Ethrarg Interattg of ptiistror^ Darlmgton Mémorial Library j VJfl P Z( cr-0 Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Pittsburgh Library System http://www.archive.org/details/histoirenaturellOOrous HISTOIRE NATURELLE ET POLITIQUE DE LA PENSYLVANIE 'HISTOIRE NATURELLE ET POLITIQUE D E LA PENSYLVANIE, E T DE L'ÉTABLISSEMENT DES QUAKERS - DANS CETTE CONTRÉE. Traduite de l'Allemand. P. M. D. S. Cenfeur Royal. Précédée d'une Carte Géographique. A PARIS, Chez G ane au , Libraire , rue S. Severin , aux Armes de Dombes. M. DCC. LXVIII. Avec Approbation & Privilège du Roi, /S^7 v V avertissement; DE HAUTEUR FRANÇOIS, T rien n'eft plus propre À donner une idée fu~ blirrie de l'Auteur de la Nature , que le fpectaclé dei'immenie variété des êtres qui couvrent notre globe , rien aufîî ne rapproche davantage l'homme de la Divinité , que Pufage qu'il fait faire de Ton intelligence pour le bonheur de Tes femblables 3 lorfque , deftiné par fa naifTance aies gouverner, il fait leur afïit- rex- leurs, fortunes & le libre exer- vj Avertijfima'ir. cice de cette raifon , qui fait le: bien le plus précieux de l'huma- nité. Ce double tableau d'Hiftoire' Naturelle & d'Hiftoire Politique,, eft l'objet de cet Ouvrage , ÔC forme fa divifion. La première Partie renferme des obfervations, auffi fa vantes- qu'agréables , fur les productions des trois genres , & fur la Théorie du continent de ia Penfvlvanie, qui jufqu'ici n'a voit été connue que très- imparfaitement. Tous les Amateurs d'Hiftoire Naturelle les recevront, fans doute 3 avec empreflèment , lorfqu'ils fauront qu'elles font l'ouvrage d'un Sa- vant Suédois, difciple du célèbre Linnasus. La féconde Partie préfente l'É- tat Civil de la Penfylvanie y pré- cédé de l'Hrftoire de la Ceilion qui en a Penn , avec des détn'ls intéref- fans fut les Loix qu'il y a éta~ rAvenijJemenr.. vif blies. On ne voit pas fans éton- nemenc que ces Loix ont, pour ainfi dire , créé des hommes dans cette Colonie , piiiique 3 dans refpace de 70 ans, 5 à 600 âmes fe Font multipliées jufqu'à trois cens mille. Sur quelle baFe ce Fondateur a-t-il donc établi l'é- difice de Fa légiilation ? Sur deux: pivots, les Feuls qui puiiTent faire la Fplendeur des Etats & la féli- cité des Peuples ; la liberté , la, propriété. C'eft par des moyens auffî iimples , que de vaftes plaines liériilëes de forêts impénétrables , habitées par des bêtes féroces , continuellement occupées de guerres &c de carnage , ont été converties en des champs cou- verts d'abondantes mohTbns , en des Villes commodes , où des milliers d'hommes de toute Na- tion ôt de toute Religion, jouif- Fent paiFiblement de leurs richeF- Fes , comme du fruit de leur in- viij Avertijjcment: duftrie ; St vivent en frères , parce' qu'ils ont la liberté de penièr en hommes.. Quoique cet Ouvrage ne foit annoncé que gomme une (impie Traduction de l'Allemand , on. en chercheroit envain l'Original dans aucune Langue. Si je n'ai témoigné tant d'indifférence pour l'honneur du deilein rde l'ordon- nance et de la manière de cette Hiftoire ; c'effc que j'ai voulu prévenir d'abord qu'une çrande partie du fonds etoit empruntée de deux Ecrivains étrangers, dont je ne fais ■ Couvent que rendre les expreflions. Le premier eh: M. Kalms , Suédois , Membre de l'Académie Royale des Sciences de Stockolm , èc ProfefTeur d'E- conomie à Abo _, capitale de la Finnlande. M.Linnxus ayant con- çu le defTein de faire recueillir les Plantes & les Semences des di- vers Pays,, iitués à la même lati- tude. Averiijfement. ioc tude cpie la Suède , & de les faire cultiver dans ce Royaume , pour y former de nouvelles branches d'Agriculture & d'Economie , M. Kalmsfut choiii pour exécu-' ter ce projet. La Nation concou- rut généreufement à cette entre- prife , & ce Savant s'embarqua en 1747 pour l'Amérique. Le Journal Etranger ( a ) 3 qui a rendu compte du voyage de notre Académicien Suédois, finit l'extrait qu'il en donne par les réflexions fuivantes. m Ce voyage » eft très -curieux ; il eft à fou- n haiter que l'Auteur le publie en >3 latin , comme il fe l'cft propo- 55 fé j pour l'avantage commun >3 de l'Europe. Il y a peu de Na- 55 tions qui ne puiflent tirer de 53 fes recherches 5 des lumières » pour l'amélioration de leur 55 fol. « ( a ) Mois de Juillet 1761 , Article 1Y. b x Averùjj'tmem. Ce Jugement /que fenfé , m'eût détermine fans doute à donner la tra- ciûclion entière du voyage de M. 'iKalms 3 fi je n'euile pr'cf- fenri que le goût François ne 1 croit pas le même que celui des Suédois 5 parmi lefquels ce voyage a eu la plus grande réputation. Autant il y auroit d'injuftice à Tefûfer à l'Auteur la qualité de Naturalise favant & judicieux ,3 autant il y auroit d'indulgence à lui donner le titre d'Ecrivain ex- cellent & agréable. Si l'on fe fût contenté de le fuivre pas à pas ; fi l'on fe fût amufé à parcourir avec lui toutes -les rues d'une ville , à rapporter leurs noms , à toifer la hauteur &c la profondeur •des maifons, fans oublier d'en compter les étages &: les croifées., qui peut répondre qu'une pareille .lecture -eût -été goûtée ? Indépendamment de ces im- ijjement. X). perfections , la relation de M. Kalms , a de plus la forme aride d'un itinéraire , rempli de remar- ques journalières , qui font paffer fous les yeux , en dilTerens temps v trois ou quatre fois le même objet. Elle èft encore furchargée d'une infinité de circonftances minutieufes , de détails fopora- tifs , qui peuvent intérefTer le Voyageur qui les écrit ; mais dont la traduction n'eût pas man- qué de produire fon efFct fur les Lecteurs François les moins dil- poiés à l'afToupifTement. Il eil iingulier que le Nord de l'Europe n'ait jufquaà préfent produit prefque aucun Ecrivain , qu'on ne puille juftement accufer du défaut contraire à la méthode & à la précifion. Auffitot que M. Kalms eut pu- blié fon Voyage en Langue Sué- doife, il fut traduit en Allemand. &. recueilli dans une collection xîj Avertijjement. de Voyages modernes, imprimée à Gœttingue en 1754, en 10 vol. in-8°. C'eft dans ce Recueil que j'ai puifé tout ce que j'ai rap- porté d:après le favant Suédois , travefti en Allemand. Pour jetter plus de jour fur la nomenclature des Plantes , on y ' a joint les noms latins que leur donne M. Linnœus , & même ceux qui fe trouvent dans lès. Inftitutions Botaniq.ues de Tour- nefort. Gn en a ufé de même, à l'é- gard du Rèpnc Animal Ôc Mi~ néraî, toutes les fois qu'on a ju- gé cette méthode avaiitagcufe ; èc ccfï toujours du favant Natu- râliftë Suédois , que l'on a adopté l'es dénominations. Le fécond Voyageur qui m'a- fourni quelques détails , eft le iieur Gottlieb Mittelberger, Or- ganifte & Maître d'Ecole Alle- mand , qui a exercé ces deux: Avertîjjement. xiïj profeffions en Penfylvanie pen- dant pluiieurs années. Le devoir de Juge impartial , que tout Ecrivain ne doit jamais perdre de vue , m'oblige à. prévenir que cet Etranger., peut- être excellent Maître pour en- seigner à lire à des enfans , eut bien dû lui même apprendre à écrire pour des perfonnes raison- nables. A l'exception du morceau qui forme le premier Chapitre de cette Hiftoire , morceau inté- reiîant par les. connoiflances qu'il donne des noirceurs , des réduc- tions _, &c de toutes les manœu- vres qu'infpire la cupidité ; &c que pratique rimpofture pour fur- prendre l'innocence ; le refbe de la relation de Mittelberger eft rempli de détails puériles, de ré- flexions triviales , qui révoltent à chaque page. Cependant parmi l'yvraie qui abonde dans cette production , on trouve quelques faits extraordinaires., qui font cou- xîv AvertiJJement. firmes par le rapport de M. Kaîms.. Si ia {implicite du Voyageur Al- lemand le met à l'abri de tout foupçon d'impofture , èc fert,, dans ces circonflances, d'orne- ment à la vérité ; les connoif- fances de l'Académicien Suédois , fon expérience dans la Science des Obfervations , doivent aufîl garantir d'erreur fes récits. Oeft du moins d'après ce3 principes, que l'on a jugé ces deux Voyageurs, & que l'on a rapporté , fur leur témoigna- ge , plufieurs faits d'Hiftoire Na- turelle, que leur fingularité ne rend pas moins- difficiles à expli- quer qu'à croire. Ces deux Voyageurs étrangers ne font pas les feuls qui nous ont fourni des fecours. Nous en avons encore trouvé dans dirfe- rens Ouvrages François Se An- glois , anciens &; modernes , où, il cffc parlé de la Penfylvanie. Tels font : un, Recueil de Pièces. Avernjjèment. XV concernant Ja-Penfylvanie ; une Lettre de Williams Penn à. £$$ Frères les Quakers d'Angleterre, dans laquelle il donne la dei- cription de cette Contrée en 16S i (a) -9 la Relation du Voyags de Richard Caftclman dans cette Colonie en 1710 (b ) ; l'Améri- que Angloife , par Richard Blo- tti e ; PHiftoire Univerfêlle 3 par une Société de Gens de Lettres d'Angleterre (c) ; enfin, une pe- tite Brochure , traduite de l'An- glois en François , en 1756, & publiée fous ce titre : Exat aciuel de la Pcnfylvanïe. (a) Ces deux pièces font imprimées fépa.- rément , & forment un petit volume in-n-, publié à la Haye en 1684., ( b ) Cette relation efr. irr primée à la fuite du Voyage du Capitaine Robert Boyle , 2 vol. jn-12. Amsterdam. 1750, Voye^ le Chapitre pre- mier du 41 volume, ( c ) Defcription des Tfles & Terres du Roi d'Angleterre en Amérique , traduit de l'Ajn.- glois > in- 11 , Amfterdam. TABLE DES CHAPITRES ET DES PARAGRAPHES, Contenus dans ce Livre. Vj Hapitre I. Route d' Allemagne en ■ Penfylvanie. Edaircijfeme-ns prélimi- naires fur la perfonne du Voyageur, Motifs de la publication de cet Ou- vrage. Page i Chap. 11. Defcription géographique de- la Penfylvanie. Sa ftuation. Ses li- mites. Rivières qui l* arrofcnt. 55 l Chap. III. Climat de Penfylvanie. Qua- lités des eaux qui s'y trouvent. Olfer- vations fur la durée des jours , & fur ' la température de chaque faifon. 3 9 Chap. IV . Hiftoire Naturelle de la Pen- fylvanie. 46 § L Règne Végétal, ■ Idem. TABLE DES CHAPITRES , &c *vî| § II. Obfervations fur quelques Plantes- tardives , & fur le peu de durée des, bois de cette Contrée. 8$ § III. Règne Animal de la Penfylvanie,. Quadrupèdes qu'il comprend. 86* § IV. O if eaux domeftiques & fauvages, de la Penfylvanie. \iy § V. Reptiles de la Penfylvanie. 130 Hijloire naturelle du Boiciningua 3 ou. Serpent à fonnettes. , 1 3 2. § VI. Infectes de la Penfylvanie. 142* § VII. PoiJJbns qui fe trouvent dans les rivières & fur les côtes. ' 1 5 6. Chap. V. Obfervations fur la Théorie- du continent de la. Penfylvanie. 157 § I. Genre Minéral. Corps qu'il com- prend. iCz Chap. VI. Obfervations intérejfantes fur. dijférens fujets de Phyfique , fur la: formation dès grottes , ôcc. 173 Chap. VII. E clair ciffemens préliminaires: fur la propriété de la Penfylvanie , cédée à M. Penn. 179., § I. Déclaration du Roi d'Angleterre j,.. portant cejfwn de cette Contrée , & lai impofant le nom quelle, porte ^ § II. Autre Déclaration dit Roi d'An- gleterre , en faveur de ceux qui veu-*. lent aller h+ibiter la Penfylvanie. 1 8 m xviij T A B O § III. Règlement faits par M. Penn 3* en faveur des Colons. 191 Chap. VIII. Etat politique de la Pen- fylvanie. i^j § I. Idée- de toutes les villes de cette Colonie. Idem. § II. Defcription de Philadelphie. No-- tice- de toutes les Sectes & des Edi- fices publics quelle comprend. ici Chap. IX. Secle extraordinaire des Dunkars ou Dumplers. ni Gliap. X. Des Habitans de la Penfyl- vanie en général. 227 § I. Portrait des deux Sexes. UJ âge s • particuliers. Idem. §■11. Cérémonies des funérailles & des mariages de Penfylvanie. Aventure Jîngulière d'un Bigame. i$o § III. Obfervations fur les qualités phyfîques des Peuples de la Penfylva- nie. 236 Ghap. XI. Confthution politique de la Penfylvanie. 238 § \. Gouvernement civil- Revenus de la Colonie. Vice de cette Conflitution. 239 § II. Monnaie. Adminiflration de la Jujlice civile & criminelle. Loix pé- nales. 241' §111. Commerce de la Penfylvanie. Ma.* >DES CHAPITRES, m 'îïufdclures. Grands chemins. Louable Coutume des Habitans. 246 :§ IV. Etat des Domtfiiques & des Ef- claves en Penfylvanle , & dans toutes les Colonies Angloifes. 250 •Chap. .XII. Des Sauvages ou Habitans naturels de la PenfyUanie. 2 57 -§ I. Noms dt ces Sauvages. Pays qu'ils occupent. Leur portrait. Leurs habil- lemens. Idem. §11. Logemens 3 meubles de ces Sau- vages. Leur nourriture. Leur langage. z6o § III. V fa ge s particulier s. Education des en/ans. Leurs Funérailles. Leur Deuil. 16 3 § IV. Vfages religieux de ces Sauvages. Cérémonie folemnclle. 167 § V. Gouvernement de ces Sauvages. Manière dont ils tiennent leurs Jjjem- blées publiques , & dont ils traitent les affaires. 270 ,§ VI. Qualités naturelles de ces Sau- vages. Bonheur de leur condition. 275 § VII. Caractère de ces Sauvages. Exem- ple de leur intelligence & de leur mé- moire. 2S0 § VIII. Conjecture fur l'origine de ces Sauvages. 285 . Chap. XIII. Gouvernement Militaire de *pc TABLE DES CHAPITRES , &c. la Penfylvanie. Cruautés inouïes des Sauvages Dellawares. Fanatifme des 'Quakers. Tableau de ce qui s'y efl paffé depuis IJS4 ■> jufqu'à la fin de IJS6, i S 8 Aile pour établir l'ordre & la difcipline parmi ceux des Habitans de Penfylva- nie j qui dejlreront s'unir en Corps de Milice , paffé dans l'Jffemblée géné- rale de la Province , le 2 s Novembre 17 SS- $03 Eclairciffemens fur les Observations Mé- téorologiques. 320 'Obfervations Météorologiques faites en 1748 , pendant les mois d' Août > Sep- tembre , Octobre 3 Novembre & Dé- cembre. 3 21 Fin de la Table des Chapitres & des Paragraphes. HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE ET POLITLQUB D E PENSYLVANIE CHAPITRE PREMIER. Route d'Allemagne en Penfylvanie. Éclairciffemens préliminaires fur la. perfonne du Voyageur. Motifs de la publication de cet Ouvrage. E partis au mois de Mai 17$© d'Enzweyhingen ma patrie , dans le bailliage de Vaihin- gen, &: je me rendis à Hail- hroucj où je trouvai une orgue deftinée pour Philadelphie 3 dans la Penfylvanie. Je la fis charger , & je m'embarquai moi - même fur le Rhin À HISTOIRE NATURELLE ET POLITLQUE D E PENSYLVANIE- CHAPITRE PREMIER. Route d'Allemagne en Penfylvanie. É clair cijfemens préliminaires fur la. perfonne du Voyageur. Motifs de la publication de cet Ouvrage. E partis au mois de Mai 1 7 50 d'Enzweyhingen ma patrie , dans le bailliage de Vaihin- gen , Se je me rendis d Hail- broucj où je trouvai une orgue deflinée pour Philadelphie 3 dans la Penfylvanie. Je la fis charger , & je m'embarquai moi -même fur le Rhin A 2. Histoire ;pour Rotterdam. De-îà je me rendis à I-Iaupp, en Angleterre , far un vaiiTeati qui tranfportoit ci l'Amérique environ quatre cens perfonnes d'Ailemagne , des cantons de Wirtemberg , de Dour- lach , du Palatinat &c de la Suiffe. Après neuf jours de réiidence dans le port , nous remîmes à la voile , Se nous débarquâmes enfin le 10 Octobre 1750, à Philadelphie, Capitale delà Penfylvanie. Mon voyage d'Enzweyhin- gen à Rotterdam fut de fept femaines, à caufe des obitacles fréquens qu'on «prouve fur le Rhin, en Allemagne , 6c dans les Pays-bas. J'ai refté près de quatre ans en Pen- fylvanie , & j'y ai été employé , ainfi que le prouvent mes atteftations , en qualité d'Organifte 8c de Magifter de l'Eglife allemande de S. Auguftin _, au bailliage de la Providence, je me fuis ■en outre occupé à donner des leçons de mufîque &c de langue Allemande , dans différentes maifons confulérables {a). ( a ) Notre Relateur rapporte ici , pour con- firmer (on récit, un certificat conçu en termes. Le fieur Mittelberger , maître de Muûque , por- rëilr du préfent certificat t étant dans l'intention de quitter cette Province, & de fc rendre dans D Ë PïKSYLVANÎE. 5 Ue me fuis foigneufement arraché à faire des informations fur l'état du pays : Ion ne trouvera rien dans ma relation , que je n'aye vu moi-même , ou que je n'aye appris de gens dignes de foi Se très- inftruits de la topographie de la Penfyl- vanie. Je dois dire aufli que j'aurois pu faire une relation beaucoup plus ample , (î le Duché de \Y/irtemberg en Allemagne , j'at- tefte que ledit iîeur s'eft conduit honnêtement Se avec l'approbation générale , dans la place d'Or- fanifte & de maître d'Ecole , qu'il a exercée pen- ant trois ans dans le bailliage de la nouvelle Providence , comté de Philadelphie , en Penfyl- vartie 5 de façon que tous ceux qui l'ont em- ployé , ainfi que moi , ont été très-contens de fes fetvices & de Tes talens ; ce qui nous auroic fait défirer vivement à tous de le garder plus longtemps dans notre pays. Mais comme il eft obligé de retourner dans fa patrie , nous recom- mandons ledit fieur Mittelberger à toutes per- fonnes , de quelle qualité & condition qu'elles foient ; prions tous ceux qui font à prier > de vouloir lui accorder tous les fecours qui lui fe- ront nécefTaires , pour qu'il voyage librement, & qu'il arrive heureufement dans fa famille. Au furplus, que Dieu l'affilié ; que la bénédiélion du ciel l'accompagne partout, le fafîe réufiïr dans fes entreprifes , & le conduife en bonne fente dans l'Allemagne , il n'aura pas befoin des foibles fecours des hommes. C'eft ce que nous lui fouhaitons tous du plus profond de notre cœur, & moi en mon particulier. Signé , C. DlENER. Aij 4 Histoire j'avois préfumé qu'un jour je devois xendre public, tout ce que je favois de la Penfyivanie. La connoilfance de mes forces, fort au-deflous d'une pareille entrepriie , a longtemps arrêté ma plu- me ; & vraifernblablement je ne me fe- rois jamais hazardé dans la carrière d'E- crivain , fi je n'y euife été potuTé par les accidens que j'ai effuyés , tant dans mon voyage d'Allemagne en Amérique, que dans mon retour en Europe j Se fi ces malheurs , dont les artifices de difre- rens particuliers qui font le métier de fuborneurs , font la caufe première , ne m'eiiAent excité à dévoiler toutes les indignités dont j'ai été le témoin. Un autre motif encore , & le prin- cipal , qui m'a engagé à publier cette relation , c'en: l'envie de djffiper les belles illufions avec lefquelles des fu- borneurs Hollandois furprennent mes compatriotes , pour trafiquer honteufe-* ment de leurs perionnes ave.c les An- glois , qui les envoyer.t dans leurs co- lonies , où ils le rrouvenr réduits à la condition la plus dure :\: la plus à plain- dre. Lorfque je fuis parti d'Amérique , je n'ai pu refufer aux prières & aux lar- mes d'une multitude d'infortunés du dePensylvaniï. 5 Palatinat , du Wirtemberg & duDour- lach , qui gémilfent en Penfylvanie d'a- voir abandonné leur patrie,.,; la pro- meire folemnelie de faire connaître leur fîtuarion miférable., & les manœuvres honteufes de certains Anglois 8c Hol- landois, par lefquelles ils y ont été ré- duits. Heureux _, li ce récit peut defiiiie c les yeux du peuple Allemand, & porter hs Princes Se les Seigneurs de l'Empire à fermer L'entrée de leurs Etats à ces odieux trafiquons d'hommes y qui rif vont que pour les dépeupler. Ces ■conlîdérations me perfuadent que l'Allemagne, & même toute l'Europe* recevra avec plaifîr le détail certain Se fidèle de la route qu'on tient pour pâlies en Penfylvanie , du temps que dure ce voyage , de ce qu'il coûte d'argent de de peines, & enfin qu'on fera charmé de connoître le climat & les productions de cette contrée, fes habitans , leurs refTources , leurs ufages , leurs occupa- tions , Se les difFérens cultes religieux qu ils pratiquent. On compte des Etats de Wirtemberg & de Dourîach jufqu'en Hollande , à la pleine mer, environ deux cens lieues, & 150 lieues de - là jufqu'à Kaupp , port d'Angleterre, d'où les vaiflTeaux A iij. € H I S T O I R ; 1 partent ordinairement pour pafler ens Amérique. De Kaupp on n'a pas moins de treize cens lieues à faire ? jufqu à ce qu'on apperçoive la première pointe de terre de Penfylvanie , .5c enfuit e cin- quante lieues pour gagner Philadelphie $, ce qui fait enfemble un trajet de du- fept cens lieues de France.. On part communément dans les pre- miers jours de Mai , & on arrive à la fin d'Octobre ; ainfi ces fix mois en- tiers fe pafTent dans la fîtuation la plus gênante. Il eft vrai que dans ces fix mois il faut en retrancher fix femaines , qu'on employé à defcendre le Rhin , depuis. Hêilbroa jufqu'en Hollande. Ce voyit'ge- qui devroit durer tout-au-plus quinze jours ,.n'eft ii long que parce qu'on pâlie devant trente-fix villes , où l'on perçoit des droits de péage , pour la fureté clef- quels tous les bateaux font vifités : &c ces vifites fe faifant au gré des gens commis au recouvrement de ces droits de péages , il arrive très-fréquemment que ces Employés , qui ne font ni civils ni complaifans , choifïllent leur temps & leur commodité , & par-là font arrê- ter les bateaux quelquefois plufieurs- jours de fuite. D E P E N S V L V A M I E. f Arrive en Hollande , on y eft encore arrêté cinq ou lix femaines, pour don- ner le temps de faire les préparatifs du voyage. Là on entaiTe les hommes dans les vaifTeaux } comme des harengs dans des caques. Chacun a pour chambre à cou- cher , & pour appartement , un ef- pace de deux pieds de large , &c de fix de long' tout au plus. Chaque vai fléau contient ainfi quatre , cinq & jufqu'à fix cens perionnes, indépendamment d'une procligieufe quantité de meubles, d'effets , d'uftenciles de ménage & d'au- tres groffes marchandifesj & de provi- sions de toute efpèce. D'Àmfterdam ou de Rotterdam , on employé trois femaines ou un mois pour paifer à Kaupp , à caufe des vents con- traires. Mais fepr â huit jours fuffifenc" pour ce trajet , quand le vent eft bon. On achevé de charger les vahTeaux à Kaupp j & par. cette raifon on y refte à l'encre douze ou quinze jours. Enfin on appareille : on met à la voile pour la dernière fois : on perd de vue les côtes d'Angleterre, & Ion ne voit plus que le ciel & la mer. C'en: alors que commencent les regrets , qui font bientôt fuivis de misères & de ma- ladies de toute efpèce. A iv t Histoire Il faut deux mois Se demi ou trois mois , pour atteindre les cotes de Pen- fylvanie , fuivant que le vent eft bon. Ce trajet s'eft même fait plufieurs fois en fept femaines. Les différens retards qu'ont éprouvé tous les paftagers depuis leur départ d'Allemagne , leur a fait confumer la plus grande partie de leur argent & de leurs provisions; ils en manquent pré- cisément dans le temps où ils en au- roient le plus befoin. Auiïï la nourri- ture 3 qui eft de viandes falées ou trop vieilles , l'ufage d'eaux mal faines oa corrompues , la mauvaife odeur , les vapeurs infectes qui s'exhalent de tous ces corps renfermés dans des endroits ténébreux , Se qui empoifonnent le peu d'air qu'on y refpire ; ce funefte aflfemblage de mauvais air 8c d'ali- mens non moins dangereux, engendre toutes fortes de maladies ; telles que la dyffenterie , la fièvre , la colique , des obftru&ions , le feorbut , des cancers j ôc autres maux de gencives Se de bou- che ; traîne an tombeau quantité de per^- fonnes , ôc réduit la plus grande partie des autres à un état de misère Se de dé-^ foîation , qu'il eft plus aifé d'imaginer que de décrire. Que ce tableau devient DE PENSYLVANIE. 9 fins affreux encore, lorfqu'à ces cala- mités viennent fe joindre les horreurs de les dangers d'une tempère qui dure deux ou trois jours , ainii que j'en ai vues. Le vaiiïeau porté d'abord aiLt nues par l'onde mugiffaiite , femble ne s'élever il haut , que pour retomber avec plus d'impéruoiîté jufques dans les entrailles de la terre : puis étant rude- ment Bajpte par le choc de cent monta- gnes vagabondes } que le vent en furie forme , diffipe & reproduit en un ins- tant, il communique fes fecoufTes , avec toute leur violence, aux malheureux qu'il renferme \ tantôt il les raiTemble en un monceau , tantôt il les difperfe, & les jette de côtés & d'autres. Où cher- cher un abri contre tant de fureur, dans un bâtiment qui , comme une plume abandonnée dans l'air , eft le jouet des vents & de la tempête ? Tout efpoir eil vain : tout travail eft inutile. Que font ces pauvres habitans de terre-ferme r qui n'ont jamais vu que des rivières tranquilles, dont le courroux leur a paru, terrible , iorfqu'eîles font forties de leur lit pour ravager leurs champs ? Hélas ! ils fe crovent perdus à la plus légère ', -V i en agitation du vaitleau : la mort le pre- lente à eux avec la première vague qui it> H*i s t o i r r le frappe : leur ame eft glacée par fa». terreur. Tous relient fans mouvement. Si quelques-uns confervcnt encore des, forces , c'eft: pour les confumer en la- mentations ., en gémiifemens , en prières • & en vœux. J'ai moi-même été le témoin d'un: fpe&acle fi trille , Se j'avouerai que je n'étois pas un des plus intrépides fpec- tateurs. Cependant., lorfque 'le calme eut fuccédé à l'orage , je me fis un de- voir de confoler les pkis affligés des paf- fagers ; j'eiïayai de les ramener à leur tranquillité par de douces exhortations-, . &en chantant avec eux des cantiques fpirituels. Je fis la prière en commun fur le tillac , toutes les fois que le temps le permit. Mes fonctions s'étendirent même jufqu'à baptifer cinqenfans. parce qu'il n'y avoit point d'Eccîéfîaftique or- donné fur le vaifieau. Tous les Dimanches je recitai à haute voix l'office divin. Loriqu'il fallut don- ner la fépukure à quelques morts , c'eft ! moi qui fus chargé du miniftère de Paf- tear , & qui recommandois au ciel les cadavres, qu'on defcendo'it dans la mer»-. Je n'ai pu cependant empecher que piufieurs demes mifcrables compagnons DE PE N S Y L ' V A NI E*. I ï •de voyage , dans leur phrénéhe , n'attenta dent à leurs propres jours , & n'exhaiaiTent le défefpoir de leur ame, par dss imprécations & par des malédictions qu'ils donnoient aux au- teurs de leurs voyages : les uns à leur père j les autres à leurs oncles, à leurs hères , parens ou amis, qui les avoient confeiilé : Se tous s'accordoient à in- voquer la juftice du ciel, contre les fcélérats qui les a voient fubornés Se en- rôlés. L'un s'écrioit en gémiflànt : Hélas ! que ne puis-je retourner dans ma patrie 1 Je me contenterais de coucher dans mon .étable , avec mes pourceaux : mes bras me fourniroient de quoi vivre , &c je ne défirerois que de la fanté. Un autres,, tournant fes regards en foupirant vers l'Allemagne : Mon Dieu , difoit-il à haute voix, faites que je revoye ma pauvre famille! Un morceau de pain , un bonverre d'eau fraîche, fufhront à tous^ mes befoins, & je travaillerai gayement. Je ferois un volume , fi je voulois rap-- porter les différentes fortes d'exclama- tions &c de Jérémiades que j'entendois perpétuellement, la nuit comme le jour» ." Les fanglots , les cris aigus qui inter-- rompoient ces plaintes , rendoient en- • À VJ ri Histoire core la fcène plus attendriflTante. Les- cœurs les plus durs en eulfent faigné de douleur. Mais ce qui furtout arrachoit des larmes de pitié, c'étoitla vue de quatre ou cinq femmes dans les travaux de l'accouchement. Ces mères mâlheiB- reufes étaient à peine échappées aux dangers de la tempête , & délivrées des douleurs de l'enfantement , que , faute de fecours , elles devenoiem bientôt les victimes d'une mort impitoyable , qui fembloit choiiir cette funefte con- joncture,pour ravir deux proies d'un feul coup : aulfitôtlainère & l'enfant étoient jettes à la mer , avant même que 1^. chaleur de leur fang fût éteinte. j'ai remarqué dans mes différens voyages fur mer , qu'il y avoit très-peu d'enfans au-defïbus de fept ans, qui puflent fupporter un long trajet de mer.. Quant à ceux qui naiiTent fur cet élé- ment , je n'en ai pas vu un feul vivre plus de fept à huit jours : mais quoique les: accouchées ayent également beau- coup à fouffrir du mauvais air & du défaut de bonne nourriture , on en a vil quelques-unes fe rétablir parfaite- ment dans le trajet dont je parle : de iaieize qui accouchèrent , il es mourut DE PfiN S Y"L V Àtfl'E. Vf quatre dans les cinq premiers jour9 qui fuivirent leur délivrance , 8c quatre autres avant que d'arriver à leur defti- nation. Une chofe que j'ai remarquée partie culiètemenr , 8c qui mérite de l'être v c'eft que tous les enfans qui n'ont point eu la petite vérole , la gagnent ordinai- rement- dans le vaiiTeau, 8c la plupart; en meurent. J'ai vu mourir des familles entières- dans le trajet -y 8c il faut compter que- de cent perionnes , il en meurt une par- femaine. La caufe de toutes ces mala- dies vient, comme je l'ai dit. de la mauvaife qualité des alimens : on n'en -prend de chauds que trois fois par fe- maine , 8c encore en très-petite portion 3 8c avec toute la mal-propreté poflible» L'eau répond très-bien à cette nourri- ture ; car elle eft noire , remplie de vers y 8c fi dégoûtante , qu'il faut être tour- menté de la plus grande foif pour ofer en boire. Lorfqu'enrm , après un voyage auffi long que pénible , les vaiiTeaux font arrivés à la vue des cotes de L'Amérique, Se qu'on peut appercevoir le Cap-Jac- ques j tout le monde s'emprefle de mon- ter far letillac , pour voir, cette, terre Vty H I S T O I R E de promiffion fi déhrée. Les uns en pleurent de joye j les autres prient Dieu • en a&ions de grâces de leur bonheur. Les malades même oublient leurs maux pour partager le piaifir général. Les cris de douleur fe changent en des cris d'allègre (Te , Se la mifère femble s'enfuir à mluire qu'on approche de terre. . . . Mais hélas ! pour y toucher , on n'en eft pas plus avancé. Arrivés à Philadelphie, les vaifTeaux y jettent l'ancre ; & toute perfonne , depuis l'âge de 15 ans> defeend dans la chaloupe , & on les conduit à la maifon de Ville pour faire hommage & ferment de fidélité à la Couronne d'Angleterre. Après cette cérémonie tout le monde eft reconduit à bord -, & dès ce moment, il ne fort du vaiiTeau que ceux qui ont de quoi payer leur parlage , ou qui don- nent de bonnes cautions pour fureté de ce payement. Quant aux autres, ils font "contraints de relier à bord jufqu'à ce qu'ils aient été achetés , Se que leurs acheteurs aient payé le prix de leur paiîage-. ( a ) Dans (aj Ce récir eft confirme par le témoignage de M. Kalms , qui die que le Capitaine Lawfon, qui l'avok tranfporté à Philadelphie , donnoit , de Pensyivanïe; fft ■tes circonftances , les malades font fors à plaindre, car ils relient prefque aban- donnés pendant deux ou trois femaines "? 8c tel qui eût été guéri , s'il fût defcen- du à terre , meurt pour avoir croupi fans fecours & fans alimens convena- - blés au fond de cale. • Il ne fera peut-être pas inutile de rapporter ce que coûte le palïage de Penfylvame. Toute perfonne au-deifus de dix ans paye , pour fon tranfport de Rotterdam à Philadelphie , 60 florins » d'Hollande, ou 6 3 livres de France. - Depuis cinq jufqu'à dix , les enfans ne payent que le demi-palTage , c'eft-à-dire 30 florins. Au-deiîous de cinq ans , les enfans ne payent rien ; mais ce paifàge gratis ils le payent allez , puifque la • mauvaife nourriture qu'ils prennent 3 coûte la vie au plus grand nombre. Voici la manière dont font traités les paffagersqui fonr reftés fur le vaifTeau, • faute d'avoir payé le prix de leur paf- fage. Chaque jour il fe rend à bord de tout en quittant fov. vaifFeau , les ordres les plus ri- gides a fon Pilote en fécond , de ne laifTer aller à terre aucun transfuge Allemand, à moins qu'il n'eûr payé fon paifage , ou que quelqu'un ne l'eût payé ^our lui, ounei'eût achecé. Viï H- I S T O I- K É Bâtiment nouvellement arrivé .d'Eiv- ïope , grand nombre d'Anglois , de Hollandois 8c autres , qui viennent quel- quefois , de 30 ou- 40 lieues , à Phila- delphie pour ce trafic. Ils vifitent les pauvres Pafïagers , choififTent ceux qui fe portent bien & qui leur plaiferît : ils marchandent- avec eux fur le temps qu'ils veulent fervir , pour le montant de ce qu'ils doivent de leur pafïàge. Le marché convenu , on fait un engagement par écrit. Un homme d'une taille com- mune s'oblige , pour l'ordinaire , à fer- vir trois , quatre ou cinq ans , fuivant l'état de fes forces & fuivant fon âge. Les jeunes gens , depuis dix ans jufqu'à quinze j font tenus de fervir jufqu'à vingt-un ans* Il arrive fouvent que des pères Se mères font réduits à négocier eux- mêmes, ces marchés pour leurs enfansv ëc a les vendre comme des beftiaux , uniquement pour fe libérer eux-mêmes du prix de leur palfage , de de celui de leur famille. Il s'enfuit de-là- que ces enfans tombant quelquefois au pouvoir de différens maîtres , qui demeurent fort avant, dans les terres , & leurs pères &c mères fe plaçant enfuite de leur côté , il fe paife plufieurs années avant que DE PENSTLVANIE. 17 tes enfans revoyent leur famille, ÔC même il arrive fouvent qu'ils ne la re- joignent jamais. A l'égard des enfans au-deffous de cinq ans, ils ne peuvent, en aucuns cas, affranchir leurs païens. Ceux-ci font obligés de les remettre entre les mains de différentes perfonnes , qui fe char- gent de les élever , moyennant que ces enfans demeurent aftraints à les fervir jufquà l'âge de vingt-un ans. Quant à ceux qui font au deftus de cinq ans jufquà dix , qui n'ont payé que le demi - palfage , ils font également forcés de fervir jufqu'à l'âge de 21 ans, fans qu'ils puifTent libérer leurs parens. Mais tous ceux qui fontau-delFus de dix ans, ont la faculté de prendre des engagemens pour acquitter une partie des frais de palfage de leurs pères Se mères. Une femme eft obligée de répondre pour fon mari , s'il arrive malade , 8c vice verfâ. Celui des deux qui eft en bonne fanté , doit fe charger des frais de palfage , & fervir non - feulement pour lui , mais pour celui qui eft ma- lade. Il en eft de même dans le cas de mort. Le fur vivant eft obligé de s'en- gager pour les frais de paffage de celui qui eft décédé. »8 Histoire La même chofe arrive à l'égard des enfans , fi leur père ou leur mère font morts dans le trajet. Au défaut d'argent pour payer , ils font contraints de fer vît jufqu'à vingt-un ans. Lorfque le temps de chacun de ces fortes d'efclaves eft fini , on les affran- chit en leur donnant un habit neuf &z un cheval , fi c'eft un garçon ; fi c'eft une fille on lui fait prélent. Si un de ces efclaves trouve occafion de fe marier , 8c en obtient la permif- ilon de (on maître , c'eft fous. la condi- tion qu'il lui payera 30 ou $6 florins , pour chaque année qu'il lui reftoit m- eore à fervir. Qu'un efclave mécontent fe fauve de. chez, fon maître j la Police eft fi bien obfervéej que , dans peu de temps , il eft ratrappé. Pour chaque jour que ce fugitif a été abfent , il eft condamné à fervir une femaine au-deffus de fon engagement , par forme de punition. Une femaine d'abfence eft punie par un mois de fervice •>.& un mois d'abfence, par fix mois entiers de fervitude. Si le maître ne veut pas reprendre fon efclave qui a déferté , il lui eft permis de le vendre à qui bon lui' femble , pour fervir feulement le temps de ion engagement. •© E PENSYLVAKI!. X'f* Cette peine prononcée par Dieu; même contre l'homme, en punition de fon péché 6c de fa défobéiiîance : Tu mangeras ton pain à la fueur de ton front , eir pleinement fupportée par les- malheureux Européens fans métier ,, qui pafTent en Penïylvanie , dans la vue de faire fortune avec leurs bras : suffi je ne confeillerai jamais à perfonné de.' pafîer en Amérique , s'il n'a pas d'au- tres reiïpurces. Que jes gens qui font dans ce cis , fe perfuadent bien qu'il eft aurli facile de trouver de l'ouvrage dans l'aiicieir Monde que dans le nouveau, &c encore ils s'épargneront les accidens d'un trajet dangereux , & ils ménageront les frais d'un voyage difpendieux , defquels il: faut d'abord fe libérer par fes bras ,„ avant de fonger à les employer pour- foi. Les jeunes gens font encore plus à plaindre que les autres j. parce que, comme je l'ai déjo. dit, outre qu'ils font fujets à perdre de vue , & à ne plus rencontrer leur père 8c mère , leurs frères , oncles , &c\ ils ont quelquefois le malheur de tomber entre les mains d'un Patron t qui n'a nulle connoiffance de la Religion Chrétienne s ou qui n'eib ïo Histoire pas baptifé, & dès-lors ils deviennent' de très- mauvais fujet's. Il faut obferver. qu'en Penfylvanie , il y a tant de Sectes e Pensylvanïe. IJ avec qui ils puilfent la partager. C'eit à ce piège qu'on prend les gens au-deiïlis du commun , & même des nobles de plusieurs quartiers. A d'autres , on promet des places avec de bons appointemens : on leur fait en- tendre qu'avec leurs talens ou leur fa* voir , ils ne peuvent manquer de faire rapidement leur fortune. On leur cite des exemples qui ne font que fictifs : on les exhorte à prendre confeil de telles 6c telles perfonnes, qui font ar- rivées récemment de Penfylvanie , & qui font des fuborneurs femblables a ceux qui les citent. Par ce moyen des gens inftruits , même des favans , 8C tous autres qui profeflènt des beaux- arts , & des arts diftingués , cèdent à ces promettes infidieufes , dont ils ne foupçonnent pas les conféquences fu- nettes. A l'égard des artifans 8c de la po- pulace ordinaire , il fuffit de faire bril- lera leurs yeux beaucoup d'argent 3 de leur faire envifager en Amérique , une condition plus heureufe, & de leur offrir de payer les frais de leur paffage y il en eft peu qui ne foient féduirs par cetteperfpective agréable, quoique dans le lointain , furtout s'ils ientent la mi- Bij 2.8 Histoire isère. C'eft ainfi que plufieurs Ho'llan- clois fe font un jeu de fuborner leurs femblahles , pour les vendre enluite. Ces fuborneurs reçoivent des négo- ciansj qui les commettent, un ducat ( a ) pour chaque perfonne de dix ans ôc au-detms , jufqu'à vingt : & deux du- cats par chaque perfonne qui a plus de vingt ans. Les Commettons Hollandois touchent à leur tour du Gouvernement Anglois , ou des Sociétés qui font chargées de procurer des colons , 5 o :, 60 , & même 80 ducats, par chaque perfonne arrivée -à Philadelphie. Tous ces gens, qu'ils foient nobles, Civans , ar titre s ou artifans , font traités de la même façon à leur arrivée au port d'Amérique. S'ils n'ont point d'argent, ils ne font pas débarqués, qu'ils n'ayent été rachetés comme de (impies journa- liers. Lafcience, la nobleiïe & les ta- lens, font d'-une très-foible reflource en Penfylvanie , où il ne faut que des bras & des manœuvres. Aufli un Baron , fut-il même allié à l'Empire j un docte (à) Le ducat d'Allemagne , dont il eft quef- tîonici, vaut 10 livres 7 fols , monnaie ds Eiance* DE P EN SYLVA NUE. Z? Profefleur, qui Tait ie latin comme la langue , font-ils fort étonnés à leur ar- rivée , s'il ne leur refte pas d'argent pour payer leur paflTage , d'être réduits à travailler à la terre après avoir été vendus \ 3c qui pis eft encore , d'être maltraités comme des bêtes de charge. 11 arrive de-là que plusieurs perionnes- de ce genre tombent dans le délefpoir, êc terminent eux-mêmes leurs peines avec leur vie- Un autre abus, qui fe pratique encore dans ce commerce , c'elt que les négo- ciais Hollandois font- use convention; fecrète avec les Capitaines de vaifîëau , qui font chargés de conduire des colons- en Penfylvanie ; & au lieu de les dé- barquer dans cette contrée, on les mène en d'autres parties de l'Amérique 3 où la rareté des hommes les y rend d'un plus grand prix. 11 arrive de-là que les pauvres transfuges Européens , qui ont compté fur les fecours des pareils ou amis qu'ils ont en Penfylvanie , étant jettes dans une terre étrangère , où tout leur manque , tombent malades de mi- fère & de défefpoir , & meurent en langueur dans l'efpace de deux ou trois années. Quelquefois même ceux qui empor- B in 50 HlS TOIR t rent le pkis d'argent , n'en font pas plus, à leur aife , lorfqu'ils font débarqués. La plupart , pour s'aiïiirer la fomme qu'ils polfèdent , la remettent aux mi- férables raccoleurs qui les ont féduits >. afin qu'ils la tranfportent en Hollande 'y ou la dépofent entre les mains du Ca- pitaine du navire qui les porte aux îles. Mais les uns 8c les autres font égale- ment dupés. Les voleurs difparoiffent, foit en Hollande > foit en Amérique z les volés y arrivant en Amérique , n'ont plus d'autre relfource que de fervir , ou de vendre leurs enfans. J'ai l'exemple d'un trait de fcéléra- teife , qui eft notoire en Penfylvanie.. A la fin de l'année 1753» une Dame de condition d'Allemagne , en partant pour Philadelphie avec un fils ôc deux jeunes filles , avoit remis à un de ces fuborneurs , qui avoit ufurpé fa con- fiance, une fomme de quatre mille liv* qui faifoic la meilleure partie de fa for- tune. Le dépofitaire s'enfuit avec le dépôt y & cette Dame infortunée , à fou débarquement en Amérique , fat réduite à une telle misère , que les deux Demoifeîles furent obligées d'entrer en fervirude, pour s'entretenir &c fe nour- rir , ainli que leur mère. Le printemps „ fuîvam cette Dame , envoya fon fils en; D £ P E N 5 Y L V A N I E. |I Hollande j pour tâcher de découvrir le fcélérat qui l'avoit volée ; ce jeune Gentilhomme périt dans le trajer. La nouvelle de tous ces accidens fu- neftes , ne parvient jamais en Allema- gne j parce que toutes les lettres qu'on y-écrit des colonies, font ouvertes en Hollande , & l'on ne manque pas de jetter au feu , celles qui contiennent des plaintes, des gémiffemens fur la misère des colons , ou qui font des peintures trop fidèles de l'état déplorable où ils font réduits. D'autres fois ils ajoutent aux lettres qu'ils ont interceptées , en en contre- faifant l'écriture , des invitations de paffer en Penfylvanie ; ou d'autres poji- fcriptum qui tendent aux mêmes fins,, tk, ils les font parvenir enfuire à leur adVeffè. J'ai failli moi-même d'être la duppe d'un artifice à peu près de ce genre. Lorfque j'arrivai de Penfylvanie en Hol- hnde , pour retourner en Allemagne -y des négocions de Rotterdam , pour qui j'avois des lettres , efifayè ëfifi de nie perfiiadc de retourner en Arnér que.,, en nr'àlîlirants que ma fentm»- }"étoit: embarquée ivejc mon enfant & ma fa poux m^ier trouver à PhHadelpb Biv $£ Histoire Comme je faifois difficulté de craire: ces rapports , on me prouva par une lettre de ma femme même , & par des; témoins , qu'elle étoit réellement em- barquée pour l'Amérique : on me nom- ma le vailïeau, & le Capitaine qui le commandoit , &; le N°. 22, comme celui du lit où elle étoit couchée. J'avoue que toutes les allégations qu'on me faifoitj m'ébranlèrent beau- coup. J'hêfitai même aflez longtemps, entre le parti de retourner en Améri- que , & celui de regagner ma patrie. Enfin, je me décidai pour le dernier, & ce fut un bonheur pour moi. Je trou- vai ma femme & ma famille en bonne fanté. On fut fort étonné , lorfque je racontai ce qu'on m'avoit dit à Rotter- dam , Ôc tout ce qui m'y étoit arrivé. On en conclut juftement 3 que certains négociant Hollandois avoient autant d'habileté à contrefaire les écritures ,. qu'ils avoient d'emprelTement-à faire trafic de l'efpèce humaine. Et vraifem- blablement ces négocians avoient été- portés à me tendre le piège , que j'avois évité , par la crainte de perdre les profits ' de leurs honteufes féductions , fi je dé- voilois tout ce que je favois de leurs mfes ôc de leurs fourberies.,. 5E PENSYIVA NI E. CHAPITRE IL Description géographique de la Penfylva»- nie. Safituation.Ses limites. Rivières qui l'arrofent. LA Penfylvanie fituée fur la mer,, précifémenr au milieu des poflef— lions Angloifes , dans le continent d'A- mérique j en eft une des plus confidé- rables. Elle s'étend depuis le 39e degré de latitude, fufqu'au 43e ; Se fa longi- tude comprend 5 degrés , fuivant l'Er- dit de conceffion qu'on trouvera ci- après. Les bornes de cette colonie font , à: l'eft, la mer, la baie de Dellawarej&la. nouvelle Jerfay j au nord , la nouvelle York & le Canada ; à i'oueft, une par- tie de la Louiiïane &c du Maryland , 8c des terres peu connues qui font habit par des fauvages ; & enfin , au fud , 1 Virginie & le Maryland. On compte de Londres , jufqu'àl'en- droitoù Ton perd de vue l'Angleterre,. 315 milles Anglois ; en fui te de-là juf- qu'à la première terre de Peniylyaiiie 3. ees. a 34 Histoire 3600 de ces milles ; puis , pour parve* nir à Philadelphie , qui en eft la capi- tale ,125 railles \ ce qui fait , en total , 4050 milles Anglois, ou 1350 lieues d'Allemagne, d'une heure de chemin ^ c'eft - à - dire , que ces lieues font les, mêmes que celles de France , de vingt au degré. Les côtes maritimes de laPenfylvanie. ont peu d'étendue , & ne font point dé- terminées d'une manière invariable. Des cartes Angloifes, très bonnes &c très- récentes, les prolongent jufqu'à trois, lieues 3 au fud , de la baie de Rehoboth» D'autres Géographes ne les font com- mencer qu'au cap Heulopen , près la baie de Dellaware : elles régnent en- fuite le long de la côte méridionale de cette baie , où font les comtés ou dif- triéts de SuiTex , Kent & Newkaftle. La Penfylvanie eft très-relTerrée dans cette partie , 011 le Maryland la borne au fud & à l'cueft. Elle s'élargit enfuite tout d'un coup j &on y trouve les comtés de Chefter , de Philadelphie & de Bu- kingham , qui font les plus peuplés de la colonie. Sa largeur commuant tou- jours au nord &: à l'oueft , elle comprend les comtés d'York , de Lancaltre , de Ç&mberland^ de Berk & de Nor- DE P F. N S Y L V A N ï E. $f thampton , qui la terminent de, ces dàus côtés. Différens Ecrivains Àngîois préten- dent reculer les limites de la Penfylva-- nie au-delà de l'Oyo, &c jufqu'au lac Erié ; mais c'eft enfanter cbs chimères :-. elles fe détruifent par les fans. Il eft fur qu'en 1.755 , Les habitations les plus: avancées dans l'intérieur des terres for- mulent ,. au nord, le hameau de Gua- denhutten j à 50 lieues ou environ de Philadelphie. A l'oucfc , étoient encore des habitations fur la Sufquehanna , en- remontant vers la fourche, où cette ri- vière en reçoit une autre ., à laquelle ona a, donné , allez improprement, le nom, de Branche de l'ouefi. Enfin _, il exiitoit d'autres habitations fur la rivière de Ju- niata, au-deiïusde Seppembourg. Ainfï la véritable étendue de la Penfyîvanie,. eft de 60 lieues dans fa plus grande lon- gueur , ëc de 40 dans fa plus grande largeur. Dès que les vailTeaux font arrivés auj cap Heulopen, fur les côtes dePenfyl- vanie, ils quittent la mer pour entrer dans une baie que forme la rivière de- Delîaware, ou qui eft proprement la>. rivière elle-même , qui a fon embou- chure à 50 milles ou environ du cap* B vj * jr£ H I S T O T R E Heulopen. On y trouve depuis 5 jufqu'a 1 5 toifes d'eau ; mais il y a auflî plu- fieurs bancs de fable cjui rendent cette navigation dangereufe , furtout dans des ■ temps orageux. La fortie de la mer 8c l'entrée dans; la baie , font au nord-oueft. Depuis le commencement de cette baie jufqu'a Philadelphie , le pays eft: d'un bel af- pecl: , uni , enfemencé &z entrecoupé de forêts & de petites rivières. Peu après 1 fon embouchure , la Dellaware fépare la Penfylvanie de la nouvelle Jerfey y- ainfi qu'on peut le voir par la carte. La première de ces colonies eft fur la rive gauche, & l'autre fur la rive droite. Dès qu'on eft entré fur la Dellaware3. on découvre des deux côtés , dans le lointain , beaucoup de montagnes fort hautes, qui s'élèvent les unes derrière les autres , en forme d'emphithéâtre. On en remarque qui font bleues , 3c qu'on regarde avec plaifir. Elles palfent pour les plus élevées j & leur couleur r leur a fait donner le nom de montagnes- bleues. Celles qu'on découvre fur la rive: gauche font moins éloignées , 8c ne flat- ' • 1 1 cent pas moins la vue que les pre- mières , par l'afpect. des belles forets» qui. les. couronnent,. CE P'ÉKSYLVA NI Ei fj" Les deux fleuves les plus confidé- rables delà Penfylvame , font la Del- laware , dont on vient de parler , Se la Sufquehanna,. La première prend fa fource fort avant dans les terres de la nouvelle York , & grolîit considérablement fous le 40e degié 40 minutes, par les eaux d'une autre rivière , qui fort, fous le 41e degré y, des montagnes Apalaches, qui forment une grande chaîne , depuis environ le 39e degré de latitude , juf- qu'au 42e. On regarde , affez mal-à- propos , cette rivière comme un bras de la Dellaware , & on lui donne le nom de branche de l'ouejt. Depuis la jon&ion de cqs deux ri- vières-, la Dellaware reçoit encore un. grand nombre de riulfeaux &c de ri- vières, parmi lefquelles la plus confidé- rable eit celle de Shuykiil , qui prend, aniîi fa fource dans les montagnes , fous le 40e degré 50 minutes , & qui baigne les murs de Philadelphie, un peu avant- de fe jetter dans la Dellaware. La largeur de cette dernière , devant' Philadelphie , eft d'environ une demi- lieue ; mais elle eft encore fujette aux marées , quoiqu'elle foit éloignée de la- mex de 115 milles Anglois , onde.. $$■ Histoire 40 Heures. Après la chute de laShuykill^ la Deilaware , qui a près d'une lieue de/ largeur , augmente toujours jufqu'a la mer , où fon embouchure a trois milles Anglois de largeur. A l'égard de la Sufquehanna , elle prend fa fcurce fort avant dans le Ca- nada ; &c elle coule affez directement jufques fous le 40e degré 45 minutes, où elle reçoit une rivière quon appelle branche de L'oueft , qui fort en partie des, montagnes Allegany, lituées entre le 40e degré & demi , & le 41e. Depuis. cette jonction elle reçoit encore diffé- rentes rivières , parmi lefquelles celle de Juniata eft la plus confidérable.. Après avoir arrofé la partie fupérieure de la Penfylvanie , elle la fépare du Maryland , où elle tombe dans la baie deCheftpeac, qui baigne aulliles côtes. âe la Virginie. On donne le nom de montagnes bleues;. (a) dit M. Kalms , aux montagne? qui féparent les établiffemens Anglois de •eux des fauvages. Elles forment une longue chaîne , qui court du nord au- fud j c'eft-à-dire , qui fe prolonge de- (a) The Blev Mountains. DE PENSYLVANI E. TQ, puis le Canada, jufqu'à la Caroline.. Elles font coupées en chrrérens endroits.» d'une manière toute particulière , par de gros courans d'eau , qui defcendent des plaines du fornmet de ces monta- gnes. M. Bertrand , très-favant Natu- ralise de cette contrée 3 & Correfpon- dant de la Société Royale de Londres ,. dont j'aurai fouvent occafion de parler,. m'a afîiiré que l'air étoit toujours plus, froid fur ces montagnes , que dans les, vallées. CHAPITRE III. Climat de Penjylvanie. Qualités des eaux qui s'y trouvent. Obfervations fur la durée des jours > 6' fur la température de chaque faifon. LA Penfylvanie , ayant une latitude à peu près fembiable à celle des provinces méridionales de France , elle jouit d'un climat très-pur & très-faim L'air y eft clair & agréable \ & l'on re- marque que depuis la fin du fiècle der- nier , il s'eft encore beaucoup purifié par les défrichemens ; & par les coupes 4»> H 1 S 7 o- î R ë considérables de bois qu'on y a faites*? Les eaux n'y font pas moins falubres que l'air. Elles doivent cet avantage au fond fut lequel elles coulent ,. qui eh: de fable, de pierre ou de roche. A une lieue ou environ de Philadelphie , on- trouve des eaux minérales qui opèrent de tort bons effets en différentes mala- dies, 8c dont les vertus font les mêmes que des eaux de Barnet & de Noor- dhal , qui font auprès de Londres. A l'égard des faifons qu'on éprouve dans cette contrée, elles font en même nombre 8c auili marquées qu'en Europe,- Cependant il faut remarquer à cet égard, qu'elles femblent- arriver plus rapide- ment en Penfylvanie , Sç que la tem- pérature de l'air y eft aulîi plus variable.. Les froids les plus âpres, 8c la chaleur la plus brûlante ,. s'y font fentir égale- ment , dans l'hyver & dans l'été ; mais généralement patlant , l'un 8c l'autre font, de peu de durée. En été , le vent de fud-oueft amène fréquemment des orages qui rafraîchiffent l'air } mais dont la violence caufe quelquefois de cruels ravages j les plus gros arbres en font brifés ou arrachés avec leurs ra- cines j on a vu même quelquefois un. canton entier dépouillé de (es forêts ,- DE P E N S Y L V A N I E. 41 •fue le vent avoir renverfées. Le voiiî- nage des cotes eft furtout expofé à ces funeftes accidens. En hyver , une feule nuit fuffit pouf faire geler la rivière de Dellaware j &C au bout de quatre à cinq jours , on au- roit peine à y trouver de la glace. C'en: le vent de nord-eft qui règne dans cette faifon , ainfi que dans le printemps & l'automne. Le ciel eft rarement chargé de nuages & de brouillards par ce vent: de nord-eft j & s'il pleut ou s'il neige , on eft fur que ce n'eft pas pour long- temps. Mais dans lhyver de dans l'été, il arrive la même choie qu'en Europe \. c'eft-à-dire , que les vents y font plus fixes & plus conftans que dans les au- tres faiions. Quoiqu'il ne foit pas poilîble de dé- terminer , d'une manière précife &£ ab- folue 3 l'époque des quatre faifons , ce- pendant le temps où elles commencent, eft à peu près toujours le même. L'hyver. arrive avec le mois de Janvier , Se finie à peu près avec celui de Mars. Quelque- rigoureux que foit le froid , il eft tou- jours beau y c'eft-à-dire, que le temps, n'eft ni grisj ni chargé. A la fin de Mars , le printemps s'an- nonce par des pluies douces , par. une. 42- HlîT-OlRI chaleur légère , qui augmente par degré jufqu'au mois de Juin j mais on ne- voit, ni grandes pluies , ni gibou- lées. L'été dure depuis le mois de Juin , jufqii'à la fin de Septembre , que com- mence l'automne, qui eft affez iembla- ble à la température de l'air à Paris ,, pendant les mois de Mai & d'Avril. La variété des jours &c des nuits ré- pond à la fituation de la Penfylvanie. Au folftice d'été , le jour n'arrive qu'à cinq heures, & finit à huit heures du foir Dans celui d'hyver , il fait jour à flx heures,. 8c nuit à iix heures j de fa- çon qu'il n'y a guères qu'une hcuie , ou une heure & demie de différence , entre les jours d'été & ceux d hyver. Mais les; erépufcules n'y fonr pas auill longs qu'en Europe , où il exifte de la clarté tant que le foleil eft à moins de 1-8 degrés au- deiïbus de Thorifon. En Penfylvanie ,. 8 à 10 minutes après que le foleil eft couché , il fait tout- à-fait nuit. Ainfi l'on doit remarquer , qu'en général il y a trois heures de différence entre k-s jours. d'Europe, & ceux de Penfylvanie. Quelques obfervations de M. Kalrns vont fervir encore à faire eonnoître le climat de cette contrée. L'hyver ,, dit: DE PENSYIVAKII. \? cet Académicien , ( a ) eft aufli rude en Penfylvanie qu'en Suède j quelquefois beaucoup plus froid qu'il ne l'eft en An- gleterre y &c dans les autres Etats du fud de l'Europe. J'ai trouvé qu'à Philadel- phie , qui eft de 20 degrés plus au fud que la Suède , le thermomètre de Cel- fius defcendoit à 24 degrés au-deiïous. du point de congélation j & l'on m'a. cependant allure , que l'hy ver où je fai- foisces obfervationsj étoit regardé com- me un hyver modéré. On a ajouté ,. qu'il arrive fréquemment que le froid foit aiTez âpre , pour qu'en un feul jour la Dellaware-foit gelée en entier à Phi- ladelphie , & de manière à porter des, voitures. Je dois remarquer cependant que ce fleuve eft très-large , ainfi qu'on» le verra ci-après dans la aefcriprion de cette ville, & qu'en outre le flux y monte à huit pieds. Il faut avouer aufîi que fi le froid eft très-piquant , il ne dure pas long- temps. 11 eft confiant qu'en Penfylvanie. l'hyver dure rarement plus de deux mois , quelquefois même il n'eit que ( a ) Voyage de Ka'ms , dans la collcdion Allemands » de Gœtingue , 10 vol. pag. i£??- 44 Histoire d'un mois ; & s'il alloic jufqu'à trois , les gazettes , les papiers publics l'an-- nonceroient comme une chofe très- extraordinaire. Dans les contrées de l'A- mérique 3 qui font plus près du Pôle ,. l'hy ver y eft beaucoup plus long ,■ & ne diffère guères de celui qu'on éprouve en Suède. Les obfervations météorologi- ques que j'ai faites pendant mon féjour dans ce nouveau monde , ne pouvant manquer de répandre du jour fur cette matière , c'eft ce qui me les a fait join- dre à la relation de mes voyages, (a ) A l'égard de l'été de ces régions , la- chaleur y eft très-forte & atfez confian- te y mais il paroîtra étonnant que le ther- momètre n'y monte guères plus qu'à Abo , où j'ai obfervé la liqueur de cet instrument, à 35 degrés au-delfus du> point de congélation. Il eft vrai que cet événement arrive peut-être une fois en 2. ou 3 étés dans la capitale de la Finnelan- de y au lieu que, non-feulement en Pen- ( a ) On a p'enfé que la traduction de ces ob- fervations météorologiques , pouvoit fervir aux Pb-yiiciens François , qui tiennent des tables as oomparaifon des différentes températures de notre globe. Elles terminent cet ouvrage. de Pensylvanie. 45 Cylvanie, mais dans la nouvelle York,, Bans l'Albanie , &c dans une grande pat- rie du Canada , le thermomètre refte continuellement .fixé à ce point de 3 5 de- grés , pendant trois mois entiers. J'ai •même vu que 3 dans l'été que j'ai.paiTé à Philadelphie, la liqueur a monté deux ou trois fois jufqu'a-u 36e degré. Je dois encore ajourer avec confiance , que la plus grande partie du mois d'Avril , le mois de Mai entier & les mois fuivans, jufqu'à celui d'Octobre > font en Pen- fylvanie aulii beaux , que les mois de Juin Sz de Juillet qu'on éprouve en Suède. La chaleur y eft forte 3c conf- tante , ainfi que le prouvent mes obfer- vations météorologiques. On peut , au refte _> fe faire une idée de l'été de la Penfyivanie , fi je dis que les melons or- dinaires , les melons d'eau , ( a ) les courges de différentes efpèces 3 vien- nent en plein champ , fans qu'on ait be- foin de les couvrir en aucune manière , 6v qu'ils font communément mûrs à la mi-Juillet. Les cerifes ont aulli acquis leur maturité dès le 25 de Mai , & il arrive fouvent qu'on fait la moilïon au milieu du mois de Juin. ( a ) Arboufer , WalFermelon. 4& Histoire CHAPITRE IV. Hijloire Naturelle de Ptnjylyanie, § I. B.E G N £ V É G ET A L. AU rapport de nos deux Voyageurs* la terre eft généralement très-fer- tile dans cette colonie, & toutes fortes de grains y viennent très-bien : mais le feigle & le maïs font ceux que l'on fème le plus abondamment. Nous allons, d'après l'Académicien Suédois , faire rénumération de toutes les productions qui appartiennent au règne végétal de ces contrées. Nous distinguerons enfuite celles qui méritent une attention particulière , foit par des propriétés utiles , foit par des ufages extraordinaires. On trouve en Penfylvanie l'érable de Virginie ( i ) , qui croît en quantité fur ( i ) En latin : Platanus foliis lobatis , Iin- nxus , hort. ufp. Platanus occidentalis , Cateibi. Hiftori of. Carol, DE PEKSYLVANIE. Aft les bords de la Dellaware \ le perfî- mon ( i ) des lieux humides & remplis de fources } le chêne blanc de bonne terre ( 3 ) \ le chêne noir ( 4) , & dif- férentes autres efpèces de ces arbres \ le hickery ( 5 ) , efpèce de noyer ; la ronce d'Amérique ( 6 ) } le platane à fleurs rouges ( 7 ) ; le fumach à feuilles lilïes ( 8 ) , qui croît fur des éminences &z près des rivières ; le pin de Penfyl- vanie ( 48 ) j le bouleau à touffes de houblon, qui croît fur les bords des rivières (49) } le céphalant des pays occidentaux ( 50) , qui vient dans les lieux humides j le fapin de Jerfey (51); l'arbre à falade ( 5 1 ) j le courbarill , ou arbre à grenouilles ( 5 3 ) ; le tulipier à rieurs de laurier ( 54) , qui croît dans des endroits humides ; le tilleul de bonne terre ( 5 5 ) j l'arbre aux pois ( 5 G y-y l'alifier des contrées occidenta- (4; ) Laurus œftivalis. ( 44 ) Carpinus oftrya. (4f) Carpinus betulus. ( 46 ) Fagus fylvatica. ( 47 ) En Jnglois : Butter nuttftrae. ( 48 ) Abies Arnericana. ( 49 ) Betula lenta. ( fo ) Cephalantus occidentalis. ( f 1 ) Pinus tœda. ( yz ) Gcrfis Canadenfis. ( H ) Robinia pfeudo acacia. ( ^4) Magnolia. ( y.f ) Tilia Arnericana. ( j<>) GkàitRa. ,en anglois , Honey Iocuffrre'e. de Pensylvanie. 5^r tes (57) ; l'arrête- bœuf à piquans (58) ; le ketmia ( 59 ) j le poivrier de l'Inde (60) j le fumach à feuilles découpées (61)5 la morelle d'Amérique (61) ; la centau- rée [éï)\ la jacée(<$4) j lajacobée (65) 5 la renoncule (66) j la violette (67) ; le garou (6$) j l'alifier de Virginie à fruits rouges (69) y le damafonium (70) ; l'ar- reche à feuilles déchiquetées (71) ; la (J7) Celtis occidentaiis. (58) Anona muricata. ( j5> ) Ketmia indica folio- ficus, fru&u penta- gonOj recurvo, efculcnto, graciliori & longiori. Millers indem Gaenncr Lexicon , Dictionnaire du Jardinier. Cette plante paraît être celle que Tournefort appelle , dans le fixieme genre des mauves, Kermia indica vitis folio , frucïu corni- culato. ( 60 ) Capficum annuum. ( 61 ) Rivas foliis pinnatis, ferratis lanceolatis, utrinque nudis. Rhus foliis ferratis ; RhusVir- ginianurn, C. B. ( 61 ;Phytolacca foliis integerrimis; Solarium. ( 63 ) Centaurea. ( 64 ) Jacea nigra , pratenfis , latiffima ; gen- tiana aurumnalis ramofa. (6j) Solidago , virga aurea, vulg. latif. ( 66) Hepatiqua. (67) Viola marris inodorata fylveftris. (68) Daphne. Chamelaea Germanica. ( 69 ) Cratsgus crus galli , cratxgus foliis lanceolato-ovatis , ferratis , glabris , ramis fpi- nofis. ( 70 ) Plantago Iatifolia, glabra. (71 ) Chenopodium folio fînuato-cand. atrî- plex hortenfîs. Cij 5i Histoire caille (.71) j le pied-de-veau de Virgi- nie (-3) ; fa genriane (74) , le melèfe (75) j le bouillon blanc, ou molène ; h 6) la marguerite à feuilles larges (77) ; l'apocyn à larges fleurs , & qui porte de longues fdiques (7 -') ; le bouleau à feuil- les pointues & dentelées (79) j le bou- leau à feuilles rondes & à dents de Ici 2 (3• méritent d'être diftinguées , à caufe de leur utilité dans la médecine , &: de certaines vertus fingulières. Le perfimon Ça) croît dans les lieux humides & dans les environs des four- ( a) Diofpyros Viiginuna , Linn. Sp: îof 1. C iv 5 6 Histoire ces. Il rapporte des petites pommes très-agréables à la vue ; mais qui ne font mangeables qu'après avoir eiiuyé la gelée > & qui font alors d'un très- bon goût. Si l'on en mange avant leur maturité, elles caufenta la bouche une contraction il violente ., qu'on ne peut point du tout rire , & qu'on a beaucoup de peine a parler. Parmi toutes les plantes de Penfylva- nie, il n'en eft point dont les propriétés foyent plus remarquables que celles de i'eipèce de fumach , qui croît dans les marais. Les Suédois 8c les Anglois i'ap» psihnt arbre pefliféré , (a) ou paifon. Quelques - uns des premiers 3 dit M. Kalm , lui donnent encore le nom de fumac fchwamp , ou karrfaltenbrajf. ( b ) Lo:î'qu'on coupe une branche de ce fumach ,il découle d'entre l'écorce & le bois , un jus d'un blanc jaunâtre , e£ d'une odeur très-défagréabie , qui , loin d'avoir aucune vertu, eft quelquefois très-dangereux. Ce qu'il y a d'erdn- nant , c'eft que cet arbre ne produit ( a ) Giftige Baum , poyfontrée; (b) Les Botaniftes l'appc lient _en _ latin , Rhus vernix , ou Rhus foins pinnqtis ifUegerrimis x petiolo intégra. Linn. Sp, z6j. DE P E N S Y L V A N 1 E. 57 pas des effets nuifibles fur routes per- formes indifféremment. Quelques-unes peuvent toucher cet arbre , le dépouil- ler de fon éeorce , manier ion bois, !e travailler, le frotter même entre leurs mains, en refpirer l'odeur j en répan -. dre le fuc fur leur peau, fans en ref- fentir le moindre accident j mais d'au- tres n'ont qu'à manier feulement un. morceau de ce 'bois, iorfqu'il eft encore verd , en refpiier la fumée quand il brûle j auilitôt il leur furvient à \x main , au vifage , ou même par tout le corps , une enflure conhclérable , qui eil accompagnée d'une douleur très»- cuifante. Quelquefois il s'élève auOi par toute 1 habitude du corps , une fi grande quantité de pullules , qu'on cli- roit que c'eft la galle ou la lèpre. Ait bout de quelques jouis les boutons dif- paroifïenr, & laifïent fur la peau une tâche, q l'on prendroit pour la marque d'une brûlure. On dit même qu'il y a quelques perionnes , à qui le fumacheil il contraire , que (i elles le repofent on fe promènent à l'ombre de cet arbre , ou même dans un endroit où le vent en porte l'odeur & les exhalaifons, eîî es font fur prîtes par une enflure gé- nérale dans toutes les parties du corps, Cv 58 Histoire Les yeux en particulier font attaqués d'une inflammation , qui prive de la vue pendant un , deux , &c quelquefois plufîeurs jours. Je connois des famil- les., obferve le favant Suédois , parmi lefquelles un homme fait , fans aucun danger , tout ce qu'il veut avec le bois de fumach , tandis que fon frère ne peut ni le toucher , ni le fencir , fans être incommodé. 11 arrive fouvent que l'on s'apperçoit que l'on eft dans le voifi- nage de cet arbre vénéneux , par l'en- flure qui furvient foudain aux mains &C au vifage. 11 y a des vieillards qui n'ont pas moins peur de cet arbre , que d'une vipère. J'ai connu une perfonne , à qui la proximité de cet arbre avoit caufé une telle enflure par tout le corps , qu'elle en étoit reftée roide comme un bloc de marbre j'(*z) & il lui falloir le fecours de plufîeurs bras étrangers , pour fe retourner dans fon lit. Un jour que je racontois à mon Do- meftique, des exemples des effets per- nicieux de ce fumach , il fe mit à rire ? d'une odeur pénétrante , qui approche de ceile du fenouil Se de i'anis. iu) Als eia beleii bruit rhée. dePensylvanië. 6" 5 Les propriétés du fatfafras font d'ex- -citer la tranfpiration & la fueûr , d'in- cifer 6c de refondre les humeurs épaif- fes & vifqueufes, & de remédier à la paralyfie &c aux fluxions froides. Jadis on l'employoit très-fréquemment dans les maladies vénériennes , Se même en- core aujourd'hui on en retire quelque- fois beaucoup d'utilité dans de pareilles circonitances. M. Kalms rapporte un exemple des propriétés de fes graines. Une fe mme de Virginie reffentoit, depuis plufeurs an- nées , des douleurs fi grandes aux arti- cles des pieds, quelle ne pouvoir mar- cher qu'avec beaucoup de peine. On lui confeilla de faire rôtir dans une poêle , des graines de falïafras , 8£ de frotter la partie malade avec 1 huile qui fortiroit de ces graines. Elle fuivit ce confeil j mais un moment après cette opération, il lui prit un vomiiïement violent qui l'incommoda beaucoup , mais qui ne l'effraya pas ; car elle ré- péta ce remède encore trois fois , & il eut toujours les mêmes fuites; cependant les douleurs s'appai-ferenr; & au bout de quelques jours , elle fe. trouva parfaite- ment guérie. L'écorce du falfafras fert , aux fem- 66 Histoire mes de Penfylvanie , à donner à la laine une belle coulent- d'orange fi folide , que le foleil ne l'altère en rien. Au lieu d'alun, elles fe fervent d'urine •, font bouillir cette écorce , & choififTent un vafe de métal ; car elles prétendent que dans un vafe de fer , on n'obtient qu'une couleur orangée, (ombre & fans éclat. Le tamarisk (a) ne mérite pas moins d'attention que le faflTafras. il croît abondamment dans quelques endroits _, & furtout dans un terrain humide. 11 paroît même que l'air de la mer lui efb très - favorable j car on ne trouve jamais de ces arbrifTeaux , dans des- plaines bien éloignées de la mer. Il porte une quantité de graines , qui femblent , à l'extérieur , avoir été couvertes de farine blanche. On a grand foin de les ramaifer a la lin de l'automne, lorfqu'eiles font mûres , & on les jette dans de l'eau bouillante ; alors on y voit fumager une matière oléagineufe, qu'on écume jufqu'à ce qu'il n'en refte plus. Lorfque cette fubftance eft figée , (a) En Suédois , talgjîrauche. T.e Chevalier ' Linnxus l'appelle w.uks tragende t:nia;nkiX Jtaude. de Pensylvanie. 67 elle reflémble à du fuif ou de la cire, 8c communément elle eft. d'une couleur d'un verd fale. On la fait fondre une féconde fois pour la purifier , tk alors elle devient tranfpatente , &: d'un verd très-agréable. Cette efpèce de fuif végétal , eft plus chère que le fuif commun j mais elle l'eft moins que la cire. La livre en vaut à préfent (en 1748) un fchelling, mon- noie de l'enfylvanie. Le même poids de fuif ne vaut que la moitié , & la cire coûte deux fchellings. En plufieurs endroits de ces contrées , on mêle cette graiffe de tamarisk j avec du fuif or- dinaire par parties égales - & Ton en fait des chandelles , qui ne font pas auiïï fujettes à fe fondre dans les chaleurs de l'été , que les chandelles ordinaires.. Elles ont auiîi l'avantage de brûler plus lentement , & de répandre une odeur agréable, lorfqu'on les éteint. J'ai appris , rapporte notre favant Botanifte 3 d'un Suédois âgé de 9 1 ans > que fes compatriotes , au commence- ment de leur établiifemenr dans cette- contrée j ne fe fervoient pas d'autre ma- tière pour faire de la chandelle. Mais à préfent , que le fuif animal eft plus commun que l'autre 3. qu'on ne peut fe 68 Histoire procurer qu'en prenant Li peine de ra- ma (Ter les graines de tamarisk, il n'y a plus que les pauvres gens des' contrées , où cet arbriiîeau efl: en quantité , 6c où le bétail efb rare , qui s'éclairent avec ce fuir végétal , en le brûlant iimple- ment comme de l'huile. On s'en fert encore en Penfylvanie pour faire un favon d'une odeur rrès- agréable , Se qui eft excellent pour faire la barbe. Les Médecins , les Chirurgiens en tirent aulîi un bon parti , en en corn* pofant des emplâtres, qui font tiès- bonnes pour les bleiTures. Les Sauvages de ces cantons fe fer- vent de l'écorce de ia racine de ramai? risk ; pour appaifer les douleurs de dents , en en attachant un morceau fur celle qui fait mal. La rapure de la même racine , produit le même effet. Dans la Caroline , non-feulement on en fait des chancelles comme en Pen- fylvanie , mais on en tire encore une laque , dont on compofe toute forcé de cire à cacheter. La mélifTe de Penfylvanie ( meliffé Poleyartige ) paroît avoir des vertus toutes différentes de la mélilfe d'Europe. DE PENSYLVANIE. 69 Elle croie , clans des lieux fecs , entrès- grande quantité : fon odeur eft particu- lière reiïemble parfaitement à une tulipe (a ). Il efc très-commun dans les forets , 8c croît indifféremment dans les liem: éle- vés &c fecs, ainfi que dans les endroits bas & humides. Il paffe , avec raifon , pour le plus gros Se le plus grand de tous les arbres des contrées fepten- rrionales de l'Amérique } il peut même le difputsr , à cet égard , à nos plus beaux arbres de l'Europe. Ses feuilles font grandes , fermes , unies , échancrées , d'un beau verd, portées par un long (a) Les Suédois rappellent Canoctra ou Knutrae, par contraction. DE PeNS VIVANTE. 7$ pédicule , aftez fort pour les empêcher de pendre , & d'une forme tout-à-fait étrangère aux feuilles des autres arbres. Auili les Anglois donnent à ces feuilles, en quelques endroits 3 le nom de chè*- mife de vieille femme. A fes rieurs fuc- cèdent des capfules oblongues , étroites, qui , réunies en une maire , forment un fruit écai lieux , qui a quelque ref- femblance avec les cônes de fapin. 11 eft difficile de trouver rien de plus agréable à la vue , que cet ar- bre 3 lorfqu'à la fin de Mai s il eft paré de toutes fes fleurs , qu'il conferve pendant une quinzaine de jours. Notre Organifte. Allemand dit avoir vu deux efpèces d'arbres à tulipes. La première eft celle que nous venons de décrire ; & la féconde , une petite ef- pèce fernblable a nos efpaliers, Se qui ne fleurit qu'au mois d'Août. Le bois de tulipier fert à toutes fortes d'ouvrages de menuiferie , &c à d'autres plus petits y comme des écuelles , des plats, des cuillers, &c, J'ai vu, dit le lavant Suédois , une grange afTez vafte, qui avoit été conftruite & couverte avec un feul tulipier 3 coupé en planches & en folives. Les ouvriers eftiment le bois Dij 76' Histoire de cet arbre, beaucoup plus que tout arbre , 3c même plus que le chêne *, parce que ce dernier eft plus fujet à fe tourmenter j &c plus dur à travailler, il •eft cependant vrai qu'il eft fort peu de bois , qui foit plus fufceptible que le tulipier , des impreflions de l'air. Un temps fec le fait retirer , &c y caufe des fentes. L'humidité , au contraire 3 le gonfle &c le fait crever. Ils diftin- guent deux fortes de ce bois. L'une -qui , avec le temps , devient jaune en dedans ; 3c l'autre , qui blanchit en vieiiiiiîant. L'écorce de cet arbre fe divife par couches très- minces , comme fi elles avoient été collées enfemble ; mais elles relient toujours tenaces , comme une écorce fine. Je n'ai pas remarqué qu'on s'en fervît de la même manière en aucun endroit. Les feuilles de cet arbre , broyées 8c attachées au cou , font bonnes contre les douleurs de tête. Lorfque les che- vaux font incommodés par des vers , on pile cette écorce j& on la leur donne route féche à manger. Plufieurs perfon- nes penfent que la raclure de la racine, eft aufli ialutaire contre la fièvre , que le quinquina. dePensylvanie. 77 L'arbre des caftors ( a ) a reçu ce nom , parce que les caftors aiment beaucoup l'écorce de cet arbre , & qu'elle ferc communément d'appas dans les pièges qu'on tend à ces animaux. Cet arbre perd , pour l'ordinaire , fes feuilles dès le commencement de l'au- tomne. Cependant quelques-uns de ces arbres , lorfqu'ils ibnt jeunes &c dans un bon ter rein , les confervent pendant tour l'hyver. Dans toutes les contrées feptentrio- nales de l'Amérique que j'ai parcou- rues , dit notre Naturalise , je n'ai trouvé aucun de ces arbres au-delà de la Penfylvanie. 11 commence à fleurir à la fin de Mai ; & (es fleurs ont une odeur fi gracieuie , & en même temps fi forte, que les exhalaifons qu'elles répandent, le fentent à plus d'une demi- lieue. 11 ne m'eft pas poffible de décrire quelles délices on éprouve en pafiant , principalement le foir , dans des forêts (a) Magnolia fotiis ovato-lanceoîatis , Linn. Horr. Cliff. En Allemand, der Bicber Baum. Les Suédois l'appellent aujfi Karr SalcenbrofT; & les Anglais l'appellent encore in c enflamment , dit M. Kalms tantôt Swamp faifafias , tantôt Wnhe laurd. D iij 7«$ Histoire remplies de ces arbres. Quoique ces rieurs reftent épanouies deux , trois fe- maines , & même encore plus long- temps , elles font toujours également odoriférantes. Le fruit, qui fuccède à ces fleurs , eft une autre parure pour cet arbre ; car ce font des graines d'un beau rouge , qui pendent aux branches, comme des bouquets fufpendus par un fil très- menu. On attribue à ces graines une vertu contre la toux , & contre d'autres maladies de poitrine. Pour cet effet j on les met infufer dans l'eau-de-vie ou du rhum , Se l'on prend, tous les ma- tins j un verre de cette liqueur. De toutes les façons d'ufer de ces graines % c'eft celle-ci qui eft la plus ordinaire &z la plus généralement goûtée j parce- qu'elie a le double avantage de guérir une maladie , 8c de flâtrer le goût qu'on a généralement pour les liqueurs fortes. On allure que le même remède eft ex- cellent contre la phtyfie. L'écorce de l'arbre , bouillie dans de l'eau-de-vie ou dans une autre liqueur , lui communique aufti d'excellentes pro- priétés ; non - feulement contre toutes les maladies de poitrine , contre les rhumes & les fluxions j mais encore DE P E N S Y L V A N I E. 79 contre les douleurs de i'eitomio , & contre les diarrhées &z différens maux -internes. Le bois même de cet arbre , réduit en charbon, pulvérifé enfuite & mêlé avec du laindoux > eft un très-bon vul- néraire, que les Sauvages vantent beau- coup, 8c dont M. Kalms rapporte les meilleurs effets. Les cloches de haies {.a} , qu'on ap- pelle auiïi batalas _> fe cultivent abon- damment en Penfylvanie , &c l'on en prend bien du foin. Elles deman- dent un terrein un peu fablonneux , ni trop maigre ., ni ttop gras. Les racines de cette plante font très-bonnes à man- ger ; elles fondent dans la bouche , &c y ianTent un goût fucré& très-agréable, qui , fuivant moi , dit notre Savant j ne reflemble en rien au goût des arsenaux, ni à celui de toutes les autres racines ou légumes connus. On les accommode de la même façon que les autres raci- nes \ & on les fert , ou feules, ou bouil- lies avec de la viande ; communément on en garnit les bords d'un plat de rôti ou de bouilli, &C on les mange crues. ( a ) Convcivulus radice tuberofj*, efculema, D iv ^o Histoire Comme cette plante croît trèspromp- tementj & devient très -bonne avec le temps, le grand embarras eft de la con- ferver au-delà de i'hyver j car elle ne peut fupporter, ni le froid > ni le chaud > ni l'humidité. Pour rcuilir à les garder, il faut les renfermer dans un coffre ,. fur un fable bien fec \ du moins c'eft-là le moyen qu'on emploie en Penfylvanie > où les cheminées ne font point fermées comme en Suède. Il n'eft pas poiïi- ble de les mettre dans du fable à la cave , ainii que les autres racines j l'hu- midité les auroit bientôt fait pourrir. A mon départ de l'Amérique , je m'é- tois empreffé d'emporter avec moi une bonne provifion de cette racine 3 (k j'a- vois pris toutes les précautions pofhbks pour la préferver de tout ce qui pouvok lui nuire ; mais nous efîiiyâmes un temps fi rude dans le trajet en Europe y que notre bâtiment ayant fait tau , nos lits , nos habits , & toutes nos hardes , furent fi mouillés-, qu'il fallut les tor- dre & les faire fécher , &c mes batalas- fe pourrirent. L'arbre àfucre, ou l'érable de Virgi- nie ( a ) , croît naturellement en Pen. (a) Acer foliis quinque-partito palraatis, acu- minato-dentatis, Voye^ ci-devant le N° 83.., de Pensylvanie, Si fylvanie , dans des endroits humides , près des ruineaux , ôc devient prefque àuflî gros & aufîi hauts que nos chênes. Il eft d'autant plus utile dans toutes les contrées feptenxrionales de l'Amérique, qu'on en tire un fuc mielleux , que l'on convertit en fucre. Voici de quelle ma- nière on procède à cette opération. C'eft au mois de Mars que l'érable commence à couler , &c c'eft alors qu'on fait , au bas de fan tronc , une incifion de la profondeur de deux ou trois Dou- ces , afin qu'elle pénètre dans le bois» On insère dans cette plaie un tuyau , qui reçoit , d'un coté , la liqueur ; Se de l'autre , la conduit dans un vafe „ qu'on place au pied de l'arbre. La li- queur coule fi abondamment , qu'une demi - heure fuffit pour remplir une- bouteille de pinte de Paris. Les vieux arbres donnent moins de liqueur que les jeunes 'y mais elle eft plus fucrée. Au mois de Mai , lorique l'écorce fe détache du bois , la sè.ve coule foi- blement ; ou celle qui découle , a un goût dierbe défagréable , &; ne peut être convertie en fucre. Elle conferve toujours un peu de liquidité , & refte dans un état de miel ou de (îrop très- épais. Dv %i Histoire Si l'on veut conferver les érables à lucre , il faut avoir foin de n'y faire qu'une ou deux incifions ; car (i le delir d'avoir une plus grande quantité de li- queur , en fait faire davantage , l'arbre' en eft énervé , Se. dépérit au bout de.' quelques années. Pour amener cette liqueur à l'état de fucre , on la fait évaporer par l'action du feu, jufqu'à ce qu'elle ait acquis la cenfiftance d'un firop épais , «Se on la verfe enfuite dans des moules de terre > ou d'écorce de bouleau. En fe refroi- diiTant le iîrop fe durcit , 6c donne des pains ou des tablettes d'un fucre roux , prefque tranfparent, qui eft aiTez agréable. Cette liqueur fucrée ne pro- duit ordinairement que 5 i 6 livres de fucre par quintal. Dans tout le nord de l'Amérique , on emploie ce fucrer aux mêmes ufages que celui des cannes. On y mêle quelquefois , en le fabri- quant ,. un peu de farine de froment , qui lui communique de la blancheur -y mais elle altère fa faveur & fon odeur. Pour qu'il foit bon, le fucre d'érable - doit être dur, d'une couleur rouiTe , un peu tranfparent , d'une odeur très- fuave , «Se d'un goût doucereux fur la langue... DE PEN SYLVA N I £. 8 5 Avant de terminer l'hiftoire des vé- gétaux de Penfylvanie , nous avons en-, core à parler du genévrier & de la mar- guerite. Cette petite fleur , qui eft fi. commune dans les prairies de l'Europe,. el\ trcs-rare en Amérique. On la cul- tive dans les jardins, comme une fleur précieufe j on la regarde comme un très-bel ornement pour les parterres. Le genévrier y eft de même en grand crédit, & fes grains fe vendent plus chers que les grains de poivre. En gé- néral , toutes les fleurs de l'Europe y font de la même rareté. Mais ce que regrettent fur tout vivement les Alle- mands , comme le dit leur compatriote Mittelberger,c',ç/?/£ noble Jus de la-treille .. Il n'y vient que de la vigrfë fauvage % dont le fruit conferve toujours une aci- dité y qui empêche d'en tirer aucun parti avantageux. § n. Obfervations fur quelques plantes tardives^ & fur le peu de durée des bois de cette contrée* Il eft finguiier qu'il fe trouve en Benfylvanie plusieurs plantes fanvages » D vj 84 Histoire telles que la gentiane ( a ) , différentes, plantes à étoile, & plufîeurs autres, qui fleuriflent fi tard , que leur femence ne. peut parvenir à fa maturité avant l'hy- ver, quoique ces mêmes plantes rap- portent de bonnes graines en Europe,, fous une latitude plus feptentrionale que celle de la Penfylvanie. 11 eft vrai que ces plantes font prefque toutes du genre de celles qu'on appelle perpé- tuelles y Se qui } au défaut de graines ,. fe propagent par boutures , ou par des- furgeons qu'on tranfplante. Peut être n'eft-il pas difficile de trouver la rai- fon de ce que ces plantes font fi tar- dives. A l'arrivée des Européens , cette con- trée étoit couverte de forêts épaiflès. Les naturels du pays , qui ne fe nour- rilToient que du produit de leur châtie Se de leur pêche , ne s'occupoient point, à cultiver la terre. La nature livrée à elle-même , entaifoit fans cefle , les uns for les autres , les fruits de fa fécondité. Si ,. par accident ou par mains d'hom- mes ,. quelques arbres, quelques plan- ( a ) Gentiana amumnalis ramofa^ {è-} S-tera-kraut.. DE PeNSYLVANIE. STf tes étôient abattus , arrachés ou cueil- lis , c'étoit à l'entiée des forêts , ou fur les rivières : l'intérieur étoit peu fré- quenté j 5c c'eiMa que, depuis des mil- liers d'années 3 différentes plantes s'é- levoient lentement, à l'ombre des ar- bres touffus qui les environnoient. Lorf- que l'automne dépouilloit les forets , une couche de feuilles , de répaiiïeur de trois ou quatre pouces, couvroit tout le terrein entre les arbres : l'été arrivoic avant qu'elles fullent entièrement pour- ries ; &c les plantes , fe trouvant enfe- velies fous ces. feuillages humides , qu'elles ne pouvoient percer qu'avec, beaucoup de temps , fe font accoutu- mées à une végétation tardive. Elles n'ont pu, jufqu'à préfent, vaincre une. habitude confirmée par plufîeurs iiècles,, quoiqu'elles ne fe trouvent plus actuel- lement dans les mêmes circonftances. On doit remarquer aufli que les bois de Penfyivanie ne font point à comparer à ceux d'Europe , pour la folidité Se pour la durée. On regarde comme un prodige , qu'un. vailTeau, construit en Amérique, puifte être utile après douze années de fer- vice. Communément il ne peut fup~ porter la mer 3 que (ïx, huit ou dix ans* $6 Histoire Quelques-uns attribuent le peu de du- rée de ces vaiffeaux , à la mauvaife qua- lité du bois ^ d'autres ■, à l'habitude de les conftruire avec des bois nouvelle- ment coupés , auxquels on ne donne point le temps de fécher. 11 peut bien le faire que ces deux caufes y contri- buent, j'ai vu , dit M. Kalms , le tronc d'un chêne , qui avoit été abattu depuis dix à douze années , & dont la partie fupérieure avoit été recouverte par une écorce très-dure que j'enlevai, je trou- vai tout le bois pourri , converti en une matière très-friable, qui fe réduifoit en poudre entre les doigts. Combien d'années ne faudroit-il pas pour pro- duire les mêmes effets fur des troncs de chênes d'Europe ? § III. Règne animal de Penfylvanie. Quadru- pèdes qu'il comprend. Tous les animaux domeftiques qu'on voit en Penfylvanie , y ont été portés par les premiers Européens qui y ont abordé. Les Sauvages naturels n'en avoient point , & même à préfent ils fe foucient peu d'en élever. DE P E N S Y L V A N T E. 87 Tout le bétail dégénère peu à peu» Ôc devient beaucoup plus petit qu'il ne l'eft en Angleterre , quoique les pre- mières races ayent été apportées de ce Royaume. Dès la première génération 9 les bœufs , les chevaux , les brebis ôc les cochons , perdent quelque chofe de leurs pères ; ôc à la quatrième , il n'y a prefque plus de comparaifon à faire entre les enfans ôc les ancêtres, pour la grolTeur ôc pour la force. C'en: vrai- femblablement dans le climat, dans la nourriture , &:^ans les qualités du fol, qu'on doit chercher la fource de cette dégénération. Les animaux iauvages que nourrit la Penfylvanie , font des bifons ou bceufs fauvages, des loups, des rac- coons , des chevreuils, des renards, des chats fauvages, des écureuils, des martes ôc des taupes ; descaftors, des loutres, ôc des opafïum ou loirs fau- vages. M. Kalms ne nous apprend rien de nouveau fur les bifons ou bceufs fau- vages, qui font alfez connus. Il remar- que feulement que , malgré les foins qu'on prend de les apprivoifer dès leur plus tendre jeuneiTe , ils reprennent , en devenant grands a une humeur fauvage^. 38 Histoire & un caractère fougueux ôc indifciplî- né, qui leur fait brïfer les haies des en- clos où ils font renfermés , pour fe jetter dans les champs enfemencés. Ce- pendant ils s'accouplent avec les vaches, domeftiques , &c produifenr une race nouvelle , qui participe des deux es- pèces. Il y a deux fortes de loups , qui tou- tefois paroilTent ne faire qu'une feule efpèce , fuivant M, Kalms. J'en ai vu, obferve ce Savant, qui étoient entière- ment jaunâtres, ou d'un gris clair;, d'autres qui fe faifoient remarquer par un poil noir , ou d'un brun très-foncé» D'anciens Suédois m'ont rapporté que, du temps de l'arrivée de leurs ancêtres, dans cette contrée , &: même dans leur enfance , il y avoir des loups en fi gran- de quantité, qu'on les. entendoit , toute la nuit., faire des hurlemens horribles 'r & qu'ils faifoient un carnage affreux des moutons, des cochons j & de tout le menu bétaiL Quelque temps après l'établi (Te ment des Anglois &: des Suédois , les Sauvages furent attaqués de la petite vérole, qu'ils reçurent probablement des Euro- péens , puifqu'ils ne la connoilïoient pas avant leur arrivée» 11 mourut plu- DE P E N S Y I V A N I E. &9 fîeurs centaines des naturels de ce can- ton _, qu'on appelloiu alors la nouvelle Suède. L'odeur de tous ces cadavres y attira une iî prodigieufe quantité de loups j que non-feulement ils devo- roient les corps morts , après les avoir déterrés , mais qu'ils alloient attaquer les malades jufques dans leurs huttes. Le petit nombre de ces Sauvages , qui reftoit en bonne fanté , ne pou voit fuf- fire à chaiTer ces bêtes féroces j avec des perches &c des bâtons. Cependant depuis cette malheureufe époque , les loups ont fi bien difparu , qu'il eft très-rare à préfent d'en rencon- trer un, &C d'entendre dire qu'ils ayent caufé quelque dommage. Il y a appa- rence que les raifons de cette difparu- tion , viennent en partie de ce qu'on a beaucoup bâti dans la campagne , &" en partie de ce qu'on en a exterminé plu- îîeurs ; car on en trouve encore aiTez dans les cantons qui font peu habités. Mais fur les côtes, en Penfylvanie, de même que dans la nouvelle Jerfey, les brebis relient jour &z nuit dans les champs , fans qu'on prenne aucun foin particulier de les garantir des loups. Il eft. vrai que, pour empêcher que ces animaux ne fe multiplient , on a afligné 5?o Histoire une récompenfe de 20 fchellings en Penfylvanie , & de 30 dans la nouvelle Jerfey , pour celui qui tue un loup , &: on lui en abandonne encore la peau. La mort d'un jeune de ces animaux , ne fe paye que 10 fchellings. On m'a affiné , finit notre Naturalise y que ces loups avoient beaucoup de difpoliticn à de- venir privés ; & qu'on en avoit vu qui l'étoient prefque autant que des. chiens. $i cette dernière obfervationeft exac- te & fûre , fans doute que la douceur du climat, corrigeant un peu le naturel féroce de ces animaux , produit en eux cette aptitude à la familiarité. Le Pli- ne de notre fiècle , a fait l'expérience que les loups de ces contrées ne font abfolument pas fufceptibles d'éduca- tion ; Se qu'à dix-huit mois ou deux ans., ils reviennent toujours à leur naturel féroce &c fanguinaire (a). On ne trouve point en Penfylva- nie , de véritables lièvres fembiables à ceux de notre Europe. Mais on voit de certains quadrupèdes , qui font une f a ) Voyci l'Hifloire Naturelle de M. de Buifon, à farcicîe Loup. DE PENSYLVANIE. pi efpèce moyenne , entre nos lièvres & nos lapins , &c qui font de grands ra- vages , quand ils tombent fur des champs de raves &: de choux. Le Raccoon. Le quadrupède, qui porte en Penfyl- vanie , le nom de raccoon , eft le même que M. Limitas appelle ours à longue queue { a ) , & qu'on nomme en Suède Jupp. Il eft très-commun dans cette colonie , & il fait la guerre aux poules. On le chafle" avec des chiens. Dès qu'il eft pourfuivi , il grimpe fur un arbre : fi on l'y fuit , & fi on fecoue l'arbre , il tombe à terre , & les chiens, le tuent. On mange fa chair , qui pafle pour avoir un très-bon goût. Les Cha- peliers achètent fa peau , Se fe fervent de fon poil pour faire des chapeaux , qu'on regarde comme les meilleurs ,. après ceux de poil de caftor. La queue du raccoon fe porte au cou , en forme de collier , & l'os de fa verge fert à déboucher les pipes. Son plus cruel en- ( a ) Urfus cauda eîongata. Voye^ les Mé- moires de l'Académie Royale des Sciences de Suéde y pour l'année 1747. c?2 Histoire nemi eft le ferpent à fonnettes , & il lui fert de nourriture. Cet animal devient fi privé avec le temps, quil fuit fon maître partout > même dans les rues, comme un animal domeiKque. Mais il n'eft pas pofiïble de lui faire perdre entièrement ion ca- ractère fanguinaire & fa gourmandife. Quelquefois il profite des ténèbres pour fe glitfer dans un poulailler j' &, en une feule nuit , il étrangle toutes les poules. Il eft aufii très-friand de fucre> de confitures , & de toutes fortes de fucreries. Si l'on n'a pas grand foin de fermer les buffets & les armoires j il a l'adreiTe d'y entrer j Se s'il y trouve du fucre , il le mange : fi ce font des con- fitures ou des fiiops , il y trempe fes pattes , 8c les lèche enfuite. 11 y a peu de jours que les femmes n'ayent à fe plaindre de quelque nouveau tour de cet animal j ce qui dégoûte beaucoup de perfonnes d'en élever. Le plus fou- vent on ne voit des raccoons qu'avec des petits garçons, qui le» portent fur leurs épaules , & qui s'en font fuivre partout. M. Kalms ne dit rien de particulier fur les chevreuils de Penfylvanie, finon qu'ils font très-aifés à apprivoifer , c\: ©e Pemsyltanie. 93 •qu'il en a vu de privés en pluueurs en- dioirs ; particulièrement: dans la nou- velle jeriey , où tin particulier avoit un de ces animaux > qui alloit tous les jours paître dans la forêt , & qui revcnoit le foir à la maifon. Quelquefois il fem- bloit féduire quelques-uns de fes fem- blables , & les engager à le fuivre , pour procurer à fon maître l'occaiion cle les tirer. La conduite de ce chevreuil a fait naître à quelques habirans de ce canton, l'idée d'élever quelques-uns de ces ani- maux dès leur enfance , & de les faire fervir à châtier les chevreuils fauvages. 11 eft même arrivé plufieurs fois que ces derniers j dans le temps du rut, fui- voient les chevrettes privées jufques dans leur érable. Les Renards, On diftingue deux efpèces des re- nards en Penfylvanie , des gris &c des rouges. Les gris confervent cette cou- leur toute l'année, ils font plus com- muns en Penfylvanie , & dans les autres colonies méridionales de l'Amérique , que dans les contrées leptentrionales ; auili les François donnent aux renards 94 H n i ou! grisj le nom de renards de Virginie (a). Ils ne font, ni auffi gros j ni auffi vîtes à la courfe , que les renards rouges. Ils en diffèrent encore , en ce qu'ils n'attaquent point les agneaux. Ils fe contentent de faire la guerre aux pou- les , aux dindons , & à la volaille. On les aprivoife avec allez de facilité ; mais il faut cependant avoir le foin de les tenir enchaînés , pour qu'ils ne falTent point de dégât dans les baffes cours. Les Chapeliers font grand cas de leur peaiij & on s'en fert communément pour faire des doublures. Leur grailTe eft eftimée pour appaifer les douleurs des reins. A l'égard des renards rouges , ils font entièrement femblables à ceux d'Europe. Les Sauvages difent qu'ils n'en avoient point vu avant l'arrivée des Européens dans leurs terres. On raconte deux hiitoires fur la façon dont ces renards font arrivés en Amé- rique. Les fauvages difent , qu'à peu près (oint d'ennemi pins dangereux. 11 avale es œufs : il mange -les petits qu'il trouve } ëc s'il peut fe gliifer dans un poulaiilier , il y étrangle tout ce qui tombe fous fa dent. Mais ce qui diitingue particulière- ment cet animal , c'eft que , lorfqu'il eft charTé par des hommes , ou pour- fuivi par des chiens , de façon à ne pouvoir échapper au danger , il lance contre eux fon urine , foit naturelle- ment , foit en en arrofant fa queue , qu'il fecoue enfuite violemment der- rière lui. Des perfonnes dignes de' foi , ont rapporté que ce chat les avoient atteintes avec fon urine , à dix - huit pieds de diftance. Cette li- queur a une fi mauvaife odeur , qu'il n'eft pas poflible de fentir rien de plus dégoûtant. Elle femble appro- cher un peu de l'odeur du bec de E on: on $g Histoire grue (a) ; mais elle eft encore plus forte & plus défigréable. Lorfqu'on eft fore près de l'animal 3 certe odeur efr li vio- lente , qu'elle fait perdre la refpiranc on diroit qu'on eft étouffé parla preffi d'un corps extérieur. Cette liqueur eft en même temps fi corrofive, que s'il en faute dans les yeux , on court grand rif- que de devenir aveugle. Un habit qui en a été taché , conferve pendant plus d'un mois , une odeur fi fétide _, qu'on ne pourvoit le porter fans s'expofer à faire fuir tout le monde devant foi, comme fi on étoir peftiféré. Un homme de confédération éprouva un jour com- bien on a généralement d'horreur pour l'odeur qu'exhale -cquz liqueur. Son h .bit en avoit reçu quelques gouttes , &i puoit horriblement. Tous les paflans qui le rencontroient 3 l'évitoient com- me on fe fauve du feu. Il voulut fe ré- fugier dans une maifon j mais on lui en refufa l'entrée , & perfonne ne vouloit lui parler que de très-loin : enfin il a ( à ) Kuoreclus kraur ; (géranium 1> cb ma- num primum. C. B. Herbe de a Squinanae , apvelée bec de grue, parce que Joi fruit a quelque re([cmblance ave£ le bec d'une grue. Voyez Tourne/on, ïnftitutiones rei herbanx , pag- 168. Genus 8. Se&io 6 , de herbis flore rolaceo. DE PsNSYlrVAMlÈ. 95 avoué que , de fa vie } il ne s eroit trou- vé dans des circonftances aufli fâcheufes & aufli mortifiantes. Le feul moyen de faire perdre à des habits 1 odeur infec- te que cette urine leur communique > c'eft de couvrir les taches qu'ils en ont reçues , de terre fraîche , qu'on y laiiTe vingt-quatre heures. 11 arrive fouvent , en châtiant cet animal, que les chiens l'abandonnent , ïorfqu'il leur lance fon urine empeftéej mais fi ce font de vrais chiens de chatte*, ils ne quittent jamais prife. Pour fe ga- rantir de la vilaine odeur qui les fuf- foque , ils ont l'iriftinét de fe frotter , de temps en temps , le nez contre terre , de ils pourfuivent la bête jufqu'à ce qu'ils l'ayent mife à mort. Après cette chalTe, on ne peut foufFrir ces chiens dans les rnaifons , à caufe de l'odeur dont ils font infectés. Lorfqu'on palfe dans des forêts , l'o- dorat vous annonce bientôt fi vous êtes près d'un gîte de ces animaux ; &: la force de la mauvaise odeur fait dis- tinguer fi le chat y repofe. M Kalms rapporte en fui te avoir été témoin, que l'odeur de l'urine d'un chat fauva^e , rendit naaîade, pendant un jour entier, une fervante qui avoit tué un de ces Eij ioo Histoire animaux dans une cave. L'odeur qui s'exhala du cadavre , empeiïa fi forte- ment le pain , la viande , & tous les comeihbies que Ton confervoit au même endroit 3 qu'il faliut les jetter à la rivière. On apprivoife aiïez facilement ces animaux , & ils fuivent leur maître comme un chien, lis ne jettent aucune mauvaifè odeur , à moins qu'on ne les tourmente ou qu'on ne les frappe. Chaque fois que les Sauvages tuent un chat fauvage > ils en mangent la chair , après l'avoir écorché , & avoir enlevé la veffie , pour qu'elle ne con- tracte aucun mauvais goût. Des An- gîois &: des François aïïurent auiîi avoir mangé de cet animal avec plai- fir. Ils comparoiént le goût de cette viande à la chair de cochon. Les Eu- ropéens ne tirent aucun parti de la peau du chat fauvage , parce qu'elle porte un poil long et très- rude \ mais ies Sauvages en font des boUrfes pour mettre leur tabac, (k les portent con- tinuellement pendues à leur ceinture. Ecureuils de trois ejpèces. On voit en Penfylvanie nais forte^ DE PENSVLVANIE. 101 d'écureuils , qui forment chacun une efpèce particulière , également com- munes dans toutes les contrées fepten- trionales de l'Amérique. Ce font les écureuils gris, les écureuils rayés , Se les écureuils volans. Les écureuils gris (a) paroitrent en- tièrement femblablesaux écureuils com- muns de Suède j mais ils en diffèrent cependant par leur groifeur ôc par leur couleur , qui eft grife pendant toute l'année. Leur nourriture confiite en noix, en châtaignes, en noifettes , en glands de toutes efpèces de chênes ; en grains de toutes fortes, parmi lefquels ils paroiiTent aimer furtout le mahis,ou blé de Turquie. En hyver j iorfqu il fait très-froid , ou que la terre elt long- temps couverte de neige , l'écureuil refte plufieurs jours de fuite fans for tir de fon nid. La plupart du temps il le fait dans le creux d'un arbre > dans le- quel il porte de la moufle , de la pjille, 6c d'autres matières molles j quelque- ( a ) Sciurus Virginianus Cinereus major. Rai. Catefbi. En Allemand, der Virginifch afchgrau grofTer tich horn. En Suédois , Grao ickoin. En. Anglais , Gray fquirrcl. E iij 102 Histoire fois il en bâtit un à fa manière, avec de petites bûchettes , entrelacées les unes dans les autres , &c garnies de moufle bien foulée : il le couvre d'un rtûr conilruit cîe la même manière, de de forme conique. C'eft ce nid qui eftr le premier magafm où il fait (es pro- vi fions d'hyver ^ mais il n'eft pas le feul. ïl creufe des trous en terre, en différens endroits , & y ramaife aufli des noix , des noifettes , &: tout ce qui peut lui convenir. Dès que le temps, eft radouci j l'écureuil., qui a confom* mé les vivres qu'il avoir dans fongîte,' court à fes petits magafins, 8c les vuide- pour approvi(ionner de nouveau fa ré- lîdence. Dans l'hyver de 1741 , la neige étant reftée ici fur la terre pendant t-rè* longtemps , un grand nombre d'é- cureuils mourut de faim. C'eft ordinairement en automne que les écureuils font leurs provisions : la chofe eft très-aifée ; car alors la terre eft couverte ici de noix , de noifettes , de glands , & d'autres fruits. Rien n'eft plus amufaht que de voir dans un* bois , une quantité de ces petits ani- maux , la queue retroufïee , errans de tous côtés pour ramafTer des fruits. La vivacité de leurs démarches , l'agilité DE P E N S Y L V A N I E. ï O J de leurs mouvemens , la grâce qu'ils mettent à toutes leurs actions ,. font oublier au cha'feur qu'il eit venu pour leur faire la guerre j & fouvent il prend plus de plaifir à les admirer, qu'à les détruire., Lorfque les écureuils defcendent par grandes troupes , des cantons élevés , dans les forêts de Penfyivanie , pour y faire leurs provifions , les habitans en augurent que l'hyver fera très-rude -y en effet , ce préfage s'eft vérifié quel- quefois ; mais dire qu'il eft infaillible, ce feroit partager i'abiurdité de ceux qui en ont cette idée. Les Européens , établis en Amérique, £e font un amufement de chercher (es nids d'écureuils, parce qu'ils font iùrs d'y trouver Tes noix 6c Tes noiierres* l'es plus belles & les plus faines, Les cochons, que l'on fait paître dans les forets , rui- nent fouvent ces petits animaux } car s'ils découvrent leurs tréfors , ils les mangent avec avidité. Il elt vrai eue les écureuils fe vengent bien au \yr\n- remps , à la fin d'Avril , lorfque les chênes font en pleines rieurs. On voir cinq , fix , jufqu'à dix de ces animaux , jouer enfemble fur les chênes , & fem- bler, àl'envi, prendre plaiiir d'en ar- E iv 104 Histoire racher les fleurs ; ce qui fait que le gland eft toujours rare , & qu'il n'eft pas poilible d'en ramalTer une certaine quantité. - L'écureuil gris n'a pas moins de fl- neilè que d'agilité. Dès qu'il apperçoit un homme 3 il fait claquer fes dents avec un fi grand bruit , qu'il porte l'al- larme autour de lui , en annonçant la préfence d'un ennemi à tous les animaux qui l'environnent. D'ailleurs il eft très- difficile de le tirer \ car à mefure qu'il voit tourner le chaifeur autour de l'ar- bre où il eft , il tourne également avec beaucoup de promptitude , 8c fe tient caché derrière une branche. S'il peut Trouver l'enrourchure de deux bran- ches ? il fe tapit avec tant de foin , qu'il n'eft pas pollible de le découvrir. Un vieux nid d'oifeau eft encore pour lui un refuge alïuré , qu'il ne laifte pas échapper. On a beau fecouer l'arbre 3 y jetter des pierres & des bâtons , rien ne peut le déranger. S'il ne trouve point un arbre convenable > il grimpe 5c def- cend le long du tronc avec une vîtefTe incroyable , en portant la tète élevée j mais rarement on voit les écureuils gris fauter d'un arbre fur un autre. Tous ces écureuils font fujets à avoir D I PENSYLVANIS. I O 5 une quantité prodigieufe de puces. Comme le mahis eft vraifemblable- ment une nourriture délicieufe à leur goût, quelquefois ils defcendent en troupes nombreufes , fur un champ en- femencé de ces grains ; E P' E N S Y L V A W I S.. 3 Ôf ici la façon , dont les ferpens à fonnet- tes charment les écureuils. A la vérité je n'ai jamais eu I'occaiion de m'en inftiuire par mes propres yeux -y mais différentes perfonnes , dignes de foi x m'ont afluré fi pofitivement qu'elles en avoient été témoins, & qu'elles y avaient apporté la plus gtande atten- tion , que je fuis forcé d'ajouter loi à un rapport qui eft unanime , & tou- jours accompagné des mêmes circonf- tances. Voici donc comment fe fait cette efpèce d'enchantement. Un feçpent à fonnettes, couché au* pied d'un arbre, y apperçoit-il un écu- reuil \ auiîitôt il fixe les yeux fur lui y & dès lors ce petit animai ne peut plus s'enfuir \ il commence au même- inftant à pouffer un cri plaintif } qui lui eft particulier dans cette funeile cir- conftance _, & qui même eft fi connu p que dès qu'on l'entend , on peut affurer qu'il eft fous les yeux d'un ferpent= L'écureuil , toujours en fe lamentant „ faute fur une branche , au -de (lus de celle où il fê trouve ,- Ôc enfuite re- defcend , par un autre faut , plus bas qu'il n'étoit d'abord ; & ainfi fuccefli- vement , arrive jufqu'aux branches les. plus voifines de. terre. Pendant es; E vj: io8 Histoire temps-là,, le ferpent, toujours étendu au pied de l'arbre , ne ceffe de fixer fa proie. Son application eft ii grande , que le bruit le plus fort ne peut le dif- traire. Enfin , l'écureuil defcendu fur l'extrémité des dernières branches, fe précipite , avec un cri de douleur , fur le ferpent , qui tient la gueule ouverte pour le recevoir , & qui l'avale tout d'un coup. Quand l'écureuil eft trop gros j le ferpent l'humecte en le léchant , 8c l'engloutit enfuite petit a. petit. En différentes contrées Septentrio- nales de l'Amérique , on attribue le même pouvoir d'enchanter les écureuils à des ierpens noirs (a). Notre favant Suédois promet , en terminant fes ob- fervations à cet égard , d'expliquer ail- leurs comment fe fait cet enchante*- ment , &c de décrire en même temps le dangereux enchanteur. Il a tenu pa- role dans les Mémoires de l'Académie de Suède : nous en extrairons tout ce qui a rapport au ferpent à fonnet.tes , lorfque nous en ferons parvenu à la . ( a ) Notre Savant en rapporte un exemple s «gue l'on trouvera ci-après. DE PeNSYLVAWîI. 160 defcription des reptiles cle cette con- trée. Les écureuils rayés , ou écureuils cle terre (a) , font une efpèce tout-a-fait différente des premiers ., & font en auilt. grand nombre dans les forêts. Ce qui distingue effentiel'lement les écu- reuils rayés , c'eft qu'ils fe creufent des terriers comme les lapins , &ç ne grimpent fur les arbres que dans des cas forcés. La longueur de cet animal eft communément de lîx pouces : fon corps eft étroit •. il ne porte point la queue retroulfée : fa peau eft d'un rouge brun , marquée de cinq raies noires , dont l'une court le long du dos , & deux autres font fur les côtés. Sa nour- riture eft la même que celle des écu- reuils gris. En automne, il fait comme lui des provisions pour l'hyver, dans des trous en terre. Il pénétre également dans les caves , où il gâte les pommes que l'on y conferve ; & dans les gre- niers j où il fait beaucoup de dégât parmi le blé &c les autres grains. (a) En Allemand , Erdeich horner. En SuéV dois, KoJJchv'-jlar. En Ang-iois , Gro'.tnajquir- rel. Catefbi, dans (on H i Croire Naturelle de la Caroline , l'appelle fimplemeac Sciai us piatas, ïro Histoire En hyver , on voit très-peu de ces écureuils. Us reftent fous terre , Se mangent les proviiîons qu'ils ont amaf- fëes.- Un Suédois creufant un jour , vers la fin de l'automne , dans une colline , rencontra un terrier de ces animaux. Il le vifîta , Se découvrit quatre maga- jfins j pratiqués l'un à l'extrémité de l'al- lée principale du fouterrein , Se les au- tres fur les côtés , avec des petits fen- tiers de deux pieds de long , pour y arriver. Le magafin du bout renfermoit du gland de chêne blanc 5, dans un au- tre c'étoit du mahis y le troiiîème étoit rempli de grofTes noix , Se le dernier l'étoit de châtaignes , dont on auroit pu remplir deux grands chapeaux. Les 4cureillls volans forment une- troisième efpèce , èc font bien moins communs que les autres. On en trouve de femblabies dans la Laponie Se dans k Finlande , où le Chevalier Lin- nœus en a vu •, il les appelle écureuils volans, au moyen de l'extenfionde leurs hypocondres ( fe jettent dans fon fein, ©u fe fourrent dans les plis de fon ha- bit , pour y dormir. L'écureuil gris fe familiarife auflï très -bien ; mais il faut le prendre petit. Ces animaux , quoique devenus privés , font , lorfqu'ils peuvent , des provifîons de vivres , qu'ils cachent dans leur petite cabane , fous les hail- lons qui leur fervent de lits. Ils ne s'ef- farouchent point de voir du monde j & des étrangers même peuvent les tou- cher, fans craindre d'en être mordus. Ils jouent dans les cours avec les chats 8c les chiens 3 & mangent aufîi du pain. : A l'égard des écureuils rayés , il eft impollible de les apprivoifer comme les autres. Quelque peine qu'on fe donne pour réuflïr , il faut toujours les tenir enchaînés , ou renfermés dans une cage. M. Kalms rapporte qu'il y a encore en Penfylvanie , des écureuils rouges y bruns , & des noirs ; c'eft à quoi fe borne tout ce qu'il en dit. DE PeNSYLVANII. IIJ Il obferve, en paflant, qu'en voit dans cette même contrée 3 des loutres &des caftors fi bien élèves 3 qu'ils vont à la pêche , &c rapportent à leurs maî- tres tout ce qu'ils prennent. J'ai vu un caftor fuftoutj qui fuivôit ion maître. par tout, comme un chien. Entroit-il dans un bateau, il y entroit aufîi, ra- moit avec lui. S'il appercevoit du poif- fon, il fautoit auilitôt à l'eau, & re- venoit , un moment après , avec fa proie. On parvient encore à apprivoifer les opafïïims , de manière qu'ils fuivent leurs maîtres comme des chiens. L'opaiïum eft un petit quadrupède s dont nous avons déjà parîé,de la grandeur du lapin , qu'on appelLe indifféremment rat des bois , loir fauvage > didelphe y rat du Bréjil , opajfum &C municon. Notre favant Voyageur ne nous don- ne aucun détail fur les martes de Pen- fylvanie > mais il obferve que les tau^ pes qu'il y a vues , font différentes des nôtres, en ce qu'elles ne pouiTenr ja- mais la terre en dôme au-dehors. Ce- pendant elles pratiquent, pour leur do- micile ,' un boyau voûté , de deux pou- ces de haut > d'un bon travers de main ^ large, avec planeurs petites tranchées i r 4 Histoire qui y aboutiilent. J'ai remarqué qu'elles ont dans les jambes, toute proportion gardée , une roideur de une force beau- coup plus considérables que les autres* animaux. Pour creufer^ la terre , elles- emploient leur mufeaiij & font aller leurs pieds 3 qui font tortus , comme des avirons qu'on agite pour faire vo- guer. Elles travaillent avec une vîteflè incroyable. Ces taupes pa-roiflent être? méchantes. J'en ai nourri une qui mor- doit tout ce qu'on lui préfentoit. En une minute, elle faifoit à un mouchoir] un grand nombre de petits trous ^qu'ortl auroit cru percés avec un poinçon. Si oïl lui ofFroit quelque choie de dur , comme du fer. ou d'autres corps fem- j blables . elle les mordoit d'abord de toutes (es forces . & avec fureur j mai*» lorfqu'elle fentoir qu'elle n*y faifoit pas d'impreOion , elle les abandonnoit , & g n'y vonloit plus toucher. JPavois )u dans pluîîeurs écrits , qu'on déterroit quelquefois en Irlande des cornes très-longues & très-rameu- fes- , qu'on difoit provenir d'un grand animal 3 dont l'efpèce avoit été dé- truite dans cette île, & qui ne fe trou- voit plus aujourd'hui que dans la nou- velle Angleterre , & dans d'autres con^ DE PeNSYIVANIÏ. II5 trées feptentrionales de l'Amérique , ou l'on lui dpnnoit le nom de Mofe (u). On inférou de cette découverte,que l'Irlande avoit vraifemblablement été jointe, dans des fiècles fort reculés , au continent de l'Amérique feptentrionale , par une chaîne de petites îles , que le temps avoit détruites. J'étois très - avide de m'indruirej fi l'on connoifToit dans ces contrées un grand quadrupède , qui. portât des cernes d'une hauteur éton- rante , telles qu'on dépeignoit celles du Mofe. Mais M. Bertrand m'alTurà que , dans tous fes voyages , il avoit pris le plus grand foin de faire des in- formations fur le rneme fujer, & qu'il- n'avoit jamais trouvé perfenne qui pût- ftii en donner ^ d'où l'on devoit con- clure qu'un pareil animal n'avoit jamais exifté dans l'Amérique feptentrionale, M. Franklin m'a raconté , à la vérité ,. qu'il fe fouvenoit d'avoir vu, dans fa jeuneffe , une couple d'animaux qu'on appeloit Moofe ; mais qu'il avoit fort bien remarqué que leurs coi nés n'é- toient , ni aufli grandes , ni aufîi bran- chues que celles qu'on trôuvoit enfouies {&) Moofs deer,-. I I 6 HlSTOIRI en Irlande. Ces deux animaux , qu'on faifoit voir 'par curiofité , &: donc la hauteur égaloit celle d'un grand cheval, indépendamment de leurs rêtes , qui portoient des cornes très-élevées , a- voient écé conduits à Bofton , & de-là envoyés à la Reine Anne , en Angle- terre. Dans mon voyage au Canada 3 je questionnai beaucoup de perfonnes pour apprendre quelque chofe du Mofe. On me répondit partout qu'on n'en avoir jamais entendu parler , & qu'on en avoir encore moins vu. Quelques-unes même m'ont aflTuréj qu'il falloir qu'un pareil animal n'exiftât pas , puifqu'elles n'en avoient jamais rencontré , quoi- qu'elles eiuTent très- fréquemment par- couru les forets de ces contrées. Je conjecture que les deux animaux que M. Franklin a vu à Bofton , étoientj ou des élans de la même efpèce que ceux de Suède, parmi Iefquels on en voit quelquefois qui font d'une gran- deur étonnante j ou bien une variété de ces animaux. Les récits qu'on fait des Mofes , 8c qu'on embellit aux dé- pens de la vériré, doivent également être mis fur le compte des élans, que les François du Canada appellent orignal, dePensylvanie. IÏ7 ctu nom que les Sauvages donnent à ce quadrupède. Peut-être même M. Du-. cîley , qui a donné la defcription du Mofe dans les TranfacHons Philofophi- ques , n'a-t-il pas eu en vue d'autre ani- mal que l'élan. § iv. Oîfeaux domejllques & fauvages. Indépendamment de la volaille., qui con lifte en poules, poules-d'Inde, pi- geons , &c. on voit en Penfylvanie quel- ques oifeaux , qui font aufn les mêmes qu'en Europe \ comme des corbeaux , des hyrondelies , des fauvettes , «Se pluiieurs autres efpèces qui y font ab- folument inconnues. Parmi ces der- nières, on voit,dit*Mittelberger, des oi- feaux jaunes , qui ont des ailes noires ; 20. des rouges , aiiffi avec des ailes noires; 3 ".d'autres qui font entière- ment jaunes. Il diftingue en fuite iix fortes doifeaux , qui lui paroilTent ref- fembler à nos étourneaux par la forme, êc qu'ils furpaftent en grôfTeur. Il y en a des bleus , avec des ailes rouges ; des blancs , avec des ailes noires ; des bi- garrés de noir, de gris «3c de blanc '7 1 1 8 Htstoire d'autres qui font entièrement bleus , ou partout verds , à l'exception de la tête qu'ils ont rouge ; Ik d'autres en- core , qui font blancs & nous. Ces oifeaux, à qui l'on donne le nom générique de perroquets , favent fîffler, ôc imiter le chant de tous les autres oifeaux ; de façon qu'en une demi- Iieure.s ils répètent le ramage de vingt ai! eaux dirTétens. 11 y a apparence que c'eO: quelqu'un de ces oifeaux , que M. Kalms appelle mocqueur [a) > ou bien oifeau railleur^ Il a ladrelle d'i- miter le cri & le chant de tous les oi- feaux qu'il entend. Mais outre cet avantage , il a de plus celui d'avoir un ramage particulier ^ qui eft fi mélodieux, que plusieurs perfonnes fe perfuadent qu'il n'y a point doifeau dans le monde qui en ait un auilî agréable. Cette prévention , fondée à quelques égards, eil le feul motif qui fait recher- cher cet oifeau ; car fon plumage n'a rien de gracieux. Cet oifeau, qui chérit pafîionnément fa liberté & la foîitude , paffe peur erre bourru &c obftmé , comme le font tous ( a ) Morkin gbitr TpottYogel. de Pensylvanis. t ï 9 les-folicaues. 11 bâtit fon nid fur un arbre ou fur un arbriiTeau. Si quelqu'un regarde fes œufs , il s'enfuit , & n y re- vient plus. Lorfqa'on prend les petits , êc qu'on les met dans une cage , leur mère leur' apporte à manger pendant trois & même quatre jours. Si elle ne voit alors aucune efpérance de leur pro- curer la liberté , elle les abandonne en- tièrement ; ce qui leur caufe ordinaire- ment la mort,'foit de regret! , foit plus vraifemblablement , parce que Ton ne leur donne pas à manger affezpromp- tement. Plufïeurs perfonnescroyent fer- mement que la mère même de ces pe- tits devient leur bourreau , Se leur don- ne une nourriture empoifonnée la der- nière fois qu'elle les voit , pour les dé- livrer de leur misère &c de leur capti- vité. Cesoifeauxne paiTent qu'une par- tie de l'année en Penfylvanie. En au- tomne , ils s'en vont du côté du fud , & reftent tout l'hyver abfens. Le Voyageur Allemand diflingise en- core deux oifeaux finguliers par leurs cris. L'un eft de la groflTeur des cailles, Se leur refTemble beaucoup par le plu- mage j mais il n'a point de queue, La manière dont il crie fans ceiîe fort dif- tin&ement, dépêche donc > dépêche donc j no Histoire imite aufïi le courcaillis de la caille. Le fécond ne fe fait entendre que la nuit, &c crie wiperwïu ', wipefwitl ; ce qui l'a fait appeller de ce nom. 11 ajoute qu'on ne voit en Penfylva- nie, ni pies , ni coucoux , ni allouettes, ni loriots , ni roffignols , ni cailles , ni chardonnerets, ni ferins, ni merles noirs, niméfanges, ni rouge-gorges, ni linottes , ni moineaux. Ilfe pourroit faire cependant, obferve-t-il, que quel- ques oifeaux de la Penfylvanie eutfenc quelque conformité avec ceux que je viens de nommer, foit par la couleur 3 foit par la forme , foit par le chant •, mais je peux affûter qu'il n'y en a point d'e- xaclement fembiables. Olfeau - Mouche. •De tous les oifeaux qui nourrit l'Amérique feptentrionale, il n'en c'a point de plus admirable &: de plus pré- cieux , que celui que les Anglois appel- lent oifzau-bourdon s les Suédois oifeau royal \a) , & les François oifeau-mouche. (a) Humming bird. En Allemand , Hummel vogel. En Suédois , Kceir.gsfogel. On l'appelle encore oifeau de fucre. Il nejautpus le con- fondre ayic le Colibri , qui ejî différent. Sa DE PENSYLVANIE. 121 Sa -gro fleur, en effet, fuipafle à peine celle «d'une gro (Te mouche , & c'eft cer- tainement le plus petit de toute l'efpèce volatille j du moins, jufqu'à préfenr , on n'en a point encore découvert qui foit plus petite. Son plumage eft très- agréablement peint, lied, par-tout le corps , mêlé de verd & de gris ; mais différentes plumes rouges lui forment autour du cou, un cercle très-éclatant : fa queue j qui eft mi-partie de verd & de couleur d'or , offre à l'œil une cou- leur très-gracieufe, qui varie fuivant les mouvemens de l'oifeau, & fuivant fon expofuion à la lumière. Il a le bec long & pointu comme une aiguille. Ses pattes font, à peu près , de la groffcur d'une épingle ordinaire. On ne peuc donner une plus grande idée de la beau- té de ces petits oifeaux , qu'en difanc que les femmes de différentes contrées des Indes orientales , en font un orne- ment de leur parure même s après qu'ils font deiféchés , &: qu'elles les pendent à" leurs oreilles , comme ailleurs on por- te les diamans. Elles emploient aufti leurs plumes à différens tiflus , & à faire des tableaux très-eftimés. L'oifeau - mouche eft: un oifeau de pauage , qui arrive lorfqu'il commence F in Histoire à faire chaud, dans les contrées fepten- trionales. li y fait ion nid, & s'en re- tourne en automne dans les pays méri- dionaux. 11 ne Te nourrit que du fuc des fleurs , parmi lefquelles il choifit celles qui ont le cou long Si étroit. On le voit fouvent voltiger autour de la menthe } del'agripaume , du lamium , &c de quel- ques autres ( a ) de ce genre. Son vol produit un bourdonnement femblable à celui que fait un taon , ou un rouet à filer. C'eil un amufement., réellement très-agréable , que de voir comment ce petit oifeau papillonne fur les fleurs de ces plantes , & avec quelle vivacité il y donne de petits coups de .bec, pour en extraire le fuc. Quelquefois il fe plonge , en battant des ailes pour fe foutenir , dans le calice des plus gran- des 3 de manière qu'on ne voit plus que fa queue : il pafle enfuite , toujours en voltigeant en rond comme une abeille, à une autre fleur. Lorfqu 'il eft las, il vole fur un arbre ou fur un pieu , qui fe trouve à fa proximité : il y refte quel- • ( a ) Mentha . CarcHana , Lamium , Canna- bis fpuiia , que Tournefon appelle Gaieopfïs an- gufti-folia , flore vanegato j moaarda floii- bus coccineisj impatiens. feEpEtfSYLVANIÈ. 12-3 qu'es minutes , & revole aux fleurs. Les hommes ne paroilfent pas lui faire peur; &; j'en ai approché, dit M. Kalms , en caufant avec une autre perfonne , juf- qu'à fix pieds. Croiroit on que ces petites créatures, fi charmantes à l'œil & fi innocentes en apparence , font , comme les plus gran- des , dévorées par- des pallions , qui ré- pandent parmi elles , la haine , les ini- mitiés , & tous ces fentimens funeftes qui produifent les querelles & les com- bats ? C'eft alors que le fpe&acle re- double d'agrément , lorfqu'on voit deux de ces oifcaux acharnés , l'un contre l'autre , avec une fureur qu'on ne foup- çonne pas dans de Ci petits corps , fe porter mutuellement des coups de bec , redoublés fi vivement, qu'il eft impof- fible de les fuivre. Pendant ce combat, on diroit qu'ils font pofés fur l'air , (î l'on peut s'exprimer ainfi, tant ils met- tent de vivacité dans le battement de leurs ailes. Lorfqu'ils fe pourfuivent , leur vol eft auiïi rapide que celui d'une flèche décochée par un bras vigoureux; 6c ils pouffent un cri femblable, à peu près , à celui d'un moineau. - La colère & le dépit entrent aufTi dans ces petites âmes , & fe produifent exté- p ij H4 Histoire neuremeru , de manière a ne pas être méconnus. On remarque que toutes les • fois qu'ils approchent d'une fleur , où ils ne trouvent pas de fuc , foit parce qu'elle commence à le faner , foit par d'autres railbns , Us s'animent contre elle,& lui arrachent toutes fes feuilles. Leur précipitation indique très-vifible- ment le fentiment qui en eft la fource. Rien n'eft plus commun , fur la fin de l'été , que de voir , dans un parterre , une multitude de fleurs que la colère; de ces petits oifeaux a dépouillées. On n'a jamais remarqué qu'ils mangent , ni fruits, ni infedes. On a ei%é plufieurs fois d'en élever dans des cages avec cette nourriture ; mais jamais on n'a pu réuflir. Cependant on peut fe procurer le plaifir de les voir de très-près , fi l'on habite un appartement qui donne fur un jardin. Il ne faut qu'en laiifer les fenècres ouvertes, & bientôt on verra les oifeaux-mouches y venir voltiger & bourdonner comme des mouches. Quel- quefois même la jaloufie veut une jouif- fance exclufîve , 8c l'appartement de- vient leur champ de bataille.^ Cet oifeau bâtit communément , au milieu d'une branche , fon nid , qui eft fi petit qu'on ne peut le découvrir , a DE PlNSYLVANIE. I 25 moins qu'on ne foit monté fur l'arbre: aufîi eft-il très-rare d'en trouver un, fur-tout l'été j où le feuillage le met parfaitement à l'abri des regards cu- rieux. Ce nid eft garn^ intérieurement d'un duvet très-mou , d'un rouge-brun , qu'il paroît avoir ramafTé fur la phlomis maie , à fleurs jaunes ( a ) , & qui eft mêlé communément avec une laine très- fine , de même couleur. A l'exrérieur ce nid eft conftruit d'une mouffe grife de verdâtre , qui vient aux arbres & fur les vieilles haies. Le diamètre de ce nid eft à peine d'un pouce , &c fa pro- fondeur n'en a que la moitié. Ces •nids font faits aulli quelquefois avec du lin , de la fi la (Te 3 de la moufle , des cheveux , & d'autres chofes fem- blables. On n'y trouve jamais que deux oeufs , qui font gros comme des pois. On a tenté plufieurs fois d'élever les petits avec de l'eau fucrée j mais ils n'ont vécu que trois femaines , ou un mois au plus. On trouve dans la description de la (a) Verbafcum mas lati-folium luteum. En Alltmar.d , Mœnnlich gelb Wollkraut. Phlo- xnis lychnkis. Tourne/. F iij nG Histoire nouvelle EcofTe (a), la peinture d'un de ces oifeaux , qui , ii elle étoit exacte, feroit une variété auiîi agréable qu'é- tonnante j dans l'efpèce des oifeaux- mouches : elle établiroit en même temps , d'une manière évidente , le travail fucceilif de la nature , lors de la création des différentes efpèces d'ê- tres , qui couvrent la face de l'univers. Voici comment il eft décrit. Parmi tous les oifeaux qui paroiffent ici , il n'en eft point de plus curieux que ce- lui qu'on appelle murmure ( b ) , dont on diftingue deux fortes. L'une de ces efpèces eft extrêmement petite ; &c avec Ces plumes , elle n'eft pas plus grande qu'une petite mouche ( c ). L'autre eft groffe comme un bour- don , & produit un bruit femblable à celui que fait cet infecte. Ses pattes , qui font longues d'un pouce , paroiflent être de fines aiguilles , ôc (on bec a la même reftemblance : il fert d'étui à fa langue , encore plus fine j laquelle., ( a ) Autre Ouvrage Allemand , publié à Francfort en 17^0, in-8. pag. 174. ( b ) Murmur. ( c ) Mit allcn feinen federn nicht grofTer als eiaç kleine rliege. DE PeNSYLVANIE. 127 comme un autre bec , il plante au mi- lieu des fleurs , pour en tirer le miel , qui fait fa feule nourriture. En vérité , cette petite créature mérite bien qu'on l'appelle {-'ornement de la nature. Elle porte ( a ) fur fa couronne , une huppe noire , qui efk d'une beauté incompa- rable. Sa poitrine eft de la plus belle couleur de rofe qu'on puifïe voir , & fon ventre eft blanc comme du lait. Une couleur grife j argentée Sz nuancée d'un jaune d'or très-éclatant , pare fon dos , (es ailes & fa queue ; il feroit difficile de trouver une autre couleur oui fat mieux afTortie au couleur de rofe. Le duvet qui règne fur tout le plumage de cet oifeau, lui donne un air fi délicat, qu'il reiTemble à une fleur veloutée , dont le moindre attouche- ment fane la fraîcheur, ou altère l'éclat; enfin, les expre fiions manquent pour bien rendre les agrémens & la délica- tefîe infinie , qui régnent fur toute cette petite créature. («/) Diefer vogel tragt einen fchvarzen bufch auf fl-iner krone , welcher von einer aulîer order.tlichen fchacnheit Ut ; feine brufl glei- chet der aller fchamften Rofenfarbe , als mau immer fehen kan , und fein bauch ift fa weis wic milch. F iv 12$ HlSTO IRE M. de Dierville , dans fon voyage en Àca die, recueilli dans la collection faire à Gœttingue (pag 237) fait mention auilî de cet oifeau rare , dans les ter- mes fuivans .... Nous allons parler maintenant de petits oifeaux 3 qui n'ont pas à craindre qu'on leur vole leurs œufs ; car ils ne ibnt pas plus gros que des grains de chennevis : ce font les œufs des colibris ou oifeaux-mouches 9 qui font les plus beaux de l'univers j & dont les couleurs font il vives, que les mâles furtour , dzns de certaines attitudes , femblent jetter des rayons de feu. Leur ventre çft d'un gris clair \ leur dos verd ar- genté , Se leur queue noire , ondée de blanc , avec des ailes noires. Ces oifeaux ne paroilTen? que dans la faifon des fleurs , autour defquelles ils volent comme des abeilles , pour en iucer le fuc. Nul autre oifeau ne met autant de vivacité dans les différens mouvemens qu'il faic. Leur vîtefle eft (i grande , qu'on a bien de la peine à les appercevoir quand ils fendent l'air. Ils ne fe mettent point fur les fleurs j mais ils voltigent deifus &c à Penrour., comme des papillons. La façon avec laquelle la nature a DE PeNSYIVANIE. UO formé leur bec & leur langue , mente furrout d'être admirée. Ce bec noir, pointu , mince , & tout droit , eft d'un travers de doigt j &c la langue , qui elï fendue très-finement, a le double de cette longueur : ils la mettent dans une fleur, & c'eil en la remuant continuel- lement qu'ils pompent cefuc mielleux ? qui fait leur nourriture. A mefurequela Penfylvanie s'eft peu- plée d'hommes, elle s'eft dépeuplée û'oi- feaux bons à manger , tant de terre que d'eau. Autrefois il s'y trouvoitdes quan- tités prodigieufes de francolins , de per- drix, de coqs de bruyères, de pigeons ra- miers, d'oyes, de canards fauvages , & d'autres oifeaux aquatiques ; mais au- jourd'hui toutes ces efpèces font fi rares, qu'un homme , qui chatte toute une journée , eft heureux de voir quelques- uns de ces oifeaux ; Se l'efl: encore da- vantage, s'il parvient à en tuer un ou deux. Fn même temps que le gibier a difparu, d'autres oifeaux, comme lespiegrièches de les étourneaux , ont beaucoup pululé, par la raifon qu'on ne leur a pas fait la guerre j & que la culture des terres , augmentant toujours en raifon de la poDulation , la facilité qu'ils ont eu de F v i$o Histoire trouver leur nourriture , a beaucoup fa- vorifé leur multiplication. Il fe trouve encore dans les forêts , éloignées des habitations , quelques poules-d'Inde, qui ne diffèrent de celles qu'on élève dans les balles-cours ., que par leur groiïeur , par une couleur rouf- îâtre , & par le goût de leur chair, qui eft beaucoup meilleur que celui des poules-d'Inde domeftiques. Lorfqu'on découvre leurs nids, on fait couver leurs ceufspar des pouies-d'Inde privées, qui élèvent très-bien les petits. Cependant ils prennent, en grandirTant ., un carac- tère fauvage , qui les porte à s'enfuir, û l'on n'a pas la précaution de leur cou- per les aîles. Pour finir la defcription de tout ce qui appartient au règne animal dans la Penfylvanie , il ne refte plus à traiter que des reptiles , des infe&es &: des poiffons. §v. Reptiles. Cette clafîe comprend beaucoup «^individus > fur lefquels néanmoins M. Kalms n'a donné aucun dé- tail. Noue Voyageur Allemand affine de Pensttlvanie. i;i avoir va plufieurs lézards de différentes coalears 3 &c des ferpens de diverses efpèces , parmi lefqaels il en eft de dix , douze & quinze pieds de lon- gueur , qui attaquent les beftiaux , quel- quefois même auffi. les hommes , &c principalement les femmes. Il y a de ces ferpens qui font noirs y d'autres blancs , d'autres gris , verds j &r noirs , rayés de jaune. De tous les reptiles de cette colonie , les ferpens noirs iont, obferve-t-il, les plus gros &c les plus dangereux. Ils. ont communément douze ou quinze pied s de longueur, & font de la groffeur du bras. Ils ont le pouvoir d'enforceler ou char- mer , d'une façon furprenante , par leurs regards , tout ce qu'ils fixent ; comme lièvre, oifeau, écureuil, qu'ils avalent enfuite. Ils favent grimper fur les arbres les plus élevés , pour y aller chercher leur proie , après l'avoir ar- rêtée. M. Kalms rapporte , d'apiès le témoignage de plufieurs perfonnes , un exemple de ces fortes d'enchantemens ; jette fur un chat huant, par un ferpenc noir. Les ferpens à fonnettes font encore plus gros que ceux de l'efpèce precé- F vj 132 Histoire dente ; car on en a trouvé qui avoient dix-huit pieds de long , & qui paroif- foient comme àcs poutres. lis ont des écailles comme les poiffons : il y en a de noires , de bleues & des vertes , qui reiïèmblent à de la nacre de perle. Lorfqti'ils font irrités , ils font , avec leurs queues qu'ils agitent , un cettain bruit , qu'on entend de plus de cin- quante pas. Hifïoire naturelle du Boiciningua j ou Serpent à fonnettes. Les détails que donne M. Kalms fur ce reptile , qu'on appelle aufli Boicinin- gua , font plus intéreffans , & paroifïent beaucoup plus exads que ceux de notre Voyageur Organifte. ïl eft ordinairement long de trois à quatre pieds ; les. plus grands en ont lîx , & font très-rares Son corps eft , à peu près , de la gro fleur de la cuifTe d'un homme ordinaire. Notre favant Gbfervateur trouva dans un de ces fer- pens qu'il avoit tué, 173 anneaux qui iormoient fon ventre 3 ôc i~? autour de la queue. De l'extrémité de fa tête juf- qu'à la fonnette exclufivement , il avoit deux pieds d'étendue j mais il n'avoit , DE P E N S Y L V A N I E. I £ J dans fa plus grande circonférence , que vingt lignes de diamètre. Sa mâchoire fupérieure étoit garnie de quantité de dents canines : il en avoir quatre entre autres également longues &c aiguës , dans l'intérieur de la gueule : deux de chaque côté , qui pouvoient forcir ôc fe renfermer dans fa mâchoire , de la même manière que les griffes des chats fortent de leurs étuis, & y rentrent. Aux racines des dents , il y en avoit quantité d'autres , toujours prêtes à remplacer celles que le ferpent pouvoir perdre ou calfer. Quand on prefïoit la racine de chacune des quatre dents principales j il en fortoir une li- queur verdâtre. ' Ces animaux font fort rares dans les parties de l'Amérique feptentrionale qui font habitées. Ils font communs dans les bois , dans des creux de ro- chers , 3c fur la cime des montagnes, Ils fe rafïemblent rous aux approches de l'hyver j &c paffent cette faifon enfevelis fous terre , où ils dorment jufqu'au printemps. La chaleur du foleil les ré- veille : ils fortent , vont s'échauffer .à fes rayons , èc font alors très-faciles à tuer. Les Naturaliftes prétendent que la 13 4 H I S T O I R E fonnette de ce ferpefit, acquiert , tcus les ans , une nouvelle écaille , & que c'eft par-là qu'on reconnoît fon âge. On en a trouvé , dont la fonnette éroit de 41 écailles. Les plus grands qu'on tue aujourd'hui , n'en ont guères plus de douze : les plus petits une. Vrai- femblabtement le foin que prennent les habitans de détruire , autant qu'il eft poflible, ces dangereux animaux, les empêchent de fe multiplier , &: d'ac- quérir une grandeur confidérable. Je n'ai pu découvrit , 11 c'eft par un fentiment de crainte 3 ou par un mou- vement de colère , que le Boiciningua agite fa fonnette. La lenteur de fa courfe ne lui permet pas de pourfuivre les hommes fur terre ; mais fa rapidité eft extrême dans l'ean. Quand il nage, il reflemble exactement à une veffie. Il n'y a pas moins de dan- ger à l'attaquer fur cet élément , que d'imprudence à relier fur le tillac (les petits vaifTeaux , auprès defquels il pafte. ïl s'y lance avec autant d'agilité que de vîtelTe ., Se fa morfure eft inévi- table. L'odeur que répandent ces ferpens , eft très-forte & très-défagréable : elle devient furtout insupportable , lorf- DE P E N S Y L V A N I E. I 5 5 qu'ils fe font chauffés quelques inftans au foleil ., ou qu'ils commencent à s'ir- riter. La nature femble ne leur avoir donné cette ocleur &c cette ionnette , qu'afin d'avertir l'homme de leur ap- proche. Les Américains croyent que l'odeur de ce ferpent eft aufîi mal-faiiante que fon venin. Cependant ce préjugé pa- roît plutôt fondé fur la crainte, que fur l'expérience. Ce reptile eft extrêmement vorace ; mais il eft rare qu'il attaque , après avoir aiïouvi fa faim. C'eft principale- ment quand il pleut, ou quand il a be- foin de nourriture , qu'il eft le plus fu- rieux. Les Sauvages prétendent qu'il eft tranquille , timide même, pendant le mois de Juillet ; Se qu'il n'eft jamais difpofé à mordre , qu'après s'être replié fur lui-même, ôc s'être courbé en cer- cle. Il eft vrai que ce mouvement eft en lui (i rapide, qu'à peine on a le temps de le voir prendre cette at- titude. De tous les ferpens qui nahTent dans l'Amérique feptentrionale , le Boici- ningua eft celui qui franchit le plus grand efpaœ , qui , cependant , ne s'é- tend jamais au-delà de la moitié de i$6 Histoire Férendue de fon corps. Selever fur la pointe de fa queue , s'élancer fur fa proie , la bleflTer & fe retirer j ce n'eu: pour lui que l'ouvrage d'un initant. Ceux qu'il bielle ne fentent , au mo- ment de la morfure , qu'une douleur légère , comme s'ils étoient piqués par une épine. Bientôt une excelîive laiîi- tude , accompagnée d'une enflure géné- rale , affaiiTe tout leur corps. 11 ne pa- roît , fur la partie mordue , que deux bleiTures aulîi petites, que fi elles avoient été faites avec une épingle. Une foif dévorante accable le malade : fon cœur eft déchiré par des douleurs violentes. S'il boit , il eft perdu fans relTource. La plus petite goutte d'eau hâte fa mort ., & redouble les tourmens de fon agonie. 11 fent fa bouche embrafée : fa langue enfle fi confidérablement , qu'elle ne peut plus y tenir. Quand elle devient noire , le venin eft à fon plus haut de- gré de malignité ; Se c'eft aufli 1'inftant qui doit décider de la mort, ou de la guérifon du malade. Une- immenfe quantité de taches livides , noires , rou- ges & bleuâtres , couvrent tout fon corps. Ses yeux s'éteignent, fes forces l'abandonnent : il perd le fentiment, &C meurt avec tranquillité. DE P E N S Y L V A M I E. I 3 7 Parmi ceux qui ont le bonheur de guérir de la morfure du Boiciningua 3 il n'en eft aucun qui ne porte , toute fa vie , des marques de (on accident. Les uns deviennent jaunes, gardant, juf- qu'à leur mort 3 des' taches qui confon- dent leurs traits , & les rendent horri- blement difformes. Les aunes , qui paroifïent jouit d'une famé parfaite , éprouvent tous les ans j dans le même temps où ils ont été mordus, des dou- leurs internes très-violentes , quais ne font difparoître que par l'ufage d'une décoction de la racine d'ariltoloche. Un chien qui avoit été mordu par un ferpent à fonnettes , parut d'abord parfaitement guéri, lorfqu'on lui eut fait prendre ce remède, ditMKalms; mais la première & la féconde année qui fuivirent fa blelfure, il éprouva, le même jour qu'il l'avoit reçue , les mêmes fymptcmes qu'il avoit eus la première année ; la troifième il devint enragé. Les chevaux , les vaches , & tous les beftiaux , pétillent à l'inftant même que le venin a pa(Té dans leur fang. Les petits oiféaux , les grenouilles , les lièvres, les écureuils , &c. fervent de pâture au Boiciningua. Lorfqu'il a pris un lièvre , il en dévore la moitié , î 38 Histoire & tient le refte avec (es dents 3 jufqu'à ce qu'il ait digéré la portion qu'il a d'à-, borcl mangée. A l'égard du prétendu charme que ce ferpent jette fur les animaux , dont il veut faire fa proie , on a vu ci-devant un exemple de la manière dont il exerce ce pouvoir magique. Suivant M. Kalms, deux caufes naturelles concourent à le lui procurer. Ce ferpent a les yeux fi brillans &: fi farouches , que les plus fiers animaux qu'il fixe , peuvent être «d'abord étonnés par leur éclat, &. arrêtés par la crainte j enfuite l'odeur péné- trante qu'il répand, achève de les étour- dir vraifemblablement au point, qu'ils ne favent plus ce qu'ils font. Tout remède eft inutile contre les morfures que ce reptile fait , lorfqu'il eft en fureur. Un Sauvage, voulant.prou- ver aux Anglois l'excellence d'un anti- dote de fa compofirion , fe fit mordre par ce ferpent , & fut guéri , en effet , par fon contre-poifon. S étant fait mor- dre une féconde fois par le même ani- mal , qu'il avoit irrité , l'antidote fut inutile j il mourut fur le champ. Sa blelfure eft: encore mortelle aux fem- mes groiïes. Les Sauvages font fi fort .perfuadés qu'il n'y a pour elles 3 ni te- DE PENSYL VA N I E. Ijp mède, ni efpérance , qu'ils n'eiTayent pas même de les fecourir. Ce ferpent , fi terrible aux yeux de prefque tous les animaux , tremble à fon tour devant le .cochon-maron , qui eft naturellement fon plus cruel enne- mi j ôc qui le dévore avec avidité. Quand on veut cultiver un champ où il fe trouve des Boiciningua , on y ren- ferme un troupeau de ces cochons pour les détruire. Soit crainte du reptile, foit adreiTe du quadrupède , ce dernier e'x rarement mordu ; s'il l'eft, lableffure n'a aucune fuite. Autant on reconnoît de qualités nui- fîbles à un ennemi fi dangereux, autant il y a de moyens pour l'éviter, ôc de facilité à s'en défaire. L'odeur ôc le bruit de fa fonnette , averti ffent de fuir. Si l'on eft: furpris , le plus léger coup de baguette appliqué fur le dos de ce ferpent , le fait mourir incontinent , ou, au plus tard, une demi heure après qu'il a été frappé. Un enfant de fîx ans eft: affez fort pour tuer le Boiciningua le plus monftrueux. Les fîgnes de more font fouvent très- équivoques dans les autres efpèces de ferpens ; mais dans celui-ci, le filence de fa fonnette eft une preuve certaine que l'animal ne refpire plus. 140 Histoire La chair de ce ferpent eft d'un goût exquis , & pafle , dans l'Amérique fep- tentrionale , pour un antidote fur con- tre fa morfure. Au contraire , il de- vient un poifon très- dangereux , fi le ferpent s'eft mordu lui-même j ce qu'il fait prefque toujours , quand il eft en fureur ou mortellement frappé. Sa chair eft encore vénimeufe , quand le coup qu'il a reçu lui fait couler fon fang. L'huile d'olive, le fuif , le beurre, ap- pliqués fur la morfure d'un de ces fer- pens , & pris intérieurement ., fontj de même que le fel commun , & une dé- coction de la racine de collinfonie , des remèdes convenables indiqués par le favant Suédois. On auroit lieu d'être furpris qu'un animal auffi effrayant Ôc aufli nuifible que le ferpent à fonnettes , ait eu des temples 5c des adorateurs , fi toutes les nations n'ofFroient pas des exemples d'une fuperftition aufli ridicule & aufli extravagante. Les anciens habitans de l'Amérique feptentrionale , rendoient au Boicinin- gua, des honneurs proportionnés au mal que caufoit fa morfure , qui n'en étoit pas moins mortelle. Mais dès qu'ils ont connu les moyens de la guérir , le fer- DE PenSYLVANIE. I4I petit a perdu Tes autels j & ie dieu n'a plus été qu'un reptile odieux , malfai- sant & féroce. L'ignorance & la crainte ont plus élevé de temples , que l'amour 8c la reconnoiiïance. Dans le Royaume de Calicut, fur la côte de Malabar, ce même ferpenc eft encore actuellement adoré. Les Bra- mes le repré 'entent comme créé de Dieu , pour affliger les hommes, & les punir de leurs fautes. Le Gouvernement foutient cette folle opinion j de le peu- ple imbécille y ajoute foi , fans fe don- ner la peine de l'examiner. Qui fait même li celui qui voudroit le détrom- per , ne feroit pas le martyr du f anatifme intérefle des Brames, ou une victime im- molée par la politique , qui ne néglige rien de ce qui peut appéfantir les fers qu'elle impoie ? L'avanture d'un matelot Hollandois , que la fuite feule put déro- ber à l'acharnement d'une trouoe de fem- mes, armées de pierres, dans le Royau- me de Juida, en Afrique ( a ) , pour avoir tué un ferpenr, dont il avoit été mordu , eft une leçon malheureufe- ment trop certaine de cette vérité. ( a ) Voyei le Voyage de Smith ea Afrique, I42. HtSTOlRI § VI. InfecleS. Parmi les infectes de la Penfylvanie, les abeilles tiennent le premier rang. Elles réuffiiTent très- bien dans cette contrée, quoiqu'elles y foient étran- gères \ car on croît qu'il n'y en avoir point avant l'arrivée des Européens , ÔC que les premières y ont été apportées d'Angleterre. Ce qui femble prouver évidemment cette conjecture, c'eft que les Sauvages appellent les abeilles dans leur langue 3 Mouches Angloifes. On en trouve à préfent de nombreux elTains dans les forêts ; mais ce n'eft que jus- qu'à un certain degré. Les pays très- i eptentrionaux , comme le Canada , ne paroiffent pas convenir à ces infectes, a caufe du grand froid de l'hyver , qui les fait périr : aufli ne peut-on pas y en élever. On a remarqué qu'il ne fe rrou- voit pas d'abeilles dans les forêts qui font au nord , derrière les montagnes bleues j ce qui eft une nouvelle preuve qu'elles ne „ font pas anciennes dans cette contrée. Au refte , ces infectes rapportent de grands bénéfices à ceux de Pensylvanie. t 4j qui en prennent foin. Leur miel feft à difîérens ufages : beaucoup de gens en font leur nourriture. La cire fait un ob- jet de commerce considérable. Ces abeilles paroiflent être un peu plus pe- tites que celles de Suède. Il eft encore plufieurs autres efpèces de mouches 3 qui , loin d'être d'aucune utilité, font , au contraire, fort incom- modes la nuit. Il en eft une fur tout qu'on voit l'été en grandes troupes , & qui porte le nom de Mufquetoes. La defcriprion que le Chevalier Linnauis a donnée du moucheron _, couleur de cendre ( a ) , dans fa Fauna Suecica , convient parfaitement à cet infecte. 11 s'introduit dans les maifons , le foir principalement , & pendant la nuit : il fe remplit (1 fort du fan g qu'il fuce , que les forces lui manquent pour s'en- voler. Sa piquure caufe à la peau des ampoules très-douîoureufes , qui du- rent un ou deux jours. Les habitans de la campagne n'ont pas d'autre moyen , pour fe garantir de ces hôtes incom- modes , que d'allumer Le foir du feu devant leurs maifons. ( a ) Culex cinsrus, abdominis annulis fufcis otto. Lmu. ii\6. 144 Histoire Fourmis. Les fourmis ne font pas plus rares que les moucherons ou mofquites. Elles fe logent, comme ailleurs., dans les; trous de murs , ou fous terre. Les fu-j creries de toute efpèce font fort de leur goût. La longueur de leur corps erti d'une ligne. Leur couleur elt, ou noire, ou d'un rouge obfcnr. Un homme digne de foi , & diftinguer par fes connoi (Tances autant que par fon rang (a) , rapporte s'être aifuré , d'après des obfervations exactes , queles fourmis favoientfe communiquer leurs-] idées, & très-bien s'entendre. 11 avoit remarqué , que Ci , par hazard, une fourmi découvroit du fucre dans i une armoire, elle couroit auffitôt en; porter la nouvelle à la fourmillière, & on la voyoit , au mèmeinitant , revenir fuivie de toute la troupe qu'elle con- duifoit au fucre > dont chaque infede emportoit un morceau. Une fourmi (a) M. Fianklin, Directeur Général des. Pertes dans le Nord d:- l'Amérique, connu! par quelques découvuïe, fur l'ék&riciré. trruvoit- DE P E N S Y L V A N I 1. 145- trouvoit-elle une mouche morte, qu'elle ne pouvoit pas emporter feule , elle alloit à fa réiidence : le moment d'après on la voyoit accourir , avec plufieursde fes femblables, vers le cadavre de la mouche ; & , toutes enfemble , réu- nifîbient leurs petites forces pour le tranfporter dans leur habiration. Une autre fois , ce même homme s'étant apperçu que les fourmis vifi- toient fréquemment une armoire , dans laquelle étoit un pot rempli de fïrop , il l'en ôta, Se le fufpendit au plancher d'une chambre , par le moyen d'une ficelle. Il s'étoit gliiTé , par hazard , une fourmi dans le vafe., &c elle y étoit reftée. Après s'être bien raiïafîée de fi- rop, elle fongea à fa retraite : mais elle fe trouva fort embarraifée. On la voyoit tourner autour du vafe , fe promener de (Tous , revenir enfuite en dedans, toujours pour chercher une iiTue. Son bonheur lui fait rencontrer la ficelle , qui traverfoit diamétralement le vafe , & tenoit au plancher par fon extrémité. Elle monte auflitôt fur la ficelle , & la fuit un inftant. Effrayée, foit par la crain- tedu péril, foit par la difficulté du trajet, elle revient fur fes pas ; fait de nou- veaux j*qurs fous de deflus le vafe, Se m g I46 Histoire retrouve une féconde fois la ficelle. Elle fe hazarde de nouveau à la fuivre, ôc parvient fans accident au plancher, Dès lors fa marche devient plus raoi- de : elle parcourt le plancher 3 defcend le long du mur, & fe rend vraifem-r blablement à l'habitation générale. Il s'étoit à peine écoulé une demi- heure , qu'il parut une légion innom- brable de fourmis , qui, tenant la même route que la première, qui leur fervoit de guide , arrivèrent au drop , & ne l'abandonnèrent plus qu'à la fin du jour. Tout le peuple fourmi fembloit avoir abandonné la colonie , & mar- choit, en bon ordre, fur deux lignes, dont Tune montcit & defeendoit le long de la ficelle même , fans qu'il ar- rivât d'accident ni d'embarras. On trouve encore ici trois efpèces d'infectes , qui font remarquables par l'ordre fuccelîif &r alternatif qu'elles femblent obferver dans leur appari- tion. La première eft une certaine fautes relie ( a ) 3 dont tous les fept ans il pa« (û) En Allemand, Heurchreà.TLi\ Anglois, Locujircc. En langue du pays , Lohis, dePensylvànie. 147 Toit des quantités inouies. Elles com- mencent à fortir de terre au milieu du mois de Mai. 'Six femaines après , elles font , avec leurs cris , un fi grand brin: dans les forêts , que deux perfonnes ne peuvent s'entendre , à moins de parler. très-haut. Ces infectes piquent, avec •un éguillon qu'elles ont à leur queue , l'écorce molle des petites branches, 2c fouvent les font fécher. Elles ne cati- fent d'ailleurs aucun dommage aux ar- bres & aux autres plantes. Dans l'in- tervale qui fépare ces feptièmes années, où paroiiïent ces infectes , on n'en voit .& on n'en entend que quelques-uns dans les forêts. Le Voyageur Allemand paile aufîi des lokis > & dit qu'ils font de la groiTeur des hannetons. La féconde efpèce d'infecte eft une forte de chenille , qui dévore les feuilles des arbres (a)~ Dans les années où elles viennent, les forêts paroilTent dépouil- lées de leurs feuilles au milieu de l'été, comme dans le cœur de l'hyver • ce qui fait aulîi que plufieurs arbres périffent, deiféchés par la chaleur. Cet infecte , (a) Eine art von Wurmern , vclche das laub von den Baumen freflen. EnAnglois, Ca- serpiilars. G ij ï4§ Histoire rampant , fe change j enfuîte en une mouche luifante , qu'on voir vol- tiger, dans les nuits d'été, en fi grand nombre , qu'on diroit que toute l'ath- mofphère eft remplie d'étincelles vo- lantes. Le ver d'herbe ou de prairie (a) eft le troifième fléau qui, dans certaines années > afflige encore cette contrée. C'eft un bonheur que ces infectes ne fe rencontrent pas avec les fauterelles & les chenilles j car tout le pays feroit ruiné. Mais il n'en paroît jamais qu'une feule efpèce dans la même année j quel- quefois il s'en paffe plufieurs fans qu'on en voie aucune des trois. On a remar- qué que ces vers de prairie recher- choient particulièrement les terreins çras &c fertiles. Les propriétaires qui ont des prés de cette efpèce, les en- tourent d'un fofle étroit , dont les côtés font coupés d'aplomb , de manière que lorfque les vers arrivent fur les bords, ils tombent au fond , &: ne peuvent pas grimper fur ces furfaces , qui font perpendiculaires & très-gliflantes. 11 eft très-remarquable que ces trojs (a) Gras Wurm, DE PENSYLVANÏE. I49 infectes paroi lient , les uns après les autres , toujours dans le même ordre. La première année ee font les fauterel- les ; la féconde les chenilles , & la troi- fîème les vers de près. Un autre infecte qui a déjà caufé beaucoup de dommage dans ces con- trées , èc qui femble menacer tout ce nouveau continent , c'eft le ver qu'on trouve dans les pois. On a été obligé d'abandonner ici la culture de ces grains, parce que les récoltes étoient toujours infectées de ces vers. Dans le temps que les pois font erï fleurs j & commencent à fe former dans les coffes , cet infecte dépofe fes œufs fur chaque grain, qui eft alors très-dé- licat, de qui , malgré cela, acquiert fa groiTeur ordinaire. A l'extérieur on n'apperçoit abfolument rien qui décelé que ces pois renferment leur deferuc- teur ; mais fi on les partage en deux , on y trouve un petit ver. 11 paife l'hy- ver dans cette loge ; & , pendant ce remps, il en confume toute la partie farineufe ; de manière qu'au printemps, il ne refte plus , en chaque pois, qu'une écorce très-mince. C'eit alors que ce ver fe change en une nymphe ; s'en- voie , par un trou qu'il fait à fa ptifon , Gij 150 Histoire pour chercher un nouveau champ de pois,ou il s'accouple, dépofe fes œufs, de trouve fa nourriture. Cet infecte, fi nuifîble , paroît s'a- vancer toujours vers le nord. Il y a douze ou quinze ans , la nouvelle York ne le connoifloit pas , &c récokoit cha- que année une bonne provifionde pois. Mais , peu à peu , cet ennemi s'eft fi multiplie , que les habitans ont été for- cés d'abandonner la culture de ce légume. Dans les contrées voifines , comme l'Al- banie , les cultivateurs témoignent beaucoup de crainte de voir bientôt arriver ce fléau jufqu'à eux j car ils re- marquent que , tous les ans , il s'a- vance du côté de cette contrée. Je ne crois pas , dit M. Kalms , que cet infecte puiffe jamais arriver en Eu- rope j ck je penfe qu'en Suède, la lon- gueur de l'hyver ne manqueroit pas de le faire périr. J'ai cependant failli moi-même de procurera l'Europe, fans le vouloir;, une plaie aulfi funeire. En partant de l'Amérique 3 j'emportai , dans un cornet de papier , quelques pois qui étaient verds , &C qui paraiiTbient tres- fains. A mon arrivée à Stokolm , à k fin du mois d'Août 1751 , je fus fors DE PêNSYLVAKIE. IJI étonné j en ouvrant le papier _, de trou- ver tous les pois percés j quelques in- fectes montrant déjà leur tête , & d'au- tres qui couroient dans le cornet , &c fembloienf eflfayer ce nouveau climat. . Je me hâtai de les renfermer , &c j'a- voue qu'au premier coup d'oeil j je fus aulîî effrayé que fi j'avois découvert une vipère dans ce papier. Je crus déjà. voir , dans l'avenir , cet infecte multi- plié par millions , portant la défolarion dans ma patrie ; il me fembloit enten- dre les cris & les plaintes" du cultiva- teur , ruiné par les ravages de ce ver- miflTeau, à qui mon imprudence avoit donné l'être. Je me rappellois enfin _, que deux ou trois années fufïïfoient pour me rendre témoin de ce malheur ; & les regrets d'en être l'auteur j dé- chiroient ma confcience. Je ne me fentis tranquille qu'après avoir renfermé, avec beaucoup de foin, piufieurs de ces infectes , dont j'en- voyai partie à M. le Comte deTeilin , 5c l'autre au Chevalier Linnœus j en les prévenant des qualités nuinbles de cet infecte , & du danger -de leur don- ner la liberté. M. Linnasus l'a décrit d'après mes obfervaticns , 5c l'appelle. G iv \ 151 Histoire Chenille de V Amérique feptentrionale (a). Je remarquai encore que , dans mon cornet de papier , il n'y avoir pas un feul pois qui ne contînt un ver. Si les habitansde Penfylvauie sèment despois, ils font communément exempts de ces vers dans la première année 'y mais dans les fuivantes , il en eft peu qui ne foient infectés de cette pelle. \f eft fort à fouhaiter que jamais aucun vailTeau ne nous apporte ces infectes en Europe , foit de Penfylvanie , foit de la nouvelle York ; car je ne doute pas qu'il n'y fût aufli nuifîble qu'en Amérique. Ces obfervations font voir que la Science de l'économie , &c la connoiflTance des infectes , ne doivent pas être regardées îïmplement comme un paflfe temps , ou comme une étude frivole ; mais qu'elles font une occupa- tion très- férié nfe & très-intéreffante pour le bien général. Les grillons , les puces Se les punai- fes , font encore des infectes de Pen- fylvanie. Les deux premiers, fuivant M. Kalms , font indigènes ; mais les ( a ) Bruchus America feptentriG-nalis. En Allemand, Bruchus aus dem noidiicheu Arne- rika. DE PëN'SYLVANIE. 155" derniers paroifTent y avoir été portés de l'Europe. Les grillons font répandus- dans route la campagne. Les puces four- millent chez les Sauvages , éc dévorent même les lièvres & les écureuils. Ce qui me perfuade , dit notre Aca- démicien , que les punaifes font origi- naires d'Europe , c'eft que les Sauvages n'en ont aucune ( a ) 3 ainn que je m'en fuis informé auprès de plufieurs d'en- tre eux, M, de Lufignan , Commandant du Fort Frédéric , qui avoit beaucoup fréquenté les Illinois , & les autres Sauvages de l'Amérique feptentrionale > m'a donné la même certitude. On voit encore en cette contrée deux ( a ) Cette opinion du favanc Suédois eft confirmée par nos obfervarions. Nous avons remarqué qu'un linge , du genre des Sapajous &: de l'efpèce des Pleureurs, qui^étoit nouvellement arrivé du Bréfil , le {entant mordre par des punaifes > en prit une , &c !a porta à fa bouche , après l'avoir beaucoup conîidérée ; mais dès qu'il lui eut donné un coup de dent,& qu'il en eut vrai- femblab:emenc fenti la mauvaife odeur, il rejetra cet infecte , & toulla pendant plus d'un demi- quart d'heure. Dès ce moment, ce linge n'a plus ofé toucher aux punaifes; & la vue d'une feule lui fait prendre la fuite. Cette même obfervation a été^ faite , par plufieurs aunes perfonnes , fur les fmges de l'Amérique ; au lien que les linges de l'Aiie & de l'Afrique prennent les punaifes , & les mangent. G v 154 Histoire efpèces d'infectes , qui jettent de la la- inière pendant la nuit. L'une eft une mouche , dont on a parlé ci-devant , & qui , pendant la nuit , remplit l'air d'é- tincelles. L'autre efpèce d'infe&e eft un ver qui. rampe dans les haies ék dans les buiiïbns (a). Son corps eft droit, com- pofé d'onze anneaux , & terminé en pointe aux deux extrémités. Sa couleur générale eft brune , & la difpofition de ûs articulations eft la même que dans les vers de cave. Les antennes qu'il a fur la tête font. petites &: droites. La partie antérieure de fon corps eft armée de (lx pieds ; kxfqu'il marche , il laiiTe traîner la partie de derrière fur la terre, ôc femble ne s'aider que de celle de devant. Sa queue contient , à l'exté- rieur , une matière qui jette une petite lueur dans les ténèbres , £c qui paroît verte , lorfqu'on l'examine au grand jour. Ce ver fupprime cette clarté ( a ) Corpus lineare conftans , undecim artt- culis , ante & poft aciui'jfculum. Longirudo à capire ad caudam f 7 îinnearum Geometr. co- lor fufeus. Articuli difpofiti eodem modo ac onifei ; antenna: brèves , linneares pedss fex , fin ad anterio;xm corporis partem. DE P E N S Y L V  N ' f E. ' î <$ JJ quand il veut; & l'on ne peut alors ie! découvrir -que très-difficilement, C'eft furrout après de grandes pluies que ces vers fe montrent en {1 grande quantité ., que le terrein, fous les buiflbns, paroît tour parfemé de petites étoiles. Peut- être , dit M. Kalms , ces infeéles lui fans ne -font-ils que des variétés de ceux que nous connoilïbns fous le nom de Lucioles [a). Les grenouilles , qu'on peut regarder comme; une efpèce d infeéte aquatique x font de deux efpèees en Penfylvanie» L'une entièrement fernblabié aux gre- nouilles d'Europe , & l'autre qui fe tient fur les arbres par milliers. Ces grenouilles font un cri différent du croaifement des autres grenouilles >' 8c le foir & la nuit , loriqu'il a fait très- chaud pendant le jour, ou quand le temps menace de pluie, elles font un fi grand bruit , que deux perfonnes ne peuvent s'entendre près d'un arbre où elles font perchées. À la nouvelle York , capitale de la colonie du même nom , où les rues font plantées d'arbres ( a ) Lampyris , nodilaca , Linn&us. En Allemand, Johanms Wumiem. I $6 H I S T O T R fi à fauterelles (a) , de platanes (£) Se d'ormes, il s'y trouve en été un fi grandi nombre de ces animaux , que le fom- meil des habitans en eft louvent in- terrompu. § VIL PoiJJons. La rivière de Dellaware, celle de Shuykill , & quelques autres moins considérables , fournirent encore à pré- fent beaucoup de poiflfons à la Penfyl- vanie , ainfi que fes côtes , quoique cette clafle ait éprouvé , de même que le gibier, une diminution très -consi- dérable, Les caufes de la dépopulation des ri- vières j viennent, en partie, de ce qu'il n'y a aucune Ordonnance qui défende de pêcher , ni qui prefcrive la forme des filets ; &-, en partie., de ce qu'on a conftruit fur les rivières , plusieurs moulins avec des digues j ce qui barre le paflage aux poilïons , qui fe plaifenc ( a ) Heufchrecken baum. En Angloïs , Lo- cuflree. Robinia pfeudo acacia, Linn&us. (ù) Tlatanus occidentalis. Û E P E N S Y L V A N~ I Ë. I f 7 il remonter le courant des eaux , & les oblige à retourner à la mer. Avant de pâiTer à la defcription des ficheffes du genre minéral, il ne fera pas inutile de préfenter ici l'idée que* M. Kalms nous donne de la théorie de- ce continent. CHAPITRE V. Obferyations fur la Théorie du continent' de Penfylvanie, MOnsieur Bertrand , Obferva- reur exact > qui a parcouru plu- fieurs fois ces contrées pour étudier la nature , &c qui a rapporté de fes voyages un fond de grandes connoiffances , m'a arïuré qu'il étoit convaincu que la mer avoit jadis couvert tout ce pays ; & qu'il y avoit eu des changemens de mer en terre. Il coniirmoit ce rapport par les obfervations fui vantes. Premièrement, fi Ton creufe dans- les montagnes bleues , qui font à trois milles Anglois de la mer , on y trouve- des écailles d'huitres _, d'autres coquil- les, & des efcargots,- qui fe rencon- î 5 S Histoire frent pareillement dans les vallées- que forment ces montagnes. Secondement , les pierres calcaires , les pierres à fufils & les grès , renfer- ment une quantité étonnante de co- quilles de moules pétrifiées j 5c , en gé- néral , on a peine à imaginer combien il y en a de milliers contenus dans les différentes efpèces de pierres , qui com- pofent ces montagnes bleues. Troiiièrnement , ces écailles d'huî- tres , de moules, 5c ces autres coquil- les , qui fe voyent dans la Virginie , dans le Maryland , dans la nouvelle York, & dans cette province j font encore entières & très-dures. Quatrièmement, en creufant de nou- veaux puits en Penfyivanie , & clins les cantons voifins , on trouve à la pro- fondeur de i8- pieds, des troncs d'ar- bres , des arbres entiers , avec leurs ra- cines, & même quelquefois des feuilles de chêne , qui ne font point encore pourries entièrement. Cinquièmement , les vallées que com- pofent un terrein gras , femblable au meilleur terreau,, font coupées commu- ïiément par des ruiîTeaux ou de petites rivières, qui coulent au travers des montagnes , dont les cotés femblenc t> t FtKSYI'/AN! £. t que e'ert le diable qui a fait cette ouver- ture, en pailant d'une province dans- l'autre. Sixièmement, I;afpê&des montagnes bleues démontre clairement qu'elles ont jadis été couvertes par les eaux \ car plan" etirs font taillées d'une manière tout- à-fait particulière,, & les plus éle- vées font plattès. Septièmement, lorfqu'on raconte aux Sauvages que les écailles d'huîtres , Ô£ les autres coquillages que l'on trouve t6û î£ i : s t a i r é far les hautes montagnes, font croire qu'autrefois elles ont été battues , 6c même en partie couvertes , par les flots, de la mer : ils ont coutume de répon- dre qu'ils ne trouvent rien de merveil- leux à cela , puifqu'ils ont reçu de leurs ancêtres une tradition , qui porte que la mer environnoit anciennement ces montagnes bleues. Huitièmement , les eaux des rivières éx des ruiileaux diminuent feniiblement, puifqite les moulins qu'elles faifoienc mouvoir , il y a 60 ans , pendant toute l'année , font très-fouvent dans l'inac- tion y des tables , des chemi- nées _, des jambages de portes , des pavés pour les appartenons , & plu- iieurs autres chofes 3 que l'on envoyé dans toute l'Amérique. La pierre à chaux eft très-abondante dans cette province , &c contient beau- coup de parcelles de cryftaï de roche. Cette matière eft quelquefois en fi grande quantité dans cette efpèce de pierre , qu'elle en compofe plus de la moitié. Elle ferr à faire une chau* qui eft très-belïe , & de la meilleure qualité. Sur les côtes on fait , avec des écailles d'huitresj une chaux qui eft dePensylvanie. 165 fort inférieure à la première pour bâtir j mais elle mérite la préférence , lorf- qu'il n'eft queftion que de blanchir 6c recrépit des bâtimens. J'ai ramaifé , ditM, Kalms ., plufieurs morceaux de ce cryftal de roche ( a ) , qu'on tire de différentes lortes de pier- res j &c furtout de la pierre à chaux, qui eft d'un gris clair ou argenté. Il y en a qui font longs & épais comme le petit doigt ; mais leur tranfparence efé parfaite. D'autres , qui ont un pied de longj & la groffeur de la jambe d'un homme ordinaire . font beaucoup moins netSj &c beaucoup moins tranfparens. On n'a point encore découvert de charbon de terre en Penfylvaniç ; ce- pendant on en voit, en pénétrant plus avant dans les terres 3 Se parmi les Sau- vages. Il eft très-commun dans les pays plus feptentrionaux , comme le Cap- Breton. J ai aam" un morceau d'une pierre particulière , qui fert , dans la nouvelle Angleterre , à conftruire des fourneaux & des forges , parce qu'elle £b durcir au feu. Elle oaroit un mêlante de fer- (r'à'3 Cryftailas hexacrona pellucida, uoo. eolarata» ï<$4 Histoire pentine & d'asbête. La matière domi- nante eft une ferpentine grife , qui eft il liiïe & fi douce au toucher , qu'elle femble avoir été travaillée expiés de cette manière. Dans cette ferpentine brillent différentes petites étoiles , for- mées par l'asbête, dont les fîlamens y partant d'un centre commun , femblent former autant de rayons qui fe prolon- gent , de côté & d'autre , avec beaucoup d'irrégularité. Je ne dois pas oublier de faire men- tion d'une pierre fmgulière 3 nommée' pierre de favon (a) , qu'on pourroit ap- peler talc , mêlé de fpath Se de gre- nat (If). Je réferve fon exacte deferip- tion pour un autre endroit. Je remar- querai feulement ici , que le fond de fa couleur eft un verd clair , tacheté ça & là de petites marques dJun bleu obf- cur , & quelquefois verdâtres- Cette pierre eft à l'extérieur lille comme du favon , Se partout ondée. En dedans elle eft , au contraire , raboteufe , Se remplie de petites cavités j mais cepen- (u ) Seifen ftein, En Suédois, Saopften. En Angiois , SoapProne. (i> ) Saxum Talofum particulis fpataciis gra- natifque immixcis. DE PeNSYLVANIE. I ^5 «îant elle Ce laiffe fcier de couper pro- prement. J'ai vu , auprès de Philadelphie , des pierres de cette nature, qui a voient une toife , & même davantage , de lon- gueur ., avec une largeur proportionnée ; leur épaiffeur étoit depuis fix pouces , jufqu'à un pied. Il paroi (Toit y avoir trente fois plus de parties de talc, que de parties de fpath & de grenat. Ces pierres fe trouvent en différens endroits de cette contrée , 8c fur tout dans le canton de Chefter. On les emploie à beaucoup d'ufages., dont le principal eft d'ôter les taches de graille fur les étoffes de foie ou de laine indifféremment. Mais toute la pierre n'a pas cette propriété. Elle n'ap- partient qu'à des parties obfcures , qui confident en une ferpentine , qui eft renfermée dans les parties les plus bril- lantes , de qu'on en tire aifément avec un couteau , ou tout autre infiniment d'acier. On la réduit en poudre , qu'on met fur la tache , dont elle pompe toute la graiffe. La vertu que cette pierre a de durcir au feu , eft lî bien reconnue dans ce pays , que l'on s'en fert pour construire les foyers de cheminées , &z tous les t$6 Histoire endroits où l'on place du feu ; on s. l'expérience qu'il n'y en a aucune qui puifiTe mieux r éditer à l'activité de cet •élément. On l'emploie encore à faire des ef- raliers, des tombes , & même des cou- j vertures de maifon , à la place de thui- , les. Cette pierre, réduite en feuilles ,-j réfifte beaucoup mieux que la thuile aux effets de l'air., du foleil Se de la pluie y aux grands vents 3c aux orages : elle a l'avantage de ne jamais exiger d'être renouvcliée. Notre Savant ajoute encore que l'on en fait des bordures de foupiraux de cave , & différens ouvra- ges , oui demandent autant de force &" i l r va- ' que de ioiiaite. On trouve en difrérens endroits de cette colonie , des morceaux de marien- glas j aufli gros & auûi beaux que ceux qui viennent de Ruflie. J'en ai vu qui avoient une demi-aune de long., & même encore plus. Les premiers Sué- dois , à leur arrivée dans cette terre , fe fontfervi de ce verre naturel pour leurs fenêtres. Les environs" de la rivière de Skuy- kill fournirent aufli une belle ardoife noire {a) , dont on trouve quelquefois ( a ) Schwarz fchiefer fteiu. de Pensylvanie. 1 £7 des morceaux de deux aunes de long , d'une pareille largeur, &c de deux pou- ces d'épaiQeur. On s'en iert pour cou- vrir les mailbns , comme en Europe, M. Bertrand m'a allure qu'il avoit une maifon , dont le toît entier n'étoit corn- pofé que de quatre tables , d'une pa- reille ardoife , jointes enfemble ; & qu'il avoit l'expérience que le foleil , la chaleur , le froid & la pluie , ne cau~ foient jamais d'altération à cette cou- verture. Ce memeNamralifte m'a appris qu a la voûte de différentes grottes ou ca- vernes } on voyoit une quantité de fta- laclites , qui avoient toutes une cou- leur différente. Quelques - uns de ces cryftaux étaient d'autant plus admira- bles, que leurs côtés extérieuts paroil- foient contournés , comme s'ils euflfent ctés tordus exprès. L'amianthe eft encore une produc- tion qui n'eit pas rare en Pensylvanie. On l'appelle indifféremment lin d: mon- tagne , ou pierre à filamens mous & tr es- fé^ arables (a). On voit quelques ( a ) Berglein ; ftein mit den leicht abzu- fondernden weichen fefeni. Amiamhus fibris feparabilibes, molluifculij;. Minéralogie de CJLyêque Browallius, tèê Histoire jnorceaux très - mous 3 fans confif- tance , & d'autres plus folides &c fort tenaces. J'ai vu du papier fait de cette pierre , dont on fabrique aufli des bourfes. On dit communément , -que fi l'on expofe l'amianthe en plein air pendant l'hyver, & qu'elle fubitfe le froid & l'humidité, elle en devient plus tenace, &c plus propre à être filée. Mais je n'ai connu perfonne qui m'ait dit avoir fait cette expérience. Le pa- pier ôc le fil d'amianthe ont la propriété de ne pas brûler dans le feu , quelque ardent qu'il foit ; mais de s'y nettoyer parfaitement. Cependant fi on frotte de grailfe cqzzz efpèce de papier, ou tout autre compofition , dont l'amian- the fait la matière, elle s'enflamme alors , &c fe confume facilement. Le fel , dont on fait ufage en Pen- fylvanie , y eft apporté des îles occiden- tales de l'Amérique ; "mais les Sau- vages ont en différens endroits , des fources falées , dont ils favent très-bien tirer du fel par l ébullition. 11 femble qu'on pourroit d'autant mieux réuflir à fabriquer du fel en Penfylvanie avec l'eau de la mer > qu'on en fait de très- bon fur les côtes de la nouvelle Angle- terre, qui eft beaucoup plus feptentno- mle. °» de Pensylvanie. l6<) On a découvert anciennement une mine de plomb en Penfylvanie j mais comme elle étoit très-pauvre, on l'a abandonnée. Je ne doute pas non plus cju'il n'y ait des mines d'aimant , dit M. Kamls ; car j'en pofsède un beau morceau , qui a été trouvé dans cette colonie. Le fer n'eft pas plus rare icij que dans toutes les autres colonies An- gloifes. Mais la Penfylvanie furtout en eft fî abondamment pourvue , qu'elle pourroit en fournir non-feulement l'an- cienne Angleterre , mais prefque toute l'Europe. Le minerai eft beaucoup plus aifé à déterrer ici qu'en Suède : une bêche , un coin de bois , une pince , fuffifent pour le détacher , fans qu'il foit nécef- faire d'employer , ni tranchée , ni pou- dre à canon. Il a pareillement beaucoup de facilité à fe fondre, &. l'on- fait plus de cas de ce fer pour la conftrucîion des navires , que de celui de Suècle , &c des autres contrées de l'Europe , parce qu'il eft bien moins fujet à être rongé par les eaux de la mer. Ce métal eft; une branche précieufe de commerce pour les habitans , qui en font des en- vois dans toutes les parties du nouveau. H 170 Histoire Monde , 8c même en différentes cou trées de l'ancien. On penfe aifez gé- néralement que ce fer , malgré les frais de tranfport , pourra fe vendre en An- gleterre à un prix beaucoup plus modi- que que celui des autres nations , prin- cipalement lorfque le pays fera plus peuplé qu'il ne l'eft aujourd'hui , Se que la main-d'œuvre y fera moins chère. Il paroîrque les Sauvages dePAmé-i rique feptentrionale n'avoient aucune connoiffance de l'ufage du fer , avant l'arrivée des Européens, quoique leur 1 pays contienne de riches mines de ce métal. En revanche , ils favoient fe fer- vir de cuivre. Des Hollandois établis ici , rapportent qu'ils avoient oui dire à leurs ancêtres , que lors de leur arri- vée à la nouvelle York , ils avoient vu plufieurs Sauvages qui avoient des pipes de cuivre , qu'ils avoient fabriquées eux-mêmes avec ce métal, qu'ils di- foient avoir trouvé dans le pays. Il exifte aujourd'hui une belle mine de cuivre à Secondrïver , entre Eliza- betflown & Neuyork. On voit en plufieurs montagnes de Penfyîvanie principalement au-defFous de Newkaltle , non loin de la mer , dif- de Pensylvanie. 17 1 férens trous , qui fembient n'avoir été fairs que pour chercher des mines de cuivre. Quelques perfonnes conjectu- rent que ces rrous font l'ouvrage 6qs Efpagnols , qui , peu de temps après la découverte du Mexique , viiitèrent les cotes de l'Amérique feptentrionale , &: fe donnèrent beaucoup de mouvemens pour y découvrir des mines d'un métal précieux. Mais il n'elt pas naturel de croire que ces Européens , dont la cu- pidité ne pouvoit s'aiïouvir que par de l'or & de l'argent , fe fulfent amufés à fouiller la terre en tant d'endroits pour en tirer du cuivre. Il eit plus probable de dire qu'elle a été fouillée ainfij dans &c d'autres chofes femblables. Je rencontrai ici un Capitaine de navire ( a ) , qui avoit fait plufieurs- voyages au Groenland, lequel m'afïura qu'au-delà du 70e degré de latitude feptentrionale , il avoit effuyé en été une chaleur beaucoup plus forte que celle qui s'étoit fait lentir avant d'être (a) Quoique ce rapport de M. Kalms n'ait aucune relation avec l'Hiftoire Naturelle de la Penfylvanie , on n'a pas cru devoir le fup- primer , parce qu'il s'accorde avec le récit de différens navigateurs Anglois & HoIIan- dois j & fi la vérité en étoit bien reconnue , on ne pourroit plus fourenir que près des pôles , la multitude des glaçons eft un obltacle infur- montable , qui empêche de les approcher à plus» de 11 ou 1 y degrés. de Pensylyanie. i 77 parvenu à cette hauteur : d'où il con- claoit que cette chaleur devoit aug- menter à mefure qu'on approchoit du pôle , puifque pendant fix mois le fo- leil éclairoit continuellement cette par- tie _, qui borde l'univers du côté fep- tentrional. Un antre Capitaine de navire ,. nom- mé Henri Atkins , qui étoit domicilié à Eofton , racontoit des chofes plus: étonnantes. Ce navigateur ne faifant pas une bonne pêche fur les côtes de la. nouvelle Angleterre , cingla fi haut vers- le nord , qu'il dépalfa le Groenland. Il; avança encore , Se découvrit des ha- bitans qui n'a voient jamais vu d'Eu- ropéen , Se qui ne connoifTbient pas: même i'ufage du feu \ d'ailleurs quand ils l'eufïênt connu ,- ils n'en auroient: tiré aucun, fecours, puifque leur pays neproduifoit, ni arbre,. ni buiflon. Ils: vivoient de poiflons Se d'oifeaux, qu'ils; mangeoient cruds. Atkins difoit avoir échangé avec ces habitans , des chofes- de très-peu de valeur , contre toutes; fortes de pelleteries très-précieufes. lii affirmait en même temps , de la ma- nière la plus pofitive , que route ce Eté; nation ne connoifîoit pas le feu.. On fait à la vérité, par pluiieurs: re>- Iw 17$ Histoire lationSa que la terre eft dans un engour- dilTement éternel fous des climats très- fèptentrionaux , neproduifant ni arbres,. ni arbriflfeaux , ni plantes propres à brû- ler y mais les habitans de ces régions infortunées , fuppléent à cette difette par des huiles .> par des grailles ôc des arrêtes de poiffons , dont ils fe fervent pour faire du feu , & pour fe ménager quelque clarté pendant cette trifte fai- fon , où la nature les a privés du plaifk de voir le foleil. DE P EN S Y L: V A N 1 E, 179 CHAPITRE VIL E clair cijjemens préliminaires fur la pro- priété de la Penfylvanie x cédez à M. Penn. § i- Déclaration du B.oi d' Angleterre , portant cejjion de cette Contrée 3 & lui impofant le nom quelle porte, . Vant de paflTer à l'hilliaire ci- vile ôc politique de la Penfylvanie,, il n'eft pas inutile de dire par quelles raifons, en quel temps , & fous quelles conditions cette province fur donnée à Guillaume Penn, & par quels moyens elle eft devenue fi flo ridante en moins d'un fiècle. Voici comment s'en expli- que lui-même cet homme , plus célèbre encore par fon attachement 4 la fe&e- des Quakers ., que par la Souveraineté que lui procura cette conceffion , dans un écrit qu'il fit répandre dans touta.- l' Europe en 1682.. HLvjj jSo H 1 S T O FE f Ayant obtenu par la providence de; Dieu ( a ) _, de la faveur du Roi ,. un? pays dans l'Amérique , je me fuis cru. obligé, pour mon intérêt , d'en donner connoilTance au public \ afin que , tant: ceux de mon pays., que des autres na- tions , qui délireront fe tranfporter,,eux> & leurs familles , au-delà des mers s, puilfent rencontrer une terre digne de leur choix j &c dans le cas où le pays &c le gouvernement feront de leur goût s> ils feront libres de s'y établir avec, moi. Le titre &c le droit du Roi fur cette- contrée , avant qu'il me l'ait cédée , eft: le droit des nations j parce que toute terre inculte,, qui eft découverte par quelque Prince, lui appartient juste- ment, à caufe de la. dépenfe qu'il a: faite pour la découvrir. Le titre du fieur Guillaume Penn {e voit en la Patente que Sa Majefté IuL a accordée le 4 Mars 16.81 (b) 3 dont: l'extrait fuivant fera connoître les dis- positions.. ( a ) Voye^ Recueil de Pièces concernant la. Pènfylvanie , petit in-11. La Haye 1684. (b) Elle eft.dauée du. 4 Mars 1680, vieux m*. DE P E. N S Y L V A N I S. ïfv. L Nous donnons & oétroycns pour diverfes confidérations , à Guillaume Penn , les héritiers ou ayanr-caufe ,. à- perpétuité , toute cette étendue de ter- rein en Amérique , avec les îles y ap- partenantes, qui eft comprife entre le 40edegré de latitude feptentrionale de le 43e, de dont les limites,, du côté de l'oueit , doivent être prifes i z milles plus haut que Newcaftle , autrement nommé la ville de Lavare , fuivant la. rivière de Dellaware tout le long de~- fon cours. IL Libre ufage de tous ports , havres3, baies, embouchures des rivières , ca- naux , îles & éclufes qui y appartien- nent ou qui yconduifent, pour y de- meurer ou pour y palier , foit en en- trant ou en fortant , fans aucun obfta— cle , avec le fonds de la terre 3 les bois,, bocages-, montagnes ,, coteaux, valées,, marécages, îles,, lacsj eauxj rivières,, ruifTeaux , baies & rades , limées dans l'enceinte des limites ci-deffus , ou en; dépendantes , enfembîe toute forte de. poifTons j de mines , de métaux , &c. pour en jouir & les tenir à jamais , ainfL que ledit Guillaume Penn , fes héritiers. ik ayantreaufe verront bon être, à lai ï8;2 HT I S T O I K E charge qu'ils les tiendront aufli , &C re- lèveront cle Nous , comme de notre château de Windzor, à cette forte de foi èc obéilTance , que nous nommons franc & commun fouage , en payant feulement deux peaux de caftor par an. III. Et pour amplifier cette faveur davantage , Nous avons jugé à propos ^ de notre grâce fpéciale , d'ériger &c par ces préfentes Nous érigeons led. Pays Se îles en titre de Province & Seigneurie , à laquelle Nous donnons le nom de Pe nsylvanie, voulant que doré- navant on l'appelle ainfi. IV- Nous confiant entièrement en la fagefie & l'équité dudit Guillaume Penn , Nous lui accordons & à fes hé- ritiers &c fucceiTeurs , ou leurs fubfti- tuts , la permifiion d'établir , pour le bon & heureux gouvernement de la Province , & de publier fous fon fceau. ôc les leurs, relies loix qu'ils jugeront propres à l'utilité publique ; Se cela , par &z avec l'avis 8c approbation des propriétaires du pays, ou de leurs agens, pourvu 'qu'elles ne répugnent point à là loi de ce Royaume , & à l'obéirTance de fidélité qui nous font dues par fon, légitime gouvernement. DE P E N S Y L Y A N T E. r8f V. Plein pouvoir audit Guillaume Penn de créer des Juges, Lieutenans 3 Baillifs j Magiftrats & Officiers , pour quelque caufe que ce Toit , & avec tel pouvoir ôc en telle forme qu'il verra bon être ; comme auffi le droit de par- donner & d'abolir les crimes & délits , & de faire toutes autres chofes qui ap- partiennent aux Cours & Tribunaux , aux Formulaires de Judicature , & à la manière de plaider , pour le parfait éta- bliiTement de la Juftice. Si donnons en Mandement, voulons & nous plaît que telles loix & procédures foient tout-à- fait abfolues &c reconnues en Jugement j:. & que tous les fidèles Sujets de Nous 3„ nos hoirs & fucceffeurs 3 les obfervent inviolablement dans ce pays-là , fauf à eux néanmoins à fe pourvoir par appel à Nous en dernier relïbrt. VI. Que les loix, pour le règlement de la propriété 3 aulîi bien à l'égard de là fucceflïon aux terres, que de la jouif- fance des biens-meubles , &c pareille- ment pour ce qui concerne les félonies,, feront les mêmes qu'en Angleterre 5. jufqu'à ce qu'il y foit innové par ledit Guillaume Penn , fes héritiers ou ayant- caufes „ & par les. habitans domiciliés, r§4. H r s- t o- i x e de la province , ou leurs Lieuteniuigg ou Subdélégués , ou. pour le moins par la plus grande partie d'entre eux.. VIL De plus , afin que cette nou- velle colonie puilfe plus facilement s'ac- croître par la multitude de peuple qui s'y retirera j Nous donnons liberté par ces préfentes , pour Nous j nos hoirs &C. fuccelïeurs, à tout notre bon peuple- préfent &c futur, excepté ceux à qui. expreffe défenfe en fera faite x de fe tranfporter , eux & leurs familles , dans- ce pays-là , pour l'habiter «Se cultiver pour le bien du public, &c le leur par- ticulier. VIII. Permiffion d'y tranfporter toute forte de biens & de marchandifes 3 qui ne font point de contrebande , en payant ici les droits légitimement dûs à. Nous. IX. Pouvoir de divifer le Pays en comtés , cantons Se bourgades ; de ré- duire les bourgades en villes, les villes en cités j d'établir foires &c marchés , avec des privilèges convenables au mé- rite des habitans ou à la fituation des lieux , & de régler toutes les autres, chofes touchant cet article , que ledit- Guillaume Peiin x fes hoirs ou ayant.— HE PeNSYLVANTL I§) caufes , jugeront néceffaires , quoi- qu'elles pullent être d'une nature à re- quérir un ordre plus précis qu'il n'eft porté par ces prélentes. X. Toute liberté d'apporter en An- gleterre les productions & les ouvrages des manufactures de cette Province , en payant les droits légitimes & accou- rûmes. XL Pouvoir d'ériger ports , havres , quais , baies , abords &c entrées , &c autres lieux, pour des marchandifes , avec telles Jurifdi&ions & privilèges qui femblera bon audit Penn. XII. Que ni le Gouverneur, ni les habitans n'enfreindront les actes con- cernant la navigation , fous les peines portées par lefdits actes. XIII. Qu'ils ne feront ligue avec au- cun Prince ni Etat qui aura guerre contre Nous , ou nos hoirs & fuccef- feurs. XIV. Droit de fortifier & de défen- dre , par tels moyens & en telle forte que ledit Penn ou fes repréfentans le. jugeront à propos. XV. Plein pouvoir de difpofer par aliénation , octroi , démiiiion ou inféo- dation^de telle partie du pays , & em i$6 Histoire reile quantité qu'il plaira audit Pennou {es ayans-caufe , en faveur des perfon- nes qui voudront acquérir, Se de leur vendre Se tranfporter à eux , leurs hoirs Se fucceifeurs , foit à titre de fief (impie, foit à droit de réméré , foit à terme de vie , bail amphithéotique , ou pour un nombre d'années fixe , à la charge d'être tenues dudit Penn , fes héritiers Se ayans-caufe 3 comme de la Seigneu- rie de Windzor fufdite , à telles fervi- tudes , taxes Se redevances qu'il fem- blera bon audit Penn , &c. Se non pro- chainement de Nous, nos héritiers 3r fucceifeurs : Voulons que lefdites per- fonnes puiffent prendre dudit Penn les terres dont il s'agit , en tout ou en por- tion , Se les retenir pour eux , leurs hoirs Se fucceifeurs , fans que le Sta- tut quia emptores terrarum , y puiiïe préjudicier en façon quelconque. XVI. Nous donnons Se accordons licence à toutes perfonnes , auxquelles ledit Penn aura oétroyé quelque fonds ou héritage , ainfi qu'il a été marqué ci- deifus ; d'ériger , avec le confentement dudit Penn , quelque parcelle de terre que ce foit , en manoirs , pour y tenir moyenne Se balïe Juftice par eux- mêmes , ou leurs Sénéchaux. DE PENSYLVANIE. I 87 XVII. Pouvoir à ces perfonnes-là de céder à d'autres les mêmes pofTeilions en fief fim pie ou autrement , pour être tenus defdits manoirs refpectivtment j & qu'en cas d'un plus grand nombre d'aliénations , le fonds relève toujours du manoir dont il relevoit aupara- vant. XVIII. Nous traitons avec ledit Penn, &c. Nous lui octroyons en forte qu'il ne lèvera aucune coutume, ni autre taille , fur les habitans de ladite Pro- vince , non plus que fur les terres , mai- fons, beftiaux , ni autres biens & mar- chand ifes j fi ce n'eft du confentement des habitans &c du Gouverneur. XIX. Ordonnons qu'aucuns Officiers ni Députés de Nous , nos hoirs ôc fuc- ceiTeurs , ne préfumeront en aucun temps , de rien attenter qui foit con- traire à ces préfentes , ou pût en em- pêcher l'effet j mais qu'ils aideront , en toute occafion , ledit Penn tk fes repré- fentans ; &: aux habitans Se marchands qui y feront , leurs facteurs , fubfti - tuts , &c. à jouir pleinement du fruit des préfentes, XX. Et s'il naît ci-après des doutes &c difficultés fur le vrai, fens d'aucune icFS Histoire exprefîion , claufe ou propofition con- tenues dans cette Patente , Nous vou- lons , ordonnons & commandons, qu'en tout temps & en toutes rencontres , il n'y foit , dans aucune de nos Cours , donné nulle autre interprétation que celle qui fe trouvera être la plus favo- rable & la plus avanrageufe aud Penn, fes héritiers ou repréfentans j pourvu qu'elle ne foit point contre l'obéi (Tance Se la fidélité qui nous eft due , comme à nos héritiers & fuccefleurs. En témoin de quoi, Nous avons fait expédier les préfentes Lettres Patentes. A Weit- miniter , le 4 Mars 1 68 l. § n. Autre Déclaration du Roi d'Angleterre r en faveur de ceux qui veulent aller habiter la Province de Penfylvanïe. LHarles, Roi. Comme ainfi foit que Sa Majefté , en conûdération. des grands mérites & fidèles fervices de feu fieur Guillaume Penn, & pour diverfes autres bonnes eaufes J; le mouvans à cela , ait bien. DE PïNSYtVANIE, I 89 voulu , par Lettres Patentes du dernier •jour de Mars ( V. S. ) octroyer au iïeur Guillaume Penn , Ecuyer , fils & héritier dudit Guillaume Penn , toute cette partie de terre qui a nom de Pen- fylvanie , ayant pour bornes du côté de l'orient, la rivière de Dellaware , com- mençant du côté du nord 1 1 milles au- deiïus de la ville de Newcaftle, juf- qu'au 43e degré de latitude nord } & fi ladite rivière ne s'étend pas fi loin du côté du nord., alors ce fera aulïi loin que ladite rivière s'étend 3 & depuis la tère de ladite rivière. Les bornes du côté de l'orient feront déterminées par une ligne tirée du midi , de la tète de ladite rivière, audit 3e ou 4e degré. Ladite Province doit s'étendre , vers l'occident , cinq degrés en longitude , à compter defdites bornes orientales j 8c étant bornée , du côté du nord , par le commencement du 43e degré de lati- tude feptentrionale } & du coté de l'oc- cident , au commencement du 40e degré de latitude nord ; & puis par une ligne droite vers l'occident , jufqu'aux limi- tes de la longitude ci-deiïus mention- née : enfemble tout pouvoir, préémi- nence &c jurifdiction pour le Gouver- 190 Histoire nement de ladite Province , comme il eft plus amplement potté par nos Let- tres Patentes , auxquelles Nous nous référons , ceft pourquoi Sa Majefté dé- clare par ces préfences , que fa royale volonté & fon bon plaifir , font, que] toutes fortes de perfonm-s établies , ou habitans , dans les limites de ladite] Province, rendent l'obéi (Tance due au- dit Guillaume Penn , à [qs héritiers ou ayants-caufe , comme en étant pro- priétaires abfolus & légitime Gouver-- veur j comme auili aux Députés, Agens, ou Lieutenans, ayant commiffion légi- time , fuivant les pouvoirs 8c autorités accordés par les fufdites Lettres Pa- rentes : à toutes lefquelles chofes , le Roi veut Se commande une prompte obéiffance par toutes fortes de perfon- nes, félon qu'elles les regardent , fous! peine de défobéilTance. Donné à la Cour de Witheal , le 1 Avril i ^S 1 , en la 33e année de notre Règne. Par le commandement de Sa Majefté. Con- WAY. ai Pensylvanie. I9I § III. Rég/emens faits par M. Penn _, en faveur des Colons. Tous ceux qui , lors de leur arrivée en Penfylvanie , n'auroienrplus d'argent pour acheter des terres , le Gouverneur ( M. Penn ) leur donne pleine liberté , tant pour eux que pour leurs femmes , enfans Se ferviteurs , qui ne feront point au-delfous de lage de \G ans , foit mâle ou femelle, de prendre, pour chaque tête , cinquante akers de terre , à la charge d'une rente annuelle &c perpé- tuelle d'un denier anglois pour chaque aker ; 6k; ils pofsèderont cette terre , eux & leurs héritiers , à perpétuité, de la même manière que s'ils Tavoient achetée : Permet également aux enfans &: fervireurs , après leur majorité , Se lorfqu'ils auront fait le temps de leur fervice , afin de les encourager à fervir fidèlement leurs pères & leurs maîtres j de prendre chacun 50 akers, en payant (a) L'aker de terre efr une mefure , qui vaut en Angleterre no pieds en carré. ï^i Histoire feulement une petite rente annuelle •de deux efcalins anglois , pour les 5 o akers. Tous ces poifelTeurs de terres , tant les pères, que les ehfans ôc les fervi- teurs , feront regardés comme vrais habitans. Ils auront droit de furTrage , non-feulement pour l'élection des Ma- giftrats du lieu de leur réiidence , mais aufîi pour celle des membres du Con- feil de la Province , &c de l'Aflemblée générale j lefquels deux Collèges , con- jointement avec le Gouverneur , font la Souveraineté. Ils pourront de plus être élus pour exercer quelque charge , ii la Communauté les en juge capables, de quelque nation ou religion qu'ils puillent être. Les Membres des deux Collèges fou- verains , c'eft-à-dire , duConfeil d'Etat & de l'Aflemblée générale , qui fe fera tous les ans à jour préfixe , feront élus par les Communautés, tant des bour-J geois des villes , que des habitans de la campagne j ce qui fe fera par ballotes } de forte que les habitans de cette co- lonie ne pourront avoir aucuns Magif- trats fouverains , que ceux qu'ils au- ront choifi eux-mêmes; de manière] que les élus Se les exclus ne pourronr connoîtrô DE PENSYLVANIE. I95 cotmoître ceux dont ils auront eu la fa- veur, ou qui auront parlé contre eux, afin d'obvier par-là aux animoiités & à la haine, qui pourroient naître de toute autre forme d'éleétion. Si quelqu'un fe comporte mal pendant fon adminis- tration , on en nommera un autre dès l'année fuivante. On ne pourra jamais établir aucune taxe , aflife , "impôt , ou autre charge fur la Communauté , que par le con- fentement des deux tiers de ces Col- lèges. Pour empêcher , autant qu'il fe pour- ra , les contestations & les procès , on aura un regiftre public , qui contiendra les biens & facultés de chacun , non- feulement en immeubles , hypothèques & contrats de louage qui courront au- delà d'un an , mais aufîï les obligations 8c billets qui excéderont la fomme de 50 livres, & qui courront au-delà de trois mois. Afin que perfonne n'ait intérêt d'ani- mer les habitans à p'aid^r les uns con- tre les autres , défei do is à tous Avo- cats , .Procureurs ou Solliciteurs , 3c autres Suppôts de la chicane , de pren- dre aucun falaire pour leurs peines. Dans la vue d'établir une parfaite T foit devenu une colonie des plus floriiïantes & des plus peu- plées que pofsède l'Angleterre. Au commencement de 1755 , on y comp- toit deux cens quatre- vingt mille habi- tans j y compris trente mille nègres. Quelques détails fur les villes & fur leur commerce, vont répandre un plus grand jour fur cet objet. CHAPITRE VIII. Etat politique de la Penjylvanie. § i- Idée de toutes les villes de cette Colonie. AP r è s Philadelphie , les villes les plus considérables font Lewis , capitale du comté de SufTex ; Douvres, capitale de celui de Kent j Newcaftle & Chefter , capitales des comtés de 1 iij 198 Histoire même nom ; Derby & Germantown , près Philadelphie ^ Briftol , capitale du comté de Buck ou Buckmgham ; New- town dans le même comté } Lancaftre & York., chefs -lieux des comtés de même nom. On auroit une idée très -faillie de routes ces villes , fi l'on s'imaginoit qu'elles font d'une grande étendue , Se qu'elles font fermées de murs, ou dé- fendues par de bonnes fortifications. Le Gouvernement étant compofé de Quakers, qui, d'après leurs principes, font amis de tout le monde , Se abhor- rent tout ce qui tend à troubler la paix j on n'a pris peu de précautions pour garantir les villes èz le pays d'une irruption , Se pour prévenir les mauvais deiïeins d'un ennemi , parce qu'on a fuppofé n'en jamais avoir. Newcaftle eft la première ville que l'on pa(Te pour arriver à la capitale. Cette ville quoique petite , eft la plus ancienne de la colonie. Elle eft ntitée fur le rivage occidental de la Dellaware , & doit fa fondation aux Hollandois , après qu'ils eurent cha(Té les Suédois , à qui apparte- noit toute la Pehfylvanie, qui portoit , DE PeNSYLVANIE. J99 alors le nom de nouvelle Suède. Mais le triomphe des premiers ne fur pas de longue durée. Peu d'années après leur victoire , les Anglois abordèrent dans cette contrée , & s'en emparèrent. La ville de Newcaftle rire beaucoup d'a- vantage de fa pofïtion , qui eft plus favorable au commerce que celle de Philadelphie , en ce qu'il arrive très- rarement que la rivière y foit prife entièrement j au lieu que dans cette dernière , cet accident interrompt tous les ans la navigation pendant piufieurs femaines. Willmington eft une autre petite ville , à lix milles au-deflTus de New- caftle , &c i trente ou environ au-defïous de Philadelphie. Elle a été bâtie en 1733, en partie , fur les fondemens d'une Eglife Suédoife ;ce qui fait qu'on paye un certain cens annuel, dont par- tie eft affectée aux gages d'un Prédica- teur de cette Communion , & partie à l'entretien d'une autre Eglife Suédoife., qui eft à un demi-mille anglois de la ville. Toutes les maiforis de Will- mington font de pierres détaille, & proprement bâties } mais au lieu d'être jointes enfemble , elles font féparées par de grandes places vuides , qui lui I iv îoo Histoire donnent l'air d'un village. Les Quakers y ont une maifon d'aftemblée. Wili- mington eft arrofée par une petire ri- vière , appellée Chriftinenkiel , qui fe jette dans la Dellaware à trois milles de là. Sa profondeur , qui eft au moyen des marées de deux Se trois toifes 8c demie , facilite un libre pafTage à de gros bâtimens tout chargés , foit pour remonter jufqu'à la ville 3 foit pour en defeendre. Des deux côtés de la rivière font de belles prairies , qui fournirent aux habitans beaucoup de foin. Leur commerce d'ailleurs eft peu considé- rable , à caufe de la proximité de Newcaftle & de Philadelphie. Dans l'été de 1748 , on conftruilit un petit fort fur la Chriftinenkiel , pour défendre le pays des corfaires François Se Efpagnols 3 qu'on difoit dif- pofés à remonter la rivière pour faire une irruption. En travaillant à ce fort ., pour lequel on avoit choifi un empla- cement , où les Suédois y en avoient jadis conftruit un , on a trouvé , à la profondeur de deux pieds , d'anciennes monnoies d'argent fuédoifes , du temps de la Reine Chriftine : elles porroient d'un côcé les armes de la Maifon de Wafa , avec cette légende : Chrijlïnc 3 DE P EN S Y L V A N I E. 201 par la grâce de Dieu } élue Reine de Suéde 3 1633 i & de l'autre : Nouvelle monnoie du Royaume de Suéde. On trouva encore une quantité d'inftru- mens de fer ; comme des haches , des coignées , des pelles , &c d'autres de cette efpèce. Le fort actuel eft conftruit en bois , avec un rempart , & une cave qui fert de magafin à poudre. On remarqua lors de cette conftrudion , que les Quakers , qui rejettent toute efpèce de guerre , ne fût-elle même que dé- fensive 3 montrèrent le même empref- fement que les autres habitans j pour la voir achevée. La crainte de tomber en un inftant au pouvoir des corfaires ennemis , leur fit fupprimer toutes re- préfentations. Quelques-uns même y travaillèrent de leurs propres mains j d'autres fournirent de l'argent, & toutes les provifions nécefTaires. § n. Defcription de Philadelphie. Notice de toutes les Sectes & des Edifices publics quelle comprend. La capitale de la Penfylvanie eft une des principales villes de l'Amérique 1 v loi Histoire feptentrionale , 8c fûrement la plus confidérable après Bofton. Sa fituatiorc eft fous le 39e degré 50 minutes de latitude boréale, & fous le 7^ de longitude occidentale du méridien de Londres. S Le fameux Quaker Guillaume Penn eft le fondateur de cette capitale , à la quelle, conformément à fes vues & à fes principes , il a donné le nom de Phila- delphie , qui veut due amour fraternel. Cette ville , fuivant fon projet , devoir occuper un efpace de deux milles an- glois de long , & d'un mille de large , que laident entre elles les rivières de Dellaware & de Shuykill. Le côté oriental devoit être arrofé par la pre- mière de ces rivières , cV celui de l'oc- cident par la féconde. On y avoit même déjà conftruit quelques maifons , &: l'on avoit tracé au cordeau huit rues f>rincipales de deux milles anglois de ongueur j & feize rues de traverfe , chacune d'un mille. Cet emplacement étoit couvert de bois en partie , & renfermoit auflî quel- ques habitations , qui appartenoient aux SaeniTœnet , trois frères Suédois , pro- priétaires de tout ce terrein, auxquels Penn en céda le double à quelques DE PeNSYLVANIE, iOJ milles anglois de cet endroit. Le premier plan de Philadelphie n'ayant pas été exécuté , parce qu'il ne fe trouva pas allez d'habitans pour remplir une auflï grande étendue ; on abandonna la rivière de Shuykill , St l'on fe contenta de bâtir le long de la Dellaware. Cette rivière , qui baigne Ces murs du côté de l'orient , lui pro- cure à la fois une très-belle vue , & de grands avantages pour fon commerce. Philadelphie dans fon état préfent , s'étend, du nord au fud , fur la Del- laware l'efpace d'un mille. Sa largeur eft , en quelques endroits , d'un demi- mille, & même davantage. Son fol eft uni , Se confifte en fable , mêlé de terre gralfe. Toutes les rues font droites & fpa- cieufes. Le plus gtand nombre a 50 pieds de large , & quelques unes en ont 70 & 100. Elles font conftruites dans le goût anglois ; c'eft-à-dite , que l'on a pavé le long des maifons avec des cadet- tes ou pierres planes, de la largeur d'une toife j défendues en dehors par des po- teaux , plantés à la diftance de 1 5 à 1 8 pieds les uns des autres , afin de garan- tir les gens de pied , des boues & des atteintes des chevaux ôc des voitures. I vj 204 Histoire Indépendamment de ces précautions-, plufieurs de ces rues font pavées de cailloux , &c d'autres ne le font pas ; dans le» fait , ce n'eft point une grande néceffîté qu'elles le foient , parce que le fable qui domine dans le fol , a bientôt abforbé toute humidité. Les maifons portent plufieurs étages, & font construites de briques ou de pierres de rocher , dans lesquelles on apperçoit un mélange de fable très- menu , de pierres à chaux d'un grain très-fin j & d'une matière reluifante, noire , grife , ou nuancée de ces deux couleurs. Ces pierres , qui fe tirent en quantité des carrières du pays 3 fe laif- fent travailler aifément ; elles font en outre d'une bonne qualité , & n'attirent point l'humidité.' Toutes les maifons font couvertes de bardeaux , que l'on fait avec un arbre 3 que les Anglois appellent cèdre, blanc , èc qui eft le Cuprejfus Thyoides. Les Suédois lui donne le nom de genévrier blanc. Cet arbre croiflToit jadis abondam- ment dans les lieux humides & maré- cageux \ mais il commence à devenir rare aujourd'hui , &c cependant on ne fonge pas à en faire des plants. Les qua- DE PeNSYLVÀNIE. 205 lités de ce bois font, d'être très-legèr-, & très-peu fufceptible de pourriture. C'eft par cette raifon qu'on le choifit par préférence pour en faire les toîts. Il ne charge pas les murs , 8c dure une cinquantaine d'années. Il eft vrai que de î'ufage de couvrir les maifons avec ce bois , il réfulte un inconvénient, qui peut avoir un jour des fuites fu- neftes : la plupart de ceux qui ont fait conftruire des maifons , connoiiïànt la légèreté des toîts qu'elles dévoient por- ter , ont donné peu d'épaiffeur aux murs ; de manière qu'ils n'ont pas plus de durée que les toîts , Se que tout l'é- difice n'a qu'une très-médiocre folidi- té. Dans la fuite 3 fi l'on veut fuppléer aux bardeaux par les tuiles , comme la coutume s'en introduit déjà , l'on fera obligé de démolir les anciens murs, pour en conftruire d'autres plus épais & plus forts. Parmi les bâtimens publics que ren ferme Philadelphie , les Temples mé- ritent le premier rang , &c font en grand nombre. On y compte, i°. une Eglife An- gloife , qui eft à peu près au centre de la ville , à peu de diftance du mar- ché. C'eft la plus belle de toutes , qu oi lo£ Histoire qu'elle n'ait qu'un périt & miférable clocher , où il n'y a qu'une horloge , & une feule cloche pour les enterremens & pour appeller au fer mon. Cette Eglife , qui porte le nom de Chrifl , a été fondée à la fin du fîècle patte \ &, depuis quelques temps , réparée ôc dotée de beaux ornemens. A cette Eglife font attachés deux Prédicateurs , qui reçoivent d'Angleterre la plus grande partie de leurs appointemens. 2°. Une Eglife Suédoife , appelée auflî Wikako , qui a la plus agréable fîtuation. On cite encore , avec véné- ration , le nom de M. Radman , qui en a été le premier Pafteur ; homme d'un grand favoir & d'une piété exemplaire , que les Quakers & toutes les autres Sectes s'emprefïoient d'aller entendre prêcher. Le trait fuivant donne une grande idée de fon caractère 8c de fon zèle pour la Religion (a). Lorfque les fouf- criptions pour bâtir fon Eglife eurent été ouvertes , il foufcrivit pour une fomme confidérable , qu'il ne fut pas en état de payer dans le temps j mais ( a ) Voyages du Sr. Caflelmann , page ^6o, de Pensylvanie. 207 pour ne pas manquer à (qs engagemens , il s'obligea envers l'Entrepreneur à por- ter du mortier à tant par jour , jufqu'à ce qu'il eût rempli la fomme , pour la- quelle il avoit loufcrit. Rare exemple de piété jointe à l'humilité ! 3°. Une Eglife Evangelique ou Lu- thérienne pour les Allemands, érigée en 1743. En 1748 , elle avoit un petit clocher , qu'il a fallu démolir en 1750 , parce qu'un Architecte igno- rant l'avoit confirait avant que les murs fuffent fecs. Le Prédicateur qui deffert cette Eglife , eft chargé aufll d'une autre , de la même Commu- nion , à Germantown j & il prêche al- ternativement dans cette ville Ôc à Philadelphie. Cette Eglife Luthérienne conferve encore précieufement le fou- venir du fieur Dylander, Miniftre Sué- dois de Wikako , homme très-favant & très-charitable , que fa douceur & un zèle éclairé rendoient cher à toutes les Communions On l'a vu prêcher trois fois chaque Dimanche \ le matin en Allemand j à onze heures en Suédois j & l'après-midi en Anglois. Indépen- damment de cette fatigue , fa follici- tude Paftorale le faifoit voyager toute la femaine dans les campagnes , pour io% Histoire inftruire les habitans qui font difperfés &: établis loin des Eghfes. On rr/a af- furé, dit M. Kalms , que ce Miniftre infatigable faifoit fréquemment feize fermons par femaine. On ne fuit le Profeffeur Suédois dans ces petits détails } que pour offrir au Clergé Romain un modèle qu'on trou- veroit difficilement dans fes Membres , quoique charitablement tous prétendent tenir eux feuls le véritable chemin de la gloire éternelle. La Communauté des Allemands Lu- thériens s'étant fort accrue 3 elle entre- tient aujourd'hui un Pafteur particulier pour deîfervir cette Eglife. 4°. Une Eglife bâtie en 1704, pour les Presbytériens (a). On remarque ( a ) Ce font des Schifmatiques de la Reli- ligion Anglicane , auxquels on a donné ce nom de Prefbytériens , parce qu'ils prétendent que le gouvernement de î'Eglife appartient aux Prê- tres ; c'eft-à dire, aux Miniftres & aux Anciens qui font afTociés pour le gouvernement & la difcipline. Selon eux , il n'y a point d'Ordre d'Inftitution Divine dans I'Eglife , qui (bit Su- périeur aux Prêtres. Tous les Miniftres étant AmbaiTadeurs de J. C. ils doivent être égaux par Ieurcommilïîon. Ils prétendent, d'après l'E- criture-Sainte,queIe plus ancien &l'Evêque font deux noms qui lignifient la même chofe , &c DE PeNSYLVANIE. 109 que le bâtiment eft fitué du nord au fud, au lieu de l'être du couchant au levant , comme le font tous les Tem- ples chrétiens- 50. Une nouvelle Eglife construite en 1750 parles Presbytériens, furnommés Newlights ou illuminés. On donne ce dernier nom à tous ceux qui ont em- brafTe le patti de Whitficld^ fameux Prédicateur j qui a parcouru toutes les colonies Angloifes, depuis 1730 juf- qu'en 1745. On a vu ce Miniftre, qui joignoit le zèle le plus ardent , l'élo- quence la plus perfuaiive , au fon de voix le plus gracieux , prêcher en pleine campagne 3 au milieu de 20 mille . auditeurs, très-empreifés de l'entendre. Le but de fes voyages étoit de ramaifer de l'argent , pour fonder une maifon, deftinée à recevoir des orphelins ; & il l'établit en effet dans la nouvelle Géorgie, en 1740. Cet Apôtre Presby- térien reçut , en deux fermons qu'il pro- qui défîgnent un même emploi. L'Ordination des Miniftres de cette Secie , fe fait par les Prê- tres-Prédicateurs, qui feuls ont le droit d'im- pofer les mains après le jeûne & la prière , & après que les fujcts ont été examinés fur leurs mœurs , fur leur capacité , & fur leur croyance» HO H I S T O 1 R E nonça le même Dimanche , 150 livres fteriings de la charité de fon audi- toire. Sur le fronrifpice de cette Eglife , on y lit les paroles fuivantes, écrites en caractères d'or: Eglife des Presbytériens > érigée. > par l 'approbation de Dieu , en I7S0 {a). 6°. Une féconde Eglife reformée Allemande j où l'on a vu arriver l'a- venture fuivante. Après le décès du fîeur Dylander , qui deffervoit encore cette Eglife , les Luthériens firent venir un Fadeur de Halle. Les Calviniftes, qui compofoient l'autre partie de la Communauré , en demandèrent un à Dordrecht. Celui de Halle, c'eft-à-dire le Lu- thérien , arriva le premier. Mais en 1750, le Miniftre de Dordrecht, nou- vellement débarqué, parvint fi bien, à force d'artifices & d'intrigues , à s'in- fïnuer dans l'efprit des Auditeurs du Préd.cantde Halle, qu'il lui en enleva les trois quarts. Celui-ci voulut lui dif- puter fa chaire par fon éloquence. Les (a) Templum Prcjbyteriawm , annuente nu- mine , ereitum anno Domini M. DCC, L. DE PeNSYLVANIK. tli deux Eccléliaftiques parlèrent chacun à leur tour , pendant plufieuts Diman- ches de fuite : enfin le Prédicateur Hol- landois , pour s'aiTurer de la chaire un Dimanche qu'il ne devoir point prê- cher , & faire croire par- là que (on adverfaire vaincu lui en cédoit la pof- fefîion , y monta le famedi , & y pafTa la nuit. Le lendemain 3 le Luthérien fe voyant exclus de fon droit , avoit échauffé les efprits de fespartifans con- tre le Calvinifte : l'auditoire divifé s'é- toit battu, comme une troupe de force- nés. Le Temple du Dieu de Paix étoit devenu le théâtre d'une guerre fanglante & ridicule 5 où il s'étoit pafifé des indé- cences &c des extravagances., qui avoient excité la compaiîion des gens fenfés : mais les gens indifférens s'en étoient beaucoup diverti , & les dévots avoient crié au fcandale. Les Juges civils prirent connoifïonce de cette affaire , & le Miniftre Calvi- nifte fut exclu de la chaire : le Luthé- rien fut réintégré dans fes fondions Paftorales. 7°. Les partifans du Miniftre vaincu conftruifircnr, tour auprès de l'ancien- ne , une autre Eglife , dont ils lui don- nèrent la direction. Ce Prédicateur a. 211 Histoire fi bien fait, qu'il a rendu l'ancienne Eglife déferre , &c qu'il a enlevé tous les auditeurs de fon rival. 8°. &■ 9°. Deux Temples qui appar- tiennent aux Quakers, qui les appel- lent Meetings. On n'y trouve, félon leur ufage , ni chaire , ni autels , ni au- cun autre ornement d'Eglife. Sa feule décoration confifte en quelques bancs & quelques luftres. Ces Sectaires s'y af- femblent trois fois chaque Dimanche 'y 8c , déplus , en de certains jours de la femaine ou du mois. On voit fouvent j dans ces Temples, une femme prêcher en langue An- gloife j mais jamais on n'y enrend chanter, parce que les Quakers n'ai- ment ni les cantiques , ni la mufique. A la fin de chaque fermon , fi quelque alîîftant efl: d'un avis contraire au Pré- dicateur, il s'avance au milieu de l'af- femblée , & donne l'explication de fon fentiment particulier : le premier peut répliquer encore , Se de-là s'enfuit une difpute , fouvent beaucoup plus longue que le fermon ; mais dans laquelle il n'entre jamais , ni fiel, ni chaleur. io°. Un Temple pour les Anaba- tiftes. 1 1 °. Une Eglife pour les Catholi- ques Romains. DE PENSYLVANIE. 213 1 2°. Un Temple pour les Hernhoutes ou Se&ateurs du Comte de ZinzendorfF. Ils y faïfoient leur fervice en langue Allemande & en langue Angloife, non- feulement deux ou trois fois chaque Dimanche , mais même tous les jours ouvrables , après que la nuit étoit ar- rivée. Dans l'hyver de 1750, ils furent contraints de ceffer ces alTemblées noc- turnes j parce que plufieurs jeunes gens, qui s'y glitfbient pour fe di- vertir 3 fcandalisèrent les aflîltans , en accompagnant chaque verfet des Pfeaumes , avec ces foufflets qui fer- vent de jouet aux enfans 3 Se qui por- tent le nom dé coucou 3 parce qu'ils en imitent le cri. Les autres bâtimens publics de Phi- ladelphie font l'Hôtel -de -Ville, qui fait le plus bel ornement de cette capi- tale. C'eft - là que les Dépurés de la Province s'a.Temblent régulièrement tous les ans au mois d'Ocïobre , ou même plus feuvent , fi les circonftances l'exigent, pour tenir une diette. On y revife les anciennes Loix : on y fait de nouveaux Réglemens, 8c l'on s'y occupe enfin de tout ce qui tend au au bien de la Province. H4 Histoire A coté de l'Hôtel-de-Ville eft une Bibliothèque publique j fondée en 1741 par les foins du lavant Franklin. A force de follicitations , il parvint à ex- citer la générofité de différentes per- fonnes diftinguées , qui fournirent cha- cune 40 fchellings {a) , 8c s'engagèrent d'en donner encore annuellement 1 o , pendant un certain temps. Cet argent rut emploie à acheter des livres , 8c les Fondateurs ont confervé le droit de jouir librement de cette Bibliothèque Mais les autres perfonnes, à qui l'o prête des livres 3 font obligées de laiiTe un gage \ 8c de plus , de payer un prix fixe par femaine \ favoir j S pennys ou fols pour un volume in-folio , 6 pour un in- 40 , 8c 4 pour les volumes des autres efpèces. Le temps , pour lequel on a loué un livre j étant échu , (\ on ne le rapporte pas., on eft impofé à une amende , in- dépendamment du prix du louage. Une partie de cet argent fert aux appointe- mens du Bibliothéquaire , 8c l'autre pour acheter des livres. En 1748 cett (a) Le fchelling vaut if fols de France, ainh les 40 fchellings font 30 liv. 11 ! X DE PENSYLVANÏE. 215 toile ébion étoit compofée d'ouvrages choiiîs , la plupart en langue Angloiie , beaucoup en Latin Se en François , Se fort peu dans les autres langues. Cette Bibliothèque eft ouverte tous les famedis pendant quatre heures j Se l'on y trouve , indépendamment des livres , différens inftrumens de Mathé- matique , de Phyfique , Se un beau Ca- binet d'Hiftoire Naturelle. A l'extrémité occidentale de la ville eft une maifon où l'on tient les Ecoles. L'on n'y enfeigne encore que les Etoffes clalTes y mais on fe propofe d'y infti- tuer des Profeffeurs pour les hautes études , pour les langues , Se d'en faire un Collège , où la jeunelfe y puiflTe re- cevoir une auflî bonne éJucation que dans ceux de l'Europe. A l'extrémité méridionale de la ville, Se fur le bord de la rivière , eft un Fort qui fut conftruit en 174^ , pour empê- cher le débarquement aux corfaires François Se Anglois. Mais cet ouvrage ne fut terminé qu'après une conteftation très - vive , entre les habitans Se les Quakers , qui prétendent qu'on doit uniquement avoir confiance au Sei- gneur j Se qui défendent toute efpèce de guerre contre les Chrétiens. On écrivit nS Histoire de part & d'autre pour appuyer fon fen- timent , ôc le pays reftoit ouvert. Pen- dant ce temps-là , des coifaires Fran- çois enlevèrent fur la Dellaware quel- ques bâtimens de Philadelphie. Tous les Quakers alors trouvèrent qu'il con- venoit de faire travailler promptement à des ouvrages de défenfe , de fe réuni- rent dans cette vue pour faire l'avance d'une fomnie considérable. Quoiqu'il n'y ait aucune fource qui fourni fife de l'eau à la ville, elle n'en manque cependant pas de bonne. Il eft peu de maifons qui n'ait un puits 3 dont l'eau , de même que celle de la Della- ware , fert à tous les ufages , fans qu'on en ait éprouvé aucune mauvaife quali- té. Pour faire ces puits , il faut ordi- nairement creufer à 30 ou 40 pieds, & l'on eft toujours fur de trouver l'eau à cette profondeur. La Dellaware a partout 5 à 6 toifes de fond devant Philadelphie ; ce qui permet à de gros vailTeaux d'aborder jufques fous les murs de îa ville , &c de jerter l'ancre près du pont, oùlefonc eft d'une bonne tenue. L'eau de la rivière n'a plus aucune falure ici ; d'où il rémlte que toute efpèce d'infe&e qui s'eft attachée aux. vailfeauj .. DE Pe'NSYIVANII, 217 Vàiifeaux dans la mer & qui le ronge, meurt dès que les bâtimehs ont féjour- îîé quelque temps dans ia Dellaware. Quoique la marée foir, de 8 pieds dans cette rivière 3 ce mouvement ne l'em- pêche pas d'être remplie de glaçons chaque hyver, pendant plus d'un mois; ce qui interrompt tout-à-fait la navi- gation. Les catara&es que forme la Dellaware auprès de Trenton , qui efl: à 30 milles anglois au-dcffus de Phila- delphie, & celles de la Shuykill a peu de diftance de cette dernière ville, em- pêchent qu'on ne puiflTe remonter l'une & ''autre de ces rivières. C'eft la quan- tité de glaçons qu'elles apportent des pays élevés à Philadelphie , qui vrai- fembl-iblement y rend la DellaAvare innavigable en hyver , puifque le même inconvénient ne fe rencontre pas à Bof- ton, à la nouvelle York , & en d'autres villes qui font plus feptentrionales , mais en même temps plus près de la mer. On a trouvé dans cette ville , le 1 5 O&obre lyso, la déclinaifon de l'ai- mant , de 5 degrés 45 minutes vers l'occident. Des expériences fuivies ont démontré que cette déclinaifon avoit K 2i8 Histoire diminué d'un degré depuis environ dix - huit ou vingt ans. Par des obfervations faites pendant plufieurs années , on a reconnu que la plus grande différence entre le plus haut point & le plus bas du baromètre , étoit de 28 à 5 9 , & de 30 à 70. Le 5 Septembre 1731 (V.S. ) Phi- ladelphie elluya une légère fecouffe de tremblement de terre , qui fe fit ref- fentir aufli à Bofton & à Montréal au Canada , qui en eft éloigné de plus de 60 milles fuédois (a). Au mois de Novembre 1737 , on en refleurit une antre plusconfidérable, dont la durée ne fut guères que d'une demi-minute. Quelques informations que l'on puiffe faire pour fe procurer des con- noilfances certaines fur la population de Philadelphie , il eft très-difficile de réuffir j parce que les regiftres mortuai- res ne font pas tenus exactement , 6c que les Quakers j & d'autres Sectaires , ne font jamais baptifer leurs enfans. D'un autre côté « cette ville reçoit cha- ( a) Chaque mille fuédois comprend 30 mille pieds , ou 5 mille toifes. DE P E N S Y L V A N I E. Hj que année des accroiffernens confidé- rables , par les colonies qui viennent dos autres pays. En 1746 , il débarqua 12 mille Allemands, dont un grand nombre fe fixa en cette ville. La même année 1749 , par le dénombrement qu'en fit des maifons de la Capitale , on en trouva 207^ Suivant le calcul | des gens du pays, Philadelphie renfer- me douze à quinze mille âmes. On a vu , par le détail des Temples , combien il fe trouve de Se&es différen- ; tes parmi ces habitans ; mais il eft un grand nombre de citoyens qui fe con- tentent de profefïèr leur religion ( in petto 3 ) qui n'ont , ni Temples 3 ni Prêtres , m culte extérieur ; & l'on a. remarqué que ce ne font , ni les moins heureux , ni les moins charitables. Au refte , quiconque reconnoît un Être Suprême , créateur & confervateur de tous les Êtres \ quiconque n'enfeigne & n'entreprend rien contre l'Etat 8c le re- pos public , eft bien reçu en Penfylvanie. Il peut y exercer librement fes talens , fa. profeftion , fans avoir à craindre la tyrannie de fes confrères , &z fans être vexé par ces impôts établis fous le nom de Maitrife , dont le payement fait un Maître d'un ignorant opulent , &z çm\ Kij ~-ï:ZO H ï S T O I R -E font un obftacle infurmontaMe pour l'Ouvrier habile , s'il eft indigent. Nu nleft inquiété pour fês principes, ni recherché fur fa créance. Les Loix af- 'furent à chacun une jouiifance h fohde de fon bien, de une telle liberté , qu'on peut dire , à certains é;ards , qu'un Bourgeois de Philadelphie vit dans fa maifon comme un Roi. Enfin , il n'eft aucun Gouvernement où Von fente moins qu'on eît fujet, & dans lequel on puiiTe plus agir en homme. La deferiprion de la capitale de Pen- fylv.anie fuffit pour (Étonner une n" de toutes les autres villes de cette i lonie, auxquelles elle a fervi de modèle; mais qui lui font fort inférieures par l'étendue, par le commerce, & par la population. Cependant celle d'Euphrate mérite de nous occuper quelques inf- tans , à caufe de fa fondation, qui e$ l'ouvrage d'une Secte extraordinaire,, dont les principes & les ufages peuvent intéreffer la curiofité. D E- P'E N S Y L V A N I E. Z-ll CHAPITRE IX. Seclc des Dunkards-, ou Dumplers. N Hermite Allemand fe choifa une folitude agréable Aïe les con- fins du comté de Lancaftre , à 50 mdics ■ ek- Philadelphie , pour s'y livrer à la c >ntemplation (& ne fe voyent que dans l'Eglife, ou lorf- qu'il eft queftion de délibérer fur des. affaires d'économie publique. Le tra- vail , la prière & le fommeil, partagent toute leur vie- L es cérémonies du culte public fe font deux fois le jour , & deux fois la nu. t. Les prières & les fer- mons font toujours impromptus , com- me chez les Quakers ôc lesMéthodiftes.. L'humilité, la chafteté, la tempérance,. DE PeNSYLVANIE. 1 ?. $ & les autres vertus chrétiennes , font les fujets ordinaires de ces difcours pu- blics. Ils n'adminiftrent jamais le bap- tême qu'aux Adultes : ift foutiennent le libre Arbitre : croyenr au Paradis, à l'Enfer j mais ils rejettent' l'éternité des peines. La doctrine du péché ori- ginel , quant à fes effets fur la poftéri- té d'Adam, leurparoît impie & injufte. Ils ob.'ervent le Sabbat avec le plus grand fcrupule. Ils imaginent que les âmes des Chrétiens font occupées à convertir celles des morts , qui n'ont pas en occafîon de connoître l'Evan- gile. Ils font encore plus ennemis de la violence que les Quakers ; car ils ne fe permettent pas même de l'employer pour leur propre défenfe. Ils aiment mieux fe laiifer tromper, outrager , de même maltraiter , que de difputer _, ou citer un homme en Juftice. Si l'on trouve de l'extravagance dans cet en- thoufiafme 3 c'eit aiîurément la plus in- nocente qui puiffe attaquer l'efprit hu- main. La vie des Dunkards eft extrême - ment auflère ; mais ces hommes , qui ont abandonné leur famille 3c leur pa- trie , pour chercher , dans un nouveau K iv ^14 H I S T O T R E monde, des frères &: la liberté , font bien au-deflus des mortifications. Ils font vêtus très- Amplement , & à peu près comme nos Capucins ou les payfans Italiens. Bn hyver , ils portent une lon- gue robe de laine blanche , qui couvre une camifole j & qui eft furmontée d'un capuce qui leur fert de chapeau. Sous cette robe eft une chemife de grofle toile , des culottes comme les matelots, & de gros fouîiers. L'étév l'habillement eft.de la même manière; mais de. toile , au lieu d'étoffe de laine. A la culotte près, les femmes ont le* même ajustement. Ils ne fe nourriiTent que de végé- taux , non qu'ils s'en foient fait une loi ; mais ils croyent que l'abftinence de la chair eft plus conforme aux prin- cipes du Chriftianifme. ils couchent fur des lus, ou un morceau de bois leur fert d'oreiller. Chacun remplit , avec autant d'e- xa&itude que de gaieté , le travail par- ticulier qui fui eft afïigné. Le produit qu'on en retire eft mis en commun, Se fert à (ubvenir à tous les befoins publics & particuliers. Ils ont des manufa dures, &: tous les arts néceffaires 3 non-feu- lement pour leur propre ufage , mais DE PeNSYLVANIE. 22$ encore pour faire un petit commerce. Ils font très-induftrieux. Ils pofsèd:nt. un. moulin à blé, un moulin à huile , une papeterie , que leur adrefle Falc valoir avec beaucoup d'avantages. Leurs femmes excellent furtout dans la Cal- ligraphie , ou fart d'écrire très-propre-* ment, &c dans la broderie : leurs ou- vrages fervent à parer la chapelle pu- blique. Quoique les deux fexes vivent fépa- rés à Euphrate , les Dunkards ne iont' pourtant pas ennemis du mariage. Ceux qui veulent prendre une femme s font, obligés de quitter la ville , fk de fe faire une habitation aux environs d'Eu-- phrate,dans la campagne j maisletréfor public leur donne de quoi pourvoir à leur établilfement. Chacun envoyé fes enfansdans la Métropole , pour y rece-* voir l'éducation. Toutes les filles vivent enfembîe dans un bâtiment féparé de la ville , & travaillent en commun au pro- fit de la Société. Le Chef ou Préfident de cette Na- tion, eft (en 1762) (a) un vieux Aile-, mand , nommé Miller, qui jadis s'euV (c) Hiftoire Uniyerfelle-, tome 4t. K v xi6' Histoire fait connoître dans l'Univerfité de HaU les , où il a pris fes degrés. On allure que c'eft un homme fàvant , 8c d'un jugement très-folide : il a quitté le Calvinifme pour profeffer cette Secte. Les Dunkards font doux , officieux 8c affables envers les étrangers. Les devoirs de l'hofpitalité font facrés pour eux. Us fe fonr une loi de tout offrir à ceux qui les vifitent , 8c de n'en jamais rien recevoir. Enfin 3 c'eft un peuple de frères , chez qui l'on voit , avec atten- driffement , l'égalité , la concorde 8c l'affection , concourir à faire le bonheur général. Chacun connoiifant fes devoirs, s'attache à les remplir , 8c tout fe trouve dans l'ordre le plus avantageux aux So- ciétés. En contemplant la nature humaine dans un pareil tableau , fans doute les gens qui fe piquent de raifon , traite- ront les Dunkards de fous j mais on pourrait leur répondre , que la fo- lie , couvrant la face de ce globe , il feroit peut-être à defirer que celle des Dunkards fût la folie générale , puif- qu'elle eft la plus innocente 8c la plus heureufe,.. e PensylVan i e. 227 CHAPITRE X. Des Habitans de Pcnfylvanie en général. § 1. Portrait des deux Sexes. Vfages. particuliers.. O s deux Voyageurs s'accordent à dire, que le fexe de Penfylva- nie eft généralement d'une figure agréa- ble, &£ toujours mis avec autant de pro- preté que de goût , fans pourtant fe piquer de magnificence. Les femmes, ainfi que les hommes , font habillées à l'Angîoife ; & ces derniers, payfans ou citadins , font tous ufage de drap fin d'Angleterre. Il femble que ce foit uïi défaut d'avoir fes cheveux parmi les hommes , car l'on n'en voit aucun qui n'ait une perruque. Le bétail , la volaille & les grains de toute efpèce , étant fort abondans x la nourriture eft à bon compte , & cepen*- dant les Ouvriers y font fort chers -y ce ii$ Histoire qui prouve que la population, n'eft pas - encore aulîi considérable qu'elle pcur- roir l'être , relativement à l'étendue de k. colonie. Communément un homme de journée gagne près de 3 livres de . France par jour. Indépendamment des vins qu'on tire - d'Efpagne , de France 3 qui valent un écu la bouteille , on y trouve du cidre, de la bierre & de l'eau-de vie , qui fe font dans le pays , ôç différentes liqueurs compofées , relies que le Punfch &c le Sinkere _, qui efl; encore plus agréable que cette dernière , & qui ferait avec du vin d'Efpagne mêlé par tiers avec deux tiers d'eau , du fucre, & de la.mufcade à proportion. De même qu'en Angleterre , on ne voit point de mendians en Penfylvanie ; . chaque Bailliage prend foin des pauvres de ' fon relTort. Comme chaque proprié- taire a fa maifon refilée- à peu près au centre de (es terres , qui font entourées . de haies, il arrive de-là qu'il n'y a en Penfylvanie que des villes & des bourgs, &. qu'une ParoiiTe de campagne a 11 à 15 lieues de circonférence, furtout r quand elle comprend de grands ter- riens. Cette vafte étendue àss ParoiiTes, & DE PeNSYLVANIE. 22£ l'éloignement où différais habitans font de l Ègiife , ont donné lieu à quelques ufages religieux 5 qui font aifez îin- guliers pour être rapportés ici. Tsl eft celui de ne préfenter les enfans pour être baptifés , qu'après plu- fleurs mois , 8c même après une ou deux années \ d'où il arrive que ces en- fans déjà forts , fe défendent contre, celui qui les baptife , .ayee les pieds 8c. les mains , au moment qu'il les arrofe de l'eau falutaire. La multitude des Sectes fait auflï que les père & mère fervent eux-mêmes de parrain 8c de marraine à leurs enfans,. à caufe delà dé- fiance où chacun eft fur la religion 8c fur. la créance de fes amis de de les voifins. Rien n'eft plus commun que de voir, deux ou trois perfonnes vivre fami- lièrement une douzaine d'années , fai s'expliquer mutuellement ce qu'elles penfent 8c ce qu'elles cr.oyent en ma- cère de religion. 4jos H I S T O 1 R 2 § IL Cérémonies des Funérailles & des Ma- riages de Penfylvanie. Aventure d'un Bigame- Lorfque quelqu'un elï mort dans la campagne , on en donne la nouvelle aux quatre plus proches voifins , & on leur indique en même temps le jour fixé pour l'enterrement. Ces quatre par- ticuliers annoncent cette mott égale- ment à leurs voifins ; ôc 3 de cette ma- nière , en vingt-quatre heures elle efl connue à 5 o milles à la ronde. C'eft un ufage établi que chaque maifon ou habitation envoyé au moins- une perfonne , pour afïilter à la pompe funèbre ; &: tout le monde fe rend à cheval au logis du défunt , où fes pa- rens font aifemblés. A mefure qu'il ar- rive quelqu'un , on lui préfente un morceau de gâteau , fuivi d'une grande tafife de punch ou de rhum. Le jour de l'enterrement arrivé , l'on porte le mort à" l'endroit où l'on enterre les per- fonnes de fa Secte, s'il n'en eft pas bien éloigné ; mais dans le cas d'une grande diltance, on l'enterre dans fes champs.. DE P E N S YL V A NI E. 2|-ï Toute l'aftemblée fuit à cheval le cer- cueil j 8c le morne filence qu'elle garde s annonce la trifteffe de cène cérémonie. Dans ces occasions , on voit fouvent une cavalcade ,. compofée de 2-, yy 4,. 8c jufqu'à 500 perfonneso- La vanité fuit ici, comme ailleurs r tout le monde jufqu'au tombeau j car , avec les trilles reftes d'une exiftence paf- fée , chacun y porte la folle diftindtion de fon état 8c de fa fortune. Les gens opulens ont des cercueils de bois de noyer , enduits d'un beau vernis brun, 8>C parés de quatre anfes de cuivre très-pro- prement travaillées. Les autres , fuivant leurs facultés.» n'ont que des cercueils de bois blanc ou de noyer , non verniffés. Si le mort eft un homme marié , ce font quatre hommes qui portent fa bière ; fi c'eft un garçon , il eft porté par quatre filles ; 8c lorfque c'eft une fille , quatre garçons font chargés de cette opéra- tion. Les ufages dans les mariages ne font pas moins extraordinaires. On a la li- berté de fe faire donner la bénédiction nuptiale par un Prêtte ou Miniftre de fa Communion , moyennant un écu d'Allemagne , après une publication préalable de trois bancs j ou de fcmar- 23 2. Histoire rrer 3 fans publier des bancs , pour Ifji fomme de 6 florins , devant tel Juge qu'on veut cholfir. Dès que le couple amoureux a reçu la bénédiction nup- tiale, c'eft la coutume qu'il s'embrafle devant toute l'aiTemblée , foit à l'Eglife, foit en un autre endroit. Si les père & mère s'oppofent à l'u- nion de deux amans , il n'y a d'autre moyen d'éluder leur refus , que de s'en- fuir enfemble j mais il faut alors , pour éviter routes pouriuites juridiques 3 que le garçon monte en croupe derrière fa maîtreffe , & qu'ils fe préfentent l'un ôC l'autre dans cette foliation devant le Juge. La fille confeflV qu'elle a en- levé fon amant , &c prie le Juge de la marier avec lui j ce qui fe fait auffitôt. La cérémonie achevée , les époux vont . jouir de leurs droits , 8ç les parens ne. peuvent plus fane aucun obftacle à leut conduite , Se encore moins demander la caflation de leur mariage. Quoique la Bigamie foit défendue , itn'eft pas rare cependant de voir des. gens qui ont deux femmes-; ou même ,. comme la Loi ne prononce la peine de mort que contre les Bigames , celui qui eft pourfuivi pour un crime de. cette efpèce , prend une troifîème fem- DE PENSYLV AN I E. 2.3$ me , & s'affranchit de la Loi, fous le fpécieux prétexte qu'elle ne regarde que ceux qui ont deux femmes. Il y a quelques années qu'il arri- va dans cette colonie une aventure , qui fera juger aifément du degré de liberté & de tranquillité , dont chacun y jouit. Une femme d'un certain âge , qui habitoit la campagne près des monta- gnes bleues , fe voyant malade dangé- reufement, &c fans efpoir de rétabli(Fe- ment , exigea de fon mari , encore jeune, qu'il lui promît pour dernière faveur , une choie qui lui feroit aufll avantageufe à lui-même qu'à (es enfans. Le mari attendri par l'état de fa femme, l'alFura qu'il ne lui refuferoit. rien , & là pria de s'expliquer. C'eft ce qu'elle fit dans ces termes. » Mon cher Ami, » prête de defeendre dans la nuit éterr » nelle , je vois avec douleur que nos » enfans font encore bien jeunes , t, » & qu'il f?ut fonger à commencer, s? leur éducation. Je crains qu'après >■> ma mort tu ne te remaries à ton » goût. L'amour pourra t'avcugîer, & » nos enfans auront une méchante belle- » mère. Je te prie de tout mon cœur, n & je l'exige au nom de la tendreife ïj4 Histoire 33 que tu m'as toujours témoignée 3 de 33 ne prendre point d'autre femme que 33 notre chère Rofine , qui , Jufqu'à >3 préfent , nous a fervi fidèlement j 8c >3 qui nous a marqué fins cefle autant 33 d'attachement que d' affection. « Le mari furpris d'un pareil langage , le prit pour l'effet du délire. Il tâcha de la diftraire de ces idées , en lui difant quelques paroles confolantes fur ion état. Il lui fit entendre que la fan té quelle alloit recouvrer j fuivant les ap- parences , lui caufoit trop de plaifir pour s'occuper de ce qu'il auroit à faire dans les circonstances affligeantes dont, elle vouloit parler. Mais cette femmes obiHnée à croire qu'elle ne relevé roit pas de fa maladie , perfifta dans fes fol- îicitations auprès de fon mari j & ne cefla de le fatiguer de fes prières , que lorfqu'il eut fait ferment entre (es mains de contracter avec Rofine. Le lendemain , la malade fe défiant encore d'une femblable promette , fait venir la future propofée auprès de fon lit. Elle lui déclare qu'elle veut la ma- rier avec fon mari , qui va bientôt être veuf j & finit par l'exhorter à l'aimer fidèlement , à fervir de mère à fes en- fans , & à donner tous fes foins au mé- DE PENSYLVÂNIE. 235 nage 8c aux biens dont elle alloit deve- nir la maîtreûe. Rofme en pleurs , promit tout ce qu'on lui demanda, & déclara qu'elle étoit réfignée aux volontés de fon maî- tre. La femme contente le fait appro- cher , l'oblige à donner la main à Ro- fme , impofe elle-même les tiennes fur celles des futurs époux , & leur donne la bénédiction nuptiale avec les dé- monftrations de la plus vive Joie. Cependant l'état de la malade s'amé- liora. Dans une quinzaine fa fanté fut parfaitement rétablie. Le mari qui vrai- semblablement avoit , en tout point , fuivi les confeils de fa femme , lui dit que puifqu'elle i'avoit forcé d'époufer la jeune Romie, il comptoir la garder jus- qu'à la mort j mais loin de fe fâcher ou d'en témoigner aucun mécontentement,, elle embraïfa fon mari : approuva tout ce qu'il avoit fait, de lui marqua beau- coup de fatisfaction de fa docilité. Jamais le moindre orage n'a trou- blé la paix & l'union de ce double ménage. La jeune femme a eu plu- fieurs enfans 3 dont la vieille a pris foin ,, de même que de la mère pendant Ces couches : celle-ci , de fon côté , n'a pas. celle d'avoir pour l'autre les égaids &. 1$6 H I S T O I R E les fentimens qu'elle lui devoit comme? à fa bienfaitrice. Les jours du Bigame- ont coulé fans inquiétude. Loïfqu'ort; vouloit voir une de fes femmes , ou avoir de fes nouvelles , il demancloit à. laquelle ou de laquelle on vouloit par- ler ; & , dans la fuite , il a avoué que- c'étoit le feul embarras quelle lui eiîf- fent caulé. Perforne ne s'elt fcamVlife- de cette Bigamie j ôc comme il n v a jamais eu de partie plaignante , le Mi— niftèie public 3 ni la juftice., n'en ont: point pris connoiifance. §. nu. Obfervaticrs fur les qualités phyfquer: de a Peuples de Penfylvanïè* Nous ne devons pas omettre une remarque fîpgùlière cjue "on fait au. fujet des habitans de Penfylvanie, Il femble que la nature agiûe plus rapidement dans cette contrée qu'en Europe j car l'on voit la raifon de- vancer la maturité de l'âge. Il n'eft pas rare de trouver des petits garçons en état de répondre à des queftions fort a.u-deiïiis de leur âge , avec autant de julteire & de bon fens , que s'ils étoient: de Pensylvanïe. iyj ils en dreifent , en lan- gue Angloife , un mémoire qu'on fait ligner par les deux parties , de quelque nation ou communion qu'elles foicnt , avec leur fourmilion de s'en rapporter au jugement des Arbitres. Leur déci- sion eft alors un arrêt en dernier ref- fort» Un homme qui ne peut pas payer fes dettes , eft auiTitôt conftitué pri- sonnier , à moins qu'il ne trouve une caution , ou qu'il ne s'engage à fervir, ou fa caution, ou fon créancier, pour un temps proportionné à la fomme qu'il doit. Le débiteur a même la liberté d'engager ou louer un de (es enfans. Le fervice d'un homme fait , pendant une année, acquitte ordinairement une dette de 101 liv. 10 fols, ou 5 livres fterlings. Mais il c'eft un enfant au- jdeifous de douze ans , il eft obligé de fervir jufqu'à l'âge de 21 ans , pour 5 ou 6 livres fterlings. La Juftice criminelle eft très-févère , 6 tous les crimes ont des punitions rigoureufes. Les blafphêmes , les faux L ij 244 Histoire fermons , les juremens même , font punis d'une amende de 5 livres fter- lings , dont la moitié s'accorde au dé- nonciateur qui a prouvé le fait. Tout voleur convaincu d'un vol , quoique de peu de valeur , eft fuftigé cruellement pour la première fois. La récidive , ôc tout vol au-delïus de deux livres fterlings ou 45 livres, eft punie de la corde, fans rémiflion. Il n'y a point d-e Bourreau en charge ainii qu'en Europe. Le premier venu peut faire l'exécution , & fon falaire eft de 5 livres fterlings : aulîi les pen- dus fouffrent-ils beaucoup. On en a vu fe débattre pendant vingt-quatre Se quarante-huit heures. J'ai été témoin moi-même, dit Mitte'berger, cie la mal- adrefte d'un Exécuteur , qui exerçoit fon apprentiiïage vraifemblabîernent ^ car il tourmenta pendant ii longtemps un miférabie criminel , que des per- fonnes de confidération qui étoient préfentes, ne purent s'empêcher de lui en faire des reproches. Mais le Bour- reau , fans s'émouvoir, leur répliqua hardiment : MejTieurs , (i vous fave% mieux pendre que moi > avance^ ici , & chargez-vous de l'opération. Cette ré- ce Pensylvanie. 245 ponfe infolente mit les rieurs de fou côté j & ceux à qui elle était adreffée, furent obligés de fe retirer, confon- dus par les huées 6c les rifées de la po- pulace. Une autre aventure , à laquelle îe même Voyageur a été préfent , va donner une idée de la manière dont fe traitent les affaires criminelles. Une fille, qui portoit des fruits de fon in- continence, accùfe un jeune homme de l'avoir violée j ck. demandé qu'en réparation , il foit condamné à l'épou- fer. Les deux perfonnages font con- frontés. L'accufatrice perfifte à foutenir fa plainte , & l'affirme fur la Bible. L'accufé, loin de répondre fur aucun point de fon interrogatoire , fe con- tente ^ fuivant les confeils de fon Avo- cat , de jetter les regards de côté &: d'autre , &C de fixer les Juges , la bou- che béante , chaque fois qu'il les voit parler. Après différentes queftions, aux- quelles il refte toujours muet, on îe condamne à garder prifon juÇgu a ce qu'il ait fatisfait aux conclufions de (on aceufatrice. Le Confiabel owHuiJJler l'ap- proche , & lui crie trois fois cette Sen- "J 1^6 HlSTOÏR.1 demande pardon aux Juges , s'il n'a pas répondu à leurs queftions : il s'en ex- cufe Air ce qu'il a perdu l'ouie par les cris effroyables qu'a pouffé fon accufa- trice , au moment du délit dont elle l'accufe. La fille qui étoit préfente , ré- plique auflitôt avec vivacité : Comment ,. infigne menteur > pouve^-vous annoncer un pareil fait ? Je nai pas feulement dit une parole. Le jeune-homme en convient en effet, Se la remercie poliment de cet aveu. Les Juges demandent à la fille pourquoi donc elle n'a pas crié. Elle répond que c'eft parce qu'elle ne penfoit pas qu'un feul crime eût des fuites aufïi vinbles. Cette réponfe excita la rifée de tout, l'auditoire , 8c le jeune homme fut § III. Commerce de la Penfylvanie. Manufac* tures. Grands chemins. Louable . ^coutume des hahitans. Les relations principales que cette colonie entretient pour fon commerce, font avec l'Amérique méridionale. ,: DE PeNSYLVANIE. ±47 qifon appelle en Penfylvai'iie Indes occi- dentales ; avec les Antilles, l'Angle- terre , l'Irlande , le Portugal , & tous les établiffemens Européens en Améri- que. C'eft du port de Philadelphie , qt& eft 1j centre & l'entrepôt de tout le commerce de Penfylvanie, que partent hs vaiiïeaux avec leur chargement ; de les bârimens Anglois ont leuls la permifiïon d'y entrer. On porte aux Indes occidentales , de la farine , du beurre , des viandes falées, des bois de charpente , des planches , du miel , du blé de Turquie , ôc d'autres, productions du pays. Les marchandées de retour coniiftent en fucre , en rhum , en indigo , en épiceries , en' argent comptant , 3c en bois de Mohogony. Le véritable bois de Mohogony , ob- ferve M. Kamls , qui croît dans la Ja- maïque , eft prefque aujourd'hui détruit entièrement. Ce que ce favant Suédois appelle Mohogony j porte en France îe nom de bois de Cam pèche j ou de la Jamaïque 3 Lignum lndïcum. Il eft d'un grand ufage dans les teintures noires &£ violettes. On envoyé enfuite une partie des aaarchandifes des Indes occidentales Liv •24S Histoire en Angleterre, en Irlande , avec du fer Histoire mage , de à boire tant qu'il veut. Il erc également le maître de féjourner aulîl longtemps qu'il lui plaît. On fe fait un plaifir de le garder , & de le défrayer lui Se fe.s. chevaux. § I V. État des Domejliqucs en P enjy.lv aniè x & dans toutes les Colonies. Angloïjes. On voit en Penfylvanie ,. Se dan§. foutes les colonies Angloifes , trois for- tes de Domeftiques. Des hommes li- bres, qui fe louent comme en Europe 5 & quittent leurs maîtres quand ils veu- lent. D'autres qui engagent leur liberté pour un certain temps , moyennant une fomme qu'on a payée pour eux : ceux-ci font ferfs jufqu'au terme, convenu. Et. enfin des efclaves. Un bon Domeftique ordinaire gagne par an 16 &: zo livres de Penfylvanie; cette livre vaut. 13 1. 10 f. de France; ce qui fait environ 116 ou 270 livres. Sur ces gages , il eft obligé de s'habiller >• ••in. Se de s entretenir ; mais il eft nourri. Une Servante en gagne la moitié. On DE P E N S Y L V A N I E'. 2 5 I se s'arrête à ces petits détails 3 que pour faire juger que cette colonie eft un bon pays > où l'argent eft très-com- mun. Il n'y a d'autres Domeftiques efclaves que les Nègres , & leur fervitude dure autant que leur vie , à moins que leurs maîtres ne les affranchiffenr. Cependant ces maîtres n'ont point le droit de les tuer : ils feraient eux-mêmes iujets à la peine de mort , prononcée contre tout meurtrier. 11 eft vrai qu'il n'y a jamais eu d'exemple de cette efpèce. En pa- reil cas , on laille au maître , qui a tué' fon efclave ., le temps de s'enfuir j Se on lui en procure, les moyens , parce qu'on craint que les Nègres , prenant occafion de là de s'eftimer beaucoup 3 ne de- viniTent indifciplmables, obftinés ôc in- folens envers leurs maîtres. Leur caractère naturel femble affëz déjà les porter à une parelfe extrême , à laquelle on ne peut les arracher qu'à force de menaces & de févéciré. Pour peu qu'ils joignirent à ce défaut inné ,. l'idée d'être à l'abri des mauvais traiter- menSj il n'y a point d'excès auxquels ils ne fe portaient , plutôt que de ie léfoudre à travailler. L vj ïfï H r s t o i r i En général 3 tous les Nègres fons bien dans les colonies Angloifes , 8c l'on ne met point de différence entre eux 8c les autres Domeftiques, pour leur nourriture 8c leur entretien. Au contraire , dans les Indes occidentales 3 8c furtout parmi les Efpagnols, les mal- heureux, parce qu'ils font noirs, font traités avec la dernière barbarie. Audi l'on ne peut faire ici de plus terrible menace à un efclave , que de lui dire qu'on le fera vendre dans l'Amérique Efpagnole. Autrefois tous les Quakers fe fâi- foient un fcrupule d'avoir des efclaves. A préfent le plus grand nombre en pof- sède, comme tous les antres habitans. Quelques-uns cependant , trouvant en- core qu'il eft contraire à la Morale Chrétienne d'avoir des efclaves , n'en veulent point. D'autres leur rendent la liberté , après en avoir été fervi fidèle- ment pendant quelque temps. Les Loix défendent le mélange des Blancs avec les NégrefFes, des Noirs avec les Femmes blanches , 8c elles prononcent même des peines afflictives contre ceux qui font ou facilitent ces unions. A l'égard des mariages entre DE P E N S YL V A N I E. Z$ç les Nègres j ils font communs , & ils apportent affez de profits aux maîtres , pour qu'ils cherchent à les multiplier autant qu'il eft poffible , en nourrilfant- des individus des deux fèxes. Lorfquedu commerce de deux Noirs il provient des enfans , ils appartien- nent toujours au maître de la femme. Je me fuis informé foigneufement , obferve l'Académicien. Suédois , û l'on ne remarquoit pas que la couleur de ces Africains s'altérât infenlibie^ ment ; mais on m'a répondu qu'à la troifième génération même , on n'avoir, pas remarqué la moindre différence. On m'a fait voir en effet des Nègres , donr les pères ôc les grand-pères étoient , ainfi qu'eux j nés en Penfylvanie, &c je les ai trouvés d'une couleur auflî noire que ceux qui étoient nouvellement ar- rivés d'Afrique. En général , tous les Nègres des a>- lonies Angloifes le plaignent de l'in- différence de leurs maîtres 3 fur l'article de la Religion , &c font mécontens de ce qu'on les lailfe dans les ténèbres du Paganifme. Il y a plufieurs perfonnes qui empêchent même que leurs ef- claves ne foient inftruits des vérités *5 4 Histoire du Chriftianifme \ afin , difent-elîes ^ de ne pas avoir pour frères fpirituîls des gens d'une nation fi méprifable^ D'autres- perfonnes font d'avis qu'on ne peut trop avilir Se traiter crop dure- ment les Nègres , parce qu'ils pourroient fe perfuader que la Religion les rend égaux à leurs maîtres , &c que cette opinion ne ferviroit qu'à les rendre mutins Se indociles. Le prix d'un Nègre bien conftitué Se en bonne fanté , eft , en Penfylvanie 5_. depuis ) o jufqu'à i oo livres , monnoie du pays (a). Uu petit garçon, une petite fille de trois ans , valent depuis dix jufqu'à vingt de ces livres ( 170 1. ).. On en trouve très-difficilement à cet âge , parce que les Quakers , & dif- férens autres Sectaires , s'empreiTent de les acheter pour les élever dans leurs principes , &: leur donner enfuite la liberté. On remarque que les Nègres , nou- vellement arrivés dans ces contrées , font beaucoup plus fenfibles au froid (a) La livre valant 1 3 1. 10 fols ,, les 100 liv, font 13/0 livre de Pensylvanie. iyf que ceux qui y font nés. Les premiers- perdent fouvent des membres , qui fe ieparent de leurs corps comme s'ils- avoient été coupés. Pour qu'ils ïourTrenc moins de la rigueur du climat , il eft bon de les tranfporter fucceff vement de leur pays dans l'Amérique méri- dionale y enfuite dans les pays plus fep-* tentrionaux. En 1620, lorfque les Hollandois; apportèrent les premiers Nègres en Penfylvanie , les Sauvages les prirent, pour des mauvais efprits , & leur don- nèrent le nom de Manittou , mot qui ,, dans leur langue , lignifie également Dieu 5c Diah/e. La vue feule d'un Nègre eût fait fuir cent Sauvages \ au lieu que les premiers Européens leur paroiiïbient des Dieux. Avec le temps , ils fe*, font familiarifés avec la couleur noire des Nègres. Aujourd'hui même il y en a plufieurs qui habitent parmi eux. Il eft peu d'établilîemens Européens où l'on voye a'utant de Nègres libres qu'en Penfylvanie , dans la nouvelle York , cV dans les autres colonies An- gloifes, où font établis les Quakers D parce qne leur Religion leur en fait un mérite. Cependant on ne peut donnez 1^6 Histoire la liberté à des Nègres , dans toutes les polfeflïons Angloifes , fans leur aflïgneir en même temps un revenu qui les mette en état de fubfifter ; afin que la né- ceilité ne les porte pas au crime , ou qu'ils ne tombent pas à la charge des Communautés, «^ **(( Vf* de Pensylvanie. 257 CHAPITRE XII. Des Sauvages ou Habïtans naturels de Penfylvanie. § i- Noms de ces Sauvages. Pays qu'ils occupent. Leur portrait. Leurs habillemens* Va n t d'entrer dans aucun détail fur la conduite politique des Quakers , il eft intéreffant de faire con- noître les ennemis, qui leur donnent le plus fouvent occasion de développer leurs principes extraordinaires. Ce font les habitans naturels de Penfylvanie 3 connus fous le nom de Sauvages. On en diftingue deux nations , qui , cependant , n'ont rien de dif- férent à l'extérieur , ni dans leurs ufages. Les uns portent le nom de Chouanons ; & leurs habitations , qui commencent à l'oueft des montagnes Allégany , s'étendent fort loin vers le fleuve Ohio. 2^8 Histoire Les autres , appelés DelLiware? , ha- bitent les bords du bras feptentrional de la Sufquehanna , 8c font répandus fort avant dans les terres , jufques fur les frontières du Canada.. On voit rarement de ces Sau- vages" dans les parts de la colonie , parce qu'ils reculent prefque tous les ans leurs habitations dans les terres,. à mefure qu'ils vendent des portions de leur terrein , qui eft voihn des éta> blifTemens Européens. C'eft d'après M. Penn (a), le pre- mier propriétaire de la Penfylvanie , 8c d'après Mirtelberger 8c Caftelmann.,que nous parierons de ces habitans naturels. Ils font communément d'une belle ■taille , bien proportionnés ; leur phy- fionomie eft aifez femblabie à la nôrre pour les traits, mais ils font très baza- nés ; non pas que cette couleur leur fait narurelle ,. mais le foin qu'ils ontdefe frotter le vifage 8c tour le cops de graille d'ours, 8c de s'expofer en fuite- au foleil , fait qu'ils reftent toujours- d'une couleur bronzée. Leurs. yeux font ( a ) Lettre de M. Penn , Propriétaire & Gouverneur de la Penfylvanie , de 1685 , cou- tenant une deferi in-ii, la Haye» DE P E N S YL VA NI t. 259 petits , noirs , & reiTemblent fort à ceux des Juifs. Leur démarche eft noble &c afTurée. J'en ai vus , dit Tenn, dans l'un Ôc l'autre fexe, qui avoient des vifages auffi gracieux &c auûi mignons qu'en ont les Enropéens.. Leurs habillemens ne confident > pour les hommes comme pour les femmes, qu'en des efpcces de tapis grofïiers , co- peaux d'animaux 3 qu'ils mettent fans façon fur leurs épaules pendant l'hyver.. En été ils courent tout nuds 3 grands &C petits y dans leurs villages j mais s'ils fréquentent les établifTemens Européens, iJs fe couvrent depuis la ceinture juf- qu'aux genoux. Hommes & femmes portent , épars fur leurs épaules y leurs, cheveux , &à font erd^.îrrcnicr.î; ân*ê2 longs 3 mais noirs & lilTes. Ceux qui veulent fè parer, fe peignent le fionr &: les joue3 en rouge , & portent à leurs oreilles des pendans de bois ou de co- quilles , qui ont vingt-deux pouces de. long (a).. (a) Mitrelberger dit qu'ils pendent 2. leurs oreil- les des Nuficr ratifies , de la longueur d'une aun§: d'Allemagne. Ce mot de ÎHufier , étranger aux langues Allemagne & Angloife , n'a pu être ligfldii, puifqu'il ne a'entend pas. i6q Histoire L'uniformité des vëtemens des deux; fexes , & le défaut de barbe dans les hommes, font qu'il eft difficile de diftinguer ceux-ci des femmes. ïl ne paroît pas que la qualité d'imberbe leur foit naturelle 5 ils ne la doivent , ainli que je m'en fuis informé , dit notre Voyageur Allemand, qu'à l'attention fingulière qu'ils ont dans leur jeunelLe, d'arracher tous les poils de leur men- ton j, à mefure qu'ils pouffent. Au refte, depuis qu'ils ont eu des relations avec les Européens, l'ufage de chemifes, d'habits de de culottes, a été adopté par quelques-uns de ces Sau- vages , êz pourra bien s avec le temps 7 fe communiquer à toute la nation. § n. Logemens, meubles des Sauvages. Leur nourriture 3 leur langage. Leurs maifons font faites de nattes ou d'écorces d'arbres , portées fur des traverfes , que foutiennent quatre pieux plantés en quarré. Pour les mettre a l'abri du vent , ils ne leur donnent qu'environ fix pieds de hauteur. Un £> E P E N S Y L V A N I E. l6\ ffou s pratiqué dans le toit , y fert de cheminée. Les lits font faits de ro- feaux ou de longue herbe scche. Leurs meubles conlïftent en un pot, deux ou trois calebalTes , un gobelet , 8c quel- ques ou:ils de fer. Leur nourriture commune eft du fiiahis, préparé de différentes manières j des racines de plantes , du poitîon , &. de la chair de toutes fortes d'animaux. Quelquefois ils font cuire les grains de mahis fous la cendre , d'autre fois dans l'eau. Ils l'écrafent auffi pour en faire des efpèces de gâteaux , qu'ils appellent domines > $c qui , fuivant Penn , n'ont pas mauvais goût. Ils ont auffi plufieurs fortes de fèves $c de pois , qui leur fourniflent de bons alimens. A l'égard Je leur boiflTon , les ruilTeaux & les ri- vières font des fources inépuifabies pour eux. Leur langue, dit Penn , eft mâle , brève , ferrée ôc pleine d'énergie , en quoi elle reiTemble aifez à l'Hébreu. Un mot fert pour trois , & le relie eft fnppléé par l'intelligence de ceux qui écoutent. Ce langage eft imparfait dans les temps , défectueux dans les modes , participes, adverbes, conjonctions 5ç a£i Histoire interjections. Je me fuis, en quelque façon, appliqué à apprendre leur langue, '•afin de me pouvoir pafler d'interprète en différentes circonilances j & je peux dire que je ne connois point de langue en Europe , qui ait plus de douceur ôc I de noblelle que celle-là. Il me femble que les mots luivans , qui font des noms de lieux , ont un fon majeftueux: Oclorockon , Rancocus , Oriclon , Sha- ■kamaxon , Poquejjîn. La douceur fe rencontre dans ceux- C1 : Anna j c'eft-à-dire , Mère. Ijjimus y Frère. Netap j Ami. Queoret, Très-bon. Sépajjen, Pajfajon, Noms de Villa- ges^ Poyée , Du pain, Metfe , Serment. "Hattciy Avoir. Payo. Venir. Itah , Bien vous foir. Tamane 3 Secane 3 Mcnanfe , Seca- tereus 3 noms propres. Si on leur demande quelque chofe qu'ils n'ont pas , ils répondent mattane hatta}- ce qui fignifie , fuivant l'ordre © E P E N S Y L V A N I I. »ffj des mots , moi non ai. Ils ont des chan- fons particulières , dont les airs font affez mauvais -, leurs inftrumens de mu- fique ne valent pas mieux. | III. Ufages particuliers. Education des exfans. Leurs Mariages. Leurs Funérailles. Leur Deuil. Ils mangent deux fois par jour , le matin & le foir. La terre leur fert à la fois de table & de chaife ; •&, de cette façon, ils trouvent partout la table mife. Mais ce qui fait leur malheur , c'eft que les Européens qui font arrivés dans leurs contrées, leur ont appris à connoître les liqueurs fortes. Ces pau- vres Sauvages fe font pris d'une paflïon fi violente pour ces boilfons , & furtout pour le rhum , qu'ils donnent tout ce qu'iis ont de plus précieux pour s'en procurer. Quand ils ont une fois com- mencé d'en boire , & que leur tête en eft échauffée, ils ne difcontinuent pas qu'ils n'ayent vuidé tous les flacons. A chaque mitant ils crient de toute leur force : Encore un peu davantage , & j'irai dormir. â^4 Histoire Lorfqu'un Européen vient leur ren- dre vifite , ils lui donnent toujours la place la plus honorable } fk lui fer- vent le premier morceau. Quand, ils viennent nous voir , leur falutation eft itah , bien vous foit. En- fuite ils s'afTeôient à terre fans fa- çon , les jambes étendues y ou quel- quefois appuyés fur leurs talons. Ils relient ainfi fans dire une parole ; mais ils examinent tout ce qui fe pafife autour d'eux. Si on leur offre à boire ou à manger, ils l'acceptent \ autrement ils ne demandent rien. Pourvu que les dons qu'on leur fait leur foient pré- fentés avec arïe&ion 8c cordialité , ils s'arrêtent peu à leur valeur. S'ils re- marquent de l'humeur , ils s'en vont très mécontens 5 fans cependant le faire connoître. Dès que les filles font parvenues au moment de nubilité , elles mètrent fur leurs têtes une efpèce de petit voile , qui indique leur état, cV qui leur cou- vre le vifage , de manière qu'on ne peut pas le voir. Les filles fe marient ordi- , Clairement à douze ou quinze ans , 6c les garçons à dix fept ou dix-huit, 8c très - rarement au-delïous de cet âge. Le* DE pENSYLVANlS. l6z Les demandes , dans ces circonftances , fe font aux parens , à qui l'on fait des préfens pour acheter leur nlle. Les Sauvages ne prennent jamais qu'une femme ; & on ne remarque pas que leur union (bit ni précédée, ni fuivie d'aucune cérémonie religieufe. Quelques filles s'abandonnent fans fa- çon au premier qui veut les payer, dans la vue de fe faire une dot. Mais , du moment qu'elles font mariées , leur <:hafteté eft 11 grande , qu'elles ne per- mettent pas à leurs maris de les appro>- cher , dès qu'elles font devenues gtof- fes. Elles reftent un mois après leurs couches fans rien toucher avec les mains nues , à caufe de l'état d'impureté dans lequel elles fe croyent. Aufficôt qu'un enfant eft né , on le lave dans de l'eau froide , & l'on a cou- tume de le plonger fréquemment dans les rivières 3 tant qu'il eft en bas âge. Après avoir enveloppé le nouvea:i né dans un linge , on l'érend îur un ais droit 8c mince , un peu plus long que l'enfant. C'eft-là leur manière d'em- mailloter les enfans , pour en faite des hommes d'une belle taille \ & c'eft cette méthode qui eft probablement la raifon M i66 Histoire «de ce que tous ces Indiens ont la tête platte. Les enfans commencent, a marcher & courir ordinairement à lage de neuf mois. Leur premier exercice eft la pêche , & leur fert à acquérir des forces pour aller à la chaffe ; ce qu'ils font à quinze ans. Quand ils ont don- né des preuves de courage & de' force, par la quantité de peaux qu'ils ont rapportées , ils peuvent fe marier ; autrement ce ieioit fe deshcnorer que d'y penfer. Les filles demeurent auprès de leurs mères pour les aider à travailler à la terre > &c c'eit le métier qu'elles font toute leur vie \ car les femmes font les fervantes de leurs maris 5 qui pour- tant leur témoignent beaucoup d affec- tion. Il n'entre non plus aucune cérémo- nie dans leurs funérailles. Les maladies femblent leur caufer baaucoup d'in- quiétude. Il n'y a rien qu'ils ne don- naient pour recouvrer la fauté , ou pour la rendre à leurs enfans , qu'ils chérifîent fort tendrement. Leurs re- mèdes ne font que des racines en dé- coction , ou des funples infufés. S'ils DE PENSYLVANIE. 167 mangent de la viande, alors il faut que ce fou d'un animal femelle. Quand le malade eft mort , on l'enterre tout ha- billé , homme ou femme. Les plus pro- ches parens , pour preuve de leur atta- chement 3 font obligés de jetrer dans la folle quelque chofe , dont le mort a fait beaucoup de cas pendant fa 'vie. Leur deuil confifte à fe noircir les yeux pendant un certain temps. lis ont grand foin de veiller à ce qu'on ne perde pas le fouvenir des endroits où font enterrés leurs parens. Il n'eft pas permis de les cultiver , ni de les em- ployer à aucun ufage. Ils relèvent la terre qui eft ramalTée par-defTus la foffe , à mefure qu'elle tombe , 6c fonc fort foigneux d'arracher l'herbe qui pourroit y croître. § IV. Ufagês religieux. Cérémonie folemndle. En matière de Religion , ces Sau- vages font dans la nuit la plus obfcure : du moins , dit Penn , en ce qui regarde M if -2.6% Histoire la Tradition & FHiftoire de la Ctëa- tion. Ils reconnoiflenr cependant une Divinité. Us croyent à l'immortalité de lame , fans -fe douter de métaphy- fique ; car ils difent- qu au midi de leur pays , rende un grand Roi , dont l'empire eft celui de la gloire 8c du bonheur , & que les âmes des gens de bien iront y prendre une autre vie. Leur culte confifte en deux points j en oblations ou facrifices., 8c en ca-n-. tiques. Us font des offrandes des pre- miers fruits qu'ils recueillent. Ils font rôtir auffi 9 dans certain temps de l'an- née , ie plus grand ours ou cerf qu'ils tuent : après quoi, celui qui préfide à cette cérémonie , chante un cantique fur un ton lugubre 8c lamentable j mais avec un zèle fi fervent > qu'il eft tout en fueur. Ils ont d'autres cantiques qui font mêlés de danfes & d'exclamations de joie. Deux perfonnes de bout au milieu de Faffemblée , entonnent le cantique , 8c le conduisent enfuite en battant fur une planche. Leurs attitudes, dans la datafe, font fingulières \ mais mefurées 8c aflfez juftes. Ils mettent d'ailleurs tant de vivacité 8c tant de joie -dans DE PeNSYLVANI!". l4f leurs mouvemens , que leur exté- rieur annonce le plus vif contente^- ment. Dans l'automne, quand ils ont fak leur récolte de mahis , ils fe régalent les uns les autres. J'ai vu deux de leurs Fêtes folemnelles. Tous les étran- gers y font bien reçus. J'ai ailîfté cette année à une de ces folemnités. La place d'honneur qu'on me donna , fut un banc de verdure, à l'ombre de deux gros arbres fort touffus , & tout près d'une fontaine. 11 y avoit vingt cerfs , avec des gâ- teaux de blé nouveau j favoir , de fro- ment 8c de ^èves. Ces gâteaux font carrés , & cuits fous la cendre. Cha- cun des afliftans de la nation eft obli- gé d'apporter à cette Fête un petit préfent de leurmonnoie, de la valeur d'environ fix fols. Cette pièce eft faite d'une coquille de poilTon. Celles qui . font noires font eftimées comme l'or , Se les blanches palTent pour l'argent. Ces pièces, noires ou blanches j s'ap- pellent Wampon en leur langue. M iij 47© Hl S T O I Rï § v. Gouvernement de ces Sauvages. Manière dont ils tiennent leurs Ajjcmblées pu- bliques , dont ils traitent les Af- faires. Ces Sauvages font gouvernés par des Chefs ou Rois s qu'ils appellent Sachi- mas. Ces places cie Rois, qui font hé- réditaires dans les familles , ne palîent pas aux enfans ) mais aux neveux des Rois du côté de leurs fceurs , &c ainiî fuccemVement des oncles aux neveux mâles de la ligne féminine. Ils difent •pour raifon de cette fuccefiion , que Iqs SuccefTeurs ne font point bâtards , & defcendent toujours du Sang Royal de leurs Princes. Chaque Roi a fes ConfeillerSj qu'il choifit parmi les fages & les anciens de la nation , qui ne comprend pas plus de trois ou quatre cens hommes. Il n'entreprend rien d'important , fans avoir préalablement aflfemblé fon Con- feil. Les matières de paix , de guerre y de commerce , font les objets ordi- naires de leurs délibérations. On ap- DE P E N S Y L V A tf I E. Ij % pelle aufîî quelquefois au Confeil des jeunes gens, dont la fageiTe eft recon- nue. C'eit une chofe étonnante que de voir combien ces Rois ont de pouvoir fur leurs Sujets, quoique cependant,. pour fe fervir de l'expreflion du Qua- ker Hiftorien , ils ne fe meuvent que par le foufrle de leurs peuples. J'ai eu Foccaiïon de traiter avec eux, touchant une vente de terre , &c pour ftipuler les conditions d'un commerce avec eux. Voici l'ordre que j'ai remar- qué dans leurs aiTemblées. Le Roi eft ailis , avec fes Confeiilers à fes côtes en demi-cercle. Un peu derrière font les jeunes gens rangés de la même manière. Après avoir examiné mes demandes , &c entendu leurs avis;, le Roi ordonna qu'un des Confeiilers me vînt parler. 11 fe leva , s'approcha de moi j me falua au nom du Roi; en me prenant la main. » Le Roi 3 me » dit-il, m'ordonne de te parier ; mais r> ce n'eit pas moi qui te parle , c'eft r> mon Roi ; car c'eft fon fentiment &c }•> fa volonté que je te vais expliquer «. II me dit en fuite de ne point trouver mauvais qu'ils ne m'eutïent pas con- tenté la dernière fois ; qu'ils avoient M iv i-i Histoire craint que mon Interprète , qui n'étoit ni Indien , ni Anglois , eût mal rendu. mes demandes & leurs réponfes. D'ail- leurs , que leur manière de délibérer fur les affaires étoit d'y employer beau- coup de temps, & de fe consulter long- temps avant que de prendre une réfo- îution • que cependant fi les jeunes- gens &c les propriétaires de la terre que je demandois à acheter , enflent été- aufiî expéditirs qu'eux , l'affaire n'au- roit pas tant traîné,. Après ce préambule , il entra en ma- tière : il parla des limites du terrein que je defirois., du prix qu'ils met- toient à fa ceffion ; & certes à préfent. ce prix eft confldérable ; une étendue de pays de deux milles anglois , coûte- aujourd'hui (en i63i) ce que coûtoit autrefois l'étendue de vingt milles. Pen- dant tout le temps qu'il me parla y tout le Confeil garda le filence le plus profond , & le féri'eux le plus tran- quille. La gravité brilloit fur le front des anciens ; fur celui des jeunes , c'é- toit le refpect. En général , ils parlent peu ; mais c'eft toujours avec autant de majeité que d'éloquence 3 non de cette éloquence factice, dont un pédanr, Tî E PeNSYLVANIE. 275 couvert de la poudre de fon école , croit donner des leçons , en comparant fes phrafes 8c en mefurant fes geftes j mais de cette éloquence vive & natu- relle , qui provient de la netteté des idées &c de la profonde méditation de fon lujer. Il feroit difficile de trouver en au- cun pays des hommes d'un plus beau génie , fi Ton coniidère fur tout qu'ils font privés des fecours de toute tradition écrite , qui peut être fert bien moins à éclairer , qu'à corrompre le coeur humain. Au refte, on ne pourroit re- fufer le titre de fage , à quiconque par- viendroit à les furpaflfer dans la négo- ciation d'une affaire qu'ils entendent , ou qui les intéreffe. Lorfque le marché fur conclu ; nous nous donnâmes mutuellement de gran*- des marques d'amitié j l'on fe promit de vivre dans l'union 8c en bons voi- fins. Oh convint que la bonne intelli- gence 8c la paix règneroient entre les Anglois 8c les Indiens , tant que le foleil répandroit fa lumière fur le monde. Après ces promeiTes , un autre Gonfeiller fit un difcours à l'AiTem— ■ Blee de la part du Sachimas. M.V 274 Histoire Il expofa premièremenr le traité de- vente qui venoit d'être conclu j en- fuite il déclara que la volonté du Roi étoit qu'on aimât les Chrétiens , &£ qu'on prit foin d'entretenir la paix avec moi j de même qu'avec tous ceux qui étoient fous mon Gouvernement;, difant qu'il y avoit eu plufieurs Gou- verneurs fur cette rivière , mais qu'ils n'en avoient jamais vu aucun qui fût venu l'habiter en perfonne avant moi -y que je me comportois ii bien avec eux, que jamais ils ne me feroient en rien aucun tort , ni aucune injure. A cha- que phrafe qui renfermoit une condi- tion j une promeiTe , toute rAlfem- blée faifoit une exclamation, pour af- furer , à leur manière , qu'ils defiroient tous que ce traité fût obfervé. 11 fut aufîi convenu qu'en cas qu'il furvînt quelque brouillerie entre nous, £x Arbitres élus de part & d'autre y termineroient le différent à l'amiable» ^^ t> E P E N S Y L V A N I E. 275 § VI. Qualités naturelles de ces Sauvages* Bonheur de leur condition. Qu'on ne faife point de tort à ces peu- ples , 8c qu'on leur rende juftice ., on eu; mî de gagner leur aftedtion. Ce que je trouve de plus malheureux pour eux , c'eft qu'ils font devenus plus médians depuis que les Européens ont répandu leurs opinions 5c leurs traditions par- mi eux. Ils ont d'ailleurs d'excellentes qua-« lires. Leur générofité s'étend au-delà de tout ce qu'on peut dire. S'ils ont quelque objet rare ou précieux , ils le donnent volontiers à leurs amis. Ont- ils quelque beau fudl , quelque belle robbe , ces chofes paieront par plus de vingt mains , avant de s'arrêter dans aucune. En général , leur cœur efl: volage , leur caradère inconftant. La violence accompagne toutes leurs paf- iions j mais elles font de peu de du- rée. Ce font de honsvivans, obferve Penn. Il n'y a pas de gens au monde qui aient plus M «j , Zj6 H 1 S T O J R E de penchanr à la joie. Ils fe divertiP Jfent un meurtre même , le le plus fouvent fe font oublier avec clés préfens, & un certain nombre de leurs Wampons , qui fe proportionne x Fâge &c à la qualité de la perfonne of- fenCée. Le meurtre d'une femme fe paye une fois autant que celui d'un homme. Dans le cas cependant où le meurtrier n'eft pas en état de donner une fatisfaction convenable a la fa- mille, ou fî c'eft un Anglois qu'il a aiîaffiné, il eft conduit devant le Roi qui l'interroge , 8c qui ordonne qu'on le conduife à- l'endroit où s'eft palfé le délit. Là, on l'alfomme, 8c on l'en- terre fur le champ. Il faut de même avoir grand foin de punir un Européen qui tueroit un Sau- vage y autrement ils égorgeroient tous ceux qui tomberoient entre leurs mains* fans diftinguer l'innocent du cou- pable. Il arrive rarement qu'ils aient que- relle enfemble, quand ils font à jeun y 8c s'il s'en élèvent lorfqu'ils font y vres > ils fe pardonnent mutuellement , en difant que ce n'eft pas l'homme, .mais le vin qui a fait l'injure. .DE PeNSYIVANTE, Zfq Avant que les Européens leur euiTent fourni des armes à feu , ces Sauvages n'en avoieilt point d'autres que des arcs , avec lefquels ils kneoient éga- lement, ou des tlèches, ou des pierres pointues &c effilées en tranchant. Ces pierres font de la longueur du doigt ., ôc large d'un pouce à une extrémité , pointue à l'autre , & tranchante comme un couteau , fur fes deux côrés. Pour preuve de ce récit , Mittelberger dit avoir apporté une de ces pierres en Alle- magne, à fon retour de Penfylvanie. Ces Sauvages font beaucoup plus riches que nous , parce qu'ils ont moins de befoin , &c que peu les contente.. S'ils n'ont pas autant de plaifirs , ils ne relTentent pas non plus autant de peines & de chagrins. Les hazards de la mer Se les lettres de change , ne troublent pas leur repos ; le démon de la chi- cane ne les tourmente point ; ils n'ont rien à démêler avec la Chambre des Comptes. Nous fuons Se ahanons pour vivre ; eux , au contraire , vivent fî agréablement , qu'ils fe nourrilTent de leurs plaifîrs même , de la chaiTe & de la pêche. Quelques petites que foient les co%- r8o Histoire noilfances de ces peuples , & quoique-; les Chrétiens ayent Fur eux à cet égard beaucoup de fupériorité ; néanmoins * avec les lumières dont ils le vantent , ils- n'ont pu atteindre encore à l'innocence de cette vie , que la foible raifon de ces Indiens leur a toujours prefcrit. Quelle heureufe Société ne fe forme- toit pas , fi des gens doux , & d'une conduite irréprochable , venoient fe mêler à ces habitans naturels, qui ont- une connoiflance fi diftin&e du bien, & du mal?. § VII. Caractère de ces Sauvages. Exemples de leur intelligence & de. leur Leur caractère n'eft point exempt de diffimulation. Ils favent très-bien cacher les fentimens qu'ils ont d'une chofe j & je juge que cela vient de de ce qu'ils font très- vindicatifs. Us- exercent fouvent leur vengeance, les uns contre les autres j & , fur ce point , ils ne le cèdent en rien aux Ita- liens. G'eft de quoi je peux rapporter- de PenSylvanie. zS I un rrifte exemple donc j'ai été té- moin. La fille d'un Roi jugeant que fort mari cefiok d'avoir de l'attachement pour elle , parce qu'il avoit fait coiv cher une femme entre eux deux , fe lève un initant après 3 & va manges- dune certaine racine , dont elle mou- rut fur le champ ; fur quoi, la femaine étant pa(fée 3 il fut obligé de faire un préfentaux parens de fa femme, pour les appaifer , & pour avoir la liberté de fe remarier. Deux autres Sauvages veufs ont auffi été obligés de donner des pré- fens aux parens de leurs femmes , quoiqu'elles fuffent mortes naturelle- ment. C'eft une coutume établie , que les hommes veufs ne fe remarient qu'a- près en avoir acheté la permiffion des. parens de leurs femmes. M. Kalms fait auffi de ces Sau- vages un portrait , qui s'accorde par- faitement avec celui qu'on vient de tracer d'après Penn. 11 n'y a point d'hommes pins exacts. à tenir leur parole à leurs alliés , &. plus fidèles a leurs promelTes , pourvu* qu'ils 'ne s'apperçoivent pas qu'on Les; i8i Histoire trompent. Leur affabilité envers les étrangers n'a pas plus de bornes que •leur hofpitalité ; ôctout voyageur jouit, parmi ces nations , d'une plus grande fû- reiié que celle dont on jouit en bien des Royaumes civilifés. Cependant il n'y a ni gardes , ni troupes , pour purger les chemins de brigands. L'amour naturel qu'Us ont pour l'équité, l'innocence de leurs mœurs, la (implicite de leur vie 5 voilà le bouclier qui garantir de toute infulte ceux qui parcourent leur pays. Un marchand Anglois ayant tin jour été trouvé aiïaffiné fur le territoire des Dellawares , il fe parla plusieurs années fans qu'on put découvrir l'au- teur de ce crime. Les Sauvages cepen- dant , qui ne fe lafloient pas de faire des informations entre eux , découvri- rent que l'alfa (lin étoit un de leurs compatriotes. Ils s'en faiiîlfent auflkôt, lui lient les mains derrière le dos , Se l'amènent fous une efeorte à Philadel- phie, où ils le livrent au Gouverneur. Ils lui déclarèrent que ce fcélérat, qu'ils ne reconnoiiToient plus pour leur cama- rade , avoit afTalliné le marchand An- glois , qui avoit été trouvé , il y avoit DE PeNSYLVANIE. 2§J deux ans , fur leur terrein j qu'ils le lui livroient pour le faire juger par les Loix Angloifes. Ce coupable hit en effet pendu peu dé jours après à Phi- ladelphie. L'intelligence , la pénétration &c la mémoire de ces peuples , ne le cèdent en rien à leurs autres bonnes qualités. Lorfque des Députés viennent pour traiter des chofes importantes avec les Gouverneurs des Etabli ifemens Euro- péens , ils s'affeoient d^abord devant lui fur la terre > &c prêtent une oreille attentive à fon difcours. Quelques nombreufes &: quelques étendues que foient les propositions qu'il renfer- me , ils n'écrivent rien ; ils fe con- tentent de faire , de temps en temps avec leur couteau , une entaille à un baron qu'ils tiennent à la main. • Le lendemain , lorfqu'ils viennent rendre une répynfe au Gouverneur , ils fui- Vent fon difcours de point en point, fans en oublier un feul article , & fans même en intervertir l'ordre , cîe la même manière que s'il leur avoit été donné par écrir. L'exemple fuivant peut donner une idée de leur favoir. Un marchand Au- X84 Histoire glois , nommé Sleidorn , ayant un join* rencontré dans une hôtellerie plusieurs Sauvages , parmi lefquels il y en avoir un vieux d'une physionomie refpe&a- ble j s'approcha d eux pour lier conver- fation. Le vieux Sauvage offrit de gagée avec Sleidorn, qu'il fav-ok lire Se écrirs l'Anglois aufli bien que lui. Le Mar- chand lui dit, que pour s-'en aiïurer > il falloir qu'il lui fît quelques queftions. Le Sauvage y confentit,,. à condition qu'il aurcit fa revanche. Sleidorn demande au Sauvage quel a été le premier homme circoncis. Ce- lui-ci répond, c'eft le père Abraham» Le Sauvage demande enfuite à l'An- flois s'il connoiiïoit le premier Qua- er, L'Anglois embarraffé nomme deux. ou trois hommes j mais le vieux Sau- vage , remuant la tète & fouriant ma- lignement , lui dit : Tu n'y es pas. C'eft Mardochée qui eft le premier Quaker du monde , puifqu'il ne vou- lut pas ôter fon chapeau devant Amant.. DE P E N S Y L V A N I E. 185 § VIII. Conjectures fur l'origine de ces Nations.. Quand à l'origine de ces Sauvages , c'eft un point d'autant plus difficile à éclaircir , qu'ils n'ont ni faits, ni hif- toires. Si l'on confulte la tradition «raie qu'ils ont reçue de leurs pères , c'eft une fable qui ne mérite pas d'ar- rêter des perfonnes raifonnables. Et comment des Barbares, fans lettres , fans annales, fans ProfefTeurs , ne don- neroient-ils pas dans des contes abfur- des & ridicules , puilque les nations les plus fa vante s & les plus policées de la- terre , ont toujours débité , fur leur origine j des fables puériles, que la vani- té dictoit bien plutôt que la vraifem- blance ? Je ne fuis pas éloigné de croire 3 dit Penn , qu'ils font de race Juive ; &c je penfe qu'ils delcendent des dix Tribus. Ce qui me confirme dans cette opi- nion , c'efl que ces Tribus dévoient al- ler dans un pays, qui n'étoit ni planté, zù connu. Àlïurément ce devoir être lS6 H 1 S T O IRE l'Aiie ou l'Afrique j Se je ne vois nulle impofïibiliré à aller de l'Aiie à l'extré- mité de l'Amérique., furtout quand on a pour guide celui qui a créé les terres, de qui commande aux élémens. Je trouve de plus que leur vifage ref- femble aux vifages des Juifs 3 8c dans les enfans furtout. Leurs coutumes les rapprochent en* core des Juifs. Comme eux ils comp- tent par lunes. Ils offrent les prémices des fruits. Us ont une efpèce de Fête des Tabernacles. Plulieurs ufages de leurs femmes font analogues auiîi à ceux des Juifs. Le Père Lafiteau, dans fes recher- ches fur les mœurs des Sauvages , eft fort loin d'attribuer une origine Juive aux Iroqucis , dont les Sauvages de la Penfylvanie 8c du Canada forment une branche. Ce favant Jéfuite {.a) , après avoir obfervé que les Sauvages con- viennent qu'ils font étrangers au pays qu'ils habitent, 6c qu'ils font venus de loin du coté de l'oueit , c'ell-à-dire, de (a) Mœurs des Sauvages. Tome premier. page 85. DE PENSYLVÀNIÉ. 287 l'Afie , conjecture que tous les Sauvages de l'Amérique feptentrionale défen- dent de ces Barbares, habitans du con- tinent £c des îles de ia Grèce , qui font connus fous le nom générique de iV- lagiens & d'Bclleniens. Ils envoyèrent d'abord plufieurs colonies de tous côtés pendant plufieurs llècles. Mais ils fu- rent enfin prefque tous chaflés de la Grèce , par les Cadmonéens ou Agéno- rides, qu'on croit être les fûjetscTOg, Roi de Bazan , dont il eir parle dans l'Ecriture , & qui apportèrent , du pays des Chananéens , les lettres & peut-être la langue Grecque. C'eft dans l'Ouvrage même du Père Lariteauj qu'il faut voir quelle ef! la bafe de fes conjectures , & comment une profonde érudition , foutenue de quelques probabilités tirées de la ref- femblance des Sauvages de l'Amérique avec ces anciens Barbares Grecs , lui feirt à étayer un fyftême , qui, s'iln'eft pas vrai , efl: du moins très-vraifem- blable. aS8 Histoire CHAPITRE XIII. Gouvernement Militaire de la Penfylva- nie. Cruautés inouïes des Sauvages Dellawares. Fanatifme des Quakers. Tableau dt ce qui s'y ejl pajje depuis IJS4 , jufauà la fin de lj$ô%' LA guerre qui venqit de s'allumer dans le Canada , entre l'Angle- terre & la France en 1754, embrafa bientôt toutes les contrées voifines j & la Penfylvanie ne fut pas épargnée. Les ïrançois 3 perfuadés de n'y trouver qu'une foible réhitance, à caufe des prin- cipes pacifiques des Quakers, la menacè- rent d'une invafîon au milieu de l'année 1755. Soutenus de quelques partis de Sauvages des environs du fleuve Ohio, ils battirent complettement le 9 Juillet le Général Braddock , qui fut tué dans l'action. Cette victoire les rendit maî- tres de tout le pays occidental , depuis l'Ohio jufqu'à la diviiion de la rivière de Sulquehamia en deux branches , 8a acheva BE PïHSYlVANl!. 1S9 acheva de fixer dans leur parti tous les Sauvages de ces contrées. DifFérens détachemens de ces Sauvacres fe montrèrent à vingt lieues de Philadel- phie ; d'autres fe portèrent chez les- Dellawares 3 qui étoient en paix , pour les déterminer à lever la hache contre les Anglois ; mais ce fat l'imprudence fuivante qui les engagea à fe déclarer , ôc qui faillit à entraîner la perte de toute la Penfylvânie. Quelques Anglois, envôy-és à la dé- couverte , étant venus à Shamokin , vil- lage de Dellawares , fur laSufquehan- na \ ils y apprirent qu'un parti de Sau- vages ôc de Français étoit dans le voi- sinage , ôc le difpofoir à pénétrer par la vallée de Ju'niata. Scarroyadi , un des Chefs des Tribus Iroquoifes , aver- tit alors les -Anglois de fe retirer , Ôc. leur confeilîa de s'en retourner le lona de la rive de f'Èft de la Sufquehanna. Les Anglois fe retirèrent en effet; mais au lieu de prendre leur, route par le côté de i'eft de la rivière , ils faivirent le côté de l'oueft, ôc tombèrent dans «ne embufcade du parti François , qui leur tua quatre hommes. La fuite fauva k§ quatre à cinq autres qui reftoient. N t$& H US T.OÏJR'E Immédiatement après cet accident , un Traiteur (a) Angiois éfant anivé à Wioming , autre village des Della- wares , il leur dit que l'on favoit que c'étoit eux qui avoient tué Tes compa- triotes, &c qu'on s'en vengeroit fur leur nation. Ce difcours indifcret , répandu ; parmi ces peuples , les fait auiîitôt raf- iembler à Wiorning , à derTein de ré- ;iîfrer aux Angiois , s'ils étoient attaqués» D'un autre cotéj les Angiois regardè- rent cette alTembiée de Sauvages com- me une première démarche , qui an- nonçait des difpofitions à commettre des hoftiiités. "En conféquence , fans prendre d'informations plus particu- lières , fans attendre que les Dellawares Iqs euilcnt attaqués , ils fe faifirent de tous ceux qui étoient établis. dans la colonie , & les arrêtèrent au nombre de 25.2 perfonues , de tout fexe & de tout âge. Un de ces prifonniers s'étant échap- pé , porta l'allarme parmi fes compa- triotes , en les informant de ce qui ve- ( a ) On donne le nom ce Traiteur à tous i#fc marchands qui vent dans les villages des Sauvais, peur cQ.miïie,;csi- avec arx. e e Pensyï-Vakm. %^i ftoit de fe pafTer en Penfylvanie. On, redoubla d'attention, tk ee ne fut par- tout que des préparatifs de guerre. Cependant quatre Anglois, députés pour s'expliquer avec les Sauvages fur ce mal- entendu , arrivèrent à Wioming, où ils fe tenoient toujours aiîemblés. Quand ils eurent fait le rapport de leur million , & quelques proportions d'accommodement, le Sauvage qui s'é- toit échappé de prifon , voyant que les- Dellawares étoient près d'acquiefcer à ■leurs demandes , s'écria : N'ajoute* point foi à ce que vous difent • ces gens- là ; ils n'ont d'autre deffein que de vous tromper 3 pGiir vous faire leurs prifon- viers , ou vous paffer au fil de Cépée. Auffitôt les Sauvages , interrompant la conférence s fautèrent fur leurs haches, Se tuèrent les quatre Députés. Depuis cette fatale époque , ces Sau- vages ne cefsèrent pas de commettre des hoftilités., èc les plus afFreufes cruautés. Ils fe fignalèrent furtout au mois d'O&obre 1755. ^ n'e^ aucun trait de ce genre dans l'hiftoire , qu'on puifle mettre en parallèle avec les bar- baries qu'ils exercent.  Guadenhutten, petit étahlilTemens N ij icîi -K-rs T O ! R E u3.e Moraves , dans le. Comté de. Nor- -diampton , les habitans ,..,.pai£blemerK: raffembiés , foupoient fans inquiétude., ;Ces féroces, ennemis , à la faveur d'une muit aufli noire.que' vledefFein qui les conduifoit , s'avancent fans bruit , les Surprennent , les mafiaerent. : enlèvent Jeurs chevelures r ôc mettent ,enfuite le feu partout. Ainfl, le jour venant?- pa- t foître , ..-îvoffrit p lus -à la vue que les . cendres des cadavres .des infortunés Moraves , confondues avec celles de leurs maifons , de. leurs provifions, de leurs chevaux ,,&: d'une, centaine de bêtes à cornes. A The-Great-Cove , dans le Comté de Çiuiïberiind j à Tulpéhokin , dans celui de fierks , ôc en quelques autres endroits, les Sauvages portèrent encore plus loin la férocité. Hommes , fem- mes ,-enfans ^ beftîaux j tout fut détruit. Dans les lieux ,où le feu. navoit pas çonfumé les hommes, les animaux j on voyoit leurs corps. mutiiçsî'& déchirés par lambeaux. Leurs membres j confu- sément épars , couvroient la terre en- fanglanrée , &c préfentoi.ent le fpectacle le plus horrible. C'eft un triomphe pour ^es.Sauyages. & c'en: la., pi us., grande D fc ' PEÏJSUVANIL Iff ? folemnité pour leur victoire, que de- commettre de feus froid de pareilles inhumanités. Une famille , confîftant en un hom- me , une femme de un enfant nouvel- lement né, furent trouvés tous trois' afl~affinés , & fans crâne. La femme- étoit étendue dans fon lit, 1er corps tout-* mutilé, la tête appuyée fur fon enfant, qui lut fervoit d'oreiller. Près du lit* ctoit le mari couché par terre, le ven- tre ouvert i-& les entrailles répandues4 fur fa tête. Dans un autre endroit 3 une femme* tenant entre Tes bras un enfant à la mammelle , s'appercevant quelle éroic' tombée dans une embufeade de Sau~ 'vages, fe jette le vifàge contre terre , & couvre fon- : enfant 'dev fon corps. Uu; monftre dénaturé s'élance de l'endroit- où il étoit tapis , l'aflomme avec fon- caffe-tête, enlève fa chevelure, &c s'en- fuit vite dans le bois fe recacher, pour- attendre une nouvelle proie -, fans avoir* apperçu l'enfant. 11 fut retiré le lende- main de' de flous le cadavre de fa mère- par un païti Anglois j &c en 1757 ceî? enfant vivoit encore. Le village de Ninifmcks fut-ravages . N nj 2B H^I S T OIR E aucun remède aux maux préfens. ."L'eSv principaux cîroyens de Philadelphie, & beaucoup d'autres habitans , égale- - ment indignés de la conduire de l'af- . femblée , &c allarmés des fuites dont ils éroienr menacés , prirent le parti d'implorer la protection du Roi. Dans , cette vue ils drefsèrent une requête , , où ils expofoient la confternation gé- - nérale , &c le malheur qu'il y avoit pour eux, de voir qu'un fyftême de police j, ; contraire à la nature , lioit les bras de plusieurs milliers de braves citoyens ., . qui auroient pu s'employer à repouflfer l'ennemi. On ne manqua pas d'y faire mention auffi des intrigues des Qua- kers, de l'abus qu'ils faifoient de leur afcendant fur les étrangers , pour fe - ménager la prépondérance dans les dé- libérations j & pour établir leurs prin- cipes. On fmifloit par fupplier S. M. de vouloir bien fauver la colonie , Se pourvoir à fa fureté pour l'avenir. Cette requête , lignée d'un grand nombre d'habitans , fut envoyé à Londres. Toutes ces difputes fe paiïoient en 1755 ; &c c'eft pendant ce temps - là que s'exécuroient les effroyables tragé- verneur n'étoient que des prétextes., pour gagner du temps. , 6c favorifer lé parti Quaker; car, comme ils avoient déclaré publiquement qu'ils aimoieht mieux foufTiir que de contribuer à la défenfe de la colonie , les Membres de raffembléen'ofoient s'oppofer à leurs . vues , dans la crainte de perdre leurs , places , par le crédit des Quakers, dans .; les élections. Le plus grand nombre des habitant . de Philadelphie lut , avec indignation., l'adreiTe des Quakers. On la regar? da comme le • cri d'une audace in- tolérable ,. comme, l'ouvrage d'une troupe de fanatiques forcenés , dont le crédit illégitime immoleroit fans pitié le refte des colons. Le mécontentement général contre : les Quakers enflamma tous les efprits contre l'afïemblée j & la dextérité dé fes Membres ne pouvoir plus parvenir à éteindre l'incendie qui paroiiîoit par- tout. Le peuple , dont les maux aug- mentaient, demandoit qu'on le proté- geât , &c ne vouloit plus prêter l'oreille à ce qu'on cherchoit à lui infinuer fur h. «danger de fa liberté Oc de fes pri- de Pènsylvanie. $of vîlèges. Le moment étoit favorable pour purger , pour toujours , l'aiTern- blée de repréfentans Quakers j mais il eût fallu difloudre TaiTemblée , ÔC faire procéder à de nouvelles élections; c'eft ce que la conftitution du Gou- vernement ne • permet-toit pas. Tout ce que put faire le Corps-de- Ville ,- com- me corps politique ., dans la fituation. critique où fe trouvoient les affaires , fut de porter à l'afifemblée des remon* tran.ces très-fortes 3 lignées de la plus grande partie des habitans } pour de- mander l'établifiTement d'une puiflance militaire dans la colonie 3 qui pût réu- nir les forces &c les oppofer aux en- nemis. . Dans l'alternative embàraflante de détourner l'orage qui la menaçoit , ou d'anéantir la faction des Quakers, fi l'on déféroit fans restriction aux requêtes du peuple , l'afTemblée eut recours en- core à l'adreiïe ; ç'eft-à-dire, qu'on ré- digea une Loi militaire , de manière que fi le Gouverneur Tapprouvoit , le Rôi fe trouvoit dépouillé de fes pré- rogatives les plus efienrielles ; & s'il lai rejettoit , ou qu'il voulût y faire des modifications , les Quakers étoient dé- 'J 01 HïSTOï R E cidés à ne pas y foufcrire, §ç toute la haine publique feroit retombée fur le Gouverneur. M. Morris , qui pénétra leurs vues 9 pafla le bill immédiatement , parce qu'il fentoit qu'il ne devoit avoir de force que pour onze mois , 8c que ce temps ferviroit à en dévoiler toute l'abiurdité. Cette Loi eft trop origi- nale par fa forme 6c par fa teneur 9 pour ne pas mériter une place dans cette Hiftoire. b E PEKS YIV-AKIL'. 3ô| ACTE Pour établir P ordre & ladifcipline parmi ceux des habitans de Penfylvanie, qui dejireront s'unir en corps de Milice > pajfé dans l'ajfemblée générale de la Province > le 2 s Novembre ijss* CEtte Province a d'abord été établie par les Trembleurs , & les membres de leur croyance ont toujours fait fans interruption le plus grand nombre de l'aiTemblée. Quoi- qu'ils ne condamnent point dans les autres le port des armes , vu les cir- conftances préfentes , néanmoins ils penfent, par principe de confcience , ne devoir pas les porter eux-mêmes. Faire une loi pour les y obliger contre les fentimens de leur confcience , feroit non-feulement vider un article fonda- mental de notre constitution , &: la chartre de nos privilèges ; mais auili? dans le fait* commencer une perfécu- tion contre tous les Trembleurs de cette colonie. E)'un, autre côté, il y $o4 Histoire auroit de la partialité j il feroit in- conféquent à eux de forcer les autres à. prendre les. armes, tandis qu'ils en feroient exempts. Cependant, comme beaucoup de per? fonnes de différentes religions , «[ui ne rejettent pas le port des armes, attirées par la tolérance générale que nous ad- mettons , &: par l'équité de nos Loix , font venues s'établir parmi nous ; &c que quelques-uns d'eux, qui ont déjà été exercés dans le fervice militaire , pen? fent qu'en confcience il eft de leur de- voir de combattre pour la défenfe de leur patrie, de leurs femmes, de leurs familles, de leurs biens , & de ceux qui ont un droit égal & commun à la liberté générale de confcience : Ec comme un grand nombre de requêtes 4 venant des divers Comtés de cette-Pro- vince , ont été préfentées à cette Cham- bre , portant que les expoians fouhai- tent lincèrement fe défendre eux-mêmes Se leur pays *, qu'ils dénxeroient., pour cet effet 3 d'être enrégimentés , inf» truits & exercés par des Officiers re-* vêtus d'un pouvoir fumfant , autorifés par la Loi y&c de plus qu'à moins qu'on ne prenne des. menues convenables pous . D-I P'ENSYtVAN'IE. 30 % les unir tous enfemble , les foumettre à une même difcipline , & leur donner par-là confiance les uns aux autres , ils ne peuvent s'aflembler pour.s'oppofer a l'ennemi , fans s'expofer au danger le plus évident de tomber dans le détor- dre, de de fe faire détruire : Et d'autant que les atïemblées arbi- traires de gens armé-s , venant en trou-* pes des diverfes parties de la Province ^ fur les premières allarmes vraies ou fauflfes , comme il eft atrivé en dernier lieu , fans être appelés par le Gouver- nement, ou fans le concours de foii autorité , ne confervent entr'eux aucun ordre ni difcipline ; ce qui peut avoir des conféquences fatales pour les Sauvages , nos amis &c alliés 3 ainfi que pour la paix intérieure de cette Province : Et comme notre Gouverneur a fou- vent recommandé à TafTémblée , qu'en préparant & paflânt une Loi fur cet objet , elle eût- l'attention de ne point choquer les confeiences- fcrupuleufes ôc timorées ; chofe illufoire , lorf- qu'on emploie des voyes d'autorité pour faire entrer les hommes dans le fervice militaire : . Eii vertu de ces confédérations, Nous fo£ H 1 S T O ï R E qui repréfentons tour le peuple de la Province , compofé de gens de diverfes Religions , ne penfant pas qu'il Toit rai- fonnable que , faute d'être autonfé par une Loi , on ne piufle faire ce que l'on imagine erre de fon devoir , pour fa propre fureté Se l'utrlité publique : .Ayant donc égard auxdites requêtes , Nous propofons au Gouverneur qu'il foit arrêté, foit ceci ordonné par l'hono- rable Robert-Hunter Morris > Ecuyer, notre Lieutenant-Gouverneur par l'ap- probation du Roi, fous les honorables Thomas Se Richard Penn., Ecuyers , les vrais Se abfolus propriétaires de la pro- vince de Penfylvanie , Se des comtés cle Newcaftîê , Kent oc Suiîex 9 fur la baie de Dellaware ., de l'avis Se du confen- tement des repréfentans des- hommes libres de ladite Province , convoqués en niTemblée générale j c'eft à favoir qu'il foit permis aux hommes libres de cette Province de fe former en compagnies , à compter de la publication de cet Acte, comme ils ont déjà fait en temps de guerre , fans y être autorifés par au- cune Loi j Se de choiïir pour chaque compagnie , à la pluralité des voix Se par le ferutin j leurs propres Officiers j BE P EN S Y L'V A NI E. J©7 favoir , un Capitaine , un Lieutenant & un Enfeigne, & de les ptéfenter au Gouverneur, ou à celui qui commandera en chef à l'avenir j pour avoir fon agré- ment ; lefquels Officiers ainfi choifis y s'ils font approuvés & reçus par ledit Gouverneur ou Commandant, feront Capitaine j Lieutenant ou Enfeigne de chaque compagnie , refpe&ivementfui- vant la teneur de leur coramiïiion : Et lefdites compagnies étant affembiées en régimens par le Gouverneur ou Com- mandant en chef, il fera & demeurera permis aux Officiers , ainfi choiiis Se, brevetés , de s'aiTembler 8c de.choifù" , foit à la pluralité des voix-, foit-par le. fcrutin , un Colonel , un Lieutenants- Colonel &: un Major pour leur régiment^ & de les préfenter au Gouverneur ou Commandant pour avoir fon agrément j lefquels Officiers ainfî choiiis, sJils font approuvés &■ pourvus de com millions ou Commandant , feront Colonel , Lieutenant - Colonel & Major defdirs régimens , fuivant leur commiffion , ÔC pendant le temps que le préfent A&e doit avoir force de loi. Si cependant le Gouverneur refufoit d'accorder des commiflions aux Ofrw '3P$ ÏT I S T O I R E ciers d'abord choifis & à lui préfentés', les éle&eurs pourront élire & préfenter' an Gouverneur deux fujets, à l'un def- qtiels , de fon choix , il éxpédira le bre- vet d'Officier. Et foit ceci de plus ordonné, de îa:> îrïême autorité queci-deffùs qu'auflitôr que lefdites compagnies 8c< régimens' feront formés-, & les Officiers pourvus' de commiffions , il fera & demeurera', permis au Gouverneur ou Commandant' en chef, de l'avis & avec le confente- ment des Colonels , Lieutenans-Colo- nels Se Majors de tous les régimensi qu'il convoquera à cet effet, de faire & établir , de l'avis ckr confentemènt du~ plus grand nombre de ces Officiers af- femblés j des articles de difeipline mi- litaire pour le meilleur gouvernement" des troupes qui feront fous leur com- mandement j ordonnant que- ceux qui' les enfreindront, feront punis : Comme auffi d'ériger des Confeils de guerre ou Cours Martiales 3 qui auront pou- voir de connoîtrè de tous crimes ôc' délits , ayant rapport à la difeipline mi- litaire établie , & d'infliger des pimi- îrons ; lefqiîels articles de difeipline 3 quand ils auront été arrêtés dans la for- bePensylv. amie. 5 ©$ âtie ci-delTus , feront imprimés Se dis- tribués aux Capitaines des diverfes : compagnies , Se par eux refpeétjvemenc lus à leur troupe. "Et tout Capitaine, Lieutenant ScEn- feigne ,,.& autre homme libre , qui au- ra volontairement, ligné devant un Juge «la paix iefdlts articles, après les avoir eu toutefois pendant trois jours pour \ les examiner, & .oui reconnoîtra qu'il les a lus ou entendu -lire diftinclerrrent j qu'il a bien réfléchi Jur la teneur d'i- jeeux, Se qu'il confent d'être aftreint à les obferver i.Se d'être gouverné con- •formément à leur teneur, promettant jde s'y foumettre , Se obéir en confé- jquence. à (es Officiers ; tel homme fera dès-lors réputé bien & dûment obligé à l'obfervarion defdits articles de difei- Ipline , à remplir les devoirs qu'ils pref- icrivent , Se. fiijet aux peines Se puni- tions qu'ils. prononcent. çontte la défo~ béifîance 6c les délinquans. Pourvu néanmoins que les articles kinfi faits Se établis > ne contiennent rien de contraire aux-Loix militaires de la Grande-Bretagne , Se à la difeipline militaire établie par SaMajefté, encon- féquençe du dernier A&e. du Parle* "jio Histoire ment , pour punir les foldats mutins 8fc- déferteurs , ôc qu'ils y foient conforme* autant qu'il fera pollible ^ après néan- moins une mûre coniidération des cir- conftances particulières dans lefquelles fe trouve cette colonie comparée a. la Grande-Bretagne , ainfi que la diffé- rence qui doit fe trouver entre une mi- lice compofée d'hommes libres , &c des troupes réglées qui ont une paie fixe , êc font toujours fur pied : Pourvu aulTi que l'on ne prétende point que dans le prcfent A£ta il ait été : inféré quelque chofe qui donne pouvoir | au Gouverneur ou Commandant en chef, &C auxdits Officiers, de drefTer: des Statuts & Reglemens qui puiflTeilt en aucune manière affecter dans leur I liberté, perfonne & fortune, ceux des habitans de cette Province , qui 3 par i principe de confcience 3 refufent de? porter les armes , ni aucunes autres per- fonnes, de quelque religion } état oui condition que ce foit, qui n'auront pas i auparavant volontairement Se librementi fîgné iefdits articles de difeipline mili- • taire , après les avoir mûrement exa- ■ minés : Pourvu auïïï qu'aucun garçon agjfl bePemsylvamie. 511 xîeffous de vingt-un ans , ni aucun enga- gé ou apprennf , ne puilTe être admis à s'enrôler de fa propre volonté , au foit reçu dans lefdites compagnies & régimens fans le confentement par écrit de (es parens ou tuteurs 3 maîtres ôc inaîtrefles. Sous condition auili , que l'enrôlement d'une perfonne dans quelqu'une defdites compagnies ou régimens qui feront for- més j ne. pourra le garantir des procès ou actions civiles intentées contre lui par (es créanciers ou nutres , excepté pendant le temps qu'il fera de fervice , en campagne ou en garnifon , ni le met- tre à l'abri des pourfuites qu'il pourroit encourir pour délits commis contre les Loix de la colonie. Sous condition enfin que nul régi- ment , compagnie ou parti de Volon- tairesj ne pourra être obligé y en vertu de cet Acîe , .d'avancer dans les parties inhabitées de la Province , plus loin que ■de trois jours de marche j ni être dé- ïenu plus longtemps que trois femaénes dans une garnifon , fans un engagement particulier à ce fujet , qui fera purement volontaire , ôc foufcrit en particulier de chaque -homme , par lequel ifs'obligera ^iz Histoire de marcher plus loin 3 6c de refter e» garnifon. Ce Bill fut mai reçu du peuple. Per- fbnne ne s'emprelToic de s'enrôler , parce qu'on fenroit que ceux qui pren- droient parti dans cette milice 3 n'au- roient pour toute récompenfe , que l'honneur de fervir leur patrie à leurs dépens , de de pourvoir à la fureté de tous les. gens demauvaife volonté , & de tous ces Sectaires , qui , par principe de' Religion _, comme les Quakers , les Anabatiltes , les Moraves , font décla- rés contre le port des armes , fans qu'ils fiuTent pour cela aifujettis à aucune charge , ni impôt particulier. Cependant le Gouverneur le fit fervir de plan pour lever des compagnies , en- tretenues fur le pied militaire. Mef- fieurs Penn a voient fait un don gratuit de- 5- mille livres fterlings ( 1 14000 I. ) 8c l'aiTembiée avoir accordé,, en même temps que le Bill militaire , un fubfide de 1 246000 livres j ce qui formoir une fomme de 1360000 livres avec le don des propriétaires. Ces fonds furent em- ployés à l'armement 3c équipement des milices ; à la conftruction de différens forts, pour couvrir la colonie j enfin , au Ue Vu n s y l van i e, 515 au commencement de Mai, on étoic parvenu à voir iijcfo hommes armés , qu'on tenoit fur la défenfîvê , à caufe de leur peu d'expérience. A la fin du -mois j TaiTemblée arrêta qu'il feroit levé une nouvelle fomme de 9 1 0000 livres-, par une taxe fur les terres 3 pour être appliquée a la défenfe de la colonie. Ce fut une nouvelle occafion de difpute. Les Quakers ne fe départoient pas de leus fyftême de non-réiiftance ', mais l'ap- proche des ennemis qui avançaient tou- jours , en faifant des ravages horribles, avoit enlevé bien des partifans à l'en- têtement fanatique de ces Sectaires. Six •d'entr'eux , voyant leur parti fe décré- diter, réfignèrent leurs places dans laf% femblée le 5 Juin ; &c , dans le même temps , les plus fameux Prédicans de cette Secte, convaincus qu? leurs fermons pacifiques leur attiroient la haine de toutes les autres Sectes , quittèrent la Penfylvanie pour paner en Irlande» Cependant lesFrançois & les Choua- nons raifoient toujours des progrès. Le 11 Juin ils s'emparèrent du fott Bi~ gham , dans la vallée de Tufcarara. Lee Dellayrares reîtoient tranquilles j on O .3fT-4 K ï "3 T OI 'iRfB * profita de ce temps pour entamer des négociations avec eux. M. Mor- ris fit publier à Philadelphie -.qu'on ceflat toutes hofrilités contre ces Sau^ vages. Dans le même temps, le Che- valier Johnion parlementait avec tas Iroquoisj pour les engager à relier fidèles aux Anglais, j il leur fît même de fi belles promefies 3 qu'ils lui pro- ■ mirent de faire leurs efforts pour les -.réconcilier avec ceux de leurs frères qui avoient levé la hache. Les Quakers de Penfylvanie, encou- ragés par ces efpérances , fe ménagèrent de leur côté une conférence avec le. Chefs des DeJlav/ares , Se ils en obtin- rent la permiffion d'envoyer une dépu- ration dans le village , où le ralfemblenr les Chefs pour • traiter des affaires qui inréreffent la nation. Cette députât ion fut. reçue alTez fa- vorablement , te l'on harangua beau- coup de part & d'autre. On a .vu que Guillaume Penn , en formant fes pre- miers établiifemens , avoit eu l'adrehe de gagner les Sauvages par de bonnes fa- çons , &; la .politique de fe les attacher par des préfens- -Sa mémoire eft- encore ça vénérft'-ivii-entre eux. Ils, en parlent 'DE P E N S Y L V A N I E. 5 ï 5 ■toujours fous le nom d'0/7£j-j fur nom d'amitié qu'ils lui avoient donné de fon 'vivant. Les députés Quakers s'annon- cèrent comme les defcencans , profef- fant les mêmes fentimens pacifiques que lui , <5c ayant la même fidélité à garder leur parole. Les Dellawares témoignèrent beau- coup de chagrin de ce qui s'étoitpalTé. On leur fit des préfens. L'on convint d'un projet de traité , & l'on arrêt* qu'on s'afiembleroit à Bethiem 3 vil- lage à 15 lieues de Philadelphie, pour le ligner. Cette paix fut (ignée en effet le mois fuivant, entre le Gouverneur, trois Députés de l'allemblce, &50 des prin- cipaux Quakers ^ car les Sauvages avoient déclaré qu'ils ne figneroient au- cun traité fans eux. Les Dellawares promirent de traiter comme ennemis tous ceux de leur nation qui trouble- Soient les enfans dOnas. Les ravages continuoient cependant toujours. Le Capitaine jacob , dont la tète mife à prix à Philadelphie n'avoir, encore tenté perfonne , porroit toujours la terreur te la défoiation dans la co- lonie. Il étoiî un des principaux chefs Oij $ \f> H I S T O î R E Ai'une tribu de Sauvages de i'Ohio , $C rommandoit cent hommes , auxquels •s'étoit joint un détachement François. -Ils prirent &c brûlèrent le fort Gran- .ville, où ils firent- trente prifonniers, jqui furent partagés , aintî que les pro- vifions ôc le butin , entre les François & la troupe de Jacob. L'approche de l'hyver, Ôc le delir de mettre leurs pnfes à couve et,, déterminèrent les Sau- vages à retourner fur l'Ohio. Les Fran- çois fuivirent ..leur exemple. La campa- gne, quiavoitété touteà l'avantage des François , fe termina encore heureufe- -inent par la piïfe des forts, de Ghouen- .guen Se Oiv/ego , fur le lac Ontario ; -poires intéïelians, qui furent emportés .par M.. de Moncaira. L'année fmvante les afraires chan- gèrent de face. Les Anglois ayant eu dirîerens avanrages dans le Canada ., -les François parurent s'être absolument défiirés de tonte entreprife fur la Pen- 'îyivanie. Depuis ces temps fâcheux, la paix ayant rétabli le calme en Eu- rope &,dans tous les eeabliifemens qui en dépendent., la Penfylvanie continue -de jouir des avantages d'une iégifiation .heureufe , qui femble avoir. fait, de "DE pE-NSYlVAiriï. ft*% cette colonie , la patrie de la liberté. Confidérons maintenant les Quakers qui en font les fondateurs. Comme ci-** tôyens , ils méritent certainement la> plus grande eftime par leur extérieur modefte ; par la modération de leur- conduite avec tous ceux qui ont affaire a eux, Se par cette honnête (Implicite,'* dont toutes leurs actions font accompa- gnées. Mais comme légiilateurs , ils* font blâmables en pluiieurs points. En inftituanten-Penfyivame le même» gouvernement qu'en Angleterre -, il ne? fuffifoit pas d'établir cette liberté poli- tique , qui fait qu'un citoyen ne peur- pas craindre un autre citoyen j il falloir:, aufti procurer à tous , cette tranquillité- d'efprit , qui provient de l'opinion que. chacun a d'une fureté- parfaite :, c'eft— àrdire , qu'indépendamment de l'auto- • rite civile , qui maintient l'ordre &: la^ paix au-dedans , il falloir une autorité- tutélaire pour garantir la fociété de toute attaque extérieure. Prétendre , comme font les Quakers , n'avoir au- cun ennemi } &" 3 par une conféquence de cette prétention , ne vouloir pas ■ même préparer de la réfîftance contre une invafion ou un coup de main , c'eft- O iij %i$ H i s t o r r » iuppofer , contre l'expérience de tous les (îèclesj qu'il n'y a point d'hommes injuftes, ou que l'univers n'eft peuplé que de Quakers ; c'çft , fans celfe , ex- pofer la vertu à devenir la victime du vicej.c'eft exciter le fort contre le foi- fole } c'eft enbn abandonner des agneaux à; la diferétion des loups. On a vu , par les détails où nous fommes entrés, qu'outre ce fyftême. de principes pacifiques , qui eft une chi- mère impraticable , l'efprit de ces Sec- taires dégénère en un fanatifme infle- xible , qui rejette obftinément les lu- mières du. fens commun j Se ne fait;, en. aucun cas, plier- fous la néceilïtédes circonftances-.. Il réfuite donc de l'examen de la lé- gilîation Quakrer qu'elle eft très-vi- cieufe , puifqu'elle eft perpétuellement en contradiction avec elle-même j car ion objet étant d'aifurer aux- citoyens î'ufage de leur liberté 3 ou, pourparbr plus clairement, de lés rapprocher de l'état naturel de l'homme > elle enchaîne dans le fait cette liberté , & tend pré- cifément à éloigner chaque membre de la fociété , du point de vue qu'elle lui. piéf-nte^ en dédaignant de prendre des. 2) È • P'E M S Y L' V A H I S. Jî 5) rnefures pour veiller à la confervation du corps général ; enfin , en perpé- tuant la jprépondéraiice dans une par- tie de la nation , qui fe fait une loi de ne pas - rélifter , elle laide la li- berté publique dans là plus exaéte dé- pendance 3 puisqu'elle la conduit à l'ef- clavagê oc à l'oppreflion du premier tyran , qui viendra , la force à la main., lui préférée r des fers. FIN.- }AO H I S T O I K. E ÉCLAIRCISSEMENS NÉCESSAIRES Sur les Obfervations Météorologiques $ faites en Penfylvanie en IJ4.8 y p.ar M. Kalms, LA tête de chaque colonne indiquant leur deftination , il fufiît de rendre raifbn de quelques. (ignés., dont on s'eîl fervi pour déligner les degrés de vio-* lence des vents, & pour annoncer fi la- liqueur du thermomètre elVau-delïus ou au-delïbus du point de congélation, après avoir fait remarquer que cet inf- îrument porte le nom de Thermomètre Suédois y ou Thermomètre de M. Cd- Jlus. Toutes les fois que le o fe trouve dans la troifième colonne , après les chifres, il lignifie que la liqueur étoit au-deiîus du point de congélation. Le zéro avant le chifre, indique que la liqueur étoit au-deflous. Trois zéros marquent le point jufte de con- gélation. DE pEtfSYLVANIE. t 11 -Le- 20 & le 21 - Octobre fournirent un exemple de ces -indications. Le-io la liqueur étoit un degré au-defïbus du point de congélation à 5 heures du ma- tin -y à une heure après-midi , elle étoir- à *7 6... h. avant midi. 18 1 h. après midi. l9 1 Météorologiques. Mois d'Août 1748. "3M Qualités des Vents. Obfervations fur le Ciel. Idem. E. 1 E. N. E. 1 S. O. 1 O. 3 N. O. 1 0. N. O. 1 O. S. o. O. S. O. 1 N. O. 1 N. N. O. E. N. E. Clair. Un peu chargé. Clair. Trouble , avec de la brurrre, Changeant , avec petite pluie. Trouble , mêle de pluie 6c de brouillards j quel- quefois clair. Clair. Un peu chargé depuis 11 heures avant midi, juf- qu'à 3 h. qu'il s'éclaircît. Trouble. Trouble , quelquefois clair. 11 tomba un brouillard très- fin. Un peu chargé, quelquefois clair. Trouble , pluie pendant la : nuit. Trouble, avec de la brume. 11 tomba une pluie fine touç l'après-midi. jfcpé Obf&rvqnon s Mois d'Août 174S:. Dates jiruaàan du Heures du jour. du mois. Thermomctri 2.8 6 h. avant midi. ï9 C 2 h. après midi. 20 5 f 6 h. avant midi. 19 2 h. après midi. 10 5 20 6 h. avant midi.ji 9 5 2 h. après midi. 11 5 21 6 h. avant midi. 20 8 2 h. après midi. 21 3 22 5 h. avant midi. 2H 0 1 h. après midi. IJ 5 ** 5 h. avant midi ; 22 7 h. avant midi. 2 2 h.- après midi. 24 2 24- 5 h. avant midi.125- 5 5 h. avant midi. .7 h. avant midi. 9 h. avant midi. 2. h. après midi- 25 6 h. avant midi. '24 . 10 h. avant midi. f 2 h. après midi. 2f 5 2.6 .6 h. avant ,24 Météorologiques; Mois d'Août 174S; t*T; Qualités des Vents, Eft N. Eft . £ E N. E. Z E. 1 E. 1 R 1 E, 1 E. I E. I E. I E, S. E, ï. E. S. E. I &E. S.. E, 1 O. S. O. 1 O. 1 O. N. O. 1 N. O. 1 N. O. I O. I O, N. O. ? O. N. 0. 3 Q. 2 Olfervctio-LS, Trouble > avec de ïi bruine?, Pluine Êne tout le jour. Temps clair. Temps chargé j un peu de pluie. Un peu chargé • à 9 heures il devint clair. Clair jufqu'à midi , devint trouble. qu'il. Chargé de nuages épais» Petite pluie fur lefoir.; Forte pluie. Le temps s'éclaircit^ Nébuleux. Clair 5 à 1 1 h. il parut un halo, ou un grand cercle autour du. loleil, '§i8' Obfervations Mois d'Août 1743. Dates Jitua'ion du Heures du jour. du mois. Thermomètre. %* 2 h. après midi. H S *7 6 h. avant midi. 24. 11 h avant midi. z h. après midi. 4 h. après midi. 21 5 *8 7 h. avant midi. *5 0 2 h. après midi. n 5 19 S h. avant midi. 1 h. après midi. M 5 1° 6 h. avant midi. M 5 1 h. après midi. 'n 5 3> 6 h. avant midi. 21 1 2, j 2 h. après ! midi.15 O Mùéorologiqn*s. Mois d'Août I748- 3*9 Qualités des Vents. Oiïfervationso ; ; . s. 0. Troujple i le couchant fut 0. s. 0. s. 0. N. E. N. I 2 3 4 î extrêmement rouge. Trouble j à 10 h, la pluie commença , & dura le . refte du jour. Temps chargé. S. 0. S. 0. N.O. 1 3 2 Temps - nébuleux* Le foir bruine ; éclairs. .Temps chargé j.air ti«s* lourd.. $,0. 1 2 Clair 'y a midi le temps de» vint trouble. Le foir forte pluie 3 accom- pagnée d'éclairs de de tonnerre, 3?o OhjervGÙons Mois de Septembre. Dates du Eeures du jon ir.ois. Etat du Baromhre. 7 h. avant midi. i h. après midi 6 h. avant midi. 1 9 2 h. après midi, 20 3 j6 h. avant midiJn 2 h. après midi. 2 5 6 h. avant midi. Midi. 2 h. après midi. 6 h. avant midi. Midi. 6 h. avant midi. 1 h, après midi. 7 ,6 h. avant midi. 27 S:' Minuit* .< tS Météorologiques . 3; Mois de Septembre. Qualités des Vents. N. O, N. O. O. S. E. E. S. S.E. S.E. E. Ohfervations» S. o. Temps charge. beaucoup de nuages , chaf- f es par un vent très-fort; ondées de pluie toute la nuit. Temps chargé tout ie jour, Le foir un grand cercle en- rouroit la lune. Chargé de nuages. Le foir on. vit un large cer*» cle autour du foieih Chargé de nuages. Chargée Trouble tout le jour-. Le foir il parut un grand cercle autour de la lune» i & le ciel fut. extrême- ment rouge. Trouble ; le foleil dardoit fes rayons à travers tes nuages. Trouble, fâ r Qbfcrvationr' Mois de Septembre 1748. Dates ffM Heur s s dû jour, mois. Ecat du Ejrornètret 6 h. avant midi. 16 1 h. après midi. 26 6 h avant midi. 24 1 h. après midi. 5 h. avant midi ■ 1 h. après midi. 6 h. avant midi. 2 h. après midi. 6 h. avant midi unedemi-h. ap.-m 5 h. avant midi 1 h« après midi, 6 h. avant midi 1 h. 1 , h. après midi. 16 17 avant midi après midi avanr midi 2 h. après midi. 21 5 h. avant midi. 25 1 h. après midi. 21 6 h. avant midi. 1 5 1 h. après midi. 24 11 Météorologiques. 33 5 Mois de Septembre 1748. Vv irt'j N. N. E. 1 N I Obferratkns. Couvert de nuages. N. N. O. 1 Tenus clair O. N. O Calme. "S. E. S. E. Temps clair. Le foir on vit un ceicl-e an- tour de la lune. Clair , très-chaud. Beau temps* Beau temps .; . cependant ii rit dès éclairs toute la journée , Se un vent .af- fez forr. Chargé de nuages. [Le loir &: la nuit grande I pluie I5z grand vent. jN. N. E. i Forte plaie pendant tout le jour. $:e. fl. O. i!TroiuVc. .Chargé d 2 nuages clifperfçs. Calme. 'Be.au temps, N. N.:E. 1 'Beau cé.nps. 534 Observations Mois de Septembre 1748, Dates du mois. Hfur« du jour. Etat du Baromî rè. S G h. 5 h. avant avant midi, midi. 14 r£ O O j h. après midi. n 0 22 7 h. avant midi. 10 5 25 1 6 2. h. h. h. après avant après midi, midi, midi. «5 1 I 1% 0 M G 2 h. h. avant après midi. midi. 14 18 0 0 *5 G h. avant midi. \% © 2<î 1 6' h. h. ap'ès avant midi, midi. «5 9 5 1 h. après midi. -1 5 27 6 h. avant midi. 17 0 23 2 5 h. h. après avant midi, midi. 17 14 • 0 2. h. après midi. 2 G è 39 7 h. avant midi. M 5 ! h. après midi. 20 5 |0 -7 h. avant midi. iG • Met/orologiques. $35 MeU de Septembre 1748. Qualités' des Vents. Ohferv ariens. N. N. E. i E, ,1 Nuages difperfés. Nuages difperfés. N. E. Temps clair. ■N. N.- E. 1 Temps clair, N. E- :i Temps clair. 11 fe troubla le foir 5 il plut N. N. N. O. ï E. N. E. tou:e Ja-nuir. TroLible-a 8 heures; nuages diiperfés. Nuages di.perfés. Temps clair. N. E, E. Trouble ; il s'éclairât à 8 heures. Trouble. Temps changeant ; tantôt t rouble , tantôt clair. N. E. 1 Trou oie ? N. E. Bruine. Goéiirc le -a 8. tt* Obfervatrorts Mois aUdtobre. Dates du ■ Heures du four. .Etat- du'Baromitrt, mois» 1 6 11. avant midi. ,l9 o i h. après midi. 1.8 S 2. 5 II. avant midi. it 5 $ 6 h. avarie midk 0 2 7. h. avant midi. i & 2 K. après midi. 13 5 5> 7 h. avant midi. 12 0 2 h. après midi. 10 © 10 ii 7 h. avant midi. 2 0 2 h. après midi. 12 5 il 7 h. avant midi. 0 5 i h. après midi. 10 5 Météorologiques. 54S Mois de Décembre 1748. Qualités des Vents. Obfervations fur le Ciel. N. O. O. S. 0. 2 S. O. i Temps clair. Clair & froid j le foir il y eutain halo ou courcane autour de. la lune. Il y eut une belle aurore» S. S. O. 1 N. N. E. 1 S. S. O. 1 $.0. S. O. z O. N. *). O. N. O. * S. S. O. 1 K. E. 1 Clair. Clair, Trouble. Un peu clair ; mais la nuit il tomba une forte plaie. Trouble. Clair. Trouble. La nuit pluie & vent. - Air épais -, le ciel cependant parfemé de nuages. Ciel parfemé de nuages. Temps clair. Trouble ; pluie à 9 heures; brouillard le refte-du jour, 5J5 . Obfervatiôni-, Mois de Décembre 1 748. Dates ■ du 77207*. Heures du jow. Etat du Baromhrti M 8 2 h. avant h. après midi, midi. 7 10 5 0 14 8 1 h. avant h. après midi, midi. 1 2 0 0 15 8 h. avant midi. 07 0 16 2 8 2 h. après h. avant h. après midi, midi midi. 01 01 00 0 0 0 17 8 h. avant midi. 02 5 l8 2 8 h. après h. avant midi, midi 00 05 0 0 15? 2 8 h. après h. avant midi, midi. 4 1 0 0 2 h. après midi. 8 vo 20 8 h. avant midi. 01 0 21 2 8 2 h. après h. avant h. après midi, midi, midi. 7 07 2 S 0 0 22 8 h. avant midi 04 5 ** 2 8 h. après h. avant midi, midi. 0 0 Météorologiques4. 3$ i Mois de Décembre 1748. Qualités des Vents. Oifervations. s. 0. N.O. 0 1 Trouble &: nébuleux. Dans la nuit fui vante grand vent de nord-oueft. Ciel parfemé de nuages. O.N.O. 1 Temps changeant» N. O. 1 Clair. N.O, Trouble j il tomba de îa neige. O. 1 Temps clair. Ciel trouble. Temps clair. Ciel parfemé de nuages ^ fur les 6 h. du foir on vit, au nord, une grande raie rouge. Temps clair. Temps clair. Ciel chargé de nuages; Forte pluie. %$'i O'bfervat'ions' Mois de Décembre .'i 74 8. Dates Jituatiotr du Heures du jour. du mois. Thetmomttr;. 2' h. après midi. l8- 0 24 8 h. avant midi. M O 2 h. après midi. f7 O 25 8 h. avant midi. 18 O 2 h. après midi. 18 5 16 t 8 h. avant midi. 3 0 2 h. après midi. 3 ■'"5 27 8 h. avant midi. 04 0 28 8 h. avant midi. 07 0 2 h. après midi. 8 0 2? 8 h. avant midi. 3 0 2 h. après midi. *3 0 3° 8 h. avant midi. . 8 0 2 h. après midi. 10 0 31 8 h. avant midi. 6 0 2 h. après midi. 4 0 Météorologiques . Mois de Décembre 174! m Qualités des Vents. o. N.N.E. N.-N.E. O. N. O. Obfervations, o. s. o. s.o. s. s. G, O. N. O. O. N. O. 3 Trouble de nébuleux. Brouillard épais. Temps clair j le foir grande pluie. La nuit précédente, orage , pluie avec du- tonnerre cV des éclairs. Tout le jour grande p!uie. La nuit précédente , orage furieux par un vent de fud-oueft ; dans la mati- née le temps fe troubla, il tomba par fois de la. neige. Ciel très-clair, Ciel clair. "< Idem. Un peu trouble , pluie, Trouble ôcnébuleux tout le jour. 3 Temps clair. Lefoirily eut une couronne ou halo autour de la lune, . TABLE DES MATIÈRES Contenues en ce Volume. *£±PoJlrophe adreiTée au genre humain en- tier , pour le détourner de parler en Penfylvanie. Page id aventure cruelle arrivée à M. Darer. n Arbre à tulipes , efl commun en Penfylva- nië. 48 Arbre à poiffon. Idem. Arbre de courrant. Idem. Arbre aréfîne liquidambar, (se. Idem. Arbre à ceullière. Idem. Arbre à ancre, & différentes fortes d'auti es. 4£ Arbres fruitiers, y ont été portés de l'Eu- rope. ^ ^ j4 Aune , fes propriétés particulières. - 6) Ufage de ion écorce pour teindre en rouge. 70 Arbre des caftors ; origine de ce nom. 77 Odeur agréable qu'il répand , lorsqu'il eft en fleurs. 78 Autre ornement qui l'embellit après les fleurs. Idem. TABLE' DES MATIERES. }ft Propriétés de Tes graines & de fon écorce. 78 Son bois , réduit en charbon , eft un bon vulnéraire. 99 Arbre à fucre , ou Erable. 80 Temps où il commence à couler. 81 Manière dont on recueille Ton fuc. Idem. Méthode pour donner à ce fuc la confiftance du fucre. 82, Abeilles ont été portées d'Europe en Amé- mérique ; preuve de cette opinion. 142 Amianthe fe trouve en Penfylvanie. 167 Ses différens noms. 16S Aman, raifons qui font croire qu'il s'en trouve en Penfylvanie. 167 Atkins , Capitaine de Navire Anglois. 177 Il allure avoir découvert , au-delà du Groen- land , des habitans à qui le feu étcit in- connu. Idem, Aventure arrivée dans une Eglife réformée. 210 Aventure d'un Bigame. 250 AJfemblées de Penfylvanie , compofées des repréfèntans des villes & bourgs. 259 Aventure d'une fille qui acctife un jeune homme de l'avoir féduite. 24? Jugement rendu fur cette affaire. 246" B B Atalcts , ou cloches de haie, plante potagère. 79 Manière dont on les afïiùfonne , & dont on les fert. - Idem. Manière de les conferver pendant l'hyver. Bois de Penfylvanie, (les) font d'une durée fe-6 TA B L E- plus courte que ceux d'Europe;- 3y Béta l de Penfylvanie. 87 31 dégénère à chaque génération. Idem. Bifons ou Bœufs fauvages. 88 Sont très-difîîciîes à apprivoifer. làem. Blaireau puant , ou Chat fauvage, 96 Boiciningua , ou Serpent à fonnettes. 135 Bertrand, ( M. ) favant Phyficien. 39 Ses conjectures fur la. formation du continent de la Penfylvanie. 157 Son fentiment fur la formation des grottes. i?3 Explication vraifemblable qu'il donne fur ce fujet. 174 Brijlol, capitale du Comté de Buckingham. 19$ Bigamie. Aventure plaifante à ce fujet. 22 3 W- Ap Jacques 5 fa vue réjouit tous les paltagers. 15 Cap Heulopen fur la côte de Penfylvanie. Climat de la Penfylvanie. 40 Chênes , différentes efpéces dé ces arbres qui s'y trouvent. 47 Cormier , arbre de Penfylvanie. 48 Collinfonie , plante qui a reçu fon nom- de celui qui l'a découverte. 71 Odeur forte qu'elle répand. 72 Vertus vulnéraires qu'on lui attribue. 73 Cornouiller. Ufage auquel on emploie fon bois. 74 Cloches de haie 3 ou Batalas , plante potagère. ?9 DES MAY TER ES. fflft 'Chevreuils de Penfylvanie. On les appri- voile facilement. j% On les drelfe .à amener, dans leurs étables 3 des Chevreuils fauvages. Idem, Chat fauvage , ou Blaireau puant. 96 C'eft parerreur qu'on dit à cet article que M. de Buffon appelle cet animal Opajjum & Sarigue. Ce {"avant Naturalise le place dans le genre des' Mouffettes. Voye\ le Tom. 15. 7/2-4°. de l'Hiitoire Naturelle, " page 288. Dégâts qutfait le Blaireau puant. 97 Manière dont il fe défend, quand ileftpour- fuivi. Hem. Effet de l'odeur empeftée de cet animal. 100 Cajlors privés que l'on inftruit à prendre du poiffon. • Idem, Cochon-m.iron, eft l*enr.emi mortel des Ser- pens à fonnettes. 139 Chenilles. Ravages qu'elles font. 147 Métamorphofes qu'elles fubiifènt. 148 Crjyflal de roche de différentes efpèces. itfj Cuivre. Il s'en trouve des mines en Penfyl- vanie. 170 Chejler , capitale du Comte de même nom. . 197 Commerce de Penfylvanie en généra], 246 Celui de Philadelphie. 247 Coutume honorable a-ux habitans de la Pen- fylvanie. . 249- Chouanons fauvages de la Penfylvanie , qui ne font qu'une nation avec les Della- .vares. ii'jf to.a TABLE JLJ Arer , (M.) eiïuie une difgrace cruelle en Penfylvanie , & meurt de chagrin. 22 Dellaware , rivière de Penfylvanie. 37 Sa largeur à Philadelphie. Idem. Sa profondeur devant cette ville. 216 Accidens qui en interrompent la navigation. 217 Efl fujette aux flux & reflux , quoique éloi- gnée de la mer de 115 milles d'Angle- terre. 38 Douvres, capitale du Comté de Kent, en Penfylvanie. i?7 Derby , ville de Penfylvanie. i?8 Dunkards ou Dumplers , feéte d'hermites , qu'on traitera peut-être d'extravagans , mais qui paroiflfent heureux. 221 Leur dodrine. 22a Comment ils vivent en communauté. 223 Leurs habillemens. 224 Leurs occupations. 22? Leur caractère. 226 Débiteurs. Gomment ils font traités en Pen- fylvanie. 243 Domejliques. Leur condition en Penfylvanie & dans les colonies Angloifes. 2jo Combien il y en a de fortes. 251 Deïlawares , Sauvages de la Penfylvanie, qui ne font qu'une nation, fous deux noms, avec les Chouanons. \ 257 Leur fîtuation. 25S Leurs habillemens. 2jp Uftges qu'ils ont adoptés des Européens. 260 DES MATIERES.- 3^ Leurs maifons & ufteniïles de cuiiîne. 260 Leur langue 5 ion énergie. 261 Exemple de fa douceur. z6z Manière dont ils prennent leurs repas. 263, Marcue qui diltingue les filles qui font de- venues nubiles. 264 Comment ils traitent les enf'ans nouveaux nés. 16% Deuil de ces peuples à la mort de leurs pa- rens. 267 Leur culte religieux. 268 Leurs fêtes. zgp Leurs monnoies. Idem. Leur Gouvernement. 270 Leur manière de traiter les affaires. 272 Leurs bonnes qualités , leurs défauts. 27? Bonté de leur cœur. 276 Bonheur de leur condition , quoique fans religion. 27^ Leur caractère. 280 Les hommes veufs ne peuvent fè remarier que du confentement des parens de leurs femmes. 281 Juftice de ces Sauvages. 282 Leur intelligence. 285 Preuve de leur fa voir. 184 Leur origine d'après Guillaume Penn. 285- Idem, d'après le P. Lafueau. 287 Les Sauvages prennent les armes. 2j?o Ils commencent leurs hoftilités. 2^1 Cruautés inouies qu'ils commettent. 2>»s E. E Rabîe de Virginie, fe trouve en Pen- fy 1 vu nie* ■ 46 3^5 TABLÉ Comment il donne du fucre. $o Ecureuils , (ont de trois efpéces , des gris-, des rayés , & des écureuils volans. 101 Nourriture de. ces animaux, comment ils font leurs nids. ioi Temps où ils amaffent des provifions j en .quoi elles confident, îo.j Exemple de la fi ne (le de ces écureuils. 104 Prix mis à leur tête. ia? Ennemi dangereux que ces petits animaux ont dans le (erpent à fonnettes. 106 Exemple de la manière dont ce reptile fait charmer &r attraper un écureuil qui cil fur un arbre. 107 Ecureuils rayés , ou Ecureuils de terre, font difnngués des autres , en ce qu'ils fecreu- fent des terriers comme les lapins. iOjj Ecureuils volans, origine de leur nom. îio Sont les plus aifés à apprivoifer. m Etourneaux , ont beaucoup pululé en Pen- (ylvanie ; peur quelles raifons. 124 Exécutions de mort, comment elles fe font. 144 Evénemens différens arrivés pendant la der- nière guerre en Penfylvanie. .28^ T. JT Leuues qui arrofent la Penfylvanie. 87 Fanatifme au fujet d'un ferpenr. 141 Fourmis de Penfylvanie. 144 Longueur de leur corps, fa couleur. Idem. Preuve qu'elles s'entendent entr'elles & fe communiquent leur*, idées. 14? Fer , eft très-commun en Penfylvanie. 16$ Fm qu'on conitruit à Philadelphie. 11 ? Débats DES MATIERES. ^r £>ébats auxquels cette cctaftru&ion donne lieu. %i6 Gi 'Enevrier , arbre de Penfylvanie. 49 Eftime que l'on fait de Tes graines. 85 Grillons , font communs en Penfylvanie. 15-2 Grenouilles , efpéce particulière qui fe tient fur les arbres. ijj Incommodités qu'elles caufent aux habitans d'Yorck. ij£ Grottes. Différentes opinions fur la manière dont elles fe font formées. 174 Géant utile, qui fert de pont. Tradition à ce fujet. 176 Groenland. Récit d'un Capitaine de Navire, qui allure que fur cette côte , au-delà du 70e degré, il ne fe trouve plus de glace. 177 Germantcwn , ville de Penfylvanie. 198 Guerre, (la ) s'allume en Penfylvanie. 288 Evénemens qui y ont rapport. 28$» H. Hr .Itkeri , efpéce de noyer de Penfylva- nie. 47 Hêtre d'eau , arbre de Penfylvanie. 48 Habitans de Penfylvanie. 227 3Leurs habillemens. Idem. Xeurs ufages dans les funérailles. 250 Ufages dans les mariages. 251 Coutume qui fait honneur à leur humanité. 248 Hofptalité qu'ils exercent, z^ Q 3es Obfervations Météorologiques. 320 L. J^jOups de Penfylvanie. 88 leur hardieile pendant une maladie con- tagieufe. 89 J?iix fixé peur la tête de ces animaux, 80 DES MATIERES. j^ Lièvres , manquent en Penfylvanie, }i Son climat. Qualités de Pair qu'on y ref- pire. ' 39, Epoque Se durée des faifons qu'on y éprou- ve. 41, Variation des jours & des nuits. 4* Perfmon , plante de Penfylvanie. 47 Fruits qu'il rapporte 3 leurs effets. 36 Platane à fleurs rouges ; leurs effets. 47 Prinos de marais, i^e/rc, 48 Plantes de toutes efpéces qui croiffent en Penfylvanie. 49 & fuivantes. Pec/iej- de différentes efpéces. _ j? Plantes tardives de Penfylvanie. 8j Obfeivations fur les caufes de cette lente DES MATIERES. ff? végétation. &+ Piegrièches font en grand nombre , par quelles raifons. n^ Pcules-d'inde , font dcmeftiques & fàuva- ges. i^o Puces , font communes en Penfylvanie. ï$j Punaifes , font communes- en Penfylvanie. i;i Il y a apparence qu'elles y ont été portées de l'Europe. _ i^ Obfervations qui confirment cette opinion. Idem. PciJJbns qui peuplent les rivières-. ijcr Pierre, à chaux, eft très-abondante en Pen- fylvanie. \6z Pierre particulière , dont on conftruit des fourneaux. 154 Pierre de favon; fa contexture3 fes diffé- rens ufages. 16$ Penn, ( Guillaume) célèbre Quaker , obtient la Penfylvanie du Roi d'Angleterre. 180» Déclaration de ce Prince à ce fujer. iSr Penn en obtient une autre en faveur de ceux qui voudront aller habiter fa colonie. Ré- glemens qu'il fait lui-même en faveur des Colons. r££ Eloge de ces Réglemens par la multiplica- tion des hommes. 197 Ses conjectures fur l'origine des Sauvages. 285" Philadelphie. Sa defeription. 201 Sa fondation, fignification de fon nom, la fïtuation primitive. 202, Comment elle eft conftruite. 205 Bois dont les maifons font couvertes. 204 Bàrimens publics qu'elle renferme. aoy Egiifes de différentes communions qui y exiiient fans trouble. 106 Qiv 368 TABLE Eglife Luthérienne , où l'on trouve le mo- dèle d'un bon Pafteur , quoique Luthé- rien. 208 Elle renferme auffi des Temples pour les Quakers & les Hernhoutes. 213 Un Hôtel- de-Ville , une Bibliothèque pu- blique. 214 Conditions fous lefquelles on prête ces li- vres. Idem. On y conftruit un Fort après quelques con- teitations. 215- Frofondeur de la Dellaware devant Phila- delphie. 2.1& Population de cette ville. 219 Son commerce. 247 Nombre des vaiffeaux qu'elle a reçus & expédiés en fept années. Foires qui s'y tiennent. 249- Q. ^JUantité de perfonnes qui arrive annuel- lement en Penfylvanie. 27 Quaker. Le plus célèbre eft Guillaume Penn, à qui le Roi d'Angleterre cède la Penfyi- vanie en Souveraineté. 180 Quakers. Secte établie en Penfylvanie. 215. Leur manière de prêcher. 214 Leurs principes pacifiques les empêchent de fortifier les villes. 198 Leur adreffe en politique. 240 Ne veulent point d'efclaves. 25s Donnent Couvent la liberté à leurs Noirs. Idem, Ils manquent de caufer la ruine de la Pen- fylvanie. 294 Préceptes qu'ils publient dans la Gazette* toi DES MATIERES, W Boclrine de leurs Prédicans. 2.96 Menées qu'ils font pour empêcher la guerre^ Idem. Leurs intrigues pour conferverla prépon- dérance dans les afîèmblées. z-98 Adrelîe fîngulière qu'ils présentent;, 300 Loi militaire qu'ils propofent. 302, Contenu de cette Loi très- extraordinaire. 303 Les Quakers s'attirent la haine publique pas cette Loi. 31a Ils entrent en négociation avec lès Sau- vages. 313 Vice de leur légiiîation. 317 Qualités phy.fiques des peuples de Penfylva- nie.. . 236- R. Ri Mmarque fur les enfàns au-deiïbus de fept ans , dont très-peu peuvent fupporter les voyages de mer. i-a- Ronce. Différentes fortes en Penfylvanie. 47 Raccoon , quadrupède. 91 On peut l'apprivoifer, mais non pas lui ôter fon naturel fsnguinaire. 9% Renards de Penfylvanie, font de deux cou- leurs. 93 Opinion fur le paflage des Renards rouges en Amérique. 9 $ Leurs têtes font profcrites.. Prix de la prof- cription. Idem,. Reptiles de Penfylvanie. • 130 Rapports de deux Capitaines de Vaiffeaux.,. qui prouvent qu'il n'y a pas de glace dans les mers du nord , au delà du Groenland. 177 Règlement de Police fait par Penn } en fé£- J7tf TABLE veur des Colons de la Penfylvanie. r?» Revenus publics de cette Colonie.. 24a uJfUfquekanm :, rivière de Penfylvanie. 37 Prend fa fource au Canada. Idem,- Reçoit celle de Juniata. j3 Shuykill , autre rivière qui fe jette dans la Dellav/are. 37 Saijcns de la Penfylvanie 3 leur époque 5 leur durée. 41 Sumach, plante de Penfylvanie. 47 Ses différentes efpéces. 49 Ses effets dangereux & Singuliers qu'il pro- duit. 56 Expériences faites avec le fuc de cet arbre. 60 Sureau. Idem. 47 Soi hier à renoncules.- Idem, Saffafras: 49* Vertus qu'on lui attribue. g+< Exemple de fes bons effets. 6$ Ufage que l'on fait de fon éccrce pour tein- dre les laines. 66 Serpens noirs & à (onnettes. 13: Hifloire naturelle du Serpent à fonnettes , ou Boiciningua. 131 Sa longueur , nombre de fes dents , comment il paffe l'hyver. 153 Odeur défagréable qu'il répand; 154 Rapidité avec laquelle il s'élance fur fa proie. Accidens terribles qu'éprouvent ceux qui font mordus par ce ferpent. 137 Animaux qui lui fervent de nourriture. 138 Ennemi mortel qu'il a dans lecochon-maron.. DES MATIERES- rit Moyens dont on cit averti de l'approche de ce Serpent. 139- Facilité qu'on a de l'éviter ou de le tuer. Idem, Signe afTuré de fa mort. Idem.- La chair de ce Serpent eft d'un bon goût , & parle pour un antidote contre fa mor- fure. 140- Exemple de fanatifme au fujet d'un Ser- pent. Idem». Sauterelles. Bruit aigu qu'elles font. 147 Sel. Il ne s'en fabrique point en Penfylva- nie. Endroits d'où l'on le tire. K5& Seâles différentes qui vivent en paix à Phi- ladelphie. 219 Scarrojadi , Chef de Tribu Iroquoife. z.8p- T. A. AbUau d'une tempête. «? Irait de fcélératefîe arrivé en Penfylvanie. 30 Tamarish , arbriiTeau de Penfylvanie. 66 Suif végétal que l'on en tire. 67 Tulipier. Beauté de cet arbre.. 74 Ufages différens auxquels on emploie fou bois. 7? Propriétés que l'on attribue à fes feuilles. 76. Taupes différentes de celles d'Europe 5 leur méchanceté. 114. Théorie du continent de la Penfylvanie. 157 Preuves que cette contrée a jadis été cou- verre des eaux. 158 Autre preuve de ce fentiment. 172, Talc , ou verre naturel , ou fofïîle. 166 Temples des Quakers \ comment on y prêche.. Z.lZi. 572 TABLE DES MATIERES Temple des Hernhoutes à Philadelphie. ï?$ Tolérance qu'on profeife en cette ville. 2i?; V. V Ue que l'on a fur la Dellaware. 16 Variation des jours & des nuits en Penfyl- vanie. ^ 42 Vigne fe trouve en Penfyîvanie. 47 Volaille. Volatiles qu'elle comprend. 117 Ver d'herbe ou de prairie. Moyens de le détruire. 148 Ver de pois. Maux qu'il caufe. 14^ Progrès qu'il fait chaque année dans le pays.- 150 Il efl décrit par M. Linnaeus.- 151, Nom qu'il lui donne. Idem.-' Verre foffiie, ou Maiienglas_, efpéce de talc- 166 Villes de Penfyîvanie. i>'7 Idée qu'on doit, prendre de ces villes. 198, Wiimington , ville de Penfyîvanie. 199 Monumens qu'on y a trouvés. 200 Vice de la Conftitution politique de la Pen- fyîvanie. 240. Y. X Orck , ville capitale de la colonie de la nouvelle Yorck, 155-, Incommodités que les grenouilles y caufent. 1S6. Yorck , chef-lieu du Comté de même nom ,. en Penfyîvanie.- i?S> Fin de la Table des Ma APPROBATION. J 'Ai lu, par ordre de Monfeigneur Je Vice-Chancelier , un Matmfcrit in- titulé : Hijîoire Naturelle & Politique de la Penfylvanie j & de l' établi [je ment ■des Quakers dans cette Contrée. Cet Ouvrage me paroîc renfermer tout ce qu'on peut délirer de favoir fur une Colonie fi digne d'exciter la curiofité. A Paris, le 4 Août 17^7. .RÉMOND de Ste.-ALBINE. PRIVILEGE DU ROI. LOUIS, par la grâce de Dieu , Roi de France & de Navarre ; A nos amés & féaux Confei!lers_, les Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des Requêtes ordi- naires de notre Hôtel , Grand Confeii , Prévôt de Paris , Baîllifs _, Sénéchaux, leurs Lientenans Civils , 8c autres nos Jniticiers qu'il appartiendra. Salut: nette amë Philippe Vincent , Libraire Imprimeur, & ancien Adjoint de fa Communauté , Nous a fait expofer qu'il défireroit faire imprimer, S: donner au Public une Hifioire Naturelle de la Venfjlvartie , traduite de l'Allemand , s'il ISTous plaifoit lui accorder nos lettres de Privilège pour ce néceffaires. A ces causes, ' voulant favorablement traiter l'Expofant, "Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes , de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui fem- blera , & de Je vendre, faire vendre &: -débiter par tout notre Royaume, pendant le tems âefix années confécutives , à compter du jour de la date des Préfentes ; faifons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & -autres perfonnes, de quelque qualité & con- dition qu'elles foient, d'en introduire d'im- .preflïon étrangère dans aucun lieu de notre obéiiîance ; comme auflï d'imprimer, 'ou faire imprimer , vendre , faire vendre , débiter , ni contrefaire ledit ouvrage , ni d'en faire aucun extrait , feus quelque prétexte que ce puifTe être , fans la permiltion expreffe & par écrit dadit Expofant, ou de ceux qui auront droit de lui , à peine de confifeation des exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevenans dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel . Dieu de Paris , & l'autre tiers audir Expo- fant, ou a celui qui aura droit de lui, & de tous dépens , dommages & intérêts 3 à la charge que ces Préfentes feront enregifhées tout au long furie Regiitre de la Communau- té des Imprimeurs & Libraires de Paris , dans trois mois de la date d'icelles ; que l'im- preflion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume , & non ailleurs , en bon papier & beaux caractères , conformément aux jéglemens de la Librairie, & notamnîent 4 celui du io Avril 172. ? : à peine de dé- chéance du préfent privilège: & qu'avant de l'expcfer en vente , lf Manufcrit qui aura fervi de copie àl'impreffion dudit Ouvrage, fera remis dans le même état où 1 Approba- tion y aura été donnée, es mains de notre ttcs-cher & féal Chevalier Chancelier de France , le Sieur de I.amoignon , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle. de notre Château du Louvre 3 un dans celle de notredit fieur de Lamoignon , & un dans -celle de notre très-cher 8: féal Chevalier , Vice ■ Chanceler