> HARVARD UNIVERSITY LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY LiBRARY OF SAMUEL GARMAN "V Ui h (UAiLt, l'jgLi JUN8 t929 HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE. DES POISSONS. TOME SECOND. ON SOUSCRIT A TARIS, r DuFART, Imprimeur-Libraire et éditeur, 1 rue des Noyers , N° 22 ; Chez < I Bertrand, Libraire , qviai des Augustins, l N° 35. A ROUEN, Cîiez Vallée , frères, Libraires , rue Beffroi , N** 22. A STRASBOURG, Chez L E V K A u L T , frères , Imprimeurs- Libraires. A LIMOGES, Chez B A R G E A s , Libraire. A MONTPELLIER, Chez Vidal, Libraire, £t chez les principaux Libraires de l'Europe. HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE DES POISSONS; Ouvrage faisant suite à THisfoire natarelle, générale et particulière , composée par Leclerc de Buffon , et mise dans un nouvel ordre par C. S. Sojsmm, avec des Noies et des Additions. PAR C. S. SONNINI, MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES ET LITTÉRxlIRES. TOME SECOND. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE F, DUFART. A N XI, HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. Des effets de Vart de VHorame sur la nature des Poissons. PAR LACÉPÈDE. Vj'est nn beau spectacle que celui de l'in- telligence humaine, disposant des forces de la Nature , les divisant , les réunissant , les combinant, les dirigeant à son gré, et, par l'usage habile que l'expérience et l'observa- tion lui en ont appris, modifiant les subs- tances, transformant les êtres, et rivalisant, pour ainsi dire , avec la puissance créatrice. L'amour propre, l'intérêt, le sentiment et la raison applaudissent sur- tout à ce noble spectacle , lorsqu'il nous montre le génie de l'homme exerçant son empire, non seule- ment sur la matière brute qui ne lui résiste que par sa niasse, ou ne lui oppose que ce pouvoir des affinités qu'il lui suffit de con- A3 k. 6 EFFETS DE L'ART noîire pour le niaîdiser, mais encore sur la rHalière organisée et vive, sur les corps ani- més , sur les êtres sensibles , sur les propriétés des espèces, sur ces attributs intérieurs, ces facultés secretles, ces qualités profondes qu'il domine , sans même parvenir à dévoiler leur essence. De quelques êtres organisés et vivans que l'on veuille dessiner l'image, on voit presque toujours sur quelques-uns de leurs traits l'empreinte de l'art de l'homme. Sans doute l'histoire de son industrie n'est pas celle de la Nature: mais comment ne pas en écrire quelques pages, lorsque le récit de ses procédés nous montre jusqu'à quel point la Naîure peut être contrainte à agir sur elle- même, et que cette puissance admirable de l'homme s'applicjue à des objets d'une haute impoli ance pour le bonheur public et pour la féliciié privée? Parmi ces objets si dignes de l'attention de l'économe piivé et de l'économe public, comptons avec les sages de l'antiquité, ou, pour mieux dire, avec ceux de tous les siècles qui ont le plus réuni l'amour de Thumanité à la connoissance des productions de la Nature, la possession des poissons les plus analogues aux besoins de l'homme. SUR LES POISSONS. 7 Deux grands moyens peuvent procurer ces poissons que Ton a toujours recherchés, mais auxquels, dans certains siècles et dans certaines contrées, on a attaché un si grand prix. Le premier de ces moyens , résultat remar- quable du perfectionnement de la naviga- tion, multipliant chaque jour le nombre des marins audacieux , et accroissant les progrès de l'admirable industrie sans laqu*elle il n'au- roit pas existé, obtiendra toujours les plus grands encouragemens des chefs des na- tions éclairées : il consiste dans ces grandes pêches auxquelles des hommes entreprenans et expérimentés vont se livrer sur des mers lointaines et orageuses. Mais l'usage de ce moyen, limité par les vents, les courans et les frimats, et troublé fréquemment par les innombrables acci- dens de l'atmosphère et des mers, exige sans cesse une association constante, prévoyante et puissante , une réunion difficile d'inslru- mens variés, une sorte d'alliance entre un grand nombre d'hommes que l'on ne peut rencontrer que très -rarement et rapprocher qu'avec peine. Il ne donne à nos ateJiers qu'une partie des produits que l'on pour- A 4 8 EFFETS DE L'ART roit letirei des animaux poursuivis dans ces pêches éloignées et fameuses, et ne procure pour la nourriture de Thomnie que des pré- parations peu substantielles, peu agréables, ou peu salubres. Le second moyen convient à tous les tems , à tous les lieux , à tous les hommes. 11 ne de- mande que peu de précautions , que peu d'ef- forts, que peu d'instans et peu de dépenses. Il ne commande aucune absence du séjour que Ton affectionne , aucune interruption de ses habitudes, aucune suspension de ses affaires; il se montre avec l'apparence d'un amusement varié, d'une distracl ion agréable, d'un jeu plutôt que d'un travail; et cette ap- parence n'est pas trompeuse. Jl doit plaire à tous les âges; il ne peut être étranger à aucune condition. Il se compose des soins par lesquels on parvient aisément à transporter, dans les eaux que Ton veut lendre fertiles, les pois- sons que nos goûts ou nos besoins réclament, à les y acclimater , à les y conserver- , à les y multiplier, à les y améliorer. Nous traiterons des grandes pêches dans un discours jmrticulier. Occupons-nous dans celui-ci de cet en- semble de soins qui ^lous rappelle ceux que les Xé^xopl^ouj les Oppien, les Varroij, Jes. SUR LES POISSONS. 9 Ovide, les Columelle, les Ausone se plai- soient à proposer aux deux peuples les plus illustres de Tanliquité, que la sagesse de leu? s préceptes, le charme de leur éloquence,!» beauté de leur poésie et Fautorité de leur renommée inspiroient avec tant de facilité aux grecs et aux romains, et qui étoient en très-grand honneur chez ces vainqueurs de TAsie et de l'Europe , que la gloire avoit cou- ronnés de tant de lauriers. L'homme d'état doit les encourager comme une seconde agriculture : l'homme des champs doit les adopter comme une nouvelle source de richesses et de plaisirs. En rendant en elFet les eaux plus produc^^ tives que la terre, en répandant les semences d'une abondante et utile récolte dans tous les lacs, dans les rivières , dans les ruisseaux , dans tous les endroits que la plus foible source arrose, ou qui conservent sur leur surface le produit des rosées et des pluies, ces soins que nous allons tâcher d'indiquer n'augmenle- ront-ils pas beaucoup cette surface fertile et nourricière du globe , de laquelle nous tirons nos véritables trésors? et l'accroissement que nous devrons à ces procédés simples et peu nombreux, ne sera-t-il pas d'autant plus con- sidérable, que ces eaux dans lesquelles on 10 EFFETS DE L^ART portera, eiitrelieiiclra et multipliera le mou- vement et ]a vie, offriront une profondeur bien plus grande que la couche sèche fécon- dée par la charrue , et à laquelle nous confions les graines des végétaux précieux? Et dans ses momens de loisir, lorsque l'ami de la ^Jature et des champs portera ses espé- rances, ses souvenirs, ses douces rêveries, sa mélancolie même, sur les rives des lacs, des ruisseaux ou des fontaines, et que, molle- ment éLendu sur une heibe fleurie, à l'ombre cFarbres élevés et touffus, il goûtera cette sorte d'extase, cette quiétude touchante , cette volupté du repos, cet abandon de toute idée trop forte, cette absence de toute affection trop vive, dont le charme est si grand pour une ame sensible, n'éprouvera- t-il pas une jouissance d'autant plus douce qu'il aura sous ses yeux, au lieu d'une onde stérile , déserte , inanimée , des eaux vivifiées , pour ainsi dire, et embellies par la légèreté des formes, la vivacité des couleurs, la variété des jeux, la nipidité des évolutions ? Voyons donc comment on peut transpor- ter, acclimater, multiplier et perfectionner les poissons j ou, ce qui est la même chose, montrons comment l'art modifie leur nature. Tâchons d'éclairer la route élevée du SUR LES POISSONS ii physioloi^jste par les lumièies de l'expé- rience, et de diriger l'expérience par les vues du physiologiste. Disons d'abord comment on transporte les poissons d'une eau dans une autre. De toutes les saisons, la plus favorable au transport de ces animaux est l'hyver , à moins que le froid ne soit très-rigoureux. Le prin- tems et l'automne le sont beaucoup moins que la saison des frimats; mais il faut toujours les préférer à Tété. La chaleur auroit bientôt fait périr des individus accoutumés à une température assez douce; et d'ailleurs ils ne résisteroient pas à l'influence funeste des orages qui régnent si fréquemment pendant l'été. C'est en eiïet un beau sujet d'observation pour le physicien que l'action de l'électricité de l'atmosphère sur les habitans des eaux, action à laquelle ils sont soumis non seule- ment lorsqu'on les force à changer de séjour , mais encore lorsqu'ils vivent indépendans dans de laiges fleuves, ou dans des lacs im- menses , dont la profondeur ne peut les dé- rober à la puissance de ce feu électrique. Il ne faut exposer aux dangers du trans- port que des poissons assez forts pour résister à la fatigue ; à la coutxaiiite, et aux autres tf EFFETS DE L'ART înconvéniens de leur voyage. A un an , ces animaux seroient encore tro}> jeunes; Tâge le plus convenable pour les faire passer d'une eau dans une autre, est celui de trois ou quatre ans On ne remplira pas entièrement d'eau les tonneaux dans lesquels on les renfermera. Sans cette précaution, les poissons, niontant avec rapidité vei s la surface de l'eau , bles- seroient leur tête contre la partie supérieure du vaisseau dans lequel ils seront placés. Ces tonneaux devront d'ailleurs présenter un assez grand espace. Bloch , qui a écrit des observations très-utiles sur l'art d'élever les animaux dont nous nous occupons , demande qu'un tonneau destiné à transporter des poissons du poids de cinquante kilogiammes (cent livres, ou à peu près) contienne trois cent vingt litres ou pintes d'eau. Il est même nécessaire que vers la fin du printems , ou au commencement de l'au- tomne, c'est-à-dire, lorsque la chaleur est vive au moins pendant plusieurs heures du jour, cette quantité d'eau soit plus grande, et souvent double; et quelle que soit la tem- pérature de l'air, il faut qu'il y ait toujours une coninumication libre entre l'atmosphère et l'intérieur du tonneau, soit pour procurer SUR LES POISSONS. 13 aux poissons , suivant l'opinion de quelques physiciens , lair qui peut leur être néces- saire, soit pour laisser échapper les miasmes mal- faisans et les gaz funestes qui se forment en abondance dans tous les endroits ou les habitans des eaux sont réunis en très-grand nombre, même lorsque la chaleur n'est pas très-forte, et leur donnent la mort sQuvent dans un espace de tems extrêmement couj '. Mais comme ces soupiraux si nécessaires aux poissons que Ton fait voyager pourroient , s'ils étoient faits sans attention , laisser à l'eau des mouvemens trop libres et trop violens qui la feroient jaillir, pousseroient les poissons les uns contre les autres , les froisseroient et les blesseroient mortellement, il sera bon de suivre à cet égaid les conseils de Bloch, qui recommande de prévenir la trop grande agitation de l'eau par une cou- ronne de paille ou de petites planches minces introduites dans le tonneau , ou en adaptant à l'orifice qu'on laisse ouvert un tuyau un peu long , terminé en pointe et percé vex s le haut de plusieurs trous qui établissent une communication suffisante entre l'air exté- rieur et l'intérieur du vaisseau (i). (i) Introduction à l'Histoire naturelle des poissons, par Bloch. i4 EFFETS DE L'ART Toutes les fois que la distaucele permettra,' on eniploîi a aussi des bèîes de somme tran- quilles , ou même des poiteurs attentifs , plutôt que des voitures exposées à des cahots rudes et à des secousses brusques et fré- quentes. On prendra encore d'autres précautions, suivant les circonstances dans lesquelles on se trouvera , et les espèces dont on voudra porter des individus vivans à un assez grand éloignemeut de leur premier séjour. Si l'on veut, par exemple, conserver en vie 5 malgré un long trajet, des truites, des loches , ou d'autres poissons qui périssent facilement, et qui se plaisent au milieu d'une eau courante , on change souvent celle du tonneau dans lequel on les renferme , et on ne cesse de communiquer à celle dans la- quelle on les tient plongés un mouvement doux, mais sensible, qui subsiste lors même que la voilure qui les porte s'arrête , et qui , bien inférieur à une agitation dangereuse, représente les courans naturels des rivières ou des ruisseaux. Pour peu que Ton craigne les effets de la chaleur, on voyagera la nuit ,* et l'on évitera avec le plus grand soin, en maniant les pois- SUR LES POISSONS. i5 sons , de les presser , de les froisser , de les heurter. On ne les laissera hois de Teau que pen- dant le tenis Je plus court possible, sur-tout lorsqu'un soleil sans nuages poiuroit , en desséchant promptement leurs organes , et particulièrement leurs branchies , les faire périr très-promptement. Cependant, lorsque le tems sera froid , on pourra transporter des anguilles , des carpes, des brèmes, et d'autres poissons qui vivent assez long-tems hors de Feau, sans employer ni tonneau ni voiture, en les enveloppant dans de la neige et dans des feuilles grandes , épaisses et fraîches , telles que celles du chou ou de la laitue. Un moyen presque semblable a réussi sur des brèmes que Ton a portées vivantes à plus de dix myriamètres (vingt lieues). On les avoit entourées de neige , et on avoit mis dans leur bouche un morceau de pain trempé dans de l'eau de vie. C'est avec des précautions analogues que , dès le seizième siècle, on a répandu dans plusieurs contrées de l'Europe des espèces précieuses de poissons dont on y étoit privé. C'est en les emploj^ant , qu'il paroît que Maschal a introduit la carpe en Angleterre, eu i5i4,- que Pieri-e Oxe l'a donnée au i6 EFFETS DE L'ART Dauemarck en i55o; qu'à une époque plus jxipf.Mochceona ualuialisé Facipensèreslrelet eu Suède , ainsi qu^en Pouiérauie , et qu'où a peuplé de cypiins dorés de la Chine les eaux non seulement de Fiance, mais encore d'Angleterre, de HoiJaude et d'Allemagne. Mais ii est un procédé par le moyen duquel on parvient à son but avec bien plus de sûreté, de facilité et d'économie, quoique beaucoup plus lentement. Il consiste à transporter le poisson , noïl pas développé et pai venu à une taille plus ou moins grande , mais encore dans l'état d'embryon el renfermé dans son œuf. Pour réussir plus aisément, on prend les herbes ou les pierres sur lesquelles les femelles ont déposé leurs œufs , et les mâles leur laite , et on les porte dans un vase plein d'eau , jusqu'au lac , à l'étang, à la rivière, ou au bassin que l'on désire de peupler. On apprend facilement à distinguer les œufs fécondés d'avec ceux qui n'ont pas été arrosés de la liqueur prolifique du mâle, et que l'on doit rejeter : les premiers paroissent toujours plus jaunes, pliis clairs, plus diaphanes. On re- marque cette différence dès le premier jour de leur fécondation , si l'on se sert d'une loupe; et dès le tioisième ou le quatrième jour SUR LES POISSONS. 17 Jour on n'a plus besoin de cet instrument pour voir que ceux qui n'ont pas été fécondés par le mâle deviennent à chaque instant plus troubles , plus opaques, plus ternes : ils perdent tout leur éclat, s'altèrent, se décom- posent; et dans cet élat de demi-putréfac- tion , ils ont été comparés à de petits grains de grêle qui commencent à se fondre (1). Pour pouvoir employer ce transport des œufs fécondés, d'uue eau dans une autre, il faudra s'attacher à connoitre dans chaque pays le véritable tems de la ponte de chaque espèce, et du passage des mâles au dessus des œufs; et comme dans presque toutes les espèces de poissons on compte trois ou quati e époques du frai, les jeunes individus pondant leurs œufs plus tard que les femelles plus avancées en âge , et celles-ci plus tard que d'autres femelles plus âgées encore; que ces époques sont ordinairement séparées par un intervalle de neuf ou dix jours, et que d'ail- leurs il s'écoule toujours au moins près de neuf jours entre l'instant de la fécondation et celui où le fœtus brise sa coque et vient à la lumière, on pourra chaque année, pen- (1) Blocli, Introduction à l'Histoire naturelle des poissons. Foiss, Tome IL B i8 EFFETS DE L'ART dant un mois ou environ, chercher avec succès des œufs fécondés de Fespèce qu'on voudra introduire dans une eau qui ne l'aura pas encore nouriie. Si le trajet est long, on change souvent l'eau du vase dans lequel les œufs sont transportés. CeLle précaution a paru néces- saire, même dans les premiers jours de la ponte, où l'embryon contenu dans l'œuf ne peut être supposé respirer en aucune manière, puisque, dans ces premiers jours, non seulement le petit animal est renfermé dans ses enveloppes et dans la membrane qui entoure l'œuf, mais encore montre au microscope le cours de son san^, dirigé de manière à cii culer sans passer par des bran- chies qui ne sont ni développées ni visibles. Elle ne sert donc, dans ce prenjier tems , qu'à préserver les œufs et les embryons de l'action des gaz ou miasmes qui se piodui- roient dans une eau que l'on ne renouvel- leroit pas, et qui, pénétrant au travers de la membrane de l'œuf, agiroient d'une manière funeste sur les nerfs ou sur d'autres organes encore extrêmement délicats des jeunes poissons. La nécessité de ce change- ment d'eau est donc une nouvelle preuve de ce que nous avons dit dans ce discours. SUR LES POISSONS. iç) et dans celui que nous avous publié sur la nature des poissons , au sujet du besoin que Ton a, pour conserver ces animaux en vie, d'eni retenir une communicalion très- libre entre Fatmosphère et le fluide dans lequel ils sont plongés. On Favoj'ise le développement de l'œuf et la sortie du fœtus, en les plaçant après le tjanspoit dans un endroit éciaiié par le soleil. On les hâte même par cette atlention; et Bloch nous apprend , dans rintroduction que nous avons déjà citée, qu'ayant fait quatre paquets d'herbes chargées d'œufs de la même espèce, ayant exposé le piemier au soleil du midi, le second au soleil levant, le troisième au couchant , et ayant fait mettre le quatrième à Fabii du soleil, les œufs du premier paquet furent ouverts par le fœtus deux jours avant ceux du quatrième, et les œufs du second et du troisième un jour plutôt que ceux du quatrième paquet, que la chaleur du soleil n'avoit pas pénétrés. Cependant les eaux dans lesquelles vivent les poissons peuvent être salées ou douces, troubles ou limpides , chaudes ou froides , tranquilles ou agitées par des courans plus ou moins rapides. Elles doivent toujours présenter ces qualités combinées quatre k so EFFETS DE L'ART quatre , la même eau devant être nécessaî-^ rement courante ou tranquille, froide ou chaude, claire ou limoneuse, douce ou salée. Maii ces huit modifications réunies quatre à quatre peuvent produire seize combinai- sons : l'eau qui nourrit les poissons peut donc offrir seize manières d'être très- diffé- rentes l'une de l'autre, et très-faciles à dis- tinguer. Nous en trouverions un nombre immense si nous voulions faire attention à toutes les nuances que chacune de ces mo- difications peut montrer , et à toutes les combinaisons qui peuvent résulter du mé- lange de tous ces dégrés. Néanmoins ne tenons compte que de seize caractères bien distincts qui peuvent appartenir à l'eau; et voyons l'influence de la nature des diffé- rentes eaux sur la conservation des poissons que l'on veut acclimater. Il est évident que , si Ton jette les j^eux au hasard sur une des seize combinaisons que nous venons d'indiquer , on ne la verra pas séparée des quinze autres par un égal nombre de différences. Que l'on dépose donc les poissons que l'on viendra de transporter , dans les eaux ]es plus analogues à celles dans lesquelles ils auront vécuj et lorsqu'on sera embarrassé SÛR LES POISSÔlSTS. ât pour trouver de ces eaux adaptées aux in- dividus que ['on voudra conserver, que Tori préfère de les planer dans les lacs, où ils jouiront à leur volonté des eaux courantes qui s'y jettent ou en sortent, et des eaux paisibles qui y séjournent , où ils rencon- treront des touffes de végétaux aquatiques et des rochers nus , des fonds de sable et des terrains vaseux , où ils jouiront d'une température douce en s'enfonçant dans les endroits les plus profonds, et où ils pourjt'onl: se réchauffer aux rayons du soleil ^ en s'élevant vers la surface. Que Ton choisisse néanmoins les lacs don§ les rives sont unies, plutôt que ceux dont les rivages sont très -hauts; et si Yon est obligé de se servir de ces lacs à bords très- exhaussés, et où par conséquent les œufs déposés sur des fonds trop éloignés de Fat- niosphère ne peuvent pas recevoir Theureuse inHuence de la lumière et de la chaleur , qu'on supplée aux côtes basses et aux pentes douces, en faisant construire , dans ces lacs? et auprès de leurs bords , des espèces do parcs ou de viviers en bois, qui présenteront des plans inclinés très-voisins de la surface de l'eau, et que l'on garnira, dans la saison convenable, de branches et de rameaux siu' B 5 i3 EFFETS DE L'ART lesquels les femelles puissent frotter leur ventre et se débarrasser de leurs œufs. Aura-t-on à sa disposition des eaux ther- males assez abondantes pour remplir de yastes réservoirs, et y couler constanuneut en si grand volume, que dans ton i es les saisons la chaleur y soit très-sensible? Oa en profitera pour acclimater des espèces étrangères, utiles par la bonté de leur chair, ou agréables aux yeux par la vivacité de leurs couleurs, la beauté de leurs formes et Tagilité de leurs mouvemens, et qui n'au- ront vécu jusqu'à ce moment que dans les * contrées renfermées dans la zone torride ou très- voisin es des tropiques. Lorsque les poissons ne sont pas délicats, ils peuvent néanmoins supporter très-facile- ment le passage d'une eau à une eau très- différente de la première. On l'a remarqué particulièrement sur l'anguille ; et M. De Seplfontaines, observateur très-éclairé , que nous avons eu le plaisir de citer très-souvent dans nos ouvrages, nous a écrit dans le tems qu'il avoit fait transporter des anguilles d'une eau bourbeuse dans le vivier le plus limpide, d'ime eau froide dans une eau tempérée, d'une eau tempérée dans une eau froide, d'un vivier très -limpide dans SUR LES POISSONS. 23 une eau limoiiease , etc. ; qu'il avoit fait supporter ces transmigralious à plus de trois cents individus ; qu'il les y avoit soumis dans différentes saisons; qu'il n'en étoit pas mort la vingtième partie; et que ceux qui a voient péri n'a voient succombé qu'à la fatigue et à la gêne que leur avoit fait éprouver un séjour très-long dans des vais- seaux très-étroits. On pourroit croire , au premier coup d'oeil , qu'une des habitudes les plus diffi- ciles k donner aux poissons seroit celle d& vivre dans l'eau douce après avoir vécu dans l'eau salée, ou celle de n'être entourés que d'eau salée après avoir été continuelle- ment plongés dans l'eau douce. Cependant on ne conservera pas long- tems cette opinion , si l'on considère qu'à la vérité l'eau salée , comme plus pesante , soutient davantage le poisson qui nage , et dès-lors lui donne, tout égal d'ailleurs , plus d'agilité et do vitesse dans ses mouvemens , mais que, lorsqu'elle se décompose dans les branchies pour entretenir par son ox^^gène la circulation du sang, ou seulement dans le canal intestinal pour servir , par son hy- drogène , à la nourriture de l'animal , le sel dont elle est imprégnée n'altère ni l'un B 4 54 EFFETS DE L'ART ni Tautre produit de celte décomposition: 1/oxy gène et l'hydrogène retirés de Teau salée , ou obtenus par le moyen de l'eau douce, olïrent les mêmes propriétés, pro- duisent les mêmes elïets. Si le poisson est plus gêné dans ses moiivemens au milieu d'un lac d'eau douce que dans le sein de r Océan, il lire de l'eau de la mer et de celle du lac la même nourriture,- et il peut, au milieu de l'eau douce, n'être privé que de cette sorte de modification qu'impriment la substance saline et peut-être une matière particulière bitumineuse ou de toute autre nature, con- tenues dans Feau de l'Océan, et qui l'en- vironnant sans cesse , lorsqu'il vit dans la la mer , peuvent traverser ses légumens , pénétrer sa masse et s'identifier avec ses organes. De plus, un très-grand nombre de pois- sons ne passent-ils pas la moitié de l'année dans l'Océan , et l'autre moitié dans les rivières ainsi que dans les fleuves ? et ces poissons voyageurs ne paroissent-ils pas avoir absolument la même organisation que ceux qui, plus sédentaires, n'abandonnent dans aucune saison les rivières ou la mer ? Quant à la température , les eaux , au moins les eaux profondes ^ présentent, près-:; SUR LES POISSONS. ^5 que la même , dans quelque contrée qu'on les examine. D'ailleurs les animaux s'accou- tument beaucoup plus aisément cju'on ne le croit , à des températures très-diiïéjontes de celle à laquelle la Nature ies a voit sou- mis. Ils s'y habituent même lorsque , vivant dans une très -grande indépendance, ils pourroicnt trouver, dans des contrées plus chaudes ou plus froides que leur nouveau séjour , une sûreté aussi grande , un espace aussi libje , une habitation aussi adaptée à leur organisation , une nourriture aussi abondante. Nous en avons un exemple frappant dans l'espèce du cheval. Lois de la découverte de l'Amérique méridionale, plusieurs mdividus de cette espèce , amenés dans cette partie du nouveau continent , furent abandonnés , ou s'échappèrent dans des contrées inhabitées voisines du rivage sur lequel on les voit débarquer : ils s'y multiplièrent ; et de leur postérité sont des- cendues des troupes très -nombreuses de chevaux sauvages , qui se sont répandus à des distances très-considérables de la mer, se sont très-éloignés de la ligne équinoxiale , sont parvenus très-près de l'extrémiié aus- trale de l'Amérique , y occupent de vastes déserts, n'y ont perdu aucun de leurs altii-- 26 EFFETS DE L'ART buts, ont été plutôt améliorés qu'altérés par leur nouvelle manière de vivre, y sont exposés à un froid assez rigoureux pour qu'ils soient souvent obligés de chercher leur nourriture sous la neige , qu'ils écar- tent avec leurs pieds; et néanmoins on ne peut guère disconvenir que le cheval ne soit originaire du climat brûlant de l'Arabie. Il n'y a que les animaux nés dans les environs des cercles polaires, qui ont, dès leurs premières années , supporté le poids des hyvers les plus rigoureux , et dont la Nature , modifiée par les frimats , non seu- lement dans eux , mais encore dans plusieurs des générations qui les ont précédés , est devenue , pour ainsi dire , analogue à tous les effets d'un froid extrême , qui ne pa- roissent pas pouvoir résister à une tempé- rature très-différente de celle à laquelle ils ont toujours été exposés. Il semble que la raréfaction , produite dans les solides et dans les liquides , par une grande élévation dans la température , est pour les animaux un changement bien plus dangereux que l'ac- croissement de ton , d'irritabilité et de force, que les solides peuvent recevoir de l'aug- inentation du froid,* et voilà pourquoi on n'a pas encore pu parvenir à faire vivre SUR LES POISSONS. 27 pendant long-tems, dans le climat tempéré de la France , les rennes qu'on y av'^oit amenés des contrées boréales de l'Europe. On doit donc, tout égal d'ailleurs, essayer de transporte!' les poissons du midi dans les lacs ou les rivières du nord, plutôt que ceux des contrées septentrionales dans les eaux du midi. Lors méine que les rivières ou les lacs dans lesquels on aura transporté les poissons méridionaux , seront situés de ma- nière à avoir leur surface glacée pendant une partie plus .)u moins longue de l'année, ces animaux pourront y vivre, lis se tien- dront dans le fond de leurs habitations pendant que Thyver régnera ; et si dans cette retraite profonde ils manquent d'une communication suffisante avec l'air de l'at- mosplière , ou si la gelée , pénétrant trop avant , leur fait subir son influence, descend jusqu'à eux et les saisit, ils tomberont dans cette torpeur plus ou moins prolongée , qui conserve! a leur existence en en ralentissant les principaux ressorts (1). Combien d'indi- vidus et même combien d'espèces cet en- gourdissement reraarquabie ne préserve-t-il pas de la destruction, en concentrant la vie ■ I , , . Il M (i) Voyez l'article du scombre maquereau» 28 EFFETS DE L'ART dans Imtérieur de ranimai, en l'éloignant de la surface où elle seioil trop fortement atta- quée, en la renfermant, pour ainsi dire, dans une enveloppe qui ne conserve de la vitalité que ce qu'il faut pour ne pas éprouver de grandes décompositions , et en la rédui- sant en quelque sorte à une circulation si lente et si limitée , qu'elle peut être indé- pendante des objets extérieurs (i) ! S'il ne répare pas , comme le sonmieil journalier , des organes usés par la fatigue , il maintient ces organes; s^il ne donne pas de nouvelles forces , il garantit de l'anéantissement ; s'il ne ranime pas le souffle de la vie , il brise les traits de la mort. Quelles que soient la cause , la force ou la durée du sommeil , il est donc toujours un grand bienfait de la Nature ; et pendant qu'il charme les ennuis de Têtre pensant et sensible, non seulement il guérit ou suspend les douîems , mais il prévient et écarte les maux de l'animal, qui , réduit à un instinct borné , n'existe que dans le présent , ne rappelle aucun souvenir, et ne conçoit aucun espoir. (i) Voyez ie Discours sur la nature des quadru- pèdes ovipares, dans mon Histoire naturelle de ces animaux. SUR LES POISSONS. sg La qualité et Tabondance de la iioumlure, ces grandes causes des migrât ious volontaires de tous les aniniaux qui quittent leur pays, sont aussi les objets auxquels on doit faire le plus d'attenlio!! , lorsqu'on cherche à con- server des animaux en vie dans un autre séjoui- que leur pays nalal, et par conséquent lorsqu'on veut acclimater des espèces de poissons. L'aliment auquel le poisson que l'on vient de dépayser est le plus habitué, est celui qu'il faudra lui procurer : il retiouvera sa patiie par- tout où il aura sa nounilure fa- milière. Par le moyen d'herbes, de feuilles, d'amas de végétaux, de fumiers de toutes sortes , on donnera un aliuient très-conve- nable aux espèces qui se nourrissent de débris de corps organisés; on cherchera, on rassem- blera des larves et des vers pour celles qui les préfèrent ; et lorsqu'on aura transporté des brochets ou d'autres poissojis voiuces, il faudra mettre dans les eaux qui les auront reçus ceux dont ils aiment à foire leur proie, qui se plaisent dans les mêmes habitations que ces animaux carnassiers , ou qui sont peu recherchés par les pécheurs, comme des éperlans , des cyprins goujons , des cyprins gibèles , des cyprins bordelières , etc. 5o EFFETS DE L'ART On trouvera, en paicoiirant les difFérens articles de cette Histoire, un grand nombre d'espèces remarquables par leur beauté, par leur grandeur et par le goût exquis de leur chair, qui manquent aux eaux douces de notre patiie, et qu'on pourroit aisément ac- climater en Fiance avec les précautions ou parles moyens que nous venons d indiquer, ou en employant des procédés analogues à ceux que nous venons de décrire, et qu^on préféieroit d'après la longueur du trajet, la nature du voyage, le climat que les poissons auroient quitté , la saison que l'on auroit été obligé de choisir, et plusieurs autres circons- tances. De ce nombre seroient, par exemple, le centropome sandat de la Prusse , l'holo- centre post des contrées septentrionales de TAUemagne; et on ne devroifc même pas être efhayé par la grandeur de la distance, sur-tout lorsque le transport pourroit avoir heu par mer, ou par des rivières, ou des canaux. On peut en eltet, lorsqu'on navigue sur rOcéan , sur des canaux ou sur des fleuves, attacher à l'arrièie du bâtiment une sorte de vaisseau, ou, pour mieux dire, de grande caisse , que Ton rend assez pesante pour qu'elle soit presque entièrement plongée dans l'eau , et dont les parois sont percées de ma-» SUR LES POISSONS. 5i nière que les poissons qui y sont renfermés reçoivent tout le fluide qui leur est néces- saire, et communiquent avec Tatmosphère de la manière la plus avantageuse, sans pou- voir s'échapper et sans avoir rien à craindre de la dent des squales ou des autres animaux aquatiques et féroces. Nous indiquons donc à la suite du post et du sandat, et entre plusieurs autres que les bornes de ce discours ne nous permettent pas de rappeler ici, Fos- phronème goramy , déjà apporté de la Chine à nie de France , le bodian aya des lacs du Brésil , et riiolocentre sogo des grandes Indes , de l'Afrique et des Antiîles. Quand on n'aura pas une eau courante à donner à ces poissons arrivés d'une terre étrangère, et principalement lorsque ces nou- veaux hôtes auront vécu, jusqu'à leur mi- gration, dans des fleuves ou des rivières, on compensera le renouvellement perpétuel du fluide environnant que le courant procure, par une grande étendue donnée à r*ha]3i da- tion. Ici , comme dans plusieurs autres phé- nomènes 5 un grand volume en repos tiendra lieu d'un petit volume en mouvement ; et dans un espace de tems déterminé , ranimai jouira de la même quantité de molécules de 52 EFFETS DE L'ART fluide, difîerentes de celles dont il aura déjà reçu rinflaence. Sans celte précaution, les poissons que Ton voudioit acclimater éprouveroient les mêmes accidens cjne ceux de nos contrées que Ton enlève aux petites rivièies, et particulière- ment à la partie de ces rivières la pi us. voisine de la source, et qu'on veut conserver dans des vaisseaux ou même dans des bassins très- étroits. On est obligé de renouveler très- souvent Teau qui les entoure,* sans cela, les diverses émanations de leur corps, et l'eifet nécessaire du rapprochement d'une grande quantité de substance animale, vicient Teau, la conompent par la producîion de gaz que Ton voit s'élever en petites bulles, et la rendent si funeste pour eux , qu'ils périssent s'ils ne viennent pas à la surface de l'eau chercher le voisinage de laîmosphère , et respirer , pour ainsi dire , des couches de fluide plus puies. Ces faits sont conformes à de belles expé- riences faites par mon confrère Silvestre fils, et à celles qui fiaent dans le tems commu- niquées à Bulïbu , par une note que ce grand naturaliste me remit quelques années après, et qui avoient été tentées sur des gades lotes^ des SUR LES POISSONS. 35 des cottes chabots, des cyprins goujons, et d'autres cyprins, tels que des gardons, des vérons et des vaudoises. Les poissons que Ton veut acclimater sont plus exposés que les anciens habitans des eaux dans lesquelles on les a placés , noix seulement aux altérations dont nous venons de parler , mais encore à toutes les maladies auxquelles leurs diverses tribus sont sujettes. Ces maladies assaillent ces tribus aqua- tiques, même lorsque les individus sont encore renfermés dans Fœuf. On a observé que des embryons de saumon , de truite et de beaucoup d'autres espèces , périssoient lorsque des substances grasses , onctueuses, et celles que l'on désigne par le nom de saletés et ai ordures , s'atlachoient à Fenve- loppe qui les contenoit,et qu'une eau cou- rante ne nettoyoit pas promptenient cette membrane. On suppléera facilement à cette eau cou- rante par une attention soutenue, et divers petits moyens que les circonstances suggé- reront. Lorsque les poissons sont vieux , ils éprouvent souvent une altération particu- lière qui se manifeste à la surface de l'animal; les canaux destinés à eiitji'eteuir ou renou-^ Foiss. Tome IL G 54 EFFETS DE L'ART vêler les écailles s'obstruent ou se déforment; les organes qui filtrent la substance nour- ricière et réparatrice de ces lames s'oblitèrent ou se dérangent ; les écailles changent dans leurs dimensions; la matière qui les compose n'a plus les mêmes propriétés ; elles ne sont plus ni aussi luisantes, ni aussi transparentes, ni aussi colorées ; elles sont clair-semées sur la peau de l'animal vieilli : elles se détachent avec facilité ; elles ne sont pas remplacées par de nouvelles lames , ou elles cèdent la place, en tombant, à des excroissances dif- formes produites par une matière écai lieuse de mauvaise qualité , mélangée avec des elé- mens hétérogènes, et mal élaborée dans des parties sans force, et daus des tuyaux qui ont perdu leur première figure. Cette alté- ration est sans remède ; il n'y a rien à op- poser aux effets nécessaires d'un âge tiès- avancé. Si dans les poissons , comme dans les autres animaux, l'art peut jeculer l'époque de la décomposition des fluides, de Falloi- blissement des solides, de la diminulion de la vitalité , il ne peut pas détruire l'influence de ces grands cliaugemens lorsqu'ils ont été opérés. S'il peut retai der la rapidité du cours de la vie , il ne peut pas la faire remonter vers sa source. SUR LES POISSONS. 5l> Mais les maux irréparables de la vieillesse ^ ne sont pas à craindre pour les poissons que; Ton cherche à accUmater ; dans la plupart: des espèces de ces animaux , ils ne se font sentir qu'après des siècles, etTéducation de^ individus que Ton transporte d'un pays dans un autre est terminée long-tems avant la fîa^ de ces nombreuses années. Leurs habitudes sont d'autant plus modifiées, leur nature est d'autant plus changée avant qu'ils approchent du terme de leur existence, qu'on a com- mencé d'agir sur eux pendant qu'ils étoient encore très-jeunes. C'est d'autres maladies que celles de la décrépitude qu'il faut chercher à préserver ou à guérir les poissons que l'on élève. Et maintenant nous agrandissons le sujet de nos pensées; et tout ce que nous allons dire doit s'appliquer non seulement aux poissons que l'on veut acclimater dans telle ou telle con- trée , mais encore à tous ceux que la Nature fait naître sans le secours de l'art. Ces maladies , quij endentles poissons lan- guissans et les conduisent à la mort, pro- viennent quelquefois de la mauvaise qualité des plantes aquatiques ou des autres végé- taux qui croissent près des bords des fleuves ou des lacs , et dont les feuilles , les fleurs C a S3 EFFETS DE L'ART ou les fruits sont saisis par l'animal qui se dresse , pour ainsi dire , sur la rive , ou tom- bent dans l'eau , y flottent , et vont ensuite former au fond du iac ou de la rivière un {sédiment de débris de corps organisés. Ces 'plantes peuvent être, dans certaines saisons de Tannée, viciées au point de ne fournir qu'une substance mal-saine , non seulement aux poissons qui en mangent, mais encore à ceux qui dévorent les petits animaux dont elles ont composé la nourriture. On |)révient ou on arrête les suites funestes de Ha décomposition de ces végétaux , en dé- !t misant ces plantes auprès des rives de riiabitation des poissons, et en les rempla- çant par des herbes ou des fruits choisis que Ton jette dans Feau peuplée de ces animaux. La plus terrible des maladies des poissons est celle qu'il faut rapporter aux miasmes produits dans le fluide qui les environne. C'est à ces miasmes qu'il faut attiibuer la mortalité qui régna parmi ces animaux dans les grands et nombreux étangs des en- virons de Bourg, lors de l'hyver rigoureux de la fin de 1788 et du commencement de 1789 , et dont l'estimable Varenne de Feuille donna une noticç très-bien faite dan§ SUR LES POISSONS. 5^ le Journal de physique de novembre 1789. Dès le 26 novembre 17H8, suivant ce très- bon observateur , la surface des étangs fut profondément gelée; la glace ne fondit que vers la fin de janvier. Dans le moment du. dégel 5 les rives des étangs furent couvertes d'une quantité prodigieuse de cadavres de poissons, rejetés par les eaux. Parmi ces animaux morts, on compta beaucoup plus de carpes que de perches , de brochets et de tanches. Les étangs blancs, c'est-à-dire, ceux dont les eaux reposoient sur un sol dur 5 ferme et argileux , n'offrirent qu'un petit nombre de signes de cette mortalité; ceux qu'on avoit récenament réparés et net- toyés montrèrent aussi sur leurs bords très- peu de victimes : mais presque tous les pois- sons renfermés dans des étangs vaseux ^ encombrés de joncs ou de roseaux , et sur- chargés de débris de végétaux , périrent pendant la gelée. Ce qui prouve évidem- ment que la mort de ces dei-niers animaux n'a pas été l'efïet du défaut de l'air de l'at- mosphère, comme le penseroient plusieurs physiciens, et qu'elle ne doit être rapportée qu'à la production de gaz délétères qui n'ont pas pu s'échapper au travers de la croûte de glace , c'est que la §elée a été aussi forte C5 38 EFFETS DE L'ART à la superficie des étangs blancs et des étangs iiouvellement nettoyés, qu'à celle des étangs iVaseux. L'air de l'atmosphère n'a pas pu pénétrer plus aisément dans les premiers que dans les derniers ; et cependant les poissons de ces étangs blancs ou récemment réparés ont vécu , parce que le fond de leur séjour , n'étant pas couvert de substances végétales , n'a pas pu produire les gaz fu- nestes qui se sont développés dans les étangs vaseux. Et ce qui achève, d'un autre côté, de prouver l'opinion que nous exposons à ce sujet, et qui est importante pour la phy- sique des poissons, c'est que des oiseaux de proie , des loups , des chiens et des cochons mangèrent les restes des animaux rejetés après le dégel sur les rivages des étangs remplis de joncs , sans éprouver les incon- véniens auxquels ils auroieut été exposés s'ils s'étoient nourris d'animaux morts d'une maladie véritablement pestilentielle. Ce sont encore ces gaz mal-faisans que nous devons regarder comme la véritable origine d'une maladie épizootiqne qui fit de grands ravages, en 1767, dans ]es en- virons de la forêt de Crécy. M. de Chaigne- brun , qui a donné dans Je tems un très-bon Traité sur cette épizootie^ rapporte quelle SUR LES POISSONS. Zcy se manifesta sur tous les animaux; qu'elle atteignit les chiens, les poules, et s'étendit jusqu'aux poissons de plusieurs étangs. 11 nomme cetle maladie fièi^re épidéniique con- tagieuse 5 inflammatoire , putride et gan^re^ neuse. Un médecin d'un excellent esprit , dont les connoissances sont très-variées, et qui sera bientôt célèbre par des ouvrages importans, Chavassieu-Daudebert lui donne, dans sa Nosologie comparée , le nom de charbon sy mplomatique , Je pense que cette épizootie ne seroit pas parvenue jusqu'aux poissons , si elle n'a voit pas tiré son origine de gaz délétères. Je crois , avec Aristote , que les poissons revêtus d'écaillés, se noiii- rissant presque toujoui^s de substances lavées par de grands volumes d'eau , respiiant par un organe particulier , se servant , pour cet acte de la respiration , de l'oxygène de l'eau bien plus fréquemment que de celui de l'air , et toujours environnés du fluide le plus propre à arrêter la plupart des conta- gions, ne peuvent pas recevoir de maladie pestilentielle des animaux qui vivent dans l'atmosphère. Mais les poissons des environs de Crécy n'ont pas . été à l'abri de l'épizootie au dessous des couches d'eau qui les recou- viroient , parce qu'en xnèvn^ tems que les C 4 ^o EFFETS DE I/ART marais voisins de Ja foret exhaloient les miasmes qui doniioient la mort aux chiens , aux poules, et à d'an 1res espèces terrestres, le fond des étangs produisoit des gaz aussi funestes que ces miasmes. 11 n'y a pas eu de commanication de maladie ; mais deux causes analogues , agissant en même tems , Tune sous T'eau ^ et fautre dans Fatmos- plière, ont produit des effets semblables. . On peut prévenir presque toutes ces mor- talités que causent des gaz destructeurs , en ne laissant pas dans le fond des étangs ou des rivières des tas de corps organisés qui puissent , en se décomposant , produire des émanations pestilentielles, en les entraînant par de l'eau courante que Ton introduit dans ces étangs , et par de l'eau très-pure et très - rapide que l'on conduit dans ces rivières pour en renouveler le fluide , de la même manière que l'on renouvelé celui des temples, des salles de spectacle et d'autres grands édifices par les courans d'air que l'on y dirige, et enfin en brisant, pendant Tliyver j les glaces qui se forment sur la surface des étangs et des rivières , et qui retiendroiénfe ies gaz pernicieux dans l'habitation des poissons. 11 paroît que, lorsque la chaleur est ixès^ SUR LES POISSONS. 41 grande , elle agit sur les poissons indépen- damment des fermentations , des décom- positions et des exhalaisons qu'elle peut faire naître. Elle influe directement sur ces animaux , sur-tout lorsqu'ils sont ren- fermés dans des réservoirs qui ne contien- nent qu'un petit volume d'eau. Elle parvient alors jusqu'au fond du réservoir, qu'elle pénètre , ainsi que les parois ; et réfléchie ensuite par ce fond et ces parois très- échaulTées , elle attaque de toutes parts les poissons qui se trouvent dès -lors placés comme dans un foyer, et elle leur nuit au point de leur donner des maladies graves. C'est ainsi qu'on a vu des anguilles mises pendant l'été dans des bassins trop peu étendus , gagner une maladie qu'elles se communiquoient , et qui se manifestoit par des taches blanches. On dit qu'on les a guéries par le moyen du sel et de la plante nommée stratioïdes aloïdes. Mais, quoi qu'il en soit, il vaut mieux empêcher cette maladie de naître , en préservant les poissons de l'excès de la chaleur , en pra- tiquant dans leur habitation des endroits profonds où ils puissent trouver un abri contre les feux de l'astre du jour , en plan- tant sur une partie du rivage des arbies 43 EFFETS DE L'ART touffuâ qui leur donnent une ombre salu- taire. Et comme il est très-rare que tous les extrêmes ne soient pas nuisibles , parce qu'ils sont le plus éloignés possible de la combinaison la pJus commune et par con- séquent la plus naturelle des forces et des résistances ; pendant que les eaux trop échauffées ou trop impures donnent la mort à leurs habitans, celles qui sont trop froides et trop vives les font aussi périr , ou du moins les soumettent à diverses incom- modités , et particulièrement les rendent aveugles. Nous ti^ouvons à ce sujet , dans les Mémoires de l'académie des sciences , pour 1748, des observations curieuses du général Monta lembert , faites sur des bro- chets ; et le comte d'Achard en adressa d'analogues à Buiïon, en 1779, dans une lettre, dont mon illustre ami m'a remis dans le te m s un extrait. « Dans une terre que j'ai en Normandie , dit le comte d'Achard , il existe une fontaine abondante dans les plus grandes sécheresses. Je suis parvenu , au moyen de canaux de terre cuite , à amener l'eau de cette source dans trois bassins que j'ai dans mon parterre. Ces bas- sins sont murés et pavés à chaux et à sable ; SUR LES POISSONS. 43 maïs on n'y a mis l'eau qu'après qu'ils ont été parfaitement secs. Après les avoir bien nettoyés et fait écouler la premièie eau , on y a laissé séjourner celle qui y est venue depuis , et qui coule continuelîemeut. Dans les deux premic^rs bassins, j'ai mis des carpes de la plus grande beauté, avec des tanches; dans le troisième, des poissons de la Chine ( des cyprins dorés ) : tout cela existe depuis trois ans. Aujourd'hui les carpes , précieuses par leur beauté et leur grandeur vraiment prodigieuse , sont attaquées d'une maladie cruelle et dont elles meurent journellement. Elles se couvrent peu à peu d'un limon sur tout le corps, et sur-tout sur les yeux, ou il y a en sus une espèce de taie_ blanche qui se forme peu à peu , comme le limon , jusqu'à l'épaisseur de deux ou trois lignes. Elles perdent d'abord un œil, puis l'autre, et ensuite crèvent Les tanches et les poissons chinois ne sont pas attaqués de cette maladie. Est - elle particulière aux carpes ? quel en est le remède ? d'où cela peut-il venir? de la vivacité de l'eau, etc. Cette dernière conjecture nous paroît très- fondée ,• et ce que nous venons de dire devra faire trouver aisément le moyen de 44 EFFETS DE L^ART garantir ces poissons de cette cécité que la mort suit souvent. Ces poissons sont aussi quelquefois me- nacés de péiir, parce qu'un de leurs organes les plus essentiels est attaqué. Les branchies par lesquelles ils respirent , et que com- posent des membranes si délicates et des vaisseaux sanguins si nombreux et si déliés , peuvent être déchirées par des insectes ou des vers aquatiques qui s'y attachent, et dont ils ne peuvent pas se débarrasser. Peut- être 5 après avoir bien reconnu Tespèce de ces vers ou de ces insectes, parviendra-t-on à trouver un moyen d'en empêcher la mul- tiplication dans les étangs , et dans plusieurs autres habitations des poissons que l'oa voudra préserver de ce fléau. . Ees poissons étant presque tous revêtus d'écaillés dures et placées en partie les unes au dessus des autres, ou couverts d'une peau épaisse et visqueue, ne sont sensibles que dans une très -petite étendue de leur surface. Mais, lorsque quelque insecte ou quelque ver s'acharne contre la portion de cette surface qui n'est pas défendue, et qu'il s'y place et s'y accroche de manière que le poisson ne peut, eu se frottant contre SUR LES POISSONS. 4^ des végétaux, des pierres, du sable ou de la vase, Fécraser ou le détacher et le faire tomber, la grandeur, la force, ragilité, les dents du poisson ne sont plus qu'un secours inutile. En vain il s'agite , se secoue , se contourne, va, revient , s'échappe , s'enfuit avec la rapidité de l'éclair; il porte toujours avec lui l'ennemi attaché à ses organes; tous ses efforts sont impuissans; et le ver ou l'insecte est pour lui au milieu des flots ce que la mouche du désert est, dans les sables brûlans de l'vVfrique , non seulement pour la timide gazeJle , mais encore pour le tigre sanguinaire et pour le fier lion, qu'elle perce, tourmente et poursuit de son dard acéré , malgré leurs bonds violens , leurs mou- vemens impétueux et leur rugissement terrible. Mais ce n'est pas assez pour l'intelligence humaine de conserver ce que la Nature produit : que , rivale de cette puissance ad- mirable, elle ajoute à la fécondité ordinaire des espèces ; qu'elle multiplie les ouvrages de la Nature. On a remarqué que , dans presque toutes les espèces de poissons, le nombre des mâles étoit plus grand et même quelquefois double de celui des femelles 3 et comme cependant 46 EFFETS DE L'ART un seul mâle peut féconder des millions d'œufs , et par conséquent le produit de la ponîe de plusieurs femelles, il est évident que l'on favorisera beaucoup la multiplica- tion des individus, si on a le soin, lorsqu'on péchera, de ne garder que les mâles, et de rendre à l'eau les femelles. On distinguera facilement , dans plusieurs espèces , les fe- melles des mâles , sans risquer de les blesser ou de nuire à la repioduction , et sans clierclier, par exemple, dans le tems voisin du frai, à faire sortir de leur corps quelques œufs plus ou moins avancés. En effet, dans ces espèces, les femelles sont plus grandes que les mâles; et d'ailleurs elles ofiient dans les proporiions de leurs parties , dans la disposition de leurs couleurs , ou dans la nuance de leuis teintes, des signes distinc- tifs qu'il faudî-a tâclier de bien connoître , et que nous ne négligerons jamais d'indi- quer en écrivant Tliistoire de ces espèces particulières. Lorsqu'on ne voudra pas rendre à leur séjour natal toutes les femelles que l'on pêcliera, on préférera de conserver pour la reproduction les plus longues et les plus grosses, comme pondant une plus grande quantité d'œufs. SUR LES POISSONS. 47 De plus, et si des circonstances impé- rieuses ne s'y opposent pas, que Ton enioare les étangs et les viviers de ciaies ou de filets, qui , dans le tems du fiai , retiennent les herbes ou les branches chargées d'œuis, et les empêchent d'être entraînées hors de ces réservoirs par les dé boi démens fréquens à l'époque de la ponte. Que Ton éloigne, autant qu'on le pourra, les friganes et les autres insectes aquatiques voraces qui détruisent les œufs et les pois- sons qui viennent d'éclore. Que l'on construi'^e quelquefois dans les viviers dilïerentes enceintes, l'une pour les œufs, et les aulres pgfur les jeunes poissons, que l'on sépai'era en plusieurs bandes, for- mées d'après Ja diversité de leurs âges, et renfermées chacune dans un réservoir par- ticulier. Il est des viviers et des étangs dans les- quels des poissons très- recherchés, et, par exemple, des truites, vivioient très -bien, et parv^endroient à une grosseur considé- rable : mais le fond de ces étangs étant très- vaseux , c'est en vain que les femelles le frottent avec leur ventre avant d'y déposer leurs œufs; la vase reparoit bientôt, salit 48 EFFETS DE L'ART les œufs, les altère, les corrompt, et les foetus périssent avant d'éclore. Cet inconvénient a fait imaginer une ma- nière de faire venir à la lumière ces pois-r sons, et particulièrement les saumons et les truites, qui d'ailleurs ne servira pas peu, dans beaucoup de circonstances, à multi- plier les individus des espèces les plus utiles ou les plus agréables. M. de Marolle, capi- taine dans le régiment de la Marine, tempé- rant les austérités des camps par le charme de fétude des sciences utiles à Fliumanité, écrivit la description de ce procédé à Ha- meln en Allemagne , pejidant la guerre de sept ans. Il rédigea cette description sur les Mémoires de M. J. L. Jacobi, lieutenant des milices du comté de Lippe -Detmold, et l'envoya à Buffon, qui me la remit lors- qu'il voulut bien m'engager à continuer ITÏistoire naturelle. On construit une grande caisse à laquelle on donne ordinairement douze pieds de lon- gueur, un pied et demi de largeur, et un demi-pied environ de hauteur. A un bout de cette longue caisse on pra- tique un trou carié , que l'on ferme avec un treillis de fer dont les fils sont éloignés les StJR LES POISSONS. 4c) les uns des autres d'environ quatre ou cinq lignes. On ménage un trou à peu près semblable dans la planche du bout opposé , et vers le fond de la caisse. Et enfin on en perce un troisième dans le couvercle de la caisse, et on le garnit, ainsi que le second, d'un treillis pareil à celui du premier. Ces trous servent à soumettre les foetus ou les jeunes poissons à riofluence des rayons du soleil , et à les préserver de gros insectes et des campagnols aquatiques, qui mange- roient et les œufs et les poissons éclos. Un petit tU3^au fait entrer Teau d'un ruis- seau ou d'une source par le premier treillis; et cette eau courante s'échappe par la seconde ouverture. On couvre tout le fond de la caisse d'un gravier bien lavé de la hauteur de huit à douze lignes , et on étend sur ce gravier de petits cailloux bien serrés, de dimensions semblables à celles d'une noisette , et parmi lesquels on place d'autres cailloux de la gros- seur d'une noix. A l'époque du frai de Tespèce dont on veut multiplier les individus , on se procure Poiss, Tome IL D 5o EFFETS DE L'ART un mâle el une femelle de cette espèce , el par exemple, de celle du saumon. Ou pjend un vase bien net, dans lequel on met deux ou trois pintes d'eau bien claire. On tient le saumon femelle dans une situa- tion verlicaîe, et la tête en haut au dessus du vase. Si les œufs sont déjà bien déve- loppés, ou bien mûrs^ ils coulent d'eux- mêmes , sinon on facilite leur chute en frot- tant le ventre de la femelle doucement de haut en bas, et avec la paume de la main. Dans plusieurs espèces de poissons on peut voir un organe particulier que nous avons remarqué avec soin, qui n'a été observé que par un petit nombre de naturalistes, dont très-peu de zoologues ont connu le véritable usage , et que le savant Bloch a nommé nom- bril. Cet organe est une sorte d'appendice d'une forme alongée et un peu conique, et dont la place la plus ordinaire est auprès et au delà de l'anus. Cette appendice creuse et percée par les deux bouts, communique avec les réservoirs de la laite dans les mâles, et les ovaires dans les femelles. Ce p( tit tuyau est le conduit par lequel les œufs sortent et la liqueur séminale s'échappe : jious le nommons en conséquence appendice génitale* L'urine du poisson sort aussi par SUR LES POISSONS. 5i^ <îette appendice , ce qui donne à cet organe une analogie de f)lus avec les pa»ties sexuelles et extérieures des mammifères. Il ne peut pas servir à distinguer les sexes , puisqu'il appar- tient au mâle aussi bien qu'à la fetuelle: mais sa présence ou son absence , et ensuite ses proportions et sa figure particulière peuvent être employées avec beaucoup d avantage pour établir une ligne de démar- cation exacte et constante entre des espèce» voisines, ainsi que nous le montrerons dans ]a suite de l'histoire que nous écrivons. C'est par cette appendice génitale que, dans la méthode de reproduction , en quelque sorte artificielle , que nous décrivons , les femelles , qui sont pourvues de cet organe extérieur, laissent couler leurs deufs. Lorsque les œufs sont tombés dans Teau, on prend le mâle , on le tient verticalement au dessus de ses œufs; et pour peu que cela soit nécessaire , on aide par un lé^er frotte- ment Tépanchement de la liqueur pioli- fique, dont on peut airéter Técoulament au moment où l'eau est devenue blanchàti e par son mélange avec cette liqueur sper- matique. Il est des espèces de poissons, et notam- xnent de cyprins , comme le nase , le roe- 52 EFFETS DE L'ART thens, dans lesquelles on peut choisir avec facilité un mâle pour la fécondation des œufs que Ton a oblenus. Dans ces espèces, les mâles, sur--tout lorsqu'ils sont jeunes, présentent des taches, de petites protubé- rances , ou d'autres signes extérieurs qui annoncent qu'ils sont déjà surchargés d'une laite abondante. On met dans la grande caisse les œufs fécondés; on les 3^ distribue de manière qu'ils soient toujours couverts par Feau courante; on empêche c[ue le mouvement de cette eau ne soit trop rapide, afin qu'il ne puisse pas entraîner les œufs. On écarte soigneusement avec des plumes, ou par tout autre moyen, les saletés qui pourroient s'introduire dans la caisse ,*iet au bout d'un tems, qui varie suivant les espèces, la température de l'eau et la chaleur de Tatmosphère, onvoitéclore les poissons que l'on desiroit. Au reste , la sorte de fécondation artifi- cielle opérée avec succès par M. Jacobi peut avoip lieu sacs la présence de la femelle : il suffit de ramasser les œufs qu'elle dépose dans son séjour naturel; il seroit même pos- sible de connoitre , à l'instant où on les re- cueilleroit , s'ils auroient été déjà fécondés par le maie , ou s'ils n'auroient pas reçu sa SUR LES POISSONS. 63 liqueur prolifiviuc. M. Jacobi assure en effet que , lorsqu'on observe avec un bon micros- cope clés œufs de poissons arrosés de la liqueur séminale du mâle , on peut apercevoir très- distinctement dans ces œufs une petite ouver- ture qui ne paroissoit presque pas, ou étoit presqiie insensible avant la fécondation , et çlont il rapporte Textension à l'introduction dans Tœuf d'une portion clu fluide de la laite. Quoi qu'il en soit, on peut aussi , en suivant le procédé de M. Jacobi, se passer de la pré- sence du mâle. On peut n'employer la liqueur prolifique que quelque tems après sa sortie du corps de l'animal, pourvu qu'un froid excessif ou une chaleur violente ne des- sèchent pas promptement ce fluide vivifiant; et même la mort du mâle, pourvu qu'elle soit récente, n'empêche pas de se servir de sa laite pour la fécondation des œufs. On a écrit que les digues par le moyen desquelles on relient les eaux des petites rivières diminuoient la multiplication des poissons dans les contrées arrosées par ces eaux ; cela n'est vrai cependant que pour les poissons qui ont besoin, h certaines époques, de remonter dans les eaux courantes jusqu'à une distance tiès-grande des lacs ou de la D 3 54 EFFETS DE L'ART mer , et qui ne peuvent pas , comme les saumons, s^éîancer facilement à de grandes hauteurs , et franchir Tobstacle que les digues opposent à leur voyage périodique. Les chaussées transversales doivent au contraire être très- favorables à la multiplication des poissons sédentaires, qui se plaisent dans des eaux peu agitées. Au dessus de chaque digue, la rivière fojme* naturellement une sorte de vivier ou de réservoir , dont Teau tranquille, quoique suffisamment renouvelée , pourra donner à un grand nombre d'individus d'es- pèces très-utiles le volume de fluide , Fabri, Taliment et la température les plus conve- nables. Quelle est en effet la pièce d'eau que l'art ne puisse pas féconder et vivifier ? On a vu quelquefois des poissons remar- quables par leur grosseur vivre dans de pe- tites mares. M. De Septfontaines s'est assuré qu'une grande anguille avoit passé un tems assez long sans perdre non seulement la vie, mais même une partie de sa graisse , dans une fosse qui ne contenoit pas une moitié de mètre (environ deux pieds) cube d'eau; et il est des contrées où des cyprins , et particulièrement des carassins, réussissent assez bien dans de petits amas d'eau dor^ SUR LES POISSONS. 55 ïnanle pour y donner une nourriture abon- dante aux liabilans de ]a campagne. On a bien senti les avantages de cette grande muUiplicalion des poissons utiles dans presque tous les pays où le progrès des lumières a mis réconomie publique en honneur, et où les gouverneniens, profitant avec soin de tous les secours des sciences perfeclionnées 5 ont cherché à faire fleurir toutes les branches de l'industrie humaine. C'est pi'incipalement dans quelques états du nord de l'Europe, et notamment en Prusse et en Suède, qu'on. s'est attaché à augmenter le nombre des individus dans ces espèces précieuses ; et comme un gouvernement paternel ne néglige rien de ce qui peut accroître la subsistance du peuple dont le bonheur lui est confié, et que les soins en apparence les plus minutieux prennent un grand caiactèie dès le moment où ils sont dirigés vers l'utilité publique, on a porté en Suède l'attention pour l'accroissement du nombre des poissons jusqu'à ne pas sonner les cloches pendant le tems du frai des cyprins brèmes , qui y sont très-recherchés , parce qu'on avoit cru s'apercevoir que ces ani- maux, effrayés par le son de ces cloches, ne se livroient pas d'une manière convenable D 4 56 EFFETS DE L^ART aux opérations nécessaires à la reproduction de leur espèce. 7\ussi 3/^ a-t-on souveni: re- cueilli de grands fruits de cette vigilance étendue aux plus petits détails; et , par exemple, en 1749, a-t-on pris d'un seul coup .de filet , dans un lac voisin de Nord- kiseping , cinquante mille brèmes qui pe- soient plus de neuf mille kilogrammes ( dix- huit mille livres ). Et comment n'auroit-on pas cherché, dans presque tous les tems et dans presque tous les pays civilisés, à multiplier des ani- maux si nécessaires aux jouissances du riche et aux besoins du pauvre, qu'il seroit plus aisé à riiomme de se passer de la classe entière des oiseaux et d\me grande partie de celle des mammifères, que de la classe des poissons ? En effet , il n'est pour ainsi dire aucune espèce de ces habitans des eaux douces ou salées, dont la chair ne soit une nourriture saine et très-souvent copieuse. Délicate et savoureuse lorsqu'elle est fraîche , cette chair , recherchée avec tant de raison, devient, lorsqu'elle est tranformée en garum , un assaisonnement piquant; fait les délices des tables somptueuses , même très-îoia du rivage oii le poisson a été péché ^^ SUR LES POISSONS. 67 quand elle a été marinée; peut élre trans- portée à cle plus grandes distances , si on a eu le soin de Fimbiber d'une grande quan- tité de sel ; se conserve peiidant un tems très-long après qu'elle a été sécliée, et, ainsi préparée , est la nourriture d'un très-grand nombre d'hommes peu fortunés qui ne sou- tiennent leur existence que par cet aliment abondant et très-peu cher. Les œufs de ces mêmes habitans des eaux servent à faire ce caviar qui convient au goût de tant de nations; et les nageoires des espèces que l'on croiroit les moins propres à satisfaire un goût délicat sont regardées à la Chine et dans d'autres contrées de l'Asie comme un mets des plus exquis (1). Sur plusieurs rivages peu fertiles , on ne peut completter la nourriture de plusieurs animaux utiles , et par exemple celle des chiens du Kamtschatka , que la nécessité force d'atteler à des traîneaux , ou des vaches de Norvège, destinées à fournir une grande quantité de lait, que par le moyen des ver- tèbres et des arêtes de plusieurs espèces de poissons. (i) Relation de l'ambassade de lord Macartney h la Chine. 58 EFFETS DE L'ART Avec ]cs écailles des animaux dont nou^ nous occupons, on donne le brillant de la nacre au ciment destiné à couvrir les murs des palais les plus magnifiques, et on revêt des boules légères de veiTe de Téclat argentin des perles les plus belles de l'Orient. La peau des grandes espèces se métamor- phose dans les ateliers en fortes lanières , en couvertures solides et presque imperméables à l'humidité, en garnitures agréables de bi- joux donnés au luxe par le goût (i). Les vessies natatoires et toutes les mem- branes des poissons peuvent être converties , dans toutes les contrées , en cette colle pré- cieuse sans laquelle les arts cesseroient de produire le plus grand nombre de leurs ouvrages les plus délicats. L'huile qu'on retire de ces animaux assouplit, améliore et conserve dans presque toutes les manufactures les substances les plus nécessaires aux produits qu'elles doivent fournir; et dans ces contrées boréales ou régnent de si longues nuits, entretenant seule la lampe du pauvre, prolongeant son travail au delà de ces tristes jours qui fuient avec (î) Voyez les articles de la raie sepJien , da squale requin f du squale roussette ^ des acipe/isères , elCi, SUR. LES POISSONS. 69 tant de rapidité, et lui donnant tout le tems que peuvent exiger les soins nécessaires à sa subsisJance et à celle de sa taniille; elle tempère pour lui Iliorreur de ces climats ténébreux et ^elés , et l'afFranchit , lui et ceux qui lui sont cliers, des horreurs plus grandes encore d'une extrême misère. Que Ton ne soit donc pas étonné que Belon 5 partageant Fopinion de plusieurs auteurs recommandables , tant anciens que modernes, ait écrit que la Propontide éloit plus utile par ses poissons^ que des champs fertiles et de gras pâturages d'une égale étendue ne pourroient l'être par leurs four- rages et par leurs moissons. Et douteroit-on maintenant de l'influence prodigieuse d'une immense multiplication des poissons sur la population des empires? On doit voir avec facilité comment cette merveilleuse multiplication soutient , par exemple sur le territoire de la Chine , l'in- nombrable quantité d'habitans qui y sont, pour ainsi dire , entassés. Et si des tenis présens, on remonte aux tems anciens, on peut résoudre un giand problême historique; on explique comment l'antique Egypte nour- rissoit la grande population sans laquelle les admirables et immenses monumens qui ont 6o EFFETS DE L'ART résisié au lavage de (aat de siècles, et sub- sistent encore sur celte terre célèbre, n'au- roient: pas pu être élevés, et sans laquelle Sésostiis n'auroit conquis ni les bords de TEuphrate, du Tigre, de TJndus et du Gange, ni les rives du Pont-Euxin, ni les monts de la Thrace. Nous connoissons rétendue de FEgyple : lorsque ses pyramides ont été construites , lorsque ses aimées ont soumis une grande partie de l'Asie, elle éloit bornée, presqu'autant qu'à présent, par les déserts stériles qui la circonscrivent à l'orient et à l'occident ; et néanmoins nous apprenons de Diodore que dix -sept cents égyptiens étoient nés le même jour que Sésostris : on doit donc admettre en Egypte, à l'époque de la naissance de ce conquérant fameux , au moins trenfe-quatre millions d'habitans. Mais quel grand nombre de poissons ne ren- fermoient pas alors et le fleuve et les canaux et les lacs d'une contrée où l'art de multi- plier ces animaux étoit un des principaux objets de la sollicitude du gouvernement et des soins de chaque famille ? Il est aisé de calculer que le seul lac de Myris ou Mœris pouvoit nourrir plus de dix-huit cent mille millions de poissons de plus d'un demi-mètre ( un pied et demi ) de longueur. SUR LES POISSONS. Gi Cependant, (jue l'hoiiime ue se contente pas de transporter à son gré, d'acclimater, de conserver, dé multiplier les poissons qu'il préfère; que Tait prétende à de nouveaux succès; qu'il se livre à de nouveaux efforts; qu'il tente de remporter sur la Nature des victoires plus brillantes encore ; qu^il per- fectionne son ouvrage; qu'il améliore les individus qu'il se sera soumis. On sait depuis long-tems que des poissons de la même espèce ne donnent pas dans toutes les eaux une chair également déli- cate. Plusieurs observations prouvent que, par exemple , dans les mêmes rivières , leur chair est très-saine et très-bonne au dessus des villes ou dc^s toirens fangeux , et au contraire insalubre et très -mauvaise au dessous de ces torrens vaseux et des amas d'immondices , souvent inséparables des villes populeuses. Ces faits ont été remar- qués par plusieurs auteurs, notamment par Rondelet. Qu'on profite de ces résultats; qu'on recherche les qualités de l'eau les plus propres à donner un goût agréable ou des propriétés salutaires aux différentes espèces de poissons que l'on sera parvenu à multiplier ou à conserver. Qu'on n'oublie pas qu'il est des moyens 62 EFFETS DE L'ART faciles et bien peu dispendieux d'engraisser promplenient plusieurs poissons, et particu- lièrement plusieurs cyprins. On. augmente en très -peu de lems leur graisse, en leur donnant souvenl du pain de chêne vis , ou des fèves et des pois bouillis , ou du fumier, et notamnjcnt de celui de biebis. D'ailleurs une nourriture convenable et abondante développe les poissons avec rapidité, fait jouir beaucoup plus tôt du fruit des soins que l'on a pris de ces animaux , et leur donne la faculté de pondre et de féconder une très - grande quantité d'œufs pendant un très-grand nombre d'années. On a observé, dans tous les tems, que le repos et un aliment très -copieux engiais- soient beaucoup les animaux. On s'est servi de ce moyen pour quelques poissons ; et ou Ta employé d'une manièie remarquable pour les carpes : on les a sus[)endues hors de l'eau, de manière à leur inteidire le plus foible mouvement de nageoires, et elles ont été enveloppées dans de la mousse épaisse qu'on a fréquemment arrosée. Par ce pro- cédé , ces cyprins ont été non seulement réduits à un repos absolu , mais plongés perpétuellement dans une sorte d'humidité ou de fluide aqueux qui, parvenant très-: SUR LES POISSONS. 63 divisé à leur surface , a été facilemeut pompé, absorbé, décomposé, combiné dans l'intérieur de Tanimal , assimilé à sa subs- tance , et métamorphosé par conséquent en nourriture très-abondante. Aussi ces carpes maintenues en Tair, mais i^tenues au milieu d'une mousse humectée presque continuel- lement , ont-elles bientôt acquis une graisse copieuse , et de plus un goût très-agréable. Dès Iç tems de W^illughby , et même de celui de Gesner , on savoit que Ton pouvoit ouvrir le ventre à certains poissons , et sur- tout au brochet et à quelques autres ésoces , sans qu'ils en périssent, et même sans qu'ils en parussent long - tems incommodés. 11 suflBLt de séparer les muscles avec dextérité, de rapprocher les chairs et les tégujTiens avec adresse , et de les recoudre avec pré- caution, pour qu'ils puissent plus facilement se i-éunir. Cette facilité a donné l'idée d'em- ployer, pour engraiser ces poissons, le même naoyeu dont on se sert pour donner un très- grand surcroit de graisse aux bœufs , aux moutons, aux chapons, aux poulardes, etc. On a essayé , avec beaucoup de succès , d'enlever aux femelles leurs ovaires , et aux mâles leurs laites. La soustraction de ces organes, faite avec habileté et avec beau- 64 EFFETS DE L^ART coup d'alteniioii 5 n'a dérangé que j>enclanfe un tems irès-couri: la sanlé des poissons qui Font éprouvée ; et toute Ja paiùe de leur substance qui se [)ortoit vers leurs laites ou vers leurs ovaires, et qui 3^ donnoit nais- sance ou à des centaines de millieis d'œufs, ou à une quantité très -considérable de liqueur fécondante, ne trouvant {^lus d'or- gane particulier pour l'élaborer ni même pour la recevoir , a reflué veis les autres portions du coips^ s'est jetée principalement dans le tissu cellulaire, et y a produit une graisse non seulement d'un goût exquis, mais encore d'un volume extraordinaire. Mais que roo ait sur-tout recours, pour l'aînélioratiou des poissons , à ce moyen dont on a retiié de si grands avantages pour accroître les bonues qualités et les belles formes de tant d'autres animaux utiles, et qui produit des phénomènes physiologiques dignes de toute l'attention du naturaliste : c'est le croisement des races que nous re- commandons. On sait que c'est par ce croi- sement que l'on est parvenu à perfectionner le bélier, le boeuf, l'âne et le cheval. Les e>'oèces de poisson, et piincipalement celles qui vivent très-près de nous , qui préfèrent à la haute mer les rivages de l'Océan , les fleuves , SUR LES POISSONS. 65 fleuves , les rivières et les lacs , et qui , par la nature de leur séjour, sont plus soumises à rinfluence de la nourritme , du climat , de la saison , ou de la qualité des eaux , présentent des races très-distinctes , et sé- parées Tune de l'autre par leur grandeur , leur force , leurs propriétés ou la nature de leurs organes. Qu'on les croise , c'est-à-dire, qu'on féconde les œufs de l'une avec la laite d'une autre. Les individus qui proviennent du mélange de deux races , non seulement valent mieux que la race la moins bonne des deux qui ont concouru à les former , mais encore sont préférables à la meilleure de ces deux races qui se sont réunies. C'est un fait très- remarquable, très-constaté 5 et dont on n'a donné jusqu'à présent aucune explicalioa véritablement satisfaisante , parce qu'on ne l'avoit pas considéré dans la classe des pois- sons, dont l'acte de la génération est beau- coup plus soumis à Texamen dans quelques- unes de ses circonstances, que celui des mammifères et des oiseaux qui a voient été les objets de l'étude et de la recherche des zoologues. Rapprochons donc ce qu'on peut dire de ce curieux phénomène. Foiss. Tome IL E 66 EFFETS DE L^\RT Premièrement, une race qui se réunit à une seconde éprouve , relativement à Tin- fluende qu'elle tend à exercer, une sorte de résislance que produisent les disparités et les disconvenances de ces deux races : celte ré- sistance est cependant vaincue , parce qu'elle est très-limilée. Et l'on ne peut plus ignorer en physiologie , qu'il n'en est pas des corps organisés et vivans comme de la matière brute et des substances mqrtes. Un obstacle tend les ressorts du corps organisé, de ma- nière que son énergie vitale en est aug- mentée, au point que, lorsque cet obstacle est écarté 5 non seulement la puissance du corps vivant est égale à ce qu'elle é toit avant la résistance , mais même qu'elle est supé- rieure à la force dont il jouissoit. Les dis- convenances de deux races qui se rappro- chent font donc naître un accroissement de vitalité , d'action et de développement dans le produit de leur réunion. Secondement , dans un mâle et une fe- melle d'une race , il n'y a que certaines portions analogues les unes aux autres qui agissent directement ou indirectement pour la reproduction de l'espèce. Lorsqu'une nouvelle race s'en approche , elle met en mouvement d'autres portions qui, à caus^ SUR LES POISSONS. 67 de leur repos antérieur, doivent produire de plus grands effets que les pre.'Tiières. Ti'oisièmenient , les deux races mêlées l'une avec l'autre ont entre elles des rap- ports desquels résulte un grand développe- ment dans les fruits de leur union , parce que ce développement ne doit pas être considéré comme la somme de l'addition des qualités de Tune et de l'autre des deux i'aces, mais comme le produit d'une mul- tiplication , et ^ ce qui est la même chose , comme l'effet d'une sorte d'intussuscepiioii et dé combinaison intime , au lieu d'une simple juxtaposition et d\ine jonction su- perficielle. C'est un fait semblable à celui qu'obser- vent les chimistes , lorsque , par une suite d'une pénétration plus ou moins grande , le poids de deux substances qu'ils ont com- binées l'une avec l'autre est plus grand que la somme des poids de ces deux subs- tances avant leur combinaison. Le résultat du croisement de deux races n'est cependant pas nécessairement , et dans toutes les circonstances, le perfectionnement des espèces : il peut arriver et il arrive quelquefois que ce croisement les détériore au lieu de les améliorer. En effet , et indé- E â 68 EFFETS DE L^ART pendamnient d'autre raison , chacun des deux in^iividus qui se rapprochent dans l'acte de la généiation peut être regardé comme inipjimant la- forme à Têtre qui provient de leur union , ou comme four- nissant la matière qui doit être façonnée, ou comme influant à la fois sur le fond et sur la forme : mais nous ne pouvons avoir aucune raison de supposer qu'après la réu- nion de deux races il y ait nécessairement, entre la matière qui doit servir au déve- loppement et le moule dans lequel elle doit être figurée, plus de convenance qu'il n'y en avoit avant cette même réunion , dans les individus de chacune de ces deux races considérées séparément. 11 y a donc dans l'éloignement des races l'une de l'autre , c'est-à-dire, dans le nombre des différences qui les séparent, une limite en deçà et au delà de laquelle le croisement est par lui-même plus nuisible qu'avan- tageux. L'expérience seule peut faire connoître cette limite : mais on sera toujours sûr d'éviter tous les inconvéniens qui peuvent résulter du croisement considéré en lui- même, si dans cette opération on n'emploie jamais que les meilleures races, et si, par SUR LES POISSONS. 69 exemple, en mêlant les races des poissons, on ne cesse de rechercher celles qui offrent le plus de propriétés utiles, soit pour obtenir les œufs que l'on voudra féconder , soifc pour se procurer la liqueur active par le moyen de laquelle on désirera de vivifier ces œufs. Voilà à quoi se réduit ce que nous pou- vons dire du croisement des races , après avoir réuni dans notre pensée les vérités déjà publiées sur cette partie de la ph^^sio- logie, les avoir dégagées de tout appareil scientifique , les avoir débarrassées de toute idée étrangère , les avoir comparées , et y avoir ajouté le résultat de quelques ré- flexions et de quelques observations nou- velles. Considérons maintenant de plus haut ce que peut rhomme pour ramélioratiori des poissons: Tâchons de voir dans toute son étendue l'influence qu'il peut exercer sur ces animaux par l'emploi des quatre grands moyens dont on s'est servi , toutes les fois qu'il a voulu modifier la Nature vivante» Ces quatre moyens si puissans sont , la nourriture abondante et convenable qu'il a donnée , l'abri qu'il a procuré , la con- trainte qu'il a imposée , le choix qu'il a fait E 3 70 EFFETS DE L'ART des mâles et des femelles pour la propa^ gation de Tespèce. En réunissant ou en employant séparé- menl: ées quatre insi rumens de son pouvoir , riiomnie a modifié les poissons d'une ma- nière bien plus profonde qu'on ne le Croiroit au ])remier coup d'œil. En rapprochalit un grand nombre de germes , il a resserré dans un espace àsse^î érroit les œufs de ces ani- maux 5 pour que plusieurs de ces œufe né se soient colJés l'un à Fautre , comprimés , pénétrés , entièrement réunis , et , pour ainsi dire , identifiés ; et de cette introduction d'un œuf dans un autre , si je puis parler ainsi , il est résulté une confusion si grande de deux fœtus, que Foil* a vu éclore des pois- sons monstrueux , dont les uns avoient deux létes et àeu:^. avant-corps , pendant que d'autres présentoient deux tètes , deux corps et déur queues liés'eiisemble par le ventre ou par un côté qui appartenoit aux deux corps , et attachés même quelquefois par cet organe commun ^ de manière à repié- senler une croix. Mais laissons ces écpfrts que la Nature , contrainte d'obéir à l'art de l'homme, peut présenter, comme lorsqu'indépendante de cet ait eWo n'est soumise qu'aux hasards des SUR LES POISSONS. 71 accidens : les produits de celte sorte d'ac- couplement exlraoj'diiiaire ne constiliient aucune amélioration ni de l'espèce, ni aiéme de l'individu; ils ne se perpétuent ])cis par la génération; ils n'ont en généra] qu'une courte existence : ils sont étrangers à notre sujet. Examinons des effets bien différens de ces phénomènes, et par leur durée , et par leur essejice. Voici tous les attributs des poissons que la domesticité a déjà pu changer : Les couleui-s : elles ont été variées el dans leurs nuances et dans leur distribution. Les écailles : elles ont acquis ou perdu de leur épaisseur et de leur opacité ; leur figure a été altérée, leur surface étendue ou ré- trécie , leur adhésion à la peau affoibîie ou fortifiée, leur nombre diminué ou augmenté. Les dimensions générales : elles ont été agrandies ou rapetissées. Les proportions des principales parties de la tête , du corps ou de la queue : elles ont montré de nouveaux rapports. La nageoire dorsale : elle a disparu. La nageoire de la queue : elle a offert une nouvelle forme , et de plus elle a été ou doublée ou triplée, comme on a pu le voir, E 4 72 EFFETS DE L'ART par exemple , en examinant les modifications que le cyprin doré a subies dans les bassins d'tiiurope, et sur- tout dans ceux de la Chine, où il est élevé avec soin depuis un grand nombre de siècles. L'art a donc déjà remanié, pour ainsi dire, non seulement les tégumens des poissons , et même un des plus puissans instrumenrde leur natation , mais encore presque tous leurs organes, puisqu'il en a changé les propor- tions ainsi que l'étendue. C'est par ces grandes modifications qu'il a produit des variétés remarquables. A me- sure que l'influence a été forte, que l'im- pression a été vive , qu'elle a pénétré plus avant , le changement a été plus profond , et par conséquent plus durable. La nouvelle manière d'être , produite par l'empire de l'homme, a été assez intérieure, assez em- preinte dans tous les organes qui concourent à la gêné ta lion , assez liée avec toutes les forces qui contribuent à cet acte, pour qu'elle ait été transmise, au moins en grande partie, aux individus provenus de mâles et de fe- melles déjà modifiés. Les variétés sont de- venues des races plus ou moins durables ; et lorsque, par la constance des soins de l'homme , eUes auront acquis tous le& ca- SUR LES POISSONS. 70 racfères de ]a stabilité, c'esl-à-dire, lorsque toutes les parties de ranimai qui , par une suite de leur dépendance mutuelle , peuvent ai^ir les mies sur les autres, auront reçu «ne niodilication proportionnelle , et que par conséqnent il n'existera plus de cause inté- rieure qui tende à ramener les variétés vers leur état primitif, ces mêmes variétés, au moins si elles sont séparées pai d'assez grandes diiférences de la souche dont elles auront été détachées, constitueiont de véritables espèces permanentes et distinctes. C'est alors que Thomme aura réellement exercé une puissance rivale de celle de la Nature , et qu'il aura conquis l'usage d'un mode nouveau et bien important d'améliorer les poissons. Mais il peut déjà avoir recoures à ce mode d'une manière qui marquera moins la puis- sance de son art , mais qui sera bien plus courte ei bien plus facile. Qu'il fasse pour les espèces ce que nous avons dit qu'il de voit faire pour les races ; qu'il mêle une espèce avec une autre,* qu'il emploie la laite de l'une à féconder les œufs de l'autre, il ne craindra dans ses tentatives aucun des obstacles que l'on a dû vaincre , toutes les fois qu'on a voulu tenter l'accou- 74 EFFETS DE L'ART plemeiit d'un mâle ou d'une femelJe avec une femelle ou un mâle d'une espèce étran- gère 5 et que Ton a choisi les objets de ses essais parmi les mammifères ou parmi les oiseaux. On dispose avec tant de facilité de la laite et des œufs ! En renouvelant ses efforts^ non seulement on obtiendra des mulets, mais des mulets féconds 5 et qui transmettront leurs qualités aux générations qui leur devront le jour. On aura des espèces mélives , mais durables, distinctes et existantes par elles-mêmes. On sait que la carpe produit facilement des métis avec la gibèle ou avec d'autres cyprins. Qu'on suive cette indication. Pour éprouver moins de difficultés, qu'on cherche d'abord à réunir deux espèces qui fraient dans le même tems , ou dont les époques du frai arrivent de manière que le commencement de l'une de ces deux époques se rencontre avec la fin de l'autre. Si l'on ne peut pas se procurer facilement de la liqueur séminale de Tune des deux espèces, et l'obtenir avant qu'elle n'ait perdu, en se desséchant ou en s'altérant, sa qualité vivifiante, qu'on place des œufs de la seconde à une profondeur convenable , et à une ex*- position favorable, dans les eaux fréquentées SUR LES POISSONS. 76 par les mâles de la première. Qu'on les y arrange de manière que leur odeur attire facilement ces mâles, et que leur position les invite, pour ainsi dire, à les arroser de leur fluide fécondant. Dans quelques circons- tances , on pourroit les y ccmtraindre en quelque sorte en détruisant autour de leur habitation ordinaire , et à une distance assez grande, les œufs de leurs propres femelles. Dans d'autres circonstances , on pounoit essayer de les faire arriver en grand nombre au dtîssus de ces œufs étrangers que Fou voudroit les voir vivifier , en mêlant à ces œufs une substance composée , factice et odorante, que plusieurs tentatives feroient découvrir, et qui, agissant sur leur odorat comme les œufs de leur espèce, les déier- mineroit aussi efficacement que ces derniers à se débariasser de leur laite et à la répandre abondamment. Voudra -t- on se livrer à des essais plus hasardeux, et réunir deux espèces de poi- sons dont les époques du frai sont séparées par un intervalle de quelques jours ? Que l'on garde des œufs de l'espèce qui fraie le plus tôt ; que l'on se souvienne que l'on peut les préserver du degré de décomposition qui s'opposeroit à leui^ fécondation , et qu'on les 76 EFFETS DE L'ART répande , avec les précautions nécessaires , à la portée des mâles de la seconde espèce , lorsque ces derniers sont arrivés au ternie de la maturifé. Au reste, les soins multipliés que l'on est obligé de se donner pour faire réussir ces unions que l'on pourroit nommer artificielles, expliquent pourquoi des réunions analogues sont très - peu fréquentes dans la Nature, et par conséquent pourquoi cette Nature , quelque puissante qu'elle soit, ne produit cependant que très - rarement des espèces nouvelles par le mélange des espèces an- ciennes. Cependant, depuis que Ton observe avec plus d'attention les poissons, on re- marque dans plusieurs genres de ces animaux des individus qui, présentant des caractères de deux espèces différentes et plus ou moins voisines , paroissent appartenir à une race intermédiaire que l'on devra regarder comme une espèce métive et distincte , lorsqu'on l'aura vue se maintenir pendant mi tems très-long avec toutes ses propriétés particu- lières, et du moins avec ses attributs essen- tiels. Nous avons commencé de recueillir des faits curieux au sujet de ces dspèces , pour ainsi dire, mi -parties, dans les lettres de plusieurs de nos sa vans correspondaus , et SUR LES POISSONS. 77 notamment de M. Noël de Rouen. Ce dernier naturaliste pense par exemple que les nom- breuses espèces de j aies qui se rencontrent sur les rives françaises de la Manche , lors du tems de la fécondation des œufs doivent, en se mêlant ensemble , avoir donné ou donner le jour à des espèces ou races nou- velles. Cette opinion de M. Noël rappelle celle des anciens au sujet des monstres de l'Afrique. Ils croyoient que les grands mam- mifères de cette partie du monde, qui ha- bitent les environs des déserts , et que la chaleur et la soif dévorantes contraignent de se rassembler fréquemment en troupes très- nombreuses autour des amas d'eau qui ré- sistent aux rayons ardens du soleil dans ces régions voisines des tropiques, doivent sou- vent s'accoupler les uns avec les autres , et que de leur union résultent des mulets fé- conds ou inféconds , qui , par le mélange extraordinaire de diverses formes remar- quables et de difïérens attributs singulieis, méj'itent ce nom imposant de monstres africcLins. Cependant ne cessons pas de nous occuper de ces poissons mulets que Tart peut pro- duire ou que la Nature fait naître chaque jour par l'union de la carpe avec la gibèle. 78 EFFETS DE L'ART ou par celle de plusieurs autres espèces ; sans faire une réflexion importante relatif vement à la génération des animaux dont nous écrivons Fliistoire, et iuême à celle de presque tous les animaux. Des auteurs d'une grande autorité ont écrit que , dans la reproduction des pois^ sons, la femelle exerçoit une si grande influence, que le fœtus étoit entièrement formé dans fœuf avant lémission de la laite du mâle, et que la liqueur séminale dont Toeuf étoit arrosé, imbibé et pénétré, ne devoit être considérée que comme une sorte de stimulus propre à donner le mouvement et la vie à l'embryon préexistant. Cette opinion a été étendue et généralisée au point de devenir une tliéoi ie sur la géné- ration des animaux, et même sur celle de riiomme. Mais l'existence des métis ne dé- truit-t-elle pas cette hypothèse? ne doit-ori^ pas voir que, si la liqueur fécondante du ïnà]e n'étoit qu'un fluide excitateur, n'in- fluoit en rien sur la forme du fœtus,, ne donnoit aucune partie à Fembryon, les œufs de la même femelle, de quelque laite qu'ils fussent arrosés, feroient ton joui s naître des individus semblables? Le stimulus pourroit être plus ou moins actif; Tembryon seroit SUR LES POISSONS. 79 plus fort ou plus foible; le fœlus écloroit plus Lot ou plus tard ; Fanimal jouiroit d'une vitalité plus ou moins grande; mais ses formes seroient toujours les mêmes ; le nombre de ses organes ne varieioit pas; les dimensions pourroient être grandies ou diminuées; mais les proportions, les attri- buts, les signes distinctifs ne montreroient aucun changement , aucune modification ; aucun individu ne présenteroit en même tems et des traits du mâle et des traits de la femelle; il ne pourroit, dans aucnne cir- constance, exister un véritable métis. Quoi qu'il en soit , les espèces que lliomme produira , soit par l'iniluence qu^il exercera sur les individus soumis à son empire, soit par les alliances qu'il établira entre des espèces voisines ou éloignées , seront un grand moyen de comparaison pour juger de celles que la Nature a pu ou pourra faire naître dans le cours des siècles. Les modifications que l'homme imprime ser- viront à déterminer celles que la Nature impose, La connoissance que l'on aura du point où aura commencé le développement des premières, et de celui où il sera arrêté, dévoilera l'origine et l'étendue des secondes. Les espèces artificielles seront la mesure des 8o EFFETS DE L'ART espèces naturelles. On sait, par exemple,' que le cyprin doré de la Chine perd dans la domesticité , non seulement des traits de son espèce par Faltératiôn de la forme de sa nageoire caudale, mais encore des signes distinclifs du gjoupe principal ou du genre auquel il apparlient, puisque la nageoire du dos lui est ôtée par l'art, et même des carac- tères de la grande famille ou de Tordre dans lequel il doit être compris , puisque la main de rhomme le piive de ses nageoires infé- rieures dont la position ou l'absence indiquent les ordres des poissons. A la vérité, Faction de l'homme n'a pas encore pénétré assez avant dans l'intérieur de ce cyprin doré, pour y changer ces pro- portions générales de l'estomac, des intestins, du foie, des reins, des ovaires, etc., qui constituent véritablement la diversité des ordres, pendant que l'absence ou la position des nageoires inférieures n'est qu'un signe extérieur qui, par ses relations avec la forme et les dimensions des organes internes, an- nonce ces ordres sans en produire la diver- sité. Mais que sont quelques milliers d'années, pendant lesquels les chinois ont manié , pour aiusi dire, leur cyprin doré, lorsqu'on les SUR LES POISSONS. 8i les compare au tenis dont la Nature dispose? C'est cette lenteur dans le travail, c'est cette série infinie d'actions successives , c'est cette accumulation perpétuelle d'efforts dirigés dans le même sens, c'est cette constance et dans Tintensilé et dans la tendance de la force, c'est cet enjploi de tous les instans dans une durée non interrompue de milliers de siècles, qui, survivant à tous les obstacles qu'elle n'a pu ni dissoudre ni écaiter, est le véiitabîe ])rincipe de la puissance ii résistible de la Nature. En ce sens, ]a Nature est le tems qui règne sans conti ainte sur la matière qu'elle façonne et sur l'espace dans lequel elle distribue les ouvrages de ses mains immortelles. Ce sera donc toujours bien au delà de la limite du pouvoir de l'homme qu'il faudra placer celle de la force victorieuse qui appar- tient à la Nature. Mais les jugemens que nous porterons de cette force d'après l'éten- due de l'art, n'en seront que plus fondés; nous n'aurons que plus de raison de dire que les espèces artificielles , excellentes mesures des espèces naturelles produites dans la suite des âges, sont aussi le mètre d'après lequel nous pourrons évaluer avec précision le Foiss. Tome IL F S^ EFFETS DE L'ART nombre des espèces perdues , le nombre de celles qui ont disparu avec les siècles. Deux grandes manières de considérer Funivers animé sont dignes de toute l'at- tention du véritable naturaliste. D'un côté on peut voir, dans les tems très-anciens , tous les animaux n'existant encore que dans quelques espèces pi imitive.^, qui, par des moj/ens analogues à ceux que l'art de l'homme peut employer, ont pro- duit , par la force de la Nature , des espèces secondaires, lesquelles par elles-mêmes, ou par leur union avec les primitives, ont fait riaître des espèces tertiaires, etc. Chaque degré de cet accroissement successif offrant un plus grand nombre d'objets que le degré précédent , les a montrés séparés les uns des autres par des intervalles plus petits, et dis- tingués par des caractères moins sensibles; et c'est ainsi que les produits animés de la création sont parvenus à cette multitude innombrable et à cette admirable variété qui étonnent et enchantent l'observateur. D'un autre côté on peut supposer que; dans les premiers âges, toutes les manièies d'être ont été employées par la Nature , qu'elle a réalisé toutes les formes , déve- loppé tQUS le$ orgauçs, mis en jeu toutes SUR LES POISSONS. 85 les facultés, donné le jour à tous les êtres vivans que rimagination la plus bizarre peut concevoir; que dans ce nombre infini d'espèces , celles qui n'avoient reçu que des moyens imparfaits de pourvoir à leur nour- riture , à leur conservation , à leur repro- duction, sont tombées successivement dans le néant; et que tout s'est réduit enfin à ces espèces majeures , à ces êtres mieux partagés , qui figurent encore sur le globe. Quelque opinion qu'il faille préférer sur le point du départ de la Nature créatrice, sur cette multiplication croissante, ou sur cette réduction graduelle , l'état actuel des choses ne nous permet pas de ne pas con- sidérer la nature vivante comme se balan- çant entre les deux grandes limites que lui opposeroient à une extrémité un petit nombre d'espèces primitives , et à l'autre extrémité l'infinité de toutes les espèces que l'on peut imaginer. Elle tend continuelle- ment vers l'une ou vers l'autre de ces deux limites, sans pouvoir maintenant en appro- cher, parce qu'elle obéit à des causes qui agissent en sens contraire les unes des autres, et qui, tour à tour victorieuses et vaincues, ne cèdent, lors de quelques époques, quç 84 EFFETS DE L'ART pour reparoître ensuite avec leur première supériorité. Quel spectacle que celui de ces alterna- tives ! quelle étude que celle de ces phéno- mènes ! quelle recherche que celle de ces causes ! quelle histoire que celle de ces époques ! Et pour les bien décrire , ou plutôt pour les connoître dans toute leur étendue , il îiiat les contempler sous les dilférens points de vue que donnent trois suppositions ^ parmi lesquelles le naturaliste doit choisir, lorsqu^il examine Tétat passé, présent et futur du globe sur lequel s'opère ce balan-! cément merveilleux. La température de la terre est-elle cons- tante, comme on Ta cru pendant long-tems, ou la chaleur dont elle est pénétrée va-t- elle en croissant , ainsi que quelques phy- siciens Font pensé ? ou cette chaleur dé- croît-elle chaque jour, comme Tout écrit de grands naturalistes et de grands géomètres, les Leibnitz, les Buffon, les Laplace? Présentons la question sous un aspect plus direct. La Nature vivante est-elle toujours animée par la même température ? ou la chaleur, ce grand principe de son énergie. SUR LES POISSONS. 85 diminue-t-elle ou s'accroît -elle à mesure que les siècles augmentent ? Quels sujets sublimes pour la méditation du géologue et du zoologiste ! quelle immen- sité d'objets ! quelle noble fierté l'homme devra ressentir, lorsqu'après les avoir con- templés, son génie les verra sans nuage, les peindra sans erreur, et, mettant chaque événement à sa place, fera la part des tems écoulés et des tems qui s'avancent ! F 5 86 DENOMINATIONS DES DÉNOMINATIONS Par lesquelles les Naturalistes distinguent les diverses parties des Poissons, JliN lisant les ouvrages qui traitent de riiistoire naturelle des poissons, et particu- lièrement ceux qui , par trop de concision , deviennent quelquefois obscurs, l'on est sou- vent embarrassé pour trouver la vraie signi- fication des termes caractéristiques, mais de pure convention entre les naturalistes. Les livres systématiques sur-tout abondent en expressions qui ne sont point usités dans le langage ordinaire, et aucun dictionnaire ne les explique de la manière dont les savans les entendent. 11 m'a donc paru utile de donner ici un court Vocabulaire du langage ichthyologique , tel que le parlent la plupart des auteurs modernes, et par là de mettre à portée de comprendre leurs ouvrages ; ce qui seroit impossible sans cette espèce de clef de mots récemment inventés, et assurément trop multipliés. A chacun de ces mois, dont la plus grande partie n'est point reçue eu D I s T I N C T I V E S; 87 français, je joindrai le mot correspondant en latin de nomenclature; ce qui donnera la facilité d'entendre aussi les livres latins qui traitent de l'histoire naturelle des poissons, et de connoître les dénominations par les- quelles ils désignent les formes variées des diverses parties dans les différentes espèces. LE CORPS; corpus. Le corps des poissons, considéré à l'exté- rieur, est : 1. OvÉ, ovatum^ quand il approche de la forme d'un œuf, c'est-à-dire, lorsqu'il a plus de longueur que de largeur, et que l'un des bouts est plus pointu que l'autre. 2. Arrondi ou rond, orbiculatum^ lors- qu'étant aplati, il a autant de diamètre en hauteur qu'en longueur. 3. Oblong, oblongum^ s'il est plus long que large, n'ayant cependant pas, comme Yové^ l'une de ses extrémités plus pointua que l'autre. 4. Lancéolé , lanceolatum , ici la lon- gueur surpasse sensiblement la hauteur, et une des extrémités est alongée en pointe. 5. OvÉ - LANCÉOLÉ , ovato -lanceolatum , lorsque la forme tient de celle de Yovée et de la lancéolée. F 4. 88 DENOMINATIONS 6. Linéaire-lancéolé , lineari-lanceo^ latum , quand la forme alongée ou lancéolée offre la figure d'une ligne. 7. Atténué, attenuatum , quand il pa- roît déprimé par la maigreur. 8. Ensiforme , ensiforme , ou en forme d'épée , c'est-à-dire , lorsque le milieu est tin peu enflé, tandis que le dos et le ventre se terminent eu carène tranchante , de ma- nière à avoir quelque ressemblance avec une lame d'épée. 9. -DÉPRIMÉ , plagioplateurn vel depres^ sum , quand la largeur surpasse la hauteur. Ea difféj'ence qui se trouve entre, déprimé et comprimé ^ c'est que le premier est l'efï'et de la pression verticale , tandis que le second est celui de la pression latérale. 10. Comprimé , catetoplateum vel corn- pressum , lorsque la hauteur surpasse la lar- geur. (Voyez ci-dessus le mot déprimé.) 11. Anceps, en français et en latin; cette dénomination est la même , dans notre langue, que ensiforme ou à deux tranchans , et nous n'avons d'autre moyen de l'exprimer en français que de dire : en forme d'épée, 12. En couteau, cultratum , quand la partie supérieure du dos est large et aplatie ^ DISTINCTIV ES. 89 tandis que la partie inférieure du corps est conime tranchante. i5. Ent carène ou caréné, carinalum ^ quand la partie supérieure du dos est ar- rondie, tandis que l'inférieure du corps est tranchante , c'est-à-dire , en quille de vais- seau. 14. A TRTANGLES OU TRIGONE, trlgonum ^ lorsqu'il se trouve trois saillies ou élévations sur toute la longueur du corps. 15. A QUATRE ANGLES, tctragOTlum ^ quand sur toute la longueur du corps il se trouve quatre saillies. 16. A PLUSIEURS ANGLES , polygOnUTTl , quand sur la même longueur du corps il se rencontre plus de quatre saillies. 17. En FORME DE COIN OU CUNÉIFORME, cuneatum aut cunéiforme : quand le corps va ^n diminuant d'épaisseur , de la tête à la queue , et que cette dernière partie se ter- mine en une espèce de lame mince , comme un coin, dont on fait usage pour fendre le bois. 18. Cylindrique, cjlindricum , c'est-à- dire, également rond dans toute sa longueur. 19. Rond en longueur; teres , c'est-à-dire, lorsque le coi'ps étant rond, <90 DENOMINATIONS va en diminuant insensiblement vers son extrémité. 20. En forme de fuseau ou fusiforme, fusiforme , plus long que large , et ses deux extrémités se terminant en pointe. 2 1 . Conique , conicum , arrondi dans toute sa longueur ;, se terminant en pointe , en diminuant insensiblement de la tête à la queue. 23. Ventru, ventricoswn , quand la partie inférieure est renflée. 20. B0S8V , gibbum , quand la partie supé- rieure du dos est relevée et saillante , en forme de bosse. 24. Alépidote ou NU , alepidotum aut nuduiriy c'est-à-dire, sans écailles. 25. EcAiLLEUx , squamosum , recouverte d'écaillés. 26. Macrolépidote , macrolepidotum , couverte de grandes écailles. 27. EcAiLLEUX- OCCULTE 5 occultè squa- rnosurn , lorsque de petites écailles sont en- veloppées par une pellicule. 28. Lisse ou poli , glahrum , lorsque les écailles ou la peau ne sont ni rudes ni raboteuses. , 39. Glissant , lubricum ^ lorsqu'enduit DISTINCTIVES. 91 d'une liqueur visqueuse , le corps glisse dans la main , sans qu'on puisse l'y retenir en le seirant. 00. HÉRISSÉ ou MURIQUÉ DE POINTES; muriatum , quand la peau est toute armée d'espèces d'épines ou de piquans. 5i. Cataphracte, cataphractum , cui- rassé, armé de toutes pièces; quand la peau est très-dure ou couvertes d'écaillés , très- serrées et unies entre elles, de sorte qu'elles ne paroissent former qu'une seule pièce. 32. Cuirassé, loricatum ^ ou revêtu d'une enveloppe osseuse. 33. Articulé , articulatum , ou composé d'anneaux qui s'emboitent les uns dans les autres. 54. Epineux , aculeatum , quoiqu'en îatia cette dénomination diffère de celle de mu- ricatum , nous ne pouvons néanmoins la rendre en français que par hérissé de pi^^ quans ou d'épines, 35. DiACANTHE , diacantJiwn , qui a deux aiguillons ou épines. 36. Triacanthe, triacanihum , qui a trois aiguillons ou épines. 57. Tetracanthe, tetracanthum y qui a quatre aiguillons ou épines. 92 DENOMINATIONS 38. PoL Y ACANTHE , poljcanthum : qui a plusieurs épines ou aiguillons. 59. Poli, doux; lepe : c'est-à-dire, à surface lisse , et qui n'est point rude au toucher. 40. Jaspe ou marbré, variegatum : varié de plusieurs couleuis. 4i. De deux couleurs, hicolor \ qui a deux couleurs dislinctes et séparées. 4ii. Piqueté, pictum: marqué de très- petits points. 45. Rayé, lineatum : marqué d'une mul- titude de petites lignes de couleur différente de celle du fond. 44. Maillé ou émaillé , reticulatum seu cancellatum : on emploie cette dénomina- tion lorsque les lignes ou raies se croisent de manière à former des espèces de mailles ou un réseau. 45. Ponctué , punctatum : la différence entre ponctué et piqueté , c'est que la pre- mière expression indique de gros points, de couleur différente de celle du fond , au lieu que par la seconde on entend des points presque imperceptibles. ^46. CiiiRciiÉoucEiNXUE.É;/a5cia^w/72; DISTINCTIVES. gS couvert de bandelettes transvei'sales, longi- tudinales ou obliques. 47. RuBANÉ , vittatum : lorsque les ban- delettes s'étendent liorisontalenient de la tête à la queue. 48. Brillant , nitens , dont la surface paroît luisante comme si elle étoit vernie. 49. Taché, maculatum , couvert de grandes taches. 50. (EiLLÉ, ocellatum : marqué de taches circulaires en forme d'anneaux. 5i. Argenté, argenteum : de couleur d'argent bruni. hi. Doré, aureum: de couleur d'or. 53. Malacoptérygien, malacop- ierygium : lorsque toutes ses nageoires sont formées par des rayons , sans aiguillon. 54. AcantoptÉrygien , acantopterigium : quand chacune des nageoires , ou seulement quelqu'une d'entre elles est soutenue dans toute sa longueur, ou dans quelque partie par des aiguillons. 55. Monoptéry^gten, uni-pinne aut monopterygium , à une seule nageoire sur le dos. 56. DiPTÉRYGiEN, (lipterygluni aut Bipinne: qui a deux nageoires dorsales.. ç)4 DENOMINATIONS 57. TriptÉrygien, tripterygium vel tripinne , qui a trois nageoires sur le dos. 58. Tetraptérygien , tetrapterygium vel quadripinne , à quatre iiageoiies dorsales^ 69. Pentaptérygien 5 pentapterygium aut quinquepinne , pourvu de cinq nageoires dorsales. 60. HexaptÉRYGIEN, hextapterygium sive sexpinne ; qui présente six nageoires sur le dos. DES NAGEOIRES. Les nageoires , pinnœ , que Ton pourroit nommer les membres des poissons , sont parfaites ou imparfaites , ou adipeuses. Les nageoires pai faites , perfectœ , sont composées d'osselets mobiles contenus dans une membrane, tantôt transparente et tantôt parsemée de taches , de points ou de lignes qui la rendent opaque ; cette membrane est toujours la continuité de la peau du corps de l'animal. Les nageoires imparfaites , mancœ , sont composées de rayons mobiles ou séparés les uns des autres , ou étroitement unis , sans aucune membrane qui les lie entre eux» DISTINCTIVES. ^5 Les nageoires adipeuses , ou fausses na- geoires , spuriœ , semblent n'èl re formées que par un prolongement de la peau , et sont dépouivues de rayons. On divise les nageoires parfaites en simples et en composées. Les nageoires simples , simplices , ont tous leurs osselets du même genre , ou tous rayons, ou tous aiguillons. Les nageoires composées , compositœ , ont leurs premiers osselets en aiguillons, et les suivans en rayons. Les nageoires prennent des dénominations différentes , suivant les différentes parties du corps auxquelles elles sont attachées. On appelle nageoires dorsales celles qui sont placées sur le dos ; pectorales , celles de la poitrine placées sous l'ouverture des ouïes de chaque côté : on les nomme aussi nageoires latérales; ventrales, celles du ventre; anale, ou de Tanus, celle qui est près de l'orifice de l'anus; caudale, caudalis , celle qui ter- mine la queue ; enfin , branchiales , bran- chiales ^ les nageoires placées près de l'oper- cule des ouïes. Indépendamment de ces dénominations ; que les nageoires prennent à raison de leur position, on les distingue encore par d'autres 96 DENOMINATIONS épithètes qui se tirent ou de leur figure, ou de leur place, ou de la substance dont elles sont composées, ou enfin de leur nombre. La nageoire dorsale considérée : 1^ Sous îe rapport de conformation se nomme égale; œqualis , quand tous les osselets dont elle est composée sont de la même longueur , et qu'elle est par conséquent coupée parallèle- ment à sa base. Déclinée ou décroissante , declinata sive dccrescens ^ quand le premier ra}' on du côté de la tête est plus long, et que les autres vont en décroissant du côté de la queue. Interrompue, interruiUa^ lorsque les pre- miers et les derniers osselets sont plus longs que ceux du milieu. Triangulaire , triangularis , quand les rayons du milieu sont plus longs que ceux des côtés, et que ceux-ci vont en décroissant vers chacune des extrémités. Trapezoïde , traiJezoides , lorsque la na- geoire prend la forme d'un trapèze. Rhomboïde, ou rhomboïdale, rhomhoïdeay quand la forme de la nageoire est celle d'un rhombe. 2^. Relativement à la place qu'elle occupe , on la nomme longitudinale, longltudinalisy si D I s T I N C T I V E s. 97 si elle s'étend sur toute la longueur du dos^ de la tête à la queue. Demi-ioagitudiiiale, ou raccourcie, semi- longitudinalis , quand elle n'occupe qu'une moitié de la longueur du dos. Occipitale, occipitalls , quand elle com- mence à Tinsertion du corps avec la tête, ou sur la nuque, sans devenir longitudinale. Scapulaire , scapularis , quand elle est placée entre la nuque et le milieu du dos. En équilibre , ûP^z/i'/f^m , quand le milieu de la nageoire se trouve précisément au milieu du dos, sur le point de l'équilibre. Deux à deux , trois à trois , binnœ pel ternœ distinctœ. Unies , connatœ, Contiguës , coniiguœ. S"*. La nageoire dorsale , considérée sous le rapport de sa substance , est appelée pi- quante, aculeata^ quand les osselets qui la composent sont durs et terminés en pointe aiguë. Molle , pliante , rayonnée , mollis ,. mutica seu radiata, lorsque ses osselets sont foibles, très-fîexibles et sans aucun aiguillon. Ecailleuse , squamosa , quand elle est }'ecouverte d'écaillés. Ramentacée, ou raclée, ramenlacea : on Foiss. Tome II. G 98 DENOMINATIONS dit qu'une nageoire est ramentacée, ou ce qui est synonyme , qu'elle est raclée ^ lorsque l'extrémité de ses osselets porte de petites et légères appendices qui paroissent être une portion de la membrane qui les recouvre, comme si on les avoit raclées. Couverte de soies, ou soyeuses, setigera , quand des soies ou des poils sont implantés dans la membrane de la nageoire. 40. Les nageoires dorsales, considérées par leur nombre, sont : Solitaire, solitaria, lorsque le dos n'en porte qu'une seule. Géminée, ou binnée, binœ^ lorsqu'il y en a deux. Ternées, ternœ , quand il y en a trois. Nulles, nullœ ^ quand le dos est absolu- ment dépourvu de nageoires. Nageoires pectorales. Les nageoires pectorales diffèrent entre elles pour la figure, la grandeur, les pro- portions , la position , la direction et le nombre. i'^. D'après leur figure, on les nomme : Rondes, ou circulaires, rotundœ , quand DISTINCTIVES, 99 elïés sont arrondies à leur exlrémité, c'est- à-dire, quand les osselets qui les composent sont disposés en demi-cercle. En pointe, acuminatœ , ce qui s'entend de l'angle postérieur. En fornue de faulx , falcatœ , quand ces nageoires sont recourbées comme xxm^ lame de faulx. En forme de soc de charrue , vomeriformes ^ ce qui représente l'angle impai fait que forme cet instrument avec son manche. Unies, jointes ensemble, connatœ , lors- qu'étant rapprochées , elles semblent ne faire qu'une seule nageoire. 2°. Quant à la grandeur, on les nomme: Médiocres, ou proportionnelles, médiocres sive proportinnales , lorsqu'elles sonl: égales en longueur à la quatrième partie du corps. Très-petites 5 minimœ ^ quand elles n'ont que très -peu d'étendue en proportion du corps. Très - grandes , maximœ , lorsqu'étant étroites elles paroissent grandes à proportion du corps. 3«. Relativement aux dimensions , elles sont : Longues , longœ , quand elles ont la lon- gueur de la moitié du coi^ps. G % 1 oo DENOMINATIONS Très - longues , longissimœ^ quand élle^ sont extrêmement aîongées. Plus lai'ges que longues, latiores qiicun iofigœ y quand la hauteur excède la lon- gueur. Etroites , angiistœ ^ lorsqu'elles ont peu d'épaisseur. 4°. Relativement à la situation , on les nomme : Hautes , supreniœ , quand elles occupent la partie la plus haute près des ouïes. Moyennes, mediœ, lorsqu'elles sont situées vers le milieu du corps. Inférieures, ou basses, mfimœ , lorqu'elles sont piesque placées au thorax. 5^. Relativement à leur direction, on les appelle : Obliques, adscendentes ^ quand elles sont dirigées obliquement, J3i'oiles , rectœ , quand elles se trouvent /a/2a , quand sa surface est lisse. Relevée , adscendens , quand elle fait saillie par dessus le crâne. Courbée , arcuata , quand elle en forme un arc. Le DOS, dorsum. Le dos est la partie supérieure du corps qui s'étend depuis la nuque jusqu'à la queue. Le dos prend différentes dénominations à raison de sa figure, de ses proportions et du nombre des nageoires dont il est pourvu. 1°. A raison de sa figure , il est : Droit j rectum , quand il ne forme aucune inflexion. Arqué, arcuatum , quand il est fait en croissant. Bossu , gibbosum , quand il est relevé ea bosse. Aplati , planmn , quand il est affaissé. Convexe, convexurn, quand il est bombé en dessus. Caréné, carinatum y quand la saillie est amincie DISTTNCTIVES. 129^ amincie et coainie tranchante , ou plutôt qu'il est fait eu quille de vaisseau. Caualiciilé, canaliculatum ^ quand sa sur- face supérieure est creusée en gouttière. 2". A niison de ses proportions , il est : Plus ou moins gros que l'abdomen , cras- sius vel tenuius abdomine ^ quand il est plus ou moins large que le ventre. Plus ou moins arqué que Tabdomen ,' mnjus vel minus arcuatum ahdomine. 3". A raison du nombre de ses nageoires^ il est : Monoptérygien , monoptery gium seu uni-- pinne , quand il ne porte qu'une seule na- geoire. Diptérygien , dipterygium vel bipinne , quand il a deux nageoires. Triptérygien , triple ry gium si va tripinne ; quand il a trois nageoires. Aptérygien, apterygium sive apinne^ lors- qu'il est dépourvu de nageoires. Les cotés, latera. Les côtés s'étendent depuis l'ouverture des ouïes jusqu'à l'anus; ils sont : Plats, plana, quand on n'y aperçoit ni saillies , ni enfoncemens. Poiss, Tome IL I i5o DENOMINATIONS Convexes , cont^exa , lorsqu'ils sont bombéîî de chaque côté. A demi - convexes , démisse convexa sive subconvexa a ut coiwexluscula , quand leur convexité est moins saillante. Anguleux , angulata , lorsqu'ils forment deux angles opposés par leur base. Caiénés, carinata , lorsqu'ils imitent par leur forme la quille d'un vaisseau. Armés d'aiguillons, aculeata^ quand, sur leurs surfaces , il se trouve des piquans. Tuberculeux , tuherculaia , lorsqu'il se trouve des tubercules sur leurs surfaces. Dentelés , serrata , quand les écailles qui les recouvrent sont disposées en forme de dents de scie. La g o r g e 5 gula, La gorge est située entre les ouvertures des ouïes ; on lui donne les dénominations suivantes : Ventrue, ventricosa ^ quand elle est plus grosse que la tête ou que le corps. Convexe, corwexn^ quand elle est bombée de chaque côté, et qu'elle excède la largeur du tronc et de la tète. En carène, carinnta^ quand elle offre une saillie triangulaire à son extrémité. I DISTINCTIVES. i3i Plane , plana , quand elle est au même niveau que la tète et le commencement du tronc. La poitrine et le ventre. La poitrine ^pectub , que l'on nomme aussi thorax , prend son origine à la base des niàclioires, et s'étend jusqu'à l'insertion des nageoires [rectorales. Le ventre , venter , est cette cavité qui règne depuis la poitrine ou le thorax, jus- qu'à l'origine de la queue ou de l'anus» Oii nomme abdomen, abdomen^ la partie exté- rieure du ventre qui prend différentes déno- minations , suivant sa figure. Caréné , carinatum , lorsqu'il est aminci en tranchant par le bas. Plat 5 planam , quand il n'offre ni enfon- cement, ni saillie. Proéminent , proeminens , quand il fait saillie de chaque côté. Arqué , arcuatum , quand il forme deux arcs opposés. Enflé, tumidum^ lorsqu'il paroît bour- souflé. Dentelé, serratum, quand son bord infé- rieur est dentelé comme la lame d'une scie. l2 iSâ DENOMINATIONS L' ANU s. L'anus , anus , est situé entre rextrémité du ventre et l'origine de la queue ,* il s'appelle : Eloigné, remotus, quand il est plus près de la queue que de la tête. Gui aire , gularis , quand il est sous la gorge et près de l'ouverture des ouïes. Pectoral , pectoralis , quand il est sous les ouïes , près de la poitrine. Au milieu du corps , médius , lorsqu'il occupe le milieu entre les ouïes et l'extrémité de la queue. Latéral , latemlis , quand son orifice est placé sur l'un des côtés. La queue, cauda. C'est la partie posiérieure du corps qui est charnue; elle prend son origine à l'anus, et termine le tronc. Elle est plus ou moins grosse , plus ou moins longue, et son extré- mité afïecte une forme différente dans les diverses espèces de poissons. C'est d'après ces différentes formes qu'elle prend des noms différens. On la nomme : 1°. Relativement à sa grosseur : Cylindrique , ou ronde en long , tere^ DISTINCTIVES. i55 sîve suhcylinclrica y quand elle ne présente ni angles , ni saillies , ni cavité. Comprimée, catctoplatea sive compressa y quand ses côtés sont aplatis. Déprimée , plagioplatea sive depressa , quand elle a plus de largeur que de hauteur. En carène , carinata , quand sa partie inférieure offre la forme de la quille d'un vaisseau. Anguleuse ^ angulosa , quand elle forme un angle. Tétragone, tetragona^ quand elle présente une figure à quatre angles. Hérissée d'aiguillons, muricata, quand sur sa surface il se trouve un grand nombre d'aiguillons. 2°. Relativement à sa longueur : Longue , longa , lorsque sa longueur ex- cède celle de la moitié du tronc. Médiocre , mediocris, quand sa longueur est égale à celle de la moitié du tronc. Courte , brepis , quand elle est bien plus courte que la moitié de la longueur du tronc. 3^. Relativement à sa forme : Pointue , acuta , quand de sa base à l'extré- mité elle diminue insensiblement en pointe. I 3 i34 DENOMINATIONS En alêne, subulata , lorsqu'arrondie à sa base elle se termine en pointe aiguë. Tronquée, tnmcata , quand dans sa lon- gueur elle paroît tranchée net. Ronde , rotunda , quand elle est parfaite- ment arrondie. Spatulée , spatulata , quand elle est aplatie à son extrémité comme une spatule. Aptérygienne , apterjgia , quand elle est dépourvue de nageoire. Diptéjygienne , dipterygia , quand sa na- geoire se partage en deux jusqu'à son extré- mité. Les écailles, squamœ. Les écailles sont des lames aplaties , de substance cornée et à demi - transparente , dont le corps des poissons est recouvert en tout ou en partie; elles sont arrangées les unes sur les autres, comme les ardoises des toits, et ne sont pas adhérentes entre elles, du moins dans la plupart des poissons; car il y a quelques espèces de ces animaux dont les écailles très-serrées et unies semblent ne former qu'une seule pièce. On a donné à cette espèce de revêtement osseux le nom de cuirasse, /or/ca. D'autres sont couverts de ces mêmes écailles osseuses ^ mais distinctes , DISTINCTIVES. i35 et cependant se tenant collées les unes aux autres : c'est ce qu'on appelle armure , cata- phrasta. Il y a clés écailles très-minces , et qui, en tout ou en partie, sont d'un brillant doré ou argenté ; d'autres sont tellement épaisses que leur dureté approche de celle des os. 1°. A raison de leurs formes , on les nomme : Arrondies, suhroturidœ ^ quand leur ex- trémité décrit un demi-cercle. Ovales , ovales , quand leur extrémité décrit une portion de cercle plus longue que large. Oblongue , oblongœ , quand la portion de cercle que leur extrémité décrit est encore plus alongée que la précédente. Hémisphériques , semiorbiculatœ , quand elles ont la forme d'une boule coupée par le milieu. Anguleuses, angulatœ , quand leur extré- mité est taillée en angle aigu. Carrées , subquadratœ , quand cette même extrémité est coupée carrément. Crénelées , crenatœ , quand elles ont des échancrures à leur extrémité. Dentées , denialœ , quand elles ont da petites dents. 14 336 DENOMINATIONS Hérissées de pointes , aculeatœ , quand leur surface est garnie de pointes aiguës. Ciliées, ciliatœ , quand elles sont recou- vertes de pointes fines et semblables à de la soie. 2°. A raison de leur superJGcie , on les nomme : Glabres , glnbrœ , quand elles sont lisses et vsans piquans. Rudes , asperœ , lorsque leur surface est raboteuse. Striées en rond , circinnato-striatœ , quand elles sont rayées de petits sillons circulaires. Rayonuées^ radiatœ ^ quand leur suiface est sillonnée de rayons divergens. Inégales, inœquabiles , lorsque leur sur- face est inégale. Tuberculeuses 5 tuhercalaiœ ^ quand elles sont parsemées de petits tubercules. Ponctuées , />?/72c^d2^oe , quand leur surface est parsemée de petits points. 5°. A raison de leur disposition , on les nomme: Imbriquées ou tuilées , imhricatœ , lors- qu'elles sont disposées en recouvrement les unes sur les autres , comme les tuiles d'ua toit. DISTTNCTIVES. 1^7 Obliquement imbiiquées, obliqué imbri- catœ ^ lorsque, disposées par rangées dis- tinctes, elles sont en recouvrement les unes sur les autres dans cliaque rangée seulement. Contiguës , conti^iiœ ^ quand elles sont placées à côté Tune de l'autre sans être en recouvrement Tune sur l'autre. Rares, remotœ vel rarœ , quand elles sont un peu écai'tées les unes des autres. Ti-ès-petites , minimœ , quand elles sont si petites qu'on peut à peine les distinguer à la vue. Cachées, occultœ ^ quand elles sont recou- vertes par répiderme. 4". A raison de leurs dimensions, on les nomme : Grandes , magnœ ; petites , parvœ ; très- petites, minimœ ; imperceptibles , vix cons- picuœ , relativement à la grosseur du corps. 5°. A raison de leur connexion, on les nomme : Tombantes, deciduœ ^ lorsqu'elles se dé- tachent facilement de la peau. Fixes ,fixœ , quand elles se séparent diffi- cilement du corps. i58 DENOMINATIONS Ligne latérale; linea lateralis On donne le nom de latérale à celte ligne qui s'étend sur les côtés des poissons , et fait la séparation entre le dos et le ventre; elle s'étend depuis les ouïes jusqu'à la nageoire de la queue. Elle est formée par une série continue de points et quelquefois de petits tubercules, qui sont les orifices d'une mul- titude de vaisseaux excréteurs qui y abou- tissent, et d'où suinte une humeur visqueuse propre à entretenir la souplesse de la peau du poisson , et le défendre contre le froid et la compression de Feau. 1^. Par rapport à la situation , la ligne latérale est : Très-élevée, suprema^ si elle se rapproche beaucoup du dos. Moyenne , média , si elle est à peu près au milieu des côtés du corps. Basse, infima, si elle se rapproche plus du ventre que du dos. 2°. Par rapport à sa figure, elle est : Ponctuée , punctata , si e\\e est formée de points. Linéaire , lineata , si elle est formée par de petites lignes interrompues. DISTINCTIVES. iSg Annul'diie , annulata , si elle est composée cTLine suiLe de petits anneaux ovales. Dentée, dentata^ si elle est marquée par une série de petites dents. 3°. Par rapport à sa direction , elle est : Droite , recta , si elle s'élend de la le te à la queue sans aucune inflexion. Courbe, curva^ si, dans sa direction , elle- s'incline ou vers le ventre ou vers le dos. Flexueuse ou mixte , //é'.rwo^a , si, dans l'espace qu'elle parcourt, elle est en partie droite et en partie courbe. Interrompue, ïnterrupta ^ si elle se partage en deux ou en plusieurs parties qui ont des directions différentes. Descendante, descendens ^ si de la nuque elle descend à la queue en ligne oblique. Oblitérée ou elïacée , obliterata , si eW^ est apparente. 4°. Par rapport à sa superficie , elle est : Lisse, glabra , si elle ne présente ni éléva- tions , ni aspérités. Epineuse , spinosa , si sa direction est marquée par des épines. Imbriquée , imbricata , si ^e est formée par une espèce particulière d'écaillés placées en recouvrement les unes sur les autres. i4o DENOMINATIONS Imprimée en creux , impressa , si elle esÉ en sillon un peu enfoncé. Imprimée en relief, eminens, si elle est en ligne saillante. Poreuse , pcrosa , si elle est formée par une séi'ie de petits trous placés les uns à la suite des autres. Cuirassée , loricata , si le reste du corps étant lisse , elle est seule armée de pointes , d'os ou de tubercules. Lignes interstitiales; Uneœ interstitiales. Ce sont des raies transversales, ou lon- gitudinales 5 que Ton remarque sur la peau nue de quelques espèces de poissons aux endroits où les muscles se joignent. Matière visqueuse; mueus externus. Cette matière gluante et visqueuse, dont le corps de la plupart des poissons est enduit et qui les rend glissans dans la main , ne suinle pas seulement des pores de la tête et du corps , ni des orifices des vaisseaux de la ligne latérale ; mais il paroît qu'elle est produite par des glandes excrétoires D I s T I N C T I V E s. 141 répandues sur toute la surface du corps, et qui la poussent à Texte rieur par des pores particuliers : on doit regarder cette sécrélion comme une espèce de tranpiration que la Nature a destinée , soit à empêcher les écailles de se coller les unes contre les au- tres , ou de trop se dessécher , soit à s'op- poser à l'entrée de Teau , par les pores,' dans l'intérieur des poissons ,• soit enfin à les rendre plus souples et plus susceptibles d'exécuter leurs divers mouvemens dans l'eau. Ouverture des branchies; foramina hrancliiarum , apertura bran-, chialis, 1°. La différence dans la situation des ouvertures des branchies, ou ouvertures branchiales, leur a fait donner les épithètes suivantes : Gulaire , gularis , si l'ouverture est au dessous de la gorge. Latérale , lateralis , si elle est sur les côtés. Cervicale , cervicalis , si elle se rapproche du derrière de la tête. Occipitale, occipitalis ^ si elle est située yers la nuque. 142 DENOMINATIONS 2«. Sa forme Ta fait appeler : Arquée , arcuata , si elle a la forme d'un croissant. En tube, tuhulosa^ si elle est formée en tuyau. Tortueuse, repanda , si elle fait plusieurs sinuosités. Ovée, ovata , si elle a la forme d'un œuf. Droite , recta , si elle ne s'incline d'aucun côté. Linéaire , îincaris , si elle se montre comme une ligne étroite. Oblique, obliqua, si elle s'incline un peu de côté. 5°. Ses dimensions Font fait nommer : Médiocre , mediocris , si elle est en pro- portion avec le volume du corps. Grande , trés-ample , magna et amplis- sima , si elle est disproportionnée par son ampleur, relativement à la tête. 4". Ses tégumens lui font donner les dé- nominations suivantes : Operculée , operculata , si elle est recou- verte en entier par les opercules. Sémi-operculée, seminudata ^ si elle n^est recouverte qu'à moitié par fopercule. DISTINCTIVES. i45 Découverte , nue , intecta vel nuda , si l'opercule est bâillante. Ouverte , aperta , si elle est dépourvue d'opercule. Aiguillons et tubercules RUDES, qui s'élèvent sur la peau des poissons; aculei et tubercula aspera. Outre les aiguillons , ou rayons osseux, durs et piquans des nageoires , il y en a d'autres qui sont des tubercules osseux, implantés dans la peau du corps de quel- ques espèces de poissons. Ils sont difïérens des pointes dont la tête de quelques autres espèces est hérissée , et qui ne sont que des apophyses saillantes des os de la tête. Appendices, additamenta. Les barbillons ou les cirrhes sont des appendices des mâchoires dont il a déjà été question précédemment. Les pinnules , pinnulœ , sont de petits rebords ou proéminences externes , res- semblant en quelque sorte aux petites na- geoires adipeuses en aux barbillons , et qui sont placées tantôt près des yeux , tantôt près des narines , et d'autres fois sur la 144 DENOMINATIONS queue de quelques espèces de poissons. JElles ne différent des cinhes ou des bar- billons que par la place qu'elles occupent. Il y en a de se lacées , d'aplaties , de den- telées et de triangulaires. La crête, cris ta , est une petite pinnule placée sur le sommet de la tête. Les tentacules , tentacula , sont de longs cartilages sétacés , longs et mobiles , qui sont implantés sur le museau ou sur le front de certains poissons. Les raclures , ramcnta , sont de petites appendices fibreuses et molles, qui se trou- vent à l'extrémité et au bord postérieur des osselets, comme si la membrane dont ils sont recouverts avoit été raclée. Les épines , spinœ , prolongemens très- aigus , nus et immobiles de l'os de la tète et du front dans quelques espèces de pois- sons. Les aiguillons 5 aculei , sont, comme les épines, des corps durs, osseux et pointus; mais ils en diffèrent en ce qu'ils sont mo- biles à droite ou à gauche , en avant ou en arrière , par des muscles particuliers , tandis que les épines sont fixes et ue sont susceptibles d'aucun mouvement. Il ne faut pas confondre ces aiguillons avec ceux des jna^eoii es ' DISTINCTIVES. i45 nageoires. ( Voyez ci- devant rarticle des nageoires.) Les doigts , digiti , osselets flexibles , sé- tacés, séparés et libres, placés, dans quel- ques poissons , entre les nageoires pectorales et les ventrales. Le bouclier, clypeus vel scutum , est une espèce de disque ovale, plat, dur et rude au toucher,* il couvre la tête et la poitrine de quelques poissons. La suture , sutura , ligne rude ou à pointes , qui s élève sur le dos et l'abdonieu de quelques poissons. Parties intérieures des Poissons. La langue, lingua. Tous les poissons ont une langue; ils en ont, du moins, la base ou la racine. Elle n'est point d'un usage aussi indispensa ble- nient nécessaire aux poissons qu^aux qua- drupèdes et aux cétacés; car les premiers l'ont ou imparfaite ou cartilagineuse , et presque toujours immobile. La langue des poissons varie par sa figure, sa substance , sa surface et par les mouve- mens dont elle est susceptible. 1". Par sa figure, on la nomme : Fûiss. Tome IL K i4G DENOMINATIONS Aiguë , acuta , lorsque son extrémité se termine en pointe. En aîéne , sulmlata ^ lorsqu'elle est ar- rondie à sa base, et qu'elle se termine en pointe longue comme l'aiéne des coidon- ïiiers. Obtuse , ohtusa , lorsque son extrémité est tronquée et comme coupée. Entière , intégra , quand elle n'a aucune espèce d'écliancrure. Echanci'ée , emarginata , quand son ex- trémité est fendue en deux parties. Frangée , ciliata , quand ses côtés sont déchiquetés en frange. Carénée , carinala , quand il se trouve une saillie soit en dessus , soit en dessous. Convexe, convexa ^ quand son plan su- périeur est arrondi, et que l'inférieur est aplati. Plane , plana , quand ses deux plans sont aplatis. 2^. Par sa substance , on la nomme : Charnue , carnosa , quand elle est toute (Je chair. Cartilagineuse , cartilaginea , quand elle est d'une substance plus dure , épaisse et grasse , crassa. D I s T I N C T I V E s. 147 5®. Par sa surface , on la iX)nime : Lisse , glabra , quand sa surface n'a ni dents , ni aspérités , ni papilles. Papillonnée ou mamelonnée , /?<2/?i7/o5a, quand elle est couvejle de pap lies ou de petites éminences molles et rondes. Rude , scabra , quand sa surface est comme du chagrin. Dentelée ou denticulée , denliculata ; quand sa surface est couverte de très-petites dents égales. Dentée , dentata , quand sa surface est armée de dénis différentes entre elles, soit par leur forme , soit par leurs proportions. 4**. Par sesmouvemens, on la nomme: Libre , mobile , soluta , quand rien ne rem[)éche d'exécuter ses mouvemens. Attachée , immobile , annexa , immobilis, quand des ligamens Fempéchent d'exécuter ises mouvemens. Engainée, vjglnata, quand elle est recou- verte d'une membrane qui forme une voûte dans les mâchoires de quelques poissons. Les branchies , ou les ouïes , branchiœ: Ce sont les organes par lesquels les pois- sous respirent, et elles sont situées entre la tête et le tronc. ^2 148 DENOMINATIONS Les branchies varient soit à raison de leur, situation , soit par rapport à leur figure. 1^. Par rapport* à leur situation, on les appelle : Première , prima , seconde , secunda , troi- sième, teriia, quatrième ou dernière, quarta vel ultlma , suivant qu'elles sont plus près ou plus éloignées de Fopercule. Voisines, picinœ, quand toutes aboutissent à leur ouverture. Reculées ou enfoncées, retroactœ^ quand elles sont plus près de la bouche que de leur ouverture. Operculées , ou couvertes , operculatœ , quand elles sont entièrement recouvertes par les opercules. Cachées , occultœ , quand Topercule, étant collé au tronc, ne peut s'ouvrir. Nues , denudatœ , quand elles n'ont point d'opercules. Latérales, latérales^ quand elles sont pla- cées sur les côtés, et c'est la position la plus commune. Occipitales, occipitales^ lorsqu'elles sont placées sur le cou ou sur la nuque. 2«, Par rapport à leur figure , on les appelle. DISTINCTIVES. i4() Semblables, si/ni les , quand elles sont con- formées Tune comme Tautre. Dissemblables , dissimiles, quand leur con- formation est difïërente. Inégales , inœquales , lorsque Tune est grande et Taulre petite. Courbées, arcuatœ , quand elles sont cour- bées en arc. Compliquées , cojnplîcatœ , quand les deux bras d'un arc un peu courbé se rapprochent , sous un angle trés-aigu , de la bouche fermée. En crochet, uncinatœ , quand le bras infé- rieur presque droit est deux ou trois fois plus long que le supérieur courbé. Monophyles , monophyllœ^ diphyles , di- phjllœ , quand elles sont garnies d'un ou de deux rangs d'osselets. Tuberculées, infra tuberculatœ , quand la partie arquée de Fosselet est chargée en dessous de tubercules. Armées de pointes , aculeatœ , quand la partie concave de l'osselet est hérissée de piquans. Dentées , serrât œ , quand la partie concave de l'osselet est dentée comme une scie. Glabres ou unies, glabrœ, quand la partie concave de l'osselet est lisse et sans aucune aspérité. K.5 i5o DENOMINATIONS Pectinées , pectini formes , quand la partie convexe de TosseleL est garnie de barbes, semblables aux dents d'un peigne. En crible, cribriformes ^ quand elles sont percées d'une multitude de petits trous, comme un crible. Le c (H u r , cor. Le cœur des poissons est placé presque sur le sternum, au dessous des branchies; il est souvent renfermé dans un péricarpe , eu partie libre, et en partie adhérent. Le cœur et son péricarpe sont placés dans une grande cavité ; le cœur dont les parois sont ridées présente une multitude de petites cellules; dans sa partie supérieure il se trouve un orifice qui répond à Faorte, et sur le côté, il s'en trouve un autre qui communique à l'oreillette ; sa situation est longitudinale , comme dans les quadrupèdes. Sa forme n'est point constante ; il est aplati , corn- jpressum , dans plusieurs espèces de poissons ; triangulaire ou pyramidal , prismaticum vel pyramidale ; dans d'autres , il est rétréci en devant , ante arctius ; dans quelques espèces enfin , tronqué obliquement ea ^P'ière , ponè çbliguè trunçatuni. DISTINCTIVES. i5i L'oREiLiiETTE DU COEUR, audcula cordis. Le cœur des poissons n'a qu'une seule oreillette, mais qui est très-grande; c'est un sac musciilenx très - mince , de la même couleur que le cœur , et qui est situé au côté gauche de ce viscère. A son insertion avec le cœur, elle est pei-cée de deux trous, l'un supérieur, et l'autre inférieur. Parle premier, elle communique avec le trou latéral gauche du cœur, et par le second, avec le sinus veineux. L'aorte, aorte. Suivant les observations de Gouan, qui de tous les ichthyologistes a examiné avec le plus de soin les parties intérieures des poissons, l'aorte est attachée à la pointe du cœur, et repiésente un petit cône; intérieu-" renient elle est garnie de petites colonnes OtX cordes; ensaii:e eWe se rétrécit, et donne: a'\ De chaque côté un tronc latéral fort court, qui se divise d'abord en deux vaisr seaux laiéraux , dont l'inférieur ou posté- rieur décrit une courbe de devant en arrière, et va se loger dans la branchie postérieure; et le second , s'éloignant du premier par un K4 i52 DENOMINATIONS angle oblique , va en droite ligne dans la troisième ou pénullième branchie; 2°. Le Ironc de Taorte se divise ensuite d'une manière p'nis régulière ; les lameaux qui vont à la seconde et ceux qui vont à la première branchie étant accouplés et éloignés les uns des autres , logés chacun dans un sillon , creusé sur la convexité de l'arcade des ouïes, et formant, par leur union vers la base du crâne et avant la poitrine , un tronc presque semblable à celui dont ils tirent leur origine. L'aorle descend ensuite jusqu'à l'extrémité du corps; e]le est appli- quée contre les vertèbres , et adossée à la veine cave. Le sang que Tartère a porté dans le ventre et dans les parties inférieures est repris par des i^ameaux veineux, qui, à leur tour, se réunissent et forment un seul tronc veineux ou veine cave (i). Le diaphragme, diaphragma. Le diaphragme consiste dans une mem- brane blanche assez forte, en partie charnue et en partie tendineuse ; elle est attachée par sa partie supérieure, vers la nuque et aux (i) Histoire des poissons, par Antoine Gouan j page 92. DISTINCTIYES. i55 premières vertèbres ; elle traverse oblique- ment la poitrine et la sépare de Tabdomen, comme elle sépare le cœur des autres vis- cères; elle est percée par l'œsophage, et c'est elle qui forme la face postérieure de la ca- vité de la poitrine. Celte membi ane est très- appa renie dans les grandes espèces de pois- sons. Viscères de l'abdomen et l'œsophage, uiscem abdominis et gula, Les^ poissons ont les mêmes viscères que les quadrupèdes, mais ils sont souvent moins nombreux. L'œsophage est ce canal étroit qui est situé depuis le fond de la bouche jusqu'au ven- tricule. Il ne se distingue du ventricule que parce qu'il est plus étroit , d'une couleur différente , et lisse sur sa surface interne. Le ventricule ou l'estomac, ventriculus. Le ventricule ou l'estomac des poissons est un sac membraneux qui n'a presque aucune» chaleur. Sa situation est le plus sou- vent longitudinale, et il n'est pas semblable dans tous les poissons. Dans les uns il est plus grand ou plus épais que dans les autres. 11 est dans ceux-ci ové ou cylindrique, et i54 DENOMINATIONS dans ceux-là il est sphériqiie ou partagé en deux lobes; mais dans tous il n'y a qu^un seul ventricule. Les petits instestins ou appendices DU PYi^oRE , appendices seu inteslina cœca pjlori. Dans la plus grande partie des poissons^ le p3^1ore est garni de plusieurs appendices creuses , semblables à de petits intestins cœcum , et qui paroissent concourir à la digestion. Ces mêmes appendicps diffèrent enfi'eiix soit pour le nombre, pour la figure et pour la longneur. i^. Par le nombre, ils sont nuls quand ils n'existent point, comme dans la plupart des poissons cartilagineux,* ou il n'y en a qu'un, ou deux fort couiLs, ou trois, quatre, cinq, six et sept grands, ou de luiit à douze, ou de dix-sept à dix- huit , ou vingt et au dt^lk, ou trente et au delà, ou soixante et au delky ou environ ([ualre- vingts, ou cent et au delà, ou enfin une quantité presque innombrable. 2*^. Par la forme, ces petits intestins ou appendices sont longs et étroits, ou très- courts et larges. 3°. Par leurs proportions , ils sont ou beau- coup plus étroits que l'intestin, conmiedans DISTINCTIVES. i55 1(^ plus grand nombre des poissons , ou ils ont à peu près la moine capacité que Tinteslin, li'iNTESTiN RECTUM , intesUnum inferius seu rectum. Le paquet intestinal des poissons est placé an long. Le rectum est situé sous la vessie urinaire. Sa tunique intérieure est quelque- fois garnie de valvules ou soupapes , et plissée en volute. 11 est i" par sa forme, ou droit ou simple , lorsqu'il va en ligne droite du ventricule k Tanus; ou à vme seule circonvolution à sa partie supérieure , ou faisant plusieurs sinuosités ou circonvolu- tions ; '2^ par ses dimensions , comparées au volume du corps, il a moins de longueur que le corps, ou il a environ la même lon- gueur y ou il est beaucoup plus long. Le foie, hepar, . La couleur du foie des poissons est ordi- nairement jaunâtre,' il est presque toujours fort grand en comparaison du corps, et placé du côté gauche de Fabdomeu , rarement du côté droit, ou sur le devant du ventre, dont il remplit presque toute la capacité ; mais toujours il est sous les intestins et sous i56 DENOMINATIONS l'estomac. Ce viscère est quelquefois simple ou formé par un seul lobe; d'autres fois il est partagé en deux, trois lobes, et même davantage; il est tantôt beaucoup plus court que l'abdomen, tantôt il a presque la même longueur. La vésicule du fiel. , pesica fellls. Il n'est aucune espèce de poissons dans laquelle on ne trouve une vésicule du liel : cette vésicule , qui est située sous le côté droit du foie, communique avec l'estomac et avec les intestins par deux conduits , dont l'un se nomme cystique^ et l'autre coledoque. Sa forme est ovée ou oblongue. Elle est tantôt enveloppée dans le foie , tantôt elle y est fixée en dessous ; tantôt enfin elle en est séparée par un col alougé. La r ate , lien. Beaucoup plus petite que le foie, et d'une couleur plus foncée ; la rate est presque toujours au côté gauche de l'abdomen. Elle est oïdinaiiement d'une seule pièce , et ra- rement partagée en plusieurs lobes , qui n'adhèrent les uns aux autres que par des ligamens assez foibles. Sa forme est oblongue et aplatie. DISTINCTTVES. 167 Le pancréas, pancréas. Plusieurs espèces de poissons cartilagineux ont un pancréas; mais il est douteux qu'il y en ait dans les autres. Dans un grand nombre de poissons les appendices du pylore tiennent lieu du pancréas. Les ovaires, oçaria. Tous les poissons ont des ovaires, de même que des œufs, qui diffèrent par le nombre, par la silualion, par la figure et par la conformation. 1^. Par le nombre, les ovaires sont doubles où il y eu a deux. Ou il n'y a qu'un ovaire simple. 2°. Par la situation, l'ovaire occupe toute la longueur ou seulement la partie supé- rieure de l'abdomen. 3". Par la figure , l'ovaire est oblong et comprimé de chaque côté. Il est oblong et cylindrique. 11 est arrondi. La vessie urinaire , i^esica urinaria. Il n'y a pas un seul poisson qui n'ait une vessie urinaire. Cette vessie , placée sur l'intestin rectum , est ordinairement de forme ovale. i58 DENOMINATIONS Le péritoine ; peritonœum, lie périloine est une membrane fine qui eiîtoïire l'abdomen des poissons; elle est de différcnlps couleurs; mais le plus souvent elle est d'un brillant argenté fort agréable. Je ne pousserai pas plus loin celte no- inenclaltire des parties internes des poissons , parce que ces parties ne portent pas, dans la classe des animaux dont je m'occupe , d'autres noms que dans la classe des qua- drupèdes et des oiseaux. Il en est de même du squelette des poissons, dont les os n'ont point de dénominations particulières. D'ail- leui^ CCS longs délails anatomiques ne font point partie du plan de cet onviage, et y deviendroient un liors-d'œuvre , dès qu'ils y prendroient trop d'espace. Cependant ^ comrae les poissons respirent d'une toute autre manière que les quadrupèdes et les oiseaux, et que le sang circule chez eux par UQ mécanisme diiFérent , il ne sera pas inutile d'expliquer . ce mécanisme avec quelque étendue. Ce que je dirai à ce sujet intéressant est extrait du Mémoiie sur la circulation du sang des poissons qui ont des DISTINCTIVËS. i5(| ouïes, par un de nos plus célèbres anato- mis tes , M. D'.iverney (i). M. Duveniey choisit , pour ses observa- tions , la carpe , poisson q ue Ton trouve plus cominodétneot , et sur lequel on peut avec facilité suivre et vérifier les remarques de l'anatomiste. Le cœur de tous les poissons n'a, comme il a été dit, qu'une cavité et par conséquent qu'une oreillette à l'embouchiu^e du vaisseau qui y rapporte le sang. Celle du cœur de la carpe est appliquée au côté gauche. La chair du cœur est fort épaisse , par rapport à son volume, et ses fibres sont très-compactes : aussi a-t-il besoin d'une forte action pour la circulation. Oo çait que les ouïes servent de poumons aux poissons. Leur charpente est composée de quatre côtes de chaque côtés , qui se meuvent tant sur elles-mêmes en s'ouviant et se resserrant, qu'à l'égard de leurs deux appuis supérieur et inférieur, en s'écartant de l'un et de l'autre , et en s'en rapprochant. Le côté convexe de chaque côte ( 2 ) est (i) Ce Mémoire est inséré dans l'Histoire de l'aca- démie des sciences , ainiée 170 1. (2.) Duverney appelle les côtes des ouïes les arcs, arcus hranchiarum. i6a DENOMINATIONS chargé sur ses deux bords de deux espèces de feuillets; cliacuii desquels est composé d'uu rang de lames étroites , rangées et ser- rées Tune contre l'autre, qui forment comme autant de baibes ou franges semblables à celles d'une plume à écrire; et ce sont ces franges que l'on peut appeler proprement le poumon des poissons. Il résulte de cette conformation , que la poitrine est dans la bouche aussi bien que le poumon; que les cotes portent le pou- mon, et que Fanimal respire Feau. Les ex- trémités de ces côtes, qui regardent la gorge, sont jointes ensemble par plusieurs petits os qui forment une espèce de sternum (i); en sorte néanmoins que les côtçs ont un jeu beaucoup plus libre sur ce sternum, et peuvent s'écarter l'une de l'autre beaucoup plus facilement que celles de l'homme , et que ce sternum peut être soulevé et abaissé. Les autres extrémités, qui regardent la base du crâne , sont aussi jointes par quelques osselets, qui s'articulent avec cette même base, et qui peuvent s'en éloigner ou s'en approcher. (ï) C'est un prolongement de l'os liyoïdeJ Chaque DISTINCTIVES. 1613 Chaque côte ( 1 ) est composée de deux pièces, jointes par un cartilage souple, qui est dans chacune de ces parties ce que sont les charnières dans les ouvrages des artisans. La première pièce est courbée en arc , et sa longueur est environ la sixième portion du cercle dont elle feroit partie; la seconde décrit à peu près une S romaine majuscule: La partie convexe , de chaque côté , est creusée en gouttière ; et c'est le long de ces gouttières que coulent les vaisseaux dont il sera parlé ci-après. Chacune des lames, dont les feuillets sont composés , a la figure du fer d'une faulx / et à sa naissance elle a comme un pied ou talon, qui ne pose que par son extrémité sur le bord de la côte. Chacun de ces feuillets est composé de cent trente - cinq lames ; ainsi , les seize contiennent huit mille six cent quarante surfaces , que je compte ici parce que les deux surfaces de chaque lame sont re- vêtues , dans toute leur étendue , d'une membrane très -fine, sur laquelle se font les ramifications presque innombrables des vais- seaux capillaires de ces sortes de poumons. n j(i) Il faut toujours entendre l'arc des ouïes. Foiss. TOMB IJç L tr,2 DENOMINATIONS Il y a quarante-six muscles qui sont em- ployés aux mouvemens de ces côtes ; il y en a huit qui en dilatent l'intervalle , et seize qui le resserrent,- six qui élargissent le centre de chaque cote ; douze qui le rétrécissent et qui en même tenis abaissent le sternum, et quatre qui le soulèvent. Les ouïes ont une large ouverture sur la- quelle est posé un couvercle (i), composé de plusieurs pièces d'assemblage , qui aie même usage que le panneau d'un soufflet; et chaque couvercle est formé avec un tel artifice , qu'en s'écartant l'un de l'antre, ils se voûtent en dehors pour augmenter la capacité de la bouche; tandis qu'une de leurs pièces , qui joue sur une espèce de genou , tient fermées les ouvertures des ouïes , et ne les ouvre que pour donner passage à Feau que l'animal a respiré ; ce qui se fait dans le tems que le couvercle s'abat et se resserre. 11 y a deux muscles qui servent à soulever le couvercle, et trois qui servent à l'abattre et à le resserrer. On vient de dire que l'assemblage qui compose la charpente des couvercles les (i) C'est ce que l'on appelle opercules , operculà hranchiarum» DISTINCTIVES. i65 rend capables de se voûler en dehors. On ajoutera deux autres circonstances. La pre- mière est que la partie de ce couvercle, qui aide à former le dessous de la gorge , est pliée en éventail sur de petites lames d'os, pour servir , en se déployant , à la dilatation de la gorge dans l'inspiration de l'eau ( i ). La seconde, que chaque couvercle est revêtu par dehors et par dedans d'une peau qui lui est fort adhérente. Ces deux peaux , s'unissant ensemble, se prolongent au delà de la circonférence du couvercle d'environ deux à trois lignes , et vont toujours eu diminuant d'épaisseur. Ce prolongement est beaucoup plus ample sous la gorge que vers le haut de la tète; il est extrêmement souple pour s'appliquer plus exactement à l'ouver- ture sur laquelle il porte, et pour la tenir fermée au premier moment de la dilata- tion de la bouche pour la respiration. Voilà pour ce qui regarde la structure des ouïes : passons à présent à la distribu- tion de leurs vaisseaux. L^artère qui sort du cœur se dilate de telle manière qu'elle en couvre toute sa base ; (i) C'est la membrane branchiostège , memhrana brancJiiostega. L a i64 DENOMINATIONS ensuite se rétrécissant peu à peu, elle forme une espèce de cône. A l'endroit où elle est ainsi dilatée , elle est garnie en dedans de plusieurs colonnes charnues , qu'on peut considérer comme autant de muscles, qui font de cet endroit de l'aorte comme un second cœur, ou du moins comme un second ventricule, lequel , joignant sa compression à celle du cœur , double la force nécessaire à la distjîbution du sang pour la circulation. Cette artère , montant par l'intervalle que les ouïes laissent entre elles, jette vis à vis de chaque paire de côtes, de chaque côté, une grosse branche qui est couchée daus la gouttière, creusés sur la surface extérieure de chaque côté, et qui s'étend le long de cette gouttière d'une extrémité à l'autre du feuillet (i). Voilà tout le cours de l'aorte dans ce genre d'animaux (2); l'aorte, qui dans les autres animaux porte le sang du centre à la circonférence de tout le corps , ne parcourt de chemin dans ceux- (i) C'est l'arlère branchiale, arteria hranchialis» (2) Daverncy veut dire dans cette classe d'ani- maux. Au tems où cet aiiatomiste écrivoit l'on n'avoit pas poussé l'art des divisions , des subdivisions , des coupures , des souscoupures , etc., au point oii il est parvenu de nos jours^ DISTINCTIVES. i65 cî que clcpiiis le cœur jusqu'à Fextrémité des ouïes, où olîe finit. Celle branche fournit autant de rameaux qu'il y a de lames sur l'un et sur l'autre l)oid de la côte. La grosse branche se ter- mine à l'extrémité de la côte , ainsi qu'il a été dit , et les rameaux finissent à l'extré- mité des lames , auxquelles chacun d'eux se distribue (i). Pour peu cjue l'on soit ins- truit de la circulation et des vaisseaux qui y servent, on sera en peine de savoir par quels autres vaisseaux on a trouvé un expé- dient pour animer et nourrir tout le corps, depuis le bout d'en bas des ouïes jusqu'à l'extrémité de la queue. Cet expédient paroîtra clairement, dès qu'on aura con- duit le sang jusqu'à l'extrémité des ouïes. Chaque rameau d'artère monte le long du bord intérieur de chaque lame des deux feuillets posés sur chaque côté, c'est-à-dire, le long des deux tranchans des lames qui se regardent : ces deux rameaux s'abouchent au milieu de leur longueur; et continuant leur route parviennent, comme j'ai dit, à la pointe de chaque lame ; là , chaque (i) Ce sont les petites artères dos lames , art erice laminarum, L 3 i66 DENOMINATIONS rameau cle rextrémité de Takère trouve rembouchure d'une veine (j), et ces deux embouchures , appliquées Tune à Taulre immédiatement , ne faisant qu'un même canal, malgré ]a différente consistance des deux vaisseaux , la veine s'abat sur le tranchant extérieur de chaque lame, et parvenue au bas de la lame , elle verse son sang dans un gros vaisseau veineux , coucfié près de la branche d'artère , dans toute l'étendue de la gouttière de la côte (2). Mais ce n'est pas seulement par cet abou- chement immédiat des deux extrémités de l'artère et de la veine , que l'artère se décharge dans la veine, c'est encore par toute sa route. Voici comment le rameau d'artère , dressé sur le tranchant de chaque lame , jette dans tonte sa route sur le plat de chaque lame, de part et d'autre, une multitude infinie de vaisseaux, qui, partant deux à deux de ce rameau, l'un d^un côté, l'autre de l'autre, chacun de son côté va droit à la veine qui descend sur le tianchant opposé de la lame, et s'y abouche par un contact immédiat. (i) Les petites veines des lames, venulœ laminarum, (2) La \eine branchiale ; venu hranchiaiis. DISTINCTIVES. 167 C est ainsi que le sang passe, dans ce genre d animaux , des arlères de leur poumon , dans leurs veines, d'un bout à l'autre ; les artères y sont de vraies artères , et par leurs corps , et par leur fonction de porter 1© sang. Les veines y sont de vraies veines, par leur fonction de recevoir le sang desr artères , et par la délicatesse extrême de leur consistance. Il n'y a jusques là riea; qui ne soit dans Téconomie ordinaire; mais ce qu'il y a de singulier, est premièrement Tabouchement immédiat des artères aveo les veines, qui se trouve à la vérité dans les poumons d'autres animaux , sur- tout dans ceux des grenouilles et des tortues ," mais qui n'est pas si manifeste que dans les ouïes des poissons. 2° La régularité de 1^ distribution qui rend cet abouchement plus visible dans ce genre d'animaux , car toutes les branches d'artères , montant le long des lames dressées sur les côtes, sont aussi droites et aussi également distantes l'une de l'autre que les lames : les rameaux transversaux capillaires, qui partent de ces branches à angles droits , sont égaleoieut distans l'un de l'autre, de sorte que la direc- tion et les intervalles de ces vaisseaux, tant montans que transversaux , étant aussi L 4 i68 DENOMINATIONS réguliers que s'ils avoieiit été dressés à la règle, et espacés au compas, on les suit à l'œil et au microscope. On voit donc que les artères transversales finissent immédia- tement au corps de la veine descendante , et chacune de ces veines descendantes avant reçu le sang des artères capillaires trans- versales, de part et d'autre de la lame, s'abouche à -plomb avec le tronc de la veine couchée dans la gouttière. Il faut avouer cjue cette distribution est fort singulière : ce qui suit l'est encore da- vantage. On est en peine, comme j'ai dit, de la distribution du sang pour la nourri- ture et la vie des autres parties du corps de ces animaux. Nous avons conduit le sang du cœur, par les artères du poumon , dans ]es veines du poumon. Le cœur ne jette point d'autres artères que celle du poumon. Que deviendront les autres parties, le cerveau, les organes des sens, et tout le reste du corps? Ce qui suit le fera voir. ' Ces troncs de veines (i) pleins de sang artériel, sortant de chaque côté par leur extrémité qui regarde la base du crâne, prennent la consistance et l'épaisseur d'ar- (i) Des veines braiicliiales, penœ branchiales. DISTINCTIVES. 169 tères, et viennent se réunir deux à deux de chaque côté. Celle de la première côte fournit avant sa réunion des branches qui distribuent le sang aux organes des sens , au cerveau et aux parties voisines, et fait par ce moyen les fonctions qui appartiennent à l'aorte as- cendante dans les animaux à quatre pieds. Ensuite elle se rejoint à celle de la seconde côte; et ces deux ensemble ne font plus qu'un tronc ,, lequel coulant le long de la base du crâne reçoit encore de chaque côté une autre branche formée par la réunion des veines des troisième et quatrième paires de côtes , et toutes ensemble (1) ne font plus qu'un tronc. Après cela, ce tronc, dont toutes les racines étoient veines dans le poumon, de- venant artère (2) par sa tunique et son office, continue son cours le long des vertèbres; et distribuant le sang artériel à toutes les autres parties, fait la fonction à^ aorte descendante ^ et le sang artériel est distribué par ce moyen également à toutes les parties pour les nourrir et les animer, et il rencontre par- tout des (i) Ce sont les racines de l'aorte descendante y radices aortœ descendentis. (2) C'est l'aorte descendanle, aorta du scande nsi, 370 DENOMINATIONS racines de veiues qui reprennent le résidu et le repoj'tent par plusieurs troncs formés de l'union de toutes ces racines au réseivoir commun qui doit le rendre au cœur : c'est ainsi que s'achève la circulation dans ces animaux. Voilà comment les veines du poumon de ce genre de poisson deviennent artères pour animer et nourrir la tête et le reste du corps. Mais ce qui augmente la singularité , est que ces mêmes veines des poumons, sortant de la gouttière des côtes par leur extrémité qui regarde la gorge, conservent la tunique et la fonction de veines, en rapportant dans le réservoir de tout le sang veinai une por- tion du sang artériel qu'elles ont reçue des artères du poumon (i). Comme le mouvement des mâchoires contribue aussi à la respiration des poissons, il ne sera pas hors de propos de faire re- marquer que la supérieure est mobile; qu'elle est composée de plusieurs pièces qui sont naturellement engagées les unes dans les autres, de telle manière qu'elles peuvent, en se déployant , dilater et aionger la mâ- choire supérieure. ' (i) Il s'agit de la veine déférente, vena deferens. DISTINCTIVES. 171 Toutes les pièces qui servent k la respi- ration de la carpe montent à un nombre si surprenant 5 qu'on ne sera pas fâché d'en voir ici ?e dénombrement. Les pièces osseuses sont au nombre de quatre mille trois cent quatre-vingt-six. 11 y a soixante-neuf muscles. Les artères des ouïes , outre leurs huit branches principales , jettent quatre mille trois cent vingt rameaux, et chaque rameau jette de chaque lame une infinité d'artères capillaires transversales, dont le compte ne sera pas difficile, et passera de beaucoup tous ces nombres ensemble.. Il y a autant de nerfi que d'artères. Les ramifications des premiers suivent exacte- ment celles des autres. Les i^eines , ainsi que les artères, outre leurs huit branches principales, jettent quatre mille trois cent vingt rameaux , qui sont de simples tuyaux , et qui , à la différence des rameaux des artères, ne jettent point de vaisseaux capillaires transversaux. Voilà une légère idée de la structure des ouïes de la carpe. 11 s'agit à présent d'exa- miner les usages de ces parties. Le sang, qui est rapporté de toutes les parties du corps des poissons, entre du réser- 172 DENOMINATIONS voir où se dégorgent toutes les veines dans roreillette, et de là dans le cœur, *qui, par sa contj'acfion, le pousse dans l'aorte et dans toutes les ramifications qu'elle jette sur les lames des ouïes; et comme à sa naissance elle est garnie de plusieurs colonnes charnues fort épaisses, qui se resserrent immédiate- ment après 5 elle seconde et fortifie par sa compression l'action du cœur , qui est de pousser avec beaucoup de force le sang dans les rameaux capillaires transversaux , situés de part et d'autre sur toutes les lames des ouïes. On a fait observer que cette artère (i) et ses branches (2) ne parcouroientde chemin que depuis le cœur jusqu'à l'extrémité des ouïes où elles finissent. Ainsi ce coup de piston redoublé doit suffire pour pousser le sang avec impétuosité dans ce nombre infini d'artérioles si droites et si régulières, où le sang ne trouve d'autre obstacle que le simple contact , et non le choc et les réflexions , comme dans les autres animaux , où ]es artères se ramifient en mille manières , sur- tout dans leurs dernières subdivisions. (i) L'aorte descendante. (2) Les artères branchiales. DISTINCTIVES. 175 Voilà pour ce qui concerne le passage du sang clans le poumon. Voici comment s'en fait la préparation (1). Je suppose que les particules d'air qui sont dans Teau, comme l'eau est dans une éponge, peuvent s'en dégager en plusieurs manières. Premièiement par la chaleur , ainsi qu'on le voil dans l'eau qui bout sur le feu; 2" par raffoiblissement du ressort de Tair , qui presse l'eau où ces particules d'air sont en- gagées , comme on le voit dans la machine du vuide; 5^ par le froissement et l'extrême division de Feau , sur - tout quand elle a quelque degré de chaleur. On ne peut pas douter qu'il n y ait beau- coup d'air dans tout le corps des poissons , et que cet air ne leur soit fort nécessaire. La machine du vuide fait voir l'un et l'autre. On a mis une tanche fort vive dans uil vaisseau plein d'eau, qu'on a placé sous le récipient; et après avoir donné cinq ou six coups de piston , on a remarqué que celte tanche étoit toute couverte d'une infinité de petites bulles d'air qui sortoient d'entre les écailles , et que tout le corps paroissoit perlé. ■ ■ ' ■ ■ I I I I III I I ^M— (i) C'est-à-dire , la respiration. 174 DENOMINATIONS Il en sortoit aussi un très-grand nombre par les OLiïes, beaucoup plus grosses que celles cle la surface du corps; enfin, il eu soVloit par la bouche , mais en moindre quanlifé. En recommençant à pomper tout de nou- veau deux ou trois fois de suite, ce qui fut fait à plusieurs reprises, on remarquoit que le poisson s'agiloit et se tourmentoit exiraor- dinairemeht, el qull respiroit plus fréquem- ment. Après avoir passé un gros quart d'heure dans cel état, il tomba en langueur, tout le corps et même les ouïes n'ayant plus aucun mouvement sensible. Pour lors ayant tiré le vaisseau de dessous le récipient, on jeta le poisson dans de l'eau ordinaire , où il com- mença à respirer et à nager, mais foiblement , et il fut long-tems à revenir à son état naturel. La même expérience a été répétée sur une carpe. On l'a mise dans la même ma- chine, et ayant pompé l'air trois ou quati e fois, comme on Favoit fait à la tanche, le poisson commença d'abord à s'agiter : toute la surface du corps devint perlée. Il sortit î)ar la bouche et par les ouïes une infinité de bulles d'air fort grosses , et la région de la vessie d'air s'enfla beaucoup. Quoique cette carpe fût plus grosse que la tanche, le batte- DISTINCTIVES. 175 ment des ouïes cessa plus tôt. Lorsqu'on recomniençoit à pomper, les ouïes recon.- niençoient aussi à battre, mais très-peu de tems et fort foiblement; enfin elle demeura sans aucun mouvement, et la région de la vessie devint si gonQée et si tendre, que la laite sortoit en s'effilant par l'anus. Cela dura environ trois quarts d'iieure, au bout des- quels elle mourut , étant devenue fort plate. L'ayant ouverte , on trouva la vessie crevée. On a aussi expérimenté qu'un poisson mis dans de Feau purgée d'air n'y peut vivre long- tems. Outre ces expériences, qu'on peut faire dans la machine du vuide, en voici d'autres qui prouvent aussi que l'air qui est mêlé dans l'eau a la principale part à la respiration des poissons. Si vous enfermez des poissons dans un vaisseau de verre plein d'eau , ils y vivent quelque tems, pourvu que l'eau soit renou- velée; mais si vous couvrez le vaisseau et le bouchez en sorte que l'air n'y puisse point entrer , les poissons seront étouffés : cela prouve bien que Feau ne sert à leur res- piration qu'autant qu'elle a la liberté de ^'imprégner d'air. 176 DENOMINATIONS Mettez plusieurs poissons dans un vaisseau qui ne soit pas entièrement rempli d'eau; si vous le fermez , ces poissons, qui auparavant nageoient en pleine liberté et s'égayoient, s'agitei'ont et se presseront à qui prendia le dessus pour respirer la portion de l'eau qui est la plus voisine de l'air. On remarque aussi que , lorsque la surface des étangs est gelée , ]es poissons qui sont dedans meurent plus ou moins vite, suivant que Fétang a plus ou' moins d^étendue et de profondeur; et on observe que, quand oa casse la glace en quelque endioit , les pois- sons s'y présentent avec empressement pour respirer cette eau imprégnée d'un nouvel air. Ces expériences prouvent manifestement la nécessité de l'air pour la respiration des poissons. Voyons maintenant ce qui se passe dans le tems de cette respiration. La bouche s'ouvre, les lèvres s'avancent : par là la concavité de la bouche est alongée; la gorge s'enfle ; les couvercles des ouïes , qui ont le même mouvement que les pan- neaux d'un soufflet , s'écartant l'un de l'autre, se voûtent en dehors par leur milieu seule- ment ; tandis qu'une de leurs pièces , qui joue sur une espèce de genou, tient fermées les ouvertures des ouïes , en se soulevant toutefois I BISTINCTIVËS. 177 toulxîfois un peu , sans permeltre cependant à Teau d'entrer, parce que la petite peau qui borde chaque couv^ercle ferme exactement l'ouverture des ouïes. Tout cela augmente et élargit en tous sens la capacité de la bouche, et détermine l'eau à entrer dans sa cavité , de même que lair entie par la bouche et les narhies , dans la traclîée-artére et les poumons , par la dila- tation de la poitrine ,• dans ce même tems les côtes des ouïes s'ouvrent en s écartant les unes des autres; leur ceintre est élargi; le sternum est écarté, en s'éloignant du palais; ainsi tout conspire à faire entrer Teau en plus grande quantité dans la bouche. C'est ainsi que se fait l'inspiration des poissons* Ensuite la bouche se ferme; les lèVres, au-* paravant alongées , se raccourcissent, sur- tout la supérieure, qui se plie en éventail. La lèvre inférieure vSe colle à la supérieure par le moyen d'une petite peau en forme dé croissant , qui s'abat comme un rideau de haut en bas, et qui empêche l'eau de sortir. liC couvercle s'aplatit sur la baie de Fouver^ tare des ouïes. Dans le même tems , les côtes se serrent les unes contre les autres , leur ceintre se rétrécit, et le sternum s'abat sur le palais. Poiss, Tome IL M ayS DENOMINATIONS Tout cela contribue à comprimer FeaU qui est entrée parla bouche. Elle se présente alors pour sortir par tous les intervalles des côtes et par ceux de leurs lames, et elle y passe comme par autant de filières , et par ce mouvement la bordure membraneuse des couvercles est relevée, et l'eau pressée s'échappe par cette ouverture. C'est ainsi que se fait l'expiration dans les poissons. On voit donc par là que l'eau entre par la bouche, et qu'elle sort par les ouïes par une espèce de circulation entrant toujours par la bouche, et sortant toujours par les ouïes, tout le con- traire de ce qui arrive dans les animaux à quatre pieds, dans lesquels l'air entre et sort alternativement par la même ouverture de la trachée-artèie. Voilà tout ce qui concerne les mouve- mens de la respiration des poissons. Suivons à présent la route du sang dans les ouïes, et voyons quelle préparation il y reçoit. Le sang qui sort du cœur de la carpe se répand de telle manière sur toutes les lames dont les ouïes sont composées, qu'une très- petite quantité de sang se présente à l'eau sous une très-grande superficie, afin que par ce moyen chacune de ses parties puisse plus facilement et en moins de tems eue pénétrée DISTINCTIVES. 179 par ces petites parties d'air qui se dégagent de Teau par l'extrême division qu'elle souffre entre ces lames. C'est pour cela qu'il a fallu non seulement que chaque feuillet en eût un si grand nombie, mais aussi que toutes leurs surfaces fussent couveites de rameaux capillaires transversaux de l'aorte. On observe en quelque manière la même mécanique dans les poumons des autres animaux ; car ils sont formés d'un nombre prodigieux de petites vésicules membra- neuses qui tiennent lieu de lames, et ils sont tapissés d'une infinité de petits vaisseaux ; ce qui fait que le sang se répand de telle manière dans la substance des poumons , qu'il se présente aussi à l'air souvent une très-grande superficie. Mais le nombre de ces vaisseaux , dans les vésicules du poumon , n'approche point du nombre de ceux des lames. Aussi est-il plus difficile de tirer l'air de l'eau , que de respirer l'air pur tel qu'il entre dans les poumons vésiculaires. Si l'on fait attention au froissement et h la division extraordinaires que souffrent les parties d'eau dans le tems de l'expiration , on sera porté à croire que c'est alors que l'air eio^ïe dans les vaisseaux capillaires des ouïes. M a i8c) DENOMINATIONS Il est donc probable que la même cliose se passe dans les ponnmns des autres animaux^ car comme il faut à Fair quelque force pour s'insinueir dans les vaisseaux, il ne paroît pas qu'il y puisse entj^er dans le tems de l'ius- piraiion, c'est-à-dire, lorsqu'il entre natu- rellement dans les poumons. Au contraire, lorsqu'il est repoussé par l'expiration , il cherche à s'échapper de toutes parts; et ^ foi çant tous les obstacles qu'il rencontre , il passe au travers des membranes fines et déliées qui composent les vaisseaux, tandis qciê îa plus grande partie de cet air ressort par la trachée-artère. La diilicuîlé avec laquelle ces petites parties d'air passent par les pores de ces vaisseaux comprime leur ressort , d'où il 8'ensuit qucv, lorsqu'elles y sont entrées, ce ressort doit se débander avec impétuosité contre les particules du sang qui sont alors abattues, agitées , et bro3^écs avec violence , ce qui fait qu'elles s'entrechoquent en tous sens, et c'est par là qu'elles acquièrent un nouveau mouvement de liquidité et de chaleur. bi cela est vrai dans les animaux qui respirent l'air, cela doit éti^ encore plus wreà dans les animaux qui a espireut réau « DISTINCTIVES. i8i parce qu'ici 1 air est tout autrement com- primé que ne Test l'air libre que ]es premiers respirent ; de sorte que le grand écart de.ce$ paj'ticules d'air si comprimé doit suppléer en quelque manière à la moindre quantité d'air qui entre dans les vaisseaux des ouïes. Quand on considère que le sang des veines des ouïes est d'un rouge plus vermeil que celui de l'aorte, on juge aisément qu'il s'y est cliai'gé de qu( Iques particules d'air. Oii remarque dans les autres animaux la même différence entre le sang de l'artère du pou- mon , qui est toujours d'un rouge obscur ^ et celui de la veine du poumon , qui est toujours d'un rouge fort éclatant. Le sang ainsi imprégné des particules d'air , et par là devenu vraiment artériel, entre dans les veines des ouïes ; et ces veines, sortant de la gouttièie des côtes par fexti'é- mité qui regarde la base du crâne, prennent la consistance d'artères , et distribuent ce sang à toutes les parties. Il est ensuite repris par les veines qui le portent au cœur (i). Il ne faut pas oublier que l'artère qui sort du cœur a un battement, nu lieu que les vaisseaux qui font la fonction d'aorte (i) C'est la circulation du sang. M 5 i83 DENOMINATIONS nVn ont point; au moins qui soit sensible : premièrement paicè qu'ils n'ont point de communication immédiate avec le cœur; secondement parce que ce sang passe d'un petit tuyau dans un grand. Mais il faut aussi considérer que les poussées du sang ne sont nullement nécessaires à la nutrition des par- ties , pour laquelle il suffit que le sang coule d'un cours paivsible ; de même qu'il n'est pas nécessaire qu'il coule autrement pour sa dis- tribution et sa circulation , sur-tout dans les animaux où elle est beaucoup plus lente , et qui par là transpirent peu , et peuvent vivre long-tems sans aucune nourriture. Il est aisé de juger, par tout ce qu'on vient de dire, que la situation et la con- formation des poumons, et leur commerce avec le cœur sont bien diiFérens dans les différentes espèces d'animaux , ce qui n'avoit pas été inconnu à M. Malpighi. Dans le fœtus il y a des conduits par- ticuliers qui ont une communication si prochaine avec les ventricules du cœur et la tète des vaisseaux du poumon , qu'ils font passer presque tous les sucs nourriciers de la ujère immédiatement dans l'aorte , qui }es distribue à tout le reste du corps; au lieu qu'après la naissance tout le sang des DISTINCTIVES. i83 yeiiies entre clans le ventricule droit , lequel le pousse immédiatement dans les poumons , d'où , après que par un long circuit il s'est imprégné des particules d'air , il passe dans le ventricule gauche , qui le répand ensuite par l'aorte dans toutes les parties. Dans les tortues , les grenouilles et les autres animaux qui leur sont analogues, un tiers du sang passe par le poumon à chaque circulation , et il y reçoit toutes les prépa- rations nécessaires aux fonctions de la vie. Ce sang , qui revient du poumon , se mêle ensuite avec celui des veines dans la cavité du cœur, où ce dernier, étant imprégné des parties actives de l'air y dont le premier s'étoit chargé dans le poumon, est ensuite distribué par l'aorte à tout Je corps. Dans les poissons , tout le sang qui sort du cœur passe par le poumon, où, s'étant aussi imprégné des parties actives de l'air, il va ensuite se distribuer à tout le corps, et jusques là cette circulation est conforme à celle de Thomme. Cependant les poissons n'ont qu'un seul ventricule ; mais cette cir- culation si singuhère vient de ce que l'aorte fait la fonction de l'artère du poumon , et que les veines du poumon , devenues artères, font la fonction de l'aorte. JNI 4 ï84 DENOMINATIONS Dans les insectes, les trachées qui leur servent de poumon sont répandues dans t(juies les parties où elles se ramifient à la manière des bronches dans les poumons vésiculaij es ; de sorte qu'au lieu que dans les autres animaux l'air emprunté des branches est distiibué dans toutes les parties par les artères , ici il est immédiatement distribué dans les sucs qui sont actuellement dans chaque partie. La raison d'une distribution si surpre- nante vient de la nature des liqueurs con- tenues dans les tuyaux de ces animaux , lesquelles , pour être extrêmement gluantes et visqueuses , et par conséquent très-propres à se lier entre elles et à se coller à la super- ficie de leurs vaisseaux , ont dû être im- prégnées, dans tout leur cours, des parties actives de l'air , qui facilitassent leur circu- lation , et les rendissent propies à la nour- riture. On voit, par cette énumération, que les fonctions des poumons n'ont pas toujours ■une étroite liaison avec celles du cœur, et que chacune de ces parties a des usages fort diifeiens par rapport au sang. Le cœur n'est que pour le mouvement qu'où nomme circulaiion. Le poumon la DISTINCTIVES. î85 favorise par l'introduction des î>artiGules d'air , et encore par l'impulsion de Feau dans les animaux dont il s'agiL Mais sa ptincipale fonction est d'imprégner le sang d ail- et de le rendre par là capable de porter par-tout l'aliment, la vie et la chaleur. C'est pour cetle raison qu'on vient de montrer, 1° que dans tous les animaux, hors les in- sectes , le sang ne passe jamais du cœur dans l'aorte qu'il n'ait passé par les poumons , même dans le fœtus , de la manière dont nous l'avons expliqué ; 2° que dans la plupart il faut qu'il y passe nécessairement tout entier comme dans l'homme , les animaux à quatre pieds, les oiseaux et les poissons; 5° ou qu'il y passe en partie, comme dans les tortues , les grenouilles , etc ; et il est ^nécessaire qu'au moins le tiers du sang passe par les poumons de ces animaux , pour être vivifié autant que le demandent leurs fonctions. Enfin on a montré que , si dans les in- sectes il n'y a point de poumons par ou le sang puisse passer, c'est que l'air se mêle nécessairement dans toutes leurs parties avec les sucs nourriciers; de sorte que, par cette mécanique , chaque partie se tient lieu de poumon à elle-même. i86 EXPLICATION EXPLICATION Des Planches I, II et III de ce volume. PLANCHE L JLi A figure 1 représente im rameau d'une plante aquatique, chargée de globules par- faitement ronds , qui y adhérent par la matière gluante dont ils sont imprégnés; ce sont des œufs de poissons, fécondés; et la figure 2 montre de ces mêmes œufs qui ne sont pas fécondés. Il est toujours facile de s'assurer si les œufs des poissons ont été fécondés; car dans ce cas , ils paroissent toujours plus clairs , phis transparens et plus jaunes. Avec une îoupe on les reconnoit distinctement pen- dant les quatre à cinq premiers jours qui suivent celui auquel ils ont été déposés par les femelles; ensuite, comme les mêmes signes deviennent chaque jour plus sensibles, ils peuvent être saisis même à la vue simple. Lags œufs qui ne sont pas fécondés de- viennent successivement plus troubles, plus /).' .'Wv ,/e^ if^ T,rr./i^» =/ DES PLANCHES. 187 épais et plus opaques; ils perdent tout leur éclat, et, suivant l'expression de Bloch, ils ressemblent bientôt à un petit grain de grêle qui commence à fondre. La distinction entre les œufs de poissons, fécondés ou non fécondés, est une des plus importantes en économie. Elle facilite les moyens de peupler, sans frais et sans em- barras , les étangs , les pièces d'eau , les ruisseaux et même les rivières ; il suffit d& prendre , dans les eaux poissonneuses , des plantes chargées d'oeufs fécondés et de les mettre dans les eaux où l'on veut multiplier les poissons, et où ils.éclosent bientôt par milliers , si l'on choisit celles qui con- viennent le mieux par leur nature , leur exposition , leur température et le fond sur lequel elles coulent ou reposent. Les anciens connoissoient mieux que nous ces détails, auxquels l'abondance générale et la pros- périté publique ne sont point étrangères; ils avoient même poussé leurs remaïques à cet égard, jusqu'à connoître les mers les plus favorables h la reproduction des pois- sons; et Aristote a consigné dans son His- toire des animaux, comme un fait constaté j. que les poissons croissent plus promptenient î88 EXPLICATION qu'ailleurs dans la mer du Pont, à cause de la bonne qualité de ses eaux (i). A la figure 3 est ini œuf de poisson vu au microscope; a montre le jaune, et h le blanc. Entre Fun et l'autre est un espace clair, en forme de croissant. Le jaune, que le blanc environne ordinairement, est rond, mais il n'occupe pas le milieu de l'œuf, comme dans les œufs des oiseaux, et il est toujours placé vers un côté. L'on n'aper- çoit aucune différence dans la situation et la forme de ces parties , soit que les œufs aient été fécondés ou non par la liqueur spermatique du mâle; seulement la teinte du jaune des œufs non fécondés est moins foncée. Du reste , il est impossible de dé- couvrir à l'extérieur de l'œuf aucun indice de fécondation. Les grecs de l'antiquité avoient donné aux œufs des poissons l'épitliète de psaihyrcty que les interprètes latins ont traduit par facile comminubilia , c'est-à-dire, foibles, ou qui se brisent aisément. Leur enveloppe est en effet d'une substance mo3^enne entre la coque des œufs d'oiseaux et la mem~ i^ ___ _ (i) Liv. 6 , chap. 7. DES PLANCÎTES. 189 brane , et cela est nécessaii e , pour que l'humeur fécondante puisse, pénétrer à Fia-* térieur. Voici la manière dont le poisson se déve- loppe dans l'œuf: le second jour, l'espace en forme de croissant, qui est entre le blanc et le jaune, devient un peu trouble; Ton y remarque de tenis en tems \in point qui se meut. Une masse plus épaisse se mon Ire au même endroit, le troisième jour; elle est libre d'un côté, de l'autre eA\e s'attache fortement au jaune {figures 5 et 7 ). A l'une des extrémités de la partie qui louche au jaune, on aperçoit le contour du cœur, dont le mouvement s'auguienle alors; la masse elle-même , ou l'embjyon , se remue de tems en tems du côté qui est libre, c'est- à-dire, de la queue; le quatrième jour, 'ces mouvemens augmentent , aussi bien que les battem^ns de l'artère; on voit, au cinquième joiu' , dans certaines positions que le poisson prend quelquefois par ses mouvemens répétés; on voit, dis-je, la cir- culation des humeurs; on distingue , au sixième jour, l'épine du dos et les côtes qui y sont attachées; le septième, on découvre dans Fœuf, à la vue simple, deux points noirs, qui sont les yeux {Jigiu'es 6 et 7). igo EXPLICATION La forme du poisson se montre alors toute entière, et les vertèbres et les côtes sont si distinctes , qu'on peut les compter sans beaucoup de peine, à laide d'une loupe ordinaire. Quoique le jaune de Tœuf dimi- nue à mesure que l'embryon augmente de volume , celui-ci n'a pas néanmoins assez de place pour se tenir en ligne droite , et il fait une courbure avec sa queue {figure j). L'on voit ^ à la figure 4 , un œuf dans lequel le mouvement du poisson se fait remarquer le quatrième jour. A \di figure 5, est un œuf vu au micros- cope , et dans lequel on aperçoit déjà l'épine du dos. La figure 6 représente l'œuf, qui, au septième jour, laisse voir les yeux du poisson. L'œuf de \^ figure 7 est le même que celui de la figure 6 , mais vu au microscope. Les mouvemens du poisson deviennent si vifs au septième jour, que, lorsqu'il se tourne en tous sens, le jaune tourne en même tems; ces mouvemens augmentent visiblement jusqu'à Ja naissance du poisson, laquelle a lieu entre le septième et le neu- vième jour, selou que la chaleur du soleil /Y.. r^/' i^gi. 7)e J't'iw ,/i-/ ■ Jr^ rar,/«-a <> wt^ r.zr./feu ./• ^f DES PLANCHES. 191 pénètre plus ou moins dans Feau qui contient les œufs. Les coups et les frottemeiis presque continuels de la queue du poisson contre l'enveloppe de Toeuf, la rendent si mince qu'elle se crève ; alors le poisson sort de l'œuf, la queue la première ; voyez lajig' 8, où le poisson est représenté la queue hors de Fœuf,- il redouble ses mouvemens et ses elForts, afin de. détacher sa tête et de se mettre en liberté. Bientôt après , on le voit courir avec beaucoup de vivacité dans le nouvel élément qui devient sa demeure habituelle. PLANCHE II ET IIL C'est un spectacle fort agréable de voir se jouer au milieu des eaux les petits poissons nouveaux nés , dont le corps est extrêmement petit et délicat; voyez pi. 11 , figii^re 1 , a. Dans les huit premièies heures, il acquiert la grosseur marquée en b) mais ensuite son accroissement devient si lent, qu'au bout de trois semaines il n'est pas plus gros qu'en c, Ynème figure. Nota^ que c'est une brème de grandeur naturelle que cette figure représente. , Outre les deux points noirs qui se font 192 EXPLICATION remarquer le neuvième jour , on en dé- couvre un tioisième à l'aide du microscope, lorsque le poisson est couché sur le venti^; c'est Testomac avec la nourriture qu'il con- tient ; voyez la figure 2 , en a. Dès le premier jour de la naissance, on reconnoît les nageoires pectorales; mais les autres nageoires sont invisibles, aussi bien que les intestins. Ce n'est que le troisième jour qu'on aperçoit la nageoire delà queue, qui est encore droite; fig, 2, ^. La nageoire du dos paroit le cinquième jour; celles du ventre et l'anale s'aperçoivent au micros- cope le huitième jour. C'est à peu près à la même époque que le microscope fait découvrir , sur le coips du poisson , de petits points noirs , figure 3 de la planche II, 6^; a est la majque de Tes- tomac. De ces petits points noirs les uus sont ronds, et les autres alougés en augle^i comme des- étoiles 'irrégulières. (Vo3'ez la /?^/7r£' 2 de la planche III, a, h^ c\) Ce sont \es pre- miers contoui^ des écailles dont le poisson doit être couvert. Ceux de la tète, a, sont les plus peiits ; ceux du dos, 6, les plus grands, et ceux des côtés, c,d\me graudeur moyenne entre les premiers et les seconds. On BES PLA>7CHES. igS On remarque aussi à la queue une échan- crure en forme de croissant ,* ^^^ 5, c. Près de la tète ou aperçoit le cœur, qui cousiste en un sac mince et membraneux. Voyez Vdfig, 4, a, de la planche Jl, et la Jîg, 1 de la pi. JJI, a; il verse le sang dans une artère en forme de poche , ^^. 4 , a, j^lanche li, et Jï^. 1 , planche 111, b. Dès que cette artère a reçu le sang, elle se res- serre poui- le faire passer dans Taorte,^^. 1, planche iil, c. Pendant que i'arlère se com- prime, la veine cave porte de nouveau sang au cœur quietoit sans action .^^. i,[)l. IM^i; et ensuite le cœur le fait jaillir dans les veines , qui pour lors sont aussi sans action. lues ouïes n'étant pas encore visibles dans les trè«-}<^iines poissons , on suit les artères qui montent immédiatement à la tète , re- viennent derrière l'œil, et descendent ensuite le long de l'épine àii.êfi^'^ ft^ure 1 , c. Un^ autre descend le long du ventre jusqu'à la queue, ^o-. 1 , dd; eWe commence près de la téle et tii-e son origine de l'aorte. De la première sort encore à diaque vertèbre et à angre dioit une artère qui pî'end sa diieotioH le long de Y^^rie , ficç. 1 , ff. Le sang, qui passe dans ces aitèi'es extrêmement Foiss, ToûiE IL N 194 EXPLICATION, etc! délicates , se rassemble en partie dans la veine cave ascendante ^figure i , ^, et en partie dans la descendante , h. Ces deux veines se touchent et forment un angle obtus en i, derrière la vésicule aérienne , et con- duisent de nouveau le sang vers le cœur. La vésicule aérienne est fort grosse dans les poissons nouveaux - nés , k , figt-ire i ; planche III, tandis que leur tête est petite ; cette conformation tient Tanimal en équi- libre, quand il est dans une situation droite. Des œufs de truite formés sont représentés à la figure 5 de la })]anche IL Hi'à figure 5 de la planche III est un mor- ceau d'ovaire de saumon , dont les œufs sont enfermés par couches dans des niem- bianes particulières et arrangées les unes sur les autres en forme de plis. On voit à la figure 4 une petite masse de six œufs de perche , unis ensemble , for- mant une figure à six côtés , ainsi qu'on Fobserve distinctement au microscope. A \^ figure 5 sont des œufs de perche, attachés en forme de filet. Enfin la figure 6 , planche II, montre les animaux sperma tiques de la carpe. OBSERVATIONS Sur les Ecailles de plusieurs espèces de Poissons qu^oîi croit communément dépourvus de ces parties. Par BROUSSONET, de l'académie des sciences^ JN o u S ne connoissons qu'un très - petit nombie de poissons piivés entièremenfe il'écailles ; peut-être même ces parties sub- sistent-elles dans tous, et n'ont-elles échappé jusqu'à présent aux reclierches des ichthyo- logisLes que faule d'observations plusexacles^ le but de ce Mémoire est de donner la des^ cription de quelques-unes de ces parties sur des espèces où l'on avoit assuré qu'elles n^ se trouvoient point. La position des écailles varie suivant les différentes manières de vivre et la forma de chaque espèce de poissons ; dans quel- ques-uns elles sont enlièrement à découvert; dans d'autres elles sont en partie recouvertes par la peau, quelquefois elles sont cachées au dessous de l'épi derme. Leur insertion présente aussi des difféiences relatives à la diversité des espèces ; il en est où les écailles N a i9« OBSERVATIONS sont très-unies à la peau et paioissent n'en être qu'un prolongement ; quelquefois elles sont légèrement attachées au corps par des yaisseaux très-déliés qui partent du milieu , ou des bords de çluique écaille, dont la forme varie aussi suivant les espèces ; on en voit de cylindiiques, de rondes, de carrées , d'unies, de crénelées, etc.^ comme aussi d'osseuses et de flexibles. Les poissons, dont les écailles sont à dé^ couvert et seidenient retenues par des vais- seaux , appartiennelît à la classe de ceux qui nagent dans de grands fonds , qui ne s'approchent jamais du rivage , et qui par èonséqueàt sont moins exposés à perdre ces parties , que le nVôindie choc contre les^ rochers ou les plantes marines poilrroient détacher. Plusieurs espèces de dupés , d'ar- gentines , etc. , peuvent être rangées dans cette' -classe. L'usage des écailles paroît se borner dans ceux-ci à rendre la suiface de îeurâ' corps unie et lisse, pour fendre l'eâu avec plus de facilité : ce qui est d'autant plus probable que ces poissons font des •^oyagë^ de long cours , et que la confar- ïnation des autres organes concourt aussi à augmenter la promptitude de leurs niou- yemens. • ' ■ SUR LES ECAILLES. 197 A mesure que les poissons sont deslinés à s approcher un peu plus du rivage, leurs écailles sont recouvertes en partie par la. peau; leur épaisseur devient aussi plus con- sidérable , et leur adhérence est plus forte que dans les espèces dont nous venons de parler. Cette conformation leur est d'autant plus nécessaire qu'elle piéserve ces animaux des impressions trop brusques qu'ils renver^ roient étant exposés à se heurter sur les rochers au milieu desquels ils nagent conti- nuellement. La forme de leurs écailles varie suivant leur genre de vie; quelquefois elles sont très- grandes , comme on peut le voir dans plusieurs espèces de perches , de labres et sur - tout de scares , qui ont^ les écailles plus grosses , proportionnellement à leur cor}3S. J'en ai vu qui avoient appartenu à un poisson de ce genre pris dans les mers des Indes ; elles avoient près de trois pouces de diamètre. Les poissons dont les écailles sont en partie recouvertes par la peau , sont destinés à vivre dans la vase et près du rivage ; plus ces parties sont petites, plus la membrane qui les fixe est épaisse; ce qu'on peut obseiver, en comparant un brochet avec une lanche: je me. bornerai pour cet objet à ) envoyer N 3 398 OBSERVATIONS à l'ouvrage de Baster , qui a donné la figure d'un très -grand nombre de ces écailles. Je vais décrire ces organes sur quelques espèces où on ne les a pas observés. La flamme se trouve dans la Méditer- ranée ; c'est un poisson fort effilé ; sa queue se termine en pointe. Les premiers ichtbjo- logistes la connoissoient sous le nom de tœnia , comme s'ils eussent voulu la com- parer à un niban : Linnaeus Fa désignée sous la dénomination générique de cépola, en y ajoutant le nom spécifique do tœnia ; sa couleur de feu et la manière ^dont elle nage en serpentant lui ont fait donner, dans notre langue , le nom de flamme ; presqu'aucun auteur n'a donné une bonne description de ce poisson. Je n'en connois point qui ait parlé de ses écailles ; M. Gouan , dans le caractère qu'il assigne au genre du cépola d'après l'espèce dont nous parlons, dit qu'il n'y a point d'écaillés; il est cependant facile de voir ces paj'iies, qui sont retenues sur le corps de l'animal par une enveloppe très- fine et très -déliée. Elles sont rangées de manière qu'elles forment des lignes obliques qui se croisent en façon d'échiquier. La trace qu'elles laissent sur la peau en tom^ bant est presque carrée ; quoiqu'elles soient SUR LES ECAILLES. iç)ci assez pelîtes, on les voit cependant à l'œil nu très-distinctement; au microscope , elles paroissent ovales , plus obtuses à Tune des extrémités qu'à l'autre; vers le bout le plus large on voit partir du centre des rayons divergens assez distans les uns des autres ; ils sont formés par une séiie de petites écailles , se recouvrant les unes les autres en manière de tuiles. De l'autre côté de l'écailie on voit des arcs de différentes grar.deui's , également éloignés les uns des autres , et décrivant une combe semblable à celle du bord de ce même côté ; ces arcs sont aussi formés par de pedtes écailles; les écailles principales forment un renflement dans leur milieu ; elles tiennent au corps au moyen de plusieurs vaisseaux très-déliés, qui s'insèrent au dessous dans leur partie concave. On n'en trouve point sur la tète. Loin de gêner les mouvemens de ce poisson , elles servent au contraire à les faciliter ; aussi est-il très-agile, et nage-t-il fort vite au milieu des plantes marines où il vit ordi- nairement. J'ai reconnu des écailles petites rangées , comme dans cette espèce , en quinconce , sur deux poissons appartenans à un genre que Gronovius a décrit sous le nom de mas- N 4 soo OBSERVATTIONS tacemhelus : j'en ai décrit un dans le niTTseum Brilaunicum, où il a élé apporlé par Russell, qui la fait connoitre le premier dans soo Voyage d'Aiep ; l'autre , qui n'a élé décrit par aucun auteur , et dont les écailles sont un peu plus petites que celles de Tespèce précédente, m'a été communiqué par M. le chevalier Banks, qui l'a apporté de la mer du Sud. Plusieurs auteurs ont prétendu que la rémora n'avoit point d'écaiiles; Linuceus et M. Gouan ont donné ce caractère à ce poisson. Je ne relèverai point ici cette omission qui est démontrée d'une manière d'autant plus frappante que ces parties sont très-apparentes dans l'espèce dont il s'agit. Li^aramodyte se trouve assez communé- ment sur les côtes de l'Océan, en Hollande , en Angleterre; on le trouve aussi en Amé- rique , à Terre-Neuve , etc. Nous remar- querons en passant que j^resque tous les auteurs qui ont donné une figure de ce poisson , ont copié celle qu'en avoit publiée le premier Salviani; ils l'ont icprésenté avec deux nageoires sur le dos , quoiqu'il n'en ait réellement qu'une. Son museau est très- effilé, sa chair est ferme; il s'enfouit presque toujours dans le sable : on le déterre en SUR LÉS ECAILLES. 201 Hollande avec une herse faite exprès , traînée par des bœufs ; comme il est des- tiné k vivre sous le sable , et presque tou- jours hors de son élément, ses écailles ont dû avoir une conformation particulière. Aussi sont - elles très - petites , et ont - elles échappé à Texamen de tons les ichthyolo- gistes, de Willnghby lui-même, si recom- mandable par son exactitude 5 et qui cepen- dant dit expressément que ce poisson est privé d'écaillés; elles sont presque semblables à celles que je viens de décrire sur la flamme ; seulement les lignes obliques qu'elles for- ment sont distinctes entre elles. Fabricius, dans sa /^«//77 (2 Groenlandica, pag. 141 ? parle de ces lignes , mais il ne dit pas qu'elles soient formées par des écailles; il observo seulement que la peau est unie et marquée de stries obliques qui entourent le corps ; je crois qu'Artedi est le seul auteur qui en ait fait mention , sans cependant en donner la description : je ne sais pourquoi long-tems après Artedi, M. Gouan indique la privation des écailles comme un caractère du genre de l'ammodyte qui ne consiste que dans cette seule espèce. Nous venons de parler des écailles de quelques espèces de poissons destinés à vivre 202 OBSERVATIONS souvent claos la vase : eiles sont très -petites et se recouvienfc en partie les unes les aufres. Nous allons passer à d'autres espèces destinées au nvme genre de vie, mais obligée-, d exécuter beaucoup plus de mou- vemens d'ondulalion, dont le corps est long et dans lesquelles les écailles ont dû. être séparées par de petits intervalles, pour que les mouveniens du corps ne fussent point gènes; on les trouve sur les anguillifoimes : je vais les déci-ire d'abord sur l'anguille , parce que c'est le poisson de cette classe le plus commun , et que ces écailles ont d'ailleurs été déjà connues de plusieurs auteuis. Le corps, la tète, et même les j^eux de l'anguille sont recouverts d'une peau d'un tissu serré , blanchâtre et parsemée d'une infinité de petits points noijâtres, qui, vus à la loupe , présentent un grand nombre de mouchetures; elle est recouverte d'un épiderme très - fin , noirâtre. On trouve entre ces deux enveloppes de petites poches oblongues , quelquefois rondes, ordinaire- ment d'une ou même deux lignes de long, et foimées par une adhéience de Fépiderme à la peau tout autour de ses vésicules, qui sont en partie lemplies d'une humeur qui SUR LES ECAILLES. 2o5 lubréfie tonte la surface du corps au moyen d'une grande quantité de pelits tuyaux. Les écailles sont logées dans les petites poches dont je viens de parler, une dans chaque poche qu'elle remplit exactement : la con- vexité en est tournée en dehors ; elles sont fixées au corps par plusieurs vaisseaux qui s'insèrent à la partie concave. Leuwenhoeck en a donné une bonne description et une bonne figure. Roberg , dans la description qu'il a publiée de l'anguille , en a fait men- tion , et a copié la figure de Leuwenhoeck. On peut en voir aussi une très-bonne figure dans les Opuscula successwa de Baster. Au microscope , ces parties paroissent formées de plusieurs rayons divergens , composés eux-mêmes d'une rangée de petites écailles posées les unes sur les autres en manière de tuiles. Les écailles principales d'ailleurs sont répandues sur tout le corps sans se toucher; on les voit très - bien à l'œil nu , et mieux encore sur une peau sèche : c'est le moyen qu'Artedi a indiqué pour les distinguer fa- cilement. Un des avantages les plus précieux, sans doute , de l'étude de l'histoire naturelle est de nous éclairer sur les erreurs les plus ^éiié- 204 OBSERVATIONS ralement accréditées , et qu'il est toujours si important de détruire , sur-tout lorsqu'elles intéressent la diétélique. Ainsi les juifs d'au- jourd'hui, qui habitent souvent des pays où l'anguille est très-commune, mais (ju'ils croient comprise dans la défense faite par la loi de manger des poissons sans écailles , ne s'abstiendroient point d'un aliment si fin , s'ils eu Iti voient l'histoire naturelle avec au- tant d'ardeur qu'ils mettent d'aveuglement dans un précepte qui n etoit réellement pas compris dans le sens de la loi. On peut dire la même chose des Romains, à qui, suivant Pline , une loi de Numa défendoit de sacri- fier des poissons sans écailles. Un hasard heureux procure souvent au peuple des découvertes dont les observateurs ne se doutent pas , même plusieurs siècles après qu'elles sont regardées ailleurs comme des choses triviales. C'est ce qui est arrivé aux paysans de plusieurs pays du Nord , qui, long-tems avant Leuwenhoeck , con- noissoient les écailles de l'anguille , qu'ils ramassoient avec soin pour les mêler avec le blanc destiné à blanchir les murs de leurs maisons, qui acquéroient par là un brillant très-agréable , particulièrement lorsqu'elles SUR LES ECAILLES. noS (étoîent éclairées par le soleil : ne pourroit-on pas appeler ceci blanc à l'écaillé , comme on (lit blanc en bourre ? Plusieurs auteurs ont cependant écrit qu'on ne trouvoit point d'écaillés sur Fan- guille. Rondelet et quelques autres ichthyo- logistes Font assuré, et parmi les- modernes M. Gouan a indiqvié la privation des écailles comme un caractère propre aux genres de murène auxquels ce poisson appartient. Cet auteur dit cependant , dans un autre endroit du même ouvrage , que les écailles des poissons sont quelquefois séparées les unes des autres, et il cité pour exemple Tanguille^ Hasselquist a décrit ces écailles- dans soii Voyage ; mais il les prenoit pour des parties bien différerite^s. Les écailles ne sont pas les seules parties que les auteurs aient méconnues dans ce poisson. Les organes de la génération leur ©nt été inconnus , et sa reproduction a été regardée comme mystérieuse. Parmi le gran(J nombre d'auteurs qiii ont donné la descrip- tion anatomique de Tanguille , Vaîisnieri est le seul qui ?tii[? donné tiK^e bonne ^gnrë^ avec une- description des organes des deux* sexes, qui sont sîHiés hors du péritoine éf- disposés en grappe comme dftns les latiiproiesi 2o6 OBSERVATIONS Il est rare qu'on prenne une anguille œuvée ; il paroît que les œufs prennent un accroisse- ment très - prompt dans ces animaux , et qu'ils se cachent dans la vase au moment où ils doivent les jeter. Plusieurs espèces de murènes des mers des Indes ont des écailles de la ïnéme forme de celles de l'anguille : ces poissons appar- tiennent au même genre. Le loup marin a des écailles rondes plus grandes que celles de Tanguille , et pareillement recouvertes par l'épiderme. Tous les auteurs qui ont parlé de cette espèce , "Willugîiby même et Gronovius, qui eu ont donné les meilleures descriptions, ont assuré qu elle n'a voit point d'écaillés. Un poisson du genre des blennies , qui a beaucoup de rapports avec le loup mai in, et qui est connu sous le nom de vipiparus , à cause de la manière dont ses petits sortent tout formés de son corps, est couvert d'écaillés de la même forme; elles sont seulement un peu plus petites que dans les espèces précé- dentes, relativement à sa grosseur. Ce poisson remonte les rivières. Je l'ai vu assez souvent dans les marchés de Paris et de Londres : son squelette est verd. Cet exemple n'est point unique ; on re-trouve la mt me singu-^ SUR LES ECAILLES. 207 larilé dans deux autres espèces de poissons, savoir, l'aiguille (esox ùelone), el une autre variété du brochet, qu'on pèche quelquefois aux environs de Malesherbes. La donzelle , dont j'ai publié l'histoire dans les Transactions philosophiques, année 1781, a des écailles du même genre; mais , comme la peau qui les retient sur le corps est ti'ès- mince, elles tombent aisément, et pour lors le poisson paroît si différent de ce qu'il étoit aupajavant, que quelques auteurs qui l'ont vu figuré dans les deux états en ont fait deux espèces distinctes. Je n'entrerai point dans un plus long détail sur ces parties, en ayant déjà donné la description et la figure dans les Tjansactions philosophiques. Les écailles que nous venons d'examiner sont cachées sous l'épiderme,* elles sont éloignées les unes des autres, et les poissons qui en sont pourvus sont privés de nageoires ventrales, ou du moins ces parties sont très- petites dans, quelques-uns, et incapables de les soutenir. Toutes les espèces de cet ordre ont le corps alongé pour être en état d'exé- cuter des mouvemens d'ondulation , et de se soutenir ainsi à une certaine hauteur; elles ne s'éloignent jamais des bords; elles y vivent presque toujours dans la v^se. Les cuver- 208 O B s E R V AT I O N S tures de leurs ouïes sont petites , et la peau qui sert dVnveloppe à toute la tête devient trans- parenle sur les yeux. Si les ouvertures de leurs ouïes avoieiit été grandes, si leurs écailles étoient contiguës et à découvert, le limon seroit entré avec Teau dans les organes de la respiration , et se seroit insinué sur les écailles. Parmi les poissons qui ont des écailles presque tout à fait cachées, il nous reste à examiner deux espèces particulières ; Tune est un scomber décrit pai* Browne dan^ Î^Histoire naturelle de la Jamaïque; son corps est lisse , argenié et effilé ; la peau est d'un festi, serré et ferme : elle a presque la ç&ri.^ sistance du cuir; toute la surface du corp^ est marquée de lignes saillantes interrompues, dirigées de la tête à la queue, et qui se touchent par les côtés. Ces lignes sont formées par des écailles alongées, très - étroites , pointues.,' fixées sur la peau , et recouvertes d'un épi-^ demie argenté ; leur longueur est ordinal-^ iH>ment dé trois- ou quatre lignes : elles son t retenues sur le corps par un pelit vaisseatt qui s'insère à l'extrémité la plus v*:)isine de la têle^ et en même tems la plus effilée : il est difficile de les détacher. Elles procurent à la peau ce degré de fei^meté qu'on y trouve. Oa SUR LES ECAILLES. 20g Ou pèche ce poisson dans les mers d'Amé- rique. L'autre espèce est figurée par Marc- grave, sous le nonide guebum.EWe conslitu© un uouv^eau genre très - voisin de celui dé scomher,y?à cru devoir lui laisser en français le nom de voilier^ sous lequel on le trouve assez mal figuré dans l'ouvrage de Renard. Sur un individu de plus de sept pieds de long , dont M. le chevalier Banks a bien voulu me laisser prendre la description dans sa collection, les écailles étoiewt de huit oU neuf lignes de long, lancéolées, aplaties, fixées dans la peau, et preque tout à fait recouvertes par l'épiderme ; elles étoient moins rapprochées que celles de l'espèce de scombre que je viens de décrire. L^n vais-- seau , qui s'inséroit à leur base , les letenoit sur le corps. Marcgrave avoit vu ces parties; mais il les avoit' prises pour dès arêtes, et avoit dit que ce poisson n'a voit point d'écaillés. Il paroifc que ces sortes d'écaillés procurent à la peau un très- grand degré de fermeté , en même tems qu'elles facilitent les mou- vemens des poissons qui en sont couverts î en rendant plus lisse la surface de leur corps. Les deux espèces sur lesquelles je les ai observées nagent très- vite; le voilier sur- tout, qui est armé, commç l'espadon , d'ua Foiss, Tome II. O sio OBSERVATIONS long bec dur, nage avec une telle rapidité qu'il perce souvent plusieurs pouces du bois des vaisseaux contre lesquels il se porte ; c'est ce qu'on peut voir dans les Ephémérides des curieux de la Nature, dans les Transac- tions piûlosopliiques , et dans les Mémoires de racadérnie de Stockholm. On le trouve au Brésil et dans les mers des grandes Indes. ■:< Xies écailles osseuses, alongées, que nous venons de décrire , ont une certaine ana- logie avec celles qui recouvrent le corps des chiens de mer,* mais celles-ci sont entière- îr^ent à découvert. Elles sont rangées régu- lièrement en quinconces, et fixées très- for- tement à la peau. Celles de Fanguille dont Bastei^; a donné la figure sont très-petites; mais vues au microscope, elles paroissenfc aplaties, étranglées à leur base, et presque en forme de fer de lance. On voit sur leur surface deux ou tr-ois lignes longitudinales et saillantes. On peut observer, sans le se- cours d'aucuns instrumens qui . grossissent les objets, des écailles de la même structure et sur une nouvelle espèce de chien de mer que j'ai décrite dans les Mémoires de l'aca- démie, année 1780, sous le nom d'écailleax. Quelques poissons de ce genre ont les écailles iipjaties, lisseS; presque rondes et très-rap- SUR LES ECAILLES. 211 prochées. La peau de ceux-ci sert à couvrir les ouviages qu'on nomme en gnlluchat ; celle des autres fournit le chagrin pour le commerce. Toutes ces écailles sont fixées solidement sur la peau. Cette adhérence étoit nécessaire pour qu'elles ne puissent point se détacher dans les mouvemens compliqués que ces poissons sont obligés d'exécuter; elles leur fournissent d'ailleurs une sorte de défense contre les plus petits poissons , en rendant leur peau ferme et rude au toucher. Les poissons bourses ( tetmodon ) ont des écailles très- fines et semblables à des épin- gles ; leur pointe s'éloigne du corps. Cette direction devenoit indispensable dans ces poissons, qui enflent à volonté leur corps et le réduisent tout de suite à un petit volume. Plusieurs espèces ont des écailles osseuses très-dures et très-liées entre elles : les loricarias et les poissons coffres sont dans ce cas; d'autres en?in , tels que lessingnalhus et les baptisters , ont des écailles cartilagi- neuses un peu flexibles, larges et fixées d'une manière invariable sur une peau épaisse. Les écailles paroissent être communes à toutes les espèces de poissons, et leur usage principal semble être de fournir à ces ani- O 2 ûi2 OBSERVATIONS, etc: itiaux une arme défensive en procurant à leur peau , continuellement ramollie par Télément qui l'environne , un plus grand degré de fermeté. Les poissons sont encore pourvus (le tubercules osseux , d'épines ^ d'appendices cjiarnues , et même d'espèces de poils : ce dernier cas est à la vérité très- rare; on ne Fobserve que sur un très-petit nombre d'espèces, et notamment sur un poisson du genre des saumons , désigné par M. Duhamel, sous le nom de capelan d' Amë' riquc, La manière dont les écailles se forment, celle dbnt elles prennent leur accroissement, l'usage dont elles peuvent être pour décou- vrir Tâge des poissons , sont autant d'objets t\\xe je me propose d'examiner dans un autre Mémoire,* il me suffit dans celui-ci d'avoir fait Voir Ces parties sur plusieurs espèces où elles n'aVoient point été observées aupa- l'àvant. .j" PRÉCIS De la Législation sur la Pêche (i). JiiN vain la terre est-elle enrichie et parée des dons miiltipliés de la sage et bienfaisante Nature , si Tégoïsme imprévoyant de riiomnie tend sans cesse à tarir la source de tant de bienfaits par des jouissances irréfléchies et dévastatrices. C'est pour éviter ce malheur que , dans toutes les sociétés policées , le lé- gislateur a toujours dirigé son attention sur les abus qu'entraîne le calcul trop souvent erroné de l'intérêt particulier ; et s'il est vrai de dire que la meilleure législation est celle qui, en éclairant le citoyen, sait diriger cet intérêt particulier vers le bien général, il faudra convenir que la nôtre laisse très- peu de chose à désirer sur les moyens d'arrêter la main indiscrette et rapace qui , plongeant sans cesse dans l'élément des ani- (i) Je dois cet article à un de mes amis , homme d.e beaucoup d'esprit et très- versé dans la connoissance des lois -y il a bien voulu le composer pour le placer à la tète de mon ouvrage. O 3 5i4 LEGISLATION maux paisibles dont nous allons tracer l'his- toire naturelle , parviendroit bientôt à en faire disparoître les espèces les plus nom- breuses et les plus utiles , si elles n'étoienfc protégées par de bons réglemens. Ces régle- mens existent , et nous avons pensé qu'avant de parcourir les détails intéressans de l'his- toire des poissons , nos lecteurs verroient avec plaisir quelles sont les précautions prises jusqu'à présent pour prévenir l'entière des- truction de ceux qui , habitant nos fleuves , nos rivières , nos lacs et nos étangs, y croissent et y multiplient, pour nous fournir des ali- mens sains dont l'abondance devient chaque jour plus désirable. La pèche est à la vérité une des manières d'acquérir, et le premier des arts que la Nature enseigna aux hommes pour fournir à leur nourriture. Dans l'état de société , elle fut permise par le droit des gens; mais dans le droit civil elle dut être considérée comme un accessoire adhérent à la seule propriété des étangs et des viviers, et elle ne fut plus permise que dans la mer , les fleuves et les rivières dont l'usage étoit public. Elle est restée libre en pleine mer et sur les grèves; mais dans les mers qui baignent SUR LA PECHE. 2i5 les côtes de France, elle fut assujettie à des règles qui déterminent l'espèce de filels dont on doit se servir pour ménager les difiérenles espèces qui les fréquentent plus constam- ment; et si l'autorité conservatrice des droits de tous dut veiller à ce que les intérêts par- ticuliers ne s'entrenuisissent pas au préju- dice de la société , dans la vaste étendue où il seroit difficile de détruire des espèces entières qui y trouvent tant de facilité d'échapper aux pièges^ à plus forte raison dut- on prend le des précautions centre les abus de la pèche dans les eaux limitées des fleuves et des rivières navigables , dont la propriété étant de droit de public fût le partage de celui qui avoit la puissance sou- veraine. Il n'y permit la pèche que sous des réserves et avec des limitations qui avoient pour objet la conservation de diffé- rentes espèces de poissons qui se tiennent plus ordinairement dans les grandes eaux; mais ce n'étoit pas assez faire pour l'intérêt public; et comme dans les petites rivières, les lacs et les étangs, les particuliers qui en étoient devenus propriétaires, par restriction du droit public et à titre quelconque, pou- voient abuser de cette sorte de propriété , au préjudice de la société, en péchant sans O é 5i6 LEGISLATION mesure et sans les précautions nécessaires pour protéger le premier âge des poissons et leur multiplication , ce fut sans doute ce qui détermina Louis XIV à réunir , dans son Ordonnance de 1669, les dispositions des anciens réglemens sur la pêche dans les fleuves , rivières , étangs et autres retenues d'eau 5 et à ajouter sur cette matière de nouvelles dispositions plus claires , plus po- sitives et plus conservatrices. C'est ainsi que lorsqu\ine commune étoit , en tout ou en partie, propriétaire d'une rivière, étang, etc. l'article 17 de cette Ordonnance a ordonné que la pèche en seroit affermée , et que par l'article suivant il est défendu à tous ha- bitans , autres que ]es adjudicataires , d'y pécher, même à la ligne ou à la main. L'article 5 et les suivans du titre 3 1 de la même loi défendent de pêcher à autre heure que dejHiis le lever jusqu'au coucher du soleil ; clans les tems de frai avec des filets et harnois de pêche à prendre les poissons du premier âge; de chasser le poisson de ses retraites en l'y bourrant; de jeter le filet dans les noues où les débordemens des ri- vières ont pu porter du poisson et du frai. L'article 12 ordonne de rejeter à l'eau les truitesj carpes, bai beaux, brèmes et muniers SUR LA PECHE. 217 qui ont moins de six ponces de long entre Tœil et la queue. Le suivant veut que les haï nois des pèrlieui s soient scellés en plomb. Les deux suivans défendent de jeter dans les rivières ni chaux , ni noix voniique, ni coque du levant, ni autre drogue propre à endormir ou à tuer le poisson, et aux ma- riniers et bateliers d'avoir dans leurs ba- teaux aucun ustensile de pêche; et enfin le 18® défend d'aller sur les mares , étangs et fossés lorsqu'ils sont glacés, pour en rompre la glace , y faire des trous et y porter des flambeaux , brandons et autres feux. La contravention à chacune de ces différentes dispositions entraîne contre les contrevenans des peines pécuniaires plus ou moins fortes, et même des punitions plus ou moins graves. Il est inutile sans doute d'entrer dans le détail des motifs de toutes ces prohibitions; le lecteur intelligent aperçoit aussitôt qu'elles n'ont d'autre objet que de protéger le frai et le piemier âge du poisson , et de mettre un frein à la rapacité de ces pêcheuxs de profession. Ce règlement, qui portoit aussi sur Fad- ministration des forêts , quoique souvent éludé par les pêcheurs sans titre et sans permission , avoit cependant assez bien 2i8 LEGISLATION conservé la pêche des rivières , des lacs et des étangs; mais Ja permission de détruire cette dernière espèce d'amas d'eau , et la licence efïiénée qu'une certaine classe de mauvais citoyens prenoit ou feignoit de prendre pour la liberté, en attachant à Tabolition des privilèges un sens que ne présente pas la loi qui les supprime , ont considérablement diminué le moyen fécond de subsistance que produisoit la pèche. Pendant la crise révolutionnaire , on s'y est livré , ainsi qu'à la chasse , sans frein , sans mesure , et sans aucun respect pour les propriétés ; en sorte que les rivières et les iHiisseaux poissonneux ont été en proie à un tel brigandage , qu'on a pu craindre la destruction en France de plusieurs espèces de poissons et de gibiers. Mais enfin le calme ayant succédé à l'orage politique , la puissance publique a senti la nécessité de mettre un terme à la déprédation la plus déplorable, et un Arrêté du Directoire exécutif du 28 mes- sidor an 6, en rappelant toutes les dispositions que nous venons d'extraire de l'Ordonnance de 1669, en a ordonné l'exécution, en sup- primant cependant les peines afllictives et infamantes qu'elles prononcent contre les coupables de certains délits qui y sont SUR LA PECHE. 21g prévus. Le titre 5 d'une loi du 14 floréal an 10 a ajouté, aux dispositions de l'Arrêté du Directoire du 28 messidor an 6, la dé- fense de pécher dans les fleuves et rivières navigables sans une permission , si Ton n'est pas adjudicataire de la ferme de la pêche. Cette défense et tous les textes de ce titre 5 rétablissent le principe consacré par Fart. 41 du litre 27 de l'Ordonnance de 1669 , suivant lequel les fleuves et les rivières navigables étant une propriété publique , l'exercice de ce droit de propriété n'appartient qu'au gouvernement en qui réside l'exercice du pouvoir souverain. 11 eût été à désirer qu'en ajoutant à l'Arrêté du 28 messidor an 6 , la loi que nous venons de citer eût con- tenu quelques textes préservatifs , tels , par exemple , que ceux qu'on trouve dans un règlement sur les eaux et forêts donné en 1707 par l'avant -dernier duc de la maison de Lorraine. Ce règlement fait défense, entre autres précautions , de barrer les rivières pour y faire de grandes pêches , d'y faire rouïr le chanvre, d'abreuver et faire paître les bestiaux dans les étangs pendant les mois de mai et de septembre. Les cir- constances, la suppression des droits féodaux, les grands changemens dans les propriétés Sâo LEGISLATION et le nouveau point de vue sous lequel elle$ doivent être considérées relativement au droit de péclie^ suggéreront, avec le tems, dans cette partie de Tadministration publique, des idées d'améliorations qu'on doit attendre de la sagesse du gouvernement. Maintenant que nous venons de donner à nos lecteurs un extrait de notre législation sur la pêche dans les fleuves, les rivières, les étangs et dans toutes les espèces de re- tenues d'eau, il n'est pas hors de propos de dire quelque chose de nos lois sur la pêche maritime. Par l'article i^^ du titre 5 de l'Ordonnance du mois d'août 1681 , la pêche en mer étoit libre pour tous les français, et il étoit permis de la faire tant en pleine mer que sur les grèves ; mais , pour empêcher l'abus qu'on pouvoit faire de cette permission , soit en se servant de filets à maille trop serrée, qui détruisoit trop de poissons du premier âge et même le frai , le législateur avoit voulu que les rets et les filets appelés solles , dont les pêcheurs dévoient se servir , eussent au moins cinq pouces en carré. Cette piécau- tion ne parut pas suffisante, et un cri uni- versel s'étant élevé contre l'usage abusif de la drège ou drague , espèce de filet traînant SUR LA PECHE. 221 qui étoit permis alors , mais qui , en dé- truisant le frai, portoit un grand préjudice à la pêche maritime , par une déclaration du 18 avril 1726, il fut défendu de se servir de la drège ou drague , et de tout autre filet tramant le long des côtes et aux embou- chures des rivières, excepté pour la pêche de riiuîfcre. Cette loi contient plusieurs dis- positions très-irritantes contre la pêche du frai, avec quelque filet ou ustensile de pêche, et sous quelque prétexte que ce soit; une autre déclaration du 24 décembre de la même année 1726 , ajoute à la première nombre de dispositions pour en assurer rentière exécution. Par une autre déclara- tion du 18 mars 1727, le législateur a réglé les dimensions de différens filets employés à la pêche maritime , et la manière de les tendre. 11 faut voir cette loi, divisée en 11 titres , et contenant 69 articles , pour con- noître quels pouvoient être les abus de la pêche maritime, et quelles précautions le législateur avoit prises pour les empêcher. Une autre loi du j8 décembre 1728 a réglé en 18 articles tout ce qui concerne la pêche des moules. L'ordonnance du mois d'août 1781 , porte aussi d'excellens réglemens pour la pèche du hareng et de la morue ; 322 LEGISLATION niais 5 comme ils renfeiinent trop de détails et que de même que les différentes décla- rations que nous venons de citer, ils con- tiennent beaucoup d'articles dont l'objet est de prévenir les difficultés entre les pécbeurs, et de les empêcher de se nuire entie eux et à la navigation , nous renvoyons nos lecteurs à ces différentes lois et à T arrêt da conseil du 3 mars 1784. Us y prendront une haute idée de la sagesse du gouvernement qui les a faites , et ils feront avec nous des vœux pour qu'ils soient renouvelés, et que la stricte exécution en soit ordonnée par la puissance publique , qui , après avoii* donné la paix sur mer comme sur terre, veut faire cesser tous les genres d'abus , toutes les sortes d'anarchies. Ces vœux, qui sont ceux de tous les bons citoyens , sont d'autant plus ardens que le dessèchement de beaucoup d'étangs , en veitu de la loi du i4 frimaire an 2 , a considéra}>iement diminué en France la ressource que fournit le poisson pour la nourriture de toutes les classes de la société. Dans certains cantons de la France, l'agri- culture a pu gagner quelque chose à la conversion des étangs en prairie ou en pleine culture ,* mais il est peut-être plus certain qu'en général on ny a rien ga^né SUR LA PECHE. 223 pour le revenu , tandis qu'on y a bien cer- tainement perdu sous le rapport des sub- sistances et du commerce. Si la table des riches n'est pas moins bien couverte de poissons aujourd'hui qu'autrefois^ la classe nombreuse des citoyens qui ne sont qu'aisés souffre de la cherté du poisson devenu bien moins abondant par l'effet du dessèchement des étangs et des abus de la pêche. Cette considération est sans doute assez impor- tante pour que le gouvernement ne dédaigne pas de s'en occuper, et l'on doit attendre de la sagesse de ses vues sur toutes les parties de l'administration publique , qu'il examinera, avec une nouvelle attention , la question de savoir si les dispositions de la loi du 14 fri- maire an 2 n'ont pas fait plus de mal que de bien : en attendant on peut compter sans doute qu'il veillera plus que jamais on ne l'a fait , à ce que tous les réglemens anciens sur la pèche, compatibles avec l'ordre actuel des choses , soient observés rigoureusement , puisque c'est le plus sûr moyen d'empêcher le brigandage qui a dévasté les rivières , et de ramener par la suite l'abondance d'une des subsistances les plus saines. 224 TROISIEME VUE TROISIÈME VUE DE LA NATURE, PARLACJÈPEDE. V^UE la Nature est belle! que son spec- tacle est magnifique ! que sa puissance est admirable! Dans sa fécondité sans bornes, elle a semé les mondes dans l'espace ( i ). Dans sa simplicité sublime, elle ne leur a imposé qu\me loi (2). Les rapports et par conséquent les des- tinées de tout ce qui existe, découlent de cette force unique et irrésistible que le tems ne peut altérer, et qui, décroissant par la distance, mais s'accroissant avec les masses, en pénètre toutes les profondeurs, en régit tous les élémens. Les corps immenses et innombrables qui circulent dans les cieux, les matières brutes qui composent la planète que nous habitons , les fluides qui Tarrosent, réchauffent , l'environnent ou l'éclairent , (1) Première vue de la Nature , par Buffon. {2) Seconde vue de la Nature , par Buffon. les DE LA NATURE. saS les subslaiices organisées qui la revêtent , les êtres vivans et sensibles qui la peuplent ne montrent aucune forme, aucune qualité, aucune modificalion, aucun attribut, aucun mouvement qui ne dérive de ce grand acte du pouv^oir souverain et créateur. L'élude de la Nature n'est que l'étude des lois secondaires qui émanent de la grande loi fondamentale. Les animaux, par leurs organes, par leurs sens, par leur mobilité, par leurs affections, par la succession de leurs déve-^ îoppemens offrent, bien plus que tous les autres produits de la création, les diverseà applications de cette loi suprême , les diffé- rens résultats de ce principe immuable. Parmi ces êtres animés , deux classes très-nombreuses, dont la première a reçu les airs pour son domaine, et dont les eaux sont le partage de la seconde, peuvent, par les contrastes apparens de leurs habitudes et par les analogies secrettes qui lient leurs mouvemens, nous dévoiler peut-être plus que toutes les autres quelques faces de cet ensemble de relations merveilleuses et néces^ saires qui dérivent de la prenuère des lois dictées par la Nature. L'une de ces classes, celle des poissons, est d'ailleurs maintenant Fois. Tome IL P 226 TROISIEME VUE le sujet principal de nos recherches. Com- parons donc Tune à Tautre ; plaçons leurs principaux tmits dans un même tableau, et qu'elles soient Tobjet d'une troisième vue de cette Nature dont la contemplation a tant de charmes et fait naître de si utiles vérités. Dans toutes les classes d'animaux il est une habilode principale qui influe sur toutes les auLres, les produit, les modifie, ou les régit de manière que chacun des actes par- ticuliers de l'espèce présente l'empreinte de cet attribut général et prédominant qui dis- tingue la classe. La manière de se mouvoir est le plus souvent cette habitude domina- trice à laquelle les autres sont liées et sou- mises. Nous le voyons évidemment dans la classe des oiseaux et dans celle des poissons, que nous allons comparer l'une à l'autre, pour mieux juger de leurs propriétés, et sur-tout pour mieux connoître les facultés dislinctives des ha bilans des rivières et des mers. Le vol influe sur toutes les actions des oiseaux ; la natation modifie toutes celles des poissons. Par ces deux- attributs , les uns et les autres paroissent séparer leurs habitudes de celles des quadrupèdes et des DÉ LA NATURE. 237 «uti-es animaux qui vivent sur la surface sèche du globe, autant que les premiers s'éloignent de l'empire de^ animaux ter- restres en s'élevant au plus haut des airs, et les seconds en s'enfonçant dans les pro- fondeurs de l'Océan. On cliroit du moins que, par le vol et la natation, les oiseaux et les poissons laissent , pour ainsi dire , entre leurs actions une telle distance , qu'on ne pourroit en donner une idée qu'en la comparant à celle qui sépare le fond des mers des plus hautes régions de Tatmosphère ,* et cependant , malgré cette grande dissemblance apparente, les habi- tudes les plus générales et les plus remar- quables des poissons et des oiseaux montrent les rapports les plus frappans. La natation et le vol ne sont, pour ainsi dire, que le même acte exécuté dans des fluides diffé- rens. Les instrumens qui les produisent, les organes qui les favorisent, les mouve- inens qui les font naître les accélèrent, les retardent ou les dirigent, les obstacles qui les diminuent, les détournent ou les sus- pendent, sont semblables ou analogues; et d'après ce rapport si remarquable, nous ne serons pas élonjûés de toutes les analogies P a â^S TROISIEME VUE seconcltiires que nous Iroiiverous entre les mœurs des oiseaux et celles des poissons. En effet;, l'aile de Foiseau et la nageoire du poisson diilèrent l'une de l'auhe bien moins qu'on ne le croiroit au premier coup d'œil; et voilà pourquoi, depuis les anciens naturalistes grecs jusqu'à nous , le nom d'aile a été si souvcnl donné à celle nageoire. Xi'une et l'autre présentent une surface assez grande relativement au volume du corps , et que l'animal peut, selon ses besoins, accroître ou" dimiuuer, en l'étendant avec force, ou en la resserrant en plusieurs plis. La nageoire, comme l'aile, se prête à ces différens dépîoiemens, eu à ces diverses contractions, parce qu'elle est composée, comme laile , d'une substance membra- iieuse, iriolle et souple; et lorsqu'elle a i*eçu la dimension qui convient momenta- nément à l'animal, elle présente, comme l'aile, une surface qui résiste, elle agit avec précision , elle frappe avec force , parce que, de même que l'inslrument du vol, ielle est soutenue par de petits cylindres réguliers ou in-éguliers , solides , durs , presque inflexibles; et si elle n'est pas fortifiée par des plumes, elle est quelque- fois consolidée par des écftilles doxit nous DE LA NATURE. 229 avons montré que la substance éloit la même que celle des plumes de Foiseau. La pesanteur spécifique des oiseaux eçt ti'ès-rapprochée de celle de Fair,* celle des poissons est encore moins éloignée de la pesanteur de Teau , et sur-tout de celle de Teau salée cjue contiennent les bassins des mers. Les premiers ont reçu une organisation très-propre à lendre un grand volume trè^ léger: leurs poumons sont très- étend us; de grands sacs aériens sont placés daiis leur intérieur; leurs os sont creusés et percés de manière à recevoir facilement dans leurs cavités lesi fluides de Talmosphère. Les seconds ont presque tous une vessie par- ticulière qui, en se gonflant à leur volonté, peut augmenter leur volume, et bien loin d'accroître en même tems leur masse, la diminue en se remplissant de fluides ou de gaz d'une légèreté très-remarquable. La queue des oiseaux leur sert de gou- vernail, et leurs ailes sont de véritables rames. Les nageoires du dos et de l'anus peuvent être aussi comparées à une puissance qui gouverne et dirige , pendant que la queue proprement dite, prolongée par la nageoire caudale, frappe Teau comme une rame, el; P 5 53o TROISIEME VUE communiquant à Tensemble de Tanimal l'impulsion qu'elle reçoit , lui imprime le mouvement et la vitesse. Les oiseaux précipitent ou retardent les battemens de leurs ailes,* mais, lorsqu'ils leur laissent toute l'étendue qu'elles peuvent pré- senter, et qu'ils veulent s'en servir pour chan- ger de place , ils ne leur font jamais éprou- ver deux mouvemens égaux de suite; ils les relèvent avec une vitesse bien moindre que celle avec laquelle ils les abaissent; ils donnent alternativement un coup très - fort et une impulsion très - foible , afin que, lorsqu'ils montent , par exemple , les couches supé- rieures de l'atmosphère, frappées moins vi- vement que les inférieures, opposent moins de résistance que ces dernières, et que l'ani- mal soit repoussé de bas en haut. Plusieurs nageoires des poissons donnent aussi très-souvent des coups alternativement égaux et inégaux; et si la queue frappe avec la même rapidité à (h'oite et à gauche, c'est parce que les résistances égales des couches latérales, contre lesquelles l'animai agit obli- quement , le poussent dans une diagonale , qui est la véritable direction qu'il désire dé recevoir. On pourroit dire que les oiseaux nagent DE LA NATURE. sSi dans l'air , et que les poissons volent dans Teau. I/atmosphère est la mer des premiers : la mer est Fatmosphère des seconds. Mais les poissons jouissent bien plus de leur domaine que les oiseaux. Ceux de ces derniers dont le vol est le plus hardi, les aigles et les fré- gates, ne s'élèvent que rarement dans les hautes régions aériennes ; ils ne parviennent jamais jusqu^aux dernières limites de ces régions éthérées, où un fluide trop rare ne pourroit pas suffire à leur respiration, et où une température trop froide leur donneroit bientôt Tengourdissement et la mort. Le besoin de la nourriture , du repos et d'un asyle les ramène sans cesse vers la terre. Les poissons parcourent perpétuellement et traversent dans tous les sens Fimmensité de l'Océan , dont le fluide , presque égale- ment dense et également échauffé à toutes les hauteurs , ne leur oppose d'obstacle ni par sa rareté, ni par sa température. Ils en pénétrent tous les abîmes; ils en sillonnent toute la surface : et trouvant leur nourriture dans une grande partie de l'espace qui sé- pare les profondeurs des mers, des couches aériennes qui i^eposent sur les eaux , si la nécessité de suspendre tous leurs efforts et P4 aZ2 TROISIEME VUE de se livrer à un calme parfait les eutraine jusqu'au fond des vallées soumaiines, leurs rapports avec la lumière les lamènent fré- quemment veis les eaux supérieures, qu'un soleil bienfaisant inonde de ses rayons. Les vents réguliers favorisent, relardent, arrêtent ou dirigent vers de nouveaux points ]es voyages des oiseaux : les courans réguliers des eaux accélèrent, diminuent, suspendent ou détournent les courses si variées et si souvent renouvelées des habitans des mers. Les oiseaux que lem- vol puissant a fait nommer grands poiliens , et qu'il faudroit plutôt nommer grands rameurs , résistent seuls aux grands raouvemens de l'atmos- phère, bravent les orages, et surmontent les autans déchaînés : les poissons que leurs nageoires, leur grande cjueue, leurs muscles vigoureux doivent faire appeler nageurs ou rameurs par excellence , luttent seuls contre les flots soulevés, opposent leur force à celle des tempêtes, et poursuivent leur route au- dacieuse au travej's de ces tourmentes hor- ribles qui bouleversent, pour ainsi dire, la masse entière des eaux. Les oiseaux foibles ou mal armés tremblent devant le bec redoutable ou la serre cruelle des tyrans de Tair ; les poissons dénués DE LA NATURE. Qoâ d'armes, ou de grandeur, ou de puissance, fuient devant les dents sanglantes des squales et des autres animaux de leur classe qui infestent les rivières ou les mers. Auprès de la surface de la terre, au dessus de laquelle s'élève son domaine aérien , l'oiseau reçoit souvent la mort des armes du chasseur, ou la trouve dans les pièges que tout son instinct ne peut parvenir à éviter. Au plus haut de son empire aquatique , le poisson périt retenu par un hameçon trompeur, ou enveloppé dans les filets que le pêcheur a tendus. Le besoin de trouver l'aliment le plus convenable , ou le désir d'échapper à la poursuite d'un ennemi dangereux , déter- minent les v^oyages inégulieis des oiseaux. La nécessité de se dérober à la vue on à l'odorat des féroces géans des mers , eu celle d'appaiser une faim plus cruelle encore , produisent les mouvemens irréguliers des poissons. Lorsque la saison rigoureuse commence de régner dans les zones tempérées, et j)ar- ticulièrement dans les portions de ces zones les moins éloignées du cercle polaire , les oiseaux recommencent leurs voyages ré- 234 TROISIEME VUE guliers et périodiques. Us ne peuvent plus rester sur une terre que le froid envahit , où la surface des eaux se durcit en croûte glacée, où les insectes meurent ou se cachent, où les champs sont dénués de moissons et les arbres de fruits : ils partent ; ils vont chercher vers les tropiques un séjour plus doux et plus heureux. Us suivent la direc- tion des méridiens ; ils parcourent par con- séquent la longueur des grands continens. lîs se réunissent en troupes nombreuses; et mâles, femelles, jeunes ou vieux, tous ras- semblés sans distinction ni de sexe ni dage, désertent l'empire des frimas pour aller vers celui du soleil, jusqu'au moment où la cha- leur, revenue dans leur patrie, les y ra- mène dans le même ordre et par la même route. La diversité des saisons ne paroît pas produire dans la température des différentes parties de l'Océan des cliangemens assez grands pour obliger les poissons k se livi^er chaque année à des migrations régulières ; mais le besoin de se reproduire , qu'ils ne satisfont qu'auprès des rivages, ]es contraint , toutes les fois que le printems est de retour, à quitter la haute mer pour s'approcher des côtes. Us ne nagent pas alors dans le sens DE LA NxlTURE. 235 des méridiens ; mais , par une suite de la position des continens au milieu du grand Océan, ils lâchent de suivre presque tou- jours une des parallèles du globe pour par- venir plus facilement et plus promptement à la terre dont les bords doivent recevoir ou. leurs œufs ou leur laite. Les femelles ar- rivent les premières, comme plus pressées de déposer un fardeau plus pesant; les mâles accourent ensuite. Ils suivent le plus souvent ces mêmes parallèles, lorsqu'ils remontent les uns et les autres dans les fleuves et dans les grandes rivières , ou lorsqu'ils s'aban- donnent à leurs couiaus pour regagner le séjour des tempêtes , parce que , à l'excep- tion du Mississipi, de quelques rivières de la terre ferme d'Amérique, du Rhône, du Nil, du Borysthène , du Don , du Volga , du Sinde , de FA va , de la rivière de Cam- boge , etc. , les fleuves coulent d'orient en occident, ou d'occident en orient. Les oiseaux sont d'autant plus nombreux qu'ils fréquentent des continens plus vastes: les poissons sont d'autant plus multipliés qu'ils habitent auprès de rivages plus étendus. Il n'est donc pas surprenant que de même qu'il y a plus d'oiseaux dans l'hémisphère boréal que dans l'austral, à cause de la plus iJoG TROISIEME VUE grande quantité de terre que présente la première de ces deux moitiés du globe , il y ait aussi beaucoup plus de poissons dans cet hémisphère du Nord, parce que si les habitans de l'Océan ont un séjour plus vaste dans riiémisphère austral , dont les mers très - étendues , et les continens ou les îles très-peu nombreux , il y a peu de rivages où ils puissent aller déposer la laite ou les œufs destinés à leur multiplication. L'espace n'y manque pas aux individus, mais les côtes y manquent aux espèces. Si l'on admet, avec plusieurs naturalistes, qu'à une époque plus ou moins reculée les eaux do la mer , plus éJevécs que de nos jours, couvroient une partie des continens actuels , de manière à les diviser dans une très -grande quantité d'iles, sans diminuer cependant beaucoup la totalité de leur sur- face, il faudia supposer, d'après les obser- vations que nous venons de présenter, que lors de cette séparation des continens en plusieurs parties isolées par les eaux de l'Océan, il y avoit beaucoup moins d'oiseaux qu'à présent , ainsi qu'on })eut s'en convaincre avec facilité, et que néanmoins il y avoit beaucoup plus de poissons qu'aujourd'hui , parce que toutes les divisions opérées par DE LA NATURE. 257 la mer dans les terres augmentoient néces- sairement le nombre des rivages |)r()pres à recevoir les ^eimes de leur reproduclion. Mais remontons pins avant dans le cours du tems. Croj^ons pour un moment, avec plusieurs géologues, que, dans les premiers âges de noire planète, le globe a été entière- ment recouvert par les eaux de l'Océan. Alors les oiseaux n'existoicnt pas encore. Alors aucune partie de la surface de notre planète ne présentoit de Feau douce séparée de Feau salée : tout étoit Océan. Mais cet Océan étoit désert; mais cette ruer universelle n'étoit encore que Fempiré de la mort, ou plutôt du néant. Comment les germes des poissons, qui ne peuvent éclore qu'aupiès des côtes, se seroient-ils en effet développés dans un Océan sans rivages ? Bientôt les sommets des plus hautes mon- tagnes dominèrent au dessus des eaux, et quelques côtes parurent ; elles furent en- tbuiées de bas fonds : les poissons naquirent. Ils se multiplièrent. Mais leur nombre , li- mité par des rivages tiès-circonscrits, étoit bien éloigné de celui auquel ils sont par- venus , à mesure que les siècles se sont a38 ^TROISIEME VUE succédés, et que les coniours des continens ou des îles sont devenus plus grands. A celte époque cependant, les poissons que la Natuie a relègues dans des mers particulières, les pélagiens , les littoraux, ceux que nous voyons chaque année re- monter dans les fleuves, ceux qui ne quittent jamais l'eau douce des lacs ou des rivières , les grandes espèces qui se nourrissent de proie , les petits ou les foibies qui se con- tentent des débiis de corps organisés qulls trouvent dans la fange, vivoient, pour ainsi diie, mêles et confondus dans cet Océan encore presque sans bornes , qui baignoit uniquenieui quelques chaînes de pics élevés. Où il n'y avoit pas de diversité d'habitation, il ne pou voit pas y avoir de différence de séjour. Où il n'y avoit pas de limites véri- tablement déterminées, il ne pouvoit pas y avoir d'espèce reléguée, ni d'espace interdit. Lors donc qu'une catastrophe terrible donnoit la mort à une grande quantité de ces animaux, ceux que nous appelons au- jourd'hui marins, et ceux que nous nommons fîuviatiles , périssoient ensemble, et gisoient entassés sans distinction sm* le même fond de rOcéan. Seroit-ce à cette époque de submersion DE LA NATURE. aSg presque universelle , qu'il faudroit rapporter les bouleverseniens sous lesquels ont suc- combé les poissons que l'on découvre de tems en tems , enfouis à des profondeurs plus ou moins considérables , recouverts par des couches de diverse nature, pressés quelquefois sous des débris volcaniques (i), et qui forment ces amas remarquables, ces réunions extraordinaires, où les chétodons et d'autres espèces des mers équinoxiales des deux Indes ont laissé leurs empreintes ou leurs dépouilles au milieu de celles des }ia])itans des mers tempérées et du voisinage du cercle polaire, et où les restes et les traits des lluviatiles paroissent confondus avec ceux des pélagiens ? Si Ton devoit admettre cette idée, on pourroit assurer que depuis le moment où les hautes montagnes et les pics élevés étoient les seules portions de la surface sèche du globe qui ne fussent pas inondées, plusieurs (i) On doit distinguer , dans les éruptions volca- niques , cçlles qu'il faudroit rapporter à des époques très-reculées , où la face de la terre pouvoit êfre très-différente de celle qu'elle a aujourd'hui , et celles qui n'ont eu lieu que beaucoup plus récemment , et lorsque le globe avoit déjà reçu presque en entier sa configuration actuelle. 340 TROISIEME VUE espèces dont on trouve l'image ou les partie* solides dans ces agrégations de poissons de nier et de poissons d'eau douce ^ n'ont été modifiées dans aucun de leurs organes es- senliels , ni même altérés dans aucune de kurs formes les plus délicates ; et ce seroit lin fait bien important pour le yéritable naturaliste (i). A cette époque les cétacés , les laman- tins, les dugons et les morses ont pu par- tager avec les poissons l'empire de lOcéan. A mesure que les eaux de la mer , en se retirant, ont laissé à découvert de plus grandes portions des coniinens et des îles, que de nouveaux rivages ont paru , et que des grèves plus doucement inclinées les ont environnées , les phoques , les tortues ma- rines , les crocodiles se sont multipliés sut ces bords favorables à leur reproduction , à leurs besoins , à leurs habitudes. Alors les premieis oiseaux ont pu animer ratmospiière. ils ont trouvé sur la terre déjà abandonnée par les eaux l'asyle nécessaire à leur repos , à leur accouplement , à leur nidificahon , h leurs poules, à leur incuba- tion, à l'educaiion de leurs petits; et ces (i) Voyez notre Discours sur la durée ci es espèces. premiers DE T. A NATURE. 241 premiers oiseaux ont dû êlre ceux que ik^us avons nommés oiseaux d'eau el laùrènies (i ) , qui , pourvus, d'ailes puissaules, de lai'ges pieds palmés, d'armes assez fortes pour saisir les poissons, et d'oiganes pjopies à les assi- miler à leur substance, ne se nounissenl que des liabitans des mers , peuvent voler très- long-tems au dessus de la surface de f Océan, se précipiter avec lapidilé sur leur proie , l'enlever au plus haut des airs , nager à d'immenses dislances de la rive, lutter avec constance contre les vents déchaînés , et braver les vagues soulevées. Alors les alba- tros, les frégates, les pélicans, les cormo- rans, les mauves ont commencé d'exercer sur les poissons leur empire redoutable. Leur apparition a pu être bientôt suivie de celle des oiseaux de rivage , parce que , sur les côtes abandonnées par les eaux de la mer, il a pu se former aisément des marais , des amas d'eaux stagnantes , des savannes à demi -noyées. Cependant les vapeurs se condensoient contre les montagnes élevées, retomboient (i) Dans le Tableau inéLliodiqne des oiseaux que j'ai publié , et d'après lequel j'ai fait arranger la belle collection d'oiseaux du muséum d'histoire naturelle. Foiss, Tome IL O B42 TROTSîE?vIE TUE ien pluies , se précipitoient en torrens , se îépandoient en ruisseaux , couloient en ri- vières, et parvenoienfc jusqu'à la mer. Dès ce momeiit la séparation des poissons péla- giens, des littoraux, de ceux qui remontent dans ]es fleuves, de ceux qui vivent cons- tamment dans Teau douce des lacs et des rivières, a pu se faire, et les distribuer en quatre grandes tiibus très- analogues à celles que Ton connoît maintenant. Les ours marins, les tapirs, les cochons ," les hippopotames , les rhinocéros , les élé-^ phans, et les autres quadrupèdes qui aiment les rivages , qui recherchent les eaux , qui ont besoin de se vautrer dans la fange , ou de se baigner dans Fonde, se sont répandus à cette époque vers tous les rivages , et leur apparition a dû précéder celle des autres mammifères et des oiseaux qui , craignant beaucoup l'humidité , redoutant les flots de îa mer ainsi que les couians des rivières, désirant la sécheresse, liés par tous les rap- ports de Torganisation avec une chaleur 1 lès-vive, ne se nourrissent d'aiileui's ni de poissons, ni de mollusques, ni de vers, ni d'aucun animal qui vive dans FOcéan, ou se ])laise dans les rivières, ou pullule dans les marais. Elle est donc antérieure à Far- DE LA NATURE. 245 rivée de Fliomme >, qui n'a pris le sceptre de la terre que lorsque son domaine , déjà paré de toutes les productions de la puis- sance créati ice , a été digne de lui. Lors donc qu'on écartera Tidée de toutes les causes générales ou particulières qui ont pu bouleverser la surface de la terre depuis l'abaissement de la mer au dessous des pre- miers pics , on reconnoîtra que les fragmens et les empreintes le plus anciennement et le plus profondément enfouis sous les couches terrestres ou sou marines , sont ceux des poissons y des cétacés , des lamantins , des dugons et des morses ; ensuite viennent ceux de ces morses , de ces dugons , de ces la- mantins 5 de ces cétacés , de ces poissons et des phoques , des tortues de mer , des crocodiles , des oiseaux palmipèdes et des oiseaux latirèmes; on placera au troisième rang ceux de tous les animaux que nous venons de nommer , et des oiseaux de ri- vage,* on mettra au quatrième ceux de ces mêmes animaux , des oiseaux de rivage , des ours marins , des tapiis , des cochons , des hippopotames , des rhinocéros , des élé- phans ; et enfin on pourroit trouver les images ou les débris de tous les animaux , S44 TROISIEME VUE et de riiomme qui les a domptés par son intelligence. Cependant si , au lieu d'admettre Th} po- thèse d'après laquelle nous venons de rai- sonner 5 Ton prétère de croire que la mer a parcouru successivement les dilïérentes parties du globe, laissant les unes à décou- vert, pendant qu'elle envaliissoit les autres, il faudra nécessairement avoir recours à une catastrophe presque générale , qui , agissant sur des poin(s de la suiface de notre pla- nète diamétj alement opposés , entraînant hors de leurs habitations ordinaires les pois- sons pélagiens , les littoraux, les fluviatiles , les cétacés , les lamantins , les phoques , les ours marins, les hippopotames, les élé- phans et plusieurs autres animaux terres- tres , les arrachant à toutes les parties du globe, les réunissant, les mêlant, les con- fondant , les soumettant au même sort , les a entassés dans les mêmes cavités, recou- verts des mêmes débris , écrasés sous les mêmes masses, et immolés du même coup. Au reste , c'est au naturaliste entièrement consacré à l'étude de la théorie de la terre , qu'il appartient principalement de rechercher les causes auxquelles on devia rapporter le§ fjèsultats que nous venons d'indiquei*. DE LA NATURE. 245 Les zoologistes lui présentent les faits qu'ils ont pu recueilJir dans Tobservalion des or- ganes des animaux, et des habitudes qui en découlent ; ils lui exposent les conséquences que l'on doit tirer de ces forces , de ces mœurs, de ces analogies, de la nature des habitations, des gisemens des débris, de la séparation ou du mélange des espèces, de l'altération ou de la conservation de leurs traits principaux , du changement ou de la constance de leur manière de vivre , de la température du climat qu'elles préfèrent aujourd'hui, de la chaleur des eaux hors desquelles on ne les trouve plus. Nous tâchons de découvrir les inscriptions et les médailles relatives aux difïérens âges de notre planète; c'est aux géologues à écrire l'histoire de ses révolutions. Q 246 SUR LA STRUCTURE OBSERVATIONS Sur la structure du cœur des Poissons ^ PAR DU VERNE Y, DE l'académie des SCIENCES DE PARIS. v>ES observations ont été faites sur une carpe. Le cœur de ce poisson est situé sous les mâchoires qui sont au dessous des ouïes , au fond du gosier, et que j'appellerai mâ- choires internes pour les distinguer de celles qui sont au dessus, et qui forment l'entrée de la bouche. I^a cavité où le cœur se trouve renfermé est revêtue d'une membrane fort polie, qui tient lieu de péricarde dans plu- sieurs autres poissons , mais qui ne peut pas être ainsi nommée dans celui - ci , puisque le cœur est encore enfermé dans un sac formé d'une pellicule très-mince , qui est proprement son péricarde. Le bas de cette même cavité est fermé par une membrane qui sépare le cœur d'aveq DU C (E U R. 247 tous les autres viscèies, et qui est une con- tinuation de kl précédente. On voit sous le cœur un réservoir formé par le concours de plusieurs veines; trois desquelles sortent du foie , et servent seu- lement à rapporter le sang de la veine-porte et d'une partie des ovaires. De ces trois, il y en a deux qui s'ouvrent de chaque côté dans le bas de ce réservoir, et la troisième s'y décharge aussi par une embouchure très- large (1). Deux autres veines (2) remontent à chaque côté de l'épine, en accompagnant l'aorte, et s'unissent à chaque côté du ré- servoir avec les veines qui sortent des deux côtés du foie; ainsi ces deux vaisseaux n'ont de chaque côté, en cet endroit, qu'une même embouchure. Le tronc de la veine qui rapporte le sang des ouïes est couché au dessus de l'aorte ; il descend au côté droit du cœur; il est collé aux parois de la ca^ vite où le cœur est renfermé; et faisant ua contour, il vient s'ouvrir au côté du réser- voir (3). (i) Ce sont les veines liépatiques -, pejiœ hepaticœ. {2) La veine cave inférieure qui est double.j vertes eava inferior duplex. (3) C'est la veine déférente j vena deferens, . Q4 248 SUR LA STRUCTURE Ce résejvoir (i) s'ouvre en dessus vers lé milieu de Ja partie inférieure de Toreilleite. A son embouchure il a deux valvules en foi me de paupières, comme celles qui sont à Tembouchure de la veine cave inférieuie des oiseaux. Ce cœur n'a qu'une oreillette, mais d'une grande capacité : elle est appliquée au côté gaucîie ; et dans sa partie supérieure , en s'enfonçani , elle forme de chaque côté une avance ou corne , dont la gauche est plus grande que la djoite. Son embouchuie est dans la pai tie supérieuie du côté gauche du cœur. Il y a deux valvules à l'embouchure de l'oreilietle dans le cœur, l'une dessus et l'autre dessous, aliachées par tout le demi -cercle qu'elles forment, et ouvertes du côté de la poinîedu cœur; ce qui fait que le sang, qui leflue par Ja contrachon du cœur, les sou- lève et les joint l'une à l'autre , comme dans la grenouille. Le cœur est de figure demi-circulaire , et aplati à peu près comme une châtaigne de mer. 11 est posé de champ par rapport à la tête , en sorte que les deux côtés plats (i) Receptaculum» D U C (E U R. 249 regarderjt les ouïes ; il s'emboîte parla base avec Taorte par une espèce de giugl} nie , ces deux parties a} ant des éniinences et des cavités qui se reçoivent mutuellement. Les parois de ce cœur sont fort épaisses, à proportion de son volume, et ses libres d'une tissu je fort compacte. Four bien enlendie la distribution des vaisseaux dans ce poisson , il faut avoir quelque notion de la structure des ouïes: c'est pourquoi nous dirons que les ouïes , qui, comme 04 sait, servent de poumons aux poissons, sont pour ainsi dire partagées en deux lobes , dont chacun est composé de quatre feuillets posés presque de champ Yiin. près de l'autre suivant leur contour, et sou- tenus par quatre arcs osseux. Nous nomme- rons premier arc celui de chaque côté qui est le plus proche du cœur (1). La partie convexe de ces arcs est creuse en forme de gouttière, le long de laquelle coulent les vaisseaux, dont il sera parlé ci- après. Les feuillets soutenus pai; cee arcs occupent tout Fespace qui est entre les mâchoires externes et les internes : ils sont (1) Ce premier arc est appelé par d'antres auteurs le dernier ou le quatrième. 25o SUR LA STRUCTURE composés d'un double lang de lames osseuses ou barbes. Cliacuue de ces lames est faite en forme de petite faux, et à sa naissance, a comme un pied ou talon , qui est plus épais que le reste , et creux par dessous en forme de goultière : ce pied, étant debout, ne pose que par son extrémité sur le bord de Tare , auquel il n'est attaehé que par le moyen de la membrane fort épaisse qui enveloppe Tare. Le côté convexe de cette lame est garni, jusqu'à la pointe , de filets qui vont en diminuant de longueur, à me- sure qu'ils s'approchent de cette pointe; et le côté concave en a de beaucoup plus courts, et n'en est garni qu'environ jusques vers le milieu. Ces filets sont liés entre eux, de chaque côté , par une membrane osseuse très-fine , qui les assemble par le milieu presque dans toute leur longueur ; mais , comme les ex- trémités ne sont pas jointes , elles repré- sentent les dents d'une scie. On a dit que chaque feuillet est composé d'un double rang de lames ; il faut ajouter que le concave de chacune de ces lames s'applique sur le convexe de celle qui lui est opposée , et qu'elles sont toutes liées ensemble par une membrane , qui prend DU C (K U R. 35i depuis leur naissance jusqu'au milieu de leur hauteur, où, devenant plus épaisse, elle forme une manière de cordon, au dessus duquel elle est attachée aux lames par les bouts d'autant de petits croissans qu'il y a d'espaces entre elles. Le reste de la lame est libre , et finit en une pointe très-fine et très-souple. L'empâtement de ces lames sur les bords de l'arc se faisant par l'extrémité de leur talon , comme il a été dit, il reste dans leur milieu un petit vuide en forme de canal triangulaire , qui règne tout le long de l'arc , et sert à loger les vaisseaux. Ces lames sont revêtues d'une membrane très-fine , et ne servent qu'à soutenir les ramifications de tous les vaisseaux des ouïes. Ces vaisseaux , qui coulent dans la gouttière de chaque arc , sont une artère , une veine et un nerf. Avant que de parler de la distribution des artères , on remarquera que la partie de l'aorte qui nait du cœur , et qui a deux valvules sigmoïdes comme celle de la tor- tue , n'est pas d'un grand volume , à pro- portion de celui qu'elle a un peu au dessus ; car d'abord elle s'évase , en sorte qu'elle couvre toute la base du cœur : puis se ré-: a52 SUR LA STRUCTURE trécissant peu à peu, elle forme une espèce de cône, de la poinîe duquel sort le vaisseau qui est ia confinuation de Taorte. Le dedans de sa partie dilatée est remplie de plusieurs colonnes charnues , qui vont toujours eu diminuant jusqu'au sommet, et elles ont enîre leurs bases des interstices , qui forment des cavités où est reçu le sang qui reflue , ce qui fortifie l'action des valvules dont on vient de parler, et produit le même effet que les valvules qui se voient dans la partie muscu- leuse de Faorte de îa raie et de la grenouille. Le canal , qui sort de la pointe du cône de Taorte , coule entre les deux lobes des ouïes (i). Vis-à-vis de la première paire d'arcs de ces lobes, il jette de chaque côté une grosse branche , qui se subdivise encore en deux autres , dont la première coule de chaque côté dans la gouttière de cette pre- mière paire d'arcs , et la seconde dans la gouttière de Ja seconde paire (2). Ce même tronc, dans son cours, se partage encore en deux branches , dont chacune va de son (i) Il paroît que les parties que Duverney appelle les lobes des ouïes , sont les quatre ouïes de chaque eôté. (2) Les artères brancliiales j arteriœ branchiales. DU C (S U R. :^53 côté à la troisième paire , et plus avant encore, en deux au Ires, qui voul à la der- nière paire de ces arcs. Chaque artère, en coulant le long de la baie de chaque feuillet, jette autant de paires de branches qu'il y a de paires de lames (i), et se perd entièrement à Tex- irémité du feuillet, en sorte que l'aorte et ses branches ne parcourent de chemin que depuis le (^œur jusqu'à Textrémité des ouïes où elles finissent. Sur le bord de chaque lame il y a une veine , et chaque veine vient se décharger dans un tronc (2) qui coule dans la gout- tière de chaque arc, et dont les différentes i^amifications se voient clairement dans les figures. Ces veines, sortant de Textrémité de chaque arc , qui regarde la base du crâne , prennent la consistance d'artèi'es, et viennent se réunir deux à deux de chaque côté; celle, par exemple, qui sort du quatrième arc, après avoir fourni des rameaux qui distri- buent le sang aux organes des sens, au cerveau et h toutes les autres parties de la (i) Ce sont les petites artères des lames des branchies ; arteriœ laminarinn. (2) La veine branchiale *, vena branchialis. 254 SUR LA STRUCTURE tête, vient se joindre avec celle du troisième arc; ainsi elles ne font plus qu'une branche; cette branche, après avoir fait environ deux lignes de chemin, s'unit à celle du côté opposé, et les deux ne forment plus qu'un tronc , lequel, coulant sous la base du crâne, reçoit aussi peu de tems apiès de chaque côté une auire branche, forpiée par la réunion des veines de la seconde et de la première paire d'arcs (i). Ce tronc continue son cours le long des vertèbres, et distii- buant le sang à toutes les autres parties, fait la fonction d'aorte descendante. Ces mêmes veines , par leur autre extrémité qui regarde la naissance des arcs , viennent se décharger dans un tronc qui va s'insérer dans le réser- voir (2). I>a conformité qui se trouve dans la struc- ture du cœur de ces animaux, a obligé de les décrire en même tems. Mais, avant que d'eu expliquer les usages, il ne sera pas inulile d'avertir, 1" que par le terme de réserçoir , on n'entend autre chose qu'un tronc de veines, formé f)ar le coa- (1) Les racines de l'aorte ascendante ; aortœ as- eendentis radices. (2) La veine déférente 5 vena déferons» DU C (E U R. 255 cours de plusieurs autres, et qui tient lieu de veines eavcs supérieure et inférieure , dans la tortue et dans la carpe; et dans la grenouille, ce n'est autre chose que le tronc de la \eme cave inféjieure qui reçoit lès deux axiJlaires,* car bien que le réservoir ou tronc soit garni de libres charnus , on ne prétend pas dire qu'il ne soit pas du genre des veines, puisque celles qui s'em- bouchent dans les oreillettes et dans les cavités du cœur des autres animaux, soat aussi revêtues en cet endroit de semblables libres ; 2"^ que la raison qui a obligé d'entrer dans le détail de la distribution des artères de la grenouille et des poissons, est qu'il a fallu faire voir que l'aorte descendante e^t toujours composée de deux troncs, et quel- quefois d'un plus graiid nombre, comme dans les poissons. ) 256 RESPIRATION OBSERVATIONS Pour servir à P histoire de la re:>piration des Poissons y PAR BROUSSONET. JLJA respiration est une de ces fonctions essentielles , un moyen d'existence dont la Nature a doué tous les êtres vivans; on en reirouve des traces jasques dans les j)ianles; mais, quoique son but, dans celte fonction importante, soit par -tout le même , \^s moAens qu'elle a mis en œuvre pour le remplir sont vnriés à Finfini. Parmi les dilférens ordres d'animaux il en est qui ne reçoivent que de l'air dans les organes de la respirai ion , d'antres qui n'y font passer que de l'eau ; et cette con- s dération oiïre les caractères d'une division très-sensible dans le règne animal. La différence des organes de la circulation est toujours en raison de celle qu'on observe dans ceux de la res|piration ,* l'une et l'autre de ces fonctions subissent en quelque sorte, dans les différentes classes d'animaux , une dégénératioa DES POISSONS. 257 ^égénéralion graduelle ; ainsi les poumons, dans les oiseaux , sont très - élendus ; ils communiquent à plusieurs cavités parti- culières, et l'air pénètre dans Imlérieur des os. Le cœur est divisé en deux ventri- cules, munis chacun d'une oreillette, et leur sang est plus chaud que celui des quadru- pèdes et des cétacés. Ceux-ci ont les pou- mons moins étendus ; ces parties ne se portent pas au delà du thorax; leur cœur, comme dans les premiers, est divisé en deux ventricules et deux oreillettes , mais leur sang est moins chaud ; il Test cependant beaucoup plus que celui des reptiles et des quadrupèdes ovipares , dont les poumons sont membraneux, formés par des espèces de vessies, et garnis de fibres musculaires; il n'y circule qu'une petite portion du sang, le reste passe immédiatement d'un ventri- cule à l'autre. Les insectes présentent ensuite des différences plus sensibles ; leur cœur est membraneux , à peine susceptible de mou- vement ; ils ont , au lieu de poumons , des vaisseaux particuliers répandus dans diffé- rentes parties du corps ; leur sang , si on peut donner ce nom à la liqueur qui paroît ^n tenir lieu , n'a point acquis de degré de JPoiss, Tome II. R iî58 RESPIRATION couleur et de chaleur qui caractérise ce fluide dans les aulres animaux. Ici le rap- prochement devienl sensible avec les mol- lusques , les coquillages aquatiques et les crabes qui respirent de Teau comme les poissons. Les physiciens modernes ont donné Tex- plication des phénomènes de la respiration ; ils ont fait voir , d'une manière très-lumi- neuse 5 comment Tair vital lépandu dans Fatmosphèie se change en air iixe , en le com])inant avec le principe phlogistique ou la base de l'air fourni par le sang. Il paroit que la respiration s'exécute d'une manière analogue dans tous les animaux qui respirent de l'eau el particulièrement dans les poissons; mais, avant d'enirer dans aucun détail, j'établirai les dégrés de^ ressemblance qu'ont entre eux les organes qui , dans les animaux de ces deux ordres , concourent également au même but. Les organes de la respiration, dans tous les animaux qui ne respirent que de l'air, sont placés à l'intérieur : on ne sauroit les apercevoir sans déchijer les paities qui les environnent : les organes analogues à ceux- ci , dans les animaux qui ne respirent que de l'eau , sont au contraire presque à dé-- DES POISSONS. 259 couvert ,* on peut ]es voir sans détruire aucune partie. Cette diffeience est sur-tout remarquai^le dans quelques quadrupèdes ovipares , dont les organes de la respiiatioii sont placés extérieurement dans le premier période de leur vie , où ils demeurent sous l'eau , et qui , destinés h vivre dans l'air , acquièrent des poumons situés k l'intérieur. Une autre différence , qui dépend de la précédente , est que plus la respiration est parfaite dans les difféientes classes d'ani- maux , plus les organes en sont cachés. Dans les oiseaux, en qui la respijaûon s'exécute de la manière la plus parfaite , l'air est porté dans les cavités de la plupart des os, et bien plus à l'intérieur par conséquent que dans les quadrupèdes dont les poumons sont plus cachés que ceux des repliles et des quadrupèdes ovipares , qui n'ont point de diaphragme , ou qui n'en ont qu'un très- mince. Les insectes enfin , dans lesquels cette fonction dégéuère encore , respirent par un grand nombre d'ouvertures. Plusieurs caractères nous montrent que , parmi les animaux qui vivent dans l'eau , les poissons respirent d'une manière plus parfaite que les mollusques et les coquillages R 2 36o RESPIRATION aquatiques; aussi les organes des premiers^ sont-ils plus cachés que ceux de ces derniers qui les ont le plus souvent à Textérieur et entièrement à découvert : c'est dans ces animaux que paroît s'évanouir totalement cette fonction ; et pour s'y reconnoître , il faut être guidé par l'analogie. Les poissons présentent , relativement à la conformation des organes de la respiration, deux grandes divisions, dont Tune comprend les cartilagineux , et l'autre les épineux. Les ouïes des premiers sont soutenues sur un arc cartilagineux; elles sont plus multipliées que dans les épineux , où ces parties sont supportées par des osselets recourbés , dont le nombre est rarement au dessous de quatre, et n'excède jamais ce nombre. Le cœur, dans les poissons épineux, est l'enfermé dans un péricarde , qui forme une poche membraneuse attachée postérieure- ment au diaphiagme.Dans quelques espèces, et particulièrement dans le loup marin , j'ai observé de petites fibres très - déliées , qui unissent le cœur au péricarde. Les poissons cartilagineux n'ont point , à proprement parler, de péricarde, du moins la mem- brane qui paroît en tenir lieu n'est point libx-e ; elle revêt l'intérieur de la poitrine » DE S P O I S S O N S. 261 et elle est aclliéreiile aux muscles qui Yen- toureut. L'usage du péricarde dans l'homme et dans les quadrupèdes est, suivant les anatomistes , d'empêcher que le cœur ne s'aLlache aux poumons , et qu'il ne soit com- primé quand ceux-ci sont remplis d'air, ou qu'il ne souffre lorsque les poumons sont affectés; il étoit nécessaire que cet organe fût membraneux , d'un tissu serré et capable de soutenir les viscères qu'il renfejine. Dans les poissons au contraire , qui n'ont point ces accidens à craindre, le cœur, dans ceux dont la poitrine est étroite et formée de parties assez dures, est renfermé dans un péricarde simple, mince et presque trans- parent ; dans ceux au contraire dont la cavité thorachique est plus considérable , où ce viscère ne sauroit être gêné par aucune partie, la Nature, qui a toujours travaillé sur le plan le plus économique , n'a point distingué le péricarde de la plèvre; une seule membrane , qui tapisse l'intérieur de la poitrine , remplit les fonctions de l'un et de l'autre. La forme du cœur offre de plus grandes variétés dans les différentes espèces de pois- sons que dans celle des animaux à sang chaud. M. Vicq - d'Azyr a fait voir les plus R 3 262 RESPIRATION remarquables de ces variélés , dans les Mé^ moires où il a tracé le plan d'une anatomie compJette des poissons. En généial le cœur , dans les es})èces de cette classe , est, propor- tionnellement à leur corps 5 plus petit que celui des autres animaux. Dans les oiseaux, par exemple , cet organe est huit ou neuf fois plus gros qu'il ne Test dans les poissons d'un égal volume. On sait que le cœur d'un Iiomnie pèse ordinairement lo onces, si le poids total de son corps est de cent cinquante livres. Haller a trouvé que , dans une carpe du poids de 49120 grains , le cœur ne pesoit que 9 grains. Le poids du cœur de l'homme est donc deux cent quarante-sept lois plus petit que le poids du corps, tandis que celui de la carpe l'est cinq cent qua- rante-six fois. Ce calcul , qui vient à l'appui de notre assertion , lui auroit été encore plus favorable si l'expérience avoit eu lieu sur une carpe moins petite; le cœur, dans tous les animaux, étant toujours plus gros proportionnellement au corps , lorsqu'ils sont jeunes. Dans une carpe du poids de JobjQ grains, j'ai trouvé que le cœur pesoit i5 grains : elle étoit , comme on le voit, deux fois plus grosse que celle que Haller avoit pesée; aussi le poids du cœur étoit-il couteau huit D E s PO I s s ON s. 263 cent soixante -douze fois clans celui de son corps. Dans plusieurs petits poissons de la Seine, dont Tun pesoit 66 grains, Tautre 164, et le troisième 2o3, j'ai vu que le j)oids du cœur étoit renfermé cent trente -deux fois dans le premier , cent cinquante-quatre dans le second , et cent quatre-vingt-quatre dans le troisième; le cœur, dans le premier, pesoit 1 giain ,• dans le second , un demi- grain, et 1 grain 7^ dans le troisième; ce qui prouve évidemment que, plus les poissons sont petits, plus leur cœur est gros propor- tionnellement à leur volume. La férocité des animaux terrestres suit la même gradation que le volume du cœur. Cette loi se retrouve dans les poissons. Les cartilagineux , parmi lesquels on compte les chiens de mer , les requins , les raies , etc. qui surpassent par leur voracité les autres poissons, ont aussi le cœur bien plus volu- mineux ; ce qui est très - remarquable dans la baudroye , où cette voracité est si ma- nifestée par la grandeur de la gueule et le nombre de ses dents , et dont le cœur est très-gros en proportion du corps. Plu- sieurs observations m'ont confirmé dans cette opinion. J'ai pris un brochet que tout le monde sait être le mieux armé et le plus R 4 564 RESPIRATION vorace des poissons de rivière, comme aussi tm des plus agiles; je me suis procuré nue tanche dont ]a gueule est toujours très- petite , privée de dents, et qui se tient presque toujours dans la vase. Le poids de ces deux individus s'est trouvé par hasard le même,* il se portoit pour chacun à 5202 grains ; mais le cœur du brochet pesoit 6 grains , tandis que celui de la tanche n'en pesoit que 4; ainsi, dans le plus vorace de ces deux poissons , le poids du cœur étoit contenu huit cent soixante -douze fois dans le poids total de son corps, et il s'y trouvoit mille trois cent huit fois dans celui de la tajiche. J'ai observé que , dans les poissons dont les ouïes étoient les plus grandes , le cœur étoit aussi le plus gros, toujours proportionnelle- ment à la grosseur du corps; je m'en suis assuré plus particulièrement sur le hareng. J'en ai pesé un qui m'a donné 1992 grains pour poids total ; son cœur étoit de 3 grains, qui équivaloient à la six cent soixante- quatrième partie de son corps. Un merlan , dont les ouïes sont beaucoup moins éten- dues et présentent une ouverture assez pe- tite, m'a fourni un résultat bien différent; son corps pesoit 2004 grains , et son cœur DES POISSONS. 265 ppsoit seulement i grain ~; ce viscère n'éLoit donc que la douze cent deuxième partie de son corps, et étoit conséquemment presque moitié plus petit que celui du hareng. Les poissons qui se tiennent dans la vase, qui font peu de mouvemens, dont la chair est plus molle, plus remplie de gluten, ont le cœur très - petit. Celui d'une limande , dont le corps entier pesoit 2844 grains, n'en pesoit que 2; ce qui fait voir que le poids de ce viscère étoit contenu quatorze cent vingt- deux fois dans celui de son corps. Non seu- lement cet organe est plus pelit dans les poissons de cette classe que dans les autres, mais il est encore moins irritable. La quan- tité du sang est aussi moindre dans ceux-ci. J'ai séparé, en même tems, du corps d'une anguille et de celui d'un brochet , le cœur qui , dans le premier , a donné peu de signes d'irritabilité lorsque je l'ai piqué ; celui du brochet en a donné beaucoup et long-tems après que son corps ne manifestoit plus aucun signe de vie; ce qui a eu lieu en sens contraire dans l'anguille , qui remuoit encore avec assez de force, quoique son cœur, que j'irritois avec la pointe du scalpel , ne donnât plus la moindre marque d'irritabihté. La situation du cœur dans les poisson» 2m RESPIRATION n'est pas la même que dans Thomme. Ce viscère occupe clans les premiers le milieu de leur poitrine. Comme son usage se boine ici à transmettre le sang aux ouïes, et que ce fluide y est porté par ime seule artère, une position , au moyen de laquelle il est également éloigné des ouïes de chaque côté, est sans doute la plus avantageuse. Les oreillettes, dans l'homme, sont situées à la partie supérieure du cœur : dans les poissons y Foreillette est placée en sens con- traire ; la base du cœur touche le dia- phragme, et la pointe est tournée vers la tête. Cette différence dépend sans doute de celle qu'on observe dans le trajet que suit le sang , dont la plus grande partie , dans les poissons , est rapportée au cœur des parties postérieures du corps , tandis que dans l'homme une portion considérable est renvoyée au cœur des parties supérieures. L'oreillette est située un peu sur la gauche; le sang lui est fourni par lin sinus particulier, formé par la réunion de plusieurs veines. Ce sinus est beaucoup plus volumineux que l'oreillette ; la communication entre ces deux cavités est fermée en partie par des valvules. Quelques auteurs ont regardé ce sinus comme une seconde oreillette ; il en a du moins D E s P O I s s O N s. 267 l'apparence. Diiverney , qui le premier a disséqué ces parties avec soin , a détaillé l'usage de ce sinus veineux qu'on retrouve dans les reptiles et les quadrupèdes ovipares. Le sang est poussé de cette cavité dans l'oreillette par la contraction du diaphragme, que j'ai toujouis vu garni de Hbi es muscu- laires dans un très-grand nombre d'espèces. Il adhère , t'omme dans l'homme , au péri- carde; son usage est cependant ici bien diffé- rent. Les aiiatomistes ont cru , dans le pre- mier cas , devoir attribuer cette adhésion k la pression continuelle du cœur sur le dia- phragme , et que la situai ion droite de l'homme rend nécessaiie. Leur sentiment étoit confirmé par l'observation contraire , qui avoit été faite sur les quadrupèdes, où cette adhérence n'a presque pas lieu, parce que, disent ces auteurs, le corps des qua- drupèdes est dans une situation horisonlale; mais l'adhérence du péricarde au diaphragme a lieu sur les poissons , ce qui démontre l'insuffisance de cette explication. Les anatomistes ont comparé avec raison la seule oreillette et le seul vejitricule qui constituent le cœur des poissons à 1 oreillette droite et au ventricule droit dans rhomme. Comme ceux-ci, ils sont destinés à recevoir 268 RESPIRATION le sang des veines caves; ils ont cependant tous donné le nom ^ aorte ou di aorte ascen- dante à la seule artère destinée à porter le sang du cœur aux ouïes , qui font l'office de poumons dans ces animaux. Le nom ^artère pulmonaire étoit le seul qui dût être donné à ce vaisseau. La structure de ces organes est entièrement analogue à celle des mêmes parties considérées dans Ttiomme. Le ven- tricule du cœur des poissons est comme le ventricule droit dans l'homme , formé par des parois épaisses relativement à son volume, et sa cavité ne s'étend pas tout à fait jusqu'à la pointe du cœur. L'oreillette droite, dans l'homme , est , comme celle du cœur des poissons , volumineuse relativement à la grosseur de ce viscère , et le sang qu'elle contient est également noirâtre. L'artère , au sortir du ventricule, ne se recourbe pas comme l'aorte dans l'homme ; sa direction est droite, et c'est une ressemblance qu'elle a avec l'artère pulmonaire de plus qu'avec Faorte. Je crois donc, d'après sa structure et son usage, pouvoir donner à ce vaisseau le nom ai artère branchiale , du mot latin hranchiœ ( ouïes ) , bien persuadé que celui d'aorte ne sauroit lui convenir. Ou voit , à la base de l'artère branchiale , D E s P O I s s O N s. sGg nn renflement conique avec un étrangle- ment à la partie inférieure. Ce renflement est fortifié intérieurement par des fibres lon- gitudinales qui , en rapprochant par leur contraction Fartère de la base du cœur , doivent accélérer le mouvement du sang. Quelques auteurs ont comparé cette cavité à l'oreillette gauche dans riiorame; d'autres se sont contentés de lui donner le nom ^oreillette artérielle, Cœsalpin Fa même prise pour un troisième ventricule. Je me dispenserai de décrire le trajet de Tartère branchiale sur les ouïes : Needham et Duverney n'ont rien laissé à désirer sur cet objet. Je me bornerai à rappeler que cette artère est la seule dans les poissons dont le battement soit sensible ; ce qui prouve bien que le cœur est la principale cause de la pulsation des artères, et qu'elle ne sauroit avoir lieu que dans les vaisseaux où le cours du sang est dirigé d'un petit vers un plus grand diamètre. La structme des ouïes est telle que les vaisseaux sanguins qui les parcourent font, comme dans les poumons des quadrupèdes, un très-long trajet dans un très-petit espace; mais elle offre des différences très-remar- quables dans diverses espèces de poissons. 270 RESPIRATION Le genre de vie auquel la Nature a destiné ces aiiiaiaux est ]a piincipale cause de ces variétés, qui ont plus rajement lieu dans les organes des divers quadrupèdes ou des oiseaux. Ne seroit-on pas en droit d'en con- clure que , plus une fonction est parfaite dans line classe quelconque , moins les organes qui Texécutent présentent de diixérences dans les diverses espèces qui la constituent ? Les poissons qui se tiennent ordinairement dans la vase et dans les endroits où Feau est rarement renouvelée, telles que les an- guilles , ont les ouïes soutenues sur des arcs osseux courts • la cavité de leurs ouïes esî: fort grande, et elles peuvent conserver plus long-tems que les autres espèces Teau dans leurs organes. On pourroit en quelque sorte les comparer aux reptiles et aux quadru- pèdes ovipares qui ont des poumons cel- luleux garnis de fibres , et tels que ces animaux paroissent y tenir en réserve une certaine quanfité d'air pour sen servir au besoin. Dans les espèces, au contraire, qui fréquentent la haute mer, qui nagent tou- jours dans de grands fonds , et qui sont destinées à exécuter, pendant de longues émigrations, des mouvemens très -rapides, les ouïes sont posées sur des osselets très- DES POISSONS. 271 grands, et leurs feuillets sont Irès-alongés. Plusieurs sont pourvus d'un organe parti- culier destiné , comme les ouïes , à la res- piration. Cette partie, qui n'a été décrite par aucuii auteur , peut être regardée conioie une i>eti te ouïe, et elle a rapport en quelque sorte à un lobule de poumons. Elle est distincte des ouïes , et située dans leur ca- vité de chaque côté vers la base des oper- cules , et immédiatement après l'élévation que forment les orbites. Le plus souvent elle décrit un arc. Sa longueur varie suivant les différentes espèces : j'en ai vu de plus d'un pouce de long dans plusieurs espèces de spares et de perches de grandeur liié- diocre ; elle est , ainsi que les ouïes , com- posée de lames rangées en file , mais qui vont en décroissant veis les deux extré- mités. Ces lames ne sont point, comme dans les ouïes, placées deux à deux , mais si 01 pies; leur nombre varie suivant les difféientes espèces de poissons. Dans la limande , par exemple, j'en ai compté jusqu'à vingt et une; elles ne sont jamais fixées sur un arc osseux,- eiles forment à leur hase une espèce de bourrelet, et la membrane qui tapisse l'intérieur de la cavité les recouvre en par- tie. Les trois branches internes de chaque 572 RESPIRATION côté de Tartère branchiale se distribuent aux trois ouïes internes sans fournir aucun ra- meau considérable. La quatrième, qui est la plus externe, donne naissance, vers son extrémiîé, à un rameau qui , rétrogradant d'abord un peu, va joindre sur le côté opposé aux ouïes la petite ouïe que je viens de décrire,- elle est sur-tout très-apparente dans les poissons dont Artedi a formé une classe particidière sous la dénomination d'acan- thoptérygiens ^ et qull a caractérisée par la présence de quelques rayons épineux aux nageoires. J'en ai fait mention , sous le nom de pseudobranchia^ dans les descriptions d'une espèce de sole, de chétodon et de clupéa, que j'ai données dans la première décade de mon histoire générale des poissons. Le canal f)ar lequel les quadrupèdes et tous les animaux à sang chaud transmettent l'air dans les poumons, est le même dajis tous; ce qui ne s'observe pas dans les pois- sons qui reçoivent l'eau dans les organes analogues par différentes ouvertures. Quel- ques-uns, tels que les lamproies, ont sur le haut de la tète une seule ouverture, par laquelle l'eau est conduite aux ouïes. Cette structure étoit nécessaire à ces poissons , qui , se fixant au moyen de la succion , aux DES POISSONS. 275 aux pierres, ou contre les gros poissons, ne poiirroient point eu même lems rece- voir Feau par la gueule. D'aulies , comme les raies, ont à chaque côté de la lète une ouverture qui sert de passage à l'eau. Le plus grand nombre des poissons jeçoit cependant Teau par la gueule, et elle sort; par Jes ouïes. Pour s'en convaincre il sufEt d'examiner avec quelque attention J'eau qu'ils respirent ; elle entraine avec elle, dans la gueule, les petits corps qui sur- nagent dans ce iluide, tandis qu'ils sont repoussés aux ouvertures des ouïes. Dans les cartilagineux, les oiganes de la respijation , comme nous l'avons déjà dit, sont beaucoup plus étendus que dans les autres poissons,- la plupart rejettent aussi l'eau par plusieurs ouvertures , qui sont au nombre de sept, dans toutes les espèces de lamproies , et dans un chien de mer, que j'ai décrit sous le nom de ô/uet dans les Mémoires de l'académie de 1780. Un autre poisson du même genre , dont j'ai parlé sous la dénomination de griset dans le même Mémoire, en a six; toutes les raies et la plupart des chiens de mer en ont cinq; quelques-uns n'en ont que quatre; Je quatrième est alors divisé intérieurement rolss. Tome IL ISI 27^ RESPIRATION en deux parties. Les chimerae , les esturgeons et la feuille n'en ont qu'une seule, formant quelquefois plusieurs divisions. Tous les autres poissons ne sont pourvus que d'une seule ouverture,* mais sa forme varie sui- vant féconomie animale de chaque espèce. Ceux qui sont destinés à vivre dans des eaux peu profondes, qui ne s'éloignent jamais du rivage, et qui sont quelquefois ensevelis dans le sable, tels que l'ammo- dyte, plusieurs espèces de silures, et la plupart des anguilliformes, ont cette ouver- ture petite, formant une espèce de canal, environné de membranes épaisses. Les pois- sons coffres vivent très-près du bord de la mer, qui, en se retirant, les laisse souvent dans des lieux où il y a une très-petite quantité d'eau que le soleil fait bientôt évaporer; ils ont aussi les ouvertures de la gueule et des ouïes très-petites; leur corps est de plus recouvert d'une écaille dure et d'une seule pièce. Les poissons bourses, les vieilles de mer, qui, en s'enflant, restent presque toujours à la surface de l'eau, ont ces mêmes ouvertures très -étroites. Les poissons qui sont forcés d'exécuter de grands mouvemens, ont les ouïes les plus étendues; leur gueule et l'ouverture de» D E s P O I s s O N s. 275 ouïes sont très-larges; ils reçoivent une gianfle quantité d'eau, et la renouvellent plus souvent que les autres; ils meurent presqu'aussitôt qu'ils sont hors de l'eau, taudis que les carpes, les anguilles, etc., qui ont ces ouvertures plus petites, vivent assez long-tems dans Fair. On pourroit en quelque sorte comparer les premiers aux oiseaux de haut vol , dont la plupart des os sont pénétrés par Tair: le hareng, 'les aloses, le biochet , etc., doivent être com- pris dans la première division. Dans les animaux qui respirent de Tair ; il n'y a qu'une seule ouverture par où cet élément est reçu et est rejeté dans , les poissons; comme nous venons de l'obser- ver, l'eau entre par une ouverture et sort par une issue différente. Le mécanisme , au mo3'^en duquel cette opération s'exécute, est aussi bien différent de celui qui sert à la fonction analogue à celle-ci dans les qua- drupèdes ; les opercules servent de parois à Ja cavité qui renferme les ouïes, et font l'office des côtes ; leur mouvement est sem- blable à celui de ces parties dans l'homme et les quadrupèdes. Quand le poisson veut prendre de Feau, la mâchoire infériem^e s'abaisse, et les deu;x: 03 qui la composent S 2 ^76 RESPIRATION élant joints antérieurement par des liga- niens, elle est en même tems dilatée. Les os de la mâchoire supérieure sont portés par leur extrémité postérieure en en bas ; et comme ils se trouvent articulés avec les os latéraux de la tête, qui forment la base des opercules, ils font exécuter à ceux-ci un mouvement de bascule qui porte leur angle antérieur un peu en dedans et en en bas , tandis que la mâchoire inférieure les porte en dehors et en en haut. Par ces mouve- mens combinés , chaque fois que le poisson ouvre la gueule, les opercules s'écartent par leur bord du corps de l'animal, et laissent échapper Fcau qui étoit contenue dans la cavité des ouïes ; leur mouvement est exac- tement le même que celui des côtes dans la respiration. Dans le même instant où Fani- mal ferme la gueule, le bord des opercules est ramené sur le corps; la membrane des ouïes qui le borde en ferme exactement les ouvertures, et l'eau qui étoit entrée dans les cavités lors de la dilatation de toutes les par- ties, est, pour ainsi dire, pressée contre les feuillets des ouïes qui se sont rapprochées au même moment ; et c'est alors que la fonction de la respiration est entièrement ièémpiie : les poissons ne la parachèvent D E s P O I s s O N s. 577 dôncv que dans rexpiration. N'est-on pas eq droit de conclure avec Daverney, guid^ par Fanaîogie , que les animaux qui i-es- pirent de Fair ne donnent point le prinr cipe phîogistique de leur sang à cet élémen|; dans le moment de l'inspiration, mais seu- lement lorsque le thorax s'affaisse, que les poumons tendeut à chasser l'élément qu'il$ contiennent, et que toutes les parties, eï\ se rapprochant, forcent l'air à s'unir plus intimement avec les fluides qu'elles cha- rient. Les poissons ont des inspirations pluç fi-équentes que les animaux qui vivent: dans l'air, parce que le principe qui doit être extrait de l'eau par leurs organes est répandu bien moins abondamment dans ce dernier fluide que dans l'air, et qu'il est plus difîicile de le séparer de l'un que de l'autre. L'usage do la membrane des ouïes paroît se borner à vformer exactement l'ouver- ture des ouïes , et à augmenter dans cer-^ taines espèces leur cavité; cette membrane manque dans un grand nombre de poissons, comme je Tai déjà observé : les ouvertures des ouïes sont alors très-étroites. Dans quelques-uns où cette ouverture S 5 S78 RESPIRATION se trouve très -petite , la membrane des ouïes n'est soutenue que par un seul rayon , qu'on pourroit même regarder comme une lame des oj^ercules. Les espèces du genre des morm3^res en fournissent un exemple; quelques autres ont l'ouverture des ouïes très-étroites , mais formant une espèce de canal, comme on le voit dans les poissons du genre des murènes et des cailyonimus; dans ces espèces , la membrane ne paroît pas distincte des opercules, et les osselets qui la soutiennent peuvent être aisément comparés aux côtes dans riiomme et les quadrupèdes. Dans les poissons enfin, dont l'ouverture des ouïes est très-considérable, il étoit nécessaire que la membrane fût affermie par un grand nombre d'osselets, et c'est aussi ce qu'on observe dans toutes les espèces de brochets , de saumons , et sur Félop , qui a trente -quatre osselets de chaque côté. Lorsque le sang a passé au travers des ouïes, il entre dans des vaisseaux dont le ' diamètre va en augmentant , dont les parois sont moins épaisses que celles de l'artère branchiale , qui ont ^ en un mot , tous les caractères des veines, et qui doivent en tout être comparés aux veines pulmonaires DES POISSONS. 279 dans riiomme et les quadrupèdes,- elles ne portent cependant pas le sang à nn ventii- cule, mais elles forment par leur réunion un gros vaisseau qui a toutes les qualités des artères. Ce vaisseau a été connu des anatomistes sous le nom d'aorte descen- dante ; je crois devoir seulement lui donner celui d'aorte, ayant déjà fiiit voir que les poissons n'avoient point d'aorte ascendante. Le sang est distribué dans tout le corps par Taorte ; le cours de ce fluide n'est point retardé, comme dans riiomme , par un grand nombre de piis ou d'angles, formés par les vaisseaux sanguins, et qui sont déterminés par la conformation des vis- cères et des extrémités : il n'a donc pas besoin d'être poussé dans les artères des poissons avec autant de force que dans celles de l'homme. 11 est aisé, d'après cette considération, de rendre raison de la direc- tion que suivent les veines pulmonaires; quant aux artères , elles décnvent une ligne droite , et le sang y circule avec moins de rapidité que dans les vaisseaux des animaux à sang chaud. Leuwenhoeck a observé que le sang d'une anguille ne parcouroit à peu près que l'espace de cinq pouces dans une minute; et je me sui^ S 4 55o RESPIRATION assuré par un grand nombre d'expéiiciices faites sur des poissons du genre des carpes , que leur cœur baltoit, dans le même espace de tems , Irenfce-cinq fois, quelquefois trente-six, et même Irente-liuit, rarement quaranie. Il e^t très-probable que le sang, en passant à travers les ouïes, s'y dépouille, comme dans les quadrupèdes à ira vers les poumons, du principe phiogistique dont il est sur- chargé; mais je laisse aux cliimlsies à nous éclairer sur la manière dont l'air dépîilogis- tiqué vmi à Feau, et qui en est peut-être une partie constituante, absorbe ce principe : je me bornerai à rapprocher quelques obser- vations qui peuvent éclaircir la théorie des phénomènes de la respiration. ' Les poissons ont, proportionnellement à leur volume, moins de sang que les qua- drupèdes ; ce qui s'accot de pai faitement avec la manière imparfaite dont le méca- nisme de la respiration s'exécute dans les premiers; plusieui^s anguilles ont à peine fourni quelques onces de sang , suivant Menghinus; et l'on trouve, dans les Corn- mentarii hononicns.es , qu'on n'en a retiré qu'une seule once de cent de ces poissons. La quantité de sang dans les aniniiiux D E 8 P O I s s O N s. 281 f)st toujours en laisoii de la perfeclioii de leur Inspiration; cette obsei-^^ation peut être faite jjou senlemeut sur les giandes classes, mais encore sur les espèces des poissons qui ofïrent, relativement aux organes de la respiration, bien plus de variétés que ]es animaux (pii vivent dans Faii*. Ainsi les cartilagineux, qui ont ces organes les plus étendus, ont aussi plus de sang qu'aucua autre poisson ; de même le brochet , dont les 01 ganes de la respiration sont plus com- plets, pour ainsi dire, que ceux de la carpe, a plus de sang que celle-ci, qui, respiiant d'une manière plus parfaite que Fanguiile, a aussi plus de sang que cette dernière. Les poissons ne peuvent supporter dans l'eau un degré de chaleur égal à celui que les quadrupèdes supportent dans l'air ; la différence est même à cet égard très-con- sidérable, puisque ceux-ci ne paroissent soufïiir en aucune manière dans une atmos- phère dont la chaleur, transmise à l'eau, feroit infailliblement périr les poissons qu'on y plongeroit. L'homme est susceptible aussi de sup- poi'ter sans inconvénient une chaleur très- considérable. Plusieurs savans anglais, placés pendant 282 RESPIRATION quelque tems dans une atmosphère où le thermomètre se soutenoit au 109^ degré , ne pouvoient pas dans le même moment tenir leurs mains dans de l'eau dont la cha- leur n'étoit qu'au 67^ degré, et qui auroit suffi sans doute pour détruire l'organisation des poissons. Il existe cependant quelques observations sur des poissons trouvés vivans dans des eaux assez chaudes. Les anciens avoient remarqué cette singularité ; Elien parle d'un lac de Lybie dont l'eau est très- chaude, et où l'on trouve des poissons qui meurent si on les transporte dans une eau moins chaude. On trouve des observations semblables dans Saint- Augustin et Cardanus.. Shaw, dans son Voyage en Barbarie , parle de quelques sources thermales, dans les- quelles il avoit trouvé plusieurs poissons du genre des perches. Tout récemment Des- fontaines, de l'académie des sciences, a fait la même observation aux environs de Cafra. Le thermomètre de Réaumur qu'il y a plongé est monté au 3o^ degré : je ne doute point que l'observation d'Elien n'ait eu lieu dans ces mêmes souices. On trouve , dans l'Histoire des eaux minérales de Lucas, des observations sur des carpes vivantes , trouvées dans une eau thermale dont la DES POISSONS. 285 chaleur égaloit celle du sang de rhomnie. Valisnieri dit aussi avoir vu des poissons vivans dans des eaux thermales; Couringius fait mention du même phénomène. Ander- sen rapporte un fait semblable dont il a été témoin en Islande. Je ne citerai pas sur cet objet un plus grand nombre d'autorités , parce que presque aucun de ces auteurs n'a déterminé exactement le degré de chaleur des eaux dont ils font mention. Parmi toutes les observations rapportées sur ce phéno- mène, celle qu'a faite Sonnerat est assuré- ment la plus surprenante , puisqu'il dit avoir trouvé à Manille des poissons dans une eau qui faisoit monter le thermomètre de \ Réaumur jusqu'au 69® degré. Mes expé- riences m'ont fourni de bien moindres résul- tats. Musschembroeck avoit déjà écrit que les poissons périssoient au 111^ degré du thermomètre de Farenheit; il a vu même une perche trés-vi goure use mourir en trois minutes , dans une eau au 96^ degré ; il ajoute que ces animaux vivoient très-bien au 72®. Il est très -difficile de déterminer positivement les divers dégrés de chaleur que chaque espèce peut supporter; ils dif- fèrent; noa seulemeut suiyaut la saison, mais 284 RESPIRATION encore suivant la forme des organes de la respiration. Le i2o juin 1784, j'ai mis deux épinoches dans im grand vase plein d'eau, dont la température éloit de 14 dégrés; je l'ai fait cîiaulïor graduellement , et au bout de deux heures et demie, le thermomètre est monté au 28® degré ; ces poissons se sont alors beaucoup agités; ils étoient sur le point de mourir , lorsque je les ai retirés pour les jeter dans de Feau fraiche, où ils sont reve- nus à la vie au bout de quelgues minui^es. Le 10 novembre 1784, j'ai mis dans un vaisseau contenant une voie d'eau , une carpe, dès ablettes, des goujons et quelques poissons de la famille des perches : l'eau avoit été prise dans la Seine ; le thermo- mètre y marquoit 5 dégrés j le fond du vaisseau étoit recouvert de sable. A midi 25 minutes, le thermomètre étoit à 6 dégrés et demi,- à 3o minutes, à 8 dégrés, etc. Je joins ici la table de mon expérience qui a duré jusqu'à quatre heures 45 minutes ; j'ai eu soin de marquer le degré de chaleur de cinq en cinq minutes,* j'ai versé de tems en tems de l'eau fraîche en petite quantité. Au 12® degré, les plus petits poissons ont com- D E s P O I s s O N s. 285 mencé à mouler à la surface de IVau ; ils s'agitoieni: déjà beaucoup et donnoieiit des signes de mal -aise : l'eau de la Seine est cependant bien plus chaude dans Tété. Au 21^ degré, les plus petits (les ablettes) ont perdu leur équilibre et étoient déjà presque morts; au 22^, les perches surnageoient sans mouvement et le corps renversé; les gou-^ jons, qui étoient un peu plus gros, n'ont paru manifestement souffrir qu'au 23^ de- gré; cependant la carpe ne s'agitoit encore presque point; sa respiration étoit seulement plus fréquente. Au 28® degré où j'ai tenu l'eau pendant quinze minutes, la carpe a commencé à donner des signes de mal-aise et a perdu l'équilibre ; elle a ensuite paru morte ou du moins asphixiée; l'ayant retirée pour la mettre dans de l'eau fraîche, elle n'est revenue qu'au bout d'un assez long espace de tems : j'ai employé quatre heures et demie à amener l'eau au 28® degré. Je suis bien persuadé qu'avec certaines pré-^ cautions on parviendroit à faire vivre des poissons dans une eau échauffée au delà de ii8 dégrés; mais îe doute qu'ils vécussent si elle l'étoit seulement jusqu'au 40^. 3e me propose de suivre ces expéiiences et de les Varier de différentes manières. sae RESPIRATION En supposant que les poissons , ainsi que j'ai lie a de le présumer d'après les expé- riences dont je viens de rendre compte , ne puissent pas supporter une eau échauffée au delà de 5o dégrés , en se rappelant en même tems qu'il leur est impossible de vivre dans une eau dont la température seroit quelques dégrés au dessous de zéro , il s'en- suivroit que ces animaux ne pourroient se soutenir que dans une éclielîe tout au plus de 5o dégrés , échelle qui , comparée avec celles que peuvent parcourir les animaux à sang chaud, paroîtra sans doute très- courte ; elle sera cependant toujours en raison de la chaleur vitale , qui dans les poissons est même au dessous de celle des reptiles et des quadrupèdes ovipares. Martine a observé sur plusieurs poissons d'eau salée, que la chaleur du sang n'excédoit pas de plus d'un degré celle de l'eau où ils étoient plongés. La même expérience , répétée sur une truite et sur d'autres poissons de rivière, lui a donné le même résultat. M. Jean Hunter a vu le theiniomètre de Fahz , in- troduit dans l'esLomac d'une carpe , monter de 65 dégrés et demi, terme de tempéra-r ture de Feau , au 69^ degré, c'esl-à-dire^ 3 dégrés et demi de plus ; mais il faut D E s P O I s s O N s. 287 observer que le poisson étoil alors hors de Teau , circonstance bien essenliollo et qui doit influer beaucoup sur le résultat de l'expérience. J'ai plongé dans le corps de plusieurs petits poissons de la Seine , que je tenois dans Feau pendant Texpérience , un ther- momètre qui n'est jamais monté plus de trois quarts de degré au dessus de la tem- pérât u«re de l'eau ; l'augmentation n'étoit même quelquefois que d'un demi -degré, particulièrement dans ceux qui étoient malades. Une anguille assez grosse, mais foible 5 n'a fait monter la liqueur que de trois quarts de degré. Les carpes ont donné cons- tamment un degré d'excédent de chaleur, quelques - unes un degré et demi : en gé- néral la chaleur des poissons est très- peu considérable, et je crois qu'on peut révoquer en doute l'observation d'Olassen , qui pré- tend avoir remarqué une chaleur sensible dans le sang d'une espèce de chien de mer ( le glauque ). Les poissons font une grande déperdition de chaleur animale ; Feau leur en soutire continuellement une grande quantité; la portion de ce fluide , qui les environne immédiatement, est aussi plus chaude que 288 RESPIRATION pai -tout ailleurs. On a obsejvé qu'une carpe, plongée dtins un mélange qui se geloit très- proniplement, conservoit autour d'elle une certaine quantité d'eau fluide , quoique le reste du liquide fût totalement gelé. Oji ne sanroit rapporter qu'à la respiration le développement de la chaleur des poissons. Les phénomènes d'après lesquels MM. La- voisier et De la Place ont expliqué la pro- duction de la chaleur dans les animaux qui vivent dans l'air, s'observent aussi dans les poissons, mais ils sont bien moins sensibles : les différences de la chaleur entre les ani- maux qui respirent de Fair et ceux qui respirent de Teau , sont sur - tout remar- quables , en comparant les poissons avec les cétacés, qui ont d'ailleurs tant de rapports avec ces animaux , que tous les naturalistes , avant M. Brisson , les avoient rangés dans la même classe. Les uns et les autres habi- tent le même élément; cependant ceux qui ont des ouïes et respirent de l'eau , n'ont qu'un degré ou un degré et demi de chaleui' de plus que l'eau ; les cétacés au contraire qui respirent de l'air, ont le sang aussi chaud que celui de l'homme. J'ai plongé le ther- momètre dr.ns le corps d'un marsouin , à travers une blessure qu'il venoit de recevoir k D E s P O I s s O N s. 28c) à coté du cou , et qui readoil beaucoup de sang; il éloil: déjà mort; cependant le ther- moniètj^ monta jusqu'au 28*^ dégié et demi, et se soutint au 28^' degré lorsque je le plaçai dans les parties de Ja génération. La tem- pérature de Tatmosphère étoit ce jour-là de 14 dégi^s, et celle de l'eau de la mer près du bord de i3 et demi. Les poissons n'éprouvent point dans Teau d'aussi giaudes variations de froid ou de chaleur que les quadrupèdes dans l'air. La température de l'eau , à une certaine pro- fondeur ^ paroît être presque toujours la même; ce qui est prouvé, quant à celle de la mer, par les expériences du comte de Marsigli, et plus récemment de M. de Saussure^ Celle des rivières, qiiand la surface est ge]ée , est dans le milieu quelques dégrés au dessus de zéro. Dans les grandes chaleurs, la température de Feau est toujours au dessous de celle de l'air. Cependant il paroît que ces animaux sont plus afîéctés par un grand degré de chaleur que de froid. Les poissons sont cependant affectés par les variations de l'atmosphère : on sait que, dès que le tems est à la pluie, ils remontent à la surface. Ce fait n'a voit point échappé Folss, Tome IL T 290 RESPIRATION H Bacon ; il le citoit comme mie preuve de la grande influence de Fair sur les animaux qui vivent dans l'eau. Ne seroit-il pas plus simple d'attribuer ce phénomène au tems qui détermine alors la cliûte des insectes que les poissons viennent prendre à la sur- face de l'eau? ce qui est d'autant plus vrai- semblable, que c'est presque la nourriture de tous les poissons de rivière. C'est aux grandes variations de l'atmos- phère qu'on doit attribuer l'émigration de cette quantité prodigieuse de harengs que le froid force chaque année à chercher des mers plus tempérées que celles du pôle ; mais nous n'avons malheureusement encore presque aucune observation sur ces voyages périodiques. Les poissons destinés à ne jamais s'éloigner des bords , sentent aussi le refroi- dissement de l'air ; et pour s'en garantir , ils s'enfouissent dans la vase, où la plupart d'entre eux restent dans un état d'engour- dissement , semblable à celui qu'éprouvent pendant Thyver les ours , les loirs , les mar- mottes 5 etc. Les anciens ont parlé de ce sommeil périodique ; les modernes n'ont point fait d'observations relatives à ce phé- nomène , qui mérite cependant une attention particulière. 11 est aisé de reconnoître les DES POISSONS. 291 poissons de cet ordre, k leur corps qui est alongé , à Tabsence des nageoires ventrales , et aux mouveniens d'ondulation qu'ils sont obligés d'exécuter pour se soutenir dans l'eau. Je ne regarde pas comme un engourdis^ sèment proprement dit , celui que plusieurs auteurs ont prétendu avoir observé sur des poissons entièrement gelés et rappelés en- suite à la vie. Peut-être se sont-ils fondés sur ce qui arrive quelquefois à plusieurs parties des animaux à sang chaud , lesquelles reprennent vie après avoir été gelées; mais il faut observer que leur sang est bien plus chaud, et qu'il est poussé avec plus de force dans ceux-ci que dans les poissons. Quoi qu'il en soit , M. J. Hunter , qui a tenté la même expérience sur ces derniers, ne l'a jamais vu réussir ; les poissons dont il a fait geler la queue n'ont jamais pu recouvrer l'usage de cette partie. L'eau ajffecte d'un plus grand nombre de manièi^s les organes de la respi- ration des poissons , que l'air n'agit sur ceux des animaux à sang chaud. Plusieurs indi- vidus, après avoir respiré pendant quelque tems dans une certaine quantité d'eau, la dénaturent au point qu'elle n'est plus propre À la respiration . comme les animaux à sang T 2 ^^^é n E S P T P. A T î O N chaiid dénaturent Fair lorsqu'ils sont ras-^ semblés dans le même endroit. I/eau tient en dissolution un plus grand nombre de substances que Fair ; et parmi ces substances il s'en trouve beaucoup qui deviennent nuisibles aux poissons; leur vertu délétère agit le plus souvent^ dans ces animaux, sur les organes de la respiration ; ce qui a plus rarement lieu dans les animaux qui vivent dans l'air. La Nature a cependant doué les poissons d'une force assez grande pour ré- sister à quelques-uns des cîiangemens que r^âu peut éprouver; ils passent, par exemple , librement des eaux salées dans les eaux douces , ou de celles-ci dans les eaux salées^ On sait combien est grand le nombre des saumons, des aloses, des lamproies, etc., qui abandonnent chaque année la mer pour remonter les rivières ; les carpes au contraire quittent souvent les rivières pour gagner les eaux de la mer. Si l'on fait attention à la différence qu'il doit y avoir pour un poisson , de respirer de l'eau douce ou de Feau salée , on aura: une idée de la force dont nous avons dit qu'ils étoiènt doués pour i'ésister aux changemens que Feau peut éprouver ; force qui , dans cette cir- constance , est au dessus de celle qu'on DES POISSONS. 293 observe dans les autres animaux q.tii ne supporteroient ])as un changement aussi ^rand et aussi subit dans riiir. Ceci peut servir à jendre raison de rorgaiiigaiion nioiiis parfaite que présentent les jparties destinées à la respiration des poissons 5 struc- ture qui les met à Tabii de la trop grandie influence que les dégénéra lions multipliées de ce fluide auroient sur leurs organes. Les poissons que j'ai mis dans de Keau distillée y ont vécu ; ils ont , à la- vérité , donné d'abord des signes de mal-aise ; mais*, après avoir nagé quelque tems , iis n'ont plus paru souffrir, lis avoient pjobablement déterminé 5 par leur mouvement, Teau à s'unir à la portion d'air ^nécessaiie à l'a res- piration. Cependant un petit poisson en- fermé dans un flacon bouché, cjui contenoit une pinte d'eau distillée , y a vécu plus de trente heures. Le sirop de violette , versé en petite quantité sur de l'eau distillée où étoient des poissons vivans , n'a donné d'abord aucun signe de changement de couleur, il a seulement un peu verdi dans] H\«ii4e,oe qui peut être attribué à la partie alkalescente de la mucosité dont ic corps des poissons est enduit , et qui se mêle toujoui^s à l'eau ; Ils y oat Liés- bien vécu. Une goutte T 3 294 RESPIRATION d'acide arsenical jetée dans une assez grande quantité d'eau , où ) avois mis un poisson vigoureux , a suffi pour le faire mourir dans le moment. Sa gueule étoit fermée, et les opercules des ouïes ramenés sur le corps. Un autre poisson a vécu six minutes dans du suc de citron ; les ouvertures des ouïes éloient fermées quand il est mort. L'eau, légèrement acidulée au moyen de l'air fixe , a fait mourir dans quelques minutes un poisson vigoureux ; sa gueule et l'ouverture de ses ouïes étoient très-béantes; ceux que i'ai plongés dans de l'eau de chaux , ont , au bout de quelques minutes , rejeté par les ouvertures des ouïes une sanie assez abondante; ils ont donné quelques signes de vie après cette évacuation , et sont morts bientôt après. On sait que la chaux est emploj^ée à prendre les poissons dans les étangs, et les anguilles dans les ruisseaux où il y a peu d'eau , et où il suffit de jeter quelques pierres de chaux pour les faire mourir. Les pêcheurs emploient plusieurs autres moyens analogues pour prendre, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les poissons par la respiration. Dans les Indes on emploie à cet usage le suc de plusieurs plantes. Dans nos provinces méridionales on se ^ert, pour DES POISSONS. 295 le même objet , du suc d'une espèce de thytimale ( euphorbia characias , L. ) qui croît abondamment dans les lieux incultes ; on en coupe les tiges en plusieurs morceaux, qu'il suffit de jeter sur Teau pour faire mourir un grand nombre de poissons. On sait que ce suc laiteux peut être répandu sur une grande surface. T4 i^9ê O.BSERVATIONS OBSERVATIONS SUR L E Çf, É T A N G S^ jflpRÈs avoir donné et rassemblé, ton l;es les observations les plus propres à faire connoître la nature des poissons, et avant d'entrer dans les détails relatifs à cliaqtie espèce , je vais les considérer un moment sous un de leurs nombreux rapports avec réconomie publique; c'est-à-dire, examiner leur réunion dans les amas d'eau connus sous le nom d'étangs. Très -multipliés en Allemagne et dans plusieurs autres contrées du nord de TKu- rope , les étangs ont presque tous dis})aiu , de nos jours mémej du sol de îa France, quoiqu'ils y fussent en assez grand nombre. A i époque où cliacun se cjut appelé à la réforme des abus , qui , pour le malheur des sociétés humaines, sont inséparables des grandes administrations , les étangs furent présentés comme une source de contagion, comme un obslacle aux progrès de l'agri- culture, comme un principe de destruction SUR LES ETANG5. 097 pour les piailles semées dans leuF voisinage. Ce fut en 1791 que des écrits furent répan- dus et des discours prononcés pour provo- quer leur anéantissement, lies hommes sages qui savent que le bien même devient un mal quan avec raison , relativement à la salubrité de l'air; mais presque tous les étangs de cette nature étoient silués> loin des liabil allons., . et per- 298 OBSERVATIONS sonne n'étoit tenté de s'établir sur leurs bordsJ De vastes marais, proprement dits, subsistent encore sans utilité sur plusieurs points de la France, remplissent Talmosphère de leurs exhalaisons pernicieuses, et répandent sur les générations qui se succèdent dans leur voisinage une pâleur et une bouffissure ha- bituelles, les épidémies, et tous les symp- tômes d'une mort anticipée. Le dessèchement de ces espaces fangeux , de ces fondrières pestilentielles , réservoirs intarissables de maux, paroissoit devoir précéder celui des étangs qui rachetoient quelques inconvé- niens par des avantages certains. Ces avantages étoient plus sensibles encore à regard des étangs non marécageux , et aucune qualité nuisible ne venoit les ba- lancer; car il est inutile de réfuter l'objection que l'on a faite contre les possesseurs d'étangs, de ravir à la culture des terrains précieux ; comme si les ressources alimentaires pour les hommes dévoient se borner aux plantes céréales ; comme si les poissons que l'on retiroit des étangs ne multiplioient pas au contraire ces ressources, en les rendant plus agréables par leur diversité; comme si cette sorte d'agriculture vivante ne donnoit pas d'aussi grands produits que la culture Yégé- SUR LES ETANGS. 299 ^le; comme si nous manquions de terres à cultiver; comme si enfin une exploitation bien dirigée sur un terrain borné n'étoit pas plus profitable que celle qui s'égare, pour ainsi dire, sans discernement et sans moyens sur une grande étendue. Un autre service incontestable que les d'étangs rendoient à l'agriculture , étoit de fournir aux irrigations des terres qui les en- tourent, d'y entretenir une humidité fécon- dante , de leur préparer un engrais par le limon qui s'y amasse , les débris des vé- gétaux qui y croissent et les restes de leur pêche. L'atmosphère, retenue par les forêts dont la plupart des étangs étoit environnée , et qui pour la plupart aussi sont tombés sur un fonds desséché , l'atmosphère se char- geoit d'humidité, s'épaississoit en nuages qui versoient dans le canton des pluies plus rap- prochées et moins souvent désirées qu'elles ne le sont à présent. Une foule d'oiseaux aquatiques peuploient les bords des étangs, sillonnoient la surface de leurs eaux, et, en s'y réunissant pour y trouver une pâture abondante , sembloient s'empresser d'offrir à l'homme le double avantage de la chasse et de la pêche. 5oo OBSERVATIONS Il est facile de seiilir combien l'on peut étendre ce tableau rapide des biens que pré- sentoient les étangs qui, par leur nature et leur situation, ne })ortoient pas les caractèj es de la m al -faisan ce-. Peutrêtre un jour nf occu- perai-je d'un travail qui oflie de rintérét sous plusieurs points de vue ; mais f on trou- vera dans cet ouvrage, que je me suis engagé à rendre d'une utilité générale, la meilleure nianièi e de former les étangs , de les em- poissonner , de les conserver , de les pé- cher, etc. Cependant , ces deux premiers volumes étant plus particulièrement con- sacrés aux généralités de riiistoire naturelle des poissons, je n'y parlerai que des effets du froid sur ces animaux renfexmés dans les étangs , et du moyen de les préserver de la mortalité que certains hyvers y occasionnent. Ce que je dirai à ce sujet sera extrait d'un fort bon Mémoire composé en 17B9 , par Varenne de Feuille, membre de fancienne société d'agi'iculture de Paris , et éciivain célèbre en agriculture et en économie rurale, Varenne de Fenille a fait ses observations en Bresse, sa patrie. La superiicie des étangs de cette contrée a été gelée en entier le 26 novembre 1788, et c'est seulement à la ûii de janvier que la glace a été entièremeiife SUR LES ETANGS. 5oi fondue. Elle a eu conimunément depuis seize à dix-sept pouces d'épaisseur, à raison de ce que sur une première couche de glace d environ cinq à six pouces sont survenus de la neige , puis du verglas , puis de la neige encore, puis un faux dégel, et enûn une gelée, telle que les tkermomètres, après s'être soutenus pendant quelque tems entre quinze à dix-sept dégrés, sont descendus à Bourg à vingt dégrés et demi la nuit du 5 au 6 janvier; en^a la dernière couche de glace a été couverte d'environ seize pouces de neige. Ee dégel a commencé assez doucement le i5 janvier; ses effets ont d'abord été peu sensibles; 'mais un vent violent, accompagné de pluie, s'étant élevé le i8 dans la partie du sud y les glaces se sont fondues brusque- ment, et les rives des étangs ont été cou- vertes d'une prodigieuse quantité de poissons poussés par le vent et par les flots. La mortalité paroissoit s'augmenter de jour en jour, et causoit de vives alarmes, parce que , indépendamment de la perte qui avoit été fort considérable, on avoit encore à craindre que le poisson se corrom- pant, Tair ïien fut infecté. Le bailliage de Bourg a rendu une Ordou- 3o2 OBSERVATIONS mance , k la date du 29 janvier , pour faire enterrer le poisson mort; elle a été exécutée av^ec assez d'exactitude en plusieurs endroits; mais des nuées de corbeaux, affamés depuis long-tems, les loups, les renards et les chiens ont dévoré la majeure partie de ces cadavres. D'un autre côté, plusieurs fermiers, eu particulier ceux desBIanclières, appartenant à M. de Bellevey , y ont conduit leurs trou- X^eaux de cochons. Pendant huit jours, ces animaux y ont trouvé une nourriture abon- dante, sans qu'on se soit aperçu qu'elle ait produit aucun mauvais eifet sur eux. On a d'abord altiibué la mortalité du poisson uniquement à l'intensité du froid et à sa longue durée. 11 est vrai que quelques poissons égarés, engourdis, surpris et privés de la clarté du jour sous une voûte épaisse de glace et de neige , ont pu se trouver encroûtés dans la glace ; mais ce n'a jamais été le plus grand nombre; et l'on verra par la suite que la rigueur du froid n'y a con- tribué qu^en laissant à une cause plus im- médiate la faculté de déployer toute son énergie. D'autres personnes , qui ne se sont aper- çues de la mortalité qu'à l'époque du dégel, ont pensé que le changement subit de tem- SUR LES ETANGS. 3o5 pérature avoit pu roccasionner. Il semble que ce soit le sentiment de M. Cretté, cor- respondant de la société d'agriculture , au Bourget. Dans une lettre, qu'il a écrite à cette société pour la consulter sur ce désastre, il expose qu'il possède au Bourget un étang d'environ six arpens, profond de quinze ou dix-huit pouces à son entrée , et d'environ quatre pieds à sa bonde; que le fond en est gras et bourbeux; que néanmoins les eaux en sont claires , parce qu'elles sont rafraîchies par des sources et un ruisseau, a La glace, dit - il , avoit quatorze à quinze pouces d'épaisseur ; elle a commencé à fondre à la queue de l'étang; le poisson s'y est porté en abondance pour respirer. Un cent ou deux de carpes très-vives , que j'y ai observées , ont disparu aussitôt qu'elles m'ont aperçu ». Le lendemain y étant retourné, M. Cretté n'en a pas trouvé une seule au niêïne en- droit; mais, en parcourant les bords de son étang, il en a vu successivement f rente ou quarante mortes sous la glace; on l'a cassée : les carpes étoient parfaitement saines et fraîches, et les ouvriers qui en ont mangé n'en ont pas été incommodés. Le lendemain , le nombre des carpes mortes a augmenté ; M. Cretté en a fait retirer im cent , ou 5o4 OBSERVATIONS envii oi] , de dessous la glace , et soixante ou quatre-vingts anguilles qui avoient essuyé le même sort. Cette mortalité a continué pen- dant quatre ou cinq jours de suite sur les carpes et les anguilles seulement ; il n^a péri qu'un seul brochet , et pas une seule perche ni un poisson blanc. Jusqu'à ce que M. Cretté ait achevé la pèche de son étang, on peut douter qu'au- cune des cent ou deux cents carpes très- vives qu'il a vues aient été au nombre de celles qu'il a fait retirer de dessous la glace , et la pèche entière est le seul moyen de décider en pleine connoissance , si l'époque de la mortalité a précédé ou suivi celle du dégel. D'ailleurs , l'opinion que M. Cretté semble adopter diffère absolument de celle des autres propriétaires et fermiers d'étangs. Quel est donc le principe destructeur qui, à faide de la gelée , a été la cause immé- diate de la mortalité? Avant de répondre, il convient de rendre nn compte exact des circonstances qui l'ont accompagnée; la comparaison d'un grand nombre de faits , leur rapprochement , et quelques expériences particulières permet- tront d'asseoir une théorie sur cet objet , et d'indiquer un préservatif. En SUR LES ETANGS. 5o5 Eu Bresse, les étangs sont situés ou sur ua leriain d'argile blanche; Ou sur une couche de terre végétale ou limoneuse, sous laquelle se rencontre un banc, soit d'argile^ soit de marne argileuse, sans quoi l'eau se perdroit par infiltration; Ou sur un texiain fangeux, bourbeux et anciennement marécageux. On concevra aisément qu'entre ces trois classes principales , il doit se ti^ouver beau- coup de sous- divisions qui y participent plus ou moins. 11 croît très-peu d'herbe dans les étangs situés sur Fargile : on les appelle étangs blancs, ^ Le labourage la détruit en partie sur les étangs de la seconde classe, lorsque ceux-ci sont mis en culture à la troisième année. Il n'est même pas douteux que l'herbe ne se détruisit presque entièrement si on laissoit les étangs en assec pendant deux années de suite. Les joncs , les roseaux , et une espèce de gramen auquel on donne le nom de brouille (i), couvrent quelquefois en entier (i) Ce gramen a été reconnu pour \e festuca Jlui' tans , paniculâ ramosa erectâ , spiculis subsessilibus Poiss. Tome II. y, 5o6 OBSERVATIONS les étangs de la troisième classe, à moins que Fextrême profondeur de l'eau n'em- pêche ces végétaux de croître près de la chaussée. î Voici maintenant les observations dont le rapport est unanime de la part des per- sonnes interrogées sur la mortalité dont il est question. i'\ On ne s'est point aperçu que propor- tioimelîement il y ait eu plus ou moins de perte dans les grands que dans ceux d'une médiocre étendue. sP. Plusieurs étangs , n^ayant que trois à quatre pieds de profondeur, ont été entière- ment préservés, tandis que la perte a été totale dans des étangs de huit à dix pieds d'eau près de la bonde , et réciproquement. •Ainsi le plus ou le moins de profondeur n'a été qu'une circonstance indifférente. 3". La perte a porté sur les gros poissons comme sur les petits indistinctement. 4^. En général, il paroit que la carpe est teretihus jautlcis de Linnosus. La brouille est un mot ancien et lecîi nique dans le pa5''s ; les vieux titres portent : le droit de champéage , nczage et brouillage en faveur des propriétaires d'une pie ^ ou portion d'assec dans les élanî;s. SUR LES ETANGS. 5o7 l'espèce qui a le plus souffert. Les brocliets, les perches, et sur -tout les tanches out milieux résisté. Cependant la perte a été générale dans quelques étangs de la Char- treuse de Montnierie, ainsi que dans quelques étangs de la Dombes. 5^. La précaution de faire des trous dans. la glace pour donner de l'air au poisson a été inutile (i). 6"^. Les étangs situés sur un sol dur et ferme , qu'on nomme étangs blancs , u'ont pas souffert, ou fort peu. 7°. Le poisson a presqu'entièrement péri dans les étangs vaseux, chargés de brouilles, lèches et roseaux. 8°. Les étangs nouvellement construits et réparés, et ceux dont le bief et la pêcherie étoient bien nettoyés, ont incomparablement moins souffert que les autres. (i) Cette proposition me semble trop générale ; j'ai peine à me persuader que la précaution fût inutile, lorsque par un froid modéré la glace n'a que deux à trois pouces d'épaisseur ; mais je conçoi.s qu'avec uu froid de \5 à i8 dégrés, ces soupiraux ont dû se refermer très-promptement , et qu'alors, loin d'être utiles, ils ont été nuisibles , en ce qu'ils ont favorisé la max'aude. Aussitôt que l'on fait une ouverture à 1*. glace , le poisson y afflue ) on l'y prend aisément. Y a So8 OBSERVATIONS On nomme pêcherie une enceinte «issez profonde, placée en avant de la chaussée, où le poisson se retire dans les tems de la pêche , à mesure que l'eau de Fétang s'écoule par la bonde. Le bief principal , ou le fossé dirigé depuis la queue de Tétang jusqu'à la bonde, y aboutit. La pêcherie doit être proportionnée à l'étendue de l'étang. On verra ci-après que, dans quelques étangs où il n'y avoit plus d'eau que dans la pêcherie, le poisson s'est parfliitenient conservé (i). (i) Le propriétaire ou fermier d'étang doit avoir grand soin de tenir la pêclierie et le bief eu bon état., malgré qu'ils eussent sept h liuit pieds de profondeur auprès de la cliaussée. Plusieurs étangs ont perdu leur poisson , parce qu'ils avoient une pêcherie et un bief pleins de boue Les étangs chargés d'herbes ont plus souffert que ceux d'un terrain blanc, à moins que les premiers n'aient eu un bon bief, et une pêcherie curée nouvellement. Il est intéjessant de faire aux étangv^ de vastes et tonnes pêcheries et de larges biefs , et de les entre- tenir bien curés. On sait par une expérience de tous les tems , que si les étan;,';s bourbeux sont m:il entre- tenus , s'il survient de fortes gelées et beaucoup de ïieige , les poissons sont en danger de périr. Quelque peu d'eau qu'il y ait dans un étang , si la pêcherie et le grand bief sont nouvellement curés, les poissons Vy retirent , se trouvent sur un terrain ferme, et sa garantissent d'être étouffés. Aussi dit- on proverbia- lement , pêcherie neuve faiù sûreté d'élan^. SUR LES ETANGS. Soq 90. L'opinion générale est que la mortalité a précédé le dégel (1). Il ne sera pas hors de propos de joindre à ces faits généraux le récit de quelques faits particuliers qui les confirment. Puisqu'il s'agit ici d'un objet qui tend à établir une théorie sur l'administration des étangs penr dant les hyvers rigoureux, les plus petites observations ne doivent pas être négligées, quand même leur longue énuméiation et leur ressemblance deviendroient un peu fatigantes. M. de Montrevel avoit fait construire nouvellement dans son parc de Châles unç fort belle pièce d'eau, alimenlée par un ruisseau limpide qui s'y jette après avoir (i) Les poissons étoient morts à l'époque du dégeî, qui n'a point contribué à leur perte ; quelques - uns viennent sur Veau , d'autres demeurent sur la boue , ce qui dépend du tems depuis lequel ils sont noyés. Des observateurs, peu familiarisés avec de pareils accidens , ont pu croire en visitant leurs étangs , où ils n'ont trouvé dans les premiers jours du dégel qu'une médiocre quantité de poissons morts sur les rives , que ceux qu'ils y ont vus depuis en bien plus grand nombre étoient morts à la suite du dégel , mais cela n'est pas exact. Tout le poisson a péri dans le» glaces, ou a été étouffé dans les fonds vaseux. V 3 5io OBSERVATIONS serpenté dans son parc. La pièce d'eau est empoissonnée et n'a guère que cinq pieds de profondeur : on ne souffre pas qu'il y croisse ni joncs, ni herbes. Le ruisseau a tari pendant la gelée : il n'a pas péri un seul poisson. A la vérité on a cassé la glace de tems en tenis. M. de Jalarnondes a fait construire à la Sardières, près de Bourg, un réservoir d'en- viron vingt mille pieds carrés en superficie , sur cinq pieds de profondeur, et dans un fond argileux. L'eau de ce réservoir n'est entretenue que par l'égoût des terres voi- sines : il a conservé tout son poisson. M. Gaulhier de la Chapelle est proprié- taire de cinq étangs près de la petite ville de Lent en Dombes 5 l'un des cinq étoit nouvellement réparé, et au moment d'être péché. Lorsque la gelée est survenue , il s'est hâté de faire fermer la bonde; elle n'avoit pu l'être assez exactement pour em- pêcher qu'il ne s'écoulât un peu d'eau. Le poisson s'est retiré dans la pêcherie^ et s'y est entièrement conservé. 11 eu a péri xme immense quantité dans les quatre autres étangs , qui sont profonds et situés dans un fond vaseux. M. de Bellevey avoit déposé une quantité SUR LES ETANGS. 3ii très - considérable de fort beaux poissons dans un réservoir près de son château de Bellevey,- il ny croît point d'herbes, mais le fond en est très- vaseux; les carpes e^t les brochets y ont été suffoqués; il n'a conservé que les tanches. Le même accident est arrivé dans un réservoir situé au milieu d'un pré, sur un fond où il ne croît point d'herbes , mais qui contient beaucoup de vase. Don Armely , prieur de la Chartreuse de Moutmerle , et syndic général du clergé de Bresse, consulté par Varennes de Fenille, lui répondit en ces termes : Monsieur, « Je n'ai pu répondre plus tôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 23 février, ayant eu besoin de consulter le frère préposé au soin de nos étangs, et qui n'est arrivé à la maison que le samedi soir Voici ce que j'ai pu recueillir sur la mortalité des poissons, et ce qui s'est passé dans nos étangs en cette année désas- treuse. (( Sur un nombre d'étangs , nous n'en avons proprement que trois qui soient un peu considérables, et ce n'est que dans ces trois V 4 3i^ OBSERVATIONS seuls que le poisson n'a pas péri : il a pcrî dans tous les autres. )) Qu'on n'attribue point la conservation du poisson à la profondeur des étangs , le frère dont j'ai parlé a voit fait écouler un de ces trois étangs , que nous nommons pesa y , un peu avant les grandes gelées , ne se doutant pas de ce qui de voit arriver; il ne restoit que trois pieds d'eau, et cepen- dant le poisson iiy a pas péri ; tandis que, dans un autre ar)peîé les domhiers , qui a neuf pieds de profondeur, il ne s'en y est pas conservé un seul. » Si l'introduclion de l'air dans les étangs glacés pou voit seul conserver le poisson , nous n'en aurions perdu aucun, a^-ant eu le soin de rompre la glace en plusieurs en- droits de chacun de nos étangs; mais puis- qu'il n'a pas laissé que de périr, même dans les étangs de peu d'étendue , malgré cette précaution, c'est une preuve que ce procédé ne suffit pas pour le garantir malgré son utilité apparente. » Jusques-là voilà des faits , maintenant voici des conjectures : j'ai hésité si je vous les communiquerois, attendu que c'est le résultat des observations de ce bon fière, et qu'elles oiTrent quelque chose de singulier. SUR LES ETANGS. 5i3 » Il prétend que c'est la brouille, plante fort commune dans les étangs , qui a donné Ja mort au poisson. Selon lui, là où cette herbe a demeuré sous la glace, elle n'a pu exhaler sa qualité maligne et sulphureuse, elle a tué le poisson; il a remarqué que, dans les trois étangs où le poisson s'est conservé, dans l'un on a voit arraché l'heibe avant d'y mettre Feau, dans les deux autres l'eau se trouvant assez basse, puisqu'il n'y en avoil; que trois pieds, la brouille est demeurée au dessus de la glace, et n'a pu infecter le poisson. » A l'appui de sa conjecture, il cite un phénomène assez singulier; il m'a rapporté qu'un jour de cet hj^^ver où il geloit bien fort , ayant été à l'étang dont j'ai parlé plus haut, appelé les dombiers, qui a neuf pieds de profondeur , il s'aperçut qu'il y avoifc vers le milieu de cet étang une ouverture d'environ cinq pieds de circonférence où il s'étoitfait un dégel; il examina la chose de plus près, parce que la glace portoit jusqu'à la circonférence de ce trou. Aucun vestige de pied d'homme ne se trou voit imprimé sur la neige qui couvroit Fétaug dans ce moment, ce qui écartoit l'idée que ce trou fût l'ouvrage de quelqu'un ; en rapprochant 3i4 OBSERVATIONS donc ses idées , il ne douta point que ce ne fût reflet de Ja matière sulpfiureuse de la brouille, dont le fond de cet étang est couvert, qui auroit fondu la glace dans cet endj'oit, et s'étoit fait par là un passage. )) La malignité de la brouille m'a été confirmée par les gens du pays. Le bétail qui en mange en certains tems, et sans doute en certaine quantité (car il en est avide), en meurt. Elle devient plus haute que celle que je vous envoie pour la reconnoître; ses feuilles flottent sur la surface des eaux » Je suis, etc., signé Armely, prieur. » J'ouvre ma lettre à Seillons ( autre Chartreuse près de Bourg) pour y ajouter que ce que je regardois comme un système hasardé et une idée de notre frère, est pour- tant Topinion commune. Ici et dans la Bombes on attribue la mortahté du poisson à la brouille ». Le bon frère a rapporté les choses h son prieur comme il les a vues ,* mais a-t-il bien vu? Vraisemblablement la neige tombée pendant la nuit précédente avoit effacé la trace des maraudeurs ; un trou de cinq pieds étoit tout ce qu'il leur en falloit pour prendre , avec un piège ou à la lîiain , des SUR LES ETANGS. 5i5 poissons qui, vivant depuis long-tems dans une obscurité profonde, accourent dès qu'ils voient la lumière, et viennent respirer un air frais. La même cause auroit produit le même phénomène dans d'autres étangs aussi brouilleux que lesdombiers, et néanmoins le frère chartreux est le seul qui s'en soit aperçu. Si le trou avoit été l'effet d'une chaleur souterraine, la glace auroit eu peu d'épaisseur sur les bords , et cependant il en a approché; la glace portoit jusqu'à l'ori- fice , etc. etc. D'ailleurs ce gramen n a par lui - même aucune qualité mal - faisante ; mais, sans être vénéneux ni sulphureux , comme le dit le frère chartreux , il peut vicier l'air et l'eau, ainsi que nous le ver- rons dans la suite. Le trèfle donne la mort au bétail lorsqu'il en mange en trop grande quantité, et il en est également avide; on ne doit point ce- pendant en conclure que le trèfle porte un caractère de malignité. La brouille a aug- menté la mortalité; cela n'est pas douteux, mais c'est en concourant , ainsi que la gelée, à l'action d'une cause plus immédiate , dont l'une et l'autre ont favorisé le développe- ment. Du rapprochement et de la comparaison 5i6 OBSERVATIONS de ces faits, on peut tirer, ce semble, les conclsisioiis suivantes. Il y a eu des étangs où, sous un volume d'eau peu profond, le poisson s'est entière- ment conservé ; donc ce n'est pas la gelée qui, dans d'autres étangs. Ta fait périr. Le poisson vit et prospère pendant Tété dans des étangs où la brouille croît en abondance; donc la brouille n'a, par elle-» inéme, aucune qualité vénéneuse. Pendant cet liy ver , la perte a été totale dans des réservoirs sans brouille , mais va- seux; donc, indépendamment de la brouille, il y a eu une cause de mortalité. Quelle est-elle ? et la réunion de tant de faits ne conduit -elle pas naturellement à conclure que c'est uniquement à la qualité de l'air que le poisson a été forcé de respirer, qu'il faut attribuer cette épidémie? On sait que les ouïes remplissent, à l'égard des poissons, les mêmes fonctions que les poumons à l'égard des animaux terrestres. Les poissons aspirent Feau par la bouche , l'expirent par les ouïes. Ce viscère est com- posé de parties innombrables, mais néan- moins distinctes. C'est dans le tems de l'ex- piration et au moyen du froissement et de IçL division extraordinaires que soutirent les SUR LES ETANGS. Zij parties de Teau, que l'air, qui y est mélangé, se détache pour entrer dans les vaisseaux capillaires des ouïes , et aider à la circu- lation du sang (i). Le poisson a donc besoin que l'air, dont Teau est imprégnée , soit d'un degré de pureté comparable à celui que respirent les animaux terrestres : mais dans les étangs vaseux, marécageux et brouiileux, et sous une croûte de glace de quinze pouces d'é- fiaisseur, qui a duré plus de six semaines, l'air, partie constituante de l'eau, et qui y est en quelque sorte dissous, n'a -t- il pas dû se corrompre à la longue , causer enfui «ne sorte d'asphixie au poisson, non pas k la vérité aussi prompte que celle que l'on parvient à lui donner par artifice , mais capable de le rendre malade et de le faire ^rir ? On avoit déjà reconnu depuis long-tems qu'il s'exhale continuellement du fond des îmarais un air fétide et corrompu, qui n'en- gendre que trop souvent des épidémies mor- (i) Voyez dans ce volume le Mémoire de Duverney sur la circulation du sang des poissons qui ont des ouïes , et sur leur respiration j et le ISIémoire sur la ^•espiration des poissons , par iiroussonei* . 3i8 OBSERVATIONS telles, A la vérité ces émanations sont plus nombreuses quand la chaleur en favorise Textraction et le développement , et voilà pourquoi les pays marécageux sont plus mal -sains pendant l'été. Mais il en sort dans tous les tems, et il suffit de remuer le fond des maiais pendant Tliyver pour s'en convaincre, par la quantité de bulles d'air qui s'élèvent et viennent crever sur la surface. Les magnifiques expériences faites de nos jours sur Fair et sur les substances aériformes nous ont appiis la naluie de celui qui s'é- chappe des marais : on lui a donné indiffé- remment le nom de gaz inflammable mofé- tisé , et d'air inflammable des marais; on y a aussi reconnu ja présence de lair crayeux ou air fixe (i). Ce gaz de marais est produit (i) Voyez les Elémens d'histoire naturelle et do cliimie , par Fourcroy, pag. 40 du Discours prélimi- naire , et l'Essai analytique sur différentes espèces d'air , par DelameLherie , pag. 78. La présence de l'air fixe , dans le gaz des marais , paroît encore indi- quée par ces vapeurs blanches , plus épaisses que le brouillard , qui ne s'élèvent qu'à un ou deux pieds sur la surface des marais à la fin d'un beau jour d'été, et qui ressemblent à la fumée des corps enflammé* qu'on éteint en les plongeant dans l'air fixe d'une SÛR LES ETANGS. Siq par les matières végétales et les substances animales qui pourrissent dans Feauj il se dégage des marais, des étangs, des égoûts, des latrines. 11 paroît qu'il est composé de trois substances aériformes mélangées à diffé- rentes doses : savoir, Fair fixe, la mofète et l'air inflamtnable ; quoi qu'il en soit , et sans entrer dans une dissertation sur la théorie des airs, qui n'est point de ce sujet, il suffit de savoir que ni l'air inflammable, ni la mofète , ni l'air fixe ne sont pas respi- rables, et que le poisson a besoin de respirer. Maintenant, si Fou rapproche les circons- tances dans lesquelles le poisson a péri dans les étangs, de celles où il a été conservé, on recounoîtra que la mortalité a été d'au- tant plus grande, qu'il a du se rencontrer cuve en fermentation. Si cette vapeur s'élève un peu , on sent qu'elle picotte les yeux ; c'est alors que l'odeur des marais est plus fétide et plus dangereuse à respirer ; à peine au contraire la sent-on pendant la clialeur du jour , sans doute parce que pendant le jour les plantes des marais aspirent de l'air fixe, expirent de l'air pur , et que le contraire arrive pendant la nuit ; et tout porte à croire que cette propriété des végétaux , en général , est plus prononcée dans les plantes aquatiques que dans celles qui croissent sur au terraiu seo. 520 OBSERVATIONS plus de matière propre à produire du gaz iailam niable , mofétisé, et de Fair fixe. , La vase iresl que le résidu de la stercora- tion et de la transpiration abondante des poissons, du suc des terres qui s'égouttent dans les étangs, et de cette innombrable quantité d'insectes qui naissent, croissent, nmltipîient et périssent dans les eaux sta- gnantes. Pius il y a eu de vase rassemblée, plus la fermentation a été excitée, plus il a dû se former de gaz inflammable mêlé de mo- iète. A regard de Tair fixe, comme l'eau en est avide , elle s'en est emparée ; mais on verra bientôt à quel point Feau impré- gnée d'air fixe est mortelle au poisson. La brouille a augmenté la corruption. Cette plante, ne se trouvant plus en contact avec l'air extéideur^ est tombée en pourri- ture , et la pouriiture a produit un gaz qui li'étoit plus respirable. Cette substance aéri- forme s'est élevée au dessus de feau , d'où eJle n'a pu se dégager sous une croûte glacée de quinze à seize pouces d'épaisseur. Le poisson n'a donc plus eu que de l'air en ])arlie méphitique à respirer; il a com- mencé par souffrir, puis il a été malade , enim il a péri. Suivant toute apparence sa mort SUR LES ETANGS. 5^1 piorh a été d'autant plus piompfe, et l'cpi- demie d'aiitauL plus générale , que les causes de niortalilé ont été plus abondantes et plus actives. On n'a pu faire à cet égard d'obser- vations , tant que la gelée a duré; mais iL est certain que les poissons, avant de périr, ont été très- languissans : ils avoient perdu leurs forces , et la qualité de l'air qu'ils Yen oient chercher à la surface de l'eau , a^ augmenté leur engourdissement au point qu'on en a trouvé dont les nagepijes dor- sales étoient collées contre la glace, quoique le corps flottât dans l'eau (i). (i) C'est ainsi que Vaienne de Fenille a perdu ses dorades de la Chine. Depuis plusieurs années il avoit coutume de les traiisporler avant l'Iiyver des liassiiiS; ooo ; divisez r),554j000 par 60 , le quotient sera , comme il est dit ci-dessus , 108,900. SUR LES ETANGS. 333 Pr ÉsERrATiFS cojitve la mortalité . du Poisson dans les étangs pendant les grands hypers. Ces préservalifs s'indiquenl:, pour ainsi dire, d'eux-mêmes, avec d'autant plus de justesse qu'ils tirent leurs principes des ex- ceptions particulières au désastre commun dont la cause a* été l'objet des recherches , Les précautions à prendre exigent plus de soins que de dépenses. ' Si l'étang est naturellement vaseux, don- nez au bief huit à dix pieds de largeur , et approfondissez-le jusquà ce que vous trou- viez le terrain ferme ; donnez au moins l'angle de quarante-cinq dégrés aux pentes riveraines, afin que la terre des bords ne retombe point dans le bief, et élablissez près de la chaussée urle vaste et large pêcherie, proportionnée à la grandeur de Fétang ; enlevez -en soigneusement toute la vase; formez-en des tas sur les bords; laissez-les s'égouter. Lorsque le sol de l'étang seia assez sec pour permettre le transport de cette vase, vuidez-en l'étang, rassemblez-la en un monceau , laissez - la fermenter et reposer pendant un an , sans y touchei^/ 334 OBSERVATIONS remuez-la ensuite une couple de fois, pour qu'elle se façonne à la gelée et au soleil. Au bout de dix -huit mois ou deux ans, répandez-la suj- les guérets. C'est Vun des plus ptsissans engrais et des plus durables qui existent, sur-tout pour les terres sablon- neuses; on en a rexpérience. Si Ton se presse de répandre cette vase avant qu'elle ait fermenté, on trouvera qu'elle refroidit le terrain ; il faut lui donner le tems nécessaire pour que les parties graisseuses qu'elle con- tient en abondance soient changées en mo- lécules savonneuses. On hâtera sa jouissance en y faisant éteindre de la chaux, lit sur lit,* environ une partie de chaux sur huit a dix parties de vase. Ce mélange portera la fertilité par-tout où il sera répandu , mémo en assez petite quantité. Si l'étang est brouilleux , laissez - le an moins deux ans de suite en culture; le poisson en prontera mieux , et ce gramen se détruira insensiblement , puisque, pour croître, il demande d'étie baigné d'eau: Comment veut-on qu'il se détiuise par une seule année d'assec? On auroit beau l'arra- cher, il se multiplieroit par les graines, efe la graine est encore adliérente à l'épi au tems de la pêche. Iujcî.ii'j SUR LES ETANGS. 355 Si , malgré les précaulions qu'on auroit prises, ou faute de les avoir piises, un éLang étoit couvert de brouille, et qu'il survînt une violente gelée, levez la bonde et laissez couler Teau jusqu'à ce qu'elle ne baigne plus la brouille , qui pour Tordinaire se trouvée en plus grande quantité à la queue de l'étang; le poisson se retirera dans le bief et dans la pêcherie, que je suppose avoir été bien curés, et d'où il ne s'élèvera ni air inflammable ni mofète. D'ailleurs l'eau ne peut s'écouler sans qu'il n'entre sous la glace un égale volume d'air, qui empêchera que le poisson ne vicie la portion d'eau dans laquelle il se sera retiré. On ne doit pas craindre que l'étang manque d'eau par la suite. Il est fort rare qu'une gelée de longue durée se passe sans neige, ni que le dégel se passe sans pluie. De plus, ordinairement une crue d'eau suit le dégel. Les faits généraux qui viennent "d'être tracés , et dont la description mérite plus d'étendue qu'on ne leur en a donné, ont été confirmés par de nouvelles observations fort importantes. ./;u*v. A l'excepiion des étangs dont le bieff et la pêcherie avoieut été nouvellement et 356 O B S E R V AT I O N S soigneusement curés, jusqu'à ce qu'on eût al teint Fargile , et de ceux qu'on a péchés pendant la gelée , en suivant un procédé qui sera décrit, tous les étangs brouiJIeux de Villars ont été presque entièrement dévas- tés : dans plusieurs il ne s'est pas trouvé un seul poisson, sans que le plus ou le moins de profondeur ait à cet égard pro- duit aucune différence. Mais il n'en est pas de même des étangs seLdemeut vaseux, et qu'on met rarement eu culture ; la pei te a été totale dans ceux qui avoient peu d'eau; les plus profonds ont le moins souffert. On confond quelquefois les ékmgs situés sur une argile blanche avec les étangs va-r seux qui ne sont pas chargés de brouille ; et lorsqu'ils sont inondés, quelques per^? sonnes leur donnent également le nom à' étangs blancs. Cependant il est essentiel de les distinguer. Les premiers n'ont essuyé aucun échec cet hyver. Un propriétaire a fait pêcher devant lui deux réservoirs , d'en- viron quinze coupées ou trois arpens , situés sur argile blanche et très-peu profonds ; il y avoit entreposé douze milliejs d'empois- sonnage qui s'y sont parfaitement conservés, et il en a perdu plus de vingt milliers dans de SUR LES ETANGS. 537 cle petits étangs beaucoup plus profonds , mais vaseux sans brouille. Plus le<> étangs ont été chargés à la fois et de brouille et de vase, plus la mortalité a élé hâtive. Elle a commencé en certains étangs avant la fin de décembre; dans plu- sieurs elle étoit complette des le premier janvier; dans quelques autres elle a com- mencé au moment du dégel , et elle a con- tinué, même après que toutes les neiges et les places ont été fondues. Ce fait est incon- testable; mais il étoit facile de recomioître l'époque de la mort par le plus ou le moins de fraîcheur des ouïes, et de juger de la perte qu'on al loi t encore essuyer par Fétat maladif de quantité de poissons qu'on voyoit, après le dégel , na^^er lan^ui^saniment et renversés sur la surface de l'eau. L'épaisseur de la glace n'a pas été à beau- coup près uniforme dans le même étang. Quelquefois près de la bonde, contre la chaussée, ou au dessus de la pêcherie, il s'en, est trouvé qui n'a voit guère que trois pouces d'épaisseur (i). (i) Li'extiême différence dans l'épaisseur de la gtace d'un même étang donne quelques degrés de probabilité à l'observation du frère Chartreux: de Montmerle. Ï! Foiss, Tome IL Y 538 O B S E R V AT I O N S La précaution de faire des ouvertures â la i;lace a été non seulement inulile au poisson , mais elle a failli devenir funeste au propriétaire dont il est question. Ayant voulu briser lui-mèrne la glace d'un de ces étangs, il sortit du soupirail ime mofète si subite, si infecte, si pénétrante, qu'elle le fit presque tomber à la renverse. L'étang étoit extrêmement brouilleux; mais il assure que , dans le tems où il fit cette ouverture, il n'y avoit encore aucun poisson mort,* ou du moins que l'exhalaison ne pouvoit être attribuée à la putréfaction d'aucun d'eux, puisqu'au moment du dégel il n'en trouva point qui fût encore gâté. 11 répéta la même opération le lendemain sur un autre étang, en évitant de s'exposer d'aussi près à l'exhalaison. 11 la sentit encore , mais avec moins de force ; et cependant le poisson s'étoit conservé dans cet étang , qui est certain que le poisson se rassemble pendant l'iiyver dans les parties les plus profondes de l'étang; mais, qnoique rénni, il doit communiquer peu de sa chaleur propre à la masse de l'eau qui l'environne. L'on a peine à croire que cette cîialeur soit assez forte pour produire un effet aussi marqué, à moins qu'elle ne soit encore aidée par l'exposition favorable de la chaussée, el par quelque source intérieure. SUR LES ETANGS. 55ç) fut pcclié peu de jours après. Enfin plu- sieurs de ses pécheurs l'ont assuré qu'ils a voient éprouvé les mêmes vapeurs suffo- cantes en cassant la glace. Voici, sur un fait à peu près semblable, ce que M. Marmet, aubergiste au Guillet, entre Bourg et Neuville-les-Dames , a écrit à Varennes de Feuille : « Quand j'ai fait faire les premiers trous à mon étang, je ne me suis aperçu d'au- cune mauvaise odeur, et ne connus aucun danger pour mon, poisson. La glace avoit dans ce tems-là onze à douze pouces d'épais- seur. Quelques jours après il tomba de la neige ; ensuite il survint un petit dégel qui fit fondre en partie cette neige ; ensuite une forte gelée qui forma une seconde glace , qui fut couverte par une seconde neige. Quelques jours après je fis rouvrir les mêmes trous : il en sortit comme une fumée d'eau chaude, qui avoit une odeur marécageuse, mais qui n'incommode pas plus que celle qu'on respire quelquefois près d'un marais. Ce fut dans ce moment que je m'aperçus que mon poisson étoit malade, seulement les carpes : je ne vis ni brochets ni tanches. Je ne me suis point aperçu qu'il soit sorti de l'air en faisant les trous ». Y 5. 340 OBSERVATIONS A Villars, dans les étangs vaseux, quelle qu'en ait été la profondeur , on a trouvée constamment les ouïes du poisson mort pleines de boue , quoiqu'il fût encore fiais , puisque après les avoir lavées elles étoient rouges. Les étangs raaléficiés paroissoient, même avant la putréfaction du poisson , d'un noir sombre , quoique le fond ne fut pas bour- beux , ni Feau troublée. D'autres étangs présentoient en quelques parties une cou- leur rougeâtre et dégoûtante. Mais ces cou- leurs accidentelles t)ouvoient provenir du reflet causé par l'aiFaissement de la brouille, ou avoir été produites par la neige fondue , après avoir long-tems séjourné sur des feuilles d'aune ou de chêne. Le propriétaire précédemment cité ne croit pas que la précaution de laisser couler l'eau des étangs brouilleux , jusqu'à ce que riierbe cesse d'en être baignée , soit un pré- servatif suffisant contre la mortalité. On l'a essayé cette année, dit-il, dans quelques étangs de Villars : l'expérience n'a réussi qu'impar- faitement. En effet , il entre peu d'air par la bonde , car à mesure que l'eau fuit la glace s'affaisse , et perd son ancien niveau pour suivre celui du terrain ; de sorte que Teau , SUR LES ETANGS. 54i quoique no couvrant plus l'élang qu'en par- tie , n'en demeure pas moins imprégnée comme auparavant des premières émana- tions de la brouille ; il est persuadé que Feau reste constamment en contact avec la glace, et fonde son opinion sur ce que , dès qu'on fait une ouverture , Feau s'élève et dégorge par le soupirail. Mais il semble qu'elle dé- goj'geroit également, quand même il se seroit introduit de l'air entre la glace et l'eau, si cet air s'y trouve comprime. Le même propriétaire présume aussi que les étangs qu'on aura empoissonnés , immé- diatement après la grande gelée, sans en avoir renouvelé l'eau , ne donneront qu'une chétive pèche. Ce n'est pas , dit-il , que l'eau ait été corrompue par la putréfaction de l'ancien poisson , au point d'influer sensi- blement sur le nouveau, et de nuire à sou accroissement. Mais il a été reconnu que la brouille, affaissée par la glace, forme au fond des étangs un enduit épais et assez compacte pour empêcher que le poisson ne s'y insinue, et puisse aller chercher sa nour- riture ou traçaille^ comme s'expriment les pêcheurs. On en cite un exemple, arrivé en 1766, où riiyver, quoique moin? rigoureux, fit Y 5 342 OBSERVATIONS périr beaucoup de poisson. Celui d'un étang de Villars, extrêmement brouilleux, ayant été totalement détruit, le propriétaire rem- poissonna de nouveau^ sans avoir pris la précaution de faire écouler Feau. Dans l'in- tervalle de rempoissonnement à la pêche, l'eau se renouvela plusieurs fois , parce qu'un courant presque continuel tiaverse cet étang à volonté. Néanmoins la pêche fut nulle j le poisson se trouva maigre et petit , et l'on reconnut que la brouille , affaissée dès l'année précédente, tapissoit encore le fond de l'étang. La méthode de pêcher un étang sous la glace n'est pas fort ancienne dans le canton de Yillars. Le procédé en est très-simple: le voici. 11 faut se rappeler que la pêcherie , qu'ailleurs on nomme la poêle ^ est une fosse a3^ant la forme d'un carré long, dont l'un des deux côtés étroits, parallèle à la chaussée , est placé à fort peu de distance de la bonde. On donne à la pêcherie une étendue proportionnée à celle de l'étang. Supposons -la de trente pieds de largeur sur soixante de longueur, et de deux pieds et demi à trois pieds de profondeur. Telle est la dimension ordinaiie de la pêcherie SUR LES ETANGS. 345 d'uu élang de quinze cents d'enipoisson- «emcnl. On a déjà dit que le bief principal aboii- tissoit au milieu de la pêcherie,- mais c'est à tort qu'on ne lui a supposé que dix pieds de largeur. A Villars , où il paroît qu'on a porté l'aménagenient des étangs à sa perfec- tion, on n'iiésiie pas de lui donner quinze pieds de largeur, quelquefois davantage. Plusieurs autres biefs ou fossés, qui coupent l'étang dans les parties les plus basses, viennent aboutir au bief principal, et facilitent au poisson répandu sur toute la surface de l'étang un passage pour se rendre dans la pêcherie à mesure que l'eau leur manque. La pêcherie doit être plus pro- fonde au moins- d'un pied et demi que la partie du bief principal qui y aboutit. Lorsqu'on veut pêcher pendant la gelée, on baisse le pilon,* k mesure que l'eau s'écoule, la glace s'affaisse ; et loisque l'eau est assez diminuée pour ne plus inonder que la pêcherie, on baisse le pilon. Des ouvjîers, armés de haches et d'autres instrumens de fer, cassent la glace du bief à l'endroit où il aboutit à la pêcherie; et on y place un barrage afin d'empêcher le poisson de remonter. Y 4 344 OBSERVATIONS L'on rompt ensuite !a gîace de Van des côtés longs de la pêcherie, sur la largeur de sept à, huit pieds. Ju'on a soin d'en enle- ver tous les glaçons. Le poisson, inliniidé par cette manœuvje, se retire sous la por- tion de glace qui reste encore , et sur laquelle on a l'attention de ne pas faire de bruit. L'on déploie le filet de péclie sur léi partie de la pêcherie nettoyée de glaçons, et on l'approche, le plus qu'il est possible^ de la, partie dont la glace est entière. Cela fait , on coupe avec la hache tout le surplus du tour de la pêcherie, sur à peu près un pied de largeur, La glace, ainsi délachée des bords, reste à flot; on enlève soigoeusemeot ces nouveaux glaçons. Deux pêcheurs font passer les deux exù émîtes du filet sous les deux extrémités de ]{i grande glace flottante ; et tandis que le filet, garni de liège à sa partie supérieure, passe sous la glace, d'autres pêcheurs la })oussent en avant, et lui font prendre h, place de celle qu'on avoit enlevée dans la première opération : insensiblement le liègQ du filet parvient à se trouver à flot, débar-r ii'assé de toutes les glaces, et chargé de tout le polssoa de l'étang, On le prend alors aussi SUR LES ETANGS. 545 coinmoclémeiit, et même avec plus de faci- lité que dans les tems ordinaires, parce qu'il est fort engourdi. 11 arrive assez rare- ment qu'il en échappe un seul, et que le second coup de filet que Ton donne ne soit pas inutile. Pour bien faire cette opération, il faut que la glace soit épaisse, et qu'elle ne puisse se rompre lorsque le filet passe par dessous. Ainsi, quelque forte que soit la gelée , si l'étang a une bonne pêcherie , il peut être péché. 11 arrive quelquefois que la partie du bief qui aboutit à la pêcherie est aussi pro- fonde que la pêcherie elle-même. Alors l'opération est plus longue; mais elle est également possible, à moins qu'il ne fallût remonter trop avant , et que la pêcherie fût mal nettoyée. Dans le premier cas, on manœuvre sur le bief à peu près comme sur la pêcherie. On commence par casser transversalement et par nettoyer la glace dans la partie du bief où se commence l'opération. On bane avec un filet. A mesure que les glaçons se brisent, on les fait flotter et passer par- dessus le filet, qu'on avance insensible- ment jusqu'à la pêcheiie. La manœuvre Zijo OBSERVATIONS est ensuite la même que celle que Ton a décrite. Quand la gelée est très-forte, aussitôt que le poisson prend l'air, il est saisi par le fioid, il devient roide, et paroît mort. Mais il reprend le mouvement dès qu'on le plonge dans Teau; et même on a remarqué que le transport pendant la gelée le fatigue beau- coup moins que lorsqu'on le voiture par un tems un peu chaud. Les nouveaux faits qui viennent d'être rapportés achèvent de prouver, et d'une manière invincible , l'existence du gaz in- flammable, mêlé de mofète , reconnu pour être l'une des causes principales de la mor- talité du poisson en 1789. Quoique la brouille ait dû produiie de l'air fixe pendant la longue absence de la lumière, et que cet air soit le plus délétère de tous pour le poisson qui le respire; cepen- dant , comme l'eau s'en empare, et qu'il est plus pesant que l'air atmosphérique, il 3^ a toute a];)parence que le propriétaire, dont on a rapporté les essais, n'avoit respiré que de l'air inflammable mofétisé, lorsqu'il a failli d'être renversé. Ce gaz a été seulement produit par le bouleversement que le poisson a excité SUR LES ETANGS. 347 dans la vase, el: en partie par sa respira- tion; car il n'y a pas d'apparence que la fermentation putride y ait eu aucune part, puisqu'avant le dégel il n'y avoit pas de corruption. La présence de Tair fixe n'est pas aussi rigoureusement démontrée que celle de la niofete. Cependant on ne peut guère se refuser à l'y reconnoître, si l'on fait atten- tion que les étangs brouilleux ont été pré- cisément ceux où la mortalité a paru plus prompte, plus active et presque universelle. Le procédé de pêcher sous la glace offre, comme on voit , un moyen de plus de pré- server de la mortalité les étangs mal-sains , puisqu'il ne s'agit que de transporter le poisson dans un étang blanc , et de l'y tenir jusqu'à ce que l'intempérie de la saison soit passée. Certainement il vaut beaucoup mieux supporter les frais d'une double péclie que de risquer de tout perdre. 348 METHODES METHODES De préparer les différentes espèces de Poissons pour les cabinets d'histoire naturelle. vJn ne doit pas s'attendre à réussir , comme pour les quadrupèdes et les oiseaux, à orner nos collections des dépouilles de poissons bril- lantes de la fraîcheur, de la vivacité et de l'éclat de leurs couleurs,- leur forme et une en- veloppe presque toujours d'une teinte livide tannée sont tout ce que nous avons à espérer de leur conservation, et ils ne présentent plus cette apparence de vie qui paroi t animer en- core quelques autres animaux. Les couleurs et les reflets, dont ils brillent dans l'élément qui leur est propre , s'effacent dès qu'ils en sortent ; et pour que le pinceau pût les saisir et les rendre, il faudroit qu'il ne s'exerçât que sur les poissons retenus dans le fluide même au milieu duquel ils vivent; l'instant où on les en tire est déjà un commencement de décoloration, et elle augmente sensible- ment en un court espace de tems. La mort DE PREPARATION. S49 de ces animaux achève souvent de les dé- pouiller de toute leur parure , et il n'en. existe plus de trace lorsque leur peau est desséchée. Il est donc inutile de chercher à retenir, sur la dépouille , des poissons des teintes si fugitives 5 et qui ont besoin pour exister et de la vie de Tanimal et de l'humide dont ils ne peuvent se passer. On peut y suppléer en peignant , sur le poisson préparé , les couleurs qu'on lui coiinoit dans Feau; mais quel que soit l'art du coloriste , Timage sera toujours foible et sèche si on la compare au pinceau inimitable de la Nature. Tout ce qu'il m'a paru possible d'obtenir de moins mauvais en ce genre , je Tai vu , il y a plus de vingt ans, chez un médecin de Cette, le docteur Boriès , qui s'occupoit de l'his- toire naturelle et de la préparation des poissons ; les échantillons que je trouvai chez lui avoient encore , sinon l'éclat , du mioins une partie des couleurs de la nature vivante. Rien d'aussi beau en ce geme ne s'est olïert nulle part à mes recherches. M. Boriès faisoit un secret des moyens qu'il employoit pour la conservation de ses pois- sons. 11 me promit néanmoins de le com- muniquer à BulFon, à qui je li* part de ce 55o M E T H O D E S que j avois vu; mais comme il attachoifc une haute valeur à sa méthode, il paroît que les arrangemens qu'il proposa ne convinrent pas 5 et que son secret fut enseveli avec lui. Lorsque, dans le cours d'un voyage on veut rassembler et envoyer les poissons de contrées lointaines, il faut se souvenir que ces animaux ont, plus que les quadrupèdes et les oiseaux , la fibre lâche , le sang fluide y les humeurs et toute la substance aqueuse , et qu'ils se corrompent plus aisément que les autres ii*nimaux; ainsi, quelle que soit la liqueur dans laquelle on les trempe , il est nécessaire de la changer jusqu'à ce qu'elle ne se trouble plus. On envoie les poissons tout entiers , ou Ton se contente d'en prendre la dépouille. Dans le premier cas on les plonge dans quelque liqueur spiritueuse, de l'esprit de vin , de l'eau de vie , du tafia, etc. ; et , comme je viens de le dire, on ne ferme le vaisseau qui les contient que quand la liqueur re- nouvelée plusieurs fois , suivant ]a grandeur des animaux, ne perd plus rien ni de la lim- pidité ni de l'odeur qui lui sont propres; alors le coi-ps des poissons s'est dépouillé des parties flegmatiques et lymphatiques, qui pouvoient tendre à la corruption ; et DE PREPARATION. 55i l'on peut alors sceller le vase pour en faire renvoi. La liqueur chargée des parties des pois- sons , disposées à se corrompre , n^est pas perdue; en la distillant de nouveau , elle reprend toute sa limpidité et toute sa force. Si la situation du voyageur ne lui permet pas d'user de la précaution de changer plu- sieurs fois la liqueur spiritueuse dans la- quelle il aura mis des poissons , il se bornera à observer que la masse des poissons plongés dans le liquide n'occupe qu'un quart envi- ron du vaisseau qui les contient, et que le reste soit rempli par la liqueur. Au moyeu de cette attention , quoique la liqueur se trouble et qu'elle commence à exhaler une odeur qui lui est étrangère , la putréfaction, quoique commencée , n'aura pas lieu. L'on augmentera ou Ton diminuera la proportion entre la masse des poissons et la quantité de la liqueur conservatrice, suivant son plus ou moins de force. 11 est encore d'autres attentions de détails pour l'envoi des poissons et des autres ani- maux dans des bocaux ou des barils ; je les laisserai prescrire par un naturaliste qui toute sa vie s'est occupé de faire venir des animaux des pays les plus éloignés pour en 552 METHODES former une belle collection. Voici ce que Maucluyt recommande à ce sujet: (( L'esprit de vin et l'eau de vie sont des huiles subliles ^ pures , éthérées. Elles brûlent sans répandre de fumée , et ne laissent de résidu après rinflammation qu'un phlegme limpide , tenu purement aqueux. Le tafîa et l'eau de vie de grain sont moins subtils ; ils répandent de la fumée en brûlant, et laissent après finflammation un résidu gras, jaunâtre ou noirci par faction du feu. » La subtilité, la pureté, la limpidité de l'esprit de vin et de l'eau de vie les rendent les liqueurs les plus propres à la conservation des animaux. Le tafia et l'eau de vie de grain laissent sur les corps qu'ils ont baignés un vernis gras qui est le dépôt de la substance onctueuse qu'ils contiennent. Ce défaut est sur- tout celui du tafia ,* on pourroit l'en corriger et le rendre plus propre à l'objet dont je traite, en mêlant à la quantité de tafia qu'on deslineroit à conserver des ani- maux, avant de les distiller, une certaine quantité d alkali , ou simplement des cendres. On pourroit , si l'on ne vouloit pas recom- mencer la distillation , faire bouillir seule- ment le tafia après y avoir mêlé des cendres; il se formeroit une écume qu'on rejetterait ovi DE PREPARATION. 553 on laisseroit reposer la liqueur , et on la verseroit par inclinaison dans le vase où Ton Youdroit ]a conserver. L'alkali s'empareroit de la plus grande partie de la substance grasse , et le talia scroit meilleur pour l'usage que nous nous proposons. )) Un autre défaut du tafia et de l'eau de vie de grain , c'est d'être excessivement des- sicalifs. Les corps des animaux , qui y sont demeurés plongé-, pendant quelque tems , perdent beaucoup de leur substance. Ces liqueurs extraient les graisses , la l^aiiphe, le sang et tous les fluides ; elles jéduisent les chairs , les cartilages, les membranes à l'état de simples faisceaux de fibres sans suc. Cette action des liqueurs est cause que les animaux, au bout d'un tems d'immersion, ont perdu peut-être plus du tiers de leur volume. Leur peau est aussi corrodée, et leurs membres sont décharnés ; la substance de leiu^ bec est usée , et celle même des plumes ou des poils se trouve altérée. La peau est en même tems si usée, qu'on doit la traiter avec beau- coup de précaution pour ne pas la déchirer ; il faut et de l'art et de la patience pour dé- pouiller l'animal, et remplir ensuite sa peau sans l'endommager. Si le but est d'observer les viscères , on les trouve rétrécis , racornis , Poiss. Tome XL Z 354 METHODES sans souplesse ^ sans flexibilité. On en dis- tingue à la vérité la niasse , mais on a bien de la peine à en développer le tissu; il est très-difficile de séparer les membranes, de découvrir les canaux fins et déliés, dont la recherche est l'objet le plus important. Il est cependant un moyen de remédier à Tintempérie dessicative du tafia et de Teau de vie de giain; c'est de les aiïoiblir en y mêlant un quart ou un tiers de leur masse d'e^au douce distillée , ou au moins d'eau très-claire. La liqueur devient en total moins limpide; elle prend un œil laiteux, mais le tout est sans inconvénient. Celui qu'on doit craindre , c'est de diminuer la vertu con- servai rice des liqueurs. Voici comment on - peut remédier à tous les obstacles c]ui se présentent. Lorsqu'on veut envo3er des animaux dans le tafia ou dans l'eau de vie de grain, il faut auparavant laisser dégorger ces anima ux dans les mêmes liqueurs , les changer jusqu'à ce qu'elles ne se troublent plus, et alors mettre les animaux dans des barriques remplies de tafia ou d'eau de vie de grain, afîbiblis d'un tiers d'eau. Les ani- maux ayant élé dépouillés dans les premières immersions des parties putrides , le tafia ou l'eau de vie de grain, quoiqu'affoiblis, con- DE PREPARATION. 555 serveront les animaux aussi long-tems qu'où le voudra , et ils n'auront plus assez de force pour les dessécher outre mesure. )) Je résume et je dis : il faut employer par préférence l'esprit de vin et l'eau de vie; on peut se servir du tafia et de l'eau de vie de grain , mais il ne faut les employer qu'en les aifoiblissant par le mélange d'un tiers d'eau ; il ne faut faire ce mélange qu'en traitant la dernière liqueur où l'on plonge les animaux, et il faut auparavant les avoir fait dégorger daus le tafia ou l'eau de vie de grain pur. )) 11 me reste à parler-des précautions qu'on doit prendre en plongeant les animaux dans les liqueurs conservatrices^ ou de la manière de les arranger dans les barriques. Si l'on n'a que l'anatomie en vue , les précautions dont j'ai parlé sont suffisantes; mais, si l'on se propose d'envoyer des animaux qu'on puisse un jour remonter, il faut se donner d'autres peines , et apporter des attentions que je n'ai pas encore fait connoitre. Les animaux plongés au hasard dans la liqueur y flotteront; ils y seront poussés de côté et d'autre ; ils s'agiteront les uns contre les autres dans le tems que le vaisseau où les barriques seront chargées sera battu , trou- Z 2 356 METHODES nienté , élevé , précipité par les flots. Les poils 5 les plumes, les écailles s'hérisseront, se désuniront, s'useront, seront arrachés, ou prendront de faux plis , et des positions à contre-sens, que Fart le plus ingénieux ne pourra leur faire perdre par la suite. Il ne faut donc pas se contenter de plonger les anioiaux dans la liqueur, les y abandonner au hasard de ce qu'ils pourront devenir ; mais on doit placer, en travers des barriques défoncées par un bout et posées sur l'autre , des traverses de bois assujetties avec des clous qui passent à travers le bois de la barrique , pour gagner des traverses ; il faut envelopper chaque animal dans une toile qui le serre , en prenant garde de chiffonner sa robe , soit qu'on couse la toile ou qu'on l'assujetlisse par un fil qu'on tortille autour , et qu'on noue aux deux bouts. Ensuite on passe au bout de la toile , où répond la tête de l'animal , un fil ou une corde suivant le poids , et on attache ce ft] ou cette corde à une des tra- verses. Par ce moyen, quelle que soit l'agi- tation de la barrique , les animaux flottent toujours au milieu du fluide qui amortit les coups ; les linges empêchent que les poils ou les plumes ne se dérangent , ne soient ni froissés, ni usés et airachés. Il faut,, autant DE PREPARATION. 5Sj qu'on le peut , que les banques soient assez longues pour que les animaux y aient toute leur étendue. On remet ensuite le fond de la barrique , après l'avoir bien remplie ; car c'est encore une attention qu'il faut avoir de ]a remplir autant qu'il est possible. On prend ensuite les précautions nécessaires pour que les matelots , espèce de gens à qui la misère et la grossièreté rendent tout propre, et dépouillent de toute espèce de délicatesse , ne percent pas les barriques et ne boivent pas la liqueur qu'elles contien- nent. On y parvient en mettant la barrique dans un toimeau plus grand , ou en l'en- tourant de beaucoup de paille , et l'enve- loppant d'une toile goudronnée. Malgré ces précautions , il arrive quelquefois que les matelots percent les barriques , et trouvent le moyen d'en boire la liqueur. Cela seul devToit empêcher l'usage que quelques-uns recommandent, de mêler des poisons aux liqueurs dans lesquelles on envoie des ani- maux , quand même ces conseils ne seroient pas d'ailleurs pernicieux et inutiles. )) Jusqu'ici je ne me suis occupé que des moj^ens propres à conserver les au i maux qu'on veut envoyer de pays éloignés, qui Z 5 358 METHODES ont un long trajet à parcourir, et beaucoup de teuis à passer dans les barriques avacl de parvenir à leur destination. Si au contrairo on ne veut que faire passer des animaux d'une province à une autre ; s'ils doivent airiver à leur destination dans l'espace de quinze jours , ou même d'un mois , il est inutile de les plonger dans les liqueurs con- servatrices spiritueuses. Si c'est en hyver 5 ou depuis le mois de novembre jusqu'au mois d'à V {il , il ïïy aura aucune précaution à prendre , sur-iout si le tems est sec et froid; mais si c'est en élé, ou qu'en liyverle tems soit humide, les animaux pourront encore sup- porter un délai de quinze jours et plus sans se corrompre, et sans qu'on ait recours aux liqueurs spiritueuses , en usant du moyen suivant. Il consiste à employer des plantes aromatiques desséchées et réduites en poudre grossière ; telles que le laurier franc, la sauge , les fleurs de lavande , le ihjm , le basilic , le pouliot, et des plantes amères; telles que l'absyntlie, la rliue, la tanaisie , fauj'one , les santolines, etc. Il n'est pas nécessaire de réunir toutes ces plantes ; deux ou trois, une seule même, si elle est très - aromalique ^ suffit. On fait sécher ces plantes à l'ombre; on les réduit en grosse poussière, et on les é DE PREPARATION. 55ç^ conserve pour le besoin dans des boîtes bien fejniées, où elles iie perdenL rien de leur principe aromatique , ou amer et volalil. On fait un lit de ces poudres au fond de la boîte où Ton veut envoyer un animal ; on le couche sur ce lit; on le recouvre en- suite de la même poudre, qu'il ne faut pas épargner. On a soin d'en introduire entre le coi'ps et les cuisses , le corps et les ailes des oiseaux, et d'observer que l'animal entier en soit tout à fait couvert. Ces poudres re- tardent la putréfaction; elles l'empcclieroient même totalement si les animaux n'aboient que peu de volume, et ils se dessécheroient sans se corrompre. On peut, en usant de ce mo} en , envoyer des animaux de cent et deux cents lîeues par les messageries et les voitures ordinaires , comme je m'en suis assuré par des expériences réitérées. » 8i l'on est au fort de l'été , ou que les animaux que l'on veut envoyer soient fort grands , ou de nature à se corrom[)re ou à se dessécher promptement, tels que sont les poissons, les reptiles, tous les oiseaux qui se nourrissent de vers ou d'insectes, alors il est indispensable d'avoir recours aux liqueurs conservatrices. Cependant il en est une dont je n'ai pas encore parle, parce que je ne suis 2j 4 56o M E T H ODES pas assuré qu'elle soit efficace pour un loug espace de terns, qui })eut suffire pour con- server les animaux qu'on y plonge un mois et plus, et qui n'est pas dispendieuse comme l'esprit de vin et Teau de vie , les seules li- queurs dont on soit à portée de faire usage dans nos climats. Celle dont je parle n'est que de l'eau ordinaire saturée d'alun. Ce sel lui communique une qualité stiptique , anti-putride et acide , qui résiste puissamment à la fermentation. J'ai conservé dans de l'eau ainsi saturée d'alun , pendant cinq et six se- maines, des animaîjx que je n'avois pas le teras de disséquer au moment où je les avois reçus, et pour lesquels je ne voulois pas faire la dépense de les plonger dans l'esprit de YLii ou dans Feau de vie : ils s'y sont parfaitement conservés. Je n'ai eu d'autre attention que de renouveler l'eau une ou deux fois, quand j'ai vu qu'elle commençoit à trop se charger du sang qu'elle avoit dissous, enfin à se troubler. Je crois donc qu'en plon- geant , dans de l'eau aluminée , des animaux qu'on voudroit faire passer d'une province à une autre , en les gardant cinq à six jours et les changeant d'eau deux fois dans cet espace de tems, les enfermant ensuite dans une barrique pleine d'une pareille eau, ils DE PREPARATION. 36i ariiveroieiit en bon état au bout de trois semaines, et même d'un mois de route. » Il faiidroit déterminer la quantité d'alun par rapport au volume d'eau : c'est ce que j'avoue que je n'ai pas fait; mais, dans les essais que j'ai tentés , l'eau étoit saturée d'alun au point qu'il comniençoit à cristal- liser sur les bords du vase au bout de 20 k 24 heures ; ce qui prouve que l'eau que j'employois étoit saturée autant qu'elle peut l'être à froid. Je crois que cet essai mériteroit d'être suivi, que ce seroit peut-être un moyen de plus pour conserver les animaux et dimi- nuer beaucoup la dépense. Je ne me suis pas aperçu, dans les essais que j'ai faits, qu'il en jésultât aucun mauvais effet. )) Si l'on vouloit épargner la dépense dans l'usage que je propose de l'alun , on pourroit ne pas perdre celui qui auroit été dissous dans les premières eaux où on auroit plongé les animaux. 11 n'y auroit qu'à faire éva- porer l'eau,* opération qu'on accélère roit en la mettant sur le feu ; on trouveroit l'alun cristallisé au fond et autour du vase. Mais il faudroit, dans cette expérience, se servir de terrines de grès ou de terre , et non pas de vaisseaux de cuivre. J'exhorte les per- sonnes qui en auront le loisir à déterminer 362 M E T H O D E S les propriétés de l'eau suturée d'alun , et à nous apprendre si ce moyen ne seioit pas très- bon pour conserver les animaux , les rendre pendant long-tems incoiTuptibles, et les envoyer de très-loin à fort peu de frai^. » Ou pourroit encore essayer les propriétés de Teau saturée de vitriol, de niire el de sel commun ou sel marin. Il y a quelques per- sonnes qui sont dans l'habitude de conserver les animaux desséchés en les vuidant , en soulevant la peau en différens endroit* du corps, et en introduisant à la place des viscères , et entre la chair et la peau , de l'alun, du vitriol et de la chaux en poudre. Cette méîhode ne vaut rien , parce qu^oa ne parvient, en l'employant, qu'à avoir des animaux déformés , maigres , décharnés ; mais elle indique combien Falun et le vitriol ont de force pour résister à la putridifé. )) Je ne me suis encore occupé que des moyens crenvoyer les animaux dans les li- queurs conservatrices. Les personnes dont l'anatomie est le but me pardonneront le tems que j'ai employé; mais celles qui n'ont en vue que de recevoir des animaux propres à être montés, à orner une collection, et h faire spectacle, le regarderont comme peidu. Eu elïet, les animaux qu'on envoie dans îa DE PREPARATION. 363 liqueur, quelque soin qu'on ait pris, perdent tot:joius quelque chose de leur beauté; et si l'on veut que ceux qu'on ramasse soient aussi propres à être remontés qu'ils peuvent l'èlie, il faut n'en envoyer que les peaux (i) ». Un bon et peul-èlre le meilleur, comme le plus simple des moyens de conserver les poissons, pour les avoir bien entiers, est d'enlever par leur bouche tous les viscères et le plus de chair qu'il sera possible sans entamer la peau; ensuite on remplit de sable les poissons ainsi vuidés, afin d'en conserver parfaitement la forme; on les fait sécher dans cet état , puis on passe en dehors et en dedans une couche de veinis blanc pour les préserver des attaques des insectes. Cette opération est longue à la vérité , mais elle est facile et son résullat est satisfaisant. Mauduyt a proposé des procédés plus longs, dont je tne contenterai de présenter l'extrait. On soulève une des valvules os- seuses et mobiles qui couvrent les ouïes; on anache et enlève ces ouïes, et lorsqu'on s'est fait jour, on détache avec la lame d'un scalpel la peau d'avec les chairs, en tra- vaillant en dessous de la peau ; Ton passe (i) Journal de pbysiiiiie , décembre 1775. 564 METHODES ensuite du côté de l'autre ouïe , et Ton opère de la même manière ; alors avec de forts ciseaux ou avec un couteau on sépare Tépine dorsale à sa jonction avec la tête. Si Ton a séparé circulairement la peau des chairs, si la bouche du poisson est très-large, en refoulant la tête en dedans, poussant le corps en dehors et détachant la peau à me- sure que le corps sort par la bouche , on parvient à doubler toute la peau, à la re- plier sur elle-même et à faire sortir tout le corps par la bouche , sans avoir fait au- cune ouverture. Mais, si la bouche est trop étroite pour que le corps puisse y passer, on coupe la peau en travers au dessous des ouïes, après avoir détaché les chairs qui sont près de la tête, et séparé Fépine dor- sale; on rejette alors la tête sur le dos, et l'on fait sortir tout le corps par l'ouverture transversale pratiquée au dessous des ouïes, en repliant la peau sur elle-même en ar- rière, poussant le corps, le tirant en avant et en détachant, soit avec la lame , soit avec le dos du scalpel, la peau d'avec les chairs. Cette opération , convenable pour les poissons de forme oblongue et à peu près cylindrique, ne peut avoir lieu pour les poissons plats, dont l'ouverture de la bouche, DE PREPARATION. 365 ni celle que Ton feroit ed coupant la peau transversalement au dessous des ouïes , ne seroit assez am[)le pour donner passage au corps. 11 y a beaucoup de difficultés à écor- cher ces poissons saus fendre la peau; on y parvient néanmoins avec de l'adresse et de la patience,* il faut soulever une des ouïes, enlever par le moyen de pinces ou déta- cher avec le scalpel les premiers objets qui se présentent, séparer avec des ciseaux la colonne épinière à sa jonction avec la tête , introduire d'un côté , puis de l'autre , en retournant le poisson , entre la peau et les chairs, un morceau de bois aplati, tran- chant et arrondi en forme de spatule par son extrémité 5 et le pousser jusqu'à l'origine de la queue. Lorsqu'on a opéré de cette manière sur les deux côtés , la peau est par-tout séparée d'avec le corps ; alors on coupe en dedans avec des ciseaux , aussi loin qu'on le peut, de l'un et l'autre côté, les nageoires qui les bordent , et dont les franges sont en dehors et l'insertion en dedans; puis avec des pinces ou un crochet on ari^ache les chairs; on brise l'épine dorsale et les arêtes à mesure que l'on avance dans l'opération. Quand les parties , qui répondoient à la lon- jgueur de cq qui a été coupé de droite et d« 366 METHODES gauche > sont ealevées , on passe la main par le vuide que laissent Jes parlies ôLées ; on continue de couper à droite et à gauc-lie, avec des ciseaux, l'origine des nageoires; on brise l'épine et les arêtes, et on parvient ainsi jusqu'à la queue. Les poissons étant écorchés , si l'on a fait une incision aux ouïes, on rapproche et on recoud la peau le plus promptement possible ; on entoure ensuite les membranes des ouïes avec un ruban qui les tienne fermées. On suspend les poissons par le moyen de cro- chets obtus, en sorte que leur bouche reste ouverte autant qu'elle peut l'être. Alors on tire la peau, en pinçant et pesant sur la queue; on l'étend avec l'autre main en glis- sant dans le sens des écailles; puis on verse, par la bouche ouverte, du sable bien fin , d'un grain égal et sec, qui par son poids distend la peau, s'introduit et se répand éga- lement par-tout. Quand la peau est remplie de sable Jusqu'à la bouche, on en ferme l'ouverture et Fassujettit avec un ruban ou des bandelettes de toile ; on passe cette dé- pouille ainsi remplie sur une table; on étend ses nageoires; on les lixe et on les contient avec des crochets de fil de fer; enfin on expose la peau à l'air ? mais à Fabri d'un DE PREPARATION. 567 soleil trop aident; elle se des-jèclie bientôt. Loisque la peau est parfaitement sèciie , oa défciit les bandelelles qui tenoient la bouche fermée, on rouvre de force et on fait écou- ler le sable; la peau se soutient d'elle-même et elle oUre à la fois un corps volumineux et très-léger; il ne reste plus qu'à l'animer par une couche de vernis dessicatif , qui sert et à sa conservation et à lui len dre une foible poition du lustre qui briiloit sur l'ani^ mal vivant. Enfm on pose les yeux d'émail, de forme et de couleur convenables, et 011 les assujettit dans les orbites avec un peu de mastic. Si l'on ne veut conserver les poissons que par la moitié seulement , on les pose le dos sur une table garnie d'un huge ; on fend avec des ciseaux la lèvve supérieuî'e à peu près dans son milieu; puis avec un scalpel à dos, ou, selon le besoin, avec un instru- ment tranchant plus fort, on fend la tète en deux et l'on continue d'inciser la peau, en long jusqu'à l'origine de la queue, en passant au bas et à côté de la nageoire du dos. L'on sépare ensuite la peau avec le scalpel ou un morceau de bois aplati ; Fou coupe avec des ciseaux la racine de la na- geoire du dos, et lorsqu'on est parvenu à 368 METHODES la nageoire de ]a queue, on rompt ]a co- lonne vertébrale; rien n'en i pêche plus alors de rejeter la peau du côté où Ton est placé ; on la sépare dWec celle de l'autre côté par une incision longitudinale , et Fon aura un côté de la peau du poisson, à laquelle tien- dront une moitié de la tête , la queue , la nageoire du dos et Tune des deux ventrales. La moitié de la peau d'un poisson , pré- parée de cette manière, on Tétend sur une table, de façon que l'intérieur soit en des- sus ; et après l'avoir remplie de coton ou d'étoupes, on la retourne , en prenant garde qu'il n'écliappe que le moins possible de ces matières. On fixe la peau et les nageoires avec de fortes épingles ou des pointes enfoncées dans la table de distance en distance. Si l'on commence par assujettir le côté de la queue, ce qui est le plus facile, on intro- duit à mesure du coton ou des étoupes entre la table et la peau, par-tout où il en est besoin. On laisse sécher la peau; on retire les pointes qui la contenoient; on la vernit en dehors et en dedans; on la place sur le fond d'une armoire ou d'un cadre, et l'on aura la représentation d'un poisson , qui tiendra le moins de place qu'il est possible, et DE PREPARATION. 5Gç) el dont la peau, étant vernie des deux côtés, sera moins exposée que de ioute autre ma- nière aux ravages des insectes. L'opération pour conserver par moitié les poissons plats est la même que pour les poissons de forme C3dindrique. Mais , si Ton veut voir les deux côtés d'un poisson plat,, lesquels ont des couleurs différentes, il faut préparer deux poissons de la même espèce et de la même grandeur, afin d'avoir chaque moitié avec ses nageoires. Cependant , comme Tune des faces de la plupart de ces poissons est blanche, on pourroit se contenter de celle qui est colorée. Gronovius a décrit une niélhode très- simple de préparer les poissoas, eii ne con- servant que la moitié de leur peau. ■> 11 faut pour cet effet une paire de ciseaux à pointe aiguë, de petites planches de bois de tilleul ou des assiettes de bois, une aiguille très-fine , des bandes dé parchemin aussi larges que les poissons , et des camions ou petites épingles. ■ i. l.;.. Prenez le poisson par votre imain gauche , de sorte que soii ventre soit vers le creux de votre main ^ et sa tête vei^s votre poi- trine : faites ensuite avec l'aiguille une petite ovivert'me dernière la tête, introduisez-y la jPoi.s.9. Tome II. A a 370 METHODES pointe des ciseaux , et coupez doucement de ]à jusqu'à la queue. Si vous voulez con- server le côl^ droit, il faut conduire les ciseaux du côté gauche de la nageoiie. Cela étant fait, pointez vos ciseaux plus profon- dément, et divisez la chair jusc(u'à Tépine du dos ; ensuite tournez le poisson le ventre en haut, et procédez de même en coupani avec les ciseaux k travers la tête et les mâ- choires. Enlevez la cervelle et les ouïes ; le poisson alors se sépare aisément ; les intes- tins paroissent et on les enlève sans peine. Il faut ensuite emporter Fépine du dos , laver le poisson, le frotter avec un linge jusqu'à ce qu'il soit sec , et le placer sur une planche , de manière que la peau cou- verte de ses écailles soit au dessus, et tenir toutes les nageoires et la queue étendues avec des épingles. Il faut l'exposer après cela au soleil en été, ou au feu en hyver, jus- qu'à ce que la peau soit tout à fait sèche et dure; ensuite il faut le tourner, et exposer de même la chair au soleil ou au feu jusqu^à ce qu'elle soit sèche aussi. On peut alors séparer la peau de la chair avec très -peu de peine, et l'ayant mise entre deux papiers, il faut l'aplatir à la presse; mais, comme la pression fuit toujours sortir une espèce d# DE PREPAR7VTION. 371 matière glutineuse entre les écailles et la. peau, il faut mettre sous le poisson un mor- ceau de parchemin qu^on sépare aisément des écailles, au lieu que le papier s'y attache toujours. 11 est nécessaire , par la même rai- son, de renouveler le parchemin au bout d'une heure ou deux. Par ce moyen, dans l'espace de vingt-quatre heures, le poisson, est préparé (1). Les opérations, décrites par Mauduyt, ne laissent pas d'exiger une main adroite et exercée. En voici une autre plus facile et plus commode , particulièrement pour dé- pouiller les poissons plats, qui sont, comme l'on sait, fort nombreux dans cette classe d'animaux. Nicolas, professeur de chimie, a publié ce procédé dans un petit ouvrage intitulé : Méthode de préparer et consen^er les animaux de toutes les classes, pour les cabinets d'histoire naturelle ; Paris , chez Buisson , rue Hautefeuille , an 9. c( On fait d'abord une incision longitudi- nale, avec des ciseaux, sous le ventre du poisson , depuis l'anus jusqu'à sa mandibule inférieure ; et puis , pour commencer à dé- " ' I . -11» ■ I- -1 . u I u .1 I ,, ^ (1) Transactions philosophi(jue3 de la société <1# Londres, année 1742 ; n*' 463. A a a 572 METHODES pouiller le poisson, on saisit d'abord la peau avec de petites pinces à Toi igine de Tinci- sion 5 et on la détache peu à peu des chairs avec la lame du scalpel , et ensuite avec son manche aplati ; ce que Ton continue de faire sur toute la longueur de Tincision lon- gitudinale 5 et ce jusqu'à ce que Ton soit parvenu à mettre à découvert un des côtés de ranimai. )) On le retourne ensuite de l'autre côté , et on procède de la même manière à Tenlè- vement de la peau de cette partie ; après quoi on coupe , avec des ciseaux, l'épine dorsale à son insertion avec la tète , ainsi que toutes les parties charnues qui y sont adhérentes. » La tête étant dégagée, on la laisse tom- ber le long du corps, et on achève de détacher la peau du dos jusqu'à l'anus; arrivé en cet endroit , on pose le poisson sur une table , et on fait pénétrer entre la peau qui recouvre la queue et les chairs, le manche du scalpel, pour la détacher complettement. Cela fait, on pousse la queue de dehors en dedans pour la retourner en totalité , ce à quoi on par- vient à l'aide d'un scalpel et en refoulant continuellement la peau , mais avec peu d'efforts, jusqu'à ce qu'elle soit descendue DE PREPARATION. 373 vers les dernières arêtes, qui ont une forme d'éventail. On coupe avec des ciseaux les arêtes et les chairs, tout près de l'extréjnité de la queue; ce qui sépare entièrement le corps de sa peau, et on arrache ensuite les ouïes et les yeux , et on nettoie proprement la tête. » La peau étant ainsi dégagée du corps charnu , il faut la mettre* en macération pendant quelques jours dans la liqueur tannante ; on l'en retire ensiiite pour lui i^endre sa forme naturelle ; ce à quoi on parvient de la manière suivante : On étend cette peau sur une table ; et après avoir bien arrangé la tête dans sa position , on remplit un des côtés de la peau , de terre argileuse molle , mêlée à beaucoup de sable fin; on lui fait prendre, en la pétrissant avec les doigts , la forme du corps de l'animal ; on recouvre ensuTfë cette espèce de manne- quin de l'autre partie de la peau ; on rap- proche les bords des incisions les uns des autres, le plus près possible; et après avoir assujetti le tout avec de petites bandes de linge , on le laisse sécher. La peau prend <\e la consistance par la dessication , et con- serve parfaitement sa forme : mais l'animal en cet état n'est point k l'abji des insectes Aa 3 374 METHODES rongeurs; il faut encore à leur égard prendre d'autres précautions. On retire d'abord avec de petites pinces, par l'incision longitudinale, en soulevant un peu la peau , toute la terre argileuse renfermée dans le corps ; ce qu'il est facile de faire en rompant cette terre en petits fragmensj avec la lame d'un couteau. » Cela fait, on enduit tout l'intérieur de la peau et de la tête, au moyen d'un petit pinceau , de pommade savonneuse cam- phrée ; et après avoir entièrement rempli le corps de fîksse hachée , on recoud pro- prement et à points serrés l'incision longi- tudinale , pour que la couture soit le moins visible possible ; après quoi on pose les yeux artificiels dans les orbites, et on les y fixe avec un peu de cire molle , et on passe ensuite , sur toute la surface de la peau , une couche de vernis blanc, fait avec quatre onces de térébenthine claire , trois onces de sandaraque , une once de mastic en larmes , huit onces d'essence ou huile de térében- thine, et quatre onces d'alcohol, ou esprit de vin à 3o ou 02 dégrés ; le tout mis en digestion dans une bouteille au bain marie, c'est-à-dire , dans de l'eau bouillante ; mais il vaut encore mieux n'employer qu'une dissolution de gomme arabique. DE PREPARATION. 575 » On peut, si l'on veut, se dispenser de faire un no} au de terre glaise pour donner la forme aux poissons. Les peaux , en sor- tant du bain de macération , étant bien enduites de pommade savonneuse , peuvent être rembourrées de suite ; mais il est à craindre qu'elles ne coutractent quelques rides en se desséchant. » Pour conserver aux peaux des poissons leur couleur naturelle , ou au moins éviter qu'elles ne se noircissent trop par la dessi- cation , il faut les faire tremper quelque tems dans une liqueur chargée d'acide mu- ria tique oxygéné , en sortant de la macé- ration dans la liqueur tannante; cette ma- nipulation blanchit singulièrement bien les peaux et leur rend , pour ainsi dire , leur fraîcheur naturelle. )> La liqueur propre à blanchir les peaux des poissons se prépare en faisant distiller de l'acide muriatique ordinaire sur de l'oxyde de manganèse , dans une cornue de verre , ayant un tube recourbé , luté à son bec. On place la cornue dans un bain de sable ; et après avoir fait plonger l'extrémité recourbée du tube de verre dans une cer- taine quantité d'eau, on allume le fourneau , et on procède ensuite à la distillation. Huit Aa4 376 METHODE S, etcl onces d'acide et quatre onces d'oxyde de manganèse du commerce , suffisent pour oxygéner environ vingt pintes d'eau ». Enfin , si l'on veut préparer les squelettes des poissons, il est une melliode fort simple que 1 on doit à DaubenLon; elle est consignée daus un Mémoire que cet illusk^e natura- liste lut à rinslitut de Paris en J797. Ce procédé consiste à faire cuire le poisson dans de IVau 5. jusqu'au point de pouvoir en dé- tacher les chairs à l'aide du scalpel. Lors- qu'elles sont enlevées , on fait avec un poinçon , à mesure que l'on découvre une jointure, un peiit trou pour y passer un fil de laiton ou d'argent , et l'y nouer. Cette opération n'est pas difficile , et ne demande nulle connoissance d'anatomie. Des femmes même pourroient s'occuper de ce travail, qui n'exige que de ia patience et de la dextérité. Il n'a rien de répugnant ; c'est , dit Daubenton, comme si l'on dépéçoit uh poisson dans un repas , pour en servir aux convives. DES FILETS, De leur fabrique y de leur entretien , et de leurs différentes espèces. Xjes filets qu'on emploie dans nos mers sont fails généralement avec de bon fil retors du meilJeui; brin de chanvre ou de lin. Cependant on fait en Provence quelques gros filets avec de l'auffe (i), et les groen- landais avec des barbes de baleine (2) ou des nerfs de daim. Lionel "Waffer dit aussi que les indiens de Tistlime de l'Amérique pèchent avec de grands filets d'écorce de mahot, etc. Quelques pêcheurs établis dans les villages sèment un champ en chenevis; ils font la récolte du chanvre ; ils le rouissent , le teillent , le sérancent eux-mêmes, et se dispensent par - là d'en acheter. Mais ces travaux s'associent difficilement avec les occupations continuelles de la pêche, et ils (i) Stipa tenacissima , Lin. (2) Celte sorte de filets vaut mieux que ceux de chanvre. 578 SUR LES FILETS sont absolument impraticables pour les pê- forme toutes les demi -mailles c[ai doivent faire la levure sur uue corde qui est tendue sur une règle de bois qu'on suspend en équilibre par les cordes à un crochet , afin de pouvoir aisément tourner le filet à toutes les rangées. Ayant fait la fausse maille dans laquelle passe une cheville, et qui sert à arrêter les demi r- mailles qu'on fera dans la suite sur toute la longueur de la corde, on garnit ces demi - mailles. Ces demi-mailles, qui sont faites sur uu moule-, paroissent arrondies par en bas ; mais, quand on fera les mailles du premier rang qui 's'attachent au milieu des demi- mailles, ces demi- mailles, qui étoient arron- dies , seront devenues triangulaires , ainsi que toutes les suivantes. De même les mailles qui sont arrondies par en bas deviendront an- guleuses , et formeront des losanges quand on aura fait le second rang de mailles. Il est clair qu'en continuant de travailler les autres rangs de mailles, comme nous venons de l'expliquer, on fera toute l'étendue du filet en mailles losangées. Mais il est bon de faire remarquer qu'on fait toujours les filets de maille de gauche à droite. Ainsi , quand une rangée est^ faite. 4io SUR LES FILETS dans toute îa largeur du iilet, on doit re- tourner pour revenir sur ses pas^, et faire la seconde rangée, toujours de gauche à droite, et les suivantes de même jusqu'à ce que le filet soit achevé. Pour exécuter le travail que iious venons d'exposer d'une façon générale , il faut , quand on a fait la levure ou le premier rang de demi- mailles dans toute l'étendue que doit avoir la tête du filet, retourner le filet, de sorte que ce qui étoit du côté de la main droite se trouve du côté de la gauche , pour faire le premier rang de mailles; commen- çant ce rang par le bout, qui alors est du côté de la main gauche, et le finissant par le bout qui, lorsque le filet est retourné, se trouve du côté de ki main droite. Quand cette rangée sera finie, on retournera le filet pour commencer la troisième rangée par le bout , qui alors sera du côté de la main gauche, et le finir par le bout qui répondia à la main droite. Quand cette rangée sera finie , on retournera encore le filet pour commencer la troisième rangée. Nous ne poursuivrons pas plus Ion g- te ms le filet ,• ce que nous venons de diie feja comprendre où sont les attaches des diiïé- rentes mailles; comment les mailles, qui sont DE P E C H E. 411 arrondies au sortir du moule , deviennent losanges; et comment, à cause des attaches, il y a au bord du filet des mailles longues , et des demi-mailles qui forment une espèce de bordure. La plupart des laceurs arrêtent la pre- mière fausse maille par un nœud sur le pouce , et ils font toutes les autres avec le nœud sous le petit doigt. Cela ne doit point faire une règle générale; chacun est maître d'employer un nœud ou un autre. Comment on bride un filet à mailles en losange , pour qu'il ne paisse salonger aux dépens de sa largeur. Un inconvénient des filets à mailles en losange , est qu'ils changent beaucoup de forme , suivant qu'on les tire dans un sens ou dans un autre. Si on les tire dans une certaine direction , les mailles s'étendront beaucoup ; elles deviendront si étroites , que les fils se toucheront presque , et les mailles perdront presque toute leur ouverture ; ce seroit , en beaucoup de circonstances , un inconvénient considérable. On pourroit le prévenir et faire en sorte que les mailles conservassent leur forme 4i2 SUR LES FILETS régulière , en passant une corde dans toutes les mailles , et les assujetlisant sur cette corde avec un bon fil relors : c'est ce qu'on appelle border un fiîet. Mais les mailleurs pjoduisent le même effet d'une façon plus expéditive , et qui leur coule moins : pour cela , quand on a fait le dernier rang de mailles , on pose sous les dernières mailles un moule qui doit être beaucoup plus menu que celui qui a servi à faire les mailles. On fait au milieu du bas de la première maille une petile maille qui ne sert qu'à assujettir 3e moule , ensuite on passe le fil par devant le moule , et opérant à l'ordinaire pour mailler sous le petit doigt , on se trouve obligé de faire une révolution alongée, afin de gagner le milieu de la maille où l'on fait- un second nœud; puis, sans changer Ja position du moule, et y conservant les nouvelles mailles, on fait les révolutions et les nœuds. Quand on a ôté le moule , il doit rester un fil qui assujettit les demi^ mailles dans l'ouverture qu'elles doivent avoir. Si Ton employoit un moule trop gros , ou si, en faisant les nœuds, ou tenoit les mailles trop ouvertes, les fils, au lieu de forigaer une ligne droite d'un nœud k DE PECHE. 4i5 l'autre , feroient une courb(3 en dehors : ce seroit un défaut; les mailles ne seroient pas bien assujetties. Si le moule étoit trop menu, ou qu'en travaillant on tire les mailles trop près les unes des autres , les bords du filet seroient froncés , et le lilet feroit bourse. Lorsqu'on aura ainsi formé des mailles tout au pourtour du filet , il ne pourra plus changer de forme. Manière de joindre ensemble deux filets au moyen des mailles dont il vient d'être question. * Il est évident que, si Fou met l'un sur Fautre deux filets de même grandeur et qui aient des mailles pareilles , on pourra , en suivant ce qui vient d'être dit, réunir très- exactement ces deux filets, pourvu que Foa comprenne dans chaque nœud deux fils, un de chaque filet. Ce que c'est qu^enlarmer un filet. L'on a dit plus haut qu'enlarmer unfilet (i) c'est le border de grandes et fortes mailles faites avec de la ficelle, ou au moins avec (i) En allemand, ein netz saumen. 4i4 SUR LES FILETS un fil retors beaucoup plus fort que celui qui forme le filet, et crempéclier qu'il ne rompe quand on le traîne. Quelquefois , mais cela arrive rarement , on passe une corde dans les mailles de Yen- larmure; et celle Corde tendue faisant Toffice d'une tringle de rideau , pendant que les mailles servent d'anneaux, on peut plier le filet sur lui-même, comme l'on fait d'un ri- deau ; en ce cas , il paroît préférable de garnir les bords du filet avec des anneaux de métal, ce qu'on appelle des bouclettes ; mais il est bien rare qu'on fasse usage de filets ainsi montés. Pour enlarmer un filet, il faut avoir du fil retors ou do la ficelle , deux , trois ou quatre fois grosse comme Je fil qui a servi à faire le filet. On en. charge une grosse aiguille. Si la ficelle est assez une , on peut s'en servir pour faire deux rangs de mailles au bord du filet, la passant dans toutes les mailles inférieures, et l'assujettissant dans chacune par un nœud. Mais communément la ficelle qui sert pour enlarmer est grosse, et on fait les mailles fort grandes. Pour cela, on ne prend dans la ficelle les mailles que de deux en deux; assez souvent même oh passe deux mailles. DE P E C H E. 4i5 On forme des anses on œillets aux angles du filet qui servent à attacher les cordes pour le tendre ou le traîner. Poiu^ faire commodément les mailles de Fenlarmure, ainsi que les brides, on passe dans les maillés du bord opposé à celui où Ton va travailler une corde qu'on attache à deux crochets , ou dont on réunit les bouts par un nœud , pour faire une anse qu'on passe dans un crochet. Quand l'enlar^^ mure est faite, on retire cette corde. Des accrues. Les mailleurs font, en plusieurs circons- tances , des boucles , fausses mailles , ou mailles volantes , qu'ils nomment accrues , parce qu'elles leur servent à augmenter rétendue de leur filet dans un sens ou dans un autre , à volonté ( i ). Nous croyons devoir expliquer ici la façon de les faire, parce que les accrues sont absolument néces- saires pour faire les Blets à mailles carrées que nous avons promis de décrire. Nous choisissons, po'ur expliquer comment (i) Le terme des pêcheurs allemands, c'est :;^//2e////ze^, et les mailles ainsi ajoutées s'appellent einhœnge- maschen. 4i6 SUR LES FILETS on fait des accrues, un iilefc à mailles car- rées, pai'ce que la démonstration en sera plus sensible; cependant on jette des accrues aux filets à mailles en losange, comme à ceux à mailles carrées. Quand on a fait la levure .et le premier rang de mailles, si l'on veut faire une accrue après avoir fait le nœud qui assure une maille, on continue de mailler , mais en passant lencore le fil dans une autre maille pour former à l'angle de cette maille un second nœud. Lorsqu'on aura bien serré le nœud et retiré le moule , on aura l'anse qu'on nomme une accrue. Dans le tems qu'on fera la file de mailles , les mailles se termineroient s'il ny avoit point d'accrue; mais attendu que Ton passera le fil dans l'accrue comme dans une maille , et qu'on fera le nœud , la rangée des mailles sei^a prolongée. On peut concevoir comment, au moyen des accrues, on peut élargir un filet tant qu'on veut , car on peut former plusieurs accrues dans une ^Aq de mailles, et augmenter le nombre des mailles proportionnellement à celui des accrues. Il y a une autre façon de faire des accrues , a.u moyen de laquelle on augmente le nombre des DEPECHE. 4i7 des mailles, et par conséquent la largeur du filet à la rangée même où Ton forme l'accrue. Pour cela , on fait à l'ordinaire les mailles , et Ton porte le fil qui part d'une maille jus- qu'au nœud d'une maille du rang plus haut; on n'y fait ])oint de nœud : on passe seule- ment le fil dans une des jambes de la maille; on le descend, et l'on fai^ un nœud sur le pouce. Les autres mailles se font à l'ordl- waire : on voit que la file des mailles est augmentée d'une maille, ainsi que tous les rangs qui suivront. Comment on diminue la largeur du filet (i).' 11 est bien plus aisé de diminuer la largeur des filets que de l'augmenter , puisque le rétrécissement se fait en comprenant deux mailles dans un même nœud. Alors les fils des mailles seront doubles, ce qui n'est sujet à aucun inconvénient; mais le nombre des mailles de la file où l'on aura réuni deux mailles sera diminué d'un. Il est clair qu'on parviendra aussi à diminuer peu à peu la largeur d'un filet sans faire de difformité (i) En allemand, ahnehmen. Poiss. Tome II. Dd 4i8 SUR LES FILETS sensible; car on peut réunir des mailles au milieu des rangées comme sur les bords. Façon de travailler les filets à mailles carrées. Quoiqu'on fasse beaucoup plus de filets à mailles en losanges qu'à mailles carrées, il y a des ouvriers accoui unies à travailler les mailles carrées , qui prétendent que ces filets coûtent moins et qu'ils sont plus aisés à travailler. Ces filets ne se commencent pas comme ceux à mailles en losanges : on ne fait point une levure qui ait toute la largeur du filet. On commence les filets à mailles carrées par un angle. Ainsi 5 ayant une aiguille chargée de fil , et un moule proportionné à la grandeur que doivent avoir les mailles, on tourne une ou deux fois le fil autour du moule; on noue ensemble les deux bouts; et ayant retiré le moule, on a une anse de fil qui servira, si Ton veut , à faire la première maille , et qu'on passera dans le clou à crochet; ensuite on posera le moule sous cette maille pour en faire une autre , qui sera la première maille du rang ; et sans Tôter du moule , on DEPECHE. 4i9 fera une accrue , comme on l'a expliqué plus liant. Celle accrue lienclra lieu d'une seconde maille au second rang* On tire le moule de ces deux mailles, et on retourne le filet pour faire le troisième rang. On pose le moule sous Faccrue, et on forme une maille qui a deux branches fort inégales, allendu que, partant du nœud qui est au dessus de Faccrue, et ayant enveloppé le moule, le fil remonle el forme la branche courte qui va s'attacher par un nœud au dessous de Faccrue. Sans changer la position du moule j on procède à une autre maille, qui va s'attacher au bas de la maille du second rang; et le moule restant toujours dans la même position , on fait ensuite une accrue. Ayant retiré le moule de ces mailles, ou retourne le filet ; et pour former les mailles du quatrième rang , on pose le moule sous l'accrue. On y fait une maille à branches inégales; plus^ une seconde > une troisième^ el une accrue* On continue de faire les mailles dans le même ordre ^ terminant toutes les rangées par une accrue sur la droite, ce qui aug-- mente d'une maille la largeur du filet. Quand ©n est parvenu à la moitié de la large un Dd â 420 SUR LES FILETS que ]e filet doit avoir, au lieu d'augmen-^ ter la largeur du filet, il faut la diminuer; ce qu'on fait en comprenant , à la fin de chaque rangée , deux mailles dans un même nœud. Lorsqu'on aura fait en rétrécissant autant de rangées qu'on en avoit fait en élargissant, le filet sera réduit à une maille, qui sera à un angle opposé à celui de la première maille par laquelle on avoit commencé le filet , et qui est accrochée dans le clou. Jusqu'à présent cette pièce de filet, qui doit être carrée, a une forme losange ,* et les mailles qui doivent être carrées ont aussi cette même forme. Mais quand on le tendra par ses angles, de sorte qu'un des côtés soit horisontal , la pièce entière et les mailles auront la forme carrée qu'on désire. Pour rendre plus précises et plus claires les idées générales que nous venons de pré- senter, il faut suivre pied à pied la façon de travailler ces sortes de filets. On commence par entourer le moule d'une ou deux révolutions du fil dont on veut faire le filet ; et ayant arrêté ce ûl par un nœud , on a une anse ou une maille qu'on passe dans un clou à crochet. On pose le moule sous cette maille ; on passe le fil sur le moule et dans la maille pour DE P E C H E. 421 faire une autre maille; on passe encore le fil dans la première maille pour faire à la droite une accrue. Ou dégage le moule de ces deux mailles , qui forment le second rang, et Ton fait une autre rangée quand on aura retourné le filet. Pour faire le troisième rang des mailles on retourne le filet ; alors l'accrue , qui étoifc du côté droit , se trouve du côté gauche : on pose le moule sous cette accrue , et avec le fil , qui part du bas de la première maille, on fait une autre maille qui s'attache au bas de l'accrue. Les branches de cette maille sont inégales, puisqu'elle part du dessus de l'accrue, et qu'elle va s'attacher au dessous de cette 'même accrue. Tenant le moule dans la même position , on flvit une autre maille , qui part du dessous de l'accrue , et va s'attacher au dessous de la seconde maille ; enfin on fait l'accrue. Le troisième rang de mailles étant fini, on tire le moule des mailles, et l'on passe auquatrièaie rang. Enfin , jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la partie du filet la plus large, on commence toutes les rangées par une maille longue, et on les termine par une accrue. Quand on est parvenu au plus large , c'est Dd 3 4'2t SUR LES FILETS tout le contraire ; car, pour achever la por- tion inférieure du filet, il faut le rétrécir : ainsi , au lieu de faire des accrues au bout do toutes les rangées de mailles, on com- prend les deux dernières mailles du rang supérieur dans un même nœud. Par ce moyen , la longueur de chaque rangée est diminuée d'une maille ; et enfin le filet est terminé par une maille , comme il avoit été commencé. Comment on fait un filet à mailles carrées y qui soit plus long que large ^ On est souvent dans le cas de faire à mailles carrées des filets qui ont beaucoup plus de longueur que de largeur. Pour y parvenir , on prend d'abord avec une ficelle la mesure de la longueur et de la largeur qu'on se propose de donner au hameau qu'on va travailler. 11 faut commencer par former la pre- mière maille , et continuer à former les mailles comme on l'a dit , jetant une accrue du côté de la droite à toutes les rangées : on continuera à jeter des accrues à toutes les rangées du côté de la droite ; mais aussi à toutes ces mêmes rangées on rassemblera DE P E C H E. 425 dans un même nœud deux mailles du côlé de la gauche , c'est-à-dire , qu'au bout de chaque rangée de mailles on jettera une accrue , et à l'autre bout on réunira deux mailles dans un même nœud. On continuera ainsi jusqu'à ce qu'il faille terminer le hlet en pointe; alors on ne jettera plus d'accrue , mais on continuera à prendre à toutes les rangées deux mailles dans un même nœud , jusqu'à ce que le filet soit réduit à n'avoir plus qu'une maille , et cette maille se terminera comme elle a été com- mencée. Quand ce filet sera tendu, il sera carré long , et ses mailles carrées. Manière de faire un trémail , tramail (i), ou filet contre-maillé . Nous avons déjà dit quelque chose des filets contre-maillés , qu'on appelle t rémails ou iramails^ et souvent, parmi les pêcheuis, tramaux. 11 nous reste à exposer la manière de les faire. Cette espèce de filet est formée de trois rets posés les uns devant les autres. Les deux rets extérieurs, qui sont à grandes mailles, (i) £ji allemand , dreymaschigtes garn, D d 4 424 SUR LES FILETS se nomment les aumées ou hamaux ; et celui qui est renfermé entre deux s'appelle la nappe , la toise ou la flue. On fait souvent les aumées en mailles carrées; cependant on peut sans beaucoup d'inconvéniens les faire en mailles à losanges, et quantité de mailleurs suivent cet usage. Comme il faut que ces aumées soient fortes, on y emploie de la ficelle faite de quatre fils forts et bien travaillés. On doit choisir de la ficelle plus grosse pour les grands filets que pour les petits; mais if est toujours important qu'elle soit faite de bon fil bien fort. Les mailles des aumées sont toujours grandes, et on en voit qui ont depuis six pouces en carré jusqu'à presque un pied. Jî faut qu'elles soient assez grandes pour que les poissons , qu'on se propose de prendre , puissent passer à travers; car ce ne sont point les aumées qui doivent les arrêter, mais la flue , qui doit prêier à l'action du poisson , et faire une bourse dans laquelle le poisson se trouve embarrassé. Les aumées servent à soutenir la flue : et elles se font mieux quand leurs mailles sont moins ou- vertes , que lorsqu'elles ont beaucoup d'ou- verture. La toile ou la flue se fait toujours ei\ DE PECHE. 425 mailles h losanges, qui ont depuis un pouce jusqu'à deux pouces et demi d'ouverture, avec- du RI "retors en deux, qu'on choisit plus ou moins iin, suivant l'espèce de péclie qu'on se propose de faire. Ce rets doit avoir deux fois ou deux fois et demie l'étendue des aumées , afin qu'il soit toujours flottant entre elles , et qu'il puisse aisément faire les bourses où le pois- son s'engage. Nous ne dirons rien sur la façon de mailler ces deux sortes de rets, parce que nous n'aurions rien à ajouter à ce que nous avons dit pi us haut. Mais , supposant ces trois rets maillés, il faut expliquer comment on doit les monter pour faire le filet qu'on nomme tramail. On s'établit dans une grande place bien unie et nette de feuilles, de brins de bois, de pierre et de grandes herbes ; on étend une des aumées, et on l'attache bien ten- due par les quatre coins , au moyen de piquets qu'on passe dans les boucles des angles ; ensuite on passe dans le dernier rang de mailles de la flue , en suivant tout son pourtour , une ficelle bien travaillée et qui n'ait point de nœuds. On attache cette ficelle , ainsi que les 426 SUR LES FILETS angles de Ja fine , aux mêmes piquets où l'on a at lâché précédemment l'aumée; les ficelles doivent être bien tendues; mais la flue ne l'est pas beaucoup, étant plus grande que l^'auniée. Ainsi, en conduisant la corde de la Hue avec les bords de l'aumée dans les mains, pour que cette corde et le bord se suivent exactement, on attache la corde aux mêmes piquets qu'on a passés dans les anses qui sont au coin de Tau niée. Comme la fïue est beaucoup plus éten- due en tous sens que J'aumée, il faut lui faii'e faiie des plis sur sa corde , de façon cependant qu'ils soient répartis le plus régu- lièrement qu'il est possible, afin qu^'elle fronce et fasse poche assez uniformément dans toute l'étendue du filet. Tout étant ainsi disposé, on met par dessus la flue la seconde aumée , et on la tend comme la première par les boules des angles qu'on passe dans les hiêmes piquets. Les trois rets étant ainsi placés bien régu- lièœment les uns sur les autres, pour em- pêcher qu'ils ne se dérangent , on forme quelques révolutions d"uu ûi retors , qui comprend les boixls des deux aumées et la corde de la flue , et on fait un nœud à chaque endroit où l'on rencontre les mailles DEPECHE. 427 des aumées ; il faut encore , environ de trois en trois pieds, dans toute l'étendue du filet auprès des angles des aumées, lier les deux aumées Tune avec l'autre par un fil ré*tors, afin de maintenir la flue en état, et empê^ cher que , quand on tendra verticalement le tramail, la flue ne se porte toute d^un côté; alors le tramail est en état de servir : il ne s'agit plus que de le fortifier , en le bordant avec une corde grosse comme le doigt , ainsi que nous l'avons expliqué ci- dessus. Cepen- dant il est encore fréquemment nécessaire de garnir de flottes de liège le tramail , et de le plomber; ce que nous détaillerons dans la suite. Comment on fait les filets ronds ^ soit cylin- driques^ soit coniques. Il s'agit ici des filets qui, étant tendus, ont une forme arrondie sur leur longueur; dans les uns , cette forme répond à celle du corps d'un bluteau ou d'une barrique; nous les nommons cylindriques. Ceux que nous appelons coniques, ont plus de dia- mètre par un bout que par l'autre: de ce genre est le verveux , et la suite de cette section offrira plusieurs espèces de Tun et l'autre genre de filets ronds. 42» SUR LES FILETS On se rappellera qu'en faisant un filet en nappe, il faut à chaque rangée de mailles retourner le filet, pour former une autre rangée en revenant sur ses pas. Pour faire un filet rond , il faut joindre les mailles par une maille intermédiaire, qui doit former le premier ou second rang. Il est évident que cela ne pourroit pas s'exécufer, si on avoit fait la levure sur une corde tendue; mais la réunion devient possible quand on a fait la levure en paquet dans une anse de corde; c'est aussi ce que font les mailleurs. Il est évident que les filets cylindriques peuvent être commencés indifféremment par un bout ou par un autre, puisque les deux bouts sont semblables. On est maître aussi <^le commencer les filets coniques par le bout qu'on veut; car, si l'on commence par le bout étroit , on élargit le filet au moyen des accrues; et si l'on commence par le bout le plus large, on rétrécit le filet en joignant deux mailles dans un même nœud. Ordinairement on com- mence par le bout étroit, et l'on jette des accrues. DE PECHE. 42(j 3iamère de travailler un fdet rond qui ait une ou plusieurs entrées semblables à celle d'un verveux , et que quelques-uns nomment des goulets. Je prends pour exemple un verveux qui a dans son intérieur une entrée ou gouJet. 11 faut commencer le filet en rond , et le poursuivre de même jusqu'à ce qu'on soit parvenu à l'endroit où l'on veut commencer le gouJet ; alors , comme il faut faire deux filets distincts, un pour le corps du filet, l'autre pour le goulet; ou plutôt comme il faut à l'endroit où doit conunencer le goulet détacher un filet dans Tintérieur de celui qui forme le corps du verveux , cela se fait aisément et d'ime façon très-ingénieuse, au moyen des mailles doubles; on travaille donc le filet tout en rond et en mailles simples, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à l'endroit où doit commencer l'ouverture du goulet; alors on charge une aiguille avec deux fils qu'on prend sur deux pelotons, et Ton fait avec cette aiguille un rang des mailles qui se trouvent doubles. Lorsque cette rangée sera faite , on cou- pera les deux fils^ et on i-ecommencera à 43o SUR LÉS FILETS travailler avec une aiguille chargée d'un fil simple ; mais à chaque maille il faudra avoir Tattention de ne prendre qu'un des deux fils de la maille double , c'est-à-dire , qu'il faudra à chaque maille double ne prendre qu'un iîl pour former le corps du filet, et réserver l'autre pour la tête du goulet qu'on fera ensuite. Si l'on veut ménager dans l'intérieur du filet plusieurs goulets les uns au dessus de^ autres, comme cela se pratique quelquefois; il faudra faire autant de rangées de mailles doubles qu'il y aura de goulets (i). 11 y a des mailleurs qui travaillent diffé- remment les verveux; ils les commencent par la pointe du goulet, où ils font des pigeons qui serviront à attacher cette pointe au bout du verveux, au moyen de plusieurs lignes déliées. Quand ils ont fait les pigeons et la levure, ils augmentent continuellement (i) Dans le nord on ménage deux goulets, dont le second a des mailles plus étroites, afin que si le poisson échappe aux premières mailles ^ il soit arrêté par les secondes. M. Schreiber assure qu'en 1760 un pêcheur saxon prit deux loutres dans un filet de cette forme; elles étoient mortes avant qu'on les tirât de Tenu ; ce qui prouve que ces animaux ne peuvent pas irivre long-tems au fond de l'eau. DEPECHE. 45i le diamètre du filet en jelanfc des accrues, et iJs donnent à la partie qui doit faire le goulet la forme d\m entonnoir, qui doit ne s'étendre que jusqu'au bord du goulet; il faut que le reste aille un peu en rétré- cissant pour faire le corps du filet. Quand on a poursuivi ce travail jusqu'à la longueur du corps du verveux, on en replie en de- dans une partie, ce qui forme le goulet; et l'autre partie fait le corps du verveux qu'oa ferme par une pointe, et on forme une anse de corde, laquelle tient tendues des lignes assez fines qui communiquent avec la pointe. Dans l'endroit du pli, on passe entre les mailles une baguette menue et pliante, dont on fait un cerceau qu'on nomme trouelle (i); elle sert à tenir le verveux ouvert. Quelque* fois on en met une petite dans le goulet, et il y en a d'autres en différens endroits de la longueur du verveux. Comme les endroits où sont les trouelles fatiguent plus que le reste du filet , on y fait deux rangs de mailles doubles , entre lesquelles on passe les baguettes qui doivent former les trouelles. (i) En allemand, biegel. On les fait d'épine blanche •u noire. 432 SUR LES FILETS Voilà le verveux fini; cependant, pouE engager le poison à entrer dans le goulet ^ on fait en grandes mailles, au devant de son embouchure, un évasement qu'on nomme la coiffe , et que Ton soutient par une por- tion de cercle que les pêcheurs appellent l'archet. Les deux bouts sont tenus écartés pour faire une ouverture convenable par une corde tendue , laquelle est lacée dans les mailles du bord d'en bas de la coiffe, depuis le bord du verveux jusqu'à l'archet. JXaccommodage des filets. Bien des gens qui savent faire des filets Ignorent la manière de les raccommoder^ cependant il esî: plus important aux pêcheurs de raccommoder, (i), radouber ou ramender par eux - mêmes leurs filets que de savoir en faire de neufs, puisque l'entretien des (i) En allemand , aufbûssen. L'art de raccom- moder un filet est te chef-d'œuvre qu'on exige dans quelques provinces d'Allemagne de ceux qui veulent devenir maîtres pêcheurs. On coupe les mailles d'un filet neuf, dans na espace à peu près de la grandeur de la main, et on le remet au candidat, qui doit rétablir le tout de manière que l'on n'aperçoive pas l'endroit où il y a eu du dommage. filets DEPECHE, 455 filets en prolonge la durée de plus de moitié. Un filet qui a quelques mailles rompues ama bientôt un grand trou , si on ne le raccom- mode pas au plulôt. Pour expliquer le plus clairement pos- sible comment on doit racconnnoder un filet, nous supposerons qu'il a un trou au milieu des mailles ; il faut commencer , comme disent les rhabilleurs, par couper le filet, c'est-à-dire, qu'il faut augmenter le trou, non seulement en coupant ou re- tranchant tout ce qui est endommagé, mais de plus en entamant sur ce qui ne Test pas; de façon que toute la circonférence du trou soit terminée par des angles de mailles, à la pointe desquels on ménage le nœud qui retient la maille du vieux filet. On y con- sei-ve tant soit peu des branches qui en sor- toient pour former une autre maille. 11 est évident que cet endroit ne peut être bien rétabli sans c[ue les mailles qu'on formera ressem!)îent , le plus paifaitement qu'il sera possible, à celles qui ont été dé- clinées ou coupées. Supposons que l'on commence à droite, on arrête d'abord le fil au dessus du nœud de l'une des mailles qu'on a coupées; eu- Poiss. Tome IL Ee 4S4 SUR LES FILETS suite on fail une maille , puis une seconde, puis une troisième. A tous les angles il y a pour lors deux nœuds, dont Tun est celui qui fornioit la maille du vieux filet ; et par dessus est celui qu'on a fait pour la nouvelJe maille; cela doit être de même à tous les angles de celles qui aboutissent à la circonférence du trou. Il n'en sera pas ainsi pour les mailles qu'on formera au milieu; celles-ci n'auront qu'un nœud, comme les mailles ordinaires de tous les filets. Toutes les mailles qu'on vient de faire sont rondes; mais, après ce qui vient d'être dit, on doit concevoir c|ue , quand on aura fait au dessous un autre rang de mailles, ces premières deviendront anguleuses. On gagne le niveau du second rang de mailles; pour cela on fait une simple jambe; ensuite revenant sur ses pas, ou de la gauche à la droite, parce qu'on ne peut pas retourner le filet, on fait une maille, un© seconde , une troisième , enfin une autre jambe, comme on en a fait une à gauche. Si le trou avoit beaucoup de largeur, on. feroit un troisième rang de mailles de droite à gauche , puis une jambe , un quatrième rang de mailles de la gauche à la droite ^^ DE PECHE. 435 et ainsi toujours alternalivement jusqu'à ce que toute l'étendue du trou fui remplie de inailles. Dans Fun et l'autre cas , il s'agit de fermer ensuite le tjou par en bas, et y joindre les nouvelles mailles qu'on vient de faire avec celles du vieux filel. Pour cela on fait une jambe en descendant, puis une autre en montant, qui s'attache au milieu d'une ancienne maille, et on continue à joindre les nouvelles mailles aux anciennes par des jambes semblables. Le trou qui étoit au filet se trouve ainsi, fermé par des mailles régulières. Il est sensible que, s'il ne manquoit à un filet qu'un brin qui fût rompu, on le réta- bliroit en remplaçant le fil par une jambe: €'il y avoit deux fils rompus, on rétabliroifc ce petit accident en faisant une jambe, puis une autre. Ces exemples suffisent pour faire apercevoir qu'il n'est pas toujours nécessaire de couper le filet et d'ai.igmenler le trou , comme on l'a dit plus haut. Quelques mail- leurs, qui trouvent de la difficulté à bien couper d'abord le filet, commencent par former des mailles; et à mesure qu'ils sentent avoir besoin d'un nœud pour former les autres mailles , ils coupent du fxlet ce qui les embarrasse. Ee 2 436 SUR LES FILETS Comme on ne se sert point de moule pour rhabiller, on fait tous les noeuds sur le pouce; et afin que les mailles soient d'une égale grandeur , on passe deux doigts de la main gauche dans les mailles qui sont faites , et le doigt du milieu dans celle qu'on fait actuellement , appuyant avec les doigts dans Imtérieur des mailles. Celle qu'on fait de- vient de la grandeur des autres quand les trois doigts forment une ligne droite et hori- sontale; et, pour peu qu'on soit habitué à C3 travail, toutes les mailles sont régulières. Voilà en gros la marche qu'on doit suivi'e pour liiabiller les filets. Nous avons dit qu'il falloit commencer par arrêter le fil. Quelques-uns y font un nœud simple, et ensuite celui qui forme kt maille ; mais d'autres passent l'extrémité de la ficelle ou du fil entre les deux branches par dessus le nœud du vieux filet. On saisit entre le pouce et l'index les deux branches et le nœud ; puis on fait avec le fil un nœud sur le pouce, comme nous l'avons expliqué. Comme on n'emploie point de moule pour régler l'ouverture des mailles , on passe les deux derniers doigts de la main gauche dans les anciennes mailles , et le doigt du milieu dans l'anse; on l'appuie suffisamment pour DE PECHE. /p7 donner à ]a maille une oiiverlure conve- nable. Alors , sans déplacer le doigt du milieu , on pince avec le pouce et l'index de la même main le nœnd du vieux filet et rexti'émité des bianclies ; on fait le nœud sur le pouce; et afin qu'il se place immé- diatement au dessus du nœud du vieux filet, il faut toujours tenir bien ferme le nœud et l'extrémité des deux branches jusqu'à ce que le nœud soit tout à fait serré. Comment on gairiit de lest et de flottes les bords des filets, Uon a expliqué précédemment comment on borde et on eniarme les filets; mais dans quantité d'occasions il fiiut faire en soiie que les filets se tiennent verticalement dans Teau. On produit cet effet en allachant des corps légers au bord du filet qu'on veut fixer en haut , et des corps pesa n s au bord qui doit être en bas. Les corps , plus légers que le volume d'eau qu'ils déplacent, tirant le filet vers la surface de l'eau, tandis que les corps pesans ou le lest les tirent vers le fond, on se procui'e deux forces contj aires qui agissent pour maintenir le plan du filet dans une position verticale. Ee 3 438 SUR LES FILETS Comment on garnit de corps légers ou de flottes le bord du filet qui doit tendre vers la surface de Veau, Quand les filets sont imbibés d'eau, ils tombent en paquet au fond ; pour qu'ils se tiennent dans Teau verticalement , il faut garnir le bord qui doit tendje vers la sur- face de Teau , avec des corps spécifiquement plus légers que le fluide : c'est ce qu'on appelle des flottes (i). Quand il s'agit de soutenir des filets très- pesans , on se sert de barils exactement fermés pour que l'eau n'y puisse entrer. Quelquefois des raisons d'économie engagent les pêcheurs à former leurs flottes avec de petits faisceaux de roseaux bien secs; mais, communément on les emploie pour former des bouées ou des signaux. Assez souvent les pécheurs forment leurs flottes avec de petites planches de bois fort légers et très - secs , du sapin , du tremble , du tilleul, etc. Mais le mieux est de former les .flottes avec du liège. Cette substance a l'avantage d'être beaucoup plus légère que le volume d'eau qu'elle déplace , sur - tout quand le (i) Ea allemand , flœssen. DE PECHE. 439 liège est de bonne qualité, souple sous les doigts , eL qu'il n'a point de grands porcs , comme sont les mauvais lièges durs et ligneux (i). Un autre avantage du liège est de se pénétrer bien plus dilllcilement d'eau que toutes sortes d'espèces de bois , ce qui fait qu'il conserve très - long -lems sa légèreté étant submergé. Ces propriétés font qu'on l'emploie préférablement à toute autre ma- tière , pour former ce qu'on nomme les flottes. On suit différentes méthodes pour atta- cher les corps légers à la corde qui bcrde le haut du filet. Quelquefois on perce les petites planches ou les tables de liège , et réunissant les deux bouts de la petite corde qui traverse le liège , on la lie à la corde du filet ; ou bien , ayant taillé les lièges en rond ou en carré , on les perce d'un trou dans lequel l'on fait passer la corde, et on assu- jettit ces flottes entre deux nœuds. Mais le mieux est d'embrasser la corde par deux morceaux de liège , qui , élant (i) Le liège est fojt bon sans doute , mais il est cher presque par -tout. En Allemagne on a trouvé que récorce des vieux peupliers fait précisément le même eflct , et elle ne coule rien. E e 4 440 SUR LES FILETS réunis par un enlacement de bitord, fonnent comme des boutons en olive. De quelque façon qu'on attache les flottes à la coj de qui borde le haut du filet, il convient de proportionner le volume et le nombre des flottes à l'éiendue et à la pesanîeur du fi'et ; car il faut beaucoup plus de flottes pour soutenir un grand filet à mailles serrées et fait de ficelle, que celui qui seroit fait d'un fil fort délié , dont les mailles seroient giandes et qui auroit peu de chute. Comment on garnit de lest le bord inférieur dhin filet. 11 est évident que , si Ton ne chargeoit pas de quelques corps pesans le bas d'un filet dont le haut seroit garni de flottes, les flottes l'entraîneroicnt vers la surface de Teau , et la moindre agitation du fluide empécheroit qu'il ne se (int dans une posi- tion vxMticale (i). 11 faut donc, pour que le filet soit bien tendu, en lester le bas, ou le chaiger de quelques poids qui tendent à (i) On char^je aussi les tilets pour cmpêclier que les grands poissons ne les sonîèvenl pour s'écliapper. Les pi)i.ssons d'étangs , qui ont été souvent dans ce cas, savent faire cette nianœuvre , et elle leur réussit lorsque le filet n'est pas assez cliargé pour pénétrer dans i'eau. • J DE P E C II E. 441 IVntraîner vers le fond de Teau. On forme quelquefois ce Jest (1) avec des cailloux qu'on amarre, comme nous l'avons «ufli- samment expliqué dans la première section, en parlant des cordes; mais communément le lest qu'on met au bas des filets se fait avec du plomb; c'est ce qu'on appelle la plombée. Les pêcheurs suivent différentes méthodes pour former cette plombée. Pour de petits filets légers, des balles de plomb, percées comme des grains de cliapelet, sont suffisantes; mais pour de grands filets, qu'il faut beaucoup charger de lest, on a un moule formé de deux pierres qui s'ajustent exactement l'une sur l'autre; chacune de ces pierres est creusée d'une goutlière, et étant jointes Tune à l'autre, elles forment un cylindre , dans Faxe duquel on place une broche de fer qui est un peu plus grosse d'un bout que de l'autre, pour qu'on puisse la retirer plus aisément du cylindre de plomb qu'on aura fondu. On coule du plomb fondu dans ce moule ainsi ajusté, et quand on a (1) Le mot teclinique en allematid , c'est das gesenhe. Les pécheurs des provinces septentrionales d'AUem.Tgne ne se servent jamais de cailloux , que l'on a beaucoup de peine à att ictier solidement ; maïs ils ont des anneaux de fer, qui sont plus duiabîcs. U^ SUR LES FILETS retiré la broche de fer , on a un petit tuyau," En eniîlant une corde dans ces tuyaux, on forme la plombée. Plus communément on a de petites plaques de plomb qu'on creuse en gouttière dans le milieu, pour y loger la corde sur laquelle on roule le plomb à petits coups de marteau; et pour assujettir encore mieux les plaques de plomb , on rabat les languettes sur la corde. Enfin on peut se contenter d'envelopper la corde avec une bande de plomb , et l'assujettir à petits coups de marteau, comme on fait un ferret au bout d'un lacet. Quelque méthode qu'on suive pour atta- cher le plomb à la corde, il faut propor- tionner le poids du lest à la grandeur du filet et à l'usage qu'on en veut faire. Quelquefois, par exemple, il convient que le filet se tienne entre deux eaux (i) ; alors il ne faut que peu de lest , et seulement ce qui convient pour tenir le filet tendu. Si Ton mettoit trop de lest, il entraiocroit le filet au fond de l'eau, ou bien il faudroil augmenter beaucoup la flottée; au contraire, si l'on veut que le filet se porte au fond de l'eau , il faut fortifier la plombée , et ne mettre de flottes que ce qu'il en faut pour soutenir verticalement le ?ï\qL (i) Dans les eaux courantes; il doit alior au fond. DE PECHE. 443 Vu tannage et de la conservation des filets. Il est probable que le tan n'agit pas sur les filamens des végétaux comme sur les fibres de toutes les espèces qui composent la peau des animaux. Cependant c'est une chose reconnue que les cordes, les filels et les toiles qui sont exposés à Teau durent plus long-tems quand ils ont été tannés que ceux qui n'ont pas reçu cette préparation. Si l'expérience journalière des pécheurs ne les en avoit pas persuadés, ils s'épargneroient une opération qui leur est pénible, et qiii leur occasionne une dépense considérable; mais , pour qu'elle produise le bon effet qu'on en attend , il faut la faire avec des soins et des attentions qui sont indispensa- blement nécessaires, et que Ton va détailler dans cet article. Le tan est fait avec des écorces de jeunes branches d'arbres desséchées et réduites en poudre. La bruyère, encar{\); le fuslet , cotinus coriaria (2); les sunmacs, i-Jius ^ de plusieurs espèces; l'aune , aînus (5); le no} er, (i) En allemand , lieide. (2) Eii allemand , geherstrauch. (3) En allemand , die erle. 444 ^^UR LES FILETS nux; le saule, salix (i), sont eniployés à cet usaiJe; mais aucune écorce n'est autant estimée que celle du jeune chêne. Pour faire le meilleur tan, on enlève, durant Ja saison de ]a sève , vers la fin d'avril ou au com- mencement de mai, l'écorce claire et vive ùes jeunes chênes qui sont vigoureux; car les écorces brunes , gercées et chargées de lichen ne fournissent qu'un tan de médiocre quahté (2). Quand ces arbres sont en pleine sève, et que leur écorce se détache aisément du bois, on fait avec une serpe, au bas du tronc, et immédiatement sous les branches, une en- taille circulaire qui coupe Técorce , et qui s'élend jusqu'au bois. On joint ensuite les deux entailles par une autre coupe longi- tudinale qui s'étend depuis l'entaille du haut jusqu'à celle du bas; et en introduisant entre Técorce et le bois un coin fait de quelque bois dur ou d'un gros os , on enlève toute Fécorce, qui, à mesure qu'elle se détache , se roule sur elle-même , et ressemble assez (i) En allemand , die weide. (2) liCs naturalistes reconnoissent pour lichen les plantes parasites qui subsistent aux dépens de l'écorce, et qu'on nomme vulgairement mousses , etc. D # PECHE. 445 à des bâtons de cotterets. Ou abat sur le champ les aibres écorcé^ poui- eu faire cette espèce de bois qu'on nomme pclard ; et quand les ccorces se sont desséchées à un certain point, on en forme des bottes qu'on peut conserver long-tems à couvert de la pluie, sans crainte que le tan perde de sa quaUté. Pour disposer ces écorces à être employées en tan , il faut les réduire en poudre assez fine. Quelques pêcheui^s, qui tannent eux- mêmes leurs filets , se contentent de battre ces écorces avec des fléaux ,* mais ils n'en tirent qu'un parti médiocre : ils perdent ainsi beaucoup de poussière fine qui s'éva- pore, et le reste est pulvérisé trop grossière- ment. Le mieux est de les porter à des m.oulins. Il y eu a de deux sortes : les uns sont de grosses meules verticales , comme celles dont on se sert pour faire le cidre et pour broyer les graines et amandes qui fournissent de Thniie. Après avoir rompu grossièrement les écorces sur une pièce de bois qui forme comme un tranchant , on les met sons la meule , qu'on fait tourner , et qui écrase assez bien Fécorce sans qu'il s'évapore beaucoup de poussière. • L'autre moulin, qui est le meilieur, quoi- 446 SUR LES FIÊETS qiriî cause un peu plus crévaporalion , est fo nné d'un nombre de pilons qui relombent dans une grande auge , où Ton njet les écorces grossièrement rompues. Quand les écorces ont; été assez bien pulvérisées , on les passe par une espèce de crible qui est fait avec du fil d'arclial , et qu'on établit sur un grand cuvier. Ce qui passe par le crible est mis dans des tonnes , et vendu aux tanneurs; ce qui est resté sur le crible repasse au moulin. Le tan des autres écorces , dont nous avons parlé, imprime aux filets une couleur quelquefois plus satisfaisante que celle du tan de chêne. Ces tans produisent en général un bon effet , mais jamais aussi avantageux que le lan du jeune chêne; au moins est-ce le senh'menl des pêcheurs. Ce[3endant il con- viendroit peut-être d'en faire des épreuves avec soin; car j'ai vu des cuirs qui parois- soient assez bien préparés , quoiqu'on eût substitué de la bruyère réduite en poudre au tan de chêne. L'on a dit qu'il y a des pêcheurs qui tannent eux-mêmes leurs filets; mais, comme aucuns n'ont de chaudières assez grandes pour cette opération, ils en louent pour deux fois vingt-quatre heures ^ ou plus de DE PECHE. 44^ teilis , de ceux qui ont ckes tanneries en règle, dont nous allons parler. Les tanneries sont ordinairement voûtées et établies au rez-de-chaussée, où sont monr- tées trois grandes chaudières sur des massifs de maçonnerie qui excèdent la hauteur des chaudières, de même que le sont celles des brasseurs. Les fourneaux sont sous les chau- dières , et ils s'allument par des bouches qui répondent à un caveau construit derrière et plus bas que les chaudières. Les tanneurs ont des chaudières de différentes grandeurs pour se servir des unes ou des autres , sui- vant la (quantité de filets qu'ils ont à pré- parer. Pour faire ime bonne tannée , on met ordinairement deux parties et demie d'eau sur une de tan , ou cinq parties d'eau sur deux de tan ; c'est-à-dire , deux barils et demi d'eau sur un de tan ; et les barils de tan se mesurent comble. Ainsi , dans une chaudière qui tient trente barils d'eau, on met douze barils de tan. Quand on a jeté l'eau et le tan dans la chaudière , on allume le feu du fourneau qui est dessous. Comme il faut beaucoup d'eau, on la tire avec une pompe, et on la conduit dans les chaudières par des dalles ^n gouttières. 448 SUR LES FILETS Les cliaudières sont ordinairement cinq à six heures, depuis que le feu est allumé, sans commencer à bouillir, quoique Ton ait soin de les couvrir avec des planches pour augmenf^er la chaleur. Quand le bouillon commence à se former, le lan se gonfle el. s'élève avec tant de force, qu'un seul bouillon pourroit en faii"Ç perdre un ou deux barils, qui contiennent chacun environ cent trente pintes , mesure de Paris. Pour prévenir cet accident, les tanneurs tirent, avec des espèces de cuillers, une partie de la liqueur, qu'ils niellent dans des tonnes, et ils soutiennent le bouillon pen- dant quatorze, seize ou dix-huit heures. A mesure que la tannée diminue, ils remettent dans la chaudière celle qu'ils ont déposée dans les tonnes. Après que Teau a bien tiré la substance du tan , et que le tanneur juge que sa tan- née est bien faite , il letire avec un lanet tout le tan qui est dans la chaudière. L'ou- "vrier qui est occupé à ce travail met ce tan dans une manne. Quand elle est pleine , il la transporte sur la tonne , pour ne pas perdre la liqueur, qui est la pajtie précieuse. Pendant cette opération , l'on continue ton- jouis le feu sous la chaudière, aiin d'entre- tenir DEPECHE 449 tenir la tannée bouillante, jusqu'à ce qu'on y plonge les filets : ce qu'on juge nécessaire pour qu'ils se pénètrent bien de cette tannée. On place dans le fond les filets neufs , et les autres par dessus , jusqu'à enfaîter les filets les uns sur les autres. Mais le tanneur a soin de former , sur le devant de la chau- dière , une cloison de planches , pour pou- voir puiser continuellement de la tannée, qu'il verse sur les filets ; ce qu'il continue jusqu'à ce que toute la tannée soit con- sommée. On tanne différemment les cordages. Quand la tannée a bouilli quelques heures , on met avec une gafïe les pièces de cordages roulées dans la chaudière, où on les tient une couple d'heures dans la tannée bouil- lante. On les tire ensuite avec la gaffe pour en mettre d'autres à leur place ; ce que l'on continue jusqu'à ce que la tannée soit épui- sée. On passe aussi les cordages dans le gou- dron ; et cela peut se faire de différentes manières : mais ceci étant du ressort du cordier, nous nous dispenserons d'entrer dans d'autres détails. On peut faire bouillir dans de nouvelle eau le tan qu'on a retiré de la chaudière , Poiss. Tome II. Ff 45o SUR LES FILETS et qu'on a mis égoutter dans des mannes sur des fuLailles. Cette seconde tannée peut servir à donner une petite impression de tan aux filets et aux cordages neufs qu'on se propose de tanner, ce qu'on nomme débouil- lir. On se sert encore de cette foible tannée pour redonner une impression de tan aux filets précédemment tannés , et qui ont blanchis par le service. Enfin ces foibles tannées , qu'on fortifie quelquefois avec du tan neuf 5 servent à tanner de la toile pour les voiles. On étend et l'on fait sécher les filets, les cordes et les toiles qui ont été tannés. 11 est impoi-tant de les garantir de ]a pluie, jus- qu'à ce qu'ils soient secs, et encore plus de la gelée , qui les endommageroit beaucoup. Mais heureusement on peut les conserver long - tems en tas , lorsqu'ils sont imbibés de tan , sans craindre qu'ils s'échaufïént et qu'ils se corrompent. On assure même que des filets bien tannés ont resté des tems con- dérables , comme six mois, au fond de la mer, sans avoir été beaucoup endommagés. Les instrumens dont se servent les tan- neurs , sont des cuves de cuivre , des barils pour contenir le tan en poudre, lesquels doivent contenii^ environ cent vingt-huit ou DE PECHE. 45i cent trente pintes , mesure de Paris ; des tonnes , qu'ils nomment gonnes , pour y mettre Feau qu'on retire des chaudières ; les mannes (i) pour égoutter le tan qu'on tire des chaudières; des lanets qui sont des filets de ficelle montés sur un cercle de fer, où est soudée une douille qui reçoit un manche de bois; un pucheux ou puiseux (2), qui tient cinq à six pintes d'eau ; une gaffe ou crochet , pour mettre dans la chaudière les pièces de cordages , et pour les en reti- rer ; des fourgons de différentes formes, pour attiser le feu ou pour changer la situation des filets dans la chaudière : ils sont de fer , avec des manches de bois reçus dans des douilles. Les pêcheurs portent leurs filets à la tannerie , et ils aident aux tanneurs à les étendre pour les faire sécher; les uns les portent à dos sur le sable ; d'autres les chargent sur des brouettes , et on les étend sur le sable, ou bien on les tend sur des perches. Les catalans, pécheurs de sardines^ il) Espèce de corbeilles. (2) Sorte de grande cuiller de bois fortement cerclée de gros cercles , et emmanchée au bout d'un bâton assez long , et d'uue grosseur proportionnée. Ff 3 452 SUR LES FILETS achètent leurs filets de la couleur du fil , qui est de lin; et ils les teignent d'une couleur tannée ou rougeâtre, en les faisant bouillir dans de grandes chaudières, avec de l'écorce de pin sauvage ( pinus maritima altéra , Math. ) On ne se sert point de l'écorce du pin cultivé (pinus satwa. C. B. P.) On réduit donc en poudre Fécorce de pin sauvage : sur une partie d'écorce on- met six parties d'eau, qu'on fait bouillir jusqu'à la réduc- tion de moitié; ensuite on ôte le marc, et on verse la décoction dans une tonne. Quand elle est refroidie, au point de pou- voir y tenir la main , on met les filets dans cette teinture , en les faisant entrer par uu bout, et les tirant par l'autre, comme font les teinturiers : on les arrange tout de suite' en rond» dans une futaille qui est percée de quelques trous; au bout de quinze jours, ils sont encore chauds; et quoiqu'on les y laisse long-tems, ils n'y souffrent aucune altération; de sorte que quelquefois on ne les en retire que lorsqu'on veut s'en servir; alors on les lave dans de l'eau douce, et on les fait sécher à l'air ou au soleil. On passe tous les mois des sardinaîes dans cette tein- ture ; et comme la couleur devient à chaque fois de plus eu plus brune, à la fin ces filets DE PECHE. '453 semblent teints en noir; moyennant ces, attentions, ils durent plusieurs années. Si Ton vouloit teindre les filets en couleur d'eau, on pourroit suivre le procédé que nous avons indiqué dans la première sec- tion pour teindre les lignes; mais on n'en fait point usage pour les filets. Dans les pays où l'on ne peut pas se pro- curer du tan de chêne , on prend de l'écorce verte et fraîche, de racine de noyer; on la coupe par morceaux , qui peuvent avoir un pouce en carré ; on les met dans une cuve, et sur deux boisseaux de cette écorce, on verse deux seaux d'eau , qu'on fait bouillir pendant une heure ; on retire ensuite Té- coixe, on met les filets au fond de la cuve, et on les recouvre avec l'écorce qu'on avoit tirée de la cuve : les ayant laissé tremper pendant vingt - quatre heures dans cette teinture, on les en retire, on les tord, et on les étend pour les laisser sécher. Comme les filets sont un objet considé- rable de dépense, les pêcheurs prennent une singulière attention à les conserver ; pour cela ils les lavent autant qTi'ils peuvent dans de l'eau douce, toutes les fois qu'ils reviennent de la mer; ensuite ils les étendent ou sur la grève , ou sur des perches , poiu» 454 SUR LES FILETS, etc. les faire sécher; et avant de s'en servir, ils les visitent pour rétablir les trous qui pour- roient s'y trouver : article très-important , puisque, comme nous avons déjà eu occa- sion de le dire, quelques mailles rompues deviennent bientôt un grand trou, si on néglige de les rétablir ; enJSn , quand on s'aperçoit qu'un filet perd sa teinture, on le repasse dans la tannée: avec de pareilles attentions , les jx-cheui^ font quelquefois durer ti-^s-long tems leurs filets (i). (i) On ne conuoit point en Saxe ni dan? le Nord i'asage de tanner les filets. Cette méthode , qui paroit aToir des avajitages . mérite l'attention de ceux qui a'appli'îuent à avancer le progrès des arts. lïn du second volume. TABLE Des matières contenues dans ce second Volume. J_J ES effets de fart de V Homme sur la nature des Poissons , par Lacepède^ P^r- ^ Des dénominations par lesquelles les Natu- ralistes distinguent les diverses parties des Poissons , 86 Explication des planches /, II et III de ce volume ^ 186 Observations sur les écailles de plusieurs es- pèces de poissons çuon croit communément dépourvus de ces parties, par Broussonet, de r académie de.^ sciences , iq5 Précis de la législation sur la pêche, si5 Troisième vue de la Nature , par Lactpède^ Observations sur la structure du cœur d^s Poissons , par Duverney , de V ^icademie des sciences de Paris , 2^6 OBsenations pK)ur sen'irà f histoire de la res- piration des Poissons , par Broussonet , 2D^ Observatie^ns sur les étangs^ 296 456 TABLE. Préservatif contre la mortalité du Poisson dans les étangs pendant les grands hyvers , 333 Méthodes de préparer les différentes espèces de Poissons pour les cabinets d'histoire naturelle , 548 Des filets , de leur fabrique^ de leur entre- tien ^ et de leurs différentes espèces y 377 Fin de la Table. &t ^ % -«#î 'A 'H. t?-' -^« /_ % ^ m" M^ L'i f W: