentiront bien, sans autre démonstration , la vérité de ces deux propositions, quoique toutes deux nouvelles et singulières. Mais, pour ne pas m'écarter du sujet que je me suis proposé, et pour démontrer que Descartes n'ayant pas la théorie qui est né- cessaire pour construire les miroirs d'Archi- mède, il n’étoit pas en état de prononcer qu’ils étoient impossibles , je vais fairesentir, autant que je le pourrai, en quoi consistoit la difficulté de cette invention. | Si Le Soleil, au lieu d'occuper à nos yeux un espace de 32 minutes de degré, étoit réduit en un point, alors il est certain que ce point de lumière réfléchie par un point d’une surface polie produiroit à toutes les distances une lumière et une chaleur égales, parce que l’interposition de l'air ne fait rien ou presque rien ici; que par conséquent un miroir dont la surfaceseroit égale à celle d’un 2 1 14 MINÉRAUX. INTRODUCTION, autre, brüleroit à dix lieues à peu près aussi bien que le premier brüleroit à dix pieds, s’il étoit possible de le travailler sur une sphère de quarante lieues, comme on peut travailler l’autre sur une sphère de quarante pieds ; parce que chaque point de la surface du miroir réfléchissant le point lumineux au-— quel nous avons réduit le disque du Soleil, onauroit, en variant la courbure desmiroirs, une égale chaleur ou une égale lumière à toutes les distances sans changer leurs dia- mètres. Ainsr; pour brüler à une grande dis- tance, dans ce cas il faudroit en effet un miroir très- exactement travaillé sur une sphère, ou une hyperboloïde proportionnee à la distance, ou bien un miroir brisé en une infinité de points physiques plans, qu’il fau- droit faire coïncider au même point : mais le disque du Soleil occupant un espace de 32 minutes de degré, il est clair que le même miroir sphérique ou hyperbolique, ou d’une autre figure quelconque, ne peut jamais, en vertu de cette figure, réduire l’image du Soleil en un espace plus petit que de 32 minutés; que dès lors l’image augmentera toujours à mesure qu’on s’éloignera ; que de plus chaque PARTIE EXPÉRIMENTALE. 25 point de la surface nous donnera une image d'une même largeur, par exemple, d'un demi-pied à soixante pieds : or, comme il est necessaire , pour produire tout l’effet pos- sible, que toutes ces images coïncident dans cet espace d’un demi-pied, alors, au lieu de briser le miroir en une infinité de parties, il est évident qu’il est à peu près égal et beau- coup plus commode de ne le briser qu’en un petit nombre de parties planes d'un demi- pied de diamètre chacune , parce que chaque petit miroir plan d’un demi-pied donnera une image d'environ un demi-pied, qui sera à peu prés aussi lumineuse qu'une pareille surface d’un demi-pied prise dans le miroir sphérique ou hyperbolique. La théorie de mon miroir ne consiste donc pas, comme on l’a dit ici, à avoir trouvé l’art d'inscrire aisément des plans dans une surface sphérique , et le moyen de changer à volonté la courbure de cette surface sphé- rique; mais elle suppose cette remarque plus délicate et qui n’avoit jamais été faite, c’est qu’il y a presque autant d'avantage à seservir de miroirs plans que de miroirs de touteautre figure, dès qu’on veut brûler à une certaine 16 MINÉRAUX. INTRODUCTION, distance, et que la grandeur du miroir plan est déterminée par la grandeur de l’image à cette distance, en sorte qu'à la distance de soixante pieds, où l’image du Soleil a envi- ron un demi-pied de diamètre , on brûlera à peu près aussi bien avec des miroirs plans d’un demi-pied qu'avec des miroirs hyper- boliques les mieux travaillés, pourvu qu'ils n'aient que la même grandeur. De mème avec des miroirs plans d’un pouce et demi, en brülera à quinze pieds à peu près avec autant de force qu'avec un miroir exactement travaillé dans toutes ses parties; et pour le dire en un mot, un miroir à facettes plates produira à peu près autant d'effet qu’un miroir travaillé avec la dernière exactitude dans toutes ses parties, pourvu que la gran- deur de chaque facette soit égale à la grandeur de l’image du Soleil; et c’est par cette raison qu’il y a une certaine proportion entre la grandeur des miroirs plans et les distances, et que, pour brüler plus loin, on peut em- ployer, même avec avantage, de plus grandes glaces dans mon miroir que pour brûler plus près. Car si cela n’éloit pas, on sent bien qu’en PARTIE EXPÉRIMENTALE. 17 réduisant, par exemple, mes glaces de six pouces à trois pouces, et employant quatre fois autant de ces glaces que des premières, ce qui revient au même pour l’étendue de la surface du miroir, j’aurois eu quatre fois plus d'effet, et que plus les glaces seroient petites, et plus le miroir produiroit d'effet; et c’est à ceci que se-seroit réduit l’art de quelqu'un qui auroit seulement tenté d'inscrire une surface polygone dans une sphère, et qui au- roit imaginé l’ajustement dont je me suis servi pour faire changer à volonté la courbure de cette surface; il auroit fait les glaces les plus petites qu’il auroit été possible : mais le fond et la théorie de la chose ést d’avoir reconnu qu’il n'étoit pas seulement question d'inscrire une surface polygone dans une sphère avec exactitude, et d’en faire varier la courbure à volonté, mais encore que chaque partie de cette surface devoit avoir une cer- taine grandeur déterminée pour produire aisément un grand effet; ce qui fait un pro- blèême fort différent, et dont la solution m’a fait voir qu’au lieu de travailler ou de briser un miroir dans toutes ses parties pour faire coïncider les images au même endroit, il 2 dote 1 AE 18 MINÉRAUX. INTRODUCTION, suffisoit de le briser ou de le travailler à fa. cettes planes en grandes portions égales à la grandeur de l’image, et qu'il y avoit peu à gagner en le brisant en de trop petites par- ties, ou, ce qui est la mème chose, en le travaillant exactement dans tous ses points. C’est pour cela que j'ai dit dans mon Memoire que, pour brûler à de grandes distances, il falloit imaginer quelque chose de nouveau et tout-à-fait indépendant de ce qu'on avoit pensé et pratiqué jusqu'ici; et ayant supputé géométriquement la différence, j'ai trouvé qu'un miroir parfait, de quelque courbure qu’il puisse être, n’aura jamais plus d'avan- tage sur le mien que de 17 à 10, et qu'en mème temps l'exécution en seroit impossible pour ne brüler même qu’à une petite distance comme de vingt-cinq ou trente pieds. Mais revenons aux assertions de Descartes. Il dit ensuite «qu'ayant deux verres ou « miroirs ardens , dont l’un soit beaucoup « plus grand que l’autre, de quelque façon «qu’ils puissent être, pourvu que leurs « figures soient toutes pareilles, le plus «grand doit bien ramasser les rayons du « Soleil en un plus grand espace et plus loin Re | PARTIE EXPÉRIMENTALE. r9 « de soi que le plus petit, mais que ces rayous «ne doivent point avoir plus de force en .« chaque partie de cet espace qu’en celui où « le plus petit les ramasse, en sorte qu’on _« peut faire des verres ou miroirs extrême- «ment petits, qui brûleront avec autant de « violence que les plus grands. » Ceci est absolument contraire aux expé- riences que jai rapportées dans mon Me- moire, où j'ai fait voir qu'à égale intensité de lumière un grand foyer brûle beaucoup plus qu'un petit : et c’est en partie sur cette xemarque, toute opposée au sentiment de Descartes, que j'ai fondé la théorie de mes miroirs; Car voici ce qui suit de l’opinion de ce philosophe. Prenons un grand miroir, ardent comme celui du sieur Segard, qui a trente-deux pouces de diamètre, et un foyer de neuf lignes de largeur à six pieds de dis- tance, auquel foyer le cuivre se fond en une ! minule, et faisons dans les mêmes propor- tions un petit miroir ardent de trente-deux lignes de diamètre, dont le foyer sera de ou de À de ligne de diamètre, et la distance de six pouces : puisque le grand miroir fond le cuivre en une minute dans l'étendue de 20 MINÉRAUX. INTRODUCTION, son foyer, qui est de neuf lignes, le petit doit, selon Descartes, fondre dans le même ! temps la mêmé matière dans l’étendue de son foyer, qui est de : de ligne : or j'en ap- pelle à l'expérience, et on verra que, bien loin de fondre le cuivre, à peine ce petit verre brülant pourra-t-1il lui donner un peu de chaleur. Comme ceci est une remarque physique et qui n'a pas peu servi à augmenter mes espérances lorsque je doutois encore si je pourrois produire du feu à une grande dis- tance, je crois devoir communiquer ce que j'ai pense à ce sujet. La première chose à laquelle je fis atten- tion , c'est que la chaleur se communique . de proche en proche et se disperse, quand même elle est appliquée continuellement sur le même point : par exemple, si on fait tomber le foyer d’un verre ardent sur le centre d'un écu, et que ce foyer n'ait qu’une ligne de diamètre, la chaleur qu’il produit sur le centre de l’écu se disperse et s'étend dans le volume entier de l’écu, et il devient chaud jusqu’à la circonférence ; dès lors toute la chaleur, quoiqu'employée d’abord ÿL _ . PARTIE EXPÉRIMENTALE. 2r contre le centre de l’écu, ne s’y arrête pas, et ne peut pas produire un aussi grand effet que si elle y demeuroit toute entière. Mais si au lieu d'un foyer d’une ligne, qui tombe sur le milieu de l’écu , je fais tomber sur l’écu tout entier un foyer d’égale force au premier, toutes les parties de l’écu étant également échauflées dans ce dernier cas, 1l n'y a pas de perte de chaleur comme dans le premier; et le point du milieu profitant de la chaleur des autres points autant que ces points profitent de la sienne, l’écu sera fondu par la chaleur dans ce dernier cas, tandis que dans le premier il n'aura été que lécèrement échauffé. De là je conclus que toutes les fois qu'on peut faire un grand foyer, on est sûr de produire de plus grands effets qu'avec un petit foyer, quoique l'in- tensité de lumière soit la mème dans tous deux, et qu'un petit miroir ardent ne peut jamais faire autant d'effet qu’un grand ; et même qu'avec une moindre intensité de lumiere un grand miroir doit faire plus d'effet qu'un petit, la figure de ces deux miroirs étant toujours supposée semblable, Ceci, qui, comme l’on voit, est directement LE jt à A AU " 22 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ou ; opposé à ce que dit Descartes , s’est nous confirmé par les expériences rapportées \ dans mon Mémoire. Mais je ne me suis pas borné à savoir Sans manière générale que les grands foyers agissoient avec plus de force que les petits : j'ai déterminé à trés-peu près de combien est cette augmen- tation de force, et j'ai vu qu’elle étoit très- considérable ; car j'ai trouvé que s'il faut dans un miroir cent quarante-quatre fois la surface d'un foyer de six lignes de diamètre: pour brüler, il faut au moins le double; c’est-à-dire, deux cent quatre-vingt-huit fois cette surface, pour brûler àun foyer de deux lignes, et qu à un foyer de six pouces il ne faut pas trente fois cette mème surface du foyer pour brüler; ce qui fait, comme l’on voit, une prodigieuse différence, sur laquelle j'ai compté lorsque j'ai entrepris de faire mon miroir; saus cela il y auroit eu de la témérité à l'entreprendre, et il n’auroit pas réussi. Car supposons un instant que je n’eusse pas eu cette connoissance de l’avan- tage des grands foyers sur les petits; voici comme jaurois été obligé de raisonner. Puisqu'il faut à un miroir deux cent quatre- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 23 Yingt-huit fois la surface du foyer pour brûler dans un espace de deux lignes, il faudra de même deux cent quatre-vingt-huit glaces ou miroirs de six pouces pour brûler dans un espace de six pouces; et dès lors, pour brûler seulement à cent pieds, il auroit fallu un miroir composé d'environ onze cent cin- quante-deux glaces de six pouces ; ce qui étoit une grandeur énorme pour un petit effet, et cela étoit plus que suffisant pout me faire abandonner mon projet: mais con- noissant l'avantage considérable des grands foyers sur les petits, qui, dans ce cas, est de 288 à 30, je sentis qu'avec cent vingt glaces de six pouces je brûüleroïs très-certainement à cent pieds; et c'est sur cela que j’entrepris avec confiance la construction de mon mi- roir , qui, comme l’on voit, suppose une théorie, tant mathématique que physique, fort différente de ce qu’on pouvoit imaginer au premier coup d'œil. Descartes ne devoit donc pas affirmer qu’un petit miroir ardent brüleroit aussi violem- ment qu’un grand. | I dit ensuite : « Et un miroir ardent dont « le diamètre n’est pas plus grand qu'environ 24 MINÉRAUX. INTRODUCTION, «la centième partie de la distance qui esé. « entre lui et le lieu où il doit rassembler les « rayons du Soleil, c’est-à-dire, qui a même « proportion avec cette distance qu'a le dia- « mètre du Soleil avec celle quiest entre lui et « nous, fût-il poli par un ange, ne peut faire « que les rayons qu'il assemble échauffent « plus en l'endroit où il les assemble, que « ceux qui viennent directement du Soleil ; «ce qui se doit aussi entendre des verres « brûlans à proportion : d'où vous pouvez « voir que ceux qui ne sont qu à demi savans « en l'optique se laissent persuader beaucoup « de choses qui sont impossibles, et que ces « miroirs dont on a dit qu’Archimède brù- « loit des navires de fort loin, devoient être « extrémement sr > OU plutôt qu'ils sont « fabuleux. » C’est ici que je bornerai mes réflexions : si notre illustre philosophe eût su que les grands foyers brûlent plus que les petits à égale intensité de lumière, il auroit jugé bien différemment, et il auroit mis une forte restriction à cette conclusion. | Mais, indépendamment de cette connois- sance qui lui manquoit, son raisonnement | /\ tn : Eu } PARTIE EXPÉRIMENTALE. 25 n’est point du tout exact; car un miroir ardent dont le diamètre n’est pas plus grand qu'environ la centième partie qui est entre lui et Le lieu où il doit rassembler les rayons, m'est plus un miroir ardent, puisque le dia- - mètre de l’image est environ égal au diamètre du miroir dans ce cas, et par conséquent il 4# … ne peut rassembler les rayons , comme le dit Descartes, qui semble n'avoir pas vu qu'on doit réduire ce cas à celui des miroirs plans. Mais de plus, en n’employant que ce qu'il savoit et ce qu'il avoit prévu, il est visible que s’il eût réfléchi sur l'effet de ce prétendu miroir qu’il suppose poli par un ange, et qui ne doit pas rassembler, mais seulement réfléchir la lumière avec autant de foree qu'elle en a en venant directement du Soleil , il auroit vu qu'il étoit possible de brûler à de grandes distances avec un miroir de médiocre grandeur, s’il eût pu lui donner la figure convenable ; car 1l auroit trouvé que , dans cette hypothèse, un miroir de cinq pieds auroit brülé à plus de deux cents pieds, parce qu'il ne faut pas six fois la cha: leur du Soleil pour brüler à cette distance ; et de mème, qu'un miroir de sept pieds auroit 3 ù | 26 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | brûlé à près de quatre cents pieds, ce qui ne fait pas des miroirs assez grands pour qu’ on puisse les traiter de fabuleux. Il me reste à observer que Descartes igno- roit combien 1l falloit de fois la lumière du Soleil pour brûler; qu’il ne dit pas un mot des miroirs plans; qu’il étoit fort éloigné de soupçonner la mécanique par laquelle on pouvoit les disposer pour brüler au loin, et que par conséquent il a prononcé sans avoir assez de connoissance sur cette matière, et même sans avoir fait assez de réflexions sur ce qu'il en savoit. Au reste, je ne suis pas le premier quiaie fait quelques reproches à Descartes sur ce sujet, quoique j'en aie acquis le droit plus qu'un autre; car, pour ne pas sortir du sein de cette compagnie *, je trouve’que M: du Fay en a presque dit autant que moi. Voici ses paroles : Il ne s'agit pas, dit-il, si un tel miroir qui br _ deroit à six cents pieds est possible ou non, mais si, physiquement parlant, cela peut arriver. Cette opinion a été extrémement con- tredite, et je dois mettre Descartes à la téte * L'académie royale des sciences. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 27 de ceux qui l'ont combattue. Mais quoique M. du Fay regardât la chose comme impos- sible à exécuter, il n’a pas laissé de sentir que Descartes avoit eu tort d'en nier la pos- sibilité dans la théorie. J'avouerai volontiers que Descartes a entrevu ce qui arrive aux images réfléchies ou réfractées à différentes distances , et qu'à cet égard sa théorie est peut-être aussi bonne que celle de M. du Fay, que ce dernier n’a pas développée : mais les inductions qu’il en tire sont trop générales et trop vagues, et les dernières conséquences sont fausses ; car si Descartes eût bien com- pris toute cette matière, au lieu de traiter le miroir d'Archimède de chose impossible et fabuleuse , voici ce qu'il auroit dù con- clure de sa propre théorie. Puisqu’un miroir ardent, dont le diamètre n’est pas plus grand que la centième partie de la distance qui est entre le lieu où il doit rassembler les rayons du Soleil, füt-il poli par un ange, ne peut faire que les rayons qu’il assemble échauffent plus en l’endroit où il les assemble que ceux qui viennent directement du Soleil, ce mi- roir ardent doit être considéré comme un miroir plan parfaitement poli, et par consé- 28 MINÉRAUX. INTRODUCTION, quent, pour brûler à une grande distance, il faut autant de ces miroirs plans qu’il ae de fois la lumière directe du Soleil pour brû- ler ; en sorte que les miroirs dont on dit qu'Archimède s’est servi pour brûler des vaisseaux de loin, devoient être composés de miroirs plans, dont il falloit au moins un nombre égal au nombre de fois qu’il faut la Tumière directe du Soleil pour brüler. Cette conclusion , qui eût été la vraie selon ses principes, est, comme l’on voit, fort diffé— rente de celle qu’il a donuée. On est maintenant en état de juger si je n'ai pas traité Te célèbre Descartes avec tous les égards que mérite son graud nom, lors- que j'ai dit dans mon Mémoire : Descartes, né pour juger et méme pour surpasser Archi- mède , a prononcé contre lui d’un ton de: maître : il a nié la possibilité de l'invention ; et son opinion a prévalu sur les témoignages et la croyance de toute l'antiquité. | Ce que je viens d'exposer suffit pour jus- tifier ces termes que l’on m'a reproches ; et peut-être même sont-ils trop forts, car Ar- chimède étoit un très-grand génie; et lorsque j'ai dit que Descartes étoit né pour le juger, - PARTIE EXPÉRIMENTALE. 29 et même pour le surpasser, j'ai senti qu’il pouvoit bien y avoir un peu de compliment national dans mon expression. | J'aurois encore beaucoup de choses à dire sur cette matière : mais comme ceci est déja bien long, quoique j'aie fait tous mes efforts pour être court, je me bornerai pour le fond du sujet à ce que je viens d'exposer ; mais je ne puis me dispenser de parler encore un moment au sujet de l'historique de la chose, afin de satisfaire, par ce seul Mémoire, à toutes Les objections et difficultés qu’on m'a faites. | | Je ne prétends pas prononcer affirmative- ment qu'Archimède se soit servi de pareils miroirs au siége de Syracuse, ui même que ce soit lui qui les ait inventés; et je ne les ai appelées /es miroirs d’Archimède que parce qu’ils étotent connus sous ce nom depuis plu- sieurs siècles. Les auteurs contemporains et ceux des temps qui suivent celui d’Archi- mède , et qui sont parvenus jusqu'à nous , ne font pas mention de ces miroirs : Tite Live, à qui le merveilleux fait tant de plai- sir à raconter , n’en parle pas; Polybe , à l'exactitude de qui Les grandes inventions J - 39 MINÉRAUX. INTRODUCTION, n'auroient pas échappé, puisqu'il entre dans | le détail-des plus petites , et qu’il décrit très soigneusement les plus légères circonstances du siége de Syracuse, garde un silence pro- fond au sujet de ces miroirs; Plutarque, ce judicieux et grave auteur, qui a rassemblé un si grand nombre de faits particuliers de la vie d’Archimède, parle aussi peu des mi- roirs que les deux précédens. En voilà plus qu'il n’en faut pour se croire fondé à douter de la vérité de cette histoire : cependant ce ne sont ici que des témoignages négatifs; et quoiqu'ils ne soient pas indifférens , ils ne peuvent jamais donner une probabilité équi- valente à celle d’un seul témoignage positif, Galien , qui vivoit dans le second siècle , est le premier qui en ait parle ; et, après avoir raconté l’histoire d’un homme qui en- flamma de loin uñn morceau de bois résineux, mêlé avec de la fiente de pigeon, il dit que c’est de cette façon qu’Archimède brüla les vaisseaux des Romains : mais, commeilne décrit pas ce moyen de brûler de loin, et que son expression peut signifier aussi bien un feu qu'on auroit lancé à la main ou par quelque machine, qu'une lumière réfléchie PARTIE EXPÉRIMENTALE. 3x par un miroir, son témoignage n’est pas assez clair pour qu'on puisse en rien conclure d’afirmatif. Cependant on doit présumer , et même avec une grande probabilité, qu’il ne rapporte l'histoire de cet homme qui brüla au loin, que parce qu’il le fit d’une manière singulière , et que, s’il n’eût brûlé qu’en lan- çant le feu à la main, ou en le jetant par le moyen d'une machine, il n’y auroit eu rien d’extraordinaire dans cette façon d’enflam- mer, rien par conséquent qui füt digne de remarque, et qui méritàt d’être rapporte et comparé à ce qu'avoit fait Archimède ; et dès lors Galien n’en eût pas fait mention. On a aussi des témoignages semblables de deux ou trois autres auteurs du troisième siècle, qui disent seulement qu'Archimède brûla de loin les vaisseaux des Romains, sans expliquer les moyens dont il se servit : mais les témoignages desauteurs du douzième siècle ne sont point équivoques , et sur-tout ceux de Zonaras et de Tzetzès que j'ai cités; c’est-à- dire, ils nous font voir clairement que cette invention étoit connue des anciens; car la description qu’en fait ce dernier auteur , sup- pose nécessairement ou qu’il eût trouvé lui- w JUL TT NT da UV 200 0S 32 MINÉRAUX. INTRODUCTION, même le moyen de construire ces miroirs, ou qu'il leût appris et cité d’après quelque auteur qui en avoit fait une très-exacte des cription , et que l'inventeur, quel qu'il fût, entendoit à fond la théorie de ces miroirs; ce - qui résulte de ce que dit Tzetzès de la figure de vingt-quatre angles ou côtés qu’avoient les . petits miroirs, ce qui est en effet la figure la plus avantageuse. Ainsi on ne peut pas dou- ter que ces miroirs n'aient été inventés et : exécutés autrefois, et le témoignage de Zo- naras , au sujet de Proclus, n’est pas suspect: . Proclus s’en servit, dit-il, au siége de Cons: : tantinople, l'an 514, et il brila la flotte de V'italien. Et mème ce que Zonaras ajoute me paroît une espèce de preuve qu'Archimède . étoit le premier inventeur de ces miroirs; car il dit précisément que cette découverte étoit ancienne, et que l'historien Dion en . attribue l'honneur à Archimède, qui la fit et s’en servit contre les Romains au siège de Syracuse. Les livres de Dion où il est parlé du siège de Syracuse, ne sont pas parvenus jusqu’à nous; mais il y a grande apparence . qu'ils existoient encore du temps de Zonaras, et que, sans cela, il neles eüt pas cités comme PARTIE EXPÉRIMENTALE. 33 il l’a fait. Ainsi, toutes les probabilités de part et d'autre étant évaluées , il reste une forte présomption qu'Archimède avoit en effet inventé ces miroirs, et qu’il s’en étoit servi contre les Romains. Feu M. Melot, que j ai cité dans mon Mémoire , et qui avoit fait des recherches particulières et très-exactes sur ce sujet , étoit de ce sentiment, et 1l pensoit qu'Archimède avoit en effet brülé les vais- seaux à une distance médiocre, et, comme le dit Tzetzès , à la portée du trait. J’ai évalué la portée du trait à cent cinquante pieds, d’après ce que m'en ont dit des savans très- versés dans la connoissance des usages an- ciens : 1ls m'ont assuré que toutes les fois quil est question, dans les auteurs, de la portée du trait, on doit entendre la distance à laquelle un homme lançoit à la main un trait ou un javelot ; et si cela est, je crois avoir donné à cette distance toute l’étendue qu'elle peut comporter. J'ajouterai qu’il n’est question, dansaucun auteur ancien , d'une plus grande distance, comme de trois stades , et j'ai déja dit que: l’auteur qu'on m'avoit cité, Diodore de Sicile, n'en parle pas, non plus que du siége ». 34 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de Syracuse, et que ce qui nous reste de cet auteur , finit à la guerre d’Ipsus et d'Antigo- nus, environ soixante ans avant le siége de Syracuse. Ainsi on ne peut pas excuser Des- cartes, en supposant qu'il a cru que la dis- tance à laquelle on a prétendu qu'Archimède avoit brûlé étoit très-srande, comme, par exemple, de trois stades, puisque cela n’est dit dans aucun auteur ancien, et qu'au con- traire 1l est dit dans Tzetzès que cette dis-: tance n'’étoit que de la portée du trait; mais je suis convaincu que c’est cette même dis- tance que Descartes a regardée comme fort grande , et qu’il étoit persuadé qu’il n’étoit pas possible de faire des miroirs pour brûler: à cent cinquante pieds; qu'enfin c’est pour cette raison qu'il a traité ceux d’Archimède de fabuleux. Au reste, Les effets du miroir que j’ai cons- truit ne doivent être regardés que comme des essais sur lesquels, à la vérité, on peut. statuer, toutes proportions gardées, mais qu'on ne doit pas considérer comme les plus grands effets possibles; car je suis convaincu. que si on vouloit faire un miroir semblable, avec toutes les attentions nécessaires, 1l pro=. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 35 duiroit plus du double de l'effet. La première attention seroit de prendre des glaces de figure hexagone , ou même de vingt-quatre côtés, au lieu de les prendre barlongues , comme celles que j'ai employées, et cela afin d’avoir des figures qui pussent s’ajuster ensemble sans laisser de grands intervalles, et qui ap- prochassent en même temps de la figure cir- culaire. La seconde seroit de faire polir ces glaces jusqu'au dernier degré par un lune- tier , au lieu de les employer telles qu’elles sortent de la manufacture , où le poliment se faisant par une portion de cercle , les glaces sont toujours un peu concaves et irrégulières. La troisième attention seroit de choisir, par- mi un grand nombre de glaces, celles qui donneroient à une grande distance uneimage plus vive et mieux terminée, ce qui est ex- trèmement important, et au point qu'ily a dans mon miroir des glaces qui font seules trois fois plus d’effet que d’autres à une grande distance, quoiqu'à une petite distance, com- me de vingt ou vingt-cinq pieds, l'effet en pa- roisse absolument le même. Quatrièmement, il faudroit des glaces d’un demi-pied tout au plus de surface pour brüler à cent cinquante 36 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ou deux cents pieds, et d’un pied de surface | pour brûler à trois ou quatre cents pieds. Cinquièmement , il faudroit les faire étamer avec plus de soin qu’on ne le fait ordinaire- ment. J'ai remarqué qu’en général les glaces fraîchement étamées réfléchissent plus de lu- mière que celles qui le sont anciennement; l’étamage, en se séchant, se gerce, se divise, et laisse de petits intervalles qu’on apper- çoit en y regardant de près avec une loupe; et ces petits intervalles donnant passage à la lumière, la glace en réfléchit d'autant moins. On pourroit trouver le moyen de faire un meilleur étamage, et je crois qu’on y par viendroit en employant de l'or et du vif argent : la lumière seroit peut-être un peu jaune par la réflexion de cet étamage; mais bien loin que cela fit un désavantage, j’ima- gine au contraire qu'il y auroit à gagner, parce que les rayons jaunes sont ceux qui ébranlent le plus fortement la rétine et qui brûülent le plus violemment, comme je crois m'en être assuré, en réunissant, au moyen d'un verre lenticulaire, une quantité de rayons jaunes qui m'étoient fournis par uu grand prisme, et en comparant leur action pk, | _ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 37 avec une égale quantité de rayons de toute autre couleur, réunis par le même verre len- ticulaire , et fournis par le même prisme. _ Sixièmement, il faudroit un châssis de feret des vis de cuivre, etun ressort pour assujettir chacune des petites planches qui portent les glaces , tout cela conforme à un modèle que j'ai fait exécuter par le sieur Chopitel, afin que la sécheresse et l'humidité, qui agissent sur le châssis et les vis en bois, ne causassent pas d’inconvénient, et que le foyer, lorsqu'il est une fois formé, ne fût pas sujet à s'élar- gir , et à se déranger lorsqu'on fait rouler le miroir sur son pivot, ou qu’on le fait tour- ner autour de son axe pour suivre le Soleil: 1l faudroit aussi ÿ ajouter une alidade avec deux pinnules au milieu de la partie infé- rieure du chässis, afin de s’assurer de la po- sition du miroir par rapport au Soleil, et une autre alidade semblable, mais dans un plan vertical au plan de la première pour suivre le Soleil à ses différentes hauteurs. Au moyen de toutes ces attentions , je crois pouvoir assurer, par l'expérience que j'ai ac- quise en me servant de mon miroir, qu'on pourroit en réduire la grandeur à moitié, ei Mat. gén. VI | Le 38 MINÉRAUX. INTRODUCTION, qu'au lieu d’un miroir de sept pieds aveë lequel j'ai brûlé du bois à cent cinquante pieds, on produiroit le même effet avec un miroir de einq pieds et demi, ce qui n'est, comme l’on voit, qu’une très-médiocre gran- deur pour un très-grand effet ; et de même, je crois pouvoir assurer qu il ne faudroit alors qu'un miroir de quatre pieds et demi pour brûler à cent pieds, et qu’un miroir de trois pieds et demi brüleroit à soixante pieds, ce qui est une distance bien considérable en comparaison du diamètre du miroir. Avec un assemblage de petits miroirs plans hexagones et d'acier poli, qui auroient plus de solidité, plus de durée que les glaces éta- mées, et qui ne seroient point sujets aux altérations que la lumière du Soleil fait subir à la longue àl'étamage, on pourroit produire des effets très-utiles, et qui dédommageroient amplement des dépenses de la construction du miroir. | 1°. Pour toutes les évaporations des eaux salées, où l’on est obligé de consommer du bois et du charbon, ou d'employer l’art des bä- timens de graduation, qui coûtent beaucoup plus que la construction de plusieurs miroirs PARTIE EXPÉRIMENTALE. 39 tels que je les propose. Il ne fatdroit, pour l’évaporation des eaux salées, qu'un assem— blage de douze miroirs plans d’un pied quarré chacun; la chaleur qu’ils réfléchiront à leur foyer, quoique dirigée au-dessous de leur n1i- veau, et à quinze ou seize pieds de distance, sera encore assez grande pour faire bouillir l'eau, et produire par conséquent une prompte évaporation, car la chaleur de l’eau bouil- Jante n’est que triple de la chaleur du soleil d'été : et, comme la réflexion d’une surface plane bien polie ne diminue la chaleur que de moitié, il ne faudroit que six miroirs pour produire au foyer une chaleur égale à celle de l’eau bouillante ; mais j'en double ie nombre, afin que la chaieur se communique plus vite, et aussi à cause de la perte occa- siowneée par l’obliquité, sous laquelle le fais- ceau de la lumière tombe sur la surface de l'eau qu'on veut faire éyaporer, et encore parce que l’eau salée s’échauffe plus lente ment que l'eau douce. Ce miroir, dont l’as- semblage ne formeroit qu’un quarré de quatre pieds de largeur sur trois de hauteur, seroit aisé à manier et à transporter; et, si l’on vouloit en doubler ou tripler Les effets dans &o MINÉRAUX. INTRODUCTION, le même temps, il vaudroit mieux faire plu- sieurs miroirs semblables, c’est-à-dire, dou- bler ou tripler le nombre de ces mêmes miroirs de quatre pieds sur trois, que d’en augmenter l'étendue ; car l’eau ne peut rece- voir qu'un certain degré de chaleur déter- minée, et l’on ne gagneroit presque rien à augmenter ce degré et par conséquent la’ grandeur du miroir; au lieu qu’en faisant ri deux foyers par deux miroirs égaux, on dou- blera l'effet de l’évaporation , et on le triplera par trois miroirs dont les foyers tomberont séparément les uns des autres sur la surface de l’eau qu'on veut faire évaporer. Au reste, l’on ne peut éviter la perte causée par l’obli- quité; et si l’on veut y remédier, ce ne peu£. être que par une autre perte encore plus grande, en recevant d'abord les rayons du : Soleil sur une grande glace qui les réfléchiroit sur le miroir brise ; car alors il brüleroit en bas , au lieu de brûler en haut : mais il per- droit moitié de la chaleur par la première réflexion , et moitié du reste par la seconde; : en sorte qu'au lieu de six petits miroirs, 1l en faudroit douze pour obtenir une chaleur égale à celle de l’eau bouillante. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 4r . Pour que l’évaporation se fasse avec plus de succés, il faudra diminuer l'épaisseur de l'eau autant qu'il sera possible. Une masse d'eau d’un pied d'épaisseur ne s'évaporera pas aussi vite, à beaucoup près, que la même masse réduite à six pouces d'épaisseur et aug- mentée du double en superficie. D'ailleurs le fond étant plus près de la surface, il s’échauffe plus promptement, et cette chaleur que re- çoit le fond du vaisseau , contribue encore à la célérité de l’évaporation. 2°. On pourra se servir avec avantage de ces miroirs pour calciner les plâtres et même les pierres calcaires ; mais il les faudroit plus grands et placer les matières en haut, afin de ne rien perdre par l’obliquité de la lumière. On a vu par les expériences détaillées dans le second de ces Mémoires , que le gypse s'échauffe plus d’une fois plus vite que la pierre calcaire tendre, et près de deux fois plus vite que le marbre ou la pierre calcaire dure; leur calcination respective doit ètre en même raison. J'ai trouvé, par une expé-— rience répétée trois fois, qu'il faut un peu plus de chaleur pour calciner le gypse blanc qu on appelle a/bérre, que pour fondre le " 4 42 MINÉRAUX. INTRODUCTION, HA plomb. Or la chaleur nécessaire pour fondre \ le plemb, est, suivant les expériences de À Newton, huit fois plus grande que la chaleur du soleil d'été : il faudroit donc au moins seize petits miroirs pour calciner le gypse; et à cause des pertes occasionneées tant par l’obliquité dela lumière que par l’irrégula- rité du foyer, qu’on n’éloignera pas au-delà . de quinze pieds, je présume qu'il faudroit vingt et peut-être vingt-quatre miroirs d'un pied quarré chacun pour calciner le gypse en peu de temps : par conséquent il faudroit un assemblage de quarante-huit de ces petits miroirs pour opérer la calcination sur la pierre calcaire la plus tendre, et soixante- douze des mêmes miroirs d’un pied en quarré pour calciner les pierres calcaires dures. Or un miroir de douze pieds de largeur sur six pieds de hauteur ne laisse pas d’être une grosse machine embarrassante et difficile à mouvoir, à monter et à maintenir. Cepen- dant on viendroit à bout de ces difficultés, si le produit de la calcination étoit assez considérable pour équivaloir et même sur- passer la dépense de la consommation du bois: il faudroit, pour s’en assurer, commencer + PARTIE EXPÉRIMENTALE. 43 par calciner le plâtre avec un miroir de vingt- quatre pièces, et, si cela réussissoit, faire deux autres miroirs pareils, au lieu d’en faire un grand de soixante-douze pièces; car , en faisant coïncider les foyers de ces trois miroirs de vingt-quatre pièces, on pro- duira une chaleur égale, et qui seroit assez forte pour calciner le marbre ou la pierre dure. Mais une chose très-essentielle reste dou- teuse, c’est de savoir combien il faudroit de temps pour calciner, par exemple, un pied cube de matière, sur-tout si ce pied cube a'étoit frappé de chaleur que par une face : je vois qu'il se passeroit du temps avant que la chaleur eût pénétré toute son épaisseur; je vois que, pendant tout ce temps, il s'en perdroit une assez grande partie qui sortiroit de ce bloc de matière après y être entrée : je crains donc beaucoup que la pierre n'étant pas saisie par la chaleur de tous les côtés à la fois, la calcination ne fût très-lente, et le produit en chaux très-petit. L'expérience seule peut ici décider; mais il faudroit au moins la tenter sur les matières gypseuses, dont la calcination doit être une fois plus 44 MINÉRAUX. INTRODUCTION, prompte que celle des pierres calcaires *: En concentrant cette chaleur du Soleil dans un four qui n’auroit d'autre ouverture que celle qui laisseroit entrer la lumiere, on empécheroit en grande partie la chaleur de s’évaporer; et en mêlant avec les pierres calcaires une petite quantité de brasque ou poudre de charbon, qui de toutes les matières combustibles est la moins chère, cette légère quantité d’aliment suffiroit pour nourrir et augmenter de beaucoup la quantité de cha- leur; ce qui produiroit une plus ample et plus prompte calcination , et à très-peu de frais, comme on l'a vu par la seconde expé- rience du quatrième Mémoire. 3°. Ces miroirs d’Archimède peuvent ser- vir en effet à mettre le feu dans des voiles de vaisseau , et même dans le bois soudronne, * Il vient de paroître un petit ouvrage rempli de grandes vues, de M. l’abbé Scipion Bexon, qui a pour titre: Systéme de la fertilisation. I] propose mes miroirs comme un moyen facile pour réduire en chaux toutes les matièrès : maïs 1l leur attribue : plus de puissance qu'ils n’en ont réellement, et ce v’est queen les mulupliant qu'on pourroit obtenir les grands effets qu’il s'en promet, % 14 | ñ ‘4 1 1 _— PARTIE EXPÉRIMENTALE. 45 à plus de cent cinquante pieds de distance: on pourroit s'en servir aussi contre ses enne- mis en brülant les bles et les autres produc- tions de la terre; cet effet, qui seroit assez prompt , seroit très-dommageable. Mais ne nous occupons pas des moyens de faire du mal, et ne pensons qu'à ceux qui peuvent procurer quelque bien à l'humanité. 4°. Ces miroirs fournissent le seul et unique. moyen qu'il y ait de mesurer exactement la chaleur : il est évident que deux miroirs dont les images lumineuses se réunissent, produisent une chaleur double dans tous les points de la surface qu’elles occupent ; que irois, quatre, cinq, etc. miroirs donneront de même une chaleur triple, quadruple, quintuple, etc., et que par conséquent on peut par ce moyen faire un thermomètre dont les divisions ne seront point arbitraires, et les échelles différentes, comme le sont celles de tous les thermomètres dont on s’est servi jusqu à ce jour. La seule chose arbi- traire qui entreroit dans la construction de ce thermomètre , seroit la supposition du nombre total des parties du mercure en partant du degré de froid absolu ; mais en 46 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Je prenant à 10000 au-dessous de la congé- lation de l’eau, au lieu de 1000, comme dans nos thermomètres ordinaires, on ap- procheroit beaucoup de la réalité , sur-tout en choisissant les jours de l'hiver les plus froids pour graduer le thermomètre; chaque image du Soleil lui donneroit un degré de chaleur au-dessus de la température que nous supposerons à celui de la glace. Le point { auquel s’éleveroit le mercure par la chaleur de la première image du Soleil, seroiït mar- qué 1; le point où il s’éleveroit par la cha- leur de deux images égales et réunies, sera marqué 2; celui où trois images le feront monter, sera marqué 5; et ainsi de suite, jusqu’à la plus grande hauteur, qu’on pour- roit étendre jusqu’au degré 36. On auroit à ce degré une augmentation de chaleur trente-. six fois plus grande que celle du premier de- gré, dix-huit fois plus grande que celle du second , douze fois plus grande que celle du troisième , neuf fois plus grande que celle du quatrième, etc. : cette augmentation 36 de chaleur au-dessus de celle de la glace seroit assez grande pour fondre le plomb, et il y a toute apparence que le mercure, qut PARTIE EXPÉRIMENTALE. 47 se volatilise à une bien moindre chaleur, feroit, par sa vapeur, casser le thermomètre, On ne pourra donc étendre la division que jusqu’à 12 et peut-être même à 9 degrés, si l’on se sert de mercure pour ces thermo- mètres; et l’on n’aura par ce moyen que les degrés d'une augmentation de chaleur jus- qu'à 9. C’est une des raisons quiavoient déter- miné Newton à se servir d'huile de lin au lieu de mercure; et en effet on pourra, en se servant de cette liqueur, étendre la divi- sion non seulement à 12 degrés, mais jus- qu'au point de cette huile bouillante, Je ne propose pas de remplir ces thermomètres avec de l’esprit-de-vin coloré; il est univer- sellement reconnu que cette liqueur se dé- compose au bout d'un assez petit temps *, et que d'ailleurs elle ne peut servir aux expériences d’une chaleur un peu forte. Lorsqu'on aura marqué sur l’échelle de ces thermomètres remplis d'huile ou de mer- cure, les premières divisions 1, 2, 3, 4, etc, * Plusieurs voyageurs m’ont écrit que les thermo- mètres à l'esprit-de-vin de Réaumur leur étoient devenus tout-à-fait inutiles , parce que cette liqueur se décolore et se. charge d’une espèce de boue en assez peu de temps. APT NES de 48 MINÉRAUX. INTRODUCTION, qui indiqueront le double, le triple, le qua- druple, etc. des augmentations de la chaleur, il faudra chercher les parties aliquotes de | chaque division : par exemple , les points: de1:,2:, 3:, etc. oude1:, 2=, 34, etc. etde1i,2i,3#,etc.; ce que l’on obtiendra par un moyen facile, qui sera de couvrir la moitié, ou le quart, eu les trois quarts de la superficie d’un des petits miroirs, car alors l'image qu'il refléchira ne contiendra que le quart, la moitie ou les trois quarts de la cha-. leur que contient l’image entière; et par. conséquent les divisions des parties aliquotes. seront aussi exactes que celles des nombres entiers. Si l’on réussit une fois à faire ce thermo- mètre réel, et que j'appelle ainsi parce qu'il marqueroit réellement la proportion de là chaleur , tous les autres thermomètres, dont les échelles sont arbitraires et différentesentre elles , deviendroient non seulement super- flus , mais même nuisibles, dans bien des cas , à la précision des vérités physiques qu’on cherche par leur moyen. On peut se rappeler l'exemple que j'en ai donné, en parlant de l'estimation de la chaleur qui émane du globe PARTIE EXPÉRIMENTALE. 49 de la Terre , comparée à la chaleur qui nous vient du Soleil. 5°. Au moyen de ces miroirs brisés, on pourra aisément recueillir, dans leur entière pureté, les parties volatiles de l’or et de l’ar- gent , et des autres métaux et minéraux ; Car, en exposant au large foyer de ces miroirs une grande plaque de metal, comme une assiette ou un plat d'argent, on en verra sor- tir une fumée très-abondante pendant un temps considérable, jusqu’au moment où le -métal tombe en fusion; et, en ne donnant qu'une chaleur un peu moindre que celle qu’exige la fusion, on fera évaporer le métal au point d’en diminuer le poids assez consi- dérablement. Je me suis assuré de ce premier fait, qui peut fournir des lumières sur la: composition intime des métaux : j'aurois bien desire recueillir cette vapeur abondante que le feu pur du Soleil fait sortir du métal ; mais jen'avois pas les instrumens nécessaires, et je ne puis que recommander aux chimistes et aux physiciens de suivre cette expérience importante, dont les résultats seroient d’au- tant moins équivoques que la vapeur métal- lique est ici très-pure; au lieu que, dans toute 5 Ÿ. So MINÉRAUX. INTRODUCTION. opération semblable qu'on voudroitfaireavée : le feu commun, la vapeur métallique seroit | nécessairement mêlée d’autres vapeurs pro venant des matières combustibles qui servent d’aliment à ce feu. D'ailleurs ce moyen est peut-être le seul que nous ayons pour volatiliser les métaux fixes , tels que l’or et l'argent ; car je pré- sume que cette vapeur, que j'ai vue s’élever en si grande quantité de ces métaux échaulffés au large foyer de mon miroir, n’est pas de l’eau ni quelque autre liqueur, mais des par- ties mêmes du metal que la chaleur en dé- tache en les volatilisant. On pourroit, en recevant ainsi les vapeurs pures des différens métaux , les mêler ensemble, et faire, par ce moyen, des alliages plus intimes et plus purs qu’on ne l’a fait par la fusion et par la mixtion de ces mêmes métaux fondus, qui ne se marient jamais parfaitement, à cause de l'inégalité de leur pesanteur spécifique, et de plusieurs autres circonstances qui s’op- posent à l'intimité et à l'égalité parfaite du mélange. Comme les parties constituantes de ces vapeurs métalliques sont dans un état de division bien plus grande que dans l’état de TEE PARTIE EXPÉRIMENTALE. br Fusion , elles se joindroient et se réuniroient de bien plus près et plus facilement. Enfin on arriveroit peut-être, par ce moyen, à la connoissance d'un fait général, et que plu- sieurs bonnes raisons me font soupçonner depuis long-temps : c’est qu’il y auroit péné- tration dans tous les alliages faits de cette matière, et que leur pesanteur spécifique seroit toujours plus grande que la somme des pesanteurs spécifiques des matières dont 1ls seroient composés; car la pénétration n’est qu un degré plus grand d'intimité, et l'inti- mité, toutes choses égales d’ailleurs , sera d'autant plus grande que les matières seront dans un état de division plus parfaite. En réfléchissant sur l'appareil des vaisseaux qu'il faudroit employer pour recevoir et recueillir ces vapeurs métalliques , il m'est venu une idée qui me paroit trop utile pour ne la pas publier; elle est aussi trop aisée à réaliser pour que les bons chimistes ne la saisissent pas : je l’ai même communiquée à quelques uns d’entre eux, qui m'en ont paru très-satisfaits. Cette idée est de geler le mer- cure dans ce climat-c1, et avec un degré de £roid beaucoup moindre que celui des expé- P, ATTE ‘ri RL LPO LOF ROPANEE. HUE 2 MINÉRAUX. INTRODUCTION, riences de Pétersbourg ou de Sibérie. Il ne faut pour cela que recevoir la vapeur du mer- cure , qui est le mércure mème volatilisé par une très-mediocre chaleur, dans une cucur- bite, ou dans un vase auquel on donnera un. certain degré de froid artificiel : ce mercure en vapeur, c’est-à-dire , extrêmement divisé, offrira à l’action de ce froid des surfaces si grandes et des masses si petites, qu’au lieu de 187 degrés de froid qu’il faut pour geler le mercure en masse , il n’en faudroit peut être que 18 ou 20 decrés, peut-être même … moins, pour le geler en vapeurs. Je recom— mande cette expérience importante à tous ceux qui travaillent de bonne foi à l’avance- ment des sciences. Je pourrois ajouter à ces usages principaux du miroir d'Archimède, plusieurs autres usages particuliers ; mais j'ai cru devoir me borner à ceux qui m'ont paru les plus utiles et les moins difficiles à réduire en pratique. Néanmoins je crois devoir joindre ici quel- ques expériences que j'ai faites sur la trans- mission de la lumière à travers les corps transparens , et donner en même temps quel- ques idées nouvelles sur les moyens d’apper— L7 L PARTIE EXPÉRIMENTALE. 53 tevoir de loin les objets à l’œil simple, où par le moyen d’un miroir semblable à celui dont les anciens ont parlé, par l'effet duquel on appercevoit du port d'Alexandrie les vais- seaux d’aussi loin que la courbure de la terre pouvoit le permettre. Tousles physicienssaventaujourd’hui qu'il y a trois causes qui empêchent la lumière de se réunir dans un point lorsque ses rayons ont traversé le verre objectif d’une lunette ordinaire. La première est la courbure sphé- rique de ce verre, qui répand une partie des rayons dans un espace termine par une courbe. La seconde est l’angle sous lequel nous paroït à l'œil simple l’objet que nous observons; car la largeur du foyer de l'objectif a toujours à très peu près pour diamètre une ligne égale à la corde de l’arc qui mesure cet angle. La troisième est la différente réfrangibilité de la lumière; car les rayons les plus réfrangibles ne se rassemblent pas dans le même lieu où se rassemblent les rayons les moins réfran- gibles. hé On peut remédier à l’effet de la première cause, en substituant, comme Descartes l’a proposé, des verres elliptiques ou hyperbo- 5 54 MINÉRAUX. INTRODUCTION, liques aux verres sphériques. On remédie « à l’eflet de la seconde par le moyen d’un second verre placé au foyer de l'objectif, dont le diamètre est à peu près égal à la l largeur de ce foyer , et dont la surface est travaillée sur une sphère d’un rayon fort court. On a trouvé de nos jours le moyen de remédier à la troisième, en faisant des lunettes qu’on appelle achromatiques , et qui sont composées de deux sortes de verres qui dispersent différemment les rayons co- lorés, de manière que la dispersion de l’un est corrigée par la dispersion de l’autre , sans que la réfraction générale moyenne, qui constitue la lunette, soit anéantie. Une lunette de trois pieds et demi de longueur, faite sur ce principe, équivaut, pour l'effet, aux ancienues lunettes de, vingt-cinq pieds de longueur. Au reste , le remède à l'effet de la pre- mière cause est demeuré tout-à-fait inutile jusqu’à ce jour, parce que l'effet de la der- nière, étant beaucoup plus considérable, in- flue si fort sur l’effet total, qu’on ne pouvoit rien gagner à substituer des verres hyper- boliques ou elliptiques à des verres sphé- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 55 riques , et que celte substitution ne pou- voit devenir avantageuse que dans le cas où lon pourroit trouver le moyen de, corriger Veffet de la différente réfrangibilité des rayons de la Iumière. Il semble donc qu'au- -jourd’hui l’on feroit bien de combiner les deux moyens, et de substituer, dans les lu- nettes achromatiques, des verres elliptiques aux sphériques. Pour rendre ceci plus sensible , supposons que l’objet qu’on observe soit un point lu- mineux sans étendue, tel qu'est une étoile fixe par rapport à nous; il est certain qu’a- vec un objectif, par exemple , de trente pieds de foyer, toutes les images de ce point lumineux s’étendront en forme de courbe au foyer de ce verre s’il est travaillé sur une sphère, et qu’au contraire elles se réu- niront en un point si ce verre est hyper- bolique : mais si l’objet qu'on observe a une certaine étendue , comme la Lune, qui oc- cupe environ un demi-degré d'espace à nos yeux , alors l’image de cet objet occupera un espace d'environ trois pouces de dia- mètre au foyer de l'objectif de trente pieds; et l’aberration causée par la sphéricité pro- 56 MINÉRAUX. INTRODUCTION, duisant une confusion dans un point Iumi< neux quelconque, elle la produit de même sur tous-les points lumineux du disque de la Lune, et par conséquent la défigure en entier. [l y auroit donc, dans tous les cas, beaucoup d'avantage à se servir de verres elliptiques ou hyperboliques pour de longues Junettes , puisqu'on a trouvé le moyen de corriger en grande partie le mauvais effet pro- duit par la différente réfrangibilité des rayons. Il suit de ce que nous venons de dire, que si l’on veut faire une lunette de trente pieds pour observer la Lune et la voir en entier, le verre oculaire doit avoir au moins trois pouces de diamètre pour recueillir l’image entière que produit l'objectif à son foyer, et que si on vouloit observer cet astre avec une lunette de soixante pieds, l’ocu- laire doit avoir au moins six pouces de dia- mètre, parce que la corde de l'arc qui me- sure l'angle sous lequel nous paroït la Lune, est dans ce cas de trois pouces et de six pouces à peu près; aussi les astronomes ne font jamais usage de lunettes qui renferment le disque entier de la Lune, parce qu'elles grossiroient trop peu : mais si on veut ob= \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 57 server Venus avec une lunette de soixante pieds, comme l’angle sous lequel elle nous pa- roît n’est que d'environ 60 secondes, le verre oculaire pourra n'avoir que quatre lignes de diamètre ; et si on se sert d'un objectif de cent vingt pieds, un oculaire de huitlignes de diamètre sufhroit pour réunir l’image entière que l'objectif forme à son foyer. . De là on voit que quand même les rayons de lumière seroient également réfrangibles, on ne pourroit pas faire d'aussi fortes lu- nettes pour voir la Lune en entier que pour voir les autres planètes, et que plus une planète est petite à nos yeux, et plus nous pouvons augmenter la longueur de la lu- nette avec laquelle on peut la voir en en- tier. Dès lors on conçoit bien que , dans cette même supposition des rayons égale- ment réfrangibles, il doit y avoir une cer- taine longueur déterminée, plus avantageuse qu'aucune autre pour telle ou telle pla- nète , et que cette longueur de la lunette dépend non seulement de l'angle sous le- quel la planète paroïît à notre œil, mais en- core de la quantité de lumière dont elle est éclairée, 58 MINÉRAUX. PR Dans les lunettes ordinaires , les rayons | de la lumière étant différemment reéfran= gibles , tout ce qu’on pourroit faire dans ii cette vue pour les perfectionner ne seroit pas | fort avantageux , parce que , sous quelque angle que paroisse à notre œil l’objet ou l'astre que nous voulons observer, et quel- que intensité de lumière qu’il puisse avoir, les rayons ne se rassembleront jamais dansle même endroit : plus la lunette sera longue, plus il y aura d'intervalle * entre le foyer des rayons rouges et celui des rayons violets, | et par conséquent plus sera confuse li image R de l’objet observé. On ne peut donc perfectionner les lunettes ‘par réfraction, qu’en cherchant, comme on l'a fait, les moyens de corriger cet effet de la différente réfrangibilité , soit en coin po— sant la lunette de verres de differente den- sité, soit par d’autres moyens particuliers, et qui seroient différens selon les différens objets et les différentes circonstances. Sup- posons , par exemple , une courte lunette et * Cet intervalle est d’un pied sur vingt-sept de foyer. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 59 composée de deux verres, l’un convexe et l’autre concave des deux côtés : il est cer- tain que cette lunette peut se réduire à une autre dont les deux verres soient plans d'un côté, et travaillés de l’autre côté sur des sphères dont le rayon seroit une fois plus court que celui des sphères sur lesquelles auroient été travaillés les verres de la pre- mière lunette. Maintenant, pour éviter une grande partie de l'effet de la différente ré- frangibilité des rayons , on peut faire cette seconde lunette d'une seule pièce de verre massif, comme je l'ai fait exécuter avec deux morceaux de verre blanc, l’un de deux pouces et demi de longueur, et l’autre d’un pouce et demi : mais alors la perte de la transparence est un plus grand inconvé- nient que celui de la différente réfrangibilité qu’on corrige par ce moyen; car ces deux petites lunettes massives de verre sont plus obscures qu'une petite lunette ordinaire du mème verre et des mêmes dimensions : elles donnent, à la vérité, moins d’iris, mais elles n’en sont pas meilleures; et si on les faisoit plus longues , toujours en verre massif, la lumière ,'après avoir traversé cette épaisseur 6 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de verre, n’auroit plus assez de force pour peindre l’image de l’objet à notre œil. Ainsi É pour faire des lunettes de dix ou vingt pieds ; je ne vois que l’eau qui ait assez de transpa— rence pour laisser passer la lumière sans l'éteindre en entier dans cette grande épais- seur : en employant donc de l’eau pour rem- plir l'intervalle entre l’objectif et l’oculaire, on diminuera en partie l’effet de la différente réfrangibilité *, parce que celle de l’eau ap- proche plus de celle du verre que celle de l'air; et sion pouvoit, en chargeant l'eau de différens sels, lui donner le même degré de puissance réfringente qu’au verre, il n’est * M. de la Lande, l’un de nos plus savans astro= homes, après avoir Tu cet article, a bien voulu me communiquer quelques remarques qui mont paru très-justes et dont j'ai profité. Seulement je ne suis pas d’accord avec lui sur ces lunettes remplies d’eau ; il croit qu’on diminueroit très-peu la différente réfrangibilité, parce que l’eau disperse les rayons colorés d'une manière différente du verre, et qu'il y auroit des couleurs qui proviendrorent de l’eau, et d’autres du verre. Mais, en se servant du verré le moins dense, et en augmentant, par les sels, la densité de l’eau, on rapprocheroit de très-peu leux puissance réfractive. , x, \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 6r pas douteux qu’on ne corrigeât davantage, par ce moyen, l'effet de la différente réfran-— gibilité des rayons. Il s’agiroit donc d’em- ployer une liqueur transparente qui auroit à peu près la même puissance réfrangible que le verre; car alors il sera sûr que les deux verres , avec cette liqueur entre deux , corri- geront en partie l'effet de la différente ré- frangibilité des rayons, de la même façon qu'elle est corrigée dans la petite lunette massive dont je viens de parler. Suivant les expériences de M. Bouguer , une ligne d'épaisseur de verre détruit +de la lumière, et par conséquent la diminution s’en feroit dans la proportion suivante : Épaisseurs, ins 9 ns (D % Glignes ; 10 50 2$0 250 (REVICANE I 0 2 9, —; en 49 3+3 2401 16807 1176+9 sorte que, par la somme de ces six termes, on trouveroit que la lumière, qui passe à travers six lignes de verre, auroit déja perdu 122, c’est-à-dire, environ le 5 de sa quan- tite. Mais il faut considérer tn M. Bouguer s’est servi de verres bien peu transparens, puisqu'il a vu qu’une ligne d'épaisseur de ces verres détruisoit de la lumière. Par les expériences que j'ai faites sur différentes 6 Diminutions, <, f , 62 MINÉRAUX. INTRODUCTION, espèces de verre blanc, il m’a paru que là lumière diminuoit beaucoup moins. Voici ces expériences , qui sont assez faciles à faire, et que tout le monde est en état de répéter. Dans une chambre obscure dont les murs étoient noircis, qui me servoit à faire des expériences d'optique, j'ai fait allumer une bougie de cinq à la livre; la chambre étoit fort vaste, et ia lumière de la bougie étoit la seule dont elle füt éclairée. J'ai d’abord cher- ché à quelle distance je pouvois lire un caractère d'impression, tel que celui de la gazette de Hollande, à la lumière de cette bougie, et j'ai trouvé que je lisois assez faci- lement ce caractère à vingt-quatre pieds quatre pouces de distance de la bougie. En- suite, ayant placé devant la bougie, à deux pouces de distance , un morceau de verré provenaut d’une glace de Saint-Gobin, réduite , à une ligne d'épaisseur, j'ai trouvé que je lisois encore tout aussi facilement à vingt- deux pieds neuf pouces; et en substituant à cette glace d’une ligne d’épaisseur, un autre morceau de deux lignes d’epaisseur et du même verre, j'ai lu aussi facilement à vingt- un pieds de distance de la bougie. Deux de PARTIE EXPÉRIMENTALE. 63 ces mêmes glaces de deux lignes d'épaisseur jointes l’une contre l’autre et mises devant la bougie, en ont diminué la lumière au point que je n’ai pu lire avec la même faci- lité qu’à dix-sept pieds et demi de distance de la bougie. Et enfin avec trois glaces de deux lignes d’épaisseur chacune, je n'ai lu qu'à la distance de quinze pieds. Or la lumière de ia bougie diminuant comme le quarre de la distance augmente, sa diminution auroit été dans la progression suivante, s’il n’y avoit point eu de glaces interposées. PONONEE CRRR ER ajidase De ME 29 al. DTA. L0.714on 592>. 5177. 441. 306= 225. Donc les pertes de la lumière, par l’interpo- sition des places. sont dans la progression suivante, 84 =. 151. 285 2. 567 =. D'où l’on doit conclure qu’une ligne d’é- paisseur de ce verre ne diminue la lumière que de + ou d'environ :; que deux lignes d'épaisseur la diminuent de =, pas Pre fait de —; et trois glaces de deux lignes, de | A dire; moins de <. Comme ce résultat est très-différent de celui de M. Bouguer, et que néanmoins je ET Ü - ne 64 MINÉRAUX. INTRODUCTION, n’avois garde de douter de la vérité de ses expériences, je répétai les miennes en me servant de verre à vitre commun : je choisis des morceaux d’une épaisseur égale, de trois À quarts de ligne chacun. Ayant lu demêmeà vingt-quatre pieds quatre pouces de distance de la bougie, l’interposition d’un de ces mor- ceaux de verre me fit rapprocher à vingt-un pieds et demi; avec deux morceaux inter-— posés et appliqués l’un sur l’autre, je ne pouvois plus lire qu’à dix-huit pieds un quart, et avec trois morceaux à seize pieds ; ce qui, comme l'on voit, se rapproche de la déter- mination de M. Bouguer; car ia perte de la lumière, en traversant ce verre de trois quarts de ligne, étant ici de 592 + — 462 : = 130, le résultat Le ou? ne s'éloigne pas 927, 29 beaucoup de +, à quoi l’on doit réduire les donnés par M. Bouguer pour une ligne d’é- paisseur , parce que mes verres n'avoient que trois quarts de ligne, car 3 ! 14°: 65 : 303>, terme qui ne diffère pas beaucoup de 296. Mais avec du verre communément appelé verre de Bohème, j'ai trouvé, par les mêmes essais, que la lumière ne perdoit qu'un hui- if n PARTIE EXPÉRIMENTALE. 65 lième en traversant une épaisseur d'uneligue, et qu'elle diminuoit dans la progression sui- vante. Epaisseurs , 1, 2, 3, ei 25 GLaN ze: DIRES + du x +9 343 2401 16807. Diminutions, 5. Z. #2. ti, 2e, et. AN NN 8."8.18 8181/8827 Prenant la somme de ces termes, on aura le total de la diminution de la lumière à travers une épaisseur de verre d’un nombre donné de lignes ; par exemple, la somme des six premiers termes est #2. Donc la lu- mière ne diminue que d'un peu plus de moitié en traversant une épaisseur de six lignes de verre de Bohème, etelle en perdroit encore moins, si, au lieu de trois morceaux de deux lignes appliqués l’un sur l’autre, elle . n’avoit à traverser qu'un seul morceau de six lignes d'épaisseur. Avec le verre que j'ai fait fondre en masse épaisse , j'ai vu que la lumière ne perdoit pas plus à travers quatre pouces et demi d’épais- seur de ce verre qu’à travers une glace de Saini-Gobin de deux lignes et demie d’epais- seur; il me semble donc qu'on pourroit en 6 FAR CR ASC CR SSENONR ORAN 66 MINÉRAUX. INTRODUCTION, conclure que la transparence de ce verre étané à celle de cette glace, comme 4 pouces !sont à 2 lignes =, ou 54 à 2<, c’est-à-dire, plus de vingt-une fois plus grande, on pourroit faire de très-bonnes petites lunettes massives de cinq ou six pouces de longueur avec ce verre. Mais pour des lunettes longues, on ne peut employer que de l’eau, et encore est-il à craindre que le même inconvénient ne sub- siste; car quelle sera l’opacité qui résultera de cette quantité de liqueur que je suppose remplir l'intervalle entre les deux verres ? Plus les lunettes seront longues , et plus on perdra de lumière: en sorte qu’il paroît, au premier coup d'œil, qu’on ne peut pas se servir dece moyen, sur-tout pour les lunettes un peu longues : car, en suivant ce que dit M. Bouguer dans son Æssai d'optique sur la gradation de la lumière, neuf pieds sept pouces d’eau de mer font diminuer la lu- mière dans le rapport de 14 à 5; ou, ce qui revient à peu près au même, supposons que dix pieds d’épaisseur d’eau diminuent la lumière dans le rapport de 3 à 1; alors viugt pieds d'épaisseur d’eau la diminueront dans le rapport de 9 à 1; trente pieds la diminue- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 67 xont dans celui de 27 à 1, etc. Il paroît donc qu'on ne pourroit se servir de ces longues lunettes pleines d’eau que pour observer le Soleil , et que les autres astres n’auroient pas” assez de lumière pour qu’il fût possible de les appercevoir à travers une épaisseur de vingt à trente pieds de liqueur intermédiaire. | Cependant, si l’on fait attention qu'en ne donnant qu’un pouce ou un pouce et demi d'ouverture à un objectif de trente pieds, on ne laisse pas d’appercevoir très-nettement les planètes dans les lunettes ordinaires de cette longueur, on doit penser qu'en donnant un plus grand diamètre à l’objectif, on aug- menteroit la quantité de lumière dans la raison du quarré de ce diamètre, et par con- séquent, si un pouce d'ouverture suffit pour voir distinctement un astre dans une lunette ordinaire, W/3 pouces d'ouverture, c’est- a-dire, vingt-une lignes environ de diamètre, suffiront pour qu'on le voie aussi distincte- ment à travers une épaisseur de dix pieds d'eau; et qu'avec un verre de trois pouces de diamètre, on le verroit également à travers une épaisseur de vingt pieds d’eau; qu'avec un verre de W/27 ou 5 pouces = de diamètre, 63 MINÉRAUX. INTRODUCTION, on le verroit à travers une épaisseur de trente pieds , et qu'il ne faudroit qu'un verre de neuf pouces de diamètre pour une lunette … remplie de quarante pieds d’eau , et un verre . de vingt-sept pouces pour une lunette de soixante pieds. | Il semble donc qu’on pourroit, avec espé- rance de réussir, faire construire une lunette sur ces principes ; car, en augmentant le diamètre de l'objectif, on regagne en partie la lumière que l’on perd par le défaut de transparence de la liqueur. On ne doit: pas craindre que les objectifs, , quelque grands qu'ils soient, fassent une trop grande partie de la sphère sur laquelle ils seront travaillés , et que par cette raison les rayons de la lumière ne puissent se réunir exactement; car, en supposant même ces objectifs sept ou huit fois plus grands que je ne les ai déterminés, ils ne feroient pas encore à beaucoup près une assez grande partie de leur sphère pour ne pas réunir les rayons avec exactitude. Mais ce qui ne me paroît pas douteux, c’est qu'une lunette construite de cette façon seroit très-utile pour observer le Soleil ; car, me PARTIE Dean 69 en la supposant même longue de cent pieds, la lumière de cet astre ne seroit encore que irop forte après avoir traversé cette épais- seur d'eau, et on observeroit à loisir et aisé- ment la surface de cet astre immédiatement, sans qu'il fût nécessaire de se servir de verres enfumés ou d’en recevoir l’image sur un carton, avantage qu'aucune autre espèce de lunette ne peut avoir. Il y auroit seulement quelque petite diffé- rence dans la construction de cette lunette solaire, si l’on veut qu’elle nous présente la face entière du Soleil; car, en la supposant longue de cent pieds, il faudra, dans ce cas, que le verre oculaire ait au moins dix pouces de diamètre, parce que le Soleil occupant plus d’un demi-degré céleste, l’image formée par l'objectif à son foyer à cent pieds, aura au moins cette longueur de dix pouces, e£ que , pour la réunir toute entière, 1l faudra un oculaire de cette largeur auquel on ne donneroit que vingt pouces de foyer pour le rendre aussi fort qu’il se pourroit. Il faudroi£ aussi que l'objectif, ainsi que l’oculaire, eût dix pouces de diamètre, afin que l'image de l'astre et l’image de l'ouverture de la lunette CR EPAE TU Na FE ET AE Cat \ SE 4 a CR 7o , MINÉRAUX. INTRODUCTION, se trouvassent d'égale grandeur au foyer. Quand même cette lunette que je propose ne serviroit qu'à observer exactement le Soleil , ce seroit déja beaucoup: il seroit, par exemple, fort curieux de pouvoir reconnoitre s’il y a dans cet astre des parties plus ow moins lumineuses que d’autres; s’il y a sur sa surface des inégalités, et de quelle espèce elles seroient; si les taches flottent sur sa surface *, ou si elles y sont toutes constam- ment attachées, etc. La vivacité de sa lumière nous empêche de l’observer à l’œil simple, et la différente réfrangibilité de ses rayons rend son image confuse lorsqu'on la reçoit * M. de Ja Lande m'a fait sur ceci la remarque qui suit: « Il est constant, dit-il, qu'il n’y a sur le « Soleil que des taches qui changent de forme er dis- « paroïssententièrement , mais qui ne changent point « de place, si ce n'est par la rotation du Soleil ; sa « sur/ace est très-unie et homogène ». Ce savant as- ironome pouvoit même ajouter que ce n’est que par le moyen de ces taches, toujours supposées fixes, qu’on a déterminé le temps de la révolution du Soleil sur son axe : mais ce point d'astronomie physique ne me paroît pas encore absolument démoniré ; car ces taches, qui toutes changent de figure, pourraient bien aussi quelquefois changer de lieu. __ PARTIE EXPÉRIMENTALE. pr au foyer d’un objectif sur un carton ; aussi la surface du Soleil nous est-elle moins con- nue que celle des autres planètes. Cette dif- férente réfrangibilité des rayons ne seroit pas à beaucoup près entièrement corrigée dans cette longue lunette remplie d’eau : mais st cette liqueur pouvoit , par l'addition des sels, être rendue aussi dense que le verre, ce seroit alors la même chose que s’il n’y avoit qu'un seul verre à traverser, et il me semble qu'il y auxoit plus d'avantage à se servir de ces lunettes remplies d’eau que de lunettes ordi- naires avec des verres enfumés. Quoi qu’il en soit, il est certain qu'ilfaut, pour observer le Soleil, une lunette bien différente de celles dont on doitse servir pour les autres astres ; et 1l est encore très-certain qu'il faut, pour chaque planète, une lunette particulière et proportionnée à leur intensité de lumière, c'est-à-dire, à la quantité réelle de lumière dont elles nous paroissent éclai- rées. Dans toutes les lunettes, il faudroit donc l’objectif aussi grand et oculaire aussi fort qu’il est possible, et en même temps proportionner la distance du foyer à l’inten- sité de la lumière de chaque planète. Par à gs | Lt ( 73 MINÉRAUX. INTRODUCTION, exemple, Vénus et Saturne sont deux pla- nètes dont la lumière est fort différente ; lorsqu'on les observe avec la même lunette, on augmente également l’angle sous lequel on les voit : dès lors la lumière totale de la planète paroît s'étendre sur toute sa sur- face d’autant plus qu’on la grossit davantage ; ainsi, à mesure qu’on agrandit son image, Ou la rend sombre, à peu près dans la proportion du quarré de son diamètre : Saturne ne peut donc, sans devenir obscur, être observé avec une lunette aussi forte que Vénus. Si lin tensité de lumière de celle-ci permet de la grossir cent ou deux cents fois avant de de- venir sombre, l’autre ne souffrira peut-être pas la moitié ou le tiers de cette augmenta— tion sans devenir tout-à-fait obscure. Il s’agit donc de faire une lunette pour chaque pla- uète , proportionnée à leur intensité de lu- mière ; et, pour le faire avec plus d’avan- tage , il me semble qu’il n’y faut employer qu'un objectif d'autant plus grand, et d’um foyer d'autant moins long, que la planète à moins de lumière. Pourquoi, jusqu'àcejour, n'a-t-on pas fait des objectifs de deux ou trois pieds de diamètre ? L’aberration des! PARTIE EXPÉRIMENTALE. "3 rayons, causée par la sphéricité des verres, en est la seule cause; elle produit une confu- sion qui est comme le quarré du diamètre de l'ouverture : et c’est par cette raison que les verres sphériques ; qui sont tres-bons avec une petite ouverture, ne valent plus rien quand on l'augmente; on a plus delumière, mais moins de distinction et de netteté. Néan- moins les verres sphériques larges sont très— bons pour faire des lunettes de nuit; les An glois ont construit des lunettes de cette es- pèce, et ils s’en servent avec grand avantage pour voir de fort loin les vaisseaux dans une nuit obscure. Mais maintenant que l’on sait corriger en grande partie les effets de la dif- férente réfrangibilité des rayons , ilme semble qu'il faudroit s'attacher à faire des verres elliptiques ou hyperboliques, qui ne produi- roient pas cette aberration causée par la sphéricité , et qui par conséquent pourroient être trois ou quatre fois plus larges que les verres sphériques. ILn’y a que ce moyen d’aug- menter à nos yeux la quantité de lumière que nous envoient les planètes; car nous ne pou- vons pas porter sur les planètes une lumière additionnelle, comme nous le faisons sur les Mat, pén, VI. fl rt MLARA dé Lt SURINUTS À DU 472 ÿ Le 7à MINÉRAUX. INTRODUCTION, objets que nous observons au microscope : mais il faut au moins employer le plus avan- tageusement qu’il est possible, la quantitéde lumière dont elles sont éclairées, en la rece- vant sur une surface aussi grande qu'il se pourra. Cette lunette hyperbolique, qui ne seroit composée que d’un séul grand verre objectif et d’un oculaire proportionné, exi- geroit une matière de la plus grande trans- parence ; on réuniroit par ce moyen tous les avantages possibles, c’est-à-dire , ceux des lunettes achromatiques à celui des lunettes elliptiques ou hyperboliques , et l’on met- troit à profit toute la quantité de lumière que chaque planète réfléchit à nos yeux. Je puis me tromper; mais ce que je propose me pa- roît assez fondé pour en recommander l’exé- cution aux personnes zélées pour l’avance- ment des sciences. #4 Me laissant aller à ces espèces de réveries, dont quelques unes néanmoins se réaliseront un jour, et que je ne publie que dans cette espérance, j'ai songé au miroir du port d'Alexandrie , dont quelques auteurs anciens ont parle, et par le moyen duquel on voyoit de très-loin les vaisseaux en pleine mer. Le PARTIE EXPÉRIMENTALE. »5 passage le plus positif qui me soit tombé sous les yeux , est celui que je vais rapporter : Alexandria... in Pharo verû erat speculurm è ferro sinico, per quod à longè videbantur naves Græcorum advenientes; sed paulà post- quamm islamismus invalurt, scilicet tempore califatés Validi, filii Abdulmelec, Chris- tiani, fraude adhibit&, illud deleverunt *. J'ai pensé, 1°. que ce miroir par lequel on voyoit de loin les vaisseaux arriver , n’étoit pas impossible ; 2°. que même, sans miroir ni lunette, on pourroit, par de certaines dispositions, obtenir le même effet, et voir depuis le port les vaisseaux peut-être d'aussi loin que la courbure de la Terre le permet. Nous avons dit que les personnes qui ont bonne vue, apperçoivent les objets éclairés par le Soleil à plus de trois mille quatrecents fois leur diamètre, et en même temps nous avons remarqué que la lumière intermédiaire nuisoit si fort à celle des objets éloignés, qu'on appercevoit la nuit un objet lumineux de dix, vingt et peut-être cent fois plus de distance qu'on ne le voit pendant le jour. * Abulfeda, etc., Descriptio Ægypti. f Ü RAA « R'ORTSERT à FOURS + : NP 48 À ï | FI ( de 76 MINÉRAUX. INTRODUCTION, … Nous savons que du fond d’un puits très-pro- fond l'on voit des étoiles en plein jour *: pour- quoi donc ne verroit-on pas de même les vaisseaux éclairés des rayons du Soleil, en se mettant au fond d’une longue galerie fort obscure , et située sur le bord de la mer, de manière qu’elle ne recevroit aucune lu- mière que celle de la mer lointaine et des vaisseaux qui pourroient s'y trouver? Cette galerié n’est qu’un puits horizontal qui fe- roit le même effet pour la vue des vaisseaux , que le puits vertical pour la vue des étoiles ; et cela me paroit si simple, que jesuis étonné ‘qu’on n’y ait pas songé. Il me semble qu’en prenant, pour faire l’observation , les heures du jour où le Soleil seroit derrière la galerie, c’est-à-dire, le temps où les vaisseaux seroient bien éclairés, on les verroit du fond de cette galerie obscure, dix fois au moins mieux qu’on ne peut les voir en pleine lumière. Or, comme nous l'avons dit, on distingue aisé- ment un homme ou un cheval à une lieue de distance, lorsqu'ils sont éclairés des rayons * Aristote est, je crois, le premier qui ait fait men- tion de cette observation, et j’en ai cité le passage à l'article du Sens de la Vue. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 97 du Soleil; et en supprimant la lumière in- termediaire qui nous environne et offusque nos yeux, nous les verrions au moins dix fois plus loin, c’est-à-dire, à dix lieues : donc on verroit les vaisseaux, qui sont beaucoup plus gros, d’aussi loin que la courbure de la Terre le permettroit*, sans autre instrument que nos yeux. Mais un miroir concave d’un assez grand diamètre et d’un foyer quelconque , placé au fond d’un long tuyau noirci, feroit pen- dant le jour à peu près le même effet que nos grands objectifs de mème diamètre et de même foyer feroient pendant la nuit; et c’étoit probablement un de ces miroirs con- * La courbure de la Terre pour un degré, ou vingt- cinq lieues de 2263 toises, est de 2988 pieds; elle croit comme le quarré des distances : ainsi, pour cinq lieues, elle est vingt-cinq fois moindre, c'est-à-dire, d'environ cent vingt pieds. Un vaisseau qui a plus de cent vingt pieds de mâture , peut donc ètre vu de cinq lieues, étant même au niveau de la mer ; mais si l’on . s’élevoit de cent vingt pieds au-dessus du niveau de la mer, on verroit de cinq lieues le corps entier du vaisseau jusqu'à la ligne de l’eau , et, en s’élevant encore davantage, on pourroit appercevoir le nn des mâts de plus de dix lieues. : 78 MINÉRAUX. INTRODUCTION, k caves d’acier poli (à ferro sinico) qu'on avoit 1 établi au port d'Alexandrie * pour voir de | loin arriver les vaisseaux grecs. Au reste, si ce miroir d'acier ou de fer poli a réellement existé, comme il y a toute apparence, on ne peut refuser aux anciens la gloire de la pre- mière invention des ‘télescopes ; car ce mi- roir de métal poli ne pouvoit avoir d'effet qu'autant que la lumière réfléchie par sa. surface étoit recueillie par un autre miroir concave placé à son foyer; et c’est en cela que consistent l’essence du télescope et la facilité de sa construction. Néanmoins cela n Ôôte rien à la gloire du grand Newton, qui, le premier, a ressuscité cette invention , en- tièrement oubliée : il paroit même que ce sont ses belles découvertes sur la différente réfrangibilité des rayons de la lumière, qui l'ont conduit à celle du télescope. Comme les rayons de la lumière sont , par leur nature, différemment réfrangibles, il étoit fondé à croire qu'il n'y avoit nul moyen de corriger * De temps immémorial, les Chinois , et sur- tout les Japonois, savent travailler et polir Pacier en grand et petit volume ; et c’est ce qui wa fait penser qu'on doit interpréter é ferro sinico , par acier polis . PARTIE EXPÉRIMENTALE. 79 cet effet; ou s’il a entrevu ces moyens, il les a jugés si difficiles, qu'il a mieux aimé tourner ses vues d’un autre côté, et produire par le moyen de la réflexion des rayons les grands effets qu'il ne pouvoit obtenir par leur réfraction. Il a donc fait construire son télescope, dont l'effet est réellement bien supérieur à celui des lunettes ordinaires ; mais les lunettes achromatiques , invenutées de nos jours, sont aussi supérieures au téles- cope qu'il l’est aux lunettes ordinaires. Le meilleur télescope est toujours sombre en comparaison de la lunette achromatique ; et cette obscurité dans les télescopes ne vient pas seulement du défaut de poli ou de la cou- leur du métal des miroirs , mais de la nature même de la lumière, dont les rayons, diffé- remment réfrangibles , sont aussi différem- ment réflexibles, quoiqu'en degrés beaucoup moins inégaux. IL reste donc, pour perfec- tionner les télescopes autant qu'ils peuvent l'être, à trouver le moyen de compenser cette différente reflexibilité, comme l’on a trouvé celui decompenserladifférente réfrangibilité Après tout ce qui vient d'être dit, je crois qu'on sentira bien que l’on peut faire une Pa \ jte à : 8o MINÉRAUX. INTRODUCTION, V très-bonne lunette de jour sans employer nf. verres ni miroirs, et simplement en suppri- mant la lumière environnante, au moyen d’un tuyau de cent cinquante ou deux cents pieds de long, et en se plaçant dans un lieu obscur où aboutiroit l’une des extrémités de ce tuyau. Plus la lumière du jour seroit vive, plus seroit grand l'effet de cette lunette si : simple et si facile à exécuter. Jesnis persuadé qu'on verroit distinctement à quinze et peut- être vingt lieues les bâtimens et les arbres sur le haut des montagnes. La seule diffé- rence qu'il y ait entre ce long tuyau et la galerie obscure que j'ai proposée, c’est que le champ, c'est-à-dire l’espace vu, seroit bien plus petit, et précisément dans la raison du quarré de l'ouverture du tuyau à celle de la galerie. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 8r ARTICLE: TROISIÈME. £ d Invention d’autres miroirs pour bréler à de moindres distances. L. Miroirs d'une seule pièce à foyer mobile. J'ar remarqué que le verre fait ressort, et qu'il peut plier jusqu’à un certain point; et comme , pour brüler à des distances un peu grandes, il ne faui qu’une légère courbure, et que toute courbure régulière y est à peu près écalement convenable, j'ai imaginé de prendre des glaces de miroir ordinaire, d’un pied et demi, de deux pieds et trois pieds de diamètre, de les faire arrondir, et de les sou- tenir sur un cercle de fer bien égal et bien tourne, après avoir fait dans le centre de la glace un trou de deux ou trois lignes de dia- mètre pour y passer une vis * dont les pas sont très-fins, etqui entre dans un petit écrou ‘posé de l'autre côté de la glace. En serrant cette vis, y ai courbe assez les glaces de trois :* Voyez les planches X, XI et XII. (OUR: | JON Ve Lau qe AE » À a 8 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ‘pieds pour brüler depuis cinquante pieds jus- qu'à trente, et les glaces de dix-huit pouces ont brûlé à vingt-cinq pieds; maisayant répété plusieurs fois ces expériences, j'ai cassé les glaces de trois pieds et de deux pieds, et 1l ne m’en reste qu’une de dix-huit pouces, que j'ai gardée pour modèle de ce miroir *. Ce qui fait casser ces glaces si aisément, c'est le trou qui est au milieu ; elles se cour- beroient beaucoup plus sans rompre sil n’y avoit point de solution de continuité, et qu'on pût les presser également sur toute la surface. Cela m'a conduit à imaginer de les, faire courber par le poids même de l’atmos sphère ; et pour cela il ne faut que mettre une glace circulaire sur une espèce de tambour de fer ou de cuivre, et ajouter à ce tambour une pompe pour en tirer de l'air : on fera de cette manière courber la glace plus ou moins, et * Ces glaces de trois pieds ont mis le feu à des mativres légères jusqu’à cinquante pieds de distance, et alors elles w’avoient plié que d’une ligne +: pour brûler à quarante pieds, il falloit les faire plier de deux lignes ; pour brüler à trente pieds, de deux lignes À ; et c’est en voulant les faire brûler à vingt pieds qu’elles se sont cassées. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 83 par conséquent elle brülera à de plus et moins grandes distances. | Il y auroit encore un autre moyen : ce se- roit d’ôter l’étamage dans le centre de la glace, de la largeur de neuf ou dix lignes, façonner avec une molette cette partie du centre en portion de sphère, comme un verre convexe d’un pouce de foyer, mettre dans le tambour une petite mèche soufrée; il arri- veroit que quand on présenteroit ce miroir au Soleil , les rayons transmis à travers cette partie du centre de la glace et réunis au foyer d'un pouce, allumeroient la mèche soufrée dans le tambour; cette mèche en brülant absorberoit de l'air, et par conséquent le poids de l’atmosphère feroit plier la glace plus ou moins, selon que la mèche soufrée brüleroit plus ou moins de temps. Ce miroir seroit fort singulier, parce qu’il se courberoit de lui-même à l’aspect du Soleil sans qu’il füt nécessaire d’y toucher; mais l’usage n’en seroit pas facile, et c’est pour cette raison que je ne l'ai pas fait exécuter , la seconde manière étant préférable à tous égards. Ces miroirs d’une seule pièce à foyer mo- bile peuvent servir à mesurer plus exacte- 84 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ment que par aucun autre moyen, la dif. férence des effets de la chaleur du Soleil reçue dans des foyers plus ou moins grands. Nous avons vu que les grands foyers font toujours proportionnellement beaucoup plus d'effet que les petits, quoique l'intensité de chaleur soit égale dans les uns et les autres: on auroit ici, en contractant successivement les foyers, toujours une égale quantité de lumière ou de chaleur, mais dans des espaces successivement plus petits; et au moyen de celte quantité constante, on pourroit déter- miner, par l'expérience, le z2inimum de l’espace du foyer, c’est-à-d’ire, létendue né- cessaire pour qu'avec la même quantité de lumière on eût le plus grand effet: cela nous conduiroit en mème temps à une estimation plus précise de la déperdition de la chaleur dans les différentes substances, sous un même volume ou dans une égale étendue. À cet usage près, il m’a paru que ces mi- roirs d’une seule pièce à foyer mobile étoient plus curieux qu'utiles; celui qui agit seul et se courbe à l'aspect du Soleil, est assez ingé- nieusement conçu pour avoir place dans un cabinet de physique. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 85. PT Miroirs d’une seule pièce pour brüler très- vivement à des distances médiocres et à de petites distances. J'ar cherché les moyens de courber régu- liérement de grandes glaces; et, après avoir fait construire deux fourneaux différens qui n’ont pas réussi, je suis parvenu à en faire un troisième *, dans lequel j’ai courbé très- régulièrement des glaces circulaires de trois, quatre et quatre pieds et demi de diamètre ; j en ai même fait courber deux de cinquante- six pouces : mais quelque précaution qu’on ait prise pour laisser refroidir lentement ces grandes glaces de cinquante-six et cinquante- quatre pouces de diamètre, et pour les ma- nier doucement, elles se sont cassées en les appliquant sur les moules sphériques que j'avois fait construire pour leur donner la forme régulière et le poli nécessaire; la même chose est arrivée à trois autres glaces de quarante-huit et cinquante pouces de dia- mètre, et je n’en ai conservé qu’une seule de * Voyez les planches I, II, LIT, IV, V et VE. | ré] 86 MINÉRAUX. INTRODUCTION, quarante-six pouces et deux de treute-sepf pouces. Les gens qui connoissent les arts n’en seront pas surpris : ils savent que les grandes pièces de verre exigent des précautions inf- nies pour ne pas se fêler au sortir du four- neau où on les laisse recuire et refroidir: ils savent que plus elles sont minces, et plus elles sont sujettes à se fendre , non seulement par le premier coup de l'air, mais encore par ses impressions ultérieures. J'ai vu plu- sieurs de mes places courbées se fendre toutes seules au bout de trois, quatre et cinq mots, quoiqu'elles eussent résisté aux premières impressions de l’air, et qu’on les eût placées sur des moules de plâtre bien séché, sur les- quels la surface concave de ces glaces portoit également par-tout; mais ce qui m'en à fait perdre un grand nombre, c’est le travail qu'il falloit faire pour leur donner une forme régulière. Ces glaces, que j'ai achetées toutes polies à la manufacture du fauxbourg Saint- Antoine, quoique choisies parmi les plus épaisses, n’avoient que cinq lignes d’épais- seur : en les courbant, le feu leur faisoit perdre en partie leur poli. Leur épaisseur d’ailleurs n’étoit pas bien égale par-tout, et * . PARTIE EXPÉRIMENTALE. 87 néanmoins il étoit nécessaire, pour l’objet auquel je les destinois, de rendre les deux surfaces concave et convexe parfaitement concentriques, et par conséquent de les tra- vailler avec des molettes convexes dans des moules creux, et des molettes concaves sur des moules convexes. De vingt-quatre glaces que j'avois courbées, et dont j'en avois livré quinze à feu M. Passemant pour les faire travailler par ses ouvriers, je n’en ai con— servé que trois; toutes les autres, dont les moindres avoient au moins trois pieds de diamètre, se sont cassées, soit avant d’être travaillées , soit après. De ces trois glaces que j'ai sauvées, l’une a quarante-six pouces de diamètre , et les deux autres trente-sept pouces.: elles étoient bien travaillées, leurs surfaces bien concentriques , et par consé- quent l'épaisseur bien égale; 1l ne s’agissoit plus que de les étamer sur leur surface con- vexe, et je fis pour cela plusieurs essais et uu âssez grand nombre d'expériences qui ne me reussirent point. M. de Bernières, beau- coup plus habile que moi dans cet art de l'étamage, vint à mon secours, et me rendit en effet deux de mes glaces étamées; j'eus 88 MINÉRAUX. INTRODUCTION, l'honneur d'en présenter au roi la plus grande, c'est-à-dire, celle de quarante-six pouces , et de. faire devant sa majesté les expériences de la force de ce miroir ardent qui fond aisément tous les métaux; on l’a déposé au château de la Muette, dans un cabinet qui est sous la direction du P. Noël: c’est certainement le plus fort miroir ardent qu'il y ait en Europe *. J’ai déposé au Jardin du roi, dans le Cabinet d'histoire naturelle, la glace de trente-sept pouces de diamètre, dont le foyer est beaucoup plus court que celui du miroir de quarante - six pouces. Je n’ai pas encore eu le temps d'essayer la force de ce second miroir, que je crois aussi très - bou. Je fis dans le temps quelques expériences au château de la Muette, sur la lumière de la Lune , reçue par le miroir de quarante-six pouces, et réfléchie sur un thermomètre très-sensible : je crus d’abord m'’appercevoir de quelque mouvement; mais * On m'a dit que l’étamage de ce miroir, qui à été fait il y a plus de vingt ans , s'étoit gâté : il fau- droit le remettre entre les mains de M. de Ber- nières, qui seul a le secret de cet étamage, pour le: bien réparer. 14 1 % X us _ PARTIE EXPÉRIMENTALE. &9 ect elfet ne se soutint pas, et depuis je n'ai pas eu occasion de répéter l'expérience. Je ne sais même si l'on obtiendroit un degré de chaleur sensible en réunissant les foyers de plusieurs miroirs, et les faisant tomber en- semble sur un thermomètre applatiet noirci; car il se peut que la Lune nous envoie du froid plutôt que du chaud, comme nous l'expliquerons ailleurs. Du reste ces miroirs sont supérieurs à tous les miroirs de réflexion dont on avoit connoissance : ils servent aussi à voir en grand les petits tableaux, et à en distinguer toutes les beautés et tous les de- fauts; et si on en fait étamer de pareils dans leur concavité, ce qui seroit bien plus aisé que sur la convexité, ils serviroient à voir les plafonds et autres peintures qui sont trop grandes et trop perpendiculaires sur la tête pour pouvoir être regardées aisément. Mais ces miroirs ont l'inconvénient com- mun à tous les miroirs de ce genre, qui est de brüler en haut; ce qui fait qu’on ne peut travailler de suite à leur foyer, et qu’ils de- viennent presque inutiles pour toutes les ex- périences qui demandent une longue action du feu et des opérations suivies. Néanmoins, 8 9 MINERAUX. INTRODUCTION, en recevant d’abord les rayons du Soleil sux une glace plane de quatre pieds et demi de hauteur et d'autant de largeur qui les réflé— chit contre ces miroirs concaves . ils soné assez puissans pour que cette perte, qui es£ de la moitie de la chaleur, ne les empêche pas de brûler très-vivement à leur foyer, qui par ce moyen se trouve en bas comme celui des miroirs de réfraction , et auquel par conséquent on pourroit travailler de suite et avec une égale facilité; seulement il seroit nécessaire que la glace plane et le miroir concave fussent tous deux montés parallélement sur un même support, où ils pourroient recevoir également les mêmes mouvemens de direction et d’inclinaison , soit horizontalement , soit verticalement. L'effet que le miroir de quarante-six pouces de diamètre feroit en bas, n'étant que de moitié de celui qu’il produit en haut, c’est comme si la surface de ce miroir étoit ré— duite de moitié, c’est-à-dire, comme s'il n’avoit qu'un peu plus de trente-deux pouces de diamètre au lieu de quarante-six; et cette dimension de trente-deux pouces de diamètre pour un foyer de six pieds ne laisse pas de 4 PARTIE EXPERIMENTALE. gt donner une chaleur plus grande que celle deslentilles de Tschirnaïüs ou du sieur Segard, dont je me suis autrefois servi, et qui sont les meilleures que l'on connoisse. Enfin, par la réunion de ces deux miroirs, on auroit aux rayons du Soleil une chaleur immense à leur foyer commun, sur-tout er le recevant en haut, qui ne seroit diminuée que de moitié en le recevant en bas, et qui par conséquent seroit beaucoup plus grande qu'aucune autre chaleur connue, et pour- roit produire des effets dont nous n'avons aucune idée. III. Lentilles ou miroirs à l’eau. Au moyen des glaces courbées et travail- lées régulièrement dans leur concavité et sur leur convexité, on peut faire un miroir réfringent, en joignant par opposition deux de ces glaces, et en remplissant d’eau tout l’espace qu’elles contiennent. Dans cette vue, j'aitfait courber deux glaces de trente-sept pouces de diamètre, et les ai fait user de huit ou neuf lignes sur les bords pour les bien joindre. Par ce moyen, 92 MINÉRAUX. INTRODUCTION, l’on n’aura pas besoin de mastic pour em pécher l’eau de fuir. RAR LS À Au zénith du miroir il faut pritiquie} ul petit goulot *, par lequel on en remplira la capacité avec un entonnoir; et comme les vapeurs de l’eau échauffée par le Soleil pour- roient faire casser les places, on laissera ce goulot ouvert pour laisser échapper les va- peurs; et afin de tenir le miroir toujours absolument plein d’eau, on ajustera dans ce goulot une petite bouteille pleine d’eau, et cette bouteille finira elle-même en haut par un goulot étroit, afin que, dans les diffé- rentes inclinaisons du miroir, l'eau qu'elle contiendra ne puisse pas se répandre en trop grande quantite. Cette lentille composée de deux glaces de trente-sept pouces, chacune de deux pieds et demi de foyer, brüleroit à cinq pieds, si elle étoit de verre : mais l’eau ayant une moindre réfraction que le verre, le foyer sera plus éloigné; il ne laissera pas néan- moins de brûler viÿement : j'ai supputé qu’à la distance de cinq pieds et demi cette len- * Voyez la planche XII. \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 03: tille à l’eau produiroit au moins deux fois autant de chaleur que la lentille du Palais- Royal, qui est de verre solide, et dont le foyer est à douze pieds. J'avois conservé une assez forte épaisseur aux glaces, afin que le poids de l’eau qu'elles devoient renfermer ne püt en altérer la courbure : on pourroit essayer de rendre l'eau plus réfringente en y faisant fondre des sels ; comme l’eau peut successivement fondre plusieurs sels, et s’en charger en plus grande quantité qu’elle ne se chargeroit d’un seul sel, il faudroit en fondre de plusieurs espèces, et on rendroit par ce moyen la ré- fraction de l’eau plus approchante de celle du verre. Tel étoit mon projet : mais, après avoir travaillé et ajusté ces glaces de trente-sept pouces , celle du dessous s’est cassée dès la première expérience ; et comme il ne m'en restoit qu'une, j en ai fait le miroir concave de trente-sept pouces dont j'ai parlé dans l'article précédent. Ces loupes composées de deux glaces sphé- riquement courbées et remplies d’eau brü- Jeront en bas , et produiront de plus grands 04 MINÉRAUX. ‘INTRODUCTION, Bi effets que les loupes de verre massif, parce que l’eau laisse passer plus aisément la lu- mière que le verre le plus transparent ; mais l'exécution ne laisse pas d’en être difficile, et demande des attentions infinies. L'expérience m'a fait connoître qu’il falloit des glaces épaisses de neuf ou huit lignes au moins, c'est-à-dire, des glaces faites exprès : car on n’en coule point aux manufactures d'aussi épaisses à beaucoup près; toutes celles qué sont dans le commerce n’ont qu'environ moitié de cette épaisseur. Il faut ensuite courber ces glaces dans un fourneau pareil à celui dont j'ai donné la figure planche re er suivantes ; avoir attention de bien sécher le fourneau , de ne pas presser le feu, et d’em- ployer au moins trente heures à l'opération. La glace se ramollira et pliera par son poids sans se dissoudre , et s’affaissera sur le moule concave qui lui donnera sa forme. On la lais- sera recuire et refroidir par degrés dans ce fourneau, qu'on aura soin de boucher au mo- ment qu'on aura vu la glace bien affaissée par-tout également. Deux jours après, lors- que le fourneau aura perdu toute sa chaleur, on en tirera la glace, qui ne sera que légère nd ] PARTIE EXPÉRIMENTALE. 05 ment dépolie; on examinera ayec un grand compas courbe, si son épaisseur est à peu près égale par-tout; et si cela n’étoit pas, et qu'il y eût dans de certaines parties de la glace une inégalité sensible, on commencera par l’atténuer avec une molette de même sphère que la courbure de la glace. On conti- nuera de travailler de mème les deux sur- faces concave et convexe, qu'il faut rendre parfaitement concentriques , en sorte que la glace ait par-tout exactement la même épais- seur ; et pour parvenir à cette précision, qui est absolument necessaire, il faudra faire courber de plus petites glaces de deux ou trois pieds de diamètre, en observant de faire ces petits moules sur un rayon de quatre ou cinq lignes plus long que ceux du foyer de la grande glace. Par ce moyen, on aura des glaces courbes dont on se servira, au lieu de molettes, pour travailler les deux surfaces concave et convexe , ce qui avancera beau-— coup le travail : car ces petites glaces, en frottant contre la grande , l'useront, et s’u- seront également; et comme leur courbure est plus forte de quatre lignes , c’est-à-dire, de moitié de l'épaisseur de la grande glace, 96 MINÉRAUX. INTRODUCTION, le travail de ces petites glaces, tant au de dans qu'au dehors, reudra concentriques les deux surfaces de la grande glace aussi préci-= sément qu’il est possible. C’est là le point le plus difficile ; et j'ai souvent vu que, pour l'obtenir , on étoit obligé d’user la glace de plus d’une ligne et demie sur chaque surface ; ce qui la rendoit trop mince, et dès lors inutile , du moins pour notre objet. Ma glace de trente-sept pouces que le poids de l’eau, joint à la chaleur du Soleil , a fait casser, [l avoit néanmoins , toute travaillée, plus de trois lignes et demie d'épaisseur; et c’est pour cela que je recommande de les tenir encore plus épaisses. J'ai observé que ces glaces courbées sont plus cassantes que les glaces ordinaires; la seconde fusion ou demi -fusion que le verre éprouve pour se courber, est peut-être la cause de cet effet, d’autant que, pour prendre la forme sphérique , il est nécessaire qu’il s’étende inégalement dans chacune de ses parties, et que leur adhérence entre elles change dans des proportions inégales, etmême différentes pour chaque point de la courbe, relativement au plan horizontal de la glace, PARTIE EXPÉRIMENTALE. 07 qui s’abaisse successivement pour prendre la courbure sphérique. | En général, le verre a du ressort, et peut plier sans se casser, d'environ un pouce par pied , sur-tout quand il est mince; je l'ai mème éprouve sur des glaces de deux et trois lignes d'épaisseur ; et de cinq pieds de hau- teur : on peut les faire plier de plus de quatre pouces sans les rompre, sur-tout en ne les comprimant qu'en un sens; mais si on les courbe en deux sens à la fois, comme pour produire une surface sphérique, elles cassent à moins d’un demi-pouce par pied sous cette double flexion. La glace inférieure de ces len- tilles à l’eau obéissant donc à la pression causée par le poids de l’eau, elle cassera ou prendra une plus forte courbure , à moins qu’elle ne soit fort épaisse, ou qu’elle ne soit soutenue par une croix de fer; ce qui fait ombre au foyer , et rend désagréable l'aspect de ce miroir. D'ailleurs le. foyer de ces lentilles à l’eau n’est jamais franc, ni bien termine, ni réduit à sa plus petite étendue ; les différentes réfractions que souffre la lumière en passant du verre dans l’eau, et de l’eau dans le verre, causent une aber- 9 98 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ration des rayons beaucoup plus grande qu’elle ne l'est par une réfraction simple dans les loupes de verre massif. Tous ces ianconvéniens m'ont fait tourner mes vues sur les moyens de perfectionner les lentilles de verre, et je crois avoir enfin trouvé tout ce qu'on peut faire de mieux en ce genre , comme je l'ex- pliquerai dans les paragraphes suivans. Avant de quitter les lentilles à l’eau, je crois devoir encore proposer un moyen de construction nouvelle qui seroit sujette à moins d’inconvéniens, et dont l'exécution seroit assez facile. Au lieu de courber, tra- vailler et polir de grandes glaces de quatre ou cinq pieds de diamètre, il ne faudroit que de petits morceaux quarrés de deux pouces, qui ne coûteroient presque rien, et les pla- cer dans un châssis de fer traversé de verges minces de ce même métal et ajustées comme les vitres en plomb. Ce chässis et ces verges de fer, auxquelles on donneroit la courbure sphérique et quatre pieds de diamètre, con- tiendroit chacun trois cent quarante-six de ces petits morceaux de deux pouces ; et en laissant quarante - six pour l’équivalent de l'espace que prendroient Les verges de fer, 1] . PARTIE EXPÉRIMENTALE. 99 y auroit toujours trois cents disques du Soleil qui coïncideroient au même foyer, que je suppose à dix pieds; chaque morceau laisse- roit passer un disque de deux pouces de dia- mètre, auquel ajoutant la lumière des par- ties du quarré circonscrit à ce cercle de deux pouces de diamètre, le foyer n’auroit à dix pieds que deux pouces et demi ou deux pouces trois quarts, si la monture de ces petites glaces étoit régulièrement exécutée. Or, en diminuant la perte que souffre la lumière en passant à travers l’eau et les doubles verres qui la contiennent, et qui seroit ici à peu près de moitié, on auroit encore au foyer de ce miroir, tout composé de facettes planes, une chaleur cent cinquante fois plus grande que celle du Soleil. Cette construction ne se- roit pas chère, et je n’y vois d'autre incon- vénient que la fuite de l’eau, qui pourroit per- cer par les joints des verges de fer qui sou- tiendroient les petits trapèzes de verre. Il faudroit prévenir cet inconvénient en prati- quant de petites rainures de chaque côté dans ces verges, et enduire ces rainures de mastic ordinaire des vitriers, qui est impenétrable à l'eau. 100 MINÉRAUX. INTRODUCTION, . Na Lentilles de verre solide. J'ArT vu deux de ces lentilles, celle du Pa- lais-Royal, et celle du sieur Segard; toutes deux ont été tirées d’une masse deverre d'Al- Jemagne, qui est beaucoup plus transparent que le verre de nos glaces de miroir : mais personne ne sait en France fondre le verre en larges masses épaisses, et la composition d'un verre transparent comme! celui de Bohème n’est connue que depuis peu d'an- nées. J'ai donc d'abord cherché les moyens de fondre le verre en masses épaisses , et j'ai fait en même temps différens essais pour avoirune matière bien transparente. M. de Romilly, qui , dans ce temps, étoit l’un des airec- teurs de la manufacture de Saint-Gobin, m'ayant aide de ses conseils, nous fondimes deux masses de verre d'environ sept pouces de diamètre sur cinq à six pouces d’épais- seur , dans des creusets à un fourneau où l'on cuisoit de la faïence au fauxbourg Saint- Antoine. Après avoir fait user et polir les PARTIE EXPÉRIMENTALE. ror deux surfaces de ces morceaux de verre pour les rendre parallèles , je trouvai qu'il n’y en avoit qu'un des deux qui füt parfaitement net. Je livrai le second morceau, qui étoit le moins parfait, à des ouvriers, qui ne lais- sèrent pas que d'en tirer d'assez bons prismes de toute grosseur, et j'ai gardé pendant plu- sieurs années le premier morceau, qui avoit quatre pouces et demi d'épaisseur, et dont la transparence étoit telle, qu'en posant ce verre de quatre pouces et demi d’épaisseursur un livre, on pouvoit live à travers très-aisé- ment les caractères les plus petits et les écritures de l'encre la plus blanche. Je com- parai le degréde transparence de cette matière avec celle des glaces de Saint-Gobin, prises et réduites à différentes épaisseurs; un mor- ceau de la matière de ces glaces, de deux pouces et demi d'épaisseur sur environ un pied de longueur et de largeur, que M. de Romilly me procura, étoit verd comme du marbre verd , et l’on ne pouvoitlire à travers : il fallut le diminuer de plus d’un pouce pour commencer à distinguer Les caractères à tra- vers son épaisseur, et enfin le réduire à deux Lignes et demie d'épaisseur pour que sa trans- 9 roz MINÉRAUX. INTRODUCTION, parence fût égale à celle de mon morceau de quatre pouces et demi d’épaisseur ; car on voÿoit aussi clairement les caractères du livre à travers ces quatre pouces et demi qu'à travers la glace qui n’avoit que deux lignes et demie. Voici la composition de ce verre dont la transparence est si grande: Sable blanc crystallin ,une livre. Minium ou chaux de plomb, une livre. Potasse , une demi-livre. Salpètre , une demi-once. Le tout mêlé et mis au feu suivant l’art. J'ai donné à M. Cassini de Thury ce mor- ceau de verre, dont on pouvoit espérer de faire d’excellens verres de lunette achroma- tique , tant à cause de sa très-grande trans- parence que de sa force réfringente, qui étoit très-considérable, vu la quantité de plomb qui étoit entrée dans sa composition ; mais M. de Thury ayant confie ce beau morceau de verre à des ouvriers ignorans , 1ls l'ont gâté au feu , où ils l’ont remis mal-à-propos. Je me suis repenti de ne l'avoir pas fait tra- vailler moi-même; car il ne s’agissoit que de le trancher en lames, et la matière en étoit PARTIE EXPÉRIMENTALE. ro3 encore plus transparente et plus nette que celle /Zint-glass d'Angleterre, et elle avoit plus de force de réfraction. Avec six cents livres de cette même com position, je voulois faire une lentille de vingt-" six ou vingt-sept pouces de diamètre, et de cinq pieds de foyer. J'espérois pouvoir la fondre dans mon fourneau, dont à cet effet j avois fait changer la disposition intérieure; mais je reconnus bientôt que cela n’étoit pos- sible que dans les plus grands fourneaux de verrerie. Il. me falloit une masse de trois pouces d'épaisseur sur vingt-sept ou vingt- huit pouces de diamètre, ce qui fait environ un pied cube de verre. Je demandai la liberté de la faire couler à mes frais à la manufac- ture de Saint-Gobin ; mais les administra- teurs de cet établissement ne voulurent pas me le permettre, et la lentille n’a pas été faite. J'avois supputé que la chaleur de cette lentille de vingt-sept pouces seroit à celle de la lentille du Palais-Royal comme 19 sont à 6; ce qui est un très-grand effet, attendu la petitesse du diamètre de cette lentille, qui auroit eu onze pouces de moins que celle du Palais-Royal. ) 104 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Cette lentille, dont l'épaisseur au point du milieu ne laisse pas d’être considérable, est néanmoins ce qu’on peut faire de mieux! pour brûler à cinq pieds : on pourroit même en augmenter le diamètre; car je suis per— suadé qu’on pourroit fondre et couler égale- ment des pièces plus larges ét plus épaisses dans les fourneaux où l’on fond les grandes glaces , soit à Saint-Gobin, soit à Rouelles en Bourgogue. J'observe seulement ici qu'on perdroit plus par l’augmentation de l’épais- seur qu'on ne gagneroit par celle de la sur- face du miroir, et que c’est pour cela que, tout compensé, je m'’étois borne à vingt-six ou vingt-sept pouces. ù Newton a fait voir que quand les rayons de lumière tomboient sur le verre sous un angle de plus de quarante-sept ou quarante- huit degrés, ils sont réfléchis au lieu d’être réfractés. On ne peut donc pas donner à un miroir réfringent un diamètre plus grand que la corde d’un arc de quarante-sept ou de quarante-huit degrés de la sphère sur laquelle il a été travaillé. Ainsi, dans le cas present, pour brüler à cinq pieds, la sphère ayant environ trente-deux pieds de circonférence, ._ PARTIE EXPÉRIMENTALE. roÿ Je miroir ne peut avoir qu'un peu plus de quatre pieds de diamètre: mais, dans ce cas, il auroit le double d'épaisseur de ma lentille de vingt-six pouces ; et d’ailleurs les rayons trop obliques ne se réunissent jamais bien. Ces loupes de verre solide sont, de tous les miroirs que je viens de proposer , Les plus commodes, les plus solides, les moins sujets à se gâter, et même les plus puissans lors- qu'ils sont bien transparens, bien travaillés, et que leur diamètre est bien proportionne à la distance de leur foyer. Si l’on veut donc se procurer une loupe de cette espèce, il faut combiner ces différens objets, et ne lui don- ner, comme je l'ai dit, que vingt-sept pouces de diamètre pour brûler à cinq pieds, qui est une distance commode pour travailler de suite et fort à l’aise au foyer. Plus le verre sera transparent et pesant, plus seront grands les effets ; la lumière passera en plus grande quantité en raison de la transparence, et sera d'autant moins dispersée, d'autant moins réfléchie, et par conséquent d'autant mieux saisie par le verre, et d'autant plus réfrac- tée, qu'il sera plus massif, c’est-à-dire , spé- cifiquement plus pesant. Ce sera donc un 106 MINÉRAUX. INTRODUCTION, avantage que de faire entrer dans la compo- sition de ce verre une grande quantité de plomb; et c’est par cette raison que j'en ai mis moitié, c’est-à-dire, autant de minium que de sable. Mais, quelque transparent que soit le verre de ces lentilles, leur épaisseur dans le milieu est non seulement un très- grand obstacle à la transmission de la lu- mière, mais encore un empêchement aux moyens qu’on pourroit trouver pour fondre des masses aussi épaisses et aussi grandesqu'il le faudroit : par exemple, pour une loupe de quatre pieds de diamètre, à laquelle on don- neroit un foyer de cinq ou six pieds, qui est la distance la plus commode, et à laquelle la lumière, plongeant avec moins d’obliqui- té, aura plus de force qu’à de plus grandes distances, 1l faudroit fondre une masse de verre de quatre pieds sur six pouces et demi ou sept pouces d'épaisseur , parce qu'on est obligé de la travailler et de l’user même dans la partie la plus épaisse. Or il seroit très-dif- ficile de fondre et couler d’un seul jet ce gros volume, qui seroit, comme l'on voit, de cinq ou six pieds cubes; car les plus amples cuvettes des manufactures de glaces ne con- \ | PARTIE EXPERIMENTALE. ro tiennent pas deux pieds cubes : les plus grandes glaces de soixante pouces sur cent vingt, en leur supposant cinq lignes d’é- paisseur , ne font qu'un volume d’environ un pied cube trois quarts. L’on sera donc forcé de se reduire à ce moindre volume, et de n’employer en effet qu’un pied cube et de- mi ou tout au plus un pied cube trois quarts de verre pour en former la loupe, et encore aura-t-on bien de la peine à obtenir des maîtres de ces manufactures de faire couler du verre à cette grande épaisseur, parce qu’ils craignent, avec quelque raison , que la cha- leur trop grande de cette masse epaisse de verre ne fasse fondre ou boursoufler la table de cuivre sur laquelle on coule les glaces, lesqueiles, n'ayant au plus que ciuq lignes d'épaisseur * , ne communiquent à la table qu'une chaleur très-médiocre en comparaison * On a néanmoins coulé à Saint-Gobin, et à ma prière, des glaces de sept lignes, dont Je me suis servi pour différenies expériences, 1l ÿ a plus de vingt ans ; j'ai remis dernièrement une de ces glaces de trente-huit pouces en quarré et de sept lignes d'épaisseur à M. de Bernières, qui a entrepris de faire des loupes à l’eau pour l'académie des sciences, 108 MINÉRAUX. INTRODUCTION; de celle que lui feroit subir une masse de six pouces d'épaisseur. V. Lentilles & échelons pour bréler avec la plus grande vivacité possible *. JE viens de dire que les fortes épaisseurs | qu’on est oblige de donner aux lentilles lors- qu'elles ont un grand diamètre et un foyer. court, nuisent beaucoup à leur effet : une lentille de six pouces d'épaisseur dans le mi- lieu de la matière des glaces ordinaires ne brûle, pour ainsi dire, que par les bords. Avec du verre plus transparent l'effet sera plus grand ; mais la partie du milieu reste ; toujours en pure perle, la lumière ne pou- vant en pénétrer et traverser la trop grande épaisseur. J'ai rapporté les expériences que j'ai faites sur la diminution de la lumière et j'ai vu chez lui des glaces de dix lignes d’épais- seur, qui ont été coulées de même à Saint-Gobin: cela doit faire présumer qu’on pourroit, sans aucux risque pour la table, en couler d'encore plus épaisses. * Voyez les planches XIV, XV, XVI. PARTIE EXPÉRIMENTALE. tro qui passe à travers différentes épaisseurs du même verre; et l’on a vu que cette diminu- | tion est très-considérable : j’ai donc cherche les moyens de parer à cet inconvénient, et j'ai trouvé une mauière simple et assez aisée de diminuer réellement les épaisseurs des lentilles autant qu’il me plaît, sans pour cela diminuer sensiblement leur diamètre et sans alonger leur foyer. | Ce moyen consiste à travailler ma pièce de verre par échelons. Supposons, pour me faire mieux entendre, que je veuille dimi= nuer de deux pouces l’épaisseur d’une len— tille de verre qui a vingt-six pouces de dia- mètre, cinq pieds de foyer et trois pouces d'épaisseur au centre; je divise l'arc de cette lentille en trois parties, et je rapproche con centriquement chacune de ces portions d'arc, en sorte qu’il ne reste qu’un pouce d’épais- seur au centre, et je forme de chaque côté | un échelon d’un demi-pouce, pour rappro- cher de mème les parties correspondantes : par ce moyen, en faisant un second échelon, j'arrive à l’extrémité du diamètre, et j'ai une lentille à échelons qui est à très-peu près du mème foyer, et qui a le même dia- Mar, gén. VI. 10 510 MINÉRAUX. INTRODUCTION, | mètre, et près de deux fois moins d'épaisseur que la première; ce qui est un. pd iv avantage. Si l’on vient à bout de fondre une pièce de verre de quatre pieds de diamètre sur deux pouces et demi d'épaisseur, et de la travailler par échelons sur un foyer de huit pieds, j'ai supputé qu'en laissant même un pouce et demi d'épaisseur au centre de cette lentille et à la couronue intérieure des éche- lons, la chaleur de cette lentille sera à celle de la lentille du Palais-Royal comme 28 sont à 6, sans compter l’effet de la différence des épaisseurs, qui est très-considérable et que je ne puis estimer d'avance. | | Cette dernière espèce de miroir réa est tout ce qu’on peut faire de plus parfait en ce genre; et quand même nous le rédui rions à trois pieds de diamètre sur quinze lignes d'épaisseur au centre et six pieds de foyer, ce qui en rendra l'exécution moins difficile, on auroit toujours un degré de cha- leur quatre fois au moins plus grand que celui des plus fortes lentilles que l’on con- uoisse. J’ose dire que ce miroir à échelons seroit l'un des plus utiles instrumens de PARTIE EXPÉRIMENTALE. 11 physique ; je l’ai imaginé 1l y a plus de vingt-cing ans, et tous les savans auxquels j'en ai park desireroient qu'il fût exécuté: on en tireroit de grands avantages pour l’a- vancement des sciences; et, y adaptant un héliomètre, on pourroit faire à son foyer toutes les opérations de la chimie aussi com- modément qu'on le fait au feu des four- nEaUuXx , etc. Explication des figures qui représentent le fourneau dans lequel j'ai fait courber des glaces pour faire les miroirs ardens de différentes espèces. L A planche I est le plan du fourneau, au rez-de- chaussée, où l’on voit A KB un vide qui sauve les inconvéniens du terre-plein sous l’âtre du fourneau ; ce vide est couvert d’une voûle, comme on le verra dans les figures suivantes. , ER les cendriers, disposés en sorte que l’ouver- ture de l'un est dans la face où se trouve le vent de l'autre. LL deux contre-forts qui affermissent la macon- nerie du fourneau. TM deux autres contre-foris, dont l'usage est le d \ #r2 MINÉRAUX. INTRODUCTION, même que celui de ceux ci-dessus, et qui n’en die fèrent que parce qu’ils sont un peu arrondis. GGGG. plans de quatre barres de fer qui affer- missent le fourneau , ainsi qu’il sera expliqué ci-après. La planche IT est l'élévation d'une des faces pa- rallèles à la ligne CD du plan précédent. HK l'ouverture pratiquée dans l’âtre du fourneau, afin qu'il ne s’y trouve point d'humidité. CC la bouche ou grande ouverture du fourneau. A la pete ouverture pratiquée dans la face opposée , laquelle est toute semblable à celle que la même planche représente, à cette différence près, que l’ouverture est plus petite. D m un des contre-forts arrondis, à côté duquel on voit le vent. Æ ouverture par où l'air extérieur passe sous la grille du foyer. £ le cendrier, N le foyer, P la porte qui le ferme. LT] un contre-fort quarré. GO,GO, deux des barres de fer scellées en terre, et qui sont unies à celles qui sont posées à l’autre face par les liens de fer D, ainsi que l’on verra dans une des figures suivantes. : OO deux barres de fer qui unissent ensemble les deux barres GO, GO, et retiennent la voûte de l’ou- verture CC qui est bombée. gel 3 F0 NS De | ET LR ] \ Î PARTIÉ EXPÉRIMENTALE. 119 m D B D] la voûte commune du fourneau et des foyers, dont la figure est ellipsoïde ; l’arrangement des briques et autres matériaux qui composent le fourneau se connoît aisément par la figure. La planche ITT est la vue extérieure du four neau par une des faces parallèles à la ligne 4B du plan. LI, Mm contre-forts. HK extrémités de l’ouverture sous l’âtre du four- neau. | A la petite ouverture, Cla grande. GOD, GOD, les barres de fer dont on a parlé, qui sont unies ensemble par le lien DD. Les lens DD couchés sur la voûte DBD sont unis ensemble par un troisième lien de fer. P est la porte de fer qui ferme le foyer. Les figures précédentes font connoître l’extérieur du fourneau. L'intérieur, plus intéressant, est repré senté dans les planches suivantes. La planche IF est une coupe horizontale du four- neau par le mihieu de la grande bouche. X est l’âtre que l’on a rendu concave sphérique, EE les deux grilles qui séparent le foyer du cen- drier, et sur lesquelles on met le charbon ; on a sup- posé que la voûte étoit transparente, pour mieux 10 rta MINÉRAUX. INTRODUCTION, Faire voir la direction des barreaux qui M due les grilles. A la petite ouverture, CC la cmd DD les marges; LM, LM, les contre-forts. La planche Fest la coupe verticale du fourneau suivant la ligne CD du plan, ou selon le grand axe de l’ellipsoïde dont la voûte a la figure. Z le vide sous l'âtre du fourneau. GXK cavité sphérique pratiquée dans l’âtre du fourneau, et sur laquelle la glace GX qui a été arrondie est posée, et dont elle doit prendre exacte- went la figure , après qu’elle aura été ramollie par le feu. FF les grilles ou foyer au-dessous desquelles sont les cendriers. | DD les marges qui empêchent les bords de la glace du côté des foyers d’être trop tôt atteints par Je feu. CBC Ia voûte, CC lunettes que l’on ouvre ou ferme à volonté en les couvrant d’un carreau de terre cuite, ZM contre-forts. La planche PT représente la coupe du fourneau par un plan vertical, qui passe par la ligne 4B du plan. HXL le vide sous l’âtre du PR PARTIE EXPÉRIMENTALE. #15 GXK cavité sphérique pratiquée dans l’âtre du fourneau , et sur laquelle la glace X est déja appli= quée. DD une des marges, P la Was ouverture ; Q la petite, CCC lunettes. CBC la voûte coupée transversalement ou selon le petit axe de l’ellipsoïde. On jugera de la grandeur de chaque partie de ce fourneau par les échelles qui sont au bas de chaque figure , qui ont été exactement levées sur le fourneau qui étoit au Jardin royal des plantes, par M. Goussier. Grand miroir de réflexion, appelé miroir d’Archimède. Planche VII, figure 1. Ce miroir est composé de trois cent soixante glaces montées sur un châssis de fer CDEF; chaque glace est mobile, pour que les images réfléchies par chacune puissent être renvoyées vers le même pomt, et coincider dans le même espace. Le châssis, qui a deux tourillons, est porté par une pièce de fer composée de deux montans MB, ZA, assemblés à tenons et mortoises dans la couche ZO; ils sont assujettis dans cette situation par la traverse a D, et par trois étais à chacun NP, OP, OP, fixés en P dans le corps du montant MB, et assemblés par le bas dans une courbe VNOQ qui leur sert d’empatement; ces courbes ont des entaiiles 116 MINÉRAUX. INTRODUCTION, NO, IU, qui recoivent des roulettes, au moyen desquelles cetie machine , quoique fort pesante, peut tourner librement sur le plancher de bois XXF, étant assujettie au centre de cette plate-forme par l'axe RS qui passe dans les deux traverses Z O, ab; chaque montant porte aussi à sa partie inférieure une roulette, en sorte que toute la machine est por- iée par dix roulettes : la plate-forme de bois est recouverte de bandes de fer dans la rouette des rou= lettes ; sans cette attention la plate-forme ne seroit pas de longue durée. La plate-forme est portée par quatre fortes rou- lettes de bois, dont l’usage est de faciliter le trans- port de toute la machine d’un lieu à un autre. Pour pouvoir varier à volonté les inclinaisons du miroir, et pouvoir l’assujettir dans la situation que l’on juge à propos, on a adapté la crémaillère FG qui est unie avec des cercles, dont le tourillon B est le centre; cette crémaillère est menée par un pignon en lanterne, dont la tige # H traverse le montant et un des étais, et est terminée par une manivelle AK, au moyen de laquelle on incline ou on redresse le miroir à discrétion. Jusqu'à présent nous n'avons expliqué que la construction générale du miroir ; reste à expliquer par quel artifice on parvient à faire que les images différentes , réfléchies par les différens miroirs , sont PARTIE EXPÉRIMENTALE. rr7 toutes renvoyées au même point, et c’est à quoi sont destinées les figures suivantes. Planche VIII, figure 2. XZ une portion des barres qui occupent le derrière du miroir; ces barres sont au nombre de vingt, et disposées hori- zontalement , en sorte que leur plan est parallèle au plau du miroir; chacune de ces barres a dix- huit entailles T'T', et le même nombre d’éminences 77 qui les séparent : ces barres sont assujetties aux côtés verticaux du châssis du miroir par des vis, et entre elles par trois ou quatre barres verti- cales, auxquelles elles sont assujetties par des vis. Vis-à-vis de chaque entaille T'T'1l y a des poupées TA, TD, qui y sont fixées par les écrous GA , qui prennent la partie taraudée de la queue de la poupée, après qu'elle a traversé l’épaisseur de la barre ; les parties supérieures de chaque poupée, qui sont percées, servent de collets aux tourillons de la croix dont nous allons parler; cette croix, repré- sentée figures 3 et 5, est un morceau de cuivre ou de fer, dont la figure fait connoître la forme. CD les tourillons qui entrent dans les trous pra- tiqués à chaque poupée, en sorte qu'elle se peut mouyoir librement dans ces trous. | La vis ML, après avoir traversé l’éminence F7, #a s'appuyer en dessous contre l’extrémité inférieure 1:18 MINÉRAUX. INTRODUCTION, B du croisillon BA; en même temps le ressort Æ- va s'appliquer contre l’autre extrémité 4 du même croisillon ; en sorte que lorsque l’on fait tourner la vis en montant, le ressort en se rétablissant fait que la partie B du croisillon se trouve toujours ap pliquée sur la pointe de la vis :’1l résulte de cette construction un mouvement de ginglyme ou char- nière, dont l'axe est BC, figure 2. CL Ce seul mouvement ne suffisant pas, onena pra-: tiqué un autre, dont l’axe de mouvement croise à angle droit le premier. | Aux deux extrémités Æ et B du casio AB, on a adapté deux petites poupées BH, AK, fig. 5, retenues , comme les précédentes, par des vis et des écrous. Les trous HK, qui sont aux parties supérieures: de ces poupées, recoivent les tourillons DC, fig.4, d'une plaque de fer que nous avons appelée porte- glace, qui peut se mouvoir librement sur les pou- pées, et s’incliner à l'axe CD du premier mouve- ment par le moyen de la vis FG, pour laquelle on a réservé un bossage Æ dans le croisillon 4B, afin de lui servir d’écrous dormans : cette vis s’applique par Æ contre la partie D BC du porte-glace, et force cette partie à monter lorsqu'on tourne la vis ; mais lorsqu'on vient à lacher cette vis, le ressort 4Z qui s'applique contre la partie D_4C du porte-glace ; PARTIE EXPÉRIMENTALE. 119 le force à suivre toujours la pointe de la vis :au moyen de ces deux mouvemens de ginglyme, on peut don- ner à la glace qui est recue par les crochets 4CB du porte-glace, telle direction que l’on souhaite , et par ce moyen faire coincider l’image du Soleil réflé- chie par une glace, avec celle qui est réfléchie par unc autre. | Planche IX. La figure 6 représente le porte- glace vu par derrière , où l’on voit la vis FEG qui s'applique en G hors de l'axe de mouvement PK, et le ressort L qui s'applique en Z de l’autre côté de l’axe de mouvement. La figure 7 représente le porte-glace vu en dessus, et garmi de la glace ÆCBD ; le reste est expliqué dans les autres figures. Miroir de réflexion rendu concave par la pression d’une vis appliquée au centre. Planche X. La figure x représente le miroir monté sur son pied, BDC la fourchette qui porte le miroir ; cette fourchette est mobile dans l’axe vertical , et est retenue sur le pied à trois branches FFF par l’écrou G. DE le régulateur des inclinaisons, A la tête de la vis placée au centre du miror, rendu concave par son moyen. 120 MINÉRAUX. INTRODUCTION, La figure 2 représente le miroir vu par sa partie postérieure, BC les tourillons qui entrent dans les collets de la fourchette. : | KG une barre de fer fixée sur l'anneau de mème métal qui entoure la glace : cette barre sert de point d’appuià la vis DE qui comprime la glace. BHCK l’anneau ou cercle de fer sur lequel la glace est appliquée; ce cercle doit être exactement plan et parfaitement circulaire : on couvre la partie sur laquelle la glace s'applique , avec de la peau, du cuir ou de l’étoffe, pour que le contact soit plus immédiat, et que la glace ne soit point exposée à rompre. Miroir de réflexion rendu concave par la pression de l’atmosphère. Planche XT. Ce miroir consiste en un tambour ou cylindre, dont une des bases est la glace, et l’autre une plaque de fer. AB, fig. x, la glace parfaitement plane, C'une lentille taillée dans épaisseur même de la glace. AE où BM la bauteur du cylindre aux extrémités du diamètre horizontal T'Z , duquel sortent deux tourillons, qui entrent dans les yeux de la four- chette , ainsi qu’il est expliqué en parlant du miroir de réfraction. R PARTIE EXPÉRIMENTALE. zac PO le régulateur des inclinaisons. AN le collet par lequel 1l passe, et la vis qui sert à Py fxer. NRSPQ le pied qui estsemblable à celui du mi- roir de réfraction, à cette différence près, qu'il est de bois ,et que les pièces ont un contour moins orné; du reste sa fonction est la même. Figure 2 est le profil du miroir coupé par un plan qui passe par l'axe du cylindre , et auquel on suppose que l’œil est perpendiculaire. AB la glace dont on voit l’é épaisseur. C la lentille‘ qui y est entaillée, et dont le foyer tombe sur le point c. £ D la base du cylindre, qui est une plaque de fer. AE, BD, la hauteur et la coupe de la surface cylindrique. cm une mèche soufrée que l’on fait entrer dans la cavité du miroir, après avoir Ôté la vis K, dont T’écrou est un cube solidement attaché à la plaque de fer qui sert de fond au miroir. G la mème vis représentée séparément; À une rondelle de cuir que l’on met entre la tête de la viset son écrou pour fermer entièrement le passage à Pair. abc la courbure que la glace prend , après que l'air que le cylindre content a été consommé par la flamme de la bougie cm ; à laquelle la lentille C a mois le feu. 11 oz MINÉRAUX. INTRODUCTION, DF le régulateur des inclinaisons, qui est asserm- blé à charnière au ie D. EmkK, Km D, règles de fer posées de cho 3 sur la base du ce et qui sont fortement assu= jetties ; leur usage est pour fortifier la plaque et la mettre en état de résister au poids de l’atmosphère, qui la comprime aussi-bien que la glace : cette construction est représentée dans une autre figure, planche XII. Autre miroir de réflexion. Planche XIT. Il consiste aussi en un cylindre ou tambour de fer, dont une des bases est une glace parfaitement plane; la base opposée, et quiest celle que la figure + présente, est une plaque de fer qui est fortifiée par les règles de fer posées de champ EG, FH, EK. On vide l'air que le cylindre contient par la pompe BC, qui est affermie sur la plaque de fer par les collets rr. A V'extrémité supérieure du piston. E un cube de cuivre solidement fixé sur la plaque ; ce cube est porté en travers pour recevoir le robinet F, au moyen duquel on ouvre ou on ferme la com- munication de l’intérieur du cylindre avec la pompe. LM, mn, la fourchette sur laquelle le miroir est monté, et qui est mobile dans l'arbre HO. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 123 MPRQ le pied, qui a seulement trois branches ; ce qui fait qu’il porte toujours à plomb, même sur un plan inégal. La figure 2 représente le miroir coupé suivant la ligne GX, et duquel on suppose que l’on a pompé Far: © AZ la glace quela pression de l'atmosphère a rendue concave. HG la plaque de fer qui sert de fond au cylindre. LAN les tourillons. FE le robinet. EG, FH, les règles de champ qui maintiennent la plaque. Les figures 3 et 4 représentent en grand la coupe du cube dans lequel passe le robinet; ce cube est supposé coupé par un plan perpendiculaire à la : plaque, et qui passe par la pompe. c partie du capal coudé pratiqué dans le cube qui communique à l'intérieur du miroir. B portion du même canal qui communique à la pompe. ] a le robinet qui se trouve rabRe perpendiculaire men! à son axe. La figure 3 représente Ja situation du robinet lors- que la communication est ouverte; la portion 77 du canal se présente vis-à-vis les ouvertures 8, €. La figure 4 représente Ja situation du robinet \ 124 MINÉRAUX. INTRODUCTION, lorsque la communication est fermée ; alors la partie m du canal ne se présente plus vis-à-vis les mêmes ouvertures. Lentille à l’eau. Planche XIII , figure x. Le miroir entier monté sur son pied. ABMC le miroir composé de deux glaces con- vexes, assujetties l’une contre l’autre par le châssis ou cadre circulaire À B MC. BC extrémités de la fourchette de fer qui porte ce miroir. Les extrémités de cette fourchette sont per= cées d’un trou cylindrique pour recevoir les touril= lons dont le châssis du miroir es! garni, et sur les- quels il se meut pour varier les inclinaisons. BKC la fourchette. KFIGH le pied qui porte le miroir ; il est com- posé de plusieurs pièces. KL l'arbre ou poincon qui s'appuie par sa partie inférieure sur la croix HT, FG; il est fixé dans la situation verticale par les quatre étais ou jambes de force KG, KH, KF, KT, qui sont de fer, et aux« quelles on a donné un contour agréable. fghi les roulettes. Figure 2. Coupe ou profil du miroir dans laquelle ou suppose que l’œilest placé dans Le plan qui sépare les deux glaces. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 125 XZ les deux glaces qui étant réunies forment une lentille. | or ie plan qui sépare les deux glaces. Bm coupe du châssis ou anneau qui retient les glaces unies ensemble ; cet anneau est composé de deux pièces qui s’assujettissent l’une à l’autre par des vis, etentre lesquelles les glaces sont mastiquées. a une petite bouteille à deux cols, l’un desquels communique au vide que les deux glaces laissent entre elles par un canal pratiqué entre les deux glaces, et qui est entaillé moitié dans l’une et moitié dans l'autre. \ Figure 3, BDC la fourchette de fer qui porte le miroir. DE tüge de la fourchette qui entre dans un trou vertical pratiqué à l’axe ou arbre KL du pied, en sorte que l’on peut présenter successivement la face du miroir à tous les points de l’horizon. D collet dans lequel passe le régulateur des incli- naisons que l'on y fixe par une vis. . Lentille à échelons. Planche XIV. AB bordure circulaire pour contenir ce miroir à échelons. CC tourillons qui passent dans les trous percés horizontalement à la partie supérieure de la four- bi: 1k 4 r26 MINÉRAUX. INTRODUCTION, chette DD; à sa partie inférieure tient une lige aussi de fer, que l'on ne voit point ici , étant entrée perpendiculairement , mais un peu à l'aise, dans » - % e { “4 Ê l'arbre E ,afin de pouvoir tourner à droite et à gauche. L'arbre E est attaché solidement à son pied, qui est fait en croix, dont on ne peut voir ici que trois de ses côtés indiqués FFF. GGG jambages de force ou étais de fer pour la solidité. R HHH roulettes dessous les pieds pour ranger facilement ce miroir à la direction que l'on juge à P ropos . La planche XV représente ce même muroir à échelons en perspective ; tourné vers le Soleil pour mettre le feu. AB bordure circulaire qui contient la glace à échelons. | CC tourillons qui passent dans les trous percés à la partie supérieure de la fourchette DD. A0 A la partie inférieure de la fourchette, qui est de fer, uent une tige cylindrique de même métal qui entre juste dans l'arbre , mais non trop serrée, pour qu’elle puisse avoir un jeu doux, propre à pouvoir tourner à droite ou à gauche pour la diriger comme on le desire. 2 E l'arbre dans lequel entre cette tige. MM qi Qi DA El PARTIE EXPÉRIMENTALE. 127 FFFF les quatre pieds en croix sur laquelle est attaché solidement l'arbre. | GGGG. les quatre jambes de force, aussi de fer. FH le feu acu: tiré du Soleil par la construction de ce miroir. | ITT roulettes de dessous les pieds du porte-miroir. La planche XF I représente les coupes de trois miroirs à échelons, dont le plus facile à exécuter seroit celui de la figure 1. Leur échelle est de six pouces de pied-de-roi pour pied-de-ro1. SEPTIÈME MÉMOIRE. Observations sur les couleurs accidentelles et sur Les ombres colorées. Quorqu'ox se soit beaucoup occupé, dans ces derniers temps, de la physique des cou- leurs, 1l ne paroiît pas qu’on ait fait de grands progrès depuis Newton : ce n’est pas qu’il ait épuisé la matière; mais la plupart des physiciens ont plus travaillé à le combattre qu'à l'entendre ; et quoique ses principes soient clairs, et ses expériences incontes— tables , 1l y a si peu de gens qui se soient donné la peine d’examiner à fond les rap- ports et l’ensemble de ses découvertes, que je ne crois pas devoir parler d’un nouveau genre de couleurs, sans avoir auparayant donné des idées nettes sur la production des couleurs en général. Il y a plusieurs moyens de produire des eouleurs ; le premier est la réfraction. Un MINÉRAUX. INTRODUCTION. 129 trait de lumière qui passe à travers un prisme se rompt et se divise de façon qu’il produit une image colorée, composée d’un nombre infini de couleurs ; et les recherches qu'on a faites sur cette image colorée du Soleil, ont appris que la lumière de cet astre est l’assem- blage d’une infinité de rayons de lumière différemment colorés; que ces rayons ont autant de différens degrés de réfrangibilité que de couleurs différentes, et que la même couleur a constamment le même degré de réfrangibilité. Tous les corps diaphanes dont les surfaces ne sont pas parallèles produisent des couleurs par la réfraction ; l’ordre de ces couleurs est invariable , et leur nombre, quoiqu'infini, a été réduit à sept dénomi- nations principales, siolet, indigo, bleu, verd, jaune, orangé, rouge : chacune de ces dénominations répond à un intervalle dé- terminé dans l’image colorée, qui contient toutes les nuances de la couleur dénommée ; de sorte que dans l'intervalle rouge on trouve toutes les nuances de rouge, dans l'intervalle jaune toutes les nuances de jaune, etc., et dans les confins de ces intervalles les cou- leurs intermédiaires qui ne sont ni jaunes x3o MINÉRAUX. INTRODUCTION, . ni rouges, etc. C’est par de bonnes raisons que Newton a fixé à sept le nombre des dé- nominations des couleurs : l’image colorée du Soleil, qu’il appelle Ze spectre solaire, : n'offre à la première vue que cinq couleurs, : violet, bleu, verd, jaune et rouge; ce n’est. encore qu’une décomposition imparfaite de . la lumière, et une représentation confuse des couleurs. Comme cette image est com= posée d’une infinité de cercles différemment colorés qui répondent à autant de disques du Soleil, et que ces cercles anticipent beau- coup les uns sur les autres, le milieu de tous ces cercles est l'endroit où le mélange : des couleurs est le plus grand, et il n'y a que les côtés rectilignes de l’image où les couleurs soient pures; mais, comme elles sont en même temps très-foibles, on a peine à les distinguer, et on se sert d’un autre moyen pour épurer les couleurs : c'est en rétrécissant l’image du disque du Soleil; ce qui diminue l'anticipation des cercies colo- rés les uns sur les autres, et par conséquent le mélange des couleurs. Dans ce spectre de lumière epurée et homosène, on voit très- bien les sept couleurs : on en yoit mème PARTIE EXPÉRIMENTALE. 13e beaucoup plus de sept avec un peu d'art; car en recevant successivement sur un fil blanc les différentes parties de ce spectre de lumière épurée, j'ai compté souvent jusqu’à dix-huit ou vingt couleurs dont la difference étoit sensible à mes yeux. Avec de meilleurs organes ou plus d'attention on pourroit en- core en compter davantage : cela n'empêche pas qu’on ne doive fixer le nombre de leurs dénominations à sept, ni plus ni moins; et cela par une raison bien fondée, c’est qu’en divisant le spectre de lumière épurée en sept intervalles, et suivant la proportion donnée par Newton, chacun de ces inter- valles contient des couleurs qui, quoique prises toutes ensemble, sont indecompo- sables par le prisme et par quelque art que ce soit; ce qui leur a fait donner le nom de couleurs primitives. Si au lieu de diviser le spectre en sept, on ne le divise qu’en six, ou cinq, ou quatre, ou trois intervalles, alors les couleurs contenues dans chacun de ces intervalles se decomposent par le prisme, et par conséquent ces couleurs ne sont pas pures, et ne doivent pas être re- gardées comme couleurs primitives. On ne x32 MINÉRAUX. INTRODUCTION, peut donc pas réduire les coulenrs primi-t tives à moins de sept dénominations, et où ne doit pas en admettre un plus grand nom- bre, parce qu’alors on diviseroit inutilement les intervalles en deux ou plusieurs parties, dont les couleurs seroient de la même na- ture, et ce seroit partager mal-à-propos une même espèce de couleur, et donner des noms différens à des choses semblables. Il se trouve, par un hasard singulier, que l'étendue proportionnelle de ces sept inter- valles de couleurs répond assez juste à l’éten- due proportionnelle des sept, tons de la mu- sique ; mais ce n’est qu'un hasard dont on ne doit tirer aucune conséquence : ces deux résultats sont indépendans l’un de l’autre, et il faut se livrer bien aveuglément à l’es- prit de système, pour prétendre, en vertu d’un rapport fortuit, soumettre l'œil et l’o= reille à des lois communes, et traiter l’un de ces organes par les règles de l’autre, en imaginant qu’il est possible de faire un con- cert aux yeux ou un paysage aux oreilles. Ces sept couleurs, produites par la ré- fraction, sont inaltérables, et contiennent toutes les couleurs et toutes Les nuances de 2 1 PARTIE EXPÉRIMENTALE. 133 couleurs qui sont au monde : lés couleurs du prisme, celles des diamans, celles de l'arc-en-ciel , des images des halos, dépendent toutes de la réfraction, et en suivent exacte- ment les lois. La réfraction n’est cependant pas le seul moyen pour produire des couleurs; la lu- mière a de plus que sa qualité réfrangible d'autres propriétés qui, quoique dépendantes de la même cause générale, produisent des effets différens : de la même façon que la lu- mière se rompt et se divise en couleurs en . passant d’un milieu dans un autre milieu transparent, elle se rompt aussi en passant auprès des surfaces d’un corps opaque; cette espèce de réfraction qui se fait dans le même milieu, s'appelle z2//exion , et les couleurs qu'elle produit sont les mêmes que celles de la réfraction ordinaire : les rayons vio- lets, qui sont les plus réfrangibles , sont aussi les plus flexibles; et la frange colorée par l’inflexion de la lumière ne diffère du spectre coloré produit par la réfraction, que dans la forme; et si l'intensité des couleurs est différente , l’ordre en est le même, les propriétés toutes semblables, le nombre égal, 12 « ñ az 134 MINÉRAUX. INTRODUCTION, la qualité primitive et inaltérable commune à toutes, soit dans la réfraction , soit dans l’inflexion, qui n’est en effet ee une espèce de réfraction. Mais le plus puissant moyen que la nature emploie pour produire des couleurs, c'est la reflexion * : toutes les couleurs matérielles en dépendent; le vermillon n'est rouge que * J'avoue que je ne pense pas comme Newtou, au sujet de Ja réflexibilité des différens rayans de la lu- mière. Sa définition de la réflexibilité n’est pas assez générale pour être satisfaisante : 1l est sûr que la plus grande facilité à étre réfléchi est la même chose que la plus grande réflexibilité ; 1l faut que cette plus grande facilité soit générale pour tous les cas: or qui sait si le rayon violet se réfléchit le plus aisé- ment dans tous les cas, à cause que, dans un cas parüculier , 1l rentre plutôt dans le verre que les autres rayons? La réflexion de la lumière suit lés mèmes lois que le rebondissemnent de tous les corps à ressort : de là on doit conclure que les particules de lumière sont élastiques , et par conséquent la réflexibilité de la lumivre sera toujours proportion- nelle à son ressort, et dès lors les rayons les plus réflexibles seront ceux qui auront le plus de ressort ; qualité difficile à mesurer dans la matëre de la qe mière, parce qu'on ne peut mesurer l'intensité d’un ressort que par la vitesse qu'il produit : 11 faudroit PARTIE EXPÉRIMENTALE. 135 parce qu’il réfléchit abondamment les rayons rouges de la lumière, et qu’il absorbe les autres ; l’outremer ne paroît bleu que parce qu'il réfléchit fortement les rayons bleus, et qu'il reçoit dans ses pores tous les autres rayons qui s’y perdent. Il en est de même des autres couleurs des corps opaques et transparens; la transparence dépend de l’uni- donc, pour qu’il fût possible de faire une expérience sur cela , que les satellites de Jupiter fussent illumi- nés successivement par toutes les couleurs du prisme, pour reconunoître par leurs éclipses s’il ÿ auroit plus ou moins de vîtesse dans le mouvement de la lumière violette que dans le mouvement de la lumière rouge ; car ce n’est que par la comparaison de la vîtesse de ces deux différens rayons qu’on peut savoir si l'un a plus de ressort que l’autre ou plus de réflexibilité. Mais on n’a Jamais observé que les satellites, au . moment de leur émersion, aient d’abord paru vio- lets, et ensuite éclairés successivement de toutes les couleurs du prisme, donc il est à présumer que les rayons de lumière ont à peu près tous un ressort égal , et par conséquent autant de réflexibilité. D’ail- leurs le cas particulier où le violet paroît être plus réflexible ne vient que de la réfraction, et ne paroît pas tenir à la réflexion: cela est aisé à démontrer. Newton a fait voir, à n’en pouvoir douter, que les. rayons différens sont inégalement réfrangibles; que ADN UE 14 \ A ANRT M PA A 1236 MINKRAUX. INTRODUCTION L formité de densité : lorsque les parties com= posantes d’un corps sont d’égale densité, de quelque figure que soient ces mêmes parties, le corps sera toujours transparent. Si l’on : réduit un corps transparent à une fort petite % se le rouge l’est le moins, et le violet le plus de tous: | 1l n’est donc pas étonnant qu'à une certaine obliquité le rayon violet se trouvant, en sortant du prisme, plus oblique à la surface que tous les autres rayons , 1l soit le premier saisi par l'attraction du verre et con- trait d’y rentrer, tandis que les autres rayons , dont Pobliquité est moindre, continuent leur route sans être assez attirés pour être obligés de rentrer dans le verre : ceci n’est donc pas, comme le prétend Newton, une vraie réflexion ; c’est seulement une suite de la réfraction. I] me semble qu’il ne devoit donc pas assurer en général que les rayons les plus réfrangibles étoient les plus réflexibles. Cela ne me paroît vrai qu'en prenant cette suite de la réfraction pour une réflexion , ce qui n’en est pas une; car il est évident qu’une lumière qui tombe sur un miroir et qui en rejaillit en formant uu angle de réflexion égal à celui d'incidence, est dans un cas bien diffé- rent de celui où elle se trouve au sortir d’un verre si oblique x la surface qu'elle est contrainte d'y ren= trer : ces deux phénomènes n’ont rien de commun , x 2 ’ £ A et ne peuvent , à mon avis, s'expliquer par la même Cause, PARTIE EXPÉRIMENTALE. 137 épaisseur, cette plaque mince produira des couleurs dont l'ordre et les principales appa- rences sont fort différentes des phénomènes du spectre ou de la frange colorée : aussi ce n'est pas par la réfraction que ces couleurs sont produites, c’est par la réflexion. Les plaques minces des corps transparens, les bulles de savon, les plumes des oiseaux, etc. paroissent colorées parce qu’elles réflechis- sent certains rayons, et laissent passer ou absorbent les autres: ces couleurs ont leurs lois et dépendent de l’épaisseur de la plaque mince : une certaine épaisseur produit cons- tamment une certaine couleur; toute autre épaisseur ne peut la produire, mais en pro- duit une autre : et lorsque cette épaisseur est diminuée à l'infini, en sorte qu’au lieu d’une plaque mince et transparente on n’a plus qu'une surface polie sur un corps opa- que, ce poli, qu’on peut regarder comme le premier degré de la transparence, produit aussi des couleurs par la réflexion, qui ont encore d'autres lois ; car lorsqu'on laisse tomber un trait de lumière sur un miroir de metal, ce trait de lumière ne se réfléchit pas tout entier sous le même angle, il s’en / _ 12 \ :38 MINÉRAUX. INTRODUCTION, disperse une partie qui produit des couleurs dont les phénomènes, aussi-bien que ceux des plaques minces, n'ont Pas encore été. assez observés. | Toutes les couleurs dont je viens de parler sont naturelles , et dépendent uniquement des propriétés de la lumière; mais il en est d'autres qui me paroissent accidentelles et qui dépendent autant de notre organe que de l’action de la lumière. Lorsque l’æil est frappé ou pressé, on voit des couleurs dans l'obscurité; lorsque cet organe est mal dis- posé ou fatigué, on voit encore des couleurs : c'est ce genre de couleurs que j'ai cru devoir appeler couleurs accidentelles, pour les dis-. ME des couleurs naturelles, et parce qu’en effet. elles ne paroissent jamais que lorsque l’organe est forcé ou qu'il a été trop fortement éhranlé. Personne n’a fait, avant le docteur Jurin,, la moindre observation sur ce genre de cou leurs ; cependant elles tiennent aux couleurs: naturelles par plusieurs rapports , et j'ai dé- couvert une suite de phénomènes singuliers sur cette matière, que je vais rapporter le plus succiuctement qu'il me sera possible. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 139 Lorsqu'on regarde fixement et long-temps une tache ou une figure rouge sur un fond blanc, comme un petit quarré de papier rouge sur un papier blanc, on voit naître autour du petit quarré rouge une espèce de couronne d’un verd foible : en cessant de regarder le quarré rouge, si on porte l'œil sur le papier blanc, on! voit très-distincte- ment un quarré d’un verd tendre, tirant un peu sur le bleu; cette apparence subsiste plus ou moins long-temps, selon que l'impres- sion de la couleur rouge a été plus ou moins forte. La grandeur du quarré verd imagi- naire est la mème que celle du quarré réel rouge , et ce verd ne s’evanouit qu'après que l'œil s’est rassuré et s’est porté successivement sur plusieurs autres objets dont les images détruisent l’impression trop forte causée par . le rouge. En regardant fixement et long-temps une tache jaune sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une couronne d’un blen pâle; et en cessant de regarder la tache jaune et portant son œ1l sur un autre endroit du fond blanc, on voit distinctement une tache bleue de la même figure et de la même gran- r4o MINÉRAUX. INTRODUCTION, deur que la tache jaune, et cette apparence dure au moins aussi long-temps que l’appa- rence du verd produit par le rouge. Il m'a même paru, après avoir fait moi-même et après avoir fait répéter cette expérience à d’autres dont les yeux étoient meilleurs et plus forts que les miens, que cette impres- sion du jaune étoit plus forte que celle du rouge, et que la couleur bleue qu’elle pro- duit s’effaçoit plus difficilement et subsistoit plus long-temps que la couleur verte pro- duite par le rouge; ce qui semble prouver ce qu'a soupçonné Newton, que le jaune est de toutes les couleurs celle qui fatigue le plus nos yeux. Si l’on regarde fixement et long-temps une tache verte sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache verte une couleur blan- châtre, qui est à peine colorée d’une petite teinte de pourpre : mais en cessant de re- garder la tache verte et en portant l'œil sur un autre endroit du fond blanc, on voit dis- tinctement une tache d'un pourpre pâle, semblable à la couleur d’une améthyste pâle; cette apparence est plus foible et ne dure pas, à beaucoup près, aussi long-temps que Les PARTIE EXPÉRIMENTALE. r4r couleurs bleues et vertes ile par le jaune et par le rouge. De même en ardt fixement et Lie. temps une tache bleue sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache bleue une couronne blanchâtre un peu teinte de rouge; et en cessant de regarder la tache bleue, et | portant l’œil sur le fond blanc, on voit une tache d’un rouge pâle, toujours de la même figure et de la même grandeur que la tache bleue, et cette apparence ne dure pas plus long-temps que l'apparence pourpre pro- duite par la tache verte. En regardant de mnême avec attention une tache noire sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache noire une couronne d’un blanc vif; et cessant de regarder la tache noire, et portant l'œil sur un autre endroit du fond blanc, on voit la figure de la tache exactement dessinée et d’un blanc beaucoup plus vif que celui du fond : ce blanc n’est pas mat; c’est un blanc brillant, semblable au blanc du premier ordre des anneaux co- lorés décrits par Newton : et au contraire, si on regarde long-temps une tache blanche sur un fond noir, on voit la tache blanche r42 MINÉRAUX. INTRODUCTION, se décolorer; et en portant l'œil sur un autre endroit du fond noir, on y voit une tache d’un noir plus vif que celui du fond. Voilà donc une suite de couleurs acciden- telles, qui a des rapports avec la suite des couleurs naturelles : le rouge naturel pro- duit le verd accidentel, le jaune produit le bleu , le verd produit le pourpre, le bleu produit le rouge, le noir produit Le blanc, et le blanc produit le noir. Ces couleurs acci- dentelles n'existent que dans l'organe fati- gué , puisqu'un autre œil ne les apperçoit pas : elles ont même uneapparence qui les dis- tingue des couleurs naturelles; c’est qu’elles sont tendres, brillantes, et qu’elles paroissent être à différentes distances, selon qu’on les rapporte à des objets voisins ou éloignés. Toutes ces expériences ont éle faites sur des couleurs mattes avec des morceaux de papier ou d’étoffes colorées : mais elles réus- sissent encore mieux lorsqu'on les fait sur: des couleurs brillantes, comme avec de l’or brillant et poli, au lieu de papier ou d’étoffe jaune; avec de l’argent brillant , au lieu de papier blanc ; avec du lapis, au lieu de pa- pier bleu, etc. : l'impression de ces couleurs D'ANE PARTIE EXPÉRIMENTALE. r43 brillantes est plus vive et dure beaucoup plus | lonug-temps. Tout le monde sait qu'après avoir regardé le Soleil, on porte quelquefois pendant lons- temps l’image colorée de cet astre sur tous les objets ; la lumière trop vive du Soleil produit en un instant ce que la lumière ordi- naire des corps ne produit qu'au bout d’une minute ou deux d'application fixe de l’œil sur les couleurs. Ces images colorées du So- leil, que l'œil ébloui et trop fortement ébranlé porte par-tout, sont des couleurs du mème genre que celles que nous venons de décrire; et l'explication de leurs apparences dépend de la mème théorie. Je n’entreprendrai pas de donner ici les idées qui me sont venues sur ce sujet; quel- qu’assuré que je sois de mes expériences, je ne suis pas assez certain des conséquences qu’on en doit tirer, pour oser rien hasarder encore sur la théorie de ces couleurs. Je me contenterai de rapporter d'autres observa- tions qui confirment les expériences précé- dentes , et qui serviront sans doute à éclairer cette matière. En regardant fixement et fort long-temps LE en 1 z44 MINÉRAUX. INTRODUCTION, un quarré d’un rouge vif sur un fond blanc ; on voit d’abord naître la petite couronne de - verd tendre dont j'ai parlé; ensuite, en con- tinuant à regarder fixement le quarré rouge ; on voit le milieu du quarré se décolorer , et les côtés se charger de couleur, ét former comme un cadre d’un rouge plus fort et beaucoup plus foncé que le milieu ; ensuite, p" en s’éloignant un peu et continuant à regar—. der toujours fixement, on voit le cadre de rouge fonce se partager en deux dansles quatre côtés, et former une croix d’un rouge aussi : foncé : le quarré rouge paroît alors comme une fenêtre traversée dans son milieu par une grosse croisée et ae panneaux blancs; car le cadre de cette espèce de fenêtre est d’un xouge aussi fort que la croisée. Continuant toujours à regarder avec opimiâtreté , cette apparence change encore , et tout se réduit à un rectangle d’un rouge si foncé, si fort et si vif, qu’il offusque entièrement les yeux. Ce rectangle est de la même hauteur que le quarré; mais il n’a pas la sixième partie de sa largeur : ce point est le dernier degré de fatigue que l’œil peut supporter; etlorsqu'en- fin on détourne l'œil de cet objet, et qu’on PARTIE EXPÉRIMENTALE.. 145 le porte sur un autre endroit du fond blanc, on voit, au lieu du quarré rouge réel, l’i- mage du rectangle rouge imaginaire , exac— tement dessinée et d’une couleur verte bril- lante. Cette impression subsiste fort long- temps, ne se décolore que peu à peu; elle reste dans l'œil, même après l’avoir fermé. - Ce que je viens de dire du quarré rouge, arrive aussi lorsqu'on regarde très-long-temps un quarré jaune ou noir , où de toute autre couleur ; on voit de même le cadre jaune ou noir , la croix et le rectangle ; et l’'impres—, sion qui reste est un rectangle bleu, si on a regardé du jaune ; un rectangle blanc bril- lant, si on a regardé un quarré noir, etc. J'ai fait faire les expériences que je viens de rapporter, à plusieurs personnes; elles ont vu, comme moi, les mêmes couleurs et les mêmes apparences. Un de mes amis m'a as- suré, à cette occasion, qu'ayant regardé un jour une éclipse de soleil par un petit trou, ilavoit porté, pendant plus detroissemaines, l'image colorée de cet astre sur touSÎles objets’; que quand il fixoit ses yeux sur du jaune brillant , comme sur une bordure dorée, il. yoyoit une tache pourpre ; et sur du bleu, Mat, gén. VI. 13 546 MINÉRAUX. INTRODUCTION, comme sur un toit d’ardoises , une tache verte. J'ai moi-même souvent regardé le Soleil, et j'ai vu les mêmes couleurs : mais comme je craignois de me faire mal aux yeux en regardant cet astre, j'ai mieux aimé continuer mes expériences sur des. étoffes colorées ; et j'ai trouvé qu'en effet ces cou- leurs accidentelles changent en se mélant avec les couleursnaturelles,etqu'ellessuivent ‘les mêmes règles pour les apparences : ear lorsque la. couleur verte accidentelle, pro- duite par le rouge naturel, tombé sur un: fond rouge brillant, cette couleur verte de- vient jaune; si la couleur accidentelle bleue, produite par le jaune vif, tombe sur un fond jaune, elle devient vetté : en sorte que les couleurs qui résultent du mélange de ces couleurs accidentelles avec les couleurs na- turelles , suivent les mêmes règles et ont les mêmes apparences que les couleurs naturelles dans leur compesition et dans leur mélange avec d’autres couleurs naturelles. Ces observations pourront être de quelque utilité pour la connoissance des incommo- dités des yeux , qui viennent prôbablément d'un grand ébranlement causé par l'impres- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 147 sion trop vive de la lumière. Une de ces in- commodités est de voir toujours devant ses yeux des taches colorées, des cercles blancs ; ou des points noirs comme des mouches qui voltigent. J'ai ouï bien des personnes se plain- dre de cetteespèce d’incommodité; et j'ai lu dans quelques auteurs de médecine, que la goutte sereine est toujours précédée de ces points noirs. Je nesais pas si leur sentiment st fonde sur l'expérience; car j ai éprouvé moi-même cette incommodite : j'ai vu des points noirs pendant plus de trois mois en si grande quantité , que j'en étois fort inquiet ; javois apparemiment fatigue mes yeux en faisant et en répétant trop souvent les expé- riences précédentes , et en regardant quel- quefois le Soleil ; car les points noirs ont paru dans ce même temps, et je n’en avois jamais vu de ma vie : mais enfin ils m'in- _commodoient tellement , sur-tout lorsque je regardois au grand jour des objets fortement éclairés, que j'étois contraint de détourner les yeux ; le jaune sur-tout m'etoit insup- portable, et j'ai été obligé de changer des rideaux jaunes dans la chambre que j'habi- tois, et d'en mettre de verds; j'ai évité de. ; 4 48 MINÉRAUX. INTRODUCTION, regarder toutes les couleurs trop fortes et tous les objets brillans. Peu à peu le nombre des PE noirs a diminué, ét actuellement je n’en suis plus incommodé. Ce qui ma convaincu que ces points noirs viennent de la trop forte impression de la lumière, c’est qu'après avoir regardé le Soleil, j'ai toujours vu une image colorée que je portois plus ou moins long-temps sur tous les objets; et, suivant avec attention les différentes nuances de cette image colorée, j’ai reconnu qu’elle se décoloroit peu à peu, et qu’à la fin je ne portois plus sur les objets qu'une tache noire, d'abord assez grande, qui diminuoit ensuite peu à peu, et se réduisoit enfin à un point noir. Je vais rapporter à cette occasion un fait qui est assez remarquable; c’est que je n’étois jamais plus incommodé de ces points noirs que quand le ciel étoit couvert de nuées blanches : ce jour me fatiguoit beaucoup plus que la lumière d’un ciel serein , et cela parce qu’en effet la quantité de lumière réfléchie «par un ciel couvert de nuées blanches est beaucoup plus grande que la quantité de. lumière réfléchie par l'air pur, et qu'à # - PARTIE EXPÉRIMENTALE. r149 l'exception des objets éclairés immédiate- ment par les rayons du Soleil, tous les autres objets qui sont dans l’ombre sont beaucoup moins éclairés que ceux qui le sont par la lumière réfléchie d’un ciel couvert de nuées blanches. | Avant que de terminer ce Mémoire, je crois devoir encore annoncer un fait qui pa- roitra peut-être extraordinaire , mais qui n'en est pas moins certain , et que je Suis fort étonné qu’on n'ait pas observé; c’est que les ombres des corps, qui, par leur essence, doivent être noires, puisqu elles ne sont que. la privation de la lumière; que les ombres, dis-je, sont toujours colorées au lever et au coucher du Soleil. J'ai observé, pendant l’été de l’année 1743, plus de trente aurores et autant de soleils couchans; toutes les ombres qui tomboient sur du blanc, comme sur une muraille blanche, étoient quelquefois vertes, mais le plus souvent bleues, et d’un bleu aussi vif que le plus bel azur. J'ai fait voir ce phénomène à plusieurs personnes , qui ont été aussi surprises que moi. La saison n’y fait rien ; car 1l n’y a pas huit jours (15 novembre 1743) que j'ai vu des ombres bleues : 13 L + 150 MINÉRAUX.-INTRODUCTION , et quiconque voudra se donner la peine dé regarder l’ombre de l’un de ses doigts, au lever ou au coucher, du Soleil » SUF UN, MOT ceau de papier blanc, verra comme, moi cette ombre bleue. Je ne.sache pas qu'aucun astronome, qu'aucun physicien , que per+ sonne; en un mot, ait parké de ce phéno- 4 \ . . 9 | Û mène, et j'ai cru qu'en faveur de la nou- veauté, on me permettroit de:donner Le pré- cis de cette observation. CN 3 Au mois de .juillet;1745,. comme D FAR occupé de mes couleurs accidentelles.; et qué je cherchois à voir leSoleil ,dontl'æilsoutient mieux la lumière à son coucher qu'à touté autre heure du jour, pour reconnoître ensuite les couleurs et les éhängemens de couleurs causés par cette: impression, je remarquai que! Les ombres des arbres qui tomboient sur une muraille blanche, étoient vertes. J'étois dans un lieu élevé, et le Soleil se couchoit dans une gorge de imontagne, en sorte qu'il me paroissoit fort abaissé au-dessous de mon horizon : le ciel étoit serein , à l’exception:du couchant, qui,. quoiqu'exempt de nuages; étoit chargé d’un rideau transparent de va= peurs d’un jaune rougeâtre ; le Soleil lui à DER ax WE MT Le A ALAN SE fa FN PO ANIME à 1 \ k AA | ER it: NY. ' PARTIE EXPÉRIMENTALE. vôr même fort rouge, et sa grandeur apparente au moins quadruple de ce qu’elle est à midi. Je, vis donc très-distmictement les ombres des arbres qui étoient à vingt et trente pieds de la muraille blanche, colorées d’un verd tendre tirant un peu sur le bleu; l'ombre d'un trerl- lage qui étoit à trois pieds de la muraille, étoit parfaitement dessinée sur cette mu raillz, comme.s1 on l’ayoit mouvellement peinte! en verd-de-gris. Cette apparerice dura près de cinq minutes, après quoi la couleur s'aHoiblit avec la lumière du Soleil.et ne dis parut entièrement qu'avec-les ombres. Le leidemain , au lever du Soleil , j’allai regar- der d'autres embres sur une muraille blanche ; mais au heu de les trouver vertes, comme je m'y attendois, je les trouvai bleues, ou plutôt de la couleur de l’indigo le plus vif. Le ciel étoit serein, et il n’y avoit qu'un pe- tit rideau de vapeurs jaunâtres:au levant : le Soleil.se levoit sur une colline, en sorte qu’il me paroissoit élevé au-dessus de mon-hori- zon.. Les ombres bleues ne durèrent que trois minutes, après quoi elles me parurent noires. Le même jour, je revis, au coucher du Soleil } les ombres vertes, comme je les avois vues la L 152 MINÉRAUX. INTRODUCTION, veille. Six jours se passèrent ensuite sans pouvoir observer les ombres au coucher du Soleil, parce qu'il étoit toujours couvert de nuages. Le septième jour, je vis Le Soleïl à son coucher; les ombres n’étoient plus vertes, mais d’un beau bleu d’azur : je remarquai que les vapeurs n’étoient pas fort abondantes, ei que le Soleil ayant avancé pendant sept jours , se couchoit derrière un rocher qui le faisoit disparoître avant qu’il pût s’abaisser au-dessous de mon horizon. Depuis ce temps, j'ai très-souvent observé les ombres, soit au lever, soit au coucher du Soleil, et je ne les ai vues que bleues, quelquefois d’un bleu fort vif, d'autres fois d’un bleu pâle, d un bleu foncé , Mais constamment bleues. Ce Mémoire a été imprimé dans ceux de l'académie royale des sciences, année 1743. Voici ce que je crois devoir y ajouter aujour- d'hui (année 1773). Des observations plus fréquentes m ont fait reconnoître que les ombres ne paroïissent jamais vertes au lever ou au coucher du So- leil, que quand l’horizon est charge.de beau- coup de vapeurs rouges ; dans tout autre cas, les ombres sont toujours bleues, et d'autant L PARTIE EXPÉRIMENTALE. 153 plus bleues que le ciel est plus serein. Cette couleur bleue des ombres n’est autre chose que la couleur même de l'air; et je ne sais pourquoi quelques physiciens ont défini l'air un fluide invisible, inodore, insipide, puis- qu'il est certain que l’azur céleste n’est autre chose que la couleur de l’air; qu’à la vérité il faut une grande épaisseur d’air pour que notre œil s’apperçoive de la couleur de cet élément ; mais que néanmoins lorsqu'on re= garde de loin des objets sombres , on les voit toujours plus ou moins bleus. Cette observa- tion, que les physiciens n’avoient pas faite sur les ombres et sur les objets sombres vus de loin, navoit pas échappé aux habiles peintres, et elle doit en effet servir de base à la couleur des objets lointains, qui tous auront une nuance bleuâtrè d'autant plus sensible qu’ils seront supposés plus éloignés du point de vue. On pourra me demander comment cette couleur bleue, qui n’est sensible à notre œil que quand il y a une très-grande épaisseur d'air, se marque néanmoins s1 fortement à quelques pieds de distance au lever et au eoucher du Soleil; comment il est possible 154 | MINÉRAUX. INTRODUCTION , 1" A que cette couleur de l’air, qui est à peine sensible à dix mille toises de distance, puisse donner à l'ombre noire d’un treillage qui - n’est éloigné de la muraille blanche que de trois pieds, une couleur du plus beau bleu : c'est en effet de la solution de cette question que dépend l'explication du phéno- mène. Il est certain que la petite épaisseur d'air qui n'est que de trois pieds entre le treillage et la muraille, ne peut pas donuer à la couleur noire de l’ombre une nuance aussi forte de bleu : si cela étoit, on verroit à midi et dans tous les autres temps du joue les ombres bleues comme on les voit au lever et au coucher du Soleil. Ainsi cette apparence ne dépend pas uniquement, mi même presque point du tout, de l'épaisseur: de l'air entre l’objet et l'ombre. Mais il faut. considérer qu’au lever et au coucher du So- leil, la lumière de cet astre étant affoiblie à la surface de la Terre, autant qu'elle peut l'être par Ja plus grande obliquité de cet astre, les ombres sont inoins denses, c'est- à-dire, moins noires dans la même propor- tion, et qu'en même temps la Terre n'étant plus éclairée que par cette foible lumière dw PARTIE EXPÉRIMENTALE. 155 Soleil, qui ne fait qu'en raser la superficie, la masse de l’air, qui est plus élevée, et qui par conséquent reçoit encore la lumière du Soleil bien moins obliquement , nous ren- voie cette lumière, et nous éclaire alors au- tant et peut-être plus que le Soleil. Or cet air pur et bleu ne peut nous éclairer qu'en nous renvoyant une grande quantité de rayons de sa même couleur bleue; et lorsque ces rayons bleus que l'air réfléchit, tomberont sur des ob- jets privés de toute autre couleur comme les ombres, ils les teindront d'une plus ou moins forte nuancede bleu , selon qu’il yaura moins de lumière directe du Soleil, et plus de lu- mière réfléchie de l'atmosphère. Je pourrois ajouter plusieurs autres choses qui vien- droient à l’appui de cette explication ; mais je pense que ce que je viens de dire est suffisant pour que les bons esprits l’entendent et en soient satisfaits. | Je crois devoir citer ii quelques faits observés par M. l'abbé Millot, ancien grand vicaire de Lyon , qui a eu la bonté de me les communiquer par ses lettres des 18 août 1754 et 10 février 1755, dont voici l’éxtrait. « Ce n'est pas seulement au lever et au cou- 156 MINÉRAUX. INTRODUCTION, À « a € Le) [< "ms « € CN € Le) « L< PnN « « € Len] « € le) € La) « « € Le) «C € La] € La) « « Len] « Le) € # ” [ cher du Soleil que les ombres se colorent. À midi, le ciel étant couvert de nuages, excepté en quelques endroits, vis-à-vis d’une’ de ces ouvertures que laissoient entre eux les nuages, j'ai fait tomber des ombres d'un fort beau bleu sur du papier blanc, à quelques pas d’une fenêtre. Les nuages s’étant joints, le bleu disparut. J’ajouterai en passant que plus d'une fois j’ai vu l’azur du ciel se peindre comme dans un miroir, sur une muraille où la lumière tomboit obliquement. Mais voici d’autres observa- tions plus importantes, à mon avis; avant que d'en faire le détail, je suis obligé de tracer la topographie de ma chambre. Elle est à un troisième étage; la fenêtre près d’un angle au couchant, la porte presque vis-à-vis. Cette porte donne dans une gale- rie, au bout de laquelle, à deux pas de distance, est une fenêtre située au midi. Les jours des deux fenêtres se réunissent, la porte étant ouverte contre une des mu- railles ; et c’est là que j'ai vu des ombres colorées presque à toute heure, mais princi- palement sur les dix heures du matin. Les rayons du Soleil, que la fenêtre de la gale- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 157 @& rie reçoit encore obliquement, ne tombent « point, par celle de la chambre, sur la mu- « raille dont je viens de parler. Je place à quel- « ques pouces de cette muraille des chaises « de bois à dossier percé. Les ombres en sont « alors de couleurs quelquefois très-vives. « J’en ai vu qui, quoique projetées du même « côte, étoient l'une d’un ver fonce, l’autre « d’un bel azur. Quand la iumière est telle- « ment ménageée, que les ombres soient éga- « lement sensibles de part et d'autre, celle « qui est opposée à la fenêtre de la chambre « est ou bleue ou violette; l’autre tantôt verte, « tantôt jaunâtre. Celle-ci est accompagnée « d’une espèce de pénombre bien colorée, qui « forme comme une double bordure bleue « d’un côté, et de l’autre verte ou rouge ou « jaune, selon l'intensité de la lumière. Que « je ferme les volets de ma fenêtre, les cou- « leurs de cette pénombre n’en ont souvent « que plus d'éclat; elles disparoissent si je « ferme la porte à moitié. Je dois ajouter que « le phénomène n’est pas à beaucoup près si « sensible en hiver. Ma fenêtre est au cou- « chant d'été: je fis mes premières expé- & riences dans cette saison, dans un temps 14 158 MINÉRAUX. INTRODUCTION. ' «où les rayons du Soleil tomboient obli= « quement sur la inuraille qui fait angle « avec celle où les ombres se coloroïent.» A 10 ‘On voit par ces observations de M. l'abbé Millot, qu’il suffit que la lumière du Soleil tombe très-obliquement sur une surface, pour que l’azur du ciel, dont la fumière tombe toujours directement, s’y peigne et colore les ombres : maïs les autres appa- rences dont il fait mention, ne dépendent que de la position des lieux et d'autres cir- constances accessoires. | HUITIÈME MÉMOIRE. \ Expériences sur la pesanteur du feu, et sur la duree de l’incandescence. 3 1 ! \ Jr crois devoir rappeler ici quelques unes des choses que j'ai dites dans l'introduction qui précède ces Mémoires, afin que ceux qui ne les auroient pas bien présentes, puissent néanmoins entendre ce qui fait l’objet de celui-ci. Le feu ne peut guère exister sans lumière et jamais sans chaleur, tandis que ja lumière existe souvent sans chaleur sen— sible, comme la chaleur existe encore plus souvent sans lumiere: l’on peut donc consi- dérer la lumière et la chaleur comme deux propriétés du feu, ou plutôt comme les deux seuis eflets par lesquels nous le reconnois- sons : Mais nous avons montré que ces deux effets ou ces. déux: propriétés ne sont pas toujours essentiellement liés ensemble , que sonveut ils ne sont. ni simultanés ni con- temporains, puisque, dans de certaines cir= 160 MINERAUX. INTRODUCTION, constances, on sent de la chaleur long-temps avant que la lumière paroisse, et que, dans À d’autres circonstances, on voit de la lumière long-temps avant de sentir de la chaleur, et: même souvent sans en sentir aucune; étnous avons dit que, pour raisonner juste sur la nature du feu, il falloit auparavant tächer de reconnoître celle de la lumière et celle de la chaleur, qui sont les principes réels dont l'élément du feu nous paroît être composé. Nous avons vu que la lumière est une ma- tière mobile, élastique et pesante , c’est-à-dire, susceptible d'attraction, comme toutes les autres matières : on a démontré qu’elle est mobile, et même on a déterminé le degré de sa vitesse immense par le très-petit temps qu’elle emploie à venir des satellites de Jupi- ter jusqu’à nous; on a reconnusonelasticité, qui est presque infinie, par l'égalité de l’angle de son incidence et de celui de sa réflexion ; enfin sa pesanteur, ou, ce qui revient au même, son attraction vers les autres ma- tières, est aussi démontrée par l’inflexion qu'elle souffre toutes les fois qu’elle passe auprès des autres corps. On ne peut donc pas douter que Ja substance de la lumière ne V & 2. PARTIE EXPÉRIMENTALE. r6r soit une vraie matière, laquelle, indépen— damment de ses qualités propres et parti- eulières, a aussi les propriétés générales et communes à toute autre matière. Il en est de même de la chaleur: c’est une matière qui ne diffère pas beaucoup de celle de la lumière; etce n’estpeut-être que lalumière elle-même qui, quand elle estitrès-forte où réunie en grande quantité, change de forme, diminue de vitesse, et, au lieu d'agir sur lé sens de la vue, affecte les organes du toucher. On peut donc dire que, relativement à nous, la cha- leur n’est que le toucher de la lumière, et qu'en elle-même la chaleur n’est qu’un des effets du feu sur les corps; effet qui se mo- difie suivant les différentes substances, et produit dans toutes une dilatation, c’est-à- dire, une séparation de leurs parties consti- tuantes : et lorsque , par cette dilatation ou séparation, chaque partie se trouve assez éloi- gnée de ses voisines pour être hors de leur sphère d'attraction, les matières solides, qui n’étoient d’abord que dilatées par la chaleur, deviennent fluides, et ne peuvent reprendre leur solidité qu'autant que la chaleur se dis- sipe, et permet aux parlies désunies de se r62. MINÉRAUX. INTRODUCT O0 à E rapprocher et se ati d'aussi près paravant,*. tan fi ou RARES Ainsi toute- friditér a la chaleur: pour cause, et toute dilatation dans les:corps doit être regardée comumie -une fluidité commen: çante; or nous avons Lrouvé, par lexpé= rience, que les temps: du progrèés:de la cha leur dans les corps , soit pour l'entrée, soit pour la sortie, sont: toujours en. raison de leur fluidité ou de leur fusibilité, et il doit s'ensuivre, que leurs dilatations ph: aq à | | F4 * Je sais que pc chimistes prétendent. que les métaux rendus fluides par le feu, ont plus.de pesanteur spécifique que quand 1ls sont soldes : ibais J'ai de la peine à le croire; carils ’ensuivroit que leur état de dilatation où als pesanteur spé= cifique est moindre ne seroit pas le premier degré de leur état de fusion, ce qui néammoins paroît indubitable. L'expérience sur laquelle ils fondent leur opinion, c'est que le métal en fusiou supporte le même métal sohde, et qu ‘on Je voit nager à la surface du métal fondu: mais je pense que cet effer ne vient que de la FpasIOn causée par la chaleur, et ne doit point être attribué à la pesanteur spéci- fique plus grande du métal en fusion ; Je suis’ au contraire très-persuadé qu’elle est moindre Lie celle du métal solide. | Je PARTIE EXPÉRIMENTALE. 163 doivent être en même raison. Je n’ai pas eu besoin de tenter de nouvelles expériences pour m'assurer de la vérité de cette consé- quencegenérale ; M. Musschenbroëck en ayant fait de très-exactes sur la dilatation de diffé- rens métaux, j al comparé ses expérierices avec les miennes, et j'ai vu, comme je m'y attendois , que les corps Les plus lents à rece- voir et perdre la chaleur, sont aussi ceux qui se dilatent lé moins promptement, et que ceux qui sont les plus prompts à s’échauf: fer et à se refroidir, sont.ceux qui se dilatent ke plus vite; en sorte qu'à éoimencer par le fer, qui est le moins fluide de tous les corps, ét finir par le mercure , qui est le plus fluide, la dilatation dans toutes les différentes ma tières se fait en même raison que le progrès de la chaleur dans ces mêmes matières. °° - Lorsque je dis que le fer est le plus solidé, c’est-à-dire, le moins fluide de tous:les COrps, je n'avance rien que l'expérience ne m’ait jusqu’à présent démontré ; cependant il pour- roit se faire que la platine, comme je l'ai remarqué ci-devant, étant encore moins fu- _sible que le fer, la dilatation y seroit moindre, et le progrès de la chaleur plus lent que ar +64 TN NOIRS INTRODUCTION , dans le fer: mais je n’ai pu avoir decemi= néral qu’en grenaille; et pour faire l'expé- rience de la fusibilité et la comparer à celle des autres métaux, il faudroit en avoir une masse d’un pouce de diamètre , trouvée dans la mine même: toute la platine que j'ai pu trouver en masse, a été fondue par l'addition d’autres matières, et n'est pas assez pure pour qu’on puisse s’en servir à des expériences qu'on ne doit faire que sur des matières pures et simples; et celle que j'ai fait fondre-moi- même saus addition, étoit encore en trop peti£. volume pour pouvoir la comparer- exacte ment. | | Ce qui me confirme dans cette idée, que la platine pourroit être l'extrême en Z207- fluidité de toutes les matières connues ,.c’esé Ja quantité de fer pur qu’elle contient, puisqu'elle est presque toute attirable,par l'aimant': ce minéral, comme je l'ai dit, pourroit douc-bien n'être qu’une matière ferrugineuse plus condensée et spécifique- ment plus pesante que le fer ordinaire, inti- mement unie avec une grande quantité d'or, et par conséquent, étant moins fusible quele fer , recevroit encore plus difficilement la chaleur. | " Nue die MES N PARTIE EXPÉRIMENTALE. 165 De même, lorsque je dis que le mercure est Le plus fluide de tous les corps, je n’en- tends que les corps sur lesquels on peut faire des expériences exactes ; car je n'ignore pas, puisque tout le monde le sait, que l’air ne soit encore beaucoup plus fluide que le mer- cure : et en cela même la loi que j’ai donnee sur le progrès de la chaleur est encore con- firmée: car l'air s’échauffe et se refroidit, pour ainsi dire, en un instant; il se con- dense par le froid , et se dilate par la chaleur plus qu'aucun autre corps, el néanmoins le roid le plus excessif ne le condeuse pas assez pour lui faire perdre sa Huidité, tandis que le mercure perd la sienne à 187 degrés de froid au-dessous de la congélation de l’eau, et pourroit la perdre à un degré de froid beaucoup moindre, si on le réduisoit en vapeur.. Il subsiste donc encore un peu de chaleur au-dessous de ce froid excessif de 187 degrés, et par conséquent le degré de la congélation de l’eau, que tous les construc- teurs de thermométres ont regardé comme Ja limite de la chaleur, et comme un terme où l’on doit la supposer égale à zéro, est au contraire un degré réel de l'échelle de la 166 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Ne chaleur ; degré où non seulement la Lust à de chaleur subsistante n’est pas nulle, mäis où cette quantité de chaleur est très-consi- dérable, puisque c'est à peu près le point milieu entre le degré de la congélation du mercure et celui de la chaleur nécessaire pour fondre le bismuth, qui est de 190 deorés, lequel ne diffère guère de 187. au- dessus du terme de la glace que comme l’autre en diffère au-dessous. Je regarde donc la chaleur comme une ma- tière réelle qui doit avoir son poids, comme toute autre matière, et j'ai dit en consé= quence que, pour reconnoitre si le feu à une pésanteur sensible, il faudroit faire l’expé- rience sur. de grandes masses pénétrées de feu , et les peser dans cet état, et qu’on trou- veroit peut-étre une différence assez sensible pour qu'on en püt conclure la pesanteur du feu ou de la chaleur qui m’en paroït être la substance la plus matérielle : la lumière et la chaleur sont les deux'élemens matériels du feu, ces deux élémens réunis ne sont que le feu même , et ces deux matières nous af- fectent chacune sous leur forme propre, c’est- à-dire, d’une manière différente. Or, comme PARTIE EXPÉRIMENTALE. 16 il n'existe aucune forme sans matière, il est clair que quelque subtile qu'on suppose la substance de la lumière, de la chaleur ou du feu, elle est sujette, comme toute autre matière, à la loi générale de l'attraction universelle : car, comme nous l’avons dit, quoique la lumière soit douée d’un ressort presque parfait, et que par conséquent ses parties tendent avec une force presque infi- nie à s'éloigner des corps qui la produisent, nous avons démontré que cette force expan- sive ne détruit pas celle de la’ pesanteur ; on le voit par l'exemple de l'air, qui est très- élastique , et dont les parties tendent avec force à s'éloigner les unes des autres, qui ne laisse pas d’être pesant. Ainsi la force par laquelle les parties de l'air ou du feu tendent à s'éloigner et s’éloignent en effet les unes des autres, ne fait que diminuer la masse, c'est-à-dire , la densité de ces matières, et leur pesanteur sera toujours proportionnelle à cette densité : si donc l’on vient à bout de reconygoitre la pesanteur du feu par l’expé- rience de la balance, on pourra peut-être quelque jour en déduire la densité de cet clement, et raisonner ensuite sur la pesanteur Lens Ft TAN ESRQUES } 1 FA 163 MINÉRAUX. INTRODUCTION, et l'élasticité du feu avec autant de fondement que sur la pesanteur et l’élasticité de l'air. J'avoue que cette expérience, qui ne peut être faite qu'en grand paroît d'abord assez difficile, parce qu’une forte balance, et telle qu'il la faudroit pour suÉ porter plusieurs milliérs, ne pourroit être assez.sensible pour indiquer une petite différence qui ne seroit que de quelques gros. Îl y a ici, comme em tout, un z2axvimu: de précision, qui proba= blement ne se trouve ni dans la plus petite ni dans la plus grande balance possible. Par exemple, je crois que st dans une balance avec laquelle on peut peser une livre, l’on arrive à un point de précision d’un douzième de grain, il n’est pas sûr qu’on püt faire une balance pour peser dix milliers, qui penche- roit aussi sensiblement pour une once trois gros quarante-un grains, ce qui est la diffé- rence proportionnelle de 1 à 10000, ou qu'au contraire, si cette grosse balance indiquoit clairement cette différence, la petite balance n’indiqueroit pas également bien celle d'un douzième de grain; et que par conséquent nous ignorons quelle doit être pour un poids donné la balance Ja plus exacte, PARTIE EXPÉRIMENTALE. 169 Les personnes qui s'occupent de physique expérimentale, devroient faire la recherche de ce problème, dont la solution , qu'on ne peut obtenir que par l’expérience, donne- roit le #aximum de précision de toutes les balances. L’un des plus grands moyens d’a- vancer les sciences , c’est d'en perfectionner les instrumens. Nos balances le sont assez pour peser l’air : avec un degré de perfection de plus, on viendroit à bout de peser le feu et même la chaleur. Les boulets rouges de quatre pouces et demi et de cinq pouces de diamètre, que j'avois laissé refroidir dans ma balance *, avoient perdu sept, huit et dix grains chacun en se refroidissant; mais plusieurs raisons m'ont empêche de regarder cette petite dimi- nution comme la quantité réelle du poids de la chaleur. Car, 1°. le fer, comme on l’a vu par le résultat de mes expériences , est uné matière que le feu dévore, puisqu'il la rend spécifiquement plus légère : ainsi l’on peut attribuer cette diminution de poids à l’éva- poration des parties du fer enlevées par le * Voyez les expériences du prenuier Mémoire, tome IV, page 300 et SUlVe 19 170 MINÉRAUX. INTRODUCTION, feu. 2°. Le fer jette des étincelles en grande quantité lorsqu'il est rongi à blanc, il en jette encore quelques unes lorsqu'il n’est que rouge, et ces étincelles sont des parties de matière dont il faut défalquer le poids de celui de la diminution totale; et, comme il n'est pas possible de recueillir toutes ces étincelles, ni d'en connoiître le poids, 0 n’est pas possible non plus de savoir combien cette perte diminue la pesanteur des boulets. 3°. Je me suis apperçu que le fer demeure rouge et jette de petites étincelles bien plus loug-temps qu'on ne l’imagine; car quoi- qu'au graud jour il perde sa lumière et pa- roisse noir au bout de quelques minutes , si on le transporte dans un lieu obscur, on le voit lumineux, et on apperçoit les petites éltincelles qu'il continue de lancer pendant quelques autres minutes. 4°. Enfin les expé- riences sur les boulets mie laissoient quelque scrupule, parce que la balance dont je me servois alors, quoique bonne, ne me parois-. soit pas assez précise pour saisir au juste le poids réel d'une matière aussi légère que le feu. Ayant donc fait construire une balance capable dé porter aisément cinquante livres —. PARTIE EXPÉRIMENTALE. r9r de chaque côté, à l'exécution de laquelle M. le Roy, de l'académie des sciences, a bien voulu, à ma prière, donner toute l'attention nécessaire , j ai eu la satisfaction de recon- noître à peu près la pesanteur relative du feu. Cette balance chargée de-cinquantelivres- de chaque côté, penchoit assez sensiblement par l'addition de vingt-quatre grains; et, chargée de vingt-cinq livres, elle penchoit par l'addition de huit grains seulement. Pour rendre cette balance plus ou moins sensible, M. le Roy a fait visser sur l’aiguille uue masse de plomb, qui, s’élevant et s’a- baissant, change le centre de gravité; de sorte . qu’on peutaugmenter de près de moitié la sen- sibilité de la balance. Mais, par le grand nom- bre d'expériences que j'ai faites de cette ba- lance et dequelquesautres, j'ai reconnu qu’en général plusunebalanceest sensible, etmoins elle est sage : les caprices ; tant au physique qu'au moral , semblent être desattributs insé- parables de la grande sensibilité. Les balances très-sensibles sont si capricieuses, qu'elles ne parlent jamäis de la mème façon : au- jourd’hui elles vous indiquent le poids à un millième près, et demain elles ne le donneut ee RES : UN, Mit 4 A Aa EUR "A F: X h v 172 MINÉRAUX.. INTRODUCTION , qu’à une moitié, c’est-à-dire., à un cinq-cen= tième près, au lieu d’un millième. Une ba- lance moins sensible est plus constante, plus fidèle ; et, tout considéré, il vaut mieux À pour l’usage froid qu’on fait d’une balance, la choisir sage que de la prendre ou la rendre trop sensible. Pour peser exactementdes masses pénétrées de feu , j'ai commencé par faire garuir de tôle les bassins de cuivre et les chaînes de la balance , afin de ne les pas endommager; et après en avoir bien établi l'équilibre à son moindre degré de sensibilité, j'ai fait porter sur l’un des bassins une masse de fer rougi à blanc, qui provenoit de la seconde chaude qu’on doune à l’affinerie après avoir battu au marteau la loupe qu’on appelle renard : je fais cette remarque , parce que mon fer, dès cette seconde chaude, ne donne presque plus de flamme , et ne paroit pas se consumer comme il se consume et brüle à la première chaude, et que , quoiqu'il soit blanc de feu, il ne jette qu’un petit nombre d’étincelles avaut d’être mis sous le marteau. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 173 f I. LS UNE masse de fer rougi à blanc s’est trou- vée peser précisément 40 livres 9 onces ; Jayant enlevée doucement du bassin de la balance et posée sur une pièce d'autre fer, où on la laissoit refroidir sans la toucher, elle s’est trouvée, après son refroidissement au degré de la température de Pair, qui étoit alors celui de la congélation, ne peser que 49 livres 7 onces juste : ainsi elle a perdu 2 onces pendant son refroidissement. On ob- servera qu'elle ne jeloit aucune étincelle, aucune vapeur assez sensible pour ne devoir pas être regardée comme la pure émanation du feu. Ainsi l’on pourroit croire que la quantité de feu contenue dans cette masse de Lo livres 9 onces étant de 2 onces, elle for moit environ -= ou -= du poids de la masse totale. On a remis ensuite cette masse refroi- die au feu de l’affinerie ; et l'ayant fait chauf- Ter à blanc comme la première fois et por- ter au marteau, elle s’est trouvée, après avoir été malléée et refroidie, ne peser que 47 livres 12 onces 3 gros; ainsi le déchet de cette chaude, tant au feu qu'au marteau , étoit 74 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de 1 livre 10 onces 5 gros : et ayant fait don- ner une seconde et une troisième chaude à cette pièce pour achever la barre ; elléne pesoit plus que -43 livres 7 onces 7 gros: ainsi son déchet total, tant par l'évapora- tion du feu que par la purification. du fer à _ l'affinerie et sous le marteau, s’est trouve de 6 livres 1 once 1 gros sur 49 livres g onces; ce qui ne va pas tout-à-fait au huitième. Une seconde ‘pièce de fer, prise de même au sortir de l’affinerie à la premièrechaude, et pesée rouge-blanc , s’est trouvée du poids de 38 livres 15 onces 5 gros 36 grains ; et ensuite , pesée froide, de 38. livres 14 onces 36 grains : ainsi elle a perdu 1 once 5 gros en se refroidissant ; ce qui fait environ => du poids total de sa masse. Une troisième pièce de fer, prise de même au sortir du feu de l’affinerié après la pre- mière chaude, et pesée rouge-blanc, s'est trouvée du poids de 45 livres 12 onces 6 gros, et, pesée froide, de 45 livres xx onces 2 gros: ainsi elle a perdu 1 once 4 gros en serefroi- dissant ; ce qui fait environ — de son poids total. Une quatrième pièce de fer, prise de même \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 195 après la première chaude , et pesée rouge- blanc, s’est tronvée du poids de 48 livres 11 onces 6 gros , et, pesée après son refroi- dissement , de 48 livres 10 onces juste : ainsi elle a perdu, en se refroidissant, 14 gros ; ce qui fait environ — du poids de la masse totale. | Enfin une cinquième, pièce de fer, prise de même après la première chaude, et pesee rouge-blanc , s’est trouvée du poids de 4glivres 11 onces,et , pesée après son refroidissement , de 49 livres 9 onces 1 gros : ainsielle a per- du , en se refroidissant, 15 gros; ce qui fait — du poids total de sa masse. ; En réunissant les résultats des cinq expé- riences pour en prendre la mesure commune , on peut assurer que le fer chauffé à blanc, et qui n’a reçu que deux volées de coups de marteau , perd , en se refroidissant, de Sa Iasse. TE UNE pièce de fer qui avoit reçu quatre volées de coups de: marteau, et par consé= quent toutes les chaudes nécessaires pour être entièrement et parfaitement forgée ; et qui d 156 MINÉRAUX. INTRODUCTION, pesoit 14 livres 4 gros, ayant été chauffée à. blanc , ne pesoit plus que 13 livres 12 onces dans cet état d’incandescence , et 13 livres 11 onces 4 gros après son entier refroidisse- ment; d'où l’on peut conclure que la quan- tité de feu NE cette pièce de fer étoit péneé- trée , faisoit L de son poids total. Une seconde pièce de fer entièrement for- gée, et de même qualité que la précédente ;, pesoit froide 13 livres 7 onces 6 gros; chauffée à blanc, 13 livres 6 onces 7 gros; et refroi- die, 15 livres 6 onces 3 gros; ce qui donne —= à très-peu près dont elle a diminué en se refroidissant. Une troisième pièce de fer, forgée de même que les précédentes, pesoit froide 13 livres 1 gros, et, chauffée au dernier degré, en sorte qu'elle étoit non seulement blanche, mais bouillonnante et pétillante de feu, s’est trou- vée peser 12 livres 9 onces 7 gros dans cet état d’incandescence ; et refroidie à la tempéra- ture actuelle, qui étoit de 16 degrés au-dessus de la congélation , elle ne pesoit plus que +49 12 livres 9 onces 3 gros; ce qui donne —- à très-peu près pour la quantité qu'elle a per- due en se refroidissant. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 177 Prenant le terme moyen des résultats de’ ces trois expériences, on peut assurer que le” fer parfaitement forgé et de la meilleure qua- lité, chauffé à blanc, perd, en se refroidis- sant, environ — de sa masse. LE. UN morteau de fer en gueuse, pesé très- rouge,,environ 20 minutes après sa coulée, s’est trouvé du poids de 33 livres 10 onces ; et lorsqu'il a été refroidi, il ne pesoit plus que 33 livres 9 onces : ainsi il a perdu 1 once, c’est-à-dire, —— de son poids on masse totale en se refroidissant. Un second morceau de fonte, pris de même très-rouge, pesoit 22 livres 8 onces 3 gros; et lorsqu'il a été refroidi, 1l ne pesoit plus: que 22 livres 7 onces 5 gros ; ce qui donne = pour la quantité qu’il a perdue en se re- froidissant. Un troisième morceau de fonte qui pesoit chaud 16 livres 6 onces 3 gros<, ne pesoi£ 1 que 16 livres 5 onces 7 gros + lorsqu'il fut refroidi ; ce qui donne -— pour la quantité qu 1l a perdue en se refroidissant. 178 MINÉRAUX. INTRODUCTION , Prenant le terme moyen des résultats de ces trois expériences sur la fonte pesée chaude couleur de cerise, on peut assurer 4 elle perd, en se refroidissant , environ —= — de sa masse; ce qui-fait une moindre diminution que celle du fer forgé : mais la raison en est que le fer forgé a été chauffé à blanc dans toutes nos expériences , au lieu que la fonte n’étoit que d’un rouge couleur de cerise lors- qu'on l’a pesée, et que par conséquent elle n’éloit pas pénétrée d'autant de feu que le fer ; car on observera qu'on ne peut chauffer à blanc la fonte de fer sans l’enflammer et la brûler en partie , en sorte que je me suis dé terminé à la faire peser seulement rouge, et au moment où elle vient de prendre sa cou- sistance dans le moule, au sortir du fourneau de fusion. LAVE ON a pris sur la dame du fourneau des morceaux du laitier le plus pur et qui for- moit du très-beau verre de couléur verdâtre. Le premier morceau pesoit chaud 6 livres 14 onces 2 gros =; et refroidi , il ne pesoit que 6 livres 14 onces 1 gros; ce qui donne ARE à gi PARTIE EXPÉRIMENTALE. :79 5 pour la quantité qu'il a perdue en se re- froidissant. | | Un second morceau de laitier, semblable au précédent, a pesé chaud 5 livres 8 onces 6 gros +; et refroidi, 5 livres 8 onces 5 gros; ce qui donne —— pour la quantité dont il a diminué en se refroidissant. Un troisième morceau, pris de même sur la dame du fourneau, mais un peu moins ardent que le précédent, a peséchaud 4livres 7 onces 4 gros =; et refroidi, 4 livres 7 onces 3 gros=; ce qui donne — pour la quantité dont il a diminué en se refroidissant. Un quatrième morceau de laitier, qui étoit de verre solide et pur, et qui pesoit froid 2 livres 14 onces 1 gros, ayant été chauffé jusqu’au rouge couleur de feu, s’est trouvé peser 2 livres 14 onces 1 grosi; ensuite, après son refroidissement, il a pesé, comme avant d’avoir été chauffé, 2 livres 14 onces 1 gros juste; ce qui donne: pour le poids de la quantité de feu dont 1l etoit pénétré. Prenant le terme des résultats deces quatre expériences sur le verre pesé chaud couleur de feu , on peut assurer qu’il perd ense refroi- dissant — ; ce qui me paroît être le vrai 160 MINÉRAUX. INTRODUCTION poids du feu, relativement au poids total des matières qui en sont pénétrées : : car ce verre : ou laitier ne se brüle ni ne se consumeé au feu; il ne perd rien de son poids, etse trouve seulement peser — de plus lorsqu'il est tpénér tre de feu. Ÿ. J’Ar tenté plusieurs expériences semblables sur le grès; mais elles n'ont pas si bien réussi. La piupart des espèces de grès s égrenant au feu, on ne peut les chauffer qu'à demi , et ceux qui sont assez durs et d’une assez bonne qualité pour supporter, sans s ‘égrener, un feu violent , se couvrent d’émail:; il y a d’ailleurs dans presque tous des espèces de clous noirs et ferrugineux qui brûlent dans l'opération. Le seul fait certain que j'ai pu tirer de sept expériences sur différens mor- ceaux de grès dur, c’est qu’il ne gagne rien au feu, et qu'il n'y perd que très-peu. J’avois déja trouvé la même chose par les expériences rapportées dans le premier Mémoire. De toutes ces expériences , je crois qu’on doit conclure : ; 1°. Que le feu a, comme toute autre ma- PARTIE EXPÉRIMENTALE. 18r tière, une pesanteur réelle, dont on peut connoître le rapport à la balance dans les substances qui, comme le verre , ne peuvent être altérées par son action, et dans lesquelles il ne fait, pour ainsi dire, que passer, sans y rien laisser et sans en rien enlever. 2°. Que la quantité de feu nécessaire pour _rougir une masse quelconque , et lui donner sa couleur et sa chaleur, pèse -£, ou, si l’on veut, une six-centième partie de cette masse; en sorte que si elle pèse froide Goo livres, elle pesera chaude 601 livres lorsqu’elle sera rouge couleur de feu. 3°. Que dans les matières qui, comme le fer , sont susceptibles d’un plus grand degré de feu , et peuvent être chauffées à blanc sans se fondre, la quantité de feu dont elles sont alors pénétrees, est environ d’un sixième plus grande; en sorte que sur 500 livres de fer il se trouve une livre de feu. Nous avons même trouve plus par les expériences précé- dentes , puisque leur résultat commun donne =; mais il faut observer que le fer, ainsi que toutes les substances métalliques, se consume un peu en se refroidissant, et qu’il diminue toutes Les fois qu’on y applique Mat. gén. VI. 16 : 1 \ # 182 MINÉRAUX. INTRODUCTION, le feu : cette différence entre = et 2 pro vient donc de cette diminution; le fer, qui perd une quantité trés-sensible dans le feu, continue à perdre un peu tant qu’il en est pénétré , et par conséquent sa masse totale se trouve plus diminuée que celle du verre, que le feu ne peut consumer, ni brüler, ni volatiliser. We | Je viens de dire qu’il en est de toutes les substances métalliques comme du fer, c'est- à-dire, que toutes perdent quelque chose par la longue ou la violente"action du feu , et je puis le prouver par des expériences incon—+ testables sur l'or et sur largent, qui, de tous les métaux, sont les plus fixes et les moins sujets à être altérés par le feu. J'aï exposé au foyer du miroir ardent des plaques d’arsent pur, et des morceaux d'or aussi pur; je les ai vus fumer abondamment et pendant un très-long temps :il n’est done pas douteux que ces métaux ne perdent quel- que chose de leur substance par l'application du feu ; et j'ai été informé depuis, que cette matière qui s'échappe de ces métaux et s'élève en fumée, n’est autre chose que le métal même volatilisé, puisqu'on peut dorer PARTIE EXPÉRIMENTALE. 183 ou argenter à cette fumée métallique les corps qui la reçoivent. | : Le feu , sur-tout appliqué long-temps, volatilise donc peu à peu ces métaux, qu'il semble ne pouvoir brûler ni détruire d’au- cune autre manière: et en les volatilisant 1l n’en change pas la nature, puisque cette fumée qui s’en échappe est encore du métal qui conserve toutes ses propriétés. Or il ne faut pas un feu bien violent pour produire cette fumée métallique ; elle paroît à un degré de chaleur au-dessous de celui qui est nécessaire pour la fusion de ces métaux. C’est de cette même manière que l’or et l'argent se sont sublimés dans le sein de la Terre: ils ont d’abord été fondus par la chaleur excessive du premier état du globe, où tout étoit en liquéfaction; et ensuite la chaleur moins forte, mais constante, de l’intérieur de la Terre les a volatilisés, et a poussé ces fumées métalliques jusqu'au sommet des plus hautes montagnes, où elles se sont ac— cumulées en grains ou attachées en vapeurs aux sables et aux autres matières dans les- quelles on les trouve aujourd'hui. Les pail- lsttes d’or que l’eau roule avec Les sables, 184 MINÉRAUX. INTRODUCTION tirent leur origine, soit des masses d’or fon- dues par le feu primitif, soit des surfaces dorées par cette sublimation, desquelles l’ac- tion de l'air et de l’eau les détache et les sépare. Mais revenons à l’objet immédiat de nos experiences. Il me paroit qu’elles ne laissent aucun doute sur la pesanteur réelle du feu, et qu'on peut assurer, en conséquence deleurs resultats, que toute matière solide pénétrée de cet élément autant qu’elle peut l'être par l'application que nous savons en faire, est au moins d’une six-centième partie plus pesante que dans l’état de la température actuelle , et qu'il faut une livre de matière ignée pour donner à 600 livres de toute autre matière l’état d’incandescence jusqu’au rouge couleur de feu, et environ une livre sur 500 pour que l’incandescence soit jusqu’au blanc ou jusqu’à la fusion ; en sorte que le fer chauffe à blanc, ou le verre en fusion, con- tiennent dans cet état - de matière ignée dont leur propre substance est pénétrée. Mais cette grande vérité, qui paroitra nouvelle aux physiciens, et de laquelle on pourra tirer des conséquences utiles, ne nous PARTIE EXPÉRIMENTALE. 185 apprend pas encore ce qu’il seroit cependant le plus important de savoir; je veux dire le rapport de la pesanteur du feu à la pesanteur de l’air, ou de la matière ignee à celle des autres matières. Cette recherche suppose de nouvelles découvertes auxquelles je ne suis pas parvenu , et dont je n ai donné que quel- ques indications dans mon 7zaité des Elé- mens : Car quoique nous sachions par mes expériences qu'il faut une cinq-centième partie de matière ignée pour donner à toute autre matière l’état de la plus forte incän- descence, nous ne savons pas à quel point cette matière ignée y est condensée, com-— primée, ni même accumulée , parce que nous n’avons jamais pu la saisir dans un état constant pour la peser ou la mesurer ; en sorte que nous n'avons point d'unité à laquelle nous puissions rapporter la mesure de l’état d'incandescence. Tout ce que j'ai donc pu faire à la suite de mes expériences, c’est de rechercher combien il falloit consommer de matière combustible pour faire entrer dans une masse de matière solide cette quantité de matière ignée qui est la cinq-centième partie de la masse en incandescence , et jai trouvé, NEA SE A 5 AGP NL NT DNS PE L L, DES Ali À LA À AONT NE 186 MINÉRAUX. INTRODUCTION , par des essais réitérés , qu ’il falloit brûler 300 livres de charbon au vent de deux soufflets de dix pieds de longueur, pour chauffer à blanc une pièce de fonte de fer de 500 livres pesant. Mais comment mesurer, ni même estimer à peu prés la quantité totale de feu produite par ces 300 livres de matière combustible ? comment pouvoir comparer la quantité de feu qui se perd dans les airs, avec celle qui s'attache à la pièce de fer, et qui pénètre dans toutes les parties de sa substance? il faudroit pour cela bien d’autres expériences, ou plutôt il faut un art nouveau dans lequel je n’ai pu faire que les premiers pas. JR V I. J'aAr fait quelques expériences pour recon- noître combien il faut de temps aux matières qui sont en fusion pour prendre leur consis- tance, et passer de l’état de fluidité à celui de la solidité; combien de temps il faut pour que la surface prenne sa consistance; com- bien il en faut de plus pour produire celte même consistance à l'intérieur, et savoir par conséquent combien le centre d'un globe \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 187 dont la surface seroit consistante et même refroidie à un certain point, pourroit néan- moins être de temps dans l’état de liquéfac- tion : voici ces expériences. SUR LE FER. N° 1. Le 99 juillet, à 5 heures 43 minutes, moment auquel la fonte de fer a cessé de couler, on a observé que la gueuse a pris de Ja consistance sur sa face supérieure en 3 minutes à sa tête, c’est-à-dire, à la partie la plus éloignée du fourneau, et en 5 minutes à sa queue, c’est-à-dire , à la partie la plus voi- sine du fourneau: l’ayant alors fait soulever du moule et casser en cinq endroits , on n’a vu aucune marque de fusibilité intérieure dans les quatre premiers morceaux; seule- ment dans le morceau cassé le plus près du fourneau , la matière s’est trouvée intérieu— rement molle, et quelques parties se sont attachées au bout d’un petit ringard, à 5 heures 55 minutes, c’est-à-dire, 12 minutes après la fin de la coulée : on a conservé ce morceau numéroté ainsi que les suivans. N° 2. Le lendemain, 30 juillet, on a coulé 188 MINÉRAUX. INTRODUCTION, une autre gueuse à 8 heures 1 minute, et à 8 heures 4 minutes, c’est-à-dire, 3 minutes après, la surface de sa tête étoit consolidée; et en ayant fait casser deux morceaux , 1l est sorti de leur intérieur une petite quantité de fonte coulante; à 8 heures 7 minutes, il y avoit encore dans l’intérieur des marques évidentes de fusion, en sorte que la surface 4 pris consistance en 3 minutes, et l’intérieur ne l’avoit pas encore prise en 6 minutes. N° 5. Le 31 juillet, la gueuse a cessé de couler à midi 35 minutes; sa surface, dans la partie du milieu , avoit pris sa consistance à 39 minutes, c'est-à-dire, en 4 minutes, et l'ayant cassée dans cet endroit à midi 44 mi- nutes , il s’en est écoulé une grande quantité de fonte encore en fusion : on avoit remar- qué que la fonte de cette gueuse étoit plus liquide que celle du n° précédent, et on a conservé un morceau cassé dans lequel l’écoulement de la matière intérieure a laissé une cavité profonde de 26 pouces dans l’inté- rieur de la gueuse. Ainsi la surfaceayant pris en 4 minutes sa consistance solide, l’intérieur étoit encore en grande liquéfaction après 8 minutes = PARTIE EXPÉRIMENTALE. 18 _ N° 4. Le 2 août, à 4 heures 47 minutes, la gueuse qu'on a coulée s'est trouvée d'une fonte très-épaisse, aussi sa surface dans le milieu a pris sa consistance en 3 minutes; et 1 minute = après, lorsqu'on l’a cassée, toute la fonte de l’intérieur s’est écoulée, et n’a laissé qu’un tuyau de 6 lignes d’épais- seur sous la face supérieure, et d’un pouce environ d'épaisseur aux autres faces. N° 5. Le 3 août, dans une gueuse de fonte très-liquide, on a cassé trois morceaux d’en- viron 2 pieds : de long, à commencer du côte &e la tète de la gueuse, c’est-à-dire, dans Ja partie la plus froide du moule et la plus éloignée du fourneau , et l’on a reconnu, comme il étoit naturel de s’y attendre, que la partie intérieure de la gueuse étoit moins consistante à mesure qu'on approchoit du fourneau , et que la cavité intérieure, pro- duite par l’écoulement de la fonte encore liquide, étoit à peu près en raison inverse de la distance au fourneau. Deux causes évi- dentes concourent à produire cet effet : le moule de la gueuse formé par les sables est d'autant plus échauffe qu’il est plus près du fourneau, et en second lieu il reçoit d'autant LE AS PTE NET EPSON REIN SEEN SNA TER RENNES AA 4 \ rgo MINÉRAUX. INTRODUCTION, plus de chaleur qu’il y passe une plus grande quantité de fonte, Or la totalité de la fonte qui constitue la gueuse, passe dans la partie du moule où se forme sa queue, auprès de l'ouverture de la coulée , tandis que la tête de la gueuse n’est formée que de l’excédant qui a parcouru le moule entier, et s’est déja refroidie avant d'arriver dans cette partie la plus éloignée du fourneau, la plus froide de toutes, et qui n’est échauffée que par la seule matière qu’elle contient. Aussi de trois morceaux pris à la tête de cette gueuse, la surface du premier, c’est-à-dire, du plus éloigné du fourneau , a pris sa consistance en 1 minute +; mais tout l’intérieur a coulé au bout de 3 minutes =. La surface du second a de même pris sa consistance en 1 minute +, et l’intérieur couloit de même au bout de 3 minutes +. Enfin la surface du troisième morceau, qui étoit le plus loin de la tête, et qui approchoit du milieu de la gueuse, a pris à, et l’intérieur couloit encore très-abondamment au bout de & minutes. ’ Je dois observer que toutes ces gueuses sa consistance en 1 minute étoient triangulaires , et que leur face supé ne: PARTIE EXPÉRIMENTALE. t9t rieure, qui étoit la plus grande, avoit en- viron 6 pouces = de largeur. Cette face supé- rieure, qui est exposée à l’action de l’air, se consolide néanmoins plus lentement que les deux faces qui sont dans le sillon où la matière a coulé : l'humidité des sables qui forment cette espèce de moule, refroidit et consolide la fonte plus promptement que l'air; car, dans tous les morceaux que j'ai fait casser, les cavités formées par l’écoule- ment de la fonte encore liquide étoient bien plus voisines de la face supérieure que des deux autres faces. Ayant examiné tous ces morceaux après Jeur refroidissement, j'ai trouvé, 1°. que les morceaux du n° # ne s’étoient consolidés que de 6 lignes d’épaisseur sous la face supé- rieure; 2°. que ceux du n° 5 se sont conso- lidés de 9 lignes d’épaisseur sous cette même face supérieure; 3°. que les morceaux du n°2 s’étoient consolidés d’un pouce d’épaisseur sous cette même face; 4°. que les morceaux du n° 3 s’étoient consolidés d’un pouce et demi d'épaisseur sous la mème face; et enfin que les morceaux du n° 1 s’étoient consolidés jusqu’à 2 pouces 3 lignes sous cette même face supérieure. ù LE r92 MINÉRAUX. INTRODUCTION, _ Les épaisseurs consolidées sont donc 6, 9,12, 18, 27 lignes, et les temps employés à cette consolidation sont 1 +, 2 ou 24, 3, &+,7 minutes; ce qui fait à très-peu près le quart numérique des épaisseurs. Ainsi les temps nécessaires pour consolider le métal fluide sont précisément en même raison que celle de leur épaisseur: en sorte que si : nous supposons un globe isole de toutes parts, dont la surface aura pris sa consistance en un temps donné, par exemple, en 3 minutes, il faudra 1: minute + de plus pour le conso- lider à 6 lignes de profondeur, 2 minutes : pour le consolider à 9 lignes, 35 minutes pour le consolider à 12 lignes, 4 minutes pour le consolider à 18 lignes , et 7 minutes pour le consolider à 27 ou 28 lignes de pro- fondeur ; et par conséquent 36 minutes pour le consolider à 10 pieds de profondeur, etc. SUR LE VERRE. AYANT fait couler du laitier dans des moules três-voisins du fourneau, à environ 2 pieds de l'ouverture de la couiée, j’ai reconnu, par plusieurs essais, que la surface PARTIE EXPÉRIMENTALE. r93 de ces morceaux de laitier prend sa consis- tance en moins de temps que la fonte de fer, et que l'interieur se consolidoit aussi beau- coup plus vite : mais je n’ai pu déterminer, comme je l'ai fait sur le fer, les temps né- cessaires pour consolider l’intérieur du verre à différentes épaisseurs; je ne sais même si l'on en viendroit à bout dans un fourneau de verrerie où l’on auroit le verre en masses fort épaisses : tout ce que je puis assurer, c’est que la consolidation du verre, tant à l'extérieur qu’à l’intérieur, est à peu près une fois plus prompte que celle de la fonte du fer. Et en même temps que le premier coup de l’air condense la surface du verre liquide et lui donne une sorte de consistance solide, il la divise et la fêle en une infinité de petites parties, en sorte que le verre saisi par l'air frais ne prend pas une solidité réelle, et qu’il se brise au moindre choc; au lieu qu’en le laissant recuire dans un four très-chaud, il acquiert peu à peu la solidité que nous lui connoissons. Îl paroît donc bien difficile de déterminer, par l’expérience, les rapports du temps qu’il faut pour consolider le verre à différentes épaisseurs au-dessous | he x94 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de sa surface. Je crois seulement qu’on peut ; sans se tromper, prendre le même rapport pour la consolidation que celui du refroidis- sement du verre au refroidissement du fer; lequel rapport est de 152 à 236 par les expé- riences du second Mémoire, tome V, page 70: M AYANT déterminé, par les expériences précédentes , les temps nécessaires pour la consolidation du fer en fusion, tant à sa sur- face qu'aux différentes profondeurs de son intérieur, j'ai cherché à reconnoitre, par des observations exactes , quelle étoit la durée de l’incandescence dans cette même matière. 1. Un renard, c'est-à-dire, une loupe déta- chée de la gueuse par le feu de la chaufferie, et prête à être portée sous le marteau, a été mise dans un lieu dont l’obscurite étoit égale à celle de la nuit quand le ciel est couvert : cette loupe, qui etoit fort enflammée, n’à cessé de donner de la flamme qu’au bout de 24 minutes; d’abord la flamine étoit blanche ensuite rouge et bleuatre sur la fin : elle ne paroissoit plus alors qu’a la partie inférieure PARTIE EXPÉRIMENTALE. 195 de la loupe qui touchoit la terre, et ne se montroit que par ondulations ou par reprises, comme celles d’une chandelle qui s'éteint. Ainsi la première incandescence, accompa- guée de flamme, a duré 24 minutes; ensuite la loupe, qui étoit encore bien rouge, a perdu cette couleur peu à peu, et a cessé de paroître rouge au bout de 74 minutes , non compris les 24 premières, ce qui fait en tout 98 mi- nutes : mais il n’y avoit que les surfaces su- périeure et latérales qui avoient absolument perdu leur couleur rouge ; la surface infeé- rieure, qui touchoit à la terre, l’étoit encore “aussi-bien que l’intérieur de la loupe. Je commençai alors, c’est-à-dire au bout de 98 minutes, à laisser tomber quelques grains de poudre à tirer sur la surface supérieure ; ils s’enflammèrent avec explosion. On conti- nuoit de jeter de temps en temps de la poudre sur la loupe, et ce ne fut qu'au bout de 42 minutes de plus qu’elle cessa de faire ex- plosion : à 43, 44 et 45 minutes, la poudre se fondoit et fusoit sans explosion , en donnant seulement une petite flamme bleue. De là je crus devoir conclure que l’incandescence à l’intérieur de la loupe n’avoit fini qu'alors, D DAS OS SA AE LE LL de } « 2 DA ON ET RER 196 MINÉRAUX. INTRODUCTION ; c'est-à-dire, 42 minutes après celle de la sur- | face, et qu’en tout elle avoit duré 140 mi— nutes. | Cette loupe étoit de figure à peu près ovale et applatie sur deux faces parallèles ; som grand diamètre étoit de 13 pouces , et le petit de 8 pouces : elle avoit aussi, à trés-peu près, 8 pouces d'épaisseur par-tout , et elle pesoi£ 91 livres 4 onces après avoir été refroidie. 2. Un autre renard, mais plus petit que le premier, tout aussi blanc de flamme et pe— tillant de feu , au lieu d’être porté sous le marteau, a ête mis dans le même lieu obscur, où il n’a cessé de donner de la flamme qu’au bout de 22 minutes ; ensuite il n'a perdu sa | couleur rouge qu'après 43 minutes : ce qui fait 65 minutes pour la durée des deux états d’incandescence à la surface, sur laquelle ayant ensuite jeté des grains de poudre, ils n’ont cessé de s’enflammer avec explosion qu'au bout de 40 minutes ; ce qui fait en tout 105 minutes pour la durée de l’incan- descence, tant à l'extérieur qu'a l’intérieur. Cette loupe étoit à peu près circulaire, sur 9 pouces de diamètre , et ellé avoit environ 6 pouces d'épaisseur par-tout ; elle s’est trou v PARTIE EXPÉRIMENTALE. 197 vée du poids de 54 livres après son refroidis- sement. J'ai observé que la flamme et la couleur rouge suivent la mème marche dans leur dégradation ; elles commencent par dispa- roitre à la surface supérieure de la loupe ; tan- dis qu’elles durent encore aux surfaces laté- rales, et continuent de paroitre assez long- temps autour de la surface inférieure, qui, étant constamment appliquée sur la terre, se refroidit plus lentement que les autres sur- faces qui sont exposées à l’air. 3. Un troisième renard, tiré du feu très- blanc, brûlant et pétillant d’étincelles et de flamme, ayant été porté dans cet état sous le marteau, n’a conservé cette incandescence enflammée que 6 minutes; les coups préci- pités dont il a été frappé pendant ces 6 mi- nutes, ayant comprime la matière, en ont en même temps réprimé la flamme, qui auroit subsiste pluslong-temps sans cette opération, par laquelle on en a fait une pièce de fer de I 12 pouces : de longueur sur 4 pouces en quarré, qui s’est trouvée peser 48 livres 4onces après avoir été refroidie. Mais, ayant mis auparavant cette pièceencore toute rouge dans 17 r98 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ke même lieu obscur , elle n’a cessé de pa= roitre rouge à sa surface qu’au bout de 46 mi- nutes, y compris les 6 premières. Ayarit en- suite fait l'épreuve avec la poudre à tirer, qui n’a cessé de s’enflammer avec explosion que 26 minutes après les 46, il en résulte que l’icandescence intérieure et totale a duré 72 minutes. | En comparant ensemble ces trois expé- riences, on peut couclure que la durée de l’incandescence totale est comme celle de la prise de consistance proportionnelle à l’épais- seur de la matière : car la première loupe, qui avoit 8 pouces d'épaisseur, a conservé son incandescence pendant 140 minutes ; la seconde , qui avoit 6 pouces d'épaisseur, l’a conservée pendant 105 minutes ; et la troi- sième , qui n'avoit que 4 pouces, ne l’a con- servée que pendant 72 minutes. Or 105 ©: 140 ::6:8, et de même 72: 140 à peu près :: & : 8, eu sorte qu’il paroît y avoir même rap- port entre les temps qu’entre les épaisseurs. 4. Pour m’assurer encore mieux de ce fait important, jai cru devoir répéter l’expé- rience sur une loupe prise, comme la pré- cédente , au sortir de la chaufferie, On l'a PARTIE EXPÉRIMENTALE. 199 portée tout entflammee sous le marteau; la Hlamnre a cessé au bout de 6 minutes , et, dans ce moment, on a cesse de la battre : on l’a mise tout de suite dans le même lieu obscur; le rouge n’a cessé qu’au bout de 39 minutes ; ce qui donne 45 minutes pour les deux états d'incandescence à la surface : ensuite la poudre n’a cessé de s’enflammer avec explo- sion qu'au bout de 28 minutes; ainsi l’incan- descence intérieure et totale a dure 73 mi- nutes. Or cette pièce avoit, comme la precé- dente , 4 pouces juste d'épaisseur sur deux faces en quarré, et 10 pouces : de longueur ; elle pesoit 39 livres 4 onces après avoir été refroidie. Ye | Cette dernière expérience s'accorde si par- faitement avec celle qui la précède et avec les deux autres, qu'on ne peut pas douter qu'en général la durée de l’incandescence ne soit à très-peu près proportionnelle à l’épais- seur de la masse, et que par conséquent ce grand degré de feu ne suive la même loi que celle de la chaleur médiocre ; en sorte que, dans des globes de même matière, la chaleur ou le feu du plus haut degré, pendant tout le temps de l’incandescence, s’y conservent et \ re 200 MINÉRAUX. INTRODUCTION, y durent précisément en raison de leur dia mètre. Cette vérité, que je voulois acquérir et demontrer par le fait, semble nous indi- quer que les causes cachées (causæ latentes) de Newton, desquelles j'ai parlé dans le pre- mier de ces Mémoires, ne s'opposent que très-peu à la sortie du feu, puisqu'elle se fait de la même manière que si les corps étoient entièrement et parfaitement perméables, et que rien ne s’opposât à son issue. Cependant on seroit porté à croire que plus la même matière est comprimée, pluselle doit retenir de temps le feu ; en sorte que la durée de l’in- candescence devoit être alors en plus grande raison que celle des épaisseurs ou des dia— mètres. J’ai douc essayé de reconnoître cette différence par l’expérience suivante. 5. J'ai fait forger une masse cubique de fer, de 5 pouces 9 lignes de toutes faces ; elle a subi trois chaudes successives , et, l'ayant laissé refroidir, son poids s’est trouvé de 48 livres 9 onces. Après l’avoir pesée, on l’a mise de nouveau au feu de l’affinerie, où elle n'a été chauffée que jusqu’au rouge couleur de feu , parce qu’alors elle commençoit à donner un peu de flamme , et qu’en la lais= PARTIE EXPÉRIMENTALE. 2er sant au feu plus long-temps, le fer auroit brülé. De là on l’a transportée tout de suite dans le même lieu obscur, où j'ai vu qu’elle ne donnoit aucune flamme ; neanmoins elle n’a cessé de paroître rouge qu'au bout de 52 minutes, et la poudre n’a cessé de s’enflam-— mer à sa surface avec explosion que 43 mi- nutes après : ainsi l’incandescence totale a duré 95 minutes. On a pesé cette masse une seconde fois après son entier refroidissement ; elle s’est trouvée peser 48 livres 1 once: ainsi elle avoit perdu au feu 8 onces de son poids, et elle en auroit perdu davantage si on |” eût chauffée jusqu’au blanc. En comparant cette expérience avec les autres, on voit que l'épaisseur de la masse étant de 5 pouces +, l’incandescence totale a duré 95 minutes dans cette pièce de fer, com- primée autant qu’il est possible, et que dans les premières masses, qui n’avoient pointété comprimées par le marteau , l'épaisseur étant de 6 pouces, l’incandescence a duré 105 mi- nutes , et l'épaisseur étant de 8 pouces , elle a duré 140 minutes. Or 140 : 8ou105:6:: 95 :5 =, au lieu que l'expérience nous donne # :. Les causes cachées, dont la principale 202 MINÉRAUX. INTRODUCTION, est la compression de la matière , et les obs= -tacles qui en résultent pour l'issue de la cha- leur, semblent donc proue cette différence de 5 à: AD Er ou un peu plus d'un tiers sur -, c’est-à-dire, environ - sur le tout ; en Las que le fer bien battu , bien sué , bien comprime, ne perd son incandes- cence qu’en 17 de temps, tandis que lemême fer qui n’a point été comprimé, la perd en 16 du même temps. Et ceci paroiît se confir- ce qui fait +, mer par les experiences 3 et 4, où les masses de fer ayant été comprimées par une seule volée de coups de marteau, n’out perdu leur incandescence qu’au bout de72et73 minutes, au lieu de 70 qu'a duré celle des nd non gite: Porc ce qui fait 2 + sur 70, ou + ou = de différence produite par cette première compression. Ainsi l’on ne doit pas être éton- né que Ja seconde et la troisième compressions qu'a subies la masse de fer de la cinquième expérience , qui a été battue par trois volées TS de na de marteau, aient produit 2 au lieu de — de différence dans la durée de l'i incan— descence. On peut donc assurer en général que la plus forte compression qu’on puisse donner à la matière pénétrée de feu autant PARTIE EXPÉRIMENTALE, 203 qu'elle peut l'être, ne diminue que d’une seizième partie la durée de son incandescence, et que, dans la matière qui ne reçoit point de compression extérieure, cette durée est précisément en même raison que son épais- seur. Maintenant, pour appliquer au globe de la Terre le résultat de ces expériences, nous considererons qu'il n’a pu prendre sa forme élevée sous l’équateur , et abaissée sous les poles, qu’en vertu de la force centrifuge combinée avec celle de la pesanteur; que par conséquent 1l a dû tourner sur son axe pen- dant un petit temps, avant que sa surface ait pris sa consistance , et qu'ensuite la matière intérieure s’est consolidée dans les mêmes rapports de temps indiqués par nos expé- riences; en sorte qu'en partant de la suppo- sition d’un jour au moins pour le petit temps nécessaire à la prise de consistance à sa sur face, et en admettant, comme nos expé- riences l’indiquent, un temps de 3 minutes pour en consolider la matière intérieure à un pouce dé profondeur, il se trouvera 36 mi- nutes pour un pied, 216 minutes pour une - toise, 542 jours pour une lieue, et 490086 + æ dent LR ee 1904 PRINT de Es) W A , “ Ke 1 204 MINÉRAUX. INTRODUCTION, jours, ou environ 1342 ans, pour qu'un globe de fonte de fer qui auroit , comme celui de la Terre, 1432 lieues =: de demi-diamètre, eût pris sa consistance jusqu’au centre. La supposition que je fais ici d’un jour de rotation pour que le globe terrestre ait pu s'élever régulièrement sous l’équateur, et s’abaisser sous les poles, avant que sa sur- face fût consolidée, me paroit plutôt trop foible que trop forte; car il a peut-être fallu un grand nombre de révolutions de vinst- quatre heures chacune sur son axe pour que la matière fluide se soit solidement établie, et l'on voit bien que, dans ce cas, le temps nécessaire pour la prise.de consistance de la matière au centre se trouvera plus grand. Pour le réduire autant qu’il est possible, nous n’avous fait aucune attention à l'effet de la force centrifuge qui s'oppose à celui de la réunion des parties, c’est-à-dire, à la prise de consistance de la matière en fusion. Nous avons supposé encore, dans la même vue de diminuer le temps, que l'atmosphère de la Terre, alors toute en feu, n’étoit néanmoins pas plus chaud que celui de mon fourneau à quelques pieds de distance où se sont faites PARTIE EXPÉRIMENTALE. 205 les expériences; et c’est en conséquence de ces deux suppositions trop gratuites que nous ne trouvons que 1342 ans pour le temps em- ployé à la consolidation du globe jusqu’au centre. Mais il me paroît certain que cette estimation du temps est de beaucoup trop foible, par l'observation constante que j'ai faite sur la prise de consistance des gueuses à la tête et à la queue ; car il faut trois fois autant de temps et plus pour que la partie de la gueuse qui est à 18 pieds du fourneau, prenne consistance, c’est-à-dire que si la surface de la tête de la gueuse, qui est à 187 pieds du fourneau , prend consistance en 1 minute =, celle de la queue, qui n'est qu’à 2 pieds du fourneau , ne prend consistance qu’en #4 minutes - ou 5 minutes; en sorte que la chaleur plus grande de l’air contribue pro- digieusement au maintien de la fluidité : et l’on conviendra sans peine avec moi que, dans ce premier temps de liquéfaction du globe de la Terre, la chaleur de l’atmosphère de vapeurs quil’environnoif, étoit plus srande que celle de l’air à 2 pieds de distance du feu de mon fourneau, et que par conséquent il a fallu beaucoup plus de temps pour con ( 18 206 MINÉRAUX. INTRODUCTION. solider le globe jusqu'au centre. Or nous avons démontré, par les expériences du pre- mier Mémoire * , qu’un globe de fer gros comme la Terre, pénétré de feu seulement jusqu'au rouge, seroit plus de 96670 ans à se LULU PR NEL a de De ‘ # FR fou refroidir, auxquels ajoutant 2 ou 3000 ans. pour le temps de sa consohdation jusqu’au centre, il résulte qu’en tout il faudroit en+ viron 100,000 ans pour refroidir au point de la température actuelle un globe de fer gros comme la Terre , sans compter la durée du premierétat deliquéfaction ; ce qui recule encore-les limites du temps, qui semble fuir et s’étendre à mesure que nous cherchons à le saisir. Mais tout ceci sera plus amplement discuté et déterminé plus précisement dans lès Mémoires suivans. * Tome IV, page 318. NEUVIÈME MÉMOIRE. Expériences sur la fusion des mines de fer. h E ne pourrai guère mettre d'autre liaison entre ces Mémoires, ni d'autre ordre entre mes différentes expériences, que celui du temps ou plutôt de la succession de mes idées. Comme je ne me trouvois pas assez instruit dans la connoissance des mineraux, que je n’étois pas satisfait de ce qu'on en dit dans les livres, que j'avois bien de la peine à entendre ceux qui traitent de la chimie, où je voyois d’ailleurs des principes précaires, toutes les expériences faites en petit et tou- jours expliquées dans l'esprit d’une même méthode , j'ai voulu travailler par moi- même; et consultant plutôt mes desirs que ma force, j'ai commencé par faire établir, sous mes yeux, des forges et des fourneaux en grand, que je n’ai pas cessé d'exercer continuellement depuis sept ans. Le petit nombre d'auteurs qui ont écrit 203 MINÉRAUX. INTRODUCTION, sur les mines de fer, ne donnent, pour ainsi dire, qu’une nomenclature assez inutile, et ne parlent point des différens traitemens de chacune de ces mines. Ils comprennent dans les mines de fer l’aimant, l’émeril, l’hé- matite, etc. qui sont en effet des minéraux ferrugineux eu partie, mais qu’on ne doit pas regarder comme de vraies mines de fer, propres à être fondues et converties en ce métal ; nous ne parlerons ici que de celles dont on doit faire usage, et on peut les réduire à deux espèces principales. La première est la mine en roche, c’est-à- dire, en masses dures , solides et compactes, qu’on ne peut tirer et séparer qu’à force de coins, de marteaux et de masses, et qu’on pourroit appeler pierre de fer. Ces mines ou roches de fer se trouvent en Suède, en Alle- magne, dans les Alpes, dans les Pyrénées, et généralement dans la plupart des hautes montagnes de la Terre, mais en bien plus grande quantité vers le Nord que du côte du Midi. Celles de Suède sont de couleur de fer pour la plupart, et paroissent être du fer presque à demi préparé par la nature : ily en a aussi de couleur brune, rousse ou jaunûâtre; PARTIE EXPÉRIMENTALE. 209 il y en a mème de toutes blanches à Allevard en Dauphiné, ainsi que d’autres couleurs ; ces dernières mines semblent ètre composées comme du spath, et on ne reconnoît qu’à leur pesanteur, plus grande que celle des autres spaths, qu’elles contiennent une grande quantité de métal. On peut aussi s’en assurer en les mettant au feu; car de quel- que couleur qu’elles soient, blanches, grises, jaunes, rousses, verdâtres, bleuätres, vio- lettes ou rouges, toutes deviennent noires à une légère calcination. Les mines de Suède, qui, comme je l'ai dit, semblent être de la pierre de fer, sont attirées par l’aimant; il en est de même de la plupart des autres mines en roche, et généralement de toute matière ferrugineuse qui a subi l’action du feu. Les mines de fer en grains, qui ne sont point du tout magnetiques, le deviennent lorsqu'on les fait griller au feu : aiusi les mines de fer en roche et en grandes masses étant magnétiques, doivent leur ‘origine à l'élément du feu. Celles de Suède, qui ont été les mieux observées, sont très-étendues et très-profondes; les filons sont perpendi- culaires, toujours épais de plusieurs pieds, 18 sr0o MINÉRAUX. INTRODUCTION, et quelquefois de quelques toises; on Les tra- vaille comme on travailleroit de la pierre très-dure dans une carrière. On y trouve souvent de l’asbeste; ce qui prouve encore que ces mines ont été formées par le feu. Les mines de la seconde espèce ont au contraire été formées par l’eau, tant du détriment des premières que de toutes les particules de fer que les végétaux et les animaux rendent à la Terre par la décom-— position de leur substance : ces mines formées par l’eau sont le plus ordinairement en grains arrondis, plus ou moins gros, mais dont aucun n'est attirable par l’aimant avant d'avoir subi l’action du feu, ou plutôt celle de l’air par le moyen du feu ; car, ayant fait griller plusieurs de ces mines dans des vais- seaux ouverts, elles sont toutes devenues très-attirables à l’aimant, au lieu que dans les vaisseaux clos, quoique chauffées à un plus grand feu et pendant plus de temps, elles n’avoient point du tout acquis la vertu magnétique. On pourroit ajouter à ces mines en grains formées par l’eau, une seconde espèce de mine souvent plus pure, mais bien plus Ra PARTIE EXPERIMENTALE. 2rr rare, qui se forme également par le moyen de l’eau : ce sont les mines de fer crystallisées. Mais comme je n'ai pas été à portée de traiter _ par moi-même les mines de fer en roche produites par le feu, non plus que les mines de fer crystallisées par l’eau, je ne parlerai que de la fusion des mines en grains, d’au- tant que ces dernières mines sont celles qu'on exploite le plus communément dans nos forges de France. La première chose que j'ai trouvée, et qui me paroit être une découverte utile, c’est qu'avec une mine qui donnoit le plus mau- vais fer de la province de Bourgogne, j'ai fait du fer aussi ductile, aussi nerveux, aussi ferme, que les fers du Berri, qui sont réputés les meilleurs de France. Voici comment j'y suis parvenu : le chemin que j'ai tenu est bien plus long ; mais personne, avant moi, n jee ha frayé la route, on ne sera pas étonné que j'aie fait du circuit. J'ai pris le dernier jour d’un fondage, c'est-à-dire , le jour où l’on alloit faire cesser le feu d'un fourneau à fondre la mine de fer, qui duroit depuis plus de quatre mois. Ce fourneau, d'environ 20 pieds de hauteur Le: 212 MINÉRAUX. INTRODUCTION, et de 5 pieds et demi de largeur à sa cuve, étoit bien échauffé , et n’avoit été chargé que de cette mine qui avoit la fausse réputation F F3 : de ne pouvoir donner que des fontes très- blanches, très-cassantes , et par conséquent du fer à très-gros grain, sans nerf et sans ductilité. Comme j'étois dans l’idée que la trop grande violence du feu ne peut qu’aigrir le fer, j'employai ma méthode ordinaire, et que j'ai suivie constamment dans toutes mes recherches sur la nature, qui consiste à voir les extrêmes avant de considérer les milieux : je fis donc, non pas ralentir, mais enlever les souflets; et ayant fait en même temps découvrir le toit de la halle, je substituai aux soufflets un ventilateur simple, qui n’étoit qu'un cône creux, de 24 pieds de longueur, sur 4 pieds de diamètre au gros bout, et 3 pouces seulement à sa pointe, sur laquelle on adapta une buse de fer, et qu’on plaça dans le trou de la tuyère; en même temps on continuoit à charger de charbon et de mine, comme si l’on eût voulu continuer à couler : les charges descendoient bien plus lentement, parce que le feu n’étoit plus animé par le vent des souflets; il l’étoit x | ES PARTIE EXPÉRIMENTALE. 213. seulement par un courant d’air que le ven- tilateur tiroit d'en haut, et qui, étant plus frais et plus dense que cejui du voisinage de la tuyère, arrivoit avec assez de vitesse pour produire un murmure constant dans l'intérieur du fourneau. Lorsque j'eus fait charger environ deux milliers de charbon et quatre milliers de mine, je fis disconti- nuer pour ne pas trop embarrasser le four- neau; et le ventilateur étant toujours à la tuyère, je laissai baisser les charbons et la mine sans remplir le vide qu'ils laissoient au-dessus. Âu bout de quinze ou seize heures, il se forma de petites loupes, dont on tira quelques unes par le trou de ja tuyère, et quelques autres par l'ouverture de la coulée: le feu dura quatre jours de plus, avant que le charbon fût entierement consumé; et, dans cet intervalle de temps, on tira des loupes plus grosses que les premières; et, après les quatre jours, on en trouva de plus grosses encore en vidant le fourneau. Après avoir examiné ces loupes, qui me parurent être d'une très-bonne étoffle, et dont la plupart portoient à leur circonfé- rence un grain fin et tout semblable à celui ir4 MINÉRAUX. INTRODUCTION, de l'acier, je les fis mettre au feu de l’affi- nerie et porter sous le marteau : elles en soutinrent le coup sans se diviser, sans s’éparpiller en étincelles, sans donner une grande flamme , sans laisser couler beaucoup de laitier ; choses qui toutes arrivent lors- qu'on forge du mauvais fer. On les forgea à la manière ordinaire : les barres qui en pro- venoient n'’étoient pas toutes de la mème qualité; les unes étoient de fer, les autres d'acier , et le plus grand nombre de fer par un bout ou par un côté, et d'acier par l’autre. J'en ai fait faire des poinçons et des ciseaux par des ouvriers qui trouvèrent cet acier aussi bon que celui d'Allemagne. Les barres qui n’étoient que de fer étoient si fermes, qu’il fut impossible de les rompre avec la masse, et qu'il fallut employer le ciseau d’acier pour les entamer profondément des deux côtés, avant de pouvoir les rompre; ce fer étoit tout nerf, et ne pouvoit se sépa- rer qu'en se déchirant par le plus grand effort. En le comparant au fer que donne cette même mine fondue en gueuses à la manière ordinaire , on ne pouvoit se persuader qu'il provenoit de la même mine, dont on n’avoit € PARTIE EXPÉRIMENTALE. 215. jamais tiré que du fer à gros grain, sans nerf et très-cassant. La quantité de mine que j'avois employée dans cette expérience, auroit dû produire au moins 1200 livres de fonte, c’est-à-dire, environ 800 livres de fer, si elle eût été fou- due par la méthode ordinaire, et je n’avois obtenu que 280 livres tant d'acier que de fer, de toutes les loupes que j’avois réunies; et en supposant un déchet de moitié du mau: vais fer au bon, et de trois quarts du mauvais fer à l’acier, je voyois que ce produit ne pouvoit équivaloir qu’à 500 livres de mauvais fer, et que par conséquent il y avoit eu plus du quart de mes quatre milliers de mine qui s’étoit consumé en pure perte, et en même temps près du tiers du charbon brülé sans produit. Ces expériences étant donc excessivement chères, et voulant néanmoins les suivre, je pris le parti de faire construire deux four- neaux plus petits; tous deux cependant de 14 pieds de hauteur, mais dont la capacité intérieure du second étoit d’un tiers plus petite que celle du premier. Il falloit, pour charger et remplir en entier mon grand at6é MINÉRAUX. INTRODUÉEOR fourneau de fusion , 135 corbeilles de charbon ; de 40 livres chacune, c’est-à-dire, 5400! iv res de charbon, au lieu que, dans mes péti fourneaux, il ne falloit que 900 liÿres de charbon pour remplir le premier ; et 600 livres pour remplir le second; ce qui dimi- nuoit considérablement les trop grands frais de ces ‘expériences. Je fis adosser ces four- neaux l’un à l’autre, afin qu’ils pussent pro- fiter de leur chaleur mutuelle : ils étoient séparés par un mur de 3 pieds, et environ- nés d’un autre mur de 4 pieds d'épaisseur ; le tout bâti en bon moellon et de la même pierre calcaire dont où se sert dans le pays pour faire les étalages des grands fourneaux. La forme de la cavité de ces petits fourneaux étoit pyramidale sur une base quarrée, s’éle- vant d'abord perpendiculairement à 3 pieds de hauteur, et ensuite s’inclinant en dedans sur le reste de leur élévation qui étoit de 11 pieds ; de sorte que l'ouverture supérieure se trouvoit réduite à 14 pouces au plus grand. fourneau , et 11 pouces au plus petit. Je ne laissai dans le bas qu'une seule ouverture à chacun de mes fourneaux ; elle étoit surbais- sce en forme de voûte ou de Junette, done PARTIE EXPÉRIMENTALE. 21 le sommet ne s’élevoit qu’à 2 pieds 5 dans la - partie intérieure, et à 4 pieds en dehors; je faisois remplir cette ouverture par un petit mur de briques, dans lequel en laissoit un trou de quelques pouces en bas pour écouler le laitier, et un autre trou à 1 pied + de hauteur pour pomper l'air. Je ne donne point ici la figure de ces fourneaux, parce qu'ils n’ont pas assez bien réussi pour que je pré- tende les donner pour modèles, et que d’ail- leurs j'y ai faitet j'y fais encore des chan- gemens essentiels, à mesure que l'expérience m'’apprend quelque chose de nouveau. D’ail- leurs ce que je viens de dire suffit pour en donner une idée, et aussi pour l'intelligence de ce qui suit. Ces fourneaux étoient placés de manière que leur face antérieure dans laquelle étoient les ouvertures en Innette , se trouvoit paral- lèle au courant d’eau qui fait mouvoir les roues des soufflets de mon grand fourneau et de mes affineries, en sorte que le grand en-— tonnoir ou ventilateur dont j'ai parlé pou- voit être posé de manière qu’il recevoit sans cesse un air frais par le mouvement des roues; il portoit cet air au fourneau auquel Mat, gén, Vi. 19 218 MINÉRAUX. INTRODUCTION, il aboutissoit par sa pointe, qui étoit une buse ou tuyau de fer de forme conique, et d’un pouce et demi de diamètre à son extré- mité. Je fis faireen même temps deux tuyaux d'aspiration , l’un de 10 pieds de longueur sur 14 pouces de largeur pour le plus grand de mes petits fourneaux, et l’autre de 7 pieds de longueur et de 11 pouces de côte pourle plus petit. Je fis ces tuyaux d'aspiration quarrés , parce que les ouvertures du dessus des four- neaux étoient quarrées, et que c'étoit sur ces ouvertures qu’il falloit les poser; et quoique ces tuyaux fussent faits d’une tôle assez léoère, sur un châssis de fer mince, ils ne laissoient pas d’être pesans, et même embar- rassans par leur volume, sur-tout quand ils étoient fort échauffés : quatre hommes avoient assez de peine pour les déplacer et. les replacer; ce qui cependant étoit néces- saire toutes les fois qu’il falloit charger les fourneaux. J'y ai fait dix-sept expériences, dont cha- cune duroit ordinairement deux ou trois jours et deux ou trois nuits. Je n’en donne- rai pas le detail, non seulement parce qu’il seroit fort ennuyeux, mais même assez inu- F. à PARTIE EXPÉRIMENTALE. 219 tile, attendu que je n’ai pu parvenir à une méthode fixe, tant pour conduire le feu que pour le forcer à douner toujours le même produit. Je dois donc me borner aux simples résultats de ces expériences qui m'ont dé- montré plusieurs vérités que je crois très- utiles. La première , c’est qu’on peut faire de l'acier de la meilleure qualité sans employer du fer comme on le fait communément, mais seulement en faisant fondre la mine à un feu long et gradué. De mes dix-sept expé- riences 11 y en a eu six où j'ai eu de l'acier bon et médiocre, sept où je n'ai eu que du fer tantôt très-bon et tantôt mauvais, ef quatre où j'ai eu une petite quantité de fonte et du fer environné d’excellent acier. On ne manquera pas de me dire : Donnez-nous donc au moins le détail de celles qui vous ontpro- duit du bon acief. Ma réponse est aussisimple que vraie : c'est qu’en suivant les mêmes procédés aussi exactement qu’il m’étoit pos- sible, en chargeant de la même façon, met- tant la même quantité de mine et de char- bon , tant et mettant le ventilateur et les tuyaux d'aspiration pendant un temps égal, 220 MINÉRAUX. INTRODUCTION, je n’en ai pas moins eu des résultats tout différens. La seconde expérience me donna de l’acier par les mêmes procédés que la pre- mière , qui ne m'avoit produit que du fer d'une qualité assez médiocre; la troisième, par les mêmes procédés, m’a donné de très- bon fer; et quand après cela j'ai voulu va- rier la suite des procédés et changer quelque chose à mes fourneaux, le produit en a péut- être moins varié par ces grands changemens qu'il n’avoit fait par le seul caprice du feu, dont les effets et la conduite sont si difficiles à suivre, qu'on ne peut les saisir ni même les deviner qu'après une infinité d'épreuves et de tentatives qui ne sont pas toujours heureuses. Je dois donc me borner à dire ce que j'ai fait, sans anticiper sur ce que des artistes plus habiles pourront faire; car il est certain qu'on parviendra à une méthode sûre de tirer de l'acier de toute mine de fer sans la faire couler en gueuses et sans con- vertir la fonte en fer. l C’est ici la seconde vérité, aussi utile que la première. J'ai employé trois différentes sortes de mines dans ces expériences; j af cherché, avant de les employer, le moyen PARTIE EXPÉRIMENTALE. 2r d'en bien connoître la nature. Ces trois espèces de mines étoient, à la vérité, toutes les trois en grains plus ou moins fins; je n'étois pas à portée d'en avoir d’autres, c’est-à-dire, des mines en roche, en assez grande quantité pour faire mes expériences : mais je suis bien convaincu, après avoir fait les épreuves de mes trois différentes mines en grains, et qui toutes trois m'ont donné de l'acier sans fusion précédente, que les mines en roche, et toutes les mines de fer en général, pourroient donner également de l'acier en les traitant comme j'ai traité les mines en grains. Dèslors il faut donc bannir de nos idées le préjugé si anciennement, si universellement reçu, que /a qualité du fer dépend de celle de la mine. Rien n'est plus mal fondé que cette opinion; c’estau contraire uniquement de la conduite du feu et de la manipulation de la mine que dépend la bonne ou la mauvaise qualité de la fonte du fer et de l'acier. IL faut encore bannir un autre préjugé, c'est qu'oz ne peut avoir de l'acier gu’en le tirant du fer ; tandis qu’il est très- possible au contraire d’en tirer immédiate- ment de toutes sortes de mines. Se rejettera MUR 222 MINÉRAUX. INTRODUCTION, donc en conséquence les idées de M. Yonge, . et de quelques autres chimistes qui ont ima- giné qu’il y avoit des mines qui avoient la qualité particulière de pouvoir donner de l'acier, à l’exclusion de toutes les autres. Une troisième vérité que j'ai recueillie de mes expériences, c'est que toutes nos mines de fer en grains, telles que celles de Bour- gogne, de Champagne, de Franche-Comté, de Lorraine, du Nivernois, de l’'Angoumois, etc. c’est-à-dire, presque toutes les mines dont on fait nos fers en France, ne contiennent point de soufre comme les mines en roche de Suède ou d'Allemagne, et que par conséquent elles n'ont pas besoin d’être grillées, ni traitées de la mème manière. Le préjugé du soufre con- tenu en grande quantité dans les mines de fer, nous est venu des métallurgistes du Nord , qui, ne connoissant que leurs mines en roche qu'on tire de la terre à de grandes profondeurs , comme nous tirons des pierres d'une carrière, ont imaginé que toutes les mines de fer étoient de la même nature, et contenoient comme elles une grande quantité de soufre; et, comme les expériences sur les mines de fer sont tres-difhiciles à faire , nos PARTIE EXPÉRIMENTALE. 223 chimistes s'en sont rapportés aux métallur- gistes du Nord , et ontsécrit, comme eux, qu'il y avoit beaucoup de soufre dans nos mines de fer, tandis que toutes les mines en grains que je viens deciter, n’en contiennent point du tout, ou si peu, qu'on n’en sent pas l'odeur , de quelque façon qu’onles brûle. Les mines en roche ou en pierre dont j'ai fait venir des échantillons de Suède et d’Alle- magne, répandent au contraire une forte odeur de soufre lorsqu'on les fait griller, et en contiennent réellement une très-orande quantité, dont il faut les dépouiller, avant - de les mettre au fourneau pour les fondre. Et de là suit une quatrième vérité tout aussi intéressante que les autres : c’est que nos mines en grains valent mieux que ces mines en roche tant vantées, et que si nous ne faisons pas du fer aussi bon ou meilleur que celui de Suède, c'est purement notre faute, et point du tout celle de nos mines, qui toutes nous donneroient des fers de la première qualité si nous les traitions avec le même soin que prennent les étrangers pour arriver à ce but ; il nous est même plus aisé de l’atteindre, nos mines ne demandant pas, 224 MINÉRAUX. INTRODUCTION, à beaucoup près, autant de travaux que les leurs. Voyez dans Swedenborg le détail de ces travaux : la seule extraction de la plupart de ces mines en roche qu'il faut aller arracher du sein de la Terre, à 3 ou 400 pieds de pro- fondeur, casser à coups de marteaux, de masses et de leviers, enlever ensuite par des machines jusqu'a la hauteur de terre, doit coûter beaucoup plus que le tirage de nos mines en grains, quise fait, pour ainsi dire, à fleur de terrain , et sans autre instrument que la pioche et la pelle. Ce premier avan-: tage n’est pas encore le plus grand; caril faut reprendre ces quartiers, ces morceaux de pierres de fer, les porter sous les maillets d’un bocard pour les concasser, les broyer et les réduire au même état de division où nos mines en grains se trouvent naturelle- ment; et comme cette mine concassée con— tient une grande quantité de soufre , elle ne produiroit que de très - mauvais fer:si on ne prenoit pas la précaution de lui enlever la plus grande partie de ce soufre surabondänt, avant de la jeter au fourneau. On la répand à cet effet sur des büchers d’une vaste étendue, où elle se grille pendant quelques PARTIE EXPÉRIMENTALE. 225 semaines. Cette consommation très-considé— rable de bois , jointe à la difficulté de l’ex- traction de la mine, rendroit la chose impra- ticable en France, à cause de la cherté des bois. Nos mines heureusement x'ont pas be- soin d’être grillées, et il sufht de les laver pour les séparer de la terre aveclaquelle elles sont mêlées ; la plupart se trouvent à quel- ques pieds de profondeur : l’exploitation de nos mines se fait donc à beaucoup moins de frais, et cependant nous ne profitons pas de tous ces avantages, ou du moins nous n’en avons pas profite jusqu'ici, puisque les étran- gers nous apportent leurs fers qui leur coû tent tant de peines , et que nous les achetons de préférence aux nôtres, sur la réputation qu'ils ont d'être de meilleure qualité. Ceci tient à une cinquième vérité, qui es£ plus morale que physique: c'est qu’il est plus aisé, plus sûr et plus profitable de faire, sur-tout en ce genre , de la mauvaise mar- chandise que de Ja bonne. Il est bien plus commode de suivre la routine qu’on trouve établie dans les forges, que de chercher à en perfectionner l’art. Pourquoi vouloir faire du bon fer ? disent la plupart des maitres de 226 MINÉRAUX. INTRODUCTION, forges ; on ne le vendra pas une pistole au- dessus du fer commun , et il nous reviendra peut-être à trois ou quatre de plus, sans comp. ter les risques et les frais des expériences et des essais, qui ne réussissent pas tous à beau- coup près. Malheureusement cela n’est que trop vrai; nous ne profiterons jamais de l’a- vantage naturel de nos mines, ni même de notre intelligence, qui vaut bien celle des étrangers , tant que le gouvernement ne don- nera pas à cet objet plus d'attention , tant qu'on ne favorisera pas le petit nombre de manufactures où l’on fait de bon fer, et qu’on permettra l’entrée des fers étrangers. Il me semble que l’on peut démontrer avec la der- nière évidence le tort que cela fait aux arts et à l'État; mais je m’écarterois trop de mon sujet si j'entrois ici dans cette discussion. Tout ce que je puis assurer comme une sixième vérité, c'est qu'avec toutes sortes de mines on peut toujours obtenir du fer de même qualite. J’ai fait brûler et fondre suc- cessivement dans mon plus grand fourneau, qui a 23 pieds de hauteur, sept espèces de mines différentes, tirées à deux, trois et quatre lieues de distance les unes des autres, € “ ù ES re PARTIE EXPÉRIMENTALE. 2 dans @es terrains tous différens, les unes en grains plus gros que des pois, les autres en grains gros comme des chevrotines, plomb à lièvre , et Les autres plus menues que le plus petit plomb à tirer; et de ces sept différentes espèces de mines dont jai fait fondre plusieurs centaines de milliers, j'ai toujours eu le même fer. Ce fer est bien connu, non seulement dans la province de Bourgogue; où sontsituées mes forges, mais même à Paris, où s’en fait le principal débit, et il est regardé comme de très-bonne qualité. On seroit donc fondé à croire que j'ai toujours employé la même mine , qui, toujours traitée de la même façon, m'auroit constamment donné le même produit; tandis que, dans le vrai, j'ai usé de toutes les mines que. j'ai pu découvrir, et que ce n'esi qu'en vertu des précautions ef des soins que j'ai pris de les traiter différem- ment que je suis parvenu à en tirer un reé- sultat semblable et un produit de même qualité. Voici les observations et les expé- riences que j ai faites à ce sujet; elles seront utiles et même nécessaires à tous ceux qui voudront connoitre la qualité des mines qu'ils emploient. ARE 1 ; AU SEM ; SV Ÿ 228 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Nos mines de fer en grains ne se trouvent jamais pures dans le sein de la Terse; toutes sont mélangées d'une certaine quantité de terre qui peut se délayer dans l’eau, et d’un sable plus ou moins fin, qui, dans de cer- taines mines, est de nature calcaire, dans d’autres de nature vitrifiable, et quelquefois mèlé de l’une et de l’autre; je n’ai pas vu qu'il y eût aucun autre mélange dans les sept espèces de mines que j’ai traitées et-fon- dues avec un égal succès. Pour reconnoître la quantité de terre qui doit se délayer dans l'eau , et que l’on peut espérer de séparer de la mine au lavage, il faut en peser une petite quantité dans l’état même où elle sort de la Terre, la faire ensuite sécher , et mettre en compte le poids de l’eau qui se sera dissipée par le desséchement. On mettra cette terre séchée dans un vase que l’on remplira d’eau, et on la remuera; dès que l’eau sera jaune ou bourbeuse, on la versera dans un autre vase plat pour en faire évaporer l’eau par le moyen du feu; après l’évaporation , on mettra à part le résidu terreux. On réitérera cette même manipulation jusqu’à ce que la mine ne colore plus l'eau qu'on verse dessus; « : — = à cn ah nt 0-2 PARTIE EXPÉRIMENTALE. 229 ce qui n'arrive jamais qu'après un grand nombre de lotions. Alors on réunit ensemble tous ces résidus terreux, et on les pèse pour reconnoitre leur quantité relative à celle de la mine. Cette première partie du mélange de la mine étant connue et son poids constaté, il restera les grains de mines et les sables que l'eau na pu délayer : si ces sables sont cal- caires, il faudra les faire dissoudre à l’eau- forte, et on en reconnoitra la quantité en les faisant précipiter après les avoir dissous; on les pesera, et dès lors on saura au juste com-— bien la mine contient de terre, de sable calcaire et de fer en grains. Pär exemple, la mine dont je me suis servi pour la première expérience de ce Mémoire, contenoit par once 1 gros - de terre delayée par l’eau, 1 gros.55 grains de sable dissous par l’eau- forte, 3 gros 66 grains de mine de fer, et il y a eu 59 grains de perdus dans les lotions et dissolutions. C’est M. Daubenton, de l’aca- démie des sciences, qui a bien voulu faire cette expérience à ma prière, et qui l’a faite avec toute l’exactitude qu’il apporte à tous les sujets qu'il traite. 20 230 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Après cette épreuve, il faut examiner atteu- tivement la mine dont on vient de séparer la terre et le sable calcaire, et tâcher de reconnoitre, à la seule inspection, s’il ne se trouve pas encore, parmi les grains de fer, des particules d’autres matières que l’eau- forte n’auroit pu dissoudre, et qui par con= séquent ne seroient pas calcaires. Dans celle dont je viens de PATES il n'y en avoit point du tout, et dès lors j’étois assuré que sur une quantité de 576 livres de cette mine, il y avoit 282 parties de mine de fer, 127 de ma- tière calcaire, et le reste de terre qui peut se délayer à l’eau. Cette connoissance une fois acquise, il sera aisé d'en tirer les procédés qu'il faut suivre pour faire fondre la mine avec avantage et avec certitude d’en obtenir du bon fer, comme nous le dirons dans la suite. Dans les six autres espèces de mines que j'ai employées, il s’en est trouvé quatre dont le sable n’étoit point dissoluble à l’eau-forte, et dont par conséquent la nature n’étoit pas calcaire, mais vitrifiable; et les deux autres, qui étoient à plus gros grains de fer que les einq premières, contenoient des graviers PARTIE EXPÉRIMENTALE. 23c calcaires en assez petite quantité, et de petits cailloux arrondis , qui étoient de la uature de la calcédoine , et qui ressembloient par la forme aux chrysalides des fourmis : les ouvriers employés à l'extraction et au lavage de mes mines, les appeloient œu/s de’ fourmis. Chacune de ces mines exige une suite de procédés différens pour les fondre avec avantage et pour en tirer du fer de même qualite. Ces procédés, quoiqu'assez simples, ne laissent pas d'exiger une grande attention; comme il s’agit de travailler sur des milliers de quintaux de mine, on est force de cher- cher tous les moyens et de prendre toutes les voies qui peuvent aller à l’économie: j'ai acquis sur cela de l’expérience à mes dépens, et je ne ferai pas mention des méthodes qui, quoique plus précises et meilleures que celles dont je vais parler, seroient trop dispen- dieuses pour pouvoir être mises en pratique. Comme je n’ai pas eu d’autre but dans mon travail que celui de l’utilité publique, j'ai tâche de réduire ces procédés à quelque chose d'assez simple pour pouvoir être entendu et exécute par tous les maitres de forges qui 232 MINÉRAUX, INTRODUCTION ; voudront faire du bon fer, mais néanmoins en les prévenant d'avance que ce bon fer leur coûtera plus que le fer commun qu'ils ont coutume de fabriquer, par la même raison que le pain blanc coûte plus que le pain bis; car il ne s’agit de même que de cribler, tirer et séparer le bon graiu de toutes les matières hétérogènes dont il se trouve mélangé. | f Je parlerai ailleurs de la recherche et de la découverte des mines : mais je suppose ic£ les mines toutes trouvées et tirées; je sup- pose aussi que, par des épreuves semblables à celles que je viens d'indiquer, on connoisse la nature des sables qui y sont mélangés. La première opération qu’il faut faire, c’est de les transporter aux lavoirs, qui doivent être d'une construction différente selon les diffé- rentes mines : celles qui sont en grains plus gros que les sables qu’elles contiennent, doivent être lavées dans des lavoirs foncés de fer et percées de petits trous comme ceux qu'a proposés M. Robert, et qui sont très- bien imaginés ; car ils servent en mème temps de lavoirs et de cribles : l’eau emmène avec elle toute la terre qu’elle peut délayer, et les RE PARTIE EXPÉRIMENTALE. 233 sablons plus menus que les grains dela mine passent en même temps par les petits trous dont le fond du lâvoir est percé; et dans le cas où lessablons sont aussi gros, mais moins durs que le grain de la mine, le räble de fer les écrase, etils tombentavec l’eau au-dessous du lavoir; la mine reste nette et assez pure pour qu'on la puisse fondre avec économie. Mais ces mines dont les grains sont plus gros et plus durs que ceux des sables ou petits cailloux qui y sont mélangés, sont assez rares. Des sept espèces de mines que jai eu occasion de traiter, il ne s’en est trouvé qu'une qui füt dans le cas d’être lavée à ce lavoir, que j'ai fait exécuter et qui a bien réussi; cette mine est celle qui ne contenoit que du sable calcaire, qui communement est moins dur que le grain de la mine. J'ai néan- moins observé que les râbles de fer, en frot- tant contre le fond du lavoir, qui est aussi de fer, ne laissoient pas d’écraser une assez grande quantite de grains de mine, qui dès lors passoient avec le sable et tomboient en pure perte sous le lavoir, et je crois cette perte inévitable dans les lavoirs foncés de fer. D'ailleurs la quantité de castine que 234 MINÉRAUX. INTRODUCTION, M. Robert étoit obligé de mêler à ses mines; et qu’il dit être d’un tiers de la mine, prouve qu'il restoit encore, après le lavage , ‘une portion considérable de sablon vitrifiable, ou de terre vitrescible, dans ses mines ainsi lavées; car il n’auroit eu besoin que d’un sixième ou même d'un huitième de castine, si les mines eussent été plus épurées, c'est à-dire, plus dépouillées de la terre grasse ou du sable vitrifiable qu’elles contenoient. Au reste, il n’étoit pas possible de se servir de ce mème lavoir pour les autres six espèces de mines que j'ai eues à traiter; de ces sixily en avoit quatre qui se sont trouvées mêlées d'un sablon vitrescible aussi dur etmême plus dur et en même temps plus gros ou aussi gros que les grains de la mine. Pour épurer - ces quatre espèces de mines, je me suis servi de lavoirs ordinaires et foncés de bois plein, avec un courant d'eau plus rapide qu’à l’or- dinaire : on les passoit neuf fois de suite à l'eau ; et à mesure que le courant vif de l’eau emportoit la terre et le sablon le plus léger et le plus petit, on faisoit passer la mine dans des cribles de fil-de-fer assez serrés pour retenir tous Les petits caiiloux plus gros PARTIE EXPÉRIMENTALE.. 235 que les grains de la mine. En lavant ainsi neuf fois et criblant trois fois, on parvenoit à ne laisser dans ces mines qu'environ un cinquième ou un sixième de ces petits cail- loux ou sablons vitrescibles, et c’étoient ceux qui, étant de la même grosseur que les grains de la mine, étoient aussi de la même pesan- teur, en sorte qu'on ne pouvoit les séparer m1 par le lavoir ni par le crible. Après cette première préparation, qui est tout ce qu'on peut faire par le moyen du lavoir et des cribles à l’eau, la mine étoit assez nette pour pouvoir être mise au fourneau; et comme elle étoit encore mélangée d’un cinquième ou d'un sixième de matières vitrescibles , on pouvoit la fondre avec un quart de castine ou matière calcaire, et en obtenir de très-bon fer en menageant les charges, c’est-à-dire, en mettant moins de mine que l'on n’en met ordinairement: mais comme alors on ne fond pas à profit, parce qu'on use une grande quantité de charbon, il faut encore tâcher d'épurer sa mine, avant de la jeter au four- neau. On ne pourra guère en venir à bout qu'en la faisant vanner et cribler à Vair, comme l'on vanne et crible fe blé, Jai séparé 236 MINÉRAUX. INTRODUCTION, par ces moyens encore plus d’une moitié des matières hétérogènes qui restoient dans mes mines; el, quoique cette dernière opération soit longue et même assez difficile à exécuter en grand, j'ai reconnu par l'épargne du char- bon, qu’elle étoit profitable : il en coûtoit vingt sous pour vanner et cribler quinze cents pesant de mine; mais on épargnoit au four- neau trente-cinq sous de charbon pour la fondre. Je crois donc que quand cette pra- tique sera connue, on ne manquera pas de J'adopter. La seule difficulté qu'on ytrou- vera, c’est de faire sécher assez les mines pour les faire passer au crible et les vanner avantageusement. Il y a très-peu de matières qui retiennent l'humidité aussi long-temps que les mines de fer en grains *: une seule pluie les rend humides pour plus d’un mois. Il faut donc des hangars couverts pour les déposer ; il faut les étendre par petites couches * Pour reconnoître la quantité d'humidité qui réside dans la mine de fer, j’ai faitisécher , et, pour ainsi dire, griller dans un four très-chaud , trois cents livres de celle qui avoit été la mieux lavée, et qui s’étoit déja séchée à l'air; et ayant pesé cette mine au sortir du four , elle ne pesoit plus que deux cent —_ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 237 de trois ou quatre pouces d'épaisseur, les remuer, les exposer au soleil; en un mot, les sécher au tant qu'il est possible : sans cela, le van ni le crible ne peuvent faire leur effet. Ce n'est qu'en été qu'on peut y travailler; et quand il s’agit de faire passer au crible quinze ou dix-huit cents milliers de mine que l’on - brûle au fourneau dans cinq ou six mois, on _sent bien que le temps doit toujours man- quer, et il manque en effet; car je n'ai pu par chaque été faire traiter ainsi qu'environ ‘cinq ou six cents milliers : cependant, en aug-. mentant l'espace des hangars, et en dou- blant les machines et les hommes, on en viendroit à bout, et l’économie qu’on trou- veroit par la moindre consommation de charbon, dédommageroit et au-delà de tous ces frais. On doit traiter de même les mines qui sont mélangées de graviers calcaires et de petits cailloux ou de sable vitrescible; en cimquante-deux livres : ainsi la quantité de la matière bumide ou volatile que la chaleur lui enlève, est à très-peu près d’un sixième de son poids total , el je suis persuadé que si on la grilloit à un 7 plus violent , elle perdroit encore 17e 238 MINÉRAUX. INTRODUCTION , séparer le plus que l'on pourra de cetle seconde matière, à laquelle la première sert de fondant, et que, par cette raison, il n'est pas nécessaire d'ôter, à moins qu'elle ne fût en trop grande quantité : j'en ai travaillé deux de cette espèce; elles sont plus fusibles que les autres, parce qu’elles contiennent une bonne quantité de castine, et qu'il ne leur en faut ajouter que peu ou même poiné du tout, dans le cas où il n’y auroit que peu ou point de matières vitrescibles. Lorsque les mines de fer ne contiennent point de matières vitrescibles , et ne sont mélangées que de matières calcaires , il faut tâcher de reconnoitre la proportion du fer et de la matière calcaire, en séparant les grains de mine un à un sur une petite quan-. tité, ou en dissolvant à l’eau-forte les parties calcaires, comme je l’ai dit ci-devant. Lors- qu'on se sera assuré de cette proportion, on saura tout ce qui est nécessaire pour foudre ces mines avec succès. Par exemple, la mine qui a servi à la première expérience, et qui contenoit 1 gros 5 grains de sable calcaire, sur 3 gros 66 grains de fer en grains, et dont il s'étoit perdu 59 grains daus les lotions et | bn. SE x Moi; de nt 1 dant n > Se - PARTIE EXPÉRIMENTALE. 9239 la dissolution , étoit par conséquent mélangée d'environ un tiers de castine ou de matière calcaire, sur deux tiers de fer en grains. Cette mine porte donc naturellement sa cas- tine ; et on ne peut que gâter la fonte. si on ajoute encore de la matière calcaire pour la fondre : 1l faut au contraire y mêler des ma- tières vitrescibles , et choisir celles qui se fondent le plus aisément. En mettant un quinzième ou même un seizième de terre vitrescible, qu’on appelle azbue, j'ai fondu cette mine avec un grand succès , et elle m’a donné d’excellent fer, tandis qu’en la fondant avec une addition de castine, comme c’etoit l'usage dans le pays avant moi, elle ne pro- duisoit qu'une mauvaise fonte qui cassoit par son propre poids sur les rouleaux en la con- duisant à l’affinerie. Ainsi, toutes les fois qu'une mine de fer se trouve naturellement surchargée d’une grande quantité de matières calcaires, il faut, au Jieu de castine, em-— ployer de l’aubue pour la fondre avec avan- tage. On doit préférer cette terre aubue à toutes les autres matières vitrescibles , parce qu’elle fond plus aisément que le caillou, le sable crystallin et les autres matières du QUE 240 MINÉRAUX. INTRODUCTION, genre vitrifiable, qui pourroient faire lé même effet, mais qui exigeroient plus de charbon pour se fondre. D'ailleurs cette-terre aubue se trouve presque par-tout, et est la terre la plus commune dans nos campagnes. En se fondant, elle saisit les sablons calcaires, les pénètre, les ramollit, et les fait couler avec elle plus promptement que ne pourroit faire le petit caillou ou le sable vitrescible, . auxquels il faut beaucoup plus de feu pour les fondre. On est dans l'erreur lorsqu'on croit que la mine de fer ne peut se fondre sans cas- tine ; on peut la fondre non seulement sans castine , mais même saus aubue et sans au-— cun autre fondant, lorsqu'elle est nette et pure : mais il est vrai qu'alors il se brûle une quantité assez considérable de mine qui tombe en mauvais laitier, et qui diminue le produit de la fonte. IL s’agit donc, pour fondre le plus avantageusement qu’il est pos- sible, de trouver d’abord quel est le fondant qui convient à la mine, et ensuite dans quelle proportion il faut lui donner ce fondant pour qu’elle se convertisse entièrement en fonte de fer, et qu’elle ne brüle pas ayant d’entreg PARTIE EXPÉRIMENTALE. av en fusion. Si la mine est mêlée d’un tiers ou d’un quart de matières vitrescibles, et qu’il ne s’y trouve aucune matière calcaire, alors un demi-tiers ou un demi-quart de matières calcaires suffira pour la fondre ; et si au contraire elle se trouve naturellement mélan- gée d’un tiers ou d'un quart de sables ou de graviers calcaires, un quinzième ou un dix- huitième d’aubue sufhra pour la faire couler et la préserver de l’action trop subite du feu, qui ne manqueroit pas de la brüler en partie. On pèche presque par-tout par l’excès de cas- tine qu'on met dans les fourneaux ; il y a même des maîtres de cet art assez peu ins- truits pour mettre de la castine et de l’aubue tout ensemble ou séparément, suivant qu'ils imaginent que leur mine est trop froide ow trop chaude, tandis que, dans Le réel, toutes les mines de fer, du moins toutes les mines en grains, sont également fusibles, etne dif- fèrent les unes des autres que par les matières dont elles sont mélangées, et point du tout . par leurs qualités intrinsèques, qui sont ab- solument les mêmes, et qui m'ont démontré _ que le fer, comme tout autre métal, est un dans la nature. | 21 RS ELA EE à Si y: : {l fe Ÿ? W: \ ji rat es \ À & LRU LA 242 “MINÉRAUX. INTRODUCTION, On reconnoitra par les laitiers si la pro= portion de la castine ou de l’aubue que k. l’on jette au fourneau , pêche par excès où ! par defaut : lorsque les laitiers sont trop légers, spongieux et blancs, presque sem- blables à la pierre ponce, c’est une preuve certaine qu'il y a trop de matière calcaire ; en diminuant la quantité de cette matière, on verra le laitier prendre plus de solidité, et former un verre ordinairement de couleur verdâtre, qui file, s’étend et coule lentement au sortir du fourneau. Si au contraire le lai- tier est trop visqueux, s’il ne coule que très- difficilement, s’il faut l’arracher du sommet de la dame, on peut être sûr qu'il n’y a pas assez de castine, ou peut-être pas assez de charbon proportionnellement à la mine; la consistance et même la couleur du laitier sont les indices les plus sûrs du bon ou du mauvais état du fourneau , et de la bonne ou mauvaise proportion des matières qu'on y jette-: il faut que le laitier coule seul et forme un ruisseau lent sur la pente qui s’é- tend du sommet de la dame au terrain; il faut que sa couleur ne soit pas d’un rouge trop vif ou trop foncé, mais d’un rouge pale PARTIE EXPÉRIMENTALE. 243 et blanchatre ; et lorsqu'il est refroidi, on doit trouver un verre solide, transparent et verdatre, aussi pesant et mème plus que le verre ordinaire. Rien ne prouve mieux le mauvais travail du fourneau, ou la dispropor- tion des mélanges, que les laitiers trop légers, trop pesans, trop obscurs; et ceux dans les- quels on remarque plusieurs petits trous ronds, gros comme les grains de mine, ne sont pas des laitiers proprement dits, inais de la mine brûlee qui ne s’est pas fondue. Il y a encore plusieurs attentions néces- saires , et quelques précantions à prendre, pour fondre les mines de fer avec la plus grande economie. Jesuis parvenu, après un grand nombre d'essais réitérés , à ne consom- mer que 1 livre 7 onces *, ou tout au plus 1 livre 8 onces de charbon pour 1 livre de fonte ; car, avec 288o livres de charbon, lors- que mon fourneau est pleinement animé, j'obtiens constamment des gueuses de 1875, 1900 et 1950 livres , et je crois que c’est le plus haut point d'économie auquel on puisse arriver : car M. Robert, qui, de tous les maîtres de cet art, est peut-être celui qui, par le moyen de son lavoir, a le plus épuré 244 MINÉRAUX. INTRODUCTION, 1 ses mines, consommoit néanmoins 1 livre 10 onces de charbon pour chaque livre de fonte, et je doute que la qualité de ses fontes füt aussi parfaite que celle des miennes; mais cela dépend , comme je viens de Le dire, d’un graud nombre d'observations et de précautions dont je vais ans les princi- Re °. La cheminée du fourneau, depuis la cuve jusqu'au gueulard, doit être circulaire, et non pas à huit pans, comme étoit le four- neau de M. Robert, ou quarrée comme le sont les cheminées de la plupart des four- neaux en France. Il est bien aisé de sentir que, dans un quarré, la chaleur se perd dans les angles sans réagir sur la mine, et que par conséquent on brüle plüs de charbon pour en fondre la mème quantité. 2°. L'ouverture du gueulard ne doit être que de la moitié du diamètre de la largeur de la cuve du fourneau. J'ai fait des fondages avec de très-grands et de très-petits gueu-— lards; par exemple, de 3 pieds : de diamètre, la cuve n’ayant que 5 pieds de diamètre, ce qui est à peu it la proportion des fourneaux de Suède; et j'ai vu que chaque livre de fonte PARTIE EXPÉRIMENTALE. 245 consommoit près de 2 livres de charbon. En- suite ayant rétréci la cheminée du fourneau, et laissant toujours à la cuve un diamètre de 5 pieds, j'ai réduit le gueulard à 2 pieds de diamètre ; et, dans ce fondage, j’ai consom- mé 1 livre 13 onces de charbon pour chaque : livre de fonte. La proportion qui m'a le mieux réussi, et à laquelle je me suis tenu , est celle de 2 pieds : de diamètre au gueu- lard, sur 5 pieds à la cuve , la cheminée for— mant un cône droit, portant sur des gueuses circulaires depuis la cuve au gueulard , le tout construit avec des briques capables de résister au plus grand feu. Je donnerai ail- leurs la composition de ces briques, et les détails de la construction du fourneau , qui est toute différente de ce qui s’est pratiqué jusqu'ici, sur-tout pour la partie qu'on ap- pelle ouvrage dans Le fourneau. 5°. La manière de charger le fourneau ne laisse pas d’influer beaucoup plus qu’on ne croit sur le produit de la fusion. Au lieu de charger , comme c'est l’usage, toujours du côte de la rustine, et de laisser couler la mine en pente , de manière que ce côté de rustine est constamment plus chargé que les autres, 21 LS 246 MINÉRAUX. INTRODUCTION, il faut la placer au milieu du gueulard, l'é= lever en cône obtus,etne jamais interrompre le cours de la flamme, qui doit toujours en-— velopper le tas de mine tout autour, et don- ner constamment le même degré de feu. Par exemple, je fais charger communément six paniers de charbon de 4o livres chacun, sut huit mesures de mine de 55 livres chacune, : et je fais couler à douze charges : j'obtiens communément 1925 livres de fonte de la meilleure qualité. On commence , comme par-tout ailleurs, à mettre le charbon; j ob- serve seulement de ne me servir au fourneau que de charbon de bois de chène,, et je laisse pour les affineries le charbon des bois plus doux. On jette d’abord cinq paniers de ce gros charbon de bois de chène , et le dernier panier qu’on impose sur les cinq autres, doit être d'un charbon plus menu, que l’on entasse et brise avec un ràble, pour qu'il remplisse exactement les vides que laissent entre eux les gros charbons. Cette précaution est néces- saire pour que la mine, dont les grains sont très-menus, ne perce pas trop vite ,et n'arrive pas trop tôt au bas du fourneau. C’est aussi par la mème raison qu'avant d'imposer la PARTIE EXPÉRIMENTALE. 247 mine sur ce dernier charbon , qui doit être non pas à fleur du gueulard, mais à deux pouces au-dessous , il faut, suivant la nature de la mine, répandre une portion de la cas- tine ou de l’aubue, nécessaire à la fusion, sur la surface du charbon : cette couche de ma- tière soutient la mine et l'empêche de percer. Ensuite on impose au milieu de l'ouverture une mesure de mine qui doit être mouillée, non pas assez pour tenir à la main, mais assez pour que les grains aient entre eux quelque adhérence et fassent quelques petites pelottes. Sur cette première mesure de mine on en met une seconde, et on relève le tout en cône, de manière que la flamme l’enve- loppe en entier ; et s’il y a quelques points daus cette circonférence où la flamme ne perce pas, on enfonce un petit ringard pour lui donner jour , afin d’en entretenir l’éga- lité tout autour de la mine. Quelques minutes après , lorsque le cône de mine est affaissé de moitie ou des deux tiers , on impose de la même façon uñeé troisième et une quatrième mesure qu'on relève de même, et ainsi de suite jusqu'à la huitième mesure. On em- ploie quinze ou vingt minutes à charger suc- 238 MINÉRAUX. INTRODUCTION, cessivement la mine; cette manière est meil- leure et bien plus profitable que la façon ordinaire qui est en usage, par laquelle on se presse de jeter, et toujours du même côte, la mine tout ensemble en moins de 5 ou #4 minutes. | 4. La conduite du vent contribue beau- coup à l'augmentation du produit de la mine et de l'épargne du charbon. IL faut, dans le commencement du fondage, donner le moins de vent qu'il est possible, c’est-à-dire, à peu près six coups de soufflet par minute, et augmenter peu à peu le mouvement pen- dant les quinze premiers jours , au bout des- quels on peut aller jusqu'à onze et même jusqu’à douze coups de soufflet par minute; mais il faut encore que la grandeur des souf- {lets soit proportionnée à la capacité du four- neau , et que l’orifice de la tuyère soit placé d’un tiers plus près de la rustine que de la tympe, afin que le vent ne se porte pas trop du côté de l'ouverture qui donne passage au laitier. Les buses des soufflets doivent être posées à 6 ou 7 pouces en dedans de la tuyère, et le milieu du creuset doit se trouver à l’à- plomb du centre du gueulard; de cette ma _ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 249 nière le vent circule à peu près également dans toute la cavité du fourneau, et la mine descend , pour ainsi dire, à-plomb , et ne s'attache que très-rarement et en petite quan= tité aux parois du fourneau : dès lors il s’en brûle très-peu , et l’on évite les embarras qui se forment souvent par cette mine attachée, et les bouillonnemens qui arrivent dans le creuset lorsqu'elle vient à se détacher et y tomber en masse. Mais je renvoie les details de la construction et de la conduite des four-— neaux à un autre Memoire, parce que ce sujet exige une très-longue discussion. Je pense que j'en ai dit assez pour que les maitres de forges puissent m'entendre, et changer ou per- fectionner leurs méthodes d’après lamienne. J'ajouterai seulement que par les moyens que je viens d'indiquer, et en ne pressant pas le feu, en ne cherchant point à accélérer les coulées , en n’augmentant de mine qu'avec précaution , en se tenant toujours au-dessous de la quantité qu’on pourroit charger, onsera sûr d’avoir de très-bonne fonte grise, dont on tirera d'excellent fer, et qui sera toujours de même qualité, de quelque mine qu’il pro- vienne. Je puis l’assurer de toutes les mines - 250 MINÉRAUX. INTRODUCTION, … en grains, puisque j'ai sur cela l'expérience la plus constante et les faits les plus réitérés. Mes fers, depuis cinq ans, n'ont jamais varié pour la qualité, et néanmoins j'ai employé sept espèces de mines differentes: maisje n'ai garde d'assurer de même que les mines defer 2 en roche donueroient, comme celles en grains, du fer de même qualite; car celles qui con- tiennent du cuivre ne peuvent guère produire que du fer aigre et cassant, de quelque ma- nière qu'on voulüt les traiter, parce qu’il est comme impossible de les purger de ce metal, dont le moindre melange gate beaucoup la qualite du fer. Celles qui contiennent des pyrites et beaucoup desoufre, demanderoient à être traitées daus de petits fourneaux pres- que ouverts , où à la manière des forges des Pyrenees : mais comme toutes les mines en grains, du moins toutes celles que j'ai eu occasion d'examiner (et j'en ai vu beaucoup, m'en étant procuré d'un grand nombre d’en- droits), ne contiennent ni cuivre nisoufre, on sera certain d’avoir du très-bon fer, et de la même qualité, en suivant les procédés que je viens d'indiquer; et comme ces mines en grains sont, pour ainsi dire, les seules que nf ! & WA % $ \ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 25r lon exploite en France, et qu’à l’exception des provinces du Dauphiné, de Bretagne, du Roussillon. du pays de Foix, etc. où l’on se sert de mine en roche, presque toutes nos autres provinces n'ont que des mines en grains , les procedes que je viens de don- ner pour lé traitement deces minesengrains, seront plus generalemeut utiles au royaume que les manières particulières de traiter les mines en roche, dont d'ailleurs on peut s’ins- truire dans Swedenborg et dans quelques autres auteurs. Ces procedés, que tous les gens qui con- noissent les forges peuvent entendre aisé- ment, se réduisent à separer d'abord, autant qu'il sera possible, toutes les matières etran- gères qui se trouvent mèêlees avec la mine; si l’on pouvoit en avoir le grain pur et sans aucuu melange, tous les fers, dans tous pays, seroient exactement de la même qualite : je me suis assuré, par un grand nombre d’es- sais, que toutes les mines en grains, ou plutôt que tous les grains des ditferentes mines, sont à très-peu pres de la même subs- tance. Le fer est un dans la nature, comme l'or et tous les autres métaux ; et, dans 252 MINÉRAUX. INTRODUCTION, les mines en grains, les différences qu’on he trouve ne viennent pas de la matière qui compose le grain, mais de ‘celles qui se trouvent mélées avec les grains, et que l’on n’en sépare pas avant de les faire fondre. La seule différence que j'ai observée entre les grains des différentes mines que j’ai fait trier un à un pour faire mes essais, c'est que les plus petits sont ceux qui ont la plus grande pesanteur spécifique , et par conséquent ceux qui, sous le méme volume, contiennent le plus de fer : il y a communément une petite cavité au centre de chaque grain; plus ils sont gros, plus ce vide est grand: ils n’aug- _mentent pas comme le volume seulement, mais en bien plus grande proportion; en sorte que les plus gros grains sont à peu près comme les géodes ou pierres d'aigle, qui sont elles-mêmes de gros grains de mine de fer, dont la cavité intérieure est très-srande. Ainsi les mines en grains très- menus sont ordinairement les plus riches : j’en ai tiré jusqu’à 49 et 50 par 100 de fer en gueuse, et je suis persuade que si je les avois épurées en entier, j'aurois obtenu plus de 60 par 100; car il y restoit environ un cinquième de sable . PARTIE EXPÉRIMENTALE. 253 vitrescible aussi gros et à peu près aussi pesant que le grain, et que je n’avois pu séparer; ce cinquième déduit sur 100, reste 80, dont ayant tiré 50, on auroit par consé- - quent obtenu 62 +. On demandera peut-être comment je pouvois m’assurer qu’il ne res- toit qu’un cinquième de matières hétérogènes dans la mine, et comment il faut faire en général pour reconnoître cette quantité : cela n’est point du tout difficile ; il suffit de peser exactement une demi-livre de la mine, la livrer ensuite à une petite personne atten-— ‘tive, once par once, et lui en faire trier tous Les grains un à un; ils sont toujours très- reconnoissables par leur luisant métallique ; et lorsqu'on les a tous triés, on pèse les grains d’un côté et Les sablons de l’autre pour reconnoître la proportion de leurs quantités. Les métallurgistes qui ont parlé des mines de fer en roche, disent qu’il y en a quelques unes de si riches, qu’elles donnent 70 et même 75 et davantage de fer en gueuse far 100 : cela semble prouver que ces mines en roche sont en effet plus abondantes en fer que les mines en graius. Cependant j'ai quel- que peine à le croire; et ayant consulté les Mar. gén. VI: sà 254 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Mémoires de feu M. Jars, qui a fait en Suède des observations exactes sur les mines, j'ai vu que, selon lui, les plus riches ne donnent que 50 pour 100 de fonte en gueuse. J'ai fait venir des échantillons de plusieurs mines de Suède, de celles des Pyrénées, et de celles , d'Allevard en Dauphiné, que M. le comte de Baral a bien voulu me procurer, en m’en- voyant la note ci-jointe *; et les ayant com- parées à la balance hydrostatique avec nos mines en grains, elles se sont, à la vérité, trouvées plus pesantes : mais cette épreuve n’est pas concluante, à cause de la cavité * « La terre d’Allevard est composée du bourg « d’Allevard et de cinq paroisses, dans lesquelles il « peut y avoir près de 6000 personnes toutes occu- « pées, soit à l'exploitation des mines, soit à con- « vertir les bois en charbon, et aux travaux des four- « neaux, forges et martinels. La hauteur des mon- « tagnes est pleine de rameaux de mines de fer ; et « elles y sont si abondantes, qu’elles fournissent de « mines à toute la province de Dauphiné. Les qua- « lités en sont si fines et si pures, qu’elles ont tou- « jours été absolument nécessaires pour la fabrique « royale de canons dé Saint-Gervais, d’où l’on vient « les chercher à grauds frais ; ces mines sont toutes « vepandues daus le cœur des roches, où elles forment PARTIE EXPÉRIMENTALE. 255 qui se trouve dans chaque grain de nos mines, dont on ne peut pas estimer au juste, ni mème à peu près, le rapportavec le volume total du grain. Et l'épreuve chimique que M. Sage a faite, à ma prière, d’un morceau de mine dé fer cubique, semblable à celui de Sibérie, que mes tireurs de mine ont trouve dans le territoire de Montbard, semble confirmer mon opinion. M. Sage n’en ayant tiré que 50 pour 100 * ; cette mine est toute différente de nos mines en grains, le fer y étant contenu en masses de figure cubique, au lieu que tous nos grains sont toujours « des rameaux , et dans lesquelles elles se renou- « vellent par une végétation continuelle. « Le fourneau est situé dans le centre des bois et « des mines: c’est l’eau qui souffle le feu , et les cou- « rans d’eau sont immenses. I] n’y a par conséquent « aucun soufflet : mais l’eau tombe dans des arbres « creusés dans de grands tonneaux, y attire une « quantité d’air immense, qui va par un conduit souf= « fler le fourneau ; l’eau, plus pesante, s'enfuit par « d’autres conduits. » * Cette mine est brune, fait feu avec le briquet, et est minéralisée par l'acide marin : on remarque dans sa fracture de petits points brillans de pyrites martiales ; dans les fentes, on trouve des cubes de RL 256 MINÉRAUX. INTRODUCTION, plus ou moins arrondis, et que, quand ils forment une masse, ils ne sont, pour ainsi dire, qu ’agglutinés par un ciment terreux facile à diviser; au lieu que dans cette mine cubique, ainsi que dans toutes les autres vraies mines en roche, le fer est intimement uni avec les autres matières qui composent leur masse. J'aurois bierf desiré faire l'épreuve en grand de cette mine cubique; mais on fer de deux lignes de diamètre, dont les surfaces : sont striées; les stries sont. opposées suivant les faces. Ce caractère se remarque dans les mines de fer de Sibérie : cette mine est absolument semblable à celles de ce pays par la couleur, la configuration des crystaux et les minéralisations ; elle en diffère en ce qu'elle ne contient point d'or. Par la distillation au fourneau de réverbère, j'ai retiré de 600 grains de cette mine vingt gouttes d’eau insipide et très - claire : j'avois enduit d’huile de tartre par défaillance , le récipient que j’avois adapté à la cornue; la distillation finie, je l’ai trouvé obs- curci par des crystaux cubiques de sel fébrifuge de Sylvius. Le résidu de la distillation étoit d’un rouge pourpre et avoit diminué de ro livres par quintal. J’ai retiré de cette mine 52 livres de fer par qui tal, il étoit très-ductile. : PARTIÉ EXPERIMENTALE. 257 n'en a trouve que quelques petits morceaux dispersés çà et là dans les fouilles des autres mines, et il m'a été impossible d’en rassem- bler assez pour en faire l’essai dans mes four- neaux. Les essais en grand des différentes mines de fer sont plus difficiles et demandent plus d'attention qu’on ne l’imagineroit. Lorsqu'on veut fondre une nouvelle mine, et en com- parer au juste le produit avec celui des mines dont on usoit précédemment , il faut prendre le temps où le fourneau est en plein exercice, et s’il consomme dix mesures de mine par charge, ne lui en donner que sept ou huit de la nouvelle mine : il m’est arrivé d’avoir fort embarrassé mon fourneau faute d’avoir pris cette précaution, parce qu'une mine dont on n'a point encore usé, peut exiger plus de charbon qu'une autre, ou plus ou moins de vent, plus ou moins de castine; et, pour ne rien risquer, il faut commencer par une moindre quantité, et charger ainsi jusqu’à la première coulée. Le produit de cette première coulée est une fonte mélangée environ par moitié de la mine ancienne et de la nouvelle; et ce n’est qu à la seconde, 22 258 MINÉRAUX. INTRODUCTION, et quelquefois même à la troisième coulée . que l’on a sans mélange la fonte produite par la nouvelle mine. Si la fusion s’en fait avec succès, c’est-à-dire, sans embarrasser le fourneau, et si les charges descendent promptement, on augmentera la quantité de mine par demi-mesure, non pas de charge en charge, mais seulement de coulée en coulée, jusqu’à ce qu’on parvienne au pois d'en mettre la plus grande quantité qu'on puisse employer sans gâter sa fonte. C’est ici le point essentiel, et auquel tous les gens de cet art manquent par raison d'intérêt : comme ils ne cherchent qu'à faire la plus grande quantité de fonte sans trop se sou- cier de la qualité, qu'ils payent même leur fondeur au millier, et qu'ils en sont d'autant plus contens que cet ouvrier coule plus de fonte toutes les vingt-quatre heures, ils ont coutume de faire charger leur fourneau d’au- tant de mine qu’il peut en supporter sans s’obstruer; et par ce moyen, au lieu de 400 milliers de bonne fonte qu’ils feroient en quatre mois, ils en font dans ce même espace de temps 5 ou 600 milliers. Cette fonte, tou- jours très-cassante et très-blanche , ne peut PARTIE EXPÉRIMENTALE. 259 produire que du fer très-mediocre ou mau- vais; mais comme le débit en est plus assuré que celui du bon fer qu’on ne peut pas don- ner au même prix, et qu il y a beaucoup plus à gagner, cette mauvaise pratique s’est intro- duite dans presque toutes les forges, et rien n’est plus rare que les fourneaux où l’on fait de bonnes fontes. On verra dans le Mémoire suivant, où je rapporte les expériences que j'ai faites au sujet des canons de la marine, combien les bonnes fontes sont rares, puis- que celle même dont on se sert pour les canons, n’est pas à beaucoup près d’une aussi bonne qualité qu'on pourroit et qu'on devroit la faire. * Il en coûte à peu près un quart de plus pour faire de la bonne fonte que pour en faire de la mauvaise :"ce quart, que dans la plupart de nos provinces on peut évaluer à 10 francs par millier, produit une difference de 15 francs sur chaque millier de fer; et ce bénéfice, qu'on ne fait qu'en trompant le public, c'est-à-dire, en lui donnant de la mauvaise marchandise, au lieu de lui en fournir de la bonne, se trouve encore aug- menteé de près du double par la facilité avec 260 MINÉRAUX. INTRODUCTION, laquelle ces mauvaises fontes coulent à l’affi- nerie; elles demandent beaucoup moins de charbon et encore moins de travail pour ètre converties en fer, de sorte qu'entre la fabrication du bon fer et du mauvais fer , 1l se trouve nécessairement et tout au moins une différence de 25 francs: et néanmoins dans le commerce, tel qu’il est aujourd’hui et depuis plusieurs années, on ne peut espé- rer de vendre le bon fer que 10 francs tout au plus au-dessus du mauvais; il n’y a donc que les gens qui veulent bien, pour l'honneur de leur manufacture, perdre 15 francs par millier de fer, c’est-à-dire, environ 2000 écus par an, qui fassent de bon fer. Perdre, c’est- à-dire, $aguer moins; car avec de l’intelli- gence, et en se donnant beaucoup de peine, on peut encore trouver quelque bénéfice en faisant du bon fer : mais ce bénéfice est si médiocre, en comparaison du gain qu’on fait sur le fer commun, qu’on doit être étonné qu’il y ait encore quelques manufactures qui donnent du bon fer. En attendant qu'on réforme cet abus, suivons toujours notre objet; si l’on n'écoute pas ma voix aujour- d’hui, quelque jour on y obéira en consultant “ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 26€ | mes écrits, et l’on sera fâché d’avoir attendu si long-temps à faire un bien qu’on pourroit faire dès demain en proscrivant l'entrée des fers étrangers dans le royaume, ou en dimi- nuant les droits de la marque des fers. Si l’on vêut donc avoir, je ne dis pas de la fonte parfaite et telle qu’il la faudroit pour les canons de la marine, mais seulement de la fonte assez bonne pour faire du fer liant, moitié nerf et moitié grain, du fer, en un mot, aussi bon et meilleur que les fers étran- gers, on y parviendra très-aisément par les procédés que je viens d'indiquer. On a vu dans le quatrième Mémoire , où j'ai traité de la ténacité du fer, combien il y a de diffé- rence pour la force et pour la durée entre le bon et le mauvais fer; mais je me borne dans celui-ci à ce qui a rapport à la fusion des mines et à leur produit en fonte. Pour m’as- surer de leur qualité et reconnoïître en même temps si elle ne varie pas, mes gardes-four- neaux ne manquent jamais de faire un petit enfoncement horizontal d'environ trois pouces de profondeur à l'extrémité antérieure du moule de la gueuse; on casse le petit morceau lorsqu'on la sort du moule, et on | { n + AN 262 MINÉRAUX. INTRODUCTION, l'enveloppe d’un morceau de papier portant le même numéro que celui de la gueuse. J'ai de chacun de mes fondages deux ou trois cents de ces morceaux numérotés, par les- quels je connois non seulement le grain et la couleur de mes fontes, mais aussi la diffe- rence de leur pesanteur spécifique, et par-là je suis en état de prononcer d'avance sur là qualité du fer que chaque gueuse produira; car quoique la mine soit la même et qu’on suive les mèmes procédés au fourneau, le changement de la température de l'air, le haussement ou le baissement des eaux, le jeu des soufflets plus ou moins soutenu, les retardemens causés par les glaces ou par quelque accident aux roues, aux harnoiïs ou à la tuyère, et au creuset du fourneau, rendent la fonte assez différente d'elle-même, poyr qu’on soit forcé d'en faire un choix si l’on veut avoir du fer toujours de même qua- lité. En général, il faut, pour qu'il soit de cette bonne qualité, que la couleur de la fonte soit d’uu gris un peu brun, que le grain en soit presque aussi fin que celui de l'acier commun, que le poids spécifique soit d’en- viron 504 ou 505 livres par pied cube, et PARTIE EXPÉRIMENTALE. 263 qu’en même temps elle soit d’une si grande résistance, qu'on ne puisse casser les gueuses avec la masse. Tout le monde sait que quand on com- mence un fondage, on ne met d’abord qu'une petite quantité de mine, un sixième, un cin- quième, et tout au plus un quart de la quan- tité qu’on mettra dans la suite, et qu on aug- mente peu à peu cette première quantité pendant les premiers jours, parce qu'il en faut au moins quinze pour que le fond du fourneau soit échauffé. On donne aussi assez peu de vent dans ces commencemens , pour ne pas détruire le creuset et les étalages du fourneau en leur faisant subir une chaleur trop vive et trop subite. Il ne faut pas comp- ter sur la qualité des fontes que l’on tire pen- dant ces premiers quinze ou vingt jours; comme le fourneau n’est pas encore réglé, le produit en varie suivant les différentes circonstances : mais lorsque le fourneau a acquis le degré de chaleur suffisant, il faut bien examiner la fonte, et s’en tenir à la quantité de mine qui donne la meilleure ; une mesure sur dix suffit souvent pour en changer la qualité. Ainsi l’on doit toujours “ 264 MINÉRAUX. INTRODUCTION, se tenir au-dessous de ce que l'on pourroit fondre avec la même quantité de charbon, : qui ne doit jamais varier si l’on conduit bien son fourneau. Mais je réserve les détails de cette conduite du fourneau , et tout ce qui regarde sa forme et sa construction , pour l’article où je traiterai du fer en particulier ; dans l’histoire des minéraux , et jeme bornerai ici aux choses les plus générales et les plus essentielles de la fusion des mines. Le fer étant, comme je l’ai dit, toujours de même nature dans toutes les mines en grains, on sera donc sûr, en les nettoyant et en les traitant comme.je viens de le dire, d’a- i : voir toujours de la fonte d’une bonne et même . qualité ; on le reconnoîtra non seulement à « la couleur, à la finesse du grain , à la pesan- ” teur spécifique , mais encore à la ténacité de * } la matière : la mauvaise fonte est très-cas— sante; et si l'on veut en faire des plaques minces et des côtés de cheminée, le seul - coup de l’air les fait fendre au moment que ces pièces commencent à se refroidir, au lieu | que la bonne fonte ne casse jamais, dou mince qu’elle soit. On peut mème recon- noitre au son la boune ou la mauvaise quan PARTIE EXPÉRIMENTALE. 265 lité de la fonte : celle qui sonne Je mieux est toujours la plus mauvaise; et lorsqu'on veut en faire des cloches, il faut, pour qu’elles résistent à la percussion du battant, leur donner plus d'épaisseur qu'aux cloches de bronze, et choisir de préférence une mau- vaise fonte, car la bonne sonneroit mal. Au reste, la fonte de fer n’est point encore un métal; ce n’est qu'une matière mêlée de fer et de verre, qui est bonne ou mauvaise, suivant la quantité dominante de l’un ou de J'autre. Dans toutes les fontes noires, brunes et grises, dont le grain est fin et serré, ily a beaucoup plus de fer que de verre ou d’autre matière hétérogène. Dans toutes les fontes blanches, où l’on voit plutôt des lames et des écailles que des grains, le verre est peut- être plus abondant que le fer ; c’est par cette raison qu’elles sont plus légères et très-cas- santes : le fer qui en provient conserve les mêmes qualités. On peut, à la vérité, cor- riger un peu cette mauvaise qualité de la fonte par la manière de la traiter à l’affinerie ; mais Vart du marteleur est comme celui du fon- deur, un pauvre petit métier, dontiln’y a que les maitres de forges ignorans qui soient 23 266 MINÉRAUX. INTRODUCTION, dupes. Jamais la mauvaise fonte ne peut produire d'aussi bon fer que la bonne; jamais le marteleur ne peut réparer pleinement ce que le fondeur a gâté. DE Cette manière de fondre la mine de fr et | de la faire couler en gueuses, c’est-à-dire, en , gros lingots de fonte, quoique la plus géné- rale , n’est peut-être pas la meiïlleure ni la moins dispendieuse : on a vu par le résultat des expériences que j'ai citées dans ce Mémoire, qu'ou peut faire d'excellent fer, et mème de très-bon acier , sans les faire passer par l'état de la fonte. Dans nos provintes voisines des Pyrénées , en Espagne, en Italie, en Stirie et dans quelques autres endroits, on tire im médiatement le fer de la mine sans le faire couler en fonte. On fond ou plutôt on ra- mollit la mine sans fondant, c’est-à-dire, sans castine , dans de petits fourneaux dont je parlerai dans la suite, et on en tire des loupes ou des masses de fer déja pur, qui n’a point passé par l’état de la fonte, qui s’est formé par une demi-fusion, par une espèce de coagulation de toutes les parties ferrugi- neuses de la mine. Ce fer fait par coagula- tion est certainement le meilleur de tous : PARTIE EXPÉRIMENTALE. 267. on pourroit l'appeler fer à 24 farafs; car, au sortir du fourneau, 1l est déja presque aussi pur que celui de la fonte qu’on a purifiée par deux chaudes au feu de l’affinerie. Je crois donc cette pratique excellente; je suis même persuadé que c’est la seule manière de tirer immédiatement de l’acier de toutes les mines, comme je l’ai fait dans mes fourneaux de 14 pieds de hauteur. Mais n'ayant fait executer que l'été dernier 1772 les petits fourneaux des Pyrénées, d’après un Mémoire envoyé à l'académie des sciences, j'y ai trouvé des dif- ficultés qui m'ont arrêté, et me forcent à renvoyer à un autre Mémoire tout ce qui a rapport à cette manière de fondre les mines de fer. DIXIÈME MÉMOIRE. Observations et expériences faites dans la vue d'améliorer les canons de la marine. Le canons de la marine sont de fonte de | fer, en France comme en Angleterre, en | Hollande et par-tout ailleurs. Deux motifs ont pu donner également naissance à cet usage. Le premier est celui de l’économie : un à canon de fer coulé coûte beaucoup moins | qu'un canon de fer battu , et encore beaucoup moins qu'un canon de bronze ; et cela seul a, peut-être suffi pour les faire préférer, d'au- | tant que le second motif vient à l’appui du! e premier. On prétend, et je suis très-porteé à le croire , que lés canons de bronze, dont quelques uns de nos vaisseaux de parade sont … armés, rendent dans l’instant de l’explosion ; un son si violent, qu’il en résulte dans l’o-, reille de tous les habitans du vaisseau un. tintement assourdissant qui leur feroitpordre. en peu de temps le sens de l’ouïe. On assure PARTIE EXPÉRIMENTALE. : 269 d'autre côté que les canons de fer battu, sur lesquels on pourroit, par l'épargne de la ma- tière , regagner une partie des frais de la fa- brication , ne doivent point être employés sur les vaisseaux , par cette raison même de leur légéreté qui paroitroit devoir les faire préférer; l’explosion les fait sauter dans les sabords , où l’on ne peut, dit-on, les rete- nir invinciblement, ni même assez pour les diriger à coup sür. Si cet inconvénient n'est pas réel, ou si l’on pouvoit y parer, nul doute que les canons de fer forgé ne dussent ètre préférés à ceux de fer coulé; ils auroient moitié plus de légéreté et plus du double de resistance. Le maréchal de Vauban en avoit fait fabriquer de très-beaux, dont il restoit encore, ces années dernières, quelques tron- _ çons à la manufacture de Charleville *. Le * Une personne très-versée dans la connoïssance de l’art des forges m’a donné la note suivante: « I] me paroît que l'on peut faire des canons de « fer battu, qui seroïent beaucoup plus sûrs et plus « légers que les canons de fer coulé, et voici les pro- « portions sur lesquelles 1l faudroit en tenter les LS « expériences. « Les canons de fer battu, de quatre livres de , 23 | 270 MINÉRAUX: INTRODUCTION , travail n’en seroit pas plus difficile que celut des ancres; et une manufacture aussi bien ‘ « balles, auront 7 pouces 2 : d'épaisseur à leur plus « grand diamètres « Ceux de PS 10 pouces; « Ceux de douze, r pied; « Ceux de vingt-quatre livres, r4 pouces; « Ceux de trente-six livres, 16 pouces +. \ « Ces proportions sont plutôt trop fortes que trop « foibles : peut-être pourra-t-on les réduire à 6 « pouces + pour les canons de quatre; ceux de huit \ « livres, à 8 pouces £; ceux de douze livres, à 9 « pouces+ ; ceux de vingt-quatre, à r2 pouces; et « ceux de trente-six, à r4 pouces. « Les longueurs pour les canons de quatre seront « de 5 pieds {; ceux de huit, de 7 pieds de longueur; « ceux de douze livres, 7 pieds 9 pouces de lon- « gueur ; ceux de vingt-quatre, 8 pieds g pouces; « ceux de trente-six, 9 pieds 2 pouces de longueur. « L’on pourroit même diminuer ces proportions « de longueur assez considérablement sans que le service en souffrît, c’est-à-dire, faire les canons de quatre de 5 pieds de longueur seulement ; ceux « de huit livres, de 6 pieds 8 pouces de longueur ; « ceux de douze livres, à 7 pieds de longueur ; ceux « de vingt-quatre, à 7 pieds ro pouces ; et ceux de « trente-six, à 8 HER et peut-être même encore « au-dessous. « Or il ne paroît pas bien difficile, 1°. de faire \ mn ñ PARTIE EXPÉRIMENTALE. 27e montée pour cet objet que l’est celle * de M. de la Chaussade pour les ancres , pourroit être d’une très-srande utilité. « des canons de quatre livres qui n’auroient que « pieds de longueur sur 6 pouces d'épaisseur dans « leur plus grand diamètre; il suffiroit pour cela de « souder ensemble quatre barres de 3 pouces forts en « quarré , et d’en former un cylindre massif de 6 # pouces = de diamètre sur 5 picds de longueur; « et comme cela ne seroit pas praticable dans les « chaufferies ordinaires , ou du moins que cela de- < viendroit très- dificile, il faudroit établir des « fourneaux de réverbère, où l’on pourroit chauffer « ces barres dans toute leur longueur pour les souder « ensuite ensemble , saus être obligé de les remettre‘ « plusieurs fois au feu. Ce cylindre une fois formé, « 1] sera facile de le forer et tourner ; car le fer « battu obéit bien plus aisément au foret que le fer « coulé. « Pour les canons de huit livres qui ont 6 pieds 8 « pouces de longueur sur 8 pouces : d'épaisseur , 1l « faudroit souder ensemble neuf barres de 3 pouces « foibles en quarré chacune, en les faisant toutes « chauffer ensemble au même fourneau de réver- « bère, pour en faire un cylindre plein de 8 pouces : « de diamètre. « Pour les canons de douze livres de balle qui « doivent avoir 10 pouces + d'épaisseur, on pourra * À Guérigny, près de Nevers, 272 MINÉRAUX. INTRODUCTION, * . Quoi qu’il en soit , comme ce n'est pas à l’état actuel des choses, nos observations ne | porteront que sur les canons de fer coulé. On s’est beaucoup plaint, dans ces derniers temps, de leur peu de résistance : malgré la rigueur des épreuves, quelques uns ont crevé sur nos vaisseaux ; accident terrible, et qui n'arrive jamais sans grand dommage et perte de plu- sieurs hommes. Le ministère, voulant reme- dier à ce mal, ou plutôt le prévenir pour la « les faire avec neuf barres de 3 pouces £ quarrées, « que l’on soudera toutes ensemble par les mêmes « MOYENS ; « Et pour les canons de vingt-quatre, avec seize « barres de 3 pouces en quarré. « Comme l’exécution de cette espèce d'ouvrage « devient beaucoup plus difficile pour les gros ca- « NODS que pour les petits, il sera Juste et nécessaire « de les payer à proportion plus cher. « Le prix du fer battu est ofdinairement de-deux « tiers plus baut que celui du fer coulé. Si l'on paye « 20 francs le quintal les canons de fer coulé , il « faudra donc payer ceux-ci 60 livres le quintal ; « mais comme ils seront beaucoup plus minces que « ceux de fer coulé, je crois qu’il seroit possible de « les faire fabriquer à 40 livres le quintal, et peut- « être au-dessouse »” PARTIE EXPÉRIMENTALE. 253 suite, informé que je faisois à mes forges des expériences sur la qualité de là fonte, me demanda mes conseils en 1768, et m'invita à travailler sur ce sujet important. Je m'y livrai avec zèle, et, de concert avec M. le vicomte de Morogues, homme très-éclairé , je donnai, dans ce temps et dans les deux années suivantes, quelques observations au ministre, avec les expériences faites et celles qui restoient à faire pour perfectionner les « Mais quand même ils coûteroient 4o livres, 1l « y auroit encore beaucoup à gagner : 1°. pour la « sûreté du service, car ces canons ne creveroient pas ; « ou s'ils venoïent à crever , ils n’éclateroient jamais, « ct ne feroient que se fendre, ce qui ne causeroit « aucun malheur. « 29, Ils résisteroient beaucoup plus à la rouille $ « et dureroïent pendant des siècles; ce qui est un « avantage très-considérable. « 3°, Comme on les foreroiL aisément, la direc- « tion de l’ame en seroit parfaite. « 4°, Comme la matière en est homogène par-tout, « il n’y auroit jamais n1 cavités ni chambres. « 5°. Eufm, comme ils seroïent beaucoup plus lé- « gers, ils chargeroïent beaucoup moins, tant sur « mer quesur terre , et seroient plus aisés à manœu G YICET 274 MINÉRAUX. INTRODUCTION , D: ‘ canons. J'en ignore aujourd’hui le résultat. Î et le succès ; le ministre de la marine ayant | changé, je n’ai plus entendu parler mi ee À périences ni de canons. Mais cela ne doit pas À m'empêcher de donner, sans qu’on me le À demande, les choses utiles que j'ai pu trou- … ver en m'occupant pendant deux à trois … ans de ce travail; et c'est ce qui fera le sujet de ce Mémoire, qui tient de si près à celui où j'ai traité de la fusion des mines de fer, qu'on peut l’en regarder comme une suite. … Les canons se fondent en situation per ‘1 peudiculaire, dans des moules de plusieurs pieds de profondeur , la culasse au fond et la bouche en haut : comme il faut plusieurs | milliers de matière en fusion pour faire un gros canon plein et chargé de la masse qui doit le comprimer à sa partie supérieure, on étoit dans le préjugé qu’il falloit deux ët même trois fourneaux pour fondre du gros canon. Comme les plus fortes gueuses que l’on coule dans les plus grands four- neaux, ne sout que de 2500 ou tout au plus 3000 livres, et que la matière en fusion ne séjourne jamais que douze eu quinze heures dans le creuset du fourneau, om nl PARTIE EXPÉRIMENTALE. 255 imaginoit que le double ou le triple de cette quantité de matière en fusion , qu’on seroit obligé de laisser pendant trente-six ou qua- rante heures dans le creuset avant de la couler, non seulement pouvoit détruire le creuset, mais même le fourneau, par son bouillonnement et son explosion; au moyen de quoi on avoit pris le parti qui paroissoit le plus prudent, et on couloit les gros ca- _nons , en tirant en même temps ou successi- vement la fonte de deux ou trois fourneaux, placés de manière que les trois ruisseaux de fonte pouvoient arriver en même temps dans le moule. | | Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour sentir que cette pratique est mauvaise : 1l est impossible que la fonte de chacun de'ces fourneaux soit au même degré de chaleur, de pureté, de fluidité; par conséquent le canon se trouve composé de deux ou trois matières différentes, en sorte que plusieurs de ses parties, et souvent un côté tout entier, se trouvent nécessairement d’une matièremoins bonne et plus foible que le reste; ce qui est le plus grand de tôus les inconvéniens en fait de résistance, puisque l'effort de la poudre \ SAP VERS À 276 MINÉRAUX. INTRODUCTION, agissant également de tous côtés, ne manque jamais de se faire jour par Le plus foible. Je . voulus donc essayer et voir en effet s’il yayoit quelque danger à tenir pendant plus de temps qu'on ne le fait ordinairement, une plus grande quantité de matière en fusion : j'at- tendis pour cela que le creuset de mon four neau, qui avoit 18 pouces de largeur sur 4 pieds de longueur et 18 pouces de hauteur, füt encore élargi par l’action du feu , comme cela arrive toujours vers la fin du fondage; j y laissai amasser de la fonte pendant trente six heures ; il n’y eut ni explosion n1 autre bouillonnement que ceux qui arrivent quel- quefois quand il tombe des matières crues dans le creuset: je fis couler après les trente- six heures, et l’on eut trois gueuses, pesant ensemble 4600 livres, d’une très-bonne fonte. Par une seconde expérience , j'ai gardé la fonte pendant quarante-huit heures sans au— cun inconvénient; ce long séjour ne fait que la purifier davantage , et par conséquent ex diminuer le volume en augmentant la masse : comme la fonte contient une grande quantité de parties hétérogènes , dout les unes se brülent et les autres se convertissent en PARTIE EXPÉRIMENTALE. 277 verre, l’un des plus grands moyens de la dépurer est de la laisser séjourner au four- neau. M'étant donc bien assuré que le préjugé de la nécessité de deux ou trois fourneaux étoit très-mal fondé, je proposai de réduire à un seul les fourneaux de Ruelle en Angoumois*, * Voici l'extrait de cette proposition faiie au mi- nistre. | | Comme les canous de gros calibre, tels que ceux de trente-six et de vingt-quatre, supposentun grand volume de fer en fusion, on se sertordinairement de trois ou tout au moins de deux fourneaux pour les couler. La mine fondue dans chacun de ces fourneaux arrive dans le moule par autant de ruisseaux parti- culiers. Or cette pratique me paroît avoir les plus grands inconvéniens ; car il est certain que chacun de ces fourneaux donne une fonte de différente espèce, _en sorte que leur mélange ne pentse faire d’une ma- nière intime, ni même en approcher. Pour le voir clarrement, ne supposons que deux fourneaux, et que la fonte de l’un arrive à droite, et la fonte de l’autre arrive à gauche dans le moule du canon : il est certain que l’une de ces deux fontes étant ou plus pesante, ou plus légère, ou plus chaude, ou plus froide, ou , ec. que l’autre, elles ne se mêleront pas, et que par conséquent l’un des côtés du canon sera plus dur que l’autre ; que dès lors il résistera moins : 24 278 MINÉRAUX. INTRODUCTION, où l’on fond nos gros canons : ce conseil fut suivi et exécuté par ordre du ministre; on | fondit sans inconvénient et avec tout succès, à un seul fourneau, des canons de vingt- quatre; et je ne sais si l’on n’a pas fondu depuis des Canons de trente-six, car j'ai tout lieu de présumer qu’on réussiroit également. Ce premier point une fois obtenu, je cher- chai s’il n’y avoit pas encore d’autres causes, qui pouvoient contribuer à la fragilité de nos | canons, et j'en trouvai en effet qui y con- ! tribuent plus encore que l'inégalité de l’étoffe dont on les composoit en les coulant à deux ou trois fourneaux, d’un côté que de l’autre , et qu'ayant le défaut d’être composé de deux matières différentes, le ressort de ‘ces parties, ainsi que leur cohérence, ne sera pas égal, et que par conséquent ils résisteront moins que ceux qui seraient faits d’une matière homogène. Il n’est pas moins cerlain que si l’on veut forer ces canons , le foret, trouvant plus de résistance d’un côté que de l'autre, se détournera de la perpendiculaire du côté le plus tendre, et que la direction de l’intérieur du canon prendra de l’obliquité, etc. Il me paroît donc. qu'il faudroit tâcher de fondre les canons de fer coulé . avec un seul fourneau , et je crois la chose très-pos- sible. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 279 La première de ces causes est le mauvais usage qui s’est établi depuis plus de vingt ans , de faire tourner la surface extérieure des canons; ce qui les rend plus agréables à la vue. Il en est cependant du canon comme du soldat, il vaut mieux qu’il soit robuste qu'é- légant; et ces canons tournés, polis et guil- Jochés, ne devoient point en imposer aux yeux des braves officiers de notre marine; car il me semble qu’on peut démontrer qu'ils sont non seulement beaucoup plus foibles, | mais aussi d’une bien moindre durée. Pour peu qu'on soit versé dans la connoissance de la fusion des mines de fer, on aura remarqué en coulant des enclumes, des boulets, et à plus forte raison des canons, que la force centrifuge de la chaleur pousse à la circonfé- rence la partie la plus massive et la plus pure de la fonte; il ne reste au centre que ce qu'il y a de plus mauvais, et souvent mêmeil s’y forme une cavité: sur un nombre de boulets que l’on fera casser, on en trou- vera plus de moitié qui auront une cavité dans le centre, et dans tous les autres une matière plus poreuse que le reste du boulet. On remarquera de plus, qu'il y a plusieurs 28 MINÉRAUX. INTRODUCTION, rayons qui tendent du centre à la circonfé- A rence, et que la matière est plus compacte :* et de meilleure qualité à mesure qu’elle est plus éloignée du centre. On observera encoré : que l'écorce du boulet, de l’enclume ou du canon ; est beaucoup plus dure que l’inté- rieur; cette dureté plus grande provient de la trempe que l'humidité du moule donne à l'extérieur de la pièce, et elle pénètre jusqu’à trois lignes d'épaisseur dans les petites pièces, : et à une ligne et demie dans les grosses. C’est en quoi consiste la plus grande force du ca- non : car cette couche extérieure réunit les extrémités de tous les rayons divergeus dont je viens de parler, qui sont les lignes par où se feroit la rupture; elle sert’de cuirassé au canon , elle en est la partie la plus pure, et, par sa grande dureté, elle contient toutes les parties intérieures qui sont plus molles, et céderoient sans cela plus aisément à la force de l'explosion. Or que fait-on lorsque l'ont tourne les canons? on commence par enlever au ciseau , poussé par le marteau, toute cette surface extérieure que les go MER du tour pe pourroient entamer; on pénètre dans l” ex= térieur de la pièce jusqu’au point où elle se AN PARTIE EXPÉRIMENTALE. 28r trouve assez douce pour se laisser tourner, et on lui enlève en même temps, par cette opération , peut-être un quart de sa force. Cette couche extérieure, que l’on a si grand tort d'enlever, est en même temps la cui- rasse et la sauve-garde du canon; non seu- lement elle lui donne toute la force de résis- tance qu'il doit avoir, mais elle le défend encore de la rouille qui ronge en peu de temps ces canons tournés : on a beau les lustrer avec de l'huile, les peindre ou les polir; comme la matière de la surface extérieure est aussi tendre que tout le reste , la rouille y mord avec mille fois plus d'avantage que sur ceux dont la surface est garantie par la trempe. Lorsque je fus donc convaincu, par mes propres observations, du préjudice que portoit à nos canons cette mauvaise pra tique, je donnai au ministre mon avis motivé, pour qu'elle fût proscrite; mais je ne crois pas qu'on ait suivi cet avis, parce qu’il s’est trouvé plusieurs personnes , très-éclairées d’ailleurs, et nommément M. de Morogues, qui ont pensé différemment. Leur opiniou, si contraire à la mienne, est foudée sur ce que la trempe rend le fer plus cassant ; et 282 MINÉRAUX. INTRODUCTION, ( dès lors ils regardent la couche extérieure | comme la plus foible et la moins résistante | de toutes les parties de la pièce, et concluent qu'on ne lui fait pas grand tort de l’enlever; ils ajoutent que si l’on veut même remédier à ce tort, il n’y a qu'à donner aux canons quelques lignes d'épaisseur de:plus. J'avoue que je n’ai pu me rendre à ces raisons. Il faut distinguer dans la trempe, comnie dans toute autre chose, plusieurs états et mème plusieurs nuances. Le fer et l'acier chauffés à blanc et trempés subite ment dans une eau très-froide, deviennent très- cassans; trempés dans une eau moins froide, ils sont beaucoup moiris cassans ; et dans de l’eau chaude, la trempe ne leur donne aucune fragilité sensible, Fai sur cela des expériences qui me paroissent décisives. Pendant l’été dernier 1772, j'ai fait tremper dans l’eau de dla rivière, qui étoit assez chaude pour s’y baigner , toutes les barres de fer qu’on forgeoit à un des feux dema forge; et comparant ce fer avec celui qui n’etoit pas trempé, la différence du grain n’emétoit pas sensible, non plus que celle de leur résis- tance à la masse lorsqu'on-les cassoit. Mais { PARTIE EXPÉRIMENTALE. 283 ce même fer travaillé de la même façon par les mêmes ouvriers, et trempé cet hiver dans l'eau de la même rivière qui étoit presque glacée par-tout, est non seulement devenu _ fragile, mais a perdu en même temps tout son nerf, en Sorte qu'on auroit Cru que ce n'étoit plus le même fer. Or la trempe qui se fait à la surface du canon, n’est assuré- ment pas une trempe à froid; elle n’est pro- duite que par la petite humidité qui sort du moule déja bien séché: il ne faut donc pas en raisonner comme d’une autre trempe à froid, ni en conclure qu’elle rend cette couche extérieure beaucoup plus cassante qu’elle ne le seroit sans cela. Je supprime plusieurs autres raisons que je pourrois allé- guer, parce que la chose me paroit assez claire. Un autre objet, et sur lequel il n’est pas aussi aisé de prononcer afñirmativement , cest la pratique où l’on est actuellement de couler les canons plein, pour les forer ensuite avec des machines difficiles à exécu- ter, et encore plus difficiles à conduire, au lieu de les couler creux comme on le fai- soit autrefois ; et dans ce temps nos canons 284 MINÉRAUX. INTRODUCTION, crevoient moins qu'aujourd'hui. Jai balancé , les raisons pour et contre, et je vais les pré- senter ici. Pour couler un canon creux, il faut établir un noyau dans le moule, et le placer avec la plus grande précision , afin que le canon se trouve par-tout de l'épais- seur requise, et qu’un côté ne soit pas plus fort que l’autre: comme la matière en fusion tombe entre le noyau et le moule, elle a beaucoup moins de force centrifuge, et dès lors la qualité de la matière est moins ine- gale dans le canon coulé creux que dans le canon coulé plein; mais aussi cette matière, par la raison même qu’elle est moins inégale, estau total moins bonne dans le canon creux, parce que les impuretés qu’elle contient s’y trouvent mèlées par-tout, au lieu que, dans le canon coulé plein, cette mauvaise matière reste au centre et se sépare ensuite du canon par l'opération des forets. Je penserois donc, par cette première raison, que les canons forés doivent être préférés aux canons à noyau. Si l’on pouvoit cependant couler ceux-ci avec assez de précision pour n'être pas obligé de toucher à la surface intérieure; si lorsqu'on tire le noyau, cette surface se PARTIE EXPÉRIMENTALE. 285: ‘trouvoit assez unie, assez égale dans toutes ses directions pour n'avoir pas besoin d’être calibrée, et par conséquent en partie détruite par l’instrument d'acier, ils auroient un grand avantage sur les autres, parce que, daus ce cas, la surface intérieure se trouve- roit trempée comme la surface extérieure, et dès lors la résistance de la pièce se trouveroit bien plus grande. Mais notre aft ne va pas jusque-là ; on étoit obligé de ratisser à l’inte- rieur toutes les pièces coulées creux, afin dé les calibrer : en les forant, on ne fait que la même chose, et on a l'avantage d’ôter touté Ia mauvaise matière qui se trouve autour du centre de la pièce coulée plein; matière qui reste au contraire dispersée dans toute la masse de la pièce coulée creux. D'ailleurs les canons coulés plein sont beau- coup moinssujets aux soufflures , aux cham- bres , aux gerçures ou fausses soudures, etc. Pour bien couler les canons à noyau et les rendre parfaits, il faudroit des évents , au lieu que les canons pleins n’en ont aucun besoin. Comme ils ne touchent à la terreou au sable dont leur moule est composé que par la surface extérieure; qu’il est rare, si ce »“ 286 MINÉRAUX. INTRODUCTION, moule est bien préparé} bien séché, qu'il s’en détache quelque chose ; que , pourvu qu'on ne fasse pas tomber la fonte trop pré- . cipitamment et qu’elle soit bien liquide, elle ne retient ni les bulles de l’air ni celles des vapeurs qui s’exhalent à mesure quele moule se remplit dans toute sa capacité, il ne doit pas se trouver autant de ces défauts, à beau- coup près , dans cette matière coulée plein, que dans celle où le noyau, rendant à l’in- térieur son air et son humidité, ne peut guère manquer d’occasionner des soufflures et des chambres qui se formeront d'autant plus aisément que l’épaisseur de la matière est moindre, sa qualité moins bonne, et son refroidissement plus subit. Jusqu'ici tout semble donc concourir à donner la préfé- rence à la pratique de couler les canons plein. Néanmoins, comme il fautunemoindre quan. tité de matière pour les canons creux, qu’il est dès lors plus aisé de l’épurer au fourneau avant de la couler , que les frais de machines à forer sont immenses en comparaison de ceux des noyaux, ‘on feroit bien d'essayer si, par le moyen des évents que je viens de pro- poser , on n'arriveroit pas au point derendre PARTIE EXPÉRIMENTALE,. 287 les pièces coulées à noyau assez parfaites pour n'avoir pas à craindre les soufflures , et n’être pas obligé de leur enlever la trempe de leur surface intérieure : ils seroient alors d’une plus grande résistance que les autres, aux- quels on peut d’ailleurs faire quelques re- proches par les raisons que je vais exposer. Plus la fonte du fer est épurée, plus elle est compacte, dure et difficile à forer ; les meilleurs outils d'acier ne l’entament qu'avec peine, et l'ouvrage de la forerie va d'autant moins vite que la fonte est meilleure. Ceux qui ont introduit cette pratique ont donc, pour la commodité de leurs machines, altéré la nature de la matière *; ils ont changé l’u- sage où l’on étoit de faire de la fonte dure, et * Sur la fu de l’année 1762, M. Maritz fit cou ler aux fourneaux de la Nouée en Bretagne, des, gueuses avec les mines de la Ferrière et de Noyal ; il en examina la fonte, en dressa un procès-verbal, et sur les assurances qu’il donna aux entrepreneurs, que leur fer avoit toutes les qualités requises pour faire: de bons canons, ils se déterminèrent à établir des mouleries, fonderies , décapiteries, centreries, fore- ries , et les tours nécessaires pour tourner extérieure- ment les pièces. Les entrepreneurs , après avoir for- mé leur établissement, ont mis les deux fourneaux 88 MINÉRAUX. INTRODUCTION ; m'ont fait couler que des fontes tendres , qu'ils ont appelées douces, pour qu’on en sentit moins la différence. Dès lors tous nos canons en feu le 29 janvier r565; et le r2 février suivant, on commença à couler du canon de huit. M. Maritz s'étant rendu à la forge le 2r mars, trouva que toutes ces pièces étoient trop dures pour souffrir le forage, et jugea à propos de changer la matière. On coula deux pièces de douze avec un nouveau mélange, et une autre pièce de douze avec un autre mélange, et encore deux autres pièces de douze avec un troisième mélange , qui parurent s2 durs sous la scie et au pre- mie forais que M. Maruz j jugea inutile de fondre avec ces mélanges de différentes mines, etfit un autre essai avec 11,550 livres de la mine de Noyal, 3390 livres de la mine de la Ferrière, et 3600 livres de la mine des environs, faisant en tout 18,540 livres, dont on coula le 3r mars une pièce de douze à trente’ charges basses. À la décapiterie, ainsi qu’en for- mant le support de la volée » M. Maritz jugea ce fer de bonne nature : mais le forage de cette pièce fut. difficile; ce qui porta M. Maritz à faire une autre expérience. Le premier et Le3 avril, 1l ft couler deux pièdes dé douze, pour chacune TT on porta trente-quatre charges, composées chacune de 18 y700 livres de mine de Noyal, et de 2720 livres de mine des environs, en tout 21,420 livres, Ceci démontra à M. Marite PARTIE EXPÉRIMENTALE. 289 coulés plein ont été fondus de cette matière douce , c'est-à-dire , d’une assez mauvaise fonte, et qui n’a pas, à beaucoup près, la l'impossibilité qu'il y avoit de fondre avec de la mine de Noyal seule; car, même avec ce mélange, l’inté- rieur du fourneau s’embarrassa au point que le laitier ne couloit plus, et que les ouvriers avoient une peine incroyable à l’arracher du fond de l’ouvrage: d'ail= leurs les deux pièces provenues de cette expérience se trouvèrent si dures au forage, et si profondément chambrées à 18 et 20 pouces de la volée, que quand même la mine de Noyal pourroit se fondre sans être alliée avec une espèce plus chaude, la fonte qui en proviendroit ne seroit cependant pas d’une nature propre à couler des canons forables. Le 4 avril 1765, pour septième et dernière expé- rience , M. Mari:z fit couler une neuvième pièce de douze eu trente-six charges basses, et composées de 11,880 livres de mine de Noyal, de 7200 livres de mine de Phlemet, et de 2880 livres de mine des envi rons , en tout 21,960 livres de mine. FRA la coulée de cette dernière pièce, les ou= vrages des fourneaux se trouvèrent si embarrassés , qu'on fut obligé de mettre hors, et M. Mariiz con gédia les fondeurs et mouleurs qu’il avoit fait venir des forges d’Angoumois. , Cetie dernière pièce se fora facilement, en don- nant une limaille de belle couleur ; mais, lors du Mat. gén. Vi. 29 299 MINÉRAUX. INTRODUCTION, pureté, la densité, la résistance qu'elledevroit avoir : j'en aiacquis la preuve la plus complète par les expériences que je vais rapporter. Au commencement de l’année 1767 , on m’envoya de la forge de la Nouée en Bretagne | six tronçons de gros canons coulés plein, pe a! ‘sant ensemble 5358 livres. L'été suivant, je les fis conduire à mes forges, et en ayant cassé les tourillons, j'en trouvai la fonte d’un assez mauvais grain ; ce que l’on ne pouvoit pas reconnoître sur les tranches de ces morceaux, parce qu’ils avoient été sciés avec de l’émeril ou quelque autre matière qui remplissoit les pores extérieurs. Ayant pesé cette fonte à la forage , il se trouva des endroits s7 tendres et sipeu condensés, qu'il parut plusieurs grelots de la gros- seur d’une noisette, qui ouvrirent plusieurs chambres dans l’ame de la pièce. Je n’ai rapporté les faits contenus dans cette note que pour prouver que les auteurs de la pratique da forage des canons n’ont cherché qu’à faire coùler des fontes tendres, et qu’ils ont par conséquent sa- crifié la matière à a forme , en rejetant toutes les bonnes fontes que leurs forets ne pouvoient entamer aisément, tandis qu'il faut au contraire chercher la matière 5e plus compacte et la plus dure s1 l’on veut avoir des canons d’une bonne résistance. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 29r balance hydrostatique, ] je trouvai qu’elle étoit trop légère, qu'elle ne pesoit que 461 livres le pied cube , tandis que celle que l’on cou- loit alors à mon fourneau en pesoit 504, que quand je la veux encore épurer, elle pèse jusqu’à 520 livres le pied cube. Cette seule épreuve pouvoit me suffire pour juger de la qualité plus que médiocrede cette fonte ; mais je ne m'en tins pas là. En 1770, sur la fin de l’été, je fis construire une chaufferie plus grande que mes chaufferies ordinaires, pour y faire fondre et convertir en fer ces tronçons de canons, et l’on en vint à bout à force de vent et de charbon. Je les fis couler en petites gueuses, et, après qu’elles furent refroidies , j'en examinai la couleur et le grain en les faisant casser à la masse. J'en irouvai, comme je m'y attendois, la cou- leur plus grise et le grain plus fin. La matière ne pouvoit manquer de s’épurer par cette seconde fusion : et en effet , l'ayant portée à la balance hydrostatique , elle se trouva peser 469 livres le pied cube ; ce qui cependant n'approche pas encore de la densité requise pour une bonne fonte. Et en effet ayant fait convertir en fer suc- 292 MINÉRAUX. INTRODUCTION, cessivement, et par mes meilleurs ouvriers, toutes les petites gueuses refondues et prove- nant de ces tronçons de canons, nousn’obtin- mes que du fer d’une qualité très-ccommune, sans aucun nerf, et d'un grain assez gros, aussi différent de celui de mes forges que le fer commun l’est du bon fer. - »- ÿ Me | En 1770, on m’envoya de la forge de Ruelle” en Angoumois, où l’on fond actuellement la plus grande partie de nos canons, des échan- tillons de la fonte dont on les coule. Cette : fonte a la couleur grise, le grain assez fin, et pèse 495 livres le pied cube *. Réduite en * Ces morceaux de fonte envoyés du fourneau de Ruelle étoient de forme cubique de trois pouces, foibles dans toutes leurs dimensions. Le premier, marqué S$, pesoit dans l'air 7 livres 2 onces 4 gros 2, c’est-à-dire, 916 gros +. Le fonts morceau pesoit dans l’eau 6 livres 2 onces 2 ; gros +; donc le volume d’eau égal au volume de ce morceau de fonte pesoit 130 gros. L'eau dans laquelle 1l a’ été pesé, pesoit elle-même 70 livres le pied cube. Or 130 gros: 70 livres :: 916 gros = : 493 # livres, poids du } 1ed cube de cette fonte. Le second morceau, marqué P, pesoit dans l'air 7 livres 4 onces r gros, c’est-à-dire, 929 gros. Le mên:e morceau pesoit dans l’eau 6 livres 3 onces 6 gros, c’est-à-dire , 798 gros; donc le volume PARTIE EXPÉRIMENTALE. 293 fèr battu et forgé avec soin, j’en ai trouvé le grain semblable à celui du fer commun, et ne prenant que peu ou point de nerf, quoique travaillé en petites verges et passé sous le cylindre; en sorte que cette fonte, quoique meilleure que celle qui m'est venue des forges de la Nouée , n’est pas encore de la bonne fonte. J'ignore si, depuis ce temps , l’on ne coule pas aux fourneaux de Ruelle des fontes meilleures et plus pesantes; je saisseulement que deux officiers de marine*, très-habiles et zélés, y ont été envoyés successivement, et qu'ils sont tous deux fort en état de perfectionner l’art et de bien conduire les d’eau égal au volume de ce morceau de fonte pesoit 236 gros. Or r3r gros : 70 livres : : 929 gros : 4ÿ6 == livres, poids du pied cube de cette fonte. On observera que cès morceaux qu'on avoit voulu couler sur les dimensions d’un cube de 3 pouces étoient trop foibles : ils auroïent dû contenir chacun 27 pouces cubiques ; et par conséquent le pied cube du premier n’auroit pesé que 458 livres 4 onces, Car 27 . pouces : 1728 pouces :: 016 gros ; : 458 livres 4 onces: et le pied cube du second n’auroït pesé que 464 livres ;, au lieu de 493 livres 2, et de 306 livres +. * MM, de Souville et de Vialis. 294 MINÉRAUX. INTRODUCTION, travaux de cette fonderie. Mais jusqu’à lé poque que je viens de citer, et qui est bien récente , je suis assuré que les fontestdé nos canons coulées plein n’étoient que de médiocre qualité, qu'une pareille fonte n’a pas assez de résistance, et qu’en lui ôtant encore le lien qui la contient, c’est-à-dire , en enle- vant , par les couteaux du tour, la surface trempée, il y a tout à craindre du service de ces canons. On ne manquera pas de dire que ce sont ici des frayeurs paniques et mal fondees, qu'on ne se sert jamais que des canons qui ont subi l’épreuve , et qu’une pièce une fois éprouvée par une moitié de plus de charge ne doit ni ne peut crever à la charge ordi- naire. À ceci je réponds que non seulement cela n’est pas certain , mais encore que le contraire est beaucoup plus probable.! En général, l'épreuve des canons par la poudre est peut-être la plus mauvaise méthode que l’on püt employer pour s'assurer de leur résis- tance. Le canon ne peut subir le trop violent effort des épreuves qu’en y cédant, autant que la cohérence de la matière Le permet, sans se rompre; et comme 1l s’en faut bien que cette PARTIE EXPÉRIMENTALE. 205 matière de la fonte soit à ressort parfait, les parties séparées par le trop grand. effort ne _ peuvent se rapprocher ni se rétablir comme elles étoient d’abord. Cette cohésion des par- ties intégrantes de la fonte étant donc fort diminuée par le grand effort des épreuves , 1l n’est pas étonnant que Le canon crève ensuite à la charge ordinaire; c’est un effet très- simple qui dérive d’une cause tout aussi simple. Si le premier coup d’épreuve ecarte les parties d’une moitié ou d’un tiers de plus que le coup ordinaire, elles se rétabliront, se réuniront moins dans la même proportion ; car , quoique leur cohérence n'ait pas été dé- - truite, puisque la pièce a résisté , 1l n’en est pas moins vrai que cette coherence n'est pas si grande qu'elle étoit auparavant, et qu’elle a diminué dans là mème raison que diminue la force d’un ressort imparfait : des lors ux second ou un troisième coup d’epreuve fera éclater les pièces qui auront résisté au pre- mier , et celles qui auront subi les 1rois épreuves sans se rompre, ne sont guère plus sûres que les autres; après avoir subi trois fois le même mal, c’est-à-dire, le trop grand écartement de leurs parties intégrantes, elles L' Lis 296 MINÉRAUX. INTRODUCTION, en sont nécessairement devenues bien plus foibles , et pourront par conséquent céder à l'effort de la charge ordinaire. FR Un moyen bien plus sûr, bien simple, et mille fois moins coûteux, pour s'assurer de la résistance des canons , seroit d'en faire peser la fonte à la balance hydrostatique: en coulant le canon, l’on mettroit à part un morceau de la fonte ; lorsqu'il seroit refroi= di , on le peseroit dans l’air et dans l’eau ; et si la fonte ne pesoit pas au moins 520 livres le pied cube, on rebuteroit la pièce comme non recevable : l’on épargneroit la poudre, la peine des hommes, et on banmiroit la crainte très-bien fondée de voir crever les pièces souvent après l'épreuve. Étant une fois sûr de la densité de la matière, on seroit également assuré de sa résistance; et si nos canons étoient faits avec de la fonte pesant 520 livres le pied cube, et qu’on ne s’avisât pas de les tourner ni de toucher à leur sur- face extérieure, j'ose assurer qu'ils résiste roient et dureroient autant qu’on doit se le promettre. J'avoue que, par ce moyen, peut- être trop simple pour être adopté, on ne peut pas savoir si la pièce est saine, s’il n’y a pas + PARTIE EXPÉRIMENTALE. 297 dans l’intérieur de la matière des défauts, des soufflures , des cavités ; mais connois- sant une fois la bonté de la fonte, ilsuffroit, pour s’assurer du reste, de faire éprouver une seule fois, et à la charge ordinaire, les canons nouvellement fondus, et l’on seroit beaucoup plus sûr de leur résistance que de celle de ceux qui ont subi des épreuves vio- lentes. | Plusieurs personnes ont donné des projets pour faire de meilleurs canons: les uns ont proposé de les doubler de cuivre, d'autres de fer battu , d’autres de souder ce fer battu avec la fonte. Tout cela peut être bon à certains égards; et dans un art dont l’objet est aussi important, et la pratique aussi difficile, les efforts doivemt être accueillis, et les moindres découvertes récompensées. Je ne ferai point ici d'observations sur les canons de M. Feu- try, qui ne laissent pas de demander beaucoup d'art dans leur exécution ; je né parlerai pas non plus des autres tentatives, à l'exception de celle de M. de Souville, qui m’a paru la plus ingénieuse, et qu’il a bien voulu me communiquer par sa lettre datée d’Angou- lême Le 6 avril 1771, dont je donne ici 298 MINÉRAUX. INTRODUCTION , l'extrait * : mais je dirai seulement que la soudure du cuivre avec le fer rend celui-ci beaucoup plus aigre; que quand on soude de la fonte avec elle - même par le moyen du soufre, on la change de nature, et que la ligne de jonction des deux parties soudées n'est plus de la fonte de fer, mais dela pyrite * « Les canons fabriqués avec des spirales ont « opposé la plus grande résistance à la plus forte « charge de poudre, et à la manière la plus dan- « gereuse de les charger. Il ne manque à cette mé- « thode, pour être bonne, que d'empêcher qu’il ne « se forme des chambres dans ces bouches à feu ; « cet inconvénient, il est vrai, m’obligeroit à l’aban- « donner si je n’ÿ parvenois: mais pourquoi ne pas « le tenter? Beaucoup de personnes ont proposé 4 PIORe « de faire des canons avec des doublures ou des « enveloppes de fer forgé; mais ces doublures et ces « enveloppes ont toujours été un assemblage de « barres inflexibles que leur forme , leur position et « leur roideur rendent inutiles. La spirale n’a pas « les mêmes défauts; elle se prête à toutes les formes « que prend la matière ; elle s affaisse avec elle dans « le moule : son fer ne perd ni sa ductilité ni son « ressort; dans la commotion du #r, l'effort est « distribué sur toute son étendue. Elle enveloppe « presque toute l’épaisseur du canon , et dès lors « s'oppose à sa rupture avec une résistance de près PARTIE EXPÉRIMENTALE. 209 _ très-cassante; et qu’en général le soufre est un intermède qu’on ne doit jamais employer . lorsqu'on veut souder du fer sans en altérer la qualité: je ne donne ceci que pour avis à ceux quipourroient prendre cette voie comme la plus sûre et la plus aisée, pour rendre le fer fusible et en faire de grosses pièces. Si l’on conserve l’usage de forer les canons, « de 30,0 00 livres de force. Si la fonte éprouve une « plus grande dilatation que le fer, elle résiste avec « toute cette force; si cette dilatation est moindre , « la spirale ne recoit que le mouvement qui lui est « communiqué. Ainsi, dans l’un et l’autre cas, l'effet « est le même. L’assemblage des barres, au con- « traire, ne résiste que par les cercles qui les con- « tiennent, Lorsqu'on en a revêtu l’ame des canons, « on n’a pas augmenté la résistance de la fonte: sa « tendance à se rompre a été la même; et lorsqu'on « a enveloppé son épaisseur, les cercles n’ont pu « soutenir également l'effort qui se partage sur tout « le développement de la spirale. Les barres d’ail- « leurs s'opposent aux vibrations des cercles. La « spirale que j’ai mise dans un canon de six, foré « et éprouvé au calibre de douze, ne pesoit que 83 « livres; elle avoit 2 pouces de largeur et 4 lignes « d'épaisseur. La distance d’une hélice à l’autre « étoit aussi de 2 pouces ; elle étoit roulée à chaud < sur un mandrin de fer, » { 3co MINÉRAUX. INTRODUCTION, et qu’on les coule de bonne fonte dure, il faudra en revenir aux machines à forer de M. le marquis de Montalembert, celles de M. Maritz n'étant bonnes que pour le bronze ‘ou la fonte de fer tendre. M. de Montalem- bert est encore un des hommes de France qui entend le mieux cet art de la fonderie des canons ; et j'ai toujours gémi que son zèle, éclairé de toutes les connoissances né- cessaires en ce genre, n'ait abouti qu’au dé- triment de sa fortune. Comme je vis éloigné, de lui, j'écris ce Mémoire sans le lui com- muniquer : mais jé serai plus flatté de son approbation que de celle de qui que ce soit ; car je ne connois personne qui entende mieux ce dont il est ici question. Si l’on mettoit'en masse, dans ce royaume, les trésors de lumière que l’on jette à l’écart, ou qu’on a l’air de dédaigner, nous serions bientôt la nation la plus florissante et le peuple le plus riche. Par exemple, il est le premier qui ait con- seillé de reconnoître la résistance de la fonte par sa pesanteur spécifique; 1l a aussi cher- ché à perfectionner l’art de la moulerie en sable des canons de fonte de fer, et cet art est perdu depuis qu’on a imaginé de Les tour- PARTIE EXPÉRIMENTALE. ot ner. Avec les moules en terre dont on se servoit auparavant , la surface des canons étoit toujours chargée d’aspérités et de rugo- sités ; M. de Montalembert avoit trouvé le moyen de faire des moules en sable qui don- noient à la surface du canon tout le lisse et même le luisant qu’on pouvoit desirer. Ceux qui connoissent les arts en grand sentiront bien les difficultés qu’il a fallu surmonter pour en venir à bout, et les peines qu’il a fallu prendre pour former des ouvriers ca- pables d'exécuter ces moules, auxquelsayant substitué le mauvais usage du tour, on a perdu un art excellent pour adopter une sprR- tique funeste * * L'outil à langue de carpe perce la fonte de fer avec une vitesse presque double de celle de l’ouul à cylindre. Il n’est point nécessaire , avec ce premier outil, de seringuer de l’eau dans la pièce, comme il est d’usage de le faire en employant le second, qui s’échauffe beaucoup par son frottement très-consi- dérable. L’outil à cylindre seroit détrempé en peu de temps sans cette précaution : elle est même sou- vent insuflisante; dès que la fonte se 1rouve plus compacte et plus dure, cet outil ne peut la forer. La limaille sort naturellement avec l'outil à langue de carpe, tandis qu’ayec l'ouul à cylindre il faut 26 302 MINÉRAUX. INTRODUCTION, Une attention très-nécessaire lorsque l’on coule du canon, c’est d'empêcher les écumes : qui surmontent la fonte de tomber avec elle dans le moule. Plus la fonte est légère , et plus elle fait d’écumes; et l’on pourroit ju- ger , à l’inspection même de la coulée, si la fonte est de ‘bonne qualité : car alors sa employer continuellement un crochet pour la tirer; ce qui ne peut se faire assez exactement pour qu'il n’en reste pas entre l’outil et la pièce, ce qui la gêne et augmente encore son frottement, I] faudroit s’attacher à perfectionner la moulerié, Cette opération est difficile , mais elle n’est pas im- possible à quelqu'un d'intelligent. Plusieurs choses sont absolument nécessaires pour y réussir : r°. des mouleries plus étendues , pour pouvoir y placer plus de chantiers et ÿ faire plus de moules à la fois, afin qu’ils pussent sécher plus lentement; 20. une grande fosse pour les recuire debout , ainsi que cela se pratique pour les canons de cuivre, afin d'éviter que le moule ne soit arqué, et par conséquent le canon ; 3°. un petit chariot à quatre roues fort basses . avec des montans assez, élevés pour y suspendre le moule recuit, et le transporter de la moulerie à la cuve du fourneau , comme on transporte un lustre ; 4°. un juste mélange d’une terre grasse el d’une terre sableuse , tel qu’il le faut pour qu’au recuit le moule ne se fende pas de mille et mille fentes qui rendent PARTIE EXPÉRIMENTALE. 303 surface est lisse et ne porte point d'écume. Mais, dans tous ces cas, il faut avoir soin de comprimer la matière coulante par plu- sieurs torches de paille placées dans les cou- lées. Avec cette précaution, il ne passe que peu d’eécumes dans le moule; et si la fonte le canon défectueux, et sur-tout pour que cette terre, avec cette qualité de ne pas se fendre, puisse con- server l'avantage de s’écaler, c’est-à-dire, de se détacher du canon quand on vient à le nettoyer. Plus Ja terre est grasse, mieux elle s'écale, et plus elle se fend; plus elle est maigre ou sableuse, moins elle se fend, mais moins elle s’écale. Il y a des moules de cette terre qui se tiennent si fort attachés au canon, qu’on ne peut, avec le marteau et le ciseau , en emporter que la plus grosse partie; ces sortes de canons restent encore plus vilains que ceux cicatrisés par les fentes innombrables des moules de terre grasse. Ce mélange de terre est donc très- difficile; il demande beaucoup d'attention, d’expé- rience: et, ce qu'il y a de fâcheux, c'est que les expériences dans ce genre, faites pour les petits calibres , ne concluent rien pour les gros. Il n’est jamais dificile de faire écaler de petits canons avec un mélange sableux. Mais ce même mélange ne peut plus être employé dès que les calibres passent celui de douze ; pour ceux de trente-six sur-tout, 3 est très-diffcile d'attraper le point du mélange. x 304 MINÉRAUX. INTRODUCTION, étoit dense et compacte, il n’y en auroit. point du tout. La bourre de la fonte ne vient ordinairement que de ce qu’elle est trop crue et trop précipitamment fondue. D'ailleurs la matière la plus pesante sort la première du fourneau ; la plus légère vient la dernière : la culasse du. canon est, par cette raison , toujours d'une meilleure matière que les par- ties supérieures de la pièce; mais il n'y aura jamais de bourre dans le canon si, d’unepart, on arrête les écumes par les torches depaille, et qu’en même temps on lui donne une forté masselotte de matière excedante , dont il est même aussi nécessaire qu'utile qu’il reste encore, après la coulée, trois ou quatre quin- taux en fusion dans le creuset : cette fonte qui reste y entretient la chaleur ; et, comme elle est encore mêlée d'une assez grande quan- tite de laitier, elle conserve le fond du four- neau , et empêche la mine fondante de brûler en s’y attachant. ù Il me paroît qu'en France on a souvent fondu les canons avec des mines en roche, qui toutes contiennent une plus ou moins grande quantité de soufre ; et comme l'on n’est pas dans l'usage de les griller dans nos PARTIE EXPÉRIMENTALE. 305 provinces où le bois est cher, ainsi aw’il se pratique dans les pays du Nord où le bois est commun , je présume que la qualité cassante de la fonte de nos canons de la marine pour- roit aussi provenir de ce soufre qu’on n’a pas soin d'enlever à la mine avant de la jeter au fourneau de fusion. Les fonderies de Ruelle en Angoumois, de Saint-Gervais en Dau- phiné, et de Baigorry dans la basse Navarre, sont les seules dont j'aie connoissance, avec celle de la Nouée en Bretagne, dont j'ai parlé, et où je crois que le travail est cessé : dans toutes quatre, je crois qu'on ne s’est servi et qu’on ne se sert encore que de mines en roche, et je n'ai pas ouï dire qu'on les grillât ailleurs qu’à Saint-Gervais et à Baigorry. J'ai tâché de me procurer des échantillons de chacune de ces mines, et, au défaut d’une assez grande quantité de ces échantillons, tous les rensei- gnemens que j'ai pu obtenir par la voie de quelques amis intelligens. Voici ce que m'a écrit M. de Morogues au sujet des mines qu'on emploie à Ruelle : « La première est dure, compacte, pesante, « faisant feu avec l'acier, de couleur rouge- «brun , formée par deux couches d’inégale c 26 D 4 * 306 MINÉRAUX. INTRODUCTION, « épaisseur, dont l’une est spongieuse, par— « semée de trous ou cavités, d’un velouté « violet foncé, et quelquefois d’un bleu in-— « digo à sa cassure, ayant desmamelons , tei- « gnant en rouge de sanguine; caractères qui « peuvent la faire ranger dans la septième « classe de l’art des forges, comme une espèce « de pierre hématite : mais elle est riche et « douce. 1 | | « La seconde ressemble assez à la précédente « pour la pesanteur, la dureté et la couleur; «mais elle est un peu sa/ardée (on appelle « salard ou mine salardée celle qui a des « grains de sable clair, et qui est mêlée de « sable #ris-blanc , de caillou et de fer). Elle «est, riche en métal ; employée avec: de la « mine très-douce , elle se fond très-facile- «ment : son tissu à sa cassure est strié et ”" "x « parsemé quelquefois de cavités-d’un brun « noir. Elle paroît de la sixième espèce de la « mine rougeätre dans l’art des forges. « La troisième, qu'on nomme dans le pays « glacieuse, parce qu'elle a ordinairement « quelques unes de ses faces lisses et douces «au toucher , n’est ni fort pesante ni fort « riche; ellea communément quelques petits HR PARTIE EXPÉRIMENTALE. 307 « points noirs et luisans, d’un grain semblable « au maroquin. Sa couleur est variée ; elle a « du rouge assez vif, du brun, du jaune, «un peu de verd, et quelques cayités. Elle « paroît , à cause de ses faces unies et lui- « santes, avoir quelque rapport à la mine « spéculaire de la huitième espèce. « La quatrième, qui fournit d’excellentfer, « mais en petite quantité , est légère, spon— « gieuse , assez tendre , d’une couleur brune « presque noire , ayant quelques mamelons, « et sablonneuse : elle paroît être une sorte « de mine limoneuse de la onzième-espèce. « La cinquième est une mine salardée , fai- « sant beaucoup de feu avec l'acier, dure, « compacte, pesante, parsemée à la cassure « de petits points brillans, qui ne sont que « du sable de couleur de lie de vin. Cette « mine est difficile à fondre : la qualité de «son fer passe pour n'être pas mauvaise; « mais elle eu produit peu. Les ouvriers pré- « tendent qu'il n’y a pas moyen de la fondre «seule, et que l'abondance des crasses qui « s’en séparent, l’agglutine à l'ouvrage du « fourneau. Cette mine ne paroiît pas avoir « de ressemblance bien caractérisée avec celle « dont Swedeborg a parle. 368 MINERAUX. INTRODUCTION, « On emploie encore un be dore « d’autres espèces de mines ; mais elles mé | « diffèrent des PrecEtenTEn que par moins de « qualité, à l'exception d’une espèce d’ocre « martiale, qui peut fournir ici une sixième « classe. Cette mine est assez abondante dans « les minières : elle est aisée à tirer; on l’en- «lève comme la terre. Elle est jaune, et « quelquefois mêlée de petites grenailles ; « elle fournit peu de fer : elle est très-douce. « On peut la ranger dans la douzième espèce « de l’art des forges. «La gangue de toutes les mines du pays «est une terre vitrifiable, rarement argil- « leuse. Toutes ces espèces de mines sont mè- « lées , et le terrain dont on les tire est pres- « que tout sableux. | « On appelle scziffre en Angoumois un « caillou assez semblable aux pierres à feu, «et qui en donne beaucoup quand on le « frappe avec l'acier. IL est d’un jaune clair, « fort dur: il tient quelquefois à des matières « qui peuvent avoir du fer; mais ce n’est t J « point le schiste. « La castine est une vraie pierre calcaire « assez pure, si l’on en peut juger par l’uni- PARTIE EXPÉRIMENTALE: 309 &« formité de sa cassure et de sa couleur, qui « est gris-blanc ; elle est pesante , assez dure» « et prend un poli fort doux au toucher. » Par ce récit de M. de Morogues , ilme semble qu’il n'y a que la sixième espèce qui ne de- mande pas à être grillée , mais seulement bien lavée, avant de la jeter au fourneau. Au reste, quoique, généralement parlant, et comme je l'ai dit, les mines en roche, et qui se trouvent en grandes masses solides , doivent leur origine à l'élément du feu , néan- moins il se trouve aussi plusieurs mines de _ fer en assez grosses masses , qui se sont for- mées par le mouvement et l’intermède de l'eau. On distinguera, par l’épreuve de l’ai- mant , celles qui ont subi l’action du feu, car elles seront toujours magnétiques ; au lieu que celles qui ont été produites par la stillation des eaux ne le sont point du tout, et ne le deviendront qu'après avoir été bien grillées et presque liquéfiées. Ces mines en roche qui ne sont point attirables par l’ai- mant, ne contiennent pas plus de soufre que nos mines en grains : l'opération de les gril- ler, qui est très-coûteuse, doit dès lors être supprimée, à moins qu'elle ne soit nécessaire 3ro MINÉRAUX. INTRODUCTION. L pour attendrir ces pierres de fer assez poux è qu'on puisse les concasser sous les pilons du. bocard. NAT \. J'ai tâché de présenter dans ce Mémoire tout ce que j'ai cru qui pourroit être utile à l'amélioration des canons de notre marine: je sens en même temps qu'il reste beaucoup de choses à faire, sur- tout pour se procurer dans chaque fonderie une fonte pure et assez compacte pour avoir une résistance supé= rieure à toute explosion. Cependant je ne crois point du tout que cela soit impossible, et je pense qu’en purifiant la fonte de fer autant qu'elle peut l'être, on arriveroit au point que la pièce ne feroit que se fendre au lieu d’éclater par une trop forte charge. l’on obtenoit une fois ce but, il ne nous res- teroit plus rien à craindre ni rien à desirer à cet égard. Fin du tome sixième. LL ALL IT Fu G R M SISSQ à II [ i 4 Ja 1 1.7 tK SNS ! ' ! û 0 L \ \ i \ \ , u 20 Æ£chelle de Six Puds tas: ds PC PE Fu, 7 << à t % \ LR MR. 4 re CE + L ; Te £ Ex 4 Versa - D DR ne à vi LE. x É, — 020 x 7 5 ET d “# “ La 5e Cure Pet < F . . ” À ee D | Fat : La “gie Î NI on (l RU | ETAT LL Planche F7 uen EPL PAP ga aè Llanche VZ£ Rue x D … ÊTRS ait LELIH U Û Yi LEE PE TER A, Ê ds -24-!. T = l ee LZchelle de Six Pieds se Ses MD ap TES 4 » * Planche NT. _ à $ À Fs À ns NE ST y fi jdn mm à Fr nt mens À den so 2 nd = Planche X . ji fi ne DL | a a ne nn un SOL D T "1 TM = T | | m | ï qu nl ul nl il N ie KHRE M TA AE + ‘ta 9" : COTE TA [22 cri1t11 é: [A L2: WE Li Tu FN MR À M Planche ANT. | TP de a a FN | ET = == = = Es tt ES LT TRE ŒRs— us = fr = = nu p F- : } es PER en) Pile D 14 ï HET | _( À. 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Lentilles à échelons pour brûler avec la plus grande vivacité possible , 108. Explication des figures qui représentent le fourneau 4 D. LL ". ar ÿ D à f | . MAC AUR LS se AE. 0 : | À | je Cote dl TE À 312 T A B L E. FA “é d etai | ;' dans lequel j'ai fait courber des glaces pour faire les miroirs ardens de différentes esprotsn IIIe | Septième Mémoire. Observations sur les ee accidentelles et sur les ombres colorées, 126. Huitième Mémoire: Expériences sur la pesanteur ‘du feu, et sur la durée de l incandescence, 199 Nivitine Mémoire. Expériences sur la fusion des mines de fer , 207. Dixième Mémoire. Observations et expériences faites dans la vue d'améliorer Jus canons de la marine, 268. DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN’ de 4281” + 0770 6740