\ ^te -^ 1 ^. ?t=i^^imd ^î?«>^ ^. V. «^ .'. -t*^^ '■^^S h^-;^. SCiv'- r!i y?^^ f>'.^ 't:^ *-...^.< * ■m-.% --'■'' «< W ÎV*! ^^# ^V.. "'"'-Ss'ife ^r«i.Jt_::srsiK%i^iËf?^ .": HARVARD UNIVERSITY. LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY LiBRARY OF SAMUEL GARMAN '1/ ■r 7 p' JUN 8 1929 ' HISTOIRE NATURELLE, * GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE. DES P (J 1 S 8 O N S. TOME QUATRIÈME. ON SOUSCRIT A PARIS, !D u F A R T, Imprimeur-Libraire et éditeur, rue des Noyers , N** 22 ; Bertrand, Libraire , quai des Augustins, A ROUEN, Chez Vallée , frères, Libraires , rue Beffroi , N" 22. A STRASBOURG, Chez Levhault, frères , Imprimeurs-Libraires. A LIMOGES, Chez B A R G E A s , Libraire. A MONTPELLIER, Chez Vidal, Libraire, A M O N S, Chez H o Y o I s , Libraire. 3Et chez les principaux Libraires de l'Europe. HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE, DES POISSONS; Ouvrage faisant suite à l'Histoire naturelle, générale et particulière , composée par Leclerc de BuFFo^', et mise dans un nouvel ordre par C. S. Sonmni, avec des Notes et des Additions. PAR C. S. SONNINI, ^lEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES ET LITTÉRAIRES. TOME QUATRIÈME. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE F. DUFART. AN X 'in HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. SUITE DES SQUALES. L E N E Z (i). QUATRIÈME ESPECE. Xj'a t t r I b u t caractéristique de ce squale est le prolongement de son museau , qui lui forme comme un long nez par lequel sa tête se termine. Ce nez a une forme co- nique; il se relève vers son extrémité, et des pores nombreux criblent sa surface. ■ ■ Il I I I I. I » (i) Squalus plicâ longltudinali ad ufr unique caudœ lalus squalua cornubicus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i3i , sp. 25. Le nez. Broussonet, Mémoires de l'académie des sciences, année 1780, p. 667, n° 16; et Journal de physique, février 1785. Porbeagle. Borlas. Hist. nat. cornv. p. 265, tab. 26, fig.4- Squalus rostro conico , punctis pertuso ; caudâ utrinque carinatâ j pinnâ dorsali posteriore anaii A 3 6 HISTOIRE Ce poisson a la bouche grande ; elle est armée d'une multitude de dents aiguës , mobiles , longues , plus larges à leur base , et courbées vers le gosier. Il n'y a point de trous aux tempes. Le corps est gros , plus court que celui des autres espèces, arrondi, et sa forme approche de celle d'un fuseau; il est recouvert d'une peau lisse et légèrement marbrée. La Vigne latérale (i) commence au dessus des yeux, fait d'abord quelques zig-zags , et se termine vers le bout de la queue par un pli longitudinal et saillant. La première nageoire du dos, triangulaire, est placée avant le milieu du corps; la se- conde, beaucoup plus petite, passe l'à-plomb de la nageoire anale ; celle - ci , presque oppositâ. . . . squalus nasus ; îe nez. ( Boriat. planches de l'Encyclop. méthod. p. lo.) Le squale long nez. Lacépède , Histoire nat. des poissons. Squalus corpore glahro , crasso ; caudâ valdè atte- nuatâ , depressâ utrinque plicâ eminenti carinatâ. . . * squalus nasus. Artedi , Gen. pisc. gen. 44 > ^P* 22 , additament. (i) J'ai donné dans le second volume de cette histoire des poissons, p. 86 , l'explication de ce terme, ainsi que de toutes les dénominations par lesquelles on distingue les diverses parties de ces animaux. DES SQUALES. f également éloignée du bout des nageoires du ventre et de la base de celle de la queue , est de la même grandeur que la seconde nageoire du dos. Les nageoires pectorales occupent à peu près le milieu de la dis- tance qui sépare les nageoires ventrales du bout du museau ; enfin , la nageoire de la queue se divise en deux grands lobes, dont le supérieur est un peu plus long que Tinfé- rieur. A la base de cette dernière nageoire est, en dessus comme en dessous, un enfon- cement sensible. Le nez se trouve dans la mer Atlantique ; mais il y paroît rare. On le prend quelquefois sur les côtes de la province de Cornouailles , en Angleterre. Borlase , qui a écrit l'histoire naturelle de ce pays, en a donné le premier la figure et la description (i). (i) Hist. nat. cornv. loco ciôafo. A4 8 HISTOIRE LE BEAUMARIS (i). CINQUIÈME ESPÈCE. IVl. Peiiuant mel au nombre des poissons très -raines, que Fou voit quelquefois dans le canal entre Priestholn:^ et Anglese}^ ^ 1© squale auquel il donne le nom de beauinaris ^ du nom du port près duquel on Fa pêcjié (2). Ce squale , que Fon ne connqîl: encore que par la courte desciiption que M. Pennant en a faite, passe aux yeux des iclilhyologistes modernes pour une variété du nez. Mais ii ipe semble que jusqu'à ce que Fon ail obtenu de nouveaux lenseignemens , Fon est fondé à le considérer comme une espèce disliucie. puisque le seul naturaliste qui Fait vu Fa jugé différent des autres poissons du même genre. (i) The h^aumarifi shark. Pennant, Brit. zool. tom. 111 , n^ 5o j lab. 17. Squalus corpvr? fnsijotmi , pinTià vaudœ lunatâ . .^ squalas Perinanti, Arlec^i , Gcn. pisc. gcn. 44 ? ^P* ^^" var. a. additnm. (?) Voyrz renr.âiil ^ Bvit. zooî. et Kecueii de voyages an nord de l'Eiappe, tom. I, p. 144. DES SQUALES. ^ Ce n'est pas que le beaumaris n'ait plu* sieurs rapports de conformité avec le nez , mais il s'en éloigne aussi piU' des traits de dissemblance, ainsi que Ton en jugera par la description que M, Pennant nous en a laissée. L'individu qui a servi à cette description avoit sept pieds de longueur, et le corps en fuseau; sa peau étoit lisse; son museau obtus, et sa couleur plombée. Ses mâchoires avoient des dents étroites, mais très-aiguës, aplaties,^ plus larges à leur base, et mobiles. Des nageoires , la première dorsale se trouvoit au milieu de la longueur du corps , et sa forme étoit triangulaire ; la seconde étoit beaucoup plus petite, et semblable à Tanale, placée vis-à-vis; les pectorales étoient larges et épaisses, celles du ventre, au contraire^ petites et pointues; enfin, celle de la queue formoit un croissant , dont la corne su- périeure surpassoit en longueur celle de dessous. On peut rapporter au beaumaris le squale que Duhamel inclique sous la dénomination de touille-bœuf (i) , c'est-k-dive , ^œi/f-reçuin ^ «Il I I 1.1- Il iiii (i) Traité des pêcbes, tom. Jl , section o. ao HISTOIRE le mot touille étant une dénomination vul- gaire du requin sur quelques parties de nos côtes de l'Océan. C'est vraisemblablement aussi le requin , canis carcharias , de Jons- ton (i). Ici toute description manque, et Foa en est réduit aux simples conjectures. ^ ' ' !■ I I . . I .1 ■■ ■■ Il ■■ <| (i) Hist. nat. pisc. DES SQUALES. n LE P H I L î P P, LE SQUALE PHILIPP (i), PAR LACÉPÈDE. SIXIÈME ESPECE. V^^EST pendant le voyage du capitaine Philipp à Botany - Bay que l'on a tu ce squale dans le port Jackson de la Nouvelle- Hollande. J'ai cru en conséquence devoir donner à ce poisson un nom qui rappelât le navigateur à l'entreprise duquel on en doit la connoissance. La conformation de cet animal est remarquable. Auprès des yeux on voit une proéminence dont la lon- gueur est à peu près égale au huitième de la longueur totale. L'intérieur de la bouche est garni d'un très-grand nombre de dents ( I ) Squalus port Jackson. Voyage du capitaine Philipp à Botany-Bay , quatrième édition, publiée en 1790, en anglais, et à Londres. 12 HISTOIRE disposées sur dix ou onze rangées. Les dents les plus extérieures étoient les plus petites dans l'individu péché dans le port Jackson. Peut - être ces dents extérieures n'étoient- elles que des dents de remplacement, subs- tituées depuis peu de tems à des dents plus anciennes , et qui seroient devenues plus grandes si l'animal avoit vécu plus long- tems. Mais, quoi qu'il en soit , cette infé- riorité de grandeur dans les dents exté- rieures du squale philipp prouve évidemment que les intérieures ne sont pas destinées à les remplacer, puisque jamais les dents de remplacement ne sont plus développées que celles auxquelles elles doivent succéder; et ce fait ne confirme - 1 - il pas ce que nous avons dit sur les fonctions et la destination des différentes dents du requin ? Au reste , toutes les dents du squale philipp ne sont pas aiguës et tranchantes ; on en voit plusieurs à la mâchoire supé- rieure, et sur-tout à la mâchoire inférieure, qui sont presque demi-sphériques. Au de- vant de chacune des deux nageoires dotsales est un aiguillon assez fort et assez long. La nageoire de l'anus est placée à une cgalo distance des ventrales el île celle de la queue > DES SQUALES. i5 ^uî se divise en deux lobes , et dont le lobe supérieur est plus long que l'inférieur. Ce squale de la mer Pacifique est brun par dessus et blanchâtre par dessous. L'individu décrit dans le Voyage du ca- pitaine Philipp n'avoit que deux pieds de long, et cinq pouces et demi dans sa plus grande largeur. 14 HISTOIRE LEPERLON. LE SQUALE PERLON (i)(2), PAR LACÉPÊDE. SEPTIÈME ESPÈCE. Oest mon confrère le citoyen Broussonet, membre de l'Institut national, qui a parlé Je premier de ce poisson dans le beau travail qu'il a publié sur la famille des squales (5). 11 a donné à cet animal le nom de perlon , que nous lui avons conservé. Ce cartilagi- neux est , dans sa partie supérieure , d'un (i) Chien de mer perlon. Broussonet, Mémoires de racadémie des sciences , pour 1 780. Squalus cinereus. lân. édit. de Gmel. Chien de mer perlon. Bonat. planches de l'Encycl. méthodique. (2) Squalus spiraculis septunis ; pinriâ dorsali unicâ. . . squalus cinereus. Artedi , Gen. pis. gen. 44;» 8p. 23 , additamen. (3) Dans le volume déjà cité des Mémoires de l'aca- démie des sciences. DES SQUALES. i5 gris cendré , distribué communément comme / }e bleu verdâtre du glauque, auquel il res- semble d'ailleurs par sa peau moins tuber- culeuse et moins rude que celle de plusieurs autres squales. Ses lignes latérales sont très- sensibles. Mais ce qui sert principalement à le faire distinguer des poissons de son genre, c'est qu'il n'a qu'une nageoire dorsale, placée à peu près vers le milieu du corps, et sur- tout qu'au lieu de cinq ouvertures bran- chiales , il en présente sept de chaque côté. Les voyageurs qui pourront le voir dans les différentes circonstances de sa vie observe- ront sans doute avec beaucoup d'intérêt quelle influence exerce sur ses habitudes cette conformation particulière de ses or- ganes respiratoires. î6 HISTOIRE LE POINTILLE, ïiË SQUALE POINTILLE (i), I»AR LACÉPÊDE. HUITIÈME ESPÈCE. V^ ' E S T le citoyen Leblond , voyageur naturaliste , qui nous a fait parvenir de TAmérique méridionale un individu de cette es|^)ece. Ce squale pointillé habite , comme la raie tuberculée, les mers voisines de la Guiane. Ce cartilagineux a une nageoire de Tanus, et n'a point d'évents. 11 appartient donc au premier sous- genre des squales; et il est aisé de voir, par ce que nous allons dire de sa forme extérieure , combien il diffère des espèces déjà comprises dans ce sous-genre, où il faudra le placer entre le squale très-grand et le squale glauque. Sa tête est déprimée et très - arrondie par devant ; ses dents sont conformées comme celles du squale roussette; on voit (i) S^ualus jpunctulatus. de D E s s Q U A L E s. 17 de chaque côté cinq ouvertures branchiales; les nageoires pectorales sont assez grandes, et la partie antérieure de leur base est presque aussi avancée vers le museau que la troi- sième ouverture des branchies. Les nageoires ventrales sont séparées Tune de Fautre ; la première nageoire dorsale est placée au dessus des ventrales, la seconde plus près de la tête que de l'anus , et le lobe infé- rieur de la caudale très-échancré. On voit un roux uniforme sur le dessus du corps et de la queue; et la partie infé- rieure de l'animal présente un fauve plus foncé , parsemé de petits points blancs qui nous ont indiqué le nom que nous avons cru devoir préférer pour ce cartilagineux. Au reste , nous devons prévenir que de chaque côté de la tète, et auprès de l'en- droit où un évent auroit pu avoir une ou- verture , non? avons aperçu une dépression presque imperceptible , qui , malgré un. examen attentif, ne nous a montré aucun orifice , mais que Ton voudroit peut-éti e considérer comme un évent proprement dit. Nous ne croyons pas que l'on dut adopter cette opinion, dont nous ne pouvons pas «ependant démontrer le peu de fondement, Pçiss. Tome iV. B '^ i8 HISTOIRE parce que le citoyen Leblond ud envoyé au muséum national d'iiistoire naturelle qu'une simple dépouille d'un squale poin- tillé. Mais, quand bien même le cartila- gineux que nous venons de décrire auroifc des é vents, et qu'il fallût le transporter, si je puis m'exprimer ainsi , du premier sous- genre dans le second, il nen appartiendroit pas moins à une espèce encore inconnue aux naturalistes. Il faudroit l'inscrire après le squale Isabelle, avec lequel il auroit des rapports d'autant plus grands , que la pre- mière nageoire dorsale de l'isabelle s'élève , comme celle du pointillé , au dessus des ventrales. Il différeroit néanmoins de ce même poisson, en ce que les ouvertures des évents de l'isabelle sont très-grandes , pendant que celles du pointillé seroient au moins très-petites. D'ailleurs l'isabelle a une ligne latérale très-sensible. 11 présente sur la partie inférieure du corps et de la queue une couleur beaucoup plus claire que celle du dos; tandis que, par une disposition de nuances très-rare sur les animaux , et par- ticulièrement sur les poissons , la couleur de la partie inférieure de la queue et du corps du pointillé est plus foncée que la D E s s Q U A L E s. 19 teinte des parties supérieures de ce dernier squale. Il n'a point de petites taches sur le ventre , comme le pointillé ,* il en montre de plus ou moins grandes sur le dos, où la couleur du pointillé est au contraire très- tmiforme, et enfin on n'a vu jusqu'à pré- sent risabe]le que dans quelques portions de la mer Pacifique. B 2 so HISTOIRE LA ROUSSETTE. LE SQUALE ROUSSETTE (i), PARLACÉPÈDE. NEUVIÈME ESPÈCE. Occupons-nous mainlentmt des squales qui ont une nageoire de Fanus comme ceux que nous venons d'examiner, mais qui ont (i) Noms donnés aux mâles et à la femelle. Dans plusieurs départemens méridionaux , chat^ marin. Dans plusieurs départemens de l'7talie , pesce gatto. Sur plusieurs côtes des Indes orientales , haay. Chien de m>er roussette Broussonet , Mémoires de l'acad. des sciences de Paris pour 1780. — Daubent, Encyclopédie méthodique. — Bonaterre, planches dr l'Encyclopédie méthodique. Noms donnés uniquement au mâle. Roussette tigrée. En Angleterre , roz/^A-^oz^wo? , et morgay. Squalus ratulus. Lin. édit. de Gmelin. ( î>e pro- fesseur Gmelin n'est pas éloigné de considérer ce squale comme le mâle de la roussette proprement dite.) Squalus dorso varia , pinnls ventralihus concretis» D E s s Q U A L E s. 21* en même tems derrière chaque œil un évent dont ces derniers sont dénués , et dont nous avons exposé l'usage en traitant de la raie Artedi. gcn. 69, syii. 97. — JSluller , Prodrom. zool. dan. p. 38, n^ 5i i. — Gronov. Mus. 2, n^ 199. — Blocli , llist. nat. des poiss. pi cxiv. GaleuSj dorso pulverulento tantillùm ruhente. Kleia, Miss. pisc. 5 , p. 10 , n° 6. Ghleits stellaris min. Belon , Aquat, p. 74* — Aldr. Pisc. p. 390 , f. 2. Catuliis minor. Willughb. Ichlh. p. 64 > tab. B, 4j %. 2. — ' Ray, Pisc. p. 22 , n° i3. Catulus , et cutulus minor. Salvian. Aquat. iSy &, et i38 a , lib. 52 ; cl i58 b , lib. 8, i3 et 29. Les'ser dog-fish. Pennaut, Brit, zool. 5, p. 90, n** 9. — «Gunner, Act. nidros 2, p. 255, tab. i , a. Noms donnés uniquem.ent à la fem^elle, A Rome , scorzone. En Angleterre , bounce. Squalus catulus. Lia. édit. de Gmelin. Squalus varius inermis , pinnâ ani m>ediâ inter anum caudamque pinnatam. Artedi, gen. 68 , syn. 97. Galeus capite rustroque bvevissimis , etc. Klein , Mise. pisc. 5 , p. TO , YL^ 4' Squalus conductus. Osbeck , Icîith. 70. —Salvian. Aquat. p. 157. — Aldrov. Pisc. p. 590. — Jonston , Pisc. pag. 25, tab. 8, ï\g. 1. Catulus major vulgaris. Wiilugiiby, Iclith. p. 62^ *— ■ Raj^ , Pisc. p. 22. Jioussette^ canicula Aristotelis, Rondelet , première partie , liv. i5 ^ e]îap.'6. -— Gesn. Aquat. p. i68» B 0 22 HISTOIRE bâtis. Le premier animal qui se présente à notre étude, dans le sous-genre dont nous allons parler, est la roussette. On a observé, et le citoyen Broussonet a particulièrement remarqué que dans les squales en général, ainsi que dans plusieurs autres animaux carnassiers , et sur - tout parmi les oiseaux de proie , la femelle est plus grande que le mâle. Nous retrouverons cette même différence de grandeur dans plusieurs autres genres ou espèces de pois- sons ; et peut - être cette snpéiiorité de volume, que les femelles de poissons ont sur leurs mâles , n'a-t-elle lieu que dans les espèces où les œufs parviennent , dans le ventre de la mère , à un accroissement très - considérable , ou s'y développent eu très -grand nombre. Mais, quoi qu'il en soit 5 c'est princip.'ilement dans l'espèce du squale roussette que se montre cette iné- galité de dimensions entre le iinàle et la femelle. Elle y est même assez grande pour que plusieurs auteurs anciens et plusieurs ^ — — Greater dog-fiah. Pennant , Brit. zool. 3, p. 88, îi^ 8. — Arist . 1. 6 , c. I o et 1 1 . Rouasette. V'almont de Bomare , Dict. cVliist. nat. 'Roussette. \)q^û\\^ sur vélin, de la collection du înuseasn d'histoire naturelle. DES SQUALE S. 23 naturalistes modernes les aient considérés comme formant deux espèces distinctes, dont on a nommé une le grand chat de mer , ou chien marin ( canicula vel catulus major) ^ et l'autre le petit chat de mer ^ ou petit chien marin ( canicula vel catulus minor ). Ces auteurs se sont d'ailleurs déterminés à établir cette séparation , parce que le mâle et la femelle du squale roussette ne se ressemblent pas dans la position de leurs nageoires ventrales , ni dans la disposition de leurs couleurs. Mais, lorsqu'on aura pris la peine d'examiner un assez grand nombre de roussettes mâles et femelles , de peser , les observations des navigateurs , et dé comparer les descriptions des naturalistes,' on adoptera facilement avec nous l'opinion du citoyen Broussonet , qui ne regarde les différences , qui séparent le grand et le petit chat de mer , que comme le signe de deux sexes , et non pas de deux espèces distinctes. Le grand chat de mer, ou la canicule ma- rine , est la roussette femelle , et le petit chat marin est la roussette mâle. La roussette femelle l'emporte donc sur le mâle par l'étendue de ses dimensions. Cependant, comme les attributs caractéris- tiques de l'espèce résident toujours par B 4 24 HISTOIRE excellence dans les mâles , nous allons corn»"' mencer par décrire le mâle de la roussette. La tête est grande, le museau plus trans- parent que dans quelques autres squales (i), Firis blanc, et la prunelle noire. Les narines sont recouvertes , à la volonté de Tanimal , par une membrane qui se termine en lan- guette déliée et vermicuîaire. Les dents sont dentelées , et garnies aux deux bouts de la base de la partie émaillée , d'une pointe ou d'une appendice dentelée, ce qui donne à chaque dent trois pointes princi- pales. Elles forment ordinairement quatre rangées , et celles du milieu de chaque rang sont les plus longues. Les nageoires ven- trales se touchent de très - près , et sont pour ainsi dire réunies ; la place qu'elles occupent est d'ailleurs plus rapprochée de la tête que celle de la première nageoire dorsale. La seconde nageoire du dos est située au dessus de celle de l'anus; la na- geoire caudale est étroite et échancrée , et la longueur de la queue surpasse celle du corps proprement dit. La partie supérieure de l'animal est d'un (i) Voyez, au sujet de la transparence des pois^ gons, le discours sur la nature de ces animaux, ' D E s s Q U A L E s. aS gris brunâtre^ mêlé de nuances rousses ou rouges , et parsemé de taches plus ou moins grandes , dont les unes sont blanchâtres , et les autres d'une couleur très-foacée. Ce mâle a communément deux ou trois pieds de longueur. Voici maintenant les différences que pré- sente la femelle. Premièrement, sa longueur est ordinai- rement de trois à quatre pieds. Secondement , la tête est plus petite à proportion du volume du corps. Troisièmement , les nageoires ventrales ne sont pas réunies. Et quatrièmement , les couleurs de la parlie supérieure du corps ne sont pas toujours distribuées comme celles du mâle: les taches que cette partie présente res- semblent quelquefois davantage à celles que l'on voit sur la peau d'un léopard , et ces taches sont souvent rousses ou noires , mêlées à d'autres taches cendrées. Telles sont les formes et les nuances qq.'oiFrent le mâle et la femelle (i). (i) Dans Texamen cjue Blocîi a fait des parties intérieures de la roussette , il a observé : i° que le foie, al'acjié au diaphragme ^ est assez grand pour 26 HISTOIRE Mais ne considérons plus que FespèceJ et indiquons ses habitudes. La roussette est très-vorace : elle se nourrit principalement de poissons , et en détruit un grand nombre ; elle se jette même sur les pécheurs et sur ceux qui se baignent dans les eaux de la mer. Mais ^ comme elle couvrir les intestins- et les entourer par le haut ; 2^ que la rate est petite et tient au fond de l'estomall 3^ que l'oesophage est large et l'estomac long , et qu'ils ont tous deux des fibres musculaires assez fortes; 4^^ que le canal intestinal, fort court, n'a que deux sinuosités; ^^ que le duodénum est mince et le rectum étroit; 6*^ que, derrière le rectum près de l'anus , il y a «ne longue appendice qui est attachée à l'épine du dos , et d'ont la peau est épaisse ; 7^ qu'à l'origine de cette appendice l'on voit une soupape , qui empêche que les excrémens n'y pénètrent ; car l'air n'y entre point lorsqu'on souffle dans le rectum ; mais en souf- flant dans l'appendice , le rectum se gonfle sensi- blement ; 8° que les reins sont petits , oblongs et placés sous le diaphragme ; 9® que les uretères ont une peau fort mince , sont attachés le long de l'épine du dos , et se joignent devant l'anus où ils s'ouvrent *, 10^ qu'à côté des uretères on découvre les vaisseaux spermatiques , qui sont fort minces , vont eu serpen- tant jusqu'à l'anus, où ils se joignent de la même manière que les uretères ; 11^ qu'au dessus de l'anus se trouvent deux ouvertures par lesquelles on peut, en souillant , faire gonfler le bas-venlre. So:NîiiM. DES SQUALES. 27 est moins grande et plus foible que plusieurs autres squales , elle n'attaque pas le plus souvent ses ennemis à force ouverte ; elle a besoin de recourir à la ruse', et elle se tient presque toujours dans la vase , où elle se cache et se met en embuscade, comme les raies , pour surprendre sa proie : aussi est-il rare de pêcher des individus de cette espèce qui ne soient couverts de fange. La chair de la roussette est dure , et répand une odeur forte qui approche de celle du musc. On en mange rarement ; et lorsqu'on veut s'en nourrir, on la fait ma- cérer pendant quelque tems dans Teau. Mais sa peau séchée est très-répandue dans le commerce; elle y est connue sous le nom de peau de roussette , peau de chien de mer ^ peau de chagrin. Les petits tubercules. dont elle est revêtue la rendent très - propre à polir des corps très - durs , du bois , de l'ivoire , et même du fer ; et , comme celle du requin, elle est employée non seulement à faire des liens, mais encore à couvrir des malles; et , après avoir été peinte en verd , ou en d'autres couleurs, à garnir des étuis sous le nom de galuchat. Il ne faut cepen- dant pas confondre ce galuchat commun avec celui que l'on obtient en préparant la 2S HISTOIRE peau de la raie sephen , duquel les grains ou tubei^cuîes sont plus gros, et dont nous avons parlé dans l'article de cette raie (i). Ce second galuchat , plus beau et plus re- cherché, est aussi plus rare, la sephen n'ayant été péchée que dans un petit nombie de mers , et le squale roussette habitant non seulement dans la Méditerranée, mais en- core dans toute l'étendue de l'Océan, depuis un cercle polaire jusqu'à l'autre, et depuis les Indes occidentales jusqu'aux grandes Indes , d'où un individu de cette espèce a. été envoyé dans le tems à la Haye sous le nom de haay (2). On retire par la cuisson une assez giande quantité d'huile du foie de la roussette; mais il paroît qu'il est très-dangereux de se nourrir de ce viscère, que les pécheurs ont ordinairement le soin de rejeter avant de vendre l'animal. Le séjour de la roussette dans la fange , l'infériorité de sa force , et la (1) Page 2.56 du troisième volume , et ma note à c© sujet page 242. C'est du reste avec la jjeau de la roussette, teinte en verd , que se fait la plus grande partie du galuchat que nos gaîniers consomment. S o N N 1 N I. (2) Cet individu desséché fuit partie de la coUecti^m cédée à la France par la Hollande. DÉS SQUALES. 29 taolence de son appétit , peuvent Tobliger à se contenter souvent d'une proie très- corrompue , d'alimens fétides, et même de mollusques ou d'autres vers marins plus ou moins venimeux, qui altèrent ses humeurs, vicient particulièrement sa bile , donnent à son foie une qualité très- mal -faisante , et rendroient aussi plus ou moins funeste dans plusieurs circonstances Fusage intérieur d'autres parties de cet animal (1). Mais, quoi qu'il en soit , nous croyons devoir rapporter ici les observations faites par M. Sauvages , habile médecin de Mont- pellier , sur les effets d'un foie de roussette pris intérieurement (2). Un savetier de Bias , auprès d'Agde , nommé Gervais , mangea d'un foie de ce squale , avec sa femme et deux enfans, dont l'un étoit âgé de quinze ans , et l'autre de dix. En moins d'une demi-heure , ils tombèrent tous les quatre dans un grand assoupissement, se jetèrent (i) Nous ne saurions trop recommander de vuider avec la plus grande attention les poissons dont on veut manger, lorsqu'ils se sont nourris d'aliraens corrompus ©u de vers marins. (2) Dissertation sur les animaux venimeux, coci- |p«iîaée par l'académie de Roue^n , en 1 745. 5o HISTOIRE sur de la paille , et ce ne fat que le troisième jour qu'ils levinrent à eux assez parfaite- ment pour connoître leur état. Ils furent alors plus ou moins réveillés , suivant qu'ils avoient pris une quantité moins grafide ou plus considérable de foie. La femme, qui en avoit mangé le plus , fut cependant la première rétablie. Elle eut, en sortant de son sommeil , le visage très-rouge , et elle ressentit le lendemain une démangeaison universelle , qui ne passa que lorsque tout son épidémie se fût séparé du corps en lames plus ou moins grandes , excepté sur la tête 5 ou cette exfoliation eut lieu par petites parties et n'entraîna pas la chute des cheveux. Son mari et ses enfans éprouvèrent les mêmes eJBfets. (i). (i) J'ai rapporté à l'article du requin les mauvais effets que le foie de cet animal occasioiïna l'an dernier sur l'équipage d'un navire anglais. ( Voyez page 386 du troisième volume.) La roussette a autant de voracité qu'aucun poisson du même genre. Elle suit les vaisseaux , et saisit avec avidité tout ce qui en tombe. Osbeck raconte qu'il a trouvé dans l'estomac d'une roussette , outre une quantité de bonites, des poulets avec leurs plumes que l'on avoit jetés à la mer. Ce poisson attaque aussi Içs hommes qui se baignent, On le prend comme lo DES SQUALES. 5i La roussette est très-féconde ; elle s'ac- couple plusieurs fois ; elle a plusieurs portées chaque aiïiiée, et, suivant la plupart des observateurs , chaque portée est de neuf à treize petits ; on a même écrit qu'il y avoit quelquefois des portées de dix-neuf jeunes squales : mais peut - être a-t-on appliqué faussement à la roussette ce qui paroît vrai du rochier, avec lequel elle a de très-grands rapports, et auquel le nom de roussette a été aussi donné. Les œufs qui éclosent dans le ventre de la mère, au moins le plus souvent, sont semblables à ceux du requin : on les a éga- lement comparés à des sortes de coussins, de poches, de bourses; et ces coques mem- braneuses sont également terminées , dans leurs quatre angles, par un filament délié, et treize ou quatorze fois plus long que l'œuf proprement dit. Plusieurs auteurs an- ciens ont cru , d'après Aristote , que ces filamens si alongés étoient creux et for- riCquin , avec de grosses cordes , auxquelles on attache des crochets appâtés avec un morceau de lard ou de viande , ou avec une poule. Il a la vie si dure , qu'a- pr|s qu'on lui a coupé la tête et la queue, et enlevé les viscères et les intestins , son tronc remue encore pendajat une heure, S o w n i n i. 52 HISTOIRE moient de petits tnyanx; mais, dans quelque état qu'on observe ces sortes de cordons^ on les trouve toujours sans aucune espèce de cavité (i). '■> Lorsque les roussettes mâles sont accou- plées avec leurs femelles, elles les retiennent avec des crochets ou des appendices mobiles placées auprès de Fanus, comme les mâles des autres squales et des raies se tiennent collés contre leurs femelles : mais Forgani- sation intérieure de ces appendices est plus simple que celle des parties analogues de la bâtis; on n'y voit que trois cartilages, dont deux ont une très-grande dureté. La roussette étant répandue dans toutes les mers , sa dépouille a dû se trouver et se trouve en effet fossile dans un grand nombre de contrées. Ses dents sont sur-tout très-abondantes dans plusieurs endroits; ou en voit dans presque toutes les collections ; elles y ont porté long-tems le nom de glos^ sopètres , ou de langues pétrifiées , donné à celles du requin; et ayant une forme plus alongée que ces dernières , elles ont même dû être prises moins difficilement pour des langues converties en pierre. Parmi celles (i) Voyez Rondelet , à l'eqdroit déjà cité. qu9 DES SQUALES. 33 qiie renferme le muséum national cVhistoire naturelle, il y en a de très-grandes. Nous avons mesuré la plus grande de toutes , et nous nous sommes assurés que l'un des deux côtés les plus longs de la portion émaillée de cette dent triangulaire a voit 9 par le moyen de ses petites sinuosités, une longueur de soixante-dix-huit millimètres (1) (trois pouces ou environ). Nous avons désiré ensuite de connoître, comme nous l'avions (i) Autres dimensions de la grande dent fossile de roussette. millim. pouc. lig. Plus grcinde largeur de la partie émaillée ^5 := 2 9 Longueur de l'une des pointes ou appendices dentelées , placées l'une à un bout de la base , et l'autre à l'autre 10 = 4-^ Longueur mesurée sur la face extérieure et convexe , depuis le sommet de la dent jusqu'au sommet de l'angle rentrant formé par la base" de la portion émaillée 4^ = 1 6-|- Longueur mesurée sur la face concave et intérieure , depuis le sommet de la dent jusqu'au sommet de l'angle rentrant formé par la base de la portion émaillée ...••• 5o :=: i iq Poiss. Tome IV. C 54 HISTOIRE cherché pour le lequin , la proportion îa plus ordinaire entre les dimensions des deals, et celles de Taniaial considéré dans son entier : mais, quoique nous ayons été à nlênie d'examiner un grand nombre de roussettes, nous en avons observé trop peu de parvenues à un grand degré de déve- loppement , pour que nous ayons pu croire avoir trouvé cette proportion très- variable dans les très-jeunes squales, même lorsque leurs langueurs sont égales. Nous pensons cependant qu'en général les dents des rous- settes sont plus petites que celles des requins, relativement à la grandeur totale du squale. Mais , de peur de dépasser la limite du vrai, supposons ce qu'il est difficile de con- tester, et admettons, pour les roussettes et pour les requins, le même rappoit entre Içs dimensions de Tanimal et celles de ses dents. D'après la proportion que nous avons adoptée pour les requins , la roussette , à laquelle a appartenu la dent fossile que nous avons mesurée dans le muséum , a dû être deux cents fois plus longue que Fun des plus grands côtés de la partie émaillée de cette dent , et par conséquent avoir un peu plus de quinze mètres et demi (cin- quante pieds) de longueur. Cette énorme DES SQUALES. 35 extension étonnera sans cloute clans une espèce dont on ne voit plus que des indi- vidus de quelques pieds : mais la dent fos- sile c|ui nous a fait admettre cet immense développement a tous ]es caractères des dents des roussettes; et si on vouloit la rapporter à d'autres squales qui ont aussi leurs dénis garnies de trois pointes princi- pales, diminueroit-on la surprise que peut causer celte étendue de cinquante pieds que nous proposons de reconnoître dans les anciennes roussettes? Mais, quelle qu'ait été l'espèce du squale dont cette dent fossile est une pai lie de la dépouille , cette dent existe,* elle a les dnnensions que nous ve- nons de rapporter; elle indique un squale long au moins de quinze mètres et demi (cinquante pieds ou environ); et cette con- séquence, réunie avec celles que nous avons tirées de la grandeur de la dent de requin trouvée aux environs deDax, ne sera-t-elle pas de quelque intérêt pour ceux qui vou- dront écrire l'histoire des changeniens phy- siques que la terre a éprouvés? C 2 36 HISTOIRE LE R O C H I E R LE SQUALE ROCHI ER (i) (i^), PAR LACÉPÈDE. DIXIÈME ESPÈCE. V_iE squale a été souvent confondu avec le mâle ou la femelle de la roussette, que l'on a pris souvent aussi pour le mâle ou la femelle du rochier. Cette double erreur est venue de ce que ces animaux ont plusieurs (i) Sur plusieurs côtes de France, roussette. Dans plusieurs départemens méridionaux, catto rochlero. Chien de mer , chat rochier. Broussonet, Mémoires de l'académie'des sciences pour 17S0. — Daubenton , Eneyclop. métliod. Squalus stellaris. Lin. édit. de Gmelin. Sqiialus cinereus , pinnis ventralibus discretis. Ar- tedi , gen. 69 , syn. 97. Catulus inaximus. Willugbby , p. 63. — JR-ay, p. 22. — Gesner , p. 169 - 199 ; et Germ. fol. 80 , b. J'he greater cat-fish. Edw. Glan. p. 169, lab. 289, Thegreater spotted cat-fish* Pennaiit ; Brit. Zool. 3, p. 99;tab. i5,n^4. DES SQUALES. 57 rapports les uns avec les autres , et particu- lièrement de ce que leurs couleurs , asse^î peu constantes, et variant non seulement dans la nuance , mais encore dans la gran- deur et dans la distribution des taches, ont été plusieurs fois les mêmes sur le locliier, et sur le mâle ou sur la femelle de la rous- sette. Ces méprises ont donné lieu à d'autres fausses applications. Lorsque, par exemple, on a eu donné le nom de roussette mâle ou de roussette femelle à un squale rochier, on n'a pas manqué de lui attribuer en même teius les habitudes de la roussette mâle ou femelle , sans examiner si l'individu que Ton avoit sous les yeux, et que Ton revê^- toit d'une fausse dénomination, présentoit réellement les habitudes auxquelles on le disoit soumis. Pour éviter toutes ces suppo- Petîte roussette, chat rochier. Duhamel, Traité des pêches , sec. part. sect. 9 , p. 5o4 , pi- xxii. Chat rochier ; canicula saxalilis. Rondelet, prem» part. liv. i5 , chap. 7. Chien de mer, chat rochier mâle. Bonaterre , planch. de l'Eucyclop. méthod. (2) En Languedoc , cat-roukier. Squalus lobis narium duohus. . . . squalus stellarîs. Lin. Syst. nat. edit, Gmel. gen. i3i , sp. 9. S 0 N N I N I, C 3 S8 HISTOIRE sitions contraires à la vérité , il ne faut pas perdre de vue la variabilité des couleurs des roussettes et du rochier, et il ne faut distinguer ces espèces que par les formes et non pas par les nuances qu'elles montrent. Si nous recherchons en conséquence les dif- férences dans la conformation qui séparent le rochier de la roussette , et si nous ras- semblons en même tems les traits qui em- pêchent de le confondre avec les autres squales, nous trouverons que ses narines sont fermées en partie par deux lobules , dont Textérieur est le plus grand et cha- griné ; que son museau est un peu plus alongé que celui de la roussette; et que sa queue est plus courte , à proportion de la longueur du corps, que celle de ce dernier animal. Il parvient d^ailleurs à une grandeur plus considérable que le mâle et même quelquefois que la femelle de la roussette; et voilà pourquoi Willughby et d'autres auteurs, en nommant la roussette niêde le petit chat de mer^ en nommant la roussette femelle, qu'ils ont prise pour une espèce particulière, grand chat de mer^ ont réservé pour le rochier la dénomination de irès- grand chat marin. La première nageoire dorsale est plus près DES SQUALES. 5ç) de rextréniité de îa queue que du bout du museau ; la seconde , presque aussi grande que la première, et plus éloignée de celle-ci que de la nageoire de la queue , est placée^ au moins le plus souvent , en partie au dessus et en partie au delà de la nageoire de Tau us. Communément le rocliier est d'une cou- leur grise ou roussâtre , avec des taches noirâtres, rondes, inégales, répandues sur tout le corps, et plus grandes que les taches qui sont semées sur le dos de la roussette maie, ou groupées sur celui de la roussette femelle. La roussette vit dans la vase et parmi les algues; elle s'approche des rivages; le rochier s'en tient presque toujours éloigné; il pré- fère la haute mer : il aime à habiter les rochers, où il se nourrit de mollusques, de crustacés et de poissons , et qui lui ont fait donner le nom de rochier^ de chat rochier, de chat marin des rochers. Aussi tombe- t-il moins souvent dans les pièges des pêcheurs, et est-il pris moins fréquemment, quoique cette espèce soit assez nombreuse, chaque femelle , suivant le citoyen Brous- sonet , qui a très - bien obsej'vé ce squale , portant dix-neuf ou vingt petits à la fois- C 4 4o HISTOIRE On le recherche cependant, parce que sa' peau est employée dans le commerce aux mêmes usages et sous le même nom que celle de la roussette , et que sa chair est un peu moins désagréable au goût que la chair de ce dernier animal. On le pêche avec des haims, ainsi qu'avec des filets ou demi- folles (i), connus dans la Méditerranée sous la dénomination de roussetières , de brete- lières , ou de bretelles; et dans quelques pa- rages, on les prend dans les mêmes filets que le scombre, auquel le nom de thon a été donné. (i) La folle a déjà été décrite dans cet ouvrage , volume III , pag. 222 , et la demi-folie le sera dans la suite. S 0 N N I N I. V: Tardiez J". 1 . LE MILANDRE . 2 . TETE PU MILANDKE ime en ^xirm.f , .1 . LES DENTS . D E s s Q U A L E s. 4i LE M I L A N D R E. Voyez la planche Wl ; la figure première est celle du Tnilandre ; la seconde représente la tête de ce poisson vue en dessous , et la figure troisième une de ses dents. LE SQUALE MILANDRE (0(2), PAR. LACÉPÈDE. ONZIÈME ESPÈCE. V^ E squale parvient à une longueur assez considérable; et voilà pourquoi , sur plusieurs des rivages de la Méditerranée, on Ta nommé (i) Dans plusieurs départemens méridionaux , ca^- not , milandre. Dans quelques endroits de France et d'Italie, pal. Dans d'autres contrées de l'Italie, la- miola. En Angleterre , tope. Chien de mer milandre. Broussonet , Mémoires de l'académie des sciences pour 1780. — Daubenton , Encyclop. méthod. Squalus galeus. Lin. édit. de Gmelin. Squalus narihus ori vicinis ^foraminibus ad oculos. Artedi , gen. ^^ , n** 9 ? syn. 97. Chien de mer milandre. Bonat. planches de rEncycl. 42 HISTOIRE lamiola, c'est-à-dire, petit requin. On n'a pas cru devoir le comparer à un animal moins grand. Le milaudre a le museau aplali et alongé. Ses dents nombreuses , placées sur plusieurs rangs, et un peu inclinées vers l'angle de la gueule le plus voisin, ont une méthodique. — Klein , Miss. pisc. 5 , P- 9? 1''^^* 3. — Arist. Hist. anim. lib. 6, c. 1 1. Canicula. Plin. Hisl. muiirl. lib. 9 , c. 46 ; et lib. 52 , cap. Ji. Canosa. Salv. Aqnat. p. \'5i. — Gesner , Aquat. p. 167. le. anim. p. i44- Thierb. p. 80. Milandre. Rondelet , prem. part. liv. i3 , cba[). 4» — Aidrov. Pisc. p. 588. — Jonston, Pisc. p. 25, tab. 8, fîg.4. — Willughb. Ichth. p.5i, tab. B, 6,fig. 1. Canis galeus. Ray, Pisc. p. 5o , n° 5. Tope. Pennant , Brit. zool. 5 , p. 98 , n° 45- Milandre. Duhamel , Traité des pêches, part. III? sect. 9 , p. V99, pi. XX , fig. I et 2. (2) En allemand, meersau et hundshay. A Kome , lamiola et canosa. C'est, suivant toute vraisemblance , le galeos Icyon d'Arislote et d'Oppien. Squalus dentibii9 farè triangtdaribus , margine per- ticali denticitlatis . . . . squalus galeus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i , sp. 7. Squalus naribus on vicinis , foraniinibus ad ocu- los squalus galeus. Bruunich , Ichthyol. massil, pag. 4. SoNNiKi. DES SQUALES. 4^ forme particulière qui-seule peut faire dis- tinguer ce cartilagineux de tous les autres poissons de sa famille : elles sont aplaties, triangulaires et dentelées, comme celles du requin; mais elles présentent, sur un de leurs bords verticaux, une profonde échan- crure qui y forme un grand angle rentrant, dont les côtés sont dentelés. Une grande mâchoire de milandre , qui fait partie de la collection du muséum national d'histoire naturelle, a des dimensions qui doivent faire supposer, dans le squale auquel elle a ap- partenu, au moins vme longueur de plus de quatre mètres ( douze pieds trois pouces huit lignes ). C'est donc avec raison qu'on a rapproché ce squale du requin sur l'échelle des grandeurs auxquelles parviennent les différentes espèces de son genre. Le milandre a d'ailleurs la langue arrondie et assez large ; les narines placées près de l'ouverture de la bouche, et en partie fer- mées par un lobule court; les éverits très- petits et d'une forme alongée; les nageoires pectorales longues , et légèrement échancrées à leur extrémité. La première nageoire dorsale est presque également éloignée de la base des pectorales et de celle des ventrales; et la seconde esi: 44 HISTOIRE située en partie au 'dessus et en partie au devant de la nageoire de Tanus , qui est moins près de cette ouverture que de la nageoire de la queue. Cette dernière nageoire est, au reste, di- visée en deux lobes inégaux, et la peau est chagrinée , ou revêtue de petits tubercules. Le citoyen Broussonet, qui a décrit un individu de cette espèce dans le port de Cette , assure , diaprés le témoignage des marins , que la chair du milaudre est très- dure, et répand une odeur désagréable. On la fait cependant quelquefois sécher : a mais l'abondance et le bon marché de cet ali- ment, dit ce naturaliste , peuvent seuls déterminer des pêcheurs aifamés à s'en nourrir ». D'un autre côté , le milandre doit être moins fréquemment et moins vivement re- cherché que plusieurs autres squales, parce qu'on ne peut le pécher qu'avec beaucoup de précautions. 11 est en effet très-fort et très-grand ; et n'étailt pas très-éloigné du requin par sa taille, il est, comme lui, très- féroce, très - sanguinaire et très -hardi. Sa voracité et son audace lui font même quel- quefois oublier le soin de sa sûreté , au point de s'élancer hors de l'eau jusques sur la côte , DES SQUALES. 45 et de se jeter sur les hommes qui n'ont pas encore quitté le rivage (i). Nous croyons en conséquence, et avec Rondelet, que le mi- landre est le squale auquel Pline donne le nom de canicula^ et que cet éloquent écri- vain peint avec des couleurs si vives, atta- quant et immolant les plongeurs qu'il sur- prend occupés à la recherche du corail ^ des éponges , ou d'autres productions ma- rines. C'est un combat terrible, selon Pline, que celui qu'il livre au plongeur dont il veut faire sa proie. Il se jette particulière- ment sur les parties du corps qui frappent ses yeux par leur blancheur. Le seul moyen de sauver sa vie est d'aller avec courage au devant de lui, de lui présenter un fer aigu, et de chercher à lui rendre la terreur qu'il inspire. L'avantage peut être égal de part (i) L'on dit que le milandrc est si vorace qu'il avale même des morceaux de bols , s'ils sont enduits de graisse. Cette espèce forme en pleine mer une sorte de société ; les miiandres y sont presque toujours réunis en troupes. Ils se montrent rarement dans les mers i\\\. Nord. Ils déchirent quelquefois les filets où le poisson est pris , et on les trouve son vent enfermés dans les parcs, dans lesquels ils entrent en le poursuivant. S o N N I N r. 46 HISTOIRE et d'autre, tant qu'on se bat dans îe fond des mers ; mais à mesure que Je plongeur gagne îa surface de l'eau, son danger augmente; les efforts qu'il fait pour s'élever s'opposent à ceux qu'il devjoit faire pour s'avancer contre le squale, et son espoir ne peut plus être que dans ses compagnons, qui s'em- pressent de tirer à eux la corde qui le tient attaché. Sa main gauche ne cesse de secouer cette corde en signe de détresse , et sa droite , armée du fer, ne cesse de combattre. Il arrive enfin auprès de la barque, son unique asile; et si cependant il n'est remonté avec violence dans ce bâiiment, et s'il n'aide lui- même ce mouvement rapide en se repliant en boule avec force et promptilude, il est englouti par le milandre, qui l'arrache des mains mêmes de ses compagnons. En vain ont-ils assailli ce squale à coups redoublés de tridents ; le redoutable milandre sait échapper à leurs attaques en plaçant son corps sous le vaisseau , et n'avançant sa gueule que pour dévorer l'infortuné plon- geur. Le milandre exerce son pouvoir secon- daire , et néanmoins très-dangereux , non seulement dans la Méditerranée, mais encore dans l'Océan d'Europe , et dans plusieurs D E s s Q U A L E s. 47 autres mers. Cette espèce est très-répandue sur le globe; et dès-lors la partie de sa dé- pouille la plus difficile à détruire, c'est-à- dire, ses dents, ont dû se trouver fossiles dans plusieurs contrées de la ten e , où en effet on les a rencontrées (1). (i) Le milandre est plus commun dans la Médi- terranée que dans les autres mers, et il se montre rarement dans celles du Nord. L'on trouve dans Charleton (Onomazt. ) une très- bonne description anatomique du milandre , par le cïievalier George £nt. Sonni>-i. ^8 HISTOIRE L'ÉMISSOLE. LE SQUALE ÉMISSOLE (i) (2), PAR LACÉPÈDE. DOUZIÈME ESPÈCE. I i A forme des dents de ce poisson suffit pour le distinguer de ceux que nous avons ( I ) Dans plusieurs départemens méridionaux , émissole. Dans plusieurs contrées de Tltalie, pesce columbo. En Angleterre , smooth hound , prickly hound. Chien de mer émissole. Broussonet , Mémoires dt l'académie des sciences pour 1780. Squalus mustelus. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer émissole. Daubenton , Encycl. mélh. — Bonaterre , planches de l'Encycl. méth. — Gronov. Zoopb. 142. — - Gesner , Aquat. 60S. Emisole, galeus lœvis. Rondelet, première partie, liv. i5 ; chap. 2. Musteltis lœvis. Salv. Aquat. i55 , i36. Muslelus lœvis primns. Willughby, Ichtli. p. 60 , tab. B , 4 , fig, 2. — Ray, Pisc. p. '21, Smooth hound. Pennant , Brit. zooî. 3, p. 91, n^ 10. compris DES SQUALES. 49 compris avec ce cartilagineux dans le se- cond sous-genre des squales. Très-compri- mées de haut en bas et seulement un peu convexes , très - serrées les unes contre les autres , figurées en losange , ou en ovale , ou en cercle, ne s'élevant en pointe dar^s aucune de leurs parties , et disposées sur plusieurs rangs avec beaucoup d'ordre, elles paroissent comme incrustées dans les mâ- choires 5 forment une sorte de mosaïque très-régulière 5 et obligent à placer la bouche de Tanimal , parmi celles auxquelles on a donné le nom de pavées. Nous avons déjà vu une conformation presque semblable Squalus dentlbus obtusis seu granuîosis. Artedi , gen. Q6, syn. 95. — Aristot. lib. 6, cap. 18. — Athen. 1. 7 ,p. 294. — Oppian.l. I, fol. 1 15, 4. Galeus lœvis. Belon. — Gesner, p. 608, 6i5, 717 , et Germ. fol. 'j'j y a. — Charlet. p. 128. Galei species ex Gesnero. Alclrov. lib. 5, cap. 5^, p. 392. — Jonstori , lib. i , tit. 3 , cap. 3 ; a , 2 , punct. 3. Squalus pinnis dorsalibus mutlcis j anaîi prœ sente ^ dentibus granuîosis. Act. Helvet. 4 , p. 258, n*^ n5. (Ja) En grec , gaieos leios. On l'appelle encore en anglais , unprihly hound, Squalus dentibus minimis obtusis , , . . squalus muS'», telus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i , sp. i3, S o N M I w I. Pciss. TojME IV. D 5o HISTOIRE dans plusieurs espèces de raies, et dans le squale indieu , que nous avons appelé le philipp (i). L^émissole a d'ailleurs de nombreux rap- ports de conformation avec le milandre , ainsi qu'avec plusieurs autres cartilagineux de la même famille que nous avons décrits. Et pour achever d'en donner une idée assez ciendue, il suffit d'ajouter que sa première îiageoire dorsale est presque triangulaire, et plus avancée vers la tête que les nageoires ventrales; que ces dernières sont une fois plus petites que les pectorales; que la seconde nageoire dorsale est une fois plus grande que celle de l'anus, qui est à peu près carrée ; et enfin que la nageoire de la queue s'élargit vers son extrémité. L'estomac de l'émissole est garni de plu- sieurs appendices situées auprès du pylore, ce qui doit augmenter sa faculté de digérer. Ses dents pouvant d'ailleurs broyer et diviser les alimens pluscomplettement que celles de plusieurs autres squales, ce poisson a moins besoin , que beaucoup d'autres animaux de son genre, de sucs digestifs très-puissans. La partie supérieure de l'émissole est d'un 0"- — ' ■ - . -^ (i) Voyez à la page ii de ce volume. DES SQUALES. 5i gris cendré ou brun , et rinféiieure est blanchâtre (i). • Au reste , réniissole non seulement habite dans ïes mers de l'Europe , mais encore se retrouve dans la mer Pacifique. (i) Stenon a donné l'anatomie c!u foetus rie cette espèce dans les Actes de Copenhague, année 1675, observât. 89 , sur ce qu'il appelle les œufs des anit maux vwipares. Ce fœtus a également été décrit par Bartholin. (Voyez la collection académique. ) S O NN IN I. D 3 52 HISTOIRE L' É T O I L E (i). TREIZIÈME ESPÈCE. U N squale fort ressemblant à celui de Tarticle précédent a été indiqué par Ron- delet (2). Presque tous les naturalistes n'en ont fait mention que comme une variété dans l'espèce de Témissole. Cependant Ron- delet, q»ii connoissoit bien les poissons de la mer Méditerranée, Fa présenté comme une espèce distincte; et le savant et esti- mable Broussonet, à qui l'on doit un travail important sur les squales, dit qu'il nose assurer si celui - ci est une simple variété de rémissole, ou s'il en diffère assez pour constituer une espèce (0). La peau de ce squale est moins rude que celle de fémissole; elle est toute parsemé© de mouchetures , dont quelques-unes sont (i) Le cliien de mer ^&Xe\\ê\ galeus asterias. Ron* delet, Hist. des poissons , liv. i5 , cliap. 3. (2) A Tendroit cité. (5) Mémoires de l'académie des sciences et Journal ^c physique, précédemment cités. DES SQUALES. 55 en forme d'étoiles , et d'aulres rondes et blanches paroissent comme des lentilles; ce qui a valu à ce poisson le nom d'étoile , de même que celui de lentillat ^ qu'il porte sur les côtes du Languedoc. Suivant Willughby , les taches qui sont sur les côtés de Tétoilé sont plus petites et plus nombreuses que celles du dos. Le même auteur ajoute qu'il n'a point observé de dif- férence entre la peau de ce poisson et celle de l'émissole (i). (i) Hist. pise. lib. 3, cap. i3; p. 6i. D 3 54 HISTOIRE LE BARBILLON, LE SQUALE BARBILLON (i)(2), P A R L A C É P È D E. QUATORZIÈME ESPECE. J-i E ciloyeii Broiissonel a le premier fait conooître cette espèce de cartiJagineux qui se trouve da^s la mer Pacilique , et que l'on voit quelquefois auprès de plusieurs rivages d'Amérique (3). Ce squale parvient au moins à la longueur de cinq pieds ; il est d'une couleur rousse, comme la roussette, (i) Chien de mer barbillon. Broussonel , Mémoires de l'académie des sciences pour 1 780. Squalus cirratus. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer barbillon. Bonaterre , planches de l'Encyclopédie mélbodique. (2) Squalns narium appendice vermiformî squalus cirratus. Lin. Syst. nat. edit. Gniel. gen. i3r, sp. 17. — Artedi, Gen. pisc. gei\. 44 > sp. iQ. addilam. SONN 1 K I. (5) On pécha assez fréquemment cette espèce aux environs de la Jamaïque, et M. Banks l'a vue dans Ja DES SQUALES. 55 et quand il est jeune il présente des taches noires : il a aussi , comme la roussette , les narines garnies d'une appendice alongée et vermiforme ; mais ce qui empêche de le confondre avec cet animai, c'est qu'il a sur son corps des écailles grandes , plates et luisantes. Nous n'avons encore examiné que des poissons couverts d'écaillés presque in- sensibles , ou de tubercules plus ou moins gros, ou d'aiguillons plus ou moins forts; et c'est la première fois que nous voyons la matière qui forme ces écailles presque invisibles, ces aiguillons et ces tubercules s'étendre en lames larges et plates, et pro- duire de véritables écailles (i). Le museau est court et un peu arrondi. Les dents sent nombreuses, alongées, aiguës, et élargies à leur base. Les deux dernières ouvertures branchiales de chaque côté sont assez rapprochées pour qu'on ait pu croire mer du Sud , sur la côte de la nouvelle Hollande, ( Broussonet , ouvrage cité. ) C'est Broussonet qui a donné à ce squale ou cliien de mer le surnom de barbillon , à cause de l'appen- dice vermiforme des narines. Sonnini. (i) Voyez, dans le Discours sur la nature des poissons ; ce qui concerne la formation des écailles. D 4 BG HISTOIRE que ranima] n'en avoit que huit au lieu de dix. On voit Ja première nageoire dorsale au dessus des ventrales, et la seconde plus près de la tête que celle de Fanus. La queue est courte, et la nageoire qui la termine se divise en deux lobes (i). (i) La quene forme le quart de la longueur fie tout le poisson, dont la plus grande longueur ( du moins dans les individus que Broussonet a examinés tant à Paris qu'à Londres ) n'excédoit guère cinq pieds. Les écailles très -luisantes qui recouvrent la peau du barbillon sont tellement rapprochées , que Brous- son et ne douie pas que l'on ne piit faire de cette peau les plus beaux ouvrages en gallucliat; il est vrai qu'elle preudruit difficilement la couleur. S O N N I N I. DES SQUALES. S^ LE BARBU. LE SQUALE BARBU (i) (a) ; PARLACÉPÉDE. QUINZIÈME espèce; J_i A description de ce squale de la mer Pacifique , dans les eaux de laquelle il a été vu par Je capitaine Cook, a été publiée pour (i) Chien de mer barbu. Bioussonet, Mémoires de l'académie des sciences pour 1780. Squalus harbatus. Lin- édit. de Gmelin. Chien de mer moucheté. Bonaterre , plancîies de l'Encyclop. mélhod. (2) St^ualus rictu oris appendicibus vermiformibus harbato squalus barbatus. Lin. Syst. nat. edit. Gmeh gen. i5i , sp. i8. — Artedi, Gen. pisc. gen 44/ sp. 17 , additam. Des individu^s de cette espèce ont été pris par les équipages du capitaine Cook , sur la côte de la nou- Telie Hollande , dans la baie que ce grand navigateur a nommé Snng-ravs-bay , à cause de la grande quan- tité de raies qu'il y a trouvées. La description que Broussonet a publiée de cette espèce a été extraite des manuscrits du docteur Solander. Je la rapporte textuellement. « La tête étoit large, aplatie et courte j Touverture 58 H I S T O 1 R Jî la première fois par le citoyen Broussonet. lï est très-aisé de distinguer ce cartilagineux des autres animaux de son genre, à cause des appendices vermiformes qui garnissent sa lèvre supérieure. Les plus grandes de ces appendices ou barbillons ont communément de la gueule éloit située presque au bout du museau; les deot;;, disposées en plusieurs rangs, étoient en forme de iame : on voyoit à la parlie inférieure du museau plusieurs appendices de différentes forme et longueur ; il y eu avoit une d'un demi-pouce de long, placée au devant de chaque narine ; elle étoit divisée latéralement en plusieurs autres plus petites-, il y en avoit cinq autres de chaque côté : au dessus de l'anglo ^ue formoit l'ouverture de la gueule , elles étoient vermiformes, et avoit un demi-pouce de long : on en ohservoit encore deux de chaque côté au delà de' l'angle de l'ouverture de la gueule ; l'antérieure étoit la plus longue et bifide : on en trouvoit en outre àeuK autres au delà de celles-ci; la postérieure formoil plusieurs divisions ; enfin , entre ces dernières et les nageoires pectorales , on en observoit deux assez grandes, divisées sur un de leurs côtés en lobules obtus ; les trous des tempes étoient grands ; les narines étoient placées immédiatement au devant de l'ouver- ture de la gueule; il y avoit cinq évents de chaque côté; l'anus étoit placé au delà du milieu du corps; la première nageoire dorsale étoit à l'à-pîomb de l'anus ; la seconde étoit située entre la première et l'à-pîomb de la nageoire de derrière l'anus. Les pectorale* D E s s Q U A L E s. 69 de longueur le quatre- vingtième de la lon- gueur totale. Ces prolongations niv^mbra- neuses sont d'ailleurs divisées le plus souvent en trois petits rameaux, et on les voit ordi- nairement au nombre de huit. La tête est large , courte et déprimée ; les dents, en' forme de fer de lance, et sans denteluies, sont disposées sur plusieurs rangs; les évents sont grands ; et la première nageoire dorsale est placée plus loin de la tête que les nageoires ventrales. Le corps, recouvert de tubercules , ou ,' pour mieux dire , d'écaillés très - petites , dures, lisses et brillantes, présente, dans sa partie supérieure , des taches noires , rondes, ou anguleuses, et renfermées dans un cercle blanc. C'est à cette espèce qu'il faut rapporter le squale décrit et figuré dans le Voyage du capitaine Philipp à Botany-Bay, cha- pitre 22 , et qui avoit été pris dans la crique étoient plus grandes que les abdominales; la nageoire de la queue ctoit légèrement divisée ; sa peau étoit recouverte de très -petites écailles dures, lisses et luisantes; son corps avoit trois pieds et demi de long ». (Mémoires de l'académie des sciences, 1780, et Journal de physiç^ue , février lySS. ) S o N N I N I. 6o HISTOIRE de Sidnejr, du port Jackson de la Nouvelle- Hollande, par le lieutenant AVatts. En réunissant la descriplion donnée par le citoyen Eroussonet avec celle que l'on trouve dans le Voyage du capitaine Fhilipp, on voit que la bouche du squale barbu est située à l'extrémité du museau, au lieu de letre au dessous, comme dans le plus grand nombre des animaux de sa famille. L'entre- deux des yeux est large et concave. La na- geoire de Tanus touche celle de la queue; et cette dernière, composée de deux lobes, dont l'antérieur est arrondi dans son con- tour, et plus étroit, ainsi que beaucoup plus long que le postérieur , ne garnit que le dessous de la queue, dont le bout est comme émoussé (i). (i) Al«l de nieUre à portée de faire le rappra- clii'ment de ce squale de Watls avec celui du capitaine Cook, ou le barbu , ie joins également ici la traduction de la drscriplion du premier. ^P* ^^' additan^ç S O N N I N I. D E s s Q U A L E s. 69 donner le nom à^œillé au poisson que nous décrivons. C'est encore à l'ouvrage du ci- toyen Broussonet que nous devons la con- noïssance de ce squale , que Ton a trouvé dans la mer Pacifique , auprès de la Nou- velle-Hollande. L'œillé est , dans sa partie supérieure ,' d'une couleur grise et tachetée , et , dans sa partie inférieure, d'un cendré verdâlre, qui, dans Taniuial vivant, doit être plus clair que les nuances du dessus du corps. La tête est courte et sans taches. Les dents sont aiguës^ comprimées de dehors en dedans , larges à leur base , mais petites. Les narines avoisinent le bout du museau , et de chaque côté les deux dernières ouver- tures des branchies sont très-rapprochées. La place qu'occupent les nageoires ven- trales est plus près de la tête que le milieu de la longueur du corps ; elles sont arron- dies, noirâtres, et bordées de gris, comme les pectorales. On voit deux taches noires sur le bord antérieur de la première nageoire dorsale, qui est échancrée par derrière , et située plus loin de la tête que celle de l'anus. La seconde, un peu plus petite que la première, E 3 70 HISTOIRE ressemble d'ailleurs à cette première dorsale; et la nageoire de Tanus touche presque celle de la queue , qui est écliancrée (i). (i) L'individu q\ù a servi à \a description jmbîièe par Broussonet , avoit été pris au mois de juillet sur la côte de la nouvelle Hollande. 11 est conservé dans la collectioQ de l'illustre Buiîks. S G N ^^ I N I, D E s s Q U A L E s. 71 LMSABELLE. LE SQUALE ISABELLE (i)(2), PARLACÉPÉDE. DIX-NEUVIÈME ESPECE. L/ E poisson vit auprès des côLes de la Nouvelle-Zélande. C'est un de ces squales que l'on n'a rencontrés jusqu'à présent que dans la mer Pacifique, et qui paroissent en préférer le séjour à celui de toutes les autres mers. Quel contraste cependant présentent les idées de ravage et de destruction que réveille ce grand nombre d'êtres voraces et (r) Chien de mer isabelle. l^roussonet , Mémoires de Tacad. des sciences, 1780. Squalus isnbella. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer isabelle, Bonatcrre , planches de l'Encycl. méthod. (2) Squalus pinnâ dorsali prima abdominalibus opposite squalus isabella. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i, sp. 16. — Artedi , Gen. pisc. gen. 44? sp, i5. additam. S o N N i N i. E 4 72 ^HISTOIRE"* féroces , et les images douces et riantes que font naître dans Timagination le nom de cette mer fameuse, et tout ce que l'on ra- conte des iles qu'elle arrose, et où la Nature semble avoir prodigué ses plus chères fa- veurs ! Le nom du squale dont nous Iraitons vient de la couleur du dessus de son cojps, qui est en effet Isabelle , avec des taches noires ; le dessous est blanchâtre. Ces taches, ces nuances le rapprochent de Ja roussette, avec laquelle les principaux détails de sa conformation lui donnent d'autres grands rapports; mais il en diffère en ce que sa tête est plus déprimée, et sur- tout parce que la première nageoire dor- sale est placée au dessus des ventrales, au lieu d'être plus éloignée de la tête que ces dernières, comme sur la roussette. Le museau est arrondi ; les dents sont comprimées de devant en arrière, courtes, triangulaires , aiguës , garnies , aux deux bouts de leur base , d'une appendice ou grande poinle , et disposées ordinairement sur six rangées ; la langue est courte et épaisse; les évents sont assez grands ,* les nageoires pectorales très- étendues, et attachées au D E s s Q U A L E s. 73 corps auprès de la troisième ouverture des branchies ; les ventrales séparées l'une de l'autre , et les lignes latérales suivent le contour du dos, dont elles sont voisines (1). (i) C'est encore Broiissonet qui le premier a publié la description de l'isabelle, donl aucun auteur n'avoit fait mention. Cet infatlirable et très-habile naturaliste o a extrait sa dtscriplion des notes manuscrites du docteur Solander, et il a vu au'-.si la peinture de ce poisson dans le cabinet de M. Banks. LMndividn qui avoit servi à la description et à la figure avoit été pris au mois de novembre sur la côte de la Nouvelle- Zélande. SONNINI. 74 HISTOIRE LE MARTEAU. Voyez planche VIII de ce volume ^figure i / la fig. s représente la tête du marteau vue en dessous. LE SQUALE MARTEAU (i)(2), PAR LACÉPÊDE. VINGTIEME ESPECE. J L. est peu de poissons aussi connus des marins et de tous ceux qui , sans oser se (i) A Mur &e\\\e y poisson juif y pesce jouziou (à cause de sa ressemblance avec l'oi-neraent de tête que les juifs porteient autrefois en Provence). Dans plusieurs départemens méridionaux , pesce martello. En Espagne, peis limo , limada ^ toilandolo. A Rome, ciamhetta. Dans plusieurs endroits de l'Italie , balista. En Angleterre , balance fisch. Squalus zigœna. Lin. édit. de Gnielin. Chien de mer marteau. Daub. Encyclop. méthod. — Bonat. planches de TEncycl. mélhod. — Broussonet , Mém. de l'académie des sciences, 1780. Squalus corpore malleiformi. Bloch , Hist. des pois- sons étrangers , première j)artie, pi. cxvii. Cestracion fronte artûs forma. Klein, Miss. pisc. 3, p. i5, n*" I. /'/ vm J)e Jepeaei. V.*T^^riàe^c lT. l.EE MAUTFAU . 2, . TETE DU MARTEAU vm en Je^jmui 3 . L'AlVGELOT . DES SQUALES. 75 livrer aux hasards des tempêtes, ou sans pouvoir s'abandonner à un courage qui les Libella cîamhetta. Salv. Aquat. p. 128, 129. Libella, balista yCognolu. Bel. Aquat. p. 61. Squalus capite latissimo transverso malleiformù Mus. Ad. Fr. I , p. 52. Squalus capite latissimo transverso mallei instar, Arted. gen. 6j , syn. 96. — Groriov. Mus. i , n** iSg, Zooph. n" 146. Sphyrnœna Gillu. Mus. Besl. pag. 55 , tab. 25. — - Arist. Anim. lib. 2, cap. i5. — ^liau. an. lib. 9 , c, 49* — Gesn. Aquat. p. io5o, Icon. an. p. i5o. — Aldrov. Pisc. p. 4^8. — Jonst. Fisc. p. 29, tab. 7, fig. 8 et 9. Marteau , poisson juif , zygœna , tibella. Rondelet, première partie, liv. i5, chap. 10. Zigène. Duîertre , Ant. 2 , p. 207. Requin. Fcrm. Surin. 2 , p. 248. Pantouflier. Labat. Amer. 4, p. 5oi. — Willugb. Ichth. p. 55 , tab. B, i. Balance-fish, Ray , Pisc. p. 20, n° 7. Marteau. Valmont de Bomare , Dictionn. d'histoire naturelle. — Charleton , p. 128. — Oppian. lib. i, p. 14. Marteau. Duhamel, Traité des pêches, seconde partie , sect. 9, p. 5o3, pi. xxi , fig. 5 , 8. (2) Le marteau. En grec, zigaina dans Aristote, et zyganna dans Elien et Oppien, quasi jugaria , à voce quœ jugum et bilancem significat. En allemand, harnmer oder schlœgel-fisch. En hollandais , kruyshay et balanspich. En italien , pesce martello et pesce halestra. Eu arabe , kornœ^ mokarran, A Maacate , 76 HISTOIRE porteroit à les affronter, aiment à suivre par la pensée les hardis navigateurs dans leurs courses lointaines. Toutes les mers sont habitées par le marteau ; sa confor- mation est frappante ; elle le fait aisément distinguer dé presque tous les autres pois- sons; et son souvenir est d'autant plus du? rable , que sa voracité l'entraîne souvent autour des bâlimens, au milieu des rades, ahukott. A Malte, martel. A la Jamaïque, shewil-nosed sJiark. Aux Antilles, pantoiiflier. En différens endroits de la France, poisson juif , plomb, règle , marteau ^ zigène. (c En latin , libella est nommé ce poisson , dit Rondelet , de la figure qu'il ba comme un instrument de massons et charpentiers, appelé en français nipeau, qui est fait d'un bois mis de travers au milieu duquel est dressé un autre, é d'icelui pend une petite cborde avec un plomb au bout )). ( Hist. des poissons , liv. i3, chap. 10. ) Squalus capite lailssimo transverso malleiformi. . . . squalus zygœna. Lin. Syst. nat. edit. Gmel, gen. i3i , sp. 5. — Brunnich , Ichth. Mass. p. 4. Squalus capite latissimo transverso mallei instar. . . squalus zygœna. Artedi , Gen. pisc. gen. 44 ? ^P* 7* Zygœna Rondeletii ; demoiselle monstrueuse , mar- teau. ( Barrère , Kist. nat. de la France équinoxiale , p. 181.) Squalus zygœna, Forskocl , Faunaaîgyptiaco-arab. p. 10 ; 11^. 21 e. S O N N I N I» DES SQUALES. 77 auprès des côtes , qu'il s'y monlre fréquem- ment à la surface de l'eau , et que sa vue est toujours accompagnée du danger d'être la victime de sa férocité. Aussi n-esL-il presque aucune relation de voyage sur mer qui ne fasse mention de l'apparition, de quelque marteau, qui n'indique quelqu'une de ses habitudes redoutables, n'expose, au moins imparfaitement, sa forme, ne soit ornée d'une figure plus ou moins exacte de cet animal ; et depuis long-tems on ne voit presque aucune collection d'objets d'histoire naturelle , ni même de substances pharma- ceutiques , qui ne présente quelque individu de cette espèce. Cette conformation sii'igulière du marteau consiste principalement dans la très-grande largeur de sa. tête, qui s'étend de chaque côté de manière à représenter un marteau dont le corps seroit le manche ,* et de là vient le nom que nous avons cru devoir lui conserver. Cette figure, considérée dans un autre sens , et vue dans les niomens où. le squale a la tête en bas et l'extrémité de la queue en haut, ressemble aussi à celle d'une balance , ou à celle d'un niveau; et voilà pourquoi les noms de nweau et de balance ont été donnés au poisson que nous décrivons. 78 HISTOIRE Le devant de cette tête, très-étendue à droite et à gauche , est un peu festonné , mais assez légèrement et par portions assez grandes pour que cette partie, observée d'un peu loin, paroisse terminée par une ligne presque droite ; et le milieu de ce long marteau est un peu convexe par dessus et par dessous. Les yeux sont placés au bout de ce même marteau. Ils sont gros, saillans, et présentent dans leur iris une couleur d'or que les ap- pétits violens de Tanimal changent souvent en rouge de sang. Pour peu que l'animai s'irrite , il tourne et anime d'une manière effrayante ces yeux qui s'enflamment. Au dessous de la tête, et près de Tendroit où le tronc commence, Ton voit une ou- verture demi - circulaire : c'est celle de la bouche, qui est garnie, dans chaque mâ- choire, de trois ou quatre dents larges , aiguës, et dentelées de deux côtés, et dans la cavité de laquelle on aperçoit une langue large, épaisse, et assez semblable à la langue humaine. Au devant de cette ouverture, et très- près du bord antérieur de la tête, sont pla- cées les narines, qui ont une forme alongée, et qu'une membrane recouvre. Le corps est un peu étroit, ce qui rend DES SQUALES. 79 la largeur de la tête plus sensible. Les na- geoires sont grises , noires à leur base , et un peu en croissant dans leur bord postérieur. La première dorsale est grande et très-près de la tête; les ventrales sont séparées Tune de l'autre; la nageoire de la queue est longue, et les tubercules qui revêtent la peau sont moins gros que sur plusieurs autres squales. Ce cartilagineux, dont la femelle donne ordinairement le jour à dix ou douze petits à la fois, parvient communément à la lon- gueur de sept ou huit pieds (plus de deux mètres et demi) , et au poids de cinq cents livres (plus de vingt-cinq myriagrammes); mais il peut atteindre à une dimension et à un poids plus considérable. Sa hardiesse, sa voracité, son ardeur pour le sang sont cependant bien au dessus de sa taille ; et si, malgré la faim dévorante qui Texcite, et Fénergie qui l'anime, il cède en puissance aux grands requins, il les égale et peut-être les surpasse quelquefois en fureur (i). (i) On rencontre le marteau dans la plus grande partie des mers du globe, mais plus communément dans celles des climats chauds. 11 ne se plaît que dans les fonds vaseux, et il évite ceux de sable ou de roches. Ce poisson ne se montre c[ue rarement dans 8o HISTOIRE la Méditerranée ; il passe h. Marseille jjour un des plus rares; et Brunnicli , qui a écrit une nomencla- ture des poissons de ce port , ne put y voir que la dépouille H'un marteau, pris autrefois sur cette côte et conservé dans la collection de M. Veyer. Le marlean est moins rare dans la partie orientale de la Méditerranée, et on le prend quelquefois aux envi- rons de Smyrne. Il n'est pas commun non i)lus dans la mer Rouge , du moins, suivant Forskœl , près des rivages Arabiques. Ce squale est d'une voracité excessive; il fait sa proie ordinaire des raies; il est dangeieux pour les hommes. Dans les parages où il est commun, on le redoute plus que le requin même. Dans nos colonies de l'Amérique , lorsque les nègres travaillent dans l'eau , ils se trouvent souvent obligés de réunir leurs forces pour se défendre du marteau, ou pour l'atta- quer; mais ils sont fort adioitsù s'en emparer. C'est, dit Rondelet, un animal horrible à voir, et sa ren- contre porte malheur aux navigateurs. Les pêcheurs prennent le marteau , de même que le requin, avec des crochets garnis de lard ou de viande. Sa chair n'est pas meilleure que celle da requin ; c'est le même mauvais goiit , la même dureté , la même odeur rebutante; on prétend que , salée , elle devient supporlahle. Cependant les matelots de Mascate , au rapport de Forskœl, s'en nourrissent ^avec plaisir sans cet apprêt, et ils la regardent comme un puissant aphrodisi, que ; ils tirrnt de l'huile da foie, et c'est , dans le vrai, avec la peau dont on se sert pour polir les ouviages de bois et d'ivoire ,Je seul objet utile que présente le marteau, Sonkini. LE D E s s Q U A L E s. Si LE PANTOUFLIER, LE SQUALE PANTOUFLIEP^ (i)(2), PAR LACÉPÈ0R VINGT-UNIÈME ESPECE. V^E squale a de si grands rapports avec le marteau qu'on les a très-souvent confondus ensemble, et que la plupart des auteurs qui (i) Dans la Guiane françoise , demoiselle, Squalus tiburo. Lin. édit. de Gineliu. Cliien de mer pantoujlier. Broussonet , Mémoires de l'acad. des sciences , 1780. — Daubenton , Encycl. méthod. — Bonaterre , planches de l'Encycl. mélliod, Cestr avion capite cor dis figura vel triangulari, Klein , Miss. pisc. 5 , p. i3 , n° 2 , tab. 2 , fig. 3 et 4. Zygœna ajfinis capite triangulo, Willugliby, Iclith. p. 55 , tab. B 9 , %. 4. Papana. Guill. Tison, Hist. nal. et méd. des Indes occidentales , liv. 3 , sect. i. Tiburonis species miner, Marcgr. Brasil. p. i8r, (2) En hol landais, ^row725-72a72e. En danois, schaufeU fisch. Au Brésil , papana. Squalus capite^lctùsHimo cordato . . . squalas tiburo, lân. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i3r , sp. 6. Zygœna minor , capite trictngularv. Zygœna seu Poiss, Tome IV. F 82 HISTOIRE ont voulu distinguer Tun de Faulre, n'ont psis indiqué les véritables différences qui les séparent. Comme la collection conservée dans le muséum national d'histoire natu- relle renferme plusieurs individus de cette espèce , nous avons pu saisir les caractères qui lui sont propres. Nous allons les indi- quer particulièrement d'après un pantouilier envoyé très-récemment de Cayenne par le citoyen Leblond; et pour donner une bonne description de l'espèce cjui nous occupe , nous avons d'ailleurs fait usage de notes très-détaillées que nous avons trouvées, au sujet de ce squale, dans les manuscrits de Commerson. Le trait principal qui empêche de regar- der le pantoutlier comme un marteau , est la forme de sa tête. Cette partie est beau- coup moins courte, à proportion de sa lar- geur, que la tête du marteau. Au lieu de représenter une sorte de traverse très-alon- gée, placée au bout du tronc de l'animal, on peut comparer sa figure à celle d'un segment de cercle dont la corde seroit 1@ libella altéra. Jonston , Hist. nat. Tiburonis species ininor Marcg. Panahana, Demoiselle. Barrère , Hist. nat. de la France équinox. pag. 182. Sonmisi. DES SQUALES. 85 derrière de la tête , et dont lare serolt dé- coupé en six larges festons. Il résulte de cette confortnation que le milieu du bout du museau répond à la sinuosité rentrante qui sépare les trois festons d'un côté, des trois festons de l'autre, et par conséquent que ce milieu n'est pas la partie la plus avancée de la tête , comme dans le marteau. Ces six festons ne sont pas tous égaux : les deux du milieu sont plus grands que ceux qui les avoisinent, mais plus petits que les deux extérieurs, qui par conséquent sont ]es plus larges des six. Et lorsque toute cette circonférence est bien développée et que l'échancrure du milieu est un peu pro- fondeç ce qu'on voit dans quelques indi- vidus , l'ensemble de la tête , considéré sur- tout avec le devant du tronc, a dans sa forme quelque ressemblance avec un cœur, ainsi que Font écrit plusieurs naturalistes (i). On n'aperçoit aucune tache sur ce squale , (i) Eti d'autres termes plus simples : le diamètre longitudinal de la tête du pantouliier est presque égal au transversal ; dans le marteau , au contraire , le diamètre transversal surpasse de beaucoup le longi- tudinal. Si on tire une ligne du milieu de l'ouverture de la bouche au bout du museau , elle se trouvera plus courte qu'une autre ligne tirée du même point F 3 8zi HISTOIRE dont la partie supérieure est grise et Finfé- rieure blaachâLre. Sa peau est garnie de tubercules très-petits, et qui sont placés de manière qu'on n'en sent bien la rudesse que lorsque la main qui les louche va de la queue vers la tête. Le dessus et le dessous du museau sont percés d'une quantité innombrable de pores que leur petitesse empêche de distinguer, mais qui, lorsqu'on les comprime, laissent échapper une humeur gélatineuse et vis- queuse. Les narines sont placées en partie sur la circonférence du segment formé par la tête; et c'est aux bouts de la corde de ce seg- ^lent que sont situés les yeux , plus pï%pres,. par leur position , à regarder les objets qui sont sur les côtés de l'animal que ceux qu'il a en face. Suivant Commerson , l'iiis est blanchâtre et entouré d'un cercle blanc, et la prunelle d'un verd de mer. L'ouverture de la bouche est placée sous jusqu'aux yeux. La même opération faite sur le marteau donnera un résultat contraire. ( 13rousso»iet , Mém. de l'acad. des sciences , année 1780 , et Journal de physique , février, 1786 , pag. 64- ) Sonnini. DES SQUALES. 83 la tête, et à une assez grande distance du bout du museau. Les dents , un peu courbées en anièie , efe non dentelées dans les jeunes pantoufliers ^ sont placées sur plusieurs rangs. La langue est cartilagineuse , rude , large , épaisse, courte, arrondie par devant, atta- chée par dessous , mais libre dans son contour. La ligne dorsale suit la courbure du dos, dont elle est un peu plus voisine que du dessous du ventre. La forme , la proportion et la positioii des nageoires sont à peu près les mêmes que dans le marteau (i). L'extrémité du dos présente une fossette ou cavité , comme sur le requin, et le squale glauque. Le cœur est très-rouge, triangulaire, et assez grand, âirlsi que son oreillette; l'esto- mac a une forme conique ; le canal intesti- nal est replié deux fois ; le rectum assez long, et le foie blanc et divisé en deux (i) Commerson a compté de vingt -cinq à trente rayons cartilagineux clans chaque nageoire pectorale, et de quinze à dix -huit dans la première nageoire du dos. ï' 5 88 HISTOIRE lobes alongés, dont le gauche est le moins étendu (i). (i) Principales dimensions d'un pantoujlier mesuré^ presque dès sa sortie de la mer , par Commerson. pieds, pouc. lign. Longueur rlepuis le bout du rnuseau jusqu'à l'angle antérieur de la bouche . i lO aux narines. ........ i 8 ■ aux yeux 2 6 aux angles postérieurs de la tête 5 5 à la première ouverlure des branchies 5 8 à la seconde ouverture des branchies 3 il à la troisième ouverlure des branchies 4 2 à la quatrième ouverture des branchies 4 ^ à la cinquième ouverture des branchies 4 ^ à l'extrémité antérieure de la "base des nageoires pectorales 4 9 à l'extrémité antérieure de la base de la première nageoire dorsale . 6 5 à la base des nageoires ventrales. 9 à i'anus , 9 6 à l'origine de la nageoire de l'anus II 9 à la base de la seconde nageoire dorsale i 5 D E s s Q U A L E s. 87 Les habitudes du paiitouflier ressemblent beaucoup à celles du marteau : mais il est beaucoup moins féroce que ce dernier squale; et d'ailleurs il pourroit moins satis- faire sa voracité , ne parvenant pas à une grandeur aussi considérable. Le citoyen Leblond écrit de la Guiane française , qu'on ne voit pas d'individus de cette espèce qui aient plus d'un mètre, ou de trois pieds, de longueur. La proie de ce squale, ne devant pieds, pouces, ligaej Lionguenr à l'extrémité antérieure de la base de la nageoire de la queue. . . i 26 — - — au bout de la queue ..... 1 8 Distance d'une narine à l'autre . . 5 6 d'un œil à l'autre 5 8 Plus grande largeur du corps. . ,. . 2 Epaisseur , à l'extrémité dû museau. i au sommet de la mâchoire infé- rieure 8 auprès des nageoires pectorales. i 6 auprès de la première nageoire dorsale 2 6 auprès de l'anus 2 3 auprès de la seconde nageoire dorsale i 1® auprès de la nageoire de la queue 1 Poids de l'animal , une livre ua quart ( six hecto- grammes.) F4 HB HISTOIRE pas être si copieuse qiie celle du marteau, peut être mieux choisie , et. d'autant plus plus que l'animal est moins goulu. Aussi sa chair est-elle moins désagréable au goût que celle du marteau; elle a même quelquefois une sa^ ear qui ne déplait pas , et les nègres en mangent sans peine. Les rivages de la Guiane et ceux du Brésil sont ceux que fréquenre le pantouflier. On ne Ta point encore observé dans les mers des Indes orientales : mais non seulement Commej'son Ta vu dans celles qui baignent l'Amérique méridionale , il Va encore ren- contré, dès le mois de février ou de pluviôse, auprès des cotes de la Méditerranée (i). (i) Ce ne sont pas seulement Içs matelots qui mangent la cliair du pantouflier, mais les personnes les plus délicates la recberchent comme un bon mets. (Pison, Hist. nat. et medic. Indise ulriusrjue, lib. 2 , pag. 5o. ) Son ^ INI. DES SQUALES. «9 LE RENARD MARIN. LE SQUALE RENARD (i)(2); P A R L A C É P É D E. VINGT-DEUXIÈME ESPECE. 1 OU S les squales ont reçu le nom de chien de mer: mais cette dénomination a été particulièrement consacrée par plusieurs auteurs à ceux de ces poissons cartilagineux . _ — _ — — • (i) D.ms plusieurs départemens niérit3ionaux , oii Pon a comparé sa queue à une longue épée , peis spaso, Squalus vulpes. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer , r&nard. Uroussonet , Mém. de l'acad. îles sciences, 1780. — Bonaterre, plancli. de l'Encycl. jnéthod. Squalus caudd longlore quàm ipsum corpus. Arted, syn. 96. — Salv, aquat. p. i3o. Vulpecula, Willughby , Tchlhy. pag. 54 ? tab. B , 5; fig. 2. Renard. Rondelet , prem, part. liv. i5 , chap. 9. Sea-fox. Penuant , Zool. brit. 3 , p. 86, n*' 6 , tab. 4. Benard marin. Valm. de Bomare, Dict. d'hist. nat. Vulpes marînus. Plin. Hist. mundi , lib. 9 , cap. 4^» (2) Le renard» Eu grec, alopex ^ atopekiaSj et dans Auprès de Venise, azio. Auprès de Gènes , oguzeo. A Rome , scazone. En Angleterre 3 picked dog, hound-fiscJi. Chien de mer aiguillât, Daubenton , Encycl. mélh. — Broussonet , Mém. de l'acad. des sciences , 1780. Squalus acanthias. Lin. édit. de Gmelin. — Bloch ^ Hist. nat. des poissons, troisième partie , pi. lxxxv. Chien de mer aiguillât. Bonaterre , planches de l'Encyclop. métliod. Aiguillât. Valmont de Bomare , Diction, d'histoire natur. — Faun. suec. p. 296. — Mus. Ad. Fr. p. 53. ' — Wgoth. 174* Squalus pinnâ ani nullâ , corpore rotundo. Arted» gen. 6(^ , syn. 94, sp. 102. — Millier , Prodrom. zool. dan. p. 2>j , n^ 3ii. — Gronov. Mus. i, n'* i34j Zooph. n" 149. — Browne , Jamaïc p. 468, n" 5. DES SQUALES. loi des squales. Cette branche particulière de cette famille remarquable et nombreuse renferme les squales qui ont des é vents auprès des yeux , et qui d'ailleurs sont dé- i3,ués de nageoire de l'anus ; ce qui leur donne une nouvelle conformité avec les raies. ( Browne a considéré les deux nageoires ventrales comme deux nageoires de l'anus. ) — Salv. At^uat. p. i55, b. f. p. i56. Mastelus spiiiax. Belon , Aquat. p. 65. Acanthias , etc. Arist. Hist. anim. 1. 6 , c. lo. Aiguillât , galeus acanthias. Rondelet , première partie , liv. 5 , chap. i . — Klein , Miss. pisc. 3 , p. 8 , n'^ I , tab. I , fig. 5 et 6. — Gesn. Aquat. p. 607. Dorhundt. ïd. ( Germ. ) f . 'JJ j et. — Willughby, Icbtb. p. 56 , tab. ^,4, fîg. I. Galeus acantliias , sipe spinax. Ray, Pisc. p. 21. Picked dog-fish. Pennant , Zool. brit. 5, p. 77, n^ 2.— Charlet. p. 128. Galeus acantheas. Jonst. 1. 1 , tit. i, c. 3 , « 2, punct. 5 , tab. 8 . fig. 5. Galeus acanthias , siue spinax. Aid. 1. 5, c. 4o,p. 399. Canis acantliias , spinax. Schonev. p. 2g. Mastelus spinus. Seal. (2) \J ai guillat ou aguillat. En allemand , dornhay. En hollandais , doornhaay ou speethaay. En danois , haae et haafisk. En suédois , hay. En scanois , hœ. En norvégien , pig - haae. En islandais , haafur. En groenlandais , kukilik. En anglais , outre les de'ix dénominations rapportées dans la synonymie d© G 3 103 HISTOIRE Un des squales le plus anciennement connu de ce sous -genre , est l'aiguillât , qui habite dans toutes les mers, et particu- lièrement dans la Méditerranée , où il a été observé par un très-grand nombre de na- turalistes depuis le tems d'Aristote jusqu'à nos jours ( i ). La tête de ce poisson est aplatie 5 façonnée en forme de coin, mince Lacépède » dornhund. En Sardaigiie , spinello. En Provence et en Languedoc , agiiillnt. Dans Aristote , ce poisson est appelé asterias; dans Oppien et dans Alliénée , galeos asterias. Squalus rostro subacuto , pinnis dorsalibus uni padiato-spinosis ^ anali nullâ. . . . squalus acanthias^ Gronov. Mus. iclith. tom. I, p. 6i , n^ i54. Squalus pinnis dorsalibus spinosis y corpore teretius'* culo squalus acanthias. Lin. Syst. nat. edit. Gmel, gen. i5i , sp. i. —- Faun. suec. edit, lletzii , n^ 7. — OlL. Fabric. Faun. groenland. p. 126, n° 88. — Brunnich , Jclitli. Massil. p. 5. Soi^î^ini. (l) L'aiguillât, selon Willughby ( Hist. pisc. loco eitato ) , est commun dans les mors qui baignent l'An- gleterre et rirlande. Il ne se trouve que rarement dans la Baltique , mais il fréquente davantage la mer du Nord , jusqu'au Groenland. Il vit également dans les eaux écbauffces par les feux du midi ; on le voit dans toutes les mers d'Amérique , et il voyage jusques vers le pôle Austral. C'est une de ces espèces à qui toutes les températures conviennent , et qui s'étend sur toulo la surface inondée du ^lobe. Sonnimi. DES SQUALES. io5 par devant , arrondie vers l'extrémité du museau , et plus transparente que celle de plusieurs autres squales. Chaque narine a deux ouvertures petites, presque rondes, et également éloignées du bout du museau et de Touverture de la bouche. On voit auprès des yeux huit rangs de pores des- tinés à laisser échapper une humeur mu- queuse. Les dents, qui forment ordinaire- ment trois rangées , sont alongées , aiguës , et garnies , de chaque côté de leur base, d'une pointe assez grande ,* elles ressemblent beaucoup à celles du squale roussette : mais il est aisé de les en distinguer , parce que celles de la roussette sont dentelées, et que, si celles de Taiguillat le sont , ce n'est que légèrement , et lorsque l'animal est déjà très - développé. La ligne latérale est droite. La première nageoire dorsale est presque aussi avancée vers la tête que les pectorales; la seconde Test plus vers le bout de la queue que les ventrales : Tune et l'autre sont armées , dans la partie antérieure de leur base , d'un aiguillon ou premier rayon épineux très- dur , très - fort , blanc , et presque trian- gulaire. Cet aiguillon , dont chaque nageoire dorsale est garnie, est formé dans le fœtus, G 4 ao4 H I S T O FR E de manière à être très-sensible, quoiqu'uii peu mou. On a prétendu que ce dard étoit venimeux. Nous avons vu que l'on avoit attribué la même qualité vénéneuse aux piquans des raies aigle et pastenaque. L'ai- guillât , non plus que ces raies , ne contient cependant aucun poison ; mais ce sont des effets semblables à ceux qu'on éprouve lorsqu'on a été blessé par l'arme de la raie aigle ou de la pastenaque , qui ont fait penser que celle de l'aiguillât étoit em-r poisonnée (i). Nous n'avons pas besoin de faire remar- quer que des piquans semblables à ceux d© ce dernier poisson sont placés auprès des nageoin^s dorsales du squale philipp. L'extrémité de la queue de l'aiguillât est (i) Les pêcheurs du nord regardent les piquans de l'aiguillât comme venimeux, et ils les coupent bien yîte aussitôt qu'ils se sont emparés d'un poisson de cette espèce. La piquure de ces aiguillons est en eSe% très- dangereuse, et, comme je l'ai déjîi remarqué ^ l'occasion des piquans de quelques espèces de raies , peu importe que ce soit par une qualité vénéneuse ou par la nature du décliirement dans les chairs , que ces pointes causent de grands maux et même la mort; ainsi, empoisonnées ou non , ce sont toujours, des armes très - redoutables , dont les pêcliears ont toulç Kaison de se défier. S o î( i( i N v D E s s Q U A L E s. io5 comme engagée dans une nageoire divisée en deux lobes, dont le supérieur est le plus long. Au reste , toutes les nageoires sont noi- râtres. Le dessus du corps est d'un noirâtre tirant sur le bleu , et relevé par des taches blanches plus nombreuses dans les jeunes individus : le dessous est blanc , et les côtés sont blanchâtres avec quelques nuances de violet; et des rides ou sillons dirigés obli- quement vers la ligne latérale, les uns de haut en bas et les autres de bas en haut, s'y réunissent de manière à y former des angles saillans tournés vers la tête. La chair de l'aiguillât est filamenteuse , dure, et peu agréable au goût; mais il est des pays du nord de l'Europe où le jaune de ses œufs est très-recherché. Sa peau est aussi employée dans les arts, et y sert aux mêmes usages que celles du requin et de la roussette (i). I I I I I , I ■ Ml 1 (i) Ce sont principalement les tourneurs qui se servent de la peau de l'aiguillât pour polir les ou^ vrages en bois et en ivoire. L'aiguillât a la chair dure et d'assez mauvaise odeur , moins désagréable cependant que celle des autres poissons du même genre. On fait en Ecosse , f n Irlande, une pêche très-cousidérable de ces squales } io6 HISTOIRE on les fait sécher à l'air, et c'est un objet de commerce intérieur dans ces pays. Au Groenland on ne les mange que lorsqu'ils sont à moitié pourris. On en voit quelquefois dans les marchés de Paris. Comme les aigiiillats se rassemblent en troupes pour donner la chasse aux poissons voyageurs , tels que la morue , le hareng , l'éperlan , leur pêche est plus facile , et on peut en prendre plusieurs à la fois. On se sert ordinairement , pour cette pêche , de grosses lignes amorcées avec un poisson des espèces qu'ils recherchent avec avidité. On ne les voit , suivant Belon (Nat. des poiss. p. 6i ),sur nos côtes de l'Océan qu'en automne. Les groenlandais font usage, pour cette pêche, des mêmes lignes qu'ils emploient pour prendre les raies , c'est-à-dire , fabriquées avec des fanons de baleine ou des bandes de la peau du grand phoque ; c'est sur-tout en hyver que cette pêche est plus productive dans ces parages, au moyen de trous que l'on fait dans la glace. En Norvège on mange les jaunes des œufs de ce squale , préparés comme les œufs brouillés. Enfin, le foie des plus gros aiguillât» sert à faire de l'huile. Mais cette espèce ne devient pas fort grosFC, et Von ne voit que rarement des individus du poids de vingt livres -, lorsque leur peau est enlevée , ils ont l'apparence de l'anguille; on voit alors distinctement tous leurs muscles, dont chacun a une teinte rouge à l'extérieur ; leur chair est très-blanche intérieurement. Belon dit que de son tems on arrangeoit les aiguillons de l'aiguillât en forme de cure-dents , et qu'on les enchâssoit pour Tusage des hommes. ( Nat. des poissons , p. 6i. ) Aristote avoit observé que le tems où les àiguillati D E s s Q U A L E s. 107 font leurs petits est en septembre , et cette obser- vation a été confirmée par Belon , du moins pour nos climats. Les femelles mettent bas des petits en assez grand nombre. Le foetus est entouré du blanc de l'œuf, et suspendu au jaune , qui a la forme d'une poire , par le moyen d'un cordon ombilical. Ce jaune sert de nourriture à l'animal jusqu'à ce qu'il soit entièrement consommé , et que le petit soit en état «le chercher lui-même sa nourriture; il est enve- loppé d'nne peau très-mince, sur laquelle paroissent les vaisseaux sanguins. « Je possède , Jit Blocli , des poissons de cette espèce, avec des jaunes de différente* grosseurs -, et dans un poisson de neuf pouces , Ta bourse n'est que de ia grosseur d'une amande. Un jeune requin , dans son parfait développement , a près d'un pied de long ». (Hist. nat. des poissons, article de l'aiguillât. ) L'estomac de l'aiguillât est long et formé d'une membrane mince; le canal intestinal est très- court , étroit à son origine , large dans le reste, mince dans le haut , épais dans le reste de sa longueur , et garni intérieurement de plis en spirale. Lo foie se divise en deux lobes longs, étroits et jautiâtres ; ils ne se réu- nissent que vers la vésicule du fiel. La rate est ronde et d'un brun blenâtre ; enfin , les reins sont en ovale alongé. Rondelet (Histl des poissons, liv. i3, chap. i) dit que l'aiguillât ne cache point clans son estomac ses petits déjà nés , à raison de leurs aiguillons. ( Voyez ce que j'ai dit à ce sujet dans ma note de l'article du requin^ pag. 3/4 du troisième volume de cette histoire des poissons. ) Som^iisi. io8 HISTOIRE LE T O L L O (i). VINGT-CINQUIÈME ESPECE. X O I. L O est le nom que porte au Chili un squale dont Molina a fait mention dans son Histoire naturelle de cette partie de TAmérique méridionale; il le représente comme un poisson remarquable par deux épines dorsales semblables à celles de l'ai- guillât ; elles sont triangulaires , à pointe recourbée, et aussi dures que l'ivoire; leur longueur est de deux pouces et demi, et leur largeur de cinq lignes. Ce poisson n'a point de nageoire anale , et son corps aminci est marqué de taches semblables à des yeux. C'est à ce commencement de description (i) Squalus pinnâ anali nullâ dorsalihus spino&is corpore tereti ocellato., . squalus fernandinus ; le tolla. (Molina, Hist. nat. du Chili, tradtiction française, p. 208. — Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i , sp. è. — Artedi , Gen. pisc. gen. 44 j sp. 5 , var. a. ) Squale dit tollo au Chili. Note communiquée à Lacépède , par le célèbre voyageur Dombey , qui a péri victime de son zèle pour les progrès des sciences naturelles. DÉS SQUALES. 109 que se réduit le passage de Molina au sujet du toUo, et cela ne suffit pas, sans doute, pour décider si ce squale forme une espèce particulière, ou s'il n'est qu'une variété dans l'espèce de l'aiguillât , ainsi que Gmelin , Artedi et Lacépède l'ont pensé. Mais , quelque incotnplette que soit cette descrip- tion , elle en dit assez , ce me semble , pour faire pencher à croire que le tollo diffère de l'aiguillât. En effet, Molina s'est arrêté, ou peu s'en faut, à un attribut unique, à celui qui l'a frappé davantage, aux deux aiguillons du dos, qu'il compare à ceux de l'aiguillât ; il connoissoit donc ce dernier poisson ,* et s'il y avoit une ressemblance parfaite entre ces deux squales , Molina se seroit, suivant toute apparence , contenté de dire que l'aiguillât porte au Chili le nom de tollo; tandis qu'au contraire cet animal ne sert que d'objet de comparaison. Les habitans du Chili s'imaginent que les piquans du tollo sont un spécifique contre le mal de dents, pourvu qu'on en appuie une des pointes contre la dent malade (1). (i) Molina, Hist. nat. da Chili, p. 208. iio HISTOIRE LE S A G R E. LE SQUALE SACRE (i)(i2), PAR L A C É P É D E. VINGT-SIXIÈME ESJ^EGE. l^E poisson ressemble beaucoup à ^'aiguillât, et a été souvent confondu avec ce dernier. Mais voici les caractères qui font de ce car- tilagineux une espèce distincte. Les narines (ï) Sur la côte de Gênes , sagree. Chien de mer sngre. Daub. Encycl. métb. Squctlus splnax. Lin. édit. de Gnielin. Chien de mer sagre. Bonal. planches de l'Encyclop. méthodique. — Broussonet , Mémoires de racadémie des sciences , 1780. Squalus pinnâ ani carens ^ naribus in extremo rosira» Arledi , gen. 67 , syn. 95. — Mus. Ad. Fr. 2 , p. 49*. — Faun. suec. p. 2()6. Squalus niger. Gnnner , Ad. nidros. 2, p. 2i5, tab. 7 et 8. Galeus acanthiaa , seu apinax fttseus. Willughby, ïcblb. p. 67. • — Raj, Pisc. p. 2i. Mustelus seu spinax. Edw. Glan. lab. 289. (2) Le sagre. En suédois, swart-hay. En norvégien^ forL-haaen , c'esl-à-dire, squale noir. DES SQUALES. m sont placées presque à l'extrémité du mu- seau , au lieu d'être situées à une dislance à peu près égale de cette extrémité et de Fouverture de la bouche.' Le dos est plus aplati que celui de Taiguillat. La couleur générale de l'animal est très-brune; et, ce qui paroîtra sur-tout remarquable à ceux qui se rappelleront ce que nous avons ex- posé sur les couleurs et les tégumens des poissons dans notre premier discours , la partie inférieure du corps présente des tu- bercules plus gros et une couleur plus foncée et plus noirâtre que la partie supérieure. Nous trouverons, dans la classe entière des poissons 5 bien peu d'exemples de cette dis- position extraordinaire et inverse de couleur et de tubercules, qui, ainsi que nous l'avons dit , indique une distribution particulière dans les différens vaisseaux qui avbisinent la partie inférieure de l'animal , et suffit Il paroît que les anciens n'ont pas connu cette espèce. Squalus pinnâ anali nullâ dorsal/bus spinosis ; narlhus terminalibus . . . . squalus spinax. Lin. Faun. suec. edit. Retzii , p. 5o5. Squalus subtàs nigricans . . . . squalus spinax. Tj\n, Syst. nat. edit. Gmel. gen. i3i, sp. 5. Sonnini. lia HISTOIRE pour séparer une espèce de toutes celles qui lie montrent pas ce caractère. Le sagre vit dans la Méditerranée; il habite aussi l'Océan, même à des latitudes très-septentrionales (i). (i) Dans la Méditerranée , le sagre se trouve plus qu'ailleurs le long des côtes de l'Italie. Dans l'Océan il remonte au nord jusqu'en Norvège j mais il y est plus rare que l'aiguillât. Le jeune poisson de cette espèce est un peu Telu dans son premier âge. SonaiNi, LE DES SQUALES. ii5 LE H U M A N T I N. LE SQUALE HUMANTIN (i)02), PAR LACÈPÈDE. VINGT-SEPTIÈME ESPECE. J_i E humantin , qui habite l'Océan et la Méditerranée , a , comme Taiguiliat et le (i) Dans plusieurs départemens méridionaux , ber^- nadet , renard , JiumantJiin , porc, A Rome , pesce porco. CJiien de mer humantin. Daub. Encycl. raéth. Squalus centrina. Lin. édit. de Gmel. Chien de mer humantin. Bonat. planches de TEn- cyclop. méthod. — Bronssonet , Mémoires de l'aca- démie des sciences, 1780. Humantin. Dessins sur vélin de la bibliothèque du muséum national d'histoire naturelle. — Artedi , gen. 67 , 5 , syn. 95. -- Mnller , Prodrom. zool. dan. j). 37 , n^ 3i3. — Bloch , Hist. nat. des poissons, pi. cxv. — Klein , Miss. pisc. 5 , p. 10 , 11° 7. Vulpecula. Bel. Aquat. p. 62 , 64. — iElian. Anim, 1. 1 , c. 55 ; 1. 2 j c. 8. — Gesn. Aquat. p. 609 ; Te. anim, p. 146 ; Thierb. p. 78 , Z». — Salv. Aquat. p. i56, h. Porc et centrina» Rondelet , prem. partie, liv. iS^ Poiss. Tome IV. H ^T4 HISTOIRE sagre, un piquant très-dur et très-fort à chacune de ses deux nageoires dorsales. Ce piquant est néanmoins incliné vers la tête dans la première nageoire du dos, au lieu de l'être dans les deux vers la queue, ainsi que sur le sagre et l'aiguillât. Mais, indé- pendamment de cette disposition des dards du humantin, il est très -aisé de le distin- guer de tous les autres squales par la forme générale de son corps , qui représente un chap. 8. — Aldrov. Fisc. p. 4oi« — Jonston , Fisc. p. 28 , tab. 8 , fig. 4,5. Centrina. Willughby, Ichtb. p. 58, tab. 5, i et2. — - Ray, Fisc. p. 21. Porc marin. Valaient de Bomare , Dictionn. d'his- toire naturelle. (2) Le humantin ou le porc marin. En grec, kentrlte et hentrine. En allemand , seeschwein et spitzliuryd. En anglais , centrina. En norvégien , purk-haae , et haa-hiœriu g. Squalus corpore suhtriangulari . . , squalus centrina, liin. Syst. nat. edit. Gmel, gen. i5i , sp. 2. Squalus pinnâ ani carens , ambitu corporis triaw^ gulato. Artedi , Gen. pisc. gen. 44 j sp. 5, et synonym. ep. 5. Squalus pinnâ ani nullâ , dorsalihus uni-spinosis, corpure tran^versim suhtriangulari. . . squalus cen'" frina. BiVLnmch , Ichthyol. Massil. p. 5. S O N N I N I» DES SQUALES. ii5 prisme triangulaire, dont Je ventre forme une des faces. Le dos est par conséquent élevé eu carène; et commf* cette dernière partie, exhaussée dans le milieu de sa lon- gueur , s'abaisse vers la queue , et vers la tête, qui est petite et aplatie, Tanimal montre encore une sorte de pyramide triangulaire , très-basse et irrégulièie, à ceux qui le re- gardent par le côté. Le humanlin est brun par dessus , et blanchâtre par dessous. Sa peau , qui re- couvre une tunique épaisse et adipeuse, est revêtue de tubercules gros, durs et saiîlans. Sa chair est si dure et si filanjenteuse, qu'elle est constamment dédaignée : aussi pêche- 1- on très-peu le humantin , et va-t-on d'au- tant moins à sa poui suite qu'il ne fréquente guère les rivages, et qu'il aime à vivre dans la vase et dans la fange du fond des mers; ce qui lui a fait donner le nom de cochon marin. Sa peau sert néanmoins à polir les corps durs. Les individus de cette espèce ont un mètre et demi ( un peu plus de quatre pieds) de longueur, lorsqu'ils paroissent avoir atteint la plus grande partie de leur développement. La mâchoire supérieuie est armée de trois rangs, et l'inférieure d'un seul rang de dents H ^ n6 HISTOIRE aiguës. Les nageoires dorsales sont très-ràp- prochées de ia tête ; la seconde est au dessus des venî raies; la queue et la nageoire qui en garnit l'extiémité sont assez courtes à proportion de la longueur du corps (i). . — _ ti, (i) Le foie clu liumantin est divisé en deux lobés; il est d'un ronge pâle et recouvre l'estomac. Le fiel est d'un verd obscur -, la rate est rougeâtre , écbancrée et placée à côté de l'estomac. Ce dernier viscère est long, et le canal intestinal court et large. (Bloch, Hist. nat. des* poissons. ) De tous les squales , le humantin est celui dont la chair est la plus dure , au point qu'il est presque im- possible de la manger. On retire de son foie de l'huile qui est bonne à brûler. Si l'on en croit Rondelet, cette huile a encore d'antres propriétés; comme celles de résoudre les duretés du foie , et de guérir les cata- ractes des yeux , en la mêlant avec du miel; le même auteur ajoute que la cendre de la peau du humantin est un remède contre la teigne. Mais ces prétendues vertus médicinales ne sont , pour la plupart, qu© des yêveries. . ^ Sonnini. DES SQUALES. 117 LA L I C H E LE SQUALE LICHE (i) {2) , PAR L A C É P È D E. VINGT- HUITIÈME ESPECE. Vy ' E S T auprès du cap Breton , dans F Amé- rique septentrionale 5 qu'a été vu ce poisson. Sa tête est grande; son museau court et arrondi. Ses dents sont aplaties de devant en arrière , alongées , pointues , et disposées sur plusieurs rangs : les plus grandes sont dentelées; peut-être le sont-elles toutes dans les individus plus âgés que ceux que Ton a (i) Chien de mer liche. Broussonet, Mémoires de l'académie des sciences de Paris pour 1780. Squalus americanus. Lin. cdit. de Gmelin. Chien de mer liche. Bonaterre , planches de l'En- cyclop. niéthod. (2) Squalus pinnis dorsalibus inermibus , posteriore majore j ventralibus jnagnis caudœproximis... squala& americanus. TAn. Sysl. nat. edit. i5, gen. i5l , sp. 5o. Squalus pinnis dorsalibus inermibus , posiicâ ma- jore prima • ventralibus magnis , caudali vicinis squalus americanus. Artedi , Gen. pisc. gen. 44 > sp. 5o , additam. S o n y i n i. H 3 ii8 HISTOIRE observés, et qui n'a voient qu'un mètre (ou environ trois pieds) de longueur. L'on voit, sur les bords du bout du museau, les ou- vertures des narines, qui sont assez larges. Les deux dernières ouvertures branchiales de chaque côté sont très-i'approchées , et les évenls éloignés des yeux. Les nageoires dor- sales ne présentent aucun aiguillon : la pre- mière 5 qui est moins grande que la seconde, est plus près de la tête que le milieu de la longueur du corps; la seconde en est un peu plus éloignée que celle de l'anus. Les na- geoires ventrales sont grandes et rapprochées de la queue , qui se termine par une nageoire dont la foirne imite celle d'un fer de lance; et tout le corps est revêtu d'écaillés ou tu- bercules petits et anguleux (j). (i) Broussonet est le premier naturaliste qui ait vu et décrit la licbe. L'individu q»i a servi à sa des- cription avoit trois pieds de longueur. Cette espèce ressemble assez à Taiguillat ; mais elle en diffère par SCS nageoires du dos qui sont privées d'aiguillons, et par les nageoires ventrales qui sont très-rapprocliées de la queue. Un autre attribut , qui distingue ce «quale de tous les autres , est la seconde nageoire du dos, plus grande que la première. (Voyez le Mémoire de Broussonet sur les chiens de mer, inséré dans ceux de l'académie des sciences, année J780, et dans !• Journal de physique , année lySS. ) Sonnini, DES SQUALES. 119 LE SQUALE GRONOVIEN (i)(2), PAR LACÈPÈDE. TINGT-NEUVIÈME ESPECE. JN o u S nommons ainsi un cartilagineux dont les naturalistes doivent la connoissance à Gronovius. C'est dans les mers de Tlnde qu'il a été péché. Le caractère distinctif par lequel il est séparé des autres squales compris dans le même sous- genre, consiste dans la position de ses deux nageoires dorsales, dont la première est plus près du bout de la queue que les ventrales , et dont la seconde est (i) Squalus dorso varîo inermi y dentibus acutia, Gronov. Mus. i , n° i35, Zoopb. i5©. Squalus indicus. Lin. édit. de Gmelin. (2) Squalus dorso vario inermi , dentibus acutisk . . squalus indicus. Lin. Syst» nat. edit. i5> g^n, i5r, «p. 29. Squalus dentibus acutia; dorso vario inermi; pinnâ mni carens squalus indicus. Artedi> Geu* pis«> gen. 44 y sp. 29 > additam. S o K N i n i. H 4 X20 HISTOIRE très-éloignée de la première vers cette même extrémité. Ces deux nageoires sont d'aillems petites. Le museau est arrondi; chaque mâ- choire présente sept rangs de dents aiguës : les nageoires ventrales sont rapprochées Fune de l'autre; celle de la queue n'a qu'un lobe, et des taches noires relèvent la couleur grise de la tète et du dos. DES SQUALES. 121 LE SQUALE DENTELÉ, PAU L A C É P É U E. TRENTIÈME ESPECE. JN o U S donnons ce nom à un squale dont la description n'a pas encore été publiée, et dont le dos , qui est très-relevé , paroit en effet dentelé à cause d'une rangée de petits tubercules qui s'étend presque depuis l'entre- deux des j^eux jusqu'à la première nageoire dorsale. L'individu de cette espèce que nous avons observé fait partie de la collection cédée par la Hollande à la France, et dé- posée maintenant dans les galeries du mu- séum d'histoire naturelle. Tout le dessus du corps et de la queue présente des taches rousses assez grandes et irrégulières ; et une couleur foncée règne sur la partie posté- rieure de toutes les nageoires , excepté de la caudale. Les dents sont triangulaires. Une mem- brane, qui se termine en une sorte de bar- billon, ferme l'ouverture de chaque narine; la lèvre supérieure est un peu échancrée î2a HISTOIRE dans son milieu; les évents sont très-prés des yeux; on compte cinq ouvertures bran- chiales de chaque côté du corps. La pre- mière nageoire dorsale est plus éloignée de la tête que Tanus; la seconde est voisine de la première; la nageoire caudale est divisée en deux lobes , qui sont séparés Tun de l'autre à l'extrémité de la queue , et dont l'inférieur, plus grand que le supérieur, est découpé de manière à être sous-divisé en trois petits lobes. Nous ignorons dans quelles mers habite ce poisson. DES SQUALES. isS LE BOUCLE. LE SQUALE BOUCLÉ (0(2), PAR LACÉPÈDE. TRENTE-UNIÈME ESPECE. JuE caractère distinctif de cette espère consiste dans des tubercules inégaux en grandeur, larges et ronds à leur basf^ garnis à leur sommet d'une ou deux pointes re- courbées, à peu près conformés comme ceux que l'on voit sur la raie bouclée , et répandus m I ■ « ■■ ■ I I ■ Il !■ I, I- M (i) Chien de mer bouclé. Broussonet , Mémoires d* l'académie des sciences pour 1780. Squalus spinosiis. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer bouclé, Bonaterre , planches de l'En- cyclop. méthod. (2) Squalua tuberculis magnis mucronatis per fotam snperficiem disperaia » , , squalus spino sus. Lin. Syst. naf. edil. Gmel. gen. i3i , sp. 27. Squalus corpore spinis inœqualibus , inordinatis , gibbgroso.,, squalus spinosus. Gen. 44» ^P- ^7 t *ddit. $ o ii m n u 124 HISTOIRE sur toute la surface du squale (i). Le ciloyen Broussonet a publié le premier, et dès 1780, la description de ce poisson, qu'il avoit faite sur un individu de quatre pieds, conservé dans le muséum d'histoire naturelle (2). Le museau du bouclé est avancé et co- nique; l'ouverture de la bouche n'est pas très - grande ; les dents sont comprimées , presque carrées, découpées sur leurs bords, et disposées sur plusieurs rangs. La première nageoire du dos est aussi éloignée de la tête que les ventrales , qui cependant sont plus (1) Dans rexamen que Broussonet fit avec Dau- benton d'un poisson de cette espèce , conservé aa cabinet d'histoire naturelle de Paris, les piquans dont le corps est couvert parurent d'abord , aux deux sa- vans naturalistes, des restes de petits pousse - pieds qui s'attachent assez souvent sur le corps des grands poissons; mais ils ne faisoient point d'effervescence avec les acides , et on ne pouvoit les détacher sans déchirer la peau 5 ce qui prouve que ces tubercules sont une partie de l'animal. ( Voyez le Mémoire cité de Broussonet. ) Sonnini. (2) Voyez aussi le Journal de physique, ann. 1785, p. 125. L'individu qui a servi à la description publiée par Broussonet éloit femelle. Soni^ini. DES SQUALES. 126 rapprochées du bout de la queue que dans plusieurs autres espèces du même genre. Ces dernières sont d'ailleurs presque aussi grandes que les pectorales (j). (1) Les membres de Tacadémie des sciences, en- voyés par ordre du roi , vers la fin du dix-septième siècle , pour faire des observations anatomiques sur les bords de l'Océan , avoient fait prendre le dessin du bouclé , q^u'ils désignoient sous le nom de brucus, S O N N INI. â26 HISTOIRE L^ECAILLEUX, LE SQUALE ÉCAILLEUX (i)(2), PAR LACÉPÈDE. TRENTE-DEUXIÈME ESPECE. JN o TJ S avons vu les tubercules qui re- vêtent Je corps du requin, et d/autres car- tilagineux de la même famille, se changer en écailles plus ou moins distinctes, et plus ou moins polies et luisantes , sur le barbu , sur le barbillon , et sur quelques autres squales ; mais c'est sur-tout le poisson dont nous traitons dans cet article, qui présente, m ' ' ■ I I II (i) Chien de mer écailleux. Broussonet, Mémoires de l^académie des sciences pour 1780. Squalus squamosus. Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer écailleux. Bonaterre , planches de l'Encyclop. méthod. (2) Squalus sqnamis parvis oblongis vestitus.,,, squalus squamosus. Lin Syst. uat. çdil. i3 , gen. i3i, «p. 28. Squalus squamis maxlmis , ovalibus , pinnis dorsa- lihus duabns..., squalus squamosus. Artedi , Gen. 'pisc. gen. 44 ? "P* ^^ 9 additam. S o N v i n i. DES SQUALES. 127 dans les parties dures dont sa peau est garnie, la forme véritablement écailleuse, et de Jà vient ]e nom que nous croyons devoir lui conserver. Les écailles qu'il montre sont assez grandes, mais inégales en étendue, ovales, et relevées par une arête longitu- dinale. Le museau est alongé et aplati de haut çn bas; Touverture de la bouche un peu petite et arquée ; les dents sont presque carrées, découpées dans leurs bords à peu près comme celles du squale bouclé, et plus grandes dans la mâchoire inféiieure que dans la supérieure. Les nageoires dorsales sont alongées, occupent une paitie du dos assez étendue , et sont ai mées chacune d'un ai- guillon , comme celles de Taiguillat , du sagre et du humantin ; et la seconde de ces na- geoires est moins près de la tête que les ventrales , qui cependant en sont assez éloignées. Le citoyen Bjoussonet a parlé le premier, et dès J780, de celte espèce, dont il a vu un individu d'un mèfre (ou environ trois pieds) de longueur dans le muséum national d'histoire naturelle (]). (1) L'écailleux a beaucoup de ressemblance avec I« humantin. S o n a i if i* 128 HISTOIRE LA SCIE, LE SQUALE SCIE (i) (2), PAR LACÊPÈDE. TRENTE-TROISIÈME ESPECE. ■ i E nom que les anciens et les modernes ont donné à cet animal indique l'arme ter- rible dont sa tête est pourvue , et qui seule le sépareroit de toutes les espèces de poissons connues jusqu'à présent. Cette arme forte et redoutable consiste dans une prolongation du museau qui , au lieu d'être arrondi , ou (i) En Suède, espadon y épée de mery sag-fisk. En Angleterre, saw -fish. Chien de mer scie. Daubent. Encyclop. métliod. — « Bonat. planches de l'Encycl. méthod. Squalus pristis. Lin. édit. de Gmelin. — Fauna suec. p. 297. — Mus. Ad. Fr. i , p. 52. — Otb. Fabiic. Faun. groenland. p. i5o , n^ 91. — Mullcr, Prodrom. zool. dan. p. 38 , n^ 319. Squalus rostro longo cuspidato osseo piano utrinque dentato, Ariedi , gen. &o ^ syn. 95. — Gronov. Mus. i, u*^ i32, Zooph. n° 148. — Browue , Jamaïc. p. 468 ^ de DES SQUALES. 129 de finir en pointe , se termine par une ex- tension très-ferme, très-longue, très-aplatie de haut en bas , et très-étroite. Cette exten- n^ 1 . — Bloch , pi. cxx. — Klein , Miss. pisc. 5 , p. 12, n*' 1 1 , tab. 5 , fig. I et 2. Squalus rastrifer, Conimerson , manuscrits déjà cités. Araguagua. Marcgr. bras. p. i58. — Pisc. Ind. p. 54» Serra. Plin. Hist. miind. lib. 52 , c. 11. — Clus. Exot.p. j55. — Aldrov. Cet. p. 692. — Olear. Kunstk. p. 4^ 7 tab. 26, fig. I. Gesn. Aquat. p. 759 ; le. anim. p. 171 ; Tbierb. p. loi. — Willughby, Icbth. p. 61 , tab. 5,9, fig. 5. — Ray, Pisc. p. 23. Vivelle. Rondelet, prem. partie, liv. 16, cbap. 11» ' X-iphias velgladius. Jonst. Pisc. p. i5 , tab.4i fig- i- — Blas. Anat. p. Soy , tab. 49 ? fig. î3. Spadon, Dutertre, Antill. p. 207. Serra marina ^ langue de serpent. Bel. Aquat. p. 66. Chien de mer scie. Broussonet , Mémoires de l'aca- démie des sciences pour 1780. Scie , espadon^ épée de mer. Vaîmont de Bomare , Diclionn. d'histoire naturelle , article des baleines, — Aristot. Hist. anim. lib. 6 , c. 12. — Alben. lib. 8, p. 355. (2) La scie. En allemand , schu^erdtfisch et haagh^ ftsch ou poisson gladiateur. En hollandais , zwaard" visch et zaag-visch. En norvégien , sage-fisk , saug-Jisk et suaerd-fihlc. En arabe, ahouminschar et schœhra^ A Malte, sia. Au Brésil, araguagua. Au Mexique , acipaquitly. Squalus rostro elongato piano per totam longitu* Foiss. Tome IV. I i3o HISTOIRE sion est composée d'une matière osseuse ; ou, pour mieux dire, cartilagineuse, et très- dure. On peut la comparer à la lame d'une épée , et elle est recouverte d'une peau dont la consistance est semblable à celle du cuir. Sa longueur est communément égale au tiers de la longueur totale de l'animal,* sa largeur augmente en allant vers la tête, auprès de laquelle elle égale ordinairement le septième de la longueur de cette même arme , pen- dant qu'elle n'en est qu'un douzième à l'autre extrémité. Le bout de cette prolongation du museau ne présente cependant pas de pointe dinem utrinque dentato. . . . squalus pristis . Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i , sp. i5. Squalus pinnâ ani nullâ ; rostro cuneiformi osseo piano utrinque cristato squalus pristis. Othon. Fabric. Faun. groenlaiicl. p. i5o , n^ 90. M. Latham a séparé la scie des autres squales et en a fait un genre particulier sous le nom âe pristis. Les caractères sont : cinq ouvertures cic chaque côté du cou j le corps oblong et an peu aminci ; la bouche en dessous de la partie antérieure de la tète; le museau alongé , plat et garni de dents de chaque côté. ( Tran- sactions de la société linnécnne de Londres, tom. II, p. 276 , et figure , pi. xxvi , n° i.) ' Pristis rostro spinis validis utrinque pristis untiquoruni» Latham » loco suprà citato. SONNINX. DES SQUALES. i3i aiguë , mais un contour arrondi, et les deux côtés de cette sorte de lame montjent. un nombre plus ou moins considérable de dents ou appendices dentiformes très- fortes, très- dures, très -grandes et très-alongées. Elles font partie du cartilage très -endurci qui compose cette même prolongation ,• elles sont de même nalure que ce cartilage , dans lequel elles ne sont pas enchâssées comme de véritables dents, mais dont elles dérivent comme des branches sorlent d'un tronc; et, perçant le cuir qui enveloppe cette lame, elles paroissent nues à Fextérieur. La lon- gueur de ces sortes de dents , qui sont assez séparées les unes des autres, égale souvent la moitié de la largeur de la lame , à laquelle elle donne la forme d'un long peigne garni de pointes des deux côtés, ou , pour mieux dire, du ratepu dont les jardiniers et les agriculteurs se servent : aussi plu^iv,i,u s naturalistes onl-ils nommé le squale scie râteau o^ Dorleraieau, Pendant que Fanitnal est encore renfeirm^ dans son œuf, ou lorsqu'il n'en est sorti que depuis peu de tems , la lame cartilagi- neuse qui doit former son arme est molle, ainsi que les dents que produisent les dé- coupures de cette lame, et qui sont, à cette époque de la vie du squale, cachées presque 1 X i32 HISTOIRE en entier sous le cuir ( i ). Au reste , îe nombre des dents de cette scie varie dans les dilïérens individus, et le plus souvent il y en a de vingt -cinq à trente de chaque côté (2). Nous allons voir l'usage que le poisson scie fait de cette longue épée; mais achevons auparavant de faire connoître les particula- rités de la conformation de ce squale. La couleur de la partie supérieure de ce -cartilagineux est grise et presque noire; celle des côtés est plus claire , et la partie infé- rieure est blanchâtre. On voit sur la peau de très-petits tubercules, dont Textrémité est tournée vers la queue, et qui par con- séquent ne rendent cette même peau rude au toucher que pour la main qui en par- court la surface, en allant de la queue vers le museau. La tête et la partie antcdeure du corps V'i) Klein a donné la figure d'un foetus qui n'a point encore le museau garni de dents. ( Miss. pisc. à l'endroit précédemment cité. ) (2) Non seulement le nombre des dents n'est pas le même dans tous le s individus, mais encore il n'est pas égal de chaque côté. Les dents sont pointues quand le poisson est jeune , et émoussces quand il est vieux. Son NI NI, DES SQUALES. i35 sont aplaties. L'ouverture de la bouche est demi - circulaire , et placée dans la partie inférieure de la tête, à une plus grande distance du bout du museau que les yeux. Les mâchoires sont garnies de dents aplaties de haut en bas , ou , pour mieux dire , un peu convexes, serrées les unes contre les autres, et formant une sorte de pavé. Les nageoires pectorales présentent une grande étendue; la première dorsale est située au dessus des ventrales , et relie de la queue est très-courte (i). '" ■ ' ■ ' ■ ■ " I ■ (i) Principales dimensions d'un squale scie , mesuré par Commerson au moment où cet animal penoit de mourir. pied.«. pouces. ligHi Longueur depuis le bout du museau jusqu'aux pointes de la prolongation de cette partie, les plus voisines de la tête proprement dite ... : y Q au bord antérieur des narines . 710 au milieu des yeux , i . . , 8 6 aux évents , . g 5 à la première ouverture bran- di iale 1 6 à la cinquième ouverture bran- chiale I I 8 au bout antérieur de la base des nageoires pectorales i 6 1 O 354 HISTOIRE Les anciens naturalistes et quelques au- teurs modernes ont placé la scie parmi les cétacés, que l'on a si souvent confondus avec les poissons, parce qu'ils habitent les uns et les auîres'au milieu des eaux. Cette première erreur a fait supposer par ces mêmes auteurs , ainsi que par Pline , que îa scie parvenoit à la très-grande longueur attriÎ3uée aux baleines , et Ton a écrit et répété que , dans des mejs éloignées , elle avoit jusqu'à deux cents coudées de long. pieds, pouc. lign. à l'origine des nageoires ven- trales. . I 7 10 à l'anus i ii à l'oiigine de la première na- geoire dorsale i 8 — — à l'origine de la seconde na- geoire dojsale 2 5 à l'origine de la nageoire de la queue. ..* 2 6 8 au bout de la nageoire de la queue 5 le plus éloigné de la tête ... 2 ii Longueur de la tête auprès de l'ou- verture de la bouche 2 8 du corps auprès des nageoires pectorales , à l'endroit oii elle étoit la plus grande 4 ^ du corps auprès de la seconde na,'>coiie du dos. ..•' •• i 3 DES SQUALES. i3S Quelle dislance entre cette dimension et celles que Tobservation a montrées dans leâ squales scies les plus développées ! On n'en a guère vu au delà de cinq mètres , ou do quinze pieds de longueur ; mais comme tous les squales ont des muscles très-forts, et que d'ailleurs ime scie de quinze pieds a une arme longue de près de deux mètres ( près de six pieds) , nous ne devons pas être surpris de voir les grands individus de l'espèce que nous examinons attaquer sans crainte et combattre avec avantage les ha- bilans de la mer les plus dangereux par leur puissance. La scie ose même se mesurer avec la baleine mysticète , ou baleine franche , ou grande baleine; et, ce qui prouve quel pouvoir lui donne sa longue et dure épée, son audace va jusqu'à une sorte de haine implacable. Tous les pêcheurs qui fré- quentent les mers du nord assurent que toutes les fois que ce squale rencontre une baleine , il lui livre un combat opiniâtre. La baleine tâche en vain de frapper son ennemi de sa queue, dont un seul coup suiïiroit pour le mettre à mort : le squale, réunissant Fagilité à la force , bondit, s'élance au dessus des eaux, échappe au coup, et retombant sur k cétacé, lui enfonce dans le I 4 156 HISTOIRE dos sa lame dentelée. La baleine, irritée de sa blessure, redouble ses efforts; mais sou- vent les dents de la lame du squale péné- trant très-avant dans son corps, elle perd la vie avec son sang, avant d'avoir pu par- venir à frapper mortellement un ennemi qui se dérobe trop rapidement à sa redou- table queue. Martens a été témoin d'un combat de cette nature derrière la Hitlande, entre une autre espèce de baleine nommée nord caper, et une grande scie. Il n'osa pas s'ap- procher du champ de bataille ,* mais il les voyoit de loin s'agiter, s'élancer, s'éviter, se poursuivre , et se heurter avec tant de force que l'eau jaillissoit autour d'eux, et relomboit en forme de pluie. Le mauvais tems l'empêcha de savoir de quel côté de- meura la victoire. Les matelots qui étoient avec ce voyageur lui dirent qu'ils avoient souvent sous les yeux de ces spectacles im- posans ,• qu'ils se tenoient à l'écart jusqu'au moment où la baleine étoit vaincue par la scie, qui se* contencoit de lui dévorer la langue, et qui abandon noit en quelque sorte aux marins le reste du cadavre de l'immense célacé. Mais ce n'est pas seulement dans l'Océan DES SQUALES; \oj septentrional que la scie donne, pour ainsi dire, la chasse aux baleines ; elle habite en effet dans les deux hémisphères , et on l'y trouve dans presque toutes les mers. On la ;rencontre particulièrement auprès des côtes d'Afrique, où la forme, la grandeur et la force de ses armes ont frappé l'imagination de plusieurs nations nègres qui l'ont, pour ainsi dire , divinisée , et conservent les plus petits fragnlens de son museau dentelé comme Un fétiche précieux (i). (i) La scie se plaît également clans les climats chauds et sous les zones glaciales ; elle parcourt les mers du Spitzberg , comme celles d'Afrique , des Indes orientales et de l'Amérique ; par-tout elle livre les mêmes combats aux baleines qu'elle rencontre. « La meilleure défense de la baleine , dit don Ulloa , est la queue ; comme elle a une grandeur considérable, elle devient son arme la plus sûre. Le combat que la baleine soutient contre ces ennemis est des plus curieux , vu les grands mouvemens qu'elle est obligée de faire avec sa tête et sa queue : tantôt elle sort de l'eau sa tête, qui paroît s'élever comme un promontoire; tantôt elle sort sa queue, qui semble être une voile de vaisseau, sur laquelle le soleil se réfléchit comme sur la glace d'un miroir ; bientôt elle la laisse replonger avec fureur sur son ennemi j bat Tonde avec violence , et la fait élever en gros bouil- lons. La baleine est alors tout en furie, elle le mani- i38 HISTOIRE Quelquefois ce squale , jeté avec violence par la tempête contre la carène d'un vais- seau , ou précipité par sa rage contre le corps d'une baleine, y enfonce sa scie qui se brise; et une portion de cette grande lame dentelée reste attachée au doublage du bâ- timent, ou au corps du cétacé, pendant que Fanimal s'éloigne avec son museau tronqué et son arme raccourcie. L'on conserve, dans les galeries du muséum d'histoire naturelle, un fragment considérable d'une très-grande lame de squale scie, qui y a été envoyé dans le tems par M. de Capellis, capitaine de vaisseau, et qui a été trouvé implanté dans le côté d'une baleine. feste, tant par la manière dont elle flotte et s'agite, que par un mugissement rauque qu'elle fait entendre jusqu'à une lieue de la plage ». (Mémoires philoào- pljiques , historiques , physiques sur l'Amérique , par don Ulloa , trad. fran^. tome I, pag. 1 14 et 1 15. ) liC capitaine Stedman a vu , sur les côtes de la Guiane , une scie d'environ quatorze pieds de lon- gueur, prise de rexlrémité de la tête à celle de la queue. Ce voyageur dit que tout l'ensemble de ce poisson offre un aspect hideux , qu'il se bat contre les plus grosses baleines , et que rarement il quitte son adversaire sans l'avoir vaincu ou tué. (Voyage à Surinam , trad. franc, tome I ; pag. 20. ) Son NI NI. D E s s Q U A L E s. i5g L'A N G E L O T, LE SQUALE ANGE (i)(2), PAR LACÉPÈDE. TRENTE-QUATRIÈME ESPECE. De tous les squales connus, l'ange est celui qui a le plus de rapports avec les (i) Auprès de Bordeaux , créac de hune. Dans plu- sieurs pays d'Italie , squaqua , squaia. A Gênes ^pesce àngelo. En Angleterre , the monk , or angel-fish. Chien de mer ange. Daubenton, Encycl. méthod. — Bonaterre , planches de l'Encycl. métliod. Squalus squatina. Lin. édit. de Gmelin. — Mus. Âd. Fr. 2 , p. 40 *. Squalus pinnâ ani carens , ore in apice capitis, Ar- ledi , gen. 67 , n*^ 6 , syn. 96. — Gronov. Mus. 1,137, Zooph. i5i. — Blocli,Hist. des poissons étrangers, etc. pi. cxvr. Rhina siue squatina autorum. Klein, Miss, pisc 5, p. i4> n*^ I , tab. 2 , fîg. 5 et 6. — Arist. Hist. anim, lib. 2 , cap. i5 ; lib. 5 , cap, 5 , 10 , 1 1 ; lib. 9 , cap. 5j. Squadro. Salvian. Aquat. p. i5i. Squatina. Plin. Hist. mundi , lib. 9, cap. 12,24, 42, 5i. L'ange. Rondelet ; prem. part. liv. 12.; cLap. 20. — i4o HISTOIRE raies , et particulièrement avec la rhinobate. Non seulement il est, comme ces dernières, dénué de nageoire de Tanus et pourvu Gesner , Aquat. p. 899 , 902 *, Tcon. anim. p. 59 , 40 > Thierb. p. i65 , b , 166. — Aldrov. Fisc. p. 472. — Jonston , Fisc. p. 59 , lab. 1 1 , fig. 7. — Belon , Aquat. p. 78. Squatina. Willugliby , Icblh. p. 79 , tab. D, 5. — Ray , Fisc. p. 26. Chien de mer ange. Broussonet, Mém. de l'acacf. des sciences pour 1780. Angel-Jish. Pennant , Brit. Zool. 5, p. 74 > n® i. — Oppian , 1. I , c. i5. — Charleton , p. i3i. — Athen. 1.7, p. 519. Squatine et ange. Vaîmont de Bomare , Dictionn. d'hist. nat. (2) L'angelot y ange de mer. En allemand , meerengeL En hollandais, schœrhay ^ pakhay. En Sardaigne et dans quelques cantons de l'Italie , squadra et squadro. Ce squale étoit bien connu des anciens ; les grecs l'appeloient rlne , et les latins , rhina , squatus et squatina. Squalus pinnis peotoralihus jnaxiniis anterius em,ar-> glnatis squalus squatina. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. g^n. i5i , sp. 4* Squalus capite plagioplateo lato , ore in apice capitis, naribus cirrosis. Gronov. Zoopîi. pag. i5i. Squalus pinnâ ani nullâ, caudœ duahus , ore termi^ nali y naribus cirrosis. . . squalus squatina. Brunnich| ichthyol. Massil. p, 5. S 0 n n i n i. DES SQUALES. 141 d'évents, mais encore il s'en rapproche par la forme de sa queue, par raplatissement de son corps, et par la grande étendue des nageoires pectorales. Il s'en éloigne cepen- dant par un autre cai^ctère très - sensible qui le lie au contraire avec le squale barbu, par la position de l'ouverture de la bouche, qui, au lieu d'être placée au dessous du museau , en occupe toute l'extrémité. Cette ouverture , qui est d'ailleurs assez grande , forme une partie de la circonférence de la tête, qui est arrondie, aplatie, et plus large que le corps. Les mâchoires sont garnies de dents poin- tues et recourbées , disposées sur des rangs dont le nombre augmente avec 1 âge de l'animal , et est toujours plus grand dans la mâchoire inférieure que dans la supérieure. Les narines sont situées , comme la bouche , sur le bord antérieur de la tête, et la mem^ brane qui les recouvre se termine par deux barbillons. C'est sur la queue que l'on voit les deux nageoires dorsales; les ventrales sont grandes ; la caudale est un peu en demi-cercle, et les pectorales sont très-étendues et assez pro- fondément échancrées par devant. Au reste, ce sont les dimensions, ainsi que la forme 242 HISTOIRE de ces dernières, qui les ont fait comparer à des^ ailes, coninie les pectorales des raies, et qui ont fait donner le nom à'ange au squale que nous décrivons. Ce cartilagineux ressemble d'ailleurs à plusieurs raies par les aiguillons recourbés en arrière qu'il a auprès des j^eux et des narines , sur les nageoires pectorales et ven- trales, et sur le dos et la queue. Il est gris par dessus et blanc par dessous; et les na- geoires pectorales sont souvent bordées de brun par dessous, et blanches par dessus; ce qui leur donne de Fécîat, les fait con- traster avec la nuance cendrée du dos , et li'a pas peu contribué à les faire considérer comme des ailes. L'ange donne le jour à treize petits à la fois. Les grands individus de cette espèce ont communément sept ou huit pieds ( près de trois mètres ) de longueur ; mais les ap- pétits de ce squale ne doivent pas être très- violens, puisqu'il va quelquefois par troupes, et qu'il ne se nourrit guère que de petits poissons, il les prend souvent en se tenant en embuscade dans le fond de la mer, en s'y couvrant de vase, et en agitant ses bar- billons, qui, passant au travers du limon, paroissent comme autant de vers aux petits DES SQUALES. 14^ poissons 5 et les attirent, pour ainsi dire, Casques dans la gueule de l'ange (1). (i) On prend des ani^elots de cent et de cent «oixante livres j vers la Hollande on en trouve quel- quefois d'une grandeur prodigieuse. Ils sont , suivant Blocli ( Hist. nat. des poissons , liist. de Vangelot de mer), du nombre des poissons voraces; ils se nour- rissent ordinairement de plies et de raies qui , comme eux , se tiennent dans la fange , mais ils ne craignent pas d'attaquer les hommes; c'est ce qui est arrivé, dit Bloch , à un pêcheur anglais , qui , ayant pris un angelot dans ses filets , et s'en étant approché impru- demment, en fut fort maltraité. On attire ces squales, de même que les précédens , avec un morceau de viande attaché à un crochet. A Duiikerque l'on fait la pêche des angelots à la ligne avec de gros hameçons, et les pêcheurs de Saint- Valéry en prennent avec les folles , dans les tems calmes , depuis le mois de janvier jusqu'à celui de mars. Selon Aristote , le mâle de cette espèce ne fait, pour la fécondation , que se frotter contre le dos de la femelle; mais ce que le même auteur ajoute est absolument dénué de fondement ; il dit que l'angelot a la propriété de changer de couleur et de prendre celle du poisson dont il veut s'emparer. En supposant que cette faculté fût en la puissance àv\ squale , l'épaisseur et Fopacité de sa peau s'opposeroient à ce que l'effet en fût apparent. Les ichthyologisîes mo- dernes ont également relégué au nombre de fables ce que Rondelet a rapporté de ce poisson, ainsi que de plusieurs espèces du même genre ^ savoir que dans 144 HISTOIRE Il habite dans rOcéan septentrional, aussi bien que dans la Méditerranée, sur plusieurs rivages de laquelle on emploie sa peau à polir des corps durs, à garnir des étuis, et à couvrir des fourreaux de sabres ou de cimeterres. le danger ils reçoivent leurs petits en eux-mêmes. (Vo5''ez à ce sujet ma note à la page 374 du 5® vol.) La chair de l'angelot n'est nullement estimée , même par les gens les moins délicats , à cause de sa dureté et de son goût sauvagin. Son foie a un grand volume; il est épais, dur et d'un jaune pâle ; la couleur du fiel est d'un verd foncé ; la rate est petite , l'esto- mac ample et le canal intestinal large. Les pêcheurs se servent des oeufs d'angelots dessé- chés pour arrêter la diarrhée. C'est, sans doute, à cause de cette propriété astringente des œufs de ce squale que l'on s'est imaginé , dès le tems de Pline, que le poisson lui-même étoit un topique à recom- mander aux femmes qui veulent conserver la fermeté de leur sein ou l'empêcher de prendre trop d'accrois- sement. S ON lî 1 N I, L'ANISODON. DES SQUALES. i45 L'A N I S O D O N. LE SQUALE ANISODON (i), PAR L A C É P È D E. TRENTE-CINQUIÈME ESPECE. iVl. Jean Latham a décrit, dans les Actes de la société linnéenne de Londres ( 2 ) , quatre squales auxquels il donne les noms de pristis antiquorum , pristis pectinatus , pristis cuspidatus , et pristis microdon , et que nous croyons devoir considérer comme des variétés produites par l'âge , le sexe ou le pays dans Fespèce de notre squale scie (3). Mais ce savant naturaliste a fait connoître, dans le même ouvrage , un cinquième squale (i) Squalus anisodon. ( Anisodon vient de deux mots grecs , odos, dent , et anisos , inégal. ) Pristis cirratus, John Latham , Actes de la société ïinaéenne de Londres, vol. II , p. 270. (2) Vol. et pag. déjà cités. (5) he prlsiis antiquorum de M. Latham est la scie elle-même. ( Voyez ma note en tête de l'article de la scie , p. i3o de ce vol.) SoNKim. jPoiss. Tome IV. K 14S HISTOIRE que nous regardons comme une espèce dis- tincte de la scie et de tous les autres squales, et que nous nous empressons d'inscrire dans notre catalogue des poissons cartilagineux. Ce squale, que nous nommons anisodoriy a été pêche auprès des rivages de la Nou- velle - Hollande. De chaque côté de son museau, très -long et très -étroit, on voit une vingtaine de dents aiguës et un peu recourbées , et auprès de chacune de ces grandes dents on en compte depuis trois jusqu'à six, qui sont beaucoup plus courtes. Les filamens flexibles qui pendent au dessous du museau ont de longueur le quart , ou environ, de la longueur totale du poisson. Au reste, l'individu décrit par M. Latham étoit mâle, et devoit être très-jeune. DES SQUALES. 147 LE SQUALE SPALLANZANL TRENTE-SIXIÈME ESPECE. i^UELQUE nombreuse que soit la liste des squales dont on a donné l'histoire , il en est d'autres encore peu connus , décrits en partie par des observateurs, ou indiqués plutôt que décrits par des voyageurs; mais qui , d'après ce que l'on en sait, paroissent différer de toutes les espèces précédentes, sinon comme des espèces réellement dis- tinctes, du moins comme des variétés assez remarquables. Et en ajoutant ces espèces douteuses à celles qu'il a été possible d'ob- server , l'on sera encore loin d'avoir sous les yeux le tableau complet de tous les animaux du genre des squales, non plus que celui des animaux aquatiques rangés dans tout autre groupe. Comment rhomme par- viendroit-il en effet à découvrir ce que l'im- mensité des eaux de notre globe recèle? II faudroit qu'il eût la puissance d'en parcou- rir les abîmes, tandis que ce n'est qu'avec les plus grands dangers qu'il lui est permis d'en effleurer la surface. K â 148 HISTOIRE Ce n'est donc qu'avec beaucoup de tems et en réunissant les observations faites, pour ainsi dire , à Téchappée , parce que le hasard les a fournies , que Ton peut espérer , non pas d'avoir une histoire complet te des pois- sons 5 car quelques espèces resteront tou- jours ignorées dans les gouffres de TOcéan, mais de la rendre aussi étendue qu'on peut l'attendre de la foiblesse de nos moyens. L'on doit ranger au nombre de ces squales peu connus, celui dont Spallanzani a décrit la mâchoire, dans ses Voyages en Sicile, et que je nommerai par cette raison squale de Spallanzani, Deux mâchoires de cette espèce de squale avoient été envoyées de Hollande , avec d'autres poissons exotiques , et on les conser- voit dans le muséum de Pavie. «Leur ouver- ture, dit Spallanzani, a environ trois pieds et demi ; un homme de taille mo37enne pour- roit y passer aisément. La mâchoire supé- rieure, arrondie par devant, est garnie de cinq rangées de dents ; la première et la se- conde représentent comme autant de peignes qu'il y a de dents , avec cette difféience que les plus voisins de la base, et celui du milieu de la mâchoire, sont plus petits. Chaque peigne est denté des deux côtés; il DES SQUALES. 149 porte des denticules de part et d'autre, très- aigus par la pointe, recourbés vers la base de la mâchoire , et successivement plus grands à mesure qu'ils s'approchent du milieu de la mâchoire. Le côté supérieur saille hors de la bouche; l'inférieur est tourné vers Je bas. Ces deux côtés ne sont point pa- rallèles, mais ils forment avec le corps du peigne un plan qui va en se rétrécissant vers la base de la mâchoire et s'élargissant par conséquent dans le sens opposé Sous la seconde rangée il en naît une troi- sième , sous la troisième une quatrième , sous la quatrième une cinquième ; chacune de ces dernières représente également au- tant de peignes dentés, dont les divisions sont au nombre de dix , et absolument semblables à celles des deux rangées supé- rieures. Toute la différence consiste en ce que ces peignes ne sont dentés que d'un côté, l'autre restant fortement attaché aux chairs maxillaires A la réserve de la première rangée, les autres sont profondé- ment ensevelies sous une couche de chair fongueuse , qu'il est nécessaire d'enlever pour les mettre à découvert. (c Il y a une multitude d'autres petites dents lisses , obtuses , situées aux K3 iSo HISTOIRE racines de la mâchoire, et placées au dessous des dents à peigne. Quant à celles-ci qui forment cinq rangées, si on multiplie ce nombre par treize, on aura soixante - cinq dents à peigne pour tout le contour de la mâchoire.... « La mâchoire inférieure , plus courte que la supérieure , plus effilée dans le milieu, est armée d'une denture bien différente. Chaque dent, de deux tiers plus petite que celles à peigne , est tantôt à deux pointes , tantôt à trois ou quatre , sans suivre de règle constante , et les pointes penchent vers les côtés de la mâchoire Eiles forment trois rangées , et chaque rangée, dans son contour, embrasse quatorze dents. Celles de la première ont une direction presque verticale; celles de la seconde et de la troisième sont , comme à Fordinaire , couchées et recouvertes par la chair fon- gueuse : toutes y sont profondément enra- cinées (i) ». Dans plusieurs livres de voyages , on trouve des squales désignés par des déno- " ■ f "" ^ (i) Vo3^ages dans les Deox-Siciles et dans quelques parties des Apennins, par Spallanzani , traduit de rilalien par G. Toscan > tora. IV, p. 25o et suiv. DES SQUALES. i5i minations locales ou par d'antres impro- prement appliquées. Mais ces indications n'étant accompagnées d'aucune descriplion , il est impossible de distinguer si les espèces dont parlent ces voyageurs sont nouvelles , ou les mêmes que les espèces déjà connues. PÊCHES DES SQUALES. L'on pêche les squales avec la demi-folle; espèce de filet qui ne diffère de la folle (i) que par une moindre étendue dans la tes- sure et par des mailles plus petites; celles de la demi- folle ne devant avoir que deux pouces et demi , ou trois pouces au plus en carré. Ce filet est sédentaire ; on le garnit de bouées et de cablières de même que la folle ; mais , comme il est beaucoup moins grand , on peut le tendre en tout tems. Sur les côtes de Normandie, on l'appelle hretellière , parce qu'il sert à prendre des roussettes , qu'on y nomme brettes ou bre^ telles. Par la même raison , on le nomme en basse Normandie canières , c'est-à-dire , (i) Voyez la description et la figure de la flotte à la page 225 do troisième volume de cet ouvrage. K 4 î52 HISTOIRE propre pour les chiens de mer. On loi a doDiié aussi le nom de grande pantièrê ^ parce qu'il est d'une grande longueur , et qu'on le soutient à peu près verticalement par le mo3'^en du lest et des flottes. Les demi-folles, qui sont particulièrement destinées à la pêche des gros squales , sont appelées houleviches à Barfleur. Elles sont pierrées et flottées , et on les tend sur les fonds de roches fréquentés par les poissons de ce genre : on les tend aussi au large depuis août jusqu'à la ^n de décembre. Les mailles de cette espèce de demi-folles ont au moins deux pouces et demi d'ouverture. On pêche aussi les squales avec de lon- gues cordes de six ou neuf lignes de circon- férence , chargées de lignes et de haims , de façon qu'elles ne se mêlent pas. C'est ce que les pêcheurs appellent une tessure ; elle est formée par un nombre de pièces qui sont ajoutées bout à bout. Quand toutes les pièces qui forment une tessure sont mises à l'eau , on attache au bout une petite ca- blière et un orin que l'on tient plus ou moins long , suivant que la mer a plus ou moins de profondeur; au bout est une bouée qui indique l'extrémité de la tessure. Les lignes se dispersent de côté et d'autre sur le fond. DES SQUALES. i55 Dans la Méditerranée , et sur - tout sur les côtes d'Ilalie , on fait de cette manière une pêche en grand que l'on y appelle pielago. La longue corde, qui forme la tes- sure, se nomme parasina, et elle porte dix à douze mille baims. On Tétend jusqu'à vingt milles en mer, et on y attache des signaux de liège, de distance en distance. Il faut au moins vingt-quatre heures pour tendre et relever la parasina , et on ne la laisse que quelques heures à la mer. Pour tirer à bord les squales qu'ils prennent avec cet engin , les pêcheurs de la Méditerranée les harponne avec des crocs de fer attachés au bout d'une perche , et ils assomment ces monstrueux poissons à mesure qu'ils sortent de Feau. Les petits squales se prennent aussi en quanlité a la dreige, espèce de tremail dont je parlerai dans la suite. Mais les pêcheurs redoutent cette capture, parce que, outre que les squales sont peu estimés , ces pois- sons pris en troupes déchirent le filet. Quant aux grands poissons de ce genre , les pêc-heurs sont obligés de les laisser mourir dans le filet qu'ils romproient entièrement si on vouloit les en tirer vivans. i54 HISTOIRE QUATRIÈME GENRE. A O D O N. PAR LACEPÊDE. JLJES mâchoires sans dents; cinq ouver- tures branchiales de chaque côté du corps. PREMIÈRE ESPÈCE. AoDON MASSASA, — Lcs uagcolres pecto- rales très-longues. SECONDE ESPÈCE. AoDON KUMAL. — Les uagcoires pecto- rales courtes; quatre barbillons auprès de l'ouverture de la bouche. TROISIÈME ESPÈCE. AoDON CORNU. — Une longue appendice au dessous de chaque œil. D E s A O D O N s. i55 LE MASSASA et le KUMAL, L'AODON MASSASA (i)(2), ET L ' A O D O N KUMAL (5) (4) , PAR LACÉPÈDE. V^ES deux espèces de cartilagineux ont été comprises jusqu'à présent dans le genre des (i) Squalus massasa. Forskœl , Faun. arab. p lO, n° 17. — Lin. édit. de Gnielin. Chien de mer massasa. Bonaterre , planches de l'Encyclop. niélhod. (2) Massasa est le nom arabe que ce poisson porte à Dsjidda ; il s'appelle à Lolieia, m.afreka. Squalus pinnis pectoralibus longis. . . squalus mas- sasa. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i3i , sp. 3r. Squalus edentulus j pinnis pectoralibus longis,*. squalus massasa, Artedi, Gen. pisc. gen. 44 > ^P* -^^y addit. S o N N I N T. (5) Squalus humai. Forskœl, Faun. arab. p. 10, n" 19. — Lin. édit. de Gmelin. Chien de mer humai. Bonaterre , planches de l'En- cyclop. niétliod. (4) Kumaly nom arabe de ce poisson sur les bords de la mer Rouge. Squalus pinnis pectoralibus brevihus , cirris oris a56 HISTOIRE squales; mais nous avons cru devoir séparer de cette famille des animaux qui en dif- fèrent par un caractère aussi remarquable que le défaut total de dents, mis en oppo- sition avec la présence de dents très-grandes^ très-fortes et très-nombreuses , telles que celles des squales. Nous en avons composé un genre particulier , que nous distinguons par le nom abandon, qui veut dire sans dents , et qui exprime leur dissemblance avec les cartilagineux parmi lesquels on les a comptés. Au reste , le massasa et le kumal, qui habitent tous les deux dans la mer Rouge, ne sont encore connus que d'après de très- courtes descriiitioris données par Forskœl ; et nous n'avons en conséquence rien à ajouter à ce que nous venons d'en dire dans le tableau méthodique du genre qu'ils forment (i). quatuor squalus kumal. Lin. Syst. iial. edit. i3, gen. i5i , sp. 02. Squalus edentulus , pinnis pectoralihus hrevibus ; cirris oris quatuor. , . , squalus kumal. Ai tedi , Gen. pi?c. gen. 44' ^P- 56,additam. Sonnini. (i) Forskœl s'est bien aperça lui-même qne ces poissons différoient des squales. j4 carchariâ diversus , âîl-il , à Foccasion du massasa. ( Faun. œgyptiaco-arab. à l'endroit cité.) S o n ^ i n i. D E s A O D O N s. 15; L'AODON CORNU (i)(2),. PAR LACÉPÊDE. I^'est aussi dans le genre de Tacdon que nous avons cru devoir placer Fanimal sans dents 5 dont la tête a été décrite par Brunnich dans son Histoire naturelle des poissons de Marseille, et qui a été compris parmi les squales par cet observateur, ainsi que par le citoyen Bonaterre. On ne con- noît encore ce poisson que par Brunnich, qui n'en a vu qu'une tête desséchée dans la collection de l'académie de Pise : mais les caractères que présente cette tête suffisent pour distinguer l'animal non seulement des (i) Squalus edentulus. Brunnich , Iclitliyol. Masail, pag. 6. Chien de mer cornu. Bonat.pl. de l'Encycl. méth. (2) Voici la phrase de Brunnich : Squalus capite lato, piano ^ maxillis osseis ederv" tulis , superiore longiore y lateribus capitis prominen- tibus. . . squalus edentulus. Artedi , Gen. pisc. gcn. 44, $p. 57, additam. Ce poisson avoit élé pris autrefui.s dans le port do liivourne. S o n w i n i. i58 HISTOIRE autres aodons , mais encore de tous les poissons dont on a publié jusqu'à présent la description ou la figure. Elle est plate, large de trois palmes , dit Bruunich , et comme tronquée vers le museau. Les deux mâ- choires sont garnies d'une bande osseuse et large d'un pouce. Cetle bande est lisse dans la mâchoire inférieure , et r-aboteuse dans la supérieure , qui est plus avancée que l'autre. Les j^eux sont grands; et, un peu au dessous de chacun de ces organes, on voit s'élever une appendice cutanée, longue d'un palme et demi, et en forme de corne un peu contournée (i). (i) Brunnich dit qu'il ne sait pas si ce poisson a été décrit avant lui. 1! rapporte que Gunner lui a écrit qu'il existoit dans les mers de Norvège un squale dont les mâchoires sont dénuées de dents; mais Brunnich ne peut décider si ce poisson du nord est de la même espèce que celui dont il a examiné la tête à Pise. S o n w i M. DES L O P H I E S- i59 SECONDE DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont une mem- brane des branchies sans opercule. PAR LACÉPÉDE. SIXIEME ORDRE. DE LA CLASSE ENTIERE DES POISSONS , ou SECOND ORDRE BE £A SECONDE DIVISION DES CARTILAGINEUX (l). Poissons jugulaires , ou qui ont des nageoires situées sous la gorge, CINQUIÈME GENRE. LES LOPHIES. Un très -grand nombre de dents aiguës; une seule ouverture branchiale de chaque côté du corps; les nageoires pectorales attachées à des prolongations en forme de bras. (i) On ne connoît encore aucune espèce de poisson dont on puisse former un premier ordre , ou un ordre d'apodes ^ dans la seconde division des cartilagineux. iGô HISTOIRE PREMIER SOUS-GENRE, Le corps aplati de haut en bas. PREMIERE ESPÈCE. LoPHiE BAUDROIE. — La tête très-grosse et arrondie. SECONDE ESPÈCE. LoPHiE VESPERTiLioN. — Le corps tu-* berculeux; le museau pointu. TROISIÈME ESPÈCE. LoPHiE FAUJAs. — Le corps très- dépri- mé;, aiguillonné, et en forme de disque. SECOND SOUS-GENRE. Le corps comprimé latéralement. QUATRIÈME ESPÈCE. LoPHiE HISTRION. — Uiî loug filament placé au dessus de la lèvre supérieure, et terminé par deux appendices charnues, CINQUIÈME ESPÈCE. LoPHiE CHIRONECTE. — Un long filament placé au dessus de la lèvre supérieure, et terminé par une très-petite masse charnue; le corps rougeâtre, et présentant quelques taches noires. SIXIÈME DES LOPHIES. 161 SIXIÈME ESPÈCE. LoPHiE DOUBLE-BOSSE. — Uii loog fila- ment pJacé au dessus de la lèvre supérieure, et terminé par une très-pelite niasse cliar- nue; le corps varié de noir et de gris. SEPTIÈME ESPÈCE. LoPHiE coMMERSON. — Un Jou^ filament placé au dessus de la lèvre supéi ieui e , et terminé par une très- petite niasse charnue; le corps noir; un point blanc de chaque côté. TROISIÈME SOUS-GENRE. Le corps de forme conique. HUITIÈME EPÈCE. LoPHiE FERGUso?^. — Deux fi!amens situés au dessus de la lèvie sup MJeiire; des protubérances anguleuses sur la partie su- périeure de la tête. Poiss. Tome IV. iS^i HISTOIRE LA BAUDROIE. LA LOPHIE BAUDROIE (i)(2), P A Jl L A C É P È D E. PREMIÈRE ESPÈCE. f^oyez la figure , pi. IX , fig. i, JLiES poissons que nous avons décrits jus- qu'à présent sont dénués d'opercule et de (i) En Italie, rana piscatrix , marino jnscatore ^ Tuartino piscatore , diavolo di mare. Dans plusieurs départemens méridionaux, haudroi ypescheteau , ga^ langa. En Angleterre, tcad-fish , frog-fisk , sea-devil, Beaudroie [la grande)^ Daub. Encycl. métîi. Lophius piscatorius. Lin. édit. de Gmel. — Faun. suce. p. 298. — Muller, Prodrom. zool. dan. p. 38, n''32i. — It. Scan. p. 527. — Mus. Ad. Fr. p. 55. LopJiius ore cirroso. Artedi , gen. 56 , syn. Sj^ — Gronov. Mus. 1 , p. 67 , Zoopli. p. 58. — Blocli, Hist. naltuelle des poissons, pi. lxxxvii. Lophius. Strom. soiidrn. 271. ■* Batrachiis capite rictuque ranœ, Klein, Mis. pisc. 5, p. i5. Batrachus allero pinnarum pare ad exortum caudâ carensAhxà.. — Charlelon, Onom. p. 199. — Olear. Mus. p. 57 , Ub. 25 , lig. 4. J)^ J'cPe Jel r.Ji.nacme J' ■ 1 . J.A liAlDUOIE . 2 . I.A DiAI^DROIE c/ianve - J-iV/rie'- D E s L O P H I E s. i63 membrane paiiiciilière destiaés à fermer , à leur volonté, les ouvertures de l'organe de la respiration. Ceux qui composent la. Baudroie ( la grande ). Bonat. planches de l'Encycl. méthodique. — Cicer. de Natura Deorum , lib. 2. — Belon , Aquat. p. 85. Rana marina. Jonston, Fisc p. 56 , tab. 1 1, fig, 8.. Rana. Plin. Hist. mund. l. 9 , c. 24. Fishing'frog. Bril. zool. 5 , p. 9^ , 9$ , n° i , 2 , tab. 94. Toad-fish , frog-JisJi, sea-det^iL Willughby, Ichth, p. 85 , tab. E , I. Baudroie, Camper, Méra. des sav. étrang. 6 , p. 177. Galauga. Rondelet, première parlie , liv. 12, chap. 19. — Valmont de Bomare , Dietionn. d'hist- naturelle. — Arist. lib. 9, cap. ^7 ; lib. 2, cap. i5; lib. 5 , cap. 5. — De partib. anim. lib. 4, c. 14. — ^lian. lib. 9, c. 24-, et lib. i5, c. 1 et 2. — Athen. lib. 7 , p. 286. — Oppian. lib. 2 , p. 55. — Salv. fol. p. 159, b , 140 , 141. — Gesner j p. 8i5, 8i6. — Ray, p. 19. — Schonev. p. 59. Rana piscatrix vulgaris. Aldrov. 1. 5 , c. 64- Baudroie. Dessins sur vélin déposés dans la biblio- thèque du muséum d'histoire naturelle. (2) La baudroie. En grec, dans Aristote^ alias haton , batrakos , alias ; dans Elien , batrahos alieus ; dans Alhénée el dans Oppien , batrakos. En allemand, seeteufel froscher-fish, A Heiligeland , seetvolf. En Hollande, zee-duyvelj koosenbeeck. En Danemark , ulk y breedflab. En Norvège , steen-ulke , hav-sae , L 2 1 64 HISTOIRE seconde division des cartilagineux, et dont nous allons exposer les habitudes et les formes , présentent dans cet organe une conformalion différente : ils n'ont pas, à la vérité, d'opercule; mais ils ont reçu une membrane propre à fermer l'ouverture des branchies. Le premier genre que nous ren- controns sur le tableau méthodique des quatre ordres qui forment cette division pourvue d'une membrane branchiale sans opercule, est celui des lophies. Le nom de lophie , en latin lophius , vient d'un mot grec {lop /lia) qui signifie nageoire et éléva- tion , et qui désigne la grande quantité d'éminences , de prolongemens et de na- geoires que l'on voit en effet sur le dos de toutes les espèces comprises dans le genre hav-tasJca. En Islande, marliunler. En Angleterre, encore monh , nass , deuil-fish , fîshing-frog. En Por- tugal, emxarroco. A Venise, rospus-fish. A Gênes, pesce pescatore. En Lombardie , zatto. En Sicile, hmica. A Marseille , haudreuil. Dans d'autres parties de la France, diahle de nier , grenouille de mer. Lophius depressus , capite rotundato. . . lophius pis' catorius. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i55 , sp. i. Lophius depressus , corpore rotundato , caudato, , . 'lophius piacatorius. Brunn. Ichtli. Massil. p. 7, • S 0 N N 1 N I. ' DES L O P H 1 E S. i65 qae nous allons chercher à fake €onnoîLre. Nous examinerons ce caractère avec cVau- lant phis d'altention que nous le voyons pour la première fois : mais les lopîiies en montrent d'autres que nous devons consi- dérer auparavant; et d'abord jetons les }■ eux SU]' celui qui les a fait inscrire dans le second ordre de la seconde division (i), sur la ma- nière dont sont placées les nageoires infé- rieures, celles que dans tous les poissons on a comparées à des pieds. Au lieu d'être très- voisines de l'anus, comme dans les dif- férentes espèces de raies et de squales^ ces nageoires sont situées très- près de l'ouver- ture de la bouche, et, pour ainsi dire, sous la gorge : elles sont par-là bien plus anté- rieures que les nageoires pectorales , qui d'ailleurs sont plus reculées que dans plu- sieurs autres poissons; et voilà ce qui a causé la méprise de plusieurs naturalistes, qui ont regardé les nageoires jugulaires comme des nageoires pectorales," et les nageoires de la poitrine comme des nageoires ventrales. Cependant, pour mieux faire connoître ce qui caractérise les lophies , décrivons-en l'espèce la plus remarquable , en indiquant (r) Article inliUilé Nomenclature des poissons. L 3 i66 HISTOIRE ce qui est particulier à ce cartilagineux , auquel nous conservons le nom de bail-' droie ^ et ce qui est commun à tous les animaux qui composent sa famille. Les na- geoires iiifeiieures , placées sous la gorge, ainsi que nous venons de le dire, et de même que dans les autres lophies , sont courtes , fortes , et composées de rayons assez mobiles pour servir à la baudroie à s'attacher, et, pour ainsi dire, à s'accrocher au fond des mers. Ces rayons sont d'ailleurs au nombre de cinq et réunis par une mem- brane assez lâche : aussi a-t~on cru voir dans chacuiie de ces deux nageoires ven- trales , ou plutôt jugulaires, une sorfe de main à cinq doigts et palmée. D'un autre coté, les nageoires pectorales, au lieu de tenir immédiatement au corps de l'animal , sont situées, ainsi que celles des autres lo- phies , à l'extrémité d'une prolongation charnue et un peu coudée, que Ton a voulu comparer à un bras et un avant-bras, ou à une jambe et un pied : on a regardé en conséquence les rayons des nageoires pec- torales comme autant de doigts d'une main ou d'un pied; et la baudroie n'a plus paru qu'une sorte d'animal marin à deux mains el à deux pieds, ou plutôt à quatre mains. DES L O P H I E S. 167 On en a fait un quadrumane; on a dit qu'elle étoit, au milieu des eaux de la mer, le représentant des singes, des mongous, et des autres animaux terrestres auxquels le nom de quadrumane a été aussi donné; et comme lorsque l'imagination a secoué le joug d'une saine analogie , et qu'elle a pris son essor, elle cède avec facilité au plaisir d'enfanter de faux rapports et de vaines ressemblances, on est allé jusqu'à supposer, dans la baudroie, des traits de l'espèce hu- maine. On a sur-tout métamorphosé en mains d'homme marin ses nageoires jugu« laires; et, il faut en convenir, la forme de ces nageoires, ainsi que les attaches de celles de la poitrine, pouvoient non pas présenter à un naturaliste exact, mais rappeler à un observateur superficiel quelque partie de l'image de l'homme. Quel contraste néan- moins que celui de cette image auguste avec toutes celles que réveille en même tems la vue de la baudroie! Cette forte antipathie qu'inspire la réunion monstrueuse de l'être le plus parfait que la Nature ait créé, avec le plus hideux de ceux que sa main puis- sante a, pour ainsi dire, laissé échapper, ne doit -on pas l'éprouver en retrouvant dai^ la baudroie une espèce de copie, bien L 4 i68 HISTOIRE informe sans doute, mais cependant un peu reconnoissabîe, du plus noble des modèles, au,)rès d'une tète excessivement grosse et d'iuie gueule énorme, presque entièrement senjblcibleà celle d'nne grenouille, ou plutôt d'un crapaud horrible et démesuré? Ou croiroit que cette tète disproportionnée qui a friit donner à la baudroie le nom de grenouille de mer^ placée au devant d'un corps terminé par une queue et doué en apparence de mains ou de pieds d'homme, surmontée par de longs filamens qui imitent des cornes, et toute entourée d'appendices vermiculaires, a fait de la grande lophie qui nous occupe, le type de ces images ridicules de démons et de lutins par lesquels une pieuse crédulité ou une coupable fourberie ont effra3^é pendant tant de siècles l'igno- rance superstitieuse et oaintive, et de ces repi'ésputations comiques avec lesquelles la riante poésie a s\\ égaj^er même l'austère philoso])hie. Aussi la baudroie a-t~elle sou- vent fait naître une sorte de curiosité in- quiette dans l'ame des obscivateurs peu instruits qui l'ont vue pour la première fois, sur-tout lorsqu'elle est parvenue à son entier développpement et qu'elle a atteint une longueur de plus de deux mètres, ou de DES LOPHIES. 169 près de sept pieds. Elle a été appelée diable de mer; et sa dépouille, préparée de ma- nière à être très - transparente , et rendue lumineuse par une lampe allumée, ren- fermée dans son intérieur, a servi plusieurs fois à faire croire des esprits foibles à de fantastiques apparitions. L'intérieur de la bouche est garni d'un grand nombre de dents longues, crochues et aiguës, comme dans toutes les lophies. Mais on en voit non seulement à la mâ- choire supériein e , où elles forment trois rangées , et à la mâchoire inféiieure, où elles sont disposées sur deux rangs, et où celles de deriière peuvent se baisser en ar- rière , mais encore au palais, et sur deux cartilages très-durs et alongés, placés auprès du gosier. La langue, qui est large, courte et épaisse, est hérissée de denfs semblables; et Ton aperçoit d'autant plus aisément cette multitude de dents plus ou moins recour- bées , cette distribution de ces crochets sur la langue , au gosier , sur le palais et aux mâchoires, et tout cet arrangement qui est soumis pour la première fois à noire examen, que l'ouverture de la bouche s'étend, d'un côté de la tête à l'autre, presque dans l'en- droit où cette dernière partie a le plus de 17Ô HISTOIRE largeur, et que cette même tête est très- grande relativement au volume du corps qu'elle déborde des deux côtés. C'est cet excès de grandeur du diamètre transversal de la tête sur celui du corps quij réuni avec le contour arrondi du devant du museau , forme le caractère spécifique de la baudroie. L'ouverture de la bouche est d'ailleurs placée dans la partie supérieure du museau , et par conséquent la mâchoire inférieure est la plus avancée. Derrière la lèvre supérieure on voit les narines; elles présentent dans la baudroie une conformation particulière. Les mem- branes qui composent Torgane de l'odorat, oii l'intérieur de ces narines, sont renfer- mées dans une espèce de calice à ouverture étroite , que soutient une sorte de pédon- cule; le nerf olfactif parcourt la j^artie in- terne de ces pédoncules pour aller se dé- ' ployer sur la surface des membranes con- tenues dans le creux du calice ; et cette coupe, un peu mobile sur sa tige, peut se tourner, à la volonté de l'animal, contre les courans odorans, et rendre plus iorte rimpression des odeurs sur l'organe de la baudroie. D E s L O P H I E s. 171 I/organe de rouïe de cette grande lophie a beaucoup plus de rapports avec celai des poissons osseux qu'avec celui des raies et des squales (1) ; la cavité qui le contient n'est pas séparée de celle du cerveau par «ne cloison cartilagineuse comme dans les squales et les raies, mais par une simple membrane. De plus, les trois canaux nom- més demi-circulaires ^ qui composent une des principales portions de cet organe, commu- niquent ensemble; et, dans l'endroit où leur réunion s'opère, on voit un osselet parti- culier que l'on retrouve dans le brochet , que Scarpa a découvert dans l'anguille, dans la morue, dans la truite, et qu'il soupçonne dans tous les poissons osseux (2). L'ouverture branchiale est unique de chaque côté; et ce caractère, qui est com- mun à toutes les lophies, est un de ceux qui servent à distinguer le genre de ces ani- maux de ceux des autres poissons , ainsi qu'on a pu le voir dans le tableau métho- dique de cette famille. On a pu voir aussi, sur ce même tableau, que les lophies n'avoient pas d'opercules pour fermer leurs ouvertures (1) Discours sur la nature des poissons. (2) Ouvrage de Scarpa ; déjà cité. 172 HISTOIRE branchiales, mais qu'elles étoienfc pourvnes d'une meoibrane des branchies. Dans la baudroie, cette membrane est soutenue par six rayons qui servent à la plier ou à la déployer pour ouvrir ou fermer l'orifice par lequel Feau de la mer peut pénétrer jusqu'à l'organe respiratoire. Cet organe ne consiste de chaque côté que dans trois branchies engagées dans une membrane qui les fixe plus ou moins au corps de l'animal ; et l'orifice en est situé très- près de la nageoire pectorale , qui , dans certaines positions , empêche de le distinguer avec facilité. Les yeux sont placés sur la partie supé- rieure de la tête , et tiès-rapprochés l'un de l'autre; ce qui donne à l'animal la fa- culté de reconnoitre très-disîinclement les objets qui passent au dessus de lui. On aperçoit entre les yeux une rangée longitudinale composée de trois longs fila- mens , dont ordinairement le plus antérieur a plus de longueur que les autres, s'élève à une hauteur égale au moins à la moiiié de la plus grande largeur de la tèle, et se termine par une membrane assez large et assez longue. Cette membrane se divise en deux lobes, et Ton voit une seconde mem- brane beaucoup plus petite , et un peu trian- DES L O P H I E S. 173 guîaire , implantée vers sa base et sur sa partie postérieure. Les autres deux filamens offrent quelques fils le long cle leur tige. Au delà de ces trois filamens très-déliés sont deux nageoires dorsales, dont la pre- mière a une membrane beaucoup plus courte que les rayons qui y sont attachés. La na- geoire de la queue est très- arrondie , ainsi que les pectorales (1). Celle de Fanus est au dessous de la seconde dorsale. Des barbillons vermiformes garnissent les côtés du corps , de la queue et de la tête , au dessus de laquelle paroissent quelques tubercules ou aiguillons , particulièrement entre les yeux et la première nageoire du dos. Au reste, la baudroie est brune par dessus, et blanche par dessous , et la nageoije de la queue est noire, ainsi que le bord des nageoires pectorales. Nous avons déjà dit qu'elle parvenoit à (i) Communément la première nageoire dorsale a 3 rayons. la seconde 1 1 chaque pectorale 24 celle de l'anus 9 -et celle de la queue. . • • . 8 174 HISTOIRE la longueur de sept pieds ( environ deux mètres ). Poutoppidan assure même qu'on en a pris qui avoient plus de douze pieds ( environ trois mètres et demi ) de long (i). Cependant la peau de la baudroie est molle et flasque dans beaucoup d'endroits ; ses muscles paroissent foibles ; sa queue , qui n'est ni très-souple ni déliée, ne peut pas être agitée avec assez de vitesse pour im- primer une grande rapidité à ses mouve- niens. N'ayant donc ni armes très-défen- sives dans ses tégumens , ni force dans ses membres , ni célérité dans sa natation , la baudroie, malgré sa grandeur, est obligée d'employer la ressource de ceux qui n'ont reçu qu'une puissance très-limitée : elle est contrainte, pour ainsi dire, d'avoir recours à la ruse , et de réduire sa chasse à des embuscades , auxquelles d'ailleurs sa con- formation la rend très-propre. Elie s'enfonce dans la vase,* elle se couvre de plantes ma- rines; elle se cache sous les pierres et les saillies des rochers. 8e tenant avec patience dans son réduit , elle ne laisse apeicevcir que ses filamens, qu'elle agite en diftérens (r) Histoire naturelle de la Norvège , etc. par Pontoppidaji. D E s L O P H I E s. 175 sens, auxquels elle donne toutes les fluc- tuations qui peuvent les faire ressembler davantage à des vers on à d'autres appâts, et par le tJioyen desquels elle attire les poissons qui nagent au dessus d'elle, et que la position de ses yeux lui permet de dis- tinguer facilement. Lorsque sa proie est descendue assez près de son énorme gueule, qu'elle laisse presque toujours ouverte, elle se jette sur ces animaux qu'elle veut dé- vorer, et les engloutit dans cette grande bouche, où une multitude de dents fortes et crochues les déchirent et les empêchent de s'échapper. Cette manière adroite et constante de se procurer les alimens dont elle a besoin, et de pêcher eu quelque sorte les poissons à la ligne, lui a fait donner Tépilhète de pêcheuse; et voilà pourquoi on l'a nommée grenouille pêcheuse et martin pêcheur, en réunissant les idées que ses habitudes ont fait naître avec celles que réveille sa con- formation. Cette espèce est peu féconde, et se trouve dans toutes les mers de l'Europe (1). (1) Les pêcheurs anglais, qui croient que la baudroie est ennemie des requins , et est capable de vaincre ces -yoraces carlilegineux, ne manquent pas de la rejcler 176 HISTOIRE à la mer, aussitôt qu'ils l'ont prise. Au reste, la perte d'une pareille capture n'est point à regretter; la chair de ce poisson a mauvais goût et mauvaise odeur : « C'est un poisson moult laid à veoir , dit Belon ( de la Nature des poissons , liv. i , p. 76. ) , duquel oa ne tient grand compte démanger, si ce n'est pour l'esventrer, et luy tirer les poissons qu'il lia encor touts enviededens le corps: car c'est bien le plus grand gourmand de touts les poissons de rivage. Aussi ha il la geule si grande qu'il pourroit aisément dévorer un grand chien d'une goulée ». D'autres disent que, quand la baudroie est cuite , sa chair est blanche , et qu'elle a le même goût que celle de la grenouille. Si on tire , par la bouche de la baudroie , ses vis- cères et ses intestins , et que l'on étende son corps autant qu'il est possible, on voit le jour à travers; et si on place dedans une chandelle comme dans nue lanterne, il devient horrible à voir. (Rondelet, Hist. des poissons, liv. 12, chap. 19, p. 589.) Le coeur de la baudroie_ n'est pas fort gros ; mais l'oreillette , dont le bord est dentelé comme un peigne, est très -grande; le péricarde est épais et fort. Le foie est gros, d'un jaune pâle et divisé en deux lobes; la vésicule du liel est petite. L'estomac a une grande capacité. Le canal intestinal est long et forme plusieurs circonvolutions; il a deux appendices à son commencement. La rate est arrondie; les reins sont rougeâtrcs, et les uretères se terminent par une large vessie. On peut voir de plus amples détails anatomiqucs de la baudroie, avec des gravures, dans Charleton , Exercit. 75. Sonnini. LA DES LOPHIES. 177 LA BAUDROIE CHAUVE -SOURIS, LA LOPHIE VESPERTILION (i)(2), PAR LACÉPÈDE. DEUXIÈME ESPÈCE. Voyez lafig. 2 de la pi. IX de ce uoL O E T T E lophie diffère de la baudroie en ce que sa tête , au lieu d'être arrondie par devant , s'y termine par un museau très- avancé , pointu , en forme de cône , et que Ton a comparé au soc d'une charrue. (i) Lophius vespertilio. Lin. édit. de Gmel. Baudroie chauve-souris. Daubent. Encycl. mélh. Bonaterre, pi. de rKncycl. mélh. — Bloch , Histoire naturelle des poiss. pi. ex. — Mus. Ad. Fr. i , p. 55. Lophius fronte unicorni. Arted. syn. Q^. — Gronov. Mus. I , n° 129-, Zooph.n° 209. Batrachus capite vomeris instar ^ cornufo , — hatra- chus capite scuto osseo, Klein , Miss. pisc. 3 , p. i6 et 17, n° 8 et 9. Rana piscatrix americana. Seba, Mus. i ^ p. 1 18, tab. 74,%. 2, Guacucuja. Marcgr. Brasil. p. 143. — Ray, Pise. Poiss. Tome IV. M 178 HISTOIRE D'ailleurs Touverture de la bouche est étroite à proportion de la grandeur de Fanimal ; et bien loin d'être placée dans )a parjtie supé- rieure de la tête, elle est située sous Tin- férieure , et même très-reculée au dessous ^u museau , ce qui rapproche la vespertilion des raies et des squales. Au devant de cette ouverture sont les narines ; et auprès de ces organes on voit s'élever une appendice ou filament de sqbstance dure et comme cornée, et qui est terminé par un tubercule, pette extension , ainsi que la pointe que le museau présente, a fait donner à la ves- p. 3o , n" 3 , /) 1,3. — Jonston , Fisc. p. 207, tab. 29 , fig. 2. American toad-fisli, Willughby, Ichth. p. 218, tab. E , 2 , iîg. 3. Sea-baL Edw. Glan. tab. 283 , \Àg. 1. Guacucuja. Valmont de Bomare , Dict. d'hist. nat, ■ — Browne , Jam. p. 4^7 , tab. 48 , fig. 3. (2) Labaudroie chauve-souris ; la chauve^souris de mer. En allemand , seefledermaus , einhornteufel , klein meerteufeL En anglais , sea - batt , american toad-fifih. En suédois, fiader - quabba. Au Brésil, guacucuja. Lophius depressus , capite rostrato . . . lophius ves- pertilio. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i33, sp. 3.--? Artedi, Gen. pisc. ^on. 41 , sp. 3 , additam. S o N N I N I, DES LOPHIES. 179- pertilioa le nom de petite licorne , de licorne marine, La tête et le corps vont en s'éîargissant Jusques vers l'insertion des nageoires pec- torales, où la largeur du corps diminue tout d'un coup à peu près de moitié ; et ensuite la diminution de cette même largeur s'opère jusqu'au bout de la queue par des dégrés insensibles, de telle sorte que Fensemble de la vespertilion offre l'image d'un triangle isocèle, à côtés un peu curvilignes, et au milieu de la base duquel est attaché un long cône formé par la queue et le derrière dut corps de l'animal. Les prolongations charnues auxquelles tiennent les nageoires pectorales sont assez longues et assez coudées pour imiter, moins imparfaitement que dans plusieurs autres lophies, un bras et un avant-bras, ou une jambe et un pied (1). Cette dernière con- formation, considérée en même tems que (i) La nageoire du clos a communément. 9 rayons* Les pectorales en ont lo Les ventrales 6 Celles de l'anus en a 6 Et celle de la queue qui est arrondie j en a * ii M 2 î8o HISTOIRE le museau pointu, que la bouche placée sous la tête , que la grande largeur des côtés étendus comme des ailes , et que la queue conique 5 a réveillé, pour plusieurs obser- vateurs, ridée d'une chauve-souris, et delà vient le nom de vespertilion , que nous lui avons conservé. Les dents qui garnissent les mâchoires sont petites, crochues, et disposées ordinai- rement sur un rang. L'ouverture des branchies est un peu demi - circulaire , et placée de chaque côté auprès de la prolongation charnue qui sou- tient la nageoire pectorale. Tout le dessus de la lophie vespertilion présente un grand nombre de tubercules faits en forme de patelles, ou de petites coupes renversées, rayonnes sur leur sur- face supéiieure, et terminés par un sommet aigu ; le dessous de Fanimal est hérissé de petits aiguillons; et, excepté les nageoires de la queue et de la poitrine, qui sont blan- châtres, et celles du dos et du ventre, qui sont brunes , la couleur de la vespertilion est rougeàtre sur presque toutes les parties du corps. C'est dans la mer qui baigne TAmérique méridionale. que l'on pêche le plus souvent D E s L O P H I E s. i8i cette lophie , qui est peu mangeable , qui parvient à la longueur d'un pied et demi, ou de près d'un demi-mètre , et dont les habitudes sont analogues à celles de la baudroie (i). (i) La baudi'oie chauve-souris, de même que la baudroie commune , est un poisson vorace -, elle se tient ordinairement en embuscade au milieu de plantes marines , et épie les poissons, les insectes et les vers qui passent à sa portée. Sa chair n'est pas meilleure à manger que celle de la baudroie , et elle est presque toujours fort maigre. Marcgrave a le premier décrit ce poisson, qu'il a observé dans les mers du Brésil. Soni^ini. M 3 i82 HISTOIRE LA LOPHIE FAUJAS, PAR LACÉPEDE. TROISIÈME ESPÈCE. N ou s avons dit , en traitant de la raie tliouin 5 pourquoi nous avons désiré que les services rendus par notre collègue le cito} en Faujas aux sciences naturelles , fussent rappelés par le nom de la lophie que nous allons décrire, qui faisoit partie de la belle collection de la Haye , et qui est encore inconnue aux naturalistes. La conformation de cette lophie est très- remarquable. Son corps est très- aplati de haut en bas : il Test plus que celui de la baudroie et que celui de la verspertilion ; et si Ton retranchoit la queue et les na- geoires pectorales , il ofFriroit l'image d'un disque parfait. L'ouverture de la bouche est un peu au dessous de la partie antérieure de la tête. Au dessus du museau , et presque à son extrémité , paroît une petite cavité, au milieu de laquelle s'élève une protubérance arrondie. Les narines sont très 7 près de D E s t O P H I E s. i85 eétte cavité ; et chacun de ces organes a deux ouvertures , dont la plus antérieure est la plus étroite , et placée au bout d'un petit tube. Les yeux , très - peu gros et assez rap- prochés Fun de l'autre , forment presque un carré avec les deux narines. Les ouvertures des branchies sont placées «ur le disque, et plus près de l'origine de la queue que sur presque toutes les autres lophies , quoique , sur ces poissons , elles soient en général très -éloignées du museau. Le canal , qui va de chacune de ces ouver- tures à la cavité de la bouche , doit donc être assez long; mais nous n'avons pas pu connoître exactement ses dimensions , parce que nous n'avons pas voulu sacrifier à des recherches anatomiques l'individu apporté de Hollande , et qui étoit unique et très- entier. La membrane branchiale présente cinq rayons. . Les nageoires inférieures ou jugulaires sont attachées à des prolongemens charnus, composées de cinq rayons divisés à leurs extrémités , assez semblables à des mains , ou au moins à des pattes , mais plus recu- lées qixe sous k baudroie et la verspertihon ; M 4 i84 HISTOIRE elles sont situées vers le milieu de la partie inférieure du disque , et à une distance à peu près égale de l'ouverture de la bouche et des nageoires pectorales. Ces dernières sont en effet très-voisines de Fanus , et par-là elles sont rapprochées des ouvertures des branchies, presque au- tant que dans la plupart des autres lophies. On voit au dessous de Tanimal les prolon- gations charnues auxquelles elles tiennent. L'anus est situé à l'endroit où la queue touche le disque , c'est-à-dire , le corps pro- prement dit. Cette même queue représente un cône aplati par dessous, et dont la lon- gueur égale à peine la moitié du diamètre du disque. Elle se termine par une nageoire arrondie , et montre au dessus de son origine une petite nageoire dorsale , et une nageoire de l'anus vers le milieu de sa surface in- férieure (i). Tout le dessus du corps et de la queue de la lophie faujas est semé de très -petits (i) On trouve dans chaque nageoire pectorale 12 rayons. à la nageoire dorsale ......; 5 à celle de l'anus s 5 et à celle de la ^ueue. •x^à**'*^'* 7* DES L O P H I E S. i85 tubercules, et de piquans dont la racine se divise en plusieurs branches : mais , indé- pendamment de ces tubercules et de ces aiguillons , on voit , dans la circonférence de la partie inférieure du disque , deux ou trois rangs d'espèces de mamelons garnis de filamens plus sensibles dans la rangée la plus extérieure; et on retrouve des éléva- tions de même nature le long de la lèvre de dessous. Nous avons cru devoir faire connoître un peu en détail cette curieuse espèce de lophie , dont l'individu que nous avons décrit avoit quatre pouces , ou plus d'un décimètre de longueur. i86 HISTOIRE LA BAUDROIE TACHÉE. LA LOPHIE HISTRION (i)(2), PAR LACEPEDE. QUATRIÈME ESPECE. Voyez la figure i de la pi. '^ dé ce vol. C^E poisson, comme tous ceux que ren- ferme le sous-genre à la tête duquel nous (i) Baudroie taché/', Daub. Encycl. mélh. Lophius histrio. Lin. édit. de Gmel. Baudroie tachée. Boïiat. pi. de l'Encycl. mélh. JLophius compressuy. Van Braeiu Houckgrest, Act. Hnarl. p. i5. — Bloch , Hist. natur. des poissons, pi. CXI. Lophius pinnis dorsalibus tribus. Lagerst. Cliin. 21. LéOphius tumidus. Osb. ït. 5o5. — Gron. Zoopb. 210 Baùrachus etc. Klein , Miss. pisc. 3 , p. 16 , n° 3 ; 7 v lab. 5,fig. 4. Rana piscatrix minima. Plumier, dessins sur vélir déposés dans la biblioUicque du muséum d'hisloire naturelle. — Mus. Ad. Er. i , p. 56. — It. Wgolb. p. 157, tab. 3 , fig. 5. De JWe Je/ l.J,A BAUDROIE fac/iec ' ^.LA VIEIJXE . J B.Ra sp. 6 , species adhuc dubia» S o N N I N I. (3) Transact. philos, vol. LUI , pi. xiii. . N 4 2o6 HISTOIRE du museau, au lieu d'être située dans la partie supérieure de la tête , comme sur la baudroie, fait voir trois rangées de dents pointues. Le dessus de la tête présente des protubérances noirâtres et aiguës; et, der- rière la lèvre supérieure, sont implantés; l'un à la suite de l'autre, deux lilaniens durs , élastiques , et très - longs , mais dénués de membrane à leur extrémité. On a représenté les (i) rayons des nageoires jugulaires comme finissant par un ongle; nous n'avons pas besoin d'averlir que c'est une inexactitude. La couleur générale de la lophie ferguson est d'un brun foncé avec des teintes noi- râtres (2). " (i) Planche des Transactions pliilosopLiques déjà citée. (2) Les nageoires jugulaires ont chacune 5 rayons. chaque pectorale en a 8 — la dorsale , qui est unique , en pré- sente ÎO celle de l'anus. 14 — — et celle de la queue 10 DES L O P H I E S. 301 LA LOPHIE BARBUE (i). NEUVIEME ESPÈCE. •*-^ E 3 Mémoires de Facadémie de Stockholm contiennent une longue description et la figure d'une Ipphie, à laquelle M. Mon tin, auteur de cette description, a imposé le nom de lophie barbue^ pour la distinguer des autres espèces (2). Gmelin et Artedi, ou plutôt W^jjibaujjj ^ q^j a donné une nou- velle édition de richthyologie d'Artcdi , ont présenté ce poisson comme une espèce sé- parée ; je ne sais si , à cet égard , l'examen de ces naturalistes a été bien approfondi, mais la description de M. Mon tin paroît convenir en tout point à la baudroie. Au reste , il faudroit avoir vu soi - même le (i) Lophius depressus maxillâ inferiore harbatâ, . . lophius barhatus. Montin , Act. suecic. vol. XLI, p. 173, tab. 7. — Lin. Syst. nat. edit. i5, gen. i53j sp. 4* — Artedi , Gen. pisc. gen. 41 , sp. 2, addit. (2) A Tendroit ci-dessus cité. S03 HISTOIRE poisson pour décider définitivement s'il diffère ou non de la première espèce de lophie; et en attendant j'en ai fait un ar- ticle séparé , afin d'engager les observateurs à éclaircir ce doute. C'est dans la mer d'Allemagne que la lophie barbue a été pêchée. DES LOPHIES 2o3 LA LOPHIE PIQUANTE (i). DIXIÈME ESPÈCE. Xj a tête dépourvue de barbillons , mais plus osseuse et plus couv^erte d'aspérités et de piquans que celle des autres poissons du même genre, est l'attribut caractéristique de cette espèce. Elle a des appendices en forme de filamens sur chaque côté de la queue ; des piquans d'un pouce trois quarts de long à l'extrémité des nageoires pecto- rales ; d'autres de neuf lignes au bout de la nageoire de la queue, et le corps plus alongé que la baudroie. On ne connoît ce poisson que par la description qu'en a donnée Borîase dans son Histoire naturelle de Cornouaiîles (2). (i) Frog-fish of jnontishay. Borlase , Hist. natur. cornwall. p. 266 , fig. lab. 27 , fig. 6. Lophius imherbis y capite aculeato , pinrds pectora- îïbus caudalique spinosis. . . lophius aculeatus. Arted. Gen. pisc. gen. 41 > sp* 5 ? spec, dub, (2) Loco suprà cilato. 2o4 HISTOIRE M. Pennant n'en fait qu'une seule et même espèce avec la lophie ferguson ( i ) ; mais c'est une erreur, car ces deux lophies sont très-différentes Tune de l'autre , et celle de cet article a de plus grands rapports avec la baudroie. (i) Britisch zool. DESBALISTES. i2o5 •1" ' • t. SEPTIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ou TROISIEME ORDRE DE liA SECONDE PIVISION DES C AR T I LA&INEUX^ PAR LACÉPÈDE. Poissons thoracins, ou qui ont une ou deux nageoires situées sous le corps , au dessous ou presque au dessous des nageoires pec- torales, SIXIÈME GENRE. LES B A L I S T E S. JLja tête et le corps comprimés latéralement; huit dents au moins à chaque mâchoire; Touverture des branchies très-étroite; les écailles ou tubercules qui revêtent la peau réunis par une forte membrane. PREMIER SOUS-GENRE. Plus d'un rayon à la nageoire inférieure ou ihorachique , et à la première nageoire dorsale. ,/•• 2o6 HISTOIRE PREMIÈRE ESPÈCE. Baliste VIEILLE. — Douze rayons , ou plus , à la nageoire dite ventrale ; point d'aiguillons sur les côtés de la queue. SECONDE ESPÈCE. Baliste étoile. — De très-petites taches semées sur la partie supérieure du corps ; huit ou dix rayons contenus par une mem- brane épaisse, à la nageoire dite ventrale; point d'aiguillons sur les côtés de la queue. troisième ESPÈCE. Baliste èchaepe. — Une large bande noire, étendue obliquement depuis les yeux jusqu'à la nageoire de l'anus ; huit ou dix rayons contenus par une membrane épaisse , à la nageoire dite ventrale; quatre rangs d'aiguillons sur les côtés de la queue. quatrième espèce. Baliste double- aiguillon. — Quatre rayons à la première nageoire dorsale; deux grands rayons à la thorachique. SECOND SOUS-GENRE. Plus d'un rayon à la nageoire thora- chique ou inférieure; un seul à la première nageoire dorsale. D E s B A L I s T E s. 207 CINQUIÈME ESPÈCE. Baliste chinois. — Douze rayons , ou plus, à la nageoire dite ventrale. TROISIÈME SOUS -GENRE. Un seul rayon à la nageoire thora- chique ou inférieure; plus d'un rayon à la première nageoire dorsale. SIXIÈME ESPÈCE. Baliste velu. — Deux rayons à la première nageoire dorsale; tiente rayons à la seconde; la queue hérissée de piquans. SEPTIÈME espèce. Baliste mamelonné. — Deux rayons à la première nageoire du dos; le corps garni de papilles. huitième espèce. Baliste tacheté. — Deux rayons à la première nageoire du dos; un grand nombre de taches sur tout le corps. NEUVIÈME espèce. Baliste pralin. — Deux rayons à la première nageoire du dos; vingt-cinq à la seconde; la tète très-grande; trois ou quatre rangs d'aiguillons sur chaque côté de la ^ueue ; plusieurs raies sur le devant du soB HISTOIRE corps; une grande tache noire de chaque côté. DIXIÈME ESPECE. Baliste kleinien. — Deux rayons à la première nageoire du dos ; le museau avancé ; l'ouverture de la bouche très-petite et garnie de barbillons,* quarante-cinq rayons au moins à la seconde nageoire du dos et à celle de Tanus. onzième espèce. Baliste cuPcAçavien. — Deux rayons à la première nageoire du dos; le nniseau arrondi; la nageoire de la queue terminée par une hgne droite. DOUZIÈME espèce. Baliste épineux. — Trois rayons à la première nageoire du dos; depuis deux jusqu'à six rangs d'aiguillons de chaque côté de la queue; le rayon de la nageoire ven- trale fort, dentelé, et placé au devant d'une rangée d'aiguillons. TREIZIÈME ESPÈCE. Baliste sillonné. — Trois rayons à la première nageoire dorsale; la queue sillon-t née; la nageoire caudale en croissant. QUATORZIÈME ESPÈCE. Baliste caprisque. -— Trois rayons à l'a D E s B A L I s T E s. 209 la première nageoire dorsale ; point de grands aiguillons auprès du rayon de la nageoire ventrale; la nageoire de la queue arrondie; les couleurs du corps brillantes et variées. QUINZIÈME ESPECE. Bal I s t e queue - fourchue. — Trois rayons à la première nageoire du dos ; des taches sur la seconde; la nageoiie de la queue fourchue. SEIZIÈME ESPÈCE. Baliste bourse. — Trois rayons à la première nageoire du dos; celle de la queue terminée par une ligne droite; une tache noire, en forme de croissant, entre les yeux: et les nageoires pectorales. DIX-SEPTIÈME espèce. Baliste américain. — Trois rayons à la première nageoire dorsale; celle de la queue arrondie; de grandes taches blanches sur la partie inférieure du corps. DIX-HUITIÈME ESPÈCE. Baliste verdatre. — Trois rayons à la première nageoire dorsale; quatre rangs d'aiguillons de chaque côté de la queue, Poiss. Tome IV. O 2X0. HISTOIRE dont la nageoire est légèrement arrondie; de très-petites taches noires sur le corps. DIX-NEUVIÈME ESPECE. Baliste GRANDE-TACHE. — Trois rayons à la première nageoire dorsale; six rangs de verrues de chaque côté de la tète ; la queue sans aiguillons; la nageoire caudale en forme de croissant; une grande tacha de chaque côté du corps. VINGTIÈME ESPÈCE. Baeiste noir. — Trois rayons à la pre- mière nageoire du dos ; plus de trente rayons à la seconde, et à celle de l'anus; la nageoire caudale en forme de croissant; point d'aiguillons sur la queue; tout le corps d'une couleur noire. vingt-unième espèce. Baliste bride. — Trois rayons à la première nageoire dorsale ; celle de la queue en forme de croissant ; point d'aiguillons sur la queue; un anneau de couleur très- claire autour du museau ; un demi-anneau de la même teinte au dessous de l'ouver- ture de la bouche, et une raie longitudi- nale de chaque côté. V l N G T - D E UX l È m E ESPECE. Baliste armé. — <- Trois rayons à la pre- DES BALISTES. su mière nageoire du clos; celle de la queue un peu en forme de croissant, et bordée de blanc : six rangées d'aiguillons de chaque côté de la queue. VINGT-TROISIÈME ESPECE. Baliste cendré. — Quatre rayons à la première nageoire du dos ; trois bandes bleues, étroites et courbes, sur la queue. VINGT-QUATRIÈME ESPÈCE. Baliste assasi. — Plusieurs rangs de verrues sur le corps , et trois rangs de ver- rues sur la queue. VINGT-CINQUIÈME E S P È C E. Baliste mungo-park. — Trois rayons à la première nageoire dorsale ; vingt-sept à la seconde; sept rangs d'aiguillons petits et recourbés de chaque côté de la queue; le corps garni de papilles; la caudale à peine échancrée; la couleur noire. VINGT-SIXIÈME ESPÈCE. Baliste ondulé. — Trois rayons à la première nageoire du dos; vingt -six à la seconde; des piquans très-forts de chaque côté de la queue; des tubercules au devant de ces piquans; la caudale à peine échan- crée; la couleur générale noire; onze ou douze raies longitudinales, ondées et rouges. O 2. 212 HISTOIRE QUATRIEME SOUS-GENRE. Un seul rayon à la nageoire inférieure ou thorachique , eL à la première dorsale. VINGT-SEPTIÈME ESPECE. Baliste monocéros. — Cinquante rayon??, ou à peu près, à la nageoire de l'anus. VINGT-HUITIÈME ESPÈCE. Baliste hérissé. — Une trentaine de rayons au plus à la nageoire de Tanus; cent petits aiguillons de chaque côté de la queue. D E s B A L I s T E s. f2i5 LA VIEILLE. LE BALISTE VIEILLE (i) (2) , PAR LACÉPÈDE. PREMIÈRE ESPÈCE. Voyez la fi g. i de la pl.^i. de ce vol. JLj a nombreuse famille des squales et celle des raies nous ont présenté la grandeur , la force, des armes terribles, des mouvemens (1) Al la Martinique , bourse. En anglais , old wife. Balisle vieille. Daub. Encycl. métli. Balistes vetula. Lin. éJit. de Gmel. "Baliste vieille. Bonat. pi. de l'Encycl. mélh. Balistes aculeis dorsi tribus , caudâ bifurcâ. Arted. ge\\. 55 5 syn. 82. Balistes vetula. Osb. II. p. 29.4. — Bloch , pi. cl. — Gronov. Zooph. n^ 195. — Browne, Jam. p. 4^6, n" i. Turdus oculo radialo, Catesb. Carol. 2, p. 22, tab. 22. — Seb Mus. 5 , p. 62 , n*^ 14, lab. 24 j fig* l4- Capriscus , extreinâ caudâ et pinnâ dorsaliin tenuis- slma et lungissima fila produclis , etc., et capriscus rubro iride , etc. Klein , Miss. pisc. 3, p 2^1 , n° 4 ^'^ ^ '* Guaperva peisce-porco Marcg. Brasil. p. i6i« — - Pisc. Ind. p. 67. — Jonst. Pisc. p. 188 , tab. 34 , fig. 2. O j 214 HISTOIRE rapides, tous les attributs de ]a puissance!* Le genre des Jopliies nous a montré ensuite les ressources de la ruse qui supplée au pouvoir. Toutes ces finesses d'un instinct assez étendu , et ces armes redoutables d'énormes espèces, nous les avons vues éga- lement employées pour attaquer de nom- breux ennemis , pour saisir une proie abon- dante, pour vaincre des résistances violentes. Ije genre des balistes va maintenant déployer devant nous des moyens multipliés de dé- fense; mais nous chercherons en vain dans Cl I .11 II Guaperva maxime caudata. Willaghb. Tclitlu app. p. 21 , lab. I , p. 25. — Ray , Fisc. p. 49 , n^ 4* Sultan ternate. Valent. Iiid. 3 , p. 4ï<5> ^^ 202, f. 202. File-fish. Grew. Mus. p. 1 15. Capriscus variegatus , caudâfuscinulatâ. Plumier, dessins sur vélin déjà cités. (2) La vieille. Par les anglais, fde-fish. Par les aiiglo-améiicains, oldwife. Par les portugais, peixe- porco. Par les hollandais , aud-wyf. Par les allemands, altes-tpeib. Parles fiançais, vieille et vieille femme. Balistes pinnâ dorsi anteriore triradiatâ , ventrali longitudinali , caudali bifidâ balistes vetula» Lin. Syst. nal. cdit. Gmel. gen. i35j sp. 7. Balistes aculeis dorsi tribus j caudâ bifurcâ. Artcd, Gen. pisc. gen. 58, sp. i j et synonym. sp. 1. S o N i^ 1 N I. DES B A L I S T E S. 216 cette famille tranquille cette conformation intérieure qui donne le besoin d'assaillir des adversaires dangereux, et ces formes exté- rieures qui assurent le succès. En répandant dans le sein des mers les lophies et les squales, la Nature y a semé et des périls cachés, et des dangers évidens, souvent inévitables; on diroit que, suspendant son souffle créa- teur, et réagissant en quelque sorte contre elle-même, elle a eu la destruction pour but lorsqu'elle a produit les squales et les lophies. En plaçant au contraire les balistes au milieu de ces mêmes mers , elle paroi t avoir repris plus que jamais l'exercice de sa puissance vivifiante, et ne l'avoir dirigée que vers sa conservation. Ce ne sont pas des animaux impétueux qu^elle a armés pour les combats , mais des êtres paisibles qu'elle a munis pour leur sûieté. Aussi , lorsque nous retirons nos regards de dessus les genres que nous venons d'examiner ^ lorsque nous cessons d'observer et les di- verses embuscades et leurs attaques à force ouverte, lorsque sur-tout, nous dégageant du milieu des requins et des autres squales très-grands et très-voraces, nous ne voyou"? plus les flots de la mer rougis par le sang de nombreuses victimes , ou des gouffres O 4 2i6 HISTOIRE animés et insatiables engloutissant à chaque instant une nouvelle proie , et que nous ar- rêtons notre vue sur cette famille des ba- listes, que la Nature a si favorablement traitée , puisqu'elle a été destinée à ne faire ni recevoir aucune offense , à n'inspirer ni éprouver aucune crainte, nous ressentons une affection un peu voisine du sentiment auquel se livrent avec tant d'attraits ceux qui 5 parcourant l'histoire des actes de l'es- pèce humaine, soulagent par la douce con- templation des époques de vertu et de bon- heur leur cœur tourmenté par le spectacle des tems d'infortunes et de crimes. Le contraste offert par les genres que nous venons d'examiner, et par celui qui se présente à nous, est d'autant plus marquée et la sensation qu'il fait naître est d'autant plus vive , que rien ne répugne ni à lœil ni à l'esprit dans la considéjation de cette intéressante famille des balistes. Si elle ne recherche pas les combats, elle ne fuit pas làchenienfc, même devant des ennemis très- supérieurs en force ; elle se défend avec courage ,* elle use de toutes ses ressources avec adresse, et e]le a la plus brillante des parures. Nous ferons voir, en décrivant les. diiïërentes espèces qui la composent , qu'elle D E s B A L I s T E s. 217 présente les couleurs les plus vives, les plus agréables , el les mieux opposées. Eu obser- vant même les batistes les mieux traités à cet égard, ou diroit que la distribution, la nuance et Fopposiiion de leurs couleurs ont souvent servi de modèle au goût délicat, préparant pour la beauté les ornemens les plus propres à augmenter le don de plaire. Et que Ton ne soit pas étonné de cette empreinte de la magnificence de la Nature que Ton voit sur les difféientes espèces de batistes : c'est dans les climats les plus chauds qu'elles habitent. Excepté une seule de ces espèces , que l'on trouve dans le bassin de la Méditerranée, elles n'ont été encore vues que dans ces contrées équatoriales, où des flots de lumière et de toutes les influences d'une chaleur productive pénètrent, pour ainsi dire, et l'air, et la terre, et les eaux; où volent daus l'atmosphère les oiseaux- mouches, ceux de paradis , les colibris , les perroquets, et tant d'autres oiseaux riche- ment décorés ; où bourdonnent au milieu des plus belles fleurs tant d'insectes resplen- dissans d'or, de verd et d'azur; où les teintes de l'arc-en-ciel se déploient avec tant d'éclat sur les écailles luisantes des serpens et des quadrupèdes ovipares; et où, jusqu'au sein 2i8 HISTOIRE de la terre, se forment ces diamans et* ces pierres précieuses que J'art sait faire briller de tant de feux diversement colorés. Les balistes ont aussi reçu une part distinguée des dons de la chaleur et de la lumière ré- pandues dans les mers équatoriales , aussi bien que sur les continens dont ces mers arrosent les bords. Ils ajoutent d'autant plus, sur ces plages échauffées par un soleil tou- jours voisin, à la pompe du spectacle qu'y présentent les eaux et tout ce qu'elles re- cèlent , qu'ils forment des troupes très- nombreuses. Chaque espèce de balisle ren- ferme en efïet beaucoup d'individus; et le genre entier de ces beaux poissons contient tant d'espèces , qu'un des naturalistes les plus habiles et les plus exercés à ordonner avec convenance et à observer avec fruit des légions d'animaux, le célèbre Commerson, s'écrie dans son ouvrage (i), en traitant des balistes : a Quelle vie pourroit suffire pour décrire , pour comparer , pour bien connoître tous ceux que l'on a déjà vus ? » Mais sachons quelles sont les formes sur lesquelles la Nature a disposé les couleurs diversifiées dont nous venons de parler. (i) Manuscrits déjà cités. DES B A L I S T E S. 219 Examinons en quoi consistent les moyens de défense dont les balistes sont pourvus. Leur corps est très - comprimé par les côtés , et se termine le plus souvent le long du dos et sous le ventre par un bord aigu que Ton a comparé à une carène. 11 est tout couvert de petits tubercules , ou d'écailies très-dures, réunis par groupes, distribués par compartimens plus ou moins réguliers, et fortement attachés à un cuir épais. Ce tégument particulier revêt non seulement le corps proprement dit des balistes , mais encore leur tête, qui paroît le plus souvent peu distincte du corps; et il cache ainsi tout ranimai sous une sorte de cuirasse et de casque , que des dents très-acérées ont beau- coup de peine à percer. Mais, indépendam- ment de cette espèce d'armure défensive et complette , ils ont encore , pour protéger leur vie, des moyens puissans de faire lâcher prise aux ennemis qui les attaquent. Des aiguillons , à la vérité très - petits , mais très-durs, hérissent souvent une partie de leur queue; et comme ils sont recourbés vers la tête, ilsauroieot bientôt ensanglanté la gueule des gros poissons qui voudroient saisir et retenir un baliste par la queue. Les cartilagineux du genre dont noua 220 HISTOIRE traitons ont d'ailleurs deux nageoires dor- sales; et la premièie de ces nageoires pré- sente toujours un rayon très-fort, très-gros, tiès-Iong, et souvent garni de pointes, qui, couché dans une fossette placée sur le dos, et se relevant avec vitesse à la volonté de ranimai, pénètre très-avant dans le palais de ceux de leurs ennemis qui les attaquent par la partie supérieure de leur corps , et les contraint bientôt à s'enfuir, ou leur donne quelquefois la mort par une suite de blessures multipliées qu'il peut faire en s'abaissant et se redressant plusieurs fois (i). Les nageoires inférieures, ou, pour mieux dire, la nageoii-e thoracliique, et impropre- ment appelée ventrale , présente dans les balistes une conformation que Ton n'a encore observée dans aucun genre de poissons. Nou seulement les nageoires dites ventrales sont ici rapprochées de très-près , comme sur le mâle du squale roussette; non seulement elles sont réunies, comme nous le verrons, •— .1 . Il . ■ . Il (i) La manière rapide dont les balistes redressent le ra5'^on long et épineux de leur première nageoire dorsale , a clé comparée à celle avec laquelle se âébandoient autrefois certaines parties d'instriiniens de iujerre propres à lancer des dards; et voilà d'oii vieut le nom de ces animaux. DES BALISTES. 221 sur les cycloplères parmi les cartilagineux, et sur les gobies parmi les poissons osseux, mais encore elles sont confondues l'une dans Tautre, réduites aune seule, et même quel- quefois composées d'un seul ra^^on. Ce rayon, soit isolé, soit accompagné d'autres rayons plus ou moins nombreux , est presque toujours caché en grande partie sous la peau; et cependant il est assez gros, assez fort, et souvent assez hérissé de petites aiguilles pour faire de la nageoire thorachique une arme presque aussi redoutable que la première nageoire dorsale , et mettre le dessous du corps de Fanimal à couvert d'une dent ennemie. Cet isolement , dans certains balistes , du rayon très-alongé que l'on voit à la première nageoire dorsale et à l'inférieure, et sa réu- nion avec d'autres rayons moins puissans , dans d'autres animaux de la même famille, sont les caractères dont nous nous sommes servis pour répandre quelque clarté dans la description des diverses espèces de ce genre, et pour en faire retenir les attributs avec plus de facihté. C'est par le moyen de ces caractères que nous avons établi quatre sous- genres , dans lesquels nous avons distribués les balistes connus. Q22 HISTOIRE Nous avons placé dans le premier ceux de ces poissons qui ont plus d'un rayon à la première nkgeoire du dos et à la nageoire dite ventrale; nous avons mis dans le second les balistes qui , n'ayant qu'un rayon à la première nageoire du dos, en ont cependant plusieurs à la ihorachique; nous avons com- pris dans le troisième ceux qui au contraire n'ayant qu'un rayon à la nageoire inférieure en ont plus d'un à la première du dos; et enfin nous avons composé le quatrième sous- genre des baliste^s qui ne présentent qu'un seul rayon tant à la nageoire inférieure qu'à la première dorsale. L'ouverture des branchies est étroite J située au dessins et très-près des nageoires pectorales, et garnie d'une membrane qui est ordinairement soutenue par deux rayons. L^ouverture de la bouche est aussi très- peu large ; et Ton compte à chaque mâchoire au moins huit dents, dont les deux anté- rieures sont les plus longues , qui , étant larges et aplaties de devant en arrière , et ne se terminant pas en pointe, ressemblent beaucoup à celles que Ton a nommées in- (isipes dans Fliomme et dans les quadrupèdes vivipares. Elles sont pour ainsi dire fortifiées , au moins le plus souvent , par des dents à DESBALISTES. 225 peu près semblables , placées à Tintérieur, et appliquées contre les inlervalles des dents extérieures. Ces dents auxiliaires sont quel- quefois au nombre de six de chaque côté ; et comme les extérieures et les intérieures sont toutes d'ailleurs assez grandes et assez fortes par elles - mêmes , il n'est pas sur- prenant que les balistes s'en servent avec avantage pour briser des corps très -durs, et pour écraser non seulement les coraux dont ils recherchent les polypes , et l'en- veloppe^ solide qui revêt les crustacés , dont ils sont plus ou moins avides, mais encore les coquilles épaisses qui recèlent les ani- maux marins dont ils aiment à se nourrir. Des crabes , de petits mollusques , des polypes bien plus petits encore , tels sont en effet les alimeus qui conviennent aux balistes ; et s'il leur arrive d'employer à attaquer une proie d'une autre nature, des armes dont ils se servent pour se défendre avec coui^age et avec succès , ce n'est que lorsqu'une faim cruelle les presse , et que la nécessité les y contraint. Au reste , nou^ avons ici im exemple de ce que nous avons fait remarquer dans notre Discours sur la nature des poissons. Nous avons dit que ceux qui se nourrissent de 324 HISTOIRE coquillages présentent ordinairement les plus belles couleurs ; les balistes , qui préfèrent les animaux des coquilles presque à tout autre aliment, n'offrent-ils pas en effet des couleurs aussi vives qu'agréables ? 11 est des saisons et des rivages où ceux qui se sont nourris de balistes , en ont été si gravement incommodés , que l'on a re- gardé ces poissons comme renfeimant un poison plus ou moins actif. Que l'on rap- pelle ce que nous avons dit, au sujet des animaux venimeux , dans le discours que nous venons de citer. Il n'est pas surprenant que 5 dans certaines circonstances de tems ou de lieu, des balistes, nourris de mollusques et de polypes dont les sucs peuvent être mortels pour l'homme et pour quelques ani- maux, aient eu dans leurs intestins quelques restes de ces vers mal-faisans qu'on n'aura pas eu le soin d'en ôter, et , par le moyen de ce poison étranger , aient causé des acci- dens plus ou moins funestes à l'iiomme ou aux animaux qui en auront mangé. Jl peut même se faire qu'une longue lialîitucle de ces alimens nuisibles ait déléiioré les sucs et altéré les cliaiis de quelques balisles, au point de leur donner des qualités presque ausçi délétères que celles que possèdent ces vers D E s B A L I s T E s. 225 vers marins : mais les balistes n'en sont pas moins par eux-mêmes dénués de tout venin proprement dit ; et les effets qu'éprouvent ceux qui s'en nourrissent, ne peuvent res- sembler aux suites d'un poison réel que lorsque ces cartilagineux ont perdu la. véri- table nature de leur chair et de leurs sucs , ou qu'ils contiennent une substance étran- gère et dangereuse. On ne doit donc manger de balistes qu'après les plus grandes précau- tions ; mais il ne faut pas moins retrancher le terrible pouvoir d'empoisonner des qua- lités propres à ces animaux. Les balistes s'aident , en nageant , d'une vessie à air qu'ils ont auprès du dos ,• ils ont cependant reçu un autre moyen d'augmenter la facilité avec laquelle ils peuvent s'élever ou s'abaisser au milieu des eaux de la mer. Les tégumens qui recouvrent leur ventre sont susceptibles d'une grande extension ; et l'animal peut , quand il le veut , introduiie dans cette cavité une quantité de gaz assez considérable pour y produire un gonflement très-marqué. En accroissant ainsi son volume par l'admission d'un fluide plus léger que l'eau , il diminue sa pesanteur spécifique , et s'élève au sein des mers. Il s'enfonce dans leurs profondeurs , en faisant sortir de l'iu- Poiss. Tome IV. P 526 HISTOIRE térieur de son corps le gaz qu'il y avoît fait pénétrer; et lorsque la crainte, produite par quelque attouchement soudain , ou quelque autre circonstance font naître dans le baliste une compression subite, le gaz, qui s'échappe avec vitesse, passe avec assez de rapidité et de force au travers des intestins, du gosier, de l'ouverture de la bouche et de celle des branchies, pour faire entendre une sorte de sifflement. Nous avons déjà vu des effets très-analogues dans les tortues ; et nous en trouverons de presque semblables dans plu- sieurs genres de poissons osseux , tels que les zées , les trigles et les cobites. Malgré le double secoms d'une vessie aérienne et de la dilatation du ventre , les balistes paroissent nager avec difficulté : c'est que la peau épaisse, duie et tuberculeuse, qui enveloppe la queue, ôte à cette partie la liberté de se mouvoir avec assez de ra- pidité pour donner à Fanimal une grande force progressive ; et ceci confii'me ce que nous avons déjà dit sur la véntable causé' de la vitesse de la natation des poissons. Tels sont les caractères généraux qui appartiennent à tous les balistes. Chaque espèce en présente d'ailleurs de particuliers que nous allons indiquer, en commençant par celle à laquelle nous avons conservé le D E s B A L I s T E s. 227 nom de vieille , et que nous devons faire connoître la première. Cette dénomination de vieille vient de la nature du sifflement qu'elle produit , et dans lequel on a voulu trouver des rapports avec les sons d'une voix afFoibîie par Tâge , et de la forme de ses dents de devant , que Ton a considérées comme un peu semblables à des dents décliarnées. Le baliste vieille parvient quelquefois jus- qu'à la longueur de trois pieds ou de près d'un mètre. L'ouverture des branchies est plus grande que sur la plupart des autres balistes ; trois rangs d'aiguillons sont ordi- nairement placés au devant de la nageoire tlioracliique ou inférieure , qui est très- longue, et ne contribue pas peu à défendre le dessous du corps. La nageoire de la queue est en forme de croissant (i); les deux rayons (i) Il y a communément à la membrane des bran- chies 1 . . . . 2 rayons. à la première nageoire dorsale . . 3 — à la seconde 29 aux nageoires pectorales .... i8 à la tlioracliique , improprement dite ventrale , 12 —-- — à celle de l'anns 2S età celle de la queue i^ p 2 «28 HISTOIRE qui en composent les pointes se prolongent en très-longs filaniens. De semblables pro- longations terminent les ra3^ons antérieurs de la seconde nageoire du dos, et le premier rayon de la première dorsale est très-fort et dentelé par devant. Voj^ons maintenant la nuance et la dis- tribution des couleurs dont est peinte le plus souvent cette belle espèce de baliste. Le dessus du corps est d'un jaune foncé et rayé de bleu ; ce jaune s'éclaircit sur les côtés , et se change en gris dans la partie inférieure du corps. L'iris est rouge ; et de chaque œil partent , comme d'un centre , sept ou huit petites raies d'un beau bleu. Cette même couleur bleue borde les lèvres, les nageoires pectorales qui sont jaunes, celle de Tanus qui est grise , et la caudale qui est jaune, et elle s'étend sur la queue en bandes transversales , dont la teinte devient plus claire à mesure qu'elles sont plus éloignées de la tête. La vieille se nourrit des animaux des coquilles. Elle est quelquefois la proie de gros poissons, malgré sa grandeur, sa con- formation et ses piquans : mais alors elle est presque toujours saisie par la queue , qui , dénuée d'aiguillons , est moins bien D E s B A L I s T E s. 229 défendue que le devant du corps, et d'ail- leurs est douée d'une force à proportion beaucoup moins considérable ; ce qui s'ac- corde avec ce que nous venons de dire sur la lenteur des mouvemens des balistes (ij. (i) « J'ai remarqué , dit Catesby , que tous les poissons de celte forme nagent lentement , et qu'ils sont la proie de ceux qui sont plus grands et voraces ; et quoiqu'il semble que la Nature ne les ait pas laissés absolument sans défense , leurs ennemis évitent ordinairement le danger de leurs armes défensives, en ne coupant avec les dents qu'une petite portion de leur corps , du côté de' la queue ; mais , comme tous les animaux de proie poursuivent et dévorent avec une furieuse ardeur , je conjecture que quelquefois, en s'avançant trop , ils s'enferrent dans ces os pointus , dont l'un entre dans la mâchoire supérieure et l'autre dans l'inférieure, ce qui les empêche de fermer la gueule; d'où il arrive que celui qui vouloit dévorer ce poisson est bientôt noyé , à moins qu'il ne puisse se défaire de sa proie ». ( Hist. nat. de la Caroline , tom. II , p. 22. ) De loin , la vieille ressemble à la brème ; elle a, suivant Bloch (Hist. nat. des poissons), l'estomac large ; le canal intestinal à deux courbures ; le foie mince , d'un jaune pâle et divisé en deux lobes, dont l'un est plus petit que l'autre; la vésicule du fiel petite ; la rate bleuâtre; la vésicule aérienne unie au diaphragme , forte et épaisse. Ou pèche les vieilles aux hameçons ; leur chair p 3 ^3o HISTOIRE On trouve la vieille non seulement clans les mers de lin de , mais encore dans celles n'est bonne que giillée, selon Marcgrave ( Hiat. nat. bras. p. 164); cuite de toute autre manière, elle est de mauvais goût. Cependant, dans d'autres parages , tels que ceux des îles de France et de Bourbon , l'on sert ces poissons sur les meilleures tables , parce qu'on leur trouve la chair ferme, savoureuse, saine, et de facile digestion ; mais on cesse d'y faire usage de cet aliment, et on le rejette comme dangereux dans ia saison où les mollusques et les polypes se multi- plient, parce que les vieilles , qui sont très-friandes de ces animaux et les dévorent avec avidité, con- tractent une qualité délélère , qui devient un poison très-actif pour ceux qui les mangent. Les symptômes de ce poison ont été décrits par M. Meunier, médecin à l'île de France, et depuis à Vhôtel des Invalides , dans une lettre adressée à M. Sonnerat (Journal de phys. du mois de mars 1774 7 p. 25i ). Il agit avec vivacité sur la tunique nerveuse de l'estomac, qui se contracte avec violence; la cir- culation du fluide vital est troublée, interrompue; ce trouble se communique bientôt à tout le genre nerveux ; l'ébranlement et l'agacement sont généraux j les convulsions succèdent aux contorsions des mem- bres, à l'épaississement de la langue, à la fixité des yeux , aux mouvemens convulsifs des muscles du visage, à la difficulté de la respiration, à d'horribles tranchées , et le malade périroit dans cet état cruel, si par des remèdes prompts on ne s'opposoit aux dangers de ces symptômes effraj^uns. Les moyens D E s B A L I s T E s. 2^1 d'Amérique , où cetle espèce , en subissant quelque changement (1) dans le nombre des rayons de ses nageoires et dans les teintes curatifs sont les éméliques à grande dose, sans re- douter leur effet quelquefois trop puissant, qu'on arrête à volonté , au moyen des corps gras , les huileux et les laveinens, les cordiaux qui procurent des sueurs. Quand tous les accidens ont disparu, on donne avec succès les acides végétaux en limonade, et la cure se termine par les minoratifs. La conva- lescence entière est ordinairement de huit jours, si toutefois le malade n'a pas mangé une trop grande quantité de vieille; car alors les accidens sont plus graves et plus longs. M. Meunier a traité un soldat qui , ayant mangé la moitié d'une vieille , fut à toute extrémité; après sa convalescence, qui fut longue à arriver, il sentit pendant long-tems des douleurs dans les bras et sur-tout dans les jambes ; elles se dissi- pèrent par l'usage des citrons et des tamarins. Il résulte des observations de M. Meunier, que le prin- cipe de la maladie, occasionnée par la vieille prise en aliment , est dans le genre nerveux, ébranlé et agacé par la causticité de cette nourriture. Sonnini. (i) On compte dans une de ces variétés : A la première nageoire du dos. ... 5 ra3^ons. A la seconde 27 Aux pectorales j4 A la thorachique 14 A celle de l'anus aS A celle de la queue 12 p 4 iSa HISTOIRE de ses couleurs , a produit plus d'une va- riété (i). (i) Nous avons (lit précédemment ( voyez ma der- nièrt? note } que les vieilles éloient communes dans les eaux qui baignent les côtes des îles de France et de Bourbon ; elles le sont aussi dans les mers de la Chine et du Japon. M^rcgrave en a vu au Brésil , Browne à la Jamaïque , Catesby à la Caroline , Plu-^ mier en Amérique au dix-septième degré de latitude septentrionale , etc. Il y en a de monstrueuses à Tem^ bouchure de la Gambie ; elles sont très-nombreuses au cap Blanc et sur d'autres points de la côte occi-r* dentale de l'Afrique- So^kï^i. D E s B A L I s T E s. 255 L'ÉTOILE. LE BALISTE ÉTOILE (i) , PAR LACÉPÈDE, DEUXIÈME ESPECE. \^ E cartilagineux, décrit par Commerson,' et vu par lui dans la mer qui enloure Tlle de France , ne présente pas des couleurs aussi variées ni aussi vives que celles de la plupart des autres balistes ; mais celles qu'il montre sont agréables à l'œil , distribuées avec ordre , et d'une manière qui nous a indiqué le nom que nous lui donnons. Il est gris par dessus, et blanchâtre par dessous; des raies longitudinales et d'un blanc mêlé de gris s'étendent sur la seconde nageoire du dos et sur celle de l'anus , et des taches presque blanches, très-petites, et semées sur la partie supérieure du corps, la font paroître étoilée. (i) Batistes gi'iseus , dorso macuUs lenticularihu& et exalbidis consperso ^ ventrali unicâ spuriâ. Coimnei;-' &on , manuscrits déjà cités. 254 HISTOIRE Cette parure simple , mais élégante , fait ressorlir les formes qui suivent. Un sillon assez profond est creusé sur le devant de la tête; l'ouverture de chaque narine est double,* celle des branchies est très -étroite 5 placée presque perpendiculai- rement au dessus de Torigine des nageoires pectorales, et située au devant d'un petit assemblage d'écaillés osseuses plus grandes que les autres. On compte à la première nageoire dorsale trois rayons, dont le premier est très-long, très-fort, et dentelé par devant (i). La nageoire dite ventrale consiste dans un rayon très-gros et très-dur , ainsi que dans huit ou dix autres beaucoup plus courts, mais très-forts, et rendus comme immobiles par la peau épaisse dans laquelle ils sont engagés. Celle de la queue est un peu éclian- (i) L'individu observé par Coramersoii avoit seize pouces , ou près d\in demi-mètre , de longnenr. H y avoit à la seconde nageoire dorsale 26 rayons. à celle de l'anus .24 aux pectorales i5 et à la nageoire de la queue. , . 12 Tous ces rayons étoient mous, excepté le premier de la seconde dorsale , le premier de la nageoire de l'anus , le premier et le dernier de celle de la queue. D E s B A L I s T E s. a35 crée en croissant. La seconde dorsale et celle deTanus renferment presque un égal nombre de rayons , et par conséquent paroissenfc presque égales. Peut-êtie faudroit-il rapporter à Tétoilé un baiiste que le professeur Gmelin a nommé le 'ponctué (i) (2), qu'il ne paroît avoir connu que par ce qu'en a écrit le docteur Nieuliof , et duquel il dit seulement qu'il habite les mers de l'Inde, et qu'il a le corps ponctué, ou semé de petites taches. c» . ... (1) Batistes punctatus. Lin. édit. de Grael. Stipvisch. Nieuliof, Ind. 2, p. 275. (2) Balistes corpore punctato balistes punc- tatus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i55 , sp. i5. S o N N 1 N I. 236 HISTOIRE L' E C H A R P E. LE BALISTE ÉCHARPE (i), PARLACÉPÊDE. TROISIÈME ESPÈCE. JLiA forme de ce poisson ressemble beaucoup à celle de presque tous les autres baîistes ; mais ses couleurs très-belles , très-vives, et distribuées d'une manière remarquable, le font distinguer parmi les différentes espèces de sa nombreuse famille. L^extrémité du museau de l'écharpe est peinte d'un très-beau bleu de ciel, qui y représente comme une sorte de demi-anneau. La tête est d'ailleurs d'un jaune vif, qui devient plus clair sur les côtés , et qui se change, dans Tentre-deux des yeux, en un ( I ) Batistes , rostri semi - annulo cœruleo ; gen is îafeis ; intertititio oculorum smaragdino cum lineis tribus nigris transverais ; fasciâ nigrâ latissimâ ah oculis ad anum obliquatâ ; aculeis caudœ triangidé nigro interclusis, Comxnex'son , manuscr. dtjà cilés. DES BALISTES. a57 fond d'aigue-marine , sur lequel s'étendent trois raies noires et transversales. Une autre ligne bleuâtre descend depuis le devant de l'œil jusques vers la base de la nageoire pectorale ; et au delà de cette ligne une bande d'un noir très-foncé part de l'œil , et, allant obliquement et en s'élargissant jusqu'à l'anus et à la nageoire anale , forme sur le corps du baliste une sorte d'écharpe noire que les nuances voisines font ressortir avec beaucoup d'éclat , et qui nous a indiqué le nom que nous avons cru devoir donner au cartilagineux que nous décrivons. Cette écharpe est d'autant plus facile à distinguer, que son bord postérieur piésente un liseré bleuâtre qui, vers le milieu du corps , donne naissance à une raie de la même couleur,* et cette dernière raie par- vient jusques aux rayons postérieurs de la seconde nageoire du dos, en formant sur le côté de l'animal le sommet d'un angle aigu. Entre les deux branches de cet angle on voit sur le côté de la queue un triangle noir et bordé d'un bleu verdâtre , et un anneau d'un noir très-foncé entoure la base de la nageoire caudale. Î238 HISTOIRE Tout le reste du corps est d'un rouge brun 5 excepté la partie inférieure comprise entre le museau et le bout de Téchaipe : cette partie inférieure est blanche. La seconde nageoire du dos et celle de l'anus sont transparentes , ainsi que les pec- torales, dont la base est noire, et dont le bout est marqué d'une belle tache rouge. Voilà donc toutes les couleurs de Farc- en-ciel distribuées civec agrément et régu- larité sur ce baliste, et leurs teintes relevées par cette espèce d'écharpe noire qui traverse obliquement le corps de l'animal. A l'égard des formes particulières h ce poisson, il suffira de faire remarquer que sa tête est alongée; que l'on compte dans la première nageoire du dos trois rayons, dont le premier est dentelé, et le ti^oisième très- court et éloigné des deux autres; que celle dite du ventre est composée d'un rayon gros, osseux , hérissé de pointes , et de huit ou dix petits rayons contenus par une mem-^ brane épaisse (i); et sur chaque côté de la (i) Il va à la seconde nageoire du dos 23 rayons* aux nageoires pectorales. . . . i3 — — à la llioracliique. . . .,♦ • • • 9 ou n ^ D E s B A L I s T E s. aSg queue il y a quatre rangées d'aiguillons recourbés vers la tête. Nous avons tiré ce que nous venons de dire des manuscrits de Conimerson, qui a trouvé et décrit le baliste écharpe dans la mer voisine de Tiie de France. — - — à celle de l'amis 20 et à celle de la queue 12 La nageoire de la queue est en arc de cercle, sui- vant le texte de Commerson , et terminée par une ligne droite , suivant le dessin du même auteur. S40 HISTOIRE LE DOUBLE -AIGUILLON, BALISTE DOUBLE-AIGUILLON (j)(2), PAR LACÉPÉDE. QUATRIEME ESPECE. JLjes mers de l'Inde, si fécondes en poissons, et particulièrement en balistes, nourrissent le cartilagineux auquel nous avons conservé (1) Baliates biaculeatus. Lin. édit de Gmelin. — Blocli, pi. cxLviii , fig. 2. — Gronov. Mus. i , p. 52, n*^ ii5-, Zooph. n'* 194. Piscis cornutus. Willnglib. Iclitli. app. p. 5, tab. 10, fig. 2. — Ray, Fisc. p. i5i , n'* 12. Baliste à deux piquans. Bonaterre , planches de TEncyclop. mélliod. Hoorn-visch. Nieuhof , Ind. 2, p. 212^ tab. 228, fig. 5. (2) Le baliste à deux piquans. En allemand , zwei- êfachelichter hornfisch» En hollandais , hooni - visch et steekelbuik. Salistes aculeis in ventre binis* • halistes l« DES BALISTES. s4i le nom de double aiguillon ^ d'après le savant professeur Bloch de Berlin, qui le premier l'a fait connoître avec exactitude aux natu- ralistes. Cet animal présente plusieurs carac- tères fortement prononcés : son museau est ti'ès-long et terminé par une sorte de groin; quatre rayons composent la première na- geoire dorsale; une ligne latérale très-sensible part de l'œil, suit à peu près la courbure du dos, et s'étend jusques à la nageoire caudale, qui est fourchue; la queue est plus étroite à proportion que dans plusieurs autres ba- listes; et, pour représenter la nageoire dite ventrale ^ on voit , derrière une tache noire, deux rayons très -longs, très- forts , très- dentelés, et qui, placés à côté l'un de l'autre, peuvent être couchés vers la queue, et ren- fermés, pour ainsi dire, chacun dans une fossette particulière. hiaculeatus. Lin.Syst. nat. edit. Gmel. gen. i55, sp. 9. — Artedi , Gen. pisc. gen. 58 , sp. 19 , adJitam. Balltites dorso triacantho , aculeis binis loco pinna- rum ventralium , caudâ bifurcâ, Gronov. Mus. i , p. 52 , n** II 5. Batistes radiis ventraliJjus binis subulatis diver^ gentibus. Idem , Zoopli. n** 194. Sonnini. Poiss. Tome IV. Q 242 HISTOIRE Le balisle double-aiguillon est crailleur» gris par dessus , et blanchâtre par des- sous (i) (2). (1) A la première nageoire du dos. » /^^TRyons. A la seconde 25 Aux pectorales i5 A celle de l'anus 17 A celle de la queue 12 (2) C'est Nieuhoff qui a le premier fait coiinoîfr« cette espèce ; mais le dessin qu'il. a joint à sa descrip- tion manque d'exactitude. Bloch en a publié une très- bonne figure d'après un individu qui lui a été en- voyé du Japon. S o k n i N i. D E s B A L I s T E s. 243 LE BALISTE CHINOIS (0(2). P A II I. A C É P È D E. CINQUIÈME ESPÈCE. v^^EST dans la mer qui arrose les rivages de la Chine que Fou trouve ce balisle. que Ton voit aussi dans celle du Brésil. La pre- mière nageoire dorsale de ce poisson ne (i) Ballstes ùnensis. Lin. éclit. Gmel. Baliste chinois. Coiiat. pi. de rEnc3^cl. mélliod. — Blocll 5 pi. CLII , ^V^. I. Balistes chinensis. Osb. It. p. 147. — Gron. Mus. 2, n** 196; Zooph. n^ 189. Plra aca. Maicgr. Brasil. p. i54- — Willugljby, Iclitli. p. i5o ; tab. i , 4> ^g* i* — I^^y» Pisc. p. 47* Monoceros , piscis Clusli , pira aca Marcgr. — Plumier , dessins sur véliu déjà cités. ( La figure est peu exacte. ) (2) Le balisle chinois. Eu allemand, chinesischer Jiornjîsch ç\. hradiianischer. ku.J^ïks\\, pira aca. Balistes radio in capite unico , pinnâ ventrali uni- câ haliiites sinensis. Lin. Syst. nat. eclit. Gm fig 154. Ihaii kipas , pvajer - visch. Valent, lad. 3 ^ p» 55G , n^ 28 , fi,i^ 28. (2) La baliste velu. Aux ludes orientales, ihan hipaê » , 'J D E s B A L I s T E s. 247 ont de très-grands rapports Vun avec l'autre, et parce qu'ils sont séparés par un petit 1 ■ ■ ■ — < et eivaut-i>e. En alleniand , hleiner einhornfisch. En Hollande , tvajer-visch , horn-uisch , spaer-vi^ch. En anglais , Utile old-wife. Quelquefois par les naviga- teurs français , petite licorne. Balistes pinnâ capitis hiradiatâ , corpore posterius subvilloso, , . batistes tomentosus. Lin. Syst. nal. edit. Gmel. gen. i55 , sp. 3. — Artedi , Gen. pisc, gen. 58, »p. 9. additam. Balistes unicolor asper , aculeo dorsi poslicè parte cuniculis serrato. Seb. Mus. 3 , p. 63 , n*^ 18, tab. 24, fig. 18. Balistes radio dorsali posticè dupliciter serrato , pinnâ ventrali minore qnàm radius : laterihus pilosiê ad caudam. Gronov. Zoopb. n"^ 191 ^ lab. 6 , fig. 5. S 0 N N 1 N I. (5) Balistes papillosus. JAn, cclit. de Gniclin. Baliste mameloné. Daubenton , Encycl. métbod. — ^ IBonaterre , plancbes de l'Encycl. métbod. Balistes grnnulatus , pinnâ dorsali anteriore hira- diatâ , corpore granoso, — Décrit par Hunier, dans l'AppendiK de la relation anglaise du voyage à la nou- velle Galles méridionale, par Jean Wbite , premier cliirurgien de l'expédition commandée par le capitaine Pbilipp. — pi. xxxix, fig. 2. . (4) Balistes pinnâ dorsali anteriore hiradiatâ , cor' pcre papilloso, . , , balistes papillosus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i55, sp. 4* — Artedi, Gen. pisc, gen. 38; sp. i5. additam. Som>jini^ Q 4 548 HISTOIRE nomb^^e de différences d'avec les poissons de leur genre. Le baliste velu, qui se trouve dans les mers de l'Inde, a le corps assez mince; sa première nageoire dorsale ne présente que deux raj^ons, dont l'antérieur est court , mais fort, et garni par derrière de deux rangées de pointes; de petits aiguillons re- courbés sont placés sur les cotés de la queue. La couleur de l'animal est d'un brun qui se change, sur les cotés, en jaune, ensuite en gris, et enfin en jaune plus ou moins clair, et qui est souvent varié par des taches noires et alongées (i) (2). (i) A la seconde nageoire dorsale . . 5i rayons. Aax pectorales 9 ou lo A celle de l'anus 27 A celle de la queue g (2) L'ouverture de la bouche du baliste velu est petite; les mâchoires sont d'égale lonj^ueur , mais la supérieure est garnie de dix dents , et riuférieure de huit. Les narines qui sont doubles se trouvent tout près des yeux , et l'ouverture des ouïes n'est pas éloignée de la nageoire pectorale. Les j'-eux ronds ont la prunelle noire et l'iris jaune. La ligne latérale n'est point apparente. Sur le dos on remarque un sillon dans lequel le poisson peut coucher son piquant. Cette espèce forme le passage entre les balistes et les héris- sons à quatre dents j il ressemble aux premiers par DESBALISTES. H9 Le mamelonné n'a que deux rayons à la première nageoire du dos, comme le velu; mais son corps est parsemé de petites pa- pilles ou de petits mamelons (1). Il a été péché auprès des rivages de la Nouvelle-Galles méridionale. Suivant le texte de la relation citée dans la note de la page précédente, ce poisson est d'un gris blanchâtre ; et suivant la figure coloriée qui accompagne ce texte , il est d'un jaune noirâtre avec la tête lilas. les dents , la première nagecire du dos et celle du. "ventre , et aux derniers par la rudesse du ventre et par la fcicuUé de gonfler celte partie. Les premiers rayons des nageoires du dos et de l'anus sont foarcJius, et 1er, autres simples; mais ceux de la nageoire de la queue sont ramifiés. Toutes les nageoires sont de cou- leur jaune. Ce n'est pas seulement dans les mers de l'Inde que se trouve le baliste velu-, on Ta péché aussi près des côtes de la Jamaïque. Il parvient à la lonj^ucur de sept à huit pouces , et se nourrit de vers et d'insectes aquatiques. Selon Ruyf;ch , sa chair est sèche et de mauvais goût j on ne la mange jamais fraîche ; mais lorsqu'elle est salée, elle devient bonne. (Blocli^ Hist. nat. des poiss. article de Xa. petite licorne.) Sonnini. (1) A la seconde nageoire du dos , . 29 rayons» Aux nageoires pectorales lù A celle de l'anus 21 A celle de la queue I2 sSo HISTOIRE LE BALISTE TACHETÉ (i)(2), PAR LACÉPÊDE. HUITIÈME ESPÈCE. LvE poisson habite dans les mers chaudes du nouveau et de rancieiî continent. Il (i) Batistes maculatus. \À\\. cdif. de Gmelin. Batiste tacheté, Bonat. pîanclios de l'EncycL métbo — Bloch, pi. cLi. Capriscas miirium dentibus miniifis , etc. Klein, Miss. pisc. 5 , p. 25 , n^ 6 , tab. 5 , fig. 9. Guaperva tonga. AVilluglib}^, Icbth. append. p. 21 3 tab-. 1 , 20. — - Bay, Pisc. p. 48 , n" 2. Little old-wife. Bro^vr.e, .Tarn. p. 4^6 , n^ 2. Prichle , or tong jîle-firji. Gron. Mus. p. j i5, tab. 7. Maan-uisch , poisson de lune , turin saratfe. Renard, Poiss. 2 , lab. 58, lig. i38. ' (2) Le batiste ^<2C/^ et 2, pi. XXVIII , fig. i36 , et pi. XXXIV, fig. 157. Batistes fuscus ex ruhro et aureo obliqué virgatus , pinnâ dorsi prima triacanthâ , ossiculo xyphoïde scaberrimo ; pinnarum ventrallum loco , aculeis an- irorsum versis duplici ordine utrinque ad caudani. Commerson , manuscrits déjà cités , c[uatrième caliier de zoologie. (2) Le batiste épineux , baliste à pointes. En arabe; DESBAtlSTES. sgf n'ont que deux rayons à la premièie na- geoire du dos. Nous allons maintenant voir un plus grand nombre de rayons à cette pre- mière nageoire dorsale. Le baliste épineux en présente trois dans celte partie de son corps. Plusieurs piquans sont placés sur son ventre à la suite du rayon garni de pointes qui compose la nageoire thorachique ; et de plus on voit, de chaque côté de la queue, des aiguillons recourbés en avant , et dont le nombre de rangées varie depuis deux jusqu^'à cinq , suivant Tàge , le sexe ou le climat. Les couleurs de ce poisson sont ichaaram. En allemand , stachelschwanz. Par les hol- landais qui habitent les Indes, sounoeh , hoornvisch , maan-visch , speer-visch , japantche klippvisch. Au Japon , ikan batoe. Quelquefois en français , gros pou- pon , indien bigarré. Balistes pinnâ dorsali anteriore triradiatâ , caudœ laterihus spinis recumhffntibus . . . balistes aculeatus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. n^en. i55 , sp. 6. Balistes aculeis quinque in utroque latere. Artedi , Gen. pisc. gen. 58 , sp. 5. — Synonjnn. p. 82 , n^ 4- Balistes dorso triacantho et tribus ordinihus aculco- rum utrinque versus caudam. Scba , Mus. tom. III, p. 65,n° i5,lab. 24, %. i5. Balistes rostro subobtuso , radio dorsali antrorsum serrato y ventrali humili scabro. Gronov. Zoophit* fag. 188, So ,N N IN I. R 3 ^63 HISTOIRE très-belles. Les voici telles que les décria Commersoii , qui a observé plusieurs fois ce baliste en vie et nageant au milieu des eaux qu'il préfère. L'animal est d'un brun foncé; mais, sur ce fond obscur, des raies transversales, rouges sur le devant du corps, et dorées sur le derrière , s'étendent oblique- ment , et répandent un éclat très-vif. Les yeux , les lèvres et la base des nageoires pectorales sont d'ailleurs d'un rouge de vermillon , dont on aperçoit des traces plus ou moins fortes , et mêlées avec un peu de jaune sur les autres nageoires , et particu- lièrement sur celle de la queue , où les intervalles qui séparent les rayons sont bleuâtres (j) (2). m I I I II (i) A la membrane des branchies. . . 2 rayons. A la première dorsale 5 A la seconde aS Aux pectorales i5 A celle de l'anus. 23 A celle de la queue 10 Cette dernière est terminée par une ligne presque droite. ♦ (2) Le corps de ce poisson est large , et sa surface rude; sa tête grosse se termine en pointe émoussée. La bouche est petite; les deux mâchoires sont d'égale longueur et armées, celle d'en haut de douze dents , D E s B A^^L I s T E s. 26? Ce baliste habite la mer Rouge et ] n^ 4* Guaperva lata ad caudam sfrlafa, Listeri. ^Til- lughby , Ichtli. app. p. 21 , n° 5 , tab. i , 24. — Ray , Pi.sc^ p, 49 , ii«» 5. Balistes niger , lineâ albâ dorsi. Comraerson , Ma- nuscrits déjà cites. Ikan handawara. Valent. Tnd. 5 , p. SSg, fîg. 42. Baliste noir, holkenboatl ee' khndatvar. Renard, Poiss. I , p. 26, tab. ij, fig. 96; et p. 27, tab. i8,fig. 98. (2) Le baliste sillonné ; le baliste noir. Aux Indes , holkenbufti et har^awaar. En allemand, schwarzer einhornfisch. En hollandais , grynzert. Batistes pinnâ dorsali anteriore triradiatâ , lateè 266 HISTOIRE de sa seconde nageoire dorsale et de celle de Tan us. Une raie longitudinale blanche , et quelqiiefois bleue , s'étend sur ces bases. Une rangée de tubercules garnit l'intervalle compris entre l'anus et le rayon qui tient lieu de nageoire thoiacliique. Les côtés de Ja queue sont comme sillonnés ; chacune des écailles qui les revêtent présente dans son centre un tubercule ou petit aiguillon obtus tourné vers la tète ; et , par une suite de cette conformation, ces côtés sont plus rudes au toucher que la partie antérieure du corps (i) (2). On trouve le sillonné dans rihus capitîs triplicatis , caudà hifidà halistes ringens. Lin. Syst. nat. eilit. Gmel. ^çn. i55, sp. 8. — Avtccli , Gen. pisc. gen. 38, f^p. 4- Balistes rostro obtuso , radio dorsali ventralique hrevi retuso scahro ; laterlbus parallèle punctatis. Oroiiov. Zaopli. p. 195. S o n n 1 N i. (r) A la première nageoire dorsale. . 3 rayons. A la seconde 55 Aux pectorales i5 A celle de l'anus 5i A celle (le la queue lO Cette dernière est en forme de croissant. (2) Ce poisson a la tête courte* l'ouverture de la bouche plus large que dans les aulnes espèces du m.eme D E s B A L I s T E s. 267 la mer de la Chine, et dans celle qui borde les côtes orientales de l'Afrique (i). genre ; les mâchoires d'égale longueur , et armées chacune de six dents larges , et assez semblables aux dents humaines ; les yeux ronds j la prunelle noire et l'iris blanc. S o n n i n i. (1) Lorsque le batiste sillonné est poussé par les Tagues sur le bord de la mer, l'on peut , avec du pain , le faire approcher d'assez près pour le prendre à la main. 11 devient plus gros que les autres poissons du même genre. Lister est le premier qui ait donné connoissance de cette espèce. Sonnini. 268 HISTOIRE LE BALISTE PORC. LE BALISTE CAPRISQUE (i)(2), PAR XACÉPÉDE. QUATORZIÈME ESPECE. v^N ne trouve pas seulement ce poisson dans les mers chaudes de l'Inde et de (i) Dans plusieurs départemens méridionaux ,porc. En Sicile et dans d'autres contrées de l'Italie ,/?orco. Far plusieurs auteurs anciens, caper ^ aper , corpus y sus , mus marijius, Balistes capriscus. Lin. érlit. de Gm^lin. — Gronov. Zooph. n'* 187, Mus. i,p. 55,n"ii7.— Seb. Mus. 5 , tab. 24 , fîg. ]6. — Klein , Miss. pisc. 5 , 24 , n^ 1. — Gcsner, le. p. Sy. — Alclrov. Pisc. p. 5i6. — Jonst. Pisc. lab. 23, fig. 7. — Willughb. Ichth. p. 162 , tab. i, 19. — Ray, Pisc. p, 47* Caper. Plin. Hist. mundi , lib. 11, csp. 5i. Caper. Salvian. Aquat. p. 207, 208 \ tab, 206 , b. Poupou noble. Renard , Poiss. tab. i , fig- 7. Capriscus Rondeletii. Plumier, dessins sur vélin déjà cités. Porc. Rondelet, première partie , liv. 5 , chap. 26. — Arist. Ilist. anim. lib. 2, cap. i5 -, et lib. 4, cap. 9. — Athen. liv. 7, 1 52, 40, et i6.3,5. — jEliati^ lib. 12, cap. 26. DES BALISTES. 269 rAmérique, on le rencontre aussi dans la Méditerranée ,* et c'est à ce cartilagineux que Pline a , d'après Aristote , appliqué le nom de caper, et qu'il a attribué la faculté de faire entendre une sorte de bruit ou de petit sifflement, laquelle appartient en effet à tous les batistes , ainsi que nous l'avons vu. Les couleurs du caprisque sont belles et chatoyantes; il présente en Amérique, et d'après les dessins enluminés de Plumier , (2) Le baliste porc. En grec, kapros , dans Aristote et Athénée ; haprishos aussi dans x^thénée ; choiro^ dans Slrabon , suivant Rondelet ; myn dans Elien et Oppien j ys d'Epicliarme dans Atliénée. En latin, sus^ Ovid. ; caper , Plin. ; aper , Gaz. nd Aristot. Belon, Gesner; caper sîve capriscus. A ^ome , pesce halestra. Batistes radio dorsall cintrorsuni serrato , ventrali humili solij,ario , caudâ rotundatâ , rostro subohtuso..,. batistes capriscus. luin.Sy st. nal. edit. Gmel. gen. i35, sp. i5. Batistes latus , eltipticus , piiinâ dorsali priore tria^ canthâ y caudâlique parvâ truncatâ batistes ca~ prisais^ Artedi , Gen. pisc. gen. 38, sp. 17. Batistes tetraodon , dorso diacontho , aculeo unico in ventre j caudâ subrotundâ. Gronov. Mus. 1 , p. 55 , Batistes dorso triacantho , squamis undique acu- leatis. Seb. jVIus. tt)in. Jll, p. 63, n* 16/ tab. 24, iig. i6. S o JN ^ I N I. 270 HISTOIRE une teinte générale d'un violet clair et cha- toyant 5 qui donne à tout son corps les nuances variées que Ton admire sur la gorge des pigeons ; et l'iris de ses yeux , assez grand , d'un bleu très-vif , et bordé d'un jaune éclatant , paroît , au milieu du fond violet dont nous venons de parler > comme un beau saphir entouré d'un cercle d'or. A des latitudes plus élevées, et particu- lièrement dans la Méditerranée , le caprisque est quelquefois semé de taches bleues sur le corps , et bleues ainsi que rouges sur les nageoires ; et des nuances vertes se font remarquer sur plusieurs parties de l'animal. Il ne diffère d'ailleurs des poissons de sa famille que par les caractères distinctifs que l'on a déjà pu voir sur le tableau de son genre, et par le nombre des rayons .qui com- posent ses nageoires ( i ). (i) Le baUste porc a ses écailles si fortement a(lhé- renteset si rudes , que l'on en peut polir du bois et de l'ivoire , comme avec la peau des squales. Sa bouche est petite à proportion du corps; ses dents sont très- sortes et très- aiguës^ son foie est blanc : sa chair est dure et mauvaise. Sonmini* DES B'A LISTES. 271 LE BALISTE QUEUE-FOURCHUE (i)(2), PAR LACÉPÈDE. QUINZIÈME ESPECE. Xja première nageoire du dos de ce poisson est composée de trois rayons , dont Tanté- (t) Ballstes forcipatus. Lin. édit. de Gmelin. Batistes caudâ bifurcâ , pinnâ dorsi maculosâ, Arted. gen. 54 , syn. 82. — Willughby , Iclitli. app, p. 21 , lab. I , 22. (2) Guaperua lata, caudâ forcipatâ , pinnâ dorsall maculif; quibusdam diatinctâ. Lister in Willughb, Ichth. append. p. 21 , tab. i , fig. 22. Batistes caudâ bifurcâ ^ pinnâ dorsall muculosâ, . . batistes forcipatus. Lin. Syst. n.il. edit. Gmelin , gen. i55 , sp. i\. — Artedi,Geii. pisc. gen. 58, sp. 3. — Synonym. p. 82 , n^ 3. Batistes pinnâ dorsall trlacanthâ ventrall mani- festa ; caudâ forcipatâ batistes spitotopterygius, Walbaiim , iiov. edit. Gen. pisc. Arted. gen. 38, sp. 3« additam. The broad guaperva. Hill , Hist. animal, p. 282. S O N N l N I. â72 HISTOIRE rieur, très-long et très-fort, représente une sorte de corne , et est hérissé , de tous les côtés , de tubercules et de petites dents. La seconde nageoire dorsale est d'ailleurs re- marquable par les taches qu'elle présente; et celle de la queue est fourchue (i). (i) C'est un poisson des mers de rAméiique méri- dionale. Son N 1 N I. LE D E s B A L I s T E s. 273 LE BALISTE BOURSE (i) (2) , ET LE BALISTE AMÉRICAIN (5) (4), PAR LACÉPÈDE. SEIZIÈME ET DIX- SEPTIEME ESPECES. 1 L faut prendre garde de confondre le premier de ces poissons avec le balisie vieille, qui, selon Plumier et d'autres (i) Batiste bourse. Sonnerat , Journal de physique , an. 1774» — Bonatorre, planches de l'Encycl. raétliod. (2) Aux îles de France . de Bourbon et de Mada- gascar , bourse. S o N n i n i. (5) Balistes omericanus. Lin. édit. de Gmelin. — Gronov. Zooph. n^ 192. Balistes nigricans ; rostro, maculis , pinnis pectorls , dorsi , ani , dimidiâque caudâ , exalbidis ; triplici aculeorum série ad caudam. Com,înerson , manuscrits déjà cités. Batiste tacheté . Sonnerat , Journal de physique , tom. ITI, p. 445. Batiste noir. Bonaterre , planches de l'Encycl. méthod. (4) Sonnerat appelle cette ef^pece , guaperua tacheté, Balistes radio dorsati ventralique humiltimo ,pinnâ dorsali secundâ analique triquetrâ majore* ,*,,,, » Poiss, Tome IV. S £74 HISTOIRE voj^ageurs , a reçu , cîaus quelques colonies occidentales, et particulièrement à la Mar- tinique 5 le nom de bourse. Celui dont il est question dans cet article , non seulement n'est pas de la même espèce que la vieille , mais encore appartient à un sous -genre différent. Ce cartilagineux présente une couleur d'un gris plus ou. moins foncé sur toutes ses parties , excepté sur la portion antérieure et inférieure du corps , qui est blanche ; et ce blanc du dessous du corps est séparé du gris , d'une manière si tran- chée 5 que la limite qui divise les deux nuances forme une ligne très- droite , placée obliquement depuis l'ouverture de la bouche jusqu'à la nageoire de l'anus. On voit d'ail- leurs de chaque côté de l'animal une ban- delette noire en forme de croissant, située entre l'œil et la nageoire pectorale, et qui renferme dans sa concavité une tache éga- lement noire et.faite en forme d'une sorte hallstes americanus. Lin. Syst. naL. edit. GmeU gen. i55 , sp. i8. Batistes radio dnrsali veniralique humillimo ; pinnâ doT\si secundâ analique triquetrâ majore balistes macropterus* Arledi , Gen, pisc. gen. 58 ; ep. i8* DES B A L î S T E S. 275 8y gï^ec (1). Ce poisson habite auprès de rile de France ; et c'est le citoyen Sonnerat, l'un des plus anciens correspondans du toiuseum d'histoire naturelle , qui Ta fait connoître. Milgré les rapports qui lient le baliste bourse avec le balisle américain, il est aisé de les distinguer l'un de l'autre, même au premier coup d'œil, en regardant la nageoire de la queue : elle est terminée par une ligne droite sur la bourse, et on la voit arrondie sur le baliste américain. Ce dernier a dé plus sur chaque côté de la queue trois ran- gées de petits aiguillons recourbés, que l'oU ne trouve pas sur le baliste bourse, et les nuances ainsi que la distribution des cou- leurs sont très-différentes sur l'un et l'autre de ces poissons. L'américain ne présente que du blanc et du noir, mais disposés d'une manière qui lui est paiticulière. Tout son corps est noir,* et sur ce fond , un blanc très- éclatant environne l'ouverture de la bouche (f) A la première nageoire dorsale. . 5 rayons» A la seconde 29 A chaque nageoire pectorale 14 A celle de l'anus 26 A celle de la ^ueue 12 s a S76 HISTOIRE^ comme un double cercle , s'étend en petites bandelettes au devant des yeux, occupe la go)^ge, paroît en grandes taches irrégulières de chaque côté du baliste^ et se montre sur les nageoires pectorales , sur la seconde du dos, sur celle de l'anus, et sur la base de celle de la queue. Telle est la parure de goût que montre l'américain non seulement dans les mers voisines de l'Amérique équa- toriale, dans lesquelles il a été observé par plusieurs voyageurs , mais encore dans celle qui sépare l'Afrique de l'Asie, et dans la-- quelle il a été examiné par Commerson, qui l'a décrit avec beaucoup de soin (i) (2). (i) A la première nageoire du dos. . . 3 rayons. A la seconde 28 Aux pectorales. . 1 5 ou 16 A celle de l'anus 28 A celle da la queue 12 (q) Ce poisson est ordinairement couvert sur le dos d'une humeur visqueuse qui le rend brillant et re- hausse sa couleur \ il est communément d'un pied de long. C'est une des espèces qui , dans certaines saisons occasionnent des accidens graves lorsqu'on les mange. On a remarqué , dit M. Sonnerat , que plus la cou- leur rouge des dents de ce poisson tire sur le brun , j)lus les maux q^u'il cause sont terribles. S O N N I N li DES BALISTES. 277 LE BALISTE VERDATRE (1) , LE BALISTE GRANDE-TACHE (2) , LÉ BALISTE NOIR (5), LE BALISTE BRIDÉ,' ET LE BALISTE ARMÉ (4), PAR LACÉPÈDE. 18^, 19®, 20^, 21^5 22^ ESPÈCES. IN OU S plaçons clans le même article ce que nous avons à exposer relativement à cinq espèces de balistes que les naturaliste^ n'ont pas encore connues, et dont nous avons (i) Balistes èfusco viridescens , genis aureis , gulâ suhteriits pallidè cœrulescente ; pinnls dorsi y ani et ^aiidœ , hasi obsolète jlavescentihiis , extlmo limho nlgfis. Cornmerson, manuscrits déjà cités. (2) Balistes fuscits , macula pectorall maximâ , jjostreniisque pinnarum marginibits alhis , caiidâ inermi longe bifurcâ , genis sextupllci perrucaruTTt série notatis. Commerson. (5) Balistes totits niger. Commerson. (4) Balistes ssxtuolici aculeonun ordine ad caudatn utrinque , caudâ margino extrsmo et lateribus albâ» Gommerson. s 5 igyB HISTOIRE trouvé des dessins ou des descriptions pîu^ ou moins étendues dans les manuscrits de Gommer son. Le verdâtie est un des plus grands de son genre. Nous avons tiré le nom que nous lui avons donné, de la couleur qui domine le plus sur ce cartilagineux. La plus grande partie de son corps est en effet d'un verd mêlé de teintes de biun et de jaune : mais on voit un point noir au centre de piesque toutes les écailles, ou, pour mieux dire, de tous les groupes que les écailles forment. Les deux côtés de la tête sont d'ailleurs d'une couleur d'or foncée; le sommet en est d'un bleu noirci tre avec de petites taches presque j-aunes, et un bleu plus clair règne sur la partie inférieure du museau , ainsi que sur la poitrine. Une bande noire et un peu in- déterminée descend des yeux jusqu'aux bases des nageoires pectorales. Ces nageoires, la seconde du dos, celle de l'anus, et celle de la queue sont blanchâtres et bordées de noir; et enfin on voit une belle couleur jaune à l'extrémité des nageoires pectorales, et sur les côtés de la queue , à l'endroit ou ils sont garnis de quatre rangs d'aiguillons recourbés. La membrane des branchies est soutenue D E s B A L I s T E s. 270^ par six rayons cachés sous une peau épaisse. On compte plusieurs aiguillons à la suite de la nageoire tliorachique. Celle de la queue est légèrement arrondie; et on n'aperçoit aucune ligne latérale (1). La vessie aérienne est argentée. L'individu observé par Comnierson, et qui étoit fe- melle, contenoit des milliers d'œufs; et cette femelle étoit ainsi pleine au mois de janvier , dans la mer qui baigne l'Ile de France , mer dont les eaux servent aussi d'habitation aux quatre autres espèces dont nous allons parier dans cet article. Le baliste grande-tache , la première de ces quatre espèces , est , comme le verdàtre , un des plus grands balistes. Sa couleur est d'un brun tirant sur le livide, et plus ciair sur le ventre que sur le dos ; et ce fond est relevé par une tache blanche très-étendue que l'on voit de chaque côté du corps, et par une ligne blanche qui borde l'extrémité de presque toutes les nageoires. (i) A la membrane des braticliies. . . 6 rayons. A ]a première nageoire clii dos .... 3 A la seconde 25 A cliacune des pectorales i5 A celle de l'anus 24 A celle de laquelle 12 8 4 28o HISTOIRE 11 n'y a aucune poiale sur les côtés dé Ja queue; mais ceux de la tête présentent un caractère que nous n'avons encore fait remarquer sur aucun baliste : ces deux faces latérales montrent six rangs de verrues dis- posées longitudinalement 5 et séparées par une peau unie. La nageoire de la queue est en forme de croissant; les deux pointes en sont très-prolongées (i). Occupons - nous maintenant du baliste noir. Son nom indique la couleur que ce cartilagineux présente, et qui est en effet d'un noir plus ou moins foncé sur toutes les parties du corps, excepté le milieu du croissant, formé par la nageoire caudale, qui est bordé de blanc. Indépendamment de cette teinte sombre et presque unique, ce baliste est séparé de celui que nous appelons la grande ' tache , par Fabsence de verrues disposées sur des rangs longitudinaux de chaque côté delà tête; mais il s'en rapproche en ce que sa queue est dénuée d'aiguillons (i) A la première nageoire du dos. . . 3 rayons. A la seconde 27 Aux peclorales i5 A celle de l'anu:^ 22 A celle de la c[ueue. ...,.•.• 12 D E s B A L I s T E s. fiSï comme celle de la grande-tache, et terminée par une nageoire qui représente un croissant à pointes très-longues (i). On voit plusieurs petits piqûans au delà de la nageoire dite ventrale. ]1 nous reste à parler du bridé et de Farnié. Nous avons trouvé parmi les dessins de Commerson la figure d'un baliste dont les caractères ne peuvent convenir à aucune des espèces du même genre déjà connues des naturalistes, ni à aucune de celles dont nous traitons dans cette histoire. Les ma- nuscrits de ce savant voyageur, qui nous ont été remis , ne nous ayant présenté aucun détail relatif à cette figure , nous ne pou- vons faire connoître le baliste auquel elle appartient que par les traits que son por- trait a pu nous montrer. Le premier rayon de la nageoire du dos , qui en renferme trois , est long, très -fort, et dentelé par devant: celui qui remplace ou représente la nageoire dite ventrale, est articulé, c'est-à-dire, com- (i) A la première nageoire dorsale. . 3 rayons» A la seconde 54 A chaque pectorale i6 A celle de Tamis . 32 A celle de la cjucue 12 ^82 HISTOIRE posé de plus d'une pièce, et de plus il est suivi de plusieurs piquans. Il n'y a point d aiguillons sur la queue , et la nageoire qui termine cette dernière partie est nn peu en forme de croissant. On voit auprès de l'ouverture des branchies , et comme sur Y étoile^ un groupe d'écaillés assez grandes, qui rappelle en quelque sorte l'opercule que la nature a donné à presque tous les pois- sons. La couleur de l'animal est uniforme et foncée , excepté sur la tête , où , de chaque côté, une bandelette d'une couleur très-claire part d'auprès des nageoires pectorales , s'é- tend jusqu'au museau, qu'elle entoure, et au dessous duquel elle se lie avec un demi- anneau d'une nuance également très-claire. Ce demi-anneau, l'anneau qui environne l'ouverture de la bouche, et les deux raies qui s'avancent vers les nageoires pectorales, forment un assemblage qui ressemble à une sorte de bride; et de là vient le nom bridé que nous avons donné au baliste que nous examinons. Nous appelons baliste armé une autre espèce de la même famille, dont nous avons vu , parmi les manuscrits de Commerson , un dessin et une courte description. Lorsque ce voyageur voulut examiner un individu D E s B A L I s T E s. ^85 de cette espèce qu'on avoit pêche quelques heures auparavant , ce poisson avoit perdu prçsque toutes ses couleurs; il ne lui restoit qu'une bandelette blanche à l'extrémité et de chaque côté de la nageoire de la queue , qui étoit un peu conformée en croissant. On voyoit sur chaque face latérale de cette même queue six rangs d'aiguillons recourbés; et c'est à cause du grand nombre de ces pelits dards que nous avons donné à l'animal le nom cVarmé. La première nageoite du, dos étoit soutenue par trois rayons, et celui de la nageoire thorachique étoit suivi de plusieurs piquans. On s'apercevra aisémeni; que l'armé a beaucoup de lapports avec l'épineux; mais, indépendamment de la dis^ tribution de ses couleurs , et d'autres diffé-« rences que l'on trouvera sans peine, il a sur la queue un plus grand nombre de rangs de pointes recourbées , et les aiguillons qui accotnpagnent son rayon thorachique sont plus petits et plus courts. 2Ç4 HISTOIRE LE BALISTE CENDRÉ (i) (2), PARLACÉPÉDE. VINGT-TROISIÈME ESPECE. JLjÊs mers voisines de File de France sont encore Fhabitation de ce poisson , dont la tête est très - grande , la couleur générale d'un gris cendré , et qu'il est aisé de distin- guer de tous les balistes qui le précèdent sur le tableau du 3^ sous-genre de ces cartilagi- neux , par les quatre rayons qui composent sa première nageoire dorsale. On le sépare facilement de tous les animaux déjà connus de sa famille, en réunissant à ce caractère la présence de trois bandelettes bleues et courbes qui sont placées sur chaque côté de la queue, et celle d'une bande noire qui va de chaque œil à la nageoire pectorale la plus voisine. Indépendamment des trois raies (i) Baliste cendré. Sonnerai , Journal de pliysique, tora. IV, p. 78. — Bonat. pi. de rEncycl. mélb. ^ (2) Sonnerat lui donne le nom àe guaperi^a cendré* Cette espèce est rare. Som^ini. D E s B A L I s T E s. 285 bleues , on voit des piquans sur les deux faces latérales de la queue de ce baliste , dont le citoyen Sonnerat a publié le premier îa description, et dont Commerson a dessiné la figure (i). (i) A la première nageoire dorsale. . 4 ^'^-Y^^^s, A la seconde 24 Aux pectorales . 14 A celle de l'anus 2i A celle de la queue , qui est un peu arrondie 12 286 HISTOIRE L'A S S A S L LE BALISTE ASSASI (i)(i), PAR LACÉPÊDE. VINGT-QUATRIÈME ESPECE. Jrop^sK(EL. a observé sur les rivages de l'Arabie ce poisson de la mer Rouge , qui montre sur son corps un giand nombre de verrues brunes, et, sur chaque face latérale de sa queue, trois rangées de verrues noires. (i) Forskœl , Faiin. arab. p. yS , n" 112. Salistes assasi. Lin. édit. de Gmelin. (2) En arabe , azzazi et djemel , c'est - à - dire ^ chameau. Batistes assasi. Forskœl. Batistes corpore verrucis J'usais muricato , caudà triplici ni(rrarum ordine batistes assasi. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i5i , sp. 12. Batistes verrucosiis ^fascus; ventre alho , ano nigro.., hnltstes assasi. Artedi , Gen. pisc. gen. 58, sp. 16, addliam. Artedi, ou plutôt Walbaum , ne distingue pas Passasi du verrucjueux. S o ^ n 1 w i. D E s B A L I s T E s. 287 Cet animal, dont on mange Ja chair, quoi- qu'elle ne soit pas très-succulente, présente d'ailleurs une disposition de couleurs assez régulière, assez variée, et très-agréable. La partie supérieure de ce baliste est brune ; Finférieure est blanche ; et sur ce double fond on voit du jaune autour des lèvres ; quatre raies bleues et trois raies noires pla- cées en travers et alternativement au devant des yeux; une raie d'une teinte foncée et tirée de la bouche à chaque nageoire pec- torale; chacune de ces deux raies obscures surmontée d'une bandelette jaune, lancéolée et bordée de bleu , et d'une seconde ban- delette noire également lancéolée; une tache alongée et blanche sur la queue; une autre tache noire et entourée de fauve à l'anus, et enfin du roussâtre sur presque toutes les nageoires (1). (1) Ce poisson ne devient pas grand j c'est unç des plus petites espèces de batistes. Son NI NI, a88 HISTOIRE LE BALISTE MUNGO-PARK (i), E T LE BALISTE ONDULÉ (2), PAR LACÉPÈDE. 25^ ET 26^ ESPÈCES. v^ES deux balistes ont été vus dans les eaux de Sumatra et au milieu de coraux ou madrépores. On en doit la connoissance au célèbre voyageur Miingo Park. Le pre- mier, auquel nous avons donné le nom de cet observateur , a la dorsale antérieure noire, la caudale jaunâtre avec l'extrémité blanche, et les autres nageoires jaunes. Le second a également la première dorsale noire, et les autres nageoires jaunes; mais m I . I . . i m (i) Balistes mungo-park. Balistefi niger. Mungo Park , Actes de la société linnéenne de Londres, vol. III ^ p. 35. (2) Balistes undulatus. Balistes undulatus. Mungo Park, Act. de la société Ijnnéenue de Londres , vol. III , p. 53. indépendammen t DES B A L I S T E Se 28^ indépendamment des raies longiludinales qui serpentent sur son corps, on voit trois bandelettes rouges régner depuis ses lèvres jusqu'à la base de sa pectorale (1). ( I ) A chaque pectorale du baliste mungo- park 14 rayons. A l'anale 24 A la caudale. .*.»....».» 10 A la membrane branchiale du baliste ondulé 2 A chaque pectorale i3 A Tanale 24 A la nageoire de la queue»* . * * • iS Poiss. Tome IV: T ^90 HISTOIRE LE M O N O C E R O S, LE BALISTE MONOCEROS (i) (2), PAR L A C É P Ê D E. VINGT -SEPTIÈME ESPECE. xS o xj S voici parvenus au quatrième sous- genre de balisles. Nous ne trouverons maiu- tenant qu'un seul rayon à la première nageoire dorsale et à la thorachique. A la tête de ce sous-genre nous avons inscrit le monocéros. Ce nom de monocéros , qui (1) Ballstes monocéros. Lin. édit. de Gmelin. Ballstes monocéros. Daubenton , Encycl. méthod. — Bonaterre, pl.inclies de l'Encycl. méthod. — Blocb, pi. CXLVII. Balistes monocéros. Osb. It. iio. Capriscus longus , etc. Klein, Miss. pisc. 3 , p. 25 , v9 lo. Acaramucu. Marcgr. Brasil. p. i65. — Willugliby, Iclilîi. p. 53 j , lab. E , 2 , fig. 2. (2) Le monocéros ou licorne de mer. En allemand , einhornfisch. Eu hollandais , einhornige hoorn - visch .y donderonr^ Au Japon , ikan ^i/gadjii janghiroe,. DES BALISTES. 29I désigne la sorte de corne unique que l'on voit sur le dos du poisson, a été donné à plusieurs balistes. Nous avons déjà vu que Plumier Ta voit applique au chinois ; mais , à l'exemple de Linnaeus et d'un grand nombie d'autres naturalistes, nous l'employons uni- quement pour l'espèce que nous décrivons dans cet article. Le baliste monocéros, que l'on trouvé dans les mers chaudes de l'Asie et du nouveau continent (1) , parvient ordinairement à la longueur d'un pied. 11 est varié de biun et de cendré; et la couleur brune est distribuée sur la nageoire de la queue en trois bandes transversales qui ressortent d'autant plus que le fond de cette nageoire est d'un jaune couleur d'or, comme toutes les autres na- geoires de ce cartilagineux, et comme Tiris de ses yeux. ewanwa pangey , luey , ikan pangoutor. Au Brésil / acamarucu. Ballstbs pinnâ capitis uniradiatâ ,radiis caudalibus carinatis. . . . balistes monocéros. Lin. Syst. iiat. edit. Gmel. gen. i35,sp. i. — Artedi, Gen. pisc. gQn. 38, sp. 12. additam. S o N N i N i. (i) Particulièrement dans les mers de la Chine , du Japon et du Brésil. S o n N i N i. T 2 292 HISTOIRE LVntre-deux de ces organes de la vue est plus élevé au dessus de l'ouverture de la bouche que sur plusieurs autres balistes. Le rayon qui représente la première nageoire dorsale est très-long , recourbé vers la queue, retenu par une petite membrane qui attache au dos la partie postérieure de sa base , et garni des deux côlés de piquans tournés vers cette même base. La nageoire de Tau us et la seconde du dos renferment un très-grand nombre de rayons (i). Le monocéros vit de polybes et de jeunes crabes (2). (i) A la seconde nageoire du dos. . . 4^ rayons. Aux pectorales i5 A celle de l'anus 5i A celle de la queue ; qui est arrondie . 12 (2) La chair du monocéros étant sèche et coriace, on ne la mange pas ordinairement. On le pcche à l'hameçon et à l'épervier. Marcgrave a Irouvé <]dn9 l'estomac de ce poisson une grande quanlité d'algues, el il s'est aperçu qu'après ta. mort le monocéros, accrocbé contre la muraille d'une chambre, rcp.mdoit une grande lumière pendant la nuit. Sonaièii, DES B A LISTE S. 295 LE MONOCÉROS ECRIT (i). VINGT-HUITIÈME ESPECE. I^'est Catesby qui le premier a décrit ce baJisfe, auquel il a donné le nom de licorne de Bahamay parce qu'il Ta trouvé près de ces îles. Un voyageur plus moderne Ta ren- coutié également vers les côtes de la Chine et Ta désigné sous la dénomination de ba- liste écrit (2) , à cause des taches noires y rouges et bleues , dont le corps de ce pois- son est peint, et qui ont quelque ressem- blance avec les caractères de Técrituie chi- (i) The Bahama unicornfish \ poisson , licorne de Baharna. Catesby, Hi si. un t. de la Caroline ^ tom. II, p. 1*^0 » ta b. 19 , unicornis piscis. Bcilistes charaoterihus nigris , ruhris et cœruleis piclus. . , balistfs scriptus. Lin. Syst. nat. edit. Gmel, geu. i"»5 , sp I , var b. Balistes f^criptus OsbeckiL Arledi ,Gcn. pisc. g*n. 58?, sp. 12 , var. a. Batiste à queue très-large et très-longue , lest côfés- du corps tachetés. Boddaert , Hisl. nat. de la mer des Indes , p. iq. Eii^auwe panguiiy. Renard , Poiss. tom. I , fig. 69. (2} liin. p. 145. T 5 294 HISTOIRE noise. J'ai adopté celte désignation , qui présente au premier coup d'œil l'attribut le plus saillant de ce monocéros. Ces taches si singulièrement disposées ne sont pas le seul trait de dissemblance qui distingue le monocéros écrit du monocéros proprement dit. Il existe aussi une dispro- portion marquée dans les dimensions de ces deux poissons ; celui de cet article parvient jusqu'à trois pieds de longueur, au lieu que la grandeur ordinaire du monocéros précé- dent n'excède pas un pied. D'un autre côté , le monocéros écrit a une dentelure assez profonde sur l'extrémité de la nageoire de la queue , et la corne qu'il porte derrière les yeux s'élève en ligne droite. Ce sont là , ce me semble , des dispa- rités assez nombreuses et assez tranchées pour que le monocéros écrit ne soit plus confondu, ainsi qu'il Ta été jusqu'à présent dans les ouvrages d'ichthyologie , avec le monocéros proprement dit, et pour le faire considérer comme une espèce distincte et séparée. Il ressemble assez , suivant les expressions de Catesby , à un rouleau de pâtissier , le milieu de son corps étant plus gros que les deux bouts, qui vont en diminuant vers la D E s B A L I s T E s. ^9? tête et la queue (1). L'œil est grand et son iris est bleu; deux os blancs et solides que couvre une peau très -mince forment les mâchoires, dans lesquelles sont implantées six dents, deux dans la mâchoire supérieure et quatre dans Tinférieure, qui est la plus longue. La nageoire de la queue est osseuse , longue, fort large lorsque le poisson Tétend, et comme je Tai dit plus haut , dentelée à son extrémité. Tout le poisson est revêtu d'une peau nue; le grand os, ou la corne, n'a pas une grande consistance ; il casse aisément , ce qui donne lieu de penser que ce n'est pas pour l'animal une défense bien assurée. On le trouve fréquemment dans les canaux qui séparent les lies de Bahama, dont les fonds couverts de madrépores et de coraux abondent en vers marins qui font la nour- riture ordinaire des monocéros écrits; c'est par cette raison qu'on ne mange pas ces poissons ; leur chair passe pour être mal- faisante et même vénéneuse. ■ Il II -^— «;iiai (i) Catesby , à l'endroit ci-dessus cité. T 4 296 HISTOIRE LE PORTE-VERGETTE- I.E BALISTE HERISSE (i)(2), PAR LACÉPÈDE. VINGT-NEUVIÈME ESPECE. V^E poisson est d'un brun presque noir sur toute sa surface, excepté sur ses na- geoires pectorales, la seconde du dos et celle (i) Batistes hispidus. Lin. édit. de Gmelîn. Baliste hérissé. Daubenton , Encyd. métliod. — — Bonaterre , planches de l'Encyclop. méthod. — Seb. Mus. 3 , tab. 54 , fig. 2. Porte-veriiettP ; bnlistes h fusco nigrescens ; capiti& radio singulari , undequaque spinuloso ; lateribus eaudœ setis acicularibus centum circiter , scoparum more compactis. Commerson , manuscrits déjà cités. {9.) Ballstes pinnâ cnpitis uniradiatâ , rostre suhu^ lato , pinnâ caudœ oeello nigro, . . . batistes hispidas^ liïn. Sy^t. nat. edit. Gmel. , gen. i55, sp. 2. — - Artedi , Gen. pisc. ^^^\\. 38, sp. 8. additam. BaUfites varias , dorso monocantho , rostro suitlo ^ •macula nigra in extremâ caudâ. Seba, Mus. lom. III ^ p. io6 a tab. 54 A fig- 3. S o N N I N i« DESBALISTES. 297 3e l'anus, qui sont ordinairement d'un jaune très-pâle. On le trouve dans les mers de rinde, et particulièrement auprès de Tlle de France, où il a été très-bien observé par Cotnmerson. On le voit aussi auprès des rivages de la Caroline; et il y présente sou- vent sur la queue une tache noire entourée d'un cercle d'une nuance plus claire. 8a hauteur est à peu près égale à la moitié de sa longueur totale. L'iris paroît d'un brua très-clair, et la prunelle bleuâtre. Le rayon de la première nageoire dorsale est énor- mément long, épais, et garni de pointes plus nombreuses et plus courtes que sur le monocéros (i),* celui qui compose la nageoire thorachique est armé de piquans plus longs et plus forts. De chaque coté de la queue , et un peu avant la nageoire caudale, on voit une cen- taine de petites pointes inclinées vers la tête, et disposées de manière que Commersou en compare l'ensemble à une vergette , et a donné le nom de porte-i^ergette au balist® gt ■ ... I ,11 ■ (i) A la seconde nageoire du dos . . 27 rayons, Aux pecforalos i5 A celle de l'anus 24 A celle delà c^ueue 12 *98 HISTOIRE que nous décrivons. Le même voyageur rapporte que le hérissé peut se servir de ces deux cents petites pointes comme d'au- tant de crochets, pour se tenir attaché dans les fentes des rochers au miheu desquels il cherche un asile. Aussi est-il très -difficile de le prendre; etCommerson ne dut l'indi- vidu qu'il a examiné qu'au violent ouragan qui ravagea l'Ile de France en 1772, et qui jeta ce poisson sur la côte. Ce baliste a d'ailleurs, sur la nageoire même de la queue, plusieurs épines plus petites encore que celles dont nous venons de parler, et qui sont sensibles plutôt au tact qu'à la vue. On n'aperçoit pas de ligne latérale ; la nageoire caudale est un peu arrondie. DES BALISTES. 299 LE BALISTE VARIÉ (i). TRENTIÈME ESPECE. V^ETTE espèce est nouvelle pour la science, et Ton en doit la connoissance à Bosc, na- turaliste profond et zélé, qui a vu et observé ce poisson dans sa traversée d'Europe en Amérique. Sa longueur est de quatre pouces , et sa largeur de deux pouces; son museau est très-alongé, et son corps très-aplati. L'épine du dos est forte et épaisse; elle a autant de longueur que la moitié de la distance entre les yeux et la bouche; elle se recourbe un peu en arrière, et deux rangées de dents se remarquent sur sa face postérieure. Des taches brunes et blanches sont semées sur le fond cendré de ce baîiste, et montrent (i) Le haliste varié. Nouveau Dictionnaire d'his- toire naturelle appliquée aiix arts, etc. j Paris , Déter- "ville , article balisée. 5oo HISTOIRE la justesse de rapplication de Tépitliète de carié que Bosc Jui a faite. Le baliste varié vit dans la mer Atlan- tique sur les varechs flottans , et se nourrit de crustacés (i). (i) La na/ieoire du dos a 52 rayons. Les pectorales en ont 14 L'anale Sa Celle de la queue 12 DES BALISTES. 3oi se LE BALISTE MÉTALLIQUE (i): TRENTE-UNIÈME ESPECE. Une couleur de cuivre est répandue sur tout ce poisson, et lui donne une aj)}>arence métallique ; sept rangées loiigitudiiiaks de points bruns interrompent de chaque côté du corps runiformité de ce fond cuivré. Les deux premières séries, c'esl-à-dire, les deux supérieures sont composées de dix points, et les suiv^antes de neiif, de trois, de dix et de trois. L'épine dorsale est qria- drangulaire et dentelée sur chaque angle; il y a deux taches blanches sur sa face anléiieure. Ce baliste a, de même que le précédent, le museau alongé. II vit également dans l'océan Atlantique, et c'est encore Bosc qui l'a découvert et obseivé (2). (1) Batiste métallique. Bosc , Nouveau Diclioniiaire d'histoire naturelle appliquée aux arts; Paris, Déter- Ville , article haliste ; fig. 5 , pi- A , xvjii. (2) A la nageoire dorsale , il y a en- viron • . 52 rayons. A ceUe du dos. . . • Z2, Aux pectorales 14 A la nageoire de la queue • . « . la 3o2 HISTOIRE NOTICE De quelques poissons du genre des halistes , indiqués par des natura- listes , mais dont F espèce iHest pas déterminée, I. 1_jE BAL.ISTEA LONG MUSEAU, dont l'on trouve la figure clans Seba (i). Son museau s'alonge en pointe, et il a une tache noire près de l'anus. C'est vraisemblable- ment une variété du baliste hérissé (2). La seconde nageoire du dos a trente rayons, et celle de la queue vingt-neuf. IL Le baliste ridé (3), qui ne paroît (i) Balistes rostro ohlongo acuto y macula nigrà ad os ventrale distinctus. Seba , Thés. toni. TIl, p. 64, tab. 24, fig. 19. — Balistes longirostris. Arted. Gen. pisc. gen. 38 , sp. 8 ^ var. addilam. (2) Page 296 de ce volume. (5) Baliste s pinnâ dorsali anteriore triradiatâ , laterihus capitis triplicatis , caudâ bifidâ. . . . balistes ringens. Liii. Syst. nat. et Mus. Àdolp. Fred. i. 58. — Artedi, Gen. pisc. gen. 58, sp. 4, var. aiit alla sp» additam. D E s B A L I s T E s. 3o3 pas différer beaucoup du baliste sillonné (i). Sa tète est comprimée et couverte d'une peau dure et rude; sur les côtés de la tète, cette peau forme trois plis mobiles. Le de- vant des mâchoires est armé de huit dents un peu saillantes au dehors. De petites écailles , rudes au toucher , couvrent le corps (2). in. Le baliste de Muller (5) , rap- porté par Muller au baliste lidé (4), et qui par conséquent se rapproche du baliste sillonné. Houttuyn en fait mention comme d'un poisson des Indes (5). Sa longueur est d'un demi-pied; il est de couleur de châ- taigne 5 et cinq bandes d'une teinte plus foncée lui ceignent le corps. La tète presque ovale se termine par un museau obtus; sur les côtés de la tête sont des plis ou des rides peu profondes. " ■ .1 , (1) Page 265 de ce volume. (2) Description du cabinet du prince Adolphe î'rédéric de Suède. (5) Batistes pinnâ dorsall uniradmtâ , glahrâ , ventre à gala usque anurn saccato ,cnudâ rotiindatâ.., hallstes Mulleri. Walb. in Arted. Gen. piic. geu. 58, sp. 10 , additam. (zi) Lin. 3yst. nat.tom. ITT , fab. 9, fig. I. (j^; Hist. uat.part. b., p. 463, lab. 69 ; fig. t. 5o4 HISTOIRE IV. Le BALfSTË BARBU (i), que Wal* baum regai'de comme une variété du balisle kleinien (2). Cependant il y a, ce me semble , d'assez grandes difïej ences entre ces deux balistes, pour ne pas les confondre. Le barbu a la bouche très-pelite et garnie de barbillons ; au dessus des yeux un petit piquant recourbé et partagé en deux vers sa pointe ; la queue coupée en ligne oblique et terminée par des espèces de soies, au lieu de nageoire. V. Le BALiSTE DU Japon (3), long dé six pouces, d'un brun cendré, et ayant un (1) Balistes aculeo suprà ocuJos fisso. , . balistes harbatus. AValbautn , iii Artcd. Gen. pisc. gen. 38, sp. i5 , var. a , addif. Caprisciis capite triangulo , guttnroso , ore admo- dum parvo , barbato ; iinico fyarvo acul' o recurso in apice dipiso suprà oculos ; ex'guis .spti>i pinna'am loco ad caiidarn ; caudâipsâ obliqué resectâ. Kiein, Miss. 3 , p. 25 , tab. 5 , fig. 1 1. (2) Page 256 de ce vol. (3) Balistes radiis pinnœ dorsalis 5 vel 4- Walb, in Arted. Gen. pisc. gen, 58, sp. 20, additam. sp, adhuc dubice. Balistes monoceros. EinJiorniche hoornvich. Hottt- tuyn , Act. Harlem, tom. XX , p. 2 , xi" 53. des DES B A L 1 S T E S. SoS des rayons antérieurs de Ja première na- geoire dorsale en long filet. Ces rayons de la preniièie nageoire du dos sont au nombre de trois ou quatre ; il y en a treize aux nageoires pectorales, et quatorze à celle de îa queue. VI. Le beau balîste (i), qui ne paroît pas différer du baliste pointillé de Gmelin. VII. Le baliste taupe (2), décrit par "Walbaum. Mais cet auteur convient que sa description ayant été faite sur une peau desséchée et bourrée d'étoupes, il n'est pas certain que ce poisson ne soit pas le même que le baliste améjicain (3). (ï) Batistes pinnâ dorsi priore triacantliA ^ radiis quatuor prioribus pinncL aorsalis posterioris protixio- ribus , pinnâ caudœ cornutâ in medio Jlexuofiâ haUstes bellus. Walb. in Arted. Gen. pisc. gcn. 58, sp. 21 , var. a , additam. ( 2 ) Balistes êcaber , orulis orbus , pinnâ dorsali prima uniradiatà ; fuberibus duobus sub thorace , loco pinnarum ventralium, , . . balistes tnlpa. Walbaum , ia Artedi , Gen. pisc. gen, 58 , sp. 22 , addiUiii. (3) Page 275 de ce vol. Poiss, Tome IV. 5o6 HISTOIRE HUITIÈME ORDRE. DE LA CLASSE ENTIERE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE I.A SECONDE DIVISION DES CARTILAGINEUX, PAR LACÉPÉDE. Poissons abdominaux ^ ou qui ont des na- geoires situées sous le ventre. SEPTIÈME GENRE. LES CHIMÈRES, Une seule ouverture branchiale de chaque côté du cou; la queue longue et terminée par un long filament. PREMIERE ESPECE. La chimère arctique. — Des plis poreux sur le museau. » seconde espèce. La chimère antarctique. — Le mu-- seau garni d'une longue appendice. r/.xi. -e/t^e />/tr/2c/u' pu au ^'J . 4. . .i. 307. Z>e crepc t/e/ . l.LA CHTM1':RE arctiçue S.l/ESTl'RGFOTV. f^flvex. j: D E s C H I M È R E s. 5o7 LA CHIMÈRE ARCTIQUE (i) (2), PAR. L A C É F È D E. PREMIÈRE ESPECE. Voyez pi. IX dans le V^ vol. fig. i. Vy^EST un objet très-digne d'à tien lion que ce grand poisson cardiaginenx , dont ]a con- foimation remarquable lui a faii; donner le (i) Chimœra monstrosa. Lin. édit. de Gmeîiii, Roi des harengi du nord. Duubent. Eacycl. méîliod. — Bonaterre , planclies de l'Eiicyclop. niéthod. -— Fauna suec. p. 294- — Guiuier , Acl. riidr. 2 , p. 270, tab. 5,6. — Mail. Prodiom. zool. dauic. p. 38, n^ 720. -— Olaff*. ïsland. i , p. 192. ~ Bloch , pi. cxxiv. — ^ Mus, Ad. Fr. 1 , 53 , tab. 25. Chimœra argentea. Lin. (mas) Ascan. icon. rerum natural. tab. i5. Galciis acanthias Clusîi exoticus. Willu£,'bby,Tcbtb. p. 57 , lab. 5,9, fig. 9. — Ray , p. 23 , n° i5. — Gesn. Acjaat, p, 877, ïcon. an. p. i55. Slmia marina, Jonston , Fisc. p. 29 , tab. 1 , fig. 6. Csnêrina prijnafCentrina i^era, simia marina dicta, Aldrov. Fisc. p. 402 , ^o5 , 4o5. Vulpecula. Strsem. sîEndm. p. 289. Nota. C'est à tort qu'on a cru devoir rapporter à Ja chimère arcti^ae le poisson décrit par Artedi sous y a So8 Histoire nom de chimère^ et même celui de chimère monstrueuse par Linna3Lis et par d'autres îiaturalîstes , et dont les habitudes l'ont fait nommer aussi le singe de la mer. L'agilité et en même tems l'espèce de bizarrerie de ses mcuvemens, la mobilité de sa queue très-longue et très- déliée, la manière dont il montie fiéquemment ses dents , et celle dont il remue inégalement les dilïérentes parties de son museau souples et flexibles, ont en eiïet retracé, aux yeux de ceux qui l'ont observé, l'allure, les gestes et les contorsions des singes les plus connus. le nom de squale, à queue plus longue que le corps , gcn. 68. 11 esL évident que cet auteur a parlé du squale auquel nous avons conserve le nom de renard. {'2) La chunère y roi des harengs. En allemand, chi- mare , pfeil - drache , seeratze , mecrasse. En suédois , hafs-spake j hafs-rotta , vidunder-fishen , ap-fishen. En danois , sohhaen ^ haw-kat. En Islande , geifnyt j 7iaa- muus.'Eïi Norvège, haae-muus ^ guul - haae y is' galle y soe-raeu , spil-straeng-hyse , soe-rotte y .soe- muus , haakouge , blanckaae ^ galdhaae , guldjisken , solvfLshén , hye-nas&et\ spielstrich-schellfisch. Chimœra rostre subtùs , plicis pertusis. . . chimœra monstrosa. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i32, sp. i. — Arledi , Gen. pisc. nov. i»en. Lin. sp i. " Callorinchus pinnâ dorsali secundâ lineari ; rostro suhascendente acuminato , , , , callorinchus atlanticus» Gronov. Act. lielv, loai. VU; p. 5z, So^nini. DES CHIMERES. 5o^ D'un autre côté, tout le monde sait que l'imagination poétique des anciens a voit donné à Tanimal redoutable qu'ils aî3peloient chimère une tête de lion et une queue dç serpent. La longue queue du cartilagineux que nous examinons raj^pello celle d'un reptile ; et la place ainsi que la longueur dç^ premières nageoires du dos représentent , quoique très-imparfaitement, une sorte de crinière située derrière la tète qui est trèsr- grosse, ainsi que celle du lion, et sur laquelle s'élève dans le mâle, à l'extrénu'té d'une petite appendice, une petite touffe de fiîa>- mens déliés. D'ail lem^s les différentes parties du corps de cet animal ont des proportions que Ton ne renconti e pas fréquemment dans la classe cependant tiès- nombreuse des poissons, et qui lui donnent , au premier coup d'oeil , l'apparence d'un être mons- trueux. Enfin la conformation pariiçuîière des parties sexuelles, tant dans le mâle que dans la femelle, et sur-tout l'appareil exté- rieur de ces parties ajoutent à l'espèce de tendance que l'on a, dans les premiers mo- niens où l'on voit la chimère arctique , à ne la considérer que comme un monstre, et doivent la faire observer avec un intérêt: encore plus soutenu. V 5 5io HISTOIRE Oa a assimilé en quelque sorte sa iête à celle du lion. On a voulu en conséquence la couronner comme ceJîe de ce dernier et terrible quadrupède. Le lion a été nommé le roi des animaux. On a donné aussi un empire à la chimère ; et si on n'a pu sup- poser sa puissance établie que sur une seule espèce, on la fait légner sur mie des plus nombreuses , et plusieurs auteurs l'ont ap- pelée le roi des harengs, dont elle agite et poursuit les immenses colonnes. On ne connoît encore dans le genre de la chimère que deux espèces: l'arctique dont nous nous occupons, et celle à laquelle nous avons donné le nom à^ antarctique. Leurs dé- nominations indiquent les contrées du globe qu'elles habitent ,* et c'est encore un fait digne d'être observé, que ces deux espèces, qui ont de très ~ grands rapports dans leurs formes et dans leurs habitudes, soient sépa- rées sur le globe par les plus grands inter- valles ,* que l'une ne se trouve qu'au milieu des me^s qui environnent le pôle septen- trional , et qu'on ne rencontre l'autre que dans les eaux situées auprès du pôle an- tarctique, et particulièrement dans la partie de la mer du Sud qui avoisine ce dernier pôle. On diroit qu'elles se sont pai'tagé les DES CHIMERES. 5ii zones glaciales. Aucune de ces deux espèces ne s'approche que rarement des contrées tempérées; elles ne se plaisent, pour ainsi dire, qu'au milieu des montagnes de glace, et des tempêtes qui bouleversent si souvent les plages polaires; et si l'antarctique s'avance au milieu des flots de la mer du Sud, beau- coup plus près des tropiques que la chimère arctique au milieu des ondes agitées de l'Océan boréal, c'est que l'hémisphère aus- tral, plus froid que celui que nous habitons, offre une température moins chaude à une égale distance de la Vigne équatoriale, et que la chimère antarctique peut trouver dans cet hémisphère , quoiqu'à une plus grande proximité de la zone torride , le même degré de froid, la même nature ou la même abon- dance d'alimens , et les mêmes facilités pour la fécondation de ses œufs que dans l'hémis- phère septentrional. Mais, avant de parler plus au long de cette espèce antarctique, continuons de faire connoître la chimère qui habite dans notre hémisphère, qui, de loin, ressemble beau- coup à un squale, et qui parvient au moins à trois pieds de longueur. Le corps de la chimère arctique est un peu compi'imé par les côtés, très-alongé, 5ï2 HISTOIRE et va en diminuaDt très - sensiblement â® grosseur depuis les nageoires pectorales jus- qu'à Textrémité de la queue. La peau qui ]a revêt est souple , lisse , et présente des écailles si petites, qu^elies échappent, pour ainsi dire , au toucher , et cependant si ar- gentées, que tout le corps de la chimère brille d'un éclat assez vif. Quelquefois des taches brunes, répandues sur ce fond, ea relèvent la blancheur. La tête est grande , et représente une sorte de pyramide, dont le bout du museau forme la pointe, et dont le sommet est presque à la même hauteur que les yeux. Le tégu- ment mou et flexible qui la couvre est plissé dans une très-grande étendue du côté in- férieur , et percé dans cette même partie , ainsi que sur les faces latérales, d'un nombre assez considérable de pores arrondis, grands, et destinés à répandre une mucosité plus ou moins gluante. Les yeux sont très - gros. A mie petite distance de ces organes on voit, de chaque côté du corps, une ligne latérale blanche , et quelquefois bordée de brun, qui s'étend jusques vers le milieu de la queue, y descend sous la pai'tie inférieure de l'animal , et va c'y réunir à la ligne latérale du coté opposé. D E s C H I M E R E s. 5i3 Vers la tête , la ligne latérale se divise en plusieurs branches plus ou moins sinueuses, dont une s'élève sur le dos, et va joindre un rameau analogue de la ligne latérale opposée. Deux autres branches entourent l'œil, et se rencontrent à l'extrémité du museau; une quatrième va à la commissure de la bouche; et une cinquième, placée au dessus de cette dernière, serpente sur la por- tion inférieure du museau , où elle se con- fond avec une branche semblable , partie du côté correspondant à celui qu'elle a parcouru. Tous ces rameaux forment des sillons plus ou moins profonds et plus ou moins inter- rompus par des pores arrondis. Les nageoires pectorales sont très-grandes ^ un peu en forme de £iux , et attachées à une prolongation charnue. Celle du dos commence par un rayon triangulaire très- alongé, très-dur, et dentelé par derrière; sa hauteur diminue ensuite tout d'un coup; mais bientôt après elle se relève , et s'étend jusques assez loin au delà de l'anus , en montrant toujours à peu près la même élé- vation. Là un intervalle très-peu sensible la sépare quelquefois d'une espèce de seconde nageoire dorsale, dont les rayons ont d'abord la même longueur que les derniers de la 5i4 HISTOIRE première , et qui s'abaisse ensuife insensi- blement jusques vers l'extrémité de la qoei^e, où elle disparoit. D'autres fois cet intervalle n^'existe point ; et bien loin de pouvoir compter trois nageoires sur le dos de la chimère arctique, ainsi que plusieurs natu- ralistes l'ont écrit, on n'y en voit qu'une seule. Le bout de la queue est terminé par un filament très- long et très-délié. 11 y a deux nageoires de l'anus : la première , qui est très-courte et. .un peu en forme de faux, ne comm«ence qu'au delà de l'endroit où les lignes latérales aboutissent l'une à l'autre ; la seconde est très-étroile et se prolonge peu. Les nageoires ventrales environnent l'anus, et tiennent, comme les pectorales, à une appendice cliaîiiue. La bouche est petite; l'on voit à chaque mâchoire deux lames osseuses à bords tran- chans, et sillonnées assez profondément pour ressembler à une rangée de dents inci.sives, et très-dislmctes Vune de l'autre ; il y a de phîs au palais deux dents communément aplaties et triangulaires. Indépendamment de la petite houppe qui orne le bout du museau dn mâîe^ et dont nous avons parlé , il a , au devant des DES CHIMERES. 5i5 nageoirCvS ventrales , deux espèces de petits pieds , ou plutôt d'appendices , garnis d'ongles destinés à retenir la femelle dans Faccoiiple- nient. La chimère s'accouple donc comme les raies et les squales; les œufs sont fécon- dés dans le ventre de la mère, et l'on doit penser que le plus souvent ils éclosent dans ce même ventre, comme ceux des squales et des raies : mais ce qui est plus digne de remarque, ce qui lie la classe des poissons avec celle des serpens , et ce qui rend les chimères des êtres plus extraordinaires et plus singuliers, c'est que, seules parmi tous les poissons connus jusqu'à présent, elles paroissent féconder leurs œufs non seule- ment pendant un accouplement réel, mais encore {>endant une réunion intime, et par une véritable intromission. Plusieurs au- teurs ont écrit en e'ffet que les chimères mâles a voient une sorte de verge double; et j'ai vu sur une femelle assez grande, ua peu au delà de l'anus, deux parties très- rapprochées , saillantes , arrondies , assez grandes , membraneuses , plissées , exten- sibles, et qui présentoient chacune l'origine d'une cavité que j'ai suivie jusques dans l'ovaire correspondant. Ces deux appendices doivent être considérées comme une double 3i6 HISTOIRE vulve deslinée a recevoir le double membre génital du mâle; et nous devions d'autant plus les faire connoître que cette conforma- tion, très-rare dans plusieurs classes d'ani- maux, est très - éloignée de celle que pré- sentent le plus souvent les parties sexuelles des femelles des poissons (i). La chimère arctique, cet animal extraor- dinaire par sa forme, vit, ainsi que nous l'avons dit au commencement de cet article, au milieu de l'Océan septentrional. Ce n'est que rarement qu'il s^approche des rivages; le tems de son accouplement est presque le seul pendant lequel il quitte la haute mer : il se tient presque toujours dans le* profondeurs de l'Océan, où il se nourrit le plus souvent de crabes, de mollusques, et des animaux à coquille; et s'il vient à la surface de l'eau , ce n'est guère que pen- dant la nuit, ses yeux grands et sensibles (i) Dans ce poisson le cœur est plat et très-petit 5 le foie est gros et divisé en trois lobes, dont celui du milieu surpasse les autres en longueur; le fiel a une couleur de verd foncé ; le canal intestinal , cotirt et large, descend en ligne droite *, la rate est oblongue, triangulaire et d'un rouî;;e foncé; l'estomac est long et arrondi. (Bloch, Ilist. nat. des poissons.) S o N N I N I. DES CHIMERES. 3t7 ne pouvant sui)porter qu'avec peine l'éclat de la lumière du jour, augmenté par la réflexion des glaces boréales (i). On l'a vu cependant attaquer ces légions innombrables de harengs dont la mer du Nord est cou- verte à certaines époques de Tannée , les poursuivre, et faire sa proie de plusieurs de ces foibles animaux. Au reste, les norvégiens et d'autres habi- tans des côtes septentrionales, vers lesquelles il s'avance quelquefois, se nourrissent de ses œiifs et de son foie, qu'ils préparent avec plus ou moins de soin (2). (i) Les grands yeux de la chimère ont la prunelle noire et l'iris blanc; ils brillent comme des yeux de cîiat , ce qul^ dans f|uelques pays , a fuit donner à ce poisson le nom de chat de mer. Sonmm. (2) On ne mange point la cljair trop dure de ce pois- son. Les norvégiens font des gâteaux avec ses œufs. Après avoir fait sécher la partie postérieure de la queue , ils tn font des cure - pipes. Ils lient le foie dans de la toile , et ils en expriment goutte à goutte liuile une dont ils font usage dans les maladies des yeux, et qu^ils appliquent comme un baume sur les blessures. On n'a pas vu de poisspn de cette espèce qui ait plus de trois pieds de long et d'uil pied de circoii- férence, S o a a i ^ 1. Si8 HISTOIRE LA CHIMÈRE ANTARCTIQUE (i)(2), PAR LACÉPÉDE. DEUXIÈME ESPÈCE. vyETTE chimère 5 qui se trouve dans les mers de rhémisf)lière méridional , et par- ticulièrement daus celles qui baigneut les rivages du Chili et les côtes de la Nouvelle- (0 En langue aranque , chalgua achagual. CJiiniœra callorhinchus. Lia. éclil. Gmcl. Roi des harejigs du sud. Daub. Encycl. méth. — Bon;it. pl9ncl1.de TEnc. mélliod. Callorhinchus. Gronov. Mus. 69, n^ i5o , tab. 4« ' Pijeirallo. Fiez. It. i , p. 211 , tab. 17 , fig. 4* Eléphant' fish. Ellif; , premier Voyage de Cook. Poisson coq. Essai sur l'histoire nalurelle du Chili ^ par M. l'abbé Molina , p. 207. (2) La chimère antarctique ; poisson coq. Au Chili, chalgua achagual, c'est-à-dire, poisson coq. En danois , seehahn. En hollandais, haanuisch. Chimœra rostro suhtùs , labro iujlexo lœvi eJiimœra callorhyncus. Lin. Sj^st. nat. edit. Gmel. gea. i32 , sp. 2. — Artedi , Gen. pisc. nov. gen. Lin, sp. 5* Sojsi^iM. D E s C H I M E R E s. ^19 Hollande, ressemble beaucoup, non seule- ment par ses liabiludes , mais encore par sa coaforinalion , à la cliimère arctique. Elle en est cependant séparée par plusieurs différences que nous allons indiquer, en la déci'ivant d'après un individu apporté de TAmérique méridionale par le célèbre voya- geur Donibey, La peau qui la recouvre est comme celle de la chimère arctique , blanche , lisse et argentée ,* le corps est éga- lement très-alongé, et plus gros vers les nageoires pectorales que dans tout autre endroit. Mais la ligne latérale , au lieu de se réunir à celle du côté opposé , se ter- mine à la nageoire de Tanus; le filament placé au bout de la queue est plus court que sur l'arctique ; on voit sur le dos trois nageoires très-distinctes, très-séparées Fune de l'autre , dont la dernière est très- basse, la seconde en forme de faux, ainsi que la première, et la première soutenue vers la tète par un rayon long , très - fort et très- dur. Les nageoires pectorales et ventrales sont attachées à des espèces de prolonga- tions charnues. La tête est arrondie ; eUe présente plusieurs branches de deux lignes latérales qui serpentent sur ses côtés , en- tourent les yeuX; aboutissent aux lèvres ou 520 HISTOIRE au museau, ou se réunissent les unes aux auties : mais ces rameaux ne sont pas creu- sés en siilons, ni disposés de la même ma- nière que sur Tarctique ; et ce qui forme véritablement le caractère distinclif de la chimère antarctique , c'est que le bout de Son museau, et en quelque sorte sa lèvre supérieure , se termine par une appendice cartilagineuse 5 qui s'étend en av^ant et se J-ecourbe ensuite vers la bouche. Cette ex- tension , assimilée à une crête par certains auteurs, a fait nommer la chimère antarc- tique le poisson coq , et , comparée à une tiompe par d'autres écrivains, a fait appeler la même chimère poisson éléphant, La chair de ce cartilagineux est insipide , mais on ^n mange cependant quelquefois. Il par- vient ordinairement à la longueur de trois pieds (i). ». • I .1 - - < (i) Suivant l'abbé Molina, l'épine dorsale de la cliimèrc aiitaicHque n'est que cartilagineuse , san* toiocile et sans neijEs , coimne celle de la lamproie. S O N K I N 1. TROISIEME DES POLYODONS. 32i TROISIEME DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont un oper^ cule des branchies sans membrane branchiale. PAR LACÉPÈDE* DOUZIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES AGISSONS, ou QUATRIEME ORDRE DE LA TROISIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX". Poissons abdominaux , ou qui ont deux nageoires situées su?" le ventre, H U I T I È M É G E N R E. LES POLYODONS. XJes dents aux mâchoires et au palais* ESPÈCE. Le polyodon feuille. — Le museau presque aussi long que le corps , et garni de chaque côté d'une bande membraneuse, dont la contexture ressemble un peu à celle des feuilles des arbres. ^oiss. Tome IV. X 522 HISTOIRE LA FEUILLE. LE POLYODON FEUILLE, PAR LACÉPÊDE. J_j'oN conserve depuis long-tems , dans les galeïies du muséum d'histoire Halurelle, plusieurs individus de cette espèce, qui ont élé apportés sous le nom de chien de mer feuille , et qui ont même été indiqués sous ce nom dans Y Encyclopédie méthodique , par le citoyen Bonaterre , qui ne les a vus que de loin , au travers de verres épais , et sans pouvoir en donner aucune desciiption. Ayant examiné de près ces poissons, je me suis aperçu sans peine qu'ils étoient de ]a sous - classe des cartilagineux , et qu'il» avoient de très- grands lapports de confor- mation avec les Squales ou chiens de mer, mais qu'ils dévoient être placés dans un genre très-difïérent de celui de ces derniers^ animaux. En effet, les squales ont, de chaque côté du corps, au moins quatre ouverluies bi'anchiales ; et ces poissous nommés feuilles DES PO L YOD ON s. SaS n*en ont qu'une de chaque côté. D'aiileurs les branchies des squales et celles des pois^ sons feuilles ne sont pas organisées de méme> ainsi qu'on va le voir ; et de plus les cai- tilagineux , dont il est question dans cet article, ont un très-graud opercule sur ]es ouvertures de leurs branchies, et les squales n'en présentent aucun. J'ai donc séparé les polyodons des squales ; et couime leurs ouvertures branchiales sont garnies d'uâ opercule, et que cependant elles n'ont pas de membrane , j'ai dû les placer dans la seconde division des cartilagineux. Les na-î- geoires véritablement ventrales, placées sur l'abdomen de ces animaux , déterminent d'ailleurs leur position dans Foidie des abdominaux de cette seconde division ; et cet ordre n'ayant encore renferuié que lè genre des acipensères , ces derniers pois-»- sons sont les seuls avec lesquels ou pourroit être tenté de confondre les polyodons. Mais les acipensères n'ont pas de dents propre- ment dites; et les poij^odons^en ont un très-^ grand nombre. J'ai donc été obligé de rapporter à un genre particulier les pois-^ sons feuilles ; et c'est à ce genre , que ïùïi n'avoit pas encore reconnu , que je donné le nom de polyodon y qui désigne le grand X 2 524 HISTOIRE nombre de ses dents, et le caractère qui le distingue le plus de tous les animaux placés dans l'ordre auquel il appartient. La feuille est la seule espèce de poisson déjà connue , qui doive faire partie de ce genre. Elle est très -aisée à distinguer par l'excessive prolongation de son museau , dont la longueur égale presque celle de la tête, du corps et de la queue. Ce museau, très-alongé , seroit aussi très-étroit , et res- sembleroit beaucoup à celui du xiphias espadon , dont nous parlerons dans un des articles suivans , s'il n'étoit pas élargi de chaque côté par une sorte de bande mem- braneuse. Ces deux bandes sont légèrement arrondies, de manière à donner un peu à Tensemble du museau la forme d'une spa- tule : elles laissent voir à leurs surfaces une très -grande quantité de petits vaisseaux ramifiés , dont l'assemblage peut être com- paré au réseau des feuilles ; et voilà d'où vient le nom de feuille , que nous avons cru devoir laisser à ce polyodon. L'ouverture de la bouche est arrondie par devant , et située dans la partie infé- rieure de la tête. La mâchoire supérieure est garnie de deux rangs de dents fortes , serrées et crochues; la mâchoire inférieure DES POLYODONS. ^aS n'en présente qii^une rangée : mais on en voit sur deux petits cartilages arrondis qui font partie du palais , et il y en a d'autres très-petites sur la partie antérieure des deux premières branchies de chaque côté. Les narines' sont doubles, et placées au déviant et très-près des yeux. Chacun des deux opercules est très-grand; il recouvre le côté de la tète , s'avance vers le bout du museau jusqu'au delà des yeux qu'il entoure, et setermhie, du côté de la queue, par une portion triangulaire et beaucoup plus molle que le reste de cet opercule; Lorsqu'on le soulève , on aperçoit une large ouverture , et l'on voit au delà cinq bran- chies cartilagineuses demi-ovales , et garnies de frange sur leurs deux bords. La frange extérieure de la quatrième est à demi-enga- gée , et celle de la cinquième est entièrement renfermée dans une membrane qui s'attache à la partie de la tête la plus voisine; mais celles des trois premières sont libres ^ ce qu'on ne voit pas dans les squales. Les deux ouvertures branchiales se réu- nissent dans la partie inférieure deja tête, et s'}^ terminent à une peau molle qui joint ensemble les deux opercules. Les nageoires pectorales sont petites. Il X 3 d26 HISTOIRE n'y en a qu'une sur le dos; elle est un peu en forme de faux , et le commencement de sa base est à [)eu près au dessus des na- geoires venl raies. La nageoire de l'anus est assez grande, et celle de la queue se divise en deux lobes. Le supérieur garnit les deux côtés de la queue proprement dite, qui se dirige vers le haut, et Finférieur se prolonge de manière à former avec le premier une sorte de grand croissant. On voit une ligne latérale très-marquée qui s'étend depuis l'opercule jusqu'à la na- geoire caudale ; mais la peau ne présente ni tubercules ni écailles visibles. Les individus que j'ai examinés ayant été conservés dans de l'alcohol ^ je n'ai pu juger qu'imparfaitement de la couleur du polyodon feuille. Le corps ne paroissoit avoir été varié par aucune raie , tache , ni bande ; mais les opercules étoient encore parsemés de petites taches rondes et assez régulières. L'intérieur du polyodon feuille que j'ai disséqué ne m'a montré aucun trint de conformation remarquable , excepté la pré- sence d'une vessie aérienne assez grande, qui rapproche le genre dont nous nous occupons de celui des acipensèves , et l'éloigné de celui des squales. DES P O L Y O D O N S. 32-/ Le plus grand des polyodons feuilles que l'aie vus ii'avoit guère que dix ou onze pouces ( un peu plus de trois décimètres ) de longueur ; mais il avoit tous les caractères qui appartiennent, dans les poissons, aux individus très -jeunes. On peut donc pré- sumer que l'espèce que nous décrivons parvient à une grandeur plus considérable que celle de ces individus. Nous ne pouvons cependant rien conjecturer avec beaucoup de certitude relativement à ses habitudes, sur lesquelles nous n'avons reçu aucun renseignement, non plus que sur les mers qu'elle habite : tout ce que nous pouvons aire , c'est que , par nne suite de la con- for-mation de ce polj^odon , elles doivent, pour ainsi dire , tenir le milieu entre celles des squales et celles des acipensères. On seroit tenté, au premier coup d'œil , de comparer le parti que le polyodon feuille peut tirer de la forme alongée de son mu- seau , à l'usage que le squale scie fait de la prolongation du sien. Mais, dans le squale scie, celte extension est comme osseuse et très-dure dans tous ses points , et elle est d(^ plus armée , de chaque côté , de dents longues et fortes ; au lieu que dans le po- lyodon feuille la partie correspondante n'est X 4 3^8 HISTOIRE dure et solide que dans son milieu , et n'esS composée dans ses côtés que de membranes plus ou moins souples. On pourroit plutôt juger des effets de cette prolongation par ceux de Tarme du xipliias espadon , avec laquelle elle auroit une très-grande ressem- blance sans les bandes molles et membra- neuses dont elle est bordée d'un bout à Tautre. Au reste, pour peu qu'on rappelle ce que nous avons dit dans le Discours sur la nature des poissons , au sujet de la na- tation de ces animaux, on verra aisément que cet alongement excessif de la tête du polyodon feuille doit être un obstacle assez grand à la rapidité de ses mouvemens. DES ACIPENSERES. 529 NEUVIEME GENRE. PAR LACÉPÈDE. LES ACIPENSERES. Xj'ouvERTURE de la bouche , située dans la partie inférieure de la tête , rétractile, et sans dents; des barbillons au devant de la bouche; le corps alongé, et garni de plusieurs rangs de plaques dures. PREMIER SOUS-GENRE. Les lèvres fendues. PREMIÈRE ESPECE. L'acipensère ESTURGEON. — Quatre barbillons plus près ou aussi près de Tex- trémité du museau que de l'ouverture de la bouche. SECOND SOUS-GENRE. Les lèvres non fendues. SECONDE ESPÈCE. L'acipensère huso. — Le museau à peu près de la longueur du grand diamètre de l'ouverture de la bouche. 53o HISTOIRE TROISIÈME ESPÈCE, L'acipensère strelet. — Le museau trois ou quatre fois plus long que le grimd diamètre de Touverture de la bou(Jie. quatrième espèce. L'acipensère ETOILE. — Le museau un peu recourbé, élargi vers son extrémité, et cinq ou six fois plus long que le grand dia- mètre de l'ouverture de la bouche. DES ACIPENSERES. 33i L' E S T U R G E O N, L'ACIPENSÉRE ESTURGEON (i) (2) , PAR L A C É P É D E. Voyez la planche XI dans le V* volume , fig 2. PREMIÈRE ESPÈCE. Xj'on doit compter les acipensères parmi les plus grands poissons. Quelques-uns de ces animaux parviennent en effet à une longueur de plus de vingt-cinq pieds (près de neuf mètres ). Mais, s'ils atteignent aux dimensions du plus grand nombre de (i) Dans plusieurs départemens méridionaux, estourgeon , aturium , créac. En Italie , porcelleto , adello , adano , adeno , attilus , sturione. En Angle- terre , tJie sturgeon. En flamand , stent. En Dane- mark, store. En Suède , stor. Acipenser sturio. Lin. édit. de Gmel. — Guldenst. ïiov. Com. petrop. 16, p. 552. — Bloch, pi. Lxxxviir. Jcîpe esturgeon. Daub. Encyclop. métb. — Bonat. pl.de l'Encycl. méth. — Mus. Ad. Fr. i,p. 54, tab. 18, fii?. 2. — Faun. succic. p. 299. — It. scan. p. 187. — Huiler , Prodrom. zoo), dan. p. 3i , n^ 522. Acipense^' corpore tuberculis spinosis exaspérai», Artedi, gen. 65, syn. 91. — Gronov. Mus. 1, p. 60, B52 HISTOIRE squales, avec lesquels leur conformation extérieure leur donne d'ailleurs beaucoup de rapports; s'ils voguent, au milieu des n'^ i5i.Zooph. p. 59,11*^ 140. — Klein, Miss. pisc. 4^ p. 12 , n^ 1 -, p. i5 j n° 2. j4cipenser. Gesner. Aquat. 2. Estourgeon» Rondelet , première partie, liv. 14 > «liap. 8. Adelk) du pan, Id. seconde partie , des poissons de rivière, chap. 4« Cops. îd. ib. chap. 5. Sturio swe silurus, Salv. Aquat. p. 1 13. — Athen. 8, p. 5i5. — Seb. Mus. 5 , tab. 29 , fig. 19. Esturgeon. Belon , Aquat. p. 89. — Brit. zool. S, p. 96, n*^ I. — Willughby, Ichtii. 259, tab. p. 7, fig. 5. — Ray, Fisc. p. 1 12. Schirk, Kram. El. 383. Stoer. Sander naturf. i5 , p. i65. — Plin. Hist. mund. lib. 9, cap. i5. — Sclionev. p. 9. — Blas. nat. p. 259, tab. 49, fig. 2, 3, 12. — Aldrov. lib. 4r cap. 9 , p. Siy , 526. — Jonston , lib. 2 , tit. 1 , cap. 7, tab. 23 , fig. 8,9. — Charieton, p. 252. ( 2 ) L'esturgeon» En grec , oniskos , Durio dan* Athénée ; akkipesios , dans Athénée. En latin , acl" penser. 'En latin moderne , sturio. En allemand , stœre. En Prusse, stoJir. En Autriche , scJiirk et stierl. En Hongrie , kestchecke et kestchegi. En Danemark , store , haas(or et selstor. En Norvège , storje. En Hollande , stuer. En Pologne , czetzugi et jesziotr. En ,I>ivouie, stohre et iuurkalla». En Russie, ozeiz et DES ACIPENSERES. 335 ondes ^ leurs égaux en grandeur, ils sont bien éloignés de partager leur puissance. Ayant reçu une chair plus délicate et des muscles moins fermes , ils ont été réduits à une force bien moindre; et leur bouche plus petite ne présente que des cartilages plus ou moins endiucis , au lieu d'être armée de plusieurs rangs de dents aiguës^ longues et menaçantes. Aussi ne sont-ils le plus sou- vent dangereux que pour les poissons mal défendus par leur taille ou par leur con- formation ; et comme ils se nourrissent assez souvent de vers , ils ont même des appétits peu violens, des habitudes douces et des inclinations paisibles. Extrêmement féconds, ils sont répandus dans toutes les ossetrina. Chez les cosaques , sulimè. Chez les cal- mouks , beJcre. Par les habitans des bords de la Kovi- ma , schtchalhisch. En Yakout, katour. En Laponîe , storjer. En Espagne, sulio. En Portugal , créai, uécipenser rostro obtuso , oris diametro transverso longitudini œquali , cirris rostri apici propioribus , îahiis bifidis, . . acipenser sturio. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i54) sp. i. ylcipenser cirris quatuor , corpore tuberculorum fpinosorum seriebus quinqueangulo rostro sub acuto, Gronov. Mus. tom. I , p. 60 , n? i3i > et Zooph. p. 39, jd!^ 1^0. S on TA m u 534 HISTOIRE mers et dans presque tous les grands fleuves qui arrosent la surface du globe , comme autant d'agens pacifiques d'une nature créatrice et conservatrice , au lieu d'éti e , comme les squales, les redoutables ministres de la destruction. Et comment l'absence seule des dents meurtrières dont la gueule des squales est hérissée , ne déterminer oit- elle pas cette grande différence? Q;ie l'on arrache ses armes à l'espèce la plus féroce j et bientôt la nécessité aura amorti cette ardeur terrible qui la dévoroit; obligée de renoncer à une proie qu'elle ne pourra plus vainci-e, forcée d'avoir recours à de nouvelles allures, condamnée à des précau- tions qu'elle n'avoit pas connues, contrainte de chercher des asiles qui lui étoient inu- tiles, imprégnée de nouveaux sucs, nourrie de nouvelles substances, elle sera, au bout d'un petit nombre de générations , assez profondément modifiée dans toute son orga- nisation , pour n'offrir plus que de la foi- blesse dans ses appétits , de la réserve dans ses habitudes, et même de la timidité d'ans son caractère. Parmi les différentes espèces de ces aci- pensères, qui attirent l'attention du philo- sophe non seulement par leurs formes y DES ACIPENSERES. 335 leurs dimensions, leurs affections et leurs manières de vivre , mais encore par la nourriture saine, agréable, variée et abon- dante qu'elles fournissent à l'homme, ainsi que par les matières utiles dont elles enri- chissent les arts, la mieux connue et la j.lus anciennement observée est celle de l'estur- geon, qui se trouve dans presque toutes les contrées de l'ancien continent. Elle res-^ semble aux squales, comme les autres pois-» sons de sa famille, par Talongement de son corps, la forme de la nageoire caudale, qui est divisée en deux lobiS inégaux, et celle du museau, dont Textrémite plus ou moins prolongée en avant est aussi plus ou moins arrondie. L'ouverture de la bouche est placée , comme dans le plus grand nombre de squales, au dessous de ce museau avancé. Des cartilages assez durs garnissent les deux mâchoires et tiennent lieu de den(s : la lèvre supérieure est, ainsi que l'inférieure, divisée au moins en deux lobes; et l'animal peut les avancer l'une et l'autre , ou les retirer à volonté. Etitre cette ouverture de la bouche et \& bout du mîiseau, on voit quatre filamens déliés rangés sur une ligne transversale, 536 HISTOIRE aussi éloignés de cette ouverture que cle l'extrémité de la tête, et même quelquefois plus rapprochés de cette dernière partie que de la première. Ces baii)illons, très-menus, très - mobiles , et un peu semblables à de- petits vers, attirent souvent de petits pois- sons imprudens jusqu'auprès de la gueule de Testurgeon , qui avoit caché presque toute sa tête au milieu des plantes marines ou fluviatiles. Au devant des yeux sont les narines , dont rintérieur présente une organisation un peu difFérente de celle que nous avons vue dans le siège de Fodorat des raies et des squales, mais qui olFre une assez grande étendue de surface pour donner à l'animal un grand nombre de sensations plus ou moins vives. Dix-neuf membranes doubles s'y élèvent en forme de petits feuillets , et aboutissent à un centre commun, comme jutant de rayons. L'ouverture des branchies est fermée de chaque côté par un opercule, dont la sur- face supérieure montre un grand nombre de stries plus ou moins droites, et réunies presque toutes dans un point commun et à peu près central. Des stries disposées de même et plus ou - moins DES ACIPENSERES. 337 ïnoîns saillantes paroisseut le plus souvent sur les plaques dures que l'on voit former plusieurs rangées sur le corps cle Testurgeon. Ces plaques rayonnées et osseuses, que l'on a nommées cle petits boucliers, sont con- vexes par dessus, concaves par dessous, un peu arrondies dans leur contour , relevées dans leur centre, et terminées, dans cette partie exhaussée, par une pointe recourbée et tournée vers la queue. Elles forment cinq rangs longitudinaux qui partent de la tête, et qui s'étendent jusqu'auprès de la nageoire de la queue , excepté celui du milieu , qui se termine à la nageoire dorsale. Cette ran- gée du milieu est placée sur la partie la plus élevée du dos, et composée des plus grandes pièces; les deux rangées les plus voisines sont situées un peu sur les côtés de l'esturgeon , et les deux les plus exté- rieures bordent d'un bout à l'autre le des- sous du corps de ce cartilagineux. Ces cinq séries de petits boucliers sont assez élevées pour faire paroitre l'ensemble de l'animal comme une sorle de prisme à cinq faces, et par conséquent à cinq are les. Le nombre de ces plaques varie dans chaque rang; il est quelquefois de onze ou douze dans la rangée du dos, et il n'est pas Foiss, Tome IV. Y S58 HISTOIRE rare de voir la plus grande de ces pièces avec un diamètre de quatre ou cinq pouces, sur des esturgeons déjà parvenus à la lon- gueur de dix ou onze pieds (i). L'épaisseur des boucliers répondant à leur volume, et , leur dureté étant très-grande, les cinq ran- gées qu'ils composent seroient donc une excellente défense pour l'esturgeon , et le rendroient un des mieux cuii-assés des pois- sons , si ces rangées n'étoieni; pas séparées l'une de l'autre par de grands intervalles. La nageoire dorsale commence par un rayon très-gros et très- fort, et est située plus loin de la tête que les nageoires ven- trales ; celle de l'anus est plus éloignée encore du museau ; et le lobe inférieur de la nageoire caudale est en forme de faux, plus long et sur -tout plus large que le supérieur. (i) De cinq esturgeons que Bloch a examinés, trois avoient douze boucliers sur le dos , et les deux autres en avoient treize. Gronovius leur en donne dix , Ricliter treize , Willugliby de onze à treize , et Belon dix-huit. Le nombre de ces boucliers n'est pas plus fixe 8ur les côtés. M. Fucbs, de Posldam , en a remarqué trente su^^ un côté , et trenle-deux sur l'autre. Blocli en a trouvé vingt-neuf d'un côté et Irenle-uti de Fautre. ( Bloch, Hist. nat. des poissons , 'article de V esturgeon.) S o N N i N i. DES ACIPENSERES. SSg L'esturgeon a une conformité de plus avec les raies, par deux trous garnis cliacun d'une valvaile mobile à voJonlé, et qui, placés dans le recluni, i»ès-près de l'anus, Fun à droite, et Faulre à gauche, font communi- quer cet inleslin avec la cavité de Tabdomen. L'eau de la mer, ou celles des rivières, pénètre dans cette cavité par ces deux ou- vertures; elle s'y mêle avec celle que les vaisseaux sanguins y déposent , ou que d'autres parties du corps peuvent y laisser filtrer, et parvient ensuite jusques dans la vessie (i). (i) Dans l'esturgeon l'estomac est petit et ne paroît pas distinct du canal intestinal , qui, au dessous de sa première sinuosité, s'élargit en une capacité dure, plissée, épaisse et longue seulement d'un pouce et demi. C'est là , suivant Bloch , l'unique estomac de ce poisson. Uu reste , le canal intestinal fait plusit urs circonvolutions. Le foie se divise en deux lobes alon- gés , partagés eux-mêmes par des fissures en plu- «ieurs lobules. La vésicule du fiel, située à droite est longue, la rate petite et ronde , la vésicule aérienne, courte, large , attachée de chaque côté et formée par «ne membrane épaisse. Un habile analomiste italien, M. Comparetti, a examiné avec beaucoup de soin l'organe de l'ouïe dans l'esturgeon *, par sa structure il semble tenir le milieu entre les amphibies qui nagent et les poissons, Y a 540 HISTOIRE La couleur de Testurgeon est bleuâtre, avec de petites taches brunes sur le dos, et En divisant le crâne Jans sa longueur, et en ôtant la substance du cerveau ,11 se présente aussitôt sur les côlés une membrane ou plutôt une enveloppe ferme qui recouvre la cavité acoustique, et qui est distendu» transversalement. Celte membrane a plusieurs appen- dices et divers trous. Comme le conduit commun des canaux demi-circulaires est très-lié avec la surface moyenne et extérieure de la membrane , les autres conduits sont aussi liés avec la même membrane par d'autres appendices ; en sorte qu'à la moindre impul- sion ou pression , le fluide se porte dans les conduits et reçoit un trémoussement en tout sens. Le sac qui adhère inférieurement à la membrane , et qui est reçu dans la partie inféneure de la cavité, paroît descendre obliquement des parties antérieures aux postérieures , et présente une forme oblongue et comme ovale. La partie antérieure de ce sac contient un os qui est en grande partie solide et aplati , et qui a plutôt la forme d'un omoplate que d'un corps triangulaire. La face intérieure de cet os est légè- rement convexe. C'est sur cet os que se répand une lame blanche , molle , comme muqueuse , qui est une expansion de la moelle des nerfs , et qui recouvre sur-tout une partie crétacée qui se trouve à l'angle antérieur. ( Andreae Comparetti , in Gymnasio Pata- vino prof. Obseruationes anatomicœ de aura interna. Extrait dans le Journal de physique , du mois d« «aai , 1.795 , p. 357.) S o w N I N I. DES ACIPENSERES. 34i noires sur la partie inféiieure du corps. Sa grandeur est très - considérable , ainsi que nous Fa vous déjà annoncé,* et lorsqu'il a atteint tout son développement, il a plus de dix-huit pieds , ou de six mètres ,, de lon- gueur (i). Cet énorme cartilagineux habite non seu- lement dans rOcéan , mais encore dans la Méditerranée 5 dans la mer Rouge, dans le Pont-Euxin, dans la mer Caspienne. Mais, au lieu de passer toute sa vie au milieu des eaux salées, comme les raies , les squales, les lophies, les balistes et les chimères, il recherche les eaux douces comme le pétro^ myzon lamproie , lorsque le printems arrive , qu'une chaleur nouvelle se fait sentir jus- qu'au milieu des ondes, y ranime le senti- ment le plus aclif , et que le besoin de pondre (i) Son poids va assez souvent jusqu'à deux cents livres ; mais on en prend en Sibérie de beaucoup plus considérables, puisque des femelles ont quelquefois dans leur intérieur jusqu'à deux cents livres pesant d'œnfs , et des mâles, cinquante livres de laite. En lySo , on en prit un en Italie qui pesoit cinq cent cinquante livres , et dont on fit présent au pape. En Norvège, il y en u dont la tête seule fournit une tonne d'huile ; et on en a quelquefois péché qui pesoient mille livres. Sonnini. Y 3 34i HISTOIRE ou de féconder ses œufs le presse et Faî- guillonne. Il s^engage alors dans presque tous les grands fleuves. Il remonte parlicu- lièrement dans le Volga, le Tanaïs, le Da- nube, le Pô, la Garonne, la Loire, le Rhin , l'Elbe, roder. On ne le voit même le plus souvent que dans les fleuves laiges et pro- fonds, soi! qu'il y trouve avec plus de facilité Taliment qjj^il préfèie, soit qu'il obéisse dans ce choix à d'autres causes presque aussi éner- giques, et que, par exemple, ayant une assez grande force dans ses di%'erses parties, dans ses nageoires, et particulièrement dans sa queue , quoique cette puissance musculaire soit inférieure, ainsi que nous l'avons dit, à celle des squales, il se plaise à vaincre, en nageant, des courans lapides, des flots nombreux, des masses d'eau volumineuses, et ressenie, comme tous les êtres, le besoin d'exercer de tems en tems, dans toute sa plénitude, le pouvoir qui lui a été départi. D'ailleurs, l'esturgeon présente un grand volume : il lui faut donc une grande place pour se mouvoir sans obstacle et sans peine; et cette place étendue et favorable, il ne la trouve que dans les fleuves qu'il préfère (i). (i) Les esturgeons s'engagent cjiieîquefois dans les DES ' ACIPENSERES. 343 Il grandit et engraisse dans ces rivières rivières et y remontent fort liaut. L'on en a pris dans la Moselle jusqu'à Metz , et je me souviens d'en avoir vu pêcher un à Pont - à - Mousson , à cinq lieues de Nancy. Ils remontent très-rarement la àSeine jusqu'à Paris ; cependant on trouva un esturgeon, dans des filets appelés gords , à Neuilly sur Seine , près de Paris, en 1800, année fertile ea grands événemens. Ce poisson pesoit deux cents livres; il avoit sept pieds et demi de long et près de quatre pieds de tour. On la fit conduire vivant à Mal maison , dans une gondole remplie d'eau ; il y arriva aussi vivant et on le mit dans un des bassins du parc, oh il resta quelque tcms ; on l'amena ensuite à Paris, et on l'y montra au public dans une enceinte de planches disposées sur la Seine , vis-à-vis les f^ale- ries du Louvre. On a pu juger du naturel pacifique de l'espèce, par la douceur extrême avec laquelle cet animal se prêtoit à la gêne continuelle que lui faisoicnt éprouver ceux qui l'exposoient aux regards de tous venans. On a montré quelquefois à Paris des esturgeons ; mais on y en avoit peu vu de cette taille, et ils y avoient été amenés de plus loin. Il est extrêmement rare que des poissons de cette espèce aient franchi la Seine à une pareille hauteur. Des vieillards se rappe- loient qu'il y avoit environ soixante ans que l'on a fait une prise de cette nature dans les mêmes filets nommés gords. Souvent les esturgeons s'écartent des grands fleuves V4 544 HISTOIRE fortes et rapides, suivant qu'il y rencontre pour passer par les rivières dans les lacs. Il y a quelque tems que l'on en prit un aux environs de Posldam , dans un lac qui communique avec la llavel , dont l'embouchure est dans l'Elbe; il avoit Luit pieds de long et pesoit cent quatre-vingt-six livres. On en a pêche aussi dans la Spree , et ils se montrent encore en Prusse , selon Bloch , dans le Friscli-Haf et le Kurisch-Haf. On en prend beaucoup près de Pillau, où on les marine pour les exporter principalement en Angleîerre. L'iiomine abuse trop souvent de la douceur du naturel des animaux qui l'entourent, en les tour- menlant sans pitié. Dans les pays où les esturgeons sont très- communs , comme en Russie, on en prend pendant l'été et l'automne , dans les eaux du Volga , une grande quantité que 1 on transporte dans les lac» qui avoisinent le fleuve, et pour cela on traîne ces jnaîlieureux poissons dans le fleuve même, avec des cordes dont un bout entre dans leur bouche et ressort par les ouïes. A l'entrée de Thyver , on va les prendre avec des filets, et on les envoie tout gelés en dilférens cantons. C'est dans les fleuves des contrées septentrionales que les esturgeons se rendent en plus grand nombre en mars, avril et mai. Ils y entrent par troupes et y sont, en quelques endroits, si aboiidans qu'on les Toit fourmiller dans l'eau. Les cosaques du Jaïk ont assuré à M. Paîlas que l'aflluence de ces poissons étoil si forte , qu'ils ont endommagé plusieurs fois DES ACIPENSERES. 345 la tranquillité , la température et les aliniens îa diiîue qui barre le Jaïk an dessus de Jaïtzkoï- Gorodok, et que l'on ctoit obligé quelquefois de tirer le canon pour les disperser. ( Voyages en différentes proviuces de l'empire de Russie et dans TAsie sep- tetitrionale , traduct. franc, tome I, p. 4^3.) « On rapporte, ajoute M. Pallas, un fait qui me paroît très- vraisemblable : c'est que tous ces esturgeons remontent le Jaïk pour y déposer leur frai au mois d'avril , à l'époque où les saules commencent à bour- geonner , et qu'ils se frottent contre les fonds pier- 3'eux pour s'en défaire. . . . Les cosaques m'ont encore affirmé généralement que les esturgeons restent dans le fleuve jusqu'à l'hyver et qu'ils y passent même cette saison. Lorsque ces cosaques pêcbent au mois de mai les sterlets, ils sont obligés par une loi de rejeter dans l'eau tous les esturgeons qui tombent dans leurs filets, parce que ces poissons se vendent beau- coup plus cber en byver lorsqu'on peut les transporter gelés; le bénéfice est donc plus considérable pour la nation en général. Ils observent rigidement cette loi. Celui qui seroit trouvé en contravention auroit son poisson confisqué, et seroit en outre condamné à recevoir la bastonnade : le texte de la loi est formel ; fU-i-grabit , le bâton et la mort ». ( Ibid. p. 454) Au rapport du même voyageur, les esturgeons sont rares dans l'Enisséi , fleuve de la Sibérie , qui est du reste fort peu propre à la pêcbe , à cause de la rapidité de ses eaux et d«s rochers dont son fond est hérissé. Mais le petit nombre de ces poissons qui 546 HISTOIRE qui lui conviennent le mieux; et il est de s'y trouvent sont d'un goût exquis. Ils se tiennent en liyver clans les endroits les plus profonds où il eut impossible de les approcher. En général, les estur- geons préfèrent les fleuves et les rivières à fond ter^ renx , et ils y deviennent plus gros; mais leur chair n'est pas aussi délicate que dans les eaux qui coulent sur des pierres et des rochers. Les samoièdes et les ostiaques, qui peuplent les bords de l'Obi, prennent fréquemment des esturgeons d'une grande longueur ^ qui leur fournissent des provisions abondantes. licKur, fleuve de Perse, qui porte ses eaux dans la mer Caspienne , enrichit le pays qu'il arrose par la quantité d'esturgeons qu'on y pêche. ( Voyage en divers étals d'Europe et d'Asie , par le père Avril , P-8..) Dans la Kovima , grande rivière de l'Asie septen- trionale , les esturgeons parurent au commodore Bil- lings plus gras, pins fermes et d'un goût plus délicat que par-tout ailleurs. On les pêche depuis le mois de juillet jusqu'en octobre. (Voyage dans le nord de la Russie asiatique, dans la mer Glaciale, etc. trad. franc, tom. I , p. i6o.) Les rivières du nord de l'Amérique reçoivent aussi les esturgeons en aussi grande quantité que celles des contrées boréales de l'ancien continent. La rivière du lac de la Pluie, l'une des plus belles qui arrosent le nord - ouest de l'Amérique, abonde en poissons et principalement en esturgeons , que les sauvages prennent tantôt avec des seines, tantôt en les perçant DES ACIPENSERES. 547 ces fleuves dans lesquels il est parvenu à un poids énorme, et jusqu'à celui de mille livres, ainsi que le rapporte Pline de quel- ques-uns de ceux que l'on voyoit de son tems dans le Pô. Lorsqu'il est encore dans la mer, ou près de Tembouchure des grandes rivières , il se nourrit de harengs ou de maquereaux et de gades ; et lorsqu'il est engagé dans les fleuves , il attaque les saumons , qui les remontent à peu près dans le même tems que lui 5 et qui ne peuvent lui opposer qu'une foible résisîance. Comme il arrive quelquefois dans les parties élevées des rivières considérables avant ces poissons , de leurs lances. ( Vo}^1ges de Mackensie dansl'iiilé- rieur de l'Amérique septentrionale , traduct. françé tom. I , p. i43. ) Vancouver , dans ses navigations le long des côtes du nord-ouest de l'Amérique, a vu des esturgeons au havre de Gray et dans la rivière de Columbia, de la nouvelle Albion. ( Traduction française des Voyages de Vancouver , tom. I , p. 36o , et tom. II , p. 76.) Ces poissons sont très-communs à Albany et se vendent un denier la livre, cours d'Yorck , sous le nom de hœuf d' Albany. ( Voyages chez différentes nations sauvages de l'Amérique , par J. Long , trad. fianç. p. 219.) So N N 1 N I. 348 HISTOIRE ou qu'il se mêle à leurs bandes , clont il cherche à faire sa proie , et qu'il paroît semblable à un géant au milieu de ces légions nombreuses , on l'a comparé à un chef et on Ta nommé le conducteur des saumons. Lorsque le fond des mers ou des rivières qu'il fréquente est très-limoneux , il préfère souvent les vers qui peuvent se trouver dans la vase dont le fond des eaux est recouvert, et qu'il trouve avec d'autant plus de facilité au milieu de la terre grasse et ramollie y que le bout de son museau est dur et uii peu pointu , et qu'il sait fort bien s'en servir pour fouiller dans le limon et dans les sables mous (i). Il dépose dans les fleuves une immense quantité d'œufs; et sa chair y présente un degré de délicatesse très - rare , sur - tout dans les poissons cartilagineux. Ce goût fin et exquis est réuni dans l'esturgeon avec (i) La différence de nourriture donne à la graisse et à la chair des esturgeons une qualité particulière, que les pêclieurs du nord savent bien distinguer; eti Norvège , on nomme esturgeon maquereau celui qui s'est nourri de maquereaux; esturgeon hareng ce\ui dont les harengs ont fait la pâture , etc. Soumm. DES ACIPENSERES. 349 une sorte de compacité que Ton remarque dans ses muscles, et qui les rapproche un peu des parties musculaires des autres car- tilagineux : aussi sa chair a-t-elle été prise très-souvent pour celle d'un jeune veau, et a-t-dl été de tous les tems très- recherché. Non seulement on le mange frais , mais , dans tous les pays où Fou en prend un grand nombre, on emploie plusieurs sortes de pré- parations pour le conserver et pouvoir ren- voyer au loin. On le fait sécher , ou on le marine, ou on le sale. La laite du mâle est la portion de cet animal que Ton préfère à toutes les autres. Mais quelque prix qu'on attache aux diverses parties de l'esturgeon et même à sa laite, les nations modernes, qui en font la phis grande consommation et le paient le plus cher , n'ont pas pour les poissons en général un goût aussi vif que plusieurs peuples anciens de l'Europe et de TAsie , et particulièrement que les romains enrichis des dépouilles du globe. N'étant pas d'ailleurs tombées encore, dans ces inconce- vables recherches du luxe , qui ont marqué les derniers dégrés de l'asservissement des habitans de Rome , elles sont bien éloignées d'avoir de la bonté et de la valeur de l'estur- geon une idée aussi extraordinaire que celle S5o HISTOIRE qu'on en avoit clans ]a capitale du monde, au milieu des tenis de conuption qui ont précipité sa ruine. On n'a pas encore vu , dans nos tenis modernes , des esturgeons portés en triomphe, sur des tables fastueu- semeijt décoiées , par des ministres cou- ronnés de fleurs, et au son des instrumens, comme on Ta vu dans Rome avilie , esclave de ses empereurs , et expirant sous le poids des richesses excessives des uns, de l'affreuse misère des autres , des vices ou des crimes de tous (l). L'esturgeon peut être gardé hors de l'eau ■iW, — II» ' I I I I .1 .1 I . . I ■ Mi (i) L'esturgeon étoit en grande considération chez les grecs et les romains ; on le regardoit , selon AUiénée , comme le meilleur morceau des festins, Ovide donne à ce poisson répilliète de noble : Tuque peregrlnis acipenser nohilis undls. Il est encore fort estimé dans la Rome moderne ; il s'y vend ordinairement quatre scudis , et l'on cite Tin esturgeon qu'un cardinal acheta soixante et dix scudis. Dans toute l'Italie on conpe en tranches l'épine du dos de l'esturgeon ; on la sale et on la fait fumer. C'est ce que l'on nomme chinalia ou spinachia , et c'est un mets fort goûté. On y sale aussi et l'on marine les autres pièces du poisson \ le venfre y passe pour le meilleur morceau. Les norvégiens coupent DES ACIPENSERES. 55i pendant plusieurs jours , sans cependant périr; et Tune des causes de cette faculté l'esturgeon eu longues bandes, et en font ce qu'ils appellent du racket. Les ostiaques mangent ordinairement cru le nerf dorsal des esturgeons , ainsi que les cartilages de plu- sieurs autres espèces de poissons; c'est pour eux nn mets de délices, mais ils ont grand soin de ne pas y toucher avec le couteau , dans la persuasion que cela leur porteroit malheur à la pêche. Ils prétendent que leur pèche seroit également mauvaise , s'ils s'avisoient de" fendre en long le ventre d'un poisson. ( Voyages de Pallas en Russie et dans l'Asie septentrionale , traduct. franc, tom. IV, p. 65. ) L'esturgeon est fort en honneur à la Chine 5 c'est un poisson réservé à l'empereur, et ceux de ses favoris qui en mangent le tiennent de lui. Comme ce poisson est ordinairement fort gras, sa chair est de difficile digestion et fatigue les estomacs foibles. Mais une remarque fort singulière est celle que J. Long a faite dans le cours de ses voyages. « J'ai souvent été surpris , dit -il , que le bouillon de poisson ne fût pas plus généralement en usage , le goût en étant très-agréable le bouillon d'estur- geon est délicieux et laisse un goût agréable ; mais comme il augmente encore l'appétit de la viande , ainsi que je l'ai éprouvé , on ne doit le prendre que lorsqu'on a du gibier en abondance)). ( Voyages de 3. Long chez différentes nations sauvages de l'Amé- rique septentiionalc , page 219 de la traduction fran- çaise.) S o M K 1 JS I. 552 HISTOIRE qu'il a âe se passer , pendant un teras assez long, d'un fluide aussi nécessaire que Feau à la respiration des poissons, est la confor- mation de l'opercule qui ferme de chaque côté Touverliue des branchies, et qui, étant bordé dans pn-sque tout son contour d'une peau assez molle , peut s'appliquer plus facilement à la circonféience de l'ouverture et la clore plus exactement (i). , ■ 1 1l* (i) Voyez le Discours sur la nature des poissons'. LE DES ACIPENSERES. S55 LE S C H Y P A (i). SECONDE ESPECE. ,OôiT que l'esturgeon auquel les peuples du Noid donne le nom de schjpa , diffère assez de l'esturgeon commun, pour former une espèce distincte , soit qu'il ne s'en éloigne que par les légères dissemblances d'une simple variété , les nombreux pêcheui^ de la Russie et de la Sibéi'ie ne le confon- dent point avec les autres poissons du même genre , et le reconnoissent à des disparités constantes. De célèbres voyageurs ont vérifié ces disparités, et Gulclenstaed (2), Pallas(3) (i) Schypa et hostera ^ noms de ce poisson chez les russes el les cosaques. Acipenser rostro obtuso , oris diametro tertiam par- tem longiore , cirria rostri apici propioribus , labiis hifidis. . . aclpenser schypa. Guldenst. nov. Comment, petrop. tom. XVI, p. ôS"?.. — Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. i3c:^ , sp. 4, — Artedi, Gen. pisc. §en. 43, sp. 3. additam, (2) Loco suprà citato, (3) Voyages en Russie et dans l'Asie septentrionale, traduct. fianç. tom. I , p. 462. Poiss, Tome IV, Z 354 HISTOIRE et Lepécliin ( i ) ont paiié du schypa comme d'une espèce séparée. On le distingue aisément des autres es- turgeons , à son poli , à sa tête pointue et terminée par un museau obtus , qui est plus long d'un tiers que le diamètre de Ja bouche , et à ses barbillons plus rapprochés du bout du museau ; ses lèvres sont divisées en deux parties. Sa chair passe pour être agréable au goût. Ce poisson n'a que cinq pieds de longueur ; et il se trouve dans la mer Caspienne , dans le lac Oka en Sibérie, dans le Jaïk, etc. iil ■ I I I " ' « .J I M» .1 I . — W (i) Voyage , tom. V , p. 54^ DES ACIPENSERES. 555 LMCHTHYOCOLLE, L'ACIPENSERE HUSO (i)(2), PAR LACÉPÈDB. TROISIEME ESPÈCE. JLiE huso n'est pas aussi répandu dans les différentes mers tempérées de TAsie que Festurgeon. On ne le trouve guère que dans la Caspienne et dans la mer Noire ; et on ne le voit communément remonter que dans (i) Dans quelques parties de l'Italie , cepse. Dans 4'autres parties de Tltalie , colpesce. Dans quelques •entrées d'Allemagne , husen , collano , barbota. Par quelques grées naoderties , morona. Dans plusieurs pays du Nord , beèluge , bellouga , belluga. Par plu- sieurs auteurs latins , exos. Acipenser huso. Lin. édit. de Gmelin. Acipe ichthyn colle. Daubent. Encycl. méthod. — — Bonaterre , planch. de l'Encycl. méthod. — Guldenstw nov. Comm. petrop. t. XVI, p. 552. — Kœlreuter,» ib. 17, p. 53i , f . 12, 17. Acipenser tubercutis carens. Art. gen. 65 , syn. 92» -- Kram. EL 385. Mario. Vlïn. Hist. znundi ^ lib. 9 , cap, i5% r^ z a. S56 HISTOIRE le Volga 5 le Danube , et les autres grands fleuves qui portent leurs eaux dans ces deux 'Aldrov. Fisc. p. 554* — Jonst. Fisc. tab. ^5 , fig. i , 3. — Gesiier , Aquat. pag. 69. Hiiso germanoriwi. WiHuglib}'-, Iclith. p. 245.-— Ray, Fisc. p. 1 13. Copso ou colpcsce. Rondelet , seconde partie des poissons de rivière, cliap. 6. (La figure ne se rapporte point à un acipensère , mais à un silure.) Antacée du Neper yià. ibid. cap. 9. (La figure est défectueuse.) (2) Uichthyo colle. Far quelques - uns , le grand esturgeon; En Allemagne, glaii-dick j quand il n'a point de boucliers. En Hongrie , wischal , morona, et quand il ii'a point de boucliers , jesetra toch et sere- ^snsertsi. En. Russie, heluga , helouga ; quand il a depuis six jusqu'à huit palmes , sapkowaja ; quand il en ^ neuf et dix , polumernaja ; quand il en a douze , mernaja ; entre treize et quatorze , gorbuscha \ quand il en a quinze , uluschuaja et polumateraja ; au delà de quinze palmes, materaja. Chez les t art ares , X^/o/yûr, Chez les calmouks , chorbio. Dans les environs du lleuve Amour , kaluschha, Acipenser rostro obtusissimo , oris diametro longitu-- dine cédante ^ cirris ori prcpioribus , labiis integris., . . q.cipe.nHer huso. Lin. Syst. uat. edit. Gmel. gen. i34 , sp. 3. Acipenaer corpore tuherculis obsito , rostro obtuso , oris diametro rostri longitudinem superante, Kram» Elench. p. 385, DES ACIPENSERES. 357 mers (i). Mais les légions que cette espèce y forme sont bien plus nombreuses que celles de l'esturgeon, et elle est bien plus féconde que ce dernier acipensère. Elle parvient d'ailleurs à des dimensions plus considé- rables : il y a des husos de plus de vingt- quatre pieds ( huit mètres ) de longueur; et Ton en pêche qui pèsent jusqu'à deux mille huit cents livres ( plus de cent quarante niyriagramraes ) (2). Il a cependant, dans sa conformation, de très-grands rapport^ avec ■' ■ . - -t - C'est , selon toute apparence , VantanaiQ9 dos .anciens grecs. , .. »..:,.; Klein et Marsi'gli ont fait mal à propos une espèce particulière du glati- d le k des nations du nord. Ce mot est la désignation dé l'icUtbyocolle dépouillé de ses boucliers. ^^itOV Jo ' ' Le comte de Marsigli.a donné les figures 'des parties intérieures de ce poisson dans son grand puvrage sur le Danube , tom. VI , pi. ix - xxi. ' Sonnini, (i) On le prend plus ordinairement à l'embouchure du Danube ; cependant il remonte, aussi ce fleuve jus(ju'aux environsd'e Conîôré et de Pest, quelquefois au delà. Blocli cite un iclilbyocolle de trois cents livres, qui fut pêclié à quelques milles au delà de Vienne , et un autre du même poids à un mille de Lintz. Ce poisson entre aussi dans la Méditerranée , et remonte le Pô. S o n n i n i. (2) Suivant M. Pallas , l'œsophage et Pestomac d« z 3 558 HISTOIRE Testurgeon ; il n'en diffère d'une manier© remarquable que dans les proportions de son museau et dans la forme de ses lèvres. Le museau de cet animal est en effet plus court que le grand diamètre de l'ouverture de sa bouche , et ses lèvres ne sont pas divisées de manière à présenter chacune deux lobes. Le nombre de pièces que Ton voit dans les cinq rangées de grandes plaques dispo- sées longitudinalement sur son corps , est très -sujet à varier ,• à mesure que Tanimal vieillit , plusieurs de ces boucliers tombent sans être remplacés par d'autres : lors même que le huso est arrivé à un âge très-avancé, il est quelquefois entièrement dénué de ce$ plaques très-dures ; et voilà pourquoi Ar- tedi et d'autres natut-alistès ont cru devoir distinguer cette espèce par le défaut de boucliers. • . ... r . ::. '>^;. i Il est pïus souvent d'un bleu presque noir sur le dos , et d'un jaune claii' sur le ventre (i). l'iclitbyocolle ont tant de capacité , qu'ils peuvent contenir à la fois deux veaux marins et plasieura poissons. S O H N I N I. (i) Totis SCS intestins sont d'un iïoir bleuâtre. La DES ACIPENSERES. SSg C'est avec les œufs que les femelles de cette espèce pondent en très-grande quantité, au commencement du retour des chaleurs, que les habitans des rives des mers Noire et Caspienne , et des grandes rivières qui s'y jettent , composent ces préparations connues sous le nom de cainar, et plus ou moins esti- mées , suivant que les œufs, qui en font la base, ont été plus ou moins bien choisis, nettoyés , maniés , pressés , mêlés avec du sel ou d'autres ingrédiens. Au reste, Ton se représentera aisément le grand nombre de ces œufs, lorsqu'on saura que le poids des deux ovaires égale presçfue le tiers du poids total de Tanimal , et que ces ovaires ont pesé jusqu'à huit cents livres dans un husô femelle qui en pesoit deux mille huit cents. Ce n'est cependant pas uniquement avec les œufs du huso que Ton fait le caviar : ceux des autres acipensères servent à coni-^ poser celte préparation. Outre les oeufs noirs de ces cartilagineux, on pourroit mêrrie em- ▼essie d'air n'est point divisée ; elle a la forme d'un coin ; son beat est arrondi et tourné vers la tête ; elle est attachée à l'épine du do» par des ligamens parti- culiers j le coté qui est tourné vers le dos est blanc ^ «t l'autre noirâtre. S o n n i n i, Z4 56o HISTOIRE ployer dans la fabrication du caviar, selon M. Guldenstaedt , les œufs jaunes d'auties grands poissons , comme du brochet, du sandat, de la carpe, de la brème, et d'au- tres cyprins appelés en russe yaze, beresna, ou. jeregh et virezou, dont la pêche est très- abondante dans le bas des fleuves de la Russie méridionale, TOural, le Volga, le Terek, le Don et le Dnieper (j). Mais ce n'est pas seulement pour ses œuf^ que le huso est recherché ; sa chair est très- nourrissante, très-saine, et très-agréable au goût (2). Aussi est -il peu de poissons qui aient autant exercé l'industrie et animé le commerce des habilans des côtes maritimes /OU des bords des grands fleuves , que Taci- pensère dont nous nous occupons. On em- ploie, pour le prendre, divers procédés qu'il est bon d'indiquer, -et qui ont été décrits très en détail par d'habiles observateurs. Le (») Guldenstaedt, Discours sur les productions de Russie; Pétersboiirg , 1776, p. u. (2) Cette chair est blanche , forasse et presque sem- blal)le à celle du veau ; on l'accommode de la même manière : salée, elle a le goût de celle du saumon; mais il faut avoir soin de la laisser tremper pendant quelques jours dans l'eau pour en ôter le sel. Son NI NI. DES ACIPENSERES. 56i célèbre naturaliste de Russie, le professeur Pal las , nous a particulièrement fait con- noitre la manière dont on pèche le liuso dans le Volga et dans le Jaïk , qui ont leurs embouchures dans la mer Caspienne. Lors- que le tems pendant lequel les acipensères remontent de la mer dans les rivières est arrivé, on construit, dans certains endroits du Volga ou du Jaïk, une digue composéet^ de pieux , et qui ne laisse aucun intervalle assez grand pour laisser passer le huso. Cette digue forme , vers so^ milieu , un angle opposé au courant , et par conséquent elle présente un angle rentrant au poisson qui remonte le fleuve, et qui, cherchant une issue au travers de l'obstacle qui Tarrête , est déterminé à s'avancer vers le sommet de cet angle. A ce sommet est une ouverture qui conduit dans une espèce de chambre ou d'enceinte formée avec des filets sur la fin de rhyver, et avec des claies d'osier pen- dant l'été. Au dessus de l'ouverture est une sorte d'échafaud sur lequel des pêcheurs s'éta^ blissent. Le fond de la chambre est , comme l'enceinte , d'osier ou de filet , suivant les saisons, et peut être levé facilement à la hauteur de la surface de l'eau. Le huso 56â HISTOIRE s'engage dans la chambre par rouverture que lui offre la digue ; mais à peine y est - il entré , que les pécheurs , placés sur Téchafaud , laissent tomber une porte qui lui interdit le retour vers la mer. On lève alors le fond mobile de la chambre, et l'on se saisit facilement du poisson. Pendant le jour, les acipensères qui pénètrent dans la grande enceinte, avertissent les pêcheurs de leur présence par le mouvement qu'ils sont for- cés de communiquer à des cordes suspen- dues à de petits corps flottans; et pendant la nuit ils agitent nécessairement d'autres cordes disposées dans la chambre, et les tirent assez pour faire tomber derrière eux la fermeture dont nous venons de parler. Non seulement ils sont pris par la chute de cette porte , mais encore cette fermeture y en s'enfonçant , fait sonner une cloche qui avertit et peut éveiller le pêcheur resté en sentinelle sur Téchafaud. /=) Le voyageur Gnielin , qui a parcouni différentes contrées de la Russie, a décrit d'une manière Irès-animée Fespèce de pêche solemnelle qui a lieu de tems en tems , et au commencement de l'hy ver , x^our prendre les husos retirés vers cette saison dans les DES ACIPENSERES. 565 cavernes et les creux des rivages voisins d'Astracan. On réunit un grand nombre de pêcheurs ; on rastemble plusieurs petits bâti- m«ns; on se prépare comme pour une opéra- tion militaire importante et bien ordonnée: on s'approche avec concert , et par des ma- nœuvres régulières, des asiles dans lesquels les husos sont cachés; on interdit avec sé- vérité le bruit le plus foible, non seulement aux pécheurs , mais encore à tous ceux qui peuvent naviguer auprès de la flotte : on observe le plus profond silence ; et tout d'un coup poussant de grands cris, que les échos grossissent et multiplient , on agite , on trouble, on effraie si vivement les husos qu'ils se précipitent en tumulte hors de leurs cavernes , et vont tomber dans les filets de toute espèce tendus ou préparés pour les recevoir (i). Le museau des husos , comme celui de plusieurs cartilagineux , et particulièrement d'un grand nombre de squales , est très- sensible à toute espèce d'attouchement. Le dessous de leur corps , qui n'est revêtu que (i) Je donnerai à la suite de l'histoire des estur- geons, la description des différentes pêches eu usag« poujc prendre c«s poissoBs. SoI^^INI. 564 HISTOIRE d'une peau assez molle , et qui ne présente pas de boucliers comme leur partie supé- rieure, jouit aussi d'une assez grande sen- sibilité; et Marsigli nous apprend, dans son Histoire du Danube (i) , que les pêcheurs de ce fleuve se sont servis de cette sensibilité du ventre et du museau des liusos pour les prendre avec plus de facilité. En opposant à leur museau délical des filets ou tout autre corps capable de le blesser , ils ont souvent forcé ces animaux à s'élancer sur le rivage; et lorsque ces acipensères ont été à sec et étendus sur la grève, ils ont pu les contraindre, par les divers attouchemens qu'ils ont fait éprouver à leur ventre , à retourner leur longue masse, et à se prêter, malgré leur excessive grandeur, à toutes les opérations nécessaires pour les saisir et pour les attacher. , Lorsque les husos sont très -grands, on est en effet obligé de pi endre des précau- tions contre les coups qu'ils peuvent donner avec leur queue : il faut avoir recours à ces précautions lors même qu'ils sont hors de l'eau et gisans sur le sable; et on doit alors chercher d'autant plus à arrêter les mou- (i) Marsigli , Histoire du Danube , tome IV. DES ACIPENSERES. 565 Temens de cette queue très-longue par les liens dont on Fentoure , que leur puissance musculaire , quoique inférieure à celle des squales, ne peut qu'être dangereuse dans des individus de plus de vingt pieds, et que les plaques dures et relevées qui revêtent l'extrémité postérieure du corps sont trop séparées les unes des autres pour en dimi- nuer la mobilité, et ne pas ajouter par leur nature et par leur forme à la force du coup (i). ■■I I ■ .1 . ■ I ■ ^ (i) Après avoir tire les esturgeons sur le rivage , les pêcheurs russes commencent par leur fendre la tête avec une hache ; puis ils les ouvrent en dessous depuis la tête jusqu'à la nageoire anale, et ils tirent, l'un après l'autre , les intestins , les œufs , la vésicule aérienne et la moelle, épinière. Ils jettent la partie inférieure de l'intestin , mais ils coupent pour le «langer l'œsophage qui est large et charnu ; ils le salent et le vendent à Astracan jusqu'à six ou sept copecs, c'est-à-dire , six ou sept sous la pièce. Lorsque les œufs sont enlevés , ces mêmes pêcheurs détachent la vésicule aérienne , qui comprend tout le dos , et la mettent dans des seaux pour la livrer à ceux qui font la colle de poisson. Enfin ils coupent le cartilage du dos pour en tirer la moelle , qu'ils lavent et pendent ensuite à l'air sur des bâtons pour la faire sécher. Lorsque les intestins sont ôtés, ils coupent la graisse ^ui, chez les mâles, se trouve principalement autour 566 HISTOIRE D'ailleurs, la rapidité des mouvement n'est }3oint ralentie dans le huso, non plus que dans les autres acipensères , par les ver- tèbres cai tilagineuses qui composent l'épine dorsale , et dont la suite s'étend jusqu'à l'extrémité de la queue. Ces vertèbres se prêtent, par leur peu de dureté et par leur conformation , aux diverses inflexions que l'animal veut imprimer à sa queue, et à la TÎtesse avec laquelle il tend à les exécuter. Cette chaîne de vertèbres cartilagineuses , qui règne depuis la tète jusqu'au bout de la queue , présente , comme dans les autres des laites el sur les côtés ; ils la rassemblent dans des seaux pour la nettoyer. Quand celte graisse est fraîche, elle est de bon goût , et on peut s'en servir en guise de beurre ou d'huile. Elle se vend à Astracan quarante à cinquante sous de notre monnoie le seau. JL'esturgeon ainsi vuidé est bien lavé , puis porté dans des glacières où on le laisse mariner pendant douze heures et plus, dans une forte saumure. Après cela on le place en couches , que l'on couvre de sel. Les plus gros poissons se coupent en cinq morceaux : la tête , le ventre , les flancs et le dos; lorsqu'on ôt» de la saumure ces deux dernières parties , on les coupe ordinairement en longues bandes que l'on fait sécher sur des bâtons. C'est de cette manière que s» fait le baluky mot qui, dans la langue tartarc , signifî© proprement poisson. S o n n i N i. DES ACIPENSERES; 567 poissons du même genre, trois petits canaux, trois cavités longitudinales ( i). La supérieure renferme la moelle épinière , et la seconde contient une matière tenace^ susceptible de se durcir par la cuisson, qui commence à la base du crâne, et que Ton retrouve encore auprès de la nageoire caudale. C'est au dessous de cette épine dorsale qu'est située la vésicule aérienne, qui est simple et conique, qui a sa pointe tournée vers la queue , et qui sert à faire , sur les bords de la mer Caspienne et des fleuves qui y versent leurs eaux , cette colle de poisson si recherchée , que Ton distribue dans toute l'Europe , et que Ton y vend à un prix considérable. Les diverses opérations que l'on emploie , dans cette partie de la Russie, pour la préparation de cette colle si estimée, se réduisent à plonger les vési- cules aériennes dans l'eau, à les y séparer avec soin de leur peau extérieure et du sang dont elles peuvent être salies, à les couper en long , à les renfermer dans une toile , à les ramollir entre les mains, à les façonner en tablettes ou eu espèces de petits cylindres recourbés, à les percer pour les suspendre, (i) Marsigli, ouvrage déjà cité. 568 HISTOIRE et à les exposer , pour Jes faire sécher , à une chaleur modérée et plus douce que celle du soleil (i). (i) Les ostiaques ôtent de la vessie de l'esturgeon toute la graisse qui l'entoure , et la pendent à l'air afin de la faire un peu sécher. Ils la font bouillir ensuite dans un chaudron jusqu'à ce qu'elle nage sur l'eau-, ils la broient ensuite dans de l'eau fraîche et lui donnent la forme d'un gâteau. Cette colle de pois- son , ainsi préparée , peut être employée sans qu'on la fasse fondre ; au lieu que celle qui est simplement sécliée à l'air n'a pas cet avantage. (Pallas, Voyages en Russie et dans l'Asie septentrionale , trad. franc» tom. IV, p. 65. ) La colle de poisson est pour la Russie le produit le plus considérable de la pêche de l'esturgeon. L'ex- portation qui s'en fait à Pétersbourg est principale- ment pour le compte des anglais , qui en emploient une très-grande quantité dans les brasseries de leurs bierres ou porter, et desquels les espagnols, les portu- gais, les hollandais et les français l'achètent pour coller ou clarifier leurs vins. D'après une lisle impri- inée des marchandises exportées par les anglais, et que leur Factorerie à Pétersbourg a rendue publique depuis 1755 jusqu'en l'^g^. , les bâtimens de cette nation ont chargé depuis cette même époque de lySS jusqu'en 1768 entre un et deux mille puds de cette matière-, de 1769 jusqu'en 1786 de deux jusqu'à trois mille -, dans les dernières années, toutefois communé- ment, quatre mille, et en 1788 jusqu'à six mille huit Cette DES ACIPENSERES. 569 Cette colle , connue depuis long-tems sous le nom àHchthjocolle ^ ou de colle de poisson y et qui a fait donner au huso le nom à'ich-- thyocolle^ a été souvent employée dans la médecine contre la dyssenteiie , les ulcères de la gorge, ceux des poumons, et d'autres maladies. On s'en sert aussi beaucoup dans les arts, et particulièrement pour éclaircir les liqueurs et pour lustrer les étoffes. Mêlée avec une colle plus forte, elle peut réunir les morceaux séparés de la porcelaine et d'un verre cassé; elle porte alors le nom de colle à verre et à porcelaine ; et on la nomme colle à bouche lorsqu'on l'a préparée avec une substance agréable au goût et à l'odorat, cent cinquante puds de colle de poisson. L'exporla- tk>ii 4 qui a eu lieu de cette matière pour d'aiitres contrées , s'est élevée aussi dans les dernières années à plus de mille puds. Cette forte et presque incroyable exportation a fait beaucoup hausser par cela même, dans ces années-là , le prix des diverses qualités de cette denrée à Astracan même, et à Pétersbourg le prix de la meilleure colle de poisson n'excédant pas à la bourse celui de trente-six roubles jusqu'en 1778, s'est élevé jusqu'à celui de quatre-vingt-dix roubles. ( Nouveaux Vo)'-ages de M. Pallas dans les parties méridionales de l'empire de Russie , en 1795 et 1794» tom. I.) Son M INI. Poiss. Tome IV. A a 370 HISTOIRE laquelle permet d'en ramollir les fragmens dans la bouche , sans aucune espèce de dégoût. Mais ce n^est pas seulement avec les vé- sicules aériennes du huso que Ton compose, près de la mer Caspienne , cette colle si utile, que l'on connoît dans plusieurs con- trées russes sous le nom diusblat : on y emploie celles de tous les acipensères que Ton y pcche. On peut très - bien imiter en Europe les procédés des russes pour la fabri- cation d'une matière qui forme une branche de commerce plus importante qu'on ne le croit ; et je puis assurer que , particulière- ment en France , l'on peut parvenir aisé- ment à s'affranchir du paiement de sommes considérables auquel nous nous sommes soumis envers l'industrie étrangère pour en recevoir cette colle si recher cirée. 11 n'est ni dans nos étangs, ni dans nos rivières, ni dans nos mers , presque aucune espèce de poisson dont la vésicule aérienne et toutes les parties minces et membraneuses ne puissent fouinir, après avoir été nettoyées, séparées de toute matière étrangère , lavées, divisées , ramollies , et séchées avec soin , une colle aussi bonne , ou du moins presque aussi bonne , que celle qu'on nous apport^ DES ACIPENSERES. Syt 3e la Russie méridionale. On Ta essayé avec succès ; et je n'ai pas besoin de faire re- marquer à quel bas .prix et dans quelle quantité on auroit une préparation que Ton feroit avec des matières rejetées maintenant de toutes les poissonneries et de toutes les cuisines , et dont l'emploi ne diminueroit en rien la consommation des autres par- lies des poissons. On auroit donc le triple avantage d'avoir en plus grande abondance une matière nécessaire à plusieurs arts, de la payer moins cher, et de la fabriquer eu France ; et on devroit sur-tout se presser de se la procurer dans un moment où mon savant confrère, le citoyen Rochon, membre de l'Institut national , a trouvé et fait adopter pour la marine le moyen ingénieux de rem- placer le verre, dans un grand nombre de circonstances , par des toiles très-claires de fil de métal , enduites de colle de poisson. La graisse du huso est presque autant employée que sa vessie aérienne par les habitans des contrées méridionales de la Russie. Elle est de très-bon goût lorsqu'elle est fraîche , et on s'en sert alors à la place du beurre ou de l'huile. Elle peut d'autant plus remplacer cette dernière substance , Aa a 372 HISTOIRE que la graisse des poissons est toujours plus ou moins huileuse. On découpe la peau des grands liusos de manière à pouvoir la substituer au cuir de plusieurs animaux ; et celle des jeunes, bien sèche et bien débarrassée de toutes les ma- tières qui pourroient en augmenter l'épais- seur et en altérer la transparence , tient lieu de vitre dans une partie de la Russie et de la Tartarie. La chair , les œufs , la vessie à air , la graisse, la peau, tout est donc utile à riiomme dans cette féconde et grande espèce d'acipensère ( i ). Il n^est donc pas surpre- nant que , dans les contrées où elle est le plus répandue , elle porte différens noms. Par-tout où les animaux ont été très-ob- servés et très-recherchés, ils ont reçu diffé- rentes appellations ; chaque observateur , chaque artiste, chaque ouvrier les ont vus sous une face particulière, et tant de rap- ports différens ont dû nécessairement in- troduire une grande variété dans les signes (i) On mange jusqu'à l'épine cartilagineuse et dorsale du huso et de l'esturgeon, et on la prépare df diverses manières dans le pays du Nord. DES ACIPENSERES. 575 de ces rapports, et par conséquent clans les désignations du sujet de ces diverses rela- tions. Comme les husos vivent à des latitudes éloignées de la ligne , et qu'ils habitent des pays exposés à des froids rigoureux , ils cherchent à se soustraire pendant l'hyver à une température trop peu convenable à leur nature , en se renfermant plusieurs ensemble dans de grandes cavités des ri- vages. Ils remontent même quelquefois dans les fleuves , quoique la saison de la ponte soit encore éloignée , afin d'y trouver , sur les bords, des asiles plus commodes. Leur grande taille les contraint à être très-rap- prochés les uns des autres dans ces cavernes, quelque spacieuses qu'elles soient. Ils con- servent plus facilement, par ce voisinage , le peu de chaleur qu'ils peuvent posséder; ils ne s'y engourdissent pas; ils n'y sont pas soumis du moins à une torpeur complette: ils y prennent un peu de nourriture; mais le plus souvent ils ne font que mettre à profit les humeurs qui s'échappent de leurs corps, et ils sucent la liqueur visqueuse qui enduit la peau des poissons 'de leur espèce, auprès desquels ils se trouvent. A a 3 57^ HISTOIRE Ils sont cependant assez avides d^aîimens dans des saisons plus chaudes, et lorsqu'ils jouissent de toute leur activité; et en effet ils ont une niasse bien étendue à entretenir. Leur estomac est, à la vérité, beaucoup moins niusculeux que celui des autres aci- pensères; mais il est d'un assez grand vo- lume, et, suivant Pallas, il peut contenir, même dans les indi\âdus éloignés encore du dernier terme de leur accroissement, plu- sieurs animaux tout entiers et d'un volume considérable. Leurs sucs digestifs paroissent d'ailleurs jouir d'une grande force : aussi avalent-ils quelquefois, et indépendamment des poissons dont ils se nourrissent , de jeunes phoques, et des canards sauvages qu'ils surprennent sur la surface des eaux qu'ils fréquentent , et qu'ils ont l'adresse de saisir par les pattes avec leur gueule, et d'entraîner au fond des flots. Lorsqu'ils ne trouvent pas à leur portée l'aliment qui leur convient, ils sont même obligés, dans certaines circonstances , pour remplir la vaste capacité de leur estomac, le lester, pour ainsi dire , et employer en quelque sorte ses sucs digestifs surabondans , d'y introduire les premiers corps qu'ils ren- DES ACIPENSERES. SyS contrent, du jonc, des racines ou des mor- ceaux de ces bois que l'on voit flotter sur la mer ou sur les rivières (i). (i) Dans les plus gros poissons de cette espèce, l'oa trouve assez souvent une pierre, connue en Russie sous le nom de belugensteiti , c'est-à-dire , pierre de mensonge , sur laquelle M. Pallas a fait les remarques suivantes : cette pierre est placée en dedans des reins et enveloppée d'une pellicule particulière. Lorsqu'on la tire de l'animal , elle est un peu molle et humide à sa surface-, mais elle se durcit bientôt à l'air-, sa grosseur ne va jamais au delà de celle d'un œuf de poule. Sa forme est tantôt ovale , tantôt aplatie et un peu bouclée. C'est sur-tout dans les icIitliyocoUes qui se prennent à Astracan que l*on voit ces pierres. Le même savant natura^ste rapporte que l'on a trouvé beaucoup d'œufs pétrifiés dans un vieil icli- thyocolle. ( Voyages , lom. I, p. 4b'8 ) L'on croit encore , dans plus d'un lieu , au conte que Pline avoit déjà fait au sujet d'un petit hareng, fort avide de sang de l'ichthyocolle, et qui, pour s'en rassasier, saute, dit- on, dans la gorge de ce gros poisson, lui ouvre une veine et le fait mourir. Son N IN I. Aa 4 576 HISTOIRE LE STERLET, L'ACIPENSÈRE STRELET (0(2), PAR LACÉPÈDE. QUATRIÈME ESPECE. Cj E T acipensère présente des couleurs agréables. La partie inférieure de son corps est blanche, tachetée de rose; son dos est (i) jicipenser ruthenus. Lin. édit. de Gmelin. Acipe strelet. Daubenton, Encyclop. méthod. — Bonaterre , planches de VEncycl. méthod. — Gul- dcnstaedt , nov. Comm. pétrop. i6, p. 533. — Bloch, pi. Lxxxix. — Mus. Ad. Fr. i , p. 54 > tab. 27, lig. 2 -, et tab. 28, fig. I. — Fauna suec. 3oo. — Wulff. Ichthyol. borussens. p. 17, n° 23. — S. G. Gmelin , It. 1 , p. 142 j 5 , p. 154. — Kœlreuter , nov. Comm. pelropol. 16, p. 5 II ,tab. 14 et 17, p. 621. Acipenser ordinibiis 5 sqiiamarum ossearum; inter^ medio ossiculls i5. Fauna suec. 272. Acipenser ex cinereo,flavo et rosaceo varius.YLXeiw , Miss. pisc. 4 > P* i5 , n** 4 > *ab. i. Sterlet. Briiyn , It. 95 , tab. 53. (2) Sterlet , nom que ce poisson porte en France , en Allemagne et en Suède. Les russes l'appellent ^ DES ACIPENSERES. 677 noirâtre , et les boucliers qui y forment des raugées longitudinales sont d'un beau jaune. Les nageoires de la poitrine , du dos et de la queue sont grises; celles du ventre et de l'anus sont rouges. Mais le strelet est particulièrement distingué des acipensères du second sous- genre, dans lequel il est compris, par la forme de son museau, qui est trois ou quatre fois plus long que le grand diamètre de Touverture de sa bouche. Il l'est d'ailleurs de l'esturgeon et du liuso par la petitesse de sa taille : il ne parvient guère à la longueur de trois pieds; et ce n'est que très- rarement qu'on le voit atteindre à celle de quatre pieds et quelques pouces. Il a sur le dos cinq rangs de boucliers, sterljed et sewrouga j les tartares , tshousa et siouriak'^ les calmouks , schugurluk et zoochul. Acipenser rostro suhulato recto ; diametro orîs qua- drupla longiore, cirris vix ori propioribus , lahiis inte- gris acipenser ruthenus. Guldenst. nov. Comin, petropol. iom. XVT, p. 555. — Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gQU. i5-5 , sp. 2. Acipenser cirris quatuor , squamis dorsalibus quin- decini acipenser ruthenus. Artedi , Gen. pisc. gQn. 45 , sp. 3. additam. — Lin. Faana suec. edit. Retzii , p. 509. Acipenser ex cinereo , flavo et rosaceo varias, Klein, Hiss. pisc. 4, p. i3, n*^ 4. Sonkini. 578 HISTOIRE comme l'esturgeon et le liuso. La rangé© du milieu est composée ordinairement de quinze pièces assez grandes; les deux qui viennent ensuite en comprennent chacune cinquante -neuf ou soixante, qui par con- séquent ont un diamètre très -peu étendu; et les deux rangs qui bordent le ventre sont formés de plaques plus petites encore, et qui, au lieu d'être très -relevées dans leur centre comme celles des trois rangées inté- rieures, sont presque entièrement plates (1). (i) Voici la description que Bloch a prise de cette espèce d'estargeon , sur un individu vivant : Les trois rangées de boucliers , dont une est placée sur le dos et une de chaque côté , distinguent le sterlet des autres espèces d'esturgeons. On compte vingt rayons à la nageoire pectorale , vingt - trois à celle du ventre , vingt-deux à celle de l'anus , soixante- six à celle de la queue , et trente-neuf à celle du dos. Les boucliers de ce poisson ne sont pas si saillans , ni leurs pointes si recourbées que ceux de l'esturgeon; j'en ai compté quatorze sur le dos , et cinquante- neuf de chaque côté. Le nombre des boucliers de chaque rangée varie autant que dans l'esturgeon ; outre cela on trouve au ventre deux rangées de petits boucliers plats. Le corps est alongé ; la tête longue , aplatie par en baut et par en bas , et terminée par un museau émoussé et cartilagineux , auquel on voit en dessous q^uatre barbillons les uns près des autres. La bouche;, DES ACIPENSERES. 579 On trouve cet acipensèie dans la mer Caspienne, ainsi que dans le Volga et dans rOural (1)5 qui y ont leur embouchure; on le voit aussi , mais rarement , dans la Bal- tique; et telles sont les habitations qu'il a reçues de la Natm^e. Mais Fart de Thomme, qui se trouve derrière ces barbillons , a la même forme que dans les poissons précédens. Les yeux sont ronds , et ont une prunelle noire entourée d'un iris argentin. X«es ouvertures de l'ouïe et de l'odorat sont près des yeux. L'opercule des ouïes consiste en une seule plaque à rayons. La couleur de la tête est grise , par- semée de jaune ; celle du dos d'un gris obscur ; celle du ventre blanche , avec des taches couleur de rose , et les boucliers sont jaunes. Les nageoires de la poi- trine , du dos et de la queue sont grises ; celles du ventre et de l'anus rouges ; d'ailleurs le tronc est garni de petites pointes. Les parties intérieures ressemblent à celles de l'esturgeon commun; l'estomac est seulement un peu plus grand , sa membrane plus grande , et le canal intestinal un peu plus long; il y a un peu moins de fissures au foie. (Bloch, Hist. nat. des poissons, article du sterlet. ) Kœlreuter a publié une description atialomiqiie du sterlet , dans les nouveaux Commentaires de l'aca- démie de Pétersbourg. Sonnini. (i) Aussi bien que dans le Jaïk et dans les autres fleuves qui se rendent à la mer Caspienne. SOîiN I N I. 28o HISTOIRE qui sait si bien détourner, combiner, ac- croître, modifier, dompter même les forces de la Nature, l'a transporté dans des lacs où Ton est parvenu, avec très-peu de pré- cautions, à le faire prospérer et multiplier : Frédéric premier, roi de Suède, Fa intro- duit avec succès dans le lac M^eler et dans d'autres lacs de la Suède; et ce roi de Prusse, qui , philosophe et homme de lettres sur le trône, a su créer par son génie, et les états qu'il de voit régir, et l'art de la guerre qui devoit les défendre , et Fart d'ad- ministrer, plus rare encore, qui devoit leur donner Fabondance et le bonheur , a ré- pandu le strelet dans un très-grand nombre d'endroits de la Poméranie et de la Marche de Brandebourg. Voilà deux preuves remarquables de la facihté avec laquelle on peut donner à tme contrée les espèces de poissons les pjus utiles. Ces deux faits importans seront réu- nis à un grand nombre d'autres, dans le discours que l'on trouvera dans cette his- toire sur les usages économiques des pois- sons, et sur les divers moyens d'en accli- mater, d'en perfectionner, d'en multiplier les espèces et les individus. Et que Fou ne soit pas étonné d'apprendre DES ACIPENSERES. 58i les soins que se sont donnés les chefs de deux grandes nations pour procurer à leur pays Facipensère streleL Cette espèce est très- féconde : elle ne montre jamais, à la vérité, une très-grande taille,- mais sa chair est plus tendre et plus délicate que celle des autres cartilagineux de sa famille (i). Elle est d'ailleurs facile à nourrir; elle se contente de très-petits individus, et même d'œufs de poissons dont les espèces sont très-com- munes,- et elle peut n'avoir d'autre aliment que les vers qu'elle trouve dans le limon (i) Cette espèce passe rarement quatre pieds de long et trente-cinq livres de poids. C'est le poisson le plus délicat de toute la Russie; on le vend assez cher à Pétersbourg ; car un sterlet de deux pieds de long y coûte ordinairement deux roubles. Comme les Lucullus de Pétersbourg veulent que leurs tables en soient garnies, on voit continuellement le long des rives du Volga une quantité de ces caisses percées de plusieurs trous , qu'à Paris on nomme boutiques , et dans lesquelles le sterlet vivant et les poissons qui l'égalent en bonté sont amenés par J'Okka jusqu'à Moscou. Ces caisses flottent à fleur d'eau et sont amarrées aux bateaux qui les conduisent. { Voyez le Voyage pliilosopliique , politique et litté- raire, fait en Russie en 1788 et 1789 , trad. du hol- landais, tom, II, p, 259.) SONNINI. 382 HISTOIRE des mers, des fleuves ou des lacs qu'elle fréquente. C'est vers la fin du printenis que le strelet remonte dans les grandes rivières; et comme le tems de la ponte et de la fécondation de ses œufs n'est pas très -long, on voit cet acipensère descendre ces mêmes rivières avant la fin de l'été, et tendre, même avant l'automne , vers les asiles d'hy ver que la mer lui présente. DES ACIPENSERES. 383 L'ESTURGEON ÉTOILE, L'ACIPENSÈRE ÉTOILE (i)(2), PARLACÉPÈDE. CINQUIÈME ESPÈCE. Vers le commencement du printems, on voit cet acipensère remonter le Danube et les autres fleuves qui se jettent dans la mer Noire ou dans la mer Caspienne. Il (i) Acipenser stellatiis. Lin. édit. de Gmel. Acipe étoile. Bonat. pi. de TEncyclop. méthod, — * Guldensl. iiov. Corn, petropol. i6, p. 555. — Pallas, It. I , p, i5i , 4^io, n® 20. (2) L'esturgeon- étoile. En russe , sevriougn et chevigra, Acipenser rostre spntiilafo subrecurvo , diametro £>ris transuerso sextupla longiorp , cirris ori propiori-, hus y labiis integris... avipenmr stellatus. Guidenst, liov. Comsnent. petropol. i6, p. 535. — Ij\\\. Syst_. ïiat. edit. Gmel. geti. i54? sp. 5. Acipenser stellatus. Pallas, Itin. tom. I; append. n^ 20. 1 Acipenser stellatus Pallasii. Artedi , Gen. pisc^ gen, 43 ; sp. 4 ^ var, ^omm^i» 384 HISTOIRE parvient à quatre ou cinq pieds de lon- gueur; et par conséquent il est pour le moins aussi long que le strelet, mais il est plus mince. Son museau, un peu recourbé et élargi vers son extrémité , est cinq ou six fois plus long que le grand diamètre de l'ouverture de la bouche; et cette confor- mation du museau sufRroit seule pour sépa- rer Fétoilé des autres acipensères : au resl;e , le dessus de cette partie est hérissé de pe- tites raies dentelées. Les lèvres peuvent être étendues en avant beaucoup plus que dans les autres poissons du même genre. La tête, aplatie par dessus et par les côtés, est garnie de tubercules pointus, et de petits corps durs, dentelés et en forme d'étoiles. Le devant de la bouche présente quatre barbillons , conmie dans tous les acipensères. On remarque , sur différentes parties du corps de Fétoilé , des rudimens crénelés d'écaillés; et Ton voit particulièrement, sur son dos, de petites callosités blanches, rudes, étoilées, et disposées sans ordre. 11 a d'ail- leurs cinq rangs de boucliers relevés et pointus , dont la rangée du milieu contient communément treize pièces , et dont les deux suivantes renferment chacune trente- cinq DES ACÎPENSERES. 385 cinq plaques plus petites. Trois autres pièces sont placées au delà de Faiius. La coulein* de cet animal est noirâtre sur le dos , tachetée et variée de blanc sur les côtés, et d'un blanc de neige sur le ventre. Cette espèce est très-féconde ; l'on compte plus de trois cent mille oeufs dans une seule femelle. PECHES DES ESTURGEONS, Ce n'est que dans le Nord que la pèche aux esturgeons devient d'une grande im- portance , par le nombre de ces poissons que l'on y prend et par raf)pareil que Ton y met. Je vais décrire les différentes manières que les pécheurs de ces contrées mettent en usage , et je commencerai par celle qui se pratique sur le Danube pour la pêche de l'iclithyocolle , et dont le comte de Marsigli a donné la description dans son Histoire du Danube. En voici l'abrégé : Quand les pêcheurs remarquent un ich- thj^ocolle ( Tacipensère huso de Lacépède ) au fond de Teau , ils tâchent de s'en emparer avec des harpons ; mais , quand il paroit sur la surface, ils se servent de tridens. Dès que les pêcheurs s'aperçoivent qu'ils l'ont saisi, Foiss, Tome IV. Bb 586 HISTOIRE ils s'en approchent, lui passent une corde par la bouche et l'ouverture des ouïes et l'at- tachent au vaisseau. La plus grande partie se prend avec des filets à larges mailles. On place ces filets en travers du fleuve, et ou les conduit avec deux nacelles. Lorsque le poisson donne du museau contre les filets, il s'en retourne, et les pêcheurs le suivent avec leurs filets jusqu'à ce qu'il ait rencon- tré un rivage uni, où il ne puisse avancer faute d'eau. Alors ils tâchent de s'en em- parer , et le tirent dans le fleuve par le moyen d'une corde qu'ils passent par l'ou- verluie des ouïes , et ils l'amènent ainsi tout vivant à Vienne ou à quelqu'autre grande Tille : alors on le coupe comme la viande de boucherie , et on le vend. Lorsque les pêcheurs rattachent, il faut qu'ils prennent bien garde à sa queue , avec laquelle il pour roi t les renverser dans le fleuve (i). Quelques naturalistes , même parmi les modernes , ont écrit qu'en Italie ou attiroit les ichthyocolles sur les bords du Pô par le son des instrumens de musique, afin de prendre ces poissons avec plus de facilité; mais c'est un conte sans fondement; car les ^ (i) Hist. du Danube, tom. IV. DES ACIPENSERES. 387 esturgeons, de même que les autres espèces de poissons , s'effraient de toute sorte de bruit. Nous devons à M. Pallas des détails très- iûfcéressans sur les pêcli«s des esturgeons dans les fleuves de la Russie et de la Sibérie. Les cosaques du Jaïk prennent généra- lement au mois de janvier, avec les crochets, des esturgeons communs et des icliihyocolles. On prétend qu'en automne ces poissons se placent par rang dans les endroits les plus profonds du fleuve, et qu'ils y passent Thyver dans une espèce d'engourdissement , sans perdre le sentiment, ni sans remuer. Comme le lit du Jaïk est un terrain mouvant , ces enfoncemens varient chaque année dans les inondations du printems , qui entraînent les sabics et la vase ,• de sorte qu'on ne peut jamais connoître les retraites de ces poissons. Ceux qui veulent le savoir ont grand soin d'observer pendant l'automne, au moment ou la glace commence à se former , les mou- vemens des esturgeons ; ils prétendent qu'ils jouent et sautent à la superficie des endroits où ils veulent se fixer. D'autres se couchent sur la glace, dans les lieux où il lay a point de neige, se couvrent la tête d'un drap, et^ils prétendent voir, par ce moyen, les poissons au fond de Feau. Ils s'assurent Bb 2 388 HISTOIRE de ces endroits pour en tirer profit lorsque la pêche commence. On dit que , lorsque les eaux sont hautes en automne, le poisson Se place dans les endroits unis et peu pro- fonds; que lorsqu'elles sont basses , il cherche au contraire les plus profonds. C'est toujours dans ces derniers que le poisson abonde le plus. Dès que le tenis de la pêche aux cro- chets est arrivé , ce qui est ordinairement le trois ou le quatre de janvier , on assemble le peuple avec les cérémonies d'usage ,* on s'informe si les cosaques qui ont voyagé pour leurs affaires sont de retour, et quels sont les lieux où l'on a remarqué le plus de pois- sons; on fixe ensuite le jour de l'ouverture de la pêche. Pour maintenir le bon ordre dans cette pêche , ainsi que dans toutes les autres , on choisit un attaman parmi les starchinas , et on lui donne pour adjoints plusieurs anciens et un jessaoul. Les co- saques se mettent par bandes de cinq à six personnes , et quelquefois davantage ; on appelle ces petites troupes arteli. Chacun a soin de préparer en son particulier tous les objets nécessaires à la pêche. Les prin- cipaux sont de bons crochets , et des perches de différentes grandeurs , au bout desquelles on attache les crochets appelés ba^or ; ih DES ACIPKNSERES. 589 n'ont d'ailleurs rien de remarquable ; ils sont faits civec de bon acier, et sont très- bien aiguisés. Ils forment un demi -cercle, de sorte que la pointe est presque parallèle à la partie large, qui TalTermit à la perche, par le moyen d'un morceau de cuir et d'une bonne ficelle. Les crochets , qui sont plus courts que les autres , portent le nom de soromnoï - hagor (1). Ces instrumens n'ont que trois à quatre brasses de longueur. Ils consistent dans le crochet affermi à une perche de grosseur médiocre , nommée naviés , à laquelle est jointe une autre grande perche appelée hagrovistché. ils en ont d'autres qui ont jusqu'à dix brasses de longueur ; ils les nomment jarov'i , parce qu'ils s'en servent pour pêcher dans les lieux où le 1 ivage n'a point de pente , ce qu'ils appellent jar ^ et la profondeur est alors plus grande. On ajoute à ceux-ci une troisième perche nommée seredich ou podtchalok , que l'on attache entre les deux autres, et en voici la raison. Les cosaques (i) Les cosaques nomment sarma un fond uni du fleuve ; c'est ce qui a fait donner aux crochets le nom de soro?nniè , parce qu'ils s'en servent pour pêcher dans les endxoits peu profonds. Bb 3 Sgo HISTOIRE prétendent qo'il seroit difficiîe d'aroir àeê perches asse^ longues^ et qr/avec ces perches rapportées on sent plus aisément je poisson lorsqu'il est an crochet. Les Jieux les plus profonds nécessitent une perche de douze à quinze brasses; on met ordiîiaiiement à la perche de médiocre longueur une des longues perches appelées bagrontsché ; ils attachent à la perche na- vies . à iaquolle tient Je crochet, un morceau de fer de cinq à six livres ; ce] a la rend beaucoup plus lourde , et Fenipéche d'être emportée par le cornant de rean. Tontes ces perches , bien polies , sont faites avec de beaux jets de sapin très- droits et bien secs ; on les tire des contrées septentrionales. Les bouts sont coupés eu biais afin de se mienx rejoindre ; ils les lient , ainsi que les crochets , avec une forte ficelle , et versent ensuite de Teau dessus , qu'ils laissent geler, afin de rendre Tinstrunient plus solide. On a grand soin d'observer que les extrémités des perches soient toutes dans le même sens, et que le crochet soit dans l'alignement „ de sa pointe; il seroit impossible de réussir sans ces précautions. Chaque cosaque a en outre une perche à crochet qui n'a qu'une brasse et demie de long ^ mais forte; on la nomme DES ACIPENSERES. 391 podpagrennik : il s'en sert pour tirer le poisson sur la glace lorsqu'il est pris. 11 doit aussi avoir un instrument à rojupre la glace, nommé peschnië , et une pelle pour Tôter à mesure qu'il la rompt. Avant Fouverlure de la pèche on dis- tribue, pendant une après-dinee, des billets munis du sceau de la chancellerie à tous les cosaques eniôlés, mais qui ne jouissent pas de la solde de la garde de la ligne. Un cosaque réformé , ou celui qui n'est pas encore au service, peut acheter le droit de pêche annuel d'un autre qui ne veut ou ne peut pêcher par lui-même ; il se fait alors donner un billet pareil en se faisant inscrire. Chaque individu ne reçoit qu'un billet : les membres de la chancellerie sont les seuls avantagés. Le voïskovoï-attaman jouit de quatre billets ; les starchinas en reçoivent trois ; les autres membres , ainsi que le voïskovoï-djak , en ont deux. On en donne un. à la femme de chaque starchina , ainsi qu'aux principaux employés de la chan- cellerie. Deux des écrivains en leçoivent chacun un, ainsi que chaque ecclésiastique. Ces personnes vendent leurs billets; de sorte que par ce moyen les cosaques qui ne sont plus au service, ou ceux qui n'ont pas Bb 4 392 HISTOIRE atteint Tâge de majorité, et qui n'ont pas le droit de pèche, peuvent les acheter, et eu jouir pendant l'année. Le jour de l'ouverture de la pêche, tous les cosaques qui ont un biilet se rassemblent en traîneau avec leurs ustensiles , avant le lever du soleil , dans un lieu désigné de la ville, et ils se rangent en ligne à mesure qu'ils arrivent. L'attaman élu pour présider à cette pèche les passe en revue , et exa- mine avec soin s'ils sont pourvus de leurs armes , afin d'être en état de défense en cas d'attaque de la part des kirgnis. Les deux voïskovoï-jessaouli recommandent ensuite le bon ordre. Dès que le jour paroît , on donne le signal du départ par la décharge de deux pièces de canons placées hois de la ville. Aussitôt la décharge faite, chacun s'empresse d'arriver au grand galop vers la contrée destinée à la pêche, afin de se rendre maître du lieu le plus avantageux. Cepen- dant personne n'ose commencer avant que la glace ne soit rompue; que tout le monde ne soit arrivé à sa place , et que l'attaman n'ait donné le signal par une décharge de mousqueterie. Le fleuve est partagé en deux parties ; Tune est destinée aux pêches du printems DES ACIPENSERES. SgS et de TaïUoinne, et l'antre à celle clés cro- chets. La première commence cVabord au dessous de la ville, et s'étend jusqu'à Favant- posted'Antouotskoï; l'autre partie du fleuve, qui depuis ce lieu s'étend jusqu'à la mer , est destinée à la pèche aux filets. On compté deux cent dix -huit verstes d'Iaïtzkoï - go- rodok à Antonofskoï, en suivant la grande route; mais il y en a environ quatre cents €n coloyant le Jaïk , qui fait beaucoup de détours. CeUe distance est divisée en un grand nombre de parties. On pêche d'abord pendant un jour seulement , afin de donner ]e tems aux cosaques pauvres d'acheter les fourrages et toutes les choses dont ils ont besoin avec le produit de cette première pêche. Comme le fleuve n'est pas assez pro- fond près de la ville, on ne la commence qu'à neuf verstes plus bas. On entreprend la grande pêche cinq à six jours après,* elle dure communément neuf jours, et on l'ap- pelle koloverttioé. Elle commence à cin- quante - cinq verstes de la ville. On fixe chaque jour la distance jusqu'où la pêche doit s'étendre. On fait ensuite une troisième pêche, qui est principalement destinée à la provision du ménage. Elle ne dure ordi- ïaairement qu'un jour ; on la proroge plus 594 HISTOIRE . îong-tems si le poisson abonde. On Tappell© plapnoê. C'est ainsi que se termine la pèche d'hyver. Il faut que tous les cosaques se rassemblent avant la pointe du jour à cha- cune de ces distances , et qu'ils attendent le signal de Tattaman avant de commencer; ils tâchent ensuite de se devancer les uns les autres , comme au premier jour. Chaque cosaque fait , dans Fend] oit où il s'est proposé de pêcher, une médiocre ou- verture ronde dans la glace. Il est permis à chaque individu de se placer aussi près de son voisin qu'il le désire, mais personne ne peut s'approprier deux ouvertures à la fois. Si un cosaque abandonne son trou , un autre peut le prendre en quittant le sien. Le cosaque se sert de son crochet , court dans les lieux où l'eau est basse ; il en tient communément un à chaque main , et de façon que la pointe du crochet soit toujours dirigée contre le courant de l'eau, parce que le poisson , se voyant tourmenté , cherche ordinairement des places plus profondes. Ils descendent ces crochets jusqu'au fond de l'eau , et ne les relèvent que de l'épaisseur de la main. Aussitôt que les gros poissons tombent dans les crochets , ils les font baisser; le cosaque , qui les sent, relève promptemeut DES ACIPENSERES. -V son crochet , accroche son poisson avec son podba - grennik pour le tirer sur hi glace. Ces pêcheurs se servent de leurs grands crochets dans les endroits les plus profonds , et ils n'en peuvent tirer qu'un à cause de leur pesanteur. On fait l'ouverture de la glace en long, afin de pouvoir faire agir le crochet du haut en bas , et le faire remonter vers le haut de l'ouverture , parce que les poissons se tiennent tranquilles dans ces places. La pointe du crochet doit être di- rigée le long du courant. Comme on ma- nœuvre des deux côtés pour chercher le poisson, il arrive souvent que deux cosaques prennent le niênie poisson : ils le partagent entre eux, suivant l'usage qui le prescrit invariables lent. Lorsqu'un cosaque , qui veut reiirer un gros poisson , appelle son voisin à son secours, il est obligé de lui en donner la moitié. Cette manière de pêcher est assez singulière ; cependant les cosaques prennent souvent dix gros poissons par jour, et même quelquefois davantage; d'autres, au contraire , sont assez malheureux pour ne rien prendre un ou plusieurs jours, et ne gagnent pas même pendant le mois de quoi payer les frais de leurs préparatifs , qu'ils font souvent à crédit. Chaque cosaque 596 HISTOIRE fait vœu , avant le départ , de donner son premier poisson à l'église, et même plusieurs, si la pêche est heureuse. Ils ont un singulier préjugé; ils sont persuadés que , si une gre- nouille vient à tomber dans leurs crochets, il faut renoncer à la pêche, attendu que, quand même ils changeroient de crochet et de place, ils ne prendroient pas le plus petit poisson. Les grenouilles du Jaïk sont mons- trueuses. Il est étonnant que des gens aussi exercés dans cet art ne sentent pas , au poids, si c'est une grenouille ou un petit poisson ; ils se trompent même quelquefois au point de tirer un de ces reptiles au lieu d'un estujgeon. La seconde pêche importante est celle des esturgeons étoiles; en Russe, serviouga\ elle se fait au printems. Les cosaques qui composent la garnison de Gourief sont obligés d'observer le moment où ces pois- sons remontent l'embouchure du Jaïk ; et on fait les préparatifs de la pêche aussitôt qu'on en a reçu la nouvelle. On y observe la même police et les mêmes usages que dans la pêche d'hyver ; chaque cosaque pêcheur est obligé d'obéir à un nouvel attaman. On commence cette pêche près de Favant-poste d'Antonof , et on la con- DES ACIPENSERES. :%? tiiiue jusqu'à Gourief. Cette étendue est également partagée en neuf distances. L'at- taman fait attacher une corde en travers du fleuve, à chacune de ces distances, afin que personne ne passe les bornes. On pêche , pendant huit jours entiers , dans chacune des premières divisions ; mais on ne pêche ordinairement que trois jours dans les der- nières, et sur-tout près de Gourief, parce que les esturgeons étoiles retournent déjà à la mer. La pêche s'y termine en un jour. La nuit on donne le tems aux poissons de remonter dans la partie du fleuve déjà péchée. Les cosaques sont tous , au lever du soleil , près de la distance supérieure , et ils attendent le signal de Tattaman pour pêcher en remontant le fleuve. Le signal donné, chaque cosaque rame le mieux possible pour devancer les autres , afin d'arriver avant que les filets soient jetés. Chaque pêcheur est seul dans un petit canot appelé bondari; il le gouverne lui-même à la rame , et dirige ses filets. Ce^ canots sont faits de troncs de peupliers blancs ou noirs , qui bordent le fleuve , et goudronnés avec tjn asphalte très-pur, qu'on trouve près du rivage élevé de Tinser. Les filets dont ils 398 HISTOIRE se servent ont de vingt à trente toises dé longueur ; ils ont deux parois : l'un a les mailles beaucoup plus étroites, et près d'une aune de France de longueur de plus ; de manière qu'il forme un dos voûté dans Yeau , tandis que l'autre , appelé rescha , flotte devant lui tout tendu. Le rescha est fait de cordes minces , et il a des mailles d'environ un empan et demi de grandeur. Ije pécheur soutient dans Feau ce double filet par un bout, au moyen de deux cordes qui 1 ègnent sur la superficie de ses parois ; l'autre bout est soutenu par une pièce de bois flottante. On attache des pierres à la partie qui est au fond de l'eau, afin cju'elle ne soit point entraînée par le courant. Lorsque le cosaque a jeté son filet en tra- vers du fleuve , il laisse aller son canot au colirruiî de l'eau sans ramer , de manière que son filet aille toujours en travers devant lui. Les esturgeons étoiles, qui remontent le fleuve, ne trouvent point de résistance dans la partie du filet, qui est à mailles larges; mais lorsqu'ils sentent l'autre paroi, et qu'ils veulent rétrograder , ils s'embarrassent et restent accrochés avec leurs nageoires dans la première paroi. Le cosaque sent, par les DES ACIPENSERES. Sgg cordes qu'il tient , s'il y a plusieurs poissons dans son filet ; il le retire alors pour les prendre , et le rejette aussi proniptement qu'il est possible pour en avoir d'autres. L'eau est tellement troublée par le grand nombre de fiiets et de canots, qui se suc- cèdent les uns aux autres , que le poissoa qui remonte toujoui^s vers le courant ne, voit plus les filets, et s'y jette de plus en plus. Les cris des cosaques et le bruit qu'ils font en péchant épouvantent tellement les poissons , qu'ils restent en si grande quantité dans la partie inférieure, que si les pécheurs passent un peu la limite et jettent leur filet, ils sont si bien remplis qu'ils peuvent à peine les tirer de l'eau. La troisième pêche commence à la fin de septembre ou au premier jour d'octobre, dans la partie inférieure du Jaïk , avec de grands filets à grosses mailles , appelés jerignL 11 est alors permis aux cosaques de prendre toutes les espèces d'esturgeons et de p: is- sons communs. La police et les lois sont les mêmes que pour les pêches précédentes. Après quelques semaines de repos, les co- saques commencent la quatrièniC pèche dans les rivières du voisinage ; luaiâ ceile-ci 4oo HISTOIRE n'est ni si importante ni si remarquable que les autres , et on n'y prend que des poissons communs (i). La pèche de Festurgeon et da sterlet rap- porte beaucoup aux paysans russes qui habitent sur les rives de Tirtisch ; ils se sej'vent du filet qui est aussi en usage sur le Volga et le Kama. Les pécheurs du Volga l'appellent schachkoi>aia-siiast ; ceux du Jaïk, qui lui donnent le même nom , ne s'en servent que furtivement : il est connu sous celui de samoloi^ie , en Sibérie. Cet attirail consiste dans une corde , chreptina , bien goudronnée , de trente à quarante brasses de longueur; on y attache, de distance en distance , de fortes ficelles ou petites cordes également goudronnées , appelées koleuza eipovédck ^ près du Volga. La distance est de deux empans , et de quatre pour prendre les gros poissons. On garnit ces ficelles de gros haineçons , oudi , bien eiîilés, qu'on enduit de suif, pour les (i) Pallas , Voyages en différentes provinces de Russie et dans l'Asie septentrionale , traduits de rallemand , par Gauthier de la Peyiouie , tom. I , p. 454 et suiv. garantir DES ACIPENSERES. 401 garantir de la rouille. On fixe à chaque hameçon , par le mo3^en d'une petite ficelle de crins très - minces , un petit morceau d'écorce de tremble, qui est presque aussi légère que le liège ; celle - ci surnage sur Teau ; on l'appelle babachka ou babirka. Pour que ce lacet ne dérive pas , on fait l'arc de l'hameçon un peu angulaire : soa crochet est à près d'un pouce de sa pointe. Oji attache des piérides, de distance à autre, à la corde où sont fixées les fioelles à l'ha- meçon ; c'est communément à la dixième ficelle ; cette corde tient par une extrémité à une ancre de bois , affermie par des pierres ; et à l'autre , à une corde où l'on attache un panier ou quelque chose de ilottant. On jette cet attirail dans les Jieux où Je fleuve est le plus profond. L'ancre va d'abord à fond : la corde et les hameçons prennent la direction du fleuve vers le fond, tandis que le panier suit le cours ; les ha- meçons , soutenus par des morceaux d'écorce de tremble, se trouvent entre deux eaux. Les esturgeons et les sterlets , qui nagent toujours plus vers le fond qu'à la superficie des eaux , restent accrochés aux hameçons par le milieu du corps , la queue ou les Poiss. Tome IV. Ce 402 HISTOIRE ouïes ; se voyant pris , ils cherchent à se débarrasser , et ils s'accrochent à d'autres hameçons en se débattant. Les pêcheurs font tous les jours la revue de leur filet , en le soulevant hors de l'eau, pour détacher les poissons. Cette pêche dure depuis le prin- tenis jusqu'en automne. Près du Volga les pêcheurs jettent communément cet attirail en travers d'un bras du fleuve , ou bien ils rétendent entre deux bancs de sable : ils ont soin d'attacher de longues cordes aux deux extrémités , pour lui laisser du jeu. Les pécheurs de Tlrtisch prétendent que leur méthode est meilleure, puisqu'ils prennent plus (Je poissons. Pendant l'hyver, époque où le fleuve est couvert de glaces, on ne pêche les esturgeons que dans les contrées supérieures de l'irtisch ; ils s'y rendent par troupes pour y passer l'hy ver : on les prend alors avec des crampons appelés lot^igî , comme sur le Jaïk (i). La pêche de la Kama diffère un peu de celle du Volga. On y prend principalement de l'esturgeon et du sterlet avec cette ma- (i) PalJas , Voyages en Russie et dans l'Asi© feplentrionale , tom. III , p. 104 et suiv. DES ACIPENSERES. 4o3 nœuvre à crochets dont j'ai donné ci-devant la description. On nomme sur la Kama cette espèce de piège babatki. L'on prend dans de vastes parcs, kamskoi-jus , du sau- mon, des salmones et des esturgeons. Ces parcs traversent les bras du fleuve ,* ils y sont consolidés par d'épais poteaux : on place à leur entrée de grandes pantières. Cette pêche a lieu tout Tété , et même l'hyver sous la glace : on ne la suspend que lorsque les eaux sont hautes , ou bien lorsque les glaces ne portent pas (i). La grande rivière de Kovima , qui porte ses eaux dans la mer Glaciale , à la parlie la plus septentrionale de l'Asie, est très -pois- sonneuse : il y a sur -tout, au rapport du Commodore Billings , beaucoup d'esturgeons et de sterlets; ces poissons y sont en général fort gras et à chair très -ferme. Les habi- tans de ces contrées pèchent les esturgeons à la seine pendant le piintems et l'été. En hyver ils font , dans la Kovima et dans les rivières qui s'y jettent, une espèce d'estacade avec des bâtons, à laquelle ils laissent des (i) Pallas , ibidem , tom. X, p. 55 et suiv. Ce â 4o4 HISTOIRE ouvertures pour placer des fiiets et des nasses (i). Bloch donne quelques aufres détails sur les pêches des esturgeons dans le Jaïk et le Volga. J'en présenterai Texlrait , parce que îîoti seulement ils sont curieux , mais encore parce que cette réunion de noî;ions sur les pèches étrangères peut faire naître des vues utiles et indiquer des changemeus qui peuvent améliorer nos pêches nationales , quoique adaptées à d'autres espèces de poissons. On choisit dans les fleuves que je viens de nommer, un endroit où un fond uni s'étend depuis le bord presque jusqu'au milieu du fleuve. Là on enfonce une rangée d'arbres ou tle pieux , qui traverse une partie du fleuve , soit en ligne droite , soit en forme d'angle obtus, ouvert vers le courant, de manière que les pieux s'élèvent au dessus de la sur- face de l'eau. Après cela on prend des claies , faites de branches d'arbres ou d'osier , et assez larges pour s'étendre depuis le fond (i) Voyage dans le nord de la Russie asiatique, dans la mer Glaciale, etc. par le conimodore Billings, Iraduct. franc, tom. I;p. 160. DES ACIPENSERES. 4o5 jusqu'à la surface. On assujettit ces claies au fond contre les pieux, de manière que le courant les y presse davantage. Cela forme une espèce de parc qui oblige les poissons qui remontent le fleuve de suivre sa direction , et de chercher une autre issue. Or , dans l'angle du parc est une ouverture d'environ deux ou trois brasses , qui sert d'enlrce à une chambre carrée , fermée aussi avec des pieux ou de l'osier, et dans laquelle le poisson se prend ; mais , dans les parcs qui sont formés en ligne droite , au travers du fleuve, il y a environ, dans le milieu de toute la longueur, une chambre double qui donne vers le courant, disposée de manière que les ouvertures sont tournées vers le rivage ,* dans les deux cas , on tient toujours en hyver la glace ouverte au dessus de ces chambres, et on construit une cabane de paille au dessus de l'ouverture , où il reste encore assez d'espace des deux côtés pour que les ouvriers puissent passer libre- ment, et se chauffer à un petit feu. On voit que , dans les deux cas , le poisson coulant le long des parois, et cherchant une issue pour continuer à remonter le fleuve, entre nécessairement dans les chambres. Ce 5 4o6 HISTOIRE Dans chaque chambre il y a des choses pré- parées pour avertir de l'entrée du poisson^ et pour aider à le prendre. Au fond est un cadre fait de fortes perches , sur lequel est étendu un filet de petites cordes , ou en été une claie d'osier , et ce cadre remplit tout l'espace de la chambre. Aux quatre coins sont assujetties de fortes cordes , avec les- quelles on peut lever cette machine par le moyen de deux poulies placées au dessus des ouvertures. Au dessus de l'ouverture de la chambre, on a tout prêt ou une trappe faite de peixhes et d'osiers entrelacés , dont on se sert en été , ou un filet monté sur une perche transversale , et qui s'étend devant toute l'ouverture pendant qu'on fait descen- dre la perche par le moyen de deux autres perches perpendiculaires. Or, pour que les travailleurs sachent quand un poisson est entré dans la chambre , et qu'ils puissent s'en emparer aussitôt avec le trident , il y a encore outre cela, devant l'ouverture de la chambre , un grand nombre de cordons courts tendus sur un morceau de bois mou- vant mis en travers , et qui s'étendent depuis le morceau de bois jusqu'au cadre qui est posé au fond; de sorte que tout gros poisson DES ACIPENSERES. 407 qui entre dans la chambre et qui touche quelques-uns de ces cordons , fait remuer le morceau de bois qui surnage. Dès que Ton remarque quelques mouvemens à ce morceau de bois , on baisse la trappe ou le filet ; et la chambre se trouvant fermée , on lève la machine mobile qui est au fond , et on amène ainsi tout le poisson qui s'y trouve. Alors on prend les poissons avec un crochet , on laisse retomber la machine , et on rouvre la chambre pour une nouvelle prise. Trois ouvriers suffisent pour tout ce travail. Afin de n'être pas obligé de veiller sans cesse pendant la nuit , on a imaginé un autre moyen fort simple , par lequel le poisson se prend de lui - même dans la chambre comme dans une ratière , et an- nonce par ses mouvemens sa prise aux pêcheurs. On pend, à la sarrasine ou aux perches qui servent à abattre le filet , quel- ques pierres qui peuvent l'abaisser au fond. Afin de les tenir au dessus de l'ouverture, on place à la sarrasine quatre petits mor- ceaux de bois ; de manière que le premier porte le filet ou la sarrasine , comme un levier, et que le dernier est attaché aux Ce 4 4o8 HISTOIRE cordons qui sont tendus sur l'ouverture. Lorsque le poisson fait remiîer les cordons, le levier auquel le mouvement se commu- nique très -aisément se détache, le Iréhnchet s^abaisse , et le filet ou grille qui le tenoit tombe au fond et ferme la chambre. En même tems cela tire un cordon auquel est attaché une sonnette qui éveille les ouvriers endormis , et les avertit qu'il faut ôter le poisson et retendre le trébuchet. La pèche au filet , usitée parmi les pê- cheurs d'Astracan pour prendre ces poissons, mérite d'être rapportée à cause de la so- îemnité avec laquelle elle se fait. Le filet ou sac dont on se sert pour cela a deux brasses de long, et seulement deux aunes de large. On l'emploie pour pécher le grand estur- geon dans les trous où il se cache pendant riiyver. Lorsque la rigueur de cette saison commence à se faire sentir, on envoie ordre aux inspecteurs des parcs de défendre toute espèce de pêche dans tous les endroits où l'on a remarqué des trous à grands estur- geons, et d'e/jjoindre à tous les bateaux qui passent de ne faire aucun cri, et sur-tout de ne tirer aucune arme à léu. Apiès cela les pécheurs s'éloignent , et on place des DES ACIPENSERES. 409 sen'inelles pour empêcher que le poisson ne soit troublé. On fixe un jour pour la pecli^ ; ce qui arrive ordinairement au commencement cle novembre, lorsqu'on a rejUcirqué que le poisson monte et descend plus souvent. Au jour fixé, on annonce à tous les pêcheurs de se trouver ensemble à une certaine place , avec tous le^ instru- mens nécessaires. Le directeur du comptoir de la pêche invite la veille pkisieurs per- sonnes j et particulièrement les personnes les plus considérables d'Astracan , et il les conduit vers l'endroit de la pêche , où il leur donne un grand repas. Le lendemain matin, le directeur, suivi de sa compagnie et de la moitié des pêcheurs, se rend vers un certain canton des fosses, et il envoie l'autre moitié, avec ses inspecteurs, vers les autres fosses. Quand on s'approche de l'endroit, il est ordonné d'observer un si- lence général. Après cela les pêcheurs pré- parent leurs filets à la hâte. Un coup de fusil donne le signal du départ, et tous les bateaux , ordinairement au nombre de plus de trois cents , partent en même tems. Dès que les filets sont jetés, et que toutes les issues sont fermées, un grand cri succède au silence. Les poissons effrayés cherchent 410 HISTOIRE à se sauver, les uns d'un côté, les autres de l'autre ; quelques-uns montent sur la surface de Teau, d'autres restent au mijieu,- d'autres aussi cherchent leur salut €lans des mouveinens extraordinaires; mais c'est en vain : ils sont entourés par une quantité de pêcheurs occupés tous à les empêcher d'échap[)er. Alors on voit un grand nombre de machines se mouvoir sur la surface de la mer , et les bateaux des pêcheurs faire mille évolutions diverses. Ici on voit des pêcheurs ivies, mouillés depuis les pieds jusqu'à la tête, pousser des cris terribles; là on entend les disputes et les injures que les pêcheurs se disent et se répliquent, lorsque, par hasard ou par malice, ils ont poussé leurs bateaux les uns contre les autres ; plus loin c'est Ja jalousie des pê- cheurs contre ceux que le bonheur favorise. Lojsque ces poissons sont assez elfrayés, et qu'ils sont sortis de leurs trous, les pêcheurs jettent les achanes (i) sur les côtés, prennent leurs pogonais (2) à la main, et s'emparent (i) Une achane est un filet droit, long de cent ■vingt brasses , f[ui est tendu en travers. (2) Un pogonai est un filet enferme de sac , long de deux, bipasses , et large de deux aunes. DES ÀCIPENSERES. 4ii des poissons qui cherchent à s'échapper avec le courant; alors on n'observe aucun ordre: chacun rame où il peut ; ce qui fait naître mille disputes différentes lorsqu'ils s'ap- prochent trop près les uns des autres, ou que leurs filets s'embarrassent les uns dans les autres ,* ce qui pourtant est inévitable , parce que l'espace où se tiouvent ces fosses a tout au plus deux cents brasses de lon- gueur. C'est un spectacle amusant de voir une quantité de si gros poissons assemblés dans un si petit espace, et il est singulier qu'un grand esturgeon, dont dans un autre tems dix hommes forts peuvent à peine s'em- parer 5 devienne alors la proie de deux hommes. Cette pêche dure ordinairement trois heures ; et dès qu'elle est finie , les pê- cheurs retournent à l'endroit d'où ils étoient partis. Dès que toutes les fosses ont été visitées, et qu'on en a tiré tous les poissons qui y étoient , les sentinelles reprennent leurs postes; et quelques jours après, lorsqu'on a remarqué que de nouveaux poissons y sont venus, on ordonne une nouvelle pèche, 4i2 HISTOIRE et on en fait quelquefois deux ou trois dans le même endroit , et dans certains espaces. Cependant cela ne se fait que lorsqu'on re- marque une grande quantité de poissons , ce qui, selon les observations des pécheurs d'Astracan, n'arrive que tous les quatre ans. Ordinairement la pêche ne se fait que deux fois (i). Je terminerai cet article par le tableau des produits que la pêche des esturgeons donnent aux russes du seul gouvernement d'Astracan. Nous le devons à M. Pallas, qui la tiré des registres de Fadministration publique. Difficilement trouveroit-on , les bancs de Terre-Neuve exceptés , une pêcherie dans le monde plus abondante et plus avanta- geuse pour Tétat que celle du Volga et de la mer Caspienne réunis. On peut dire que cette pêcherie , qui nourrit principalement toute la partie européenne du grand empire de Russie et ses populeuses résidences pen- dant le carême de l'église grecque , qui, avec ses jours de jeûne de la semaine , fait un (i) Histoire naturelle des poissons ; par le docteur Bloch , article du grand esturgeon. DES ACIPENSERES. 4i3 bon tiers de l'année , entretient encore dans Faisan ce plusieurs milliers d'hommes , soit dans le nombre de ceux , occupés parlie à la péclie , partie aux transports des poissons par tiaîneaux ou bateaux , ou de ceux encore qui en font le commerce. Il est aussi curieux qji'inléressant de faire connoître la quantité des grands et petits poissons qui ont été pris seulement dans les pêcheries princi- pales des embouchures inférieures du Volga, et dans les baies poissonneuses de la mer Caspienne qui ressortent d'Astracan , sans faire encore mention de la grande quantité de poissons pris dans tout le reste de la longueur du Volga , en remontant le fleuve j usqu'à rOkka , et pareillement dans le fleuve Ural ou Jaïk. jL Les eaux de l'archevêque 5oooo Celles de Bibikof Soooo Celles de Beketof 40000 Celles de Wsewolodsk donnent annuel- lement 55ooo Celles de Skrypigyn Soooo On prend dans les petites pêcheries , dans les eaux de la ville et des cosaques. . . looooo On compte à Sallian , en Perse. . . . 200000 A Tschtscheni 60000 Ainsi donc en esturgeons étoiles. . 1 54^000 A ne DES ACIPENSERES. 417 roubles. A ne compter que le sewrugen qu'à 4q copecs, la valeur seule de ce poisson sera déjà de 53Sooo Mille sewrugens donnent en colle de pois- son 1 \ pud, la totalité i63i puds , comptés seulement à 60 roubles le pud, rend par conséquent 100860 En caviar de la meilleure espèce 60 puds par millier de poisson, leur quotité 80700 puds, à 5 roubles et demi seulement îe pud. 2824^0 Produit de la pêche de l'esturgeon étoile 921 3 10 Toutes ces sommes réunies de la pêche seule des esturgeons de plusieurs espèces, faite dans les eaux d'Astracan et de la mer Caspienne , font une somme annuelle de 1760090 roubles , en prenant poiir basé les prix établis sur les lieux mêmes. On peut voir d'après cela en quelle innombrable quantité ces poissons , si riches en œufs , se reproduisent dans les profondeurs de la mer Caspienne. La pêcherie de Sallian, en Perse, a été Foiss. Tome IV. Dd 4i8 HISTOIRE affermée pour une somme annuelle qui s'est élevée dans les dernières années jusqu'à 26000 roubles. Quand le passage du poisson est abondant, on prend quelquefois dans un seul jour avec le harpon jusqu'à i5ooo estur- geons de diverses espèces , au moyen des réservoirs qu'on établit à travers de l'eau ; il y a plus encore, c'est que, si quelques obstacles empêchent de se livrer à ce travail pendant l'espace seulement de vingt-quatre heures à peu près, ces poissons refluent en telle quantité contre les réservoirs , que de ]a profondeur du fleuve, qui est de quatre arschières ou vingt-huit pieds anglais , et sa largeur de soixante toises , ils forment l'un sur l'autre des lits si serrés dans l'eau , et en remplissent tellement la capacité , qu'ils dé- passent même du dos la surface de l'élément, au dessus duquel ils se font remarquer. Il est bon d'observer que les persans ne mangent jamais d'esturgeon,* leur pêcherie , affermée à des russes , rapporte au delà de 200000 roub. et seroit infiniment plus lucrative encore, si l'excessive abondance des esturgeons ne portoit pas les pêcheurs à prendre seulement les œufs et la vessie aérienne pour le caviar et la colle , et à rejeter les poissons dans DES ACIPENSERES. 419 l'eau comme ne pouvant en tirer aucun profit (1). » I i i I .1111 II ■ (1) Nouveaux Voyages de M. Pallas au midi de la Russie, dans les anuées 1793 et 1794, traduct. de rallemand^ iBoi, iom» I; p. 160 et suiv. Fin du quatrième Volume* Dd a TABLE De ce qui est contenu dans ce quatrième Volume. »3 UI TE des squales, — Le NeZj quatrième espèce, page 5 Le Beaumaris , cinquième espèce , 8 Le Philipp. — Le squale philipp , par La- cépède y sixième espèce y ii Le Perlon, — Le squale perlon , par le même, septième espèce , 14 Le Pointillé, — Le squale pointillé , par le même, huitième espèce , 16 La Roussette, — « Le squale roussette , par le même , neuvième espèce, 20 Le Rochier, — Le squale rochier , par le même, dixième espèce, 36 LjC Mllandre , planche VII. — Le squale mi- landre, par le même, onzième espèce , 41 L'Emissole, — Le squale émissole , par le même y douzième espèce ^ 4§ TABLE. 42M L'Etoile , treizième espèce ^ 62 Le Barbillon. —^ Le squale barbillon^ par Lacépède , quatorzième espèce , 64 Lje Barbu. — Le squale barbu ^ par le même y quinzième espèce , 67 Ze Tigre. — Le squale tigré, par le même^ seizième espèce ^ 63 I^e Galonné. — Le squale galonné , par le même^ dix-septième espèce , 66 U(Eillé. — Le squale œillé , par le même ^ dix-huitième espèce, 68 L Isabelle. — Le squale isabelle , par le même, dix-neuvième espèce^ 71 Le Marteau^ pi. VïlI. — Le squale marteau , par le même , (vingtième espèce , 74 Le Pantouftier. — Le squale pantoujlier, par le même , vingt-unième espèce , 81 Le Renard marin. — Le squale renard, par le même, vingt-deuxième espèce, 8g Le Griset. — Le squale griset ,par le même^ vingt-troisième espèce ^ 96 L* Aiguillât. — Le squale aiguillât, par le même, vingt- quatrième espèce, 100 Dd 3 422 TABLE. Le Tollo ^ vingt-cinquième espèce ^ io8 Le Sagre, — l^e squale sagre ^ par Lacépèdcy vingt-sixième espèce, iio Le Humantin. — Le squale humantin , par le même ^ vingt- septième espèce^ ii3 La Liche. — Le squale liche , par le même , vingt-huitième espèce , 117 Le Squale gronouien, par le même ^ vingt-- neuvième espèce, 119 — — dentelé, par le même , trentième espèce , 121 Le Bouclé, — Le squale bouclé, par le même ^ trente-unième espèce ^ 123 L' Ecaille ux.-^ Le squale é c aille ux , parle mê ne , trente-deuxième espèce, 126 La Scie, — Le squale scie, par le même , trente- troisième espèce, 128 L^ Angelot. — l^e squale ange , par le même , trente-quatrième espèce , 1 09 L' Anisodon,^^ Le squale anisodon, par le même, trente-cinquième espèce, 34^ Le Squale spallanzani , trente-sixième espèce, 147 TABLE. 423 Fâches des squales ^ ^ i5i Quatrième genre , ^odon , par Lacépède , 1 64 Le Massasa et le Kumal, — Uaodon mas^ sasa et Vaodon kumal ^ par le même ^ i55 II Aodon cornu , par le même ^ 167 Seconde division , par le même^ iBg Sixième ordre. Cinquième genre. Les Lophies, ibid La Baudroie. — La Lophie baudroie ^ par le même , première espèce , pi. IX , 162 La Baudroie chauve - souiis. — La Lophie vespertilion^par le même , deuxième espèce , pi. IX, 177 La Lophie faujas^ par le même ^ troisième espèce y 182 La Baudroie tachée. — La Lophie histrion^ par le même., quatrième espèce^ pi. X, 186 La Lophie chironecte et la Lophie double- bosse , par le même ^ cinquième et sixième espèces^ 192 — ^ — commerson , par le même , septième espèce, 39S Dd4 424 TABLE. La Lophie ferguson y par le mêmey huitième espèce , igg < barbue y neuvième espèce j 201 — — piquante y dixième espèce, 2o3 Septième ordre y par Lacépède y 2o5 Sixième genre. Les Balistes , ibid La f^ieille. — Le Baliste vieille , par le même, première espèce y /)/. X, 21 3 L'Etoile. — Le Baliste étoile^ par le même , deuxième espèce y 253 UEicharpe. — Le Baliste écharpe , par le même y troisième espèce y 236 Le Double - aiguillon, — - Baliste double- aiguillon y par le même y quatrième espèce y 240 Le Baliste chinois y par le même^ cinquième espèce y 243 — ^ — velu et le Baliste mamelonné y par le même ^ sixième et septième espèces y 246 — — tacheté y par le même y huitième espèce y 260 •— — praliîiy parle même y neuvième espèce, 253 ^— — Aleinien y par le même y dixième espèce, 256 TABLE. 425 Le Batiste curaçcwien , par le même, onziê/ne espèce, 268 ■ épineux, par le même , douzième espèce ,- 260 ■ sillonné ^ par le met ne , treizième espèce , 295 porc. — Baliste caprisque , par le même, quatorzième espèce, 268 — — queue-fourchue , par le même, quin- zième espèce^ 271 — bourse et le Baliste améncain , par le même, seizième et dix-septième espèces , 273 — — verdâtre , le Baliste grande - tache ^ le Baliste noir^ le Baliste bridé , et le Baliste armé, parle même, 18^, 19®, 20^, 21®, 22^ espèces, 277 — — cendré^ par le même, çingt-troisième espèce, 278 L^^ssasi. — Baliste assasi, par le même, vingt-quatrième espèce, 28G Le Baliste mungo-park et le Baliste ondulé, par le même, vingt ^ cinquième et vingt- sixième espèces, 38.S 426 TABLE. Le Monocéros, — Baliste monocéros , par le même ^ vingts eptiè me espèce^ 290 «— • — écrit ^ vingt-huitième espèce^ 293 he Porte -vergette, — Baliste hérissé, par Lacépède, vingt-neuvième espèce^ 296 Le Baliste varié, trentième espèce, 299 métallique ^trente-unième espèce, 5oi Notice de quelques poissons du genre des Balistes , indiqués par des naturalistes , mais dont l'espèce n^est pas déterminée, 5o2 I. Le Baliste à long museau, ibid II. ridé, ibid m. de Muller, 5o5 IV. harhu, 3o4 V. — — du Japon, ibid VI. Le beau Baliste, 3o5 VII. Le Baliste taupe, ibid Huitième ordre , par Lacépède , 5o6 Septième genre. Les Chimères, ibid La Chimère arctique , par le même , première espèce , 307 — — antarctique , par le même, deuxième espèce, 3i8 TABLE. 427 Troisième division, par le méme^ 52 1 Douzième ordre. Huitième genre. Les Po- lyodons , ibid La Feuille, — Polyodon feuille , par le même^ 3-33 Neuvième genre , par le même. Les ^cipen-^ sères^ 529 L^Esturgeon,-^ Acipensère esturgeon, par le même, première espèce^ pi, XI, i53 Le Scypha, seconde espèce , 55g U Ichthyo colle , — Acipensère huso, par La^ cépède ^ troisième espèce, 355 Le Sterlet. — Acipensère strelei , parle même , quatrième espèce, 376 L^ Esturgeon étoile. ^^ Acipensère étoile , par le même , troisième espèce, 383 Pêches des Esturgeons , 385 — — de r Iclithy ocolle , 4 14 — — du Sterlet, 41 5 ■ de l'Esturgeon étoile ^ 416 Fin de la Table. ^^"ft^^'Kr--^ /" .V „/ ^ ssm W