Digitized by the Internet Archive in 2011 http://www.archive.org/details/histoirenaturell005buff ISTOIRE NATURELLE DES OISEAUX. Tome Cinquième. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE ROYALE. M. DCCLXXV, ->/ rwutstë*: ,b Vif AVERTISSEMENT. %f 'en étois au fèizième Volume hi-^t^ de mon Ouvrage fur l'Hiftoire Na- turelle , lorfqu'une maladie grave & longue a interrompu pendant près de deux ans le cours de mes travaux. Cette abréviation de ma vie, déjà fort avancée , en produit une dans mes Ouvrages. J'aurois pu donner dans ies deux ans que j'ai perdus, deux ou trois autres Volumes de l'Hiftoire des Oifeaux, fans renoncer pour cela au projet de l'Hiftoire des Minéraux dont je m'occupe depuis plufieurs années. Mais me trouvant aujour- d'hui dans la néceffité d'opter entre ces deux objets, j'ai préféré le dernier * iv vu) Avertisse me n t. comme m'étant plus familier, quoique plus difficile, & comme étant plus analogue à mon goût, par les belles découvertes & les grandes vues dont; il efl fufceptible. Et pour ne pas priver le Public de ce qu'il efl en droit d'attendre au fujet des Oifeaux, j'ai engagé l'un de mes meilleurs amis, M. Gueneau de Montbeillard* que je regarde comme l'homme du monde, dont la façon de voir, dç juger & d'écrire, a plus de rapport avec la mienne ; je l'ai engagé, dis-je, à fe charger de la plus grande partie des Oifeaux; je lui ai remis tous mes papiers à ce fujet , Nomenclature > Extraits, Obfervations , Correspon- dances; je ne me fuis réfervé que quelques matières générales & un Avertissement* m petit nombre d'articles particuliers déjà faits en entier ou fort avancés* II a fait de ces matériaux informes un prompt & bonufage, qui jnftifie bien Je témoignage que je viens de rendre à (es talens ; car ayant voulu ie faire juger du Public fans fe faire connoître, il a imprimé, fous mon nom y tous les chapitres de fa compo- sition, depuis l'Autruche jufquà la Caille, fans que ie Publie ait parti s'apercevoir du changement de main; & parmi les morceaux de fa façon , il en eft , tel que celui du Paon ? qui ont été vivement applaudis & par le Public & par les Juges les plus févères*, Il ne m'appartient donc en propre dans îe fécond Volume in-^,° de l'Hiftoire des Qifeaux que les articles du Pigeony * v h Averti ssement. du Ramier & des Tourterelles ; tout le refte, à quelques pages près de l'hiftoire du Coq, a été écrit & campofé par M, de Montbeillard* Après cette déclaration , qui eft aufîi jufte qu'elle étoit néceflaire , je dois encore avertir que pour la fuite de i'Hiftoire des Oifeaux & peut-être de celle des Végétaux, fil*: laquelle j ai aufîi quelques avances , nous met- trons, M. de Montbeillard & moi, chacun notre nom aux articles qui feront de notre compofition, comme je lai fait avec M. Daubenfon dans I'Hiftoire des Animaux. On va loin fans doute avec de femblâbles aides; mais le champ de la Nature eft û vafte qu'il femble s'agrandir à mefure qu'on Je parcourt; & Ja vie d'un, Avertissement, x} iîeux & trois hommes eft û courte, qu'en la comparant avec cette im- imenfeétendue, on fentira qu'il n'étoit pas poffible d'y faire de plus grands progrès en auffi peu de temps. Un nouveau fecours qui vient de m'arriver & que je m'emprefîè d'annoncer au Public, c'eft ia com- munication, auffi franche que géné- reufe, des lumières & des obfèr varions d'un ill.uftre Voyageur,- M. ie Che- valier James Bruce de Kinnaird , qui revenant de Nubie & du fond de i'Abyffinie, s'eft arrêté chez moi pîufieurs jours & m'a fait part des connoiiïances'qu'ii a acquifes dans ce voyage, auffi pénible que périlleux. J'ai été vraiment émerveillé en parcourant fimmenfe collection de a:// Avertissement. Deffins qu'il a faits & coloriés luî- même; les animaux, les oifeaux, les portions , les plantes ; les édifiées , les monumens » les habillemens , les armes, &e. des différens peuples* tous les objets en un mot dignes de nos connoiiTances ont été décrits Se parfaitement repréfentés, rien ne paroît avoir échappé à la curiofité* & (es talens ont tout faifr. Il nous refte à defirer de jouir pleinement de cet ouvrage précieux. Le Gouver- nement d'Angleterre en ordonnera fans doute la publication ; cette ref- peclabîe Nation qui précède toutes ics autres en fait de découvertes, ne peut qu'ajouter à la gloire en com- muniquant promptement à l'Univers celles de cet excellent Voyageur, qui Averti s s em en t. xlîj ne seft pas contenté de bien décrire h Nature, mais a fait encore des Obfêrvations très-importantes fur i& culture de différentes efpèces de grains, fur ia navigation de ia Mer rouge, lur ie cours du Nil, depuis Ion embouchure jufqua fès iources» qu'il a découvertes le premier & fur plufieurs autres points de Géogra- phie, & de moyens de communi- cation qui peuvent devenir îrès-utiles au Commerce & à l'Agriculture ; grands Arts peu connus , mal cultivés chez nous, & desquels néanmoins dépend & dépendra toujours ia fupé- riorité d'un Peuple fur les autres* 'SC9 Sa—— m imi^jJ3&_ 'a i i ■ i •. ii i ** TABLE De ce qui eft contenu â&pê ce Volume, Avertissement . .7 page vif Le Crave ou Z? Coracias , . . . , . î1 Z,£ Coracias huppé ou te Sonneur. I î /,£ Corbeau *«..*.. é î 6 O if eaux étrangers qui ont rapport au Corbeau 55 Le Corbeau des Indes de Bontius* Ibiâ. La Corbïne ou Corneille noire'* 61 Le Freux ou la Frayonne . ... 75 L<3 Corneille mantelée 83 Oi féaux étrangers qui ont rapport aux Corneilles . 92 I. Z# Corneille du Sénégal. Ihid* IL Ztf Corneille de la Jamaïque, 93 xv/ Table* Les Choucas ............. p j Z^ Choquart ou Choucas des Alpes,. 105 Oifeaux étrangers qui ont rapport aux Clwucas , 1 o j> I. Le Choucas moujiache. » . Ibid* 1 1. Le Choucas chauve, ..... 110 III. Le Choucas de la nouvelle Guinée. 1 1 ï î V. Le Chcucarî de la nouvelle Guinée* 1 1 2 V. Le Colnud de Cayenne. . . 114 VI. Le Balkafe des Philippines. 1 1 5 La Pie. 117 Oifeaux étrangers qui ont rapport à la Pie 133 J. La Pie du Séné g ah ...» JltL II. Ztf jP/£ de la Jamaïque, . 134 III. La Pie des Antilles ...... 138 I V. L'Ocifana* ....,...,* 142. Table. xpj V. La Vardiok, . . 1 43 VI. Le Zanoé. . . . . 145 Le Geai .............. 1 46 O if eaux étrangers qui ont r apport au Geai 157 I. Le Geai de la Chine à bec rouge. Jbid. IL Le Geai au Péfuu. • • , . . ; ^3 III. Le Geai brun de Canada . . 160 IV. Le Geai de Sibérie» .... 161 V. Le Blanche -coiffe ou h Geai de Cayenne . /....»... 162. VI. Z# 6W# ou le Geai a ventre jaune de Cayenne ......... 1 64 VII. Le Geai bleu de V Aménque fep- tentrionale ...» 165- Le Gaffe - noix 168 Les Rollicrs ............ 176 JLe Rolle Je la Chine ...... 181 Le Grivert ou Rolle de Cayenne. 183 Le Rollier d Europe ....♦., 184 *% Table; Oifeaux étrangers qui ont rapport art Rollier , . >. i . • . . . 105 I. Le Rollier d'Abyffmie. . . Ibid. Variété du Rollier d'AbyJfmie. 1 0 6 1 1. Z? Rollier d'Angola & le Cuit ou le Rollier de Aî'mdanao. 197 Variété des Rolliers d'Angola & de Aîindtiiïuc. ....... 2 0 0 III. Z^ Rallier des Indes. ... 20 1 IV. Le Rollier de Madagafcar. 202 V. Le Rollier du Mexique. , 203 VI. Le Rollier de Paradis. . . 2041 L'Oifeau de Paradis 207 Le Manucode 223 Le Magnifique de la nouvelle Guinée ou le Manucode à bouquets. 227 Le Manucode noir de la nouvelle Guinée , dit le Superbe ... 231 Le Sifdet ou Manucode à fix filets, 233 Le Çalyhé de la nouvelle Guinée, 236 Ta u e. zh Le Pique -bœuf. < . . * 239 LEtoumeœu. 241 Variétés de ÏEîoumeau 258 I. L'Étourneau blanc d'Aldrovande, 259 II. L 'Etoumeau noir & blanc . lbid» III. L'Étourneau gris cendré d'Àldro- vande . 260 Oifenux étrangers qui ont rapport à V Etoumeau 26 1 I. L'Étourneau du cap de Bonne- èfpérance ou F Etoumeau- Pie» lbid> II. L'Etourneau de la Louifiane ou le StoUrrte. .......... 263 III. Le Tolcana, ......... 26'j IV. Le Cacafol 267 V. Le Pimalot 268 VI. L'Etourneau des Terres fAageUa~ niques ou le Blanche-raie, 2 60 Les Troupiaks ...*....,, 271 Le Troupuile. . . » < . zyy xx Table. L'Acohhi de Siba ....... . 281 L' arc -en- queue . . . 283 Le Japacani . , 285 Le Xoclùîol & le Cojlotol. . . 288 Le Tocolin ............. 2 c>2 Le Commandeur 293 Le Troupiak noir 301 Le petit Troupiak noir.. .... 303 Le Troupiak à calotte noire . . 305 Le Troupiak tacheté' de Cayenne. 30e Le Troupiak olive de Cayenne . 30 c) Le Cap - more 311 Le Siffleur 316 Le Baltimore 318 Le Baltimore bâtard ....... 321 Le Cajfi que jaune du Brefilou ÏYapou» Variété de ïYapoti 328 Le Caduque vert de Cayenne . . 331 Table* xxj Le Caffique huppé de Cayenne, 332 Le Caffique de la Louifuine , . 334 Le Carouge . . . . . , ...... 335 Le petit Cul-jaune de Cayenne. . 3 4.0 Les Coiffes -jaunes 3 44 Le Carouge olive de la Louifiane. 345 Le Kink .... 347 Le Loriot 340 Variétés du Loriot 3 60 I. Le Coulavant Jbid* II. Le Loriot de la Chine* . . 361 III. Le Loriot des Indes. ... 362 Le Loriot rayé . ....,..., 3 64 Les Grives . . . . 366 La Grive 386 Variétés de la Grive proprement dite. 396 I. Ztf Grive blanche. • . ■ . . 7^/V, II. Z*z GWvf huppée* ,...., 3pj xxij Table. Oifeaux étrangers qui ont rapport a la Grive proprement dite. I. La Grive de la Guyane, . 399 IL La Grivette d'Amérique . . 400 La Roufferolle ...,..,..,, 40 5 La Draine ...,.,.,..... 40 8 Variété de la Draine 415 ha Litorne 4 1 j Variété de la Litorne ...... 42 3 Oifeaux étrangers qui ont rapport à la Litorne 425 I. La Litorne de Cayenne» . . Ibid. IL La Litorne de Canada. . . 426 Le Mauvis , ............ 42^ Oifeaux étrangers qui ont rapport aux. Grives & aux Merles, I. La Grive baffette de Barbarie, 43 5 IL Le Tilly ou la Grive cendrée d'Amérique, «#.,•«»» 437 T A B L E. XXÏlj III. La petite Grive des Philippines* 439 IV. L'Hoamy de la Chine. . , 44 Q V. La Grive lette de Saint-Domingue. 441 VI. Le petit Merle huppé de la Chine . • 44s Les Moqueurs . . . .... . . , 445 Le Moqueur François . .... 449 Le Moqueur . ........... 45 ï q ' ' . ' ' ; j ■ 111, 1 1 m 1 1 1 » Par M. GUENEAU DE MONTBEILLARD, HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. * LE C RAVE ou LE CORACIAS (a). Plancha i de ce volume, Ql/ELQUES A uîeurs ont confondu cet oifeau avec ie choquait appelé communément choucas des Alpes : cepen- dant il en diffère d'une manière allez ■* Voye^ les planches enluminées, n.° 2 j /. (a) Crave eft fe nom qu'on lui donne en Picardie, finvant Belon ; en Grec , Ko^cnuct{ , en Grec mo- derne , Scurapola ; en Latin , feion Cambden , Avis incendiarici; en Italien, Spelviero, Taccola , Tatula. , Payon, Zorl, Cutta.; en François, Chouette & Choucas rouge: dans le Valais, Cho^mrd & Chouette; en Oifeaux., Tome K A 2 Hijloire Naturelle marquée par Tes proportions totales (h) & par les dimenfions , la forme & la couleur de fon bec qu'il a plus long , plus menu , plus arqué & de couleur rouge; il a aufïï la queue plus courte, les ailes plus longues, & par une confé- quence naturelle , le vol plus élevé ; enfin fes yeux font entourés d'un petit cercle rouge. II eiî vrai que le crave ou coracias fe rapproche du choquard par îa couleur & par quelques - unes de Tes habitudes naturelles. Ils ont tous deux îe plumage noir , avec des reflets verts , bleus , pourpres, qui jouent admirablement fur ce fond obicur ; tous deux le plaifent fur ïe fommet des plus hautes montagnes , Allemand, Steintahen (Choucas de roche), Stem- tulen , Stein - krae : en Anglois , Coruish - chough; Cornwall - kae , KUlegrew. En comparant ces noms divers avec ceux du Choquard ou Choucas dès Alpes, on en trouvera qui font les mêmes ; effet de fa méprife qui a fait confondre ces deux efpèçes en «ne feule. C'eft le Coracias de M. Î3rilîbn, tome II, page 3 , (b) Nota, Que le module de la Planche enlu- minée , eft prefque double de ce qu'il doit être. du Crave ou le Coracias. 3 & defcendent rarement dans la plaine , avec' cette différence néanmoins, que le premier paroît beaucoup plus répandu que le fécond. Le coracias eft un oifeau d'une taille élégante, d'un naturel vif, inquiet, tur- bulent, & qui cependant le prive à un certain point. Dans les commencemens on le nourrit d'une elpèce de pâtée faite avec du lait, du pain, des grains, &c. & dans la fuite il s'accommode de tous les mets qui le fervent fur nos tables. Aidrovande en^ii vu un à Bologne en Italie , qui avoit la fingulière habitude de caiïer les carreaux de vitres de dehors en dedans, comme pour entrer dans les maifons par la fenêtre (c); habitude qui tenoit fans doute au même rnftincT: qui porte les corneilles , les pies & les chou- cas, à s'attacher aux pièces de métal & à tout ce qui eft îuiiant; car le coracias éft attiré , comme ces oifeaux , par ce qui brille , & comme eux , cherche à le l'approprier. On l'a vu même enlever du (c) Voyez VOrnhkoIogie dAIdrovande, tome 1 \ l>ag? 766 ; & celle de Brilîon, tome II , page j* A i; 4 Hifloire Naturelle foyer de ïa cheminée des morceaux de bois tout allume's , & mettre ainfi le feu dans la maiibn ; en forte que ce dangereux oifeau joint la qualité d'incendiaire à celle de voleur domeftique ; mais on pourroit , ce me femble, tourner contre lui-même cette mauvaife habitude & ïa faire fervir à fa propre deftruclion , en employant ïes miroirs pour l'attirer dans les pièges, comme on ïes emploie pour attirer ïes alouettes. M. Saïerne dit avoir vu à Paris deux coracias qui vivoient en fort bonne intel- ligence avec des pigeons de volière ; mais apparemment iï n'avoit pas Vu le corbeau fauvage de Gefner , ni ïa defcription qu'en donne cet auteur, ïorfqu'iï a dit, d'après M. Ray, qu'il s'accordoit en tout , excepté pour la grandeur , avec Je cora~ cias (d); foit qu'il voulût parler , fous ce nom de coracias, de ï'oifeau dont il s'agit dans cet article ; foit qu'il entendît notre choquard ou le pyrrhocorax de Pline, car le choquard eft ablolument différent , (d) Hiftoire Naturelle des Oifeaux , page y i • ! — Ray> JynoVfls wium , page f o . du Grave ou le Coracias. 5 & Gefher qui avoit vu ie coracias de cet article & Ton corbeau fauvage , n'a eu garde de confondre ces deux efpèces : ii favoit que le corbeau fauvage diffère du coracias par fa huppe , par le port de fon corps , par la forme & la longueur de fon bec, par la brièveté de fa queue, par le bon goût de fa chair, du moins de celle de fes petits, enfin parce qu'il efl moins criard , moins fédentaire , & qu'il change plus régulièrement de demeure en certains temps de l'année (e), fans parler de quelques autres différences qui le dif- tinguent de chacun de ces deux oifeaux en particulier. Le coracias a le cri aigre, quoiqu'alTez fonore , & fort femblabie à celui çlç Ja pie de mer; ii le fait entendre prefque continuellement , auiTi Oiina remarque-t-il que fi on l'élève , ce n'eft point pour fa voix , mais pour fon beau plumage /fj~* ( e) Adv entant initio ver/s eodem tempore quo Ci- coniœ Primez omnium quodja'am avolant circa inîtium julii , iTc. — Gefner, de Avibus, page 352. (f) La Cutta del hecca rofo che è del refîo tutta. ntra corne cornacchià, fuor che i piedi che fon gialh '; A ii; 6 Hifloire Naturelle Cependant Belon (g) & les auteurs dé la Zoologie Britannique (h), difent qu'il apprend à parler. La femelle pond quatre ou cinq œufs blancs , tachetés de jaune fale; elle établit fbn nid au haut des vieilles tours aban- données, & des rochers efearpés ; mais non pas indiftinclement; car félon M. Edwards, ces oifeaux préfèrent les rochers de Ta côte occidentale d'Angleterre à ceux des côtes orientale & méridionale , quoique celles-ci préfentent à peu -près les mêmes fîtes & les mêmes exportions. Un autre fut de même genre, que je dois à un Obfervateur digne de toute confiance (i), c'eft que ces oifeaux, quoique rrâninù» ua n;pcs, acS uîGil* tagnes de SuifTe, de celles d'Auvergne* &c. ne paroifient pas néanmoins fur les n'en dalle montagne. Latnamente dicefi coracias. Quefla non parla, ma Job fi tient fer heiiena. Uccelicria, foh 3S> (g) Nature des Oifeaux , page 2 87» {h) Page S 4. (i) M. Hébert, Tréforier de l'extraordinaire des guerres, à Dijon. du Grave ou le 'Coracms. 7 montagnes du Bugey, ni dans toute la chaîne qui borde le pays de Gex jufqu'à Genève. Belon , qui les avoir vus fur le mont Jura en SuifTe, les a retrouve's dans l'île de Crète, & toujours fur la cime des rochers (k) . Mais M. HafTelquift afïure qu'ils arrivent & fe répandent en Egypte , vers le temps où le Nil débordé eft prêt à rentrer dans Ton lit (l)_. En admettant ce fait , quoique contraire à tout ce que l'on fait d'ailleurs de la nature de ces oifeaux , il faut donc fuppofer qu'ils font attirés en Egypte par une nourriture abondante , telle qu'en peut produire un terrein gras & fertile, au moment où fbrtant de delTous les eaux , il reçoit h puifïânte influence du foîeil ; & en efftî , les craves fe nourrîiTem d'infectes & de grains nouvellement femés & ramollis par le premier travail de la végétation. Il réfuîte de tout cela , que ces oifeaux ne font point attachés abfoîument & exclu- fivement aux fommets des montagnes & (h) Natttre des Oifeaux, page 2.87; & Obfer- vations , fol, j 1 , verjo, (l) binera, page 240. A iiij 8 Hijloire Naturelle - des rochers, puifqu'il y en a qui paroiflent régulièrement en certains temps de l'année dans la baffe Egypte ; mais qu'ils ne fe plailent pas également fur les fommets de tout rocher & de toute montagne, & qu'ils préfèrent conftamment les uns aux autres , non point à raifon de leur hauteur ou de leur expofnion , mais à raifon de certaines circonflances qui ont échappé jufqu'à préfent aux Obfervateurs. Il eft probable que le coracias d'À- riliote (mj eft le même que celui de cet article & non le pyrrhocorax de Pline, dont il diffère en groffeur, comme auiîi par ïa couleur du bec que le pyrrhocorax a faune (n): d'ailleurs ; le craye ou coracias "a bec & pieds rouges, ayant été «vu par Eelon fur les montagnes de Crète (o), il étoit plus à portée d'être connu d'Ariftote que le pyrrhocorax, lequel paffoit chez les anciens pour être propre & particulier aux montagnes des Alpes, & qu'en effet Beion n'a point vu dans la Grèce. (m) Hijloria animallum , iib. IX, cap. XXIV. (n) Luteo roflro, Pline, lib. X, cap, XLVIII, (o) Obfervations, fol, 11, verjo, rju Grave ou h Coracias, p Je dois avouer cependant qu'Ariftote fait de Ton coracias une efpèce de choucas ( ycuUg ) , comme nous en faifons une du pyrrhocorax de Pline, ce qui femble former un préjugé en faveur de l'identité, ou du moins de la proximité de ces deux efpèces; mais comme dans le même chapitre je trouve un palmipède joint aux choucas, comme étant de même genre, il eft vifîble que ce Philofbphe confond des oi féaux de nature différente , ou plutôt que cette confufion réfulte de quelques fautes de copiftes , & qu'on ne doit pas fe prévaloir d'un texte probablement altéré , pour fixer l'analogie des efpèces, mais qu'il eft plus fur d'établir cette analogie d'après les vrais caractères de chaque efpèce. Ajoutez à cela que le nom de pyrrhocorax, qui eft tout grec , ne fe trouve nulle part dans les livres d'Ariftote; que Pline , qui connoifloit bien ces livres , n'y avoit point aperçu l'oifèau qu'il déftgne par ce nom , & qu'il ne parle point du pyrrhocorax d'après ce que le Philofophe grec a dit du coracias , comme il eft aifé de s'en convaincre en comparant les paflages, A Y i o HiJ!o:re Naturelle , &c. C:!ui qui a été ohfervé par les auteurs de ia Zoologie Britannique , & qui étoit fin véritable coracias , pefoit treize onces, a voie environ deux pieds & demi de vol, la langue prefque auiîi longue que le bec , un peu fourchue & les ongles noirs, forts & crochus (p). M. Gerini fût mention d'un coracias à bec & pieds noirs, qu'il regarde comme une variété de i'efpèce dont il s'agit dans cet article, ou comme Ja même efpèce différente d'elle - même par quelques accidens de couleur , fuivant l'âge , le iexe , «Sec. ( ' q). (p ) British Zoology, page 8^.* (q) Stor/a degli Uccdll , tome II ,page 38. Tl.T.paLj.z* I,E GRAVE mi LE COJRACIAS. ï I LE C0RAC1AS HUPPE o u LE SONNEUR (a). J'adopte ce nom que quelques-uns ont donné à l'oifeau dont il s'agit dans cet article, à caufe du rapport qu'iis ont trouvé entre Ton cri & le Ton de ces clochettes qu'on attache au cou du bétail. Le fonneur eft de ia grofteur d'une poule ; Ton plumage eft noir , avec des reflets d'un beau vert , & variés à peu-près comme dans le crave ou coracias , dont nous venons de parler : il a aufîi comme lui le bec & les pieds rouges; mais Ton bec eft encore plus long, plus menu, & fort propre à s'infînuer dans les fentes (a) C'eft le Corvusjyhaùcus de G efner, page j f ï ; & le Coracias huppé de M. Briffon , tome II, page 6, appelé à Zurich , Scheller, Waldt-rapp , Stein - rap ; & en Bavière, comme en Stirie, Claufs - rapp. En Italien, Corvo Jpilato ; en Polonois , Kruk-lefny, Nocny ; en Anglois, Wood çrow fr (a) C'eft le Corbeau de M. Briûon , tome II, page 8. En Grec, Ko^|; en. Latin , Corvus; en Efpagnol , Cuervo; en Italien , Corvo; en Allemand , Rabe, Rave, Kol-Rave; en An dois, Raven; en Suédois , Korp ; en Polonois , I(ruk ; en Hébreu , Oreb ; en Arabe, Gerabib ; en Perfan, Calak ; en. vieux François, Corbin ; en Guyenne, Efcorbeau ; fes petits le nomment Corbillats & Corbillards; & le mot Corbiner exprimoit autrefois le cri des Corbeaux & des Corneilles, félon Cotgrave. Voye^ Salerne , page S j. En comparant les noms qu'on a donnés à cet oifeau dans les idiomes modernes, on remar- quera que ces noms dérivent tous vifiblement de ceux qu'il avoit dans le* anciennes langues, en fe rap- prochant plus ou moins de fon cri. Il faut fe fouvenir \ du Corbeau. 17 choucas , les craves ou coracias , &c. nous en reilreindrons ici l'acception , & nous l!attrihuerons exdufivement à ia feuïe efpèce du grand corbeau , du corvus des anciens, quieit afïèz différent de ces autres oifeaux par fa groiïeur (b), fes mœurs, fès habitudes naturelles , pour qu'on doive lui appliquer une dénomination difimclive , & fur-tout lui conlerver fon ancien nom. Cet oifeau a été fameux dans tous fes temps ; mais fa réputation efl encore plus mauvaife qu'elle n'efl: étendue; peut-être par cela même qu'il a été confondu avec d'autres oifeaux, & qu'on lui a imputé tout ce qu'il y avoit de mauvais dans pîufieurs efpèces. On l'a toujours regardé ■comme le dernier des oîteaux de proie, & comme l'un des plus lâches & des plus que les voyageurs donnent fouvent , & très - mal à propos, le nom de Corbeau à un oifeau d'Amé- rique, qui a été rapporté à l'efpèce du vautour, tome 1." de cette Hijîoîre des Oifeaux , page 2 04-. (b ) Le corbeau efl de la grofTeur d'un bon coq, il pèfe trente - quatre ou trente - cinq onces; par conféquent , maflè pour maiTe, il équivaut à trois corneilles & à deux freux. l8 Hïjlohe Naturelle dégoûtans. Les voiries infectes , les cha- rognes pourries , font , dit-on , le fonds de (à nourriture ; s'il s'afîouvit d'une chair \ivante, c'eil de celles des animaux foibles ou utiles , connue agneaux , levrauts , &c. (c) On prétend même qu'il attaque quelquefois les grands animaux avec avan- tage , «Se que fuppiéant à la force qui lui manque par la rufe & l'agilité, il fe cram- ponne iur le dos des buffles, les ronge tout vifs.& en détail après leur avoir crevé les yeux ( d); & ce qui rendroit (c) Aldrovande, Ornitkohg* tome I, page 702. *— Traité de la Pipée, où l'on raconte la chaiTe d'un Jièvrc entreprise par deux corbeaux qui paroifïbient s'entendre , lui crevèrent les yeux & finirent par k prendre. (d) Voyez ^E'fian, Natur, animal lib. II, cap. LI, & Je Recueil des Vtyages qui ontjen'i à l' établi fement de la Compagnie drs Indes, tome VIII , pages 275 & Juh; C'eft peut-être là l'origine de l'antipathie qu'on a dit être entre le bœuf& le corbeau. Voyez Arifiot. Hift> animal, lib. IX , cap. 1. Au refte , j'ai peine à croire qu'un corbeau attaque un bufïïe, comme Us voyageurs difent l'avoir obfervé. ]1 peut fe faire que ces oifeaux fe pofent quelquefois fur le «dos des buffles, comme la corneille manteiéc fc pofe furie dos des ânes & des moutons, & la pie fur le âos des cochons , pour manger les infectes du Corhenti, ip cette férocité plus odieufe , c'eft qu'elle feroit en lui Yeffet , non de la nécefîité , mais d'un appétit de préférence pour la chair & leTang, d'autant qu'il peut vivre de tous les fruits, de toutes les graines, de tous les infectes & même des poifîons morts, & qu'aucun autre animai ne mérite mieux la dénomination d'omnivore (e). Cette violence & cette univerfalité d'appétit ou plutôt de voracité, tantôt l'a fait profcrire comme un animai nuifible & defiructeur, & tantôt lui a valu h protection des îoix , comme à un animal utile & bienfaifant; en effet, un hôte de û grodê dépenfe ne peut qu'être à charge qui courent dans le poil de ces animaux. lî peut k faire encore que par fois ies corbeaux entament Je cuir des buffles par quelques coups de bec mal mefurés , & même qu'ils leur crèvent ies yeux , par une fuite de cet inftinft qui les porte à s'attacher à tout ce qui eft brillant ; mais je doute fort qu'ifs aient pour but de les manger tout vifs & qu'ils pufîènt en venir à bout. (e) Voyez Ariftot. Hifi» anîmaLWh. VIII, cep. UT* Wiiiughby, Ornulohg, pages 82 & Juiv, j'en ai vu de privés qu'on nourrnToit en grande partie de viande* tantôt crue, tantôt euîte. 20 Hïfîoire Naturelle à un peuple pauvre ou trop peu nom- breux ; au lieu qu'il doit être précieux dans un pays riche & bien peuplé, comme confommant les immondices de toute efpèce dont regorge ordinairement un tel pays. C'en: par cette raifon qu'il étoit autrefois défendu en Angleterre, fuivant Belon, de lui faire aucune violence (f), & que dans i'ifle Feroé, dans celle de Malte , &c. on a mis fa tête à prix (g). Si aux traits fous lefqueïs nous venons de représenter le corbeau , on ajoute fon plumage lugubre , fon cri plus lugubre encore, quoique très-foible, à proportion de fa grofTeur ; fon port ignoble , fon regard farouche, tout fon corps exhalant (f) Nature des O if eaux, page 279. Belon écrivoit vers l'an 1550: Sanéla avis a ?iofl?ïs habetur, nec facile ab ullo occiditur. F A UN A SUECICA , n.° 69. Les corbeaux jouhTent de la même fauve - garde à Surinam, félon le dodeur Fermin; Description de Surinam, tome II, page 148. (g) -Actes de Copenhague, années 1671, 1672, O.'fervat, X L I X. A i égard de l'i*3e de Malte , on m'aflure que ce font des corneilles; mais on me dit en même temps que ces corneilles font établies fur les rochers les plus déferts de la côte, ce qui me fait croire que ce font dés corbeaux. du Corbeau. ± I Finfedtion (h), on ne fera pas furpris que dans prefque tous les temps il ait été regardé comme un objet de dégoût & d'horreur ; fa chair étoit interdite aux Juifs; les Sauvages n'en mangent jamais fi), & parmi nous, les plus miférables n'en mangent qu'avec répugnance & après avoir enlevé la peau qui eft très-coriace. Par-tout on ïe met au nombre des oifeaux finiftres, qui n'ont le prelTentiment de l'avenir que pour annoncer des malheurs. De graves Hiftoriens ont été jufqu'à publier la relation de batailles rangées (h) Les auteurs de la Zoologie Britannique, font les feufs qui difent que le corbeau exhale une odeur agréable, ce qui eft difficile à croire d'un oifeau qui vit de charogne. D'ailleurs on fait par expérience que les corbeaux nouvellement tués faifîent aux doiots une odeur aufïi défagréabîe que celle du poiflôni C'eft ce que m'aflure M. Hébert, obfervateur digne de toute confiance , & ce qui eft confirmé par le témoignage de Hernandès, page 3ji> II eft vrai qu'on a dit du carancro , efpèce de vautour d'Amérique, à qui on a auftî appliqué le nom de corbeau, qu'il exhale une odeur de mufc, quoiqu'il vive de voiries. ( Voyez le Page du Pratz, Hiiloirt de la Louifiane , tome II, page i i i ) ; mais le plus grand nombre afture précifément le contraire. (i) Voyage du Père Théodat, Récollet, fage $o§. 22 H/foire Naturelle entre des armées de corbeaux & d'autres oifeaux de proie, & à donner ces combats comme un préfage des guerres cruelles qui fe font allume'es dans ia fuite entre ies nations (k). Combien de gens encore aujourd'hui frémifTent , & s'inquiètent au bruit de Ion croaiîement ! Toute fa fcience de l'avenir fe borne cependant, ainfi que celle des autres habitans de l'air, à con- noître mieux que nous l'élément qu'il habite , à être plus fufceptible de ies moindres impreiîions , à prefîentir fes moindres changemens, & à nous les annoncer par certains cris & certaines aclions qui font en ïui l'effet naturel de ces changemens. Dans les provinces méri- dionales de fa Suède, dit M. Linnaeus, Iorfque le ciel efl ferein, les corbeaux volent très-haut en faifant un certain cri qui s'entend de fort loin (l). Les auteurs (h) Voye^&nezs Sylvius, Hifi, Europ. cap. LUI. • — Bembo, hit. lib. V. — Gefner, de Avibus t page 347. (î ) « In Smolandia & Auftralwrihus provhtcii's » cœlofereno altè volitat , & fifigularem clangorem feu » tonum Clong remotiffimè Jenantem excitât, Fauna du Corbeau. 2j dé la Zoologie Britannique ajoutent que dans cette circonftance ifs volent le plus fouvent par paires (m). D'autres écrivains moins éclairés, ont fait d'autres remarques mêlées plus ou moins d'incertitudes & de fuperflitions (n). Dans le temps que les arufpices fài- foient partie de la reîigion , fes corbeaux , quoique mauvais prophètes, ne pouvoient qu'être des oifeaux fort intérefîâns: car la paillon de prévoir les évènemens futurs, même îes plus trilles, efl une ancienne maladie du genre humain; aufîi s'attachoit- on beaucoup à étudier toutes leurs actions, toutes les circonftances de leur voi , toutes les différences de leur voix, dont on avoit compté jufqu'à fbixante- quatre inflexions diflincles , (ans parler d'autres différences plus fines & trop difficiles à apprécier (o); chacune avoit fa figniftcation déterminée; ii ne manqua pas de charlatans pour en. procurer l'intelligence (p ), ni de gens . -. . >■ (m) British Zoology, page ?f. (n) Voyei Pline, Belon, Gefher, AIdrovande, frc* (o) AIdrovande, tome I, page 6yj. I?) Voye^ Pline, Uk XXIX, tagi IV* ^4 Hifloire Naturelle fimples pour y croire; Pline lui-même, qui n'étoit ni charlatan ni fuperititieux , mais qui travailla quelquefois fur de mauvais mémoires, a eu foin d'indiquer celle de toutes ces voix qui étoit la plus iiniftre (q). Quelques-uns ont poufle la folie jufqu'à manger le cœur & les entrailles de ces oiieaux, dans l'efpé- rance de s'approprier leur don de pro- phétie (r). Non- feulement le corbeau a un grand nombre d'inflexions de voix répondant à les différentes affections intérieures , il a encore le talent d'imiter le cri des autres animaux (f) , & même la parole de l'homme , & l'on a imaginé de lui couper le fifet afin de perfectionner cette difpo- fition naturelle. Colas eft le mot qu'il prononce le plus aifément (t) , & Scaliger en a entendu un qui, lorfqu'ii avoitfaim, ( q ) Pejjlma eorum fignificatio cum ghtîunt vocem velut flrangulati, iib. X, cap. XII. (r) Porpliyr. De abjlinendo ab animant» lib. II, (J) Aldrovancïe, tome I, page 6 y 3, (t) J3eïon, Nature des 0 if eaux , page 279. appeîoû du Corheau. 25 appeloit diftinclement le cuifmier de la niaifon , nommé Conrad (u). Ces mots ont en effet quelques rapports avec le cri ordinaire du corbeau. On faifoit grand cas à Rome de ces oifeaux parleurs, & un Philofophe n'a pas dédaigné de nous raconter afîèz au long l'hiftoire de l'un d'eux (x). Ils n'ap- prennent pas feulement à parler, ou pïutôt à répéter ïa parole humaine, mais ils deviennent familiers dans la maifon ; ils le privent, quoique vieux (y) , & paroiffent (u) Exercitatio fin Cardanum , 23 y - J. Scaliger remarque comme une chofe plaifante , que ce même corbeau ayant trouvé un papier de mufïque l'avoin cribié de coups de bec , comme s'il eût voulu lire cette mufïque (ou battre la mefure). II me paraît plus naturel de penfer qu'il avoit pris les notes pour des infectes, dont on fait qu'il fait quelque- fois fa nourriture. f x) «■ Mature f & adhuc pnllus) jermoni afue~ faéius omnibus matutints evoians in Rojlra , «• Tiberium , de'm Germanicum à" Drafum Cafares '« nominatim , mox tranfeuntem popidum Romanum Jalu- '"■ rabat, pojîea ad tabernam remeans , à"c, » Pline, tib. X, cap. XLIII, fjfj Corvus longavus citijpmè fit domeflicus, Voyez* Gefner, page 338. Oifeaux, Tome V* B 2.6 Hifioire Naturelle même capables d'un attachement per- fonnel & durable ( ^). Par une fuite de cette foupIelTe de naturel , ils apprennent aufïi , non pas à dépouiller leur voracité , mais à la régler & à l'employer au fervice de l'homme. Piine parle d'un certain Craterus d'Afie qui s'étoit rendu fameux par fon habileté à les dreiTer pour la chaffè , & qui favoit fe faire fuivre, même par les corbeaux fauvages (a). Scaliger rapporte que le roi Louis (apparemment Louis XII), en avoit un ainfi drelTé, dont il fe fervoit pour la chafle des perdrix (b). Albert en avoit vu un autre à Napîes qui prenoit & des perdrix & des faifans , & même (^) Témoin ce corbeau privé dont parle gchwenckfeid , lequel s'étant ïaifle entraîner trop ioin par les camarades fauvages , & n'ayant pU fans dmite retrouver le lieu de (a demeure , reconnut clans la fuite fur le grand chemin l'homme qui avoit coutume de lui donner à manger, plana quelque temps au-deflus de lui en croaffant , comme pour lui faire fête , vint fe pofer fur fa main & ne Îe-Guitra plus. Ariariwn Silejîœ. , page z^J» (a) Pline, lib. X, cap. XLIII. (b) lu Car dmum ex sr citât, 23 z, du Corbeau. ^J d'autres corbeaux ; mais pour chafTer ainfi ies oifeaux de Ton efpèce , il falioit qu'il y fût excité & comme forcé par ïa pré- sence du Fauconnier (c) . Enfin il femble qu'on lui aie appris quelquefois à défendre fon maître , & à ï'aider contre fes ennemis avec une forte d'intelligence & par une manœuvre combinée; du moins fi l'on peut croire ce que rapporte Auïu-Geïle du corbeau de Valerius (d). Ajoutons à tout cela que le corbeau paroît avoir une grande fagacité d'odorat pour éventer de ioin les cadavres (e) ; (c) Voyei Àidrovande, page y 02.. Voye?^ auiîi Dampier , tome II, page 2 y. (d) Un Gaulois de grande taille , ayant défié à un combat fmgulier les plus braves des Romains, un .Tribun, nommé Valerius, qui accepta ie défi, ne triompha du Gaulois que par ie fecours d'un corbeau qui ne cefïa de harceler Ton ennemi, & toujours à propos, lui déchirant les mains avec (on bec, lui iauîant au vifage & aux yeux , en un mot , l'em- barralTant de manière qiui ne put faire ufa^e de toute fa force contre Valerius, à qui le nom de Çorvinus en refîa. Noâl. Afdcœ , lib, IX, cap. xr. ( e) Corvi in aujpiciis joli intetteâîum videntur haltère fignrjlcationwn Juarum , nom cum Medicz hojpites occifi (mtl omc$ € Pdopponejo fr Aiticà regione volavmmh Bij ^8 Hijtoire Naturelle Thucydide lui accorde même un inftincT: aiTez iûr pour s'abfrenir de ceux des animaux qui font morts de la pelle (f); mais il faut avouer que ce prétendu difcernement fe dément quelquefois & ne l'empêche pas toujours de manger des chofes qui lui font contraires, comme nous le verrons plus bas. Enfin c'eft encore à l'un de ces oi féaux qu'on a attribué la fingulière induflrie , pour amener à fa portée l'eau qu'il avoit aperçue au fond d'un vafe trop étroit, d'y laiïler tomber une à une de petites pierres, ïefquelles en s'amoncelant firent monter l'eau infenfiblement & le mirent à même d'étancher fa foif (g)> Cette foif, fi le fait eft vrai, eft un trait de dilTemblance qui diftingue le corbeau de ïa plupart des oifeaux de proie (h) , Pline, lib. X, cap, XII. D'après Ariftote, lié, IX, cap. XXXI, — Mira Jagackate cadavera Jvbolfacit ÎXcet remottffima. Fauna Suecica, n.° 69. (f) Voyez Thucydid, lib. II. (g) Piine> ÛJ« X, cap. XL III. (h) lnjigniter aquis obkfîatur corvus ac C9mht% Gefner, page jjâ» du Corbeau. 29 fur- tout de ceux qui fe nourrirent de proie vivante , Iefquels n'aiment à fe défakérer que dans le fang, & dont Fin- dufïrie eft beaucoup plus excitée par le befoin de manger que par celui de boire. Une autre différence , c'eft que les corbeaux ont les mœurs plus fociales ; mais il eft facile d'en rendre raifon : comme ils mangent de toutes fortes de nourritures , ils ont plus de reffources que les autres oifeaux carnafîiers , ils peuvent donc fubfifter en plus grand nombre dans un même efpace de terrein , & ils ont moins de raifon de fe fuir les uns les autres. C'eft ici le lieu de remar- quer, que quoique les corbeaux privés mangent de la viande crue & cuite, & qu'ils paffent communément pour faire , dans l'état de liberté , une grande deftruc- tion de mulots, de campagnols, &c. (i) (i) On dit qu'à i'Ifle de France on conferve précieufement une certaine efpèce de corbeau, def- tinée à détruire ies rats & les fouris. Voyage d'un Officier du Roi, 1 772 , pages 122 & Jidv. On dit que tes ifîes Bermudes ayant été affligées pendant cinq années de fuite par une prodigieufe multitude de rats, qui dévoroient ies plantes & ies arbres, & Biij 3° Hiftoire Naturelle M. Hébert qui les a obfervés long-temps êc de fort près , ne les a jamais vus s'acharner furies cadavres , en déchiqueter la chair , ni même fe pofer defïus ; & il efl fort porté à croire qu'ils préfèrent les in- fecles, & fur-tout les vers de terre à toute autre nourriture : il ajoute qu'on trouve de la terre dans leurs excrémens. Les corbeaux , les vrais corbeaux de montagne ne font point oifeaux de paffage, & diffèrent en ceia plus ou moins des comeiiies auxquelles on a voulu les alfocier. Ils femblent particulièrement attachés au qui paiToient à la nage fucceffivement d'une ifle à l'autre ; ces rats difparurent tout d'un coup , fans qu'on en pût afligner d'autre caufe, finon que dans les deux dernières années , on avoit vu dans ces mêmes ifles une grande quantité de corbeaux , qui n'y avorent jamais paru auparavant & qui n'y ont point reparu depuis ; mais tout cela ne prouve point que ies corbeaux foient de grands dem-ucleurs de rats , car on peut être îa dupe d'un préjugé dans l'Ifïe de France comme ailleurs ; 6c à l'égard des rats des ifles Bermudes , il peut fe faire qu'ils -fe foient entre - détruits , comme il arrive fouvent, ou qu'ifs foient morts de faim après avoir tout confommé , ou qu'ils aient été lùbmergés & noyés par un coup de vent , en parlant d'une ifle à l'autre , & cela fans que les corbeaux y aient eu beaucoup de part. Ai Corbeau. 3 f rocher qui les a vu naître , ou plutôt fur lequeï ils Te font apparie's ; on les y voit toute l'année en nombre à peu-près égal , & iïs ne l'abandonnent jamais entiè- rement : s'ils defcendent dans la plaine , c'eii pour chercher leur fubfiftance; mais ils y defcendent plus rarement l'été que l'hiver, parce qu'ils évitent les grandes chaleurs , & c eft la feule influence que la différente température des faifons paroide avoir fur leurs habitudes. Us ne paffent point la nuit dans les bois, comme font les corneilles , ils lavent fe choifir , dans leurs montagnes, une retraite à l'abri du nord , fous des voûtes naturelles, formées par des avances ou des enfoncemens de rocher ; c'eft-là qu'ifs fe retirent pendant îa nuit , au nombre de quinze ou vingt. Ils dorment perchés fur les arbriffeaux qui croi/îent entre les rochers ; ils font leurs nids dans les crevafîes de ces mêmes rochers, ou dans les trous de murailles, au haut des vieilles tours abandonnées , & quelquefois fur les hautes branches des grands arbres ifolés (k). Chaque mâle (k) M. Linnseus dit qu'en Suède le corbeau B iiij 3* Vifloin Naturelle a (à femelle à qui il demeure attaché pîufieurs années de fuite (l): car ces oileaux fi odieux, fi dégoûtans pour nous, favent néanmoins s'infpirer un amour réciproque & confiant; ils favent aufïï l'exprimer comme la tourterelle par des careffes graduées, & femblent connoître ies nuances des préludes & la volupté des détails. Le mâle, fi l'on en croit quelques Anciens , commence toujours par une efpèce de chant d'amour (m), enfuite on les voit approcher leurs becs , fè caretfer, fe baifer, & l'on n'a pas manqué de dire , comme de tant d'autres oiièaux, qu'ils s'accouploientparle bec (n); ï\ cette abfurde méprife pouvoit être niche principalement fur les fapins, Fauna Suecica, n.° 6 y ; & M. Frifch , qu'en Allemagne c'eft prin- cipalement fur les grands chênes. (PI. 6 'j,J Cela veut dire qu'il préfère fes arbres les plus hauts, & non l'efpèce du chêne ou du fapin. (I) Quandoque ad quadragejîmum œtatis annum. . . $ura conjvgiï. . . Jervare tradimtur. Aldrov, OrnhhoU tome I, p, yo o, Athénée renchérit encore là-defîùs. (m) Oppian. De aucapio. (n) Ariftote qui attribue cette abfurdité à Anaxa- gore, a bien voulu la réfuter férieufement, en difant que ies corbeaux femelles avoient une vulve du Corbeau, 3 3 juftiflée, c'efl: parce qu'il eft auïïi rare de voir ces oifeaux s'accoupler réellement, qu'il eft commun de les voir fe careffer; en effet , ils ne le joignent prefque jamais de jour, ni dans un lieu découvert, mais au contraire dans les endroits les plus retirés & les plus fauvages (0) > comme s'ils avoient l'inflincr. de fe mettre en fureté dans le fecret de la Nature, pendant la durée d'une action qui fe rapportant toute entière à la confervation de i'efpèce, fembîe fufpendre dans l'individu le foin actuel de fa propre exiilence. Nous avons déjà vu le jean- le -blanc fe cacher pour boire, parce qu'en buvant il enfonce fon bec dans l'eau jufqu'aux yeux , quefois il n'y en avoit qu'un feui qui 53 prît l'effor, & après un léger effai de 33 fes forces il revenoit fe poier fur fon 33 rocher ; prefque toujours il en reftoit 33 quelqu'un , & c'eft alors que fon piau- 53 lement devenoit continuel. Lorlque les 33 petits avoient l'aile affez forte pour 33 voler, c'en1 -à-dire, quinze jours au 33 moins après leur fortie du nid , les père 53 & mère les emmenoient tous les matins 53 avec eux & les ramenoienttous les foirs : 53 c'étoit toujours fur les cinq ou fix 33 heures après midi que toute la bande 53 revenoit au gîte, & le refte de la foirée >3 fe pafîoit en criaiîleries très - incom- 33 modes. Ce manège duroit tout l'été , 33 ce qui donne }îeu de croire , que tes éx Corbeau. ^1. corbeaux ne font pas deux couvées « par an. y> Gefher a nourri de jeunes corbeaux avec de la chair crue , des petits poiffons & du pain trempé dans l'eau (g)* lîs font fort friands de cerifes, & ils les avaient avidement avec les queues & ïes noyaux; mais ils ne digèrent que la pulpe, & deux heures après ils rendent par ie bec les noyaux & les queues ;- on dit qu'ils rejettent auiïi ïes os des animaux qu'ils ont avalés avec ia chair ; de même que ïa creïlereîïe , ïes cifeaux de proie noc- turnes, les oifeaux pêcheurs, &c. rendent les parties dures & indigefïes des animaux ou des poiffons qu'ils ont dévorés (h). Pline dit que les corbeaux font fujets tous les étés à une maladie périodique de foixante jours , dont , félon lui , le prin- cipal fymptôme eft une grande foif (i)i mais je foupçonne que cette maladie n'eft (g) De Avibus , page 336. (h) Voyez Alcïrovand. tome I.er page 697, fr le tome II de cette Hiftoire Naturelle des Oiieaux, page jo. (i) Lib. XXIX, cap. III, !# Hiflohe Naturelle autre chofe que la mue, laquelle fe fait plus lentement dans ie corbeau que dans plufieurs autres oifeaux de proie (k) . Aucun Obfervateur, que je fâche, n'a déterminé l'âge auquel les jeunes corbeaux , ayant pris la plus grande partie de ieur accroiiïement, font vraiment adultes & en état de fe reproduire ; & fi chaque période de la vie étoit proportionnée dans les oifeaux , comme dans ies animaux quadrupèdes, à la durée de la vie totale, on pourrait ioupçonner que les corbeaux ne deviendroient adultes qu'au bout de plufieurs années ; car quoiqu'il y ait beaucoup à rabattre fur la longue vie qu'Héfiode accorde aux corbeaux (l) , (k) Voyez Gefner, page 3 j> 6. ( l) Hefiodiis . . . . Ccrnici novem noftras attrihutt cttates, quadruplum ejus cervis , id tripRcaîum corvîs* Piine, lib. VII, cap. XLVIII, En prenant l'âge d'homme, feulement pour trente ans, ce feroit neuf fois 30 ou 270 ans pour ia corneille, 1080 pour le cerf, & 3240 pour le corbeau. En réduifant i'âge d'homme à 10 ans, ce feroit 90 ans pour la corneille, 360 pour le cerf, & 1080 pour le corbeau, ce qui feroit encore exorbitant. Le feui moyen de donner un fens raifonnabîe à ce paiTage r c'efî de rendre le yivia d'Héfîode & Y a tas de Pline Ju Corbeau. ^y cependant il paroît afTez avéré que cet oifeau vit quelquefois un fiècle & davan- tage : on en a vu dans pluileurs villes de France qui avoient atteint cet âge , & dans tous les pays & tous les temps, il a paiïe pour un oifeau très - vivace ; mais il s'en faut bien que le terme de ï'âge adulte , dans cette efpèce , fort retardé en proportion de la durée totale de la vie , car fur la fin du premier été, lorfque toute ia famille vole de compagnie, il ell déjà difficile de diftin- guer à ïa taiiie les vieux d'avec ies jeunes, & dès-ïors il elt très-probable que ceux-ci font en état de fe reproduire dès la féconde année. Nous avons remarqué plus haut que îe corbeau n'étoît pas noir en naiiîant ; il ne l'efl pas non plus en mourant, du moins quand il meurt de vieiïIeiTe , car dans ce cas fon plumage change fur ïa par année ; alors la vie de la corneille fe réduit à 9 années , ceffe du cerf à 3 6 , comme elle a été déter- minée dans i'Hiftoire Naturelle de cet animal , êc celle du corbeau à 108, comme il eft prouvé par iobfervation. 44 Hïjloire Naturelle fin & devient jaune par défaut de nour- | riture (m) : mais il ne faut pas croire qu'en aucun temps cet oit eau foit d'un noir pur & fans mélange d'aucune autre teinte : la Nature ne connoît guère cette uniformité abfolue. En effet, le noir qui domine dans cet oifeau paroît mêlé de violet fur la partie fupérieure du corps , de cendré fur la gorge & de vert fous ie corps , fur les pennes de la queue , & fur les plus grandes pennes des ailes & les plus éloignées du dos (n). II n'y a que les pieds , les ongles & le bec qui foient abfolument noirs , & ce noir du bec femble pénétrer jufqu'à la langue , comme celui des plumes femble pénétrer jufqu'à la chair, qui en a une forte teinte. La langue eft cylindrique à fa bafè , aplatie & fourchue à fon extrémité, & hériiTée de petites pointes fur fes bords. L'organe de l'ouïe eft fort compliqué (m) Corvorum pennet poflremô in colorem fiavum iranjmwantur, cum Jcilicet aliwento dejliiuuntur. De Coioribus. (n) Voyez l'Ornitholog, de M. Brifton , tome II, du Corbeau. 4.5 & peut-être plus que dans les autres oifeaux (0 ). Il faut qu'il foit auffi plus fenfibie, û l'on peut ajouter foi à ce que dit Plutarque, qu'on a vu des corbeaux tomber comme étourdis par les cris d'une multitude nombreufe & agitée de quelque grand mouvement (p)< L'œfophage fe dilate à l'endroit de (à jonction avec le ventricule , & forme par fa dilatation, une efpèce de jabot qui n'avoit point échappé à Ariftote. La face intérieure du ventricule eft fillonnée de rugofités ; la véftcule du fiel eft fort grofTe & adhérente aux inteftins (q). Redi a trouvé des vers dans la cavité de Y abdomen (r). La longueur de Pinteftin eft à peu-près double de celle de i'oifeau même prife <3u bout du bec au bout des ongles ; c'eft-à-dire , qu'elle eft moyenne (0) Afies de Copenhague , année 1673. ObJer<* ration LU. (p ) Vie de T. Q. Fiaminius. (q) Willughby, page 8}; & Ariftote, Hift, animal. lib. II, cap. XV il. (r) CollcéUon Académique Etrangère, tome IV, page 5*1. 46 Hifîoire Naturelle entré la longueur des inteftins des véri- tables carnivores & celle des inteftins des véritables granivores ; en un mot , telle qu'il convient pour un oifeau qui vit de chair & de fruits (f). Cet appétit du corbeau , qui s'étend à tous les genres de nourritures , (e tourne fouvent contre lui-même , par ia facilité qu'il offre aux Oifeleurs de trouver des appâts qui lui conviennent. La poudre de noix vomique qui eft un poifon pour un grand nombre d'animaux quadrupèdes, en eft aufîx un pour îe corbeau; elle l'enivre au point qu'il tombe bientôt après qu'il en a mangé , & il faut (àifir ïe moment où ii tombe, car cette ivrefîe eft quelquefois de courte durée, & il reprend fouvent aiTez de* forces pour aïler mourir ou languir fur fon rocher (t). (J) Un Obfervateur digne de foi, m'a afTuré avoir vu le manège d'un corbeau , qui s'éleva plus «le vingt fois à ia hauteur de j 2 ou 1 5 toïfes pour iaiflêr tomber de cette hauteur une noix qu'il alloit ramafTer chaque fois avec fon bec ; mais il ne put venir à bout de ia cafter, parce que tout ce'a i'e paftoit dans une terre labourée. (t) Voyez Gefner, page 33 yt — Journal Éco- nomique de décembre 17^8. du Corbeau. 47 On. le prend auffi avec plusieurs fortes de filets , de lacets & de pièges , & même à la pipe'e , comme les petits oifeaux ; car il partage avec eux leur antipathie pour le hibou , & il n'aperçoit jamais cet oifeau , ni la chouette , fans jeter un cri (u). On dit qu'il efl auffi en guerre avec Je milan , le vautour , la pie de mer (x) ; mais ce n'eft autre choie que l'effet de cette antipathie néceiïaire qui e(t entre tous ïes animaux carnaffiers, ennemis nés de tous les foibïes qui peuvent devenir leur proie , & de tous ies forts qui peuvent ia leur difouter. Les corbeaux iorfqu'iîs fe pofênt â terre, marchent & ne fautent point; ils ont , comme les oifeaux de proie, les ailes longues & fortes ( à peu-près trois pieds & demi d'envergure ] ; elles font coin- pofe'es de vingt pennes dont ïes deux ou (u) Traité de ïa pipée. (x) Voyez sEuan, Natur, Animal \\b. II, cap. u; — Aîdrovand. tome J.er page y i o , 1? Colle âlion Acad, Étrange tome I,er de î'Hiftoire ^gmreile^ j>*ge ijé. 43 Hifloire Naturelle trois premières (y) font plus courtes que ïa quatrième qui eft la plus longue de toutes (-{),& dont les moyennes ont une fingularité, c'eft que l'extrémité de leur côte Ce prolonge au-delà des barbes & finit en pointe. La queue a douze pennes, d'environ huit pouces, cependant un peu inégales , les deux du milieu étant les plus longues, & enfuite les plus voifines de celles-là , en forte que le bout de la queue paroît un peu arrondi fur fon plan horizontal (a): c'eft ce que j'appellerai dans la fuite queue étagée» De la longueur des ailes on peut prefque toujours conclure la hauteur du vol ; aufïï ies corbeaux ont- ils le vol très -élevé, comme nous l'avons dit , & il n'eft pas furprenant qu'on les ait vus dans les temps (y) M.rs Brifîbn & Linnœus, difent deux, & M. WHIughby, dit trois. H ( iJ Ce font ces pennes de l'aile qui fervent aux. Fadeurs pour emplumer les fautereaux des clavecins, & aux Deffinateurs pour defllner à la plume. /aj Ajoutez à cela que les corbeaux ont, fur prefque tout le corps , double efpèce de plumes , & tellement adhérentes à la peau , qu'on ne peut les arracher qu'à force d'eau chaude, de du Corbeau; " ^9 de nuées & d'orage, traverfèr îes airs ayant le bec chargé de feu (b). Ce feu n'étoit autre chofe , fans doute , que celui de* éclairs même, je veux dire, qu'une aigrette ïumineuie formée à la pointe de leur bec par la matière éleclrique , qui , comme on lait, remplit la région fupé- rieure de i'atmolphère dans ces temps d'orage ; & pour le dire en paîTant , c'efl peut-être quelque ohiervation de ce genre qui a valu à l'aigle, ie titre de miniitre de la foudre; car il eil peu de fables qui ne foient fondées far la vérité. De ce que le corbeau a le vol élevé , comme nous venons de îe voir, & de ce qu'il s'accommode à toutes les temr- pératures , comme chacun fait (c)', il s'enfuit que le monde entier lui eft ouvert, (b ) Hermnfaus Barbants* vir gravis & doéhts ûliique Philqfophi aiunt .... Dmn fulmina tempeflatum. tenipore fiunt , corvi per aerem hac Hlac c'rcumvolantes rofiro 'gnem déferre. Scala Naturalis apud Aldrovand. tcme Ier page jo^.. (c ) Qiiafvis aeris mutatîones facile tolérant , net frîgus net' calorem refortriidant ubicunque aiimentî copia fuppetit de gère fuflînent in folitudine , m urbibns etiam populofjjimis, Qrnitholog. page 8a. O if eaux ) Tome V* C jo HïÇtolre Naturelle & qu'il ne doii être exclu d'aucune région. En effet, il efl répandu depuis ie Cercle polaire (d) jufqu'au Cap 3e Bonne- efpérance (e)> & à fille de Mada- gafcar (f), plus ou moins abondamment, ielon que chaque pays fournit plus ou moins de nourriture, & des rochers qui foient plus ou moins à fon gré (g) : II paffe quelquefois des côtes de Barbarie dans fille de Ténériffe ; on le retrouve encore au Mexique, à Saint-Domingue, au Canada ( h ) , & fans doute dans les autres parties du nouveau continent & dans les ifles adjacentes. Lorfqu'une fois il eft établi dans un pays & qu'il y a pris fes habitudes, il ne le quitte guère pour (d) Klein , Or do avlum, pages 5 8 & 1 6y \ mais ces Auteurs parioient-Hs du même corbeau,! (e) Kolbe, Dtfcriptwn du cap., page 136. (f) Voyez Fiaccourt. (g) Pline dit, d'après Théophrafre, que les corbeaux étojent étrangers à i'Atie, lit. X, cap, XXIX. (h) Charlevoix, Hifidre de l'ifle EJpagnole de 'Saint-Domingue., tome I.er page 30; &. Hijbirt de la nouvelle France, du même, page 155, 1*1. ir. ?><&- ?4- I,E COUEE.vr fHZ?. du Corbeau. 5 1 pafTer dans un autre (ï). II refte même attaché au nid qu'il a conftruit, & il s'en (èrt plufieurs années de fuite, comme nous l'avons vu ci-defîus. Son plumage n'efl pas le même dans tous les pays. Indépendamment des caufes particulières qui peuvent en altérer la couleur ou la faire varier du noir au brun & même au jaune, comme je l'ai remarqué plus haut , il fuhit encore plus ou moins les influences du climat : il eft quelquefois blanc en Norvège & en Mande, où il y a auiîi des corbeaux tout-à-fait noirs , éc en afîez grand nombre (k). D'un autre côté, on en trouve de blancs au centre de la France & de l'Allemagne, dans des nids où il y en a auiîl de noirs (l)> (i) Frifch (PI, 6 j,) Aves quœ in urbihus f oient prœcipue vivere Jemper apparent t nec loca matant àiu latent , ut corvus & cornix, Ariftoî. Hifl, animal. lib. IX, cap. xxi ir. (k) Defcript.de l'IJlande , d'Horrebows, tome I.er pages 206,219, — Klein, Or do avium , pages j S, i fi y, Jean de Cay a vu en i 5^.8 à Lubec, deux corbeaux blancs qui étoient drefîës pour la chafie. îviein , Or do avium , page 58. (1/ Voyez Ephe'mérides d'Allemagne, Décurie I, Ci; 52 Hiflolre Naturelle Le corbeau du Mexique, appelé CûCalotl par Fernandez, tft varié de ces deux couleurs (m) ; celui de la baie de Saldagne a un collier blanc (n) ; celui de Mada- gafcar , appelé coach, félon Flaccourt, a du blanc ions le ventre, & l'on retrouve ïe même mélange de blanc & de noir dans quelques individus de la race qui réfide en Europe, même dans celui à qui M. Briiïon a donné le nom de corbeau blanc du nord (o ) , & qu'il eût été plus naturel , ce me femble , d'appeler corbeau noir & blanc, puifqu'il a le deiïus du corps noir, le deflbus blanc, & la tête blanche & noire , ainfi que le bec , les pieds , la année HT. Obferv. LVH. Le docTcur Wifeï ajoute, que l'année fuivante on ne trouva dans le même nid que des corbeaux noirs, & que dans le même bois, ma s dans un autre nid , on avoit trouvé un corbeau noir & deux blancs. On en tue quelquefois de cette dernière couleur en Italie. l'oçe^ Gerini , Storia degli Uccelli, tome 1 1 , page 3 5 . (m) Hijloria Avium nova Hifpam'a, cap. CLXXIV, page 48. ( 71 ) Voyage de Downton, à la fuite de celui de Middleton , 161 o. (0) Ornithologie , tome VI. Supplément , pag. 33^ du Corbeau. 5 3 queue & les ailes. Celles-ci ont vingt & une pennes, & la queue en a douze, dans lei/pelies il y a une iingularité à remarquer , c'ell que les correspondantes de chaque côté , je veux dire les pennes qui de chaque côté font à égaie diftance des deux du miïieu , & qui lont ordinai- rement fembiables entr'elles pour la forme & pour la diftribution des couleurs, ont dans l'individu décrit par M. Briffon plus ou moins de bîanc, & diftribué d'une manière différente, ce qui me feroit loup- çonner que le blanc eft ici une altération de la couleur naturelle , qui eft le noir ; un effet accidentel de la température exceflive du climat, laquelle, comme caufe extérieure , n'agit pas toujours unifor- mément en toutes faifons ni en toutes cir confiances , & dont les effets ne font jamais auiîi réguliers que ceux qui font produits par la confiante activité du moule intérieur; & û ma conjecture eft vraie, il n'y a aucune raifon de faire une efpèce particulière , ni même une race ou variété permanente de cet oifeau , lequel ne diffère d'ailleurs de notre corbeau ordinaire, que par fes ailes un peu plus longues; C iij 54 Hifîohe Naturelle, &c. de même que tous les autres animaux des pays du Nord , ont le poil plus long que ceux de même efpèce qui habitent des climats tempérés. Au refte , les variations dans le plumage d'un oiieau aufîî généralement, aufîl pro- fondément noir que le corbeau , variations produites par la feule diiférence de l'âge, du climat, ou par d'autres caufes purement accidentelles , font une nouvelle preuve ajoutée à tant d'autres, que la couleur ne fit jamais un caractère confiant, & que dans aucun cas elle ne doit être regardée comme un attribut effentiel. Outre cette variété de couleur, il y a auffi dans l'efpèce des corbeaux , variété de grandeur; ceux du mont Jura, par exemple, ont paru à M. Hébert qui a été à portée de les obferver , plus grands & plus forts que ceux des montagnes du Bugey ; & Ariftote nous apprend que les corbeaux &Ies éperviers font plus petits dans l'Egypte que dans ia Grèce (p). (p) Hijlor. animal, lib. VIII, cap. XXXVIII 5 Indice, ou (b J Ornithologie, page 8 6, (c ) Ornithobgk , tome IV, page $66. C iiij 5 6 Hifîoire Naturelle l'avis des premiers, & voici mes raiforis en peu de mots. Cet oifeau a, fuivant Bontius, le bec 6 la démarche de notre corbeau , & en conféquence il lui en a donné ie nom, malgré Ton cou un peu long , & la petite protubérance que la figure fait paroître fur le hec ; preuve certaine qu'il ne connoifloit aucun autre oifeau avec lequel celui-ci eût plus de rapports, & néan- moins ii connoifloit ie calao des Indes. Bontius ajoute , à îa vérité, qu'il fe nourrit de noix mufcades, & M. Willughby a regardé cela comme un trait marqué de diiîemblance avec nos corbeaux ; cepen- dant nous avons vu que ceux-ci mangent ïes noix du pays, & qu'ils ne font pas suffi carnafïiers qu'on ie croit commu- nément. Or cette différence étant ainll réduite à fa jufle valeur, Iaifîe au fentiment de l'unique Obfervateur qui a vu & nommé l'oifeau, toute fon autorité. D'un autre côté , ni ia defcription de Bontius , ni la figure ne préfente le moindre veilige de cette dentelure du bec dont M. Briffon a fait un des caractères, de la famille des calaos ; & la des Oijeaax étrangers, &c. 5 7 petite protubérance qui paroît fur le bec ? dans la figure , ne femble point avoir de rapport avec celies du bec du caîao. Enfin le calao n'a ni ces tempes mou-- chetées , ni ces plumes du cou noirâtres dont il efl parlé dans la defcription de Bontius ; & il a lui-même un bec fi fingulier (d), qu'on ne peut, ce me femble, fuppofer qu'un Obfervateur l'ait vu & n'en ait rien dit, & fur -tout qu'il l'ait pris pour un bec de corbeau ordinaire. La chair du corbeau des Indes de Bontius a un fumet aromatique très- agréable qu'elle doit aux mufcades dont i'oifeau fait fa principale nourriture ; & il y a toute apparence que fi notre corbeau fe nourriffoit de même , il perdroic fa rnauvaife odeur. II faudroit avoir vu ïe corbeau du defert ( graab el ?ahara) } dont parle le docteur Shaw fe)i pour le rapporter fûrement à (d) Voyez -en la figure, Planche XLV de ¥ Ornithologie de M. Briflon, tome IV. (ej M. Shaw lui donne encore les noms fuivans* C v 5 S Hîjloïre Naturelle î'efpèce de noire pays dont il fe rapproche îe plus. Tout ce qu'en dit ce Docteur, c'ell qu'il eft un peu plus gros que notre corbeau, & qu'il a le bec & les pieds rouges. Cette rougeur des pieds & du bec eft ce qui a déterminé M. Shaw à le regarder comme un grand coracias : à la vérité I'efpèce du coracias n'eft. point étrangère à l'Afrique, comme nous l'avons vu plus haut ; mais un coracias plus grand qu'un corbeau ! Quatre lignes de def- cription bien faite difliperoient toute cette incertitude, & c'eft pour obtenir ces quatre lignes de quelque Voyageur inftruit, que je fais ici mention d'un oifeau dont j'ai û peu à dire. Je trouve encore dans Kempfèr deux oi féaux auxquels il donne le nom de Corbeaux , fans indiquer aucun caractère qui puilTe juilifier cette dénomination. L'un eft , félon lui , d'une grofieur mé- diocre , mais extrêmement fier ; on i'avoit apporté de la Chine au Japon pour en faire préfent à l'Empereur : l'autre qui Crow of the de fer t, redkgged croiv , Fyrrlwcorax* Voyez Travels of Barbary , page 251. des Oïfeaux étrangers, &c. 5 9 fut aufîi offert à l'Empereur du Japon , étoit un oifeau de Corée , fort rare, appelé coreïgaras , c'eff.- à-dire, Corbeau de Corée. Kempfer ajoute , qu'on ne trouve point au Japon les corbeaux qui font communs en Europe , non plus que ies perroquets & quelques autres oifeaux des Indes (f). Nota. Ce feroit ici le lieu de placer i'oifeau d'Arménie, que M. de Tournefort a appelé roi des corbeaux (g), ïi cet oifeau étoit en effet un corbeau , ou feulement s'il approchoit de cette famille. Mais il ne faut que jeter les yeux fur le deiîin en miniature qui le repréfente pour juger qu'il a beaucoup plus de rapport avec ïes paons & les faifans par fa belle aigrette y par la richelTe de fon plumage, par la brièveté de fes ailes, par la forme de ion bec , quoiqu'il foit un peu plus alongé, & quoiqu'on remarque d'autres différences dans la forme de ïa queue age 12. En Chaldéen, Kurka ; en Grec KopcovM ; en Grec moderne , KxpzvcL , "KxçgycL , Ko/^a, ; en Italien , Comice , Cornacchia , CornaccMo , Grac- cliia ; en Efpagnol, Corne ïa ; en Allemand, Krae 3 Schwarf^ Krahe ; en Anglois, a Crov/; en lilyrien, Wrana ; en Catalan , Graula, Bujaroca, Cucula ; en vieux François , Graille, Graillât; en Touraine & ailleurs, félon M. Saierne, Grolle ; en-Bourbonnois, Agrolle ; en Sologne, Couale. ; en Berri, Couar ; en Auvergne, Crouas ; en Piémont, Croace , /'d'où, vient croacerj, On lui donne encore les noms îuivans, dont quelques-uns paroifîènt corrompus , Hachoac^ Karime, Borofitis, Xercula, Kakis, &c. 6 2 Hifloïre Naturelle conformation & de couleur que d'inftincl: , pour juftifîer la dénomination de corbine , qui eft en uiage dans plufieurs endroits , ôl que j'adopte par la raifon qu'elle eft en ufage. Ces corbines pafTent l'été dans les grandes forêts, d'où elles ne fortent de temps en temps que pour chercher leur fubfif tance & ceïle de leur couvée. Le fonds principal de cette fubfiltance , au printemps , ce font les œufs de perdrix dont elles font très -friandes, & qu'elles favent même percer fort adroi- tement pour les porter à leurs petits fur ïa pointe de leur hec : comme elles en font une grande confommation , & qu'il ne leur faut qu'un moment pour détruire ï'efpérance d'une famille entière , on peut dire qu'elles ne font pas les moins nuifibïes des oifeaux de proie quoiqu'elles foient les moins fanguinaires. Heureufement il n'en refte pas un grand nombre ; on en trouveroit difficilement plus de deux douzaines de paires dans une forêt de cinq ou fix lieues de tour aux environs de Paris. En hiver elles vivent avec les manteîées, de la Corbine ou Corneille noire. 6 3 ïes frayonnes ou les freux , & à peu-près de la même manière : c'eit alors que l'on voit autour des iieux habités des volées nombreufès, compofées de toutes ïes efpèces de corneilles, fe tenant prefque toujours à terre pendant ïe jour, errant pêle-mêle avec nos troupeaux & nos bergers, voltigeant fur les pas de nos ïaboureurs & iàutant quelquefois fur le dos des cochons & des brebis , avec une familiarité qui les feroit prendre pour des oifeaux domeftiques & appri voiles. La nuit elles fe retirent dans les forêts fur de grands arbres qu'elles paroiffent avoir adoptés & qui font des efpèces de rendez- vous , des points de ralliement où elles fe raffemblent le foir de tous côtés, quelquefois de plus de trois lieues à la ronde, & d'où elles fe difperfent tous ïes matins: mais ce genre de vie qui eft commun aux trois efpèces de corneilles ne réufîit pas également à toutes; car les corbines & les mantelées deviennent pro- digieufemant graffes , au contraire des frayonnes qui font prefque toujours maigres , & ce n'eft pas la feule différence qui fe remarque entre ces eipèces. Sur ^4 'Hifloire Naturelle la fin de l'hiver , qui cft le temps de leurs amours , tandis que les frayonnes vont nicher dans d'autres climats , les corbines qui difparoifïent en même temps de la plaine, s'éloignent beaucoup moins; ïa plupart fe réfugient dans les grandes forêts qui font à portée , & c'eft alors qu'elles rompent la fociété générale pour former des unions plus intimes & plus douces; elles fe féparent deux-à-deux , & femblent fe partager le terrein, qui efS: toujours une forêt , de manière que chaque paire occupe fon diibicl: d'environ un quart de lieue de diamètre, dont elle exclut toute autre paire (b), & d'où elle ne s'ab fente que pour aller à la provifion. On allure que ces oi féaux relient conf- tamment appariés toute leur vie ; on prétend même que lorfque l'un des deux vient à mourir, le furvivant lui demeure fidèle & pafie le refte de fes jours dans une irréprochable viduité. On reconnoît la femelle à fon plumage (b ) C'eft; peut-être ce qui a donné lieu de dire que les corbeaux chafïbient leurs petits de. leur Aftriét, fitôt que ces petits étoient en état de voler, Je la Corhïne ou Corneille notre. 6 f qui a moins de luftre & de reflets: elle pond cinq ou fix œufs, elle les couve environ trois îemaihes , & pendant qu'elle couve, le mâle lui apporte à manger. J'ai eu occafioii d'examiner un nid de corbine , qui m'avoit été apporté dans les premiers jours du mois de juillet. On l'avoir trouvé fur un chêne à la hauteur de huit pieds , dans un bois en coteau où il y avoit d'autres chênes plus grands: ce nid pefoit deux ou trois livres ; il étoit fait en dehors de petites branches & d'épines , entreLifTees groïîièrement , & maftiquées avec de la terre & du crocin de cheval ;ie dedans étoit plus mollet, <5c conftruit plus ibigneufement avec du che- velu de racines. J'y trouvai fix petits éclos: ils étoient encore vivans, quoiqu'ils eufTent été vingt-quatre heures fans man- ger ; ilsn'avoient pas les yeux ouverts (c); on ne leur apercevoit aucune plume, fi ce n'eft les pennes de l'aile qui cornmen- çoient à poindre ; tous avoient la chair (c) Voyez Ariftot. De génération* , lib. I V* cap. vi. 66 Hi (foire Naturelle mêlée de jaune & de noir; le bout du bec & des ongles jaune; les coins de la bouche blanc laie; le refte du bec & des pieds rougeâtre. Lorfqu'une bufe ou une crefierelle vient à pafîer près du nid, le père & la mère fe réunifient pour les attaquer , & ils fe jettent fur elles avec tant de fureur qu'ils les tuent quelquefois en leur crevant la tête à coups de bec. Ils fe battent auflî avec les pies-grièches ; mais celles -ci, quoique plus petites , font fi courageufes qu'elles viennent fouvent à bout de les vaincre , de les chafier & d'enlever toute la couvée. Les Anciens afiurent que les corbines , ainfi que les corbeaux, continuent leurs foins à leurs petits bien au - delà du temps où ils font en état de voler (d). Cela me paroît vraifemblable ; je fuis même porté à croire qu'ils ne le féparent point du tout la première année ; car ces oifeaux étant accoutumés à vivre en fociété, & cette habitude qui n'eft interrompue (d) Ariftot. Hijl animal lib. VI, cap. VI. Je la Corbine ou Corneille noire. 6y que par la ponte peuvent y pénétrer, toutes les malices qu'on attribue aux linges , elles dérangent les meubles , les déchirent à J (n) Frifch , planche 66, (o ) Fr. Pyrard , première partie de {on Voyage g à Corne I.er page 131, coups de la Corbine ou Corneille noire. 7 3 coups de bec , renverfent les lampes, les encriers, &c. (p) Enfin, félon Dampier, iï y a à la nouvelle Hollande (q ) & à ia nouvelle Guinée fr) beaucoup de corneilles qui refiemblent aux nôtres : il y en a aufli à la nouvelle Bretagne (f) , mais il paroît que quoiqu'il y en ait beaucoup en France, en Angleterre & dans une partie de l'Allemagne, elles font beaucoup moins répandues dans le nord de l'Europe; car Al. Klein dit, que la corbine eft rare dans la Pruflê (t) , & il faut qu'elle ne foit point commune en Suède, puifqu'on ne trouve pas même fon nom dans le dénombrement qu'a donné M. Linnseus (p) Voyage d'Orient, du père Philippe de fa .Trinité, page j/y* (q) Voyage de Dampier, tome IV, page 1 3 8, (y) Ibidem, tome V, page 81. Suivant cet Auteur les corneilles de ïa nouvelle Guinée , diffèrent des nôtres feulement par ia couleur de feurs plumes, dont tout ce qui paroît eft noir , mais dont le fond efl blanc. (}) Navigation aux terres Auftrales , tome II t page 1 67. (t ) Or do avium, page 58. Oîfeaux, Tome V» D 74 Hifloire Naturelle, &c. des oiieaux de ce pays. Le P. du Tertre afTure aufîi qu'il n'y en a point aux Antilies (u), quoique fuivant un autre Voyageur (x) , elles l'oient fort communes à la Louifiane. (u) Hifloire Naturelle des Antilles, tome II, page j> 6 >. T ( x) Voyez Hiûoire de la Louifiane , par M. le Page du Pratz, tome II , page i jj-, il y eft dit que leur chair eft meilleure à manger dans ce pays qu'en France , parce qu'elles n'y vivent point de voiries, en étant empêchées par les carancros, c'eft-à-dire, par ces elpèces de vautours d'Amé- rique, appelés Auras ou Marchands, Pl.JZZ.pqg.74- %A CORBINE ou CORNEILLE NOIRE. V 75 *LE FREUX O U LA FRAYONNE (a). JLj E freux efl d'une grofleur moyenne , entre ie corbeau & la corbine, & il a ïa voix plus grave que les autres corneilles : Ton caractère le plus frappant & ie plus diilinclif, c'eft une peau nue, blanche r fàrineufe & quelquefois galeufe qui en- vironne la bafe de fon bec , à la pface des plumes noires & dirigées en avant $ qui dans les autres efpèces de corneilles " ■ . mi * Voye^ les Planches enluminées, n.° 4.84-, ( a ) C'eft la Corneille moiflonneufe de M. Brifîôn ; tome II, page r 6, On l'appelle Frayonne dans les envirens de Paris: en Grec, Stï/j/^As^x; en Latin, Frugilega, Cornix frugivora ; Gracculus , fui- vant Belon -._ en Allemand, Roeck, peut-être à caufe de fon bec inégal & raboteux; en Angiois, Fook; en Suédois, Rqka; en Polonais, Gawron; en Holiandois, Koore - kraey ; en vieux François, Graye ( venant de lirat ) ; G mie , feîou Beioa, D !) y 6 Hifloire Naturelle • s'étendent jufque fur l'ouverture des na- rines : il a aufli le bec moins gros , moins fort & comme râpé. Ces difparités il fuperficieiies en apparence , en fuppofent de plus réelles & de plus confidérabies. Le freux n'a le bec ainfi râpé, & fa foafe dégarnie de plumes, que parce que vivant principalement de grains , de petites racines & de vers, il a coutume d'enfoncer ion bec fort avant dans la terre pour chercher la nourriture qui lui convient (b)t ce qui ne peut manquer à la longue de rendre le bec raboteux, & de détruire les germes des plumes de fa baie, leiqueiles font expofées à un frottement conti- nuel (c) ; cependant il ne faut pas croire (h) Voyez Belon , Nature des Oijeaux, page 281. (c) M. Daubenton le jeune, Garde- Démons- trateur du Cabinet d'Hifioire Naturelle, au Jardin du Roi , fit dernièrement en Te promenant à Ja campagne, une obfcrvation qui a rapport à ceci. Ce Naturaiifte à qui l'Ornithologie a déjà tant «d'obligation , vit de loin dans un terrein tout à- fait inculte, fix corneilles dont il ne put distinguer refpèce, lefquelies paroifioient fort occupées à (bulever & retourner les pierres éparfes çà & là, pour faire leur profit des vers & des infecles qui étoient cachés deAous. Eiies y alloient avec tant d'ardeur qu'elles du Freux ou la Fraytinne. JJ% que cette peau (bit abfolument nue ; on y aperçoit fouvent de petites plumes. ifolées; preuve très- forte qu'elle n'étoiî point chauve dans le principe , mais qu'elle l'eit devenue par une caufe étrangère; en un mot , que c'eit une efpèce de difForniife accidentelle , qui s'eft changée en un vice héréditaire par les ïoix connues de~ la génération. L'appétit du freux pour les grains , les vers & les infectes efl un appétit exclufif , car il ne touche point aux voiries ni à aucune chair, il a de plus ïe ventricule mufculeux & ies amples înteftins des granivores. Ces oifeaux vont par troupes très* nombreufes, & fi nombreufes que l'air en eft quelquefois obfcurci. On imagine faifoient fautes les pierres les moins pefantes à deux ou trois pieds. Si ce ilnguîier exercice que perfonne n'avoir encore attribué aux corneilles, eft familier aux freux , c'eft une caufe de plus qui peut contri- buer à uier & faire tomber ies plumes qui environnent la bafe de leur bec ; & le nom de Tourne-pierre que jufqu'ici l'on avoit appliqué exclufivement au cou- lonchaud , deviendra déformais un nom générique «gui conviendra à plufieurc dpèces. 7 8 Hijloire Naturelle tout le dommage que ces hordes de moiffonneurs peuvent caufer dans les terres nouvellement enfemencées , ou dans les moiiïbns qui approchent de la maturité; auiTi dans plufieurs pays le Gouvernement a-t-il pris des mefures pour les détruire (d), La Zoologie Britannique récîame contre cette profcription , & prétend qu'ils font plus de bien que de mai, en ce qu'ils conibmment une grande quantité de ces larves de hannetons & d'autres fcarabées, qui rongent les racines des plantes utiles, & qui font 11 redoutées des laboureurs & àcs jardiniers (e). C'eft un calcul à faire. Non - feulement ie freux vole paf troupes, mais il niche auilî , pour ainii dire, en fociété avec ceux de fon efpèce, non fans faire grand bruit , car ce font des oifeaux très-criards , & principalement quand ils ont des petits. On voit quelque- fois dix ou douze de leurs nids fur le même chêne, & un grand nombre d'arbres ainfi garnis dans la même forêt, ou plutôt (d) Voyez Aidrovand. Ornithologie, tome ï, page 75*. ( e ) Voyez Brithh Zoclogy, page 77, du Freux ou la Frayonne. 79 dans îe même canton (f): ils ne cherchent pas les lieux folitaires pour couver, ils îèmblent au contraire s'approcher dans cette circonftance des endroits habités ; & Schwenckfeld remarque qu'ils préfèrent communément les grands arbres qui bordent ies cimetières (g) 3 peut-être parce que ce font des lieux fréquentés, ou parce qu'ils y trouvent plus de vers qu'ailleurs , car on ne peut foupçonner qu'ils y foient attirés par l'odeur des cadavres, puifque comme nous l'avons dit, ils ne touchent point à la chair. Frifch afïure que fi dans îe temps de la ponte on s'avance fous îes arbres 011 ils font ainfi établis, on eft bientôt inondé de leur fiente. Une choie qui pourra paroître ïlngu- îière , quoiqu'afTez conforme à ce qui le pafîe tous les jours entre des animaux d'autre efpèce, c'efl que lorfqu'un couple apparié travaille à faire fon nid , il faut que l'un des deux relie pour le garder , tandis que l'autre va chercher des maté- riaux convenables , fans cette précaution , (f) Frifch, Planche #À (g) Aviarium Silejïœ, page 243. D iiij 80 'Hifloire Naturelle Ôl s'ils s'abfentoient tous deux à îa fois, on prétend que ïeur nid feroit pillé & détruit dans un infiant par les autres freux habhans du même arbre , chacun d'eux emportant dans fon bec fon brin d'herbe ou de moufle pour l'employer à la cons- truction de fon propre nid (h). Ces oifeaux commencent à nicher au mois de mars, du moins en Angleterre (i); ils pondent quatre ou cinq œufs plus petits que ceux du corbeau, mais ayant des taches pïus grandes , fur-tout au gros bout. On dit que le mâle & la femelle couvent tour-à-tour : lorfque les petits font éclos & en état de manger , ils leur dégorgent la nourriture qu'ils lavent tenir en réferve dans leur jabot , ou plutôt dans une eipèce de poche formée par la dila- tation de l'œfophage (k). Je trouve dans la Zoologie Britannique, que la ponte étant finie , ils quittent les arbres où ils avoient niché ; qu'ils n'y (h) Voyez YOrniîhobg, de Willughby,/Y2gr S fa (i) British Zoology, page y 6, (k) WiUughby, page S 'fa du Freux ou la Frnyonne. 8 i] reviennent qu'au mois d'août, & ne commencent à réparer îeurs nids ou à les refaire qu'au mois d'oclobre (l). Cela fuppofe qu'ils paiïent à peu - près toute l'année en Angleterre; mais en France , en Siléiie , & en beaucoup d'autres contrées, ils font certainement oifeaux depafTage, à quelques exceptions près , & avec cette différence qu'en France ils annoncent l'hiver, au lieu qu'en Siléfie ils font les avant - coureurs de la belle faifon (m)t (l ) British Zoology, loco ckato, On dit que les hérons profitent de leur abfence pour pondre & couver dans leurs nids. Aldrovande , page 753. (m) Voyez Schwenckfeîd. Aviarium Sikfice , page 24.3. J'ai vu à Baume -la- Roche, qui eiï un village de Bourgogne à quelques lieues de Dijon, environné de montagnes & de rochers eicarpés , & où la température eft fenfiblement P^us froide qu'à Dijon; j'ai vu, dis-je , plufieurs fois en été une volée de freux qui logeoit & nichoit depuis p'us d'un fîècie, à ce qu'on m'a afïbré, dans des trous de rochers expofes au fud-oueft , & où l'on ne pouvoit atteindre à leurs nids que très diffici- lement & en fe fufpendant à des cordes: Ces freux étoient familiers juiqu'à venir dérober le goûter des MoifTonneurs : ils s'abfemoient fur ia fin de l'été pour une couple de mois feulement, après quoi ils D v 82 Hijloire Naturelle, &c. Le freux habite en Europe, félon M. Linnasus , cependant il paroît qu'il y a quelques reft ridions à faire à cela , puifqu'A'drovande ne croyoit pas qu'il s'en trouvât en Italie (n). On dit que les jeunes font bons à manger, & que les vieux même ne font pas mauvais Iorfqu'ils font bien gras (o); mais il ef) fort rare que les vieux prennent de ia graiffe. Les gens de la campagne ont moins de répugnance pour leur chair, fâchant fort bien qu'ils ne vivent pas de charognes comme Ja corneille & le corbeau. revenoient à leur gîte accoutumé. Depuis deux ou trois ans iis ont difparu , & ont été remplacés auiîïtôt par àts corneilles mantelées. (n ) Ejufmodî cornicem quod Jciam ïtah'a non ah't, tome I, page 752. (0) Belon , Nature des Oijeaux , page z 84. M. Hébert m'aflure que le freux eft prefque toujours maigre, en quoi il diffère, dit -il, de la corbinc & de la mantelée. fi * LA CORNEILLE MANTE LÉ E (a). V^ET oifeau fe diftingue aifément de la corbine & de la frayonne ou du freux par les couleurs de Ton plumage ; il a la tête , la queue & les ailes d'un beau noir avec des reflets bleuâtres , & ce noir tranche avec une efpèce de (capillaire gris-blanc qui s'étend par-devant & par -derrière, depuis ies épauïes jufqu'à l'extrémité du corps ; c'efl à caufe de cette efpèce de * Vqyei les Planches enluminées , n.° y 6. fa) C'eft ia Corneille mantelée de M. Briflbn, tome II, page ja% Il n'eft point queftion de cette efpèce chez les Anciens, foit Grecs, foit Latins. Les Modernes i'ont nommée en Grec, Kopavn ccmxhtiSùç; en Latin, Cornix a'nerea, varia, Hy- berna, jylveflris, Corpus femi-cinereus ; en Italien, Mulacchia ou Munacchia , ou plutôt Monacchia ; ert Allemand, Hobjirae , Schiltkrae , Nabelhrae , Bundte* Arat , Pundterkrae , Winterkrae , Ajfkrae , Grauehrae / en Suédois, Kraoka; en Polonois, Vrona; en Anglois,. RoyCion-Crow, Sea-Crow, Hooded-Crow; en François en différens temps & en différentes provinces, Cor.* veille mante Me , emmantelée , fauvage , cendrée,. &ç,, D vj. 84 Hifloire Naturelle fcapuîaire ou de manteau, que les Italiens lui ont donné le nom de Monacchïa ( moinefle ) , & ïes François celui de Corneille mantelêe. Elle va par troupes nombreufes comme le freux, & elle eiî peut-être encore plus familière avec l'homme , s'approchant par préférence , fur-tout pendant l'hiver , des lieux habités, & vivant alors de ce qu'elle trouve dans les égouts , les fumiers, &c. Elle a encore cela de commun avec le freux, qu'elle change de demeure deux fois par an , & qu'elle peut être regardée comme un oifeau de pafTage; car nous la voyons chaque année arriver par très- grandes troupes fur la un de l'automne, & repartir au commencement du prin- temps , dirigeant fa roule au nord ; mais nous ne favons pas précifément en quels lieux elle s'arrête : la plupart des Auteurs difent , qu'elle paffè l'été fur les hautes montagnes /b), & qu'elle y fait fon nid (h ) Voyez Aldrov. Ornithol. tome I, page y$6i l — Schwenckfdd. Aviar. Silefiœ, pag. 24.2, — Belon^ Nature des Ojfeaux f page z 8^ , trç% de la Corneille manîetie. S 5 fur les pins & les fapins ; il faut donc que ce foit fur des montagnes inhabitées & peu connues, comme celles des ifîes de Shetland, où l'on afïure effectivement qu'elle fait fa ponte (c); elle niche aufîi en Suède ( d) , dans les bois , & par préférence fur les aulnes , & fa ponte effc ordinairement de quatre œufs; mais elle ne niche point dans les montagnes de Suiffe (e), d'Italie, &c. (f) Enfin , quoique félon le plus grand nombre des Naturalises , elle vive de toute forte de nourritures , entr'autres de vers, d'infectes, de ponTons (g) } même de (c) Voyez British Zoology, page y 6. Les Auteurs de cet Ouvrage ajoutent que c'efî la feule efpèce de corneille qui Te trouve dans ces ifles. Gefner, ( d) Fauna Suecica , page 25. (e) Gefner, de Avibus , page 332. (f) Aldrovand. Omitholog, tome I, page 756. (g) Frifch dit qu'elle épluche fort adroitement îes arêtes des poiiîbns , que lorfqu'on vide les étangs , elle aperçoit très-v'ïte ceux qui refient dans la boue 3 & qu'elle ne perd pas de temps à îes en tirer, .Planche 65, Avec ce goût, il eft tout fïmpie qu'elle fe tienne fouvent au bord des eaux, mais on n'auroit pas dû pour cela lui donner le nom de corneille 86 Hijlotre Naturelle chair corrompue, & par préférence à tout, de laitage (h) ; & quoique d'après cela elle dût être mile au rang des omnivores, cependant comme ceux qui ont ouvert t ion eilomac y ont trouvé de toutes ". fortes de grains, mêlés avec de petites pierres (i) , on peut croire qu'elle eft plus granivore qu'autre chofe , & c'eil un troi- iième trait de conformité avec le freux : dans tout le refte elle refîemble beaucoup à la corbine ou corneille noire ; c'eft à peu-près la même taiile, le même port, ïe même cri , le même fon de voix , le même vol : elle a la queue & les ailes , fe bec & les pieds, & prefque tout ce que l'on connoît de les parties intérieures conformé de même dans les plus petits détails (k) , ou fi elle s'en éloigne en quelque chofe , c'eil: pour fe rapprocher aquatique ou de corneille marine, puifque ces déno- minations conviendroient au même titre à la corneille noire & au corbeau , lefqueta ne font certainement pas des oileaux aquatiques. f H) Voyez Aldrovande, page /f 6. {i) Gemer, de Avibus, page $3$. — Ray, Sinopfs opium , page 4.0. (kj Voyez Wiilughby, Ornùhologia , page 83.» de la Corneille mantele'e, 87 ide la nature du freux : elle va fouvent I avec lui ; comme lui elle niche fur les arbres (l) , elle pond quatre ou cinq œufs , mange ceux des petits oifeaux, & quel- quefois ies petits oifeaux eux-mêmes. Tant de rapports & de traits de refTem- blance avec la corbine & avec le freux , me feroient foupçonner que la corneille manteiée feroit une race métiffe, produite par le mélange de ces deux efpèces; & en effet, d eile étoit une fimpfe variété de la corbine , d'où lui viendrait l'habitude de voler par troupes nombreufes, & de a la l ) Frifch remarque qu'elle place Ton nid tantôt la cime des arbres, & tantôt fur les branches inférieures, ce qui fuppoferoit qu'elle fait quelquefois 'fa ponte en Allemagne. Je viens de m'afîurer par moi-même qu'elle niche quelquefois en France, & notamment en Bourgogne. Une volée de ces oiieaux réfide confiamment depuis deux ou trois années à Baume - la- Roche, dans certains trous de rochers où des corneilles frayonnes étoient ci -devant en poïïèiïîon de nicher tous les ans depuis plus d'un fïèclc ; ces frayonnes ayant été une année fans revenir, «ne volée de quinze ou vingt mantelées .s'empara aufîitôt de leurs gîtes, elles y ont déjà fait deux, couvées, & elles font actuellement occupées à la troifième (ce 26 mai 1773.) Ceft encore un traî? d'analogie entre les deux efpèces. 8 8 Hiflotre Naturelle changer de demeure deux fois l'année l ce que ne fit jamais la corbine (m) , comme nous l'avons vu ; & fi elle étoit une fimple variété du freux, d'où lui viendroient tant d'autres rapports qu'elle a avec la corbine ! au lieu que cette double reffemblance s'explique naturellement, en fuppofant que ïa corneille mantelée eft le produit du mélange de ces deux efpèces qu'elle repré- fente par fa nature mixte, & qui tient de ï'une & de l'autre. Cette opinion pourroit paroître vraifemblabie aux Philofophes qui favent combien les analogies phyfiques font d'un grand ufage pour remonter à l'origine des êtres, & renouer le fil des générations ; mais on lui trouvera un nou- veau degré de probabilité, fi l'on confidère que la corneille mantelée eft une race nouvelle , qui ne fut ni connue ni nommée par les Anciens, & qui par conféquent n'exiftoit pas encore de leur temps; puifque ïorfqu'il s'agit d'une race aufli multipliée & aufîi familière que celle - ci , il n'y a (m) Corvus if cornix femper conjpuui funt , née Joca mutant aut latent. Ariftot. Hîjïoria animalwn t lib. IX, cap. XXIII, 3e la Corneille tnantek'e. 89 {point de milieu entre n'être pas connue Mians un pays & n'y être point du tout. ■Or, û elle eft nouvelle, il faut qu'elle ait Jpté produite par le mélange de deux autres ■•aces, & quelfes peuvent être ces deux ■races, finon celles qui paroifîent avoir pïus ■de rapport, d'analogie, de reffemblance ■avec elle ! Frifch dit que la corneille mantelée a Ideux cris, l'un plus grave & que tout ïe monde connoît, l'autre plus aigu & qui a quelque rapport avec celui du coq. II ajoute qu'elle eft fort attachée à fa couvée, & que lorfqu'on coupe par ïe pied l'arbre où elle a fait fon nid , elle fe laifle tomber avec l'arbre & s'expofe à tout plutôt que d'abandonner fa géniture. M. Linnaeus femble lui appliquer ce que la Zoologie Britannique dit du freux, qu'elle eft utile par la confommation qu'elle fait des infectes deftructeurs dont elle purge ainfi les pâturages (nj; mais encore ( n) Purgat p a feu a & praîaa vermihus apud nos relegata , ai inaudtta & indefenja Voyez Syflema Naturel , edit. X, page 1 06. Fauna Suecïcat n,° 71. po Hifloire Naturelle une fois , ne doit-on pas craindre qu'elle confomme elle-même pïus de grains que n 'auraient fait les infectes dont elie fê nourrit! & n'eft-ce pas pour cette raifon qu'en pfufieurs pays d'Allemagne on a mis fa têie à prix (o) ! On la prend dans les mêmes pièges que les autres corneilles : elle fe trouve dans prefque toutes les contrées de l'Europe,, mais en différens temps; fa chair a une- odeur forte & on en fait peu d'ufage , fi| ce n'eil parmi le petit peuple. Je ne fais fur quel fondement M. Klein si paru ranger parmi les corneilles YHoexo- îototl ou. oifeau des fautes de Fernandez, ii ce n'eft fur le dire de Seba , qui décrivant cet oileau comme le même que celui dont parle Fernandez, le fait aufïï gros qu'un pigeon ordinaire , tandis que Fernandez, à l'endroit même cité par Seba, dit que Y Hoexoîototl eft un petit oifeau de la groîTeur d'un moineau , ayant à peu-près le chant du chardonneret , & la chair bonne à manger (p )• Cela ne (o) Frifch, Planche <*/, (l>J Voyez Fernandez, H florin Avium wv® P/. 11'./^. i)0. LA COItXEILLE MANTELEE. Je la Corneille mantelée. pr fTembîe pas trop à une corneille ; & Je Iles méprifes qui font affèz fre'quentes ans l'ouvrage de Seba , ne peuvent que ter beaucoup de confufion dans la lomenclature de FHiftoire Naturelle» -J'tjrawœ , cap. LVIII; & le cabinet de Seba, âge $6, Planche LXI , fig. i> Nota. La corbine doit être répandue au loin, uifqu'elïe fe trouve dans la belle fuite d'oifeaux que )A, Sonnerat vient d'apporter , & qu'il a tirés'des hdes, des ides Mohiques, & même de la terre des, 'apoux. Cet individu venoit des Philippines, HiJIotre Naturelle OISEAUX ÉTRANGERS) Qui ont rapport aux CORNEILLES. . I. L A CORNEILLE DU SÉNÉGAL 4 A juger de cet oifeau par fa forme & à par Tes couleurs, qui eft tout ce que nousq en connoifTons, on peut dire que l'efpècêij de la corneille mantele'e eft celle avec qui : il a plus.de rapports extérieurs, ou plutôt t que ce fèroit une véritable corneille manJ* telée, fi Ton fcapulaire blanc n'étoit pas > raccourci par - devant & beaucoup plus ; par- derrière. On aperçoit aufli quelq uefl différences dans la longueur àss ailes A ia forme du bec & la couleur des$ pieds. C'eft une efpèce nouvelle & peu i connue. * K^7 les Planches enluminées, n.° }zj« des Qifedux étrangers, &c. 93 I I. )L A CORNEILLE DE LA JAM AJdUE (a). Cette corneille étrangère paroît hodeiée à peu-près fur les mêmes pro- prtions que les nôtres (b), à l'exception e ïa queue & du bec qu'elle a plus etits; Ion plumage eft noir comme celui e la corbine. On a trouvé dans Ion (tomac des baies rouges , des graines , [es fcarabées , ce qui fait connoître fà lonrriture la plus ordinaire, & qui eft uiîi ceîîe de notre freux & de noire nantelée. Eiie a le ventricule muiculeux (a) C'eft la Corneille de la Jamaïque de M . BrifTon, orne If, page 22. Les Anglois de la Jamaïque appellent auffi Chater'mg ou Gabbeling Crow ( Cor- îeille babiiiarde ) , & Cacao Walke , (ans doute parce ju'elle fe tient ordinairement fur les Cacaotiers, ^oyez Sloane, Natural Hijlory of Jama'ica, tome II, 5age 298. (b) Elle a un pied 6c demi de longueur prife de la pointe du bec au bout de la queue, & trois pieds de vol. ( Nom. Que M. Sloane s'en1 fervi félon toute apparence du pied Anglois, plus court que le noire d'environ un onzième )x c?4 Hijloire Naturelle, &c> & revêtu intérieurement d'une tuniqui" très -forte. Cet oifeau abonde dans M partie feptentrionaie de Pifle & ne quitte pas les montagnes , en quoi il fe rapprocrui/ de noire corbeau. M. Klein caraclérife cette efpèce paji la grandeur des narines ( c); cependant M. Sloane qu'il cite, fe contente de dire^ qu'elles font paffablement grandes. D'après ce que l'on fait de cet oifeau A on peut bien juger qu'il approche fort de | nos corneilles ; mais il feroit difficile de le rapporter à l'une de ces efpèces plutôt, qu'à l'autre, vu qu'il réunit des qualités! qui font propres à chacune d'elles. Il] diffère auffi de toutes par fan cri qu'il faiti entendre continuellement. (c) Cornix nigm, garruïa, RAI. Naribus amplis, . « prœter tiares Europœ fmilis* Klein, Or do Avium^ page 59. 95 LES CHOUCAS (a). _>ES oifeaux ont avec les corneilles, lus de traits de conformité que de traits e difTemblance ; & comme ce font des pèces fort voifines , il eft bon d'en faire * Voyelles Planches enluminées, m" y 2 j (le choucas •oprement dit ) ; n° j 22 (le chouc ) ; & n.° j2 it ie choucas chauve de Cayenne). (a) Ce font les Choucas de M. B ri (Ton , tome II, ig. 24. ffuiv.en Grec, Aukoç, Ko\otoç, Bco/„{$ hfyç ; 1 Latin, Lupus, Graccus , Gracculus, Alonedula; a moneta quam furatur ) : en Efpagnof , Graio 0 h-aia; en Italien, Ciagula , Tattula, Pola, Monac- Ma, ifc. chez ies Grifons, Beena; en Savoyard, 'hue , Cauê, Cauette , Cauvette & Fauvette par orruption ; en vieux François , Chouette, Chouchette ; n quelques provinces, Chicas, Chocas, Chocotte , lovnillon , comme qui diroit petite Corneille; en Turc, TJchauka; en Allemand , Tul ou Duhl , Thaïe u D ahle , Thaleche ou Dahlihe , Tôle ou Dohle , rraue Dohle, TaJie, Doel; aux environs de Roftock, Vachtel, qui eft le nom de la Caille par -tout ilîeurs; en Saxon, Aelcke , Kaeyke , Gacke ; en [Juifle, Graake; en Hollandois, Kaw, Chaw ; en llyrien, Kawka , Kaw a , Zegiolka ; en Flamand, laey, Hannekin ; en Suédois, Kaja; en Anglais ^ Kae > Caddo, Chog, Daw, Jak-daw» $6 Hiflolre Naturelle une comparaifon fuivie & détaillée , pour répandre plus de jour fur l'hiftoire des uns & des autres. Je remarque d'abord un parallélifme allez fingulier entre ces deux genres d'oifeaux ; car de même qu'il y a trois efpèces principales de corneilles, une noire ( la corbine ) , une cendrée ( la mantelée ), & une chauve ( le freux ou la frayonne,); ; je trouve aufîi trois efpèces ou races correfpondantes de choucas , un noir ! ( le choucas proprement dit ), un cendré s ( ie chouc ), & enfin un choucas chauve. , La feule différence eft que ce dernier eft : d'Amérique , & qu'il a peu de noir ! dans ion plumage ; au heu que les trois : efpèces de corneilles appartiennent toutes I à l'Europe , & font toutes ou noires on i noirâtres. ■ En général , Jes choucas font plus petits ; que les corneilles ; leur cri , du moins i celui de nos deux choucas d'Europe, les i feuls dont l'hifloire nous foit connue, eft plus aigre , plus perçant ; il a vifiblement influé lur la plupart des noms qu'on leur a donnés en diilérentes langues, tels que ceux-ci : choucas, gr accus, kaiv, klas, ifc. mai$ des Choucas. 97 meus iïs n'ont pas pour une feule inflexion de voix , car on m'affure qu'on les entend quelquefois crier tian, tian, tïan. Us vivent tous deux d'infecles, de grains, de fruits, & même de chair, quoique très-rarement ; mais ils ne touchent point aux voiries , & iis n'ont pas l'habitude de fe tenir fur les côtes pour fe raffafier de poifTons morts & autres, cadavres rejetés par la mer (b). En quoi ils refîemblent plus au freux & même à la mantelée qu'à la corbine ; mais ils fe rapprochent de celle-ci par l'habitude qu'ils ont d'aller à ia chaiîe aux œufs de perdrix & d'en de'truire une grande quantité. Ils volent en grandes troupes comme îe freux ; comme lui ils forment des efpèces de peuplades & même de plus nombreufes , compofées d'une multitude de nids placés les uns près des autres & comme entafTés , ou fur un grand arbre, ou dans un clocher, ou dans le comble d'un vieux château abandonné (c )• Le (h) Voyez Aidrovande. Ornithologia, page yj2.» ( c) Voyej^ Belon , Nature des Oifeaux, page 2 8 y à Aidrovand. loco citato. Willughby, Ornithologia 9 Oifeaux, Tome V» E 9 8 'Hï flaire Naturelle mâle & la femelle une fois appariés ÏU relient long-temps fidèles, attachés Fun à l'autre; & par une fuite de cet attache- ment perfonnel , chaque fois que le retour de la beiïe faiion donne aux êtres vivans îe iignal d'une génération nouvelle , on îes voit fe rechercher avec empreiTement Si. fe parler fans cefTe; car alors ïe cri des animaux eft un véritable langage, toujours bien parlé, toujours bien compris ; on les voit fe caréner de mille manières , joindre leurs becs comme pour fe baifer, eiTayer toutes les façons de s'unir avant de fe livrer à la dernière union , ET oifeau que nous avons fait repré- femer fous le nom de choucas des Alpes, Pline l'appelle de celui de Pyrrhocorax , & ce feul nom renferme une defcriprion en raccourci: Korax, qui lignine corbeau, indique ïa noirceur du plumage, aînfi que l'analogie de l'efpèce ; <& Pyrrhos qui fignifie roux , orangé, exprime fa couleur du bec qui varie en effet du jaune à l'orangé, & aufïï celle des pieds qui efi encore plus variable que celle du bec, puifque dans l'individu obfervé par Gefner, * Voyei les Planches enluminées , n.° 531, **. (a) C'efl le Choucas des Alpes de M.Bnfïbn, tome II, page 30. J'adopte ce nom qui eft" en ufage dans ïe Valais, "félon Gefner: on l'appelle auffi Chouette ; les Grifons qui parlent Allemand le nomment Tahen. Les Allemands, Bergdol, Alprapp, Bergtul, Sîeinkct.u Les SuhTes , Alphachel, Wlldetul E v î io6 Hifioire Naturelle les pieds étoient rouges (b) , qu'ifs étoient noirs dans le fujet décrit par M-. Brifîon; que félon cet auteur , ils iont quelquefois jaunes (c), & que félon d'autres, ils font jaunes l'hiver & rouges l'été. Ces pieds jaunes, ce bec de. même couleur & plus pçtit que celui du choucas, ont donné lieu à quelques-uns de prendre le choquard pour un merle, & de le nommer ie grand merle des Alpes. Cependant en l'obièr- vant & le comparant, on trouvera qu'il approche beaucoup plus des choucas par la groiTeur de ion corps, par la longueur de les ailes , & même par la forme de fon bec, quoique plus menu, & par (es narines recouvertes de plumes, quoique ces plumes ioient moins fermes que dans les choucas» J'ai indiqué à l'article du crave ou co acias les différences qui font entre ces deux oifeaux, dont Belon & quelques a.itres qui ne les avoient pas vus, n'ont fit qu'une feule efpèce. I» ■ i n (bj Gefner, de Avibus , page 528. (cf. Voyez Ornlhologk de M. Brifîon, tome ttt fige >/, ' # Hk Choqnard, &c. 107, Pline croyoit Ton Pyrrhocorax propre & particulier aux montagnes des Afpes (d); cependant Gefner , qui le diftîngue très- bien d'avec le crave ou coracias , dit qu'if y a certaines contrées au pays des Grilbns où cet oifeau ne fe montre que l'hiver, d'autres où il paroît à peu -près toute Tannée, mais que Ton vrai domicile, ion domicile de préférence, celui où il fe trouve toujours par grandes bandes , c'efl ïe fommet des hautes montagnes. Ces faits modifient, comme l'on voit, l'opinion de Pline un peu trop abfolue , mais ils la confirment en la modifiant. La groiTeur du choquard eft moyenne entre celle du choucas & celle de la cor- neille ; il a le bec plus petit & plus arqué que l'un & l'autre , la voie plus aiguë ? plus plaintive que celle des choucas & fort peu agréable, (e) (d) Hijloria Naturaîis , ïilv X, cap. XL VII f. (e) Schwenckfeld dit que le pyrrhocorax , qu'il appelle auiîï cor! eau de nuit , efl criard, fur -tout pendant la nuit, & qu'il fe montre rarement pendai fi le jour; mais je ne luis point fur que Scfewençkfefcl entende le même oifëau que moi, fous ce nom* de pyrrhocorax* £ v] I o 8 Hijloire Naturelle , &c. II vit principalement de grains & fait grand tort aux recokes ; fa chair eft un m nger très- médiocre. Les montagnards tirent de ia façon de voler des préfages météorologiques; fi fon vol efl élevé, on dit qu'il annonce le froid, & que lorl qu'il eft bas il promet un temps plus doux (f), (fj Voyez Gefner, loco a'taîo, PI . JT.Pu/.zcS. CHO()LTARD ou CHOUCAS DES ALPES I OISEAUX ÉTRANGERS, Qui ont rapport aux CHOUCAS. I. * L E CHOUCAS MOUSTACHE (a), V^ E T oifeau qui fe trouve au cap de Bonne -efpérance, efl à peu -près de la groflèur du merle; iï a ïe pîumage noir ôl changeant des choucas, & la queue plus longue à proportion qu'aucun d'entr'eux; toutes les pennes qui la composent font égales, & les ailes étant pliées n'atteignent qu'à la moitié de la longueur. Ce font les quatrième & cinquième pennes de l'aile qui font les plus longues de toutes , elles ont deux pouces & demi plus que la première. * Vqye^ les Planches enluminées, n.° 226. (a) C'eft le Choucas du cap de Bonne -efyéravft de M. JBriiTyn > mue II, page 3 3 , ïio Hïjloire Naturelle II y a deux choies à remarquer dans l'extérieur de cet oifeau , \ ,° ces poils noirs, longs & flexibles qui naiffent de la bafe du bec fupérieur, & qui font une fois plus longs que le becr outre plu (leurs autres poiîs plus courts, plus roides & dirige's en avant qui environnent cette même bafe jufqu'aux coins de ia bouche t -2.° Ces plumes longues & étroites de la partie fupérieure du cou, lefquelles gliffent & jouent fur le dos , fuivant que ie cou prend différentes fituations, & qui forment à l'oiieau une efpèce de crinière» I L * LE CHOUCAS CHAUVE. \ Ce fmgulier choucas qui fe trouve 1 dans I'ide de Cayenne , eil celui qui peut, \ comme je l'ai dit, faire pendant avec 1 notre corneille chauve qui eft le freux : I il a en effet la partie antérieure de îa tête nue comme le freux , & la gorge peu g-irnie de plumes. Il fe rapproche des choucas en général par fes longues ailes , $ Vojei /es Plmchet tnhtmirr&s, n,° $z i,. dès Oifeaux étrangers, é/c i 1 1\ jpar la forme des pieds, par Ion port, j par fa groileur , par f es larges narines à peu-près rondes: mais il en diffère en ce que ces narines ne font point recouvertes de piumes, & qu'elles fe trouvent place'es dans un enfoncement allez profond ereufé de chaque côté du bec; en ce que fon fcec eft plus large à la baie & qu'il eft échancré fur fes bords. A l'égard de (es mœurs , Je n'en peux rien dire , cet orfeau étant du grand nombre de ceux qui attendent ie coup d'œil de l'Obfervateur, On ne Je trouve pas même nommé dans aucune Ornithologie. I I L *LE CHOUCAS DE LA NOUVELLE GUINÉE. L A pïace naturelle de cet oifeau efl entre nos choucas de France & celui que j'ai nommé colriud. II a le port de nos choucas , & le plumage gris de l'un d'eux , ( même un peu plus gris ) au moins quant * V(&*\, les Flanches enluminées-, n.° 62 f* i 1 2 Hiftoire Naturelle à la partie fupe'rieure du corps ; mais il efl moins gros & a le bec plus large à fa bafe , en quoi il fe rapproche du colnud. Il s'en éloigne par la longueur de Tes ailes qui atteignent prefque l'extrémité de fa queue, & il s'éloigne du colnud & des choucas par les couleurs du defTous du corps, lefquelles confident en une rayure noire & blanche qui s'étend jufque fous les ailes, & qui a quelque rapport avec celle des pics variés. I V. * LE CHOU C AR1 DE LA NOUVELLE GUINÉE. La couleur dominante de cefoifèau ( car nous n'en connoifTons que la fuper- ficie ) efl un gris cendré, plus foncé fur la partie fuperieure , plus clair fur la partie inférieure, & fe dégradant prefque jufqu'au * Ainfi nommé par M. Daubenton le jeune, à qui je dois auifi fa defeription & celle de j'efpèce précédente , n'ayant pas été à portée de voir ces oi féaux arrivés tout récemment à PariSt Voye^ les Pknchcs enluminées, n.° 630, des Oifeaux étrangers, &c. 113 ïbïanc fous ie ventre & Tes en tours. Les ■ deux feules exceptions qu'il y ait à faire à I cette efpèce d'uniformité de plumage,*c'eft |i.° une bande noire qui environne la bafe I du bec , & fe prolonge jufqu'aux yeux ; U 2..0 les grandes pennes des ailes qui font d'un brun- noirâtre. Le choucari a les narines recouvertes en entier comme les choucas, il a aufïi ie bec conformé à peu-près de même", fî ce n'eft que l'are; e de la pièce fupérieure efl , non pas arrondie comme dans le choucas, mais an guleufe comme dans le coïnud. II a encore d'autres rapports avec cette dernière efpèce, & lui refîemble par les proportions relatives de les aiies qui ne s'étendent pas au-delà de la moitié de la queue , par fes petits pieds, par fes ongles courts ; en foi te qu'on ne peut fe difpenfer de le placer, ainfi que le précédent, entre le colnud & les choucas. Sa longueur prife de la pointe du bec au bout de la queue eft d'environ onze pouces. Nous femmes redevables de cette efpèce nouveiîe, ainfi que de la précédente, à M. Sonnerat. î 14." Hi floue Naturelle V. Ï<ÊË COLNUD DE CAYENNE. Je mets le coïnud de Cayenne à la Jiïite des choucas, quoiqu'il en diffère à plufieurs égards; mais à tout prendre if m'a paru en différer moins que de tout autre oifeau de notre continent. II a , comme le n.° II ci-defTus , le bec fort large à fa bafe, & il a encore avec lui un autre trait de conformité en ce qu'if eif chauve ; mais il i'eft d'une autre ma- nière; c'eil le cou qu'il a prefque nud & lans plumes. La tête eft couverte depuis & compris les narines, d'une efpèce de calotte de velours noir, compolée de petites plumes droites, courtes, ferrées & très- douces au toucher : ces plumes deviennent plus rares fous le cou , & bien plus encore fur Ces côtés 6c à fa partie poflérieure. Le colnud eit. à peu- près de la groifeur de nos choucas , & on peut ajouter qu'if porte leur livrée , car tout ion plumage eft noir, à l'exception de quelques-unes des * Voyez les Planches enluminées , n,° 6 oc», des Otfedax étrangers, &c. ri 5 couvertures & des pennes de l'aile, qui font d'un gris blanchâtre. A voir les pieds de celui que j'ai obfervé, on jugeroit que le doigt poftérieur a e'té tourné par force en arrière ; mais que naturellement & de lui-même , il Te tourne en avant, comme dans les martinets. J'ai même remarque' qu'il étoit lié par une mem- brane avec le doigt intérieur de chaque pied. C'eil une eipèce nouvelle. V I. * LE B A L1C A SE des Philippines. Je répugne à donner à cet oifeau étranger le nom de choucas , parce qu'il eft aifé de voir par la description même de M, Brifïbn, qu'il diffère des choucas à pïufieurs égards. ïi n'a que quinze à feize pouces de vol & n'eit guère plus gros qu'un rnerîe ; il a le bec plus gros & plus long à pro- portion que tous les choucas de notre ■* Voye-^ ks Planches enluminées, n,° âop 1 1 6 Hifloire Naturelle, &c. Europe , les pieds plus grêles & la queue fourchue ; enfin , au lieu de cette voix aigre & ilniftre des choucas, il a le chant doux & agréable. Ces différences font o telles qu'on doit s'attendre à en découvrir plufieuis autres lorfque cet oifeau fera: mieux connu. Au relie il a le bec & les pieds noirs,;, & ïe piumage de la même couleur aveqt des reflets verts (b); en forte que du moins H efï choucas par la couieur. (b) C'eft le Choucas des Philippines de M. BrilTon,' tome II, page 3 1 , Cet Auteur nous apprend que ioifeau dont il s'agit dans cet article, s'appelle aux Philippines Bali-cajfio, dont j'ai formé le nom de Balicaje, it7 * LA PIE (a). Li A pie a tant de relTembiance à l'exté- ieur avec la corneille, que M. Linnaeus es a réunies toutes deux dans le même *enre (b), & que fuivant Belon , pour aire une corneille d'une pie, il ne faut jue raccourcir ïa queue à ceiie-ci, & faire iifparoître le blanc de ion plumage (c): * Vojye^ les -planches enluminées, n.° 4.83. (a) C'eft la Pie de M. Brifïbn, tome II, page j f. Son nom Hébreu eft incertain ; en Grec , K/ara , d-flcL , Tioiydxiç ', en Grec moderne Aiynç/xx, ; n Latin , Pica , Ciffa , avis pluvia félon queiques- ms; en mauvais Latin moderne, Ajacia; en Italien, saiz/i, RagaTja, Aregajja , Gajjuola, Gajjara , Pica, Putta; en Catalan, Graffa; en Efpagnol, Pega, Picata , Piga^ja-, en Allemand , Aelfler , Atjel , Aegerft, Age la/1 er , Algajler , Agerlujler , (qnaji Agriluflra); en Flamand , Aexter ; en IHirien , Strakavel, lù^ifiela ; en Poionois, Stroka; en Sué- dois , Shata ; en Angîois , Pye , Piot , Magpye , Pianet ; en François, en différens temps & en Jifférens lieux, Pie , Jaquette, Darne, Agajfe a Agace, Ajace, Ouajfe, iXc. (b) Syjfem. nat, edit. X, page 10 6. (c) Beion, Nature des 0 if eaux , page %^t(t 1 1 8 Hifloire Naturelle en effet la pie a le bec , les pieds , fes yeux , & la forme totale des corneilles & des choucas; elle a encore avec eux; beaucoup d'autres rapports plus intimes dans l'infimct, les mœurs & les habitudes ; naturelles , car elle efl: omnivore comme:; eux, vivant de toutes fortes de fruits,;, allant furies charognes (cl), faifant fa proie; des œufs & des petits des oifeaux foibles, . quelquefois même des père & mère , foit : qu'elle les trouve engagés dans les pièges, ', foit qu'elle les attaque à force ouverte : oiV. en a vu une fe jeter fur un merle pour le dévorer, une autre enlever une écrevide qui la prévint en l'étranglant avec fesrl pinces , &c. (e) On a tiré parti de fon appétit pour la] chair vivante en la dreffant à la chaiïe comme on y dreffe les corbeaux (f), j Elle paffe ordinairement la belle faifon « (d) Klein, Ordo ainwn, page 61 , J'en ai vu undi qui mangeoit fort avidement de l'écorce d'orange. (e) Aidrovande , Ornltholog. tome I , page - 8 a, EÀ\e caufe quelquefois beaucoup de détordre dan$ ! •une pipée, & vient, pour auifi dire, menacer \é" pipeur jufque dans fa loge. (f) Frifch, Planche $f% de la Pie. \ t § ippariee avec Ton mâle, & occupée de In 3oate & de Tes fuites. L'hiver eilé vole par troupes , & s'approche d'autant plus pes lieux habite's qu'elle y trouve plus de refîburces pour vivre, & que la rigueur le la faifon lui rend cqs reiïources plus lécelTaires. Elle s'accoutume aifément à a. vue de l'homme, elle devient bientôt àmilîère dans la maifon , & finit par fe •endre la maitrelTe : j'en connois une qui )afTe les jours & les nuits au milieu d'une roupe de chats & qui fait leur en impoier. Elle jafe à peu-près comme la corneille, $l apprend aufîi à contrefaire la voix des ititres animaux , & la parole de l'homme. On en cite une qui iraitoit parfaitement es cris du veau , du chevreau , de ia brebis, page 788. (h) Ornithologie , tome II, page 8o« des 0} féaux étrangers, &c. 139 effet pour un des caractères du roliier (i); mais 1 .° ce n'elt qu'avec beaucoup d'in- certitude qu'on peut attribuer ce caractère à l'oifeau dont ii s'agit ici , d'après une figure qui n'a point paru exacte à M. Briflbn lui-même, & qu'on doit iup- pofer encore moins exacte fur cet article que fur aucun autre, tout ce détail de petites plumes étant bien pi us indifférent au Peintre qui veut rendre ïa Nature dans fes principaux effets , qu'au Naturalise qui voudroit i'affujettir à fa méthode. 2.G On peut oppofer à cet attribut incertain, faifi dans une figure fautive, un attribut beaucoup plus marqué, plus évident, & qui n'a échappé ni au Peintre ni aux Obfervateurs qui ont vu Foifeaiî même; ce font les longues pennes du milieu de la queue, attribut dont M, Briiïon a fait le caractère diUinctif de la pie (k). 3 .° Ajoutez à cela que la pie des Antilles reiïembie à la nôtre par ion cri, par (on naturel très-défiant, par fon habitude de nicher fur les arbres & d'aller le long des (i) Ornithologie , page 6$A 140 Hijloire Naturelle rivières, par la qualité médiocre de fa chair ( l); en forte que fi l'on veut rap- procher cet oifeau étranger de l'efpèce d'Europe avec laquelle il a ïe plus de rapports connus, il faut, ce me fembie, le rapprocher de celle de la pie. II en diffère néanmoins par l'excès de longueur des deux pennes du milieu de la queue (m), Iefquelles dépaiïent les latérales de huit ou dix pouces, & aufïï par fes couleurs; car il a le bec & les (l) Hift* des Antilles , loco cicato, La Pie va aufïï le long des eaux , pui(qu'elle enlève quelquefois des écrevifîès , comme nous l'avons dit. (m) Je ne parle point d'une fingularité que lui I attribue Aldrovande , c'eft de n'avoir que huit pennes à la queue ; mais ce Naturalifte ne les a voit comptées que fur fa figure coloriée, & l'on fent combien cette manière de juger êft équivoque & fujette à l'erreur. Il eft vrai que le P. Du tertre dit la même chofe , mais il eft encore plus vraifem-. biable qu'il le répète d'après A'drovande dont il connoifloit bien V ornithologie , puifqu'il la cite à la Î>age fuivante: d'ailleurs, il avoit coutume de faire es descriptions de mémoire, & la mémoire a befoin \ d'être aidée fVqye^ page 2^.7 du tome II J .- enfin, fa defcription de la pie des Antilles efi peut-être la feule où il foit fait mention du nombre des pennes de la queue. êes Oifeaux étrangers, &c. T 4 1 pieds rouges , le cou bleu avec un collier blanc, la tête de même couleur bleue, avec une tache blanche mouchetée de noir qui s'étend depuis l'origine du bec fupéiieur jufqu'à la naifîance du cou; le dos tanné, le croupion jaune, les deux longues pennes de la queue de couleur bleue avec du blanc au bout & la tige blanche, les autres pennes de la queue rayées de bleu & blanc, celles de l'aile mêlées de vert & de bleu , & le deiTous du corps blanc. En comparant la defcription de la pîe des Antilles du P. Dutertre, avec celle de Ja pie des Indes à longue queue d'AI- drovande, on ne peut douter qu'elles n'aient été faites l'une & l'autre d'après un oifèau de la même efpèce, & par conféquent, que ce ne Toit un oifeau d'Amérique comme l'allure le P. Dutertre qui l'a obfervé à la Guadeloupe , & non pas un oifeau du Japon, comme le dit Aldrovande, d'après une tradi ion fort incertaine (n); à moins qu'on ne veuille fuppofer qu'il s'eft répandu du côté du (n) SpecïofîJJîtnam hanc avem Japonenfam rex jummo Pontifia pr& finguhri munere anu alignât ann&4. ï 42. Hifloire Naturelle nord , d'où il aura pu pafTer d'un continent à l'autre, ï V. V HO CI S AN A (0). Quoique Femandez donne à cet] oifeau le nom de grand étourneau , cepen« dant on peut ïe rapporter, d'après ce qu'il dit lui-même, au genre des pies, car ij affaire qu'il feroit exactement fembiable aiM choucas ordinaire, s'il étoit moins gros,! qu'il eût la queue & les ongles moins ^ ïongs, & le plumage d'un noir plus franc] & ians mélange de bleu. Or la longue j queue eit un attribut non de l'étourneau ,1 mais de la pie , & celui par lequel elle diffère le plus à l'extérieur du choucas ; I & quant aux autres caractères , par îefqueîs J î'hocifàna s'éloigne du choucas , ils font j autant ou plus étrangers à l'étourneau 1 qu'à la pie. îranjmifit , in ex marchione Facchmetio , qui eas Inns- , cenùo nono . . . Patruo Juo acceptas referelat , intellexi% Afdrovage 4.7 , & félon nos propres obfer varions ( Voye-r - Plancha enluminée, #/ j^^fj* Gij 148 Hifloire Naturelle s'accorder, & pour bien décrire une efpèce, il faut avoir vu & comparé un grand nombre d'individus. Les geais font fort pétuïans de leur nature ; ils ont les fenfations vives , les mouvemens brufques, & dans leurs fré- quens accès de colère , ils s'emportent & oublient le foin de leur propre confer- vation , au point de fe prendre quelquefois ïa tête entre deux branches , & ils meurent ainfi fufpendus en l'air (e). Leur agitation perpétuelle prend encore un nouveau degré de violence lorfqu'iïs fe fentent gênés , & c'eft la rai Ton pourquoi ils deviennent tout- à- fait méconnoiffables en cage , ne pouvant y conferver la beauté de leurs plumes , qui (ont bientôt caflees, ufees, déchirées, flétries par un frotte- ment continuel. Leur cri ordinaire efl très- dé (agréable, & ils le font entendre fouvent; ils ont aufH de la diipofnion à contrefaire celui (e ) Voyez GcTner, de Avibus , page 702. Cet infime! rend croyables ces batailles que l'on dit s'être données entre des armées de geais & des armées de pies. Voye^Be/on, page 290, au Geai 149 de pïufieurs oifeaux qui ne chantent pas mieux , tels que la crefferelle , le chat*- huant, &c. (fj. S'ils aperçoivent dans le bois un renard , ou quelqu'autre animal de rapine , ils jettent un certain cri très- perçant, comme pour s'appeler les uns les autres, & on les voit en peu de temps rafTemblés en force, & fe croyant en état d'en impofer par le nombre ou du moins par le bruit (g)> Cet inflmcl qu'ont ïes geais de fe rappeler , de fe réunir à Ja voix de l'un d'eux, & leur violente an ti- patbie contre la chouette, offrent pins d'un moyen pour les attirer dans les pièges (h) , & il ne fe pafle guère de pipée fans qu'on n'en prenne pïufieurs ; car étant plus pétuïans que fa pie , il s'en faut bien qu'ils foient auffi défians & auflx rufés : ils n'ont pas non plus le cri naturel fi varié, quoiqu'ils paroiffent n'avoir pas moins de flexibilité dans le go fier , ni (f) Vnkh, planche jj, (g) Frifch, ibidem, (h) Beion prétend que c'efl un grand déduit de le voir voler aux Oifeaux de Fauconnerie, if aujfi de le voir f rendre à la pajfée, G iij 150 Hifloire Naturelle moins de difpofition à imiter tous les Tons, fous les bruits , tous îes cris d'animaux qu'ils entendent habituellement, & même îa parole humaine. Le mot richard eft celui, dit-on, qu'ils articulent le plus facilement. Ils ont auffi, comme la pie & tome ïa famille des choucas, des corneilles & des corbeaux , l'habitude d'enfouir leurs provifions fuperffues (i) , & celle de dérober tout ce qu'ils peuvent emporter; mais ils ne fe fouviennent pas toujours de l'endroit où ils ont enterré leur tréibr ; ou bien, félon l'inftincl commun à tous les avares, ils fentem plus ïa crainte de ïe diminuer que le defir d'en faire ufage; en forte qu'au printemps fuivant, les glands 1& les noifettes qu'ils avoient cachés & peut-être oubliés, venant à germer en terre , & à poufïer des feuilles au- dehors, décèlent ces amas inutiles, & les indiquent, quoiqu'un peu tard , à qui en faura mieux jouir. Les geais nichent dans les bois , & loin des lieux habités , préférant les chênes les plus touffus , & ceux dont le tronc eft fi) 13 don, Nature des 0 if eaux , page 290, Ju Gêat. 151 entoure de ïière (k); mais ils ne confirai fent pas leurs nids avec autant de précaution que la pie : on m'en a apporté plufieurs dans le mois de mai; ce font des demi- fphères creufes formées de petites racines entrelaffées , ouvertes par-delTus, feins mateïas au- dedans, fans défenfe au-dehors ; j'y ai toujours trouvé quatre ou cinq œufs; d'autres difent y en avoir trouvé cinq ou fix : ces œufs font un peu moins gros que ceux de pigeons, d'un gris plus ou moins verdâtre, avec de petites taches faiblement marquées. Les petits fubilTent leur première mue dès le mois de juillet; ils faivent leurs père & mère jufqu'au printemps de l'année fuivante (l) , temps où ils les quittent pour fe réunir deux à deux , & former de nouvelles familles : c'efï alors que la plaque bleue des ailes qui s'étoit marquée de très - bonne heure , paroît dans toute fa beauté. Dans l'état de domefticité , auquel ils fe façonnent aifément, il s'accoutument à (k) Olina, Uccelliera , page 35. (ï) Brïthh Zoology, page 77. ^ . G iiij 152 Hifîoire Naturelle toutes fortes de nourritures , & vivent ainfi huit à dix ans. (m); dans l'état de fauvage , ils fe nourrirent non- feulement de giands & de noifettes, mais de châ- taignes, de pois, de fèves, de forbeg , de grofeilles, de cerifes,de framboifes, &c. Ils dévorent aufîl les petits des autres- oifeaux , quand ils peuvent les furprendre^ dans le nid en l'abfence des vieux , & quelquefois ies vieux ïorfqu'ils les trouvent pris au lacet ; & dans cette circondance ils vont, fuivant leur coutume, avec il peu de précaution, qu'ils fe prennent quelquefois eux-mêmes, & dédommagent ainfi i'Oiïeieur du tort qu'ils ont fait à fà chafTe (n): car leur chair, quoique peu délicate, eft mangeable, fur-tout il on la fait bouillir d'abord , & eniuite rôtir ; on dit que de cette manière, elle approche de celle de l'oie rôtie. Les geais ont la première phalange du doigt extérieur de chaque pied , unie à celle du doigt du milieu, le dedans de (m) Olina, ibidem, — Frifcb , planche jj, (n) Frifch, loco citato, — British Zoology, Iccç eitato, ire, du Geai, ï 5 3 la bouche noir, la langue de ïa même couleur, fourchue, mince, comme mem- braneufe & prefque tran (parente ; la véficuïe du fiel oblongue , l'eftomac moins épais , & revêtu de mufcles moins forts que le géfier des granivores ; il faut qu'ils aient ie goder fort large, s'ils avalent, comme on dit , des glands , des noifettes &. même des châtaignes toutes entières ? à la manière des ramiers (o) : cependant je fuis fur qu'ils n'avalent jamais les calices d'oeillets tout entiers, quoiqu'ils foient très-friands de ïa graine qu'ils renfermentc Je me fuis amufé quelquefois à confïdcrer ieur manège : fi on leur donne un oeillet s ils' le prennent brufquement; fi on leur en donne un fécond , ils le prennent de même , & ils en prennent ainfi , tout autant que leur bec en peut contenir & même davantage ; car il arrive fouvent qu'en happant les nouveaux ils laitTent tomber les premiers , qu'ils fauront bien retrouver^ lorfqu'ils veulent commencer à manger < ils pofent tous les autres œillets , & n'en gardent qu'un feul dans leur bec ; s'ils (o) Belon , Nature des Oifeaux, G r 154 Hiftoire Naturelle ne le tiennent pas d'une manière avan- tageufe , ils lavent fort bien le pofer pour ïe reprendre mieux ; enfui: e ils le faififTent fous le pied droit , & à coups de bec , ils emportent en détail d'abord les pétales de la fleur , puis l'enveloppe du calice , ayant' toujours l'œil au guet, & regardant de tous côtés ; enfin iorfquê la graine eil à-découvert, ils la mangent avidement^ & fe mettent tout de fuite à éplucher un fécond œillet. On trouve cet oifeau en Suède , en Êcoffe, en Angleterre, en Allemagne, en Italie; & je ne crois pas qu'il foit étranger à aucune contrée de l'Europe ; ni même à aucune des contrées corres- pondantes de l'A fie. Pline paile d'une race de geai ou de pie à cinq doigts, laquelle apprenoit mieux à parler que les autres (p )'- cette race n'a rien de plus extraordinaire que celle des poules à cinq doigts , qui eft connue de tout le monde , d'autant plus que les (j> ) Addifcere alias ( Picas ) ne gant poffe qnam quet ex geneie earum funt qua glande vejeunnir , & inter , eas facihùs qulbus auinijunt digiti in pedifas, jLib, X, cap. Xllls Ja Geai. 155 geais deviennent encore pîus familiers, ph domeftiques que les poules ; & l'on h. que les animaux qui vivent ie plus avec l'homme, font auffi les mieux nourris, conféquemment qu'ils abondent le pi us en molécules organiques fuperfîues , & qu'ils font plus fujets à ces fortes de monftruôfités par excès. C'en feroït une que les phalanges des doigts multipliées dans quelques individus au-delà du nombre ordinaire : ce qu'on a attribué trop géné- ralement à toute l'eipèce (q), , Mais une autre variété plus' généra- lement connue dans l'eipèce du geai , c'en: le geai blanc; il a la marque bleue aux aiies (r), & ne diffère du geai ordinaire que par la blancheur prefque uni ver (elle de fon plumage , laquelle s'étend jufqu'au bec & aux ongles , & par fes yeux rouges , tels qu'en ont tant d'autres animaux blancs. Au refte , il ne faut pas croire que ta blancheur de fon plumage foit bien pure ; ( q) Digiti pedum multis ahiçulis fieéhfntur. AIdror vande, Ornithologie, tome I, page 78 S. (r) Voyez Gerini , Stcria de g H Uccelli, tome II, planche i6z> G vf X 5 6 Hiftotre Naturelle , ~&c. elle eft fouvent altérée par une teinte jaunâtre plus ou moins foncée. Dans un individu que j'ai obfervé , les couvertures qui bordent les ailes pliées, étoient ce qu'il y avoit de plus blanc : ce même individu me parut aulfi avoir les pieds pkis menus que le geai ordinaire. PI, VUÏ \pag .iSù1 paf-7z. 57 OISEAUX ÉTRANGERS, Qui ont rapport au Geal I. LE GEAI DE LA CHINE A BEC ROUGE *. \_>ette efpèce nouvelle vient deparoître en France pour ïa première fois ; fon bec rouge fait d'autant plus d'effet que toute ïa partie antérieure de ïa tête , du cou , & même de ia poitrine , eft d'un beau noir velouté ; le derrière de ia tête & du cou eft d'un gris tendre, qui fe mêie par petites taches fur ïe fommet de îa tête avec le noir de la partie antérieure : le delTus du corps eft brun , & le deffous blanchâtre ; mais pour fe former une idée jufte de ces couleurs , ii faut fuppofer une teinte de vioiet répandue fur toutes, excepté fur le noir , mais plus foncée fur les ailes , un peu moins fur ïe dos & encore moins > ■ ■ >H».ii.« * Voyelles Planches enluminées, n^ 6zi, î 5 S 'Hiftotre Naturelle fous le ventre La queue efl étagée , les aiies ne paffent pas le tiers de fa longueur, & chacune de Tes pennes e(t marquée de trois couleurs ; favoir , de violet- clair à l'origine, de noir à la partie moyenne, & de blanc à l'extrémité ; mais le violet tient plus d'efpace que le noir , & celui-ci plus que le blanc. Les pieds font rouges comme le bec , les ongles blanchâtres à leur naiiïance, <5c bruns vers la pointe , du relie fort longs & fort crochus. Ce geai efl un peu plus gros que ïe nôtre , & pourroit bien n'être qu'une variété de climat, I I. LE GEAI DU PÉROU. * Le plumage de cet oifeau efl d'une grande beauté ; c'efl un mélange des cou- leurs les plus diflinguées, tantôt fondues avec un art inimitable, tantôt contrailées avec une dureté qui augmente l'effet. Le vert tendre qui domine fur la partie fupérieure du corps, s'étend d'une part ■* Vàye^ les Planches enluminées, n,° £25, des Oïjeaiix étrangers, &c. i 5 9 fur les fix pennes intermédiaires de la queue , & de l'autre va s'unir en le dégra- dant par nuances infenfibles , & prenant en même temps une teinte bleuâtre , à une efpèce de couronne blanche qui orne le ibmmer de la tête. La bafe du bec eft entourée d'un beau bleu, qui repatoît derrière l'œil & dans l'efpace au-defTous. Une lone de pièce de corps de velours noir, qui couvre la gorge & embrafTe tout ïe devant du cou , tranche par (on bord fupérieur avec cette belle couleur bleue , & par Ton bord inférieur , avec le jaune jonquille qui règne fur la poitrine , le ventre, & jufque fur les trois pennes ïatéraies de chaque côté de la queue. Cette queue eft ctagée, & pïus étagée que celle du geai de Sibérie. On ne fait rien des mœurs de cet oifeau , qui n'avoit point encore paru en Europe. i 60 Hijloire Naturelle III. * LE GEAI B R UN de Canada (a). S'i L étoit pofîibie de fuppofer que ïe geai eût pu pafTer en Amérique , je ferois tenté de regarder celui - ci comme une variété de notre efpèce d'Europe ; car il en a le port , la phyfionomie ; ces plumes douces & foyeufes qui font comme un attribut caracïériftique du geai; ii n'en diffère que par fa grofîeur qui efl: un peu moindre , par les couleurs de fon plumage/ par la longueur & la forme de fa queue , qui eft étagée : ces différences pourroient à toute force s'imputer à l'influence du climat ; mais notre geai a l'aile trop foible & vole trop mal pour avoir pu traverfer des mers ; & en attendant qu'une con- noifîance plus détaillée des mœurs du geai brun de Canada , nous mette en état de porter un jugement folide fur fa nature , * Voyelles Planches enluminées, n.° 530. (a) Voyez X Ornithologie de M. Brifîbn, tome II, ■page ;+. des Oi féaux étrangers, &e, i 6 1 nous nous déterminons à ïe produire ici comme une efpèce étrangère , analogue à notre geai, & l'une de celles qui en approchent de plus près. La dénomination du geai brun donne une idée aiTez jufle de la couleur qui domine fur ie defîus du corps; car le deiTous , ainfi que le fommet de la tête, la gorge & ïe devant du cou font d'un blanc iale , & cette dernière couleur fe retrouve encore à i'extrémité de ia queue & des ailes. Dans i'individu que j'ai obfervé, le bec & îes pieds étoient d'un brun foncé, le deiTous du corps plus rembruni , & le bec inférieur plus renflé que dans la figure ; enfin , les plumes de la gorge le portant en avant, form oient une efpèce de barbe à l'oifeau, i y. LE GEAI DE SIBÉRIE*. Les traits d'analogie par iefqueïs cette nouvelle efpèce fe rapproche de celle de notre geai, confifîent en un certain air de * Voyelles Planches enluminées, n.° 608. î 62 H/floire Naturelle famille, en ce que la forme du hec & des pieds , & la difpofition des narines font cà peu-près les mêmes, & en ce que le geai de Sibérie a fur la tête , comme le nôtre, des plumes étroites qu'il peut à fon gré relever en manière de huppe. Ses traits de diiTemblance font qu'il eft plus petit, qu'il a la queue étagée , & que les couleurs de fon plumage font fort différentes , comme on pourra s'en aifurer en comparant les figures enluminées qui repréfentent ces deux oifeaux. Les mœurs de celui de Sibérie nous font abfolument inconnues, V. * LE BLANCHE-COIFFE o u le Geai de Cayenne (l). II. eft à peu- près de la groffeur de notre geai commun , mais il a le bec plus court , les pieds plus hauts , la queue & * Voyelles Pïancht s enluminées, n.° 373. (I ) CVft le Geai de Cajmne de M. Briflbn, tome il, page J2* des Oi féaux étrangers, &e. I 6*3 ïes ailes plus longues à proportion, ce qui lui donne un air moins lourd & une forme plus développée* On peut lui trouver encore d'autres différences, principalement dans le plu- mage : ïe gris , le blanc , ïe noir & diffé- rentes nuances de violet , font toute la variété de fes couleurs ; le gris fur le bec , ies pieds & les ongles ; ïe noir fur le front, les côtés de ia tête & ïa gorge ; le blanc autour des yeux , fur le fommet de la tête & le chignon jufqu'à ïa naiflance du cou , & encore fur toute ïa partie inférieure du corps ; le violet , pïus clair fur ïe dos & ïes ailes , pïus foncé fur ïa queue ; ceïïe - ci eft terminée de blanc & com- pofée de douze pennes dont ïes deux du miïieu font un peu pïus îongues que ïes latérales, Les petites pïumes noires qu'il a fur ïe front , font courtes & peu fTexibïes ; une partie fe dirigeant en avant , recouvre ïe$ narines , î'autre partie fe relevant en arrière , forme une forte de toupet hériffé, 164. Hifloïre Naturelle V I. LE G A R L U o u LE GEAI A VENTRE JAUNE B E C A Y E N N E*. C'est celui de tous les geais qui a ïes ailes les plus courtes , & qu'on peut ïe moins foupçonner d'avoir fait ie trajet des mers qui feraient les deux Continens, d'autant moins qu'il fe tient dans les pays chauds. II a les pieds courts & menus , & la phyfienomie cara&erîfe'e. Je n'ai rien à ajouter, quant aux couleurs , à ce que ia figure preTente , & l'on ne fait encore rien de ûs mœurs ; on ne fait pas même s'il relève ïes plumes de fa tête en manière de huppe, comme font les autres geais. Ceft une efpèce nouvelle (c). * Voyelles Planches enluminées , n.° 24.9. (c ) Un Voyageur inftruit a cru reconnoître dans la figure enluminée de cet Oileau, celui qu'on appelle à Cayenne Bonjour Commandeur, parce tju'il femb'e prononcer ces trois mots ; mais il me refle des doutes iur l'identité de ces deux Oifcaux , parce des O if eaux étrangers, &c. I 6 5 V I I. * LE GEAI BLEU DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE (d). Cet oifeau eft remarquable par ïa beîfe couleur bleue de fbn plumage, laquelle domine avec quelque mélange de blanc, de noir & de pourpre , fur toute ïa partie fupérieure de ion corps , depuis le deiïus de la tête jufqu'au bout de la queue. II a la gorge blanche avec une teinte de rouge ; au - deflous de la gorge une efpèce de hauiîe - coi noir , & plus bas une zone rougeâtre , dont la couleur fe dégradant infenfiblement , va fe perdre dans le gris & le blanc qui régnent fur ia partie inférieure du corps. que ce même Voyageur m'a paru confondre fe Garîu ou Geai à ventre jaune, repréfenté dans les Planches enluminées n,° 2,4.9, avec le Tyran du Brefïl, repréfenté n.° 2 1 2 : celui-ci reffemble en effet au premier par le plumage, mais il a le bec tout différent. * Voyelles Planches enluminées, n.° 529; (d) C'eft le Geai bku de Canada de M. Briffonj tome I,er page f j, I 66 Hiftoire Ndturclfe Les plumes du fommet de la tête font longues, & l'oifeau les relève, quand if veut, en manière de huppe (e): cette huppe mobile eft plus grande & plus belle que dans notre geai ; elle eft terminée fur le front par une forte de bandeau noir qui le prolongeant de part & d'autre fur un fond blanc jufqu'au chignon, va fe rejoindre aux branches du hauiTe-coI de ïa poitrine : ce bandeau eft féparé de la bafe du bec (upérieur par une ligne blanche formée des petites plumes qui couvrent les narines. Tout cela donne beaucoup de variété , de jeu & de caractère à la phy- sionomie de cet oifeau. La queue eft prefque auffi longue que l'oifeau même , & compofée de douze pennes étagées, M. Capefby remarque que ce geai d'Amérique a la même pétulance dans Les mouvemens que notre geai commun ; que fon cri eft moins défagréable , & que ïa femelle ne fe diftingue du mâle que ( e) Je ne fais pourquoi M. Klein qui a copié Catefby, avance que cette huppe eft toujours droite n.° 50. (a) C'eft le Cajfe-noix de M. Briflbn, tome II, I page ;9. U n'a pas été connu des Grecs quoiqu'il ait un nom grec , KcLpvoKg.TaKTyç ; ce nom lui a été donné par Gefner. On lui a aufîi appliqué celui de KoKKcBpoujçyiç; mais il convient mieux au Gros bec, II s'appelle en Latin , Nucifraga , Offifragvs, & par quelques-uns , Turdelajaxatilis, Merula faxarilis, Pica abietum guttata, Gracculus-alpinus, Corvus cinereus, &c> en Turc, Garga ; en Allemand, Nujf-bretjc/ier , JNuff-bicker, &c> Tannen - heher , Turckifcher - holjU Jchreyer ; en Polonois, Klesk, Grabu'.usk ; en Ruflê, Koftohvyi; en Anglois, Nut-crackcr ; en François,, Pie -griveléu méthode, du Caffe-tîotx. 169 méthode, n'ont pas fait difficulté de le placer entre les geais & les pies , «Se même avec ïes choucas (b), qui, comme on fait , relTembïent beaucoup aux pies ; mais on prétend qu'il efl encore plus babillard que les uns & les autres. M. Klein diflingue deux variétés dans i'efpèce du calTe-noix (c), Tune qui efl mouchetée comme l'étourneau, qui a le bec anguleux & fort , la langue longue & fourchue , comme toutes les efpèces de pies ; l'autre qui eft moins groffe , & dont le bec ( car il ne dit rien du plumage ) efl plus menu , plus arrondi , compofé de deux pièces inégales dont la fupérieure efl: la plus longue, & qui a la langue divifée profondément , très - courte & comme perdue dans ie gofler (d). (b) Gefner, de Avihus , page 244.. — Turner, ibÙ, — Klein, Ordoavium, page 61. — Willughby, Ornithologie , page 90. — Linnœus . Syflema Naturœ, edit. X, page 106. — Frifch, Planche $6* (c) Or do avhm, page 61. (d) Seîon Wiilughby, la langue ne paroît pas pouvoir s'avancer plus loin que les coins de la bouche, le bec étant fermé ; parce que dans cette fituation la cavité du palais qui correfpond ordinairement à la O [féaux, Tome V* H "170 Hijloire Naturelle Scion le même Auteur, ces deux oifeaux mangent des noifettes; mais le premier les caffe , & l'autre les perce : tous deux fe nourrifient encore de glands, de baies fauvages , de pignons qu'ils épluchent fort adroitement , & même d'infectes ; enfin tous deux cachent, comme les geais, les pies & les choucas, ce qu'ils n'ont pu confommer. Les cafle-noix , fans avoir le plumage brillant, l'ont remarquable par Tes mou- chetures blanches & triangulaires qui font répandues par-tout, excepté fur la tête. Ces mouchetures font plus petites fur la partie fupérieure , plus larges fur la poi- trine ; elles font d'autant plus d'effet & fortent d'autant mieux , qu'elles tranchent fur un fond brun. Ces oifeaux fe plaifent fur-tout, comme je l'ai dit ci-deiîus, dans les pays mon- tagneux. On en voit communément en Auvergne, en Savoie, en Lorraine, en îangue , fe trouve remplie par une arête Taillante de la mâchoire inférieure , laquelle correfpond ici à cette cavité : ii ajoute que le fond du palais & les bords de fa fente ou fiflure font hériiîes de petites pointes du Cafte '■noix. 171 Tranche - Comté , en Suifle , dans le Bcrgamafque , en Autriche fur les mon- tagnes couvertes de forêts de fapins : on les retrouve jufqu'en Suède , mais feu- lement dans la partie méridionale de ce pays , & rarement au-delà (e). Le peuple d'Ailemagne leur a donné les noms d'oi- feaux de Turquie , d'Italie , d'Afrique ; & l'on fait que dans ie langage du peuple ces noms fignifient, non pas un oiieau venant réellement de ces contrées , mais un oifeau étranger dont on ignore le Pa)rs (f)' Quoique ïes cafte-noix ne foient point oifeaux de pafîage , ils quittent quelquefois leurs montagnes pour fe répandre dans ïes plaines: Frilch dit qu'on les voit de temps en temps arriver en troupes avec d'autres oifeaux , en différens cantons de l'Allemagne , & toujours par préférence dans ceux où ils trouvent des fapins. fej Habitat in Smolandia , rarior alibi. Fauna Suecica, page 26 , n.° yj, — Gerini remarque qu'on n'en voit point en Tofcane. Storia de glî tjccelli, tome II, page 3.5. H îj 172 Hifîolre Naturelle Cependant en 1754, ii en paftâ de grandes volées en France , & notamment en Bourgogne, où ii y a peu de lapins (g: : ils étoient ii fatigués en arrivant qu'ils le lailToient prendre à la main. On en tua un ïa même année au mois d'oclobre , près de Monftyn en Flint-shire (h) , qu'on iuppofa venir d'Allemagne. Il faut remar- quer que cette année avoit été fort sèche & fort chaude , ce qui avoit dû tarir la (g) Un habile Ornithologifte de la ville de Sarbourg * m'apprend qu'en cette même année 1754. , il pafîa en Lorraine des volées de CafTe-noix fi nembreufes , que les bois & les campagnes en étoient remplis ; leur féjour dura tout le mois d'octobre , & la faim les avoit tellement affaiblis qu'ils le laiffoient approcher & tuer à coups de bâton. Le même Observateur ajoute que ces oi féaux ont reparu en 1763, mais en beaucoup plus petit nombre ; que leur paffage fe fait toujours en automne , & qu'ils mettent ordinairement entre chaque pafïàge , un intervalle de fix à neuf années: ce qui doit fe restreindre à la Lorraine , car en France , & particulièrement en Bourgogne , les paf- fages des CafTe-noix font beaucoup plus éloignés. (h) British Zoology, -page y8. * M. le Dotfeur Loltîhger qui connaît très-bien tes oifêauv de ki Lorraine, & à qui je dois plufteurs faits concernant leuis mœurs , leurs habitudes & leurs lafTages : je me ferai un devoir de le citer pour toutes les observations qui lui feront propres; & ce que je dis ici pourra iupplter aux citations omîtes. du Gaffe -noix. 173 plupart des fontaines , & faire tort aux fruits dont les calTe - noix font ieur nourriture ordinaire; & d'ailleurs comme en arrivant ils paroilToient affamés , donnant en foule dans tous les pièges, fe iaiffant prendre à tous les appâts , il efl vraifemblabie qu'ils avoient été contraints d'abandonner leurs retraites par ie manque de fubfiftance. Une des raifons qui les empêchent de refter & de fe perpétuer dans ies bons pays, c'eft, dit-on, que comme ils caufent un grand préjudice aux forêts en perçant les gros arbres à la manière des pics , les propriétaires leur font une guerre conti- nuelle (1) , de manière qu'une partie efl bientôt détruite, & que l'autre elï obligée <3e fe réfugier dans des forêts efcarpées, ©ù il n'y a point de Gardes -bois. Cette habitude de percer ïes arbres n'efr. pas le feul trait de refîemblance qu'ils ont avec les pics ; ils nichent auffi comme eux dans des trous d'arbres, & peut-être dans des trous qu'ils ont faits eux-mêmes ; car ils ont, comme les pics, les pennes (ij Salerne, Hifloirc des 0 if eaux, page 99, H ii/ 174 Hifloire Naturelle du milieu de la queue ufées par le bout (k) , ce qui fuppofe qu'ils grimpent aufli comme eux fur les arbres; en forte que û on vouîoit conferver au cafle-noix la place qui paroît lui avoir été marquée par la Nature , ce feroit entre les pics Se les geais : & il eft fingulier que "Wiiiughby lui ait donné précifément cette place dans fon Ornithologie , quoique la defeription qu'il en a fane n'indique aucun rapport entre cet oifeau & les pics. II a Firis couleur de noifette , le bec , les pieds & les ongles noirs (l) , îes narines rondes , ombragées par de petites plumes blanchâtres, étroites, peu flexibles, & dirigées en avant ; les pennes des aiïes & de la queue noirâtres , fans mouchetures , mais feulement la plupart terminées de blanc, & non fans quelques variétés dans îes différens individus & dans les différentes (h) Intermediîs apice détruis. Linn. Syjl, NaU edit. X , page 106. ( 1 ) Digitis, ut in Pic a glandaria , variis arrictth's jlexibiiwus, ajoute Schwenckfeid , page 310; mais nous avons vu ci-defïîis que ies geais n'ont pas aux doigts un plus grand nombre d'articulations que les autres oifeaux. P/.ZX. /'<{ comme de marcher , de voler, de manger, ont à peu-près les mêmes habitudes ; & il me fembîe que l'analogie des efpèces fe décèle mieux par cette fimilitude de confond ation dans les principaux organes , que par de petits poils qui naiflent autour des narines. <...■ — ■ — -a ? Viyc^ les Planches enluminées, n»° 6i<5» 184 Hifloire Naturelle * LE ROLLIER D'EUROPE (a). JLjES noms de geai de Strasbourg, de -pie démet ou des bouleaux, àz perroquet d' Alle- magne, fous lefquels cet oifeau eil connu en diffe'rens pays , lui ont été appliqués fans beaucoup d'examen , & par une analogie purement populaire , c'eiî- à-dire , très - fuperficïeiïe : il ne faut qu'un coup d'œii fur i'oifeaU, ou même fur une bonne * Voyelles Planches enluminées , n.° 4.86. fa) Gefner avcît ouï dire que Ton nom allemand Roller exprimoit fon cri ; Schwenckfeid dit ia même chofe de celui de Rache ; il faut que i'un ou l'autre fe trompe, & j'incline à croire que c'eiî Gefner, parce que le mot rache , adopté par Schwenckfeid , a plus d'analogie avec fa plupart des noms donnés au Rollier en différens pays, & auxquels on ne peut guère afTigner de racine commune que le cri de l'oifeau. En Allemand , Galgen- Regel ', Hall;- Regel, Gais - Kre gel, Racher ; en Polonois , Kraska; en Suédois, Spansk-Kracha , b'c. en Barbarie, Schaga- Rag. On lui donne aufïi en Allemand les noms de Jdeiden Elfler, Kngel Eljler, Mandel-Krae,, Deutfcher Papagey ; & enfin celui de Roller, qui a été adopté par les Angiois ; en Latin , ceux de Alercolfus „ Garni lus, Galgulus , Cornix c aride a, Cor vus dorfo Janguineo, Pica marina, Coracias , frç% Au RoÏÏïer d'Europe, l 8 5 figure coloriée, pour s'afîurer que ce n'efl point un perroquet , quoiqu'il ait du vert & du bleu dans Ton plumage ; & en y regardant d'un peu plus près ,- on jugera tout auiîî iûrement qu'il n'efl ni une pie ni un geai , quoiqu'il jafe fans cefle comme ces oiieaux (b). En effet , il a fa phyfionomie & le port très-différens, ïe bec moins gros, les pieds beaucoup plus courts à proportion , plus courts même que le doigt du milieu , les ailes plus longues , & la queue flûte tout autrement, les deux pennes extérieures dépafïant de plus d'un demi -pouce (au moins dans quelques individus ) les dix pennes intermédiaires qui font toutes égales entr'elles. II a de plus une efpèce de verrue derrière l'œil, & l'œil lui-même entouré d'un cercle de peau jaune & fans plumes (c). Enfin, pour que la dénomination de geai de Strasbourg fût vicieufe à tous égards, il faiioit que cet oileau ne fût (h) AIdrovand. Ornitholog. tome I.er page 790. (c) Voyez Edwards , planche 10 y. M. Briffort n'a parié ni de cette verrue , ni de h forme fingulière de la queue. •ï86 Hifloire Naturelle rien moins que commun dans les environs de Strasbourg, & c'eft ce qui m'eft afflué pofitivementparM. Hermann, ProfeiTeur de Médecine & d'Hiftoire Naturelle en cette ville : ce Les roiliers y font fi rares, I ?3 m'écrivoit ce Savant, qu'à peine il s'y en égare trois ou quatre en vingt ans». Celui qui fut autrefois envoyé de Stras- bourg à Gefner, étoit fans doute un de ces égarés , & Gefner qui n'en favoit rien , & qui crut apparemment qu'il y étoit commun, le nomma geai de Strasbourg, quoique , encore une fois , il ne fût point un geai, & qu'il ne fut point de Strafbourg. D'ailleurs c'eft un oifeau de pafiage, dont les migrations fe font régulièrement chaque année , dans les mois de mai & de feptembre (d) , & malgré cela iï eil moins commun que la pie & le geai. Je vois qu'il fe trouve en Suède (e), & en Afrique (f) , mais il s'en faut bien qu'il ( d) Voyez l'extrait d'une Lettre de M. Je Com- mandeur Godeheu de Ri ville, fur le paffage des Oiieaux, tome 111 des Mémoires préjente's à l' Aca- demie Royale des Sciences de Paris , page 82. ( e ) Fauna Suecica , n.° 73. (f) Shav/s travels, iTc, page 251, Au Roïïier d'Europe. I 87 fe répande même en paflânt, dans toutes les régions intermédiaires , il elt inconnu dans plufieurs diftricls confidérables de l'Allemagne (g), de Ja France, de ïa Suiffe (h) , &c. d'où l'on peut conclure qu'il parcourt dans fa route une zone âiîéz étroite , depuis la Smalande & la Scanie jui qu'en Afrique; il y à même affez de points donnés dans cette zone pour qu'on puifle en déterminer la direction , fans beaucoup d'erreur , par ia Saxe , ïa Fran- conie , ia Souabe , la Bavière , le Tiroï , l'Italie (i), la Sicile (k) , & enfin par l'ifle de Malte (l), laquelle eft comme un entrepôt général pour la plupart des oi féaux voyageurs qui traverfent ia Méditerranée. Celui qu'a décrit M. Edwards, avoit été (g) Frifch , ■planche jy, (h) Capta apud nos anno i j 6 1 , Augufli medio ; nec agnita. Gefner, de Avibus , page 703. (i) Meminihanc vider e aïiqvando Bononiœ. Gefner, page 703. (k) Vidimus vénales in Ornithcpolarum tabernis Méfiance. Sicilia, Willughby, Ornitholog. page 89. (I) Vidimus Atfelitœ in foro vénales. Wiilughby, Ilid. Voyez aufîï ia Lettre de M. le Commandeur Go'dheu , citée plus haut. ï 8 8 Hifloire Naturelle tué fur les rochers de Gibraltar, où il avoir pu paffer des côtes d'Afrique; car ces oifeaux ont le vol fort élevé (m)* On en voit auiïi , quoique rarement , aux environs de Strasbourg, comme nous avons dit plus haut , de même qu'en Lorraine , & dans le cœur de la France (n); mais ce font apparemment des jeunes qui quittent le gros de la troupe & s'égarent en chemin. Le rolîier eft aufîi plus fauvage que ie geai & la pie; il fe tient dans les bois ïes moins fréquentés & les plus épais ; & je ne fâche pas qu'on ait jamais réufïi à ïe priver & à lui apprendre à parler ( o); cependant la beauté de fon plumage eft un fur garant des tentatives qu'on aura faites (m) Gefner, de Av'ibus , page 702, (n) Ornithologie de Briiïbn , tome II, page 68* M. Lottinger m'apprend qu'en Lorraine ces oifeaux paiTent encore plus rarement que les cafTe-noix, & en moindre quantité ; il ajoute qu'on ne les voit jamais qu'en automne, non plus que les cafTe-noix, & qu'en 1 77 1 ii en fut blefTé un aux environs de Sarbourg, lequel, tout blefTé qu'il étoit, vécus encore treize à quatorze jours fans manger. (0) Sybeftris plané £r immanjueta, Schwenckfeld, du Roïïïer d'Europe. i 8p pour cela : c'eft un afTemblage des pïus belles nuances de bleu & de vert , mêlées avec du blanc , & relevées par l'oppofition de couleurs plus obicures (p); mais une figure bien enluminée donnera une idée plus jufïe de la diftribution de ces couleurs, que toutes les defcriptïons : feulement il faut favoir que les jeunes ne prennent leur bel azur que dans la féconde année , au contraire des geais qui ont leurs belles plumes bleues avant de fortir du nid. Les roîliers nichent , autant qu'ils peuvent , fur les bouleaux , & ce n'eft: qu'à leur défaut qu'ils s'établifîent far d'autres arbres (q); mais dans les pays où les arbres font rares., comme dans i'ifle de Malte & en Afrique, on dit qu'ils font ieur nid dans la terre (r) : fi cela elt (p ) M. Linnœus eft le feul qui dife qu'il a le dos couleur de fang. Fauna Suecicn, n.° 73. Le fujet qu'il a décrit auroit-il été différent de tous ceux qui ont été décrits par les autres Naturalises! (e[) Frich y Planche jy, (y) « Un Chaffeur, dit M. Godeheu , dans îa Lettre que j'ai déjà citée , m'a allure que « dans le mois de juin il avoit vu fortir un de ces u oifeaux d'une butte de terre où il y avoit un «r. trou de la grolfeur du p^ing , & qu'ayant creufé n — ■ (a) Wiliughby, Schwenckfeld, Brifîbn. . . . couleur du Rvllier d'Europe. ip | Couleur de marron tirant au gris cendré (b), tandis que dans le mâle ces mêmes parties font d'une couieur d'aiguë - marine plus ou moins foncée, avec des reflets d'un vert plus obfcur en certains endroits. Pour moi , je foupçonne que les deux longues pennes extérieures de la queue , & ces verrues derrière ies yeux , lesquelles ne paroiiîent que dans quelques individus, font les attributs du mâle , comme l'éperon i'efî dans les galliuacées , la longue queue dans ies paons, &c. Variété du Rollier. Le Docleur Shaw fait mention dans fes voyages, d'un oifèau de Barbarie appelé par les Arabes Shaga-rag , lequel a îa groileur & la forme du geai , mais avec un bec plus petit & des pieds plus courts. Cet oifeau a le defîus du corps brun, la tête , le cou & le ventre d'un vert- clair, & fur les ailes ainfi que fur la queue, des taches d'un bleu foncé. M. Shaw ajoute qu'il fait fon nid fur le bord des rivières 9 ^ . ' " ""■ ' ■ i (b) Ornithologie, tome I, page J9}' Oifeaux, Tome V* I ip4 Hiftoire Naturelle, &c. & que fou cri eft aigre & perçant fcj. Cette courte defcription convient telle- ment à notre rollier , qu'on ne peut douter que le shaga-rag n'appartienne à la même elpèce, & l'analogie de fon nom avec la plupart des noms allemands donnés au rollier d'après fon cri , eft une probabilité de plus. (c) Thomas Shaw's travek , page 251 PI . X. pay ■ iç4 J.E ROLLIERD'EFROPE. pay.jo ie>5 OISEAUX ETR A NGERS, Qjà ont rapport au Rollier. i; LE ROLLIER D'ABYSSINIE 'K \^ E T T E efpèce reffemble beaucoup , par ïe plumage , à notre rollier d'Europe ; feulement les couleurs en font pïus vives & plus brillantes, ce qui peut s'attribuer à l'influence d'un climat plus fec & plus chaud. D'un autre côté, il fe rapproche du rollier d'Angola par ïa longueur de^ deux pennes latérales de ïa queue, ïef- quelles dépafTent toutes les autres de cinq pouces; en forte que ïa place de cet oifeau ïèmble marquée entre ïe roïïier d'Europe & ceïui d'Angola. La pointe du bec fupérieur eft très-crochue. C'eit une efpèce tout- à -fait nouvelle. * y^e^ ^s Pl&nchts enluminées , n.° 6% 6. 1^6 Hijloire Naturelle Variété du Rollier d'AbyfJinie. On doit regarder le rollier du Sénégal, repréfenté dans les planches enluminées , n.° 326 (a) , comme une variété de celui d'Abyfïïnie. La principale diiférence que l'on remarque entre ces deux oifeaux d'Afrique , confiile en ce que dans celui d'Abyfïïnie la couleur orangée du dos ne s'étend pas comme dans celui du Sénégal jufque fur le cou & la partie poftérieure de fa tête : différence qui ne fuffit pas à beaucoup près pour confirmer deux efpèces diftinctes , & d'autant moins que les deux rolliers dont il s'agit ici appar- tiennent à peu-près au même climat, qu'ils ont l'un & l'autre à la queue ces deux pennes latérales excédantes, dont la lon- gueur elt double de celles des pennes intermédiaires ; qu'ils ont tous deux les ailes plus courtes que celles de notre rollier (a) Ce rollier du Sénégal eft exactement fe même que le rollier des Indes à queue ^'hirondelle de M. Edwards (planche 3 zj ) ; nouvelle preuve de l'incertitude des traditions fur le pays natal des oifeaux. M. Edwards n'a compté que dix pennes à la queue de ce rollier , qui lui a paru parfaite, des Olfeanx étrangers, &c. 197 d'Europe ; enfin qu'ils fe refTemblenî encore parles nuances, i'écïat & ia diftri- bution de leurs couleurs. I I. LE ROLLIER D'ANGOLA ET LE CUIT (b), o u LE ROLLIER DE MINDANAO f. Ces deux rolliers ont entr'eux des rapports fi frappans qu'il n'eft pas poiTible de Jes lenarer. Celui d'Angola ne fe diflingue du cuit ou roliier de Mindanao , cjue par la longueur des pennes extérieures de la queue, double de la longueur des pennes intermédiaires, & par de légers accidens de couleurs ; mais on fait que de telles différences & de plus grandes encore , fontjbuvent l'effet de celles du fixe, de (h) C'eft fe nom que les habiîans de Mindanao donnent à ce roliier; M. Edwards iui donne celui de geai-bku , planche 326 ; & Albin celui de £?a/ */f Bengale, teme I, n.G 17. 7VW, Le module a été oublié ; ii doit être d'im pouce. * Vorei 7es Planches tnhtmmte, n,os 88 cr 285, I îi-i ip8 Hifîoîre Naturelle l'âge , & même de la mue : & que cela foit ainfi à l'égard des deux roliiers dont il efl quefiion , c'efc ce qui paroîtra fort probable d'après la comparaiibn des figures enluminées, n.oi 88 ù1 2.85, & même d'après l'examen des deferiptions faites par jVl. Briflbn (c), qui ne peut être foup- çonné d'avoir voulu favotifer mon opi- nion fur l'identité ipécifique de ces deux oifeaux, puifqu'il en fait deux efpèces diftincles & féparées. Tous deux ont à peu- près la groffeur de notre roîiier d'Europe , fa forme totale , fon bec un peu crochu , ies narines découvertes , fes pieds courts , fes longs doigts, fes longues ailes & même les couleurs de fon plumage, quoique distribuées un peu différemment : c'elf. toujours du bleu, du vert & du brun, tantôt féparés & tranchant l'un fur l'autre , tantôt mêlés, fondus enfembîe, & formant plusieurs teintes intermédiaires différem- ment nuancées , & donnant des reflets différens , mais de manière que le vert bleuâtre ou vert de mer efl répandu fur le fommet de la tête; le brun plus ou — (c) Ornithologie , tome II, pages yi & 6a, des O If eaux étrangers, &c. 199 moins foncé , plus ou moins verdâtre , fur tout ie deiTus du corps, & toute la panie antérieure de j'éifeau, avec quelques teintes de violet fur la gorge ; le bleu , le vert & toutes les nuances qui réfuitent de leur mélange , fur le croupion , ia queue , les ailes & le ventre. Seulement le roliier de Mindanap a au-delTous de la poitrine une efpèce de ceinture orangée que n'a point îe roliier d'Angola. T A On objeclera peut -être contre cette identité defpêçe, que le royaume d'An- gola eft loin du Bengale, & bien plus encore des Philippines . . . . mais eft - ii impoiTihle, n'eft-ii pas au contraire allez naturel que ces oiiéaux foient répandus en différentes parties du même continent, & dans des ifles qui en font peu éloignées , ou qui y tiennent par une chaîne d'autres ifles , fur-tout les climats étant à peu-près fembîablesî D'ailleurs on fait qu'il ne faut pas toujours fe fier fur tous les points au Témoignage de ceux qui nous apportent ïes productions des pays éloignés , & que même en fuppoîant ces perfonnes exactes & de bonne foi, elles peuvent très-bien, vu la communication perpétuelle que les .2 00 Hijloîre Naturelle vaiffeaux Européens établiffent entre toutes ïes parties du monde , trouver en Afrique,- & apporter de Guinée ou d'Angola des oifeaux originaires des Indes orientales ; & c'eil à quoi ne prennent point afiez garde îa plupart des Naturalises iorfqu'ils veulent fixer ie climat natal des efpèces étran- gères : quoi qu'il en (oit , û ion veut attribuer les petites diffemblances qui font entre le roilier de Mindanao & le roîlier d'Angola à ia différence de l'âge , c'eft le dernier qui fera le plus vieux; que fi on les attribue à ia différence du iexe , ce fera encore lui qui fera ie mâle ; car l'on fait que dans les rolliers les belles couleurs des plumes , & fans doute les longues pennes de la queue , ne paroilTent que ïa féconde année , & que dans toutes les efpèces fi le mâle diffère de ia femelle, c'eil toujours en plus & par ia furabon- dance des parties , ou par l'intenllté plus grande des qualités femblables. Variété des Rolliers d'Angola & de Mindanao. I L vient d'arriver de Goa au Cabinet du Roi, un nouveau roilier qui a beaucoup des O ifs aux étrangers, &c. 201 de rapports avec celui de Mindanao : il en diffère feulement par fa groïîeur & par une forte de collier , couleur de lie de vin , qui n'embrafTe que la partie poil é- rieure du cou , un peu au-deiïous de la tête. II n'a pas , non plus que le roliier d'Angola , la ceinture orangée du roliier de Mindanao; mais s'il s'éloigne en cela du dernier, il fe rapproche d'autant du premier , qui eil certainement de ia même eipèce. I I I. LE ROLL1ER DES INDES * Ce roliier, qui efl le quatrième de M. Brifîbn, diffère moins de ceux dont nous avons parlé , par fes couleurs qui font toujours le bîeu , le vert , le brun , &c. que par l'ordre de leur difti ibution ; mais en général fon plumage eft pins rembruni ; fon bec efl auffi plus large à fa bafe , plus crochu , & de couleur jaune : enfin c'eil de tous les roîliers celui qui a les ailes ïes plus longues. M. Sonnerat a remis depuis peu au * V Remarquez que dans cette figure les grandes pennes de l'aile manquent , & que ks pieds & les jambes ont été fuppléés par M. Edwards, le iujet qu'il a defïîné en étant abfoJument privé. M. Linnaeus en a fait fa $.c efpèce de Coracias, fenre ^y ; & M. Briffon fon 31." troivpiale , terne IV, page 3 pr, des 0 if eaux étrangers, &c. 205 longues plumes de la queue qui le trouvent quelquefois dans notre roliier d'Europe, c\ qui font bien plus longues dans celui d'Angola, font encore un trait d 'analogie qui rapproche ïe genre du roliier de celui de i'oifeau de Paradis. L'oifeau dont iï s'agit dans cet article a le defius du corps d'un orangé vif & brillant, le defTous d'un beau jaune; if n'a de noir que fous la gorge , fur une partie du maniement de l'aile & fur les pennes de ia queue. Les plumes qui revêtent le cou par-derrière font longues ? étroites, flexibles, & retombent un peu de chaque côté fur les parties latérales du cou & de la poitrine. On avoit fait l'honneur au fujet décrit Sl deffiné par M. Edwards, de lui arracher les pieds & les jambes , comme à un véritable oifeau de Paradis, & c'eft fans doute ce qui avoit engagé M. Edwards à le rapporter à celte eipèce, quoiqu'il n'en eût pas les principaux caractères. Les grandes pennes de l'aile înanquoient aufîi , mais celles de la queue étoient comple ttes; il y en avoit douze de couleur noire, comme j'ai dit, & terminées de 2.0 6 Hi floue Naturelle , &c. jaune. M. Edwards foupçonne que les grandes pennes de l'aile dévoient aufïï être noires , (bit parce qu'elles font le plus fouvent de la même couleur que celles de la queue , foit par cela même qu'elles manquoiem dans l'individu qu'il a obiervé ; les Marchands qui trafiquent de ces oifeaux ayant coutume en les fai- fant fécher, d'arracher comme inutiles les plumes de mauvaife couleur, afin de iailler paroître les belles plumes pour lefquelles feules ces oifeaux font recherchés, PI. XI. -pay. 20 G. Pag. a£. EE ROLEEER DE MADAGASCAR. 20J -* L'OISE AU DE PARADIS (a). V^ETTE efpèce ell plus célèbre parles qualités faufles & imaginaires qui lui ont été attribuées, que par (es propriétés réelles & vraiment remarquables. Le nom d'oiféau de Paradis fait naître encore dans ïa plupart des têtes l'idée d'un oifeaii qui n'a point de pieds, qui vole toujours, même en dormant, ou fe fufpend tout au plus pour quelques inflans aux branches des arbres , par le moyen des longs filets de ïa, queue (b); qui vole en s'accouplant , * Voyei les Planches enluminées , n.° 254-. (a) En Latin, Avis -Paradifea , Paradifiaca êc Faradîjî , Apos Indica , Avis Dei, parvus Pavo , Pavo Indiens , Alanucodiata , nom que les Italiens ont adopté: A4anucodiata Rex , Manucodiata lorga , Hippomanucodiata , Hirundo Ternatenfis : Belon lui a appliqué mal - à - propos Je nom de Phœnix ; en Allemand, Luft-vogel, Paradifs-vogel ; en Angîois, Bird of Paradife ; en Portugais, Paffayos de fol ; dans la N uvelle Guinée, Burong - arou ; en Indien, Bo'ëres , c'eft-à-dire, Oifeaux , ces peuples n'ayan£ point de noms particuliers pour défigner les diffé- rentes efpèces. (h ) Voyez Acofta. HiJI. naturelle & marah des 'ladçs qrkntaks iy_ occidentales, page 1965 io8 Hiftotre Naturelle comme font certains infectes , & de plus en pondant & en couvant Tes œufs (c), ce qui n'a point d'exemple dans la Nature ; qui ne vit que de vapeurs & de rofée; qui a la cavité -de Y abdomen uniquement remplie de graille au lieu d'eïtomac & d'inteftins (d) , Iefquels lui feroient en effet inutiles par la fuppofition, puifque ne mangeant rien il n'auroit rien à digérer ni à évacuer; en un mot qui n'a d'autre exigence que le mouvement, d'autre élé- ment que l'air , qui s'y foutient toujours tant qu'il refpire , comme les poiiions le foutiennent dans l'eau, & qui ne touche la terre qu'après la mort (e). (c) On a cru rendre la chofe plus vraifemblable en difant que le mâle avoit fur le dos une cavité dans laquelle la femelle dépofoit Tes œufs , & les couvoiî au moyen dune autre cavité correfpondante qu'el'e avoit dans X abdomen , & que pour affairer fa iiîuation de la couveufe ils s'entrefaçoient par leurs longs filets. D'autres ont dit qu'ils nichoient dans le Paradis terrefïre, d'où leur efl: venu le nom à'oifeaux de Paradis, Voyez Mujœum Wormiànwn , page 294. (d) Voyez Aldrovande, Ornithologia , tome I, page 8a o. (e ) Les Indiens difent qu'on les trouve toujours le bec riche en terre. , . Navigations aux Tcrscs, de l'Oifem de Paradis. z6$ Ce ihTu d'erreurs grofîières n'eft qu'une chaîne de conféquences aîTez bien tirées de ia première erreur, qui iuppofe que Poifeau de Paradis n'a point de pieds 3 quoiqu'il en ait d'aiïez gros (fj; & cette erreur primitive vient elle-même (g) de 'Aujlrales, tome II, page 252. Et en efîèt, con- formés comme ils font , ifs doivent toujours tomber le bec le premier. (f) M. Barrere qui femble ne parler que par conjectures fur cet article, avance que les oifeaux de Paradis ont les pieds fï courts, & tellement garnis de plumes jufqu'aux doigts, qu'on pourrait croire qu'ils n'en ont point du tout. C'eft ainfi qu'en voulant expliquer une erreur il eft tombé dans une autre. (g) Les habitans des îles d'AroU croient que ces oiieaux naiifent à la vérité avec des pieds, mais .qu'ils font fujets à les perdre, foit par maladie, foit par viéhleïTë. Si le fait étoit vrai , il ferait la caufe de l'erreur & ion excuie. ( Voyez les obfervations de J. Oîton Helbigius, dans la Colle clion académique , partie étrangère, tome Ifl , page 4.^.8). Et s'il étoiî vrai, comme le dit Oiaiis Vormius (Mujaum, page 295) , que chacun des doigts de cet oifeau eût trois articulations , ce ferait une fjngularité de plus ; car l'on fait que dans prelque tous les oiieaux le nombre des articulations eft différent dans chaque doigt, le doigt poflérieur n'en ayant que deux, compris celle de l'ongle , & parmi ies^ antérieurs î'interne en ayant trois, celui du milieu quatre ainfi que je l'ai dit : d'ailleurs comment ces -~ — ' — ' ' ■■■•* (u) Hifwria Naturalis Brafiluz t page 219, Oifeaux, iQiîtfV* li z 1 8 Hifloire Naturelle oifeaux fe feroient-ils expofés à franchir des mers immenies pour gagner le nouveau comment , tandis que même dans l'ancien ils fe font refïerrés volontairement dans uii efpace alTez étroit, & qu'ils n'ont point cherché à fe répandre dans des contrées contiguës qui fembloient leur offrir la même température, les mêmes commodités & les mêmes relTources l II ne paroît pas que les Anciens aient connu l'oifeau de Paradis ; ies caractères fi frappans & fi finguliers qui le diftinguent de tous les autres oifeaux, ces longues plumes fubalaires, ces longs filets de la queue , ce velours naturel dont la tête eft revêtue , &c. ne font nulle part indiqués dans leurs ouvrages ; & c'efl: fans fonde- ment que Belon a prétendu y retrouver ïe phénix des Anciens , d'après une foible analogie qu'il a cru apercevoir , moins entre les propriétés de ces deux oifeaux, qu'entre les fables qu'on a débitées de l'un & de l'autre (x): d'ailleurs on ne peut nier (x ) Auri fulgore cire a colla, cœtera purpureus ,- dit Pline en pariant du Phénix , puis il ajoute. . v Kcminem extitifle qui vident vefcentnn , iib. X, cap. 2, de l'Oifeau de Paradis, z ip que leur climat propre ne (bit abfoîument différent , puifque le phénix fe trouvoit en Arabie & quelquefois en Egypte, au lieu que foifeau de Paradis ne s'y montre jamais, & qu'il paroît attaché, comme nous venons de le voir, à la partie orientale de l'Aile 3 laquelle étoit fort peu connue des Anciens. Clufius rapporte fur le témoignage de quelques Marins , lefqueîs n'étoient ins- truits eux-mêmes que par des ouï -dire, qu'il y a deux efpèces d'oi féaux de Pa- radis , l'une conftamment plus belle & plus grande , attachée à l'iile d'Arou ; l'autre plus petite & moins belle , attachée à la partie de la terre des Papoux qui eil voifine de Giïolo ^/U-Helbrgius qui a ouï dire la même choie dans les ifles d'Arou, ajoute que les oifeaux de Paradis de la nouvelle Guinée, ou de la terre des. Papoux, diffèrent de ceux de i'ifle d'Arou , non- feulement par la taille, mais encore par les couleurs du plumage qui eft blanc & jaunâtre; malgré ces deux autorités dont (yj C\ufms, Exotic, in Auduario , page 359. J. Otton Helbigius parie de i'efpèce qui ie trouve à ia nouvelle Guinée comme n'ayant point à la queue les deux longs filets qu'a i'efpèce de i'iiîe dArou, K ij 2.2 0 Hiiïoire Naturelle l'une cft trop fufpecte , & i'autre trop vague pour qu'on puiiîè en tirer rien de précis, il me paroît que tout ce qu'on peut dire de raifonnable d'après les faits les plus avérés, c'eft que les oifeaux de Paradis qui nous viennent des Indes ne font pas tous également confervés, ni tous parfaitement lêmbïables ; qu'on trouve en effet de ces oifeaux plus petits ou plus grands , d'autres qui ont les plumes fuba- ïaires & les filets de ïa queue pius ou moins longs, pïus ou moins nombreux; d'autres qui ont ces filets différemment pofés, différemment conformés, ou qui n'en ont point du tout ; d'autres enfin qui diffèrent entr'eux par L^, couleurs du plumage, par des huppes ou touffes de plumes , &c. mais que dans le vrai il eit difficile parmi ces différences aperçues dans des individus prefque tous mutilés, défigurés , ou du moins mal defféchés , de déterminer précifément celles qui peuvent conftituer des efpèces diverfes, & celles qui ne font que des variétés d'âge , de fexe, de faifon, de climat, d'accident, &c. D'ailleurs il faut remarquer que les oifeaux de Paradis étant fort çhers comme de rO'îfeau de Paradis* 21 1 I marchnndife , à raifon de leur célébrité 3 on tâche de faire pafTer fous ce nom piufieurs oifeaux à longue queue & à beau plumage , auxquels on retranche ïes pieds & ïes cuhTes pour en augmenter ïa valeur. Nous en avons vu ci-defîus un exemple dans ïe rollier de Paradis, cité par M. Edwards, planche CXJI, & auquel on avoir accordé ies honneurs de la muti- lation : j'ai vu moi-même des perruches , des promérops, d'autres oifeaux qu'on avoir ainfi traités, & Ton en peut voir piufieurs autres exemples dans Aldrovande & dans Seba fc) , On trouve même a(Tez fi ) La féconde efpèce de Manucodiata d'AIdro* vande (tome I, y âges 8 1 1 & 812), n'a ni les filets de ia queue , ni les plumes fubaîaires, ni la calotte de velours , ni ie bec , ni ia langue des oifeaux de Paradis ; la différence efi û marquée que M. BriiTbn s'eîl cru fondé à faire de cet oifeau un guêpier : cepen- dant on i avoir mutilé comme un oiîèau de Paradis. A l'égard de la cinquième efpèce du même Aldro- vande, qui eu certainement un oifeau de Paradis, c'efi tout aufli certainement un individu non - feulement mutilé, mais défiguré. Des dix oifeaux repréfentés & décrits par Seba fous le nom d'oifeaux de Paradis , il n'y en a que quatre qui puiffent être rapportés à ce genre; Savoir, ceux des planches XXXVIII , fg. j ; LX , fg. 1 ; & LX1U , fg, 1 if 2. , celui de la planche XXX f Kiir 211 Hijloire Naturelle , &e, communément de véritables oifeaux de Paradis qu'on a tâché de rendre plus finguliers & plus chers en les défigurant de différentes façons. Je me contenterai donc d'indiquer à la fuite des deux efpèces principales les oifeaux qui m'ont paru avoir allez de traits de conformité avec elles pour y être rapportés, & allez de traits de diiTemblance pour en être diflingués , fans ofer décider, faute d'obfervations fuffifantes, s'ils appartiennent à l'une ou à l'autre, ou s'ils forment des efpèces féparées de tous les deux. fg, / , n'eM point oifeau de Paradis , & n'a aucun de (es aîttributs diftinâifs , non plus que ceux des flanches XLVI if LU : ce dernier eft la vardiole dont j'ai parlé à 1 article des pies. Ces trois eipèce^ ont à la queue deux pennes excédantes très-longues, mais qui étant emplumées dans toute leur longueur, relTemblent peu aux filets des oifeaux de Paradis. Les deux de la planche LX , fg. 2. f 3 , ont auïïi ïes deux longues pennes excédantes & garnies de barbes dans toute leur longueur ; & de plus, ils ont ïe bec de perroquet ; ce qui n'a pas empêché qu'on ne leur ait arraché les pieds comme à des oifeaux de Paradis: enfin, celui de la planche LXVI , non- feuîement n'en1 point un oifeau de Paradis, mais n'eft pas même du pays de ces oifeaux, puifquii étoit venu à Seba des îles Barbades. ii- k JP/.X&.Hlc?. 22.2. L OISEAU DE PARADIS. F*$. 2 23 LE MANU CODE (a), L E manucode , que je nomme ainfi d'après Ton nom indien ou plutôt fuperf- ti lieux, îiumucodiata, qui fignifie oifeau de Dieu , eft appelé communément le Roi des cifeaux de Paradis; mais c'ed par un pré- jugé qui tient aux fables dont on a chargé l'hiftoirje de cet oifeau. Les Marins dont Ciufïus tira Tes principales informations, avoient ouï dire dans le pays, que chacune àes deux efpèces d'oifeaux de Paradis avoit ion Roi , à qui tous les autres paroidoient obéir avec beaucoup de fourmilion & de fidélité ; que ce Roi voloit toujours au- defïiis de la troupe, & planoit fur fes fujets; que de-Ià ii leur donnoit {es ordres pour aller reconnaître les fontaines où on pouvoit aller boire fans danger, pour en faire l'épreuve fur eux-mêmes , &c. (h); * Voyei les Planches enluminées, n.° 496. fa) En Latin , Mamicodiata Rex , Rex Paradys, Rex avium Par adife arum , Avis regia ; en Anglois, Jung of Birds of Paradife. (b) Voyez Clufîus, Ex 0 tic, in Auétuario, rage K iiij 224 Hiftoire Naturelle & cette fable confervée par Clufîus ; quoique non moins abfurde qu'aucune autre, étoit la feule chofe qui confolât Nieremberg de toutes celles dont Clufîus a voit purgé i'hifïoire des oi féaux de Pa- radis fc): ce qui, pour le dire en paffant, doit fixer le degré de confiance que nous pouvons avoir en la critique de ce com- pilateur. Quoi qu'il en (bit, ce prétendu Roi a piufieurs traits de reifemblance avec i'oifeau de Paradis , & il s'en diftingue auffi par piufieurs différences. II a comme lui la tête petite & couverte d'une efpèce de velours, les yeux encore plus petits, fîmes au-deffus de l'angle de l'ouverture du bec , les pieds alTez longs & affez forts, les couleurs du plumage changeantes , deux filets à la queue à peu- près femblabîes , excepté qu'ils font plus courts, que leur extrémité qui eft garnie dé barbes fait la boucle en le roulant fur Jjf> Cela a rapport à la manière dont les Indiens ïe rendent quelquefois maîtres de toute une volée de ces oifeaux, en empoifonnant les fontaines où ils vont, boire. (c) Voyez Nieremberg, page 2 m ou Manncode. 22^ elle- même , & qu'elle efl ornée de miroirs fèmblables en petit à ceux du paon (d). II a aufîl fous i'aiie , de chaque côté , un paquet, de fept ou huit plumes pïus longues que dans la plupart des oifeaux , mais moins longues & d'une autre forme que dans l'oifeau de Paradis, puifqu 'elles font garnies dans toute Leur longueur de barbes adhérentes entr'elies. On a difpofé la figure de manière que ces pîumes fubalaires peuvent être aperçues. Les autres différences font que le manucode ft plus petit, qu'il a le bec blanc & plus long à proportion, ïes ailes auffi plus longues, la queue plus courte & ïes narines couvertes de plumes. Cîufius n'a compté que treize pennes à chaque aile & fept ou huit à la queue, mais il n'a vu que des individus deiîechés & qui pouvoient n'avoir pas toutes leurs pîumes. Ce même Auteur remarque , comme une fmgularité, que dans quelques fujets les deux filets de la queue fè (d) Golledion académique, tome III t parût étrangère , page j-fp* 22 6 Hifloire Naturelle, ~irc. croifent (e) ; mais cela doit arriver (ouvent & très-naiurellement dans le même indi- vidu à deux filets longs, flexibles & pofe's à côté l'un de l'autre. (e ) Voyez Clufius, page 362.» — Edwards,; planche 1 1 i\ &.XUI. pay.zaiï. LE MANU CODE. pop. 104. 2 27 *L£ MAGNIFIQUE DE LA NOUVELLE GUINÉE, o u LE MANUCODE À BOUQUETS (a). JL~ TES deux bouquets dont j'ai fait le caraclère diilinclif de cetoifeau, fe trouvent derrière le cou & à fa naiffance. Le premier efl compofé de plufieurs plumes étroites , de .couleur jaunâtre, marquées près de la pointe d'une petite tache noire , Se qui au lieu d'être couchées comme à l'ordinaire, fe reïèvent fur ïeur bafe , les plus proches de la tête jufqu'à l'angle droit, & les fui vantes de moins en moins. Au-deiïbus de ce premier bouquet, on en voit un fécond plus confidérable, mais * V°J>eZ, l*s Planches enluminées , n.° 6\ i. (a) Cet oifeau a du rapport avec le Manuco&ata tirrata d'Aîdrovande , tome I , pages Si/ à" 8 1 *f» Ce dernier a un bouquet pareil , formé pareillement de plumes effilées, de même couleur & poiëes de même; mais il paroît plus grand , & il a le bec & h queue beaucoup plus longs. K vj 2 2$ Hïjloire Naturelle moins relevé & pïus incliné en arrière. II eft formé de longues barbes détachées qui nailTent de tuyaux fort courts, & dont quinze ou vingt fe réunifient enfemble pour former des efpèces de plumes couleur de pailîe : ces plumes fembfent avoir été coupées carrément par le bout, & font âes angles plus ou moins aigus avec le plan des épaules, Ce fécond bouquet efl accompagné, de droite & de gauche , de plumes ordi- naires, variées de brun & d'orangé, & il eft terminé en arrière , je veux dire du côté du dos , par une tache d'un brun rou- geâtre & luifant, de forme triangulaire, dont la pointe ou le fommet efl: tourné vers ïa queue, & dont les plumes font décompofées comme celles du fécond bouquet. Un autre trait caraclériftique de cet oifeau , ce font les deux filets de la queue : ils font longs d'environ un pied , larges d'une ligne , d'un bleu changeant en vert éclatant, & prennent naifiance au-deiTus du croupion. Dans tout cela ils reflemblent fort aux filets de l'efpèce précédente, mais ils en diffèrent par leur forme ; car du Manucode à banquet. 21 y ils fe terminent en pointe, & n'ont de barbes que fur la partie moyenne du côté intérieur feulement. Le milieu du cou & de la poitrine eft marqué depuis la gorge par une rangée de plumes très -courtes, préfentant une fuite de petites lignes tranfverfales qui font alternativement, d'un beau vert-clair changeant en bleu, & d'un vert-canard foncé. Le brun eft îa couleur dominante du bas-ventre , du croupion & de la queue ; le jaune - roufFâtre eft celle des pennes des ailes & de leurs couvertures; mais les pennes ont de plus une tache brune à leur extrémité; du moins telles font celles qui refient à l'individu que l'on voit au Cabinet du Roi; car il eft bon d'avertir qu'on lui avoit arraché les plus longues pennes des ailes ainfi que les pieds (b). Au refte, ce manucode eft un peu plus gros que celui dont nous venons de parler à l'article précédent ; il a le bec de (l>) Je ne fais fî l'individu obfervé par Aidrovande avoit le nombre des pennes de l'aile bien complet ; mais cet Auteur dit que ces pennes étoient quoiqu'il n'ait point de filets à la queue; mais on peut fuppofer qi:e la mue ou d'autres accidens ont fait tomber ces filets : d'ailleurs il fe rapproche de ces fortes d'oifeaux , non - feulement par fà forme totale & celle de fon bec, mais encore par l'identité de climat, par la * ■ ' ■ — ■ S? Voje^ les Planches enfemm/es t n.° 6jzt 232' Hiftotre Naturelle , frc. richefle de Tes couleurs , & par une cer- taine furabondance , ou fi l'on veut , par un certain luxe de plumes qui efl: , comme on fait, propre aux oiieaux de Paradis. Ce luxe de plumer fe marque dans celui-ci, en premier lieu , par deux petits bouquets de plumes noires qui recouvrent les deux narines , en fécond lieu , par deux autres paquets de plumes de même couleur, mais beaucoup plus longues & dirigées en fens contraire. Ces plumes prennent naiffance des épaules , & fe relevant plus ou moins fur le dos, mais toujours inclinées en arrière , forment à l'oifeau des efpèces de fauiTes ailes qui s'étendent prefque jus- qu'au bout des véritables , ïorfque celles-ci font dans leur Situation de repos. Il faut ajouter que ces plumes font de longueurs inégales , & que celles de la face antérieure du cou & des côtés de la poitrine font longues & étroites. * LE S I F I L ET O U MANUCODE À SI A' FILETS. vJ I l'on prend les filets pour le caractère fpécifîque des manucodes, ceiui-ci eft îe manucode par excellence; car au lieu de deux filets il en a fix , & de ces fix il n'en fort pas un feuï du dos , mais tous prennent naiïfance de la tête , trois de chaque côté; ils font longs d'un demi- pied, & fe dirigent en arrière; ils n'ont de barbes qu'à leur extrémité fur une étendue d'environ fix lignes : ces barbes font noires & aflèz longues. Indépendamment de ces filets, l'oileau dont il s'agit dans cet article a encore deux autres attributs qui , comme nous l'avons dit , fembient propres aux oifeaux de Paradis , le luxe des plumes & la richefTe des couleurs. Le luxe des plumes confiile dans îe * Veje-^ks Planches enluminées, n.° 633. ^34 Htjloire Naturelle fifilet, i ,° en une forte de huppe com-1 pofée de plumes roides & étroites , laquelle s'ëlèvé fur la bafe du bec fupérieur; z.° dans la longueur des plumes du ventre & du bas -ventre, iefquelles ont jufqu'à quatre pouces & plus : une partie de ces plumes s'étèndant directement, cache ie deffous de la queue , tandis qu'une autre partie ie relevant obliquement de chaque côté , recouvre la face fupérieure de cette même queue jufqu'au tiers de fa longueur, & toutes répondent aux plumes fubalaires de loifeau de Paradis & du manucode. A l'égard du -plumage, les couleurs les plus éclatantes brillent fur fon cou, par -derrière le vert doré & le violet bronzé ; par - devant , l'or de la topafe avec des reflets qui fe jouent dans toutes les nuances du vert , & ces couleurs tirent un. nouvel éclat de leur oppofition avec les teintes rembrunies des parties voifines ; car la tête eft d'un noir changeant en violet foncé, & tout le refte du corps cil d'un brun prefque noirâtre avec des reflets du même violet foncé. Le bec de cet oifeau eit le même à peu-près que celui des oifeaux de Paradis ; Ju Sifkt, &c. 35 a feule différence , c'eft que fon arête inférieure eft anguleuie & tranchante , au jeu qu'elle efl arrondie dans ïa plupart ;' 3es autres efpèces. On ne peut rien dire des pieds ni des ;pnes , parce qu'on les avoit arrachés à l'individu qui a fervi de fujet à cette def- çriptioii, fuivant la coutume des chafieurs ou marchands Indiens ; tout ce monde ayant intérêt , comme nous avons dit , de fupprimer ce qui augmente inutilement le poids ou îe voîume , & bien plus encore ce qui peut offufquer ïes belles couieurs de ces oifeaux, 2 3 6 Hijloire Naturelle * L E CALYBÉ DE LA NOUVELLE GUINÉE (a). x\ ou s retrouvons ici, finon le luxe & l'abondance des plumes, au moins les belles couleurs & le plumage velouté des oifeaux de Paradis. Le velours de la tête eft d'un beau bleu changeant en vert, dont les reflets imitent ceux de l'aigue-marine ; le velours du cou a ie poil un peu plus long , mais il brille des mêmes couleurs, excepté que chaque plume étant d'un noir luftré dans ion milieu , & d'un vert changeant en bleu feulement fur les bords , il en réfulte des nuances ondoyantes qui ont beaucoup plus de jeu que celles de la tête. Le dos, le croupion , la queue & le ventre font * Vop*X* ^es Planches enluminées , n.° 634.. (a) C'ell le nom que M. Daubenton ie jeune a donné à cet oifeau pour exprimer la principale couleur de Ton plumage , qui eft celle de l'acier bronzé; & c'tft au même M. Daubenton que je dois tous les élémens de; descriptions de ces quatre cfpèccs nouvelles. duCalyhéde la nouvelle Guinée. 237 d'un bleu d'acier poli, égayé par des reflets très-briilans. Les petites plumes veloutées du front fè prolongent en avant jufque fur une partie des narines, lefquelies font plus profondes que dans les efpèces précé- dentes. Le bec eft auiïi plus grand & plus gros; mais il eft de même forme, & Tes bords font pareillement échancrés vers ïa pointe. Pour la queue on n'y a compté que fix pennes, mais probablement elïe n'étoit pas entière. L'individu qui a fervi de fujet à cette defeription , ainfi que ceux qui ont fervi de fujets aux trois descriptions précé- dentes (b), eït enfilé dans toute fa longueur d'une baguette qui fort par le bec , & ïe (b) Ces quatre oîfeaux font partie de fa belle fuite d'animaux & autres objets d'Hifîoire Naturelle , rapportée des Indes depuis fort peu de temps , & remife au Cabinet du Roi par M. Sonnerat, Cor- refpondant de ce même Cabinet. Ii feroit à fouhaiter que tous les Correfpondans euffent ie même zèle & ie même goût pour i'Hiftoire Naturelle que M. Sonnerat, & que celui-ci renchériflant encore fur lui-même, ie mit en état de joindre à la peau de chaque animal une notice exacle de fes habitudes & de fes meeursj 2 j 8 Hijloire Naturelle , &c. déborde de deux ou trois pouces. C'eft de cette manière très-fimple, & en retran- chant les plumes de mauvais effet, que les Indiens favent fe faire fur le champ une aigreue ou une efpèce de panache tout-à-fait agréable, avec le premier petit oifeau à -beau plumage qu'ils trouvent tous ïa main ; mai>> aufîi c'eit une manière (Tire de déformer ces oifeaux & de les rendre méconnoiflables , foit en leur alongeant le cou outre melure , foit en altérant toutes leurs autres proportions ; & c'eit par cette rai (on qu'on a eu beaucoup de peine à retrouver dans le calybé i'infenion des ailes qui lui avoient été arrachées aux Indes, en forte qu'avec un peu de crédulité on n'eût pas manqué de dire que cet oifeau joignoit à la fingularité d'être né fans pieds, la iïngularké bien plus grande d'être né fans ailes. Le calybé s'éloigne plus des manucodes que les trois efpèces précédentes, c'eft pourquoi je l'ai renvoyé à la dernière place ôi lui ai donné un nom particulier. * LE PIQUE- BŒUF. iVl« BRISSON efl le premier qui ait décrit & fait connoître ce petit oifeau, envoyé du Sénégal par M. Adanfbn. Il a environ quatorze pouces de vol & n'efl guère plus gros qu'une alouette huppée ; fon plumage, n'a rien de diflingué : en général le gris-brun domine fur la partie fupérieure du corps , & ie gris - jaunâtre fur ïa partie inférieure. Le bec n'efl pas d'une couleur confiante ; dans quelques individus il efl tout brun , dans d'autres rouge à ïa pointe & jaune à la bafe, dans tous il efl de forme prefque quadran- gulaire , & fes deux pièces font renflées par le bout en fens contraire. La queue efl étagée & on y remarque une petite fingularité , c'efl que les douze pennes dont elle e(l compofée font toutes fort pointues. Enfin pour ne rien oublier de ce que la figure ne peut dire aux yeux, la première phalange du doigt extérieur * Voye-^ les Planches enluminées, n.° 293, ;24° Hï flaire Naturelle, &c. eft étroitement unie avec celle du doigt du milieu. Cet oifeau efr. très -friand de certains vers ou larves d'infectes qui éciofent Tous Tépiderme des bœufs & y vivent jufqu'à leur métamorphofe ; il a l'habitude de fe poler fur le dos de ces animaux & de leur entamer le cuir à coups de bec pour en tirer ces vers ; c'eft de-là que lui vient ion nom de pique -bœuf (a). (a) Voyez!' 'Ornithologie de M. Briiïbn, tome II, VnBe 41 6> Ii ie nomme en Latin Buphagus, L'ETOURNEAU. /: Pl.XZFTpao a* 24* *L'ÉTOURNEAU_(a). 1 L eft peu d'oifeaux audi généralement connus que ceiui-ci, fur -tout dans nos climats tempérés; car outre qu'il pafîe * Voyej^ les Planches enluminées , n.° 75. (a) En Hébreu, Sarf.r , félon quelques-uns; Zen? , félon d'autres ; en Arabe , Aljaraijr , dont on a formé le nom Latin , Zarater, Ajuri félon d'autres : en Grec , Yoip , ¥cïq$ç , d'où "ï'clçjjviov le granité, efpèce de pierre tachetée, ainiî que f É tour n eau, A'çpd\oç, BctSoç , Tohfjuç ou ¥<îàju}$- : en Latin, Sturnus > Sturnellus ; en Italien, Siurno, Stomo , Storhello ; en Portugais , Sturnino ; en Es- pagnol , Ejhrnino ; en Catalan , Storneïl; en Périgord, E (tourne l ; en Guyenne, Tourne 7 ;_ en François, EJloumeaii , Ejtorneau, Eflerneau, Et er ne au, E four- neau , Sanfonnet , & même Chanfonnet , félon Cotgrave ; ce qui indique fon aptitude à apprendre à chanter; en Allemand, Staar , Staer , Stoer, Srarn, Rinder-Star (parce qu'ils fui vent les troupeaux de boeufs) Spreche , Sprehe ; en Suédois, Stare ; en Anglois , Stare , Starll , Starlihg , Sterlyng ; en Flamand , Spreuve , Sprue ; en Poïonois , Sfjjak , Spat7jk , Sfpacijeck , Skor^ek. Polydore Virgile prétend que cet oifeau appelé Sterlyng en Anglois, a donné fon nom à la livre numéraire Angtoife , dite Sterling ; ii auroit pu faire venir toijt auiTi naturellement du mot François Oifeaux, Tome V» L 2^1 Hiftoire Naturelle toute l'année dans le canton qui l'a vu naître fans jamais voyager au loin (b), la facilité qu'on trouve à le priver & à lui donner une forte d'éducation, fait qu'on en nourrit beaucoup en cage, & qu'on eft dans ie cas de les voir fouvent & de fort près , en forte qu'on a des occafions fans nombre d'obferver leurs habitudes & d'étudier leurs mœurs, dans l'état de do- mefiieité comme dans l'état de nature. Les merles font de tous les ci (eaux ceux avec qui l'étourneau a le plus de rapport ; les jeunes de l'une & l'autre efpèce Ce reflemblent même fi parfaite- ment qu'on a peine à les diilingucr (c)\ Etoumeau, notre livre Tournois ; mais il eft confiant que ce mot Tournois eft formé du mot Tours, nom d'une ville de France, & il eft probable que ie mot Sterling eft formé du nom dune ville d'EcofTe, appelée Sterling. /ùj II parcît que dans des climats plus froids, tels que la Suède & la Suifte , ils font moins iëdentaires & deviennent oifeaux de pafTage : Dijcedit pojl me- âiam œjlàtem in Scaniam ca7vpejlre?n , dit M. Linnœus, Fauna Suecica, page 70. Cum abeunt e nojira regione , dit Gefner, page 74.5. De avihus. (c) Voyez Belon , page 322. Nature des Oifeaux % Cette redèmblace entre les jeunes merles & les jeunes étourneaux eft telle, que j'ai vu un procès rie l 'E tourne an. 243 [Mais lorfqu'avec le temps ils ont pris [chacun leur-fbime décidée, leurs traits caractériftiques, on reconnoît que l'étour- neau diffère du merie par les mouchetures & les reflets de Ton plumage, par la conformation de Ton bec plus obtus , plus plat & fans échancrure vers la pointe (d) , par celle de fa tête aufïï plus aplatie, &c. [Mais une autre différence fort remar- quable , & qui tient à une eau le plus profonde, c'efl que i'eipèce de l'étourneau eu une efpèce ifolée dans notre Europe, au lieu que les efpèces de merles y paroiuent fort multipliées. Les uns & les autres fe refîemblent encore , en ce qu'ils ne changent point de domicile pendant l'hiver : feulement ils véritable, une infîance juridique entre deux parti- culiers, dont l'un récîamoit un étourneau ou (an- lbnnet qu'ii prétendoit avoir mis en penfion chez l'autre pour Sui apprendre à parler, fi trier , chanter. Sic. & l'autre repréfentoit un merle fort bien éievéj & récîamoit Ton falaire , prétendant en effet n'avoir reçu qu'un merie. (d) M. Barrère dit que PétotirneaU a le bec q'uadranguiaire , Ornithcicgiu Jpecimen novuin, page $ 9, H conviendra au moins que les angles en font foit arrondis. 2 44 Hijloire Naturelle choifi fient dans le canton où ils font établis, les endroits les mieux expofe's (e), & qui font le plus à portée des fontaines chaudes; mais avec cette différence que les merles vivent alors folnairement, ou plutôt qu'ils continuent de vivre feuls ou prefque feuls, comme ils font le relie de l'année ; au lieu que les étourneaux n'ont pas plutôt fini leur couvée qu'ils fe rnffemblent en troupes très-nombreufes: ces troupes ont une manière de voler qui leur e(l propre, Sl fembie foumife à une tactique uniforme ôl régulière , telle que feroit celle d'une troupe difciplince , obéifiant avec préci- fi on à fa voix d'un feuï chef: c'efï à îa voix de l'inflincl que les étourneaux obéiîlent, & leur iiiftincl les porte à le rapprocher toujours du centre du peloton , tandis que la rapidité de leur vol les emporte fans ceiTe au-delà ; en forte que cette multitude d'oifeaux^ ainfi réunis par une tendance commune vers le même point, allant & venant fans celle, circulant & fe croifant en tout fens, forme i\n& (e ) C'ell apparemment ce qui a fâjj dire à Aiiftote que iVîounueau le tient caché pendant l'hiver,. de VÉiourneau. 245 efpèce dé tourbillon fort agité, dont la maiïe entière , fans fuivre de direction bien certaine, paroi t avoir un mouvement générai de révolution fur elle-même, réfuïtant des mouvemens particuliers de circulation propres à chacune de Tes parties; & dans lequel le centre tendant perpétuellement à fe développer , mais fans cefle prefTé, repoufle par l'effort contraire des lignes environnantes qui pèfent fur lui , eil conftamment plus ferré qu'aucune de ces lignes, lefquelles le font elles-mêmes d'autant plus qu'elles font plus voifines du centre. Cette manière de voler a fes avantages & fes inconvéniens; elle a fes avantages contre les entrepmes de l'oifeau de proie qui fe trouvant embarrafTé par le nombre de ces foibles adverfaires, inquiété par leurs battemens d'ailes, étourdi par leurs cris , déconcerté par leur ordre de bataille , enfin ne fe jugeant pas aïïez fort pour enfoncer des lignes fi ferrées, que la peur concentre encore de plus en plus , fe voit contraint fort fou-vent d'abandonner une fi riche proie fans avoir pu s'en approprier h moindre partie, L iij 2.^6 Hifloire Naturelle Mais d'autre côté un inconvénient de cette fjçon de voler des étourneaux, c'efl ïa faciiité qu'elle offre aux Oifeleurs d'en prendre un grand nombre à ia fois, en lâchant à ia rencontre d'une de ces volées un ou deux oiieaux de h même efpèce, ayant à chaque patte une ficelle engluée : ceux-ci ne manquent pas de i'e mêler dans la troupe, & au moyen de leurs allées & venues perpétuelles , d'en em- bârrafïer un grand nombre dans la ficelle pe< fide , & de tomber bientôt avec eux aux pieds de fOifeleur. Ceft fur-tout le foir que ïes étourneaux fè réunifient en grand nombre, comme pour fe mettre en force & fe garantir des dangers de la nuit ; ils ia paflènt ordinairement toute entière, ainiî rafiem- Més , dans les rofeaux où ils fe jettent vers la fin du jour avec grand fracas (f), lis jafent beaucoup le foir & le matin avant de fe féparer, mais beaucoup moins (f) Auventando len fpefo con tanta furia, che è per la mohitudine e per l'impeio con che vanno , nel giugnere f. fente finder l 'aria con un flrepito horribile non dijfimïfc alla grapwcla, Olina. VccellUra , p, i $% de VÉiourneau, 247 ïe refle de la journée, & point du tout pendant la nuifc Les etoumeaux font tellement nés pour la fociété, qu'ils ne vont pas feule- ment de compagnie avec ceux de leur efpèce , mais avec des eipèces différentes. Quelquefois au printemps & en automne , c'eft-à-dire avant & après la faifon des couvées, on les voit fe mêler & vivre avec les corneilles & les choucas , comme aufîi avec les Ikornes & les mauvis , & même avec les pigeons. Le temps des amours commence pour eux fur ïa fin de mars, c'eil alors que chaque paire s'affortit ; mais ici comme ailleurs , ces unions fi douces font pré- parées par la guerre , & décidées par fa force ; les femelles n'ont pas le droit de faire un choix; les mâles, peut-être plus nombreux & toujours plus preffés , fur- tout au commencement, fe les difputent à coups de bec , & elles appartiennent au vainqueur. Leurs amours font prefque aufïi bruyans que leurs combats; on les entend alors gazouiller continuellement : chanter & jouir c'eft toute leur occupa- tion, & leur ramage eft même fi vif qu'ils / L iuj 248 Hifîoire Naturelle femblent ne pas connoître ia langueur des intervalles. Après qu'ils ont fatisfnit au plus preiTant des befGins, ils longent à pourvoir à ceux de la future couvée , fans cependant y prendre beaucoup de peine , car fouvent ils s'emparent d'un nid de pivert, comme ïe pivert s'empare quelquefois du leur; ïorfqu'ils veulent le conftruire eux-mêmes, toute la façon confifte à amaiTer quelques feuilles sèches, quelques brins d'herbe & de mouffe au fond d'un trou d'arbre ou de muraille : c'eit fur ce matelas fait ians art que la femdle dépofe cinq ou ilx œufs d'un cendré verdâtre Se qu'elle les couve I'efpace de dix-huit à vingt jours : quelquefois elle fait fà ponte dans ies colombiers, au-de(îus des entablemens des maifons , & même dans des trous de rochers fur les côtes de la mer, comme on ïe voit dans l'ifle de Wight & ailleurs (g). On m'a quelquefois apporté dans ïe mois de mai de prétendus nids d'étourneaux qu'on avoit trouvés, difoit-on, fur des arbres; mais comme deux de ces nids (g) British Zoobgy , page 9 3 . Ae rÉtourneau. i&y entr'autres reffembioient tout- à- fait à des nids de grives ; j'ai foupçonné quelque fupercherie de la part de ceux qui me îes a voient apportés, à moins qu'on ne veuille imputer ia fupercherie aux étour- neaux eux - mêmes , & fuppofer qu'ils s'emparent quelquefois des nids de grives & d'autres oifeaux, comme nous avons vu qu'ils s'emparoient fouvent des trous des piverts. Je ne nie pas cependant que dans certaines circonftances ces oifeaux ne faiTent leurs nids eux-mêmes; un habile Obfervateur m'ayant aiTuré avoir vu pla- ceurs de ces nids fur ïe même arbre. Quoi qu'il en foit, les jeunes étourneaux relient fort long-temps fous la mère , & par cette raifbn je douterois que cette efpèce fît jufqu'à trois couvées par an* comme l'aflurent quelques Auteurs (h), \i Ce n'efl dans les pays chauds où l'incu- bation , l'éducation & toutes les périodes du développement anima! , font abrégées en railbn du degré de chaleur. En générai les plumes des étourneaux (h) Cova, . . . due o tre vohe l'armo, con quatre cinque ucccllï per covata, Oiina, Uccelliera. L v 2 5 o Hifloire Naturelle font longues & étroites,' comme dh Belon (v)i leur couleur efl dans le premier âge un brun noirâtre, uniforme, fans mouchetures comme fans reflets. Les mouchetures ne commencent à paroître qu'après la première mue , d'abord fur la paiiie inférieure du corps, vers la fin de juillet ; puis fur la tête , & enfin fur ïa partie fupérieure du corps aux environs du 20 d'août. Je parle toujours des jeunes ctourneaux qui étoient éclos au commen- cement de mai. J'ai obfervé que dans cette première mue les plumes qui environnent la bafe du bec tombèrent prefque toutes à la fois , en forte que cette partie fut chauve pendant îe mois de juillet (h), comme elfe l'eil habituellement dans la frayonne pendant toute l'année. Je remarquai auilï que le bec étoit prefque tout jaune le i 5 de mai ; cette couleur le changea bientôt en couleur de corne , & Beion aflure qu'avec le temps elle devient orangée. (i) Nature des OiJ'eaux, page 321. (k) Je ne fais pourquoi Pline a dh , en parlant 2 5 4 Hi floue Naturelle ïe fond de la cage , jufqu'à ce que îe calice s'ouvrît & biffât paroîîre & fortir la graine. J'ai auffi remarque qu'ils buvoient à peu-près comme les gallinacés, & qu'ils prenaient grand plaiiir à fe baigner : félon toute apparence l'un de ceux que je faifois élever eft mort de refroidifTement , pour s'être trop baigné pendant l'hiver. Ces oifeaux vivent fept ou huit ans, & même plus drns l'état de domefticité. Les fauvages ne fe prennent point à la pipée , parce qu'ils n'accourent point à J'appeau , c'eft - à - dire , au cri de la chouette : mais outre la refîburce des ficelles engluées & des nafïes dont j'ai parlé plus haut , on a trouvé le moyen à^n prendre des couvées entières à la fois en attachant aux murailles & fur les arbres ou ils ont coutume de nicher, des pots de terre cuite , d'une forme commode , & que ces oifeaux préfèrent fouvent aux trous d'arbres & de muraille pour y faire leur ponte (p). On en prend aufîi beaucoup au lacet & à la pantière ; (p) O'ina, Ucce/ïïera, page 18. SchwencKfeld, Aviû}ium Sikjlx , page 352, de V Étournean. 255 en quelques endroits de l'Italie on fe fers de belettes apprivoifées pour les tirer de leurs nids ou plutôt de leurs trous; car le grand art de l'homme eft de fe fervir d'une efpèce efclave pour étendre Ton empire fur ies autres. Les étourneaux ont une paupière interne, les narines à demi -recouvertes par une membrane, les pieds d'un brun rougeâtre (q) , le doigt extérieur uni à celui du milieu jufqu'à la première pha- lange, l'ongle pofterieur plus fort qu'aucun autre , le gêner peu charnu , précédé d'une dilatation de i'cefophage & contenant quel- quefois de petites pierres dans fa cavité; le tube inteftinal long de vingt pouces d'un orifice à i autre, la véficule du fiel à l'ordinaire , les cœcums fort petits & plus près de l'anus qu'ils ne font ordinairement dans les oifeaux. En diOequant un jeune étourneau 5 de ceux qui avoient été élevés chez moi, j'ai remarqué que les matières contenues (q) Je ne fais pourquoi WrHughby a dit, Tibùz tid articules ujque plumèfx, Orniihologia , page 145. Je n'ai rien vu de pareil dans tous les étourneaux «jui m'ont paffé Tous les yeux. i 5 6 Hiftoîre Naturelle dans fe gcTier & dans fes inteftins étoient abfolument noires, quoique cet oifeau eût été nourri uniquement avec de la mie de pain & du lait: cela fuppofe une grande abondance de bile noire, & rend en même temps raifon de l'amertume de la chair de ces oifeaux , & de l'ufage qu'on a fait de leurs excrémens dans les cofmétiques. Un étourneau peut apprendre à parler indifféremment François , Allemand, La- tin, Grec, &c. (r) & à prononcer de fuite des phrafès un peu longues : fou gofier ibuple le prête à toutes les in- flexions , à tous les accens. Il articule franchement la lettre R (f) & foutient très-bien (on nom de fanfonnet ou plutôt de chanfonnet par la douceur de Ion ra- mage acquis, beaucoup plus agréable que ion ramage naturel (t), fr) Habebant et Cœfares juvenes item Jlwnum , lufcinias grxco atque lalino Jernwne dociles ; pnztere& méditantes in âiem & ajjiduè nova toquent es longiort etîam contextu, Pline, lib. X, cap, XLII, (j) Scaiiger, Exercït, ( t) Sturnus pifitat ore , ifitat , pifijirat, C'eft ainfi que les Latins exprimoient le cri de i'étourneau. Voyez Autor PhilomeU , &c. PI. Xl^paq. zS6. L'ETOURNEAU. 11$, Je V Êtourneau. 257 Cet oifeau efi: fort répandu dans l'ancien continent : on ïe trouve en Suède , en .Allemagne, en France, en Italie, dans l'ifle de Malte, au cap de Bonne-efpérance (u), & par-tout à peu- près le même; au lieu que les oifeaux d'Amérique auxquels on a donné le nom d'étourneaux , forment des efpèces allez multipliées, comme nous le verrons bientôt. (u) Voyez Kolbe, tome 111 , page J J£» 2 5 8 Hifîoire Naturelle. VARIÉTÉS DE LETOURNEAUS Quoique l'empreinte du moule primitif ait été affez ferme dans Peipèce de notre étourneau pour empêcher quel fes races di ver les , s'éioignant à un certain 1 point , formaient enfin des efpèces dif- 9 tincles & féparées, elle n'a pu cependant i rendre absolument nulle la tendance per-l pétueiie qui porte la Nature à la variété, 1 tendance qui fe manifeiïe ici d'une manière j fort marquée, puifqu'on trouve des étour- 1 neaux noirs ( ce font ies jeunes ) , d'autres j tout blancs, d'autres blancs & noirs, enfin I d'autres gris, c'eft-à-dire, dont ie noir s'eli fondu dans le bïanc. II faut remarquer que fouvent on a! trouvé ces variétés dans les nids des \ étourneaux ordinaires , en forte qu'on ne peut ïes confidérer que comme des variétés individuelles, ou purement éphé-l mères que îa Nature femble produire en i fe jouant fur ia fuperficie, qu'elle anéantit à chaque génération pour les renouveler & les détruire encore, mais qui ne pouvant ni fe perpétuer; ni pénétrer jufquau type Variétés de VÉtournean. 259 fpécifîque , ne peuvent^ confequemment donner aucune atteinte à fa pureté , à Ton unité. Telles font les variétés iuivantes dont parlent les Auteurs. I. L'étourneau blanc d'Aîdrovande (a) aux pieds couleur de* chair, & au bec jaune rougeâtre, tel qu'il eiï dans nos étourneaux devenus vieux. AIdrovande remarque que celui ci avoir été pris avec des étourneaux ordinaires, & Rzaczyns-ki allure que dans un certain canton de la Pologne (b), on voyoit ibuvent foi tir du même nid un étourneau noir & un blanc. Wiilughby parle auïïj de deux étourneaux de ce te dernière couleur, qu'il avoit vus dans le Cumberîand. IL L'étourneau noir & blanc: je rap- porte à cette variété 1 ,° l'étourneau à tête blanche d'Aîdrovande (c): cet oifeau avoit en effet la tête blanche , ainil que le bec, îe cou , tout le defTous du corps , les couvertures des ailes & les deux pennes extérieures de la queue ; les autres pennes de la queue & toutes celles des ailes étoient — ■ ■ "">" ' ' ■? . (a) Tome II, page 631. (b) Prope Coronoviam. (c) Tome U, page 637. 260 Hï foire Naturelle , &c. comme dansl'étourneau ordinaire : le blanc ! de la tête étoit relevé par deux petites i taches noires, fituées au-defius des yeux, & le blanc du deffbus du corps étoit varié par de petites taches bleuâtres.' 2. ° L'é- îourneau-pie de Schtyendkfeid qui avoit le fommet de la tête, la moitié du bec du côté de la bafe , le cou , les pennes des ailes & de la queue noirs , & tout le relie blanc (d). 3.0 L'étourneau à tête noire vu par Wiïiughby (e), ayant tout ïe relie du corps bianc. III. L'étourneau gris cendré d'AIdro- vande (f). Cet Auteur ell le feul qui en fcit vu de cette couleur , laquelle n'ell autre chofe, comme nous l'avons dit, que le bianc fondu avec. le noir. On conçoit aifément combien ces variétés peuvent être multipliées, ioit par les différentes diftributrons du noir & du blanc , foit par ies différentes nuances de gris, réiultant des différentes proportions de ces couleurs fondues enfembîe. (d) Aviarium Silef.cz , page 353. (e) Ormthologia , page 14.5. (f) V*ges6}no & ^39. 6i OISEAUX ETRANGERS, Qui ont rapport à ÏÉtûURNEAU. I. L'ÈTO U.R N E AU DU CAP de Bonne- ESPÉRANCE o u VÉTOURNEAU~PIE*. J'AI donné à cet oifeau d'Afrique îe nom d'Étourneau-pie , parce qu'ii m'a paru avoir plus de rapports , quant à fa forme totale , avec notre étourneau , qu'avec aucune autre efpèce , & parce que ïe noir & le blanc qui font les feules couleurs de fon plumage , y font diftrîbués à peu près comme dans le plumage de ïa pie* S'il n'avoit pas ie bec plus gros & plus long que notre étourneau d'Europe , on pourroit ie regarder comme une de fes variétés, d'autant plus que notre étourneau * Vojc^ les Planches enluminées, n.° 2B0, 161 Hifloire Naturelle fe retrouve au cap de Bonne-efpérance ; cette variété fe rapportcroit naturellement à celle dont j'ai fait mention ci-defT./s, & où le noir & le blanc font diftiibués par grandes taches. La plus remarquable & celle qui caraelérife ie plus la phj fionomie de cet oifeau , c'ed une tache blanche fort grande, de forme ronde, fituée de chaque côté de la tê.e , fur laquelle l'oeil parort placé prefqu'en entier, & qui fe pro- longeant en pointe par-devant fuiqu'à îa baie du bec , a par-derrière une eipèce d'appendice variée de noir qui defcend le ion g du cou. Cet oifeau e(l ïe même que Pétourneau noir & blanc des Indes d'Edwards, planche i 8 y ; que le contra de Bengale d'Albin, tome II I, planche 2 1 ; que Pétourneau du cap de Bonne-efpérance de M. Bridon, tome II, page 4.46 ' ; & même que fon neuvième troupiaie, tome II , page ç 4, II a avoué & rectifié ce double emploi, page j 4 dé fon (uppïément, & il ell en vérité bien excufable au milieu de ce cahos de defcriptions incomplettes , de ligures tronquées & d'indications équi- voques- qui embarrailent & furctiargent des Oifediix étrangers, &c. 263 i'Hidoire Naturelle. Cela fait voir com- bien il eil effentiei, Iorfqu'on fliit i'hiftoire d'un oileau , de le reconnoitre dans les- diverfes defcriptions que les Auteurs en ont faites , & d'indiquer les difFérens noms qu'on fui a donnés en difFérens temps & en difFérens Jieux ; feui moyen d'éviter ou de rectifier ïa dénie multiplication des efpèces purement nominales. I I. L'ÉTOUR NE AU- DE la Louisiane o y LE ST O U R N E*. Ce mot de Stourne efl formé du Latin Sturnus , je l'ai appliqué à un oifeau d'A- mérique affez différent de notre étourneau pour mériter un nom diilinct , mais qui a aflez de rapports avec lui pour mériter un nom analogue. Il a le defius du corps d'un gris varié de brun <& le defïous du corps jaune. Les marques les plus diilinctives Vaye^ Us Planches enluminées ', n.9 2.56, 264 Hifloire Naturelle de cet oifeau en fait de couleur, font, i .° une plaque noirâtre variée de gris , fituée au bas du cou & fe détachant très- bien du fond , qui , comme nous venons de fe dire, eft de couleur jaune: z.° trois bandes blanches qu'il a fur la tête, toutes les trois panant de la baie du bec fupérieur, & s'étendant jufqu'à Yocciput; l'une tient le fommet ou le milieu de la tête, les deux autres, qui font parallèles à cette première, paffent de chaque côté au-deflfus des yeux, En général, cet oifeau fe rapproche de notre étourneau d'Europe par les pro- portions relatives des aiies & de la queue, & en ce que Tes couleurs font difpofées par petites taches : il a auiîi la tête plate, mais fon bec eft plus alongé. Un Correfpondant du Cabinet nous aiïure que la Louifiane eft fort incom- modée par des nuées d'étourneaux , ce qui indiqueroit quelque conformité dans la manière de voler des étourneaux de la Louifiane avec celle de nos étourneaux d'Europe; mais il n'eft pas bien fur que le Correfondant veuille parler de l'efpèce dont il s'agit ici. III. des Oifeaux étrangers, &c. 265 I I L le raie A NA (a). L A courte notice que Femandez nous donne de cet oifeau, eft non- feulement inco'mplette , mais elie eft faite très -négli- gemment ; car après avoir dit que ie tolcana eft femblable à l'étourneau pour la forme & pour ïa groiïeur, il ajoute tout de fuite qu'il eft un peu plus petit; cependant c'eft îe feul Auteur original qu'on puilTe citer iur cet oifèati, & c'eft d'après Ion témoignage que M. Briflba î'a rangé parmi les etourneaux : ii me femble néanmoins que ces deux Auteurs caraclérifent le genre de i'étourneau par des attributs très -difterens; M. BriiTon , par exempte , établit pour l'un de fes attributs caraclériftiques le bec droit, obtus & convexe ; & Fernandez parlant d'un (a) Nom formé du nom Mexicain Tobcat^anatî, & 'qui fignifie -étourneau dés rofeaux. Fernandez, Hijt. av'wn nova Hfyaniœ , cap. XX XVI. C'eft le troifième étourneau de M. Briflbn, tome 11^ Oifeaux, Tome V* M 2.6 b Hijloire Naturelle oifeau du genre du t^anatl ou étour- neau (b), dit qu'il eifc court , épais & un peu courbé : & dans un autre endroit (c) il rapporte un même oifeau nommé caca- ktotolt , au genre du corbeau ( qui le nomme en effet cacaloll en Mexicain, chap. CLXXXIV ) & à celui de Tétour- neau (d); en forte que l'identité des noms employés par ces deux écrivains ne garantit nullement l'identité de l'eipèce dénommée, & c'eft ce qui m'a déterminé à conferver à l'oiienu de cet article Ion nom Mexicain, fans afTurer ni nier qu'il foit un étourneau. Le tolcana fe plaît comme nos étour- neaux d* Europe dans les joncs & les (b) Fernandez, chap. XXXVII, (c) lhid. chap. cxxxil. ( d) Cacalotototl Jeu avis corvina ad Jlurnoritm t^anatlue genus videtur pertinere. Cet oifeau a, félon Fernandez, le plumage n ir tirant au bleu, le bec tout-à-fait noir, l'iris orangée, îa queue longue, la chair mauvaife à manger, & point de chant. II fe plaît dans les pays tempérés & les pays chauds. Il eft difficile d'après cette notice tronquée , de dire fî i'oileau dont il s'agit til un corbeau ou un étourneau. £es Oifcûiix étrangers, &c. z6j plantes aquatiques. Sa tête eft brune , & tout le relie de Ton plumage eft noir. Cet oifeau n'a point de chant , mais feu- lement un cri, & il a cela de commun avec beaucoup d'autres- oifeaux d'Amé- rique qui font en général plus recominan- dables par l'éclat de leurs couleurs que par l'agrément de leur ramage. I V. LE CACASTOL (e). Je ne mets cet oifeau étranger à ïâ faite de l'étourneau, que fur la foi très- fufpeéle de Fernandez, & aufîl d'après l'un de fes noms Mexicains qui indique quelque analogie avec l'étourneau. D'aiî- ïeurs je ne vois pas trop à quel autre oifeau d'Europe on pourroit le rapporter ; M. BrhTon qui a voulu en faire un cottinga (f)} a été obligé pour l'y amener (e) Nom formé du nom Mexicain CaxcaxtototU Fernandez, chap. CLVtlI. On lui donne encore dans la nouveile Efpagne le nom de Humianatl, & nous avons vu que le mot Mexicain Tjanu.il répondoit à notre mot étourneau. (f) Briffon ; tome II , page j^/> M î; 2 6$ Hiftoirc Naturelle de retrancher de la defcription de Fer- nandez , déjà trop courte , îes mois qui indiquoient la forme alongée & pointue du bec ; cette forme de bec étant en effet plus de i'étourneau que du cottinga. Outre cela le cacaftol eft à peu-près de la groileur de letourneau , il a la tête petite comme lui, & n'eft pas un meilleur manger; enfin il fe tient dans les pays tempérés «Se ïes pays chauds. Il eft vrai qu'il chante mai, mais nous avons vu que le ramage naturel de i'étourneau d'Europe n'écoit pas fort agréable , & il eft à pré fumer que s'il pafToit en Amérique où prefque tous les oifeaux chantent mal , il chanterait bien-tôt tout aufîi mal , par la facilité qu'il a d'ap- prendre, c'eft-à-dire, d'imiter le chant d'autrui. V. LE P 1M A LOT (g). Le bec large de cet oifeau pourroît faire douter qu'il appartînt au genre de I'étourneau : mais s'il étoit vrai , comme (g) Mot formé du nom Mexicain de cet oifeau Ph^inaloîU êes O ije aux étrangers, &c. 269 le dit Fernandez , qu'il eût la nature & les mœurs des autres étourneaux, on ne pourroit s'empêcher de le regarder comme une efpèce analogue, d'autant plus qu'il fè tient ordinairement fur les côtes de îa mer du fud, apparemment parmi les plantes aquatiques, de même que notre étourneau d'Europe fe plaît dans les rofeaux comme nous avons vu. Le pimalot eit un peu plus gros. V I. * L'ÊTOU RN E AU DES TERRES M AGELLA N 1QU ES , O U LE B LANCHE-RA1E. J E donne à cette efpèce nouvelle , apportée par M. de Bougainviïle , le nom de blanche - raie , à caufe d'une longue raie blanche qui, de chaque côté, prenant nailTance près de la commiflure des deux pièces du bec, femble pafTer par-de[ïbus l'œil, puis reparon au-delà pour defcendre le long du cou. Cette raie blanche fait ■* Vyy% les Planches enluminées, n.° i \ 3. M iij " 27 o Hifloire Naturelle , &c. d'autant plus d'effet qu'elle efl environnée au-defîus & au-deffous de couleurs très- rembrunies: ces couleurs fombres domi- nent fur la partie fupérieure du corps ; ieulement les pennes des ailes & leurs couvertures font bordées de fauve. La queue eit d'un noir décidé, fourchue dé plus, & ne s'étend pas beaucoup au-delà des ailes qui font fort iongues. Le delTous du corps, y compris ia gorge, eft d'un beau rouge cramoifi , moucheté de noir fur les côtés ; la partie antérieure de l'aile eft du même cramoifi fans mouchetures, & cette couleur fe retrouve encore autour des yeux & dans i'efpace qui efl entre l'œil & le bec. Ce bec quoiqu'obtus 7 comme celui des étourneaux , & moins pointu que celui des troupiales, m'a paru cependant à tout prendre avoir pïus de rapport avec celui des troupiales ; & fi l'on ajoute à cela que ie blanche-raie a beau- coup de la phyllonomie de ces derniers , on ne fera pas difficulté de le regarder comme faifant la nuance entre ces deux efpèces, qui d'ailleurs ont beaucoup de rapports entr'elies. 27 £ LES TROUPIALES. G E S oifeaux ont , comme je viens de le dire , beaucoup de rapports avec nos étourneaux d'Europe, & ce qui le prouve , c'eft que fouvent le Peuple & les Natu- ralises ont confondu ces deux genres & ont donné le nom d'étourneau à plus d'un troupiale , ceux - ci pourroient donc être regardés à bien des égards comme ïes repréfentans de nos étourneaux en Amérique, concurremment avec les étour- neaux Américains dont je viens de parler, quoique cependant ils aient des habitudes très - différentes , ne fût - ce que dans la manière de conftruire leurs nids. Le nouveau continent eft ia vraie patrie , la patrie originaire des troupiales Ôz de tous les autres oilèaux qu'on a rapportés à ce genre, tels que les caffiques, les baltimores & ïes carouges; & fi l'on en cite quelques-uns, foi-difant de l'ancien continent , c'eft parce qu'ils y avoient été tranfportés originairement d'Amérique; tels font probablement le troupiafe du M iiij 272 HiJIoke Naturelle Sénégal, appelé cap -more, & repréfenté dans nos Planches enluminées, à deux âges différens fous tes ni' 3 7 5 & 3 70 ; le carcuge du cap de Bonne-efpérance , Planche 6 ' o 7, & tous les prétendus trou- piaf es de Madras auxquels on a donné ce nom fans les avoir bien connus. Je retrancherai donc du genre des troupiaies, 1 ,° les quatre efnèces venant de Madras, & que M. Bridon a empruntées de M. Rai (a) , parce que la rai ton du climat ne permet pas de les regarder comme de vrais troupiafes; que d'ailleurs je ne vois rien de caracteriflique dans les defcripîions originales, & que les figures des oiieaux décrits , font trop négligées pour qu'on puifle en tirer des marques diltinclives qui ïes confrituent troupiales plutôt que pies, geais, nieiles, loriots, gobe-mouches, &c. Un habile Ornithoiogifte (M. Edwards] croit que le geai jaune & le geai-bouffe de Petiver, dont M. BriiTon a fait fou fixième & fon quatrième troupiale , ne (a) Voyiez \ 'Ornithologie de M. Brifîbn , tome II, pages y o &" fui', & ie ôjnoffs avimn de Rai, yages ijjj- & Juh£ des Troupiales. 273 font autre chofe que ie loriot mâle & fa femelle (b) ; que le geai bigarré de Ma- dras, du même Petiver, dont M. Briiioii a fait fon cinquième troupiale , efl ion étourneau jaune des Indes (c) ; & enfin que îe troupiale huppé de Madras , dont M. BrifTon a fait fa feptième efpèce (d) , efi: le même oifeau que le gobe- mouche huppé du cap de Bonne -efpérance du même M. Briiïon (e). 2.0 Je retrancherai le troupiale de Ben- gale , qui efl le neuvième de M. BrifTon (f) , puifque cet Auteur s'efl: aperçu ïui-même que c'ëtoit fa féconde efpèce d'étourneau. 3.0 Je retrancherai encore le troupiale à queue fourchue , qui efl le feizième de (b) Voyez les Oifeaux d'Edwards, Planche 1 8 j* (c) Ibidem, Planche i 8 6> (d) Ornithologie , tome 1 1 , page 9 2 . (e) Ibidem, page 4.1 8 , îe mâle; if 4-iq, h femeîle ; it ajoute que û les deux longues pennes de la queue manquoient dans ces deux individus, c'eft , ou parce qu'elles n'étoient pas encore venues, ou parce que la mue ou quelqu'autre accident les avoit fait tomber. Vqye^ Edwards , Planche 3 zj* (f) Tome II, page 94.. M *5 ^74 Hi floue Naturelle M. Brifïon (g) , & la grive noire de Seba (h) ; tout ce qu'en dit ce dernier, c'eft qu'il furpaile de beaucoup la grive en grofTeur, que Ton plumage efl noir, qu'il a le bec jaune , le delîbus de la queue blanc , le defïus , ainfi que le dos , comme voilé par une légère teinte de bleu , & une queue longue , large & fourchue; enfin, qu'à la différence près dans la forme de la queue & dans ïa grofTeur du corps , il avoit beaucoup de rapport à notre grive d'Europe : or je ne vois rien dans tout cela qui refTemble à un troupiale , & la figure donnée par Seba, & que M. BrifTbn trouve très- mauvaife , ne refTemble pas plus à un troupiale qu'à une grive. 4.0 Je retrancherai le carouge bïeu de Madrns (i), parce que d'une part il m'eft fort fufpecl: à raifon du climat ; que de l'autre , la figure ni îa defcription de (g) Tome Ii, page 105. (h) Tome I, page 102. fi) M. Briflbn, tome II , page 12 j. M. Rai lui donne, d'après Pet i ver , le nom de petit geai bleu, petite pie de Madras; en langue du pays, \ Feaeh cape, Voyez Sjnopfis aviwn , page j 95^ des Tronpiales. 275 "M. Rai, n'ont abfolurnent rien qui ca- ractérife un carouge , & que même if n'en a pas ie plumage : il a , félon cet Auteur , la tête , la queue & les ailes de couleur bleue, mais la queue d'une teinte plus claire : le refïe du plumage eft noir ou cendré, excepté cependant le hec & les pieds qui font roufsâtres. 5 .° Enfin , je retrancherai ie troupiaïe des Indes (k) t non- feulement à caufè de la différence de climat, mais encore pour d'autres raifons tout auili fortes qui me l'ont fait placer ci-deiTus entre les roliîers & les oi féaux de Paradis. Au refte , quoiqu'on ait réuni dans un même genre avec les troupiales, comme je l'ai dit plus haut, les eaiTiques, fes baftimores & les carouges , il ne faut pas croire que ces divers oifeaux n'aient pas des différences, & même affez ca radié ri fées, pour conflituer de peiits genres fubor- donnés , puifqu'ils en ont eu affez pour qu'on leur donnât des noms différens* Eft général, je fuis en état d'affurer, d'après la comparaison faite d'un affez grand nombre „ . .... ,r 1 ■ . , 1 1 ■ . . mmmtm (k) BriiTon, tome VI , page $.yr\ \ 7 6 Hï floue Naturelle , &c. de ces oi féaux , que les cafîjques ont îe bec plus fort, en laite les troupiales, puis les carouges. A l'égard des bahimores, ils ont le bec non - feulement plus petit que tous les autres , mais encore plus droit & d'une forme particulière, comme nous îe verrons plus bas. Ils paroifient d'ail- leurs avoir d'autres mœurs & d'autres allures , ce qui luffit, ce me femble, pour m'autoriier à leur conlerver leurs noms particuliers , & à traiter à part chacune de ces familles étrangères. Les caractères communs que leur afîlgne M. Brifîon, ce font les narines découvertes, & le bec en cône alongé , droit & très- pointu. J'ai auili remarqué que la bafe du bec fupérieur fe prolonge fur le crâne , en forte que le toupet au ïieu de faire la pointe , fait au contraire un angle rentrant affez confidérable ; dif- pofnion qui fe retrouve à la vérité dans quelques autres efpèces, mais qui eft plus marquée dans celles-ci. r^Êk 77 *LE TROUPIALE (a). V_^E qu'il y a de plus remarquable dans l'extérieur de cet oiieau , c'elï ion iong bec pointu , les plumes étroites de là gorge , & la grande variété de Ton plu- mage : on n'y compte cependant que trois couleurs , le jaune orangé , le noir & le blanc ; mais ces couleurs femblent fe multiplier par leurs interruptions réci- proques & par l'art de leur diftribution : îe noir eft répandu fur la tête , la partie antérieure du cou , le milieu du dos , la queue & les ailes ; le jaune orangé occupe les intervalles & tout le defîbus du corps; * Voye.\ tes Planches enlwninées, n.° 532. (a) C'eft îe Trcuplale de M. Briflon , tome IT> page 86, Il le nomme en Latin, Iéierus ; ( l'un des noms latins du loriot , & qui ne peut convenir aux troupiales noirs ) d'autres Pka, Ci fa, Ficus, Turdus , Xanthornus, Coracias ; les Sauvages du Brefil, Gui'ra Tangeima ; ceux de la Guyane , Yapoit; nos Colons» Cul -jaune ; les Anglois lui ont donné dans leur iangue une partie des noms çi-defïusj Albin > celui à'oïfeau de Bananat ïj§ Hifloire Naturelle il reparoît encore dans l'iris (b) & fur la partie antérieure des ailes ; le noir qui règne fur le refte , eft interrompu par deux taches blanches oblongues , dont l'une eft fhuée à l'endroit des couvertures de ces mêmes ailes, & l'autre à l'endroit de leurs pennes moyennes. Les pieds & les ongles font tantôt noirs & tantôt plombés; le bec ne parok pas non plus avoir de couleur confiante ; car il a été obfervé gris-blanc dans les uns (c), brun -cendré deiTus & bleu deflous dans les autres (d) , & enfin dans d'autres noir deiïus & brun defîous (e). Cet orfeau qui a neuf ou dix pouces de longueur de la pointe du bec au bout de la queue, en a quatorze d'en- vergure, & la tête fort petite > félon Ma regrave. Il fe trouve répandu depuis la Caroline jufqu'au Brefil, & dans les (b) Albin ajoute que l'œil eft entouré d'une large bande de bleu; mais il eft le (eul qui l'ait vue, c eft apparemment une variété accidentelle. (c) Brifîbn , Ornithologie, tome II, page 88» (d) Albin , tome II, page 2 y. (e) Sloane, Jamàica ; & Marcgrave; Hijl* BrafiU page 192. du Troiiplak. ij() ifîes Caraïbes. II a la grofîeur du merle ; il famille comme la pie & a beaucoup de {es aïiures, fuivant M* Sloane ; il en a même le cri , félon Marcgrave , mais Albin afîure qu'il reiTembie dans toutes fes actions à l'étourneau , & il ajoute qu'on en voit quelquefois quatre ou cinq s'alTo- cier pour donner la chafïe à un autre oifeaujpïus gros, & que iorfqu'ils l'ont tué , ils dévorent leur proie avec ordre , chacun mangeant à fon rang, cependant M. Sloane, qui efi un Auteur digne de foi , dit que les troupiaies vivent d'infectes* Au relie , cela n'eft pas abiblument contra- dictoire ; car tout animal qui fe nourrit d'autres animaux vivans, quoique très- petits, efl un animai de proie, &*en dévorera à coup fur de plus grands s'il trouve i'occafion de le faire avec fureté, par exemple , en s'afîociant comme les troupiaies d'Albin. Ces oi féaux doivent avoir les mœurs très-fociales , puifque l'amour qui diviïk tant d'autres fociétés fembîe au contraire reiïerrer les liens de la leur : bien loin de fê féparer deux à deux pour s'apparier & remplir fans témoin les vues de la Nature iSo Hifloire Naturelle, frc. fur ia multiplication de Fefpèce, on en voit quelquefois un très -grand nombre de paires fur un feui arbre, & prefque toujours fur un arbre fort élevé & voiiîn des habitations , conftruifant leur nid , pondant leurs œufs, les couvant & (oi- gnant leur famille naiiTante. Ces nids font de forme cylindrique , fufpendus à l'extrémité des hautes branches & fîottans librement dans l'air ; en forte que les petits nouvellement écios y font bercés continuellement. Mais des gens qui fe croient bien au fait des intentions des oifeaux , afïurent que c'eft par une fage défiance que les père & mère fufpendent ainfi leur nid , & pour mettre la couvée en fureté contre certains animaux terreftres & fur-tout contre les ferpens. On met encore fur la lifte des vertus du troupiale la docilité, c'eft- à -dire , la difpofnion naturelle à fubir l'efclavage domeftique, difpofition qui fe rencontre prefque toujours avec les moeurs fociales* Tl.XTT.pair. 2$o. X.A TROUPIALE VCUf- J.3û. 28l L'ACOLCHIDE SEBA (a). I Ç 3 EBA a pris ce nom dans Fernandez (b), & Payant appliqué arbitrairement , félon fon ufage , à un oifeau tout différent de fcelui dont parle cet Auteur, au moins -quant au plumage, -il a encore appliqué à ce même oifeau ce qu'a dit Fernandez du véritable acolchi , favoir , que les Eipagnols l'appellent Tordo, c'eîl-à-dire , étourneau. Ce faux acolchi de Seba a un long bec jaune fortant d'une tête toute noire , la gorge de cette dernière couleur; la queue noirâtre ainfi que les ailes ; celles-ci ont pour ornement de petites plumes couleur d'or qui font un bon effet fur ce fond rembruni. Seba donne fon acolchi pour un oifeau d'Amérique, & j'ignore pourquoi (a) Le vrai nom eft Acokhkhi que fai raccourci pour le rendre d'une prononciation moins défit? gréable. Voye^Seba, tome 1, page y o ; & Planche LV, fi- 1- (b) De Avibus nova Hjfpariiœ, cap. IV, page 14,1 282 Hïjloire Naturelle , &c. M. Brifïon, qui ne cite d'autre autorite que celle de Seba, ajoute qu'en le trouve fur-tout au Mexique (c) . Il eft vrai que le mot acolchi efl Mexicain , mais on ne peut aiTurer la même chofe de l'oifeau auque Séba a trouvé bon de l'appliquer. Il lui *e) Voyez Ton Ornithologie, tome II, page 88. a donné en conféquence le nom de troupi< du Mexique, m " VA RC- EN-QUEUE (a). JT ERNANDEZ donne le nom d'0- {in'ifcan (b) à deux ôifeatix c[ui ne fe refTèmbîent point du tout (c) , & Seba a pris la licence d'appliquer ce même |rom à un troisième oifeau qui diffère entièrement des deux autres (d) , excepté pour la groffeur ; car ils font dits tous trois avoir la grolleur d'un pigeon. Ce troifième OTÏnifcan, c'eft î'arc-en- queue dont il s'agit dans cet article. Je îe nomme ainfi à caufe d'un arc ou croiflànt (noir qui paroît & fe deffine très-bien fur 1 ïa queue ïorfqu'eif e eft épanouie , d'autant qu'elle eft d'une belle couleur jaune , ainfî que le bec & îe corps entier , tant defïus que deffous ; ïa tête & le cou font noirs , (a) C'eft îe troupiale à queue annelée de Brificn. (b) Tome II, page 8p. La véritable orthographe fauvage ou Brafiiienne de ce mot, Omnit^can, (c ) De avibus nova, Hifpaniœ, cap. L XXX VI & CLVI. (d) Scbà> tome I, page gj> Planche LXI,fig* j » 284 Hïjloire Naturelle , frc. & les aiïes de la même couleur avec und légère teinte de jaune. J'oubliois de dire que le croiOant de la queue a fa concavité tournée du côté d\à corps de l'oifeau. Seba ajoute qu'il a reçu d'Amérique pïufieurs de ces oi féaux , & qu'ils pafTenti dans le pays pour des efpèces d'oifeauxi de proie; peut-être ont -ils les même^ habitudes que notre premier troupiale ; d'ailleurs la figure que donne Seba, pré- fente un bec un peu crochu vers la pointe. 285 LE JAPACANI (a). J £ fais que M. Sloane a cru que Ton petit gobe- mouche javne & brun (b), éioit le' même que le yapacani de Mart grave; cependant indépendamment des diffé- rences de plumage , le japacanî eft huit fois plus gros, mafle pour malle-, toutes .les di m en (ions étant doubles de celles de Foifeau de M. Sloane; car celui-ci n'a que quatre pouces de longueur & fept pouces de vol , tandis que félon Marc- grave îe japacani eft de la grofleur du bemtère , & le bemtère de celle de i'étour- heau (cj ; or l'etourneau a plus de huit pouces de longueur & plus de quatorze • (a) C'eft îe nom Brafillen de cet oifeau. Marc- grave , Hifl, Brafil pûge 2. 12 ; je n'y change rien parce qu'il peut être prononcé par un gofier Euro- péeen. M. Kiein lui a donné le nom de Rojjignol jaune if brun Ordo avium, page 75, n.° XIII. En Allemand , Gdl-braun-Grajmuhe, :(b) Natural Hifîory of Jamaica, page 309/ n.° xliii. (c) Hijt, Brajîlia, page 216. 2 S 6 Hijïoire Naturelle pouces de vol. Il eft difficile de rapporte[ à la même efpèce deux oifeaux , & iurj tout deux oifeaux fauvages de tailles l différentes. Le japacani a le bec noir, long, pointu! un peu coubé , la tête noirâtre , l'iril couleur d'or , la partie poftérieure du coul le dos, les ailes & le croupion variés dm noir & de brun clair; la queue noirâtrl par-defîus, marquée de blanc par-deiTousl îa poitrine, le ventre, les jambes variés dm jaune & de blanc avec des lignes tranfl verfales de couleur noirâtre, les piedT bruns, les ongles noirs & pointus (d). Le petit oiièau de M. Sloane a le be|| rond, prefque droit, long d'un demi| pouce; îa tête & le dos d'un brun clai avec quelques taches noires; la quei longue de dix- huit lignes & de coulei brune, ainfi que les ailes qui ont un pej de blanc à leur extrémité ; le tour d( yeux, la gorge, les côtés du cou & ï< couvertures de la queue jaunes ; la poitrii de même couleur, mais avec des marque brunes; le ventre blanc; les pieds bruns) (d) Voyez Marcgraye, leco du Jûpdcani. 287 longs de quinze lignes , & du jaune dans les doigts. Cet oifeau eft commun aux environs de San-Jago , capitale de la Jamaïque : il fe tient ordinairement dans les huilions. Son eflomac eft très-mufculeux , & doublé comme font tous les géfiers, d'une mem- brane mince, infenfibie & fans adheïence. M. Sloane n'a rien trouvé dans le géfier de l'individu qu'il a diiTéqué , mais il a obfervé que fes intérims faifoient un grand nombre de circonvolutions. Le même Auteur fait mention d'une variété d'efpèce qui ne diffère de fon petit oifeau qu'en ce qu'elle a moins de jaune dans fon plumage. Cet oifeau fera fi l'on veut un troupiaîe , à caufe de îa forme de fon bec , mais ce fera certainement un troupiaîe autre que le japacani. 238 Miflmre Naturelle L E XO C H ITO L E T I LE COSTOTOL. M BRISSON fait fa dixième efpèce ou Ton troupiale de la nouvelle Efpagne (a) duxochitolde Fernandez, chapitre CXXJI, que celui-ci dit n'être autre choie que le cqftotul adulte. Or il fait mention de deux coitôtols, l'un au chapitre xxvii I, l'autre au chapitre C XL III, & tous deux (e refTembient affez: mais s'ils différoient à un certain point , il faudroit néceffairement appliquer ce que dit ici Fernandez au coilotol du chapitre XXVIII , puifque c'eft au chapure CXX/I, qu'il en parle comme d'un oileau dont il a déjà été quef- îion , & que l'autre coflotol , eft comme nous l'avons dit, du chapitre CX LUI. Maintenant fi l'on compare la deferip tion du xochitol du chapitre CXXII à celle du coftotol du chapitre xxvill , (a) Ornithologie , tome II, page 95. on du XochhoI&L du Coflotol. 1 8(? ©n y trouvera des contradictions qui ne feront pas faciles à concilier : en effet , comment le coflotol qui étant déjà affez formé pour avoir fon chant, n'efl alors que de la groiTeur d'un ferai de Canarie, peut- il parvenir dans la fuite à celle de î'etourneau l comment cet oifeau , qui étant encore jeune , ou fi l'on veut n'étant encore que coflotol , a le ramage agréable du chardonneret, peut -il étant devenu xochitol , n'avoir plus que le cri rebutant de la pie l fans parler de la grande & trop grande différence qui fe trouve entre les plumages ; car le coflotol a la tête & le defTous du corps jaunes , & le xochitol du chapitre CXXII a ces mêmes parties noires ; celui-là a les ailes jaunes terminées de noir, celui-ci les a variées de noir tome 'JI, page 134. N v 2 $> S Hiftdire Naturelle quelquefois beaucoup de graille, dans aucun cas leur chair n'efl un bon manger ; nouveau trait de conformité avec nos ctourneaux d'Europe. J'ai vu chez M. l'abbé Aubri une variété de cette efpèce , qui avoit la tête & le haut du cou d'un fauve clair : tout le refle du plumage étoit à l'ordinaire; cette première variété iemble indiquer que l'oiieau repréfenté dans nos planches enlu- minées , n.° 343, fous le nom de carouge de Cayenne, en efl une féconde, laquelle ne diffère de la première que par la privation des marques rouges des ailes; car elle a tout le relie du plumage de même : à peu-près même groiîeur, mêmes proportions ; & la différence des climats n'efl pas fi grande qu'on ne puifîe aifément fuppofer que le même oileau peut s'ha- bituer également dans tous les deux. II ne fxut que jeter un coup d'œil de comparaifon fur les planches enluminées, n.° 402 & n° 2.36, fig. 2, pour le perluader que l'oiteau reprélenté dans cette dernière, fous le nom de Troupïale de Cayenne , n'efl qu'une leconde variété de l'eipèce représentée, n,° 402, fousle au Commandeur. 2 9 9 nom de Troupiale a ailes rouges de la Louifiane, qui e(l notre commandeur : c'eil à peu -près {a même grofleur, la même forme, les mêmes proportions, ïes mêmes couleurs diflribuées de même; excepté que dans le n.° 2 3 6 , le rouge coîore non- feulement la partie antérieure des ailes, mais la gorge , le devant du cou , une partie du ventre & même l'iris. Si l'on compare enfuite cet oiieau du n.° 236, avec celui repréfenté n.° 536, fous le nom de Troupiale de la Guyane (f), \ on jugera tout auffi fûrement que le dernier ell une variété d'âge ou de fexe du premier, dont ii ne diffère que comme la femelle îroupiale diffère du mâle, c'efl-à-dire, par des couleurs plus foibles; toutes fes plumes rouges font bordées de blanc, & , les noires, ou plutôt les noirâtres , font bordées de gris clair , en forte que le contour de chaque plume fe defîme très- nettement, & que l'oifeau paroît comme \ s'il étoit couvert d'écaillés ; c'efl d'ailleurs ia même diftribution de couleurs, même groffeur , même climat , &c. Il eft (fj Voyez Briffon, tome II, page i oy, N vj 300 Hijloire Naturelle, &c. impoffible de trouver des rapports aufïi détaillés entre deux oifeaux d'efpèces différentes. J'ai appris que ceux-ci fréquentoient ordinairement les Javanes dans rifle de Cayenne , qu/iis fe tenoient volontiers fur les arbuftes , & que quelques - uns leur donnoient le nom de Cardinal. 3oï * LE TROUPIALE NOIR (a). jLi E plumage noir de cet oifeau mi a valu les noms de corneille, de merle & de choucas ; cependant il n eft pas aufîi profondément noir, d'un noir aufli uni- forme qu'on l'a dit , car à certains jours ce noir paroît changeant & jette des reflets verdâtres, principalement fur la tête & fur la partie fupérieure du corps , de la queue & des ailes. Ce troupiale eft environ de la grofleur du merle, ayantdix pouces de longueur (b) & quinze à feize pouces de vol ; les ailes , dans leur état de repos , vont à la moitié de la queue qui a quatre pouces & demi de long , eft étagée & compofée de douze * Voye^ les planches enluminées, n.° 534. (a) On a appelé cet oifeau, Cornix parva profundè ntgra, Klein; Monedula fora ngra , Sîoane. Nat. Hijhry of Jamà'ica, page 290, n.° XI V. En Angîois, SmaU-blach- bird. C'eft ie Troupiale noir de M. Brifîbn, tome II, page 103» (b) J'entends toujours îa longueur prife de Ja pointe du bec au bout de k queue. 302 Hijloire Naturelle, &c. pennes. Le bec a plus d'un pouce , & ïe doigt du milieu efl plus long que le pied ou plutôt que le tarie. Cet oifeau le plaît à Saint-Domingue, & il efl fort commun en certains endroits de la Jamaïque , particulièrement entre Spanish - town & Paffage - fort. II a Feftomac mufculeux , & on le trouve ordinairement rempli de débris de fcara- bées & d'autres infecles. 3Q3 LE PETIT TR0UPIALEN01R. J 'A i vu un autre troupiaïe noir venant d'Amérique, mais beaucoup plus petit, plus petit même que le mauvis ; il n'avoit que iix à fept pouces de longueur , & fa queue qui étoit quarrée , n'avoit que deux pouces fix lignes ; eile débordoit les aiies d'un pouce. Le plumage étoit tout noir fans excep- tion , mais ce noir étoit plus Iuiîré & rendoit des reflets bleuâtres fur la tête & îes parties environnantes. On dit que cet oifèau s'app ri voile aiiement & qu'il s'ac- coutume à vivre familièrement dans la tnaifon. L'oifeau repréfenté n.° 606, fig. 1 , de nos planches enluminées, eit vraifembla- biement ia femelle de ce petit troupiaïe, car il e(l par - tout de couleur noire ou noirâtre , excepté fur {a tête & le cou qui font d'une teinte pïus ciaire ou Ci l'on veut pluh foibie, comme cela a iieu dans toutes îes femelles d'oileau. On retrouve encore dans le plumage de ceile-ci ies reflets bleus 304 Hïjloire Naturelle , &ct qu'on a remarqués dans le plumage du mâle ; mais au lieu d'être fur les plumes de ïa tête , comme dans le mâle , ils fe trouvent fur celles de la queue & des ailes. Aucun Naturalifte, que je fâche, n'a fait mention de cette efpèce. n5 *LE TROUPIALE A CALOTTE NOIRE, Cet oifeau me paroît être abfoîument de la même efpèce que le troupiaïe brun de la nouvelle Efpngne de M. Brifîcn (a). Pour fe former une idée jufte de ion -plumage, qu'on fe représente un oifeau d'un beau jaune avec une calotte & un manteau noir. La queue eit de la même couleur fans aucune tache , mais le noir des ailes efl un peu égayé par du blanc qui borde ies couvertures & qui reparoît à 1 extrémité des pennes. Cet oifeau a ïe bec gris clair avec une teinte orangée & ïes pieds marrons. ïï fe trouve au Mexique & dans ï'ifîe de Cayenne. * Voyei les Planches enluminées , ï\>° 5 3 3 . (a) Tome IL page J05. 306 Hiflolre Naturelle * LE TROUPIALE TACHETB D E C A Y E N N E. JL ES taches de ce petit troupiale réfultent de ce que prefque toutes Tes plumes qui ont du brun ou du noirâtre dans leur milieu , font bordées tout autour d'un jaune plus ou moins orangé fur les ailes, îa queue & la partie inférieure du corps; & d'un jaune plus ou moins rembruni fur ie dos & toute la partie fupérieure du corps. La gorge efl fans tache & de couleur blanche : un trait de même couleur qui pafTe immédiatement fur l'œil, fe pro- longe en arrière entre deux traits noirs parallèles, dont l'un accompagne le trait blanc par-defïus , & l'autre embraiTe l'œil par-deffous : l'iris efl cPun orangé vif & prefque rouge; tout cela donne du jeu & de l'expreïîion à la phyfonomie du maie ; je dis du mâle, car la femelle n'a aucune phyfionomie, quoiqu'elle ait aufïi l'iris * Voyei les Planches enïumine'es , n>° ■f^j-S, fig. // le mâle ; fg, 2 , lu femelle. du Troupiale tacheté, &c. 307 „ >rangée : à l'égard de Ton plumage, c'eft du aune lavé qui fe brouillant avec du blanc aie, produit la plus fade uniformité. Ces oifeaux ont le bec épais & pointu les troupiaies, & d'un cendré bleuâtre, eurs pieds font couleur de chair. On ugera des proportions de leur forme par a figure indiquée ci-defîus. Le carouge tacheté de M. Briïîbn (a), qui a pïufieurs traits de reiTemblance avec le troupiale de cet article , en diffère cependant à beaucoup d'égards, non- feuïement parce qu'il eft plus de moitié llus petit, mais parce qu'il a l'ongle porterie ur plus long , l'iris noifette , le bec couleur de chair , ïa gorge noire ainfi que les côtés du cou ; enfin îe ventre , les jambes , les couvertures du deflus & du defTous de la queue fans aucunes taches. M. Ed>vards héfnôit à laquelle des deux efpèces il falioit le rapporter , celle de la grive ou de l'ortolan; M. Klein (b) (a) Tome II, page 126. (b) Page ç 8. Je ne fais pourquoi M. Klein carac- térife cette efpèce par fa queue relevée, couda fuper- liens, fi ce n'efl d'après la figure de M. Edwards, pkaJie 8 / ; mais en fait tju'un JDeiTmateur ne 3 o S H'bfîoire Naturelle, &t. décide aiTez tellement que ce n'eft nî l'une ni à l'autre , mais à celle du pinçonlj maigre fà décifion, la forme du bec t l'identité de climat me déterminent pou l'opinion de M. Briffon qui en fait u\ carouge. repréfente qu'un moment, qu'une auitude, & qti* choiiit ordinairement le moment le plus beau l'attitude la plus pittorefque. D'ailleurs M. Edward ne dit rien du port habituel de la queue de cet oifea' qu'il appelle Schomburger. 3°9 'LE TROUPIALE OLIVE DE C A Y E N N E, K-jet oifeau n'a que fix à fept pouces le longueur : iï doit Ton nom à la couleur )livâtre qui règne fur la partie poilérieure lu cou , fur ie dos , la queue , le ventre 5l les couvertures des ailes; mais cette - couleur n'eft point par -tout ïa même; plus fombre fur le cou, ïe dos & les couvertures des ailes les plus voifines , un peu moins fur la queue, elle devient beaucoup plus claire fous le ventre , comme auîîi fur la plus grande partie des couvertures des ailes les plus éloignées du dos, avec cette différence entre les grandes & les petites , que celles - ci font fans mélange d'autre couleur , au lieu que les grandes font variées de brun. La tête? la gorge , le devant du cou & la poitrine font d'un brun mordoré plus foncé fous ïa gorge & tirant à l'orangé. fur ïa poitrine où le mordoré fe fond avec la couleur Vjjirjcs Planches enluminas , u.° 606 , irg. 3, 3 I o Hifîoire Naturelle, &c. olivâtre du deffous du corps. Le bec &\ les pieds font noirs ; les pennes de l'ailel & quelques-unes de les grandes couver-l tures les plus proches du bord extérieur.] font de la même couleur, mais bordées! de blanc. Au refle , la forme du bec eft celfcj des troupiales, la queue eft aiTez longue,] & les ailes dans leur fituaiion de repos nel s'étendent pas au tiers de fa longueur. ___ __ __ _ _3_11' *L£ CAP-MORE. J_j E S deux individus repréfentés dans les planches 375 & 376, ont été apportés par un Capitaine de vaiîTeau, qui avoit ramaffé une quarantaine d'oifeaux de diffé- rens pays , entr'autres du Sénégal , de Madagascar, &c. & qui avoit nommé ceux-ci pinçons du Sénégal. Je leur ai donné le nom de cap - more , à caufe de leur capuchon mordoré , & j'ai iubilitué ce nom qur exprime l'accident le plus remarquable de leur plumage , à la déno- mination impropre de troupiaies du Sé- négal : elle m'a paru impropre , cette dénomination , fok à raifon du climat indiqué, qui n'eft point celui des trou- piaies, fok à raifon même de l'efpèce défignée; car le cap-more s'éloigne aiTez de l'efpèce des troupiaies, & par les pro- portions du bec, de la queue & des ailes, & par la manière dont il travaille fon nid 9 * Voye^ les Planches enluminées , n.° 375 le mâle adulte, & 376 le jeune mâle, tous deux fous k nom de troupiaies du Sénégal. 3 I 2 Hifloire Naturelle pour qu'on doive l'en difringuer par un nom particulier ; & il pourroit le faire que fans être un véritable troupiale , il fût en Afrique ïe repré Tentant de cette efpècc Américaine. Les deux dont il b'agit ici, ont appartenu à une perfonne d'un, haut rang , qui nous a permis de les faire defîiner chez eile ; & cette perfonne ayant jeté un coup d'œil fur leurs façons de faire , & ayant bien voulu nous commu- niquer ce qu'elle avoit vu , elle nous a appris fur l'hiftoire de cette efpèce étran- gère & nouvelle tout ce que nous en favons. Le plus vieux avoit une forte de] capuchon brun qui paroifTbit mordoré auj foleii; ce capuchon s'effaça à la mue de l'arrière - faifon , laiffànt à la tête une] couleur jaune ; mais il reparut au prin temps , ce qui fe renouvela conftamment les années fuivantes. La couleur principale du refte du corps étoh le jaune plus ou moins orangé; cette couleur régnoit fur ïe dos comme fur la partie inférieure du corps , & elle bordoit les couvertures des ailes, leurs pennes & celles de la queue, Iefquelles avoient toutes le fond noirâtre. Le ; cfu Cap -more, 313 Le jeune fut deux ans fans avoir ïe capuchon, & même fans changer de couleurs , ce qui fut cauie qu'on ie prit d'abord pour une femelle , & qu'on le deiTina fous cette dénomination, n.° 376* La méprife étoit excufable , puifque dans ïa plupart des animaux le premier âge fait prefque difparoître les différences qui diftinguent les mâles des femeiies , & qu'un des principaux caractères de ces dernières confifte à conferver très -long- temps ies attributs de la jeune/Te ; mars enfin ïorfqu'au bout de deux ans le jeune troupiale eut pris ïe capuchon mordoré & toutes les couleurs du vieux, on ne put s'empêcher de ie reconnoître pour un mâle. Avant ce changement de couleurs, ïe jaune de fon plumage , étoit d'une teinte plus foibïe que dans ïe vieux ; iï régnoit fur ïa gorge, le cou,, ïa poitrine, & feordoit , comme dans ïe vieux, toutes les pïumes de ïa queue & des aiîes. Le dos étoit d'un brun olivâtre , qui s'étendoit derrière ïe cou & jufque fur ïa tête. Dans l'un & ï'autre , l'iris des yeux étoit orangée, ïe bec couleur de corne, pïfts épais & Qifeaux, Tome V. O 3 1 4 Hijîoirc Naturelle moins long que celui du troupîale, & les pieds rougeâtres. Ces deux oifeaux vécurent d'abord en afTez bonne intelligence dans la même cage ; le plus jeune étoit ordinairement fur le bâton le pïus bas, ayant le bec fort près de l'autre ; il lui répondoit toujours en battant des ailes & avec l'air de la fubordination. Comme on s'aperçut dans l'été qu'ils entrelalToient des tiges de mouron dans ia grille de leur cage, on .prit cela pour ï'indice d'une difpofition prochaine à nicher, & on leur donna de petits brins de joncs, dont ils eurent bientôt confirait un nid , lequel avoit allez de capacité pour que l'un des deux y fût caché tout entier. L'année fuivante ils recommencèrent, mais alors le vieux chaiTa le jeune qui prenoit déjà la livrée de fon fexe, & celui-ci fut obligé de travailler à part à l'autre bout de la cage. Nonobftant une conduite 11 foumife, il étoit fouvent battu & quelque- fois fi rudement qu'il relloit fur la place: on fut obligé de les féparer tout-à-fait, & depuis ce temps ils ont travaillé chacun de leur côté, mais fans fuite; l'ouvrage du Cap -more, 31 5 3u jour étoit ordinairement défait le lendemain : un nid n'eft pas l'ouvrage d'un feuï. Ils avaient tous deux un chant finguïfer , mi peu aigre , mais fort gai : le plus vieux eil mort fubitement, & le plus jeune à ia fuite de quelques attaques d'e'pilepfre. Leur groiTeur étoit un peu au - deiîous de celle de notre premier troupiale ; ifs avoient aufli ies ailes & la queue un peu pïus courtes à proportion. OS Hifloîre Naturelle *LE SIFFLEUR. J E ne fais pourquoi M. BrifTon a fait un baltii^ore de cet oifeau (a), car il me femble que, foit parla forme du bec, foit par les proportions du tarfe, il eft plutôt troupiale que baîtimore. Au reftej je laifîe ia queftion indécife en plaçant le fiffleur entre îes baltimores & les troupiales , fous le nom vulgaire qu'on lui donne à Saint - Domingue , nom qu'il doit fans doute aux fons aigus & perçans de fa voix. En général cet oifeau eft brun par- defTus, excepté les environs du croupion & les petites couvertures des ailes qui font d'un jaune verdâtre, comme tout le defTous du corps ; mais cette dernière couleur eft plus rembrunie Tous la gorge , & elle eft variée de roux fur le cou & la poirine; les grandes couvertures & ies pennes des * Voye-^ les Planche en umine'e s, n.° 2^6, fig. 1. (a) C'eft le Baltimore vert ciejM, JBri/îbn, tome U \ j>age 11 3, du Sijpeim '317 ailes, ainil que les douze pennes de ïa queue , font bordées de jaime ; maïs pour avoir une idée jade du plumage du Yîfïïeur, il faut fuppofer une teinte olive plus ou moins forte , répandue fur toutes fcs diffé- rentes couieurs fans exception ; d'où iî réfulte que pour caraclérifer cet oifeau par ïa couleur dominante de fon plumage, il eût falîu choifir l'olive & non. pas. le vert comme a fait M. Brifïbn. Le fifïîeur eft de ïa grofleur du pinçon , il a environ fept pouces de longueur & dix a onze pouces de vol ; ïa queue qui eft étagée , a trois pouces , & le bec neuf à dix lignes. O ÏÏj Hifloire Naturelle LE BALTIMORE (a). G ET oifeau d'Amérique a pris Ton nom de quelque rapport aperçu entre ïes cou- leurs de Ton plumage ou ieur diftribution, & les armoiries de M y lord Baltimore. C'eil un petit oifeau de la groffeur d'un moineau-franc, pelant un peu plus d'une once; qui a fix à fept pouces de longueur, onze à douze de vol, ia queue compofée de douze pennes , iongue de deux à trois pouces & dépaiîànt ies ailes en repos prefque de la moitié de fa longueur. Une forte de capuchon d'un beau noir lui couvre la tête & defcend par- devant fur ïa gorge, & par-derrière jufque fur les épaules ; les grandes couvertures & les pennes des ailes font pareillement noires ainfi que les pennes de ia queue, mais les premières font bordées de blanc & les * Voyelles Planches enluminées, n.° 506, fig, I. (a) C'eft îe Baltimore de M. Brilîbn qui en a fa«*C {on dix-neuvième troupiale, tome II, page 1 ojp ; & \e Baltimore- bird de Cateiby , /on; If page fc flanche f$, noms Lapins, Pka, Paus mnor, Ci fa nigra , &c. En i qui fpnt 'es petits culs- jaunes, ayant a peu-près Jxa giroflèur de l'alouette, O vj 324 Hïftoin Naturelle à exprimer dans une figure, que difficile 5 rendre avec le ieul pinceau de la^arole. Plu (leurs Auteurs ont donné la des- cription v3c la figure du calTique jaune t fous d'ffeiens noms, & il y a à peine deux de ces figures ou de ces deferiptions qui s'accordent parfaitement. Mais avant d'entier dans le détail de ces variétés, il eil bon d'écarter tout-à-fait un oifeau qui me paroît avoir des différences trop carac- térises pour appartenir même de loin à Teipèce de l'yapou; c'en1 ia pie de Perle d'Àidrovande (b) : ce Naturalise ne Ta décrite que d'après un dellrn qui lui avoit été envoyé de Venile; il la juge de fa grolTeur de notre pie; fa couïeur domi- nante n'ell pas le noir , elle eil feulement rembrunie (fi'-bfufcum) : elle a le bec fort épais, un peu court ( brevwfculum .) & blanchâtre, les yeux blancs & les ongles petits, tandis que notre yapou n'ell guère plus gros que le merle , que tout ce qui efl noir dans fon plumage eil d'un noir décidé ; que fon bec eil allez long & de couïeur de foufre , Piris de fes yeux m ■■ . .-. mi >m ■ ■ ■*■'» ■ (b) Tome I, page 7^. au Cajfique jaune au Brefif, &c. 3 2 f. couleur de (aphir, & Tes ongles affez forts, félon M. Edwards, & même bien forts & crochus, (tlon Belon. On ne peut guère douter que des oileaux fi diflerens 'n'appartiennent à des efpèces différentes, fur- tout iï ceïui d'Âldrovande étoit réelle- ment originaire de Periè, comme on le :îui avoît dit , car l'yapou dï certainement d'Amérique* Les couleurs principales de ce dernier font conftamment le noir & le jaune , mais la diftribution de ces couleurs n'efi pas îa même dans tous les individus obfervés^ par exemple , dans celui que nous avons fait deffiner tout eft noir, excepté le' bec & l'iris des yeux, comme nous venons de le dire, & encore les grandes cou- vertures des ailes les plus voifines du corps qui font jaunes , ainfi que toute la partie pofiérieure du corps tant deiîùs que de£- "fous /depuis & compris les cuifîes jufques & par-delà la moitié de la queue. Dans un autre individu venant de .Cayenne, qui eft au Cabinet du Roi, '& qui eft plus gros que le précédent, II y a moins de jaune fur les ailes & point 326 Hifloke Naturelle du tout au bas de la jambe ; enfin ïesi pieds paroiffent plus forts à proportion ; ce peut être le mâle. Dans la pie noire & jaune de Ml EJwards, qui eiï évidemment le même oi eau que ie nôtre , il y a fur quatre ou cinq des couvertures jaunes des aiies une tache noire près de leur extrémité : outre cela le noir du plumage a des reflets couieir de pourpre, & i'oiieau paroît être un peu plus gro^. Dans i'yapou ou îe jupujuba de Marc- grave (c), la queue n'eil mi -partie de noir & de jaune que par-delîous , car la face fupérieure eit toute noire, excepté ïa penne la plus extérieure de chaque côté, qui ell jaune jufqu'à la moitié de fa longueur. If fuit de toutes ces diverfités, que Tes co leurs du pîum-'ge ne font rien moins que fixes & conitantes dans cette e pèce, & c'eft ce qui me reroit pencher à croire avec Marc grave que I'oiieau appelé par (c) Hijkria BwjJiœ, page 193. du Cajfi que jaune du Brefil, &c. 3 27 M. Briiïon, caffique rouge, eft encore une variété clans cette eipèce (dj : j'en cnrai les raifons plus bas. ( d) Vldi quoque toîaliîer nigras , dorjo Janguintl coloris, Mai cgi ave, face çiiato% 328 Hiflotre Naturelle. ■ ■■■■!■ ... — In VARIÉTÉ DE L'YAPOUS L E Cassique rouge du Brésil ou le Jupuba*. Ce nom eft l'un de ceux que Marcgrave donne à l'yapou, I & je l'applique au caflique rouge de \ M. BrilTon , parce qu'J lui refîemble exactement dans les points eiTentieïs ; j mêmes proportions, même groffeur, même phyfionomie. même bec, mêmes pieds, même noir- foncé fur la plus grande partie du plumage ; il eft vrai que la moitié inférieure du dos eft rouoe au lieu d'être jaune , & que le defious du corps & de la queue eft noir en entier ; mais cette différence ne peut guère être un caractère fpécifïque , dans une efpèce fur - tout où les couleurs font très- variables, comme nous avons eu occasion de le remarquer plus haut ; d'ailleurs le jaune & le rouge * Voye-^ les Planches enluminées , n.° 48 2. La bafe du bec s'étend beaucoup fur le front & y forme un ang?§ rentrant affez profond qui ne peut paroître dans le profil. Voyez XOrnithol de J3rifcnA tome 11, page y 8* Variété de l'Yapou. 3.25) jfbnt des couleurs voiilnes , analogues , liujettes à fe mêler , à fe fondre enfemble pans l'orangé qui eft la couleur intermé- diaire, ou à fe remplacer réciproquement, i& cela par la feule différence du fexe, de l'âge , du climat ou de la faifon. Ces oifeaux ont environ douze pouces ide longueur, dix-fept pouces de vol, la langue fourchue & bleuâtre , les deux ipièces du bec recourbées également en las , la première phalange du doigt [extérieur de chaque pied unie & comme foudée à celle du dofgt du milieu, h. queue compofée de douze pennes, & le ifond des plumes blanc , tant fous le noir 'que fous le jaune du plumage. Ils conftruifent leurs nids de feuilles de gramen entrelafTées avec des crins de cheval & des foies de cochon, ou avec des productions végétales qu'on a prifès pour des crins d'animaux : ils leur donnent la forme d'une cucurbite étroite furmontée |de ion alambic : ces nids font bruns en dehors, leur longueur totale eft d'environ pix-huit pouces , mais la cavité intérieure li'eft que d'un pied ; la partie lupérieure pft pleine & maflive fur la longueur d'un 3 3° Hiflotre ^Naturelle -, &c. demi-pied , & c'eft par-là que ces oifeajl les iufpendent à l'extrémité des peti branches. On a vu quelquefois qua cents de ces nids fur un feul arbre , ceux que les Brafiliens appellent uîi ; comme les yapous pondent trois f; l'année , on peut juger de leur prodigie multiplication. Cette habitude de nici ainfi en fociété fur un même arbre , un trait de conformité qu'ils ont av nos choucas. ^*èm® m LE CASSIQUE VERT DE CAYENNE. J E n'aurai point à comparer ou à con- cilier ïes témoignages des Auteurs au fujet de ce cafîique , car aucun n'en a parlé. Auffi ne pourrai-je rien dire moi-même de Tes mœurs & de Tes habitudes. Il eft plus gros que ïes précédens , il a le bec pïus épais à fa bafe & plus ion g , il paroît avoir auffi les pieds pïus forts , mais éga- ïement courts. On l'a très -bien nommé cafîique vert, car toute la partie anté- rieure tant deiîùs que deiîous & compris les couvertures des ailes, eft de cette couïeur ; la partie pofiérieure eft marron ; les pennes des ailes font noires ; celles de ïa queue en partie noires & en partie jaunes ; les pieds tout-à-fait noirs , & le jbçc rouge dans toute fon étendue. Ce caffique a environ quatorze pouces de longueur , & dix - huit à dix - neuf de vol. ? Voje^ (es Planches enluminées, n.° 3 a 8, 33 2 Hïfloïre Naturelle * LE CASSIQJUE HUPF DE CAYENNE. c 'est encore ici une efpèce nouvel Ôl la plus grande de celles qui font p venues à notre connoiiïànce ; elle a bec plus long & plus fort à proporti que toutes les autres , mais fes ailes fc plus courtes ; îa longueur totale de l'oife eft d'environ dix - huit pouces , celle la queue de cinq pouces, & celle du H de deux pouces ; iï eit outre cela dilling des elpèces précédentes par de peti plumes qu'il hériiïe à volonté fur fbmmet de fa tête , & qui lui font u efpèce de huppe mobile. Toute la par antérieure de ce cafïîque, tant defïus q defîous , compris les ailes & les pied eil noire , toute la partie poftérieure * marron foncé. La queue qui elt étage aies deux pennes du milieu noires comn celles des ailes, mais toutes ies latéral %— — ■ — — — — * Voje^ les Planches enluminées, n,° 3^4.. fu Cajfique huppé 'de Cayenne. 333 it jaunes ; ïe bec efl de cette dernière ileur. J'ai vu au Cabinet du Roi un individu it ies dimenfions étoient un peu plus blés , & qui avoit îa queue entièrement ne; mais je n'oferois aiîurer que ies lix pennes interme'diaires n'enflent point . arrachées , car il n'y avoit que huit fines en tout. '3 34 Hifloirc Naturelle, &c, ""LE C A SSIQUE de la Louisiane JLj E blanc & îe violet changeant, tanto mêlés enfemble & tantôt feparés , corn- pofent toutes les couleurs de cet oifeau lï a la tête blanche ainfr que le cou, U ventre & le croupion ; les pennes des aile & de la queue iont d'un vioïetchangean & bordées de blanc, tout le refte dïj plumage efl mêlé de ces deux couleurs. C'eit une eipèce nouvelle , tout récem ment arrivée de la Louifiane ; on peu ajouter que c'elt le plus petit des cafïique. connus : il n'a que dix pouces de longueui totale, & (es ailes , dans leur état de repos f- ne s'étendent que jufqu'au milieu de lit; queue qui eft un peu étagée. »■ ■ ■ ' . * Vçye^ les Planches enluminées, n.° Ca.6^ \LE C A ROUGE (a). ^N général ïes carouges font moins >s & ont le bec moins fort à proportion e ïes troupiales ; celui de cet article a ïe mage peint de trois couleurs didribuées grandes maiTes : ces couleurs font , ïe brun rougeâtre qui règue fur toute banie antérieure de foi (eau , c'eft-à- i , ïa tête , le cou & ïa poitrine ; 2.0 le p- pïus ou moins velouté fur îe dos , pennes de ïa queue, celles des ailes & [leurs grandes couvertures, & même le bec & ïes pieds : 3 .° enfin l'orangé Voyelles Planches enluminées , n.° 535, fîg. r. ) En Latin, Iéleras minor , Turdus m;nor varius/ thernus minor : en François , Carouge; quelques-* lui ont donné îe nom iïoifeau de Banana y me au Troupiale. M. Briifon le regarde, //, page 1 1 6 , comme le même oifeau que rochitol altéra de Fernandez, cap. CXXV, dont >arlé plus haut, cependant il construit /on nid remment dans le même pays , & d'ailleurs le jage n'effc point du tout le même, ce qui auroit ;tre pour M. BriiTon une raifon déciïive de ne t rapporter ces deux oifeaux à la même efpèce. '3 3 6 Hiftoire Naturelle foncé fur les petites couvertures des aiïes, ïe croupion & les couvertures de la queue. Toutes ces couleurs font plus ternes dans ïa femelle, La longueur du carouge eft de fept pouces , celle du bec de dix lignes ," celle de la queue de trois pouces & plus ; le vol de onze pouces , & les ailes dans leur état de repos s'étendent jufqu'à la moitié de la queue & par-delà. Cet oifeau a été envoyé de la Martinique^ celui de Cayenne,repréfenté,/?/tf/2f/z£ 6 ojtfg. i , en diffère parce qu'il eft plus petit; que l'efpèce de coqueluchon qui couvre ïa tête, ïe cou, &c. eft noir, égayé par quelques taches blanches fur les côtési du -cou, & par de pentes mouchetures^ rougeâtres fur ïe dos ; enfin , parce que les ^grandes couvertures & ïes pennes moyennes des ailes font bordées de blanc ; mais ces différences ne font pas à mon avis il confidérables qu'on ne puifîe regarder le carouge de Cayenne comme une variété dans l'efpèce de la Marti- nique. On fait que celle-ci conftruit de nids tout-à-fait finguliers. S\ l'on coupe u globe creux en quatre tranches égales form< du Carouge* 337 forme de l'une de ces tranches fera celle du nid des carouges ; iis favent le coudre fous une feuille de bananier qui lui fert d'abri & qui fait elfe-même partie du nid ; ie refte eit compoûf de petites fibres de feuilles (b). II efl difficile de reconnoître dans ce qui vient d'être dit , le roffignol d'E ! pagne de M. Sloane (c) , car cet oifeau elt pîus petit que ïe carouge félon toutes fes dimen- fions, n'ayant que fix pouces Angîois de longueur & neuf de vol ; il a le plumage différent , & il confinait fon nid fur un tout autre modèle ; ce font des efpèces de facs fufpendus à l'extrémité des pe.ites branches par un fil que ces oifeaux favent filer eux-mêmes avec une matière qu'ifs tirent d'une plante parafite , nommée barbe de vieillard; fil que bien des gens ont pris mai-à- propos pour du crin de cheval. iL'oifeau de M. Sloane avoit la baie du (b) Voyez V Ornithologie de M. Briffon , tome II ', vage 1 /y» (c ) Nat. Hiflory of ' Jamaica , page 2 y 9 , n.cs 1 4 Jk ly, En Angiois, Spanish Nightingalè** Watchy Pichet , American hang-nejh Oifeaux ? Tome V» P 33 8 Hiflolre Naturelle bec blanchâtre & entourée d'un filet noïf, le Commet de la têie , le cou , le dos & ïa queue d'un brun clair ou plutôt d'un gris rougeâtre ; les ailes d'un brun plus foncé , varié de quelques plumes blanches, ïa partie inférieure du cou marquée dans fon milieu d'une ligne noire ; les côtés du cou, la poitrine & ie ventre de couleur feuille morte. M. Sloane fait mention d'une variété d'âge ou de Cexe , qui ne différoit de l'oheau précédent que parce que le dos étoit plus jaune , la poitrine & le ventre d'un jaune plus vif, & qu'il y avoit plus de noir Cous ie bec. Ces oiieaux habitent les bois & chantent afTez agréablement. Ils (e nourriflent d'in- Ceétes & de vermiffeaux , car on en a trouvé des débris dans leur eftomac ou géCier qui n'eft point fort muCcuIeux. Leur Coie eft partagé en un grand nombre de lobes , & de couleur noirâtre. J'ai vu une variété des carouges de Saint-Domingue, autrement des culs- jaunes de Cayenne, dont je vais parler, laquelk approchoit fort de la femelle du carouge de la Martinique , excepté qu'elle du Caronge. 339 avoit ïa tête & le cou plus noirs ; cela me confirme dans l'idée que ïa plupart de ces efpèces font fort voifines , & que malgré notre attention continuelle à en réduire le nombre , nous pourrions encore mériter ie reproche de les avoir trop multipliées, fur-tout à l'égard des oifeaux étrangers qui font û peu obfervés & fi peu connus. Pij 34° Hifloire Naturelle LE PETIT CUL- JAUNE, DE CAYENNE (a), V_> 'est le nom que l'on donne dans cette ifie à I'oifeau repréfenté dans les planches enluminées, n.° j , fg. i , fous le nom de carouge du Mexique; &fig> 2, ïbus le nom de carouge de Saint- Domingue ; c'eft le mâle & la femelle. Ils ont un jargon à peu-près femblable à celui de notre loriot & pénétrant comme celui de la pie. Ils fufpendent leurs nids en forme de bourfes à l'extrémité des petites branches, comme les troupiales ; mais on m'alTure que c'efî: aux branches longues <% dépourvues (a) On leur donne à Saint-Domingue le nom de Demojfelle ; & M. Edwards celui de Bonanna* M. BrifTon , tome II, pages 1 1 3 & 1 2 1 , croit que c'eft X Ayoquantototl de Fernandez, cap. CCVII ', & la vérité efl: que X Ayoquantotolt eft à peu-près de même grofleur , & qu'en général il a dans Con plumage du noir , du jaune & du blanc , comme nos Cul-jaunes : mais Fernandez ne dit rien de la diftribution de ces couleurs, ni de ce qui pourront çaraclérifçr i'eipèce. Ai p eût Cul-jaune Je Guyenne. 3 4 î de rameaux des arbres qui ont îa tête mal faite , & qui font penchés fur une rivière : on ajoute que dans chacun de ces nids il y a de petites réparations où font autant de nichées , ce qui n'a point été obfervé dans les nids des troupiales» Ces oifeaux font extrêmement rufcs & difficiles à furprendre ; ils font à peu-près de ïa grofîeur de l'alouette, ils ont huit pouces de longueur , douze à treize pouces de vol , là queue étagée , longue de trois à quatre pouces, dépallànt de plus de îa mohié de fa longueur l'extrémité des îïiîes en repos. Les couleurs principales des âsiix individus repréfentés au n.° j , font le jaune & le noir: dans ïa jîg. 1, le noir règne fur la gorge , le bec , Pefpaçe compris entre le hec & l'œil, les grandes couvertures & ies pennes des ailes, les pennes de îa queue & les pieds ; le jaune fur tout le refte ; mais il faut remarquer que les pennes moyennes & les grandes couvertures de l'aiîe font bordées de blanc, & que les dernières font quelquefois toutes blanches (b). Dans \^ £g> 2t une partie g f '■ ■ 1 — ... 1 .■ i (b) Voyez Edwards , Plancfo 2*1* P H) 342 Hifioire Naturelle des pentes couvertures des ailes, les jambes & le ventre jufqu'à la queue font jaunes, tout le refte eft noir. On peut rapporter à cette efpèce comme variété, i ,° le carouge à tête jaune d'A- mérique de M. Brifîbn (c) qui a en effet le fommet de ia tête , les petites couver- tures de ia queue , celles des ailes & le bas de ia jambe jaune, & tout ie refte noir ou noirâtre : il a environ huit pouces de longueur, douze pouces de vol, la queue étagée , compoiee de douze pennes & longue de près de quatre pouces. 2..0 Le carouge de Fîfle Saint-Thomas (d) qui a auffi ie plumage noir, à ia rélerve d'une tache jaune jetée fur ies petites couvertures des aiies. il a la queue coin- pofée de douze pennes, étagée comme dans ies cui -jaunes, mais un peu plus longue (e ). M. Edwards a de(Tmé un (c) Tome VI, page 38. (d) Repréfenté dans les Planches enluminées ; rt* 5 $ j , fig, 2, C'eiî le carouge de Cayenne de JVÏ. BrifTon, tome II, page 123. (e) Nota. Que dans \a fig> -2, nf f, le DefTi- nateur a fait la queue trop courte & le bec troj» long. Au petit Cul-jaune de Cayenne. 343 individu de la même efpèce , planche 322, qui avoit un enfoncement remarquable à îa bafe du bec f jpérieur. 3 .° Le jamac de Marcgrave (f) qui n'en ciifïère que très-peu , quant à la grofTeur , & dont ies couleurs font les mêmes & à peu-près diftribuées de la même manière que dans îa fig* If excePt^ ^^ ^a tcte eiï noire, que le blanc des ailes efl raflèmblé dans une feule tache , & que le dos efl traverfé d'une aiïe à l'autre par une ligne noire. (f) Hiflor. Brafih'a, page 198. Oeil le Carcuge du, Drefil de M, Briffon, tome II , page 12 c, P ni) 344 Hifloire Naturelle , &c. * LES COIFFES JAUNES (a). v_^E font des carouges de Cayenne qui ont le plumage noir , & une efpèce de coiffe jaune qui recouvre la tête & une partie du cou , mais qui defeend plus bas par- devant que par -derrière. On auroit dû faire fentir dans la figure un trait noir qui va des narines aux yeux & tourne amour du bec. L'individu repré lente dans ïa planche 343, paroît notablement plus grand qu'un autre individu que j'ai vu au Cabinet du Roi : eft-ce une variété d'âge ou de fexe ou de climat , ou bien un vice de la préparation ! je l'ignore ; mais c'eil d'après cette variété que M. BriiTon a fait fa defeription ; fa groiTeur eft celle d'un pinçon d'Àrdenne : il a environ iept pouces de longueur & onze pouces de vol. * Voye-^ les Planches enluminées , n.° 34.3. (a) C'eft le carauge à tête jaune de M. BriiTon» torr.e 11, y âge 124., & \'' 'ci jumeau à tête jaune de M. Edwards ; Planche $2$* 345 LE C A ROUGE OLIVE de la Louisiane. V_>'EST l'oifeau repréfenté dans les planches enluminées, n,° 607, figure 2, fous le nom de carouge du cap de Bonne- efpérance (a). J'avois foupçonné depuis . long -temps que ce carouge, quoique apporté peut-être du cap de Bonne-efpé- rance en Europe , n'étoit point originaire d'Afrique , & mes foupçons viennent d'être juflifïés par l'arrivée récente (en oftobre 1 773) > d'un carouge de la Loui- iiane, qui e(t vifibîement de ïa même efpèce, & qui n'en diffère abfolument que par la couleur de ïa gorge, laquelle efl noire dans celui - ci , & orangée dans celui-là. Je fuis perfuadé qu'il en fera de même de tous les prétendus carouges 6c troupiales de l'ancien continent, & que i'on reconnaîtra tôt ou tard , ou que ce font des oifeaux d'une autre efpèce , ou (et) M. Brifîbn l'a donné fous le même nom de carouge du caf 4 tome II, page 12.8, Py 34^ Hi flaire Naturelle , &c. que leur patrie véritable, ïeur climat originaire eft l'A m trique. Le carouge olive de la Louifiane, a en effet beaucoup d'olivâtre dans ton plu- mage , principalement fur la partie fupé- rieure du corps ; mais cette couleur n'a pas la même teinte par - tout : fur le ibmmet de la tête elle eft fondue avec du gris; derrière le cou, fur le dos, les cpauies , les ailes & la queue avec du brun ; fur le croupion & l'origine de la queue avec un brun plus clair; fur les fiancs & les jambes avec du jaune : enfin elle borde les grandes couvertures & les pennes des ailes, dont le fond eft brun. Tout le deffous du corps eft jaune, excepté îa gorge qui eft orangée ; le bec & les pieds font d'un brun cendré. Cet oifeau a à peu-près la grolTeur du moineau- franc ; fix à fept pouces de lon- gueur, & dix à onze pouces de vol. Le bec a près d'un pouce , & la queue deux pouces & plus : celle - ci eft quarrée & compofée de douze pennes. Dans l'aile c'eft la première penne qui eft la plus courte, & ce font les troifième & qua- trième qui font les plus longues. 347 LE K I N K. c ette nouvelle efpèce arrivée derniè- rement de la Chine, nous a paru avoir alTez de rapport avec le carouge d'une part , & de l'autre avec le merie , ; pour faire la nuance entre les deux : il a le bec comprimé par les côtés comme ïe merie , mais les bords en font fans échancrures comme dans celui du carouge, & c'eft avec raiion que M. Daubenton le jeune lui a donné un nom particulier, comme à une efpèce difîincle & féparée des deux autres eipèces qu'eiie femble réunir par un chaînon commun. Le kink eft plus petit que notre merïe ; il a la tête, le cou, le commencement du dos & de la poitrine d'un gris cendré 3 &. cette couleur fe fonce davantage aux approches du- dos : tout le refte du corps, tant deiîus que deflous eft blanc , ainfi que ïes couvertures des ailes , dont les pennes font d'une couleur d'acier poli , Voye^ U$ Planches enluminées, n.° 617. P V) 348 HîJIoire Naturelle, &e. ïuifante , avec des reflets qui jouent entre Je verdâtre & ïe violet. La queue efl courte , étugée & mi-partie de cette même couleur d'acier poli & de blanc, de manière que fur les deux pennes du milieu \ ïe blanc ne confifte qu'en une petite tache à leur extrémité ; cette tache blanche s'étend d'autant plus haut fur les pennes fin vantes , qu'elles s'éloignent davantage des deux pennes du milieu , & la couleur d'acier poli fe retirant toujours devant le blanc qui -gagne du terrain, fe réduit enfin: fur les deux pennes les plus extérieures, à: une petite tache près de leur origine* 349 o LE LORIOT (a). N a dit des petits de cet oifeau, qu'ils nauToient en de'tail & par parties féparées ,. mais que le premier (bin des père & mère étoit de rejoindre ces parties & d'en former un tout vivant par la vertu d'une certaine herbe. La difficulté de cette merveilieufe * Voyelles Planches enluminées, n.° 16, (a) C'eft te Loriot de M. Brifion tome II ', page 3 2o, En Grec, fefon les Auteurs XhcoeJ.ov ;; (traduit en Latin par Vireo) Xhaç/ç fa femelle 9 fuivant Élien , KoaIoç , KoAêW , Kthioç ( traduit par Galgulus) YLhopioç ; (Luteus) en Grec mo- derne , ^mùjfML^pç y (quajï jicedula) en Latin., Chlorion ,. Chloris , Chloreus , Oriolus , Merula aurea,r Turdus anreus , Luteus, Lutea, Luteolus, Aies luridus, Picus nidiim fufpendens , Avis i de rus , Galgulus, (ces quatre derniers noms font de Piine) Galbuks, GaL lula, Vireo, Vineo ; en Italien, Oriolo , Régal bulo t Gualbedro, Galbera, Reigalbero,. Garbella , Regeyo-, 'Mel^ioiallo , Becquafgo , Becquafiga , Brufola ; en Kfpagnol, Oropendola, Oroyendola; en vieux François, Lorion, Lourïon, Louriou , Auriou , Lauriol , 0riol3 Orio ; en différentes provinces de France,. Oriot t Piloriot, Bilorot, compère Loriot , Loujot, Merle-jaune, Merle-doyé , Becjigue, Courtpendu. M. Salerne Coup- çonne que ç'çft Je bel oifeau jaune o^'oa appeffe 3 5° Hijloire Naturelle réunion n'eft peut-être pas plus grande que celle de fcparer avec ordre ies noms anciens que les Modernes ont appliqués confufément à cette efpèce , de lui con- ferver tous ceux qui lui conviennent en effet, & de rapporter les autres aux efpèces que les Anciens ont eu réellement en vue ; tant ceux-ci ont décrit fuperficieife- ment des objets trop connus , & tant les Modernes le font déterminés légèrement dans l'application des noms im pôles par les Anciens. Je me contenterai donc de dire ici 'que , félon toute apparence , Ariilote n'a connu le loriot que par ouï- dire : quelque répandu que foit cet oifeau, il y a des pays qu'il femble éviter ; on ne le trouve ni en Suède , ni en Angle- terre, ni dans les montagnes du Bugey, ni même à la hauteur de Nantua , quoiqu'il le montre régulièrement en SuifTe deux la Lutmine du côté d'Abbeviile ; en Allemand , Bierholdt , Bierolf, Brouder berolft, By'rolt, Tyrolt , Kirfcholdt, Geroïft, Kerfenrife , Go'darnfel, Goldmerk, G ut-merle , 0 limer k , Gelbling , Widdewal ', Witwol; en Anglais, a Witwol; en Suiffe, Wittewalch ; en l^olonois, Wilga, Wjywielga. On a dérivé le nom du loriot, les uns du mot Grec , Chlorion , ies autres du Latin Aureolus , d'autres enfin du cri de i'eifeau, du Loriot. 3 5 ï fois l'année : Beïon ne paroît pas Favoir aperçu dans fes voyages de Grèce , & d'ailleurs comment luppofer qu'Ariftote ait connu par lui-même cet oifeau , ians comioître la llnguiière conllruclion de fon nid , ou que ia connoiffant , il n'en ait point parlé ! Pline qui a fait mention du chlorion d'après Ariilote (b), mais qui ne s'eft pas toujours mis en peine de comparer ce qu'il empruntent des Grecs , avec ce qu'il îrouvoit dans Tes Mémoires, a parlé du loriot fous quatre dénominations diffé- rentes (e), fans avertir que c'étoii ie même (b) Hift. Nat. lib. X, cap. XXIX. (c) Picorum ah'quis Jujpendit in furculo (nidum) fiyimis in ramis cyathi modo. Plin. lib X , cap. XXXIII, Jampublicum quidem omnium efi (ga'gulos) tabulât a. ramorum Jujlinendo ni do providè eiigere , cameraque ab imbri aut fronde protegere denfâ. Ibidem. La conftruction du nid du picus & du galguhs, étant à peu-près ia même & fort reffemblante à celle du loriot , on en peut conclure que dans ces deux paffàges ii s'agit de notre loriot fous deux noms différens; mais que ie galgulus foit le même oifeau E T oifeau ayant été regardé par les uns comme un merle & par les autres comme un loriot, fa vraie place fembie marquée entre les loriots & les merles ; & comme d'ailleurs il paroît autrement pro- portionné que l'une ou l'autre de ces deux efpèces , je fuis porté à le regarder plutôt comme une efpèce voifine & mitoyenne que comme une fimple variété. Le loriot rayé eft moins gros qu'un merle & modelé fur des proportions plus ïégères ; il a le bec , la queue & les pieds plus courts , mais les doigts plus longs ; la tête eft brune, finement rayée de blanc ; les pennes des ailes font brunes auffi , & bordées de blanc ; tout le corps (a) C'eft le loriot à tête rayée de M. BrifTon, tome II, page 332; & le ?neru!a hicolor d'Aldrov. tome II, pages 623 & 624. ; je ne fais pourquoi ce dernier Auteur lui applique l'épithète de hicolor , vu que, félon fa defcription même, il entre trois OU quatre couleurs dans le plumage de cet oifeau , du brun , du blanc & de l'orangé de deux nuances^ du Loriot rayé. 365 efl d'un bel orangé, plus foncé fur fa partie fupérieure que fur l'inférieure : ïe bec & les ongles font à peu-près de la même couleur, & les pieds font jaunes. Qiij 366 Hiftoke Naturelle LES GRIVES. L A famille des Grives a fans doute beaucoup de rapports avec celle des meries (a), mais pas affez néanmoins pour qu'on doive les confondre toutes deux fous une même dénomination, comme ont fait plufieurs Naturalises ; & en cela ïe commun des hommes me paroît avoir agi plus fagement en donnant des noms diftincls à des chofes vraiment diftindes : on a appelé grives ceux de ces oifeaux dont ïe plumage étoit grivelé (b), ou marqué fur la poitrine de petites mouchetures dif- pofées avec une forte de régularité (c); '■" ' ■ ■ *■ " (a) Merulœ if turdi arnica, funt aves , dit Pline; en ne peut guère douter que les merles & les grives n'aillent de compagnie, puifqu'on les prend communément dans les mêmes pièges. (b) Ce mot grive lé eu formé vifiblement du mot grive , & ceiui-ci paroît l'être d'après le cri de la plupart de ces oileaux. (c) Quoique les Anciens ne filTent guère la;; defcription des oifeaux très -connus , cependant un trait échappé à Ariflote , fuppofe que tous les. oifeaux compris feus le nom Grec ;£**«*» qui des Grives. 3 6j au contraire, on a appelé merïes ceux dont le plumage étoit uniforme , ou varié feulement par de grandes parties ; nous adoptons cette diiunclion de noms d'autant plus volontiers que la différence du plu- mage n7e(t pas la feule qui fe trouve entre ces oifeaux ; & réiervant les merles pour un autre article , nous nous bornons dans celui -ci à parler uniquement des grives. Nous en difiinguons quatre efpèces prin- cipales vivant dans notre climat, à chacune defquelles nous rapporterons, félon notre ufage , fes variétés , & autant qu'il fera pofiibïe les efpèces étrangères analogues. La première efpèce iera la grive pro- prement dite, repréfentée dans les planches enluminées , n,° 40 6 ' , fous le nom de litorne : je rapporte à cette efpèce comme variétés, la grive à tête blanche d'Aïdro- vande , & ia grive huppée de Schwenckfeld • & comme efpèces étrangères analogues, la grive de la Guiane, repréfentée dans les répond à notre mot François grives , étoient mou- chetés , puifqu'en parlant du tùrdus iïiacus , qui eil notre mauvis , ii dit qfie-c'efl: f efpèce qui aJe moins de ces mouchetures. Voyez Hijloria Anima- liuin, lib, IX; cap. XX, Qiiij ^ 6 8 Hiftoire Naturelle planches enluminées, n.° 398, fig. 1; & la grivette d'Amérique , dont parie Catefby (d). La féconde efpèce fera la draine de nos planches enluminées , n,° 4. 8 p , qui eft le turdus v'ijcivorus des Anciens, & à laquelle je rapporte comme variété, la draine blanche. La troiilème efpèce fera la litorne > repréfentée dans les planches enluminées ^ ?i." 4. y 0 , fous le nom de calandrote. C'eft le turdus pilaris des Anciens, j'y rapporte comme variétés , la litorne tachetée de Klein , la litorne à tête blanche de M. BrilTon; & comme eipèces étrangères analogues , la litorne de la Caroline de Catefby (e) , dont M. BriiTon a fait fa huitième grive , & la fttorne de Canada du même Catefby (f/, dont M. Brifïon a fait fa neuvième grive. La quatrième efpèce fera le mauvis de îios planches enluminées, n.° j 1 , qui efl. le turdus iliacus des Anciens, & notre véritable calandrote de Bourgogne. . (d) Tome I, page 3 1 . (e) Ibid. page 28. ' (f) Ibid. page 29. des Grives, 3 69 Enfin je placerai à la fuite de ces quatre efpèces principales , quelques grives étran- gères qui ne font point allez connues pour pouvoir les rapporter à Tune plutôt qu'à l'autre, telles que la grive verte de Barbarie du docteur Shaw (g), & le hoami de la Chine de M. Briiîon (h)t que j'admets parmi les grives , fur la parole de ce Naturalise , quoiqu'il me paroiiTe différer des grives , non-ieulement par Ton plumage qui n'eft point grivelé , mais encore par les proportions du corps. Des quatre efpèces principales appar- tenantes à notre climat, les deux premières, qui font la grive & la draine, ont de l'analogie entre elles : toutes deux paroiffent moins alîujetties à la néceiïité de changer de lieu, puifqu'eiies font fouvent leur ponte en France, en Allemagne, en Italie, en un mot, dans le pays où elles ont pafle l'hiver ; toutes deux chantent très- bien & font du petit nombre des oifeaux dont le ramage ell compofé de différentes (g) Travels , page 2 5 j . (h) C'eft fa fepûème grive. Voyez tomt IIg page zéi* Qv ^yo Hijloire Naturelle phrafes ; toutes deux paroifTent d'un naturel fauvage & moins fociaf , car elles voyagent feules , félon quelques Obfer valeurs. M. Frifch reconnaît encore entre ces deux efpèces d'autres traits de conformité dans les couleurs du plumage & l'ordre de leur diilribution, &c. (i ) Les deux autres efpèces , je veux dire îa Ikorne & le mau vis , fe relîemblent aufîî de leur côté en ce qu'elles vont par bandes nombreufes, qu'elles font plus pafTagères, qu'elles ne nichent prefque jamais dans notre pays , & que par cette rai (on elles n'y chantent l'une & l'autre que très- rarement (k), en forte que leur chant eft inconnu, non- feulement au plus grand nombre des Naturaliftes , mais encore à la plupart des Chaffeurs. Elles ont plutôt un gazouillement qu'un chant, & quelquefois lorfqu'elîes fe trouvent une vingtaine fur un peuplier, elles babillent toutes à la (i) Voyez Frifch, Planche 2.7, (k) Frifch, Planche 28, — - In ajlate apurf nos , c3it Turner, eut rarô ant minquam videtur tardus yilûris , in hieme vero tania copia eft ut nullius avis major Jîr, des Grives. 371 fois , & font un très-grand bruit & très- peu mélodieux. En générai parmi les grives , les mâles & les femelles font à peu-près de même groiTeur, & également fujets à changer de couleurs d'une faifon à l'autre ( l); toutes ont ia première phalange du doigt extérieur unie à celle du doigt du milieu , les bords du bec échancres vers la pointe , & aucune ne vit de grains, foit qu'ils ne conviennent point à leur appétit, foit qu'elles aient ie bec ou feftomac trop foibîe pour les broyer ou les digérer. Les baies font k fond de leur nourriture, d'où leur e(l venu la dénomination de baccivores; elles mangent aulîi des infecles, des vers, & c'eft pour attraper ceux qui fortent de terre après les pluies , qu'on les voit courir alors dans les champs & gratter la terre , fur-tout les draines & les Iitornes; elles font ia même chofe l'hiver dans les endroits bien expofés où ia terre eft dégelée. Leur chair eft un très-bon manger, fur- tout celle de nos première & quatrième cipèces qui font ïa grive proprement dite (l) Alius eis hieme coter, alius a fia te. Ariïbt. O V! - $J% Hïjîoïrc Naturelle & le mauvis ; mais les anciens Romains en faifoient encore plus de ca* que nous (m) % & ils confer voient ces oiièaux toute l'année dans des eipèces de voiièrea qui méritent d'être connues. Chaque volière contenoit pîufieurs mil- liers de grives & de meries , fans compter d'autres oifeaux bons à manger, comme ortolans , cailles , &c. & il y avoir une fi grande quantité de ces volières aux en- virons de Rome ? fur -tout au pays des Sabins, que la fiente de grives étoit employée comme engrais pour fe tiiifer ies terres , & ce qui eit à remarquer , on s'en lervoit encore pour engraifîer les bœufs & les cochons (n). Les grives avoient moins de liberté dans ces volières que nos pigeons fuyards n'en ont dans nos colombiers ? car on ne ies en laifîoit jamais fortir , aulîi n'y pondoient - elles point ; mais comme elles (m) huer ares turdus. . . . hter quadrupèdes glorî A frima lepus. Martial. (n) Ego arbitror prœflare ( flercus) ex aviariîs tmdormv ac merularum quod non Jolum ad agrwn utile* fed etiam ad cibum , ita bubus & fuibus ut fiant pingueSê Varro, de re Rujika, ILb. I, cap. xxXYlllj des Grives, 373 y trouvaient une nourriture abondante & choifie , elles y engraliïoient au grand avantage du propriétaire fo,t Les individus femblcient prendre leur iervitude en gré j mais l'efpèce refîoit libre. Ces fortes de ^rivières étoîent des pavillons voûtés, garnis en dedans d'une quantité de juchoirs , vu que la grive eft du nombre des oileaux qui fe perchent \ ta porte en étoit très- bafTe , ils avoient peu de fenêtres 6c tournées de manière qu'elles ne laiiToient voir aux grives prifonnières ni la cam- pagne, ni les bois, ni les oifeaux fauvages voltigeant en liberté, ni rien de tout ce qui aLroit pu renouveler leurs regrets «5s ïes empêcher d'engrailTer. II ne faut pas que des efciaves voient trop clair; on ne leur laifîoit de jour que pour diftinguer ies ch-ofes deftînées à fatisfaire leurs prin- cipaux befoins. On les nourrifToit de millet (0) Chaque grive graîîè fe vendoit , hors des temps du pafîàge, juiq.ua trois deniers romains, qui reviennent à environ trente fous de notre monnoie,. & lorfqu'ii y avoir un triomphe ou quelque fefîin public , ce genre de commerce rendoit jufqu'à douze cents pour cent» Voyez Columeiie, de re Bufticà, iib. VM, cap. x.~ Varron, lib. III, eap, Va 374* Hiftoire Naturelle & d'une efpèce de pâtée faite avec des figues broyées & de la farine, & outre cela de baies de lentilque, de minhe , de lierre, en un mot, de tout ce qui pouvoit rendre leur chair iucculente & de bon goût. On les abreuvoit avec un filet d'eau courante qui traverioit la volière. Vingt jours avant de les prendre pour ies manger, on augmentoit leur ordinaire & on le rendoit meilleur , on poufToit l'attention juiqu'à faire paffer doucement dans un petit réduit qui communiquoit à. la volière , les grives gralTes & bonnes à prendre, on ne les prenon en effet qu'après avon bien refermé la communication , afin d'éviter tout ce qui auroit pu inquiéter & faire maigrir celles qui refloient; 01 tâchoit même de leur faire illufion er tapiiTant la volière de ramée & de verdure fouvent renouvelées , afin qu'elles pulTent fe croire encore au milieu des bois : en un mot, c'étoit des efclaves bien traités, parce que le propriétaire entendoit fes intérêts. Celles qui étoient nouvellement prifes fe gardoient quelque temps dans de petites volières féparées avec plufieurs de celles qui avoient déjà l'habitude de des Grives. 375 îa prifon (p)) & moyennant tous ces foins on venoit à bout de les accoutumer un peu à l'efclavage, mais prefque jamais on n'a pu en faire des oileaux vraiment privés. On remarque encore aujourd'hui quelques traces de cet ufage des Anciens, perfectionné par les Modernes, dans celui où l'on eft en certaines provinces de France d'attacher au haut des arbres fré- quentés par les grives , des pots où elles puiiTent trouver un abri commode & fur fans perdre la liberté, & où elles ne manquent guère de pondre leurs œufs (q) , de les couver & d'élever leurs petits ; tout cela le fait plus fûrement dans ces elpèces de nids artificiels que dans ceux qu'elles auroient faits elles-mêmes; ce qui con- tribue doublement à la multiplication de l'efpèce , foit par la confervation de îa couvée , foit parce que perdant moins de temps à arranger leurs nids , elles peuvent faire aîfément deux pontes chaque (p ) Voyej^ Columelle & Varron , locis citatis, (c[) Voyez Bdoiït Nature da Oifeaux, page 326; 37 6 HiJIoire Naturelle année (r). Lorfqu'elles ne trouvent point de pots préparée , elles font leurs nids fur les arbres & même dans les bluffons, & les font avec beaucoup d'art ; elles les revêtiffent par - dehors de moufle , de paille, de feuilles sèches, &c. mais le dedans eft fait d'une forte de carton affez ferme, compofé avec de la boue mouillée, gâchée & battue , fortifiée avec des brins de paille & de pentes racines ; c'efl fur ce carton que ïa plupart des griv< dépotent leurs œufs à cru & fans aucui matelas , au contraire de ce que font lei pies & les merles. Ces nids font des hémifphères creux d'environ quatre pouces de diamètre. Lî couleur des œufs varie , félon les diverfes efpèces , du bleu au vert , avec quelques petites taches obfcures, plus fréquentes au gros bout que par-tout ailleurs. Chaque (r) II paroît même qu'elfes font quelquefois trois couvées, car M. Salerne a trouvé au commencement de feptembre un nid de grives de vigne où ii y avoit trois œufs qui netoient point encore éclos, ce qui avoit bien l'air d'une troifième ponte. Voyes (on Hijhire Naturelle des Oifcaux , page 169. des Grives. 377 efpèce a aufîi fon cri différent , quelque- fois même on efl venu à bout de leur apprendre à parler (f), ce qui doit s'en- tendre de la grive proprement dite ou de la draine , qui paroiffent avoir les organes de la voix plus perfectionnés. On prétend que les grives avalant les graines entières du genièvre , du gui , du lierre , &c. les rendent fou vent afTez bien confervées pour pouvoir germer & pro- duire lorfqu'eîies tombent en terrein convenable (t) ; cependant Aîdrovande allure avoir fait avaler à ces oifeaux des raifins de vigne fauvage & des baies de gui , fans avoir jamais retrouvé dans leurs excrémens aucune de ces graines qui eût confervé fa forme (u). Les grives ont le ventricule plus ou moins mufcuieux ? point de jabot , ni même de dilatation de l'œfophage qui (S ) Agnjrpina conjux Cl, Cœfaris tuvdmn hahw't, (juod mtnquam an te , imitant em Jermone s homînvm, Plin. lib. X , cap. XLII. Voyez aufTi le Traite du Rojjignol , page 93, (t) Dijfeminaior vijci , ilicis .... juniperi. Linnseus^ Sj'jkm, Nat. edft. x, page 1 68. (u) Omitholcgia, tome II, page 585, 378 Hïflotre Naturelle puiiTe en tenir lieu, & prefque point Je cœcwn, mais toutes ont une véficule du fiel , le bout de la langue divifé en deux ou plufieurs filets , dix - huit pennes à chaque aile & douze à ia queue. Ce font des oifeaux trilles , mélanco- liques, & comme c'efl l'ordinaire , d'autant plus amoureux de leur liberté ; on ne les voit guère fe jouer, ni même fe battre enfembïe , encore moins fe plier à la domefticité ; mais s'ils ont un grand amour pour leur liberté , il s'en faut bien qu'ils aient autant de reffources pour la conferver ni pour fe conferver eux - mêmes : fine- gaîité d'un vol oblique & tortueux elt prefque le feul moyen qu'ils aient pour échapper au plomb du chafîeur (x) & à ia ferre de i'oifeau carnalîier : s'ils peuvent gagner un arbre touffu , iîs s'y tiennent immobiles de peur, & on ne les fait partir que difficilement (y). On en prend par (x) D'habiles ChafTeurs mont affuré que les grives ëtoient fort difficiles à tirer , & p!us difficiles fous les aliziers, dans le voifmage d'une fontaine ou d'une marre, & quand l'endroit efl bien choifi & îes lacets bien tendus, (Jans un efpace de cent arpens, on prend pluf leurs cen- taines de giives par jour. Il refaite des obfervations faites en différens pays , que lorfque les grives paroilTent en Europe , vers le commen- cement de l'automne, elies viennent des climats feptentrionaux avec ces volées innombrables d'oifeaux de toute efpèce qu'on voit aux approches de l'hiver traverfer îa mer Baltique, & paffer de la Lapponie , de fa Sibérie , de la Livonie, proverbe , ^ceço-nç^ç %Xty ■> m^s c'e^ une vieitfê erreur : tous les Chaffeurs favent que la grive a l'ouïe fort bonne. 380 H'ijhhc Naturelle en Pologne, en PruifTe, & de-ïà dans les pays plus méridionaux. L'abondance des grives eft: telle alors fur la côte méri- dionale de la Baltique , que félon le calcul de M. Klein, la feule ville de Dantzick en confomme chaque année quatre-vingt- dix mille paires f^J; il n'eft pas moins certain que lorfque celles qui ont échappé aux dangers de la route , repaiTent après l'hiver , c'eft pour retourner dans le nord. Au relie, elles n'arrivent pas toutes à ia fois ; en Bourgogne c'eft la grive qui paroît la première , vers la fin de fep- tembre , enfuite le mauvis , puis ia litorne avec la draine; mais cette dernière efpèce eft beaucoup moins nombreufe (a) que les trois autres, & elle doit ie paroître moins en effet , ne fût - ce que parce qu'elle eft plus difperfée. Ii ne faut pas croire non plus que toutes les efpèces de grives paiTent toujours en même quantité ; quelquefois elles font en très -petit nombre, foit que le temps ait été contraire à leur multiplication , ou f^J Or do Avium , page 1781 (a) Klein , loco citato* des Grives. 381 qu'il (bit contraire à leur pafîage (b); d'autres fois elles arrivent en grand nombre, & un Obfervateur très-inftruft fc) m'a dit avoir vu des nuées prodîgieufes de grives de toute efpèce , mais princi- palement de mauvis & de litornes , tomber au mois de mars dans la Brie & couvrir, pour ainfi dire , un efpace d'environ fept ou huit lieues ; cette paffée qui n'avoit point d'exemple , dura près d'un mois , & on remarqua que le froid avoit été fort long cet hiver. Les Anciens difoient que les grives venoient tous les ans en Italie de de -là les mers , vers l'équinoxe d'automne , qu'elles s'en retournoient vers Péquinoxe du printemps ( ce qui n'en: pas généra- lement vrai de toutes les elpèces , du moins pour notre Bourgogne ) , & que (b) On m'afTure qu'il y a des années où les mauvis font très-rares en Provence; & la même chofe efi: vraie des contrées plus feptentrionales. (c) M. Hébert, Receveur général de l'Extraor- dinaire des guerres, qui a fait de nombreufes & très-bonnes observations fur la partie la plus obfcure de l'Ornithologie , je veux dire les mœurs & les habitudes naturelles des Qifeaux. '382 Hifloire Naturelle foit en allant , (bit en venant , eîîes fe rafîembloient & fe repofoient dans les ifîes de Pontia, Palmaria & Pandaiaria, voifmes des côtes d'Italie ( d). Elles fe repofent aufîi dans l'ifle de Malte où elles arrivent en octobre & novembre; le vent de nord-oueft y en amène quelques volées, celui de fud ou de fud - oued ies fait quelquefois difparoître , mais elles n'y vont pas toujours avec des vents déterminés, Sl leur apparition dépend fouvent plus de îa température de l'air que de fon mou- vement; car.fi dans un temps ferein ïe ciel fe charge tout-à-coup avec apparence d'orage , la terre fe trouve alors couverte de grives fe). Au relie , il paroît que Fifïe de Malte n'efl point le terme de la migration des (d) Varro, de re Rufh'câ , lib. III, cap. V. Ces ifles font fituées au midi de la ville de Rome, tirant un peu à l'eft. On croît que l'ifle de Pan- datarin eft celle qui eft connue aujourd'hui fous le nom de Ventotene. ( e) Voyez les Lettres de M. le Commandeur Godeheu-de- Riville, tome I, pages g 1 fr p 2. , des Mémoires présentés à L'Académie royale des ôciences par Us Savans étrangers. des Grives. 383' grives du côté du midi , vu la proximité des côtes de l'Afrique, & qu'il s'en trouve dans l'intérieur de ce continent, d'où elles pafTent, dit -on, tous les ans en Efpagne (f). Celles qui reftent en Europe fe tiennent l'été dans les bois en montagnes ; aux approches de i hiver eïles quittent l'in- térieur des bois où elles ne trouvent plus de fruits ni d'infectes , & elles s'établiiTent (f) « Étant "en Efpagne en 1707, dit le Traducteur d'Edwards , dans le royaume de « Valence , fur les côtes de la mer , à deux pas « de Caftillon de ia Plane , je vis en octobre de , & c'ett pour cela fans* doute qu'on lui â donné le nom de grive de vigne: elle difparoît aux gelées & fe remontre aux mois de mars ou d'avril , pour diiparoîtrc encore au mois de mai. Chemin faiiànt, la troupe perd toujours quelques traîneurs qui ne peuvent fuivre , ou qui plus preiTés que les autres par les do. » ces influences du printemps, s'arrêient dans les forêts de comparaifon fur ces oifeaux, ou même fur leurs defcriptions , iuï eût tait connoitre que le mauvis de Belon a le deffous & le pli de l'aile orangé, en quoi il reffemble à la Grive rouge , dont M. b'aîerne a fait fa quatrième efpèce, & non à fa féconde efpèce qu'il nomme petite grive de gui, laquelle eft celle de Cet article & a le deffous de l'aile rouiîàtre tirant un peu au citron. Voyez, fon Hifioire des Oifeaux , page 1 68- Un Hollandois qui avoit voyagé , ma afïuré que notre grive ordinaire , qui efi la plus commune en Hollande , y étoit connue, ainfî qu'a Riga & ailleurs, fous le nom de litorne. C'cft la petite grive de M. Briffon & la deuxième elpèce, tome il, page zoj* R«j j 8 8 Hiflôire lûté qui fe trouvent fur leur paiTage pour y faire ieur ponte (b): c'eft par cette raifon qu'il relie toujours quelques grives dans nos bois où elles font leur nid fur les pommiers «Se les poiriers fauvages , & même fur les genévriers & dans les bluffons , I comme " on l'a obfervé en Siléfie (c) & en Angleterre (d). Quel- quefois elfes l'attachent contre ie tronc d'un gros arbre à dix ou douze pieds de hauteur , & dans fa conftruclion elles emploient par préférence le bois pourri & vermoulu, • Elles s'apparient ordinairement fur la ~- , .- (b ) M. le Docteur Lottinger m'afTure qu'elles arrivent gux mojs de mars & d'avril dans les mon- tagnes de la Lorraine , & qu'elles s'en retournent aux mois de feptembre & d'octobre ; d'où il s'en- fuivroit que c'eft dans ces montagnes , ou plutôt dans les bois dont elles font couvertes, qu'elles paffent Ycté,s&- que c'eft de là qu'elles nous viennent en automne; mais ce que dit M. Lottinger doit — il s'appliquer à toute Tefpèce , ou feulement à un certain nombre de familles qui s'arrêtent en payant dans: les forets de fa Lorraine, comme elles font dans les nôtres! c'eft ce qui ne peut être décidé quç par de nouvelles obier vatiôns. (c) Veyez Frilch , Planche 2jt (d) Briùsh Zoology , page 51 x g Ae la Grive» 389 fin de l'hiver, & forment des unions durables: elles ont coutume de faire deux pontes par an, & quelquefois une troi.^ iième, lorfqùe les premières ne font pas venues à bien. La première ponte eiï de cinq ou fix œufs d'un bleu foncé avec des taches noires plus fréquentes -fur le gros bout que par-tout ailleurs, & dans les pontes fui vantes le nombre -,des œufs va toujours en diminuant, II e(t difficile dans cette efpèce de djftinguer les maies des femelles, foie par la groiTeur qui efh égale dans les deux fexes , foit , par le plumage dont les couleurs font variables , comme je l'ai dit. Aldrovande . avoit vu & fait delîiner trois de ces grives, priie-s en des faifons. différentes., & qui dlfté- roient toutes trois par la couleur du !oQCt des pieds & des plumes :' dans l'une les mouchetures de la poitrine étoient fort peu apparentes (e). M. Frifch prétend néanmoins que les vieux maies ont un§ raie blanche au - deflus des yeux , & M. .Linnaeus fait de ces . iour.cils blancs un des caractères . de l'efpèçe;. prefquq (e) Ornithologia , tome II, pages 581 6: 60 1* R m 39° Hiftoîre Naturelle tous les autres Naturaliftes s'accordent à dire que les jeunes mâles ne le font guère reconnoître qu'en s'eiTayant de bonne heure à chanter; car cette efpèce de grive chanre très- bien, fur- tout dans le prin- temps (f), dont elle annonce le retour, & l'année a plus d'un printemps pour elle , puifqu'eile fait plufieurs pontes ; auili dit-on qu'elle chante les trois quarts de l'année : elle a coutume pour chanter de fe mettre tout au haut des grands arbres , & elle s'y tient des heures entières : fon ramage eiï compote de plufieurs couplets dirTérens, comme celui de la draine , mais il eft encore plus varié & plus agréable , ce qui lui a fait donner en plu fieurs pays la dénomination de grive ■ thanttufè : au refte ce chant n'elt pas fans intention, & l'on ne peut en douter, prifqu'il ne faut que favoir le contrefaire, même imparfaitement , pour attirer ces ©féaux. (J) Dans les premiers iours de Ton arrivée, fur k tin de l'hiver , elle ne fait entendre qu'un petit fifiement, la nuit comme le jour, de même que îes ortolans , ce que les Chafieurs provençaux appellent Fijler, de la Grive. 3p î Chaque couvée va féparément fous ia conduite des père & mère; quelquefois piufieurs couvées le rencontrant dans les bois , on pourroit penfer à les voir ainfî raffembiées , qu'elles vont par troupes Homb renies ; mais leurs réunions font fortuites, ' momentanées , bientôt on les voit ie diviier en autant de petits pelotons qu'il y avoit de familïes réunies {g), & même fe dilperfer ablolument lorfque les petits font allez forts pour aller feuls (h). Ces oifedlix fe trouvent ou plutôt voyagent en Italie , en France , en Lor- raine , en Allemagne, en Angleterre, en ÉcofTe, en Suède où ils le tiennent dans les bois qui abondent en érables (i) ; ils paffent de Suède en Pologne quinze jours avant la Saint - Michel , & quinze jours (g) Frifch, article relatif à îa Planche 27. M. le Do&eur Lottinger dit auffi que quoiqu'elles ne voyagent pas en troupes , on en trouve piufieurs eniemble ou peu éloignées les unes des autres. (h) On m'aiïure cependant qu'elles aiment fa compagnie des calandres. (i) Lïnnaeus, Fauna Suecica, page 72, R iii; 35>2 Tiîfipire Naturelle après îorfqu'il fait chaud & que le ciel efi itrcin. Quoique la grive ait l'œil perçant, & qu'elle lâche fort bien fe fauver de les ennemis déclarés & fe garantir des dangers manifeftes, elle eil peu rufée au fond , & n'eft point en garde contre les dangers moins appareils : elle le prend facilement foit à la pipée, (bit au lacet, mais moins cependant que le mauvis. Ii y a des cantons en Pologne où on en prend une fï grande quantité qu'on en exporte de petits bateaux chargés (k). C'eft un oifeau des bois , & c'eft dans les bois qu'on peut lui tendre des pièges avec fuccès ; on le trouve très-rarement dans les plaines , & ïors même que ces grives fe jettent aux vignes, eiles fe retirent habituellement dans les taillis voifins le foir & dans le chaud du jour, en forte que pour faire de bonnes chafTes, ii faut choifir Ion temps; c'eft-à-dire, le matin à la fortie, le foir à la rentrée , & encore l'heure de la journée où la chaleur eft la plus forte. Quelquefois elles s'enivrent à manger des (£) RzaczimLi, Aufiuarium , page %i%, de -là Grive. \ 39 y» raifins mûrs , & c'eil aiors. que tous les. pièges font bons. Wûlughby qui nous apprend que cette efpèce niche en Angleterre & qu'elle y paffe toute l'année , ajoute que fa chair eft d'un goût excellent, mais en général la qualité du gibier dépend beaucoup de Ta nourriture: ceiie de notre grive en automne confiée dans les baies , la faine , les raifins , les figues , la graine de lierre , ie genièvre , l'afize & plufieurs autres fruits : on ne fait pas fi bien de quoi elle fubfïfte au printemps; on ïa trouve alors le plus communément à terre dans les bois , aux endroits humides & le long des buiilbns qui bordent les prairies où l'eau s'eil; répandue ; on pourroit croire qu'elle cherche les vers de terre , les limaces, &c. S'il furvient.au printemps, de fortes gelées, ïes grives, au lieu de quitter îe pays , & de paffer dans des climats plus doux dont elles fa vent le chemin, le retirent vers les fontaines où elles maîgriiïênt & deviennent étiques, il en périt même un grand nombre fi ces fécondes gelées durent trop , d'où l'on pourroit conclure que le froid n'eft point R'v s 394 Hiftoke Naturelle ïa caufe , du moins la feule caufe déter- minante de leurs migrations , mais que leur route efî. tracée indépendamment des températures de l'atmolphère, & qu'elles ont chaque année un certain cercle à parcourir dans un certain efpace de temps. On dit que les pommes de Grenade font un poifon pour elles. Dans le Bugey on recherche les nids de ces grives ou plutôt leurs petits dont on fait de fort bons mets. Je croirais que cette efpèce n'étoit point connue des Anciens, car Arifïote n'en compte que trois toutes différentes de celle-ci ( t) , & dont il fera queffion dans ïes articles fuivans : & l'on ne peut pas dire non plus , ce me fembïe , que Piine i'ait eu en vue en parlant de l'efpèce nouvelle qui parut en Italie dans le temps de la guerre entre Othon & Viteliius ; car cet oiièau étoit prefque de la groiTeur du • pTg on (m), & par conféquent quatre fois plus gros que la grive proprement dite qui ne pèfe que trois onces. J'ai obfervé dans une de ces grives que (i) Hifloria Animaliwn , Jib. IX, cap. XX, (m) Pline, ' lib, X, cap, XLIX. de la Cuve. 395 j'ai eue quelque temps vivante , que lorf- qu'elle étoit en colère , elle fàifoit craquer fon bec, & mordoit à vide. J'ai auffi remarqué que fon bec fupérieur étoit mobile, quoique beaucoup moins que l'inférieur. Ajoutez à cela que cette efpèce a ia queue un peu fourchue , ce que la figure n'indique pas aiïèz clairement. E v; 3^6 Hiflolre Naturelle. VARIÉTÉS DE LA GRIVE proprement dite. I. L j. Je ne fais pourquoi piufieurs Naturalises ont confondu cette grive avec le Tamatia de Marcgrave , page 2 o S , lequel ayant Je bec & la tête d'une grandeur difproportionnée , '<&. manquant abfolumcnt de queue, paroît être un oifeau tout différent des grives, Voje^ ks Planches enluminées, n,° 556, fig. 2. des 0 if eaux étrangers, &c. 40 î méridionales , comme la Jamaïque (b) & même la Caroline (c); & que dans cette dernière province elfe cheifit pour le lieu de fa retraite les bois les plus épais aux environs des marécages , tandis qu'à la Jamaïque , qui eil un pays plus chaud , e'eft toujours dans les bois qu'elle habite, mais dans les bois qui fe trouvent fur les montagnes. Les individus décrits ou repréfentés par les divers Naturaïiftes , diffèrent entre eux par la couleur des plumes, du bec & des pieds , ce qui donne îieu de croire ( fi tous ces individus appartiennent à la même efpèce ) que îe plumage des grives d'Amérique ntft pas moins variable que celui dé nos grives d'Europe , & qu'elles fortent toutes d'une louche commune. Cette conjecture eft fortifiée par le grand nombre de rapports qu'à l'oifeau dont il s'agit ici avec nos grives & dans fa forme, (b) M. Sioane qui parle des endroits où habite cette» grive, ne dit point que ce (bit un oifeau de pafîage , d'où l'on peut préfumer qu'ii rre la regardoît point comme telle. (c) Voyez Catefby, loco cirât o, 402 Hifîoîre Naturelle & dans Ton port , & dans Ton habitude de voyager, & dans celle de fe nourrir de baies , & dans la couleur jaune de fes panies intérieures , obfervées par M. Sîoane, & dans les mouchetures de la poitrine; mais il paroît avoir des rapports encore plus particuliers avec la grive pro- prement dite & le mauvis qu'avec les autres, & ce n'efr. qu'en comparant les traits de conformité que l'on peut déter- miner à laquelle de ces deux efpèces elle doit être fpécialement rapportée. Cet oifeau eft plus petit qu'aucune de nos grives , comme font en général tous les ci (eaux d'Amérique, relativement à ceux de l'ancien continent ; il ne chante point, non plus que le mauvis , il a moins de mouchetures que le mauvis qui en a moins qu'aucune de nos quatre efpèces ; enfin fa chair eil comme celle du mauvis un très- bon manger. Tels font les rapports de la grive de Canada avec notre mauvis ; mais elle en a davantage, & à mon avis de beaucoup plus décififs, avec notre grive proprement dite , à laquelle elle reifemble par les barbes qu'elle a autour du bec, par une eipcce de pïaqi des Oifeaux étrangers, &c. 40 3 jaunâtre qu'on lui voit fur la poitrine, par la facilite à devenir fédentaire dans tout pays où elle trouve fa fubfifïance, par Ton cri alTez fembiable au cri d'hiver de la grive , & par conféquent fort peu agréable, comme font ordinairement ïes cris de tous les oifeaux de ces contrées fauvages habitées par des Sauvages; & fi l'on ajoure à tous ces rapports l'in- duction' résultante de ce que la grive & non le mauvis fe trouve en Suède /d), d'où elle aura pu facilement païTer en Amérique, il femble qu'on fera en droit de conclure que la grive du Canada doit être rapportée à notre grive propre- ment dite. Cette grive, qui comme je î'ai dit, eft paflagère dans le nord de l'Amérique, arrive en Pen.ylvanie au mois d'avril; ( d) M. BrifTbn prend pour le mauvis fe nirdus û.ïis fubtus ferritgineîs , frç. n.° 189 de la Fauna Suet i a ; rr ais ii parrît que c'eft une méprife , pui que M. Linhseus le donne pour un oileau qui chante très- bien & pour e même que le turdus vifa'vorus m;nor , que le turdus Jîmp/ic'ter diélvs de M. Ray, & que le tardas mu fiais , lequel efl h quatrième grive du Syft. Nat.' page 1 6 y , & cer- tainement notre grive proprement dite, 404 Hiftoîre Naturelle, &c> elle y refle tout l'été , pendant lequel temps elie fait fa ponte & élève lès petits. Catefby nous apprend qu'on voit peu de ces grives à la Caroline, (oit parce qu'il n'y en refte qu'une partie de celles qui y arrivent , ou parce que , comme on l'a vu plus haut , elles fe tiennent cachées dans les bois ; elles fe nourrirent de baies de houx, d'aubépine, &c Les fujets décrits par M. Sloane avoient les ouvertures des narines plus amples & les pieds plus longs que ceux décrits par Catefby & M. Briiîbn; ils n'avoient pas non plus le même piumage, & fi ces différences ëtoient permanentes on feroit fondé à les regarder comme les caractères d'une autre race, ou û l'on veut d'une variété confiante dans i'eipèçe dont il s agit ici. 40 5 LA ROUSSE ROL LE (a). o N a donné à cet oifeau ïe nom de Roiîignol de rivière, parce que le mâle chante la nuit comme ie jour , tandis que la femelle couve, & parce qu'il fe plaît dans les endroits humides; mais iï s'en faut bien que fon chant foit auili agréable que celui du roiîfgnoî, quoiqu'il ait plus d'étendue ; iî l'accompagne ordinairement d'une action très -vive, & d'un trémouf- fement de tout fon corps: il grimpe le * Voye^ les Planches enluminées, n.° 513. fa) C'eft h fixième grive de M. Briiïbn ,' tome H, page 2 1 y , Belon a cru mai-à-propos que c'étdii V alcyon vocal d'Ariftote ; car cet alcyon a le dos bleu : on iui a donné ie ncm de roujferolk, à caufe de la couleur roufle de fon plumage , d'autres celui de roucherolle , parce qu'elle fe tient parmi les rouches , c'efl-à-dire, parmi les joncs; d'autres celui de tire-arrache , à caufe de fon cri : félon Belon elle prononce diftin&ement ces fyllabes: tara, fret, fuys , huy , treu En Latin, Turdus palujlris, Junco, Cincius, Pajfer aquaticus ; en Italien, Pajfere d'acqua; en Al ernand, B>uch-weiden-rohr-drof[el ; en Anglois, Greater-reed-fparrow ; en Américain, Aiototkquichitl 3 félon Nieremberg; AcQtQtloauiçhhl, félon Feniandez| ÇaracuWf félon Ltëu 406 Hijîoire Naturelle long des rofeaux & des faules peu éïeve's , connue font les grimperaux, & il vit des infectes qu'il y trouve. L'habitude qu'a ia rouffèrolle de fré- quenter les marécages , fembie l'éloigner de ia cialle des grives, mais elle s'en rapproche tellement par fa forme exté- rieure, que M. Klein qui l'a vue preique vivante , puilqu'on en tua une en la préfence, doute qu'on puifTe la rapporter à un autre genre. Il nous apprend que ces oiieaux le tiennent dans les ides de ï'embouchure de la Viltule, qu'ils, font leur nid à terre fur le penchant des petits 'tertres couverts de moufTe (b). Enfin il fbupçonne qu'ils paffent l'hiver dans les bois épais & marécageux (c ): il ajoute qu'ils ont toute la partie lupérieure du corps d'un brun roux , la partie inférieure d'un blanc fale, avec quelques taches cendrées ; le bec noir , le dedans de la (b) lis le font entre les cannes & rouches , avec de petites paiiles de roufeaux, tuivant ftelon , & ils pondent cinq à lîx œufs, page 224. (c) Belon qui avoit d'abord regardé îa roufîëroUe comme oifeau de paflâge, allure c|ue depuis il avoit connu le contraire, \ Pl.XFZirtjpap .^ofr LA ROUSSETIOLLE de la RoufferoHe. 4 07 bouche orangé comme les grives, & les pieds plombés (d). Un habile Obfervateur m'a afîuré qu'il connoifloit en Brie une petite rouiïerolle , nommée vulgairement effarvatte, laquelle babille auffi continuellement , & fe tient dans les rofeaux comme la grande. Cela expiique la contrariété des opinions fur la taille de la raufïèrolle que M, Klein a vue grofîe comme une grive, & M. Brifîon , feulement comme une alouette. C'elt un oifeau qui vole pefam- ment & en battant des ailes : les plumes qu'il a fur la tête (ont plus longues que les autres , & lui font une elpèce de huppe afîez peu marquée. M. Sonnerai a rapporté des Philippines une véritable rouiïerolle , parfaitement femblable à celle du n.° J ij* (d) Voyez Ordo Avium,^zgç, 179. 4o 8 flijîoire Naturelle lîxjffij^a^.xsi'ii'i-vrSTHir-..: * LA DRAINE (a). V^< E T T E Grive fe diftingue de toutes ies autres par fa grandeur , & cependant il s'en faut bien qu'elle fcit aufîl grofle que la pie , f Voyelles Planches enluminées , n.° 4.89. (a) La Draine ou la groiïe Grive de M BrilTon, tome II, page 2 o o ; en Grec, Xfoetç , ï^ôaDppçt ULupTDTnuhhoç i en Turc, Garatauk ; en Latin, Turdus major, maximus, vjfcivorus ; en Italien, Tordu, Turdela , Gardenna , Dreffa , Dreffano , Gajotio , Columbina ; en Allemand , Krambs-vogel , Schruirre , Ziering, Zeher, Zerrer, Schnerrer ; en Suifle, Mifller, Miftel-drojîel, Miflel-jiemmer , &c. en Angiois, Mijsle ou Mijfeî-bird, Shr'ite , Shreitch , Alijje-toe Thrmh; en Gallois ou vieux Breton, Peh-ye/hvyn , fVeft-à-dire, Maître du BuifonJ , Y Drefglen, Crecer ; en Poionois, Oroçd Naywiekshy ', Jemiolucha, Cnavlo : on l'appelle en différentes provinces dê^ France, Ciferre, Jocaffe ou Jacode , Gri>e de Brou, Grive Provençale, Gillonière (du mot G il/on , qui fïgnifie Gui en Savoyard) Trie, Trage , Truie , Treiche* Traîne, Trie -trac, &c, Le tout félon 3VL Salerne qui applique mal- à -propos à la draine '(■page 1 6 S ) les noms de Cha-cha, Chia-chia, Cia-8,ia, lefquels expriment évidemment le cri de ia litorne. Belon prétend que c'eft par erreur qu'on l'appelle à Paris une Calandre; (Nature des 0 if eaux, de la Draine, 40^ ïa pie , comme on îe fait dire à Ariftote (b), peut-être par une erreur de Copifte , car ïa pie a prefque ïe double de mafle , a moins que les grives ne foient pïus groffes en Grèce qu'ici, où ia draine qui efl certainement ia plus groile de toutes ne pèfe guère que cinq onces. Les Grecs & les Romains regarçfoîent les grives comme oi féaux de pafîàge (c) , & ils n'avoient point excepté la draine qu'iis connoïlloient parfaitement fous le nom de grive yifcivore , ou mangeujk de gui. En Bourgogne ïes draines arrivent en troupes aux mois d'oclobre & de novem- bre, venant félon, toute apparence des montagnes de Lorraine (d), une partie page S2 4-) nous avons vu en effet crue cetoit ïe nom de la grolïe aiiouette , & i! nt faut pas donner Je même nom à des efpèces différentes, La draine s'appelle auffi Haute grive en Lorraine, & Verauetz en Bugey où le gui ie nomme Verquet, (i) Hijloria Ammalium, lib. IX, cap. XX. (c) Voyez Ariftot. Hiftoria Animaiium , ïwt VIII; cap, XVI. — Pline, tib X, cap. XXIV, — Varro, de re Rujlka , ïïh. III , cap, V* (d) M. le Do&eur Lottinger, de Sarbourg^ OifeaitXj Tome V, S 4io Hiflolre Naturelle continue fa route & s'en va, toujours par bandes , dès ïe commencement de l'hiver , tandis qu'une autre partie demeure jufqu'au mois de mars & même plus long- temps ; car il en refïe toujours beaucoup m'affure que celles de ces gaves qui s'éloignent àes montagnes de Lorraine aux approches de l'hiver, partent en feptembre & en octobre, qu'elles reviennent aux mois de mars & d'avril , qu'elles nichent dans les forêts dont ces montagnes font couvertes , &c. tout cela s'accorde fort bien avec ce que nous avons dit d'après nos connoiffances particulières ; mais je ne dois pas difTimuler la contrariété qui fe trouve entre une autre obfervation que le même M. Lottinger m'a communiquée & celle d'un Ornithologiite très -habile: celui-ci (M. Hébert) prétend qu'en Brie les grives ne fe réu- nifient dans aucun temps de l'année, & M. Lottinger allure qu'en Lorraine elles voient toujours par troupes, foit au printemps, foit en automne, & ^n effet nous les voyons arriver par bandes aux environs de Montbard, comme je l'ai remarqué; leurs allures féroient- elles dilïërentes en des pays ou en des temps différens! cela n'ef'l pas fans exemple; & je crois devoir ajouter ici, d'après une obfervation plus détaillée , que le paffage du mois de novembre étant fini, celles qui reftent l'hiver dans nos cantons, vivent féparément & continuent de vivre ainfi juf- qu'après la couvée ; en forte que les affermons des deux Obfervateurs fe trouvent vraies , pourvu qu'on leur ôte leur trop grande généralité, & qu'on le teftreigne à un certain temps & à de certains lieux. de la Draine, 41 1-, pendant l'été , tant en Bourgogne qu'en plufieurs autres provinces de France & d'Allemagne , de Pologne , &c. (e) II en reite même une (1 grande quantité en Italie & en Angleterre, que Aldrovande a vu les jeunes de l'année fe vendre dans îes marchés (f) , & qu'Albin ne regarde point du tout les draines comme oifeaux de paiïage (g)> Celles qui relient, pondent, comme on voit, & couvent avec fuccès : elles établifTent leur nid tantôt fur des arbres de hauteur médiocre, tantôt fur îa cime des plus grands arbres , préférant ceux qui font les plus garnis de mou (Te ; elles le conftruifènt tant en dehors qu'en dedans avec des herbes, des feuilles & de la mouiTe , mais fur-tout de ïa mouiTe blanche , & ce nid rellembïe moins à ceux des autres grives qu'à celui du merîe , ne fût-ce qu'en ce qu'il eft mateïaflé en dedans. Elles produifent à (e) Rzaczinskjr, Auéluarium , page 4.23. (f) Omithohgia , tome II, page 5. (g) Albin, tome I, page 28. Les Auteurs de la Zoologie Britannique ne difent point non plus que ce foit un oifeau de paffaae. s 9 4l2 Hifloire Naturelle chaque ponte quatre ou cinq œufs grf$ tachetés (h), & nourrirent ieurs petits avec des cheniïïes , des vermifTeaux , des limaces & même des limaçons dont elles cafTent îa coquille. Pour elles, elles tnangent toutes fortes de baies pendant ïa bonne faifon, des ceriies, des cor- nouilles , des raifins , des alifes , des olives, &c. pendant l'hiver, des graines de genièvre, de houx, de lierre & de nerprun, des prunelles, des fenelies, de la faine & fur- tout du gui (v). Leur cri d'inquiétude efl tré , tré , tré, tré, d'où paroît formé ïeur nom fiourguigncn draine, & même quelques - uns de leurs noms Anglois; au printemps les femelles n'ont pas un cri différent , mais les mâles chantent alors fort agréablement, fe plaçant (h) « Ces oifeaux, dit Albin, ne pondent guère j> plus de -quatre ou cinq œufs, ils en couvent trois , & n'ont jamais plus de quatre petits. •>•> Je ne rapporte ce pafTage que pour faire voir avec quelle négligence cet ouvrage a été traduit, & combien on doit être en garde contre les fautes que cette Traduclion a ajoutées à celles de l'original. (i) Suivant Eelon, elles mangent l'été le gui des fapins , & l'hiver celui des arbres fruitiers. Nature des Oifeaux, page 326, de la Draine. 413 à îa cime des arbres, & leur ramage ed coupé par ph raies différentes qui ne le fuccèdent jamais deux fois dans le même ordre : l'hiver on ne les entend plus. Le mâle ne dîfFèie extérieurement de ïa femeifc que parce qu'il a plus de noir dans Ton plumage* Ces oi féaux font tout-à-fait pacifiques : on ne les voit jamais fe battre entre eux, & avec cette douceur de mœurs ils n'en font pas moins attentifs à leur confer- vation; ils font même pïus méfians que les merles qui pafient pour l'être beaucoup ; car on prend nombre de ceux-ci à la pipée , & l'on n'y prend jamais de draines ; mais comme il eft difficile d'éviter tous les pièges, elle fe prend quelquefois au ïacet, moins cependant que ia grive pro- prement dite & îe mauvis. Belon afîure que ïa chair de la draine , qu'il appelle grande grive , efl de meilleur goût que celle des trois autres efpèces (k); mais cela efl contredit par tous les autres Naturalises , & par notre propre expé- rience. II efl vrai que nos draines ne ■ -— « (h) Belon , Nature des Qijeaux , page 3 : 6. S ïlj 4 1 4 Hifloîre Nhtureïïe , &c . vivent pas d'olives, ni nos pentes grives, de gui , comme celles dont il parie , & Ton fait jufqu'à quel point la différence de nourriture peut influer far la qualité & le fumet du gibier. 4M VARIETE DE LA DRAINE. J— . page 424. ( e ) Elles arrivent en Angleterre vers le commen- cement d'octobre & eiîes s'en vont au mois dç marst Voyez h Zoologie Britannique , page 90. de la Litorne. 41c) & en général iïs fréquentent beaucoup moins les bois que les deux efpèces précédentes. Quelquefois ils font dès le commencement de i'automne une pre- mière & courte apparition dans le moment de la maturité des alizés dont ils (ont très - avides , & ils n'en reviennent pas moins au temps accoutumé. Il n'ed pas rare de voir ies litornes fe ra(Tembïer au nombre de deux ou trois miile dans un endroit où il y a des alizés mûres , «5c elles îes mangent fi avidement qu'elles en jettent la moitié par terre. On les voit aufîi fort fouvent après les piuies courir dans les filions pour attraper ïes vers & les limaces. Dans les fortes geiées , elles vivent de gui, du fruit de l'épine blanche ôl d'autres baies (f). On peut conclure de ce qui vient d'être dit, que ies litornes ont ies moeurs différentes de celles de la grive ou de la draine , ôl beaucoup plus ibeialès. Elles vont quelquefois feules, mais le plus fouvent elles forment, comme je l'ai remarqué, des bandes très-nombreufes, (f) M. le Dodeur Lotcinger. S VJ 420 Hijîoire Naturelle & Iorfqu'eîles fe font ainfl réunies elles voyagent & fe répandent dans les prairies fans le iëparcr; elles fe jettent aufïi toutes enfçmble Jur un même arbre à certaines heures du jour, ou loriqu'on les approche de trop près. M. Linnasus parle d'une litorne, qui ayant été élevée chez un Marchand de yin, fe rendit fi familière qu'elle couroit fur la table & alloit boire du vin dans îes verres ; elle en but tant qu'elle devint chauve, mais ayant été renfermée pendant un an dans une cage, fans boire de vin, elle reprit fes plumes (g). Cette petite anecdote nous offre deux chofes à remar- quer , l'effet du vin fur les plumes des oifeaux, & l'exemple d'une litorne appri- voifée, ce qui eft a fiez rare; les grives, comme je l'ai dit plus haut , ne fe privant pas alternent. Plus ie temps eft froid , plus les litornes abondent, il lemble même qu'elles en preffentent la ceiTaiion , car les chalfeurs & les habitans de la campagne font dans l'opinion que tant qu'elles fe font n i ■ i un ■ ■■ o»^l ($] Fauna Swcica, page 71, de la Lifo me, 42 ï entendre, l'hiver n'eft pas encore paiTé* Elles fe retirent l'été dans les pays du nord où elles font leur ponte & ou elles trouvent du genièvre en abondance ;. Frifch attribue à cette nourriture le bon goût qu'il reconnoît dans leur chair (h). J'avoue qu'il ne faut point difputer des goûts, mais au moins puis- je dire qu'en Bourgogne cette grive pafîe pour un manger affez médiocre , & qu'en général le fumet que communique le genièvre efl mêlé de quelque amertume. Q'autres prétendent que fa chair de la litorne n'eft jamais meilleure ni plus fucculente que dans le temps où elle fe nourrit de vers & d'infecftes. La litorne a été connue des Anciens, fous le nom de turdus pilaris , non point parce que de tout temps elle s'eil prife au lacet > comme le dit M. Saierne /ijf car cette propriété ne . l'auroit point diftinguée des autres efpèces qui toutes fe prennent de même ; mais parce qu'elle a autour du bec des efpèces de poils ou > 1 ... 1 — ___. (h) Frifch , article relatif à la planche 2 6* (l) Hïft. Nat, des Oifeaux,, page iji^ 422 Hïftoire Naturelle, '&c. de barbes noires qui reviennent en avant & qui font plus longues que dans la grive & la draine. II faut ajouter qu'elle a ia ferre très- forte, comme l'ont remarqué les Auteurs de ia Zoologie Britannique. Frifch rapporte que lorfqu'on met les petits de la draine dans le nid de la litorne , celle-ci les adopte, les nourrit & les élevé comme fiens ; mais je ne concïurois point de cela feul , comme fait M. Frifch, qu'on peut efpérer de tirer des mulets du mélange de ces deux efpèces ; car on ne s'attend pas fans doute à voir écîore une race nouvelle du mélange de la poule & du canard , quoiqu'on ait vu fouvent des couvées entières de cannetons menées & élevées par une poule. PI '. XUC. paç . <£2 2. 2yaiy.j.<.}2 i^.i.LADRAWE i^.2.LALITO]lTiE: \ 4*j VARIÉTÉ DE LA LITORNE. X«jA LlTORNE PIE OU TACHETÉE (a): elle eil en effet variée de blanc, de noir & de plufieurs autres couleurs diftribuées de manière qu'excepté ia tête & le cou , qui font blancs tachetés de noir , & la queue qui' eft toute noire , les couleurs fcmbres régnent fur la partie fupérieure du corps avec des taches blanches , & au contraire , les couleurs claires & fur- tout le blanc fur la partie inférieure avec des mouchetures noires dont la plupart ont la forme de petits croifTans. Cette litorne eft de la groiîeur de l'eipèce ordinaire. On doit rapporter à cette variété la iitorne à tête blanche de M. Briffon (b); elle a comme elle la tête blanche , ainfi qu'une partie du cou , mais fans mouche- tures noires , & elle ne diffère de la (a) Voyez Albin, tome II, -page 2.4. — Klein, Or do avium , page 6 y , n,° X, — BrilTon , Orrinho- bgie , tome II, page 218. (b) Torne Ilppagezi^j 424 Hiftoire Naturelle, &c. litorne commune que par cette tête blanche, en forte qu'on peut la regarder comme la nuance entre la iitorne com- mune & la litorne pie, II e(t même afTez naturel de croire que la variation du plumage commence par la tête , le plu- mage de cette partie étant en effet fujet à varier dans cette efpèce d'un individu à l'autre , comme je l'ai indiqué dans l'article précédent. 4M OISEAUX ÊTRA NGERS, Qiii ont rapport à la LlTORNE. I. * LA LlTORNE DE CAYENNE* *J E rapporte cette grive à la îitorne 9 parce qu'elle me paraît avoir plus de rapport à cette efpèce qu'à toute autre par ia couleur du defïus du corps & par celle des pieds: au refte , elle diffère de toutes ces grives, en ce qu'elle n'a pas à beaucoup près les griveîures de la poitrine & du deilbus du corps aufîi marquées, en ce que Ton plumage e(t varié plus univeriellement , quoique d'une autre manière , prefque toutes les plumes du dclîus & du deiïous du corps ayant un bord de couleur plus claire, qui * Voye^ ?es Planches enluminées, n.° 515* où cet ©ifeau cft reprcfcnté fous le nom de Grive de- Couenne, 426 H î flaire Naturelle defïme nettement leur contour; en ce que la gorge eft de couleur cendrée , fans mouchetures ; enfin en ce qu'elle a les bords du bec inférieur é chancres vers le bout, ce qui m'autorife à en faire une efpèce différente , jufqu'à ce que l'on connoifTe mieux fa nature, fes moeurs & fes habitudes. I I. * LA L I T O R N E D E C A N AD A (a). C'est ainfi que Catefby appelle la grive qu'il a décrite & fait repréfenter dans fon Hifloire de la Caroline (b), & j'adopte cette dénomination d'autant plus volontiers que la litorne fe trouvant * Voyelles Planches enluminées, n.° 556, fig. t. (a) C'efl: la neuvième grive de M. Briffon, & qu'il nomme Grive de Canada , tome 1 1 , page 225. Le nom de Fieldfare que lui donne M. Catefny, eft celui qui en À lillois défigne particulièrement la litorne, Voyez WiHughby , page i}8 ; & Bri::'sk Zoolngy, page 90. (b ) Tome I,, page 29. des Oifeaux étrangers, &c. 427 en Suède, du moins une partie de l'année , elle a bien pu pafTer de notre continent dans l'autre & y produire des races nouvelles. La Iitorne de Canada a ïe tour de l'œil blanc, une marque de cette même couleur entre i'œil & ïe bec , ïe deiïus du corps rembruni, ïe deiTous orangé dansf fa partie antérieure , & varié dans là partie poftérieuré de blanc faïe, & d'un brun roux , voilé d'une teinte verdâtre ; eïîe a aufii quelques mouchetures fous ïa gorge dont ïe fond efl: bîanc. Pendant l'hiver elle paiîe par troupes nombreufes du nord de l'Amérique à la Virginie & à îa Caroline , & s'en retourne au printemps comme tait notre iitorne ; mais elle chante mieux (c). M. Catefby dit qu'elle a ïa voie perçante comme la grive de guy, qui eft notre draine. Ce même Auteur nous apprend qu'une de ces litornes de Canada ayant fait ïa découverte du premier aïaterne qui eût été planté dans îa Virginie, (c) H faut toujours fe rappeler qu'on ne fait point comment chante un oifeau quand on ne l'a pas entendu chanter au temps de l'amour, & que îa Iitorne ne niche point dans nos contrées. 428 Hifîoire Naturelle , &c, prit tant de goût à Ton fruit qu'elle re^la tout l'été pour en manger. On a aiu ré à Catefby que ces oi féaux nichoient dans le Maryiand > & y demeuroient toute i'ànnée. 4-2?' I *L£ MAÛV1S (a). L ne faut pas confondre îe mauvis avec les mauviettes qu'on fert fur les tables à Paris pendant l'hiver , & qui ne font autre chofe que des alouettes ou ' * Voye^ les Planches enluminées, n.° 51. (a) Le Mauvis; en Grec, K/^Aa, hUç , îhlctjk, en Latin, Turdus illis, Iliacus, Tylas ; en Italien, JVJalvijjo , Tordo -face I/o , Cion , Ctpper ; en Efpagnol, Malvis ; eri Catalan, Tort-alarohg ; en Allemand , Wein-droflel, Roth-droflel , Heide-droftel , Pfiejf-drojlel, Rot-trojlel, Heide-^iemmer , Betmer- ijemmer , Behemle , Boemerlin , Boemerle , Weingarf- vogel, & parmi le peuple, Bitter ; en Suifîè, Berg- trojlel, Wintiel, Girerle , Gixerle ; en IHyrien, Gz- rav/ech^; en Poionois, Droxd-mnieyjfy ; en Anglois, Wind-tkrush, red-wing , Swine-pipe ; en Gallois, Y Drefglen-goch, Soccenyreira; en différentes provinces de France & pays limitrophes, Grive montagnarde , Grive tre , Rofel/e , Grive Champ encije , Grive des Ardennes , ardennoije , Grive de vendange , Tris 9 Siffleur. (Voyez Salerne, page 172) Les payfans de Brie lui donnent le nom de Can ou Quan, qui paroît évidemment formé de Ton cri. Nos payfans des environs de Montbard lui donnent celui de Boute-quelon & celui de Ca'androte , qui dans nos planches enluminées a éié donné mal-à-propos à i^ Viorne , «." 4jp 9» 43° Hiflohe Naturelle d'autres petits oifeaux tout différens du mauvis. Cette petite grive eft la plus inté- reiïante de toutes , parce qu'elle eft la meilleure à manger, du moins dans notre Bourgogne , & que fa chair eft d'un goût très-fin (b) . D'ailleurs elle fe prend plus fréquemment au lacet qu'aucune autre (c) , ainfi c'eft une efpèce précieufe Se par la qualité & par la quantité. Elle paroît ordinairement la féconde, c'eft-à- dire , après la grive & avant la iitorne ; elle arrive en grandes bandes au mois de novembre , & repart avant Noël ; elle fait fa ponte dans les bois qui font aux environs ■de Dantzick (d) , elle ne niche prefque jamais dans nos cantons, non plus qu'en Lorraine où elle arrive en avril & qu'elle (b) M. Linnceus dit le contraire, Syfl. Natt , page i 6 j?. Cette différence d'un pays à l'autre dépend apparemment de celle de la nourriture ou peut-être de celle des goûts. (c) M. Frifch & les Oifeleurs affurent qu'elfe ne fe prend pas aiftment aux lacets , quand ils font faits de crin blanc ou de crin noir ; & il eft vrai qu'en Bourgogne i'ufage efl de les faire de crins noirs & de crins blancs tortillés enfembie. Voyez Frifch , article de la pi. 2 8. (d) Klein, Or do Avium, page 178. du Mauvis. 43 r abandonne fur la fin de ce même mois pour ne reparoître qu'en automne , quoi- qu'elle pût trouver dans les vaftes forêts de cette province une nourriture abon- dante & convenable ;- mais du moins elle y ieyourne quelque temps, au lieu qu'elle ne fait que paifer en certains endroits de i' Allemagne , félon M. Frifch. Sa nourriture ordinaire ce font les baies & ïes vermiffeaux , qu'elle fait fort bien trouver en grattant ïa terre. On Ix reconnoît h ce qu'elle a ïes plumes plus ïuftrées , plus polies que ïes autres grives , & à ce qu'eiïe a ïe bec & ïes yeux plus noirs que ïa grive proprement dite , dont elle approche pour ïa grofTeur, & qu'elle a moins de mouchetures fur ïa poitrine : elïe fe diilingue encore par ïa couleur orangée du defïbus de l'aile, raifon pour- quoi on la nomme en pïufieurs langues , Grive à ailes rouges. Son cri ordinaire efi tan, tan, kan , kan, & ïorfqu'eîle a aperçu un renard, fon ennemi naturel , elïe ïe conduit fort ïoin, comme font auiTï ïes merles > en répétant toujours ïe même cri. La plupart des 4 3 2 Hijloire Naturelle Naturalistes remarquent qu'elle ne chante- point ; cela rne femble trop abfolu , ii iaut dire qu'on ne l'entend g. ère chanter dans les pays où elle ne le trouve pas dans la laiton de l'amour, comme en France, en Angleterre, &c. Cette ref- triéîion eft d'autant plus néceilaire qu'un très-bon Obfervateur ( M. Hébert ) m'a aiiuré en avoir entendu chanter dans la Brie, au printemps ; elles éioient au nombre de douze ou quinze fur un arbre, & gnzouilloient à peu- près comme des ïinottes. Un autre Obfervateur, habitant îa Provence méridionale, m 'allure que le mauvis ne fait que fiffler, &. qu'il fiflle toujours , d'où l'on peut conclure qu'il ne niche pas dans ce pays. Ariftote en a parlé ious ie nom de turdus lliacus ; comme de la plus petite grive & la moins tachetée (e). Ce nom de turdus lliacus, femble indiquer qu'elle paffoit en Grèce des côtes d'Afie où fe trouve la ville à' Ihum, L'analogie que j'ai étaMie entre cette (e) Ariiiot. Hifi, Animalium f lib, IX, cap xx. efpèce du Maims. 433 efpèce & ïâ litorne fe fonde fur ce qu'elles font Tune & l'autre étrangères à notre climat , 011 on ne les voit que deux fois' l'année (f) , fur ce qu'elles fe réunifient en troupes nombreufes à certaines heures , pour gazouiller toutes enfembie , & encore fur une certaine conformité dans la grivé- lure de la poitrine ; mais cette analogie n'eft point exclusive, & on doit avouer que le mauvis a aufîi quelque choie de commun avec la grive proprement dite ; fa chair n'eft pas moins délicate, il a le deiTous de l'aile jaune, mais à la vérité d'une teinte orangée & beaucoup plus vive ; on le trouve quelquefois feui dans les bois & il fe jette aux vignes, comme îa grive avec laquelle M. Lottinger a obfervé qu'il voyage fouverit de com- pagnie, fur-tout au printemps» Il refaite (f) En Hifloire Naturelle, comme en bien d'autres matières , il ne faut rien prendre trop abfolument. Quoiqu'il foit très -vrai en générai que ie mauvis ne paffe point l'hiver dzn< notre pays* cependant M. Hébert m'afîùre qu'il en a tué une année , par un froid rigoureux , plufleurs douzaines fur une aubépine qui étojt encore chargée de fe| fruits rouges. Qifeaux, Tome V* T 434 Hifîoke Naturelle , érc. de tout cela que cette efpèce a les moyens de iubflfter des deux autres , & qu'à bien des égards on peut la regarder comme faifont ïa nuance entre la grive & la litorne. OISEAUX ETRANGERS, Qui ont rapport aux Grives èr aux Merles. i. LA GRIVE BASSETTE de Barbarie (a). J 'appelle ainfii cet oifeau à caufe de fes pieds courts: il reffeinble aux grives par fa forme totale , par ion bec 9 par les mouchetures de la poitrine feinées régulièrement fur un fond blanc , en un mot, par tous les caractères extérieurs, excepté les pieds & le plumage ; fes pieds font non-feulement plus courts, mais plus forts, en quoi ii en directement oppofé à l'hoamy, & femble fe rapprocher un peu de la draine, qui a les pieds plus (a) Thomas Shaw lui donne ie nom de Grcm thrush, T i; '4 3 6 Hiflobe Naturelle courts à proportion que nos trois autres grivres, A l'égard du plumage, il eft d'une grande beauté ; la couleur domi- nante du deffus du corps, compris la tête & le cou , eft un vert clair & brillant , îe croupion eft teint d'un beau jaune, ainfi que l'extrémité des couvertures de ia queue & des ailes, dont les pennes font d'une couleur moins vive; mais il s'en faut bien que cette énumération de couleurs , fût - elle plus détaillée , pût donner une idée jufte de l'effet qu'elles produifent dans l'oifeau même : pour rendre ces fortes d'effets il faut un pinceau & non pas des paroles. M. Shaw qui a obfervé cette grive dans (on pays natal , en compare le plumage à celui des plus beaux oî féaux d'Amérique (b) : il ajoute qu'elle n'eft pas fort commune, & qu'elle ne paroît qu'en été au temps de la maturité des figues ; ce qui fuppoie que ces fruits ont quelque influence fur l'ordre de fa marche; & dans ce feul fait j'aperçois deux nouvelles analogies entre cet oifeau fl>J Thomas Shaw's Travels, page zsji a es O if eaux étrangers, &c. 437 & les grives , qui font pareillement des oifèaux de paffage , & qui aiment beau- coup les figues (c ). I I. * L E T I L L Y o u LA GRIVE CENDRÉE D'ÂMÉ R I Q,U E (d). Tout le delTus du corps, de la tête & du cou eft d'un cendré -foncé dans Foifeau dont il s'agit ici : cette couleur s'étend fur les petites couvertures des ailes, & pafîant fous ie corps, remonte d'une part julqu'à la gorge ex clufi ve- inent, & defcend d'autre part, mais en Te ( c) Nous avons vu plus haut que c'étoit la nourriture que les Anciens recommandoient de donner aux grives qu'on vouloit engraifTer pour Ja table ; & nous verrons plus bas qu'elle rend la chair des merles plus délicate* * Voye^ les Planches enluminées, n.° 560, fig. r. (d) C'efî ie Red leg d Trush ou la Grive aux •pieds rouges de Catefby, ( tome I , -page 30) & ie Tv.rdus vifdvorus plumbeus de Klein , Ordo Avium , gen. V, fp. XXII; enfin la quarantième Grive de Si. Briffon, tome II , page 2.88* Tiij 43 5 Hijloïre Naturelle dégradant , jufqu'au bas- ventre qui eft de couleur blanche ainfi que les couver- tures du délions de la queue : la gorge eft blanche auiîi , mais grivelée de noir ; les pennes & les grandes couvertures des aiîes font noirâtres & bordées extérieure- ment de cendré : les douze pennes de la queue font étagées & noirâtres comme celles de l'aile, mais les trois latérales de chaque côté font terminées par une marque blanche d'autant plus grande dans chaque penne que cette penne eft' plus extérieure. L'iris , le tour des yeux , le bec & les pieds font rouges , l'efpace entre l'œil & le bec eft noir , & le palais eft teint d'un orangé fort vif. La longueur totale du lilïy eft d'environ 10 pouces, Ton vol de près de 14, fa queue de 4, Ton pied de 1 8 lignes, fon bec de 1 2, & fon poids de 2 \ onces: enfin Tes ailes dans leur repos ne-vont pas jufqu'à la moitié de la queue. Cette efpèce eft fu jette à des variétés, car l'individu obfervé par Catefby avoit le bec & la gorge noirs ; cette différence de couleurs ne tiendroît-elle pas à celle LES MOQUEURS. U: N oifeau remarquable par quelque endroit a toujours beaucoup de noms , & lorfque cet oifeau eft . étranger , cette multitude embarraftante de noms , qui eft un abus en foi, donne iieu à un autre abus plus fâcheux encore, celui de la multiplication des eipèces purement nomi- nales , & par conféquent imaginaires, dont fextinclion n'importe pas moins à i' Hiftoire Naturelle , que la découverte de nouvelles eipèces véritables : c'eft ce qui eft arrivé à l'égard des moqueurs d'Amérique. En effet, il eft aifé de reconnoître, en com^ parant le moqueur de M. Briffon- (a) 6c le merle cendré de Saint-Domingue repréfenté dans nos planches enluminées, 71 * 5 5 % > que ces deux oifeaux appar- tiennent à la même efpèce , & qu'ils ne diffèrent entre eux que par la couleur du defTous du corps qui eft un peu moins grife dans le merle cendré de Saint- (a) Ornithologie, tome II, page sCa? 446 Hlftoire Naturelle Domingue que dans le moqueur : on reconnoîtra pareillement & par la même voie de comparaifon , que le merle de Saint-Domingue de M. Brifîon (b) eft encore le même oifeau, ne différant du moqueur que par quelques teintes plus ou moins foncées dans les couleurs du plumage, & parce que les pennes de fa